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HOLY REDEEMER LIBRARY, WINDSOfi

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BIBLIOTHÈQUE

THÉOLOGIQUE

DU XIX" SIECLE

HISTOIRE DE L'ÉGLISE

TOME V

l.MP. F. RAMKAUX-MAYET.

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BÏBLIOTHÈQUE f?

THÉOLOGIQUE ' '

DU XIX^ SIÈCLE

Rédigée par les principaux Docteurs des Universités catholiques

ENCYCLOPÉDIE, APOLOGÉTIQUE

INTRODUCTION A l'aNGIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT

AKCHÉOLOGIE BIBLIQUE, HISTOIRE DE l'ÉOLISE , PATHOLOGIE, DOGMB

HISTOIRE DES DOGMES, DROIT CANON, LITURGIR, PASTORALE

MORALE, PÉDAGOGIE, CATÉCHÉTIQUE ET HOMILÉTIQUE

HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE THÉOLOGIQUE

TRADUCTION DE L'ABBÉ P. BÉLET

HISTOIRE DE L'EGLISE

PAR S. E. LE CARDINAL HERGENRŒTHER V

PARIS LIBRAIRIE VICTOR PALMÉ

(société GÉNÉRALE DE LIBRAIRIE CATHOLIQUE)

76, Rue des Snints-Pères, 76

BRUXELLES SOCIÉTÉ BELGr: DE LIBRAIRIE Rue Treurenherçi, S

GENÈVE

HENRY TREMBLEY, '■'B'"*"": 4, Rue Corraterie

1891

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DU XIX« SIÈCLE.

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HISTOIRE DE L'ÉGLISE,

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SIXIÈME PÉRIODE.

De Boniface VIII jusqu'au commencement du XVP siècle.

(suite.)

CHAPITRE II.

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE.

Les iinliersiiés el la scolasticine.

Les universités en généraL

2H . Les anciennes et célèbres universités réunissaient encore un grand nombre de savants de divers pays et d'âges divers. Les chaires de l'enseignement public étaient fort recherchées; souvent même, de nation à nation, l'on faisait échange de pro- fesseurs. Les papes continuaient à protéger les universités et leur prodiguaient des privilèges : elles furent grandement favorisées par les papes d'Avignon Jean XXII et Urbain V. Le caractère ecclésiastique y était si fortement empreint, que les professeurs laïques de la Faculté de médecine de Paris ne furent

V. HIST. DE l/ÉGLISE. 1

2 HISTOIRE DE L ÉGLISE.

autorisés à se marior qno depuis l'annért lirifî. A cos anciennes nniversif«'\s vinrent s'ajontor un grand nombre de nouvelles écoles, non senloinent en Italie, en Kspagne et en France, mais aussi en Hongrie, en Pologne, en Angleterre, dans les Etals Scandinaves et snrtont en Allemagne, à la fin de cette période on en comptait plus de quinze, créations d'un zèle tardif mais ardent. Ces nouvelles écoles rivalisèrent bientôt avec les premières par la force de leurs études et le nombre de leurs élèves. En 1 i'.W, Cologne comptait deux mille étudiants, dont un grand nombre de sujets Scandinaves.

La durée des études était variable. De hnit ans, qu'elle durait d'abord, l'étude de la théologie fut, au quatorzième siècle, pro- longée jusqu'à quatorze années. Le cours proprement dit d'explication des Livres saints et de commentaire sur les Sen- tences de Pierre Lombard demandait six ans (cinq chez les franciscains et les dominicains), jusqu'au baccalauréat, qui com- prenait trois degrés, aboutissant à la licence et au doctorat. Ces trois degrés du baccalauréat étaient celui dos biblici ordi?io.rh\ celui des commentateurs des Sentences, et enfin celui des ôac- calaurei formati. Les frais de promotion, diminués déjà par Clément V, furent encore réduits par Benoît XI [. C'est sur le modèle de Paris que s'organisèrent la plupart des autres uni- versités nouvelles, notamment celles de Prague (1348), de Vienne (136.%), d'IIeidelberg (1387), de Cologne (1388), d'Erfurt (1392), etc. Vers la fin de cette période, elles se développèrent avec plus d'indépendance.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 2H .

Jean XXII ol Urbain V, pour les universités : Christophe, II, p. 3 et siiiv., 2!»!i et suiv.; Schwab, Gorson, p. 18. Professeurs célibataires de MH'dccino : Thurol, de l'Organisation, etc., Paris, 1850, p. 31 ; Schwab, I>. 62, n. 6. Nouvelles d'Oxford au quatorzième siècle, dans Henry Auslcy, iMuniniHula academica, or Docunienls illustrât, of academieal life and sind, al Oxford, London, 1808, 2 vol. Fabroni, Hisl. Ac. Pisau., Pise, I71M-I79Ö, t. III-IV ; Wenzel Toraeck, Gesch. der Prager Univ., Prag., 1840; Kink, Gesch. der Univers., Vienne, 1864; Aschbach, (Ji'sch. der Uiuv. Wien, im I Jahrb., Vienn»\ 180."); Franz llautz, Gesell, der Iniv. Heidelberg, ed. von Reirhiin-Meldegg., Mannlioim, 1862; Kosegarlcn, (iesrh. der Univ. Grt'if-;walde, (Jreifswald. I8.i(j, deux par- ties; J.-F. von Fa!k<'Ti<!t('iii, Givilalis Eifio'tens, llistoria, Erfurt, 17i)2,

J.A SCIENCE, L ART ET LA VIK RELIGIEUSE. .5

[I. 274-2S(>; Kanipscliult, die Univ. Krfurl und ihr Verhalten zum Humanismus, Trêves, 18Ö8-1860, deux parties; Heinzelmann, Aus dei" Hlüthezeit der Erfurter L'niv., Erfurt, t87ü; Vischer, Gesch. der Univ. Basel., Bàle, 1862; Hagenbach, die Theol. Schule Basel., de i480 à 1849, Bâle, 1860; Käthen, zur Gesch. der Kieler Univ. und Chronik der Univ. zu Kiel., Kiel, 1862; Knodt, Hist. Univ. Mogunt. Sur Tubingue, cf. /*' Catholique, mai et juin 1876, surtout p. 642 et suiv.; Janssen, A.-A.-O., I. I, p. 167 et suiv.; Annerstedt, Upsala Universitets Historia, 1. 1 (1477- 1654), Stockolm, 1878,

L'université de Paris.

212. Ce fut précisément l'ancienne « reine des univer- sités » qui déchut de sa première hauteur. Déjà en 1317, Jean XXli lui reprochait de conférer à la légère le titre de docteur, de sacrifier les grandes questions à des subtilités d'école, de donner la préférence à des opinions philosophiques faiblement appuyées, d'être inconstante dans le choix de ses livres, et autres abus qui se retrouvaient ailleurs dans la même proportion. On s'attardait à résoudre des problèmes minutieux, à multiplier les définitions, les distinctions, les vaines formules; on cherchait à surprendre par la pénétration plutôt qu'à instruire, persuadé qu'on était plus habile que les grands maîtres de la précédente période. L'opinion exagérée qu'avaient d'eux-mêmes plusieurs savants d'université, opinion qui se manifestait contre le Saint-Siège et contribua beaucoup à le déconsidérer (sur ce point l'université de Toulouse est la seule qui ait formellement résisté à celle de Paris); les con- naissances superficielles d'un grand nombre d'auditeurs, qui prétendaient, avec une instruction insuffisante, parcourir la carrière académique ; les troubles et les guerres incessantes ; lu goût dominant de la dispute et de la nouveauté, qui faisait sacrifier le savoir solide au désir de faire triompher des vues personnelles, toutes ces causes amenèrent la décadence des éludes. Il devenait chaque jour plus difficile de former de vrais savants, unissant aux aptitudes requises l'amour de la vérité, la pureté des mœurs des anciens grands docteurs, et capables de transmettre des choses durables à la postérité.

A Paris cependant, aussi bien qu'ailleurs, le nombre des écoliers s'était multiplié; les anciens droits étaient maintenus avec une jalousie ombrageuse, notamment le droit, révoltant à

i HISTOIRE DE l/ÉGLISE.

bcanooiip d'égards, de suspendre les leçons et les prédications jusqu'à ce qu'on eût obtenu le redressement de ses griefs, droit qui excita plus d'une fois le mécontentement général. C'est en t i82 seulement que Louis XI obtint du Saint-Siège l'abolition de ce privilège; cependant il y eut encore en ti99 une inter- ruption de ce genre. Les rois acquirent insensiblement une grande influence sur l'université; ils tentèrent de plus en plus de se l'assujettir et de la dépouiller de son caractère interna- tional. Leur empire finit par s'étendre jusque sur la doctrine, et la cour ne demeura pas étrangère à la vieille querelle des réalistes et des nominalistes.

OUVnAGES A CONSULTER ET IIEMAKQÜES CRITIQUES SLR LE 212.

lîlàme de Jean XXII : Rayu., an. 1317, n. 15. Multiplication des collèges: Schwab, p. 66. Cessations, ib., p. 6li. tlude de la théologie, ibid., p. 75 et suiv. L'université de Cologne aussi eut, en 1425, à se justifier de diverses accusations concernant des propositions philoso- phiques et l'abandon de l'ancienne méthode d'enseignement. Du Plessis d'Arg., I, II, p. 220-223. Sur les scolastiques de ce temps, cf. Tiede- mann, Geist, der specul. phil., V, p. 125 et suiv.; Ritter, Gesch. der christl. phil., 4 vol.; Ueberweg, Gesch. der philos, der patrist. und scholast. Zeit., p. 210 et suiv.; Stœckl, II, p. 052 et suiv.

Le réalisme et le nominalisme.

213. Après que le réalisme eut régné sans conteste à Paris, lo nominalisme y obtint insensiblement la prépondérance. Il trouva un puissant promoteur dans le célèbre Guillaume Durand de Saint-Pourçain, professeur à Paris, plus tard évêqiie d'Annecy et de Meaux (mort en 1333;. Guillaume, très favorable aux sfotistes, blâmait l'autorité excessive qu'on attachait aux pro- positions d'Aristote, essayait d'acquérir une connaissance plus e.\acte do la nature, combattait le réaliste Noël Hervé (Natalis, mort en 1323), et soutenait souvent des propositions rejetées comme téméraires.

Plus grande encore fut l'influence exercée par Guillaume ()ccam, professeur à Paris, provincial des franciscains d'Angle- terre, et enfin théologien à la cour de Louis de Bavière 21), mort à Munich eu 1347. Il travailla en faveur de la liberté d'enseignement, abandonna sur plusieurs points la doctrine scoliste, (jui dominait dans son ordre, et combattit les réa-

LA SCIENCE, L ART KT LA VIK KKLIGIEUSK.

listes avec tant de violence, que les uouiinalistes, dont il soutenait la cause, furent appelés occamistes (ou terministes). L'universel, selon Occaiu, n'est qu'une fiction, une représenta- tion do l'esprit; les pensées ne sont (jue les signes des choses. Occam rétrécissait le cercle des vérités que la raison peut con- naître, ne voyait qu'arbitraire dans les lois de Dieu, établissait toute une série de propositions singulièrement hardies, et pré- parait les voies au scepticisme, qui allait être représenté par Nicolas d'Autricuria, lequel fut obligé, en 1348, de se rétracter à Paris par ordre du pape.

Les deux dominicains Armand de Bellevue {de BcUo Visu, mort en i3-i0) et Robert llolcoth, à Oxford (mort en 1349), adoptèrent le système d'Uccam, mais sans partager toutes ses opinions. Le dernier ne voyait de péché mortel que dans le rejet de la grâce; il n'y comprenait pas les péchés commis dans l'emportement de la passion, et croyait que Dieu peut mentir à sa créature. Cette doctrine fut censurée à Paris. On condamna encore dans la suite diverses propositions tirées des écrits d'Occam : celle-ci, par exemple, que Dieu peut commander à la créature de le haïr, et que la créature obtient alors par la haine plus de mérite que par l'amour, et autres assertions téméraires, m'es la plupart de la passion des subtilités.

Dieu que la faculté des arts se tut prononcée contre Occam en 1339 et 1340, le recteur de la Sorbonne, Jean Buridan, ne laissa pas d'embrasser ses doctrines (1350).

Le nominalisme trouva plus tard d'habiles défenseurs dans Pierre d'Ailly et Gerson (mort en 1429). Gerson le croyait plus compatible avec la doctrine de l'Église, tout en essayant de conciUer les difTérents systèmes. 11 admettait que l'universel a dans les choses particulières un substratum réel, et que sa forme constitutive est dans le travail abstractif de l'esprit. Il tâchait de justifier, par l'Écriture et l'enseignement de l'Église, ce qu'il y avait de solide dans les doctrines réalistes, et d'éUmi- ner de chaque théorie les parties exclusives et pouvant conduire à la négation de la foi.

Au reste, nominalistes et réalistes, thomistes aussi bien que scotistes, en étaient venus à reléguer au second plan les diver- gences accessoires des deux systèmes; on voyait des réalistes accepter des propositions nominalistes, et réciproquement. Tous

6 HrSTOIRK DE l'ÉGLISE.

deux aussi, le nomitialisme et le réalisme, tombaient souvent flans les extrêmes : le premier, dans le scepticisme, le matéria- lisme ou le sensualisme; le second, dans l'idéalisme mystique.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 213.

Durandus à S. Porciano (doctor resolutissimus), Corn, in librus IV Senl. Ses thèses incriminées, dans du PIcssis d'Arg., I, i, p. 330-332. Entre autres : « Scientia Dei est causa creaturarurii per nioduni di- rigentis, voluntas autem causa per modum inclinaiitis et indiicentis. Neutra autem est immediata causa. Poteutia vero est causa rerum sicut exsequens et immédiate movens, contre In cause communis. 2" Tota coguitio, quam habet Deus de futuris contiiigentibus, est per eorum causam. Potentia creandi potest a Deo communicari creatur*. Deus non agit immédiate in omni actione creaturte. » 5" Touchant le Sacrement de l'autel, il favorisait les vues de Jean de Paris : « Deus posset facere quod, rémanente substantia panis et vini, corpus et san- guis Christi essent in hoc sacramento. » (Contre cette opinion : Tho- mas d'Argentina, in I. IV, d. ii, q. i ; Pierre Oriol, « doctor facundus », mort en 1322, Com. in Sent., Rome, 1596-1605; Bassolis et autres). Il lui parait vraisemblable « quod in sacramentis non est aliqua virtus causativa gratife, characteris vel cujuscumque dispositionis s. ornatus existentis in anirno, sed sunt causa sine qua non confertur gralia. Recipiens (nisi ponat obicem) recipit gratiam, non a sacramento, sed a Deo. Character (in sacram.) non est aliqua natura absoluta, sed est sola relatio rationis, per quam ex institutione vel pactione divina depu- tatur aliquis ad sacras actiones. Matrimonilim non est saciamentum stricte et proprie dictum sicut alia sacramenta N. L. (sed largo modo). !l" Ordu, qui est sacramentum, est solum sacerdotium, comprehendendo sub sacerdotio episcopatum, qui est sacerdotium completum et per- l'ectum... Cteteri ordines qua-dam sacramentalia. 10° Multi habitus scientia; et actus sunt in nobis certioie« et notiores fide et actu ejus extensive et intensive. 11° Fides divinilus infusa etiam in hsereticis reperitur, quia accjuisitus habitus per quemvis contrarium actum non illico destruitur. » Uervieus Nalalis, 0. Pr. et général de son ordre, recteur de l'université de Paris., Com. in lib. IV Sent., quodlibela majora i\ , minora xxiv. Guill. Uccam, appelé « doctor singularis, invin- cibilis, venerabilis iuceptor », composa : « Quœstioncs super IV libros Sent.; Centiluquium theologicum, theologiam speculativam sub 100 conclusionibiis complectens », éd. Lyou, 1495 et suiv. Comp. Schwab, p. 274-288; Nicol. d'Autriciiria, du Plessis d'Arg., I, i, p. 355-360; Den- zinger, Encbir., p. 183 et .seq., n. 457 et seq.; Robert Holcoth, du PlHssis d'Arg., p. 340-342; Jean Buridan, 0pp., éd. Oxon., 1637, 1640; RuI., Ilist. Univ. Par., IV, 257 et .seq.; Stœckl, II, p. 973 et suiv. Vita

LA SCIENCE, L AKT KT l.X VIE RKLW.lErSE. 7

Potri de Alliaco, ap. v. d. Hardi, I. viii. p. 4i9 et seq.; Com in libr. IV Sent, el Tiaclal., fd. Argent., I4'J0 et seq., Par., l.öUO, 111-4°. Comp. Denzinger, v. d, relig. Erkenulnisz, 1, p. 142 etsuiv.; Gersou., Centi- logiuni de conceptibus. Cenlil. de causa finali, de inodis sig^nili- candi, bO proposit. de concordia metaphysicse cum logica, 0pp. IV, 7'.).'J-830, de Siraplif. cordis, III, i'68; Schwab, p. 291 et suiv.

Édit du roi contre les nominalistes. Le réalisme en Allemagne.

21 i. Quand les uominalistes de Paris commencèreut à s'enhar- dir, des mesures furent prises contre eux (1465 et 1466), cou- foniiément aux anciens décrets de 1452, et leurs collèges furent soumis à la visite. En 1473, dans une apologie des nominalistes remise à Louis \1 et conçue dans l'esprit de Gerson, on com- battait cette opinion que le réalisme est plus conforme à la foi que le nominalisme. Cependant le roi publia contre les nomi- nalistes IUI édit qui rcoommandait l'étude d'Aristote, d'Albert le (irand, de saint Thomas et autres réalistes. Tout à coup, en 1481, la lecture des livres uominalistes, jusque-là interdite, fut de nouveau autorisée, et le nominalisme obtint dès lors à Paris la prépondérance.

L'Allemagne, au contraire, inclinait surtout vers le réalisme. A Llàle, il était représenté par Ileynlin de Stein, qui avait également travaillé à Paris, à Tubingue et à Berne, et qui était le centre d'un cercle important de savants, dont Guillaume Textoris, Jean Mathias de Gengenbach, etc., faisaient partie. Ileynlin se retira chez les chartreux en 1487, édita des Pères de l'Église et des classiques, et composa, sur le sacrifice de la messe, un ouvrage qui eut une grande vogue.

A Fribourg, le triomphe du réalisme fut assuré en 1489 par Georges Nordhofer, habile exégète, et par le savant chartreux Grégoire Reisch, qui enseignait aussi la cosmographie, les mathématiques et l'hébreu, et publia en 1496, sous le titre de la Perle de la philosophie, la première encyclopédie philoso- phique. Reisch se rattachait à Vincent de Beauvais (Spéculum tuiiurale); à Conrad de Meygcnberg, prèlre de Ratisbonne (Livre de la jiature], et à Pierre d'Ailly (l'Image du monde]. Son ouvrage fut souvent réimprimé. Le réaUsme fut soutenu par les théologiens les plus renommés de l'Allemagne, et ceux

8 HISTOIRE l'Église.

mêmes qui comptaient parmi les nomiualistes essayaient de concilier les deux théories, comme Marsile d'Inghen, qui de l'université de Paris s'était rendu à Heidelberg (mort en 1396), et après lui Gabriel Biel de Spire, professeur à Tubingue depuis I i84 et auteur d'importants travaux d'économie popu- laire. Biel (mort en li95) passe pour le dernier nominaliste de valeur, mais il demeura étranger aux vues étroites de son école.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 214.

Mesures contre les nominalistes, 1465 et 1466 : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 2Ö5 et seq. Discussions au sujet de Pierre de Rivo, ibid., p. 258 et seq., 281-284. On demandait si la doctrine d'Aristote sur les futurs contingents était compatible avec la foi, ibid., p. 273. Apologie du nominalisme, 1473, ibid., p. 286-288. Édil royal, ib., I, i, p. 134; Bul., V, 708. Licence de 1481 : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 202-304. Comp. Kleutgen, Philos, der Vorzeit, I, p. 328 et suiv. Réalistes allemands, dans Janssen, 1, p. 93 et suiv.; Marsile d'Inghe.n, Natal. Alex., sœc. XIV, c. y, n. 6, 15, p. 297 et seq.; Gabriel Biel, Collectorium ex Occamo, in lib. IV Sent., Tub., 1502, t. Il; Brix., 1374, II, t. IV; Serm. de temp., Tub., 1300, in-4°. Cf. Trithem., de Script, eccl., c. 903; Lin- semann, Thcol. Quartalschr., 1803, p. 195 et suiv., 499 et suiv.

Théologiens des ordres religieux. Les franciscains , les dominicains, les augustins, les carmes.

215. C'étaient toujours les dominicains et les franciscains qui cultivaient de préférence la théologie et la philosophie sco- lastiques. Chez les franciscains, le scotiste François Mayron, fameux par ses abstractions, mort en 1325, à Plaisance, et Jean-Antoine .\ndrese d'Aragon {doctnr dulcifhms, mort en 1320), disciple do Scot, furent particulièrement célèbres. May- ron, surnommé le Maître des abstractions, doctor acutus, illumi- natus, scandalisa les doctes, non seulement en accusant Aristole d'être un mauvais métaphysicien, mais en émettant des propo- sitions hasardées sur la question de savoir si Dieu est l'auteur du péché. Il fut suivi par l'anglais Thomas Bradwardin, profes- .seur et chancelier à Oxfurd, puis archevêque de Cantorbéry, mort en 1319, auteur d'un grand ouvrage il apparaît comme le précurseur de la théorie de Wiclef sur la prédestina- tion '.

' L'ouvrage le plus considérable de Bradwardin est un long traité inli-

LA SCIENCE, L AH 1 ET LA ME HELIGIEUSK. 'J

Un meilleur souvenir se ratlaclie à la mémoire dus confrères de Mayron , Pierre Oriol , à la fin archevêque d'Aix , mort en 132:2 {doctor facwidus) ; Jean Bassolis (doctor ordbialhsl- mus), et ses contemporains Âlvare Pelage (1340) et Jean de Capistran (mort en 1456). Parmi les dominicains nous remar- quons : Pierre Paludanus (mort en 1342), Jean de Monténégro, le cardinal Jean de Turrecremala (mort en 1468), saint Autonin de Florence, Jean Capréolus (1413), Henri Kalteisen (mort en 1463).

Les augustins possédaient des maîtres renommés dans Gilles de Rome (mort en 1316) et Thomas de Strasbourg (1357). Un autre personnage fort célèbre de son temps était le général de l'ordre, Grégoire de Rimini, mort à Vienne en 1358, surnommé le « bourreau des enfants », à cause de son opinion rigide sur le sort des enfants morts sans baptême; qualification injuste, car il n'entendait point combattre l'opinion plus modérée.

L'ordre avait aussi des théologiens estimés dans Augustin Triomphe (1328) et Alphonse Vargas, qui devint archevêque de Se ville, mort en 1366. Parmi les carmes, il faut nommer surtout les deux Anglais Jean de Baccone (Bacondorpius, vers 1340) et Thomas Netter de Waiden (Waldensis), auteur de nom- breux ouvrages (la plupart inédits), provincial de son ordre, confesseur et secrétaire intime de Uenri V, théologien très versé dans les Pères, solide et pénétrant, autant qu'habile polémiste. Il mourut à Rouen, en 1431.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 215.

François Mayron (Mayronis), in lib. Sent. Sur la question : « Utrum Deus sit causa effectiva peccati », in lib. I, d. xlui, q. rv, p. loO; du

lulé de la Cause de Dieu contre Pelage. Il y enseigne que la volonté de Dieu est toujours efficace, parce qu'autrement Dieu ne serait ni bienheu- reux ni tout-puissant; que, quand Dieu veut qu'une chose soit, il est nécessaire qu'elle arrive ; qu'en Dieu il n'y a point de volonté condition- nelle; que c'est Dieu qui opère en ses créatures le bien et le mal, même le péché; que tout ce qui est, tout ce qui arrive, est l'effet d'une néces- sité antécédente, imposée par la volonté divine, qui ne peut être ni empêchée ni détournée; que toutes les actions de Jésus-Christ, d'Adam innocent et de toute sa postérité ont été soumises à celte nécessité; que la prédestination aux supplices éternels précède tout démérite, et que la réprobation n'est pas la suite des péchés ; que la nécessité de contrainte est opposée à la liberté, mais que la nécessité spontanée ne lui est point opposée, et que tout acte de la volonté est libre, pourvu qu'il soit volon- taire. (Note du traducteur.)

10 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

riessis, 1, I, p. 322 et seq.; Thomas Bradwardin, doclor profniidus, lib. de Causa Dei, éd. Savilius, Lotid., 161.^. Cf. Lechier, de Thoma Brad- ward., Lips., 1862; du Plessis d'Arg., p. 323-330 (üb. I, c. xxxiv : « Dens aliquo modo vult peccata, ut peccata sunt » ; lib. III, c. xxvii : « Omnia quse evenieut, evenieut a volunlate divina). L'erreur « de autecedeule necessitate volunlatibus imposila per divinam prseveiitionem » fut renouvelée en 1380 par Guillaume de Funlfrède, docteur de Paris. Du Plessis d'Arg., 1, ii , p. 59, 60. Autres théologiens : Natal. Alex., saîc. XIV, c. V, art. 2 et seq., t. XV, p. 279 et seq., art. 5, n. 2 et sctj., p. 291 et seq.; Werner, Gesch. der apol. u. polcm. Lit., t. IIL

Mesures contre les erz^eurs. Pic de la Mirandole. Raimond de Sébonde. Renaissance du thomisme.

21«. Devant les nombreux abus qu'on faisait de la méthode scolastifjne, et qui se révélaient par de vains sophismes, par des thèses équivoques, téméraires et scandaleuses, par des artifices de langage et des jeux de mots, plusieurs esprits sérieux, tels (jue Nicolas de Clémange (mort en 1440), Pierre d'AilJy, Gerson, Nicolas de Cusa, d'une instruction si variée, insistaient pour qu'on revînt à la Ihéologie purement positive, surtout à l'Ecri- ture sainte, sans délaisser complètement l'étude de la théologie systématique. Un antre moyen qui restreignit les écarts et favorisa l'exactitude théologique, ce fut la censure précise que les universités, les conciles et les papes faisaient des diverses propositions. Les propositions mêmes qui pouvaient encore s'entendre dans nu bon sens, furent interdites quand elles offraient un sens captieux et offeusaut, bien que leurs auteurs, quand ils se soumettaient au jugement de l'Église, fussent maintenus dans leurs places. Il en fut ainsi à Home au sujet du comte I^ic de la Mirandole, génie merveilleux qui, à l'âge de vingt-quatre ans, établit (luatre-vingt-dix thèses philosophiques et théologiques. Ces thèses, quoique déférées à Innocent VIII, puis interdites, n'empêchèrent pas l'auteur, qui soumit toutes ses vues au Saint-Siège, de recevoir un bref élogieux qui sau- vait son lionneur (liu:^).

L'e.xemple de Kaimond de Sébonde, médecin et juriste espa- gnol, puis clerc et professeur à Touhjuse (vers J430), servit de leçon à plusicms. Marchant sur les traces d'Alahi de l'isle, Rai- mond essaya, en vue des nombreux incrédules de son pays, d'e.xplifpier le dogme au peuple sous une forme intelligible; il

LA SCIENCE, l'aH r ET LA VIE UELIGIEUSE. I I

exécuta aussi d'importants travaux sur la morale. Mais son génie spéculatif l'engagea dans une foule d'assertions dange- reuses et inconciliables avec la doctrine révélée, à lacjuelle il était du reste fermement attaché.

On fit davantage encore en revenant au premier maître de la scolastique. En Italie, les frères prêcheurs tenaient à-leius anciens principes, de même qu'en Allemagne, on retourna à saint Thomas, dont les ouvrages, depuis 1470 jusqu'en 1500, furent réimprimés plus de deux cent seize fois. L'abbé Jean Trilhèuie (si l'on en croit le témoignage de Wimpfeling, en 1507) croyait que le plus grand bonheur de son siècle était d'avoir répudié, dans l'enseignement de la théologie, les stériles et funestes artifices de langage, une érudition sans consistance, et replacé l'Ange de l'école sur le chandeher.

OUVIUGES A CONSULTKa ET REMARQUKS CRITIQUES SUR LE N" 210.

Nicol. de Cleniangis (Vita, ap. v. d. Hardt., I, ii, p. 1\), de Studio theo!.; d'Acheiy, Spicil., I, 473-480. Autres ouvrages : v. d. Hardt et Lydius, Lugd. Batav., 1613, in-4°; Petrus de Alliaco, Recommendatio S. Scripturee; Gerson., de Hei'onii. theol. (0pp. I, 120-12i); Lectiones du« contra vanam curiositatem (ib., p. 86-106); ep. ii ad student. in Coll. Navarr.; NLcol. Cusan., de Doctalgnorantia, 0pp., éd. Basil., 1565 et seq. Henri Cornel. Agrippa, de Vanit. scientiarum, I, 97, se plaint de la décadence de la scolastique. Plusieurs propositions téméraires sont censurées dans du Plessis d'Arg., p. ex., I, i, p. 343 et seq., celles du cistercien Jean de Mirecourt, exclu en 1347 de l'université de Paris : « Christus potuit dixisse faisum. Deus facit quod aliquis peccat, et hoc vult voluntate beneplaciti. Peccatum magis est bonuin quam raalum. 23° Peccatum post longam consuetudinem est minus. 30° Deus est causa peccati, ut peccatum est, et mali, in quantum malum est » ; ib., p. 370, celles du licencié Simon, eu 1351 : « Hsec propositio est possibilis : Jesus non est Deus (sciljcet potest humanitatem, ut assu- mere, sic deponere). Jesus potest esse et non esse Jesus »; ib., p. 381 et seq., celles du scotiste Louis, Paris, 1362 : « Non est inconve- niens quod aliquid sit Deus secundum suum esse reole et tamen non sit Deus secundum suum esse formule. Peccatum esse perfecta voluntas Dei non potest immédiate noUe, et in alio : quod peccatum non est immédiate odibile a perfecta voluntate » ; p. 387, celles de Jean de Calore, nommé recteur à Paris en 1371 (Bul., IV, 377), 1363 : « l" Sum- mus legislator Deus, ipse dignus est infinitis perfectionibus, quas nec habuit, nec habet, nec habere potest. Intinitœ perfectiones siuml in legislatoris essentia sunt dignitas ad inlinitas alias » ; celles de Jean

1:2 UISTOIKK DL l'église.

Militis, li77 (ib., 1, ii, p. 290) : « Tribus proprielalibus, qiiarurn milla est Deus, très personte constituuutiir >• (projt. scaudalosa, piarum aii- rium olfensiva, l'alsa et iu fide catbol. erronea). De deux proposilions de Henri Blanqueville, 0. S. F., celle-ci, de 1493 : « Homo factus est Deus », fut tpialifiée « de proprietate serinonis proposilio falsa et erro- nea, non praîdicanda, nisi eo sensu : Factum est quod bomo sit Deus » ; l'autre : « Christus incepit esse », fut appelée <• de rigorc sermonis falsa, scandalosa et hœretica, non doccnda nisi cum addito limitante ipsum esse ad esse humanum » (p. 331). Parmi les conclusions de Pic (ib., 1, 11, p. 320-323) se trouvent celles-ci : « 1" Christus non veraciter et quantum ad realem pncsentiam descendit ad inferos, ut ponit Thomas et communis via, sed solum quoad etïectuui. 2" Peccatum mortale est in se maluni timlum... l'eccalo mortuli liiiiti temporis non debelur pœna inünita secundum tempus, sed finita tantum. '6° NuUa est scien- tia, quaï nos magis certificet de divinitate Christi quam Magia et Cabala. 12" Im proprie magis de Deo dici quod sit intelligens, quam de angelo, quod sit anima rationalis. 13° Anima nihil actu et distincte intelligit nisi se ipsam. » Bref d'Alex. VI, Omnium cotholicorum, 18 juin 1493 (ib., p. 321); Raimund. Sab., Lib. creaturarum, seu Theologia naturalis (Extrait : Viola animée, seu de Natura hominis), Argent., 1496 in compend. redacta a Comenio, Amsl., 1659, Solisb., 1852; Matzke, die Natiirl. Theol. des Raimund v. Sabunde, Berl., 1846; F. Nitzscb, Qii;psliones Raiiimndiana', Ztscbr. f. bist. Theologie, 18.ï9, lil ; Hultler, die Relig.-Pbiios. des R. v. Sab., Augsb., 1831; Denzinger, Rel.-Erkenntn., I, p. 3d4; Stœckl, II, p. 1035 et suiv. Trithem., ap. J. Wimpfeling, de Arte impressoria, p. 20.'

L.eH oon(rov«Ts«'N lliéolofflqucs.

L'Immaculée Conception de Marie. Théorie scotiste de l'acceptation.

iJI7. Outre les conlroversus déjà ineiitiomiées sur les droits du pape et du concile, sur la position des moines à l'égard du clergé séculier, sur le réalisme et le nominalisme, plusieurs autres furent continuées ou entamées pour la première fois. Le débat sur l'humacnlée Conception fut vivement agité entre les thomistes et les scotistes. Les premiers, les maciilistes, furent plus d'une fois censurés nominativement par l'université de Paris dès 13H7. Après (|ue cette pieuse opinion eut été adoptée par le concile de Jiàle en 1430, elle fut encore soutenue avec plus d'ardeur en l'rance et en Allemagne par les conciles proviu-

LA SCICNCR, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. \3

ciaux (par exemple, à Avignon, en 1if>7, sons le cardinal Alain), par les congrégations religieuses et les universités. Plusieurs de celles-ci obligèrent leurs membres à s'engager par serment à la défendre : celle do Paris le fit en 1496; celle de Cologne, en 1-499. Sixte IV condamna en 1483 cette assertion de quelques frères prêcheurs, que la doctrine de l'immaculée Conception était hérétique et que c'était un péché mortel de célébrer cette fête; mais il défendit aussi, sous peine d'excommunication, d'accuser les maciUistes d'hérésie'. Il accorda du reste de grandes indulgences à ceux qui assisteraient à l'office de la fête approuvé par lui, et montra en général beaucoup de bien- veillance aux immacuUstes, Cette fête devint générale et de plus en plus brillante.

Les scotistes soutenaient en outre résolument leur théorie de l'acceptation, quils appliquaient au mérite surnaturel de l'homme, comme le Mineur Jean de Ripa et plusieurs autres. On eut beaucoup de peine à calmer un peu la controverse relative au sang de Jésus-Christ séparé de son corps sur la croix j.^8). D'autre part, on censura les propositions sui- vantes, enseignées par Pierre Oliva et ses partisans, et con- damnées au concile de Vienne : que le coup de lance que Jésus reçut an côté avait précédé sa mort; que le récit de saint Jean est inexact ; que l'àme raisonnable n'est pas la forme du corps humain ; qu'il est douteux si les enfants, en recevant le bap- tême, reçoivent, avec la remise de la faute, la grâce et les ver- tus. On disputait aussi si ceux-là satisfont au précepte ecclésias- tique de la communion pascale, qui ne communient pas le jour même de Pâques : Eugène IV (1440) décida qu'on y satisfait en communiant la semaine sainte ou l'octave de Pâques. Oh dis- cutait également, à propos de différentes espèces de contrats et d'affaires de négoce, s'ils étaient usuraires et illicites.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 217.

Vers 1330, Jean Bacon (Ord. Carm.), qui combattait Pierre Oriol,

^ Assertiones eorum qui affirmare praesumerent credentes aut propug- nanles Dei Genitricem ab originalis peccati macula in sua conceptionö prseservalam fuisse, propterea alicujns baeresis labe pollufos fore, vel niorlaliter peccare, aut bujusmodi officium Concepfionis célébrantes, seu hujusmodi sermoues audientes, alicujus peccati realum incurrere, dani- nannus nt falsas, erroneas, et a veritate penitus aliénas. (Cit. du Irad.J

I ;, HISIOIKK Mi L hGLISE.

SDUlcnail, ainsi qu'Alvare Pelage (0. S. F.), que Jésus-Christ seul avait été affranchi du péché originel. Jean de Monçon (Montesono), 0. Pr., 1387, ayant prétendu, avec d'antres, qu'il était contraire à la loi d'enseigner que quelqu'un d'autre que Jésus-Clirist avait été exempt dii péché originel, et notamment que Marie eût été conçue sans ce péché, l'université de Paris déclara ces propositions hérétiques et scandaleuses, et défendit de les enseigner. La même chose fut décidée en 1388. Les dominicains en appelèrent à Avignon ; Jean de Monçon y alla lui-même, mais il prit la fuite et fut exilé. Lii autre dominicain, qui traitait d'hérétique la doctrine de rimmaciilée Conception, Jean Thomas, se rétracta le 21 mars 1388. Du Plessis d'Arg., 1, u, p. GO-132, 132-135. De même, en 1389, le dominicain Richard Maria fut censuré, ainsi que plusieurs frères de son ordre, pour avoir combattu le juge- ment porté contre Monçon, ib., p. 135-147. Le sermon d'un dominicain anii-maut que Marie avait été conçue avec le péché originel fut con- damné en 1457, ibid., p. 252. Trithème raconte qu'un dominicain de Pforzheim, ayant prêché en 1478 contre la pieuse opinion, mourut frappé d'apoplexie ; qu'un autre, Wigand, ayant attaqué à Francfort son livre « de Laudibus S. Annse », 1494, n'avait trouvé aucun écho (p. 290, 331 et seq.). Depuis que la Faculté théologique de Paris (3 mars 1 49()) eut rendu son décret « de Defendenda Immac. Concept. » (ibid., p. 333, 33Ö), en quoi elle fut suivie en 1499 par celle de Cologne (ibid., III, n, p. 1, 2), les censures et les mesures de rigueur s'accumulèrent contre les dominicains récalcitrants : en 1497, Jean "Verri et Jean Alu- tarii en furent atteints (ibid., I, ii, p. 336-339). A Berne, en 1509, quatre frères prêcheurs furent brûlés pour avoir essayé d'expliquer par de faux miracles leur doctrine contre l'Immaculée Conception (ibid., p. 348 et seq.). Parmi les Mineurs, on ne cite que Jean Grillot, lequel fut obligé, en 1495, de rétracter ses sermons contre la pieuse opinion (ib., p. 332). Sixti IV const., 1471, 1483, c. i, n; 1. III, tit. xii, in X vagg. com.; du Plessis d'Arg., I, n, )). 28't et seq.; Denzinger, die Lehre von der unbell. Einpt'., 2'' éd., Wiirzb., 1855, p. 30 et suiv. Jean de lUpa enseignait, 1330 : « lidem et charitatem non esse pro- priam causam seu rationem meriti, sed hanc esse divinam acceptatio- nem, ita ut boni actus ex lide et charitate tantum requirantur ut con- ditio sine quo, in présent! statu, non autem necessarie ad immorlaleni gloriam adipisccndam. » Vers 1350, le Mineur allemand de Valenchi- nis enseignait la même chose, et prétendait que la dillèrence du péché véniel et du péché mortel provient, non de la nature intime du péché, mais de la miséricorde de Dieu, qui a égard à la faiblesse humaine; de même (iuillaume de Fonlfrèdc, docteur de Paris, 1360, et Pierif Plaoul. 1 U)9. Du Plessis d'Arg., I, i, p. 332-334, 369. Conc. de Vienne, r. i: Clem., de Summa Trin., 1, i; Corp, jur. can., éd. Richlei',

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE KELTOIEUSE. !•>

II, p. 1057 et seq.; Bul., Hist. Univ. Par., t. III, p. 535-541 ; Héfelé, VI, p. 475-479. Eng. IV, const., 8 jnillet 1440, Bull. Rom., éd. vet., I, p. 359. Assertiones Pragensinm dootorum de venditione censuum et reditnnm. 1420 : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 219. Snr la bulle de Martin V Rcgimini {c. i, de Empt. et Vend., III, v, in X vagg. com.); Facult. theol. Paris, sententia in certis quibusdam pactis et conventis de annuo proventu pecuniae an fœnus sit (du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 323).

Controverse sur le tyrannicide.

218. La lutte fut surtout ardente entre les partisans et les adversaires du meurtre des tyrans. Après l'assassinat de Louis, duc d'Orléans, accompli par ordre de Jean, duc de Bourgogne (23 novembre 1 407), le franciscain Jean Petit {Parvits) soutint le 8 mars 1408 la thèse suivante : « Il est permis à tout sujet de tuer ou de faire tuer un vassal criminel ou un tyran infidèlo. » Gerson, qui s'était lui-même prononcé autrefois pour le droit de résistance à un tyran, et même pour le tyrannicide, en s'appuyant de Cicéron, se déclara résolument contre cette doc- trine (U13), en invoquant Jean de Salisbury et saint Thomas. Après de longues délibérations, les évêques, l'inquisiteur et l'université de Paris (1414) condamnèrent les assertions de Petit; de son côté, le duc de Bourgogne en appela au Saint- Siège. Le concile de Constance (XV session, du 6 juillet 1415) condamna cette proposition : « Tout tyran peut être mis à mort par son vassal ou sujet, soit par ruse, soit par de secrètes em- bûches, nonobstant tout serment ou convention quelconque, et sans attendre l'ordre d'aucun juge. »

La condamnation nominale des neuf propositions de Petit, mort sur ces entrefaites, condamnation désirée par beaucoup de Français, combattue par d'autres, notamment par les ordres mendiants dans un avis collectif, n'eut pas lieu, et le jugement qui venait d'être rendu laissait encore place à de nouvelles con- troverses, celle-ci entre autres, si, après la sentence rendue par un juge compétent, l'on pouvait se défaire d'un tyran sans ruse, sans rupture de serment et de convention. Le concile, qui ne voulait encourager ni les passions des sujets opprimés ni la tyrannie des souverains, ne s'expliqua pas davantage, bien que l'enquête poursuivie contre le dominicain Jean de Falkenberg lui eu fournît de nombreiises occasions. Jean, dans un pam-

HISTOIRE DE L EGM.SE.

plilet composé à l'instigation de l'ordre Toutonique contre le roi de Pologne, avait soutenu qu'il était permis de le tuer, lui et tous les Polonais. 11 fut enfermé à Constance, et son livre con- damné au feu. Les députés des nations, chargés d'informer contre lui, tombèrent d'accord ; quant au jugement, il ne fut point confirmé dans une session solennelle du concile, malgré la demande qui en fut faite à la fin de l'assemblée, au nom des envoyés de Pologne et de Lithuanie.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 218.

Seutentia Fac. theol, Paris, de 9 assertionibus Joh. Parvi. Senten- lia Episc. et Inquis. adv. Joh. Parv., 1413 (ib., I, H, p. 184-192); Gerson. 0pp. V, p. 15-42; Schwab, p. 430 et suiv.; Héfelé, Vil, p. 176 et suiv. Ajoutez-y les « Decem Considerationes principibus et dominis utilissimœ », 0pp. IV, 622 et seq.; Schwab, p. 426 et suiv.; 0pp. IV, 6Ö7-680; Schwab, p. 499 et suiv., 609 et suiv., 615 et suiv. Joh. Saresb., Polycr., III, xiv, xv; IV, i; VIII, xvii et seq.; S. Thoin., Sum., 28-2*, q. XLU, art. 2, ad 3; q. lxix, a. 4 ; de Regim. princ, i, i et seq., 6, 16; Natal. Alex., saec. XV, c. u, a. 4, n. 3, 4, t. XVII, 184 et seq. ; Schwab, p. 612 et suiv.; Héfelé, p. 178 et suiv.; Conc. Const., sess. XV et XVI; Mansi, XXVII, 765; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 186-192, 215 et seq.; Schwab, p. 622, 633 et suiv., 646; Héfelé, p. 181, 343, 367 et suiv.; mon ouvrage : K. Kirche, p. 475-485.

La mystique.

La mystique en général. Gerson et la mystique. Ruysbroek. Dernières années de Gerson.

219. La mystique, qui se cultivait surtout dans les monas- tères, loin du tumulte du monde, essayait de satisfaire aux besoins du cœur, en rendant la théologie plus intime et plus vivante. Ses progrès étaient en proportion de la décadence de la .scolaslique ; mais quand elle cessa de s'appuyer sur celle-ci, elle tomba dans le vague et dans l'obscur, et, destituée d'une base solide, s'égara souvent dans un faux mysticisme, il ne fal- lait point qu'elle sortît du terrain de la foi et de la réalité, que lu pensée de Dieu lui eidevàt le sentiment de la personnalit«' liumaine, (pi'elle renonçât à la précision des idées, ni surtout à l'esprit de pénitence et d'humilité. Les papes, les évêques, les in(juisit(îurs , les univer.sitès, travaillèrent à écarter les faux principes, (l'e.st ainsi, par e.\emple. que la proposition .suivanti'

LA SCIEKCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. d"

fut plus d'une fois censurée : « 11 faut faire toutes choses par pur amour de Dieu et sans espoir d'une récompense éternelle, ce qui serait un péché mortel ; » de même que celle-ci : « S'exercer aux actes de vertu est le fait d'un homme impar- fait, car le parfait trouve son bonheur en lui-même; la vraie perfection dispense de l'obéissance ecclésiastique. »

Jean Charlier de Gerson essaya, en se rattachant étroite- ment aux victorins et à saint Bonaventure, qu'il tenait en par- ticulière estime, de donner à la mystique une base solide et vraiment scientifique, de la présenter comme une sorte de phi- losophie pratique de la vie, philosophie supérieure et qui ab- sorbe l'homme tout entier. Elle consiste à acquérir la connais- sance de Dieu par les expériences de la vie intime et à s'unir directement à Dieu par l'exercice de la charité. La mystique, aux yeux de Gerson, est l'art d'aimer, c'est la vraie piété ; elle s'appuie sur la considération de la beauté divine et sur la con- naissance de notre propre faiblesse : c'est ce qu'on nomme la prière.

La mystique se divise en spéculative et en pratique; elle suppose la psychologie et a pour objet le bien, de même que la scolastique a pour objet le vrai. Gerson indiquait certains moyens pratiques de rendre la mystique de plus en plus par- faite, et il blâmait les ouvrages mystiques l'on s'écartait des doctrines des saints docteurs et des décisions de l'Église, notam- ment celui qui lui fut communiqué par un chartreux et qui avait pour titre : de la Parure des noces spirituelles, composé par le prieur des chanoines réguliers de Griinthal, près de Bruxelles, Jean Ruysbroek {doctor extaticus), mort en 1381, et que son confrère Guillaume Jordaens traduisit en latin pour aider à sa propagation. Il y reprenait surtout les propositions suivantes : « L'âme arrivée au degré de la parfaite contem- plation, non seulement voit Dieu par cette lum-ère qui est l'essence divine, mais elle est elle-même la lumière divine; elle perd son être propre, pour devenir conforme à l'être divin et s'absorber en lui », etc.

Jean de Schœnhofen, disciple de Ruysbroek, essaya de jus- tifier son maître, que plusieurs vénéraient comme 1' « organe du Saint-Esprit » ; mais il ne put convaincre Gerson, lequel, sans vouloir nier que le langage du maître fût susceptible d'un

V. HIST. DE l'église. 2

18 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

sens juste, trouvait les expressions incorrectes et fautives. Son apolof^iste avait raison en ce sens tjuo Ruysliroek combattait résolument la secte du libre esprit et soutenait que la nature créée ne peut jamais être absorbée dans la nature incréée.

Gerson profitait aussi de toutes les occasions, par exemple, de ses sermons sur les souffrances du Sauveur et des drames de la Passion, fréquents à cette époque, pour répandre l'esprit de la vraie piété. l*ersécuté par Jean, duc de Bourgogne, il se réfugia en Bavière et y composa, sur le modèle de Boëce et de Jean de Tambacho, dominicain exilé (mort en 1373), les quatre livres de la Consolation de la théologie, afin de s'animer lui-même et d'animer les autres à conserver cette égalité d'esprit qu'enseigne le christianisme. Après la mort du duc (10 septembre 1419), Gerson se rendit à Lyon, il vécut dans la retraite et dans la société des chartreux, tout entier aux exercices de la piété et à l'instruction religieuse des enfants. Il expliqua le Cantique des cantiques, composa d'autres écrits, et mourut en grande répu- tation de sainteté (12 juillet i429j.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 219.

Outre les ouvrages cités, V, g 317, voy. Chr. Schmidt, Essai sur les mystiques du quatorzième siècle, Strassb., 1830, et Études sur le mysticisme allemand, dans les Mémoires de l'Académie des sciences morales et politiques, Par., 1847. Die Gottesfreunde im XIV lahrh., léna, 1854 et suiv. (Beitr. zur theol. Wiss. v. Reusz u. Cunitz V); iNikol. V. Basel, Leben u. ausgewaehlte Schriften, Vienne, 1866; Galle, Geistl. Stimmen aus d. M.-A., Halle, 1841 ; Bœhringer, K.-G. in Biograph., II abth., m, iv; Pfeiffer, Deutsche Mystiker des XIV lahrh., Leipzig, 1845 et suiv.; W. Wackernagel, Gesch. der deutschen Lit., H, m, Bâle, 1853; llamberger, Stimmen aus dem Heiliglhum der christl. Mystik., Stuttg., 1837; Lasson in Ueberweg's Gesch. der christl. Philos. (1868), III, p. 2t7 ; Preger, Vorstudien zur Gesch. der deutschen Mystiker (Ztschr. für histor. Theo!., 1869). Greith (évoque), die Deutsche Mystik im Predigerorden, Frib., 1861; Gœrres, Einl. zu Heinr. Suso's Leben u. Schriften von Diepenbrock, p. xxv et suiv.; Denzinger, Vier Bücher von der relig. Erkenntnisz, Würzb., 1856, I, p. 328 et suiv. Gerson (doetor chrislianissimus), Considerationes de tlieol. mystica, Opp. III, 301-422; Trarl. de elucidatione scholaslica mysticoc theologiœ, ib., p. 422-428; Hundeshagen, Ztschr. f. bist. Tlieol., 1834, t. IV, i, p. 79 et suiv.; Liebner, dans les Studien und Kritiken, 1835, II, p. 277 et suiv.; Engelhardt, de Gersone mystico (Erlanger Progr., 1822-1824);

LA SCIKNCIC, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. d9

Jourdain, Doctrina Joli. Gers, de theol. myst., Par., 1837; Schmidt, Essai sur J. Gerson, Strassb., 1839; Ttiomassy, Jean Gerson, Par,, 1843; Schwab, Gerson, p. 325-375. Rusbrochii Opera (Spéculum salulis a-lerntC Summa tolius vitae spii'itualis In tabernaculum Moysis, etc.), latine, per Surium, Colon., 1355, 1692. Autres ouvrages de lui : Arnswald, Vier Schriften von Job. Rusbr. in niederdeutscher Sprache, Hannov., 1848; Weiteres in flœmisclier Sprache edirt von Prof. David von Lœven, Werken. Gent, 1858; Dat boec van VII Trap- pen in den graet der gheesteliken Minnen. Dat boec van VII sloten., etc., 1862; Engelhardt, Hugo v. St. Victor und Job. Ruysbroeck, Erlangen, 1838; Chr. Shmidt, Étude sur Jean Rusbr., Strassb., 1863; Stœckl, 11, p. 1137 et suiv. Contre le livre de Ornatu spiritualium nup- tiaruni : Gerson, Ep. ad fratrem Bartholom., 0pp. I, 59-63. Contre Gerson : Libellus fratris Job. de Schœnovia, ib., p. 63-78. Réponse de Gerson, 1408, Ep. contra defensionem, ib., p. 78-82; du Plessis d'Arg., I, 11, p. 152; Natal. Alex., sœc. XIV, c. v, a. 6, n. 3, t. XV, p. 294 et seq.; Schwab, p. 357 et suiv.; Werner, III, p. 501 et suiv. Gerson, sur la Passion, Ami de la religion, 26 mars 1853, p. 741-746; Joh. de Tambacho, 0. S. D., Spéculum patientiœ de consolatione theologi*, éd. Par., 1493; Gerson, de Consolatione theologiae libri IV, 0pp. I, 129-184; Schwab, Gerson, p. 758 et suiv.

La « Théologie allemande ». Sociétés de mystiques. Tauler, Suso, etc.

220. En Allemagne, les doctrines de maître Eckhart (t. IV, p. 220) gardèrent encore longtemps leur influence; quelques- uns, comme l'auteur allemand inconnu d'un système de mysticisme, essayaient de se rapprocher de la doctrine de l'Église. La « Théologie allemande », composée probablement dans la maison des chevaliers Teutoniques de Francfort, entre 1380 et 1430, si vantée plus tard par Luther, suivait un panthéisme plus pratique qne logique, fondé snr l'idée du bien. Nous y trouvons, présentées sous une forme singulière, les propositions suivantes : « Dieu est tout et tout le reste n'est rien; l'être fini est le rien, le péché, en tant qu'il existe par soi, qu'il est individuel et lié à notre volonté propre. La vie chrétienne commence par le dépouillement de la volonté propre, en demeurant dans un état passif dans lequel on laisse tout faire à Dieu. L'homme devient un avec Dieu par l'amonr, cet amour en vertu duqtiel Dieu n'aime en nous que lui- même. » Comme les vues principales de l'auteur sont erronées,

20 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

plus d'une pensée pieuse et édifiante empruntée aux anciens mystiques y apparaît sous un jour aijsoluiuent équivoque.

Déjà du temps de Louis de Bavière et pendant l'interdit, on voyait des ecclésiastiques et des laïques se réunir pour entrete- nir et vivifier la vie religieuse parmi le peuple, combattre les tendances de la secte du libre esprit et propager des écrits édifiants. Ces réunions mystiques, encouragées par les domini- cains, s'étendirent du nord-ouest, en suivant le cours du Rhin, jusqu'en Bavière et en Suisse, et s'appelèrent « l'Alliance des vrais amis de Dieu ». Il est regrettable que leurs membres, qui pouvaient entretenir dans beaucoup d'âmes la vie reli- gieuse, n'aient pas toujours su éviter les allures périlleuses des sectaires.

On répandait alors les écrits d'un Bâlois surnommé l'Ami de Dieu ; le livre des Neuf Rochers, composé par le Stras- bourgeois Rulman Merswin, que l'augustin Jean de Schaftol- shein, vicaire général de Strasbourg, traduisit en latin c'était une peinture animée des vices religieux de cette époque mais surtout les écrits des deux dominicains Jean Tauler (né en 1290, religieux depuis 1308, prédicateur ardent et aimé du peuple, mort en 1361) et Henri Suso ou Seuse (de Berg), surnommé Amandus (né en 1300, mort en 1365). Brûlants de charité, intéressants dans leur exposé, mais non entièrement affranchis des idées de maître Eckhart, ni par conséquent d'expressions incorrectes, ces deux hommes ont rendu à plu- sieurs d'éminents services et relevé la mystique allemande, qui se transplanta jusque dans la haute Italie. Henri de Nœrdlingen ; Conrad, abbé de Kaisersheim; beaucoup de chevaliers de Saint- Juan et de prêtres, des religieuses en grand nombre, mais sur- tout les nonnes d'ljnterliii(h:;n près de Colmar, d'Adelhausen à Fribourg-en-Brisgau , d'Engelthal et de Marie Medingen, et parmi elles les sœurs Marguerite et Christine Ebner, cette der- nière par ses écrits (morte en 135r)), entretenaient un commerce littéraire très actif sur des objets de la vie intérieure. Otton de Passau, lecteur chez les carmes déchaussés de Bâle, com- posa en {"i^V* les vinr/t-rpiatre Anciens ;\q laïque Hermann de Fritzlar écrivit, dans un stylo pieusement naïf, ses Vies des Saints, et Ludolphe do Saxe, d'abord dominicain, chartreux dopuis 1330, rédigea son excellente Vie de Jésus-Christ.

LA SCIEWCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 21

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 220.

L'auteur anonyme de la Méthode d'enseignement du mysticisme, dans Greith, loc. cit., p. 96-203. La « Théologie allemande », éditée en partie par Martin Luther, qui la tenait pour l'œuvre de Tauler, 1516; puis par Grell, Berlin, 1817, 1818; par Krüger, Lemgo, 1822; par Detzer, Ed., 1827; par Troxier, St.-Gall, 1837; le mieux par Fr. Pfeiffer, Stuttg., 1851, Leipzig, 1858. Voy. Lisco, die Heilslehrc der Theologie dlsch., Stuttg., 1857 ; Reit'enrath, die Deutsche Theologie des Frankfurter Got- tesfreundes, Halle, 1863 ; Staudenmaier, Philos, des Christenthums, I, p. 654 et suiv.; Stœckl, II, p. 1149. Cet ouvrage est autre que celui de Berthold de Chiemsee (VII, § 365), sous le même titre. Preger (Revue de théol. histor., en ail., 1869, p. 137 et suiv.) a donné des raisons importantes en faveur du sentiment selon lequel le célèbre Oberlan- dais l'Ami de Dieu serait en 1317. A. Lutolf (Annales de l'histoire suisse, en allem., I, p. 1-46, Zurich, 1870), et Denifle (Feuilles histo- riq. politiq., 1875, t. LXXV, p. 25 et suiv.) ont prouvé que l'Ami de Dieu était le fils d'un riche marchand, et non pas ce Nicolas de Bâle qui fut exécuté en 1409, car il vécut jusqu'en 1420. On a de lui treize écrits, dont quatre inédits : ainsi, le Livre des cinq hommes (1377), Exhortations et Prières pendant la grande mort (1350), Histoire de la conversion de Tauler. Voy. Bœhmer, dans le Damaris de Giesebrecht, 1865, p. 148 et suiv. Nicolas de Laufen était le secrétaire de Rulmann Merswin (mort en 1382); il entra plus tard dans les ordres et résida chez les Johannites du Grunen-Wœrth, à Strasbourg. Le livre « des Neuf Rochers », attribué autrefois à H. Suso, est de Merswin. La pi'opagation de la mystique allemande dans la haute Italie est attestée par une lettre du dominicain Venturino, de Bologne, à Egenolf, de Strasbourg, 1336 (Quetif, I, 678). Florentii Radewijns, Tractatulus devotus de exstirpatione vitiorum et passionum et acquisitione v. virtutum, seu de spiritualibus exercitiis, éd. H. Nolte, Frib., 1862. Jean Tauler, « doctor subtilis et illuminatus », 0pp. kit., éd. Surius, Colon., 1548. « Mediilla animse » et quelques œuvres partielles ont été éditées à part. Méditations sur la vie pauvre de Jésus-Christ ; la meilleure édition est de Schlosser, Frankf., 1833. Sermons, 3 vol., Frankf., 1826; Pischon, Denkmseler der deutschen Sprache, Berl., 1840, II, p. 270 et suiv.; Schmidt, in Herzogs Real-Encyklopsedie , XV, p. 485 et suiv.; Henricus Suso (Seuse), Amandus, 0pp., éd. Aug. Vind., 1482, 1512 et seq.; Colon., 1553. Sa vie et ses écrits, par Diepenbrock, Ratisbonne, 1837 et suiv.; Geistliche Bliithen von Suso, Bonn, 1834; Patris Amandi Horologium sapientiœ, Colon., 1856; Schmidt, der Mystiker H. Suso, Theol. Stu- dien u. Kritiken, 1843, IV; Heinr. Amandus Leben und Scriften, Vienne, 1863 et suiv.; Bœhmer, Damaris, 1865, p. 291 et suiv.; Freib.

22 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

Diœcesanarchiv, 1868, l. III ; Stœckl, II, p. 112!) et suiv.; Briefe Suso's, éd. von Preger, Munich, 1872. Controverses entre lui et R. Kœhler à Weimar, dans Ztschr. f. deutsch. Alterth., N. F., t. XIX, p. 346 et suiv.; XX, p. 373 et suiv.; XXI, p. 89 et suiv.; Denifle, 0. Pr., Heinrich Seuse's Schriften, Munich, 1876, t. 1, abth. I, Autres ouvrages, voyez § 205. Otton de Passau, lecteur chez les carmes déchaussés de Bâle, composa en 1386 le livre « les 24 Anciens », Augsb., 1480. Hermann v. Fritzlars Heiligenleben, ed. Pfeiffer, Deutsche Mystiker, I, Leipzig, 1846. Voy. Gervinus, Gesch. der poet. Nationalliteratur der Deutschen, II, p. 138 et suiv. Lutlolphe de Saxe a composé une Vie de Jésus-Christ d'après les quatre Évangiles et les Pères, puis une « Enarratio » sur les Psaumes. Voyez encore le Buochlin von der Tochter Sion, ed. D. Schade, Berlin, 1849.

Saints personnages des deux sexes.

221. En pratique, la mystique était alors représentée sous sa forme la plus noble par une multitude de saintes femmes, telles qu'Ângèle de Foligno, morte en 1309, qui retraça dans sa Théologie de la croix le tableau de ses luttes et de ses souffrances; Catberine de Sienne, morte en 1380, qui a laissé des lettres, des dialogues et des révélations, et déployé un courage viril pour la défense du Saint-Siège si souvent opprimé, tout en blâmant hardiment les vices de la cour de Rome; Brigitte de Suède, veuve depuis 134i, morte en 1373, renommée pour des révélations qu'elle aurait reçues de Jésus- Christ même, et qui ont été admises par d'excellents théolo- giens; sa fille Catherine de Suède, morte en 1381, au couvent de Wadstena; Catherine de Bologne, morte en 1463, connue aussi pour ses révélations; Cathermc de Gênes, de la famille des Fieschi, auteur de traités et de dialogues mystiques (morte en 1474); Lidwine de Schiedam, née en 1380, morte en 1433, qui, dans un corps cruellement affligé et presque entiè- rement détruit, mais qui reprit sa forme intacte quelques instants seulement avant sa mort, expiait les péchés de l'Église.

Parmi les hommes, nous nommerons surtout : Laurent .luslinien, Jean Dominici 107), saint Bernardin de Sienne 207) et les frères de la Vie commune 203), notamment le second supérieur Florent, puis Thomas Hœraerken, surnommé à Kempis, prêtre et sous-prieur des augustins au mont Agnès,

LA SCIENCE, l'art ET LA VIR RELIGIEUSE. 23

près de Zwoll, mort en 1471, et enfin le pieux chartreux Denis, mort en 1471.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 221.

Angela Fulgin. : Acta SS., 4 jun. Cathar. Sen. (cf. § 42), canonisée en 1461 : Cliavin de Malan, Histoire de sainte Catherine de Sienne (en franc, et en allem., Ratisb., 1847); Luigi iMontella, Vita di S. Cat. da Siena, Napoli 1854 ; Alf. Capecelatro (Orat.), Storia di S. Cat. da Siena e del Papato, del suo tempo, Nap., 18Ö6, 2 vol., Fir., 1859; en allem., Würzb., 1873; Alcuni miracoli di S. Cat. da Siena secondo che sono narrati da un anonimo suo contemporaneo, Siena, 1862; Hase, Kath. v. Siena, ein Heiligenbild, Leipzig, 1804 (protestant et rationaliste). Bri- gilla Suec, ou plutôt Birgitta de Birger : voy. Fred. Hammerich, S'* Birgitta, en allem., par Michclseu, Gotha, 1872 ; Acta SS., t. IV. Oct., p. 368-360. Sa canonisation, déjà introduite sous Urbain VI, fut accom« plie en 1391 par Boniface IX. En 141.T, les ambassadeurs suédois en demandèrent à Constance la conürmation. Jean XXIII l'accorda le 2 fé- vrier 1413. Elle donna lieu à des doutes et provoqua un nouvel examen de ses Révélations, qu'elle avait elle-même déjà remises à Urbain V. Gerson composa dans le mois d'août son <c de Probatione spirituum », 0pp. I, 37-43. Plus tard (1419), Martin V renouvela à Florence sa cano- nisation. Aucun des décrets de canonisation, bien qu'ils mentionnent les visions et révélations dont elle fut favorisée, n'avait approuvé les Révélations, telles qu'on les possédait par écrit (éd. Antwerp., 1611 ; Colon., 1628; Monach., 1680; en suédois : Heliga Brittigitâs Uppen- barchoen. Stock., 1861). Vers 1433, quelques moines du couvent de Wadstena, fondé par la sainte, adressèrent au concile de Bâle divers documents, à l'occasion des Révélations, combattues par plusieurs et adoptées par d'autres. A Bâle, les opinions étaient partagées. Jean de TuiTecremata soutint les 123 passages attaqués, ainsi que l'ensemble (Mansi, XXX, 698-814); mais le concile n'alla pas plus loin. En 1446, plusieurs Suédois ürent accréditer à Rome l'apologie du livre par Tur- recremata; il fut reconnu qu'il pouvait servir à l'édification, mais qu'on n'était pas obligé de l'admettre « de fide ». Bened. XIV, de Canonis. SS., lib. II, c. XXXII ; III, c. lui; Schwab, p. 364-367; Héfelé, Vil, p. 80 et suiv., 539 et suiv. Cathar. Suec, morte en 1381, canon, en 1474 : Acta SS., 20 mart. Cathar. Bonon., morte le 9 mars 1463, canon, en 1712 : Revelationes S. Cath. Bon. (écritesen 1438), éd. Bon., 1511, 1536; Venet., 1583. Cathar. Januens. : Martyrol., 22 mart.; Marabotti, Vita Cath., jan. 1551 (morte le 14 sept. 1510). Lidwina, morte en 1433 : Acta SS., 14 avril; Schmœger, das Leben der gottseligen Anna Katharina Emmerich, l, p. 165 et suiv. Laurent. Justinian. (Vita, par Bern. Giustiniani, ambassadeur vénitien auprès de Sixte IV; Acta SS., die

24 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

8 jan.) 0pp., éd. Basil., 1560; Venet., 1606, 1751 ; Colun., 1616. Ber- nardin. Sen. : Wadding, Annal. Min., t. IV, V ; Florent. Radew., Trac- latulus dévolus, etc. 220); Thoin. a Kempis, Opuscula (Soliloquia Hortulus rosarum Valus liliorum Hospitale pauperum de Soli- tudine et Silentio Hymni et Cantica Vitae beatorum), éd. Henr. Sommalius, S. J., Antw., 1600-1607, 1615; Colon., 1728, 1757; éd. Kraus, Trev., 1868, Sur le livre de l'Imitation de Jésus-Christ, imprimé plusieurs centaines de fois et traduit en sept langues (Weigl, Ratisb., 1837), voy. V, § 356. Ouvrages à consulter sur la controverse : voyez encore Fabric, Bibl. med. et inf. latin., s. h. v.; du Pin, de Auct. libri de Imit. Christi, in 0pp. Gers., 1, 121; Amort, Scutum Kempense, appendice à son édition, Colon., 1757, et Deductio critica, Aug. Vin- del., 1761 ; Schrœck, K.-G., t. XXXIV, p. 313 et suiv.; Gregory, Mémoire sur le véritable auteur de l'Imit. de J.-Chr., revu par le comte Lanjui- nais. Par., 1827, trad. par Weigl, Sulzb., 1832 ; Silbert, Gersen, Gerson u. Kempis, welcher ist Verfasser? Vienne, 1828 ; Gregory, Bist, du livre de l'Ini. de J.-Chr. et son véritable auteur, Paris, 1842 et seq., 2 vol.; Baehring, Thomas v. Kempen, Berlin, 1849; Malou, Recherches bist, et critiq. sur le véritable auteur de l'Im., Paris et Tournay, 1858 et suiv.; Tub. Theol. Quartalschr., 1859, p. 319 et suiv.; Mooren, Nach- richten über Thomas v. K., Crefeld, 1855; Nolte, zur Gesch. des Büchleins V. d. Nachfolge Christi (Scheiner u. Hieusle's Th. Ztschr., Vienne, 1855, VII, h. 1, 2); F.-X. Kraus, dans Augsb. Allg. Ztg., 1872, 201 ; Dionys. Carthus., Comment, in libr. sacros, Colon., 1530 et seq.; Com. in Dion. Areopag., Colon., 1536; Acta SS., 12 niartii, p. 245 et seq.

Morale et droit eanou.

222. La morale doit d'importants services aux auteurs sui- vants : Jean Gerson, saint Antonin de Florence, un franciscain du quatorzième siècle connu sous le nom d'Astesanus, auteur d'une casuistique fort en vogue et intitulée Swnma Astesana; le dominicain Barthélémy de Saint-Concordio, à Pise, mort en 1317, autour d'un ouvrage analogue (Siimma Pisanella, Bartholina), dont le franciscain Angélus, mort on 1495, a extrait la Summa Angelica, les cas sont rangés dans l'ordre alphabéti(]ue. L'ordre des Mineurs surtout a fourni beaucoup de casuistes, entre autres Jean-Baptiste Trovamalo {Summa Rosella), Jean-Baptiste Salvis, Pacifico, etc. Pierre Schott, chanoine de Strasbourg, mort en 1499, composa différentes Questions sur la conscience.

LA SCIENCE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 2o

Dans le droit canon même, la casuistique occupait le premier rang; on attachait une grande importance aux ouvrages prati- ques et détaillés des sujets choisis étaient traités à part. Un des auteurs saillants fut Jean Andreae, mort en 4348, professeur renommé de Bologne; il travailla sur l'histoire de la littérature juridique, expliqua en particulier les décrétales de Boniface VIII, et composa divers ouvrages estimés. Son école produisit : Azo de Ramaughis, son fils Bonincontrus , son disciple Jean Calderinus (mort eu i36o), Paul de Liazariis (mort en 1356). On comptait encore parmi les canonistes de marque : Pierre Bertrand!, professeur des deux droits avant son épiscopat, mort en 1331; Albérie de Rosate; Bartole de Sassoferrato, mort vers 1359 ; Boniface de Mantoue, professeur à Avignon en 1352; Jean de Lignano, k Bologne, mort en 1383; Baldus de Ubaldis, mort à Pavie en 1400; Nicolas Eymeric, dominicain et inquisiteur espagnol (vers 1393); Pierre de Ancho- rano, inorten 1416 ; son disciple Antoine Butrio, mort en 1408; Jean d'Imola, mort en 1436; Nicolas de Tudeschis, archevêque de Palermo, mort en 1443; les cardinaux Zabarella et Turrecre- mata; André de Barbatia, mort en 1479; Alexandre Tartagnus, mort en 1477, disciple de Jean d'Anagni, mort en 1457.

L'Italie continuait de fournir la plupart des canonistes. Eu Allemagne, Henri d'Odendorp, de Cologne, recteur de l'univer- sité de Vienne en 1385, écrivit sur quelques parties du Corpus juris canonici; il en fut de même de plusieurs autres profes- seurs de droit canon, dont un grand nombre déjà apparte- naient à la classe des laïques.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 222.

Jean Gerson, Definitiones terminoruin ad theologiam moralem per- tinentium; St. Antonin, Summa theologica. Cf. Natal. Alex., ssec. XV, c. V, a. 4, t. XVII, p. 337-339 ; Summa Pisanella, éd. 1473. Canonistes : Natal. Alex., t. XV, p. 289 et seq., sœc. XIV, c. iv, art. 't; t. XVII, p. 339 et seq., saec. XV, c. iv, a. 3, a. 2, p. 331 ; Schulte, Lehrb. d. K.-R., éd. (1868), p. 73 et suiv., 84 et suiv.; Lederer, der span. Card. Joh. v. Turrecremata, Frib., 1879. Sur Odendorp, Aschbach, Gesch. d. "Wiener Univ., p. 113 ; comp. p. 430.

26 HISTOIRE üE l'Église.

Li'hunianisme.

Les études classiques.

223. Le réveil des études classiques introduisit dans le monde une sorte de puissance nouvelle, en relevant l'éclat de la faculté des arts et en menaçant de supplanter bientôt la scolastique et la mystique. La seconde moitié du quinzième siècle s'appelle le temps de la Renaissance, de la restauration des sciences et des arts, du renouvellement des études classiques et de l'esprit antique. Cet essor est souvent attribué aux Grecs fugitifs de Constanlinople : la vérité est que les études classiques n'avaient jamais été complètement interrompues; du moins on lisait, on employait beaucoup les classiques latins, ainsi qu'on le voit par Alcuin, Jean Scot Érigène, llroswitha, Gerbert, Abailard, Jean de Salisbury, Raimond Lulle, Roger Bacon; par les hynmcs, les chants, les distiques imités des anciens poètes romains ; par les traductions des ouvrages d'Aristote, de Jean Damascène et d'autres Pères. Seulement ces études n'étaient pas autrefois cultivées dans une si large mesure que depuis; la scolastique se souciait moins de l'élégance que de la pré- cision du langage, moins de la forme que du fond. Une fois le système trouvé, il était plus facile et plus avantageux de s'occuper de la délicatesse du style, de la rondeur des périodes, qui, dans la science, viennent au second rang et non pas au premier. Le moyen âge, du reste, avec ses nationalités encore jeunes et vigoureuses, sentait moins le besoin d'une littérature classique : il avait sa poésie populaire, ses institutions accom- modées au génie de l'époque. Mais (juand l'esprit chrétien se fut affaibli chez un grand nombre, on songea à combler les lacunes, en faisant un usage plus complet des œuvres des Grecs et des Romains et en les exploitant dans de plus vastes proportions. Si l'on avait par trop négligé les études philolo- giques, surtout dans les universités, on tomba bientôt dans l'autre extrême : on les exalta outre mesure, on déprécia les travaux sérieux des premiers Ages du christianisme, on remplaça la connaissance des idées par la comiaissance de la lettre. Ces deux tendances, du reste, devaient se produire, pour arriver enfin k se concilier entre elles, à se compléter mutuelle- ment et à s'imprégner l'une l'autre do leur esprit.

LA SCIEWCE, l'art ET LA VIE HELIGIEUSE. 27

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 223.

Tiraboschi, Sloiùa délia letteralura ital., Modeiia, 1772 et seq., t. V, VI. Mœhler sur Erhard (Gesch. des Wiederaufblühens der wissen- chaftl. Bildung, Magdeburg, 1827-1832, 3 vol.), dans les Giesz. lahr- büchern für Theo!., 1, p. 173 et suiv.; Mœhler-Gams, III, p. 121 et suiv,; Stœckl, t. III. Meiners, Lebensbeschreibungen berühmter Maenner aus der Zeit des Aufblühens d. Wiss., Zürich, 1796 et suiv., 3 vol.; lagemann, Gesch. d, freien Künste u. Wissensch. in Italien, th. III, abth. II, III ; Heeren, Gesch. d. classischen Literatur im Mittel- alter (Hist. Werke, th. IV, V); Voigt, die Wiederbelebung des classis- chen Alterthums oder lahr. des Humanismus, Berlin, 1859; Schrceder, das Wiederaufblühen der classischen Studien in Deutschland, Halle, 1864.

Les humanistes en France et en Italie. Dante. Pétrarque. Boccace. Chrysoloras. Traductions.

as^. Dès le quatorzième siècle, en France comme en Italie, on constate un redoublement d'ardeur pour les études clas- siques. En France, Charles V et les princes firent traduire en leur langue beaucoup d'ouvrages d'Aristote, de Cicéron, de Sénèque, de Tite-Live, d'Ovide, etc., et Nicolas "de Clémange fut un excellent représentant de la culture classique. En Italie, Dante Alighieri, qui revêtait la théologie de saint Thomas de la brillante parure de Virgile, ouvrit une voie plusieurs allaient entrer à sa suite. Non seulement il créa, dans les trois parties de sa Divine Comédie, une langue poétique avec le dialecte de Florence et fournit un chef-d'œuvre de poésie chrétienne qui excita l'admiration générale; il encouragea encore, par ses lettres et ses opuscules, l'étude des anciens auteurs latins, et travailla pendant son exil (1301-1321) à la répandre en diverses localités d'Italie.

A côté de Dante se place François Pétrarque, mort en 1374, lecteur assidu de Cicéron et de Virgile; il établit des biblio- thèques classiques, et apprit encore, dans les dernières années de sa vie, la langue grecque auprès du moine Barlaara; il possédait Homère dans une traduction faite par Léonce Pilate. Il doit la réputation de poète dont il jouit maintenant à ses magnifiques poésies itaUeimes, tandis qu'il était surtout célèbre auprès de ses contemporains par son épopée latine sur la seconde guerre punique. Un de ses plus fameux disciples

28 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

fut Jean de Ravenne, qui résida à Padoue et à Florence, et passait pour un des premiers grammairiens.

Ce que Pétrarque avait fait pour la littérature latine, Jean Boc- cace, en 1313 à Florence, mort en 1375, le fit pour la langue grecque. Initié à cette langue par Léonce Pilate, il obtint en 1350 qu'une chaire de littérature grecque serait érigée à Flo- rence pour ce savant, transcrivit lui-même les principaux ou- vrages des auteurs helléniques, et composa, pour en faciliter l'étude, une sorte de mythologie grecque et romaine réduite en système. Dans la langue italienne, il fut le premier prosateur par- fait; son Décaméron est une satire mordante, farcie d'obscénités.

La propagation de la littérature hellénique fut ensuite favo- risée par plusieurs Grecs fixés en Italie , entre autres par Manuel Chrysoloras, qui y était venu d'abord pour une ambas- sade, et s'y fixa à partir de 1395. il enseigna le grec à Rome, à Florence, à Venise et à Milan, accompagna à Constance le car- dinal Zabarella, et y mourut le 15 avril 1415. Il avait une foule de disciples remarquables, entre autres le camaldule Ambroise Traversari, Léonard Bruni d'Arezzo (1369-1444), Poggio Brac- ciolini l'Aîné (1380-1460), François Fileifo de Tolentino (^398- ^48l), Strozzl (1372-1462). On traduisit en latin non seulement les ouvrages des Pères de l'Église, mais encore les discours de Démosthène et autres ouvrages grecs. De son côté, Démétrius Cydonius (mort après 1384) traduisit des ouvrages latins en grec, et se familiarisa à Milan avec la théologie des Occiden- taux.

OUVRAGES A CONSULTER SL'R LE 224.

Témoignages sur les études classiques en France, dans Schwab, (icrson, p. 70 et suiv. De Dante 11), Opère minori con illustrazioni e notedi PiclroFraticelli, Fir., 1854, puis 1857 et suiv. (avccCanzonierc, Rinne sacre, Poesie latine, de Vulgari Eloquio, de Monarchia, de Aqua et Terra, Convitto, Epistolae latina"). Voyez encore, sur le caractère sou- vent attaqué de Dante, W. Bergmann, les Prétendues Maîtresses de Dante, 1870; Allg. Zeit. Beil., du 11 fév. 1870. Hettinger, Grundidee und Charakter der gœttlichen Komœdie, Bonn, 187ß. De Pétrarque : Africa; Epistola?; Opp., ed. Basil., 1434, 1.^81, Lugd., 1601, 2 vol. m-[°; Sonnetti, canzoni, trioutl, en allem., par Fœrster, 2*= éd., Leipzig, 1833. Carlo Homussi, Petrarca a Milano (13Ö3-1368), Milano, 1874. De Boc- cace : de Genealogia deorum, libri XV, Basil., 1532, in-f" ; Decamc- rone, en allem., par Witte, 3<= éd., Leipzig, 18o9, 5 vol. Les Grecs en

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 2*)

Italie : Tiraboschi, t. VI, p. 346 et seq. Fabric, Bibl. gr., éd. Harl., XI, 409 et seq.; Migne, PP. gr.. t. CLVI, p. 9 et seq.; Demetr. Cydon., Fabric.-Harless, Bibl. gr., XI, 398 et seq.; Migne, t. CUV, p. 825 et seq.

Éclat des études classiques en Italie.

225. Bientôt, en Italie, l'étude de la littérature classique devenait une affaire nationale : on fonda des bibliothèques, on déterra ou l'on acquit de vieux manuscrits ; les princes et les cités rivalisaient pour attirer auprès d'eux les plus illustres sa- vants et pour les compter au nombre de leurs amis. Cosme et Laurent de Médicis, savants eux-mêmes, érigèrent des biblio- thèques et fondèrent l'Académie de Platon. A côté de Florence, Rome était déjà sous Eugène IV un célèbre foyer des Muses ; elle le fut encore davantage sous Nicolas V. Celui-ci manda à Rome Nicolas Perotti, Théodore Gaza, puis François Filelfo, Grégoire Tiphernas, Candide Decembrio, etc., fit traduire la plupart des écrits d'Aristote et donner des leçons sur les clas- siques. Déjà au concile de Florence, plusieurs Itahens prouvè- rent que la langue grecque leur était familière ; déjà avant la prise de Constantinople, Jean Argyropule (mort en 1486) était allé à Florence, et plus tard à Rome, il avait donné des leçons publiques sur Thucydide.

Une incroyable ardeur éclatait dans tous les domaines de la science, même en mathématiques et en astronomie : déjà Nicolas de Cusa en était venu à soutenir le mouvement de la terre autour du soleil. Les études prirent un nouvel essor lorsqu'un grand nombre de Grecs vinrent se fixer en Italie, ap- portant avec eux des manuscrits précieux. Ils furent partout accueillis avec empressement. On remarquait parmi eux Cons- tantin Lascaris, qui se réfugia en Italie en 1454, enseigna à Milan , à Naples et à Messine, et composa une grammaire grecque (mort vers 1493), tandis que son fils Jean (mort en 1.535), ambassadeur de Florence auprès du sultan, achetait de précieux manuscrits grecs; le cardinal Bessarion, qui traduisit Aristote, tout en lui préférant Platon, et fut remarquable comme théologien et comme instigateur de toute entreprise savante.

La philosophie platonicienne avait alors pour principal or- gane Georges Gémiste Pléthon, mort en 1455, auquel se ratta- cha Marsile Fiein, chanoine de Florence, mort en 1499. Firin

30 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

écrivit une élég-auto apologie du christianisme et un grand ouvrage sur l'immortalité de l'âme; mais il poussait trop loin le culte de Platon. Les platoniciens comptaient aussi parmi eux le savant Pic de la Miiandole (mort en 1494.). On vit repa- raître l'ancienne querelle des platoniciens et des aristotéliciens ; des académies d'Aristote furent érigées en face des académies de Platon, surtout par Georges de Trébizonde (mort en 1486) et Théodore Gaza, lequel fut combattu par Michel Apostolius, et défendu par Andronic Caliisti et Bessarion.

Bientôt les écoles philologiques et philosophiques de l'Italie furent fréquentées par des hommes de tous pays, et ses savants exercèrent une hifluence prépondérante. Tel fut, entre autres, Ange Politien (mort en 1494), disciple d'Argyropule et de Marsile Ficin , renommé comme philosophe et humaniste , connue traducteur et poète. De nombreux poèmes furent com- posés en italien et en latin : les plus remarquables étaient ceux du Napolitain Jean Sannazar, en J458, mort en 1530, auteur du de Partu Virginis , d'épigrammes, d'élégies, d'églogues, de sonnets, etc.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 22Ö.

Boerner, de Doctis Hominibus. Grsecis literarum grœc. in Ilalia instauratoribus, Lips., 17ol; Sieveking, Gesch. der Platon. Akademie zu Florenz, Gœttingen, 1812; Roscoe, Lorenz von Medici, trad. de l'anglais, Vienne, 1817; Reumont, Lorenzo de' Medici, Leipzig, 1874, 2 vol.; Slœckl, III, p. 136 et suiv.; Job. Argyrojju!., Migne, t. CLXl, p. 1 et seq.; Gemist. Pletbo, Migne, t. CLX, p. 773 et seq.; Gasz, Gen- nade et Plétbon, Breslau, 1844; Constantin Lascaris et son lils Jean, Migne, t. CLXI, p. 007 et seq.; Bessarion, ib., p. \ et seq. Controverse sur Platon et Aristote : du Plessis d'Arg., 1, i, p. 133 et seq.; Georges de Trébizonde et Théodore Gaza, Migne, t. CLXl, p. 74;i et seq., 977 et seq. AngeM Poliliani Opp., ed. Rasil., 15;i4, in-f"; Bonafous, de Angeli Politiani vita et operibus, Par., 1846; Marsil. Ficin., de Relig. christ, et de Fidci pietate— Tbeologia; PlatoniccP de ininiorlabtate animorum libri XVIIl, Opp., ed. Paris., 1641 , in-f», I ; Dreydorf, das System des Joh. Picus Mirand., Marb., 1858.

L'imprimerie.

22C. L'Allemagne fut bientôt en mesure de rivaliser avec l'Italie. Pnissannnent relevée .sons le rapport de la moralité et de la civilisation par les encouragements et les réformes de

LA SCIEXCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 31

Nicolas de Cusa et par les excellentes écoles des frères de la Vie commune, elle rendit aux antres nations d'immortels ser- vices par l'invention de l'imprimerie (vers 1440). Cet « art merveilleux », que les Allemands, dès 1462, propagèrent dans tous les autres pays, hâtait en le généralisant le mou- vement civilisateur et favorisait les relations littéraires; on le regardait moins comme une branche de l'industrie que comme un instrument de propagande chrétienne : aussi le clergé l'appuyait-il de tout son pouvoir et accordait même des in- dulgences à ceux qui le répandaient. Dès 1467, une première imprimerie était établie à Rome par les deux Allemands Pan- narz et Sweinheim, qui avaient donné en 1465, au couvent de Subiaco, la première édition de Lactance. On eut bientôt, grâce surtout à la protection de Sixte IV, de nombreux ouvrages im- primés sous mille formes diverses; jusqu'en 1500, Rome seule imprima 9-25 ouvrages.

Ainsi se trouvait écarté le principal obstacle des études, la disette des livres et le travail pénible de leur transcription. On éprouvait partout le désir de s'instruire, de fonder des établis- sements d'instruction , d'améliorer les hautes et moyennes écoles ; partout on rivalisait d'ardeur pour les travaux scienti- fiques et artistiques. L'Italie faisait de la nouvelle invention le plus bel usage : ses imprimeries, celles de Venise surtout, four- nissaient d^excellentes éditions de classiques et de Pères de l'Église, d'orateurs, de poètes, de philosophes, de théologiens. L'Allemagne ne demeurait pas en arrière : plusieurs villes, telles qu'Augsbonrg, Nuremberg, Cologne, comptaient plus de vingt imprimeries. Dans la librairie allemande, le com- merce des manuscrits, depuis longtemps pratiqué, surtout dans les grandes villes,, l'on avait déjà satisfait aux besoins du peuple, se continua dans de plus larges proportions. L'art de la lecture se propagea rapidement dans la classe populaire.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE 226.

Janssen, Gesch. des deutschen Volkes, I, p. 5 et suiv,, 13 et suiv., 227 ; surtout p. 72 et suiv., 81, 89, 98, 106, 124.

L'humanisme en Allemagne.

2'27. Beaucoup d'Allemands, surtout de Westphaliens, avaient

32 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

reçu, à Deventer et plus loin encore, en Italie, une bonne édu- cation classique : nous nommerons surtout Maurice de Spiegel- berg et Rodolphe de Langen, qui entretenaient de loin (entre 1460 et U70) une correspondance littéraire active avec leurs amis d'Allemagne. Tous deux, le premier comme prévôt d'Em- merich, le second comme prévôt de la cathédrale de Münster, consacrèrent leurs riches revenus à l'amélioration des écoles. Sous ce dernier, le premier poète latin qui écrivit avec goût en Allemagne, l'école de la cathédrale de Münster atteignit à une grande célébrité ; il en fut de même, sous le premier, de l'école de la collégiale d'Emmerich : elle fut longtemps dirigée par Alexandre Hégius (mort en 1498, à Deventer), qui avait été formé à Deventer et employé au gymnase de Wesel, dans le Bas-Rhin (1469-1474). Cet homme exempt de prétentions s'est acquis de grands mérites par la correction des livres et des méthodes d'enseignement; il avait pour principe que toute érudition est funeste quand elle s'obtient au détriment de la piété. Lui, ainsi que d'autres savants, fut beaucoup redevable au Frison Rodolphe Agricola (né en 1445, mort en 1485), qui résida tour à tour en Italie, à Heidelberg et à Worms, auprès de l'évècjue Dalberg. Versé dans la plupart des sciences, célébré comme un second Virgile pour sa latinité classique, il était profondément religieux, et mourut sous l'habit de Saint-Fran- çois.

L'institut de Deventer possédait encore Antoine Liber et le Westphalicn Louis Dringenberg. Ce dernier releva l'école de Schlettstadt, l'on enseignait l'histoire du pays et les clas- siques. Cette école produisit Crato Ilofmann et Jacques Wimp- feling (né en 1450). Wimpfeling, souvent acerbe et emporté dans son langage, mais désintéressé et toujours disposé au bien, disait avec justice que la vraie réforme de l'Église et de l'État devait commencer par une meilleure éducation de la jeunesse ; il rendit tant de services comme auteur pédagogique, qu'il fut surnommé l'éducaleur do l'Allemagne.

Le Westphalien Jacques llorlenius éleva considérablement le niveau des écoles dans la petite ville de Frankenberg (Hesse); on ne doit pas de moindres serviros à ses deux compatriotes Conrad (looienius et Timanus Cumener. Adam Polken donna dès 1496 des leçons de grec à Xanten qui était en relation

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 33

avec Wesel, et il enseigna plus tard à Cologne, dans une des onze écoles latines annexées aux collégiales de cette ville. Il vivait auprès de son parent Jean Potken, prévôt de Saint- Géréon, excellent orientaliste, connu pour avoir fait imprimer en Europe le premier livre éthiopien.

A l'université de Cologne, la philologie grecque et orientale était représentée depuis 1484 par l'Italien Guillaume Raimond Mithridates. En 1487, André Cantor, de Grœningen, s'appliquait à améhorer l'étude de la langue latine; en 1491, Jean Césaire, de Juliers, celle de la langue grecque. A Erfurt, les études clas- siques avaient été introduites par Jacques Pubhcius, de Flo- rence, et par Pierre Luder; ce dernier les enseigna aussi à Heidelberg. La faculté des arts d'Ingolstadt fut surtout rede- vable de sa réputation à Conrad Celtes, de Franconie, qui, après avoir enseigné à Leipzig, à Erfurt et à Rostock, redevint simple étudiant en Italie, professa ensuite à Vienne (1497), et mourut en 1508; puis à son disciple Jacques Locher, surnommé Philomusos. Depuis 1457 déjà, on expliquait les classiques grecs à l'université de Vienne, alors très florissante.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 227.

Hagen, Literar. Verliseltnisse Deutschlands im Ref.-Zeitalter, Erlan- gen, 1841, t. 1; Cornelius, die Mùnster'schen Humanisten, Münster, 1851 ; Tresliug, Vita et Mérita Rud. Agricolœ, Grœning., 1830; Ritter, Gesch. der Philos,, IX, p. 201 et suiv.; Raumer, Gesch. der Psedagogik, II, p. 261 et suiv.; Janssen, I, p. 49 et suiv. Sur Hegius, Butzbabch's Wauderbüchlein, ed. Regensb., 1869, p. 148 et suiv.; Erhard, Gesch. des W'iederaufblühens, I, p. 411 et suiv.; Janssen, I, p. 51 et suiv.; Klüpfel, de Vita et Scriptis Conradi Gelt., Frib., 1813-1829, XII, Partie.; Wiskowatoff, Jacob Wimpfeling, Berlin, 1867; B. Schwarz, J. Winipf., Gotha, 1875; Hist.-pol. Bl., t. LXI, p. 593-613; t. XLIX (1862), p. 280- 293. Sur Pierre Luder, Wattenbach, dans Mone, Ztschr. lur die Gesch. des Oberrheins, t. XXII ; Dillenburger, Gesch. des Gymnasiums zu Em- merich., ibid., 1846; Hsehle, der schwaebische Humanist Jacob Locher (1471-1528), Programm., Ehingen, 1873 et suiv.

Sociétés savantes en Allemagne.

228. L'Allemagne vit aussi un grand nombre de corporations savantes se former dans son sein. En 1491, Conrad Celtes insti- tua à Mayence une « Société littéraire rhénane », qui réunissait V. msT. DE l'église. 3

34 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

des savants de toute espèce. Présidée par le prince-archevêque Dalberg, elle comptait parmi ses membres le juriste Ulrich Zasius, Jacques Wimpfeling, les patriciens Pirkheimer de Nu- remberg et Conrad Peutinger d'Augsbourg, Henri Bebel de Tubingue, Jean de Trittenheim (Trithemius), en 4462, etc. : tous ces hommes correspondaient entre eux et s'appuyaient mutuellement dans leurs entreprises. Celtes fonda plus tard, à Vienne, la a Société du Danube ». En i502, Aide Manuce établit à Venise une société savante qui devait être un centre de ral- Hement pour les érudits d'Allemagne et ceux d'Italie. Trithème, abbé des bénédictins de Sponheim (1483-1503), qui n'était étran- ger à aucune science, institua une académie dans son couvent. A l'entendre, les classiques étaient le moyen le plus efficace pour cultiver les forces de l'esprit et pour faire avancer les sciences chrétiennes, surtout l'étude de la Bible et des saints Pères.

Les établissements scientifiques, puissamment encouragés par les autorités municipales, obtinrent bientôt de riches biblio- thèques et de nombreux legs. Les études savantes florissaient surtout à Nuremberg et à Augsbourg. A Nuremberg, dès 4471, les mathématiques et la physique prirent un grand essor, grâce à Jean MuUer Regiomontanus (mort en 4476), élève de l'astronome Georges de Puerbach, à Vienne (mort en 4464), puis au cosmographe et navigateur iMartin Behaim, comme au généreux conseiller Bernard Walther. Les belles-lettres étaient également cultivées avec ardeur, surtout par Jean et Willibald Pirkheimer, par le prévôt Jean Kresz et par Jean Cochlée. A Augsbourg, Conrad Peutinger (né en 4465); à Strasbourg, Geiler de Kaisorsberg, les chanoines Thomas Wolf et Pierre Schott, Jérôme Gebweiler et Beatus Rhenanus, appelés de Schlettstadt, s'adonnaient à l'érudition.

Des femmes mêmes, comme Marguerite de Staffel, dans le Rheingau (morte en 1471), s'appliquaient à la lecture et à l'imi- tation des classiques. Jean Reuchlin fut de tous celui qui exerça la plus grande influence sur les savants d'Allemagne. à Pforzheim en 4455, initié à la langue grecque par des Grecs de naissance résidant à Paris, il professa à Bâle, publia un diction- naire latin {Breviloquus), apprit l'hébreu auprès de Jean Wes- sel, se perfectionna dans le grec sous la direction d'Andronic Contoblacas, se rendit à Orléans en 4479, à Poitiers en 4480,

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 35

pour étudier les deux droits, enseigna dans ces deux villes le grec et le latin, et composa une grannmaire grecque pour l'usage de ses auditeurs. Promu docteur en l'un et l'autre droit à Tubingue, il remplit les fonctions de juriste auprès du pieux Eberhard, comte de Wurtemberg, l'accompagna dans ses voyages en Italie, devint son ambassadeur à Vienne, et fut ensuite pendant onze ans juge de l'Alliance de Souabe, mais toujours protecteur des sciences. Plus tard encore, il rentra dans l'enseignement et professa à Tubingue (mort en d522). Le nombre des humanistes célèbres se multipliait rapidement.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 228.

Aschhach, die frühei-en Wanderjahre des C. Celtes und die von ihm errichteten gelehrten Sodalitœten (Sitz. -Berichte der Wiener Akade- mie, Philos. -hist. Gl., t. LX, p. 75 et suiv.. Vienne, 1868); Heerwagen, zur Gesch. der Nürnberger Gelehrtenschulen von 1 483-1 S26, Pro- gramm., Nürnb., 1861; Binder, Charitas Pirkheimer, Frib., 1873; Herberger, Conr. Peutinger (Jahresbericht des hist. Vereins für Schwa- ben und Neub., 1849 et 1830); Otto, Joh. Cochlseus der Humanist., Breslau, 1874; Rœhrig, die Schule zu Schlettstadt (Illgens Ztschr. für hist. Theol., Leipzig, 1834, IV, n. 2, p. 199 et suiv.); Horawitz, Beatus Rhenanus, Sitz. -Berichte der Wiener Akademie der Wissensch., Philos.-hist. GL, 1870-1872; Geiger, Beziehungen zwischen Deutsch- land und Italien zur Zeit des Humanismus (Müllers Ztschr. für deutsche Culturgesch., Hannover, 1875); Fiedler, Peurbach und Regiomontanus, Leobschütz, 1870; Ziegler, Regiomontanus, Dresde, 1874; MayerhofT, Reuchlin und seine Zeit, Berlin, 1830; Lamey, Joh. Reuchlin, Pforz- heim, 1833; L. Geiger, Joh. Reuchlin, Leipzig, 1871. De Reuchlin : Rudimenta linguse hebraicœ, Pforzheim, commencement de 1306; de Accentibus et Orthograph. linguae hebr., 1306; de Verbo mirifico libri III, Tubing., 1514 et seq.; de Arte cabbal., Hag., 1517.

Ërasxne. L'humanisme en France, en Angleterre et en Espagne.

229. Plus illustre encore fut Dé.siré Érasme, à Rotterdam en 1467. Sa renommée s'étendait dans tous les pays. Après avoir achevé ses études chez les frères de la .Vie commune, il s'appropria par la lecture le style de Cicéron, publia des édi- tions de classiques et de saints Pères, écrivit avec élégance plusieurs ouvrages latins, et acquit une haute célébrité par ses bons mots, par ses satires contre les moines et les abus qui

36 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

régnaient dans l'Kglise, par sa culture classique, par les rela- tions qu'il noua pendant ses voyages en Angleterre, en France et en Italie, avec les principaux savants de son siècle. En 1496, il groupa autour de lui, à Cologne, un cercle d'humanistes, entre autres Barthélémy de Cologne, poète et philosophe, et Urtuin Gratins de Deventer, qui donna des cours sur les anciens classiques et les grammairiens latins. Il fit de même en d'autres villes, notamment à Venise et à Padoue, et fut honoré par un grand nomhre de princes.

Quoique prêtre depuis 1492, Érasme avait des mœurs toutes mondaines et souvent frivoles; il éclipsa tous ses contempo- rains par sa réputation de savant. Il inspira le goût des belles- lettres à un grand nombre de Français, d'Anglais et d'Espagnols, qui y étaient demeurés jusque-là étrangers.

En France, le grec ne fut enseigné que plus tard ; il le fut notamment par quelques Grecs établis dans les universités, tels que Grégoire Tiphernas, Jérôme, Andronic Castillus, mais surtout par Jérôme Alexandre (1489). Le latin était beaucoup plus cultivé. En Angleterre, les belles-lettres eurent pour pro- moteurs quelques jeunes hommes qui avaient étudié en Italie. L'introduction de la langue grecque trouva d'abord de l'oppo- sition à l'université d'Oxford, les partis des « Grecs » et des « Troyens » se combattaient avec acharnement ; les premiers finirent par l'emporter. Vers la fin de notre période, l'Angle- terre possédait dans le chancelier Thomas Vlorus, dans Fisher, évêque de Rochester, dans Jean Colet, professeur de théologie et doyen de Saint-Paul, des humanistes distingués.

En Espagne aussi, dans les dix dernières années du quin- zième siècle, la littérature grecque avait ses représentants. Deux chaires fiu'ont instituées à l'université de Valence pour la littérature grecque, et six pour la littérature latine. L'Espagnol Louis Vives (mort en 1540), philologue éminent, formait avec Érasme et le Français Guillaume Budée un glorieux triumvirat.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQCFvS CRITIQUES SUR LE 229.

Erasnii CoUoquia, Adagia, Ciceronianus, Moria; encomium, Enchiri- dion inititis cliristiani, Hatio verse theologiœ, Matrimonii christiani inslitiitio, Eoclesiastes, Epistolaf, Nov. Test, grœce, versio, annotalio- nes, paraphrasis Nov. Test., souvent réimprimé à part, éd. Basil., 1Ö40 cl seq.; Lugd. Bal., 1702 et seq., 10 in-f; Berol., 1778-1780, iii-S",

LA SCIENCE, l'AKT ET LA VIE RELIGIEUSE. 37

3 tomes. Müller, Erasmus v. H., Hamb., 1828; Richard, E ras m us v. R., Leipzig, 1870. De Louis Vives : Commentaire sur S. Augustin, du Civ. Dei; de Causis corruptarum artium, Antw., 1531 ; 0pp., éd. Basil., 1555; Valenc, 1782. De Guill. Budée : de Transita hellenismi ad christianismum. On disait qu'Érasme se distinguait « dicendi copia »; Budée, « ingénie » ; Vives, « judicio ». De Thomas Morus, l'ouvrage : De optimo reipublica? statu deque nova insula Utopia. Voy. Rudhardt, Thomas Morus, Nürnb., 1829; Thommes, Thom. Morus, Lordkanzler von England, Augsb., 1847 ; Henke, das hœusliche Leben des Thom, Morus, dans Sybels bist. Ztschr., 1869, t. XXI, p. 6o et suiv.

S»itaafion de l'hanianisnie vis-à-vis de la (héolog'ic et de l'Eglise.

Attitude bienveillante de l'Église et des théologiens en face de l'humanisme.

230. La nouvelle direction n'était pas en elle-même hostile à la théologie ni à l'Église, elle leur était au contraire favorable : aussi fut-elle appuyée des papes, des évêques et des théolo- giens. A Cologne, elle fut puissamment soutenue par Henri Mangold, prévôt et professeur de théologie scolastique; à Ingolstadt, par le célèbre théologien Jean Eck; à Heidelberg, par les professeurs de théologie et par le curateur évêque D.ilberg, qui fonda la première chaire de httérature grecque; par Reuchlin, qui y enseignait l'hébreu en 1498, et forma une riche bibliothèque.

En Italie, en Espagne et ailleurs, le clergé contribuait à la fois à répandre l'humanisme et à établir des imprimeries. Cer- tainement il les soutenait à bon droit. Les humanistes rendi- rent plus d'un service à la théologie, ne fût-ce qu'en rajeunis- sant sou style. Le Romain Paul Cortésius, protonotaire aposto- lique (mort en 1510), composa en quatre livres une Dogmatique dans le style de Cicéron et de Lactance, un Abrégé succinct des principales vérités de la foi, et des Theologumena ; le Véni- tien Jérôme Donat, un traité de la procession du Saint-Esprit, excellent et bien écrit, qu'il dédia à Léon X. Le beau langage fut également cultivé par Laurent Valla, professeur à Rome et à Naples (mort en 1465), qui écrivit de courtes mais superfi- cielles remarques sur le Nouveau Testament. La théologie pro- fita aussi des traités d'Érasme et de Reuchlin sur l'éloquence de la chaire, des ressources que l'on rencontrait alors pour l'étude

38 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de la langue hébraïque, des travaux entrepris sur le texte de la Bible et des Pères de l'Église, de la naissance de la critique historique. Ajoutez que la plupart des premiers grands huma- nistes se montrèrent fidèles à l'Église et à sa doctrine, recon- naissants de l'appui qu'ils recevaient des papes et des évêques. L'action simultanée de la culture humaniste et de la culture scolastique pouvait être fort utile à la science religieuse, aider à combler plus d'une lacune et à exploiter, dans de plus larges proportions qu'autrefois, l'antiquité au profit de la vérité reli- gieuse. C'était du reste l'intention des meilleurs humanistes, et ce but fut réellement atteint à bien des égards.

Écarts des humanistes.

231. Les humanistes malheureusement, surtout les laïques, exagérèrent l'importance des études classiques; dédaignant les lois sévères de la logique et la méthode rigoureuse qui distin- guait l'ancienne scolastique, ils tournèrent celle-ci en ridi- cule, surtout à cause de ses barbarismes. Imitateurs serviles des anciens, leurs idées, leurs mœurs s'imprégnèrent peu à peu de l'esprit païen ; ils se complurent dans les obscénités d'Ovide, qu'ils surpassèrent souvent dans leurs propres écrits, et fondèrent une littérature profondément immorale. Le style courait risque de perdre toute empreinte chrétienne, et la mythologie était en voie de tout supplanter. Les dogmes du christianisme furent dénaturés, conspués quelquefois; le scepti- cisme, l'épicurisme, l'incrédulité, firent invasion. Plusieurs humanistes élevaient Platon au-dessus des Apôtres, et les néo- péripatéticiens n'étaient pas eux-mêmes à l'abri de l'erreur et de la passion du doute.

Pierre Pomponat, professeur à Padoue et à Bologne (mort en 1526), disait ouvertement que les dogmes de l'immortalité de l'àme et de la Providence étaient plus que douteux au point de vue philosophique, mais qu'on pouvait les admettre au point de vue thcologique. Cette assertion fut condamnée par le cin- quième concile de Latran (huitième session). Déjà les prédica- teurs en étaient venus à citer en chaire les classiques au lieu de l'Ecriture et des Pères ; déjà l'éducation de la jeunesse était empoisonnée par l'esprit sans frein et lascif des humanistes va- niteux et avides do gloire. Quant à la morale, elle était ravalée

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 39

au niveau des païens, de Platon, d'Aristote, de Cicéron et de Sénèque. La politique était complètement séparée de la mo- rale; on en faisait une science impie, toute d'égoïsme et d'inté- rêt. Elle était représentée, sous une forme séduisante, par Machiavel, le célèbre historien de Florence (mort en 1530).

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N^^ 230-231.

J.-F. Bianco, die alte Univ. Cœlu, t. I, Cologue, 1835; Ennen, Gesch. der Stadt Cœlu, 3 vol., Cologne et Neusz, 18G9; Wiedemann, Joh. Eck, Ralisb., 1863; Zapf, Joli. v. Dalberg, Augsb., 1796; Nachtrag, Zurich, 1798; Falk, Wissenschaft und Kunst am Mittelrhein um 1450 (Hist.- pol. Bl., 1873, t. LXXVI, p. 329 et suiv.). Paulus Cortesius, in Senten- tias, qui in hoc opere theologiam cum eloquentia conjunxit, Rom., 1512; Bas., 1513. Comp. Jageniann, Gesch. der freien Künste, III, in, p. 219 et suiv.; Hiei'on. Donati, lib. de Process. Sp. S.; Mai, Vett. Scr. N. Coll., VII, n, p. 1 et seq.; Laur. Valla, Annotationes in N. T., ed. Erasmus, Par., 1305 et seq.; Revius, Amsl., 1631 ; Elegantiarum la- tinae liuguœ libri VI, et Dialect. libri III (injuste contre la scolastique); de Sammo Bono (morale sur une base païenne). Sur l'esprit d'un grand nombre d'humanistes : Reumont, Gesch. der Stadt Rom, III, j, p. 321, 330; Gregorovius, VII, p. 533 et suiv. II faut ranger dans la httérature immorale le Roman français de la Rose, fondé sur des réminiscences classiques (Schwab , Gerson, p. 697 et suiv.); les précoces effusions erotiques d'.Enéas Sylvius (Ép., I, 113); le dialogue de Valla « de Luxu- ria »; l'Hermaphrodite, d'Antonio BeccadeUi, écrit sous Eugène IV, condamné par ce pape, par Bernardin de Sienne, par Robert de Lecce, par Albert da Sarteano (Friedrich , Jean Wessel , p. 36 et suiv.); sans parler des « Facéties » de Poggio, répandues en vingt-six édi- tions et en trois traductions italiennes avant 1500 (Voigt, le Réla- bhssement de Tantiquité classique, IV, p. 223, en allem.); les écrits de PorceUo de Pandoni, de Filelfo (de Jocis et Seriis Convivia Mediolanen- sia Satyrœ) et de Leonardo Bruni, de Boccace, etc. Pomponatii lib. de Immortahtate animée, Bonon., 1316. Cf. Erasmi lib. XXVI, ep. xxxiv; Conc. Hard., IX, 1719 et seq.; Stœckl, III, p. 202 et suiv.; le Catholique de Mayence (febr. 1861); N. Macchiavelli Discorsi sopra la prima Décade di Livio il Principe = Storie Fiorentine, 0pp., 8 vol., Italia, 1873. Ont écrit contre lui : Possevinus, S. J., Judicium de Macchiavello ; Ribadeneira, S. J., de Principe christiano, adv. Macchiav. ceterosque hujus saec. politicos, Antw., 1603; Bozius Thom,, mort en 1610, Lib. un. contra Macchiav., Coloniae, 1601. Cf. Artaud, Machiavel, son génie et ses erreurs. Par., 1833, 2 vol.; Émue Feuerlein, zur Machiaveili- Frage, dans Sybels hist. Ztschr., 1868, t. XIX, p. 1 et suiv.

40 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Lutte des humanistes et des théologiens. Controverse de Reuchlin.

232. Aussi la lutte ne tarda pas à éclater entre les théologiens de l'ancienne école et les nouveaux savants, d'autant plus que les nominalistes, redevenus plus puissants, se montraient, con- trairement aux réalistes, hostiles à l'humanisme, et que les poètes sortis de la nouvelle école, dirigés dans une grande partie de l'Allemagne par le chanoine Mutian, à Gotha, acca- blaient de sarcasmes et d'injures tous les scolastiques sans distinction. Jacques Locher, d'Ehingen [Philomusos), publia, en 1506, à Nuremberg, un pamphlet contre les scolastiques ; Wimpfeling écrivit également contre eux, à l'instigation de Geiler. L'université de Cologne, strictement scolastique, diri- gée le plus souvent par des dominicains, résista aux change- ments que de Langen, prévôt de la cathédrale, avait en vue; celui-ci fut obligé d'en appeler aux savants d'Italie pour pou- voir introduire de meilleurs livres scolaires.

A Bâle aussi, quand il y parut pour la première fois, Reuchlin souleva contre lui les théologiens et les philosophes. Il y avait du reste des exagérations de part et d'autre ; chacune des deux écoles, l'ancienne comme la nouvelle, voulait dominer sans partage. En 1488, le jeune humaniste Hermann de Busche (né en 1468) entrait en dispute avec les théologiens de Cologne. Plus tard, la question des juifs excita une grande rumeur, et en 1.^10, on prit des mesures contre leur attitude insolente; il s'agissait surtout d'éliminer ceux de leurs livres qui étaient hostiles aux chrétiens et de les soumettre à un examen. Reuch- lin, qui exagérait la valeur des rabbins, prit la défense des Uvres juifs, tandis que les dominicains de Cologne, surtout J. Hogs- traten, puis en l.*S04 Pfefferkorn, juif baptisé, demandaient qu'on brûlât tous les livres des rabbins et combattaient le senti- ment de Reuchlin.

La lutte se poursuivit dans de nombreux écrits : le Miroir des yeux, publié en 1511 par l'irritable Reuchlin et hautement vanté par les juifs, fut réprouvé par les théologiens de Cologne, de Louvain et de Paris. Ces théologiens n'obéis-saient point à un fanatisme aveugle et à des motifs inavouables ; ils s'inspi- raient de leur zèle pour la religion et pour le bien général.

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 41

L'humaniste Ortuin Gratins soutenait lui-même en partie la cause des dominicains. Ces disputes firent bientôt oublier la querelle des juifs ; la lutte était tout entière entre les huma- nistes et les théologiens.

En ioi4, l'évèque de Spire, commissaire du pape, se prononça en faveur de Reuchlin ; le Saint-Siège, malgré toutes les sollicitations, ne modifia pas jusqu'en 1519 le jugement pro- noncé. On voulait épargner Reuchlin, parce qu'il aurait fallu condamner différents endroits de ses écrits, si l'on avait voulu porter un jugement complet et définitif.

Cette victoire remportée sur les dominicains, les humanistes l'exploitèrent à leur façon et répandirent contre leurs adver- saires une multitude d'écrits malicieux, surtout les Lettres d'hommes obscurs, rédigées sous une forme mordante et sati- rique (1516). Dans ces lettres, Ulrich de Hütten, homme aussi immoral que plein de talents, Crotus Rubeanus, etc., se déchaî- naient contre les moines et contre l'autorité du pape.

Quand cet écrit scandaleux, qu'on attribua à Ortuin Gratins pour se venger de lui, eut été condamné à Rome (15 mai 1517), une seconde série de lettres fut publiée dans le même esprit. C'était un puissant appui donné aux nouveautés dogmatiques qui commençaient à se faire jour.

OUVRAGES A COiNSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 232.

Zarncke, Seb. Brants NarrenschiflF. , Leipzig, 1864, XX; Vischer, Gesch. der Univ. Basel., ibid., 1860, p. 139. Écrits de controverse : Continentur in hoc opusculo a Jac. Locher Philomuso facili syntaxi concinnato vitiosa sterilis Musae ad Musam roscida lepiditate preeditam comparatio, currus sacra? theologiae triumphalis ex Vet. et Nov. Test, ornatus, elogia quatuor doctorum Ecclesiee cum epigrammatibus et duabus prpefationibus. Dans le sens opposé : Contra turpem libellum Philomusi defensio Ibeologiee scholasticse. Contre Beuchlin : Pfeffer- korn, de Judaica Confessione, Colon., 1Ö08; de abolendis Scriptis Ju- daeorum ; de Ratione celebrandi Pascha apud Judœos; Hogstraten, 0. Pr., Destructio cabbalae seu cabbalisticse perfidiae adv. Reuchl., Antw., 1518; Contra Dialog, de causa Reuchl. et Apol. c. Reuchl., v. d. Hardt, Hist. lit. Reform., part. II, Francof., 1717. Reuchlin : Oculare Spéculum pro libris Judœorum non cremandis. Contre cet ouvrage, les universités de Cologne et de Paris, du Plessis d'Arg., I, i, p. 349-351 ; ibid., p. 351 et seq. La décision de l'évèque de Spire, 24 avril 1514. (Hütten) Triumphus Capnionis (Reuchlin), 1519. Epistolse obscurorum

42 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

virorum, lib. I, Hagen., 15i6; I, II, Basil., 1317; cd. Milnch., Lips., 1827; Rotermund, Hann., 1830; Bœcking, Lips., 1858. Gratius : La- mentationes obscurorum virorum, éd. Bœckiug, Lips., 1863; Weislin- ger, Iluttenus declaratus, c'est-à-dire, renseignements véridiques sur l'édition des « Epistol. obscur, viror. », Constance, 1730; Mohnike, Ztschr. für bist. Theol., 1843, III; Ulrici Hutt. 0pp., éd. Boecking, Lips., 1839 et seq.; Dav. Strausz, Ulrich v. Hütten, Leipzig, 1858 et suiv., 3 vol. Sur Crotus Rubeanus, voy. Dœllinger, die Reformation, I, p. 138 et suiv.; Rsesz, Convertiten seit der Reform., I, p. 95 et suiv. Sur l'ensemble, voy. Janssen, II, p. 37 et suiv.

liCS études hisloriffiics.

Travaux historiques.

233. L'humanisme et l'invention de l'imprimerie contribuè- rent puissamment à propager et à vivifier les études histo- riques. D'excellentes chroniques continuaient d'être rédigées dans les monastères et dans les villes, principalement en Alle- magne, en Italie et en Angleterre, par les bénédictins (Ranulph Hygdeu, mort en 1363, et ses continuateurs, puis Thomas Wal- singham), les dominicains et les carmes; eu France, par les moines de Saint-Denis, par Jean Froissart, par Robert Gaguin (mort eu 1503), général des tertiaires, etc. 11 faut signaler surtout la Chronique universelle de Henri d'Herford (mort en 1370), qui s'étend jusqu'en 1355.

En Italie, la Chronique florentine de Villani fut jugée digne d'être comparée à un travail d'Hérodote. Saint Antonin, arche- vêque de Florence; iEnéas Sylvius Piccolomiui, secrétaire d'Eugène IV; Flavius Blondus (mort en 1458); le cardinal Jacques Amaunali, de Pavie (mort eu 1479); Bembo; Bernardin Corius, de Milau; Poggio Bracciolino, de Florence; Laurent Valla, critique renommé; les historiens Platina, Guichardiu et Machiavel, non irréprochables, mais habiles, ont également bien mérité de l'histoire.

L'Allemagne pouvait citer comme promoteurs des travaux historiques .\lbcrt de Strasbourg, Théodoric de Niem, Nicolas de Cusa, Gobelin Persona et une foule d'humauistes. Philippe, comte palatin, initié aux sciences, s'efforça de les favoriser à l'université d'Ueidelberg. Il décida Rodolphe Agricola à com-

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 43

poser une histoire du monde, et il encouragea l'abbé Jean Tri- thème de Sponheim à établir une imprimerie spéciale pour publier les sources de l'histoire de l'Allemagne. Trithème aussi a rendu de grands services aux études historiques. Non content d'avoir donné, dans son ouvrage sur les auteurs ecclésias- tiques, enrichi plus tard de onze cent cinquante- cinq articles (1508-1513) par son disciple Jean Butzbach, prieur de Laach, aidé de Jacques Sibert, le premier dictionnaire universel à l'usage des savants, on lui doit le catalogue des hommes illustres de l'Allemagne, et ses Annales d'Hirsau sont une excellente col- lection de sources, malgré quelques erreurs partielles. Dans les dernières années de sa vie, il chargeait encore le moine Paul Lang de recueillir des matériaux pour une grande histoire d'Allemagne. En 1500, lorsque Geiler fit venir de Bàle à Stras- bourg Sébastien Brant en qualité de conseiller- syndic et décida Jacques Wimpfeling à passer plusieurs années dans cette ville, ces deux hommes formèrent une société pour l'avancement des études historiques dans leur pays. Wimpfeling composa une histoire des évoques de Strasbourg et un abrégé de l'histoire d'Allemagne. A Nuremberg, Hartmann Schedel; à Augsbourg, le bénédictin Sigmoud Meisteriin et Conrad Peutinger ; à Col- mar, le chanoine Sébastien Murrho; à Cologne, le prieur des chartreux Werner Rolewinck (mort en 1502) , qui s'occupa aussi de commentaires sur l'Écriture sainte et de l'éducation du peuple; à Hambourg, le chanoine Albert Crantz, travaillèrent également avec succès.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 233.

Ci-dessus, § 1 et suiv.; Janssen, I, p. 87 et suiv., 98, 116 et suiv.; Horawitz, Nationale Geschichtschreibiing im XVI Jahrh., dans Sybels hist. Ztschr., 1877, t. XXV, p. 66 et suiv.; Natal. Alex., sfec. XIV, c. V, art. 3, n. 12 ; art. 6, n. 4 et seq.; t. XV, p. 288, 293 et seq.; ssic. XV, c. IV, art, 6, t. XVII, p. 341 et seq. Essai critique de Laur. Valla, de ementita Const. M. donatione, in 0pp., Basil., 1540, 1543 et seq.

Les études biblîqaes.

Progrès de l'exégèse biblique. Nicolas de Lyre. Testat. La première Polyglotte.

234. Depuis longtemps les Latins surpassaient les Grecs par

44 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

le nombre de leurs travaux; ils arrivèrent insensiblement à une étude plus approfondie de la Bible et surtout à une recherche plus exacte du sens littéral, en limitant l'interpré- tation allégorique et morale. L'université de Paris, du temps de Gerson, condamna la proposition suivante : « Le sens littéral de l'Ecriture n'est pas toujours vrai. » Elle maintint l'explica- tion donnée par l'Église aux passages messianiques, et con- damna en 1497 cette assertion que le verset 7 du psaume xxi ne se rapporte à Jésus- Christ que dans le sens allégorique et non dans le sens naturel.

Quelques savants continuaient de se livrer à d'utiles travaux sur l'Écriture sainte. Le dominicain Conrad d'Halberstadt (1300-1320) publia une concordance abrégée et corrigée de la Bible, qui fut ensuite revue par Jean de Raguse et Jean de Ségovie. Les commentaires de juifs espagnols sur l'Ancien Testament, les chaires de langues orientales instituées par Clément V (1311), les travaux de quelques juifs convertis, fami- liers avec les langues, fournirent de grandes ressources pour l'explication de l'Écriture d'après le texte original.

Une grande célébrité s'attache au nom de Nicolas de Lyre, juif converti, franciscain, professeur de théologie à Paris, pro- vincial de son ordre dans la Bourgogne (mort en 1341). Il com- posa, sous le titre de Postille, des éclaircissements sur le texte de la Bible, qui passèrent dans d'autres gloses de l'Écriture. "Versé dans la langue hébraïque, il utilisait les commentaires des rabbins, et s'efforçait d'expliquer le texte dans le sens grammatical et historique. Presque tous les exégètes qui sont venus après lui, l'ont mis à profit. Les plus éminents d'entre eux sont des Espagnols. Salomon vi, rabbin converti, qui échangea son nom contre celui de Paul de Burgos, dont il devint évêque (141o-li35), augmenta et corrigea la Postille de Nicolas de Lyre, tandis que Matthieu Döring, franciscain de Saxe, publiait une Réplique pour défendre son confrère.

Paul eut pour successeur sur le siège épiscopal de Burgos son fils Alphonse, également instruit (1435-14f)6). Un autre exégète fameux fut Alphonse Tostat, docteur de Salamanque, honoré par Eugène IV d'un canonicat et de la dignité de scolas- tique, évêque d'Avila en 1449 (mort en 1455). 11 écrivit des commentaires sur le Pentateuque, sur d'autres livres historiques

LA SCIENCE, i/aRT ET LA VIE RELIGIEUSE. i3

(le rAncien Testament et sur saint Matthieu. On admire en lui, avec une érudition étendue, une réfutation solide des objections qui avaient cours alors parmi les juifs d'Espagne. Xi menés les fit imprimer à ses frais en 1502. On reprochait cependant au savant exégéte de suivre les Grecs en ce qui regarde l'anticipation de la dernière Cène du Sauveur; déplacer la mort de Jésus-Christ au 3 avril; d'enseigner que, s'il n'y a point de péché irrémissible, Dieu cependant n'absout pas de la peine ou do la dette, et que personne ne peut en absoudre ; d'être favorable, dans quelques endroits, aux doctrines de Bàle sur le pape et le concile.

L'augustin Jacques Ferez, de Valence (mort en 1491), com- posa des commentaires sur les Psaumes, sur le Cantique des cantiques et contre les juifs. D'autres fournirent des travaux analogues. Le cardinal Ximénès fit préparer par une société de savants, entre autres par Antoine de Lérija(mort en 1552), sur un plan grandiose, la première Bible polyglotte (Complutensis), en six volumes in-folio, contenant les textes latins et grecs, hébreux et arabes, et autres textes orientaux, avec des diction- naires et des grammaires : œuvre vraiment admirable pour cette époque.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 234.

Sur le sens littéral de l'Écriture : Gerson, de Sensu lit. S. Script., t. 1; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 209, cf. p. 183, c. i; ibid., p. 336, le décret du 15 avril 1597 sur le ps. xxi, 7; Conrad de Halberstadt, etc.; A. Sixtus Sen., Biblioth. sancta, lib. IV; Vossius, de Hist. lat., III, xi; Nicolaus Lyranus (doctor planus et subtilis, ou Posliilator) : Postillse perpétuée in Biblia, Hom., 1471, t. V et seq., et Colon., Venet., No- rimb., 1492, éd. Feuardent, et al. Lugd., 1590. On disait de lui : « Si Lyra non lyrasset, Lutherus non saltasset ; » ce que les Allemands tra- duisaient ainsi ; « Si Lyre n'avait pas joué de la lyre, Luther n'aurait pas moins été en fête » ; ou : « Si Lyre n'avait pas joué de la lyre, Luther n'eût pas été d'humeur à danser. » Luther sur lui : Walch, I, p. 340 et suiv. Voyez encore le Catholique, 1859, p. 934 et suiv. Pau- lus Burgeusis, Additiones et Emendationes ad Postillas, 1429; le con- traire dans Matlh. Döring : « Replicœ defensivse postillse ab impugna- tionibus Domini Burgensis », ou « Correctorium corruptorii Burgen- sis ». Alphons. Testatus, Comment., Venet., 1502 et seq., 13 vol.; Venet., 1728 et seq., 24 vol. Son épitaphe : « Hic Stupor est mundi, qui scibile discutit onine. » Plaintes contre lui : Rayn., an. 1443, n. 24; Spondan., an. 1447; du Plessis d'Arg., II, i, p. 240-242. Voy.

46 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Janus, p. 403, et Anti-Janus, p. 169, n. 47. Sur la Polyglotte d'Alcala, voy. l'introduction à l'Écriture sainte, Bibiia sacra, V. T, multiplici lingua nunc primum impressum, t, I-V ; N. T., t. VI, Compluti, 1514- 1517 et seq.; Flécliier, Hist. du card. Ximénès, Par., 1643, t. II, en allem, par Fritz, Würzb., 1828; J. de Marsolier, Hist. du ministère du card. Ximénès, Toul, 1694; Héfelé, der Card. Ximenes, Tüb., 1844, p. 120-158.

Orientalistes en Italie et en Allemagne. Érasme et Le Fèvre d'Ëtaples.

235. De même que l'Espagne, l'Italie possédait au quin- zième siècle d'excellents orientalistes, comme Pierre Rossi de Sienne, Jacques Philippe de Bergame, Jean Pic de la Miran- dole, Manetti, Giavozzo, Palmieri, puis Tesio Ambrogio, qui obtint de Léon X la chaire des langues orientales à Bologne. Augustin Giustiniani travailla à une polyglotte sur le Psau- tier ; dès i477 une Bible hébraïque était imprimée en Italie. Le dominicain Thomas de Yio, surnommé Cajétan, cardinal en 1517, donna sur la Bible de riches commentaires, mais défigurés par une foule de fautes et d'opinions singulières. Les Postules abondaient partout : celle du dominicain Nicolas de Gorram était fort en vogue dans le quatorzième siècle; il en fut de même au quinzième, en Allemagne, de celles des professeurs de Vienne Henri de Hesse, Nicolas do Dinkelsbühl (mort en 1433), et de Thomas Hasselbach (mort en 14-6-i). Chez les Allemands, l'étude de l'hébreu fut particulièrement activée par Renchlin ; mais déjà de son temps et en partie avant lui, elle était cultivée par le dominicain Pierre Schwarz, qui publia en 14.77 une introduction grammaticale à cette langue; par Rud. Agricola, qui traduisit les Psaumes sur le texte primitif; par Grégoire Reisch, à Fribourg, Summenhart et Paul Scrip- toris, à Tubingue ; par Conrad Pélican.

En 1505, le savant théologien Eck, disciple de Reisch pour l'hébreu, appela comme professeur d'hébreu à Ingolstadt Jean Bœschenstein, qui s'y était formé indépendamment de ReuchUn et de Pélican. On étudiait également l'hébreu à Mayence, à Cologne, à Xanten, à Colmar et ailleurs. Cependant le diction- naire et la grammaire de Reuchlin surpassaient tous les tra- vaux antérieurs.

Les œuvres d'Érasme, formé sur les classiques, mais trop

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. -i?

peu familiarisé avec le dogme, servirent aussi à l'étude de la Bible. Érasme s'occupa d'une nouvelle édition du texte grec du Nouveau Testament, qui parut pour la première fois en 1516. Cette édition, combinée avec celle d'Alcala (Complutensis), a servi de modèle au texte reçu. Érasme y joignit aussi des remarques et une paraphrase, en mettant à profit les exégètes grecs.

En France, Jacques Le Fèvre d'Étaples {Faber Stapulensis, mort en 1537) contribua aussi à ramener les esprits à une étude plus exacte de la Bible. Ses commentaires sur le Psautier et sur le Nouveau Testament n'étaient pas sans valeur, mais sa critique hardie lui attira plus d'une censure. Il doit la meilleure part de sa gloire à une traduction française de la Bible (achevée seulement en 1523).

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 23Ö.

Tiraboschi, VF, p. 590 et seq.; VII, i, p. 1067; Cajétan, Com. in V. et N. T., éd. Fi-ancof., 1639 et seq., 5 vol.; Natal. Alex., S£ec. XVI, c. v, art. 2, n. 2, t. XVII, p. 363 et seq. Éditions italiennes de la Bible : Psal- terium hebraicum, Bonon., 1477; Biblia hebr. intégra Soncini, 1488 et seq.; ed. Brix., 1494, in-4° (utilisée par Luther). En 1317, commencent les belles éditions de la Bible par David Bromberg, à Venise, avec le concours du juif Félix de Prato : éd. Ven., 1517, 1521, 1528; Biblia rabbinica, 1518, 4 vol. in-f°, 2^ éd., par Jacques ben Cbajim, 1323; Mcolaus de Gorram, Postilla in Psalter, et Job, in Pauli Epp., in Matth. et Job.; Natal. Alex., t. XV, p. 291, saec. XIV, c. vi, art. 4, n. 8 (plusieurs manuscrits dans les couvents d'Allemagne, notamment les manuscrits du chapitre de Saint-Florian, p. 4, 7, 15, etc.); Henric. ab Hassia jun., Com. in Genes.; Nicol. de Dinkelsbühl, 0pp., éd. Argent., 1316; Aschbach, Gesch. der "Wiener Univ., p. 430 ; Thomas de Hassel- bach, Janssen, I, p. 79. Études hébraïques en Allemagne : Mœhler- Gams, m, p. 21 et suiv.; Geiger, das Studium der hebr. Sprache in Deutschland vom Ende des XV bis zur Mitte des XVI Jahrb., Breslau, 1870. Grammaires hébraïques par des dominicains, avant Reuchlin : Schellhorn, Amœnitat. liter., XIII, 206 ; Wachler, Hdb. des Gesch. der Lit., Frkf., 1823, II, p. 212. Érasme, ses travaux bibliques : N. T., Basil., 1516 (dédié à Léon X), ed., 1519; Paraphrasis N. T., 1522. Faber Stapul. : Psalterium quinluplex, Paris., 1509; Com. in Epp. Pauli, Par., 1512; in IV Evang., Meld., 1322; la Bible, Antw., 1330. Cf. Ri- chard Simon, Hist. crit. des principaux commentaires du N. T.; Ro- senmüller, Hist. Interpret. libr. sacr. in Eccl. christ., 2a ed., Lips., 1814, 3 vol.; Meyer, Gesch. der Schrifterklœrung, Gœtt., 1802 et suiv., 5 vol.

4^8 HISTOIRE DB l'ÉGUSE.

Traductions de la Bible en langue vulgaire.

236. A la fin de cette période, la plupart des nations chré- tiennes possédaient des traductions en langue vulgaire des principaux livres de la Bible. Ces traductions, l'Église ne les défendait point aux fidèles, quand les intérêts de la foi et le progrès régulier du peuple n'exigeaient pas de restrictions. Ce qui n'avait pas été possible jusqu'alors à la plupart des particuliers, le devint par l'invention de l'imprimerie. Alors la Bible fut lue avec avidité, même des ignorants et des femmes, et les Bibles imprimées trouvèrent un rapide écoule- ment. Beaucoup d'enfants lisaient les Évangiles et autres livres de la Bible, et les apprenaient par cœur ; on fondait des bourses pour ceux qui se destinaient à l'étudier pendant plusieurs années. Mais on avait soin, comme dans la Bible de Cologne (1470-1480), de recommander aux fidèles de lire ce livre sacré avec humilité et dévotion, de ne pas juger ce qu'ils n'enten- daient point, et de tout interpréter dans le sens de l'JÈglise. D'autres fois, comme dans la Bible de Lübeck de 1494, on ajoutait aux passages obscurs des remarques tirées de Nicolas de Lyre.

Après la Bible de Fust publiée à Mayence de 1451 à 1455, depuis 1460 à 1517, par conséquent avant Luther, l'Allemagne possédait quatorze Bibles complètes traduites en haut allemand et cinq en bas allemand. En Italie, une Bible populaire fut im- primée en 1471, par Malermi, et fut suivie de plusieurs autres : de sorte qu'avant 1550 il y avait en Italie trente-six éditions de la Bible complète et trente-cinq éditions de parties détachées, principalement du Psautier et du Nouveau Testament. L'intel- ligence de la Vulgate latine y était fort répandue. En France, on compte neuf éditions jusqu'en 1524. Une Bible espagnole parut dès l'an 1478 à Valence.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 236.

Principes pour les traductions de la Bible : Malou, de la Lecture de la Bible en langue vulgaire, Louv., 1846; en allem., Ratisb., 1848, 2 vol. Leur nombre : Le Long, Bibliollieca sacra in binos syllabos distincta, Faris., 1723, in-t'°, 2 l.; Hain, Hepertorium bibliogra])li., Sluttg., 1820 el seq., n. .3129-3143; Keusz, Gescli. der hl. Scrift des N. T., éd., Braunschw., 1864, p. 440 et suiv.; Janssen, I, p. 44 et suiv.; Panzer,

LA SCIENCE; l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 49

làt. Nachrichten von der allerœltesten gedruckten deutschen Bibel, Nürnb., 1774; Gesch. der rœm-kath, deutschen Bibel, Nürnb., 1781; Kehrein, zur Gesch. der deutschen Bibelübersetzung vor Luther, Stuttg., 1851; Alzog, die deutschen Plenarien, Friboui'g, 1874, p. et suiv. Bibles italiennes : voy. Biblioteca degli autori greci e lat. vol- garizzati di J. M. Paitoni, t. V.; Civiltà cattolica, 4 maggio 1861, sér. rv, vol. X, p. 266. Sur la France : Manuel du libraire ; Pérennès, Dict. de bibl. cath.. Par., 1858, t. I ; Mœhler-Gams, III, p. 57, n. 2.

La prédication et l'instruction da peuple. La prédication.

237. Nous trouvons dans tous les États chrétiens d'excellents prédicateurs, dont un grand nombre, comme Vincent Ferrier (mort en 14-19), dominicain espagnol, se faisaient entendre chez différentes nations. En Italie nous remarquons surtout : l'ermite de Saint- Augustin Simon de Cassia (mort en 1348), saint Ber- nardin de Sienne et ses confrères Albert de Sarteano (depuis 1415 franciscain de l'étroite observance) et Jean de Capistran (né en 1380, mort en 1430), le Mineur François de Platea (mort en 1400), également célèbre comme canoniste, les dominicains Venturino de Bergame (vers 1333) et Jérôme Savonarole, puis Gabriel Barletta (1470), Antoine de Verceil (1480), Bernardin de Bustis, Michel de Milan, Bobert Caracciolo; en France : Nicolas de Clémange, Jean Gerson, le Mineur Olivier Maillard.

L'Allemagne comptait parmi ses principaux orateurs de la chaire : les frères prêcheurs Nicolas de Strasbourg, Jean ïauler, Henri Suso (Seuse), et plus tard Heynlin de Stein, à Berne; le franciscain Pelbart (1490). A Mayence prêchaient avec beaucoup de succès Ange de Brunswick (mort en 1481), Jean de Lauteren, Gabriel Biel, l'évéque auxiliaire Sifrid, de l'ordre des Prêcheurs ; à Oppenheim (149Ö), Jean Godefroy d'Odernheim, auteur de nombreux sermons et d'une traduction allemande de la Cité de Dieu de saint Augustin ; à Passau, le chanoine et docteur Paul Wann. Beaucoup de nouvelles charges de prédicateur furent établies; les sermons tant du matin que du soir étaient assidûment fréquentés, et dans beaucoup de diocèses d'Allemagne, à la fin de cette période, il y avait plutôt excès que manque de prédication.

C'était un orateur singulièrement original que Jean Geiler V. msT. DE l'église. 4

50 msTOiRE DE l'église.

de Kaisersberg, en 1445, qui, après avoir professé à Bâle et à Fribourg, prêché à Wurzbourg, passa ensuite trente-six ans à Strasbourg, et mourut en 1510. On vantait principalement les sermons qu'il prononça contre les vices et les défauts des différent états, à propos d'un poème à la fois didactique, reli- gieux et satirique, qui parut en 1494 et qui devint bientôt popu- laire, — la Nef des fous, par Sébastien Brant de Strasbourg (né en 4457, professeur des deux droits à Bàle en 1489). Geiler, comme la plupart des autres prédicateurs, écrivait en latin le canevas de ses sermons et prêchait dans la langue du peuple. On continuait de publier des traités sur la prédication et des recueils de sermons. Nous en devons aux dominicains Jean de Geminiano (1310), Jean de Fribourg, Jean Herolt; aux francis- cains Henri ilerp et Jean Meder, à l'augustin Gottschalk Hol- len, à Deuys le Chartreux, au curé de Bàle Jean Ulric Surgant, au curé d'Ulm Ulric Krafft, aux chanoines Paul Wann et Michel Lochmayer, à Gabriel Biel, etc. Déjà quelques-uns, comme, par exemple, Gerson, récitaient VAve Maria à la un de l'exorde.

ODVKAGES A CONSULTER SUR LE 237.

Heller, Vincenz Ferrer., Berl., 1830. Sur Simon de Cassia : Trithemius, dans Natal. Alex., sœc. XIV, cap. v, art. 4, n. 3, t. XV, 289. Capistran, Armand Hermann, 0. S. F., Capistranus triumphans, Colon., 1700, en allem., Munich, 1844; Bonner Ztschr., li. xxi, xxii. P. Savonarola, Triumphus cruels, Flor., 1497, iu-4° ; in Orat. Domin. expositio qua- druplex, Paris., 1517, etc. 168). Barletta, Serm. quadrag., etc., Venet., 1577, t. 11; Ammon, Gesch. der Homiletik, I, p. 353 et suiv.; Daniel, Theol. Controversen, p. 73 e.t suiv., 80 ; Mœhler-Gams, 111, p. 71 et suiv.; Kerker, dans Tüb. theol. Quartalschr., 1861 et 1862, t. XLIll, p. 373 et suiv.; t. XLIV, p. 267 et suiv. Sur les prédicateurs français, voy. Schwab, Gerson, p. 376 et suiv. Sermons de Nicolas de Strasbourg, dans Moue, Anzeiger für die Kunde der deutschen Vorzeit, 1838, p. 271 et suiv.; lloümann de Fallersleben, Altteusche Blsetter, II, p. 165 et suiv.; Pfeilfer, die Mystiker des XIV Jahrb., Leipzig, 1845, t. 1 ; Job. Taulers Predigteu in die jetzige Schriftsprache übertragen, von Schlosser, Fraukf., 1825, 2 thle., d'après l'édition de J. Arnd et J. Spener, od. de Kunze et Biesentbal, Berlin, 1841, 3 thle.; Schrœckh, K.-G., t. XXXUI, p. 482 et suiv. Sur les prédicateurs de Mayence : Eysengrein, Catai. testiuni veritatis, Diling., 1565, in-fo, 172 et seq.; Falk, dans les Hist.-pol. Bl., t. LXXVI, p. 329 et suiv. De Paul Wann, nombreux manuscrits dans les couvents (par exemple, les manuscrits de

LA SCIEIÎCE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 51

la bibliothèque du chapitre de Saiat-Florian, Linz, 1871, p. 45, 6ö, 93 et suiv., 101, 133). J.-B. Rhenanus, Joh. Geileri Vita, ap. Ricgger, Amœuit. lit., Frib., Ulm, 1775, fasc. I, 56 et seq.; Ammon, Geilers v. K. Leben, Lehren und Predigten, Erlangen, 1826. Hist.-pol. Bl., 1861 et suiv., t. XLVllI, p. 037 et suiv., 721 et suiv., 949 et suiv.; t. XLIX, p. 33 et suiv., 390 et suiv. Sun testament édité par Rœhrig, dans Niedners Ztschr., 1848, p. 572 et suiv. Dacheux, la Prédication avant la Réforme, dans la Revue cathol. de l'Alsace, 1863, p. 1-9, 58-67. et Geiler de Kaysersberg, ibid., 1863-1870, en 12 articles. Ses sermons : Weltspiegel, d. i. Predigten über Sebastian Brants NarrenschiiT, Bàle, 1574, et souvent (.Narrenschilf, éd. Fr. Zarncke, Leipzig, 1834; éd. Simrock, Berhn, 1872; K. Gœdecke, Leipzig, 1872; lat., Navicula sive Spéculum fatuorum a Jac. OtherocoU., Argent., 1510, in-4°, en allem., ibid., 1520). Joh. de Geminiano, 0. Pr., Summa de similitudinibus rerum, recommandé par saint Antonin, Chron., part. III, c. xxiu, § 11; Natal. Alex., saec. XIV, cap. v, art. 1, n. 2, t. XV, p. 270; Joh. Fnburg., Summa praedicatorum et confessorum, Lugd., 1318; Jean Herolt, Discipulus de eruditioue tidelium. Argent., 1490. Autres : Jans- sen, I, p, 30; Nicol. de Nyse, Gemma prsedicantium, Basil., 1308. Ave Maria chez les prédicateurs : Schwab, Gerson, p. 401.

Livres d'instruction et d'édification.

238. Plusieurs conciles (par exemple, le concile de Tortosa en 1429, can. vi) recommandèrent aux évêques de faire com- poser, à l'usage de la classe inculte, des abrégés de la religion chrétienne méthodiquement distribués. Gerson écrivit en latin, pour les prêtres et les ignorants, un opuscule en trois livres, il traitait de la foi et des commandements, de la confession et de l'art de bien mourir ; cet opuscule, traduit en français, fut aussi traduit en allemand (par Geiler). Le Miroir des chrétiens, par Théodoric Kœlde, de Münster, imprimé en 1470, était à la fois un catéchisme et un livre de prières. Etienne Lanzkrana, à Vienne (mort en 1477), composa le Chemin du ciel; Jean Wolff, chapelain à Francfort-sur-le-Mein, rédigea un livre de confession pour les enfants et les adultes (1478). Les Pléniers, qui contenaient, outre les épitres et les évangiles de l'année, les prières de la messe et différentes instructions; les Bibles des pauvres, les catéchismes simples, les catéchismes illustrés pour l'instruction du peuple, les explications des articles du Symbole (comme celle qui fut imprimée à Ulm en 1483), les miroirs des

52 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

pénitents, les livres de prières et d'édification de toute espèce, tels que la Consolation des âmes, souvent réimprimée (1474- 1491) ; le Jardinet des âmes, répandu en latin et en allemand; le Trésor ou Écrin du vrai salut (1491), tous ces ouvrages étaient fort nombreux.

De même qu'on publiait à l'usage des prêtres moins instruits des manuels [Maiiuale sacerdolum, de Surgant, 1503), des instructions particulières pour le confessionnal (de Guillaume de Cajoco (1369), des dominicains Jean de Fribourg et Jean Nider (mort en 1438), du franciscain Barthélémy de Chaimis, vers 1478, etc.), ou composait aussi pour le peuple, depuis la propagation de l'imprimerie, une multitude de livres sur la foi, sur la pénitence et la réception des sacrements. Le livre de l'Imitation de Jésus-Christ fut souvent édité en langue vul- gaire; le Guide des âmes, le Jardinet des âmes, le Combat spirituel (1503), d'Ulrich Kraift, étaient extraordinairement ré- pandus. On recommandait aux familles d'élever chrétiennement leurs enfants, ainsi que le faisait Sébastien Brant, mort eu 1521. En Italie, Mapliée Végius composa à Rome (1457) six livres sur l'éducation de la jeunesse; eu Allemagne, Wimp- feling était renommé comme pédagogue. Les Allemands pos- sédaient vers 1470 un grand nombre d'écoles populaires libres pour les deux sexes ; les maîtres étaient honorés, la discipline était généralement très sévère.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 238.

Exhortations au clergé concernant l'instruction du peuple : Couc. Mogunt., 1310, c. i; Vaurensc, 1368, c. i ; Basil., 1433, sess. XV; Revue cath. de l'Alsace, 1863, p. 6 et seq.; Tübinger Quartalschrift, 1861, p. 373 et suiv.; Gerson, Opusc. tripartitum de prœceptis Decalogi, de confessioue et de arte moriendi, 0pp. 1, 425 et seq.; Schwab, p. 683 et suiv.; Theodorich Kœlde, « Kresten-Spiegel ». Voy. Nordholi', dans Picks Monatschrift für rheinisch-westphsel. Geschichtsforschung Jahrg., I h., 1 et suiv., Bonn, 1875; Binterim, Deutsche Conc, VII, p. 564; Trithem., de Script, eccl., n. 950; Fabric, Bibl. eccl., II, 228; Mœh- ler-Gams, III, p. 80 et suiv.; Hasak, der christl. Glaube des deutschen Volkes beim Schlüsse d. M., Ratisb., 1868; Brück, der relig. Unter- richt für Jugend u. Volk in Deutschland in d. zweiten Haelfte d. XV Jahrb. (A. d. Kath.), Mayence, 1876; Moufang, die Mainzer Katechismen von Eründung der Buchdruckerkunst bis zum Ende des XVIII Jahrb., Mayence, 1877. Die « Hyraelstrasz », édit. d'Augsb. de 1484 (voy.

LA SCIENtE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 53

Hasak, p. 268 et suiv,). J. Woltï, « Vor die anhebenden Kynder und ander zu Lichten », Francf.-sur-le-M., 1478. Pléniers d'Augsbourg, 1480;*d'ürach, iiSl ; de Strasbourg, 1483 et suiv, : Alzog, die deutschen Plenarien im XV und zu Anfang des XVI Jahrb., Frib., i874; Hist.-pol. Rl., 1876, I, p. n et suiv.; Geffcken, der Bilderkatechismus des XV Jahrb. nach Cod. Heidelb. 438 mitgetbeill, Leipzig, 1855, in-4°. Cf. Augsb. Allg. Z., 14 juillet 1857, Beil., n. 19ö; G. Heyder, die Darstel- lungen der Biblia pauperum in den Handschriften des XIV Jahrb., Vienne, i863 ; Biblia pauperum, avec éclaircissements par Laib et Schwarz, Zurich, 1867; Huland, zur Gesch. der bildheben Darstellung als Unterrichtsmittel (Chiliaueum, 1862, I). Guillaume de Cajoco (Cayeux, Picardie, vers 136!(), Summa confessorum (en plusieurs ma- nuscrits, par exemple, celui de Saint-Florian, p. 67). Jean de Fribourg (Eccard, I, 523), de lustructione confessorum (ibid., p. 51, 58]; Barthol, de Chaimis, Interrogatorium seuConfessionale, llogunt., 1478; Modus contitendi. Argent., 1508; Tract, perutilis de administr. sacram., ib., 1499 ; Manipulus curatorum, par maître Guido de Monte Rotheri (Busse, il, p. 280. Saint-Florian, Cod. XI, 92, 112, 132, p. 40, 52, 63). Jean Nider, Prseceptorium divinœ legis. Argent., 1473; Explicatio Decalogi; Manuale confessorum (plusieurs manuscrits , par exemple , celui de Saint-Florian, p. 68, 132, 326). Herold, Discipulus de erudilione fîde- liuni. Argent., 1490; J.-Ij. Surgant, Manuale curatorum, Arg., 1506. Henri d'Erp, 0. S. F., mort en 1478 à Malines, Spéculum aureum, Mog., 1474. Le « Dormi secure » parut en 1484; la « Summa rudium », en 1487, à Reuthngen. Jean de Bromyard, 0. Pr., mort en 1410, Dictiona- rius pauperis. Par., 1498. Plaintes à ce sujet dans Wimpfeling, Kliipfel, Vita Conr. Celtis. Frib., I, 172. Plusieurs éditions dans Panzer, Annal, typograph., t. V, H ; Hain, Repertor. bibliogr., t. IV. Les manuscrits de livres de prières et de légendes des saints sont très nombreux (par exemple, les manuscrits de Saint-Florian, p. 57, 79, 85, 88, 91 et suiv., 118 et suiv., 143 et ailleurs. « Der Selen-fürer, ein nutzberlich buch füryeglichen christenmenschen zum frumen leben und seligen ster- ben. )> Mayence, chez P. Scheffer, 1498 (47 feuilles in-4oj. B. Schwarz, J. Wimpfeling, der Altvater des deutschen Schulwesens, Gotha, 1875; Janssen, I, p. 20 et suiv. Maphœus Vegius, Bibl. PP., Lugdun., t. XXVI.

Le culte et Part relig-ieax.

Le Service divin. Les fêtes. Le jubilé. Les indulgences. La bulle sur l'Eucharistie.

239. Le service divin ne subit aucun changement essentiel; il se célébrait avec beaucoup d'éclat. On recommandait d'y assister dans les églises paroissiales. Les conciles insistaient sur

54 msTOiRE DE l'église.

le respect de la sainte Hostie et la génuflexion au moment de l'élévation; ils recommandaient d'accompagner solennellement, avec des cierges et au son des cloches, le saint viatique, défen- daient de baptiser dans les maisons, et veillaient à ce que les fonctions religieuses fussent dignement remplies. Dans plusieurs villes épiscopales, le peuple demeura attaché à l'église cathé- drale et à son baptistère, au moins pour quelques cérémonies particulières, même après qu'on eut érigé plusieurs paroisses. Souvent les ecclésiastiques de la cathédrale exerçaient leurs fonctions dans les paroisses à tour de rôle (hebdomadiers, dogmani, mansionaires), et l'un d'eux devait y être toujours présent.

Les offrandes en argent et en cire ; les processions, surtout avec des reliques, étaient très fréquentes. Les dévotions favorites étaient le rosaire et les stations du Chemin de la croix, représentées par des tableaux figuratifs qui touchaient le cœur en même temps qu'ils parlaient aux yeux. L'usage d'annoncer X Angélus au son de la cloche fut presque partout introduit. La solennité de la Fête-Dieu, avec procession du saint Sacrement; celles de la Sainte-Trinité (prescrite par Jean XXIf), de la Visitation, 2 juillet (Urbain V, 4369 et XLIII" session de Bâle), et de l'Immaculée Conception devinrent géné- rales. Au quinzième siècle, on y joignit la fête des Sept- Douleurs de Marie. La fête du Rosaire n'était célébrée que dans l'ordre de Saint-Dominique, On solennisait aussi les fêtes des apôtres, celles des patrons et des saints populaires. A Rome, on institua la fête de Sainte-Marie-des-Neiges (5 août).

Boniface VIII avait établi le jubilé en l'an 1300; Clément VI (t343) décida qu'il aurait lieu tous les cinquante ans; puis Urbain VI (1389), tous les trente-trois ans. Déjà Boniface IX accordait l'indulgence du jubilé à d'autres diocèses que celui de Rome; Paul II, en 1470, statua que le jubilé serait célébré tous les vingt-cinq ans, et Sixte IV confirma cette mesure en 1473, Sous Alexandre VI, on y ajouta l'ouverture solennelle de la porte sacrée le jour de Noël de l'année précédente et sa ferme- ture à la fin, pour indiquer le commencement et l'expiration du temps l'on pouvait gagner l'indulgence. Les concessions d'indulgences étaient fréquentes ; ceux qui les annonçaient, comme ceux qui recueillaient les aumônes (questeurs), dépas-

LA SCIENCE, L ART ET LA VIE RELIGIEUSE. 55

saient souvent leurs attributions, et obligeaient les supérieurs à intervenir pour combattre leurs assertions exagérées, comme, par exemple, lorsqu'ils disaient qu'en gagnant une indulgence on délivrait immédiatement du purgatoire les âmes auxquelles elle s'appliquait ; ce qui n'était nullement justifié par les bulles des papes, ainsi que la Faculté de Paris le faisait remarquer en 1482. Au quatorzième siècle déjà avait paru la bulle sur l'Eu- charistie, publiée le jeudi saint ; elle contenait les censures ré- servées aux papes. Telle qu'elle était conçue sous Urbain V, elle comprenait sept cas; sous Martin V, dix. Plus tard ce nombre fut encore augmenté. Elle satisfaisait à des besoins religieux profondément ressentis, ainsi qu'aux exigences de la société chrétienne en général.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SDR LK 239.

Sur l'assistance à la messe paroissiale les dimanches et fêtes : Con- ciles de Marciac, 1326, c. xxvi; de Bénévent, 1331, c. viir; 1378, c.lxviii; de Prague, 1349, c. xxxii, etc. Sur le respect à l'Eucharistie : Conciles de Salzbourg, 1418, c. x; de Tortosa, 1429, c. vu. Paroisses des villes : Ordinarium Eccl. Parmens., p. 71-73, 75, 77. Oblations, ib., p. 23, 64, 73, 7o, 80 et seq., 188. Processions, ib., p. 37, 73, 137 et seq.; Concile de Bénévent, 1378, c. xxxv. Ave Maria annoncé par les cloches, 1309, en Hongrie : Héfelé, VI, p. 428. Jours de fête : Conciles de Marciac, 1326, c. xu; de Londres, 1328; Bonif. VIII, c. i; Antiquorum V, 9 in X vagg. com.; Clem. VI, const. Unirjenitus, c. ii, h. t.; Bonif. l.X, Magn. Chron. Belg., ap. Pistor., III, 363; Paul II, c. m, Etsi Dominici, h. t., in X vagg. com. Sixt. IV, c. iv, h. t.; Bened. XIV, const. Nemo vestrum, 1749 : Bull. M., XVIII, 147. Sur les « qusestores eleemosynarum » : Con- ciles de Trêves, 1310, c. lxxxv (contre les indulgences, les quêteurs non autorisés); de Ravenne, 1311, c. xiu (défense de prêcher); de Marciac, 1326, c. XLi (défense demporter des reliques avec eux et d'outrepasser dans leurs sermons les bornes prescrites); d'Alcala, 1347, c. m. Boni- face IX, en 1390, réprima les abus commis par les quêteurs : Rayn., h. a., n. 1,2. Le concile de Cologne de 1423 ordonna, c. vi, de n'admettre pour quêteurs que ceux qui seraient dans les ordres majeurs ; celui de Trêves, vers le même temps, renouvela le décret de Clément V (c. ii, lib. V, tit. IX, in Clem.). Le concile de Paris de 1429, c. xxvn, s'éleva contre les abus commis par les quêteurs ; dans le même temps, celui de Tortosa, c. xvi, frappa d'excommunication et d'une suspense de trois ans les quêteurs qui prêcheraient ou quêteraient sans la permis- sion de l'évoque. Censure de la Faculté théologique de Paris, de Indulg. : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 306. De même en 1518, ib., p. 333

56 HISTOIRE DE L ÉGLISE.

etseq. —Walter, K.-R., § \9i, p. 346, n. 13; Hist-pol. Bl., t. XXI, p. 37-82 ; Hausmann, Gescb. der paepstl. Reservalfcelle, Munich, 1868, p. 95 et suiv.; mon ouvrage : Kath. Kirche, p, 770 et suiv. Bulle de Paul II, c. m, Etsi Dominici, V, ix, de Pœnit. et Remiss., in X vagg. corn.; de Jules II, const. xxv, Consueverunt, iSH : Bull. M., I, 507.

La poésie. La musique.

240. L'art continuait de rehausser le culte chrétien. La poésie, en dehors des chefs-d'œuvre des Italiens, fut moins féconde jusqu'à la fin de cette période qu'elle ne l'avait été précédem- ment, bien que l'on composât encore une foule de chants spi- rituels et profanes, et que l'on traduisît dans l'idiome du peuple quantité d'hymnes religieuses.

En Allemagne, le bénédictin Hermann (ou Jean) de Salz- bourg, au quatorzième siècle, et le prêtre Henri de Laufenberg, au quinzième, agirent en faveur des cantiques spirituels; on composa des chants religieux à opposer aux hussites, et de 1470 à lois parurent plus de trente recueils de chants allemands. L'usage de chanter des cantiques allemands pendant l'office solennel existait déjà vers la fin du quinzième siècle. Les drames religieux, à partir de 1450, devinrent plus brillants et plus artistiques ; ils avaient pour sujets habituels Jésus-Christ et sa mère, l'Antéchrist et la fin du monde. Un grand nombre de personnes y prenaient part.

Dans le midi de la France, à Aix, les processions de la Fête- Dieu du roi René (né en 1409) étaient particulièrement renom- mées ; elles étaient aussi fort populaires en Espagne. On repré- sentait en outre les mystères de Noël et de la Passion, les mystères des vierges sages et des vierges folles, les mystères de sainte Catherine et d'autres saints.

Quant à la musique, le chant grégorien se conservait en Italie. Depuis Urbain V et Grégoire XI, qui, d'Avignon, emme- nèrent avec eux leurs chantres, Belges pour la plupart, la chapelle pontificale fut dirigée par des contrapontistes belges, dont plusieurs composèrent aussi des messes. On exécutait souvent des airs tout à fait profanes, qui nuisaient à la gravité de l'office divin ; mais on n'était pas encore scandalisé à celte époque d'entendre éclater sous les voûtes des églises les mêmes mélodies que le peuple chantait dans les fêtes profanes. C'est

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 57

dans l'Allemagne du sud et du centre, puis dans les Pays-Bas, que la musique était le plus cultivée. Jacques Obrecht, dans le pays rhénan (mort en 1507), qui vécut quelque temps à Flo- rence, auprès de Laurent de Médicis, Henri Isaac (1475-1480) était maître de chapelle à l'église de Saint-Jean et donnait des leçons de musique à la cour, exerçait ces fonctions à la cha- pelle de l'empereur Maximilian en même temps que Josquin du Pré [Jodocus Pratensis, mort en 1521), un disciple du célèbre Jean Okenheim de Flandre, de qui plusieurs écoles de musique se réclamaient. Étaient également célèbres comme composi- teurs : Louis Senfl, de Zurich, disciple de Henri Isaac; Henri Fiuck, maître de chapelle à Cracovie en 1492 ; Etienne Mahu et Arnold de Brück, doyen de Laibach.

L'orgue fut perfectionné par l'invention de la pédale (avant 1470), la diminution de la dimension des touches et l'augmen- tation de lenr nombre ; il le fut surtout par des maîtres alle- mands, qui travaillèrent aussi en d'autres pays comme facteurs d'orgues et organistes renommés. A Rome, Antoine dagl'Or- gani (mort en 1498) jouissait comme organiste d'une grande réputation. Les meilleures orgues furent construites en Alle- magne par Henri Cranz, vers 1499.

Les règles de l'art musical furent exposées par les carmes Jean d'Erfurt et Jean Goodenbach, lequel fut le maître de Franchin Gafor, chef des musiciens théoriciens d'Italie (vers 1500). Jean Tinctoris (Teinturier), maître de chapelle de Ferdi- nand, roi de Naples, écrivit sur le contrepoint, les tons et l'ori- gine de la musique. Le bénédictin Adam de Fulda (1490), le prêtre d'Amberg Sébastien Virdung, Jacques Zabern à Mayence, Jacques Faber de Stablon, Michel Neinsbeck et Jean Cochlée de Nuremberg étaient renommés comme compositeurs de musique.

OUVRAGES A CONSULTER SCR LE 240.

Livre de chant d'Oeglin, Au^sbourg, 1512; GeflFken, Hamburg, und niedersœchsische Gesangbücher des XVI Jahrh., Hambourg, 1837; Hoff- mann de Fallersleben, Schlesische Volkslieder, 1842; Haxthausen, Geist). Volkslieder, 1830; Ditfurth, Frœnk. Volkslieder, 1832; Fr. Horael, Geistl. Volkslieder, Leipzig, 1867; Kehrein, Kirchenlieder, Wurzbourg, 1839 et suiv., 3 vol.; Meister, das kath. geistl. Kirchenlied mit den Melodien, Frib., 1862; Janssen, I, p. 215 et suiv. Des chants allemands pendant l'office divin sont mentionnés par le concile de Schwerin, 1492 : Hartzheim, V, 633. Drames religieux, surtout : Plaintes

58 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de Marie, mystères de Noël et de la Passion, le mystère des dix vierges (exécuté en 1322 à Eisenach), de sainte Catherine, etc. Voy. ci-dessus, période, § 380, t. IV, p. 388-389; Janssen, I, p. 224 et suiv. Proces- sions de la Fête-Dieu du roi René, mort en 1480 : Kreiten, S. J., dans Laacher Stimmen, 1874, cahier VII, p. 84 et suiv. Clédat, Étude sur le mystère de sainte Agnès (Biblioth. des écoles françaises d'Athènes et de Rome, Paris, 1877, fasc. 1, p. 271 et seq.). Janssen, I, p. 195 et suiv,, 206 et suiv.; F.-X. Kraus, Kirchen-Gesch., I, p. 417, § 124.

L'architecture.

241. On continuait de travailler aux grandes cathédrales précédemment commencées et de construire de splendides églises, surtout en Allemagne, en France, en Espagne, en Italie ; on s'imposait encore à cette fin de grands sacrifices dans toutes les classes de la société. Comme ou ne pouvait atteindre à l'unité, éviter les méprises et les dépenses excessives, qu'en soumettant les ouvriers à une éducation uniforme, dans des corporations étroitement reliées entre elles, et par le concours simultané de toutes les forces, deux grandes associations de tailleurs de pierre se formèrent en Allemagne, l'une à Ratis- bonne en 4459, l'autre à Spire en 1464. En vertu d'un statut rédigé en commun, tous les ateliers de maçons se placèrent sous la direction des quatre grands ateliers de Strasbourg, de Cologne, de Berne et de Vienne, et confièrent à l'architecte de la cathédrale de Strasbourg l'office de premier juge.

Mais les monastères aussi continuaient encore d'avoir des écoles d'architecture. Des architectes allemands furent, en 1490, mandés de Strasbourg à Milan pour continuer la construction du dôme, comme en 1450 d'autres avaient été appelés do Co- logne à Burgos. A l'apogée du gothique commença d'ailleurs sa décadence : on exagéra les résultats atteints par le dégage- ment des voûtes ; on tourna tous les travaux vers l'ornementa- tion, au préjudice de l'unité organique ; on imagina toute sorte de figures fantastiques et folâtres ; néanmoins l'architecture de la tour était toujours grandiose.

En Italie, le plus grand architecte fut Bramante, qui, sous Jules II, mit la première main à la construction de la grande église de Saint-Pierre, continuée ensuite par Giocondo, Raphaël d'Urbino et Antoine de Saint-Gall. Brunelleschi éleva en 1431 la voûte de la coupole du dôme do Florence. André Orcagna

LA SCIE'NCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 59

(1389), Julien da Majano, Michelozzo Michelozzi (vers 1440), étaient des célébrités de cette ville. L'antiquité classique y exerçait son influence prépondérante. La sculpture, qui avait déjà produit d'excellents ouvrages en statues d'anges et de saints, en monuments funèbres et en meubles d'église, déploya à Florence sa plus sublime floraison. travaillaient Nicolas et André de Pise; Ghiberti de Florence (mort en 14.55), dont les portes de bronze du baptistère excitaient l'admiration de Michel- Ange; son disciple Luca délia Robbia (mort en 1481), qui fit des reliefs et des figures en terre cuite, puis les colora et les vitrifia au feu, afin de les protéger par le vernis contre l'air et les intempéries; enfin, Donato ou Donatello (mort en 1466), à qui l'on rendait cet hommage d'avoir ressuscité par la plastique la beauté des chefs-d'œuvre de la Grèce : un grand nombre de sculpteurs renommés sortirent de son atelier.

Après Giotto (mort en 1336) et Orcagna Piedro Tedesco (1386- 1400), Nicolas d'Arezzo avait travaillé plus tard au dôme de Florence. En Allemagne et en France, les églises et leurs por- tails furent ornés d'excellentes statues ou reliefs. On recouvrait de peintures un grand nombre de statues de bois ou de pierre, et sur les tableaux on mettait des ornements plastiques. A côté des travaux en pierre, on en voyait d'autres coulés en bronze, sculptés en ivoire ou en bois, ces derniers surtout aux chaires et aux stalles du chœur. C'était une œuvre magnifique que le tombeau de saint Sébalde à Nuremberg, par Pierre Vischer (mort en 1530), dont l'école a produit le monument grandiose de l'empereur Maximilien à Inspruck.

On doit à l'ami de Vischer, Adam Kraft, la meilleure repré- sentation de l'histoire de la Passion qui existe sur pierre, ainsi que le magnifique tabernacle de saint Laurent ; il n'a été sur- passé que par celui d'Ulm, construit par maître de Weingarten. Tilmann Rieraeuschneider a fait à Wurzbourg le tombeau de Henri II et à Bamberg celui de son épouse Cunégonde, ainsi que d'autres travaux remarquables. Veit Stosz (né en 1447), qui travailla à Nuremberg et à Cracovie, joignait à la sculp- ture sur pierre et sur bois la peinture, la gravure, la méca- nique et l'architecture. Comme à Nuremberg et à Florence, il y avait aussi d'excellents orfèvres à Augsbourg, à Ratisbonne et à Mayence.

60 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 241.

Vasari (architecte florentin, mort en 1495), le Vite de' pittori, architetti e scultori ital., Fir., 1550, in-4°; Milano, 1808, 7 t., en allem.; Stuttgart, 1832 et suiv. Séreux d'Agincourt, Hist. de l'art par les monuments. Par. et Strasb., 1823, 6 t. in-f» (en allem., Berlin, 1840 et suiv,); le Moyen Age monumental et archéologique, Par., 1841; A.-F. Rio, de l'Art chrét., éd., Par., 1861-67, 4 vol.; Laib et Schwarz (IV, § 113); Boisseréo, Denkmale der Baukunst am Niederrhein, Munich, 1833, 1842; Puttrich, Denkmale der Bau- kunst im Mittelalter in Sachsen, Leipzig, 1836-1843; Wiegemann, ueber der Ursprung des Spitzbogens, Düsseid., 1842; A. Reichensper- ger, Die christlich-germanische Baukunst, Trêves, 1845; Rettberg, Nürnbergs Kunslleben, Stuttg., 1854; Falk, die Kunstthœtigkeit in Mainz von Willigis' Zeit bis zum Schlüsse des Mittelalters, Mayence, 1869; Allihn, die Bauhütte des ausgehenden Mittelalters (Grenzboten, Leipzig, 1875, n. 42-44); Janner, die Bauhütten des deutschen Mittelal- ters, Leipzig, 1876; Janssen, I, p. 134 et suiv. Schnaase (II, § 256); Sighart, Gesch. der bildenden Künste im Kœnigreich Bayern, Munich, 1862 ; Dursch, Aesthelik der christ), bildenden Kunst des Mittelalters in Deutschland, Tüb., 1854; Springer, Bilder aus der neueren Kunst- gesch., Bonn, 1867 ; Otte, Hdb. der kirchl. Kunstarchœologie, Leipzig, 1868; Neumaier, Gesch. der christl. Kunst, Schaffliouse, 1855, 2 vol.; Janssen, I, p. 150 et suiv.

La peinture, la sculpture et la gravure.

242. Comme les arts plastiques, la peinture se détachait de plus en plus de l'architecture et raffinait ses formes, soit par une fidèle imitation de la nature, comme dans le Nord, soit à la manière idéaliste des anciens, comme en Italie. Des écoles im- portantes de peinture s'établirent à Pise, à Sienne et à Flo- rence, puis à Venise, Vérone, Milan, Bologne, Ancône, Rome et Naples. Des fresques magnifiques décoraient les églises. Le pieux dominicain Jean Angelico de Fiésole (mort en 4465), qui unissait à une piété profonde un vif enthousiasme et porta la peinture religieuse à son plus haut degré ; plusieurs fran- ciscains de rOmbrie; Pierre Pérugin, maître de l'immortel Raphaël Sanzio d'Urbin (1483-1520); Léonard de Vinci (né en 1452); Michel-Ange (né en 1474), à la fois grand architecte, grand sculpteur et grand peintre, élevèrent l'art italien à un rare degré de perfection. Ilumbert (mort eu 1432) et Jean van

LA SCIENCE, LART ET LA VIE RELIGIEUSE. 61

Eyck (mort en 1440) illustrèrent l'école flamande. Ils em- ployèrent la peinture à l'huile dans les ouvrages exceptionnels, introduisirent l'étude de la nature dans l'art, et formèrent d'ha- biles disciples, comme Koger van der Weyden l'Ancien (mort en 1464.), et plusieurs Italiens, surtout Antonelli de Messine, qui transporta à Venise le goût des tableaux de son pays. Ils influè- rent aussi sur le Florentin ûomenico Ghirlandajo (1451-1495).

Luc iMoser de Weil et Frédéric Ilerlen de Noerdlingen répan- dirent la peinture hollandaise dans la haute Allemagne. Cepen- dant la principale inlluence demeura à l'école de Cologne, qu'Etienne Lochner de Constance (mort en 1451) avait portée au dernier degré de perfection. C'est à Cologne que le Franco- nien Haus Memling et le Souabe Martin Schongauer reçurent leur première instruction. Ce dernier, qui travaillait à Colmar et était en relation avec Pierre Pérugin, donna la première impulsion à une foule d'artistes, comme Barthélémy Zeitbloom d'Ulm, Ilans iJurgkmaier d'Augsbourg, Hans Holbein l'Ancien et Albert Durer de Nuremberg. Celui-ci fut, avec Holbeiu le Jeune, un des peintres les plus féconds. Nuremberg, Cologne, Vienne, le Tyrol, la Souabe, la Westphalie, et pendant quelque temps aussi la Bohème (depuis Charles IV) possédaient des maîtres capables.

Les vastes murailles ayant été supprimées dans les églises gothiques, la peinture murale n'y trouva plus qu'une apphca- tion restreinte, tandis que la peinture sur toile et surtout la peinture sur verre aux fenêtres des églises prirent un grand essor. Elle était cultivée par les religieux comme par les particuliers, par des maîtres réunis en association avec les peintres. On remarquait surtout parmi eux Veit Hirsch vogel, à Nuremberg (né en 1451), et Hans Wild, à Ulm (vers 1480). Le dominicain Jacques Griesinger d'Ulm (mort en 1491) se fit à Bologne un renom considérable en fixant les couleurs sur le verre au moyen de la cuisson, et il y forma une école d'artistes. La peinture en miniature, surtout dans les missels et les hvres de prières, fut pratiquée par les religieux, mais aussi par les laïques, à Paris, à Nuremberg, à Augsbourg, à Ratisbonne, à Prague et dans les Pays-Bas.

Un grand nombre d'ornements et de tapis de cette époque étaient des œuvres d'art accomplies. Les gravures sur bois et

62 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

sur cuivre aidèrent aussi au progrès de l'art. Les images religieuses étaieut fort répandues et se rencontraient dans la plupart des familles. On composa des livres en images, et les sculptures sur bois multiplièrent les compositions des peintres. Albert Durer perfectionna l'art de la sculpture sur bois, notam- ment dans ses feuilles de la Passion ; lui et Martin Schongauer perfectionnèrent la gravure sur cuivre. C'est ainsi que l'art concourait souvent à l'instruction du peuple en lui procurant de féconds sujets d'édification. Les danses des morts, répandues sous diverses formes, rappelaient le sérieux de la vie et le devoir d'une vigilance énergique.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 242.

Crove et Lavalcaselle, Gesch. der ital. Malerei, I-V, traduit par Jor- dan, Leipzig, 1869 et suiv.; Hotho (II, § 255); Waagen, Hdb. der deuts- chen und niederländischen Malerschulen, Stuttg., 1862; Gessert (V, § 377 et suiv.); Lasteyrie, Hist. de la peinture sur verre, Paris, 1853 et suiv.; Wackernagel, die deutsche Glasmalerei, Leipzig, 1855; W. Schmidt, Martin Schongauer, et Lutthardt, Albrecht Dürer (les deux ouvrages à Leipzig, 1875); Janssen, 1, p. 100 et suiv.; ibid., p. 174 et suiv., sculpture sur bois et gravure sur cuivre. Maszmann, Liter, der Todtentœnze, Leipzig, 1840; Schnaase, Mittheilungen der k. k. Centralcommission, 1861, VI, p. 221 et suiv.; Peignot, Recherches sur les danses des morts, Paris, 1826; Langlois, Essai sur les danses des morts, Rouen, 1852; Jubinal, la Danse des morts, Paris, 1862; Douce, the Dance of death, Lond., 1833. On en voit de pareilles dans le tran- sept de Klingenthal, près de Bàle ; puis à Strasbourg, Lübeck, Berlin, Straubing, etc.

Là» vie rclig-icuse el morale.

Crimes et abus.

2-43. L'afTaiblissement de l'autorité ecclésiastique replongea plus d'une fois le peuple chrétien dans l'ancienne barbarie, et il devint très difficile de mettre un frein aux pas.sions qui éclataient quelquefois avec une rare violence. En face du pouvoir civil, souvent trop faible pour empêcher les grands crimes, le droit du plus fort prévalut de nouveau, et de la noblesse dégénérée naquit une chevalerie de brigands. Les droits de la justice furent méconnus : au milieu des guerres privées on voyait souvent des villages livrés aux flammes, des femmes déshonorées, des enfants mis à mort. Les tribunaux

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 63

vehmiqnes de Westphalie n'arrêtèrent les crimes que pendant une courte période et dans une sphère restreinte, et ils ne tardèrent pas à dégénérer.

L'impudicité était fort répandue dans un grand nombre de pays, même en France. Les vices contre nature, la cupidité, l'usure, faisaient de nombreuses victimes. Des bandes de bri- gands parcouraient les campagnes en y semant l'incendie, et ajoutaient aux calamités de la peste et de la guerre des cala- mités nouvelles. Le peuple, cruellement opprimé par la no- blesse, se vengeait de temps en temps par des voies de fait. Le servage existait encore çà et là. Inconnu à Rome, il fut aboli à Florence en 1269 et en 1297 par la législation, tandis qu'à Venise, quoique fort adouci, il ne disparut qu'au seizième siècle.

En Allemagne, la classe des paysans était généralement vigoureuse et hardie ; elle portait les armes, participait à la vie publique, et souvent n'était pas moins insolente que la riche bourgeoisie des cités. Si la misère fut plus d'une fois une cause de crimes parmi les classes indigentes, la richesse des citoyens, en Italie, en Allemagne, en France, provoqua souvent des luttes sanglantes et des actes de cruauté.

L'Église dut intervenir contre les marchands qui employaient de faux poids et de fausses mesures, contre les parures exces- sives et les costumes indécents des femmes, contre l'omis- sion des ofüces aux jours de dimanche, contre la violation du jeûne, contre les autorités civiles qui prétendaient interdire la réception des sacrements aux criminels condamnés. Elle se plaignait de la réception peu fréquente du Sacrement de l'autel, du nombre croissant des mariages clandestins, qu'elle com- battait en recommandant la publication des bancs et la béné- diction du mariage par le prêtre. Il lui fallait lutter aussi contre la persistance des anciens abus, qui se révélaient sur- tout dans les divertissements, dans les foires des dimanches et des fêtes, dans la célébration de la fête des Fous, dans l'emploi des églises pour les publications et les actes de l'autorité civile, dans les danses, les marchés, les cris des femmes pleureuses qui troublaient l'office des funérailles, et enfin dans la propa- gation de prières superstitieuses pour combattre la peste et autres calamités.

(ii HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"> 243.

Wachsmuth, Europ. Sittengeschichte, Leipzig, 1837, t. IV; D. Fran- klin, das Reichshofgericht im Mittelalter, Weimar, 1869, 2 vol. Sur le duel, voy. Janssen, 1, p. 4ö0 et suiv.jConc. Wirceh., 1452; Hartzheim, V, 422. Sur les cours vehmiques, Wœchler, Beitraîge zur teutschen Gesch., Tüh., 1845, p. 113, 117 et suiv.; Zœpil, 111, p. 432, 443 et suiv., avec indication des ouvrages à consulter. Sur le mépris des censures : le cardinal Mcolas de Cusa à Pie II, 23 avril 1460, dans Nie. de Cusa (en allem.), II, p. 193etsuiv. Surl'impudicité : Gerson, Sex'm.c. luxur,, 0pp. 111, iJ21 et seq.; Concile de Paris, 1429, c. xxiii; Conc. Wirceh., cit. Sur l'usure : Conc. Vienn. (Clem., c. i, 1. V, tit. V); Conciles de Mayence, 1310, c. cxxxiii, cxxxiv; de Bologne, 1317, c. xv; de Salamanque, 1335, c. xiv; de Bénévent, 1378, c. vui-xi; de Salzbourg, 1386, c. xm, etc.; Janssen, I, p. 376 et suiv. Servage en Italie : Archivio storico italiano, t. IV, p. 16; Miscellanea di storia ital., t. I, Torino, 1802, n. 9; Vinc. Lazari, del Trallico e délie Condizioni degli schiavi in Venezia; Civiltà cattohca, 5 dec. 1863, p. 596 et seq. Cessation du servage et condition des paysans en Allemagne : Janssen, I, p. 269 et suiv., 300 et suiv. Contre les taux poids et les fausses mesures : Concile de Londres, 1430, etc. Contre le luxe des habits chez les clercs : Concile du Salzbourg, 1418, c. xxxiv; Geiler, Sermones et varii Tract., Argent., 1518, in-f°, 26, h; Jœger, Ulms Verfassungsleben, Stuttg., 1831, p. 509; Janssen, I, p. 366 et suiv.; Schwab, Gerson, p. 38 et suiv. Solennité du dimanche négligée : Conciles de Valladolid, 1322, c. iv ; de Sens, 1485, c. iv; Determinatio Fac. Paris, super observatione dieruni dominicalium, du Plessis d'Arg., I, u, p. 226-228. Abus des jours de dimanche : Concile de Maghfeld, 1332; Héfelé, VI, p. 555. Divertissements mondains et foires les di- manches et fêtes : Nicol. de Clemang., de Nov. Celebritat. non insti- tuendis, p. 143 et seq.; Schwab, p. 389. Rupture du jeûne : Conciles de Salamanque, 1335, c. vu; de Prague, 1349, c. XLii, etc. Les grands du monde ne permettaient pas aux condamnés à mort de recevoir les sacrements. Le contraire : Conciles de Nougarot, 13*15, c. m; de Prague, 1322, etc. Réception rare des sacrements : Concile de Tolède, 1339, c. v. Fête des Fous : voy. ci-dessus, V, § 382. Les églises em- ployées à des affaires profanes : Conciles de Trêves, 1310, c. lxiv ; de Ravenne, 1311, c. xii ; de Valladolid, 1322, c. xvii ; de Marciac, 1326, c. XLvi ; de Torp (York), 1367, c. i; Ordinarium Eccl. Parmens., 1417, éd. Parm., 1866, p. 22; Concile d'Aranda, 1473, c. xix. Femmes pleu- reuses : Concile de Marciac, 1326, c. xxni. Prière superstitieuse contre la peste, 1492, condamnée par la Faculté théologique de Paris : du Plessis d'Arg., 1, n, p. 324.

LA SCIENCE, LART ET LA VIE RELIGIEUSE. 6a

La superstition.

244. La superstition, sous les formes les plus diverses, avait pris une grande recrudescence. Les astrologues, les aruspices, les devins, hantaient la cour des grands comme la chaumière du laboureur. Les croisades, les relations avec les Arabes de l'Espagne introduisirent les amulettes, les talismans, la croyance à la vertu des pierres fines, la magie, l'astrologie, l'alchimie et la nécromancie, dont les Juifs et les Sarrasins s'occupaient, tout en cultivant des arts plus élevés. C'était une opinion fort répandue que les hommes peuvent entrer en rapport avec les esprits malins et produire avec leur concours des effets mer- veilleux, surnaturels. On parlait de pactes, de commerces in- fâmes avec les démons, de sorciers et de maîtres sorciers. Les Templiers, et d'autres encore furent accusés de sortilège et mis à la torture. Les conciles interdirent souvent la magie et autres genres de superstitions. Le Corpus juris canonici ne s'était que peu occupé de cet objet, et Alexandre IV avait défendu aux inquisiteurs de sévir contre ceux qu'on accusait de sorcellerie. Jean XXII publia une bulle spéciale contre Tal- chimie, mais il décida que les inquisiteurs n'interviendraient que lorsque l'hérésie serait en jeu.

La magie passait généralement pour un crime mixte. Les autorités civiles s'en occupèrent de bonne heure et firent inter- venir la torture dans leurs procès. Gerson et la plupart des théologiens de Paris, tout en reconnaissant qu'il fallait donner une origine purement naturelle à des choses qu'on attribuait à l'influence des esprits pervers, admettaient cependant que l'action du démon peut s'exercer sous des formes multiples, et ils condamnaient cette opinion que ce n'est pas une idolâtrie d'entrer en rapport avec Satan, de promettre quelque chose aux démons, etc.

En 1398, la Faculté de théologie s'expliqua longuement sur plusieurs questions de ce genre, approuva en 1431 la condam- nation de Jeanne d'Arc, prise par les Anglais et considérée comme sorcière, rejeta en 1466 les livres de magie d'Arnold Desmarets, et en 1493 les écrits de Simon Phares sur l'astro- logie. En 1459, à Arras, un grand nombre d'hommes et de femmes furent mis à uiort pour cause de sorcellerie; il est

V. HIST. DE l'église. 5

C6 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

vrai que plusieurs étaient coupables des crimes les plus graves. La superstition, malgré tous les sarcasmes de Pétrarque et autres, trouvait un aliment dans la folie, dans l'esprit de cupi- dité et de vengeance, dans les préjugés mêmes des juristes et des médecins.

Le célèbre juriste Bartolo était d'avis en 4350 qu'il fallait brûler les sorciers et les magiciens. D'anciennes lois (celle même du Lévitique, xx, 27) furent remises en vigueur. On arrachait des aveux par la torture. 11 est certain que l'intention seule d'entrer en rapport avec Satan était punissable et que de à séduire les autres il n'y avait pas loin. Si la magie cachait sou- vent des crimes, il est indubitable que beaucoup d'innocents étaient sacrifiés. Un grand nombre de procès eurent lieu chez les Grecs schismatiques eux-mêmes depuis 1338.

Toute la société chrétienne d'alors avait foi dans la magie. Sixte IV blâma comme téméraires ceux qui demandaient des réponses aux démons, et Innocent VI 11 autorisa en 1484 plu- sieurs inquisiteurs d'Allemagne (Jacques Sprenger, etc.) à procéder contre eux : son but était de faire en sorte que les tribunaux ecclésiastiques fussent chargés de celte affaire, afin de procéder par la douceur et la persuasion. Telle fut l'origine, en Allemagne, du livre, rédigé par G. Sprenger, le Marteau des sorcières, dont on fit un grand abus. Alexandre VI, Léon X et son successeur s'occupèrent encore de ces désordres, qui ré- gnaient surtout dans la haute Italie et en Allemagne. Trithème, qui s'appliquait aussi aux sciences naturelles et était lui-même décrié comme sorcier, combattit dans un ouvrage les magi- ciens, les astrologues et les alchimistes. Ulric Molitor de Cons- tance, docteur de Padoue, écrivit contre la croyance aux sor- ciers un livre adressé à l'archiduc Sigismond; mais il n'eut point de succès auprès des princes ni dans les universités. Par jalousie contre les inquisiteurs du pape, les juges séculiers mettaient un soin particulier à rechercher le crime de magie.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 244,

Ciruelo, Reprovacion de las superslitiones, y hechizerias, Alcala de Henares, 1347; J.-B. Thiers, Traité des superstitions qui regardent les sacrements, 4" éd., Avignon, 1777; Pellicia, de Superstit. christ, med. œvi diss. VII (Polilia ckrist,, éd. Colon., t. II) ; Hauber, Bibl., Acta et Scripta magica, Lemgo, 1739-45; Horst, Dœmonologie, Frankf., 1818,

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 67

und Zauberbibliothek., Mayence, 1821-1826, Gpaities; Soldan, Gesch. der Hexeiijjruccsse, Stuttgart, 1843; Wœclitcr, Beitr. zur Gesch. des deutsclien Strafrechts, Tiib., 1845; Haas, die Hexenprocesse, Tüb., 1863 ; Bonner Ztschr. für Philos, und kath. ïhcol., 1844, h. i, p. 71 et suiv.; Hist.-pol. Bl., 1861, t. XLVII, p. 890 et suiv. Amulettes de l'Orient mentionnées par Jacques do Vitry, Hist. Hier., c. Lxxm, Lxxxix. Décrets des conciles de Trêves, 1310, c. lxxix; de Mayence, h. a., c. cxxxvi; de Valladolid, 1322, c. xxiv; de Salamanque, 1335, c. xv; de Prague, 1349, c. lvi ; de Magdebourg, 1390, c. xlv, etc. Alex. IV, c. viii, § 4, de Hser., V, 2 in 6 ; Job. XXH, const. xni Super, 12 août 1325; Eyme- ric, Direct. Inquis., part. H, q. xliii, n, 9 ; Vinc. Petra, Com. in Const. apost., IV, 45 et seq.; Const. un., V, vi, in X vagg. com. Enquête sur la magie : Reiffenstuel, in lib. V Décret., tit. XXI, n. 18; Scbmalzgrueber, in h. 1., n. 51 . Livres de droit anglais et décrets des parlements français, dans Friedberg, de Fin., etc., p. 93, n. 3, 5, 8 et suiv. Gerson, sur la magie; Schwab, p. 717 et suiv.; Determinatio Parisiis facta per Facult. theol. super quibusdam superslitionibus noviter exorlis, 19 sept. 1308; du Plessis d'Arg., I, n, p. 154-157. Il est dit ici sur l'art. 1 : « Quod per artes magicas et maleficia et invocationes nefarias quaei'ere fami- liaritates, amicitias et auxilia dœmonum non sit idololatria. » La censure : « Error. Quoniam dœmon adversarius et pertinax et impla- cabilis Dei et hominis judicatur, nec est honoris vel dominii cujus- cunque vere seu participative vel aptitudinaliter susceptivus, ut aliœ créature rationales non damnalse, nec in signo ad placitum instituto, ut sunt imagines et templa, Deus in ipsis honoratur. » Ib., p. 229 et seq., ex Bulœo, V, 394, Judicium Paris, de Jana puella, cui magica ars imponebatur. Ib., p. 256, Judicium 26 oct. 1466, p. 324-331 ; Judicium de Simone Pharees, p. 418, c. n. Crimes à Arras, d'après Monstrelel, Chron. du roi Charles VH, vol. III, p. 84, an. 1439, 1460 ; Jacob. Mayer, Ann. Flandr., lib. XVI, an. 1459. En Allemagne, le Miroir des Saxons, liv. II, t. XIII, § 7, iniligeait la peine de mort à ceux qui étaient en relation avec des magiciens. Voy. Landrecht des Schwabenspiegels, § 174. Ordonnance de Charles V, art. 109. Sur le nombre prodigieux des sorcières en Allemagne, voy. Spee, S. J., Cautio criminalis, dub. XI, XV ; Thomasius, de Ohg. ac Progressu processus Inquis. contra sagas, Hal., 1712, in-4°; Cauz, de Cultibus magicis, Vindob., 1767, in-4o. Médecins superstitieux : Gerson, 0pp. I, 203-210. Enquêtes chez les Grecs : Acta Patriarchatus Constantinopolitani, éd. Müller etMiklosich, t. I, doc. 79, 80, 85 et seq., 134, 137, 153, 228, 292, 305, 331 ; t. H, doc. 377, etc. Mon ouvrage Kath. Kirche, p. 608-616; Sixtus IV, c. ii, de Malef. et Incantat., V, xii, in libro Sept.; Innoc. VIH, const. Sum- mis desiderantes, Bull., éd. Taur., V, 296 et seq., c. iv, loc. cit., in Sept.; Gœrres, Mystik, IV, ii, p. 651 et suiv.; Alex. VI, c. i, loc. cit., in Sept.; Leo X, const. Honestis petentium, loc. cit., c. vi, Bullar., p. 499; Hadr. VI, 1322, ad Inquis. Com. Sept., loc. cit., c. ui; Hard., IX, 1907-

C8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

1910. M Malleus maleficarum in très partes divisas, in quibus concur- renlia ad maleficia et modus denique procedendi ac puniendi malefi- cos abunde continetur, prsecipue autem omnibus inquisitoribus et divini verbi concionatoribus utilis cl necessarius. » La première im- pression est probablement de Cologne, 1489, in-4°; vint ensuite Francf., i580, in-4°. Le livre de U. Molitor, de Lamiis pythonicis mu- lieribus, Colon., 1489, se trouve aussi en appendice dans l'édition de Francfort du Marteau des sorcières. Ce livre fut approuvé par l'univer- sité de Cologne, et le roi Maximilien le recommanda aux inquisiteurs. Bruxelles, 6 nov. 1486. Sur Tritbème, voy. Janssen, I, p. 87.

Les beaux côtés de cette période.

245. Malgré tous ces vices, on remarquait toujours beaucoup de zèle pour la réforme des mœurs, un grand esprit de foi, une résistance vigoureuse contre le mal, jointe à l'emploi de tous les moyens propres à le combattre. On voyait encore parmi le peuple des mœurs saines qui réagissaient contre le despotisme croissant, une humeur joyeuse, un caractère enjoué, que l'Église tolérait tant qu'ils n'avaient rien de contraire à la foi et à la morale; une grande liberté d'allures et de langage régnait en Allemagne, en France, en Italie, et principalement à Rome. Il était permis de ridiculiser les folies des grands eux-mêmes et de mettre le vice au pilori ; la satire pénétrait jusque dans l'enceinte des églises. La vertu chré- tienne répandait encore les plus suaves parfums, et l'on ren- contrait quantité de saints personnages parmi les évoques et les prêtres 197), non seulement dans les cloîtres 206, 22t), mais encore chez les personnes du monde. EIzéar de Sabran, comte d'Ariano et prévôt royal de Naples sous le roi Robert, montra, sous l'armure de chevalier et dans les splendeurs de la cour, les vertus d'un ermite ; il vécut, avec sa femme Delphine, dans une chasteté inviolable, et quand il mourut (1323), il jouissait de l'estime universelle. Il fut canonisé par son parent Urbain V, dont il avait été le bienfaiteur durant sa jeunesse.

En Suisse, Nicolas de Flue fut le modèle de ses compatriotes, comme père de famille, soldat et juge, comme négociateur du traité do Stanz (1481). Saint Roch, de Montpellier, fut pour la France et l'Italie un ange de charité, et on l'invoqua plus tard contre la peste. En Pologne, Casimir, issu de race royale, fut, avec le saint prêtre Jean de Kenty, un modèle de la jeunesse.

LA SCIENCE, l'art ET LA VIE RELIGIEUSE. 00

Parmi les femmes, Françoise Romaine se signala par son amour du prochain, et l'héroïque Jeanne d'Arc (la Pucelle d'Orléans), s'immola pour sa patrie. Brûlée le 30 mai 1431 comme sorcière, elle fut réhabilitée par Calixte III, après la révision de son pro- cès, et hautement vénérée de la postérité.

Ou voyait des exemples touchants de pénitence et de mortifi- cation, surtout à la suite de certains sermons particulièrement émouvants, qui furent prêches pendant la peste noire de 1348 et autres épidémies, et qui provoquèrent des processions de flagellants inspirées par l'esprit de pénitence, mais souvent ré- préhensibles. La vie chrétienne continuait de régner dans les familles, d'où n'étaient exclus ni les ouvriers ni les domestiques.

De nombreux établissements de bienfaisance, des confréries, des hôpitaux, surgissaient sous la protection spéciale de l'Église. Clément V défendit de conférer ces établissements à des ecclé- siastiques à titre de bénéfices. Pour soulager le peuple, qui avait tant à souflrir de l'usure, on établit, dans le quinzième siècle, les monts-de -piété, d'abord à Orviéto et à Pérouse (1450-1460), et l'Église les encouragea. Non seulement les pasteurs de l'Église recommandaient chaudement les œuvres de miséri- corde corporelle et spirituelle, mais ils les pratiquaient eux- mêmes, ainsi que les fidèles, souvent d'une manière éclatante.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 243.

Hasak 238); Mœhler-Gams, III, p. 36-52. Elzéar de Sabran : Baluz., I, 38Ö ; Rose, Études sur le XIV« siècle, p. 379; Christophe, Papstth. im XIV Jahrh., II, p. 253, 286 et suiv.; Nikol. v. der Flue, J. v. Müller, Gesch. der Schw. Eidgen, t. VI; Widmer, das Gœttliche in der irdischen Entwicklung, nachgewiesen im Leben d. hl. Nik. v. d. Flue, I.ucerne, 1819; Businger, Bruder Klaus u. sein Zeitalter, Leipzig, 1827 ; Gœrres, Gott in der Geschichte, Munich, 1836, h. i; Ming, der sei. Bruder Nik. v. d. Flue, Lucerne, 1861 et suiv., 2 vol. Guido Gœrres, die Jungfrau von Orleans, Ratisb., 1834, 37; Quicherat, Procès de con- damnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc, Paris, 1841-49, 5 vol. (recueil important de sources), et Aperçus nouveaux sur l'hist. de Jeanne d'Arc, Paris, 1850; Strasz, Jeanne d'Arc, Berlin, 1862; Hase, die Jungfrau von Orleans, Leipzig, 1861 ; A. Desjardins, Vie de Jeanne d'Arc, Paris, 1854; Sickel, Jeanne d'Arc, dans Sybels hist. Ztschr., 1860, IV, p. 273 et suiv.; Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII (1403- 1461), Paris, 1863, et Procès de Jeanne d'Arc, Paris, 1867; Wallon, Jeanne d'Arc, Paris, 1860, 2 vol., éd., 1867; Semmig, die Jungfrau von Orleans, Deutsche Jahrb., 1863, t. LX; Robville, A. de Lamartine,

70 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

tous deux, Jeanne d'Arc, Paris, d863; Villiaumé, Hist. de Jeanne d'Arc; Michelet, éd., ibid., eod. an.; Eyssel, Jeanne d'Arc, Ratisb., 1864; A. Dantier, Jeanne d'Arc (Correspondant, 23 mai 1876). Sur les établissements de bienfaisance : Ratzinger, p. 286 et suiv.; ordonnance de Clément V; Conc. Vienn., c. ix, x (Clem., c. i, n, lib. III, tit. XIV). Montes pietatis : Leo X, const. Inter muUiplices, Bull., I, 553; Bened. XIV, de Syn. diœc, X, v, 1 ; Devoti, Inst. jur. can., t. II, lib. II, tit. XVI, § 16, n. 1 ; Ratzinger, p. 291 et suiv.

CHA.PITRE III.

l'église en face des lnfidèles, des schismatiques et des

hérétiques.

Rapports de l'Eglise avec les juifs et les niahoniétans.

Les juifs. L'Inquisition politique en Espagne. Les Sar- rasins.

246. L'Église maintenait en face des infidèles son ancienne législation. Les juifs, qui avaient singulièrement amélioré leur bien-être, soulevaient de violentes réclamations par leurs pratiques usuraires. De les persécutions qui éclatèrent à diverses reprises, en France (1320), à Francfort (1347) et ailleurs encore, quand la peste noire étendit ses ravages. On renouvela contre eux les anciennes ordonnances, mais elles furent souvent éludées. Les papes et les conciles prirent la défense de ceux qui étaient illégalement persécutés, interdirent de les baptiser par force, et protégèrent les convertis. En 1412, l'antipape Benoît XIII fit tenir une grande conférence reli- gieuse, dans laquelle le rabbin Joseph Albo, auteur du livre des Dogmes fondamentaux (Sepher d'Ikarim), défendit la reli- gion juive contre Jérôme de Sainte-Foi, juif converti et médecin de Benoît. En 1415, il publia une longue bulle, dans laquelle, ayant égard aux nombreuses conversions qui s'étaient produites en Aragon, il décidait que les juifs assisteraient trois fois par an à des conférences données par de bons prédica- teurs chrétiens sur l'avènement du Messie, sur les égarements et le sort malheureux de leur peuple.

Le concile de Bàle, dans sa XIX* session (7 septembre 4434),

l'église en face des SCH1SMATIQÜES ET DES UÉKÉTIQUES. 71

ordonna que des prédicateurs d'élite seraient établis dans les localités qui renfermaient une population juive considérable, et qu'on forcerait les juifs d'assister à leurs instructions. 11 renou- vela en même temps les ordonnances de Benoît sur le costume particulier que devraient porter les juifs et sur leur exclusion de tous les emplois. Ceux qui, après avoir reçu le baptême, retourneraient aux usages juifs, devaient être livrés aux inquisiteurs. Isaac Abubab, vers 1490, se signala parmi les moralistes juifs (Menorath ha Maor). Entre les accusations qui pesaient alors sur les juifs d'Espagne, figurait celle de conspirer avec les Sarrasins : de vient qu'en 1492 ou les somma d'opter entre la réception du baptême et l'émigration. Cent soixante mille familles juives quittèrent l'Espagne et allèrent se fixer en Portugal, d'où elles furent chassées en 1496, pour des raisons absolument semblables.

Il y avait dans la Péninsule beaucoup de Juifs et de Sarra- sins qui se faisaient baptiser, mais qui combattaient en secret le christianisme. L'Inquisition, qui allait se transformer bien- tôt en institution civile, était particulièrement dirigée contre eux. Sixte IV confirma cette institution en 1478 ; mais en 1482 il se plaignait déjà de la manière dont elle fonctionnait. En 1483 on recevait à Rome des appels contre les inquisi- teurs espagnols. Les grands inquisiteurs, Thomas de Tor- quemada (1483-1498) et Didace Deze (1498-1506), s'appuyaient principalement sur l'autorité civile, qui, devant les menaces continuelles des « néochrétiens », trouvait dans cette insti- tution, nullement impopulaire, le meilleur moyen d'atteindre son but. Le Saint-Siège, depuis Clément V, mitigea beaucoup la procédure des inquisiteurs contre les hérétiques, princi- palement en soumettant les sentences de condamnation au grand inquisiteur et à l'évêque ; il offrait souvent un asile aux persécutés , et prenait des mesures sévères contre les faux accusateurs et les faux témoins,

La plupart des inquisiteurs étaient, de l'aveu de leurs propres adversaires, des hommes intègres et fidèles à leurs devoirs. Lorsque Grenade, dernière ville occupée par les Maures, fut prise en 1492, on permit aux Maures de conserver leur culte; mais, une conjuration ayant été plus tard découverte, on les somma également (1498) de se convertir ou d'émigrer; le

72 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

décret fut rigoureusement exécuté en 1501. Plusieurs Sarrasins se firent baptiser; mais, comme ils n'étaient chrétiens que de nom,. ils n'en devinrent que plus dangereux. Les relations des chrétiens avec les Sarrasins étaient également hostiles, et les conversions parmi ceux-ci plus rares encore que parmi les juifs. Il fut sévèrement interdit aux chrétiens de livrer des armes aux mahométans.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 246.

Desping, die Juden im Mittelalter, Stuttg., 1834; Jost, Gesch. der Israeliten, Berlin, 1825 etsuiv., part. IV et suiv.; Wiener, Regesten zur Gesch. der Juden in Deutschland waehrend des Mittelalters, Hannov., 1832, 2 vol.; Grœsze, der Tannhœuser und der ewige Jude, éd., Dresde, 1861. Mesures contre les juifs : Conciles de Valladolid, 1322, c. XXI ; de Prague, 1349, cl; de Lavaur, 1368, c. cxii-cxv; de Palencia, 1388, c. V, VI ; de Salzbourg, 1418, c. xxxiii. Bulle de Benoit XIII, Etsi doctoris gentium, dans Dœllinger, Materialien, II, p. 393-403. Conc. Basil., sess. XIX; Mansi, XXIX, 98 et seq.; Héfelé, VU, p. 589. Contre ceux qui embrassaient le judaïsme : INicol. IV, const. iv, an. 1288. Greg. XI, const. u, an. 1372; V. Petra, Com. in Const. apost., t. III, p. 253 et seq.; t. IV, p. 153. Leo, Weltgesch., II, p. 431 ; Ranke, Paepste, I, p. 242 et suiv.; Menzel, Neuere Gesch. der Deutschen, IV, p. 197; Balmès, der Katholicism. verglichen mit dem Protestant.,, cap. xxxvi, p. 177 et suiv.; Hist.-pol. Bl., 1840, t. VI, p. 482 et suiv.; Héfelé, Ximénès, p. 241 et suiv. Sur le caractère des inquisiteurs : Buckle, Gesch. der Civilisation in England, t. 1, sect. I, Leipzig und Heidelb., 1860, p. 160. Voy. mon ouvrage Kath. Kirche, p. 600 et suiv., 607 et suiv. Sur Pierre d'Arbues, Civiltà cattolica, an. 1867, sér. VI, vol. XI, p. 273, 385 et seq. Inquisition modérée par les papes : Clem. V, in Conc. Vienn., c. xiii, xiv (Clem., c. i, ii, lib. V, tit. III); Héfelé, Vi, p. 482; Leo X, const. Intel leximus, 1518, Bull. Rom., III, p. 465 et seq. J. de Marsolier, E. Fléchier, etc. (ci-dessus, § 234). Joh. XXII, 1317, c. Copiosus, tit. VIII in X vagg. Joh.; Urban. V, in Bulla Cœnœ. Cf. Bened. XIV, de S. D., XIII, xx, 1 et seq.; Phillips, K.- R., II, p. 431, ^ 100. Nicol. V, const. Olim, Bull. M., 1, 364; Haus- mann, Gesch. der paepstl. Reservatfaelle, p. 143 et suiv.

nouvelles découvertes. Les peuples païens de rJifrlquc et de rAmérique.

Découverte des îles Canaries et des côtes occidentales de l'Afrique. Commerce des esclaves.

247. Plusieurs fois déjà les princes temporels s'étaient fait concéder par le Saint-Siège, moyennant un tribut annuel, les pays qu'ils avaient arrachés aux infidèles ou nouvellement

l'église en face des SCfflSMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 73

découverts. Vers 1344, Louis do la Cerda, prince de Castille, se fit donner par Clément VI, contre une redevance, avec le titre de prince de Fortunia, les îles Canaries, découvertes par des marchands castillans et portugais, avec l'obligation d'y pro- pager le christianisme, d'y ériger des églises et des couvents, Le pape y consentit, à cette condition que d'autres princes chrétiens n'auraient pas encore acquis de droit sur ces îles. Quoique les rois de Castille et de Portugal eussent renoncé à leurs prétentions, Louis ne fut pas en mesure d'en prendre possession.

Plus tard, les Portugais découvrirent les côtes occidentales de l'Afrique (1419-4484). Eugène IV, eu 1443, leur accorda tous les pays qu'ils découvriraient, depuis le cap Noun jusqu'à la terre ferme des Indes. Cotte mesure fut approuvée par Nico- las V, sous la condition qu'ils y introduiraient le christia- nisme. Bientôt de graves discordes éclatèrent entre les Por- tugais et les Espagnols engagés dans cette entreprise. La servitude personnelle , qui régnait d'une manière absolue parmi les Maures de la Péninsule, avait fini par passer dans les idées et les mœurs des Portugais et des Espagnols, au milieu de leurs guerres réciproques. Aussi, dans leurs expéditions en Afrique, en vinrent-ils au trafic des esclaves. Les lois permet- taient de réduire quelqu'un en esclavage par le droit de la guerre, et en suite d'une condamnation judiciaire, laquelle avait presque toujours lieu pour cause de rébellion, de rechute dans l'idolâtrie, d'anthropophagie. On pouvait tomber aussi en la puissance de quelqu'un par la naissance, par contrat de vente ou d'achat.

Les Portugais étaient souvent menacés par des corsaires d'Afrique, qui entraînaient des multitudes d'hommes en escla- vage : de des représailles. Bientôt aussi l'on vit des conqué- rants, des marchands même, faire la chasse aux nègres, afin de pouvoir les revendre avec profit; et déjà en 1341 les Portugais traînaient après eux des hommes enlevés des îles Canaries. En 1393, des marchands d'Andalousie et de Biscaye emme- naient de l'île Lancerote le souverain et sa femme, avec cent cinquante de leurs sujets.

Le Normand Jean de Béthencourt, qui reçut de la Castille l'in- vestiture des îles Canaries, s'y rendit de Cadix vers 1402, cons-

74 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

truisit un fort à Lancerote, puis retourna en Espagne pour se procurer en abondance des ressources en armes, en hommes et en vivres. Le capitaine Berlin de Berneval, qu'il chargea de le remplacer pendant son absence, fit conduire en Espagne trente insulaires à titre d'esclaves. Après son retour, d'autres esclaves en plus grand nombre furent saisis à la suite de combats entre les indigènes et les troupes françaises , d'autant plus qu'on venait de s'emparer sur ces entrefaites de plusieurs autres îles. Béthencourt y laissa plus tard son neveu, et se fit envoyer en France de copieux revenus.

Alors les plaintes affluèrent à la cour d'Espagne. Les évêques, surtout le franciscain Mengo, s'élevèrent avec force contre ces abus, et déclarèrent que ni avant ni après leur conversion il n'était permis de réduire les habitants des îles en esclavage. Jean II n'ayant rien obtenu par ses lettres, Petro Barba de Campos arriva avec trois vaisseaux pour déposer le jeune Béthencourt.

Cependant le commerce des esclaves allait son train, princi- palement sous le nouveau gouverneur Ilernando Peraza, qui subjugua Gomera en 1443. Palma fut soumise en 1493, Téné- riil'e en 4496. Le trafic des esclaves continua. Cependant il fut souvent convenu dans les traités de paix que les indigènes jusque-là traités en esclaves recouvreraient la liberté. Eu- gène IV insista pour qu'on adoucît les lourds impôts qui pesaient sur les habitants, prit des mesures pour leur envoyer des maîtres qui leur enseigneraient les arts et les travaux manuels, et protesta contre les atteintes portées à leur hberté. Son exemple fut suivi par ses successeurs. Ne pouvant modifier le droit de la guerre ni abolir l'esclavage, force leur était de restreindre leur protection à ceux qui étaient encore en liberté.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N* 247.

Juan Nufiez de la Pefia, Conquista y anliquitades de las islas de la Gran Canaria, 1. I, c. vu, xii-xvi; Cordeyro, Ilisloria insulana das ililas a Portugal sugeytas no Oceano, c. m; d'Avezac, les Isles d'Afrique; G. Gravier, le Canarien, livre de la conquête et conversion des Canaries (1402-1422), par Jean de Béthencourt, Par., 1875; Hist. de la première découverte et conquête des Canaries, Paris, 1630; K. Ritter, Gesch. der Erdkunde, éd. Daniel, p. 244 ; Lütolf, zur Entdeckung und Christia- nisiru-ng der westafr. Inseln (Tüb. Quartalschr., 1877, 11, p. 319 et

l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 75

suiv.). Décrets des papes : Rayn., an. d344, n. 4 et seq.; 1369, n. 14; 1434, n. 21 ; I43C, n. 25, 26 ; 1443, n. 10; 1454, n. 8 (cf. Bull., III, m, p. 70); an. 1462, n. 12; 1476, a. 21 et seq. Voyez mon ouvrage Kath. Kirche, p. 344-349. Hüne, Darstellung aller Verœnderungen des Negerhandels, Goett., 1820, part. I; Copley, a History of sclavery and its abolition, Lond., 1844; Cochin, l'Abolition de l'esclavage, Paris, 1862, t. I; Bandinel, der african. Sclavenhandel, trad. par J. Hecbsel, p. 12; Humboldt, Krit. Untersuchungen, II, p. 217; J. Margraf, Kirche und Sclaverei seit der Entdeckung Amerikas, Tûb., 1865; Civiltà cattolica, 1865-1866, VI, I vol., i-vii, p. 427 et seq., 662 et seq., etc. Lois en faveur de l'esclavage, d'après le Code Justinien, dans les Siete Par- tidas d'Alphonse X de Castille, 1258, part. IV, et dans les Ordenaçoens do rey Alfonso V de Portugal, 1446, lib. IV, tit. LXXXI; A. Helps, the Spanish conquist., vol. I, part. III, c. i, p. 201, Lond., 1855 et seq.

Conversions en Afrique. Influence de l'Église.

248. Le Portugal eut bientôt en Afrique d'immenses posses- sions, d'où il ramenait à la fois de l'or et des esclaves. En 4445, l'infant Henri défendit, dans l'intérêt de la conversion des nègres, de leur faire violence ; il essaya d'établir avec eux des relations commerciales, de conclure des traités, qui se multi- plièrent à partir de 1469. La traite des nègres diminua sensi- blement. Alphonse V et Jean II travaillèrent à leur conver- sion, et envoyèrent au Congo d'habiles missionnaires. En 1491, oay comptait déjà de nombreux chrétiens; on se mit à bâtir des églises. Emmanuel y dépêcha des messagers de la foi à diverses reprises (1504, 1510, d512); un prince du Congo fut élevé à Lisbonne, et le roi, déjà baptisé, envoya à Rome une députatiou. En 1533, Jean III de Portugal annonçait au pape que tout le Congo était cathohque. Aucun esclave ne fut plus enlevé de ce pays, et il fut en général sévèrement défendu de réduire des chrétiens en esclavage. Les missionnaires se mon- trèrent toujours les plus zélés défenseurs de la liberté des indigènes.

Mais en d'autres contrées, notamment au Sénégal, on conti- nuait d'exploiter et de vendre un grand nombre d'esclaves ; ce trafic consistait ordinairement à échanger avec des nègres un cheval contre neuf à dix-sept hommes. Comme l'Espagne et le Portugal étaient alors fort dépeuplés par l'expulsion des Maures, et que les bras manquaient au travail car beaucoup

76 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

d'habitants émigraient aussi par esprit d'aventure on se pro- cura des esclaves africains à un haut prix : les marchands s'ins- piraient de l'amour du lucre ; le gouvernement, de la politique. La religion seule pouvait adoucir le sort des esclaves, procurer leur conversion et avec elle souvent leur affranchissement, ou du moins y contribuer par ses encouragements, protéger et dé- fendre les convertis, garantir par ses censures ceux qui n'étaient pas encore esclaves. Elle concourut à l'amélioration des lois, et inspira souvent à des hommes cruels des sentiments d'huma- nité. En face de ces peuples entièrement sauvages, qui ne con- naissaient aucun droit des gens, qui avaient eux-mêmes des esclaves, qui enlevaient et mettaient à mort des chrétiens, les princes chrétiens se croyaient autorisés à faire la conquête du pays, afin de les morahser en les subjuguant, et d'extirper les crimes énormes, les massacres dont ils se rendaient coupables. Mais, afin de prévenir de nouvelles guerres entre les princes chrétiens, et d'assurer aux rois de Portugal le fruit des entre- prises qu'ils faisaient au prix de tant de sacrifices et de dé- penses, Nicolas V défendit de faire voile vers les îles et les côtes découvertes par le Portugal , à quiconque n'en aurait pas obtenu la permission du roi; il fallait payer un tribut, et s'y rendre avec des vaisseaux et des matelots portugais. A la suite de cet induit, Jean II de Portugal obtint d'Edouard IV, roi d'Angleterre, que les marchands anglais demeureraient éloi- gnés des côtes occupées par les Portugais.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N*" 248.

André Alvarez de Almada, Relaçao o Descripçao de Guiné, Lisb., 1730; Relazioni del Reanie di Congo, traite dagli scritti di Odoardo Lopez portughese, per F. Pigafetta, Roma, 1590; Barros, da Asia, dec. I, lib. II, c. a. Rayn., an. 1484, n. 82; 1490, n. 24; 1491, n. 6; 1510, n. 37; 1316, n. 104; 1533, n. ult.; Osorius, de Rebus gest. Emman. II, Reg. Lusit., 1. III, c. vin ; Molina, Tr. de justitia et jure, t. II, tr. II, disp. xxxiv, n. 8, p. 71 : « Ex hoc regno (Congo), cum omnes christiani sunt, nuUum asportatur mancipium, neque propter delicta serviluli subjiciuntur, sed aliis pœnis a suo rege puniuntur. » Sur reflet de l'induit de Nicolas V, 1454 : Hackluil, Hist. Navigation., V, II, p. 2; Thomassin, part. III, 1. I, c. xxxii.

Circumnavigation de l'Afrique.

249. Après des efforts persévérants, le Portugal atteignit sou

l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 77

but; il trouva sur mer une voie directe pour gagner les Indes orientales, au lieu de passer par l'Egypte, et pour faire le tour de l'Afrique par la voie de mer. On avait d'abord découvert l'île de Porto-Santo (1-408), et de l'île déserte de Madère (1419); en 1-Ul, l'on découvrit le cap Blanc, et, en IMo, le cap Vert. Vers 148-4, Diego Cano pénétra jusqu'au Congo, puis jusqu'au cap Saint-Augustin. En 1487, Barthélémy Diaz atteignit réelle- ment le cap de Bonne-Espérance : c'est le nom que le roi Jean II voulut qu'on lui donnât, au lieu de cap des Tempêtes, comme l'avait appelé celui qui en fit la déconverte. De on apprit aussi à connaître la côte orientale de l'Afrique, et l'on entama des né- gociations avec l'Ethiopie. Vasco de Gama entreprit alors (1497) son heureux voyage jusqu'aux Indes orientales, et bientôt de nouvelles flottes y abordèrent. François Almeida fut nommé vice-roi (1507), et après lui Alphonse Albuquerque (mort en 4515), qui fit de Goa le centre de la nouvelle domination dans les Indes orientales, et étendit plus loin le commerce portugais : nouvelle sphère ouverte à l'activité des missionnaires chrétiens.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 249.

J.-P. Maflfei, S. J., Histor. indic. libri XVI, Antw., 1605, 1. I-V; Col- lecçao de monumentos iuedilos para a historia das conquistas dos Por- tuguezes em Africa, Asia e America (dirigée par R.-J. Telner), t. II, part. I, Lisboa, 1860; t. III, 1862. Ose. Peschel, Gesch. des Zeitalters der Entdeckungen, Sluttg., 1838. Sur les travaux scientifiques des Portu- gais relatifs à l'Amérique, voy. Brucker, dans les Études relig., hist. et littér., mars 1878.

Découverte de l'Amérique.

250. On avait fait le tour de l'Afrique; on allait maintenant découvrir l'Amérique. Le Génois Christophe Colomb, en 4436, découvrit d'abord (12 octobre 1492) la petite île de Gua- nahany (nommée San-Salvador), s'avança vers Cuba et recon- nut Haïti, il construisit un fort. Le 3 mai 1493, il rentrait heureusement en Espagne. Pendant une seconde navigation entreprise dans l'automne, il découvrit les îles Ca- raïbes, et fonda une colonie à la Jamaïque. Calomnié à la cour d'Espagne (1495), il se justifia pleinement des accusations éle- vées contre lui (1496). Dans un troisième voyage, commencé le 30 mai 1498, il découvrit l'île de la Trinité, puis la terre ferme

TS HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de l'Amérique. Le grand amiral croyait qu'il était permis de réduire en esclavage les indigènes rebelles , du moins les Caraïbes des Antilles et les Haïtiens, qui se repaissaient de chair humaine; que, s'ils demeuraient dans leur conditions au- vage, ils ne se laisseraient jamais convertir ni civiliser. En 1494 déjà, sous Antoine Torrès, douze vaisseaux partaient emmenant des prisonniers caraïbes; en 1495, cinq cents d'entre eux furent conduits à Séville pour y être vendus.

Cependant ,1a reine, qui avait l'àme sensible et qui était bien disposée pour les Indiens, défendit, à l'instigation de son con- fesseur, l'archevêque de Grenade, de les mettre en vente, et exigea qu'ils fussent renvoyés avec d'autres Indiens amenés en Espagne. Colomb, qui respectait les droits naturels des in- digènes, tout en faisant un usage excessif du droit de la guerre tel qu'il existait alors, se brouilla sur ce point avec ses propres compatriotes. Plusieurs d'entre eux, sous la conduite de Rol- dan, se séparèrent de lui et se fixèrent dans le district de Xaragua, ils traitèrent les Indiens comme des esclaves. Colomb ne parvint à les soumettre qu'en leur permettant de garder les Indiens comme domestiques pour cultiver leurs terres; ils seraient à la fois leurs chefs et leurs protecteurs. Les chefs choisiraient les Indiens qui devraient être envoyés au dehors.

Telle fut l'origine du système des commendes ou répartitions {leparlhnieiito). La reine envoya à Ilispaniola (Saint-Domin- gue) un commissaire chargé de faire une enquête. En 1500, ce commissaire fit transporter en Espagne l'amiral chargé de chaînes. Celui-ci recouvra la liberté, mais non pas de suite le rang qu'il avait occupé jusque-là. Le roi Ferdinand envoya à Hispaniola le chevalier Nicolas d'Ovando avec trente vais- seaux parfaitement équipés. Sur sa demande, Colomb put en- treprendre en 1502, avec quatre vaisseaux endommagés, son quatrième voyage, traversé de bien des revers, mais couronné de succès. Peu de temps après son retour, il mourut à Valla- dolid, le 21 mai 1506, après n'avoir recueilli qu'ingratitude pour ses gigantesques entreprises. La terre même qu'il avait découverte ne reçut pas son nom, mais celui du Florentin Améric Vespuce, qui n'y aborda qu'en 1499. Vespuce publia quatre récits de voyages. Hispaniola fut pour les Espagnols le

l'église en face des schtsmatioues et des hérétiques. 79

point de départ de nouvelles découvertes. En 1500, Vasco Nunez di lialbao arriva au j^olte de Panama et fonda la colo- nie de Sainte-Marie-l'Antique. En 1513, la partie occidentale de l'Amérique et l'océan Pacifique étaient déjà découverts.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 230.

Vita Christoph. Columbi, Venet., 1575 ; Robertson, Bist, of America, Lond., 1772, traduite par Schiller, Leipzig, 1781, surtout 1. VIII; Tou- roD, Ilist. gén. de l'Amérique, t. 1, 1. I ; Luigi Bossi, Vita di Cr. Col., Milano, 1818 ; Noticias sécrétas de America, por D. J. Juan y D. Ant. de UUoa, sacadas a luz por D. Dav. Barry, Lond., 1826 ; Humboldt, Krit. Untei'such. über die Gesch. und Geographie v. Ideler, II, p. 186 et suiv.; Wiltmann, I, p. 18 et suiv.; Junkmann, die Entdeckung Ameri- ka's, Kath. Magazin, Munster, 1846; Cadoret, Vie de Christ. Colomb. Cf. Correspondant, t. XLII, p. 203; Peschel 249); Margraf 248); M. G. Canale, Vita e Viaggi di Cr. Col., Fir., 1863 ; Roselly de Lorgnes, la Croix dans les deux mondes, Paris, 1844; le même, Hist. de Chr. Col., Paris, 1855; l'Ambassadeur de Dieu et le pape Pie IX, Paris, 1874; Satan contre Chr. Col., ou la prétendue chute du serviteur de Dieu, Paris, 1876; P. Marcellin. Civezza, 0. M. 0., délia Vita di Cr. Colombo, trad. dal francese ed accresciuta di uuovi documenti, Prato, 1876.

Progrès du PortugaL Bulle d'Alexandre VI.

251. Les Portugais aussi cherchaient depuis longtemps à conquérir des terres en Amérique. En 1500, Cabrai découvrit le Brésil ; Fernando Magellan, la Patagonie, en 1519. Plus tard, les îles Marianes et les Philippines furent découvertes pour l'Es- pagne. Déjà précédemment la cour d'Espagne avait essayé de s'entendre avec celle du Portugal, qui se croyait lésée dans ses droits; cette tentative ayant échoué, elle demanda la décision du pape. Alexandre VI assigna à la couronne de Castille les îles et les terres fermes situées dans l'Océan occidental, et à la cou- ronne portugaise, les îles et les terres fermes situées en Afrique. Traçant une ligne (1493; du pôle nord au pôle sud, à cent milles marins des îles Açores et des îles du cap Vert, il décida que les pays situés au delà de cette ligne appartiendraient à la Castille, et les pays situés en deçà au Portugal. Ce dernier pays n'en ayant pas été satisfait, le pape recula la ligne de démarcation à deux cent soixante-dix milles marins dans la direction de l'ouest : de vient que le Brésil échut plus tard au Por- tugal.

80 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Le pape voulait prévenir les dissensions qui menaçaient d'éclater entre l'Espagne et le Portugal, et assurer la propa- gation régulière du christianisme dans ces pays. Il garantit aux deux royaumes, contre les prétentions des autres princes, les acquisitions qu'ils avaient faites, en tant qu'elles reposaient sur des titres de droit, et que d'autres princes n'auraient pas déjà auparavant occupé ces îles. Dans ce temps-là, on ne con- naissait encore que les îles; le premier navigateur venu pouvait occuper celles qui étaient désertes. Sur celles qui étaient habitées, il était facile d'acquérir l'autorité par des con- ventions avec les indigènes. Les colonies étabhes par les rois chrétiens devaient travailler à la propagation du christianisme. Alexandre VI y envoya aussi des franciscains. La concession du pape devait s'entendre selon le droit alors en vigueur. Dans une bulle analogue, donnée en 1497 pour le Portugal au sujet de l'Afrique occidentale, il était dit positivement que les in- digènes ne seraient assujettis que de leur plein gré. On ne songeait nullement à faire de tous les Indiens des esclaves de l'Espagne et du Portugal. La bulle du pape eut un plein suc- cès. Les découvertes des deux puissances maritimes se pour- suivirent sans qu'aucune guerre éclatât entre elles; seulement la découverte du continent américain enleva à la bulle une grande partie de son efficacité.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 251.

Const. Inter cetera, c. i, de Insulis novi orbis, I, ix, in Sept. Const., 4, Bull., Taur., V, p. 361-364; Rayn., an. 1493, n. 19. Cf. Henrion, Hist. gén. des missions, I, p. 333; Civiltà catt., VT, i, p. 662 et seq. Mon ouvrage Kalh. Kirche, p. 337 et suiv. Bulle pour le Portugal : Rayn., an. 1497, n. 33.

Travaux des missionnaires.

252. Les premiers missionnaires de l'Amérique furent des bénédictins, des hiéronymites, des franciscains et des domini- cains. Ils trouvèrent pour principal obstacle la cupidité et la dureté des Espagnols, et se prononcèrent résolument pour la liberté des Indiens. Le bénédictin Bail, envoyé par le pape en qualité de vicaire apostolique, combattit Colomb sur ce point. N'ayant rien pu obtenir, il retourna en Espagne (1494). Le compagnon de Bail, Perez de Marchana, construisit la première

l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 81

église d'Hispaniola. Le hiéronymite Ramon Pane et le fran- ciscain Borgounou déployèrent beauconp de zèle. Malheureuse- ment, le cacique Guarinox, qu'ils avaient d'abord gagné, aposta- sia par suite des cruautés des conquérants et des suggestions de ses sujets païens. Sous la conduite d'Alonso de Espinal, douze franciscains arrivèrent dans le pays avec le chevalier Ovando (1502). Comme le roi Ferdinand était mécontent des bulles par lesquelles Jules H érigeait de nouveaux évêchés, elles ne furent pas exécutées. Les sièges de Saint-Domingue et de la Concep- tion de la Vega, établis à Hispaniola, et celui de Porto-Rico, dans l'île de ce nom, ne furent érigés qu'en 1511. Le droit de patro- nage sur les sièges qui seraient institués fut accordé aux rois d'Espagne dès 1508.

Les dominicains eurent une résidence à Hispaniola à partir de 1510. ils condamnèrent l'usage de partager les Indiens entre leurs maîtres en qualité d'esclaves : c'était, selon eux, une violation du droit naturel, une infraction à la loi chré- tienne et le contraire d'une saine politique. Us prêchaient publiquement contre cet abus. Le gouverneur Ovando avait apporté avec lui un décret favorable à la liberté des Indiens; ce décret fut supprimé par un décret subséquent. Les gens du gouverneur, dépourvus de vivres, croyaient ne pouvoir remé- dier à leur détresse que par les bras des indigènes; lui-même était convaincu qu'une liberté excessive avait fait retomber les Indiens dans la barbarie et l'oisiveté, qu'il fallait pour les con- vertir les confier aux soins des colons chrétiens. Il fut donc décidé par une nouvelle ordonnance qu'on forcerait les Indiens, dans l'intérêt de leur conversion, à fréquenter les chrétiens, mais qu'on modérerait leurs travaux et qu'on ne les traiterait pas en esclaves. Malheureusement, la cupidité entraîna les Espagnols dans les plus grands excès d'autorité, et les domi- nicains les combattirent avec courage.

Les abus ne cessèrent point après qu'Ovando eut été rem- placé par Diego Colomb : il fut permis d'employer comme esclaves domestiques ou dans les travaux des raines les Indiens faits prisomiiers à la guerre. La cour d'Espagne était assiégée (le tuus côtés par des prières et des remontrances contradictoi- res. Les dominicains d'Haïti convinrent entre eux d'un certain nondire de principes, et menacèrent les Européens qui faisaient

V. HIST. DE l'église. 6

^'2 HISTOIKK DE LÉGLISE.

le trafic des esclaves du refus des sacrements. Pierre de Cor- done et Antoine de Montesino déployèrent une grande ardeur. Le dernier refusa en 1511 de rétracter les assertions qu'il avait émises en chaire, et, soutenu par son ordre, il alla trouver le roi d'Espagne, tandis que le franciscain Alonso de Espinal partait avec lui par le uième vaisseau pour aller soutenir la cause des colons. Le roi décida (1513) que les travaux des Indiens seraient restreints à un nombre de mois déterminé, (jue les femmes mariées et les enfants au-dessous de quatorze ans seraient affranchis; il prit plusieurs mesures générales pour protéger les indigènes et engager les vaillants frères prêcheurs à ne pas faire de nouvelles demandes. Ceux-ci ne se laissèrent point effrayer. Rodrigue d'Albuquerque, arrivé dans les Indes vn 4514, supprima les anciennes commendes et entre- prit une nouvelle répartition. Le sort des Indiens en fut sensi- blement aggravé.

OUVRAGES A C.ONSULTEn SUR LE 252.

Hayn., an. 1493, n, 24 el seq.; Solorzano, de Jure indico, t. 1, 1. III, c. VI, n. 59; Héfelé, Ximénès, p. 308; Margraf, p. 22; Peschel,p. 549 et suiv. Privilèges des rois : Sciloizano, 1. IV, c. u ; Herrera, Hist. gea. de los hechosde los Ca^lillano* en las islas y tierra firina del mar Oceano, décad. I, 1. IX, c. XIV ; 1. X, c xn et seq.

Les esclaves nègres.

253. Au heu d'esclaves indiens, on commença de bonne heure à emmener de l'Afrique des esclaves nègres, plus vigou- reux et plus aptes au travail. Le gouvernement autorisa l'importation de ceux qui étaient nés chez des maîtres chré- tiens, mais non des autres. Ovando se plaignit en 1503 qu'ils étaient trop nombreux n Haïti, que plusieurs se réfugiaient auprès des Indiens et les corrompaient encore davantage. On essaya de restreindre leur importation, et en 1.506 il fut interdit d'introduire des nègres du Levant ou des nègres qui auraient des Maures pour pères, dépendant, en 1510, le roi Ferdinand, ayant égard à la constitution débile des Indiens, fit envoyer de Séville à Haïti cinquante nègres pour travailler dans les mines. Comme les nègres semblaient de meilleurs ouvriers pour la culture de la canne à sucre, on exprima le désir, en

l'églisi; en iack ües schismatiques rt des hérétiques. 83

iM\, que l'importation des nègres »o fit sur une plus vasto échelle. Le gouverneur Pedrarias y consentit en 1514. Mais le cardinal Ximénès, régent après la mort de Ferdinand, défendit rigoureusement la traite des nègres. On s'adressa au jeune roi Charles, qui, cédant aux conseils de ses ministres de Flandre, fit de nombreuses concessions, malgré les avertisse- ments du régent. Les hiérony mites eux-mêmes, ainsi que le célèbre Barthélémy de Las Casas, l'apôtre zélé des droits de l'humanité, voulaient qu'on employât aux travaux des colonies, au lieu des Indiens trop faibles et privés de leur liberté contrai- rement au droit naturel, les nègres déjà réduits en esclavage, tout en faisant de nombreuses réserves. C'est ainsi qu'on arriva à soumettre la traite des nègres k un règlement précis. Parmi les Indiens, il ne devait plus être permis de réduire en escla- vage que les Caraïbes ou Cannibales (anthropophages). Cette mesure fut confirmée par plusieurs ordonnances royales, il était dit que la révolte, l'idolâtrie, les sacrifices humains et l'anthropophagie entraîneraient la peine de l'esclavage.

OUVRAGES A CONSIJLTKR ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 253.

Llorente, Œuvres ilt- B. Las Casas, II, 432 et seq., 436; Herrera, déc. II, I. II, 8lfi; .Naxarette, Coll. des voyagi-^ ; Helps, loc. cit., II, 18-20; Héfelé, p. 524: Margraf, p. 41 et suiv. Ouelques-uns ont con- testé que l.as Casas se fût prononcé pour l'exportation des nègres ; Dœllinger. Hdb. der K.-G.. Landshut, 1828, II, ii. p. 397.

Les peuples de l'Amérique.

254. Les peuples de l'Amérique appartenaient en grande partie à la race mongole et aussi à la race caucasique; ils diffé- raient beaucoup d'origine, de mœurs et de coutumes. Les îles, aussi bien que le continent, avaient, à différentes époques, reçu leur population du dehors, le plus souvent de l'Asie. Beaucoup étaient venus probablement du nord- est de l'Asie, des environs du détroit de Behring, les îles Kouriles, Aléoutiennes et des Renards forment une espèce de pont, et ils s'étaient dirigés vers la partie la plus occidentale de l'Amérique. D'autres, venus de la nier Méditerranée, de la Phenicie et de l'Keypte, étaient allés vers l'est de ce continent, ainsi que l'indiquent la légende de file Atlantide et beaucoup de monuments antiques. Il se peut aussi

S4 HISTOIRE HK I.'ÉGLISE.

que des éniigralioijs soient venues de l'Inde orientale par les îles de la mer du Sud.

L'histoire primitive de ces peuples n'est qu'un chaos téné- breux, pénètrent rarement quelques rayons de lumière; nous ne counaissinis même plus tous les noms de ces peu- plades; des tribus entières ont été extirpées avant que la science eût pu porter sur elles ses investigations. Les Espagnols se familiarisèrent d'abord avec les barbares Indiens, adonnés au fétichisme, puis avec les Araucas et les Chactas, voués au culte des astres, et avec les Mexicains, plus civilisés, etc. Les premiers jugements furent très défavorables à la population ; mais les missionnaires ne se départirent pas de ce principe qu'il fallait respecter en eux la dignité de l'homme, parce qu'ils descendaient du même premier couple humain que les peuples des autres parties de l'univers connu.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 254.

Adelung, Mithrid., III, p. 338 ; Malts, Anthrop., I, p. 293 ; Hettinger, die Abstam. d. Menschengeschl. v. Einem Paare (tirage à part a. d. œsterr. Vierteljahrschr. für Theol., IV, h. m), Vienne, 1863, p. 40 et sniv.

LES SCHISMATIOUES & LES HÉRÉTIQUES DE L'ORIENT.

I^o Schisme grec e( IX'nion de Florence.

L'empire grec. Négociations avec les papes.

255. Le vieux schisme avait repris de nouvelles forces sous Andronic II; il continua dans le cours du quatorzième siècle, et avec lui la polémique des théologiens grecs contre les théolo- giens latins. Elle fut soutenue par Nil Cabasilas, archevêque de Thessalonique (1340); par Gennade, archevêque des Bulgares; par le moine Maxime l'ianudes, par Siméon de Thessalo- nique, etc., et aussi, pendant quelque temps, par le moine Harlaam. La division intestine croissait chaque jour, et avec elle les désastres de l'empire. Les guerres d'Andronic 11 avec les Francs, avec les Tartares et surtout avec les Turcs, eurent la plupart une issue malheureuse. Les Francs, qui n'avaient pas encore renoncé au projet de recouvrer leur empire de Komanie, avaient pris d'assaut Thessalonique en 130G, mais ils avaient été

l'église KN face des SCHISMATIQUES ET DES IIÉRÉTIOUES. 80

arrêtés dans leurs progrès par la discorde entre les Hongrois et les Vénitiens ; en I32i, les Tartares tuèrent ou emmenèrent pri- sonniers un grand nombre de Grecs; enfin, les Turcs faisaient do continuels progrès. Ajoutez à cela une guerre civile qui éclata lorsque l'empereur voulut exclure du trône son petit-fils Andronic 111, qui le renversa en 1328. La politique seule donna lieu à des pourparlers relatifs à l'Union, avec Jean XXII, en 1326 et 1334, puis avec Benoit XII (1337-1339). Les Grecs ne voulaient qu'une chose, qu'on leur vînt en aide contre les Turcs; quant à l'union religieuse, ils en désiraient tout au plus l'apparence. Clément VI et Innocent VI négocièrent longtemps avec .lean V Paléologue (1341-1391), et avec son tuteur et co empereur Jean Cantacuzène, qui en 1355 fut renversé du trône, juste au moment l'on concevait quelques espérances.

Jean Paléologue fit les plus belles protestations d'obéissance au Saint-Siège; mais, comme les princes d'Occident ne répon- dirent point aux invitations du pape, les Grecs ne furent pas secourus; les Turcs s'emparèrent d'Andrinople (1361), et en firent la résidence de leurs sultans. L'empereur se crut alors dégagé de sa promesse. En 1364 cependant il envoya encore des ambassadeurs à Urbain V, abjura le schisme à Rome en 1369, et entra avec sa famille dans la communion de l'Église romaine. Cette fois encore les princes de l'Eurcspe demeurè- rent iuactifs; les Turcs s'emparèrent de tout l'empire, sauf Con.stantinople et Thessalonique, et forcèrent .Jean V en 1374 à conclure un traité de paix très humiliant avec le sultan Amurat. Grégoire XI autorisa quatre légats à recevoir dans la communion de l'Église tous ceux qui souscriraient le décret de Lyon (1274) ; il exhorta Louis, roi de Hongrie, à prêter secours aux Grecs, dont la plupart persévéraient dans le schisme, soit afin de les gagner par des bienfaits, soit pour protéger son propre pays contre les Turcs.

L'empereur Manuel Paléologue (1391- 1425) invoqua le secours de Boniface IX contre Bajazet. Le pape fit immédiatement prêcher une croisade (1398), et adjura les princes de ne point permettre que les Grecs, quoique non entièrement soumis à l'Église romaine, fussent subjugués et foulés aux pieds par l'ennemi héréditaire de la chrétienté. En 1400, Manuel fit inutilement le voyage de Venise, de France et d'Angleterre : il

86 HISTOIBE DE l'ÉuLISE.

ne trouva point de secours. Tamerlan seul, qui en 1402 battit et fit prisonnier le sultan Bajazet, arrêta encore quelque temps les Turcs dans leur marche victorieuse. En 1405, Innocent VII en était rédnit à ce dunlourenx aven de ne pouvoir plu? secourir l'empire grec, rédnit à la dernière extrémité.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LIi 255.

iNil. Cabasillas, de Caiisis dissensionuni in Eccl., ap. Salmas., de Priniatu Papa?, Lug<l. Hat., i645, t. 1; Gennad., SOvTayixa (inédit. Voy. mon ouvrage Pbotius, 111, p. 163, n. 33, p. 815); Maxim. Planud., ap. Migne, PP. gr., t. CXLVII, p. 967 et seq., 1130 et seq. Cf. t. CLXI, p. 309; Bailaara mua., ap. Salmas., loc. cit., p. 103 et seq.; Symeon Thessal., Migue, t. CLV, p. 9 et seq. Guerre d'Andronic II avec les Francs : Kaya., an. I30i^, u. 28; 1306, u. 5 ; 1312, n. 48. Joh. XXII : Raya., an. 1326, n. 26 et seq.; 1333, a. 18 et seq.; 1334, n. 2 et seq. Benoit VI : Rayn., an. 1337, n. 31 ; 1339, n. 21 et seq., 36. Clem. VI, ib., an. 1343, n. 12, 15 et seq.; 1344, n. 2; 1346, u. 64; 1348, n. 26. Innocent VI, ib., an. 1353, n. 23 et seq.; 1355, n. 35; 1356, n. 33 et .seq. Urbain V, ib., an. 1364, n. 67; 1365, n. 22; 1366, n. 2 et seq.; 1367. n. ."i; 1368, n. 20; 1369, n. 2 et seq.; 1370, n. 1 et seq. Gré- tîoire XI, ib., an. 1373, n. 2; 1374, n. 1 et seq.; 1375. n. 1 et .seq. Bunifacf IX, ib., an. 1398, u. 40; 1399, n. 4. Innucent VII, ib., au. 1405, 11. 3 et seq.; Niceph. Greg., Hist., 1. 1, p. 506 et seq.; t. II, p. 696 et seq., 780, ed. Bonn.; Cantacuzen., Bist., III, 87, 92 ; IV, 9; Pbrant- zei?, p. 61, ed. Bt'nn.; Cbristüjjlie, II, p. 5 et suiv., 54 et suiv,, 165, 246-249, 292, 306 et suiv.; Iléfelé, VI, p. 565 et suiv., 610; Pichler, I, p. 3;i6 et suiv.. :i73 ot suiv.. 380. 382.

Efforts de Martin V et d'Eugène IV en faveur de l'Union.

256. Les Latins avaient gagné à leur cause quelques Grecs de mérite, tels que Manuel Calécas, qui entra dans l'ordre de Saint-Dominique et écrivit contre le.s (rrecs quatre livres, cjui furent traduits en latin par .Vmbroiso ïraversari, sur l'ordre de Martin Y; UémétrinsCydoniusde Crète, qui séjourna longtemps en Italie et combattit Maxime Plainides ainsi que Nicolas Cabasilas, contre lequel il défendit saint Thomas d'Aquin. Après que d'innombrables écrits eurent été échangés de part et d'autre, les théologiens de Paris (1409) .s'appliquèrent aussi à procurer l'union des Grecs. Il ne fallait pas, disait-on, repousser la demande des Grecs tendant à réunir en un con- cile universel les deux parties, mais se contenter d'exiger la

l'église ë> face des SCmSMATIOLES ET DES HÉRÉTIQUES. 87

soumission au Saint-Siège, tenir compte de la divergence des coutumes, chercher enfin un détour pour amener la récon- ciliation.

Une ambassade importante, envoyée par l'empereur et le patriarche de Constantinople, se présenta à Constance en février 1418, mais il n'y eut point de négociations proprement dites. L'empereur entra ensuite en relation avec Martin V, qui déploya une activité extraordinaire en faveur de l'Union : il envoya plu- sieurs ambassadeurs, imposa au clergé rhénan et au clergé bour- guignon une taxe au profit de cette œuvre, et défendit très sévè- rement l'alliance que même des princes chrétiens avaient con- tractée avec les Turcs contre les Grecs. En l'an 1422, il envoya le Mineur Antoine Massanus en qualité de nonce à l'empereur et au patriarche, avec neuf articles concernant l'Union. Les Grecs répondirent qu'il fallait réunir, et, qui plus est, à Constantinople, un concile semblable aux sept conciles anciens, quand l'empire aurait recouvré la paix; le pape en supporterait les frais.

Le concile de Sienne , quand il entendit la lecture de cette réponse (8 novembre 1423), trouva que l'alfaire de l'Union ne pouvait pas en ce moment être poursuivit* avec avantage. L'empereur Jean Vil Paléologue (1425-1448), qui faisait les dernières tentatives pour soutenir, avec le secours des Latins, son empire chancelant, continua toutefois les négociations; il consentit à ce que le concile de l'Uuion tut tenu dans une ville sur la côte orientale de l'Italie, avec les patriarches orien- taux et environ sept cents Grecs; le pape en couvrirait les dépenses et enverrait des vaisseaux. Un traité spécial fut conclu en 1430 à ce sujet, ainsi que pour la sécurité de Cons- tantinople. Eugène IV fixa (12 novembre 1431) Bologne pour lieu de la réunion, avertit encore (18 décembre) le roi Sigismond d'envoyer à l'empereur et au patriarche des ambassadeurs pour les inviter à expédier des fondés de pouvoir, permit (21 mai 1432) à l'archevêque de Pihodes, André, un savant Grec, d'ab- soudre ceux qui abjureraient le schisme, et essaya d'obtenir 7 novembre 1432) que les Grecs qui se rendraient en Italie tus.sent exempts de taxes et défrayés d'uue partie de leurs frais de voyage.

Le fâcheux désaccord qui régnait entre le pape et l'assemblée de Bâle préparait les plus graves difficultés; l'assemblée de

88 HISTOIRK DE l'ÉGLISE.

Bâle contrecarrait les négociations d'Eugèiio, bien que dans le principe elle ne voulût rien avoir à démêler avec les Grecs. Le 26 janvier 1433, elle leur envoya une invitation et résolut de leur dépêcher une ambassade. Snr la fin de l'été, elle délégua à Byzance Antoine, évêque de Suse, et Albert de Crispis , provincial dos augustins; ceux-ci négocièrent en secret, et le délégué du pape, Christophe Garatoni , ne fut pas même informé de leur présence. En 1434, des envoyés grecs arri- vèrent à Bâle et furent reçus avec solennité, mais ils ne voulurent pas reconnaître Bàle pour le concile de l'Union. Le pape, à celte époque, inclinait à accepter Constantinople, mais les Bâlois s'y refusèrent.

Une nouvelle ambassade des Bâlois à Constantinople (1435) n'eut aucun résultat : les Grecs ne tenaient pas à une ville de l'empire grec, mais à une ville maritime avantageuse- ment située. Les négociations durèrent encore longtemps; c'était un va-et-vient continuel d'ambassadeurs ; à Bàle , des divisions éclatèrent. Eugène IV, que n'effrayait aucun sacrifice, loua des vaisseaux à Venise (1437), s'occupa de ren- forcer par des troupes les ressources militaires des Grecs, et convoqua de concert avec eux le concile à Ferrare. Le pape et les Bâlois envoyèrent chacun de leur côté des flottes à Constan- linnple, pour emmener l'empereur, le patriarche elles autres Grecs. Les Grecs se prononcèrent en faveur du pape, mirent à la voile vers la fin de novembre 1437, et, le 8 février 1438, abordèrent à Venise, ils furent reçus avec les plus grands honneurs.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 236.

Manuel Calec, Migiic, t. CLII, p. 9 et seq.; Demetr. Cydon., Migne, t. CLTV, p. 82Ö et seq.; Gersou, Sermo coram rege Francia? nomiiir Univ. Paris, pro pace Eccl. et unione Grœcorura, 0pp. II, 141-153; Schwab, Gerson, p. 258-262. Ambassadeurs grecs à Constance : v. d. Hardt, IV, 205 ; Marlene, Tlies., Il, 1661; HœOer, Gescbichtschreiber der husit. Bewegung, 11, p. 171 ; Pichler, I, p. 383; Héfelô, VII, p. 342 et suiv. Rayn., an. 1420, n. 27 ; 1421, n. 16; 1422, n. 2 et seq.; Cec- coni 121), doc. ii, m, p. V et seq. Envoi d'Antoine Massanus : Rayn., an 1422, n. 8 cl seq. Aôyo; toû lepotiovâxou 'AvTwvtoy MadCTavïi, dans Dimi- iracopulus, 'Jaiopîa xoù <Txt(7[xaTo; tÏ); XaTivtx-îi; "ExxXTidîaç ànà tyji; ôp8o5ô$oy ê),Xir)vixïii;, Lips., 1867, p. 101, 102; "ATroXoyîo, |j.à)>Xov àviip^yidiç toû TtavayiiuTâTOv Ttotipiâp/ov 'lüxri^iq) Trpè; Ta 8 ' xE^àXata, ib., p. 102, 103; Joh.

l'église en face des SCinSMAIIQrKS ET DES HÉRÉTIQUES. 89

Palœolog. ad Martin. V, i4 nov, 1422; Monum. Vindobon., 1857, p. 24- 26; Ceccoiii, doc. jv, p. XIV et seq. Conc. Sen. : Cecconi, doc. v; Mansi, XXVIll, 1062-1070; Zhishman, die Unionsverbandlungen zw. der orient, n. rœm. Kircbe seit Anf. des XY Jabrb. bis zum Concil von Ferrara, Vienne, 1838; Picbler, I, p. 383 et suiv.; Héfelé, VII, p. 396 et suiv. Eug. IV, 1431 et seq. : Cecconi, doc. vu, ix et seq., xiv et seq., XL et seq.; Rayn., an. 1433, n. 28; 1434, n. 17 et seq.; Mansi, XXIX, 92 et seq.; XXX, 833, 864; XXXI, 116; Monum. Vindob., p. 296; Zhisbman, p. 59 et suiv., 101 et suiv.; Picbler, I, p. 383 et suiv.; Héfelé, VU, p. 583 et suiv., 640 et suiv.; Frommann, Krit. Beitrsege z. Gesch. der Florentiner Einigung, Halle, 1872, suiiout p. 139 et suiv. Sur les sacrifices d'Eugène en faveur de l'Union, Job. Plusaden., pro Concilio Flor.,ap. Allât., Grœc. ortbod., I, 613.

Dix-septième concile général de Ferrare-Florence.

257. Un grand nombre d'évêques étaient déjà arrivés à Ferrare. Le 8 janvier 1438, le cardinal Albergati ût l'ouverture du concile au nom du pape, nomma ses officiers, et tint le 10 janvier une première session, qui prononça la légitimité de la translation du concile de Bàle à Ferrare. Le pape Eugène IV arriva le 24 janvier; il fit publier dans la seconde session, le 15 février, en présence de soixante-douze évèques, d'un grand nombre de prêtres et de docteurs, une bulle qui inter- disait, sous peine des censures ecclésiastiques, la continuation de l'assemblée de Bàle. Le 28 février, l'empereur Jean Paléo- logue se mit avec sa suite en route pour Ferrare ; il y entra le A mars, et fut salué affectueusement par le pape et les cardi- naux. Le 7 mars, le patriarche Joseph arriva avec son clergé.

Le pape, sur les questions de forme, se montra extrêmement accommodant, malgré toutes les difficultés de cérémonial sou- levées par les Grecs. L'empereur demanda que tous les princes d'Occident assistassent au concile en personne ou par des délé- gués; mais les nombreuses guerres d'Europe ne le permettaient pas. On convint que l'ouverture des débats aurait lieu le 8 avril, et que le pape enverrait aux princes d'Occident de nouvelles lettres d'invitation et des nonces.

L'Orient n'était pas uniquement représenté par l'empereur et le patriarche de Constantinople, mais encore par des plénipoten- tiaires des autres patriarches : Alexandrie l'était par Antoine, archevêque d'Héraclée, et par Grégoire Mammas, protosyncelle

90 HISTOIRE DE 1/ ÉGLISE.

de Bjzance ; Antioche , par Marc Eugénicus , archevêque d'Éphèse, et Isidore, archevêque de Kiew; Jérusalem, par Denys de Sardes, et après sa mort par Dosithée de Monem- basia. Le patriarche Joseph, tombé malade à Ferrare, ne put assister à l'inauguration; mais il déclara par écrit qu'il adhé- rait au concile de l'Union.

Ce fut seulement après qu'on eut lu le diplôme du patriarche que l'on donna, du consentenieut d'Rugène, lecture en latin et en grec de la bulle papale d'ouverture (9 avril). On nomma de part et d'autre une commission de dix personnes pour faire un examen préalable des points de dissidence et aviser aux moyens de procurer rUnion. On remanpiait parmi les Grecs : Marc Eugénicus d'Éphèse et Bessarion de Nicée; parmi les Latins : les cardinaux Julien Cesarini et A.lbergati, l'arche- vêque André de Rhodes, Jean de Turrecremata et Jean de Monténégro. A la cathédrale, les Latins occupèrent le côté de l'évangile, et les Grecs le côté de l'épître. Au milieu, sur un trône, était ouvert le livre des Évangiles. Plusieurs conférences furent teinies dans l'église des franciscains; le cardinal Cesa- lini les ouvrit par un brillant discours, auquel Marc d'Éphèse ne répondit que faiblement. Bessarion parla mieux. Les premiers colloques, ainsi que le désirait l'empereur, ne roulèrent guère que sur des généralités.

Dans la troisième conférence, le cardinal Julien énuméra les principaux points de dissidence : tMe dogme de la procession du Saint-Esprit; les azyujes; 3" la doctrine du purgatoire; ■i" la primauté du pape. Sur le ptirgatoire, devenu depuis 1252 un sujet d'ardentes controverses, le cardinal Julien et Turre- cremata discutèrent, en Juin et en juillet, avec Marc d'Éphèse et Bessarion; les Grecs, sur (^e point, n'étaient pas d'accord entre eux, et cherchaient à dissimuler leur doctrine sous des faux-fuj'ants, ils n'échappaient pas toujours aux contradic- tions. L'empereur tenait beaucoup n éviter les grandes opposi- tions sur le terrain du dogme. On arriva tout naturellement à discuter sur l'état des âmes des morts. Les Grecs, après s'être longtemps consnltés, aboutirent enfin, le 17 juillet 1438, à cette déclaration peu satisfaisante : les âmes des justes, après la mort, jouissent immédiatement de toute la béatitude dont l'âme est susceptible; vient ensuite, après la resorrection génê-

l'église en face des SCHlSMATlQLliS ET DES HÉRÉTIQUES- 91

raie, la glorification du corps, qui devient brillant comme le soleil.

OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 257.

Les Actes complets du dix-septième concile général ne nous sont point parvenus; mais nous possédons: l'Histoire du concile jus- qu'au départ des Grecs, par un Grec (probablement Dorothée, arche- vêque de Mytilène), imprimée à Rome eu 1577 par ordre de Gré- goire .\lll. Une traduction latine en fut faite, sur le désir de Benoît d'Accoltis, archevêque de Ravenne, par Barthélémy Abram de Crète, évèque grec, et publiée à Rome aussi dès 1521 ; mais elle contient beau- coup de fautes. Une traduction meilleure fut donnée, sous Paul V, par Jeau Matthieu Caryophilus (Conc, éd. Rom., 1612). Texte grec et latin dans Hard., I.\, p. 1-434. Les recueils des Actes, publiés en 1638 par Horace Justiniani, gardien de la bibliothèque vaticane, et conte- nant les noies d'André de Sainte-Croix, patricien romain et notaire apostolique, qui avait assisté au concile, puis d'autres documents tirés des archives du Vatican et des bibliothèques de Rome (dans Hard., IX, p. 669-1080). La Summa Conciliorum, d'Augustin Patriciusde Sienne, composée, en 1480, sur le désir du cardinal Piccolomini, très concise (dans Hard., loc. cit., p. 1081-1198; Hartzheim, Conc. Germ.,V, 774-871). 4" L'ouvrage souvent suspect et passionné du prêtre grec Sylvestre Syropulos, librement traduit en latin par l'anglican Robert Creyghton et publié sous ce titre : Vera Historia uuionis non verae inter Grœcos et Latinos, sive Concilii Flor, exactissima narratio grœce scripta, per Sylv. Sguropulum (c'est ainsi que le traducteur rend le nom de l'auteur). Hag. Com., 1660 et seq., avec une longue préface, contre laquelle L. Allât, (in Roberti Creyghtoni apparatum, etc. Exercitatio- nes, t. 1. Rom., 1674; composa d'excellentes remarques critiques. Comp. Héfelé, Tïib. Theol. Quartalschr., 1847, II, p. 187-189. An- dron. Dimitracopulus, dans sun ouvrage cité 256) du Schisme (p. 100 et suiv.), il suit Syropulos, a donné quelques documents relatifs aux préambules de l'histoire. Eugène Cecconi, chauoine ^aujourd'hui archevêque) de Florence, a fait beaucoup plus dans sou ouvrage mal- heureusement inachevé 121), surtout doc. ci.xx et seq., Cf.xxxii et seq.). Les récits du Russe schismatique Simon de Susdal ont été publiés par Frommaun, op. cit. 256), p. 110 et suiv. Edition à part ; 'H âyia xa'i olxo'JiJLcvixr) Èv <ï>X(op£v-ta (Tjvooo; O'.à [iovayoû ßeveoiXTivou (P. Nikes) ; ev 'PoiiAr,, 1864. Sur le Concile, Iléfelé, Quartalschr., 1847 et 1848, et Conc. -Gesch., VII, p. 650 et suiv., 666 et suiv.; Pichler, I, p. 389 et suiv., ne relève que quelques détails. La divergence sur le purgatoire lut surtout traitée à Constanlinople en 1252 Tract, cont. error. Graec, Bibh PP.. Lupd.. XXVIL .ï99 et seq.;: mais elle l'avait déjà été sous Gré

92 HISTOIRE LIE l'ÉGI-ISE.

goire IX (Werner, III, p. 1 13, n. 17). Comp. Ai-cnd., de Igné purgatorio. Romae, 1637; Allât., du ulriusque Eccl. perpétua in dogmate de Pur- gatorio consensione, Romae, \Qoö; B. Loch, das Dogma der griech. Kirche vom Purgatoritim, Ratisb., 18'f2; mon ouvrage Photius, 111. p. 643 etsuiv., 821. Bessarion admettait un lieu intermédiaire entre le ciel et l'enfer, un châtiment dans l'autre monde pour les âmes non entièrement purifiées, une douleur, mais point de feu. Hard., IX, 19.

Suite du concile de Ferrare-Florence.

258. L'empereur Jean, sous prétexte qu'il fallait attendre l'arrivée des Bâlois et d'autres princes, essaya d'empêcher qu'on n'entrât dans l'examen approfondi des questions théologiques, et d'amener une union basée sur de vagues formules. Tout <intier au plaisir de la chasse, il ajournait les discussions, au grand mécontentement du pape et des Grecs. Plusieurs de ceux-ci, surtout les adversaires de l'Union, quittèrent secrè- tement Ferrare, comme les archevêques d'Ephèse et d'Héra- «lée; mais un ordre de l'empereur les obligea de revenir. Eugène IV se plaignait à bon droit des lenteurs des négocia- tions.

Après qu'on eut encore résolu quelques objections des Grecs, on tint, le 8 octobre 1438, la première session générale, (|ui fut presque entièrement occupée par un long discours de l'archevêque Bessarion. Le H octobre, André, archevêque de Rhodes, en prononça un autre qui ne fut guère moins étendu. Vinrent ensuite les discussions. Les orateurs des Grecs, suivant ce qui avait été convenu, prirent le rôle d'opposants, et les Latins défendirent leur Église. Dans la troisième session (14 octobre), Marc d'Ephèse attaqua violemment les Latins à cause de l'addition faite au Symbole et en demanda la sup- pression, il prétendait prouver, par les anciens conciles œcumé- niques, que toute addition au Symbole était interdite. André, archevêque de Rhodes, et le cardinal Julien lui répondirent qu'un commentaire, un éclaircissement n'était pas proprement une addition qui fût défendue ; que le FiUoque n'était qu'un développement contenu en germe dans ces mots ex Pâtre; qu«; les anciens conciles avaient interdit aux particubers de faire aucun changement dans le Symbole, mais qu'ils n'avaient pas défendu toute explication nouvelle de la foi, souvent né^es-

l'église en face ces schismatiques et des hérétiques. 93

sitée par do nouvelles hérésies ; que l'Église romaine, appuyée sur renseignement des Pères grecs et latins, avait eu le dnjit d'ajouter dans le Symbole de la foi, en guise d'explication, que le Saint-Esprit procède du Fils aussi bien que du Père ; que les Grecs n'y avaient point contredit dans le principe; qu'il fallait se diriger non suivant la lettre des anciens conciles et des Pères, mais suivant leur esprit.

Les Grecs persistèrent longtemps encore à soutenir qu'il n'était permis de faire aucune addition au Symbole, quand même cela paraîtrait nécessaire pour prévenir une hérésie. Ce thème fut développé dans plusieurs sessions (IV-XV, des 15, 16, 20 et 25 octobre, i", 4, 8, 11 et 15 novembre, 4 et 8 dé- cembre). Les Grecs étaient de mauvaise humeur et songeaient à rentrer chez eux; mais leur empereur les retint et permit qu'on s'occupât d'abord du dogme de la procession du Saint- Esprit dans des conférences composées de douze théologiens pour chaijue parti.

Sur ces entrefaites, le pape proposa de transférer le concile à Florence, parce que la peste commençait à sévir à Ferrare, et que la ville de Florenoe avait promis des avances d'argent considérables, si le concile s'y transférait. Eugène IV, de son côté, privé presque de tout revenu, voyait venir le moment il ne pourrait plus fournir aux sept cents (îrecs les secours qu'il leur avait promis. Les prélats grecs y consentirent malgré eux; ils auraient préféré retourner dans leur pays, mais ils manquaient d'argent pour partir, et l'empereur les retenait. La bulle de translation fut lue en grec et en latin au commence- ment de janvier 1439 (seizième session), et la translation fut opérée. Le pape se rendit à Florence le 16 janvier; les Grecs le suivirent vers la mi-février.

OCVRAGES A CONSULTER SIR I.E 258.

Sessions de Ferrare : Héfelé. VII, p. 681-696. Translation : Hard.,IX, 173 et seq., 888 et seq.

Discussions à Florence sur la procession du Saint-Esprit.

259. Le 26 février (dix-septième session), le cardinal Julien et l'empereur prononcèrent des discours et conférèrent en- .-^emble sur les négociations pendantes. La grande lutte pu-

'U HISTOIRE DE l'ÉGLISE,

blique (dix-huitième session) commença le 8 mars, et se pro- longea pendant cinq autres sessions. Le principal orateur des Latins fut le provincial des dominicains de Lombardie, Jean de Monténégro, dialecticien pénétrant et habile théologien. .Marc d'Éphèse soutint la cause des Grecs. Jean ouvrit la dis- cussion en disant qu'il allait développer ses vues théologiques d'après les Pères grecs, notamment sur la génération, la pro- cession, la nature, la personne, etc. il argumenta ainsi : « Selon les l'ères, le Saint-Esprit tient l'être du Fils : il procède donc aussi du Fils. » Il discuta avec Marc d'Éphèse sur divers pa.ssages de saint Épiphane et de saint Basile. 11 fallut s'occuper aussi des inter- polations faites dans les ouvrages des Grecs; les Latins avaient a leur disposition des manuscrits grecs fort anciens. Ambroise Traversari et le cardinal Julien aidèrent le provincial Jean à recueillir des preuves dans les Pères orientaux. Marc défendit mal sa cause, et un grau<l nombre de (îrecs furent heureux d'entendre de la bouche du provincial Jean cette explication, nullement nouvelle, (juo l(^s Latiu.s n'admettaient pas deux principes ni deux >pirciti(»u.^, mais un seul principe et une seule spiration ; que le Père et le Fils communiquent l'être au Saiut-t>[)rit par ce (ju'ils ont de commun et non par ce en quoi ils dilierent.

L'empereur voulait cpi'on ne prolongeât pas davantage le débat, mais que l'union fût tout de suite opérée. La plu- part des ecclésiastiques grecs y adhérèrent, après qu'on eut donné lecture d'un passage de saint Maxime sur la doctrine des Latins. Les 21 ei 24 mars 1439 (vingt-ipialrième et vingt- lùuquième session), les archevêques d'Ephèse et d'Héraclée ne parurent point; le provincial Jean développa avec t)eau- coup de netteté la doctrine des Latins et les preuves à l'appui. Les Grecs décidèrent, dans leurs assemblées particulières, qu'ils examineraient les preuves des Pères qu'on venait de leur citer; et le pape, sur leur désir, suspendit les sessions publiques. Des délégués turent désignés de part et d'autre.

Deux partis existaient chez les (îrecs ; plusieurs, conimü Isidore de Kiew, liessarion de Nicée et Dorothée de Mylilène, étaient favorables à l'union ; d'autres, comme Marc d'Ephèse, qui allait jusqu'à traiter Ifs Latins d'hérétiques, et Antoin«^ d'Héraclée, y étaient contraires. Les 13 et 14 avril, Bessarioii

l'église EiN FACE DES SCHISMAIIQIKS Kl DES HÉRÉTIQUES. ^Kt

pronouça dans l'assemblée de ses compatriotes un excellent discours en faveur de l'union, et (ieorges Scholarius fit trois conférences dans le même sens. Quoiqu'on n'eût encore pris aucune résolution, le nombre des partisans de l'uniun ne tarda pas à prédominer; seulement, les (îrecs ne voulaient plus de discussion. Il fut convenu que dix hommes seraient choisis de part et d'autre pour rédiger la formule de réunion.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N*" 239.

Sur les principes théologiques de Jean de Monténégro, voy. mes Aniraadversiones in Phutium de Spir. Sanct. mystagogia, Ratisb., J837, p. 169, 231 et seq., 242. Voici les points importants : La nature et la personne sont réellement (xarà Ttpäyiia) une même chose, mais elles durèrent xarà xèv xpÔTtov rri; i^ijjLExépa; voriTEw;; 2" la personne se rorapose de l'essence (ouata) et d'une propriéU- particulière (i&îu)(jia) ; l'essence est transmise aux personnes, mais les propriétés (tôtùtiaxa) sont incommunicables; pour que les personnes puissent être dis- tinctes, les propriétés hypostatiques doivent demeui'er incommuni- cables; .T<> dans la Trinité il n'y a de distinction possible entre les personnes que celle de l'origine qu'une personne tient d'une autre (Sià toûto, il TtpôdwTcôv Ti ècrrlv àç' i-céçoM). S. Thom., Sum., I, q. xxxvi, art. 2 : « Si non esset Spiritus sanctus a Kilio, nullo modo posset ab <'o personaliter distingui. » Le principe générateur, « principium quod générât ", c'est la personne; ce par quoi et avec quoi elle engendre (principium quo, àpyri sr rj; yewà). c'est l'essence; les activi- tés immanentes appartiennent aux personnes ; 7" ce qui est communi- qué, c'est la nature; ce qui opère, c'est la personne. Le Père commu- nique au Fils la nature, mais non la paternité; ce n'est pas la nature qui engendre, c'est la personne. De même les personnes produisent l'Esprit, non pas en vertu de ce qui les fait distinctes, mais en vertu de ce qui constitue leur unité. Si l'Esprit est de la substance du Père, il est aussi de la substance du Fils, car elle est commune au Père et au Fils. Les Latins appelaient le Père et le Fils « principium », et non X causa » ; les Grecs disaient akia. Voy. Thom., Opusc; cont. Graec, I, c. vu; H, c. ni, IV. Les théologiens de Paris rejetèrent en 1413 cette proposition : « Palerest causa Filii » (Gerson, de Exanî. doct., p. II, cons. i; du Plessis d'.\rg., 1, ii, p. 2095). Parmi les textes des Pères, Jean de Monténégro employait surtout Epiph., Ancor., c. lxxiu ; Äthan., or. iv c. Arian.; Basil., c. Eunom., V, xiu ; III, i, ii. Sur la falsitication d'un manuscrit de saint Basile par les Grecs, voy. Joseph Methon., ApoL. Hard., tX,o68; Bessarion, or.de un. Eccl., ib., p. 319- 372; Georg. Scholar., orat. ui, ib., p. 446-350; Héfelé, VII, p. 696-710.

96 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

Nouvelles discussions.

260. Les députés grecs demandaient qu'on adoptât la lettre do saint Maxime, ainsi que cette formule employée par lui, par Taraise et par d'autres : « Le Saint-Esprit procède du Père par le Fils. » Les Latins, croyant que los Grecs voulaient éluder par la profession du dogme véritable, admettre deux actions et un concours purement instrumental du Fils, déclarèrent de non veau (juils ne reconiiiissaiont pas deux principes dans la Trinité, qu'ils croyaient qne le Père est la racine et la source de la divinité, et tpie si le Saint-Esprit procède aussi du Fils, le Ris le lient du Père. Les Grecs délibérèrent entre eux ; lo métropolitain Lsidore pré.senta les témoignages des Pères re- cueillis par Beccus. Ils envoyèrent une déclaration aux Latins, il était parlé des relations du Saint-Esprit avec le Fils en tormes figures, qui pouvaient également se rapporter à une mission purement temporelle du Saint-Esprit par lo Fils; les L.itins maintinrent que le Saint-Esprit tient l'être du Fils de toute éternité.

L'empL-reur essaya d'obtenir du pape (13 et 15 mai) qu'au- cune explication nouvelle ne fût plus exigée, et il négocia secrètement avec les partisans de l'union, Bessnrion, Isidore et lo protosyncelle Grégoire. Dans une assemblée tenue chez l'empereur (28 mai), la plupart des Grecs adhérèrent aux Pères latins et à leur doctrine; seul, Marc d'Éphèse s'obstina dans sa résistance. La formule du décret fut alors arrêtée de concert (8 juin). On déclara que le Saint-Esprit est éternellement du Père et du Fils selon sa nature, et qu'il procède d'eux comme d'un seul principe; que ces formules des Pères : « du Père et du Fils », a du Père par le Fils », sont au fond identiques, et qu'on a eu raison d'ajouter le Filioque au Symbole. Cependant on n'obligea pas les Grecs à changer l'ancienne forme de leur Symbole; il leur suffisait d'admettre le dogme.

OUVRAGES A CONSISTER SUR LE 260.

Exigences des Grecs et déclarations des Latins : Hard., p. 378 et seq. Sur ces teiintîs : ^lr^■^6X,^\•^ , àvaê),0!^£iv, Ttpoxeïv, etc., ib., p. 381 ; Mansi, \\\\, 975. Sur le FiUoqur. ihid.; Héf.Hé, p. 710-721.

l'église en face des SCHISMATIQL'ES El' DES HÉRÉTIQUES. 97 Autres controverses.

261. Le pape Eugène demanda iiûmédiatement (9 juin) que l'on s'entendît aussi sur les autres questions controversées. Rela- tivement à la matière de l'Eucharistie, ou convint sur-le-champ que la consécration est également valide avec du pain fermenté et du pain non fermenté, et que chaque partie garderait son ancienne coutume. En d'autres points aussi, l'accord fut plus aisé qu'on ne l'avait cru. Sur ces entrefaites mourut le vieux patriarche Joseph (10 juin), après avoir encore une fois déclaré par écrit, le jour précédent, qu'il adhérait pleinement à TEghse romaine et protesté de sa soumission au pape. Un lui lit de solennelles funérailles.

Cependant, hieu des difficultés restaient encore à vaincre, et les Grecs menaçaient de nouveau de s'en aller. Us ne voulaient pas qu'on insérât dans le décret d'union que la consécration a lieu en vertu des paroles de l'institution prononcées par Jésus-Christ, sous prétexte que ce serait injurieux pour leur Église. Les Latins finirent par céder sur ce point.

Sur l'état des âmes des défunts, les Grecs convinrent que ceux qui n'ont pas fourni en cette vie une pénitence et une satisfaction suffisantes, vont après la mort dans le purgatoire, ils peuvent être secourus par les prières , les bonnes œuvres et les sacrifices des vivants ; que ceux qui sont entiè- rement purs arrivent immédiatement à la vision de Dieu, niais avec des degrés différents de béatitude; taudis que ceux qui meurent en état de péché mortel ou seulement de péché ori- ginel, descendent en enfer, mais souffrent diversement.

Le 20 juin, les Grecs et les Latins nommèrent de part et d'autre six députés pour délibérer sur la formule d'union, eu prenant pour base le projet présente par le pape. On dési- rait que la définition fût rendue dès le 29 juin, mais elle fut différée jusqu'au 5 juillet.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 261.

Sur les azymes, IV, § 189. Extrenia sententia Josephi Patr. : Hard., IX, 41)5; Mansi, XXXI, d007. L'authenticité est soutenue par Héfelé, p. 723-727, contre Frommann, etc. (Voy. aussi Diraitracop., loc. cit., p. 135, 136).

v. msr. DE l'église. 7

98 HISTOIRK ÜK L'itGLISE.

Discussions sur la primauté du pape.

262. Un point particulièrement difficile, c'était de faire recon- naître par les Grecs la primauté du pape, qu'ils rejetaient depuis lonf^temps. Ils avaient consenti à ce que le pape jouît de tous les privilèges qu'il possédait dès l'origine et avant la séparation, mais ils n'admettaient point qu'il eût été autorisé à joindre le Filiorpic. au Symbole. Les théologiens latins démon- trèrent cette prérogative et le droit divin de la primauté. Le 2t juin, les Grecs reconnurent les privilèges du pape, moyen- nant deux restrictions : il ne pourrait point convoquer de concile œcuménique sans l'agrément de l'empereur et des patriarches orientaux; il ne recevrait aucun appel des sentences des patriarches, et ne citerait point ceux-ci devant son tribunal; il enverrait tout au plus des juges dans les pro- vinces pour y faire décider la question.

Eugène IV répondit qu'd entendait maintenir tous les privi- lèges de son Eglise (22 juin). Les esprits étaient profondément abattus. Isidore, Bessarion et Dorothée de Milylène intervinrent, et les Grecs reconnurent (26 juin), conformément au projet des Latins, que le pape est le pasteur suprême, le représentant de Jesus-Christ, le pasteur et le docteur de tous les fidèles, chargé do régir et de gouverner l'Église entière, sans préjudice des privilèges et prérogatives des patriarches orientaux.

L'empereur et son entourage opposaient des difficultés au projet d'union (28 juin); ils lui reprochaient : d'être conçu en forme de bulle pontiticale, et de ne pas mentionner l'empereur et les patriarches; 2" de contenir cette addition relative atix pri- vilèges du Saint-Siège : « ainsi qu'il est porté dans la sainte Écriture et les maximes des saints » ; ils auraient voulu que l'on dît : « conformément aux canons ». Le pape consentit que ces mots tussent ajoutés au commencement de la bulle : « avec l'assentiment de l'illustre empereur et des patriarches «. Sur le second point, les Latins ne crurent pas devoir céder.

Le 30 juin, les Grecs proposèrent la rédaction suivante : « conformément aux canons, aux maximes des saints, à la divine Ecriture et aux actes des conciles ». La citation exclusive des canons courait risque de déplaire aux Latins; celle de l'Écriture pouvait être omise, comme étant déjà contenue dans

l'église en face des schismat[ques fît des hérétiques. 99

les paroles il est dit que le pape a hérité de toute la pri- mauté dans la persouue de Pierre; l'appel aux maximes des saints choquait les Grecs, qui ne voulaient voir dans beaucoup de paroles des Pères que des termes de politesse. Quant à l'au- torité des papes dans les conciles généraux (surtout à Chalcé- doine), les Latins y attachaient une grande importance, comme on le voit par les discours du provincial des dominicains. Après que deux formules eurent été proposées le 1" juillet, on s'arrêta à celle-ci : « suivant ce qui est contenu dans les actes des conciles œcuméniques et dans les saints canons » ; formule qui, dans l'es- prit des Latins, n'était pas une restriction, mais une exphcation. Les Grecs se permirent seulement d'intercaler dans le passage : « nonobstant les droits des patriarches » , les mots tous les droits^ que les Latins, après quelque résistance, finiront par accepter.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE 262.

Hard., IX, 408, 413 et seq., 417, 9(57 et seq., 974 et seq. ; Fichier, I, p. 394-396; Héfelé, p. 731 et siiiv., 737 et suiv.; Bauer, Laacher St., 1872, VI, p. 537 et suiv.

Décret d'union.

263. La définition du concile de Florence (XVII' œcuménique) commençait par ces mots : « Que les cieux se réjouissent et que la terre tressaille » ; puis elle célébrait la concorde rétablie entre l'Orient et l'Occident, et contenait les décrets relatifs à la procession du Saint-Esprit du Père et du Fils, au pain eucha- ristique, à l'état des âmes après la mort, à la primauté du pape, à la succession dos patriarches. Le 6 juillet 1439, elle fut solennellement publiée, en latin et en grec, d'après la rédaction du savant Ambroise Traversari, en latin par le cardinal Julien, en grec par l'archevêque Bessarion. Cette rédaction était conçue selon le génie des deux langues, et reproduisait le travail intellectuel des deux parties.

Les signataires, parmi les Grecs, furent : l'empereur, quatre représentants des patriarches, seize métropolitains, quatre diacres, les envoyés de quelques autres princes grecs. Marc d'Éphèse refusa obstinément sa signature. Parmi les Latins : le pape, huit cardinaux, deux partiarches latins, soixante et un archevêques et évêques, quarante abbés, quatre généraux d'ordres, les députés du duc de Bourgogne.

lOO HISTOIRE DR l'ÉGLISF.

Ce décret était d'une haute importance, même pour l'Occident , engagé alors dans de grandes disputes sur l'étendue de l'auto- rité du pape. Le pape disait le décret n'est pas seulement le chef des Eglises particulières, mais encore de l'Église uni- verselle; il tient son pouvoir, non de la masse des fidèles, mais inunédiatement de Jésus-Christ, dont il est le vicaire; il n'est pas seulement le père, mais aussi le docteur de tous les chré- tiens, et tous lui doivent obéissance. Cette définition réjouit tous les esprits bien pensants ; elle ne fut pas, il est vrai, adoptée par tout le monde inmiédiatement : la France, en particulier, refusa longtemps de reconnaître le concile de Florence; mais elle gagna chaque jour du terrain, et servit de base an développe- ment théologi(]ue du dogme de la primauté. C'était un puissant contrepoids opposé aux efforts du concile de Bâle.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 263.

Bull. Rom., éd. Taur., V, p. 39-42, const. xxi ; Denzinger, Enchir., éd. IV, p. 200 et seq.; ed. C. Milanesi, dans le Giornale storico degli archivi toscani ; Comiiléinenl à Archivio storico ital., Firenze, 1837, t. I, p. 210 et seq. Cette addition au passage sur la primauté : y.aô' öv TpÔTTOv xai èv toi; TipaxTixoï; twv olxoufjievixwv oyvôScov xal [èvj toïç lepoïç xavôat SiaXanêàve-cai, est ainsi conçue en latin : «' Quem ad modum etiam in gestis œcumenicorum Conciliorum et in sacris canonibus continetur. » En place de « etiam )>, Launoy, Pierre de Marca (deConc. Sac. etlmp., 111, vin, 5), Noël Alexandre {stec. XV, diss. viii, art. 5, n. i3; diss. x, art. 2, n. 15, t. XVIIl, p. 481, 634), Mainibourg (Traité histor. de l'établissement et des prérogatives de l'Église de Rome, 1685, ch. v, xx), Fébronius (de Statu Eccles., cap. v, § 4, n. 3), le soi-disant Janus, p. 347, et Dœllinger (Gazette univ. d'Augsbourg, 21 janv. 1870), vou- laient qu'on lût, les uns, « qucmadmodum et ->; les autres, « juxta eum modum qui ». On prétendait qu'Abram de Crète avait altéré le texte par sa traduction; que les Grecs auraient fait agréer toutes leurs demandes; que le sens restrictif s'accordait mieux avec le texte grec; v qu'il était admis par Flavio Biondo (dec. m, lib. X), Jean Eck, Jean de Hochesler et Albert Pigbe. Bo.ssuel (Defens. cler. Gall., part. 11, lib. IV, cap. XI, t. l, p. 503 et seq.) essaya, sous une forme adoucie, de soute- nir le sens restrictif. Or il est prouvé depuis longtemps que Maim- bourg a tout simplement inventé 1' <> etiam » (A. Vaira, de Praerogat. . rom. Ponlif. a Constantinop. pra^sulibus usurpata, Patav., 1704 et seq.,|| p. 891), et que luus les manuscrits portonl <■ quemadmodum etiam », ce qui n'est nullement une falsillcation, ainsi que l'avoue Frommann v lAlIg. Zig., 27, 28 febr. 1870. ot zur Kritik des Flor. Un. -Décrets,

l'église en l'ACE DES SCHISMA rK>l?ES ET IjKS HÉRÉTIQUES. 101

Leipzig, 1870, p. 50 et suiv.). Ces mots se trouvent dans les manuscrits de Florence (Ccccoui, dans l'Armonia, 1'^'' fév. 1870j, dans ceux des archives de Saint-Pierre à Rome, et Codd. Vatic, 4037, 4128, 4136 yCivillù cattolica, VII, 9 quad. 478), l'exemplaire de Carlsruhe (Gmelin, in der A. Z., Beil. du 24 août 1871), etc. Voy. Fm. Schelstrate, Tr. de sensu et auctor. décret. Consl. Conc, 168fi, pro'f., p. iv ; J. a Bennet- tis, Vindic. pnerog. B. Pétri, part. I, t. I, p. 486 et seq.; Ballerini, de Vi ac Ratione primatus, t. II, p. 39-()l ; Gcrdil, Animadv. in Comment. Febron., posit. XI, 0pp. XIII, ii, p. M ; Mamachl, Zaccaria, Reidtel (das runon. Recht, p. 395 et suiv., n.); Héfelé, p. 7.ö3-7o6, 758-761; mes écrits : Anti-Janus, p. 118-120; die Irrthïuner von mehr aïs 400 Bischœfen, Frib.. 1870, p. 35 et suiv.; Kath. Kirche und christl. Staat, p. !K»8 et suiv. L'œcuménicité du concile de Florence ne fut combattue qu'en France, encore ne le fùl-elle ni universellement ni toujours : la principale raison, c'est qu'on ne pouvait concilier le décj-et d'union avec les décrets de Bàle et le système adopté. Charles VU. en 1438, avait défendu à ses évoques d'y participer; ceux de Bourgogne, les .seuls qui y pnrurent, reconnurent pleinement les droits du pape. Le l^f mars 1438, l'évèque de Digne émit des principes entièrement con- traires à ceux des Bâlois (Cecconi, doc. CLXxxviir, p. 568). A Bourges, en 1440, Charles Vil déclara aux envoyés du pape qu'il ne reconnaîtrait pas le concile de Florence. C'était une parole arbitraire du pouvoir civil. Cependant l'évèque de Meaux, Pierre de Versailles, ayant proposé, le 10 déc. 1441, un nouveau concile général, prononça des paroles qui étaient une adhésion à la doctrine définie à Florence sur le pape : Raynald, an. 1441, n. 9-12. Après le concordat de Léon X, l'opposition française s'afl'aiblit de plus en plus, alors même que quelques voix se tirent encore entendre en ce sens, surtout à Trente : Pallavicini, Hist. Conc. Trid., lib. XIX, c. xvi, n. 9 ; Rayn., an. 1563, n. 4 et seq., 119. Cf. Bennettis, I, i, p. 320 et seq. Noël Alexandre (saec. XV, diss. x, art. 1, n. 1-6, t. XVIII, p. 604 et seq.) avoue que les scrupules contre le concile de Florence se sont évanouis depuis que P. de Marca a montré une voie (tout à fait fausse) pour concilier le système gallican avec le décret d'union. Comp. Bossuet, Def. declar., part. U, lib. IV, c. X, H'^ éd., Mog., 1788, p. 501 et seq. Le sorbonuiste Pirot (voy. Fou- cher de Careil, Œuvres de Leibnitz, 1, 376) déclarait, sous Louis XIV, qu'il ne connaissait point de catholique français qui ne reconnût le cou' cile de Florence pour œcuménique ; le clergé de France tenait le même langage en 1655 : Pey, Autorité des deux puissances, il, 233; Zaccaria, Antifebron.. c. v. § 4, n. 5. Le 16 mars 1738, une ordonnance royale permit d'enseigner dans les écoles que ce concile était œcuménique : Bauer, op. cit., p. 5i4. Voy. encore Allât., de Consens., lib. 111, c. ii, n. 4, p. 919-926; mon ouvrage, Kath. Kirche, p. 970 et suiv.

i02 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Issue des négociations des Florentins avec les Grecs.

264. Lfi pape adressa encore plusieurs questions aux Grecs, la plupart sur les différents rites de leur liturgie. Dorothée, archevêque de Mitylène, donna des réponses satisfaisantes, excepté sur deux points : la dissolution du mariage, surtout en cas d'adultère, et l'élection des patriarches. Eugène IV désirait que l'élection du patriarche byzantin eût lieu à Florence même, ainsi que la punition du rebelle Marc d'Éphèse. Les drecs répondirent que l'usage était de faire nommer le patriarche par toute l'éparchie et de le sacrer à Sainte -Sophie; que Marc serait sommé de rendre compte de sa conduite. Le pape recon- nut sans difficulté l'ancien rite des Grecs, et son nom fut inséré dans leurs diptyques. Les Grecs obtinrent aussi différentes concessions relativement aux évêques des diocèses placés sons la domination vénitienne.

Le 26 août 1439, l'empereur, pourvu de nouveaux subsides par le pape, quitta Florence et rentra dans ses États en passant par Venise. Eugène IV, qui avait déjà fait face à tant de dé- penses, donna à l'empereur des soldats et deux vaisseaux de guerre parfaitement équipés, lui promit d'autres secours, et engagea les princes chrétiens à l'aider dans ce dessein. Il informa la chrétienté de l'heureux rétablissement de l'union et envoya des nonces en Orient. Il reçut une lettre d'adhésion de Philothée, patriarche d'Alexandrie, auquel il avait envoyé le franciscain Albert.

Eugène prolongea encore longtemps le concile de Florence, négocia avec quelques autres Orientaux, et, sur un rapport dé- taillé de Jean de Turrecremala, condamna, le 4 septembre 1439, les « vérités dogmatiques » dos Bâlois 145) et leur révolution religieuse. Le 18 décembre, il nomma cardinaux les métropoli- tains grecs Isidore de Kiew et Bessarion, qui avaient rendu tant do services à l'œuvre de l'Union; le 23 mars 1440, il condamna l'antipape Amédée. L'activité de ce concile dirigé par le pape, comparée aux mesquines entreprises des Bàlois, qui no purent rien exécuter de sérieux, est une preuve frap- pante du prestige qui s'attache k la primauté ecclésiastique.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 264.

Hard., IX, «0-«4; Mansi, XXXI, I039-I0}3; Syropul., p. 302 et

l'église en face des SCHISMATIOl'KS ET DES HÉUÉTIQUES. 103

seq.; Héfelé, p. 756-758. Continuation du concile de Florence : Hard., IX, 1020 et seq., 1 160, 1165, 1183, 1266, 1000 et seq.; Rayn., an. 1439, n. 29 j 1442, n. 8. Cf. Pallavicini, loc. cit., VI, xi, 11 et seq. La plupart des théologiens soutiennent que !e concile était œcuménique, même après le départ des Grecs, notamment Habert, L'Herrainier, Wilasse. Noël Alexandre (loc. cit., diss. x, art. 3i; Rohrbacher (Hist. univ. de l'Égl., t. XXI, p. 074) ; Héfelé, p. 781 et suiv.; Bauer, p. 545 et suiv.

Les deMiiié«'.« do l'I'niou aprôs le concile de Florence.

Vive résistance contre l'Union.

26o. Au del)ut de l'auiiée 14.40, l'empereur Jean Paléologue, avec les prélats, rentra heureusement dans Constantinople. Le succès ne répondit pas à ses efforts. Le fanatisme des masses était excité ; les moines et autres ecclésiastiques demeurés chez eux avaient .semé dans la foule les plus forts préjugés contre l'œuvre de l'Union. Les évèques, à leur retour, furent accueillis par des moqueries et des insultes : on les appelait azymites, latins, traîtres, apostats, hérétiques. Marc d'Éphèse, tant de fois confondu et humilié à Florence, trouvait maintenant l'occasion de se poser en héros. En Italie, il avait fait espérer à l'empereur (juMl souscrirait la formule d'union, pourvu qu'on lui épargnât cette honte devant les Latins, aujourd'hui, il se faisait le chef de tous les adversaires de l'Union, multipliait les lettres et les livres contre les décrets de Florence, et encourageait les autres à suivre son exemple.

Les schismatiques , aveuglés par leur haine, se donnaient libre carrière: mensonges, exagérations, procédés vulgaires, on ne reculait devant rien pour accroître l'animosité contre les Latins. Les Grecs, disait-on, y compris le patriarche défunt, avaient été corrompus à Florence; on les avait laissés mourir de faim pour leur arracher leurs signatures; on avait falsifié les écrits des Itères (cela était vrai du côté des schismatiques), et condamné les anciens rites religieux de l'Église d'Orient. Plusieurs Grecs réfutèrent ces impudentes calomnies, notam- ment Bessarion de Nicée; Joseph, évèque de .Mélhone ; Grégoire, protosyucelle , etc. Mais la haine ne voulut point entendre raison. L'empereur, encore tidèle à l'Union, fit nommer un de ses défenseurs, le métropolitain Métrophanes de Cyzique,

104 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

patriarche de la capitale; mais le patriarche, malgré tout son zèle, ne put rien contre ses fanati(jnes adversaires.

Déjà Marc d'Éphèse et son parti avaient acquis assez d'in- fltience pour que la majori des Grecs se prononçât hardi- ment contre l'œuvre de l'Union; les patriaches d'Alexan- drie, d'Antioche et de Jérusalem condamnèrent le nouveau patriarche de Byzance et le concile de Florence, et chargèrent Arsène, métropolitain de Césarée, l'un des plus ardents à la révolte, d'exécuter leurs décrets (1443). L'empereur, mais sur- tout Métrophanes et les clercs institués par lui, furent menacés de l'anathème et de la proscription en masse.

En Russie, le métropolitain Isidore, ayant proclamé l'union après sa rentrée, fut saisi par le grand-duc, s'évada deux ans après (septembre 1443), et se réfugia à Rome. Plusieurs dignitaires de Byzance, après avoir signé l'acte d'union (comme Antoine d'Héracléc) , retournèrent aux schismatiques ; et, lorsque Métrophanes vint à mourir (1" août 1443), le siège patriarcal demeura longtemps inoccupé. L'empereur lui-même devenait chaque jour plus insouciant : il semblait que l'aver- sion de la foule, fanatisée par les moines, lui imposât le devoir de ne pas faire exécuter l'œuvre de l'Union. Joignez- y la cruelle défaite des chrétiens près de Varna (1444), périrent le cardinal Julien Cesarini et Ladislas, roi de Hongrie et de Pologne. Les Occidentaux , apprenant l'antipathie des Grecs, se refroidirent encore à leur égard. Le pape Eugène IV, qui, en février t444, espérait encore sauver l'empire d'Orient et faire adopter le concile de Florence, y dépensa tout ce qu'il avait de ressources, tandis {\ne les Grecs demeurés fidèles à l'Union, principalement le nouveau patriarche, le protosyncelle Grégoire III (depuis le 7 juillet liiri). faisaient leur possible pour la faire accepter. Mais le patriarche n'eut presque point de succès dans la capitale, et se vit exposé à de continuelles menaces, de manière qu'il résigna enfin son siège en 1451, et se rendit à Rome, il niournt en odeur de sainteté. Bessarion y séjournait également, en sa qualité de cardinal.

OUVUAGES A CONSULTER SUR LE N" 265.

Ducas, p. 216; Plusiad., Discepl. pro Conc. Flor., ap. Allât., Gr. orthod., I, 619 et seq.; Allât., de Cons., lib. III, p. 939 et seq.; Héfelé, Tüb. Oiiartalschr., 1847, IV, 1848, M: Pitzipios, l'Église orientale,

l'église en face des SCHISMATiyUES ET DES HÉRÉTIQUES. lOo

Rome, 1855, II, lix; III, xcviii ; Pichler, I, p. 397 etsuiv.; Frommaun, p. 191 et suiv.; Dimitracop., Hist. schismatis, Lips., 1867, p. 152 et, seq. Plusieurs actes ont été publiés par Dositiiée de Jérusalem, dans 16(10; xaxaUaYY);, Jassy, 1694; Töjxo; àyaTTr,;, ibid., 1698; Tojao; x«P««>

1705. Écrits des adversaires de l'Union : Marc d'Éphèse , Migne, PP. gr., t. CLX; son frère Jean Eugénicus (dans le Codex Monach. gr., 2Ö6); Georges Scholarius (Migne, t. CLX, p. 249 et seq.; Dimitra- cop., p. 166-172); Georges Gemist. Pléthon (Migne, t. cit.); Theo- phanes le Moine (Dimitracop., p. 159); Amyrutzes de Trébizonde, plus tard renégat (Allât., de Cons., III, m, 8, p. 9.35 et seq.). Écrits des partisans de l'Union : Joseph de Méthone , Grégoire Mammas, Jean Argyropulos, Isaac de Chypre, le moine Hilarion, Bessarion de Nicée, Georges de Trébizonde, dans Allât., Grœc. orthod., t. I, Migne, t. CLIX- CLXl. Sur le métropolitain russe Isidore : Picliler, II, p. 51. Voy. les lettres d'Eugène IV, dans Theiner, Vet. Monum. Slavor. méridional, historiam illustrantia, Roma?, 1863, I, 380 et seq. Le patriarche Gré- goire m : Cuper, Acta SS., t. I. Aug., p. 190 et seq.; Migne, t. CLX, p. 9, 10; Bist, polit. Cpl., an. 1391-1578, a Martino Crusio lat. facta, ed. Bonn. 1849, p. 10; Allât., de Cons., 111. iv, 4, p. 953.

Fin de l'empire grec.

266. Jean Paléologue, qui eut le bonheur de ne pas survivre à la ruine de son empire, eut pour successeur son frère Constantin XII (1448-1453), le dernier souverain chrétien de Constantinople. Comme les Turcs devenaient chaque jour plus menaçants, il envoya des ambassadeurs à Nicolas V, et essaya de se justifier de n'avoir pas publié l'acte d'union. Le pape l'exhorta à ne pas accroître sa faute et sa responsabilité en prolongeant un délai qui lui ravirait en même temps toute l'affection des Occidentaux et exposerait l'empire à subir le sort du figuier stérile. Il lui dépêcha le cardinal Isidore de Russie, qui se heurta d'abord à de grandes difficultés, puis célébra la fête de l'Union dans l'église de Sainte-Sophie (12 décembre 1452), en présence de l'empereur, d'un grand nombre de seigneurs et de trois cents ecclésiastiques. Les fanatiques en devinrent furieux; ils évitèrent l'église de Sainte-Sophie comme souillée, et publièrent hautement qu'ils ne voulaient point du secours des Francs, qu'ils aimaient mieux devenir Turcs que Latins. Le moine Gennade (autrefois Georges Scholarius) pensait que la chute imminente de la ville n'entraînerait pas celle de l'or- thodoxie, que l'Union succomberait sous l'aiiathème.

106 HISTOIRE DK l'ÉGLISE.

Un tel peuple était voue à une ruine irrémédiable. La colère du Ciel allait éclater sur la nouvelle Rome si profondé- ment déchue. Le sultan Mahomet II la bloqua par terre et par mer (6 avril). Les vaisseaux vénitiens et génois, de même que les soldats amenés par le cardinal Isidore, aidèrent à la défense, qui fut conduite avec la plus grande activité. Mais déjà, le 29 mai 1453, la ville était prise d'assaut par les Turcs, et l'em- pereur Constantin succombait dans la lutte. C'en était fait de l'empire grec. La splendide église de Sainte-Sophie fut trans- formée en une mosquée, sous les yeux des Grecs orgueilleux. L'Occident, le pape surtout, qui songeait encore à envoyer une flotte plus considérable, en fut profondément affligé.

OrVRAGES A CONSÜLTEH SUR LE N"* 266.

Nicol. V, ep. : Rayn., an. 1451, n. 1 et seq.; Migne, t. CLX, p. 1201 et seq. F^te de l'Union : Uberlinus Pusciilus, dans Ellisen, Analec- ten, Leipzig, 1857, III, p. 670 et sniv. Isidor. card., ep. ad omnes christ. : Migne, t. CLIX, p. 95.3 et seq.; Leonard. Chiens., archiep. Milyl., de Cpli capta, ad Nicol. V, ib., p. 923 et seq.; Bist, polit., p. 16-23; Matthai'us Camariota , Narralio lamentabilis de Cpli capta, Migne, t. CLX, p. 1059 et seq.; Andronicns Callistus, Monodia de Cpli capta, Migne, t. CLXI, p. 1131 et seq.; Nicol. Barbaras, Ephemerides de Cpli an. 1453 obsessa atque expugnala, ib., t. CLVIII, [i. 1067 et seq.; Reussner, Epistola« Tiircica', 1. III, 104, 108. Rapport en français au cardinal d'Avignon : Buchen, Collect, des Chroniques nat. fr. , t. XXXVIll; Marlene et Dur., Coll. ampliss., t. V; Tagebuch des Venetianei"s Nik. Barbaro, éd. Vienne, 1856; Zinkeisen, Gesch. des Osman. Reiches in Europa, t. II, 111 ; Mordtmann, Belagerung und Eroberung Cpls. durch die Türken, Stultg., 1858.

Domination des sultans turcs.

267. Le conquérant, il mt le schisme servait merveilleuse- ment les intérêts, essaya de ramener dans la ville les Grecs dispersés, et fit nommer patriarche Gennade (Georges Schola- rius), adversaire de l'Union. Gennade reçut de lui l'investi- ture, comme les patriarches la recevaient autrefois des empe- reurs chrétiens. Le patriarcat reprit insensiblement son éclat extérieur, mais il demeura le jouet du despotisme turc et des intrigues de l'ambition. Eu 1458 déjà, le patriarche se voyait contraint de résigner. Son clergé était tellement indocile, que

l'église en face des schismatiqles et des hérétiques. 107

son successeur Juasaph, de desespoir, se précipita daus uq puits; il en fut retiré, mais il ue tarda pas à être maltraité par le sultan et e.xilé. Quand ce dernier eut aussi renversé l'empire ^rec de Trébizonde (1-401), plusieurs familles dis- tinguées allèrent de se fixer à Stamboul (c'est ainsi qu'on api)ela dès lors Constantinople), elles essayèrent d'accaparer le patriarcat.

Encore quelque temps, et le sultan allait le vendre à prix d'argent : la simonie faisait chaque jour de nouveaux progrès, et plusieurs sujets indignes arrivèrent à la première dignité de l'Église grecque. Seul le patriarche Nyphon était exempt de haine contre les Latins. Un jour, comme il conseillait à Joseph, métropolitain de Kiew, d'adhérer au concile de Florence, il fit cette remarque que la colère de Dieu s'était peut-être appesantie sur les Grecs parce qu'ils avaient rompu l'union. C'était l'opinion générale des Latins, l'opinion des Grecs qui se réfugièrent en Occident et des Grecs dispersés qui demeuraient fidèles à l'union. De plus, l'absolutisme impérial avait jeté l'empire dans une décadence profunde, qui amena sa ruine définitive. Déjà auparavant, l'islamisme avait acquis une in- fluence considérable et supplanté l'élément latin.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 267.

Geuuade II, Hist. patriarch. ab an. 1454-1578, éd. Bonn, 1849. p. 78 et seq.; Cuper, Acta SS., loc. cit., p. 192 et seq.; Ep. >«yphün., ap. Rayn., an. 1486, n. 62 ; Pichler, I, p. 403, 42.3 et suiv., d'autres ouvrages sont indiqués.

Les Monochitoues.

268. Beaucoup de chrétiens de l'empire grec, à l'exemple des juifs et des musulmans, se rattachèrent à la nouvelle secte mahométane des monochitoues (ainsi appelés à cause de leur costume de moines). Le juriste Mahmoud Bedreddin en était le chef spirituel ; Sun héraut, le fanatique .Mustapha, qui habi- tait sur la montagne de Stylarios, près du golfe de Smyrne, à l'est de Chio, avait gagné à sa doctrine un grand nombre de ses compatriotes (1413). La secte faisait profession de pauvreté et de renoncement absolu, admettait la complète communauté des biens, mais non celle des femmes, enseignait l'amour des chré-

108 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

tiens, qu'un impie seul, disait-elle, pouvait ne pas considérer comme des hommes craignant Dieu ; vivre avec eux en commu- nauté de foi était une condition du salut. Mustapha envoya des messagers aux princes et aux ecclésiastiques des îles grecques, et s'ofîrit à conclure avec eux une alliance d'amitié, au nom de la Divinité qu'ils adoraient en comnmn. Ses disciples embras- saient les chrétiens qu'ils rencontraient, et les vénéraient comme des anges. Des bandes tout entières de derviches, par- courant les campagnes, recrutèrent pour leur prophète une petite armée de six mille combattants, qui vainquit deux fois dans les gorges de Stylarios les troupes envoyées contre elle par le sultan Mahomet, et se renforça continuellement de Turcs, de juifs et de chrétiens. Mahomet envoya enfin des forces redoutables, qui se ruèrent sur les monochitones, tuèrent sans pitié vieillards, femmes et enfants, et, après une lutte acharnée, occupèrent le dernier sommet de la montagne, elles s'empa- rèrent du prophète et du reste de ses partisans. Les monochitones refu.sèrent, même au milieu des supplices, de renier leur f(ji.

Mustapha fut honteusement cloué sur une croix, hissé sur nn chameau et promené en triomphe à travers Éphèse. Tous périrent avec constance. Les survivants de la secte prétendirei»t que leur prophète n'était pas mort, mais qu'il vivait toujours à Samos. Le sultan lit rechercher partout et exterminer les derviches, (jui vivaient dans une extrême pauvreté. L'isla- misme repoussait sévèrement toute pensée de fraternité avec les chrétiens.

OUVRAGES A CONSfLTEH ET UEMAKQUES CRITIQUES SLR LE 268.

niicas, Hist. Byzaiit.. c. xxi (Mipne, l. CLVIl, p. 889-893). Movoxîtwve;. Ce sont proprement des dorviciies velus d'une seule robe. Ducas, C. xxn, p. 90λ : èv dyyijj.aTt (j/jvo/t-ctovo;.

Littérature grecque.

269. En littérature, les Grecs de ce temps ont surtout fourni des travaux historiques : tels sont Nicéphore-Calliste et Nicé- phorc-Giégoras, Théodore Métochite (mort en 1332), l'em- pereur Jean Cautacuzène, Siméon de Thessalonique, Michel Glycas, Georges Codinus, Michel Ducas , Georges Phrantza, Laonique Chalcondylas. Matthieu lilastarès rédigea son Sj/n-

l'église en face des schismattoues et des hérétiques. 100

tagma alphabétique de droit canon ; Constantin lîarméno- pule, son extrait des canons. Nicolas Cabasilas, archevêque de Thessalonique ; l'empereur Manuel II Paléologue, Théodore Méliténiota, le savant moine Théodule, Siméon de Thessalo- nique, etc., traitèrent des sujets dogmatiques, moraux et ascé- tiques. Nous avons déjà mentionné les savants Grecs qui, en Italie et ailleurs, s'occupèrent de philosophie, de philologie et d'autres sciences 2:24 et suivants).

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 26!).

Niceph. Call., Migne, t. CXLV, p. 557 t. CXLVll, p. 448 ; Niceph. Greg.,Migne, t. CXLVIIl, p. 119 et seq.— t. CXUX, p. 9 et seq.; Theod. Metoch., Hist. Caisar., Lugd. Balav., 1618. Cf. Allai., de Theod., n. 127 (Mai, N. PP. Bibl., VI, ii, p. 186 et seq.); JoU. Cantacucen., Migne, t. CLIII, p. 17 et seq. t. CLIV, p. 9 et seq.; Symeon. Thessal, t. CLV ; Mich. Glycas, Annal., part. IV, epp., Migne, t. CLVIII; Georg. Codin., Migne, t. CLVII, p. 25 et seq.; Michael Oucas, Hist., 1341-1462, ib., p. 743 et seq.; Georg. Phrantza, Migne, t. CLVI, p. 637 el seq.; Laonic. Chalcond., Migne. t. CLIX ; Matth. Blastaies, t. CXLIV, CXLV ; Constan- tin. Harmeaop., t. Ct.. Exégèles : Macaire Chrysokephalus, archev. de Philadelphie, Com. sur le N. T., Migne, t. CL, p. 229 et seq.; Matth. Cantacuzène, sur le Cantique des cantiques et le livre de la Sagesse, t. CLIl; le moine Job, sur les Psaumes, t. CLVllI, p. 1053 et suiv.; Nicol. Cabasilas, etc. (ci-dessus, § 255j, Mi^ne, t. CL, p. 491 et seq. Sou principal ouvrage : Trepl t?i; âv Xpt(TT(I) î;wti;, a été récemment publié par Gasz H, Greifsw., 1849. Manuel II Paléologue, Migne, t. CLVI, p. 309 et seq.; Théodore Méliténiota, t. CXLIX, p. 883 et seq.; Théodule, t. CXLV, p. 447 et seq.

LiP!« Arméniens.

Travaux des papes et des frères prêcheurs en faveur des Arméniens. Rupture de l'union avec Rome.

270. Un des principaux soucis des papes fut d'affermir les Arméniens unis dans leur fidélité envers l'Église romaine, et de gagner ceux qui en étaient encore séparés. Plusieurs conciles ayant été tenus contre le concile de Sis (1307), surtout en vue de combattre la doctrine des deux natures en Jésus- Christ, la célébration distincte des fêtes de Noël et de l'Epi- phanie, le mélange de l'eau avec le vin dans le sacrifice de la messe, le concile d'Adana (1316) essaya de les réfuter et de

i 10 HISTOIRE DE l'ÉULISR.

remettre en vigueur les anciens décrets. Le roi Oscin écrivit .ta Saint-Siège. Jean XXII résolut d'établir en Arménie une mission permanente de dominicains, avec un collège les jeunes Arméniens seraient initiés au latin et aux sciences; il recommanda au roi, qu'il aida de sommes d'argent considé- rables dans sa lutte contre les Sarrasins, l'ordre des prêcheurs, dirigé par Haimond Stephani, proposa d'adopter les rites latins, rappela que les évêques seuls ont le droit de confirmer et de bénir l'huile des infirmes, et recommanda au patriarche Constantin le dominicain Guillaume, iju'il destinait aux Armé- niens de la Perse, et auquel il venait de confier le siège archié- piscopal de Sultanieh, nouvellement érigé.

Le confrère de Guillaume, Barthélémy le Jeune, de Bologne, sacré par le pape évèque de la province de Maraga, située entre l'Arménie et le pays des Parthes, rendit d'éminents services : il fonda un couvent florissant, et gagna beaucoup d'ecclésias- tiques arméniens, entre autres maître Jean de Kerna, disciple du célèbre moine Isaïe. Il fonda l'ordre des Unis de Saint-Gré- goire rilluminateur, qui fut confirmé par le pape. Cet ordre, qui ne se distinguait de celui de Saint-Dominique que par le costume, possédait à Kaila un établissement d'éducation ; il se lépandit au loin dans l'Arménie et dans les pays voisins. Après la mort de saint Barthélémy (1333), ses disciples, imi- tateurs de son zèle, mais non do sa prudence, blessèrent le peuple en contrariant ses usages nationaux. Quelques fugitifs et plusieurs Latins accusèrent les Arméniens de diverses erreurs auprès de Benoit XII. Un concile tenu à Sis, sous le patriarche Méchifar (1342), déclara que la plupart des accusa- tions étaient calomnieuses, que d'autres n'étaient que les égarements de quelques individus.

C'est pourquoi Clément VI (1346) envoya deux nonces chargés d'extirper les erreurs encore subsistantes. Les réponses données sur diverses (]uestions qui restaient encore, ne le satisfirent pas; quelques points étaient encore à discuter. Clément VI veilla aussi à ce que les Arméniens fussent secourus par les princes chré- tiens. Innocent VI chargea Nersès, évêque de Macazgert, qui savait le latin, d'obtenir du roi et du patriarche une réponse satisfaisante et sincère aux (]uestions qui leur avaient été posées (1353). Survint hientôt un interrègne do deux ans, puis le

l'église en face des schismatiques et des H]f:RihiQUES. m

règne de l'anarchie. Urbain V (1365) engagea !es Arméniens à élire un nouveau roi, et leur recommanda Léon Lnsignan, qui fut nommé sous le nom de Léon VI. Mais en 1375 le sultan d'Egypte détruisit le royaume de la Petite- Arménie. Léon, délivré de sa captivité (1382), .se réfugia en Europe (mort en 1392). La (irande-Arménie, autrefois assujettie aux Kurdes, fut conquise en 1391 par Tamerlan. Un grand nombru d'Armé- niens se disper.sèrent en difîéreiits pays. Les relations avec le Saint-Siège demeurèrent longtemps interrompues.

OUVRAGES A CONSCLTEB SL'R LE 270.

Concile de 1316 : Galan., I, 474; Mansi, XXV, 655-670; Héfelé, VI, p. 504. Joh. XXII : Rayn., an. 1318, n. 8, 15-17; 1323, n. 7; 1330, n. 43. Barthol. Jiin. et l'Ordo Uniloriim S. Greg. Illum.; Franchi Armeni ; Galan., I, 515 ; Werner, Gesch. der apol. und polem. Lit., 111, p. 397 et suiv.; Pichler, II, p. 154 et suiv. Benoît XII et le concile de Sis, 1342 : Bzovius, an. 1338, n. 21 ; Hayn., an. 1341, n. 45 et seq.; Mausi, XXV, 1183-1270 ; Héfelé, VI, p. 5C9-577; Pichler, II, p. 455 et suiv. Pour le rf.stti, Rayn., an. 1346, n. 67 et seq.: 1350, n. 37 et seq.; 1351, n. 1 et seq.. etc.; Pichler. Il, p. 456-458.

L'Union de Florence.

271. Eugène IV essaya de rétablir l'union des Armeniens, et leur adressa à ce sujet différentes invitations. Deux évêques d'Arménie, Jean et Isaïe, écrivirent (30 septembre 1433) au concile de Bàle. Isaïe, évèque de Jérusalem, répondit à l'invi- tation d'Eugène iV (1" novembre 1434) qu'il avait envoyé les écrits du pape au patriarche. En 1437, le pape délégua plusieurs franciscains pour préparer l'union de l'Arménie. Le patriarche Constantin Vi (1438) dépêcha à Florence quatre fondés de pou- voir pour renouveler l'ancienne alliance avec Rome ; il y avait été déterminé par le Génois Paul Impériale de Kaffa, en Crimée, et par le P. Jacques, envoyé du pape. Les plénipotentiaires arrivèrent à Florence avant le départ de l'empereur grec, dont ils sollicitèrent l'appui. Deux cardinaux s'abouchèrent avec eux, et, le 22 novembre 1439, le décret concernant l'Union était déjà lu en audience publique. Les Arméniens acceptèrent le Symbole avec le Filioque, la doctrine des deux natures, des deux volontés et des deux opérations en Jésus-Christ, le concile de Chalcédoine, le décret d'union avec les Grecs et

112 HISTOIRE DE l'^GLISE.

le Symbole de saint Athanase; ils reçurent en outre des ins- tructions sur les sept sacrements et les fêtes de l'Église.

Comme l'évêque latin de KafTa. ville qui appartenait aux Génois, avait interdit aux évêques arméniens de porter les insignes épiscopaux et de donner la bénédiction, Eugène IV supprima cette défense et assura la juridiction des prélats arméniens sur leurs compatriotes. Les Grecs unis demeurèrent, quoique dispersés, fidèles au décret de Florence, tandis ijue ceux qui vivaient sous la domination turque lui firent une vive résistance. Le patriarche Constantin mourut avant le retour des députés, et son successeur Joseph III le suivit peu de temps après dans la tombe. Grégoire IX, qui voulait faire exécuter le décret d'union, fut déposé et expulsé. Les Turcs établirent ensuite à Constantinople (1461) un patriarche arménien distinct à côté de ceux d'Etschmiazin, Sis, Agthamar. Le patriarcat devint un objet de trafic et tomba dans un profond discrédit.

OUVRAGES A CONSULTER SCU LE 271.

Lettres de Jean et d'Isaie : Martèiio, Coll., VIII, 640; Cecconi, doc. xui; d'Isaie au pape Eugène : Marti-ne, p. loi; Cecconi, doe. xl. Cf. Rayn., an. 1434, n. 18. Ambassade à Florence, ib., an. 1439, n. 13; Hard., IX, tOioetseq. union du 22 nov. 1439, const. xxiii, Exultate Deo, Bull., éd. Taur., V, 44-51 ; Hard., p. 434, 1163; Mansi, XXXI, 1047 et seq.; Rayn., an. 1430, n. 13 et seq.; Denzinger, Enchir., p. 201 et seq. Cf. Wadding, Ami. min., XI, ;in-71. Décret du 15 déc. 1439 : Rayn., h. a., n. 17 ; Héfelé, Vil, p. 788 et suiv.; Pichler, II, p. 458 et suiv.; Rattinger (V, §261).

Les antres Orientaux.

Les Coptes & les Éîthiopiens. Décret pour les jacobites.

272. Les Coptes, souvent persécutés par les Sarrasins, sur- toutau commencement du quatorzième siècle, et les Éthiopiens, auxquels Nicolas IV (1289) et Jean XXII (1329) avaient envoyé des missionnaires, déléguèrent aussi des députés à Florence. Jean, patriarche d'Alexandrie, répondit aux lettres du pape en allant au-devant de tous ses vœux, et nomma pour son rempla- çant l'abbé Jean, du couvent de Saint-Antoine (12 septembre 14-40). De son côté, l'abbé Nicodème de Jérusalem, chef des jaco- bites de cette ville (14 octobre), envoya une lettre et des repré-

l'église en face des SCHISMATIQIES ET DES HÉRÉTIQUES. 113

sentants, et manda que le roi d'Ethiopie était favorable à l'Union. Ce dernier choisit pour ambassadeurs les députés mêmes du patriarche Jean et de l'abbé Nicodème.

Le 30 août 1441, l'abbé André prononça devant le pape un discours il l'exaltait comme le chef et le docteur de l'Église universelle; deux jours après, l'envoyé de Jérusalem imitait son exemple, et célébrait la puissance de l'Ethiopie en même temps que sa piété. Le 4 février 1442, l'union avec les jacobites fut résolue à Florence dans une assemblée générale. Le décret d'u- nion contenait un symbole de foi très détaillé, un catalogue des Uvres canoniques, les décrets pour les Grecs et les Arméniens, des règlements sur la forme et la matière de l'Eucharistie et sur les quatrièmes noces.

Beaucoup de jacobites insérèrent ces décrets dans leurs livres liturgiques. Malheureusement, ils étaient trop éloignés de Rome et les Sarrasins trop puissants, pour que ces décrets portassent beaucoup de fruit. Les dominateurs de l'Ethiopie n'étaient guère d'humeur à se rapprocher de la Rome loin- taine. Ils ne montrèrent un peu d'empressement que lorsque les Portugais, dans leurs grands voyages d'explorations, com- mencés en 1414, entrèrent plus tard en contact avec eux sur les côtes d'Afrique. Les missionnaires envoyés en 1486 par le Portugal trouvèrent bon accueil, mais n'eurent que peu de succès.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 272.

Ray n., an. 1326, n. 98; 1442, n. 1-7; Hard., IX, 1018 et seq., 1021 et seq.; Bull., éd. Taur., V, 38-6o. Const. xxvii, Cantate Domino, ap. Denzinger, Enchir.. p. 208 et seq.: Héfelé, p. 793-797; Pichler, 11, p. 504-509.

Continuation à Rome du concile de Florence.

'213. Sur ces entrefaites, dans l'automne de 1443, Eugène IV avait transféré le concile de Florence à Rome ; il continua de réunir les Orientaux avec l'Église romaine. Sur la fin de la même année 1443, arriva à Rome un délégué du roi de Bos- nie, qui abjura les erreurs manichéennes et accepta la profes- sion de foi des Latins. H se peut que la division du patriarcat des jacobites de Syrie, opérée en 1293, ait décidé le patriarche de Diarbekir l'orient), par jalousie contre son rival de

V. -— HIST. DE l'église. 8

lli HISTOIRE DK L ÉGLISE.

Salacha l'occident), à céder aux instances du pape et de son infatigable nonce, le P. Albert, et à dépêcher le métropolitain Abdallah d'Édesse, pour proposer l'union des jacobites qui rési- daient entre le Tigre et l'FAiphrate. Le pape le reçut, lui et ses compagnons, avec bienveillance, et nomma une commission pour discuter avec eux les points de controverse. Il résulta de cet examen qu'ils étaient entachés de monophj-sitisme et de mono- thélisme, et niaient comme les Grecs la procession du Saint- Esprit du Fils. Sur ce point, Abdallah ou Abdalès accepta sans hésiter la doctrine de l'Église romaine, et fit la même pro- messe au nom de son patriarche. Il réitéra ses déclarations dans la première session du concile de Florence tenue à Latran, le 30 septembre 1444, et l'union fut solennellement consommée. Eugène IV publia à ce sujet un décret particulier.

OCVRAGES A CONSULTER SUR LE N"> 273.

Translation : Aug. Patrie, c, r.xxix ; Hard., p. 1183. Sur le roi de Bosnie, Bened. Ovelar. Vicent. (secrétaire du roi de Chypre), ép. datée de Rome, f oct. 1442 (ou plutôt 1443), dans Marlene, Vett. mon. Coll., I, d592, et lettres d'Eugène, dans Raynald, an. 1444, n. 2; 1445, n. 23 et seq.; Hard., p. 1036; Héfelé, p. 814. Union des jacobites syriens : const. Multa et mirabilia, dans Hard., p. 1040 et seq.; Iléfelé, p. 814 et suiv.; Picbler, II, p. 403.

Les Chaldéens et les Maronites.

274. Le pape envoya ensuite l'infatigable André, archevêque de Rhodes, en Orient et en Chypre, pour mieux renseigner sur l'œuvre de l'Union les Grecs, les Arméniens, les jacobites et les nestoriens qui y résidaient, pour les affermir dans la foi ou les y ramener. Il réussit, après de nombreux efforts en Chypre, à gagner le métropolitain nestorien Timothée de Tarse, l'évêque maronite Élie, le clergé et le peuple, et à leur faire accepter la doctriue romaine. Timothée et un délégué de l'évêque Élie se rendirent à Rome, et promirent l'obédience dans la seconde ses- sion du concile do Latran, continuation de celui do Florence, le 7 août 1445. Le pape l'annonça dans un décret particulier, et défendit de donner désormais le nom d'hérétiques aux Chal- déens et aux Maronites. La masse des nestoriens persévéra dans son ancienne erreur; l'adhésion à la primauté du pa[i..'

l'église en face des schismatioues et des hérétiques. 115^

donnée par le patriarche Jaballaha en 1 304, dans une lettre à Benoît XI, n'eut aucun succès.

Bien meilleure était la situation avec les Maronites du Liban, auxquels Eugène IV fit donner des éclaircissements sur les dé- crets de l'Union par le frère mineur Antoine de Troie. Nicolas V désigna au patriarche l'archevêque André de Chypre comme l'intermédiaire auquel il pouvait s'adresser pour entrer en rela- tion avec le Saint-Siège. Le mineur Grifon travailla avec succès chez les Maronites depuis 1430 jusqu'en 1476. Le patriarche Pierre le délégua à Paul II, qui le renvoya en 1469 avec une lettre il confirmait les pouvoirs spirituels et temporels du patriarche et lui recommandait l'union avec l'Église romaine.

Sixte IV permit en 1475 au vicaire général des mineurs d'envoyer comme délégué auprès des Maronites un conventuel muni de pouvoirs particuliers. Lorsque le patriarche Simon Pierre (1314) fit demander à Léon X, sans lui envoyer aucun écrit, de confirmer sa nomination et de lui remettre le pallium, le pape renvoya son délégué et dépêcha deux mineurs pour ramener les Maronites de quelques erreurs. Ils atteignirent leur but, et la nation envoya trois délégués au cinquième concile de Latran. Le 18 juillet 1516, Léon X confirma le patriarche, et déclara que les Maronites étaient d'accord avec l'Église romaine dans tout ce qui intéresse le salut. Lecture fut donnée des lettres du patriarche et de ses évêques dans la onzième session du concile de Latran, le 19 décembre 1316.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 274'.

Décret Benedictus Deus, dans Hard., p. 1041 et seq.; Héfelé, p. 813 et suiv.; Fichier, 11, p. oi4 et suiv. Lettres de Jaballaha : Rayn., an. 1304, n. 23,26; Picliler, II, p. 427 et suiv. Wadding, an. 1440, n. 7; Rayn., an. 1469, n. 28 et seq.; 1514, n. 88-102; 1516, n. 7 et seq.; Bonner Ztschr,, h. xvi, p. 232 et suiv.; h. xvii, p. 239 et suiv. Kunst- mann, dans Tüb. Theol. Quartalschr., 1845, p. 40-.54; Fichier, II, p. 545 et suiv.

NOUVELLES HÉRÉSIES.

L.e Palanihisnie.

Les Hésychastes.

'21o. Il y avait depuis longtemps parmi les moines grecs un parti de fanatiques adonnés au repos contemplatif (hèsychia).

116 HISTOIRE DE l'ÉGLISË.

Siméon, abbé du couvent de Xyrokerkos, surnommé <( le jeune théologien », et maître de Nicétas Stethatos, avait légué à ses moines une instruction écrite sur la prière et la méditation, qui servit plus tard de règle aux quiétistes ou hésychastes des cou- vents du mont Athos et de la ville impériale grecque. D'après cette règle, on devait se retirer dans im lieu solitaire, fermer les portes, détacher son cœur de tout objet temporel, et, le menton baissé sur la poitrine, fixer avec toute l'attention possible ses regards vers le milieu du corps, le nombril, empêcher de son mieux la respiration par les narines, et tâcher de découvrir dans ses entrailles la place du cœur, résident communément toutes les facultés de l'àme. On y trouvera d'abord les ténèbres et une épaisseur impénétrable; mais, si l'on persévère nuit et jour, on ressentira bientôt un bien-être indescriptible et l'on apercevra une lumière d'une merveilleuse clarté : car, sitôt que l'âme a découvert le siège du cœur, elle sait ce qu'elle n'a jamais su, elle voit l'air qui est entre le cœur et elle-même tout lumineux et transparent.

Cette lumière intérieure et incréée est un écoulement de la Divinité ; c'est elle que les apôtres ont vue pendant la transfigu- ration sur le Thabor; c'est d'elle que saint Antoine a été autrefois illuminé.

Ces extravagances trouvèrent accès dans divers couvents à partir du onzième siècle, et plusieurs moines perdirent le bon sens et la raison. Au quatorzième siècle, deux moines célèbres du nom de Grégoire, l'un appelé le Sinaïto, l'autre Palamas (de le nom de Palamites), poussèrent cette folie aux der- nières limites et soulevèrent de grandes contestations.

OUVRAGES A CONSULTER SUR I.E N" 275.

Deraetrius Cydon. adv. Greg. Palam., dans P. Arcudii, Opuscula aiirea theoL, Rom., 1670; Joh. Cantacuz., Flist., 1. II, c. xxxix cl seq.; Niceph. Gregor., Hist. Byz., 1. XI, x et seq., XIX, i et seq.; Leo Allât., de Eccl. occid. et or. perpel. consens,, I. II, c. xvi, xvii; Petav., Theol. dogm., t. I, de Deo, I. I, c. xii, xiii ; Rechenberg, de Hesychastis Exer- cit., p. 378 et seq. Longs détails, avec emploi de dociunents non utilisés ailleurs : F. J. Stein, Studien über die Hesycliasten des XIV Jahrb.; Separatabdruck aus der ceslerr. VierteJjahrschr. für kath. Theol. (1873), Vienne, 1874. Sur Siméon le .Feune (6 véo; oeô^oyo;) : Dimi- tracop., Bt6),io6r,xr, èxx).r,<j., Lips., 1866, t. I, p. £ '. Pièce de vers de Nicéta'-

l'église en face des SCHISMATIQLES ET DES HÉRÉTIQUES. 1 17

Stethatos en l'honneur de son maître Siméon : Allât., de Simeonibus, p. 168. 0pp. Greg. Palamaf, Migne, PP. gr., t. CL. Gregor. Sinait., ib., p. 1237. Greg. Palama? Encomium, par Philothère, Migne. t. CLI, p. 531 et seq.: par NU, ib., p. 659 et seq.

Barlaam contre Palamas.

!276. Barlaam, moine basilien, originaire de Calabre, instruit et éloquent, résidait à Constanlinople et à Thessalonique depuis 1328, ponr y poursuivre ses études sur Aristote; il gagna la confiance de Jean Cantaeuzène, changea souvent de point de vue ttiéoiogique vis-à-vis des Latins, et se présenta à la cour pontificale d'Avignon (1336) avec une mission semi-officielle. Sa principale occupation fut de combattre le faux quiétisme des moines de Thessalonique et de Constantinople. Initié à la doc- trine des hésychastes par un de leurs membres d'assez peu de talent, il les traita de fourbes et d'imposteurs, de messaliens, de contemplateurs de nombrils, d'àmes de nombrils (ompha- lopsychistes), et de dithéistes, parce qu'ils prétendaient que la lumière incréée du Thabor était une seconde divinité.

Grégoire Palamas, déjà sévèrement blâmé par le savant Nicéphore Grégoras pour avoir soutenu qu'il voyait la Divinité des yeux du corps, persista dans son sentiment ; il engagea Barlaam à rester en paix avec les moines qui le partageaient, et à se borner à l'étude des sciences profanes, qui lui procuraient beaucoup de gloire. Barlaam, de son côté, affirmait que la lumière du Thabor était une lumière matérielle, passagère, créée ; qu'il était impossible de la considérer comme l'essence de Dieu. Palamas déclara dans la suite que cette lumière, quoique incréée et divine, n'était pas cependant l'essence même de Dieu (ousia), mais seulement l'énergie de cette essence (energeia), et que la créature participait à cette énergie seule- ment.

Barlaam répondit que cette distinction entre l'essence divine incommunicable et l'énergie divine communicable introduisait un dieu supérieur et un dieu inférieur, par conséquent le dithéisme. Palamas défendit son opinion par des textes des Pères dénaturés ou mal compris; par la comparaison du soleil, dont nous pouvons percevoir les rayons, mais non saisir le disque; par les effets de la grâce divine, dont le principe est

H 8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

l'essence divine, laquelle n'est pas commuiiicablej comme le sont ses effets. Barlaam n'admettait pas non plus cette formule de prière des liésychastes : « Seigneur Jésus- Christ, ayez pitié de moi 1 » Il y avait là, selon lui, une omission choquante. Il déposa une plainte contre les moines auprès du patriarche Jean XlVCalécas. Mais le concile réuni à Sainte-Sophie eu 1331 se prononça en faveur des accusés, et Barlaam fut contraint de demander pardon. Il s'enfuit dans la basse Itahe, il devint évêque de Gérace en 1342, et composa encore divers écrits pour la défense de l'Église latine (mort en d348).

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 276.

Niceph. Greg., 1. XIX, c. i et seq.; Joh. Cyparissiota, Palamiticarum transgressionum lib., Migne, t. CLII ; Stein, p. 18 et suiv. Concile de 13il : Jüh. Cantacuc, H., II, xl; Niceph. Greg., XI, ex; Migne, t. CL, p. 877, 891 , 900 et seq. Tom. synod. Joh. Pair., Migne, t. CLI, p. 679 et seq. Dosith. Hier., Tôjao; 'AyâTtr,?, Proleg., c. iv, p. 40 et seq. Acta Patriarch. Cpl., ed. Müller et Miklosich, Vindob., I, p 238 et seq., T6|jioç àytopiTixoc, ap. Dosilh., loc. cit., p. 34-39. Barlaami epp. et opusc, Migne, t. CLI, p. 1235 et seq.

Acindynus contre les moines. Conciles au sujet de Palanias.

277. Le moine Grégoire Acindynus, ancien ami de Palamas, continua la lutte contre les hésychastes, qui devenaient chaque jour phjs audacieux. Selon lui, les propriétés et les énergies de la Divinité ne diffèrent pas réellement de son essence, et il n'y a pas de lumière incréée, divine, en dehors de l'essence de Dieu. Acindynus devint suspect comme barlaamite, et l'on fit valoir contre lui la décision du concile tenu contre les pala- mites. Palamas et ses sectateurs dédaignèrent la défense faite par le patriarche de traiter de vive voix ou par écrit les ques- tions controversées , et ils s'appuyèrent sur le puissant Jean Cantacuzène. Mais lorsque celui-ci eut été exilé par l'impéra- trice Anne, ils perdirent leur influence à la cour; Palamas lui- même fut emprisonné en 1343, et un concile fut tenu à Cons- tantinoplo en 1343 contre son ami Isidore Bnchiras, nommé évêque de Monembasia, à l'occasion d'une plainte d'Ignace, patriarche d'Antioche. Ce concile déposa Isidore et excommunia Palamas et les siens, à cause de leurs doctrines blasphéma-

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l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 119

foires. Le patriarche Jean interdit toute relation avec eux, et leur reprocha d'avoir falsifié son précédent concile.

Cependant les palamites recouvrèrent les bonnes grâces de l'impératrice Anne, obtinrent la déposition du patriarche (1347), la condamnation de leurs adversaires et leur propre justifica- tion : toutes choses qui furent approuvées de Jeau Cantacu- zène, qui entra alors à Constantinople en qualité d'empereur. Isidore Buchiras, déposé, obtint en 1345 le siège patriarcal, et nomma Palamas archevêque de Thessalonique. En vain plusieurs évêques assemblèrent un concile ils les destituèrent l'un et l'autre : l'empereur les maintint dans leur dignité. Nicéphore (irégoras lui-même n'obtint rien auprès de lui, bien qu'il eût gagné à sa cause l'impératrice Irène. Ceux qui furent nommés a des évèchés durent attester par écrit qu'ils rompaient toute communion avec les hérétiques ßarlaam, Acindynus et leurs partisans. Isidore les condamna de nouveau dans son testament (mort en 1350).

Ouvrages a consulter sur le 277.

Grégoire Acindynus (àxîvSuvo;) : Niceph. Greg., XII, ii; Cantacucen., Il, xl; Allât., loc. cit., c. xvi, n. 3; Migne, t. CL, p. 875 et seq.; t. CLI, p. 1189 et seq. Deux conciles pour l'affaire de Palamas : Can- tacuc, loc. cit.; Niceph. Greg., XVIII, viii; Tom. Joh. Pair., Migne, t. CL, p. 901; Encom. Palam., p. 60i. Troisième concile : Tom. con- demuat. Pal.; Allât., II, xvi ; Migne, t. CL, p. 880 et seq.; Patr. sermo, ib., p. 894 ; 'Ava^opà twv àpyiepÉtov Ttpôç Tr,v y.paTtarriV... xupîav "Avvav t^v naXaioXoY-, Migne, t. CLI, p. 770 ; Cantac, III, xcviii; Dosith., T6(i. 'Ay., Proœm. ex descript. D. Nicephori Sceuophil. in monte Athos. Qua- trième concile : Tom, in Act. Patriarch. Cpl., 1, p. 243 et seq.; Migne, t. CLIl, p. 1273. Cinquième, 1347 : Leo Allât., loc. cit., Migne, t. CL, p. 877 et seq.; Joh. Cypariss., t. CLlI, p. 710. Serment d'obédience envei"s le patriarche Isidore, 1349 : Acta Patr. Cpl., I, 294, doc. cxxxi. Testament d'Isidore, ib., p. 287 et seq.

Triomphe définitif des palamites.

278. L'ignorant et vindicatif patriarche Calixte I" (1350- 1354), ancien moine du mont Athos, se conduisit en véritable tyran contre les antipalamites : aussi plusieurs évêques se sépa- rèrent-ils de sa communion, et l'empereur eut beaucoup de peine à rétablir la paix. Cependant, comme les partisans d'Acin-

120 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

dynus, qui depuis longtemps agissait on secret, et ceux du savant Nicéphore Grégoras, allaient en augmentant, l'empe- reur convoqua en 1331, aux Biaquernes, un concile la doc- trine des palamites triompha de nouveau, malgré toutes les résistances et les objections de Grégoras et de ses amis. On y décida qu'il existe en Dieu une différence réelle entre la nature et les attributs, et l'on justifia la doctrine de Palamas, qui fut désormais complètement identifiée avec la doctrine orthodoxe et envahit presque toute la dogmatique grecque. Grégoras fut retenu prisonnier.

De nombreuses démarches furent faites auprès de lui, même par ses anciens amis, comme Nicolas Cabasilas. Il demeura inébranlable, malgré les rigueurs de sa captivité, et continua de travailler à la réfutation des palamites. Jean Paléologue lui rendit la liberté en 1354; il prolongea sa lutte contre Palamas et Jean Cantacuzène. Celui-ci, après avoir abdiqué, entra au couvent sous le nom de Joasaph, et survécut à Pala- mas, que les Grecs rangèrent dans la suite parmi les saints (1368). On fit encore diverses tentatives pour écarter les erreurs des palamites, mais ils s'affermirent dans l'empire grec; leurs adversaires furent persécutés et souvent cuutraiuts d'abjurer comme « partisans de l'hérésie de Barlaam et d'Acindynus » .

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 278.

Calixte I : Niceph. Greg., XVIII, i; XIX, xxxi et seq.; Acta cit., p. 293 et seq.; MalihiEi Mpl. Ephes. declar., ap. Dosilh., loc. cit., Proœm. ante tabulam materiarum. Sixième concile, 1351 : Niceph. Greg., VIII, VIII ; XIX, i-iv ; XX, i-iii; Cantac, IV, xxiii; T6|j,o? «tuvoS., ap. Combefis, Auctar. novissim., II, 133 et seq.; Migne, t. CLI, p. 717 et seq.; Dosilh., Prolog-., c. v, p. 32-84; Hard., Conc, XI, 283 et seq.; Stein, p. 113 et suiv. Résistance de Niceph. Greg., d'après son Hist., XXII, I et seq.; XXIll, i et seq.; XXIV, i et seq.; XXVII, ii et seq.; XXVIII, XLiv. Contre le palaniitisme, ep. ad Nicol. Sid. Chai'tophylac, soi-disant de l'archev. Cyrille de Side, Acta cit., I, p. 399 el seq., n. 173. Cf. ib., p. 404 et seq., n. 173 et seq. Syn. Ephes., ap. J. Cyra- rissiot 276) : Migne, t. CLII, p. 738; Demetr. Cydon., op. cit. 273). Manuel Calecas, uepî oùcrîa; xai èvepyetai;, éd. Combefis, Auctar. noviss., t. II ; Coiislanlin. Ilarmeuopul., Migne, t. CL, p. 864 et seq.; Andreas Coloss., ib., p. 862 et seq. Abjurations : Acla cit., I, p. 346, 301 et seq., 330, 368; II, p. 267, 293, doc. 153, 2i3, 246, 275, 310, 314, 502, 520. Voyez le formulaire dans Dosilhéc, p. 13, 17. Dépositions : Acta

l'église en face des SCUISMATIQUES El DES HÉRÉTIQUES. 121

Pair. Constantinop., I, p. 423 et seq., doc. 172. Le moine Philothée, devenu archevôque d'Héraclée, 1334, au lieu du patriarche Calixte, dut lui céder sa place ; mais il reçut de nouveau, pour la seconde fois, le patriarcat après la mort de celui-ci. Il écrivit treize à quatorze cha- pitres dogmatiques, une confession de foi, et Xôyoi àvTippYjTtxoî iß' contre Grégoras (Migne, t. CLI, p. 773 et suiv.). En 1368, il condamna dans un concile Prochorus Cydonius, moine du mont Athos et partisan des bar- laamites, Lb., p. ü93 et seq.; Dosith., cap. vu, p. 93-114; il composa l'office de la fête de saint Palamas (Allât., Graec. orth., t. I, append., dissert. II, de libr. Eccl. graec. Le patriarche Hilp écrivit le panégy- rique de Palamas. La propagation du palamitisme était en outre favorisée par le moine Marc (adv. Bari, et Acindyn.), Siméon de Thes- salonique (adv. Hier.), Joseph Bryennius (de Transfig. Dom.), le diacre Damascène de Thessalonique (serm. de Transüg.), Calixte Angelicudès (de Spirit. parlicipatione), Marc d'Éphèse, etc. En Occi- dent, on ne trouve que de rares vestiges des dogmes palamitiques, par exemple, chez Gilbert de la Porree et chez Jean de Brescain, dont la proposition suivante fut rejetée par le légat Odon et Tuniversité de Paris : « Creatam lucem infinitam et immensam esse ». Thèse : « Cla- ritatem aeternam esse empyreum cœlum » , dans Aug. Steuchus, Cosmop., cap. i, p. 10. Jean de Varennes, diocèse de Reims, disait vers 1396 : « In transfiguratione Christi très apostoli ita clare viderunt diviuam essentiam, sicut nunc vident in patria. » Du Plessis d'Arg., I, 1, p. 323; 1, II, p. 154.

Wiclef et son hérésie.

Jean Wiclef.

279. Les éléments de la fausse philosophie et de la fausse théologie, tels qu'ils apparaissent dans les vaudois, les apoca- lyptiques, Guillaume Occam, Marsile de Padoue, etc., se concen- trèrent dans la secte fondée par l'Anglais Jean Wiclef, transition des anciennes hérésies à une tendance hérétique nouvelle et plus générale, le protestantisme.

J. Wiclef naquit en 1324., au village de Wiclef (qui lui a donné son nom), dans le comté d'York; il étudia la philosophie, la théologie et les deux droits à Oxford, enseignait le célèbre Thomas Bradwardin, non exempt de grandes erreurs. Il avait lu surtout Aristote et saint Augustin, et avait acquis, du moins dans sa jeunesse, la réputation d'un homme irréprochable dans

122 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

ses mœurs, d'une grande piété, d'une pénétration remarquable et de beaucoup de savoir. Membre de l'université d'Oxford, il entra pour la première fois vers 1360 dans la lutte que cette université soutenait contre les ordres mendiants. Nature pas- sionnée, Wiclef, à l'exemple de Guillaume de Saint-Amour, de .lean Poilly et de Richard d'Armagh, traitait les moines men- diants de pharisiens et de docteurs de la loi {Matth., xxin, 4). Entrer dans un ordre de mendiants, disait-il, c'est renoncer au royaume de Dieu.

Lorsque l'archevêque de Cantorbéry Islep eut fondé à Ox- ford, en 13f)I, un collège (Canterbury-IIall) pourvu d'un supé- rieur et de dix écoliers, dont sept devaient être des clercs séculiers et trois des clercs réguliers, il y eut bientôt des frois- sements entre Jes deux parties. Les réguliers furent expulsés, puis rétablis par ordre du nouvel archevêque, Simon Langham, [ui destitua Wiclef de sa charge de supérieur. Wiclef entama un procès auprès de la curie pontificale d'Avignon, obtint sur ces entrefaites d'autres bénéfices et surtout la faveur de la cour. Urbain V (1305) ayant réclamé d'Edouard 111 le tribut annuel de 1,000 marcs, qui n'était plus acquitté depuis trente-trois ans, le parlement déclara (1366) que Jean sans Terre n'avait pu contracter cette obligation sans le consentement des États, que le roi actuel d'Angleterre ne pouvait pas accéder à une demande qui blessait l'indépendance de l'Angleterre et était contraire au serment d'Edouard. Cette décision fut expressé- ment soutenue par Wiclef contre un religieux mendiant; il prétendit que le pouvoir civil avait le droit de retirer au clergé les biens temporels dont celui-ci abusait.

Wiclef, favorisé par le duc de Lancastre, devint aumônier du roi. Cependant il perdit en 1370 le procès qu'il avait entamé à la curie d'Avignon, et sou représentant, Richard, sommé d'y comparaître, ne s'était pas présenté. Le collège fut donné aux réguliers avec l'approbation du roi. En 1372, Wiclef reçut le grade de docteur en tbéologie et fut nommé professeur. Une nouvelle plainte fut élevée contre le Saint-Siège relativement à la collation des bénéfices en Angleterre; des négociations entamées à Bruges en 1374 entre l'ambassade du roi, dont Wiclef faisait partie, et les envoyés de Grégoire XI, se termi- nèrent par un accord, qui n'apaisa pas le mécontentement de

l'église ex face des SCHlS3IATlgUES ET DES HÉRÉTIQUES. 1:23

l'Angleterre. Wiclef s'efforça de l'accroître, et entra de plus en plus avant dans les bonnes grâces de la cour.

Cet homme, de mœurs si austères, ajouta à son professorat, en 1375, la riche paroisse de Lutterworth, et se servit de ses deux chaires de professeur et de curé pour déclamer contre les ordres mendiants, le clergé et la hiérarchie, mais surtout contre le pape; il apparaissait avec la double auréole de docteur évangélique et d'apologiste fervent des intérêts de l'État. 11 envoya bientôt au dehors ses prédicateurs ambulants, les « pauvres prêtres », chargés de répandre ses idées dans la masse du peuple. Déjà Wiclef, rendu plus audacieux par les égards de la cour et la faveur du peuple, en était venu, dans un sermon, à traiter le pape de prêtre orgueilleux et mondain de Rome, de damnable oxacleur et même d'Antéchrist.

OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 279.

Thom. Walsingham, 0. S. B., à Saint- Alban, vers 1440, Historia Anglica major (Camden, Scr. rer, Augl., Lond., 1574, Francof., 1602 et seq., ed. H. Th. Riley, Loud., 1863, 2 vol., in Rer. brit. med. sev. Scr.); Henric. a Knyglhon (chanoine de Leicester en ce temps-là), de Eventibus Angliae usque ad an. 1395; Twisden, Script, hist. angl., II, 2644 et seq., Lond., 1652 et seq.; Fasciculi zizaniorum Mag. J. Wyclef cum tritico, par Thomas Netter of Waiden, provincial des carmes anglais et confesseur de Henri V, éd. Phidey, in Rer. bdt. med. aev. Script., plein de notices et d'opuscules émanés de l'hérétique et de ses adver- saires. Writings of John Wicliff, Lond., 1836. The Life and Opinions of John de Wycliffe, par Robert Vaughan, éd. II, Lond., 1831, 8 vol., 2 avec de nombreux documents et un catalogue des écrits de Wal- singham, t. II, p. 380-392. Des ouvrages de Wiclef (celui qui est intitulé : « des Derniers Temps de l'Église», est contestable), le principal était le « Trialogue », imprimé à Bàle, 1525; à Francfort et à Leipzig, 1373; puis le « Wicket » (Petite Porte), Nuremberg, 1546; Oxford, 1612; le traité de Officio pastorali, composé avant 1378, édité par Lechler, d'après un manuscrit de Vienne, Lips., 1863. Élaborations par des protestants : Lewis, Hist. of the life and sufferings of J. Wicliff, Lond., 1720, Oxf., 1S36, et Rob. Vaughan, loc. cit.; Gronemann, Diatribe in J. W. refor- mationis prodromi vitam, ingenium et scripta, Trajecti, 1837; E. A. Lewald, die Theol. Doctrin Wycliffe's, dans Niedners Ztschr. f. hist. Theol., 1846, 1847; Oscar Jœger, J. Wycliffe und seine Bedeutung für die Reformation, Halle, 1854. Gotth. Lechler est celui qui a le plus fait liour l'histoire de Wiclef : l" Wie. und die LoUarden, dans Niedners

l'24 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Ztschr., 18b3 et suiv.; W. als Vorleeufer der Reform. (leçon d'inau- guration), Leipzig, 18Ö8; Joli. v. Wiclif und die Vorgesch. der Reform., Leipz., 1873, 2 vol. Voy. encore Weber, Gesch. der akath. Kirchen und Seelen in Groszbrit., Leipz., 1845, t. Ij Neander, K.-G., II, p. 747 et suiv.; Bœhringer, K.-G. in Biograph., II, iv, livrais. 1 (1856)j Pauli, Gesch. Engl., t. IV, Gotha, 18.^5. Auteurs catholiques : voy. du Plessis d'Arg., 1, ii, p. 1 et seq. (énumération des sources» anciennement connues); P. M. Grassi, de Ortu ac Progressu haer. J. Wicl., Vicent.,1707, in-f°; Lingard, Hist. d'Anglet., IV, p. 167 etsuiv.; Staudenmaier, Philos, des Christenth., I, p. 667 et suiv.; Schwab, Ger- son, p. .^27-346; Héfelé, VI, p. 810 et suiv. (1867); Hœfler, Anna v. Luxemburg, Vienne, 1871.

Informations sur la doctrine de Wiclef.

"ISO. Devuut un tel langage, l'épiscopat d'Angleterre ne pou- vait rester muet. Sur la demande de l'évêque de Londres Guillaume Courtney, Wiclef fut cité devant un tribunal ecclésias- tique, le 19 février 1377. Il se présenta escorté des gens d'armes du duc de Lancastre et du grand maréchal Percy. L'attitude insolente du duc envers l'évêque, soutenu cette fois par le peuple, empêcha de tenir séance. Le faible archevêque do Can- torbéry se contenta d'imposer silence à Wiclef et aux siens. Cette mesure fut inutile.

Les adversaires de Wiclef, surtout les religieux mendiants qu'il accusait d'hérésie, envoyèrent au pape dix-neuf proposi- tions extraites de ses écrits et de ses sermons. Le 22 mai 1377, Grégoire XI publia plusieurs bulles il blâmait la négligence des évêques d'Angleterre, prescrivait une enquête minutieuse sur Wiclef, ordonnait son emprisonnement, et, en cas d'impossi- bilité, décidait qu'il aurait à comparaître devant le Saint-Siège dans l'espace de trois mois; il relevait l'analogie de ses erreurs avec celles de Marsile et les dangers qu'elles faisaient courir à l'État.

Les bulles arrivèrent en Angleterre tandis qu'Edouard III se mourait (21 juin). Leduc de Lancastre fut chargé de la régence pendant la minorité de Richard II. Les évêques ne pouvaient donc pas songer à faire emprisonner Wiclef, d'autant plus que celui-ci fut consulté par les chefs de l'Etat et par le parlement sur la question de savoir si l'on pouvait défendre d'exporter de l'argent hors du royaume, même contre la menace des cen-

l'église ex face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 12n

sures. Wiclef n'hésita pas à répondre affirmativement; il essaya aussi de se créer de nouveaux partisans en juslifiant. sous le voile de l'anonyme, les dix-neuf propositions.

Le primat et l'évêque de Londres chargèrent le chancelier d'Oxford (18 décembre) d'entendre les personnes les plus qua- lifiées sur les doctrines de Wiclef, et de l'inviter à comparaître devant leur assemblée dans l'espace de trente jours. Wiclef se présenta k Lambeth au comnencement de 1378. Sous la pres- sion exercée par la mère du roi et l'affluence de plusieurs citoyens imbus des idées de Wiclef, les évéques se déclarèrent satisfaits des explications mitigées et le plus souvent sophis- tiques qu'il donna de ses propositions, et ils le congédièrent en lui ordonnant de ne plus parler de cette affaire. Tant de lâcheté de la part des prélats révolta les théologiens orthodoxes, et ne fit qu'enhardir l'audacieux novateur à propager davantage ses pernicieuses doctrines par une série de thèses nouvelles.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 280.

Grégoire XI, bulles : Rayn., an. 1377, n. 4; Mansi, XXVI, 562-567; du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 2 et seq.; Gronemann, p. 129 et seq. Avis de Wiclef: Fascicul. zizan., p. 258, 271. Ses explications, ib., p. 245 et seq.; Walsingham, p. 357; Vaughan, t. i, app., n. 16; Gro- nem., p. 125-128, 136-146; Schwab, p. 533-535; Héfelé, p. 816 et suiv. Nouvelles thèses -. Walsingham, p. 363 et seq.

Audace croissante de Wiclef.

281. Par surcroît de malheur, cette même année 1378 vit éclater le grand schisme, que Wiclef considérait comme l'inévi- table résultat de la corruption de l'Église. Il redoubla d'ardeur contre la papauté, et commença (1380), sans counaisance du grec ni de l'hébreu, sa traduction anglaise de la Bible, calquée sur la Vulgate, saint Jérôme, Nicolas de Lyre, etc. Il rejeta les livres deutérocanoniques, et déclara que la Bible était l'unique source de la doctrine chrétienne. Elle était, selon lui, intelligible à tout le monde, et le clergé était grandement coupable de tenir fermée la .sainte Écriture. Il opposait à l'autorité de l'Église l'Kcriture et le témoignage intérieur que chacun trouve dans sa propre inteUigence. Il faisait de la prédication de la parole divine la principale fonction du ministère sacerdotal, supérieure même au culte eucharistique.

126 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

En 1381 déjà, Wiclef attaquait dans ses thèses et ses discours la doctrine de l'Église sur l'Eucharistie, notamment la trans- substantiation, qu'il disait contraire à l'Écriture; il n'énonçait pas clairement sa doctrine : suivant lui, le pain et le vin n'étaient que les symboles du corps et du sang de Jésus-Christ, dont l'efTet est de mettre les pieux fidèles en union réelle avec le Rédempteur. Il adoptait les idées de Bérenger, il croyait retrouver l'ancienne doctrine de l'Église.

Le chancelier de l'université d'Oxford, Guillaume Berton, défendit d'enseigner dans les écoles les propositions de Wiclef sur l'Eucharistie, et son décret fut signé par douze professeurs et docteurs, parmi lesquels huit religieux. Wiclef déclara que l'interdit du chancelier n'était pas valide, et en appela au roi. Il publia aussi, le 10 mai 1381, une apologie et une exposition populaire de sa doctrine sur l'Eucharistie. Ses prédicateurs ambulants soulevèrent le peuple, et eurent certainement une grande part à la révolte des paysans qui éclata pendant l'été. Jack Straw et John Bail, deux prêtres vagabonds, prêchaient la liberté et l'égalité universelles. D'effroyables tumultes éclatè- rent; la mère du roi fut maltraitée, le primat assassiné; des pillages innombrables furent commis, et l'on eut beaucoup de peine à étouffer l'insurrection.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 281.

Jusqu'en i3d6, le Psautier seul avait été traduit en anglais. Wiclef, soutenu par Psicoias d'Hereford, John Purvey, etc., n'acceptait de l'Ancien Testament que les vingt-deux livres du canon hébreu : Vau- ghan, II, p. 50. De cette traduction, le Nouveau Testament fut im- primé à Londres en 1731, tSlO, t84i, 1848; la Bible entière ne le fut qu'en dSöO, à Oxford (4 vol. in-4°). D'après Vaughan, malgré les lois sévères qui défendaient de posséder des bibles et des écrits de Wiclef, il y avait au seizième siècle 178 exemplaires de ces bibles. Douze thèses sur l'Eucharistie : Thom. Walsingham, p. 283 et seq.; Hist. Univ. Oxon., p. 188; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 7-9; Gieseler, K.-G., Il, m, p. 297, 1"^ édit.; Schwab, p. 539-541. Décret du chancelier d'Oxford : Fascicul. zizan., p. 110-113; Mansi, XXVI, 718 et seq.; du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 11-14. Ripostes de Wiclef ; Fascicul. zizan., p. 115-132; Vaughan, II, lxiv et seq. Insurrection de paysans, 1381 : Walsingh., I, p. 453 et seq.; t. II, p. 1 et seq.; Pauli, p. 236 et suiv.; du Plessis d'Arg., p. 12 et suiv.

l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 127 Condamnation et mort de Wiclef.

282. L'évèque de Londres, Guillaume Courtney, venait d'être nommé archevêque de Cantorbéry. En mai 1382, il réunit à Londres un concile provincial, furent condamnées vingt- quatre propositions tirées des écrits de \Mclef et des sermons de ses partisans, les unes comme erronées (quatorze), les autres comme hérétiques. L'archevêque ordonna la publication solen- nelle des décrets du concile, et Ht rendre desédits royaux contre les prédicateurs non approuvés et contre les membres de l'uni- versité d'Oxford imbus des idées de Wiclef. Ces derniers résis- tèrent en invoquant les franchises de l'université, et implorèrent le secours du duc de Lancastre, qui les repoussa. Plusieurs des accusés finirent par se soumettre à larchevèque.

Wiclef lui-même, après la tenue d'un second concile (novembre 1382), fut écarté de l'enseignement et exclu de l'université. Il se retira dans sa paroisse de Lutterworth, prêcha souvent, et composa son principal ouvrage, le Trialogue, en quatre livres, il faisait converser la Vérité, le Mensonge et la Prudence (Aletheia, Pseudis, Phroiiesis), et développait longuement son système. Frappé d'apoplexie le 28 décembre 1384, au moment de la consécration de la messe célébrée par son chapelain Jean Purney, qui partageait ses sentiments, il perdit la parole et presque tout mouvement ; quelques jours après, ce n'était plus qu'un cadavre (31 décembre). Il ne s'était pas rétracté, et, loin de se rendre à Rome, il avait été mandé, il avait continué de défendre et de propager ses doctrines.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 282.

Concile du tremblement de terre (ainsi nommé parce qu'un trem- blement de terre avait eu lieu à Londres et dans les alentours), tenu en 1382 : Walsingh., t. II, p. ö8 et seq.; Fascicul. zizan., p. 277 et seq.; Mansi, p. 69ö et seq.; du Plessis d'Arg., p. 14 et suiv.; Héfelé, p. 821 et suiv. Autres négociations : Fascic. zizan., p. 275 et seq., 299 . et seq., 329 et seq.; Walsingb., Il, p. HO et seq., 119 et seq.; Mansi, p. 704 et seq.; Héfelé, p. 822-8:il.

Système de "Wiclel. 283. Le système de Wiclef est un grossier réalisme panthéiste,

128 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

mêlé de fatalisme et de prédestiiiatianisme. Voici sa doctrine : i** Tout (chaque créature) est Dieu. Tout être est partout, puisque tout être est Dieu ; tout ce que nous concevons en Dieu, est Dieu lui-même. Comme l'idée est Dieu, la mesure de l'idée est nécessairement la mesure de l'esprit divin, du pouvoir divin. Dieu ne peut donc pas créer d'autres êtres que ceux qu'il a créés en effet (Abailard). Tout, y compris l'opération divine, est sou- mis à une nécessité absolue. Le mal lui-même se produit néces- sairement, et la liberté de Dieu consiste à vouloir le nécessaire. L'idée éternelle détermine nécessairement la volonté divine, et la volonté divine détermine avec la môme nécessité la volonté créée. Dans tout être doué d'activité, c'est Dieu qui nécessite chacun des actes qu'il produit. Quelques-uns sont prédestinés à la gloire, d'autres à la réprobation {prœsciii, connus d'avance] . Les desseins de Dieu doivent nécessairement s'accomplir; le futur arrivera parce que Dieu le connaît. La prière d'un non- prédestiné n'a pas de valeur, et le péché auquel Dieu nécessite un prédestiné ne lui nuit point. 5" La rédemption opérée par Jésus-Christ était nécessaire. Jésus-Christ est l'humanité, et l'humanité "est Jésus-Christ tout entier. L'homme est composé d'un corps, d'une âme et d'un esprit; Jésus-Christ possède le corps humain, l'àme humaine et le Verbe divin. Chaque partie, de même que toutes les parties réunies, forme le Christ tout entier. L'Église étant la société des prédestinés, on ne peut excommunier ni canoniser personne sans une révélation divine particulière. T II y a dans le monde un principe diabolique, qui a créé les établissements scientifiques (y compris les univer- sités) et les ordres religieux ; soutenir ces derniers est un péché; les saints qui les ont fondés, ont eu tort et sont dam- nés, à moins qu'ils ne se soient repentis. La Bible, et non la Tradition, est l'unique source de la foi. Les indul- gences sont contraires au décret éternel de Dieu; y croire est une folie. 10° Il n'est pas permis à l'Église de posséder des biens temporels; l'empereur Constantin et le pape Syl- vestre, en lui en donnant, se sont fourvoyés; les princes tem- porels ont le droit et le devoir de les lui enlever. 11° Un supérieur spirituel ou temporel n'a aucun pouvoir quand il est en état de péché mortel. 12° L'Église romaine est la synagogue de Satan; le pape n'est pas le vicaire immédiat

l'église en face des schismatiques et des hékétiques. 129

de Jésus-Christ et des apôtres, mais l'Antéchrist, l'abomina- tion de la désolation. La nomination du pape par les cardinaux est d'invention diabolique. 13" Dans l'ancienne Église, la hié- rarchie n'avait que deux degrés, les prêtres et les diacres; tous les autres ordres ont été inventés dans la suite pour la ruine de l'Église. IA° Les prêtres et les diacres peuvent prê- cher sans la permission du pape ou de l'évoque; ils pèchent gravement quand ils négligent de le faire pour cause d'excom- munication; nul prélat ne peut excommunier quelqu'un, à moins de savoir qu'il est excommunié de Dieu. 15" La nature du pain et du vin subsiste dans l'Eucharistie, môme quand Jésus- Christ y est moralement présent. Rien dans l'Évangile n'autorise à admettre que Jésus- Christ a institué la messe. Hj" Toute confession extérieure est superflue et inutile pour celui qui a la contrition intérieure. 17° L'extrême- onction ne peut être prouvée par l'Écriture sainte {Jacq., v, 14). 18" Il est défendu de sanctionner des contrats humains par le ser- ment. 19° La confirmation, l'ordination des clercs, la consécra- tion des églises, ont été réservées au pape et aux évêques par cupidité et ambition. 20° Les décrétales des papes sont apocryphes; elles conduisent à l'apostasie; les étudier est folie.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 283.

Wicl., Trial., éd. Francof. et Lips., 17Ö3, in-*". Art. damnali, ap. Denzinger, Enchir., p. 186 et seq.; Werner, Gesch. der apol. u. pol. Lit., III, p. 571 et suiv.; Schwab, p. 542 et suiv. Cette proposition de Wicief : «( Divinitas et humanitas unus sunt Christus », les docteurs de Paris, Jean de Basilia et Thoraas de Cracovie, l'avaient d'abord énoncée sous cette forme : « Personani Filii cum huniana natura sic intime copulari, ut per hujusmodi unioneni quoddara tertium consti- tualur. >'

Les 'wicléfistes. Mesures contre eux.

284. La mort du fondateur n'entraina pas celle de la secte; elle se multiplia au contraire par le zèle des prédicateurs ambulants qui répandaient leurs bibles et leurs brochures et prêchaient contre l'Église et le clergé dans le sens de Wicief. ils se disaient les docteurs de la vérité évangéhque, et traitaient V. msT. de l'église. 9

130 HISTOIRE DE L*ÉGLISE.

leurs adversaires de faux docteurs et d'ennemis de la loi de Dieu. Eux et leurs partisans se nommaient lollhards. Beaucoup d'entre eux étaient des partisans farouches du désordre. A leur tête se trouvait Nicolas Hereford, docteur en théologie d'Oxford ; venaient ensuite John d'Aston, curé du diocèse de Worcester; John Fiirney, ami intime et chapelain de Wiclef ; John Parker, Robert Swinderly, Guillaume Smith, Richard Waytstach, etc. Les principaux centres des wicléfistes étaient les diocèses de Londres et de Lincoln, puis Worcester et Salisbury. Une ordon- nance royale de 1388 prescrivit de livrer les écrits wicléfistes ; mais elle n'eut que peu de succès. La négligence avec laquelle un grand nombre de clercs s'acquittaient de l'office de la prédi- cation, tourna au profit des sectaires. A Leicester, en 1389, plusieurs ecclésiastiques furent soumis à une enquête, et la ville demeura en interdit jusqu'à ce qu'ils se fussent présentés. L'évoque de Worcester supprima leurs prédications et défen- dit d'aller les entendre. En 1394, ils adressèrent au parlement une requête ils se prononçaient contre les mœurs profanes de l'Église, contre le prétendu sacerdoce de Rome, la loi du céli- bat, le vœu de chasteté, le « miracle des autels qui aboutissait à l'idolâtrie », les exorcismes, les bénédictions, les sacramentaux, les pèlerinages, les oblations, la confession auriculaire, la peine de mort, etc.

Dans le même temps, l'assemblée du clergé (convocation) présenta une supplique pour le maintien de la foi catholique contre la secte impie des lollhards, et rendit leurs démarches infructueuses. Le primat Courtney, mais surtout son succes- seur Thomas, comte d'Arundel, déployèrent beaucoup de zèle. Ce dernier, dans un concile tenu en 139G, condamna dix-huit propositions wicléfistes, et chargea plusieurs théologiens, no- tamment le franciscain Guillaume Wordford, de justifier en détail les points de cette condamnation. Malheureusement, le roi Richard II ne donnait aux évêques qu'un faible concours; il alla môme en 1397 jusqu'à exiler le primat, sous prétexte de complicité dans une conjuration. Cependant Thomas fut rétabli en 1399 194).

Le nouveau roi Henri IV, de concert avec le parlement (1400), prit contre la secte les mesures les plus rigoureuses. Le 19 fé- vrier 1401 , Guillaume Sawtre, chapelain déposé, qui avait abjuré

l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 131

ses erreurs pour y retomber bientôt après, fut condamné comme hérétique, dégradé et livré au feu. Il passa pour le premier martyr des loUhards. D'autres se rétractèrent. En 1-408 et en 1409, le primat ordonna des visites périodiques dans les collèges et chez les écoliers de l'université d'Oxford, l'on continuait de remarquer des éléments wicléfîstes ; il défendit de prêcher sans la permission de l'évêque diocésain, de lire les écrits de Wiclef, de se servir de sa traduction de la Bible, et de discuter sur les propositions décidées par l'Église ; il édicta des peines contre ceux qui contreviendraient à cette défense. L'uni- versité d'Oxford remit en 1412 au primat un recueil de deux cent soixante-sept propositions, les unes hérétiques, les autres fausses ; à Rome, le concile de Jean XXIII condamna plusieurs propositions de Wiclef et interdit ses écrits. Le concile de Cons- tance s'en occupa dans sa cinquième session; le 4 mai 1415 (huitième session), il en approuva la censure, ordonna de brûler tous les écrits de cet hérésiarque et d'exhumer son cadavre de la terre sainte. Cette dernière mesure fut exécutée en 1428 par Robert Flemyng, évèque de Lincoln. La condamnation des quarante-cinq articles de Wiclef fut confirmée par Martin V en 1418.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 284.

Doctores evangelicae doctrinœ, dans Knyglhon, Hist. Angl. Scr., Lond., 1601 et seq., III, 2661. On attribue différentes étymologies aux termes de Lolhardi, Lollardi : <( hypocritae, gyrovagi, Deura laudan- tes », dans l'Hennegau et le Brabant. Voy. Hosceraius (1.348), de Gest. Episc. Leod., I, c. xxxi, an. 1309; Rayn., an. 1318, n. 40. Le Gauthier mentionné comme chef des fraticelles dans Trithème, Chron. Hirs., p. 155, an. 1328, et saisi près de Cologne, s'appelle, dans Genebrard, Chron., an. 131.5, p. 692, Gauthier Lollhard (du Plessis d'Arg., I, I, p. 282). 3" Plusieurs font dériver ce nom du latin lolliunt (ivraie) = vertigineux. En Angleterre, Henri Kromper, cistercien, qui en 1382 prononça des discours contre les wiclélistes, les appelait : « haereticos LoUardos » (Lewis, Wiclif, append., 362); le chroniqueur Kneygthon dit : « Sicque a vulgo Wiclef discipuli et Wiclyviani sive Lol- lardi vocali sunt. )> En 1387, dans un mandement, Henri, évèque de Worcester (Wilkins, Conc. M. Britt., III, 202), emploie ofliciellement le terme de loUard pour celui de wicléiiste ; de même que d'autres après lui (Lechler, dans la Revue de Niedner, 1853, III, p. 491-493). Une poésie des loUards, le Récit du laboureur, consignée par écrit vers

132 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

1384 (the Plowmans Taie), autrefois attribuée à Chaucer (né en i3Ü0, rnort en 1400), qui traduisit le Roman de la Rose (satire contre les ordres mendiants) et attaqua l'Kglise dans ses « Canterbury Taies », est imitée d'une ancienne pièce de vers, « Visions of Piers Plouh- man », composée en 1350, avant les travaux littéraires de Wiclef, pro- bablement par le prêtre Robert Langland (Lechler, p. 505 et suiv.). Sur les prédicateurs de la secte, dont l'un, Philippe Reppington, se rétracta eu 1382, fut connu comme son adversaire et comme évèque de Lincoln (depuis 1405], voy. du Piessis d'Arg., p. 13 et suiv. Pro- cessus contra Lollardos : Wilkins, ill, 204, 208, 210, 228 et seq., 248. Représentations au parlement en douze conclusions, avec raisons à l'appui et corollaires : Wilkins, 111, 221-223; Lechler, p. 501 et suiv. Supplique de la convocation du clergé : Wilkins, 111, 223. Conc. de 1390, ib., p. 229; Mansi, XXVI, 811 et seq.; du Piessis d'Arg., p. 225; Héfelé, p. 840 cl suiv. Articuli Job. Wicl. Angli impugnati a Will. Woodfordo, dans Ort. Gratins, Colon., 1335; Brown, Fascicul. rer. expet. et fug., Lond., 1690, II, 190 et seq. Troubles de 1397-1400 : Pauli, JV, p. 603 et suiv.; Lingard, IV, p. 274 et suiv. Conciles de 1401 et 1410 : Mansi, XXVI, 937-956, 1U31-1048; Héfelé, p. 844 et suiv., 847; Wilkins, 111, 315 et seq.; du Piessis d'Arg., p. 23 et suiv. Les 267 articles de \Mclei, ib., p. 34-47, d'après Wilkins, III, 339 et seq. Concile de Jean XXllI : Rayn., an, 1413, u. 1 et seq.; du Piessis d'Arg., p. 30 et seq.; Héfelé, VII, p. 18; Conc. de Const., sess. V, VI, ibid., VII, p. 105, 116 et suiv. Exhumation du cadavre de Wiclef : Werner, III, p. 568; Lechler, p. 538. Art. 45 a Martino V damn. : const. hiter cunctas, ap. Mansi, XXVIl, 1210 et seq.; du Piessis d'Arg., p. 49 et seq.; Héfelé, VU, p. 346 et suiv.

Principal soutien des vricléfistes.

;285. Un des principaux soutiens des wiclélistes était John Oldcastle (Uldcasteli), lord de Cobliam, qui fut longtemps en grande faveur auprès de Henri iV. 11 assistait à leurs sermons, acceptait leurs doctrines et les défendait. Son cliapelain fut en 1410 cité devant l'arciievèque pour rendre compte de sa con- duite; en 1413, un livre hérétique qui se trouvait en sa posses- sion fut brûlé, et le clergé invita le primat à procéder contre lui. Henri V (depuis 1413), après avoir vainement essayé de le ramener par la douceur, lui adressa de vives réprimandes. Lord Cobham s'éloigna secrètement de la cour, et se retrancha dans une forteresse située dans le Kent. Il fut excommunié et invité de iiuuveau a comparailre, sinon le pouvoir civil procéderait

l'église en face des SClIISMATlnlES ET DES HÉB^TIOIES. i^^

contre lui. Il s'obstina dans son erreur, appela le pape tête de l'Antéchrist, dont les prélats étaient les membres et les moines la queue. Il fut condamné, s'enfuit de la Tour, et organisa une conjuration.

Le roi (il janvier 14.14) mit sa capture à un prix de mille marcs, surprit les insurgés et les dispersa. Cette fois encore lord Cobham parvint à s'échapper. Beaucoup de ses complices furent mis à mort, et les lois contre les lollhards aggravées. Cobham fomenta bientôt une nouvelle conspiration (1416). Mais il fut saisi en 1417, condamné par les lords, pendu pour crime de haute trahison et brûlé comme hérétique. Lui aussi fut un des martyrs des lollhards ; plusieurs autres furent encore brûlés jusqu'en 1431. Leurs grandes prédications publiques cessèrent, et ils ne tinrent plus de conventicules que dans le cercle étroit de quelques familles.

L'archevêque Henri (1414-1442) essaya d'agir sur eux par la persuasion. Le moine Scillius prêcha dans Londres contre l'usage de la Bible en langue vulgaire, et le franciscain Guil- laume Butler écrivit des livres dans le même sens; Guillaume Lindwood tint en 1417 des conférences en anglais et en latin contre ces sectaires, qui allaient toujours plus loin et s'éga- raient dans des théories communistes; Thomas Waldensis 215) composa contre la secte un excellent traité dogmatique (vers 1422), et plusieurs autres théologiens la réfutèrent en détail.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"> 285.

Concile contre Oldcaslle : du Plessis d'Arg., p. 31-34; Héfelé, VH, p. 24 et suiv. Henri, archevêque de Cantorbéry : Harpsfeld, Hist. Wiclif., p. 719; d'Argentré, p. 24. Sur Butler, etc., Usher, Hist. dogni. controv. de Script, vern., 1690, in-4°, p. 193. Sur W, Lind- wood, Wilkins, III, 389 ; Thomas Waldensis (mort le 3 nov. 1431, à Rouen), Doctrinale antiquitatum fidei Eccl. cath., composé vers 1422, éd. Paris., 1521, 1523, t. U, Hl ; Salmant., 1556; le tout, Venet., 1731, t. 111, in-fo. L'ouvrage a six livres : 1 De Deo et Christo; II de Corpore Chi-isti ; III de Monachatu; IV de Mendicantibus et Bonis monasteriorum ; V de Sacramentis; VI de Sacramenlalibus. En 1323, la Sorbonne déclara qu'il était utile et méritait d'être publié, « quan- doquidem ad enervandas Lutheranas calurauias atque hœreses pluri- mum conducit. » Lechler, p. 359 et suiv., 571. D'autres adversaires du

134 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

wicléfisme furent les dominicains Guillaume Jordan (Apologia fralr. Mcndicant., adv. Utred. Bold, mon., Eccard et Quetif, I, 695), Ro- dolphe Srode (Positiones et 18 Argumenta contra Wicl. haeret.), Jean Bromiard, Roger Dinnock ; les mineurs Joh. Tissington et W. Wood- ford; les carmes Jean Kiningham, Richard Lawingham, Pierre Sto- ckes, Thomas Lombe, Jean Marray; Etienne Patrington, évèque de Saint-David; les auguslins Thom. Ushburn, Thom. Winterton; les bénédictins Boltonius Uthretus , Nicol. Radcliff; les chanceliers d'Oxford Berton et Alington ; Robert Waldeby, archevêque d'York.

Les hérétiques de la Dohénic. Jean Hus.

Situation de la Bohême. Égarement religieux parmi les

Tchèques.

286. La doctrine de Wiclef trouva dans la Bohême un sol admirablement préparé. Dans ce pays, la culture savante était surtout représentée par des Allemands, auxquels les Tchèques, qui formaient le parti strictement national, faisaient souvent opposition. Plusieurs affirmaient qu'il y avait eu des Vaudois dans le pays, que leur chef lui-même, Valdo, avait trouvé un refuge en Bohême. Un concile tenu à Prague en 1301 combattit les progrès de l'hérésie, les mariages secrets et certains vices grossiers. Le peuple était encore très rude, ignorant et vicieux. Des factions se formèrent après l'assassinat de Venceslas III (1306); Rodolphe, fils d'Albert, mourut bientôt, et Henri de Carinthie ne put s'afTermir. Un parti s'adressa à Henri Vil d'Allemagne, dont le fils Jean (25 juillet 1310) était fiancé à Elisabeth , seconde sœur de Venceslas , et avait reçu en fief l'investiture de la Bohême.

Ce prince chevaleresque, infatigable et souvent occupé hors du pays, aveugle depuis 1340, fit beaucoup pour la Bohême. Il obtint que Prague (1344) fût séparé do l'Allemagne sous le rap- port ecclésiastique et érigé en archevêché. Son fils, l'empereur Charles IV, fit encore davantage pour sa chère Bohême. Pour hâter les progrès de la civilisation, il fonda en 1348 funiver- sité de Prague et en confia la plupart des chaires à des docteurs de Paris. Il fut secondé par l'excellent archevêque Arnest de Pardubic, qui tint en 1349 un concile provincial et collectionna les ordonnances ecclésiastiques alors en vigueur. Plusieurs

l'église KN fach des Sr.HISMATIQl'ES ET HKS IIKRfîTIQt ES. 135

autres conciles furent tenus dans le même esprit. Cette ten- tative de Charles IV de fonder une université nouvelle était plus que hasardée, car les écoles préparatoires des couvents de Bohème étaient insuffisantes, il y avait trop de différence entre elles et l'université de Paris, et le mépris profond que les doc- teurs parisiens affectaient pour les moines rendait impossible une action commune profitable : c'était poser une cause de froissements permanents et donner un grand scandale au peuple.

Ajoutez que les idées de réforme répandues à Paris avaient passé à Prague et étaient développées dans des discours cap- tieux devant une jeunesse inexpérimentée. 11 y avait à l'univer- sité de Prague, outre la nation bohémienne, les nations saxonne, bavaroise et polonaise. Les trois dernières marchaient ordinai- rement de concert et offusquaient le sentiment national tchèque. Tandis que les Allemands étaient nominalistes en philosophie, les Bohémiens, par esprit d'opposition, professaient le réalisme. Les scolastiques eurent bientôt pour adversaires les mystiques, dont plusieurs embrassèrent les erreurs des apocalyptiques et des frères apostoliques.

Les mystiques comptaient dans leurs rangs Jean MiUc, chanoine de Kremsier, qui était en grand crédit auprès de Charles IV et l'accompagnait souvent dans ses voyages. Depuis 1363, il se consacra activement à la prédication. Il avait em- prunté aux franciscains Spirituels l'idée d'un règne de l'Anté- christ, dont il annonçait l'avènement pour l'année 1366; il fonda une association de piétistes, dans laquelle il prêchait aux laïques la communion quotidienne, combattait comme un péché l'étude des sciences générales, excitait la haine du peuple contre toute espèce d'étude et contre l'usure, et se jetait dans les idées les plus extravagantes. Vanté outre mesure pour la sévérité de ses prédications de morale, il passait pour avoir converti beaucoup de femmes perdues de mœurs. Suspect de doctrines hétérodoxes , il fut cité devant la curie romaine, et mourut à Avignon pendant le cours de l'enquête (1374).

Son disciple, Mathias de .Jannow, un peu moins fougueux que lui, fut plutôt écrivain que prédicateur; il mettait la Bible au-dessus de tout, combattait comme des manifestations de l'Antéchrist des abus réels ou imaginaires, recommandait de

I3fi HISTOIRE DE L'ÉGLISr:.

préférer les choses intérieures aux choses extérieures. x\falgré tous les soins qu'il prenait pour se contenir, il causa plus d'un scandale. Il mourut en 1395, après avoir fait une rétractation partielle (1389). Plus réfléchis en même temps que plus adon- nés aux choses pratiques étaient Conrad de Walthausen, augus- tin autrichien, prêtre depuis 1345, curé de Leitmeritz depuis 1360, et plus tard de l'église de Teyn à Prague (mort en 1369); Jean, prédicateur des Allemands à Saint-Gall, dans la Vieille- Ville de Prague, lequel s'occupa aussi de la constitution et de la hiérarchie de l'État, afin d'instruire les citoyens de leurs devoirs. Il eut pour disciple le laïque Thomas Stitny, auteur de nombreux ouvrages populaires d'édification et adonné au mys- ticisme. Le clergé, richement doté, eut encore pour adversaires une foule de réformateurs, notamment des visionnaires qui annonçaient l'Antéchrist et ne faisaient qu'accroître la fermen- tation des esprits et le goût des disputes.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 286.

Guericke, II, p. 266; Hœfler, Prager Concilien, 1862, p. xvui, xxvni et suiv., 2-8; Héfelé, VI, p. 342, 394 et suiv., 6d0; Tomek, Gesch. der Stadt Prag., ibid., 1856, I, p. 403, 521 et suiv.; Monum. Univ. Prag., t. I, part. I, p. 223 et seq.; Palacky, Gesch. Bœhmens, III, i, p. 40 et suiv., 161 et suiv. Le mCme (trad. Jordan.), Vorleeufer des Husitenthums , Leipzig, 1846; Hagemann, Der erste dogmat. Streit an der Univ. Prag. (Tüb. Quartalschr., 1859); Krummel, Gesch. der Bœhin. Reformation im XV Jahrb., Gotha, 1866, surtout p. 50 et suiv.; Neander, K.-G., II, p. 767 et suiv.; Czerwenka, Gesch. der evangel. Kirche in Bœhmen, 1869, p. 40 et suiv. Bist. -pol. BI., 1860, t. XLV, p. 969 et suiv., 1053 et suiv.; t. XLVI, p. 1 et suiv., 97 et suiv.; Wer- ner, III, p. 622 et suiv.; Schwab, Gerson, p. 546 et suiv. Sur Milic, Balbini Miscell., IIb. IV, part. II, p. 44-64; Palacky, III, i, p. 164 et suiv. Sa citation et sa mort : du Plessis d'Arg., I, i, p. 393. Les traités de Sacerdotum et Monachorum abominatione et desolatione in EccI. Chr.; de Myslerio iniquitatis ; de Revelatione Christi et Antichrist], sont probablement de Math, de Jannow : Gieseler, K.-G., II, ni, p. 285 ; Schwab, p. 547. Voyez sur lui Palacky, loc. cit., p. 173 et suiv. Des Regula?. V. et N. T. de Jannow, on trouve des fragments dans les Œuvres de Hus, Ilist. et Monum. J. Hus et Hier. Prag., Norimb., 1598, 1. 1, p. 451, 462 et seq., 385 et seq., 409 et seq. Sur cette idée que l'Antéchrist était déjà né, qu'il avait séduit les universités et inspiré les moines, Mathias Par. Bohemus, 1380, lib. de Antichr.;

l'église en face des SCHISMATIyLES ET 1>ES HÉRÉTIQUES. 137

Bul.,Hist. Univ. Par., t. IV, p. 584; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 60. Conrad de Welthausen : Palacky, p. 161-164. Postules et discours : Cod. S. Florian., XI, 334 et seq.; Hdschr. der Bibliothek v. St.-Florian, Linz, 1871, p. 136. J. Wenzig, Studien über Ritter Thomas v. Stitné (Stittny), Leipzig, 18o6. Sur les visionnaires : Henri de Hesse, Liber ad vera Telesfori eremitse vaticinia, Pcz, Thés., I, ii, p. o05.

L'épiscopat de Bohême. Controverses sur l'Eucharistie.

■287. L'excellent archevêque Arnest était mort en 1364. Son successeur, Jean Ocellus de WJassim, nommé plus tard car- dinal par Urbain VI, célébra en 4365 et dans les années sui- vantes plusieurs conciles pour combattre l'immoralité et le luxe des clercs. Charles IV avait encore comprimé d'une main ferme et prudente la discorde qui menaçait d'éclater parmi les clercs ; malheureusement, son fils et successeur Venoeslas, sans être dépourvu de talent, était colère, paresseux et nullement à la hauteur des difficultés de l'époque ; il était de plus entière- ment asservi à une noblesse entreprenante et avide des biens ecclésiastiques.

Le grand schisme éclata en 1378. L'archevêque Jean II, neveu du précédent archevêque, et légat du pape pour quelques diocèses allemands limitrophes, publia en 1381 plusieurs statuts synodaux, se prononça énergiquement pour le bon droit d'Ur- bain VI, et régla la vie des clercs et des moines. En 1384, Mathias de Chrochowa en Poméranie (communément appelé de Cracovie) fut nommé orateur synodal, et dépeignit les vices du clergé de Bohême. C'était alors une question fort agitée de savoir s'il valait mieux que les clercs et les laïques, convain- cus de leur indignité, s'abstinssent complètement de l'Eucha- ristie ou qu'ils reçussent la communion. Mathias de Jannow s'était déclaré pour la communion quotidienne des laïques. En 1388, il fut décidé que les laïques seraient admis tous les mois à la communion. En 1389, Mathias de Jannow fut obligé de reconnaître qu'il avait enseigné une foule d'erreurs, principa- lement sur le culte des images.

L'abîme qui séparait le clergé sécuher et le clergé régulier allait s'élargissant chaque jour. L'archevêque Jean II finit par s'adonner à un ascétisme rigoureux ; mais il ne put arrêter la corruption, qui faisait sans cesse de nouveaux progrès. A l'uni-

138 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

versité, on disputait avec ardeur sur le Sacrement de l'autel, notamment sur l'adoration de l'hostie consacrée. Jean Mentzin- ger, d'Ulm, soutint à ce sujet des thèses pleines de témérité; d'autres enseignèrent de nouvelles erreurs. Le prêtre Jacques soutint que l'intercession de la sainte Vierge et des saints était inutile, que chacun pouvait communier quand il lui plaisait. Ajoutez que depuis le mariage d'Anne, sœur de Venceslas, avec Richard II, roi d'Angleterre (138t), des relations très actives s'étaient établies entre les universités d'Oxford et de Prague, et en 1385 déjà, des ouvrages wicléfistes se répandaient en Bohême, d'abord des ouvrages philosophiques et pratiques, puis des ouvrages sur la théologie. C'était là, au milieu des querelles qui divisaient les écoles théologiques , un nouvel et très dangereux ferment jeté dans la querelle entre le clergé séculier et les ordres religieux.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 287.

Conciles : Hœfler, Conc. Prag., p. 8 et suiv., i4 et suiv., 25 et suiv.; Mansi, XXVI, 690 et seq.; Héfelé, VI, p. 621 et suiv., 627, 809 et suiv. Il est douteux si le livre de Squaloribus Rom. Curiaf^ appartient à Mathias de Cracovie : car il mentionne Martin V et le concile de Cons- tance, et Mathias mourut en 1410. Quelques-uns croient qu'on y a fait plus tard des additions. Voici les thèses de Jean Menlzinger : « 1"» Corpus Christi non est Deus; Ilumanitas Christi non est homo nec res per se existens ; Christus non est compositus ex deitate et huraanitate ; Nulla creatura est adoranda adoratione, qua Deus débet adorari ; Hostia consecrata non est Deus. » Ouvrages de Wiclef en Bohême : Hist. et Monum. J. Hus, p. 108; Prior Dolens, in Anti- Wiclefo, Pez, Thés., IV, ir, p. 138, 184, 383; Héfelé, Vn, p. 29 et suiv.

Jean Hus. Discussions sur la doctrine de Wiclef.

288. Le mouvement de la Bohême ne tarda pas à être dirigé par Jean Hus (en bohémien : oie], en 1369, d'une famille de paysans de H usinée. Après avoir achevé ses études à Prague, IIus devint bachelier en philosophie (1392) et en théo- logie (1394), maître es arts libéraux (1396), qu'il professa ensuite (1398), puis doyen des arts libéraux (1401). En 1402, il fut nommé prédicateur de la chapelle de Bethlehem et recteur de l'université. Intègre de mœurs, versé dans la dialectique,

l'église en face des SCHISMATIQiUES El DES HÉRÉTIQUES. 139

orateur, mais médiocre dans la spéculation, maigre et livide, fanatique dans ses discours, éclataient sa connaissance de la Bible, ses études philosophiques et théologiques, mais surtout son zèle passionné contre les vices du clergé, Hus était profon- dément dévoué à sa nation et épris des idées de Wiclef, qui répondaient à sa tournure d'esprit et trouvaient chaque jour plus d'écho dans son entourage.

Après la mort du faible archevêque Wolfram de Skworec (2 mai 1402), le siège de Prague demeura longtemps vacant. Sur les instances du chapitre de la cathédrale, la majorité des membres de l'université décida, le 28 mai 1403, qu'il serait interdit à qui que ce fût de soutenir et d'enseigner les quarante- cinq propositions de Wiclef qu'on lui avait soumises. Stanislas de Zuaim osa seul en prendre la défense; Nicolas de Leitoraysl et Hus se bornèrent à dire qu'elles n'étaient pas exactement extraites des écrits de Wiclef.

La réputation de Hus, à cette époque, était encore intacte. Peu de temps après, l'archevêque Sbinko (Zbynek) le nomma prédicateur synodal, et la reine Sophie le choisit pour confes- seur. L'archevêque approuva un de ses ouvrages il démon- trait que tout le sang de Jésus-Christ avait été glorifié. Même après que Sbinko, sur l'invitation d'Innocent VII (1405), eut commencé de combattre avec force les wicléfistes, surtout parce qu'ils enseignaient que la substance du pain et du vin demeure dans l'Eucharistie, Hus ne perdit pas sa confiance : car il ne suivait pas en cela la doctrine de Wiclef, comme faisaient plu- sieurs de ses collègues (Stanislas de Znaïm, Etienne de Palecz). En revanche, les sermons de Hus contre les droits d'étole et le cumul des bénéfices, depuis l'été de 1407, produisirent une vive sensation. Le 18 mai 1408, l'université condamna de nouveau les quarante-cinq propositions de Wiclef, parce que maître Mathias de Knyn avait derechef soutenu que la substance du pain et du vin demeure dans l'Eucharistie, et ne s'était rétracté devant l'archevêque qu'après une longue résistance.

La nation bohémienne n'accepta le décret (20 mai) que sous une clause qui ménageait les dissidents : savoir, qu'on ne devait pas enseigner ces articles dans leur sens hérétique ou ofTensant, ce qui supposait qu'ils présentaient un sens bon et catholique. On défendit aux étudiants de lire les livres de

liO HiSToïKE DE l'Église.

Wiclef. Ce ne fut que plus tard, lorsqu'on répandit une déclara- tion de l'université d'Oxford très favorable à Wiclef, mais apo- cryphe, comme il fut constaté dans la suite, que Hus se déclara ouvertement pour Wiclef. Il fut suivi par Jérôme de Prague, qui depuis 1399 avait visité un grand nombre d'universités et de villes et avait été persécuté à Oxford pour propagation d'er- reurs.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 288.

Pierre de MIadenowicz (mort en 1441, utraquiste), Epistolse qua;- dam piissima; et eruditissima? J. Hus, imprimées avec une préface de Luther, Vitenb., 1537; puis aussi 0pp. Husii s. Hist. et Monumenta J. Hus et Hier. Prag., Norimb., 1558, 1715, t. II; J. Cochlaius, Hist. Hussitarum, Mog., 1549; ^neas Sylv., Hist. Bohem., c. xxxv ; du Plessis d'Arg., I, n, p. 158 et seq.; Documenta M. J. Hus, éd. Palacky, Pr., 1869; Mistra Jana Husi , sebrane spisy ceske (Mag. Joh. Hus Gesammelte Schriften in bœhmischer Sprache, zuerst edirt von K. J. Erben, Prag., 1865 et suiv.); Hœfler, Geschichtschreiber der hus. Bewegung in Rœhmen (von der k. k. Akad. d. Wiss. in Wien Scr. rer. Austr. herausgegeben), Vienne, 1856 et suiv., .3 vol.; Palacky, Gesch. V. Bcehmen, t. in, abth. ii, m ; Lehmann, Stud. u. Kritiken, 1837, I, p. 132 et suiv.; Hist.-pol. Bl., t. XXXI, p. 350 et suiv.; t. XXXIX, p. 699 et suiv.; t. XLI, p. 529 et suiv.; Helfert, Hus u. Hier. Prag., 1853; Schwab, Gerson, p. 549 et suiv.; Hœfler, Mag. Joh. Hus, Prag., 1864; E. Bonnechose, Reformuteurs avant la réformation du XVI^ siècle, Jean Hus, 3^ éd., Par., 1860; Tosti, Gesch. des Conc. von Constanz, en allem., Schalfhouse, 1860, p. 110 et suiv.; Henke, J. Hus und die Synode von Constanz, Berlin, 1869; Héfelé, Conc.-Gesch., VH (1869), p. 28 et suiv.; Berger, J. Hus und Kœnig Sigismund, Augsb., 1871 ; Krummel 286). Néander , Krummel, etc., ont cru que Hus s'était borné à développer les tendances réformatrices qui existaient déjà en Bohème, que ses rapports avec Wiclef furent purement extérieurs et n'eurent pas d'influence décisive sur la direction de son esprit. Le contraire dans Schwab, p. 551 ; Werner, III, p. 624; Ila^tler, Mag. J. Hus, p. 147, und Geschichtschreiber der hus. Bewegung, III, p. 90. Université de Prague, 1403, Documenta M. J. Hus, éd. Palacky, p. 327 et seq.; Chron. Univ. Prag., dans Hœfler, Geschichtschrciber, I, p. 17, 196, et Conc. Prag., p. 43 et seq.; du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 25 et seq.; Schwab, p. 551 ; Hus, de Omni Sanguine Christi gloriflcato, 0pp. I, 191-202. Stanislas de Znaim, Hus 0pp., I, 334, al. 330, b. Math. Knyn, Doc, éd. Palacky, p. 338 et seq. Négociations de 1408 : du Plessis d'Arg., p. 28; Hœiler, Geschichtschr., H, p. 138, 193; III,

l'église en face des SCHISMATIQLES ET DES HÉRÉTIQUES. 141

35; Conc. Prag., p. 53; J. Hus, p. 177 et suiv., 189 et suiv.; Palacky, Gesch. V. Bœhmen, III, i, p. 221 et suiv. Sur Jérôme : Doc, éd. Pala- cky, p. 336. A Pans, le chancelier l'invita en 1406 à se rétracter, parce qu'il avait dit dans une dispute : « Deus nihil poterat annihilare »; sur quoi il prit la fuite : du Plessis d'Arg., 1, u, p. 193.

Hus est suspendu de son ofiice de prédicateur. Nouvelle organisation de l'université de Prague.

289. En juin 14U8, l'archevêque ordonna de remettre tous les livres de Wiclef à la chancellerie de l'archevêché, et cita quelques-uns des partisans les plus déclarés de Ihérésiarque anglais. Un grand nombre de docteurs et d'étudiants, Hus lui-même, portèrent les livres de Wiclef, ou du moins quelques- uns, à la chancellerie; d'autres en appelèrent au pape Gré- goire XII, et protestèrent contre l'ordre mal compris de l'arche- vêque d'enseigner eu chaire qu "après la consécration il n'y a dans l'hostie que le corps, dans le calice que le sang de Jésus- Christ. Ils voyaient une négation de la concomitance. Bientôt après, sur les plaintes de quelques ecclésiastiques, Hus fut invité à rendre compte de ses sermons provocateurs. U se défendit d'un ton arrogant et avec des arguments sophistiques. La prédication lui fut interdite.

Alors ses partisans firent valoir et mirent en pratique cette assertion de Wiclef, qu'un prêtre ou un diacre peut annoncer la parole de Dieu sans la permission du pape ou de l'évêque, Quelques-uns le permettaient même aux laïques. Les Tchèques se rapprochaient de plus en plus de la doctrine de Wiclef, com- battue par les Allemands, et songeaient sérieusement à détruire la prépondérance des autres nations.

Ce fut pour eux une bonne fortune que le roi Venceslas, pour des considérations politiques, se détacha de l'obédience de Gré- goire Xil (octobre 1408) et promit d'envoyer des délégués au concile de Pise ; en quoi il fut contredit par l'archevêque et les Allemands, mais soutenu par les Tchèques. Venceslas, après avoir d'abord repoussé la proposition qui lui en avait été faite par Hus et ses amis, pubha le 18 janvier 1409 un édit par lequel U accordait à la nation bohémienne trois voix au heu d'une seule, tandis qu'il n'en accordait qu'une seule à la Bavière, à la Saxe et à la Pologne réunies. C'était le bouleversement complet

142 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de l'ancien ordre de choses. Les nations, ainsi restreintes dans leurs droits, réclamèrent en vain ; des milliers d'étudiants quittèrent Prague, accompagnés de leurs maîtres, fondèrent l'université de Leipzig et en renforcèrent d'autres (Cracovie, Ingolstadt, Erfurt). L'université de Prague, devenue purement bohémienne, se trouva singulièrement réduite. Ilus et ses amis défendirent l'édit du roi par des sophismes. Un antre édit survint bientôt qui interdisait à tous les sujets de reconnaître le pape Grégoire XI L

Hus, nommé recteur pour la seconde fois, devint plus auda- cieux que jamais et brava l'archevêque, brouillé avec le roi à cause de son attachement à Grégoire XII. Hus et son parti reconnurent Alexandre V, qui avait été nommé à Pise, et obtinrent de lui la nomination du docteur Henri Crumhart comme juge d'instruction contre l'archevêque, à qui l'on interdit toute procédure contre les appelants. Sbinko (2 sep- tembre 14.09) passa dans le camp d'Alexandre, et l'appel des hussites n'eut plus de suite; l'archevêque fut établi juge de ses accusateurs, chargé (20 décembre) de prendre des mesures contre la propagation des erreurs wicléfistes et de défendre la prédication dans les petites chapelles et les cimetières.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 289.

Décret de l'archev. en juin 1408 et opposition qu'il rencontre : Hœller, Conc. Prag., p. 60, et seq.; Geschichtschr., I, p. 290; II, p. 143 et suiv.; 111, p. 29 et suiv.; Palacky, loc. cit., p. 223; Docuni., p. 188 et seq., 332 et seq., 402, 453 et seq. Hœfler, M. .1. Hus, p. 197 et suiv., 216 et suiv.; Palacky, Gesch. Bœhmens, III, vi, p. 227, 230 et suiv.; Doc, p. 347 ; Héfelé, VI, p. 796 et suiv.; VII, p. 39 et suiv. Décrets d'Alexandre V : Doc, éd. Palacky, p. 189, 389, 402 et seq., 372 et seq.; Hœfler, Conc. Prag., p. 62 ; Gescliichtschr., 111, p. 33 et suiv.; Rayn., an. 1409, n. 89 ; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 160.

Appel de Hus au pape de Pise. Tumulte à Prague. Condamnation de Hus et sa résistance.

290. Les bulles d'Alexandre V arrivèrent à Prague en mars 1410, et l'archevêque se disposait à les faire exécuter. Hus et l'université s'y opposèrent, notamment à l'ordre (du 10 juin) de brûler les écrits de Wiclef ; on décida le roi à l'in- terdire comme un déshonneur pour la bohème. Hus, malgré

L*ÉGLISE EN FACE DES SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 143

la défense qui lui en fut faite, prêcha avec violence dans la chapelle de Bethlehem et déposa un appel à Jean XXI H (25 juin), en le priant de charger le cardinal Colonna de l'enquête et de l'information contre l'archevêque. Cependant l'archevêque ne renonça pas à son dessein : il fit brûler (16 juillet) les écrits de Wiclef qu'il avait confisqués (environ deux cents volumes), et lança l'excommunication contre Hus et ses amis. Une rumeur presque générale s'ensuivit dans Prague.

Les partisans de Hus maltraitèrent les ecclésiastiques, hurlè- rent en public des chansons dérisoires et provocantes contre l'archevêque, et tinrent dans l'université même des conférences sur Wiclef. Jérôme de Prague emprisonna deux moines et en précipita un troisième dans la Moldau. Non seulement le roi laissa impunis une foule d'actes de violence ; il força encore les conseillers de l'archevêque de fournir un dédommagement pour les livres brûlés, dont plusieurs avaient des reliures de prix. Hus, qui avait transcrit de sa main le Trialogue de Wiclef et l'avait traduit en bohémien, se montrait violent et fana- tique.

La commission pontificale établie à Bologne décida, sur l'avis de l'université de cette ville, que les écrits de Wiclef ne seraient pas livrés au feu ; mais elle n'en approuva pas le contenu. Après de nouveaux renseignements arrivés à Prague, le cardi- nal Colonna fut chargé de terminer celte affaire. Il invita Hus à comparaître à Bologne; et, comme l'hérésiarque ne s'y ren- dit point, il lança contre lui l'excommunication, malgré les démarches du roi, de la noblesse et de l'université, pour faire retirer la citation. Jean XXIIl, qui n'avait encore rien décidé, remit l'affaire à une nouvelle commission de neuf cardinaux, dont les travaux traînèrent en longueur. Le cardinal Bran- caccio, chargé ensuite de conclure ce débat, confirma le juge- ment de Colonna, en le renforçant par cette déclaration que Hus était excommunié comme hérétique et l'interdit jeté sur le lieu de son séjour. L'archevêque renouvela (15 mars 1411) l'excommunication fulminée contre lui et ses amis, se prononça également contre le gouverneur de Prague, et frappa la ville d'interdit. Hus continua de prêcher, et en appela à un concile général.

144 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Ouvrages a consulter sur le 290.

Doc, éd. Palacky, p. Iß, 36, 189 et seq., 387 et seq, 397 et seq., 42Ö et seq.; Hœfller, Geschichtschr., I, p. 21, 188 et suiv., 291 et suiv.; II, p. 187; J. Hus, p. 299 et suiv.; Palacky, Gesch. v. Bœhmen, III, i, p. 252 et suiv., 263 et suiv.; Héfelé, VII, p. 41-45.

Justification de Hus.

291. La position de l'archevêque s'était tellement aggravée, qu'Use montra prêt, en juillet 14.11, à entrer dans un accommo- dement ménagé par le roi Venceslas : il devait faire amende honorable devant le roi, et mander au pape qu'il n'y avait en Bohême aucune hérésie, qu'il fallait retirer l'excommunication et l'interdit, que Hus lui-môme se justifierait devant l'univer- sité. De son côté, Hus déclara (1" septembre 1411) qu'on lui avait à tort imputé de fausses doctrines, qu'il était pleinement orthodoxe, qu'il n'était pas cause de l'expulsion des Allemands de Prague, qu'il était encore prêt à répondre à toutes les accu- sations, et, s'il était convaincu, à endurer le supplice du feu, pourvu que ses accusateurs, s'ils venaient à succomber, subis- sent la même peine. Il écrivit aux cardinaux du pape de Pise que l'archevêque le persécutait uniquement parce qu'il avait travaillé en faveur de l'abdication de Grégoire XII et de la reconnaissance du concile de Pise. Innocemment persécuté, il implorait donc leur protection et demandait qu'on l'exemptât de comparaître en personne.

Dans le temps même il récompensait si mal l'archevêque de ses lâches concessions, Hus déclamait dans ses traités contre l'ordre de brûler les livres hérétiques, contre la défense qui lui avait été faite de prêcher, défense suscitée par la jalousie de l'Antéchrist, contre les censures lancées sur Wiclef ; il contes- tait l'autorité de la Tradition, le pouvoir des souverains en état de péché mortel, etc.

L'archevêque Sbinko (revenu sans doute à des idées plus saines) n'envoya pas au pape la lettre qu'il avait promise; il se plaignit au roi que la convention ne fût pas observée, et alla solliciter à Presbourg le secours du roi Sigismond. Il y mourut le 28 septembre 141 1 . Son successeur Albic, médecin de Vences- las, entré veuf dans l'état ecclésiastique, jouissait, par la pureté

l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 161

et la guerre continua avec un redoublement de frénésie. Les hussites étaient souvent divisés entre eux. Les modérés ou calixtins, qui ne réclamaient que l'usage du calice et conser- vaient les rites ordinaires de l'Église, mais en omettant la pompe extérieure, qui leur semblait superflue, avaient contre eux les fanatiques taborites, dirigés par Zisca. Ces derniers, après la mort de Zisca (1424), formèrent différents partis : les uns choisirent pour chef le moine apostat Procope le Grand (ou Holy le Tondu), et gardèrent le nom de taborites; les autres se nommèrent orphanites ou orphelins , parce qu'ils trouvaient que Zisca ne pouvait être remplacé et que nul n'était digne de lui succéder; ils avaient cependant un chef dans Procope le Petit ou Procupec. Venaient ensuite les horébites , nommés ainsi d'une montagne qu'ils appelaient Horeb; ils furent d'abord dirigés par Hynco Crussina, et ensuite par le Morave Bedrzich,

Ces partis étaient principalement divisés entre eux sous le rapport politique; en matière religieuse, ils se rattachaient aussi aux taborites. Ils rejetaient tous les usages ecclésias- tiques, parce que Jésus-Christ et les apôtres n'avaient donné aucune prescription à ce sujet, qu'ils étaient inutiles et cor- rupteurs; ils buvaient le vin consacré dans n'importe quelle coupe, se servaient, au lieu d'hosties rondes, d'hosties brisées et découpées de diverses manières. Le parti politique des pra- guistes, sous le prince Sigismond Corybut de Lithuanie, adhé- rait aux calixtins, et se tenait passablement éloigné des tabo- rites républicains. Les taborites se combattaient vivement entre eux, dès qu'ils n'étaient pas engagés dans quelque expé- dition miUtaire.

OUVRAGES A C0.N3ULTEB ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N°" 300-301 .

iEneas Sylv., Hisl. Bohem., c. xlviii; Trithem., Chrou. Hirs., II, 358; Parai, ad Chron. ürsperg., p. 295; Cochlœus, Hist. Hus., lib. V, p. 183; Theobald, Husitenkrieg, 3<^ édit., 1750, 3 vol.; Bezold, K. Sigismund und die Reichskriege gegen die Husiten, 1423-1428, Munich, 1873. Les quatre articles de Prague furent envoyés à l'univer- âilé de Paris par l'évèque de Tournay : du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 172-474.

V. HIST. DE l'Église. 11

162 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Les Picards et autres sectaires.

302. Comme une exagération en amène souvent une autre, les utraquistes eurent pour contre-partie les Picards, suivant lesquels il ne fallait rendre aucun culte à l'Eucharistie, parce que Jésus-Christ n'y était pas présent, qu'elle ne contenait que du pain et du vin. Cette opinion fut acceptée par pins de quatre cents taborites. Ils brisèrent les calices et les osten- soirs, et traitèrent d'idolâtres ceux qui s'agenouillent devant l'Eucharistie. Chassés du mont Thabor, ils continuèrent ailleurs leurs extravagances. Ils en vinrent au point que beaucoup se dépouillèrent de leurs habits, se présentèrent cyniquement en public et commirent les plus graves désordres, surtout des in- cestes. On los appelait adamites. Dans le principe, ils couraient comme des sauvages à travers les bois, et ils finirent par se fixer au village de Kerkot. Zisca alla les surprendre, en fit brûler cinquante qui avaient refusé d'abjurer leurs erreurs, avec tous leurs prêtres. Une secte analogue aux adamites était celle des fossariens ou mineurs, découverts beaucoup plus tard (ioOi) à Gurricke, village de Bohême, par Lorenz Glatz, de Rotenhausen : ils se réunissaient la nuit dans des cavernes et des grottes, commettaient toute sorte de débauches, mépri- saient les églises et les sacrements; ils firent des prosélytes même dans les hautes classes de la société. Ils aimèrent mieux émigrer que d'abjurer leur hérésie ; leurs partisans les consi- déraient comme des martyrs. Le peuple était persuadé qu'ils agissaient sous l'inspiration de Satan.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 302.

Laurentius, de Gest. et Var. Accid. regni Bohem., dans Hœfler, Geschichtschr., 1 (18Ö6), p. 414, 4Si ; Mn. Sylv., Hist. Bohem., c. xli ; Joli. Nider, 0. Pr., Formicar., lib. 111, c. i et seq.; Joh. Tritheni., Chron. Hirs., t. Il, p. 319; Chron. Sponhem., p. 413; du Plessis d'Arg., I, II, p. 216-219 (de Adamitis), p. 342 et suiv. (de Fossariis).

Guerres hussites. Négociations avec le concile de Bâle.

303. Les hussites, devenus la terreur de leurs voisins, furent plusieurs fois vainqueurs des troupes levées contre eux (1420, li21, 1427, 1431). Ils mirent à contribution la Bavière, la Franconio et la Saxe, et y commirent d'effroyables ravages;

l'église en face des SCfflSMATIQüES ET DES HÉRÉTIQUES. 163

l'Église catholique, en Bohême et en Allemagne, parut plus d'une fois exposée à une ruine irrémédiable. Le cardinal Cesa- rini alla lui-même en Bohême au mois de juillet 1431. Dans un mémoire daté du 21 juillet, les hussites maintinrent leurs articles précédemment rejetés par Sigismond ; mais ils expri- mèrent le désir d'être entendus par le concile de Bâle, qui les invita en effet à se présenter (octobre t431). Deux religieux délégués par les Bâlois trouvèrent à Prague le chef des prédica- teurs calixtins, Jean Rokycana, favorablement disposé pour le concile et prêt à se réconcilier avec l'Église, si l'usage du calice était accordé aux laïques. Les taborites, au contraire, adressèrent aux Allemands dans le sens opposé un manifeste violent, auquel le concile ne fit qu'une courte réponse. Les négociations avec les calixtins, qui demandaient des saufs- conduits et voulaient se justifier librement, se prolongèrent pendant l'année 1432. Dans la quatrième session (20 juin), le concile promit aux Bohémiens une entière sécurité ; ils seraient libres de défendre leurs quatre articles, de discuter avec les membres du concile, de célébrer leur culte dans leurs demeures, d'exercer à Bâle la juridiction sur leurs compatriotes, et ils ren- treraient chez eux avec une pleine liberté.

Le 17 juillet, des prières furent prescrites pour le retour des hussites. Il restait encore plusieurs difficultés relativement à l'armistice et aux saufs -conduits. Cependant deux délégués bohémiens se présentèrent à Bâle dès le 10 octobre; le 4 jan- vier 1433, arrivèrent sept laïques et huit ecclésiastiques avec une suite nombreuse, en tout trois cents personnes. Dans ce nombre se trouvaient Jean Rokycana, Procope Holy, le chef des taborites, et Ulric de Znaïm, prêtre des orphelins. Tous les partis hussites avaient leurs représentants. Ils furent traités avec tous les égards et les ménagements possibles.

Dans la congrégation du 10 janvier, le cardinal Julien Cesa- rini adressa aux Bohémiens une allocution affectueuse, à la- quelle Rokycana répondit en termes obligeants. Les hussites essayèrent ensuite, dans de longues dissertations, de défendre leurs quatre articles. Rokycana parla avec modération de la communion sous les deux espèces, et lorphanite Llric, sur la liberté de la prédication ; Nicolas Biscupek, évêque des tabo- rites, traita, en se permettant de violentes sorties, de l'obliga-

464 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

tion de punir légalement les péchés mortels, et l'Anglais Pierre Payne, de la défense qu'il fallait faire au clergé de posséder aucun bien temporel. Au premier Jean de Raguse répondit par un long discours, qui fut continué pendant plusieurs jours et souvent interrompu; au second, Henri Kalteisen, professeur de théologie à Cologne ; au troisième, Gilles Charher, doyen de Cambrai ; au quatrième, Jean de Polemar (Palomar), archi- diacre de Barcelone.

Les orateurs des hussites répliquèrent ; mais on s'aperçut bientôt qu'on allait s'engager dans des disputes interminables, et, le 11 mars 1434, des commissions nommées par les deux parties furent chargées de négocier la paix. Le 19 mars, ces commissions furent réduites à quatre personnes de part et d'autre. On continua en même temps les dissertations sur les sujets entamés, en y joignant plusieurs autres questions. Les Bohémiens étaient impatients, désunis entre eux, principale- ment sur les questions que leur avait posées le cardinal Julien Cesarini. Ils partirent le 14 avril avec des délégués du concile, chargés de négocier en Bohême avec les représentants de la nation.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N*> 303.

Monum. Concil., éd. Vindob., p. 118, 135 et seq., 153 et seq., 170 et seq., 197, 217, 227 et seq.; Mansi, XXIX, 233 et seq., 40G, 416 et seq., 641 ; XXX, 145, 179 et seq. Le discours de Rokycana : Mansi, XXX, 269- 30Ö ; celui de Jean de Raguse : Canis.-Basnage, L. A., IV, 45i et seq.; Mansi, XXIX, 699-808; celui d'Ulrich de Znaim, Migne, XXX, 306-337; Henri Khalteisen, 0. Pr., de Liliera Prœdicatione, ib., XXIX, 791-1004. Gilles Gharlier contre Biscupek, dont le discours est inédit : de Corri- gendis Publicis Peccatoribus , ib., p. 868-971; Job. de Polemar, p. 1165-1168; Palacky, III, m, p. 65 et suiv.; Héfelé, Vil, p. 465 et suiv., 479 et suiv., 492 et suiv., 500 et suiv.

Les Gompactats d'Iglau.

304. Les délégués de Bàle obtinrent difficilement les saufs- conduits dont ils avaient besoin , et, après leur arrivée à Prague, il leur fallut entendre toutes les injures que l'on pro- férait impunément contre le concile. A la diète do Prague, qui s'ouvrit le 12 juin 1483, après de nombreuses explications sur la forme qu'il convenait de donner aux quatre articles, ils n'obtinrent qu'une seule chose : c'est que trois délégués de

l'église en face des SCHISMATiyVES ET DES HéRÉTlQUES. 16o

Bohême pourraient accompagner à Bâle (le 11 juillet) les délé- gués du concile. Là, les avis étaient fort partagés sur les con- cessions qu'il convenait de faire aux hussites; mais les hommes les plus influents se prononcèrent pour la concession du calice aux laïques, et, le 1 1 septembre, il fut décidé qu'une seconde députation serait envoyée à Prague. Cette députation témoigna à la diète de Prague (novembre) la plus grande condescen- dance, et rédigea en quelques articles une convention qui ne fut acceptée que par une partie des hussites ; les autres la reje- tèrent et continuèrent la guerre.

Le parti modéré de la noblesse, auquel appartenaient les savants de Prague et trois villes, avait contre lui le parti démocratique des taborites et des orphelins, qui comprenait la plupart des villes et peu de barons. Le premier parti réussit, le 6 mai 1434, à prendre d'assaut la ville neuve de Prague, dévouée aux démocrates. La ville de Pilsen fut débloquée par le secours que lui procura Jean de Polemar. Dans la bataille de Lipan (30 mai), l'armée des taborites et des orphelins fut presque entièrement anéantie ; les deux Procope succom- bèrent, et le matériel de guerre tomba aux mains des vain- queurs. A la diète du 24 juin, une paix générale fut conclue entre tous les utraquistes, et un armistice d'un an avec le parti catholique royal. De nouvelles négociations furent entamées à Ratisbonne (août 1434) avec le roi Sigismond et avec les Bâlois; en octobre, la diète de Bohème posa ses conditions, dont plu- sieurs allaient fort loin. Bientôt le reste des taborites, renforcés de plusieurs orphelins (tandis que d'autres se fondirent avec les calixtins), recommença la guerre, et les calixtins eux-mêmes se montrèrent plus violents que jamais. Du mois de juillet 1435 au mois de janvier 1436, il fut question d'une nouvelle ambas- sade des Bâlois à Brunn, et d'une autre à Stahlweissenbourg, en présence de Sigismond. Enfin les articles concertés {com- pactats) furent publiés (juillet 1436) à Iglau, l'empereur se rendit en personne, et ratifiés par le concile de Bâle le 15 jan- vier 1437.

Les quatre articles des hussites avaient été ainsi transfor- més : L'usage de la communion sous une seule espèce {sub unà), introduit par l'Église pour de bonnes raisons et irré- préhensible, peut être changé par l'Église. La communion

166 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

SOUS les deux espèces est accordée aux Bohémiens et aux Moraves (^ui, du reste, se soumettent à la foi et aux rites de l'Église universelle, en vertu de l'autorité de Jésus-Christ et de l'Église; mais les prêtres doivent avertir le peuple que la com- munion sous une seule espèce est également bonne et que Jésus-Christ est présent sous Tune et l'autre. Il est défendu de médire des utraquistes. La parole de Dieu sera librement prêchée, mais par ceux-là seuls qui auront l'approbation des supérieurs ecclésiastiques et sans préjudice de l'autorité de l'Église. Les péchés mortels doivent être extirpés et punis, non par les particuliers, mais par l'autorité établie et seu- lement d'après les lois divines et ecclésiastiques. Les prêtres doivent administrer et employer leurs biens conformément aux canons, mais ils ne peuvent en être dépouillés sans sacrilège.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 304.

Liber de legationibus Conc. Basil, pro reductione Bohemorum, par Gilles Charlier, Monum. cit., p. 361-700. Dr Thomas Ebendorfer d'Has- selbach, prof, à Vienne, Diarium, ib., p. 736-741. Avis, p. 723-731. Joh. de Turonis, secrétaire des députés du concile : Registrum ; Héfelé, VII, p. 542-547, 568-581, 605-626.

Autres événements en Bohême.

305. Dans l'espoir d'aboutir à quelque résultat, les Bâlois avaient montré aux Bohémiens la plus grande condescen- dance : ils leur avaient permis ce que le concile de Constance leur avait refusé. Plus ils affectaient de hauteur à l'égard du pape, plus les Bàlois faisaient preuve d'égards et de patience envers les hussites, qui poussaient loin leurs prétentions, et dès le début dépassèrent les compactais. Ils ne gagnèrent du reste que les calixtins modérés ; les taborites rejetèrent toutes les propositions. Plusieurs utraquistes s'offusquèrent de ce que Rokycana ne fût pas confirmé comme archevê(iue de Prague. Cependant le nombre de ses adversaires s'était multiplié, et ils avaient élevé des plaintes contre lui. Comme l'empereur se disposait à sévir, il se réfugia chez un gentilhomme.

Un décret rendu à Bâle dans la trentième session (23 dé- cembre li37) traita de la communion sous les deux espèces, mais ne résolut point les autres questions controversées. Après

l'église en face des SCHISMATiyUES ET DES HÉRÉTIQUES. 167

la mort de Sigismond, la confusion s'accrut en Bohême. Les catholiques et les calixlins modérés lui donnèrent pour suc- cesseur le mari de sa ûlle, Albert d'Autriche ; les taborites et le parti de Rokycana (les utraquistes fanatiques) choisirent le prince Casimir de Pologne, âgé de treize ans. Albert, peu de temps après son couronnement à Prague (janvier 1438), fut impliqué dans la guerre avec le parti polonais, et les tentatives d'accommodement faites à Breslau n'eurent aucun succès.

Après la mort d'Albert (2-i octobre 1439), le pays se vit en proie à tous les désordres. Les catholiques essayèrent de réta- blir l'unité religieuse dans le pays, même dans les usages plu- sieurs fois changés. Les calixtins n'observèrent les compactais qu'autant qu'ils leur étaient favorables; ils les interprétèrent très largement, et fmirent par les enfreindre de plus en plus : de vient que les papes eux-mêmes se crurent dispensés de les observer. Une tendance hérétique dominait depuis longtemps parmi les Bohémiens exaltés, et l'on continuait d'honorer llus comme un saint et un martyr, même après qu'on eut cessé de suivre ses doctrines : on vénérait sou image, on composait des prières et des liturgies en son honneur, on soleunisait l'anni- versaire de sa mort comme un jour de fête.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 305.

Basil., sess. XXX : Mansi, XXIX, 138 et seq.; Hard., VIII, 124i; IX, 11.31 ; Palacky, III, m, p. 289 et suiv.; Héfelé, p. 637 et suiv. Cullc de Hiis en Bohême : Mansi, XXVII, 786; Monuni. hist. Univ. Prag., t. III, p. 148, 150; Missale hussit., de 1491, dans Sacken, die Ambraser Sammlung, Vienne, 1853, II, p. 200 et suiv.

Les légats du Saint-Siège en Bohême.

30G. Le cardinal Carvajal, délégué en Bohême par Eugène IV en 1444, ne put obtenir qu'on y observât les compactais. Nicolas V l'envoya de nouveau (1448) à Prague, il travailla énergiquement contre les partisans de Rokycana; il y dépêcha (1451) Jean de Capistran, qui ne put pénétrer dans Prague et fut en butte à mille tracasseries. Il parvint cependant, sur les frontières de la Bohême, en Moravie et en Silésie, à réconcilier beaucoup d'hussites avec l'Église. ^Enéas Sylvius, évêque de Sienne, arriva ensuite à Tabor, et eut plu- sieurs conférences avec les hussites et le gouverneur Georges

168 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Podiebrad. Il y trouva une population pauvre, sauvage, mais bonne encore, qui mettait Zisca presque au-dessus de Jésus- Christ. A cette objection que Rome avait violé les compactais, il répondit que les Bohémiens avaient commencé eux-mêmes par les abolir absolument. Il discuta aussi, mais sans succès, avec plusieurs prêtres hussites.

Nicolas de Cusa, qui déjà précédemment avait réfuté l'erreur concernant la communion des laïques sous les deux espèces, rencontra à Ratisbonne en 4452 des députés de Bohême, qui le prièrent d'intervenir comme médiateur de la paix. Il adressa donc aux hussites, en qualité de légat du pape, plusieurs écrits, qui n'eurent aucun résultat. En 1465, en présence de Georges Podiebrad, élevé au trône, et qui régnait dans le sens des calixtins; en présence d'une foule de barons et de députés, eut lieu un colloque entre les utraquistes, représentés par Roky- cana, et les subunistes, représentés par Hilaire, doyen de la cathédrale de Prague. On y traita de la rupture des compactais de Bâle et de leur véritable sens, du mépris de l'autorité ecclé- siastique, de l'anabaptisme, de la confirmation donnée par de simples prêtres, des ordinations secrètes, de l'omission du bré- viaire, de la valeur du sacrifice et de l'efficacité du sacrement dans la communion, de la célébration de la messe en langue vulgaire, de la confusion qui régnait entre l'ordre et la juridic- tion. On ne s'entendit point.

Podiebrad, qui s'était emparé de Tabor et avait opprimé les taborites, fut excommunié par Paul II, et les dissensions continuèrent. Une bataille sanglante fut livrée près de Taussen (1467.) Les principaux appuis do Tutraquisme, Podiebrad et Rokycana, moururent en 1471. La Bohême obtint de nouveau un roi catholique en la personne de Ladislas de Pologne, qui, en 1485, assura la tranquillité civile par la pacification reli- gieuse de Kuttenberg.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 306.

Carvajal : Jac. card. Piccolomini, Comment., lib. VI, VII; lib. II, ep.xLvn. Jean Capistran : Wadding, Ann. min., t. IV, IX-XII; ActaSS., 3 oct., p. 334 et seq.; yEneas Sylv., ep. cxxx à Carvajal, Orat. habita coram Calixto III, 1435, de Compactatis Bobemorum (Pli P. M. II, Orat., éd. Mansi, I, 352); Nicolas de Cusa, Concord. cath., lib. II, xxvi, ep. u-vii. Diix, Nikol. v. Cusa, I, p. 143 et suiv., 154 et suiv.j II,

l'église en face des SCHISMATIOrES ET PFS HÉRÉTIQUES. 169

p. 76 et suiv. Colloque religieux de U65, Disputatio Capitul. Prag, cum Rokycana : Basnage, Lect. ant., IV, 753-776; Guerricke, K.-G., Il, p. 290.

Les frères bohémiens et les frères moraves.

307. La portion des hussites qui était de plus en plus refoulée, donna naissance à la secte particulière des frères de Bohême et de Moravie (l'Unité des frères), dont le dogme fondamental était la définition de l'Église telle que la donnaient les hussites. Ils aboutirent peu à peu à rejeter plusieurs doctrines do l'Église, la transsubstantiation, la prière pour les morts, etc. Cette société fut établie vers 1450, alors que plusieurs sectes exis- taient déjà en Bohême, par Pierre de Chelcic et Grégoire, neveu de Rokycana. Cependant elle voulut avoir pour pre- mier évèque un prêtre qui avait été, en 1434, ordonné dans l'Église romaine par un évêque vaudois. En 1457, elle reçut un établissement à Brunwald, dans le domaine royal de Senften- berg, et déjà en 1461 elle était persécutée pour sa doctrine de l'Eucharistie, différente de celle des utraquistes. Elle maintint le célibat du clergé jusqu'en 1570. Mais elle avait subi sur bien des points l'influence du luthéranisme, et les théories des luthé- riens et des calvinistes sur la cène supplantèrent l'ancienne croyance touchant le dogme de la présence réelle. Elle n'accepta pas la doctrine de Luther sur la justification, bien que cette doctrine eût déjà précédemment des sectateurs dans son sein. En 1604, elle passa tout entière au calvinisme. Elle admettait aussi dans le principe les sept sacrements. L'anabaptisme y régna quelque temps, et fut ensuite aboli .

0Ü\TIAGES A CONSULTER SUR LE 307.

Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes, livre II, § 168 et suiv.; Lochner, Entstehung und erste Schicksale der Brüder- gemeinde in Bœhmen und Msehren, Nürnb., 1832 ; A, Ginbely, Gesch. der Bœhm. Brüder. Bœhmen u. Maehren im Z.-A.; der Reform, Prague, 1857 et suiv., 2 vol. Comp. Hist.-pol. Bl., t. XLII, p. 371 et suiv.

Petites sectes et hérétiques isolés.

La secte du Libre-Esprit et autres hérésies analogues. 308. 11 existait toujours des hommes frivoles pour la plupart,

170 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.

qui se moquaient de la religion : tels furent les averroïstes, qui comptaient dans leur sein plusieurs savants de l'Italie, surtout dans l'université de Padoue. De ce nombre étaient aussi les frères et les sœurs du Libre-Esprit. On les rencontrait sur le Rhin, dans d'autres provinces d'Allemagne et en Belgique. Le laïque (xilles Cantoris et le carme Guillaume de Hildenissen {\M\) en faisaient partie. Dieu, disaient-ils, est aussi présent dans la pierre, en enfer, que dans l'Eucharistie ; l'enfer dispa- raîtra un jour; c'est Dieu qui opère toutes choses. L'homme extérieur ne peut souiller l'homme intérieur. Tous seront sauvés : les juifs, les païens, les démons même. Il n'y a pas de loi pour les parfaits.

Il fallut également procéder contre une foule de béguines et de bégards, qui faisaient semblant de renoncer à leurs erreurs et y retombaient dans la suite.

Vers 1356, Bcrthold de Rohrbach enseignait que l'homme peut, dès celte vie, atteindre à une telle perfection qu'il n'a plus besoin de prier ni déjeuner; le péché n'existe plus pour lui; la prière vocale n'est ni utile ni nécessaire, et dans un homme pieux tout aliment et toute boisson peuvent produire le même effet que l'Eucharistie ; un laïque ignorant, poussé par l'Esprit de Dieu, peut être plus utile à lui-même et à autrui que le prêtre le plus savant; il mérite plus de créance et de sou- mission que l'Évangile et les docteurs de l'Église; Jésus-Christ, sur la croix, s'est senti délaissé au point de douter si son âme était sauvée ou damnée; dans sa douleur, il a maudit la terre et Marie sa mère.

Berthold avait rétracté ses erreurs à Wurzbourg; quand il voulut les produire de nouveau à Spire, il fut saisi et livré aux flammes. En 1373, (Irégoire XI .s'éleva contre les turlupins, qui surgissaient dans le nord de la France en même temps que les vaudois. Partout l'Inquisition procédait contre les sectaires, qui se montraient tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre; elle parvint le plus souvent à les faire disparaître.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 308.

Pétrarque, sur les averroïsles; Renan, Averroos et l'Averroïsme, ch. UK Les erreurs d'Amalaire furent renouvelées dans un livre de Thomas Apulus, qui se donnait pour l'envoyé du Saint-Esprit (1388): Pul., Hist. de l'univ. de Paris, IV, p. 634; du Plcssis d'Arg., I, u,

l'église en tage des schismatiques et i>es hérétiques. 171

p. 131. Procès de Pierre d'Ailly contre Guillaume d'Hindenissen, ibid., p. 201-209. Un chef des béghards catalans, le prôtre Bonanatus, qui avait précédemment abjuré, fut livré au bras séculier sous Benoît XII (1336), ibid., I, i, p. 336, d'après Eymeric, Direct. Inquis., part. Il, p. 266. Berthold de Rohrbach : Job. Naucler, Chron., H, 401; Tri- Iheni., Chronic. Hirs., Il, 231 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 376 et seq.; Remhng, Évéques de Spire, I, p. 622. Turlupins, Greg. XI : Natal. Alex., sœc. XIV, c. ni, art. 19, t. XV, p. 201 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 392 et suiv.

Les apocalyptiques.

309. Les wilhelmites et les joachites avaient aussi leurs partisans. En Espagne, Martin Gondisalvus se faisait passer pour le frère de l'archange Michel, lequel avait obtenu dans le ciel la place perdue par Lucifer ; il était, disait-il, la vérité première, l'échelle du ciel, le vainqueur de l'Antéchrist. Nicolas de Calabre, qui vivait aussi en Espagne, assurait que Martin était le Fils éternellement vivant de Dieu, et qu'au jour du jugement il rachèterait tous les damnés; il prêchait l'incarnation du Saint-Esprit, et prétendait que le corps humain avait été créé par le Fils, l'àme par le Père, l'esprit par le Saint-Esprit. Il fut condamné en 1356 par l'Inquisition, et livré au bras séculier.

Longtemps auparavant, Arnold de Villeneuve, médecin de Catalogne, familier avec la théologie et auteur de plusieurs erreurs sur la personne de .Jésus-Christ, enseignait que dans le Christ la nature humaine égalait la nature divine ; il faisait une affreuse peinture de la corruption de la chrétienté par la ruse du démon, et plaçait l'avènement de l'Antéchrist entre les années 1300 et 1400, vers 1335 ou 1376. Il s'appuyait principa- lement sur une révélation ou prophétie qui aurait été, en 1192, remise par des anges, sur deux tablettes d'argent, à Cyrille, général des carmes ; il élevait cette prophétie au-dessus de toute l'Écriture sainte. Cette prophétie était un discours, conçu en termes obscurs, sur les péchés monstrueux du clergé, avec l'annonce d'un châtiment effroyable, qui allait bientôt éclater. Dans la messe, disait-il, on honore Dieu, non en effet, mais en paroles ; la messe est moins agréable au Seigneur que n'importe quelle pratique de miséricorde; le peuple chrétien tout entier est conduit en enfer par ses chefs ; sa foi n'est que la foi des démons.

172 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

L'ouvrage d'Arnold sur l'Antéchrist fut condamné en 1303 par l'évêque et l'université de Paris. Après sa mort, Clément V fit examiner ses livres, et, en 1317, plusieurs furent interdits par l'Inquisition d'Aragon. A Avignon, un franciscain de France, Jean de Rochetaillée {de Rupe scissa) fut condamné à l'emprisonnement à cause de ses prédications menaçantes contre la noblesse et le clergé, auxquelles il mêlait plusieurs idées empruntées à Oliva, et pour avoir annoncé une ère nou- velle, inaugurée par l'ordre de Saint-François. Sous Clément VI, Barthélémy Janovézius, dans l'île de Majorque, publia un écrit il émettait les propositions les plus hardies, qu'il fut obligé d'abjurer (1361.) L'Antéchrist devait paraître à la Pentecôte de 1360 : alors le sacrifice de l'Église cesserait ainsi que tous les sacrements; les chrétiens se déclareraient en masse pour l'An- téchrist, et l'Église, à la fin, ne serait plus composée que d'in- croyants convertis. Le spectacle de la corruption qui régnait en tant de lieux, éveillait dans plusieurs le désir d'une grande rénovation, d'un pape qui ressemblât vraiment à un ange ; à d'autres, il donnait le pressentiment lugubre de la fin prochaine de l'univers. Dans une telle époque, les projets aventureux de réforme, les espérances fanatiques d'un meilleur avenir de- vaient abonder.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 309.

Martin Gondisalvus et Nicol. de Calabre : Franc. Diago, 0. Pr., Hisl. prov. Arag., lib. I, c. xxiv; Eymeric, in Direct.; du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 376. Ai'nold de Villeneuve écrivit : de Speculatione Anti- christi ; de Humilitate et Patientia Jesu Christi ; de Fine raundi; Infor- matio Beguinorum; de Charitate ; Apologia, etc. Sur lui : Eymeric., part. II, q. xxvin ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 267 et seq. Joli, de Rupe- scissa : Froissart, Hist., liv. II, c. ccxi, p. 221 ; Trithem., loc. cit., II, p. 225; du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 343, 374. Barthol. Janovézius : Eymeric, part. I, q. xi, § 10, p. 266; du Plessis d'Arg., p. 380. Sur l'opposition prophétique, voy. Dœllinger, dans Histor. Taschenbuch, Leipzig, 1871, p. 279 et suiv.

Les flagellants.

310. La secte des IlagcUants, qui subsistait toujours, fut con- damnée par Clément VI en 1349. Plusieurs soutenaient qu'on ne pouvait gagner la vie éternelle qu'au prix de son propre sang,

l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 173

que le baptême de sang était nécessaire, que la hiérarchie avait perdu son pouvoir, que l'Eucharistie était sans valeur. Les fla- gellations publiques, accompagnées de chants particuliers, pro- duisaient une vive impression. L'université de Paris condamna elle-même les flagellants, qui parcouraient la France, l'Italie et rAllemagne, se livraient souvent à de grossières débauches, répandaient de fausses doctrines avec une prétendue lettre reçue d'un ange, et se donnaient mutuellement l'absolution.

Mais tous les flagellants n'étaient pas de cette espèce, et saint Vincent Ferrier favorisait les processions de flagellants entre- prises dans un véritable esprit de piété. En Italie, en 1399, les pénitents blancs (Albati), conduits par un prêtre, parcouraient les campagnes et se dirigeaient vers Rome pour le grand jubilé. Beniface IX fit saisir près de Viterbe leurs chefs spiri- tuels et disperser la foule. Cependant, comme ils parurent inoffensifs et qu'ils entretenaient l'esprit religieux, il leur rendit la liberté ; il ne renouvela sa défense que lorsque des abus se produisirent. Vers 1392, l'inquisiteur maître iMartin découvrit parmi les paysans du diocèse de Wurzbourg des flagellants qui professaient les erreurs des fraticelles; ils se convertirent, et promirent pour pénitence de s'engager dans la guerre contre les Turcs. Les chorisantes ou processions dansantes offraient quelque chose d'analogue.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 3iO.

Cf. V, § 366. Contin. Guillelm. de Nangis, Spic, XI, 8H; Albert. Argentin., in Ciiron., ap. Urstis., III, Hist. Germ., p. II, p. 49; Hist. Pap. Aven., p. 96, éd. Bouquet.: Massœus, in Chron., p. 249; Gobelin., Pers, Cosmodr., act. VI, p. 241 ; Henric. Rebdorf., Annal., p. 439, éd. Freher; Trithem., Chron. Hirsaug., II, 207; Rayn., an. 1339, n. 20; Conrad de Lichtenau, abbé d'Ursperg, Rer. mirabil. Paralip., p. 284; Albert Cranz, Metrop., lib. I, p. 250; Compilât, chronolog., éd. Pistor., p. 744, 697; Bul., IV, 314 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 361-368; Gerson., Tract, c. sect. Flagellant,, 0pp. II, 660, éd. du Pin. lis prétendaient que les flagellations avaient plus de prix que les sacrements, que c'était l'acte le plus important du culte. Sur les pénitents blancs à Rome, voy. Reumont, II, p. 1086 et suiv. Flagellants à Wurzbourg : Trithem., I. c, p. 296; du Plessis d'Arg., 1, ii, p. 152; Schneegans, die Geiszler, namenthch die groszen Geiszlerf. in Straszburg, 1349, en allem, par Tischendorf, Leipzig, 1840; Mayer-Merian, Basel im XIV Jahrb., p. 191; Closener, Elsaesz. Chron., éd. Hegel, Leipzig, 1870, I,

174 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

p. 105 et suiv. Chorisantes : voy. Hecker, die Tanzwulh eine Volks- krankheit des M. -A., Berlin, 1832.

Les Amis de Dieu.

311. En Allemagne, les Amis de Dieu, sectateurs d'un faux mysticisme, étaient déjà dangereux par cela seul qu'ils for- maient une association secrète. Ils professaient le quiétisme, cherchaient partout des visions, changeaient les dogmes en symboles, tenaient pour iudifTérentes l'observation des comman- dements de l'Église, les œuvres de mortification, les cérémonies, et demandaient la réforme de l'Église corrompue par les richesses. Ils n'admettaient point de différence entre les clercs et les laïques, et obéissaient à des chefs inconnus. Plusieurs prêchaient la pénitence et annonçaient le jugement de Dieu prêt à éclater. Nicolas de Bàle fut pris en Autriche avec deux de ses compagnons, et brûlé à Vienne en qualité de bégard (1409). Son disciple, Martin de iMayence, bénédictin de l'abbaye de Reichenau, avait déjà été brûlé à Cologne (1393), parce qu'il obéissait aveuglément au laïque Nicolas, comme à un représen- tant de Dieu. Leurs partisans méprisaient les censures de l'Église, s'adonnaient à des visions fantastiques, qu'ils affir- maient avec force, et se disaient en commerce intime avec Dieu.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N* 311.

Voy. ci-dessus, § 220. Joli. Nider, Formicarius, Argent., 1517, in-4", f. 40, a.; Schmidt, Nik. v. Basel, p. 66 et suiv.; Tauler, p. 237; Denzin- ger, Vier Bücher von der relig. Erkenntnisz, I, p. 330 et suiv.

Les hérésies en Angleterre.

312. De nombreuses et graves erreurs se répandaient aussi en Angleterre. Le primat Simon Langham les résuma (1368) dans un écrit qui fut envoyé au chancelier d'Oxford : Le baptême n'est pas nécessaire pour le salut éternel. 2" On peut opérer son salut par ses propres forces naturelles. 3" Rien n'est mauvais en soi; une chose ne le devient que parce qu'elle est défendue. Tout honune, même l'incroyant, voit Dieu face à face avant de mourir; il est libre alors de se tourner vers lui ou de s'en détourner : de son choix dépend son salut ou sa damna- lion. Le péché commis pendant cette vision est inguérissable

l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 175

et irrémissible ; Jésus-Christ, dans sa Passion, n'a pas pu satis- faire pour ce péclié. On ne peut perdre l'héritage céleste pour aucun péché commis hors de cette vision, de même qu'un enfant n'est pas privé de l'héritage paternel pour avoir péché par ignorance. 7" Les damnés qui sont en enfer, peuvent être réhabilités et parvenir au ciel. 8" Jésus-Christ, Marie et tous les bienheureux sont encore maintenant mortels; tous, excepté Jésus-Christ, sont assujettis au péché. 9" Dieu ne saurait ré- duire quoi que ce soit au néant. 10" 11 ne peut punir personne directement, parce qu'il ne peut être un bourreau.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 312.

Conc. Angl., Il, 613, an. 1368; Natal. Alex., sœc. XIV, c. m, art. 21, t. XV, p. 213 et seq.; du Plessis d'Arg., 1, i, p. 387-389.

Hérésies en d'autres pays.

313. Sous le pape Urbain V, plusieurs frères mineurs furent censurés pour avoir soutenu cette opinion extravagante (uni- quement appuyée sur Jean, xix, 26) que l'évangéliste saint Jean était véritablement fils de la sainte Vierge. Deux autres frères mineurs, Jean de Latone et Pierre de Bonageta, préten- daient que l'hostie consacrée, si elle tombe dans la boue ou dans un lieu indécent, si elle est rongée par les souris ou d'autres animaux, redevient, par nn changement de substance, du pain ordinaire; que le corps de Jésus-Christ retourne dans le ciel quand l'hostie est broyée avec les dents ; que ce corps, en un mot, ne descend pas dans la partie inférieure du corps humain. Cette doctrine fut condamnée par le pape Urbain II (1372).

L'Espagnol Pierre Seiplanes, curé près de Valence, prétendit, vers 1389, qu'il fallait reconnaître la Trinité dans l'Eucharistie, et dans Jésus-Christ trois natures : la nature humaine, la nature spirituelle et la nature divine. Le dominicain Eymeric écrivit contre lui. Il se produisit aussi quelques erreurs sur la Trinité, soit dans les écoles monastiques d'Angleterre (131i), soit à Paris, dans les thèses de Jean Guion (1318). Les assertions erronées étaient souvent le fruit de l'ignorance, de la simpli- cité, d'une dévotion mal entendue, de la précipitation. Le cistercien Tolomeo de Lucques, qui prêchait à Mantoue (1504), pensait que Jésus-Christ n'a pas été conçu dans le sein de la

176 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

sainte Vierge, mais daus le voisinage de son cœur, au moyen de trois gouttelettes de sang. Les inquisiteurs voulaient le con- damner pour ce chef; mais Jean-Baptiste de Mantoue l'excusa, et écrivit une dissertation spécialej^sur ce sujet.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 313.

Erreur concernant l'évangélisle saint Jean : Bal., Cent., VI, p. 481, ex Girardo Ridder, in Lacryma Eccl. Script., 0. Pr., p. 712, c. ii, § 25, an. 1376; Eymeric, Disput., MS. Paris., 2847, in-f», 104, ap. du Plessis d'Arg., I, n, p. 153. Jean de Lalone et Pierre de Bonageta : Eymeric, Direct., p. I, p. 44; Rayn., an. 1372, n. 11 ; Natal. Alex., 1. c, c. iir, art. ly, n. 1, p. 201 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 390; Denzinger, Enchir., p. 185, n. 471 et seq. Eymericus, de Duplici natura in Christo et de tribus in Deo personis : Script. 0. FF. Pr., 1, 711, c. i, § 15; du Plessis d'Arg., I, Ti, p. 151 et seq.; ibid., I, i, p. 283 et suiv. Articuli de Trini- tate an. 1314 Oxonii damnati, p. 293 et seq. Articuli revocati fr. Joh. Guidon., 0. min., an. 1318, ibid., I, ii, p. 154. Censures de proposi- tions sur la morale, 1396, contre Jean de Varennes, p. 323 : Censures de 1490, p. 340 et seq.; Censui-es de 1498, contre Jean Vitrarius. —Jean Mantoue, de Vero Christi conceptionis loco per Scripturas : Bul., Cent., VIII, 641 ; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 347.

Écarts de quelques réguliers.

314. Quelques ermites de Saint- Augustin furent entraînés par leurs théories d'école dans différentes erreurs. A Paris, le théologien Gui, religieux de cet ordre, dut rétracter les propo- sitions suivantes (1354) : 1" La charité qu'on perd une fois n'a jamais été une vraie charité. Celui qui est prédestiné ne peut acquérir aucun mérite, ni faire aucun acte méritoire, quand même il se trouve dans la charité. L'homme mérite la vie éternelle de condigno; la lui refuser serait une injustice, et Dieu se ferait injure à lui-même. Le péché existerait quand même il n'y aurait point de libre arbitre. Le mérite vient tellement de Dieu, que rien ne provient de la volonté humaine, Dieu peut forcer la volonté au bien de telle sorte qu'il ne reste plus aucun pouvoir pour faire le contraire. Il peut y avoir plu- sieurs unités qui ne font pas un nombre. Aucune créature raisonnable n'est en elle-même que parce que Dieu est son être à elle-même, et dans toute créature le non-être est plus essen- tiel que l'être. Une chose peut être sans le temps, soit pour le mérite, soit pour le péché.

l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 445

de ses mœurs et par sa prudence, d'une grande réputation. Eu mai 1412, il reçut le palliumdes mains d'un légat de Jean XXI II, en même temps qu'une bulle publiait la croisade contre Ladis- las de Naples, avec indulgence pour ceux qui y coopéreraient par des subsides ou en personne.

Hus et les siens se déchaînèrent contre la bulle, et traitèrent le pape d'Antéchrist vivant. En vain l'archevêque et la faculté de théologie firent des représentations et défendirent la bulle : Hus, Jérôme et leurs amis insultèrent les prédicateurs de l'in- dulgence, soulevèrent le peuple contre eux, brûlèrent les exem- plaires de la bulle et la tournèrent en dérision, répandirent des pamphlets haineux contre le pape et les évêques. Hus publia deux écrits sur les indulgences et contre la bulle du pape, sou- tint contre celle-ci une thèse virulente, dans laquelle Jérôme le surpassait encore. Le roi Venceslas menaça de mort quiconque continuerait d'insulter le pape, et le conseil de la ville de Prague fit saisir et condamner à mort comme insurgés trois jeunes hommes qui avaient injurié les prédicateurs à l'église (10 juil- let 1412.)

Hus, accompagné de plusieurs étudiants, réclama vainement leur mise en liberté : le jugement fut exécuté. Les trois suppli- ciés furent solennellement inhumés dans la chapelle de Beth- lehem comme des martyrs hussites. Plusieurs collègues notables de Hus, Etienne de Palecz, André de Broda, Stanislas et Pierre de Znaim, se déclarèrent alors les ennemis de Hus et de Wiclef, et le nombre des théologiens qui combattirent ces hérétiques se multiplia. Le premier fut Etienne de Dola, prieur des chartreux de Moravie. Le roi Venceslas, sans vouloir interdire la libre pré- dication ni sévir contre Hus, menaça de l'exil ceux qui soutien- draient les quarante-cinq propositions de Wiclef, et ordonna que les six articles dressés par la faculté de théologie contre les wicléfistes seraient respectés de chacun.

Les curés de Prague se plaignirent au pape par l'organe de leur agent Michel de Deutschbrod (nommé de Cansis), et dans l'été de 1412 parut une bulle qui confirmait l'excommunication contre Hus et l'interdit jeté sur le lieu de son séjour, invitait les fidèles à le livrer à l'archevêque de Prague ou à l'évêque de Leitomysl, et à détruire la chapelle de Bethlehem. Les curés de Prague observèrent scrupuleusement l'interdit. Etienne de

V. HIST. DE l'église. 10

146 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Palecz prêcha publiquement contre Hus, qui ne cessait d'en appeler à Jésus- Christ et essayait d'ameuter la noblesse contre l'interdit. Les catholiques et les hussites prenaient une attitude de plus en plus décidée. En décembre 1412, sur un ordre du roi, Hus quitta la capitale de la Bohême, et le service divin fut de nouveau célébré. Cependant son disciple Hawlik fut autorisé à le remplacer dans la chapelle de Bethlehem.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N** "29i .

Accommodement en 14H, explications et lettres de Hus : Palacky, Doc, p. 434-443, 18 et seq.; Gesch. Bœhmens, III, i, p. 208; llœtler, Gescliichtschr., I, p. 164 et suiv., 294 et suiv. Écrits de Hus : de Libris hœreticorum legendis, 0pp. I, 102 et seq.; Actus pro defensione fidei J. Wicleü de Trinitate, ib., p. 105 et seq.; Replica contra Auglum Simonem Stokes, p. 108 et seq.; Defensio quorunidam articulorum J. Wiclefi, p. 112 et seq. Autres, ib., p. 118-128. Comp. Schwab, p. 554- 559. Derniers jours de Sbinko : Doc, p. 443; Palacky, p. 270 et suiv. Hus contre les indulgences et Je pape : Quœstio de indulgentiis, et Contra bullam Papse, 0pp. 1, 171 et seq., 184 et seq.; Schwab, p. 563 et suiv. Les premiers martyrs hussites : Palacky, p. 273-280; Hœller, Geschieh tschr., II, p. 201 ; IH, p. 230 et suiv. Plusieurs des collègues de Hus l'abandonnent : Hus, 0pp. I, 324 et seq., 330 b, 334 a, 360 b, 394 b, 398 et seq.; Palacky, Gesch. des Husitenthums und Prof. llœtler, p. 145. Traité de Stanislas de Znaïm : Cod. Monac, lat., 5835, in-f°, 114 et seq.; Schwab , p. 576 et suiv. Mag. Paulus, curé de Dola , près d'Olmütz, de Auctorit. Rom. Eccles., 1417, également inédit; Etienne de Dola, Medulla Iritici, s. Antiwiclefus, Pez, Thcs. anecd., IV, ii, p. 151-360; Antihusus, Dialogus volatilis inter aucam (ocam = Hus) et passerem, ep. ad Husitas, ib., p. 363-760 ; Bibl. ascet., IV, p. 87- 110. André de Ratisbonne, 0. S. A., Dialog, de Husitis; Hœfler, Geschichlschr., 1, p. 556-596; Anon., de Ilusitis, ib., p. 621-632. Les six articles : Doc, p. 455 et seq.; Palacky, III, i, p. 280-283; Hœfler, Conc Prag., p. 72. Actes de l'université de Prague, d'après Cochlée, dans du Plessis d'Arg., I, ii, p. 160-163. Plaintes des curés de Prague : Hœfler, Geschichtschr., II, p. 204 ; Conc. Prag., p. 73. Bulle d'excom- munication : Doc, p. 401 et seq.; Palacky, p. 285 et suiv.; Hœfler, Geschichtschr., I, p. 26 et suiv.; III, p. 50 et suiv. Hus la combat: Doc, p. 22 et seq., 31 et seq., 464 et seq.; Hus, Opp. I, 22; Héfelé, p. 49-52.

Autres travaux de Jean Hus. 292. L'archevêque Albic donna sa démission, et se contenta de

l'église en face des schismatiques et des hérétiques. 147

la prévôté de Wysherad et de l'archevêché de Césarée in partions. Le Westphalieii Conrad de Vechte, jusque-là évêque d'Olmiitz, obtint le siège de Prague. 11 réunit, en février 1413, un grand synode pour apaiser les discordes religieuses. Hus y fut repré- senté par Sun ami, le jurisconsulte Jean de Jesenic. La faculté de théologie résuma les hérésies des novateurs sur les sacrements et les coutumes ecclésiastiques, sur la hiérarchie et la sainte Écriture, et proposa qu'on agît sévèrement (même par l'exil) contre ceux qui résisteraient à la doctrine de l'Église. Hus et les siens demandèrent qu'on leur permît de se justifier person- nellement devant le synode, et que, s'ils y parvenaient, on livrât leurs adversaires au feu, afin de purger la Bohême de tout soupçon d'hérésie.

L'archevêque de Leitomysl voulait qu'on établît à l'université un vice- chancelier pourvu d'une autorité suffisante, qu'on surveillât la prédication, que les hussites en fussent exclus et que l'on confisquât leurs livres. Il y eut encore d'autres proposi- tions et contre-propositions, mais le synode n'aboutit à aucun résultat.

Une commission étabUe par Venceslas essaya, mais en vain, d'amener une conciliation favorable aux hussites. Comme elle n'avait point de principes, les professeurs de théologie s'en sépa- rèrent. Venceslas, favorable aux hussites, exila ces professeurs comme étant les auteurs de la discorde. Le roi prit même des mesures tyranniques contre les antihussites, surtout contre les Allemands. Hus, pendant ce temps-là, vivait retiré dans les châ- teaux de quelques familles nobles, il composa des ouvrages en bohémien et en latin, sa Postille et son principal traité dog- mati(jue sur l'Église. Il écrivit de nombreuses lettres à ses amis, prêcha dans les villages, en pleine campagne, partout, en un mot, il trouvait des auditeurs, et attaqua, dans un langage extrêmement acerbe, la hiérarchie et les dogmes de l'Église. Son exil de Prague ne servit qu'à mieux propager son hérésie en Bohême. Jérôme de Prague l'introduisit en Moravie et en Pologne; l'université de Prague inclina dans ce sens et la défendit contre les théologiens de Vienne. L'interdiction des livres de Wiclef (février 1413), portée par Jean XXIll au concile de Rome, n'eut aucun résultat, et le danger devenait chaque jour plus menaçant. Sigismond, roi de Germanie et des Ro-

148 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.

mains en même temps que successeur au trône de Veneslas privé d'enfants, songea sérieusement aux moyens d'y remédier, et les universités étrangères en firent l'objet de leur examen.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE 292.

Synode de 1413 : Doc, p. 52 et seq., 47öet seq.; Hœfler, Conc. Prag., p. 73-1 H ; Geschichtschr., III, p. 51 et siiiv.; Palacky, III, i, p. 290 et suiv.; Cochiseus, Hisl. Hus., lib. I, p. 29-36. Commission établie par Venceslas : Doc, p. 507-511; Hœfler, Geschichtschr., I, p. 28 et suiv.; Palacky, p. 294 et suiv.; J. Hus, Tr. de Eccl., 0pp. 1, 196-2.55. Comp. Schwab, p. 567 et suiv. Autres écrits : de Abolendis Sectis, de Pernicie humanarum traditionum, 0pp. I, 472 et seq., nov. ed., I, 593, 595. Trois lettres à ceux de Prague : 0pp. I, 75, 119, 124; mieux Doc, p. 34-43. Onze lettres dans Hœfler, Geschichtschr., II, p. 214-229; Doc, p. 43-51, 54-63. Die Prager Univ. gegen Mag. Sybart v. Wien : Hœfler, II, p. 203 ; Doc, p. 506, 512 ; Palacky, III, i, p. 263, 301.

Doctrine de Hus.

293. Sans adopter la spéculation panthéiste de Wiclef, Hus fit, de la doctrine de la prédestination, le centre de sa dogmatique. Selon lui, la véritable Église est un corps mystique qui se com- po.se uniquement de prédestinés. Ces justes, appelés de toute éternité à la béatitude, ne peuvent être pour toujours sépa- rés de ce corps. Quant aux prévus (prœsciti), ils n'ont jamais été des membres de ce corps; ils n'en sont que les humeurs impures. Comme il est impossible qu'un prédestiné périsse et que nulle puissance ne peut le séparer de l'Église, personne ne peut être exclu du salut ni retranché de l'Église par l'excom- munication. On ne peut savoir sans une révélation particulière si quelqu'un est prédestiné : aucun laïque n'est donc obligé de croire que son supérieur ecclésiastique est membre de l'Église. Le pape et les cardinaux peuvent sans doute appartenir à la vraie ÉgUse, mais non en qualité de chefs. Jésus-Christ seul est le chef de l'Église, le roc sur lequel elle est bâtie {Matth., XVI, 18).

On ne saurait prouver que Jésus-Christ a établi un chef visible. La papauté n'a pas d'autre origine que la faveur des empereurs et la force. Les bulles du pape ne méritent créance qu'autant qu'elles sont conformes à l'Écriture : c'est pourquoi chacun a le droit de les examiner. Le pape trompe les autres

L ÉGLISE EN EACE J>ES SCHISMATIOIES ET DES HÉRÉTIQUES. 149

par amour du lucre, et se trompe lui-même par ignorance. Les clefs du royaume des cieux remises à Pierre, et par lui à toute l'Église, ne figurent que le pouvoir de prêcher, d'avertir et de remettre les péchés; mais aucun prêtre ne doit lier ou délier au delà de ce qu'a fait Dieu lui-même, dont il n'a qu'à exécuter la sentence. De plus, à parler rigoureusement, la contrition seule est nécessaire pour la rémission des péchés. Le Siège aposto- lique, c'est proprement la vie apostolique, qui rend apte à ensei- gner et à juger selon la loi de Dieu. L'obéissance à l'Église est contraire à l'Écriture et une pure invention de la hiérarchie. Un prêtre qui se sent innocent, ne doit point, malgré la défense du pape et de l'évêque, cesser de prêcher, et n'a pas à se soucier de l'excommunication. Tout supérieur temporel et spirituel en état de péché mortel est privé de son autorité et doit résigner sa charge.

Hus croyait fonder ainsi une constitution ecclésiastique qui répondrait mieux à l'Évangile que la constitution établie, et il considérait comme sa mission de créer un peuple qui serait gouverné dans la concorde par la loi divine et ne reconnaîtrait pour chef que Jésus-Çhrist. Il soutenait que les évêques et les prêtres étaient égaux entre eux, que la division en diocèses n'était que l'œuvre de la cupidité. Chaque évêque, chaque prêtre devait, comme les apôtres, avoir le droit de prêcher par toute la terre; l'ordination seule les y autorisait. Cependant, ajoutait-il, tous ceux qui ont reçu les ordres n'ont pas reçu le Saint-Esprit; le clergé de l'Éghse régnante ne l'a pas, parce qu'il ne prêche point l'Évangile au peuple dans la pauvreté et la patience : sa prédication n'est qu'une usurpation. La mission invisible et divine, qui se reconnaît non à des signes et à des miracles, mais par l'attrait du Saint-Esprit imprimé dans le cœur, par l'imitation de Jésus-Christ dans une vie vertueuse, vaut beaucoup mieux que la mission visible et humaine. Pour gouverner l'Église militante, qui a pour chefs la divinité et l'humanité du Christ, ainsi que les supérieurs particuliers, la Bible suffit ; elle est, du reste, renforcée par les saints de Dieu, qui sont une seconde et vivante Écriture.

Le magistère infaillible de l'Église est un objet d'horreur pour Jean Hus ; dans le doute, il s'en rapporte uniquement à rillumiûalion divine; il accorde l'infaillibilité à chaque ûdèle,

450 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

même aux laïques. Les prédestinés, selon lui, ne peuvent tom- ber dans l'erreur {Jean, x, 28); quant aux réprouvés, le Saint- Esprit ne réside pas en eux ; ils n'ont aucune autorité, aucune intelligence de l'Écriture ; ils n'ont pas la même nature que les autres.

La véritable Église, c'est l'Église invisible, l'Église des pré- destinés; comparée avec elle, l'Église visible ne mérite pas même le nom d'Église. Hus, il est vrai, reconnaît les docteurs de l'Église et leur attribue une certaine autorité ; mais ils sont également soumis à l'interprétation individuelle, comme l'Écri- ture, et leur parole est soumise à l'appréciation du jugement privé. En morale, Hus n'admettait point de milieu entre les actes méritoires et les actes coupables ; il insistait beaucoup sur les bonnes œuvres. Sa théorie de la justification s'écarte sensible- ment de celle de Luther. Partout il caresse l'orgueil des masses, qu'il constitue juges des autorités temporelles et spiri- tuelles ; il excite au mépris du clergé et des moines, et pense à les persécuter. Sa doctrine n'est pas seulement hérétique; elle est encore souverainement dangereuse sous le rapport politique et absolument révolutionnaire.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 293.

EiTores J. Hus a Gersonio cancell. et aliis Mag. Paris, notati : du Plessis d'Arg., I, ii, p. 164 et seq.; Cappenberg, Utrum Husii doctrina fuerit haeretica, Monast., 1834; J. B. Friedrich, die Lehre des J. Hus, Ratisbonne, 1862; Schwab, p. 567 et suiv., 580 et suiv.; Lechler, (Joh. V. "VVicl., Leipz., 1873, t. II, p. 246) convient également avec Friedrich que Wiclef enseignait, sur la justification, non la doctrine luthérienne, mais la doctrine catholique. Il en faut dire autant de Hus.

Hus à Constance. Son interrogatoire.

294.. Les rois Sigismond et Venceslas conseillèrent à Hus, en lui promettant un sauf-conduit, de se rendre au concile général de Constance, pour dissiper les bruits fâcheux répan- dus sur sa doctrine et relever la réputation de son pays. Malgré la résistance de ses amis, il se crut obligé, par son appel per- sonnel et par les déclarations qu'il avait faites, de se rendre à cet avis. 11 espérait que ce concile réformateur approuverait sa doctrine, s'il lui était donné de la développer dans de libres

l/ÉGLISE EN FACE DES SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES, loi

et publiques conférences. Il revint à Prague au moment l'archevêque Conrad avait convoqué un synode diocésain. Il déclara dans des affiches placardées aux murs et rédigées en latin, en allemand et en bohémien, qu'il était prêt à rendre compte de sa foi devant l'archevêque et son synode, comme aussi devant le concile de Constance. Dans le placard latin, il promettait de prouver son innocence « d'après les décrets et les canons des saints Pères », et, dans le placard allemand, « selon l'ordre de l'Écriture sainte ». Dans le texte bohémien, il ne disait ni l'un ni l'autre. L'archevêque déclara qu'il n'avait constaté dans Hus aucune erreur, qu'il devait se justifier auprès du pape.

Hus remercia (1" septembre 1414) le roi Sigismond de sa faveur, promit d'aller à Constance sous la protection d'un sauf- conduit, et demanda qu'il lui fût permis d'y confesser publi- quement sa foi, pour laquelle il était prêt, au besoin, à endurer la mort. Puis il répondit aux accusations écrites que ses adver- saires devaient faire valoir à Constance, et qui lui furent remises par un de ses amis, afin de se mieux préparer pour les discus- sions de Constance. Trois chevaliers bohémiens lui furent ad- joints pour le protéger dans son voyage, sans parler des nom- breux amis qui l'escortèrent de Prague (11 octobre). Il fut bien accueilli, surtout à Nuremberg et à Biberach. Les voyageurs arrivèrent à Constance le 3 novembre 1414. Hus alla résider chez une veuve, et chargea le lendemain deux de ses cheva- " liers d'annoncer sou arrivée à Jean XXIII. Le pape les reçut amicalement, suspendit l'excommunication et l'interdit encou- rus par Hus, et chacun fut hbre de converser avec lui ; mais on lui défendit de prêcher et de célébrer. Pour éviter le scan- dale, il devait s'abstenir d'assister aux solennités religieuses.

L'examen de son affaire fut ajourné jusqu'à l'arrivée de Sigismond. Sur ces entrefaites, Etienne de Palecz et Michel de Causis ayant déposé leur plainte, Hus fut mandé devant le pape et les cardinaux (28 novembre). L'un de ceux-ci lui représenta que, de graves accusations ayant été produites contre lui, on désirait apprendre de sa propre bouche ce qu'il en était. J'aimerais mieux mourir, répondit Hus, que de me savoir cou- pable d'une seule erreur; si l'on me convainc de quelqu'une, je suis prêt à me rétracter et à faire pénitence. On fut satisfait

152 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de cette réponse. L'interrogatoire sur la doctrine de l'Eucha- ristie ne révéla rien qui lui fût défavorable. Cependant, comme il disait journellement la messe, malgré la défense qu'on lui avait faite, et qu'il adressait des allocutions aux personnes curieuses de l'entendre, ce que l'évêque de Constance ne pou- vait pas tolérer, il fut enfermé, d'abord dans la demeure du chantre de la cathédrale, puis au couvent des dominicains (6 décembre), il se plaignit de l'insalubrité de sa prison. On lui donna bientôt une chambre plus saine, et on lui procura les soins des médecins de Jean XXIII.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 294.

Hœfler, Geschichtsclir., I, p. 115 etsuiv., 162 et suiv. ; II, p. 262 et suiv.; III, p. 73 ; Docum., p. 66 et seq., 237 et seq., 531 et seq.; Pa- lacky, m, I, p. 314 et suiv.; Héfelé, VII, p. 60-66.

Intervention de la noblesse de Bohême en faveur de Hua.

295. L'examen des griefs, obstination dans la désobéissance, justification des articles de Wiclef et doctrines propagées par Hus lui-même, fut confié par Jean XXIII à Jean, patriarche latin de Constantinople (un Français), à l'évêque Jean de Lübeck et à un évêque itaUen. Ils entendirent un grand nombre de savants et de moines tant allemands que bohémiens. Hus, pendant cet intervalle, fut libre d'écrire quantité de lettres et de traités religieux, de répondre aux articles de ses adver- saires, surtout d'Etienne de Palecz et du chancelier Gerson. Le chevalier Chlum, qui l'accompagnait, avait déposé une protes- tation contre son emprisonnement ; quant au sauf-conduit reçu de Sigismond le 18 octobre, il ne l'avait montré à Constance qu'après l'incarcération de Hus. Sigismond lui-même fut mé- content de cette incarcération; mais il déclara (1" janvier 1415) qu'il ne voulait pas empêcher le concile de procéder selon le droit commun contre les personnes accusées d'hérésie. Après la fuite de Jean XXIII, Hus fut confié à la garde de l'évêque de Constance (22 mars), qui le fit transférer au château de Gottlie- ben. Le 6 avril, le concile établit une commission présidée par les cardinaux d'Ailly et Pilastre, pour examiner la doctrine de Hus et de ses partisans; le 17 avril, on nomma de nouveaux commissaires, investis de pouvoirs plus étendus. Après la déci-

l'église en face des SCHISMATIOUES ET DES HÉRÉllQUES. 153

sion portée contre Wiclef (4 mai), la condamnation de ses par- tisans de Bohème était aisée à prévoir. La noblesse de Bohême et de Pologne se plaignit do l'offense infligée à la Bohème, de la dure captivité de Hus et de l'ajournement de la sentence; elle demanda qu'il fût interrogé publiquement et qu'on le traitât avec égards, en considération du sauf-conduit de Sigis- mond. La haine, le défaut de charité lui paraissaient l'unique source des accusations élevées contre Hus, et elle invoquait pour lui des témoignages favorables,

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 295.

Ray»., an. 1414, n. 10 et seq.; Doc, p. 83 et seq., 97, 199, 232 et seq., 266 et seq., 356 et seq., 612; Hœfler, Geschichtschr., I, p. 140 et suiv., 113, 133 et suiv.; Schwab, p. 581 et suiv.; Héfelé, p. 70 et suiv., 93, 103, 109, 124, 132 et suiv,, 142 et suiv., 147 et suiv.

Condamnation de Hus. Sa mort.

296. Au commencement de juin 1415, Hus fut amené de Gottlieben au couvent des franciscains de Constance, plu- sieurs congrégations générales furent tenues à son sujet. On lut des extraits d'écrits qu'il reconnaissait comme siens, en même temps que les dépositions des témoins, 11 donna dans plusieurs passages des explications sophistiques, ou protesta qu'il n'avait jamais enseigné telles propositions. Il défendit ouvertement, comme n'étant pas du moins hérétiques, plu- sieurs articles de Wiclef, soutint qu'aucun Bohémien n'était entaché d'hérésie, et il n'épargna pas les injures. Son dessein était de discuter avec le concile. 11 se trouva que plusieurs passages étaient encore plus violents dans ses livres que dans les propositions qu'on en avait extraites, et Sigismond lui- même reconnut qu'une seule des erreurs avouées par lui suffirait pour le faire condamner.

Après son troisième interrogatoire (8 juin), les cardinaux, Sigismond et diverses personnes firent plusieurs tentatives pour amener à une rétractation cet hérétique fanatiquement passionné pour sa doctrine et pour l'honneur de la Bohème. On lui proposa quelques formules d'abjuration très mitigées ; mais il persista à soutenir qu'il ne se sentait point coupable d'erreur, qu'on ne l'avait encore convaincu d'aucune par

loi HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

l'Écriture sainte, qu'il ne pouvait pas condamner la vérité et prêter un faux serment. Lorsque la commission synodale, afin de l'impressionner davantage, eut condamné ses ouvrages au fou (24 juin), II us les compara à ceux do Jérémie (Jérém., xxxvi, 23) et autres livres sacrés qui avaient eu le même sort; il se déchaîna contre la malice de l'Antéchrist et contre le con- cile, cet asile de tontes les corruptions. D'autres tentatives d'accommodement ne purent vaincre son étonnante obstina- tion. C'est pourquoi, après la lecture de ses erreurs faite dans la quinzième session (6 juillet 1415), après une nouvelle et inutile exhortation, il fut condamné comme hérétique, déposé de la dignité sacerdotale, dégradé et abandonné au bras sécu- lier. Sigismond le livra à Louis, comte palatin, et celui-ci au bailli de Constance.

Conduit au bûcher pour y subir le châtiment des hérétiques, Hus le supporta avec beaucoup de calme et de fermeté. La peine du feu, réclamée par la jurisprudence de ce temps, fut appli- i[uée dans toute sa rigueur. Hus lui-même l'avait demandée. Ce qui lui valut cette mort tragique, ce ne fut point son zèle pour les réformes : d'autres contemporains en avaient montré autant et n'en avaient pas souffert; ce furent les erreurs sou- verainement funestes dont il était convaincu. On ne saurait l'absoudre d'obstination et d'orgueil national, d'inconséquence et de fanatisme. Il n'est pas du tout exact qu'on ait violé son sauf-conduit, simple passeport destiné à le mettre à l'abri des vexations étrangères, mais non à le soustraire au juge ordi- naire et à sa sentence; et c'est bien à tort qu'on a attribué au concile do Constance cette parole, qui ne se trouve dans aucun de ses décrets approuvés : On ne doit point de foi à un hérétique.

OnVUAGES A CONSULTER SUll LE .N" 296.

Doc, p. iOi et seq., 276 et seq., 28b et seq., 209 et seq., 314 et seq., Ö57; Hœller, Geschichtschreiber, I, p. 210 et suiv., 244 et suiv., 287 et suiv., 327; II, p. 306 et suiv.; Mansi, XXVII, 747 et seq.; Hard., VIII, 402 et seq.; ^n. Sylv., Hist. Boh., c. xxxvi ; Ulrich de Reichen- thal (§ 94), f. 2141 a.; iléfclé, Vil, p. 149-173, 184 et suiv. Sur le sauf- conduit, voy. Pignalclli, Consult. canon., t. V, cons. Lxvn, n. 66-73, p. 1688 et seq., ed. Venet., 1688; Natal. Alex., sœc. XV, diss. vu, t. XVIII, p. 402 et seq.; Hœflcr, dans Hist.-pol. Blœttern, t. IV, p. 422

l'église en face des SCHISMATKiLKS ET UES HÉRÉTIQUES. 155

et suiv., et t. XLI (1858), p. 329 et suiv.; Héfelé, p. 218-227; Berger, p. 179 et suiv.; Brück, Lehrb., p. 51 o et suiv. Contre cette assertion de Gieseler, Hisl. eccl., II, ii, p. 418, que le concile aurait dit : « Nullam lidem haeretico esse servandam », voy. Hist. Conc. Trid., Xli, xv, 8 ; Hœfler, dans Hist.-pol. Bl., t. IV, p. 421 et suiv.; Héfelé, VII, p. 227 et suiv.

Procès et mort de Jérôme de Prague.

297. Une destinée semblable à celle de Hus était réservée à son ami Jérôme de Prague, qui le surpassait encore par son éloquence, non moins que par son ardeur inconsidérée. Sans y être appelé, .Jérôme s'était rendu à Constance dès le 4 avril I41.S. Effrayé par l'emprisonnement de Hus, il demanda un sauf-conduit qui assurât la liberté de sa défense. Le concile agréa sa demande et accorda le sauf-conduit, mais en déclarant qu'il avait pour objet de le protéger contre d'injustes violences, et non contre le bras de la justice (11 et 17 avril). Jérôme, ne se croyant pas suffisamment en sûreté, essaya, avec le concours de ses amis, de retourner en Bohème ; mais, au mois d'avril encore, il fut emprisonné à Hirschau, dans le Haut-Palatinat, pour outrages envers le concile, et le 23 ramené à Constance chargé de chaînes. Interrogé sur la cause de sa fuite, il essaya de se justifier en alléguant l'insuffisance du sauf- conduit; il prétendit n'avoir pas eu connaissance de sa citation devant le concile.

Questionné ensuite sur l'Eucharistie, il s'exprima en termes équivoques et sans contester la transsubstantiation. Pour échap- per à la prison, il consentit à se rétracter dans une congréga- tion générale tenue le 11 septembre, puis dans la dix-neuvième session solennelle (23 septembre). Il avait, disait-il, trouvé juste la sentence prononcée contre Hus, lorsqu'il eut acquis la convic- tion que Hus enseignait réellement les propositions qu'on lui imputait. Il anathématisa les quarante-cinq articles de Wiclef et les trente de Hus. Il fut désormais traité avec plus de dou- ceur, mais non remis en liberté : car plusieurs Bohémiens et Allemands contestaient la sincérité de sa soumission, et quelques carmes de Prague produisirent contre lui de nouvelles accusa- tions. Les juges mêmes de l'enquête, s'étant prononcés pour son élargissement, furent suspectés d'avoir été corrompus par le roi Yenceslas et par les Bohémiens.

156 HISTOIRE DE L EGLISE.

Jean, patriarche de Coiistantiiiople, et le docteiu' Nicolas de Dinkelsbilhl furent chargés d'entendre les témoins qui dépose- raient contre lui. Ils firent leur rapport le 27 avril et le 9 mai 1416, et produisirent plusieurs graves accusations. Jérôme refusa obstinément de s'expUquer devant les commissaires, et voulut paraître devant le concile même. Ou l'y autorisa le 23 mai 1416, jour anniversaire de son emprisonnement; mais, au lieu de lui permettre, ainsi qu'il le voulait, de se justifier dans une longue apologie , on le somma de répondre aux chefs d'accusation. Il en nia plusieurs et en atténua quelques autres; puis il parla longuement pour sa justification, déclara que Hus était un homme saint et juste, qu'il avait eu tort de se rétracter et ne l'avait fait que par crainte. 11 se permit aussi des sorties contre les papes et les cardinaux. On essaya inutile- ment de le ramener à une plus grande réserve. Ses déclara- tions non rétractées contenaient son propre jugement. Le 30 mai 1416 (vingt et unième session), il fut condamné comme hérétique opiniâtre et relaps, ethvré au bras séculier. Il mourut avec la même fermeté que IIus.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 297.

Du Plessis d'Arg., 1, n, p. 194-197 ; Héfelé, VII, p. 106 et suiv., 109, 114, 133, 231, 234 et suiv., 252 et suiv., 254 et suiv., 271 et suiv.; ibid., p. 280 et suiv., la lettre d'un témoin oculaire, Poggio de Flo- rence à Léonard d'Arezzo.

Les HiissKcs eu Bohême et en lloravie.

Introduction à Prague de la communion sous les deux

espèces.

298. Peu de temps après le départ de Hus pour Constance, son ancien condisciple Jacobellus (Jacques de Mies), curé de Saint-Michel et professeur de philosophie à Prague, encouragé par d'autres théologiens, avait émis cette proposition, que, pour participer complètement à l'Eucharistie il fallait communier sous les deux espèces, que l'usage du calice appartenait aussi bien aux laïques qu'aux ecclésia.stiqucs. Et aussitôt quelques curés commencèrent de leur propre chef à distribuer la com- munion sous les deux espèces, et abolirent le précepte de la recevoir à jeun. On s'éleva bientôt contre les prêtres qui com-

l'ÉGLTSE en face des Sr.HISMATIQlES ET DES HÉRÉTIQUES. 157

battaient cette nouveauté ; des bouteilles contenant le vin con- sacré circulaient partout, et servaient de signe de ralliement aux partisans de Hus.

Le 16 mai 1415, l'évèque de Leitomysl s'en plaignit à ('onstance, et, le 15 juin (treizième session), le concile publia un décret qui maintenait la pratique de l'Église et frappait de censures ceux qui donnaient et ceux qui recevaient la commu- nion sous les deux espèces {si/ô u traque, « utraquistes »). Hus, consulté à ce sujet par le chevalier Chlum, n'avait pas voulu déclarer d'abord qu'on pouvait, de sa propre autorité, intro- duire l'emploi du calice pour les laïques ; il désirait au con- traire que l'on demandât celte concession au pape. Cette inno- vation, du reste, lui semblait conforme à l'ancienne pratique de l'Église, et, le 21 juin, il engagea son disciple Hawlik à ne pas résister à Jacobellus et à ne pas justifier une coutume que la négligence avait laissé s''introduire dans l'Église; il engagea même un prêtre à donner la communion sous les deux espèces. Plusieurs écrits de controverse furent publiés sur ce sujet, et les utraquistes allèrent jusqu'à soutenir que Jésus-Christ n'était pas entièrement présent sous chaque espèce : il y avait donc à la fois témérité et hérésie. Le décret du concile fut très mal reçu en Bohême. L'archevêque Conrad et le roi Venceslas inter- dirent , il est vrai , l'usage du calice , mais il continua à la campagne, la communion avait lieu souvent en plein air; à Prague même, la défense ne fut pas longtemps observée.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 298.

Conc. Const., sess. XIII ; Mansi, XXVII, 726-728; Hard., VIII, 380 et seq.; Denzinger, Enciiir., p. 199 et suiv., n. 585 ; du Plessis d'Arg., I, II, p. 165-172. Écrits de controverse sur le calice des laïques : Werner, m, p. 643 et suiv.; Dr. Andreas Broda, cap. xiv ; v. d. Hardt, Conc. Const., 111, 392 et seq. Réplique de Jacobellus, ib., p. 416 et seq.; Maurice de Prague, ib., p. 826 et seq.; Mansi, XXVIII, 432 et seq., 447 et seq.; Gerson, Tr. contra heeres., de communione laicorura sub utraque specie, 1417, 0pp. I, 457-467; Mansi, loc. cit., p. 424 et seq. Voy. Schwab, p. 604 et suiv.; Pétri de PuIca, Tract, in materia Husit., Cod. Monac, lat., 5835, in-f«, 1-61 ; Schwab, p. 603, n. 3.

Désordres et excès en Bohême.

299. La nouvelle du supplice du fameux Hus, considéré

158 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

comme un outrage à la nation bohémienne, changea le mécon- tentement en un effroyable tumulte. A Prague, les maisons des prêtres antihussites furent saccagées ou détruites, beau- coup d'ecclésiastiques maltraités et mis à mort ; le palais archié- piscopal fut assiégé, et l'archevêque eut beaucoup de peine à se dérober à la mort par la fuite. A la campagne, beaucoup de barons chassèrent les curés et séquestrèrent les biens de l'évêque de Leitomysl. Partout on essayait d'introduire la com- munion sous les deux espèces. Le roi demeurait spectateur tran- quille de toutes ces scènes et injuriait le concile; la reine et beaucoup de dames de qualité s'enthousiasmaient pour Hus, « le martyr ». En septembre 1415, la noblesse hussite, réunie pour la diète de Prague, adressa au concile une lettre pleine de vio- lences, où elle qualifiait de fils du diable quiconque parlerait de l'hérésie des Bohémiens. Elle décida de plus qu'elle protégerait la lil)re prédication de la parole de Dieu, braverait les excom- munications injustes, n'obéirait aux évêqucs que lorsqu'ils auraient pour eux l'Écriture sainte, et qu'elle suivrait en tout les décisions de l'université do Prague (dont elle faisait ainsi la suprême autorité ecclésiastique).

L'alliance catholique, fondée au mois d'octobre, ne comptait que quatorze barons; et, comme elle n'était que faiblement soutenue par le roi et par l'archevêque, elle n'eut que peu de succès. L'évêque de Leitomysl, qui arriva en Bohême en qua- lité de légat, se vit partout honni et persécuté; plusieurs membres du clergé catholique furent expulsés ; le chapitre de la cathédrale de Prague, demeuré seul inébranlable, lança l'interdit sur la ville. L'écrit des hussites, muni du sceau de quatre cent cinquante-deux barons de Bohême et de Moravie, arriva à Constance le jour de Noël; le concile résolut (20 février 1416) d'inviter los signataires à comparaître dans l'espace de cinquante jours, comme suspects d'hérésie. Ils ne se présen- tèrent point, et furent déclarés opiniâtres (juin).

Le 1" juillet, Henri de Latzenbock, l'un des trois chevaliers qui avaient accompagné Uns, abjura ses erreurs On essaya de nouveau dans le courant de septembre d'inviter les Bohémiens rebelles, et l'on chargea le patriarche de Constantinople de s'occuper de cette affaire. En décembre 1416, le concile pria le roi Sigismund de combattre les désordres sans nombre qui

l'ÉGMSK en face des SCUISMATIQUES ET DES HÈRÈTIOUES. 159

agitaient la Bohême, et devant lesquels Venceslas demeurait dans une complète inaction. On continuait de persécuter les religieux, de piller les couvents, de mépriser les censures, de donner publiquement la communion sous les deux espèces; les portraits de Hus et de Jérôme étaient honorés dans les églises à l'égal des images des saints, Venceslas favorisait la secte; l'université de Prague, en 1 il 7, entra complètement dans ses vues, et se mit à la tête de ceux qui réclamaient l'usage du calice, de sorte que le concile de Constance défendit de la fré- quenter et annula ses actes. Après l'élection de Martin V, le concile publia en vingt-six articles des prescriptions sur la manière d'étoutîer l'hérésie hussite, et le pape lança contre elle, le 22 février 1418, une longue bulle contenant trente-neuf questions, que l'on devait adresser à toute personne suspecte.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 299.

V. d. Hardt, Conc. Const., IV, 49o, .")ö9, 607 et seq.; II, 423, 1408. Comp. Palacky, Gesch. Bœhmens, III, i, p. 369 et suiv.; Mansi, XXVII, 832 et seq., TSC et seq. (ibid., les Prescriptions du concile de Constance en 24 articles, p. H96 et seq.); Hœfler, Geschieh tschr., II, p. 240 et suiv. Martin V, const. Inter cunctas, ap. Mansi, loc. cit., p. 1204-1213; Denzinger, p. 186-196; Héfelé, p. 249 et suiv., 283 et suiv., 288, 299, 313 et suiv., 344 et suiv.

Révolution hussite.

300. Le roi Venceslas dut trembler lui-même devant les hussites. Leur chef, Nicolas de Husinecz, lui demanda avec insolence de lui livrer plusieurs églises. Venceslas ajourna la réponse, menaça Nicolas de la corde, et le bannit de Prague. Et tandis que Nicolas fomentait l'insurrection à la campagne, le chambellan Jean Zisca de Trocnow se mettait à la tête des sectaires de Prague. Dans l'été de 1419, Nicolas prépara sur le mont Elardstein, que les hussites appelaient le Thabor, une grande assemblée de quarante mille personnes, qui reçurent toutes la communion du calice. Cette horde allait se ruer immé- diatement sur Prague, lorsque le prêtre Venceslas Kuranda dé- joua le plan de Nicolas. Quelques-uns cependant poursuivirent leur dessein, et sévirent contre les fonctionnaires et les moines. Dans une procession publique, pendant laquelle on portait le calice, quelqu'un jeta de la maison de ville une pierre qui blessa

160 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

un ecclésiastique hussite ; les insurgés, excités par Zisca, enva- hissent la maison de ville et précipitent des fenêtres plusieurs conseillers, que la populace reçut avec des piques et tua d'une manière barbare. Les églises furent pillées, un grand nombre de prêtres et de moines expulsés. Le roi Venceslas était plein de colère, d'inquiétude et de ressentiment; mais il ne prit aucune résolution sérieuse. Il mourut bientôt après (16 août 1419) d'une apoplexie.

Les quatre demandes des hussites. Leurs divisions.

;j01. Comme le roi Sigisraond, frère et héritier de Venceslas, combattait les Turcs en Hongrie, la reine veuve Sophie prit la régence; mais elle n'était pas à la hauteur de sa tâche, car la révolte prenait chaque jour de nouvelles proportions. Ce ne fut qu'au mois de décembre 1419 que Sigisraond arriva à ßrünn, pour recevoir l'hommage des Bohémiens et des Moraves. Les délégués de Prague s'excusèrent des attentats commis dans la ville, et Sigisraond s'apaisa. Au lieu de réduire dans Prague même les rebelles par une attitude énergique et vigoureuse, et de se mettre promptement en possession de tout le royaume, il se contenta d'envoyer des ordres sévères contre les hussites, et se rendit à Breslau pour punir quelques insurgés. Les hussites se fortifièrent en attendant, construisirent des forteresses, et recommencèrent la lutte contre les troupes royales. Comme ces fanatiques ne reculaient devant rien, ils remportèrent plusieurs victoires sous la conduite de leur vaillant général Zisca, et se hvrèrent sur les catholiques à des cruautés révoltantes. Des villes et des villages entiers devinrent la proie des flammes ; des milliers de personnes périrent par le fer et le feu.

DifTérentes négociations furent entamées ; les rebelles pro- mirent de se soumettre, si le roi leur accordait les quatre articles : 1" il serait permis aux prêtres hussites de prêcher sans entrave dans toute la Bohême; tout chrétien serait libre de communier sous les deux espèces; les prêtres s'obli- geraient à ne posséder aucun bien et à vivre dans la pauvreté, à l'exemple de Jésus-Christ et des apôtres; 4" tout péché mortel et on y comprenait l'ivrognerie, le vol et l'acceptation des honoraires de messes serait défendu aux clercs et aux laïques, et puni par l'autorité civile. Le roi rejeta ces demandes,

l'église en face des SCHISMATIQUES Et DES HÉRÉTIQUES, ill

Plusieurs prédicateurs des ordres mendiants allaient si loin dans leur zèle pour la réforme, que non seulement ils atta- quaient la curie romaine, mais répandaient encore des opi- nions hérétiques, notamment le carme Thomas Connecte, sous Eugène IV; il trouva beaucoup d'écho en France et en Italie, et finit par être brûlé comme hérétique. En divers pays, on traçait des peintures malignes et souvent exagérées de la corruption qui avait envahi l'Église ; quelques-uns y mêlaient des rêveries apocalyptiques, comme le Suisse Pamphile Gen- genbach, et, dans une moindre proportion, Berthold, évêque de Chiemsée, d'ailleurs théologien instruit, en son ouvrage : le Fardeau de r Église.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 314.

Revocalio Fr. Guidonis, 16 mai i3o4; Natal. Alex., t. XV, p. 197, cap. m, art. 16, n. 2 ; du Plessis d'Arg., I, i, p. 373. Cette assertion de Bérenger, cistercien espagnol : « Quae spe mercedis (seternse) liunt, peccata esse », fut condamnée par l'inquisiteur Raselli, 0. Pr., et par l'archevêque de Tarragone, 0. S. F.; Eymeric, Direct. Inquis., part. II, q. XI, p. 266 ; Natal. Alex., loc. cit., p. 199, art. 17, n. 5 ; du Pies- sis d'Arg., I, I, p. 376. Cf. Trid., sess. VI, c. xxxi, de Juslif. Sur la perfection dans le sens des bégards, qui appartenaient à la secte du Libre-Esprit : Conc. Vienn., c. vi (Clem., c. m, lib. V, lit. IIIj. Sur Tho- mas Connecte, voy. Cosm. de Villers, Biblioth. Carme!., Aurelian., 1572, II, 814; Gœdecke, Pamphilus Gengenbach, Hanovre, 1856. De Berthold de Chiemsée (cf. VII, § 365) : Onus Ecclesiœ, c. an. 1519.

Jean "Wesel.

31.^. Jean Wesel (appelé ainsi de son lieu natal, Oberwesel, sur le Rhin, proprement Ruchrath ou Richrat), fut professeur de théologie à Erfurt, prédicateur à Mayence et à Worms; il attaqua violemment la hiérarchie. Il niait la valeur des indul- gences et du jeune, et enseignait des erreurs sur la prédestina- tion et la grâce. On lui imputait surtout les propositions suivantes : Jésus-Christ seul peut interpréter l'Évangile; toutes les autres explications sont fausses et à rejeter : on ne doit croire qu'à l'Écriture. Les prédestinés sont inscrits de toute éternité au Uvre de vie; nulle excommunication ne les en peut effacer, ni la hiérarchie ni les indulgences n'y peuvent rien. Les commandements de l'Éghse n'obligent point sous peine V. - msT. DE l'église. 12

178 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

do péché; les prélats ne peuvent faire aucune loi. Jésus-Christ ne veut point d'autre prière que le Pater ?ioster: il ne demande ni fêtes solennelles, ni jeûnes, ni pèlerinages. Le corps de Jésus-Christ peut être présent dans l'Eucharistie même sans changement de la suhstance du pain. La forme allongée de la messe, diflférente de la forme simple des apôtres, est devenue une chose vraiment onéreuse. On ne doit pas se soucier du pape ni des conciles.

L'archevêque de Mayence, Dietrich d'isenbourg, lui fit son procès (1479) sur une plainte déposée par les dominicains de cette ville, et l'ou interrogea aussi les universités de Cologne et d'Heidelberg. Wesel fut contraint de se rétracter, et mourut vers 1481, au couvent dos augustins de Mayence. Le chartreux Jean de Mayence écrivit contre lui.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 315.

J. Wesel, contre les indulgences, et de Auctoritate, Officio et Potes- tale pastorum Ecclesise; Walch, Monuni. medii cevi, fasc. I, p. IH et seq., fasc. II; Paradoxa, dans Fascicul. rer. expetend., t. I, p. 325. Actes de son procès : du Plessis d'Arg., I, n, p. 291-298. Comp. Tri- theui., Ciiron. Sponh., 0pp. hist., éd. Freher, II, 391 ; Serrar., Rer. Mogiint. lib. V, Mog., UîOi, p. 144 et suiv., 877.

Jean Wessel.

316. Jean Wessol (fils d'Hermann ou Gansfort), à Grœnin- gen en 1419 ou 1420, élevé chez les clercs de la Vie commune, étudia la théologie à Cologne, lut les ouvrages do Rupert de Deulz, s'adonna aux éludes classiques et à l'hébreu, enseigna et disputa à Cologne, Louvain, Paris, Ileid<ïlberg, stgourna à Rome en 1470 et 1471, puis de nouveau à Paris. Amoureux de singularités, il fut d'abord réaliste, puis nominalisfe, changea souvent de point do vue, et essaya ensuite de concilier ses diverses opinions. Ses admirateurs l'appelaient « la lumière du monde »; ses adversaires, « le maître des contradictions ». Après avoir longtemps erré, il mourut en 1489 dans sa ville natale, laissant de nombreux écrits, dont plusieurs sont perdus et qut'l(]ues-uns paraissent interpolés. On l'a rangé plus tard parmi les précurseurs de Luther. Cependant il admettait l'uni- versalité de la chute originelle (sauf pour Marie), le libre arbitre, la doctrine de l'Église sur la justification, les sept

l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 179

sacrements, le culte de Marie, le purgatoire. Dieu seul, disait-il, a le pouvoir propre de remettre les péchés; l'Église ne le peut qu'en vertu de la puissance qu'elle a reçue de lui; la contrition parfaite délivre du péché avant la confession, et autres doc- trines que des théologiens catholiques pouvaient soutenir.

Plusieurs des propositions qu'on lui attrihue, sont équivoques ; d'autres ont été mal interprétées ou entendues dans un trop large sens, comme lorsqu'il parle du sacerdoce universel et de la dignité de l'Écriture sainte. On ne saurait le considérer comme un véritable hérétique, bien qu'il se soit exprimé maintes fois d'une façon inexacte et contradictoire. Ses éditeurs (partisans de Luther et de Calvin) ont souvent falsifié ses ouvrages. La plupart de ses écrits conservés sont ascétiques. Il admettait probablement les théories de Constance et de Bàle sur le pape. La hiérarchie, l'état religieux, les indulgences, le culte des saints et des reliques, furent aussi combattus par Nicolas Rusz à Rostock.

OüVBAGES A CONSULTER ET REUABQÜES CRITIQUES SUR LE 310.

BuL, Hist. Un. Par., V, 918; Farrago Wesseli, plus tard cum prœfal. Lulheri, Vileb., 1322. Longs détails dans J. Friedrich, Joh. Wessel, Ein Bild aus der K.-G. des XV Jahrb., Katisbonue, 1862. Ibid., p. 117 elsuiv., Catalogue de ses écrits, tels que : Tract, de oratione, cumDominicae Oratio- nis explanatione ; de Cohibendis Cogitalionibus et de Modo consti- luendarum meditationum ; Exempla scalœ meditationis fralribus montis D. Agnetis dedicata ; de Causis Incarnationis ; de Magni- ludine Passionis ; de Sacramento Eucharistiae (0pp., éd. Gron., 1614, p. 1-703); Farrago rerum theolog. (p. 711-831); Epistolaî, princi- palement sur le purgatoire et les indulgencos. Ses écrits en faveur des noniinalistes semblent perdus, ainsi que de Triduo Christi in sepulcro, pour Paul de Burgos contre Middelbourg, les Libelli practici in medic; le Liber notularum de Scripturi.s sacris, etc.; de Dignitate et Poteslate Eccl.; de Futuro Saîculo. En 1328 déjà, Jean Faber assurait que Luther et Wessel différaient entre eux sur 31 points; Ullmann (Refor- matoren vor der Reformation, !, p. 637 et suiv. Anm.) n"a pu réfuter cette assertion, bien que Luther (lo22j invoquât son témoignage (Œuvres, voy. ed.Walch, th. xiv, p. 220 et suiv.). Cf. nœUinger, Reform., m, p. 4, n. 2. Nie. Rusz, de Triplici Funiculo. L'ouvrage de Flacius lUyricus, cité au « Catalogus testium veritatis », a été retrouvé par Jules Wiggers et publié dans iNiedners Ztschr. f. bist. Tbeol., 1830, II, p. 171 et suiv.

l80 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.

Jean Pupper de Goch.

317. Un autre Hollandais, .Jean Piipper de Goch, prieur d'un couvent de nonnes à Malines (mort en 1475), était un ennemi passionné de la scolastique. Il se crut appelé à ramener le chris- tianisme à sa pureté primitive. Voici les propositions qu'il enseignait : 11 n'y a de vraies que les doctrines tirées des Écritures canoniques et prouvées par elles. Le christianisme, dénaturé d'abord par son alliance avec la loi mosaïque, l'a été ensuite en ce qu'on a fait consister la perfection chrétienne dans la foi sans les œuvres ; par l'influence du pélagianisme, qui a déclaré le secours surnaturel superflu ; par l'obligation d'un vœu qu'on a prétendu nécessaire à la perfection évangé- lique. A la prétendue erreur pélagienne des thomistes, il opposa neuf conclusions sur la liberté de la religion chrétienne, semant ainsi le germe d'une foule d'autres erreurs.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 317.

J. Pupper, de Libertate christiana, éd. Grapheus, Anlwerp., 1521, in-4"; de quatuor erroribus Dialogus, Walch, loc. cit., fascic. IV, p. 73 et seq. Cf. I^raef., part. XIII et seq.; Ullmann, die Reformatoren, t. I.

Ruiss'wick. Symptômes de nouvelles révoltes contre la foi et l'Église.

318. Un troisième Hollandais, Hermann Ruisswick, alla beau- coup plus loin et tomba même dans l'incrédulité. Il admet- i^\ une matière éternelle comme Dieu, niait que les anges eus- sent été créés par Dieu, rejetait l'enfer et l'immortahté del'àme, traitait Jésus-Christ de séducteur, d'insensé et de fanatique, déclarait que la foi chétienne et la Ihble n'étaient que des fables. Saisi et condamné à abjurer, il continua de répandre ses erreurs, fut saisi une seconde fois et brûlé à la Haye en 1512. Déjà se répandait partout une licence effrénée, qui tournait toutes les choses saintes en dérision. A Paris, en 1503, le jour de la fête de saint Louis, le nommé Hénion Picard arracha dans la Sainte-Chapelle l'hostie consacrée des mains du prêtre, la broya et la foula aux pieds. Jeté en prison, il subit la peine du feu sans témoigner aucun repentir. En 1507, le fameux astrologue et magicien George Sabellicus se préten- dait capable de faire les mêmes miracles que Jésus-Christ. Le

l'église en face des SCHISMATIQUES ET DES HÉRÉTIQUES. 181

chevalier Franz de Sickingen le reçut à Kreuznach et le nomma maître d'école. Jean Trithème prenait ce magicien noir pour un dangereux et méprisable imposteur.

Partout se révélaient les symptômes les plus alarmants. Un autre et fâcheux pronostic pour la société chrétienne, c'étaient les insurrections des paysans, tels que les loUhards d'Angle- terre; ils se déchaînèrent en Savoie et en France, au quator- zième siècle, puis en Allemagne, à la fm du quinzième siècle : ils étaient les avant-conreurs d'une époque révolutionnaire qui menaçait de tout renverser. Vers 1470, Jean Bœhm, de Niklas- hausen, en vertu d'une prétendue mission qu'il aurait reçue de la Mère de Dieu, prêchait contre l'avarice, l'orgueil et l'immo- raUté du clergé, contre les dîmes et autres redevances tempo- relles, contre la pluralité des bénéfices, et demandait que les droits de chasse, de pêche, d'affouage, etc., fussent partagés entre les riches et les pauvres. Des milliers de personnes allaient l'entendre, jusqu'à ce que Rudolphe, évêque de Wurzbourg, eût ordonné de le mettre à mort. La semence qui avait été jetée allait lever plus tard en bien des endroits; la misère, la haine contre les riches et surtout contre le clergé soulevèrent les couches inférieures de la société.

OIVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 318.

Bern, a Luxemb., Prateol.; Spondan., an. 1312, n. 37, p. 868; du Plessis d'Arg., 1, ii, p. 342. llémon Picard, 1303; Massœus, Chron., p. 270; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 347. Même chose, 1491 et 1496, ib., p. 323 et seq., d'après Massseus, p. 268. George Sabellicus, 1307, ib., p. 348, d'après Trithem., ep. ad Job. Vird., lib. II, ep. xlvui. Depuis 1363, on mandait de Savoie que des actes de pillage et de violence contre les nobles, des mauvais traitements infligés aux femmes et aux enfants, avaient été commis sous la direction de Jacques Bon- homme : dans Massœus, Chron., p. 230; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 133 (ex Paralip. ad Chron. Ursperg., p. 284; Hob. Gaguin, lib. IX). L'Allemagne vit surgir la « Ligue du soulier » (Liga sotularia)- L'alliance des paysans du village d'Untergrumbach, au diocèse de Spire (1503), fut particulièrement menaçante : elle réclamait la sup- pression des autorités, des impôts et des dîmes; la liberté de pâtu- rage, de chasse et de pèche; obligeait ses membres, qui avaient pour devise les noms de Marie et de Jean, à prier journellement pour le triomphe de leur cause. Elle s'empara de Bruchsal, et vou- lut partager les biens des couvents et des églises. L'empereur Ma.v-

182 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

milien fit prendre des mesures contre eux. Append. ad Chron. Urs- perg.; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 346 ; Janssen, II, 397 et suiv. Jean de Niklashausen : Trithem., Chron. Hirs., II, p. 486; du Plessis d'Arg., p. 288-290 ; Barack, Hans Bœhm und die Wallfahrt nach Niklashau- sen im J. 1476 (Archiv des hist, Vereins v. Uuterfr., t. XIV, Würzb., 1858); Ludewig, Geschichtschr. von dem Bischoffthum Würzburg, p. 852-855.

TROISIEME EPOQUE.

LES TEMPS MODERNES.

SEPTIÈME PÉRIODE.

De la fin du quinzième siècle au traité de Westphalie (1648).

INTRODUCTION.

DIFFÉRENCE ENTRE LES TEMPS MODERNES ET LE .MOYEN AGE.

Si nous jetons un regard sur les travaux de l'Église parmi les peuples germains et slaves, et si nous comparons le com- mencement et la fin de sou activité au moyen âge, nous verrons des hordes sauvages et indisciplinées se plier à un ordre social régulier et plus parfait; nous constaterons dans les intelligences un progrès gigantesque, une transformation, un renouvellement complet de l'humanité européenne dans toutes les conditions de la vie, accompli sous la conduite et l'éducation de l'Église. Le sol avait été cultivé, les marais desséchés, les forêts défrichées, les ténèbres avaient disparu partout dans le monde physique et naturel.

Même phénomène sur le terrain moral et intellectuel : les esprits avaient été éclairés, les cœurs ennoblis; on avait fait la guerre à l'ignorance, à l'erreur, au vice; la vie des peuples s'était fortifiée et embellie. L'Europe entière était convertie à la doctrine de Jésus Christ. Le nouveau monde , avec ses tribus innombrables de peuples jusque inconnus, s'ouvrait aux missionnaires de la croix, et le théâtre de l'activité de l'Église prenait des proportions inespérées. Les différentes con- trées de l'Europe étaient parfaitement cultivées, la population

184 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

s'était accrue, le commerce et Tindustrie étaient florissants, les États bien constitués, les arts et les sciences faisaient chaque jour de nouvelles conquêtes, leurs résultats devenaient à la fois plus complets et plus brillants.

L'esclavage, sauf quelques rares vestiges, avait disparu ; le mariage était sanctifié, la vie de famille constituée. Prêtres et chevaliers, bourgeois et laboureurs, tous les états s'étaient déve- loppés et affermis. Comme les familles, les corporations, les communes s'étaient régularisées, et l'individu se sentait fort au sein de la masse. Tout se rapportait à la religion, tout recevait d'elle son élan et sa direction. Les peuples eux-mêmes formaient une vaste famille sous un chef unique qui leur servait de père, gouvernait selon la loi de Jésus-Christ, et d'une main puissante encore écartait les désordres. Un déve- loppement pacifique, poursuivi sur la base des résultats obte- nus, devait donner les plus beaux et les plus magnifiques résultats.

Malheureusement, ce progrès pacifique et normal ne fut pas accordé aux peuples européens; il fut au contraire entravé par leur propre faute. La vie même recelait des germes de mort; de nouvelles luttes, de nouveaux orages se préparaient alors que les précédents n'étaient pas encore complètement apaisés, et ils allaient devenir plus graves, plus féconds en résultats que la plupart de ceux qui avaient éclaté jusque-là. Déjà avant la fin du moyen âge, des phénomènes étranges annonçaient une nouvelle ère de tempêtes. Le principe d'autorité était ébranlé; le chef suprême de la chrétienté avait baissé dans l'estime générale ; les princes et les peuples, les grands et les petits n'obéissaient qu'à leur égoïsme, et les diverses tendances nationales menaçaient l'unité religieuse.

Sans doute, les peuples chrétiens étaient encore unis par des liens indissolubles, et les destinées d'une nation influaient plus ou moins sur les destinées d'une autre nation; mais le nœud ((ui les rattachait était purement humain, extérieur, artificiel, (tétait, par-dessus tout, les avantages et les inconvénients ter- restres, les progrès de l'activité matérielle, le désir de multiplier les relations et de favoriser le commerce, qui produisaient entre les peuples ces rapprochements plus intimes, mais non plus sincères.

vif PÉRIODE. INTRODUCTION. 185

Parmi les changements survenus, nous remarquons l'établis- sement des postes, introduites en France sous Louis XI, en Allemagne par Maximilien I"; l'invention de la poudre à canon, qui allait détruire l'ancienne chevalerie et transformer l'art de la guerre ; la création des troupes soldées et permanentes , nouveau fardeau pour les peuples; la découverte de pays inconnus, qui développa la navigation et le commerce, comme aussi la passion du lucre et le goût des aventures; l'invention (le l'imprimerie, qui fut tour à tour l'instrument du bien et l'instrument du mal, et permit de répandre partout, en un clin d'œil, les idées qui agitaient les contemporains.

L'ancienne littérature classique, avec son esprit païen et sa passion de liberté ; les poésies et les romans immoraux, les satires mordantes des anciens et des modernes, les placards insurrectionnels, les leçons, les dissertations des agitateurs politiques et religieux, se répandaient aussi rapidement, plus rapidement même parmi les différents peuples, que les livres d'édification et d'enseignement religieux. .Mécoutcnt de l'ordre actuel, amoureux de nouveautés, on abusait depuis longtemps des mots de réforme et de uberté; on convoitait le bien d'au- trui, surtout les riches domaines d'un clergé qui n'était plus seul maintenant en possession du savoir , et qui, démoralisé dans plusieurs contrées, était tombé dans l'avilissement. L'es- prit de révolte contre les papes et les évèques, et bientôt contre toute autorité; l'attitude effrontée de plusieurs humanistes en face de la philosophie et de la théologie anciennes ; l'établissement de l'absolutisme gouvernemental en Angleterre, en France, en Espagne et en Portugal ; l'affaiblissement de l'autorité royale en Allemagne, en Pologne, en Hongrie et en Scandinavie : c'étaient autant de symptômes de la corruption qui ger- mait dans la société, les indices d'une révolution imminente, en même temps qu'un levier redoutable pour toute hérésie nouvelle qui éclaterait .

Il semblait, d'une part, que l'engouement de la nouveauté allait renverser partout les choses anciennes et traditionnelles; et, d'autre part, une stagnation dangereuse arrêtait le mouve- ment, et il fallait pour en sortir de vigoureux efforts. L'art et la science menaçaient de plus en plus de déserter la religion pour retourner au paganisme classique. L'hostilité de l'État

i86 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

contre l'Église, de la politique contre la morale religieuse, de la vie publique contre les idées de l'Eglise, se révélait partout, quoique dans des degrés divers et dans une mesure difTérente, et posait les fondements d'un âge révolutionjiaire qui tendait au bouleversement.

réside la difTérence essentielle, le trait caractéristique qui sépare l'histoire moderne de l'histoire du moyen âge. Les conséquences furent d'une portée incalculable.

Une transformation complète commence avec la grande hérésie d'Occident, le protestantisme, qui renfermait en germe la négation de toute tradition religieuse, la répudiation radi- cale de tous les principes du catholicisme, puis aussi le germe des révolutions politiques et sociales, dont les conséquences dernières ne devaient se développer que progressivement.

L'unité rehgieuse fut remplacée par la multiplicité des sectes; la liberté protégée par l'ordre fit place tantôt à une anarchie effrénée, tantôt à un despotisme politique qui méconnut toute liberté de conscience. Une multitude d'ennemis nouveaux, publics ou secrets, s'élevèrent contre l'ancienne Église : beau- coup de ses créations, de ses plus splendides cathédrales, de ses richesses artistiques, furent brutalement anéanties, et, après des déprédations inouïes, on lui fit à elle-même les plus graves blessures. L'Église fut à la hauteur des nouvelles attaques, qui souvent dépassèrent les anciennes; elle continua de se répandre au milieu des plus rudes persécutions, reconquit par les armes spirituelles des provinces perdues, remporta de nouveaux et brillants triomphes sur le paganisme ressuscité et sur l'hérésie devenue toute-puissante, tandis qu'elle s'appliquait à relever chez elle ce qui était abattu, à corriger ce qui était défectueux, et produisait de nouveaux fruits avec une sève qui ne taris- sait jamais.

Le protestantisme, si redoutable dans son origine, perdit chaque jour de sa force au dedans comme au dehors, et finit par n'avoir plus aucune consistance. Beaucoup de ses plus vaillants champions vinrent S(i réfugier dans l'arche de salut ; et bientôt, devant la mobilité incessante des opinions humaines, la répudiation des ancieimes doctrines, on vit se dessiner deux (/rancis partis : celui des croyants et celui des incroyants. Quiconque ne veut pas appartenir à ces derniers,

vil' PÉRIODE. INTR0DLCT1ÜN. 187

est logiquement amené dans le sein de la véritable Église. L'inconséquence, l'aveuglement spirituel, l'attachement à des préjugés invétérés, la préférence donnée à des choses acces- soires, peuvent seuls l'arrêter dans cette démarche, et faire de lui un allié de l'incrédulité, qui jamais ne se repose.

Ouvrages. A. Auteurs protestants : Schriften und Lebensbes- chreibungen der Reformatoren und ihrer Schüler, z. B. Leben und ausgeweehlte Schriften der Begründer der reform. Kirche, Elber- feld, i837 et suiv., 10 voL Der luther. Kirche, ibid., 1861 et suiv., 8 vol. Lœscher, Vollstsendige Reformalions-Acta (1517 et suiv.), Leip- zig, 1720 et suiv., 3 vol. in-4°. L. W. Tentzel, Hist. Bericht v. Anfang u. Fortgang der Ref. Luth., Leipzig, 1718, 2 parties. Kapp, Nachlese zur Reform. -Gesch. nützl. Urkunden, Leipzig, 1727 et suiv., 4 vol. Strubel, Miscellanea, Nürnb., 1778 et suiv., 6 livraisons, et Beitraege zur Literatur, 1784 et suiv., 2 et ö vol. Wagenseil, Beitr. z. Gesch. der Reform., Leipzig, 1829. Foerstemann, Archiv für Gesch. der Reform., Halle, 1831 et suiv., et Neues Urkundenbuch, Hamb., 1842. Seide- mann, die Reform. -Zeit in Sachsen, Dresde, 1846 et suiv., 2 pet. vol. Johannsen, die Entwicklung des prot. Geistes, eine Sammhmg der wichtigsten Documente vom Wormser Edict bis zur Speierer Protestat., Copenhague, 1830. Neudecker, Urkunden aus der Reform.-Zeit, Cas- sel, 1836 et suiv., et Actenstücke, Nürnb., 1838. Chr. Scheueis, Brief- buch, Beitr. z. Gesch. d. Reform., publié par Fr. v. Roden et Knaak, Potsdam, 1867-72, 2 vol. Spalatini, Annal, reform, (jusqu'en 1543), ed. Cyprian, Lips., 1718. Sleidanus (mort en 1556), Comment, de statu relig. et reipubl. Carolo V Cses., Argentor., 15ö5, 1556 et souvent. Contin. usque ad an. 1364, Londorpius, Francof., 1619, 3 t. in-4'>, annot. ülustr. a Chr. Car. am Ende, ibid., 1783, 3 part. Sculteti, Annal, (jusqu'en 1530), Francof., 1717. Frid. Myconius (mort en 1546), Hist. Reform. (1318-1542), aus des Autors Autogr. mitgetheilt und erlseutert von E.-S. Cyprian, réimprimé à Leipzig, 1718. V. d. Hardt, Hist. liter. reform., Francof. et Lips., 1717 et seq., avec Scul- teti Annal. Hortleder, Handlungen und Ausschreib, von den Ursachen des deutschen Krieges (jusqu'en 1553), Frankf., 1617 et suiv., 2 vol. in-f°. Seckendorf (mort en 1692), Comment, hist. et apolog. de Luthe- i-anismo, Francof. et Lips., 1688, 1692, in-f°, contre Maimbourg (jus- qu'en 1346). J. Basnage, Hist. de la religion des ÉgUses réformées, Rotterd., 1690, 2 t. in-12; la Haye, 1723, 2 t. in-4°, contre Bossuet, Hist. des variât. Dan. Gerdesii (mort en 1763), Introductio in hist. Evang. renov., Groening., 1744-32, 4 t. Hottinger, Helvet. K.-G., Zürich, 1708 et suiv., 4 vol. in-4°. BuUinger, Ref.-Gesch. (jusqu'en 1536), éd. Hottinger, Frauenfeld, 1838-40, 3 vol. Ruchat, Hist. de la

188 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Réf. de la Suisse, Genève, 1727 et seq., 6 t. in-12. Beausobre, Hist. de la Réf. (jusqu'en 1530), Berlin, 1785, 3 t. D. Winzenberger, Wahrhaft. Gesch. V. 1500-1583, Dresde, 1583, in-4°. De Thou, Hist. sui temporis (1543-1607), Francof., 1625, 4 t. in-f°, et souvent. Salig (mort en 1719), Vollst. Historie der Augsb. Confession (1517-1562), Halle, 1733-35, 4 part, en 3 vol. Planck, Gesch. der Entstehung, Verfenderung und Bildung des prot. Lehrbegrilïs bis zur Concordienformel, Leipzig, 1791-1800, 6 vol. Marheineke, Gesch. der deutschen Ref. bis 1535, 2 vol., 1817, 1831 et suiv. (extrait d'après Seckendorf). Woltmann, Gesch. der Reform, in Deutschland, Altona, 1801, 1817, 3 part. Carl Adolph Menzel (mort en 1855), Neuere Gesch. der Deutschen von der Reform, bis zur Bundesacte, Breslau, 1826 et suiv., 12 vol.; éd., 1854 et suiv., 6 vol. (plus impartial et plus objectif que d'autres protestants). L. Ranke, Deutsche Gesch. im Zeitalter der Reform., Berlin, 1839 et suiv., 5 vol., en 4 édit. Sa^mmtl. Werke, Leipzig, 1867 et suiv., t. I-VI (voy. sur lui Hist. -pol. Bl., t. IV, p. 540 et suiv., 654 et suiv.; Wiener Jahrbücher, 1841, t. XCHI-XCVI). Hœuser, Gesch. des Zeitalters der Reform., ed. v. Oncken, Berlin, 1868. Hagenbach, Vorles. über das Wesen und die Gesch. der Reform., Leipzig, 1834-1843, 6 vol. Hagen, Deutschlands lit. u. relig. Verf. im Reformationszeitalter, Erlangen, 1841 et suiv., 3 vol. Dorner, Gesch. d. prot. Theol. bes. in Deutsch- land, Munich, 1867. Schenkel, das Wesen des Protestantismus, Schatf- house, 1844-51, 3 vol. Merle d'Aubigné, Histoire de la réforme du seizième siècle, Paris, 1835 et suiv.; édit. allem., par Elberfeld, 5 vol. Robertson, Hist. of the emp. Charles V, Lond., 1769, 3 t. in-4'> ; en allem., Renier, Braun.schweig, 1792-94, 3 vol. J.-G. Eichhorn, Gesch. der drei letzten Jahrhunderte, Hanovre, 1817 et suiv., 6 vol. Heeren u. Uckert, Europ. Staatengesch. J. Matth. Schrœckh, Christi. K.-G. seit der Reform., Leipzig, 1804 et suiv., 10 parties.

B. Auteurs catholiques : Job. Cochlaeus (mort en 1552), Com. de actis et scriplis Lulberi, Mogunt., 1549 (Cf. M. de Weldige-Cremer, de Job. Cocbl. vita et scripti^, Monast., 1865). Surius, 0. Carth. (mort en 1578), Chronicon ab an. 1506 usquc ad 1566, Colon., 1567, continué jusqu'en 1573 (contre SIeidan). Siméon Fontaine, Hist. cath. de notre temps touchant l'état delà religion chrét., contre l'Hist. de S. SIeidan, Antw., 1558. Roveri Ponlani (carme à Bruxelles), Vera Narratio rerum ab an. 1500 usque ad an. 1559 in republ. christ, memorabiliuin, Colon., 1559, in-f». Ulenberg (protestant, puis catholique, mort eu 1597, curé de Cologne), Vitœ btcresiai'charum Luthcri, Melanchthonis, Majoi'is, lUy- rici, Osiandri, et Causœ graves et justa; cur catholicis in communione veteris ejusquc veri cbristianismi coustanter... perniancndum sit. Colon., 1589. Ces deux ouvrages en allemand ])ar Kerp, Mayeucc,

VII'' PÉRIODE. INTRODUCTION. IHW

1833, 1836. Kilian Leib (prieur des chanoines de Saint-Augustin, ù Rebdorf, mort en iööS), Hist. «ui temporis, V" part., jusqu'en 1.Ö23, éd. d'Arétin, Beilr. z. Gesch. u. Literatur, t. VII et VIII; IP part., 1524- i548, éd. Dœllinger, Materialien zur Gesch. des XV und XVI Jahrb., Ra- tisbonne, 1863, t. II, p. 44.t et suiv. Paul. Jovius, Hist. sui temp., 1498 et seq., 1521-1Ö27, Flor., 1548, lööO et seq. Guicciardini iVI, 1) Adriani, Istoria dei suoi tempi (1 536-1 ö73j, Fir., 1583; Venezia, 1587, 3 vol. in-4°. Marco Quazzo, Hist. di tutti i fatti degni della memoria nel mondo successi dal 1524 sino all' an. 1549. In Venezia, 1540, in-8°; 1549, ia-8". Guil. Paradini Burgundi (mort après 1581), Mémorise nos- trae libri IV (1515-1544), Lugd., 1548 et seq. Rayn., Annal, eccl., an. 1517 et seq. Bossuet, Hisl. des variations des Églises prot., Paris, 1688, 2 t. in4°; 1734, 4 t.; nouvelle édit. des Œuvres de Bossuet, Paris, 1836, t. V, VI, avec la Défense contre Jurieu et Basnage (en allem, par Mayer, Munich, 1825, 4 vol.). Maimbourg, S. J., Hist. du Luthéranisme, Paris, 1680, et Hist. du Calvinisme, Paris, 1682. Varillas, Hist. des révolu- tions arrivées dans l'Europe en matière de religion, 2^ édit., Amst., 1689 et seq., 6 vol. Jean Machault, S. J., Notatioaes in Thuani hist. libr. auctore J. B. Gallo J. C, Ingolst., 1624, in-4°. Ign. Schmidt, Gesch. der Deutschen, Ulm et Vienne, 1775 et suiv., part. V-XI. Herrn, i. Schmitt, Versuch einer philos.-hist. Darstellung der Reform., Sulzb., 1828. Hortig, Hdb. der K.-G., continué par J. Dœllinger, Landshut, 1828, II, 2. Kaspar Ritfel, Christi. K.-G. seit der groszen Glaubens und Kirchenspaltung, Muyence, 1841 et suiv., 3 vol. Boost die Reform, in Deutschland, Ralisbonue, 1843 (E. v. Jarke). Studien und Skizzen zur Gesch. der Reform., Schaü'house, 1846. Jcerg, Deuts- chland in den Revolutionsperioden, 1522-1526, aus diplomatischen Correspondeuzen, Frib., 1851. Fr. v. Buchholz, Ferdinand I", Vienne 1832 et suiv., 9 vol. Ilurter, Ferdinand II, Schaffhouse, 1830 et suiv. Werner, Gesch. der kath. Theol. in Deutschland, Munich, 1866. Cesare Cantù, Hist. univ., trad. allem., Schaffhouse, 1857, t. IX, X. Huo-o Lsemmer a donné comme protestant : « Vortrident. kath. Theolof^ie des Reformationszeitalters » (Berlin, 1858), fourni après sa conversion de nombreux matériaux puisés aux sources, dans les Analecta Romana, SchaÖ'house, 1861 ; dans les Monumenta Vaticana HE. sœc. XVI, Frib., 1861, et dan? les Beiträgen zur K.-G. des XVI u. XVII Jahrh, Frib., 1863, Dœllinger, dans les Materialien, 1. 1, Ratisbonne, 1862, aus span. Archi- ven Documente von Carl V und Philipp H; puis t. II, 1863, dieAnnalen des Kilian Leib : tous deux sout remplis de fautes d'impression. Dans son grand ouvrage : La Reformation, son développement intérieur et ses résultats, Ratisbonne, 1846 et suiv., 3 vol. ^Paris,Gaume), il a longue- ment reproduit les témoignages de Luther et de plusieurs luthériens.

190 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Introduction. Ritter, K.-fi., VI, A. II, p. 142 et suiv. Mœhler, Abhdlg. über den Zustand der Kirche im XV und zu Anfang des XVI Jahrb., Ges. Sehr., II, p. 1-33. Grœne, Zustand der Kirche Deuts- chlands vor der Reform., Tab. Quartalschr., 1862, I, p. 84-138. Tira- boschi (VI, § 223), t. XII et seq. Janssen (VI, § 186). H.-A. Erhard et K. Hagen (VI, §§ 223, 227). Ranke, Rœm. Paepste, I, p. 33 et suiv.

CHAPITRE PREMIER.

LE PROTESTANTISME.

Orijjfiue et foriiiatiou première du proteslantisnie. llouvement relig'ienx produit en ^^lleniagfne par LiUther.

Luther et ses premiers agissements.

1. Martin Luther, le 10 novembre 1-483, à Eisleben, était le fils d'un mineur. Destiné par sou père à l'étude du droit, il s'y prépara à Magdebourg et à Eisenach, étudia dès 1501 à l'université d'Erfurt la dialecfitpie et la philologie latine, et obtint en 1505 le grade de docteur. 11 fit ensuite des cours sur la physique et la morale dWristote. Dans un moment de subite frayeur et sous l'empire d'une crainte violente de la mort un do ses amis venait d'être frappé de la f(Midre à ses côtés il fit vœu d'embrasser l'état religieux, et entra, contre le gré de son père, au couvent des ermites de Saint-Augustin d'Erfurt. Vu sa qualité de docteur, le vicaire provincial, Jean rie Staupilz, l'affranchit prématurément des occupations humiliantes, des ouvrages manuels des novices, et Luther fit profession avant le terme voulu. Ordonné prêtre en mai 1507, il étudia l'Écriture sainte en se servant des commentaires de Nicolas de Lyre et des œuvres de saint Augustin. Son supérieur l'y encourageait. En 1508 déjà, sur la proposition du même Staupitz, Frédéric, prince électeur de Saxe, le nommait professeur de dialectique et de morale à l'université qui venait d'être érigée à Witten- berg; l'année suivante (1509), Luther était employé à rensei- gnement de la théologie, pour laquelle il montrait plus d'incli- nation, il s'adonnait aussi à la prédication.

LE PROTKSTANTISME. 101

Luthor fit en 1510 le voyage de Rome pour y régler des affaires de son ordre, visita avec piété les sanctuaires de la ville, mais fut scandalisé, dit-on, de l'incrédulité de plusieurs ecclésiastiques. La vérité est qu'il n'eut point de relations in- times avec le clergé de Rome, et cette accusation ne reposait que sur des rumeurs. L'orgueilleux augustin, le professeur de Wittenberg, se sentit blessé d'avoir passé inaperçu dans la grande ville. Promu docteur en théologie (par Carlstadt) après son retour (octobre lai 2), il se mit à expliquer le Psautier, les Épîtres aux Galates et aux Romains. Il édita en 1516 la Théologie allemande (VI, § 220), ce « magnifique et inappré- ciable opuscule », vers lequel il se sentait attiré, moins par le mysticisme panthéiste que par les conséquences qu'il en tirait relativement k l'absence de libre arbitre dans l'homme et à l'efficacité unique de la volonté divine.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 1.

M. Lutheri 0pp. lat., Viteb., loî^o et seq., 7 vol.; -Jen., 1556-58, 4 vol. in-f". Œuvres de Luther, en allem., Wittenb., 1539 et suiv., 12 vol. in-f°; léna, 1553 et suiv., 8 vol. in-f". Ajoutez deux volumes de suppléments, par Aurifaber, Eisleben, 1564 et suiv. Édition d'Altenbourg des ouvrages allemands, par Sagittarius, 1661-1664, 10 vol. Volume de supplément pour toutes les anciennes éditions (par Zeidier), Halle, 1702. Édition de Leipzig, 1729-1740 et suiv., 22 vol. Édition de Halle, par J-G. Walch, 1704-1752, 24 part, in-4", dont les parties XV-XVH renferment des documents pour la Réforme (ces deux dernières éditions ne don- nent le? ouvrages latins qu'en traduction allemande). Œuvres de Luther publiées dans les deux langues originales, éd. Plochmann et Irmischer, Erlang, et Frankf., 1826-1836, 67 vol. in-8° (comp. Irmischer, Kurze Gesch. der Gesammtausgabe von L. W. Ztschr. für Protest, und K., 18.50, I). L'édition de Francfort des Œuvres allemandes de Luther, par Heyder et Zimmer, revue par Irmischer, Enders et autres, a donné, t. I-XX, les écrits homilétiques, 1826 et suiv., 2'" éd. corrigée; t. XXI- XXXII, les écrits catéchétiques ; t. XXXIH-LII, les éci'its exégétiques: t. LIII-LXVII, les autres ouvrages en allemand, avec des tables. L'édition entière, avec les ouvrages latins, comprend 105 vol. On a fait de nom- breuses éditions des ouvrages séparés (souvent expurgés). Luthers Briefe. Sendschreiben und Bedenken, éd. de Wette, Berlin, 1825-28, 5 pari. Supplément, par le Dr. Burkhardt, Leipzig, 1866. Mélanchthon, Ilist. de vita et actis Lutheri, Vitemb., 1546; Vratisl., 1817 (très défec- tueuse). Matthésius (depuis 1845 prédicateur dans le Joachimsthal, mort

192 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

en <564), Historien von des ehrw. Lutheri Anfang, Lehren, etc., Nürn- berg, 1565. M. Anton Lauterbacbs, diacre à W'ittenb., Tagebuch auf das Jahr 1538 aus der Handschrift herausgegeben von J.-K. Seidemann, Dresde, 1872. J.-A. Fabricius, CentifoHum Luth., seu Notitia Ht. scrip- toruffii de Luthero editorum, Hamb., 1728. Keil, Merkwürdige Leben- sumsteede Luthers, Leipzig, 1764, 4 part. Uckert, Luthers Leben, Gotha, 1817, 2 voL Spieker, Gesch. Luthers, Berlin, 1818 (t. 1, jusqu'à 1521). Ledderhose, Luther nach seinem iimeren und œuszeren Leben, Spire, 1836. Plizer, Leben Luthers, Stuttg., 1836 (complètement idéahsé). Stang, Leben Luthers, 1838. .laeckel, Leben und Wirken Luthers im Lichte unserer Zeit, Leipzig, 1840 et suiv. Maurer, Luthers Leben, Dresde, 1842. Jürgens, Luther v. s. Geburt bis zum Ablaszstreit, Leipzig, 1846,4 vol. Schenkel, die Reformatoren (Luther, Zwingle, etc.), Wiesb., 1856. Vogel, Bibliotheca biographica Lutherana, Lips., 1851 (instruc- tif). Neudecker, Ratzenbcrgers (mort en 1558) handschriftl. Gesch. iiber Luther, léna, 1850 ; de Sybel, Neuere Erscheinungen der Luther- liter., dans son liist. Ztschr., 1872 , t. XXVH. J. Kœsllin, M. Luther, Sein Leben u. s, Schriften, Elberfeld, 1875, 2 vol. Auteurs catholiques : voy. Cochlœus, Ulenberg (ci-dessus, B); Pallavicini, Ilist. Conc. Trid., lib. I, c. IV, n. 2; J. Gœrres, Luthers Werk und Luthers Werke (Catholique, 1827). Luther. Ein Versuch zur Lcesung eines psycholog. Problems (Hist.-pol. Bl., 1838 et suiv., t. 11, p. 249-271, 313-329; t. IH, p. 193- 204, 275-285). Audin, Hist. de la vie, des écrits et des doctrines de Martin Luther, Par., 1839, 2 vol., éd., 1841 ; en allem., Augsb., 1843. DœUinger, Luther. Eine Skizze (tirage à part du Freib. Kirchen-Lexi- kon, t. VI, p. 651 et suiv.), Frib., 1831, et son ouvrage : die Ref. (Regensb., 1848), t. Hl, p. 9 et suiv. Janssen, II, p. 67 et suiv. Les registres d'Erfurt portent : « Martinus Luder ex Mansfeldt. » Uckert, op. cit., p. 67. Voyez encore Kampschulte (VI, § 211). Pasig, Job. VI, Bischof, v. Meiszen, Leipzig, 1867. Sur Staupitz, voy. J.-F. Knake, Job. Staupitii Opp., quöe reperiri potuerunt, Potsd., 1867 (du même, les Traités de l'amour de Dieu et de la véritable foi chrétienne, le Petit Livre du Christ, 1315).

Théorie de Luther sur la justification.

2. Déjà Luther s'était écarté de l'enseignement général de l'Église sur le point important de la justificatiou de l'homme. En 151 G, la doctrine qu'il enseignait et qui contenait en germe toute la théorie qu'il allait échafauder dans la suite, avait donné déjà occasion de parler d'une théologie nouvelle et erronée. Dans son état d'abattement et d'inquiétude, fruit d'un ascétisme

LE PKOTESTANTISME. 193

stérile et d'un esprit violemment surexcité, dans son découra- gement voisin du désespoir et qui allait le précipiter dans la manie de dénaturer des pensées et des sentiments vrais en soi, il crut qu'il ne trouverait de repos que dans une doctrine selon laquelle tous les efforts de l'homme (devenu entièrement mau- vais par le péché originel) pour atteindre à la sainteté étaient en pure perte, qne Dieu justifie l'homme par la justice de Jésus-Christ, que cette justice couvre nos péchés, et que nous nous l'approprions par la foi.

Ainsi disparaissent toutes les angoisses de la conscience; on ne demande plus à l'homme que de s'avouer coupable et de se confier en Dieu. Voilà ce que Luther croyait avoir clairement aperçu dans les Épîtres de l'apôtre saint Paul. C'était là, selon lui, ce que signifiait l'abolition de l'ancienne loi. 11 se plongeait de plus en plus dans cette doctrine, qui semblait lui offrir la solution de toutes les énigmes de la vie religieuse. Il n'en démêlait pas encore nettement les conséquences, mais il y voyait la pierre de touche de tous les dogmes et de toutes les institutions de l'Église, et il arriva successivement à rejeter comme contraire à l'Écriture tout ce qui ne cadrait pas avec son imputation de la justice {justitia impiUata). Il débuta en attaquant la doctrine et l'usage des Indulgences.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 2.

Dœllingev, dans son Esquisse et Réformation, III, p. 9 etsuiv., 31 et suiv., 173 et suiv. Comp. Kattenbusch, Luthers Lehre vom unfreien "Willen und von der Prädestination nach ihren Entstehungsgründen, Goettingue, 1876.

Publication des indulgences sous Léon X. J. Tetzel.

3. Le pape Léon X, désireux d'achever l'église de Saint- Pierre à Rome, dont Jules II avait posé la première pierre en 1506, publia en lol-4, conformément à l'usage traditionnel, une indulgence accompagnée de plusieurs faveurs spirituelles. La bulle, promulguée en 1515 et 1516 dans les différents pays, était absolument conçue dans les formes accoutumées. Albert, archevêque de Mayence et de Magdebourg, et en même temps évêque d'Halberstadt, fut nommé premier commissaire pour une partie considérable de l'Allemagne; il chargea plusieurs sous-

V. UIST. DE l'église. 13

194 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

commissaires, entre antres le savant dominicain Jean Tetzel, (le publier l'indulgence, et il leur donna, ainsi qu'aux confes- seurs, des instructions précises. Il n'est nullement prouvé que ces instructions aient été dépassées, ni que Tetzel et ses com- pagnons de l'ordre des frères prêcheurs, si calomniés alors, se soient rendus coupables des excès dont la haine de parti les a accusés. Leurs sermons, qui nous sont parvenus, et les autres témoignages les justifient complètement.

11 est vrai que la publication des indulgences avait déjà ren- contré plus d'une opposition, mais la résistance venait le plus souvent de l'égoïsme, elle ne s'attaquait point à la doctrine de l'Église; tout récemment encore des indulgences avaient été demandées et accordées en Allemagne dans des circonstances beaucoup moins importantes, sans qu'il en fût résulté aucun scandale; du reste, il n'avait jamais été défendu de s'élever contre les malversations de prédicateurs isolés. Mais les domi- nicains étaient alors jalousés par d'autres ordres et souvent attaqués devant la multitude : ces ordres supportaient avec peine de se voir privés des indulgences qu'ils avaient eues autrefois; les augustins surtout, dont le couvent de Witten- berg, encore inachevé, pouvait en souffrir, étaient, pour des opinions d'école et comme amis des humanistes, hostiles aux frères prêcheurs et aux sermons que ceux-ci faisaient sur les indulgences. Plusieurs princes et évêques les voyaient égale- ment de mauvais œil,

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 3.

Bulle de Léon X : v. d. Hardi, Hist. lit. réf., Francof., llil, t. IV, p. 4. Cf. Pallavic, loc. cit., 1, c. ii, n. 6. Sur l'archevêque Albert, voy. Hennés, Albrecht von Brandenburg, Erzb. von Mainz und Mag- deb., Mainz, 1838 ; J. May, der Churfürst, Card. u. Erzb. Albrecht II mit 82 Urkunden und Beilagen, Munich, 1866. L'archevêque a été célébré dans une pièce de vers par George Sabinus, gendre de Mélcinchthon ; Hulten, ép. à Jules Ptlug, du 23 août 1318, l'appelait son protecteur et celui de Reuchlin, « decus principum ». Albert choisit lui-même les dominicains pour prêcher l'indulgence : Pallavic, I, ni, 6-8. L'instructio sumraaria pro subcommissariis, pœnitentiariis et confessoribus, dans Lœscher, Beform. -Urk., I, p. 388; II, p. 232, 292. Œuvres de Luther, éd. Walch, XV, p. 371 et suiv. Nous avons trois biographies de Tetzel par des protestants : 1' celle de Gottfried Hecht,

LE PROTESTANTISME. 195

Disputatio de vita Joh. Tetzelii nundinatoris sacri, Vitemb., 1707; Vita Joh. Tetzelii quœst. s., ib., 1717; celle de Jak. Vogel, prédicant près de Leipzig : Leben des pœpstl. Ablaszpredigers oder Ablaszkrœmers J. T., Leipzig, 1717 et 1727 ; 3" celle de Fr. Gottl. Hofmann (c'est-à-dire, Christophe Schreiber), Leipzig, 18i4. Du côté des catholiques, Tetzel n'a presque pas été défendu ; on a presque toujours admis sans exa- men les renseignements fournis sur lui par les protestants, notamment par Ritter dans son Histoire de l'Église, II, p. 139 (6'= éd.). Ce prédi- cateur tant calomnié na été défendu que dans les « Lettres familières de deux catholiques sur la querelle des indulgences du docteur Martin Luther contre le docteur J. Tetzel » (Francfort-sur-Ie-Mein, 1817, en allem.). Il a été justifié à l'aide de documents par Val. Grœne, Tetzel und Luther oder Lehensgesch. und Rechtfertigung des Ablaszpredi- gers imd Inquisitors D. J. Tetzel, Soest imd Olpe, 1833 (2« éd., 1860). Voy. ibid., p. 231 et suiv., 1"= éd., les documents du conseil de Halle, du 12, et de l'augustin .Jean Pals, du 14 déc. 1317, en faveur de Tetzel. Voy. encore p. 90 et suiv., 176 et suiv. Vers 1300, les princes électeurs s'étaient prononcés contre le mode habituel de publier des indul- gences ; il devint l'objet des « Gravamina imperii ». Maximilien I""", dans sa réponse, avait négligé ce point (Pallavic, I, ii, 7). Le produit des indulgences devait, d'après le décret de 1310, demeurer en Alle- magne, et l'empereur s'employa dans ce but. L'évèque Jean de Meissen refusa l'entrée de son diocèse aux prédicateurs d'indulgences; il en fut de même à Constance. Sur les objections admissibles contre les indul- gences, voy. Pallavicini, loc. cit., n. 8, 9. Ce mode d'annoncer les in- dulgences n'avait pas été attaqué précédemment. Jean XXII, en 1319, avait accordé une indulgence de quarante jours pour la construction du pont de Dresde ; Martin V (1426), une indulgence pour le pont de Sobernheim; en 1491, les princes de Saxe, à défaut d'autres res- sources, avaient obtenu pour vingt ans une indulgence en faveur de la chapelle et du pont de l'Elbe, près de Torgau (Grœne, p. 234-237) ; Jules II l'avait renouvelée ; le même pape, en 1304, avait publié une indulgence en faveur des chevaliers allemands de Prusse, serrés de près par les Russes et les Tartares. Tetzel, qui avait déjà prêché avec succès à Zwickau, pour le jubilé prescrit en 1300 par Alexandre VI, l'annonça en Prusse, dans le Brandebourg et en Silésie. De mars à juillet 1310, il prêcha à Annaberg, sur la demande spéciale du duc George, l'indulgence approuvée pour Torgau. Quant à l'électeur Fré- déric, il ne permit la publication de la nouvelle indulgence de Léon X qu'après que l'empereur l'y eut invité par ordonnance du 27 août 1317 (Lœscher, I, p. 388). Sur la jalousie des augustins : Pallavic, I, iv. 1 ; Serrar., Rer. Mogunt., lib. V, p. 883 ; Grœne, p. 28 et suiv.

196 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Thèses de Luther contre les indulgences.

4. Le P. Telzel, qui avait prêché avec beaucoup de zèle et de succès dans le territoire de Magdebourg, d'Halberstadt, de Brandebourg et de Leipzig, se rendit dans le voisinage de Wittenberg, à Jiiterbogk, il attira un grand concours de peuple, tandis que les églises de Wittenberg, notamment celle de Tous-les-Saints, si fréquentée jadis, semblaient demeurer vides. Luther et ses amis, après s'être concertés dans la pré- vôté de Kemberg avec le prévôt Ziegelhain et d'autres, imagi- nèrent un moyen qui, en affaiblissant le crédit des dominicains, devait arrêter pour longtemps le succès de la prédication des indulgences, empêcher d'en percevoir les aumônes à Witten- berg, plaire au prince électeur de Saxe, contenter la jalousie de beaucoup d'établissements et de monastères, et intéresser le monde savant adonné aux études humanistes. Ce moyen fut la rédaction de quatre-vingt-quinze thèses sur les indulgences, qui devaient être publiquement soutenues par Luther, leur auteur, contre les prédicateurs d'indulgences.

Le samedi 31 octobre, veille de la Toussaint, Luther les afficha lui-même, en allemand et en latin, à l'église du château et de l'université de Wittenberg, et les fit répandre dans les alentours. Plusieurs, sous une apparence d'orthodoxie, étaient très captieuses ; d'autres montraient plus clairement que Luther s'écartait de la doctrine catholique. Les attaques contre le pape et contre les indulgences étaient voilées, mais propres à séduire une multitude facilement irritable. Ses propositions, souvent burlesques et dérisoires, se contredisaient entre elles. Les protestations d'attachement à l'Eglise étaient pour sauver les apparences.

Quelque motif rpie pussent avoir les amis de Luther pour l'enhardir dans ses attaques contre les prédicateurs des indul- gences, il est certain qu'en agissant ainsi Luther obéissait complètement à sa manière de voir. La doctrine de l'Eglise sur les indulgences était incompatible avec ses idées sur la satis- fa'tion do Jésus-Christ imputée à tous les hommes, sur la valeur des bonnes œuvres, sur le mérite et sur la foi. Déjà, dans ses sermons, il s'était escrimé contre les commissaires des indulgences; déjà il avait attaqué la théologie scolastique, ainsi

LE PROTESTANTISME. 197

qu'« Aristote », et rompu avec la tradition de l'Église au point de déclarer que la Bible seule suffisait.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 4.

Les 95 thèses de Luther, en quatre sections, dont les trois premières contiennent chacune 25 propositions et la dernière 20, étaient impri- mées sur une feuille grand in-folio, à deux colonnes. Texte dans Lcescher, Reform. -Acta, I, p. 367 et suiv.; L. W., éd. Walch, XVIII, p. 255 et suiv., d'après l'original de Berlin, dans Ranke, Ssemmll. W., VI, p. 80-85. Critique des thèses, dans Riffel, I, p. 32 et suiv.; éd., p. 65 et suiv.; Pallavic, I, iv, n. 3-10. On était surtout scanda- lisé des propositions suivantes : Les indulgences ne remettent pas d'autres peines que celles qui sont imposées par l'Église (th. v, xx, xxxiv) ; le trésor d'où elles sont tirées, ce ne sont pas les mérites de Jésus-Christ et des saints (th. lviii) ; pour les défunts, il n'y a pas d'in- dulgences (th. VIII, xui); on ignore si toutes les âmes veulent sortir du purgatoire (th. xxix) ; la peine du péché et la vraie pénitence consistent à se haïr soi-même (odium sui, th. iv) ; le pape, en remettant la dette, se borne à déclarer qu'elle est remise par Dieu même (th. vi, xxxvin) ; les âmes du purgatoire, sous l'empire d'une crainte voisine du déses- poir, incertaines de leur salut, peuvent augmenter leur charité et leur mérite (th. xv, xvi, xviii, xix). Voy. d'autres déclarations de Luther dans Lcescher, I, p. 340 et suiv., 700 et suiv., 761, 807, 834; Riffel, I, p. 42; Grœne, p. 31-47.

Polémique sur les indulgences.

5. Luther, en affichant ses thèses audacieuses, était loin d'être rassuré : il les envoya, avec des dédicaces, à l'archevêque de Mayence et à l'évêque de Brandebourg, Jérôme Scultetus. Personne ne se trouva à la conférence qu'il avait annoncée. Tetzel se rendit à Francfort-sur-l'Oder, auprès de son bien- aimé maître Conrad Wimpina, pour y prendre les degrés théologiipics et se trouver à la hauteur de Luther. Il y soutint, avec beaucoup de force et de pénétration, cent six antithèses sur la pénitence et les indulgences. Pendant le carême de 1518, Luther publia, surtout en vue du peuple, une nouvelle disser- tation — vingt articles sur les indulgences et la grâce il montrait plus de calme et de modération, flattait les huma- nistes, et rejetait la division de la pénitence en trois parties, contrition, confession et satisfaction, adoptée par Tetzel. Celui-ci eu écrivit une savante réfutation, et soutint en outre cinquante

198 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

thèses sur le pouvoir du pape, afin d'amener sou adversaire à déclarer s'il reconnaissait encore, oui ou non, l'autorité du Saint-Siège. Luther n'entra point dans cette voie; il se con- tenta de faire une réponse acerbe et injurieuse à la réfutation de Tetzel sur les indulgences et sur la grâce.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 5.

Luther à Albert de Mayence, 31 oct. 1517 : Lœscher, I, p, 473; Grœne, p. 62 et suiv. Sa réponse : Œuv, de Luther, éd. Walch, XV, p. 1640. Luther à Jérôme Scultetus, 22 mai 1518 : Lœscher, II, p. 173. Autres démarches de Tetzel : Grœne, p. 71 et suiv. Les 106 antithèses de Tetzel : Lœscher, I, p. 484 et suiv. Cf. Riffel, I, p. 36 et suiv.; 2= éd., p. 71 et suiv.; Grœne, p. 81-88. Plusieurs, croyant Tetzel inca- pable, attribuèrent les antithèses à G. Wirapina (Œuv. de Luth., XVII, p. 28 ; Lœscher, II, p. 207 ; I, p. 484) ; mais elles sont certaine- ment de lui (Grœne, p. 74-81). Sur Wimpina, à Buchen, inhumé au couvent d'Amorbach en 1531, voy. Mittermüller (Catholique, 1869, I, p. 641-682; II, p. 129-163). Tetzel fut combattu par im jeune fran- ciscain, Jean Knipstrow (mort en 1336 surintendant général de Rü- gen et de la Poméranie antérieure), et par le cistercien Christian Kelelholdt, de Poméranie (mort en 1523 pasteur « primarius » de Stralsund). Sermon de Luther en vingt articles sur les indulgences et la grâce : Lœscher, I, p. 469-473; Grœne, p. 212-216. « Voilegung, gemacht von Br. Joh. Tetzel, Predigerordens, Ketzermeister, wider einen vermessenen Sermon von 20 irrigen Artikeln, pœpstl. Ablasz und Gnade belangend » : Lœscher, I, p. 484-503; Grœne, p. 216-230. Cinquante thèses sur le pouvoir du pape : Lœscher, I, p. 504 et suiv.; Grœne, p. 104-114; Riffel, I, p. 71 et suiv. Luther : « Freiheit des Sermons, pa?.pstl. Ablasz und Gnade belangend, wider die Vorle- gung, so zur Schmach sein und desselben Sermons erdichtet. » Lœs- cher, I, p. 526 et suiv. Cf. Grœne, p. 115 el suiv.

Premiers Succès de Luther.

6. Les propositions hardies de Luther avaient produit une immense rumeur; dans l'espace de deux mois, elles avaient parcouru toute l'Europe. Plusieurs croyaient qu'il ne s'atta- quait qu'à des abus. Laurent de Bibra, évêque de Würzbourg, intervint pour lui auprès de son prince électeur, et son propre évêque lui conseilla faiblement d'éviter toute attaque contre l'Egli-so. L'archevè(]ue de Mayence lui manda qu'il n'avait pas encore eu le loisir de lire ses écrits, qu'il en abandonnait le

LE PROTESTANTISME. 199

jugement à une autorité plus élevée, et déplorait que des doc- teurs en renom se disputassent entre eux sur le pouvoir du pape, le libre arbitre, etc.

Les humanistes applaudirent le professeur de Wittenberg, et la plupart de ses collègues adoptèrent ses sentiments. Les augustins s'enorgueillissaient d'un confrère devenu si promp- tement célèbre ; quelques-uns seulement, comme le prieur Con- rad Ileld, craignaient que leur ordre ne devînt bientôt sus- pect d'hérésie. Luther avouait lui-même qu'il n'avait pas su ce que c'était qu'une indulgence ; on pouvait en dire autant, à plus forte raison, d'un grand nombre de ses contemporains étran- gers à la théologie. A Wittenberg, presque tout le monde pre- nait parti pour le héros du jour, qui semblait répandre sur la ville un nouvel éclat. Huit cents exemplaires des thèses de Tetzel furent publiquement livrées aux flammes, tandis que celles de Luther ne furent point brûlées par Tetzel, malgré le bruit qui s'en répandit dans la foule. Les témoignages d'appro- bation qui arrivaient de toutes parts à l'augustin de Saxe, ne pouvaient que l'animer à de nouvelles tentatives.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 6.

Erasm., Epistol. lib. XVIIl, p. 736; Surius, an. 1517; Pallavic, I, V, i. Luther contre Hans Worst : Pfaff, p. 29; Lœscher, I, p. 840. Œuvres de Luther, th. xvii, p. 1704. Sur Conrad Held, Œuvres, éd. léna, V, p. 53. Luther à Jodok Trautweiter, 9 mai 1518 : Lœscher, II, p. 64. Sur Sébastien Küchenmeister, Lie. à Vittenberg. Luther avoue son ignorance concernant les indulgences, et Janssen prouve qu'avant lui cette doctrine était parfaitement enseignée en Allemagne (Ges- chichte des deutschen Volkes, I, p. 36 et suiv.) dans l'ouvrage « Wi- der Hans Worst » : Walch, XVII, p. 1704. Les thèses de Tetzel livrées au feu : Grœne, p. 122-128.

Opposition des théologiens contre Luther.

7. Après Tetzel, d'autres théologiens entrèrent dans la lice pour combattre les nouveautés de Luther. Sylvestre Prierias (Mazzoli), dominicain de Rome et maître du palais apostolique, lui prouva, avec beaucoup de netteté, que l'Église avait depuis longtemps, par l'organe du pape, décidé la question des indul- gences, et que la solution du Saint-Siège était obligatoire pour tout catholique ; puis le célèbre docteur .Jean Eck, vice-chancelier

200 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

l'université d'Ingolstadt et chanoine d'Eichstaedt, prouva par ses remarques sur les thèses de Luther {obelisci) que celles-ci se rapprochaient des doctrines de Hus. Quoiqu'il ne les destinât pas à la publicité, les remarques de J. Eck ne .tardèrent pas à se répandre. Vinrent ensuite Jérôme Emser de Dresde, et Jacques Hogstraten, dominicain de Cologne, dont l'ardeur outrée contre les humanistes nuisit souvent à la cause catho- lique.

Mais que pouvaient les meilleures réfutations contre un homme tel que Luther, qui croyait avoir trouvé sa doctrine dans l'Évangile ? Il s'était retranché derrière un rempart inex- pugnable aux assauts de la science : sa doctrine était de Dieu ; ses adversaires n'étaient que des hommes ignorants et mépri- sables. Il répondit à Prierias d'un ton amer et sardonique, mais sans vouloir entrer dans le fond du débat ; au lieu d'autorités, il demandait des raisons; les papes, les conciles étaient sujets à l'erreur; l'Écriture sainte seule était infaillible. Sa réponse au docteur Eck n'était qu'un torrent de basses injures; les contradictions y abondaient, et Luther s'y écartait sensiblement de la doctrine catholi(]ue. A Hogstraten il reprocha son igno- rance et son esprit do rancune.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 7.

Dialogus R. Fr. Sylv. Prieriatis, 0. Pr., S. Theol. Prof, sacrique Palat. mag., in praesumptuosas M. Lutheri conclusiones de potestate Papœ : Lœscher, II, p. d2etsuiv. Érasme, ép. cccxlix, et d'autres préten- dent que cet écrit est funeste à l'Église catholique, plat et maladroit. Mais Érasme et les humanistes en général étaient peu familiers avec la théologie catholique ; les autres théologiens contemporains ensei- gnaient la môme doctrine (Sleidan., Com. de statu relig., lib. Il, p. 55), et Luther se sentit principalement atteint par cet écrit: 0pp., éd. Jen., I, p. 60. Cf. Pallav., 1, vi, 3. Joh. Eck Obelisci : Lœscher, II, p. 64 et suiv. Luther lui-môme (de Wette, Lettres de Luther, I, p. 59) appe- lait Eck « insignis vereque ingeniosœ crudilionis et eruditi ingenii homo »; Pallav., loc. cit., n. 2 : « vir doctrina et eloquentia prijepol- lens ». Voy. Meuser dans le Kath. Ztschr. für Wissensch. und Kunst, Jahrg. III, Cœln, 1846; Wiedemann, Dr. Joh. Eck, Vienne, 1865. Emser, voy. i; 15. De J. Hogstraten, voy. l'ouvrage ultérieur : Cum D. Augustino colloquia contra enormes atque pcrversos M. Lutheri erro- res, Colon., 1522. Cf. Erasmus, Epist. lib. XII, p. 403 ; v. d, Hardt, Hist. lit. Ref., II, 13 ; Ltemmer, die Vortridentin. kath. Theologen des

LE PROTESTANTISME. 201

Reformationszeitalters, Berlin, 1838, p. i et suiv. L'opiniâtreté de Luther est attestée par ses lettres à Jean Lang, 11 nov. 1317 ; àSpala- tin, 21 août 1318 : Lœscher, I, p. 838; II, p. 621. Noms injurieux don- nés à SCS adversaires : Œuvres, éd. Walch, t. XIII, p. 12; t. XVllI, p. 328. Responsio Lutheri ad Prieratis Dialogum : Lœscher, II, p. 400 ; Œuvres de Luther, éd. d'Altenb., I, p. 68 et suiv. Asterisci, contre Eck : Lœscher, II, p. 333 et suiv., 680 et suiv. Contre Hogstraten : Lœscher, II, p. 323; Luth. 0pp. lat., éd. Jen., t. I. Comp. Riffel, I, p. 73 et

suiv.

Controverse de Heidelberg.

8. Une réunion des auguslins eut lieu à Heidelberg, en avril 1518. Luther y fut invité et chargé de présider les débats. Ses assertions y furent largement soutenues : le libre arbitre, depuis la chute originelle, n'existe plus que de nom ; l'homme, même en faisant ce qui dépend de lui, commet un péché mortel; le bien qu'il fait, c'est Dieu seul qui l'opère en lui ; lui-même en est incapable, car il reste absolument passif. Luther se déchaînait surtout contre le pélagianisme, et tomba dans l'autre extrême, en s'appuyant de saint Augustin , qu'il dépassa de beaucoup. Pelage exaltait et surfaisait le hbre arbitre; Luther le supprimait radicalement. Pelage accordait à la nature humaine, avant comme après la chute d'Adam, la possibilité de mériter sans le secours d'une grâce surna- turelle; Luther la croyait incapable d'aucune espèce de bien.

Dans cette discussion, Luther gagna Martin Bucer, Jean Brenz et Erhard Schnepf. Son collègue André Bodenstein (sur- nommé Carlostadt, du lieu de sa naissance) se rapprocha de plus en plus de lui, et composa pour le soutenir des écrits de contro- verse, dirigés surtout contre Eck. Bienlôt la dispute ne roula plus seulement sur les indulgences; la foi catholique tout entière fut mise en péril, et l'autorité ecclésiastique dut inter- venir.

OUVRAGES A CONSCLTER SUR LE 8.

Lœscher, II, p. 46 et suiv. ; Œuvres de Luther, éd. Walch, th. xvin, p. 66 et suiv.; Pallavic., I, vu, 3; Guericke, K.-G., III, p. 30; de Carlo- stadt, 370 couclusionesapologeticae, et (contre l'apologie des « Obelisci » par Eck) Defensio adv. J. Eckii monomachiam ; Lœscher, th. ii.

202 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Attitude du Saint-Siège.

9. Rome avait, dès le début, compris la gravité de la situa- tion. Déjà, le 3 février 1518, le pape Léon X chargeait le général intérimaire des ermites de Saint- Augustin, Gabriel de Venise, de chercher, par des lettres et des négociations, à calmer le moine saxon, et à éteindre une flamme qui pouvait aisément devenir un dangereux incendie. La congrégation saxonne de l'ordre soutint qu'elle était indépendante du général qui rési- dait à Rome, et que celui-ci avait besoin, pour intervenir chez elle, d'une autorisation particulière du pape. Gabriel s'adressa au vicaire provincial, Staupitz, lequel, étant favorable à Luther, se montra fort négligent.

Cependant Luther (22 mai) écrivit à son évêque diocésain et lui transmit ses Résolutions sur les indulgences; puis à Staupitz (30 mai), à qui il envoya pour le pape une lettre modeste et flatteuse : il y demandait une enquête et un jugement, assurant que la voix du pape serait pour lui la voix de Jésus-Christ; mais il accusait en même temps les commissaires des indul- gences d'avarice et d'erreur, et disait qu'en s'élevant contre eux il n'avait voulu que révoquer en doute leurs afßrmations. Le pape, qui avait aussi invité le prince électeur de Saxe à mettre un terme aux menées de Luther, institua une commis- sion pour régler cette affaire. La commission envoya au pro- fesseur de Wittenberg l'assignation qui lui était faite, sous la date du 7 août 1518, de se présenter à Rome dans l'intervalle de soixante jours ou de se rétracter. L'empereur Maximilien, qui se rendait parfaitement compte du danger qui menaçait l'Église et l'empire, invita le pape (5 août) à prendre des mesures sévères pour empêcher que des opinions, des extravagances humaines prissent la place des vérités révélées.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 9.

Contre l'opinion de Bandello et autres, que Léon X avait traité l'affaire comme une querelle de moines sans importance (Lœscher, II, iv; Pallavic, I, vi, 4), voy. Breslauer Ztschr. f. Theol., 1832, I, p. 26 et suiv.; II, p. H et suiv.; Ritter, K.-G., il, p. 162; Ranke, Rœm. Pœpsle, 1, p. 86. Lettre à Gabriel de Venise : Bembo, ep. xvi d. d. 18 févr. 1.Ï18. Œuvres de Lutber, éd. Wulcb, tli. xv, p. 518. Lettre de Lutber à Scultetus: Lœscber, 11, p. 173, avec les Resolutiones dispu-

LE PROTESTANTISME. 203

tationum de virtute indulgentiarum, resol. 69 : « Auctoritati papali in omnibus cum reverentia credendum est. Qui enim polestati resistit, resistit Dei ordinationi. » Lettre au pape : 0pp. Lutheri, éd. Jen., 1579, I, p. 74; Lœscher, II, p. 176; Le Plat, Monura. ad conc. Trident., Lo- van., 1782, vol. II, p. 1-3. On y lit : « Beatissime Pater, prostratum me pedibus Tuoe Beatitudinis offero cum omnibus quœ sum et habeo. Vivitica, occide, vuca, revoca, approba, reproba, ut placuerit. Vocem tuara vocem Christi in te prœsidentis et loquentis agnoscam. Si mor- tem merui, mori non recusabo. » Cf. Bossuet, Hist. des var., livre I, ^ 20. Invitation de Luther et sa réception : Pallavic, I, vi, 7 (ibid., n. 6); il se plaint que le pape se soit adressé trop tard à Frédéric; il lui écrit le 23 août : 0pp. Luth., I, p. 180; Le Plat, loc. cit., p. 5, 6). Maximilien à Léon X, 5 août: Rayn., an. 1518, n. 90; Goldast, Coll. Const. imper., II, p. 140. Œuvres de Luther, part. XV, p. 534, éd. d'Altenbourg, I, p. 113 ; Pallavic., loc. cit., n. 45 ; Le Plat, p. 4, 5.

Luther à Augsbourg devant le cardinal Cajétan.

10. L'intervention du Saint-Siège remplit d'effroi les amis de Luther. Cédait-il, les dominicains détestés l'emporteraient, l'université de Wittenberg et ses partisans perdraient leur crédit; s'il résistait, il s'exposait aux censures que la loi infli- geait à l'hérésie, et la gloire de Wittenberg courait risque de s'éclipser. On songea surtout à lui procurer un interrogatoire en Allemagne. Frédéric, prince électeur de Saxe, fut prié, par l'entremise de Spalatin, prédicateur de la cour et ami de Luther, d'interposer sa médiation. Il consentit à demander au pape de charger de l'enquête l'évêque de Würzbourg, ou celui de Freisingen, ou quelque université non suspecte. L'effet de cette démarche fut que Léon X remit l'affaire (23 août) au cardinal légat Thomas de Vio, de Gaëte (Cajétan), théologien renommé, qui se trouvait déjà en Allemagne.

Le pape en informa le prince électeur, en l'exhortant à ne point s'intéresser pour l'accusé et à faire en sorte qu'il parût devant le légat, afm qu'on ne pût pas dire un jour que la plus détestable des hérésies s'était propagée par la faveur d'une maison si puissante et si célèbre. Luther, pourvu d'un sauf- conduit, recommandé par son souverain au conseil et aux liommes les plus notables d'Augsbourg, entra dans cette ville après la clôture de la diète, le départ de l'empereur et de Fré- déric (7 octobre 1518).

204 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Lorsque Luther parut avec Staupitz en présence du cardinal (12 octobre), celui-ci se montra très affectueux et accommo- dant; mais il ne trouva en Luther aucune disposition à se rétracter. De nouveaux pourparlers n'eurent d'autre résultat que cette déclaration faite par Luther devant témoins : qu'il fallait considérer comme non avenu ce qu'il avait dit ou fait contre l'Église romaine. Luther finit par sortir clandestinement d'Augsbourg, il laissa un acte rédigé devant un notaire et des témoins, par lequel il « appelait du pape mal informé au pape mieux informé », puis une lettre d'excuses au cardinal M8 octobre). Il avait invoqué le jugement d'universités impar- tiales et suspecté le cardinal en qualité de thomiste ; il avait fait montre tantôt de soumission, tantôt de bravade envers le Saint-Siège, et attesté en fin de compte qu'il persistait opiniâ- trement dans ses doctrines hérétiques.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 10,

Intercession de l'électeur de Saxe et de l'université de Vittenberg (celle-ci, du 2S septembre, fut en retard et n'eut point d'effet) : Lœscher, H, p. 384, 437, 443, 445; Lutb. 0pp., éd. Jen., t. 1, p. 183, ep. Lvi; Œuvres, éd. Walch, th. xv, p. ö44 et suiv.; th. xvii, p. 173; Pallavic, I, vu, 1, 2; ix, 3; Le Plal, p. 6-8, 9 et seq. Voyage de Luther à Augsbourg : Œuvr,, part. XVII, p. 20i ; Fallavic, I, ix, 1, 2; Uckert, p. 109. Relativement aux négociations de Cajétan avec Luther, le secrétaire de, celui-ci, J.-B. Flavius, assure : « Satis legato fuisse, si Lutherus scripto aftirmaret so subdere doctrina?, quam Ecclesia Rom. fidèles docuerat, nulla imposita cxpressa palinodia. » (Pallavic, I, vu, 5, ne décide pas la question.) Celte rétractation que fit Luther devant un notaire et quatre conseillers impériaux : « Je, frère Martin Luther, de l'ordre des augustins, atteste que je suis et honore la sainte Église romaine dans toutes mes paroles et actions. Dans le cas je dirais quelque chose d'autre ou de contraire, je veux qu'il soit tenu pour non avenu », se trouve dans l'édition latine d'iéna, t. I, f. 286, f. 162, 2; ■elle est supprimée dans l'édition allemande d'iéna et dans l'édition d'Altenbourg, I, f. 121. Ce que Luther accordait était peu de chose, et cependant il trouva bientôt que c'était trop. Quand ce moine nia qu'il L'ùl enseigné quelque chose de contraire à l'Église romaine, le légat lui rappela deux de ses thèses : Le trésor de l'Église ne ren- ferme pas les mérites de Jésus-Christ et de ses saints; 2" pour recevoir les effets d'un sacrement, il faut admettre avec une ferme confiance qu'on les j-eçoit : la première est contraire à la bulle Unigenitus, de

LE PROTESTANTISME. 20o

Clément VI; la seconde, à l'iicriture. Tandis que, par la première, Luther rejetait l'autorité du pape, il essayait de prouver la seconde par des textes de la Bible ; il confondait la foi avec l'espérance, et la certitude universelle du jugement sur la rétribution divine en général avec la certitude spéciale qui est en nous. Comme il semblait aboutir à une discussion savante, le légat interrompit le débat par de paternels avertissements. Le 13 octobre, Luther parut de nouveau devant le cardinal, essaya, par une contestation dont il donna lecture, de sous- traire l'affaire aux mains du pape et de la soumettre aux universités (Lœscher, II, p. 463), proposa d'exposer par écrit ses vues sur les indulgences et sur la foi, ce qu'il fit le lendemain. Le légat ne pouvait qu'insister pour qu'il se soumit ; il lui fit sentir en quelques mots la faiblesse des nouveaux arguments par lesquels il essayait d'interpré- ter dans sou sens la bulle de Clément VI, et finit par lui ordonner de ne plus paraître devant lui avant qu'il eût changé de sentiment. Ainsi se terminèrent les conférences verbales. Cajétan essaya encore, par l'entremise de Staupitz et de W. Link, d'agir sur cet hérétique opi- niâtre, lequel ne donna que temporairement une rétractation par- tielle. L' « Appellalio a legato ad Papam et a Papa non bene infor- mato ad melius informandum », rédigée devant notaire, était datée du 16 octobre (Le Plat, II, p. 11-16 ; 0pp. Luth., I, p. 193). Le 17 octobre, Luther écrivit au cardinal, vanta son affabilité, demanda pardon des discours violents qu'il avait prononcés contre le pape, promit de ne plus parler des indulgences, si on imposait silence à ses adversaires; mais il refusa, comme contraire à sa conscience, toute rétractation, jusqu'à ce que l'Église eût prononcé, afficha son mépris pour saint Thomas et la scolastique (Le Plat, II, p. 16-18; Luth. 0pp. I, p, 192). Cajétan ne pouvait pas se tenir pour satisfait, d'autant que Luther n'avait pas attaqué seulement les indulgences, mais encore d'autres doctrines de l'Eglise, et que le silence n'eût contribué qu'à multiplier les erreurs et à dénaturer le dogme. Staupitz, qui n'avait pas de sauf-conduit, sortit d'Augsbourg sans prendre congé du cardinal ; Luther eu fit autant, mais il lui adressa ses adieux dans une lettre du 18 octobre (Le Plat, loc. cit., p. 18 et suiv.; Op. Luth., I, 192). Il essaya de justifier «a conduite, appela de lui, comme d'un juge suspect, et du pape mal renseigné au pape mieux informé (Pallav., I, c. IX, n. 5 et suiv.; c. x, n. 1-7). Selon quelques récits, Cajétan avait pris des mesures pour s'emparer du moine récalcitrant, et il y serait par- venu, si le bourgmestre d'Augsbourg, Langermantel, n'eût fait évader Luther par une porte dérobée. Voy. Ranke, Deutsche Gesch. im Zeital- ter der Reform., 2'= éd., I, p. 39.o.

206 HISTOIRE DE L*ÉGLISE.

Le prince électeur Frédéric favorable à Luther.

11. Le cardinal, mécontent du départ soudain de Luther, représenta au prince électeur de Saxe les dangers de la nou- velle hérésie, le pria d'envoyer Luther à Rome ou de le bannir de ses États, et en tout cas de lui retirer sa protection. Fré- déric, consulté par Staupitz et Spalatin, envoya à Luther la lettre du légat. Luther répondit à son seigneur en l'accablant de louanges, le demanda pour arbitre, et exalta son zèle pour la cause de Dieu. 11 l'adjura de ne pas permettre qu'un homme injustement persécuté par les dominicains parce qu'il était plus savant qu'eux, devînt le jouet de ses ennemis furibonds. Les professeurs de l'université de Wittenberg intervinrent aussi, quoique timidement et sous condition , en faveur de leur collègue.

Travaillé de divers côtés et devenu méfiant à l'égard du car- dinal, Frédéric lui répondit qu'il avait rempli sa promesse en envoyant Luther à Augsbourg ; il avait espéré que le cardinal l'instruirait et le déciderait à se rétracter; du reste, ajoutait-il, la doctrine de Luther était approuvée de beaucoup de savants, et il ne pouvait pas priver son université d'un homme si instruit, tant qu'il ne serait pas établi par des preuves ou par le juge- ment des universités invoqué par lui qu'il était réellement punissable. Luther, de son côté, essaya d'échapper à la con- damnation dont il était menacé à Rome, par un appel au futur concile général, qu'il mettait au-dessus du pape (28 no- vembre 1518).

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE \i.

Cajétan à l'électeur Frédéric, 25 oct.; Luther au même, 19 nov. 1518 : Le Plat, p. 19-21, 26-36; Pallav., I, xi, n. 1-9; Œuvres de Lullier, th. XV, p. 195. Intercession des Vittenbcrgeois auprès de Frédéric, 23 nov. : Le Plat, II, p. 36 et suiv.; Luth. 0pp. I, 202. Appel de Luther, du 28 nov. : Lœscher, 11, p. bOO et suiv.; Le Plat, p. 37-42; Pallav., [, XII, 1. Frédéric à Cajétan, d. d. Altenbourg, 8 déc. 1Ö18 : Le Plat, p. 42 et seq.; 0pp. Luth., l, p. 197.

Bulle sur les indulgences. Mission de Miltiz.

12. Cependant , des conseils plus modérés encore avaient prévalu à Rome. Une bulle publiée le 9 novembre traitait de

LE PROTESTANTISME. ^07

l'utilité (les indulgences pour les vivants et pour les morts, développait les principes dogmatiques sur lesquels elles s'ap- puient, et frappait d'excommunication leurs adversaires. Elle devait enlever à chacun tout prétexte d'ignorer la doctrine de l'Église romaine. Le nom de Luther n'y figurait point. Elle parvint à Linz au cardinal Cajétan, mais elle n'y fut publiée que le 13 décembre. Elle manqua une partie de ses effets, parce que l'on connaissait déjà l'appel de Luther, parce que les nom- breux partisans du hardi novateur exerçaient leur influence, et aussi parce qu'elle se bornait à justifier les indulgences, que plusieurs considéraient comme un moyen de fournir des res- sources aux papes et aux dominicains. On attribua la décision de Léon X à la pression exercée par les frères prêcheurs ; on prétendit qu'elle était partiale et qu'elle avait été arrachée par la force.

Le pape dépêcha en outre son caraérier Charles de Miltiz, Saxon d'origine, dont le père était bailli à Meissen et à Pirna, pour tâcher de gagner le prince électeur Frédéric, à qui il fit remettre la rose d'or bénite , en le priant d'apaiser la dispute et d'entamer de nouvelles négociations. Les manières affables et engageantes de Miltiz , sa connaissance des affaires alle- mandes, la faveur que lui témoignait la cour de Saxe, sem- blaient le rendre éminemment propre à cette mission; mais son défaut de fermeté et de réserve, son excessive condescen- dance, ses allées et venues incessantes, affaiblirent son crédit et accrurent l'audace de Luther.

Frédéric de Saxe se comporta avec beaucoup de réserve en présence de l'envoyé du pape. Devenu vicaire de l'empire après la mort de l'empereur Maximilien , il déploya une grande ardeur pour les intérêts de son pays et de son université. Luther s'aboucha avec Miltiz à Altenbourg (janvier 1319); il rejeta toute la faute sur le pape, sur l'archevêque de Mayence et sur Tetzel. La seule concession à laquelle il se prêta, fut de laisser tomber la dispute, si ses adversaires se taisaient ; mais il refusa de se rétracter. Il voulut ensuite écrire au pape une lettre pleine d'humilité, expliquer au peuple dans un écrit l'obéissance qui est due à l'Éguse romaine, les commandements de l'Église, les indulgences et le culte des saints ; il demanda en outre à se justifier devant un évèque d'Allemagne.

208 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Le 3 mars 4519, Luther essaya, dans une lettre pleine de docilité adressée à Léon X, d'excuser sa conduite antérieure, assurant qu'il n'avait jamais eu l'intention d'attaquer l'autorité du Saint-Siège, qui surpasse, à l'exception de Jésus-Christ, tout ce qui est au ciel et sur la terre. Il avouait que, dans sa brutale rudesse, il était allé trop loin contre l'Église romaine, et promettait d'engager le peuple, dans un écrit, à rendre à cette Église le respect qui lui est dû. Mais les lignes suivantes, qu'il écrivit quelques jours après à Spalatin, montrent combien il avait peu à cœur le respect envers le Saint-Siège : «Je ne sais si le pape est lui-même l'Antéchrist ou s'il n'est que son apôtre. »

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 12.

Consl. Cum postquam, ap. Le Plat, II, p. 21-25 ; 0pp. Luth., I, 203; Lœscher, II, p. 493 et siiiv.; Walch, L. W., th. xv, p. 736 et suiv. Dispositions au sujet do la bulle : Pallav., I, 12, n. 3-9. Tetzel, Nülzl. Urkunden zur Ref.-Gesch., I, p. 53, 56 et suiv., 62 et suiv., 71 et suiv., 84 et suiv., 109, 374 et suiv.; Kapp, Nachlese, 111, p. 238; Lœs- cher, III, p. 9 ; de Wette, I, p. 191 et suiv.; Seidemann, Miltiz, p. 6; Grœne, p. 154-163; Pallav., 1, c xu, n. 10; c. xni, n. 1 et seq.; c. xiv, n. 1 et seq. Lettre de Luther, du 3 mars 1519 : Lœscher, III, p. 92; Opp. I, 210 ; Le Plat, II, p. 44, 45.

Mort de Tetzel. Bravades de Luther.

13. Miltiz se conduisit avec beaucoup de dureté envers le dominicain Tetzel, alors malade. Après l'avoir mandé à Alton- bourg, il alla le trouver à Leipzig, il lui donna deux fois audience, ainsi qu'à son provincial Hermann Rab. Tetzel, qui avait défendu les intérêts du Saint-Siège, se voyait injustement persécuté et calomnié. Consumé de chagrin, plus affligé du sort de l'Allemagne que de ses propres souffrances, Tetzel était profondément attristé que Miltiz prêtât l'oreille aux bruits répandus sur son compte et le considérât en quelque sorte comme l'auteur de tout le mal. Luther lui-même, en qui la conscience semblait se réveiller, écrivit une lettre de consolation à ce vieillard, devenu la raillerie des enfants. Dans ce novateur fougueux, il y avait lutte entre l'intelligence et la conscience : tantôt c'était le respect de l'autorité de l'Église, non encore étouffé en lui ; tantôt la logique inexorable de son système qui

LE PROTESTANTISME. 200

l'emportait. Il avait souvent l'esprit perplexe, égaré, et ce n'était qu'après avoir longtemps combattu avec lui-même qu'il so mettait au-dessus de l'idée qu'il faut obéir à l'Église de Jésus- Christ. Des circonstances extérieures bâtèrent l'arrivée de cette phase psychologique, notamment le colloque de Leipzig, résultat de la polémique entre Eck et Carlostadt, puis la condam- nation de sa doctrine par plusieurs universités. A dater de là, il en vint à rejeter ouvertement toute autorité ecclésiastique. Tetzel, au contraire, y demeura fidèle. Lorsque Luther exprima à Leipzig le regret de ne pas y voir aussi l'inquisiteur, celui-ci était déjà au lit de la mort (il mourut en juillet ou en août 1519).

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 13.

Lettre de Herrn. Rab, 3 janv. 1519; Telzel, II, p. 106 et suiv. ; Lettre de Luther, 0pp. I, éd. Jen., prsef.; Lœsclier, III, p. 963 ; de Wette, I, p. 336; Grœne, p. 165-175.

La dispute de Leipzig.

14. Les évêques de Brandebourg et de Mersebourg s'étaient opposés à une dissertation scientifique demandée par le docteur Eck et acceptée par Luther et par Carlostadt après de nombreuses hésitations ; mais le duc George de Saxe, en sa qualité de souverain, garantit la sécurité des combattants et leur donna à Pleiszenbourg une salle pour tenir leur conférence. Des arbitres furent nommés pour fixer la forme de la dissertation, et des notaires pour la consigner par écrit. Après de longs pourparlers, les universités d'Erfurt et de Paris furent choisies pour arbitres du débat. Les propositions que l'on devait discuter furent imprimées et répandues par les deux parties. Beaucoup de savants, comme si le sort de l'Église avait se décider là, accoururent à la dispute de Leipzig, qui dura du 27 juin au 15 juillet 1519.

Eck discuta d'abord victorieusement contre Carlostadt sur le libre arbitre et sur la part qui lui revient dans les bonnes œuvres. Carlostadt se laissa arracher un aveu qui dépassait les hmites de son système : il reconnut qu'il y a dans le libre arbitre une activité qui consiste à adhérer à la grâce; et c'est de quoi ni lui ni Luther ne voulaient d'ailleurs convenir. Lorsque Luther apprit la défaite de Carlostadt, il résolut de se

V. HIST. DE l'église. 14

210 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

mesurer lui-même avec Eck sur un autre sujet : la primauté du pape. Relativement à cette question, il rejetait les commen- taires des Pères sur l'Écriture, les décrets de Constance et l'infaillibilité des conciles généraux, bien que, d'après les con- ventions arrêtées, ils dussent être tenus comme hors de doute. Quand on lui reprocha d'être partisan de l'hérésie bohémienne, Luther tomba dans un violent accès de colère, vociféra en latin et en allemand, et chercha tous les faux- fuyants imaginables. Cette fois le monde entier put se convaincre de ses sentiments hérétiques.

Le duc George, stupéfait et hors de lui-même, s'écria en branlant la tête et les poings sur la hanche : « C'est l'effet de la rage. »

Suite de la controverse de Leipzig.

15. On disserta encore sur les points suivants : si les âmes du Purgatoire sont assurées de leur salut, si elles méritent encore et peuvent satisfaire pour elles-mêmes; si les indulgences sont utiles; si la pénitence doit commencer par la crainte ou par la charité; si un simple prêtre peut ab- soudre seulement du péché et non de la peine. Le 14 juillet, Carlostadt poursuivit la discussion sur le libre arbitre; et, bien qu'il émit des propositions tout à fait insoutenables, il montra plus d'habileté que la première fois. Quant à Luther, il n'at- tendit pas la fin de cette discussion, qui durait depuis dix-sept jours à Leipzig et occupait plusieurs heures de la journée : il n'était pas content de l'accueil qu'il avait reçu dans la ville, ni surtout du résultat obtenu et des honneurs qu'on rendait à son adversaire.

Comme il fallait encore envoyer les actes aux deux univer- sités choisies pour arbitres, les deux parties, après la clôture des conférences, retournèrent chez elles. Ces disputes eurent au moins l'avantage d'affermir dans la foi catholique le duc George, la ville et l'université de Leipzig, et de mieux dessiner la position des deux parties. Pendant que les deux universités faisaient attendre leur jugement on ne connaît point celui d'Erfurt, et celui de Paris n'arriva qu'on 1521 les univer- sités de Cologne (30 août) et de Lonvain (5 novembre 1510) censurèrent les assertions hérétiques de l'augustin de Witten-

LE PROTESTANTISME. 211

berg, ce qui ne fit qu'accroître sa fureur. Les Wittenbergeois essayèrent de regagner le terrain perdu en publiant sur les points de controverses déjà discutés à Leipzig des récits ils présentaient naturellement la question sous un jour qui leur était favorable. De nouveaux écrits de controverse furent publiés, du côté des catholiques, par Jérôme Emser, secrétaire privé du duc George ; du côté de Luther , par Philippe Schwarzerd (Mélanchthou), qui, à la suite d'une dispute dont l'éclat et la publicité ne firent que répandre davantage la nou- velle doctrine, se rattacha à elle et devint un de ses plus notables représentants.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N^^ 14-15.

Actes, dans Lœscher, III, p. 203 et suiv.; Walch, L. W., th. xv, p. 954, 992 et suiv.; Cochlœus, de Act. Luth., an. 1519; Bzov., ad h. a., n. 22-30; Pallav., I, xiv, 8 et seq., c. xv-xvn; Seidemann, die Leipziger Disput, nach bisher unbenutzten Quellen, Dresde, 1843; Riffel, I, p. 80-94 (2'= éd., p. 134 et suiv.); Wiedemann, Dr. E. Eck, p. 75 et suiv.; Catholique, 1872, II, p. 297 et suiv., 531 et suiv.; Albert, Aus welchem Grunde disputirte J. Eck gegen M. Luther in Leipzig? (Zlschr. f. bist. Theol., 1873, III) (très partial, appuyé sur les dires de Luther et des siens); Janssen, II, p. 83 et suiv. Contra la thèse : « Nostrum liberum arbitrium in actibus bonis nihil operari, sed eos in se recipere tamquam potenliam mère patientem », Eck allé- guait l'Ecclésiastique, xv, 14-18, la parabole des talents, saint Am- broise et autres Pères, et réfutait ces faux-fuyants que les textes ne parlent pas « de homine lapso », que les objections ne répondaient pas directement aux thèses, ainsi que les arguments adverses, ces derniers surtout, par des textes de la Bible qui font ressortir le con- cours de l'homme (Si gratia mecum operatur, ergo non ipsa sola operatur; si ego a Deo adjuvor, ergo simul operor pro mea parte : quicumque enim adjuvatur, oportet aliquid de suo conférât) et attri- buent l'œuvre tout entière à Dieu (ajoutez : « Quamquam totum opus Dei sit, non tamen totaliter, quemadmodum totum pomum efiicitur a sole, sed non a sole totaliter et sine plantœ efficientia. » Cf. Pallav., I, xvu, 2) ; il admettait le concours des deux opérations divine et humaine. Carlostadt ne l'emporta sur Eck qu'au sujet d'une remarque critique relative à la lettre à Démétriade, attribuée à saint Jérôme. Eck croyait, avec Érasme, que c'était une œuvre pélagienne. Sur toutes les grandes questions il fut battu par son éminent adversaire (fiuericke, III, p, 38); ajoutez qu'u était inquiet et servilement attaché à ses livres et cahiers. Contre cette thèse de Luther, 13 ;

212 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

« Rom. Ecclesiam esso omnibus aliis superiorem probatur ex frigidissimis Rom. Pontificum decretis citra quadringenlos annos natis , quibus adversantur historiée approbatee mille ac centum annorum, textus Scripturse divinae et decretum Nicseni Concilii omnium sacratissimi », Eck citait les textes de l'Écriture et des Pères en faveur de la primauté. Luther rejetait l'exégèse patris- tique, soutenait que Jésus-Christ, par le mot « petra » (Matth., xvi, 18), entendait sa personne, et il invoquait le c. m, d. 99 : « Ne primae sedis episcopus (in Africa) appelletur summus sacerdos vel princeps sacei'dotum. » Quant à cette addition : « Ne etiam Rom. episcopus dicatur episcopus universalis », elle n'est pas du concile d'Afrique, mais de Gralien, qui la donne comme l'abrégé des canons suivants, iv et vi, de Pelage II et de Grégoire I"; et c'est ce qu'ou- blièrent à la fois Eck et Luther. Eck expliqua correctement les pas- sages des deux papes : « Recusatum ab illis Pontiücibus titulum, quasi videbatur significare, solum episcopum et Patriarcham Rom. potiri dignitate ac jurisdictione episcopali ac patriarchali. » Voyez ci-dessus, II, § 225. A cette objection de Luther que personne ne pouvait être assez insensé pour douter que l'évûque de Rome fût seul évoque, Eck répondit : « Le fait d'une pareille folie est attesté par Occam, Alvarus, Turrecremata; les papes avaient clairement indiqué la raison qui leur faisait rejeter le titre d' « universel », bien qu'il put leur revenir en toute justice et qu'on les eût déjà appelés ainsi. La formule « Episco- pus Ecclesiee universalis » était préférable. Lorsque Luther voulut conclure de la citation du concile de Chalcédoine que la primauté n'émanait que du droit civil, Eck le nia résolument, et il prouva qu'elle était supposée par tous les conciles. 11 invoqua le c. xi Décret., c. ii, q. 6, de Grégoire IV, passage adopté par les deux partis comme un témoignage de Grégoire 1"'. On discuta aussi sur le concile de Nicée et principalement sur celui de Constance. Comme on opposait à Luther (n. 7, 9, 10, 13) les articles de Hus qui y furent condamnés, il chercha mille échappatoires : a) il était fort possible que les actes eussent été altérés par un imposteur ; 6) les doctrines de Hus étaient interdites, mais non toutes condamnées comme hérétiques ; c) les conciles pou- vaient aussi se tromper, surtout dans les choses qui ne regardent pas la foi ; d) plusieurs des articles de Hus étaient vraiment catholiques, tels que les articles 1-4 ; e)au concile de Constance, c'étaient les adula- teurs du pape qui avaient eu la prépondérance (!). Eck répondit : Si les conciles œcuméniques sont sujets à l'erreur, tous les articles de foi sont incertains ; aucun concile n'est moins suspect de flatterie envers les popes que celui de Constance, lequel a du reste condamné Hus alors qu'il n'y avait point de pape; les articles condamnés sont positivement contraires à la foi. Dans la controverse sur la thèse xiii

LE PROTESTANTISME. 213

de Carlostadt : « Liberum arbitrium, opérande quod in se est, non posse anferre impedimenta gratise », et sur la thèse ii de Eck : « Quamvis pec- cata venialia sint quotidiana, tarnen negamus, justum peccare semper in quolibet opère bono, etiam bene merendo », Carlostadt traite cette dernière proposition de présomptueuse, impie et hérétique, et il invoque l'Eccles,, vu, 21. Eck répondit qu'il y avait « fallacia ab universaülate suppositorum ad universalitatem temporum; peccare quidem omnem justum, sed non omni tempore ». Cf. Pallav., I, xv, 10, il. Luther à Spalatin (Lœscher, III, p. 233 et suiv.) : « Interim tarnen ille (Eck) placet, triumphal et régnât, sed donec edideriraus nos nostra. Nam quia maie disputatum est, edam resolutiones denuo. Lipsienses sane nos neque salutarunt neque visitarunt, ac veluti hostes invisissimos habuerunt; illum comitabantur, adhaerebant, conviva- bantur, invitabant, denique tunica donaverunt et schamlotum addi- derunt, cum ipso spaciatum equitaverunt, breviter quidquid potue- runt, in nostram injuriam tentaverunt. » Sur le résultat, voy. aussi Pallav., I, XVI, 18; xvii, 6. Censura Univ. Colon, et Lovan. : du Plessis d'Arg., I, II, p. 358-361 ; Le Plat, II, p. 45-50. Lettre du cardinal de Tortosa à l'université de Louvain, 4 déc. 1519 : Luth. Op. I, 465; Le Plat, H, p. 50, 51. Écrits de controverse sur cette dispute : Pallav., I, XVII, n. 1 et seq.; Wiedemann, Eck, p. 139 et suiv. Pamphlets contre Eck : 1" Eccius dedolatus, par Willibald Pirkheimer, encore partisan de Luther; Canonicorum indoctorum (le frère Adelmann) Respon- sio ad Eccium, par Œcolampade : Lœscher, III, p. 935 et suiv.; Walch, Œuvres de Luther, th. xv, p. 1513 et suiv. Jérôme Emser (Lie. jur. can.), fort versé dans la théologie classique et orientale, écrivit : « De disputatione Lipsiensi, quantum ad Bohemos obiter deflexa est » (août 1519); Luther l'attaqua dans« Responsio ad. EgocerotemEmserianum », et Emser répliqua par : « A venalione Lutherana .,f]gocerotis assertio » (nov. 1519) : Luth., Opp, I, éd. Jen.; Lœscher, t. IV. Emser composa en outre une biographie de saint Bennon de Meiszen, les écrits « de Cauone Missae » et « Assertio Missse », écrit sur l'interdiction de la traduction de la Bible par Luther (Leipzig, 1523), et une traduction allemande du Nouveau Testament (Dresde, 1527).

Mélanchthon.

16. Mélanchthon, parent du savant Reuchlin, fils d'un armurier, était à Bretten, dans le Palatinat du Rhin, le 16 février 1497. Il fit ses premières études à Pforzheim, et publia à Heidelberg, en 1513, une grammaire grecque. Docteur depuis 151 4, il s'était fait un nom célèbre parmi les humanistes, surtout par ses leçons sur Aristote et autres classiques. Appelé

2li HISTOIRE DE l'ÉGLISR.

à Wittenberg comme professeur de littérature grecque, il remplit cette charge jusqu'en 1524, et fut ensuite, quoique marié depuis 1520, nommé professeur de théologie. Il n'avait ni la franchise, ni la rudesse, ni l'âpreté de Luther; il était plus poli, plus souple, plus dissimulé, et avec cela plus calme et plus prudent. Il rédigea sur la dispute de Leipzig un rapport succinct et non exempt de partialité, puis différents autres écrits favorables aux idées nouvelles.

Le bon sens de la multitude était égaré : plusieurs se figu- raient que les actes de la dispute devaient contenir tout ce qui pouvait être dit pour la défense de l'Église, et ils se scandali- saient quand toutes les preuves de Eck n'étaient pas également solides. Luther, de son côté, oubUa bientôt la défaite de Leipzig, et son audace ne fit que s'accroître : c'est pourquoi il renonça à l'idée d'établir une distinction entre l'Église romaine comme épouse de Jésus-Christ et la curie romaine avec les mauvais fruits qu'elle portait. Déjà le siège pontifical lui apparaissait comme la chaire de l'Antéchrist vivant, la papauté comme une institution maudite de Dieu, et toute l'ancienne Église comme la Synagogue do Satan, vouée à la corruption et remplie de toute sorte d'impiétés.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N** 16.

Ph. Melanchlhonis 0pp., éd. Basil., 1541 et seq., ö t. in-f", rec. Peucer, Viteb., 1362 et seq., 4 t. ia-f° ; Corp. Reform., ed. Bret- sclmeider, t. I-X ; Melanchllx. 0pp., éd. Hal., 1834-58, 26 vol. in-4° ; Camerarius, de Ph. Mel. ortu, totius vitœ curric. et morte narratio, Lips., 1566; éd. Augusti, Vratisb., 1817. Camerarius a évidemment falsifié les lettres de Mélanchthon ; elles ont passé telles quelles de son édition dans le Corpus Reform, de Bretschneider (de Druffel e*' Vf. Mayer dans les Sitzungsberichten der Manch. Akad. d. Wiss. bist. CL, 1877, h. IV, p. 491 et suiv.; V, p. 596 et suiv.). Matthes, Phil. Mel., sein Leben und Wirken, Altenb., 1846, 2^ édit,; Galle, Charakteristik Mel. als Theol. u. s. Lehrbegriffs, Halle, 1846; Heppe, Mel., éd., Marburg, 1860; Maurer, Mel., Leipzig, 1860; Pressel, Mel., Stultg., 1859; Planck, Mel., prieceptor Germaniœ, Nœrdl., 1860; C. Schmidt, Mel. Leben u. ausgew. Schriften, Elberfeld, 1861. Dœllin- ger, Ref., I, p. 349 et suiv.; III, p. 274 et suiv. Luther, selon Aurifa- ber, aurait écrit sur la table : « Res et verba Philippus, verba sine re Erasmus, res sine verbis Lutherus, nec rem nec verba Carlostadius. » Mélanchthon passe pour « le principe féminin à côté du principe mas-

LE PROTESTANTISME. 213

culin dans la procréation de la Réforme » (Guericke, III, p. 39 et suiv.). Le premier grand ouvrage de Mélanchthon sur la Réforme fut l'écrit pseudonyme intitulé (Didymi Paventini) Oratio pro M. Luthero Theol., de févr. 1521 (0pp. Mel., I, 286 et seq., ed. Bretschn.).

Audace croissante de Luther.

17. Tout contribuait à rendre de plus en plus hardi et téméraire l'hérésiarque encore timide dans le principe : l'aver- sion contre Rome, alors très répandue en Allemagne; l'inac- tion et la versatilité de la plupart des évêques allemands; la popularité dont lui, Carlostadt et Mélanchthon jouissaient, et qui dès le commencement de 1520 attira quinze cents étudiants à Wittenberg; les témoignages d'assentiment et d'admiration qui lui arrivaient de tous les pays; la vogue prodigieuse de ses écrits ; les excitations et les encouragements des hussites de Bohème, avec lesquels il entama une corres- pondance épistolaire; les offres de protection et d'asile que lui firent Franz de Sickingen et d'autres chevaliers; les dispo- sitions bienveillantes de son prince électeur, qui continua d'exercer la plus grande influence même après l'élection (28 juin 1519) et pendant le séjour de Charles-Quint en Espagne, et qui fut encore encouragé dans la protection qu'il accordait au novateur par une lettre d'Érasme, dont l'opinion prévalait alors sur celle de toute une université ; l'attitude peu digne de Charles de Miltiz, qui prenait devant Luther la posture d'un suppliant.

Dans son arrogance, Luther vomissait des torrents d'injures contre les facultés théologiques qui le censuraient ; contre les franciscains, qui, après avoir, dans leur chapitre de Jüterbogk, recueilli quatorze erreurs contenues dans ses écrits et les avoir remises à l'évêque de Brandebourg (commencement do 1519), perdirent bientôt courage et négligèrent cette affaire ; contre le docteur Eck, qui commenta à son tour ces quatorze articles. Lu- ther poussa l'effronterie jusqu'à remettre au camérierdu pape son écrit de la Liberté d'un chrétien , avec une lettre pour le souverain pontife (du 1 1 octobre, al. 6 avril 1 520), il épanchait son venin contre Rome et contre ceux qu'il qualifiait d'adula- teurs du pape, s'apitoyait sur la personne du pape, « cet agneau au miUeu des loups » , déchargeait sa haine contre Cajétan et

216 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Eck avec l'étalage d'un orgueil effréné. Il engageait le pape à descendre de son siège pour vivre d'une petite prébende ou de son patrimoine; il ne faisait entrevoir sa soumission que pour le cas on ne lui demanderait plus de changer de doctrine et l'on ne lui tracerait pas de règle pour l'explication de l'Écri- ture sainte. Tout autre ambassadeur eût refusé de se charger d'un écrit aussi grossièrement offensant; Miltiz, homme sans tact, accepta cette mission.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 17.

Correspondance de Luther avec les hussites : Lœscher, III, p. 699 et suiv.; Riffel, I, p. 88 et suiv.; éd., p. 151 et suiv. Lettres du prince électeur de Saxe : Walch, Œuv. de Luth., t. XV, p. 337, 1665; lettre à Beit Dietleben, à Rome, 1" avril 1520, 0pp. Luth., II, 255 j Le Plat, II, p. 31-53 ; Erasm. ep., p. 317, 325. Érasme, qui, par la forme et le fond de ses écrits, notamment par ses mordantes satires et l'esprit de doute qu'il éveillait, préparait les voies à Luther, approuva ici (dès 1518j sa première démarche (voy. Hess, Érasme, sa vie et ses écrits, Zurich, 1790, II, p. 17, en allem.); en 1519, il répondit amicalement à la lettre flatteuse de Luther, et se borna à lui recommander la modé- ration ; il loua son Commentaire sur les Psaumes, déjà farci de doc- trines hétérodoxes. A l'occasion de sa dédicace de Suétone, il engagea le prince électeur à ne s'associer à aucune mesure de violence contre Luther, et s'exprima sur lui en termes très favorables (Extrait, dans Seckendorf, Hist. Reform., Il, 111. Voy. Lœscher, III, p. 114). Il crut longtemps que tout le crime de cet auguslin était de s'être attaqué à la couronne du pape et aux ventres des moines. Il ne changea d'opi- nion que dans la suite. Voy. Dœllinger, Ref., I, p. 1 et suiv.; Vita Erasmi, par lui-même et par Beatus Rhenanus, Er. 0pp., éd. Clerici, t. I; de Burigny, Vie d'Érasme, Paris, 1757 (en allem., par H. P. K. Henke, Halle, 1782, 2 vol.); A. Müller, Leben d. Erasmus, Hamb., 1828 ; Pallav., I, xxiii, n. 4 et seq.; Janssen, II, p. 1 et suiv. Attitude de Miltiz : Lœscher, II, p. 552-560 ; III, p. 820-847; Walch, L. W, t. XV, p. 808 et suiv.; Pallav., I, xviii, 1 ; Riffel, 1, p. 123 et suiv. Luther contre les universités de Cologne et de Louvain : Walch, loc. cit., p. 1598 et suiv. Les quatorze erreurs l'ecueillies par les franciscains, dans Lœscher, III, p. 114 et suiv. Troisième lettre de Luther au pape : Walch, loc. cit., p. 934 et suiv.; de Weite, I, p. 497 et suiv.; Luth. 0pp. I, p. 432 ; Le Plat, II, p. 53-59. Luther antidata la lettre et la mit avant la publication de la bulle d'excommunication. Voy. Pallav., I, xvni, n. 1-3; Riffel, I, p. 151 et suiv.; éd., p. 221 et suiv.

LE PROTESTANTISME. 217

Écrits de Luther.

18. En vain le docteur Eck avait appelé l'attention de l'électeur de Saxe sur les nombreuses et grossières erreurs de Luther : en janvier 1 520 il partit pour Rome, afin d'y exposer la situation de l'Allemagne et de solliciter une condamnation qu'on ne pouvait plus guère ajourner. Luther lui-même la considérait comme iné- vitable, et ce fut pour en atténuer les effets qu'il composa son « discours sur l'excommunication », entièrement conforme aux idées de Hus. Tandis qu'à Rome on extrayait les plus graves erreurs contenues dans ses écrits, avec le concours des meilleurs théologiens (Pierre d'Accoltis, évèque d'Ancône, Cajétan, Jaco- vacci, Gilles de Viterbe, etc.), Luther rédigeait deux livres dans lesquels il dépassait tout ce qu'il avait écrit jusque-là, et s'effor- çait de ruiner de fond en comble tout l'enseignement de l'Église sur les sacrements, le sacrifice de la messe, les vœux solennels et la primauté : c'étaient ses écrits sur la messe, puis son traité de la Réformation de l'État chrétien (juin 1520), adressé à l'em- pereur (avant son couronnement, 22 octobre 1520, et demeuré sans réponse) et à la noblesse de la nation allemande.

Venait ensuite l'infâme pamphlet de la Captivité de Babylone, il renversait toute la hiérarchie de l'Église, niait surtout le sacerdoce extérieur, exaltait outre mesure le sacerdoce général de tous les fidèles, exhortait l'empereur à dépouiller le pape de son autorité temporelle et spirituelle, à supprimer les subsides qu'on envoyait à Rome, le célibat du clergé, les préceptes du jeune et de l'abstinence, les messes pour les défunts et les jours de fête. Aucun pape, aucun évêque, aucun homme au monde, disait ce nouveau fléau de la terre, n'a le droit d'établir une seule syllabe contre un chrétien, à moins que celui-ci n'y con- sente ; tout ce qui se fait autrement, se fait dans un esprit de tyrannie ; il faut détruire et transformer la plupart des livres les plus en vogue et presque tout l'édifice extérieur de l'ÉgUse. Les précédents hérétiques avaient déjà émis les diverses propo- sitions que Luther prétendait avoir tirées de la Bible, son seul guide : aussi étaient-ils considérés par les siens comme les pré- curseurs de la Réforme.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 18.

Lettre de Eck à Frédéric : Walch, loc. cit., p. 1333 et suiv. Élection

218 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de Charles-Quint : Robert Rosier, die Kaiserwahl Caris V, Vienne, 1868. Lettre de Luther à l'empereur, du 30 août, selon Brant ; du 15 janvier 1520, selon de Wette (de Wette, I, p. 392, 482). Burkhardt, M. L. Briefwechsel, p. 25; Walch, loc. cit., p. 1636. Comp. Riffel, I, p. 103 et suiv. Le même, dans Pallav., I, xxvi, 1, dit que la lettre citée de Luther a été révoquée en doute, mais elle est certainement authen- tique. Voy. Lsemmer, Mon. Vatic, append., I, p. 442. Luth., de Captivitate babylonica, 0pp. I, in-f°, 288, a. Flaccius lUyricus (Catalo- gus testium veritatis) et les suivants ont recherché les précurseurs de Luther : G. Arnold, Hist. et Descriptio theol. myst., Francof., 1702, p. 306 ; Flathe, Gesch. der Vorlœufer der Reformatoren.

Luther condamné par Léon X.

19. Sur ces entrefaites, la bulle pontificale avait été publiée le 46 mai (en réalité le 15 juin). Elle condamnait quarante et une propositions de Luther, ordonnait de brûler ses livres et lançait contre lui l'anathème, s'il ne se rétractait dans l'espace de soixante jours. Le pape l'adjurait, lui et ses partisans, par le sang du Rédempteur, de ne pas attenter davantage à la vérité de la foi et à la paix de l'Église ; il rappelait les ménagements dont ils avaient été l'objet, les informations exactes qui avaient eu lieu, et le devoir imprescriptible qui obligeait le chef de l'Église à combattre ces funestes doctrines. Les propositions condamnées roulaient sur le péché et ses suites, sur la contri- tion et la pénitence, sur le purgatoire et les indulgences, sur les sacrements en général et l'Eucharistie en particulier, sur la primauté, les conciles, l'excommunication, la punition des héré- tiques, la guerre contre les Turcs. Ces quarante et une proposi- tions, qui étaient loin de contenir toutes les erreurs que Luther débitait déjà à cette époque, étaient les unes manifestement hérétiques, les autres scandaleuses au suprême degré ; toutes jaillissaient du système du novateur, qui chaque jour se déve- loppait avec plus de clarté. Luther ne s'atlaquait point à quelque article isolé de la foi ; il renversait l'édifice entier du dogme catholique, afin d'en ériger un nouveau sur ses débris.

Ouvrages a consulter sur le 19.

Const. Exsurge Domine, dans Rayn., an. 1520, n. 51 et seq.; Ilard., Conc, IX, 1895 et seq.; du Plessis d'Arg., I, n, p. 361-364; Le Plat, II, p. 60-72 ; Bull. Rom., éd. Taur., V, 748 et seq.; Denzinger, Enchir.,

LE PROTESTANTISME. 210

doc. 80, n. 625 et seq. Cf. Pallav., I, xx, n. 3-6; Bossuet, loc. cit., I, § 24 et seq.

Système de Luther.

20. Le système de Luther était un mélange de mysticisme religieux et panthéiste. Tout, selon lui, est soumis à une nécessité divine inéluctable; les actes de l'homme ne sont au fond que des actes de Dieu ; l'homme n'a aucune Uberté, non seulement dans l'état de nature déchue, mais encore dans l'état de justification; Taccomplissement des commandements de Dieu lui est impossible; le péché ne peut être effacé en lui, même après la rédemption ; il se mêle à toute espèce de bien, et le juste lui-même pèche dans chaque bonne œuvre qu'il fait.

2" L'état heureux se trouvait Adam était un état naturel, ou plutôt essentiel à sa nature; l'homme, en perdant cet état, a perdu une partie intégrante de son être et a reçu une nature opposée. L'homme déchu, devenu radicalement mauvais, ne peut que faillir en faisant usage de ses forces. Tous les péchés sont des manifestations, des fruits du péché originel. Toutes les actions des païens sont des péchés.

Quand le pécheur est ébranlé par la prédication de la loi que chacun de nous a conscience de ne pas accomplir, et qu'il est proche du désespoir, l'Évangile lui est annoncé, et il reçoit la consolation que Jésus- Christ a effacé les péchés du monde. Plein de terreur et de crainte, il s'approprie les mérites du Sauveur par la foi, qui seule justifie, et Dieu le déclare juste en vue de ces mérites, bien qu'il ne le soit pas en réalité; dans cette renaissance, œuvre de Dieu seul, l'homme est purement passif. Aussi nul homme ne peut s'attribuer aucun mérite, et cependant chaque fidèle est assuré de son salut. La foi qui justifie n'est pas cette foi qu'anime la charité, comme le veu- lent les catholiques; c'est la confiance en Jésus-Christ, dont les mérites nous justifient, quelque grands péchés que nous commettions.

4"* Et puisque la foi seule justifie, les sacrements ne peuvent plus être le canal, la condition de la grâce justifiante; ils sont simplement des signes attestant notre foi en la promesse que Dieu nous a pardonné nos péchés en vue de Jésus-Christ et nous a adoptés pour enfants, à moins qu'ils ne soient peut-être

220 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

d'invention humaine. Ils opèrent en proportion de la foi de celui qui les reçoit; ils n'ont point de valeur objective. Ainsi disparait la différence essentielle entre les sacrements de la loi ancienne et les sacrements de la loi nouvelle.

Luther rejette tous les sacrements, à l'exception de trois tout au plus (et ces trois ne sont pas indispensables) : il ne reste donc que le Baptême, qui est le sceau, la cédule de la rémission des péchés; l'Eucharistie, sur laquelle Luther a successive- ment émis différentes doctrines, mais en rejetant toujours la transsubstantiation et le sacrifice de la messe; la Pénitence, dont les parties constitutives se réduisent à la terreur de la conscience et à la foi. Quant à l'absolution, elle n'est qu'une simple déclaration que les péchés sont remis : tout chrétien peut la donner.

6** L'état ecclésiastique et la hiérarchie, surtout la primauté du pape, ne sont pas seulement superflus, mais condamnables ; tous les chrétiens ont le même pouvoir sacerdotal, la même autorité sur la parole divine et les sacrements. Les conciles eux-mêmes n'ont aucun pouvoir, aucun caractère obligatoire; Hus a été injustement condamné à Constance; les excommuni- cations n'ont aucun effet sur la vie religieuse, on doit plutôt les souhaiter que les craindre.

T Comme toutes les œuvres extérieures, les pratiques de pénitence, les vœux, les indulgences, n'ont aucune vertu- Luther blâmait vivement tout ce qui se faisait dans la chré- tienté, y compris la répression des hérétiques et la guerre contre les Turcs, qui était une résistance à la visite de Dieu.

S" Le purgatoire, dont il n'avait pas d'abord contesté l'exis- tence, fut rejeté, parce qu'on ne pouvait l'établir par les Écritures canoniques et qu'il dérogeait à l'œuvre de Jésus- Christ, qui seul délivre les âmes humaines sans le concours de l'homme. ij 9' L'idée de la communion des saints est une idée oiseuse, stérile. Luther recommande l'imitation des saints, mais défend de les invoquer, parce que Jésus-Christ est l'unique Médiateur.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 20.

Mœhler, Symbolique, 1830; éd., 1843, B. I; Hilger, Symbol. Theol., Bonn, 1841 ; Slaudenmaier, Philos, d. Christenlh., I, p. 684 et suiv.; Stœckl, Gesch. der Philos, des Mittelalters, III, p. 477 et suiv.; Riffel, I, p. 28 et suiv., 2«^ 6d, Vorreiter, Luthers Ringen mit den

hE PROTESTANTISME. 22l

anlichristl. Principien der Revol., Halle, 1861 ; Luthardt, die Ethik Luthers in ihren Grundzügen, Leipzig, 18ü7. 1) Pi'op. a Leone X damn., 2-4, 32, 36; Luth., de Servo Arhitrio, Opp. III, 170, ed. Jen.; in Gen. c. xix. OEuv. de Luther, éd. Wittenb., Ill, p. 162 ; VI, p. oOO- 502, 476; Dœilinger, Ref., III, p. 22 et suiv. 2) Luth., in Gen. c. in, Opp. I, 83; ed. Jen., VI; ed. Wittenb., 1580, p. 37 et seq.; Dœi- linger, Ref., III, p. 18 et suiv., 30 et suiv., 112 et suiv. Sur la « foi spéciale » comme confiance et certitude de l'état de grâce, ibid., p. 62 et suiv. Cette proposition : « Opera nihil sunt coram Deo aut omnia sunt cequalia, quantum ad meritum atlinet », fut qualifiée par la Sorbonne de « prop. falsa, sacris eloquiis adversa atque errori Jovi- nianistarum conformis ». Celle-ci : « Liberum arbitrium, dum facit quod in se est, peccat mortahter », de « prop. scandalosa, impia, in fide et moribus erronea » (du Plessis d'Arg., I, ii, p. 368, 373).

3) Contre la loi et iMoise, sur Gai. c. iv, éd. d'Altenb., VI, f. 735, b; Propos de table, éd. Eisleben, f. 168, a. Contre la « foi formée », Explication de l'Épitre aux Galates, f. 143; Dœilinger, III, p. 44 et suiv., 116 et suiv. En 1321, Luther alla jusqu'à dire : « Esto peccator et pecca fortiler, sed fortius fide et gaude in Christo (Epist. Luth., a Job. Aurifabro collectée, Jen., 1336, t. I, p. 343 ; de Wette, II, p. 37).

4) Prop. 1 a Leone X damn. : Walch, L. W., th. xix, p. 1180. Sur cette assertion (de Captiv. babylon.), que l'invention des sacrements était récente, les théologiens de Paris firent cette remarque : « Prop. innuens recenter ab hominibus esse sacramenta inventa et non a Christo instituta, est temeraria, impia et manifeste hœretica. » Cette proposition, que toute l'efficacité des sacrements résulte de la foi, fut qualifiée : « propos, efficaciœ sacramentorum novee legis impie deroga- toria et hseretica » ; et la proposition affirmant que la confirmation et l'extrème-onction n'ont pas été instituées par Jésus-Christ, fut appelée proposition hérétique, imitée des albigeois, des wicléfites et des héracléonites (du Plessis d'Argent., I, ii, p. 366 et suiv.). Sur le mariage, voy. ibid., p, 368, n. 13-13). Luther demandait en outre que « chacun gardât sa liberté à l'égard de tous les sacrements ; qu'on laissât en repos celui qui ne voulait pas se faire baptiser; que celui qui ne voulait pas recevoir le sacrement était libre ; que qui refusait de se confesser était libre, même à l'égard de Dieu » (Abhdlg. von "der Beichte, Altenb., 1" éd., p. 792. Cf. Dœilinger, III, p. 136 et suiv.). 5) Il n'attaque pas le baptême des enfants, sous prétexte que la foi de leurs parrains leur est imputée; mais il ne dit rien du cas les parrains seraient incrédules ou hypocrites. Suivant lui, la seule prépara- tion nécessaire à -l'Eucharistie, c'est la foi, et non la confession et la prière (prop. 13 damn. Cf. Determin. Paris., loc. cit., p. 371). 11 se prononça plusieurs fois pour la communion sous les deux espèces

222 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

(prop. 16), bien que son système ne l'y obligeât pas : car la foi peut aussi bien être vivifiée par une seule espèce que par deux, et même sans aucune. D'où vient qu'il disait plus tard (1523), dans son règle- ment de la messe « Si un concile permettait ou défendait les deux espèces, nous n'en accepterions qu'une seule, afin de braver le concile, ou nous n'en accepterions aucune, et nous maudirions ceux qui pren- draient les deux en vertu de cet ordre. » (Édit. allem, de Wittenb., VII, f. 367, b). Il n'était pas non plus nécessaire qu'après avoir rejeté la transsubstantiation, Luther acceptât encore une présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie (impanation ou consubstantiation) ; il n'y arriva que dans ses démêlés avec d'autres partis. Il rejetait le sacrifice de la messe comme un trafic diabolique, et il souhaitait que Dieu donnât à tous les pieux chrétiens un cœur tel, qu'en entendant lo mot « messe », ils fussent efi"rayés et se signassent comme devant une abomination satanique (Walch, t. XX, p. 1384. Voy. t. XVI, p. 2202; XIX, p. 1576). Il aimerait mieux, disait-il (t. XXII, p. 1236) avoir été un Ttopvoêouxôi;, que d'avoir blasphémé le Christ en disant la messe pendant quinze ans. L'Écriture, selon lui, ne permettait pas de considérer la messe comme un sacrifice, de l'oûrir pour les défunts, les pécheurs, etc.; les prêtres qui disaient la messe étaient des ido- lâtres. (Cf. Determ. Paris., p. 367 et seq.) Sur la pénitence, prop. damn. 5-14 : Dœllinger, Ref., III, p. 67-78. La Sorbonne condamna de la Captivité de Babylone les propositions, n. 18 : « Periculosum, imo falsum est opinari pœnitentiam esse secundam tabulam post nau- fragium » (prop. temeraria, erronea ac fatue asserta, ac B. Hieronymo illam ponenti injuriosa); n. 19 : « Qui sponte confessus seu correp- tus veniam petierit et emendaverit coram quovis privatim fratre, non dubito a peecatis suis iUuni esse absolutum » (prop. innuens laicos tam viros quam mulieres polestatem clavium habere est falsa, sacramentis ordinis et pœnitentiee contumeliosa et ha^retica, cum errore conveniens Waldensium et Quintillianorum). Luther disait : « Il n'est pas au pouvoir du pape, de l'évèque, du prêtre, ni d'aucun homme sur la terre, de remettre les péchés ; cela dépend uniquement de la parole de Jésus-Christ et de la foi individuelle. Les clefs ont été données non à saint Pierre, mais à vous et à moi. Quand je prêchais la rémission des péchés, je prêchais le véritable Évangile, car voici l'abrégé de l'Évangile : Qui croit en Jésus-Christ, ses péchés doivent lui être remis, de telle sorte qu'un prêtre chrétien ne saurait ouvrir la « gueule n sans prononcer une absolution. C'est ainsi que fait Jésus- Christ dans l'Évangile quand il dit : « Pax vobis. » (Éd. Wittenb., VII, 3, f.; VI, 137. Voy. aussi VII, 355 ; XX, 60). Les clefs sont données à la communauté intégrale de tous les chrétiens et d'un chacun, et cela non pas seulement en vertu d'un pouvoir (spécial), mais aussi

«

LE PROTESTANTISME. 223

selon l'usage cl de toutes les manières possibles (ibid., VII, 355). L'ab- solution papiste est une œuvre diabolique (ibid., VIII, 389 et suiv.). Cependant il ne voulait pas abolir la confession privée. De Captiv. babyl., II, 292 : « Occulta autem coufessio, quse modo celebratur, etsi probari ex Scriplura non possit, miro taraen modo placet et utilis, imo necessaria est, imo gaudeo eam esse in Ecclesia Cbristi. Cf. art. Schmalcald., p. III, c. vni. Le maintien de la confession, comme une œuvre purement extérieure, qui ne procure aucun changement dans l'état du pécheur, contraire à la liberté chrétienne et souverainement onéreuse, était une inconséquence : aussi ne put-elle se maintenir parmi les luthériens. Dans son traité sur la confession (éd. d'Altenb., I, p. 804 et suiv.), le réformateur dit que l'on doit se confesser au prêtre, non en tant que prêtre, mais comme à un frère et à un chrétien ordinaire. De à rejeter les trois parties qu'on avait admises de tout temps dans la confession, il n'y avait qu'un pas : la contrition lui semblait faire de l'homme un hypocrite, un pécheur (prop. 6, damnât., sur quoi la Sorbonne disait : « Prop. falsa, vise ad pœniten- tiam impeditiva, S. Scripturis et doctrinœ Sanctorum difforniis »); la confession au prêtre, inutile ; la satisfaction, une diminution des mérites de Jésus-Christ. 6) Cette proposition : « Sacramentum Ordi- nis Ecclesia Christi ignorât », fut qualifiée par la Sorbonne « hseretica, error Pauperum de Lugduno, Albigensium et Wiclefistarum. » Et celles-ci : « Omnes christiani habent eamdem potestatem in verbo et Sacramento quocumque Claves Ecclesise sunt omnibus communes Omnes christiani sunt sacerdotes » : Quaelibet harum trium propos, est ordinis hierarchici destructiva et hseretica (p. 367). II parle de l'ordination en termes bassement grossiers et injurieux : Luth., de Instituendis Ministris Eccles., 0pp. Il, 385, 2<= édit. d'Altenb., p. 492-315. Voy. ibid., I, p. 523. Sur les conciles, prop. 29, 30, damn. : Determ. Paris., p. 372 et seq. Le nom de concile, écrivait Luther en 1524 (Epp., ed Aurif., Il, 243), m'est aussi suspect et odieux que celui de « libre arbitre ». 11 blâme tous les conciles en particulier, et il dit que c'est une folie honteuse et daranable de « les honorer comme s'ils avaient le Saint-Esprit ». (Walch, t. XI, p. 1891 ; t. XIX, p. 1034.) Il reproche au IV« concile de Latran cette proposition : <( Divinam essentiam nec generari nec gene- rare » ; et au concile de Vienne celle-ci : « Animam esse formam sub- stantialem corporis humani ». Voyez là-contre Determ. Paris., p. 368 et seq. Voyez encore Wittenb. deutsche Ausg., VI, f. 244, a; Dœllinger, III, p. 193. Sur les excommunications, prop. 23, 24, damn. 7) Sur les vœux, Determ. Par., p. 368, 372; prop. 41, damn.; sur les indul- gences, prop. 17-22, damn. Punition des hérétiques : prop. 33. Guerre contre les Turcs : prop. 34. Cf. Pallav., I, xxv, 12. 8) Le

224 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Purgatoire, prop. 37-40, damn. Les articles de Schmalcalde (p. II, c. il, § 9) l'appellent déjà uue invention diabolique. Voy. Mœhler, Symbo- lique, § 52, p. 430 et suiv., éd.

Publication de la bulle d'excommunication. Elle est tournée en dérision et livrée aux flammes.

21 . Le docteur Eck fut associé aux légats du pape, Aléandre et Caraccioli, pour exécuter la bulle d'excommunication. Plu- sieurs virent en cela un manque d'égards pour les évêques d'Allemagne et la satisfaction d'une vengeance personnelle, d'autant plus qu'on reprochait au vice-chancelier d'Ingolstadt d'avoir, de son propre chef, étendu la bulle à différents parti- sans de Luther. En plusieurs endroits la publication de la bulle rencontra des difficultés : elle fut injuriée à Erfurt, à Torgau et à Leipzig ; à Naumbourg, elle ne fut pas publiée, mais bien à Cologne, Mayence, Meissen, Brandebourg, Mersebourg, Hal- berstadt, Eichstœdt et Freisingue. L'électeur de Saxe aurait voulu demeurer neutre; mais, cédant aux conseils d'Érasme, dont la conduite était singulièrement équivoque, il s'intéresssa vivement à son professeur, et soutint, contrairement à tous les principes de l'Église, qu'il fallait encore une fois confier l'examen de cette affaire à des juges impartiaux et commencer par réfu- ter la doctrine de Luther au moyen de l'Écriture sainte.

Le débauché Ulric de Hütten renvoya la bulle à Rome avec un commentaire malicieux et satirique. Luther lui-même l'envi- sageait comme un factum fabriqué en Allemagne ; il se répandit de nouveau en grossières injures contre le pape, qu'il qualifia d'hérétique endurci, d'apostat damné, d'ennemi et d'oppresseur de la sainte Écriture, de traître, de blasphémateur, de contemp- teur de l'Église chrétienne; il en appela de nouveau au concile général (17 novembre 1520), et rédigea contre la Bulle de l'Antéchrist un pamphet il dépassait toutes les bornes. Le JO décembre, devant les portes de Wittenberg, il brûla solen- nellement, avec la bulle du pape, le recueil des canons de l'Église et plusieurs écrits de ses adversaires. 11 déclara publi- quement qu'il ne s'agissait de rien moins désormais que d'abolir toutes les institutions et toutes les lois de l'Église, de créer une nouvelle théologie et une Église nouvelle. « Puisque tu as affligé le Saint du Seigneur (Martin Luther), » s'écria-t-il, « sois affligée toi-même et dévorée par le feu éternel. »

LE PROTESTANTISME. 525

Luther, après avoir annoncé cet autodafé dans un placard, s'en réjouit comme d'un véritable triomphe. Ses collègues et les étu- diants de Wittenberg l'applaudissaient ; le prince électeur et le conseil de la ville, qui déjà s'était signalé (1512) par son opposi- tion à l'Église, fermaient les yeux. Les luthériens renouvelèrent les mêmes scènes en différents endroits. Cependant le docteur Juste Jonas continua d'expliquer, même à Wittenberg, les dé- crétales des papes; comme ailleurs, on manquait d'esprit de suite et de principes immuables. Luther exhortait ses auditeurs à se garder de la tyrannie du pape, qu'il était urgent, disait-il, de brûler avec toutes ses doctrines. La société de Luther était le royaume de Dieu; la papauté, l'empire de Satan. Nulle paix n'était donc plus possible, et les choses semblaient parvenues au point Luther devait succomber comme un hérétique digne de malédiction, ou l'ÈgUse catholique périr tout entière.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 21.

Pallav., I, XX, 2 et seq., édit de Frisingue, 10 janv. 1521 ; du Plessis d'Arg., [, II, p. 364; Le Plat, II, p. 83 et seq.; Riffel, I, p. 235 et suiv. Attitude de l'électeur Frédéric : Pallav., T, xxiii, 8; Heinr. v. Zütphen, Kurze Erzœhlung der Handlung in Cœln, Walch, L. W., th. xv, p. 1919 et suiv.; Job. Sleidan, Ref.-Gesch., übers, v. J.-S. Semler, II, p. 125. Lettre du pape à Frédéric et à l'université de Wittenberg : 0pp. Lutb., II, 256; Le Plat, II, p. 72-74; Pallav., I, xxn, 1, 2. Lettre de Eck. aux Wittenbergeois, d. d. Leipzig, 3 oct. 1520 : 0pp. Lutb., éd. Jen., t. II, p. 469; Le Plat, II, p. 74. Le 5 novembre 1520, Érasme avait déclaré à l'électeur de Saxe que l'on combattait la doc- trine de Lutber pour des motifs inavouables, scandaleux pour tous les gens de bien ; que le mieux était de faire arranger cette affaire par des hommes prudents et non suspects (v. d. Hardt, Hist. litt. Reform., I, 104 et seq.). Sur la demande de Spalatin, il disait encore dans un écrit spécial : « Les plus pieux et les meilleurs bommes ont pris de la mauvaise bumeur, non par les doctrines de Luther, mais par les rudesses et les inconvenances de la bulle; deux universités l'ont condamné, mais non réfuté; le pape est plus soucieux de son honneur que de celui du Christ; on ne doit pas procéder contre les savants par la violence (Burscheri, Spic, XV, p. 23). Érasme redemanda cet écrit, de peur;qu'il ne fût livré à l'impression ; mais il l'était déjà deux mois après, à son grand regret (Dœllinger, Reform., I, p. 5). Cet humaniste sans caractère n'entendait pas se brouiller avec le pape, etil écrivait à Rome : « Lutherum non novi nec libros ejusumquam legi, nisi forte decem aut duodecim pagellas. » Léon X, dans une

V. HIST. DE L EGLISE. 15

226 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

lettre qu'il lui écrivit le 10 janv. 1521 (Laetnmer, Monura. Vatic, n. 1, p. 3 et 3uiv.), lui marqua sa joie des sentiments qu'il exprimait, tout en manifestant son désir que d'autres ne fussent pas induits en erreur à ce sujet et qu'il déployât son talent contre des doctrines impies. Frédéric de Saxe aux nonces Caracciolo et Aléandre, 7 nov. 1520 : Le Plat, II, p. 75, 76. Ulrich de Hütten (mort en 1523) contre la bulle : Walch, th. XV, p. 1675 et suiv.; 0pp. Hulten, éd. Münch, p. IV, p. 7 et seq., Berol., 1821. Cf. Meiners, Lebensbeschreib. beriihmter Mœn- ner, Zurich, 1796 et suiv., 3 vol.; Panzer, Ulrich v. Hütten in liter. Beziehung., Nürnbei'g, 1798; Magenseil, U. v. H., ibid., 1823; Ferd. Meyer, Huttens letzte Lebenstage, Leipzig, 1872 (mensonger); Meiszlin- ger et Strauss (ci-dessus, VI, § 232); Hist.-pol. BL, t. IV, p. 257-273. Luther contre la bulle, qu'il attribue à Eck : 0pp. II, p. 469, éd. Jen.; Bossuet, Hist. des var., 1, § 24 et seq.; Riffel, I, p. 170 et suiv. (2'' éd., p. 242 et suiv.). Appel du 17 nov. : 0pp. II, 257; Le Plat, II, p. 77-79 ; Walch, th. xv, p. 1909 et suiv.; Sarpi, I, § 14. Luther contre la bulle de l'Antéchrist : Walch, loc. cit., p. 1723 et suiv. Elle est livrée aux flammes : ibid., p. 1925 ; de Wette, 1, p. 322 et suiv.; Pallavic, I, XXII, 3-5 ; xxiii, 11-14. Luther disait dans sa missive à la commune chrétienne delà ville d'Esslingen, 1323 (Altenb., éd., p. 362) : « La doctrine du Christ et la doctrine du pape sont opposées comme le jour et la nuit, comme la vie et la mort. »

La diète de AVornis (1591). Luther à la H'artbourg- et à ^iVlltenherg.

La diète de 'Worms.

22. Le nouvel empereur Charles-Quint, peu familier encore avec les querelles religieuses de l'Allemagne, mais élevé clans la foi catholique et soumis à ses enseignements, avait permis aux nonces du pape de brûler les écrits de Luther, mais il avait ajourné à la diète qui devait se tenir à Worms la publication d'un édit contre l'hérésiarque. Parmi les princes, la plupart des ecclésiastiques, ainsi que Joachim 1" de Brandebourg, se prononçaient pour des mesures sévères; d'autres étaient inti- midés par les applaudissements que le fougueux novateur recueillait dans la noblesse, dans le clergé et parmi les philo- logues. Frédéric de Saxe et Louis, comte palatin du Rhin, furent d'abord les seuls qui prirent son parti. Charles-Quint se pro- posait d'appeler Luther à Worms ; mais le légat du pape, Jérôme Aléandre, savant renommé, s'y opposa, parce qu'il n'était pas

LE PROTESTANTISME. 227

permis au pouvoir civil de remettre en question ce qui avait été décidé par le pape, et il demanda qu'on fit exécuter les prescriptions de la bulle d'excommunication.

Un nouveau décret, en date du 3 janvier 1521, déclarait que Luther et ses partisans, ayant laissé passer le terme qu'on leur avait fixé, avaient encouru de fait l'excommunication. L'empe- reur, dans le principe seulement, se désista de son dessein, Aléandre essaya de convaincre les princes, entourés partout de luthériens, qu'il ne s'agissait point ici, ainsi qu'on le faisait accroire communément, de questions théologiques accessoires ni des intérêts de la cour de Rome. Le 13 février 1521 (mercredi des Cendres), dans une réunion tous les princes se rencon- trèrent, à l'exception de l'électeur de Saxe, absent au commen- cement, mais qui eut soin de se faire tout rapporter exacte- mient par écrit, Aléandre fit sur eux une impression profonde. Dans un éloquent discours, qui dura trois heures, il leur prouva que la nouvelle secte était éminemment funeste et condam- nable, qu'il fallait la combattre avec vigueur et que le meilleur moyen était la mise au ban de l'empire, que cette mesure ne pouvait pas être plus dangereuse qu'une lâche indifférence et des ménagements intempestifs.

Les partisans de l'hérésiarque mirent tout en œuvre pour neutraliser l'influence d'Aléandre par de nouveaux artifices. Frédéric de Saxe ayant fait remarquer qu'il était douteux si tous les livres publiés sous le nom de Luther émanaient de lui, qu'il était nécessaire de l'entendre lui-même, l'empereur céda, en ce sens qu'il manda Luther à Worms en lui accordant un sauf- conduit. Plusieurs États présentèrent cent un griefs sur des matières religieuses, et le duc George douze plaintes relatives à la conduite du clergé, en demandant la convocation d'un concile général. Les amis de Luther s'élevaient partout d'un air audacieux, distribuaient son portrait entouré d'une auréole, et répandaient une multitude de pamphlets, qui péné- trèrent jusqu'à Rome. On les offrait à vendre aux portes des églises, souvent entourés de représentations obscènes, aux- quelles Luc Kranach prêtait sa main d'artiste. Luther continuait d'être le héros du jour, alors même que des hommes religieux et clairvoyants, comme le franciscain Thomas Murner, à Stras- bourg, déploraient la folie et l'aveuglement de la foule.

228 HISTOIRE DE l'église.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* 22.

Sur Charles-Quint : Pallav., I, xxni, 1 et seq.; Cochlseus, Comment., éd. Mogunl., p. 26; Robertson, Gesch. K. Carls V, en allem., Kemp. et Braunschw., 1792 et suiv., 3 vol.; Raumer, Gesch. Europa's seit d. Ende des 15 Jahrh., I, p. 580 et suiv.; Lang, Correspondenz K. Caris V, aus d. k. Biblioth. u. der Bibl. de Bourgogne zu Brüssel mitgeth., Leipzig, 1844 et suiv., 6 vol.; Heim, Briefe an Carl V (1530- 1532), aus dem span. Archiv zu Simancas, Berlin, 1848; Autobiographie Carls in portugies. Uebers. wieder durch Kervin de Lettenhove in Brüssel aufgefunden, en allem, par Warnkœnig, Brüssel, 1862; Mau- renbrecher, Carl V und die deutschen Protestanten, Düsseid., 1865 (Caractéristique, Hist.-pol. Bl., t. LX; Bonner theol. Lit.-Bl,, 1866, p. 817-824). Jérôme Aleandre (mort en 1542) : Pallav., loc. cit., n. 1, 2, c. XXIV et seq. Le card. Campeggio lui écrit le 15 janv. 1521 : Laem- mer, Mon. Vat., n. 2, p. 4 ; Friedrich, der Reichstag zu Worms nach Briefen v. Aleander (Abhandl. der k. k. Akad. d.; Wiss. Histor. BL, t. XI, abth. III, an. 1870) ; Janssen, II, p. 138 et suiv. Bulle Decet Ro- manum Pontificem : Bull. Rom., V, 761 et seq.; Le Plat, II, p. 79-83. Discours d'Aléandre : Pallav., loc. cit., xxv, n. 7 et seq.; Le Plat, II, p. 84 et seq. Comp. Tüb. Quartalschr., 1841, p. 648 et suiv. Autres négociations : Pallav., I, xxvi, 1 et seq. Invitation à Luther, du 6 mars 1521 : Goldast, Const. imp., II, 142; Le Plat, II, p. 97, 98. Grava- mina : Walch, th. xv, p. 2058 et suiv.; Goldast, I, 456 et seq.; Georgii, Imperatorum nat. germ. gravamina ad Sedem Rom., Francof. et Lips., 1725. Satires et Pasquinades du temps de la Réforme, éd. Oscar Schade, Hanovre, 1856-1858, 3 vol.; Gœdeke, Grundrisz der Geschichte der deutschen Dichtung, t. I ; Kuezynski, Thesaur. libell. bist. ref. illustr., Lips., 1870; Baur, Deutschi, in den Jahren 1517- 152Ö, Ulm, 1872. Contre les luthériens : Dr Thomas Murner, 0. S. F., Gedicht vom groszen lutherischen Narren, éd. H. Kurz, Zurich, 1848. Comp. Vilmar, Geschichte der deutschen Nationalliteratur, p. 377; W. Roehrich, Th. Murner, der Barfuszermœnch (Niedners Ztschr. f. bist. Theol., 1848, IV, p. 587 et suiv.).

Luther à 'Worms.

23. Luther, quoique dissuadé par plusieurs de ses amis, résolut de se reudre à Worms. Il pouvait se présenter en apolo- giste de sa doctrine devant les princes et devant la noblesse, il comptait beaucoup d'amis; il pouvait même accroître son crédit et le nombre de ses adhérents, sans avoir rien à craindre pour sa sûreté. Il était allié avec beaucoup de chevaliers, les uns

LE PROTESTANTISME. 229

complètement irréligieux, les autres révolutionnaires, notam- ment l'aventurier Franz de Sickingen et Sylvestre de Schaum- bourg, dont la protection, disait-il volontiers, lui était superflue, mais qu'il ne voulait point rejeter, puisqu'elle lui était envoyée par Jésus-Christ, son unique refuge. Accompagné de cent chevaliers, applaudi par un peuple avide de nouveautés ou emporté par une admiration aveugle, Luther partit pour Worms presque en triomphateur. Il y arriva le 16 avril 1521, et alla résider dans le voisinage de son souverain Frédéric. Ses partisans déployèrent une grande hardiesse afin d'intimider leurs adversaires. Ils propagèrent, avec des pasquinades contre Rome, des lettres menaçantes contre l'empereur et les princes, dans le cas Luther éprouverait quelque désagrément.

Le 17 avril, Luther parut pour la première fois devant la diète. L'official de Trêves lui demanda, au nom de l'assemblée» s'il reconnaissait comme siens les écrits peu près vingt-cinq) qui se trouvaient devant lui, et s'il persistait à soutenir ce qu'ils renfermaient. Luther répondit affirmativement sur la première question; sur la seconde, il demanda du temps pour réfléchir. Quoique cette demande ne parût pas fondée, car il devait être prêt à répondre, on lui accorda un jour de délai. II n'avait que deux partis à prendre : ou rétracter un système avec lequel il s'était complètement identifié et sacrifier sa popularité, ou se laisser traiter d'hérétique opiniâtre. Il prit ce dernier parti dès qu'il ne lui resta plus d'autre alternative. Il déclara le 18 avril que ses écrits se divisaient en trois classes : ceux qui trai- taient de religion et ceux-là, il y tenait ; 2" ceux qui étaient dirigés contre les papes et leurs décrets les rétracter, ce serait fournir de nouvelles armes à un bourreau (ici il injuria violemment le pape, et l'empereur le rappela à l'ordre) ; 3** ceux qu'il avait écrits contre ses ennemis il ne pouvait pas davan- tage les rétracter, parce que ses adversaires provoquaient ses emportements et qu'il s'agissait non de sa sainteté, mais de sa doctrine : eu un mot, il ne se rétracterait que s'il était convaincu par des témoignages de l'Écriture sainte ou par des preuves publiques, claires et lucides. II ne reconnaissait pas l'autorité du pape et des conciles généraux, ces derniers étant tombés dans des contradictions et des erreurs; sa conscience était cap- tive de la parole divine, et il priait Dieu de lui venir en aide.

230 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Ouvrages a consdlteb et remarques critiques sur le n<* 23.

Hub. Leodii, Lib. de reb. gest. et calamit. obilu Fr. de Sickingen' Freher, t. III, p. 296 ; Meiners Lebensbeschr. (ci-dessus, § 21) ; Histor.- pol. BI., 1839, t. IV, p. 321 et suiv., 46Ö et suiv., 513 et suiv., S77 et suiv., 669 et suiv., 723 et suiv. Luther, sur la protection des cheva liers : de Wette, I, p. 448. Thomas Munzer reproche à Luther, en 1 524, de s'être glorifié de la protection des chevaliers en se rendant à Worms, de leur avoir promis des couvents et des collégiales (Strobel, Leben Th. Münzers, p. 166; Menzel, Neuere Gesch. der Deutschen, I, p. 94 et suiv.). Sur les négociations : Cochlaeus, loc. cit., p. 25 et seq.; Rayn., an. 1521; Pallav., I, xxvi, 8; c. xxvii, n. 2 et seq.; Acta Lutheri in Comitiis Worraat., ed. Policarius, Viteb., 1546; Luth. Opp. lat., Jen., II, p. 436 et seq.; Œuvres allem., éd. léna, I, p. 432- 463 ; Riflfel, I, p. 224 et suiv., éd.; Friedrich, loc. cit. Forschun- gen zur deutschen Gesch., VIII, p. 21-44; Otto, das Colloquium des Cochlœus mit Luther zu Worms (Oesterr. Vierteljahrschr. f. Theol., 1806, 1); Hennés, Luthers Aufenthalt in Worms, Mayence, 1868; Boye, L. zu Worms, Halle, 1824; Tutzschmann, L. zu W., Darmst., 1860; Janssen, II, p. 161 et suiv.

Gharles-Quint et Luther.

24. Charles-Quint, sur qui l'extérieur grossier et replet de ce moine superbe et nullement ascétique avait fait une impression défavorable, dit cette parole : « Cet homme ne fera jamais de moi un hérétique » ; il interrompit le colloque avec indignation, et déclara par écrit aux princes (19 avril) qu'il était sur le point de procéder contre ce moine rebelle à la croyance générale des chrétiens et aux saints conciles, et de le traiter comme un héré- tique notoire; qu'au lieu de l'entendre encore, il le renverrait après une sévère mouition; que, du reste, il lui maintiendrait un sauf-conduit jusqu'à ce qu'il fût rentré dans son pays. La plupart des princes approuvèrent l'empereur. Mais l'archevêque de Mayence, intimidé par des lettres menaçantes, et quelques autres, qui croyaient qu'une nouvelle entrevue changerait les sentiments de Luther, obtinrent un sursis de trois jours, puis un second de deux jours. Cependant Charles-Quint ne permit que des entrevues privées.

Richard de Greifenclau, archevêque de Trêves, son officiai Eck cl Jean Cochlée, doyen des chanoines de Francfort, essayèrent inutilemeut d'amener l'hérésiarque à reconnaître les conciles

LE PROTESTANTISME. 231

généraux, à se soumettre au jugement de l'Église ou à celui de l'empereur, à retirer ses plus choquantes propositions. Tant d'efforts et de prières ne firent qu'accroître la haute opinion que Luther avait de lui-même, et il répondit enfin par ces paroles de Gamaliel, qu'un mahométan ou tout sectaire aurait pu éga- lement invoquer : « Si l'ouvrage est de main d'homme, il tombera; s'il est de Dieu, il subsistera. » L'empereur, informé de tout, ainsi que de la conduite scandaleuse du moine, lui fit ordonner le 25 avril de quitter Worms dès le lendemain, et pro- longea son sauf-conduit pendant vingt et un jours, avec défense de prêcher en route et d'assembler le peuple.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 24.

Charles-Quint sur Luther : Pallav., I, xxyi, 7. Sa lettre aux princes : Walch, th. XV, p. 2233 ; Goldast, II, 142 ; Le Plat, II, p. H5; Cochl., de Act. et Script. Luth., p. 32 et seq.; Pallav., loc. cit., c. xxvii, n. 4. Luther invoque le texte des Actes, v, 38 et suiv. : ibid., n. 5-8 ; Riffel, I, p. 283 et suiv. Cette conclusion du discoiirs de Luther : « J'en suis venu là, je ne puis faire autrement », a été ajoutée après coup, ainsi que l'a prouvé Burkhardt, Studien und Kritiken, 1869, h. III.

Départ de Luther. Sa prétendue captivité. Ëdit de Worms. Le ban de l'empire. Ses effets.

25. Le 26 avril, Luther sortit de Worms, escorté de vingt chevaliers de son parti. Deux jours après, il renvoya l'escorte impériale avec le sauf-conduit et une lettre de justification à l'empereur. Son intention était de n'être pas soupçonné, à la suite de ce qu'il se proposait de faire, d'avoir déshonoré et blessé l'escorte impériale, puis de jeter le discrédit sur ses adversaires par sa prétendue captivité, il avait été convenu, en eflet, entre lui et l'électeur Frédéric, que pendant son retour il serait attaqué sur le territoire de Salzungen, en Thuringe, par quelques chevaliers déguisés, enlevé de son chariot, mis sur un cheval, et, déguisé en chevalier, conduit à la Wartbourg, près d'Eisenach. Il y résida en effet durant une année, entouré de tous les soins, sous le nom de chevalier Joerg, et il évita ainsi les premières conséquences du ban de l'empire. Cette comédie avait été secrètement concertée, mais la vérité fut bientôt connue de tout le monde, ce qui n'empêcha pas les luthériens de s'écrier que l'illustre docteur avait été, au mépris du sauf-

532 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

conduit, emmené par la force : de de nouvelles plaintes contre le pape.

Sur ces entrefaites (25 et 26 mai), le ban de l'empire (daté du 8), rédigé par Aléandre, avait été publié à Worms. Il portait que le moine opiniâtre devait être traité comme un hérétique notoire, défendait de le favoriser, de le recevoir et de le défendre; chacun devait, au contraire, tâcher de s'emparer de sa personne et le livrer à l'empereur, parce qu'il avait encouru le ban de l'empire ; ses complices et fauteurs étaient frappés de la même peine. Il ordonnait de détruire ses livres et de punir ceux qui les vendraient. Le tribunal impérial de Nurenberg était chargé de veiller à l'exécution du décret. Cet édit sévère valut à l'empereur les remerciements de plusieurs princes, entre autres de Joachim 1" de Brandebourg, dont le zèle reli- gieux avait été loué par le pape Léon X.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 25.

De Wette, U, p. 3, 7, 89 ; Pallav., I, xxviii, 1-4 ; Riffel, I, p. 213 et suiv. (2« éd., p. 290 et suiv.). Pallav., loc. cit., n. 5-8 ; Le Plat, H, p. 116-127. Léon X à Joachim 1°'' de Brandebourg et à George de Saxe, 16 mars 1521 ; Lœmmer, M. V., n. 4, 5, p. 5 et suiv.

Révolte des luthériens contre l'édit de Worms.

26. Charles-Quint, dont la conduite fut hautement approuvée du Saint-Siège, se rendit, après la clôture de la diète, dans les Pays-Bas et de en Espagne. Les troubles de la Péninsule, une longue guerre avec la France l'absorbèrent tellement, que l'Allemagne parut abandonnée à elle-même. L'empire, divisé, sans argent et sans pouvoir exécutif, avait à sa tête le frère de Charles-Quint, Ferdinand, âgé de dix-huit ans, qui avait été élevé en Espagne et avait reçu l'Autriche en partage ; puis les princes électeurs de Saxe et du Palatinat, enclins au luthéranisme. Peu de temps après le départ de Charles, les luthériens com- mencèrent à se déchaîner avec fureur contre l'édit qu'ils détestaient, essayèrent d'intimider plusieurs princes et do fanatiser la multitude en lui faisant croire que Luther, ce véritable Allemand, ce grand prédicateur, cet ami du peuple, avait été condamné illégalement et sans être entendu.

A.lphonse Valdezj ce pénétrant Espagnol, ne s'était pas trompé

I

LE PROTESTANTISME. 233

lorsqu'il avait dit que c'était le commencement et non la fin d'une grande tragédie. L'édit de Worms ne fut exécuté que dans les États de l'empereur, de son frère Ferdinand, du prince électeur de Brandebourg, du duc George de Saxe, du duc de Bavière et de quelques princes ecclésiastiques. Plusieurs sei- gneurs se méfiaient de leurs propres sujets; d'autres étaient insouciants; d'autres enfin réclamaient contre l'édit, sous pré- texte de préserver l'Allemagne de la tyrannie de Rome ; déjà même quelques-uns s'élevaient contre l'empereur. Le cardinal de Medicis essaya, par l'entremise du légat A.léandre, d'avertir l'empereur de la violation de son édit et des conséquences qu'entraînerait l'impunité de l'injure infligée aux deux pre- mières puissances.

Léon X mourut peu de temps après (1" décembre 1524), hautement célébré comme l'ami et le protecteur des arts et des sciences, souvent blâmé à outrance par ceux qui méconnais- saient les difficultés de sa position comme pape. 11 ne fut jamais infidèle aux devoirs de sa charge suprême, et, en punissant des vassaux parjures, il ramena sous la domination immédiate du Saint-Siège Fermo, Pérouse et antres territoires.

Léon X eut pour successeur Adrien VI, ancien précepteur de Charles- Quint et archevêque de Torlose, renommé pour son érudition et la pureté de ses mœurs. Hollandais de naissance, il appartenait à la nation allemande. Il s'appUqua avec zèle à la réforme de la cour romaine; mais il n'était pas donné au pape, quels que fussent son dévouement et sa sainteté, de conjurer l'orage une fois soulevé par Luther, dont la doctrine était partout répandue.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N' 26.

Pallav., II, I, 1 et seq. Lettre de Léon X à l'empereur, à son confesseur, etc. : Laemmer, Mon. Vatic, p. 7 et suiv., n. 6 et seq. Alphons. Valdez, ep. ad Petr. Mart. le card. de Medicis à Aléandre : Pal- lav., 11, I, 6. Sur Léon X, VI, § 173 ; Ranke, Rœm. Paepste, I, p. 89 et suiv.; 111, p. 263. Le pape Adrien : Hœfler, Wahl und Thronbes- teigung des letzten deutschen Papstes Adr. VI, Vienne, 1872. Hadria- nus Florentins, à Utrecht, 1439, professeur à Louvain et auteur théologique (Comment, in libros Sent., etc. Cf. Syntagma theol. Adriani VI, éd. Reussens, Lovan., 1862. Cf. Anecd. de vita et script. Hadr. VI, ib.), mais élevé dans les doctrines des humanistes (Licet

234 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

scbolasticis disciplinis faveret, satis tarnen aequus in bonas litteras. Erasm., ap. Burmann, Analecla hist. de Hadr. VI, Traj., 1727, in-4o. Voy. la correspondance d'Adrien avec Érasme, trad. du latin en allem., Francf., 1840). Il avait soutenu, comme docteur privé, que « plusieurs papes avaient été hérétiques »; mais il n'a jamais, comme pape, rien affirmé de pareil. Ses livres ne furent pas revisés pour une nouvelle impression : Gotti, Vera Eccl., t. I, c. ii, § 1, n. 6. Sur ses réformes, Rayn., an. 1523, n. 117; Pallav., 1. II, c. ii-iv. Cf. Launoji 0pp., V, i, 1. IV, ep. L, II, p. 562; Moroni, Diz. t. I, p. 104-107; Ranke, R. P., I, p. 90-92 ; III, p. 238, 241 ; Gachard, Correspondance de Charles-Quint et d'Adr. VI, Bruxell., 1859 (Lettres de 1516-1523).

Partisans de Luther.

27. Les progrès de la nouvelle doctrine ne furent arrêtés ni par les sentences des universités de Paris (15 avril 1521) et d'Oxford, ni par les réfutations de quelques personnages mar- quants, ni par la retraite dans laquelle le novateur se déroba assez longtemps aux regards de la foule. L'évangile de Luther offrait à la portion ignorante et immorale des moines et des clercs un excellent prétexte pour échapper à leurs vœux et à la loi du célibat; aux seigneurs, dont la plupart étaient criblés de dettes, il montrait dans la confiscation des biens d'Église un excellent moyen de sortir d'embarras, et dans la spoliation des principautés episcopales une ressource pour étendre et arrondir leurs domaines; les villes impériales ne visaient qu'à s'affran- chir entièrement de la juridiction épiscopale et monacale ; la chevalerie appauvrie jetait un regard avide sur les petites fon- dations religieuses et sur les couvents. Enfin, la tempête qui venait d'être soulevée promettait des avantages aux philolo- gues de l'école d'Érasme et de Mélanchthon, d'ailleurs hostiles aux évêques et au clergé; leur influence augmenterait aussi, si on élevait sur le fondement de l'étude de la parole biblique une ÉgUse qu'ils auraient concouru à fonder, si leur prédicateur favori rompait avec toutes les anciennes traditions, et si la libellé de la science prévalait sur toute autorité extérieure.

Le « réformateur » était de plus encensé par la génération grandissante, par la jeunesse qui venait d'entrer dans la vie publique, et qui voyait en lui le représentant de la civili- sation et du progrès, le précurseur d'une ère nouvelle pleine

LE PROTESTANTISME. 235

de vigueur et do vie, d'où toutes les vieilleries surannées dispa- raîtraient sans retour. Le peuple voyait dans ce moine simple et pauvre, mais éloquent et actif, qui se dressait en face des pré- lats opulents et fastueux, la plupart très désœuvrés, un pro- phète envoyé de Dieu, un troisième Élie. Peu familier encore avec les hyperboles et les pompeuses déclamations des rhéteurs, le peuple prenait toutes ses paroles au pied de la lettre, d'autant plus que Luther semblait tout emprunter à la Bible, qu'il en appelait sans cesse à Jésus-Christ et à l'Évangile, et sacrifiait sa personne tout entière à sa doctrine. Le vulgaire se familia- risait avec les idées consolantes qu'on lui avait malicieusement cachées jusque-là et qu'on lui prêchait aujourd'hui avec tant de force; il s'accoutumait aux calomnies effroyables lancées contre l'Église dominante et surtout contre la papauté, qu'on accusait, depuis le concile de Bâle, de repousser toutes les réformes, d'être l'auteur de tous les maux dont on souffrait.

Le spirituel et le temporel flottaient pêle-mêle dans l'imagi- nation de la foule; la nouvelle liberté chrétienne promettait l'abolition de toutes les charges, corvées, cens, dîmes, taxes, contributions, et finalement la suppression de toute autorité. Les écrits de Luther caressaient toutes les faiblesses du carac- tère national des Allemands : farcis de sentences et d'images bibliques, remplis de bons mots et de remarques populaires, tour à tour graves et frivoles, ils pouvaient se lire dans les cabarets aussi bien que dans la chaire. Ils flattaient la multi- tude.

La justification obtenue sans préparation aucune, par la simple imputation des mérites de Jésus-Christ; la certitude de l'état de grâce et de salut acquise par un simple acte de foi, les bonnes œuvres inutiles au salut et sans influence sur la justice, l'Écriture sainte devenue intelligible à tous et présentée comme l'unique règle de la croyance, les droits des chrétiens inaliénables, ces idées trouvaient partout de l'écho. Les anciens disciples du « réformateur » , des maîtres d'école, des manœuvres, des paysans, se flattaient de comprendre la Bible et d'être en pleine possession de la vérité, tandis qu'ils la refusaient à toutes les autorités de l'ancienne Éghse. Au lieu de s'affaiblir, le nombre dos partisans du « réformateur » croissait de jour en jour.

236 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 27.

La faculté de théologie de Paris, à laquelle le syndic Noël Beda avait présenté, le 2 mai i520, la lettre de l'électeur de Saxe sur l'af- faire de Luther, donna contre elle une détermination, le i5 avril 1521 : Bzov., an. 1522, n. 21; du Plessis d'Arg., I, ii, p. 365-374; II, i, p. i-iv; Le Plat, II, p. 98 et suiv. Elle rappelle au début que Luther renouvelle les anciennes hérésies; qu'il reproduit la doctrine de Montanus et de Manès, celle des manichéens sur le libre arbitre, celle des hussites concernant la contrition et ses effets, celle des wicléfites sur la confession, celle des béghards sur les commandements, celle des cathares sur la punition des hérétiques, celle des vaudois et des bohémiens sur l'immunité ecclésiastique et les conseils évangéliques, celle des ébionites sur l'observation des prescriptions légales. Elle prouve que Luther enseigne des erreurs intolérables sur les sacre- ments, les péchés, les peines du purgatoire, les conciles généraux; qu'il blasphème la philosophie, le pouvoir ecclésiastique et les indul- gences ; que le livre de la Captivité de Babylone est comparable au Coran. De ce dernier écrit, elle produisit, sous neuf titres, 24 proposi- tions (de sacramentis 19, de constitutionibus Ecclesiae l,de operum œqualitate 1, de votis 2, de divina essentia et corporis forma hu- mani 1), qu'elle qualifia, puis d'autres propositions tirées d'autres livres, sous 19 titres (de conceptione B. V. M. 1, de contritione et iis quae eam prœcedunt 10, de confessione 7, de absolutione 4, de satis- factione 7, de accedentibus ad Eucharistiam 2, de certitudine charita- tis habitœ 2, de peccatis 7, de praeceptis 6. de consiliis evangelicis 4, de Purgatorio 9, de conciliis generalibus 4, de spe 1, de pœna hsere- ticorum 1, de observatione et cessatione legalium 1, de hello contra Turcas 1 , de immunitatibus 1 , de libero arbitrio 5, de philosophia et theologia scholastica 7), puis une foule d'autres. Joignez-y, d'après une proposition contre Denys, de Cœl. hierarch., 81 propositions. La thèse m, in tit. XIX : « Theologia scholastica est falsa Scrip- turaî et sacramentoruni intelligentia et exulem nobis facit veram et sinceram theologiam », est qualifiée : « prop. falsa, temeraria et su- perbe asserta, ac sacrœ doctrinœ inimica. » Judicium academiœ Oxon. adv. Luther., 1521, ib., I, ni, p. 380, 381. Henri VIII d'An- gleterre (ci-dessous, § 34) ; Jean Fisher, évèque de Rochester, Asser- tionis Lutheranœ confutatio, 1523. Cf. Laemmer, Vorlrid. kath. Theol., p. 14 et suiv. La Responsio Rossei ad convicia M. Lutheri congesta in Henric. Reg. Angl. est attribuée par quelques-uns à Thomas Morus. Jacques Hogslraten, Colloquiorum libri VI, Colon., 1522; Epitome de fide et oper.. Col., 1524. Cochlée, Consideratio super articulis Lu- theri, Ingolst., 1546, etc. Jérôme Emser, Missee christianorum con-

LE PROTESTANtISMË. 23t

Ira Luth, missandi formulam, ap. Dresd., i524. Réponse (1525) au sujet do l'horreur que Luther éprouvait pour la messe basse. Erasm. Epist., 1. XVin, p. 593; L XIX, p. 602, 604, 683, 596; 1, XXI, p. 771 ; 0pp. IIL 1, éd. Lugd., p. -766, 818 et seq., 824, 846; Crotus Hubeanus, Apologia privatim ad quemdam amicum conscripta, Lips., 1531 ; Ulmann, Franz v. Sickingen, Leipzig, 1872.

Dispositions intérieures de Luther. Ses travaux à la Wartbourg.

28. Luther, quoique tourmenté de souffrances physiques, bourrelé de remords et agité de tentations diverses, ne changea pas de dispositions pendant son séjour à la Wartbourg, son « Palmos », comme il l'appelait. Ces questions inquiètes qu'il se posait à lui-même : suis-je seul sage ou ne suis-je pas plutôt dans l'erreur? suis-je appelé et autorisé à renverser l'ancienne doctrine de l'Église? il les envisageait comme des tentations du diable, et les bannissait de son esprit par la variété des distrac- tions. 11 s'affermissait de plus en plus dans sa théorie, dans sa haine contre l'ancienne Église, qu'il lui semblait plus utile, plus nécessaire de combattre que les vices les plus grossiers. Il commença sa traduction allemande de la Bible, qu'il accom- moda de tout point à son système, composa divers écrits contre le théorogien catholique Latome et l'université de Louvain; contre Albert, archevêque de Mayence; contre les vœux monas- tiques et les messes privées. Dans ce dernier écrit, il assurait n'être arrivé qu'après de longs combats avec sa conscience à considérer le pape comme l'Antéchrist, les évêques comme ses apôtres, les universités comme ses maisons de débauche. Après avoir écarté tous les doutes que lui suggérait « son cœur souvent agité », il se prononça nettement pour l'abolition du célibat et des vœux monastiques, tant pour lui-même que pour les autres, car ils lui étaient depuis longtemps à charge.

OUVRAGES A CONSULTE« ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 28.

Dœllinger, Réforme, III, p. 252 et suiv.; Luther, Eine Skisse (Freib, K.-Lex., VI, p, 659 et suiv.); U. Wilzschell, Luthers Aufenthalt auf der Wartburg, Vienne, 1875. En 1522, Luther écrivait à Harmuth de Kromenberg (Aurifaber, epist. ii, p. 106) que Dieu devrait plutôt laisser croupir tous les gens dans la boue et l'ordure du péché que de les laisser vivre dans le papisme et aveuglés sur la vraie doctrine. Dans son « Apologie et Réponse au cri de mort des papistes » (1523),

238 HISTOIRE DE l'ÉGLISE

on lit : «Oh! il est beaucoup plus nécessaire maintenant de prêcher contre la subtile, sainte et habile séduction du monde par le peuple tonsuré, que de prêcher contre les pécheurs publics, les païens et les Turcs, les brigands et les assassins, les voleurs et les adultères. » Voy. Dœllinger, I, p. 281. Sur les écrits : Contre l'idole de Halle (l'archev. Albert), des Vœux monastiques (dédié à son père), de l'Abus des messes (dédié aux augusUus de Wittenberg), voy. Walch, th. xix, p. 1304 et suiv., 1800 et suiv.; th. xvm, p. 1204 et suiv.; Riflfel, I, p. 329 et suiv., éd.

Troubles à Wittenberg.

29. Ces enseignements allaient bientôt porter lenrs fruits. Vers la fin de 1521, les augustins de Wittenberg et d'Erfurt rompirent tous leurs liens monastiques, déclarèrent que leurs vœux étaient invalides, abolirent la messe, et donnèrent la communion sous les deux espèces. Le prince électeur Frédéric en fut d'abord mécontent; il questionna cinq de ses docteurs, et se déclara satisfait après que Carlostadt, Mélanchthon et Jonas eurent approuvé la résolution des augustins; il demanda seule- ment que la liturgie fût célébrée selon l'ancien rite dans la principale église; il en fut ainsi pendant deux ans jusqu'à ce que Wittenberg fût complètement « luthéranisé ». Carlostadt alla bientôt plus loin encore : à Noël, en 1521, il célébra la messe en langue allemande, omit plusieurs cérémonies, et donna la communion à qui la voulut, même sans confession préalable.

Barthélémy Bernhardi, de Feldkirch, dans le Vorarlberg, curé de Kemberg, se maria en 1521 ; soumis à un interrogatoire, il se justifia par les arguments ordinaires des ennemis du célibat. Carlostadt, ayant pris femme aussi, essaya de prouver par l'Écri- ture la nécessité de la clérogamie. H disait aussi que la volonté de Dieu, déclarée par saint Paul, était que personne ne devait faire vœu de chasteté avant soixante ans. On vit reparaître les briseurs d'images. Il y avait encore à Wittenberg quantité d'ecclésiastiques ennemis des nouveautés, qui célébraient le culte divin selon l'ancien rite. Carlostadt et le moine Gabriel Didyme (Jumeau), à la tète d'une bande d'écoliers et de paysans, pénétrèrent dans les églises et dans les couvents, arrachèrent les tableaux des saints, renversèrent les autels, brisèrent les con- fessionnaux et commirent d'affreux désordres,

LE PROTESTANTISME. 239

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SDR LE N" 29.

Pallavic, II, vin, 18; Luthers W., th. xv, p. 2332 et suiv.; Bern- hardi, Apologia pro uxore ducta, th. xviii, p. 2334 et suiv.; Cailosladt, Axiomata. Klingenbeil, sur le mariage des prêtres, 1528, avec pré- face de Luther : Walch, part. XIV, p. 253. J.-G. Wolter, Prima Gloria clerogamicB restitutœ Luthero vindicata, Neost., ad 0., 1767, in-i». (George, duc de Saxe, fit jeter en prison le curé Jacques Seidler, qui s'était marié. 11 y mourut.)

Les anabaptistes.

30. Les fruits de la nouvelle doctrine furent encore plus visibles parmi les anabaptistes. Usant des mêmes droits que Luther avait fait valoir jusque-là pour renverser les institu- tions de l'Église, les anabaptistes attaquèrent dans le voisinage de Wittenberg le baptême des enfants, et jetèrent Mélanchthon, qui ne s'y attendait pas, dans un étrange embarras. Le princi- pal centre des anabaptistes était Zwickau, uu fabricant de drap, Nicolas Storck, avait réuni autour de lui douze apôtres et soixante- dix disciples, et se donnait pour prophète. Marc Thomas, Marc Stubner, Martin Cellarius et Thomas Münzer, prédicateur à l'église de Sainte- Catherine, entrèrent dans son parti. Les anabaptistes rejetaient le baptême des enfants, parce que la foi était nécessaire pour recevoir le baptême {Marc, xvi, 16) ; ils se disaient en commerce intime avec le Ciel, et se propo- saient de fonder « un hbre royaume de Dieu », fallùt-il recourir à la révolte et à l'extirpation du clergé. Ils rejetaient la doc- trine de Luther sur la justification par la foi.

Chassés de Zwickau vers la fin de l'année lo21, ils se reti- rèrent à Wittenberg, ils accrurent encore la confusion. Ils trouvèrent de la vogue. Dédaigneux de la science, ils se glori- fiaient de posséder le Saint-Esprit, qui révèle aux petits ce qu'il cache aux grands de la terre. Ils avaient des extases, des visions, des rêves prophétiques; ils prêchaient la libre répu- blique du Christ, il n'y aurait aucune autorité spirituelle ni temporelle; chacun y vivrait selon la loi qui habite en lui, dans une parfaite communauté de biens. Plusieurs de ces égarés se hv raient à d'infâmes débordements. Carlostadt se laissa entiè- rement gagner par eux, de même que le moine Didyme, qui conseillait aux parents de détourner leurs enfants de l'étude.

240 mstoiRE DE l'église.

Carlostadt, comme l'avait déjà fait Luther à plusieurs reprises, déclarait la guerre à toutes les sciences, et courait lui-même dans les échoppes des artisans pour apprendre d'eux l'interpré- tation de l'Ecriture, parce que l'étude ne les avait pas rendus, comme les savants, incapables de la comprendre.

Les étudiants prenaient la fuite ou étaient rappelés par leurs souverains; l'université semblait à la veille d'une dissolution. Mélanchthon, incapable de réfuter les objections des anabap- tistes, se demandait avec inquiétude si leur doctrine ne serait pas fondée sur la Bible, et si par conséquent on n'était pas obUgé de l'admettre. Luther, à qui, dans son embarras, il demanda conseil, écrivit une instruction (janvier 1522) sur la manière d'éprouver les esprits ; mais cela ne servit de rien, et déjà il était à craindre que l'autorité civile, ainsi que le propo- sait George, duc de Saxe, ne fît exécuter les décrets impériaux contre les novateurs.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 30.

Walch, L. W., th. xvi, p. 199 et suiv.; Riffel, I, p. 479 et suiv. (2« éd., p. 581-632); G. Th. Strobel, Leben, Schriften und Lehren Th. Münzers, Nürnb., et Altdorf, 1795, et Beitr. zur Lit. d. 16 Jahrh., t. II, st. i; L. V. Baczko, Thomas Münzer, dessen Charakter und Schiksale, Halle et Leipzig, 1872; Hast, Gesch. der Wiedertœufer., Münster, 1835; Seidemann, Thom. Münzer, Dresde, 1842 ; L. Kœhler, Thom. Münzer und seine Genossen, Leipzig, 1846; Hist.-pol. Bl., 1841, t. VII, p. 236-256, 310-320. A Zwickau, Nicolas Storck et ses compagnons furent surtout combattus par Nie. Hausmann, à Fribourg en 1479, curé à Schneeberg en 1519, à Zwickau depuis le mois de mai 1521, à Anhalt en 1532, mort en 1538 à Fribourg, pro- fondément regretté de Luther quod nos docemus, vivit ille. ») Sur les anabaptistes, Mélanchthon écrivait au prince électeur : « Quibus ego quomodo commovear non facile dixerim... De quibus judicare praeter Martinum nemo facile posset. » Luther sur la science : Walch, th. XI, p. 459, 2308 ; th. viii, p. 2044; th. ix, p. 599 ; th. vu, p. 2160. Voy. Germania, 22 juillet 1873. Sur l'épreuve des esprits, ibid., th. xv, Anh., p. 221.

Retour de Luther à Wittenberg.

31. Luther quitta la Wartbourg secrètement et contre le gré de son souverain (3 mars 1522), et se rendit à Wittenberg. Il s'excusa auprès de Frédéric, qui ne laissait pas de lui être

LE PROTESTANTISME. 24.1

favorable, en disant qu'il ne fallait pas mesurer les œuvres de Dieu d'après les idées des hommes ; qu'étant poussé par l'esprit de Dieu, il était sous une protection plus haute que celle du prince; qu'il était obligé de combattre la mauvaise semence répandue par le diable à Wittenberg. Il essaya en outre de calmer ce prince par de plus douces paroles. Depuis le 9 mars, il prêcha à Wittenberg pendant une semaine entière, « en donnant sur le nez aux esprits exaltés » ; il rétablit en paroles la confession, l'élévation de l'hostie et la communion, toléra d'autres pratiques et essaya de renouveler la Uturgie. Son dessein, en s'élevant contre les désordres, était d'empêcher le discrédit de sa doctrine, de relever son autorité dogmatique et de lui préparer de nouveaux triomphes par ses talents d'ora- teur.

Son œuvre avait pris d'abord un mouvement rapide; il voulait maintenant ralentir sa marche et ménager davantage les choses extérieures. 11 n'ignorait point qu'il lui suffisait de sauver sa théorie de la justification, pour que tout ce qui ne cadrait pas avec elle tombât bientôt de soi-même. Il allait jusqu'à menacer, si l'on continuait d'agir aussi violemment qu'on avait fait jusque-là, de rétracter tout ce qu'il avait dit et enseigné jusque-là, et d'abandonner les rebelles à leur destinée. Il attribuait toutes les menées des co-réformateurs qui lui résis- taient à la jalousie du diable, qui travaillait à déshonorer le nouvel Évangile. L'autorité qu'il s'attribuait à lui-même, il ne voulait l'accorder à personne. Aussi Carlostadt, qui avait été jusqu'alors son meilleur auxiliaire en conseils et en actes, que lui-même avait vanté comme un théologien d'un incom- parable jugement, dut céder à sa colère : on lui défendit de prêcher, on le chassa de Wittenberg (1522), et l'on interdit l'impression de ses ouvrages. Luther le traitait d'homme infâme, incrédule et souillé de tous les vices, et le persécuta partout.

Lorsque Carlostadt se fut chargé de la paroisse d'Urlamunde, le réformateur s'y rendit au nom du prince électeur pour com- battre « sa mauvaise administration », et parvint à le faire chasser des terres du prince électeur ; il continua de poursuivre de sa haine son ancien ami absent, par cette raison surtout que Carlostadt contestait la présence réelle de Jésus-Christ dans V. msT. DE l'église. 16

24^ HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

l'Eucharistie, et prétendait qu'en prononçant ces paroles : « Ceci est mon corps », Jésus-Christ n'avait pas désigné le pain, mais son propre corps.

Munzel, qui abusait de sa chaire d'Alstadt pour débiter des sermons insurrectionnels, fut également expulsé. Déjà l'auda- cieux réformateur disposait de la puissance de son souverain, et ce fut grâce à elle qu'il vainquit les autres réformateurs. Lorsque l'ancien protecteur de Luther, Staupitz, se détacha de lui et entra chez les bénédictins de Salzbourg, Luther le traita d'aliéné, et vit dans sa mort prématurée (1524) une puni- tion de Dieu.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 31.

De Wette, L. W., II, p. 137 et suiv.; Walch, th. xv, p. 2378 ; Pallav., II, viii, 17; Dœliiuger, Luther (Freib. K.-Lex., VI, p. 661). Doctrines de Carlostadt : Walch, part. XX, p. 138; Pallavic, II, xii, 1. Dans léna, à l'Ours noir, Luther et Carlostadt discutèrent de la façon la plus bru- tale sur l'Eucharistie. Luther dit à Carlostadt en pailant : « Puissé-je te voir sur la roue ! » A quoi Carlostadt répondit : « Puisses-tu te rompre le cou avant d'arriver chez toi ! » (OKuvr. de Luth., éd. Yittenb., part. IX, p. 208 et suiv.; Walch, part. XV, p. 2423. Carlostadt arriva à Strasbourg en 1524, et provoqua Bucer et Capito à une dispute. Le 15 décembre 1524, Luther avertit les Strasbourgeois de se mettre en garde contre lui. Bucer et Capito essayèrent d'intervenir. Carlostadt publia Belle son écrit contre l'usage antichrétien du pain et du calice du Seigneur (Walch, part. XX, p. 138) et autres traités contre Luther; participa à la guerre des paysans, s'humilia en 1525 devant Luther, se lit marchand dans la contrée de Vittenberg, fut de nouveau contraint en 1528 de quitter la Saxe, repartit pour la Suisse, et mourut de la peste, professeur et prédicateur à Bàle, 1541. J.-C. Füszli, Andreas Bodensteins, sonst Carlstadts Lebeusgesch., Frankf. et Leipzig, 1776j Kœhler, Lebensbeschreibungen deutscher Gelehrter und Künstler, Leipzig, 1792, 1, p. 1-101 ; II, p. 239-268; Gœbel, Andr. Bodensteins Abendmahlslehre (Stud. u. Kritiken, 1842, II); Jœger, Andr. Bodenstein V. Carlstadt, Stuttg., 1850. Depuis 1519, Jean de Stauplitz s'éloigna de plus en plus de Luther ; il se rendit à Salzbourg, sortit, par l'entremise du cardinal archevêque Matthieu Lang, de l'ordre des augustins, moyennant dispense du pape, entra chez les bénédictins, et devint abbé de Saint- Pierre (1522). il écrivait alors : « La doctrine de Luther est vantée par ceux qui visitent assidûment les maisons de débauche ; ses nouveaux écrits ont causé de graiiçls spm^JaJljÇf^ » Lutheri üpp-, ed..

LE PROTESTANTISME. 24.3

Aiirifaber, II, f. 76. II mourut le 28 déc. 1524. Voy. Grimm, in lUgens Ztschr. f. hist. theol., VII, 74-79 ; Dœllinger, Ref., I, p. 153-155.

Autres travaux littéraires du réformateur.

32. Les excès qui accompagnaient le nouvel Évangile de Luther, ne nuisirent pas plus à la cause de Luther que les désordres des radicaux extrêmes ne nuisent de nos jours à la cause des libéraux modérés. L'éloquence populaire de Luther, son autorité, la puissance de son souverain, ses nouveaux travaux littéraires, maintinrent la cohésion de son parti. Son ami Mélanchthon avait rédigé pour les écoliers et les savants des Lieux théologiques, entièrement conformes à son esprit; ils furent souvent réimprimés dans la suite, et modifiés par Mélanchthon lui-même. Les pensées du réformateur sur le libre arbitre, sur la prédestination absolue, etc., furent recueillies, mais non au complet. Dépourvues de profondeur et de solidité, elles étaient rédigées dans un beau langage. Les dogmes de la Trinité et de l'Incarnation ne figurèrent que dans les dernières éditions, d'après un extrait des six premiers conciles. Luther disait lui-même que cet ouvrage était ce qui avait été de mieux écrit depuis le temps des apôtres. Il déployait une grande activité littéraire : tantôt réservé et temporisateur, tantôt em- porté au delà de toutes les bornes, au gré de son humeur.

Luther injuriait tous ses adversaires en théologie. Faire vœu de pauvreté et de chasteté perpétuelle, disait-il, c'est vouloir blasphémer toute sa vie; il voulait que les vœux monastiques fussent supprimés par l'autorité, et les couvents détruits. Il se surpassa lui-même par les blasphèmes honteux qu'il vomit contre le vénérable canon de la messe, étabU, quant à sa substance, depuis le sixième siècle. Il en publia une traduction allemande, accompagnée de remarques satiriques.

Bientôt la pensée lui vint de faire supprimer la messe;, après avoir si vertement blâmé Carlostadt pt>nr ce fait. Aux cha- noines de Wittenberg qui lui faisaient opposition il disait : Vous voulez former des « factions » et des« sectes ». Il déchaîna" ses partisans contre les « frocards diseurs de messes », cl finit par supprimer formellement le canon de la messe, en conser- vant toutefois l'élévation (novembre 1525). 11 rejetait complè- tement l'antiquité chrétienne, la théorie de la justification,

244 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

ainsi qu'il l'avouait lui-même, était ignorée, et dont il ne connaissait que très imparfaitement les témoignages et les instructions; il sentait confusément qu'elle était incompatible avec son système. Le Nouveau Testament était son grand arse- nal, car il ne donne que peu de renseignemeuts sur les pre- mières institutions de l'Église, et ces renseignements vagues, Luther pouvait aisément les tourner dans le sens de ses opi- nions.

OUVRAGES A CONSULTER ET REiMARQUES CRITIQUES SUR LE 32.

Phil. Melanchthonis Hypotyposes theologicse, seu Loci communes rerum theologicarum, Vileb., d521, dans v. d. Hardt, Hist. lit. Ref., IV, p. 30-77, éd. Augusli, Lips., 1841. A ce sujet, Luther, de Servo Arbitrio ; contre : J. Eck, Enchii'idion locorum communium. Sur les variations : Strobel, Lit.-Gesch. von Phil. Melanchth. Loci theologici, Altdoif et Nurenb., 1776. Cette proposition, condamnée par le concile de Trente (sess. VI, de Justif., can. vi) : « Comme la vocation de Paul, l'adultère de David et la trahison de Judas sont l'œuvre de Dieu », Mé- lanchthon l'enseignait ici et dans son Commentaire sur l'Épitre aux Romains ; le passage fut supprimé dans les éditions ultérieures. Sur la polémique subséquente de Luther, voy. Riffel, I, p. 179 et suiv., 433 et suiv. Courts discours de clôture sur les vœux et la vie ecclésiastique des couvents : Walch, part. XIX, p. 797.

Traduction de la Bible par Luther.

33. Aussi son principal travail fut la traduction allemande du Nouveau Testament, publiée en 1522, avec la Postille qui s'y rattache (1524). Sa Bible était son œuvre favorite. C'était lui, à l'entendre, qui le premier avait tiré la Bible de dessous le boisseau, vanterie qui lui fut vivement reprochée par Zwingle et par d'autres encore. Il habitua le peuple à s'occuper de théologie, en enseignant que l'Écriture était claire, facile à comprendre et suffisante.

Les anciennes traductions furent vouées à l'oubli , parce qu'il fallait, en se les procurant, acheter l'Ancien Testament avec le Nouveau, et que la version de Luther était plus claire et meil- leure sous le rapport de la langue, sinon sous le rapport exégé- tique et théologique.

Cette traduction, conçue tout entière selon le système de Luther et en vue de répandre sa théorie de la justification, était

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LE PROTESTANTISME. 24o

souvent accommodée à sa doctrine par des altérations et des intercalations arbitraires. Ce qui ne pouvait être atteint par l'artifice de la traduction, était complété par des gloses margi- nales, que la plupart des lecteurs confondaient avec le texte, puis par des interprétations destinées à mettre la Bible d'accord avec le système. Après le Nouveau Testament, Luther com- mença la traduction de l'Ancien, qu'il termina en 1534. En face de la version de Luther, les traductions catholiques (celles d'Emser, de J. Dietenberg, de J. Eck), ne purent se soute- nir. Les traductions et les commentaires du réformateur aidèrent puissamment à sa cause, en même temps qu'ils augmentèrent son courage et sa confiance en lui-même. Les imperfections, même grossières, de sa version, souvent relevées dans la suite, ne purent affaiblir chez ses partisans l'autorité d'une œuvre qui passait en quelque sorte pour inspirée.

OL'VRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 33.

Contre les vanteries de Luther, Zwingle en appelait au témoignage de L. Valla, Reuchlin, Pellican, Érasme, etc. La traduction du Nou- veau Testament (faite sur la seconde édition du texte grec d'Érasme) révèle des intercalations dans le texte, arbitraires et destructives du sens, comme l'épithète « seule » et l'adverbe « uniquement », par exemple, dans Rom., m, 20 : « Par la loi on n'obtient que la connaissance du péché »; ibid., iv, 15 : « La loi n'opère que la colère » ; m, 28: «L'homme est justifié sans les œuvres de la loi, par la foi « seule ». Ce dernier point, justement blâmé de toutes parts, Luther le justifia dans une lettre à Link (Walch, part. XXI, p. 314 et suiv., éd. d'Altenb., v, fol. 269, 6 ; rapport et réponse à deux questions, par le truchement) : « Si votre nouveau papiste se tourmente inutilement à cause de ce mot « sola », dites-lui simplement : Docteur Martin Luther le veut ainsi, et il dit : Papiste et âne sont une même chose Sic volo, sic jubeo; stat pro ratione voluntas. Nous ne voulons être ni les écoliers ni les disciples des papistes, mais leurs maîtres et leurs juges ; nous voulons aussi une bonne fois nous pavaner et nous gaudir en face de ces têtes d'ânes, et de même que Paul se glorifie en face de ses saints insensés, je veux, moi aussi, me glorifier vis-à-vis de mes ânes. » Et il ajoute (Walch, loc. cit., p. 327) : « Je regrette de n'avoir pas mis : »< Aucun, aucune », u sans aucune œuvre i' aucune loi », ce qui dirait la chose nettement et clairement. Ainsi, je veux que cela reste dans mon Nouveau Testament, et, dussent tous ces ânes de papistes en devenir fous, ils ne l'en feront pas sortir. » Luther alla jusqu'à commettre des falsifica-

246 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.

tions palpables, Rom., m, 25 et suiv.; il supprima dans sa traduction allemande tout ce qui contrariait sa doctrine. Il dit : « Celui (le Christ) que Dieu a proposé comme siège de grâce (gr., iXacTi^piov, lat., propitiationem) par la foi dans son sang, afin de montrer la jus- tice qui vient à ses yeux, eU evSei^-.v tyi; SixatotnivYiç aÙToû (ad ostensionem justitiae suœ), en remettant les péchés qui étaient demeurés jusque-là sous la patience divine, Stà röv uàpEffiv twv TipoYîyovÔTwv à[i.apTri[iâTa)v (prop- ter remissionem prsecedentium delictorum). » Parmi ses notes margi- nales, la suivante sur ce passage, Rom., viii, i : « 11 n'y a rien de dam- nable en ceux qui croient en Jésus-Christ », est surtout remarquable « Quoique le péché l'ègne encore dans la chair, il ne damne pas » cause de la justice imputée). Luther fait de l'exégèse arbitraire quand il dit : « Observer les commandements, c'est « ci'oire » (Walch, part. VIII, p. 2106, II, 32). Dans Gen., xxxvi, 24, il traduit « d'une façon très malheureuse », selon la remarque de Gésénius et de Wette, le mot Jémim par « mulet », au lieu de « source, fontaine » (aquae ca- lidae). Voy. Dœllinger, Reform., IIl, p. 139 et suiv., 156 et suiv. Versions catholiques de la Bible : a) par Jérôme Emser (Dresde, 1527), qui, dans sa critique de la traduction de Luther, lui reproche 1,400 fautes, tandis que Luther l'accuse de lui avoir fait de nombreux em- prunts ; b) par Jean Dietenberger, qui en 1534 publia à Mayence toute la Bible en allemand ; lui aussi se servit de Luther; c) par Jean Eck (1537), meilleur théologien que styliste; il traduisit lui-même l'Ancien Testament et emprunta le Nouveau à Emser ; d) par K. Ulenberg (Co- logne, 1630).

Controverse de Luther avec Henri VIII.

34. Outre le duc George de Saxe, Luther avait pour prin- cipal adversaire parmi les princes Henri YIIl, roi d'Angleterre. Blessé des emportements du réformateur, Henri VllI invita (mai 1521) l'empereur et l'électeur palatin à l'exterminer de la terre, lui et sa doctrine, et il interdit sous les peines les plus graves de propager ses idées dans son royaume. Et comme il s'était lui-même adonné autrefois aux études théologiques, il entra en dispute avec Luther en qualité de théologien; il releva (dans une apologie des sept sacrements) ses contradictions, notamment dans la Captivité de Babylone. 11 fit présenter son ouvrage à Léon X, dont il attendait et reçut un titre honori- fique pareil à celui qu'avaient obtenu les rois de France et d'Espagne, le titre de <( défenseur de la foi », defensor fidei^ que ses successeurs ont continué de porter. Cet ouvrage,

LE PROTESTANTISME. 247

qu'on a beaucoup surfait de son temps, était conçu dans une forme populaire, et faisait habilement ressortir les contradic- tions de Luther sur la confession, les iiidulgeuces et la pri- mauté.

Luther répondit en 1522 avec sa malice et sa grossièreté habituelle : la grossièreté chez lui était devenue classique. Ces procédés indignèrent tellement Henri VIII, qu'il usa de son influence politique contre le moine saxon. Luther se montra bassement hypocrite , lorsque, Henri étant sur le point de rompre avec Rome à cause de son divorce, il lui adressa une lettre excessivement flatteuse, dans l'espoir de le gagner à son Évangile (1328). Nun seulement il s'excusa de sa violence, mais il offrit encore de se rétracter. Le roi, profondément blessé, pro- fita de ces aveux pour le clouer au pilori, et Luther redoubla de fureur et de rage.

OüVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 34.

Lettres de Henri VllI contre Luther : Walch, th. xix, p. 133 et suiv.; Kapp, Nachlese, II, p. 458 ; Cvprian, Nützliche Urkunden, II, p. 4.')8;Assertio Septem sacramcntorum adv. M. Lutherum, Lond., 1321, in-4°; réimprimé à Anvers, 1322, in-4°, sans indication de lieu, 1323, en allem, par II. Eniser, 1322 ; voy. ^Yalch, loc. cit., p. 158 ; Planck, Gesch. d. prot. Lehrbegr., II, p. 98. Pallavicini, 11, i, 8, prouve que le titre de « Défenseur de la foi » fut donné non par Clément VII, mais par Léon X. Cf. bulle du H oct. 1311, dans Rymer, Fœd., XIII, 73C; Conc. M. Brit., lil, 603; Gerdes, Mon., IV, 178. Bulle de confir- mation, par Clément VII, du 5 mars 1523, dans Rymer, XIV, 13. Conc. M. Brit., III, 702 ; Gieseler, III, ii, p. 3, n. 4. Luth., Contra regcm Angl., 1322, in-4°, 0pp. lat., éd. Jen., Il, 316. L'« Ecclésiaste de Wittenberg par la grâce de Dieu» appelle son adversaire un âne couronné, un grediu iiell'é, un idiot, le rebut de tous les porcs et de tous les ânes, un blas- phémateur, Henri l'imbécile, une gueule arrogante de roi, « qui frotte de son... ordure la couronne du Christ mon roi, dont je possède la doctrine ». Lettre de Henri à l'électeur de Saxe, 22 janv. 1323 : Cyprian, Epist. clar. vir., ex biblioth. Goth. autogr., p. 9, dans Gerdes, loc. cit., p. 119. Réponse de l'électeur : Cyprian, Nützl. Urkun- den, II, p. 276. Henri contre Luther : de Wette, III, p. 23 et suiv.; Walch, th. XIX, p. 468 et suiv., 312 et suiv.; Riiiel, I, p. 333 (2"= éd., p. 446 et suiv.).

Controverse de Luther avec Éraszae.

35. Plus importante encore fut la dispute de Luther avec

248 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Érasme. Cet humaniste ardent, cet adversaire ironique des moines, avait longtemps servi les intérêts de Luther, puis il était devenu hésitant. En 1524 enfin, il résolut d'attaquer la doctrine du réformateur sur le libre arbitre. Comme les catho- liques le tenaient pour un luthérien et les luthériens pour un lâche qui n'osait se déclarer ouvertement en leur faveur, Érasme choisit dans la nouvelle doctrine le sujet qui était le plus antipathique à son esprit ; il pouvait, en le traitant, com- battre un dogme fondamental des novateurs, sans paraître se faire l'écho servile des vieux préjugés et l'apologiste vénal de la curie romaine ; il n'avait besoin que de preuves scripturaires et rationnelles. Sa polémique était exempte de personnalités; ses arguments en faveur du libre arbitre étaient souvent excellents ; sa critique des preuves bibliques de Luther, écra- sante.

Luther, qui avait autrefois si fort exalté Érasme, lui répondit dans les termes les plus virulents en son traité du Serf Arbitre. Il trouva moyen de tourner en sens contraire les textes les plus précis et les plus clairs de la Bible, n'accorda à la raison aucune valeur dans les choses de la foi, distingua entre la volonté secrète et la volonté manifeste de Dieu, compara l'homme après sa chute à une bûche, à une statue de sel, et traita son adversaire d'incrédule, de sceptique et d'épicurien. Érasme, dans un second écrit, prit aussi un ton plus amer. Luther, dont il découvrait les lacunes scientifiques, jugea à propos de céder et de reconnaître qu'il avait été trop loin. A une lettre d'excuses et de flatteries, Érasme répondit en dépei- gnant les procédés orgueilleux do Luther et les funestes résul- tats de ses œuvres. Il rompit toute relation avec lui, mais il continua son commerce épistolaire avec Mélanchthon.

Ouvrages a consulter sur le n* 35.

Erasm., de Libero Arbitrio diatribe, 1524 : Walch, th. xyni, p. 19, 62; Esch, sur Érasme, in Raumers hist. Taschenbuch, 1843; Dœllin- ger, I, p. 7 et suiv.; Riffel, II, p. 251 et suiv.; Kerker, Erasm. u. s. theol. Standpunkt (Tüb. theol. Quarlalschr., 1859, p. 529 et suiv.). Luth., de Servo Arbitrio ad Erasm., 1525 : Walch, th. xviii, p. 20-50. 0pp. lat., éd. Viteb., 1546, t. Il; Dœllinger, III, p. 25 et suiv.; Erasmi Hyperaspites diatr. adv. Servum Arbitrium Lutheri, libri II, 0pp., éd. Clçrici, X, 1249 et seq.; Walch, loc. cit., p. 100-154, 1944-2486 ; Riffel,

LE PROTESTANTISME. 249

II, p. 250 etsuiv.; Erasmi Epist., XXI, xxmii, éd. Clerici. Sur Érasme voy. encore Robert B. Drummond, Erasmus, his life and character, Lond., 1873, 2 vol.; Durond de Laur., Érasme précurseur et initiateur de l'esprit moderne, Par., 1872, 2 vol.; Stœhelin, Erasmus' Stellung zur Reformation, Bâle, 1873; Woker, de Erasmi Rot. studiis irenicis, Paderb., 1872.

Les diètes de IVnrenberg- en 1599 et 159-1.

Adrien VI. Ses efforts auprès de la diète de Nurenberg.

36. Le sultan Soliman venait de conquérir Belgrade et menaçait la Hongrie, lorsqu'une nouvelle diète s'ouvrit à Nurenberg (152-2). Le pape Adrien VI y envoya le nonce François Chieregati, tant pour appuyer les Hongrois que pour presser l'exécution de l'édit de Worms. Après avoir, dans son bref (9 septembre 1522), tracé aux princes de l'empire le récit des faits, qu'ils n'ignoraient pas, il leur représenta qu'on sacri- fierait en vain ses richesses et sa vie pour vaincre ses ennemis du dehors, si on tolérait dans l'intérieur du pays le poison de si funestes doctrines, et si, contrairement à l'exemple des vaillants et pieux ancêtres, on le favorisait, au mépris des lois et de l'honneur. Outre cet écrit, Chieregati communiqua franche- ment aux États les instructions particulières dont il était muni : le pape y déclarait que les malheurs actuels lui semblaient un châtiment des crimes de la chrétienté, principalement de ses pasteurs et de ses chefs ; il avouait qu'il y avait aussi des abus à Rome, que lui-même avait commencé à réformer la curie pontificale et qu'il était prêt à travailler de toutes ses forces à corriger le mal; il assurait de plus que les concordats seraient observés et qu'il veillerait aux intérêts de l'Allemagne ; il invi- tait les princes à indiquer les moyens d'apaiser les troubles et de supprimer les abus, et il chargeait le nonce de rechercher des hommes pieux et savants auxquels il pourrait venir en aide. Adrien manifestait la plus ferme volonté de faire tout ce qui était en lui pour améliorer la situation religieuse. Il essaya dans deux lettres particulières, écrites d'un ton grave mais paternel, d'ouvrir les yeux au prince électeur Frédéric. Il écrivit également à plusieurs États.

250 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A COfjSÜtTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 36.

, Raynald., an. 1522 ; Pallav., II, vu, 1 et seq.; Walch, L. W., th. xv, p. 2516 et suiv.; Menzel, I, p. 105 et suiv.; Riffel, I, p. 378 et suiv. Bref à l'électeur de Saxe du 5 oct. 1522 : 0pp. Luth, lat.. Il, 330 ; Le Plat, II, p. 127 et seq. Instructions pour le légat : Rayn., loc. cit., n. 65 ; Pallav., loc. cit., n. 4-6 ; Le Plat, II, p. 144 et seq. Voici les remarques que Pallavicini, loc. cit., n. 9-14, fait sur ces instructions : 1"^ Adrien ne connaissait pas autrefois la curie romaine; de l'Espagne, il appmt le 9 février sa nomination, qui avait eu lieu à Rome le 6 janv. 1522, il n'arriva à Rome que le 8 juillet. Il ajoutait trop de foi aux mauvaises rumeurs, aux satires, ainsi qu'aux flatteurs qui, pour le louer, dépréciaient le dernier pontificat. Léon X fut plus heureux qu'Adrien dans le choix d'hommes capables, et la corruption de la curie n'était pas telle qu'on le prétendait. La prudence lit défaut dans les brefs et les instructions d'Adi'ien, car il était à prévoir que les ennemis du Saint-Siège y verraient un aveu complet de leurs accusations, souvent mal fondées. Il eût mieux valu les réfuter sim- plement par les actes de sa propre vie, sans condamner ni encenser les papes antérieurs. Il était de plus imprudent de consulter « tout le monde » sur les moyens d'écarter les troubles religieux et de prévenir soi-même les propositions. Tous n'avaient pas une foi pure, la môme prudence et sincérité. Chacun tenait pour le meilleur remède ce qui répondait le mieux à ses propres passions. Les goûts et les intérêts étaient trop différents. Les instructions communiquées donnèrent lieu ' à des prétentions exagérées, auxquelles il était impossible de satisfaii'e. ' Sur Luther, Adrien, n'étant encore que cardinal, avait écrit : « Qui sane tam rudes et palpabiles haereses mihi prœ se ferre videtur, ut ne discipulus quidem theologiaî ac prima ejus limina ingressus ita labi poluisset » (Burmann, Analecta hist. de Hadr. VI, Traj., 1727, p. 447). Lettre de Charles et des États de l'empire sur les « gravamina impe- rii » : Goldast, I, 447 ; Le Plat, II, p. 128-130. Lettres et Instructions d'Adrien, de nov. 1522 : Le Plat, II, p. 140-153; Bull. Rom., t. I, p. 626 et seq.; Roscovany, Mon. cath., III, p. 59-66.

Négociations de Nureuberg.

37. Malheureusement, la plupart des États ne montraient que faiblesse, insouciance ou mépris déclaré pour le pape. Les esprits enclins au luthéranisme considéraient les aveux du pape sur le besoin d'une réforme comme un triomphe pour leur cause et une justification du retard apporté à l'exécution de redit de Worms; plusieurs même s'affermirent dans leur

LE PROTESTANTISME. 2ol

haine de la papauté, malgré les excellentes qualités et les bonnes intentions d'Adrien, qu'ils ne pouvaient nier. Tous ne cherchaient que leurs propres intérêts. La réponse au pape était passablement froide : On n'aurait pu exécuter l'édit de Worms sans provoquer une révolte parmi le peuple; il fallait satisfaire aux exigences des États séculiers de l'empire (les 101 griefs), et réunir dans une ville allemande un concile libre et général pour examiner ces exigences et vider les controverses religieuses ; en attendant, on veillerait à ce que Luther et ses amis n'écrivissent et ne fissent rien imprimer qui fût de nature à exciter le populaire, et l'on ne s'opposerait pas à ce que les évêques procédassent par des peines purement canoniques contre les clercs mariés, qu'on ne pouvait punir d'après les lois civiles.

Beaucoup des griefs qu'on alléguait étaient souverainement injustes; on oubliait complètement que les papes avaient envoyé aux Allemands pour les guerres contre les Turcs des sommes beaucoup plus considérables que les annates, dont on se plaignait si fort, et qui étaient du reste garanties par les concordats de Vienne. Le nonce déclara que cette réponse était insuffisante et qu'il ne pouvait l'accepter, à moins qu'elle ne fût corrigée sur plusieurs points, renforcée et expliquée avec plus de détails. La raison pour laquelle on n'avait pas exécuté l'édit de Worms lui semblait inadmissible, car on ne doit point tolérer le mal sous prétexte d'en tirer quelque bien ; l'indul- gence dont on avait usé jusque-là, n'avait fait qu'aggraver la situation. Tous les griefs qu'on pourrait imaginer contre Rome, quelque fondés qu'ils fussent, n'excuseraient jamais l'hérésie et l'abandon de la foi ; la proposition d'un concile ne déplairait pas au pape, si l'on s'abstenait de tout langage sus- pect, si l'on ne prétendait pas accorder aux laïques les mêmes droits qu'aux clercs, introduire une liberté que l'Église ne pouvait approuver, et abolir la primauté.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE 37.

Pallav., Il, vui, 1-15 : Responsa principum Replicatio legati Duplicatio principum Gravamina, cap. lxxvii; Le Plat, II, p. 133 et seq., 164 et seq.

252 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Ëdit publié par les Etats.

38. A ces remarques, les États ne firent aucune réponse ; ils se contentèrent à la fin (6 mars 1523) de publier, au nom de l'empereur, un édit ils ne rétractaient rien de leur réponse, mais donnaient quelques éclaircissements dans le sens du nonce, sans céder pour le principal. 11 fut résolu que les prédicateurs expliqueraient l'Écriture d'après l'interprétation reçue et approuvée par l'Église. Le tout était pâle et incolore. Révolté de cette façon d'agir, le nonce quitta Nurenberg avant qu'on eût pu lui remettre le mémoire aux cent un griefs.

Ce décret fut tantôt interprété par Lutber comme favorable à sa cause, tantôt violemment attaqué. Le discours de Chie- regati sur les secours à fournir contre les Turcs, discours si plein de dignité et de mesure, fut bientôt traduit en allemand par les luthériens et répandu dans le public avec commentaire injurieux envers le pape et son légat, et avec des altérations perfides. Sur ces mots : a La Hongrie une fois perdue, l'Alle- magne tombera bientôt aux mains des Turcs », ils ajoutèrent cette glose marginale : « Nous aimons mieux servir les Turcs que vous, la dernière et la plus grande horreur, l'ennemi de Dieu. » Le schisme religieux allait bientôt amener le schisme politique ; la trahison de l'Église, la trahison de la patrie.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N«» 38.

Décret des États de l'empire, du 6 mars 1523 : Goldast, II, loO; Le Plat, II, p. 207-211 ; Pallav., loc. cit., n. 16.

Dernières démarches d'Adrien VI.

39. Profondément affligé de la mauvaise issue de la diète de l'empire, Adrien VI s'en plaignit d'un ton paternel au prince électeur de Saxe, ainsi qu'à d'autres princes et à des villes. Frédéric essaya de se justifier, rappela que Luther était tou- jours disposé à rendre compte de ses actes (1), pria le pape de ne point ajouter foi à des bruits calomnieux, et protesta qu'il entendait demeurer enfant soumis de l'Église (février 4523). Le pape voyait ses meilleurs desseins avorter et l'inutilité de ses efforts pour défendre l'île de Rhodes contre les Turcs (25 décembre 1522). Sa sévérité et son économie, mais surtout

LE PROTESTANTISME. 253

l'éloigiiement do fonctionnaires superflus, lui avaient suscité dans Rome même de nombreux ennemis, qui se réjouirent hautement de sa mort prématurée (14- septembre 1323). Il s'était entouré de pieux personnages (saint Cajétan de Thienne et Carafa), et ne laissa que très peu d'argent. Il avait limité les indulgences, canonisé Antonin de Florence et Bennon, évêque de Meissen (3 mai 1523). A l'occasion de la levée des ossements de ce dernier, Luther publia un odieux pamphlet « contre la nouvelle idole et le vieux diable qui doit être exalté à Meissen ».

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 39.

Rayn., an. 1523, n. 73-86 ; Pallav., II, vni, 20, 21. Le bref menaçant « Satis et plus quam satis » (Le Plat, II, p. 131-139) parut comme un projet de Cochlée (Catholiq., 1873, p. 237 et suiv.). Pallavicini dit d'Adrien : « C'était un prêtre excellent, un pape médiocre, et pour le peuple, qui juge de tout par le succès, moins que médiocre, estimé des cardinaux outre mesure quand on l'éleva au pontificat, et détesté de la cour au delà de toute imagination pendant son gouvernement. » On afficha sur la porte de son médecin cette inscription : « Liberatori patriae S. P. Q. R. » Il fut inhumé à Santa-Maria dell' Anima, et ses amis lui firent cette épitaphe : « Ici repose Adrien VI, qui tenait pour le plus grand malheur de régner. » Pamphlet de Luther à l'occa- sion de l'exhumation des ossements de S. Bennon : Walch, Cüuvr. de Luth., part. XV, p. 2794 et suiv.

Clément VII et la nouvelle diète de Nureuherg.

40. Le 19 novembre 1523, Adrien VI eut pour successeur, sous le nom de Clément VII, le cardinal Jules de Médicis, parent de Léon X. En butte à de nombreuses calomnies, Clé- ment VU avait eu peu d'influence sous le précédent pape, mais il n'avait pas tardé à être justifié. Jeune encore et vigoureux, initié aux études classiques, il était plein de loyauté, de pru- dence et de réserve. Sa sage lenteur fit croire à plusieurs qu'il agissait plutôt par astuce et tromperie que par une conviction fondée sur un sérieux examen. Il donna toute son attention aux désordres de l'Allemagne. Clément VII n'ignorait pas combien étaient suspectes les conditions sous lesquelles on avait demandé un concile , combien Luther était peu disposé à s'y soumettre, quels obstacles enfln les guerres d'alors oppo- saient à sa réunion .

254 HISTOIRE DE l'ÉGLISE. '

Il envoya à la nouvelle diète de Nufenberg (1524.) le car- dinal Laurent Campeggio en qualité de légat. Campeggio ne devait considérer les cent griefs des princes temporels que comme une écriture privée^, presser l'exécution de l'édit de Worms et aviser aux moyens de réformer le clergé. Pendant son voyage, surtout à Augsbourg et à Nurenberg, le légat put constater les dispositions fâcheuses qui dominaient contre le Saint-Siège. Frédéric de Saxe, qu'il espérait gagner par la force de ses arguments comme par le bref affectueux qu'il était chargé de lui remettre, ne parut pas à la diète; il en fut de même de plusieurs autres princes, et la plupart de ceux qui s'y rencontrèrent étaient contraires au légat. Tandis que celui-ci insistait pour qu'on maintînt résolu- ment l'unité religieuse, les princes cherchaient à exploiter la querelle religieuse à leur profit, à vendre simoniaquement au pape la restauration de son autorité en Allemagne, moyennant l'abandon de ses droits et de ses revenus, et à lui arracher les plus énormes concessions.

Le légat déclara que le Saint-Siège ne pouvait considérer les griefs qui lui avaient été présentés que comme un document privé, comme l'œuvre de ses ennemis, lesquels n'avaient aucun égard à la justice et à l'équité; qu'il lui était impossible de faire droit à toutes les exigences, ne fût-ce que pour l'exemple qui serait donné à d'autres pays, quand même il s'agirait de la perte de toute l'Allemagne ; que du reste il n'y avait rien à attendre do ceux qui voulaient se faire payer pour ne point déserter la foi. Il était faux que les évèques et le pape n'eussent en vue que leur propre avantage; mais il en serait ainsi, s'ils trafiquaient honteusement de leurs droits pour obte- nir la faveur des princes.

Les États persistèrent dans leur sentiment, et n'entrèrent point dans les projets de réforme du légat. Comme un rescrit impé- rial pressait l'exécution de l'édit de Worms, la diète décréta ce qui suit (18 avril lo24) : 4" Chacun des États de l'empire cher- chera « autant que possible » à exécuter l'édit, et chaque auto- rité s'opposera de toutes ses forces à la propagation de nouveaux écrits injurieux à l'Église catholique; on demandera au pape de réunir un libre concile en Allemagne ; une nouvelle diète (11 novembre) sera tenue à Spire, l'on discutera, d'après

LE PROTESTANTISME. 2SÖ

l'avis d'hommes savants et expérimentés, sur les cent griefs contre Rome ; ces hommes examineront avec soin les noU'- velles controverses rehgieuses, parcourront les écrits de Luther, en feront un triage, et décideront ce qu'il sera permis de prêcher et d'écrire jusqu'à la réunion du concile.

OUVRAGES A CONSULTEa ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 40.

Pallav., II, II, 1 et seq.; ix, n. 2 ; Ranke, Rœm. Pœpste, I, p. ■127; ibid., III, p. 264 et suiv. Beil., Relation de l'ambassadeur vénitien : « Uom prudente e savio, ma lungo a risolversi e di qua vien le sue operazioni varie. Discoi're bene, vede tutto, ma è molto timido, uomo giusto e uom di Dio. » Précédemment (1517) Marco Zorzi ne faisait plus grand cas de lui, et Marco Minio l'appelait (1320) « uom di maneggio, cbe ha gran poter col Papa » (Léon X). Ranke, III, p. 235 et suiv., 23 et suiv.; I, p. 98. Clément à l'électeur de Saxe, 7 déc. 1523 : Pallav., II, x; Le Plat, II, p. 2H ; à l'empereur pour l'exécution de l'édit de Worms, 17 janvier 1524 : RajTiald., h. a., n. 2 ; Le Plat, II, p. 212, 213 ; Pallav., Il, x, 9 et seq.; Raynald., an. 1524, n. 8 et seq. Recez de la diète de l'empire, 18 avril, dans Lünig, Reichsarchiv., P. gen. Cont., t. I, p. 445 ; Walch, L. W., th. xv, p. 2674 ; Koch, Reichstags- abschiede, p. 258; Goldast, II, 152 ; Le Plat, H, p. 217-221,

Le décret de Nurenberg.

41. Ce décret révèle une duplicité, une équivoque également blessantes pour toutes les parties, ainsi que l'écrivit Clément VII à l'empereur. Le quatrième article supprimait le premier : car, si l'édit de Worms devait être exécuté, on ne pouvait pas sou- mettre à un nouvel examen la doctrine de Luther, manifeste- ment hérétique; l'autorité de l'empereur était encore plus sacrifiée que celle du pape.

Le cardinal, à qui l'on avait auparavant communiqué le décret, approuva le premier article, accepta le second ; mais il rejeta résolument le quatrième, parce qu'il n'était pas permis de remettre en question des doctrines décidées par l'Église, parce qu'une diète ne pouvait se prononcer sur ces contro- verses religieuses, parce que la délibération, l'examen ne pou- vaient pas èlre confiés à des hommes dont la plupart étaient étrangers à la doctrine de l'Église et enclins à l'hérésie, ou plu- tôt qui eu étaient déjà venus à ne plus favoriser qu'elle; parce que ceux qui méprisaient l'autorité du pape et de l'empereur

256 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

ne seraient guère d'humeur à accepter une décision émanée de docteurs particuliers; parce que, si on les laissait tous se pro- noncer sans faire un choix, on n'arriverait à aucun résultat, et que si l'on faisait un choix, ceux qui n'y seraient pas compris pourraient aisément rejeter le décret comme illégitime et injuste; parce que les autres nations ne souscriraient jamais à une décision dogmatique rendue par les seuls Allemands, et qu'on n'aboutirait ainsi qu'à accroître les dissentiments reli- gieux. Quant à la réforme du clergé, elle ne demandait point de nouvelles lois : il suffisait d'observer les anciennes, et le légat était prêt à les faire exécuter. Relativement aux griefs, les États pouvaient en conférer par leurs agents avec le pape, qui accorderait ce qui était équitable. Après avoir annoncé son départ, le cardinal déclara qu'il n'avait approuvé que ce qui était contenu dans son explication; qu'il n'acceptait pas la phrase il était dit qu'on s'était entendu avec lui sur le con- cile.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N"» 41.

Clément VII à Charles-Quint, il mai: Rayn., an. 1524, n. 15 et seq.; Le Plat, II, p. 223-225 ; à Henri VIII et François I" de France : Le Plat, II, p. 222-226. Remontrances de Campeggio : Pallav., loc. cit., c. X, n. 19-21.

Délibérations à Rome. Mesures de l'empereur.

42. Clément VII soumit à une congrégation les quatre ques- tions suivantes : Que faut-il faire pour procurer l'exécution de l'édit de Worms ? comment peut-on combattre les délibé- rations religieuses de Spire? 3** que répondre à la demande d'un concile et aux cent griefs? faut-il continuer les négo- ciations avec Frédéric de Saxe? On s'abstint de prendre contre ce dernier des mesures précises; quant au concile, il fut répondu : Le pape désire lui-même assembler un concile pour rétablir l'ordre dans l'Église; mais il faut y préluder par le rétablissement de la paix entre les princes chrétiens : on peut continuer les négociations. Relativement aux griefs, le cin- quième concile de Latran en avait éliminé un grand nombre, et le pape s'en tenait rigoureusement à ce concile. Pour le reste, une congrégation spéciale était instituée, et elle achèverait ses

LE PROTESTANTISME. 257

travaux avant même la réunion du concile. Sur les deux pre- miers points, il fallait, par de sérieuses représentations, éclairer l'empereur, les princes orthodoxes de l'empire, les rois de Portu- gal et d'xlngleterre, qui pouvaient exercer une influence consi- dérable, et les encourager à des mesures opportunes. Les deux rois s'employèrent effectivement en faveur de l'édit de Worms, et Charles-Quint ordonna, sous peine de lèse-majesté impériale et du ban de l'empire, d'observer ponctuellement l'édit contre Luther, ce second Mahomet ; il interdit l'assemblée de Spire, blâma les décrets qui avaient été rendus, et promit d'engager le pape à réunir un concile général.

Le pape manda aux princes que l'orage qui menaçait actuel- lement l'autorité ecclésiastique se tournerait bientôt contre l'autorité civile, qu'il saurait au besoin remplir son devoir sans leur concours, mais qu'eux se repentiraient un jour de le lui avoir refusé. Les princes consentirent à ce qu'il n'y eût pas de conférences religieuses à Spire, mais ils opposèrent à l'exécu- tion de l'édit de Worms des difficultés invincibles. Luther, éga- lement mécontent de la diète de Nurenberg, fut pris d'un vio- lent accès de colère en voyant le peu d'approbation qu'on don- nait à son œuvre.

Ouvrages a consulter sur le 42.

Pallav., II, X, n. 23-30; Rayu., an. 1324, n. 21 et seq.; Sarpi, I, § 31 ; Le Plat, Mon., II, p. 237-239.

Travaux de Campeggio.

43. Cependant Campeggio accomplit en Allemagne beaucoup de choses importantes. Il réunit à Ratisbonne ceux des princes qui étaient franchement catholiques : l'archiduc Ferdinand, les ducs de Bavière, l'archevêque de Salzbourg, l'évêque de Trente, administrateur de Ratisbonne, auxquels se joignirent les pro- curateurs de neuf évèques. Il déhbéra avec eux sur les moyens les plus opportuns de maintenir l'ancienne croyance, attestant ainsi publiquement qu'une grande portion de l'Allemagne était encore catholique et fidèle au pape.

Une ligue cathohque fut conclue le 5 juin 1524. Ses membres prirent l'engagement d'exécuter l'édit de Worms, d'empêcher l'aboUtion des anciennes coutumes rehgieuses, de défendre à V. msT. DE l'église. 17

258 HISTOIRE UE l'église.

leurs sujets de fréquenter l'université de Wittenberg, et d'ex- clure les récalcitrants de tous les emplois. On interdit le mariage des prêtres, on publia des lois pour la correction des mœurs du clergé, on allégea les contributions pécuniaires des laïques, en abaissant notamment les frais de sépulture. Dans le nord de l'Allemagne, à Dessau, les catholiques tinrent une réunion semblable ; à Vienne aussi, dans le courant de l'au- tomne et de l'hiver, le cardinal légat s'employa activement pour les intérêts de l'Église. Quinze prédicants luthériens furent chassés de Prague, et cet exemple fut suivi dans d'autres loca- lités. Déjà une sourde fermentation se remarquait parmi le peuple, et les princes favorables à la nouvelle doctrine for- geaient des plans contre l'empereur ; déjà l'on parlait à haute voix, tantôt d'élire un nouveau souverain, tantôt de séparer Charles-Quint du pape, à cause de l'inclination de celui-ci pour la France, afin de l'attirer dans le parti des sectaires. La guerre avec la France paralysait la puissance impériale et servait puissamment la cause des novateurs.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 43.

Pallav., II, XI, \ et seq.; Cliiliaii Leib, Chron., dans Dœllinger, Beitr., Il, p. 447 et suiv. Édit, dans Goldast, Const. imper., III, 487; Le Plat, II, p. 226-237. Lettres du légat, 22 août, 23 sept., 15 oct., il nov., 7 et 29 déc. 1524, dans Laimnier, Mon. Vat., n. H et seq., p. H et suiv.

L.e»i guerres de paysans. llaria{>:c de Luther. Son règ'Icnicnt ecclésias(if|ue.

Insurrections de paysans.

I

44. Plusieurs fois déjà depuis les dernières années du quin- zième siècle, les paysans s'étaient attroupés dans ditférentes contrées de l'AUemagno et en d'autres pays pour forcer les souverains d'alléger leurs charges. On étouffait ces insurrec- tions, on punissait sévèrement leurs autours; mais on ne son- geait pas à en écarter les causes, fondées pour la plupart. Les éléments de lagitation subsistaient donc, et les écrits de Luther les iüu^menfaicnt si-nsiblement. Ce n'étiit pas sans complai- sance que Luther écrivait à Link en 1522 : « Le peuple est

LE PROTESTANTISME. 239

partout sôiilovi'; on lui a donné îles yeux : il ne peut ni ne veut se laisser opprimer par la violence; » et il disait en 1323 : « Il ne doit pas y avoir d'autorité parmi les chrétiens, mais chacun est en même temps sdumis à son semblable. » Cependant la prudence lui commanda de ne pas se prononcer pour les che- valiers, quand ceux-ci commencèrent à attaquer les princes et firent le siège de Trêves, sous la conduite de Franz de Sic- kingen. Le Palatinat et la Hesse vinrent au secours de la ville, et, le 7 mai 1323, Sickingeu mourait des blessures qu'il avait reçues en défendant sa forteresse de Landstuhl.

Cependant Luther reprochait souvent aux princes temporels, et principalement aux princes ecclésiastiques, la dureté de leur gouvernement ; il parlait d'une insurrection imminente contre les seigneurs ecclésiastiques, traitait d' « aimables enfants » de Dieu ceux qui contribuaient au renversement du douvoir épis- copal, et faisait de la « liberté chrétienne » la devise univer- selle. Les paysans opprimés, travaillés par des meneurs et des astrologues, se flattaient que le nouvel Évangile les affranchi- rait détinitivement de la servitude et de l'oppression; ils cher- chaient à appuyer leurs droits sur « la parole de Dieu », et se croyaient autorisés à les revendiquer au besoin par la force, en vertu de « la liberté évangélique ». Les princes d'emeurés fidèles à l'ancienne Église étaient dépeints par les prédicants luthériens comme des persécuteurs de l'Évangile, des tyrans, des saugsues ; ces prédicants, la plupart des moines échappés de leurs couvents, fanatisaient les paysans, et quand ils étaient expulsés par les souverains, les campagnards aveuglés croyaient qu'on voulait leur ravir le pur Évangile, pour les empêcher de connaître leurs droits.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 44.

Luther sur les princes et les autorités temporelles, édit. d'Altenb., 1, p. 170 ; 11, p. 771 ; sur les prédicants : de Wette, 11, p. 173 et suiv.; lettre du 28 mars 1522; Hilïel , 1, p. 508 et suiv.; Erasm., ep. ad Petrum Barbirium, 1523; 0pp., éd. Lugd., 111, I p., 766 et ailleurs (voy. Dœllinger, Ref., 1, p. 8 et suiv.) sur les fruits du nouvel Évan- gile. Kilian Leib dit de la haine qu'on portait au clergé, an. 1225 (Dœlliiigor, Matériaux, 11, p. 467) : « Fiebat ut sacerdotes non luthe- rani et monachi popularibus plus quam Judaei invisi et abominabiles fièrent. »

260 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Insurrections dans la Souabe, la Franconie, la Thuringe, etc.

43. En 1324. déjà, des insurrections de paysans éclatèrent en différents endroits, et l'année suivante l'incendie s'étendit dans la Souabe, la Franconie, la Thuringe, la Saxe et les pays du Rhin. Réunis en grandes troupes, soutenus par quelques che- valiers, aiguillonnés par des meneurs qui agissaient en secret, les paysans saccageaient les couvents et les châteaux, les réduisaient en cendres, et se livraient à d'atroces barbaries. Thomas Münzer, prédicateur à Mulhouse depuis son expulsion d' Altstadt, proclamait dans la Thuringe l'égalité naturelle de tous les hommes, l'abolition des autorités, l'établissement d'un royaume nouveau, il n'y aurait que des justes.

Des paysans mêmes se permettaient de prêcher, puisque chacun était libre d'annoncer la parole de Dieu. On répandait de toutes parts des pamphlets, des manifestes séditieux; dans la Souabe notamment on propagea douze articles il était dit dans la préface : L'Évangile est outragé par un grand nombre d'ennemis du christianisme, comme s'il était responsable de tous les attroupements; or ces articles ont été précisément dressés parce qu'on veut entendre l'Évangile et y conformer sa conduite. Et voici ce qu'on réclamait : 1** le droit pour chaque commune d'instituer et de destituer ses prédicateurs ; l'abolition des dhues sur le bétail ; 3" l'emploi des dîmes sur le blé pour solder de nouveaux prédicateurs et entretenir des établissements utiles; la cessation de la tyrannie avec laquelle on traitait comme des serfs les paysans que Jésus- Christ a rachetés de son sang ; S" le droit de chasse, de pêche, l'usage du bois de chauffage et de construction; G" la compen- sation du dommage causé dans les champs par la chasse; 7" la réduction à l'ancien pied des contributions, corvées, taxes, etc.

Les paysans déclarèrent qu'ils étaient prêts à rejeter ces articles, si on leur prouvait « par l'Écriture sainte » qu'ils étaient injustes dans leur ensemble ou dans quelque partie; à renoncer même aux concessions qu'on leur avait déjà faites, si l'on prouvait qu'elles n'étaient pas fondées sur l'Écriture; ils se réservaient en revanche de réclamer encore tout ce qu'ils trou- veraient conforme à la Bible. Le Bible devenait donc le code de la urisprudeuce civile, et elle devait également suffire sur le

LE PROTESTANTISME. 261

terrain politique et social. Les idées de Luther transpiraient partout. C'étaient elles aussi qui faisaient la base de trente autres articles, rédigés la plupart avec des textes tirés de ses livres, et dans lesquels (art. 28) on jurait haine à tuus les ennemis de Luther.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 4Ö.

Leib (Dœllinger, Matériaux, II, p. 446 et suiv.), sur les troubles de i'62i daos le comté de Stuhlingen, à roccasion de lourds impôts; à l'abbaye de Reichenau, à propos de l'expulsion d'un prédicant; en juillet, près de Forchhelm, territoire de Bamberg, au sujet de la chasse et des dîmes ; dans le territoire d'Eichsteett, près de Dollen- sleiu ; puis (ibid., p. 469j sur la révolte des paysans et des bourgeois contre l'abbé de Kempten, qui fut cerné dans la forteresse de Lie- benthau et obligé de se rendre, tandis qu'on saccageait le couvent ; sur le lac de Constance et dans l'Allgau (commencement de 1525), Mag. Lorenz Fries (die Gesch. des Bauernkriegs in Ostfranken, ed. im Auftrage des bist. Vereins von Unterfranken von Schaeffler und lleii- ner, Würzb., 1876 et suiv., 1, Lief., p. 9 et suiv.), sur la révolte des paysans dans le Wurtemberg (depuis mars 1525). Münzer (cf. § 30), en réponse à l'avertissement que Luther avait adressé à la commune de Mulhouse (1524), écrivait : « Pamphlet provoqué en haut lieu et réponse à la masse de chair dépourvue d'esprit qui vit doucement à Witten- berg. » Les douze articles des paysans (Walch, part. XVI, p. 24) auraient eu pour auteur, selon quelques-uns (Cornelius), Christophe Schappelen, prédicant à Memmingen, à Saint-Gall, un des prési- dents du colloque de Zurich en 1Ö23, menacé de mort en 1525 ; selon d'autres (Strobel, Beitr., II, p. 76; Guericke, III, p. 66 et suiv., n. 5), Jean Heugling, chapelain à Ueberlingen ; selon d'autres (Zimmer- mann), Th. Münzer; selon d'autres (Joerg), Fuchstein; selon d'autres, Balth. Hubmaier (voy. Alfred Stern, die 12 Artikel der Bauern und einige andere Aktenstücke aus der Bewegung von 1525, Leipzig, 1868). Fr. Ludw. Baumann (die Oberschwaebischen Bauern im Maerz 1025 und die zwcelf Artikel, Kempten, 1871) en attribue enfin la rédaction définitive au prédicant Schappeler. « Le noble Helferich, le chevalier Heinz et Karsthanns et leurs partisans ont juré d'observer fidèlement et ponctuellement les 30 articles », in 0pp. Hütten, ed. Münch, V, 451 et seq.; Falkenslein, Vollstaend. Gesch. des Herzogth, Bayern, Munich, 1763, III, p. .521 et suiv. Hütten composa, sous le titre de « Karsthanns », un dialogue entre un paysan et Franz de Sickingen, qui remua tout particulièrement les paysans.

2C2 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Médiation de Luther.

i6. Les paysans envoyèrent ces douze articles à Luther pour solliciter son approbation. 11 en fut embarrassé : les approuver, c'était enhardir les bandes armées dans leur révolte, et s'aliéner les princes et la noblesse; les repousser, c'était perdre son crédit et la faveur de la multitude. Il résolut donc d'adresser des conseils aux deux parties, aux princes et aux seigneurs, aussi bien qu'aux paysans, et de les « exhorter à la paix » (mai 1525). Aux premiers il représenta leurs défauts, les accusa d'être la cause de la révolte, et les menaça d'une ruine prochaine s'ils ne se corrigeaient point, s'ils continuaient de rançouner le peuple et de le tailler à merci. Il accumula en même temps les accusations les plus outiées contre les évêques les moins tyranniques et contre les princes qui s'opposaient à l'introduction de sa doctrine dans leurs États. Les paysans déjà en armes, il les exhorta à la patience, leur rappela que l'Écri- ture défend de se rendre justice à soi-même, tout en tolérant des choses qui devaient plutôt les affermir dans leurs desseins que les effrayer; il les traita avec beaucoup plus de ménage- inetits que les grands seigneurs. Du reste, ajouta-t-il, les deux parties ont tort : si elles ne s'unissent pas dans la concorde, Dieu se servira d'un gamin pour fouetter l'autre gamin. Il faut faire vider la querelle par des arbitres.

11 semblait alors que les desthiées de l'Allemagne fussent tout entières entre les mains de Luther. Mais ses exhortations furent en pure perte, car les paysans avaient déjà fait trop de progrès. De grandes masses de peuple s'étaient d'abord soule- vées sur le lac de Constance et dans l'AUgau, et avaient pillé et détruit les couvents. La ligue de Souabe entama des négocia- tions, tout en se préparant elle-même au combat. Les paysans ne cessaient de répéter (juils ne voulaient (]ue défendre l'Évan- gile, le mettre à exécution et soutenir les droits de Dieu. Dans quelques endroits, ils se prêtèrent à des négociations ; ailleurs ils les rejetèrent. Eu avril 1525, plusieurs de leurs bandes furent battues par George de Truchsess, général de la ligue. Déjà l'insurrection menaçait un grand nombre de principautés ecclésiasti(jues, telles que Eichsta?t et Wui zbourg.

Au mois de mai, la révolte s'étendit sur de vastes territoires,

LE PROTESTANTISME. 263

et plusieurs villes s'y associèrent. Des hordes de paysans, fortes de dix à vingt mille hommes, promenaient partout le pillage et la dévastation. Un grand nombre de chevaliers, comme Goetz de Berliciiingen, se joignirent à eux. A Weinsberg, plusieurs de ceux-ci sni)irent une mort cruelle : on les obligea de se précipiter en pleine campagne sur des piques dressées devant eux. Le prince évêque de Würzbourg, Conrad III de Thungen, ne garda que le château de Marienberg, défendu par Sébastien de Hotenhau. Bamberg, la Thuringe, l'Alsace et le Palatinat du Rhin furent également ravagés. Tout semblait voué à la destruction. Les armées des princes contenaient une foule de fantassins inhabiles aux armes, et il leur fallait éparpiller leurs forces, tandis que les insurgés se bornaient à quelques attaques partielles, qui leur promettaient un riche butin. Encore quelque temps, et il était à craindre que l'Allemagne ne fût plus qu'un monceau de ruines.

Défaite des paysans.

47. Comme les princes temporels se voyaient aussi menacés que les princes ecclésiastiques, ils déployèrent toutes les res- sources dont ils pouvaient disposer et exercèrent de sévères représailles. Antoine, duc de Lorraine, étouffa la rébellion en Alsace, surprit à Lüpstein six mille paysans qu'il fit mettre à mort, força (17 mai) dans Saverne le principal corps d'armée à se rendre; et, comme les paysans désarmés défilaient en chan- tant un vivat à Luther, il commanda à ses lansquenets de massacrer la plupart d'entre eux. Tandis qu'il revenait sur ses pas, il défit de nouvelles bandes près de Scheerweiler (20 mai).

De son côté, George de Truchsess, après avoir battu les insurgés près de Bebelingen, dans le Wurtemberg (t7 mai), s'était emparé de Weinsberg, qu'il fit livrer aux flammes avec plusieurs autres villages d'alentour. Louis, électeur du Pala- tinat, purgea d'abord le diocèse de Spire des rebelles, puis, s'unissant à l'armée de Souabe, rétablit l'ordre dans la Fran- conie, vingt-six couvents et deux cents châteaux avaient été détruits. Les paysans furent vaincus près de Kœnigshofen et d' Ingolstadt, et un grand nombre mis ä mort. Tant de sang ré- pandu amena enfin quelque repos. Les ducs de Bavière, dont le territoire avait eu le moins à souffrir de la guerre de? paysans,

264 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

pacifièrent le diocèse de Salzbourg. Le 45 mai, près de Fran- kerihausen, de nombreuses bandes de paysans furent anéanties par les ducs George de Saxe et Henri de Brunswick, et par Philippe, landgrave de Hesse.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°* 46-47,

Walch, L. W,, th. xvi, p. 5 et suiv., 60; th. xxi, p. 149 et suiv.; Dœlliuger, dans Freib. K.-Lex., VI, p. 665. Leib, Chron., an. i525; DœUinger, Beitr., II, p. 462 et suiv.; Lor. Fries, in der angef. Gesch. Briefe des Nuntius Rorarius und des Card. Campeggio an Sadolet, 7 et 14 febr., 5 aug. 1525 ; Lœmnier, Monum. Vat., p. 20-23, n. 17 et seq.; Pétri Gnodalii, Seditio repentina vulgi an. 1525 exorta, Basil., 1580 (se trouve aussi dans S. Schard, Scr. Rer. Germ., t. III) ; Peter Haarer (Crinitus), Wahrhaftige Beschreibung des Bauernkriegs, Frankf., 1625, dans J.-H.-D. Gœbel, Beitr. zur Staatsgesch., Lemgo, 1767, lat., ap. Fréher, Scr. Rer. Germ., III, 194; G.-L. Waldau, Beitr. zur Gesch. des Bauernkr., Nürnb., 1790; Materiahen zur Gesch. des Bauern- kriegs, Chemnitz, 1792-94, 3 st.; G. Sartoi'ius, Versuch einer Gesch. des Bauernkr., Berhn, 1795 (ibid., p. 393, les anciens ouvrages); F. -F. Oechsle, Beitr. zur Gesch. des Bauernkr., Heilbronn, 1830; Waclis- muLh, der Deutsche Bauernkr., Leipzig, 1834 ; II. Schreiber, Taschen- buch für Gesch. und Alterth. in Süddeutschland, Frib., 1839, p. 233 et suiv.; II. W. Bensen, Gesch. der Bauernkr. in Ostfranken, Erlan- gen, 1840; W. Zimmermann, AUg. Gesch. des groszen Bauernkr., Stuttg., 1841 et suiv., 2 part. (2« éd., 1856); Schreiber, der Deutsche Bauernkr., Frib., 1864; Ranke, Deutsche Gesch. im Z.-A. der Ref., II, p. 182-224. Mone, Quellen für die badische Landesgesch., Carls- ruhe, 1848 et suiv., t. II, 4 ; Riffel, I, p. 412-479 (2° éd., p. 508-581); Jœrg, Deutschi, in der Rev. -Periode, 1522-1526, Frib., 1857; Corne- lius, Studien zur Gesch. d. Bauernkr., Munich, 1862 ; Friedrich, Astro- logie und Raformation oder die Astrologen als Prediger der Ref. und Urheber des Bauernkr., Munich, 1864; Kraus, zur Gesch. des deuts- chen Bauernkr. (Nass. Annalen, XII, 1873); Falk, Luther und der j Bauernaufruhr im Rheingau (Catholique, juillet 1877). Voy. encore Hisfor.-polit. Bl., 1840, t. VI : Ursachen des Bauernkr., p. 351-357; Ausbruch und Charakter desselben, p. 449-409 ; Verthcidigungsan- stalten, p. 527-544. Manifeste und Verfassungsentwürfe der Bauern, p. 641-604; 1841, t. VII : Geschichtslügen über den Bauernkr., p. 301- 375, t. VIII ; Folgen des Bauernkr., p. 28-36.

Luther et Mélauchthon contre les paysans vaincus.

48. Les premières défaites des paysans étaient à peine con-

LE PROTESTANTISME. 56o

nues, que Luther, dans un écrit « contre les paysans brigands et assassins », engageait les princes à les écraser sans pitié ni merci, à les abattre comme des bètes fauves et des chiens furieux, à les étrangler ou tuer de quelque autre manière : ils pourraient ainsi plus facilement gagner le ciel que d'autres par la prière. Plusieurs étaient révoltés de ce défaut de com- passion pour des gens qui lui étaient attachés et qu'il avait séduits par ses doctrines, de ce conseil sanguinaire qui ne fut que trop exactement suivi, des encouragements qu'il donnait à des souverains déjà enclins à la sévérité, contrairement au lan- gage, qu'il avait tenu autrefois. Mais Luther avait à cœur de faire passer ses adversaires pour des rebelles; il engagea même l'autorité à sévir contre ceux qui s'apitoyaient sur les paysans, et revendiqua l'honneur d'avoir fait massacrer ces malheureux, en disant qu'il avait parlé sur l'ordre de Dieu.

Quant àMélanchthon, que Louis, comte du Palatinat rhénan, avait consulté sur les douze articles des paysans, dans le désir d'éviter l'effusion du sang et de rétablir un ordre de choses régulier, il répondit qu'un peuple aussi mal élevé que les Allemands avait encore trop de libertés, que ce que l'autorité faisait était bien fait et que tous ses décrets devaient être agréés du peuple. C'est ainsi que les nouveaux réformateurs de l'Église se faisaient les champions du despotisme et de l'asservissement. Ils n'étaient plus les hommes du peuple, mais les serviteurs des princes.

OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR I.E 48.

Luther contre les paysans pillards et assassins : Walch, th. xvi, p. 91 et suiv.j Hislor. -polit. BI., 1841, t. Vil, p. 170-192. Érasme aussi (Hy- perasp., I, 1032) reprochait à Luther sa complicité dans la guerre des paysans. Tlieobald Billican {Apologia de commento revocationis in religione, Worraat., 1339, B. 7 : « Agricolas libertatis falsee spécula illectabat, classicum canentibus lis qui numinis coelestis adulterato verbo simplicitati hominum imponebant (Dœllinger, Reform., I, 149. Voy. Eck, dans Wiedemann, J. Eck, p. 41). Kilian Leib, qui appelait Luther « superbus Jéroboam, homo a daemone missus » (p. 446, 462 et seq.), disait des paysans : « Misere a noxiœ libertatis consultore, pes- simo Luthero, delusi sunt crudelitcr » (p. 447); et plus loin (p. 490) « Edidit... L, libellum, quo testabatur iniquissimus nebulo tumultuan- tes rusticos juste trucidatos, qui eos nefandis dogmatibus noiiam

266 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

libertatem desiderare, ac per id inobedientiara dominorum etmajorita- tis odium, sacrilegia, sacrorum contemptum et in summa malura omne docuerat, hoc ipso hospitis sui Satana?, magistri sui, dœmonis artes et ingenium referens egregie, qui primo omnes adhibet vires... ut misères mortales peccatis oneret... el voti compos effectus agit, ut illaqueatos in desperalionis praecipitium cogat et damnationis suse faciat habeatque participes. » Selon la remarque de Sébastien Frank, mort en 1ö4d (Dœllinger, Reform., t. I, p. 187 et suiv.), l'opinion que Luther avait d'abord séduit les paysans, puis excité à les anéantir, était si répandue, qu'en plusieurs endroits sa doctrine était prè- chée, on avait coutume de dire, quand on entendait sonner pour la prédication : « On sonne la cloche du meurtre. » Du reste, Luther disait lui-même : « Moi, Martin Luther, j'ai tué tous les paysans dans une insurrection; j'ai commandé de les tuer. Tout leur sang est sur ma tète, mais je le renvoie à Dieu Notre-Seigucur, qui m'a ordonné de parler ainsi. » (Propos de table, éd. d'Eisleb., f. 276, b ; éd. de Francfort, f. 196, «.

Victimes de la guerre des paysans.

49. Les paysans n'avaient succombé que par le manque de bons chefs et de grosse artillerie. Leur défaite sauva, cette fois encore, les trônes chancelants. Les princes demandèrent aux fondations rehgienses des dédommagements considérables pour les dépenses qu'ils avaient faites à la guerre, bien qu'ils n'eussent fourni que des secours tardifs et qu'ils eussent aussi combattu pour leur propre cause. On usa surtrtut de sévérité envers les anabaptistes, dont les débris s'étaient réfugiés eu Silésie, en Moravie, en Pologne, en Suède, dans les Pays-Bas et en Suisse. Beaucoup furent mis à mort, entre autres leur chef Thomas iMüuzer, qui, après avoir régné en maître à Mulhouse et introduit la communauté des biens, avait été battu à Frunketdiausen et fait pri.soiinier. Il abjura ses erreurs avant de mcturir, revint à l'Église catholique, exhorta les princes à la justice, le peuple à la patience et à la soumission. Le nombre de ceux qui périrent dans la guerre des paysans fut estimé à cinquante mille, dont vingt mille pour l'Alsace seule, autant pour la Franconie et la Souabe, six mille pour le Wurtemberg.

LE PROTESTANTISME. 267

OUVRAGES A CONSLLTEK SUR LE 49.

Leib, ad ann. Iö2ö, loc. cit., p. 498. Voy. les ouvrages cités § 30, sur Münzer, et § 40 et suiv.

Mariage de Luther.

50. Au milieu de la guerre atroce des paysans, tandis qu'il faisait de la polémique, Luther, qui avait déposé le costume religieux en décembre lo24., venait d'atteindre sa quarantième aimée. Il épousa Catherine de Bora (13 juin 1525), que ßernard Koppe lui avait amenée du couvent de Nimptschen, tumultuai- remeiit supprimé. Ce mariage arriva si soudainement et fut célébré avec une si étonnante précipitation, que les plus chauds partisans de Luther en furent eux-mêmes surpris et décon- certés. Le 3 juin, il avait exhorté rarchevèijue de Mayence « à prendre femme », et s'était excusé de tlifférer s^n propre mariage par la crainte de « n^^ être pas propre ». Dix jours plus tard, il se mariait secrètement , et quinze jours après il célébrait ses noces. Il voulait, disait-il, donner à l'archevêque « un exemple fortifiant », et, en épousant une nonne, rendre témoignage à sou Évangile diffamé par Müuzer et les paysans, attester le mépris qu'il faisait de ses ennemis, accomplir un ancien désir de sou père, fermer la bouche à ceux qui avaient médit de lui à propos de Catherine. Il alléguait encore diffé- rentes raisons, celle-ci entre autres, que, pendant qu'il songeait à tout autre chose, le Seigneur l'avait, d'une façon toute miracu- leuse, lancé daus le mariage avec une nonne, et qu'il lui fallait maintenant être injurié et maudit pour cette œuvre divine (il y avait donc des œuvres méritoires). Il se glorifiait comme d'un triomphe de ce que lui et son élue avaient rompu leurs anciens \ œux et noué un mariage déclaré nul par les vieilles lois civiles et ecclésiastiques. Il sentait néanmoins qu'il avait baissé dans l'estime pubhque, et il essayait vainement d'étouffer cette impression pénible par des propos amers et grossiers ou par de frivoles plaisanteries. Au sentiment douloureux de sou discrédit se joignirent les chagrins que lui causa l'humeur impériense de sa femme, et l'on allait répétant ce mot sarcas- tique d'Erasme : « Plusieurs s'imaginent que l'entreprise de Luther est une tragédie; c'est plutôt une comédie, car tout y finit par le mariage. »

268 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 50.

Lettres de Luther à l'archevêque de Mayence , à Rühe), Spalatin, Amsdorf : de Wette, II, p. 673 et suiv,; III, p. 2, 12. Ses déclara- tions sur « Ksethe » : Walch, part. XXIV, p. loO ; sur le mariage, èdit. allemande d'Iéna, II, f. 147 et suiv., 152, 136 (là-dessus le duc George, 1326, dans Walch, part. XIX, p. 616. Voy. Walch, part. XXII, p. 1726). DœUinger, Ref., II, p. 427 et suiv., 623 et suiv.; Histor.-pol. Bl., t. XI, p. 410-433 ; Melanchth., Ep. ad Camerar., Lips., 1569, p. 33; Engel- hard, Lucifer Witebergensis, oder der Morgenstern, d. i. vollstaendiger Lebenslauf der Katharina von Bora, Landshut, 1749, 2 vol.; Walch, Kathar. v. Bora, Halle, 1751, 2 vol.; Lessing, Rettung des Simon Lem- nius lettres VII, viii (V. W. zur Lit. u. Theol. Carlsruher Ausg., th. iv, p. 29-37); Beste, Kathar. v. Bora, Halle, 1843; Meurer, Katharina Luther, Dresde, 1834. Voy. encore Surius, an. 1323; DœUinger, Lu- ther, p. 664-667.

Nouveaux règlements religieux.

51 . Le zèle de ses partisans contre l'ancienne Église s'était refroidi : Luther essaya de le réchauffer. Au nouvel au de 1526, il leur rappela qu'on n'avait pas encore, à beaucoup près, assez injurié, décrié, ridiculisé par des chansons et des vers, broyé la papauté; qu'il fallait de nouveau employer contre elle l'écri- ture, les vers, la rime et la peinture.

Il s'appliqua à recouvrer par la flatterie les bonnes grâces de George, duc de Saxe, qu'il avait autrefois gravement offensé; mais George, indigné de sa conduite, lui reprocha ses funestes doctrines et les conséquences morales qu'elles entraînaient. Luther s'était borné jusque-là h. renverser l'an- cien ordre de choses et n'avait encore rien édifié; il s'adressa (1526) au nouvel électeur Jean, surnommé « le Constant », qui avait succédé à son frère Frédéric le Sage (.^ mai 1525), pour le prier de régler de nouveau les affaires religieuses de la Saxe, attendu qu'il ne pouvait rien faire de sérieux sans le concours du souverain et que lo désordre était devenu intolérable. L'ordi- nation d'un évêque était devenue nécessaire, et, dès le mois de mai 1525, Rorarius avait été ordonné à Wittenberg selon le rite nouveau. Sur la proposition du réformateur, le prince électeur fit entreprendre une visite des églises, pour y établir la nouvelle organisation.

Au lieu d'une constitution démocratique, de communes

LE PROTESTANTISME. 269

isolées, la majorité instituait ot destituait à son gré les prédicateurs, on adopta dès lors un gouvernement ecclé- siastique placé sous la tutelle des souverains, afin d'arrêter l'arbitraire dos individus et de récompenser les princes des services rendus à la nouvelle doctrine. On plaça donc les com- munes religieuses sous l'autorité des juristes, qui furent sou- vent en désaccord avec le réformateur et plus tard détestés par lui. Jusque-là, Luther avait été consulté en toutes choses, et c'était lui qui avait proposé les prédicateurs.

De la messe on avait conservé le nom et la plupart des céré- monies (y compris l'élévation); cependant on omettait le canon et tout ce qui rappelait l'idée de sacrifice ; on avait supprimé les messes basses, et tout se faisait en langue allemande. Les chants, la lecture de la Bible et la prédication étaient l'essentiel du culte. Comme visiteurs furent nommés deux juristes et deux théologiens; Mélanchthon était de ces derniers. Ils accom- plirent leur mission en 1527 et 1528, donnèrent des prescrip- tions sur la doctrine et sur le culte, prirent des mesures pour supprimer les fondations ecclésiastiques, pour ériger des écoles et des paroisses, et ils chargèrent les autorités civiles de punir les récalcitrants.

En 1527, Mélanchthon composa son opuscule sur la visite, pour enseigner aux curés ce qu'ils devaient prêcher. Luther, qui avait écrit dès 1523 une Postille à l'usage des prédicateurs, déclara dans sa préface sur l'ouvrage de Mélanchthon, sans doute pour atténuer la contradiction qui existait entre ce qu'il avait fait autrefois en supprimant toutes les lois, toutes les institutions obligatoires de l'Église, et le règlement ecclésias- tique qu'on imposait maintenant, il déclara que ce règlement n'était pas strictement obligatoire, car on ne voulait pas renou- veler les décrétales des papes, mais qu'il fallait le considérer comme « une histoire, un témoignage et une confession de la foi ».

Les curés et les communes ne s'y trompèrent pas : ils com- prirent que cette « histoire », ce « témoignage » les obligeraient rigoureusement, tant que TEsprit-Saint n'y aurait rien changé par l'organe des réformateurs : car le prince électeur, en sa qualité de souverain chrétien, devait veiller à ce que l'inégalité dans le culte et la doctrine ne produisissent point des discordes,

270 HISTOIRE DK l'égus?:.

des attroupements et des insurrections. Voilà l'on aboutissait avec la « liberté cbrétieniie » : on retirait aux communes le droit d'instituer et de destituer les prédicateurs. C'est ainsi encore que furcut composés plus tard, pour les besoins de renseignement, le Grand et le Petit Catéchisme de Luther (1529), qui acquirent l'autorité d'un Symbole. On confia la surveillance des curés et la décision des affaires matrimoniales à des surintendants, qui furent présidés dans la suite par les consistoires (1542). C'était, en un mot, l'autorité civile qui était chargée du gouvernement de l'Église.

OUVRAGES A CONSULTEB SUR LE Ö1.

Lettre de Luther à l'électeur Jean, 22 nov. t526 : de Wette, III, p. t3ö. Comp, ibid., p. 160, 219; II, p. 493 ; K.-Fr. Jagemann, Lebens- beschreibung Joh. des St.uidhaftcn und Job. Friedr., Halle, 1736; Riftel, 11, p. 1 et suiv.; Richter, die Evangel. Kirchenordnungen des 16 Jahrh., Urkunden und Regesten, Weimar, 1846, 2 vol. Instruction des visiteurs aux curés (lat. 1527), avec une préface de Luther, Wit- tenb., 1Ö28, in-4'' ; en lat. et en allem., éd. de Strobel, Altdorf, 1777, avec une introduction et des remarques historiques par Weber, Schhichtern, 1844. Comp. Riffel, II, p. 32-61. Catéchisme de Luther, dans Hase, Libri synibol. Eccl. evang., p. 361 et seq.; en allem., dans Kœthe, die Symbolischen Biïcher der ev.-luth. K., p. 254 et suiv.; Augusti, Hist.-krit. Einleit. in die beiden Haupt-Katechismen, Elber- feld, 1824; Wolch, th. x, p. 2 et suiv. Consistoires : Richter, Gesch. der evangel. Kirchenverfassung, p. 82 et suiv.

La Réforme en Prusse, dans la Hesse, à Ânspach et dans beaucoup de villes impériales.

52. Lorsque Albert de Brandebourg, grand maître de l'ordre Teutonique, eut embrassé et introduit en Prusse la nouvelle doctrine, le landgrave Philippe de Hesse se déclara ouverte- ment en sa faveur. Dans une assemblée tenue à Hambourg sous sa présidence (octobre 1526), on discuta la question si l'on con- serverait l'ancienne croyance ou si l'on adopterait la nouvelle. Comme on avait arrêté d'avance qu'on n'emprunterait ses preuves qu'à la Bilile, on montrait par cela même qu'on enteudait favoriser le luthéranisme. Les luthériens étaient représeutés par un prédicateur de la cour, Adam Kralft (il mourut en 1558); par un franciscain apostat, François Lambert

LE PROTESTANTISME. 271

d'Avignon (il moutnt en 1530), et par Erhard Schnepf (il monrnt en I008). Les représentants des catholiqnes, Jean Sperber, curé de Waklan, et Nicolas Ferber, gardien des franciscains, se retirèrent.

Lambert parla avec feu en faveur d'un règlement synodal sur une base démocratique. Ce règlement, dans sa substance, plaisait au landgrave; mais en 1528 il était déjà remplacé par lo règlement saxon. Après un nouveau synode tenu à Marbourg en 1527, les prêtres catholiques furent chassés du pays, les couvents évacués, et leurs biens assignés à l'université de Marbourg et à d'autres établissements. Le landgrave en reçut sa part.

Sur le territoire d'Anspach , le margrave George abolit la religion catholique (1528). Déjà beaucoup de villes de l'em- pire s'étaient insurgées contre l'ancienne Église, notamment Nurenberg, Francfort-sur- le-Mein, Ulm, Schwabisch-Hall, Strasbourg, Brème, Magdebourg; déjà les magistrats de ces villes, imitant les souverains, se faisaient les maîtres des consciences; déjà la corpi »ration de Luther de persécutée deve- nait persécutrice ; l'autorité de l'Église avait fait place à l'au- torité des réformateurs, qui s'étaient eux-mêmes appelés. La situation extérieure offrait le plus lamentable spectacle. Un grand nombre de prédicateurs n'étaient que des manœuvres ignorants et souvent immoraux : ils tombèrent dans le mépris, et le peuple ne voulut plus d'ecclésiastiques. Beaucoup de ces derniers dépérissaient avec leurs familles dans une affreuse misère.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 52.

Sur la Prusse, ci-dessous, § 125. Sur la Hesse, etc., L.-A. Salig, His- torie der Augsburger Confession, th. i, p. 658 etsuiv.; J.-M. Sclirœckh, Allg. Biographie, th. vin, p. 288 et suiv.; de Rommel, Kurze Gesch. der Hessen-Cassel'schen K.-Verbess., Cassel u. Marh., 1817; Hassen- kamp, Hess. K.-G. seit der Ref., Marb., 1853, et Franz Lambert, Elberfeld, 1860; Raum, Franz Lambert, Straszb., 1840; Hartmann, Erhard Schnepf, Reformator in Schwaben, Nassau, Hessen und Thü- ringen, Tübingen, 1870; Riffel, H, p. 77-126. Sur George d'Anspach, Leib, Chron., an. 1527, p. 514 et suiv.; an. 1530, p. 538; Dœlhnger, Ref., I, p. 223; Fiedler, Pastoralztg. v. Torgau, 1842, ann. 4; die Einführung der Ref. im Erzstifte Magdeburg; Kirchhofer, zur Ref.-

272 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Gesch. V. Ulm (Niedners Ztschr. f. List, theol., 1849, III, p. 44o et suiv., et plusieurs dissertations semblables). Prédicateurs ignorants : Capito, 1S33; Centuria epistol. ad Schwebelium, Biponti, 1597, p. 170 ; Polit, eccl., dans Grosch, Verlheidigung wider Arnold, p. 497; Gallus, Brandenburgische Gesch., III, p. 14ü. Prédicateurs immoraux : Luther, Epp., éd. Âurif., II, 101 ; Dœlhnger, III, p. 229 et suiv.; II, p. 295 et suiv.; Wizei, Jean Eberlin, Henri Satrapitan, dans Dœllinger, F, p. 105 et suiv., 208 et suiv., 210 et suiv. Sur le mépris des ecclésias- tiques : Luther, Postille domestique ; Walch, part. XIII, p. 39, 1816, éd. d'Altenb., IX, f. 963, 964; Dœllinger, Ref., I, p. 299 et suiv.; Mélanchthon, Drakonites, George iMajor, Musculus et plusieurs autres, dans Dœllinger, 1, p. 463 et suiv.; Bucer, ibid., II, p. 26 et suiv. Leur pauvreté et leur misère : Luther à l'électeur Jean, 22 nov. 1526 et 3 févr. 1527; de Wette, III, p. 135, 160. Explication du premier livre de Moïse : Walch, part. II, p. 1811 ; Dœllinger, I, p. 317-325.

Les événements depnis 1&91> jusqu'en I530.

Ligue de Torgau. Diète de Spire en 1526.

53. Effrayés de l'apostasie d'un grand nombre de seigneurs, de la guerre des paysans et de ses suites, les princes catho- liques, notamment Albert de Mayence, George de Saxe, Henri de Brunswick, 1 evêque de Strasbourg, cherchèrent à resserrer les liens qui les unissaient, et conjurèrent l'empereur de détourner les périls imminents. De leur côté, les princes luthé- riens formèrent, le A mai 1526, la ligue de Torgau (ou de Gotha), par laquelle ils se promettaient assistance mutuelle, si on venait à leur défendre d'introduire la nouvelle doctrine. Philippe de Hesse, l'âme de cette ligue, avait soutenu contre Th. Münzer que la religion ne pourrait pas être un motif de se révolter contre l'autorité légitime; et cependant la ligue formée par lui n'était au fond qu'une conspiration contre l'empereur, alors victorieux. 11 y avait ainsi en Allemagne un camp catholique et un camp luthérien. La ligue créée par le prince électeur de Saxe et le landgrave de Hesse fut adoptée par le duc de Brunswick-Lunebourg, Henri de Mecklenbourg, par les ducs de Celle et de Grabenhagen , par ^yolfgang , prince d'Anhalt, par les comtes Gebhardt et Albert de Manns- feld et par la ville de Magdebourg. Nurenberg refusa, parce que la religion ne doit pas s'appuyer sur le bras des hommes.

LE PROTESTANTISME. 273

Les suites de la ligue de Torgau se révélèrent à la diète qui s'ouvrit à Spire en juin 1526 : les États luthériens, exploitant les embarras de l'empereur et de son frère, s'y montrèrent pleins de bravade. Déjà Jean de Saxe et Philippe de Hesse se disposaient à quitter l'assemblée, et une guerre religieuse sem- blait imminente. Cependant l'archiduc Ferdinand et Richard de Trêves apaisèrent les esprits et firent rendre un décret (27 août) portant qu'on fournirait des secours pour la guerre contre les Turcs, qu'un concile général ou du moins national et allemand serait réuni dans l'espace d'une année ; quant à l'édit de Worms, chaque État ferait ce dont il pourrait répondre devant Dieu et devant l'empereur. C'en était donc fait de cet édit : chaque sou- verain avait le droit de régler les affaires de la religion selon son bon plaisir (principe du territorialisme et droit de réforma- tiou). Le secours contre les Turcs arriva trop tard. Le 29 août 1526, près de Mohacz, Louis, roi de Hongrie et de Bohême, était pleinement battu par le sultan Soliman et perdait la vie pendant sa fuite à travers les marais de Hongrie. Ofen (Bude) se rendit aux Turcs^ qui se retirèrent vers la fin de l'année. L'archiduc Ferdinand hérita de la couronne de Hongrie en sa qualité de beau-frère de Louis et par suite de contrats de fa- mille ; mais il eut à se défendre contre le woywode de Tran- sylvanie, Jean de Zapolya, soutenu par les Turcs.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 53.

Sieidan., op, cit., lib. VI; Walch, th. xvi, p. 214; Kapp, Nachlese, th. II, p. 680 ; Kilian Leib, loc. cit., p. 499 et suiv.; J.-J. Müller, Histo- rie von der evaugel. Staende Protestation und Appellation wider und von dem ReichstagsaLschied zu Speyer, 1329, Jena, 1704, in-4° ; Gue- ricke, K.-G., TU, p. 99, n. 2, 9^ éd.; Maurenbrecher, Carl V und die deutschen Protestanten, p. 83.

L'imposture de Pack.

54. Déjà les princes luthériens méditaient une incursion dans les provinces catholiques, dont les souverains passaient pour avoir conspiré entre eux la ruine du nouvel évangile. Utton de Pack, conseiller de la chancellerie de George, duc de Saxe, persuada au landgrave de Hesse qu'une alliance avait été formée entre son maitre, l'archiduc Ferdinand, et quelques Y. HisT. DE l'Église. Ijj

274 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

évêques, en vue d'expulser les princes luthériens et de partager leurs territoires ; et, pour confirmer son dire, il montra une copie de documents et promit de livrer l'original pour la somme de 4,000 florins (1528). Aussitôt le landgrave Philippe et l'élec- teur de Saxe se préparèrent à la guerre, et personne ne savait pourquoi. La lumière ne se fit que lorsque Philippe en écrivit au duc George, son beau-père. Otton de Pack ne put rien démontrer, et Philippe dut reconnaître qu'il avait été dupe. Mélanchthon n'avait pas tardé à deviner l'imposture. Cependant Luther profita de la circonstance pour répandre sa bile contre le duc et le rendre suspect de mille manières. Le landgrave Philippe exigea un dédommagement de ses préparatifs militaires (demanda même 200,000 florins) à des princes ecclésiastiques qui n'avaient rien à démêler dans cette affaire, tels que l'archevêque de Mayence et les évêques de Würzbourg et de Bamberg : 40,000 florins furent arrachés à l'évêque de Würzbourg, et 20,000 à celui de Bamberg, tant les princes catholiques étaient alors impuissants et découragés.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 54.

Walch, L. W., th. xvi, p. 44S et suiv., 506; th. xix, p. 642. Sorite de Luther ; Le duc George est l'ennemi de ma doctrine, par conséquent il se décliaîno contre la parole de Dieu ; je dois donc croire qu'il se déchaîne contre Dieu même et contre son Christ. S'il se déchaîne contre Dieu même, je dois croire secrètement qu'il est possédé du démon ; s'il est possédé du démon, je dois croire secrètement qu'il trame les plus noirs desseins, etc. Kilian Leib, an. 1628, p. 520- 522; Rilfel, I, p. 371-376, n. l, t. Il, p. 356 et suiv.— Seidemann, Theol. Briefwechsel zwischen Landgraf Philipp v. Hessen und Herzog Georg von Sachsen, 1535 et suiv. (iNiedners Ztschr. f. histor. Iheol., 1849, II, p. 175 et suiv.).

Clément VII et l'empereur.

55. Une chose particulièrement douloureuse aux catholiques fut la mésintelligence qui éclata entre le pape et l'empereur. Clément VII s'était déjà employé comme cardinal pour les inté- rêts de Charles-Quint ; il lui avait rendu d'importants services et avait longtemps soutenu sa cause. Mais les devoirs de sa charge ne lui permettaient point d'approuver la guerre contre

LE PROTESTANTISME. 275

la France, et il était teuu de veiller à l'indépendance du Saint- Siège comme à la liberté de l'Italie. L'orgueil et la cupidité des Espagnols, leur domination sur Naples et sur beaucoup d'autres parties de l'Italie, avaient profondément blessé les Ita- liens, qui joignaient à une culture délicate le vif sentiment du bien général ; cette domination, en s'étendant de plus en plus, exposait la Péninsule à tomber sous la servitude des agents de l'Espagne. A Rome, on craignait d'être accablé du côté du nord et du sud par la prépondérance de l'empereur ; le pape avait plus d'une fois constaté son manque d'égards, le mépris de ses conseils ; l'empereur protégeait son vassal de Ferrare contre le Saint-Siège. Enfin, les armes françaises étaient victorieuses en Italie, Milan conquis (1524), les États de l'Église menacés : le pape , après de vaines tentatives pour garder la neutralité , conclut avec François 1" une alliance dans un moment par malheur l'étoile de ce prince commençait déjà à pâlir.

François I" fut vaincu près de Pavie, fait prisonnier par les Impériaux (22 février 1525), conduit en Espagne et obligé de consentir à un traité fort onéreux pour recouvrer sa liberté. Il déclara plus tard que le contrat qu'on lui avait fait signer était nul (14 juin 1526), et il recommença la lutte; soutenu en Italie par de nombreux amis : Sforza, duc de .Milan, dont l'empereur revendiquait les domaines; Venise, Florence, la Suisse, l'An- gleterre et le pape s'allièrent pour rétablir l'indépendance de l'Italie. Le pape avait prié l'empereur de rendre la paix au monde, au roi de France la liberté, et de reconnaître le duc de Sforza ; il avait ensuite délié François I" du serment qui lui avait été arraché, tout en ne lui accordant que le passage, à travers ses États, des approvisionnements et d'une partie de ses troupes déjà presque désarmées, toutes choses que les Français auraient pu obtenir eux-mêmes par la force.

Le pape avait beaucoup à se plaindre de lempereur, qui avait repoussé les conditions arrêtées avec ses ministres, déposé le duc de Milan, rendu en Espagne et à Naples plusieurs lois contraires à la juridiction ecclésiastique, dédaigné ses conseils et ses ambassadeurs ; il était mécontent aussi de la manière dont l'empereur avait demandé la réunion d'un concile, auquel il en avait appelé pour de prétendues injures dont il avait été l'objet : il semblait y chercher un moyen d'affaiblir l'autorité

276 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

du Saint-Siège. Une correspondance très vive fnt échangée de part et d'antre (juin -octobre 1526); Charles-Quint essaya même d'aigrir les cardinaux contre le pape et de les décider à convo- quer le concile.

Le cardinal Pompée Colonna recruta dans les États de l'Église des troupes pour l'empereur, fit avancer jusque devant les murs de Rome le général de Charles-Quint, Hugues de Mon- cada, dont les troupes pillèrent la cité léonine et obligèrent le pape à se réfugier au château Saint-Ange. Un armistice fut conclu, d'après lequel le pape s'engagea à rappeler ses troupes de la haute Itahe et à pardonner à celles de Colonna. La pre- mière condition fut exécutée; mais les Impériaux, n'ayant pas rempli les engagements du traité et s'étant rendus coupables do nouveaux crimes, furent déclarés coupables de lèse-majesté, et Pompée fut destitué du cardinalat. Il refusa de se soumettre, et en appela à un concile général.

Le sac de Rome.

56. François Guignon, général des frères mineurs, délégué à Charles-Quint, revint avec des propositions de paix que le pape accepta; mais les ministres de l'empereur y ajoutèrent des clauses fort onéreuses, qui empêchèrent la conclusion de la paix. Clément VII convint avec le vice-roi deiNaplesd'un armistice, qui lui était très défavorable. Lorsqu'il fit demander au duc Charles de Bourbon, entré au service de l'empereur, et à d'autres chefs d'armée, si cela suffisait ou s'il devait aussi conclure l'accord avec eux, ils déclarèrent que la convention passée était sufli- sante. Le pape s'autorisa de cette réponse.

Cependant l'armée impériale qui se trouvait dans la haute Italie sous la conduite de Charles de Bourbon et de George de Fruusdberg, était demeurée longtemps sans solde : réduite à une grande détresse, elle avait soif du riche butin qui l'atten- dait à Rome. Après avoir obtenu le passage du duc de Ferrare, elle marcha contre la ville éternelle et en demanda la reddition. Rome refusa d'ouvrir ses portes, fut prise le 6 mai 1527 et livrée à un all'reux pillage : les églises furent profanées, les religieuses déshonorées, de nombreux chefs-d'œuvre anéantis, les habitants pillés et assassinés. Il se passa dans Rome des scènes

LE PROTESTANTISME. 277

qu'on n'avait pas vues dans les temps de Ileiiri IV et de Henri V. Les luthériens, parmi les lansquenets allemands, dont un grand nombre servaient aussi dans l'armée française, insultè- rent le pape et les cardinaux, et commirent, avec les vases et les ornements sacrés, de grossières parodies. Ces horreurs durèrent plus de quinze jours, après quoi beaucoup moururent de mala- dies. Le duc de Bourbon, qui aurait pu prévenir ces odieuses saturnales, était tombé pendant qu'on dressait les échelles pour l'escalade. Le pape et les cardinaux, réfugiés au château Saint- Ange, durent enfin se mettre à la merci des Impériaux.

Protestation de Charles-Quint contre la prise de Rome.

57. Lorsque Charles-Quint apprit en Espagne ce qui s'était passé, il fit prendre le deuil à la cour et protesta dans un écrit que Rome avait été envahie à son insu et contre son gré ; il fit la même déclaration à d'autres cours, révoltées de ces attentats. Clément VII n'en fut pas moins obligé, avant son élargissement, de payer aux soldats impériaux l'arriéré de leur solde, outre d'immenses sommes d'argent, de livrer en gage deux de ses parents et plusieurs forteresses. Les Colonna, indignés de la conduite des Impériaux, se réconcihèrent avec le pape. Pompée Colonna et le cardinal Farnèse, délégués auprès de l'empereur, ne négligèrent rien pour rétablir la paix. Elle fut conclue d'abord provisoirement en octobre et en novembre 1527, puis d'une manière définitive à Barcelone, au mois de juin 1529. L'empereur témoigna son horreur des abominations commises contre Rome et contre le pape, protesta qu'il n'y avait eu aucune part, qu'il vénérait toujours le pape comme son père et le vicaire de Jésus- Christ : c'est pourquoi il avait donné des ordres pour qu'il fût rétabli dans tous ses droits spirituels et temporels.

Le pape et les cardinaux furent invités à réunir selon les formes légales et dans un lieu convenable, en observant tout ce que requérait le droit, un concile général, pour traiter do la pacification de la chrétienteté, de la guerre contre les Turcs et de l'hérésie luthérienne ; l'empereur, de son côté, ferait tout ce qui était en lui pour faciliter la réunion du concile et récon- cilier les princes. Charles- Quint s'appliqua à réparer de son mieux ce qui s'était passé : il se réconcilia avec François I" par

278 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

le traité de Cambrai (août 1529); puis, traversant Gênes et Plaisance, il se rendit à Bologne, il reçut de Clément VII la couronne impériale (24 février 1530), le trentième anniversaire de sa naissance. 11 entretint longtemps avec lui les relations les plus amicales. Clément VII, irréprochable de sa personne, fut souvent en politique hésitant et malheureux ; Charles-Quint, qui le fut aussi, avait révolté beaucoup de pays catholiques, tout en n'obtenant que des succès éphémères.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"^ 00-56-57.

Correspondance du pape et de Charles-Quint, 1525-1527 : Fascicule rer. expet., Lond., 1690, II, p. 683 ; Rayn,, an. 1526, n. 1 et seq., 22 et seq.,67etseq.;an. 1527 etseq.; Goldast, Polit, imp., part. XXII, pag. 990 et seq.; Le Plat, II, p. 240-290. Instruction pour le cardinal Alex. Far- nèse, dans Ranke, Rœm. Pœpste, Berlin, 1836, III, p. 2Ä1-261, uti- lisée en partie par Pallav., II, xiii, 1 ; Giberto Datario a D. Michèle de Silva e al Vescovo di Veroli, dans Lettere de' principi, I, 192, 197. Demandes de Charles aux cardinaux, au sujet de la convocation du concile, le 6 oct. 1529 : Rayn., h. an., n. 45 ; Le Plat, II, p. 290-294. Documents publics de Rome, du 12 déc, ibid., p. 294, 295. Le cardi- nal Wolsey au cardinal Rodolphe sur l'emprisonnement du pape, 12 juillet 1527 : Lœmmer, Monum. Vatic, n. 20, p. 23. Traité entre l'Angleterre et la France « de non admittendo Concilio a Papa captivo indicendo », 18 aug. 1527 : Le Plat, II, p. 296-301. Sac de Rome, écrit en 1527 par Jacques Bonaparte, témoin oculaire; traduction de l'ita- lien parNapol.-L. Bonaparte, Florence, 1830 (d'après Ranke, Deutsche Gesch. im Z.-A. der Reform., II, p. 351 et suiv., IV, elle n'émanerait pas de Bonaparte, mais probablement de S. Guicciardini). Autres té- moins oculaires, dans Buder, Sammlungen, I, p. 546, 551. Kilian Leib, Annal., an. 1524-1527 (Dœllinger, Beitr., II, pag. 448-462, 498- 513); Guicciardini, lib. XVI, XVII; Pallav., II, xui, 1 et seq., c. xiv, n. 1-16; Raumer, Gesch. Europas seit Fnde des XV Jahrb., Leipzig, 1832 et suiv.; I, p. 303 et suiv., 324 et suiv.; Ranke, Rœm. Paîpste, I, pag. 99 et suiv., 103 et suiv,; Rey, Hist. de la captivité de François I", Paris, 1837; Cantù, Storia univ., lib. XV, c, vi. Sur la politique reli- gieuse de Charles-Quint, Histor.-polit. Bl., 1861, t. XLVIII, p. 964-976 (contre Droysen); Pallav,, liv. II, c. xvi; liv. III, c. ii. Campeggio an Sanga, 18 sept. 1528 : Lœmmer, Mon. Vat,, p. 24, n. 21, Réponse de Charles, le jour du couronnement à Bologne, aux articles du pape : Le Plat, II, p. 322 et seq.

LE PROTESTANTISME. 279

Diète de Spire (1529).

58. Cependant une diète annoncée pour le 2 février 1529, mais ouverte seulement le 15 mars, fut tenue à Spire. Elle devait s'occuper de la guerre contre les Turcs, qui avaient envahi inopinément la Hongrie. Vienne, contre laquelle ils allaient bientôt s'avancer, ne dut son salut qu'à l'héroïsme de sa garnison et de ses habitants. La diète devait s'occuper aussi des troubles religieux qui n'étaient pas encore apaisés, des dé- penses pour l'entretien de l'empire et de la Chambre de l'empire.

On se disputa dès le début sur les questions qu'il fallait d'abord entamer : les États luthériens, qui avaient amené leurs prédicateurs et célébraient leur culte séparément, voulaient qu'on traitât d'abord la question religieuse, parce qu'il fallait avant tout que chacun d'eux sût ce qu'il avait à attendre de son voisin; les États catholiques, que le comte Jean Thomas de la Mirandole, envoyé par le pape, exhorta à fournir contre les Turcs et pour le rétablissement de l'unité religieuse une cotisa- tion mesurée sur les faibles ressources dont on disposait alors, cédèrent sur ce point. Mais, comme ils formaient la majorité, ils ajoutèrent qu'il fallait, conformément aux propositions de l'em- pereur, prier ce prince de procurer la réunion d'un concile général, ou du moins d'un concile national, dans l'espace d'un an, et de s'y présenter. En attendant, les États qui avaient observé l'édit de Worms, continueraient de l'observer et de le faire observer ; ceux dans les territoires desquels la nouvelle doctrine était déjà introduite, pourraient garder jusqu'au pro- chain concile les nouveautés qu'on ne pouvait abolir sans danger et sans soulèvement ; mais, en attendant, ils empêcheraient de toutes leurs forces qu'on ne fît aucune innovation. On s'abs- tiendrait surtout de prêcher publiquement contre le Sacrement de l'autel et d'abolir la messe ; dans les lieux elle aurait été abolie, on n'empêcherait personne de la célébrer ou d'y assister ; onprècheraitl'Évangile d'après l'interprétation des Pères adoptée par i'ÉgUse, sans toucher aux points controversés ; on main- tiendrait la paix, et personne ne serait violenté àcause de sa foi; on publierait enfin un nouvel édit contre les anabaptistes et autres partis extrêmes, coupables de différents crimes. Ce décret de la majorité, rendu le 13 avril 1529, était, de la part des

280 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

catholiques, une grande concession : ils ne demandaient que la tolérance de leur culte.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"* 58.

Walch, th. XVI, p. 265 et suiv., 328-429; Koch, p. 293; Pallav., II, xviii; Sarpi, II, § 39; Goldast, Coll., III, 494; Le Plat, II, p. 301-321 (décret du 13 avril 1529); Kiliau Leib, an. 1529, p. 525 et suiv. (ibid., p. 515 et suiv., sur les menées des anabaptistes. Ils brûlèrent à Vienne, comme anabaptiste et criminel, Balth. Hubmaier, appelé Friedberg, curé d'Ingolstadl, prédicateur à Ratisbonne, auteur de l'expulsion des Juifs de cette ville, puis occupé à Waldsliut; Eytelbans Langermantel, d'Augsbourg, fut décapité à Weissenhorn.)

Les protestants.

59. Les novateurs cependant ne furent pas satisfaits, et le 19 avril ils déposèrent contre ce décret une protestation formelle: de leur nom de protestants. Les matières de religion, disaient- ils, ne se décident pas à la majorité des voix ; on ne devait point permettre que deux sortes de messes fussent célé- brées dans une même paroisse, car on en conclurait que leurs prédicateurs avaient tort ; la messe, selon l'Écriture sainte, était une idolâtrie : on ne saurait donc la permettre. Cette pro- testation ayant été rejetéo, ils rédigèrent un appel en forme, dans lequel ils soumettaient tous leurs griefs, passés et futurs, à l'empereur, au prochain concile, à tout juge chrétien intelli- gent et impartial.

Cet instrument fut rédigé au nom de l'électeur de Saxo, du landgrave de liesse, d'Ernest, duc de Lunebourg, auxquels s'associèrent en outre deux princes et quatorze villes. Une am- bassade fut envoyée à l'empercnr, alors en Italie. L'empereur se montra très offensé de leur protestation : les États luthériens (13 octobre), dit-il, avaient toute raison de se soumettre au décret; pas plus (jueles protestants, l'empereur et les États catholiques ne voulaient agir contre leur conscience et le salut de leurs âmes; comme eux, ils demandaient un concile pour procurer la gloire de Dieu et le bien général ; mais, en attendant, les protestants devaient se conformer aux décisions de la diète. Les délégués protestèrent également contre cette déclaration. Charles-Quint songeait à les faire emprisonner ; l'un d'eux, ayant voulu lui

LE PROTESTANTISME. 281

offrir le Catéchisme de Luther, allait être saisi, lorsqu'il prit la fuite. Le 21 janvier 1530, Charles-Quint indiqua une nouvelle diète, qui se tiendrait à Augsbourg en sa présence. Les États devaient s'y trouver aussi, mais n'y apporter aucun sentiment de colère ni d'aigreur.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 59.

J.-J. Müller 33); A. Jung, Gesch. des Reichstages zu Sp., Straszb., 1830; J.-A.-H. Tittmann, die Protestation der evangel. Sttendc im J. 1529, Leipzig, 1829; J.-L.-G. Johannsen, die Entwickelung des protest. Geistes bis 1529, Copenhague, 1830; Sleidauus, Histor., lib. VIII. Réponse de Charles aux envoyés des protestants : Bzovius, an. 1529, n. 48; Pallav., II, xviii, 7. Indiction de la diète d'Augsbourg pour le 21 janv. 1530 : Goldast, III, 307; Le Plat, II, p. 321.

L'AGITATION RELIGIEUSE EN SUISSE ET SES CONSÉQUENCES.

Zwing'le et son système.

Situation de la Suisse.

60. La situation de la Suisse était généralement la même que celle de l'Allemagne. A Bâle, l'humanisme était florissant, grâce surtout à Érasme (1516). Beaucoup d'individus suspects sous le rapport politique et religieux y avaient trouvé un asile, et jouissaient parmi les confédérés d'une pleine liberté d'action. On veillait avec un soin jaloux sur les anciens droits du peuple et sur les nombreuses restrictions apportées à la juridiction ecclé- siastique, principalement sur celles qui étaient coi^tenues dans les Letti^es des curés de 1370 et renouvelées par le traité de Stanz de 1481. Beaucoup de cantons avaient des démêlés avec les évêques, placés la plupart sous des métropolitains étrangers (Constance et Coire dépendaient de Mayence ; Bàle et Lausanne, de Besançon; Corne, d'Aquilée); Sion ne fut déclaré exempt que sous Léon X. Beaucoup de chapitres et de collégiales avaient pris des mœurs mondaines ; trop souvent les ecclésiastiques ne son- geaient qu'aux richesses et aux commodités de la vie : de nom- breux abus s'étaient introduits. L'évêque de Bâle, Christophe Uttenheim, essaya d'y remédier dans un synode tenu en 1503. Plusieurs prêtres recommandables rendaient encore de grands services, et quelques-uns faisaient de la mystique leur occupa- tion favorite. Un livre de piété, Plenariumy rédigé par un

282 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.

chartreux, à l'usage du peuple, et comprenant la messe en langue allemande, avec des prières, des méditations et des chants, tenait dignement sa place à côté des meilleurs travaux des mystiques.

Ouvrages a consulter sor le n" 60.

Egid Tschudi (Landamman à Claris, mort en 1572), Chron. helvet., éd. Iselin., Bas., 1734, 2 t. in-f., de 1000-1470 handschriftlich aus Archiven und seltenen Drucken bis 1370; J. Fuchs, Eg. Tschudi's Leben und Schriften, St. -Call, 1805, 2 part.; Reformationschronik des Carthseusers Georg., Basel, 1849; Salat, Chronika und Beschrei- bung V. Anf. des neuen Unglaubens bis Ende, 1534, MS. in-f».; Archiv f. Schweiz. Ref.-Gesch., éd. du Schw. Piusverein, Soleure, 1868 et suiv., Frib., 1872, I-II ; J.-E. Fuesziin, Beilr. zur Erlaeuterung der Ref.- Gesch. des Schweizerlandes, Zurich, 1741 et suiv., 5 vol.; Hottinger, Helvet. K.-G., Zurich, 1708 et suiv., 4 vol. in-4»; Simler, Sammlung alter und neuer Urkunden, Zurich, 1767; J. de Müller, Gesch. der schweizerischen Eidgenossenschaft, II, v, p. 344 et suiv.; J. Basnage, Bist, de la rel. des Églises réf., Rotterd., 1690, 2 t. ; la Haye, 1725, 2 t. in^"; Ruchat, Hist. de la réf. de la Suisse, Gen., 1727 et seq., 6 vol.; V. Arx, Gesch. des Cantons St. Callun, 1811; L. Wirz et Melch. Kircbhofer, Helvet. K.-C, Zurich, 1808-1819, Spart, en 4 vol. Riffel, t. ni, Mayence, 1847.

Zwingle.

61. En Suisse, les innovations religieuses eurent pour promo- teur Ulric (Iluiderich) Zwiiigle, à Wildhaus, dans le comté de Toggenljourg, le l" janvier 1484, d'une famille aisée de la campagne. Il fit ses études à Berne et à Bâle, sa philosophie à Vienne ; il acheva de se perfectionner dans la théologie à Bâle, sous Thomas Wattenbach, fut ordonné prêtre en 1505, et reçut à Glaris, en 1506, son premier emploi ecclésiastique. Le légat du pape, dont l'attention avait été appelée sur lui, pourvut à son entretien pendant une année, afin de lui permettre de compléter ses études. Initié à la littérature classique comme à la littérature religieuse, Zwingle avait une intelligence lucide et ne manquait pas d'éloquence; mais il n'avait aucun talent pour la spéculation, aucune profondeur dans l'esprit, point de connaissances solides; il était de plus ambitieux et plein de confiance en lui-môme. Il jouissait d'une santé robuste. Il apprit l'hébreu, et s'adonna à l'étude de la Bible, des Pères et

LE PROTESTANTISME. 283

des belles-lettres. En 1516, il devint curé d'Einsiedeln , lieu fameux de pèlerinage, et, quoique sa réputation fût gravement entamée, il s'y fit un renom comme prédicateur. Déjà à cette époque il attaquait le culte de la sainte Vierge et les pèleri- nages.

Nommé prédicateur de la principale église de Zurich, en décembre 1518, Zwingle se déchaîna violemment contre les abus de la hiérarchie, qu'il avait, disait-il, appris à connaître pendant deux séjours qu'il avait faits à Rome (comme aumônier militaire, 1511 et 1515). Il expliquait en chaire des livres en- tiers de l'Écriture, qui était son unique autorité, et adoptait entièrement le point de vue de Luther, bien qu'il prétendît n'être pas son disciple, mais son rival, assurant qu'en 1516 déjà, avant que le nom de Taugustin Wittenbergeois fût connu en Suisse, il ne suivait que la Bible. Plus il était indulgent à lui-même sur le rapport des mœurs, plus il tonnait contre l'immorahté du clergé ; il le fit surtout dans un sermon pro- noncé le premier jour de l'année 1519, sur la réforme de l'Église; il prouva, en parlant de l'Église et du pape, qu'il était incapable d'apprécier sainement l'histoire. Déjà on l'entendait énoncer dans ses discours une foule d'assertions téméraires sur le culte des saints, l'ornementation des égUses, le sacer- doce, les vœux, etc.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 61.

Huld. Zwinglii 0pp., éd. Gualther, Tigur., 1545, 1381, 4 t. in-f°.; éd. Schüler et Schulthess, ib., 1829-42, 8 part, en 11 vu!.; édit. allem., Zurich, 1828 et suiv. Oswald. Myconius, de Vita et Obitu Zwinglii ep., imprimé en tête des 4 livres Œcolampadii et Zwinglii epist., Basil., 1536, in-f°; 1592, in-4°; Miscellanea Tigurina, Zurich, 1722-24, 3 vol.; Rotermundt, Leben des Reformators U. Zwingli, Brème, 1818; Hess, Lebensbeschreibung Zwingli's, Zurich, 1811; Hess, Vie de Zwingle, Paris, 1840; Gotlingen, Zwingli's Leben, Zurich, 1843. Leben und ausgewaehlte Schriften der Begründer der réf. Kirche , eingeleitet von Hagenbach, Elberfeld, 1857 et suiv., 16 vol.; Moerikofer, Ulr. Zwingli nach urkundlichen Quellen, Leipzig, 1864, ImmoraUté de Zwingle : Zwingl. ep. xviii, p. 54, éd. Tur. Cf. Riffel, HI, p. 13 et suiv.

284 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Z'wingle prêche contre les indulgences et demande le mariage des prêtres.

62. Ce fut également la prédication des indulgences sous Léon X qui fournit à Zwingle l'occasion de dévoiler publique- ment ses erreurs. En Suisse, le commissariat des indulgences était confié au frère mineur François Lichelto, excellent théo- logien, qui nomma pour sous-commissaire son collègue Ber- nard Samson de Milan. Hugues, évêque de Constance, interdit la chaire aux prédicateurs d'indulgences, et le conseil do Zurich les repoussa. Zwingle, sans pouvoir convaincre d'abus les commissaires, ne laissa pas de prêcher contre les indulgences, et fut vivement applaudi à Zurich. En 1520, le grand conseil ordonna à tous les prédicateurs de n'enseigner que ce qui pouvait se prouver par l'Écriture. Jusque-là, il n'y eut pas d'autre innovation.

Zwingle ne fit aucun cas de l'invitation qu'il reçut de rendre compte au pape de sa doctrine. En 1522, il présenta, avec quel- ques-uns de ses collègues, une demande à l'évèque de Constance, pour que rien ne fût décidé contre la prédication du pur Évan- gile et pour qu'il fût permis aux prêtres de se marier. Zwingle et les siens avouaient sans détour « la vie honteuse et déshono- rante » qu'ils avaient menée jusque-là avec des femmes, et déclaraient, en s'appnyant de saint Paul (1 Cor., vu, 9), que la continence leur était impossible. L'évèque n'entra pas dans leurs vues; il se plaignit au conseil et au chapitre de la collégiale de Zurich des nouveautés qui coiimiençaient à se faire jour. Zwingle rejetait en matière de foi tout ce qu'il appelait autorité humaine, tradition, conciles, décrets des papes : c'était là, à l'entendre, une tyrannie dogmatique, et le célibat une inven- tion du diable ; il insistait sur le mariage des prêtres, deman- dait la communion sous les deux espèces, combattait la pri- mauté et la plupart des institutions ecclésiastiques. Adrien VI, par la lettre atrectueuse qu'il lui écrivit (23 janvier 1523), ne fit aucune impression sur ce prêtre esclave de ses passions.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 62.

Pallav., I, XIX, 2; II, xii, 4, 5. Zwinglii Supplicatio et Apologelicus, Aichetiiles appellatus, 0pp. t. I, III; ep. ad Helvet., ap. Sleidan., 1. 111, lin.; Hillcl, III, p. 37 et suiv.

LE PROTESTANTISME. 285

Colloque religieux de Zurich.

63. Zwingle décida le gouvernement cantonal, qui lui était favorable, à indiquer pour le 29 janvier 1523 un colloque reli- gieux à Zurich. L evêque de Constance y fut invité. Zwingle établit soixante-sept thèses il essayait de démontrer que la Bible était l'unique règle de la foi, qu'il fallait rejeter toute espèce de tradition, que Jésus-Christ était l'unique chef de l'Église, l'Église la société de tous les élus, que l'autorité du pape et des évoques avait sa source dans l'usurpation et dans l'orgueil; il contestait à la messe le caractère de sacrifice, rejetait l'intercession des saints, le purgatoire, l'absolution donnée par le prêtre, les œuvres satisfactoires, le célibat et les vœux monastiques.

Parmi les catholiques, un seul parut au colloque : Jean Faber (Heigerhn), vicaire général de Constance; il avait pour mission, au lieu de disenter avec les novateurs, de se borner à protester contre une entreprise qui empiétait sur les conciles. On lui répondit que chacun, étant chargé de son salut, avait le droit de chercher librement la vérité. Cependant Faber entra en dis- cussion avec Zwingle sur plusieurs propositions de celui-ci. Les magistrats, entièrement favorables à Zwingle, lui décernèrent la victoire. Des écrits de controverse furent encore échangés plus tard sur les conférences du colloque. Une nouvelle réunion eut lieu dans l'automne de la même année; les évèques de Constance, de Bàle et de Coire ne se rendirent point à l'invita- tion qu'ils reçurent, mais ils se firent représenter. Zwingle et les siens virent dans cette abstention un nouveau triomphe pour leur cause.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 63.

Œuvres de Zwingle, I, p. 169 et suiv.; Riffel, p. 46 et suiv. Sur le premier colloque religieux de Zurich : Erh. Hegerwald, Handlung der Versammlung der lœblichen Stadt Ziirich den 29 Jenner 1523, Zurich, 1523, in-4<'; Joh. Faber, Eine wahrlich Unterrichtung, wie es zu Ziirich den 29 Jenner 1523 ergangen sei; « le Gyrenruphen », par plusieurs jeunes citoyens de la ville. L'histoire de la seconde dis- cussion, à laquelle participa Conrad Hofmann, chanoine de Baumgar- ten, comme représentant des catholiques, a été publiée par Louis Hetzer,

286 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Réforme de Z-w^ingle à Zurich.

64. Encouragé par le conseil, soutenu par ses confrères Léon Juda, Engelliardt et L. Hetzer, Zwingle poursuivit activement son plan de réforme : il fulmina contre la messe et les images des saints, obtint du conseil l'abolition des processions, l'en- fouissement des reliques dans le lieu ordinaire des sépultures, la suppression de l'extrême-onction et des cérémonies reli- gieuses, l'établissement d'une censure, qui, entre les mains de Zwingle, de son ami Utinger et de deux conseillers, n'autorisa que les livres conformes aux vues du réformateur*

En 15-24, yintroductio7ï à la doctrine évangélique, de Zwingle, fut mise à la disposition de tous les curés. Les prêtres se mariè- rent ; Zwingle épousa la veuve Anna Reinhardt, avec laquelle il entretenait depuis bien des années un commerce criminel.

Le réformateur, pénétrant dans les églises avec des paysans, des maçons, des charpentiers, faisait briser les autels, les ta- bleaux, les orgues môme. Le chant ecclésiastique fut supprimé, et le culte divin réduit à une simplicité, à une monotonie ridicule : sur une table ordinaire, on voyait des corbeilles de pain, des verres et du vin. La Bible, dont on citait souvent les textes en hébreu, en grec, en latin, puis en allemand, était la seule chose qui eût de la vie. Léon Juda traduisit, pour les besoins de la nouvelle secte, la version du Nouveau Testament de Lutber (1525), « dans le dialecte et selon l'opinion suisse»; plus tard (1526-1529), avec l'aide de Gaspard Grossmann, il traduisit l'Ancien Testament de l'hébreu. Le tout parut à Zurich en 1531. Ceux des membres catholiques du conseil qui résistèrent anx innovations, furent expulsés par la majorité zwinglienne, et on ne leur permit pas même de conserver l'ancien culte. Le canton de Zurich fut bientôt entièrement réformé selon l'esprit de Zwingle.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N' 64.

Œuvres de Zwingle, I, p. 541 et suiv.; II, i, p. 426 et suiv.; II, ii, p. 233 et suiv.; Itill'el, III, p. 40, 139 et suiv., 145 et suiv.; Tichler, de Indole sacrorum emendationis a Zwinglio inslilutai rite dijudicanda, Trajecti, 1827; Richter, die Evangel. Kirchenordiiungeu, 1, p. 134 et suiv.; Leo Judae (mort en 1542). Comp. Lebensbeschreibung von seinem Sohne Johannes, 1574; Miscell., Tigur., III, i. Traduction de

LE PROTESTANTISME. 287

la Bible, appelée Bible de Froscliauer, parce qu'elle fui imprimée chez le libraire de ce nom, à Zurich. 11 publia aussi, en 1534, un Catéchisme, dont il parut un extrait en 1541.

Négociations avec d'autres cantons. Zvàngle et les ana- baptistes.

65. Dans les autres cantons de la Suisse, les nouveautés de Zurich trouvèrent d'abord peu de crédit. A Lucerne, canton limitrophe, une assemblée tenue en 4524 défendit de faire des changements dans la doctrine et dans le culte. D'autres cantons (Schaffhouse s'y refusa) s'unirent entre eux et envoyèrent des délégués à Zurich pour conjurer leurs frères de ne pas rejeter étourdiment leur ancienne croyance, et ils les invitèrent à déli- bérer avec eux sur les moyens d'abolir les abus religieux. Mais le conseil de Zurich, qui était également demeuré sourd aux avertissements de l'évêque de Constance, trouvait dans la doc- trine de Zwingle un moyen infaillible d'augmenter ses revenus et d'accroître sou influence dans la confédération ; il était trop enorgueilli des droits épiscopaux que lui assignait le réforma- teur, pour ne pas persévérer dans ses innovations et appuyer Zwingle.

Déjà les anabaptistes s'étaient répandus dans la Suisse et avaient recruté des partisans à Saint- Gall et à Zurich. Zwingle discuta avec eux en 1525 dans des colloques religieux. Les anabaptistes gardèrent leurs opinions, bien que le conseil se fût prononcé pour son réformateur. Zwingle ne les combattait pas tant par des arguments que par la puissance matérielle dont il disposait : car le gouvernement défendit sous peine de mort de réitérer le baptême, fit noyer Félix Manz, qui s'opinià- trait dans cette doctrine (1526), et frapper de verges son compa- gnon Blaurockj de Coire, un moine apostat.

Un fervent auxiliaire de Zwingle, Louis Hetzer, de Thurgovie, qui rejetait le baptême des enfants, quitta Zurich et n'y revint qu'en 1526, après avoir soumisses vues au maître. Cet homme, qui avait pris successivement douze femmes, fut publiquement décapité à Constance comme adultère et apologiste de l'adultère, qu'il disait conforme à la volonté de Dieu.

288 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE Gb.

Egli, die Züricher Wiedertœiifer zur Ref.-Zeit, nach den Quellen des Stadiarchivs, Zurich, 1878. Sur L. Hetzer, Museum helvet.. Vi, cxi-cxv; Dœllinger, Ref., I, p. 197 et suiv.

Les réformateurs à Bâle, à Berne et en d'autres cantons.

66. A Bâle, la nouvelle doctrine avait pour champion Jean CEcolampade (llausschein), à Wenisberg en 1482. (Ecolam- pade avait étudié les deux droits à Bologne, la théologie à Heidelberg, et s'était lié d'amitié avec Erasme; il fut nommé, en d515, curé de Bàle, le libraire Froben avait de bonne heure répandu les écrits de Luther. Déjà l'invocation des saints, la messe et le purgatoire y avaient été attaqués en chaire par le curé Wolfgang Capito (Knœpflein), ami de Zwingle, qui de- vint en 152Ü le conseiller de l'archevêque mal conseillé de Mayence, en 1523 prédicateur et prévôt de Saint-Thomas à Strasbourg. Capito jeta son masque d'hypocrite : il avait fait croire à Rome qu'il soutenait la cause du pape, et se déclara en faveur de Zwingle; cependant il essaya bientôt de concilier les doctrines. Il trouva un imitateur dans le curé Reublin.

En 1518, (Ecolampade fut appelé à Augsboug comme prédi- cateur de la cathédrale, abdiqua pour cause de santé, et résida au couvent d'Altmunster jusqu'à ce qu'il en fût expulsé pour ses opinions hérétiques. Il devint ensuite le prédicateur du château de Franz de Sickingen, et de nouveau curé de Bàle, en même temps que professeur do théologie. Il entra en relations intimes avec Zwingle, soutint en 1524 la théorie de Luther sur la jus- tification, se déchaîna contre les doctrines et les usages catho- liques, et finit (1528) par épouser une veuve du nom de Rosen- blatt, qui devint plus tard la femme du réformateur Capito, puis de Bucer.

CEcolampade eut pour auxiliaire le gentilhomme Guillaume Farel, expulsé de France en 1523, et plus tard (1529) les pro- fesseurs Sébastien Münster et Simon Grynceus. Il eut d'abord contre lui le gouvernement et l'université; mais ses partisans obtinrent le libre exercice de leur culte (1527), et, marchant toujours plus en avant, arrivèrent (février 1529) à étouffer com-

LE PROTKSTANTISME. 589

plètenient par la force ouverte la religion catholique. Ils brisè- rent les autels et les tableaux, et commirent des attentats si révoltants, qu'Érasme sortit de Bâte indigné et se rendit à Fribourg-en-Brisgau. Les membres catholiques du grand con- seil furent expulsés, et la doctrine de Zwingle y domina aussi.

Ouvrages a consulter sdr le 66.

Hesz, Lebensbeschreibung des Dr J. OEkolarap., Zurich, 1793. Du même, Ursprung, Gang und Folgen der durch Zwingli bewirkten Reform., ibid., 1820; J. Herzog, Leben Joh. Œk, Bàle, 1843, 2 part.; Burckhardt, die ReL in Basel, Bàle, 1818; Hagenbach, Joh. Œkol. und Oswald Myconius, Elberf., 18ö9; (Ecolampadii et Zwinglii epist. lib. IV, Basil., 1533; Histor.-pol. BL, 1844, t. XIH, p. 703-746, 810-836; t. XIV, p. 129-147, 273-291, 377-392. Sur Capito (mort en 1342), Baum, Capito und Bucer, Elberf., 1860; DœlUnger, Réf., II, p. 8-16; Ancillon, Vie de Farel, Amst., 1691; Kirchhofer, Leben Wilh. Farels, Zurich, 1831; Ch. Schmidt, Études sur Farel, Slrasb., 1834; Ch. Chenevière, Farel, Froment, Viret, réf., Genève, 1833; Ruchat 60), I, p. 379 et seq.; Doellinger, I, p. 560.

La Réforme à Schaffhouse, Glaris, Berne, etc.

67. II en fut de même en d'autres endroits : d'abord à Mul- house, près de Bàle (1 528); puis à Appenzell (Rhodes-Extérieures), à Schaffhouse et à Glaris (1528). Berne hésita longtemps entre l'ancienne et la nouvelle doctrine ; elle essaya d'abolir les abus existants, ce qui n'était pas servir la cause des novateurs. Ce- pendant Zwingle y comptait aussi des partisans; il apprit à François Kolb, un chartreux apostat, qui avait lui-même pour protecteur N. Manuel, poète et peintre influent, la manière d'avancer progressivement.

Berthold Haller, disciple de Mélanchthon, et originaire de Souabe, prêcha en 1522 la nouvelle doctrine, à laquelle Jean Hal- ler, curé d'Amsoldingen, marié depuis 1521, et un grand nombre de caricatures et de libelles diffamatoires, avaient déjà préparé les voies. Il obtint en 1520 l'autorisation de cesser la célébration de la sainte messe, et en 1528, après une conférence religieuse, il décida les Bernois à accepter la doctrine de Zwingle : elle futim- posée dans tout le canton par la force brutale. Les couvents furent supprimes, la messe et les images abolies; les prêtres se mariè- rent. Joachim de Watt ( Vadianus) prêcha à Saint-Gall et entraîna le V. HisT. DE l'Église. ly

290 HISTOIRE DE L ÉGLISE.

conseil dans le parti des innovations. Dans le canton des Gri- sons, le nombre des zwingliens allait croissant; Solenre et d'autres hésitaient. Les cantons s'était conservée la simpli- cité des anciennes mœurs, Schwytz, Uri, Unterwald, Zug et Fri- bourg, gardèrent leur vieille croyance.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 07.

Joh. Keszlers Sabbata, Chronik der Jahre 1523-t539, l"" part,, 1Ö23- 1525; il« part., 1526-1539, éd. E. Gœtszinger. Mittheilungen zur vaterlaend. Gesch., St-Gallen, 1866-1868; KiUan Leibs Chronik, loc. cit., p. 518 et suiv.; C.-L. v. Haller, Gesch. der kirchlichen Revolution oder prutest. Hef. des Cantons Bern, Lucerue, 1836; Slierlein, Reform, im Canton Bern, ibid., 1827; M. Kirchhofer, Berlh. Halter oder die Ref. in Bern, Zurich, 1828; Pestalozzi, B. Haller, Elberf., 1861; de Stürler, Quellen zur Gesch. der Ref. in Bern (Archiv, des bist. Vereins Bern, 1855-1858); Grüneisen, Nikol. Manuel, Stuttg., 1837; Presset, J. Vadian (moi't en 1551), Elberf., 1861; Ernst Gœtszinger, Joh. von Watt als Geschichtschreiber 1873 und J. v. Walt, Deutsche histor. Schriften, 1 vol., St-Gall, 1875; J. Strickler, Aclensammlung zur schweizer. Reformationsgeschichle, 1521-1532, Zurich, 1878, t. I; Riflel, HI, p. 203 et suiv.

La dispute de Bade et ses suites.

68. Déjà précédemment les cantons catholiques avaient de- mandé une conférence à laquelle serait invité le célèbre Eck d'ingolstadt; des négociations avaient été, depuis 1524, entamées à ce sujet. Après de nombreuses difficultés, la conférence se réunit à Bade au mois de mai 1526. Zwingle refusa d'y prendre part, et fut remplacé par (^colampade , son Mélanchthon, Berthold Malier et autres prédicants; les catholiques furent re- présentés par Eck, Jean Faber et Muraer, par les délégués de douze cantons, par ceux de l'archiduc Ferdinand, des ducs de Bavière, des évéques de Constance, Bàle, Lausanne et Coire, de l'abbé de Saint-liali, et plusieurs autres personnes.

Les thèses de Eck roulaient sur l'Eucharistie, la messe, le purgatoire, le culte des saints et des images, la distinction entre le baptême de Jésus-Christ et le baptême de saint Jean. On nomma quatre présidents et deux notaires, et l'on arrêta les points qui feraient l'objet du débat. Pendantdix-huit jours. Eck, ce valeureux champion de l'iîlglisc catholique, discuta avec (E-

LE PROTESTANTISME. 291

colampade et Jacques Immeli de Bàle, Ulrich StuJer de Saiut- Gall, llaller de Berne et plusieurs autres. A la fin des confé- rences (8 juin), la plupart des assistants, quelques-uns même de ceux qui avaient été jusque-là imbus d'idées zwingliennes, se prononcèrent pour les thèses de Eck ; la minorité, presque entièrement composée de prédicants zwingliens, les rejeta.

Les députés des cantons assignèrent la victoire à Eck, inter- dirent tout changement dans la religion, défendirent d'impri- mer et de vendre les écrits de Zwingle et de Luther. Cette con- troverse eut sur les États catholiques d'excellents effets. Quant à ceux qui étaient enlacés dans les liens de l'hérésie, ils ne de- vinrent que plus aigres; ils essayèrent d'atténuer les résultats de la conférence par des écrits, de nouveaux colloques religieux, et surtout par la violence. L'animosité des deux partis allait croissant; à Lucerne et à Schwytz, on condamna à mort quel- ques hérétiques qui profanaient les autels et insultaient le saint Sacrement, tandis qu'à Zurich on suppliciait les ennemis de la réforme.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 68.

Riffel, III, p. 547-536; Th. Wiedemann, Dr J. v. Eck auf der Dispu- tation zu Baden (Œsterr. Vierteljahrsschr. f. Theol., 1862, 1, p. 63-113), et Jean Eck, p. 213 et suiv., avec citation de nombreux ou- vrages.

Guerre helvétique^ Mort de Zwingle et d'Œcolampade.

69. En 1527, Zurich avait contracté avec Constance, Ambroise Blaarer (Blaurer) travaillait pour la réforme, une alliance il était question, entre autres choses, des mesures à prendre pour assurer les conquêtes que l'on ferait à l'avenir. Bàle, Berne et plusieurs autres pays y entrèrent en 1528. Cette alliance décida les cantons catholiques à s'unir entre eux et avec le roi Ferdinand (^1529) pour la défense de leur foi : ils formèrent l'alliance du Valais. La Suisse était à la veille d'une guerre intestine. Plusieurs villes essayèrent d'interposer leur médiation. En juin 1529, le bailli de Glaris, Hans Obli, procura une paix avantageuse aux cantons réformés. Mais des disputes éclatèrent bientôt sur l'interprétation du contrat. Zurich et ses alliés travaillaient par tous les moyens à répandre la nouvelle doctrine. On chassa l'abbe de Saint-Gall et ses moines, et l'on

292 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

finit par couper les vivres aux cantons catholiques. De part et d'autre on se prépara de nouveau à la guerre.

Les cantons catholiques, unis entre eux, prévinrent leurs adversaires et remportèrent une victoire près de Cappel (11 oc- tobre 1531). Zwingle, qui avait pris part à la lutte, tomba sur le champ de bataille, et son cadavre fut brûlé par les catho- liques. Cependant les vaincus furent traités as'ec une modéra- tion qui nuisit bien des fois aux intérêts politiques et religieux des catholiques. Bientôt après, Œcolampade mourut à Bàle (23 novembre). Les chefs de la réforme helvétique eurent des successeurs : Zwingle fut remplacé à Zurich par Henri ßullin- ger ; Œcolampade le fut à Bâle par Oswald Myconius. La doc- trine de Zwingle se soutint; mais les cantons catholiques, en- couragés par les papes, demeuraient fidèles à leur ancienne croyance.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 69,

Riffel, m, p. 568 et suiv.; Salât, Chronik (Archiv, f. Schweiz. Ref.- Gesch., I, p. 203 el suiv.); Kilian Leib, an. 1531, p. 560-564. 11 est par- faitement établi, par les archives concernant l'histoire de la réforme en Suisse, t. I et II, par la chronique de Salât et par les documents, que les papes n'ont pas excité les cantons catholiques 5 la guerre religieuse de 1531. Voy. Feuill. hist. et politiq., 1872, t. LX.X, p. 394 et suiv. Sur les efforts des papes en faveur de la Suisse, voy. Pallav., Il, 1, 7; XII, IV, 5. Luther apprit avec plaisir la nouvelle de la mort des deux réformateurs suisses; il regretta seulement que les catholiques n'eussent pas profité de leur victoire pour étouffer le zwinglianisme : s'ils l'avaient fait, « leur victoire », disait-il, « serait presque un bon- heur et digne d'une grande gloire. » Il croyait sérieusement pouvoir révoquer en doute le salut de Zwingle : Riffel, p. 676 et suiv. Hesz, Lebensgesch. M. -H. BuUingers, Zurich, 1828 et suiv., 2 vol. (inachevé); M. Kirchhofer, Oswald Myconius, Antistes der Basler Kirche, Zurich, 1813.

Système de Z^vingle.

70. Le système doctrinal de Zwingle, esprit moins original mais plus rationaliste que Luther, et ennemi de tout mystère, est un mélange de panthéisme et de fatalisme; il offre de nom- breuses analogies avec les doctrines des manichéens et de Wiclef. Selon Zwingle, il n'y a rien qui ne soit Dieu, Dieu est l'être de toutes choses. Toute force est incréée ou créée : incréée,

LE PROTESTANTISME. 293

cette force est Dieu même; créée, elle est de Dien, c'est une émanation divine, une manifestation de la force universelle dans un nouvel individu. L'expression de « créature libre » est une contradiction : la liberté, comme puissance personnelle, est inconciliable avec la toute-puissance et la sagesse divines. Vou- loir être libre, c'est vouloir être son propre Dieu, c'est marclier au polythéisme. La Providence divine est conforme à la néces- sité des événements.

Si Dieu est tout être, il est aussi tout activité; l'homme est à l'égard de lui ce que l'instrument est dans la main de l'artiste. Dieu fait aussi le mal. Que si l'on demande comment Dieu peut alors punir le mal, il faut répondre : Il suffit en soi que Dieu ait fait l'homme de telle sorte que le péché soit le fruit de sa vie corporelle : alors il demeure vrai que celui qui est placé sous une loi pèche en la transgressant, même quand il est forcé de la transgresser; quant à Dieu, pour qui il n'y a point de loi, il ne pèche pas, et sa sainteté subsiste même quand il force l'homme à pécher. Il révèle également sa justice en choisissant quelques hommes pour la manifester en eux. Dieu enfin est toujours dirigé par les vues les plus pures, et c'est pourquoi la fin justifie les moyens.

Zwingle ne connaît pas de réponse plus satisfaisante. Il trouve dans l'amour de soi (philautie) la racine de tout mal. Satan, ayant remarqué l'esprit entreprenant qui se faisait jour dans Eve et son inexpérience en toute espèce de ruses, lui enseigna les moyens de tromper son mari : de le premier péché. Adam pécha par égoïsme, et de ce péché sont sorties toutes les misères de l'homme. Or, comme les mêmes causes produisent les mêmes eifets, tous les hommes, depuis la chute d'Adam, naissent avec l'égoïsme. Le péché d'origine est une disposition naturelle, un penchant, une inclination au péché, une maladie inhérente à la nature, une prépondérance de la sensualité, exempte de faute, et que le baptême même ne peut enlever. Comme tout est de Dieu, tout retourne à lui et se résout dans l'être universel. Zwingle croit expliquer par le dogme de l'immortalité, justifier en partie la métempsycose selon Pythagore et l'idée stoïcienne d'un Dieu qui serait l'àme du monde. Les païens les plus illustres, Socrate, Caton, etc., sont intimement unis avec Jésus-Christ.

294 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Points de contact et de divergence entre ZAvingle et Luther. Théorie de la Cène.

7d . Zwingle cro3'ait avec Luther : 1 ° que la Bible est la source suprême de la foi, que chacun peut l'interpréter à son gré, et que Dieu en découvre le sens à ceux qui le lui demandent par d'instantes prières ; comme lui, il niait le libre arbitre et sou- tenait l'impuissance do l'homme pour toute sorte de bien ; il faisait Dieu l'auteur du mal, et dans un degré plus élevé encore que Luther; 4" il professait l'inutilité des bonnes œuvres et la justification par la foi seule; 5" il rejetait les indulgences, les vœux, le purgatoire, la hiérarchie et le sacerdoce, et voyait dans les sacrements des symboles de la grâce que chacun pos- sède déjà. Zwingle développe cette pensée avec plus de logique que Luther. Pour lui, les sacrements sont avant tout des 'céré- monies par lesquelles l'homme atteste qu'il est disciple de Jésus- Christ, membre de l'Église; ils n'ont en soi aucune valeur, ils ne sont pas même un gage de la bienveillance divine, parce que celui-là n'a pas de foi qui a besoin de l'attester par de pareils moyens. Ceux qui les reçoivent, témoignent à l'Eglise qu'ils ont la foi, plutôt qu'ils n'y puisent des forces.

Le baptême est un signe d'initiation; l'Eucharistie, un simple mémorial de la mort expiatoire de Jésus-Christ, de sa passion et de ses travaux. C'est dans la doctrine de l'Eucharistie que Zwingle s'écarte le plus de Luther : il nie toute présence réelle de Jésus-Christ, et interprète les paroles de l'institution dans un sens figuré. Selon lui, le mot est a le sens de sigtiifie. Une révélation qu'il avait eue en songe, lui avait signalé ce pas- sage : « (l'agneau) Il est la Pàque du Seigneur » [Exod., xn, il) ; mais, quand il s'était réveillé, il n'avait pas lu ce qui est dit plus loin (vers. 27), que c'est une figure employée pour : « l'agneau est le sacrifice du passage du Seigneur ». Tandis que Zwingle prenait es^ dans un sens impropre, üEcolampade entendait le mot corps dans un sens métaphorique : corps était pris pour « signe de mon corps ». Zwingle comparait l'Eucharistie à l'anneau que l'époux remet à son épouse au moment de s'absenter; il y voyait un simple mémorial, dans lequel Jésus-Christ, présent aux siens par la vertu céleste, les console par la méditation et les alTermit par^la foi.

LE PROTESTANTISME. 295

Sur ce point, la difréience entre Zwingle et Luther était trop grande pour qu'ils pussent s'entendre. Une lutte devait éclater, qui révélerait de plus en plus le désaccord des nouveaux réfor- mateurs et les résultats de la libre interprétation des saintes Écritures.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LES N°* 70 ET 7t.

Zwingt. Commentar. de vera et falsa religione (dédiés au roi François I«'), Tiguri, 152Ö; Expositio fidei ad regem Gall., Juli., 1531; Le Plat, II, 723-749; Append., ib., p. 7.o0-761 ; Fidei ratio ad Carol. Imper., Tig., 1530; Christ, fidei brevis et clara expositio ad reg. christ. Franc. I, éd. Bullinger, Tig., 1336; Zwingl. 0pp. IV, 42-78, de Providentia, 0pp. I (principaux passages, de Provid., c. ni, vi), de Peccato orig. declar., 0pp. II, H7. « Uslegeu und gründ der Scbluszreden oder Artikel >>, quasi farrago omnium opinionum quae hodie controvertuntur, Opp. t. VII; Augusti, Corp. libr. symbol. qui in Eccl. Reformat, publicam aucloritatem obtinuerunt, Elberf,, 1827; Niemeyer, CoUectio confessionnm in Eccl. reform, publ., Ups,, 1840; Hagenbach, Gesch. der ersten Basler Confession, Bàle, 1827; Hahn, Zwingl'is Lehren von der Vorsehung, von dem Wesen nod der Bestimmung des Menschen (Studien und Kritiken, 1837, IV); Zeller, das Theol. System. Zw., Tüb., t853; Schweizer, die Prot. Centraldog- raen, Zurich, 1854; Sigwart, Ulr. Zwingli, d^n' Charakter seiner Theol., Stuttg., 1853; Hundeshagen, zur Charakteristik Zwingl'is (Studien u. Kritiken, 1862, IV); Spœrri, Zwingli'sche Studien, Zurich, 1866. Mœhler, Symbolique, § 9; RitTel, IH, p. 54-102; Zwingt. Opp. III, 591 et seq.

Luther et Zwing-le. Querelle des sacranientaires.

Doctrine de Luther sur la présence réelle.

72. Luther, conformément à sa théorie de la justification, n'a- vait d'abord attaché que peu d'importance à la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l'autel, destiné à exercer la foi et à la fortifier. Il fut tenté quelque temps d'admettre que dans l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin : c'est ainsi, croyait-il, qu'il donnerait « au papisme la plus forte gour- made ». Cependant sa dispute avec Carlostadt (§31) l'avait amené à soutenir définitivement que les passages de la Bible ne peu- vent s'entendre que d'une présence effective, d'une commu- nication essentielle du corps de Jésus-Christ. Cet homme, qui

296 HISTOIRE DE L ÉGLISE.

savait interpréter à sa fantaisie les textes les plus clairs de la Bible, trouvait qu'ici le texte était « trop impérieux » et « le retenait captif » .

La conduite de Zwingle et de ses partisans l'affermit encore davantage dans sa conviction. Persuadé qu'il était choisi de Dieu pour restaurer la véritable doctrine chrétienne, qu'il était particulièrement favorisé de sa grâce, son orgueil souffrait des atteintes portées à sa gloire ; il voyait avec peine que d'autres s'immisçassent dans une œuvre qu'il considérait comme dévolue à lui seul, on plutôt il voyait tourner contre lui les armes que lui-même avait forgées : l'interprétation arbitraire, isolée de toute tradition, de quelques textes de l'Écriture; il dut bientôt reconnaître que sur ce terrain la dispute n'aurait point de fin. Ses propres affirmations, sa théorie générale des sacrements, qui ne semblait point justifier une exception en faveur de l'Eu- charistie, étaient alléguées contre lui, et il finit par n'avoir plus d'autre ressource que d'invoquer les Pères et la tradition ecclé- siastique, qu'il avait jusque-là si fort méprisés.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 72.

Dœilinger, I.ulher Skizze, p. 663 et suiv.; Lutlier, Œuvres, éd. Walch, part. XV, p. 2448. Voy. ibid., part. XIX, p. 79; part. XX, p. 2078 et sniv., 186 et suiv. Anciennes déclarations de Luther sur les Pères, dans Dœilinger, Réf., I, p. 448 et suiv.; Weislinger, Frisz Vogel oder stirb, Slrasb., 1726, p. 300, 314, et ailletu's.

Controverse des théologiens. Polémique de Luther. Théorie de l'impanation et de l'ubiquité.

73. Les idées de Carlostadt sur l'Eucharistie, généralement adoptées par Zwingle, trouvèrent de l'écho dans plusieurs villes allemandes. A Ulm, la doctrine de Zwingle eut pour organe le prédicant Conrad Sam, qui en 1520 s'était enrôlé sous la bannière de Luther. Cet exemple fut bientôt suivi par les prédicants wurtembergeois. A Strasbourg, ce rendez-vous de tous les hérétiques possibles. Capiton était tout à fait dans les idées de Zwingle, tandis que l'artificieux Martin Bucer, le « diplomate des réformateurs », se posait en conciliateur. A Augsbourg, Wittenberg et Zurich se disputaient la prédomi- nance. Jean Brenz , prédicant à Schwabisch-Hall , Erhard Schaepf et autres prédicants de Souabe, dans un écrit collectif

LE PROTESTANTISME. 297

(le Syngramma de Souabe), qui fut combattu par CEcolampade {Antisynr/ramma) y se prononoèreut pour la pure doctrine de Luther. Théobald Gerlacher (Billicanus), prédicant et réforma- teur à Nœrdliiigen, soutenait aussi (1526) le sens littéral des paroles de l'institution ; il fut combattu par Zwingle et par OEcolampade. Le savant Willibald Firkheimer, à Nurenberg, et Urbain Regius (mort en 1541) écrivirent aussi contre les Suisses.

Les emportements de Luther attisèrent encore le feu de la dispute. 11 traita Zwingle et les siens de serviteurs de Satan, de sacramentaires qu'il fallait extirper; c'étaient des cœurs endia- blés, perendiablés, superendiablés, des gueules de mensonge, pour qui nul chrétien ne devait prier. Faible dans le détail de sa polémique, Luther était plus heureux quand il se plaçait sur le terrain de l'ancienne Église. Mais, comme il avait rejeté la consécration et la transsubstantiation des catholiques, afin de n'être pas obligé d'admettre un sacerdoce et pour abolir le sacri- fice, il se vit contraint, par les objections de Zwingle, d'imagi- ner un autre moyen, qui laissait place à la présence réelle : il aboutit ainsi à la doctrine de la cousubstantiation ou de l'impa- nation, suivant laquelle on recevait le corps de Jésus-Christ dans le pain, sans le pain et avec le pain; il admettait une extension formelle du corps de Jésus-Christ dans l'infini (ubiquité), et croyait qu'il est partout littéralement présent, même dans chaque aliment. Mais il disait aussi que le corps de Jésus-Christ n'est uni à la substance du pain qu'au moment de la commu- nion.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 73.

Conrad Sam : voy. Schmid et Pfister, Denkwürdigkeiten der Würt- temb. und Schwab. Ref.-Gesch., Tüb., 1817, II, p. 102 et suiv. Capito et Bucer : Dœllinger, Réf., II, p. Ü et suiv., 21-24. Sur Augsbourg, ibid., p. 576. Kilian Leib, an. Iö28, p. 517, disait : « Apud quos (Augustanos), cum Luthericolae essent, toi fere bsereses quot plateae erant. « Jean Brenz . voy. Hartmann et Jaeger, Job. Brenz > Dœllinger, II, p. 351; Cammerer, Job. Brenz, Stuttg., 1840; Vaibin- ger, J. Brenz, ibid., 1841 ; Syngramma suevicum super verbis Coenae (contre CJEkolampade, De genuina verborum Domini : Hoc est corpus meum, expositione liber, 1525j; Œcolampadii Àntisyugramma, 1526; Théobald Billican, prédicant à Ncerdlingue, de Verbis Cœnœ Domini

298 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

et opinionum varietate ad Urbannm Rhegiura epist.; Dœllinger, I, p. i42 et suiv.; Willibald Pirkheimer, De vera Christi carne et vero ejus sanguine ad Job. Œcolarap, responsio, 0pp., éd. Goldast, Fran- cof., 1610. Cf. Hagen, Deutsch], lit. u. relig. Verhaeltnisse im Ref.- Zeitalter mit besonderer Rücksicht auf W, Pirkheimer, Erlang., 1841, t. I; Dœllinger, Réforme, I, p. 161 et suiv.; ibid., p. 533; sa lettre à Kilian Leib sur le retour de celui-ci à Él'glise catholique. La sœur de Kilian, Charitas, abbesse de Sainte-Claire, fut toujours catholique : voy. Histor.-pol. Bl., t. XHI, p. 513-539; HœOer , Charitas Pirkh., Bamb., 1852; W. Loose, Aus dem Leben der Charitas Pirkh., Dresde, 1870. Luther se prononça contre les zwingliens dans la préface de l'édition allemande du Syngramma par Agricola; dans un écrit aux chrétiens de Reutlingen, « contre les prophètes célestes » (Walch, part. XX, p. 186 et suiv.); dans un sermon sur le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ contre les fanatiques (ibid., p. 915 et suiv.); puis en 1527, en disant que « les paroles du Christ : Ceci est mon [corps^ subsistent toujours contre les fanatiques » (ibid., p. 950 et suiv.), ainsi que dans la « Grande Confession sur la cène du Christ » (ibid., p. 1118 et suiv.) Voy. encore Walch, th. xvii, p. 1907. Ajoutez th. XX, p. 1010. Cf. Bellarm., de Christo, III, i; Rettberg, Occam und Luther Studien und Kritiken, 1839, I, p. 69 et suiv. Dans le sens opposé, Franz Lambert, de Symbolo fœderis numquam rumpendi, quam communionem vocant, confessio (s. L), 1530.

Argumentation de Z'wingle. Luther invoque le témoignage de l'ancienne Église.

7i. Zwingle, qui appelait les luthériens des « mangeurs de la chair de Dieu », raisonnait ainsi : r Si l'on veut s'en tenir au sens httéral, il ne reste qu'à recevoir la doctrine catholique de la transsubstantiation. H est inadmissible qu'on puisse remplacer les termes de l'Kcriture par ces autres termes : Dans ce pain l'on mange mon corps. Luther aussi a recours à une figure quand il dit : Ceci contient mon corps; ou : Ce pain est uni à mon corps. Or la métonymie de Zwingle était-elle moins recevable que la synecdoche de Luther? Le docteur witten- bergeois, avec sa doctrine de l'ubiquité, tombe dans un mono- physitisme à rebours et contredit le dogme des deux natures. Il agit à l'égard des Suisses comme le pape à l'égard des Wittenbergeois : il condamne, il anathématise, il engage l'au- torité à sévir, il blesse toute charité chrétienne. Les deux par- tis s'aperçurent bientôt qu'ils ne feraient rien avec la Bible, et

LE PROTEST ANTISMIÎ. 509

ils revinrent à l'antiquité chrétienne; plus tard (1532), Luther s'appuya ouvertement sur les a livres et écritures des bien- aimés Pères », sur le consentement de la sainte Église chré- tienne, dans latjuelle Jésus-Christ réside tous les jours {Matth., xxvni, 20), et qui est la colonne et le fondement de la vérité (I Tim., III, 15).

OUVRAGES A CONSULTEH SUR LE 74.

Zw., Klare Unterrichtung vom Nachtmahl Christi, Œuvres, II, p. 426 et suiv.; Amica Exegesis, i.e., Expositio Euchar. negot. ad M. Luth., III, 4(59; Fründlich verghmpfung und ableinung über die predig des tretfentUcheu M. Luth, wider die Schwa?rnier, II, p. { et suiv., et II, sect. II, p. 29. ÖEcolamp., Justum responsum in Liith. exposit. de Sacramento, 1526. Luther à Albert de Prusse, 1532 : Walch, th. xx, p. 2089; de Wette, IV, p. 354.

Tentatives de conciliation.

75. Ces dissentiments déplaisaient fort aux princes et aux villes protestantes : ils désiraient une alliance étroite avec les villes du sud de l'Allemagne, favorables à Zwingle; mais cette alliance, les luthériens rigoureux la tenaient, d'après le lan- gage de leur maître, pour antichrétienne et illicite. Jean, élec- teur de Saxe, suivit en tout le conseil de ses théologiens par- tisans du luthéranisme; ceux-ci dressèrent les dix-sept articles de Schwabach ou de Torgau, la doctrine de Luther sur l'Eucharistie faisait un vif contraste avec celle de Zwingle. Ces articles, qui furent signés, posaient les conditions sous lesquelles on pouvait contracter alliance avec les zwingliens.

Cependant le landgrave Philippe de Hesse, qui inclinait au fond vers le zwinglianisme, voulut tenter une union plus étroite entre les deux partis, au moyen d'une conférence per- sonnelle à laquelle il les invita à Marbourg pour le i" octobre 1529. Le haut pays y envoya Zwingle, OËcolampade, puis Bucer et Gaspard Hedio de Strasbourg (ce dernier, disciple de Capiton et eutièrement dominé par Bucer); l'autre parti fut représenté par Luther, Mélanchthon, Jonas, Osiandre, Etienne Agricola et Jean Brenz. Zwingle y montra plus de condescen- dance que Luther: celui-ci ne voulait pas même reconnaître les zwingliens pour des frères et leur donner la main, et il dissua-

300 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

dait son prince électeur de toute alliance avec les zwingliens, qu'il traitait d'abominables. Quant à son dogme de la consubs- tantiation, Luther l'éclaircissait par l'exemple suivant : Le corps de Jésus-Christ est dans le pain comme l'épée dans le fourreau ; les paroles de Jésus-Christ sont un discours abrégé, comme lorsque l'on parle d'une épée et que l'on a également en vue le fourreau.

Les deux partis s'attribuèrent la victoire. Les zwingliens étaient blessés de l'attitude présomptueuse de Luther. Cepen- dant, afin de ne pas clore l'assemblée sans avoir produit aucun résultat, on dressa quinze articles de foi et d'union, sur les- quels on était plus ou moins d'accord, et on les souscrivit (30 oc- tobre). Ces articles traitaient de la Trinité, de la Rédemption, de la foi et de la justification, de l'autorité (contre les anabap- tistes). L'article 13 portait : On appelle Tradition des règle- ments humains portés sur des ol)jets spirituels ou ecclésias- tiques; quand elle n'est pas contraire à la parole de Dieu, on est libre de l'observer ou de la négliger; l'article 14 ap- prouve le baptême des enfants; l'article 15 dit qu'on doit user de l'Eucharistie. Bien (ju'on ne fût pas tombé d'accord sur la doctrine, chacun devait témoigner aux autres de la charité chrétienne, tant que la conscience pouvait le souffrir, et de- mander à Dieu par de ferventes prières la véritable intelligence. Jusque-là aucun accord n'était possible. Luther, qui se scanda- lisait de la théorie de Zwingle sur le péché originel, ne voulut pas faire d'autre concession, et persista à considérer la doctrine de Zwingle comme hérétique. Mélanchthon, qui lui était entiè- rement asservi, n'était pas moins, en paroles, contraire aux zwingliens; il éprouvait des remords de conscience, disait-il, pour avoir protesté à Spire contre l'article dirigé contre les sacramentaires, et il s'avouait coupable d'avoir contribué à répandre ce funeste poison, cette doctrine impie de Zwingle. De leur côté, ceux du haut pays rejetaient les articles de Tor- gau ou do Schwabach (16 octobre). Et c'est ainsi que, malgré tous les essais d'union tentés par la politique, la nouvelle Eglise demeurait dès le principe divisée en Église allemande- luthérienne et en Eglise suisse-zwinglienne réformée. Non seu- lement Philippe de liesse s'était étruitement allié avec la Saxe électorale, Strasbourg, Ulm et Nurenberg; il travaillait aussi

LE PROTESTANTISME. 301

avec persévérance, par l'entremise fies Zurichois, à conclure avec la France une alliance qui était une trahison envers l'Em- pire.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 75.

Articles de Toi'gau : RilFel, II, p. 375 et suiv. Sur Hédio, Dœllinger, Réf., II, p. 16 et suiv. : Colloque religieux de Marbourg Pallav., III, i, 2; Schmitt, das Religionsgesprœch zu M. Marburg, 1846. Les 15 articles de foi et d'union ont été publiés par H. ïleppe (dans la Revue de théologie historique de Niedner, 1848, I, p. 3-7), d'après le manuscrit original trouvé aux archives de Cassel. Voyez encore B.-E. Lœscher, llist. motuum zw. den Ev. Luther, und Reformirten, I th., cap. ii, p. 25 et suiv.; Selneker et Chemnitz , Bist. d. Sacranientenstreits , Leipzig, 1591; Lud. Lavater, Hist. de origine et progressu contro- versiœ sacramentarise de Cœna Dom. ab an. 1323 ad an. 1563 deducta, Tiguri, 1564, 1572; R. Hospiniani, Hist. sacramentaria, Tig., 1598, 2 vol.; Planck, Gesch. der Entstehung, der Versenderung und der Bildung unseres protest. Lehrbegriffs, II, p. 204 et suiv., 471 et suiv.; III, I, p, 376 et suiv.; Gesch der prot. Theol., I, p. 6 et suiv.; II, I, p. 89 et suiv., 211 et suiv.; II, ii, p. 7 et suiv.; III, p. 150, 274, 732 et suiv.; Dieckhotï, Das ev. Abendmahl im Ref.-Zeitalter, Gcet- tingue, 1854.

PROGRÈS DE LA RÉVOLUTION RELIGIEUSE EN ALLEMAGNE.

La diète d^Aug'sbourg: de 1530.

Ouverture de la diète d'Augsbourg.

76. Au lieu de se rendre à la diète d'Augsbourg dans le cou- rant d'avril, Charles-Quint n'y arriva que le 15 juin 1530. Il était accompagné du cardinal Campeggio, à qui le pape avait donné des instructions précises sur les moyens d'étouffer la nouvelle doctrine. On était à la veille de la Fête-Dieu, que l'em- pereur se disposait à célébrer avec une grande pompe. Les princes protestants refusèrent de participer à ce « rite supersti- tieux », à cette exhibition théâtrale du « demi » Sacrement; seul le prince électeur de Saxe, par égard pour sa position, surmonta ses scrupules, et porta l'épée de l'empire devant Çharles-Quint. Pendant l'office solennel (20 juin), le nonce Vin- cent Pimpinella prêcha sur le besoin de la concorde pour com- battre les Turcs et sur l'unité de foi, condition nécessaire de la

302 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

concorde. Après l'oiiverlure do l;i diète, le cardinal légat pro- nonça un disconrs sévère snr l'objet des délibérations. L'empe- reur convint qu'il fallait d'abord traiter la question religieuse, et il invita les Etats protestants à s'expliquer sur les croyances comme snr les abns qui les offusquaient. Ils le firent d'après un écrit de Mélanchthon rédigé sur les articles de Torgau et connu sous le nom de Confession d'Augsbourg, approuvée par Luther lui-même.

Les vingt et un premiers articles, relatifs à la doctrine chré- tienne, atténuaient sen^iblement les déclarations trop cho- quantes de Luther; seulement ils étaient incomplets et man- quaient de précision dogmatique. Les sept derniers exposaient les abus supprimés par les protestants, et avaient trait à la communion sous les deux espèces, au mariage des prêtres, aux vœux monastiques, aux messes basses, à la confession détaillée, à la distinction des aUments et au pouvoir épiscopal. Cette confession fut signée par Jean de Saxe, Philippe de Hesse, Ernest de Brunswick-Lunebourg, Wolfgang d' Anhalt, George de Brandebourg, les villes de iNurenberg et de ReutUngen. L'empereur ne voulut la recevoir que par écrit; mais les pro- testants obtinrent qu'elle fût lue publiquement le 25 juin, en présence de l'empereur et de la diète. A cette question de Charles-Quint, s'il y avait encore d'autres points sur lesquels ils s'écartaient de la foi catholique, ils répondirent qu'il était inutile de présenter d'autres articles; alors l'empereur leur lit savoir qu'il examinerait cette importante affaire et leur com. muniquerait sa décision. Les protestants le remercièrent d'a- voir bien voulu les entendre, et lui remirent la Confession en allemand et en latin.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 76.

Instructions de Campeggio : Ranke, Pajpste, lit, p. 266 et suiv.j Maurenbrecher, Cari V, Anh., p. 3-21, Dans rindignalion soulevée par ce « document qui respirait la fureur » (Hanlie, I, p. Hl et suiv.), "on a complètement perdu de vue les violences accomi>lies par les protestants, la législation en vigueur à cette époque, la douceur vai- nement employée pendant un si long temps et qui précéda le décret d'exercer la riguciu' et de la recommander. Campeggio donna des instructions à plusi<'urs princes dans le sens dn Mémorial, et fut bien accueilli à Munich. Lettres des i 3 et 20 mai, cl du 14 juin 1530: Ltemmer,

LE PROTESTANTISME. 303

Mon. Vatic, p. 34 et suiv., n. 30 et siiiv. Sur la Fête-Dieu à Augsbonrg : Campeggio, 16 juiu, ibid., p. 39 et suiv., n. 33; Kilian Leib, p. 541 et suiv.; Fullav., 111, m, n. 2 et seq., 7 et seq. Les théologiens de l'électeur de Saxe déclarèrent que le port du glaive de l'Empire était une fonction civile, et rappelèrent l'exemple d'Elisée, qui permit au Syrien Naaman de Uécbir le genou devant l'idole de son roi, s'il l'appuyait de son bras (IV Rois, v, 18). Proposition impériale du 20 juin et résolution après le discoux's du légat : Goldast, I, 504, 508 ; Le Plat, 11, p. 3-23-331. La Confession d'Augsbourg fut déjà imprimée avec des changements pendant la diète de l'Empire, à l'insu de Mélanch- thon : de vient qu'en 1530 celui-ci en donna une édition allemande et latine; plus tard il modifia lui-même le texte en faveur des calvi- nistes, surtout l'article 10 sur la cène : on distinguait donc la « Con- fessio Aug. variata » et la « Confessio iuvariata ». La même dans Hase, Libri symbol. Eccl. evang., Lips., 1837; en allem, dans Kœthe, die Symbol. Rücher der ev.-lutber. Kirche, Leipzig, 1830, p. 14 et suiv. Voy. Bossuet, Hist. des variât,, 111, § 7; Le Plat, II, p. 332 et seq.; Kœllner, Symbolik, Hamb., 1837, p. 150 et suiv.; Rudelbach, Hist.-krit. Einleitung in die Augsb. Conf., Leipzig, 1841; L. Pastor, die Kirchl. Reunionsbestrebungen weehrend der Regierung Caris V, Frib., 1879, p. 17 et suiv.

Réfutation de la Confession d'Augsbourg.

77. Dans une conférence ménagée par l'empereur avec les États catholiques (-26 juin), le duc George de Saxe et l'électeur de Brandebourg, ainsi que quelques théologiens, demandèrent que l'édit de Worms fût exécuté dans toute sa rigueur; mais la plupart, surtout les princes ecclésiastiques, qui avaient été heureusement impressionnés par la forme bienveillante de la Confession, s'y opposèrent. Il fut convenu que la Confession serait réfutée par les théologiens, qu'un donnerait lecture de la réfutation, et qu'un laisserait à l'empereur le soin de décider s'il fallait agir avec douceur ou sévérité, ou ordonner que les choses restassent sur l'ancien pied jusqu'à la réunion d'un concile général. Le 27 juin, la Confession fut remise à vingt théologiens catholiques, auxquels on recommanda de la réfuter avec la plus grande modération.

Ces théologiens, ayant à leur tête Eck, reconnurent que tout cela n'était qu'hypocrisie; ils prouvèrent que la Confession con- tenait de nombreuses erreurs, que la doctrine protestante y fourmillait de contradictions, et que les protestants enseignaient

304 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

en outre quantité de nouvelles hérésies. Le 18 juillet, Eck remit la réfutation à l'empereur avec neuf suppléments. Les princes catholiques et l'empereur lui-même la trouvèrent trop amère et trop violente ; ils demandèrent qu'on s'abstînt d'énu- mérer les contradictions de Luther et autres erreurs, et que le ton de la rédaction fût adouci. Les théologiens parcoururent alors la Confession article par article, indiquèrent ce qui était d'accord avec la croyance catholique et ce qui s'en écartait; mais il leur fallut encore, ici même, accepter des tempéraments. La réfutation ainsi transformée fut lue publiquement le 3 août, comme l'avait été la Confession. L'empereur invita les protes- tants à déposer tout esprit de discorde et à rentrer dans l'unité de l'Église : sinon il serait obligé, en sa qualité de souverain, d'agir selon sa conscience.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 77.

Lettres de Campeggio des 16 et 26 juin, 29 juillet, 10 et 20 août, 24 sept., 6 cet. : Lcemmer, p. 39 et suiv., n. 34-39. Lettre de Charles- Quint du 8 juillet : Dœilinger, Beitr., I, p. 7 et suiv ; Kilian Leib (ici té- moin oculaire, avec renseignements fournis sur les théologiens cathol.), p. 542 et suiv.; Pallav., III, m, 12 et seq.; iv, 1-7; Th. Wiedemann, Eck auf d. Reichstage zu Augsb. (OEsterr. Vierteljahrschr. f. Theol., 1862, IV, p. 533 et suiv.), et Jean Eck, p. 271 et suiv.; Walch, th. xvi, p. 1219 et suiv.; th. xiv, p. 542 et suiv. Lettres de Mélanchthou : Corp. reform., II, 141 et seq., 175 et seq., 183 et seq., 193 et seq., 241 et seq.; Fœrstemann, Urkundenbuch zur Gesch. des Reichstags zu Augsb., Halle, 1834 et suiv., 2 vol.; Cœlestini, Ilist. comiliorum Aug. célébrât., Francof. ad Viad. , 1577, 1597; Chytraeus, Historie der Augsb. Confession, Rostock, 1576; Cyprian, eod. tit., tiotha, 1730. Ouvrages sous le même titre, par Salig (Halle, 1733 et suiv., III th.), PfafT (Stuttg., 1830) ; Kikenscher (Nùrnb., 1830) ; M. Flacius, Gesch. des Reichstags zu Augsb., Leipzig, 1530; Menzel, I, p. 335 et suiv.; Lœm- mer, die Vortrid. kath. Theol., p. 39 et suiv. La réfutation, avec la Confession d'Augsbourg en latin et en allemand, se trouve dans le Catholique, 1828, 1829, éd. Kieser, die Augsb. Conf. aus Orig.-Ausg. und ihre Widerlegung aus dem aechten Manuscripte gezogen, Regensb., 1845. Réponse imperiale du 3 août : Le Plat, II, p. 337 et seq. Sur les prétendues déclarations des princes catholiques et du docteur Eck, voy. Binlerim , der Reichstag v. Augsb., 1530, Düsseid., 1844, et Œsterr. Vierteijahrsschr., loc. cit., p. 535, n. 2, p. 540 et suiv.; Pas- tor, p. 43 et suiv.

LE PROTESTANTISME. 305

Négociations sur les points divergents.

78. Les protestants se montrèrent fort mécontents, et deman- dèrent une copie de la réfutation pour y répondre. L'empereur ne voulut plus accepter de discussions par écrit, et la scission s'accentua de plus en plus. Philippe de Hesse quitta secrètement Augsbourg (6 août). Enfin, l'empereur institua une commission de quatorze membres, comprenant deux princes, deux juristes et trois théologiens pris dans chacun des partis, pour débattre les articles controversés et essayer d'amener une conciliation. Les théologiens catholiques étaient Eck, Wimpina et Cochlée; les théologiens protestants : Alelanchthon, Brenz et Schnepf.

La conférence s'ouvrit le 10 août; elle reprit un à un les articles de la Confession. Les articles 1 et 3 (Trinité et In- carnation) furent reconnus pour orthodoxes; l'article 5, il était dit que Dieu a institué l'office de la prédication et les sacrements comme des moyens d'obtenir la foi qui justifie ; puis l'article 8, sur l'efficacité des sacrements administrés par les pécheurs; l'article 9, sur la nécessité générale du baptême, même pour les enfants, demeurèrent également intacts. Sur le péché originel (art. 2), Mélanchthon convint qu'il est remis par le baptême quant à la dette ; qu'il ne reste que la concu- piscence, laquelle, avant le consentement, n'est pas un vrai péché. Sur la justification (art. 4), il renonça au sola ßdes (la foi seule), et accepta la formule de Eck, suivant laquelle l'homme est justifié par la foi et par la grâce. Sur les bonnes œuvres (art. 6), on convint qu'il faut pratiquer celles que Dieu prescrit ; qu'aucune œuvre n'est en soi méritoire, mais seule- ment quand elle est accomplie avec la grâce de Dieu. Cependant le mérite des œuvres continuait d'offusquer les protestants.

Sur l'Église (art. 7), il fut admis que l'Église militante ne contient pas seulement des saints, mais encore des pécheurs et ceux qui seront damnés un jour. Cette définition de l'Église, comme société réunissant les hommes saints et pieux, ayant été critiquée, les protestants consentirent à admettre que l'Église militante renferme aussi des méchants et des pécheurs. Ils acceptèrent aussi, sur l'article 10, de l'Eucharistie, cette addition que Jésus-Christ y est vraiment et essentiellement pré- sent. L'article 11, portant que l'on devait conserver la confes- y. uisi . DE l'église. 20

306 HISTOIRE DE LÏiGLISE.

sion privée, mais qu'il n'est pas nécessaire d'éiiiimérer tons les péchés, fut renvoyé à l'autre section. Sur les trois parties (le la confession (art. 12), les protestants cédèrent anssi, mais ils refusèrent d'admettre que la satisfaction fût nécessaire pour la remise de la peine. Sur le libre arbitre (art. 18), on tomba d'accord qne la volonté de l'homme est libre, mais qu'il ne pent être jnstifié sans la grâce de Dieu. On convint également (art. 20) que les bonnes œuvres sont nécessaires au salut et agréables ù Dieu, quand elles proviennent de la foi et de la grâce; les protestants ne voulurent pas reconnaître leur mé- rite, ils avouèrent aussi (art. 21) que les saints intercèdent pour nous auprès de Dieu, et qu'on peut célébrer leur mémoire à certains jours déterminés; mais ils lévoqnèrent eu doute s'il était permis de les invoquer. On était d'accord sur quinze des vingt et un premiers articles; sur trois on ne l'était que par- tiellement; trois autres furent renvoyés à la seconde section.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 78.

La première commission établie par l'empereur comprenait, du côté des calhûliques : Henri, duc de Brunswick, et, après son départ, George de Saxe et Christophe de Stadion, prince évèque d'Augsbourg; les chanceliers Bernard llagcn, de Cologne, et Jérôme Vehus, au ser- vice du margrave de Bade; du côté des protestants : Jean-Frédéric, fils de l'électeur de Saxe, le margrave Geoi'ge d'Anspach, le Dr George Brück, chancelier de l'électeur de S;ixe, et le Dr Sébastien Haller, chancelier du margrave. Sur l'article 2 : « Docent quod post lapsum Adae omnes homines secundum naturam propagati nascunlur cum peccato, hoc est, sine metu Dei, sine iiducia erga Deum et cum coticupiscenlia », wobei l-etztere das einzig Positive war, sagten die kath. Theologen : « Üeclaralio arliculi est omniiio rejicienda, cum sit cuilibet christiano manifestum esse sine metu Dei, sine üducia erga Deum, esse potius culpam actualem, quam noxam infanlis recens nati, qui usu rationis adhuc non pollet. » Voici l'explication qu'en donna l'Apologie de la Confession, 11, § 2 : « flic locus testatur nos non solum actus, sed et poleiitium seu doua efliciendi timorem et llduciam erga Deum adimere propagatis secundum carnalem naturam. » Eck se prononça contre cette doctrine, que la concupiscence est en soi un péché, et il lit partager son sentiment à Mélanchthon. Sur l'ar- ticle 4 : « Docent quod homines non possint justificari propriis viiibus, merilis aut opcribus, sed gratis justifîcentur propter Christum per üdem, cum credunt se in gratiam recipi et peccata remitti propter

LK PROTESTANTISME. 307

Christum, qui sua morte pro nostris peccalis satisfecit », Eck prouva que l'iîomme est « formellement »justifié par la foi et la grâce, et « instrumentalement » par la parole et les sacrements. Mélanchthon accepta cette doctrine. Voici ce qu'il dit dans lApologie, art. 4, § 26 : « Sola fide iu Christum, non per dilectionem, non proi>ter dileclioiiem aut opéra consequimur remissionem peccatorum, etsi dilectio sequitur fidem. » L'article 10 porte : « De Cœna Domini docent quod corpus et sanguis Christi vere adsint et distribuantur vescentibus in cœna, et improbant secus docentes. » La Variatu disait : « quod cum pane et vino vere exhibeantur corpus et sanguis Christi vescentibus in cœna Domini. »

79. Quant à la communion sous les deux espèces (art. 22), Mé- lanchthon accorda que Jésus-Christ est tout entier sous chaque espèce, qu'il ne faut pas condamner les laïques qui commu- nient sous la seule espèce du pain. Eck fit pressentir que la communion du calice serait concédée aux conditions établies par le concile de Bàle pour les Bohémiens. Sur le célibat, aucun accord n'intervint : Mélanchthon ne voulut ni accepter comme une grâce le mariage des prêtres, que l'on proposait d'accorder sous certaines réserves, ni abandonner cette affaire à la déci- sion d'un futur concile. On ne s'entendit pas davantage sur le sacrifice de la messe. Au sujet des couvents encore existants, du jeune, des cérémonies, de la confession privée, Mélanchthon fit de nombreuses concessions ; il voulait même adopter la juri- dicti(>n épiscopale, et consentir à ce que les curés et les prédica- teurs fussent soumis aux évêques et tenus de respecter leurs censures.

Dans une lettre au cardinal légat, auquel il avait précédem- ment rendu visite, il se déclarait prêt à reconnaître l'autorité du pape, mais uniquement au point de vue du droit humain. Ces deux concessions excitèrent la colère de Nurenberg et d'autres villes. Luther lui-même, qui était constamment en commerce épistolaire avec Mélanchthon, et qui s'était rendu à Cobourg pour être plus rapproché de la conférence, répugnait à toute concession, surtout en ce qui regardait les messes basses, le canon, l'autorité des évêques et du pape. Tout accord dans la doctrine lui semblait impossible, si le pape n'abdiquait pas la papauté ; il croyait que les rusés catholiques leur avaient tendu un piège qu'il fallait éviter. En fait, les vues

308 HISTOIRE DE l/ÉGUSE.

fondamentales des deux partis offraient trop de divergences, et il ne servait à rien d'atténuer los oppositions et de les passer sons silence. Un accord passager n'eût été qu'nn palliatif : tant qne l'autorité de l'Église infaillible n'était pas reconnue, il n'aurait pas eu d'etfct sur les masses. Mélanchthon encourut les plus amers reproches, et fut accusé d'avoir trahi son parti.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 79.

Spieker, Mélanchthon auf dem Reichstage zu Augsb., Zlschr. f. iiisl. Theol., t84.T, Ï, p. ii8 et suiv.; Wiedemann, Eck, p. 277 et suiv. Sur l'audience donnée à Mélanchthon par Canipeggio, rapport du ce der- nier du 29 juillet Wj'SO : Lsemmer, Mon. Vat., p. 48; Kilian Leih, p. öiä. Mélanchthon à Canipeggio, G juillet : Rayn,, an. iliW, n. S3 ; Pallav., m, m, 4; Cœleslin., Hist. 77), éd. 1597, III, 18 ; Melancht., ep. ad Canierar., p. i48-töl ; Corp. Ref., II, IG9. Malhes (Melancht., Altenb., 1841, p. 131) croit que Mélanchthon a joué une indigne comédie avec le cardinal. Voy. Riffel, II, p. 403; Dœllinger, Reform., I, 360 et suiv. Mélanchthon (28 août) sur les Nurenbergeois (Walch, th. XVI, p. 1755); le 1«'' sept., il écrivait à Luther (ibid., p. 1793) : (' Vous ne comprendrez jamais combien je suis détesté des iNurenber- geois et je ne sais de combien d'autres, à cause de la juridiction qui a été rendue aux évèques. C'est ainsi que les nôtres ne combattent que pour la domination, et non pour l'Évangile. » Brenz, qui est rare- ment sincère, écrivait le 11 septembre à Isenmann : <( Non est timen- dum ut adversarii nosira media acceptent. Si enim (|uis diligenter rem consideret, ita proposuimus, ut videamur aiiquid concessisse, cum re ipsa nihil plane concesserimus, idque ipsi probe intelligant. » (Corp. Ref., II, 362.) Lettre de Luther dans de Wetlo, IV, p. 70, 145 et suiv., 156. Comp. Riü'el, II, p. 421 et suiv.

Apologie de la Confession d'Augsbourg.

80, Ces négociations laborieuses, conduites avec esprit de paix, ji"at)(Milireiit duiuwï aucun rcsuitat. Eck avait fait son rapport le 21 auùt; iVlelan(;hlhon donna le sien le 22. On institua ensuite une autre commission moins considérable, composée de part et d'autre d'un théologien et de deux juristes : Eck et les chance- liers de Cologne et de Bade représentaient les catholiques; iVlélanchlhon, les chanceliers de la Saxe électorale et de Brande- bourg-Ansbach, les prolestants. La conuuission délibéra du 24 au 30 août. Les deux théologiens se renfermèrent rigoureu-

}.E Pi;OTi;siA.M(SMi:. 309

st'ineiit (liiKs les [joints (jui avaient été débattus jn.si|u*aiürs. Cette fois eiicoro, on ne put s'entendre sur le ci'diliat ni snr le sacrifice de la messe, et les deux partis en appelèrcMit à un con- cile. Le 7 se[)tembre, Charles-Quint déclara aux Etats qu'il s'offrait à procurer la convocation d'un concile général; seu- lement les protestants, qui avaient introduit des nouveautés Mlégales, devraient, en attendant, s'en tenir à la religion de l'empereur et de la majt)rité des princes, s'expliquer à ce sujet avant le 15 avril prochain, ne rien faire imprimer de nouveau sur leurs territoires en matière dogmatique, s'abstenir de toute innovation, ne point faire obstacle aux partisans de l'ancienne croyance ni attirer dans leur secte des sujets étrangers, s'unir aux cathorKiues contre les anabaptistes et les adversaires de la divinité de l'Eucharistie (les zwingliens), restituer enfin au clergé les biens qui lui avaient été ravis.

Joachim 1" de Brandebourg leur déclara au nom de l'empe- reur (jne celui-ci ne pouvait pas admettre que leur Confession fut fondée sur l'Évangile, une la conduite des États prétendus évangéliques était contraire aux livres sacrés. Les protestants rejetèrent toutes ces propositions, en appelèrent à la parole de Dieii, et déclarèrent ne pouvoir se soumettre à la majorité. Toutes les négociations privées demeurèrent sans effet. Pour démontrer que leur Confession reposait sur la parole de Dieu, ils remirent aux catholiques Y Apologie de la Confession (TAufjsbourrj, rédigée par .Mélanchthon pendant les négocia- tions. Plusieurs points de doctrine y étaient mieux éclaircis et elle faisait de nombreuses concessions. Cette Apologie, qui reçut également plus tard l'autorité d'un symbole parmi les protestants, l'empereur refusa de l'accepter, et il décida, dans le recez de la diète du 18 novembre, qu'avant la réunion du concile tout rentrerait dans le précédent état : il se croyait obligé, disait-il, d'user de son pouvoir pour protéger l'ancienne croyance.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE .N" 80.

Voyez les ouvrages sur le § 77. Déclaration impériale du 7 sept. : Pallavic, III, iv, 7; Le Plat, II, 467 et seq. Discours de Joachim I" de Brandebourg : Kilian Leib, p. 548, .oö3 et suiv.; Menzel, I, p. 40Ü. Son éloge dans Campeggio, 24 sept. 1.530, et Aléandre, 28 jauv.

^\0 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

I.J32 ; F>spmmer, p. F>8, 98, n. 38, 73. Disi)osilions des États protestants : Menzel, I, 380; Feuill. liist. et polit., t. LX, p. 213 et suiv. I/Apologie de la Confession d'Augsbourg, dans Hase, Libr. Symb., Lips., 1837; première édit., avril 1531, en allem, par Juste Jonas et Mélaachttion, lin de la même année. Sur sa sopbistique, Dœllinger, Reform., III, p. 277-283. Négociations à son sujet, ibid., p. 296et suiv. L'article 13 de la Confession d'Augsbourg portait que les sacrements sont institués, « non modo ut sint notée professionis inter horaines, sed magis ut sint signa et testimonia voluntatis Dei erga nos ad excitandam et contirmandum tidem in his, qui utuntur, proposita » ; et elle ajoutait : « Itaque uten- dum est sacramentis ila ut lides accédât, qui« credat promissionibus quaî per sacramenta exliibentur et ostenduntur. » L'Apologie accor- dait davantage quand elle délinissait les sacrements : « ritusqui habent mandatum Dei et quibus addita est promissio gratiœ », et qu'elle par- lait d'une « annexa ceremoniœ gratia ». Dans la suite, plusieurs lutliériens admirent de nouveau tacitement Vopus operatum, tout en rejetant l'expression : Mœhler, Symbolique, § 28, p. 232 et suiv. Décret du 23 et du 24 sept. : Le Plat, II, 472 et seq. Décret de la diète : Pallav., loc. cit., n. 8; Leib, p. 5Ö2-538 ; Koch, p. 306 et suiv.; Rayu., an. 1530, n. 124 et seq.; Le Plat, II, p. 479-501 .

Confession des quatre villes et de Z-wingle.

81. Les quatre villes zwinglieniies, Strasbourg, Constance, Memmingen et Lindau, repoussées par les luthériens, avaient remis à l'empereur leur Confession particulière. Une réfutation en fut faite par Eck et Faber sur l'ordre do l'empereur, et l'on en donna lecture en présence des États de l'empire (17 octobre), en les invitant, eux aussi, à rentrer dans l'ancienne Église. Cette Confession {Confessio Tetrapolitana) ne fut plus l'objet d'aucun pourparler. Plus tard, les quatre villes adoptèrent, pour des raisons politiques, la Confession d'Augsbourg. Zwingle avait également présenté une Confession. Eck la réfuta, et publia de nouveau son recueil de quatre cent quatre propositions hérétiques, sur lesquelles il proposa de discuter avec les théologiens protestants. Ceux-ci refusèrent, mais ne s'épargnèrent pas les ripostes malveillantes.

Les réclamations des États protestants sur l'abolition du canon de la messe et du célibat, sur la communion des laïques sous les deux espèces, sur les biens ecclésiastiques confisqués, et sur la tenue d'un concile pour concilier les autres diver-

LE PROTESTANTISME. 311

gences, avaient été remises par l'empereur au légat Campeg- gio, qui les avait communiquées au pape. On résolut de ne pas les approuver , parce qu'elles renfermaient de nombreuses erreurs et seraient funestes à la religion, mais tout en remer- ciant l'empereur de son zèle pour ramener les dissidents. Relativement au concile, sur lequel des négociations furent immédiatement entamées, Charles-Quint déclara au légat dès le 9 août qu'il le croyait plus nécessaire pour les catholiques que pour les hérétiques.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 81.

Confes?io Tetrapolitana : Le Plat, II, 441-467; Angusti, Corp. libr. symbol. Ecci. réf., Lips., 1846, p. 327 et seq. Sur les infidélités à la doctrine de Mélanchlhon : Dœliinger, Réf., III, p. 295 et suiv.; ad Carol. Irap. lldei H. Zwinglii ratio, 0pp. IV, p. II; Le Plat, II, p. 691- 700. Ep. ad Gcrtnan. principes, 7 aiig. : Le Plat, II, p. 70Ü 723. Cf. Eckii Repnlsio articulorum Zwinglii Sub D. Jesu et Mariaî pro- teclione articulos 404 partim ad disputationes Lipsiens., Bad. et Bern, attinentes, partim vero ex scriptis pacem Ecclesiae perlurbaotiuni extractos coram D. Ceesare Carolo V, R. J. S. A. ac proceribus imperii J. Eclvius... ofl'ert se disputaturum. Ingolsl., t530, in-4° fi8 feuillets) Cf. Encomium Eccii auctore Puntano Seveiio, Trajecti, loSO. Propo- sitiones de vino, venere et balneo, et Eccii dedolati ad Ca^?. Maj. magistralis oratio, 8 feuillets. Cf. Œsterr. Vierteljahrsschr., loc. cit., p. 558-564. Décisiou de Rome sur les demandes des prolestants : Pallav., III, IV, 1 et seq. Rapport de Campeggio sur sou entrevue avec l'empereur, le 10 août : Lœmmer, p. 50.

Les negfociations depuis 1^30 jusqiiVn 1539.

Attitude hostile des protestants envers l'empereur. Alliance de Smalkalde. Détresse et concessions de l'empereur.

82. Les ordres de l'empereur trouvèrent parmi les États luthériens une si violente opposition, qu'ils étaient prêts à se révolter ouvertement, surtout après que Luther et Mélanchthon eurent déclaré (]u'il était permis de défendre par les armes « l'Evangile » contre les « papistes ». Ils ne voulaient à aucun prix restituer les biens enlevés à l'Église, ni enrayer le mouve- ment ; leur dessein était d'empêcher la procédure du tribunal de l'empire, d'entraver surtout la nomination du frère de l'em-

'\\-2 HISTOIHK I>E L ÉGLISE.

jmrour comme roi des Romains, adivemfîiit poursuivie par celui-ci, ou de ne l'admettre que sous de grandes concessions. Ils en délibérèrent à Smalkalde dès le mois de décembre 1530, et posèrent leurs conditions dans ce sens. Le 29 mars 4531, dans la même ville, ils conclurent pour six ans une alliance offensive et défensive, soit entre eux, soit avec les villes impé- riales zwing-liennes, espérant profiter des embarras de l'empe- reur. Charlei=-Quint avait quitté Augsbourg- avec son frère ; traversant le Wurtendjerg, il était allé à Cologne, et avait pro- clamé, avec l'assentiment de la plupart des princes électeurs, son frère roi des Romains (12 janvier 1531). L'électeur de Saxe était absent; il refusa son adbésion. Les princes catholiques n'étaient pas préparés, et la puissance de l'empereur était trop faible pour appuyer le décret de la diète ; le danger grandissait du côté des Turcs. Charles, plutôt bienveillant de sa nature, réfléchi et temporisateur, se vit contraint à d'humiliantes con- cessions : il recevait de Constantinople les nouvelles les plus alarmantes.

Soliman organisait quatre armées pour envahir simultané- ment Naples, l'Autriche et d'autres Etats de Ferdinand. L'em- pereur demanda secours à tous les princes, même aux alliés de Smalkalde, qui soulevaient la Bavière contre l'élection de Ferdinand à la royauté et nouaient de dangereuses relatituis avec le Danemark, la France et l'Angleterre. Les confédérés de Smalkalde, qui voyaient dans le sultan un excellent auxi- liaire, profitèrent de la guerre turque pour braver l'empereur. Ils lui répondirent qu'ils ne pouvaient s'engager à rien tant qu'ils n'auraient pas obtenu des garanties pour leur religion, et ils persistèrent dans leur insolence. Déjà ils ne se conten- taient plus de la Confession d'Augsbourg en ce qui regardait les prétendus abus. Pour eux, le point important dans la ques- tion religieuse était de conserver les biens enlevés à l'Église.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 82.

Sur l'usage des armes pour défendre la nouvelle doctrine, Avertis- sement de Luther à ses chers Allemands. Contre l'assassin de Dresde part. XVI, p. 19Ö0-2O62 ; Propos dn table, éd. léna, 1GÜ3, f. iS2. Stahl (Philosophie du droit, II, n, § l.'ü), 3'' éd.) ne rapporte que les précédentes paroles du réloriuateur, si fertiles en contradic-

LE l'nOTESTANTlSME. .' j I 3

lions. Wiilch, paît. \, [>. G49: Ih. xvi, |.. 279, 024; Sleidaii., lih. Vlll, p. 27; .XVI, p. 27; lîossuet, Hist. des variai., iiv. IV, i et seq.; K.-A. .Menzel, Neuere Gesch. d. Datschen, I, p. 422 et suiv.; Ranke, R. Psepste, I, p. 113. Sur la nominalion de Ferdinand comme roi de? Romains, voyez encore Leib, p. 559 et suiv.

Première pacification religieuse de Nurenberg.

83. Enfin, Charles-Quint leur fit déclarer qu'il se proposait d'établir par son autorité impériale une pai.x en vertu de la(juello aucun des Etats de l'empire ne pourrait plus attaquer, ve.xer, endommager un autre État pour cause de relig-ioii ou pour tout autre motif, jusqu'au futur concile ou à la pro- chaine diète. A ceu.x qui ne parurent pas encore satisfaits, il accorda la suspension des procès entamés devant le tribunal de l'empire à l'occasion des biens enlevés à l'Église. C'était sup- primer, ou peu s'en fallait, le dernier recez de la diète, et reconnaître indirectement l'existence du protestantisme. Les négociations des confédérés de Smalkalde avec l'étranger, avec la France surtout ; l'adhésion donnée à celles-ci par les ducs de Bavière (24 octobre 1531, à Saalfeld), aigris de la nomina- tion de Ferdinand comme roi des Romains : telles sont les causes qui avaient amené l'empereur à cette conde.scendance. La première paix religieuse fut conclue à Nurenberg, le 25 juillet 1532, sur la base des négociations conduites à Francfort. Les procès furent suspendus et l'état actuel des choses provi- soirement reconnu; les zwingliens en demeurèrent exclus, ce qui satisfit d'abord pleinement les princes luthériens. Les con- cessions de l'empereur furent vivement criti(juées; mais il pou- vait alléguer la nécessité. Les secours promis contre Soliman affluèrent de toutes parts. Soliman II, peu d»? temps après son entrée en Hongrie, vit bientôt ses projets anéantis par les me- sures qui avaient été prises, par une foule de désastres et par les défaites de son avant -garde : il résolut de rebrousser che- min.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 83.

Goldast, H, p. 172; Le Plat, II, 503 et seq.; Sarpi, I, § 46; Pallav., III, c. i\. LeUres d'Aléandre et de Campeggio, lo31-1332 : Lœmmer, Mon. vatic, p. 86 et suiv., 120 et suiv., 143 et saiv.; Mémoire remis à l'empereur, ibid., p. 123-127. Guerre des Turcs : Kiiian Leib, i>. 560 et buiv,, 076 et suiv.

31 i HISTOIKE DE l'ÉGLISE.

Négociations à propos du concile.

84. De longues négociations furent poursuivies entre le pape et l'empereur au sujet du concile. Mais les protestants, en demandant une pareille assemblée, ne cherchaient-ils pas à gagner du temps et à différer le rétablissement de l'ordre dans l'Église? ne demandaient-ils pas un concile absolument con- traire aux lois de l'Église, dans lequel les laïques même héré- tiques auraient droit de suffrage, quelque chose d'analogue aux assemblées de Bàle et de Pise? se soumettraieut-ils à un nouveau concile, après que leurs chefs avaient formellement rejeté tous les conciles anciens, leurs erreurs avaient déjà été condamnées? l'empereur lui-même n'y chercherait-il pas, comme il avait fait autrefois, des armes contre le pape? les autres princes chrétiens y consentiraient-ils? et pourrait-on si facilement surmonter les difficultés de temps et de lieu?

C'étaient des questions dont Rome s'occupait sérieusement depuis 1330. Clément VII (31 juillet 1330) avait autorisé l'em- pereur à promettre en son nom la réunion d'un concile, sous cette réserve, posée par l'empereur lui-même, que les hérétiques quitteraient la voie ils étaient entrés et promettraient d'obéir au concile. Il maintint cette condition même après que l'empereur eut déclaré (pi'elle était irréalisable. A la suite de nombreuses négociations, le pape et l'empereur se donnèrent rendez-vous à Bologne en 1533. L'affaire fut derechef débattue, et des nonces furent envoyés aux princes et surtout aux États d'Allemagne pour concerter de nouveaux accommodements.

Voici les points qui leur fiu'eut soumis : Le concile sera célé- bré à la manière des précédents conciles œcuméniques; 2" tous ses membres promettront de se conformer à ce qui y sera résolu ; ceux qui seront empêchés d'y prendre part, enverront des dé- légués; 4" en attendant, il ne sera rien innové dans les choses de la foi ; 3" un lieu convenable sera choisi : le pape proposait Mantoue, Plaisance ou Bologne, situées près de l'Allemagne et commodes ptjur les autres nations; C si un prince s'abste- nait sans motif légitime, le concile ne serait pas dissous, et si quelqu'un des princes \oulait l'empêcher, les autres se range- raient du coté du pape; 7" après une réponse favorable, le

LE PROTESTANTISME. 3 LS

pape convoquerait le concile six mois après, et l'ouvrirait au bout d'un an.

Les nonces s'adressèrent d'abord au roi Ferdinand, puis à Jean-Frédéric, électeur de Saxe, qui avait succédé à son père le 10 août loS'â; ils eurent avec lui une conférence à Weimar le 2 juin 1333. Après quelques hésitations, ce prince déclara qu'il voulait consulter d'abord les autres princes protestants. Ces princes se réunirent à Smalkalde, et donnèrent une réponse négative : ils ne pouvaient en aucune sorte, disaient-ils, accepter les deux premières conditions; l'Écriture sainte (d'après la traduction de Luther?) devait être l'unique règle du concile, et ils demandaient qu'il se réunit en Allemagne. Clément Vil et les cardinaux ne perdirent point courage, et tournèrent leurs vues ailleurs.

Le pape mourut sur ces entrefaites (23 septembre 1534); il eut pour successeur (13 octobre) le cardinal Alexandre Far- nèse, Paul 111, qui avait dt-jà travaillé précédemment en faveur du concile; il continua avec la même activité après son élec- tion.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 84.

Rayn., an. 1530, n. 175 et seq.; lo31, n. 6; 1533, n. 3 et seq., 6, 8; Pallav., m, 5, n. 1 et seq. c. xiii, incl.; Le Plat, II, 501 et seq., 510 et seq.; Kilian Leib, p. 582 et suiv.; Lcemmer, M. V., p. G3 et suiv., n. 45 (explications confidentielles sur le concile Gampeggio au pape, 13 nov. 1530) ; p. 70, n. 48 (autres colloques avec l'empereur à ce sujet, Cologne, 20 déc. 1530); p. 71 et suiv., n. 50 (d. d. Gand, 13 juin 1531) ; p. 87 et suiv., n. 65 (Aléaudre sur les conditions du concile); p. 123 et suiv., n. (Mémoire de Gampeggio, juin 1532),' p. 128 et suiv., 142 (Aléandre sur le concile national); p. 189 et suiv., 255 et suiv., n. 140, 168 (Morone sur le concile général). Walch, th. XVI, p. 2263, 2281; de Wette, IV, p. 454; K.-A. Menzel, II, p. 17 et suiv.; Pastor, p. 71 et suiv.

Progrès du luthéranisme.

85. L'empereur était retourné d'Italie en Espagne. Ses entre- prises contre Tunis, cette ville de pirates, et la nouvelle guerrequi venait d'éclater contre la France, eurent pour effet d'abandonner de nouveau pour longtemps l'Allemagne à son propre sort et de laisser un libre cours à la nouvelle doctrine. En 4532, le luthéra-

316 HISTOÏKK DE l'ÉGLISE.

uisme fut intruduit en Poinérn nu»; on 1533, à .1 uliers; ciii53i, clans le Wurtemberg'', le duc Ulric, mis au lias de l'empire, fut rétabli par Philippe de Hesse au moyen de la force armée et reconnu par le roi Ferdinand dans le traité de Kadan. Le luthé- ranisme était représenté par l'augustin Jean Monlel, Conrad Sam, Schnepf. Brenz et Ambroise Blaurer, Ferdinand fut reconnu roi des Romains par la Saxe et ensuite par la Bavière ; mais il dut interdire au tribunal de l'empire, au nom de l'em- pereur, de recevoir des plaintes contre les protestants, qui con- tinuaient de confisquer les biens de l'Église. Une conférence ménagée à Leipzig, les 29 et 30 avril 1534., par le prince électeur de Mayence et Geiu'ge, duc de Saxe, n'avait donné aucun résultat. Comme on attachait un sens différent aux expressions les plus communes, celle de « grâce », par exemple, toutes les tentatives de rapprochement éclKJuaient devant cet obstacle. A Anbalt, le prince George, prévôt de la catliédrale de Magde- bourg; en Poméranie, la diôfe de Treptow (1534), avaient assuré la prédominance du luthéranisme.

En 1535, les princes protestants renouvelèrent pour dix ans le traité conclu à Smalkalde en 1531 , et gagnèrent de nouveaux adhérents : Ulric, duc de Wurtemberg ; Barnim et Philippe, ducs de Poméranie; Rupert, comte palatin de Deux-Ponts; Guillaume, comte de Nassau ; les villes de Francfort-sur-le- Mein, Kempten, Hambourg, etc. Comme plusieurs de ces villes étaient zwingliennes, l'habile Bucer, tjui négocia d'abord avec Melanchtlion à Cassel, depuis avec Luther à Wittenberg, procura dans le mois de mai 1536 une réunion (la Concorde de Wittenberg), qui abandonna, en apparence seulement, la doc- trine de Zwingle sur l'Eucharistie. Quand Luther eut déclaré qu'il s'en tenait aux paroles de l'institution, sans s'enquérir comment il fallait interpréter l'acte lui-même; quand il eut conseillé, dans le cas l'on ne s'entendrait point öbsolument, de garder l'amitié et la charité, les Suisses acceptèrent aussi la convention (1538).

OUVRAGES A CONSUI-TEU KT REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 85.

Ritrei, II, p. 664 el suiv.; Ltjib, an. Iö3i, p. 584 et suiv. Lettres de Vei'gcrius, in;ii el juillel 1534, tliins Lcenimer, [>. KiS cl suiv. luslruo- tiuns de l'crdiiiand, 1534 : Dœllinger, Ueilr., 1, p. 0 el suiv.; Scluuidt

LE PROTESTANTISME. 317

et Pfister, DeriUw. der WïuUemb. Ref.-Gosch., Tüb., 1817; L.-F. Hayd, Herzog Ulrich von Würllemberg, Tüb., 1841, 2 vol.; Schiiurrer, Krlaeuteriing der Würltemb. Ref. und Gelebrten-Gesch., Tüb., 1789; Hartmann, Gesch. d. Ref. in Würtlemb., Stuttg., 183ö; Keim, Schw'teb. Ref.-Gesch., Tüb., 1833, ii. Ambros. Rlaarer, der Schwceb. Reformator, Stutig., 18tiO; Th. Presset, Ambros. Blaarers Leben u. Schriften, Stutig., 1861. Sur la conférence de Leipzig, 1ö3i, Corp. Ref., II, 723; Dœllinger, Réf., III, p. 299, 300; Pastor, p. 137 et suiv.— Seckendorf, Com. bist, et apol. de Luther, HI, 132; Walch, th. xvii, p. 2326 et suiv.; Guericke, III, § 77, p. 120-129. La doctrine de l'Eu- charislie fut ainsi formulée, d'après S. Irénée : « Eucharistiam con- slare duabus rebus, terrena et cœlesti, cum pane et vino vere et substantialiter adesse, exhiber! et sumi corpus et sanguinem Christi sacramcnlidi unione (au lieu de «transsubstantiation ») panem esse corpus Christi, hoc est, porrecto pane simul adesse et vere exhiberi corpus Christi. » Cf. Melanchth. 0pp., éd. Bretschn., III, p. 73; Walch, loc. cit., p. 2öi-3. Lettre de Luther aux Suisses, 1'"' déc. 1337, sog. Friedensbrief : de Wette, V, p. 83 et suiv.; Walch, loc. cit., p. 2068. Voy. Rillel, II, p. 463 et suiv.

Travaux de Paul III en faveur du concile. Articles de Smalkalde.

86. Le pape Panl Ml, qui avait fait via excellent choix de cardi- naux,nomma une commission pour la réformede la cour romaine et donna tous ses soins à l'airaiie du concile. En 1535, il envoya en Allemagne le nonce Pierre-Paul Vergerio, pour négocier de nou- veau avec le roi Ferdinand et les princes de l'empire. Vergerio fut honorablement reçu des princes catholiquesetdequelques princes protestants. Malheureusement pour les catholiques, l'électeur de JBrandebourg, Joachim I", mourut dès l'année 1535. Son fils, Joachim II, gagné à la doctrine de Luther par sa mère, une princesse danoise, favorisa les luthériens et se déclara plus tard ouvertement en leur faveur (1539). Les Smaikaldiens, fiers de leurs succès, et comptant sur l'appui de la France et de l'An- gleterre, ne voulurent plus entendre parler de concile ; certains de la vérité de leur doctrine par l'Écriture sainte, ils préten- dirent n'en avoir pas besoin, et accusèrent les catholiques de n'en pas parler sérieusement. Un concile dirigé par le pape n'était pas, selon eux, un concile libre : il valait mieux que les princes choisi.ssent des hommes capables et impartiaux, qui prononceraient selon la parole de Dieu (décembre 1535).

318 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Vergerio, revenu d'Allemagne, fut envoyé à l'empereur, qui lui-même arriva à Rome en avril 1536 et eut de longs entretiens avec Paul III. Le 2 juin, le pape annonça que le concile s'ou- vrirait à Mantoue en mai 1537. Les catholiques reçurent la bulle avec joie ; les protestants soulevèrent de nombreuses difficultés. En février 1537, sur l'avis du prince électeur de Mayence, le nonce Pierre Vorst, accompagné du vice-chancelier de l'empire, M. Held, se rendit à Smalkalde, les princes pro- testants s'étaient réunis. Dans cette assemblée, la fureur contre le pape, qui allait convoquer le concile si souvent réclamé, ne connut plus do bornes ; les princes, embarrassés des promesses qu'ils avaient faites, étaient singulièrement aigris. Leurs théo- logiens, convaincus qu'ils y seraient condamnés, jetaient feu et flamme, Luther surtout, qui avait voué tous les conciles au diable, et qui traitait le pape de Satan incarné.

C'est dans cet esprit ipie furent rédigésles articles (vingt-trois) de Smalkalde, diamétralement contraires à la Confession d'Augs- bourg. Lo purgatoire y était qualifié de fantasmagorie du diable ; le pape, d'Antéchrist, do menteur et d'assassin ; la messe, le culte des saints, etc., indignement blasphémés : ce qui n'empêcha pas les luthériens d'accorder à ces articles la valeur d'un Symbole. Mélanchthon, chargé d'écrire sur l'autorité des évêques et du pape, aboutit à cotte conclusion que la primauté pontificale devait être conservée, non en vertu du droit divin, mais en vertu du droit humain. Cette décision déplut à l'assemblée surexcitée. Luther, qui voyait déjà sa doctrine adoptée par un grand nombre de royaumes et de provinces, la rejeta, et, en sortant de Smalkalde, le nouveau dictateur religieux dit aux prédicants (jiii l'accompagnaient : « 0^*^ i^i^u nous remplisse de haine contre le pape ! » La haine du pape, voilà ce qu'il a laissé aux siens comme gage sacré de son amour 1

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 86,

Rayn., an. 1535, n. 26 et seq.; Le Plat, II, p. 518 et seq., 534 et seq. (ibid., p. 535-554, propositions de Faber pour la préparation du con- cile; et p. 551-560, sa lettre au nonce Morone, de 1536, de Nccessitate concilii) ; Lfrninier, Mon. Val., p. 146 et suiv., 177 et suiv. Bulle de convocation de Paul Ifl : Hayn., an. 1536, n. 35; Sarpi, 1, § 15; Pallav., III, XIX ; Le Plat, II, p. 526-530. Le pape, aux rois de Dane- niarck et de Pologne : Hayn., an. 1536, n. 41. 4L'; an. 15:i7, n. 20; Lo

r.F, pnoTF.sTA.NTisMi:. 3 ni

Plat, II, p. r)60 et soq., "»84. Mémoire de François I" sur le concile de 1Ö3Ö : Le Plat, II, p. 520 et suiv. Sur Joachim I"' et Joacliim II de Brandebourg : Rillel, II, p. 682-703; Hist.-pol. Bl., 1851, t. XXVIII, p. 29! el suiv.; Ad. Müller, Gesch. der Ref. in der Mark Brandenburg, Berlin, 1839; Spieker. Gesch. der Einführung der Ref. in der Mark Brandenburg, Berlin, 1839 ot siiiv., 3 part. Walch, th. xvi, p. 2290 et suiv., 2305 et suiv.; Melanchtli. Opp., ed. Bretscha., II, 962 et seq.; Pallav., lil). IV, c. i et seq. Discours de l'ambassadeur de France aux princes de Smalkalde, déc.153."» : Le Plat, II, p. 804-810. Charles-Quint à Jean-Fr. de Saxe, 7 juill. 1Ö36 : Le Plat, II, p. 330 et suiv. Réponse des princes protestants, 9 sept., ibid., p. 532. Récusation du concile par les princes protestants, 5 mars 1537, ibid., p. 575-583; Pallav., IV, u; Sarpi, I, i; 55. Art. Schmalkaldici, ap. Hase, loc. cit., p. 298 et seq.; Kœthe, p. 216 et suiv., éd. Marheinecke, Berol., 1817. Cf. Plitt, de Aucloritate articul. Schmalkald. symbolica. Erlang., 1802; Sander, GeschichtI. Einleitung zu den Schmalkald. Artikeln (Jahrb. f. deutsche Theol., 1875, III); Menzel, II, p. 98; Dœllinger, Luther, p. 669 et suiv.; Melanchth., de Potestate et Primatu Papse tract., Opp., ed. Bretschn., III, 271 et seq. (il forme sans cela l'appendice des « arti- culi, qui dicuntur Schmalkaldici »).

Obstacles au concile.

87. Le concile ne fut pas encore assemblé, soit à cause de la guerre qui venait d'éclater de nouveau entre Charles-Quint et la France, soit à cause de la résistance du duc de Mantoue et des dangers qui menaçaient cette ville. Paul II! était affligé des obstacles que rencontrait la détermination du lieu : le territoire impérial déplaisait aux Français, les États de l'Église aux Allemands ; Venise élevait aussi des difficultés. Le pape ajourna donc le concile (^20 mai 1537) jusqu'en novembre, et fit niander à l'empereur et à son frère ce qui suit : Comme l'espoir de voir les protestants participer au concile s'est évanoui, les autres parties intéressées ne doivent plus trouver mauvais qu'il se réunisse en Italie; si l'on choisissait une ville dans les États de l'Église, le pape renoncerait à sa souveraineté pendant la durée du concile. Ferdinand exposa au nonce ses scrupules au sujet de Bologne et de Plaisance, et proposa Trente. Sur ces entrefaites, le pape obtint de la république de Venise la conces- sion de la ville de Vicence pour la célébration du concile, ctioisit pour le présider trois cardinaux éminenls, et en fixa l'ouverture

320 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

ail F'' mai 1538. Il essaya de récoiicilior les monarques, alla lui-même dans cette fin à Nice au printemps de 1538, et obtint un armistice de dix ans. Cependant il lui fallut encore ajourner le concile.

Conformément à la convention verbale arrêtée entre le pape et l'empereur, le cardinal Aléandre fut envoyé en Allemagne, la situation des catholiques empirait de jour en jour.Le vice- chancelior Mathias lleld ménagea (10 juin 1538) la conclusion à Nurenberg d'une alliance défensive la Sainte-Alliance entre les princes catholiques. Do leur côté, les princes protes- tants (février 1539) se réunirent à Francfort, car le landgrave Philippe avait intercepté quelques lettres du chef do l'alliance catholique, le duc de Brunswick. L'empereur fit entamer des négociations avec ces princes, et ses délégués conclurent avec eux, pour seize mois, un armistice qui fut vivement blâmé par le cardinal Aléandre.

Luther raviva la haine contre l'ancienne Église, et les catho- liques subirent de grandes pertes. George, duc de Saxe, mou- rut eu 1539; son frère et successeur Henri, ardent luthérien, appela immédiatement des prédicateurs du luthéranisme, no- tamment l'ex-franciscain Frédéric Myconius de Lichtenfels (il mourut en 4546), qui, depuis 1524 déjà, travaillait à le répandre à (iotha. Malgn'' la résistance du peuple, le nouveau duc introduisit le luthéranisme à Meissen, et les évèques de Meissen et de Mersebourg, ainsi (]ue l'université de Leipzig, n'obtinrent pas mêoie la tolérance du culte catholi- que. Luther triomphait de la mort du duc George, qu'il détes- tait cordialement, ainsi que de l'introduction de sa doctrine dans le Brandebourg. Cette doctrine, Mathias, évoque de Jagow, l'y propageait depuis 1528. Joachim II (1535-1.571) l'accepta ouvertement, à l'exemple de sa mère et de son frère, le margrave George de Neumark. Le cardinal Bernard Klesl, prince évéque de Trente, qui avait beaucoup de crédit auprès de Ferdinand, mourut également. D'autres épreuves non moins cruelles furent réservées aux catholiques : ainsi l'évêque de Schwerin (dans le Mcicklembonrg), prince Magnus, l'abbesse Anne <le Stulberg (jiiediiiibourg) et la duchesse Elisabeth de Calenberg adhérèrent à la nouvelle doctrine et l'impo.sèrent à leurs sujets.

LE PROTESTANTISME. 321

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 87.

Pallav., IV, c. iii-viii; Rayn., an. 1537, n. 6 et seq.; Le Plat, II, p. Ö61 el seq., ö84 et seq., 617 et seq. Rapport de la nonciature, du 11 mai 1537 : Dœilinger, Beitr., I, p. Ij. Autres dans La?ninier, p. 188 et suiv. Horlleder, Ilandl. u. .\usschreibungen, th. i, liv. I, cap. xxv-sxix, xxxn; Walcb , th. xvi , p. 2426 et suiv., th. xvii, p. 396 et suiv.; Rillel, H, p. 523-326. Lettres d'AIéandre et d'autres, en 1539 : Lienimer, p. 206 et suiv.; Hotl'mann, Ausführl. Ref.-IIistorie der Stadl und L'niversitset Leipzig, Leipzig, 1739; Leo, Gesch. der Ref. in Leipzig und Dresden, Leipzig, 1834; de Langenau, Moritz, Herzog u. Cht", zu Sachsen, Leipzig, 1841, 2 vol.; Hasse, Abr. der ujeiszii.-albertiu.-saechs. K. -Gesch., Leipzig, 1847; Müller, Spieker 86j et U. de MiUiler, Gesch. der ev. K.-Verf. in der Mark lirandenb., Weimar, 1346; Kiliel, p. 674 et suiv. Sur les mérites du duc George de Saxe, voy. Feuill. bist, et poht., 1860, t. XL VI, livrais. 4-6. George provoqua les visites d'églises que i'évêque Adolphe de Merse- bourg (depuis 1514), et Jean IX de Scbleinitz, évèque de Meissen, lirent dans son pays vers 1522; il appela à sa cour des savants catho- liques, tels que Emser, Cochlée, le converti Wizel, Pierre Sylvius, Augustin Alvald, 0. S. l., Amnicola, abbé cistercien. Les sermons d'Alexis Chrosner de Coiditz (Colditius). que celui-ci publia dans la suite à Wittenberg, ne furent pas prononcés tels quels à la cour du duc, mais remaniés dans le sens de Luther, comme Seidemann l'avoue dans ses éclaircissements. Sur le prédicateur de la cour du duc Henri, Jacques Schenk, réformateur de Fribourg, voy. Dœilinger, Réforme, II, p. 130 et suiv.

Préparatifs d'un nouveau colloque.

88. Le parti protestant, qui rejetait toutes les décisions du tri- bunal de l'empire comme émanées de juges hétérodoxes, avait obtenu la suspension des procès entamés devant ce tribunal et l'apaisement du désaccord religieux au moyen de colloques depuis si longtemps désirés. Ce dernier moyen fut approuvé de l'empereur, qui, malgré l'opposition du cardinal légat, con- vaincu de son inutilité, annonça qu'une nouvelle conférence religieuse aurait lieu à Spire. Plusieurs la trouvaient d'autant plus opportune, que le pape, le 31 mai 1539, avait ajourner encore une fois le concile. Une maladie contagieuse ayant éclaté à Spire, il fut décidé que la conférence aurait lieu à Haguenau, en juin 1540 ; mais elle ne fut réellament ouverte qu'à Worms

V. HIST. DE l'église. 21

322 HISTOIRE DK l'ÉGLISE.

(novembre). Le pape, sur la demande de l'empereur, y envoya l'évèque de Feltre, Thomas Campeggio, qui, après le discours d'ouverture du chevalier Granvelle, prononça une allocution appropriée à la circonstance. Cette assemblée devait servir de préparation à la réunion que la prochaine diète deRatisbonne se proposait de réaliser. La politique, alliée à la théologie, essayait d'amener une conciliation artificielle et apparente.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 88.

Documents dans Rayn,, an. 1539, n. 5 et seq., 23 et seq.; Le Plat, II, p. (Î22-64-7-, Dœllinger, Beitr., I, p. 16 et suiv.; Lœmmer, p. 202 et suiv., 262 et suiv.; Pallav., IV, c. xi et seq.; Leib, an. 1540, p. 607. Proposition du roi Ferdinand aux États, du 12 juin 1540: Raynald, h. ana., n. 40 et seq. Réponse des États catholiques, ibid., n. 45 et seq. Les deux docLinients dans Le Plat, II, p. 050-657. Cf. Sarpi, I, § 64. Avis de Cochlée du 17 juin, et autres actes jusqu'en décembre 1540 : Le Plat, II, p. 657-690.

Le sciui-luthéranisnie et le preniiei' intériiu.

Le semi-luthéranisme.

89. Plusieurs théologiens catholiques se rapprochaient à cette époque de la doctrine de Luther sur la Justification, notamment Albert Pigghe, qui voyait dans le péché originel le péché d'A.dam imputé à chaque enfant, mais sans culpabi- lité inhérente, et opposait imputation à imputation ; Jean Gropper, chanoine de Cologne, qui accepta cette théorie et l'enseigna d'abord clans son Enchiridion. Selon cette doctrine (semi-luthéranisme), il y a dans l'homme une double justice : la justice simplement imputée, qu'on acquiert par un acte de foi spécial et qui justifie réellement devant Dieu ; la justice inhérente, qui réside dans l'homme, mais qui est défectueuse et toujours insuffisante. A la première se rapportaient les textes de l'Ecriture allégués par les luthériens; à la seconde, les textes allégués par les catholiques.

Gropper avoue que cette distinction était inconnue des scolas- tiques ; on en voit tout au plus quelques vestiges dans Cajétan. La plupart des théologiens catholiques la trouvaient insoutena- ble. Gropper la fit accepter non seulement à plusieurs savants d'Allemagne, y compris Jules de Pflug, mais encore au cardi-

LE PROTESTANTISME. 323

nal Contareni, qui rédigea à Ratlsbonue, sous son influence, un traité de la justification (mai 1541), qui se répandit en Italie et fut même approuvé des cardinaux Réginald Polus et Jean Morone. Ce fut aussi à Gropper que le général des augustins, Jérôme Seripando, emprunta dans la suite, à Trente (été de 1546), son plan d'une théorie de la justification, qui fut approuvé seulement par trois de ses confrères, par un servite et par un Espagnol. Mais d'ailleurs le projet fut énergiquement repoussé, et il fallut le remanier de fond en comble.

Les théologiens plus pénétrants s'aperçurent bientôt que cette doctrine n'était qu'un luthéranisme déguisé, basé sur cette erreur fondamentale que l'homme ne peut jamais, malgré tous les secours de la grâce, arriver à une justice réelle et valable aux yeux de Dieu ; qu'il a besoin par conséquent d'une justice étrangère parfaite, qui lui est simplement imputée. En 1544, la faculté de Paris fit au général Seripando des remon- trances au sujet de plusieurs augustins qui inclinaient aux doc- trines protestantes.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 89.

Cf. Vega, de Justiticat., p. 159, éd. Colon.; Ruard. Tapper, Explicat. articul. Fac. Lovan., II, 42; Stapleton, de Justif., p. 237; Dœllinger, Réf., 111, p. 313. Albert Pigghe (Pighiusj, mort en 1543 à Utrecht, Controversiarum prœcipuarum m coniitiis Ratisbon. Iracta- tarum explicatio, Colon., 1542; Controv. II de fide et justif. Cf. Linse- manu, A. Pighius u. s. theol. Standpunkt (Tüb. theol. Quartaischr., 1866, IV). Son disciple, Jean Gropper, en 1502, enseigna la même doctrine que lui dans son Enchiridion, qui était annexé comme manuel populaire de la religion aux canons du concile provincial de Cologne, et plus clairement dans ÏAntididagma de 1 544. Possevin dit de ÏEnchiridion (Apparat, sac, f. 890) : « Certe in modo loquendi doc- trinam Melanclithonis et Buceri valde redolet. » Dans l'Index de Soto- major, le chapitre tout entier de la justiiication est signalé comme répréhensible. Les théologiens de Louvain blâmèrent également la réunpression de sun Antididngma, faite dans celte ville. Voy. Dœllin- ger, III, p. 308-3H ; Jansen, de Juho Püug, Berol., 1858. Le Traité de la juslitication, par Contareni (mort en 1542j, fut encore approuvé de la Sorbonne en 1571 ; mais il fut supprimé en 1589, par ordre de l'in- quisiteur Marco Medici, de Venise. Lui-même eut à s'expliquer sur le reproche d'enseigner des doctrines hérétiques ; il parvint à se justifier. Epist. Poli, III, 213; Rayn., an. 1541, n. 38; Ranke, R. Paepste, I,

324 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

p. 4Ö1-155, 200. Sur le cardinal Poliis, Poli Epist., cd. Quirini, III, xxv, 28 ; IV, IÖ2. La lenlative que lit Quirini pour présenter la doctrine de Contareni comme catholique, fut combattue par Kiesling, Epistola de Conlareno ad Quirinum, Jen., 1749. Le cardinal Moroue lit plusieurs fois réimprimer dans son diocèse de Modène le livre del ßenelicio di Cristo (voy. § 202), et sous Paul IV il fut accusé de s'être exprimé d"une façon incorrecte sur la justification. Schelhornii Amœnilat. liter., XII, 568; Dœllinger, III, p. 312; G. -F. Sclopis, le card. Jean Morone, Paris, 1869; Pastor, p. 167 et suiv. Seripand à Trente : Pallav., VIII, XI, 4-7. Carafa écrivit contre lui : Bromato, Vita di Paolo IV, t. II, p. 131. Lettres de la Sorbonne à Seripand, 2 mai et août 1544 : du Plessis d'Arg., 1. 1, append., p. xiii. Déjà en 1523, l'augustin Arnold de Bornosto (Bornossio) avait émis des propositions luthériennes sur la satisfaction et le purgatoire; il dut les rétracter sur l'ordre de la Sor- bonne (il)id., t. 1, part. II, p. 403 et seq.; t. III, p. I, p. xx). La même chose arriva ù Jean Bernard, au sujet de propositions sur les comman- dements de l'Église, le jeûne, etc. En 1543, il fut accusé d'avoir débile des sermons hérétiques, comme en 1545 son confrère Léger Grimault (ibid., 11, I, p. 136; 1. 1, app., p. xxxvii); en 1537, Hardicius et Morielus (ibid., t. I, app., p. x) ; en 1540, J.-an Bareuton ; en 1541, Morelet (t. II, I, p. 131-133).

Philippe de Hesse et Bucer. Disputes de "Worms et de Ratisbonne.

90. Bucer jouissait alors d'un très grand crédit auprès de Philippe de liesse, le plus influent des princes de l'alliance de Smalkalde; il espérait, grâce à lui, propager la réforme dans les parties encore catholiques de l'A-Uemague, et améliorer aussi la situation religieuse des protestants. On pouvait, suivant lui, par la perspective d'une paix allemande et d'une réforme géné- rale de l'Église, i)ar do grandes concessions relativement à la constitution de l'Église et au culte, faire adopter des catholiques la théorie de la justification, qui trouvait un si facile accès, d'aul.uit plus que Gropper faisait la moitié du chemin. Le dessein de Philippe était de gagner les évèques allemands par une sage condescendance. Lui aussi comprenait que si la théorie protes- tante de la justilication était adoptée, elle amènerait le triomphe complet du protestantisme parmi les catholiques, et que ceux-ci donneraient pleinement dans le piège. 11 prit ses mesures en conséquence.

Au colloque do Worms, Eck et Mélanchthon discutèrent en

LE PROTESTANTISME. 32o

prenant pour base la Confession d'Auf^sbonrg, ce (jui pro- mettait peu (Je succès. En décembre 1540, on traita de la justi- fication et du péché originel. Eck rédigea une formule qui fut à la fois rejetée par les protestants décidés et par les délégués de Brandebourg, de Clèves et du Palatinat. Gropper essaya d'in- tervenir en prétendant qu'où s'était mal entendu jusque-là, qu'on n'avait disenté que sur des mots. Mélanchthon n'eut pas de peine à le réfuter. Déjà les protestants espéraient qne les savants de Cologne adhéreraient à leur doctrine de la justifica- tion. La cûntrovers(! traîna en longueur. Eck et Mélanchthon dissertèrent pendant trois jours sur la culpabilité des premiers mouvements de la concupiscence et sur l'impossibihlé d'accom plir les préceptes divins. Granvelle interrompit entîn les négc ciations et les Iran.sféi'a à Hatisbonne (5 avril 15il).

Philippe provoqua à Worms une autre conférence entre Buccr et Capiton d'une part, Gropper et Gérard Veltwick, secrétaire de l'empereur, d'autre part; il en résulta un écrit qui présentait la foi sous un faux jour et tout à fait dans le sens de Bucer et de Gropper.

OUVRAGES A CONSULTER SLR LE N" 90.

Avis de Bucer au landgrave Philippe, 28 mai J539: Neudeckers Urkunden, Cassel, 1836, p. 353; Dœllinger, II, p. 42 et suiv.; III, p. 314 et suiv.; Rœder, de Colloquio Wormatiensi, an. Io40, intt^r Protest, et Pontiticios Theologos cœpto, sed non consumniato, disquis., ex MS. Ebneriano facta, Norimb., 174»-. Négociations : Corp. Reform., III, xxxu, XLU, 1229; Walch, part. XVH, p. 4:)3 et suiv.; Melanchth. 0pp., éd. Bretschn., t. IV, p. 1 et seq.; Rayii., an. 1340, n. 15-24, b4 et seq. Rapport des nonces : Lseramer, p. 269 et suiv., 301 et suiv. Autres actes : Dœllinger, BeiU\, I, p. 29 et suiv., 32 et suiv., u. 8, 9. Proposition de Philippe à Bucer : Buchhoiz, Gesch. Ferd. I, t. IV, p. 360; Dœllinger, Réf., III, p. 315 et suiv.

Colloque de Ratisbonne.

9i. A la diète qui allait s'ouvrir à Ratisbonne, et à laquelle le pape envoya le cardinal Contareni et le nonce Morone, se rattachait naturellement la continuation du cûllo(ine religieux. L'empereur y nomma, pour les catholiques, Eck, Jules Pflug et Gropper; pour les protestants, Mélanchthon, Bucer et Pistorius de iNidda; pour présidents, son chancelier de Granvelle, Fré- déric du Palatinat et plusieurs coüseiliers de princes. L'empe-

320 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

reur chargea le cardinal légat de transmettre ses propositions à la diète (le cardinal fit an moins adopter cette clause : « sans préjudice du recez d'Augsbourg »), de même que l'écrit qui lui fut remis par Gropper, Bucer et Veltwick. Contareni et Morone l'examinèrent, et demandèrent des corrections en plus de vingt endroits; Gropper y consentit. Contareni se montra satis- fait des changements, mais ne voulut point donner d'appro- bation officielle.

Morone éprouvait une aversion invincible pour cette ma- nœuvre artificieuse, ijue Eck avait pénétrée dès le début. Lors- qu'on donna lecture do l'écrit, il sembla d'abord que le succès serait favorable. L'article sur le pape fut retiré; sur la réserve et l'adoration de l'Eucharistie, sur la transsubstariitiation, l'on ne parvint pas à s'entendre ; par contre, on se rapprocha d'assez près sur la foi, la justification, les œuvres et le baptême ; mais ici, la position de Mélanchthon était aisée : car Eck, souvent ma- lade et empêché, était de plus conlrecairé par Gropper, ainsi que par Pflug, entièrement sons la dépendance de Gropper.

Mélanchthon invoquait surtout cet argument : Si nous sommes justes à cause de Jésus-Christ, ce n'est pas à cause de nos vertus ; si nous le sommes à cause de nos vertus, ce n'est pas à cause de Jésus-Christ. Il ne cessait de faire ressortir ce qu'il y avait de consolant dans cette doctrine, et ne voulait pas approfondir les réponses des catholiques. Diverses formules furent successivement dressées : l'une d'elles, proposée par le légat et favorable à la manière de voir de Gropper, fut rejetée par les protestants; une autre, rédigée par Mélanchthon, fut repoussée par les catholiques; celle des catholiques, enfin, le fut par les théologiens protestants. Une nouvelle formule fut établie sur la base du chapitre (de Bucer et Gropper) contenu dans le projet d'accommodement de l'empereur. Par cette formule, chaque parti crut avoir contenté ou surpris l'autre parti, sans être lui-même entièrement satisfait; cependant elle était plus favorable aux protestants qu'aux catholiques; elle déplut à la fois et aux luthériens rigides et au Saint-Siège. Les principales doctrines protestantes la foi spéciale, la certitude immé- diate de l'état de grâce, la justice imputée étaient entre- mêlées à l'enseignement calholiipie, presque sans transition, et dissimulées sous des expressions équivoques.

LE PROTESTANTISME. 327

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 91.

Instruct. pour Contar., du28janv. 1541 : Quirini, Epist. Poli, III, 286. Cf. Pallav.,lV, xiu et seq., du 13 juin; Lœmmer, p. 376 et suiv., n. 221. Discours de Eck (li avril) sur l'Eucharistie, ex éd. Antwerp., 1541 : Le Plat, 111, p. 1-8. Proposition de l'empereur et les 23 articles : Gol- dast, II, p. 182 et seq.; Raynald, an. 1341, n. 6 et seq.; Le Plat, III, p. 8-44. Explications des États protestants : Goldast, II, p. 200 et seq.; Rayn., loc. cit., n. 12 et seq.; Le Plat, III, p. 44 et seq. Cf. Neudecker, Merkw. Actenstiicke, p. 249 et sniv,, 276 et suiv.; Acta in conventu Ratisb., éd. Melanchth., Viteb., 1341; Melancht. 0pp., éd. Bretschn., IV, 119 et seq.; Corp. Ref., IV, 303 et seq.; Walch, part. XVII, p. 693 et suiv., 725 et suiv.; Ztschr. f. bist. Theol., 1836, II; Dœllinger, III, p. 318-322; Hergang des Relig.-Gesprœchs zu Regensb., Berl., 1838. Rapports de la nonciature, dans Lœmnier, p. 338 et suiv.; Riffel, II, p. 349 et suiv.; II. Schisfer, De libri Ratisbon. origine atque bist. Comment, bist., Bonner Dissertation, 1870; Tb. Brieger, De formulai Concordiœ Ratisbon. origine atque indole ; Hall. , Habilitations- schr., 1870.

Premier intérim de Ratisbonne.

92. Mais on ue s'accorda point sur l'Église, l'Eucharistie, la satisfaction, la confession, le pape et les conciles. Sur ces ar- ticles, Gropper rendit plus de services à la cause catholique; armé des textes des Pères, il fit une si vive opposition aux pro- testants, que ceux-ci s'estimèrent heureux de voir échouer, au moins pour cette fois, les tentatives de conciliation. Les luthé- riens, qui avaient été appuyés par Amsdorf, envoyé de l'électeur de Saxe et ennemi de tout tempérament, et qui réclamaient l'abolition du culte des saints, des vœux monastiques, des in- dulgences, du célibat, etc., toutes choses que les théologiens catholiques repoussèrent énergiquement, n'avaient pas obtenu tout ce qu'ils voulaient. Les principes admis de part et d'autre rendaient l'union impossible; elle aurait déjà politiquement échoué par cela seul qu'une grande partie des princes et la France étaient jaloux de la puissance que l'empereur aurait retirée de l'unité religieuse de l'Allemagne,

Contareni comprenait parfaitement que quand même les théologiens se seraient entendus, l'hérésie n'eût pas encore été abolie, car elle favorisait la cupidité et l'ambition des princes.

D28 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Il n'y avait que des évèquos, tles théologiens, des prédicateurs capables et leur nombre était encore trop faible à cette époque qui pussent venir en aide aux Allemands. Quant à l'empereur, qui projetait une nouvelle expédition en Afrique pour protéger l'Espagne, il voulait que chacun se consolât dans l'espoir d'un concile; en attendant, il ordonnait solennellement que l'on recon- nût les doctrines sur lesquelles on était d'accord en apparence. L'empereur communiqua donc aux États les négociations du congrès et les propositions faites aux évêques par le légat pour le rétablissement de la discipline parmi le clergé; ildéclara que le cardinal, malgré sa protestation, avait adhéré aux arti- cles convenus. Plusieurs villes catholiques se montraient favo- rables à ces articles, mais ils avaient contre eux les princes et les évêques. Cependant ceux-ci proposèrent de confirmer les précédents édits, de réunir un concile œcuménique, ou du moins un concile national allemand. Les protestants désap- prouvèrent les réformes disciplinaires du légat, demandèrent le retrait des édits rendus contre eux, se prononcèrent contre un concile qui serait dirigé par le pape et par ses favoris, essayèrent de restreindre encore davantage les articles concer- tés, d'affaiblir les raisons que le légat opposait à un concile national, en disant qu'un tel concile ne pouvait pas trancher des questions dogmatiques et pouvait aisément engendrer des divisions.

Enfin (28 juin io41), l'empereur publia un formulaire exces- sivement modéré, qui, avec les articles convenus, prit le nom d'interùn de Ratisbonne. D'après cet iiitetim, les deux partis devaient s'en tenir auxdits articles jusqu'au prochain concile, soit œcuménique, soit national allemand, ou jusqu'à la pro- chaine diète, à laquelle l'empereur promettait d'obtenir la participation d'un légat du pape ; ils observeraient exactement et dans tous les points la paix de Nnrenberg (1532), et s'abs- tiendraient de détruire les couvents ; les catholiques, de leur coté, se conformeraient aux prescriptions disciplinaires du légat. On tempéra le décret d'Augsbourg et Ton suspendit tous les procès entamés devant le tribunal de l'empire, quand il y avait doute s'ils étaient compris ou non dans la paix de Nuren- bcrg. Les prolestants ne furent pas encore contents, et ils exigèrent

LE PROTESTANTISMIÎ. 329

davantage, harlcs- Quint, afin de se procurer des ressources pour la guerre, céda eu partie, et il accorda de plus aux États luthériens le droit de réformer (supprimer) les couvents situés sur leurs territoires, sans parler de quelques autres concessions (déclaration du 29 juillet).

Cependant aucun des partis n'accepta les articles de la con- vention. Il fut heureux pour les catholiques, à qui l'intérim de Ratisbonne eût été souverainement dangereux, que Luther et son électeur refusassent toute concession : ce refus fit complè- tement échouer les artifices de Bucer et du landgrave Philippe. Charles-Quint, dont l'unique intérêt était alors d'étouffer les divisions religieuses, consentit même à envoyer à Wittenberg une ambassade solennelle, composée des princes d' Anhalt et de Schulenbourg, et d'un théologien (protestant), Alésius. Mais Luther poussa l'audace jusqu'à exiger des théologiens catho- hques l'aveu public qu'ils avaient jusque-là enseigné l'erreur, et qu'ils rétractaient formellement leur doctrine sur la justifi- cation.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE iN° 92.

Autres documents : Le Plat, III, p. 89 et seq.; Pallav., IV, xv. Reces- sus Ratisbon.: Rayn., h. an., n. 34; Le Plat, III, p. 124 et seq.; Sarpi, I, ^ 63; Koch, p. 428 et suiv.; Walch, part. XVII, p. 962 et suiv. Déclaration du recez : Walch, loc. cit., p. 999 et suiv.; Dœllinger, Beitr., I, p. 36-38, n. 10; Wiedemann, J. Eck, p. 292 et suiv.; Bieck, Das dreifache Interim, Leipzig, 1721. Le peuple, plaisantant sur les noms des conférenciers, fit ce jeu de mot : « Ils labourent (Pflug), hersent (Eck), creusent (Gropper), peignent (Mélanchthon?), bros- sent (Bucer), cuisent (Pistorius), et n'aboutissent à rien. » Mélanch- thon, dans une lettre à Veit Dietrich, du 4 nov. 1541 (Corp. Reform., IV, 693), montrait beaucoup de colère contre les « architecti labyrinthi Ratisbonnensis »; il attribuait au landgrave Philippe (ibid., p. 116, lettre du 9 mars) « quamdam ingenii pravitatem Alcibia- deam ». Mais il était encore plus courroucé contre Bucer (ib., p. 409 et seq., 435; III, 973; de Wette, V, p. 14). Dans l'Hist. Convent. Ratisb. (ib., p. 330, 332), il est dit : « Farrago illa neutri parti satisfa- ciebat, et quia novas quasdam sententias continebat et quod pleraque erant obscura, impropria el flexiloqua. » Luther disait que le diable avait dirigé cette affaire, que depuis le commencement de l'Évangile aucun écrit plus infâme n'avait paru contre son parti. Il traitait Bucer d'hypocrite, que Dieu confondait maintenant. Le terme de « justilication

330 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

par la foi vivante et efficace », il l'appelait un « misérable rapiéçage » (Corp. Reform., IV, 237; de Wette, V, p. 3Ö3, 383, 388). L'électeur de Saxe protesta énergiquement, et la dispute ne fit que s'envenimer. Eck rejeta ce factum et le l'éfuta ; Gropper et Ptlug essayèrent de se justifier dans une apologie (Pallav., IV, xv, 3-13; Le Plat, III, p. 109 et suiv.). D'après le récit de Morone, 14 avril 1841 (Laemmer, p. 369 et seq., n. 217), le cardinal de Mayence aurait dit : « L'empereur croit tenir le landgrave dans ses mains, et il ne presse qu'une anguille; les luthériens n'entendent point se réunir à nous, mais nous attirer à eux. » Sur l'attitude des princes, voy. Ranke, les Papes romains, I, p. 164 et suiv.; Menzel, II, p. 205. Sur les autres travaux de Gropper, voy. Cruciger, dans Corpus Ref., IV, 306. Sur Contareni, Pallav., IV, XIV, 13; Le Plat, III, p. 91 et seq., 93 et seq., 101 et seq.; Brieger, Gasparo Contareni u. das Regensb. Relig.-Gespr<Ech d. J., 1541, Gotha, 1870; Pastor, p. 184 et suiv., 218 et suiv.

Eies événements depuis 1541 jusqu'en 15-16.

Polygamie du landgrave de Hesse.

93. Autant les progrès du protestantisme étaient brillants au dehors, autant la situation intérieure de la nouvelle Eglise était embarrassée. Luther lui-même se plaignait amèrement de l'immoralité qui régnait parmi ses partisans : elle dépassait, de son propre aveu, ce qui s'était vu « sous la papauté ». L'ivro- gnerie, la débauche, la grossièreté , une licence effrénée, avaient envahi toutes les conditions, sans excepter les princes. La polygamie même était eu honueur : le landgrave de Hesse, qui vivait en état permanent d'adultère, songeait à contracter un second mariage, afin, disait-il, d'apaiser les remords de sa conscience, qui ne voulaient point céder devant la foi qui seule justifie. Il s'adressa au complaisant Bucer, et lui remit, pour Luther et Mélauchthon, une lettre il demandait leur avis et leur approbation pour le projet qu'il méditait.

Marié depuis seize ans avec Christine, fille de George, duc de Saxe, qui lui avait donné huit enfants encore vivants, il désirait contracter un second mariage avec Marguerite de la Sahl , dame d'honneur de sa sœur Elisabeth. Sa forte constitution, disait-il, ses nombreuses abseuces exigées par les diètes impériales et provinciales, il fallait faire bonne chère, ne lui pcrmeltaient pas de demeurer seul, et il ne pouvait emmener avec lui son épouse avec sa cour. Cette demande jeta

LE PROTESTANTISME. 331

dans un grand embarras les apôtres de la nouvelle doctrine, d'autant plus que Philippe, qui avait été jusque-là leur plus zélé protecteur, menaçait de déserter leur cause. Ils se décidèrent enfin à lui accorder une dispense telle que le pape n'en avait jamais donné. En suite d'une « consultation de conscience » (1539), signée de Luther, Mélaiichthon, Bncer et cinq théolo- giens hessois, suivie d'un avis de Mélanchthon, ils permirent au landgrave d'épouser, « pour le salut de son corps et de son âme et pour la gloire de Dieu », la seconde femme qu'il con- voitait; mais le mariage devait être célébré devant un petit nombre de témoins et demeurer secret.

Le 4 mai 1540, le mariage fut célébré par le prédicateur de la cour de Hesse, Denys Mélandre, qui lui-même avait pris trois femmes. Melanchthun, présent à la cérémonie, prononça une allocution dans laquelle il exhorta Son Altesse le landgrave, en reconnaissance de l'induit qu'on lui avait fait d'une seconde femme, à mieux soigner les curés évangéliques et les maîtres d'école, à s'abstenir désormais de tout adultère , fornication et paillardise, et à tenir l'induit absolument secret.

Luther, comprenant qu'un tel acte était injustifiable, ne voulut ni refuser son consentement, ni convenir qu'il « s'était trompé et avait commis une folie » ; mais il se tranquillisa bientôt, et résista à Henri, duc de Brunswick, à cause de son commerce criminel avec Eve de Trotta. Mélanchthon en fut si chagriné qu'il tomba malade, car l'affiiire ne tarda pas à être divulguée; mais il essaya de cacher son dépit, « afin de braver le diable et les papistes ». Quant au landgrave Philippe, rassuré désormais parla permission des réformateurs, il vécut tranquillement avec ses deux femmes, qui lui donnèrent l'une et l'autre une nou- velle postérité : la margrave, deux nouveaux fils et une fille ; la « femme suppléante », six fils (les comtes de Diez). Il avait donc en tout dix-sept enfants « issus de mariages». Bucer com- posa, sous le nom d'Ulric Neobulus, une justification de la poly- gamie, bien que le Code criminel de Charles- Quint punît ce crime de la peine capitale.

OUVRAGES A CONSCLTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 93.

Dans rititerpvétation du livre de Moïse (Walch, part. III, p. 2277), Luther assure que ses évangéliques sont sept fois pires qu'ils étaient

332 HISTOIKE DE l'ÉGLISE.

SOUS le papisme ; il reproche aux Allemands leur ingralilude envers lui, leur plus grand bienfaiteui", et envers l'Évangile, et il appelle la Saxe, qu'il avait réformée, le plus damné des pays (Walch, part. Vlll, p. ion et suiv.) En 1531, il essayait de s'en consoler en disant que l'immoralité n'était qu'un fait passager accidentel (Runhardt, Beitrieg., I, p. 138); mais il avouait de nouveau en 1538 qu'il n'eût pas com- mencé son oeuvre, s'il eut prévu ces conséquences (Walch, part. VIII, p. 564). Il rejette une grande part de la faute sur les prédicants (Walch, part. "VI, p. 3294; Mathes., Vie de Luther, en allem., p. 118, i21). Dans les dernières années de sa vie, sa mauvaise humeur sur ce point s'accrut encore sensiblement. Voyez les preuves complètes dans Dœllinger, Reform., t. I [passim); t II, p. 426-452. Sur l'ivrognerie, Walch, part. V, p. 1576; part. X, p. 2666; part. XIX, p. 164. Secken- dorf, de Luth., lib. III, p. 277 et seq.; Ilasscncamp, Hess., K.-C, im Zeitalter der Ref., Marb., 1852, t. I; Menzel, II, p. 191; Schmitt, Versuch einer philos.-hist. Darstell., p. 429 et suiv.; Riffel, II, p. 332 et suiv.; Hist.-pol. Bl., t. VII (18il), p. 751 et suiv.; das Grabmal der Margar. v. d. Saal (morte en 1566), t. XIV, xvi ; Bt. XVIII, p. 224 et suiv.; t. XX, p. 93 et suiv. Le ^< conseil de conscience », la lettre de Luther à Philippe, le votum et l'allocution de Mélanchthon à la <■<■ femme annexée », ont été publiés en entier d'après les originaux des archives de Cassel par lleppe (Documents supplémentaires sur l'his- toire du double mariage du landgrave Philippe de Hesse, dans la Revue de théologie historique, de Niedner, 1852, t. II, p. 262-283), avec cet aveu que les théologiens de cour éliminèrent ainsi tous les éléments moraux du mariage. Autrefois, ces documents avaient été publiés en partie par Bossuet, Hist. des var., I, p. 362 et seq., trad. par Mayer, I, p. 286-310; Ulcnberg, Gesch. d. luth. Ref., II, p. 468- 484 (cf. Rœsz, Couvert., Il, p. 550 et suiv.); de Wette, V, p. 237; VI (de Seidemann, Berl., 1856), p. 239 et suiv., 273 et suiv. Jean Lenig, chartreux apostat et curé à Melsungeii, qui maltraitait sa femme et qui, après sa mort, épousa à 70 ans une servante de Marguerite et mourut en 1565 (voy. Dœllinger, t. II, p. 211 et suiv.), avait, comme conseiller de conscience de la « femme annexée », essayé de la tran- quilliser sur ses scrupules de conscience, dans un écrit qu'il lui avait adressé avant son mariage. Biicer fil l'apologie de la polygamie, qu'on blAmait avec beaucoup de sévérité (Cod. Carol. crim., CGC, art. 121). Voy. Doîllinger, II, p. 43 et suiv. Jugement de Mélanchthon : voy. Corp. Reform., II, 520 et seq. 11 est établi depuis longtemps que le prétendu double mariage du comte de Gleichen, lequel aurait eu lieu avec l'ap- probiilioii du i)ape, est une invention : Placid. Muth, 0. S. B., Disquis. hist. cri t. ni bigauiiam com. do Gleichen., Erfordi, 1788 3 Stapf, Pasto-

LE PROTESTANTISME. 333

raluutorriclit über die Ehe., ,^« éd., p. 337-340; L.-J. liesse, Archiv, für stechsische Gesch., von Wachsmiith und Weder, Leipzig, 18C3 et suiv., t. I-Ul ; Wegele, dans Sybel, Hist. Ztschr., 1864, XI, p. 534.

Violences des protestants. Troubles de Cologne.

94. Les attentais des protestants devenaient de plus en plus nombreux et violents. Le chapitre venait de nommer à l'évèché vacant de Naumbourg-Zeiz le prévôt de la cathédrale, Jules de Pflng. Jean-Frédéric de Saxe y intronisa par la force le prédi- cant luthérien Nicolas Amsdorf, nommé par lui; il l'institua en 1542, en lui assignant les revenus d'un curé, tandis que lui- même faisait administrer le temporel par ses agents. Luther (20 janvier 1542), pour attester sa dictature absolue en matière religieuse et insulter les catholiques, « ordonna » évèque Armsdorf, sans aucun rite religieux, et se justifia dans un écrit particulier. La même année, Henri, duc de Brunswick- Wolfenbuttel, fut attaqué par les chefs de l'alliance de Smalkalde, obligé de se réfugier en Bavière et dépouillé de ses États, le luthéranisme fut introduit par la force. Hildesheim, la nou- velle doctrine, était encore peu répandue en io3l, fut traité de la même façon par les protestants, et peu s'en fallut que l'élec- torat de Cologne ne tombât tout entier entre leurs mains.

L'archevêque Hermann, comte de Wied (depuis 1515), qui avait jadis combattu la nouvelle doctrine et préparé dans un concile provincial de Cologne (1536) les voies à une réforme salutaire du clergé, était trop amoureux des plaisirs et d'un esprit trop borné pour n'être pas bientôt circonvenu par le nouvel Évangile et dominé par l'influence de l'astucieux Bucer. 11 manda celui-ci à Buschhoven, près de Bonn, et le fit conférer avec le coadjuteur Nopelius et le chanoine Gropper (1541). Le chapitre de la cathédrale ayant réclamé, l'archevêque congédia Bucer; mais il le rappela bientôt après, le chargea, en décem- bre 1542, de faire, au couvent des franciscains, des conférences publiques sur les Épitres de saint Paul, et lit répandre un écrit Bucer se justifiait. 11 fut ensuite personnellement appuyé par Mélanchthon, K. Hedio de Strasbourg, Pistorius, etc. Déjà des communes protestantes se formaient à Bonn, à Andernach, à Linz, etc. Bucer et Mélanchthon esquissèrent un plan complet de réforme, qui souleva, comme l'écrit de Bucer, les réclama-

334 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

tions du chapitre, de l'université et du clergé. Le pape et l'em- pereur encouragèrent les catholiques à résister énergiquement aux nouveautés, et le conseil de Cologne les rejeta.

Charles-Quint décida entin l'archevêque à congédier ses réformateurs. Mais quand on vit que sa condescendance n'était qu'hypocrisie, les états, le chapitre, l'université et les magis- trats en appelèrent au pape et à l'empereur (18 novembre 1544). L'appel fut accepté de part et d'autre. Charles-Quint prit (juin 1545) le clergé sous sa protection, et menaça du ban de l'empire quiconque attenterait sur lui. il invita aussi l'archevêque à rendre compte de ses actes dans l'espace d'un mois. Paul III, de son côté, le somma de se présenter devant lui dans le terme de soixante jours. L'archevêque, n'ayantpas comparu, futfrappé de l'excommunication (16 avril 1546), dépouillé de ses dignités et de ses fonctions ; ses sujets furent déliés de leur serment de fidélité.

Hermann essaya de se faire recevoir dans l'alliance de Smalkalde; mais, comme il inclinait vers la doctrine de Zwingle, il n'obtint que des promesses, il se retira plus lard dans son comté de Neuwied, il mourut en 1552, âgé de soixante-seize ans.

Cologne, se trouvait alors le bienheureux Pierre Canisi us, demeura fidèle à la foi catholique. D'autres princes ecclésias- tiques étaient également suspects : tel François de Waldeck, qui occupait les évêchés de Münster, Osnabrück et Minden, et fut enfin obligé d'abdiquer. D'autres étaient singulièrement menacés : tel l'évêque de Mersebourg. Chaque jour on voyait quelques villes embrasser la nouvelle doctrine : Halberstadt, Halle, etc., dans le sud même de l'Allemagne, jusque dans la Bavière et dans les États du roi Ferdinand, lequel négocia en Bohême avec les utraquistes, fut obligé de combattre en Autriche les tendances protestantes des Etats, et vit surgir dans le Tyrol plusieurs prédicateurs de l'hérésie. Les partisans de Luther s'élevaient avec audace ponrétouller l'ancienne Église. Dans le sud de l'Allemagne, une grande partie de la noblesse avait accepté les nouveautés, 'et benucoup de ses membres avaient demandé des réformateurs à Luther, notamment le comte de Werthheim (dès 1522), qtii obtint Michel Hœfer. Tout ce qui s'était passé jusque-là ne pouvait (j n'accroître la con-

LE PROTESTANTISME. 335

fiance et la hardiesse des luthériens. En 1543, on vit le duc même du palatinat deNeubourg, Henri, appeler Osiandrepour réformer son pays.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 94.

Walcli, Ih. XVII, p. 122 el suiv., 8i et suiv.; Dœllinger, Réf., II, p. 117 et suiv.; Lepsius, Wahl und Einführung des Nikol. v. Amsdorf, Nordhausen, 1835; A. Jansen, Julius Ptlug, dans Opel, Neue Mitthei- lungen des chursœchs. Vereins, t. X, éd. 1, 2, Nordhausen, 1864. Sur la protestantisation du Brunswick, voy. Kilian Leib, an 1542, p. 608; Rehtnieyer, Braunschw. K. -Historie, II; Giesz, Joh. Bugenhagen, der Ref. Braunschw., Leipzig, 1829; Lensz, Gescb. des ev. Bekenntn. im Herzoglh. Braunschw., Wolfenbüttel, 1830; Schegel, K.-u. Ref.-Gesch. Norddeutschl., bes. der hannov. Staaten, Hanovre, 1828 et suiv., 2 vol.; Baring, Gesch. der Ref. in der Stadt Hannover, Hanovre, 1842 ; Hildesheimer theol. Monatsschr., 1851, oct. et nov.; Riffel, II, p. 708 et suiv., sur Hildesheim. Voy. encore Reifenberg, Hist. S. J. ad Rhen. infer., I, 251 et seq.; Lünkel, die Annahme des ev. Gl. -Bekenntn. v. d. Stadt Hildesheim, Hildesheim, 1842; Hist.-pol. ßl., t. IX, p. 316- 318, 724-728; t. X. Rel. -Gesch. der cceln. Kirche unter dem Abfall der zwei Erzbischœfe Herm. v. Wied u. Gebhard v. Truchsesz, Cologne, 1764; Deckers, Herm. v. Wied, Cologne, 1840; card. Pacca, über die Verdienste des Clerus, der Univ. und des Magistrats von Cœln um die kath. K. im 16. Jahrb., trad. de l'ital., Augsb., 1840; Ennen, Gesch. der Reform, im Bereich der alten Erzdiœcese Cœln, Neusz, 1849; Flor. Riesz, S. J., der sei. Petrus Canisius, Frib., 1863, p. 43-67; G. Drouven. die Reformation in der Cœlnischen K. -Provinz zur Zeit des Erzbischofs Hermann V, Cologne et Neusz, 1876. Le légat du'pape trouvait déjà, le 25 novembre 1531, que Hermann de Wied penchait vers l'hérésie (Laemmer, Mon. Vat., p. 89 et seq.; cf. ibid., Morone, 21 mai 1340, p. 268); Morone, le 23 février 1342. Sur l'appel de Bucer et lettre à l'archevêque, le 28 février (ibid., p. 417 et seq.). L'écrit de Bucer, intitulé : « Ce qu'on enseigne maintenant à Bonn au nom du saint Évangile de Noire-Seigneur Jésus-Christ », fut réfuté par l'Antididagma Rectification chrétienne et catholique ») de Gropper (ci-dessus, § 89). Le livre de Bucer, « de Reformatione insti- tuenda ».fut envoyé par les théologiens de Cologne, en 1345, à la faculté de Paris. Du Plessis d'Arg., t. I, append., p. xv. Karaps- chulte, Einführung des Prolest, in Weslphalen, Paderb., 1866, sur- tout p. 144 et suiv.; Fraustadt, die Einführung der Ref. im Hochstifte Merseburg, Leipzig, 1844. Moi'one écrivait de Spire, le 10 nov. 1342, au cardinal Farnèse (Laemmer, p. 403 et suiv., n. 233), que l'évêque

336 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.'

de Mersebourg était sérieusement menacé par Philippe dans ses droits temporels et dans son existence. Plus tard, en 1544, George d'Anhalt embrassa le luthéranisme, et le prévôt de la cathédrale en fit autant en 1530; il fut élu évèque de Mersebourg par le chapitre imbu de luthéranisme, et ordonné par Luther; mais il dut, en 1550, céder la place à l'évèque catholique Helding (mort en 1561), et il mourut en 15C3 dans son pays natal (Dœllinger, II, p. 125). Cependant ce bénéfice échut définitivement à la Saxe électorale. Franke, Gesch. der Halls- chen Hef., 1841; Apfelstedt, Einführ, der Ref. Luthers in den Schwarzburger Landen, Sondersh., 1841. Sur Franc, de Waldeck, voy. Lit. Rundschau, 1877, p. 296. Lo protestantisme en Bavière : Hist.- pol. Bl., 1842, t. IX, p. 14-29, dans Oesterr., Hist.-pol. Bl., t. VI, p. 577-609; Beda Weber, Tirol u. die Ref., Innsbr., 1841. Utraquistes en Bohème. Morone sur les négociations du roi Ferdinand avec lui : Lsemmer, Mon. V., p. 180 et suiv., 193, n. 136, 137, 144. Mich. Hœfer : Dœllinger, Réf., II, p. 78.

Négociations de 1542 et 1543.

95. Charles-Qiiint, en quittant Ratishonne, se rendit en Italie, accompagné du cardinal Contarcni ; il se rencontra à Lucques avec le pape, et conféra quatre fois avec lui sur les obstacles i\m s'opposaient au concile et à la paix avec la France; puis il entreprit sa seconde et malheureuse expédition contre Tunis et Alger (novembre 154.1). Le pape négocia avec le roi Ferdinand au sujet de Vmterim, dont il désirait la suppression ; au sujet de la diète qui devait se tenir à Spire, et à laquelle il envoya le nonce Morone; au sujet du concile, pour lequel les Allemands demandaient une ville d'Allemagne. A cette demande on objecta : 1" que le pape, désireux d'y assister lui- même, était trop âgé pour entreprendre un si long voyage ; que le lieu la lutte avait éclaté était le moins propice pour une discussion pacifique, et qu'enfui la situation de l'Alle- magne n'était pas de nature à inspirer confiance aux autres nations.

L'électeur de Mayence et d'autres Allemands avaient égale- ment dissuadé le pape de réunir le concile en Allemagne, parce qu'il y faudrait faire de trop grandes concessions. Morone arriva à Spire en février 1542. Il avait aussi pour mission d'y affermir l'alliance catholique, à laquelle le pape vint en aide par une somme d'argent considérable. Il négocia sur les

LE PROTESTANTISME. 337

subsides à fournir pour la guerre contre les Turcs, sur la réforme du clergé et le lieu du concile. On proposait mainte- nant Cambrai ou Trente. Les luthériens montrèrent peu d'ar- deur contre les Turcs, repoussèrent Trente comme lieu du concile, profitèrent de la diète pour faire approuver leurs violences contre Naumburg et le Brunswick et supprimer complètement les procès entamés devant le tribunal de l'em- pire.

Sur ces entrefaites, la guerre menaçait d'éclater de nouveau entre la France et l'empereur. Le pape dépêcha à François P"" le cardinal Sadolet; à l'empereur, Morone, qui venait d'être élu cardinal, et qu'il destinait, avec Polus et Parisius (16 octobre 1542), à présider le concile de Trente. Paul 111 n'avait rien négligé pour réunir un concile, et il n'obtenait aucun résultat. 11 fit également tous ses efforts pour rétablir la paix; mais son entrevue avec l'empereur près de Padoue (1543) ne put arrêter la lutte, et Charles -Quint se montra bientôt offensé de la neu- tralité du pape, quoiqu'elle lui fut commandée par sa position. Paul III envoya de nouveau le cardinal Farnèse aux deux princes belligérants.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 9Ö.

Pallav., lib. IV, c. xv, n. 14 et seq.; lib. V, c. i-iv; Raya., an. 1Ö41, 11. 25 et seq.; 1542, n. 2 et seq., 16 et seq.; an. 1543, n. 17 ; Le Plat, IH, p. 127 et seq., 195 et seq.; Lsemmer, Mon. Vat., p. 391 et suiv., 377, 388, 398-428.

Diète de Spire en 1544. Diète de Worms en 1545. Deuxième colloque de Ratisbonne.

96. Au commencement de 1 544, une nouvelle et nombreuse diète fut tenue à Spire ; les luthériens s'y montrèrent d'autant plus arrogants, qu'ils voyaient l'empereur plus enclin à la condes- cendance. En retour des secours eu armes qu'ils prumirent, ils obtinrent de grandes concessions religieuses, et la position des catholiques en fut encore aggravée. 11 fut question de réunir un concile national, ou du moins une diète de l'empire, l'on devait apporter de toutes parts des projets de réforme. L'empe- reur dépassa de beaucoup les Umites de son pouvoir, et le pape se plaignit amèrement de sa conduite (-24 août;. Cependant le roi de France, François 1", qui voyait les princes protestants s'élever v. HisT. DE l'Église. 22

338 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

aussi contre lui, fut contraint de signerlapaixdeCrespy (18 sep- tembre 1544). Paul m prescrivit, à cette occasion, des fêtes d'ac- tions de grâces, et annonça (19 novembre) l'ouverture du concile de Trente pour le 1 5 mars 1545. Dans ce même mois de mars, les États protestants, se voyant soutenus par Frédéric II du Palatinat, se prononcèrent, avec la diète de Worms, ouverte par le roi Ferdi- nand, contre le concile de Trente, parce qu'il serait dirigé par le pape, dépourvu de liberté, irrégulier. Ils répondirent par un écrit rédigé par Mélanchthon, sur l'ordre du prince électeur, con- cernant les motifs de leur abstention, puis par un traité de Lu- ther, aussi violent que trivial, intitulé : la Papauté fondée par le diable, orné d'une misérable caricature. Ils repoussèrent toute tentative de conciliation avec les catho]iques,et prétendirent que les catholiques devaient se borner à leur soumettre leurs projets de réforme. L'empereur, sans égard pour le concile de Trente, consentit à préparer, pour le mois de janvier 1546, un nouveau colloque qui se tiendrait à Ratisbonne. Le pape et les évêques assemblés à Trente en furent mécontents, et c'est pourquoi la première session d'ouverture fut tenue le 13 décembre 1545, et la seconde fut fixée au 7 janvier 1546.

Les Allemands ne paraissaient pas se soucier le moins du monde du concile; ils ne songeaient qu'à leur colloque reli- gieux, que les protestants eux-mêmes considéraient comme un moindre mal. Le colloque commença le 27 janvier. Les protestants George Major, Pistorius, Schnepf, Frecht, avaient pour antagonistes le savant dominicain Malvenda, confesseur de Charles-Quint ; Éberhardt Billik, carme de Cologne ; Jean Hofmeister, provincial des augustins,et J.Cochlée.La présidence était occupée par Maurice, évêque d'Eichstaett, et par le comte Frédéric de Furstenberg.

Comme les catholiques refusaient d'admettre la convention conclue cinq ans auparavant sur la justification, qu'ils traitaient d'œuvre de parti, et que les protestants eux-mêmes n'en étaient pas satisfaits, ils espéraient l'emporter par ce moyen, ainsi que par la concession du mariage des prêtres et de l'usage du calice aux laïques, réclamée par le landgrave Philippe. Les questions relatives à la conversion, à la foi, à la justification et aux bonnes œuvres, furent traitées au grand complet. On ne visait pas à se rapprocher, mais à s'entendre sur la question dogmatique.

. LE PROTESTANTISME. 339

Les princes protestants n'attendaient plus qu'une occasion propice pour rompre les négociations ; ils la trouvèrent dans une décision de l'empereur, qui associait à la présidence l'évêque Jules Pflug, à côté des autres déjà nommés, et ordonnait de garder le secret et de discuter de vive voix plutôt que par écrit. L'électeur de Saxe et le landgrave Philippe rappelèrent leurs théologiens, et la conférence fut dissoute. L'empereur ayant blâmé les théologiens protestants de s'être éloignés de leur propre chef et sans motifs valables, George Major répliqua que des chrétiens ne pouvaient pas se commettre plus longtemps avec des ennemis de Dieu, des hérétiques (d'après Tit., m, 10) . Les Strasbourgeois voulaient qu'on proposât un autre colloque sous une forme nouvelle ; les Wittenbergeois, ne sachant plus ils en étaient, déclarèrent qu'il n'y avait rien à attendre d'une nouvelle conférence ; que cependant, dans l'état se trouvaient les affaires ecclésiastiques, il était désirable qu'on s'entendît avec l'empereur et les évêques pour rétablir l'ordre dans le domaine religieux. Les Wittenbergeois avaient perdu, sur ces entrefaites, le chef auquel ils avaient obéi jusque-là.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 96.

Rayn., an. 1544, n. 3 et seq.; Le Plat, III, p. 208 et seq.; Kei-vyn de Lettenhove, Aufzeichnungen Carls V, p. 85 et suiv.; Ranke, Deutsche Gesch., IV, p. 307; Riffel, II, p. 736 et suiv. Rref à Charles, du 24 août: Rayn., an. 1544, n. 7; Le Plat, III, p. 237 et seq.; Roscovany, Monum., III, p. 74-84; Pallav,, V, vi ; Sarpi, I, § 73. Autres lettres du pape : Rayn., loc. cit., n. 8; Le Plat, p. 247 et seq. Paix avec la France : Rayn., loc. cit., n. 24; Pallav , V, vu; Le Plat, III, 249. Con- vocation du concile de Trente : Raynald., au. 1545, n. 38; Le Plat, p. 255 et seq.; Pallav., V, \m. Paul III au roi Ferdinand sur la diète de Worms, 12 mars 1545 : Raynald., loc. cit., n. 17; Le Plat, III, p. 261 et seq. Parmi les princes protestants, Joachim II de Brande- bourg avait continué de négocier extérieurement avec les légats du pape (Lsemmer, p. 108, 200 et suiv., n. 150, 151), et en 1544 il avait même demandé au cardinal Farnèse que le pape retirât au roi de France le titre de roi très chrétien (Dœlliuger, Beitr., I, p. 38 et suiv.). Frédéric du Palatinat, qui succéda à son frère Louis en 1544, se révéla bientôt comme un partisan de la nouvelle doctrine. Kil. Leib, an. 1544, p. 609; Riffel, II, p. 721 et suiv.; Blaul, D. Ref.-Wes. in de Pfalz, Spire, 1846; Mélanchthon : « Causas quare et amplexi sint et retinendam ducant doctrinam... (Conf. Aug.) et quare iniquis judi-

340 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

cibus collectis in synodo Trid., ut vocant, non sit assentiendum. » Witeb.,1546, in-4°,0pp. t. IV, p. 772. Pamphlet de Luther dans Walch, th. xvn, p. 1278 et suiv. Cf. Menzel, II, p. 352. L'abbé Prechtl l'a fait réimprimer avec des remarques : Seitenstück zur Weisheit Dr Martin Luthers zur Jubelfeier der luther. Reform, Sulzbach, 1817; III* éd., 1818. Projet de reforme par Bucer : Corp. Ref., V, 694 et seq.; par Méianchthon, ib., V, 607 et seq.; Walch, th. xvn , p. 1422 et suiv. Commencement du concile de Trente : Pallav., V, xvii. Recez de Worms : Rayn., an. 1545, n. 22; Le Plat, III, p. 283 et seq.; Sarpi, II, § 22. Acta coUoquii Ratisbon. Ultimi verissima ratio, Ingoist., 1546, in-4° (imprimé par ordre impérial). Rapports de George Major (Wittenb., 1546, in-4'') et de Bucer, dans Hortleder, th. i, cap. xl, XLi; Walch, th. xvn, p. 1529; Menzel, II, p. 395; Riffel, II, p. 742 et suiv.; Dœllinger, Réf., HI, p. 322-333; Pastor, p. 305 et suiv

MORT DE LUTHER. - SON CARACTERE. Tristes expériences du réformateur de Wittenberg.

97. Luther passa les derniers jours de sa vie dans des dispo- sitions d'àme fort diverses. En 1542, il était devenu si fier de ses succès, que, dans une lettre datée du 7 mai, il exigeait de tous les fonctionnaires et de tous les nobles de Meissen qui avaient embrassé sa doctrine et en avaient fourni la preuve en recevant la cène sous les deux espèces, non seulement qu'ils fissent pénitence, mais qu'ils approuvassent sans restriction tout ce que lui et ses collègues avaient fait jusque- et feraient encore à l'avenir. Mais les princes et les fonctionnaires, tout en lui laissant la liberté d'enseigner ce qu'il voulait et d'étendre la division, ne lui permettaient pas d'intervenir dans la gestion des biens ecclésiastiques, ni dans les questions relatives à leur gouvernement temporel.

Luther déplorait la détresse languissaient les prédicateurs, malgré tant de biens ecclésiastiques confisqués. Toutes les affaires de l'Église étaient réglées par la bureaucratie. Les juristes, avec lesquels il eut des discussions particulières sur la validité des fiançailles, considéraient les enfants des clercs comme illégitimes et incapables d'hériter: il lesaccabla de ses plus amers sarcasmes. Il y avait aussi de grandes discussions parmi ses partisans, et jusque dans son entourage immédiat, avec lequel

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il fut lui-même en dispute. Dès 1537, il s'était brouillé avec son ancien familier Agricola et le poursuivait partout ; il interdit ses écrits et l'empêcha de se placer nulle part. Agricola s'étant rendu à Wittenberg à cause de lui, Luther, qui allait mourir cette même année, le repoussa impitoyablement et ne voulut pas même le voir. A l'égard de ses collègues, il se montrait soupçonneux, et Mélanchthon lui-même se plaignait de l'escla- vage qu'il était obligé de subir ; les tempéraments apportés à la doctrine de la justification, le penchant de son ami pour les idées de Zwingle sur la cène, blessaient vivement le réforma- teur. Cruciger écrivait à Tite Dietrich : « Il n'en est guère- parmi nous qui puissent éviter d'encourir la mauvaise humeur de Luther et d'être par lui publiquement fustigés. »

Luther s'indignait aussi de la licence qui régnait parmi les étudiants et la population de Wittenberg; elle lui était devenue si insupportable, que, dans l'été de 1545, il écrivait à sa « Kétha »: « Sortons de cette Sodome ! Je veux errer à l'aventure et plutôt manger le pain de la mendicité que d'empoisonner mes pauvres vieux derniers jours par le spectacle des désordres de Witten- berg.»Il ne fallut rien moins que l'intervention du prince électeur pour le faire rentrer dans cette ville, qu'il avait convertie et que maintenant il détestait si fort. De quelque côté qu'il se tournât, il ne trouvait qu'amertume et désenchantement. L'Éghse catholique était encore debout, malgré toutes les pertes qu'il lui avait infligées ; le parti religieux de la Suisse se propageait de plus en plus en Allemagne, et sa propre Église n'était pas soumise à sa direction. Les fruits de la nouvelle doctrine l'empoisonnaient lui-même ; il avouait que son moral avait dé- cUné, qu'il n'était pas exemptde doutes, d'angoisses et de remords de conscience : sa foi n'avait pas jeté d'assez profondes racines.

OÜVEAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 97.

Nouvelle édition du Journal de Lauterbach 1), éd. Dresde ; Menzel, II, p. 427 et suiv.; Dœllinger, Réf., I, p. 334 et suiv., 224 et suiv., 278 et suiv., 306 et suiv.; [II, p. 270, 307, 244 et suiv., 372 et suiv.; Hist.-pol. BL, t. LX, p. 131. Sur la querelle avec les juristes, voy. Walch, th. xxn, p. 1049, 2158 et suiv.; Kœhler, Luther und die Juristen, Gotha, 1873. Lettres à l'électeur Jean Frédéric, 18 janv. 1349; à Mélanchthon, 6 févr. 1Ö46 (de Wette, V, p. 422, 713, 721, 783);

342 fflSTOiRE DE l'Église.

Corp. Reform., V, 310, 314; Propos de table, éd. d'EisIeb.. in-f, 5b7, 559, 561 et seq., 566, 571. Luther s'exprimait avec beaucoup de sévé- rité, en 1537, contre les adoucissements que Mélanchthon avait apportés à sa doctrine; celui-ci gémissait sur la « Servituten! pœne deformem »(Corp. Ref., VI, 889), et appelait Luther un Hercule ou un Philoctète en fureur (ibid., V, 310). Quand Major partit en 1545 pour le colloque de Ratisbonne , il trouva dans le cabinet d'étude de Luther ces mots écrits de sa main : « Nostri professores examinaudi sunt de cœna Domini » ; ils s'appliquaient à Mélanchthon et à ses amis. Voyez encore la lettre de Cruciger à Veit Dietrich (Corp. Reform., III, 398). Sur l'immoralité à Wittenberg : Œuvres de Luther, éd. d'Altenb., VIII, p. 343; Walch, th. xi, p. 3096; th. xii, p. 789, 895, 1227; de Wette, II, p. 271; V, p. 615, 722, 753 (lettre à Catherine, de 1545), p. 43 (lettre à J. Jonas, 18 juin 1543). Sur les vices régnants : Walch, th. xiii, p. 19, 2193. Doutes de Luther : Mathe- sius, 12'' sermon, p. 131, «.

Continuation de la polémique de Luther.

98. Luther continua sa polémique avec un redoublement de véhémence. Parvenu à l'âge de soixante ans, il disait qu'il ren- drait au tribunal de Jésus- Christ ce témoignage d'à voir condamné et évité avec tout le sérieux possible les visionnaires ennemis du Sacrement : Carlostadt, Zwingle, Œcolampade, Stenkfeld (Schwenkfeld), ainsi que leurs disciples de Zurich et d'ailleurs, avec leur abominable hérésie. Dans soixante-seize thèses de son écrit co7itre les trejite-deiix articles des théologiens de Louvam, il attaqua violemment les dogmes de la foi catholique qu'il rejetait, et plutôt que d'écrire (comme on le lui demandait) un livre sur la discipline de l'Église, il composa sa Papauté fondée par le diable, qu'on ne peut attribuer qu'à une imagination échauffée par des boissons spiritueuses. La caricature que Luc Kranach avait faite de la papauté, ne lui suffisait point : il n'y avait pas encore assez de figures de diables. Mécontent lui-même de son propre ouvrage, la fureur atteint cepen- dant aux extrêmes limites de la folie, il voulut écrire une dernière fois contre le pape; mais il en fut empêché par les douleurs de la pierre, qu'il souhaitait au pape et aux cardinaux. Tout lui semblait permis quand il s'agissait de berner, d'inju- rier le Saint-Siège.

Pour donner à sa rage un plus libre cours, Luther se dé-

LE PROTESTANTISME. 343

chaîna aussi contre les juifs. Il invita formellement les chrétiens à réduire en cendres leurs synagogues, à leur enlever tous leurs livres, la Bible même, à leur interdire tout culte religieux sous peine de mort, à les maltraiter et à les expulser. Dès le début de son livre Sckejn Hamphoras, il traite les juifs de jeunes diables condamnés à l'enfer, et il entre dans des descriptions tellement grossières, que ses partisans se sont efforcés plus tard de les faire disparaître. Dans beaucoup de ses propos de table qui ont été recueillis, il montre un grand attrait pour les plaisanteries obscènes, les altérations malicieuses, les injures arrogantes, tandis qu'il s'efforce ailleurs, en suivant la Bible, de prendre un ton grave et onctueux. Beaucoup trouvaient, avec Érasme, qu'il y avait en lui deux personnes : un orateur populaire, éloquent et enthousiaste; un bouffon effronté et ridicule.

ODVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 98.

Articuli Lovanienses hœresira Lutheri damnantes : Rayn., an. 1544, n. 35; Le Plat, III, p. 2o0 et seq. Confirraatio Caesarea, 14 mars 1545, ib., p. 262 et seq. Luther contre les théologiens de Louvain, 1545, éd. Erl., t. LXV, p. 169 etsuiv. On demande à Luther un ouvrage sur la discipline ecclésiastique : de Wette, V, p, 701. « La Papauté fondée par le diable, » éd. Erlang., t. XXVI. Cfr Dœllinger, t. I, p. 348. Sur le pape et la caricature de Luc Kranach, voy. de Wette, V p. 742 et suiv., 745, 763. On connaît ce mot de Luther : Nos hic persuasi sumus ad Papatum decipiendum omnia licere » Jean Lange, 1520 : de Wette, I, p. 478), et cette prophétie trouvée dans une lettre après son départ de Smalkalde (ibid., V, p. 57), répétée peu de temps avant sa mort et gravée plus tard sur des médailles jubilaires : « Pestis eram vivens, moriens tua mors ero, Papa. » Voyez la lettre du 10 janvier 1527 (de Wette, III, p. 154). Polémique contre les juifs : Walch, th. xx, p. 2529; de Wette, V, p. 610 ; ibid., p. 784, à Kétha, du 1<='' février 1546 ; Quand les principales affaires seront écrites, il travaillera, dit-il, à expulser les juifs. Cf. Dœllinger, Luther, loc. cit., p. 671 et suiv.

Contradictions de Luther au sujet de sa mission.

99 . Les contradictions abondaient également dans sa vie et dans sa doctrine; elles éclataient surtout quand il s'agissait de prouver l'origine divine de sa mission et de sa vocation. Il

34-4 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

changea quatorze fois d'opinion dans l'espace de vingt-quatre ans. En 1521, il avait la confiance, disait-il, sans en être sûr pourtant, d'avoir commencé sa mission au nom de Dieu, mais il n'aimerait pas à en rendre compte au tribunal de Dieu. Peu de temps après, il exigea de ceux qui voulaient annoncer la parole divine une mission particulière. En 1522, il croyait qu'une telle mission n'était pas nécessaire pour prêcher et enseigner , tandis (ju'il affirmait dans ses sermons contre Carlostadt qu'il fallait être appelé à l'office de la prédication, que quiconque prêchait sans y être appelé ne pourrait résister au diable et serait précipité en enfer : c'est pourquoi il voulait tenir une seringue devant le nez du diable, afin que le monde lui-même lui devînt trop étroit, car il savait bien que« le conseil de Wittenberg » l'avait appelé à prêcher malgré sa résistance.

Quelques semaines après, ce n'était plus le conseil de Witten- berg, mais Jésus-Christ même, qui l'avait appelé à prêcher ; et il se réjouissait qu'on lui eût enlevé le titre de docteur et tous les autres masques papistes. La même année encore, il traitait de menteurs et de diables ceux qui volaient du ciel dans l'Église et se prétendaient appelés de Dieu sans intermédiaire, et il alléguait de nouveau la vocation qu'il avait reçue de la commune de Wittenberg.

En 1523, il crut une première fois qu'une vocation divine n'était pas nécessaire pour prêcher, et une seconde fois, que cette vocation devait être conférée par la commune.

11 en était encore en 1530, mais il invoquait de nouveau son doctorat. C'était souvent pour lui une source de consolation, bien qu'il ne l'eût reçu que pour l'enseignement scientifique et à la condition qu'il s'en tiendrait à la doctrine de l'Église et à l'Écriture interprétée par elle. Si je n'étais pas docteur de la sainte Écriture, disait-il, je ne pourrais rien contre les évêques ni contre le diable. En 1531, il ne reconnaissait plus à la commune le pouvoir de décerner la mission de prédicateur ; il disait que celui qui avait été une fois nommé curé par la commune, pouvait désormais établir des prédicateurs de son propre chef, et que la commune entière ne pouvait pas l'en empêcher. En 1532, il essaya de concilier la mission de la commune avec celle du curé ; puis il en appela derechef à son doctorat académique, il avait vu autrefois le caractère de la

LE PROTESTANTISME. 345

Bête. Sans ce titre il ne croyait avoir aucune vocation sur la- quelle il put s'appuyer avec sécurité.

En 1538, son doctorat n'était plus le fondement de sa voca- tion, mais seulement un pouvoir qui l'autorisait sans le papisme à prêcher partout il serait régulièrement appelé, après qu'il se serait acquitté de ses autres fonctions ; le doctorat ne suffisait pas en soi, il devait être complété par une vocation régulière, émanée des princes et des autorités temporelles. Enfm, il en revint à soutenir que la vocation régulière appartenait aux évêques comme successeurs des apôtres et durerait jusqu'à la fin du monde, bien qu'il eût, dans le principe, refusé aux évêques le droit d'ordonner ou d'appeler à la prédication.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 99.

J. Faber, de Antilogiis Lutheri (cf. Rayn., an. I.ö3i, n. 57); George Wizel, Retectio Lutheristni, éd. 1538. Voy. aussi Dœllinger, Réf., I, p. 112; J. Cochlée, Lutherus septiceps ubique sibi et suis scriptis con- trarius, Lips., 1529; Par., 1364; Gaspard Querhammer, 1533 (Dœllin- ger, Réf., I, p. 331, n. 214); Frint, Theol. Ztschr., 1812 et suiv.; Hist.-pol. El., t. VI, p. 366; t. XI, p. 413. Le 12 mai 1531, Luther disait, après avoir délibéré avec Mélanchthon : « Defînimus baptis- mum conditionalem simpliciter toUendum esse de Ecclesia )> ; mais le lendemain : a Conditionalem baptismum non possum damnare (de Wette, IV, p. 254, 256). Changement d'opinion sur sa mission : Dœllinger, Réf., III, p. 205-215. Déclarations de 1521 et 1522 dans Walch, th. xvin, p. 1351; th. xx, p. 63 et suiv. (cf. 0pp. lat., Jan., II, 553); th. XV, p. 2379; th. xi, p. 2548, et th. xx, p. 2074 et suiv.; de 1523-1330, Walch., th. ix, p. 703; x, p. 1802; v, p. 1061 et suiv. Autres paroles : Walch, th. x, p. 1895; xx, p. 2074 et suiv., 2080; 0pp. lat., Jen., IV, 96 ; VIII, 842.

Contradictions de Luther sur la nécessité d'accréditer sa vocation par des miracles.

100. Le langage de Luther sur la confirmation de sa doctrine par des miracles n'était pas moins contradictoire. Avec les théologiens catholiques, il enseignait que celui qui s'attribue une mission extraordinaire, doit, comme les apôtres, attester sa vocation par des signes et des miracles. Ce qu'il exigeait des sacrameutaircs et autres hérétiques, les cathoUques l'exigèrent

V

346 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de lui, et il commença par sentir qu'ils avaient réellement autant de droit, plus de droit même, de réclamer de lui une pareille légitimation. Il disait dans un sermon : « Si la nécessité l'exi- geait, si les catholiques voulaient inquiéter et persécuter l'Evangile, il faudrait vraiment nous y mettre et produire aussi des signes, plutôt que de laisser injurier et asservir nous et l'Évangile. Je crois pourtant que cela ne sera pas nécessaire et qu'on n'en viendra pas là. » Mais bientôt il repoussa hardi- ment ces sortes d'exigences : il voulait, disait-il, traiter les papistes comme Jésus- Christ avait traité les juifs {Matth., xii, 39), en ne leur faisant voir aucun signe; il avait même prié Dieu de n'opérer par lui et pour lui aucun miracle, afin qu'il ne s'enorgueillît point. Moi et les miens, disait-il en 1538, nous n'avons pas besoin de miracles, car nous possédons les pro- phéties relatives à l'Antéchrist et à son royaume, et nous pou- vons prédire avec sûreté la suite entière des destinées du papisme et sa ruine.

Quelquefois cependant Luther ne dédaignait pas de signaler quelques miracles, comme l'absolution donnée par la bouche des prédicants luthériens, par qui Dieu enlève chaque jour leur proie à l'enfer, au péché et à la loi ; 2* l'évasion de beau- coup de nonnes de leurs couvents bien gardés, évasion accom- plie par la vertu de l'Évangile et mal jugée par les impies; des phénomènes étranges dans l'ordre naturel, comme les étoiles filantes, les feux follets, les orages, les avortements; la propagation étonnante de la nouvelle doctrine, l'accueil favorable qui lui était fait et la discorde qu'elle avait suscitée dans le monde. 11 ne songeait pas que la même chose était arrivée à beaucoup d'erreurs que le monde avait longtemps applaudies, même aux plus grossières hérésies ; qu'on pouvait trouver le secret des applaudissements qu'il recevait, dans la situation morale, déplorée par lui-même, de la nouvelle com- munauté; que ses adversaires, les Zwinglions et autres « bandes », pouvaient présenter les mêmes résultats; que beaucoup de ses partisans l'avaient abandonné, et qu'il repro- chait lui-même aux Allemands leur amour des innovations. 5" Luther invoquait aussi l'intervention merveilleuse do Dieu en sa faveur : il avait été sauvé de tous les dangers et avait déjoué les desseins des papistes contre lui. Convaincu de

LE PROTESTANTISME. 347

ses hautes capacités pour l'enseignement et de la sublimité de sa vocation, et néanmoins rempli de soupçons continuels et persuadé que la majeure partie des hommes était sous l'empire du diable, il se figurait toujours que ses adversaires conspi- raient contre sa vie. Il disait souvent qu'il avait bu du poison sans en avoir rien souffert, et il attribuait à un empoisonne- ment les suites naturelles d'un souper trop copieux; les chaires, les sièges sur lesquels il avait prêché, il les croyait empoisonnés, et il se glorifiait d'en être toujours sorti sain et sauf. Enfin, pour avoir aussi sa prophétie, il s'appuyait sur une pré- tendue prédiction de « saint Jean Hus », selon laquelle, au bout decentans, l'oie serait suivie d'un cygne qu'on ne pourrait tuer.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 100.

Walch, th. m, p. 1075; ix, p. 1009, 1295; xi, p. 1907; vi, p. 125; vui, p. 579; XX, p. 2519. Miracles et prophéties en faveur de la nouvelle doctrine : Walch, th. vi, p. 295; xix, p. 2097, 2119 et suiv.; Colloq. Rebenst., I, 107. Sur la question, voy. aussi Hieron. Welleri (mort en 1572) Opera, ed. ups., 1702, I, 830; 111, 178; Joh. Fincelius, Wun- derzeichen v. J., 1517-1556, Nurnb., 1556; Dœllinger, Réf., II, p. 192, 421. Prétendue prophétie de Hus : Walch, th. xvi, p. 2061. Luther écrivait des Allemands (Œuvr., part. XX, p. 957) : « Voici les com- pagnons que nous sommes, nous autres Allemands : une chose est-elle nouvelle, nous tombons sur elle et nous nous y attachons comme des fous, et si quelqu'un veut s'y opposer, nous devenons encore plus enragés ; si personne ne nous contrarie, nous nous en lassons bientôt et courons à autre chose. »

Caractère de Luther.

101. D'une humeur hautaine et impérieuse, le réformateur ne souffrait point de contradiction; le sentiment de son élo- quence et de sa supériorité intellectuelle lui donnait une con- fiance sans bornes, surtout dans la chaleur de ses nombreuses controverses. Mais dès qu'il était abandonné à lui-même, cette confiance factice disparaissait devant les angoisses de sa cons- cience bourrelée. Il essayait de les surmonter en se figurant que c'était le diable qui lui suggérait de tels reproches pour le tromper et le jeter dans le désespoir. Il voyait partout le démon

348 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

s'attaquer personnellement à lui, et il y cherchait une diversion en se déchaînant contre la papauté.

Dominé par des pensées de sorcellerie et autres superstitions, il traitait ses adversaires sans aucun ménagement et poussait la calomnie jusqu'à étonner ses contemporains; il n'y avait guère que ses admirateurs aveugles qui se consolassent par l'idée qu'un tel génie n'avait d'autre règle que lui-même, et qu'il fallait lui pardonner ce qu'on aurait blâmé dans les autres. Il prouva d'une façon étonnante l'empire qu'exerçaient sur lui ses instincts naturels : il aimait « le vin, les femmes et le chant » outre mesure. Impétueux et colère, il n'épargnait personne ; il fallait que tout lui fût assujetti, jusqu'à sa chère Ecriture, qu'il exaltait si fort. Son enthousiasme pour elle ne l'empêchait pas de la maltraiter souvent d'une façon horrible, comme dans l'Épître de saint Jacques, qu'il rejeta constamment, tandis que Mélanchthon et d'autres cherchaient à l'appliquer dans leur sens dans ses traductions, dans ses commentaires, dans ses procédés artificiels d'interprétation et enfin dans les endroits il exalte le Christ comme le maître et le seigneur de l'Écri- ture, qu'il faut placer au-dessus de toutes les paroles de la Bible. S'il était plus franc et plus désintéressé que les autres réformateurs, infatigable au travail, éloquent et spirituel, orné d'une foule de talents; s'il a rendu service à la langue alle- mande par quelques-uns de ses sermons et par ses cantiques, il faut avouer aussi que ses nombreuses contradictions, le défaut d'empire sur lui-même, de réflexion, de charité et d'humilité, le rendaient peu propre à devenir le réformateur de l'Église.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 101.

Riffel, 1, p. 164 et suiv., 310, 315 et suiv., 371; Dœllinger, III. p. 243 et suiv. Foi au diable et aux sorciers : Walch, th. xi, p. 412 et suiv., 441, 1295; xxi, p. 1487; xxii, p. 1098. 1027, 1155, 1208; Dœl- linger, Réf., III, p. 256 et siiiv., 265, n. 195. Luther sur la magie : Hist.-pol. m., 1861, t. XLVII, p. 890-918. Injures contre la papauté: Colloquia, éd. Fœrstemann, III, p. 102 et suiv., 116, 121, 136; IV, p. 62; Walch, th. xxii, p. 1237. Grossièreté de langage : Bullingcr, 1543 et 1545 (dans Dœllinger, III, p. 262 et suiv.); de Wette, 11, p. 49; IV, p. 271, 276 (Érasme, Capito, rélecteur Jean Frédéric). Sur

LE PROTESTANTISME. 349

'Épitre de saint Jacques, Walch, th. xiv, p. 104, « epistola stra- minea » ; Doellinger, ill, p. 306-358. Comment il traite la Bible : Opp. lat., ep. Witeb., I, 387, et ci-dessus, § 33. Substitution de sa propre autorité à celle de l'Eglise : de Wette, II, 107, 139, 178. Sur le boire et le manger : Luther à Jérôme Weiler, 6 nov. 1530 (de Wette, IV, p. 188); à Kétha, 2 juill. 1540 (Buvckhardt, Dr M.-L. Briefwechsel, Leips., 1866, p. 357) ; à la môme, 29 juill. 1534 et 6 févr. 1546 (de Wette, IV, p. 553; V, p. 786. Voy. encore ibid., p. 780, 784,792); Walch, th. XI, p. 730; xxn , p. 133; DœUinger, Réf., III, p. 240. Passages sur l'instinct naturel, dans Walch, th. m, p. 64; vi, p. 2750; xvni, p. 2148; xix, p. 904; xxii, p. 1700. Lettre à des nonnes, du 6 août 1524 : de Wette, II, p. 535; Dœllinger, II, p. 428 et suiv.; Jarcke , ueber Luthers Eherecht; Bist. -pol. Bl., t. XI, p. 410-435; Studien und Skizzen zur Gesch. der Ref., Schaffhouse, 1846, p, 83 et suiv. Exagération des services rendus par Luther à la langue allemande : voy. S. Hasack (VI, § 238), p. 584 ; Lindemann, dans Bonner theol. Liter.-Bl., 1869, p. 292. Voy. encore en général Pallav., VI, X, 2; (DoUer) Luth. kath. Monument., Frankf. , 1817; Gœrres , Luthers Werk und Luthers Werke (Catholique, 1827); das Luthermo- nument zu Worms, Mayence, 1868, p. 169 et suiv.; Raumer, Gesch. Europa's seit Ende des 15 Jahrb., I, p. 524 et suiv.

Derniers jours de Luther.

102. Aveuglé par son orgueil, Luther se vantait encore en écrivant son testament d'être « le notaire de Dieu et le témoin de son Évangile », et il se croyait assez d'autorité pour qu'on eût confiance en lui seul. Le 17 janvier 154Ü, il se complaisait dans cette béatitude du Psalmiste : a Heureux l'homme qui n'a point été dans le conseil des sacrameutaires, qui n'a jamais marché dans les voies des Zwingliens et ne s'est pas assis dans la chaire de ceux de Zurich 1 » Le 19 janvier, il s'exerçait à écrire « contre les ânes de Paris et de Louvain ». Le 16 février il maudissait les juristes comme des sycophantes, des sophistes et la peste de l'humanité. A Eisleben, il était allé pour apla- nir un différend entre les comtes de Mansfeld à propos de mines de cuivre, il sentit sa faiblesse et comprit que sa tin était proche. Elle arriva en effet le 18 février 1546, sans qu'il se fût ahté. Taudis que ses membres se raidissaient déjà dans les affres de la mort, il donna ce conseil à ceux qui l'entouraient : « Priez pour Notre-Seigneur Dieu et pour son Évangile, afm

350 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

que tout aille bien, car le concile de Trente et ce malheureux pape sont furieux contre lui. »

Maudit des catholiques, ses partisans relevèrent jusqu'aux nues; ils le glorifièrent par des médailles, des discours, des poésies, et même, en 1760, par une épopée. Le culte du réfor- mateur marcha de pair avec la haine du pape et s'étendit jusqu'à ses reliques. L'étranger, qui ne connaissait guère que les ouvrages latins de Luther, s'étonna de l'apothéose décernée à un homme qui n'était remarquable ni par son érudition, ni par l'entrainement de son éloquence, ni par sa pénétration, et qui n'avait pas même de suite dans ses pensées. Mais sa force était dans ses écrits allemands, composés en vue de sa nation ; ils lui procurèrent les plus grands succès, et ce désir d'Érasme s'accomplit d'une façon que lui-même ne prévoyait guère : (( Puisse la médecine amère et forte que Luther a donnée au monde, contribuer à ramener la santé dans la vie de l'Église! »

OUVRAGES A CONSDLTEn ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* i02.

Testament de Luther : Seckendorf, 1. 111, p. 651. Sa un : de Wette, V, p. 778, 785; J.-G. Walter, Ergœnzte und Verbesserte Nachrichten von den letzten Thaten des sei. Dr M. Luther, léna, 1749-1756, II part.; Mœhuike, Luthers Lebensende, Stralsund, 1817 (avec de nom- breux témoignages et discours funèbres); Keil, Luthers Lebensum- stände, III, p. 267; Pasig, Luthers letzte Lebenstage, Tod und Begrœb- nisz, Leipzig, 1846; Dœllinger, Luther (Skizze), p. 673; Reform., I, p. 337-348; III, p. 274. Sur le culte de Luther : J. Mathesius, Luthers Leben in 17 Predigten dargestellt, nouv. éd., Berlin, 1855; R.-E. Fœrstemann, Denkmale, dem Dr Luther von seinen Zeitgenossen errichtet, Nœrdl., 1846. Ce culte est attesté: par l'habitude cons- tante des théologiens ultérieurs d'invoquer l'autorité de Luther dans les controverses; par les quahtications qu'on lui donnait de « cher homme de Dieu », de « Divus » Dr Martinus Luth., de Theander Luthe- rus (comme Cyriaque Spongenberg, en 1528, surintendant à Mansfeld en 1553, réfugié à Strasbourg en 1575, mort en 1604 (DœlHnger, Reform., II, p. 270 et suiv.); par la vénération accordée aux objets laissés par lui ou qui le rappelaient, surtout à la Wartbourg, près d'Eisenach, et à Cobourg, dans les chambrettes de Luther; on alla même jusqu'à faire des pèlerinages ä ses reliques ; 4" par les médailles gravées à son sujet. Voyez l'ouvrage : das Güldene und Silberne

LE PROTESTANTISME. 3ol

Ehrengedfcchtnisz des Theuren Gotteslchrers D. M. Lutheri, in wel- chem dessen Leben, Tod, Familie und Reliquien umstaendlicli beschrieben und aus mehr als 200 Medaillen oder Schaumünzen und Bildnissen von rarer Guriositset, mit auserlesenen Anmerkungen crkla-rl durch Christian Junker Dresdensem , Hochfürstl. saechs. Henneberg, gesammten historiographum. Frankf. u. Leipz., 1706 (il y a là, en effet, quantité de choses curieuses). La « Luthériade » parut à Aurich, en 1760 et suiv., chez Jean Gottlob Luschky, en deux parties (p. 183, 192) et douze chants. Commencement : « Lenk, Dichtkunst, meinen Kiel, mit lehrerfüllten Bildern Der Waltung groszes Werk der Nachwelt abzuschildern Wie Gott durch seinen Knecht zum Trost der Seligkeit Der Kirchen Heiligthum von Mens- chentand befreit, u. s. f. » Ainsi s'accomplit cette prophétie du réfor- mateur : « Adorabunt stercora nostra et pro balsamo habebunt. » Erasm. Episl., p. 601 et seq.

Succès de l'empereur contre les alliés de Smalkalde.

i03. Charles-Quint était aigri de l'insuccès de ses efforts pour amener une conciliation avec les princes protestants, et blessé des outrages infligés à l'autorité impériale. Débarrassé de ses ennemis du dehors par uq armistice avec les Turcs et par la paix conclue avec la France, il prit une attitude menaçante contre l'alliance de Smalkalde. Appuyé de la Bavière, des princes catholiques et des princes luthériens qui ne faisaient point partie de l'alliance, il déclara à ceux qui le questionnaient sur ses préparatifs, que les esprits dociles ressentiraient la faveur impériale, mais qu'il allait faire sentir sa puissance aux rebelles.

L'électeur de Saxe et le landgrave Philippe s'étant dirigés vers le sud à la tète de quarante mille hommes, l'empereur les mit au ban de l'empire comme des perturbateurs de la paix et des rebelles (20 juillet 154-0), résolu à défendre par les armes l'honneur de l'empire ou à succomber comme empereur. Le pape, avec qui il avait conclu une alliance, lui envoya de l'argent et des troupes pour six mois et lui fit différentes concessions. Paul lll s'associa à la guerre déclarée par l'empe- reur et invita les catholiques à lui prêter secours. Les alliés de Smalkalde essayèrent en vain de barrer la route aux armées impériales qui s'avançaient contre eux : ils manquaient de bons généraux et négligèrent les occasions favorables. Sébastien

332 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Schsertlin deßurtenbach, qui occupait Füssen, fut rappelé pour défendre la ville d'Augsbourg. Après que l'empereur eut sensi- blement renforcé son armée à Ratisbonne, à Landshut et à Ingolstadt, et pris plusieurs villes sur le Danube, les alliés n'osèrent point lui livrer bataille.

Maurice, duc de Saxe, d'accord avec l'empereur, qui lui avait promis la dignité électorale, s'éleva contre le prince électeur; avec le roi Ferdinand, il envahit la Saxe électorale; mais ils n'auraient pu s'y maintenir, si Charles-Quint lui-même ne fût venu à leur secours. Le 24 avril 1547, l'empereur défit le prince électeur à Lochau, près de Mühlberg sur l'Elbe, le fit prisonnier, et, après l'avoir condamné à mort comme traître à l'empire, lui fit grâce en l'obligeant à renoncer à sa dignité d'électeur et en le condamnant à subir le genre de captivité qu'il plairait à l'empereur de lui infliger, Maurice, son cousin, devint prince électeur et obtint la plupart de ses possessions. Philippe de Hesse conserva ses États en demandant, à Halle, pardon à l'empereur ; mais il demeura sous sa tutelle.

Charles-Quint était alors au comble de sa gloire. La même année vit mourir ses deux rivaux, les rois de France et d'An- gleterre. Cependant il ne tira pas d'autres avantages de sa victoire et ne changea rien à la constitution de l'empire ; il ne punit point les États catholiques qui ne l'avaient pas assisté, et il ne força point les protestants à rentrer dans le giron de l'Église. 11 lui suffisait d'avoir divisé leur puissance, rétabli Jules de Pflug dans son évêché de Naumbourg, restauré le catholicisme dans l'archevêché de Cologne. Son dessein était de conclure une paix agréable aux protestants, d'autant plus qu'il était mécontent du pape, qui avait hésité à prolonger l'alliance au delà des six mois convenus.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 103.

Rayn., an. 1546, n. 94 et seq.; Pallav., VIII, 1 et seq.; Le Plat, III, 434-436, 437-446; Sarpi, lib. II, § 72; Walch, th. xvii, p. 1832 et suiv.; Kervyn de Letlenliove, Aufzeichnungen K. Caris V, Leipzig, 1862; Dœllinger, Beilr., I, p. 40-53; Hortleder, t. Il, liv. III, p. 618 et suiv. Décret impérial, d. d. Ratisb., 20 juill. 1546, et décr. de déc. contre le duc de Wurtemberg : Rayn., an. 1546, n. 109, 116; Le Plat, III, 459-465, 470 et seq. Lettre de félicitation du pape, 22 janv. et 30 mai

LE PROTESTANTISME. 353

1547 : Rayn., an. Iö47, n. 98, 101 ; Le Plat, III, 503 et seq., 644 et seq.; Camerarii Com, belli Smalkald. gr. scr., Freher, t. III, p. 557; Hahn, Gesch. des schmalkaldischen Krieges, Leipz., 1837; don Luis de Avila y Zuniga, Gesch. des schmalkald. Krieges, de l'espagnol, Berlin, 1853; Jahn, Gesch. des schmalkald. Krieges, Leipz., 1857; Th. Herberger, Seb. ScherUin v. Burtenbach und seine an die Stadt Augsburg geschriebenen Briefe, Augsb., 1852; Leben und Thaten des H. Seb. Schertlin v. Burtenb. Durch ihn selbst beschrieben, ed. von Ottmar F. -H. Schœnhuth, Münster, 1858; de Langenn, Moritz, Churf. V. Sachsen u. seine Zeit, Leipzig, 1841, 2 vol.; Cornélius, zur Erlaeu- terung der Pohtik des Chursiirsten Moritz von Sachsen (Münch. Bist. Jahrbuch 1866, p. 259 et suiv.); W. Wenck, die Wittenberger Capi- tulation von 1547 (Sybels bist. Ztschr., 1868, t. XX, p. 53 et suiv.); Maurenbrecher, zur Beurtheilung des Moritz v. S., (ibid., p. 271 et suiv.); K.-A. Menzel, II, p. 451 et suiv.; III, p. 1 et suiv.; Riffel, II, p. 733 et suiv.

Mésintelligence entre l'empereur et le pape.

104. Paul III, de son côté, avait de nombreux griefs contre l'empereur. Charles-Quint voulait prononcer en maître sur les questions même religieuses; il cherchait à empêcher à Trente les débats sur la justification, et quand le décret eut été rendu, il le combattit; il protesta avec menaces contre la trans- lation du concile prononcée parla majorité des prélats (il mars 1547). 'i" Il élevait des prétentions exagérées au sujet des sub- sides qu'il réclamait sur les biens ecclésiastiques en Espagne; le gouvernement même de Madrid les désapprouva et conseilla de les abaisser. 11 refusa de reconnaître, malgré les preuves qui en avaient été tant de fois fournies, la suzeraineté du Saint-Siège sur Parme et Plaisance, et chargea son gouver- neur de Milan, Fernand Gonzague, constamment hostile à la famille du pape, de ne point laisser de repos à Pierre-Louis Farnèse, qui fut ensuite tué (10 septembre), non sans la parti- cipation de Gonzague. Il mit la main sur d'autres territoires italiens, et menaça de sa toute-puissance l'autonomie de l'Italie entière. Il conclut des traités avec les protestants, leur fit des concessions funestes aux intérêts des catholiques. Il agit de son propre chef contre l'alliance formée avec le pape, sans même consulter son allié ou son nonce.

Aussi, quand les six mois furent écoulés, le pape, offensé par

T. HIST. DE l'église. 23

354 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

le sans-façon et les menaces de l'empereur, ne voulut pas renouveler une alliance qui lui avait suscité tant de difficultés du côté de la France et de Venise, d'autant plus que l'armée qu'il avait fournie, les dépenses du concile et quantité de sub- sides avaient épuisé ses ressources, et que l'imminence d'une nouvelle guerre entre l'empereur et la France lui commandait de garder la neutralité. En faisant cela, il ne violait aucun traité, il ne retirait aucune de ses précédentes concessions ; il en faisait même de nouvelles, et ne négligeait rien pour empê- cher au moins le conflit de s'étendre. En février 1547, le nonce Bertano était en mesure de justifier par de bonnes raisons le pape devant le monarque en courroux ; et ces raisons, l'empereur fut incapable de les réfuter, malgré la violence de ses plaintes. Do meilleures relations s'établirent plus tard entre Charles- Quint et Paul m ; mais le pape dut regretter amèrement que les succès de l'empereur lui fussent moins avantageux qu'aux protestants qu'il avait combattus, après les sacrifices considé- rables qu'il s'était imposés.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 104.

Pallav., VIII, V, 8; IX, m, i et seq.; X, c. vi et seq.; Rayn., an. 1547, n. 57 et seq.; Le Plat, III, 609 et seq., 658 et seq., 699 et seq.; Dœllinger, Beitr., I, p. 40 et suiv,, 53 et suiv., H2 et suiv.; Mauren- brecher, Cari V, p. 113 et suiv., 133 et suiv.; Anh., V, p. 86 et suiv.; Gachard, Trois Années de Charles-Quint (1543-1546), d'après les dépèches de l'ambassadeur vénitien, Brux., 1865 ; mon ouvrage, Kath. Kirche, p. 218-221 ; Drulfel, Kaiser Cari V und die Rœm. Curie, 1544- 1546, 1 abth., Münch., 1877.

2e Intérim (d'Augsbourg). 3e Intérim (de Leipzig).

105. Le i" septembre 1547, Charles-Quint ouvrit une nou- velle diète à Augsbourg, dans l'espoir d'obtenir des princes protestants, alors humiliés, l'accord qu'il n'avait pu réaliser autrefois, malgré leur refus de prendre part au concile. Une nouvelle formule de réunion fut dressée par Jules, évêque de Naumbourg ; par Michel Holding, coadjuteur de Mayence, et Jean Agricola, prédicateur à la cour de Brandebourg. On l'appela Vintérhn d'Augsbourg, parce qu'elle devait être provi- soirement appliquée pour les deux parties jusqu'à la fin du

l.E PROTESTANTISME. 355

concile général. Les points dogmatiques furent rédigés dans le sens catholique, mais en termes plus mitigés et quelquefois très vagues. On permit expressément aux protestants la com- munion sous les deux espèces et le mariage de leurs ecclé- siastiques, et on les autorisa tacitement à retenir les biens d'Église confisqués. La formule fut publiée le 15 mai 1548 dans l'assemblée des villes de l'empire, puis insérée dans le recez de la diète. On soumit aussi aux évêques présents un projet de réforme.

Comme toutes les demi-mesures, le nouvel intérim n'attei- gnit pas son but et suscita une infinité de difficultés. Les nonces du pape l'avaient déjà désapprouvé, et Rome le com- battit pour une foule de raisons ; la population, tant catholique que protestante, y était contraire. C'était une œuvre avortée. 11 fut vivement attaqué dans plusieurs écrits ; des princes même et un grand nombre de villes, notamment Magdebourg, protes- tèrent publiquement. Agricola fut traité de fauteur d'idolâtrie et de propagateur du papisme.

Le nouveau prince électeur, Maurice de Saxe, qui tâchait de suivre une voie intermédiaire, présenta l'intérim à ses États et à ses théologiens, avec le désir que son acceptation ne rencon- trât point de difficultés inutiles et qu'il fût reçu autant que la conscience pouvait le permettre.

Parmi les théologiens, Mélanchthon était le plus influent. Il voyait dans la guerre de Smalkalde et dans Yintérim un châti- ment que Dieu infligeait aux péchés des princes, des prédi- cateurs et des fidèles luthériens; mais, du reste, toujours enclin à la condescendance, il était favorable à l'acceptation. Distin- guant entre les articles essentiels et les articles non essentiels, il assura qu'on pouvait accepter ceux-ci {adiaphora, indiffé- rents), en raison de l'obéissance due à l'empereur, de même que les cérémonies et les coutumes ; et quant aux articles « essen- tiels », on trouva moyen de sortir d'embarras par des modifi- cations. Sur lajustification, l'on fit remarquer que Dieu n'opère pas avec nous comme avec une pure machine, bien que nous soyons justifiés par les seuls mérites de Jésus-Christ; que les œuvres commandées de Dieu sont bonnes et nécessaires, et les trois vertus théologales requises pour le salut. On devait accepter la confirmation et l'extrême-onction, la Fête-Dieu, l'abstinence

356 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

des derniers jours de la semaine, la messe selon l'ancien rite, mais avec des cantiques en allemand; la juridiction épisco- pale, si les évoques acceptaient les autres points.

Cet avis de Mélanchthon et de ses amis (Eber, Bugenhagen, George Major, Pfefringer)fut approuvé par la diète provinciale de Leipzig en décembre 1548, et reçut le nom d'intérim (3") de Leipzig. Du vivant de Luther, on n'eût pas fait, à coup sûr, de si grandes concessions. Cet acte toutefois ne laissa pas d'être vivement critiqué par beaucoup de prédicants luthériens, même en Saxe, et il amena une séparation entre les luthériens rigides et les luthériens modérés. Cependant Vintérim fut exécuté dans beaucoup de territoires protestants.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 105.

Proposition impériale et déclarations des princes et des villes à Augsbourg, sept. 1547, dans B. Sastrowens, Herkommen, Geburt und Lebenslauf, éd. de Mohnike, II, p. 100-151. Autres actes, ibid., p. 151- 166. Propositions de l'empereur à Rome et réponse : Rayn., an. 1548, n. 45; Le Plat, IV, p. 18 et seq.; Pallav., X, 16. Intérim et projet de réforme : Rayn., an. 1548, n. 59, 61; Le Plat, IV, p. 32 et seq.; Goldast, Const. imp., I, 518; II, 326 et seq.; Pallav., X, xvii; XI, n; Sarpi, üb. III, § 21. Décret des légats du pape et autres actes : Mar- lene, Coll., VIII, 1263; Le Plat, IV, p. 121 et seq. Rapports de Rome dans Dœllinger, Beitr., 1, p. 155 et suiv.; Bieck, das dreifache Inte- rim, Leipzig, 1721, p. 13 et suiv., 166 et suiv.; J.-A. Schmidt, Hist. interiraistica, Ilelmst., 1730; A. Dürr, Formula reformationis a Carolo V in comitiis Aug. 1548, Statibus Eccles. oblata cum comment., Mog., 1782; Scbrœckh, K.-G. seit der Reform., I, p. 674-692; A. Müller, Formula sacrorum emendandorum in comitiis August, an. 1548 a Julio Pflugio proposita, Lips., 1803; Pastor, p. 351 et suiv., 406 et suiv. Mélanchthon sur l'intérim : Corp. Ref., VI, 325, 537, 625; Dœl- linger, Réf., i, p. 364-366. De même, Bucer, Calvin. Epist., p. 45, 232; Dœllinger, Réf., II, p. 52 et suiv. Bieck, p. 132 et suiv., 361 et suiv., Expositio eorum quœ Theologi Viteberg. de rebus ad religionem per- tinentibus monuerint, Viteb., 1549, in-4°; Friedberg, Agenda, wie es in des Churfürsten zu Sachsen Landen in den Kirchen gehalten wird. Ein Beilrag zur Gesch. des Interim, Halle, 1861). (Le Rituel fut con- certé en mai 154'J, sur la base de l'intérim de Leipzig, mais non publié.)

Les protestants représentés à Trente.

106. Lorsque le pape Jules III, en 1550, transféra de nouveau

LE PROTESTANTISME. 357

le concile de Bologne à Trente et invita Maurice de Saxe et les autres princes protestants à y envoyer des représentants , Charles-Quint assembla dans le même but une nouvelle diète à Augsbourg. Les protestants renouvelèrent leurs précédentes demandes : ils exigèrent que leurs théologiens eussent voix délibérative, que la présidence fût enlevée au pape, que ce qui avait été fait jusque-là à Trente fût annulé.

Plusieurs États protestants se décidèrent enfin à envoyer à Trente des délégués et des théologiens. Le concile leur accorda un sauf-conduit (XIII* session, 11 octobre 1551). En 1551, l'on vit arriver aussi, avec le prince électeur de Cologne, des délé- gués de Brandebourg, dont l'un, le juriste Christophe Strasius, promit dans un discours l'obéissance au nom de son souverain. En 1552, survinrent les délégués du duc de Wurtemberg et de plusieurs villes. Le sauf-conduit des protestants fut renou- velé (XV session, 25 janvier 1552). L'électeur de Saxe envoya également une députation.

Les théologiens de Wittenberg se mirent en route, ayant à leur tête Mélanchthon, qui du reste avait rédigé une nouvelle confession de foi très accentuée. Il avait l'ordre de se rendre à Trente par Nurenberg.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 106.

Pallav., XI, XI et seq.; XII, c. ix, n. 1 et seq.; cap. xv, n. 2; Rayn., an. 1530, n. 12 et seq.; 1551, n. 1 et seq. Recess. August., 13 febr. 1551 : Goldast, Const. imper., II, 340; Le Plat, IV, p. 170-210. Autres documents : Le Plat, IV, p. 214 et seq., 260 et seq., 264 et seq., 360 et seq., 417 et seq.; Mélanchthon., Confessio doctrinse Saxonicarum Ecclesiarum scripta 1551, ut Synodo Trid. exhiberetur, 0pp. I, 121 et seq.; Syntagma eorum quae nom. duc. Virtemb., in Syn. Trid. per legatos ejus acta sunt, Basil., 1552. Cf. Le Plat, IV, p. 542 et seq.; Pastor, p. 418 et suiv.

Trahison de Maurice de Saxe.

107. Ces belles dispositions des protestants n'étaient qu'une comédie arrangée par l'astucieux Maurice de Saxe pour mieux tromper l'empereur. Dès le 5 octobre 1551, il avait formé une alliance secrète avec Henri II, roi de France, qui lui avait promis des secours en argent et un envoi de troupes en Aile-

358 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

magne, s'il obtenait en retour les évêchés de Metz, de Toul, de Verdun et de Cambrai. On lui promettait l'expectative pour la prochaine élection qui aurait lieu en Allemagne. Maurice, étant chargé d'exécuter le ban de l'empire sur la ville de Magdebourg (depuis septembre 1550), pouvait faire ses préparatifs sans éveiller de soupçons. A Maurice, qui n'hésitait pas à trahir Charles- Quint, son bienfaiteur, et à déserter la cause de l'em- pire d'Allemagne, se joignirent le landgrave Guillaume, l'aîné des fils de Philippe de Hesse, Albert, margrave de Brande- bourg, et .Jean Albert, duc de Mecklembourg. Maurice tenait à regagner la confiance de ses coreligionnaires, à déhvrer ses parents retenus prisonniers par l'empereur, et à se montrer le champion de la cause luthérienne. En mars 1552, il sortit de la Thuringe, s'avança vers le sud et s'empara d'Augsbourg, tandis que les Français occupaient les villes épiscopales qui leur étaient assurées. Sous prétexte que Charles-Quint se pro- posait de soumettre les États d'Allemagne à une servitude into- lérable et héréditaire, il parut dans le Tyrol, avant que l'armis- tice proposé par le roi Ferdinand eût été conclu, s'empara de l'ermitage d'Ehrenbourg, et força l'empereur malade à Inspruck de se réfugier à Villach, dans la Carinthie (mai 1552).

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 107.

Traité de Maurice avec la France, dans Lünig, Reichsarchiv, part, spéc, et Recueil des traités de paix, II, 258. Lettre écrite de Villach 'par Charles-Quint au roi Philippe, le 9 juin 1552: Dœllinger, Beitr., I, p. 200 et suiv.; Schrœckh, K.-G. seit der Reform., I, p. 704; K.-A. Menzel, III, p. 411 et suiv.; Scherer, der Raub der drei Bisthümer Metz, Toul und Verdun (Raumers hist. Taschenbuch N. F., Jahrg. 3); Schmidt, N. Gesch. d. Deutschen, VI, p. 273; Buchholz, K. Ferdi- nand I, t. VI,p. 477; VII, p. 23 et suiv.; Cornelius a., op. cit., p. 281.

Traité de Passau.

108. Les troupes impériales étaient alors disséminées et hors d'état de poursuivre avec succès la guerre contre les rebelles et contre la Franco. L'empereur, comprenant qu'il n'était plus do force à calmer les dissentiments, chargea son frère Ferdinand d'entamer des négociations de paix, qui aboutirent au traité do Passau (30 juillet 1552). 1" Le landgrave Philippe devait être

LE PROTESTANTISME. 359

mis sur-lo-champ en liberté (l'empereur avait déjà élargi le prince électeur). Dans l'espace de six mois une diète serait tenue pour aviser aux moyens de vider la querelle religieuse, soit par un concile général, soit par un concile national, soit par la diète elle-même. Des hommes prudents, pacifiques et craignant Dieu, choisis dans les deux partis, délibéreraient sur les moyens les plus opportuns de rétablir la paix, et soumet- traient leur avis à la diète. 4." En attendant, ni l'empereur ni aucun État de l'empire n'attenterait à la liberté de conscience par aucune mesure coercitive. Les Etats de la Confession d'Augsbourg ne susciteraient aucune difficulté à leurs co-Êtats de l'ancienne Église, tant ecclésiastiques que laïques, mais les laisseraient dans la paisible possession de leurs droits et de leurs territoires. La chambre impériale rendrait justice à cha- cun sans distinction de culte, et par conséquent les protestants et les catholiques y seraient représentés en nombre égal. Si les parties ne parvenaient pas à s'entendre sur les questions reli- gieuses, le présent contrat ne demeurerait pas moins en vigueur jusqu'à une entente définitive. Les princes licen- cieront leurs troupes et observeront la paix ; la prochaine diète prononcera sur les plaintes qui pourront s'élever. Maurice, électeur de Saxe, fournira un contingent de 10,000 hommes pour assister le roi Ferdinand en Hongrie.

Ces articles, au nombre de trente-six, furent signés le 2 août par Ferdinand et par les princes. L'empereur résista de toutes ses forces à un accord aussi désavantageux, mais il ne put s'y soustraire.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 108.

T. Reichsarchiv, P. gen., p. HO et seq.; Ilortleder, th. ii, buch V, cap. XIV. Corp. jur. publ. academ. germ., éd. Struve, Jen., 1734, p. 144-168; Goldast, Const. imp., I, 566; Le Plat, IV, 547-562; Rayn., an. 1532, u. 32; Pallav., XIII, c. v; Lehmann, de Pace religionis acta publ. et orig., d. i. Reichshandl. und Protok. des Rehgieusfriedens, Frankf., 1631, iu-4°, 1707-1709; Supplem. Discours de l'ambassadeur de France à Passau, 3 juin 1552 : Dœllinger, Beitr., I, p. 196-199. Charles-Quint est peu favorable au traité ; Maurenbrecher, p. 308 et suiv., 311 et suiv.

360 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.

Convention de Naumbourg. Paix religieuse d'Augsbourg.

109. Il fallut ajourner pour longtemps la diète qu'on venait d'indiquer, soit à cause de la guerre, fort onéreuse, que l'em- pereur soutenait avec la France, et dans laquelle il ne put reconquérir les trois évêchés; soit à cause des troubles excités en Allemagne par le margrave de Brandebourg-Culmbach. Ce- margrave continua de piller les évêchés et les abbayes, jusqu'à ce que l'électeur Maurice l'eût complètement défait près de Sievershausen (9 juillet 1553). Maurice lui-même mourut après la bataille. Albert essuya encore deux défaites, fut mis au ban de l'empire, et se réfugia en France.

La question religieuse continuait d'occuper les esprits. Une assemblée de théologiens hessois et saxons tenue à Naumbourg (mai 1554) fit la déclaration suivante : Comme il ne peut plus être question de rentrer sous l'autorité des évêques, chaque souverain devra, pour la gloire de Dieu, pourvoir par des con- sistoires au gouvernement ecclésiastique. Enfin, le roi Ferdi- nand convoqua, au nom de l'empereur, une diète qui se tint à Augsbourg en février 1555. Sur sa demande, le cardinal Morone y fut délégué par le pape, puis rappelé à la mort de Jules III (23 mars). Le nonce Delphin et Lipomano, évêque de Vérone, nonce destiné pour la Pologne, s'employèrent active- ment auprès de Ferdinand pour qu'on ne fît rien de préjudi- ciable à la foi catholique; mais ils quittèrent bientôt Augsbourg, pour n'être pas témoins des autres négociations, qui allaient encore se poursuivre pendant longtemps.

Les États catholiques étaient découragés : ils partageaient le sentiment de Ferdinand, que les dissensions religieuses, au moins pour le moment, ne pouvaient être aplanies ni par des colloques ni par un concile, et qu'il ne restait qu'à prendre des mesures pour maintenir l'ordre et la paix dans l'empire.

On aboutit donc, le 25 septembre 1555, à la paix rehgieuso d'Augsbourg, rédigée en vingt-deux paragraphes, et dont voici la substance : Aucun Etat de l'empire ne forcera un autre Etat ni un sujet de cet État de changer de religion , ou ne le vexera pour ce motif; la paix et la concorde seront maintenues entre les deux parties. Cette paix ue comprend que les catholiques et les

LE PROTESTANTISME. 361

adhérents à la Confession d'Augsbourg (et non les Zwingliens, etc.). Un dignitaire ecclésiastique qui passera à la Confession d'Augsbourg, perdra sa dignité religieuse, avec les emplois et les revenus qui y sont attachés, mais sans préjudice de son honneur et de sa fortune particulière. (Les protestants s'éle- vèrent contre cette restriction religieuse.) i" Les partisans de la Confession d'Augsbourg demeurent en possession des biens ecclésiastiques confisqués depuis le commencement de la ré- forme, d'après l'état les choses se trouvaient en i 5.55 ; mais à l'avenir aucune partie ne pourra plus rien enlever à l'autre. La juridiction ecclésiastique de la hiérarchie catholique de- meurera suspendue dans les États de la Confession d'Augsbourg jusqu'à la conclusion d'un accord rehgieux, que la prochaine diète de Ratisbonne s'efforcera de rétablir. Les conflits qui surviendront entre les deux parties sur les droits et les biens, seront vidés à l'amiable par des arbitres ; aucun État ne devra protéger ses sujets contre l'autorité de ces derniers. Il est permis à chacun de choisir une des deux religions reconnues, et de se rendre, pour la pratiquer, dans un pays étranger, sans perte de son honneur, de ses droits et de ses biens, et sans préjudice des droits du seigneur sur ses serfs. 8" Cette paix sera en vigueur à perpétuité ; elle s'étendra aussi aux cheva- liers libres et aux villes de l'empire. Toutes les dispositions antérieures qui y sont contraires, demeurent abrogées. Le tribunal de l'empire se conformera rigoureusement à ce traité : toute infraction sera punie par la mise au ban de l'empire. 40° Le serment peut être prêté au nom de Dieu et de son saint Évangile.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 109.

Schmidt, N. Gesch. der Deutschen, VI, p. 273. Corp. Ref., VIII, 282; Neudecker, Neue Beitr., I, p. 102; K.-A. Menzel, III, p. ö30-ö36> o73. Nonces du pape à Augsb. : Pallav., XIII, x, i; xiii, 2. Leurs lettres dans Maurenbrecher, Anh., p. 177 et suiv. Pallav., XIII, xiii, ö et seq.; Sarpi, Üb. V, § 17; Goldast, I, 574; Le Plat, IV, 565 et seq.; T. Reichsarchiv, P. gen., p. 131 et seq.; Pacis compositio inter prin- cipes et ordines R. J. catholicos et protestantes in comitiis Aug. an. 13Ö5 édita et illustrata a J. C.'cath., DiUng., 1629 (en allem., avec plusieurs dissertation?, Abhandl. Frankf., 1629, in-4»); Struve, Corp. jur. acad., p. 169-214; K.-A. Menzel, Ill,|p. 568 et suiv.; Riffel, II, p.

3^2 HISTOIRE DE L EGLISE.

751-760; Phillips, K.-R., III, p. 441 et suiv.; mon ouvrage, Kath. Kirche,p. 718-721.

Abdication de Charles- Quint. Sa mort.

410. Les protestants n'avaient voulu accorder la tolérance aux catholiques dans leurs territoires qu'à la condition que ceux-ci s'abstiendraient d'exercer publiquement leur culte et leurs cérémonies, tandis que les protestants pourraient prati- quer librement leur religion dans les pays catholiques. Ces conditions, qui étaient toutes à leur désavantage, les catho- liques ne pouvaient les accepter. Les protestants deman- daient en outre qu'il fût loisible à leurs partisans de pratiquer librement leur religion dans les pays catholiques, ou du moins dans les pays ecclésiastiques : les catholiques devaient encore s'y opposer. Cependant les protestants obtinrent du roi Ferdi- nand, après la clôture de la diète, une déclaration particulière en faveur du libre exercice du culte par leurs coreligionnaires qui habitaient dans les territoires ecclésiastiques; mais elle ne fut jamais considérée comme valable par les catholiques. Cette paix religieuse, en somme, si avantageuse qu'elle parût pour la tranquillité extérieure, contenait le germe d'une foule de complications nouvelles; elle compromettait l'existence des catholiques en pays protestants et conduisait à une foule de luttes partielles, sans pouvoir prévenir la guerre de Trente ans, qui allait éclater plus tard.

Le pape Paul IV, qui avait engagé (6 septembre) l'empereur à détourner son frère de toute concession funeste, protesta résolument contre la paix; il la déclara invalide, et fut sur le point de délier ceux qui avaient pu y prêter serment. Il agis- sait ainsi d'après le point de vue juridique il se plaçait, et dans la conviction qu'il n'était pas encore nécessaire de s'écarter des principes de droit qu'il partageait avec l'empe- reur, et nullement parce qu'il désirait précipiter l'Allemagne dans une guerre civile. Quant à l'empereur, il ne voulut en aucune façon se mêler de cette affaire, et rejeta toute la responsabilité sur son frère, qui était du reste muni de pou- voirs illimités. La paix était le fruit de la trahison de l'électeur de Saxe et le point do départ de la guerre effroyable de Treute ans.

LE PROTESTANTISME. 363

Charles-Quint, préoccupé de ce mot d'un de ses officiers : que (t l'homme devait, avant de mourir, se réserver un peu de temps entre le monde et la mort », renonça en 1556, après de touchants adieux, à toutes ses couronnes, et mourut en 1558, au couvent des hiéronymites de Saint-Just, dans l'Estrama- dure. 11 laissa en mourant la mémoire d'un fils dévoué de l'Église, malgré tous ses égarements ; d'un homme pénétrant, bien doué, instruit; d'un capitaine expérimenté, d'un souverain supérieur de beaucoup à la plupart des princes de son temps par sa modération, son honorabilité, son zèle pour le bien général.

OUVRAGES A CONSULTER SOR LE 110.

Sur les exigences des protestants : Lehmann, Acta publica, th. i, p. 37, éd. 1707; Menzel, III, p. 572; V, p. 49 et suiv.; Phillips, p. 445 etsuiv., § 140. Là-dessus, Tractât, de autonomia, d. i. von Freistel- lung mebrer Religion und Glauben, Munich, 1386, III part. Paul IV contre la paix religieuse : Bzov., an. 1555, n. 36; Rayn., h. an., n. 22 et seq., 51, 134; Pallav., XIII, xiv, d; Le Plat, IV, 569 et seq.; Maurenbrecher, Anh. X, xin, p. 183; Pastor, p. 461 et suiv. Gachard, Lettres sur la retraite et la mort de Charles-Quint au monas- tère de Yuste. Du même, Analectes belgiques, I, 70 et seq. La Vie monastique de Charles-Quint {d'après des notes que le chanoine Gonza- lez trouva dans les archives de Ferdinand VII), éditées parl'Anglais Stir- ling. Vie monastique de Charles-Quint, trad. de l'anglais par Lindau Dresde, 1853; par Kaiser, Leipzig, 1853; Prescott , Klosterleben Carls V, traduit de l'anglais, Leipzig, 1837; Raumex', Gesch. Europa's, I, p. 381 et suiv.; Ranke, Deutsche Gesch., V, p. 358 et suiv., 366, 392; Mœhler-Gams, m, p. 152-154.

Philippe II succède à Charles-Quint.

111. Dans les pays espagnols, Charles-Quint eut pour succes- seur son fils Phihppe II, entièrement dévoué à la foi catho- lique; en Allemagne et dans l'empire, après de longues négo- ciation.«!, son frère, le roi Ferdinand. C'était une grave offense pour le pape que Charles-Quint eût abdiqué entre les mains des princes électeurs au lieu d'abdiquer entre les siennes; que le roi Ferdinand prît immédiatement le titre « d'empereur élu des Romains », sans même consulter le Saint-Siège. C'est pourquoi Paul IV ne reçut l'embassadeur de Ferdinand que comme une

364 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

personne privée, et soumit à ce sujet quatre questions à une congrégation de cardinaux. Sa décision fut que l'abdication était invalide, que le pape devait prendre des mesures pour empêcher que l'empire ne fût dévolu à quelqu'un qui serait incapable de protéger l'Église, que les princes électeurs héré- tiques étaient déchus de leur dignité.

Cette décision était de tout point conforme à l'ancienne juris- prudence, et c'était la première fois que les Allemands allaient l'attaquer. En vain Gropper, qui se trouvait alors à Rome, conseillait la modération : le pape persévéra dans ses vues, et quand Charles- Quint eut rendu le dernier soupir, il considéra l'empire comme vacant pour cause de mort. Plusieurs blâmè- rent Paul IV de s'en tenir rigoureusement à l'ancien droit. Son successeur, Pie IV, accueillit immédiatement les ambassadeurs de Ferdinand, et déclara qu'il n'entendait pas vider la question par les voies du droit. Ferdinand lui en exprima sa reconnais- sance.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE \\\.

Négociations de 1551 sur la succession à l'empire : Dcellinger, Beitr., I, p. 168 et suiv. Négociations à Rome sur l'empire de Ferdinand : Pallav., m, IX, 2 et seq.; XIV, vi, 5 et seq.; c. xi, n. 1 j c. xii, n. 1 ; Rayn., an. 1558, n. 7, 10; 1559, n. 42; Bromato, Vita di Paolo IV, t. II, p. 431 ; Ranke, Deutsche Gesch., V, p. 413 et suiv., 420-422; mon ouvrage cité, p. 221 et suiv.

CONTINUATION DE LA RÉFORME EN SUISSE. - LE CALVINISME. Rapports entre la Suisse allemande et la Suisse française.

112. En Suisse, après les deux victoires remportées par les catholiques le 11 et le 24 octobre 1531, les Zurichois et les Ber- nois ensuite avaient obtenu la paix, à cette condition qu'aucun canton n'en inquiéterait un autre pour cause de religion et que le culte catholique serait de nouveau librement exercé dans les bailliages communs. A Glaris et Appenzell, l'ancienne croyance fut en partie restaurée; elle le fut complètement à Bremgarten, Mellingen et Rapperschwyl. L'abbé de Saint-Gall recouvra son abbaye, bien (|uc la ville demeurât réformée. Mais à Zurich, à Berne, à Bâle et à Schaffouse, les partisans de l'ancienne Église tentèrent vainement de rentrer en possession de leurs droits.

LE PROTEST ANTISxME. 365

Les réformateurs suisses ßuliiuger, Myconius, Farci, Gross- manii, Léon Judai, Grynseus, établirent dans des confessions de foi les dogmes de leur nouvelle Église, sans négliger les moyens d'accommodement avec les luthériens d'Allemagne. Ils trouvèrent beaucoup d'écho, même auprès de Mélanchthon, qui les accueillit d'abord avec réserve, tant qu'il continua d'être tout entier sous la domination de Luther.

Luther, après la Concorde de Wittenberg (août 1543), s'éleva de nouveau contre les Zwingliens, à propos de l'envoi d'une traduction de la Bible faite par Léon Judœ. Il les menaça du châtiment qui avait frappé leur maître, et se détacha bientôt de l'alliance. Les Bernois s'étaient alliés avec la France et avaient fait la guerre au duc de Savoie, dont les Genevois se plaignaient. Us lui enlevèrent Lausanne, Yverdun, Morgues et Vevey. Le culte catholique fut sur-le-champ aboli partout, la nouvelle doctrine imposée par la force, et les récalcitrants expulsés. Guillaume Farel, qui en 1520 déjà avait propagé la nouvelle doctrine à Neufchâtel, travailla avec ardeur à la répandre dans Genève; il fut expulsé, revint en 1534, et réussit en 1535 à y introduire les nouveautés. Viret et Fromment lui prêtaient un actif concours. Sans l'intervention violente de Berne, sans les dissentiments des Genevois avec le prince évêque et avec la Savoie, la Suisse française aurait conservé son antique croyance. Genève fut placée sous la dépendance de Berne, et tomba, sous le rapport politique, comme sous le rapport moral, dans une profonde décadence.

OUVRAGES A CONSULTER ETT REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 112.

Ouvrages à consulter, ci-dessus, § 60 et suiv. La 1'^ Confession helvé- tique, appelée ainsi à cause de son autorité, fut rédigée (1536) en 28 articles par Bulliuger, Myconius, Grynaeiis, etc. Quelques-uns l'ap- pellent «( Basileensis posterior » (Basil. II) , à cause du lieu de sa rédaction. La première Confession de Bâle, appelée aussi de Mulhouse, parce que le conseil de cette ville la publia avec son sceau en 1537 et 1530, fut composée de 1532 à 1534, d'après le projet d'QEcolampade (Hagenbach, Hist. critiq. de la première Confession de Bàle, Bâle, 1827, p. 213-217), par 0. Myconius en 12 articles (éd. Basil., 1534), et revue en 1561. Corp. et Syntagma Confess. tid., Genev., 1612, I, p. 72 et seq.; quelques-uns en font la III« Confession helvétique. La seconde Confession helvétique, par Bullinger, est de 1564; Bèze la traduisit en

366 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

français, et elle fut adoptée dans la plupart des pays réformés. Cf. Niemeyer, Coll. Confess. in Eccl. reform, publicatarum, Lips., 1840. Guerre de Berne et de Genève contre la Savoie : Leib, an. 1536, p. 604 et suiv. Sur W. Farel, Erasm. ep. ad oflic. A. Ep. Besunt., Ep. lib. XVIII, xxx; Cari Schmidt, W. Farel und P. Viret, Elberf., 1860; Kirchhofer, Farels Leben, Zürich, 1831; J. Cart, Pierre Viret, le réformateur Vau- dois, Genève, 1863. Le rôle de Berne et de Fribourg dans l'introduc- tion du protest, à Genève (Archiv, für Schweiz. Reform. -Gesch., I, p. 811 et suiv.). Hist. de M. Vuarin et du rétablissement du catholi- cisme à Genève, par M. l'abbé Martin et M. l'abbé Fleury, Paris, 1862; Kampschulte (ci-dessous, § 113), I, p. 26, 206 et suiv.

Jean Calvin.

113. Le plus important réformateur de la Suisse, ou plutôt le chef du protestantisme français, fut Jean Chauvin (Calvin), à Noyon, en Picardie, le 10 juillet 1509. Destiné par son père à l'état ecclésiastique, il étudia la philosophie et la théologie à Paris, et ses talents lui valurent plusieurs bénéfices, qui lui furent concédés à titre de secours. Plus tard, sur le désir de son père, il alla étudier le droit à Orléans et à Bourges, sans renon- cer complètement la théologie. A Bourges, un philologue allemand, Melchior Volmar, l'initia à la théorie de Luther sur la justification. En 1533, il se constitua dans Paris l'apologiste de la nouvelle doctrine, et fit si bien que son ami Nicolas Kop, recteur de l'université, émit lui-même dans un discours une foule d'assertions en faveur de la réforme luthérienne. Une enquête eut lieu, et Calvin, malgré la bienveillance de Margue- rite de Valois, vit sa liberté compromise. Il erra quelque temps à travers la France (1534), puis se rendit à Bâle, il publia son principal ouvrage, V Institution chrétienne, accompagné d'une dédicace au roi de France François I" (1 535-1 53G).

Très habile à tourner les textes de la Bible dans le sens de ses idées, Calvin n'était pas, comme Luther, ennemi de la spé- culation ; il la reconnaissait même dans les ouvrages des Pères et des scolastiques, utilisait les philosophes et les classiques grecs, et faisait preuve d'éloquence et de sagacité. Moins original que Luther, il suivait une méthode plus systématique et plus scientifique. Quant à ses adversaires, il déversait sur eux les mêmes outrages que le réformateur de Wittenberg. Son livre eut encore plus d'influence que les Loci communes de Mélanch-

LE PROTESTANTISME. 367

thon, et surpassa de beaucoup les écrits de Zwingle. Ce fut égale- ment auprès des peuples latins que Calvin eut le plus de succès. il résida quelque temps à la cour de Ferrare, la duchesse Renée, princesse française, se montrait extrêmement favorable aux nouveautés, à cause de la mésintelligence qui existait entre elle et le pape.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 113.

Joh. Calvini Epist. et Resp., Genev., 1576 et seq., cum vita Calv. 0pp., éd. Genev., 1556-1617 et seq., t. XII; Amst., 1671, t. IX et seq.; Corp. Ref., vol. XXIX et seq., ed. Baum, Cunitz et Reuss, Brunsv., 1863; Calvini, Bezae aliorumque Literae quaedam ex autogr. in bibl. Goth., éd. Bretschn., Lips., 1835; Œuvres françaises de J. Calvin, précédées de sa vie, par Th. de Bèze, Paris (imprimées d'abord à Genève, 1564); Bolzec, Hist. de la vie de C, Paris, 1577; S. Basnage, Hist. des Égl. réf., Rotterd., 1721 ; Henry, Leben Calvins, Hamb., 1835 et suiv., 4 vol.; Weber, Gescliichtl. Darstellung des Calvinismus, Heidelb., 1836; Hundeshagen, der Conûict des Zwingl., Luth, und Calvinismus in der Bernischen Landeskirche, Berne, 1843; Stœhelin, Joh. Calvins Leben und ausgewaehlte Schriften, Elberfeld, 1861 et suiv., 2 vol.; Hist. de la reform, en Eui'ope au temps de Calvin, t. II, Paris, 1863; J.-B.-G. Galiffe, Quelques Pages d'histoire exacte sur les procès crim. intentés à Genève en 1547 pour haute trahison, contre N. Ami Perrin, Genève, 1862, et Nouvelles Pages d'histoire exacte sur le procès de Pierre Ameaux (1546), ibid., 1863. Forschungen aus den Genfer Rathsprotokollen : voy. Augsb. Allg. Zeit., Beil. v. 23 Aug., 1866. Viguet et Tissot, Calvin d'après Calvin, Genève, 1864; Hermin- jard. Correspondance des réformateurs, 1516 et suiv., Genève, 1866 et suiv. Auteurs catholiques : Maimbourg, Hist. du calvinisme, Paris, 1682, in-S»; Audin, Hist. de la vie, des ouvrages et des doctrines de Calvin, Par., 1841, 2 vol., en allem., Augsb., 1843; Kampschulte, Calvin, seine Kirche und sein Staat in Genf., Leipzig, 1869, t. I. Sur cet ouvrage : Héfelé, dans Bonner Iheol. Lit.-BL, 1869, p. 662 et suiv. Calvini Institutio (plus tard Institutiones) religionis chris- tiange, Basil., 1536; Argent., 1539, 1543; Genev., 1550, 1558; éd. Tholuck, Berol., 1834; éd. Baum, Cunitz et Reuss, Brunsv., 1869. Dans le principe, l'ouvrage avait six chapitres; plus tard il eut 4 livres : Connaissance de Dieu Créateur; Connaissance de Dieu Rédemp- teur; 3 la Grâce de Jésus-Christ; les Moyens extérieurs du salut. Paul Thurius fit sur cet ouvrage le distique suivant : « Prseter aposto- licas post Christi tempora Chartas, Huic peperere libro sspcula nulla parem. » Calvin lui-môme le modifia souvent. Gerdes, de J. Calv.

368 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Instit. rel. chr. hist. lit., dans les Miscellanea Groning., II P., b; Strobel, Lit. -Gesch. der Insüt. Calvins, INürnb., 1776. Albert Pighe ayant écrit contre la doctrine de Calvin sur la prédestination, celui-ci composa son « De aeterna Dei praedestinatione » et <■<■ De libero arbi- trio », et il traita son adversaire, mort sur ces entrefaites, de « cbien furieux ». Quant à ses autres adversaires, il les qualifiait de « ser- pents », de « bêtes furibondes », de « gibiers de potence », de « chiens impurs », de « calomniateurs », de « bavards », d' « aliénés », etc.

Travaux de Calvin à Genève. Son expulsion et son retour.

114. En 1536, sur la prière de Farel, Calvin alla se fixer à Genève, devint prédicant et professeur, et acquit bientôt une prodigieuse influence. Il força les autorités et le peuple d'abju- rer la papauté, introduisit une discipline sévère et régna en véritable tyran. Beaucoup de citoyens s'en indignèrent. De leur côté, les Bernois et leurs partisans étaient mécontents de ce que Calvin et Farel refusaient d'adopter le règlement ecclésias- tique de Berne, abolissaient toutes les fêtes, donnaient la com- munion avec du pain fermenté, supprimaient dans les églises les fonts baptismaux, etc.

Un synode tenu à Lausanne se prononça en faveur des Ber- nois. Ainsi se forma contre Calvin un parti (les articulants), qui le chassa de Genève Pâques, 1538), lui, son compagnon Farel et Courault, augustin apostat.

Le cardinal Sadolet, évêque de Carpentras, essaya vainement, dans un sévère monitoire, de ramener les Genevois à l'ancienne Église ; Calvin, qui séjournait en Allemagne, il se familia- risa avec la réforme de ce pays, et devint ensuite prédicant à Strasbourg, lui fit une réponse qui excita l'admiration de ses partisans. Dans l'automne de 1540, Calvin épousa Idelette de Buren, veuve d'un anabaptiste, se mit à la tète d'une Église française réformée, et composa plusieurs écrits.

Comme Genève, depuis son exil, se trouvait dans un grand désordre, qu'un changement avait eu lieu dans l'administration, ses partisans et ceux de Guillaume Farel (les guillelmins) ga- gnaient de plus en plus de terrain. Ils firent rendre un décret qui le rappelait, lui et les siens (20 octobre 1540). Calvin souleva des difficultés, se fit prier et supplier de rentrer, et posa enfin de.^ conditions qui lui accordaient un pouvoir presque illimité en

LK PROTESTANTISME. 369

matière ecclésiastique et civile. En septembre 1541, il revenait triomphant. Viret fut également rappelé de Lausanne, et Farel de Neufchâtel; mais ils n'eurent plus désormais qu'un rôle secondaire.

OUVRAGES A. CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR I,E N" i 1 4.

Ouvrages à consulter, comme au n" M 3. Contre la lettre de Sadolct (0pp., éd. Mogunt., 1607, p. 484 et seq.), Calvin écrivit : Responsio ad Sadol. Ep. (0pp., éd. Baum, V, 385 et seq.). Tandis que Marguerite de France le félicitait des services x'endus à ce pays, il s'ell'orçait, dans ua écrit pseudonyme, sous le masque d'un patriote allemand, d'exciter le sentiment national des Allemands contre le Saint-Siège. « Cousilium admodum paternum Pauli III Pont. Rom. datum Imperatori... et Eu- sebii Pamphili ejusdera consilii pia et salutaris explicatio, 0pp. V, 461 et seq.

Organisation des affaires religieuses à Genève.

H5. Dès le mois de novembre, les autorités et le peuple accep- taient le « règlement ecclésiastique » et le « tribunal des mœurs » , par lesquels Calvin se proposait d'ordonner toute la vie domes- tique et sociale selon les prescriptions de l'Évangile. Le « règle- ment ecclésiastique» devint la loi fondamentale de la république de Genève (2 janvier lo42). Les prédicants obtinrent des pri- vilèges presque aussi étendus que ceux dont jouissait autre- fois le clergé catholique. La surveillance était exercée par l'assemblée générale (congrégation) de tous les prédicants (ministres de la parole de Dieu), naturellement sous la direction de Calvin. Le consistoire, qui venait d'être établi, se composait de six ecclésiastiques et de douze laïques ; il était à la fois chargé de l'inspection religieuse et civile et de l'administration de la justice. Le manque de respect envers celte autorité était puni comme « une rébellion contre Dieu et la sainte réforma- tion ».

Cette inquisition redoutable surveillait les mœurs des citoyens et leur assistance à l'église, punissait leurs délits, parmi lesquels figuraient la danse, la fréquentation des spectacles et des caba- rets (à l'e.vception de cinq cabarets privilégiés, tenus par de bous calvinistes); elle épiait jusqu'aux conversations particu- lières, et fulminait l'excommunication, qui se terminait par le

Y. HIST. DE L'ÉGUSE. 24

370 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.

bannissement. Les prédicants faisaient des visites régulières dans les maisons, et prenaient des renseignements sur les plus futiles objets. La prison était dure, les cbâtiments inbumains : on alla jusqu'à inventer de nouveaux instruments de torture. Calvin imagina aussi une nouvelle espèce de confession. Avant de se présenter pour la cène, qu'on recevait quatre fois dans l'année, les communiants devaient paraître devant lui : ceux qui avaient besoin d'instruction, en recevaient ; ceux qui avaient besoin d'avertissements particuliers, étaient avertis ; ceux qui avaient des angoisses de conscience, étaient consolés. La prédication et les catéchèses formaient le noyau du culte religieux ; on y joignit le chant des psaumes avec des prières. Les images, les ornements étaient interdits dans les églises : on conserva la nudité glaciale du culte zwinglien.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 113.

Ordonnances ecclés. de l'Eglise de Genève, dans Richter, die Ev. K. -Ordnungen des 16 Jahrh., 1, p. 342 et sniv,; Bonner Monats- schrift für die ev. K. Jahrg., 1846. Cf. Kampschulle, I, p. 395, 442 et suiv. Formule d'excommunication de Calvin, dans Kober, der Kirchen- bann, p. 16. Audin, Leben Calvins. D. Augs., II, p. 31. Sur la confes- sion : Kanipschulte, i, p. 460. Mignet, Einführung der Hcform. und die Verfassung des Calvinismus zu Genf., trad. du français par Stolz, Leipzig, 1843.

Tyrannie de Calvin.

116. Le dictateur de Genève ne supportait aucune espèce de contradiction : sa parole était une autorité infaillible. Ses ad- versaires, les libertins, comme il les appelait, l'accusaient d'op- primer les consciences et d'introduire un nouveau papisme. Il les écrasa soit par la puissance de son crédit et de sa parole, soit par les mesures coercitives du pouvoir civil. Il essaya de rendre suspect et d'anéantir le parti national, qui lui était contraire, et de créer dans Genève, surtout parmi les nombreux émigrés de France, un parti qui lui fût entièrement dévoué. Il percevait d'immenses revenus, déployait une activité infati- gable, prêchait, écrivait, dirigeait les actes de la justice, organisait des procès contre les sorciers, les « propagateurs de la peste » et les hérétiques : en un mot, il agissait partout avec une autorité absolue.

LE PROTESTANTISME. 371

Sébastien Castellio, prédicant célèbre et traducteur de la Bible, ayant combattu sa doctrine de la prédestination, fut destitué et exilé; le médecin Jérôme Bolsec fut congédié; le conseiller Anieaux, jeté en prison; Jacques Gruet (1548), misa mort pour avoir traité le réformateur de « chien » et son consistoire de « tyrannie », et pour avoir écrit des lettres commi- natoires. Gentilis, condamné à mort pour avoir accusé Calvin d'erreur sur la Trinité, ne sauva sa vie qu'en demandant solen- nellement pardon ; il fut plus tard décapité à Berne comme hérétique (1566).

Michel Servet, médecin espagnol, qui avait combattu dans un écrit le dogme de la Trinité, fut, pendant son passage à Ge- nève (1553), condamné par Calvin comme hérétique et brûlé vif. Calvin écrivit un traité spécial pour justifier la peine de mort contre les hérétiques. Mélanchthon lui souhaita de réussir avec son procédé, et développa les mêmes sentiments dans une consultation. C'était l'opinion qui dominait parmi les réfor- mateurs.

Calvin exhorta le régent d'Angleterre à extirper par le glaive quiconque combattrait l'organisation protestante des affaires ecclésiastiques, notamment les catholiques; et cesdispo- positions n'étaient pas chez lui le résultat d'un emportement passager: c'était le fruit d'une colère sourde et réfléchie. Les châtiments cruels trouvaient toujours en lui un promoteur et un apologiste. Il était inexorable envers quiconque osait le contredire et le blâmer. Plusieurs, tels que Le Fèvre, furent jetés en prison, simplement pour avoir dansé dans une noce. Son beau-fils Perrin, ayant menacé Calvin, dut se réfugier en France, et il fut brûlé en effigie à Genève.

A la campagne comme dans la ville de Genève, le nouvel Évangile fut introduit par la force ; le peuple, quand il s'y op- posait ou faisait résistance aux prédicants souvent immoraux, subissait les plus cruelles vexations. Les autorités ne toléraient aucune parole, aucun emblème catholique ; l'abstinence de chair le vendredi fut punie de la prison, et l'on contraignit une foule de paysans d'assister aux sermons calvinistes.

OUVRAGES A CONSUr.TER ET REMARQUES CRITIQeES SUR LE H 6.

Libertins (libertini), ou égrenés : Calv. aux ministres de l'Église de

372 HISTOIRE DB l'ÉGUSE.

Neufchâtcl contre la secte fanatique et furieuse des Libertins, Gen., löii-, in-80; Mœhly, Sebast. Castellio, Bâle, 1862. Sur Bolsec, Anieaux, Gniet, voy, Galitie 113). Le Calabrais Jean-Val. Gentilis, d'abord trithéiste, puis arien, avait proposé dans ses tbèses que celui qui dans le débat public serait trouvé hérétique, fût puni de la peine de mort. Bened. Aretin., Hist. de supplicio Val. Gentilis; Guéricke, III, p. 435, n. 2. De Genève, Gentilis se rendit en France et en Pologne, puis de nouveau en Suisse après la mort de Calvin; il fut décapité le 9 septembre 1566. L'ouvrage de Michel Servet : de Erroribus Trini- tatis libri Vil, 1531, est mentionné par Aléandre en lo32(Lœmmer, Mon. Vat., p. 109 etseq., n. 84). En 1531, à Strasbourg, Bucer affermait en chaire que Servet était digne de la mort la plus honteuse. Servet ensei- gnait ceci : L'homme Jésus est le Fils de Dieu, car Dieu, dans la géné- ration extraordinaire qui a eu lieu par l'entremise de Marie, a pris la place du père; il a l'eçn la plénitude de la divinité coparlagée, mais sans union hypostatique des deux natures. 11 écrivit en outre: Dial. deTrin. lib. VII, et Christianismi restitutio. Cf. Schrœckh, V, p. 492 ot suiv., 513. G.-L.-B. Pïinjer, de Mich. Serveti doctrina, Jenae, 187fi, et Brunne- mann. Mich. Servelus Actenniaîszige Darstellung des 1553 in Genf gegen ihn geführten Criminalprocesses, Berlin, 1865; Calvin, Fidelis Exposi- tio errorum M. Serveti et brevis eorum refutatio, ubi docetur jure gladii coercendos esse haîreticos, löo4; Calv. Opusc, p. 686 et seq. De même Th. Beza, De htereticis a civili magistratu puniendis, eod. an. Schrœckh, V, p. 189. Ce dernier demandait aussi que les antitri- nitaires, quand même ils se rétracteraient, fussent mis à mort. Crenii Animadvers., XI, 90. Mélanchthon, qui réclamait aussi des peines cor- porelles contre les catholiques (Corp. Reform., IX, 77), adressa des éloges à Calvin (Epp. Calvin., n. 187. Voyez son avis, Consilia et Judicia theoL, éd. Pezel, II, 204). Cf. Menzel, II, p. 8 et suiv.; Dœllinger, Kirche und Kirchen, p. 69 et suiv. Calvin au duc de Somerset : Epist., éd. Genev., 1579, p. 40. Sur d'autres, voy. Galiffe 113); T. Gaberel, Hist. de l'Égl. de Genève depuis le commencement de la réf., Genève, 1858-62, 3 vol. Sur les procédés dans les communes rurales, Kampschulte, I, p. 448.

L'Académie de Calvin. « Consensus Tigurinus. m Mort de Calvin et de Farel.

117. Comme sa renommée de théologien protestant lui atti- rait une foule do disciples, qu'il voulait faire prévaloir son sys- tème et le répandre au loin, Calvin établit à Genève, en 1558, une académie pour renseignement do la philosophie et delà théologie, dos langues grecque et hébraïque. Do nombreux

LI- rROTKSTANTISME. 373

disciples, Jon nés gens et hommes falls, affluèrent à Genève, non seulement de la Suisse et de la France, mais encore de l'Alle- magne, de l'Angleterre et de l'Ecosse, pour se former à l'école du réformateur et aller fonder ensuite dans leur patrie des communes réformées analogues aux siennes. Calvin répandit avec profusion los semences de la révolte, en déniant toute autorité aux princes qui résistaient à l'Évangile et en approu- vant la rébellion contre eux. 11 fut longtemps en dispute avec les théologiens de Zurich, qui continuaient d'avoir à leur tête Henri Bullinger (mort en to75) ; mais, en 1549, il s'entendit avec eux par calcul politique, et signa le Co7isensiis de Zurich. Quelque rigide qu'il fût dans ses opinions, il ne laissa pas de se montrer accommodant dès que l'unité politique et religieuse de la Suisse lui parut d'une nécessité urgente. Il se contenta également, à propos de l'Eucharistie, de rejeter à la fois la doctrine catho- lique et la doctrine luthérienne ; mais cela ne l'empêcha pas dans la suite Worms, 1557) de faire remettre par son disciple Bèze une confession de foi l'Eucharistie était présentée dans le sens de Luther. La haine commune de l'ÉgUse catholique fut toujours l'unique mobile des accommodements, purement extérieurs, du reste, qui intervenaient entre les partis. Après une vie remplie de travaux, Calvin mourut le 27 mai 1564. L'année suivante, son collègue Guillaume Farel expirait également à Neufchâtel.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 117.

Calvin, sur l'autorité et lobéissance qui lui est due : Inst., IV, xx, XXX, XXXI, plus fort. Com. in Daniel., c. vi. Cf. Camden, Annal., p. II, an. 1Ö71. Consentement de Zurich aux 26 art., dans .Niemeyer, p. 191- 217; éd. pr., 1351, cum Calv. ep. ad Tigurin., 0pp. VIII, 6i8 et seq. Il est dit sur la cène : « Non minus absurdum judicamus, Christum sub pane locare vel cum pane copulare, quam panem transsubstantiare in corpus ejus. » Polémique à ce sujet avec Westphal, Ileszhusius et autres luthériens, surtout «n 13b6. Explication k Worms, 1337 : Corp. Reform., IX, 333 ; Beza, l'Histoire de la vie et de la mort de J. Calvin, 1364; Sta?helin, Jean Calvin, vie et écrits (part. IV, «le père et le fonda- teur de la réfor. relig., » 1863); Roget, l'Eglise et l'État à Genève du vivant de Calvin, Genève, 1867; Henry, Vie de Jean Calvin, t. III (en allem.). La fête séculaire de la mort de Calvin fut misérable : on ne voulait plus le recounuilre pour le, héros, le saint des Français et des

374 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Suisses, ni justifier ses cruautés. Voy. sur cette solennité la Gazette uni- verselle d'Augsbourg, n. 154, du 2 juin 1864. En 1862, le dernier des- cendant de Calvin rentrait à Noyon dans le giron de l'Église catholique.

Théodore de Bèze.

i 18. Théodore de Bèze, disciple et biographe de Calvin, naquit à Vézelay, en Bourgogne (1519), d'une famille noble, et étudia les belles lettres à Orléans. De bonne heure il composa des poésies obscènes et vécut dans le débordement. Licencié en l'un et l'autre droit en 1539, il résida à Genève dès 1547, fut ensuite professeur d'hébreu à Lausanne, puis de nouveau prédicant et professeur à Genève, dans l'Académie do Calvin. Bèze était appelé à continuer l'œuvre de son maître. Semblable à Calvin par son humeur farouche, il avait cependant plus d'a- ménité dans le caractère, et il donna au nouveau vsystème plus de vogue que n'avait fait le maître lui-même. Spirituel, éloquent, d'une présence d'esprit remarquable, il possédait de grandes connaissances en linguistique. Il composa une multitude de commentaires sur la Bible et d'ouvrages sur le dogme, tra- duisit plusieur.«* parties de l'Ecriture sainte, et défendit l'idée de Calvin dans différents traités : par exemple, sa théorie de l'Eu- charistie contre le luthérien Tileman lleszhusius. Ses ouvrages tant latins que français avaient beaucoup de vogue parmi les calvinistes. Bèze mourut en 1605.

OUVRAGES A CGNSULTKR SUU LE iN° 118,

Fajus, de Vita et Obitu Th. Bezae, Genev., 1606; Schrœckh, K.-G. seitder'l\ef., II, p. 205, 271 et suiv.; III, p. 125; V, p. 94, 106, 119, 141 222. Schlosser, Leben des Th. Beza und des Petrus Martyr Vcr- milli, Heidelberg, 1809; Baum, Th. Beza nach hdschr. Quellen dar- gestellt, Leipzig, 1843 et suiv., 2 vol. Contre lleszhusius, Rpetoçayta sive Cyclops, dial. de vera communicatione corporis et sanguinis D. Trac- tai, theol., I, 239 et seq.

Dogmatique de Calvin.

119. Calvin avait eu pour prédécesseurs Luther et Zwingle ; mais il les surpassa l'un et l'autre par la rigueur de sa logique. Dans sa principale théorie, celle de la nécessité absolue et de la prédestination absolue, il se rattache à Wiclef. Tout ce qui arrive, arrive iiüCC»sairomeut. A propos de l'état originel, il

Li: PROTESTANTISJIF.. 37o

conçoit riionimo, comme Luther, destitué de force surnaturelle, mais cepenilaut doué du libre arbitre, qui lui permet, s'il le veut, d'acquérir la vie éternelle. Quant à savoir comment le libre arbitre se peut concilier avec la prédestination absolue, ni Calvin ni aucun de ses successeurs ne l'a indiqué. Calvin sépara rigoureusement ces deux dogmes, et, contrairement à Luther, il conciliaitla liberté avec la nécessité intérieure, mais non avec la coaction extérieure. Ainsi l'homme tombe parce que la Pro- vidence divine l'a ordonné, et cependant il pèche librement, parce qu'il ne subit pas de contrainte extérieure, mais seule- ment une nécessité intérieure. C'est Dieu qui porte et excite au péché, parce que c'est lui (jui agit, opère et crée en toutes choses.

Celte proposition, bientôt délaissée par Luther et Mélanchthon, que Dieu est l'auteur du mal, fut maintenue par Calvin et Bèze, en ce sens que Dieu crée une partie des hommes afin de pou- voir par eux opérer le mal. La nécessité qui supprime toute Uberté et qui résulte d'un décret de Dieu, ils ne la confon- daient pas avec le fatalisme stoïcien ; ils prétendaient au contraire que la doctrine suivant laquelle rien ne se fait sans un décret de Dieu était éminemment consolante, pratiquement utile et nécessaire en théorie ; ils parlaient d'une volonté secrète de Dieu, volonté juste, quand même nous ne la comprenons pas. En cela, disaient-ils, il faut distinguer le motif de Dieu et le motif du pécheur, et appliquer la sainteté du but à la sainteté des moyens.

Dieu voulant manifester à la fois sa justice et sa miséricorde, il doit y avoir des pécheurs et des élus. Adam était condamné à pécher ; mais il était punissable, parce qu'il pécha avec une délectation intérieure, avec spontanéité, et qu'il ne voulut pas se soustraire au péché. « La prédestination est un dessein éter- nel par lequel Dieu prononce sur la destinée de chaque homme, car tous ne sont pas réservés au même sort : las uns sont pré- destinés d'avance à la vie éternelle; les autres, à la damnation. » Dieu slnsinue dans les esprits des réprouvés, afin de les rendre plus inexcusables. Les élus, au contraire, sont créés pour servir d'instruments à la miséricorde de Dieu ; la grâce divine, qui est irrésistible, domine en eux. Calvin croyait avoir emprunté cette doctrine à saint Paul et à saint Augustin.

376 HISTOIRE DE L*ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 119.

Cf. Petav., Dogm. theol., t. I, lib. X, c. vi-xv. Doctrine de la pré- destination; Instit., I, XV, 8; xvi, 8; xvii, 3; III, xxiii, 4 et seq.; xxi, 5; Beza Aphorism., 22. Abstersio calumniarum, quibus aspersus est J. Calvinus a Til. Heszhus., 1561.

120. Sur lo péché originel, Calvin vacillait dans son langage : tantôt il disait qu'il a détruit dans l'homme Timage de Dieu, tantôt qu'il l'a seulement obscurcie et défigurée. Il admettait que la raison et la volonté constituent la différence de l'homme et de l'animal ; il les faisait également valoir dans le domaine purement civil, mais il hésitait souvent sur le terrain religieux et moral. Leä bonnes œuvres des païens, suivant lui, étaient des œuvres purement extérieures, hypocrites, coupables. La con- cupiscence et la justification, il les concevait îi la manière de Luther. Il attribuait aux élus la parfaite certitude de leur féli- cité éternelle. Il envisageait la foi qui justifie comme l'organe par lequel Jésus-Christ est offert à Dieu pour la sanctification de l'homme : tel qu'un vase de terre qui renferme un trésor, mais qui est en soi sans valeur.

Sur les bonnes œuvres, Calvin s'exprimait avec plus de mo- dération que Luther : il croyait qu'elles ne sont pas parfaitement pures chez les fidèles, qu'elles sont souillées dans une certaine mesure. Il considérait les sacrements comme d'utiles auxiliaires de la foi; mais, contrairement aux catholiques et aux luthériens, il voulait que leur vertu sanctifiante fût rigoureusement séparée des signes sensibles; cette vertu n'était pas unie aux éléments matériels. Chacun recevait ces éléments, mais non la nourriture divine (la grâce).

Dans le Baptême, les réprouvés ne sont lavés qu'extérieure- ment, et dans l'Eucharistie ils ne reçoivent que du pain et du vin. Calvin n'admettait que ces deux sacrements ; il rejetait la Pénitence, qui, suivant lui, consistait simplement à dépouiller lo vieil homme et à revêtir l'homme nouveau. Sur l'Eucharistie, il cherchait un moyen terme entre les luthériens et les zwin- gliens, rejetait à la fois la transsubstantiation et la consubs- tantiation. Le corps de Jésus-Christ, disait-il, est réellement présent, et les fidèles y participent en ce sens qu'au moment ils reçoivent les éléments sensibles, lesquels demeurent à

LE PROTESTANTISME. 377

tous égards co qu'ils étaient, une vertu qui découle du ciel, le corps de Jésus (rélénieut divin) réside exclusivement, est ofTerte aux fidèles (aux prédestinés).

Sur l'Église, Calvin partageait les vues de Luther, mais il maintenait le corps enseignant ordinaire. L'Église invisible des prédestinés doit reluire dans l'Église visible ; le ministère spiri- tuel doit être exercé par les pasteurs, les anciens et les diacres. La vocation divine apparaît comme venant de Dieu, (piand elle est décernée par la commune ; l'imposition des mains doit être faite par le conseil des anciens {presbyterium). L'Église, indé- pendante de l'État, est organisée en communes réglées d'après lo régime républicain ; les synodes sont le lien de l'unité. L'origine divine de l'Écriture sainte doit être attestée par le témoignage que le Saint-Esprit rend dans le cœur de l'homme. La Bible doit être la loi souveraine des prédicateurs, des synodes et des autorités.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 120.

Sur le péché originel : Inst., I, xv, 4; II, ii, 12; iit, 6; III, ii, 12; XXIX, 2. Ses maximes, dans Strausz, Doctrine dogmatique, 1, § 9, p. 95. Fides justificans el opéra bona : Inst., 111, xi, 7; xiv, H ; de Ni:!cessit. reform. Eccl., Opusc, p. 430. Sacrements : Inst., IV, c. ix, 17. Église et Bible : IV, i, 2; I, vu, .3. Cf. Mœhler, Symb., liv. I, § 3 et suiv., 8, 31, 31 ; Staudenmaier, Philos, des Christenth., I, p. 698-709; Hepp, die Dogmalik der evangel.-ref. Kirche, Elberfeld, 1866; Lobstcin, die Ethik Calvins in ihren Grundzügen, Strasbourg, 1877.

PROPAGATION DU PROTESTANTISME DANS LES DIFFÉRENTS PAYS.

En AUeniag'ae.

Les métropoles du protestantisme allemand.

121. Plusieurs grandes villes d'Allemagne étaient devenues les foyers intellectuels de la nouvelle doctrine. Après Witten- berg, ce fut Strasbourg (1524) qui servit de lien entre l'Allemagne et la France. travaillaient Capito (mort en 1542), qui en 1528 avait rejeté le baptême des enfants; Bucer, Hedio et Nicolas Gerliel de Pforzheim, lequel représentait la théorie rigoureuse de Luther sur la justification contre iMatth. Zell (Schwenkfeldien) et contre le chanoine Velsch de Saint-Thomas;

378 HISTOIRK DE l'É0F-16E.

Engelbrccht, ancien coadjulour de Spire, alors curé de Saint- Etienne, et plusieurs antres qui nu firent que passer.

La troisième métropole étaitNurenberg,centrodu mouvement dans le sud-est de rAllemagne. André Osiandro, professeur de langue hébraïque en 1520, y enseignait depuis 1522, à Saint- Laurent, les doctrines de Luther, Dominique Schleupner, pré- dicant à Saint-Sébald, se joignit à lui ; puis, en 1523, le domi- nicain apostat Thomas Venatorius, pasteur au nouvel hôpital ; le recteur Léon Uardt Culmann ; en 1525, Wenceslas Link, ancien augustin et ami de Luther; en 1528, André Altham- mer, diacre de Saint-Sébald. Les prévôts George Besler et Hector Poemer, l'abbé de Saint-Gilles, le prieur des chartreux et celui des augustins prirent aussi une pari très active à l'introduction de la nouvelle doctrine, dont les prédicateurs eurent bientôt de nombreuses disputes.

Une quatrième métropole était Magdebourg: Nicolas d'Anis- dorf, en 1483, professeur de théologie à Wittenberg depuis 1511, s'y employa pendant dix-huit ans, à partir de 1524, l'œuvre de la réforme. C'est aussi que se réunirent plus tard les luthériens les plus hardis et les plus entreprenants. Ham- bourg fut réformée jusqu'en 1529, par Jean Bugenhager, qui travailla aussi à Brunswick, à Lübeck, à Heidelsheim et en Poméranie, puis par le franciscain apostat Etienne Kempen.

Francfort-sur- le-Mein eut pour apôtre le dominicain Denys Melander, qui, après avoir apostasie à Ulm, y vécut depuis 1534 dans une grande immoralité, et devint ensuite prédicateur de la cour de liesse (mort en 1561). A Erfurt, Luther prêcha à diverses reprises avec de grands applaudissements ; en 1521, sur les instances du prieur des augustins .1. Lange, le culte catholique y avait été aboli, et nul prêtre n'usait plus paraître dans les rues avec son costume ecclésiastique. Just Ménius, de Fukle, devint, en 1.525, pasteur luthérien à Saint-Thomas, mais fut contraint d'abdicjuer. 11 alla poiu-suivre en Saxe l'œuvre de la réforme, devint surintendant d'Eisenach, puis de Gotha en 1546. Il passait pour le principal réformateur de la Thuringe (mort à Leipsig en 1558).

A l'université d'Erfurt, le médecin Henri Eberwein (Euricius Cordus) faisait des leçons sur la doctrine de Luther, et la plu- part des professeurs étaient en rapport avec le réformateur de

I,E PROTESTANTISME. 379

"Wittenberg. Cepninlaiit le maître de Luther, Jodok Trutvelter, qui retourna bientôt de Wittenberg à Erfurt, mourut dans la foi catholique (1510). Dans celte même ville, l'augustiu Barth. Arnoldi fut également, jusqu'en 1526, le défenseur invariable de l'ancienne doctrine de l'Église. Il en fut de même de Jean Lupus et de Maternus Pistorius, l'iui des fondateurs de l'école des humanistes d'Erfurt. Quant à George Forchheim et à Jean Culsheimer, ils suivaient, ainsi que l'augustiu Lange (mort en 1547), la doctrine de Luther.

OLVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 12t.

Dœllinger, Réforme, 11, p. 3 et suiv., 81 et siiiv., 1 lit et suiv., 114; 1, p. 215 et suiv.; Bugenhagen, ibid., II, p. 140 et suiv.; K.-A. Tr. Vogt, Joli. Bugenhagen Ponicranus, Elberf., 1867 ; Denys Melander, Dœllinger, II, p. 210 et suiv.; iMenius G.-L. Schmidt, Justus Meniiis, Gotha, 1867, 2 vol. Cf. Kampschulte dans Bonner, Ihcol. Lil.-Bl., 1869, p. 533 et suiv.

Lattes dans les universités allemandes. Les expectants.

122. Dans les universités allemandes, dont beaucoup furent précipitées par le protestantisme dans une profonde déca- dence , la lutte religieuse fut généralement conduite avec beaucoup de vivacité : telles furent Erfurt, Bàle (protestantisées parla force en 1529); Leipzig, qui était un des boulevards du catholicisme sous le duc George, fut réformé après sa mort, et déclina bientôt. L'université de Rostock (tombée après 1518), celle de Francfort-sur-l'Oder (près de se dissoudre en 1526), se laissèrent envahir presque sans résistance par la nouvelle doctrine. A Tubingue, le duc protestautisa l'université en 1535, avec le concours dos zwinglieiis Grunaeus et Blaurer, bien que beaucoup de professeurs fussent encore catholiques de cœur. La nouvelle université de Marbourg fut bientôt dans la plus triste décadence; celle de Giessen, créée en 1607, n'eut pas d'importance. Helmstaedt, fondée en 1574, était déjà près de crouler en 1602.

Wittenberg etiéna étaient agitées par de violentes querelles; Heidelberg, divisée jusqu'en 1557, fut protestantisée par le prince électeur Otton IIenri,puis scindée par les luttes du luthé- ranisme et du calvinisme; Fribourg, au contraire, qui était

380 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

demeurée catholique, s'agrandit. Le fameux juriste Ulric Zasius, à Constance en 14GI, d'abord admirateur de Luther et dès 1521 révolté de sa conduite, se familiarisa plus tard avec la théologie catholique; il se félicitait en 1534 de l'état florissant de l'université de Fribourg, affluaient un grand nombre de professeurs et d'étudiants, pour se soustraire à l'impiété qui régnait à Tubingue. On y vit arriver Louis Ber, professeur renommé à Bàle, qui avait été formé à Paris ; puis le célèbre Henri Loriti Glareanus, chargé d'enseigner la poésie, et Jean Gaudens Anhauser, de Neutlingue, professeur à Tubingue jusqu'en 1534 (plus tard à Vienne).

La plupart des facultés de droit ne se rattachèrent que partiel- lement à l'œuvre de Luther : si elle offrait de grands avantages à leur profession, si elle favorisait la bureaucratie, ces hommes ne pouvaient s'accommuderd'nup;irti d'où les formes et la légalité étaient absentes. Cependant un grand nombre de savants dé- ployaient leurs voiles au vent qui soufflait alors : Christophe Hogendorphin, syndic do Lunebourg en 1537, surintendant en 1540; Jacques Mycellius, professeur à Heidelberg, qui com- mença en 1532 à soutenir les innovations qu'il avait jusque-là combattues; Jacques Diller, autrefois prieur des augustins, prédicant luthérien à Spire en 1528, prédicateur de la cour de Nenburg en 1548, mort à Heidelberg en 1570, protestant en public et catholique en secret.

Beaucoup même de ceux qui entrèrent dans le mouvement religieux et moururent dans la nouvelle corporation, aimaient à se persuader que la séparation n'était pas durable, qu'on pouvait être à la fois protestant et membre de l'Église catho- lique, que cet état ne durerait que jusqu'à ce qu'un accord fût arrêté par un concile formé des doux partis ou par un autre moyen : ces hommes-là se nommaient les expectants. Mais, en présence des dispositid^is qui animaient les princes luthé- riens, de telles espérances ne pouvaient se réaliser.

OUVRAGES A CONrilt.TER SUR LE N" 122.

Dœllingcr, Héf., I, p. 468-if<2, :;;j7-y82. Plaintes sur Erfurt par lléliusCoban. Hesse, ibid., p. 2IG-2I9 ; sur Marbonrg, p. 219-221 ; II, p. 20'f et suiv. Sur Ulrich Zasius, ibid., I, p. 174-182; Sliuzing, Ulrich Zasius, Bùle, 1857; Janssen, Gesch. d, duuLcheu Vulkcb, 1,

LE PROTESTANTISMK. ;'.Sl

p. 91-93. Ludwig Ber : Dœllinger, I, p. 560-oß2. Glareaiius et Anliaii- ser, ibid., p. 182-186, 56k Silualion tics facullös de juristes, I, p. 034 et suiv., Ö68. Dilier, liegendorpliin, Myceilius et autres, ibid., I, p. öä4- 556, 567. Kxspeclaates, ibid., I, p. 51 1 et suiv.; Pastor, p. 107 et suiv.

Vieux théologiens dévoués à l'Ëglise. Les réformateurs dans quelques provinces et localités.

123. Parmi les anciens et savants théologiens catholiques, il s'en trouva fort peu qui embrassèrent la nouvelle doctrine. On cite parmi les fidèles soutiens de la foi catholique les noms suivants : en Alsace, Jean Wimpfelin{^(mort en 1528), zélé pour la réforme des mœurs; Othner Luscinius (rossignol), disciple de Geilerde kaisersherg ; Beatus Khenanus (mort en 1547), dis- ciple de Wimpfeling, et qui, avec l'aide de son maître, conserva à l'Eglise l'école de Schletstadt; dans le Wurtemberg, le prémontré Jacques Nelin, professeur d'hébreu depuis 1538 à Ingolstadt; le prévôt Amhroise Widmann, qui alla à Noltenbourg; Arm- bruster, recteur de Tubingue, qui alla à Wurzbourg; Gallus Jean MuUer, qui alla à Inspruck; Plantsch (mort en 1533), Pierre Brun; en Franconie : Conrad Wimpina (mort en 1531); Kiliau Leib, prieur des chanoines augustins de Rebdorf(mort en 1553), à Rostock; Jean PaulU, surnommé Arsène, prieur des Frères de la vie commune, honmie de grand mérite et inébranlable à toutes les attaques (mort en 1577); Marquard Behr, prieur de la chartreuse de Marienehe, près de Rostock (mort en 1553), fidèlement dévoué à l'Église.

Entre les anciens théologiens qui résistèrent à l'Église, nous nommerons d'abord Urbain Régius, professeur à Ingolstadt en 1510, vicaire général de Constance en 1519 : il prêcha à Augsbourg la doctrine de Luther avec un cortège de partisans armés; puisa Hall, dans le Tyrol; nommé prédicateur en 1524 par le magistrat d'Augsbourg, il organisa en 1530, sur l'ordre du duc Ernest, la nouvelle Éghse de Lunebourg, et y mourut avec la qualité de surintendant (1541 j.

La plupart des prédicants luthériens étaient des moines évadés : nous citerons l'augustiu Gaspard Gutel, qui en 1522 prononça à Arnstadt le premier sermon luthérien, alla à Zwi- ckau en 1.^23, et travailla longtemps à Eislelien (mort en 1541); sou collègue Michel Styfel, qui en 1 522 s'échappa du couvent

382 HISTOIUK DE l/ÉGLISE.

d'Esslingcn, prêcha chez le comte Albert de Mansfeld, puis en Autriche, d'où il s'enfuit et so réfugia auprès de Luther; il devint curé de Lochau, et, après des vicissitudes diverses, après avoir professé les mathématiques, mourut à léna en t5C7, etc.

Parmi les premiers propagateurs du hithéranismo, on re- marquait Eberhard Weidensée, ancien prévôt et lecteur à l'école du couvent d'Halborsladt, pasteur à Magdebourg en 1524, chassé par son collègue Grau topf, qui était favorable aux ana- baptistes et avait soulevé le peuple contre lui ; il travailla dans l'intérêt de la réforme dans le Schleswig-Holstein, et mou- rut en 1547, surintendant à Goslar.

Le comté de Nassau avait eu pour réformateur Érasme Sar- cérius,qui, aprèsavoir été employé à Lübeck, Rostock, Vienne, Gratz, puis de nouveau à Lübeck, fut recteur à Siegen en 1536, devint en 1539 surintendant de tout le comté, retourna plus tard en Saxe et à Mansfeld, et mourut à Marbourg en 1559.

Dans la ville impériale de Nordhausen, à Ilfeldet Walkenreid, la nouvelle doctrine fut introduite dès 1524 par Jean Spangcn- itcrg. A Halle, Juslus Jouas fut appelé (1541) en qualité do réformateur, et prit pour auxiliaire le batailleur André Poach. En 1545, il fit de vifs reproches au conseil, qui refusait d'expul- ser les ecclésiastiques et les moines demeurés fidèles à l'ancienne Eglise. En 1546, le duc Maurice le fit expulser pour outrages à la personne de l'empereur ; après son retour (1550), il lui fut défondu de prêchera Halle. En 1551, il devint prédicateur à la cour de Cobourg, et, bourrelé de remords, mourut en 1555 surintendant d'Eichsfeld. L'ami de Luther, Spalatin, deverni en 1525 surintendant d'Altenbourg, dégoûté de son emploi dès 1528, fut tourmenté plus tard par une mélancolie qui allait jus(ju'à l'aliénation mentale, et qui en 1544 le précipita dans la tombe.

OUVRAGES A CONSULTER SUR I.F. 123.

Wimpfcling et Liiscinius : Dœllinger, Héf., I, p. 546-551. Beatus Rhenanus, ibid., p. 515 et suiv.; Horawilz, Rcalus Rheii., Vienne, 1872; des H. Rhen. Tlicptigkeit., Vienne, 1873. Théologiens de Wùr- tonilicrg : Doillinger, I, p. 503 et suiv. Wimpina, ibid., I, p. 580. Kilian l.cib : voy. Wiiizl). kalli. VVochenschi'., 1855, n. 50, ]). 785 et suiv. Jean Aisénius : Dœllinger, 1, p. 578-580. Alarquard Dehr : voy.

LE PROTESTANTISME. 'Mi

Lisch, dans Jalirb. fur Mecklenb. Gesch., Schwerin, ^SfiO, ainiAe 2.)% p. 383. Urljain llcgins, « Summe chrisll. Lehre », Augsb., 1">27 : Deutsche Bücher und Schriften, Nürnb., 1562; Dœllinger, IL p. S8- 63; Uhlhorn, Urban Reg., Elberf., 1861. Gaspard Gütel : Dœllinger, U, p. 66-68. Michel Styfel : voy. E.-J. Cosack, dans Neue Preusz. Prov.- ni., III, conlinué par K. v. Hasenkamp, Kœnigsb., 1861, t. VII, VIII. Eberhard Weidensee : DoiUiiiger, II, p. 72 et suiv. Érasme Sarcérius : voy. Engelhardt, dans Niedner's Ztschr. f. bist. TheoL, 1850, I, p. 70 et suiv.; Dœllinger, II, p. 179 et suiv. Spangenberg : Dœllinger, II, p. 268 et suiv. Juslus Jonas à Halle, ibid., p. 114-117. Spalatin : voy. Jnl. Wagner, Spalatin und die Ref. zu Altenburg, Altenburg, 1830; Chr. Schlegel, Hi.-.L vita? Georgii Spalatini, Jenae, 1693; Dœllinger, II, p. 117 et suiv.

Disciples de Luther.

124. Luther compta parmi ses principaux disciples : 1" Antoine (lorvin, cistercien apo.stat, qni conconrnt à l'érection de l'uni- versité de Marbourg, propagea le luthéranisme à Goslar et à Nordheim, et devint enfin surintendant général à Calenberg (mort en 1553) ; Érasme Alher, qni étudia sous Luther en 1520, enseigna en 1525 à l'école d'Ursel, répandit la nou- velle doctrine dans le petit pays de Dreicheicn, dans le comté do Katzenellenbogen et dans le Mittelmark, et fut ensuite pré- dicant à Neubrandebuurg, auteur de cantiques religieux et d'écrits sarcastisques, mal famé, dissipateur et perdu de mœurs (mort en 1555); 3" Jean Drach (Draconitès), de Carlstadt en Fran- conie : il étudia à Erfurt, puisa Wittenberg, prêcha la réforme à Miltenberg en 1522, et pénétra dans l'évêché de Vurzbourg, Luther comptait déjà des partisans. Deux chanoines de Nen- Munster s'y étaient mariés, et furent emprisonnés par l'évêque Conrad IlL Promu docteur en théologie à Wit- tenberg en 1523, il devint curé de Walters-Hausen en Thn- ringe (jusqu'en 1528), prêcha k Eisnach et à Marbourg (jus- qu'en 1547), redevint professeur et surintendant à Rostock, et retourna à Wittenberg (1560, mort en 1566). Gaspard Aquila d'Augsbourg, curé de .lengen, près de Landsberg : enseignait déjà en 1518 diverses propositions de Luther, assista en 1520 aux leçons de celui-ci à Wittenberg, devint prédicateur à l'église du château de cette ville et professeur d'hébreu, fut curé à Salfeld en 1527, soutint de nombreuses controverses,

384 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

réforma Hennegau, accepta la charge de surintendant à Smalkalde, la perdit eu 1552, et retourna à Salfeld (mort en 1560). Jean Éberlin de Gunzbonrg, franciscain à Tubingue et à Ulm : il prêcha la nouvelle doctrine dans cette dernière ville, résida à Bâle et à Rheinfeld, puis auprès de François de Sicken- gen, alla à Wittenberg en 1522, se maria à Erfurt, devint pré- dicant à Wertheim en 1525, et mourut en 1526. Tandis qu'il dépeij^nait sous de vives couleurs l'incrédulité de son parti, il donnait lui-même beaucoup dans la déloyauté et l'hypocrisie. C'était là, du reste, le caractère de la plupart des réformateurs sortis de l'école de Wittenberg.

OUVRAGES A CONSULTER SUR I.E N" t24.

Sur Antoine Corvin , voy. Dœllinger, II, p. 63-66; sur Érasme Alber, ibid., p. 68-72, et Creccellius, dans Archiv, für Lit.-Gesclx., VI, h. 1. (Il no faut pas le confondre avec Matth. Alber, réformateur à Reullingue : voy. J. HarUnann, Matth. Alber, Tiib., 186.3.) Sur Jean Dracli, Do^llinger, II, p. 20.Ï-2I0; sur Gaspard Aquila, ibid., p. 132- 134; sur Jean Éberlin, Slrobcl's Lit. Museum, 1, p. 365 et suiv.; Hist.- pol. m., t. VIII, p. 347-351.

lue protestaii(i»>nie en Prusse et en Silésie, en Polog'ne el en

llon{>;rie.

Le protestantisme en Prusse.

125. Le prince Albert de Brandebourg, grand maître de l'ordre Teutonique depuis 1511, avait refusé au roi de I*ologne l'hommage et les devoirs du vassal : il fut attaqué en 1519. Léon X essaya d'iutervenir, et Charles-Quint méuagea un armistice de quatre ans. Pour se rendre indépendant do la Pologne, Albert gagna l'Allemagne on 1522, et ne tarda pas à s'éprendre de la doctrine do Luther,qu'Osiandre lui avait enseignée àNurenberg. Luther lui conseilla de supprimer la règle de l'ordre, et de gou- verner la Prusse comme une principauté temporelle. Son con- seiller Frédéric de Heidek était favorable aux nouveautés. Les prédicants luthériens Jean Brissmann et Pierre Amandus arri- vèrent en Pru.sse.

Bientôt les moines et les nonnes furent chassés de leurs cou- vents, les imagos et les autels détruits dans chaque église.

I

LE PROTESTANTISME. 385

L'évêquedu Samlaud, Jean-George Polenz, coiicoiirntà la pro- pagation du luthéranisme. Le faible roi de Pologne conclut la paix à Cracovie en 1525, et reconnut Albert comme duc héritier de la Prusse orientale, sous la haute suzeraineté du roi. Ses États donnèrent leur assentiment; l'évèque du Samland, demeuré seul, renonça à son pouvoir temporel. Le nouveau duc épousa Dorothée, princesse danoise, et se justifia de cet acte dans un écrit d'une grande platitude. Il brava tout ensemble et les cen- sures du pape et le ban de l'empire, et les protestations de l'ordre indignement spolié, dont la plupart des commanderies allemandes demeurèrent fidèles à la règle et transportèrent le siège du grand maître à Mergentheim.

En 1526, une nouvelle liturgie et un règlement ecclésiastique nouveau, en langue polonaise, furent introduits. Jean Seclu- sianus prêcha à Kœnigsberg. En 1530, Albert adopta la Confes- sion d'Augsbourg, et fonda, pour servir de pépinière au pro- testantisme dans le nord- est et de colonie à Wittenberg, l'uni- versité de Kœnigsberg (1530). Le gendre de Mélanchthon, Sabi- nus, en fut le recteur sa vie durant ; il eut beaucoup à souffrir de la discorde des professeurs et des débordements des étudiants. Elle devint le théâtre des luttes les plus désastreuses. L'appro- bation du roi de Pologne dut remplacer celle du pape et de l'empereur-

A la mort d'Albert (1568) , le luthéranisme était partout affermi dans le pays, mais déchiré par une foule de querelles intestines. Les deux évêchés de la Poméranie et du Samland, pourvus de nouveau en 1567 sur la demande des États, furent supprimés en 1587 et remplacés par des consistoires. Après la mort du duc Albert-Frédéric, tombé en démence (1618), la Prusse échut à l'électeur de Brandebourg.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE 125.

Pétri Bembi Epist. Leonis X nomine scriptae, IIb. I, ep. xxii; üb. Il, ep. xxn; Campeggio, epp. an. 1524; Lsemmer, Monum. Vat., p. H et suiv.; Simon Grünau de Danzig, 0. Prsed., Chron., dans le recueil : die Preusz. Gesch. -Scbreiber des 16 u. 17 Jahrb., Leipzig, 1877, livrais. III; F. -S. Bock, Leben Albrechts von Preuszen , Kœnigsb., 174:); D.-H. Ârnoldt, Kurzgefaszte Kirchengesch. vom Kœnigr. Preus- zen, Kœnigsberg, 1769, p. 249 et suiv.; Faber, Luthers Briefe an V. BIST. DE l'Église. 25

38G HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Herzog Albrecht und Melanchth. Briefe an H. A. (tons deux à Kœnigsb., 1817). Le même : lieber das Verliaillnisz des Deutschordens z. rœm. Stuhle, dans Schuberts Abhdlgn. der deutschen Gesellsch., Kœnigsbg., 1830, I; Nicolovius, die Hischœll. Würde in l'reuszen, Kœnigsb., 1834; Tœppen, die Gründung der Un. Kœnigsberg und das Leben des Sabinus, 1844. Cf. Dœllinger, Réf., I, p. 480-482. Alt- preuszisches Kirchenbuch nebst einer bist. Einleit., Kœnigsb., 1861; Voigt, Corresp. Albr. v. Preuszen, Kœnigsb., 1841. Le même, Gesch. Preuszens , Kœnigsb., 1839, t. IX, p. 68ö et suiv., et lettre au P. Augustin Theiner (contre son assertion qu'Albert était rentré dans le giron de l'Éghse catholique, 1846), Kœnigsb., 1846. Cf. Riffel, II, p. 147 et suiv.; Raesz, Convertiten, II, p. 584-595. Nouveaux rensei- gnements puisés aux sources sur le réformateur Albert de Brème (Catholique, 1876, p. 172 et suiv.j.

Le protestantisme en Silésie.

126. Dans la Silésie, qui, après avoir été polonaise jusqu'en H63, fut gouvernée par ses propres ducs, dont la plupart reconnurent dans ia suite la suprématie de la Bohême, les agi- tations des hussites et l'engourdissement do la vie religieuse avaient préparé les voies à la nouvelle doctrine. Jean V, évoque de Breslau (1506-1520), était en relation avec les Wittenbergeois et mérita même les éloges de Luther. L'augustin Melchior lloft- mann, envoyé par Luther lui-même, prêcha dès 1518 dans la principauté de Jauer, au château du seigneur de Zedlitz, et, à partir de 1521, au château de Jean de Rcichonberg, ami de Mélanchthon ; à Freistadt, dont les magistrats s'emparèrent de l'église paroissiale (1524), et installèrent le prédicant Nicolas Sander.

Dans le duché de Liegnitz, la nouvelle doctrine fut annoncée par Fabien Eckel et Sébastien Schubart, appuyés par le duc Frédéric IL En i:)23, celui-ci appela le luthérien Valentin Krautwald à l'église de Saint-Jean, enleva en 1524 au clergé catholique les contributions paroissiales, prescrivit la « prédica- tion évangélique », et fit distribuer la communion sous les deux espèces. Les franciscains furent chassés; les catholiques, violem- ment opprimés.

Le conseil municipal de Breslau manda des prédicants luthé- riens, notamment Jean Hess de Nurenberg, laissa la populace insulter impunément et pubhquemeiit le culte catholique, s'em-

1,E PROTESTANTISME. 387

para d'un grand nombre d'églises et de couvents, dont il con- fisqua les biens, et traça à tous les ecclésiastiques des règles sur la prédication. Seul entre les prêtres catholiques qui restaient encore, le docteur Sporn de Saint-Albert combattit ouvertement l'ingérence des magistrats : il fut expulsé avec plusieurs moines.

Les édits du roi Ferdinand et les représentations de Sigis- mond de Pologne n'eurent pas plus de succès que les démarches du pape Adrien VI et de Jacques, évêque de Salza, esprit faible quoique bien pensant (1520-1539). D'autres villes suivirent l'exemple de Breslau. Il est vrai que le roi Ferdinand se fit rendre hommage dans cette ville (1527), et publia des ordon- nances pour protéger les catholiques ; mais elles ne furent pas exécutées, et le monarque, absorbé par la guerre contre les Turcs, ne put les faire prévaloir. Les évèques, chargés du com- mandement supérieur des troupes locales, étaient sans éner- gie ou même favorables à la nouvelle doctrine : tel Balthasar de Pomnitz (1539-1562), dont la nomination combla de joie les protestants. L'apostasie faisait chaque jour de nouveaux progrès parmi le clergé. Quelques-uns seulement, comme le docteur Colo, Senitz et Kupferschmidt, préférèrent l'exil à la rupture de leurs vœux sacerdotaux.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 126.

J. Ehrenkron, Schlesische Iv. -Historie, Freist., 1713, part. I, cap. y et suiv.; part. Il; Heasel, Protest. K. -Historie der Gemeinden in Schlesien, Leipzig et Liegnitz, 1764; A.-G. Rosenberg, Schles. Ref.- Gescii., Breslau, 1767; G. Fuchs, Materialien z. ev. Relig. -Gesch., Breslau, 1773; K.-A. Menzel, i\'. Gesch. der Deutschen, III, p. 91 et suiv.; V, p. 238 et suiv., 422 et suiv.; VI, p. 140 et suiv., 220 et suiv. Auteurs catholiques : Fibiger (maître et prélat ad S. Mathiam, à Breslau), das in Schlesien gewaltthœtig eingerissene Lutherthum., Bres- lau, 1712-33,3 part., in-4° (le même a utilisé le manuscrit intitulé : « Schlesische Religionsaclen », par Buckisch, secrétaire du roi àBrieg., conseiller et historien royal, en 7 volumes in-folio). Gœrlich, Gesch. der Praemonstrat.-Abtei z. hl. Vincenz, Breslau, 1636 et suiv., th. i, p. loi et suiv.; Bach, Urkundl. Gesch. d. Grafschaft Glatz, Breslau, 1841 ; Buchmann, Antimosler oder Beitr. zu einer gerechten Würdi- gung der Lage der schles. Protestanten unter œsterr. Herrschaft, Spire, 1843; Dceliiuger, Réf., I, p. 226 et suiv.

388 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

Le protestantisme en Pologne.

127. Quelques jeunes gens qui avaient étudié à Wittenberg, ainsi que des frères bohémiens et moraves émigrés, essayèrent de propager le luthéranisme en Pologne. Le roi Sigismond I" (1501-1548) était un fervent catholique. La diète de Thorn in- terdit, sous peine de confiscation des biens et de bannissement, de conserver les écrits de Luther. L'archevêque de Gnesen, Jean Laski (mort en 1531), et André Krzyki, chevalier de la reine Bona et évêque de Przemysl, en 1524, défendirent vaillamment la foi catholique, et une commission spéciale fut établie pour rechercher les ouvrages des hérétiques.

Le protestantisme fut introduit à l'université de Cracovie par Martin Glossa, et à Posen par Jean Séclusianus, auteur de la première traduction complète de la Bible en l^olonais. Le moine Jacques Knade prêchait la doctrine de Luther à Danzig dès 4518, et en 1528 beaucoup d'habitants voulaient la faire adopter. Knade fut obligé de prendre la fuite, et plusieurs luthériens furent mis à mort. A la fin cependant, le roi se vit obligé de tolérer la nouvelle doctrine à Danzig, d'où elle se répandit à Elbing et à Thorn. Un décret rendu en 1534 portait que des places seraient refusées aux Polonais qui auraient étudié à Wit- tenberg ; mais il souffrit de nombreuses exceptions, et beaucoup de gentilshommes favorisèrent les nouveautés.

Sous le roi Sigismond-Auguste, beau«)up moins résolu que son prédécesseur (1548-1572), on vit en Pologne, à côté des luthériens et des frères bohémiens, des zwingliens, des calvi- nistes et des sociniens. Les calvinistes furent appuyés par le confesseur de la reine Bona, le franciscain Lismanin, par Jean de Lasco et Radziwill, prince lithuanien, qui, à l'exemple des luthériens, suivis en cela par les catholiques, fit traduire dans le sens de ce parti la Bible en polonais (1563). On déployait alors une grande activité littéraire, d'autant plus que la litté- rature polonaise était parvenue à son plus haut degré de splen- deur.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 127.

M. Lubienski, Hist. réf. Polonicce, PVeist., 1688; Jura el Libertates dis- sidentiuin in rcgno Polon., Berol., 1707, in-f; die Schicksale der poln.

LE PROTESTANTISME. 389

Dissidenten, Hamb., 1768-70, 3 part.; Friese, Beitr. z. Ref.-Gesch,, in Polen u. Litth., part. II, t. 1 et II, Breslau, 1786; Ostrowski (IV, § 248), t. III; Lochner, Facta et Rationes earnm familiarum chr. in Polonia, quœ ab Eccl. cath. aliénas fuerunt usque ad Consens. Sendo- mir. tempora (Acta Societ. Jablonov. nova, Lips., 1832, t. IV, fasc. 2); C.-N. Krasinski, Historical sketch of the rise, progress and décline of the reform in Pol., Lond., 183."j, vol. I; en allein., par Lindau, Leipzig, 1841 ; Lukaszewicz, Nachrichten über die Dissidenten in der Stadt Posen u. d. Ref. in Groszpolen im 16 u. 17 Jahrh. dtsch. , von Balitzki, Darmst., 1843; Gesch. der ref. Kirche in Litthauen, Leipzig, 1848, t. I; Fischer, Versuch einer Gesch. der Ref. in Polen., Grœtz, 18.ÏO ; Bartels, Joh. v. Lasco, Elberf., 1860. Mandat de l'évèque d'Erm- land contre le luthéranisme, 20 janv. 1524 : Le Plat, Mon., II, p. 214- 217. Paul 111 au roi de Pologne : Rayn., an. 1548, n. 82; Le Plat, IV, p. 101 et seq. Statuts diocésains de Jean Laski et Stanislas Kani- kowski, réunis en cinq livres, éd. Wenzyk, Cracovie, 1636. Anciennes traductions polonaises de la Bible depuis le XIV^ siècle : Lelong, Bibl. sacra in binos syllabos distincla, Par., 1723, in-f°., sect. III; Bibl. Polon., p. 439 et seq. Jean Séclusianus rédigea sa version de la Bible dans le sens de Luther (1551 -1552). Chez les catholiques, le Nouveau Testament fut publié en polonais pour la première fois à Cracovie, en 1556, et en 1561 on y donna une traduction complète de la Bible. La traduc- tion classique de Jacques Wujek, S. J., avec explication des plus dif- ficiles passages, parut de 1593 à 1599, La littérature polonaise est indiquée dans la Bibliographie de Ciampi, professeur à Varsovie, et dans l'Histoire de la littérature par Wiszniewki. Voy. Saggio délia letteratura polacca, dans la Civiltà cattol., 19 avril 1856, page 146. Parmi les savants, nous remarquons, après Copernic, les deux Bielski, l'historien Gronicki, Stanislas Hosius, Sarnucki, l'évèque Martin Kro- mer (Eichhorn, der Erml. bischof. M. Kromer, Braunsb., 1868); parmi les poètes latins, Janicki et Sarbiewski, S. J. (Sarbeivius) ; parmi les poètes polonais, Llonowicz (Ovidius Sarmat.), Zomorowicz, Jean Rochanowski, Sumonowicz, etc.

Diète de Pétrikau. Paix de Varsovie.

128. En 1556 déjà les délégués protestants demandaient à la diète de Pétrikau qu'il fut célébré, sous la présidence du roi, un concile national tout se déciderait d'après l'Écriture sainte ; une discussion aurait lieu entre les évêques catholiques et les théologiens protestants, parmi lesquels figureraient Mélanch- thon, Calvin, Bèze, etc. , et l'on dresserait un symbole. Sigismond entra dans ces vues, et pria le pape d'approuver la célébration

390 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

d'un concile, l'emploi de la liturgie en langue vulgaire, la com- munion sous les deux espèces, le mariage des prêtres et la sup- pression des annales. Le pape, comme on devait s'y attendre, répondit par un refus, et les ajourna au concile général. Il dépêcha en Pologne, en qualité de nonce (loo6-1557), Louis Lipomanno, évêque de Vérone, pour adjurer le roi et les prélats de ne point s'écarter de la foi de leurs ancêtres et de traiter avec douceur ceux qui abandonneraient l'hérésie.

La noblesse polonaise, qui régnait arbitrairement dans ses domaines, inclinait fortement vers la libre pensée et favorisait toutes les erreurs imaginables, malgré l'horreur qu'elles ins- piraient au peuple. Seuls, les esprits clairvoyants comprenaient les malheurs qui menaçaient le royaume, notamment du côté des sectaires, qui se querellaient entre eux et se persécutaient les uns les autres. Il est vrai que les réformés, les luthériens et les frères de Bohême, réunis en 1570 dans un synode géné- ral tenu à Sandomir, rédigèrent en commun une formule de foi; mais elle était beaucoup trop vague pour produire un véri- table accord. Fortifiés au dehors, les partis hérétiques obtinrent, après la mort de Sigismond-Auguste (1373), la paix religieuse de Varsovie, qui accordait les mêmes droits civils aux catho- liques et aux non catholiques (dissidents), et obligeait les deux parties à une paix perpétuelle. Le nouveau souverain, Henri de Valois, fut contraint de jurer cette convention.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 128.

Demandes des protestants en 1555 : Raynald., h. an., n. 58 et seq.; î,e Plat, IV, p. 567 et seq. Paul IV à l'épiscopat et au roi : Rayn., an. 1558, n. 16-19; 1559, n. 27-29. Pie IV, ib., an. 156), n. 5-8; 1563, n. 185-187; Jablonski, Hist. Consensus Sendomir., cui subjicitur ipse Consensus, Berol., HS^in-i"; Augusti.Corp. libr. symbol., p. 254 et seq.; Pax dissidentium, 1573; Nova Acta hist. ceci., VII, 726; liicbhorn, II, p. 483 et suiv.; Ranke, Rœm. Pocpste, H, p. 79, 366 et suiv., 370 et suiv.; Rcimann, der Kampf Roms gegen die relig. Freiheit in Polen, 1573 und 1574, dans Sybels Hist. Ztsclir., 1864, XII, p. 379 et suiv. Cette dissertation a besoin d'être rectiflée.

Défections dans l'épiscopat. Le cardinal Hosius.

129. Sous le roi Etienne Bathory (1.^)70-1586), qui assura aux villes protestantes de Danzig, Thorn, Elbiiig, la Uberté qui leur

LE PROTESTANTISME. 391

avait déjà été auparavant garantie, les dissidents prirent de nouvelles forces, bien que ce prince fût lui-même catholique, d'autant plus que l'archevêque Jacques Uchanski (mort en 1581) usait à leur égard d'une extrême faiblesse, les favorisait même et se montrait hostile au Saint-Siège, tandis qu'un grand nombre d'évêques manquaient d'énergie. Cependant, ici même, les vaillants champions ne firent pas défaut à la cause catholique, outre les légats du pape, le cardinal Bolognetto et surtout Jean-François Commendone (mort en to84), qui s'appli- qua avec succès à faire recevoir en Pologne les décrets de Trente et à rétabhr l'ordre réguUer dans les affaires religieuses (1563-1566). Stanislas Ilosius, évêque d'Ermeland, déploya une grande activité et devint la colonne de l'Eglise de Pologne. Non seulement il releva le catholicisme dans son diocèse, il convertit encore une foule d'apostats. En 1551, au synode de Pétrikau, il avait dressé une profession de foi, opposée à celle d'Augsbourg, et qui fut en peu de temps universellement répandue. En 1557, il combattit dans un dialogue le mariage des prêtres, l'usage du calice pour les laïques et la liturgie en langue vulgaire; en ioo8, il s'élevait contre J. Brenz, décidait le primat JDziergowski à prendre des mesures énergiques, fon- dait en 1569 le lycée de Braunsberg et un collège de la Com- pagnie de Jésus, et procurait à cet ordre, qui avait été si dignement représenté par Pierre Canisius (1558), l'entrée dans ce pays. Hosius mourut en 1579, comblé de mérites et revêtu de la dignité de cardinal.

On vit bientôt surgir à Pultuk, à Posen et à Wilna (1570), des collèges de jésuites qui obtinrent de grands succès. Le roi Sigismond III (1587-1632) les soutint avec persévérance, en même temps qu'il encouragea la noblesse catholique. Ils furent également favorisés par plusieurs évêques éminents, tels que Stanislas Karnkowski (mort en 1603 primat de Gnesen), remar- quable par son érudition, sa vertu et son zèle pastoral. Mais plus ils ramenaient de dissidents et répandaient la foi catho- lique, plus ils excitaient la fureur des hérétiques, qui les poursuivaient des plus odieuses calomnies. Le jésuite Jacques Wujek (mort en 1597) était célèbre comme prédicateur, polé- miste et traducteur de la Bible; cependant il fut encore sur- passé dans l'éloquence de la chaire par son collègue Pierre

392 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Skarga (mort en 1612), qui fut lui-même dignement remplacé dans la chaire royale de Varsovie par le dominicain Fabien Birkowski (mort en 1636).

Martin Bialobrzeski, évêque suffragant de Cracovie (mort en 1585), se fit remarquer par son Grand Catéchisme et par des homélies populaires. Tout cela aigrissait les hérétiques; les mesures sévères de Sigismond III les poussèrent jusqu'à des tentatives de révolte et à des alliances avec l'étranger, qui cherchait à entretenir le mécontentement. Le généreux Ladis- las IV (1632-1648) essaya vainement de calmer les esprits, et le colloque religieux de Thorn (août-novembre 1645) demeura sans résultat.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N"* i29.

Graziani, Vita del cardin. Commendone (ci-dessous, § 156). Pallav., XII, vu; XV, ii-vi, viiij XXIV, xiu; Rayn., an. 1564. Stanislai Hosii 0pp., cd. Col., 1584, t. II (Confessio fidei Verse chr. cath. doctrinae solida propugnatio contra Brentium, etc.); Conslit. synodal, diœc. Warmiens., Briinsb., 1612, in-4°. Stanislaus Rescius , Slan. Hosii card. et ep. Warm, vita, Rom., 1687; Bzov., an. 1568, n. 33. Eichhorn, der Erml. Bischof und Card. Hosius, Mayence, 1854, 2 vol.; Flor. Riesz, der sei. Petnis Canisius, p. 259 et suiv. On a de Karnkowsky : des statuts dio- césains, des sermons en polonais et des dissertations sur la Rédemp- tion (1597) et sur l'Eucharistie; de J. Wujek (Vangroviecensis), en polonais, la « Postula major et minor », le traité « de Missa et de Deitate Verbi divini contra Consensum Sendom. », la « Vita et doctrina Salva- toris ex IV Evangeliis, » le traité « de Eccles. cath. », et des hymnes; du P. Skarga : des sermons (nouv. éd., Leipzig, 1843), un extrait de Baronius, Rocyne dzieje koscielne, Krak., 1603, in-f°, continué de 1198 à 1645 par Kwiatkiewicz, Kalisz, 1695, in-f*»; Vie des saints, libri III, Dissert. de Eucharistia, et un traité en polonais sur la réunion de l'Église latine et de TÉglise grecqse : Bäcker, Bibliolh. des écrivains de la Comp, de Jésus, Liège, 1861, VI, p. 646 et seq. De Birkowski : deux séries de sermons pour les dimanches et fêtes; de M. Bialobrzeski, la « Postilla orthodoxa », 1581, t. II (traduite en allemand peu de temps après), et le Catéchisme en polonais. DeclaratioThoruniensis : Augusti, loc. cit., p. 411 et seq.

Le protestantisme en Livonie et en Courlande.

130. 11 arriva en Livonie et en Courlande ce qui était advenu en Prusse. La Livonie était gouvernée par le commandeur Walter

LE PROTESTANTISME. 393

de Plettenburt^' et indépendante de l'ordre Teutonique depuis 1521. Walter, dès 1523, se servit de la croyance luthérienne, déjà répandue dans les villes de Riga, Dorpat et Revel, et à laquelle inclinaient plusieurs autres villes et une grande partie de ses chevaliers, pour se soustraire à l'influence de l'archevêque de Riga et des évêques. La liberté religieuse accordée aux protes- tants se changea pour eux en domination absolue, lorsque Guillaume, margrave de Brandebourg et frère d'Albert, duc de Prusse, fut devenu archevêque de Riga (1539, mort en 1563). En Courlande, le commandeur Gotthard Kettler adhéra à la Confession d'Augsbourg, accepta à titre de duché héréditaire son territoire en fief de la Pologne, à laquelle il céda une partie du pays (au delà de la Duna). Le dernier évêque de la contrée, Jean de Mœnnighausen, vendit eu 1559 son évéché au roi de Danemark, partit pour l'Allemagne et s'y maria.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 130.

C.-L. Tetsch, Kurlœnd. K.-G., Riga, 1767-70,3 part. Extrait dans les Acta bist. eccJ., t. VIII, 649 et seq.; X, 865, 721, et Acta H. E. nostri teraporis, II, 456, 711 et seq.; Gadebusch, LieÜ. Jabrbücber, tb. I, Riga, 1770; Scblœzer et Gebbardi, Gescb. v. Littb., Lieu. u. Kurland, Halle, 1785, in-4° ; Heinrieb v. Jannau, Gescb. v. Lietl. c. Estbland, Riga, 1792-97, 2 vol., part. I, p. 393 et suiv., Arcbiv. für die Gescb. V. Liefl., Estbl. u. Kurl., fortges. v. Scbirren, Reval, 1861, t. VIII, p. 1 et suiv.; Abb. v. Tb. Ilaller u. Mittb. v. Breverns, p. 47 et suiv.; Scbirren, Quellen z. Gescb. d. Untergangs der livl. Selbstaen- digkeit, Reval, 1861 et suiv., 2 vol.; Reimann, das Verbalten des Reiebs gegen Livland, 1359-61 (Sybels Hist. Ztscbr., 1876, II); Biene- manu, Briefe u. Urkunden z. Gescb. Livl., 1558-1362, Riga, 3 vol. (V, 1876).

Le protestantisme en Hongrie.

131. La doctrine de Luther fut importée en Hongrie par des indigènes qui avaient étudié à Wittenberg. En 1525, la diète de Pesth publia contre elle de sévères règlements; mais rien ne put entraver sa propagation, d'autant plus que le clergé, dégé- néré, avait beaucoup baissé dans l'estime publique ; que beau- coup de gentilshommes, sous le prétexte de l'Évangile, essayaient d'accaparer les biens d'Église; enfin, l'occupation d'une partie du pays par les Turcs favorisa singulièrement,

394 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

depuis 1526, la propagation de l'erreur. Cinq villes libres de la haute Hongrie se prononcèrent publiquement pour le luthéra- ranisme. La Hongrie reçut des rois de deux côtés opposés : Fcnlinand d'Autriche avait contre lui Jean de Zapolya; l'un et l'autre gaspillèrent leurs forces dans des guerres civiles, et ne firent aucune résistance à la noblesse avide de pillage, qui s'emparait des biens des évêques apostats.

Aux luthériens se joignirent bientôt les zwingliens et les calvinistes. Matthieu Devay, d'abord luthérien, zwinglien depuis 1543, réunit en 1545, à Erdœd, dans le comté de Szatmar, un synude parurent vingt- neuf prédioants. Les cinq villes libres luthériennes de la haute Hongrie acceptèrent à Éperies la Confession d'Augsbourg en seize articles. En vain la diète de Presbourg (1548) prescrivit l'abolition des hérésies : le palatin Thomas Radasdy, élu en 1544, demeura le protecteur des protestants, qui ne s'affaiblirent que par leurs querelles intestines. Le calvinisme obtint insensiblement la prépondé- rance sur le luthéranisme.

En 1563, le synode de Tarczal accepta la Confession de foi de Bèze et prescrivit renseigiieniont de la doctrine rigoureuse de la prédestination. En 1570, un autre synode tenu à Czenger se prononça énergiquement contre les luthériens. Ceux-ci, dans un synode réuni à Bartfa en 1594, exposèrent les points de doctrine qui les séparaient des calvinistes, et déclarèrent que les écrits de Luther étaient la règle selon laquelle il fallait décider toutes les controverses religieuses. La division des partis ra- mena plusieurs égarés dans le sein de l'Église, et le clergé s'auiuia d'une nouvelle ardeur.

Le primat de Gran, Nicolas Olahus (mort en 1569), fit exécu- ter l'édit de restitution du 10 avril 1560, qiii ordonnait la reddi- tion des biens ecclésiastiques usurpés par les laïques et le rappel des jésuites à Tyrnau (1561j. Persécutés par les protestants, chassés après avoir vu leur collège livré aux flammes (1569), ce no fut qu'à partir de 1586 que les jésuites purent se remettre sérieusement à l'œuvre. Beaucoup de gentilshommes rentrèrent dans le giron de l'Eglise. Ce retour, favorisé par le roi Ferdi- nand, se ralentit sous son (ils Maximilicn II (1564-1576). Ro- dolphe II remit en vigueur les lois favorables aux catholiques. Les protestants s'allièrent au prince de Transylvanie, se sou-

LE PROTESTANTISME. 395

lovèrent avec fureur, et obtinrent par la paix de Vienne (1606) le libre exercice de leur religion.

L'expulsion des jésuites, qu'ils réclamaient tumultuairement, fut empêchée par une remarquable apologie due à un membre distingué de cet ordre, Pierre Pazmann, en 1570, qui avait passé du calvinisme dans le sein de l'Église (1583). Pazmann devint primat en 1616, cardinal en 1629, et mourut en 1637, honoré des catholiques hongrois comme leur plus grand bien- faiteur : il avait fondé beaucoup d'écoles et de séminaires, rétabli la discipline et l'autorité du clergé, et il fut à la fois grand orateur et grand théologien. Pins d'une fois encore les protestants recoururent aux armes, et ne se contentèrent pas des concessions du traité de Linz (1645), bien qu'elles eussent été acceptées par la diète.

OÜVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 131.

(Lehmann) J. Burii Ilist. diplom. de statu relig. evang. in Hungaria, 1710, in-f; (P.-C. Debrecen) Hist. eccl. reform, in Hungaria et Trans- sylvania access. locupl., a F. -A. Lampe, Traj. ad Rhen., 1728 ; J. Ribini (prédicant k Presbourg), Memorabilia Aug. Gonfess. in reguo Hung. a Ferdin. 1 usque ad Carolum VJ, 2 vol., Posen, 1787-1789; G.-B. de Patronis, Reform. Hung. in D. Gerdesii Serin, antiq., VH, i, p. 13.3 et seq., p. Il, p. 346; Joh. Szeberinyi, Corp. maxime memorab. synodorum Evaug. Aug. Conf. in Hungaria, Pestini, 1848; Tekusch, Kurze Gesch. der ev.-luth. Kirche in Ungarn, Gœtt., 1794; Engel- hardt, Iv.-G., IV, p. 217; Mailalh, Gesch. Ungarns, III, p. 193 et suiv.; IV, p. 259 et suiv.; die Religionswirren in Ungarn, Regensb., 1845, t. I; Buchholz, Gesch. K. Ferdinands I, Vienne, 1832. Brefs de Pie IV à l'archevêque Nicol. de Gran : Rayn., an. 1360, n. 9, 66; Socher, Hist. Provinc. Austr. Societ. Jesu, Vienn., 1740. Sur la réac- tion cathohque : Ranke. Papste, 1, p. 465 et suiv. Le livre de Paz- man : Hodoegus Jgazsùgra vez' erlo Kalaus, Preszb., 1613, 1623, en hongrois, était spirituel, savant et d'un fort bon style ; il eut sur les compatriotes de l'auteur un effet irrésistible. A la diète de 1623, les catholiques eurent la majorité. Le converti Esterhazy, désiré par la cuur, devint Palatin.

Le protestantisme en Transylvanie

13-2. Dès 1521, la doctrine de Luther fut répandue en Transylvanie par des marchands d'Hermannstadt revenus de Leipzig. Elle fut interdite en 1523 par des lois sévères, et les

39G uiSTOiRE DE l'Église.

livres de Wittenberg furent livrés aux flammes. Cependant une école luthérienne s'établit à llermannstadt en 1524, et la noblesse s'empara des biens du clergé. A partir de 1526, les luthériens redoublèrent d'audace; les religieux et les plus décidés d'entre les catholiques furent chassés d'Hermannstadt en 1529. A Cronstadt, le prédicant Jean Honter agissait par ses sermons et par ses écrits; en 1534, il y dominait en maître absolu. La messe fut abolie, et l'usage du calice pour les laïques introduit dans une grande partie du pays.

En 1544, au synode de Medwisch, toute la nation saxonne se prononça pour la Confession d'Augsbourg. Les Magyares du pays embrassèrent le calvinisme. En 1556, la diète de Klausen- bourg imitant ce qu'avait fait la Paix de religion d'Augs- bourg — établit la liberté illimitée du culte. Les biens d'Église furent confisqués pour la défense du pays, à l'exception de deux couvents, que l'on convertit en gymnases luthériens. En d564, à Enyed, les calvinistes ou réformés furent reconnus sans restriction et reçurent un surintendant particulier. Vinrent ensuite les unitaires (sociniens), qui avaient dans George Blandrata et François Davidis de zélés promoteurs. Ils furent reconnus en 1571 et reçurent un surintendant. On voyait aussi des anabaptistes.

Des luttes ardentes ne tardèrent pas à éclater. Les réformés, puis les luthériens, formaient la majorité de la population; les Valaqucs grecs l'emportaient eux-mêmes en nombre sur les catholiques. Gaspard llellai, prédicant luthérien à Klausen- bourg, publia (1562) une traduction de la Bible d'après la Vulgate et Luther; une autre traduction, d'après le texte ori- ginal, fut publiée par Gaspard Caroly, prédicant à Gœnz (1589); son travail fut corrigé par Abraham Molnar, prédi- cant des réformés. Comme les frères bohémiens, les unitaires se plaignaient des divisions qui déchiraient le pays et de rab.sence de toute vraie piété.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 132.

Tcutscb, Aus dem saechs. Leben, vornehmlich Herraannstadts, am Ende des 15 Jahrh. (Archiv, fur siebenbürg. Gesch. -Kunde. N. F., t. XIV, 1877, I); G. Haner, Hist. eccl. Transsylv., Fraucof., 10114; Debrecen 131); Pclri liud, Hist. Antitrinilar. m Transsylv., Lugd

J.H PROTESTANTISME . 397

Bat., 1781 . De falsa et vera uniiis Dei Patris, Filii el Spir. S. cogni- lione, auctorilnis ministris ccclcsiaruin consentientium in Sarmatia et Transsylv., éd. 1507 (par les unitaires) : Dœllinger, Réf., II, p. 069 et suiv.

Le protcstaiitisnie en Scandinavie.

La Suède sous Gustave Wasa.

133. La Suède avait essayé, sons l'administrateur du royaume Sten Sture le Jeune, de secouer le joug du Danemark; mais ce prince périt dans une bataille en 1519, et Christian II, roi de Danemark, rétablit son autorité. Malheureusement, il sema de nombreux germes de discorde et de haine, en faisant subir, après son couronnement à Stockholm, une mort cruelle à beaucoup de grands persüiinages de Suède (novembre 1520] .

Le fils d'une de ces victimes, Gustave Wasa, remis au roi en qualité d'otage, s'enfuit à Lübeck, il trouva un accueil favo- rable, obtint des secours, et se familiarisa en même temps avec la doctrine de Luther, singulièrement propice à ses desseins. Il retourna en Suède, vainquit les Danois, fut d'abord administra- teur du royaume, puis en 1523 élevé à la royauté.

Désireux de transformer la Suède en monarchie héréditaire, de briser la puissance du clergé et de la noblesse, de fortifier celle de la couronne par les grandes richesses de l'Église, Gustave Wasa procéda avec une prudente lenteur à la révo- lution religieuse qu'il méditait, car l'attachement du peuple à son ancienne religion lui présentait de grandes difficultés. Deux frères, originaires de Néricke, en Suède, et formés à Wittenberg, Olof et Laurent Peterson, devinrent l'objet de ses faveurs : l'un fut nommé prédicateur de la cour de Stockholm ; l'autre, professeur à Upsal. Gustave les avertit d'user de beau- coup de modération dans ce qu'ils entreprendraient contre l'ancien ordre ecclésiastique, d'autant plus que leur vie était souvent en danger. Us gagnèrent quelques adhérents, entre autres Laurent Anderson, archidiacre de Strengenaes, dont le roi Gustave fit son chancelier.

Leurs progrès furent d'abord peu rapides au sein d'une population foncièrement cathoHque. Le roi, dans ses lettres au pape Adrien VI et à son légat Magnus Gothus, feignait encore d'être attaché à l'Église au moment il accompUssait déjà

398 HisroiUE i.e l'église.

d'importantes innovations. Jean Brüske, évêquedoLinkœpring, et Pierre Jacobson, évoque de Westcraes, ainsi que les domini- cains, opposèrent au roi une vive résistance. Les dominicains lurent expulsés du royaume.

Le roi provoqua à Upsal un colloque religieux, dans lequel Olof Peterson soutint la nouvelle doctrine contre le professeur Pierre Galle ; Gustave décerna la victoire au premier, parce qu'il n'avait tiré ses preuves que de la parole de Dien. Il persé- cuta les évoques et les moines, prit dos mesures pour introduire le luthéranisme à l'université d'Upsal, et protégea Olof Peterson, qui se maria. Il procéda ensuite à la confiscation des biens d'Église, chargea son université de le justifier, et profita d'un soulèvement populaire pour .se débarrasser des évèques qui l'incommodaient, en les accusant de haute trahison. L'arche- vêque d'Upsal et l'évêque deWesteraes furent mis à mort (février 1527). Gustave semait partout la crainte et l'épouvante. Beau- coup d'ecclésiastiques apostasièrent, séduits en partie par les charmes de la nouvelle liberté. Les religieuses de Wadstena montrèrent parmi les pins rudes épreuves un courage héroïque.

Diète de Westeraes. Astuce de Gustave Wasa.

134. Gustave exposa ses plans de réforme à la diète de Wes- teraes (1527). Les deux partis se combattirent avec vivacité, et la majorité rejeta les propositions du roi. Alors Gustave fit sem- blant do vouloir abdiquer la couronne, sous prétexte qu'il ne pouvait plus régner dans l'état actuel des affaires, et il réclama les biens personnels qu'il avait consacrés au service de l'État. 11 s'ensuivit une grande émotion, car on redoutait l'anarchie. Ses partisans essayèrent de gagner les bourgeois et les paysans, en agitant devant eux le spectre menaçant de la tyrannie danoise. La noblesse fut contrainte de céder.

Des délégués de tous les États conjurèrent le roi de ne point abdiquer, s'engagèrent à étouffer tout mouvement insurrec- tionnel, consentirent à ce que le roi confisquât les biens des évoques, des chapitres, des cathédrales et des couvents, fixât le traitement des évèques, instituât et destituât les clercs. La noblesse fut autorisée à reprendre les biens (jue ses ancêtres avaient donnés à l'Église depuis 1453. Le clergé fut soumis aux

LE l'ROTESTANTlS.AIi:. .'}•)*.)

resfri<>ti(Mis les plus déshonorantes et profondément humilié; beaucoup de couvents furent à l'instant supprimés.

Lo roi exif^ea que la pure parole de Dieu fût désormais annoncée à tous ses sujets d'après la doctrine de Luther. La population suédoise devint, eu matière relif?ieuse, entièrement dijpendante du roi et séparée de l'unité ecclésiastique ; le célibat des prêtres fut aboli, et la liturgie célébrée eu langue vulgaire. Le synode d'Œrebro, en 1529. consomma l'œuvre de la réforme. Ou conserva cependant, en considération du peuple, non seule- ment la constitution épiscopale, mais encore la plupart des rites extérieurs de l'Eglise, y compris les images et les ornements ; mais le roi accapara les objets les plus précieux des églises.

Une censure sévère et des peines graves devaient rendre impossible le rétablissement de l'aucienne Église. Le .siège archiépiscopal d'Upsal fut donné en 1531 k Laurent Peterson, ministre docile de ce roi despote. Cependant Anderson et Olof Peterson trempèrent plus tard dans une conjuration contre le roi, furent condamnés à mort (1540), et ne rachetèrent leur vie que moyennant de grosses sommes d'argent. En 1552, Ander- son mourut, délaissé et méprisé, Stiengeuces, môme il avait commencé sa révolte contre l'Église catholique. Le roi, qui avait fait accepter en 1544 la transmission du trône à sa descendance masculine, et qui était vraiment le chef de l'Église de son pays, demeura jusqu'à la lin de ses jours (30 septembre 1560), parmi de nombreuses révoltes qu'il étouffa dans le sang, fidèle au luthéranisme. La corruption des mœurs était si grande dans le pays, que le roi, ainsi que son archevêque d'Upsal, disaient, dans leurs décrets de 1544 et 1558, que les calamités publiques étaient une punition d'en haut, et ils exhortaient leurs sujets à se faire une plus juste idée de la liberté évangé- lique.

Éric XIV.

135. Éric, l'un des quatre fds de Gustave, fut élevé à la royauté ; les autres, d'après le testament de leur père, reçurent des domaines particuliers. Déjà la doctrine de Calvin commen- çait à pénétrer dans le pays, au grand regret des luthériens, qui y dominaient. Éric fut gagné au calvinisme par un de ses maîtres, le Français Denys Beurrée, ami de Calvin et de Bèze, et

400 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

il le professa bientôt publiquement. Des conflits sanglants écla- tèrent entre calvinistes et Iiilhérions; ceux-ci, déjà prépondé- rants, remportèrent la victoire sous la 'conduite de Jean Oseg, évêque de Westera?s. Éric XIV, détesté pour sa tyrannie, fut renversé du trône en septembre 1568, à la suite des mesures qu'il avait prises pour introduire le calvinisme ; jeté en prison, il y mourut empoisonné (25 février 1577). La noblesse, qui avait fini par retirer du changement de religion plus de profit encore que la royauté, menaçait déjà le pays de nouvelles et redoutables révolutions.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N"^ 133-135.

Baaz, Invenlarium eccl. Sueco-Gotliorum., Linkœp., 1642, in-4'' ; C. Tibnrlii Range, Suecia orthodoxa, Altstettin, 1688, in-4"; Messc- nius, Scaadia illustrata, Stockholm, 1700, 8 t., in-f"; Olaus Pétri Chron. Suec. (Swenske Krœnica) , éd. Kiemming, Stockh., 1860; Handlingar rœrande Sveriges historia : Konung Gustaf I Registra- tur, 1521-1524, Stockh., 1861 ; Schimmeier, Lebensbeschreibung der drei schwcd. Reformatoren, Lübeck, 1783, in-4"; Fr. Hubs, Gesch. v; Schweden, Halle, 1805-1814, 5 vol., surtout t. Il, p. Ol et suiv.; Gejer (IV, § 233), t. II; Vertot, HisL des révolution? de Suède, Par., 1768, II, 162 et seq.; Rœmer, de Gustavo I rer. sacr. in Suecia ssec. 16 instauratore, Utraject., 1840; Thyselius, Einführung der Ref. in Schweden (Hist.-theol. Ztschr., 1846, 11); Dcellinger, die Reform., II, p. 452, 678 et suiv.; Kirche u. Kirchen, p. 103.

Tentatives de Jean III pour restaurer le catholicisme.

J3Ü. Jean m (1568-1592), le frère cadet d'Éric, avait développé les riches qualités de son esprit et de son cœur dans de sérieuses études et parmi de rudes épreuves. Marié depuis 1562 à la princesse polonaise Catherine, sœur du roi Sigismond-Auguste, il lui avait assuré le plein exercice de sa religion. Catherine avait amené avec elle des prêtres catholiques, notamment Jean Herbst et Joseph Albert. Jean III avait été jeté en prison par son frère Éric, et sa femme y avait mis au monde le prince Sigismond, qui fut plus tard roi de Pologne (1587); il avait étudié les Pères de l'Église avec les deux prêtres de sa femme, et s'était de plus en plus convaincu de la vérité de la religion catholique. Depuis (ju'il était monté sur le trône, il travaillait avec beaucoup de prudence à son rétablissement. Il s'efforça de

I

LE PROTESTANTISME. 401

sauver le peu qui restait encore de couvents et d'institutions ecclésiastiques, publia treize articles concernant la réforme du clergé luthérien profondément déchu, introduisit un nouveau rituel, rédigé en partie par lui-même et en partie par l'archevêque Laurent en 1571 , pour favoriser le retour à l'Lglise catholique; il y parlait de saint Anschar, apôtre du pays, et de l'étude des saints Pères.

Après la mort des luthériens rigides, il plaça sur les sièges épiscopaux des hommes plus modérés, donna celui d'Upsal à Laurent Peterson Gothus, qui se fit sacrer selon le rite catho- lique et contracta avec le roi un accord sagement combiné. Depuis qu'il avait conversé avec le spirituel jésuite Warszewicki (1574), envoyé par la reine de Pologne, Jean avançait d'un pas plus rapide. Il dépeignit, dans un synode, la décadence de l'Église nationale, et trouva de bonnes dispositions dans un grand nombre d'ecclésiastiques.

En 1576, parut une liturgie composée par le roi, aidé du chancelier Pierre Fecht; elle fut presque généralement accep- tée. Seul, le plus jeune des frères du roi, le duc Charles de Sudermanie, déjà rattaché au parti rigide des luthériens pour des intérêts politiques, s'y opposa en invoquant le testament de son père et les lois du royaume. Sur ces entrefaites, le jésuite Laurent Nicolai arriva de Belgique à Stockholm, et obtint une chaire de professeur de théologie ; on le fit passer à tort pour l'auteur de la liturgie. En 1577, il eut de violentes disputes avec les professeurs luthériens Pierre Jone et Olof Luth, prin- cipalement sur l'Église et le sacrifice de la messe. 11 en sortit victorieux. Déjà plusieurs luthériens commençaient à mieux apprécier la foi catholique, et le Catéchisme de Pierre Canisius, propagé par le P. Herbst, eut une grande part dans ce résultat.

OUVRAGES A CONSUMER SDR LE 136.

A. Theiner, Schweden u. s. Stellung zum hl. Stuhl unter Joh. III Sigism. III u. Carl. IX, nach geheimen Staatspapieren, Augsb., 1838 etsuiv.,2 part.; Hist.-pol. Bl., 1838, t. II, p. 33-51. La liturgie de 1576, dans Munter, Magazin f. K.-G. u. K.-R. des Nordens, II, i, p. 19 et suiv., 41 et suiv. Cf. Theiner, I, p. 415 et suiv.

v. HisT. DE l'Église. 26

402 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Nonciature de Possevin en Suède.

137. Encouragé par ses précédents succès, Jean III envoya à Rome le chancelier Pierre Fecht et le savant Pontus de la Gardie, pour concerter avec Grégoire XIII les moyens de réconcilier la Suède avec l'Église catholique. Fecht mourut en mer; son compagnon arriva à Rome. En 1577, Grégoire XIII envoya en Suède, en qualité de nonce, le savant et pieux jésuite Antoine Possevin, et Jean III eut avec lui de longs entretiens. En 1578, le roi abjura le protestantisme et souscrivit à la profession de foi du concile de Trente. Cependant la congrégation instituée à Rome rejeta plusieurs des douze conditions exigées par le roi. Une dispute s'engagea en Suède, à l'instigation des théolo- giens allemands luthériens, pour et contre la liturgie : de le parti des philoliturges et le parti des misoliturges.

La vie du roi fut souvent en danger : car son frère Charles, qui aspirait lui-même à la couronne, avait pendant son séjour en Allemagne attiré les princes protestants dans son parti, et sa femme Marie favorisait puissamment la cause du luthéranisme en Suède. Les traîtres qui entouraient Pontus de la Gardie et Jacques Typolius, décidèrent le roi, peu énergique d'ailleurs, à maintenir ses exigences vis-à-vis de Rome; Rome ne céda point, parce que cet exemple eût été dangereux pour d'autres pays, et que, dans de telles conditions, le catholicisme n'aurait pu vivre en Suède d'une vie véritable. Possevin rentra en 1579, sans avoir obtenu les concessions désirées. Le roi renouvela sa demande ; mais bientôt son ardeur pour la cause catholique se ralentit. Intimidé de toutes parts, il tremblait devant les insur- rections et craignait de perdre son trône : à dater de là, il ne fit plus aucune démarche pour réunir la Suède à l'Église catho- lique. Ces espérances s'évanouirent de plus en plus à la mort de la reine Catherine, zélée pour le catholicisme (16 septembre 1583). Jean contracta dans la suite un second mariage avec Guneila Rjelke, qui fut un des principaux soutiens du luthéra- nisme. Guneila et le théologien de Rostock, Chytrée, exercèrent sur lui une grande influence; mais ils ne purent le décider à renoncer à sa liturgie.

LE PROTESTANTISME. 4f03

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 137.

Dorigny, Vie du P. Possevin, Paris, 1712, p. 166-252; Theiner, I, p. 449 et suiv., 504 et suiv.; Ranke, Rœm. Pœpste, II, p. 81 et suiv.; Rüh.s, II, p. 223 et suiv. Judicium prœdicatorum Holmensium de publicata liturgia, ap. Baaz, Invent., p. 393.

Le roi Slgismond.

138. A la mort de Jean III (1592), son fils Sigismond, déjà roi de Pologne, était absent. Son oncle, le duc Charles, admi- nistrateur provisoire du royaume, profita de cet intervalle pour l'évincer du trône. Sigismond avait rejeté autrefois la demande qu'on lui avait faite de jurer la Confession d'Augsbourg, et offensé par les nombreux protestants. Charles réunit à Upsal une diète et un synode national, qui repoussa le rituel et la liturgie de Jean III (mars 1593), prescrivit à tous la Confession d'Augsbourg, et la fit jurer à quiconque remplissait une charge publique. Il y fut déclaré qu'aucune secte, papiste, calviniste ou autre, ne serait tolérée dans le pays; qu'on s'en tiendrait uniquement à la seule et véritable foi luthérienne. Les évêques, dans leur lâcheté, témoignèrent en termes ridicules leur regret d'avoir accepté la liturgie condamnée; l'archevêché d'Upsal fut donné à un luthérien fanatique, Abraham Angermann.

Déjà le duc Charles donnait à entendre que son neveu devait être exclu du trône, s'il n'acceptait pas les décrets. Le méconten- tement contre ce roi juste et généreux avait déjà fait de grands progrès, quand il arriva en Suède (juillet 1593) pour prendre possession du trône paternel. 11 était accompagné du nonce du pape, Malaspina. A Danzig, il fut salué par un autre délégué du Saint-Siège, Barthélémy Powsinsky, qui lui remit une somme d'argent pour ses frais de voyage et lui donna différents con- seils. La puissance royale était déjà considérablement affaiblie par les concessions précédentes de Sigismond. Les vues du roi se bornaieut à accorder quelques libertés aux catholiques, sans toucher à la constitution protestante. Les prédicants luthé- riens, qui excitaient le peuple de mille manières, essayèrent de s'y opposer; on alla jusqu'à refuser au roi l'exercice pubhc du culte catholique. Un des plus fougueux était le prédicant de Stockholm, Éric Schepper. C'est, disait-il, un crime abominable

404 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

que d'enterrer solennellement un catholique polonais, et il lança l'interdit sur la capitale.

Devant la fourberie de son oncle et le fanatisme des luthé- riens, Sigismoud ne pouvait rien faire d'important; malgré toute sa condescendance et sa loyauté, il fut incapable de pré- venir une révolte. Avant de repartir, il régla le gouvernement de l'État, qu'il remit en commun à son oncle et aux juges du royaume, confirma toutes les prérogatives de la religion natio- nale, augmenta les revenus des évêques et des prédicants, et agrandit leur autorité (16 mars 1594). Les prédicants se moquè- rent du roi et l'accusèrent de superstition pour avoir fait le lave- ment des pieds le jeudi saint (bien qu'il se trouve dans l'Évan- gile), et ils punirent par l'excommunication et la perte de leurs aumônes les pauvres qui s'étaient prêtés à cette cérémonie.

Diète de Suderkœping. Ses suites.

139. Sigismond parti, le duc Charles continua ses intrigues pendant dix ans (1594-1704), jusqu'à ce qu'il eût définitivement enlevé le trône à Sigismond. La diète de Suderkœping (1 59.5) fit un crime au roi d'avoir accordé aux catholiques le libre exercice de leur culte et une part dans les fonctions de l'État. Elle décida que tous les non luthériens seraient contraints d'émigrer, qu'on enlèverait au roi le droit de nommer aux emplois pour le conférer au duc Charles, qu'on défendrait tout appel au roi tant qu'il résiderait hors du pays.

Ces décrets de haute trahison furent exécutés sans merci ; le couvent de Wadstena fut complètement supprimé et détruit, et la partie du peuple qui se montra revèche fut forcée par la violence à se soumettre. En 1595, une fête d'actions de grâces fut célébrée « pour le maintien de la vraie religion contre les entreprises et les manœuvres des jésuites ». L'archevêque Angermann « fit une visite des églises qui n'avait pas eu sa pareille », dit Ranke. Quiconqiie ne fréquentait pas l'église luthérienne, était frappé de verges; l'archevêque emmenait avec lui quelques vigoureux disciples, chargés d'administrer la correction sous ses yeux. Les autels des saints furent mis en pièces, les reli(iues dispersées; les cérémonies, qu'on tenait encore pour indifférentes en 1593, furent en 1597 supprimées

LE PROTESTANTISME. 405

en beaucoup d'endroits. La tyrannie était d'autant plus raffinée, qu'elle contrariait davantage les penchants du peuple et la volonté du roi. Déjà le duc Charles, qui se comportait en roi, avait fait rendre un décret statuant qu'aucune ordonnance royale ne serait valable avant d'être approuvée par le gouver- nement suédois.

Sigismond détrôné par le duc Charles.

140. Cependant il y avait encore un parti dévoué à la cause du roi. Le gouverneur Flemming, gouverneur de Finlande, continuait de défendre son drapeau. Beaucoup de seigneurs, qui avaient cherché en lui une barrière contre l'arbitraire de Charles, furent expulsés; mais leurs partisans demeurèrent dans le pays. Le bas peuple était mécontent de l'abolition de toutes les cérémonies, et considérait les calamités publiques comme un châtiment du Ciel. Indigné de ces attentats, Sigis- mond III aborda pour la seconde fois (été de 1598) dans son royaume héréditaire, et débarqua à Calmar avec cinq mille hommes seulement. D'autres troupes étaient déjà arrivées, et une bande de Finlandais s'avançait vers Upland. Charles se mit à la tète de son armée et marcha contre le roi. Sigismond rem- porta de nombreux avantages : il aurait pu écraser le perfide duc avec tous ses partisans ; mais il suspendit le massacre et ne recueillit qu'ingratitude. Charles ne tarda pas à obtenir la pré- pondérance ; le roi dut promettre qu'il se soumettrait à la déci- sion de la diète, et il s'embarqua pour Danzig. A Jonkœping (janvier 1599), Charles l'accusa de vouloir ramener les Suédois aux erreurs de l'Antéchrist.

Les États assemblés à Stockholm (mai) déclarèrent qu'ils refu- seraient l'obéissance au roi, s'il n'approuvait pas toutes leurs demandes, entre autres celle de faire élever en Suède, dans le protestantisme, son fils Ladislas par le duc Charles.

Tous les partisans de Sigismond périrent dans de cruels supplices. En 1600 enfin, à la diète de Linkœping, Charles et les États déclarèrent Sigismond et sa descendance déchus du trône pour avoir apostasie la vraie doctrine. Neuf conseillers royaux payèrent de leur tète leur fidélité au roi. En 1604, la diète do Nordkœpiug renouvela les calomnies et les injures

-406 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

précédemment débitées contre Sigismond, et proclama roi le duc Charles (IX), qui s'affermit sur le trône par la violence et alla jusqu'à entamer une guerre contre son neveu de Pologne. Le fils de Charles IX, Gustave- Adolphe (1611-1632), hérita de son ambition et de sa passion guerrière; sa fille unique et son héritière, Christine, renonça au trône au bout de quelque temps (1654), et se convertit au catholicisme.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N°* 138-140.

Concile de 1593 : Munter, Archiv, II, i, p. 69 et suiv.; Messenius, op. cit.; Ranke, II, p. 374 et suiv., 383 et suiv.; Theiner, II, p. 45 et suiv.; Riihs, II, p. 298 et suiv.; III, p. 1 et suiv.; Gejer, II, p. 305 et suiv. l,c manifeste énumère les crimes du duc Charles contre le roi Sigis- mond : « Ausa illustrissimi principis D. Caroli Sudermanniaî ducis adversus serenissimum et potentissimum D. Sigismundum III Regem Sueciœ et Poloniae suscepta, scripta et publicata ex mandato S. Reg. Majestatis proprio », Dant., 1598. Cf. Piacesii , Chronic. gest. in Europa singul., p. 159, Sion, 1841, n. 107 et suiv., p. 969 et suiv. Abrah. Cronholm, Sveriges Historia under Gustaf II, Ad. Regering., Stockholm, 1861.

Le protestantisme en Danemark.

141. Le protestantisme fut introduit en Danemark par les mêmes procédés qu'en Suède. aussi, la noblesse et le clergé étaient riches et très puissants. Ils nommaient ordinairement le roi par des capitulations électorales qui restreignaient sou autorité. Christian II (1513-1523) trouva dans le protestantisme un moyen d'affaiblir l'aristocratie laïque et surtout l'aristocratie ecclésiastique. En 1520, il remit au docteur Martin, qu'il avait demandé à Luther, une église à Copenhague, sans se soucier de la résistance des États, défendit aux ecclésiastiques non mariés d'acheter des biens, et fit exécuter l'archevêque de Lund. Outrés de ses vexations insupportables, les prélats et les barons se concertèrent pour précipiter sa ruine. Ils prononcèrent sa déposition, parce qu'il régnait en tyran et voulait introduire un culte nouveau. Le peuple danois était si loin de songer à un changement de religion, que le nouveau roi Frédéric, duc de Schleswig et Holstein, oncle de Christian, dut s'obliger par ser- ment, quand il fut couronné, à maintenir la religion catho-

hV. PROTESTANTISME. 407

liqne, à interdire la prédication aux disciples de Luther et à les traiter coiiimo des hérétiques.

Frédéric n'osa pas avouer encore qu'il était lui-même luthé- rien (23 mars 1523), et il trompa les évêques. Mais il se montra bientôt le protecteur des luthériens, favorisa le prédicant Hans Tausan, et en 1526 se déclara formellement luthérien. Interrogé sur ce sujet par les États réunis à la diète d'Odensée (1527), Frédéric s'excusa en disant (}u'il n'avait pas promis de to- lérer les abus de l'ancienne Église ; il fit même adopter un décret suivant lequel les deux religions subsisteraient l'une à côté de l'autre jusqu'au prochain concile général; les luthériens joui- raient des mêmes droits civils que les catholiques, le mariage serait permis aux ecclésiastiques, la demande du pallium à Rome supprimée, et la confirmation des évêques confiée au roi. Les hens avec le Saint-Siège étaient rompus; les évêques, mondains et insouciants, ne firent aucune résistance au pro- grès des innovations.

Cependant, comme ce progrès laissait encore à désirer, Frédé- ric provoqua à Copenhague (1529) un colloque religieux, auquel, sur la demande des évêques, les chefs de l'Allemagne catho- lique, Eck et Cochlée, furent aussi invités. Ils n'arrivèrent point, mais seulement Stagefyr, théologien de Cologne, peu versé dans la langue danoise. Cette raison, jointe à celle-ci que les luthériens ne voulaient point discuter en latin, qu'ils ne reconnaissaient ni Pères de l'Église ni conciles, mais seu- lement l'Écriture sainte, fit que le colloque n'eut pas lieu. Les griefs réciproques furent remis par écrit au roi et à la diète.

Les luthériens avaient en outre dressé une confession de foi en quarante-trois articles. Le roi déclara que la doctrine de Luther était l'expression de la vérité divine. A dater de là, les catholiques furent honnis et persécutés ; quand ils ne cédaient pas, on les expulsait violemment de leurs possessions. Les fonctionnaires royaux s'étaient vite accommodés à la nouvelle doctrine, dont les partisans l'emportèrent à la diète de 1530. La ville de Malmoë fut la première qui abolit l'ancien culte. Le nouvel évêque de Roskild fut obligé de payer au roi six mille florins d'or pour sa confirmation. Les excès des briseurs d'images, l'invasion de Christian II déposé et la guerre civile

408 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

qui en résulta, furent les seuls motifs qui décidèrent le roi à user encore de quelques ménagements envers les catholiques.

Christian III. Abolition définitive du catholicisme.

142. Frédéric mort, le« évêques protestèrent contre l'éléva- tion de l'aîné de ses fils, Christian III, ami personnel de Luther, et qui avait déjà protestantisé le Holstein. Mais Christian III sut attirer dans son parti les États laïques du royaume, et fit saisir en un seul jour tous les évêques du pays. Luther lui écrivit pour le féliciter d'avoir « extirpé » les évêques, et assura qu'il s'emploierait de son mieux pour qu'on en fît autant par- tout où il se pourrait. Frédéric ne rendit aux évêques leur liberté et leurs biens patrimoniaux que lorsqu'ils eurent rési- gné et promis de ne point faire obstacle à la nouvelle doctrine. L'évêque de Roskikl, Rœnnow, fut le seul qui refusa d'acheter la liberté à ce prix : il mourut en prison (1544). Tous les prêtres qui repoussèrent la doctrine de Luther, furent destitués; les moines et les nonnes furent chassés de leurs couvents. Le collègue de Luther, Jean Bugenhagen [Pomeranus], fut mandé de Wittenberg en 1537 pour consommer l'œuvre de la réforme. 11 couronna le roi et dressa un nouveau règlement ecclésîas- ti(]ue, qui mettait la religion entièrement aux mains du souve- rain; ce règlement fut approuvé en 1539 par la diète d'Odensée.

Aux évêques, dont les biens furent partagés entre le roi et la noblesse, on substitua sept surintendants, qui furent consacrés par Bugenhagen et prirent bientôt eux-mêmes le titre d'« évêques ». Ce qui subsistait encore des droits des catho- liques, fut anéanti en 154G, k la diète de Copenhague : on inter- dit aux prêtres catholiques, sous peine de mort, de résider dans le pays; on priva les catholiques du droit d'hériter et on les exclut de tout emploi. Bugenhagen, qui aimait à se faire appe- ler « l'apotre du Nord », quitta le Danemark eu 4539, emportant avec lui de grandes sonwues d'argent (mort en 1558).

Parmi les théologiens danois se trouvait le plus célèbre des disciples de Mélanchthon, Nicolas Ueniming, professeur do théologie à Copenhague. Lui aussi fut obligé de céder au des- potisme du roi en matière dogmatique, et de rétracter sa doctrine sur l'Eucharistie (1575). En 15G2, il s'apitoyait sur la

LE PROTESTANTISME. 409

situation désespérée de la jeune Église danoise. En 1594, les conseillers du royaume, investis de la régence, déploraient la décadence des écoles. La noblesse avait le monopole de tous les avantages politi(]ues ; les bourgeois et les paysans ployaient sous des charges de toute nature. Les tentatives de Christian IV (1588-1648) pour les soulager échouèrent devant la résistance do la noblesse, dont la force surpassait la sienne.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°^ 141-142.

Conr. Aslack, Or. de religionis per Lulh. reformatai orig. et pro- gressa, Hafn., 1621, m-4°; en allem., ibid., 1622. Erich Paiitopidan. (IV, § 225), t. III. 1747, u. Ref.-Gesch. der dœnischen Kirche, Lübeck, 1734, p. 1 et suiv., 155 et suiv.; Ilolberg, Daen. u. norwegische Staats- historie, Copenhague, 1731, p. 127 et suiv.; Munter, Danske Ref Historie, 2 vol., et K.-G. von Dœnem. u. Norw., Leipzig, 1834, t. III; Dahlmann, Gesch. v. Dœnem., Hamb., 1841 et suiv., 3 vol. (ibid., 111, p. 356 et suiv. Sur la déposition de Christian III, documents dans Ludewig, Reliquiœ manuscript., Francof. et Lips., 1723, V, 321); Eugelstoft, Reformantes et Catholici tempore, quo sacra emendata sunt, in Dania concertantes, Hafn., 1836; Allen, Gesch. des Kœni- greichs Deenem., übersetzt von Falk, 1846; Behermann, Leben des Joh. Bugenhagen, Berlin, 1850. Quelques notices dans K. Leib, Ann., an. 1535 et 1537, p. 600-602, 605; dans les rapports de la non- ciature, 1530-1542; Lsemmer, Mon. Vat., p. 35 et suiv., 49 et suiv., 61, 86, 415 et suiv.; DoïUinger, Réf., II, p. 670 et suiv. Sur Nicol. Hemming, voy. Dsenische Biblioth., I, p. 72 et suiv.; Lackmann, Hist. ordin. Eccl. regni Dan., p. 68 ; Dœllinger, II, p. 672-675, et über die Zustœnde des Landes dens. Kirche u. Kirchen, p. 97 et suiv. Kai-up, Gesch. der kath. Kirche in Deenem., trad. du danois, Mimster, 1863; Mœhler-Gams, IH, p. 192.

Le protestantisme en Norwège et en Islande.

143. Dans la Norwège, qui était unie au Danemark, le luthé- ranisme eut pour apôtre Olof, archevêque de Drontheim, qui fut obligé, en sa qualité de partisan de Christian il, de s'enfuir dans les Pays-Bas. Christian III imposa à la population récalci- trante le double joug de la nouvelle religion danoise et de la noblesse; les ecclésiastiques durent opter entre l'apostasie et l'exil. En 1541, le riche tombeau de saint Olaf à Drontheim fut pillé de fond eu comble, et la magnifique cathédrale complè-

4.10 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

tement saccagée; l'archevêché et les évêchés subsistèrent de nom sous le régime luthérien.

L'île d'Islande résista longtemps, elle aussi, contre ce double joug; mais, après que le vaillant évêque d'IIolum, Jean Aresen, eut été décapité, la résistance s'affaiblit, et, à partir de 1551, les nouveautés furent définitivement introduites.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 143.

Torfœus, Hist. Norweg., p. I, 1, II, c. xix; Gebhardi, Gesch. v. Dœnem. in d. Allg. Welthistorie, th. xxxiii , Halle, 1770, p. 156 et suiv.; llarboe, Reform, in Island (Hist. Abhdlg. der Gesellsch. der Wissensch.in Copenhagen, Altona, 1796, t. VI et VU); L.-Chr. Müller, Beitr. z. K.-G. Islands (Medners Ztschr. für hist. Theol., 1850, III, p. 384-389; zur früheren Geschichte das., p. 378-384).

LE PROTESTANTISME EN ANGLETERRE. Le protestantisme souk Henri Till.

Mariage de Henri VIII.

14-4. En Angleterre, les mœurs adultères du roi Henri VIII, le plus intrépide des adversaires de Luther, aboutirent à un schisme qui finit par prendre les proportions d'une hérésie. Ce prince voluptueux et tyrannique arriva, par la violation de la sainteté du mariage, à rompre avec les institutions de l'Éghse, A quatorze ans, c'est-à-dire, à un âge il pouvait licite- ment se marier, il avait épousé (1509) la veuve de son frère défunt Arthur, Catherine d'Aragon, tante de Charles-Quint, moyennant dispense du pape .Iules II. Le mariage de Catherine avec Arthur n'avait pas été consommé. Catherine, mariée à Henri VIII, lui donna dans une période de dix-sept ans trois fils et deux filles ; de tous ces enfants, la princesse Marie fut la seule qui survécut. En 1527, Henri VllI se lassa de son épouse, pieuse et spirituelle, mais un peu plus âgée que lui, et désira s'unir à une dame de la cour, Anne de Boleyn. Il lui fallait un prétexte pour rompre son mariage : il prétendit qu'il était nul ; que la dispense de Jules II avait été donnée sur de fausses allégations ; (ju'à Rome même on avait douté autrefois si le pape pouvait permettre le mariage avec la veuve du frère, parce (ju'uii tel mariage était défendu sous l'ancienne loi (1) et

(1) Lévitique, xviu, 16; xx, 31,

LE PROTESTANTISME. Mi

que saint Jean- Baptiste l'avait interdit à Ilérode (1). Il oubliait qu'il s'agissait pour Ilérode de la femme de son frère Philippe encore vivant, que le mariage de lévirat était même prescrit sous l'Ancien Testament (2), que Judas donna à son fils Onan la veuve de lier pour épouse (3).

Henri VIII, simulant des scrupules de conscience au sujet de l'invalidité de son alliance, consulta son entourage, principale- ment Thomas Wolsey, qui, sorti d'une condition inférieure, était devenu chancelier du royaume, archevêque d'York et cardinal, et se montrait en tout l'instrument docile du roi. Cette question fort simple, Wolsey essaya de l'obscurcir, et s'appliqua à gagner les théologiens anglais. Le roi, de son côté, s'adressa au pape Clément VII pour faire prononcer la nullité de son union, et de- manda les cardinaux Wolsey et Campeggio pour juges délégués.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 144.

Ouvrages protestants : Herbert of Cherbury, the Life and Raigne of king Henry Ihe Eighith, Lond., 1649; G. Burnet (évêq. de Salis- bury, mort en 1713), the History of the réf. of de Church of Engl., Lond., 1679 et seq., 2 t. in-f°, Oxon., 1816; en allem., Braunschweig. 1763, 1770, 2 vol.; Henry Soames , the History of the réf. of the Church of Engl., vol. I et H; Henri VIII, Lond., 1825 et seq., in-S»; Hume, Hist. of Great-Britain , Lond., 1754 et seq., 4 t. in-4°; John Strype, Ecclesiastical Memorials relating chiefly to Religion and the Reform... under king Henry VIII, king Edward VI, and queen Mary, Lond., 1721, 3 vol. in-f°; A.-W. Bœhme, Acht Bücher von der Ref. der Kirche in England, AUona, 1734; Dahlmann, Gesch. der engl. Revolution, Leipzig, 1848; Gumpach, Erlaeuterungen und Berichti- gungen 2u Dahlmanns Gesch. u. Trennung der engl. K. v. Rom, Darmst. , 1845; Stseudlin , K.-G. v. Groszbrit. , Gœttingue, 1849; Ranke, Engl. Gesch. vornehml. im 16 u. 17 Jahrb., Berhn, 1839 et suiv., 6 vol. fvoy. Œuvr., t. XIV-XXI), surtout t. III et suiv.; Mau- renbrecher, England im Reformationszeitalter, Düsseldorf, 1866. Auteurs catholiques : Vera et sincera Hisloria schismatis Anglorum a Nicol. Sandero, auct. per Ed. Richtonum , castigatius ed. a R. P. Ribadeneira, Colon., 1628; Job. Lingard, Gesch. v. England, Irad. par Salis, t. VI et suiv.; Boost, Gesch. der Reform, u. Revol. in England, Augsb., 1843; Audin, Hist. de Henri VIII et du schisme d'Angleterre, Paris, 1850, 2 vol.; Cobbet (converti, qui écrivit encore

(1) Marc, VI, 18.

(2) Deuter., xxv, ö. MaUhieu, xxii, 24.

(3) Genèse, xxsviii, i-8.

412 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

protestant), Briefe über die Ref. in Engl. u. Id., Mayence, 1862; Thommes, Gesch. v. England zur Zeit der Tudors, Mayence, 1866, 2 vol. Quelques lettres de Henri VIII, de 1509-1522, dans Mai, Spie. Rom., VII, praef., p. xlii et seq. Lettre de Wolsey à l'agent de l'Angle- terre à Rome, 5 déc. 1527 : Buruet, I, appeud., p. 9.

Négociations des juges délégués.

145. Clément VII, déjà informé par Charles-Quint de ce qui se passait, était prêt à faire toutes les concessions possibles à un prince qui avait jusque-là bien mérité du Saint-Siège. La congrégation convoquée par lui trouva les motifs de nullité insoutenables, et inopportune l'enquête en Angleterre. Les envoyés de Henri essayèrent d'affaiblir cette dernière considé- ration en citant plusieurs exemples et en invoquant les dispo- sitions de la reine, qui peut-être entrerait dans un couvent; ils essayèrent aussi de prouver que la dispense de Jules II avait été obtenue subrepticement. Le pape délégua donc (février 1528), pour établir une enquête, les deux cardinaux demandés. Le cardinal Campeggio devait tenter une réconciliation entre les deux époux, et, s'il échouait, engager la reine à entrer dans un monastère, afin de mettre sa vie en sûreté ; si l'un et l'autre moyen échouaient, il tâcherait de gagner du temps et s'abstien- drait de juger le différend.

Campeggio, que le roi de France essaya pendant son voyage de disposer en faveur de Henri, arriva à Londres en octobre ■1528. Il s'y heurta à de sérieuses difficultés. Le roi semblait parfaitement convaincu de la nullité de son mariage, et les tentatives de réconciliation furent en pure perte. Catherine elle-même ne se souciait point d'entrer dans un couvent; elle demanda une décision juridique, et voulut être assistée par des jurisconsultes. Le roi le lui accorda. Wolsey avertit d'avance le cardinal italien que si la volonté du roi ne s'accomplissait pas, l'Angleterre apostasierait. Il eut bientôt à regretter d'avoir poussé si loin cette affaire. (In mariage du roi avec une prin- cesse de France aurait été favorable à sa politi(iiie; un scandale à la cour lui donnait des inquiétudes.

Catherine trouva dans l'évêque do Iloche.slor un ?^nvat)t et habile défunseur; elle repoussa toute espèce de tribunal établi en Angleterre. Wolsey était l'instrument du roi, et Campeggio

LE l'KOTESTANTlSME. -413

dépendait de lui comme ('ivr(|iie de Salisbury. Catherine ne voulait point d'autre juge que le pape; les délégués de l'empe- reur à Rome et ceux de son frère exprimaient le même désir; Campeggio enfin demandait que le pape se réservât la décision. Le Saint-Siège se la réserva en effet par un décret en date du 19 juillet 1520. Dans le mois d'octobre, Henri assurait encore au cardinal Campeggio qu'il demeurerait toujours un flls dévoué de l'Église; mais il s'irrita contre Wolsey, qui perdait de plus eu plus ses bonnes grâces et se vit déjà privé de quelques-unes de ses places.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 145.

Pallav., Hist. Conc. Trid.. 1. II, c. xv, n. 1-16; c. xvii, n. 1-6, Lettres de Campeggio, d 'cet. 1528 au 7 oct. 1529 : Lsemmer, Mon. Vat., p. 24- 34, n. 21-29. Décret de Rome du 19 juillet 1529 : Burnet, 1, p. 49. La déclaration de nullité par le Saint-Siège mentionnée dans Guicciardini et Sarpi, et dont le légat ne devait faire usage que dans des cas déter- minés, est une invention (Pallav., loc. cit., c. xv, n. 17). Il en est de môme des récits de Knigth et de Grégoire Casali (Burnet, I, app., p. 18): ils ne reposent que sur les dires de quelques courtisans.

L'affaire de Henri VIII devant le Saint-Siège.

146. Clément VII avait chargé le doyen de la Rote de l'examen de cette affaire ; il espérait toujours que le temps calmerait la passion de Henri et lui rendrait la réflexion. Le roi de France essaya vainement d'agir dans ce sens sur l'esprit du roi d'An- gleterre. Celui-ci, impatient des délais de Rome, voulut de nouveau envoyer des députés anglais, et se plaignit amèrement quand on eut repoussé sa demande. Sur le conseil de Thomas Cranmer, chapelain domestique de la famille de Boleyn, la ques- tion du mariage fut soumise aux universités, sur lesquelles on agit par la corruption et la ruse. Des avis favorables arrivèrent de Cambridge, d'Oxford et de plusieurs universités de France ; mais la plupart, même les universités allemandes, se pronon- cèrent contre le divorce. Quelques universités de France et d'Italie répondirent que le divorce n'était admissible que si le mariage de Catherine avec Arthur avait été consommé.

A Rome, le 22 décembre 1530, il fut décidé en consistoire que la Rote continuerait son information, puis qu'elle présen-

414 histoire.de l'église.

terait les actes à la décision du Saint-Siège; quant à Henri, il devait s'abstenir de toute tentative de mariage. Dans un autre consistoire, tetui le 29 mars 1531, il fut donné lecture d'une lettre pressante adressée par l'empereur au pape en faveur de sa tante. La reine Catherine se plaignait des lenteurs de la procédure, tandis que la cour de France les favorisait et demandait que Henri VI H eût le temps d'envoyer ses procura- teurs à Rome. Et comme le Saint-Siège ne fléchissait pas, Henri VIII supprima les annales (1532). Anne de Boleyn, près d'accoucher, reprochait vivement à ce prince d'avoir abusé d'elle en lui promettant la couronne. Le roi résolut alors de l'épouser secrètement dans sa chapelle (25 janvier 1533, selon d'autres 14 novembre 1532).

Peu de temps après, Henri VIII nomma Cranmer, qui avait fait entrer beaucoup de théologiens anglais dans les plans du roi, archevêque de Cantorbéry. Cranmer sut par trom- perie obtenir l'approbation du pape, et prononça, lors de sa consécration, le serment accoutumé, bien qu'il eût été en Allemagne gagné à la doctrine de Luther et qu'il fût déjà secrètement marié à la nièce d'Osiandre. Tout cela ne l'empê- cha point de déclarer, devant témoins, qu'il entendait, par lo serment qu'il allait prêter, ne s'obliger à rien d'incompatible avec les réformes que le roi avait en vue dans les choses de la religion. Déjà cet hypocrite raffiné avait tout mis en œuvre pour séparer son pays de Rome. Le roi fit mettre le clergé en accusation pour s'être soumis à la juridiction du cardinal Wolsey, contrairement à un statut de 1364; mais il lui fit entrevoir son pardon, s'il reconnaissait la suprême juridiction du roi en matière religieuse. Lo clergé y consentit, moyennant cette clause : « Autant que la loi de Jésus-Christ le permet. »

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 146.

Pallav., m, XIV, 3 et seq.; Campeggio, 1530 et 1531, dans Laemmer, p. ()6 et suiv., 75, n. 46, 54. Henri VllI demanda aux universités : « An divino et nalurali jure prohibilum sit ne frater uxorem fratris etiam defuncti ducat in uxorem, an Pontiticis dispensatio Jocum habeat? » Cambridge fut de l'avis du roi; Oxford le combattit dans le principe. Lorsqu'un grand nombre d'universités de France celle d'Orléans, le 5 avril 1530; celle d'Angers, le 7 mai; les canonistes de Paris,

].K PROTESTANTISME. 415

le 23 mai; l'université de Bourges, le 10 juin; les thi^ologiens de Paris, le 2 juillet; Toulouse, le 17 septembre 1530 se furent prononcées en faveur de Henri (du Plessis d'Arg., t. If, part. I, p. 98-100), plusieurs sans doute après do longues controverses et contre l'avis de plusieurs membres incorruptibles (ibid., t. II, part. II, p. 99-101), ceux d'Oxford donnèrent enfin un avis favorable ; mais la Faculté des arts et un grand nombre de juristes se prononcèrent contre eux (ib., t. I, append., p. vi et seq.). Cf. Hist. Univ. Oxon., auct. Wood, t. 1, p. 234 et seq.; Burnet, Angl., III, app., p. 23, 51 ; Conc. M. Brit., III, 726. Sur d'autres univer- sités, voy. Burnet, I, app., p. 53; Rymer, Fœdera, XIV, 391. La plu- part placent le mariage de Henri en janvier 1333; d'autres (comme Gie- seler, t. III, n, p. 8), au 16 ou 14 nov. 1332. On a de Cranmer une bio- graphie tout à fait partiale, par Strype : Memorials of the most Rev. Father in God Th. Cranmer, Lond., 1694 et seq. Cf. Burnet, I, p. 70.

Crantner prononce le divorce de Henri 'Vm. Décision

du pape.

147. En avril 1533, Cranmer pria le roi de faire décider l'affaire de son mariage. Henri répondit qu'il y était prêt, mais en ajoutant qu'il ne se croyait soumis à aucune loi émanée d'une puissance humaine. La reine Catherine, invitée par le nouveau primat, n'ayant point comparu, Cranmer prononça l'invalidité du mariage de Henri, pria le roi d'accepter cette sentence avec soumission, et déclara la légitimité de son union avec Anne de Boleyn, « en vertu de sa puissance spirituelle et juridique, émanée des apôtres ».

François I", allié avec Henri, essaya encore d'agir à Rome en sa faveur : il fit représenter au pape que s'il cassait la sen- tence rendue en Angleterre, ce royaume se soustrairait tout entier à son obéissance, et que Henri ne laisserait pas de faire sa volonté. Rome observa rigoureusement toutes les formes de la procédure, mais avec prudence et modération. Dans un con- sistoire tenu le 11 juillet 1533, Clément VII rendit deux juge- ments : Henri, par son opiniâtreté, avait encouru les cen- sures, en ce que, contrairement à la défense du pape, il avait congédié sa femme et en avait épousé une autre; cependant les censures ne sortiraient leur effet qu'au mois d'octobre, afin que le roi eût le temps de rentrer en lui-même; 2" la reine, injuste- ment renvoyée, devait être rétablie dans ses honneurs et ses droits.

il6 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

Le roi, déjà trop asservi à sa passion et enveloppé dans les lacets de Cranmer, s'obstina dans sa révolte, célébra publique- ment ses noces, donna à sa concnbine les honneurs royaux et les enleva à Catherine, qui ne devait plus s'appeler désor- mais que la veuve du prince Arthur. Il enleva même à sa fille légitime iMarie le titre de « princesse de Galles » . Cependant il envoya encore des députés au pape, qui se trouvait à Marseille; ces députés, n'ayant pas obtenu ce qu'ils demandaient, appe- lèrent avec menaces du pape au concile. Le roi de France tenta vainement de ramener ce prince égaré par la passion. Le 23 mars 1534, le pape déclara solennellement la validité du mariage de Henri et de Catherine. Malgré toute la lenteur qu'il avait mise à rendre son jugement, quelques-uns ne craignirent pas de l'accuser de précipitation, et peu de temps après parais- sait un écrit de Henri VIH qui lui refusait l'obéissance. Cathe- rine mourut au bout de vingt et un mois (1536).

Le Saint-Siège, prenant en considération le péril des âmes de tant de catholiques, attendit longtemps avant de recourir aux censures. Paul TU diiréra jusqu'au 17 décembre 1538 la publication de la bulle, datée du 30 auùt 1535 : il y avait long- temps que le roi ne laissait plus aucun espoir de retour. S'au- torisant à la fois du droit divin et du droit humain, le pape dé- clara que Henri VHI, qui avait autrefois reconnu la puissance du pape dans toute son étendue, était excommunié, déchu de ses États et de la dignité royale.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 147.

Pallav., m, XIV, 4-8; c. xv, 1-3; Kilian Lcib, an. 1535, p. 002-604; Rayn., an. 1533 et seq.; Paul. III, const. Ejus qui immobilis et Cum Redemptor, Bull. Rom., éd. Luxerab., 1742, t. I, p. 707,711 et seq.; Roscovany, Mon., III, 67-74; Spondan., an. 1535, n. 15; an. 1538, n. 14. Voy. mon ouvrage : Katliol. Kirclie u. christ! . Staat, p. 673-675. Ranke (Hist. d'Anglet., p. 131-147) avoue lui-même que Henri VIII reconnaissait autrefois l'autorité du pape.

Rupture complète de Henri VIII avec Rome. - Serment de suprématie et de succession.

148. Henri VHI avait définitivement rompu avec le pape et interdit toute relation avec Rome; il s'était déclaré lui-même

LE PROTESTANTISME. 417

chef suprême de l'Eglise anglicane et la source de toute autorité spirituelle. On devait appeler du tribunal de l'archevêque de Cantorbéry à la chancellerie royale ; le primat confirmerait les évêques et accorderait les dispenses. Au lieu des oraisons pour le pape, ou inséra dans les livres d'Église une prière pour demander d'être délivré de sa tyrannie. Le parlement docile approuva tous ces actes, et le clergé, qui avait beaucoup décliné, ne fit aucune résistance. Henri «anda à beaucoup de princes ce qu'il venait d'accomplir ; les protestants approuvèrent naturel- lement sa conduite contre Rome, mais non les raisons qu'il fit valoir et ses demi- mesures : car il demeurait hostile à la doc- trine de Luther, contrairement aux vœux de Cranmer, et continuait de faire supplicier ses adhérents. Tous les fonction- naires, les ecclésiastiques, les religieux d'Angleterre, furent tenus de jurer, sous peine de haute trahison, qu'ils recon- naissaient le roi pour chef suprême de l'Église (serment de suprématie). Cette adhésion devait être annoncée dans les chaires et dans les écoles.

En 1535, Henri VIII choisit pour exercer la suprématie ecclé- siastique en son nom le laïque Crorawell, ancien secrétaire du cardinal Wolsey (qu'il avait surtout contribué à renverser); puis il le nomma chancelier de la Chambre du Trésor, sous le titre de vicaire général du roi et de vice-régent, avec préémi- nence sur tous les lords ecclésiastiques et laïques. Toute la juridiction ecclésiastique fut suspendue pour un temps indéter- miné. Quiconque voulait l'obtenir de nouveau, devait en faire la demande et reconnaître, en prêtant le serment de suprématie, que la royauté était la source de toute puissance spirituelle. Le roi accordait alors la demande, mais sous une forme toujours révocable. Lorsque Anne de ßoleyu mit au monde (avant le temps qui aurait s'écouler depuis leur mariage) une fllle du nom d'Elisabeth, les sujets du roi furent également obligés de promettre par serment qu'ils reconnaissaient Elisabeth pour l'héritière légitime du trône (serment de succession).

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 148.

En 1Ö34, la question suivante fut posée à l'université d'Oxford :

« An Runiauus Pontifex habeat majorem aliquam jurisdictionem sibi

a Deo collatam in S. Scriptura in hoc regno Angliae, quam alius quivis

externus episcopus? » Les théologiens se décidèrent enfin à répondre

V. HiST. DE l'Église. 27

418 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

dans le sens du roi, négativement : Wood, Hist. Univ. Oxon., I, 258, c. ii; du Plessis d'Arg., t. I, app., p. xxxvi. Autres détails dans Ryiner, Fœd. Hag. Comit., 1741, t. VI, p. II, p. 163 et seq., 194 et seq.; Burnet, I, "2d f et seq., Ti'6 ot seq., 311 et seq., 365 et seq.; Strype, loc. cit., p. 184 et seq., 211; app., p. 49, 136 et seq.; R. Toyras, Hist. de l'Angleterre, à la Haye, 1724, in-4°, t. V; Scbœll, dans Herzogs Healoncyklop., I, p. 323 et suiv.; N. Sander, 1. I, p. 49 et seq. Sur Thomas Cromwell : Pauk, dans Sybels hist. Ztschr., 1869, t. XXI, p. 52 et suiv.

Pillage des églises et des couvents.

149. La première entreprise du roi fut la confiscation des biens d'Église et la suppression des couvents. On visita ces derniers, dans le but d'y trouver des raisons pour les abolir. Un acte du parlement, daté du 4 mars 1536, assigna au roi tous les monastères dont les revenus nets ne dépassaient pas annuelle- ment 200 livres, et il ne laissa une pension qu'à leurs supé- rieurs. Trois cent soixante-seize monastères furent immédia- tement supprimés, pour « complaire à Dieu et procurer la gloire du royaume ». On commença par los couvents de moindre importance, sous prétexte que la discipline y était moins bien observée que dans les grands.

Ces mesures de rigueur provoquèrent dans la partie nord du pays de nombreuses insurrections ; on en profita pour détruire le reste des couvents, accusés d'être des foyers de révolte. Les commissaires royaux déployaient un sans-façon odieux et bru- tal : de splendides œuvres d'art, de riches bibliothèques furent anéanties; on n'épargna pas même les monuments de saint Augustin, l'apôtre do l'Angleterre, et de Thomas Decket, dont la sainteté môme fut poursuivie en justice; on dispersa au vent la cendre des saints, et l'on osa porter la main jusque sur lo tombeau du roi Alfred. Les biens confisqués, quand ils n'étaient pas accaparés par les Visiteurs, étaient distribués et gaspillés par le roi, tandis que la misère gagnait parmi le peuple. Cepen- dant, afin de faire quelques sacrilices à la foule mécontente, Henri fonda six évêchés nouveaux et quatorze églises cathé- drales et collégiales.

Oi;VU.\GES A CONSULTER SUR LE 149.

Burnet, I, p. 416 cl seq., 437 et seq.; Rymer, p. 194 et seq.j Lin-

LE PROTESTANTISME. 419

gard, VI, p. 255 et suiv.; Cobbet, p. 180 et suiv.; (Nicéron) la Conver- sion de l'Angleterre au christianisme comparée avec sa prétendue réform., Par., 1729, p. 268 et seq.; Spclnian, the Ilistory and Fate of Sacrilège, etc., Lond., 1698, nouv. éd., 1846; Hist.-pol. Blaetter, t. XX, p. 351 et suiv.

Thomas Morue et l'évêque Fisher.

150. Henri VIII sévissait véritablement avec fureur contre tons les adversaires de sa suprématie religieuse. Le confesseur de la reine Catherine, Forest, qui avait attaqué celte suprématie dans un écrit, fut condamné au feu. Un grand nombre d'ecclésiastiques et de laïques subirent la mort pour le même motif, entre autres les deux hommes les plus distingués de l'Angleterre, le chance- lier Thomas Morus et Jean Fisher, évêque de Rochester. Le premier avait acquis, par sa vertu et sa science, la charge de grand chancelier ; il était aussi célèbre comme jurisconsulte que comme humaniste, et avait de plus un cœur dévoué, loyal et plein de franchise. Il déclara au roi qu'il n'entendait point perdre l'éternité pour vingt années au plus qu'il lui restait à vivre; il montra dans sa prison une fermeté d'âme vraiment sublime, et il affronta l'échafaud avec un courage intrépide (16 juillet 1335).

Fisher avait été, lui aussi, l'ami du roi, et Henri VIII avouait qu'aucun prince ne pouvait se vanter d'avoir un pareil sujet. Théologien éminent, pasteur zélé, il refusa, à l'exemple do Morus, d'approuver le divorce du roi et de reconnaître la nou- velle suprématie : de un emprisonnement qui dura treize mois et pendant lequel Paul III l'éleva à la dignité de cardinal. Il endura le martyre avec un courage héroïque, Henri VIII se vengea cruellement du cardinal Reginald Poole (Polus), qui s'était élevé avec force contre son despotisme et avait trouvé un sur asile sur le cmtinent. Sa mère et deux de ses proches furent mis à mort sur des griefs non démontrés, et la tête du cardinal mise au prix de 30,000 ducats. Paul III, dans une allo- cution prononcée devant les cardinaux le 23 octobre 1338, dépeignit les crimes de Henri VII l et fulmina contre lui l'excommunication et l'interdit (27 décembre). En 1539, il envoya le cardinal Polus à Charles-ljuint et à François 1*% pour délibérer avec eux sur les moyens de ramener l'Angleterre à la

420 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

foi catholique. Le principal instrument du despotisme royal, Thomas Cromwell, n'échappa point lui-même au sort qu'il avait préparé à d'autres : accusé d'hérésie et de trahison, il fut exécuté en 1540, malgré toutes ses démarches rampantes et hypocrites.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 1Ö0.

Thom. Mori 0pp., éd. Lovan., Jo66; Kudhart, Thomas Morus, Nürnb., 1829, surtout p. 273 et suiv., 433 et suiv.; éd., 1852; W.-J. Walter, Sir Th. Moore, London, 1840 ; Thoranies, Th. Morus, Augs- bourg, 1847; Lingard, VI, p. 241-245; Ranke, Engl. Gesch., t. I (1860), p. 199 et suiv.; L.-Th. Henke, Das hœusl. Leben des Th. Morus (Sybcis hist. Ztschr., 1869, t. XXI, p. 65 et suiv.) Kerker, John Fisher, bischof von Rochester, Tübingue, 1860. Voy. Pallav., III, xvii, 4; Lœmmer, Mon. Vat., p. 33, u. die vortrident. kath. Theol., p. 14 et suiv.; Reginaldi PoliEpist., éd. Quirini, Brescia, 1744-1757; L. Becca- delli, Vita del card. Polo, 1727, et Mouura. di varia letter., Bologna, 1797; New Séries des Lives of the archbishops of Canterbury, Lond., 1869,3 vol. Voir là-dessus Reumont, dans Bonner theol. Lit.-Bl., 1870, n. 25 et 26,- Pallav., IV, iv, 4-7; vu, 1-3. Instruction pour Polus , de 1539 : Lœmmer, Mon. VaL., p. 201 et suiv., n. 152. Sort de Crom- well : Rymer, loc. cit., p. 60; Burnet, I, 629 et seq., 661 et seq.

Fureur de Henri VIII contre ses femmes.

151. Les femmes de Henri Vlll fnrent également victimes de son caprice royal. Anne de lioleyn, suspecte d'infidélité, fut accusée d'adultère, d'inceste et de haute trahison; Cranmer la .sépara du roi, et déclara invalide, « au nom de Jésus-Christ et pour la gloire de Dieu », ce même mariage qu'il avait précé- demment confirmé « en vertu de l'autorité apostolique », Le jour même Anne fut décapitée (tu mai 1530), Henri prenait une troisième femme, Jeanne Seymour, qui mourut le 24 octo- bre 1537, après la naissance du prince Edouard (VI). Il en prit une quatrième, Anne de Clèves, qui n'eut pas l'avantage de lui plaire. Cette fois encore, l'archevêque dut prononcer la sépara- tion des épou.x, sous prétexte que le roi avait été trompé par la peinture exagérée des charmes de sa femme. xMélanchthon écrivait à ce propos (1540): « Le tyran d'Angleterre a tué Cromwell et il médite de seséparerdelahlledeJ uliers; combien est vrai ce passage d'une tragédie que le meurtre d'un tyran

LE PROTESTANTISME. 421

est pour le Ciel le plus agréable des sacrifices! Dieu veuille donc inspirer à un homme de cœur une pareille résolution! »

La cinquième femme de Henri, Cattierine Howard, fut accusée d'avoir mené une vie légère avant son mariage, et mise à mort comme adultère. La sixième, Catherine Parr, survécut seule à ce furieux ; il est vrai qu'elle était sur le point d'être brûlée comme hérétique. Parmi les personnes immolées par Henri, on comptait deux reines, douze ducs et comtes, cent soixante- quatre gentilshommes, deux cardinaux archevêques, dix-huit évê(jnes, treize abbés, cinq cents prieurs et moines, trente-huit docteurs eu théologie et dans les deux droits.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE loi.

rUirnet, I, 4ö3 et seq., 510 et seq., .ö47 et seq., 56.3 et seq., 598 et seq.; Strvpe, p. 279 et seq., 351 et seq.; Thommes, loc. cit., p. 722; Le Grand, Hist. du divorce de Henri VIII, t. I, p. 141. Melanchth., ep, ad Vit. Theod. (Corp. Reform., 111", 1075). Cf. Dœllinger, Réf., I, p. 332, n. 6.

Le schisme angl can.

152. Sur la doctrine de l'Église, Henri ne voulut opérer au- cun changement, et les relations passagèrement nouées avec des théologiens d'Allemagne demeurèrent sans résultat. Loin de consentir à la suppression du célibat, il voulut que sa trans- gression fût punie comme un acte de félonie ; l'archevêque essaya vainement de s'y opposer. Cranmer, inquiet pour sa sûreté, se hâta d'envoyer sa femme et ses enfants en Allemagne. La plupart des rites, l'eau bénite même et le culte des saiuts furent maintenus ; les reliques, au contraire, furent dispersées, et l'on permit à ceux qui ne savaient pas lire de remplacer les livres par des images. lecture de la Bible ne fut permise qu'aux classes élevées ; la traduction de Tyndall fut défendue et plusieurs fêtes abolies.

La transsubstantiation, la communion sous une seule espèce, les messes pour les défunts, la confession auriculaire, les vœux et le célibat, le roi les fit confirmer en 1539 par le parlement, sous la forme de six articles, dont le rejet entraînait la peine capitale. Les catholiques furent mis à mort; les luthériens et les calvinistes, brûles comme hérétiques. Cranmer s'inclina de.

422 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

vant l'orthodoxie royale, et ne rougit point de condamner des hommes pour les mêmes doctrines auxquelles il adhérait en secret et qu'il professa ouvertement dès qu'il le put sans danger. En 1543, il fit répandre partout le livre du roi ou « la Doctrine et la Science nécessaires à tout chrétien », dans lequel le dogme catholique de l'Eucharistie était enseigné selon toute sa rigueur. Les universités d'Oxford et de Cambridge, qui depuis 1521 déjà comptaient plusieurs savants épris des nouveautés, devaient plier devant la volonté du roi. Henri VII 1 mourut enfin le 28 janvier 1547, après un règne de trente-huit ans, non moins funeste au pays sous !e rapport moral que sous le rapport éco- nomique.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 152.

Burnet, I, 604 et seq., 733, 740 et seq.; Strype, p. 356 et seq., 800 et seq.; Lingard , VI, p. 311 et suiv. W. Tyndall traduisit le Pentateuque et le Nouveau Testament en anglais. Cochlée s'opposa à l'impression, qui devait d'abord se faire à Cologne (voy. son Com. de act. et script. Luth., au. 1526, p. 132). Le Nouveau Testament parut à Anvers en 1526, fut souvent réimprimé, et importé en Angleterre par des marchands allemands. Gerdcs, Hist. Ref., 111, 107; IV, 205. Selon Vox : Comment, rer. in Europa gest., Basil., 1559, p. 138, Culhbert Tonstall , évoque de Londres, acheta la première édition alin de la détruire, et fournit ainsi à Tyndall les moyens d'en procurer une seconde et meilleure édition. Les universités d'Angle- terre inclineront souvent au protestantisme. Wood, I, 247, 250; Gerdes, IV, 181 et seq., 187. Cf. 307 et seq.; Fox, loc, cit., p. 127 et seq.; Burnet, I, xvui. Le collège Cardinal (plus tard collège du Christ), fondé par Wolsey, devint, en 1526, le principal foyer du luthéranisme à Oxford. John. Frylh, ainsi que Wilh. Tyndall, d'Oxford, fut expulsé; mais il ne fut que plus à son aise pour envoyer ses écrits de l'étranger. Us lurent interdits en 1526, 1520, 1531. Conc. AI. Brit., 111, 707, 719; Gerdes, Mou., IV, 134, 139; Fox, Act.s and Monuments of the Church, Lond., 1583, 2 vol. iu-f», II, 234.

Le prolcstandsiiic sous Edoiiaril VI.

Edouard VI. L'Angleterre devient protestante.

153. Henri VI II, ainsi qu'il l'avait décidé par testament, eut pour successeur son fils Edouard VI, issu de Jeanne Seymour L't à peine âgé de dix ans. Sa minorité fut exploitée au profit

LE PROTESTANTISME. i23

fie nouvelles révolutions religieuses. Son onde maternel, le comte Seymour, fut nommé régent et prolecteur du royaume, avec le titre de duc de Somerset. Partisan zélé de la réforme, il avait de bonne heure inspiré au jeune Edouard une aversion profonde pour l'Église catholique. Cranmer fit renouveler sa juridiction par le roi, et ne tarda pas, lui et les siens, à jeter le masque du catholicisme. Martin Bucer et Paul Fagius (1549), mandés de Strasbourg, reçurent des chaires de professeurs à Cambridge, mais ne tardèrent pas à mourir (Fagius en 1549, Bucor en février 1551). Vinrent ensuite d'Italie à Oxford, Ber- nardin Ochino, qui y demeura peu de temps, et Pierre Martyr. On envoya aux prédicateurs et aux évêques un recueil d'homélies composé par Cranmer, et destiné à préparer les voie.'^ à la nou- velle doctrine. 11 fut bientôt suivi d'un nouveau Catéchisme. Gardiner, évèciuo de Westminster, résista et fut emprisonné. Nul n'avait le droit de prêcher sans la permission expresse du roi.

Le parlement enleva aux chapitres le droit d'élection, abolit les six articles de Henri YIII, et par conséquent le célibat, le sacrifice de la messe et la communion sous une seule espèce ; il assigna à la couronne une grande partie des biens ecclésias- tiques, et prit dos mesures impitoyables contre les mendiants, devenus fort nombreux depuis la suppression des couvents. Cranmer abolit l'ancienne liturgie et la remplaça par une nou- velle. 11 composa, « sous l'inspiration du Saint-Esprit», le Livre des communes prières et de l'administi'ation des sacrements {Book of common pray er). (Quiconque le repoussait on le tour- nait en tlérision, était puni de lourdes amendes et de la prison. La langue nationale devint la langue exclusive du culte ; les ornements du service divin, devenus iiuitiles, les chapelles particulières furent accaparés par le fisc.

Le peuple essaya, par plusieurs émeutes, d'empêcher ces innovations violentes ; mais le gouvernement ne craignit pas d'appeler de l'étranger des troupes mercenaires [tour <( l'éta- blissement de l'ÉgUse établie par la loi »; les évêques qui résis- tèrent encore, furent emprisonnés et destitués. La princesse Marie, fille de Henri et de Catherine, toujours catholique, fut inutilement mise à la torture pour être amenée à changer de religiiui, cl ^^.n\ premier chapelain fut enfermé. Cranmer^ devenu

424 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

le chef d'une nouvelle inquisition, aida le duc régent à faire mon- ter son frère sur l'échafaud. Bientôt Somerset lui-même fut accusé de trahison et décapité. Dudley;, comte de Norwick, puis duc de Northumberland, devint son successeur dans le protectorat.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR J.E 153.

Burnet, p. II, t. I, p. 1 et seq.; Strype, Hist. Memorials, London, i721, vol. II, p. 1 et seq.; H. Soames 144), vol. III, p. 1 et seq.; Rapin Thoyras, t. VI, p. ^ et seq.; Hundeshagen, Epistola; aliquot ineditic Buceri, Calvini, etc., ad bist. Eccl. britan., Bern., i844. Sur Bucer, voy. Dœllinger, Réf., II, p. 52. Paul Fagius, en 1504 à Rheinzabern, dans le Palatinat ; 4537, pasteur à Isny, en Souabe; 1542, successeur de Capitoà Strasbourg. Cf. Sleidan., 1. XVIII, p. 559; 1. XXI, p. 655, 672. Sur Ochino et Pierre Martyr, § 202. Décrets du parlement, dans Lingard, Vil, p. 2t et seq.

Les quarante -deux articles. Nouveau code religieux.

154. Un désordre irrémédiable régnait dans les affaires reli- gieuses. Les ecclésiastiques ne sachant plus ce qu'ils devaient faire, croire et prêcher, le conseil de régence chargea l'arche- vêque Cranmer de confectionner un nouveau Symbole, qui devait, une fois approuvé par le roi, être l'unique critérium de l'orthodoxie. En 1552, Cranmer rédigea, de concert avec Ridley, évoque de Londres, une Confession de foi en quarante-deux articles mélange d'idées catholiques , luthériennes, zwin- gliennes et calvinistes ; elle était basée sur ce principe com- mun à tous les protestants, que la Bible est l'unique règle de la foi. On déclara valides les Symboles des Apôtres, de Nicéo et do saint Athanase; on adopta, en évitant les expressions trop précises, les dogmes catholiques du péché originel et du libre arbitre, mais on maintint rigoureusement la justification par la foi seule ; on ne reconnut que les sacrements du Baptême et de l'Eucharistie, ce dernier dans le sens des calvinistes; le roi fut proclamé chef suprême de l'Église anglicane.

Edouard VI et la plupart des ecclésiasliques souscrivirent à la nouvelle Confession. La liturgie, purgée de tous les « restes de papisme», fut introduite par la force. Une commission, présidée par Cranmer, fut chargée d'élaborer un code de lois ecclésiasti- ques à la place du recueil des décrétalos. Elle cuinmença sa

LE PROTESTANTISME. ^^o

(( réforme des lois do l'Église » par une exposition de la foi, et prononça la peine de mort et la confiscation des biens contre quiconque renierait la foi chrétienne, soutiendrait la trans- substantiation, la primauté du pape et autres doctrines réprou- vées; elle fixa la procédure à suivre contre les hérétiques, la cérémonie de l'abjuration de l'hérésie et de la tradition des hérétiques opiniâtres au bras séculier, insulta à la mendicité; on condamna l'adultère à la prison ou à l'exil à perpétuité. Le divorce fut permis pour cause de cruauté, d'humeur insuppor- table et d'absence de plusieurs années.

Ce code de lois si effrayant pour les catholiques ne fut pas réellement imposé, parce que Edouard VI mourut avant sa pubU- cation, âgé de seize ans seulement (6 juillet 15.53).

Comme Henri VIII n'avait point de descendant mâle, et que Marie, issue de son premier mariage, ainsi qu'Elisabeth, issue du second, avaient été déclarées bâtardes par Cranmer, le roi Edouard, pendant sa maladie, avait consenti, dans son testa- ment, sur les instances du duc de Northumberland, à ce que la belle-fille de celui-ci, Jane Grey, petite-fille de Marie, sœur de Henri VIII , fût l'héritière légitime du trône. (Marie avait épousé en secondes noces Charles Brandon, dont elle avait eu une fille, qui épousa Henri Grey, père de Jane.)

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE loi.

Art. Craumer dans Burnet, II, 209 et seq.; Salig, Gesch. der Augsb. Genf., II, p. 456. Cf. Schrœckh , K.-G. seit der Ref., II, p. 613 el suiv.; Lingard, VII, p. 106 et suiv.; Reformatio legum ecclesiast., Lond., 1640; Gerdes, p. 383-391; Mon. antiq., n. 43, p. 230 et seq.; Burnet, II, 477 et seq.; Sclirœckh, p. 618 et suiv. Calvin avait déjà précédemment engagé le protecteur Somerset à extirper par le glaive les partisans de l'Anléchrist de Rome. Calvini Kpist., éd. Genev., 1376, p. 67; Dœllinger, Kirche u Kirchen, p. 69.

Les protestants sons le règ-ne de Marie.

Rétablissement du « statu quo » de Henri VIII.

155. Après la mort d'Edouard, le duc de Northumberland, désireux de procurer la couronne royale à sa famille, fit pro- clamer reine Jane Grey, épouse de son fils Gilfred. Le règne de Jane ne dura que neuf jours. L'héritière légitime du trône, Marie, qui avait pour elle l'opinion publique et l'opposi-

426 HISTOIRE DE l'ÉGLTSE.

tion de beaucoup do seigneurs contre le testament arraché au faible Edouard, s'avança avec une armée et fit son entrée royale dans Londres. Le duc prolecteur fut incarcéré, et, après une nouvelle révolte, mis à mort avec son fils et Jane Grey. La reine, qui était une fervente catholique, s'efforça de faire rentrer l'Angleterre dans l'unité de l'Église ; elle trouva surtout de l'opposition chez ceux qui avaient profilé des biens enlevés à l'Église et auprès des évêques protestants institués par Cran- mer. Cbarles-Quint lui conseilla d'agir avec beaucoup de modération et de prudence. Marie n'adopta pas le titre de chef suprême de l'Église anglicane ; elle fit invalider par le parle- ment le mariagede Henri VIII avec Anne de Boleyn, réintégra les évêques (Jardiner, Banner, Tonstall, etc., déposés sous Edouard, et s'efforça de ramener les choses au point elles étaient suus Henri VlII;elleenjoigintà l'infidèle archevêque Cranmer de quit- ter son palais, mesure excessivement douce (|uand on songe à la conduite de Cranmer envers la mère de Marie et à la part qu'il avait eue dans l'élévation de Jane. S'il fut emprisonné dans la Tour par ordre du coiiKeil royal, ce fut seulement après qu'il eut attaqué dans un écrit violent le sacrifice de la messe comme une invention diabolique.

Los affaires ayant été ramenées, avec l'approbation du pre- mier parlement, au point elles étaient quand Edouard VI monta sur le trône, les clercs mariés perdirent leurs bénéfices, l'Église recouvra les l)ieiis confisqués par la couronne, les dî- mes et antres redevances. L'évêque Gardiner consacra des pré- lats avec la permission secrète du pape, afin de remplacer suc- ces.'^iv(iment les évè(jues protestants. Les novateurs, (jui avaient démêlé les intentions de la reine, provoquèrent une rébellion, qni fut étouffée par les armes. Marie, afin de se procurer un solide appui, épousa le prince Philippe, héritier de la couronne d'Espagne; il arriva en Angleterre le 19 juillet 15,14. Pour apaiser la résistance des possesseurs de biens eodésiastiijues, on demanda à Jules 11! et l'on obtint une bulle par laquelle l'Église renonçait aux biens (jni lui avaient été ravis sous les deux derniers gouvernements.

Slüid.ui., 1. XXV, p. 80Ö et ?G(I.; |{uruet, IV, p. o'j'ô et seq.; Slrype^

I.K PROTESTANTISME. 427

III, p. I et seq.; Soames, IV, p. i et seq.; Riyn., an. I.oo3 et seq.; I.ingard, VII, p. 158 et siiiv.; Cobbet, p. 259 et suiv., 282.

Restauration du catholicisme. Sévérité de Marie. Sa

mort.

156. Dès le o août 15.^3, Jiile.s III avait désigné pour son légat en Angleterre le cardinal Régiiiald Polns, qui résidait en Italie et commençait à mieux espérer de son pays. Mais aupa- ravant, il délégua secrètement l'habile François Commendon, chargé de prendre une connaissance exacte de l'état des affai- res. Son arrivée causa une grande joie à la reine, toujours entourée de nombreux hérétiques. Polus rentra eu Angleterre (novembre 1554) après l'ouverture du second parlement et le retrait des édits dont il avait été autrefois l'objet. On lui fit une réception des plus solennelles. La réconciliation de l'Angleterre avec l'Église catholique fut adoptée dans les deux chambres à la presque unanimité. Le cardinal leva l'excommunication qui pesait sur le royaume, confirma les évèchés fondés pendant le schisme, ainsi que les hôpitaux, les écoles, les mariages con- tractés dans les degrés défendus, l'abandon aux possesseurs actuels des biens de l'Eglise aliénés ; il s'occupa d'établir des évèques catholiques et de restaurer le culte religieux.

Le 21 juin 1555, des ambassadeurs anglais se présentèrent à Rome, une grande fête d'actions de grâces avait déjà été célébrée (14 décembre 1554), pt^ur demander pardon au Saint- Père des vingt années d'égarement avait vécu l'Angleterre. Le cardinal Polus, chargé de l'administration de l'archevêché de Cantorbéry, s'appliqua surtout à former un clergé capable et instruit et à établir par des moyens pacifiques le règne complet du catholicisme.

La reine, maladive et impatiente, n'entrait pas toujours dans ses vues de sage discrétion ; cependant elle le pressa de demeu- rer dans le pays, lorsque Paul IV, moins prudent que son pré- décesseur, voulut, peut-être par méfiance, le rappeler et mettre à sa place le confesseur de la reine, Guillaume Poet, franciscain de l'étroite observance, promu au cardinalat. Marie, après avoir d'abord régné avec mansuétude, commença à traiter avec- beaucoup de sévérité les non-catholiques ; elle remit en vi- gueur les anciennes lois contre les hérétiques, d'autant plus

■428 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

que plusieurs conjurations avaient été tramées contre elle (Wyat, SufTolk, etc.), que les prédicateurs protestants, Ridley lui-même, évêque de Londres, l'attaquaient ouvertement en chaire et dans les écrits qu'ils propageaient. On compta près de deux cent soixante-dix-neuf suppliciés.

Cependant, si l'on compare le gouvernement de Marie avec les deux précédents et avec celui qui lui succéda, elle ne mérite nullement le nom de « Sanglante », que lui ont donné les protes- tants. Les soulèvements politiques étaient l'œuvre de l'hérésie, et la plupart des victimes, d'infâmes criminels, notamment le vénal Cranmer, qui, condamné à mort en 1556, puhlia une rétractation lâche et hypocrite, puis la rétracta quand il s'aperçut qu'elle lui était inutile ; le traître Latimer, évêque de Worchester; Ridley, de Londres, convaincu de haute trahison ; plusieurs prédicants réformés, qui avaient soufflé le feu de la révolte, et dont les six plus coupables moururent sur l'échafaud en janvier 1555.

L'Espagnol Alphonse de Castro, confesseur du roi Philippe, blâma publiquement ces mesures de rigueur, et pendant quatre semaines les condamnations furent suspendues. 11 fut ensuite prescrit à toutes les autorités d'engager ceux qui étaient accu- sés d'hérésie à se convertir ; puis, en cas de résistance, de les conduire aux supérieurs ecclésiastiques pour les faire instruire, et, seulement après, d'agir conformément aux lois. La reine Marie mourut d'hydropisio, le 15 novembre 1558 ; seize heures plus tard, le cardinal Polus expirait. Cette douloureuse nouvelle parvint à Rome au moment l'on célébrait les funérailles de Cliai-les-(Jiiint (2:2 décembre). L'Angleterre était à la veille d'iuje nouvelle révolution religieuse.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE i56.

Pallav,, XIII, c. vii-ix, xii, xiii; Conc. M. Brilan., IV, H2 et seq.; Graziani, la Vie du card. Commendon, Irad. par M. Fléchier, éd., Lyon, 1702, p. 61 et seq.; Reformatio Augliai ex decretis Reginaldi Poli Sedis Ap. legati, 10 febr. 1356; Labbé, XIV, 1733; Le Plat, Mon., IV, p. 070 et seq.; Rayn., an. 13ö6, n. 28. Attitude de Paul IV : Pallav., XIV, 0. H, n. 3 et seq.; Rayn., an. 1538, n. 3 et seq.; Ranke, Rœm. Pœpste, I, p. 309 et suiv. Ce dernier apprécie le malheureux Cranmer (Ilist. d'Anglet., I, p. 20i et suiv.) comme l'a fait dernièrement un critique de la Gazette universelle d'Augsbourg (Supplem., il déc.

LF. l'KOTESTANTlSME. 429

i860) : « II était de ces natures qui ont besoin de se sentir appuyées par l'autorité souveraine pour être en état de poursuivre leur opinion. Autant elles paraissent entreprenantes et courageuses, autant elles deviennent souples et flexibles quand cette faveur leur fait défaut. Elles ne brillent point par la grandeur morale, mais elles sont émi- nemment propres, dans les circonstances critiques, à sauver, pour des temps meilleurs, l'allaire qu'ils ont entreprise. » Impossible de dire à un homme, avec plus de ménagements, qu'il manque de carac- tère. — Pallav., XIV, VIII, 1 ; Rayn., an. 1558, n. 3 et seq., 10 ; Rurnet, p. 872 et seq.; Strype, p. 464 et seq.

LES PROTESTANTS SOUS LE RÈGNE D'ELISABETH. Attitude religieuse d'Elisabeth.

157. Les intérêts personnels d'Elisabeth, la seule qui restât des filles de Henri VIII, étaient d'accord avecceuxdu protestan- tisme. Fille d'Anne de Boleyn et née du vivant de Catherine, les catholiques la considéraient comme illégitime. La véritable souveraine, selon eux, c'était Marie Stuart d'Ecosse, descen- dante de Marguerite, sœur de Henri VIII et femme de Jacques IV, roi d'Ecosse. Mais comme elle était mariée à François, dau- phin de France, et que la domination soit de la France, soit de l'Ecosse, était intolérable à l'orgueil national des Anglais, Elisa- beth, qui avait simulé le catholicisme sous la reine Marie, tout en méritant les faveurs du parti protestant, fit aisément re- connaître par la majeure partie du peuple anglais ses préten- tions au trône. Son père, dans son testament, l'avait préférée à ses autres parents.

Elisabeth parut d'abord hésiter entre les deux religions ; elle se fit couronner selon le rite des catholiques, et jura même de maintenir leur religion. Elle fit annoncer au pape Paul IV son élévation au trône et négocier un mariage avec Philippe II d'Espagne. Paul IV, à qui la cour de France avait demandé de sauvegarder les droits de Marie Stuart, répondit à Elisabeth que l'illégitimité de sa naissance ne permettait pas d'établir son droit d'une manière absolue et indubitable ; que Marie aussi revendi- quait la couronne d'Angleterre; que si Elisabeth voulait remettre l'affaire à sa décision, elle devait faire toutes les concessions compatibles avec la justice. Cette réponse olTusqua l'orgueilleuse princesse au suprême degré ; mais elle n'aurait pas laissé sans

430 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

cela de se prononcer pour le protestantisme : sa conduite tout entière et le caractère des personnes qui l'entouraient, ne per- mettent pas d'en douter. Son unique dessein était, avant d'être bien affermie sur le trône, de ne pas rompre ouvertement avec les catholiques et avec le pape, et de procéder avec lenteur dans l'exécution de ses plans.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 157.

Rayn., an. 1538, n. M et seq.; an. 1559, n. i et seq.; Pallav., XIV, vin, 2; Ranke, Rœm. Pwpste, I, p. 310 et suiv.; Engl. Gesch., I, p. 222 et suiv.; Nares, Ménioirs of Burgleigh, II, XLin; J. Strype, Annals of the Reformation and Establisbement of religion under the reign of queen Elizabeth, éd., 3 vol., Lond., 1727-1737 (1558-1588); Brief Annals of tbe Church and State under the reign of queen Eliza- beth,, Lond., 1738, éd. (1589-1603); Biirnet, loc. cit., p. 880 et seq.; H. Soames, Elizabethan religions History, Lond., 1839.

L'Angleterre redevient protestante. Les trente-neuf articles de l'Église anglicane.

158. Les protestants emprisonnés furent innnédiatement élargis, les exilés furent rappelés et beaucoup entrèrent dans le parlement. Sur le conseil du plus intime de ses conseillers, Ceci!, Elisabeth lança, le 27 décembre 1558, une proclamation qnidéfendaitauxecclésiastiquesde prêcher jusqu'à ce qu'elle eût rendu, de concert avec le parlement, des décrets à ce sujet. Cecil était parveim à faire adopter le plan de la reine par la majorité du parlement, et cette même assemblée, qui s'était ouverte (25 janvier 1559) par un oftice catholique solennel et un sermon réformé, supprimait peu de temps après les lois édictées sons Marie et rétaMissait la plupart des lois rendnes sous Edouard VI.

La majorité, dans le principe, ne fut que de troix voix. On décida la revision du Livre de prières, on rappela l'ambassadeur de Rome et l'on rompit toute relation avec le Saint-Siège. La suprématie de la reine fut reconnue, avec l'obligation d'un ser- ment qui devait être prêté sous peine de destitution et de con- fiscation des biens : c'était exclure les catholiques de tous les emplois. Admettre l'autorité du pape, s'opposer à la reine en (]U(ii que ce fût sur les matières religieuses, passait pour un crimo do hante trahison. Il y eut encore de la résistance parmi les premiers prélats et dans les universités. Une conférence

],E IMiOlKSlAiNll.SMK. 431

piihliqiio, présidée par lu garde des sceaux, et qu'on avait déjà soumise à plusieurs rèu;lemeuts funestes aux catholiques, fut inteirouipue ; les callioliques qui s'y étaient rendus, furent punis de Tameiide et de la prison ; les prêtres qui avaient refusé le serinent de suprématie, remplacés par des prédi- cants réformés.

La reine nomma archevêque de Canturbéry Matthieu Parker, qui fut sacré le 17 décembre 1559 par l'évêque protestant Bar- low, assisté de trois autres prélats semblables, et qui dut lui-même en consacrer d'autres. La majeure partie du bas clergé se sou- mit, presque toujours dans le dessein de garder ses bénéfices et aussi dans l'espérance illusoire d'un prochain revirement. Des neuf mille quatre cents béuéficiers, il n'y en eut guère que soixante qui préférèrent perdre leur place plutôt que d'aposta- sier. Au dehors, une foule de choses demeuraient encore catho- liques : on avait maintenu la hiérarchie avec ses privilèges, les ornements d'églisf^, l'abstinence de chair (conservée pour des raisons éconoini(|ues), etc. Presque la moitié de la nation était encore catholifjue de cœur, et cependant le gouvernement no rencontra nulle part une résistance sérieuse.

Les mesures pour étouffer l'ancienne croyance devenaient chaque jour plus sévères : en 1562, il fut décidé que tous les membres de la Chambre des communes, les maîtres privés et publics, tous les avocats et les ecclesiastifjues prêteraient le serment de suprématie ; tous ceux qui blâmeraient le culte in- troduit, tous les réniteiits {récusantes) souffriraient la peine des criminels de lèse-majesté. Cette mesure, imparfaitement e.Kécutée dans le principe, le fut plus tard avec une extrême rigueur. Les quarante-deux articles publiés sous Edouard VI furent revisés et réduits à trente-neuf. On laissa une foule de choses indécises; mais on rejeta expressément la primauté du pape, le sacrifice de la messe, « cette invention sacrilège », la transsubstantiation, le purgatoire, l'invocation des saints, le culte des images, les indulgences. Quiconque agirait ou écri- rait contre les trente-neuf articles, élevés à la dignité de Sym- bole, devait être puni comme hérétique.

()UVR.\GES A CONSULTER ET REMARQUES' CRITIQUES SUR LE 158.

The Life aud Acts of Mallh. Parker, Lond., M\\, in-f°. Le P. Cou-

432 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

rayer, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, à Paris, se prononça pour la validité des ordinations anglicanes (Dissertât, sur la validité des ordinations des Anglais, 1723, et Défense de la Dissert., etc., 1724). Mais la plupart des théologiens catholiques considéraient comme inva- lides les ordinations de la haute Église faites par M. Parker, tels que Nie, Sander, de Schismate anglicano; Harding (contre lewell, évêque anglic. de Chichester); Stapleton (Fortresse of the fait); Hardouin (Dissert, du P. C, Par., 1724). De nos jours, ont écrit sur la validité des ordinations anglicanes, après Pusey : Lee (the Validity of thc Holy Orders of the Ghurch of England, London, 1869), et Bailley (Ordinum sacroruin in Eccl. Angl. Defensio, Lond., 1870); contre elle : Raynal, 0. S. B. (the Ordinal of king Edward VI, its History, Theology et Lilurgy, Lond., 1870); can. Estcourt (the Question of anglican, ordination discussed, Lond., 1873). Comp. Bellesheim, dans Archiv f. kath. K.-R., 1874, t. XXXI, p. 3-34; W. Bender, War Parker ein giltig geweihter Bischof? Würzb., 1877. Voici les principales raisons contre la validité : Il n'est pas certain que, par la consécra- tion de Barlow, Parker ait été validenient ordonné évèque; les ordi- nants n'avaient pas l'intention requise, l'infeention de faire ce que fait l'Église ; 3" la formule d'ordination de l'Église anglicane sous Edouard VI ne mentionnait nullement le pouvoir épiscopal, et elle avait subi des modilications si essentielles, que l'assemblée du clergé de 1062 crut nécessaire de l'éliminer. Augusti, Corp. libror. symbol , p. 126-142, en allem., dans Bonner Ztschr., N.-F. Jahrg.; 5 liviais., 1, p. 196-208. Freib. Zlschr., t. XU, p. 250 et suiv. Cf. Burnet, p. 933 et seq.; Strype, p. 323 et seq.

Les non-coniormistes.

-159. Les mesures du gouvernement avaient pour adver- saires, outre les catholiques, les puritains, ou partisans rigides de Calvin, qui trouvaient trop d'éléments papistes dans l'Eglise anglicane réformée et se scandalisaient de la constitution épis- copule. On les appelait non -conformistes. La liturgie, la hié- rarchie épiscopale sentaient par trop le papisme ; la chape, la barrette et autres objets extérieurs incpiiétaient leur con- science. La plupart détestaient le serment de suprématie ; quelques-uns cependant croyaient pouvoir l'accepter, parce qu'il excluait toute puissance étrangère, nommément celle du pape, et parce qu'il y était dit (jnc le pouvoir royal était investi de la suprême puissance sur toutes les personnes ecclésias- tiques et civiles nées dans le royaume. Ils étaient plus difficiles

LE PROTESTANTISME. 433

en matière de rites. En 1568, ils tinrent une assemblée secrète et résolurent de se séparer de la haute Église épiscopale, à laquelle ils essayèrent d'opposer une constitution presbyté- rienne plus populaire. Beaucoup d'entre eux turent saisis, mais relâchés bientôt après. Plus tard, ces non-conformistes eurent également beaucoup à souffrir.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 159.

Dan. Neal, the History ol" tlie Puritans or Prot. Non-Conformistes, éd., Lond., 1723-38, 4 vol.; a new édition revised by Joshua Tou- lin, Lond., 1797, ö vol. (traduction allemande, Halle, 1762, th. i); Heylin, Hist. des presbytériens, p. 233 et seq.; Chebus, die Dissenters in England (Mcdners ZtscUr. f. histor. ïheol., 1848, I, p. 87 et suiv.); Weingarten, die Revolutionskirchen, Leipzig, 1868; Lingard, ViU, p. 134 et suiv.

Persécution des catholiques.

160. Jusqu'en 1570 , le sort des catholiques d'Angleterre était encore presque supportable , et Pie IV n'avait pas encore renoncé à l'espoir de gagner l'orgueilleuse souveraine. 11 essaya d'entamer des négociations par l'entremise de l'abbé Parapaglia. Mais depuis que la reine d'Ecosse, xMarie Stuart, serrée de près par ses sujets rebelles, se fut réfugiée en Angle- terre, où. Elisabeth, après lui avoir promis un asile, ne lui ré- servait qu'une prison (1508) ; depuis que plusieurs geutils- hommes catholiques eurent fomenté une émeute en faveur de la captive, qu'ils considéraient comme leur légitime souve- raine, Elisabeth redoubla de colère et de sévérité contre les catholiques : tous furent considérés comme des complices de l'émeute et des ennemis de l'État, quoique beaucoup eussent combattu sous ses drapeaux. Supposé, du reste, que tous les catholiques se fussent déclarés contre Éhsabeth, ils n'auraient fait que ce que les protestants d'Ecosse avaient entrepris eux- mêmes contre leur reine. Elisabeth avait constamment excité contre les rois de France et d'Espagne leurs sujets réformés : ce ne pouvait pas être un crime inouï que de lui rendre maintenant la pareille.

Des centaines de catholiques furent mis à mort, et la capti- vité de Marie Stuart devint plus étroite. A la suite de ces vio- v. HiST. UE l'église. 28

434 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

lences, le pape Pie V, conformément à l'avis de Philippe 11, au conseil que quelques évèques anglais et les théologiens de Lou- vain lui avaient donné en 15G3, Pie V, se référant aux prin- cipes de droit alors en vigueur, prononça solennellement l'excom- munication et la déposition d'Elisabeth (25 février 1570). A Rome, on espérait encore que l'infortunée reine Marie Stuart serait délivrée, et, pour atteindre ce but, Pie V était prêt à tous les sacrifices ; il invoqua le secours de l'Espagne et d'autres puissances : une guerre contre Elisabeth eût été, dans ce cas, parfaitement justifiée. Qu'il ait soudoyé quelqu'un pour l'as- sassiner, c'est une calomnie insoutenable. Il recommanda au roi d'Espagne un envoyé de la prisonnière, et s'en remit tout entier à ce prince de l'œuvre de sa délivrance. L'entreprise, dirigée par le duc de Norfolk, fut déjouée ; l'Espagne ajourna ses secours, et, à dater de 1571, Elisabeth redoubla encore de sévérité.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 160.

Pie IV, ap. Rayn., an. 1S60, n. 42 et seq.; d561, n. 51 ; Le Plat, IV, 623 et seq. Que Pie IV ait oü'ert à la reine d'approuver le « Livre des communes prières », si elle et son royaume reconnaissaient la supré- matie du Saint-Siège, c'est une pure invention : Esteourt, loc. cit., p. 354 et seq. En faveur des droits de Marie sur l'Angleterre, Joh. Leslaîus, op. Roffensis, de Titulo et Jure serenissimœ principis Mariai Scolorum regiuœ, quo regni Angliae successionem sibi juste vindicat, Khemis, 1581. Sur l'auteur, voy. Theiner, Annal, eccl., an. 1574, n. 10, c. IV. Demandes au pape relativement à l'excommunication d'Elisabeth : Pallav., XXI, vu, 4 et seq.; Spondan., an. 1569, n. 8 et seq.; Bzov., h. an., n. 30. Const. de Pie V Reg7ians in excelsis : Bull. Rom., t. IV, p. m, p. 98; al., t. H, p. 324; éd. Taur., VII, 810 et seq.; Roscovany, Mon., III, p. 85-87, n. 438. Voyez mon ouvrage Kath. Kirche, p. 678 et suiv., j'apprécie l'accusation contre Pie V, em- pruntée sans raison suffisante à Gachard, Correspondance de Phi- lippe II, t. II, p. 180 et suiv.

Nouveaux bills contre les catholiques.

161. En 1571, quatre nouveaux bills furent présentés au par- lement contre les partisans do Marie Stuart et contre les catho- liques. Trois furent adoptés. D'après ces bills, serait coupable de haute trahison quiconque attaquerait ou seulement révo-

LE PROTESTANTISME« 435

querait en doute les droits d'Elisabeth à la couronne d'Angle- terre, l'appellerait hérétique, schismatique, tyran. Un menaça aussi des châtiments réservés à ceux qui trahissent la patrie ceux qui recevraient de Rome une bulle, un bref, un rescrit, une dispense, etc., ou qui s'en serviraient pour recevoir ou donner des absolutions et des dispenses. Pour maintenir la su- prématie royale eu matière religieuse, on institua un tribunal particulier, la haute cour de commission, qui fut investie de pouvoirs inquisitoriaux exceptionnels et affranchie des formes ordinaires de la justice. Les agents pénétraient dans les mai- sous, épiaient les discours, saisissaient les papiers, et pouvaient enlacer dans leurs ülets quiconque leur déplaisait.

Le refus d'assister aux offices de la haute Église entraînait d'énormes amendes, des châtiments corporels et une prison sé- vère. Les amendes seules dépassaient les ressources d'un grand nombre de catholiques, dont plusieurs périrent misérablement dans les prisons. Cependant cette législation tyrannique parut encore trop douce, et les édits sanguinaires furent renforcés en 1581 : toute fonction sacerdotale, absolution, célébration de la messe, ordinations, asile même accordé aux prêtres catholiques, furent menacés de la peine de mort. Les places de professeurs et de précepteurs ne devaient être accordées qu'avec l'agrément des autorités protestantes. Des espions attitrés du gouvernement tendaient des embûches aux catholiques, se donnaient pour les hommes de confiance de la reine Marie toujours prisonnière, tâchaient d'impliquer les cathoUques crédules dans des conspi- rations, afin de les dénoncer ensuite ; ou bien ils leur arra- chaient quelques paroles de mécontentement contre la tyrannie régnante, afin de les faire punir. Les prisons de tous les comtés regorgèrent bientôt de catholiques. La ruine de l'ancienne Église, surtout par la disette de prêtres, semblait inévitable.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 161.

Lingard, t. VII, p. 3ö6 et suiv.; VIll, p. et suiv., 437 et suiv.; Ranke, Papes romains, II, p. 160 et suiv. J. de Thou (lib. VIII, 1Ö80, p. Ö41, traduct. tVauç.j parle aussi des espions sous Elisabeth. Châti- ments rigoureux inlligés à ceux qui professaient d'autres doctrines : Eduard Coxe, institut., III, 5.

436 HISTOIRE DE LÉGLISE.

Séminaires de Douai et de Rome. Héroïsme des mission- naires catholiques. Supplice de Marie Stuart.

162. Pour remédier à la pénurie des prêtres, le zélé docteur Guillaume Allen, ancien supérieur de Maria-Hall à Oxford, fixé à Douai en Belgique, plus tard cardinal et protecteur de la na- tion anglaise à Rome (1587-1594), établit à Douai, en 1568, un séminaire pour les Anglais. Le pape Grégoire XIII lui fit en- voyer d'abondants subsides, et renforça cet établissenienl en instituant à Rome, en 1579, le collège anglais. Les élèves de ce collège s'obligeaient à retourner en Angleterre pour y annon- cer la foi, et à se conformer à l'exemple des missionnaires en- voyés autrefois par saint Grégoire le Grand. Les ministres anglais persécutèrent ces deux établissements par tous les moyens imaginables, et demandèrent au gouverneur espagnol la suppression du séminaire de Douai. Celui-ci le promit, à condition que les ports de l'Angleterre seraient fermés aux re- belles des Pays-Bas.

Les princes de Guise accueillirent les expulsés, et le sémi- naire de Douai, transféré à Reims, continua de prospérer. Les lois contre le clergé catholique furent exécutées avec une cruauté inouïe. Cependant rien ne put ébranler le courage surnaturel des missionnaires. En 1580, deux jésuites anglais, Persons et Campian, retournèrent dans leur patrie, et parcou- rurent les provinces avec courage et prudence, parmi des dan- gers et des persécutions incessantes : l'un, les provinces du Nord ; l'autre, les provinces du Sud. Changeant de costume et de nom, ils portaient les consolations du Ciel dans une foule do familles catholiques, célébraient les saints mystères en secret et dans un appareil qui rappelait les premiers âges du chris- tianisme. Des écrits cathohques, composés avec habileté et élégance, parurent et produisirent une profonde impression. La véritable Église remporta, au sein même de la persécution, de nouveaux triomphes.

Le magnanime Campian souffrit le martyre, de même que Cuthbert Maine, noble prêtre de Cornouailles. Il y eut encore quantité d'autres victimes, accusées, la plupart, d'avoir parti- cipé à des conjurations dont elles ignoraient l'existence. D'hor-

LE PROTESTANTISME. 437

ribles instruments de torture furent mis en usage ; et, dans les dernières années de cette femme tyrannii]ue, orgueilleuse et despote, lu persécution devint de plus en plus acharnée. Les catholiques anglais avaient constamment de nouveaux mar- tyrs.

Enfin, le sort de l'infortunée Marie Stuart fut également fixé. Après une captivité de dix-neuf ans, parvenue seulement à sa quarante-cinquième année, elle fut exécutée le 18 février 1587, comme une criminelle, surtout pour des raisons politiques fon- dées sur des documents dont on n'avait que des copies sans autorité. Cette procédure révoltante contre une tête couronnée, à qui l'on n'accorda pas même un prêtre catholique avant la dernière heure qui lui restait à vivre (la reine n'avait reçu qu'une hostie consacrée par le pape), souleva la chrétienté catholique et mûrit enfin les projets de l'Espagne.

Philippe II, mari de la précédente reine Marie, fit valoir ses prétentions sur l'Angleterre. Mais la position insulaire de ce pays, le dévouement de la nation, y compris les catholiques, et jusqu'aux perturbations de la nature, favorisèrent l'astucieuse Elisabeth, et c'en fut fait de l'Armada espagnole (1388). De nouvelles entreprises furent, il est vrai, concertées, mais non accomphes, et des jours prospères revinrent pour Élisahieth. Nulle trêve à son despotisme ; elle se targuait de respecter la liberté de conscience, et elle persécutait les catholiques comme coupables de haute trahison, sans prêter l'oreille à ceux qui entraient en lice pour défendre leur cause. Douée de hautes qualités intellectuelles, mais d'un caractère bassement tyran- nique, rien moins que pure et vierge dans sa vie privée, Elisa- beth demeura jusqu'à sa fin (4 avril !603) l'ennemie irrécon- ciliable des catholiques, qui, après la mort de l'évêque de Lincoln (1381), n'eurent plus aucun évêque et n'obtinrent un archiprêtre qu'en 1398.

OUVRAGES A CONSULTER EX REMARQUES CRITIQUES SUR LE 162.

Camden, Rer. brit., I, 315; Sacchiui, Hist. Suc, Jesu, p. IV, lib. VI, c. VI ; lib. VII, c. x-xxx; Edm. Campiani Vila et Martyrium, Ingoist., 1584; Concertaliü Ecclesiœ catbol. in Aiiglia., Aug. Trevir,, 1588, in-4'' (par Bridgevater); Spondan., an. 1581, n. 13 et seq.; Challoner, Denkwürdigkeiten der Missionspriesler u. and. Katholiken, die in Engl, ihrer Ueligiun wegen den Tod erlitten haben, 1377-1684, trad.

438 HISTOIRE DE L'ÉGLISE.

de l'anglais, Paderborn, 1852, 2 vol.; Hist.-pol. Bl., 1838, t. I, p. 457- 469; 1839, t. [II, p. 696-702; Héfelé , Ximénès , p. 89-101 (Isab. d'Espagne et Élisab. d'Angl.), Natal. Alex., Hist. saîc. XV et XVI, c. XII, art. 6, t. XVII, p. 601 ; Caussin, S. J., Aulse sanctae, t. II; Lin- gard, VIII, p. 220 et suiv. Autres ouvrages ci-dessous, § 170. Déjà en 1572, l'évêque de Londres disait dans une lettre à lord Burgley que la sécurité du royaume exigeait qu'on abattît la tête de Marie. EUis, Lotters, II ser., t. III, p. 25. Plans politiques contre Elisabeth : Ranke, Paepste, II, p. 85, 161 et suiv., 168 et suiv.; Laemmer, Analecta Romana, p. 49 et suiv., n. 9. Letters from sir Robert Cecil to sir G. Carew, edited by J. Maclean, Camden Society, n, 88, an. 1864. Les théologiens protestants professaient pour Elisabeth une sorte de culte idolâtre. "William Tooker, chapelain de la cour, essaya de prouver dans un écrit qu'elle avait le don miraculeux de guérir le goitre et les écrouelles. Charisma seu donum sanationis seu expli- catio totius quaestionis de mirabilium sanitatum gratia, in qua prœ- cipue agitur de solemni et sacra curatione strumae, cui reges Angliœ rite inaugurali diviuitus medicati sunt et quam serenissima Eliza- betha... ex cœlesti gratia sibi concessa applicatione manuum suarum et contacta morbidarum partium non sine religiosis ceremoniis et precibus cum admirabili et felici successu in dies sanal. » Londini, 1597); et il voulait prouver par ces miracles la légitimité de cette <( très sainte princesse ». Voy. Hist.-pol. Bl., 1841, t. VIII, p. 355 et suiv. Un poêle de la cour, Jammy Thompson, célébra les « gloires » de son « règne virginal », tandis que Witaker, ecclésiastique protes- tant, d'accord avec beaucoup de contemporains, lui imputait les plus grossiers débordements; un grand nombre la considéraient comme la femme la plus impie dont l'histoire fasse mention, sans excepter Jézabel elle-même (Cobbett, dans la Iraduct., IV° éd., p. 414). De nos jours, des chercheurs protestants avouent que l'immoralité d'Eli- sabeth n'est plus une question, et qu'il faut plutôt attribuer ses succès au ministre Cecil qu'à elle-même. Maurenbrechei', Engl, im Revolu- tionszeitaller, Düsseldorf, 1866, p. 91 et suiv.; Ranke, Engl. (Jesch,, I et suiv. La délégation de l'archiprêtre par le carduial protecteur date du 7 mars 1 598 ; Rome trouva la nomination d'un évêque inoppor- tune. Mejer, Propag., II, p. 37, 39 et suiv.

L>es protestants sons Jacqncs ler et Charles 1er,

Jacques I^r. La conjuration des poudres. Le serment de

fidélité.

163. Le üls de Marie Stuart, Jacques VI, roi d'Ecosse, monta

LE PROTESTANTISME. 439

sur 1g trône d'Angleterre sous le nom de Jacques I", et réunit sous son sceptre les trois royaumes britanniques. Tous les partis religieux fondaient sur lui de grandes espérances : les puritains, parce qu'il avait été élevé dans leur religion; les épiscopaux, parce que leur système s'adaptait mieux au principe monar- chique ; les catholiques, parce que sa mère avait été une catho- lique fervente et qu'en Ecosse il avait usé de tolérance envers l'ancienne Église. A Rome aussi l'on attendait beaucoup de son élévation au trône. Déjà précédemment Clément VIII lui avait mandé qu'il priait pour lui, pour ce fils d'une mère vertueuse, lui souhaitait toutes les prospérités temporelles et spirituelles, et il espérait encore le voir catholique. Jacques permit à son am- bassadeur à Paris d'entretenir des relations avec le nonce, qui lui montra une lettre du cardinal Aldobrandini, celui-ci enga- geait les cathohques d'Angleterre, au nom du pape, à obéir à leur roi et à prier pour lui.

Le roi promit de ne pas inquiéter les catholiques paisibles, et il les laissa en effet jouir quelque temps d'un peu de repos. On recommença de célébrer la messe dans le nord de l'Angleterre, et beaucoup d'Anglais se montrèrent de nouveau catholiques. Par malheur, le mouvement protestant et surtout le zèle du roi pour la constitution épiscopale, que les puritains traitaient de papisme, entraînèrent Jacques I". Pour se purger du soup- çon de papisme, Jacques renforça les lois contre les catholiques (1604), fit percevoir sans merci les amendes au profit de ses favoris d'Ecosse, et prononça plusieurs sentences de mort. Dans cet état de choses, il était naturel que quelques uns se laissas- sent entraîner dans des complots et des conspirations.

Robert Katesby forma, avec quelques complices, le dessein de faire sauter en l'air (novembre 1605) le palais du parlement, avec le roi, les lords et les communes. Le plan fut éventé, et plusieurs des conjurés mis à mort. On essaya de faire passer les jésuites pour les instigateurs du complot. Le P. Garnet, qui n'avait connu la conjuration que par le confessionnal et qui avait fait pour l'empêcher tout ce qu'il avait pu sans violer le secret de la confession, fut condamné à mort comme complice, après une procédure absolument privée de formes et différentes tor- tures.

Le niLine sort atteignit d'autres missionnaires. 11 fut prescrit

440 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

qu'une fête annuelle serait célébrée le 5 novembre, jour de la découverte de la conspiration des poudres, et une prière fut insérée dans la liturgie contre les ennemis cruels et sangui- naires de l'État. Ou redoubla de rigueur envers les catholiques; on leur imposa le sermeut de fidélité, qui n'était au fond que le serment de suprématie et (]iii de plus était injurieux à la foi catholique. On donna à entendre que cet attentat était le fruit de la doctrine cathoFuiue ou d'un ordre spécial du pape, et l'on demanda que l'opinion suivant laquelle l'Église peut, dans certains cas, déposer les souverains, opinion soutenue par les théologiens les plus autorisés, fût condamnée comme hérétique : c'était empiéter sur la doctrine de l'Église, et nul catholique n'avait le droit de le faire. Ceux qui prêteraient le serment, ne devaient être soumis qu'aux peines établies par la loi ; les autres, y compris les femmes, seraient condamnés à la prison perpétuelle, perdraient leurs biens, et seraient traités comme des excommuniés (4606).

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 103.

Hanke, Rœtn. Pœpstc, t. II, p. 479 et suiv.; Histoire d'Angleterre, t. 1, p. 531 et suiv.; Lueminer, Analecta Rom., p. 53; Lingard, IX, p. 35 et suiv., 55 et suiv.; Crétineau-Joly, Hist. de la Comp, de Jésus, t. III, p. 83 et seq.; Riffel, Gesch. der Aushebung des Jesuitenordens, éd., p. 30C-3H ; N.-J. Morris, S. J., the Condition of Calh. ander James I. Father Gerards Narrative of the Gumpoweder Plot., Lond., 1871 ; en allem., par Hollmann, Frib., 1872. Voy. Laacher Monatsschr., 1872, II, p. 165 et suiv. Souvenir liturgique du 5 novembre: Daniel. Cod. liturg., III, DÖ5; Juram. fidel., ap. Rapin Toyras, Hist. de l'An- gleterre, t. VII, Hb. XVIII, an. 1606.

Paul V et le serment de fidélité.

164. Plusieurs catholiques so demandaient s'il était permis do prêter le serment de fidélif»^ Le pape Paul V déclara que ce serment contenait une foule de choses contraires à la foi, et que personne Jie pouvait le prêter sans préjudice de son salut; il exprima l'espoir que les catholiques, éprouvés jusqu'alors au fou do la persécution, souffriraient les dernières extrémités plutôt (jue d'offenser la majesté divine. Paul V nu pouvait pas admnltre non plus que les actes des papes du moyen âge eusseut été

LE PROTESTANTISME. Ail

impies et injustes, ni laisser qualifier d'hérétiques des opinions tliéologitjues généralement enseignées dans les écoles ecclésias- tiques.Plusieurs catholiquesémigrèrent et perdirent leur fortune; d'autres firent le sacrifice de leur liberté et même de leur vie. Le roi Jacques, qui se piquait aussi de théologie, essaya de justifier la formule de serment contre les théologiens catho- liques Bellarmin, Suarez et Duperrou. Il en résulta une dispute littéraire. Jacques connaissait et estimait les Pères de l'Église, et il était modéré à l'égard des catholiques dans ses conversatious privées. Les catholiques de Londres, nombreux encore malgré toutes leurs pertes, avaient pour centre religieux la chapelle de l'ambassadeur d'Espagne. Des amendes qu'on leur imposait, le roi percevait annuellement 36,000 livres sterling. Quand son fils Charles épousa la princesse cathoUque Henriette de France, il fit par écrit diverses concessions aux catholiques, rendit la hberté à plusieurs des leurs qui gémissaient dans les prisons, et adoucit sensiblement leur sort, malgré la résistance du clergé et du parlement anglais. Jacques maintint rigoureusement son sys- tème épiscopal et sa suprématie religieuse : « Je fais ce qu'il me plaît, » disait-il, « la loi aussi bien que l'Évangile. »

OUVRAGES A CONSULTE« ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 164.

Paul V, 1" oct. 1606 et 23 août 1607 ; Wilkins, Conc. M. Brit., IV, 430, Lond., 1737; du Plessis d'Arg., III, ii, p. 172-174; Roscovaiiy, Monum., I, 197 et seq. Cf. Gosselin (V, § 149), II, p. 282-288, et mon ouvrage cité, j'examine, entre autres choses, l'accusation empruntée aux Notices et Extraits des manuscrits de la bibliothèque nationale, Paris, 1804, t. VII, p. 311. Voyez encore Ranke, Hist. d'Angl., I, p. 544 et suiv. Bossuet lui-même (Defens. Déclarât, cleri Gall,, part. I, lib. IV, cap. xxui, p. 387) n'osait justifier le serment. Jacques, son Apologia pro juramento tidelitatis, dans ses 0pp., Lond., 1619, p. 237 et seq., Lips., 1689; Bellarmin., Respons. ad Apol. pro jur. fidel., 0pp., VII, 640; Suarez, Defensio fidei cath., Colon., 1614. Autres ouvrages dans Dupin, Hist. eccl. du XVIP siècle, t. IV, p. 622 ; Bianchi (V, § 1), t. II, lib. VI, § 11, n. 8 et seq., p. 640; Werner, Franz Suarez, I, p. 97, n. 1. Aveux privés de .Jacques : J. Forster, Hist. Essays, Lond., 1838, I, 227; Ranke, Pœpste, II, p. 481 et suiv., 487. Le mariage di-. Charles P' avec une princesse catholique donna lieu à de longues négociations, auxquelles le Saint-Siège lui-même prit une part active : Ranke, p. 483 et suiv., 507 et suiv. Divers documents dans Kunst-

442 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

mann, die Gemischten Ehen., Ralisb., 1839, p. 195-205. Cf. p. 143 et suiv., n. 162.

Règne malheureux de Charles 1er.

165. Sous Charles I" (1625-1649), caractère vacillant et sans énergie, un sort meilleur parut d'abord réservé aux catholi- ques. Des agents du pape allèrent à Londres, et des délégués de l'Angleterre à Rome. La reine avait de l'influence sur son mari, qui se complaisait dans plusieurs coutumes catholiques. L'agent de Rome, Cuneo, discuta avec le roi sur une modiflca- tion à introduire dans le serment de fidélité, et déclara que la seule formule acceptable était celle qui ne prescrivait que l'obéissance temporelle. Charles I" trouvait des difficultés, soit dans les dispositions du parlement, soit dans la haute idée qu'il se faisait des droits de la royauté : il rejeta les propositions de Cuneo, et Rome persista à réprouver le serment de fidélité. L'Angleterre, du reste, avait reçu de Grégoire XV un vicaire apostolique, d'abord Guillaume Bisliop (1623-1625), évoque de Chalcédoine, puis Richard Smith.

A Rome, en 1630, la Propagande s'occupa du rétablissement de la hiérarchie catholique en Angleterre. Ce projet échoua. Non seulement la plupart des conditions établies dans le contrat de mariage du roi ne furent pas exécutées, mais il se produisit une foule d'autres complications singulièrement préjudiciables aux catholiques. Le roi, entouré de conseillers à courte vue, fut bientôt le jouet de partis fanatiques. Les épiscopaux se firent les organes de l'absolutisme royal, et les presbytériens, les champions de la souveraineté populaire et de la liberté civile. Chez ces derniers, les tendances républicaines s'accentuèrent de plus en plus sous le masijue de la religion, et menacèrent à la fois la monarchie et la hiérarchie. Do leur côté, les puritains ou les «saints» apparurent armés de textes de la Bible, et outre- passèrent bientôt toute mesure. Charles, ainsi que son père, craignant d'enflammer le fanatisme des puritains en se mon- trant équitable envers lescatholiijues, se laissaitentraîneràdes demi-mesures, à do fausses combinaisons, qui avaient toujours un effet contraire à ses desseins.

L'opinion publique était travaillée contre sa femme catho- lique, contre sou ministre, le duc de Duckingham, et contre

LE PROTESTANTISME. 443

Laud, archevêque de Caiitorbéry, épiscopal rigide. Les parle- ments, où les puritains furent bientôt en majorité, combattaient le gouvernement et se plaignaient du papisme {No Popery !) Le roi, tant pour apaiser le parlement que pour sortir de ses embarras financiers, donna son adhésion à toutes les mesures vexatoires proposées contre les catholiques : les « récusants » furent de nouveau frappés d'amendes, emprisonnés et même exécutés. Les prêtres catholiques émigrés qui rentreraient dans le pays, devaient être punis de mort. On enleva leurs enfants à beaucoup de familles catholiques, pour les faire élever dans le protestantisme. Les partisans de l'ancienne Église furent mis hors la loi.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 163.

Rapports de Cuneo, dans Ranke, Engl. Gesch., II, p. 206 et suiv. j Anhang, p. 26-32. Voy. son Rœm. Pcepsle, II, p. 572 et suiv. Sur le rejet constant du serment de fidéUté et sur la déclaration projetée sous Innocent X (1648), mais non publiée, voyez mon ouvrage cité, p. 692 et suiv. Vicaires apostoliques en Angleterre : Mejer, Propag., Il, p. 43 ; Pie IX, const. Universalis Ecclesix, 29 sept. iSöO (Acta Pli IX, vol. I, p. 236 et seq.). Délibération de la Propagande de 1630 : Läm- mer, Analecta Rom., p. 37; Rinuccini (archev. de Fermo), Nunziatura in Irlanda ncgii anni 1645, an. 1649, public, su' MSS. originali, Firenzi;, 1844; Hradshaw, the English Puritane, Lond., 1603 ; lat. : Piiritanismus anglicus, Francof., 1610; Dan. Neal 139), surtout II, 393 et seq.; Schrœckh, K.-G. seit d. Ref., V, p. 24 et suiv., 41 et suiv.; VIII, p. 410 et suiv.; Chebus 139), p. 96-lld.

Révolution d'Angleterre.

166. Charles commit une faute politique (1636) en voulant Imposer aux presbytériens d'Ecosse la constitution épiscopale et la liturgie de l'Angleterre, en restreignant leurs prédications et leurs exercices de piété. Il en résulta une révolution. Le roi réunit de nouveau un parlement à Londres, pour se procurer des ressources pécuniaires. Mais ici encore il trouva de la résis- tance, et il lui fallut dissoudre l'assemblée. Les Écossais enva- hirent l'Angleterre et s'allièrent avec les puritains. Les con- seillers du roi ne sachant quel parti prendre et l'argent faisant absolument défaut, Charles convoqua un nouveau parlement (1640), qui allait lui devenir funeste. Dans ce « Long Parlement »

444 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

(1640-1649), la Chambre des communes commença ses délibéra- tions par des plaintes sur les intrigues papales, résolut de faire une épuration dans la haute Église, et rendit à plusieurs ecclé- siastiques non-conformistes les places qu'on leur avait ravies. Il mit ensuite en accusation lord StrafTord, le plus capable des ministres du roi, et le fit exécuter. L'archevêque Laud fut en- fermé dans la Tour.

Charles cédait partout, et commettait les plus graves impru- dences par excès de précipitation. Il s'enfuit de Londresà York, et, en 1642, le parlement lui enleva le pouvoir législatif . Il y eut encore des négociations entre les deux partis, mais de part et d'autre on recrutait des troupes. Les catholiques, durement opprimés, soutenaient la cause du roi Charles ; suspect de pa- pisme, il refusa d'abord d'accepter leurs services, et finit par y consentir, tout en continuant de faire supplicier leurs prêtres. Il avait encore pour lui la majeure partie de la noblesse, tandis que le parlement était soutenu par la bourgeoisie, ennemie de tout monopole. Les prédicants presbytériens excitaient parmi leurs troupes le plus effroyable fanatisme. On enleva à chaque catholique les deux tiers de sa fortune, pour couvrir les frais de la guerre contre le roi ; la tète de tout prêtre catholique fut mise à prix, sous prétexte que le roi avait tramé un complot papiste (1643). Les épiscopaux, persécutés par les deux partis, subirent les puritains, qui prévalaient dans l'armée comme au sein du parlement, supprimèrent complètement la liturgie et le régime épiscopal, et introduisirent partout la constitution presbytérienne.

OUVRAGES A CONSI.'LTER SUR LE 166.

Ed. Clarendon, Hisl. de la rébellion et des guerres civiles d'Angle- terre, à la Haye, 1704, 6 vol.; Rapin Thoyras, t. VI, p. 261 et seq., 399 et seq., 461 et seq.; t. VIII, p. 1 et seq.; F. Förster, Historical and Biographical Fssays, Lond., 1858, vol. I, the Débats on the grand Remonstrance, 1641 ; Lingard, t. IX et X.

Exécution du roi.

167. Mais bientôt les presbytériens virent se dresser contre eux une secte plus radicale encore : les indépcnrlanls rejetèrent le système synodal et les prosbytéries, demandèrent la tolérance

LE PROTESTANTISME. 445

générale et la suppression des prédicants, car quiconque était saisi par le Saint-Esprit devait prêcher. Ils se nommaient aussi congrégationalistes et Brownistes(de Robert Brown, leur chef). On vit en effet des soldats, des marchands, des femmes, escalader les chaires. Ces fanatiques avaient à leur tète les premiers généraux des troupes du parlement, Fairfax et Olivier Crom- well, qui aspiraient à la dictature; ils remportèrent plusieurs victoires sur les troupes royales. Le 30 janvier 1647, le roi fut emmené captif à Ilolby.

Des mains du parlement il tomba dans celles des indépendants, qui avaient supplanté les presbytériens, et finalement dans celles d'un troisième parti qui s'était formé au sein de l'armée, les Levellers (ni voleurs ou rationalistes).

Les Levellers professaient la liberté absolue en matière reli- gieuse, et la souveraineté populaire, et cherchaient à prouver par la Bible que Dieu a tous les rois en abomination. Les partis extrêmes se supplantaient mutuellement. Bientôt la mise en accusation du roi fut décrétée; la chambre haute résista, la chambre basse se déclara investie de l'autorité suprême. Les presbytériens récalcitrants furent expulsés du parlement ; les autres (le rumpfparlement) mirent le roi en aceusation, pour avoir pris les armes contre le parlement souverain. Une cour de justice dirigée par Cromwell le condamna à mort en invo- quant la Bible, et, le 30 janvier 1549, la tète du roi tombait sous la hache du bourreau. La royauté fut déclarée abolie en Angle- terre, et la république proclamée. L'Angleterre venait de tra- verser toutes les phases de la révolution ecclésiastique et poli- tique.

OUVRAGES A CONSUMER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 167.

J. Waddington, Congregational History, 1567-1700, dans Relation to contempor. events, Lond., 1874; Weingarten 159), p. 20 et suiv. Des Leveliers (on leur doit l'ouvrage : the Leveller or tho Principles and Maximes concerning Government and Religion, Lond., 1658), sortit la secte de la o^ monarchie de Vennec, suivant laquelle il ne fallait reconnaître d'autre roi que le Christ, ni remettre le glaive dans le fourreau avant que la royauté, cette autre Babylone, lût extirpée. Voyez encore Sanford, Sludies and Illustrations of the great rébellion, Lond., 1858. Le meurtre royal fut justifié par J. Milton, Defensio pro populo anglicano contra Salraasii defensionem regiam pro Garolo I,

446 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Lond., i651, et Philippi Respousio ad Apolog. anonym, pro rege, Lond., 1652.

Le prolcstantisnie en Ecosse. Les protestants écossais. Jean Knox.

168. L'Ecosse fut le premier des royaumes britanniques la nouvelle doctrine trouva de nombreux représentants. Elle y fut prêchée sous le roi Jacques V (1524-1542) par Patrice Hamilton, qui l'avait étudiée à sa source, à Wittenberg et à Marbourg. L'arcbevêque de Saint-André (métropole depuis 1471), Jacques Beaton, après une procédure régulière, le fit livrer comme hérétique au pouvoir séculier, qui le punit de la peine du feu (1528). Comme il avait joui d'un grand crédit en sa qualité d'abbé de Ferme et montré beaucoup de courage pendant son supplice, le nombre de ses partisans secrets se multiplia. On vit surgir une multitude de prédicants réformateurs, entre autres le bénédictin Henri Forest (qui fut également brûlé), et le con- fesseur de Jacques V, Alexandre Seton, qui se réfugia sur le continent. Les plus belles perspectives s'ouvrirent devant les novateurs, car une portion notable du clergé était fort dégé- nérée depuis la confiscation des biens d'Église par la couroinie et la noblesse, et le peuple grandissait dans une profonde ignorance.

Les écrits sarcastiques répandus contre le clergé étaient recherchés avec passion, et les prêtres indignes étaient bafoués comme de faux prophètes. Les protestants se multipliaient, favorisés par la noblesse en haine des prélats opulents et de la royauté, alliée avec eux. ici encore les biens ecclésiastiques ser- virent de prétexte à beaucoup de gentilshommes appauvris, pour faire opposition à l'Égiise. L'archevêque Jacques eut pour suc- cesseur son neveu David Beaton, encore beaucoup plus zélé que lui, et qui fut aussi pronm au cardinalat. (Juand le roi Jacques V vint à mourir (1542), sa fille et son héritière Marie Stuart n'était âgée que de huit jours; la régence tomba aux mains du comte d'Arran, Jac(jues Hamilton, très faible de caractère, mais dé- voué aux protestants. Le parti catholique, très puissant encore, dirigé par le vaillant cardinal archevêque, ne voulut point d'un protestant pour administrer le royaume. Hamilton, pour se

LE rROTKSTANTISMF. Ail

maintenir, rentra dans le giron de l'Eglise catholique (1543), et s'unit au cardinal pour combattre les hérétiques.

L'un des réformateurs , George Wishart, ayant été mis à mort, les protestants conspirèrent contre l'archevêque; ils l'as- saillirent dans son château comme ennemi opiniâtre de Jésus- Christ et de l'Évangile, au dire de Melvil, disciple du supplicié, l'assassinèrent avec barbarie, et restèrent en possession de son château (i546). Cent quarante gentilshommes se mirent de leur parti, et la mer leur apporta d'Angleterre des res- sonrces en argent et en vivres. Le régent fit le siège du châ- teau, entra en négociations avec les meurtriers, et, quand elles eurent échoué, les força enfin de se rendre, avec le secours d'une flotte française. Cependant ils furent libres de s'en retourner. Parmi eux se trouvait le prédicant Jean Knox, réformateur écossais, en 151.^, dégradé par le cardinal pour ses doctrines hérétiques, puis aumônier militaire des re- belles : cet adversaire fanatique de l'ancienne Église fut con- damné en France à deux années de galères. En 1549, il arriva en Angleterre, il prêcha souvent en présence d'Edouard VI et de ses conseillers secrets ; en 1553, il se rendit à Genève, et se lia avec Calvin d'une étroite amitié.

Rébellion eu Ecosse.

469. L'alliance intime qui existait entre la France et l'Ecosse, valut à celle-ci une guerre très funeste, mais très favorable à la propagation du calvinisme. La reine mère, Marie de Guise, n'hésita pas à s'allier aux calvinistes pour renverser le régent d'Arran, qui se décida à lui laisser la régence (1554). La reine usa de grands ménagements envers les novateurs et même envers les étrangers persécutés dans leur pays. Mandé par ses amis, Knox retourna en Ecosse (1555), et travailla de toutes ses forces à son œuvre de réformation. 11 donna à plusieurs gentilshommes la communion selon le rite de Genève, et prê- cha contre le gouvernement papiste des femmes. Assister à la messe était, selon lui, un péché mortel. En 1556 cependant, il repartit pour Genève, une chaire lui était offerte.

Le clergé, ranimé par son départ, l'accusa d'hérésie et le fit brûler en effigie à Edimbourg. La reine mère se contenta de

AAH HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

condamner à mort quelques fanatiques, qui pillaient les églises et renversaient les autels do la façon la plus barbare. Les calvinistes demeurèrent en correspondance avec Knox,qui résida à Genève de 1556 à 1559, et y fit retentir son « pre- mier coup de trompette contre le gouvernement satanique des femmes ». A partir de 1557, ils prirent une attitude de plus en plus menaçante ; Knox prêchait ouvertement la révolution contre « l'idôlatrie » et contre l'autorité, qui la soutenait. Les lords protestants formèrent entre eux une alliance (la « con- grégation du Seigneur ») pour résister aux catholiques, qu^'ils appelaient la « congrégation de Satan » ; ils s'engagèrent à défendre leur religion jusqu'à la mort et à se procurer des pré- dicateurs vraiment évangéliques. L'archevêque Hamilton ayant fait brûler, en 1558, un prêtre apostat, Walter Milne, ils demandèrent à la régente et au parlement la liberté absolue do religion, et menacèrent de se révolter.

Lorsque Knox fut revenu de Genève, les églises et les cou- vents furent profanés et livrés au pillage, plusieurs détruits de la façon la plus barbare, y compris la superbe cathédrale de Saint-André. On en vint à une guerre ouverte. Les rebelles no se contentèrent même pas du traité de 1559, qui accordait aux protestants le libre exercice de leur culte : ils entendaient régner seuls sur les ruines du catholicisme. Ils refusèrent l'obéissance à la régente, qui reçut des troupes de France, tan- dis que les rebelles furent appuyés par Elisabeth d'Angle- terre.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°« 168-169.

Bradshaw i65); Heylin, Hist of the Presbyterians, Oxford, 1670, p. 130 et seq., 163 et seq.; the History of Ihe leformation of religion wilLiri rcaltn of Scollanci togetiier with tlic Life of John Knox Uie author, Edinb., 1732; Gilbert Stuart, Ilist. of reform of Scotland, Lond., 1780, in-i», Altenb., 1786; Robertson, Ilisl. of Scotland., Bas., 1791, 2 t.; en allem., Braunschw., 2 thle ; Calderwood, the True Hislory of Ihe Churdi of Scotland, Lond., 1768; Th'M'Cric, the Life of J. Knox, Edinb., 1811, 2 vol. (et souvent extrait par Planck, Goetting., 1817); Cook, Hist. of Ihe Church of Scotland from the reform., Edinb., 1815, t. III; Niemeyer, Leben d. J. Knox u. der beiden Marien, Leipzig, 1824; Weber, John Knox und die schottische Kirche (Studien u. Kritiken, 1842, h. IV) ; Kudloil', Gesch. der Reform, in

LE PROTESTANTISME. 449

Schottland, Berlin, 1847 et suiv., 2 part. ; Kœslin, die Schottische Kirche, Hanib., 1852; Brandes, John Knox, der Keformator Schotll., Ëlberf., 1862; Lingard, Gesch. v. Engl., Vil, p. 303 et suiv., 311 et suiv.; Confessio scotica, dans Augusti, Corp. liLr. symbol., p. 143 et seq. Extrait dans Weber, J. Knox, p. 886 et suiv.; Livre de discipline de Knox, ibid., p. 892 et suiv. (Weber, Gesch. der Kirchen u. Secten V. Groszbrit., Leipzig, 1843 et suiv., 2 vol.).

Oppression du catholicisme. Marie Stuart en Ecosse.

170. La régente Marie de Guise mourut au milieu de ce désordre (1560). l'lusieurs catholiques s'unirent aux rebelles pour demander l'éloignement des troupes françaises. La jeune reine Marie Stuart et son époux François IJ, roi de France, se virent donc obligés de conclure avec la congrégation la paix d'Edimbourg, qui sanctionnait la victoire de la noblesse insur- gée. Toutes les exigences politiques furent approuvées, et la question religieuse renvoyée au prochain parlement. Au lieu de l'attendre, les calvinistes introduisirent partout leur nou- velle organisation ecclésiastique, nommèrent des surinten- dants et des prédicateurs, de sorte que le parlement, ils étaient, du reste, en majorité, n'avait plus qu'à confirmer leurs actes. En 15G0 encore, le parlenioat prononça l'aboUtion de la religion catholique, défendit la célébration ou l'audition de la messe sous peine de confiscation des biens, et, en cas de réci- dive, de l'exil et de la mort ; il adopta une confession de foi calviniste, la confession écossaise. La constitution devait être presbytérienne ; cependant on laissa encore provisoire- ment aux évêques leurs revenus et leurs sièges dans le parle- ment, afin d'obtenir plus facilement l'adhésion de la reine.

Peu de temps après, Marie Stuart, devenue veuve par la mort de François II, céda aux instances des catholiques et des protestants, et retourna dans son royaume héréditaire. Déjà avant son arrivée, le conseil de régence avait fait détruire tous les monuments de l'ancienne religion. Marie Stuart osa se confier aux protestants, et promit de suivre surtout leurs con- seils dans la conduite du gouvernement. Mais Knox était beaucoup plus puissant que la reine ; elle ne pouvait assister à la messe sans exposer ses jours, et le peuple menaçait de lapi- der son chapelain. Knox vomit du haut de la chaire les propos

V. HIST. DE l'église. «29

4o0 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

les plus injurieux contre la souveraine catholique, et quand elle fit son entrée à Edimbourg, on joua une comédie qui tour- nait sa croyance en dérision. Plus tard, sa chapelle fut forcée et pillée durant son absence. Elle n'était pas même maîtresse dans son propre palais.

Abdication et fuite de Marie Stuart.

171. Les premiers actes de la jeune veuve furent marqués au coin de la modération et de la prudence ; sa vue seule atti- rait les cœurs ; mais on interprétait mal, on blâmait vivement ses meilleures actions. La foule égarée ne voyait en elle qu'une servante du diable. Seule au milieu d'un peuple hostile, elle résolut , avec l'approbation des hommes les plus capables , d'épouser son parent, lord Henri üarnley, dont la famille pas- sait pour très catholique. Aussitôt Knox compara les deux époux à Jézabel et Acliab; son demi-frère Jacques, nommé par elle comte de Murray, se révolta ; les lords protestants s'allièrent à Elisabeth d'Angleterre, qui poursuivait de son implacable haine sa belle et spirituelle rivale. Déjà l'on en était venu à vou- loir défendre à la reine d'avoir une chapelle catholique dans son propre palais. Cependant, quand elle demanda secours dans une proclamation elle assurait à tous le libre exercice du culte, elle obtint la victoire. Le mariage fut conclu en 15C4. On reprocha à Marie d'avoir, sans consulter le parlement, doimé à son mari le titre de roi. Ce dernier, au surplus, ne se montra pas à la hauteur de sa situation, et s'irrita de ce que Marie ne lui abandonnait pas le gouvernement d'une manière défiui- tivo; puis il s'aigrit contre Kizzio, secrétaire de la reine, qu'il fit arrêter dans les appartements de Marie et assassiner (mars inC6).

A la suite d'une conjuration ourdie par les plus puissants d'entre les barons, ayant à leur tête le comte Bothwell, on fit sauter en l'air Darnley avec sa maison de campagne (février 15Ü7). La rumeur pnl>li(iue désigna le comte Buthwell comme l'assassin, bien qu'il fût justifié de ce reproche par vingt-quatre membres considérables de la noblesse. La malveillance répandit aussi le bruit que la reine avait préparé, ou du moins auto- risé ce meurtre, et la foule y ajouta foi, bien qu'il fût impos-

LE PROTESTANTISME. 451

sible de le démontrer. Knox n'hésita pas à traiter la reine catiioliquc d'adultère et de meurtrière. Marie Stuart courait déjà les plus extrêmes dangers, liothwell s'empara de Marie et la retint prisonnière jusqu'à ce qu'elle lui eût donné sa main, ce qui ne servit qu'à contirmer les soupçons répandus contre elle et à la conduire à sa perte.

Une nouvelle insurrection éclata, dirigée par l'ambitieux comte de Murray. Botliwell s'évada ; la reine fut prise et con- trainte d'abdiquer la couronne en faveur de son fils Jacques, âge de treize mois seulement. Murray fut chargé de la régence. Marie vit alors accusée de meurtre et d'adultère. Après son évasion de la prison et la défaite de ses partisans près de Longside (iot)8), elle se réfugia en Angleterre, y révoqua son abdication et se jeta dans les bras de la reine Éhsabeth, sou ennemie mortelle, qui lui réservait le supplice de l'échafaud.

Affermissement de la constitution presbytérienne. Impuis- sance de la royauté.

17:2. La chute de la reine consomma l'étabhssement de la reformation en Ecosse. Le parlement déclara que l'Église pro- testante élait la seule véritable EgUse, et voulut que chaque souverain s'obhgeàt par serment à la professer. La noblesse garda les biens d'Eghse, dont elle s'était emparée. Le Livre de discipline de Knox devint obligatoire. La constitution ecclé- siastique fut presbytérienne et démocratique. La communauté des saints élisait les anciens, et c'était geuéralemeut le prin- cipe de la souveraineté du peuple qui prévalait. Un invoqua contre toutes les autorites ecclésiastiques les passages de l'An- cien Testament relatifs à l'idolâtrie, et l'on revendiqua, au nom de l'Evangile, le droit et le devoir de les punir de ce crime, même par la mort, comme les Israélites avaient fait autrefois des Lhananéens.

Knox, cet ennemi implacable du sacrifice de la messe, mou- rut en 1572, et fut remplacé par Andre Melvil, aussi radical que lui. A celte époque, une assemblée tenue à Leith s'etant prononcée pour le maintien des titres d'archevêque et d'évèque, l'asseiriblee générale de Perth protesta contre cette demande. Le jeune roi Jacques VI, monté sur le trône en 1578, se sentit impuissant. En 1581, l'assemblée générale obligea les évèques

452 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

à abdiquer leurs fonctions, et les menaça de rexcoramunication s'ils continuaient de les exercer. En 1582, le roi fut saisi par une horde de fanatiques, et les prédicants excommunièrent tous ceux qui désapprouvaient cet acte, y compris l'archevêque protestant de Saint-André, qui combattait ces mouvements insurrectionnels. Ils furent renforcés par la noblesse, qui se trouvait en possession des biens ecclésiastiques, et par des troupes envoyées d'Angleterre. Le jeune roi essaya de faire reconnaître le système épiscopal, et obtint un décret favorable du parlement (1584); cependant le système presbytérien était déjà pratiqué par un trop grand nombre, et, en 1592, le par- lement lui accorda la préférence. Lorsque Jacques prescrivit des prières au sujet de la condamnation de sa mère en Angle- terre, la plupart des prédicants y firent opposition, et le roi fut obligé de céder. La puissance royale en Ecosse n'était plus qu'une ombre.

Jacques I^', roi d'Angleterre.

173. Jacques VI, devenu, en 1603, héritier de la couronne d'Angleterre, essaya vainement, par la ruse et la violence, de combattre le presbytérianisme écossais. 11 fit ordonner pour l'Ecosse treize évèques, qu'il nomma d'abord présidents des synodes et des presbytérics, et à qui il restitua plusieurs biens épiscopaux, qui étaient échus à la couronne. Il fit condamner comme traîtres quelques ecclésiastiques presbytériens récalci- trants, et essaya d'en gagner d'autres en leur livrant les biens des catholiques « récusants !). Il obtint aussi l'assentiment par- tiel du parlement. Cependant les prédicants presbytériens et la niasse du peuple qui les suivait, n'entrèrent point dans les vues du roi. Jacques se rendit en Ecosse en 1617, donna des chapitres à ses évoques, ordonna de recevoir la communion non assis mais genoux, de la distribuer dans les maisons aux personnes mortellement malades, de célébrer selon le rite anglican Noël, le Vendredi saint, l'Ascension et la Pentecôte. Mais il ne fut pas obéi, et ses évéques encore moins.

Révolte contre Charles 1er, 174. L'bumeur indocile et rebelle des Écossais se révéla de

LE PROTESTANTISME. 453

nouveau sous Charles I"', qui tenta vainement d'introduire dans le pays la constitution ecclésiastique et la liturgie angli- cane. On se révolta ouvertement, et la guerre civile fut déchaî- née. Les ordonnances du roi furent rejetées comme culte de Baal et asservissement de l'Esprit divin. En 1638, le couvent de presbytériens décréta l'indépendance de l'Église écossaise, rejeta l'épiscopat, la liturgie anglicane et les droits du roi sur l'Église, excommunia les évèques, et rétablit l'ordre de choses du premier gouvernement de Jacques (1639).

Le parlement d'Ecosse accepta ces résolutions, mais Charles I" refusa de les approuver. Les rebelles d'Ecosse s'unirent étroite- ment avec ceux d'Angleterre : les uns (le covenant) voulaient affranchir l'Église écossaise; les autres, réformer l'Église an- glicane. Lorsque le roi Charles s'enfuit en Ecosse après avoir perdu la bataille de Naseby (1645), les Écossais se déclarèrent prêts à le so\itenir, s'il acceptait leur presbytérianisme. Il refusa, parce qu'il voyait dans cette concession la perte de la royauté : alors ses sujets rebelles le livrèrent au parlement anglais pour la somme de 400,000 livres. Les Écossais avaient aussi la pré- dominance en Angleterre, mais elle fut détruite par Cromwell en 1648. Charles II se vit, il est vrai, appelé à la royauté; mais il lui fallut se réfugier en France. Malgré tous les obstacles, l'Église catholique se maintenait en Ecosse ; elle recevait du collège de Rome des prêtres pleins de zèle, qui conservaient au moins la semence de la foi pour des temps meilleurs.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N°* 170 à 174.

W. de Schütz, Maria Stuart, Mainz, 1S.39, Cf. Hist.-pol. BL, t. I, p. 4.57 et suiv.; t. III, p. 096 etsuiv.; Robertson, t. I, p. 272 et seq.; Liugard, VII, p. 338 et suiv.; VIII, p. i et suiv.; J.-M. Dargaud, Hist. de Marie Stuart, 2*^ éd., Par., 1858; Wiesener, Marie Stuart et le Comte de Bothwell , Paris, 1863; Mignet, Hist. of Mary, Queen of Scots, Lond., 1863 ; Chantelauze, Marie Stuart, dans le Correspondant, 1873, et M. St., son procès et son exécution, Paris, 1876; K. de Wizleben, Pro et contra Maria Stuart und ihr Verhœltnisz zu Bothwell, Zurich, 1877; Recueil des dépêches, rapports, instructions et mémoires des ambassadeurs de France en Angleterre et en Ecosse pendant le XVI» siècle, conservés aux archives du royaume et publiés sous la directinn de M. Ch. Porton Couper, Paris, t. I et II (surtout rapports de 1568 et 1569); Fraser Tybler, History of Scotland, t. VI; Lingard,

454 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

VII, p. 338 et suiv.; VIII, p. i et suiv.; Th. Opitz, Maria Stuart, Fri- bourg, 1879.

Le proiestanlisnie en Irlande.

Les Irlandais sous Henri VIII, Edouard VI et Marie.— Lutte sous le règne d'Elisabeth. Persécution des catholiques.

175. L'Irlande, sans être définitivement subjuguée par les Anglais, était soumise à une dure oppression. Le parlement d'Irlande ne se composait que de colons anglais, qui décidaient du sort de l'île. De vient que la suprématie de Henri VIII fut reconnue par le parlement, et acceptée par Brow^n, arche- vêque de Dublin. Mais dans l'intérieur du pays, le clergé et le peuple gardèrent les anciennes institutions. Les prédicants d'Angleterre, leur liturgie, ne trouvèrent point d'écho. L'éta- blissement de l'Irlande en royaume, en 1542, ne changea rien à cet ordre de choses ; la nationalité irlandaise se confondait avec la foi catholique. Les réformes d'Edouard VI ne furent partiellement exécutées que sur les côtes orientales; les Irlan- dais demeurèrent en repos sous la reine Marie. Mais, l'ambi- tieuse Elisabeth ayant essayé de conquérir l'île tout entière et d'y implanter le protestantisme, il s'ensuivit des guerres longues et sanglantes, dans lesquelles les Irlandais défendirent à la fois leur indépendance nationale et leur religion. Ils finirent cependant (1602) par succomber à la prépondérance de leurs ennemis, plus versés dans l'art de la guerre et pour- vus de ressources plus abondantes.

A mesure que les conquérants anglais avançaient dans le pays, ils y introduisaient l'Église d'Angleterre et instituaient des évêques anglicans ; toutefois ils ne firent que peu de pro- sélytes. Les évêques catholiques furent déposés, beaucoup mis à mort, et les couvents supprimés. Les papes, Grégoire XIII surtout, veillaient constamment à y nommer de nouveaux évêques. Un grand nombre d'indigènes préférèrent quitter leur patrie plutôt que d'accepter la religion de leurs oppresseurs ; mais plusieurs y retournèrent ensuite par petites bandes, afin do défendre leurs compatriotes. Tel fut le jeune Oeraldin, qui après son retour (1579) remporta plusieurs avantages, mais succomba bientôt dans une bataille. Les Anglais n'en devinrent que plus cruels.

LE PROTESTANTISME. 455

Le gouverneur lord Grey ne laissa après lui, dans une foule de localités, que des cadavres et des ruines. On voulait extirper jusqu'au dernier des Irlandais, et quiconque se signalait dans cette œuvre de destruction recevait de grands domaines dans ce malheureux pays. Pour le réduire sous la domination an- glaise, on se voyait contraint de travailler à sa ruine : l'incen- die, l'assassinat, la famine, devaient garantir la tranquillité des conquérants.

Détresse croissante de l'Irlande.

170. Lorsque Jacques I", qui descendait des anciens rois d'Irlande, monta sur le trône d'Angleterre, le pauvre peuple irlandais espéra recouvrer la liberté de religion, et envoya pour cela une députation au roi. Jacques I" la reçut avec dureté, et n'excepta de son amnistie que les papistes et les assassins ; il fit emprisonner pour longtemps un grand nombre de députés, mettre à exécution les lois pénales contre les « récusants » et interdire le culte catholique. En 1605, les prêtres catholiques reçurent l'ordre d'évacuer le pays sous peine de mort. Les indi- gènes se virent de plus en plus chassés de leurs domaines ; des comtés tout entiers furent confisqués, et deux millions de jour- naux de terre assignés à des colons anglais : la détresse du peuple allait croissant.

Charles I" n'apporta aucun remède à ces abus. Le gouver- neur, lord Strafford, n'employait ses talents qu'à opprimer les Irlandais, et il continua ce système de déprédation. Cependant les Irlandais fournirent des subsides au roi, serré de près par les Écossais et les Anglais, dans l'unique espoir qu'il serait fait droit à leurs légitimes réclamations. Les « grâces » qu'on leur octroya eu 1628, ne furent pas exécutées, car les conseillers du roi avaient l'art de tout déjouer. On excitait le peuple à la révolte, afin de pouvoir l'écraser. Poussée à bout, la nation se souleva d'abord dans la province d'Ulster, « pour défendre Dieu, le roi et la patrie». En mai 1642, l'assemblée nationale de Kilkenny proclama la guerre pour soutenir la religion de l'Irlande, secouer le joug du parlement anglais, assurer le niaiiilicn des « grâces » obtenues en 1628 et l'expulsiou des étrangers.

456 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Un synode national déclara la guerre sainte et légitime. Les Irlandais avaient alors toute raison de faire ressortir la justice de leur cause en face des Écossais rebelles et des Anglais. La guerre fut conduite avec aniinosité, et quelque temps aussi avec succès pour l'Irlande ; un grand nombre de protestants succombèrent. Les Anglais ayant mis à mort quelques indi- gènes inoffensifs, les indigènes usèrent de représailles. Le suc- cesseur de Strafford, le duc d'Ormond, conclut un armistice (1643) ; mais la paix fut compromise par Charles, qui refusa la liberté de religion, par crainte des zélateurs anglais et écossais. Pendant la lutte, plusieurs prêtres arrivèrent de nouveau dans le pays, notamment Rinuccini, archevêque de Fermo, envoyé par le pape.

Crom^vell en Irlande.

177. Lorsque le roi Charles fut pris par les rebelles d'Ecosse et d'Angleterre, l'Irlande catholique se prépara à lui venir en aide ; mais elle expia rudement ce généreux sacrifice quand la tête du roi fut tombée. Les républicains anglais se mirent eu marche, et Cromwell ravagea l'île par le fer et le feu pour en faire un désert. Mais rien ne se peut comparer à la tyrannie qu'exercèrent les troupes républicaines en matière religieuse : elles reçurent l'ordre de traiter les Irlandais comme Josué avait fait des Chananéens. Cinq millions d'acres de territoire furent confisqués et livrés soit aux soldats, soit aux capitalistes qui contribuaient à la guerre, et la plupart des anciennes familles d'Irlande se virent ainsi dépouillées de leur fortune ; les apostats seuls purent sauver leurs biens. L'inhumanité ne s'arrêta pas : 20,000 Irlandais fureu? vendus comme esclaves en Amé- rique ; on résolut de concentrer tous les indigènes dans la pro- vince de Connaugth, et c'est ce qui eut lieu sans exception pour tous les anciens propriétaires des biens confisqués. « En enfer ou à Connaugth 1 » s'écriaient les fanatiques républicains de Cromwell. Recevoir un prêtre catholique passait pour un crime de haute trahison, et sa tête était mise à prix pour cinq livres, exactement comme celle d'un loup. En 1633, l'île presque tout entière était conquise, ravagée et bouleversée.

LE PROTESTANTISME. 457

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"' ilo à 177.

Hegwisch, Uftbersicht der irischen Gesch. zur richtigen Einsicht in die Ursachen der Rebellion v. 1798, Allona, 180G (sans valeur); Mac Geoghean, Histoire de l'Irlande, Paris, 1782; Gordon, Hist. d'Irlande, Paris. 1808, vol. I ; Warner, Hist. of rébellion and civil-war in Ireland, Lond., 1768 (surtout p. 294-299. Ce protestant élève à 12,000 le nombre de ses coreligionnaires assassinés par les catholiques, tandis que Henke le porte à 200,000 et Kurz à 400,000). Mémoires du capitaine Rock sur les rapports de l'État, de l'Église et du peuple eu Irlande, éd. Thomas Moore, trad. de l'anglais, Breslau, 18"25; Th. Moore, Hist. of Ireland, t. III, en allem, par Klee, Mayence, 1835; O'Connell, Mémoire of Ire)., en allem, par Willmann, Rcgensb., 184.3; Lingard, X, p. 128 et suiv., 392 et suiv.; Leo, Universalgesch., III, p. 624 et suiv.; Dœilinger, dans Hortig K.-G. Forts., Landsh., 1828, p. 641-644; Ranke, Rœm. Psppste, II, p. 85-87; Engl. Gesch., III, p. 337 (l'archevêque de Fermo en Irland) ; Tüb. Iheol. Quartalschr., 1840, p. 349 et suiv.; Beitr. zur Gesch. Irlands, dans Hist. -pol. Bl., t. XII, p. 109-120, 226-235; Brewer and W. Bullen, Calendar of thc Carew Manuscripts preserved in the archiépiscopal library ai Lambeth, vol. I, 1510-1574; vol. II, 1575-1588 ; vol. IH, 1589-1600, Lond., 1867- 1869. Cf. Reinhold Pauli, dans Sybels hist. Ztsch., t. XXII, p. 250 et suiv. Voy. encore Belling, Vindiciœ catholicorum Hibernorum, Par., 1650; Beaumont, l'Irlande sociale, politique et religieuse, Paris, 1863, 2 vol., 7«^ éd.

t^e protestautisuic en France.

Fauteurs du protestantisme. Mesures contre les novateurs.

178. En France, une foule de personnes influentes furent longtemps favorables au protestantisme : la sœur de François I", Marguerite de Valoi.s, femme de Henri d'Albret, roi de Navarre ; la duchesse d'Étampes, maîtresse du roi; le ministre Guillaume du Bellay, et peut-être son frère l'évêque de Paris, ainsi que plusieurs seigneurs, inclinaient vers la nouvelle doctrine. Lo con.seiller du roi, Louis Berquin, traduisit en français les écrits d'Érasme, de Carlostadt et de Mélanchthon ; le savant Jacques Le Fèvre d'Étaples, professeur de théologie, lisait également les écrits de Luther, et il donna une traduction des quatre Evangiles avec des remarques conformes aux idées luthériennes (1523). Vers le même temps, il se forma, sous le patronage do

458 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

l'évêque de Meaux , Guillaume Briconnet, une petite commu- nauté luthérienne, dans laquelle Le Fèvre, Farel et Jean Le Clerc faisaient des conférences. L'esprit de révolte contre le Saint-Siège, depuis longtemps entretenu, l'influence des satires composées par des humanistes, la fréquence des relations avec l'Allemagne, surtout avec Strasbourg, les traces que les anciens sectaires, principalement les vaudois, avaient laissées dans le pays, la politique hésitante et arbitraire de la cour, tout cela favorisait les novateurs.

D'autre part, la cause catholique était résolument défendue par la reine mère Louise de Savoie, par le chancelier et car- dinal Diiprat, par le cardinal de Tournon, par le parlement et l'université de Paris. En 1521, le parlement défendit de publier des écrits sur les matières religieuses sans l'approbation de la faculté de Paris, et fixa les peines qui atteindraient les con- traventions. Le roi approuva cette mesure. Les écrits de Luther ou en faveur de Luther, notamment ceux qui demandaient le mariage des prêtres, déjà réprouvés par un concile de Sens, furent condamnés et livrés au feu. Depuis 1523, la faculté de théologie de Paris censura tantôt des propositions isolées, tantôt des livres et des traductions de J. Le Fèvre, ßerquin, Mélanchthon, etc., puis une multitude de pasquinades et de pamphlets dirigés contre les censures qu'elle avait faites des écrits de Luther.

A la demande de la reine mère, la faculté de théologie donna en 1523 son avis sur la question de savoir quels étaient les meilleurs moyens d'arrêter les progrès de l'hérésie. Sur la pro- position du syndic Bède, elle déclara qu'il fallait interdire tous les écrits des novateurs, les faire confisquer par les évè- quesde tous les diocèses, procéder sévèrement contre leurs défen- seurs, maintenir les lois existantes, faire un devoir aux théolo- giens et aux prédicatonrs de déployer tout leur zèle, de ne pas entraver, mais d'appuyer les travaux de l'université. La faculté recommanda vivement à ses membres de maintenir la pureté de la foi.

La communauté luthérienne de Meaux, pour laquelle on avait déjà traduit en français les Épitres et les Évangiles dans le sens du protestantisme (la Sorbonne y découvrit quarante-huit erreurs), fut complètement dissoute. Parmi ses membres, les uns

I

LE PROTESTANTISME. 459

furent punis, les autres prirent la fuite. L'évêque, sur qui pesaient de nombreuses accusations, ne put se sauver que par une justification humiliante, une multitude de livres furent soumis au jugement de la faculté, qui déployait une ardeur infatigable. Quand François I" fut revenu de sa captivité (1526), on redoubla encore de vigueur, car la tranquillité avait été gravement compromise : on avait mis en pièces des tableaux de Jésus-Christ et des saints, et répandu de nouveaux pamphlets contre la foi catholique. Plusieurs parlements montrèrent beau- coup de zèle ; les évèques recommencèrent à célébrer des synodes pour réformer les mœurs du clergé, notamment à Sens et à Bourges en 1528. Les partisans de la nouvelle doc- trine, quoique souvent poursuivis, trouvaient toujours des protecteurs, principalement dans la reine Marguerite, qui eu attira plusieurs à sa cour ; et comme François l"" s'était allié avec les princes protestants d'Allemagne, ils ne désespéraient pas de devenir un jour victorieux.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 178.

a) Serrani (prédicant réformé à Genève, mort en 1398), Comment, do statu religionis et reipubl. in regno Gall., Genev., 1372 et seq., 3 t., éd., 1577; Hist. ecclés. des Églises réformées au royaume do France (jusqu'en 1363, attribué à Théod. de Bèze), Anvers, 1380, 3 vol.; Franc. Thuanus (de Thou, mort eu 1617), Hist. sui temporis (1543-1607), Lond., 1733, 7 vol. in-f°.; (De la Planche), Hist. de l'Estat de France, tant de la république que de la religion, 1376, in-S»; Gerdes., Hist. ev. sœc. XVI renov., t. IV, Grœning., 1752; Belcarii episc. Metens. Commeutar. rer. gallic. ab an. 1361-1567, Op. pos- Ihura., Lugd., 1623; Davila, Storia délie guerre civili di Francia, 1359-159.'=!, Venez., 1630, Par., 1644; en allem, par Reith, Leipzig, 1792 et suiv., 3 vol.; Maimbourg, S. J., Hist. du calvinisme, Par., 1682; Fleury, Hist. ecclés., t. XLII ; Bordes, Supplément au traité de Tbomassin, hist. et dogm., etc., Par., 1703, 2 vol.; Mézeray, Abrégé chronolog. de fhist. de France, Par., 1717, 3 vol.; Mémoires de Coudé, ü\i Recueil pour servir à l'hist. de France sous François II et Charles IX, nouvelle édit., Paris, 1741, 6 vol. in-4°; Berthier, Hist. de l'Église gallicane, Paris, 1749, in-4°, t. XVIII; Lacretelle, Hist. de France pendant les guerres de religion, Paris, 1815 et seq., 4 vol.; Petitot, Collection complète des mémoires relatifs à l'histoire de France, Par., 1821 et suiv. (Mémoires de Castelnau, Gaspard de Saulx, Sully, Richelieu, de Tavannes, etc.); Capeügue, Hist. de la. Réforme,

460 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de la Ligue et du règne de Henri IV, Par., 1834, 4 vol.; Sismondi, Précis de l'hist. des Fi'ançais, Bruxell., 1839, 2 vol.; Hist. des Français, Aix-la-Chapelle, 1838; Peignot, Livre des singularités, Dijon, 1841; Lambert, Hist. des guerres de relig. en Provence; Bulletin de la Société acad. du Var, Toulon, 1869.

6) Schmidt, Gesch. Frankreichs, Hamb., 1835 et suiv., t. II et III; Barthold, Deutschl. u. die Hugenotten, Brème, 1848, 2 vol.; Soldan, Gesch. des Protest, in Frankreich bis zum Tode Carls IX, Leipzig, 1855, 2 vol.; Polenz, Gesch. des franz. Calvinismus bis 1789, Gotha, 1857- 1864, 4 vol.; Ranke, Franzœs. Gesch., vornehml. im 16 u. 17 Jahrb., Stuttg., 1852, 5 vol. ; Sœmmtl. W., t. VIII-XIII, éd., Stuttgart, 1877, t. I. Frankreich u. die Reformation (CathoHque, 1842, avril-juin); Boost, Gesch. der Ref. in Frankreich, Augsb., 1844.

Henke, Franzœs. Frauen aus der Reformationszeit (Sybels hist. Ztschr., 1871, t. XXV, p. 118 et suiv.). Marguerite de Valois écrivit des nouvelles indécentes et un livre intitulé : Miroir de l'âme chrétienne. L. Lalanne, Mémoires de Marguer. de Valois, suivis des anecdotes inédites, Par. , 1858. Elle était en rt^lation avec Érasme et Berquin ; ce dernier traduisit plusieurs écrits d'Érasme et des réformateurs alle- mands, ainsi que l'ouvrage de Luther sur les vœux monastiques, censuré par la Sorbonne (du Plessis d'Argent., III, i, p. xi-xm, 40-46 ; I, u, p. 404 et seq.). Comme il refusa de se rétracter, il fut empri- sonné en 1523, puis délivré par François I«^ Il fut bientôt soumis à une nouvelle enquête et brûlé comme hérétique, le 21 avril 1529. Jacques Le Fèvre d'Étaples (VI, 235) publia un commentaire in Epist. Paul., Par., 1512, avec le texte de la Vulgate; donna une version revisée sur le texte grec original, et, dans son commentaire sur les quatre Évangiles (Meaux, 1522), il corrigea l'ancienne version latine. En 1523, la Sorbonne censura son « Exposition » (loc. cit., III, i, p. x, xi), et en 1544, elle mit plusieurs de ses livres à l'index (ibid., II, i, p. 143); il fut expulsé de son .sein dès 1525. Sa captivité honorable auprès de Gérard, évêq. de Saint-Paul, est mentionnée par Âléandre, le 30 déc. 1531 (Lœmmer, Monum. Vat., p. 95, n. 69). Il résida long- temps auprès de la reine de Navarre, et mourut en 1536 (Revue de théolog. Iiistor., 1852, 1 et II). Les Épîtres et les Évangiles qui étaient en usage dans le diocèse de Meaux sous l'évêque Guil. Briconnet, d'abord favorable aux nouveautés, furent censurés par la Sorbonne le 6 nov. 1525 (du Plessis d'Argent., III, i, p. 35-40). Décret du parle- ment des 22 mars et 13 juin 1521, 5 et 12 août 1523 (ibid., p. IV. Cf. I, u, p. 406, 407). En lri21, deux écrits sur le mariage des prêtres furent interdits par le parlement et par le concile de Sens (ibid., III, 1, p. V; I, n, p. 381. Recueil des actes concernant les affaires du clergé de France, Paris, 1716, I, p. 365). A la Sorbonne, on discuta

LE PROTESTANTISME. 461

la question si le pape pouvait permettre le mariage à des prî-tres légitimement ordonnés; la majorité se prononça pour la négative (du Plessis d'Arg., t. I, append., p. iv). On a de la Sorbonne des censures portées contre quelques thèses sur la sainte Vierge, le culte des saints, le canon de la messe, l'oftice des morts, etc., 1523 (ibid., I, II, p. 374-379; III, i, p. xv-xx) ; contre des propositions émises à Lyon dans un sermon par le dominicain Mesgret, 1524 (ibid., III, i, p. 7-13); contre un sermon prêché au Havre touchant le jeune et le célibat (ibid., p. 15-17); contre trente et une thèses concernant la messe, le rite et la foi (p. 18-30), 1525; contre Jacques Pouent, qui niait le pur- gatoire, la primauté, etc. (p. 30-34); contre les écrits de Mélanchthon (III, I, p. XIII et seq.; I, ii, p. 407-416); contre le pamphlet « Murman » (opposé à la « Determinatio contra Lutherum »), dont trente-cinq propositions furent censurées, et contre lesquelles le parlement lui- même lança un décret en mars 1524 (III, i, p. 7-9); en 1526, contre Érasme (ibid., p. 47-77); en 1531, contre Etienne Le Court, curé de Condé, diocèse de Séez (ibid., p. 93-98): contre Jean Morand, chanoine d'.\miens (II, i, p. 102-109). Avis de la faculté « de Exstirpationc hreresis Lutheranee (III, i, p. xx, 3-5). Apologia Natalis Bedœ adversus clandestinos Lutheranos, seu resp. adv. sui et operis in Fabri et Erasmi errata criminatores, 1525; et écrits contre lui, lettres de lui et d'Érasme, loc. cit., III, ii, p. 2-80.

Négociations avec les protestants d'Allemagne. Mesures sévères du roi.

•179. L'astucieux Bucer essaya en I53i de donner au protes- tantisme les dehors de l'Église catholique, et assura hypocrite- ment au cardinal du Prat que les partisans de la Confession d'Augsbourg étaient tout disposés à se soumettre au jugement de l'Église, à répudier dans leurs doctrines et leurs usages ce qui était contraire à l'enseignement des Pères de l'Église. Mélanch- thon lui-même envoya à Paris un mémoire il dissimulait de sou mieux l'abîme qui séparait la nouvelle religion de l'an- cienne, et essayait de prouver qu'il était facile de s'entendre : les catholiques accepteraient la doctrine de Luther sur la justi- tification, et les luthériens adopteraient toutes les institutions hiérarchiques et liturgiques de l'ancienne Église. Déjà il était question de réunir un colloque reUgieux.

En 1.^35, François I" invita Mélanchthon à se rendre auprès de lui. Mélanchthon répondit que sou souverain ne lui permet- tait pas de faire le voyage de France; il proposa de conférer en

462 HÎSTOÎRE DR l'ÉGLISK.

Allemagne, et demanda à la cour d'y envoyer douze docteurs de Sorbonne. La Sorbonne refusa, parce qu'il n'était pas per- mis de discuter avec des hérétiques ; elle consentit cependant à ce que les Allemands envoyassent leurs articles et soumissent leurs doutes pour recevoir des éclaircissements.

Les douze articles envoyés par Mélanchthon et ses amis n'offraient pas une base suffisante pour les négociations, qui devaient avoir lieu par écrit, car ils contenaient une foule d'erreurs et d'inexactitudes. On les réfuta en détail, et l'on décida qu'on demanderait simplement aux protestants s'ils acceptaient la doctrine de l'Église et des Pères. Toutes ces démarches n'eurent aucun résultat, non plus que la dédicace du premier ouvrage de Calvin à François I", à qui Zwinglo s'était également adressé. Le moyen, en effet, de gagner défini- tivement ce prince au protestantisme et de lui persuader que les théologiens catholiques ne tenaient à la messe, au purgatoire, à la primauté du pape, que par des intérêts humains !

Cependant la politique française devenait chaque jour plus hésitante, et les protestants en profitaient. Dans l'automne de 4534, un pamphlet populaire, imprimé en Suisse, contre l'Église catholique et la personiie du roi, fut répandu dans toute la France et affiché de nuit aux portes des appartements du roi : de une grande commotion, et une justice sévère exercée contre les novateurs; six fnrent mis à mort. Mais on eut soin de s'excu- ser auprès des princes protestantsd'Allemagne, en disant qu'on n'avait fait que punir des traîtres, pour qui la religion était un simple prétexte.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 170.

Buceri Defensio adversus axionia catholicuni, id est, crimiualionem R. P. Roberli (Cenaiis), ep. Abrincensis (Avranches), Argeutor., io34. Cf. Dœllinger, Réf., II, p. 37 et suiv. Senteutise Phil. Melanchthoais, M. Buceri, C. Hedionis et aliorum in Germania theologorum de pace Ecclesiœ, ad viruni nobilem Guill. Bollaiuni Langaîum(ed. Par., 1007); Paul. Coloniesiiis, Claronim virorum cpislolaî, Lond., 1fi87; Corres- pondance de Mélanchlbon et du roi François !<=■■, dans Le Plat, Mon., II, 762-770, 523, 801-803; Actes de la faculté de théologie de Paris, des 20, 22, 26 juillet 1335, ib.. II, p. 776-799. Cf. du Plessis d'Arg., I, II, p. 381-401 ; II, I, p. 120 et seq.; Corp. Ref., II, 776, 785; X, 139; Fleury, lil). CX.XXV, n. 72 et seq.; üb. CXXXVI, n. 43 et seq.; Dœllin-

I.F. PROTRSTANTISME. 463

ger, Réf., II, p. 47; III, p. 282 et stiiv. Zwick à Constance et d'autres protestants furent prüfondcnicnt blessés des concessions fuites aux Français par Hucer et Mélanclithon. Holtingcr , II. Ecci. sœc. XVI , t. III, p. 671, t>63; Dœllinger, II, p. 40 et suiv. ; Prot. Schma?.lischrif- ten; Gardes., Hist. Evang. renov., t. VI, p. oO.

Mouvements protestants.

180. Les vaudois du Dauphiné et de la Provence, alliés à ceux de la Suisse, du Piémont et du marquisat de Saluées, se rattachèrent en 1530 aux réformateurs de Suisse et de Stras- bourg. Chassés du comtat Venaissin, qui appartenait au pape, ils se vengèrent par des actes de brutalité, principalement sur les églises, les images des saints et les prêtres. Le parlement d'Aix décréta, pour les effrayer, la destruction du bourg de Mérindot et l'exécution de dix-neuf personnes. Le roi leur donna d'abord un délai de plusieurs mois, et ensuite un terme plus long, pour abjurer leurs erreurs. Le cardinal Sadolet, évêque de Carpen- tras, ayant intercédé en leur faveur, et le président de Chassanée incliné à la mansuétude, on ne fit rien contre eux. Ils proutèrent de ce temps pour s'armer et chercher dn secours auprès des Suisses. Ils pillèrent les églises et les profanèrent.

Le roi, à la suite des plaintes qui lui arrivèrent, ordonna aux troupes qui se trouvaient dans les provinces voisines, de se mettre à la disposition du président Oppède, à qui le vice- légat d'Avignon envoya également des soldats. Oppède usa (1545) d'une répression sanglante, barbare même, à tel point que François I", de son lit «le mort (1547), ordonna une enquête, qui aboutit à la condamnation à mort de l'avocat général Guérin, reconnu le plus coupable. On continua de harceler les protestants, sans ponvoir empêcher que de nouveaux écrits et de nouveaux prédicants continuassent d'arriver en France, de Genève, de Bàle et de Strasbourg. Les calvinistes eurent bientôt supplanté les luthériens. Pierre Le Clerc fonda à Paris la première communauté calviniste; d'autres s'étabUrent à Lyon, Orléans, Angers et Rouen. Les calvinistes de France reçurent le nom de huguenots.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* 180.

En 1517, Claude Seyssel, archevêque de Turin, écrivit contre les

464 HisTOiHK dp: l'église.

vaudois (éd. Paris, 1520). Bucer et Œcolampade, à qui les hérétiques s'étaient adressés en 1330, les félicitèrent, mais demandèrent de nom- breux changements. Quelques ecclésiastiques vaudois empêchèrent la réunion. En 1536, ils étaient en relation avec Farel, et tinrent un synode à Genève. Ils se rapprochèrent de plus en plus des calvinistes. Natal. Alex., sœc. XI et XII, diss. II, c. iv, a. 13, § 8; du Plessis d'Arg., I, I, p. 105-107 ; Rachat, Hist. de la Réf. en Suisse, t. III, livre VII. La procédure en Provence : Berthier, Hist. de l'Église gall., Par., 1749, t. XVIII, p. 14 et seq., 383 et seq.; du Plessis, Hist. de l'Église de Meaux, Par., 1731, 4, 1, 326 et seq. Sadolet, humaniste célèbre, fut souvent suspecté d'hétérodoxie. En 1534, les théologiens de Paris refusèrent d'approuver son Commentaire sur l'Épitre aux Romains (du Plessis d'Arg., t. I, app., p. viii, c. ii ; t. II, p. I, p. 119). Sur le nom de huguenots, voy. Daniel, Hist. de France, éd. Griffet, X, 54. Uuelqnes-uns le font dériver de « Eigenossen « (Confédérés, Suisses; Hugenots = Eignots); d'autres, du terme provincial français c Hugo » ou « Hugenot », = fantôme de nuit, suivant une tradition populaire relative au roi Hugues Capet, et d'après cette idée que les calvi- nistes tenaient ordinairement de nuit leurs assemblées; d'autreseniln, d'une monnaie de division décriée du temps de ce roi et appelée « hugenot ».

Les événements sous Henri II.

d81. Sous Henri II (1547-1559) nous retrouvons la même politique : au dehors, protéger les protestants et s'en servir pour agrandir le royaume au détriment de l'Allemagne ; au dedans, les réprimer par des règlements et des peines sévères. Par l'édit de Chàteaubriant (1551), Henri H réunit les tribu- naux de l'inquisition épiscopale à la commission du parlement chargée de l'encpiête, afin d'obtenir une plus grande unilé politique. Les sentences pénales furent prononcées par les tri- bunaux civils, parce que les tribunaux ecclésiastiques ne pou- vaient pas infliger la peine de mort. Ces derniers jugeaient de l'hérésie. Le dominicain Matthieu Ori fut confirmé en qualité do grand inquisiteur, avec la faculté d'établir dos sous-com- missaires. La faculté de théologie de Paris, qui n'avait cessé de combattre les erreurs, et qui, en 1542, avait rappelé en vingt- si.\ articles, souvent renouvelés depuis, les principes de l'Église, notamment l'obéissance que tous les chréticn,s doivent au pape, reçut, par un bref de Jules III (6 février 1551), le droit d'expulser

LE PROTESTANTISME. 465

ses membres hérétiques, sans suivre les formalités rigoureuses de la procédure. Le roi et le parlement lui reconnurent ce pri- vilège et le firent souvent exécuter.

L'édit royal fut attaqué par Charles du Moulin dans un écrit violent qui fut censuré en 1552. Tandis que les universités de Paris et de Reims continuaient à condamner les écrits et les assertions hérétiques, les évéques faisaient très peu pour corri- ger le clergé : les décrets du concile provincial de Narbonne ne furent pas exécutés (décembre 1551). 11 y avait toujours des prêtres apostats, et des évéques même menaçaient de prévari- quer. Jacques Spifame, évèque deNevers, passa aux calvinistes, qui devinrent chaque jour plus audacieux. Eu mai 1559, An- toine de Chautieu, prédicant réformé de Paris, tint dans cette ville un synode général pour abolir les divergences qui exis- taient entre les dilférentes communautés. Les membres de cette assemblée convinrent d'une confession de foi calviniste, et adoptèrent la constitution presbytérienne des Suisses. Ils re- çurent aussi la sévère constitution religieuse de Calvin, et établirent la peine de mort coulrc les hérétiques, saus songer à l'usage qu'en pourraient faire les catholiques. Henri II mourut peu de temps après (juillet 1559), d'une blessure reçue dans un tournoi.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 181.

Décret. Sorbon. coût. Calviuist., du 10 mars, publié le 31 juillet 1548 : Rayn., h. an., n. 79j Le Plat, IV, p. 111 et seq. Articuli contra Lutheri errores a Fac. theol. Par. déclarât! : du Plessis d'Arg., 1, ii, p. 413-410; II, I, p. 323, 327; 11, ii, p. 294. Le bref de Jules III pour la Sorbonne (ib., I, app., p. xviii; II, i, p. 206) fut reconnu par Henri II, le 28 août löo2 (ibid., Il, i, p. 206 et seq.), et enregistré par le parlement, le 23 décembre (Bul., Hist. Univ. Paris., VI, 465). Le bvre de Charles du Moulin, Commentarius ad ediclum llenrici II, contra parvas datas et abusus Car. Rom., fut déféré à la Sorbonne par le procureur général; voici le jugement qu'elle rendit le 9 mai 1552 : « Hic liber est loti orbi cbristiano perniciosus, scaudalosus, seditiosus, schismaticus, impius, blasphemus in sanctos , conformis haeresibus Waldens., WicL, llus. et Lutberanorum, et maxime conspi- rans erronbus Marsilii Patavini... citissime comprimeudus » (ib., II, i, p. 2U5 et seq.j. Plusieurs membres furent expulsés, en premier lieu le carme GuiUuume Gastel, qui avait participé à la cène luthérienne v. fflST. DE l'Église. 30

466 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

(ibid., p. 208). Synode calviniste : Rayn., an. 1559, n. 13; Bertliier, loc. cit., p. 460 et seq.; Bordes, Supplément au traité de Thomassin, Par., 1703, in-4°, p. 108-12G. Henri II contre les hérétiques : Rayn., an, 1559, n. H, 12. Sur les progrès de l'hérésie : Alberi, Relazioni Venete, ser. I, vol. III, p. 425 et seq.

Puissance oroissaute des calvinistes.— Conjuration d'Amboise.

182. Les huguenots devinrent encore plus puissants sous les deux faibles règnes de François II (1559-1560) et de Charles IX, fils de Henri II (1560-1574). Déjà précédemment ils avaient osé tenir des réunions sur les places publiques de Paris, chanter des psaumes et afficher leur mépris des lois, de sorte que Henri II avait rendu de très sévères édits et purgé lui-même le parle- ment des calvinistes les plus ardents. La reine Catherine de Médicis essaya de maintenir son autorité par une politique de bascule. Elle était ambitieuse, intrigante, dépourvue de sen- timents religieux. Les princes de Bourbon, par rivalité contre la famille régnante et contre les puissants ducs de Guise, rigoureusement catholiques, se faisaient les protecteurs et les adhérents du calvinisme. C'étaient : Antoine de Vendôme, roi de Navarre, et ses frères, dont le plus actif était le prince Louis de Coudé. Veuaientensuiteleconnétable de Montmorency, l'ami- ral de Coligny, qui devint le véritable chef du parti, son frère d'Andelot et le cardinal Odet de Châtillon, évèque de Beauvais. La jeunesse de François II, l'attitude hésitante de sa mère, l'aigreur de ses partisans contre la peine de mort que l'on con- tinuait d'infliger aux protestants, donnèrent lieu à une conju- ration en vue de s'emparer de la personne du roi et de trans- férer le gouvernement des Guises au prince de Coudé. Les conjurés demandèrent d'abord l'avis de leurs théologiens et de leurs jurisconsultes : ceux-ci approuvèrent l'entreprise, pourvu qu'un prince du sang se mît à leur tête.

Le complot fut découvert; la conjuration d'Amboise échoua (1560), et plusieurs conjurés furent mis à mort, François, duc de Guise, reçut la dignité de lieutenant général de France et le titre de sauveur de la patrie. Son frère, le cardinal Charles de Lorraine, ainsi que le cardinal François de ïournon, établi pre- mier censeur de la foi en France, furent nommés par Pie IV légats en France pour la réforme des mœurs. Le pape écrivit

LE PROTESTANTISME. 467

au roi, à Antoine do Bourbon et à sa femme. Ceux-ci, dans leurs réponses, feignirent d'être inviolablement attachés à la foi catholique, tout en continuant de favoriser le calvinisme, qui pénétra aussi dans les domaines pontificaux d'Avignon et du Venaissin.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N** i82.

Belcaire, lib. XXIX, n. 22 et seq.; du Tillet, Chron., an. 1560; Alberi, Vita di Cater. d. Med., Firenze, 1838; Reumont, die Jugend der Kath. de Med., Berlin, 1834; de Thou, lib. XXIII, p. 68 et seq.; lib. XXIV, p. 732 et seq.; Pallav., lib. XIV, cap. xii, n. 9 et seq.; Rayn., an. 1360, n. 27 ; ibid., n. 28; l'avis des théologiens protestants (cf. Bossuet, Hist. des variât., liv. X, c. xxni), Erlasse Pius' IV : Rayn., h. a., n. 30 et seq., 36 et seq. Lettres d'Antoine de Navarre et de sa femme au pape, ib., n. 39.

Nouveaux édits. Deuxième conjuration de Condé. Les calvinistes favorisés par la cour.

183. Les édits du 12 mars et du 7 mai 1560, il n'était pas encore question d'établir une inquisition sévère telle que la souhaitaient les Guises, confiaient aux évêques l'examen de l'hérésie, et proclamaient une amnistie générale pour ceux qui avaient violé les lois eu matière religieuse, à l'exception des rebelles et des prédicants. Ces édits étaient faibles et peu propres à intimider les rebelles. Au mois d'août, les notables tinrent à Fontainebleau une assemblée à laquelle l'amiral de Coligny remit une supplique pour la suppression des lois contre les calvinistes et pour le libre exercice de leur culte ; elle était appuyée de deux évêques. Les Guises la combattirent résolu- ment. Cependant on obtint la suspension de toute procédure juridique contre les huguenots, hormis ceux qui se réuniraient en armes. 11 fut question de réunir un concile national pour abolir les abus, et l'on convoqua à Meaux pour le mois de décembre une assemblée des trois états, qui fut ensuite trans- férée à Orléans.

Le prince de Condé se laissa entraîner dans une nouvelle con- juration et essaya de s'emparer de la ville de Lyon. Il fut jeté en prison et cité en justice. L'exécution de la sentence de mort prononcée contre lui ne fut empêchée que par la mort pré-

468 HISTOIKE DE l/ÉGLISE.

maturée du roi François II (5 décembre 1560), auquel succéda, sous la régence de la reine mère, son frère Charles IX, à peine âgé de onze ans. Cette femme artificieuse, qui visait à se rendre agréable et nécessaire aux deux partis, se compromit avec l'un et l'autre, précipita la France dans des guerres de religion affreuses, et attira sur son fils les malédictions du peuple. Les partis se succédaient à la cour. Le connétable de Montmorency se rattacha au duc de Guise ; il forma avec lui et avec le maré- chal de Saint-André un triumvirat qui devint la base de la Ligue catholique. Antoine de Navarre entra alors dans leur parti. De son côté, la reine mère se rapprocha du prince gracié, de Condé et des Châtillon , et favorisa les sectaires , qui ne comptaient guère en Franco qu'un demi-million de partisans, mais qui semblaient beaucoup plus forts, à cause des familles nobles qui en faisaient partie et des agitations qu'ils soulevaient dans le pays. Les troubles continuaient à Paris et dans les pro- vinces.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 183.

Pallav., loc. cit., n. 12 et seq.; c. xvi, n. 1 et seq.; üb. XV, c. i; c. XI, n. i ; c. XIV, n. i ; Rayn., an 1560, n. 31, 48 et seq., 80, 82 et seq.; de Thon, IIb. XXV, p. 760 et seq.; Bossuet, liv. X, § 25-34; Bordes, loc. cit., p. 28-151 ; Daniel, Hist. de France, éd. Griffet, X, 46 et seq.

Colloque religieux de Poissy

184. En juillet 1561 , parut un nouvel édit qui amnistiait le passé, défendait les assemblées des hérétiques, et se bornait à prononcer l'exil, au lieu de la peine de mort, contre les sec- taires opiniâtres. Les huguenots continuaient de tenir leurs assemblées ; la reine mère les laissa faire, les favorisa même et vanta leur piété. Elle conseilla au pape d'abolir les images, les exorcismes, la confession privée, etd'accorder la communion sous les deux espèces, etc. Le chancelier Michel de l'IIospital était sus- pect dans sa foi et inclinait vers la liberté générale de religion ; Jean (Juintanus, professeur de droit canon à Paris, le combattit dans une longue dissertation. La facnlié de théologie était opposée à un concile national ainsi qu'à un colloque projeté par la reine. Pie IV envoya en France, pour l'empêcher, le cardinal

LE PROTESTANTISME. 469

Hippolyte d'Esté ; mais il était trop tard : il eut lieu à Poissy, en septembre 1561, en présence du jeune roi, de sa mère, du cardinal de Lorraine et de cinq autres cardinaux, de nombreux évêques, fonctionnaires et savants.

Les protestants étaient représentés par vingt- deux députés de leurs communes et douze prédicants, ayant à leur tête Bèze et Pierre Martyr. Parmi les catholiques, on distinguait le cardinal de Guise, le général des jésuites Lainez, Claude Santés et Claude d'Espencé. D'après le règlement de Catherine, Bèze récita une prière d'une voix pathétique, puis il développa, avec la doctrine sur l'Église, surtout celle sur l'Eucharistie : il scanda- lisâtes catholiques en affirmant que le corpsde. Jésus-Christ était aussi éloigné des espèces que le ciel l'est de la terre. Le cardinal de Guise lui répondit avec beaucoup de soUdité. On examina de même les autres dogmes du calvinisme. Lainez défendit vigou- reusement la doctrine catholique. On ne s'accorda sur aucun point, et l'on finit par remettre les négociations à un comité de dix docteurs choisis en nombre égal dans chaque parti, ce qui n'aboutit pas davantage. La conférence se sépara le 25 no- vembre, sans avoir donné aucun résultat. Les calvinistes, qui avaient présenté au roi une confession de foi, s'attribuèrent la victoire, et devinrent plus insolents que jamais.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 184.

Sur Mich. del'Hospital, voy. Rayn., an. 1560, n.47; 1S61, n.90; 1562, n. 1.30; Le Plat, V, 4.33, 513 (lettre apologétique à Pie IV, du 30 juillet 1Ö62, et réponse du pape, 27 sept.); Taillandier, Vie de M. L'Ospital, Paris, 1S61 ; Marie, Essai sur la vie et les ouvrages du chancelier Mich. de l'Hospital, Rennes, 1868. Discours de Jean Quintanus : Rayn., an. 1561, n. 82. Déclarations de la faculté théologique de Paris : du Plessis d'Arg., II, 1, p. 292-294. Bossuet, liv. IX, § 90 et suiv.; Pallav., XV, XIV, n. 2 et seq.; Rayn., an. 1561, n. 89-99; de Thou, lib. XXVUI, t. II, p. 41 et seq.; J. Basnage, Hist. de l'Église, t. II, liv. XXVI, c. vu, p. 1551 et seq.; Daniel, X, 127 et seq.; Anquetil, Esprit de la Ligue, Paris, 1771, I, p. 86 et seq.; Klipffel, le Colloque de Poissy, Paris, 1867. Claude d'Espencé fut souvent blâmé par la Sorbonne, notamment en 1543, pour avoir favorisé des hérésies sur le culte des saints et des images; en 1553, sa « Paraphrase ou Méditations sur l'Oraison domi- nicale » et sa a Consolation en adversité » furent censurées ; il fut de nouveau cité le 18 février 1357, et promit de se soumettre. Du Plessis

470 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

d'Arg., II, I, p. 332, 134, 137, 138, 220 et seq., 187. La Confessio gal- lica, dans Augusti, Corp. libr, symb. Eccl. réf., p. 110 et seq.

Ëdit de tolérance et cruautés des calvinistes. Premièi'e guerre de religion.

185. Le 17 jantier 1562, la reine publia un éditde tolérance, par lequel elle accordait aux protestants la liberté de religion hors des villes et sans armes, défendait tout acte violent, toute attaque contre les institutions catholiques, toute levée d'impôts, toute attaque clandestine, et prescrivait de restituer aux catho- liques les églises et les biens qui leur avaient été enlevés. Le parlement refusa de l'enregistrer, et la Sorbonne le repoussa. 11 fut cependant exécuté. Les calvinistes en furent mécontents et redoublèrent d'audace ; ils tuèrent plusieurs prêtres dans les faubourgs de Paris, et commirent contre les catholiques, surtout dans le midi de la France, les plus révoltants excès. Ils violèrent les tombeaux, renversèrent les églises, profanèrent le saint Sacrement, forcèrent les catholiques d'assister à leurs prédica- tions, mutilèrent et assassinèrent des prêtres et des laïques, tout cela avec l'approbation de leurs consistoires et de leurs prédicants.

Ces événements disaient assez aux catholiques ce qu'ils avaient à attendre de leur inaction : les novateurs ne voulaient point de tolérance, mais l'extirpation du catholicisme. De là, dans Paris, une réaction sérieuse à partir de 1562. Les esprits hésitants se demandaient eux-mêmes : Que signifie une telle religion? Jésus- Christ a-t-il commandé de piller son pro- chain, de verser son sang ? Le l*"^ mars 15G2, à Vassy en Cham- pagne, la suite du duc de Guise se prit de querelle avec les huguenots assemblés dans une grange. Le duc, accouru pour rétablir la paix, fut blessé d'un coup de pierre, et ses gens, surexcités, tuèrent près de soixante calvinistes. Ce fut l'occa- sion d'une guerre civile religieuse. Le prince de Condé, encou- ragé par l'ambassadeur anglais Throckmorton, réunit une armée et s'empara de plusieurs villes. A Toulouse, se trouvaient trente mille Iniguenots, on se battit au mois de mai durant plusieurs jours ; quatre mille hommes succombèrent, et deux cents maisons furent détruites par les flammes ; les catholiques finirent par l'emporter. Comme dans le Béarn, régnait

LE PROTESTANTISME. 471

Jeanne d'Albret, les calvinistes dominaient en Normandie, et excitaient leurs soldats aux cruautés les plus inhumaines.

Le Dauphiné était ravagé par François de Beaumont, baron des Adrets, qui obligea ses fils à se baigner dans le sang des catholiques; beaucoup furent, par ses ordres, précipités du haut des tours et des rochers, et reçus au bout des hallebardes de ses soldats. Les huguenots firent même venir des troupes d'Alle- magne, et livrèrent le Havre-de- Grâce à la reine d'Angleterre. Cette fois, comme on devait s'y attendre, les cathohques révo- quèrent 1 edit de tolérance, et déclarèrent les calvinistes coupables de haute trahison.

Paris se mit en état de repousser les attaques de Coudé, chassa les protestants, et prit une attitude franchement catholi- que. L'université, le parlement, la magistrature, les avocats et les militaires signèrent une profession de foi catholique. Fran- çois de Guise avait ramené dans sa capitale le jeune roi et sa mère. Plusieurs villes, telles que Rouen, furent prises d'assaut par les catholiques, et, le 19 décembre 1362, les rebelles essuyè- rent près de Dreux une entière défaite. Louis de Condé fut fait prisonnier, et Coligny se retira dans Orléans. Le duc de Guise mit le siège devant cette ville, et fut traîtreusement tué d'une balle empoisonnée par Poltrot, gentilhomme calviniste (18 fé- vrier 1563). Poltrot fut exécuté dans la suite, mais inscrit au martyrologe de Genève et honoré comme un martyr.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 185.

De Thou, lib. XXIX, vu, t. Il, 69 et seq., ed. Francof., 1614; Rayu., an. 1562, n. 128 et seq., 132 et seq.; Nouv. Collect, des Mémoires, Paris, 1866, VI, 614; Daniel, p. 396 et seq.; Bossnet, liv. X, § 32 et seq.; du Plessis d'Arg., II, i, p. 317 et seq.; Graziani Epist., lib. IV, ep. XIII ; Mai, Spic. Rom., VIII; Anquetil, I, 162 et seq.; Bordes, p. 171 et seq.; Rayn., an. 1561, n. 103 et seq.; 1562, n. 139 et seq., 158 et seq.. 175; Vaissette, Hist. du Languedoc, Paris, 1743, t. V, p. 189,213; Ménard, Hist. de Nismes, Paris, 1753, p. 245 et seq.; Lacretelle 178); Poyedavant, Hist. des troubles du Béarn, Paris, 1820, H, 424; Picot, Essai bist, sur l'intluence de la rel. en France pendant le XVII« siècle, Brux., 1824, t. i, p. 12 et seq.; Hermann, Frankr. Rel. u. Bürger- kriege im XVI Jabrh., Leipzig, 1828; Sismondi, Hisl. des Français, Aix-la-Chapello, 1838, XIII, xxxr. Catholique, t. LXXXIV, p. 124 et suiv., aunée 1863, 1, p. 227-248, 317-336. Actos de violence approuvés

472 HISTOIRE DE L 'ÉGLISE.

par les prédicants et les synodes calvinistes ; voy. Aymon, Synodes nationaux de l'Église réformée de France, la Haye, 1710, in-4°, t. I p. 43, 45; Bossuet, X, § 47; Bianchi , délia Potestà e Polizià délia Chiesa, t. 1, 1. 1, § 6, p. 49 et seq. Mon ouvrage cité, p. 487. Bèze écri- vait, le 30 déc. 1561, à Calvin î « Qui hostibus armatis pepercerant, idolis et panaceo illi Deo (au Dieu sous l'espèce du pain) parcere non potuerunt, frustra reclamantibus, quibus ista non placebant. » Baum, Th. de Bèze, II anh., p. 150. Sa lettre aux Églises de France, 25 mars 1562, ibid., p. 172. Hist. ecclés., liv. III, 550, 254, 270, 313. Cf. Bauer, die liugenottcnkriege , ein Werk der Toleranz (Laacher Stimmen, 1876, livrais. VlI-X, p. 143 et sniv.). Zèle des catholiques et leur vic- toire : Rayn., an. 1562, n. 163, 174 et seq.; 1563, n. 23 et seq.; Pal- lav., XIX, X, 3 ; Le Plat, V, 677 et seq. Souscription du Formulaire de foi : du Plessis d'Arg., loc. cit., p. 317 et seq., 337-329. Réaction catholique : Ranke, les Pontifes romains, II, p. 61 et suiv, « Massacre de Vassy » : Voix de Laach, 1872, II, p. 570 et suiv. Assassinat du duc de Guise : Rajm., an. 1563, n. 50 et seq.; Baguenault de Puchesse, les Ducs François et Henri de Guise, d'après de nouveaux documents, Paris, 1877. L'assassin Poltrot de Méré, grand écuyer de l'amiral de Coligny, déclara dans les tortures qu'il avait pour complices l'amiral et Bèze. Coligny essaya, trois ans après, de se purger par serment de cette accusation (Lacretalle, Hist., liv. IX, p. 163).

Traité d' Amboise. Deuxième guerre de religion. Nouvelle paix religieuse. Retrait des concessions.

186. Les catholiques, malgré leurs victoires, avaient fait des pertes considérables. François de Guise était leur plus vaillant champion et leur meilleur capitaine. Antoine de Navarre, qui avait été délaissé par sa femme franchement hérétique, suc- comba devant Rouen à une blessure mortelle. Beaucoup de reliques de saints (saint Irénée, saint Hilaire, sainte Rade- gonde, etc.) furent bmlées et jetées au vent; beaucoup de cathédrales brûlées, un grand nombre de prêtres distingués furent assassinés, et rien n'indique que tant de crimes aient été réprimés. La régente Catherine rendit même la liberté à Coudé captif, publia une amnistie contre laquelle l'université et le parlement firent d'inutiles protestations, et conclut en riG.l la paix d'Amboise, qui assurait la liberté du culte à la haute noblesse de la confession réformée, tant pour elle que pour ses sujets, ainsi qu'à toutes les villes ce culte était pré-

LE PROTESTANTISME. 473

cédemrnent établi, leur donnait une église dans chaque bail- liage, à l'exception de Paris, et renouvelait, sauf de légères restrictions, l'édit de janvier 1562. Cependant ni Coligny ni les prédicants calvinistes, qui exigeaient beaucoup plus , ni les catholiques, n'en furent satisfaits : les catholiques savaient par expérience ce que leur réservaient les huguenots.

Catherine se rapprocha de plus on plus des catholiques, essaya de s'entendre avec l'Espagne, et ne dissimula pas désormais aux hugnenots l'aversion qu'ils lui inspiraient. Ceux-ci travaillèrent à s'organiser, se plaignirent qu'on tramait contre eux de nouveaux complots, recueillirent de grandes sommes d'argent, et formèrent pour ainsi dire un État dans l'État.

Le prince de Condé était blessé du peu de crédit qu'on lui accordait, ce qu'il n'avait que trop mérité ; Coligny n'avait déposé les armes que malgré lui. En 1567, ils formèrent un nouveau plan pour s'emparer à Monceaux du jeune roi et de sa cour; le complot fut découvert à temps. Montmorency, à la tête de 6,000 Suisses, ramena le roi à Paris à travers les rebelles en armes, A dater de ce jour, Charles IX conçut un dégoût insur- montable pour les calvinistes, et ce dégoût s'accrut encore par les scènes sanglantes de Nimes (29 septembre 1567). Cette nou- velle guerre de religion dura plusieurs mois. Les catholiques vainquirent près de Saint-Denis, mais ils perdirent dans la mêlée le vaillant connétable de Montmorency et ne purent tirer parti de leur victoire, parce que leurs adversaires reçurent des renforts de l'électeur du Palatinat.

Les catholiques conclurent pour la seconde fois à Longju- meau (23 mars 1568) une paix qui renouvelait l'édit de janvier 1562 sans les clauses restrictives. Mais les huguenots refusèrent de livrer les forteresses désignées, en construisirent de nou- velles, s'emparèrent des villes catholiques, dont ils maltraitèrent indignement les habitants, et nouèrent des alliances avec les protestants d'Allemagne, des Pays-Bas et d'Angleterre.

Ces excès décidèrent Charles IX à révoquer en 1568 tous les avantages qui avaient été accordés aux calvinistes ; il leur retira leurs emplois, publia de sévères ordonnances contre les renégats du catholicisme, interdit le culte calviniste sous peine de mort et de conûscation des biens. Un décret du parlement exigea de tous ceux qui sollicitaient des places dans l'adminis-

'iT-i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

tration de la justice la profession de la foi catholique, et écarta les magistrats calvinistes. On prescrivit à la noblesse une for- mule de serment par laquelle elle s'obligeait à ne contracter aucune alliance à l'insu du roi. Le chancelier Michel de l'Hospital fut congédié. Il semblait qu'on fût alors sérieusement résolu à extirper cette secte qui compromettait la sécurité de l'État. Le pape autorisa en faveur de la cause catholique une aliénation de biens ecclésiastiques, qui amena un million et demi de livres dans les caisses du gouvernement.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 186.

Destructioa des reliques : Rayn., an. 1562, a. 159-161. Pi-otestatioa de l'université de Paris contre l'amnistie : du- Plessis d'Arg., loc. cit., p. 335. Pallav., XX, x, 1; Sarpi, Vil, § 82-87; Rayn., an. 1563, n. 54 et seq., 74 et seq.; Le Plat, Mon., VI, p. 6 et seq. (avec d'autres pièces); (de Bèze) Hist. ecclés., t. VI, p. 283; de Thou, lib. XXXIV, 235 et seq.; XXXV, 241. Kluckhohn, zur Gesch. des angeblichen Bünd- nisses von Rayonne (1565), nebst einem Originalbericht über die Ur- sachen des zweiten Religionskrieges in Frankreich (Abhdlgn. der bayer. Akad. d. Wiss., III cL, t. XI, abth. i). Sur la Michelade do Nîmes, 29 sept. 1567, 400 cathoHques perdirent la vie : Ménard, Histoire de la ville de Nîmes, t. X, p. 16. (Bèzg) Hist. ecclés., liv. VII, p. 337 et seq.; de ïhou, lib. XXXVI, p. 243 et seq.; XLII, p. 465 et seq.; Commentarii de statu religionis et reipubl. in regno Galiiaî, édit., 1577, lib. VH, t. IH, p. 22 et seq., 84 et seq.; lib. VIH, p. 132 et seq., 139, 145, 181 ; du Plessis d'Arg., II, i, p. 402-40i; Catena, Vita di Pio V, p. 79. Cf. Ranke, Paepste, II, p. 64.

Troisième guerre de religion. Rétablissement de la liberté

des cultes.

187. Il en résulta nue troisième guerre, qui fut encore con- duite avec plus d'acharnement. Briquomaut, chef des hugue- nots, portait un collier d'oreilles enlevées à des prêtres massa- crés. Les protestants reçurent des renforts de leurs alliés ; les catholiques obtinrent de l'Espagne et de Pie V de l'argent et des troupes. Les huguenots furent de nouveau battus près de Jarnac (13 mars loC«.)), et le prince de Condé fut tué d'un coup de feu. Alors Gaspard de (A)ligny se mit ouvertement à la tête des calvinistes, dont les principaux chefs étaient Henri de Navarre, ûls d'Antoine et de Jeanne d'AIbret, et Henri, fils de

LE PROTESTANTISME. i7S

Condé. Coligny recruta une nouvelle armée, qui fut renforcée par Henri de Navarre, âgé de seize ans. Cependant les ^calvinistes perdirent la bataille de Moncontour (3 octobre), d'où ils ne sauvèrent que 6,000 hommes.

Désormais c'en eût été fait des calvinistes, si les intrigues des factions et la faiblesse de la cour n'avaient pas empêché les catholiques de tirer parti de leur victoire, si l'on n'avait pas gaspillé son temps et ses forces dans des sièges interminables. Le roi enviait à son frère Henri, duc d'Anjou, qui avait com- mandé les catholiques avec Henri, duc de Guise (fils de François, assassiné), les honneurs de la victoire, et son entourage l'affer- mit dans cette crainte qu'avec l'honneur la puissance lui échap- perait des mains.

Le parti franchement catholique, dirigé par le duc d'Anjou, rencontra pour adversaire le parti calviniste de la cour, qui par le traité de Saint-Germain-en-Laye (août 1370) accorda aux réformés de toute la France, Paris excepté, le libre exercice du culte, l'accès à toutes les fonctions de l'État et quatre places de sûreté qu'ils occuperaient. Au lieu d'étouffer l'insurrection, la cour, toujours hésitante, l'encourageait; elle admettait au partage de la souveraineté un parti acharné à sa perte et odieux aux catholiques rigides, qui ne pouvaient oublier les atrocités commises par les huguenots et couvaient leur ressentiment : elle perdit toute autorité auprès des deux partis. En 1569. on s'était allié avec l'Espagne pour renverser ÉUsabeth ; en 1570, on essayait, en s'alliant avec Elisabeth, d'anéantir la domina- tion espagnole dans les Pays-Bas. Cette politique, trop hâtive, trop peu réfléchie, n'offrait aucune chance de durée. Une explo- sion violente allait éclater.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SlR LE 187.

De Thou, lib. XLIV, p. 546 et seq., 568 et seq.; XL VIT, p. 660 et seq.; Comment., lib. IX, p. 204 et seq., 313 et seq.; Ménard, loc. cit., IV, preuves, 6, V, 9 et seq.; Vaissette, V, 214 et seq.; Anquetil, I, 132 et seq.; Bordes, p. 173 et seq.; Desjardins, Charles IX, Deux Années de règne (1570-lo72), Douai, 1873. Le prolestant Fauriel (Essai sur les événements qui ont précédé et amené la Saint-Barthélémy, 1838, p. 36) avait tort de dire que la paix de 1570 était un moyen perfide pour endormir et tromper les protestants. Le contraire est attesté par la Correspondance du roi Charles et du sieur de Mandelöl, publiée par

476 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

M. Paulin Paris, 1830; par la Correspondance politique de Bertrand de Salignac de la Mothe-Fénelon (ambassadeur de France à Londres, (J568 à 1573), publiée par M. Feulet, Paris et Londres, 1838-40, t. VII; par les rapports d'Alvise Contarini et Sigism. Cavalli, dans Alberi, Relaz. Ven., ser. I, vol. IV, p. 249-232, 32o.

La Saint-Barthélémy.

188. Tout était réconcilié en apparence. Coligny, mis au baa du royaume par le parlement de Paris le 13 septembre 1569, fut, ainsi que d'autres chefs calvinistes, mandé à la cour. Coli- gny essaya de gagner la faveur de Charles IX et de lui rendre sa mère odieuse. A partir de 1571, il acquit une grande in- fluence ; il s'occupa de faire la guerre contre l'Espagne, de fournir des seconrs aux Pays-Bas insurgés, de contracter une alliance avec Elisabeth d'Angleterre, et d'éloigner les Guises de la cour. Litt paix au dedans devait être scellée par le mariage du calvi- niste Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, bien que Pie V eût refusé de donner une dispense et que Grégoire XIII n'y consentît que sous des conditions qui ne furent pas observées. Le mariage eut lieu à Paris le 18 août 1572; beaucoup de gentilshommes calvinistes s'y rendirent avec des gens armés.

Coligny était sur le point d'écarter complètement la reine mère de la gestion des affaires, et d'impliquer le jeune roi dans la guerre contre l'Espagne. Catherine do Médicis, nullement embarrassée dans le choix des moyens, résolut de se défaire, par un meurtre, de l'amiral, qui déjà prenait un ton menaçant. Quand cet attentat, qui porta l'irritation des huguenots à son comble, eut échoué ('22 août), elle médita de consommer, avec l'aide des catholiques depuis longtemps indignés, la perte des ré- formés qui .se trouvaient à Paris, et, autant que possible, de ceux qui étaient dans les provinces. De cette fameuse nuit de la Saint-Barthélémy (24 août 1572), qui ne fut que la conséquence d'une résolution subite de la reine Catherine, et non un acte de viol«Mice préparé de longue main et sur un plan tracé d'avance.

A Paris, il n'y eut de victimes que Coligny et environ un millier de calvinistes ; beaucoup de catholiques perdirent aussi la vie. Dans les provinces, les ordres d'assassin;ijtne furent point exécutés partout, et beaucoup d'ecclésiastiques sauvèrent la vie

I

1,K PROTF.STANTISME. 4-77

à de nombreux calvinistes ; lo chiffre des morts n'alla guère au delà d'un millier. Cliarles IX était entré dans ce plan à l'insti- gation de sa mère, parce qu'il redoutait une nouvelle guerre civile et qu'il croyait sa vie en danger. Beaucoup avaient voulu venger la mort de leurs proches sur les huguenots; d'autres, se défaire de leurs ennemis sans distinction de religion ; d'autres, effrayés par les précédents méfaits des calvinistes, avaient cru à une conspiration contre les catholiques : ce fut le motif que le roi fit valoir le lendemain devant le parlement pour justifier l'assassinat. On manda aux cours étrangères qu'une conjuration avait été découverte contre la vie du roi et de sa famille, et qu'on l'avait prévenue par le meurtre des conjurés. La cour d'Angleterre, alliée avec la France depuis le 29 avril, n'avait aucun doute à cet égard. Grégoire Xlll, plein de con- fiance dans le récit de l'ambassadeur français, fit célébrer à Rome une fête d'actions de grâces, à cause de la délivrance de la famille ro) aie et de la conservation de la religion catholique en France. Mais il fut profondément affligé du sang répandu et de ce que les formes juridiques n'avaient pas été observées contre les conjurés. Quant à l'attentat lui-même, ni le Saint- Siège ni la religion n'y eurent aucune part. Il est certain que les protestants de France, dont les crimes n'étaient ni moins nombreux ni moins révoltants, si l'on regarde au nombre et à la puissance, n'ont en cela rien à reprocher aux catholiques français. Les luthériens d'Allemagne considérèrent ce massacre comme un juste châtiment infligé de Dieu aux hérétiques calvinistes.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 188.

Sur Coligny, voy. Michie!, Relaz. Ven., loc. cit., p. 284, 28ö; Lin- gard, Gesch. Engl., VI II, p. 432 et suiv.; Poyedavant, 1, 232; Bague- nault, l'Amiral de Coligny (Correspondant, 25 févr. 1876j. Négocia- tions au sujet du mariage de Henri IV avec Marguerite de Valois, déclaré nul (plus tard, le 15 déc. 1599): Mémoires de Marguerite de Valois, éd. par M. Jul. Lalanne, 1838; Alberi, loc. cit.; Theiner, Annal, eccl. contin., t. I; Mantissa, doc. XI, XV. Davila, lib. V, p. 267. Collection compl. des Mémoires, XX, 148 et seq., 154, 160; XXXVII, 22 ; Mémoires de Tavannes, t. VIII, sér. I de la Nouv. Coll. des Mémoires, par MM. Michaud et Poujoulat, Paris, 1836 et seq.; Alberi, Relaz. Ven., p. 289 et seq.; Vib di Cat. di xMed., p. 120 et seq. K. Curtlis, die

478 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Bartholomœusnacht, Leipzig, 1814; Lacretelle, Hist. de France, II, p. 320 et seq.; Audiu, Hist. de la Saint- Barthélémy, Paris, 1826 ; Cape- figue, Hist. de la Réf. et de la Ligue, cli. xxxviii-xLiv;Ludw. Wsechter, die Pariser bluthochzeit, Leipzig, 1828; W. v. Schütz, die Aufgehellte Bartholomaeusnacht, Leipzig, 1845 ; Soldau, Frankr. u. die Barth. - Nacht (Raumers hist. Taschenb., 1854); Cantù, Storia un., hv. XV, c. XXIV, éd. Tor., VIII; Gandy, la Saint-Barthélemy, dans la Revue des questions historiques, 1866 (et d'après lui, Civiltà catt., ser. VI, vol. Vlll, p. 679 et seq.; vol. IX, p. 267 et seq., 662 et seq.; vol. X, p. 268 et seq.; vol. XI, p. 14 et seq., 648 et seq.). Cf. Germania, 21 cet. 1874, Beil. Le protestant Lucas Geizkofler, originaire du Tyrol, présent à Paris en 1372, alors âgé de vingt-deux ans et étudiant eu droit, rapporte plusieurs rumeurs qui circulaient alors dans les sphères protestantes, par exemple, que la tête de Coligny avait été envoyée « à Rome »; il porte le chiffre des victimes parisiennes « au delà de 10,000, jeunes gens et vieillards, hommes et femmes » ; et il ajoute qu'un très grand nombre de catholiques périrent eux-mêmes victimes de la cupidité, de l'envie et de la haine; que son chef de maison, l'ecclésias- tique Blandis, protégea ses locataires, non toutefois sans qu'ils fussent obligés d'ouvrir leur escarcelle, x qui n'était pas trop garnie ». (A. Wolf, Lucas Geizkofler et son autobiographie, en allem., Vienne, 1873.) Sur le nombre des victimes, les renseignements varient entre 1,000, 2,000, 4,000 (Alzog., H, p. 240), 30,000 (autant de réformés Schrœ- ckh, Hist. eccl. dep. la Réforme, II, p. 304), et 50,000 (Ranke, Papes romains, II, p. 67). Popelinière, qui n'est pas suspect, élève le chiil'rc des victimes de Paris à 1 ,000. D'après un document de l'hôtel de ville, déjà cité par Caveirac, 1,100 cadavres furent repêchés dans la Seine (Gandy, loc. cit., livrais. II, p. 330). Michiel (Relaz., p. 291) parle de 2,000. C'est le chilfre adopté par Papirio, Masson, ïavannes, de Thou, etc. Diverses estimations dans Lingard, VHI, p. 437. Le généreux Hen- nuyer, évêque de Lisieux, protégea hardiment les huguenots, dont la plupart rentrèrent dans le sein de l'Église. M. de Formeville , les Huguenots et la Saint-Barthélemy à Lisieux, 1840. Recherches histo- riques sur Jean Le Hennuyer, par M. A., Bordeaux, 1842, 1844. Dans les provinces, beaucoup de gouverneurs, comme celui de Bayonne, l'efusèrent également d'exécuter les oi'dres sanguinaires. Voyez encore de Thou, lib. L, p. 754 et seq.; LI, p. 788 ; LH, p. 805 et seq. Les crimes des calvinistes français sont franchement reconnus par Th. H. Buckle, Gesch. der CiviUsation in England, en allem, par A. Rüge, I, ii, p. 8, n. 16. Dans leurs rapports à l'électeur de Saxe, les théologiens luthé- riens reconnaissaient le caractère politique de cet événement: K.-A. Menzel, N. Gesch. d. Deutschen, V, p. 40. Déclarations de la cour d'An- gleterre : Coouper, Recueil des dépèches, Paris, 1840, V, 12(», 138, 161

LE PROTESTANTISME. 47*J

et seq.; Theincr, Annal, eccl., h. an., n. 47, p. 46 (ibid., p. 46 et ?oq.; Mantissa, p. 328-331, 336. Rapports du nonce Salviati). Grégoire XIII, dans Brantôme, Vie de M. l'amiral de Chastillon : 0pp., VIII, éd. la Haye, 1740; Paris, 1822, III, 283. Muret, Orat. xxn, p. 177, éd. Ruhnken. Voy. mon ouvrage Kalh. Kirche, p. 654-656.

Quatrième guerre de religion. Mort de Charles IX. Henri III. Nouvelle paix religieuse.

189. La nuit de la Saint-Barthélémy avait affaibli les hugue- nots, elle ne les avait point extirpés. L'opinion publique, qui oublie aisément le passé, leur devint favorable dès qu'ils paru- rent persécutés. Une quatrième guerre de religion éclata en 4573. Henri, duc d'Anjou, poursuivit eu vain pendant six mois le siège de la Rochelle. Quand le duc eut été élu roi de Pologne, une paix fut conclue (ou plutôt un armistice), qui accordait le libre exercice de la religion à la haute noblesse et à plusieurs villes. Parmi les catholiques, les divisions précédentes sem- blaient se propager de plus en plus. A côté des huguenots et des catholiques rigides, s'était formé le parti des politiques (libéraux modérés), qui, peu soucieux des intérêts de la religion, se posait constamment en médiateur, à l'exemple de l'ancien chancelier de l'Hospital, du jeune Montmorency, du maréchal de Cossé, etc. François, duc d'Alençon, le plus jeune des fils de Henri H, se joignit à eux et inclina vers l'alliance des calvi- nistes.

Charles IX mourut le 30 mai 1574, laissant à son frère Henri, duc d'Anjou et roi de Pologne, un royaume entièrement bouleversé. Henri rentra en France et régna sous le nom de Henri HI, sans vigueur et sans résolution, énervé par la paresse et la débauche. En 1576, une nouvelle levée de bou- cliers procura aux calvinistes la paix singulièrement avanta- geuse de Beaulieu, qui leur accordait, avec l'amnistie, la liberté religieuse dans tout le royaume (excepté à la cour et dans Paris), l'entrée au parlement, une pleine égahté civile, huit uouvelles places de sûreté, et la légitimation des enfants des prêtres et des moines apostats.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 189.

Commentar., p. IV, in-f», 84 et seq., 107 et seq., 139 et seq.; p. V,

480 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSE.

in-t'°, { et seq.; de Thou, lib. LUI, p. 838 et seq.; lib. LV, p. 9U; LVI, p. 927 et seq.; LVII, p. 989 et seq.; t. H, lib. LVIII-LXII.

La Ligue. Cinquième et sixième guerre de religion.

-190. La force et l'audace croissantes des huguenots, les con- cessions qu'ils avaient obtenues, provoquèrent une réaction. Les catholiques formèrent entre eux « l'alliance sacrée », la Ligue pour le maintien de la religion catholique, du roi et de l'État. Elle avait à sa tête le chevaleresque Henri, duc de Guise. Henri III et sa mère, qui vivaient dans un continuel désaccord, se sentant trop faibles pour étouffer la Ligue, prirent un détour : le roi se déclara lui-même le chef de la Ligue. Les états réunis à Blois en 1577 supprimèrent l'édit de 1576, et déclarèrent la religion catholique la seule religion de l'État.

Une cinquième guerre de religion éclate, mais se termine bientôt par l'édit pacifique de Poitiers (septembre 1577). Cet édit, tout en accordant la tolérance aux protestants, leur défon- dait le culte pubhc. L'université et d'autres corporations s'étaient résolument prononcées contre la lii)erté de religion réclamée par les calvinistes. La reine mère fit encore des concessions plus étendues à Henri de Navarre par la paix de Nérac (1579). Cependant une sixième guerre s'alluma en 1580, et fut terminée le 26 novembre par le paix de Fleix. Sous Henri de Navarre et le jeune Condé, les huguenots, appuyés par les princes protes- tants, accaparèrent à peu près toute l'autorité et combattirent la Ligue, qui se rattacha à l'Espagne.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 190.

De Thou, lib. LXIII, p. 164 et seq.; Mézeray, III, 406, éd. Paris, 168S; Goulard, Mémoires de la Ligue, Amst., 1758, h\-i°, 6 vol.; Anquetil, Esprit de la Ligue (15ö9-ib98), Paris, i767, in-S", 3 vol.; Sisraondi, XIII, 4ö4; Ranke, Paîpste, II, p. 143-147; Schneemann, Laacher Monatsschrift, 1872, VI, p. 504 et suiv. De Thou, lib. LXIV, p. 207 et seq.; Anquetil, II, 105 et seq.; Vaisselle, V, 310 et seq.; Bordes, p, 228 et seq.; Ayraon, Synodes nationaux des Églises réf., I, 98 et seq., 134; Raumer, Gesch. Europa's seit Ende des XV Jahrb., t. II, p. 283 et suiv.

I.K PROTESTANTISME. 481

Nouvelles irrésolutions du roi. La Ligue et le Saint-Siège.

191. Henri III se trouvant sans enfant lorsque le dernier de ses frères, François d'Alençon (duc d'Anjou depuis 1573) vint à mourir (1384), Henri de Navarre revendiqua le trône. La crainte de recevoir pour roi un calviniste mit en grand émoi les catholiques de France. Le duc de Guise décida le cardinal de Bourbon, oncle de Henri de Navarre, à se déclarer, dans un manifeste daté de Péronne (31 mars 1385), premier prince du sang avec l'expectative du trône, et chef de la Ligue. Plusieurs désiraient pour roi le duc de Guise. Henri 111, souvent accusé d'être le fauteur de l'hérésie, engagea Henri de Navarre à se faire catholique et à l'assister dans la défense de leurs communs droits. Mais, intimidé de nouveau par les ligueurs, il conclut avec eux le traité de Nemours, par lequel il leur concédait de l'argent et des places de sûreté, enlevait leurs privilèges aux calvinistes, et ordonnait d'émigrer à ceux qui refuseraient de rentrer dans le giron de l'Église.

La Ligue se donna mille peines pour obtenir du pape une bulle qui approuvât sa conduite. Grégoire XHl, malgré son désir de maintenir la foi catholique et de favoriser les Guises, ne put s'y résoudre. Sixte-Quint, insensible aux sollicitations de l'Espagne, repoussa la demande des ligueurs et les blâma de s'être armés contre la volonté du roi; seulement, dans l'intérêt du catholicisme eu France, il publia une constitution (9 sep- tembre 1583) il excommuniait le roi de Navarre et le prince de Coudé comme hérétiques, et déclarait, d'après l'ancien droit, égalemeut reçu eu France, qu'ils étaient exclus de la succes- sion au trône. Les bourgeois, le parlement et l'université de Paris professaient alors les mêmes idées. Ce ne fut que plus tard, et quand la situation fut changée, qu'on prétendit que le décret de l'université avait été arraché par la force et qu'il était sans valeur. Peu d'évêques (sept) signèrent une contre-déclara- tion. Henri de Navarre se justifia par écrit, fit afücher dans Rome une proclamation, et en appela au parlement, qui interdit à sou point de vue la publication de la bulle.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE l'JI.

Déclaration des causes qui ont le cardinal de Bourbon et les V. HIST. DE l'église. 31

482 HISTOIRE üE l'Église.

paiii<>, seigneurs, villes,... de s'opposer à ceux qui veulent subvertir la religion de l'État, Rheims, 1583, in-8°; Ranke, Rœm. Paepste, II, p. 148 (cet auteur mentionne, n. 1, un mémoire envoyé de Rome en Espagne sur l'élévation d'un Guise au trône : « délia Inclinazione de' Cattolici verso la casa di Ghisa e del servitio che riceverà la christianità etil re cattolico délia successione di uno di questi principi, » n. 2. Dis- paccio Veneto, 1«' déc. 1584, attribué au cardinal d'Esté). Daniel, XI, 196-199; Anquetil, II, 203. En ce qui concerne les papes, on ne trouve, à partir de Grégoire XIII, relativement à la question de succession en France, que la lettre un peu exagérée peut-être de Claude Matthieu au duc de Nevers, du 11 février 1588 (Capefigue, Réforme, IV, 173; Ranke, loc. cit., p. 149 et suiv.). Sur Sixte-Quint, voy. Maffei, Hist. ab excessu Greg. XIII, lib. I, p. 10; Tempesti, Vita di Sisto V, Venezia, 1754, I, m, 283, 320; Iliibuer, Sixte-Quint, Paris, 1870, vol. II, p. 370 et suiv. Constit. Ab immensa aetemi Régis, Bull. M., Luxemb., 1727, II, 163, appond.; Spondan., an. 1585, n. 17. Cf. Gosselin, II, 351 et seq.; Bianehi, t. Il, lib. VI, § 10, n. 6, p. 395 et seq.; mon ouvrage cité, p. 676-678. Sur l'opinion dominante à Paris, voy. Spondan,, loc. cit., n. 7; an. 1589, n. 111 ; 1590, n. 3, 9; Crétineau-.Ioly, Hist. de la Comp, de Jésus, II, 411 et seq. Sur le décret de la Sorbonne, déclarations ultérieures dans du Plessis d'Arg., II, i, p. 482 et seq., 530; 11, ii, p. 293 et seq. Contre-déclaration : Spondan., an. 1591, n. 8; Blanchi, loc. cit., n. 4, 5, p. 591-394. Sur la Ligue en général : Schneemann, dans Laacher Monatsschrift, 1872, VI, p. 304 et suiv.

Derniers temps de Henri III. Ses crimes et son assassinat.

I9"2. Les huguenots remportèrent sous Henri de Navarre la victoire de Contras (20 octobre 1587) ; mais les Guises obtinrent aussi des avantages : ils prirent Toul, Lyon, Bourges, Orléans, sans tirer l'épée, et battirent les troupes allemandes qui venaient au secours de leurs ennemis. Le roi se montra sans caractère : il négocia d'abord avec les huguenots, puis avec la Ligue, à laquelle il se rattacha définitivement, et dénia aux princes protestants, dans son édit de Rouen (19 juillet 1588), le droit de succéder au trône. En octobre de la même année, les états lie Blois érigèrent l'édit en loi fondamentale du royaume ; le roi fut obligé de promettre qu'il sacrifierait sa vie au besoin pour l'extirpation de l'hérésie, chaque sujet devait déclarer, en guise de serment, qu'il ne reconnaîtrait jamais pour roi un hérétique LU un fauteur de l'hérésie. Mais les catholiques curent bientôt

LE PROTESTANTISME. i8,'3

lieu de douter de la sincérité du roi : divisé avec lui-même, hésitant, irrésolu, fatigué de la puissance de la Ligue, il fit assassinera Blois, en 1588, Henri, duc de Guise, et son frère Louis, le cardinal archevêque de Lyon. Le troisième frère, le duc Charles de Mayenne, échappa ; il se mit à la tête de la Ligue, qui se rattacha étroitement à l'Espagne et dénonça l'obéissauce au roi.

Le duc de Guise, caractère chevaleresque, avait été l'idole des catholiques : raison de plus pour leur faire détester la lâcheté du roi. Sixte-Quint, qui aimait et admirait ce second Judas Mac- chabée, demanda compte au roi surtout de l'assassinat du cardi- nal, et un moniteire pontifical fut publié le 23 juin 1589. La Sorbonne se prononça pour le refus d'obéissance à Henri III (7 janvier), et la ville de Paris se prépara à une résistance énergique. Henri s'allia dès lors ouvertement avec Henri de Navarre et fit avec lui le siège de la capitale. Au commence- ment d'août 1589, il était assassiné par un jeune dominicain fanatique, Jacques Clément.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 192.

Édit d'union de Rouen et assemblée de Blois : du Plessis d'Arg., II,

I, p. 494 et seq.; Gosselin, II, 350-352. Hésitations de Henri HI : Sau- vigay, Hist. de Henri III, Paris, 1778, in-8°; Ranke, Rœmische Psepste,

II, p. 150 et suiv., 169 et suiv. Sixte-Quint, sur les frères Guise, ibid., p. 169; Tempesti, Vita di Sisto V, t. I, p. 346 et seq.; t. II, p. 137. Avis de la faculté théologique de Paris, dans les Additions au journal de Henri III, t. I, p. 317; Ranke, p. 188. Plus tard, le 1" févr. 1717, il fut déclaré : « Facultatem décréta praetensa pro suis non agnoscere nec uraquam agnovisse, » qu'elle n'avait pas été libre de 1588 à 1590. Du Plessis d'Arg., II, i, p. 484 et seq., 493 et seq.; J. Boucher, De justa Henrici 111 abdioatione, 1588; H. Grotius, Append. de Anlichr., p. 59, Amst., 1641, remarque que le livre n'est pas tiré de Mariana et Can- tarelli, mais de Junius Brutus.

Henri IV et sa conversion.

193. Avec Henri III expirait la branche des Valois, qui régnaient depuis 1328. Henri de Navarre prit désormais le titre de roi de France. Issu de la maison de Bourbon, il descendait du qua- trième fils de Louis IX, le comte Robert de Clermont, qui avait épousé l'héritière de Bourbon, Beatrix de Bourgogne, et avait

48i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

eu d'elle le prince Louis, devenu duc de Bourbon en 1327. Comme Henri IV était calviniste et excommunié, il ne fut point reconnu par l'Espagne ni par la Ligue, Celle-ci combattit sous le nom du cardinal de BourlK^n, qu'elle nomma Charles X (mort le 8 mai 1590); mais le cardinal ne fut pas reconnu par le Saint-Siège, qui ne s'occupait qu'à écarter du trône un prince hérétique.

La crainte de la prépondérance espagnole et les bonnes qua- lités du nouveau souverain décidèrent beaucoup de catholiques de France à le reconnaître. Venise travaillait dans ce sens ; le pape Sixte-Quint comptait toujours qu'il rentrerait dans le sein de l'Église.

(rrégoire XIV se prononça contre le roi protestant et renou- vela la déclaration de son prédécesseur ; Philippe II envoya des troupes à la Ligue, et les IMémontais envahirent la France. Henri IV fut vainqueur et se déroba à la poursuite des catho- liques. Clément VIII usa de prudence et de discrétion. Le roi se persuada de plus en plus qu'il n'arriverait jamais, comme cal- viniste, à posséder la France en paix, et chaque jour il se fami- liarisait davantage avec l'idée de sa conversion. Son ami et mi- nistre Sully le poussait dans cette voie. Enfin, le 25 juillet 1593, il fit à Saint-Denis sa profession de foi catholique et reçut l'abso- lution de l'archevêque de Bourges, sous réserve de l'approbation du pape ; celle-ci arriva deux ans après. Le 22 mai 1 59i, Henri IV, au mili-eu des acclamations du peuple, entrait dans Paris, occupé jusque-là par la Ligue et le comité des Seize. La Sorbonne elle-même prêta le serment de fidélité (22 avril), et établit cette fois de tout autres principes qu'en 1589. La Ligue fut dissoute, et la tranquillité parut assurée en France jusqu'en 1596. Henri IV avait promis au peuple de restaurer la catholicisme dans le Béarn, d'introduire le concile de Trente, de faire exactement observer le concordat, et d'élever l'héritier du trône dans la foi catholique. Il vint aussi plus d'une fois au secours du Saint- Siège.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 193.

.lournal de Ifcnry IV; Collection, t. XLVI et seq.; Anquetil, II, 266 et seq.; III, 2 et seq.; Bordes, p. 240 et seq.; P. Féret, Henri IV et l'Église cath., Paris, 1875; Dussieux, Lettres intimes de Henri IV,

LE PROTESTANTISME. 185

Paris, 1876; A. Franklin, Journal du siège de Paris en 1590, Paris, 1876; Recueil de lettres missives de Henri IV, t. I-VIII, t. IX, Suppl., par Guadet, Paris, 1870. Grégoire XIV contre Henri : Spondan., an. 1591, n. 4; Ranke, Paepste, II, p. 222-225. Voy. ibid., p. 172 et suiv., 215 et suiv. Sur l'absolution de Henri IV : de Thou, t. VII, 1. CVII, CXIII, p. 32 et seq., 473-476, est inexact. Defensio Decl. Cleri Gall., p. I, lib. III, c. xxviii, p. 335, éd. Mog. Plus exacts : les Ambassades du card. Duperron, t. I. Ranke, II, p. 238 et suiv., 244 et suiv.; Lœmnier, Analecla Rom., 1861, p. 151 et suiv.; Arlaud, Hist. des souv. Pont., t. V, p. 45 et seq.; Stœhelin, der Uebertritt Kœnig Hein- richs IV zur rœm.-kath. Kirche, Râle, 1856; Poirson, Hist. du règne de Henri IV. Sur lui, Villemain, Ami de la religion, 3 sept. 1857, n. 1202. Serment de fidélité de la Sorbonne: du Plessis d'Argentré, II, I, p. 505-508.

L'édit de Nantes.

494. Les calvinistes, très mécontents du retour du roi dans le sein de l'Église, se révoltèrent de nouveau et tâchèrent de vendre leur soumission aussi chèrement que possible. Henri IV, pour les apaiser, publia l'édit de Nantes (13 avril 1598), qui leur permettait, sauf de légères restrictions, de séjourner dans le royaume et d'y célébrer leur culte, d'occuper des fonctions publiques, de fonder des écoles et des établissements. Ils devaient rétablir le culte catholique il avait été supprimé, obser- ver au moins extérieurement les fêtes catholiques, se conformer aux lois ecclésiastiques sur le mariage, renoncer à toute intri- gue et à toute alliance avec l'étranger ; ils auraient des cham- bres particulières aux parlements de Grenoble et de Bordeaux, et tiendraient librement leurs synodes. Leurs universités de Saumur, Sedan, Montpellier et Montauban furent confirmées ; on leur donna des places de sûreté pour huit ans, et l'on autorisa des subsides en argent pour les faire occuper et pour subvenir aux besoins du culte. Il fallut user des plus grandes rigueurs pour faire enregistrer l'édit au parlement de Paris (25 février 1599), et encore ne le fut-il qu'avec des restrictions.

Les calvinistes, à leur tour, furent longtemps avant de se montrer satisfaits de ces concessions ; ils ne firent rétablir le culte catholique ni dans le Béaru ni dans leurs places de sûreté, se montrèrent intolérants envers les cathohques, et outragèrent surtout le Sacrement de l'autel : par exemple, Philippe Duplessis

486 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Mornay (4599), dans un ouvrage que l'évêque Duperron réfuta en 1600 dans une dispute publique. Dans leur synode de Gap (1603), ils établirent comme articles de foi (31) que le pape est le véritable Antéchrist, essayèrent de présenter les doctrines catholiques comme dangereuses à l'État, en dissimulant en faveur de la puissance royale leurs anciennes doctrines. Leur nombre était toujours considérable : ils comptaient 760 districts ecclésiastiques et 4,000 gentilshommes.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 194.

Picot, Eaeai histor., éd. Rruxell., 1824, t. I, p. 4i0 et seq.; Benoist (prédicant calvin.), llist. de l'édit de Nantes, app., p. 92 et seq.; Daniel, XII, 307 et seq., 388; Vaissette, V, 494; Ranke, Franzœs. Gesch., Il, p. 420 etsuiv.; Segretain, Sixte-Quint et Henri IV, Paris, 1861, p. 420; Négociations diplom. et politiques du président Jeannin, 1598- 1620, Orléans, 1873; Phil. Duplessis-Mornay , de l'Institution, Usage et Doctrine du saint Sacrement de l'Euchar. en Église ancienne, com- ment et quand et par quels degrés la Messe s'est introduite en sa place. Jugement de la Sorbonne sur cet ouvrage, juin 1599 : du Plessis d'Arg.,II, I, p. 535-537, et Duperron, Traité sur l'Euchar., Œuvres, 1. 1, Paris, 1620, in-f». Synode de Gap : Aymon, Synodes nat. des Églises réformées de France, t. 1, 258. Cf. p. 272; II, p. 106 et seq.; Bianchi, t. I, lib. 1, § 6, p. 49 et seq.; mon ouvrage cité, p. 488, n. 7. Passages des synodes sur le catholicisme, l'ecueillis dans Brück, Lehi'b., éd., p. 622 et suiv.; Anm., Organisation des huguenots depuis 1598; Ben- tivoglio, Rclazioni, Venezia, 1636^ p. 194 et seq.; Milano, 1806, p. 235 et seq.; Badoer, Uelaz. di Francia, 1605, dans Ranke, II, p. 426.

Troubles excités par les calvinistes. Ils sont réprimés par Richelieu.

195. Lorsque Henri IV fut assassiné par Ravaillac, le 14 mai 1610, son fils et successeur Louis XIII (1610-1643) n'avait que neuf ans. Sa mère, Marie de Médicis, se chargea de la régence, mais elle fut au-dessous de sa tâche. Elle confirma l'édit do Nantes et approuva les places de sûreté pour cinq autres années. Cependant les désordres ne faisaient que s'accroître. Les huguenots refusaient de remplir les conditions de l'édit do Nantes favorables aux catholiques, et devenaient chaque jour plus exigeants. Ils se soulevèrent dans le Languedoc en 1615, à la Rochelle on 1621, supprimèrent Le culte catholique en

I,K PROTESTANTISME. 487

divers endroits, démolirent les cathédrales reconstruites par les catholiques, formèrent des alliances avec les princes étrangers, se formalisèrent même du mariage du jeune roi avec une infante espagnole, et s'insurgèrent contre la paix de Montpellier, consentie en leur faveur (1622).

Cependant les conversions au catholicisme se multipliaient, et le gouvernement acquit la conviction qu'il était impossible de gouverner avec un parti qui prétendait former un État dans l'État. Depuis 1621, il s'efforça de restreindre la puissance des réformés, et fit surveiller les assemblées des huguenots par des commissaires (1622). Le ministre et cardinal de Richelieu (1624-1642) combattit leurs empiétements avec énergie. Riche- lieu, dans les affaires de religion, n'agissait que par des rues politiques, bien qu'il eût autrefois, notamment comme évèque de Luçon, prêché avec zèle et écrit des traités de théologie. Il essaya de supprimer les huguenots en tant que parti politique. Après avoir, en 1625, vaincu les rebelles, qui déjà recrutaient des mercenaires, enlevaient les caisses royales, concluaient des alliances avec l'étranger et profitaient de tous les embarras de la cour, il usa de modération et de douceur, et laissa subsister l'édit de Nantes.

En 1627, les huguenots, alliés avec l'Angleterre, se soule- vèrent de nouveau. Le roi était dangereusement malade, le trésor passablement épuisé, le ministre aux prises avec divers partis, et lord Buckingham arrivait au secours des rebelles avec une flotte anglaise. Richelieu révéla dans le danger la vigueur de son génie. Il força les Anglais à rebrousser chemin, mit les chefs des huguenots au ban du royaume après de vains pour- parlers, et commença le siège de la Rochelle, leur principal boulevard. La ville, malgré les deux flottes envoyées à sou secours par les Anglais, fut obligée de se rendre (22 octobre 1628). Ainsi fut brisée la puissance des calvinistes, qui en tom- bant ferma l'ère des guerres civiles. Les citadelles et les places de sûreté furent démoUes, et le culte catholique introduit même dans les localités protestantes; ceux qui se soumirent, furent traités avec douceur et ménagement ; on alla jusqu'à rendre aux chefs leurs dignités et leurs biens. L edit de grâce de Mmes (1629) maintint l'édit de Nantes. Richelieu, on .trénéral, traita les protestants vaincus d'une façon incomparablement

488 HISTOIRE DE L EGLISE.

plus généreuse qu'Elisabeth et ses successeurs ne traitèrent les catholiques irlandais.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 193.

Le Vassor, Hist. de Louis XIll, Amst., 1737, 18 vol. in-12; Aubery, Hist. du card. duc de Richelieu, Paris, 1630, 2 vol.; d'Avrigny, Mémoires chronol. et dogin., Nismes, 1781, I, 173 et seq.; Ménard, V, 440 et seq.; F.-E. de Mézeray, Hist. de la mère et du fils, c'est-à-dire, de Marie de Médicis, femme du Grand Henry et mère de Louis XIII, Amst., 1730, 2 vol.; Aumel, Lettres, Instructions, Dipl. et Papiers d'État du card. de Richelieu, Paris, 1833 et seq.; Malingre, Hist. des derniers troubles arrivif'S eu France, p. 789; Picot, p. 426 et seq., 522 et seq.; Topin, Louis Xlli et Richelieu (Correspondant, 1873), Paris, 1876; Kerviler, la Presse politique sous Richelieu (Correspon- dant, 10 mars 1876); Fr. Raumer, Gesch. Europa's seit dem Ende des XV Jahrb., IV, p. 43 et suiv.; Ranke, Rœmische Psepste, II, p. 473 et suiv., 310 et suiv., 323 et suiv.

I^e pro((\<»lanti.<«iue dans les Pays-Oa$i.

Domination de Charles-Quint dans les Pays-Bas. Mécon- tentement sous Philippe II.

196. Les Pays-lUis, par l'étendue de leur commerce, par leurs richesses, par les idées libérales qui y dominaient et par l'in- fluence des bumaiiistes. offraient un terrain propice aux protes- tants. Charles-Qniut y fit publier l'édit de Worms, nomma deux inquisiteurs (4522), et fit agir les autorités contre les partisans de Luther, dont les ang-ustins d'Anvers faisaient partie. Henri Voes et Jean Esch furent brûlés comme hérétiques (1523). On vit bientôt paraître aussi dans les provinces du Nord des ana- baptistes, qui se propagèrent très rapidement. De vient que les lois impériales redoublaient de sévérité d'année en année. iMarguerito de Parme, sœur de Charles, essaya, en sa qualité de gouvernante, de tempérer une foule de mesures.

Une traduction hollandaise de la Bible selon les principes de Luther, par Jacques Liesveld, parut en 1525 et se répandit en secret. Cependant, tant (jue régna Charles-Quint, les novateurs n'arrivèrent jamais à former des communautés réelles, et ils ne trouvèrent que peu d'écho auprès des autorités des villes. Lorsque l'empereur confia à son fils Philippe II (1555) les dix-

LE PROTESTANTISME. 480

sept provinces des Pays-Bas, la tranquillité régnait encore au dehors. Mais plusieurs ambitieux, ainsi que la petite noblesse, obérée de dettes, ne tardèrent pas à se servir de la nouvelle doctrine pour soulever la multitude contre le roi : ils représen- tèrent ses ordonnances comme funestes aux libertés de la nation, se plaignirent des fonctionnaires et des troupes espa- gnoles (jui occupaient le pays, du ministre le cardinal Gran- velle, (le l'intolérance religieuse du gouvernement. A dater de 45o9, le roi, moins aimé que son père, ne parut plus dans le pays.

Philippe II n'était rien moins qu'un tyran maladroit. Il cédait volontiers en matière politique; mais il tenait rigoureusement à tout ce qui pouvait servir à la conservation de la foi catho- lique, notamment à la procédure contre les hérétiques et aux droits de l'épiscopat. Comme il n'y avait dans les dix-sept pro- vinces que quatre évêchés, placés sous des métropoles étran- gères (Cologne, Trêves et Reims), il obtint de Paul IV en 1559 l'érection de trois archevêchés (Malines, Cambrai et Utrecht) et de quatorze évêchés nouveaux. Les dotations furent fournies par des abbayes et des prieurés, par des particuliers et par le roi. La tâche principale des évêques devait être de réformer la discipline.

Les nobles et le clergé se plaignirent de la violation de leurs droits : ces plaintes, dans la bouche de plusieurs, ne servaient qu'à déguiser leur apostasie. L'ambitieux Guillaume de Nassau- Orange, gouverneur de Hollande et d'autres provinces, aspirait depuis longtemps à devenir gouverneur général et ne rêvait que conspirations; il sut entretenir l'aigreur croissante de la multitude. Après la mort d'Anne d'ßgmont (1561), il épousa en secondes noces la fille de Maurice, prince électeur de Saxe, afin d'avoir plus d'influence sur l'Allemagne et d'y trouver de l'appui. Il trompa ouvertement le roi lorsqu'il lui promit que sa femme vivrait en catholique ; lui-même était sans foi et sans religion, habitué à dissimuler ses sentiments et à soulever le peuple. Il en était de même de Lamoral comte d'Egmont et du comte de Horn, dont les desseins ambitieux étaient un péril pour le roi. Ils essayèrent d'abord de renverser le ministre car- dinal Granvelle, qui devint archevêque de Malines.

490 HISTOIRE DE l'ÉGLKE.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 196.

F. Stradœ, S. J., Hist. belgicœ duse décades, 2 tomi, Rom., 1640-1647 et souvent (ouvrage classique); Hist. délia guerra di Fiandra descritta dal Card. Bentivoglio (jusqu'en 1609), Colon., 1623, in-4°; Henne, Hist. du règne de Chades-Quint en Belgique, Bruxell,, 1858 et seq.; Th. Juste, Hist. de la révolution des Pays-Bas sous Pliil. H, Brux. et Leips., p. 1, 1855, 2 vol.; p. II, 1863; les Pays-Bas au XVI'^ siècle, Vie de Marnix de Sainte-Aldegonde (1538-1598), Brux. et Paris, 1858; Gachard, Correspond, de Piiil. II sur les allaires des Pays-Bas, Brux., 1848, vol. I; 1854, vol. II; 1859, vol. HI; Holzwarth, der Abfall der Niederlande, i vol. (1539-1566), Schaffhouse, 1865. Ponti Heuteri, Reruni belgi- carum libri XV, Amst., 1590; Gerh. Brandt, Historie der Reformation en andere kerkelyke Geschiedenissen in en Omtrent de Nederlanden, Amst. et Rot., 1671, 1704, t. IV. Extrait : Hist. abrégée de la reform, des Pays-Bas, trad. du hollandais, Amst., 1730, t. III; Meteren, Niederleend. Historien v. Anf. des Krieges an bis z. J. 1611, éditée en hollandais, puis en allemand, Arnheim, 1612 et suiv. Continuation : Meteranus novus, Amst., 1640; Hoofts, Nederland. Historien (1555- 1587), Amst., 1703, in-f«; Gerdes., Hist. reform., t. III, p. 1 et seq.; Wagenaar, Allg. Gesch. der verein. Niederlande, Leipzig, 1758, t. III; Van der Vynkt, Hist. des troubles des Pays-Bas sous Phil. Il, éd. par J. Tarte, Brux., 1822, 2 vol.; H. Leo, Zwœlf Bücher iiiederleend. Gesch., Halle, 1835, 2 part., et Lehrb. der Univ.-Gesch., III, p. 320 et suiv.; Prescott, Gesch. d. Reg. Philipps II , trad. de l'anglais par Scherer, Leipzig, 1857; J.-L. Motley, der Abfall der Niederl., Dresde, 1857 et suiv., 3 vol. (peu solide); M. Koch, Ueber die Empœrung und den Abfall der Niederlande von Spanien, Leipzig, 1860; Nugens, Gesch. des niederl. Aufruhrs, 1865-1870, 4 vol. Autres ouvrages dans Sybels hist. Ztschr., 1859, t. II, p. 180-192.

Sur le n" 196 en particulier : Gachard, Analectes belg., Brux., 1830, vol. I; Carl V à .Marie de Hongrie, 1531. Sur l'attitude de Philippe : Raïike, Rœm. Pœpste, H, p. 54; Holzwarth, op. cit., I, p. 18 et suiv., 27 et suiv.; Hist. -pol. Bl., 1840, t. VI, p. 193 et suiv., 269 et suiv. Const. de Paul IV Super universas orbis Ecclesias, 14 mai 1559 : Bull. Rom., VI, 559 et seq.; Rayn., an. 1559, n. 34, 35. Précédemment il n'y avait que les évêchés d'Utrecht, Arras, Cambrai et Tournay. II avait déjà été question sous Charles-Quint d'augmenter le nombre des diocèses : Holzwarth, I, p. 68 et suiv., 417, n. 1-4. Papiers d'État du card. de Granvelle, Paris, 1841 et seq., 3 t. 10-4°; Holzwarth, I, p. 34-37; Grocn van Prinsterer, Archives ou Correspond, inéd. de la maison d'Orange-Nassau, I" série, 1835; Gâchait, Correspondance de Guil- laume le Taciturne, Bruxelles, 1850.

LE PROTESTANTISME. 491

Les gueux.

197. Les mécontents virent dans l'augmentation des évêchés une mesure offensante pour les États, attentatoire aux fran- chises du pays et aux droits des anciennes fondations, et servant de prélude à l'établissement de l'Inquisition espagnole : ils sou- levèrent contre elle un grand nombre de villes , comme Anvers, et essayèrent par mille moyens de s'y opposer. Phi- lippe II s'était borné à maintenir les lois religieuses et l'Inqui- sition établie par Charles-Quint; il ne les avait pas changées, et cependant elles soulevèrent de vives réclamations. Depuis 1563, Marguerite de Parme se tourna également contre le cardinal ; et quand celui-ci dut résigner sa charge en 1564, elle tomba de plus en plus dans les filets des conspirateurs, dont les relations avec l'étranger, surtout avec le frère de Guillaume d'Orange, Louis de Nassau, qui avait embrassé le calvinisme à Genève, étaient notoires. En mars 1566, plusieurs gentilshommes for" nièrent une alliance appelée compromis, soi-disant pour dé- fendre les droits du pays, mais au fond dans des vues complé- ment révolutionnaires. Ils gagnèrent de nouveaux adhérents et marchèrent par troupes nombreuses contre Bruxelles, pour leur requête à la gouvernante. Le comte de Berlaimont les ayant appelés un ramassis de mendiants, de gueux, ils adoptè- rent ce nom de « gueux ».

Bientôt on vit affluer une multitude de prédicants calvi- nistes, et, en 1566 déjà, les égUses et les images étaient dé- truites avec une véritable frénésie. Les attentats inouïs qui se commirent alors, ouvrirent les yeux à plusieurs catholiques qui s'étaient jetés dans le mouvement. La gouvernante, jusque-là timide et irrésolue, reprit le dessus et défit les insurgés. Le culte catholique fut restauré, et l'on obligea les fonctionnaires et les vassaux à s'engager par serment à le maintenir. Guil- laume d'Orange s'enfuit en Allemagne ; le comte d'Egmont alla auprès du roi d'Espagne. En 1567, le calme semblait rétabli. L'apparition personnelle du roi, une attitude à la fois ferme et modérée de la part du gouvernement auraient, dans l'état de faiblesse se trouvait encore l'hérésie, prévenu bien des cala- mités.

492 HISTOIRE DE L EGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 197.

Holzwarth, F, p. 78 et suiv., 344 et suiv.; t. II, pe ggot. (1566-1572), ScbaÖh.,1871, p. 1 et suiv.

Le duc d'Albe. Révolte contre l'Espagne.

198. Mais Philippe II, nature inflexible, envoya d'Italie dans les Pays-Bas le duc d'Albe. avec une armée de 10,000 hommes, formée de ses meilleures troupes, tant pour punir les attentats perpétrés que pour en empêcher le retour, fermement résola ou à maintenir la religion catholique dans ces provinces, ou à perdre celles-ci s'il le fallait. Le duc, qui cachait une âme de fer sous l'enveloppe d'un soldat, procéda rigoureusement selon le droit de la guerre, et fit incarcérer les comtes d'Egmont et de Horn, comme complices des troubles précédents. Marguerite de Parme, se sentant blessée, demanda et obtint son congé, et Albe devint gouverneur général. Il régna par les arrestations et les supplices ; Egmont et Horn montèrent sur l'échafaud le 0 juin J568, et d'autres les suivirent. Les maisons des con- damnés furent démolies, leurs biens confisqués. Le pays était entièrement sous le régime militaire.

La sévérité du duc, même dans la perception de nouveaux impôts, accrut la haine des Néerlandais. Guillaume et Louis d'Orange fireut d'Allemagne et de France des invasions en Hollande, tandis que d'autres (les gueux do mer) parcouraient la mer en pirates, et, en 1572, s'emparaient de la ville de Brielle, avec le secours de l'Angleterre. Plusieurs villes du Nord embras- sèrent leur cause et recdiinurent pour chef Guillaume d'Orange, qui portait le titre de gouverneur royal. La liberté de religion fut, il est vrai, accordée à tous les partis; mais les prêtres calboliques et les moines furent affreusement maltraités et mis à mort. Tel fut, notamment, le sort que les soldats de Guillaume firent subir à Gorkum dans l'été do 1572 à dix-neuf ecclésias- tiques. Bientôt les provinces du Sud s'unirent à la Hollande et à la Zélande pour repousser les garnisons espagnoles et suppri- mer les édits de religion. La révolte gagnait du terrain. Leduc d'Albe battit rennemi chaque fois qu'il le rencontra en pleine campagne ; mais il trouva la plus sérieuse résistance dans les villes de Zélande et de Hollande, le protestantisme comptait

LE PROTESTANTISME. 493

le plus d'adhérents. Cepoiidaut Harlem fut obligé do se rendre. Uuo députatioa partit pour l'Espague et fut bien accueillie du roi, qui résolut de remplacer le trop sévère Albe par un gouverneur moins rigide.

OUVRAGES k CONSULTER SUR LE d98.

Cavalli, Dispaccio di Spagna, 7 août 1567; Ranke, Rœm. Paepste, IF, p. 57 et suiv., 69 et suiv,; Leo, Univ. -Gesch., III, p. 374 et suiv.; Nie- derlsendische Gesch., II, p. 510 et suiv.; Th. Juste, le Comte dEgmont et le Comte de Bornes, Brux., 1862. Martyrs de 1572, canonisés en 1867 : Theatrumcrudelitatumhcereticorum nostri temporis, Antw., 1588, p. 58 ; Histoire des martyrs de Gorkum (par Wilh, Estius), en al- lem., Warendorf, 1867.

Guillaume d'Orange. Pacification de Gand. Séparation de la Belgique et de la Hollande.

199. Le successeur d'Albe, Louis Requesens (1572-1576), était moins belliqueux et plus modéré. Il aurait peut-être réta- bli la tranquillité, si Guillaume d'Orange, qui aspirait lui-même à gouverner, n'eût empêché toute réconciliation avec le roi, qu'il injuriait de la façon la plus indigne. Il travaillait de plus en plus à assurer la prépondérance du calvinisme en Hollande. Après la mort de Requesens, le conseil d'État prit les rênes du gouvernement ; mais il manquait de force et d'unité. Les sol- dats espagnols, mal payés, se révoltèrent et saccagèrent Anvers. Alors les provinces du Sud et du Nord se promirent assistance mutuelle par la pacification de Gand, et prirent elles-mêmes le gouvernement en main. Le nouveau gouverneur envoyé par le roi, don Juan d'Autriche, fils naturel de Charles-Quint, ne fut reconnu qu'après avoir accepté la pacification de Gand et congédié les troupes espagnoles. De son côté, Guillaume d'Orange menaçait le Midi ; mais les provinces wallones et la noblesse catholique s'opposèrent à l'invasion du protestantisme, et servirent d'appui à don Juan, Si encUn qu'il fût à la modé- ration, ainsi qu'il le montra dans son « édit perpétuel » du 17 février 1577, don Juan ne fut pas moins obligé de lutter incessamment contre la révolte. Il conserva Luxembourg, occupa Namur, soumit quelques localités, soit par les armes, soit par des traités.

L'évêque d'Arras, M. Moulart, essaya de réconcilier déûniti-

494 HiSTOiMi; DE l'église.

vement les rebelles avec le roi. Le successeur de don Juan (mort en 1578), Alexandre Farnèse, duc de Parme, poursuivit avec succès la guerre contre les provinces du Nord et les négo- ciations avec les provinces du Sud; il ramena celles-ci (la Bel- gique) sous l'obéissance du roi, moyennant des restrictions, que ce prince fut obligé d'accepter. Il obtint que de nouvelles troupes espagnoles reviendraient dans le pays, et acquit les villes de Dunkerque, Bruges, Ypres et Gand, Bruxelles, Malines et Anvers. La Belgique redevint de plus en plus un pays franche- ment catholique.

OUVRAGES A CONSULTER 3UR LE 199.

Holzwarth, t. 11, sect. 11(1572-1584); Gachard, Corresp. de Phil. II sur les affaires des Pays-Bas, t. IV, Brux., 1861, et Actes des états généraux des Pays-Bas, 1576-1383, t. I, Brux., h. a.; Blaes, Mémoires anon. sur les troubles des P.-B., et Mém. de Pontus Payen, t. II; Nuijens, la Pacification de Gand, 1576 (Revue générale, juillet et août 1876); Jacobs, les Catholiques belges sous D. Juan d'Autriche (ibid., mars 1877); Blaes, Mém. sur Em. de Lalaing, baron de Montigny, Brux., 1862; Ranke, II, p. 71-7.3, 8,3, 98-110.

La république hollandaise.

200. La Hollande (le Nord), différait de la Belgique aussi bien sous le rapport politique que sous le rapport religieux. Guil- laume continuait de régner en Hollande, bien que l'archiduc Mathias, puis François, duc d'Anjou, eussent été proclamés gouverneurs par les partis de la noblesse. La réunion de la Hollande, de la Zélande, de la Frise, de Gueldre et de Zutphen, en 4.579, posa les bases de la république hollandaise. A ces cinq provinces se joignirent, en 1580, Over-Yssel, et, en 1594, Groningue. Le tout reçut le nom de Hollande.

Le 20 décembre 1581, contrairement à ses anciennes pro- messes, Guillaume interdisait l'exercice public du culte catho- lique, et, en 1580, mourait le premier et dernier archevêque d'Utrecht, Frédéric Schenk de Trautenberg. Deux successeurs nommés par l'Espagne n'occupèrent pas leur siège.

En 1583, Grégoire XllI nomma un vicaire apostolique pour la mission hollandaise, dont la haute inspection fut confiée au nonce de Bruxelles en 1597. Le vicaire Su.sboldd Wosracr fut

LE PROTESTANTISME. 495

exilé, et mourut à Cologne en 1614. Guillaume d'Orange, tué d'un coup de feu par le Bourguignon Balthasar Gérard, eut pour successeur son fils Maurice. La guerre continua jusqu'à l'armistice de 1C09, qui fut conclu pour douze années. Ce terme écoulé (1621), elle éclata de nouveau; mais Maurice d'Orange, malade depuis 1622, la conduisit avec moins de vigueur. 11 mourut le 23 avril 1625, et fut remplacé par son frère Frédéric- Henri.

En 1625, Richelieu s'étant servi de la flotte des Pays-Bas contre les huguenots, le synode d'Over-Yssel obtint, en 1626, le rappel des vaisseaux. Il y eut encore des combats entre la Hollande et l'Espagne, jusqu'à ce que celle-ci eût reconnu, par le traité de Munster (30 janvier 1648), l'indépendance des pro- vinces du Nord. Le fanatisme et l'intolérance des protestants de Hollande firent peser sur les catholiques du pays (les deux cin- quièmes) un joug insupportable. Le calvinisme, qui avait déjà laissé son empreinte dans la confession belge de 1562, reçut des synodes de Dordrecht, en 1574 et 1618, une forme plus arrêtée, et fut, à dater de 1575, expressément soutenu par la nouvelle université de Leyde.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 200.

Guillaume d'Orange manque de parole aux catholiques : Stoupe, la Religion des Hollandais, 1672, p. 12; A. Arnauld, Œuvres, XIV, 509; Dœllinger, Kirche u. Kirchen, p. 64, n. 1. Situation des catho- liques : Bentivoglio, Relat., p. 163 et seq.; Q. Mejer, Propaganda, II, p. 81 et suiv. Le second vicaire apostolique, Philippe Roven dArden- sal, archevêque de Philippi depuis 1629, mourut également en exil (1" oct. 1651). Confessio belgica, 1562. Augusti, Corp. libr. syrabol. Eccl. réf., p. 170 et seq.; Synod. Dordracena, ci-dessous, § 226; Wage- mann, die Stiftung der Umversitaet Leyden (Jahrbücher für deutsche TheoL, 1875, 1); Schotel, de Académie te Leiden in de 16, 17, en 18, eeuw., Haarlem, 1875.

Prog-rè»> du protestanüsuie en Espag'ne et en Italie.

Les protestants d'Espagne.

201. Quelques partisans de Luther et de Calvin se mon- trèrent dans la péninsule pyrénéenne et dans la péninsule apenniue, mais leurs idées trouvèrent généralement peu de

496 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

crédit. En revanche, le mépris do l'autorité ecclésiastique, la liberté chrétienne hautement proclamée, la fermentation géné- rale des esprits, conduisirent à de nombreux égarements, dont quelques-uns, plus graves encore que ceux du protestantisme, aboutirent jusqu'à l'athéisme absolu. Les ouvrages de Luther et des autres réformateurs étaient sans doute interdits, mais on hsait avec d'autant plus d'avidité les divers écrits des huma- nistes, dangereux pour la foi, principalement ceux d'Érasme. C'était Érasme qu'invoquaient en Espagne ceux qui ne vou- laient point nommer Luther, et ils le faisaient avec d'autant plus de hardiesse que Rome, pour prévenir de plus grands excès, s'était abstenue de le condamner. L'université de Paris fut la première qui le proscrivit.

François Enzinas (Dryander) composa uue traduction protes- tante de la Bible à Tusage des Espagnols. Emprisonné pendant quelque temps à Bruxelles, il recouvra la liberté en 1548, et se rendit à Bàle, d'où il fut bientôt contraint de sortir pour avoir blâmé l'ignorance qui régnait dans cette ville. Un autre Espa- gnol, Jean Diaz, fut l'auditeur de Calvin à Genève, et résida à Strasbourg. René-Gonzalve Montan, ancien dominicain, puis calviniste, vivait également à l'étranger, de même que Michel Servet, qui rejetait expressément le dogme do la Trinité.

Vers 1558-1560, l'Espagne elle-même parut sérieusement menacée par l'hérésie, et Paul IV se donna toutes les peines du monde pour la combattre. Cependant lactivité prodigieuse déployée par d'illustres théologiens de ce pays et par l'Inquisi- tion empêcha les succès du protestantisme. Les plus hauts digni- taires de l'Église étaient eux-mêmes justiciables de ce dernier tribunal : ainsi Barthélémy Carranza, archevêque de Tolède, de l'ordre des dominicains, fut soumis à une enquête d'abord en Espagne, de 1559 à 1567, puis à Kome, de 1567 à 1576 ; mais on ne put le convaincre d'aucune hérésie.

OUVRAGES A CONSULTEn ET HEMAllyCES CRITIQUES SUR LE 201.

Lecture d'Érasme en Espagne : Aleander à Sanga, 30 déc. 153! ; Lspmmer, Mon. Vat., p. 94, n. 69. Commerce épistolaire d'Érasme avec l'EspagriH : lleifferich, dans Niedners Ztschr. für hist. Theol., 1859; Gonsalvo de Illescas, Historia Pontifical y catolica, Madrid, 1552; Schrœckh, K. seit der Ref., Il, p. 792 et suiv.; Th. M'Crie, Gesch.

LE PROIKSIANTISME. 197

der Ausbreitung und Cnterdnickiirig d. lU-f. in Spanien, trad. de l'anglais par Plieninger, Sliiltg., 183^; Fraucisca llernandez u. Fray Fr. Ortiz. Anfsengc ref. Bewegungen in Spanien unter Carl V, par E. Bœhmer, Leipzig, 1865 ; Ad. de Castro, Hist. de los protestantes espa- fioles y de su persecucion por Felipe II, Cadiz, 1851 (en allem, par Herz, Frankf. , 186ß), œuvre très peu scientifique. Voy. Sybels hist. Ztschr., XV, p. 451 ; Bœhmer, Hibliotheca Wiffeniana, ou Spanish Re- formers, Strasb., 1874. Sur Franc. Enzinas (ou Duchesne), voy. Ochs, Gesch. der Stadt und Laudsch., Bâle, VI, p. 203 ; Dœllinger, Réf., I, p. 563; Canipanus, dans l'éd. de ses Mémoires, Bruxell., 1862 et seq. (écrits après son évasion de la prison, 1545). Sur Servede (ou Servet), en 1499 à Villeneuve, en Aragon, juriste, philosophe, théologien et médecin (depuis 1536), voy. ci-dessus, § M 6. Sur les dangers qui mena- çaient le catholicisme en Espagne dans les premiers temps du règne de Philippe, voy. Raynald., an. 1559, n. 15 et seq.; 1560, n. 22. Sur Barthél. Carranza, auteur de la Summa Conciliorum, Rom., 1546, et d'autres ouvrages, parmi lesquels ses Commentarios sobre el Catecismo crestiano, que les censeurs de Trente épargnèrent en 1563, étaient le principal objet de l'accusation élevée contre lui : v. Rayn., an. 1559, n. 20; 1560, n. 22 et seq.; 1563, n. 137 et seq.; Pallav., Hist. Conc. Trid., XXI, vu, 7; Llorente, Hist. critique de l'Inquisition d'Espagne, t. III, p. 184-315.

Les protestants en Italie.

202. Eu Italie, Jean Valdez, .secrétaire du vice-roi do Naples, se fit le propagateur des nouvelles doctrines. Le livre du Bien- fait de Jésus-Christ, attribué à .\onio Paleario, émanait, dit-on, de son disciple, un moine de San-Severino. Ce livre, revu par Flaminio, réimprimé à diverses reprises et en différentes langues, fut condamné à la fois par la Sorbonne et par l'in- quisition. A Naples , plusieurs femmes, et pendant quelque temps Victoria Colonna , ainsi que beaucoup de maîtres d'école, embrassèrent ces doctrines. Les nouveautés trouvèrent également de l'écho à Turin, quelques augustins soutenaient les propositions de Luther ; à Pavie, le libraire Calvi répan- dait ses écrits ; à Venise, l'on imprimait quelques traductions de ses livres et les Loci de Mélanchthon ; à Ferrare, la du- chesse Renée (qui mourut en France en 1575) favorisait les sec- taires ; à Florence, Antoine Brncioli (expulsé en 1522, arrêté en 1529 et chassé une seconde fois) travaillait à une traduction de la Bible, sans parler d'autres villes. Mais si le protestantisme

v. HIST. DE L'ÉliUSE. 32

498 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

njmptait des partisans en Italie, il en était très peu qui accep- tassent toutes les propositions du réformateur.

Flaminio développait des idées protestantes, mais il recon- naissait l'autorité du pape; Jean-B. Folengo mourut dans l'or- dre des bénédictins ; Antoine dei Pagliarici,de Sienne (mort en 1568), Carneschi de Florence, J.-B. Rotto de Bologne, Isidore Clario, Antoine de Voiterra, n'adhéraient que partiellement à la réforme. Ceux qui se rattachaient à la nouvelle doctrine, froi- dement accueillie, furent obligés de quitter l'Italie : ainsi l'an- cien nonce, Pierre-Paul Vergerius, suspect d'hérésie depuis 1541 ; il se réfugia en Suisse en 1549, dans le Wurtemberg en 1553 (et mourut à Tubingue en 1565) ; Bernardin Ochino, fran- ciscain, puis capucin, qui se maria à Genève et devint profes- seur à Oxford ; Pierre- Martyr Vermigli, qui s'enfuit k Zurich, puis à Oxford et à Strasbourg, et résida de nouveau à Zurich en 1556 ; Philippe Valentino, qui se rendit à Trente ; Castelvetri, en Allemagne; Cello Secundo Curione, en Suisse.

Les académies de Naples et de Modène, imbues de l'esprit protestant, ne tardèrent pas à se dissoudre. Beaucoup d'Italiens protestants tombèrent dans l'athéisme, notamment Jules-César Vanini, qui fut brûlé à Toulouse en 1629 comme ennemi de Dieu et de toute religion ; Côme Kuggerio, de Florence, qui mourut à Paris en 1615. Ce qu'on enseignait de Dieu et du diable était, selon lui, de pures inventions, etc.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 202.

Beccadelli, Moiium. di varia letterat., Bologna, 1797, t. I, et Vita del card. Conlareni, Brescia, 1746; Albèri, Relazioni Venete, t. II; Gardes., Spécimen Italiai reform., Lugd. Bat., 1765, in-4<'; Schrœckh, K.-G. seit der Ref., il, p. 769 et suiv.; Tti. M'Crie, Gesch. des Fort- schritls und der Unterdrückung der Ref. in Italien., trad. par PVied- rich, Leipzig, 1829; Ranke, Rœm. I'ajpste, I, p. 137 et suiv., 208 et suiv.; Stern, Alfonso e Juan Valdez, Fragments d'hist. de la reform, en Espagne et en Italie, thèse présentée à la Faculté de théol. prot. de Strasbourg, Slrasb., 1869; A. Theiner, dell' Introduzione del pro- tcslantesimo in Italia teiitata, Konia e iNapoli, 1830; G. Cantù, gli Eretici d' Raiia, 3 vol., Toriiio, 1865-66, et il Cardinal Morone (Memo- rio del R. Lstituto l.onibaido, ser. 111, X'' vol.). Sur l'ouvrage suivant, attribué par Schclhorn, Gerdes, etc., à M. Paleario : del Beneficio di Gl islo, Vf)'. Young, the Life and Times of Aonio Paleario, or a History

LE l'HOTKSTANTISME. i99

oflhe Ital. l\(>formprs, t.ond., ISfiO; Bonnet, Aonio Palt-ario, Paris, 1863, en allem., Hamb., 1863; Benrath , ueber den Verfasser der Schrift V. d. W. Chr. (Zlschr. f. K.-G., 1. I, livrais. 4). La Iraduclion française (du Bénétice de J.-C. crucifié envers les chréliens, Lyon, 1545), en fut interdite le 1" mars 1546 à Paris : du Plessis d'Argentré, t. I, app., p. XVII, c. i; t. Il, p. I, p. 141. Édition allemande : " von der Wohlthat Christi », Leipzig, 1805. Sur Vergerins, voy. Pallav., VI, xtn, 3; Lap.mmer, Mon. Vat., p. 310 et sniv., 345, 357 et suiv.; Sixt Paul Vergerius, Braunschw., 1835. Sur B. Ochino Boverio, Annali de frati minori Capuc, I, 375; Gratiani, Vita di Commendone, éd. en franc., p. 143 ; Rayn., an. 1564, n. 48; Schrœckh, il, p. 608 et suiv., 780 et suiv.; Benrath, Bern. Ochino v. Siena, Leipzig, 1875. Snr Pierre- Martyr Vermigli, Schrœckh, 11, p. 268 et suiv.; C. Schmidt, Petrus Mart. Verm., Elberf., 1858. On a de Vanini ; Amphitheatrum Provi- dentias et Dialogi de natura (les théologiens de Paris s'élevèrent contre ce dernier, l«' oct. 1616 : du Plessis d'Arg., H, ii, p. 99). -

De Dozninis. Paul Sarpi.

203. On connaît davantage Marc-Antoine de Dominis, en 1566, évêque de Segri et archevêque de Spalatro eu Dalmatie <lc[juis 1602 ; Paul Sarpi, servite vénitien, qui entretenait avec lui une correspondance active. Le premier, accusé de nouveau- tés antireligieuses, se rendit à Londres, fit une profession de foi anglicane, et obtint par ses écrits un grand renom parmi les protestants, surtout partout par son livre de la République ecclésiastique, il combattait les dogmes catholiques, particu- lièrement la primauté du pape, le .sacrifice de la messe, le pur- gatoire, la confession et les sacrements ; il professait l'égalité de tous les apôtres et évéques, soutenait diverses propositions de Hus, et exploitait la Bible et l'histoire de TÉglise en faveur des doctrines protestantes. Cet ouvrage, qui avait des appa- rences d'érudition, fut censuré en détail par Tuniversité de Paris en 1617, par celle de Cologne eu 1618.

Nier la constitution monarchique de l'Église et sa juridiction extérieure, combattre les vues du moyeu âge sur les relations mutuelles des deux puis.sances , prétendre que la véritable Eglise s'était complètement obscurcie, rejeter les conciles œcu- méniques tenus en Occident; affirmer qu'il appartient aux laï- ques aussi bien qu'aux prélats de prononcer sur les questions de foi, qu'une décision dogmatique doit s'appuyer sur le con-

500 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

sentement de tons les membres de l'Église : tout cela souriait h un assez grand nombre d'hommes d'Etat et de théologiens français; aussi consultaient-ils assidûment l'ouvrage de Dominis. Le fameux apostat regretta phis tard de l'avoir écrit, et se rendit à Rome, en 162-2, pour y faire pénitence. 11 n'était ni luthérien ni calviniste, encore moins catholique : bouffi d'orgueil et d'am- bition, son dessein était d'introduire un nouveau système de doc- trine. Peu de temps après, il fut soumis à une nouvelle enquête pour des propositions hérétiques, et mourut à Rome sur ces entrefaites (1624).

Son ami Paul Sarpi, de l'ordre des servîtes, usa de plus de précautions pour introduire le protestantisme en Italie, et, s'il ne l'embrassa pas lui-même, ce fnt pour mieux combattre le pape. Des Bibles protestantes forent, par ses soins, répandues dans Venise à profusion. La meilleure traduction de l'Écriture sainte, sous le rapport de la langue, fut donnée, en 1601, par son ami Jean Diodati de Lucques, prédicant et professeur k Genève, mort en 1649.

OUVRAGES A CONSULTER Sl'U LE 203.

Supplem. ad Natal. Alex. Flist. Eccl., t. II, diss. v, § 21, p. 542 et se«{.; Fleury, Cont., liv. CXC, n. 144 et suiv.; liv. CXCI , n. 6; Schrœckh, III, p. 443 et suiv. Censure du livre de Republica christ, libri IV, Lond., 1617, par la faculté de Paris (du Plessis d'Arg., I, ii, p. 103-109); par celle de Cologne (ib., III, n, p. 191-230). Voy. aussi Catholica>, hiérarchise assertio , in qua B. Pétri et Rom. Sedis pri- matus defenditur , auclore D. Leonardo Mario , in Colon. Acad. theol. piof., Colon., 1618; Coelfeleau, Pro sacra monarchia Eccl. cath. libri IV. (liibl. Pontif., cd. Roccaberti, t. XVII, p. II); Hist.-pol. Bl., t. X.\1V, p. 537-Ö54; Bauer, dans les Laacher Stimnien, 1873, I, p. 26-32. Opère del P. Paolo dell' 0. de' Servi, Mirandola, 1677; Helnist., 1763, avec biographie par le P.FuIgenzio. Vie abrégée de Fra Paolo, par Courraycr, av;int l'Hist. du Conc. de Trente, t. I. Biographie de Franc. Grisalini, en allem., Ulm, 1761; Le Bret, Staatsgesch, von Ventîdig, part. Il, p. 114 cl suiv.; du même, Magazin, Ulm, 1771, I, p. 426 et suiv.; II, p. 235 et suiv., etc.; MiUinelli, Storia arcana III Fia Paolo Sarpi, Lottere ed. Polidori, Fir., 1863, surtout Civiltà catto- Iic;i, qu. 315, an. 1867, Sept., p. 53 et seq.; Ranke, Pœpste, II, p. 334- 337, III, p. 363, 307. - Schrœckh, V, p. 113; Civiltà cattolica, 1853, ser. H, vol. IV, p. 554.

LIi PROTKSTAN.TISME. 501

Unitaires et sfociniens.

204. Ea Italie, la vogue était surtout aux doctrines rationa- listes et antitrinitairos. Le trithéisme, puis l'arianisme, avaient pour représentants (jentilis de Calabre, ainsi que d'autres, qui se réfugièrent en Pologne, y fondèrent des communes uni- taires et des imprimeries. Eu Transylvanie, ils avaient pour organe le médecin piémontais Blandrata. Ils traitaient l'adora- tion du Christ d'idolâtrie, parce que Jésus-Christ était simple- ment un homme que Dieu avait orné de ses dons les plus pré- cieux. Lelio Socin, descendant d'une famille noble de Sienne, en 1525, était timide et soc. D'abord juriste, puis théologien, il séjourna en Allemagne et en Suisse depuis 1547, entra en relation avec Mélaiichthon et autres, résida à Wittenberg de 1548 à 1551, puis se rendit en Pologne et finalement en Suisse. Plus d'une fois il éveilla dans Calvin et autres réformateurs des soupçons d'hétérodoxie ; mais il dissimula ses vues jusqu'à sa mort, survenue à Zurich en 1562. Le fils de son frère, Fauste Socin, à Sienne en 1539, hérita de ses écrits. Il s'appliqua à développer les idées de son oncle, fut pendant douze ans au service de lu cour de Florence, et en 1574 quitta pour jamais l'Italie, il ne se croyait pas en sûreté. Il étudia pendant trois ans la théologie à Bàle, et alla ensuite en Transylvanie et en Pologne. il voulut se faire recevoir (1579) parmi les uni- taires, mais il rencontra des difticultés. En 1580, il fut rejeté par le synode de Rakow, parce qu'il ne croyait pas le baptême nécessaire et enseignait encore d'autres erreurs. Devenu éga- lement suspect sous le rapport politique, il dut quitter Cracovie, et trouva im asile chez des gentilshommes polonais. Il finit cependant ])ar se créer de notnbreux partisans, gagna même la majeure partie des unitaires, auxquels il donna un corps pré- cis de doctrine. Il mourut en 1004, laissant de nombreux écrits, principalement un catéchisme que d'autres corrigèrent et aug- mentèrent dans la suite. Les sociniens, à qui il a donné son nom, eurent de nombreux écrivains non dépourvus d'habileté.

Doctrine des sociniens.

205. Les sociniens maintenaient le principe fondameiital du

502 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

protestantisme sur l'autorité de la Bible ; mais les rationalistes le modifièrent. L'homme, selon eux, arrive de lui-même à la distinction du bien et du mal ; mais l'idée de Dieu et des ctioses divines, il ne l'acquiert que par l'enseignement extérieur ; la ressemblance de l'homme avec Dieu consiste dans la mission qu'il a de régner sur les animaux. Les sociniens séparaient la morale de la religion et relevaient bien au-dessus de celle-ci. Ils voulaient, à la vérité, que l'homme se soumît à l'enseigne- ment de l'Écriture, mais c'était la raison qui devait en fournir l'intelligence; tout ce qui lui est contraire n'est point une doctrine révélée, et la raison doit éliminer tuutce qui repose sur une simple accommodation; aucune tradition, aucune autorité extérieure ne doit le contredire.

L'inspiration, aux yeux des sociniens, consiste simplement en ce que Dieu a fait en sorte que les livres saints ne fussent écrits que par des hommes sages, honorables, bien instruits, vertueux, quoique çà et susceptibles de se tromper. Pour mieux sauvegarder la liberté humaine, les sociniens limitaient la proscience divine, et ils enseignaient (pie Dieu se laisse le plus souvent déterminer par les actions de rhonime. Selon eux, le père de Jésus-Christ est seul vraiment Dieu, l'unité de la personne est inséparable de l'unité dénature; Jésus-Christ est un homme conçu du Saint-Esprit, surnaturellement engendré et investi d'une grandi; puissance ; il est fils de Dieu et il porto lui-même le nom de Dieu, parce (ju'il tient du Dieu unique sa sublime puissance et participe en quelque sorte de .sa divinité. Avant de commencer son ministère, il fut admis dans le ciel pour y recevoir les messages qu'il devait transmettre à l'hu- manité. La rédemption accomplie, .son obéissance lui valut d'être élevé aux honneurs divins. L'adoration lui est donc due à ce titre; mais elle est moindre que celle (jui revient au Dieu suprême, et elle doit se rapporter ä lui.

Le Saint-Esprit n'est qu'une vertu, une opération de Dieu ; ce n'est pas une personne. Il n'y a pas proprement de péché originel. Le pé<^hé d'Ailam n'a préjudicié (pi'à lui seul ; il n'y a qu'une certaine dette, la mort surtout, qui ait été transmise à ges descendants. En si»i, Adam a été créé mortel ; cependant il ne serait pas mort, s'il avait continué d'obéir à Dieu. La rédemption consiste dans une législation plus épurée et [)lus

I.V. l'ROIESTANIISME. 503

paifaite, dans la perspective d'une vie future, confirmée par la résurrection de Jésus-Christ et promise dans la nouvelle alliance aux pécheurs repentants et aux observateurs des prescriptions morales.

La satisfaction et l'imputation des mérites de Jésus-Christ sont rejetées par les sociniens comme funestes à la vie morale ; ils ne reconnaissent que la rémission des péchés par Jéeus-Christ. L'homme commence par ses seules forces naturelles les efforts qu'il fait dans l'ordre moral. Tout homme, s'il n'est corrompu par sou entourage, peut vivre sans péché, parce que l'Évangile lui offre la récoui pense la plus attrayante en retour de ses vertus.

La justification est une sentence par laquelle Dieu nous absout dans sa miséricorde, quand nous croyons à Jésus-Christ et observons ses commandements. Jésus-Christ continue dans le ciel de s'intéresser à nous en détournant le courroux de Dieu ; c'est seulement qu'il exerce ses fonctions de grand pon- tife. Toute grâce ici-bas n'est qu'une grâce externe, conçue à la manière des pélagiens. Les sacrements sont des cérémonies pu- rement extérieures; le baptême est un rite d'initiation à la société chrétienne, il n'avait pour objet dans l'origine que de signifier aux juifs et aux païens grossiers la purification intérieure. Si on l'a maintenu, c'est parce qu'on a mal compris le précepte de Jésus-Christ, qui en soi n'était que temporaire. Il n'est pas absolument nécessaire aux enfants, mais sou usage n'est pas condamnable. Sa véritable valeur réside dans la profession pu bliquede la foi chrétienne. La cène, au contraire, a été instituée pour toujours, mais elle ne sert qu'à annoncer la mort du Sau- veur ; c'est une cérémonie commémorative de Jésus-Christ. Les sociniens rejettent complètement la prédestination et les peines de l'enfer ; ils prétendent que les damnés seront anéantis.

Comparaison des luthériens et des sociniens.

206. Le socinianisme et le luthéranisme sont deux extrêmes, dont l'un s'est emparé de l'élément humain, l'autre de l'élément divin, qui constituent l'unité du christianisme et que le catholi- cisme groupe dans un tout harmonieux. Dans le luthéranisme, l'élément humain en Jesus Christ est absorbe par l'élément

504 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

divin (ubiquité); dans le socinianisme, l'élément divin est absorbé par l'élément humain. Pour Luther, Jésus-Christ n'est qu'un réconciliateur; pour Socin, qu'un législateur et un type de morale ; l'un exagère le péché originel, l'autre le supprime ; selon le premier, l'homme est purement passif dans l'ouvrage du salut ; selon le second, il est seul actif. Luther ne parle que de la grâce, Socin que de la loi et des commandements ; Luther affaiblit la raison, Socin lui érige un trône ; Luther prétend que l'Écriture est accessible et suffisante à chacun ; Socin pré- tend qu'elle est obscure. Tous deux ambitionnent de restaurer le christianisme primitif, considèrent la Bible comme rniii(|ue règle de la foi, ne voient le christianisme que sous un seul aspect et par son côté pratique.

Le socinianisme ne s'est entièrement dépouillé^iue plus tard de ses parties supernaturalistes, pour passer au rationa- lisme; il a pris, sous les successeurs de Luther, une grande extension. Le génie hérétique de l'Italien Socin a supplanté dans sa patrie, après moins de trois siècles, « riionimedc Dieu des Allemaiiils )) ; on était loin de pressentir ce résultat, lorsijue Ernest Soner ut les siens répandaient les dogmes de S(jcin à l'université d'Altdorf : c'est en 1 Gl 5 seulement ([u'ils furent découverts et soumis à l'examen. A cette époque, de pareilles doctrines inspiraient encore une horreur univer- selle.

Réaction en Pologne contre les sociniens.

207. En Pologne même, une réaction éclata (1038) contre les sociniens à l'occasion d'un altentat qu'ils avaient commis contre tui crucifix. Leur école de Rakow fut supprimée; on leur enleva leur imprimerie, on bannit leurs docteurs et l'on ferma leurs églises. En 1058, la diète de Varsovie décréta leur expul- sion et la j)eine de mort contre ceux qui enireraient dans la secte. Leurs alliances politiques avec la Suède leuravaient attiré la haine générale. Les sociniens étaient nombreux en Hol- lande, en Angleterre, en Suisse, en Prusse, dans le Palatinat rhénan; dans la Transylvanie, on en comptait 45,000. Leurs communes rencontraient pres(jue partout une vive résistance. En Hollande, on ne tolérait (|ue des sociniens isolés, et non des communes entières.

LK l'UOrKSTA>TISME. 505

OrVHAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SLR LES N"^ 204 A 207.

Maiinbüurg, Hist. de l'arianisme, Paris, 1622; Lamy, Ilist. du soci- niauisnic, Paris, 1723; Sara. Friedr. Lauterbach, Ariano-Socinianis- nius ülini in Pulunia, ou Eheoi. poln.-arian. Socioiauisinus, Fraucf. et Leipzig, 172Ö; Fr. S. Bock, liist. Antitiiuitariorum, maxime Socinian., Regiomout., 1774-1784, t. H; Trechsel, die Protest. Anlitriuitarier ver Faustus Socinus, Heidelb., 1839, 1844, 2 voL; Fock, der Socinianismus, Kiel, 1847; Wallace, Antitriuit. Biography, Lond., 18ö0. On a publié de Lélius Socin : Dial. iuter Calvinum et Vaticannm, Mini Celsi Senens. de hsereticis capitali supplicio non afficiendis, dissert, de sacramentis ad Tigurioos et Genevenses; de Fauste : de S. Scripturœ auctoritate, lecliones sacrœ, christ, religionis brevissima institutio, praelectiones theol. de statu primi hominis disput., tract, de justiüca- lione, de baplismo aquœ, disput. de Vita Fausti Sociui in Bibliotheca fratrum Polonor., vol. I, Irenopoli (Amst.), 1656, 8 vol. in-f». Cf. Schrœckh, V, p. 520 et suiv.; Catech. Racov., an. 1609, éd. Œder, Fraucof., 1739. Autre Catéchisme par Osterod, prédicant socinien à Buscow, près de Dantzig (mort en 1611). AiiCres auteurs sociniens : K. Jonas Schlichting, prédicant à Rakow (Confessio tidei christ, édita nomine Ecclesiarum Polon., s. 1., 1642, nov. 1651); Jean-Louis Wolzo- gen. mort en 1661, Exégèse et Dogmatique; Jean Krell (de Vera Relig., Cracov., 1630, etc.); A. Wissowatzi, mort en 1678 (Religio naturalis, 168Ö, Amst., 1703); Valentin Schmalz, mort en 1622 (de Divin, chr., Racov., 1608); Daniel Brennius, mort en 1633 (0pp. theol., Amst., 1666); Daniel Zwicken, mort eu 1678, comme l'autre, à Amsterdam (Irenicuni Irenicoruni. 1658), eic. Voyez encore Schrœckh, V, p. 521 et suiv., 625 et suiv. (sui- Soneri; IX, p. 428 et suiv.

Jordan Bruno.

208. Uu aiitro liérétique italien fut .lordan Bruno, de Nola, en 1550. Sorti en 1580 de l'ordre des dominicains, il se ren- dit à (iènes et à Genève, enseigna à Paris en 1582; il gagna l'Angleterre, il fut entretenu par Elisabeth, qu'il célébra dans son Chant du cygne. Il alla plus tard en Allemagne et à Venise. Emmené à Rome en 1598, il fut, sur la demande de l'Es- pagne, brûlé comme hérétique en février 1600. 11 n'avait d'abord coîubattu que quelfjucs dogmes catholiques et la philosophie d'Arislote ; puis il s'était approprie les idées de Raymond Lulle, avait bientôt dédaigné toute religion positive et ouvertemeT.t enseigné le panthéisme. Malgré toute la richesse de ses facuMés

506 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSE.

et l'immensité de ses productions dans plusieurs domaines de la science, il ne fut pas moins un ennemi de Dieu, divisé avec lui-même, inquiet, insolent; avant d'expirer, il repoussa encore le crucifix d'un air farouche. Ses écrits, imprimés en difTérents pays, répandirent la haine de la religion, la frivolité, les idées du panthéisme, et séduisirent une foule de savants.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 208.

Opère di Giordano Bruno, éd. Ad. Wagner, Lips., 1829, 2 vol.; Jord. Bruni Nolani scripta, quœ latine confecit, omnia coll. A. Fr. Gfrœrcr, Stullg., 1834, fasc. 1-5, surtout de Monade, Numero et Figm-a iib., Francof., i'6'Ji, 1614; Giord. Bruno, par M. Christian Bartholomès, Paris, 1847 et suiv., 2 vol.; Clemens, Giord. Bruno, Bonn, 1847. Cf. Hist.- pol. Bl., t. XX, p. 13-26; t. XII, p. 505-532. Voy. H. Jakobi, ueber die Lehre des Spinoza, Sœmmtl. W., IV, p. 261-306; Ranke, Kœm. Pœpslc. I, p. 489 et suiv,

Causes de la propagation du protestantisme.

209. Les causes de 1' « origine » du protestantisme sont les mêmes que celles des précédentes hérésies : l'orgueil et la pas- sion. Les causes de ses progrès .se trouvent dans la situation politique, religieuse et littéraire, dans les circonstances de lieux et de personnes. Tout favorisait la nouvelle doctrine : i" l'abandon de l'Église par les gouvernements temporels; la haine souvent alimentée contre Rome et la hiérarchie; 3" les déclamations hahituclles contre les ahus ; 4" le penchant d'une foule de mécontents pour toute espèce de nouveautés ; les idées décevantes d'affranchissement de la pensée, de liberté chrétienne, d'almlition des abus, de sacerdoce uni- versel ; les passions humaines soulevées et entretenues par les réformateurs : l'orgueil de l'homme, qui voulait atteindre à la vérité religieuse par la Bible seule, sans aucun intermédiaire ecclésiasti(juo ; la cupidité, qui s'enrichissait des biens de l'Eglise; les convoitises de la chair, qui se remuaient dans la portion immorale du clergé, tant séculier (jue régulier ; 7" le désir de répudier ce (lu'il y avait de gênant et de pénible dans la vie religieu.se (le jeune, la confession, v,\c.); les restes des anciennes hérésies (vaudois, wicléfites, hussites), qui offraient de nombreux points d'appui à l'hérésie nouvelle; la lutte

LE PROTESTANTISME. 507

scientifique entre les iiumanistes et les scolastifjiies ; 10" l'in- soiiciaiice de l'épiscopat, la corruption et l'ignorance du clergé dans plusieurs régions de l'Allemagne, de la France, de la Scandinavie et de la Suisse; il" l'influence personnelle des ré- formateurs et les moyens qu'ils employèrent : dans le principe, les apparences d'un attachement sévère à la vraie foi ; plus tard, les altérations qu'ils firent dans la doctrine catholique, les pein- tures odieuses de la tyrannie des papes, l'invocation perpé- tuelle de la Bible, la confiance dans leurs nouvelles assertions, les sermons et les écrits l'on exploitait les côtés faibles du caractère du peuple, l'éloquence populaire des chefs de la ré- forme; 12° les divers intérêts matériels qui trouvaient aisément à se satisfaire, l'ambition et les embarras politiques, surtout la jalousie que la France portait à la puissante maison de Habs- bourg; 13" joignez-y quehjues maladresses commises par les représentants de l'ancienne Eglise ; 14° l'amour-propre flatté par les nouvelles institutions : l'adoption de la coupe pour les laïques et de la langue populaire dans la liturgie; la lecture universelle de la Bible; les doctrines attrayantes sur la justifi- cation par la foi seule, sur l'absence du libre arbitre, sur la certitude du salut, la nullité des vœux monastiques; le célibat et les bonnes œuvres qualifiés d'inutiles et même de funestes; 15° mais surtout les actes de violence exercés par des princes et des villes qui, après avoir expulsé les prêtres catholiques, obligeaient d'assister aux prédications protestantes, et atti- rèrent peu à peu les descendants mêmes de ceux qui avaient fait une vive résistance aux nouveautés.

En plusieurs endroits, on détournait brutalement le peuple de son ancienne Église. A la violence se mêlait la ruse : on garda longtemps encore le rite catholique, et l'on maintint tout ce qui frappait les yeux, par exemple, dans le Brandebourg, le Danemark et la Suède.

Il ne manquait point, parmi les apôtres de la nouvelle reli- gion, d'hommes bassement hypocrites, qui, selon les circons- tances, faisaient des sermons catholiques et des sermons pro- testants. Le protestantisme, contrairement à ce qui s'était vu dans les premiers siècles chrétiens, fut surtout propagé par la puis.'^ance temporelle et non par le martyre les prétendus martyrs protestants n'ont rien de commun avec les martyrs de

508 iiisioiuE ME l'église.

la primitive Église. De vient que les nouvelles Églises ré- formées furent complètement asservies au pouvoir civil et tom- bèrent dans un état désespéré.

OUVHAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 209.

Marr, die Ursachen der schnellen Verbreitung der Reform., Mayence, 1834; MœhlerGams, Hist. de l'Égl., III, p. 157 et suiv. Sur i) voy. VI, § 178 et suiv. Sur 2) VII, 27. 8«, 98, 194. Erasni. Ep., I, xn, p. 134 : « Odium Romani nominis penitus infixum esse muUarum genlinm aniniis opinor. » Lettre de Valdcs, 1521, à Pierre d'Anghiera. Voy. aussi VI, g 187. Sur 3) 6) voy. ci-dessus, § 27. Martin. Bucer, de Regno Christi, Basil., 1557, p. 35 : « Maxinia horura pars visa est ea modo ex Evangelio petiisse, primum ut Antichrist! Romani et pseudoepiscoporum tyrannidem a se depellcrent, deinde ut jugnm qualiscunque disciplinée, pœnitentice et religionis univers«, qua? in Papatu reliqua fuit, abjicerent, proque carnis sute arbilrio ac libidine instituèrent agerentque omnia... Nee pauci eoruni qualemcunique Evangelii prœdicationcm eo tantum receperunt, ut in opes invaderent ccclesiasticas. » Mclaiichthon, Epilome rénovât. Eccl. doctr., A. A. ö; A. 7 : « Multos ex plebe videnius Luthero favere tam([uani liberlatis auctori, pertsesos morum veterum. Professores quosdaai anibitio aul spes qufestus invitât ad docendura novae doctrinœ genus... Hi se valde pios esse putant, ubi in sacerdotes fortiter debacchati sunt aut contra ijioi'em carnes ederunt... Et quidam pseudolutherani profanis et sedi- tiosis clamoribus, diun gralificantur niullitudini alioqui cupidae nova- rum rerum, passim seditioues excitant. » (Dœllinger, Rc'f., II, p. 54; III, p. 301 et suiv.; ibid., mêmes témoignages par Jean Éberlin, 1523 et suiv.; George Wicel., 1533; Dudith, I, p. 200 et suiv., 35 et suiv., 55 et suiv.; il, p. 687); Melchior Ambach, Klage Jesu Chr. über die .vermeintlichen Evangelischen, Francf.-sur-le-M., 1551, B. 2, 0. 3 (üfrilinger, II, p. 80 et suiv.). 7) Voyez ci-dessus § 17, 180; Vi, 279 et suiv., ;{|8. 8) Cf. VI, § 232; Georg. Wicci., Epist., lib. iV, Lips., 1537, b. 4; iJuiUinger, 1, p. 18 et suiv. : « .■Mtraxit me... plausus ille orbis maximus, pellexit pra'.properus eruditorum assensus, incitavit novitas, calcar ad id ingens erant Erasmi vigiliœ. » 9) Apostats, voy. § 121 et suiv., 125, 178 et suiv. Sur la décadence du clergé, voyez aussi les rapports de la noiiciature dans Lajmmer, Mon. Vat., et ailleurs. Kt) C.-A. Menzel, Neuere Gesch. der Deutscheu,! , p. 84. 11) Raumer, Gesell. Europa's s. d. Ende des 15 Jahrb., I, p. .180; Schiller, Gesch. des 30 ja'lir. Krieges, liv. 1, (lommenc; lîeithier, Hist. de l'Église gall., XVIII, 371. 12) Sur B. Aliltiz, ci-dessus, ^ 12 et suiv. 13) Alesius, 1552, Expos. Ep. ad. Tit., Lips., 1552, A, 4, 5; Brentius, hom. in Luc,

IM l'hOTESTAMlSMK. 509

t. V, Opp., p. 'J37; Com. in Malth., p. 73, in Rom., VII, 606; Dœllin- ger, II, p. 32't, 351). 14) G. Wicelius, de Moribus licPieticoruni, 1537; J. Crolus Rubeanus, Apologia privatim ad quemdam amicum scripta, Lips., 1531, B. 4, a.; Dœllinger, I, p. 121 et suiv., 141 et suiv. Chro- nique de Worms, par Wilk; llist.-pol. Blsetter, t. LXXV, p. 325-340; Heidelb. Mskr., dans Lehmann, Hess. Archiv. (Falk) Bilder aus der kiirpfa»lz. Reform. (Catholique, 1876, I, p. 50-75). K.-A. Menzel, II. p. 2; TU, p. 91 et suiv. Martyrs protestants, voy. § 196; Volkert und Brock, die Miirlyrer der Evangel. K., Erlangen, 1845; Rudclbach, Christi. Biographien, I, p. 4.

CONSTITUTION INTÉRIEURE DU PROTESTANTISME. Lics Égflises nationales lathertenncs en S'encra!.

Mélanchthon et ses adversaires. Les Églises protestantes.

210. Après la mort de Luther, IVIélauchthon devint le chef des luthériens allemands, mais il n'eut pas beaucoup près le même crédit que Luther. Son penchant pour les doctrines cal- vinistes, sou aversion pour les dogmes rigoureusement luthé- riens ne demeurèrent pas longtemps secrets, et lui suscitèrent de nombreux combats. Dès 1548, la mort lui enlevait Gaspard Cruciger, associé à ses vues. En 1558, l'université d'Iéna fut fondée pour maintenir l'orthodoxie luthérienne contre Witten- berg et la branche aînée de Saxe. Le duc de Gotha, Jean-Fré- déric, était surtout hostile à la branche cadette, à cause de la perte qu'il venait de faire de la dignité électorale. Les luthériens rigides se séparèrent des mélanchtonieus (philippistes), quand Mélanchthon eut modifié l'article 10 de la Confession d'Augs- bourg en faveur des calvinistes, et que Brenz (mort en 1570) eut établi à Wittenberg la théorie de l'ubiquité du corps de Jésus-Christ, comme le seul principe dogmatique universelle- ment valable.

Des controverses dogmatiques éclatèrent de toutes parts. Mélanchthon, assailli de divers côtés, passa les dernières années de sa vie dans la tristesse. Eu 1558, dans une lettre à Philippe de Hesse, il traita ses adversaires luthériens de chiens sangui- naires, d'idolâtres et de sophistes. 11 mourut le 19 avril 1560, âgé de soixante- trois aus, le cœur brisé de douleur et témoin des fruits empoisonnés que produisaient les nouvelles doc-

510 HISTOIRE DE l-'ÉGLISE.

trines. II devenait chaque jour pins manifeste que le principe formel du protestantisme, l'autorité exclusive de la Bible, était impuissant à décider les controverses dogmatiques ; qu'on ne pouvait point se passer de l'ancienne tradition; que l'incertitude, l'inconstance régnaient dans les dogmes même les plus impor- tants; que l'immoralité, enfin, gagnait de jour en jour. Les opinions divergentes furent vivement combattues ; on main- tint les anciennes lois contre les hérétiques, et, à la fin, ce furent les gouvernements, au lieu des papes et des conciles, qui portèrent les décisions. Une agitation révolutionnaire se révéla dès le principe au sein des nouvelles Églises, et les princes civils essayèrent de l'étouffer.

Cette autorité (}ue les souverains exerçaient sur les Églises territoriales, substituées à l'unique et grande Église catho- lique, on essaya peu à peu de la justifier, soit par des textes de la Bible, soit par de nouvelles théories. Les uns préten- dirent que la souveraineté ecclésiastique avait été dévolue aux princes par la paix d'Augsbourg, en qualité de premiers évo- ques (système épiscopal) ; les autres, qu'elle leur appartenait déjà en vertu de leur souveraineté temporelle, et qu'ils ne fai- saient qu'en reprendre possession (système territorial) ; d'autres enfin, mais beaucoup plus tard, que ce pouvoir leur avait été conféré d'une manière révocable par les communes (système collégial). Et c'est ainsi que le césaro-papisme, cette tyraimie inconnue de l'ancienne Église chrétienne, atteignit son plus haut période.

Chez les calvinistes, la notion de l'indépendance religieuse se maintint beaucoup mieux que parmi les luthériens, sans être cependant appliquée partout dans toute son étendue. Les livres symboliques devaient remédier au défaut de précision dans la doctrine; malhenrensement, ils n'avaient (ju'une auto- rité humaine ; on pouvait les rejeter en alléguant qu'ils étaient contraires à l'Écriture, ou les interpréter d'une façon arbitraire. L'un et l'autre furent faits dans de vastes proportions. Les prédicateurs de la campagne, la plupart ignorants, firent peu de résistance ; mais^ dans les universités et dans le cercle des surintendants, les controverses furent d'autant plus nom- breuses.

LE l'RüTKSTAiNTlSMK. 511

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SIR LE 210.

En 1527, Aquila reprochait déjà à Mélanchthon d'être redevenu papiste sur la doclriue de la pénitence (dorp. Reform., IV, 9ö9); depuis 1533, il fut attaqué par Cordatus, Amsdorf et Strigel; après sa mort, A. Musculus voulait qu'on le brûlât avec ses écrits comme héré- tique. Dœllinger, Réf., III, p, 302, 304 et suiv.; Il, p. 398 et suiv. Autres détails sur M., ibid., I, p. 407 et suiv.; cf. p. 280 et suiv., 384 et suiv. Cruciger, ibid., II, p. 146-152. Brenz, sur l'ubiquité, ibid., II, p. 363-365. Voy. encore les ouvrages cités sur le § 16. Gieseler, K.-G., III, 11, Ho et suiv. (Onno Klopp) Studien über Kath. u. Protest. u. Gevissensfreiheitin Deutschld, Schafl'house, 1857. Auteurs cathol. : Balmès, der Protest, verglichen mit dem Kathol., trad. de l'espag., Ratisb., 1845 et suiv., 3 vol.; Perrone, der Protest, u. die Glaubensre- gel., trad. de l'italien, Ratisb., 1856, 3 vol.; Nicolas, ueber das Berhaelt- nisz des Protest, u. sœranill. Hœresien, zum Socialisraus, Mayence et Paderborn, 1853; Dœllinger, Kirche u. Kirchen, Munich, 1861, p. 93 et suiv., 190 et suiv., 386 et suiv.; Robelot , de l'InÜuence de la réforme de Luther sur la croyance religieuse, Paris, 1823, en allem, par Raesz u. VVeisz, Mayence, 1823, contre Villers, Essai sur l'esprit et lintl. de la réf. de Luther, Paris, 1822; (Kerz) ueber den Geist und die Folgen der Ref., Mayence, 1821 ; Kuhn, die formalen Principien des Kath. u. Prot. (Tüb. Quartalschr., 1858); Bossuet, Hist. des variations (passim). Sur la Tradiliou : Lessing, Axiomata wider den Pastor Gœtze, Voy. OEuvr., éd. Lachmaun, X, 133-251 ; Bucer, A^oL, dans Hottinger. H. E. soec. XVI, t. III, p. 671, 683. Divergences des opinions : Mélanchth., dans le Corp. Ref., II, 917 et seq., 977, 978; III, 65 ; Dœl- linger, III, p. 303. Immoralité chez les protestants: Gerbel, prof, à Strasbourg, 1560; H. Eobani Hessi Epist. tertius libell., éd. Camerar., Lips., 1561, n. 3 ; Melchior Specker, Von der herrlichen Zukunft Jesu Christi, Strasb., 1555 et suiv., p. 78, 86; Nikol. Florus, 1578, 1583; ürban Regius, Eberh. VVeideusee, dans Dœllinger, II, p. 57, 61 et suiv., 73. Persécution des dissidents et exécutions d'hérétiques : Arnold, K. -Historie, II, p. 643; Strobel, Miscell., I, p. 170; Heeusser, Gesch der rheiu. Pfalz, II, p. 45 et suiv.; Dœllinger, Kirche u. Kirchen, p. 81 ; Hist. -pol. Bl., t. III, p. 528-548. Mouvement révolutionnaire, ibid., t. IX, p. 737-770; mon ouvrage cité, 490 et suiv. Despotisme en matière ecclésiastique : Dœllinger, Kirche, p. 53 et suiv.; Reform., III, p. 226 et suiv.; Il, p. 481 et suiv. (Jean Wigand, de Bonis et Malis Germ., ap. Petr. Brubach, 1566, p. 34, 82, 91 et seq.), 550-552 (Jean Wirth)_ Mélanchthon fondait le pouvoir des princes temporels en matière ecclésiastique sur la convention de Naumburg, 1554, d'après leps. xxui 7 : »< AttoUile portas, principes, vestras », et Isai., xux, 23 : « Reges

.M2 iiisroiUE DJi l'église.

mitritii », selon la Vulgate (Canierar., Vita Melanchlh., éd. Slrobel, p. 319. Voy. Unschuldige Nachrichten von 1714, p. 541-bb^; K.-A. Menzel, III, p. S30 et suiv.). Le gouvernement ecclésiastique des princes est mentionné dans l'Apologie de la Confession d'Augsbourg, art. 9; dans le préambule de la Formule de concorde; dans la Confession écossaise, c. xxiv; dans la Confession belge, c. xxxvi; dans la Confes- sion anglicane, c. xxxvii ; dans la Confession de la Marche, etc. Capito, dans sa « Responsio de Missa, matrimonio et jure magislratus in reli- gionem », Argentor., 1340, in-f°, 198 et seq. (adressée au comte palatin Rupert, au nom des prédicauls de Strasbourg), disait hardi- ment: « Jésus-Christ a doué les princes de la sagesse du gouvernement et les a établis chefs de son Église sur la terre ; les princes ont le droit do diriger et de punir les prédicateurs, de déterminer la forme du service divin; de supprimer les anciens usages et d'introduire la nouvelle doctrine. » (Cf. Dœilinger, Reform., II, p. i*2 et suiv.) Autres détails ci-dessous, VIII, § 189. En faveur d'une plus grande liberté ecclésiastique, d'après cette maxime de Calvin : « Ecclesia est sui juris », voy. l'anglican Beveridge dans la préface de son Synodicon, seu Pandecte canonum, Oxon., 1672, in-f°, p. I et seq. Livres symbo- liques des luthériens, éd. Hase, Lips., 1837; des réformés, éd. Au- gusti, Elberf., d827; Niemeyer, Lips., 1840. Les articles de la visita- tien de l'électeur de Sa.xe se plaignent des prédicateurs ignorants, 1557. Voy. encore Hist.-pol. Bl., t. VI, p. 596 et suiv.; t. X, p. 209 et suiv., 529 et suiv. Gieseler, op. cit., p. 352 et suiv.; Walter, K.-R., §§ 38-42, 13«= éd.

QUERELLES THÈOLOGIQUES. Parmi le»> luthériens.

L'antinomisme.

211. La querelle autinomiste fut soulevée par Jean Agricola, à Eisleben en 1492. Cet ami de Luther essaya d'abord do présenter la- loi, rÉvaiigile et la pénitence dans un ordre dilFé- rciil de celui qu'avait étal)U Luther. Sa pensée, que lui-même no débrouillait que confusément, était celle-ci : Avec le dua- lisme trop mécanique de Luther, on n'aboutira jamais à une véritable pénitence , la prédication de la loi ne peut engendrer dans le pécheur ()u'une stérile frayeur, dénuée de vertu sanctiliante ; l'Évangile, conçu comme une simple promesse, une cons(tlation, ne [»eut qu'étouffer le véritable esprit de péni- tence; il faut, au contraire, se servir de l'Evangile pour pré-

LE PROTESTANTISME. ' 513

cher la pénitence, car l'Évangile enseigne la passion et la mort du Seigneur.

En 1527, Agricola combattit cette idée de Mélanchtlion qu'en prêchant la pénitence, il fallait recourir à la Loi pour exciter une crainte salutaire de Dieu, et il enseigna dans son Caté- chisme que la vraie pénitence ne vient que de l'Évangile. Luther, à cette époque, envisageait cette dispute comme une pure logomachie. Cependant Agricola continua de travailler à Eisleben; en 1536, il retourna à Wittenberg en qualité de pro- fesseur, et y renouvela la controverse en 1537. Il s'accommo- dait mal de cette doctrine de Luther, que la « Loi mosaïque » comprend toute la partie morale de la religion, à l'exclusion de l'Évangile. Lui aussi il croyait que k Loi mosaïque, en tant qu'elle excite la crainte et fait entendre des menaces, est abo- lie, même dans ses préceptes moraux, y compris les dix comman- dements ; mais il n'écartait point tout élément moral, puisque la charité doit aussi régner sous l'Évangile. Lui aussi rejetait les œuvres des catholiques et conservait le dogme luthérien de la justification, mais non toutefois sans se contredire.

Luther l'attaqua cette fois avec beaucoup de violence et déna- tura complètement la question ; il fit semblant de croire qu'Agricola (Grrikel, comme il l'appelait) ne voulait qu'élimi- ner la loi morale et ouvrir la porte à tous les péchés. Mélanch- thon n'était pas moins déloyal. Tandis que Luther attribuait la crainte à la Loi et la consolation à l'Évangile, Agricola pensait que l'une et l'autre devaient se trouver dans l'Évangile ; Luther, lui, ne voyait dans l'Évangile qu'une prédication con- solante, qui donnait la certitude du salut ; Agricola y trouvait, en outre, des prescriptions morales, surtout dans la vie et la mort de Jésus-Christ.

On avait tort d'accuser Agricola d'antinomisme. Il se défen- dit vainement contre les reproches de Luther, qui écrivit six dissertations contre lui (1538-1540). Ses écrits furent interdits et lui-même fut menacé dans sa liberté. Il fit une rétractation absolument telle que le demandait Luther; mais Luther ne fut point encore apaisé : il continua de le dépeindre comme un réprouvé, un homme satanique, et alla jusqu'à lui reprocher sa patience dans les mauvais traitements qu'il endurait. Agricola avoua lui-même, dans une supplique au prince électeur (mars v. msT. DE l'église. 33

514 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

1540), qu'il avait rampé devant Luther comme un pauvre petit chien. Il devint prédicant à Berlin en 1540. Quand il arriva en 1545 à Wittenberg-, avec une lettre du prince électeur de Brandebourg, Luther, qui savait parfaitement, quand il le voulait, rendre la vraie pensée d'Agricola (il mourut en 15G6), se montra irréconciliable.

Luther, en 1545, distinguait deux classes d'hommes : ceux qui ne connaissent pas encore leurs péchés et n'ont aucune frayeur de la colère de Dieu, ceux qui sont efîrayés et craintifs ; aux premiers, disait-il, il nefaut prêcher que la loi, aux seconds que l'Évangile ; les antinomistes, qui confondaient l'une et l'autre, comme si on devait d'abord prêcher la grâce et seule- ment après etlraycr par la colère, ne savaient pas ce que c'était que colère, grâce, pénitence, consolation. Il donnait au terme d'antinomisto des sens très divers; il appelait ainsi : ceux qui enseignent qu'on ne doit pas punir les péchés ni effrayer les gens par la Loi (Luther, dans le principe, l'enseignait lui. même, ainsi que Jacques Schenk à Fribourg, Tilemann Krage à Hildesheim, le pasteur Stiefel, ancien ami de Luther, qui se justifia dans un écrit en 1501) ; ceux qui ne voulaient point tolérer les semonces ou discours contenant des injures per- sonnelles et que les prédicants luthériens donnaient d'ordi- naire pour des sermons sur la Loi ; toutes les classes d'hommes qui lui déplaisaient, même les partisans de la doc- trine calviniste sur l'inamissibilité de la justification, de la foi et de la grâce (teile que l'enseignait Thomas Naogeorgus, pasteur à Kahla, et le pasteur Aureus, déposé en 1535 et exé- cuté plus tard comme adultère).

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 211.

Walcli, Einl. in die Rel. Streitigkeiten der luth. K,, léna, 1733; Planck, Gesch. der prot. theol. Lit. bis z. Concord. -Formel, Nurenb., 1S48; Heppe, Gesch. des deutschen Protest., Iööl-lö81, Leipzig, 1832, 4 vol.; Dorner, Gesch. der j)rot. Theologie, Munich, 1867; Hasse, K.- G., éd. Kœhler, t. III; Gieseler, K.-G., III, ii, p. 187 et suiv,; Frank, Gesch. d. prot. Dogm., Leipzig, 1862, th. i.

Schrœckh, K.-G. seit der Keform., IV, p. 530 et suiv.; Klwert, de Antinomia Agricolse, Tur., 1837; Nitzsch, neher Gesetz, Evang. u. s. f. (deutsche Ztschr., 18Ö1, n. 10); Dœllinger, Réf., 111, p. 372-397. Contre les 18 propositions d'Agricola, Positiones inter fratrcs sparsse

LE PROTESTANTISME. 515

Luthers disputationes : »Walch, L.-W., th. xx, p. 2014 et suiv.; Mélanchth., Epp., t. I, p. 91ö. Cependant Luther montre une intelli- gence plus exacte de la situation, quand il dit d'Agricola : « Si ipse pœnitentiam ex amore justitiae vult prœdicare, tune tantum justis prsedicet. » (Colloquia, éd. Rebenstock, II, 47.) Le contraire dans un sermon de 1545 : Walch, th. xix, p. 1794 et suiv. Sur l'opposition entre la Loi et l'Évangile, selon Luther, voy. Com. in Gai., 1535, Francof., 1543, in-f», 267 et seq.; Dœllinger, III, p. 34-51.

212. Mélanchthon lui-même, surtout après sa mort, fut accusé d'antinomisme, après l'avoir tant de fois combattu. Il disait, en effet, dans sa Confession d'Aug-sbourg corrigée par lui, que l'Évangile punit le péché et prêche la pénitence. Cette doctrine fut adoptée par les mélanchthoniens Crucifer le Jeune, Paul Krell, Pezel, Hemming de Copenhague, et combattue par Wi- gand, Judex et autres luthériens rigides. Alors on défmit l'antinomisme une doctrine qui ravit à la loi son objet pro- pre et admet que l'Évangile est, dans le sens rigoureux du mot, une prédication de la pénitence.

Wigand et les siens soutenaient que l'Évangile était une pro- messe delà grâce, simple et sans conditions; qu'il ne fallait pas mêler la Loi et l'Évangile. Abdias Prsetorius, de Francfort- sur-l'Oder, attaqua vivement cette distinction; il trouvait à la fois dans l'Évangile la Loi et l'exhortation à la pénitence. Les théologiens de Mansfeld l'appelaient antinomiste. André Mus- culus lui reprocha de faire de Jésus-Christ un nouveau Moïse et d'enlever toute sécurité à la conscience. Quant à Musculus et à ses partisans de la Marche, ils faisaient partie de cette classe d'antinomistes qui (selon Praetorius) disaient que les fidèles sont affranchis de la loi, que le Décalogue ne regarde que les impies; ils rejetaient Moïse et le traitaient de prédicateur du diable.

Cette sorte d'antinomisme, qu'adoptait également Antoine Otton, à Nordhausen, s'appuyait sur l'Épitre aux Galates inter- prétée par Luther, et donnait lieu à de violentes sorties contre Mélanchthon. On était d'accord pour assigner à la Loi un double usage et une double fin : une fin politique, consistant à maintenir la discipline dans la société ; une fin théologique, consistant à amener l'incrédnle à la connaissance de ses péchés et à l'effrayer par les jugements de Dieu. Mélanchthon lui attribuait une troisième fin (de le nom de tertianistes) : celui

516 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

qui était régénéré avait besoin qu'on lui prêchât la Loi, à cause du vieil Adam qu'il continuait de porter en lui. Cette théorie, qui prévalut bientôt, surtout dans la formule de Concorde, fut combattue par Otton et ses partisans (eux aussi étaient traités d'antinomistes). Le troisième usage, disaient-ils, ne peut être distingué de l'usage politique ; la Loi ne doit pas pénétrer dans la conscience, l'Évangile règne seul avec son esprit de liberté. Cependant, comme la formule de Concorde résolvait négativement la question si lÉvangile, pris dans le sens rigou- reux, prêchait la pénitence, elle fut vivement combattue par les théologiens de Nurenberg et de Magdebourg.

OUVBAGES A CONSULTER SUR LE 212.

Sur Mélanchlhou : Uœllinger, II, p. 293 et suiv. Controverse entre Abdias Prtetorius (pliilippisle)et Andi'é Musculus (antiphilippisle), ibid., II, p. 394 et suiv.; Ch. W. Spieker, Lebensgesch. des Andreas Muscu- lus, Geueralsuperintendent der Mark Brandenb., Francf.-sur-l'Oder, 1838. Sur le troisième usage de la Loi, voy. les lettres de Néaudre et de A. Otton à Flacius, dans Dœllinger, III, Anh., p. 3-12.

Controverse d'Osiandre.

213. André Osiandre, eu 1488, professeur d'hébreu à Nurenberg en 1520, s'éleva en 1531 contre le passage du règle- ment ecclésiastique do cette ville il est dit que la Loi se rap- porte au vieil homme et l'Évangile à l'homme nouveau. Effrayé des tristes résultats que les nouvelles doctrines produi- saient sur le terrain de la morale, il croyait qu'il valait mieux admettre le contraire. Depuis 1533, il prêcha également contre l'absolution générale qui avait remplacé l'ancienne confession. 11 fut constamment en dispute avec ses collègues, dont il s'écar- tait aussi à propos de l'Eucharistie. Il maintenait l'élévation comme symbole extérieur de la foi en la présence réelle, défen- dait la transsubstantiation, et cherchait à se rapprocher des catholiques.

Osiandre quitta Nurenberg en 1547, se rendit en Prusse, et obtint en 1549 une chaire de professeur à Kœnigsberg.ll trouva dans le duc Albert un zélé partisan quand il se mit à enseigner des doctrines conformes aux vues d'Agricola. La théorie de la justification, différente sur plusieurs points de la doctrine de

LE PROTESTANTISME. 517

Luther, acquit une grande importance.il l'avait déjà développée vers lo2-4. Voici cette théorie : il ne faut pas confondre la rédemption ou la satisfaction avec la justification ; 2" cette der- nière consiste essentiellement dans l'entrée de Dieu en nous, dans la demeure de la Trinité dans l'homme, dont le premier Adam avait déjà joui ; 3" c'est l'humanité de Jésus-Christ qui nous a procuré la satisfaction ; elle est la condition de cette demeure de Dieu en nous ; cette demeure, cette justice de l'homme, Jésus-Christ l'opère, non par sa nature humaine, mais par sa nature divine ; cette habitation est produite en nous par la foi.

Osiandre avait également conservé la théorie luthérienne de l'impanation. Selon lui, quand nous avons été rachetés par Jésus-Christ et que nous croyons à la parole qui nous annonce la félicité promise, le Père répand en nous le Fils et le Saint- Esprit, et nous tient désormais pour justes, parce que le Christ, le Saint-Esprit et le Père habitent désormais en nous, et nous apportent la justice de Dieu, qui est Dieu lui-même. C'est ainsi que la justice divine nous est imputée comme si elle était nôtre, et, afin qu'elle nous soit imputée de plein droit, elle nous est donnée en propre pour toute l'éternité. Cette habitation est le résultat de la foi.

Ces doctrines produisirent à Kœnigsberg et ailleurs une grande sensation ; la plupart des théologiens étaient contre Osiandre, mais ils furent loin de s'entendre lorsqu'un ordre du duc les obhgea de s'expliquer sur la nature de la justice qui s'obtient par la foi. Ainsi naquit la controverse osiandrienne, qui fut poussée avec une sorte de fureur. Mœrlin était le prin- cipal adversaire d'Osiandre. Albert demanda l'avis des théolo- giens étrangers (1551); Brenz, dans le Wurtemberg, se pro- nonça pour Osiandre, mais il eut de violentes disputes avec Mélanchthon ; Flacius composa plusieurs écrits contre lui. Le margrave Jean de Brandebourg- Kustrin envoya (1552) au duc Albert la décision rendue par une assemblée de ses théologiens, lesquels se plaignaient que le duc eût permis à Osiandre, « ce gros porc sauvage, d'arracher les ceps de la vigne du Sei- gneur». Les Kœnigsbergeois disaient au peuple que, pendant qu'Osiandre faisait bonne chère à table, le diable écrivait pour lui sur son pupitre ; Mœrlin le traita d'Antéchrist.

Kl 8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Osiandre mourut en octobre 1552 ; mais la querelle continua avec ses partisans. Albert demeura fidèle à sa doctrine, et peu s'en fallut qu'elle ne donnât lieu à des émeutes. Le duc consulta des théologiens étrangers, fit tenir des synodes, et se montra faible et timoré. L'avis des frères de Bohême fut contraire aux deux partis. Mœrlin et Venetus (1566) finirent par l'emporter, et furent nommés évêques régionaux. En 1567, le Corpus doc- trinse de Prusse condamna l'osiandrisme et fut imposé à tous les prédicants. Après la mort de Mœrlin (1571-1573), le fana- tique Heszhusius continua la persécution contre les osiandriens, quoique ceux-ci eussent depuis longtemps modifié leurs doc- trines. En 1601, l'on décapitait Fimk, partisan d'Osiandrc.

François Stàncar, professeur de théologie à Kœnigsberg, tomba dans l'extrême opposé. Jésus-Christ, disait-il, ne peut être appelé notre justice que selon sa nature humaine, et non selon sa nature divine, parce que c'est uniquement selon la première qu'il est notre Sauveur, qu'il a répandu son sang, et qu'il nous a affranchis de la Loi en l'accomplissant. Staucar obligé de résigner ses fonctions, alla à Francfort, puis en Polo- gne, où il trouva également de nombreux adversaires de ses vues nestoriennes. Il fut réfuté par Calvin en 1560, et mourut en 1574.

Heszhusius fut destitué pour avoir enseigné que Jésus-Christ doit être adoré non seulcuient au concret, mais encore dans sa chair considérée abstractivement. Il l'avait déjà été pour d'autres motifs à Goslar en 1556, à Rostock on 1557, à Heidelberg, à Brème, à Magdebourg. L'ex-évêque do Samland mourut professeur à Heluistadt, en 1588. La môme destitution échut fréquemment à d'autres professeurs. Simon Musseus (mort en 1576) n'était pas demeuré plus de trois ans dans une seule des quatorze places qu'il occupa ; il fut dix fois déposé et chassé, le plus sou- vent pour son intolérance et son humeur disputeuse. Jean Wigand, si ingrat envers Heszhusius, autrefois professeur à léna (mort en 1587), devint en 1575évêque de Poméranie.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR I.E 213.

Wilkon, Oslanders Leben, Lehre und Scbriflen, Stralsund, i830- 1844; Ilfcbcrlc, Os. Lehre (Studien und Kritiken, 1844); Ritschi, die Rechtfertigungslehre des Oslander (Jahrbücher für deutsche Theol.

LE PROTESTANTISME. 519

V. Dorner u. Liebner, II, livrais. 4); Mœller, Dr. Andreas Osiander, Elberfeld, 1870; Schrœckh, IV, p. 572-587; Dœllinger, Réf., II, p. 81- 95, 100 et suiv., 3oÜ; 111, p. 397-437. Sur Joachim Mœrlin, ibid., II, p. 453 et suiv; HeszUusius, ibid., II, p. 458-474; Simon Musaeus, II, p. 286-290; Wiggei-s, Tilem. Heszhus. et Jean Drakonites, Rostock, 1854; Wilkens, T. Heszhus., ein Sireittheologe der luth. Kirche, Leipzig, 1860; Franc. Stancarus, Schrœckh, IV, p. 58 i et suiv.; Walch, IV, p. 171 et suiv.; Dorner, Christo!., II, p. 589 et suiv. André Mus- culus, depuis 1545 prof, à Francfort-sur-l'Oder, discuta en 1552 avec Stancarus, et soutint que Jésus-Christ était mort selon les deux natures; il fut également attaqué par Mélanchthon : Dœllinger, II, p. 393.

Controverses kargiennes.

2U. George Karg, en 1512, professeur à Wittenberg en 1538, prédicant à (Ettingen en 1539, plus tard à Schwabach et à Ansbach, eut de nombreuses disputes avec ses collègues. Jésus-Christ, disait-il, est lui-même, eu tant qu'homme, assu- jetti à la Loi : par conséquent, sa soumission à la Loi, sa passion volontairement acceptée, ne sauraient être considérées comme l'objet d'une imputation pour les hommes ; nulle part l'Écri- ture n'enseigne l'imputation de la justice de Jésus-Christ ; on peut bien souffrir, mais non être pieux pour autrui. Karg n'ad- mettait pas que la justice du Sauveur fût la cause formelle de notre justification, parce qu'elle n'est qu'excitante. Il fut com- battu en 1569 par Ketymann, prédicant à Ansbach, ensuite par lleszhusius et par d'autres.

Paul Éber et d'autres théologiens de Wittenberg discutèrent vainement avec lui. Comme tous les théologiens luthériens et les princes protestants le tenaient pour hérétique, il fut obligé de se rétracter (1570) et de promettre qu'il se conformerait de tout point aux idées de Luther et de Philippe. Il se passa un long temps avant que les vues de Karg trouvassent désormais des partisans auprès des luthériens; mais elles furent adoptées par des calvinistes, ainsi que par Piscator et Ursinus, l'auteur du Catéchisme d'Ileidelberg. Déjà en 1563, Karg avait eu une controverse sur la cène, pour avoir, dans son Catéchisme d'Ansbach, résolu négativement cette question : Le corps do Jésus-Christ n'entre-t-il pas aussi dans l'estomac quand on

520 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

fait la communion spirituelle? Le doyen Tettelbach voulait qu'on répondit affirmativement.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 214.

Dœllinger, III, p. b64 et suiv.; Anh., p, i5 et suiv.; Schrœckh, V, p. 3o8 ; Sixt, Dr. Paul Éber, Heidelberg, 1843, et Paul Éber, ein Stück Wittenberger Lebens, 1532-1569, Ansbach, 1857. Selon Luther, il y eut échange formel de rôle entre Jésus-Christ et le pécheur, en ce que Jésus-Christ fit et souffrit tout ce que le pécheur aurait faire et souffrir; il est même devenu pécheur par nous (par pure imputation), et a souffert les peines des damnés (Dœllinger, III, p. 80 et seq.). Karg combattit résolument cette substitution de rôles et cette sorte d'impu- tation. Autres luthériens sur ce point (voy. ibid., p. 555-568). Contro- verse de Karg sur la cène : Lang, Hist. de Baireuth, t. III, p. 360 (en allem.).

Controverse sepinienne.

215. Jean ^pinus, pasteur depuis 1529, surintendant à Ham- bourg en 1532, mort en 4553, enseigna ce qui suit, à partir de 45M : L'âme de Jésus-Christ, après le supplice de la croix, est vraiment desceaduo en enfer et a souffert les tourments des damnés : c'est une partie de son œuvre do rédemption. Les prédicants et bientôt le peuple se divisèrent en deux partis : l'un prétendait que la rédemption de Jésus-Christ finissait à sa mort (consummatistes), l'autre voulait que Jésus-Christ eût souffert en enfer (iufcrnalistos, aepinistes). Le magistrat imposa aux prédicants une formule d'enseignement, et consultales théo- logiens do Wittenberg. Mélanchthon, dans son avis, évita do s'expUquer sur cette question et se contenta d'exhorter à la paix. Le magistrat chassa de la ville les adversaires d'^Epinus, et permit à celui-ci de répandre sa doctrine, qui trouvait encore quelques représentants, même au dehors ; mais beau- coup la traitaient d'hérétique.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 215.

Grève, Memoria /Epini iustaurata, Ilamb., 1736, p. 95 et suiv.; Beil., XI, p. 181 ; Planck, Gesch. des prot. Lehrbogriffs, V, i, p. 252 et suiv.; Franck, Theol. d. Concordienformel, 111, p. 497 et suiv.; Dœl- linger, Réf., II, p. 485 et suiv.

LE PROTESTANTISME. 521

Controverse adiaphoriste.

216. La controverse adiaphoriste se rattachait à V intérim de Leipzig (en 1348). Mathias Flacius , surnommé lUyricus, parce qu'il était dans l'illyrie vénitienne, était venu à Wit- tenberg en 1341, à l'âge de vingt et un ans. Introduit auprès de Luther par le diacre Bachofen, il devint son ami et celui do Méianchthon, et fut nommé professeur d'hébreu en 1344. Il était violent et passionné, et avait des accès de mélancolie qui allaient quelquefois jusqu'au désespoir ; il reprochait à Mé- ianchthon et à ses collègues de sacrifier lâchement la vérité en essayant, par leur condescendance sur la question de Vinterim, d'accorder Jésus-Christ avec Déliai, et il sortit furieux de Wit- tenberg. Après des pourparlers avec les luthériens résolus du Nord, il se fixa à Magdebourg, auprès de Nicolas Amsdorf, de Gallus et autres gens du même bord.

A Magdebourg, dont les bourgeois bravaient audacieusement l'empereur aussi bien que le pape, Flacius attaqua sans ména- gements, dans une foule d'écrits, Vi?iierim d'Augsbourg et les théologiens de Wittenberg, qui étaient en train, disait-il, de re- tourner au papisme. Méianchthon profita de toutes les occasions pour lui faire sentir le poids de sa colère. Les princes et les villes essayèrent vainement d'intervenir entre les antiinteri- mistes (les flacieus), et les interimistes (les philippistes). Il en résulta plutôt de nouvelles querelles. Flacius, devenu célèbre par ses Centuries, fut appelé à léna, lui et ses sectateurs (dès 1337) prirent une attitude décidée. Déposé et banni ainsi que ses partisans en 1361, il se rendit auprès de Gallus à Ratisbonne, à Anvers en 1366, puis à Francfort- sur-le- M ein, et enfin à Strasbourg en 1367; il mourut à Francfort en 1575, comme un fauve qui périt dans les tortures de la rage.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 216.

Schrœckh, I, p. 692-695; IV, p. 544-547; Planck, I, p. 86 et suiv.; Dœllinger, II, p. 224-255; cf. p. 143 ot suiv. La controverse fut renouvelée dans de plus larges proportions au temps des piétistes. Voyez ci-dessous, VUI, § 230.

522 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Le majorisme.

217. Luther avait refusé aux bonnes œuvres toute espèce de mérite auprès de Dieu ; Mélanchthon, en d535, déclarait que la nouvelle obéissance consistait dans les bonnes œuvres et qu'elles étaient nécessaires au salut. L'intérim de Leipzig et celui d'Augsbourg avaient adopté la même doctrine. L'un des auteurs de Vinterim de Leipzig était George Major, profes- seur à Wittenberg, puis surintendant (1552) au comté de Mansfeld. En 1551, Nicolas Amsdorf l'attaqua comme adiapho- riste, et l'accusa de nier la doctrine de la justification. Dans cette longue controverse, Major fut suspecté de papisme par Flacius et Gallus, par les gens d'Iéna et autres luthériens. AmsdorfT alla jusqu'à soutenir que les bonnes œuvres sont pré- judiciables au salut; Major maintint que personne ne se sau- vait par de mauvaises œuvres et sans en pratiquer de bonnes, tout en essayant de mettre cette proposition en harmonie avec la doctrine de Luther sur la justification. Le tumulte contre le majorisme devint de plus en plus fort : Major dut quitter le pays de Mansfeld, et, malgré toutes ses concessions, il fut traité sans pitié.

Just Ménius s'intéressa au persécuté, et assura qu'il ne voyait aucune hérésie dans ce qu'il enseignait, Âmsdorf et ses amis déchaînèrent sur lui leur colère; il fut suspendu en 155G, et une commission de théologiens établie à Eisenach l'obUgea de se rétracter, bien (}u'il eût confondu ses adversaires (mort en d558). Le colloque d'Altenbourg, qui fut ufi simple échange d'écritures entre les théologiens de l'électeur de Saxe et ceux du duc Jean-GuillauQie, n'eut point de résultat. Major lui-même mourut à Gotha en 1574, dans une grande pauvreté.

OUVRAGES A CONSULTER ET RKMARQUES CRITIQUES SUR LE 217.

Schrœckh, IV, p. 548-552; Dœllingcr, II, p. 162-179; III, p. 493-555. Doctrine de Luther sur les bonnes œuvres, voyez ibid., p. 90-105. A celte controverse se rattachent également les lettres d'Abdias Praito- rius à Joachim II de Brandebourg, et d'Alésius à Just Ménius, données môme en supplément, III, iv, p. 13-15. Sur Ménius, voy. II, p. 176. Lutte dans le comté de Mansfeld, un concile tenu en 1554, sous Sarcérius, condamna le majorisme et déposa Etienne Agricola, ibid.;

LE PROTESTANTISME. 523

II, p. 271. Colloque d'AItenbourg, ibid., III, p. 533 et suiv. : Acta

Collüi|iiii Altenburg., Lips., 1370, in-f°; Lœber, ad Hist. CoUoquii Allenburg. Animadvers., Altenb., 1776, in-4°.

Le synergiszne.

218. La question, si l'homme coopère avec Dieu dans l'œuvre de sa conversion, suscita la querelle synergiste. Luther, et avant lui Mélanclithon, avaient répondu négativement. Mé- lanchthon modifia bientôt son sentiment, ainsi qu'on le voit déjà par la Confession d'Augsbourg. L'édition de lo3o de ses Lieux théologiques contenait cette assertion, souvent attaquée dans la suite, que trois causes concourent à l'œuvre de la con- version : la parule, le Saint-Esprit et la volonté de l'homme, lequel, loin de rester oisif, résiste à sa propre faiblesse. Cette nécessité du concours de l'homme (synergisme) avait également passé dans Yinterim de Leipzig. Mélanchthon savait bien que Luther avait soutenu le contraire jusqu'à sa mort: c'est pour- quoi il ne voulut poiut à Worms (1557) condamner la doctrine qui niait le libre arbitre,

Jean Pfefünger, professeur à Leipzig depuis 4549, soutint dans une dispute (1550) la nécessité du concours de l'homme dans sa conversion, et développa cette doctrine dans un écrit particulier (1555). De un grand scandale parmi les luthériens rigides. Amsdorf et Flacius écrivirent contre PfefTinger et contre la « très savante et impie bande de Leipzig », qu'ils traitèrent de «chrétiens renégats» et de «mameluks.» Amsdorf reprocha à PfefTinger de renouveler la sophistique impie desscolastiques. Jean Stolz, prédicant à la cour de Weimar, et Flacius à léna, le combattirent avec les écrits de Luther ; Flacius lui opposa deux dissertations, il enseignait avec Luther que la volonté de l'homme est impuissante pour toute espèce de bien, que la conversion est un acte do la toute-puissance divine sur la résis- tance de la volonté humaine.

Tandis que Flacius combattait comme synergistes les théolo- giens de Wittenberg et de Leipzig, son collègue Yictorin Strigel, autrefois adversaire décidé des mélanchthoniens, se levait à léna même pour défendre le synergisme. Un ci.l- loque entre lui et Flacius, tenu par ordre et en présence du

524 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

duc Jean-Frédéric, à Gotha, aboutit à de nouvelles et violentes accusations. Alors parut, à la fin de 1558,1e Livre de réfutation^ composé par Stœffel, Musaeus et Max Mœrlin, revu par Flacius, Sarcérius, Aurifaber, etc., et destiné à flétrir, au nom des ducs de Saxe, toutes les nouvelles erreurs qui se montreraient dans le protestantisme. Le synergisme y était traité d'« opinion impie des adiaphoristes » .

Ce livre, qui devait être lu dans toutes les chaires, fit éclater la lutte à léna. Strigel et le prédicant Hugel protestèrent contre la Réfutation, et furent enfermés dans la forteresse de Grimmenstein ; en 1559, quand, grâce à l'intervention de plu- sieurs princes, ils furent renvoyés à léna, ils durent promettre d'y garder le silence jusqu'à ce qu'ils fussent purgés des plaintes élevées contre eux. Flacius, encouragé par l'arrivée de Judex et de Wigand, soutint une dispute publique à Weimar en août 4560. Elle n'eut aucun résultat. Flacius n'admettait point les arguments philosophiques ; tout devait se décider par l'autorité de Luther, que Strigel n'osa point attaquer. Flacius représen- tait le luthéranisme extrême: il allait jusqu'à soutenir que le péché originel est la vraie substance de l'homme. Les luthé- riens rigides persécutaient à outrance tous les synergistes.

Mesures contre les luthériens.

219. En ce moment, le duc, conseillé par son chancelier Brück le Jeune, prit une autre attitude. Afin de déjouer à jamais les tentatives des prédicauts luthériens pour arrivera la domi- nation, il établit un consistoire composé mi-partie de juristes et mi-partie de fonctionnaires, auquel il soumit les théologiens mêmes d'Iéna. Le surintendant d'Iéna fut déposé. Les flaciens résistèrent, et défendirent l'indépendance de leur ministère con- tre la cour et son consistoire : ils furent destitués et expulsés. Les synergistes triomphaient maintenant à léna comme à Wit- tenberg et à Leipzig.

Le prince électeur de Saxe, voulant purger son pays des fla- ciens, les envoya devant le tribunal de Pfefflnger, au consis- toire de Leipzig. Pfeffinger se vengea des injures qu'il avait reçues. Strigel, malgré sa victoire, perdit son poste à léna. il fut appelé à Leipzig, Pfeffinger, comme surintendant, le

LE PROTESTANTISME. 525

protégea jusqu'à ce qu'il fut obligé de quitter la ville (1567), à cause de ses doctrines calvinistes sur la cène. Cependant les adversaires du syuergisme continuaient d'être les plus nom- breux, et se plaignaient hautement des atteintes portées au protestantisme. En lo(j7, aprus la prise de Gotha, le duc Jean- Frédéric H ,fut emprisonné, et ses domaines échurent à son frère, le duc Jean-Guillaume, qui se hâta de rendre aux flaciens leur pouvoir. Les synergistes furent remplacés par leurs adversaires, tels que Wigand et Irénée.

Pour terminer les controverses théologiques entre la Saxe électorale et la Saxe grand-ducale, l'électeur Auguste et le duc Jean-Guillaume (1568) ménagèrent le colloque religieux d'Al- tenbourg, qui dura quatre mois et n'eut point de suites. Les flaciens étaient représentés par Wigand ; les mélanchthoniens, par Paul Éber, professeur à Wittenberg (mort en 1569). Lorsque le prince électeur Auguste se chargea de la régence dans les duchés (1573) après la mort de Jean-Guillaume, les flaciens, qui dominaient à léna, furent persécutés ; Wigand, Heszhusius, etc., neuf surintendants et cent deux curés furent déposés.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N'* 218-219.

Schrœckh, IV, p. 332-572; Dœilinger, II, p. 119 et suiv., 320-328; m, p. 437-493 ; Otto, de Victorino Strigelio libérions meatis in Eccl. Luth, vindice, Jen., 1843; W. Preger, M. Flac. lUyricus u. s. Z., Berlin, 1839-61. Sur Wigand : Dœilinger, II, p. 476 et suiv.; sur Paul Éber, ibid., p. 153 et suiv.; sur l'antitlacien Christophe Lasius, p. 262 et suiv. Cf. encore Planck, IV, p. 553 et suiv.

Différence des flaciens et des luthériens.

220. Les flaciens (appelés aussi substantiaUstes, par opposi- tion aux accidentaires ou synergistes), très nombreux encore et épars dans différents pays, ne partageaient pas tous la doc- trine du maître sur le péché originel. La formule de Concorde était dans son ensemble contraire à la doctrine de Luther sur le péché originel considéré comme substance de l'homme. Sur le synergisme, tout en rejetant la doctrine de Luther touchant la nécessité absolue de toutes les actions humaines, elle soutenait qu'il ne reste pas dans la nature de l'homme la moindre étincelle de force spirituelle, que l'homme est entièrement mort pour le

526 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

bien, qu'il ne peut coopérer à sa conversion, et qu'en fait de résistance il est pire qu'une pierre ou une bûche ; tout ce qui dépend de lui, c'est de vouloir ou de ne vouloir pas aller à l'église et entendre la parole de Dieu. Mais la formule tombe ici dans une contradiction : d'une part, elle déclare que l'homme est obligé de rejeter l'Évangile comme une fable, tant que Dieu ne le convertit pas, et, d'autre part, elle lui impute à faute sa non-conversion, quand il n'accepte pas la parole de Dieu dans un esprit de foi .

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 220.

0. Schmid ,. des Flacius Erbsündeslreit (Ztschr. für hist. Tlieol., i849, I, p. 3 et suiv.; Il, p. 2d8 et suiv.); Dœllinger, II, p. 272 et suiv. (Accidentaires et Subslantialistes dans le pays de Mansfeld). Le subs- tantialisme , également soutenu par Christophe Irénée à Weimar (ibid.. H, p. 290-294), et nié par Wigand, fut défendu, à l'aide des écrits de Luther, par Cyriaque Spangenberg (ibid., p. 277 et suiv.). En 1576, le synode d'Eisleben condamna le substantialisme (p. 286).

Le cryptocalvinisme.

221. Le calvinisme secret (cryptocalvinisme) fut vivement combattu par les luthériens, surtout dans la personne des phiUp- pistos. A Marbourg, l'habile André Ilypérius d'Ypres (15-42- doO-i) gagna un grand nombre de Suisses et réussit à frayer les voies aux idées calvinistes. A Leipzig parut, en 45GO, un recueil pour la justification des philippistes ; il contenait, il est vrai, les plus importants écrits de Mélanchthon, mais non les articles de Schmalkalde en faveur des réformés. Quelques-uns en attribuè- rent la publication à Mélanchthon; d'autres, h son gendre Gas- pard Peucer, professeur de médecine à Wittenberg. 11 souleva de nombreuses objections. A Brème, le prédicateur de la cathé- drale, Albert Hardenberg, ayant refusé de souscrire à la doc- trine de l'ubiquité, fut suspecté de cryptocalvinisme et expulsé en 1.%1 par ses collègues Musseus, lleszhusius et Timann, ce qui mit en mouvement tout le cercle de la Saxe-Inférieure. Les partisans d'Albert furent excommuniés et interdits. Les contro- verses se terminèrent en 1562 par l'introduction du calvinisme à Brème. Comme ces bouleversements étaient attribués aux que- relles des théologiens, les princes protestants se réunirent eux-

LE PROTESTANTISME. 527

mêmes à Naumbourg (23 janvier 1561), pour essayer de conci- lier les opinions.

Auguste, prince électeur de Saxe, crut que le meilleur moyen d'opérer l'union, était de remettre en vigueur, sans aucun changeraont, la Confession d'\ugsbourg. Pour empêcher qu'on ne médît de la discorde intérieure, il invita à la réunion les États protestants, qui délibéreraient en même temps sur la con- duite à tenir à l'égard du concile de Trente ; quant aux théo- logiens, ils devaient rester chez eux, parce qu'ils ne faisaient qu'accroître le mal. Frédéric, prince électeur du Palatinat, imbu de calvinisme, ne voulut pas signer le dixième article de la Con- fession d'après le texte allemand, mais d'après le texte latin. Ce texte latin portait : le corps et le sang de Jésus-Christ sont vrai- ment présents [vere adsimt) ; le texte allemand : le vrai corps et le vrai sang sont vraiment « présents sous l'espèce du pain et du vin ». Ce dernier texte lui semblait trop papiste. On céda, parce qu'autrement la plupart des États de la haute Allema- gne se seraient séparés. Tous les princes protestants se rendi- rent à l'assemblée, soit en personne, soit par des délégués. On y vit aussi beaucoup de comtes.

On discuta sur les dilîérentes éditions de la Confession d'Augsbourg, et l'œuvre de l'union fut laborieuse. Les théo- logiens d'iéna exigèrent, dans une requête spéciale, qu'on assemblât en outre un synode particulier pour extirper l'ivraie, et menacèrent de la colère de Dieu en cas de refus. Cette colère s'était déjà révélée par des tonnerres affreux et par des têtes de Turcs qu'on remarquait sur les poires. Leur demande ne fut pas adoptée. On convint enfin d'accepter l'édition de la Confession imprimée à Wittenberg en 1531, de la publier de nouveau pour servir de règle, avec une préface dont la rédaction fut confiée aux princes électeurs de Saxe et du Palatinat. Quand la préface, qui admettait aussi l'édition modifiée de 15i0, fut achevée, les ducs .Jean- Frédéric de Saxe et Ulric de Mecklenbourg et quel- ques délégués la rejetèrent , parce qu'elle ne condamnait point en termes formels les erreurs opposées à la doctrine de Luther, surtout celles des sacramentaires.

Jean- Frédéric, conseillé par Max .Mferlin et Jean Stœffel, demeura inébraidable, et partit incontinent de Naumbourg (3 février). Les autres États signèrent, mais les affaires n'en

528 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

furent guère plus avancées. Beaucoup de ceux qui avaient souscrit, expliquèrent ou modifièrent plus tard la préface dans le sens de Luther, tandis que dans le Palatinat Frédéric 111 prescrivait la doctrine calviniste, organisait un assaut contre les images, et introduisait la fraction du pain. En 1563, il chargea les professeurs Zacharie Ursinus et Gaspard Olévian de rédiger le Catéchisme de Heidelberg, la messe catholique était traitée d'idolâtrie (demande quatre- vingtième).

La Hesse électorale elle-même ne put se préserver du crypto- calvinisme. Les plus fougueux d'entre les luthériens, Wigand et Heszhusms, furent expulsés d'Iéna (1573), et les philippistes de Wittenberg redoublèrent d'audace. En 157-i, le prince élec- teur Auguste s'aperçut qu'un grand nombre de ses professeurs et prédicants étaient infectés de calvinisme. Il fit amener les suspects à Pleissenbourg. (Quelques-uns recouvrèrent bientôt la liberté, mais seulement après avoir souscrit les quatre articles dressés à Torgau sur la cène. Ceux qui refusèrent, durent évacuer le pays. Stœssel et George Krakov moururent en pri- son ; Peucer ne recouvra la liberté qu'au bout de douze ans. Leurs remplaçants encoururent bientôt le même soupçon de philippisme, et les luthériens n'eurent point de cesse qu'ils ne fussent entièrement victorieux.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 221.

André Hypérius, mort en 1364 : Dœllinger, II, p. 213 et suiv.; Hyperii Mcthodi theol. libri très, Basil., 1568, avec son éloge funèbre, par Wigand Orth., Corpus doctrinse christ. (Saxonicum [ou Philippicum]), Lips., 1560; Schrœckh, IV, p. 47Ö; Walch, Bibl. theoL, H, 388 et seq.; Heppe, Gesch. d. Prot., I, p. 366 et suiv., 408 et suiv.; Kluckhohn, Friedrich 111 v. d. Pfalz (Münch. bist. Jahrb., 1866, p. 468 et suiv., 482 et suiv., 301); Peuceri, Bist, carcerum et liberationis div., ed. Pezel, Tig., 1603; Frimel, Viteberga a Calvino devastata et divinitus liberata, d. i. Bericht, wie der sacram. Teufel in Sachsenland einge- drungen, Witteub., 1646, ui-i°.

Controverse sur l'inamissibilité de la foi et de la grâce.

222. Une autre question divisait les luthériens et les calvi- nistes : les calvinistes prétendaient que la foi qui justifie, accor- dée de Dieu une fois pour toutes, est un don inamissible j les

LE PROTESTANTISME. 529

plus grands crimes ne sauraient le ravir, et l'homme est infail- liblement assuré de son salut. Les luthériens croyaient au con- traire que la foi et la grâce peuvent se perdre ; que l'homme coupable de grands péchés n'a que la fui générale, historique ; il a perdu la foi spéciale qui justifie, et il faut qu'elle lui soit de nouveau accordée. Sur ce point, les philippistes étaient d'accord avec les luthériens et se trouvaient ainsi séparés des calvi- nistes. On s'appuyait sur l'article 12 de la Confession d'Augs- bourg, condamnant cette proposition des anabaptistes, que ceux qui sont une fois justifiés ne peuvent plus perdre le Saint- Esprit. Ce fut l'objet d'une discussion à Strasbourg entre le surintendant Marbach et le calviniste Zanchi (1561). Les théo- logiens de Marbourg, d'Heidelberg et de Zurich se prononcèrent pour Marbach ; ceux de Tubingue et la plupart des luthériens furent d'un autre avis. A l'instigation du conseil de Strasbourg, Zanchi donna, en 4363, une adhésion équivoque à un formu- laire de concorde rédigé surtout dans le sens luthérien, mais il dut quitter la ville et se rendit à Chiavenna. Le luthéranisme avait acquis la prépondérance. Au colloque de Montbéliard, en présence du duc de Wurtemberg, Bèze défendit avec beaucoup de fermeté , contre Jacques Andrese , l'inamissi- bilité de la foi dans les élus. C'était élever un nouveau mur de séparation entre le luthéranisme et le calvinisme. Beau- coup de luthériens considéraient celui-ci comme plus dan- gereux que le papisme même.

OUVRAGES A CONSULIEK EX REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 222.

Dœllinger, III, p. 574-591. Opiuion de Luther, ibid., p. 115, 117. Con- troverse entre Aquila et le calvinisant Thomas iNaogeorgus de Kahla, ibid.. Il, p. 134, 136. Sur Etienne Proetorius, ibid., p. 528, 529. Col- loque de Montbéliard, en mars 1586 : Acta Colioq. Montisbelligard., Tubing., 1587. Contre Bèze, Kesponsio ad acta Coll., Genev., 1587- 88, en allem., Heidelb., 1588 (Bèze conteste la fidélité des Actes). A. Schweizer, Gesch. der réf. Centraldogmen, I, p. oOl et suiv.

Le Livre de Torgau et de Bergen.

223. Pour procurer enfin aux partisans de la Confession d'Augs- bourg l'unité si désirable de doctrine, le prince électeur Auguste convoqua (1576) les plus fameux théologiens à Torgau, afin d'y V. fflST. DE l'église. 34

530 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

rédiger, au moyen des formules de concorde déjà existantes, une formule nouvelle qui put être généralement admise. Comme l'existence du protestantisme semblait compromise, on crut qu'il fallait se montrer plus coulant sur les questions de dogme. Jacques Andreae, chancelier de Tubingue, s'était déjà mis en relation avec le prince électeur. David Chytrée, profes- seur à Rostock, et Martin Chemnitz, surintendant de Bruns- wick, furent appelés. Dix-huit théologiens délibérèrent à Tor- gan sur le libre arbitre et autres questions, et il en résulta le Livre de Tnrrjau, rédigé surtout d'après les doctrines des mé- lanchthoniens. Il accorde au libre arbitre la faculté de résister au Saint-Esprit qui veut agir on lui,, mais il ne reconnaît qu'à la grâce le pouvoir de changer la volonté, sans cependant exclure le concours (synergie) de la volonté humaine.

Le Livre fut envoyé à tous les États luthériens d'Allemagne et de Prusse, avec prière d'y faire leurs observations. Vingt- cinq avis furent exprimés, les uns courts et approbateurs, les autres plus développés et en partie contradictoires. Ce fut l'occa- sion d'une nouvelle revision du Livre, à laquelle travaillèrent d'abord Chemnitz, Andreae et Selnekker, puis Musculus (mort en 158i), Chytrée et Kœriier. Cependant Chytrée n'eut aucune influence, et il ne souscrivit qu'avec dépit la revision connue sous le nom de Livre de Bergen. On y avait omis ou modifié sur plusieurs points les passages favorables au synergisme ; la majeure partie était conçue dans le pur luthéranisme, et il y régnait beaucoup d'obscurité. Ce fut Andreae qui eut la princi- pale part dans ce travail (Formw/e de concorde, 28 mai 1577). II se composait de deux parties : 1" d'un extrait de la vraie doc- trine ; 2" d'une exposition détaillée {solida declaratio).

Ce nouveau livre symbolique, quoique conçu dans l'esprit du « cher homme de Dieu » , ou plutôt pour cette raison même, no fut point accepté partout. L'électeur du Palatinat, le comte pala- tin Richard et le landgrave (Juillaume de liesse exprimèrent par écrit leur désapprubatiou; les théulogiens de Poméranie, de Ros- tock, d'Ilelinstaidt et de Nureuberg exposèrent leurs griefs ; les calvinistes étaient exaspérés. Peu à peu cependant la formule de concorde fut acceptée par la plupart des États luthériens. Dans la Saxe électorale, elle fut présentée aux États provinciaux à Dresde comme livre de concorde^ avec les anciens symboles

LE PROTESTANTISME. 531

généraux, la Confession non revue d'Augsbourg, son apologie, les articles de SnialkaUle, les Catéchismes de Luther. La sous- cription du 25 juin 1580 lui donna l'autorité d'un symbole.

L'adoption de ce code dogmatique par une multitude de princes et de villes (51) porta un coup terrible aux mélanch- thoniens. Ils essayèrent en 1586 d'exploiter à leur profit le changement de souverain, et sous Christian !•"■ ils relevèrent la tète, appuyés qu'ils étaient par le chancelier Nicolas Crell, ami des libres penseurs et ministre presque tout-puissant, qui tra- vaillait secrètement à la réunion des luthériens et des calvi- nistes. Les controverses en chaire furent défendues, et les plus importants emplois confiés aux philippistes.

Un publia une édition de la Bible dont les introductions et les notes exposaient la doctrine de Calvin, réfutaient la formule de concorde, interdisaient la sonnerie pendant la cène et les exorcismes dans le baptême. Quant au mécontentement des luthériens, le chancelier n'en avait cure; il semblait que la Saxe électorale allait devenir calviniste. Christian I" mourut en 1591, et Frédéric-Guillaume I", duc de Saxe-Altenbourg, zélé luthé- rien, fut nommé tuteur de Christian II. La veille de l'inhuma- tion de Christian I'', Crell fut saisi, de même que Steinbach et Salmuth, prédicateurs de la cour de Dresde, et Pirius, surinten- dant de Wittenberg. On élargit ces derniers après qu'ils eurent signé l'aveu de leurs péchés calvinistes ; Crell eut la tète tran- chée après une captivité de huit ans.

A Dresde et à Leipzig, la populace luthérienne déchaînait sa fureur sur les maisons et les cadavres des calvinistes ; tous les réformés se virent expulsés de Leipzig à la suite d'une insur- rection (14 et 15 mai 1592). Le luthéranisme fut restauré avec toute la sévérité possible, et l'on fit vivement ressortir dans les '( articles de la Visitation de Torgau » sou opposition au calvi- nisme. En Silésie aussi, surtout à Breslau et à Liegnitz, des prédicants et des docteurs furent congédiés comme calvi- nistes déguisés : car le peuple luthérien les détestait à l'égal des hérétiques. Les quelques conversions au calvinisme n'avaient lieu que dans les classes élevées. Les dénonciations étaient à l'ordre du jour, et pratiquées surtout par Samuel Huber, expulsé de Berne et converti au luthéranisme. Quant à la for- mule de concorde, elle subit encore pendant longtemps de nom-

532 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

breux assauts. Dans le Holstein, elle fut attaquée par le surin- tendant Paul d'Eitzen.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 223.

Colloque religieux de Maulbronn, avril 1364, entre Palatins et Wur- tembergeois (Brenz) : Epitome colloquii Maulbron. inter theol. Heidel- bergenses et Würtenb. de cœna Domini et majestate Christi, 1364; Wahrhaftiger und gründl. Bericht v. d. Gesprsech... gestellt durch die Würt. Theol., Francf., 1564. Contre : Epitome coli, Maulbr. cum resp. Palatinor. ad Epit. Würt., Hcidelb., 1565; Duplik., Tüb., 1565, in-4°; Klunzinger, das Relig.-Gespr. zu M. actenmœszig dargestellt und kritisch beleuchtet (iNiedners Ztschr. für bist. Theol., 1849, I, p. 166 et suiv.). Projet de Jacques Andreœ en 5 articles pour rétablir l'unité parmi les luthériens, en 1368. Déclaration des Églises de Souabe et de Wurtemberg, en 1373. Elle donna lieu, après des changements opérés par Chemnitz et Chytrée, à la « Concorde de Souabe-Saxe » (1573). Formule de Maulbronn, 19 janvier 1576 (Hutter, Concord. conc, p. 303 et seq.; Planck, Vi, p. 428 et suiv.), dont la substance a passé dans le Livre de Torgau, lequel fut approuvé par une nouvelle assemblée tenue à Maulbronn, le 13 sept. 1376; Kœlhier, Symbol, d. luth. K.-G., p. 323 et suiv.; Dœllinger, Réf., II, p. 502 et suiv.; III, p. 472 et suiv. Sur Nicol. Selnekker de Uersbruck, mort en 1392 à Leipzig : Dœllinger, II, p. 331-350. Sur les travaux de Jacq. Andreœ, ibid., II, p. 379-392; sur David Chytrée, ibid., II, p. 300-510. Formula Concord., dans Hase, Libri symbol., p. 570-830. Cf. Proleg., p. cxxxiv et seq. Contre : Ilospinian., Concordia discors, Tigur., 1608. Réponse de Hutter, Concordia Concors, Viteb., 1614, in-f«, Lips., 1690, in-4°; Anton, Gesch. der Concordienformel, Leipzig, 1779, 2 vol.; Menzel, IV, p. 308; V, p. 184 et suiv.; Gœschel, die Concordienformel nach ihrer Geschichte, Lehre u. Bedeutung, Leipzig, 1858; Frank, Theol. d. Con- cordienformel, Erlang., 1858. Opposition en Hesse par Barth. Meyer, mort en 1600, et le landgrave Guillaume : Dœllinger, II, p. 223 et suiv,; en Poméranie, ibid., III, p. 367 et suiv,, 479 et suiv.; à Nurenberg et Anhalt, ibid., p. 481 et suiv.; dans le Holstein, par Paul d'Eitzen, ibid,, II, j). 487-490. Johannsen, Schleswig-Holsteins Stellung zur Concordien- formel (N. Ztschr. f. bist. Theol., 1850, IV, p. 638 et suiv.) u. Pfalzgraf Job. Casimir u. s. Kampf gegen die Concordienformel (Ztschr. für bist. Theol., 1861, p. 419-476). —Blum, Leichenpredigt über Dr. Crell, Leip- zig, 1601. Contre : Antwort und wahrhaftiger Gegenbrief auf die Lei- chenpredigt Blums, 1 605 ; Engeicken, Hist. Nicolai Crellii, Rostock, 1 727; Schroeckh, IV, p. 649 et suiv.; Menzel, V, p. 176; Hasse, über die kir- chengeschichtl, Bedeutung des CreU'schen Processes (Niedners Ztschr.

LE TROTESTANTISME. 533

f. bist. Theol., 1848, II, p. 31o et suiv.); Calinich, Kampf u. Untergang des Melanchthonismus in Cliursachsen, Leipzig, 1866; Kluckhohn, der Sturz der Kryptocalvinisten in Sachsen (Sybels bist. Ztschr., 1867, t. XVIII, p. 77-127); A.-V. Richard, Der churfürsll, ssechs. Kanzler Nik, Grell, Dresde, 1859. Quatre articles de la « Visitation de Torgau », 1 592, sur « falsa et erronea doctrina calvinistarnm » (Herzog, RealencycL, XVI, p. 144). Jacques Andrese avait mis les calvinistes au même rang que les ariens et les mahométans, et Philippe Nicolai, à Hambourg (mort en 1608), déclara, dans son Histoire du règne de Jésus-Christ (Nurenb., 1628, p. 594), que la papauté valait mieux que le calvinisme. Dœllin- ger, II, p. 382, 497.

Galixte et les syncrétistes.

224. Il y avait encore des théologiens qui essayaient de con- cilier les divergences. Tel fut en particulier George Calixte, en 1586 à Meelby dans le Schleswig, enrichi par ses études et ses voyages de connaissances variées. Professeur à Helmstœdt, il y combattit en IGll, dans des disputes, la doctrine de Luther sur l'ubiquité du corps de Jésus-Christ et sur la communication des propriétés des deux natures, telle que l'exposait la formule de concorde ; il la trouvait entachée d'eutychianisme : de vient que quelques-uns le suspectèrent de calvinisme. 11 sou- tint ensuite (1619), dans son Extrait de la théologie, qu'on pou- vait dire en un certain sens que Dieu est improprement et par accident l'auteur du péché, et il négligea plusieurs antithèses contre les calvinistes et les catholiques. Il fit encore plus de bruit par la préface de son édition de Vincent de Lérins (1629), il semblait mettre la Tradition à côté de la Bible, et par son Extrait de la théologie morale (1634), avec une digression {de Arte nova) l'on trouvait des essais d'accommodement entre les calvinistes et les catholiques ; il disait en outre que plusieurs points de controverse entre les cathoUques et les pro- testants ne regardaient pas le fond et l'essence de la foi, et que les catholiques pieux pouvaient se sauver. On appelait cela le mélange de la foi, syncrétisme.

Le collègue de Calixte, Conrad Hornejus, émit des opinions semblables dans des conférences. Ces deux hommes ne furent pas beaucoup inquiétés dans le principe ; mais en 1639 Statins Buscher, prédicant dans le Hanovre, essaya d'établir que Calixte et ses amis s'étaient écarles de la doctrine des symboles

b34 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

qu'ils avaient jurés, puisqu'ils acceptaient avec la Bible les anciennes ordonnances de l'Église, qu'ils plaçaient la raison et la philosophie presque au-dessus de l'Écriture, soutenaient enfin des doctrines fausses et suspectes, telles que celles-ci : le péché originel n'est pas toute la nature de l'homme, mais un simple accident, la perte de la justice surnaturelle ; on peut, avec le secours de la nature, connaître en partie Dieu et ses actes, distinguer le bien du mal, pratiquer l'un et s'abstenir de l'autre ; les enfants, avant d'avoir atteint l'âge de raison, ne commettent point de véritables péchés ; dans la doctrine de la justification par la foi, Calixte supprime le mot « seule », et semble adm(3tlre quo les bonnes œuvres méritent la vie éter- nelle et nous affermissent dans notre vocation; l'ÉgHse luthérienne a conservé la substance de l'ancienne religion, et les membres de tous les partis religieux chrétiens doivent par- venir à la même félicité, quand ils s'appuient sur la même foi au Fils de Dieu, sur la môme confiance en ses mérites et en sa mort, sur la même espérance dans la vie éternelle ; si le pape consentait à supprimer quelques abus, Calixte était disposé à lui reconnaître, selon le droit humain, la première place dans l'Église; la cène ou la m-esse peut, dans un sens large, s'appeler un sacrifice. Calixte entendait réunir toutes les con- fessions au moyen de ce qu'il appelait les « articles fondamen- taux », le symbole des apôtres et l'enseignement des cinq premiers siècles du christianisme.

Il était soutenu par son gouvernement et par l'université d'Helmstsedt. Le livre de Buscher fut interdit à Hanovre ; Calixte et Horncjus se justifièrent dans un écrit particulier (Lunobourg, 16-41). En 16-43, Ilornejus soutint dans une dis- pute la nécessité des bonnes œuvres pour le salut, doctrine détestée dos luthériens depuis le temps de Major, et la que- relle ne fit que s'envenimer. Un disciple de Cahxte ayant avancé cette proposition (1645), que la Trinité n'était pas aussi clairement révélée dans l'Ancien Testament qu'elle l'a été dans le Nouveau, il fut accusé d'erreurs judaïques et ariennes.

La colère des luthériens s'accrut encore lorsque Calixte , appelé par le roi de Pologne au colloque religieux de Thorn, conversa amicalement avec les calvinistes, contre lesquels il écrivit, du reste, plusieurs livres, et qu'un certain nombre

LE PROTESTANTISME. 535

de ses partisans se convertirent au catholicisme. Il fut attaqué par Jacques Weiler à' Dresde, par Abraham Calov à Dantzig Wittenberg depuis 4630), par Jean Hulsemann à Leipzig, par Werner, Scharpf, etc. Saiomon Glass et Jean Musseus se posè- rent en médiateurs. On publia contre lui un nouvel ouvrage symbolique, « le Consentement renouvelé de la vraie foi luthé- rienne ». Cependant Calixte mourut en paix en 1636, honoré et soutenu par Hermann Conring et par la plupart de ses col- lègues. Les mouvements qu'il avait excités, durèrent jusqu'à la fin du dix-septième siècle. L'université d'Eichstaedt se maintint dans les principes de tolérance déjà suivis pieusement par le péripatéticien Cornéhus Martini et Jean Casélius (de leur nom de caséliens ou simplicistes), et protégés par la cour de Bruns- wick. Dans cette controverse du syncrétisme, on discutait con- tinuellement sur le péché originel, les bonnes œuvres, la justification, la cène et l'Église. L'idée que les trois grandes fractions formaient l'unique Église catholique et qu'on pouvait se sauver dans chacune d'elles, reparut encore à plusieurs re- prises.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 224.

A. Calov, Hist. syncretistica, 1682 (confisquée en Saxe); MoUer, . Cimbria lit., III, 121-210; Schrœckh, IV, p. 688-710; Henke, Calixts Briefwechsel, Halle, 1833. (Continuations, léna, 1835, et Marburg, 1840.) Le même, die Univ. Helmstœdt im 16 Jahrb. oder G. Calixt u. s. Zeit, Halle, 1833 et suiv., 2 vol.; Gasz, Georg Calixt u. d. Syncretis- mus, Breslau, 1846, u. Gesch. der prot. Dogm., Berlin, 1857, 2 vol.; Schraid, Gesch. d. synkr. Streit, in d. Zeit des G. Calixt, Erlangen, 1846; Dowding, the Life and Corresp. of Cal. Oxf., 1863. Statiug Buscher, Crypto-Fapismus novœ theolog. Heimst., Hamburgi, 1639, in-4°. La formule de concorde ne fut pas adoptée dans le Brunswick mais remplacé ]jar le « Corpus doctrinal Juliuni », recueil de symboles composé par Chemnitz, d'après le travail préliminaire de 1569 fait sou^ le duc Julius pour ses provinces. Elle accepta le « Corpus doctrinae Wilhel- minum >i pour le pays de Lunebourg; l'ouvrage d'Urbain Régius : For- mulée quœdam caute et extra scandalum loquendi de prsecipuis christ doctrinae locis, de 1535. Consensus repetitœ fidei vore lutheranae, de 1655, en 88 articles. Ajoutez : Calov, Harmonia Calixtino-hœretica, 1655; Syst. locor. theolog., 2 vol., h. a. Sur la philosophie à Helms taîdt, voy. Denzinger, von der rehg. Lrkenntnisz, I, p. 133 et suiv.

536 msToiRE DE l'église.

CONTBOVERSES THÉOLOGIQUES PARMI LES CALVINISTES.

Les supralapsaires et les infralapsaires. Les arminiens et les gomaristes. Les remontrants.

225. Parmi les calvinistes des Pays-Bas, la doctrine de Calvin sur la prédestination suscita une violente dispute. Deux partis étaient en présence : les supralapsaires soutenaient que la prédestination au ciel ou à l'enfer avait eu lieu avant la chute ; les infralapsaires soutenaient qu'elle avait eu lieu après. Jacques Harraensen ou Arminius, en 1560 dans la Hollande méridionale, après avoir achevé ses études à Genève sous Bèze, puisa Paris et à Padoue, avait adopté des opinions moins rigides sur la liberté et l'élection de la grâce. Il fut chargé, comme prédicateur, de réfuter les calvinistes moins rigides et infra- lapsaires ; mais il se montra encore plus résolu à condamner ce qu'il était chargé de défendre. Professeur de théologie à Leyde depuis 1603, il trouva dès le début un adversaire passionné dans son collègue François Gomar, qui s'offusquait de la plus légère apparence de contradiction avec Calvin, et l'accusa do semi-pélagianismc. Arminius^ de son côté, essaya de prouver que la doctrine de Gomar faisait Dieu auteur du péché et qu'elle était manichéenne. Depuis 1604, la controverse fut ardemment soutenue par des disputes et des écrits. Gomar avait pour lui la majorité des prédicants et du peuple ; Arminius était appuyé par les infralapsaires et surtout par les hauts fonctionnaires de l'État.

Arminius demanda à se justifier dans un synode contre ses calomniateurs. On lui accorda provisoirement de .soutenir une discussion contre son adversaire devant une députation des états (1608). Le rapport de cette commission fut favorable à Arminius, et l'on recommanda aux deux parties de garder le silence. Les gomaristes, mécontents, contestèrent à l'État le droit de s'immiscer dans les querelles religieuses. La fermenta- tion augmentait. Arminius, il est vrai, mourut en 1609 ; mais ses principes lui survécurent, et trouvèrent d'habiles et coura- geux organes dans Jean Uytenbogart , Conrad Vorstius et Simon Épiscopius. Lorsque ceux-ci furent accusés auprès des états de troubler la paix du pays et de professer des doctrines

LE PROTESTANTISME. 537

hétérodoxes, ils leur présentèrent en 1610 une justification en cinq articles, appelée remontrance : de le nom de remontrants donné aux arminiens.

Voici les cinq articles : iMe conseil de Dieu est conditionnel, il ne sauve que ceux qui croient ; Jésus-Christ est mort pour tous les hommes, mais les fidèles seuls jouissent des fruits de sa mort ; l'homme peut accepter la grâce ou la refuser, mais la grâce seule peut le conduire à la grâce ; la grâce n'opère point d'une manière irrésistible, ni avant, ni pendant, ni après la conversion ; les fidèles ont sans doute le pouvoir de per- sévérer, mais on ne peut pas soutenir d'une manière absolue l'inamissibilité de la foi. Les gomaristes présentèrent une contre-remontrance dans le sens de la doctrine rigide de Calvin : de leur nom de contre-remontrants. Dans plusieurs localités, à Alkmaar, à Utrecht, des collisions éclatèrent entre les deux partis dès l'année 1610.

Lutte entre les deux partis. Synode de Oordrecht.

226. Les colloques religieux provoqués par les états (en 1611 à la Haye et en 1613 à Delft) demeurèrent sans résul- tat. En 1611, Conrad Vurstius perdit sa place de professeur, mais reçut une pension. Gomar avait précédemment renoncé à sa charge et quitté le pays. Comme les états gardèrent la neu- tralité, les places de professeurs furent données au remontrant Épiscopius et au contre- remontrant Jean Polyandre. Les goma- ristes, favorisés par Jacques I" d'Angleterre, se mirent (depuis 1613) au-dessus des ordonnances, et commencèrent à fonder des communautés particulières. Les arminiens comptaient parmi les leurs deux hommes distingués : Jean d'Olden-Barneveldt, avocat général dès 1586, plus tard pensionnaire conseiller de Hollande, et Hugues Grotius (de Groot), avocat fiscal de Hollande et syndic de Rotterdam, teus deux tolérants et indifféren- tistes.

Les remontrants, depuis 1611, n'étaient pas seulement tolé- rés, mais encore ouvertement favorisés. Cependant le gouver- neur et général Maurice d'Orange, avide du souverain pouvoir, so rattacha de plus en plus, pour des raisons purement poli- tiques, aux contre- remontrants^, et fréquenta leurs églises à

538 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

partir de 1617. Les arminiens et Olden-Barneveldt étaient de francs républicains ; on les appelait aussi les gueux politiques, et les gomaristes, les gueux de Genève ou de Slyk. Le synode était réclamé de toutes parts : le prince Maurice le convoqua à Dordrecht pour le 11 novembre 1618, bien que plusieurs États y fussent opposés. Olden-Barneveldt fut condamné à mort; Hoogerbetts, syndic de Leyde, et Hugues Grotius, à la prison perpétuelle, mais ce dernier s'évada plus tard par les ruses de sa femme; Hoogerbetts ne recouvra la liberté qu'en 1626; Olden-Barneveldt fut exécuté. Maurice, à la tête de ses soldats, changea les collèges de magistrats.

Les arminiens, dont les chefs furent accusés d'être partisans des Espagnols et papistes, s'affaiblirent, et, du reste, ils étaient déjà condamnés d'avance par le parti dominant des calvinistes. Le synode de Dordrecht (novembre 1618-mai 1619) comptait vingt-huit théologiens étrangers, tant de l'Angleterre que de l'Ecosse et du Palatinat. Les remontrants no furent pas admis comme membres du synode, mais seulement comme accusés. Le prédicant Jean Bogermann, de Leuwarden, qui fut d'abord président, justifia, comme le faisait Calvin, la peine de mort contre les hérétiques. Dans la vingt-deuxième session, Épiscopius déclara qu'il était prêt à accepter une conférence ; mais sa proposition, tout équitable qu'elle était au point de vue protestant, ne fut pas même écoutée. Il demandait que les opi- nions des deux parties fussent appréciées non seulement d'après les symboles réformés, mais encore d'après la Bible. L'autorité do Calvin passait pour infaillible. On disait aussi que Jésus- Christ demeurait avec l'Église jusqu'à la lin du monde, et cependant qu'il l'avait quittée depuis plus de mille ans.

Ce fut seulement dans la cinquante- septième session que l'on condamna « l'hérésie d'Arminius » et qu'on opposa cinq arti- cles nouveaux aux cinq articles des remontrants. Selon ces articles, l'élection dépend tout entière du bon plaisir de Dieu, qui n'a aucun égard au bien qui peut se trouver dans l'homme; la mort de Jésus-Christ n'est efficace que dans les élus ; le hbre arbitre de l'homme n'a aucune part à la conversion de ceux qui sont appelés. Tous ceux qui sont appelés, Dieu les affran- chit complètement, mémo en ce monde, du joug du péché ; s'ils tombent dans des fautes grossières, Dieu ne leur retire pas

LE PROTESTANTISME. 539

entièrement le Saint-Esprit, à cause de son dessein éternel ; il ne leur permet pas de commettre des péchés qui soient à la mort ou contre l'Esprit-Saint.

Les arminiens furent déclarés hérétiques ; deux cents per- dirent leurs places, quatre-vingts furent exilés, quarante pas- sèrent aux gomaristes et quelques-uns au catholicisme. Beau- coup allèrent dans le Brabant, comme Uytenbogart et Épiscopius ; d'autres, dans le Schleswig, ils bâtirent Friedrickstadt . Il y avait parmi ceux qui furent déposés et expulsés beaucoup de savants de marque : Épiscopius, qui continua de combattre par la plume ; Gérard-Jean Voss, Gaspard Barlseus, Pierre Bertius. Les décrets de Dord recht furent reçus dans les Pays-Bas, en Suisse et en France, mais non en Angleterre (excepté par les presbytériens) et dans l'électorat de Brandebourg, Jean Sigismond, en 1614, avait passé au calvinisme, ainsi que le landgrave de Hesse dix ans auparavant. Chez les calvinistes allemands, la doctrine mitigée du Catéchisme de Heidelberg sur la prédestination prévalut.

Doctrine des arminiens. Les collégiens.

227. Voici les prhicipaux arguments que les arminiens fai- saient valoir : La théorie rigide de la prédestination fait Dieu auteur du mal ; elle anéantit et rend inexplicable la mort expia- toire de Jésus-Christ ; la prévision se change en destin. Le libre arbitre appartient tellement à l'homme, qu'il ne peut jamais le perdre ; le péché d'Adam était un acte libre, qui a entraîné la perte de la vraie justice et une infinité de maux temporels; mais il n'a pas ravi à l'homme tout pouvoir d'opérer le bien; la rédemption a été universelle, et chacun reçoit des grâces suffi- santes, de sorte que celui qui ne se relève pas de la chute en porte lui-même la peine.

La raison de l'efficacité de la grâce, les arminiens la trou- vaient dans l'homme, et niaient qu'on ne put pas y résister ; ils enseignaient que toute œuvre vraiment bonne doit com- mencer, se continuer et se consommer dans la grâce. La foi qui sauve {fides salvifica) , selon eux, est celle qui opère par la charité; et ils désignaient comme des actes de Dieu l'élection, l'adoption, la justification, la sanctification et le sceau

540 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSE.

du Saint-Esprit. Parmi les sacrements, dont ils se faisaient des idées obscures, ils n'en admettaient que deux. Sur la cène, ils adoptaient les vues de Zwingle.

D'autres, tels que Limborch, soulevèrent le subordinatio- nisme sur le dogme de la Trinité et admirent une foule d'idées sociniennes. Les collégiens (leurs assemblées s'appe- laient collèges) rejetaient toute doctrine positive, admettaient la liberté absolue d'enseigner et de prêcher, défendaient d'ac- cepter des emplois, de prendre du service militaire et de prêter serment. Dans les Pays-Bas, une conjuration ourdie par les fils d'Olden-Barneveldt ayant été découverte, on renouvela la persé- cution contre eux (1623). Après la mort du prince Maurice (1625), leur position s'améliora, et, en 1636, ils obtinrent la liberté de religion, excepté dans la ville de Dordrecht. Sous le prince Frédéric, beaucoup, tels que G.-J. Voss et Barlaeus, retournèrent en Hollande.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"" 225-227.

Walch, Hist. u. theol. Einleit. in die Streitigkeiten , sonderlich auszer der lutherischen Kirche, 3"= éd., léna, 1733 et suiv., 5 vol.; Schweizer, die protest. Central-Dogmen innerhalb der ref. Kirche, Zurich, 1854, 2 vol., surtout II, p. 43 et suiv.,J)5, 181 et suiv.; Hagen- bach, Dogmengesch., 3*^ éd., p. o8U; Ref. Dogm., II, p. 123 et suiv.; Dorner, Gesch. der protest. Theol., p. 404 et suiv.; Leo, Univ. -Gesch., IV, p. 12 et suiv.; H.-C. Rogge, Casper Janszoon Coolhses, de voor- looper van Arminius, et Wiarda, Huibert Duifhuis, de prediker v. S. Jacob (tous deux, Arast., 1858). Regenberg, Hisl. der Remonstran- ten, en allem., Lemgo, 1781 ; Luden, Hugo Grotius nach Schicks, und Schriften, Berlin, 1805; L. Clarus (Vœlk, Conv.),Hugo Grot. Rückkehr z, kalh. Glauben, du hollandais, par Broere, éd. Schulte, Trêves, 1871; Van Prinsterer, Maurice et Barneveldt, étude bist., Utrecht, 1875; Th. Wenzelburger, .loh. Oldenbarneveld und sein Procesz (Sybels hisl. Ztschr., 1876, II), Acta Synodi nat. Dordrac. hab., Lugd. Batav., 1C20 et seq., Han., 1620, in-4»; Acta et Scripta Syn. Dordrac. Remon.'^trantium , Harderw., 1620; Augusti , Corp. libr. symbol., p. 198-240; Halesii, Hist. Conc. Dordraccni, ed. Moshera, Hamb., 1824; Graf, Beitr z. Gesch. der Synode v. Dordrecht, Râle, 1825; Heppe, Hist. syn. nat. Dordr. s. lit. delegator. ad Landgr. Maurit. (Illgens hist. Ztschr., 1853, p. 226 et suiv,); Schweizer, Dordr. Synode und Apok. (Ztschr. f. hist, Theol., 1854, IV). Ouvrages d'Épiscopius : Con- fessio seu Declaratio sententiae pastorum, qui in fœderato Belgio

LE PROTESTANTISME. 5il

Reraonstrantes vocanlur, 1622; Responsio ad duas Pétri Wading. epist.; Antidotum seu Genuina Declaratio sententiœ Syn. Dordracen. Examen censurœ (de sa Confession); Institut, theol., resté inachevé après sa mort, 1643; Hist. vitae S. Episcopii scripta a Phil. Lim- borch, Amstel., 1701. Schrœckh, V, p. 330 et suiv.; Grégoire, Hist. des sectes relig., V, 328; Rues, Gegenwart. Zustand der Menno- niten und CoUegianten, léna, 1743; Fliedner, Collectenreise nach Holland, Essen, 1831, 1, p. 186 et suiv.

Les partis calvinistes en Angleterre et en France.

228. Les calvinistes d'Angleterre se partageaient en épisco- paux et en presbytériens. De ces derniers sont sortis les puritains et autres sectaires fanatiques. La controverse sur les droits des évoques donna lieu à des ouvrages sérieux. Il y eut aussi, après le synode de Dordrecht, ce qu'on appelait les lati- tudinaires, qui, l'exemple des remontrants de Hollande, pro- fessaient des opinions plus larges sur l'élection de la grâce, et, bientôt après, sur d'autres dogmes. Ils eurent d'abord pour organes Jean Haies (mort en 1656), qui avait assisté au synode de Dordrecht, et Guillaume ChilJingworth (mort en 1644), qui essayait de limiter autant que possible le nombre des articles de foi, surtout dans son ouvrage : la Religion protestante sûr moi/en d'arriver au salut (1638).

En France aussi , quelques-uns répudiaient les principes rigides de Calvin, entre autres Cameron (mort en 1625), et son disciple Amyraut, professeur à Saumur (mort eu 1664). Le collègue de celui-ci, Josué de la Place (mort en 1665), croyait que le péché d'Adam ne pouvait être imputé à faute à ses des- cendants que par l'intervention du péché actuel ; il fut con- damné par le synode de Charenton (1642). Le Blanc, professeur à Sedan (mort en 1675), suivait à peu près la même direction que George Calixte ; les ditférences qui séparaient les calvi- nistes et les luthériens lui semblaient insignifiantes, parce qu'elles ne touchaient à aucun article essentiel et fondamental. Les synodes réformés condamnèrent également cette assertion de Claude Pajon, professeur à Saumur (mort en 1685), que le Saint-Esprit n'opère pas d'une manière immédiate et surnatu- relle, mais seulement d'une façon indirecte, par les images les raisons qu'il présente à l'esprit et au cœur. Isaac de la

542 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Peyrère (Peyrerius), en 1594, fit grande sensation quand il soutint cette thèse qu'il y avait eu des hommes avant Adam (préadamites), qu'Adam n'était que l'ancêtre des Juifs, et que ceux-ci avaient seuls hérité du péché. On lui reprochait aussi ses explications arbitraires de la Bible. Il mourut dans le sein du catholicisme (1676).

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 228.

Épiscopaliens et puritains, ouvrages, §§ 159, 165. A Brief Account of the new sect of Latitudinarians, Lond., 1662; Jurieu, la Religion du Latitudinaire, Rotterd., 1698; Utr., 1697; Bury, Latitudinarius oiiho- doxus, 1697. Jean Cameron de Glasgow, mort en 1625 à Montau- ban. Cf. Baur, Theol. .lahrb., 1853, II, p. 174 et suiv. Sur Amyraut, Synode de Charenlon, 1644; Aynion, Synod. réf., II, 663, 680. Il éten- dit le « Decretum universale et hypotlieticum » aux païens, et distin- guait entre la grâce résislible et la grâce irrésistible. Contre sa doc- trine : « Formula consensus Ecclesiae helveticœ >>, 1675 (Augusti, loc. cit., p. 443 et seq.), par Turretin et Heidegger. A. Schweizer, dans Bauers Theol. Jahrb., 1853; über den Pajonismus in Gesch. der Cen- traldogmen, 1, u, p. 564 et suiv., 576 et suiv. Isaac de la Peyrùre, Praîa- damitee s. Exercitatio super vv. 12-14 cap. v Ep. ad Rom., 1653. Sys- tema theol. ex Praîadamitarum hypolhesi. Par., 1655. Cf. du Plessis d'Arg., III. n, p. 279; Natal. Alex., H. E., Suppl., II, 535. Zœckler, dans Ztschr. für luth. Theol. u. K., 1878, I; Niceron, Nachr. von be- rühmten Gelehrten, Halle, 1771, XXIH, p. 91 et suiv.; Jugler, Bibl. bist. lit. sel., III, i, XH; Walch, Einl. in die Streitigk. auszerhalb der lutli. Kirche, t. HI.

PETITES SECTES PROTESTANTES. Les anabaptistes à Munster.

229. Jusqu'en 4530, divers essais furent vainement tentés pour introduire la doctrine de Luther on Westphalie. L'autorité croissante de l'alliance do Smalkalde rendit les novateurs plus audacieux, et ils acquirent insensiblement de l'influence à Min- den, Herford, Lemfe^), Soest, Lippstadt, puis aussi à Munster. Dans cette dernière ville, Bernard Rottmann, chapelain de Saint- Maurice, prêcha d'abord (en 1532) la nouvelle doctrine avec une véhémence fanatique, excitant le peuple à détruire sans pitié les autels et les images des saints. Il eut bientôt gagné lo magistrat et l'appui du margrave de liesse. Le 14 février 1533,

LE PROTESTANTISME. 543

la nouvelle doctrine obtenait la liberté d'enseignement et les protestants recevaient six églises ; les catholiques conservèrent les autres, ainsi que la cathédrale.

Déjà en 1532, les anabaptistes de la Frise orientale, Mel- chior Hoffmann, de Souabe, déployait une grande activité, avaient essayé de s'y créer des partisans. Rottmann, chef des luthériens, les avait combattus et repoussés ; mais bientôt il se posa lui-même en adversaire du baptême des enfants, et trouva de l'écho chez quelques prédicants. Il était défendu , il est vrai, de discuter sur le baptême et la cène (août 1533); mais le conseil de la ville était trop faible pour résister aux anabap- tistes, qui affluaient en grand nombre et auxquels il défendait de prêcher. Les anabaptistes, devenus de plus en plus fanatiques, voulaient qu'on étouffât tout ce qui tient de l'homme, mépri- saient les sacrements et tout l'ordre ecclésiastique, renouve- laient d'après l'Apocalypse les rêveries des millénaires, et s'adonnaient à un spiritualisme montaniste et visionnaire. Le magistrat fit venir deux prédicants pour lutter soit contre les catholiques soutenus par le prédicateur de la cathédrale, le docteur Mumpert, envoyé par l'archevêque François de Wal- deck ; soit contre les anabaptistes, qui se multipliaient de plus en plus et recevaient constamment de nouveaux renforts do la Hollande. Les anabaptistes ne tardèrent pas à l'emporter.

Les trois apôtres envoyés par Jean Matthiesen, chef de la secte en Hollande, prêchèrent sur l'avènement du règne millé- naire de Jésus-Christ et sur la chute prochaine de toute tyrannie. Ils produisirent un profond ébranlement. Vint ensuite (1534-) Jean Bockelson, tailleur de Leyde (surnommé Jean de Leyde), et enfin le prophète Matthiesen lui-même. Le conseil d'État n'était plus de force à maîtriser le mouvement. Cinq cents anabaptistes s'emparèrent de la place du Marché, obtinrent la liberté absolue de religion, et s'en servirent pour étouffer les autres partis. Le bourgmestre Tilbek se fit baptiser, et se prêta à une nouvelle organisation de la magistrature.

Le 25 avril, on décréta l'expulsion de tous ceux qui refuse- raient le nouveau baptême. Les églises, les bibliothèques, les couvents, furent détruits ; la communauté des biens fut intro- duite. Jean de Leyde, s'autorisant de la révélation divine, abolit la magistrature, établit douze juges, usurpa, avec le titre de

544 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

roi, le gouvernement de la forteresse de Sion, ainsi qu'il appe- lait Munster, et régna en maître absolu. II introduisit la poly- gamie et prit lui-même dix-sept femmes. Il annonça dans un manifeste sa prochaine expédition militaire pour châtier et soumettre tous les royaumes de la terre. Déjà il distribuait les pays environnants à ses affidés.

La confusion atteignit les dernières limites. Le prince évêque, qui assiégeait la ville avec ses troupes et avec celles que plusieurs princes lui avaient envoyées, trouva une sérieuse résistance. Matthiesen perdit la vie dans une sortie. Il ne fallut pas moins de dix-huit mois aux assiégeants pour s'emparer de la ville (25 juin 1535). Jean de Leydc, son chancelier Krechting et son bourreau KnipperdoUing furent mis à mort (23 janvier 4536), après avoir subi tous les ;iffronts, et leurs cadavres furent suspendus à la tour Saint-Lambert dans des cages de fer. D'autres exécutions succédèrent. La ruine des anabaptistes consomma celle du protestantisme à Munster, il ne réussit plus à s'implanter dans la suite.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 229,

Herrn, a Kerssenbrock, Anabaptistar. furoris hist. narratio, 1564- 1573; Menken, Scr Germ., t. III, trad., Francf. (Munster), 1771, ia-4»; Kilian Leib, Annal., an. 1535, p. 590 et suiv. Jugement de la faculté de Cologne, en 1532, sur les doctrines de Bernh. Rottmann : du Plessis d'Arg., III, H, p. 82-86; Ilist.-pol. Bl., t. IX, p. 99-108, 119-152, 203- 214, 337-360; t. X, p. 626 et suiv.; Cornelius, die Münst. Humanisten und ihr Verhseltnisz zur Ref., Munster, 1851; le même, Gesch. der Wiedertaeufer, ibid., 1853; Gesch. des Münst. Aufrurhs, Leipzig, 1855 et suiv.; die Niederhend. Wiedertaeufer wadirend der Belagerung von Münster, 1534-1535 (Abhandl. der Münchener Akad., 1870, t. 1, abth. II, p. .50 et suiv.); Kampschulte, Einführung des Protest, in Westphalen, Paderb., 1866; Rifrcl, II, ji. 580-664. Vuy. encore Joch- raus, Gesch. der Kirchenref. zu Münster und ihres Unterganges durch die Wiedertaeufer, Munster, 1825; Hast, Gesch. der Wiedertäufer, ibid., 1836; Erbkam, Gesch. der protesl. Seelen im Z.-A. der Ref., Hamb.,1848; Füsser, Gesch. der Wiedert., Munster, 1852, 1866; Hase, Neue Propheten, abth. II, hvrais. ui; das Reich der Wiedert., Leipzig, 1861.

LE PROTESTANTIS ME. 545

Les anabaptistes en d'autres pays.

230. La secte étouffée à Munster n'était pas définitivement détruite; les anabaptistes, continuant d'agir en secret, se pro- pagèrent de la Hollande et de la Livonie dans le Tyrol. Mais, poursuivis partout et sans espoir de réaliser leur règne de mille ans, ils devinrent insensiblement plus modestes et plus réservés. Leur pensée favorite était que les communautés chrétiennes devaient vivre sans loi, sans autorité et même sans Bible : la Bible, Dieu l'a gravée lui-même dans le cœur des hommes ; point de mariages, point do guerres, point d'hosti- lités, mais une liberté absolue. La cène était le symbole de l'amour du prochain. Les anabaptistes détestaient la doctrine de Luther sur la justification. Quelques-uns rejetaient aussi le péché originel et la divinité de Jésus-Christ ; d'autres ensei- gnaient la restauration de toutes choses et la conversion finale des démons ; d'autres étaient antinomistes ; beaucoup, enfin, croyaient permise la pluralité des femmes. Chaque individu pouvait être prophète et docteur, quand Dieu l'inspirait. Ils détestaient les rites extérieurs, et considéraient la Bible, dans sa forme actuelle, comme falsifiée.

Ils avaient pour chefs Dietrich Battenbourg, autrefois bourg- mestre à Stenwyk on Hollande, et Menno Simonis, ancien curé catholique à Wittmaarsum, dans la Frise, anabaptiste depuis 1536. Le premier enseignait que le règne des élus était déjà arrivé ; il essayait de l'imposer par l'incendie, le pillage et le meurtre, et permettait la pluralité des femmes. Ses disciples étaient un ramassis de gens sans aveu , qui ne reculaient devant aucun crime. Ils se traînèrent pendant trente ans, sous différents chefs, dans les provinces du nord-ouest, jusqu'à ce qu'ils furent exterminés.

Menno Simonis, qui rejetait avec Dietrich le baptême des enfants, se sépara de lui sur les autres points, et essaya de ré- gler avec beaucoup de réserve les relations sociales de la secte, îl interdit le serment et le port des armes, et recommanda expressément l'obéissance à l'autorité. Fondateur de nom- breuses communautés (mort en 1561), il donna à ses partisans, appelés aussi baptistes, le nom de menuonites. Ils croyaient à

V. HIST. DE l'église. 3o

546 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

un mal héréditaire, mais sans transmission de faute, ainsi qu'à la satisfaction de Jésus-Christ. La foi qui sauve, selon eux, c'est la foi qui opère par la charité. Ils concevaient l'Église comme une société de justes et de régénérés, condamnaient le divorce, excepté en cas d'adultère, ainsi que la guerre, les procès et le serment. Ils ne recunnaissaient que deux sacre- ments et maintenaient l'excommunication : de leur sépara- tion en délicats (flamingiens) et en grossiers (waterlœnder).

Les prédicateurs étaient confirmés par les anciens au moyen de l'imposition des mains, et sévèrement astreints à respecter la Bible. Us niaient qu'ils descendissent des anciens anabaptistes. Dans les Pays-Bas, ils se divisèrent en calvinistes et en armi- niens au sujet de l'élection de la grâce, ils obtinrent la tolérance en 1578, et plus tard en Angleterre, dans le Holstein, en Prusse, dans d'autres pays de l'Allemagne et dans le midi de la Russie. Comme les chefs du parti se nommaient Galénus et Apostool, ils reçurent le nom de galéuistes (favorables aux remontrants) et d'apostoliens (1664). Vers 1620, à Rhynsbourg, les collégiens s'unirent aux galénistes. Le nom de collège s'appliquait à leurs assemblées religieuses, qui, après l'expulsion des prédicants arminiens, furent présidées par les frères Kotte(§ 227).

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 230.

Jean de Kripp, eiii Beitrag zur Gesch. der Wiedertœufer in Tirol, Innsbruck, i857; Wiggers, die Taufgesinnten in der Pfalz (Niednors Ztschr., 1848, II, p. 499 et suiv.). Opera Mennonis, Amst., 1646; H. Sehyn, Hist. cliristianorum qui Mennonitoe appellantur, Amst., 1723, et Hist. Monuonit. plenior deductio, ibid., 1729; Stark, Gesell, der Taufe und der Taufgesinnten, Leipzig, 1789; Hunzinger, das Religions und Schulwesen der Menuoniten, Spire, 1831 ; Mœhler, Symbolique, üb. II, cap. 1, p. 439 et suiv.

Les sohwenkieldiens.

231 . Un conseiller aulique du duc Frédéric II de Liegnitz, le chanoiue Gaspard Schwenkfeld, en 1490 à Ossig en Silésio, se posa en réformateur de son pays, et fut d'abord plein d'en- thousiasme pour Luther. Mais il ne tarda pas, ainsi que le pré- dicant V. Krautwald, à abandonner beaucoup de ses proposi- tions : il le trouvait trop esclave de la lettre morte, l'accusait

LE PROTESTANTISME. 547

d'extirper le bon grain avec l'ivraie, de faire trop de boulever- sements, de résister à la vraie connaissance que le Saint-Esprit donne de Jésus-Christ, et d'employer des moyens tyranniques pour asservir les hommes à sa doctrine. Le trait caractéris- tique do la doctrine de Schwenkfeld était le respect de la piété intérieure, à côté de laquelle toute l'org-anisation externe de l'Église lui semblait accessoire et indifférente. 11 n'admettait pas que la justification, l'œuvre du salut, fût produite en nous par la prédication extérieure, parce que la foi ne vient pas du dehors, de la parole ou de l'ouïe, mais de la parole intérieure, qui précède tout ministère externe ; c'est la grâce prévenante qui fait de notre âme une demeure digne du Verbe divin.

Il ajoutait que l'audition extérieure de la parole, sans la grâce et la foi, n'était pas exempte de péché ; que toute prédica- tion était inutile aux cœurs incrédules et non régénérés, parce que les âmes éclairées reçoivent seules la parole. La Bible, le ministère de la parole, ne regardent que l'enseignement de la chair ; or l'homme nouveau se compose de chair et d'esprit. Dieu agit sur la chair par la parole littérale, la prédication et les symboles ; sur l'esprit, par la parole de l'esprit et de la vie, Jésus-Christ nous révèle les trésors des biens célestes. Pour que l'homme puisse entendre la parole avec esprit de foi, il faut qu'il soit prévenu de la grâce : alors l'audition de la parole extérieure devient féconde. C'est de ce point de vue que Schwenkfeld attaquait la théorie de Luther sur la justification par la foi seule, sur l'impossibilité d'observer les commande- ments de Dieu, sur le libre arbitre et l'imputation de la justice de Jésus-Christ. La doctrine luthérienne de la justification lui semblait conduire à l'impiété et à l'immoralité ; cependant il croyait aussi que nos meilleures actions ne sont devant Dieu que des péchés.

Sur les sacrements, Schwenkfeld développait avec logique l'opinion primitive de Luther, niait le rapport essentiel du signe extérieur avec la grâce, n'attachait au signe qu'une cer- taine valeur symboHque, distinguait même le baptême exté- rieur de l'eau, qu'il ne croyait pas nécessaire, du baptême inté- rieur de l'esprit, et rejetait, par conséquent, le baptême des enfants. Dans l'Eucharistie, il ne voyait que l'expression de cette vérité que Jésus-Christ nourrit notre âme de son corps et

548 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

de son sang, de la même manière que le pain et le vin nourris- sent notre corps. Jésus-Christ (selon Jeaji, vi, 51) a simple- ment voulu dire : Mon corps est le pain de vie. Il n'admettait pas de présence réelle, pas même au moment de la commu- nion; mais seulement une manducation spirituelle, qui remet les péchés et rend participant de la nature divine. L'Eucha- ristie elle-même était une pure cérémonie.

Sehwonkfeld avait une façon particulière de concevoir l'hu- manité déifiée de Jésus-Christ, et ce n'était pas sans raison qu'on l'accusait d'eutychianisme. Tout en maintenant exté- rieurement l'union hypostatique, il croyait à l'unité de nature en Jésus-uhrist, et cette unité supprimait l'humanité réelle. La chair de Jésus-Christ, disait-il, est sans doute une chair humaine, mais elle diflere essentiellement do celle des autres hommes : ce n'est point une chair créée, soumise au péché, mais une substance précieuse, remplie de la grâce et sortie de Dieu dès l'origine ; elle n'est pas de la première création. Après la résurrection, la nature hnniaine en Jésus-Christ est devenue une chair divine ; elle a été complètement divinisée par Dieu le Saint-Esprit, transfigurée; elle n'est pas autre chose que Dieu môme. Jésus-Christ, même dans son humanité, ne doit pas s'appeler une créature; il a souffert aussi en tant que Dieu; le Christ tout entier est sorti de Marie, mais le Saint-Esprit a opéré en elle. La première création était incom- plète ; la ressemblance divine n'était qu'ébauchée dans Adam ; il était charnel, et ne répondait pas à son idéal. Jésus-Christ seul a consommé la première création dans une seconde nati- vité ; il a transformé l'homme terrestre en homme céleste. L'Église ne renferme que des prédestinés ; elle embrasse tous ceux qui ont été régénérés dans la vérité, à quelque secte qu'ils appartiennent.

Séjour de Sohwenkfeld dans différentes villes.

232. Dès 1527, Schwenkfeld essaya dans Wittenberg, il était allé sur la demande de son duc, do gagner Luther lui- même à sa doctrine de la justification et de la cène. Il échoua, comme il devait s'y attendre.

A son retour, lui et Krautwald trouvèrent de nombreux

LE PROTESTANTISME. f)i9

adhérents en Silésie. Ses airs de piété, ses tendances spiritua- listes, lui valurent aussi les bonnes grâces de beaucoup de sei- gneurs. Cependant il n'en fut pas moins contraint, persécuté qu'il était par les prédicants luthériens, surtout pour sa doc- trine do la cène, d'émigrer en 1528.

Il se rendit en Souabe, séjourna à Augsbourg, à Ulm et à Tubingue, puis se fixa à Strasbourg. Il fut d'abord en bonnes relations avec Capito, Bucer et Zell ; mais quand le nombre de ses adhérents se multiplia et qu'ils se séparèrent des autres, les réformateurs s'élevèrent contre lui. Bucer l'accusa, dans un synode convoqué à son sujet (1533). Chassé par le magistrat sans égard pour ses nombreux disciples, il alla dans le Wur- temberg, où il trouva de nouveaux adversaires. Bucer, dans ses lettres, le dépeignit comme un séducteur du peuple. Cepen- dant, dans une conférence tenue à Tubingue en mai 1535- entre Bucer, Blaurer, Frecht, d'une part; Schwenkfeld et Held de Tiefenau, d'autre part, un accord fut conclu par lequel les deux parties promettaient de se pardonner mutuellement et de ne plus s'injurier à l'avenir.

Mais quand Schwenkfeld se mit à débiter sa doctrine sur l'humanité du Christ, tout le monde se souleva de nouveau contre lui et contre son erreur « blasphématoire de Jésus-Christ », surtout l'assemblée des théologiens luthériens de Smalkalde (i540). Luther, Mélanchthon, Brenz, Schnepf, Jean Vadian, et parmi les cathohques, Cochlée, écrivirent contre lui. Ses ou- vrages furent interdits et lui-même partout persécuté, de sorte qu'il lui fut impossible de séjourner longtemps dans aucun endroit. Il répondait toujours aux ripostes de ses adversaires, montrait beaucoup plus de calme et de modération dans la polémique que les autres réformateurs, était plus logique dans ses idées, mais non moins exempt de contradictions.

Schwenkfeld mourut à Ulm, le 10 décembre 1561. Les parti- sans qu'il s'était créés, lui demeurèrent fidèles même après sa mort et se maintinrent ; aujourd'hui encore, on trouve des schwenkfeldiens en Silésie et dans l'Amérique du Nord. Les plus actifs parmi eux étaient Jean Bader, qui introduisit sa doctrine à Landau en 1543 (mort en 1545), et Aggée Albada, de kl Frise occidentale, qui croyait avoir reconnu dans Scbwenk- feld l'Élie du Saint-Esprit.

S50 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Ouvrages a consulter et remarques critiques sur les n°» 231-232.

Les écrits et les lettres de Schwenkfeld ont été signalés par r4.-G.-Fr. Walch, Bibl. theol., Vil, 66 et seq., et A. Kœpke, Hist. Nachrichten vom saechs. Edelmann Hrn. Kaspar Schwenkfeld von Ossig, Prenzlau, 1744, in-8°. En grande partie, ils ont été édités de 1564 à 1570 et suiv., 4 vol.; puis en 1592, 4 vol. in-4°. Lettres de Schwenkfeld (s. 1.), 1697, in-8"». Courte Notice biographique de Schwenkfeld et le Départ d'Ossig, 1697. L.-A. Salig, Hist, der Augsb. Confess., th. m, p. 951; die wesentlichen Lehren des Hrn. Kaspar v. Schwenkfeld, Breslau, 1776; Rosenberg, Schles. Reform. -Gesch., p. 412; Schrœckh, IV, p. 513-530; Wachler, Leben und Wirken Kasp. Schwenkf. waehrend seines Aufenthalts in Schlesien (Streits Schlesische Prov.-Bloetter, 1833, I, p. 119 et suiv.); K.-A. Menzel, N. Gesch. der Deutschen, I, p. 469-478; Kadelbach, Ausführl. Gesch. Kasp. Schwenkf., Laub., 1861. Auteurs catholiques : Carl Xaver Argent, S. J., Zusatz der übrigen Irr- thümer, welche die Schwenkfelder in Schlesien verschwiegen, Neisse, 1722; Ritter, K.-G., VI, éd., p. 210-213; Dœllinger, Réf., I, p. 204, 229-274. Sur Bader et Albada, ibid., p. 275-278.

Renaissance des anciennes hérésies. Les -wreigéliens.

233. Il était à présumer que tous les partisans du protestan- tisme ne se contenteraient pas des dogmes des réformateurs, mais que plusieurs les dépasseraient de beaucoup, en vertu même du principe formel du protestantisme. Otton Brunfels se posa dans Strasbourg en critique de la Bible, et supprima les quatre Évangiles, parce qu'ils présentaient des contradictions inso- bibies. François Lambert soutint cette thèse hardie et incom- mode pour les autres réformateurs, que l'Église avait complète- ment disparu depuis quatorze siècles, peu de temps après l'ère des apôtres ; qu'elle s'était égarée dans les mensonges des hommes, et qu'elle était tombée dans un entier aveuglement ; que la vraie foi était restée totalement bannie jusqu'à ce que Dieu eût fait luire dans les ténèbres les premiers rayons du soleil qui s'était levé à Wittenberg.

Jean Denk (mort en 1528) fut accnsé de plusieurs erreurs, notamment de professer la doctrine d'Origène snr la fin des peines de l'enfer. L. Hetzer, anabaptiste et polygame, ressus- cita l'arianisme, et prétendit que Jésus-Christ était de beaucoup inférieur au Père. Jean Campanus, de Juliors, professait aussi

LE PROTESTANTISME. Kol

des erreurs ariennes sur le Verbe, et contestait la personnalité du Saint-Esprit, qu'il tenait simplement pour une opération du Père et du Fils. Pour cela il fut emprisonné pendant vingt-cinq ans (mort vers 1578-1580).

En France, Jean Bodin était déiste et antitrinitaire.il y eut un moment il sembla que toutes les hérésies de l'antiquité allaient reparaître, non seulement les sectes antitrinitaires, mais aussi les sectes judaïques. Les sabbatiens rétablirent la circoncision et le culte judaïque. Le faux mysticisme ressuscita, notamment sous la forme que lui avait donnée autrefois Sébas- tien Frank (mort vers 1545), lequel n'accordait aucune valeur objective à la parole extérieure, à la Bible et au dogme de l'Église, en dehors de la parole intérieure. Valentin Weigel, en 1533, mort en 1588, pasteur dans l'Erzgebirge de Saxe, ne s'était pas écarté au dehors de l'orthodoxie protestante ; mais, après sa mort, ses écrits et les doctrines de ses partisans le firent condamner comme hérétique.

Maître Eckart, la « Théologie allemande », Tauler, Car- lostadt, Mùnzer, Schwenkfeld, exercèrent sur lui une grande influence. Il empruntait ses vues spéculatives aux écrits du Pseudo-Aréopagite et à ceux de Théophraste Paracelse, qui essayait de fondre la théologie avec la physique et la chimie, et qui mourut à Salzbourg dans le catholicisme (1541). On peut résumer ainsi la théorie fondamentale de Paracelse, médecin suisse : L'opération de Dieu dans la nature est analogue à son opération dans le royaume de la grâce. La chimie donne la solution des changements qui se produisent non seulement dans les corps, mais encore dans le monde des esprits. C'est avec elle qu'il faut chercher l'élixir de la vie et la pierre philo- sophale. Ce théosophe alchimiste, qui avait nom Philippe- Théophraste Bombaste de Hohenheim, et s'appelait dans ses écrits Auréole-Théophraste Paracelse, ce charlatan orgueilleux, adopta la trichotomie platonicienne, et s'en servit pour décrire une triple connaissance et une triple vie. A l'esprit issu de Dieu il attribuait la force de tout connaître en Dieu.

V. Weigel admettait aussi la trichotomie; il croyait à une lumière interne qui suffisait seule pour connaître la révéla- tion extérieure de Dieu consignée dans la Bible et donnait une connaissance vraiment religieuse, tandis que toutes les

K52 HISTOIRE DE l'ÉGLÏSK

autres choses ne servaient qu'à troubler l'esprit. De même que nous devons tout apprendre, nous devons pouvoir tout devenir; et comme notre devenir procède de l'être, nous devons être dès l'origine tout ce que nous pouvons être. L'esprit vient de Dieu ; la création de l'homme est un acte nécessaire de la sagesse divine. Dieu, dans tout ce qu'il fait, ne crée que soi; il se connaît, il s'aime dans ses créatures. La chute originelle a eu lieu dans le monde des esprits , et a produit cette vie cos- mique. Tout dans Weigel rappelle les doctrines panthéistes et gnostiques. Il conçoit Jésus-Christ comme descendu du ciel avec sa chair et son sang.

Les partisans de Weigel, le chantre Christophe Weickert (éditeur de ses œuvres), Ézéchiel Meth et Isaïe Stiefel, qui allaient jusqu'à se faire passer pour Jésus-Christ, eurent bien des persécutions à endurer. Les écrits de Weigel furent interdits dans la Saxe électorale (1624) ; mais les weigéliens se main- tinrent en secret.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 233.

Otto Brunsfelsius, Verbuni Dei multo magis expedit audire qaara Missam (s. 1.) : Dœllinger, II, p. 30. La Sorbonne condamna en 1530 son Liber Pandectarum V. et N. T., et on tira 14 propositions : du Plessis d'Arg., II, i, p. 85 ot suiv. Francisci Lamberli Aven. Com- ment, in Cantica Cant., s. 1., f. 44; Comment, de prophetia et unguis (condamnés à Paris en 1542-1543, ib., II, i, p. 135) : Dœllinger, p. 18. On reprocbait à Jean Denk (Dcell., I, p. 192 et suiv.) : d'admetU'e l'apocatastase et la fin des supplices de l'onfer; de professer les dogmes des anabaptistes ; de soutenir le libre arbitre ; de rejeter l'imputation de l'obéissance active de Jésus-Cbrist. Sur Hetzer, voy. Dœllinger, I,p. 197 et suiv.; Thom. Blaarer, Wie L. Hetzer zu Costentz mil dem Scbwert geriebt usz disem zyt abgescbeyden ist, Strasb., 1529. Sur d'autres et Campanus, voy. Trecbsel, die Protest. Antitrini- tarier, I»' livre, p. 26-34; de Gubrauer, die Ileptaplomeros des Bodin, Berlin, 1841 ; ed. Noack, Schwerin, 1857. Paul Éber traite des sabba- tiens(1555), Wider die verfluchte Lehreder Karlstadter, p. 6 et suiv.: Dœllinger, II, p. 69. Ibid., I, p. 187 et suiv., sur Sébastien Frank, qui vécut à Nnrenberg jusqu'en 1530, à Ulm jusqu'en 1539, erra ensuite en diverB endroits, d'abord fervent luthérien, puis éclectique, souvent accusé do doctrines anabaptistes (mort en 1543). Agrippa de Nettes- heim (mort en 1535), de Occulta Philosophia de Vanitate scientia- rum, Opp., Lugd., 1600, 2 t., cabaliste et magicien. Philippe-Théo-

LE PROTESTANTISME. ?)53

phraste Bombaste Paracelse de Hohenheim, surnommé dans ses écrits « Aureolus Theophrastus Paracelsus », 0pp., éd. Basil,, 1589 et seq., 5 vol. in-4°; Rixner et Siber, Leben und Lehren berühmter Phy- siker, 1829, I; Preusz, die Theo), des Paracelsus, Berlin, 1839 ; Denzin- ger, von der relig. Erkenntnisz, I, p. 390-395. Ouvrages de Val. Wei- gel : 1" Kirchen oder Hauspostille; Principaltractat von der Gelas- «enheit; der Güldene Griff, d. i. Anleitung, alle Dinge ohne Irrthum zu erkennen, Neusz., 1607;4° Dialogus de christianismo, 1614; Stu- dium universale, ed. Lips., 1700; Kurzer Weg alle Dinge zu erken- nen; 7° das Büchlein vom Leben Christi; das Büchlein vom Gebete, etc. Theologia Weigelii, Neustadt, 1618; Ritter, Gesch. der Philoso- phie, X, p. 77 et suiv.; Staudenmaier, Philos, des Christenth., I, p. 723 et suiv.; Denzinger, loc. cit., p. 416-424; Hagenbach, Gesch. des Ref.- Zeitalters, III, p. 337; L. Pertz, Ztschr. für bist. Theol., 1857, I et suiv.; 1859, I; 1860, p. 258 et suiv.; Kromayer, de Weigelianismo, Rosœ-Crucianismo et Paracelso, Lips., 1669; H. Schmid, Gesch. des Pietismus, Noerdl., 1863 ; Opel, Val. "Weigel, Leipzig, 1864; Schrœckh, IV, p. 674 et suiv.; Walch, Einl., IV, p. 1024 et suiv.; Gieseler, Lehrb, der K.-G., III, n, p. 433 et suiv.

Theosophie de Bœhme.

23.4. Les idées de Théophraste Paracelse et de Weigel, notam- ment le panthéisme tliéosophique, imprégné de dualisme, furent développées par Jacques Bœhme, cordonnier de Gœrlitz (mort en 1624), homme de talent, et dont les écrits lui valurent dans la suite une grande influence. Il croyait avoir reçu dès sa jeunesse des révélations supérieures, une doctrine secrète ren- fermée dans les limites du christianisme, et qui n'appartenait qu'à quelques élus. Il essayait d'expliquer sa mystique par les figures, les couleurs, les phénomènes de la physique et de la chimie. Il trouva de nombreux disciples, dont les principaux furent, en Silésie, Abraham de Frankenborg (son biographe) et le médecin Balthasar AValther ; il en eut aussi en Hollande et en Angleterre.

En Allemagne, les partisans de Bœhme eurent différents combats à soutenir. La propagation des doctrines de Bœhme, souvent présentées sous des figures obscures, donna heu à la légende d'une société secrète qui se trouvait en possession des mystères de la nature et de la pierre philosophale, et qui était dirigée par un chef inconnu, Rose-Croix, dont ils prirent le

554. HISTOIRE DE l'ÉGLISE,

nom. La superstition régnante favorisa cette opinion, que pro- pagèrent deux écrits anonymes (1614). Beaucoup sollicitaient vainement leur admission dans cet « ordre secret», qui n'existait que dans les imaginations, et dont Jean-Valentiu Andréas (mort en 1654) s'était déjà moqué dans sa jeunesse. Il se forma réellement dans la suite quelques sociétés particulières, qu'en- tourait le prestige de l'inconnu et du mystérieux. Les idées de Paracelse et de Bœhme influèrent encore pendant longtemps sur les philosophes et les naturalistes, par exemple, sur le mé- decin anglais Robert Flud (de Fluctibus, mort en 1637), « le père de la philosophie du feu » .

OÜVBAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LK 234.

J. Bœhme's Werke, ed. Gichtel, Amst., 1682, 2 vul. in-4o; 1730, 6 vol., par Scheibler ; Leipzig, 1831 el suiv.; Stultg., 1835, 4 vol. Baur, Christi. Gnosis,p. 557 et suiv.; Wuller, Jak. Bœhme's Leben und Lehre, Stuttg., 1830; Hauiberger, J. Bœhme's Leben und Lehre, Mu- nich, 1844; le même, par Lechner, Gœrlitz, 1857; par Peip, Hamb., 1862; Frz. Baader, Vorles. über Bœhme's Lehren, Ges. Sehr., par Hoffmann, t. IV, abth. ii; Denzinger, op. cit., p. 424-434; Stauden- maier, I, p. 726-740; Theosophia practica, Gichteis Briefe und Leben, éd., Leyde, 1722, 7 vol.; Harlesz, dans Hengstenbergs Evang. K.- Zeitung, 1831, n. 77 et suiv.; J.-G. Beinbeck, Nachrichten von Gichteis Lebenslauf u. Lehren, Berlin, 1732. J.-G. Gichtel, disciple de Bœhme (mort en 1610), a donné naissance aux frères des anges (selon Matlh., xxii, 30), qui se vantaient d'être détachés de toutes les choses de la terre. Sur les Rose-Croix, voy. Héfelé, dans le Diction, encycl. de lathéol. cathol., sous ce mot, t. IX, p. 393-403, avec indica- tion des ouvrages. Allg. und Generalreformation der ganzen weiten Welt beneben der Fama fraternitalis oder (Entdeckung der) Brüder- schaft des hochlœbh Ordens des Rosenkreuzes an die Haeupter, Stœnde und Gelehrten Europse, imprimé à Cassel par Guill. Wessel (1614, réim- primé à Berlin, 1781, sous la fausse indication : Ratisbonne, 1681; puis à Francfort-sur-le-Mein, 1827). En 1615 : Confessio oder Bekandnusz der Societoit u. Bruderschaft R.-C. (Jean Andreon) Chyinische Hochzeit Christiani Roscnkreuz, 1616. Du Plessis d'Arg., III, n, p. 190, cite : Themis aurea, h.e., de Legibus fraternitatis Roseœ Crucis tract., auctore Mich. Mairo (A.-Nicol. Hoffmann); Mercure français, t. IX, p. 371 ; Galass, S. J., Malvasia Cent., XVI, etc. Herder, dans le Teutschcn'Mercur, mars 1782, p. 228 et suiv. Autobiographie d'Andréœ, Irad. du latin par Seybold, Wint«rlhur, 1799; Hoszbach, Joh. Val.

LE PROTESTANTISME. 5o5

Andresp. n. seine Zeit, Berlin, 1819; Chr. v. Murr, ueber den wahren Uiipruiig d. Rosenkr.-u. des Freim. -Ordens, Sulzb., 1803; Buhle, Ursprung u. die vormaligen Schicksale der Orden der R.-Kr. u. Freim., 1804; Nikolai, Bemerkungen über den Ursprung u. die Gesch. d. Ros. u. Freim., 1800; Sigwart, Gesch. der Philos., II, p. 51 et suiv., 449 et suiv.; Guhrauer in der Ztschr. f. bist. Theol., 1852, II; Hochhut, Weigelianer u. Rosenkreuzer, ibid., 1863, II; 1864, III; Roberti de Fluctibus Opp., ed. Oppenheim et Goude, 1617, 5 t. in-f".

Incrédules divers.

235. II ne faut pas s'étonner si toutes les aberrations imagi- nables de l'esprit, toutes les erreurs possibles se rattachaient au grand mouvement des esprits provoqué par l'humanisme, devenu en partie païen, et par l'arbitraire des réformateurs religieux. Parmi les humanistes du seizième siècle, plusieurs étaient devenus complètomeut incrédules et athées nous en avons un exemple dans Casimir Leszczinski, qui fut exécuté à Varsovie en 1589, pour avoir nié l'existence de Dieu et la Pro- vidence ; d'autres étaient panthéistes, dualistes ou sceptiques. Crotus Ruboamus avait appelé la messe une comédie ; les reliques, des ossements de coracite; le chant des psaumes, des hurlements de chiens. Mutian Rufus, chanoine d'Erfurt, après s'être engraissé des biens de l'Église, se moquait d'elle et disait ouvertement : « Il n'y a qu'un Dieu et une déesse, sous des noms et des formes différentes : Jupiter, le Soleil, Apollon, Moïse, Jésus- Christ ; Pruserpine, Tellus, Maria. Mais gardez- vous de propager cela; il faut le tenir secret, comme les mystères d'Eleusis. Mutian n'était que le représentant d'une théorie qui trouvait de l'écho chez beaucoup d'humanistes et ruinait de plus en plus la foi.

En Angleterre, Henri Nicolas (Niclas)_, disciple de l'anabaptiste David George, disait en 1575 que l'essence de la religion consiste dans le sentiment de l'amour divin, que tout lo reste est inutile ; que la persévérance dans la piété amène la surabondance de la grâce. Ses partisans se nommaient « Enfants de l'amour » ou (( familistes ».

Le calviniste Halket, persuadé que l'esprit du Messie était descendu sur lui, envoya deux disciples annoncer à travers les rues de Londres que Jésus-Christ allait apparaître avec le crible ;

356 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

il espérait encore sur l'échafaud que Jésus-Christ viendrait le délivrer (1591).

Dans les Pays-Bas, le peintre David Joris, de Delft, se ratta- chait aux apocalyptiques du moyen âge, et interprétait la Tri- nité dans le sens des anlitrinitaires ; il en faisait trois périodes du monde, dont la dernière commençait avec lui.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 233.

D. Slrausz, Ulrich v. Hütten, Leipzig, 1858, I, p. 47 etsuiv.; Erbkam, Gesch. der prot. Secten im Zeitalter der Ref., Hamb., 1848; Stow, Annal., an. 1591; Füller, Church-hist., liv. IX, p. 113; G. Brandt, Bist, abrég. de la réf., I, p. 46.

TRAVAUX DE THÉOLOGIE. L'exégèse.

236. Les protestants fournissaient encore peu de travaux sur la critique biblique ; ils s'en tenaient aux éditions en vogue, surtout à celle d'Érasme. Leurs explications de la Bible étaient limitées par la répudiation qu'ils faisaient de l'autorité de l'Église et de la Tradition, par leurs conceptions arbitraires et par les bornes étroites de leur propre dogmatique. Tout en ne cessant d'invoquer l'Écriture, ils y introduisaient leurs idées préconçues. D'après le règlement d'études dressé par Mélanch- thon en 1340, on devait commencer par i'Épître aux Romains, et, dans cette Épître, par les passages sur la justilkation, la loi et l'Évangile ; continuer par I'Épître aux Galates avec le commen- taire de Luther, et I'Épître aux Colos.siens avec les éclaircisse- ments de Mélanchthon : c'est alors seulement qu'on devait aborder l'Évangile, en ayant toujours soin de l'accommoder aux dogmes protestants et do les y faire cadrer.

Mélanchthon essaya de fonder une école d'éxégètes ; il travailla avec beaucoup d'ardeur sur I'Épître aux Romains, et essaya même d'interpréter en faveur de la nouvelle doctrine I'Épître de saint Jacques, rejetée par Luther. 11 y avait toujours do grandes divergences sur la manière d'interpréterun seul et même passage, par exemple, sur l'institution del'Phicharistie.En l'absence d'études préalables, de calme dans les esprits, de matu- rité dans les travaux qu'on se hâtait de jeter dans le public, on ne

LE PROTESTANTISME. 557

trouvait point de commentateurs éminents de l'Écriture. Luther ne donnait guère que des ouvrages dogmatiques incomplets dans la forme et pleins de fautes sous le rapport de la langue. Les commentaires de Calvin étaient plus agréables, plus savants, mais non moins artificiels et arbitraires; c'étaient le plus souvent des leçons et des parénèses. Chacun ne s'attachait qu'à ses opinions dogmatiques favorites. Bèze fut l'exégète le plus spirituel et le plus pénétrant des calvinistes. On adoptait dans toute sa rigueur la théorie de l'inspiration. La formule du co7isentement helvétique étendait l'inspiration à tous les mots et jusqu'aux points voyelles de l'hébreu. Cette manière de voir, le cercle restreint des idées dogmatiques, l'horreur de toute philosophie, rendaient la plupart des commentaires pro- testants forcés, illogiques, impraticables. Mélanchthon seul et son école, puis les juristes, qui développaient le droit naturel, tenaient un plus grand compte des doits de la raison.

0ÜVRAGB3 A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N'° 236.

Mauvais état des études d'exégèse : Dœllinger, Réf., I, p. 454 et suiv. Règlement d'études par Mélaiichthon : Corp. Ref., II, 457 et seq.; Dœllinger, III, p. 298. Le même sur l'Épître de^saint Jacques, ibid., p. 286 et suiv. Le réformateur d'Ansbach, Andréas Althammer, avait, dans une lettre latine, déclaré cette épitre apocryphe, en i535, cette lettre fut publiée eu allemand à Wittenberg. Pendant la querelle sur l'intérim de 1.Ö47, la questiou fut remise sur le tapis à propos du sacrement d'extrème-onction, en faveur duquel on invoquait cette épître. Cependant la plupart des protestants la rejetèrent en i548; plus tard ils se montrèrent hésitants, et se tirèrent d'affaire par diiférents artilices d'exégèse. Dœllinger, III, p. 357-363. Sur Calvin, voy.Escher, de Calvino N. T. interprète, Utraj., 1840. Ses commen- taires ont été propagés depuis 1831 par Tholuck en deux éditions ; voy Tholucks Lit. Anzeiger, 1831, n. 41 et suiv. Là-dessus Fritzsche, ueber die Verdienste Thol. in der Schrifterkiœrung, Halle, 1831, p. 109. Inspiration, dans la Formula consensus helvetica, can. ii; Mélanchthon et les néo-aristotéliciens : Brucker, Hist. philos., IV, i, p. 238 et seq.; Denzinger, Rel. Erkenutn., I, p. 130 et suiv.

558 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Principaux exégëtes protestants.

237. La plupart des théologiens de marque cultivaient l'exégèse. Luther avait écrit d'excellentes choses sur quelques parties de la Genèse , des Psaumes et de l'Épître aux Galates, bien qu'il les eût gâtées par ses discours violents, injurieux, et par le ton grossier de ses remarques. Mélanchthon , par sa connaissance de l'hébreu et ses comparaisons entre l'Ancien et le Nouveau Testament, avait provoqué une foule d'explications excellentes. M. Flacius essaya, dans sa Clef de l'Ecriture sainte et dans sa courte glose sur le Nouveau Testament, de fonder une exégèse scientifique. François Wolfgang, dans son Herméneutique, et surtout le classique Salomon Glassins, dans sa Philologie sacrée, continuèrent ces efforts. V. Strigel, Camé- rarius, Brenz, Bugenhagcn, GEcolampado, ne se distinguèrent que dans certaines parties. Wolfgang Musculus (mort en 1563), Martin Chemnitz et David Chytrée étaient les plus renommés, quoique leurs commentaires eussent surtout un caractère polémique; ils s'en tenaient strictement aux livres symboliques (analogie de la foi), et s'élevaient avec force contre ce qui, contredisait ou semblait contredire la Bible.

Trois traductions nouvelles de l'Écriture parurent en latin chez les protestants : r celle de Sébastien Münster (Bâle, 1534 et 1546); 2" celle de Léon Judœ (Zurich, 1543), achevée par Bibliander; celle de Sébastien Castellio (Bâle, 1551), re- nommée pour son style classique, mais vivement blâmée parce qu'elle présentait les idées de la Bible dans le style des anciens écrivains de Rome, ce qui la fit traiter d'œuvre sata- nique. Bèze lui opposa sa propre traduction, il s'appliquait à restituer à la Bible, autant que possible, sa couleur orientale.

La partie Unguistique de l'exégèse de l'Ancien Testament fut cultivée, après Conrad Pélican, par Buxtorf l'Aîné et Bux- torf le Jeune, professeurs des langues orientales à Bâle. L'aîné (mort en 1629) commença un lexique chaldaïque, talmudique et rabbinique, que son fils (mort eu 1664) acheva en 1640. Tous les deux se servaient du Talmud et de la littérature rabbi- nique. Thomas Erpenius (mort en 1624), et son disciple Jacques Golius (mort en 1667), encore plus capable que lui,

LE PROTESTANTISME. 559

favorisèrent l'étude de l'arabe par leurs grammaires, leurs lexiques et autres travaux.

Samuel Bochart (mort en 1667) s'occupa de la géographie et de la zoologie bibliques. Hugues Grotius, aussi célèbre comme philologue que comme juriste, montra, dans ses A?i7io- tatioiis sur la Bible une grande connaissance des langues, jointe à beaucoup d'impartialité; il n'y tenait aucun compte dos dogmes calvinistes, tandis que Coccejus (Koch) à Leyde (mort en 1669) essayait de maintenir le calvinisme modéré.

Une violente dispute éclata sur l'origine des accents et des points voyelles hébraïques, surtout entre Jean Buxtorf et Louis Capellus ; puis une autre, du temps de Henri Estienne, sur la grécité du Nouveau Testament.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 237.

Critici sacri, s. cl. virorum iu Biblia annotât., Lond., 1660, 9 t. in-f, nov. ed.,Francof., 1678 et seq., Utraj., 1684 et seq.; Chr. Starke, Synops. bibl. exeg., Leipzig, 1741 et suiv., 6 vol. in-4''; ttosenmuller, Hdb. für die Lit. der bibl, Kritik u. Exeg., Gœtlingue, 1797 et suiv. Bèze accusa M. Fiacius d'avoir pillé ses ouvrages : Calv. Epist., p. 129^ Dœllinger, II, p. 259 et suiv., n. 61. François Wolfgang, professeur à Wittenberg, combattu par le socinieu Valentin Schmalz, écrivit Trac- tât, theol., Viteb., 1619;Glassii Philologia sacra, imprimée d"abord en 1625, et souvent depuis, éd. Olearii, 1705, éd. Dathe, 1776. Sur S. Castellio, voy. Dœllinger, II, p. 684 et suiv. Ouvrages de Buxtorf, Athense Rauricae, p. 447 et seq., 454; de H. Grotius, Annotât, ad. V. T., Par., 1644; éd. Dœderlein, Hal., 1775 et seq., 3 t. in-i"; Annot. in N. T., Amst., 1641 et seq., 2 t.; éd. Wiudheim., Haï., 1769, 2 t. in-4°; Broere, Grot. Rückkehr z. kath. Kirche, trad. par Clarus, Trêves, 1871. Hoszbach, Spener und seine Zeit, 2^ éd., par Schwe- der, Berlin, 1853, surtout p. 185.

La dogmatique,— La mystique.

238. La dogmatique, que l'on venait de reconstruire avec la Bible en rejetant les Pères de l'Église, les scolastiques et la philo- sophie d'Aristote, même la raison, était eu somme dans un état très défectueux. D'ailleurs, l'autorité de Luther l'emportait aux yeux de beaucoup sur l'Écriture elle-même. Les études histo- riques étaient en pleine décadence. Les Byputyposes de Mélanch- thon furent longtemps, avec la Confession d'Awjsbourg et son

560 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Apologie, le manuel dogmatique des luthériens, comme les Institutions de Calvin celui des réformés. La polémique des deux partis entre eux et avec les « papistes » dominait tout, aussi bien chez les réformateurs que chez leurs descendants. Bucer seul, et les théologiens qui visaient comme lui à conci- lier les doctrines, faisaient exception.

Cependant les Hypotyposes de Mélanchthon furent supplan- tées par les travaux dogmatiques des nouveaux luthériens Martin Chemnitz, Jean Gerhard (professeur à léna, mort en 1637), et Léonhard Hutter (mort en 1616); ceux-ci adoptèrent la méthode des scolastiques, sans remonter aux principaux d'entre eux, et contribuèrent beaucoup à refouler le calvi- nisme hors des écoles des Étals luthériens. Ils détestaient sur- tout les bonnes œuvres, les lois humaines, les indulgences, le culte des saints, les preuves tirées de la raison. Cependant on remarquait chez eux un edort vers l'esprit de système, notam- ment dans Jean-Àndré Quenstadt (né en 1617, mort en 1688, professeur de théologie à Wittenberg).

Quelques théologiens protestants cultivaient aussi la mys- tique, par exemple, Jean Gerhard (mort en 1637), dans son École de la piété. Jean Arndt, surintendant général à Lune- bourg (mort en 1621 à CeUe), donna en 1605 ses quatre livres du Vrai Christianisme, qui, malgré les erreurs dangereuses que l'on crut y apercevoir, devinrent populaires; ils offraient évidemment peu de sécurité sous le rapport dogmatique. Henri Müller, à Rostock (mort en 1675), et Christian Scriver, de Ruds- bourg (mort eu 1693), appartiennent encore aux meilleurs mystiques, tandis que chez une foule d'autres on remarque je ne sais quoi de maladif et de déraisonnable.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N* 238.

Autorité dogmatique de Luther : Dœllinger, Réf., I, p. 459-462; II, p. 121 etsuiv., 197, 352. Opposition à la philosophie et à l'usage de la raison, ibid., I, p. 443 el suiv. Cf. Strausz, Glaubenslehre, § 21, t.], p. 311 et suiv.; Marteusen, Christi. Dogm., 2" éd., 1853, §43, p. 108. Aversion pour l'étude des Pères : Dœllinger, I, p. 452 et suiv. Répudiation de l'autorité de saint Augustin, ibid., 111, p. 363-373. Décadence des études historiques, ibid., 1, p. 489 etsuiv.; M. Chem- nitz, Loci theologici, ed. Polyc. Leyser, Francof., 1591, 3 t. in-4°; éd. V. Viteb., 1690; plus célèbre encore son Examen ConcTrid., 1565

LE PROTESTANTISME. 561

et seq.; ed. Preuss, Berol., 1861 et seq.; Lentz, Chemnitz, ein Lebens- bild, Gotha, 1860; J. Gerhardi Loci Iheol. com. cum pro adslruenda tum pro desiruenda quoi'umvis conliddiccntium falsit., Jen., 1610-20, 9 t .; ed. Cotta, Tub., 1762-81, 20 t. iu-i°; Indices adjecit Müller, 1788 et seq., 2 t. in-4o, 2" éd. , 1767 et seq.; ed. Preuss, Berol., 1863 et seq.; L. Hulteri Compend. iocor. theol. jussu et auctor. Christiani II, Viteb., 1610 (Hase, Hulterus redivivus, 10° éd., Leipzig, 1862. II prend pour base le Gompendium de Hulter et y ajoute des notes substan- tielles). Quenstadt, Tlieologia didactico-polemica, seu systema theol., Viteb., 1685, 1696; Lips., 1702, 1713. Job. Arndt, vom wahren Christenthum, ed. Krummacher, Leipzig, 1847, vom evang. Bücher- verein, Berlin, 1847; Niedner, K.-G., 1, p. 7o9. Apologie Arndts, par le médecin Melchior Breier, mort en 1627, à Hambourg; Mysterium iniquitalis pseudoevangelicœ, Goslar, 1621. Cf. Dœllinger, II, p. 635 et suiv.; de Heinrich Müller : Geistl. Liebeskusz GeisLl. Erquickungs- stunden; de Scriver : Geistl. Seelenschatz Gottholds zufœllige An- dachten.

L'homilétique et la catéchétique.

239. Il était dans la nature du protestantisme que les homélies et les catéchismes fussent cultivés par lui avec un soin parti- culier. Tandis que Luther, en sa qualité d'orateur énergique et populaire, s'appliquait à rédiger pour le peuple des com- mentaires pratiques, sans grand souci de la méthode et de l'ordre, afin d'offrir à ses prédicateurs, souvent peu doués, des sujets d'instruction pour les fidèles, Mélanchthon procédait avec plus de méthode: il composa des sermons destinés à servir de modèles aux prédicateurs, expliqua aux étudiants hongrois de Wittenberg, dans des conférences latines, les évangiles du dimanche, et donna des leçons sur l'éloquence de la chaire. George Major se signala surtout dans l'homilétique. Cepen- dant la plupart des prédicants s'en tenaient à la méthode commode de Luther, et prononçaient souvent des discours pleins d'injures et d'ol.jurgations.

Pour la catéchétique, on se servait de l'Explication des dix commandements, dn Pater, etc., donnée par Luther, puis de son grand et de son petit Catéchisme (1529). Léon Judse écrivit un grand et un petit Catéchisme à l'usage des réformés; Bullin- ger et Calvin composèrent des traités de catéchisme. Dans le Palatinat, sous Frédéric III (qui passa au calvinisme en 1559) V. msT. DE l'église. 36

562 HISTOIRE DE l'Église.

le Catéchisme de Heidelberg fat remanié et obtint une grande vogue. Le calvinisme, après avoir disparu en 1.576, y redevint victorieux en 1383. Les calvinistes allemands y demeuraient fermement attachés.

OUVRAGES A CONSULTEH SUR LE 239.

Postilla Melanclitli. (extrait de cours donnés en latin aux Hongrois), éd. Christ. Pezel, Heidelb., lo94, 4 vol. in-8°; Melanchth., de Rhelorica libri III, lol9; Eschenburg, Versuch einer Gesch. der oeffentl. Rel.- Vortrœge, 1783; Paniel, Pragrn. Gesch. der christl. Beredsamkeit, 1839 et suiv.; Lentz, Gesch. der Horaii., 1839 (les trois tout à fait insuf- fisants); Heidelberger Katechism.; Augusti, Corp. libr. symb., p. 535- 577; Ammon, Gesch. der prakt. Theol., 1804; Palmer, die evang. Katechetik, 1841 ; Nitzsch, Ges. W. über prakt. Theol., II, i, 4, 1848.

Le culle et la dl8ci|eliue.

La prédication et autres actes du culte.— Le chant ecclésias- tique.

240. Le centre du culte protestant était la prédication au lieu du sacrifice. On y rattachait la prière et le chant. En 1531, à Francfort, les princes luthériens avaient renoncé à l'uniformité dans les actes du culte. Parmi les prédicants on remarquait surtout, outre les réformateurs, Spalatin, Brenz, Bugenhagen et Chemnitz. Beaucoup s'égaraient dans de fastidieuses et ingrates polémiques, et produisaient rarement une impression profonde. Us avaient souvent à se plaindre que la prédication et la communion fussent négligées; la communion des laïques sous les deux espèces n'était plus un attrait.

Pour l'administration de la cène et du baptême, de même que pour d'autres usages, on adopta la langue du pays, afin d'exciter le peuple à y prendre une part plus active. Luther corrigea lui-même les défauts de son Agenda de 1526, et il n'entendait pas qu'on dût toujours s'y conformer. Divers changements furent introduits, et dans plusieurs provinces on conserva longtemps encore des restes du rituel catholique. Le culte des luthériens ne fut jamais aussi vide que celui des zwingliens et des calvinistes : on y conserva jusqu'aux exor- cismos du baptême, et quand le chancelier Crell essaya de les abolir dans la Saxo électorale, il provoqua une insurrection

LE PROTESTANTISME. 563

populaire à Zeitz et à Dresde. Les luthériens gardèrent l'autel, le crucifix et le luminaire.

Dans le principe, les réformateurs se montraient hostiles à tonte espèce d'œuvre d'art; beaucoup de chefs-d'œuvre ma- gnifiques furent détruits, gaspillés et convertis en argent, sur- tout à Ulm et à Nurenberg. Cependant, après les actes de vandalisme exercés par Carlostadt contre les images, Luther parut plus favorable aux beaux-arts; il honora les peintres Albert Dürer et Luc Kranach, réduits à se mouvoir dans un cercle d'idées fort étroit, puisqu'on rejetait absolument le culte de Marie et des saints et qu'on avait diminué le nombre des fêtes religieuses, dont le vendredi saint était la plus importante.

Luther aimait par-dessus tout le chant d'Église ; il composa lui-même quelques cantiques et remania d'anciennes hymnes latines et allemandes; il choisissait de préférence les anciennes mélodies du plain-chaut. Il fut imité en cela par Walter, Selnekker et Bark. Paul Spératiis (mort en 15o4) vantait sur- tout, dans les cantiques de Luther, leur parfaite adaptation au sujet, contestée par Hetzer. Les plus remarquables auteurs de poésies religieuses étaient Ph. Nicolai (1608), Jean Hermann (1640), Simon Darch à Kœnigsberg (1650), mais surtout Paul Gerhard, de la Hesse électorale (né en 1607), diacre de Saint- Nicolas do Berlin (mort en 1676), à Luben, dans la Lusace; Jean Ercard, de Berlin (mort en 1617), fut un excellent harmoniste.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 240.

Décret de Francf. en 1531 : Schrœckh, I, p. oiO; Bibl. Agendorum, éd. de Kœnig, Cell., 1726, ia-4°; Kiiefoth, die Urspriingl. Gottesdien- stordnungen in der luth. Kirche, Rostock, 1847; Funck, Geist und Form des von Luther angeordneten Cultus, Berlin, 1819; Herrn. Jakoby, die Liturgik der Reformatoren, 1 vol., Gotha, 1871; Grüneisen, de Pro- test, artibus haud infesto, Stuttg., 1839, in-4°; Gieseler, K.-G., III, II, p. 390 et suiv. Sur les prédicants : Dœllinger, I, p. 463 et suiv.; II. p. 700 et suiv. Plaintes sur la négligence de la cène et du baptême, ibid., I, p. 331 et suiv., 92 et suiv.; II, p. 28, 426. Sur le gaspillage des œuvres d'art, voy. Baader, Beitr. zur Kunstgesch. Nürnbergs, I, p. 38, 91 et suiv.; II, p. 23-25, Haszler, Ulms Kunstgesch. im Mittel- alter, Stuttgart, 1864, p. 116; Springer, Bilder aus der neueren Kunstgesch., Bonn, 1867, p. 179; Van Eye, Leben und Wirken Albrecht Dürers, Noerdl., 1869, p. 487. Luther sur la musique : Walch, th. x,

o6i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

p. 1723; Winterfeld, Dr. M. Luthers geistl. Lieder nebst den waehrend seines Lebens dazu gebroeiichlichen Singweisen, Leipzig, 1841. Contre : Meister, das Kalb. Kircbenlicd und seine Singweise, Frib., 1862, 2 voL, surlouL l, p. 29 et suiv. Sur Spératus et Hetzer : Dœllinger, I, p. 201 ; Cosack, Paul Spératus, Braunscbw., 1801 ; Erdmann, Paul Spératus, Deutsche Ztschr. für christl. "Wiss. von Hollenberg, 1861, p. 261 et suiv., 292 et suiv. ; Paul Gerhardts geistl. Lieder, Stuttgart, 1843, ed. Wackernagel, ibid., 18öö; Trepte, Paul Gerhardt, Deutsch, 1828; Roth, Paul Gerhardt, Leipzig, 1829; A. Wildenhalin, Paul Gerhardts Kirchengeschichtlichcs Lebensbild, II part., 4" éd., Bâle, 1877; Koch, Gesch. des KirchenUedes, Stuttgart, 1866, éd.; Ph. Wackernagel, das Deutsche Kirchenlied von Luther bis Herrn, und Blaurer, Stutt- gart, 18il ; Palmer, Evangelische Hymnologie, Stuttgart, 1865.

La discipline ecclésiastique.

24.1 . Les théologiens, tels que Sarcérius, regrettaient amè- rement l'absence d'une discipline ecclésiastique stable et pré- cise. Le Vittenbergeois Gaspard Lyser consulta Calvin sur la manière d'établir une discipline et un système d'excommuni- cation ; mais Brenz et la plupart des prédicants étaient oppo- sés à cette réforme, et dans les communes les partisans de « la liberté ecclésiasti(]ue » firent résistance. On employait comme moyens do discipline : les reproches, les amendes, l'exclusion de la cène et des fonctions de parrain, l'excommunication, le refus de la sépulture ecclésiastique ; les autorités civiles y ajoutaient la prison, l'exil et la peine de mort. La discipline était plus sévère chez les calvinistes ; elle était surveillée par les presbytères et les synodes. L'excommunication était sou- vent prononcée avec des formules de malédiction effroyables, surtout en Ecosse et en France. En Allemagneaussil'on procé- dait avec beaucoup de rudesse et de cruauté, surtout à Weimar, à iéna et à Brunswick. Dans cette dernière ville, Henning Brabant, chef de la bourgeoisie, ayant renversé l'aristocratie et introduit la souveraineté populaire, voulut secouer le joug des prédicants ; ceux-ci le frappèrent d'excommunication et excitèrent tellement le peuple contre lui, qu'il se vit complè- tement délaissé. U fut emprisonné, mis à la torture et exécuté après les plus afl'reux tourments (1604). Partout ils l'empor- taient, les prédicants se vengeaient de leurs adversaires d'une façon impit(»yable.

JJ: protesta iNTISME. n6o

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 241.

Dès 1533, A. Osiandre se montra favorable au rétablissement de la confession ecclésiastique, et Paul Rephun, curé à Œlsnitz, repré- senta vivement aux réformateurs la nécessité de revenir à l'excommu- uication (Dialogue sur l'abrégé de la foi chrétienne) : Dœllinger, II, p. 83 et suiv., 203. Sarcérius, ibid., p. 180 et suiv.; Gaspard Lyser, p. 371. Cf. Kober, der Kirchenbann, Tüb., 1857, p. 10 et suiv.; Zeller, dasTheol. System Zwingli's, Tüb., 1853, p. 16 et suiv., 30 et suiv. Cruauté chez les prolestants : Hist.-pol. Bl., t. III, p. 528-545; t. VII, p. 319. Strombeck, Hemming Brabant, Braunschw., 1829; K.-A. Menzel, V, p. 229 et suiv.

Effets du protestantisme.

Fruits pernicieux de la nouvelle doctrine.

242. Les résultats de la léformation ne justifièrent nullement les espérances qu'elle avait fait concevoir, et la nouvelle doc- trine ne tarda pas à montrer les fruits pernicieux qu'elle devait produire. Si l'on demeura quelque temps indifférent en pré- sence des passions violemment surexcitées, des moyens étranges de polémique, des bouleversements de toute espèce , dans l'espoir que ces inconvénients passagers seraient bientôt contre-balancés par les avantages,|on s'aperçut de plus en plus que c'était une amère déception. La vie morale et religieuse, au lieu de s'améliorer, allait eu déclinant, de l'aveu même des réformateurs et de leurs disciples ; on méprisait la prière et l'ofûce divin, le baptême et la cène, les œuvres de bienfaisance, l'honnêteté des mœurs ; les vices les plus révoltants, l'impu- dicité, l'ivrognerie, les jurements et les blasphèmes se multi- pliaient. On avait voulu secouer d'ignobles chaînes, et l'ou était tombé dans un plus dur esclavage ; on travaillait à supprimer la parole de l'homme et à faire régner la pure parole de Dieu, et c'était pour jurer sur l'autorité de Luther et de Calvin ; on désirait un clergé plus capable, plus moral, plus considéré, et l'on n'avait qu'une tourbe de prédicants immoraux, ignares, méprisés et batailleurs ; on prétendait faire refleurir les écoles publiques, et elles tombaient de plus en plus dans la barbarie, et le nombre des étudiants diminuait ; on réclamait la liberté d'enseignement, et l'on avait la censure la plus impitoyable et la

5G6 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

plus arbilmire ; on voulait supprimer la persécution des héré- tiques, et l'on continuait de les vexer avec aggravation de peines et sans motif.

En place des consolations que devait procurer le nouvel Évan- gile, une crainte de la mort, inouïe jusque-là, s'emparait des esprits ; le suicide et autres forfaits se multipliaient; le désor- dre et la confusion faisaient d'effroyables progrès ; la supersti- tion réclamait incessamment de nouvelles victimes. On parlait beaucoup de la Bible, et on la lisait fort peu. Le désordre était si grand, que Luther, Mélanchthon et la plupart des théolo- giens ne pouvaient l'expliquer que par l'approche du dernier jugement. On continuait de croire que le pape était l'Anté- christ, on avait horreur de tout ce qui tenait au catholicisme, et l'on s'enfonçait de plus en plus dans la division et le schisme.

Les dernières tentatives de conciliation entre luthériens et calvinistes échouèrent, comme avaient échoué les premières. La discorde engendrait la discorde, et il en résulta peu à peu une confusion telle, que, malgré le triomphe momentané des doctrines positives des réformateurs, ces doctrines ne devaient pas tarder à être sacrifiées. En présence du mécontentement de la foule et des prédicants, elles l'auraient été depuis long- temps sans l'intervention violente des pouvoirs civils. Le peu- ple, si rudement opprimé, regrettait, quand ses souvenirs n'étaient pas encore effacés, les vieux temps du cathohcisme, et surtout le sacrifice de la messe.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 242.

Dœllinger, dans son ouvrage sur la Réformation, fournit d'abon- dants témoignages sur les suites funestes de la réforme. Voyez sur- tout le coup d'œil rétrospectif, II, p. 693 et suiv. Divers témoignages sur la décadence religieuse et morale : I, p. 30 et suiv., 45 et suiv., 76 et suiv., 167 et suiv., 226 et suiv., 292 et suiv., 331 et suiv.; II, p. 55 et suiv., 78 et suiv., 93 et suiv., 207 et suiv., 269 et suiv., 328 et suiv., 427 et suiv. Spalatin, Mathésius, Aquila, Bugenhagen, Cyr. Spangcnberg, Jacques Andréaî, II, p. H3 et suiv., 127 et suiv., 135 et suiv., 14.'i et suiv., 278 et suiv., 375 et suiv., 640 et suiv. Malédictions et blasph^'uies : Paul d'Eitzen, Elhica christ., Viteb., 1571, I, 103, 117; Dœllinger, II, p. 487; cf. ibid., p. 404 et suiv., 640 et suiv. Adultère, polygamie, divorce, ibid., p. 441 et suiv., 640 et suiv. Impudicité, goiufrerie, ivrognerie, ibid., p. 56, 61-63, 73, 433 et suiv

LE PROTESTANTISME. o67

Surla servitude régnante : Mélanchthon, Jean Forster, Mennius, Flacius, ibid., I, p. 368 et suiv.; II, p. i 53, 177, 250 et suiv. Cf. I, p. 42 et suiv., ilSetsuiv. Le «jurare in verbaLutherivelCalvini)>,ibid.,I,p. 109. Sur les prédicants : Mélanchthon, Draconites, G. Major, Schnepf, Cruciger, Hypérius, Musculus, I, p. 463 et suiv., 468 (cf. p. 100 et suiv., 209 et suiv., 296 et suiv., 317, 413 et suiv., 469); II, p. 150, 221, 408 et suiv. Décadence des études, I, p. 408 et suiv., 434 et suiv., 483 et suiv.; II, p. 55 et suiv. Sur l'Angleterre : Dœllinger, Kirche und Kirchen, p. 209. Censures rigoureuses et persécutions : Dœllinger, Reform., I, p. 495 et suiv., 388 et suiv.; II, p. 111. Voy. ci-dessus, § 210. Crainte exa- gérée de la mort : Dœllinger, I, p. 64 et suiv., 334 et suiv. Suicide et autres crimes : H, p. 656 et suiv., 692 et suiv. (p. 370 et suiv., les deux Bidembach). Superstition, magie et diablerie : Dœllinger, II, p. 413, 644, ci-dessus, § 101. Le prédicaut Naogeorgus, en 1562, accusa trois femmes d'Eslingen de sorcellerie et les lit mettre à la torture : Dœllinger, II, p. 137. Des prêtres catholiques furent taxés de magiciens et d'alliés du diable, comme Joachim Niebuhr, à Rostock : Sehrœder, Mecklenb. K.-Hist., I, p. 225; DœlUnger, II, p. 418. Autres, ibid., p. 419 et suiv. Musculus, sur le diable, p. 424 et suiv.; K.-A. Menzel, t. V. (1855), p. 90. La Bible était peu lue, d'après Hypérius et Brenz : Dœllinger, II, p. 220, 357. Sur l'approche du dernier jugement : Luther (Ep.,ed. Ranner, p. 325), Mélanchthon (Corp. Ref., VUl, 265 et seq., 301, 330); Chr. Lasius, mort en 1572; Barthol. Gernhard, mort en 1600; Phil. Nicolai, mort en 1608; Chr. Barbarossa, mort en 1623; Math. Dresser, en 1560 prof, à Erfurt, en 1574 à Leipzig; Gaspard Hofmann, prof, à Fraucfort-sur-l'Oder : Dœllinger, I, p. 307 et suiv., 401 et suiv.; II, p. 266, 300 et suiv., 497 et suiv., 499 et suiv., 612 614 et suiv. Le Pape et l'Antéchrist, d'après Flacius (Dœllinger, II, p. 257); d'après le synode de Gap, 1603, art. Conf. 31 (Aymon, Synodes nationaux, 1,258, 272), et d'après l'ouvrage calviniste de l'Élection de Dieu, censuré parla Sorbonncen 1553(du Plessis d'Arg., II, i, p. 164, 1. 1, app., p. xix). Ce fut précisément à cause de la confusion et de l'anarchie si vivement déplorées par Jacques Andrése, Eusèbe Ménius (1562) et OttonCasman (en 1594 recteur à Stade) (Dœllinger, H, p. 379 et suiv., 607, 621), que Basile Munner, conseiller de la Saxe et professeur des deux droits à léna, demandait que les princes s'en tinssent rigou- reusement à la doctrine de Luther et punissent quiconque s'en écarte- rait, puis aussi qu'on n'abandonnât point l'affaire aux théologiens qui aspiraient vers une nouvelle papauté : Dœllinger, II, p. 631 et suiv. Les vœux du peuple de Wurtemberg pour le rétablissement de la messe sont attestés par Jean Brenz lui-même, ibid., p. 355 et suiv., 699. Pour le reste, voy. Janssen, II, p. 414 et suiv.; Planck, Prot. Lehrbegr., t. IV- VI ; Gasz, Gesch. d. prot. Dogm., Berlin, I, 8541, etc.,

aG8 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

§ 21 ! . Le terme de « réformé » fut employé en loSO dans les formules de concorde et plus tard encore pour tout ce qui s'écartait de l'an- cienne Église, par opposition au luthéranisme; mais de 1584 à 1014, à Nassau, à Brème, à Anhalt, dans la Hesse, le Brandebourg et le Palatinat, on y joignit dans le principe le mot « appelé ». En 138Ö, Jacques Andréœ fit recevoir dans le Wurtemberg le mot « Jnthérien », par opposition à « réformé ; » au XVIl^ siècle, il était admis sans con- teste. Voy. Heppe, Ursprung und Gesch. der Bezeichnungen « refor- mirte » und « lutherische Kirche », Gotha, 1859.

CHAPITRE II.

LE CATHOLICISME. LA RÉACTION CATHOLIQUE CONTRE LES NOVATEURS.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

243. Le protestantisme avait fait à la religion catholique, dans presque toute l'Europe, les plus graves blessures ■• l'an- cienne foi semblait éteinte, le Saint-Siège privé de toute auto- rité, l'épiscopat de plus en plus amoindri. L'Église, autrefois si puissante et si respectée, était vouée au mépris, affaiblie par de nombreuses désertions, défigurée par une multitude d'abus, menacée dans son existence. Cependant elle se releva bientôt avec un redoublement de force et d'énergie. A la réformation protestante elle opposa une réforme catholique, dressa contre le protestantisme une barrière qu'il ne devait plus franchir, et reconquit même plusieurs places qu'elle avait perdues. Elle reprit sa beauté et sa vigueur, et révéla sa fécondité par la mul- titude de ses saints, de ses missionnaires, de ses savants et de ses artistes. Réunie dans un grand concile général, elle exposa avec plus de clarté et de précision les dogmes qu'on attaquait, et introduisit une discipline morale qui allait bientôt s'étendre au loin. L'arbre qui semblait mort à plusieurs, se dépouilla de ses branches desséchées, porta de nouvelles fleurs et produisit des fruits d'une parfaite maturité. De nouveaux et grandioses établissements, des congrégations religieuses parurent ; uue science strictement catholique naquit, escortée de l'art reli- gieux, et raiicienne Église recruta dans dos contrées étran-

LR CATHOLICISME. 569

p;ères nu si grand nombre do membres nouveaux, que le chif- fra de ceux qu'elle avait perdus fut largement compensé.

Des pasteurs pleins de zèle se plièrent avec charité et dévoue- ment aux pénibles devoirs de leur ministère, et l'on vit surgir toute une génération de prêtres pieux et capables. Les monar- ques demeurés catholiques, effrayés de la grandeur du péril qui les menaçait eux-mêmes, ou enflammés d'amour pour la foi dans laquelle ils étaient nés, joignirent de nouveau leurs efforts aux efforts de l'Église. Le contre de ces luttes, de ces victoires grandioses, fut le Siège de Saint-Pierre, qui avait repris dans les États de l'Église une position solide, un poin* d'appui matériel inébranlable, que les guerres entre l'Espagne et la France ne firent qu'affermir au lieu de l'ébranler. Les papes, prenant résolument en main l'œuvre de la réformation, se créèrent des auxiliaires, des instruments nouveaux pour le gouvernement ecclésiastique ; ils soutinrent les enfants de l'Église sur les points les plus menacés, choisirent pour cardi- naux et pour prélats les hommes les plus méritants, et recon- quirent dans l'esprit des peuples cette autorité vénérable qui avait été longtemps obscurcie, mais qui ne pouvait disparaître. Bientôt le monde catholique présenta en face du protestantisme morcelé et indécis le sublime spectacle de l'unité merveilleuse- ment raffermie, de celte unité qui n'a été promise qu'à elle seule et qu'elle saura conserver.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 243.

Ranke, die Rœm. Pœpsle im 16 und 17 Jahrb., t. I, p. 43, 45, 56 el siiiv.; Kerker, die kirchl. Reform, in Italien unmittelbar vor dem Trid. (Tüb. theol. Quartalschr., 1859, p. 3-56). Sur les souverains catholiques : Pallav., Hist. Conc. Trid., lib. I, c. viii, n. 14, 15.

TRAVAUX DES PAPES ET DU CONCILE DE TRENTE.

Paul III et la première période du concile de Trente.

Travaux de Paul III pour la réforme.

244. Déjà Léon X, Adrien VI et Clément VII s'étaient effor- cés de combattre le progrès des nouveautés et de préparer les vuies aux améliorations réclamées de toutes parts, soit par leurs nombreuses lettres et leurs ambassadeurs, soit en élevant

570 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

aux dignités de la cour romaine des hommes distingués, soit par leur économie et par des réformes partielles introduites dans la cour de Rome. Il était réservé à Paul III d'exécuter cette vigoureuse réaction. Il confia à un choix de cardinaux et de prélats, tels que Contarini, Sadolet, Polus, CarafTa, Fregoso, archevêque de Salerne, Gibert, évêque de Vérone, Alexandre et Cortese, le soin d'élaborer un projet de décrets de réforme. Il aimait la franchise du langage. Il nomma des commissaires spéciaux pour renouveler la Chambre apostolique, la Chancel- lerie, la Pénitencerie et la Rote, publia différentes bulles pour abolir des abus, enrichit l'Église d'ordres nouveaux et pros- pères, essaya, comme ses devanciers, de réconcilier entre eux les princes chrétiens et de les unir contre les Turcs.

En présence des productions innombrables de la presse, il étabht en 1543 une censure rigoureuse des hvres, et, à l'exem- ple des universités de Paris et de Louvain, il fit composer des catalogues de livres défendus [indices libroruin prohibitorum.) Sur la proposition des cardinaux Caraffa et Jean Alvarez de TolèdedeBurgos,ilrestaura(1542)riiiquisition ouïe saint Office sous une forme nouvelle, et l'érigea en tribunal suprême de la foi. Les six cardinaux qui le dirigeaient, avaient le droit d'en- voyer des ecclésiastiques dans tous les lieux ils le jugeraient nécessaire, de prononcer sur les appels qui seraient faits contre leur procédure, de connaître des choses de la foi ; d'exécuter, en un mot, tout ce qui paraîtrait nécessaire pour prévenir et étouf- fer les hérésies.

Le cardinal C araffa déploya beaucoup de zèle en faveur de cette institution. vSuccessivement établi à Venise, à Milan, à Naplcs et en Toscane, il s'opposa à la propagation des nou- veautés en Italie, et procéda avec une grande impartialité, sans acception de personnes et sans corruption. Paul III fit encore davantage par l'ardeur infatigable avec laquelle il travailla à la réunion du concile de Trente, et il eut le bonheur, après avoir surmonté une infinité d'obstacles, de survivre à son ouverture.

OUVRAGES A CONSUMER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 244.

Onufrio Panv., Platina restitutua cum addit. a Sixte IV ad Pium IV, Venel., 1562, in-4''; A. du Chesne, Hist. des papes, Pari», 1646, in-f", continuée par Fr. du Chesne, Paris, 1658, ia-f°,t. II (jusqu'à Paul V);

LE CATHOLICISME. 571

Ranke, I, p. 132 et siiiv., 146 et suiv. ; Cam. Trasmondo Frangipane, Momorie sulla vita e i fatti del card. Aless. Farnese, Opera postuma, Roma, 1876. Lo Gonsiliuin delectorum cardinalium ac aliorum prae- latoruni de emeiidanda Ecclesia, 1537, dans Mansi, Conc. Suppl., V, 537; Le Plat, .Mon. ad bist. Conc. Trid., II, 596 et seq. Cf. du Plessis d'Arg., 1. 1, app., p. xxxvi et seq. Se trouve aussi dans Durand, Tr. de modo Concil., éd. Par., 1671. Il est faux que Paul IV ait rais plus tard à l'index l'avis qu'il avait rédigé comme cardina' Carafïa ; la seule chose qui fut mise à l'index, c'est l'édition strasbourgeoise de 1538, par J. Sturm, avec les i-emarques insultantes de celui-ci et de Luther. Ben- nettis, Vindic. privil. B. Pétri, p. II, t. V, app. Vlll, p. 737-741 ; Zac- caria, Antifebronio, I p. lxxxu et seq.; Natal. Alex., H. E., saec. XVI, c. i,art. 16. Lettres deConlarini àPaul III:, Le Plat, loc cit., p. 605; Roc- caberti,Bibl.Pontif., XIII, 178. Réformes dans la Curie :Rayn., an. 1540, Ann, t. XXI, p. 146. Bulle Licet ab initio, 21 juillet 1542, sur l'Inquisi- tion : Bull., éd. Coquelines, IV, I, p. 211 ; éd. Taur., VI, 344;Carrac- ciolo, Vita di Paolo IV, MS., c. viii; Ranke, Rœm. Paipste, I, p. 205- 208. Index libror. probibit. : Bromato, VII, 9. L'impulsion fut donnée par les théologiens de Louvain, qui en 1540 déjà avaient publié uu premier Index ; ils l'agrandirent en 1545 : « Librorum, quos ad Caes. Maj. jussum Theologi Lovan. diligenter examinâtes censuerunt inter- dicendos, Index (noiiv. éd., 1550) : Du Plessis d'Arg., I,app., p. xxxvit. Le Catalogue des livres censurés par la Sorbonne en 1542 et 1543 con- tient 65 numéros (ib., II, i, p. 134-136); vint ensuite, par ordre alphabé- tique, un Index des ouvrages censurés de 1544 à 1551, avec une préface (p. 164-178). En Italie, Jean de la Casa, ami de la maison Carafa, fit imprimer à Venise, en 1548, le premier Index (70 numéros). Il en parut de plus étendus, à Florence, eu 1552 ; à Milan, en 1554; le premier qui ait eu la forme actuelle est de Rome, 1559 : Ranke, I, p. 211. Sur l'Index de Paul IV, de 1557, voy. Phillips, K.-G., VI, § 324, p. 607. II fut corrigé en 1559, et en 1664 divisé en plusieurs rubriques. Nouvel Index de Benoît XIV, 23 déc. 1757; de Grégoire XVI, 1841.

Le concile de Trente (XIXe concile œcuménique). Les trois premières sessions.

245. Le dix-neuvième concile œcuménique eut à lutter, dès son ouverture, contre de nombreuses difficultés avant de pouvoir atteindre son but : « l'honneur et la gloire de Dieu, l'accrois- semont et l'exaltation do la foi et de la religion chrétienne, l'ex- tirpation des hérésies, la paix et l'union de l'Église, la réforma- lion du clergé et du peuple chrétien, l'huinihatiou et l'extinc-

57 i HISTOIRE DE l'Église.

tion des ennemis du nom chrétien. » La session solennelle d'ouverture fut présidée par les cardinaux del Monte, Cervinus ot Pûlus. On y vit aussi le cardinal Madrucci, prince-évêque de Trente, quatre archevêques, vingt évêques, cinq généraux d'ordres, et les envoyés du roi Ferdinand. Après la première session (43 décembre 15-45), les prélats envoyés par le pape remplirent les fonctions synodales. L'habile Angelo Massarelli fut nommé secrétaire du concile.

Relativement à l'ordre des affaires, il fut décidé que les ma- tières à traiter seraient préparées par des théologiens et des canonistes dans des réunions préliminaires, examinées ensuite par les évêques' dans des congrégations générales, et les décrets rendus publics en session solennelle. Conformément à ce qui s'était fait dans les anciens conciles, le vote aurait lieu par têtes et non par nations ; les généraux d'ordres n'auraient qu'une voix pour l'ordre tout entier, et trois abbés ensemble n'en auraient également qu'une. Les matières furent présen- tées à l'assemblée par les légats présidents. Quelques-uns demandèrent qu'on s'occupât d'abord des questions dogmati- ques; d'autres, de la réforme de la discipline. On adopta la pro- position de Thomas, évêque de Feltre, suivant laquelle ces deux matières seraient traitées simultanément ; dans les mêmes sessions les décrets disciplinaires succéderaient régulièrement aux décrets dogmatiques. On s'occupa du genre do vie des Pères et de leur entretien, pour lequel le pape s'imposa de grands sacrifices.

La nomiriation du protecteur du concile fut laissée au prince- évêque de Trente, qui désigna Sigismond, comte d'Arco. Plu- sieurs questions de forme, le titre môme du concile, les droits dos délégués des évêques, l'admission des réguliers, etc., four- nirent matière à délibération, attendu que l'empereur et la France avaient exprimé le désir, par égard pour les protestants, qu'on procédât avec beaucoup de lenteur. On se contenta donc, dans la deuxième session (7 janvier 1546), do lire les constitu- tions du papo, et do publier le décret relatif au genre de vie des Pères du concile et les autres choses qu'on devait observer pondant le concile. Le concile comptait maintenant quarante- trois membres, entre autres les archevêques Élaiis Magnus d'Upsal et Robert d'Armagh. Comme on attendait encore beau-

LE CATHOLICISME. 573

coup d'autres prélats et qu'on ue voulait pas rendre d'impor- tants décrets avant l'arrivée d'un plus grand nombre de Pères, la troisième session (4 février) fut employée à faire jurer solennellement par les Pères le Symbole de l'Église, à le publier, et à fixer la session suivante.

OÜVILVGES A CONSULTEK ET REMARQCES CRITIQUES SLR LE 245.

Travaux de Paul III en faveur du concile de Trente, ci-dessus, §§ 84, 86-88, 95, 96, 104. Pallav., Hist. Conc.Trid., l.IIl,c. xvu, surtout n. 3, Rayn., a. 1534, n. 2. Pallavicini, S. J.,puis cardinal, a écrit Istoria del S. Concilio di Trento, Roma, in-f°, 1656; 1664, 3 t.; illustr. con annotazioni da Fr. A. Zaccaria, Roma, 1833, 4 vol. L'ouvrage est dirigé contre le livre de Paolo Suave (Paolo Sarpi, servite) Istoria de Concilio di Trento, Londra, 1619 (l'édition de Sarpi fut surveillée par M. -A. de Dominis, § 203) . LeCourrayer en donna une traduction fran- çaise avec des notes, Arasterd., 1736, 1751, 2 t. in-4'>; éd. Ancelot de la Houssaie, Amst., 1699; en allem., par Winterer, Wergenth., 1840 et suiv., 4 vol. Sarpi traduit Sleidan en plusieurs endroits et écrit avec beaucoup d'amertume (Ranke, Papes romains, III, p. 272-275). Com- pléments dans Rayn., an. 1345 et seq.; Stoz, Relat. hist. de gest. Conc. Trid., Diling., 1695; Martène et Durand, Collect, ampliss.. Par., 1733, in-f°, t. VIII, p. 1022-1445, éd. cur. J. Samuelfy, Magdeb., 1743(FilhoI, archevêque d'Aix, membre du concile sous Paul III et Jules III, ex- trait des délibérations). Ph. Labbe, Concil., 1672, t. XIV (documents publiés par les théologiens de Louvain en 1567). P. Puteanus, Instruc- tions et Missives des roys de France... concernant le Concile de Trente, Par., 1613, in-4° (ne contient que les pièces relatives à la France). J.-D. Mansi, Miscellan., Baluz, nov. edit., Luc, 1762, in-f°, t. III, p. 432- 519 ; t. IV, p. 192-464 (lettre de Charles Visconti, évèque de Vinlimille, à S. Charles Borromée, et lettre de Mutius Calinus, archevêque deZara, au cax'dinal Cornari). Le Plat, Monum. pour servir à l'hist. du Conc. de Trente, 1781, in-f°, t. VI; éd. lat. : Monum. ad hist. Conc. Trid. potiss. illustrand. ampliss. coUectio, Lovanii, 1781 et seq., 7 t. in-4'' (t. I, discours prononcés au Concile de Trente, d'après Labbe, Martène, Ray- nald, etc.; t. II, documents pour servir à l'histoire du Concile, de 1518- 1540; t. 111, documents de 1541 à 1548 ; t. IV, autres, de 1548-1561 ; t. V, documents de 1562 et 1563 ; t. VI, documents de 1563 et 1564, avec les apologies de Pierre Fontidonius et Gasp. Cardilius ; t. VII, pièces concernant la réception du Conçue dans les Pays-Bas et en France); puis journal de Laurent du Pré (Pratanus), chanoine de Tournay, d'après un manuscrit de Polling, extrait des actes par A. Massarelli et Curten- brosch d'après Martène, et CoUectio actorum et décret. deMcol. Psal-

574 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

mœus, abbé de Prémontré, puisévèquede Verdun, édité pour la première fois parCliarles-Louis Hugon, 0. S. B., Slivag., i725. Antiq. mon. (Ac- cessiones novae ad H. E,. Francof. ad M., 1744, in-f", 215-476), la Clo- ect. ex gest.Conc. Trid., de l'arche. Bartéhlemy. des Martyrs, 0pp., ed Rom., 1735, t. II, p. 423-850, et les journaux de Torellus Phola, cha- noine deFiesole, et de J.-B. Ficler, 0. Pr. D'autres matériaux ont été fournis par les Monumenti di varia letteratura tratti dai MSS. di Msgr Lodovico Beccadelli, de Bologne, arch. de Ragnse, membre du concile sous Pie IV (ed Bologna, 1804, t., 111). Autres ouvrages dignes de men- tion : Lettres et Mémoires de François de Vargas, de Pierre de Mal- venda et de quelques évêques d'Espagne touchant le Conc. de Tren- te avec des remarques par M. Le Vassor, Amst., 1699; Instructions et Lettres des Rois très chrétiens.. Par., 1654 (c'cstl'ouvrage deDupuy ou Puteanus mentionné ci-dessus); Notice des actes orig. du Conc. de Trente, dans la Chronique relig., I, 41, Paris, 1819. ;G. J.- Planckii Anecdota ad hist. Conc. Trid., 26; Gœttinger Programm, 1791- l818.0ndoit à Mendham: Mémoires of the Council of Tr., Loud., 1834 et Acta et Décréta Conc. Trid., ab an. 1562, a Gabr_ Paleotto (sous Pie V archev. de Bologne) descripta, Lond., 1842. Ont paru plus tard : chan. Giov. Finazzi ; del ;P. Alberto Mazzoleni e de' suoiMSS. intorno al Concilio di Trento, Lucca, 1862, tip. Landi. Depuis 1870 les publications relatives à l'histoire du Concile se sont multipliées ; telles sont: Th. Sickel, Actenstücke aus œsterr. Archiven zur Gesch. des Concils von Tr. (dritte Epoche), Vienne, 1871, in-f"; GenerosoCalenzio, Documenti inedili e Nuovi Lavori lett. sul Concilio di Trento, Roma, 1874; L. Magnier, Étude histor. sur le Concile de Trente, Paris, 1874 (I part., 1545-1552); La^mmer, Meletematum Rom. Mantissa, Ratisb., 1875; Dœllinger, Ungedruckte Berichte und Tagebücher zur Gesch. des Concils von Tr,, Noerdlingen, 1876, 2 sections. L'édition des Actes par A. Massarelli, etc. (Acta genuina SS. Conc. œc. Trid. ab Ang. Mas- sarello Ep. Thelesino conscripta... nunc prinium integre édita ab Aug. Theiner. Accedunt acta ejusdem Conc. a card. Gabr. Paleotto digesta, secundis curis expolitiora, Zagrabii et Lips., 1875, 2 vol. in-4'>), n'a nullement répondu à l'attente des savants: on y remarque des omis- sions arbitraires, faites quelquefois par esprit de parti, sans parler des autresdéfauts (V.Archiv, für kath.K.-H., 1876, t. XXXV, p. 189etsuiv.). Les anciens ouvrages de Salig, Vollständige Gesch. des Trid. Conçus, Halle, 1741 et suiv., 3 vol. in-4''; de Wessenberg, die groszen Kirchen- versammlungen, t. III, IV (voy.surlui le Catholique, maiet déc. 1841);- de Gœschl.Gcschichtl. Darstell, des Concilszu Trient, Regensb., 1840; de Hiitjes, Gesch. desConcils von Trient, Munster, 1846, sonlsurpassés par les nouveaux, bien que le jugement de Biischar sur les contro- veiscs de Sarpi et de Pallavicini, Tubing., 1843 et suiv., 2, part, con-

LE CATHOLICISME. 575

serve encore à bien des égards sa valeur critique. Voyez aussi Werner, Gesch. der apol. und polem. Lit., IV, p. 368-379. Éditions des décrets : Canones et Décréta Conc. Trid., 1567, in-4°, éd. Gallemart, Colon., 1618, 1619, 1700 et seq. (avec notes); éd. Jod. Le Plat, Lovan., 1779, in-40; éd. stereotypa, Lips., 1842, Lugd., 1836; éd. Smets, lat. et germ., Bielefeld, 1847; cum declar. Congr. Conc, éd. Richter, Lips., 1853. Sur les éditions, consult. Phillips, iV, p. 463 .et suiv. Parmi les ouvrages écrits en sens contraire par des protestants, le plus considé- rable est l'Examen Conc. Trid., Francof. ad M., 1707, 4. t. in-f". Sur la première session et le blâme injuste contenu dans le discours del'évèque de Bitonto, voy. Pallav., V, xvn, i8. L'ordre des affaires consigné dans A. Massarelli a été souvent édité, notamment par Friedrich, Documenta ad iliustrand. Conc. Vatic.Nœrdlingen, 1871, I, p. 265-276 ; puis s. t. « Geschœftsordnung des Conçus von Trient aus einer Handschrift des valic. Archivs vollst, edirt », en lat. et en allem., Vienne, 1871, par E. Cecconi, Gesch. der allgem. Kirchenver- sammlung im Vat., t. I, urk. ly, p. 80-104. Mais ce n'est qu'un « ordo servatus », et non un« ordo absolute prsescriptus ». Autres négociations : Pallav., VI, i et seq. L'évêque de Fiesole voulait qu'on ajoutât au titre de concile, d'après ce qui s'était fait à Constance et à Bâle, ces mots : « Universalem Ecclesiam repreesentans » ; mais le général des servîtes et Pighinus tirent remarquer que le titre qu'on y avait alors employé était une nouveauté, et que « sacra universalis et œcumenica Synodus » était suftisant. Le légat del Monte ajouta que ce titre offusquerait encore davantage les protestants ; que le concile de Bâle, schismatique à la un, ne pouvait pas servir d'exemple; à Constance, la formule avait une valeur particulière, à cause des trois obédiences. Les évoques se déclarèrent satisfaits. Plus tard, cepen- dant, l'auteur de la proposition, appuyé par des membres nouvelle- ment arx'ivés, essaya encore de faire passer sa demande et de protester contre ces paroles : « prœsidentibus legatis ». La question du titre fut encore plus d'une fois agitée, mais la proposition ne fut pas admise. Pallav., lib. VI, c. ii, n. 8-10; c. v, n. 4; c. vi, n. 2 et seq.; c. ix, n. 3; c. XI, n. 1; cap. xii, 1; c. xvi, 4; lib. Vil, c. xm, 2; VIII, ivm, 3. Cf. XV, XIX, 15; XXI, xii, 4. Stoz, loc. cit., sect. II, n. 51-55; Psal- mœus, Collect, act. in sacr. ant. monum., éd. Stivag., 1725, in-f", 221. Dans le principe on n'accorda pas voix décisive aux procureurs des évêques, notamment aux représentants de l'évêque d'Augsbourg et de l'archevêque de Trêves. Le 4 décembre 1545, Paul III permit aux évêques allemands, à raison des dangers de leur position, de voter par l'organe de leurs procureurs. Pie V révoqua cette faveur en 1562, parce qu'il voulait obliger les évêques à se présenter en pei*sonne; les pro- cureurs ne devaient plus être admis que « ad excusandos absentes ».

576 HisTüiRE DE l'Église.

Rayn., an. 1562, n. 126. La demande « ut procuratores episcoporum absentium cum sufFragioadmiUantur » ,fut renouvelée en 1563 par les ambassadeurs et l'alFaire examinée par les jurisconsultes : ib., 1S63, n. 6o, 92, 93; Pallav., XXI, i; XXIV, viii, 13 et seq., II^ et III« session : Pallav., VI, V, 1 et seq., c. vni, ix; Theiner, Acta, I, p. 27 et seq., 37 et seq., 49 et seq.

Quatrième session.

246. Sur la proposition du cardinal del Monte, on commença par examiner les sources do la révélation. Les questions sui- vantes, relatives à l'I^lcriture sainte, furent posées aux théolo- giens : V faut-il accepter au même titre tous les livres des deux Testaments et les appeler canoniques? faut-il le faire en procédant à un nouvel examen? 3" faut-il les diviser en livres concernant la foi et en livres concernant l'édiflcation ? Le général des augustins, Séripand, se prononça affirmati- vement sur le troisième point et présenta une dissertation dans ce sens ; Il ne trouva pas d'écho. La première question fut réso- lue affirmativement d'une commune voix ; sur la seconde, les opinions se partagèrent d'abord, puis on décida de faire un examen privé qui ne serait pas joint aux actes, et une com- mission spéciale fut établie à cette fin. On traita aussi des abus qui se commettaient relativement à l'Lcriture ; ce sujet, comme celui de la tradition, donna lieu à do longues délibérations.

Après l'achèvement des travaux préUminaires et la réception solennelle de l'envoyé de l'empereur, François de Tolède (15 mars), eut lieu la première session décisive (quatrième), furent publiés les décrets sur les livres canoniques, sur leurs éditions et leur usage (8 avril.) Le canon des saintes Écritures fut dressé d'après les conciles d'Afrique, et l'anathème pro- noncé contre quiconque n'accepterait pas ces livres dans toutes leurs parties, tels qu'ils se trouvent dans la Vulgate latine. Le concile déclara également qu'il fallait respecter les traditions relatives à la foi et aux mœurs. Il décida que l'ancienne Vul- gate serait considérée comme authentique dans les sermons, les leçons et les dissertations ; qu'on no pouvait jamais inter- préter l'Écriture sainte contre le sens de l'Église ou le con- sentement unanime dos Pères, mais qu'on publierait une édition corrigée de la Vulgate ; qu'il était défendu de faire servir

LE CATHOLICISME. 577

l'Écriture à des fins superstitieuses et à des plaisanteries indé- centes ; qu'on devait punir les imprimeurs qui reproduiraient et propageraient, sans l'autorisation épiscopale, des livres sur la religion et sans nom d'auteur.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 246.

Pallav., VI, XI, 11. 4-H ; c. xn, u. 2 el seq.; c. xui et seq.; Theinex", I, p. 49 et seq. Cerviuo, Polus, Madrucci, consentaient à ce qu'on exa- minât les livres saints en vue de réfuter les hérétiques, parce que cet examen servirait ù condrmer la vérité et à instruire les tidèles; la réfutation des hérésies, d'après S. Thomas, est un devoir pour les théologiens et conforme à l'exemple des Pères. A cette demande Catharin opposa les difficultés suivantes : la diiférence des ver- sions; 2° la multitude des fautes d'impression; l'arbitraire dans les interprétations ; l'impression d'exemplaires falsitiés, accompagnés de faux commentaii'es ; l'abus des traductions en langue vulgaire. Contre le premier inconvénient, la déclaration de la Vulgate comme texte authentique parut le remède le plus efficace; contre le second et le quatrième, la préparation d'une édition romaine correcte qui servirait de modèle; contre le troisième, la recommandation de suivre l'interprétation de l'Église, avec défense de s'écarter du <■<■ sentiment commun des Pères » ; puis, en général, la censure des livres de théo- logie. Plusieurs, surtout les Espagnols, voulaient qu'on interdit com- plètement les traductions en langue vulgaire. L'autorité de l'ancienne Vulgate, comme traduction garantie par l'Église quant à sa substance, était généralement admise. Déjà, vers 1330, la faculté théologique de Paris avait défendu d'interpréter la Bible d'après le grec et l'hébreu sans sa permission, et de se servir, contre la Vulgate, du texte primi- tif comme d'une autorité . Du Plessis d'Arg., II, i, p. 101-102. Spiritus Roterus, 0. Pr. (Eccard, Script. Ord. Prsed., II, 188) écrivit une disser- tation célèbre « de non vertenda Scriptura sacra in linguam vulga- rem )), dédiée à Henri II (lo48); elle fut rééditée en 1661 par ordre du clergé de France. Voy. encore Stanisl. Ilosius, lib. III, deAuctor, Script, sacr., p. 247; du Perron, lib. VI, c. vi, Respons. ad Reg. Angl.; Bellarm., de Verbo Dei, II, xv; Bened. XIV, de Syn. diœc, VI, x. Dans ses mesures relatives à la tradition, le concile s'en tint exclusi- vement à saint Irénée, à Tertullien et à Vincent de Lérins. Voy. encore Alzog, Explicatio cath. systemalis de Interpret, lit. sacr., Monast., 183Ö; Friedlieb, Schrift, Tradition und kirchl. Schriftauslegung, Breslau, 1834.

247. Les légats de Trente présentèrent à Rome leurs projets y. HisT. DE l'église. 37

578 HISTOIRE DE L EGLISE.

fie réforme. Paul III so montra satisfait de leur franchise; il leur rappela seulement que la discussion des points de disci- pline ne devait pas faire relég-uor au second plan les questions dogmatiques; qu'en parlant des obstacles «jiie la curie de Rome opposait à la juridiction des évê;jues, il ne fallait pas taire les difficultés suscitées par les princes temporels; (jue le concile ne devait rien décider sans l'assentiment du pape, puisqu'on ne devait pas réformer la curie de Home sans avoir entendu le concile.

L'empereur persistait à vouloir (ju'on ajournât les questions dogmatiques ; mais les légats firent remarquer qu'il convenait par-dessus tout de protéger la foi, et non pas seulement de cor- riger les mœurs des catholiques ; que c'étaient justement les décrets disciplinaires qui réclainaieut la présence d'un plus grand nombre d'évêques appartenant à tous les pays. Ils char- gèrent les théologiens d'examiner la question du péché origi- nel, dont les protestants s'étaient encore peu occupés. Les par- tisans de l'empereur, les Espagnols surtout, tâchèrent de traî- ner l'afTaire en longueur en présentant une multitude de pro- jets, notamment sur la définition de l'Immaculée Conception de Marie. Cependant on discuta aussi sur des décrets de réforme relatifs à la prédication et aux leçons publiques. Il y eut sur ce point une grande divergence de vues, et les légats eurent toutes les peines imaginables pour maintenir l'ordre dans les congrégations.

Ici encore, ainsi qu'il était naturel, car les évêques sont aussi des hommes, les sorties violentes ne firent pas défaut. L'évêque de Fiesole scandalisa tellement par ses discours contre les restrictions apportées au pouvoir des évèques par les réguliers et par le pape, qu'il fut obligé de faire amende hono- rable. Le cardinal Polus le réfuta avec calme, mais d'une façon péremptoire. L'Espagnol Pacheco mit en avant cette question souvent agitée depuis, si le devoir de la résidence pour les évê- ques est de droit divin ou de droit humain. On eut beaucoup de peine à faire ajourner ce débat.

Sur l'Immaculée Conception, qui s'enseignait dans la plupart des écoles, il fut décidé (ju'on ne porterait point de décision expresse, mais qu'on laisserait la question dans l'état elle sn trouvait sous Sixte lY ; qu'on n'entrerait pas dans les coutru-

LE CATHOLICISME. 579

verses agitées par les catholiques, et que l'on s'abstiendrait de condamner l'opinion contraire. Cependant les Pères se pronon- cèrent pour la pieuse opinion, et lui donnèrent une nouvelle force en ajoutant à leur décret que « l'intention du concile n'était pas de comprendre la bienheureuse et immaculée Vierge Marie » dans sa décision sur le péché originel : c'était dire assez clairement, dans l'état actuel des choses, que la grâce divine avait préservé Marie du péché originel.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 247.

Discussions du 8 avril au 17 juin 1546 : Pallav., VII, c. ii-vni; Rayn., h. an.; Le Plat, III, p. 403 et seq.; Theiner, I, p. 80 et seq.

Cinquième session.

24.8.Lei7juin (cinquième session), fut publié ledécret^ogmati- qucsur le péché originel et le premier décret sur la réformation. Le décret dogmatique portait, en cinq anathématismes, qu'Adam par le premier péché a perdu la justice originelle, qu'il a encouru la colère de Dieu et la mort, qu'il a été affaibli dans son corps et dans son àme; que ce péché a préjudicié non seulement à lui, mais à ses descendants; qu'il leur a communiqué non seu- lement la peine, mais encore la faute ; que le péché originel se transmet à tous les hommes, non par imitation, mais par la génération ; qu'il ne peut être effacé que par les mérites de Jésus- Christ, qui nous sont appliqués dans le baptême, nécessaire à tous, même aux enfants nouveau-nés ; qu'il supprime tout ce qui est du péché, sauf la concupiscence, qui s'appelle le péché parce qu'elle est un e^3t du péché et porte au péché. A ces ana- thématismes, qui opposaient aux hésitations des protestants l'ancienne doctrine de l'Église souvent dans les propres termes de saint Augustin, était jointe l'exception relative à la sainte Vierge.

Le décret de réforme prescrivait d'établir des chaires de théo- logie dans les églises cathédrales et collégiales, ainsi que dans les monastères il n'en existait pas encore, fallùt-il suppri- mer des charges ; puis la nomination d'au moins un maître de grammaire dans les églises pauvres, pour distribuerl'enseigne- ment préparatoire aux jeunes candidats du sacerdoce; il recom-

580 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

mandait aux évêques de vaquer à la prédication, et de choisir des hommes capables pour annoncer la parole de Dieu les jours de dimanche et de fête. Les régnliers devaient s'abstenir de prêcher dans les églises de leurs couvents sans la permission de leurs supérieurs, et ailleurs sans celle de l'évèque. L'évêque retirerait l'autorisation aux prédicateurs qui donneraient du scandale et propageraient des erreurs, et il procéderait contre eux ; il pourrait aussi, en cas de besoin, procéder comme délé- gué du Saint-Siège l'égard des exempts). Le concile interdit également la prédication aux collecteurs d'aumônes, afin de prévenir les scandales. Quatre cardinaux, neuf archevêques, huit évêques, deux abbés, trois généraux d'ordres et beaucoup d'autres théologiens assistaient à cette cinquième session.

OUVRAGES A CONSULTEIl ET RI-MARQUES CRITIQUES SUR LE 248.

Dans le débal sur la doctrine du péclié originel , cinq questions furent agitées : De natura peccnli orùjinalis. Le dominicain Pelargus déclara que le péclié originel consiste dans la « privation de la jus- tice originelle en laquelle Adam avait été « constitué ». C'est le mot qu'on employa dans la suite pour éviter la controverse scolastique (I, p. 976, § 348). Pallav., VII, ix, \. Les théologiens exposèrent en outre, d'après saint Thomas, que la « forme du péché originel » réside dans la perte du vrai rapport de nos forces supérieures à Dieu et à la grâce, et sa « matière » dans la rébellion des forces inférieures contre les forces supérieures. La doctrine de saint Thomas fut principalement développée par l'évèque dominicain B. Eredia (Pallav., VII, vin, 3-Ö.) L'archevêque de Sassari, les évêques de Syracuse et de Cana- ria, etc., réfutèrent cette opinion que la concupiscence est le péché originel. Dans cette proposition : Adam a été détérioré en son corps et en sou âme, on elfaça ces mots : c nuUa etiam animai parte illsesa », atin que les sens ne parussent pas y être compris. II. De modo propa- gationis in poster os. Voy. là-dessus l'évèque Fouseca et Ange Paschal. Ce dernier rappelait les erreurs de Zwingle (Pallav., loc. cit.,n. 5,6). III. De allatis ah eo dctrimentis. Berlanus, loc. cit., n. 7. IV. De ipsius remedio. Tous déclarèrent que le baptême est l'unique remède; qu'il comprend la passion et la mort du Christ, ainsi que la grâce. Quelques-uns voulaient (ju'on citât encore spécialement la foi ; mais cela déplut à la majorité. V. De hujus remedii ef'ßcacitate. On prouve par l'idée de régénération, de vraie rémission, que le baptême remet tout. Pallav., loc. cit., n. 8 et seq. Dans ce passage : « Per baptismuni non solum reatum originalis peccati remitti, sed etiam tolli totum id,

LE CATUOLICISME. Î)8I

quod verani et propriam rationem peccati habet, » quelques-uns esti- mèrent que le second membre était inutile. Séripand proposa : « Omnera rationem peccati tolli «,• révoque de Cavi : « Tolli omnia pec- cata «; mais ils ne trouvèrent point d'écho. On disputa davantage sur ces mots ; « In renalis nihil Deum odisse. » Cf. ib., c. ix, n. 1-6; c. x, n. C; ibid., c. vu, n. 1-4; xi-x.xiii; c. xm, n. 2. Sur l'Immaculée Con- ception: discours du P. Lainez, S. J., du 25 mai 1546. Proposition con- cernant celte addition ; a De B. V. S. Synodus nihil definire intendit, quumvis pie credatur , ipsam absque peccato original! conceptam fuisse. » Plusieurs y adhérèrent; seuls les dominicains tirent opposi- tion: ils la prenaient pour une définition tacite, et pensaient qu'elle llétrissait indirectement leur opinion comme « impie ». La proposition fut généralement acceptée sans le « quamvis », etc. Quelques-uns voulaient qu'on imposât un silence absolu aux dominicains; d'autres ne le réclamaient que pour leurs prédications publiques; les uns demandaient que la « pieuse » opinion fût déclarée telle sans restric- tion; d'auLres seulement « magis pia ». Dans les discussions on invoqua la fête ecclésiastique, le consentement des universités et des ordres religieux (sauf les dominicains). En 1521, la Sorbonne avait déclaré cette proposition de Luther : « Contradictoria hujus proposi- tionis, B. Virgo est concerta sine peccifo originali, non est reprobata » « prop. falsa, ignoranter et impie contra honorem immaculata? Vir- ginis asserta », et, en 1543, elle avait flétri comme « hérétique et inju- rieuse à Marie » cette doctrine prêchée par le dominicain Antoine Marchand : « Propositio innuens , B. Virginem indiguisse erepliva redemptione ». Du Flessis d'Arg., I, ii, p. 309; II, i, p. 138. Sur la V^ session, Pallav., Vil, xiu, 1 et seq.; Le Plat, 111, p. 426 et seq. Sur le décret concernant les sermons des réguliers, l'évèque de Fiesole (son discours. Le Plat, 111, 405 et seq.j proposa cette clause : « Fiat absque prcejudicio universalis auctoritalis hujus S. Synodi. » Par diplôme du 7 juin 15i6, le pape avait supprimé les privilèges con- traires .à ces lois et approuvé les décrets de réforme qui allaient être sanctionnés. Pallav., loc. cit., n. 3, 4.

Sixième session.

249. On délibéra ensuite sur le dogme de la justification et sur la question disciplinaire de la résidence des évêques. Les mêmes sujets étaient alors débattus à Rome par des théologiens et des canonistes, la plupart dominicains et augustins. Le parti de l'empereur travaillait de toutes ses forces à empêcher les dis- sensions dogmatiques, taudis que les Français, et dans la suite

582 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

plusieurs autres ambassadeurs, suscitaient des querelles de préséance. Le voisinage du théâtre de la guerre donnait des inquiétudes à une foule d'évèques, et déjà les légats avaient demandé à Paul III de suspendre ou de transférer le concile ; mais le pape ne crut pas devoir se rendre encore à leurs repré- sentations. Il ne manqua pas non plus de scènes orageuses, comme dans les disputes de l'évêque de Cavi avec Denys, évêque de Chiron. Le légat del Monte, au milieu de tous ses travaux, était très préoccupé. Polus se rendit à Padoue pour cause de santé ; Cervinus se trouvait à Roveredo auprès d'Ottavio Far- nèse, également souffrant. 11 fallut ajourner la session annon- cée p ur la fin de juillet.

Beaucoup d'évêques manifestaient l'intention de quitter Trente. La France, dans le cas le concile serait transféré, proposait Avignon et ne voulait point entendre parler d'une ville située sur le territoire de l'empereur. Charles Quint était d'avis que l'on continuât le concile à Trente, mais qu'on s'abstînt provisoirement de définir la justification. Les théologiens et les Pères avaient mis beaucoup d'ardeur à discuter cette question, et, comme elle était mûre, on ne tint pas compte de la résistance du parti impérial. Le 13 janvier 1547 eut lieu la sixième session, qui fut d'uneimportance capitale : on y publia le décret de la jus- tification, chef-d'œuvre de théologie, comprenant seize chapitres et trente-trois canons, avec un décret de réforme en cinq cha- pitres. 11 fut promulgué en présence de dix archevêques et de (}uarante-cinq évoques.

Doctrine du concile de Trente sur la justification.

250. La vérité catholique y était clairement formulée, soit contre les erreurs pélagiennes, soit contre les erreurs protes- tantes. La loi et la nature ne sauraient justifier l'homme; cette œuvre n'appartient qu'à Jésus-Christ. Ceux-là sont justifiés et sauvés qui sont rendus participants des mérites de la passion de Jésus-Christ. La Justification est le passage de l'état l'homme est né, comme enfant d'Adam, à l'état de grâce et d'adoption divine; elle a lieu sous le Nouveau Testament par le baptême ou le désir sincère du baptême. La justiticatioii com- mence dans les .adultes avec la vocation divine, par la grâce

LK CATllOhlCISME. o83

prévenante et sans aucun mérite de Ttiomme ; mais l'homme doit y consentir et y coopérer, comme il peut la repousser; dans cette action, il n'est pas inactif, mais il ne peut rien sans la grâce.

La justification ne consiste pas seulement dans la rémissi(m dos péchés, mais encore dans la sanctification, dans la rénova- tion de l'homme intérieur ; elle ne nous est pas seulement imputée, elle réside en nous. Avec la rémission des péchés, l'homme reçoit ea même temps les trois vertus théologales. Il est justifié en vertu des mérites de la passion de Jésus-Christ, dont la charité est répandue dans son coeur par le Saint-Esprit, qui réside en lui. Devenu ainsi l'ami de Dieu, il marche de vertu en vertu et se renouvelle de jour en jour. En observant les commandements de Dieu et de l'Église, il avance dans la justice qu'il a obtenue par la grâce de Dieu. La foi est le com- mencement et la racine de la justification ; la grâce peut se perdre sans que la foi périsse. La vie éternelle est à la fois une grâce et une récompense.

Le concile traite, d'après saint Augustin et saint Thomas, les questions spéciales qui regardent la foi et les œuvres, la possi- biUté et la iiéi^.essité d'observer les commandements de Dieu, la perte de la grâce et sa recouvrance, le mérite et la persévérance dans le bien.

Dans le décret sur la réforme, le concile recommande aux évèques et aux pasteurs, sous peine de châtiments graves, d'observer la résidence. Il assigne aux évoques le droit de punir les fautes des réguliers commises hors du couvent, pres- crit la visite épiscopale, défend d'exercer les fonctions d'évêque dans un diocèse étranger sans la permission de l'ordinaire. Conformément au décret du concile, Paul III, dans une ordon- nance spéciale du 18 février 15i7, obligea également les évèques à la résidence.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LES N"' 249-250.

Discussions entre la et la Vl° session: Pallav., VIU, cap. i-xviii; Le Plat, m, 430 et seq. Voici ce qu'elles offrirent de plus intéressant : I. Sur la notion de justification, comme « passage (translation) de l'état d'ennemi à l'état d'ami do Dieu et de fils ». Tous furent d'accord le 28 juillet (c. iv). II. Sur \ü< causes (c. \ni), on Unit égale-

584 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

nioiiL [lar établir uii accord complet. Comme « cause formelle », on désigna « la charité ou la grâce infuse dans l'âme ». Seul le servile Wazocchi suivit cette opinion attribuée à Lombard (V, § 322) et aban- donnée par l'école : « Gratiam non esse rem nobis intimam, sedextimam S. Spiritus nobis assistentis prœsentiam. » Il croyait, de même que le do- minicain Grégoire de Sienne et Grégoire Perfectus de Padoue, 0. S.A., un confrère de ce dernier, que la liberté n'était que la « cause récipiente » et non « active ». Cette opinion fut combattue comme non catholique. III. Le sens de cette proposition : « Hominem justificari per tidem », fut ainsi expliqué : la foi n'est pas « intégra ac proxima causa », mais « prima praeparatio primaque radix necessaria ad omnes actiones proxime utiles ad consequendam justitiam »; l'homme est justifié par la foi, mais non par elle seule; il l'est par la foi pénétrée de la charité et de la grâce, par la foi accompagnée de la pénitence et du baptême. Seuls, les quatre théologiens nommés et le dominicain Jean d'Udine pensaient que l'homme est justitié « per fidem, quatenus ipse fiden- tissinie credit, a se per Jesum Christum mérita peccatorum veniam obtineri ». IV Quant aux rapports des œuvres antécédentes et des œuvres subséquentes, puis des sacrements en général, avec la justifica- tion, la plupart enseignaient que les œuvres antécédentes et prépara- toires la méritent seulement « ex condigno », et que les œuvres des justifiés accomplies avec la grâce ont un mérite « de condigno ». Seu- lement, ces quatre théologiens affaiblissaient, dans le sens des réfor- mateurs, l'importance du mérite. Les évêques d'Agde,de I3itonto et de Sinigaglia, puisCatharin, Jajus, Salmeron et Lainez, s'exprimèrent en termes excellents; la dissertation de Lainez, reçue avec applaudisse- ments, fut insérée dans les actes. Le décret de la justification, après qu'on eut rejeté le projet de Seripando (voy. ci-dessus, § 89), fut plu- sieurs fois remanié, jusqu'à ce qu'on eût satisfait à toutes les objec- tions; il fut en outre examiné à Rome. La foi spéciale des luthériens fut unanimement rejetée. On négocia longtemps sur la certitude de la grâce obtenue par la foi. Si Catharin s'opposait à ce qu'on adoptât dans le décret le cas d'une révélation particulière, ce fut uniquement parce qu'il n'im[)liquait qu'une « foi particulière et privée ». L'arche- vêque d'Armagh demandait que, dans les explications sur la prépara- tion à la justification, la conversion de l'incrédule parvenu à l'usage de raison commençât par l'espérance et non par la crainte. La charité n'était pas mentionnée dans le premier projet; mais l'archevêque de Sassari, l'évêque Lipomanno, IJonavcnture Pie et Jajus, appuyés de vingt-trois autres, demandèrent qu'en en fît mention. Cependant le M diligere » du c. vr fut entendu de l'acte et non de l'aptitude. Paul m sur la résidence des cardinaux : Pallav., IX, i, .3.

LE CATHOLICISME. 585

Septième session. Décret de la huitième session pour la translation.

251. Le concile traita ensuite de la doctrine des sacrements, d'abord eu général, puis en particulier. Cette doctrine ayant été élucidée en détail par Pierre Lombard, saint Thomas et les scolastiques, comme par l'Instruction d'Eugène IV, on ne crut pas nécessaire de joindre aux anathématismes des décrets qui e.\primeraient la doctrine de l'Église. Presque tous les jours, le matin, les théologiens se réunissaient chez Cervinus, et les cano- nistes chez del Monte; le soir on tenait les congrégations. Le 3 mai, dans la septième session, treize canons, précédés d'un préam- bule, furent publiés sur les sacrements en général, quatorze sur le baptême, trois sur la confirmation, outre un décret de ré- forme en quinze chapitres. Ce décret concernait les qualités des évêques, le cumul des charges épiscopales et ecclésiastiques, la visite des diocèses, la réparation des églises, l'autorité des chapitres pendant la vacance du siège épiscopal, lacoUatiou des ordres, l'approbation des candidats, le soin des hôpitaux, les affaires juridiques des clercs.

La huitième session était indiquée pour le21 avril. Mais une épi- démie éclata à Trente sur ces entrefaites; le général des francis- cains, un évèqne et plusieurs autres moururent rapidement ; le pays d'alentour ne voulut plus avoir de relations avec Trente. Le 5 mars, les cardinaux présidents consultèrent Rome sur ce qu'ils devraient faire si l'épidémie continuait. Les médecins ayant constaté des symptômes de peste, et douze évêques étant partis, dont plusieurs sans avoir consulté les légats, ceux-ci résolurent de faire usage des pouvoirs qu'ils avaient de transférer le concile. Après les discussions sur l'Eucharistie, ils interrogèrent les Pères (9 mars). La grande majorité se prononça pour une prompte clôture, et, dansla huitième session (M mars), après la lecture des pleins pouvoirs accordés aux légats par le pape, il fut décidé, malgré la résistance de quinze prélats entièrement dévoués à l'empereur, que le concile serait transféré à Bologne.

586 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 231 .

Pallav., IX, cap. vu, u. 1 et seq.; cap. viii, n. 1 et seq.; cap. xii, n. 1 et seq.; cap. xv. Dans les congrégations, on discuta : sur le ministre de la confirmation et sur la délégation des prêtres pour la conférer; sur la question si l'on pouvait dire avec Luther J520) que les sacre- ments ont été institués immédiatement après la chute d'Adam, ce qui paraissait acceptable à quelques théologiens sous un certain point do vue; sur l'opinion de Cajetan touchant le moyen de sauver les enfants des fidèles qui meurent dans le sein maternel, en leur donnant une bénédiction au nom de la Trinité, opinion reçue par Seripando, mais qui n'agréait pas aux Pères, bien qu'ils ne voulussent pas se pro- noncer. — Translation à Bologne : Pallav., IX, xui, n. 4 et seq., c. xiv, xv; Le Plat, III, p. 584 et seq.

Neuvième et dixième sessions.

252. Le 12 mars, les légats partirent pour Bologne, et avec eux la majorité des Pères ; ceux qui étaient attachés à l'empe- reur demeurèrent à Trente, mais sans faire aucun acte syno- dal, afin d'éviter un schisme. Paul III, dans un ctmsistoire (23 mars), approuva la ré.solution de la majorité de Trente (les dcuxtiers), tout en faisant savoir aux légats qu'il lui eût été plus agréable que le concile se terminât à Trente. Tandis que les légats justifiaient leur conduite, l'empereur demandait le retour du concile à Trente. Le pape déclara qu'il ne s'y oppo- sait point, mais qu'il ne voulait pas non plus attenter à la liberté des Pères. Ceux-ci, invoquant la légitimité du décret de translation, invitèrent la minorité demeurée à Trente à les rejoindre. Charlos-Quiiit trouvait que l'épidémie, qui du reste ne tarda pas à disparaître, était un simple prétexte, la translation une olfense à son autorité, une imprudence vis-à-vis des pro- testants et un inconvénient pour l'Eglise. Il ordonna aux évoques do ses États qui étaient demeurés à Trente de n'en point sortir.

A Bologne, les congrégations, composées souvent de soixante à soixante-dix théologiens de toutes les nations, s'occupèrent de la Pénitence et de rEuoh;iristiu. Pierre Ganisius se joignit à eux en mai 1547. La plupart des décrets qui furent promulgués dans la suite, avaient déjà été préparés à Bologne. Comme il

LE CATHOLICISME. 387

ij*y avait guère dans cette ville que des prélats italiens, Paul III dciiiaiida qu'on ne rendît plus de nouveaux décrets.

Dans la neuvième session (21 avril), à laquelle assistaient, outre les légats, six archevêques, vingt-huit évoques et quatre généraux d'ordres, la prorogation fut résolue, et le décret qui la concer- nait fut lu une seconde fois dans ladixième session (2 juin). Les théologiens et les canonistes continuèrent leurs travaux ; les princes électeurs de Cologne et de Trêves, ainsi que l'évêque de Laybach, envoyèrent des délégués. Paul III chargea le cardinal Sfondrato de négocier avec l'empereur ; quant à lui, il désirait que la translation se fît à Ferrarc, placée sous l'autorité de l'empereur ; mais il ne put dissiper les soupçons de Charles- Quint. Au mois d'août 1547, un député arriva à Bologne avec plusieurs évèques de la France, qui semblaient vouloir se rappro- cher du concile, tandis que Charles faisait rappeler le procura- teur de Trêves. Du Portugal arriva l'évêque d'Oporto. D'autre part, le cardinal Madrucci se rendit à Rome (novembre 15-47), comme délégué de l'empereur, pour agir dans son sens. Rome décida une seconde fois que les Pères assemblés à Bologne agiraient en toute liberté.

Suspension du concile.

253. Le 19 décembre 1547, le cardinal président exposa au concile les raisons des deux parties : d'un côté, le désir de l'empereur et de son frère, et l'espoir, déjà très affaibli, il est vrai, de ramener les protestants ; de l'autre côté, la dignité du concile, qui souffrirait d'une condescendance à l'égard des pères opiniâtres. Ce qu'on disait des protestants ne pouvait pas peser d'un grand poids dans la balance, car ils n'avaient pas obéi aux décrets rendus jusque-là, et ne s'étaient pas expliqués sur le « synode chrétien » qu'ils demandaient, ou plutôt ils en avaient parlé en termes suspects. Parmi les vingt-huit évèques, six seulement et six généraux d'ordres se prononcèrent pour le retour à Trente. A une protestation de Charles-Quint (janvier 1348) les pères et le pape répondirent avec dignité, et l'envoyé do l'empereur sortit de Rome (13 février). Paul III manda auprès de sa personne trois évèques de Bologne et trois de Trente, pour qu'ils exphquassent les motifs de leur conduite.

588 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Les évoques espagnols demeurés à Trente répondirent (23 mars) par une foule d'excuses et de faux-fuyants. Les négociations se poursuivirent sans résultat, jusqu'à ce que le pape prononça la suspension du concile de Bologne (septembre 1549). Les Pères devaient être congédiés, et, en attendant, les évoques prépareraient à Rome les décrets sur la réforme.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LES N°^ 252-253,

Pallav., IX, XVII, 1 et seq., c. xviii-xx; lib. X, c. ii, n. 2 et seq.; c. iv-xvii; lib. XI, c. r, n. Autres détails ci-dessus, § 104.

Mort de Paul III.

254. Paul III avait fait tout ce qui était en son pouvoir dans les conjonctures présentes. Comme chef de l'Eglise, sa conduite respire la noblesse et la grandeur. Il exhortait les membres du concile à discuter sans ménagements, s'énonçait eu latin et en italien dans un style tout classique, imposait aux ambassadeurs laïques et maintenait résolument les droits de son siège. Il eut le défaut de trop favoriser sa famille, la maison Farnèse, en l'élevant aux honneurs. Bien qu'à cette époque un pape qui n'aurait rien fait pour les siens eût été suspect, cette faiblesse lui fit passer bien des heures amères. Paul lll, homme d'esprit et d'une prudence consommée, était aussi aimé que sa famille, devenue puissante par lui, était détestée. Il mourut le iO no- vembre 1549, âgé de quatre-vingt-deux ans. Il venait encore tout récemment de retirer à ses neveux les duchés de Parme et de Plaisance, en déclarant qu'ils feraient retour à l'Eglise. Quand ses devoirs ecclésiastiques étaient en jeu, il ne cédait jamais, môme en face de ses proches.

OUVR.VGES A CONSULTER SUR LE 254.

Pallav., XI, VI, n. 1-4. (Quirini), Imago opliini Pontificis expressa in geslis Pauli III, Brix., 1745; Rauke, Rœm. Paepste, I, p. 237 et suiv., 268 et suiv.

Jules III et la seconde prrloilc du conctic de Trcnlc. Jules III.

255. Paul III eut pour successeur, en février 1550, le car-

LE CATHOLICISME. 589

dinal légat Jules del Monte, qui prit le nom de Jules III, en souvenir de Jules II. qui avait élevé son oncle an cardinalat et dont ilavaitété lecamérier. Bien que Charles-Quint luifùthosti- le pour avoir transféré le concile à Bologne, il se réjouit cepen- dant de sa nomination. Il trouva dans le nouveau pape un allié fidMe, qui s'imposa pour lui de grands sacrifices et en essuya bien des déceptions. Comme cardinal, Jules passait pour être emporté et colère ; devenu pape, il fit preuve de beaucoup de calme et do douceur, et se montra très généreux, même envers ses plus grands ennemis. Il aimait à construire des édifices et favorisait ses parents, sans toutefois dépasser les bornes et sans commettre d'injustice. 11 rendit Parme aux Farnèse et leur témoigna beaucoup de bienveillance, jusqu'au moment leur hostilité contre l'empereur et leurs violences sur le territoire pontifical lui imposèrent une autre attitude. 11 souffrait cruelle- ment de la goutte, et nuisit à sa santé par une diète trop sévère; mais il ne perdit rien de son affabilité et de sa patience.

La conversion de l'Angleterre et la continuation du concile œcuménique de Trente furent les deux grands objets du pon- tificat de Jules III, 11 négocia avec Charles-Quint, et, persuadé que Trente était le lieu le plus convenable pour le concile, il tâcha d'obtenir l'assentiment de la France. Il fit travailler à une bulle relative à la correction des mœurs, convoqua les cardinaux Cervinus, Polus et Morone, et publia enfin sa bulle pour la continuation du concile de Trente. Le 4 mars 1551, il nomma présidents : le cardinal Marcel Crescendo, l'archevêque Sébastien Pighinus et Louis Lipomaniio, évêque de Vérone.

Ouvrages a consulter sur le 233.

Pallav., XI, VI, 6; vu, \ et seq.; c. vni-xi; lib. XIII, c. i, ii; c. x, n. 7, 8; Le Plat, IV, 136 et seq.; A. Massarelli, dans Dœllinger, Ungedr. Berichte, I, p. 239 et suiv.; Rauke, I, p. 269-276.

Sessions Xle. XVIe du concile de Trente.

256. Le cardinal légat arriva à Trente le 29 avril 1551 ; il n'y trouva que le prince évêque et treize évêques des États de l'empereur. Le pape en envoya quatre-vingt-quatre qui rési- daient à Rome. Le 1" mai (onzième session), les déhbérations furent ajournées au 1*' septembre, à cause du petit nombre des

590 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

prélats et parce qu'on attendait les Allemands : les archevêques de Mayence et de Trêves arrivèrent en août, tandis que celui de Cologne faisait louer un appartement. Le l*' septembre (douzième session), on renvoya de nouveau au 12 octobre la promulgation des décrets sur l'Eucharistie, et l'on fixa les cas qui exemptaient les évêques de la résidence. On attendit vaine- ment l'arrivée des Français. Henri II, mécontent do l'alliance du pape avec l'empereur et aigri au sujet de Parme, refusait d'envoyer des évêques. L'ambassadeur de France, Amyot, ayant fait lecture aux « Pères de l'assemblée de Trente » d'une lettre le mot « concile » était soigneusement évité les évêques avisèrent aux moyens de sauvegarder leur dignité et leurs droits. Ils écrivirent au roi pour se plaindre de sa con- duite, et le pressèrent vivement de prendre part au concile.

Les théologiens du pape, Lainez et Salmeron; le théologien, de l'empereur, Jean Arza, puis les docteurs du clergé séculier s'occupèrent activement dans les congrégations du dogme do l'Eucharistie ; ils recueillirent les passages de l'Écriture, des Pères, des coaciles, des papes, et même des hérétiiiues. Si quelquesopinionsparticulièresse firent jour, ily eut bientôt ac- cord unanime sur la question principale. Seulement, par égard pour les protestants qu'on attendait encore, on suspendit les délibérations touchant la communion sous les deux espèces et les questions qui s'y rattachaient, et l'on adopta sur ce sujet un décret particulier.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 256.

Rayii., an. 1551; Pallav., XI, c. xiv-xvii; XII, c. i et seq. Écrit du concile snr la conduite de la cour de France, dans Franc, de Vargas, Pétri de Malvenda et aliorum de Conc. Trid. epistolœ et observaliones, Brunsvic, 1704, p. 106; Roscovany, Mon., I, p. 157-163, n. 170. Cf. Le Plat, IV, 236 et seq.

Décrets des XlIIe, XI Ve et XVe sessions.

257. Les décrets suivants furent publiés dans la treizième session (Il octobre 1551) : T huit chapitres d'instructions sur rEncharistie ; onze canons contre ceux qui niaient la pré- sence réelle de Jésus-Christ, la transsubstantiation, la doctrine de l'Église sur l'Eucharistie en général, et contre différentes

LE CATHOLICISME. 591

erreurs des pioleslauts; un décret de réforme en huit chapitres sur la surveillance et la juridiction épiscopales; 4" un décret sur l'ajournement de quatre articles touchant l'Eucha- ristie ; un sauf-conduit pour les protestants.

On prépara ensuite les matériaux sur la Pénitence et l'Ex- trême-Onction , et l'on puhlia dans la quatorzième session (25 novembre) les décrets dogmatiques qui s'y rapportaient, avec un décret de réforme en quatorze chapitres.

Sur ces entrefaites, des délégués des villes et des princes pro- testants étaient arrivés, entre autres Jean Sleidan de Stras- bourg; d'autres étaient attendus. Si peu rassurante que fût leur attitude, et malgré leurs exigences désagréables (ils de- mandaient notamment que le pape fût soumis au concile, eux qui avaient rejeté les décrets de Constance et de Bàle), on résolut cependant, non seulement de prolonger leur sauf-con- duit, mais encore d'ajourner les délibérations. Cette mesure fut prise dans la quinzième session (25 janvier 1552).

Outre les trois légats et le cardinal Madrucci, il y avait à Trente soixante-dix-huit évêques, venus de la p'upart des États de l'empereur (vingt-cinq espagnols, huit allemands, quatre siciliens, etc.). Des bruits de guerre amenèrent le départ des archevêques du Rhin, et l'on apprit bientôt que Maurice de Saxe avait trahi l'empereur. Alors beaucoup d'évêques par- tirent en toute hâte. Sur la demande qui lui en fut faite, Jules \\\ résolut de suspendre le concile (25 avril), et il le ût dans la seizième session (28 avril). Douze évêques espagnols furent les seuls qui s'y opposèrent. Le concile devait être con- tinué après un laps de deux ans, mais dix ans allaient se passer avant qu'il pût reprendre ses travaux.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 237.

Parmi les controverses sur l'Euchajistie il faut citer : cette opi- nion de Melchior Garnis et autres théologiens, que sa réception sous les deux espèces procure plus de grâce que sous une seule. Le cardinal Madrucci croyait opportune la concession du calice pour l'Allemagne, mais il convenait avec les cardinaux légats qu'il ne fallait rien décider sur ce point. Tous admettaient que le Christ est tout entier sous chaque espèce, et la plupart rejetaient le sentiment de Canus. Cepen- dant on résolut de laisser dans le décret la question indécise. Sur

592 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

la nécessité de se confesser avant de recevoir la communion, Canus et autres étaient d'avis qu'il fallait condamner le sentiment conti'aire de Cajetan, mais non comme hérétique. Réginaid de Gênes, Ord. Praed., et l'Espagnol Fr. Villarva, Ord. Hieron., soutinrent aussi que la con- fession n'est pas absolument nécessaire. Le procureur de l'évêque d'Augsbourg, Martin Olave, croyait qu'on devait exiger la confession, mais non comme nécessaire. Ambroise Pelargus proposa d'ajouter : c< Prœmittendam confessionem, habita confessoris copia » ; ce senti- ment fut appuyé par Madrucci et autres, et généralement adopté. Sur le canon m, « sub qualibet specie non contineri totum Christum », un prélatespagnol proposa cette addition : « Facta separalione », attendu que tous ne conviennent pas que Jésus-Christ soit contenu sous chaque particule avant la division de l'hostie, « £ub qualibet particula hostise integrae » ; elle fut acceptée, parce qu'on ne voulait pas se prononcer sur des questions d'école : Pallav., XII, c. ii, n. 0-15. Discussions des sessions XIII-XVI : Pallav., XII, c. viu-xv; XIII, c. i-iu; Le Plat, IV, p. 264 et seq., 471 et seq., 544 cl seq. Les raisons des protestants furent réfutées par Albert Pighe, Apologia indicti a Paulo III Rom. Pont. Concilii adv. Lutheranœ confœderationis i-ationes plerasque. Colon., IÖ38, et par Gaspard Cardilius (extraits dans Rayn., an. 1561, n. 56 et seq.j 1564, n. 13 et seq.).

Marcel II et Paul IV.

â58. A Jules m succéda, au mois d'avril 4555, le cardinal Marcel Cerviiins, quoique le parti impérial lui eût donné l'exclusion pour n'avoir pas voulu, comme légat de Trente, se plier à ses volontés. 11 prit le nom de Marcel. Le nouveau pon- tife, par ses diverses qualités, éveillait les plus belles espé- rances. Sa conduite était noble et irréprochable. Il défendit à ses proches l'accès de sa cour, introduisit des économies, ré- forma le service divin et le chant ecclésiastique, et garda la neutralité dans les affaires politiques. Malheureusement, il mourut le vingt-unième jour après son élection (30 avril 4555).

L'Espagne essaya d'exclure d'une nouvelle élection le cardi- nal Jean- Pierre Caraffa, fondateur do l'ordre des théatins, parce (]u'on le considérait comme trop sévère et ennemi de la domination espagnole à Naples. Il fut élu cependant (23 mai 1555), et prit le nom de Paul IV. Ce choix témoignait que les cardinaux avaient sérieusement à cœur la réforme de l'Eglise.

LE CATHOLICISME. 593

Paul IV comptait déjà soixante-dix-nenf ans, mais ses yeux enfoncés dans leur orbite avaient encore tout le feu de la jeunesse ; il était grand et maigre, marchait d'un pas rapide et semblait tout nerfs. Comme il n'avait pas brigué la faveur des cardinaux, ce lui était une raison de plus de voir dans son élection l'œuvre immédiate de la Providence. Empêché par sa famille, à l'âge do quinze ans, d'entrer dans l'ordre de Saint- Dominique, il avait fondé l'ordre des théatins et s'était voué à des pratiques sévères. Versé dans les affaires, éloquent, plein d'ardeur, familier avec le grec comme avec le latin, initié au droit, il était partout en haute vénération. Mais il s'attachait peu aux règles, et souvent son zèle obéissait à la surexcitation du moment. Profondément convaincu de la sublimité de sa charge et de l'étendue de ses devoirs : « Nous promettons et nous jurons », disait-il dans sa première bulle, «de veiller sérieusement à ce que la réforme soit opérée dans l'Église uni- verselle et dans la cour de Rome. »

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 258.

Seripando à l'évêque de Fiesole : Lettere diprincipi, III, 162. Cf. 141. Pietro Polidoro, Vita di Marcello II, Roma, 1744; Pallav., XIII, c. xi; Rayn., an. 1555, A. Carraccioli, Coll. hist. de vita Pauli IV, Colon., 1612, in-4°; F. Magii, Disquis. de Pauli IV inculpala vita, Neap., 1672. Cf. Bromalo, Storia di Paolo IV, Roma, 1748, 2 vol. in-4° (nombreux matériaux); Pallav., XIII, xi, 8 et seq.; Ranke, 1, p. 279, 281 et suiv., 302 et suiv.; Reumont, III, ii, p. 513 et suiv. Sur plusieurs parties de la vie de Paul IV, voy. W. H. Prescott, History of the Reign of Phil. the Second King of Spain, New-York and Lond., 1857, 2 vol.

Travatix de Paul IV pour la réforme. Son népotisme.— Sa politique. Sa lutte contre Philippe d'Espagne. Il éloigne ses proches.

259. Paul IV signala le jour de son couronnement par des prescriptions relatives aux ordres religieux. 11 envoya en Es- pagne deux moines du xMont-Cassin pour y rétablir la discipline monastique, et institua une congrégation pour travailler à une réforme générale. Les trois classes de cette congrégation com- prenaient chacune huit cardinaux, quinze prélats et cinquante savants. Les articles qui devaient y être discutés, furent d'abord

V.— HIST. DEL 'ÉGLISE. 38

394 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

envoyés aux universités, et l'affaire fut conduite avec beaucoup de zèle. Contre l'hérésie; qui avait trouvé accès dans plusieurs de pays catholiques, Paul IV déploya une grande vigueur, notamment dans sa bulle du 7 août 1355, il édictait des peines sévères contre ceux qui rejetteraient le dogme de la Trinité, la virginité de Marie et autres dogmes. Il fit grâce aux Romains de difTérentes taxes et leur procura du blé ; le peuple lui marqua sa reconnaissance en lui érigeant une statue.

Mais ce pape, d'ailleurs si magnanime, s'attira bientôt le blâme par les faveurs qu'il accorda à ses proches, et par sa politique contre la suprématie espagnole. Le fils de son frère, Charles, fut, à l'âge de trente-huit ans, nommé cardinal et légat de Bologne ; un autre neveu devint duc de Palliano; un troisième, marquis de Montebello. Cependant il n'avantagea ses neveux qu'autant qu'ils lui parurent favoriser de préférence sa politique. Il était hostile à la maison espagnole-autrichienne, et surtout à la paix religieuse d'Augsbourg de 1305, que Fer- dinand excusait par la nécessité et en dos termes offensants. Le poids de la domination espagnole en Italie, le sentiment national italien, les affronts personnels reçus de Charles-Quint, qui ne l'avait pas laissé prendre possession de son archevêché de Naples, les violences exercées dans le sud du royaume, qui était un fief du Saint-Siège, décidèrent le pape à se rapprocher de la France : de là, une alliance conclue avec elle; puis, quand de nouvelles mésintelligences eurent éclaté, une guerre avec Philippe II comme.roi de Naples. Le duc d'Albe envahit les États de l'Église en septembre 155(5 et s'empara de plusieurs villes. Cependant la guerre fut de peu de durée ; le duc la conduisit avec beaucoup de réserve, et elle se termina par une paix avan- tageuse au pape, qui recouvra tous ses domaines.

Paul I V roconnut.le roi Philippe pour son flls, et renonça à toute alliance avec ses ennemis. Le duc d'Albe demanda lui-même son absolution à Rome et montra une grande docilité. Le vaillant général avouait que jamais figure d'homme ne lui avait autant imposé que celle du pape. Les désagréments qu'il eut à essuyer de la part de ses proches, la politique hostile à la sienne qu'ils voulurent adopter, décidèrent Paul IV à rompre résolument avec eux ; il en vint môme jusqu'à les déposer de leurs charges

LE CATHOLICISME. 595

(27 février 1559) et à les bannir de Rome, en déclarant publi- quement qu'ils l'avaient trompé.

OUVRAGES A CONSULTEB SUR LE N" 259.

Bromato, lib. IX, c. ii, § il, t. II, p. 224, 289; Le Plat, IV, p. 567 et seq.; Ranke, I, p. 28i, 283; Const. Quwn quorumdam, 7 août i5o5; Bull. Rom., éd. Coquelines, IV, i, p. 322. Voy. mon ouvrage, Kath. K., p. 768 et suiv. Pallav,, XIII, xu, 6; xiv, i et seq.; xv, u. 1-6; c. xvj, u. 4; c. XX ; XIV, c. i et seq.; c. vn; Rajn., an. 1559, n. 30, 31 ; Ranke, 1, p. 283-284, 288 et suiv., 291 et suiv., 307.

Nouvelles réformes.

260. Le pape, malgré son grand âge, poursuivit ses plans de réforme avec une nouvelle ardeur ; il semblait y avoir con- centré tonte sa vie. Il introduisit une discipline plus sévère dans les églises de Rome, écarta les tableaux indécents, chassa de la ville et de la campagne les moines corrompus, et fut représenté dans une médaille sous l'image du Sauveur purifiant le temple, armé d'un fouet. U prêchait lui-même, et engageait les car- dinaux, dont les plus influents étaient alors Carpi et Camillo, à suivre son exemple. Pas un jour ne se passait sans qu'il abolît un abus et prît quelque bonne mesure. 11 veillait soigneuse- ment à ce que les bénéfices ne fussent donnés qu'à des hommes méritants, rejetait les résignations qui lui paraissaient suspectes, et rendit plusieurs ordonnances que le concile de Trente s'ap- propria dans la suite. Il essaya à deux reprises, en 1556 et 1559, de préparer à Rome la continuation de ce concile. 11 présidait régulièrement l'Inquisition, réprimait les brigues des ambitieux qui aspiraient aux évêchés ou au souverain pontificat. Il ins- titua pour les Étals de l'Église la congrégation du bon gou- vernement, fit examiner toutes les plaintes et diminuer les impôts.

Maintenir la liberté et l'immunité de l'Eglise, surtout en Espagne, rétablir la pleine autorité du Saint-Siège, écarter l'hérésie, contre laquelle il renouvela les anciennes censures (|5 février 1559), c'était l'objet de ses constants efTorts. 11 alla jusqu'à faire saisir des catdinaux suspects d'hérésie, tels que Jean Morone, qui fut reconnu innorent sous son succes- seur.

596 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Visité enfin par la maladie qui devait l'enlever, Paul IV assembla autour de lui les cardinaux, leur parla en termes émouvants, recommanda son âme à leurs prières et le Saint- Siège à leur sollicitude. Après avoir une dernière fois recueilli ses forces, il s'affaissa sur lui-même et rendit le dernier soupir, le 18 août 1559, âgé de quatre-vingt-quatre ans. Paul IV était un grand pape; mais le peuple, ne se souvenant que de ce qu'il avait souffert sous son règne, notammentpendant la guerre avec Naples, outragea et abattit sa statue, saccagea la maison de l'Inquisition et le principal couvent des dominicains. Douze jours s'écoulèrent avant que le calme fût complètement rétabli dans Rome.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 260.

Mocenigo (ambass. vénitien), Relazione, 1360. Propositions pour le card. Caraffa : Rayn., an. 1358, n. 3 (ibid., n. 23, bulle Cum secun- dum). Eorffls pour la continuation du concile : Pallav., XIII, xvii, 1; Rayuald, an. 1559, n. 11. Congrégation del buon governo ; Rayn., loc. cit., n. 32. Const. Cum ex Apostolatii$ officio, 13 févr. 1359: Rayn., loc. cit., n. 14. Mou ouvrage cité, p. 763 et suiv. Révocation de la permission de lire des livres défendus : Rayn., an. 1538, n. 21 ; const. Quia in futurum, 21 dôc. 1538. Mort dePauI IV : Rayn., an. 1539, n. 33 et seq.

Pie IV et la 3e période du concile de Trente.

Pie IV et Charles Borromée. Travaux en vue du concile.

261. Le 26 décembre 1559, le cardinal Jean-Angelo de Médi- cis, en 1499, ancien juriste, ami des sciences, doux et bien- faisant, montait sur le trône pontifical sous le nom de Pie IV. 11 passait pour favorable à l'Autriche, et il ne tarda pas à s'entendre avec Ferdinand 1". Il intenta un procès aux parents de son prédécesseur, et les obligea de dédommager ceux à qui ils avaient porté préjudice. Lui aussi voulait la réforme reli- gieuse, mais d'une façon moins brusque que son prédécesseur. Très actif et entreprenant de sa personne, il n'accorda aux siens qu'une médiocre influence. La promotion au cardinalat de son excellent neveu Charles Borromée fut un grand bon- heur pour l'EgUse.

LE CATHOLICISME. 597

Charles no considéra pas sa position comme un privilège qui rélevait au-dessus des autres, mais comme une tâche à laquelle il devait s'appliquer avec ardeur, modestie et persévérance. Le pape possédait en son neveu un ministre pieux, qui donnait continuellement des audiences et examinait avec soin toutes les affaires. Charles s'entoura d'un collège de huit docteurs, d'où sortit plus tard la sacrée Consulte. Pie IV embellit Rome, pro- tégea les savants, étendit sa sollicitude à tous les intérêts de la chrétienté, et envoya les hommes les plus capables en légation dans les pays étrangers. Il songeait en outre à continuer le concile de Trente, ainsi qu''il Tannonçaaux cardinaux en 1560. Plusieurs monarques étaient favorables à ce dessein : l'empereur Ferdinand le recommanda; Philippe d'Espagne, la cour de France l'approuvèrent ; mais celle-ci ne voulait point qu'il se réunit à Trente, qui semblait au pape le lieu le plus favorable. Pie IV envoya donc ses nonces aux différents princes catho- liques, ainsi qu'aux princes protestants.

ODVRAGES A CONSULTER SDR LE N" 261.

Pallav., XIV, X, 3-6; xv, 5-17; Rayn., an. 1559, n. 37-40; 1560, n. 1 et seq.; 1561, n. 78 et seq.; Le Plat, IV, p. 612 et seq.; Ranke, I, p. 319; Reumont, III, ii, p. 534 et suiv. Giussano, Vita di S. Carlo B., en allemand par Klitsche, Augsb., 1836 et suiv., 3 vol.; Godeau, Vie de S. Charles Bor., Par., 1747; Touron, la Vie etl'Esprit de S. Ch. B., Par., 1751; Sauer, der hl. Carl Borr., Augsb., 1824; Dieringer, der hl, Carl Borr. und die Kirchenverbesserung seiner Zeit, Cologne, 1846; Ranke, I, p. 321; Pallav., XIV, xii, 3 et seq., 15-18; c. xm; Rayn., an. 1560, n. 3; 1361, n. 67 et seq., 74; Le Plat, IV, p. 617 et seq.

Dispositions de l'Allemagne. Colloque de Worms. Attitude de l'empereur Ferdinand.

262. En Allemagne, on avait cru d'abord que la paix reli- gieuse d'Augsbourg rendrait le concile superflu, mais on vit bientôt qu'elle ne suffirait point pour assurer le repos et la tranquillité du royaume. La diète de Ratisbonne, tenue à la fin de 1536, avait, par recez du 13 mars 1557, indiqué un nouveau colloque religieux qui aurait lieu à Worms, dans le courant d'août. Il fut présidé par Jules Pflug, évèque deJNaumbourg.

598 HiSTOiuE DE l'Église.

Les catholiques y étaient représentés par Michel, évêque de Merseboiirg; Delfius, coadjuteur de Strasbourg; Pierre Cani- sius, Staphyluset deux théologiens de Louvain ; les protestants, par Mélanchthon, Schnepf, Brenz, Runge, Karg, Pistorius. On y traita de l'Écriture sainte en tant que règle de la foi et du péché originel.

On n'alla pas plus loin, car la division éclata ouvertement entre les théologiens d'Iéna et ceux de Wittenberg au sujet de la condamnation des sectaires qui s'écartaient do la Confession d'Augsbourg : les premiers, après avoir exposé l'état des choses, quittèrent Wurms ; ceux qui y demeurèrent, ne pou- vaient plus être considérés comme les représentants de tout le protestantisme. Le parti protestant avait compté sur une vic- toire ; il ne trouva qu'une défaite morale. Mélanchthon n'osa point rejeter la doctrine de Flacius sur le défaut de libre arbitre dans l'homme, puisque Luther l'avait lui-même enseignée. On s'en tint donc à la paix religieuse de 1555, que Ferdinand con- firma de nouveau à Augsbourg (mars 1559).

Ce prince toléra en Autriche la communion des laïques sous les deux espèces, bien qu'on ne put la justifier par une conces- sion du pape, mais seulement par les discours do quelques nonces, (jui n'impli(juaient pas un refus péremptoire. Sur le concile, Ferdinand conseilla au pape do procurer d'abord une paix générale entre les princes catholiques, d'obtenir l'assistance de leurs délégués, de s'y rendre en personne, de ne pas le con- voquer à Trente, mais dans une plus grande ville d'Allemagne, à Cologne, à Ratisbonne ou à Constance ; de le faire célébrer non comme la continuation de celui de Trente, mais comme un concile nouveau, ce qui serait plus glorieux au Saint-Siège, plus agréable à différents princes catholiques, ainsi qu'aux protes- tants, qui s'étaient plaints do la façon dont on avait procédé à Trente. Comme la convocation nouvelle du concile offrait des dif- ficultés, que l'issue en était incertaine, et qu'à prendre les choses au mieux, sa réunion était encore lointaine, le pape devait aviser à dos mesures qui en tiendraient lieu, relâcher quelque chose do la rigueur des lois ecclésiastiiiues, permettre le mariage aux clercs, et aux laïques la communion sous les deux espèces. Il y avait encore bien des hésitations : tantôt les princes consentaient au concile, tantôt ils s'y opposaient ; ce

1,K CATIIOUCISMK. 500

que les uns voulaient, les autres le repoussaient. Ferdinand, toutefois, ainsi que les rois d'Espagne et de Portugal, les Suisses et les Vénitiens finirent par s'en rapporter au pape.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 262.

Pallav., XIV, VI, i et seq., xiii, 10-18; Rayn., an. 1556, 1557, 1555; Sarpi, V, § 35; Goldast, Const. imp., III, 567 et seq.; Le Plat, IV, 600 et seq.; Dœllinger, Réf., II, p. 127, 362 et saiv., 455; III, p. 441, Flor. Riesz, der sel. Petrus Canisius, p. 190 et suiv., 201-227; Hart- mann, Erhard Schnepf, Tiib., 1870. Rayn., an. 1560, n. 2 et seq., 53 et seq.; Le Plat, IV, p. 615 et seq., 629 et seq.; Pallav., XIV, xiv, 4 et seq., c. xvi ; Rayn., loc. cit., n. 64 et seq.

Nouvelle convocation du concile. Travaux des nonces. Préparatifs du concile.

263. Le 20 novembre 1560, parut la bulle d'indiction, qui prescrivait l'ouverture du concile à Trente pour la fête de Pâques de 1561. Sans dire expressément qu'il serait une continuation du précédent, elle rappelait tout ce qui s'y était passé, et l'on donnait clairement à entendre que ce serait le même concile. En France, l'on espérait encore que les questions déjà résolues seraient soumises à un nouvel examen, on fut mécon- tent du passage de la bulle il était dit qu'on reprendrait le concile, (( toute suspension levée » .

En Allemagne, les nonces Delphinus et Commendone ne ménageaient pas leur peine : sur la demande de l'empereur, ils se rendirent en janvier 1561 à l'assemblée des princes pro- testants de Naumbourg. Ces princes se montrèrent fort arro- gants : ils déclarèrent qu'ils ne reconnaissaient point le pape ni les év'êques qui lui prêtaient serment, et ils renouvelèrent leurs anciennes prétentions. Dans uu décret daté du 27 février 1561, ils déclarèrent qu'en matière religieuse, les protestants alle- mands étaient unis entre eux sur la base de la Confession dWugsbourg, quüls ne différaient que sur des points acces- soires. Les nonces se rendirent encore en personne dans différentes cours, mais on ne leur répondit le plus souvent que par des échappatoires. De leur côté , beaucoup d'évèques

600 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

s'excusèrent sur leur âge, leur état maladif et la crainte d'être maltraités par les protestants.

Le pape nomma premier président du concile le cardinal de Mantoue, Hercule Gonzague, auquel il adjoignit les cardinaux Stanislas Hosius, évoque d'Ermland; Jérôme Seripando, arche- vêque de Salorne ; Louis Simonetta, de Milan, et Marc Siticus, d'Âltemps A partir du 16 avril 4561, les légats firent à Trente les préparatifs nécessaires, et Massarelli fut encore une fois nommé secrétaire. Le premier évêque qui arriva à Trente, fut Nicolas Sfondrate, de Crémone (plus tard Grégoire XIV). Quand /es légats firent leur entrée, il n'y avait encore que neuf évêques; mais d'autres arrivèrent bientôt, tels que l'archevêque de Braga en Portugal, et Thomas Godwel, évêque de Saint- Asaph en Angleterre. Le pape mit des sommes considérables à la disposition des évêques pauvres, déclara dans une bulle que le droit d'élire le pape appartiendrait exclusivement aux cardi- naux, quand même le Saint-Siège viendrait à vaquer pendant le concile, que les prélats personnellement présents auraient seuls voix délibérative.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 2G3.

Const. Ad Ecclcsix regimen, etc. : Rayn., an. lößO, n. 68 et seq.; Pallav., XIV, c. xvii ; Le Plat, IV, 663 et seq., 697 et seq. Opposition des Français contx'e ces mots : « sublata suspensione » : Pallav,, XV, i; Rayn., loc. cil., n. 73; Thccligkeit der Nuntien, ib., n. 78; an. 1361, n. 18 et seq., 36 et seq.; Paliav., XV, c. ii-x; Le Plat, IV, 674 et seq., 717 et seq.; K.-A. Menzel, IV, p. 215 et suiv.; Rob. Calinicli, der Naumburger Fiirstentag 1361, Beitrag zur Gescb. des Luthertb. und des Melancbtb. ans den Quellen des kgl. Ilauptstaatsarcbivs zu Dres- den, Gotha, 1870. Les légats à Trente : Pallav., XV, xi; Rayn., an. 1561, n. 1 et seq. Constitution sur l'élection du pape, 19 nov. 1561 : Rayn., loc. cit., n. 8 et seq. Cf. an. 1562, n. 103; Pallav., XV, xtii; Le Plat, IV, 722. Sur le droit de voter réclamé pour les seuls membres pré- sents, 15 déc. 1361 : Raynald., h. a., n. 11; Le Plat, IV, 733 et seq.; Pallav., XV, xm, 2; XVIII, xvii, 1.

XVIIe-XXe sessions.

264. La première congrégation générale fut tenue le 15 jan- vier 1562 ; elle fut suivie, le 18, de la dix-septième session,

I

LE CATHOLICISME. 601

l'on annonça l'ouverture du concile et la fin de sa suspension ; l'on indiqua le jour de la prochaine session. Outre les cardi- naux, on comptait alors cent six évêques, quatre abbés mitres et quatre généraux d'ordres. Les Espagnols voulaient, contrai- rement à d'autres, qu'il fût expressément déclaré que le concile était la continuation du précédent, et ils rejetaient comme nou- veaux, inutiles et inopportuns, ces mots: «sur la proposition des légats ». Cette demande fut repoussée. On discuta ensuite sur l'index des livres défendus et sur un nouveau sauf-conduit pour les protestants. Les délégués de l'empereur Ferdinand et du roi de Portugal furent reçus par le concile. Les premiers firent des propositions qui ne purent être acceptées qu'en par- tie. Bientôt les diplomates suscitèrent des difficultés aux légats par des querelles de préséance et des demandes souvent contra dictoires.

Dans la dix-huitième session (26 février), après la lecture des lettres du pape, on se borna à publier un décret sur la rédac- tion d'un catalogue des livres défendus, et un sauf-conduit pour les protestants ; il fut rédigé avec beaucoup de ménage- ments et de prudence (4 mars). La discussion des douze articles de réforme amena de nouveau en discussion la question de sa- voirsi la résidence des évêques est de droit humain ou de droit divin. Elle fut vivement débattue. Les légats essayèrent de la faire ajourner jusqu'à ce que le calme fût rétabli, car la vota- tion ne donna point de résultat décisif. Au mois de mars, arri- vèrent les délégués de l'Espagne, du duc de Florence et de la Suisse catholique ; en avril, ceux de Venise et un de France; le 1" mai, les députés du duc de Bavière.

Dans la dix-neuvième session (14 mai), puis dans la ving- tième (4 juin), il fallut encore se borner à rendre un décret de prorogation. Les princes mettaient partout des entraves au concile : l'Espagne demandait que Ton déclarât que le concile était la continuation du précédent ; la France voulait au con- traire qu'il fût considéré comme un concile nouveau, et ses députés proposèrent de le transférer à \Yorms, à Spire ou à Constance, de renouveler les décrets de Constance sur l'auto- rité du concile, et d'ajourner les décrets dogmatiques. L'un d'eux prononça, le 26 mai, un discours offensant. L'empereur, de son côté, présenta un nouveau projet de réforme.

602 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 264.

Rayn., an. 1562, n. 4 et seq.; Pallav., XV, 16 et seq.; XVI, 1 et seq.; Baini, Vita di Palestrina, I, 199 ; Ranke, 1, p. 341. Controverse sur la continuation : Rayn., an. 1561, n. 6, 47; Pallav., XV, xv, 4 et seq.; c. XX, n. 6 et seq.; XVI, c. vi, n. 3 et seq.; c. vu, n. 3 et seq.; XVII, XIII, 2. Dispute sur la formule « proponentibus legatis » : Rayn., an. 1562, n. 60; 1563, n. 68 et seq., 87; Pallav,, VI, xii, 1; XV, xvi; XVII, vi; XX, viii, I, XII, XIV, XV ; XXI, v, x; XXII, c. ii, v, vui, xii. Objet de la réforme, ibid., XVI, i et seq. Sous Jules III, le théologien espagnol Torrès avait rédigé un livre, dédié à Seripando sur l'obligation de la résidence de droit divin. Des écrits furent échangés entre lui et Ambroise Catharin, qui soutenait le droit humain. Cette question fut discutée le 7 avril 1562 ; soixante-sept membres demandèrent une définition sur la résidence; trente-huit s'y opposèrent; trente-trois tinrent une position mitoyenne. Selon Massarelli : « Pro parle negante aut simpliciter aut cum aliquo additamento aut re in SS. D. N. reposita unus supra 70. » Le roi Philippe II lui-même ne voulait point de la définition, et le pape n'était pas satisfait qu'on lui abandonnât cette affaire. On résolut enfin de l'ajourner jusqu'au moment l'on traiterait du sacrement de l'ordre (Pallav., XVI, iv, 11-15; XVII, i, 2-4). Les prélats sustentés par le Saint-Siège n'éprouvèrent pas le moindre inconvénient pour s'élre librement expliqués: Baluz., Miscell., IV, 194; Câlin, ad card. Moron., 8 oct. 1561; Rayn., an. 1562, n. 41, 119, 120 et seq.; 1563, n. 13 et seq. Autres matériaux : Marlene, Coll., t. I; Diario del Torelli, p. 258 et seq.; Monum. di varia letter., t. Il, p. 14, 15. Lettres de B. Foscarari de Modène, de Beccadclli à celui-ci et à Morone. Beccadelli était pour la définition, de même que Pierre Soto : Rayn., an. 1563, n. 71. Sur le reste, v. Pallav., XVIII, xui-xvi ; XiX, c. IV et seq., xiv et seq. Les projets de réforme de Ferdinand existent en différents extraits, dans Sarpi, lib. VI, p. 325; en latin, dans Rayn., an. 1562, n. 59; cf. n. 62, et Goldast; avec plus de détails dans Barthélémy des Martyrs, puis dans Schelhoru, d'après les papiers de Staphylus; Le Plat, t. V, p. 232 et seq., 260 et seq., les donne tous avec la réponse; ils ne concordent pas très bien ensemble : Ranke, I, p. 327 et suiv. Ils demandent : la réforme de la curie, la restriction à 26 du nombre des cardinaux, la suppression des exemptions et du célibat, l'adoucissement du précepte du jeûne, l'adoption des décrets réformateurs de Constance et la préparation des matériaux par des députations choisies dans les diverses nations; la correction des bré- viaires, des missels, des légendes et des postules ; le chant ecclésias- tique en allemand, la concession du calice aux laïques, de meilleurs

LE CATHOLICISME. G03

catéchismes, la réforme des couvents, etc. Voyez les 34 articles de réforme proposés par les Français, avec réponse, dans Rayn., an. lo62, n. 86-88; Le Plat, V, p. 631 et seq.

XXIe session.

265. Les légats, qui étaient constamment en relations épis- tolaires avec le cardinal Borromée, soumirent aux théologiens cinq articles sur la communion. Depuis le 10 juin 1562, ces théologiens tinrent journellement deux assemblées, dans lesquelles Salmeron parlait le premier comme théologien du pape. Tous étaient d'accord sur les questions dogmatiques, mais non sur le point de savoir s'il fallait maintenant accorder aux laïques la communion sous les deux espèces, comme le voulaient les envoyés de l'empereur et de la Bavière.

Le décret relatif à la communion sous les deux espèces fut puidié le 16 juillet, dans la vingt et unième session. 11 portait que les laïques et les prêtres qui ne célèbrent point ne sont obligés par aucun précepte divin de communier sous les deux espèces; que l'Église, dans la dispensation des sacrements, a toujours été autorisée à changer, sans toucher à leur substance, ce qu'elle a jugé le plus opportun, selon la diversité des temps, des lieux et des conjonctures : c'est pourquoi elle s'est déter- minée, par de justes et fortes raisons, à approuver la commu- nion sous une seule espèce, et elle en a fait une loi qu'il n'est pas permis de rejeter ni de changer arbitrairement sans l'auto- rité de l'Église ; que sous une seule espèce on reçoit Jésus- Christ tout entier et l'on ne perd aucune des grâces nécessaires au salut ; que les petits enfants ne sont pas tenus à la commu- nion sacramentelle.

Les erreurs contraires furent réprouvées dans quatre canons. Le décret de réformation, en neuf chapitres, traitait de la colla- tion des ordres et des qualités qu'ils requièrent, des distribu- tions journalières qui doivent être faites aux membres du chapitre présents au chœur, de l'établissement de nouvelles paroisses et de la nomination de leurs titulaires, de la suppres- sion des collecteurs d'aumônes, que le pape demandait égale- ment. Le concile comptait toujours sur l'arrivée des prélats français, et il donna à entendre qu'ils arriveraient ayant à leur tète le cardinal de Lorraine : c'est pourquoi le concile ralentit

604 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

sa marche. Cependant, à partir du 19 juillet, il chargea les théologiens d'examiner treize articles sur le sacrifice de la messe.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 265.

Sur la communion « sub utraque » : Pallav., XVII, i et seq.; c. vi- vni; c. xi; Rayn., an. 1562, n. 49 et seq., 67 et seq., 73 et seq.; Le Plat, V, p. 4o5 et seq., 463 et seq. Voy. encore Pallav., XVII, i, xn XIV ; XVIII, m, vi, vu.

XXIIe session.

266. Après de longues délibérations et de nombreuses diffi- cultés vaincues, la vingt-deuxième session s'ouvrit enfin le i7 septembre. La doctrine touchant le sacrifice de la messe fut exposée en neuf chapitres et en autant de canons, et acceptée. On y traitait de l'institution et de la nature du sacrifice, des messes en l'honneur des saints, des cérémonies, des messes privées, de la langue liturgique et de la nécessité d'expliquer les rites au peuple fidèle. Il fut défini que la sainte messe est un vrai sacrifice; que Jésus-Christ, en prononçant ces paroles : « Faites ceci en mémoire de moi, » a établi ses apôtres prêtres de la nouvelle alliance ; que la messe est un sacrifice expiatoire pour les vivants et pour les morts et ne déroge point au sacri- fice de la croix ; qu'il n'est pas défendu de l'olTrir en l'honneur des saints ; que le canon ne contient aucune erreur. Le concile condamne ceux qui rejettent le rite de l'Église, le mélange de l'eau dans le calice, l'usage de la langue latine, la récitation à voix basse des paroles de la consécration et les messes privées.

Un autre décret recommandait aux évoques d'abolir dans la célébration de la messe les abus qui s'y étaient glissés par irré- vérence, avarice et superstition ; de bannir toute sorte de musique non religieuse, les occupations séculières, les entre- tiens vains et profanes; d'engager les prêtres à célébrer en temps voulu, selon le véritable rite et avec dévotion; d'exhorter le peuple à fréquenter l'église paroissiale les jours de dimanche et de fête. Un troisième décret sur la réformation (onze cha- pitres) renouvela les canons relatifs à la vie honnête des clercs, fixa les conditions requises pour les emplois ecclé- siastiques, et prit encore d'autres dispositions. Un dernier

LE CATHOLICISME, 605

décret renvoya à la décision du papo l'affaire de la communion sons les deux espèces, qui n'avait pu être résolue par une vota- tion décisive. Plus tard, sur l'avis du cardinal Borromée, Vïo IV l'accorda, par un induit, par manière d'essai et sous certaines conditions, pour l'Autriche, la Bavière, Mayence, Trêves, Brunswick et Naumbourg. Mais les fervents catholiques s'en souciaient médiocrement et elle ne satisfit point les hérétiques. Elle fut supprimée dans la suite.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 266.

Rayn., an. 1562, n. 89 et seq., 97 et seq.; Pallav., XVIII, i et seq.; c. vin, II. On agita surtout cette question : « An Christus seipsum obtulerit sacriiicium ia cœna, an solum in cruce? » Quatre opinions furent émises : I. Jésus-Christ s'est offert pour nous pendant la cène; elle fait partie de ses souffrances; de même que les souffrances qui ont précédé le crucifiement ne dérogent pas aux mérites de sa mort, de même le sacrifice eucharistique ne déroge pas au sacrifice de la croix. Plus de 40 Pères soutinrent que Jésus-Christ s'est offert dans l'Eucharistie, notamment Madrucci, Lainez, François Zamora, 0. S. F. Obs. Gen., et beaucoup d'évèques. II. Jésus-Christ a offert pendant la cène un sacrifice, mais seulement un sacrifice de louange et d'actions de grâces, et non un sacrifice expiatoire : c'était l'avis des archevêques de Grenade, de Prague, etc. III. Il fallait, selon d'autres, dire : « Chris- tum se Patri obtulisse in cœna » ; et non pas ; « hac vel illa ratione id peractum », puisque l'Écriture n'est pas explicite sur ce point. IV. D'autres enfin cherchaient à concilier les deux premiers senti- ments, mais ils ne s'entendaient point. La plupart finirent par embras- ser le premier, même ses précédents adversaires. Le décret « de observandis et evitand. in célébrât. Miss. » ne fut attaqué dans la séance que par un prélat; le décret « de la réforme » fut écarté par cinq voix : Pallav., XVIII, vi, 1-19; ix, 3. Décret, super petitione cali- cis : Pallav., XVII, m, 1 et seq.; c. v, vi, viii; Rayn., an. Ib62, n. 6o- 84; Le Plat, V, p. 494 et seq. Concession de Pie IV : Pallav., XXIV, xii, 8; Rayn., an. iö62, n. 8o ; Dieringer, Cari Borromeo, p. 172 et suiv.; Buchholtz, Gesch. K. Ferdinands I, VIII, p. 660.

Situation difficile du concile.

267. Dix mois s'écoulèrent avant la session suivante, qui avait été d'abord indiquée pour le 12 novembre 1562. Toutes les anciennes difficultés avaient reparu : la France demandait

606 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

qu'on s'abstînt de rendre de nouveaux décrets jusqu'à l'arrivée du cardinal de Guise et des évêques français ; l'envoyé de l'em- pereur insistait pour l'adoption de ses projets de réforme, dont une partie seulement était acceptable. Les débats sur l'ordina- tion des prêtres éveillèrent parmi les Pères d'anciennes contro- verses et en suscitèrent de nouvelles, notamment sur le droit divin par rapport à la résidence des évêques et à leur préémi- nence sur les prêtres , puis sur les relations des évêques avec le pape ; à propos de ces disputes on vit reparaître plusieurs des idées émises à Constance et à Bàle. Un grand nombre d'évê- ques espéraient trouver dans les Français, qui se plaisaient à contester la constitution monarchique de l'Église et les droits de la primauté, des alliés contre les prélats italiens, dévoués au Saint-Siège.

Le 13 novembre enfin, le cardinal de Lorraine arriva avec quatorze évêques français, trois abbés et dix-huit théologiens. Bien qu'il eût assuré les légats de sa soumission au Saint- Siège, ses plans de réforme éveillèrent des craintes sérieuses. De toutes parts les difficultés s'accumulaient contre le concile : car un très grand nombre d'évêques se rattachaient entière- ment aux délégués de leurs princes, et la discorde régnait entre les Espagnols et les Français. Les influences étrangères devenaient si pressantes, que Rome redoutait les dernières extrémités. Le concile, réuni pour remédier aux abus, semblait devenir une occasion de conflits et de schisme, et les légats en étaient réduits à faire des efforts extraordinaires pour conser- ver encore leur indépendance.

En février 1563, tout paraissait encore dans la plus grande confusion. La tâche qu'on s'était imposée de terminer heureu- sement le concile avec les plus grands princes catholiques, sem- blait insoluble, et cependant Pie IV l'essaya encore. Le cardinal de Mantoue, premier président, mourut le 2 mars, au grand regret de tout le concile, et bientôt après (1 7 mars) le cardinal Seripando. Le pape les remplaça par les cardinaux Morone et Navagero, deux hommes distingués et tels qu'il les fallait, notamment en face des ambassadeurs qui réclamaient pour leurs cours des privilèges très étendus.

LE CATHOLICISME. 607

OUVRAGES A CUPiSÜLTBR SUR LE N" 267.

Déclaration du cardinal Carpi, janv. 1563, dans Jérôme Soranzo : Ranke, I, p. 330. Le cardinal de Mantoue à Pie IV, 15 janv., ibid., p. 330, n. 2. Cf. Pallav., XIX, xii, 4; XX, vi, vu; Rayn., an. 1563, n. 59, 60; Le Plat, V, 774 et seq. Mendoza, dans Dœllinger, Ungedr. Berichte, II, p. 91 et seq.

Morone et l'empereur Ferdinand.

268. Morone comprit que l'on devait commencer par écarter les obstacles du côté de l'empereur Ferdinand. 11 alla le trouver le 46 avril à Innsbruck. Ferdinand se montra fort indisposé envers le concile: il était convaincu qu'il n'y avait point de liberté à Trente et que Rome ne voulait point de réformes. Morone lui représenta que bon nombre n'avaient pu adhérer à tous les arti- cles de son projet de réforme, mais que les meilleurs avaient été débattus et acceptés ; que si les princes donnaient des ins- tructions à leurs envoyés, le pape devait le faire aussi ; que Pie iV s'était imposé de grands sacrifices pour la réforme de l'Église, mais qu'il était obligé de sauvegarder les droits de son siège ; les projets des princes continueraient d'être présen- tés au concile, et l'on accorderait même à leurs envoyés une sorte d'initiative.

Ferdinand renonça à plusieurs de ses demandes ; un accord intervint, et plusieurs obstacles furent insensiblement levés. On le devait surtout à l'intelligent Morone, au pieux Charles Bor- romée et aux sentiments catholiques de Philippe II d'Espagne, qui ût inviter les évèques de ses États à s'unir étroitement au Saint-Siège. Le cardinal de Lorraine ût aussi beaucoup de con- cessions.

Pie IV, dans une lettre pleine de dignité, avait donné à Fer- dinand une foule d'éclaircissements : il avait, entre autres, réfuté l'assertion de ce prince, qu'il y avait deux conciles, i'uü à Rome, l'autre à Trente. Les membres unis entre eux et le chef avec ses conseillers ne formaient pas deux, mais un seul con- cile ; la nature des choses, la dignité même du concile deman- daient qu'il instruisît ses légats de ses dispositions ; si le pape se rendait à Trente, on dirait que ce serait pour attenter a la

608 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

liberté du concile ; il soulèverait à la fois la colère des protes- tants du voisinage et les plaintes de l'Italie, sa présence était nécessaire. Il désapprouvait les disputes des Pères sur des questions inutiles, et il essayait autant que possible de s'y opposer par ses légats.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 268.

Relat. soramaria del card. Morone sopra la legatione sua, dans la Bibl. Altieri, VII, F. 3, citée par Ranke, I, p. 34 et sniv.; Sickel, p. 485 et suiv.; Pallav., XX, c. xiii-xv, xvu, 7; Rayn., an. 1562, n. 93; an. 1563, n. 6 et seq.; Le Plat, V, 775 et seq.; VI, 1 et seq.

L'autorité du pape et l'autorité des évêques.

269. Les Français et un grand nombre d'Espagnols avaient fort à cœur de voir déclarer par le concile que les évêques sont de droit divin et immédiateaiont institués par Jésus- Christ, afin d'en tirer des conséquences en faveur de l'autorité épiscopale, au détriment do l'autorité du pape. Très peu faisaient la distinction du pouvoir d'ordre et du pouvoir de juridiction ; et cependant il était nécessaire de les séparer exactement, ainsi que le prouva l'évêque de Rimini, et surtout Lainez.

Plusieurs prélats révélèrent un esprit passionné qui dut causer d'amers regrets. Les Français, et ceux des Espagnols qui s'étaient alliés avec eux, n'obtinrent pas ce qu'ils désiraient. Plusieurs trouvaient indécent de traiter des droits des évêques et de négliger ceux du pape. Le cardinal de Lorraine, qui partageait cet avis, proposa, le 4 décembre 1562, un canon sur l'ordre (8), qui prononçait l'anathème contre ceux qui diraient : que Pierre n'est pas le chef suprême des apôtres en vertu de l'institution de Jésus-Christ et son premier vicaire ; qu'il n'est pas besoin, pour gouverner l'Église, d'un grand pontife, successeur de Pierre et égal à lui en puissance ; que les successeurs de Pierre à Rome n'ont pastoujours eu la primauté. Rome trouva ce canon insuffisant, notamment après la défini- tion de Florence, laquelle faisait désirer un supplément sur le pleins pouvoirs dn pape pour le gouvernement de « toute » l'Église.

Mais les Français, entichés de leur théorie de la supériorité

LE CATHOLICISME. 609

du concile sur le pape, ne voulurent point l'accepter. Les légats déclarèrent qu'ils sacrifieraient plutôt leur vie que de laisser attaquer la prééminence du pape.

Rome rappela à cette occasion que le quatorzième concile œcuménique avait déjà proclamé la primauté du pape sur toute l'Église ; elle recueillit différents moyens de preuves, et demanda que, si l'on voulait traiter de l'autorité du pape, on ne le fit pas en des termes plus faibles ou plus couverts que ceux de Flo- rence : il valait mieux no rien décider du tout. On s'arrêta à ce parti, car on redoutait de la part des Français un concile national schismatique, bien que les Espagnols, les Portugais et les Allemands fussent d'accord avec les Italiens pour défendre les prérogatives du pape, et qu'en général les plus célèbres théologiens du concile se prononçassent résolument en sa faveur.

Le savant dominicain Pierre Soto manda de son lit de mort (10 avril 4563) que sa croyance était que le pape est au-dessus de tous les conciles et ne peut être jugé par eux; il désirait que son opinion fût dogmatiquement définie, attendu que la doctrine contraire ne pouvait engendrer que la désobéissance, es disputes et le schisme. Son vœu favori ne devait s'accomplir que trois cent sept ans plus tard. La sage modération du Saint- Siège toléra, ici comme sur d'autres points, une contradiction qui alla s'affaiblissant de plus en plus: quelque fondés et incontestables que fussent ses propres droits, il aimait mieux qu'ils no fussent pas reconnus, que d'exposer un pays déchiré par tant de divisions et souvent mal gouverné au péril do s'enfoncer encore plus avant dans une opposition illégale. Vu l'état des études théologiques d'alors, le triomphe qu'on pouvait déjà espérer semblait au pape et à son vertueux neveu trop chèrement acheté. Le système pontifical fut indirectement fortifié: car le concile, dans plusieurs de ses décrets, reconnut l'autorité souveraine du Saint-Siège, et à la fin tous les Pères, un seul excepté, demandèrent la confirmation par le souverain pontife.

OUTRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 269.

Pallav., Appar. ad Conc. Trid., c. x, n. 3; VII, iv, 3; vi, 3; VIII, iviii, 1 et seq.; IX, ii, 4; XVI, i, 13; viii, 14; XVII, xiii, 2 et seq.; V. HIST. DE l'église. 39

610 HISTOIRE DE l'ÉGLISE,

XVIII, iir, 10; XIV, 5; xv, 3 et seq.; xvf, 12; XIX, v, 5 et seq.; c. vi, 13-lo; XXI, IV, 12 et seq.; viii, 1 ; c. xi, xii; Rayn., an. 1562, n. 104 et seq., 121 et seq., 1563. Laiinoji Reg. Navarr. Gymn. Hist., p. I, c. vi; Civiltà cattol., VI, xii, n. 423 (2 nov. 1867), p. 273 et seq.; Bauer, S.-J., clans les Laacher Stimmen, 1872, XI, p. 404-407. Mon ouvrage cité, Kathol. Kirche, p. 882-895, 901-908. La théorie des Français était pour l'institution immédiate des évêques par Jésus- Christ fVI, § 72). En novembre 1524, la Sorbonne condamna cette thèse de Louis Gombont, 0. Pr. : « Petro demto nec episcopus quis- quam immédiate est institutus » (du Plessis d'Arg., III, i, p. 5). Mais à Trente le sentiment contraire fut résolument soutenu, notam- ment par André Cainutius, de Milan, 26 sept. 1562 : « Suramus Pon- tifex habet immédiate polestateni a Deo , illi (Episcopi) médiate (Theiner, Acta, II, p. 142); par Lainez (Pallav., XVIII, xv) et autres. Voy. J.-ß. Andries, Alphonsi Salmeronis doctrina de jurisdiclionis episcopalis origine ac ralionc, Mogunt., 1871. Décrets du pape et lettres de S. Ch. Borromée : Rayn., an. 1563, n. 3-12, 35 et seq., 38 et seq., 67 et seq.; Pallav., XVIII, xiir, 3; XX, viii. Pierre Soto et son explication : Rayn., h. an., n. 71. Gaspard Cardilius à S. Ch. Borromée, ib., an. 1564, n. 14 : « Spiritus sanctus, qui synodum moderatur et Ponlificem maximum in his quai sunt lidei, labi aut errare non sinit. » La Potestas suprema seu summa Rom. Pontificis, dans Conc. Trid., sess. XIV, c. vu, de Cas. roserv. Cf. sess. VII, de réf., proœm.; sess. XXV, de Ref., c. xxi, decr. ull.

XXIIIe session.

270. Dès le mois de septembre 1562, on avait remis aux théologiens neuf articles sur le sacrement de l'ordre, avec les propositions des hérétiques contre ce sacrement, contre les degrés de la hiérarchie et le sacerdoce du Nouveau Testament. Ces (juestioiis furent agitées eu présence des envoyés de trois patriarches, de dix-huit archevêques, de cent quarante-six évéques, de deux abbés, de cinq généraux d'ordres et de quatre-vingt-quatre théologiens. On remarquait parmi ces derniers Salmeroii,Süto et le Portugais Melchior Cornélius. Le "■2 octobre, la délibération futenlamée devant les évéques, etsou- leva d'ardentes discussions. Peu à peu les Espagnols devinrent plus modérés, et cuusoulirent à admettre sur la résidence un «i !cret moins accentué, mais qui n'excluait pas leur sentiment.

Ou arriva ainsi, le 15 juillet 1563, à la vingt- troisième

LE CATHOLICISME. 611

session. Le décret sur le sacrement de l'ordre y fut publié en quatre chapitres et huit canons. Le décret énonçait les rapports du sacrifice et du sacerdoce, déduisait de l'institution du sacrifice de la nouvelle alliance la nécessité d'un sacerdoce visible à la place do l'ancien sacerdoce lévitique, traitait do ses pouvoirs relativement au sacrifice et à la rémission des péchés, et marquait les différents degrés qui servent de prépa- ration à l'ordre. Le concile exposa la nature sacramentelle de l'ordre et son caractère indélébile, les divers degrés de la hiérarchie, la prééminence des évêques sur les prêtres.

Contre les protestants il déclara (jue le consentement du pou- voir civil ou du peuple n'était pas nécessaire ; que les ministres établis par le pouvoir temporel ou par le peuple étaient au contraire des voleurs et non des pasteurs, tandis que l'appro- bation décernée par le pape, que les novateurs qualifiaient d'invention humaine, faisait des évêques de vrais et légitimes pasteurs. Endisantqu'il y a une hiérarchie établie « par l'ordre de Dieu », composée d'évêques, de prêtres et de ministres, le concile éludait cette controverse : si les évêques tiennent leurs pouvoirs de Jésus-Christ d'une manière directe ou indirecte. Il évita de même, dans le décret de réformation (dix-huit chapitres), de vider cette controverse, en disant que, selon l'ordre de Dieu, les pasteurs doivent connaître leur troupeau, et qu'ils ne peuvent le connaître qu'en résidant : ce qui pouvait faire conclure que le devoir de la résidence n'émane qu'indirecte- ment du droit divin. On détermina les causes qui justifieraient une absence et la manière d'agir dans ces sortes de cas ; on traita du lieu, du temps, des conditions de l'ordination, de l'approbation des confesseurs, mais surtout de l'importante question de l'établissement des séminaires, qui comprenait en lui seul les plus grandes réformes.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 270.

Délibérations « de Ordine » : Pallav,, XVIH, ïii, \ et seq.; c. xiv, n. 1 et seq.; XX[, xi, 1-4 (sur le terme « divina ordinatione )^j : Rayn., an. 1562, n. 89 et seq. Six évêques refusèrent leur assentiment aux décrets dogmatiques du 15 juillet; quelques Espagnols voulaient qu'on précisât davantage les canons vi et viii : Pallav., XXI, iii, 4.

612 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Difficultés du côté des souverains.

271. Les Espagnols mettaient tout en œuvre pour prolonger le concile, tandis que la France et l'empereur désiraient sa fin. Jusque-là les princes temporels avaient demandé à plusieurs reprises qu'on opérât de grandes et larges réformes dans l'état ecclésiastique, comme si c'eût été la cause de tous les maux. Ces instances devaient offenser les Pères et embarrasser les légats. Cette fois, d'après un avis reçu de Rome, les légats retournèrent la question : ils proposèrent de réformer les princes temporels, et de prendre des mesures pour sauvegarder les droits de l'Église si souvent méconnus. Cette proposition produisit son effet : elle assura le libre mouvement du concile et permit de le terminer d'une manière satisfaisante. Les représentants de l'empereur ayant réclamé contre cette pro- position , le cardinal Morone s'étoniia que l'empereur , si enthousiaste pour la réforme universelle, prétendît tout à coup en exempter les princes temporels. Quand les légats avaient consulté le pape, qui n'était pas seulement leur chef, mais encore celui de toute l'Église, on avait réclamé ; aujourd'hui, le pape laissait au concile la hberté de tout conclure sans même le consulter. Ils ajoutèrent qu'ils aimeraient mieux solliciter leur rappel que de se rendre à une demande aussi inconve- nante ; que le décret sur la résidence des évêques deviendrait inutile, si les obstacles, du côté des princes continuaient à sub- sister. Ce chapitre est le seul qui fut provisoirement ajourné, ce qui déplut à plusieurs évèques.

Une autre source de difficultés, c'étaient les exemptions des chapitres, surtout en Espagne, les franchises considérables dont ils jouissaient avaient été fort restreintes par les évêques appuyés du gouvernement, et devaient l'être encore davantage, si un accord ne fût intervenu ; puis, la pluralité des bénéfices, très fréquente en Allemagne surtout, et qui nécessitait le renouvellement des anciens canons de l'Église, sans exclure complètement les exceptions légitimes. Le concile fut obligé, pour s'affranchir des exigences onéreuses des cours, de surseoir ci la réformation des princes, tant les idées de l'État moderne avaient déjà d'empire. La position des évêques à l'égard des

LE CATHOLICISME. 613

métropolitains, objet de fréquentes discussions, ne fut réglée que sur quelques points.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 271.

Rayn., an. 1563, n. 138, 153 et seq., 159, 162, 174; Pallav., XXII, i, 1; c. II, m, V et seq., ix; XXIII, c. i, m, vi. Projet sur la réforme des cours : Huchholtz, Gesch. der reg. Ferdin. I, tom. IX, p. 703; Ros- covany, Mon., I, p. 167-171, n. 174. Sur les chapitres espagnols : Pallav., XXII, c. i; XXIII, c. vu, n. 14 et seq.; Ranke, I, p. 341-343. Pluralité des bénéfices : Pallav., XXIII, m, 14 et seq.

XXIVe session.

272. Le sacrement de mariage fut désormais le principal objet des délibérations. La France avait proposé d'annuler et les mariages clandestins et les mariages conclus sans le consen- tement des parents. Sur le premier point, le concile, après mûr examen, lui donna satisfaction; sur le second, il rejeta sa demande. Le 11 novembre 1563 (vingt- quatrième session), le concile sanctionna le décret sur le mariage, son origine, sa nature, son caractère sacramentel, outre douze canons qui condamnent la polygamie et la doctrine de ceux qui préten- daient que les degrés de consanguinité et d'affinité contenus dans le Lévitique sont les seuls qui empêchent de contrac- ter mariage, la doctrine de ceux qui niaient que l'Église est exempte d'erreurs quand elle détermine les empêchements dirimants du mariage , et enfin les erreurs concernant le divorce et la juridiction de l'Église sur les affaires du mariage. Les Vénitiens ayant demandé qu'on usât d'égards envers les Grecs, qui, en cas d'adultère, rompaient le lien du mariage, le concile se borna à condamner ceux qui prétendent que l'Église se trompe quand elle interdit dans ce cas la dissolution du mariage et ne permet que la séparation des époux.

Contre les protestants, le concile s'appliqua surtout à établir que la profession religieuse et la réception des ordres majeurs produisent un empêchement diriraant du mariage, et à relever la prééminence des vierges sur les gens mariés. Le décret do réformation portait que le mariage aurait lieu en présence du curé et de deux témoins ; que les mariages conclus autrement,

G 14 HISTOIRE DE l'ÉGUSE.

après la publication valable de ce décret, seraient nuls. Les pro- clamations des bans, déjà prescrites autrefois par des conciles particuliers, furent rendues universellement obligatoires, mais les évêques reçurent le droit d'en dispenser; les empêchements de parenté spirituelle, d'honnêteté publique, d'affinité et de rapt furent restreints; on porta des règlements sur les dispenses de mariage, sur les temps interdits et sur les mariages des vaga- bonds; on établit des peines contre le concubinage, et l'ondé- fenditaux maîtres , sous peine d'excommunication , d'entra verla liberté de leurs subordonnés pour la conclusion des mariages.

Un décret général de réformation en vingt et un chapitres concernait l'élection des cardinaux et jdes évêques; les conciles provinciaux, qui devaient se célébrer tous les trois ans; les synodes diocésains, qui devaient être annuels; la visite épisco- pale, l'office de la prédication et l'instruction de la jeunesse, la fréquentation de l'église paroissiale, les affaires criminelles et les droits des évêques, l'obligation pour les curés d'expli(juer exactement au peuple les sacrements et la liturgie, l'institution d'un pénitencier dans chaque cathédrale, les pénitences pu- bliques à infliger aux pécheurs pubhcs.

D'autres prescriptions regardaient les privilèges particuliers, les qualités et les devoirs des chanoines ; l'amélioration des bénéfices pauvres, grands et petits, l'administration des évêchés et des paroisses vacantes. Pour établir l'uniformité, l'on décida que les chapitres nommeraient des vicaires capitulaires dans l'espace de huit jours à partir de la vacance du siège épiscopal. Les expectatives, les mandats de provision pour les bénéfices furent supprimés; on traça des règles sur la procédure ecclé- siastique, et enfin l'on dunnaà ces paroles : « sur la proposition dos légats », une explication qui satisfit tout le monde. Il y eut encore dans la session même des débats au sujet des décrets de réformation. La futuresession fut fixée au 9 décembre.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 272.

Rayn., an. 1563, n. 19 et seq., 136 et seq., 150 et seq., 193-197; Pallav., XIX, XVI ; XX, i et seq.; XXII, i et seq., vin; XXIII, v. Le 10 sep- tembre 1563, il régnait quatre opinions concernant les mariages mixtes : l'Église n'a pas le pouvoir d'annuler les mariages clandes- tins; 2" elle a ce pouvoir et elle doit maintenaut en faire usage; 3" elle

LE CATHOLICISME. Gl 5

l'a, en eflfet, mais elle ne doit pas en user présentement ; 4* il ne faut point rendre de décret à cet égard. La seconde opinion finit par l'em- porter. Sur les égards envers les Grecs touchant l'adultère, voy. Ray- nald, an. d563,n. 152.

XXVe session.

273. Cette fois, la session ne fut point ajournée, mais avancée. On désirait de plus en plus de voir arriver la fln du concile: les évoques étaient depuis longtemps absents de leurs diocèses, le climat était défavorable, on craignait la guerre du côté des protestants, le pape enfin avait de lourdes dépenses à suppor- ter; Pie IV, alors malade, souhaitait de survivre à l'assemblée; le cardinal de Lorraine, les légats, l'empereur, la plupart des princes et des évoques demandaient la clôture. Les Espagnols seuls, qui réclamaient encore d'autres réformes, firent des ob- jections, mais ils finirent par se résigner. Les orateurs des congrégations visèrent à la brièveté, tous les travaux mar- chèrent avec plus de promptitude, et c'est ainsi que la vingt- cinquième et dernière session put être célébrée les 3 et 4 dé- cembre 1563.

Le 3 décembre, on avait publié : le décret sur le purga- toire, qui énonçait son existence et déclarait que les fidèles qui sont sur la terre peuvent alléger les souffrances des défunts; il maintenait la vraie doctrine, recommandait d'éviter à ce sujet les questions inutiles et d'accomplir les dernières volontés des défunts ; le décret sur l'invocation des saints, sur leur culte, sur leurs reliques, sur les saintes images et les abus qu'on doit éviter à cet égard ; 3" un décret en vingt-deux chapi- tres sur la réformation des monastères, réglant le temps de la profession, la clôture, les pouvoirs des supérieurs d'ordres et leurs relations avec les évêques; -4° un décret sur la réformation générale en vingt et un chapitres, donnant des prescriptions sur le genre de vie des cardinaux et des évêques, sur l'usage imprudent des censures et la juridiction ecclésiastique, sur la réduction des fondations, etc.; il ordonnait de publier les décrets du concile dans le synode provincial, défendait le duel, exhortait les princes chrétiens à exécuter avec soin les décrets du concile, réservait enfin les droits dr. pape, ce qui ne fut désapprouvé que par deux Pères : l'un, parce qu'on devait

616 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

iiaturellomeiit s'y attendre; l'autre, parce qu'il aurait, désiré une meilleur rédaction. Enfin, la continuation de la session fut décrétée pour le jour suivant.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 273.

Désir de voir la fin du concile : Pallav., XXIV, i, 1 et seq. Sur le décret de Regul. et Monial., quelques-uns demandèrent qu'on fixât l'âge de l'entrée et de la profession à 18 ans; mais l'archevêque de Prague fit ressortir l'importance de l'éducation dans les couvents, et le cardinal de Grenade rappela que les filles pouvaient se marier dès l'âge de 12 ans. On établit l'âge de 16 ans pour la profession. Les canons xx et xxi furent l'un et l'autre désapprouvés par deux Pères : ibid., c. VI, 2; vu, 2.

Derniers décrets du concile de Trente.

274. Les théologiens les plus expérimentés rédigèrent aussi, d'après d'anciens matériaux, un décret sur les indulgences, qui fut discuté en assemblée générale, et solennellement publié le 4 décembre. Il rappelait le pouvoir qui appartient à l'Église d'accorder des indulgences, parlait de leur utilité, condamnait les doctrines opposées, recommandait d'en faire un usage modéré et d'y éviter tous les abus.

Un second décret sur le choix des aliments, sur les jours de fête et de jeûne, ordonnait que tous se conformassent sur ce point à l'Église romaine, mère et maîtresse de toutes les Églises. Un troisième abandonnait au Saint-Siège la confection et la publication d'un missel et d'un bréviaire corrigés, d'un catéchisme et d'un catalogue des livres défendus. Un quatrième déclarait que par la place assignée aux ambassadeurs dans les séances il n'avait été fait aucun préjudice à personne. Un cinquième engageait les princes à recevoir et à faire exécuter les décrets du concile, ajoutant que si leur exécution soulevait quelque difficulté, le concile s'en remettait au pape du soin de les aplanir, quand même il faudrait assembler un concile géné- ral (comme l'Espagne le souhaitait). Un sixième déclara obliga- toires tous les décrets portés dans les sessions tenues sous Paul III et Jules III, et l'on en donna lecture. Puis on demanda aux Pères s'ils désiraient qu'on terminât le concile et qu'on chargeât les légats de solliciter la confirmation du pape. Ils

LE CATHOLICISME. 617

répondirent affirmativement, et le cardinal Morone annonça la clôture. Le cardinal de Lorraine prononça des acclamations en l'honneur de Pie IV et de ses prédécesseurs, de l'empereur et de tous les princes qui avaient favorisé et soutenu le concile, des légats, des ambassadeurs et des Pères. Avant le départ, les membres du concile (252) y apposèrent leurs signatures; c'étaient : quatre cardinaux légats, deux cardinaux, trois pa- triarches, vingt-cinq archevêques, cent soixante-huit évêques, sept généraux d'ordres, sept abbés, trente-neuf procurateurs, et à la suite la plupart des ambassadeurs.

OUVIUGES À CONSULTES SUR LB N*» 274.

Sur le décret des indulgences, voy.Pallav., loc. cit., cap. viii, n. 1. Le décret « de recipiendis etobservandis decretis Concilii », fut rédigé par les cardinaux de Guise et Madrucci, et par les Espagnols Antoine Augustin et Didace Covarruvias: ibid., n. 6. Voy. n. 13, sur les sous- criptions avec ces mots : « Subscripsi deüniendo », que les procura- teurs n'avaient pas le droit d'ajouter.

Fin du concile. Son importance et son exécution. Travaux de Pie IV. Sa mort.

275. Cette œuvre grandiose était donc enfin terminée. Jamais concile n'avait résolu un si grand nombre de questions et ren- contré de plus sérieux obstacles. Cependant les faiblesses de ses membres ne nuisirent point à sa'dignité, et, malgré les luttes des théologiens et des évêques, l'ancienne foi catholique, pro- tégée par le Saint-Esprit, brilla de tout son éclat. « Le concile, dit Ranke, «si impétueusement réclamé, si longtemps ajourné, divisé, deux fois dissous, ébranlé par tant d'orages soulevés par le monde, assailli de nouveaux dangers lors de sa troisième réunion, se termina dans la concorde universelle du monde catholique. On comprend donc l'émotion et la joie qui s'empa- rèrent des prélats, quand ils se réunirent le 4 décembre pour la dernière fois. Ceux mêmes qui s'étaient jusque-là combattus, se félicitaient mutuellement, et l'on voyait des larmes aux yeux de beaucoup de ces vieillards. Le catholicisme se dressa désor- mais devant le monde protestant avec une force doublée et rajeunie. »

618 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Le concile, assurément, ne pouvait pas satisfaire à toutes les exigences; parmi les projets de réforme qui lui furent pré- sentés, plusieurs étaient exclusifs, exagérés, inspirés par des Intérêts privés, nuisibles même. Quant aux réformes résolues par l'Église, elles révélèrent leur énergie partout elles furent appliquées. Un premier résultat du concile fut d'imposer silence à l'esprit révolutionnaire qui s'agitait au sein de l'Eglise; l'autorité du Saint-Siège en sortit saine et sauve; la chrétienté catholique attesta d'une manière brillante la richesse du savoir théologique dans les difîérents pays, la majesté de l'Église si calomniée jusque-là, et la puissance invincible de la foi. Le IS décembre. Pie IV annonça aux cardinaux la clôture du concile et ordonna des fêtes d'actions de grâces. Tandis que Ravagero retournait dans son diocèse de Vérone, Hosius en Pologne, Morone et Simonetta portaient à Rome les actes du concile. Quelques fonctionnaires de la cour romaine étaient d'avis que le pape ne devait pas accepter tous les décrets; mais il les con- firma tous sans exception , d'abord en consistoire (30 dé- cembre), puis dans une bulle solennelle datée du 26 janvier 4564 et signée de vingt-six cardinaux. Il établit, pour les faire exécuter, une commission de huit cardinaux, parmi lesquels son neveu Borromée fut le plus actif ; il envoya des nonces et des lettres aux princes et aux évêjuos, prescrivit partout la confes sion de foi tirée des décrets de Trente, et publia uneconstitution sur la lecture des livres défendus, dont il fit drosser un cata- logue. Il accorda la communion sous les deux espèces à plu- sieurs provinces d'Allemagne, mais refusa obstinément le mariage des prêtres.

A Rome, Pie IV institua le séminaire romain, qu'il confia aux jésuites, et il fut le premier qui mit la main à l'œuvre pour exécuter les réformes arrêtées à Trente. Sébastien, roi de Portugal, remercia le pape d'avoir confirmé le concile, et il en prescrivit l'observation dans ses États. La république do Venise, le duc de Savoie et les autres princes italiens l'acceptèrent sans condition; Philippe II d'Espagne y souscrivit avec cotte clause : « sans préjudice des droits de la royauté » . Commen- donnc le fit reconnaître en Pologne. Dès 156-4, plusieurs conciles provinciaux, ainsi que des princes catholiques, pu- blièrent les décrets ; l'empereur Maximilien II ne le fit pour

LE CATHOLICISME. 619

rAUemagne qu'en 15G6. La France n'accepta sans réserve que les dôcrets dogmatiques; la cour rejeta les décrets sur la discipline ; les évèques seuls essayèrent peu à peu de les intro- duire dans la pratique. Pie IV rendit encore plusieurs ordon- nances salutaires, surtout contre les abus qui se commettaient dans la nomination aux évêchés et dans l'aliénation des biens d'Église. Son neveu Borromée, nommé par lui grand pénitencier, devint ensuite archevêque de Milan, et tint des conciles provin- ciaux pour exécuter les décrets de Trente. Puis il alla de nou- veau à Rome pour assister son oncle qui se mourait. Pie IV s'endormit dans le Seigneur le 9 décembre 1565, âgé de soixante-six ans.

Ouvrages a consulter et remarques critiques sur le 275.

Ranke, Rœm. Pœpste, I, p. 345, 377. Pie IV et le Concile : Pallav., XXIV, IX, 1-10 ; Rayn., an. 1564, n. 1 et seq.; ibid., n. 3 : « Et quaravis aliqui essent in Curia, qui niagis quai sua sunt quam qua^. Christi quaerentes incommoda et detnmenla aliqua ex instaurata Ecclesise disciplina sibi limèrent. Pins tarnen, divina tantum gloria sibi ob oculos proposita, onuieiu quœstus privatique commodi rationem obtri- vit. » Voy. la Constitution « lîenedictus Deus » dans les éditions du con- cile. Sur la commission des cardinaux et l'envoi des nonces : Rayn., an. 1564, n. 4-7. Professio fidei Conc. Trid., dans Denzinger, Enchir., 4«: éd., p. 292-294, n. 82: du Plessis d'Arg., III, n, p. 104. Voy. Claras, Das Trident. Glaubensbekenntnisz, Schalïhouse, 1865 et suiv., 2 vol. Sur la lecture des livres défendus : Rayn., an. 1564, n. 52, 53. Consti- tut. 94, Dominici gregis, avec les dix Règles de l'Index : Bull., éd. Taur., VII, 281; Conc. Trid., éd. richter, p. 612 et seq.; Phillips, K.-R., VI, § 32i, p. 608; Ilist.-pol. El., t. XXXVII (1856); VI, p. 561- 591. Rejet de la clérogamie : Rayn., loc. cit., n. 38 et seq.; an. 1565, n. 1 et seq.; Le Plat, VI, p. 336. Séminaire romain : Rayn., an. 1564, u. 53. Reconnaissance du concile en Portugal : Le Plat, loc. cit., p. 332j Pallav., XXIV, ix, 15; à Venise et dans les États italiens : ib., c. X, n. 1; Rayn., an. 1564, n. 50 et seq.; en Pologne : Pallav., loe. cit., c. xiii, n. 1-3; en Espagne et dans ses provinces : ib., c. xn, n. 1-3. Sur les Pays-Bas : Le Plat, Vil, p. 1 et seq. Conciles d'Augs- bourg, 1567; de Salzbourg, 1569: Pallav., loc. cit., c. xn, n. 11. Difti- cullés en France : Pallav., c. x, 1 ; c. ii, n. 2 et seq.; Rayn., an. 1564, n. 12. Documents dans Le Plat, VI, p. 320, 323; VII, p. 225 et seq. La France s'otTusquait qu'on n'ait pas accepté l'empêchement du mariage <* par défaut de cuuseutemeul des parents »; 2" que le concile

620 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

eût établi des peines pécuniaires et la prison ; que les décrets su le duel, l'adultère et le concubinage empiétassent sur la juridiction civile; 4* que le jugement des évêques fût exclusivement réservé au Saint-Siège; qu'on eût déclaré la continuation du concile; qu'on eût violé les libertés gallicanes; aigri les calvinistes; 8" interdit les commendes de bénéfices réguliers, etc. Voy. Durand de Maillane, Diction, de droit canon, IV, 639. La Sorbonne, 15 nov. 1588, se pro- nonça pour la reconnaissance absolue du concile : du Plessis d'Arg., I, app., p. XXIV. 11 est reçu au concile de Reims, 1564: Hard., Conc, X, 529. Autres, dans Gibert, Corp. jur. can., t. I, Proleg., p. 155-157. Décrets de Pie IV et travaux de S. Ch. Borromée : Rayn., an. 1565, n. 21 et seq. Mort du pape : ib., n. 27 ; Leonardi, de Laudibus Pii IV. Pad., 1565.

Lies trois grands successeurs de Pie W.

Saint Pie V. Son caractère. Travaux pour la réforme de Rome et de l'Italie.

276. Pie IV eut pour successeur, grâce surtout à l'intorven- tion de saint Charles Borromée, le cardinal d'Alexandrie, Michel Ghislerio (8 janvier 1566), en 4504, à Boscho, près de Milan, dominicain depuis l'âge de quatorze ans, chef de l'Inqui- sition sous Paul IV, irréprochable dans ses mœurs et zélé pour la réforme générale de l'Église. 11 prit le nom de Pie V. Philippe II d'Espagne remercia Charles Borromée et lui exprima toute la joie que lui causait l'élection d'un si digne pontife. Quand Pie V apprit que les Romains étaient mécontents de sa nomination : « Eh bien 1 » dit-il, « ils me regretteront d'autant plu saprès ma mort. » Devenu pape, il ne changea rien à son ancien genre de vie : il se levait de bonne heure, prenait peu de repos, et observait un jeune austère. Sans la prière, le poids de la tiare lui eût été insupportable : les exercices de piété étaient sa récréation. Il fut dès son vivant considéré comme un saint, et le peuple se sentait ému en le voyant dans les proces- sions et dans les solennités religieuses. Il était bienveillant, affable, généreux de caractère, constant dans ses jugements, juste, pénétré du sentiment de sa haute mission, humble et charitable. Le régime de la cour pontificale fut extraordinaire- ment simplifié.

Pie V avait personnellement peu de besoins, et il disait sou-

LE CATHOLICISME. 621

vent que celui qui veut gouverner les autres doit commencer par se gouverner lui-même. S'il créa cardinal son neveu Bonelli, ce fut uniquement parce qu'on lui présenta cette nomination comme nécessaire pour entretenir des rapports confidentiels avec les princes; il le dota avec modération, et il n'éleva jamais ses autres parents au-dessus d'une condition moyenne. Il donnait audience à tous, et veillait: à ce que la justice fût rendue avec impartialité ; chaque dernier mercredi du mois, il tenait avec les cardinaux une séance publique, chacun pouvait présenter ses plaintes sur les tribunaux. 11 abolit dans Rome les combats d'animaux comme un divertisse- ment peu chrétien, chassa de la ville les femmes perdues de mœurs ou les força de résider dans des quartiers éloignés, punit sévèrement les profanateurs du dimanche et les blasphé- mateurs , obligea les autorités religieuses et civiles à faire observer les lois ecclésiastiques dans les États de l'Église. La ville de Rome prit bientôt un tout autre aspect, et sembla rede- venir la cité des saints. Saint Philippe de Néri développa le goût de la vraie et solide piété, et de saints prêtres exercèrent partout une salutaire influence.

OUVRAGES A CONSULTER SDR LE N" 276.

Glussiani, Vita Car. Bor., p. 62. Lettre au cai'dinal Henri de Portu- gal, 26 févr. 1566; Ripamonli, Hist. urbis MedioL, lib. XII, p. 854; Ttieiner, Annal, eccl. post Baron, et Raynald. contin., t. I; Calena, Vita di Pio V, Roma, 1586, in-4° ; Bzovius, Plus V, Rom., 1672 et seq., Gabutii, de Vita Pii V, Rom., 1605; BoUand., Acta SS., t. 1 Maii; p. 616; MaflFei, Vita di S. Pio V, 1712, in-4'»; Chiapponi, Acta cano- nisât. Pii V, Roma, 1720; Falloux, Vie de S. Pie V (en franc, et eu allem.), 1870; Ranke, Rœm. Paepsle, I, p. 350 et suiv. Opinion de Paul Tiepolo, ibid., p. 361; de Curiano, 1571, ibid., III, p. 307-30'J. Décret contre les combats de taureaux, const. De sainte gregis, lib. sept., c. un., V, 18.

Ëtat de l'Italie. Saint Charles Borromée.

277. L'Itahe entière présenta bientôt le même spectacle. C'est que les décrets de Trente furent le mieux exécutés. Le pape y trouvait partout l'obéissance la plus ponctuelle. Côme, duc de Florence, nommé par lui grand-duc de Toscane, et

622 HISTOIRE J)E l'église.

entièrement dévoué à sa personne ; Ottavio aFrnèse de Parme, rivalisaient entre eux pour prévenir ses justes désirs. Les Vénitiens, si peu souples de leur nature, lui cédèrent plus qu'à tout antre pape. Sur le territoire de la républicpie, révêijue de Vérone, J. Matteo Giberti, agissait comme réformateur de l'Église, et offrait au monde catholique un modèle d'excellentes institutions ecclésiastiques.

Charles Borromée, qui voulait toujours avoir son portrait devant les yeux, exerça plus d'influence encore en sa qualité de réformateur, d'abord à Rome, puis dans son vaste diocèse de Milan, qu'il parcourut dans tons les sens et jusque dans les vallons les plus reculés. Il soignait les malades et les pauvres, entendait les confessions, prêchait en personne, et fut pendant la peste un ange de consolation parmi les siens. 11 érigea un excellent séminaire, donna à son clergé de bonnes instructions pratiques, célébra six conciles provinciaux, qui servirent de modèle à plusieurs autres, fonda le collège helvétique pour la Suisse infestée d'hérésies , appliqua tous ses revenus à des œuvres de piété et de bienfaisance, recommanda l'attachement au Saint-Siège, et mourut à l'âge de quarante-sept ans, comblé de bénédictions (1584).

Beaucoup d'évêques d'Italie rivalisaient avec lui, adminis- traient parfaitement leurs diocèses, et formaient un clergé remarquable. A Naples aussi, le pape chargea l'évoque de Strengoli, Thomas Orsino da Foligno, de faire la visite des églises.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 277,

Pétri Franc. Zini, Boni pastoris exemplum ac spécimen, ex Joli. M.illh. Giberto Ep. expressum, 1536; Glussian., Sailer, Dieringer, etc. 2GI)j Ranke, I, p. 322, 365; Car. Borom., Acta Eccl. Mediol. addita \II provinc. Synodo, Bergami, 1738 et seq., 2 vol.

Catéchisme des curés. Correction des livres liturgiques. Discipline monastique et résidence des évêques. Mesures salutaires.

278. L'exécution des décrets de Trente et la splendeur de la religion calholiquo étaient les deux grands objets de la sollicitude du saint Père. En d566, il publia le Catéchisme du

LE CATHOLICISME. 623

concile de Trente, rédigé par plusieurs domiiiicaius et spéciale- ment destiné aux curés. Eu 1568, il introduisit le bréviaire romain corrigé, abolit tous les bréviaires qui n'étaient pas expressément autorisés par le Saint-Siège ou qui n'étaient pas usités depuis plus de deux cents ans, et ut publier un nouveau missel. Les couvents furent sévèrement réformés, la clôture des religieuses réglée ; on confirma les privilèges des réguliers, mais on les obligea de demander la permission de l'évéque pour entendre les confessions.

Contre les archevêques et les évoques qui n'ubsorvaient pas la résidence, le pape chargea son auditeur général de procéder sans autre formalité et de lui présenter des rapports, afin de déposer les récalcitrants. Il recommanda aussi, sous des peines graves, en annulant toutes les anciennes dispenses, la résidence aux curés et la récitation exacte du bréviaire. 11 publia et con- firma, le 19 janvier 1566, unedécisi<jn prise en conclave par les cardinaux, que partout désormais les droits de présentation et de nomination aux évèchés et aux benétices consistoriaux ne seraient approuvés qu'avec l'assentiment des deux tiers des cardinaux ; cette disposition, malheureusement, ne put préva- loir dans la pratique. 11 révoqua, pour cause d'abus, un privi- lège accordé au duc de Mantoue. 11 ül publier en la renforçant, malgré le mécontentement des princes, la bulle la cœna Dummi (tome V, § 239, YP période, ch. u), qui devait demeurer en vigueur jusqu'à ce qu'un nouveau décret eût été rendu par le Saint-Siège ; il renouvela cette prescription du quatrième concile de Latran, qu'un médecin ne pourrait pas visiter pendant plus de trois jours un malade qui ne recevrait point les sacrements. Il défendit qu'aucun domaine du Saint-Siège fût donné désor- mais en fief, déclara que ceux qui conseilleraient de le faire encourraient l'excommunication, et il fit signer la bulle par tous les cardinaux, il restreignit les indulgences et les dispenses, abolit une foule d'abus, et réforma la Péniteucerie.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 278.

Catechismus Rom, ad parochos, ex decreto Conc. Trid, ad edil princip. Maïuitianam an. 4 366, éd. Eiitter, Vralisb., 1837 ; Rom., 184Ö. Ce Catéchi;;me lut rédigé par le dominicaiu François Forerius, aidé par Leonardo Mariui, archevêque de Lanciauo, et Gilles Fuscarius, de

624 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Modène. Cf. Antonin. Reginald., Ord. Pr., de Catechismi Rom. aucto- ritate, in Natal. Alex. H. Ec, Suppl., t. I, p. 346 et seq., ed. Bing., 1790. Const. Quod u Nobis, 9 juillet 1568, dans les éditions du Bré- viaire; const. Quo primum, 14 juillet 1570, dans les éditions du Missel romain. Sui' la clôture des religieuses: const. Pastoralis, 1566. Appro- bation des réguliers par l'évêque : const. Romani, & août 1571 : Bull. Rom., IV, 111, p. 177. Résidence et devoirs des pasteurs : const. Cum alias, 10 juin 1506, et Cupientes, 8 juillet 1566: Bull., IV, n, p. 303; IV, III, p. 24. Collation du droit de nomination et de présentation : const. IV, Pro debHo justitiae, 19 jauv. l.o66 : Bull., éd. Taur., VII, p. 427 et suiv. Retrait du privilège pour Mantoue : Riganti, in reg. I Cancell. ap., t. I, p. 211, n. 33. Bulla In cœna Domiiii : Hausmann (VI, 227), p. 95 et suiv., 101. Sous Paul III, elle avait 17 cas; sous le successeur de Pie V, 21. Remise en vigueur du IV concile de Latran, c. XXII, de Pœnit. et Remiss., in const. Sup7'a gregem dominicum ; Bull. Rom., IV, II, p. 281 (rappelé par Benoit XIII, 1725). Contre l'aliénation des domaines pontificaux : const. Admonet nos, 29 mars 1567 :Bull., II, 236. Réforme delaPénitencerie : const. cxxviii. In omnibus, 18 mai 1569, et cxxix, Ut bo7ius Pastor, eod. d : Bull., éd. Taur., VII, 746, 750; Phillips, K.-R., VI, §.315, p. 520.

Influence de Pie V sur les États catholiques. Victoire sur les Turcs. Mort de Pie V.

279. Le pontificat de Pie V fut l'ère culminante de la restau- ration religieuse. Les États catholiques comprenaient combien ils avaient besoin d'être soutenus par l'Église et unis entre eux. Pie V réalisa ce que Pie II avait inutilement tenté : une expédi- tion contre les Turcs, qui dominaient alors sur la Méditerranée et dans ses îles, et menaçaient l'Italie. Chassés de Malte eu 1565, non sans difficulté, ils se disposaient maintenant à attaquer Chypre avec des forces redoutables. Pie V représenta vivement aux princes catholiques le danger qui les menaçait, et proposa aux Vénitiens et aux Espagnols de s'allier contre les Turcs. Il aplanit toutes les difficultés, fournit lui-même des vaisseaux et des soldats, mit à la tête de ses troupes le vaillant Marc-Antoine Colonna, et fit nommer don Juan d'Autriche général en chef (11 juin 1570). Ce fut lui qui procura l'heureuse bataille de Lépante (7 octobre 1571), dont il avait prévu le succès. 11 appuya par des secours en argent l'infortunée Marie Stuart, reine d'Ecosse, et plus tard s'intéressa vivement à sa délivrance ;

LE CATHOLICISME. 625

il envoya à Charles IX des troupes contre les huguenots, et il aida PhiUppo II dans les Pays-Bas.

Pie V, malgré toute l'activité qu'il déployait au dehors, rem- plissait avec éclat les fonctions rehgieuses, et il exerçait lui- même dans les hôpitaux les œuvres de miséricorde. Quand il sentit que sa fin était proche, il visita encore une fois les sept églises, afin de prendre congé d'elles avant de commencer le voyage de l'éternité ; il baisa trois fois les derniers degrés de la Scala satila, et mourut saintement, comme il avait vécu (1" mai 1572). II fut béatifié par Clément X, cent ans après sa mort (1672), puis canonisé par Clément XI.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 279.

Attaque de Soliman contre les Maltais, et victoire de ceux-ci avec l'aide de Pie V : Rayn., an. 1565, n. t , 8 et seq., 13; Alb. Guglielmotli, 0. Pr., Marc Antonio Colonna alla battaglia dlLepanto, Firenze, 1862; la Guerra dei pirati e la Marina pontificia dal 1500 al 1560, Fir., 1876, 2 vol. (du môme,) Storia délia marina pontiticia nel medio evo, 728- 1499); G.-B. Carinci, Lettere di Onorato Gaetani, capitan generale délia l'anteria pontiticia nella battaglia di Lepanto., Roma, 1870; Rayn., an. 1571.

Grégoire XIII.

280. A. Pie V succéda Hugues Buoncompagni, de Bologne, juriste renommé. Marié d'abord, il était entré dans la cléricature, avait été envoyé à Trente (1 555) par les abréviateurs de la chancel- lerie pontificale, nommé cardinal (1565) et légat en Espagne par Pie IV. Il était alors âgé de soixante-et-onze ans, et prit le nom de Grégoire XIII. S'il avait eu autrefois la réputation d'aimer les plaisirs et de s'adonner aux affaires du siècle, il suivit cependant la voie des réformes ouverte par ses prédécesseurs et continua leurs entreprises grandioses. Il était de plus irré- prochable dans ses mœurs et d'un noble caractère. Il nomma le fils qu'il avait eu de son mariage, Giacomo, châtelain du fort Saint- Ange et gonfalonier de l'Église ; mais il ne l'éleva pas plus haut et sut le contenir dans ses limites, tandis que Venise le reçut parmi sa noblesse et que le roi d'Espagne lui envoya des distinctions. Il nomma cardinaux deux de ses neveux méritants, et défendit à uu troisième de paraître devant lui.

V.— HIST. DE l'église. 40

626 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

Son frère se plaignait que l'élévation de Hugues lai fût plus nuisible qu'utile.

Grégoire aimait le faste, mais seulement pour relever la splendeur de l'Église et la magnificence des temples. Son prin- cipal effort était d'établir un enseignement irréprochable sous le rapport de l'orthodoxie, do favoriser la science catholique et de confier les charges de l'Église aux hommes les plus capables dans tous les pays : aussi avait-il des listes particulières, et à chaque proposition qui lui était faite, il prouvait qu'il était bien renseigné. Il fit adopter les décrets de Trente aux cantons catholiques de la Suisse, publia plusieurs ordonnances salu- taires, institua une congrégation particulière pour les affaires des évêques, et organisa avec soin la congrégation de l'Index, établie par Pie V.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE 280.

Ciappi, Compend. délie attioni e s. vita di Greg. XIII, Roma, 1591, 1596, in-40; MafTei, degli Annali di Greg. XIII, P. M., Roma, 1742, 2 vol. in-4'' ; Ranke, Rœm. Paepste, I, p. 419-442. Congreg. super negoliis episcoporum : Phillips, K.-R., VI, § 328, p. 039 et suiv. Con- greg. Indicis const. Ut pestiferarum, 1572 : Analecta juris pontificii, n. 39, col. 2256; Phillips, § 324, p. 608 et suiv.

Grégoire XIII augmente et améliore les établissements d'ins- truction ecclésiastique. Correction du calendrier. Édition du « Corpus juris canonici ». Institution des non- ciatures.

281. Grégoire XIII déploya une activité prodigieuse pour créer de bons établissements d'instruction et pour en assurer le succès. On lui doit la fondation du magnifique collège romain, dirigé par les jésuites; on y compte vingt salles de cours et trois cent soixante cellules pour les scolastiques. Quand on en fit l'ouverture, des discours furent prononcés en cinquante langues. Il releva avec une royale magnificence le collège ger- manique fondé par saint Ignace, approuvé et doté par Jules III, mais laissé sans revenus par Paul IV ; il lui donna le palais de Saint-Apollinaire, le couvent do Saint-Sabas avec les revenus de Saiut-Étieujie sur le mont Céiius, et lui assigna 10,000 scudi sur la Chambre apostolique. On peut donc le considérer comme le vrai fondateur de cet établissement, d'où sortirent un pape (Grégoire XV), vingt-huit cardinaux, six princes électeurs,

LE CATHOLICISME. ü27

quarante archevêques, deux cents quatre-vingts évoques, cent six évèques in partibus, quarante-six abbés et généraux d'ordres, et onze martyrs.

Le 13 avril 1580, Grégoire XIII réunit au collège germanique le collège hongrois fondé par lui en 1577. Il trouva également des ressources pour doter des collèges à l'usage des Anglais et des Irlandais, des Grecs, des Maronites et des Juifs. Il soutint de sa cassette les séminaires de Vienne et de Gratz, et releva le séminaire romain. Sa générosité en faveur des établissements d'instruction s'étendait bien au delà des limites de ses États.

Grégoire XIII a rendu d'importants services par la correction du calendrier qui a reçu son nom. Depuis 325, l'ancien calen- drier Julien était en retard de dix jours. Il avait été souvent question de le corriger depuis le concile de Constance, et le concile de Trente avait exprimé le désir que cette œuvre fût entreprise : le besoin s'en faisait vivement sentir. Le Calabrais Luigi Lilio, médecin et astronome, avait indiqué une méthode simple pour remédier à cet inconvénient.

En 1577, Grégoire XIII institua une commission et demanda l'avis d'un grand nombre d'universités sur un projet émis en 1581, auquel avaient principalement travaillé le jésuite Christophe Clavius, de Bamberg, et le savant cardinal Guillaume Sirlet. Quand les cours catholiques eurent approuvé le calendrier revisé, le pape le fit solennellement connaître en 1582. On retrancha dix jours à partir du 4 octobre, et l'on passa immé- diatement au 15 octobre. Chaque quatrième année serait bis- sextile. Sur quatre cents ans, les dernières années des trois premiers siècles ne seraient pas bissextiles, mais seulement celle du quatrième siècle, dont le millésime est divisible par quatre.

Quelques savants, même à l'université de Paris, résistèrent quelque temps ; les protestants rejetèrent la correction du pape jusqu'en 1752 et même quelques uns jusqu'en 1775; les Grecs et les Russes schismatiques, persuadés qu'elle portait atteinte au premier concile de Nicée et àla célébration de la Pàque, l'ont re- poussée jusqu'au temps présent. Grégoire XIII rendit d'au- tres services en donnant une édition corrigée du recueil du droit canon (1582), auquel il avait lui-même travaillé sous son prédécesseur , comme l'un des savants choisis pour cet objet [correc tores romani), puis en fondant des

628 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

nonciatures permanentes, d'abord à Vienne (1581), à Cologne (1582), puis à Lucerne, Bruxelles, Madrid, etc.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 281.

Cordara, S. J., Hist. Coll. Germ. et Hung., Rom., d770, in^". Col- lège germanique à Rome : Bist. -pol. El., t. IX (1842), p. 236 et suiv.; t. XXVI (1850), p. 529 et suiv. Pierre d'Ailly fut occupé à Constance, en 1417, de la correction du calendrier (Mansi, XXVIII, 370-381; Héfelé, Conc, VII, p. 306); puis Sixte IV, qui manda à Rome dans ce but l'astronome Jean Müller Regiomontauus (1473), lequel y mourut l'année suivante (Janssen, Hist. du peuple allem., I, p. 112, en allem.), et enfin Léon X. En 1513, au cinquième concile de Latran, l'évêque de Fossombrone en lit ressortir la nécessité, et Richard Cervino, père de Marcel II, y travailla sous ce pape (Vita di Marcello II, scritta di propria mano dal Sgr. Aless. Cerv. auo fratello, Alban,, n. 157; Ranke, III, p. 296). Grégoire XIII, const. Inter gravissimas, 13 févr. 1582; Lunig, Spicil. eccl., I, 522; Clavius, de Kalendario Greg., Romae, 1603; Mogunt., 1612; 0pp. matbem., t. V; Ideler, Hdb. der Chronol., II, p. 303 et suiv., 32o ; Héfelé, Conc, I, p. 318 et suiv.; F. Kaltenbrunner, Vorgeschichte der Greg. Kalenderreform, Vienne, 1876, und die Polemik über die Greg. Kalenderreform, Vienne, 1878. Déclaration de quelques docteurs de Paris, 1582 ; du Plessis d'Arg., II, I, p. 453-459. Sur les Grecs, voy. ci-dessous, § 336. Sur les correc- teurs romains : Phillips, K.-R., IV, § 181, p. 195 et suiv.; § 187, p. 344 et suiv.; § 189, p. 373. Nonciatures, ibid., VI, § 338, p. 740.

Protection aocordée .aux hommes de mérite. Insuccès po- litiques.

282. Grégoire XIII avait groupé autour de lui des hommes distingués et d'une orthodoxie à toute épreuve : c'étaient le datairo Contarelli, les prélats Frumento et Corniglia, François de Tolède, prédicateur intrépide. Il fut moins heureux dans ses entreprises politiques. Il ne parvint pas à réunir les princes dans une démarche commune contre Elisabeth et contre les Turcs. Venise fit la paix avec ces derniers, et l'Espagne conclut un armistice. Les finances pontificales furent boulever- sées par des œuvres grandioses en faveur de l'Église; par les subsides considérables que le pape envoya à l'empereur, à Charles IX, roi de France, et aux chevaliers de Malte; par la générosité incomparable de Grégoire, qui employa deux mil-

LE CATHOLICISME. 629

lions de scudi, uniquement pour venir on aide à des étudiants pauvres.

A la fin de son règne, si heureux d'ailleurs pour les États de l'Église, grâce à la suppression des privilèges et des inféoda- tions, il y eut un grand mécontentement, provoqué surtout par la noblesse indigène, qui réclamait ses anciennes prérogatives. Grégoire, déjà affaibli et fatigué de la vie, élevait avant de mourir ses regards vers le ciel et s'écriait dans l'impatience de ses désirs : « Vous vous lèverez. Seigneur, et vous aurez pitié de Sion. » Il fut effectivement réservé à son successeur de rétablir l'ordre et la prospérité dans les États de l'Église, sans renoncer à ses grandes entreprises religieuses.

OUVRAGES A CONSULTER SUR LE N" 282.

Baron. Possevin., ap. Ciacconi, Vilee Rom. Pont,, IV, 37 ; Ranke, I, p. 420-437; III, p. 331 et suiv.

Sixte-Quint. Services rendus aux États de l'Église.

283. Ce successeur, sorti de la plus basse condition, fut Félix Peretti, cardinal de Montalto, le 18 décembre 1521, dans la Marche d'Ancône. Dénué de toutes ressources, il fut élevé dans un couvent de franciscains, et monta de degré en degré, grâce à ses travaux, à son application et à son activité. Il devint vicaire général de son ordre sous Pie V, cardinal et évêque de Sainte- Agathe en 1570, puis évêque de Ferme. Il avait vécu dans la retraite, l'économie et le travail, édité les œuvres de saint Ambroise en 1580, et montré beaucoup d'énergie et d'em- pire sur lui-même. Il prit le nom de Sixte V, en souvenir de Sixte IV, qui avait appartenu à son ordre.

Les premiers objets de sa sollicitude furent le rétablissement de l'ordre dans les États de l'Église, l'extirpation des bandits, qui avaient pris une grande influence dans les derniers temps do son prédécesseur ; l'administration sévère de la justice. Sixte Quint, pour le commandement, réussit dans une année à faire des États de l'Église le pays le plus sur de lEurope à cette époque. Il établit un ordre précis dans l'administration ; plein de douceur et de ménagements dans ses lois générales, il était inexorable quand il s'agissait de les faire exécuter. Les sciences,

630 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

ruinbellissement de Rome furent aussi l'objet de ses soins particuliers : il fonda à Bologne le collège de Moatalto, destiné à recevoir cinquante écoliers de la Marche d'Ancône ; il agrandit la bibliothèque du Vatican, et fit construire un édifice magni- fique pour la disposer dans un meilleur ordre ; il établit une nouvelle et vaste imprimerie, pour publier des éditions amélio- rées des conciles et des Pères de l'Église.

Ouatre obélisques, qui gisaient depuis des siècles parmi les décombres, l'un amené d'Egypte à Rome par Caligula, et haut de cent vingt-quatre pieds (aujourd'hui devant l'église Saint- Pierre), furent érigés. Saint-Pierre vit achever sa coupole, uni- que dans le monde. Toutes les entreprises architecturales de ce pape furent des œuvres prodigieuses ; les antiquités païennes furent adaptées aux idées chrétiennes. Plusieurs de ses construc- tions furent appliquées à des œuvres do bienfaisance et d'utilité générale ; par exemple, ses aqueducs {y aqua felice, sur le Quiri- nal, qui alimente vingt-sept fontaines), l'escalier commencé par lui sur la place d'Espagne, de nouvelles rues et des quar- tiers nouveaux (viaFelice, borgoFelice), l'hôpital du Pont-Sixte pour deux mille personnes.

Sixte-Quint encouragea puissamment l'agriculture et l'indus- trie; ce qui ne l'empêcha pas de faire de grandes économies dans les finances, d'augmenter les revenus del'ßtat et de remplir ses coffres. En avril 1586, il avait déj<i amassé près d'un million do thalers d'or ; en novembre 1587, il en avait deux ; en avril 1588, trois. Il déposa chacun de ces millions au château Saint- Ange, et recommanda à ses successeurs de les employer consciencieu- sement et dans des circonstances déterminées, notamment dans les calamités générales.

OUVHAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 283.

Robardi, Sixti V Gesta quinquennalia, Roinge, 1590, in-i* ; Greg. Leti, Vitadi Sisto V, Losunna, 1669, 2 1., puis 3 1. ; en français, Par., 1702, 2 t. (il lit usage d'un très mauvais manuscrit : Detti et Fatti di papo Sisto V, de la biblioth. Corsini., et ne montra aucune critique). Ouvrage beaucoup plus solide : C.Tempesti, 0. S. Fr., Storia délia vita e geste di Sisto V, lloni, 17Jö, 2 t. iu-i-", F.orontz, Sixtus V und seine Zeit (il suit Leti trop de près). On trouve de nombreux matériaux dans Ranke, I, p. 437-481 ; il renvoie à Vita Sixti V ipsius manu emendata (MS. bibl. Allieri, R. III, p. 327) c. 1587, et aux Memorie autogr. de la

LE CATHOLICISME. 631

bibl. Chigi, n. 111, 70 (ibid., 111, p. 324),; à une biographie latine, Sixtus V, Pont. Mas:., dans la bibl. Altieri, 80 feuillets (ibid., p. 328 et saiv.) ; aui Memorie (bien écrits) del pontificato di Sisto V, Alt. XIV, a. IV f. 480 feuillets (voy. 333 et suiv.). Guido Gualterius de Sangeno, Vita Sixti V, bibl. Alt. (p. 334 et suiv.); Galesini, Vita Siiti V, Valic, 5438, et Vita anon., Vat. 5563 (ibid., p. 336 et suiv.). On doit une excellente monographie au baron de Hubner : Sixte-Quint, Paris, 1870, 3 vol.; en allem., Leipzig, <871. Voy. encore Feuil. hist. et polit., t. IX, p. 235 et suiv., 293 et suiv. Sur sa sévérité, voy. Ranke, I, p. 446-449; sur les relations des État de l'Église, ibid., p. 378 et suiv.; sur ses constructions, p. 475 et suiv.; sur ses économies, p. 460-469. Const. Ad clavum,'2.[ avril 1586 : Bull., éd. Coquelines,IV, iv, p. 206.

Relations de Sixte-Quint avec les Etats voisins, avec ses compatriotes et ses proches. Nouvelle édition des Sep- tante. — Lois ecclésiastiques. Mort de Sixte-Quint.

284. Sixte-Quint établit de bonnes relations avec les États du voisinage, respecta les prérogatives légitimes, et fut appuyé dans les mesures qu'il prit à cet égard. La Toscane et Venise étaient pacifiées ; l'Espagne lui était entièrement dévouée. II dressa des plans gigantesques, principalement pour la destruc- tion de l'empire des Turcs, la conquête de l'Egypte et de la Palestine, sans oublier sa propre patrie. Il rendit aux Anconi- tains leurs anciens privilèges, institua à Macerata une cour de justice pour toute la province, érigea Montalto en évèché et Fermo en métropole, nomma cardinal son neveu Montalto, et conféra à son frère Michel la dignité de marquis, sans toute- fois leur laisser une trop grande influence. Il accordait volon- tiers des privilèges, mais sans blesser la justice.

Après avoir donné des lois à ses provinces, il en édicta pour l'Église elle-même : il éleva le nombre des cardinaux à soixante- dix, dont six évêques, cinquante prêtres et quatorze diacres, et traça des règles précises pour éliminer les indignes, mais sur- tout pour prévenir le népotisme.

Sixte-Quint réorganisa les autorités pontificales, établit une congrégation pour les affaires des réguliers, et fonda de nou- velles congrégations, dont il régla Tordre des affaires. Outre l'Inquisition et la congrégation de l'index, il institua les con- grégations du Consistoire et des Rites, détermina la compétence

632 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

(le la congrégation da Concile (de Trente), déjà agrandie par Pie V, et il établit des autorités dans les États de l'Église. Il fit préparer d'après un manuscrit du Vatican une édition corrigée des Septante, qui fut terminée en 1587. Elle servit en même temps de travail préparatoire pour la correction de la Vulgate, à laquelleSixte-Quint mit personnellement la main, non pas tou- jours d'une manière heureuse. Il promulgua des ordonnances sévères contre l'avortement, contre le mariage des eunuques et des hermaphrodites, contre la collation des ordres sacrés aux criminels et aux débiteurs ; il exigea des évêques qu'ils fissent le voyage de Rome et rendissent compte de leur administration à des époques déternjinées ; il donna des prescriptions détaillées sur une foule de questions ecclésiastiques. Ce remarquable pon- tificat ne dura que cinq ans. Sixte-Quint mouriitle 27 août 1590, auQuirinal, au moment un oragesedéchaînait sur cet édifice. Ses taxes onéreuses et la réapparition des bandits avaient aigri le peuple ; la statue qui lui avait été érigée, fut abattue à la suite d'une émeute, et il fut décidé au Capitule qu'aucune statue ne serait plus élevée de son vivant à aucun souverain.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N'' 284,

Ranke, I, p. 458; II, p. 198-215. Gonst. sur les cardinaux, Postquam verusille, 3 déc. 1586, et RolUjiosa sunctorum, 1587 : Bull. M., IV, iv, p. 279, 296; Phillips, VI, § 285, p. 227 et suiv. Organisation des con- grégations : const. Immensa œterni, H fév. 1588; Bull. R., loc. cit., p. 392 et seq.; l'hillips, § 319, p. 561 et suiv.; Ranke, I, p. 450; Hübner, II, p. 45 et suiv. L'édition des LXX (1587) eut pour collabora- teurs les cardinaux Caraffa, Fulvio Orsini, Canon. Later., Lœlius (plus tard évoque de Narni), A. Agellius , R. Bellarmin , Pierre Morin, l'Espagnol Valverde, l'Anglais Allen, Antoine Aquinas (plus tard archevê- que de Tarcnte); l'édition de la Vulgate : les cardinaux Caralfa et Sirlctï Marian Victorius, évèque de Reate, B. Paulin, 0. Pr., Emmanuel Sa S. J. Ungherelii, CoUatio Vulgat. lat. edit correctionum per SixtumV, Greg. XIV et Clem. VIII, prœstitarum, dans les Annali délie scienze religiöse, 1837, vol. IV, n. 10-12; Kaulen, Gesch. der Vulgatu, p. 444 et suiv. Lois ecclésiastiques : const. Effrenatam, 1548; Quwn fréquenter, 1587 (Conc. Trid., éd. Richter, p. 555 et seq.)'; Quum de omnibus, ooi. 1588 (Bull. Rom., IV, iv ; Romanicn Po7iti f ex, XWl Kal. Jan., 1585 (ib., p. 173): Phillips, II, §82, S. 206, et suiv. Mort du pape ; Ranke, II, p. 217.

LE CATHOLICISME. 633

Les papcM depuis 150O Jusqu'en 1655.

Urbain VII. ^ Grégoire XIV. Innocent IX. Clément VIII

285. Les trois papes suivants ne régnèrent que fort peu de temps. 1" Urbain VII, l'ancien cardinal J.-B. Castagna, réputé très favorable à l'Espagne, mourut avant son couronnement. 2" Grégoire XIV, ci-devant cardinal Sfondrate, fut élu le 5 décembre 1590, après de longs débats dans le conclave : cœur noble et virginal, il prit une foule de mesures salutaires, mais ne régna que dix mois et dix jours. Innocent IX, Jean- Antoine Fachinetto, déjà âgé et infirme, ne régna que cinq mois. On nomma ensuite (20 janvier 1592), quoique le cardinal Santonio di Sanseverinoeùt d'abord plus de chances, le cardinal Hippolyle Aldobrandini, qui monta sur le siège de Pierre sous le nom de Clément VHI. NéàFanoen 1535, dans le pays de Flo- rence, il avait été membre de la Rote, cardinal sous Sixte-Quint et légat en Pologne. Dans trois conclaves, l'Espagne avait demandé son exclusion, parce que son frère, étant au service du pape, avait déplu à cette cour.

Clément VIII déploya une activité exceptionnelle : le matin il tenait des séances, l'après-midi il donnait des audiences ; il revoyait lui-même toutes les expéditions et il était infatigable au travail. Sa vie était exemplaire; il avait pour confesseur le pieux Baronius. Lui aussi publia divers règlements pour amé- liorer la discipline ; il défendit la confession par lettres et par tierces personnes, revisa le bréviaire, fit publier une nouvelle édition delà Vulgate( 1592), corrigée par une commission, etsup- prima cellede Sixte-Quint. Il choisit pour cardinaux les hommes les plus distingués, Daronius, Bellarmin, Tolet, Ossat, Duper- ron, et s'adonna tout entier à ses hautes fonctions, dont l'idée inspirait tous ses actes et toutes ses démarches. Ce ne fut que dans les derniers temps et dans un âge avancé qu'il confia un grand nombre d'affaires à son neveu, le cardinal Pierre Aldobrandini.

On remarque parmi les événements importants de son pon- tificat : la réconciliation du roi de France, Henri IV, avec le Saint-Siège (1595) ; la négociation de la paix entre l'Espa- gne et la France à Vervins (2 mai 1598), et plus tard entre la

C3i HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

France et la Savoie, le pape joua de nouveau un rôle poli- tique important ; le recouvrement du fief de Ferrare, qui devait faire retour au Saint-Siège après la mort d'Alphonse II, duc d'Esté ; A" l'exécution de la fameuse Béatrice Cenci et de ses complices, pour cause de parricide (11 septembre 1599); 5" l'éta- blissement d'une congrégation particulière pour les contro- verses sur la grâce ; la célébration du grand jubilé (1600), qui amena dans Rome trois millions de pèlerins.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 285.

Tria Gonclavia seu hist. narrationes de Urbano VII, Greg. XIV, etc., Francof, 1617 , in-4° ; L. Arrigho, Vita Urbani VII, Bonon., 1614 ; Ranke, II, p. 217-226. Urbain VII et Innocent IX avaient assisté au concile de Trente, et avaient été très vantés par les légats (Pallav., XI, ii, 11). Grégoire XIV, en 1591, délégua pour la revision de la Vulgate les car- dinaux Colonna(rainé); Aug.Valerio, de Vérone ; Rovère, de Sarnano, et onze consulteurs, parmi lesquels Rellarmin, Tolet, Ange Rocca, 0. S. A; Barthél. Miranda, maître du sacré palais. Plus tard, à Zagorolo, les cardinaux Colonna et Allen, avec huit consulteurs, se chargèrent seuls de l'entreprise. Le travail achevé fut revu une dernière fois par Tolet. Innocent IX ne put exécuter en personne son noble dessein. Il nomma deux cardinaux ; Philippe Sega de Bologne, évêquo de Plai- sance, et Antoine Fachinetto, son neveu (Ranke, II, p. 234-236). Sur l'édition de la Vulgate, voy. Kaulen, op. cit., p. 406 et suiv. Défense de la confession par écrit: Bull. M., éd. Cherubini, III, 123. Autres dé- tails dans Wadding, Vita Clem. VIII, Rom., 1723 ; Joh. Palat., Gesta Pontif.,IV. 445 et seq. Const. dans le Bull. M. Rom., III, p. 1-170. Sur les négociations de paix entre la France et l'Espagne, et entre la France et la Savoie : Mémoires d'Aiigouiême, chezDidot, 1756, t. I. p. 131-363; Ranke, II, p. 306-308 ; recouvrement de Ferrare : Ranke, II, p. 256-279. Béatrice Cenci : A. Torrigiani, Clem. VIII, e il Processo criminale délia B, Cenci Fir., 1872, A. Bertolotti Francesso Cenci e la sua famiglia, Fir., 1877. Sur la Congreg. deAuxihis, ci-dessous, § 394.

Léon XI. - Paul V.

286. Clément VIII mort (5 mars 1605), il fut question de lui donner pour successeur le savant et pieux lîaronius ; mais l'Es- pagne y fit opposition. Le nouvel élu, le cardinal Alexandre- Octavion Médicis, parent do la reine de France, ne régna que vingt-six jours, sous le nom de Léon XI. Le sentiment de sa

LE CATIIOLICISMK. 635

dignité et dos embarras qui l'entouraient brisa ce qui lui res- tait de forces. Le 16 mai 1605, le Romain Camille Borghèse était élu. Tour à tour avocat, vice-légat à Bologne, auditeur de la Chambre, vicaire dn papo, légat en Espagne, Borghèse s'était signalé par son habileté dans les affaires et sa connais- sance du droit, non moins que par sa piété. Paul V, c'est le nom qu'il prit, avait une démarche majestueuse, parlait peu, agissait beaucoup, et montrait un grand zèle pour la correction des mœurs du clergé. Sous son règne, la magnifique église de Saint-Pierre fut achevée, la bibliothèque du Vatican enrichie, la ville de Rome et plusieurs églises embelUes, l'adoration perpé- tuelle du Saint-Sacrement introduite, ou plutôt les prières des Quarante Heures, déjà réglées en 1592 sous Clément VllI, furent réorganisées. 11 supprima plusieurs privilèges dos régu- liers, notamment par rapport à l'Inquisition, prit des mesures rolativoment aux procédures de la Rote et au vicaire do la ville de Rome, et s'occupa activement des missions.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE 286.

Hier. Beraabei ;Orat., Vita naronii, Ronise, 1651 ; R. Alberici (Or.) de Vita et scriplis Baron., Rom., 1759; Ranke, Rœm Pœpste, II, p. 312, notices sur les sources : Laemmer, Z.-K.-G., p. 17, Analecta Rom. p. 47et suiv., 65 et suiv.; 139 et suiv., Bzovii Vita Pauli V, Roma, 1625 etseq. ; .Moroni, Diz. t. LI p. 133 seq. sur Paul V. Bullar.; ed.Gherubini, t. III, p. 1D8 et seq., Cont., t. X, p. 175. Sui" le Vénitien Mucenigo, 1612 ; Rauke, III; p. 368 et suiv. Sur les prières des Quarante Heures à Rome, voy. Clem. VIII, const. Graves, 25 nov. 1592 : Bull., ed, Taur., IX, p. 644-646. Contre les privilèges des réguliers, const. 26, Romanus Pontifex, de PaulV : Bull. Rom., III, m, p. 238. Sur la procédure, const, 13'J Universi agri, ib., V, iv, p. 23. De vicario urbis. Const. Altitudo 1605, Bull., III, p. 208.

Luttes de Paul V avec Venise.

287. Un grave démêlé s'éleva entre PaulV et la république de Venise. Outre différentes contestations relatives aux frontières de Ferrare,aux dîmes du rlergé et aux exemptions des bénéfices, une autre querelle éclata dans Toccasion que voici : la république de Venise, au mépris do l'immunité ecclésiastique, qui était en vigueur daus son propre territoire, avait incarcéré deux clercs

636 HISTOIRE T)E l'ÉGUSE.

sans en informer le pape, et elle laissait subsister deux lois hos- tiles à l'Église. Ces lois mettaient de grands obstacles à l'éta- blissement de nouveaux hôpitaux et couvents, à la construc- tion des églises, à la création de nouveaux ordres, à la forma- tion des confréries, et défendaient à l'Église d'acquérir des biens-fonds sans l'agrément du pouvoir civil.

Paul V réclama, par l'ambassadeur de Venise et par son nonce, le retrait de ces lois et l'élargissement des deux ecclésias- tiques. Il rencontra une résistancesi opiniâtre que le 17avril 1606 il lança un monitoire il menaçait le doge et le sénat de l'ex- communication et le pays de l'interdit. Le doge (6 mai) traita le monitoire d'empiétement injuste sur l'autorité civile et les franchises de la république, défendit sous peine de mort de le publier et d'observer l'interdit, et il essaya parla force de faire continuer l'office divin. La plupart des ecclésiastiques cédè- rent ; mais les jésuites, les capucins, les théatins et les mini- mes se soumirent au pape et durent quitter le territoire de Venise. Bellarmin, Baronius et Fagnan soutinrent la cause du Saint-Siège ; Paul Sarpi, esprit venimeux et rancunier, se fit le défenseur de la république.

Les protestants répandaient leurs Bibles dans Venise et entre- tenaient l'animosité contre lo pape. Tandis que la cour d'Espa- gne offrait au pape des troupes milanaises contre l'arrogante république, Henri IV, roi de France, essayait de concilier les deux parties : il négocia simultanément avec Rome et Venise, et fit si bien, que Paul V donna, le 22 mars 1607, plein pouvoir de lever les censures, si Venise acceptait les conditions arrê- tées. Les ecclésiastiques piisonniers furent remis au cardinal de Joyeuse (21 avril), les décrets contre l'interdit levés, les deux lois suspendues et les Vénitiens absous. Il n'y avait plus de dif- ficultés que pour la réintégration des jésuites ; mais leur géné- ral, Aquaviva, demanda lui-même que la paix ne fût pas subor- donnée au rétablissement de l'ordre dans Venise. Les autres religieux exilés furent libres de rentrer dans Venise ; mais les jésuites, à cause de leur obéissance rigoureuse au pape, durent attendre jusqu'en 1657.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LK 287.

Sandi, Hist. civ. Venel., III, 1104 et seq.; Novaës, Vitae Pontif., ÏX,

LE CATHOLICISME. 637

p. 92 et seq.; Muratori, Annali d'Italia, aa. 1606; Natal. Alex., H. E., Suppl., t. II, 9 et seq. ; Daru, Hist de la républ. de Venise, Paris, 1821 , IV, 170 et seq. 258et seq.;IArtaud, Hist. des souver. pont., V, 250-234; Ranke, II, p. 354; III, p. 281. Mon ouvrage : Kath. Kirche, p. 721-725. Moniloire de Paul V : Bull., X, p. 173; Hoscovany, Monum., III, p. 87-90, n. 440; Prosper Fagnan., de Juslitia et Validitate censurarum Pauli V in rempubl. Venet., Roma;, 1607. Cf. Blanchi, t. II, lib. VI, § 1 1, n. 1 el seq., p. 610 et seq. On a de P. Sarpi : Istoria particolarc délie cose passate tra il Soramo Pontefiee Paolo V e la sereniisima Rep. di Vene- zia, Lione (fîinevra), 1634. Sur son avis, voy. Laimmer, Z.-K.-G., p. 49. Sur cette plainte que Sarpi pensa être assassiné par des ultramontains, voy. Civillà cattolica, n. 426, du 21 déc. 1867, p. 649 et seq. Sur les jésuites à Venise, Crélineau-Joly, IIist.de la Comp, de Jésus, III, p. 137 el seq., 141 et seq. ; Busz, jdie Gesellschaft Jesu, p. 973. Les documents publiés par Cappelletti, prêtre de Venise (i Gesuiti e la Rep. de Venezia, documenti diplomatici, Venezia, 1873), attestent simplement l'obéis- sance à l'ordre du pape et ne sont pas d'accord avec les réflexions de l'éditeur pour le reste: voy. Raccolta degli scritti uscitifuori in istampa e scritti a mano nella causa del P. Paolo V co' Signori Ven., Goira, 1607, in-4°; E. Cornet, Paolo V e la Rep. Veneta, giornale dal 22. octobre 1603 al 9 giugno 1607, Vieuna, 1858.

Grégoire XV. Règlement sur l'élection du pape. La Pro- pagande. — Secours fournis à l'empereur.

288. A. Paul V (mort le 18 janvier 1621), succéda (9 février) le cardinal Alexandre Luduvisi, de Bologne, archevêque de Milan, qui s'était élevé graduellement aux différents emplois ecclésiastiques. Grégoire XV était de petite stature, circonspect, courbé par les ans et maladif; mais il avait un zèle ardent pour les .intérêts religieux. Son neveu Ludovico, qui supporta en grande partie les frais de construction de la belle église de Saint Ignace, révéla dans la conduite des affaires de l'intelli- gence et de la hardiesse. Grégoire XV publia des ordonnances sur l'élection des papes : il décida qu'elle pouvait se faire p ir scrutin, par accession, par compromis, par acclamation ou par quasi-inspiration.

Dans le premier cas (le plus commun), les suffrages ne devaient pas être donnés de vive voix, mais par écrit, aûn que chaque cardinal fût plus libre d'agir selon sa conscience. Il éta- blit en outre la grande congrégation pour la Propagation de la

638 HISTOIRE DE l/ÉGLISE.

foi (Propagande) qui devait être le premier établissement chargé de travailler à la conversion des infidèles et au retour des dissi- dents. Déjà Grégoire XIII et Clément VIII en avaient fait les préparatifs, et le célèbre prédicateur Jérôme de Narni, de l'or- dre des capucins, avait travaillé pour cette œuvre. Le pape et son neveu lui consacrèrent des sommes importantes. Il mit des sommes considérables à la disposition de l'ompereur Ferdi- nand II, et quand les troupes impériales se furent emparées de Heidelberg (1622), il reçut en retour une partie de la bibliothè- que du prince électeur du Palatinat. Elle fut réunie à la biblio- thèque du Vatican. Dans la querelle entre l'ALutriche, l'Espa- gne et la France, relative à la Valteline, dans le canton des Gri- sons, le pape prononça en arbitre. 11 se montra très reconnais- sant envers l'ordre des jésuites, à qui il devait son éducation ; il canonisa son fondateur saint Ignace, ainsi que saint Fran- çois Xavier. En 1622, il érigea Paris en métropole.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 288.

Ranke, II, p. 454-456. Sur l'élection du pape, constitutions JEterni Patris et Decet Romanicm Pontificem, I62i : Bull. Rom., XII, 619 et seq. ; Phillips, K.-R., V, § 255, p. 846 et suiv. ; Cingoli, Ceremoniale ritus elect. Rom. Pont., Rom., 1621 ; Lunadoro. Relaz. délia Corte di Roma, ediz. V, Rom., 1824; Kopatsch, Erledigung und Wiederbesetzung des apost. Slulhes, Innsbr., 1843. Sur la Propagande, conslilutious Inscru- tabili, 1622 Romanum decet. Cum inter multiplices{ïin\l. Rom., V, v, p, 26, 28, 78) ; Apostolatiis officium, 1623 (ib., p. 112); Cumnuper, eod. an. (Bull. Propag. Rom. 1839, t. I, p. 26-30), Phillips, VI, § 338 p. 662 et suiv. Sur les travaux préparatoires, Coquelines, Prœf. ad Maffei Annal. Greg. XIII, P. V., Fr. Hicrothei Epitomc bist. rer. Franc, p 362; Cerri, État présent de l'Égl. rom., p. 289; Ranke, II, p. 456 etsuiv. ; Fabric, Lux salutar. Ev,, p. 566 et seq.; Bayer, Bist, congr. card. de prop. lide., Regiomont., 1670, in-4° Q. Mejer, die Propaganda., 2 vol., Gœtt., 1852- A. Theiner, Schenkung der heidelberger Bihl durch Ma.xim. 1, an P. Gregor XV, Munich, 1844. L'Instruction à Léon AUatius, qui alla chercher la bibliothèque pour l'emporter à Rome, a été réim- primée par Quade (1622), Baumgarteu et Gerdes (enlat.); mais cette traduction faite sur l'original italien, est tout à fait dénaturée et fautive (Rai)ke, III, p. 393 et suiv.) Décision au sujet de la Valteline et auto- rité du pape, ibid., II, p. 582 et suiv. Elévation de Paris à la dignité de métropole : const. 84, Universi, 20 oct. 1621. Bull., éd. Taur., XII, 750.

LE CATHOLICISME. G39

Urbain VIII.

289. Grégoire XV eut pour successeur en 1623 le cardinal Maffeo Barberini, qui prit le nom d'Urbain VIII (1623-164i). à Florence, en 1568, très instruit et ami des sciences, Urbain VIII se montra également habile dans toute sorte d'all'aires. Ses talents poétiques sont attestés par un recueil d'excellentes hymnes religieuses, par des vers et autres tra- vaux qu'il composait dans ses heures de loisir. Le bréviaire romain fut corrigé sous son règne et avec sa coopération per- sonnelle, ot introduit dans toute l'Église en 1643. Il agrandit les pouvoirs de la congrégation pour la Propagation de la foi, instituée par son prédécesseur; construisit pour elle (1627) un édifice spécial, avec un grand séminaire (appelé collegium urbanum) et une imprimerie pour les missionnaires. Il publia des ordonnances sur les procès de canonisation dans la congré- gation des Rites, et donna une grande attention aux questions liturgiques. Il publia en 1627 la bulle In cœ?ia Domini, dans la forme qu'elle a conservée en substance jusqu'à nos jours, sup- prima plusieurs jours de fête (1642), et restreignit leur nombre à trente-huit, non compris les dimanches; donna aux cardi- naux le titre d'Ëminence (1630), que possédaient déjà les princes électeurs ecclésiastiques et le grand maître de l'ordre de Saint- Jean. Dans le principe, cependant, il les consultait rarement.

Après lextinction de la maison de la Rovere (1631), il réunit le duché d'Urbino aux État^ de l'église, dans lesquels il ût de très nombreuses améliorations comme souverain temporel, en construisant des forteresses (Castelfratico), en fortifiant le châ- teau Saint-Ange, en établissant une fabrique d'armes à Tivoli, eu érigeant la ville de Civlta-Vecchia en port franc. Il n'ap- prouvait pas la politique espagnole-autrichienne, et tâcha de garder la neutraUté dans les grandes guerres de son temps, tuut en appuyant l'empereur lorsque les intérêts religieux étaient gravement menacés. Quand les Portugais, en 1640, secouèrent le joug de l'Espagne et élevèrent sur leur trône le duc Jean de Bragance, le pape se trouva dans une situation difficile : car l'Espagne était très influente en Italie, l'issue de l'événement incertaine, et dans le sacré collège les opinions

640 HISTOIRE DE l'ÉGLISE.

étaient partagées sur la question de savoir s'il fallait reconnaî- tre le nouveau roi. C'était reconnaître indirectement Jean IV que reconnaître les évêques nommés par lui ; c'est pourquoi le pape s'abstint. On ne blâmait dans Urbain VIII qu'un trop grand empressement à favoriser sa famille, qui allait pour cette raison se trouver dans une position difficile sous les pontificats suivants.

OUTRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUR LE N" 289.

Délia Viiadi P. Urbano VIII, par Andréa Nicoletti, MS. in-f°, 8 vol. Extraits dans Rauko, III, p. 433-441. Situation de la Vénétie, ibid. p. 423-427, 428-431 ; Vila auctore L. Wadding, Roma, 1628 ; Strozzi, Storia délia fam. Barberiui, Roma, 1640; Reumont Beitr. zur ital. Gesch. V, p. 117 et suiv. Bulles, au BuUar., éd. Chérubin, t. IV et v. Const. Immortalis Dei Filius, 1" aoiit 1627: Bull. Propag., 1, 65 et seq.; Phil- lips, VI, p. 666 et suiv. Sur la béatification et la canonisation, const. Sanctissimus, 1625 ; Post modum vero, eod. an. ; Cœlestis Ilierusalem, 1634; Sacrosancti, 1642 : Bull. Rom., V, v, p. 318, 387; VI, i, p. 412 et seq.; VI, ii, p. 321. Const. Pastoralis, i^" avril 1627: ib., VI, I, p. 40; mon ouvrage, p. 770-820; ibid., p. 712 et suiv. sur l'attitude d'Urbain pendant la guerre de Trente ans ; sur le titre Éniinence : Phillips, VI, § 21)1, p. 281. Mesures dans les États de l'Église, Ranke, I^, p. 537 et suiv.; Simonin, Sylvse Urbanianse, Antw., 1637.

Innocent X.

290. Le 16 septembre 1644, lecardinalJeanPamfili,do Rome, était exalté sous le nomd'InnocentX. Il fit instituer une enquête sévère contre les parents de son prédécesseur, à cause des nombreuses plaintes élevées contre eux et du vide qu'il trouva dans le trésor pontifical. Ils se réfugièrent en Franco, et obtin- rent, par l'entremise de la cour, que le procès serait abandonné, qu'ils rentreraient dans leurs fonctions et dans leurs biens. Innocent X, irréprochable dans ses mœurs, travaillait sans relâche, malgré ses soixante-douze ans. Seulement il accorda, lui aussi, trop d'influence ä ses proches dans les affaires du gouvernement, surtout à la veuve de son frère, Olympie Mal- dachini, de Viterbe, versée dans les affaires d'État et à laquelle il a\ait d'anciennes obligations, d'autant plus qu'elle avait apporté à sa maison une fortune considérable. Si pur que fût le pape dans ses mœurs, et malgré la bonne renommée do sa

LE CATHOLICISME. 641

belle-sœur, l'influence de celle-ci ne laissa pas d'indisposer les esprits et d'engendrer des querelles do famille.

Innocent X, du reste, avait fort à cœur le bon ordre et la tranquillité de Rome, la sécurité des personnes et des proprié- tés, la protection dos faibles contre les puissants. Le duc de Parme ayant confisqué les biens d'un grand nombre de veuves et d'orphelins et fait assassiner l'évèque de Castro, le pape procéda énergiquement contre lui ; Castro fut pris et rasé, le siège épiscopal transféré à Aquapendente et le duc obligé de souscrire à un accommodement conclu par l'entremise de l'Espagne, qui l'obligea de réparer une partie de ses fautes. Innocent X montra dans cette affaire de la vigueur, de la prudence et de la fermeté. Il maintint rigoureusement les droits de l'Église et la pureté de la foi. Seulement, il était inconstant dans ses faveurs, et les tristes expériences du passé l'avaient rendu soupçonneux dans sa dernière vieillesse. Il mourut le 5 janvier 1655, âgé de quatre-vingt-trois ans.

OUVRAGES A CONSULTER ET REMARQUES CRITIQUES SUB LE N" 290.

Rossteuscher, Hist, lanoc. X, Vitenb, 1674, in-4" (ouvrage médiocre.) Natal. Alex., H. EccI, Suppl., t. II, p. 34 etseq., e. Bing., 1791 ; Ranke, III, p. 38-49, 451-456. Lavita di Donna Olimpia Maldachini L. 1666, par Gualdi, d'après Gregoino Leli, parut en français en 1770, el fut tra- duite en allemand en 1783 ; elle a été utilisée par Schrœckh et autres : ce n'est qu'un roman insignifiant (Ranke, III, p. 450 et suiv.)

FIN DU TOME CINQUIÈME.

V. - HIST. DE l'Église. 41

TABLE DES MATIÈRES.

SIXIEME PÉRIODE. De Boniiaoe VIII jusqu'au commencement du XVIe siècle.

(SDITE.)

CHAPITRE II.

LA SCIENCE, l'aBT ET LA VIE RELIGIEUSE.

Les universités et la scolastique. Les universités en général . . l

L'université de Paris 3

Le réalisme et le nominalisme 4

Édit du roi contre les nominalistes. Le réalisme en Allemagne. 7 Théologiens des ordres religieux. Les franciscains, les domini- cains, les augustins, les carmes 8

Mesures contre les erreurs. - Pic de la Mirandole . - Raimond de

yébonde. Renaissance du thomisme 10

Les controverses théologiques. L'Immaculée Conception de

Marie. Théorie scotiste de l'acceptation 12

Controverse sur le tyrannicide 15

La mystique. La mystique en général. Gerson et la mystique.

Ruysbroek. Dernières années de Gerson 16

La « Théologie allemande ». Sociétés de mystiques. Tauler,

Suao, etc jg

Saints personnages des deux sexes 22

Morale et droit canon _ ai

L'humanisme. Les études classiques 26

Les humanistes en France et en Italie. Dante. Pétrarque.

Boccace. Chrysoloras. Traductions 27

Éclat des études classiques en Italie 29

L'imprimerie 3q

L'humanisme en Allemagne 31

Sociétés savantes en Allemagne 33

Erasme. L'humanisme en France, en Angleterre et en Espagne. 35 Situation de l'humanisme vis-à-vis de la théologie et de l'Église.— Attitude bienveülante de l'Église et des théologiens en face de

l'humanisme o^

Ecarts des humanistes . _ 3g

Lutte des humanistes et des théologiens.— Controverse de Reuchlin 40

Les études historiques. Travaux historiques

644 TABLE DES MATIÈRES.

Les éludes bibliques. Progrès de l'exégèse biblique. Nicolas

de Lyre. Tostat. La première Polyglotte 43

Orientalistes en Italie et en Allemagne. Érasme et Le Fèvre

d'Étaples 46

Traductions de la Bible en langue vulgaire 48

La prédication et l'instruction du peuple. La prédication ... 49

Livres d'instruction et d'édification 51

Le culte et l'art religieux. Le service divin. Les fêtes. Le

jubilé. Les indulgences. La bulle sur l'Eucharistie. ... 53

La poésie. La musique. 56

L'architecture 58

La peinture, la sculpture et la gravure 60

La vie religieuse et morale. Crimes et abus 62

La superstition 65

Les beaux côtés de cette période 68

CHAPITRE III.

l'église en face des infidèles, des sghismatiques et des hérétiques.

Rapports de l'Église avec les juifs et les mahométans. Les juifs.

L'Inquisition politique en Espagne. Les Sarrasins 70

Nouvelles découvertes. Les peuples païens de l'Afrique et do l'Amérique. Découverte des îles Canaries et ues côtes occiden- tales de l'Afrique. Commerce des esclaves 72

Conversions en Afrique. Influence de l'Église 75

Circumnavigation de l'Afrique 76

Découverte de l'Amérique 77

Progrès du Portugal. Bulle d'Alexandre VI . 79

Travaux des missionnaires 80

Les esclaves nègres 82

Les peuples de l'Amérique 83

Lei schismatiques et les hérétiques de l'Orient.

Le Schisme grec et l'Union de Florence. L'empire grec. Négo- ciations avec les papes 84

Elïorts de Martin V et d'Eugène IV en faveur de l'Union .... 86

Dix-septième concile général de Ferrare-Florenco 89

Suite du concile de Ferrare-Florence 92

Discussions à Florence sur la procession du Saint-Esprit 93

Nouvelles discussions 98

Autres controverses 97

Discussions sur la primauté du pape 98

Décret d'union 99

ssue des négociations des Florentins avec lea Grecs 102

Les destinées de l'Union après le concile de Florence. Vive résis- tance contre l'Union 103

TABLE DES MATIÈRES. 64S

Fin de l'empire grec lOö

Domination des sultans turcs 106

Les Monocbitones 107

Littérature grecque 108

Les Arméniens. Travaux des papes et des frères prêcheurs en

faveur des Arméniens. Rupture de l'union avec Rome. . . . lOQ

L'Union de Florence 111

Les autres Orientaux. Les Coptes et les Éthiopiens. Décret

pour les jacobites 112

Continuation à Rome du concile do Florence 113

Les Chaldéens et les Maronites 114

Nouvelles hérésies.

Le Palamitisme. Les Hésychastes Ho

Barlaam contre Palamas 117

Acindynus contre les moines. Conciles au sujet de Palamas. . 118

Triomphe définitif des palamites 119

Wiclef et son hérésie. Jean Wiclef 121

Informations sur la doctrine de Wiclef - . 124

Audace croissante de Wiclef 125

Condamnation et mort de Wiclef 127

Système de Wiclef 127

Les wicléfistes. Mesures contre eux 129

Principal soutien des! wicléflstes 132

Les' hérétiques de la Bohême. Jean Hus. Situation de la

Bohême. Égarement religieux parmi les Tchèques 134

L'épiscopat de Bohême. Controverses sur l'Eucharistie .... 137

Jean Hus. Discussions sur la doctrine de Wiclef 138

Hus est suspendu de son office de prédicateur. Nouvelle organi- sation de l'université de Prague 141

Appel de Hus au pape de Pise. Tumulte à Prague. Condam- nation de Hus et sa résistance 142

Justification de Hus 144

Autres travaux de Jean Hus 146

Doctrine de Hus ...... 148

Hus à Constance. Son interrogatoire 130

Intervention de la noblesse de Bohême en faveur de Hus .... 152

Condamnation de Hus. Sa morf^ 133

Procès et mort de Jérôme de Prague 133

Les Hussites en Bohême et en Moravie. Introduction à Prague de

la communion sous les deux espèces 156

Désordres et excès en Bohême 157

Révolution hussite 159

Les quatre demandes des hussites. Leurs divisions 160

Les Picards et autres sectaires 162

Guerres hussites. Négociations avec le concile de Bûle .... 162

Les compactats d'Iglau 164

646 TABLE DES MATIÈRES.

Antres éyénements en Bohême ... 166

Les légats du Saint-Siège en Bohême 167

Les frères bohémiens et les frères moraves 169

Petites sectes et hérétiques isolés. La secte du Libre-Esprit et

autres hérésies analogues 169

Les apocalyptiques 171

Les flagellants 172

Les Amis de Dieu 174

Les hérésies en Angleterre 174

Hérésies en d'autres pays 175

Écarts de quelques réguliers 176

Jean Wesel 177

Jean Wessel 178

Jean Pupper de Goch 180

Ruisswick. Symptômes de nouvelles révoltes contre la foi et

l'Église 180

TROISIEME EPOQUE.

LES TEMPS MODERNES.

SEPTIÈME PÉRIODE. De la fin du quinzième siècle au traité de Westphalie (1648).

INTRODUCTION.

DIFEÉRENCE ENTRE LES TEMPS MODERNES ET LE MOYEN AGE.

CHAPITRE PREMIER.

LE PROTESTANTISME.

Origine et formation première du protestantisme. Mouvement religieux produit en Allemagne par Luther. Luther et ses pre- miers agissements iOO

Théorie Luther sur la justification 192

Publication des indulgences sous Léon X. J. Tetzel 193

Thèses de Luther contre les indulgences 196

Polémique sur les indulgences 197

Premiers succès de Luther 198

Opposition des théologiens contre Luther 199

Controverse de Heidelberg 201

Attitude du Saint-Siège 202

Luther à Augsbourg devant le cardinal Cajétan 203

Le prince électeur Frédéric favorable h Luther 206

Bulle sur les indulgences. Mission de Miltiz 206

Mort de Tetzel. Bravades de Luther 208

La dispute de Leipzig 209

TADLE DES MATIÈRES. 647

Suite de la controverse de Leipzig 210

Mélanchthon 213

Audace croissante de Luther 215

Écrits de Luther 217

Luther condamné par Léon X 218

Système de Luther 219

Publication de la bulle d'excommunication. Elle est tournée en

dérision et livrée aux flammes 224

La diète de Worms (1521). Luther à la Wartbourg et à "Witten- berg. — La diète de Worms 226

Luther à Worms 228

Charles-Quint et Luther 230

Départ de Luther. Sa prétendue captivité, Édit de Worms.

Le ban de l'empire. Ses effets 231

Révolte des luthériens contre l'édit de Worms 232

Partisans de Luther 234

Dispositions intérieures de Luther. Ses travaux à la Wartbourg. 237

Troubles à Wittenberg. . 238

Les anabaptistes 239

Retour de Luther à Wittenberg 210

Autres travaux littéraires du réformateur 243

Traduction de la Bible par Luther 244

Controverse de Luther avec Henri VIII 246

Controverse de Luther avec Érasme 247

Les diètes de Nurenberg en 1322 et 1524. Adrien VI. Ses efforts

auprès de la diète de Nurenberg 249

Négociations de Nurenberg 230

Édit publié par les États 232

Dernières démarches d'Adrien VI 232

Clément VII et la nouvelle diète de Nurenberg 233

Le décret de Nurenberg 255

Délibérations à Rome. Mesures de l'empereur 256

Travaux de Campeggio 257

Les guerres de paysans. Mariage de Luther. Son règlement

ecclésiastique. Insurrections de paysans 239

Insurrections dans la Souabe, la Franconie, la Thuringe, etc . . . 260

Médiation de Luther 262

Défaite des paysans 263

Luther et Mélanchthon contre les paysans vaincus 264

Victimes de la guerre des paysans 266

Mariage de Luther 267

Nouveaux règlements religieux. . 268

La réforme en Prusse, dans la Hesse, à Anspach et dans beaucoup

de villes impériales 270

Les événements depuis 1326 jusqu'en 1530. Ligue de Torgau.

Diète de Spire en 1526 272

L'imposture 'de Pack 273

C48 TABLE DES MAI 1ÈRE S.

Clément VII et l'empereur , . . 271

Le sac de Rome 276

Protestation de Charles-Quint contre la prise de Rome 277

Diète de Spire (1329) 279

Les protestants . . . . , 280

L'agitation religieuse en Suisse et ses conséquence*.

Zwingle et son système. —Situation de la Suisse 281

Zwingle. ..." 282

Zwinple prêche contre les indulgences et demande le mariage des

prôtres 284

Colloque religieux de Zurich 283

Réforme de Zwingle à Zurich 286

Négociations avec d'autres cantons. Zwingle et les anabaptistes. 287

Les réformateurs à Bûle, à Berne et en d'autres cantons 388

La Réforme à Schaffouse, Glaris, Berne, etc 289

La dispute de Bade et ses suites 290

Guerre heWétique. Mort de Zwingle et d'Œcolampade 291

Système de Zwingle , . 292

Points de contact et de divergence entre Zwingle et Luther.

Théorie de la Cène 29

Luther et Zwingle. Querelle des sacramentaires. Doctrine de

Luther sur la présence réelle 293

Controverse des théologiens. Polémique de Luther. Théorie de

l'impanation et de l'ubiquité 296

Argumentation de Zwingle. Luther invoque le témoignage de

l'ancienne Église 298

Tentatives de conciliation 299

Progrès de la révolution religieuse en Allemagne.

La diète d'Augsbourg de 1530. —Ouverture de la diète d'Augsbourg 301

Réfutation de la Confession d'Augsbourg 303

Négociations sur les points divergents 303

Apologie de la Confession d'Augsbourg 308

Confession des quatre villes et de Zwingle . 310

Les négociations depuis 1330 jusqu'en 1339. Attitude hostile des protestants envers l'empereur. Alliance de Smalkalde. Dé- tresse et concessions de l'empereur - 311

Première pacification religieuse de Nurenberg 313

Négociations h propos du concile 31 i

Progrès du luthéranisme 313

Travaux de Paul III eu faveur du concile. Articles de Smalkalde. 3t7

Obstacles au concile 319

Préparatifs d'un nouveau colloque 321

Le semi-lulhé anisme et le premier intérim. Le semi-luthéranisme 322

Philippe de liesse et Bucer. Disputes de "Worms et de Ratisbonne 324

Colloque de Ratisbonne 323

Premier intérim de Ratisbonne 327

TABLE DES MATIÈRES.» 649

Les événements depuis 1541 jusqu'en 1546. »— Polygamie du land- grave de Hesse 330

Violences des protestants. Troubles de Cologne 333

Négociations de 154-2 et 1513 " 336

Diète de Spire en 1554. Diète de Worms en 1515. Deuxième

colloque de Ratisbonne 337

Mort de Luther. Son caractère.

Tristes expériences du réformateur de Wittenberg 340

Continuation de la polémique de Luther 342

Contradictions de Luther au sujet de sa mission 343

Contradictions de Luther sur la nécessité d'accréditer sa vocation

par des miracles , 345

Caractère de Luther 347

Derniers jours de Luther 349

Succès de l'empereur contre les alliés de Smalkalde 351

Mésintelligence entre l'empereur et le pape 353

Intérim (d'Augsbourg). Intérim (de Leipzig) 354

Les protestants représentés à Trente 356

Trahison de Maurice de Saxe 357

Traité de Passau 358

Convention de Naurabourg. Paix religieuse d'Augsbourg . . . 360

Abdication de Charles-Quint. Sa mort 362

Philippe II succède à Charles-Quint 363

Co7itinuation de la re'forme en Suisse. Le calvinisme.

Rapports entre la Suisse allemande et la Suisse française . . , . 364

Jean Calvin '. 366

Travaux de Calvin à Genève. - Son expulsion et son retour . . . 368

Organisation des affaires religieuses à Genève 369

Tyrannie de Calvin 370

L'Académie de Calvin. » Consensus Tigurinus. » Mort de

Calvin et de Farel 372

Théodore de Bèze 730

Dogmatique de Calvin 374

Propagation du protestantisme dans les différents pays.

'En Allemagne. Les métropoles du protestantisme allemand . . 377

Luttes dans les universités allemandes. Les expectants .... 379 Vieux théologiens dévoués à l'Église. Lea réformateurs dons

quelques provinces et localités , 381

Disciples de Luther 383

Le protestantisme en Prusse et en Siîésie, en Pologne et en Hon- grie. — Le protestantisme en Prusse . . . . 384

Le protestantisme en Silésie 386

Le protestantisme en Pologne 388

Diète de Pétrikau. Paix de Varsovie. ... 389

Défections dans l'épiacopat. Le cardinal Hosius 'dQ4

630 TABLE DES MATIÈRES.

Le protestantisme en Livonie et en Courlande 392

Le protestantisme en Hongrie 393

Le protestantisme en Transylvanie 393

Le protestantisme en Scandinavie. La Suède sous Gustave Wasa. 397

Diète de Westerses. Astuce de Gustave Wasa 398

Éric XIV 399

Tentatives de Jean III pour restaurer le catholicisme 400

Nonciature de Possevin en Suède. 402

Le roi Sigismond 403

Diète de Suderkoeping. Ses suites 404

Sigismond détrôné par le duc Charles 40S

Le protestantisme en Danemark 406-

Christian III. Abolition définitive du catholicisme 408

Le protestantisme en Norwège et en Islande 409

Le protestantisme en A7igleterre

Le protestantisme sous Henri VIII. Mariage de Henri VIII. . . 410

Négociations des juges délégués 412

L'aifaire de Henri VIII devant le Saint-Siège. . 413

Cranmer prononce le divorce de Henri VIII. Décision du pape. 415 Rupture complète de Henri VIII avec Rome. Serment de supré- matie et de succession 416

Pillage des églises et des couvents 418

Thomas Morus et l'évoque Fisher 419

Fureur de Henri VIII contre ses femmes 420

Le schisme anglican 421

Le protestantisme sous Edouard VI. Edouard VI. L'Angleterre

devient protestante 422

Les quarante-deux articles. Nouveau code religieux 424

Les protestants suus le règne de Marie. Rétablissement du « statu

quo » de Henri VIII 425

Restauration du catholicisme. Sévérité de Marie. Sa mort. . 427

Les protestants sous le règne d'Elisabeth

Attitude religieuse d'Elisabeth 429

L'Angleterre redevient protestante. Les trente-neuf articles de

l'Église anglicane 430

Les non- conformistes 432

Persécution des catholiques 433

Nouveaux bills contre les catholiques 434

Séminaires de Douai et de Rome. Héroïsme des missionnaires

catholiques. Supplice de Marie Stuart 436

Les protestants sous Jacques h^ et Charles l'r. Jacques I". La

conjuration des poudres. Le serment de fidélité 438

Paul V et le serment de fidélité 440

Règne malheureux de Charles I" 442

Révolution d'Angleterre 443

Exécution du roi 444

TABLE DES MATIÈRES. 651

Le protestantiâme en Ecosse. Les protestants écossais. Jean

Knoi U6

Rébellion en Ecosse 447

Oppression du catholicisme. Marie Stuart en Ecosse 449

Abdication et fuite de Marie Stuart 450

Affermissement de la constitution presbytérienne. Impuissance

de la royauté 451

Jacques I", roi d'Angleterre 432

Révolte contre Charles I" 452

Le protestantisme en Irlande. Les Irlandais sous Henri VIII, Edouard VI et Marie. Lutte sous le règne d'Elisabeth. Per- sécution des catholiques 434

Détresse croissante de l'Irlande 453

Cromwell en Irlande 436

Le protestantisme en France. Fauteurs du protestantisme.

Mesures contre les novateurs 457

Négociations avec les protestants d'Allemagne. Mesures sévères

du roi 461

Mouvements protestants 463

Les événements sous Henri II 464

Puissance croissante des calvinistes. Conjuration d'Amboise . . 466 Nouveaux édils. Deuxième conjuration de Condé. Les calvi- nistes favorisés par la cour 467

Colloque religieux de Poissy 468

Édit de tolérance et cruautés des calvinistes. Première guerre

de religion 470

Traité d'Amboise. Deuxième guerre de religion. Nouvelle

paix religieuse. Retrait des concessions 472

Tnoisième guerre de religion. Rétablissement de la liberté des

cultes 474

La Saint-Barthélémy 476

Quatrième guerre de religion. Mort de Charles IX. Henri III.

Nouvelle paix religieuse 479

La ligue. Cinquième et sixième guerres de religion 480

Nouvelles irrésolutions du roi. La Ligue et le Saint-Siège. . . 481

Derniers temps de Henri III. Ses crimes et son assassinat. . . 482

Henri IV et sa conversion 483

L'édit de Nantes 485

Troubles excités par les calvinistes. Ils sont réprimés par

Richelieu 486

Le protestantisme dans les Pays-Bas. Domination de Charles- Quint dans les Pays-Bas. Mécontentement sous Philippe II. . 488

Les gueux 491

Le duc d'Albe. Révolte contre l'Espagne 492

Guillaume d'Orange. Pacification de Gaud. Séparation de la

Belgique et de la Hollande 493

La répubhque hollandaise 494

65'2 TABLE DES MATIÈRES.

Progrès du protestantisme en Espagne et en Italie. Les protes- tants d'Espagne 493

Les protestants en Italie ' 497

De Dominis, Paul Sarpi 499

Unitaires et sociniens 501

Doctrine des sociniens 501

Comparaison des luthériens et des sociniens 503

Réaction en Pologne contre les sociniens 504

Jordan Bruno 503

Causes de la propagation du protestantisme 506

Constitution intérieure du protestantisme. Les Églises nationales luthériennes en général. Mélanchthon et

ses adversaires. Les Églises protestantes 509

Querelles théologiques.

1" Parmi les luthériens. L'antinomisme 512

Controverse d'Osiandre 510

Controverses kargieuues 519

Controverse sepinienne 520

Controverse adiaphoriste 521

Le majorisme 522

Le synergisme 523

Mesures contre les luthériens 524

DilTérence des flaciens et des luthériens 525

Le cryptocalvinisme 526

Controverse sur l'inamissibilité de la foi et de la grâce 528

Le Livre de Torgau et de Bergen 529

Calixte et les syncrétistes 533

Controverses théologiques parmi les calvinistes.

Les supralapsaires et les infralapsaires. Les arminiens et les

gomarisles. Les remontrants hS6

Lutte entre les deux partis. Synode de Dordrecht 537

Doctrine des arminiens. Les collégiens 539

Les partis calvinistes en Angleterre et en France 341

Petites sectes, protestantes.

Les anabaptistes à Munster 542

Les anabaptistes en d'autres pays 545.

Les schwenkfeldiens 540

Séjour de Schwenkfeld dans différentes villes 54B

Renaissance des anciennes hérésies. Les weigéliens 550

Theosophie de Bœhme ö53

Incrédules divers 555

Travaux de théologie.

L'exégèse *S6

Principaux exégètes protestants ... 558

TABLE DES MATIÈRES. 653

La dogmatique. La mystique 339

L'homilétique et la caléchiitique 361

Le culte et la discipline. La prédication et autres actes du culte.

Le chant ecclésiastique , . . . 56-2

La discipline ecclésiastique 364

EfiFets du protestantisme. Fruits pernicieux de la nouvelle doc- trine 365

CHAPITRE IL

LE CATHOLICISME. LA RÉACTION CATHOLIQUE CONTEE LES NOVATEURS.

Considérations générales j 368

Travaux des papes et du concile de Trente. Paul III et la première période du concile de Trente. Travaux de

Paul III pour la réforme 369

Le concile de Trente (XIX' concile œcuménique). Les trois pre- mières sessions 571

Quatrième session 576

Cinquième session 579

Sixième session 381

Doctrine du concile de Trente sur la justification 382

Septième session.— Décret de la huitième session pour la translation. 383

Neuvième et dixième sessions . . 586

Suspension du concile 387

Mort de Paul III 588

Jules III et la seconde période du concile de Trente. Jules III . 588

Sessions XI*. XVl'^ du concile de Trente 389

Décrets des XIIP, XIV' et XV= sessions 390

Marcel II et Paul IV 592

Travaux de Paul IV pour la réforme. Son népotisme. Sa politique. Sa lutte contre Philippe d'Espagne. Il éloigne ses proches . . 593

Nouvelles réformes , 395

Pie IV et la troisième période du concile de Trente. Pie IV et

Charles Borromée. Travaux en vue du Concile 596

Dispositions de l'Allemagne. Colloque de Worms. Attitude de

l'empereur Ferdinand . 597

Nouvelle convocation du concile. Travaux des nonces. Pré- paratifs du concile 399

XVII'-XX« sessions 600

XXI« session 603

XXIIe session 604

Situation difficile du concile 605

Morone et l'empereur Ferdinand ö07

L'autorité du pape et l'autorité des évêques 608

XXIII» session 610

Difficultés du coté des souverains 612

XXIV« session 613

654 TABLE DES MATIÈRES.

XXV« session 615

Derniers décrets du concile de Trente 616

Fin du concile. Son importance et son exécution. Travaux de

Pie IV. Sa mort 617

Les trois grands successeurs de Pie IV. Saint Pie V. Son caractère. - Travaux pour la réforme de Rome et de l'Italie . . 628

État de l'Italie. Saint Charles Borromée 621

Catéchisme des curés.— Correction des livres liturgiques.— Disci- pline monastique et résidence des évoques. Mesures salutaires. 622 Influence de Pie V sur les États catholiques. Victoire sur les

Turcs. Mort de Pie V 624

Grégoire XIII 62a

Grégoire XIII augmente et améliore les établissements d'instruction ecclésiastique. Correction du calendrier. Édition du «Corpus

juris canonici ». Institution des nonciatures 626

Protection accordée aux hommes de mérite.— Insuccès politiques. 628

Sixte-Quint. Services rendus aux États de l'Église 629

Relations de Sixte-Quint avec les États voisins, avec ses compa- triotes et ses proches. Nouvelle édition des Septante. Lois

ecclésiastiques. Mort de Sixte-Quint 631

Les papes depuis 1590 jusqu'en 1635. Urbain VIL Grégoire XIV.

Innocent IX. Clément VIII 633

Léon XI. Paul V 634

Luttes de Paul V avec Venise 635

Grégoire XV. Règlement sur l'élection du pape. La Propa- gande. — Secours fournis à l'empereur 637

Urbain VIII 639

Innocent X 640

FIN DE LA TABLE.

BESANCON. IMP. F. RAilEAUX-.MAYET.

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