UNIVER5ITY OF PITTSBURGH
jJarlington JM-emonal J_/ibrary
HISTOIRE
DES ARBRES FORESTIERS
DE
L'AMÉRIQUE SEFfENTRIONALE.
Se trouve à Paris , chez :
l/AuTEUR, place s. Michel, n". 8 ;
TnEUTTEL ET WuRTZ, nie de Lille, n». 17; même maison,»
Strasbourg.
(lABiiiEL DuFOCR ET C=. , riie des Mathurins S. Jacques, n» 7.
BossANOE ET M A S S o N , nie de Tournoii , n". 6.
Le Charlieu, à Bruxelles.
A Philadelphie :
C-Irez Samcel Bradford and Inskeep, Soath S.** Street.
HISTOIRE
DES ARBRES FORESTIERS
DE
L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE ,
CONSIDKHKS P H I N C I P A LE M E N T
SOUS LES RAPPORTS DE LEUR USAGE DANS LES ARTS
ET DE LEUR INTRODUCTION DANS LE COMMERCE ,
AINSI QUE d'après LES AVANTAGES Qu'lLS PEUVENT OFFRIR AUX GOUVEBNEMENS E!f EUROPE
ET AUX PERSONNES QUI VEULENT FORMER BE GRANDES PLANTATIONS.
Par Fj ANDRÉ -MICHAUX,
Membre de la Société Philosophique américaiim de Philadelphie ; des Sociétés
d'Agriculture de la raème ville, de celles de Charleston , Caroline méridionale ^
d'Hollowell , District de Maine ^ du département de la Seine, et de Seine-
ct-Oist;.
. arbore srilcnmus maria , lerrasque admovemut ,
arbore exψijicamus tecta .
Pi.iNi sECUNiii: JVfll. /?ixt. , lib. XII.
TOME II.
PARIS,
DE L'IMPRIMERIE DE L. HAUSSMANN.
M. D. CGC. XII.
Digitized by the Internet Archive •
in 2009 with funding from
University of Pittsburgii Library System
http://www.archive.org/details/liistoiredesarbre002mich
LES CHENES.
xJans la plus grande partie de l'Amérique septen-
trionale , comme en Europe , il n'existe pas d'arbre
qui soit d'une utilité aussi réelle que le Chêne :
par-tout son bois est réputé le meilleur dans les
constructions navales, et par-tout on l'emploie de
préférence pour la charpente des maisons, et géné-
ralement pour la confection des instrumens ara-
toires. Il semble aussi que cet arbre ait été répandu
par la nature, en raison de son utilité. Sans parler
ici des climats fort difFérens où il se trouve, objet
dont je traiterai à la fin de ce précis , le nombre de
ses espèces connues, déjà très - considérable , aug-
mente tous les jours par les nouvelles recherches des
voyageurs naturalistes, surtout dans le continent oc-
cidental , et l'on peut dire que le nombre de ses^
variétés est infini. Ce fut l'importance de ces diverses^
considérations qui détermina mon père , lors de son'
retour des Etats-Unis en France , à décrire et à faire
graver les différentes espèces qu'il avoit reconnue*;
dans le cours de ses voyages. Ce Traité, qui parut en
1801 , fut reçu avec intérêt par tous les botanistes
et amateurs d'agriculture.
Je ne puis mieux faire connoître le genre d'arbre
dont il est question , qu'en rapportant le morceau
suivant, extrait de l'ouvrage de mon père,
n. i
2 CHÊNES.
tf Le genre Chêne (dit-il, pag. 4 de son Intro-
duction J renferme un grand nombre d'espèces qui
ne sont pas connues, et la plupart de celles qui
croissent en Amérique se présentent sous des for-
mes si variées dans leur jeunesse , qu'on ne peut les
reconnoitre sûrement qu'à mesure que l'arbre par-
vient à l'âge adulte.
» Souvent une variété intermédiaire paroît telle-
ment rapprocher deux espèces , qu'il est difficile ,
d'après l'examen de la foliation , de déterminer à
laquelle des deux cette variété doit appartenir.
Quelques espèces , sujettes à varier dans leur jeu-
nesse , paroissent alors si différentes , que les ca-
ractères de la foliation sont insuffisans pour faire
reconnoître la même espèce dans les individus jeunes
et dans ceux qui sont adultes. Plusieurs autres, au
contraire, présentent une telle uniformité, que les
distinctions spécifiques ne peuvent être établies que
sur la fructification , laquelle est elle-même sujette
à des exceptions et à des variations. Ce n'est que
par des observations comparatives sur les individus
considérés dans l'âge adulte et dans l'adolescence ,
qu'on peut parvenir à distinguer les espèces qui ont
entr'elles une grande affinité , et à rapporter les va-
riétés à leur espèce.
« La description des Chênes de l'Amérique Sep-
tentrionale a été obscure jusqu'ici, par plusieurs
raisons : 1°. les botanistes qui ont visité ces pays,
n'ont donné que des observations isolées sur ces
arbres, et n'ont point eu égard aux caractères de la
CHÊNES. 3
fructification ; 20. les auteurs qui en ont traite d'après
eux, ont souvent réuni plusieurs espèces sous une
même dénomination; enfin, les figures qu'ils ont
données des Chênes d'Amérique que l'on cultive
en Europe , ne sont pas toujours exactes , parce
que leur accroissement y est retardé par une tem-
pérature qui leur est moins favorable que celle dc
leur pays natal, et parce qu'ils y conservent plus
long-tems les variétés de foliation qui caractérisent
leur adolescence. »
« Pour éclaircir mes doutes^ j'ai semé et cultivé
pendant mon séjour en Amérique toutes les espèces
que j'ai eu occasion d'observer et de recueillir, et
dès la deuxième année , j'ai eu la satisfaction de re-
connoître toutes les variétés qui, lorsque je parcou-
rois les forets, m'avoient causé tant d'incertitudes.
En suivant avec attention et assiduité les variations
que certaines espèces éprouvent, jusqu'à ce quelles
soient parvenues à l'âge adulte , j'ai reconnu dans
les plus jeunes individus l'empreinte et le type de
leur espèce. C'est ainsi que je suis parvenu à recon-
noître les rapports qui existent entr'elles. Pour en
faire le rapprocHement , j'ai profité des moyens
que la nature elle-même sembloit me fournir; mais
si , d'un côté l'observateur, qui suit la marche de la
nature , parvient, par le rapprochement des espèces,
à les lier entre elles, d'un autre côté il se trouve
' Plusieurs des figures données par Dn Roi, et celle de Phicknct, plan-
ches nv, fig. 5, représentent des Chênes (|ni n'avoicnt point acquis 1 eut
de perfection que donne l'Age adulte.
4 CHÊNES.
très-embarrasé lorsqu'il s'agit de déterminer chaque
espèce , et de lui assigner des caractères propres et
différentiels.
(f J'ai cherché à disposer les différentes espèces
de Chêne d'Amérique , suivant une série naturelle.
Pour y parvenir, j'ai pensé d'abord que les parties
de la fructification me fourniroient des caractères
propres à établir cette série ; aucune ne m'en a offert
les moyens, et je n'y ai trouvé que des distinctions
de peu d'importance, telles que l'attache des fleurs
femelles, tantôt presque sessiles, tantôt pédonculées;
la grosseur des fruits , leurs différentes époques de
maturité , etc. 11 ne m'a pas été possible non plus
d'établir une distinction suffisante, d'après la struc-
ture de la cupule. J'ai donc porté mes observations
sur les feuilles ; elles m'ont offert des distinctions
plus frappantes, et je m'en suis servi pour établir
deux sections dans ce genre. La première renferme
les espèces à feuilles mutiques , c'est-à-dire dépour-
vues de pointes sétacées; j'ai rangé dans la seconde
celles à feuilles , dont le sommet ou les découpures
sont terminées par une soie,
« L'intervalle de temps qui s'écoule entre l'ap-
parition de la fleur et la maturité du fruit, n'est pas
le même dans toutes les espèces de Chêne; ce terme
de la fructification , que j'ai présenté d'abord comme
insuffisant pour établir les deux sections principales,
m'a paru néanmoins assez important pour l'admettre
comme caractère secondaire.
« Il est bien reconnu que toutes les espèces de
CHÊNES. 5
Chêne sont monoïques, et que dans le Chêne rouvre
( Quercus robur. Lïnn. j et dans plusieurs autres es-
pèces , les fleurs mâles sont situées sur les jeunes
rameaux qui naissent au printemps, et que les fleurs
femelles sont disposées sur ces mêmes rameaux au-
dessus des fleurs mâles. On sait aussi que les unes et
les autres sont axillaires; qu'immédiatement après la
fécondation, les fleurs mâles se fanent et tombent,
tandis que les fleurs femelles continuent leur accrois-
sement, et parviennent, dans le cours de la même
année , au terme de la fructification. C'est-là la marche
ordinaire de la nature ; mais il n'en est pas de même
à l'égard de plusieurs espèces de ce genre, dans les-
quelles les fleurs femelles, que l'on voit paroître au
printemps , restent un an entier sans accroissement.
Il est à présumer qu'elles ne sont pas fécondées dès
la première année , puisque ce n'est qu'après le
deuxième printemps qu'elles augmentent de gros-
seur, et parviennent à maturité. Il y a donc un in-
tervalle de dix-huit mois depuis l'apparition de la
fleur jusqu'au temps de la maturité du fruit. Ces con-
sidérations m'ont fourni deux divisions secondaires ;
l'une comprend les espèces que j'appelle h fructifi-
cation annuelle j c'est-à-dire , auxquelles l'intervalle
ordinaire de six mois suffit pour arriver au terme de
la maturité du fruit ; l'autre renferme les espèces
dont la fructification est bisannuelle, c'est-à-dire , dont
le fruit ne mûrit qu'au bout de dix-huit mois. Il faut
remarquer que, lorsque la fructification est annuelle,
elle reste toujours axillaire, taudis que, dans les
6 CHÊNES.
espèces où elle est bisannuelle , elle ne l'est que
pendant la première année ; mais à la deuxième , et
lorsque les feuilles tombent, elle se trouve néces-
sairement isolée. Clusius en a fait la remarque à
l'égard du Quercus cerris. Linn. , dont la fructifica-
tion est bisannuelle ; il s'exprime en ces termes :
« Flores racernatim compactos ut Quercus , è qui-
K bus uti nec in Quercu nascuntur caliculi , sedii
(c brevi crassoque pediculo annotinis ramulis adhœ-
« rent^ non infoliorum alisy omninb hispidi ^ etc. »
Glus. rar. pi. Hist. pag. 20.
« Il faut excepter ceux dont la fructification ,
quoique bisannuelle , reste toujours axillaire , parce
que les feuilles ne tombent pas , tels que le Quercus
coccifera. Linn. , et le Q. virens. Ait. J'observerai
aussi que, dans l'ancien continent, on trouve des
Chênes à fructification bisannuelle ; tels sont le
Quercus cerris , Q. œgjlops ^ Q. coccifera^ Linn.^
Q. pseudosuber , Desf. , etc. »
J'ai tiré beaucoup de remarques de l'ouvrage de
mon père 5 et la disposition rnéthodicpie qu'il a sui-
vie dans l'arrangement des espèces , et dont il donne
les motifs raisonnes, s'est trouvée tellement d'accord
avec le résultat des observations qui me sont propres,
que j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de l'adopter.
J'ai du faire cependant quelques additions et recti-
fications à son travail; elles consistent principalement
dans l'intercalation de plusieurs espèces nouvelles,
et la suppression de deux de celles qu'il donne:
l'existence de l'une de ces espèces est très-douteuse ,
CHENES. 7
et l'antre me paroît évidemment être un double em-
ploi. Quelques-unes de mes figures sont en outre
plus exactes, entr'autres celle du Q. tinctoria.
Mais ce qui distingue particulièrement l'ouvrage
que je publie de celui de mon père , c est que la
partie économique y est traitée beaucoup plus au
long et avec tous les détails que m'ont mis à même
de recueillir mes nombreuses reclierches à ce sujet,
dans lesquelles j'ai eu pour but constant, d'abord,
d'assigner le degré d'intérêt dans les arts que com-
porte chaque espèce , et ensuite , d'après cette pre-
mière base et les considérations secondaires qui
peuvent s'y joindre , d'indiquer celles qui méritent
l'attention des Européens , et que les Américains
eux-mêmes doivent préférablement conserver ou
multiplier dans leurs forêts.
Si mon travail , sous les rapports précédens , a
acquis quelque avantage sur celui de mon père , le
sien , néanmoins , conservera toujours des titres à
l'attention des botanistes et des amateurs de culture
étrangère , par d'autres détails intéressans qu'il n'en-
troit pas dans mon plan de reproduire : les premiers
y verront la citation des auteurs qui ont parlé avant
lui des espèces qu'il décrit, et les seconds trouve-
ront, à côté de chaque figure donnée , des feuilles
de l'arbre parvenu au terme de son accroissement,
les feuilles que portent les jeunes plants de ce même
arbre, feuilles qui offrent des formes si différentes
pendant les trois ou quatre premières années.
Lesepèces, dont je dois donner la description,
8 CHENES.
sont au nombre de vingt-six, et partagées en deux
sections : la première contient les espèces à fructifi-
cation annuelle, et se compose de dix espèces; la
seconde comprend celles à fructification bisannuelle,
et en renferme seize. Des observations multipliées
m'ont conduit à connoitre que le bois des espèces
de la première section est très-supérieur en qualité
au bois de celles de la seconde , le seul Chêne vert
excepté. La raison de cette différence est que, dans
la première, le tissu du bois est plus serré, et que
ses pores sont toujours plus ou moins remplis, tandis
qu'au contraire ils sont entièrement vides dans les
arbres de la deuxième section , dont le bois est
par conséquent sujet à se détériorer beaucoup plus
promptement.
Je ferai remarquer, avant de terminer cette courte
Introduction, que Linnée, dans la troisième édition
de son Species plantarum , publiée en 1774? n'^.
décrit que i4 espèces de Chêne, dont cinq seule-
ment sont indiquées comme originaires du Nouveau
Monde, et que , depuis cette époque , les recherches
des voyageurs naturalistes ont tellement ajouté à cette
nomenclature, surtout pour les espèces américaines,
que le nombre de ces dernières , qui sont décrites
dans la nouvelle édition du Species plantarum^ pu-
bliée en i8o5 par C.-L. Willdenow, s'élève actuel-
lement à 44- Seize de ces espèces ont été reconnues,
par MM. Humbolt et Bonpland , dans le vieux
Mexique j et vingt-six , par mon père et par moi ,
dans les Etats-Unis et quelques contrées adjacentes.
CHENES. 9
J'ajouterai qu'il est très-probable que cette longue
série d'espèces américaines sera encore augmentée
par celles que l'on découvrira dans l'ouest de la Loui-
siane et dans las provincias internas de la nouvelle
Espagne , situées entre les Etats-Unis et le vieux
Mexique , pays immenses qui embrassent 3oo ou l\oa
lieues d'étendue ( ijoo kilomètres), et qui n'ont
jusqu'ici été explorés par aucun naturaliste.
Mais qu'on oublie pour un moment ces nouvelles
richesses qu'attend la nombreuse famille des Chênes,
et, ne s'occupant que des espèces découvertes jus-
qu'à ce jour, tant dans l'ancien que dans le nouveau
Monde , que l'on compare leur nombre dans chaque
continent , et l'étendue des pays où elles existent ,
on aura le résultat suivant :
En Amérique , 44 espèces, qui se trouvent toutes
dans l'hémisphère boréal, entre les 4^^ ^t 20*" de-
grés.
Dans l'ancien continent, 3o espèces, qui sont
réparties dans les hémisphères austral et septentrio-
nal , à partir du 6o^ degré de latitude boréale.
Cet apperçu assez curieux , et que je crois géné-
ralement vrai , ne m'a pas paru déplacé ici. De pa-
reils rapprochemens pourroient peut-être contribuer,
plus qu'on ne le croit communément, au progrès de
la botanique et de l'agriculture, et méritent une
attention particulière de la part des voyageurs natu-
ralistes. Depuis long-temps je forme le vœu ( et ce
vœu sera sans doute partagé par toutes les personnes
II. 2
10 CHENES.
qui prennent intérêt à la science) de les voir s'oc-
cuper de la géographie physique des plantes d'une
manière plus approfondie qu'ils ne l'ont fait jusqu'à
présent.
DISPOSITION MÉTHODIQUE
DES CHÊNES
DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE.
Monoecie Polyandrie , Lin. Famille des Ameniacées , Jnss,
I." DIVISION.
Fructijication annuelle. Feuilles mutiques.
I.re SECTION. FEUILLES LOBEES.
I. Quercus alba TVhite oak.
3. Quercus olivaeformis. . . Mossj cup oak.
5. Quercus macrocarpa. . . Over cup whibe oak.
4. Quercus obtusiloba. . . . Posb oak.
5. Quercus lyrata Over cup oak.
2.« SECTION. FEUILLES DENTÉES.
6. Quercus prinus discolor. . Swamp white oak.
7. Quercus prinus palustris. . Chesnuù white oak,
8. Quercus prinus monticola. Rock chesnut oak.
g. Quercus prinus acuminata. Yellow oak.
10. Quercus prinus chincapin, S mail chesnut oak.
II.' DIVISION.
Fructification bisannuelle. Feuilles niucronées (excellé dans la onzième
espèce).
I."'^ SECTION. FEUILLES ENTIERES.
11. Quercus virens Ln^e oak.
12. Quercus phellos Vl^îllow oak.
13. Quercus imhricaria. . . . Laurel oak.
i4- Quercus cinerea Uplandwillow oak.
1 5. Quercus pumila Ruwu'ng oak.
12 DISPOSITION MÉTHODIQUE DES CHENES.
2.^ SECTION. FEUILLES LOBEES.
16. Quercusheterophylla. . . Bartramoak. \
17. Quercus aquatica. . . . Water oak.
18. Quercus ferruginea. . . . Black jack oak.
19. Quercus hanisteri. . . . Bear oak.
3.« SECTION. FEUILLES MUI.TIFIDBS.
20. Quercus catesbœi. . 1. . Barrens scrub oak,
2L. Quercus falcata Spanisk oak,
22. Quercus tinctoria. . . . Black oak.
25. Quercus cocciuea. . . . Scarleb oak.
24. Quercus ambigua. . . . Grey oak.
25. Quercus palustris. . . . Pineoak. .
26. Quercus rubra Red oak.
PI. F!'
-P .' /I„i.l,/e J,i
ÇUKKCUS alba.
#^.^/ (\r/.
QUERCUS ALBA.
IVHITE OAK.
Q u E R c US foliis suhœqualiler pinnatifidis ; laciniis oh-
loiigis , ohtiisis , plerumquè integerrimis. Fructu ma-
juscuIo;cupulà crateratâ, tuberculoso-scabratâ ; glande
ovatà.
Cet arbre est connu dans tous les Etats-Unis, ainsi
que dans le Canada et le pays des Illinois, sous le
nom de Chêne blanc , JVhite oak. Les environs de
la petite ville des Trois-Rivières , latitude 46» 20',
et la partie inférieure de la rivière de Rennebeck,
dans le district de Maine , sont les points les plus
septentrionaux où mon père et moi avons commencé
avoir paroitre cette espèce. Nous l'avons ensuite obser
vée , en suivant le cours de TOcéan jusqu'au-delà du
cap Canavéral , latitude 28° , et vers l'ouest, à partir
des bords de la mer, jusque dans lepays des Illinois;
ce qui comprend une étendue de plus de 400 lieues,
( 1800 kilom. ) du nord-est au sud-est^ et un inter-
valle à-peu-près égal de l'est à l'ouest. Il s'en faut
cependant que cet arbre soit également répandu dans
cette vaste étendue de pays ; car dans le district de
Maine, le bas Canada, et l'Etat de Vermont, il est
peu abondant , et sa végétation paroit même y être
restreinte par la rigueur des hivers. Il est également
assez rare dans toute la partie basse des Etats méri-
dionaux , dans les Florides et la basse Louisiane;
car, comme je Fai déjà remarqué à l'article du Piniis
l4 QUERCUS ALBA.
australiSy la très-grande portion de cette partie du
territoire des Etats-Unis est tellement sablonneuse
qu'elle n'offre qu'une foret continue de Pins ; c'est
pour cette raison qu'on ne l'y voit que sur le bord
des marais, mêlé avec d'autres espèces d'arbres qui,
comme lui , ne peuvent pas s'accommoder d'un ter-
rein trop sec et trop aride. On remarque encore que
les contrées où le sol est généralement d'une très-
grande fertilité, comme le Rentucky, le Ténessée,
le Génessée, et tous les spacieux vallons au milieu
desquels circulent les rivières de l'Ouest, sont aussi
très-peu fournis en Chênes blancs j car je me res-
souviens d'avoir voyagé des journées entières dans
ces Etats sans en apercevoir un seul. Il est vrai ,
cependant , que le petit nombre de ceux qu'on y
voit, aussi bien que dans les Etats méridionaux , sont
magnifiques. D'après mes observations, ce sont donc
les Etats du milieu , y compris la Virginie , qui pos-
sèdent cet arbre en plus grande proportion. Il y
est certainement plus multiplié que partout ailleurs
dans les Etats-Unis , et notamment dans cette partie
de la Virginie et de la Pensylvanie , située au-delà
des monts Alléghanys , et qui se trouve comprise
entre ces montagnes et les rives de l'Ohio, dans une
étendue d'environ i5o milles, à partir de Brown-
YfïWe , situé sur la rivière Mononghahela. Dans cet
intervalle, c'est plus particulièrement aux environs
de Greensburg , de Maconel'ville , d'Union- Ville
et de Washington, G. H. , que j'ai vu de grandes
masses de forets, dont les neuf dixièmes sont uni-
Q UERC U S ALBA. 1 5
quement composés de cet arbre si utile , et dont la
belle végétation annonce que la nature du terrein lui
est là trcs-favorable, quoique la très-grande majorité
des individus aient rarement au-dessus de i5 pouces
(4o centim.) de diamètre. A l'est des monts Alléghanys,
le Chêne blanc se trouve au contraire disséminé
danç toutes sortes de terreins, et placé à toutes sortes
d'expositions , pourvu que le sol ne soit ni trop sec
ni exposé à être long-temps submergé; car j'ai cons-
tamment observé les plus gros Chênes blancs dans
des endroits très-humides , tandis qu'à l'ouest des
montagnes , où j'ai dit qu'il existoit en corps de
forêts j le pays est légèrement montueux, le terrein
est demi -argileux, de couleur jaunâtre, et entre-
mêlé de pierres calcaires; terrein qui d'ailleurs donne
constamment d'abondantes récoltes de froment , et
d'une qualité très-supérieure pour la farine.
Il résulte donc de ce qui vient d'être dit, qu'une
température trop rigoureuse, un sol trop aride ou
trop aquatique, ou enfin d'une très-grande fertilité,
sont autant de causes, qui font que pour le présent
les diverses parties des Etats-Unis, que j'ai indiquées,
et qui forment plus des trois quarts de leur étendue,
sont très-peu fournies de cette espèce de Chêne, et
que la quantité qui s'y Ixouve, ne subvient même
qu'imparfaitement aux besoins locaux , quoique ces
pays n'aient pas le quart des habitans qu'ils peuvent
contenir.
De toutes les espèces de Chênes qui se trouvent
dans l'Amérique septentrionale, et dont le nombre.
l6 QUERCUS ALBA.
y compris celles du Mexique , s'élève à plus de 44
il n'en est aucune qui ait plus de ressemblance avec
le Chêne d'Europe , et notamment avec la variété
connue sous le nom de Cliéne pédoncule , Queixus
pedunculatay dont elle approche beaucoup par son
feuillage et les bonnes qualités de son bois. Le Chêne
blanc de l'Amérique septentrionale s'élève de 70,3 80
pieds (^25à26mèt.)sur 6à 7 pieds (^2 met.) de diamètre,
proportions qui d'ailleursvarient,eu égardàla nature
du sol et à la température du climat: ses feuilles sont
découpées plus ou moins profondément, et elles m'ont
semblé l'être d'autant plus, que les arbres auxquels
elles appartiennent croissent dans des lieux très-hu-
mides; les lobes ou divisions sont toujours arrondies à
leur partie supérieure, et 'ne sont jamais terminées
par un angle aigu ou une pointe très-fine , comme dans
beaucoup d'autres espèces. Peu de tems après leur
développement, au printems, elles sont rougcâtres
en-dessus, et blanches et veloutées en-dessous; mais
lorsqu'elles ont acquis toute leur grandeur , elles
sont lisses et d'un vert tendre en-dessus, et glauques
ou blanchâtres à leur partie inférieure. A Fautomne,
elles deviennent d'un violet clair, ce qui donne à
cet arbre une couleur très-singulière , et le fait con-
traster agréablement, soit qu'il soit isolé ou appuyé
sur d'autres arbres dont le feuillage n'a pas encore
été altéré à cette époque de l'année par les premiers
froids.
J'ai encore observé que c'est la seule espèce de
Chêne qui, dans le cœur de l'hiver, conserve quel-
QUERCUS AT.BA. jj
ques feuilles desséchées, lesquelles ne tombent qu'au
mouvement de la sève. Ce caractère, joint a la cou-
leur de son écorce qui est très-blanche, et d'où lui
est venu le nom de Chêne blanc, peut aider à le
reconnoitre immédiatement au milieu de l'hiver. Ses
glands, assez gros et très-doux, sont séparés ou réu-
nis deux à deux et contenus dans une cupule peu
profonde , tuberculeuse et grisâtre. Celle-ci est sup-
portée par des pédicules de 8 à 10 lignes (^centim.jde
longueur, attachées aux pousses de l'année , comme
dans toutes les espèces à fructification annuelle.
La fructification du Chêne blanc est rarement
abondante , car il arrive fréquemment que pendant
plusieurs années de suite , dans de très-grandes éten-
dues de forets, très-garnies de cette espèce de Chêne ,
on trouveroit à peine quelques poignées de ses glands.
Quelques Chênes blancs donnent des glands d'ua
bleu foncé ; mais il paroit que ces arbres sont ea
très petit nombre, car je n'ai jamais rencontré que
deux individus qui offrissent cette singulière variété
quant aux fruits seulement; l'un , qui est un très-bel
arbre et très -sain , existe dans le parc de M. W.
Hamilton , à Woodland , près Philadelphie, et l'autre
je l'ai trouvé dans la Virginie.
Le tronc du Chêne blanc est revêtu d'une écorce
très-blanche, sur laquelle on voit souvent de larges
taches noires 5 danslesarbres au-dessous de loà i6p«*
(4o centim.) de diamètre, l'épiderme se partage carré-
ment, tandis que dans les vieux individus, qui crois-
". 3
l8 . QUERCUS ALBA.
sent dans les lieux humides, elle se présente sous la
forme de lames superposées latéralement, disposition
qui commence à se faire remarquer dans les premières
grosses branches. Le bois du Chêne blanc est rougeâtre
et très-semblable à celui du Chêne de l'ancien conti-
nent, mais il estmoins pesant etmoins compacte ; c'est
ce dont on se convaincra facilement en fendant à la
hache des morceaux de l'un et de l'autre et à-peu-
près de la même grosseur. On observera alors que
dans celui d'i^mérique les nombreux canaux , qui
correspondent aux intervalles des couches annuelles,
sont moins remplis , et présentent beaucoup plus de
vides. Son bois n'en est pas moins , de toutes les es-
pèces de Chênes que je me propose de décrire, celui
qui est le meilleur et dont l'usage est le plus général;
car il a beaucoup de force , il résiste très-long-temps
à la pourriture, et on peut en obtenir des pièces
d'une très-grande dimension. Il est très-employé dans
les constructions civiles, quoiqu'il le soit moins qu'il
ne l'a été autrefois, parce qu'il est devenu beaucoup
plus rare et beaucoup plus cher.
A Philadelphie, à Baltimore, et dans les autres
petites villes des Etats du centre j lorsqu'on veut
donner aux maisons que l'on construit, soit en bri-
ques ou en bois, une solidité qui en assure la durée,
on emploie le Chêne blanc pour les soles, les solives,
les chevrons , et les lattes sur lesquelles repose la
couverture. A l'ouest des monts Alléghanys , où l'on
n'est pas à portée de se procurer des planches de
Pins , on s'en sert encore pour faire les planchers et
Q U KR eus MBA. l()
pour entourer extérieurement la charpente des mai-
sons en Lois; c'est principalement à Maconel- Ville,
Union-Ville et Washington, C. II. , que j'ai re-
marqué qu'on en faisoit cet emploi; mais il n'y con-
vient que très-imparfaitement, car débité en plan-
ches il se tourmente, se fend, et ces planches lais-
sent entre elles de grandes ouvertures.
On en fait beaucoup usage dans la construction
des moulins et des digues, et surtout pour toutes
les parties qui sont exposées aux alternatives de la
sécheresse et de l'humidité.
Le pont en bois , qui unit Cambridge à la ville de
Boston, et qui après de 3ooo pieds [loo mètres)
de longueur , est soutenu par des pieux de Chêne
blanc, qui ont de i4 à 5o pieds (5 à i6 mètres) de
long, et qu'on a substitués à ceux qui avoient été
faits précédemment en bois de Pinus strobus.
Les bonnes qualités du bois de cet arbre le font
employer de préférence à un grand nombre d'usages ^
et notamment à une grande partie du charronnage.
Cette branche d'industrie est surtout très - perfec-
tionnée à Philadelphie , et tous les ouvrages en ce
genre, qui s'y fabriquent, tant pour le pays, que
pour l'exportation, sont fort estimés à cause de leur
solidité; ainsi, le bois du Chêne blanc bien sec est
employé, dans les voitures et les chariots, pour
la charpente, y compris la flèche; dans les traîneaux,
pour le train ; dans les charrues, plus spécialement
pour l'épaulard ; dans les herses, pour les dents ^
lorsque celles-ci ue sont point faites en fer; dans
20 QUERCUSALBA.
les roues, pour les jantes et les rayons, mais seu-
lement pour ces dernières pièces, dans celles de
carrosses et de cabriolets. Dans les campagnes des
Etats du Nord, du milieu et de l'Ouest, on en fait
aussi les moyeux; mais, comme ils sont très-sujets à
se fendre, il m'a semblé qu'il n'ëtoit pas très-propre
pour cet objet. Les fabricans de chaises , dites de
.Windsor, l'emploient partout, excepté dans le dis-
trict de Maine, pour en faire la pièce circulaire des-
tinée à en former le dos. Le bois des jeunes Chênes
blancs est fort élastique , et susceptible de se diviser
en lames très-minces et très-petites. On en fabrique
tous les paniers communs, destinés à mettre le maïs
et à apporter les légumes au marché ; le tour des tamis
et même le fond de ceux à grillage de bois ; les
manches de fouets des voituriers , qui sont tressés
et couverts en cuir. On s'en sert aussi à Boston pour
les anses des seaux ; et dans le district de Maine ,
pour les manches de coignées.
Dans beaucoup d'endroits des Etats du milieu , on
emploie, autant qu'on le peut, le bois de cet arbre
pour les pieux destinés à soutenir les clôtures des
champs cultivés ; mais de l'autre côté de Laurel-Hill
(PensylvanieJ, elles en sont entièrement formées ,
tant il est abondant dans cette partie des Etats-Unis.
Dans le tannage des peaux, l'écorce de Chêne blanc
est reconnue par beaucoup de tanneurs comme pré-
férable pour la préparation des cuirs de selles et
autres de cette nature ; mais elle est fort rarement
employée , parce que , comme on ne se sert dans ce
QUERCUSALBA. 21
pays que des ccorccs prises sur le tronc des grands
arbres et sur leurs premières branches, on a remar-
qué que la partie cellulaire où réside le principe
tanin est, dans le Chêne blanc, beaucoup moins
épaisse que dans le Chêne rouge , qui est d'ailleurs
beaucoup plus commun.
On m'a assuré que 1 écorce de cet arbre donnoit
une couleur purpurine : quoique je ne l'aie pas vu
employer pour cet usage, je pense que la chose est
vraie , car elle m'a été répétée par des personnes qui
habitoient à plusieurs centaines de milles les unes
des autres. Cependant il paroit que cette couleur
n'est pas assez intense , ou nest pas très-solide, car
bien certainement le commerce s'en seroit emparé ,
comme il a fait du Quer citron , produit par le Quer-
eus tinctoria. A cette occasion , je me permettrai de
relever une erreur qui a été commise dans l'art. I". de
la loi sur les Douanes, du I^^ nivôse ainsi conçu:
« L'écorce de Chêne hlane moulue , connue sous le
« nom de Qwerafro/z, paiera, à l'entrée du territoire
« de l'Empire , etc. » Ce n'est pas le Chêne hlanc qui
donne le Quercitron^ c'est le Chêne noir, Blackoak
Quercus tinctoria. On se tromperoit donc étrange-
ment, si on demandoit, pour avoir cette substance,
de l'écorce de l'arbre dont je donne la description.
Il n'existe qu'une seule autre espèce de Chêne dans
les Etats-Unis, qui puisse également la donner; mais
elle n'est pas susceptible d'en fournir au commerce,
par les raisons que je ferai connoitre lorsque j'en
donnerai la description.
22 QUERCUS ALBA.
Le Chêne blanc est encore de toutes les espèces
de ce genre qui croissent à l'est du Mississipi , le
seul qui puisse fournir le merrain propre à contenir
les liqueurs spiritueuses et les vins qui viennent
d'Europe. Non seulement ce qui s'en emploie pour
cet objet est très-considérable, mais la consomma-
tion en est prodigieusement augmentée par ce qui
s'en exporte tant en Angleterre que dans les colonies
des Indes occidentales et aux iles Madère et de Té-
nériffe. Le Chêne à poteaux est la seule espèce qui
pourroit le remplacer aussi avantageusement ; mais
cet arbre , quoique assez commun dans le Maryland
et la Virginie, n'y est pas même assez multiplié, pour
subvenir aux besoins de ces deux Etats.
Le Chêne-Châtaignier de montagne et le Chêne
blanc aquatique , dans les Etats du Nord et du mi-
lieu ; le Chêne-Châtaignier des marais et le Chêne à
glands, dans ceux du Midi, sont les seules espèces
qui , après le Chêne blanc et le Chêne à poteaux ,
pourroient aussi contenir les liqueurs spiritueuses;
mais l'expérience a sûrement appris que ce ne seroit
que très-imparfaitement et au désavantage de ceux
qui les emploieroient à cet usage; car encore que ces
bois ne laissassent pas échapper par leurs pores ces
liqueurs et les huiles fines , ils sont assez poreux pour
en absorber une assez grande quantité. Enfin, quand
bien même ces diverses sortes de Chênes réuniroient
toutes les qualités requises pour cet usage important,
elles sont si peu multipliées, que, si on les exploitoit
pour cet objet , dans le cours de moins de dix
Q UERC U s A LBA. ti'i
années, tout ce qui en existe dans les lùats-Unis en
seroit disparu.
Le Chêne blanc lui-même a le grain moins serré
que celui d'Europe; c'est ce qui a été bien reconnu
à Bordeaux, où Ton préfère celui qui croît dans le
pays, ou qui y est importé de Dantzick; et si, dans
les colonies des Indes occidentales et à l'île Ma-
dère, on se sert exclusivement de celui qui vient de
l'Amérique septentrionale , c'est qu'on l'obtient bien
plus aisément et à beaucoup meilleur marché.
Comme objet d'exportation , le merrain de Chêne
blanc s'expédie de tous les ports des Etats du Nord
et du milieu , ainsi que de la nouvelle Orléans ; celui
qui vient d'abord de Norfolk et de Baltimore , de
même que ce qui descend à la nouvelle Orléans des
Etats de l'Ouest , est d'une qualité fort supérieure à
celui qui se fabrique dans les Etats du Nord ; ce
qui doit être ainsi à cause de la température du cli-
mat et de la nature du sol dans lequel croissent les
arbres qui le produisent.
La quantité de merrain de Chêne blanc, exportée
en Angleterre et surtout aux colonies occidentales,
est assez considérable , à en juger d'après deux docu-
mens officiels qui sont parvenus à ma connoissance.
Par le premier, ilrésulte qu'il a été importé des Etats-
Unis en Angleterre, dans le courant de 1808, pour
un peu plus de 146^000 dollars Ç 770,000 francs j de
douves de différentes sortes, et dans les colonies des
Indes occidentales 5 une quantité égale à celle de plus
de 53 millions de douves ; mais j'ignore dans l'un et
24 ' QUER eus AL B A.
l'autre cas, la proportion qui existe entre le merrain
de Chêne blanc et celui de Chêne rouge , qui furent
exportés et qui le sont encore. Je présume cepen-
dant qu'il s'en exporte plus du premier en Angle-
terre, et davantage du second dans les colonies des
Indes occidentales. Le prix du merrain , soit de
Chêne blanc , soit de Chêne rouge , a varié d'une
manière extraordinaire depuis environ loo ans. En
17 20, les douves propres à faire des barriques, seven-
doient à Philadelphie 3 dollars ( i5> francs) le mil-
lier; en 1798, 18 dollars (gS francs j, et au mois
de février 1808, elles valoient 3o dollars (i55 fr.j. A
Liverpool , avant l'embargo sur les navires américains,
en août 1807, elles étoient cotées dans les prix cou-
rans , environ à 55 dollars (275 francs j , et après
l'embargo, en avril 1808, à 100 dollars (525 francsj
le millier. On se tromperoit, je pense, beaucoup si
on attribuoit la grande différence du prix de 1720 ,
à celui des temps actuels , seulement à la grande
diminution de cette espèce d'arbre ; elle tient à beau-
coup d'autres causes qu'il seroit trop long de déduire
ici.
On se sert encore avantageusement du jeune
Chêne blanc pour cercles à barriques , et il rem-
plit très-bien cet objet a cause de sa grande élasti-
cité; cependant, ^us ce rapport, il est moins estimé
que THickery, qui est plus fort et moins sujet à se
pourrir aussi promptement.
Parmi les nombreux usages auxquels j'ai dit que
le bois du Chêne blanc étoit plus particulièrement
QUERCUSALBA. 2.^
adapté dans les Etats- Liiis , il n'en est aucun où il
soit aussi nécessaire que dans les constructions na-
vales, et pour lesquels il ne pourroit être remplacé
aussi avantageusement. Ainsi, dans tous les chantiers
de constructions des Etats du centre et du Nord,
excepté le district de Maine, on s'en sert presque
exclusivement pour la quille et toujours pour la
charpente inférieure et les bordages : les genoux sont
aussi, autant qu'on le peut, de ce bois; mais comme
les pièces qui y sont propres sont assez difficiles à se
procurer, on est obligé actuellement de les tirer de
quelques autres espèces d'arbres. Dans les ports de
mer du second ordre , situés entre New-\ork et
Boston, et au-delà de cette ville, la charpente su-
périeure est aussi en Chêne blanc ; mais ces navires ,
dont tout le corps est alors de cette espèce de bois,
sont moins estimés que lorsque cette partie est
faite avec d'autres sortes qui sont plus durables.
On sait encore que le Chêne blanc de cette por-
tion des Etats-Unis est inférieur en qualité à celui
qui vient plus au midi, parce que le grain en est
moins serré.
A Boston, les gournables, ou chevilles destinées
à maintenir les bordages sur les membrures , sont
aussi faites en Chêne blanc.
Pour avoir des idées positives sur le degré de bonté
comparatif du Chêne blanc de l'Amérique septen-
trionale^ et du Chêne d'Europe , Quercus pedun-
culata^ j'ai consulté, dans la plupart des ports de
mer des Etats-Unis, des constructeurs et des chefs
4
20 QUERCUS ALBA.
d'ouvriers américains , français et anglais, et presque
tous sont d'accord que le Chêne d'Europe est plus du-
rable, parce que, comme j'ai eu déjà occasion de le
dire , son grain est plus serré , et par suite plus résistant
que le Chêne blanc; mais que ce dernier a l'avantage
d'être plus élastique, car, lorsqu'il s'agit de courber
des pièces d'un grand diamètre, il faut beaucoup
moins de temps et la moitié moins de poids ; mais
que cet avantage , qui véritablement en est un dans
les constructions maritimes, ne compense pas le
défaut qu'il a d'être plus poreux; que cependant
l'expérience apprend tous les jours que les arbres
provenus des endroits très-anciennement habités ,
donnent des bois beaucoup meilleurs , et que si les
vaisseaux américains ne sont pas aussi durables , c'est
plutôt parce qu'on ne laisse pas assez dessécher les
matériaux dont ils sont construits.
On peut juger, par la quantité de Chêne blanc
qui s'emploie dans les constructions navales, dans la
bâtisse des maisons, dans les arts mécaniques et dans
les clôtures des champs , combien la consommation
en est considérable ; et cette consommation est en-
core fort augmentée , par ce qui s'en exploite pour
fournir au commerce d'exportation , et dont la plus
grande partie passe en Angleterre.
Dans les Etats-Unis, ces expéditions se font seu-
lement des ports des Etats du Nord et du milieu,
d'où il est envoyé en pièces équarries et en planches
de différentes épaisseurs : ce qui en est encore im-
porté en Angleterre, parla voie de Québec, est tiré
QUERCUS AL B A. 27
des bords du lac Champlain, situés dans les limites
du territoire des Etats-Unis; car le bas Canada, les
rives du fleuve Saint-Laurent, au-dessus de Mont-
Réal , et les bords du lac Ontario , ne doivent^ pour
le présent, d'après mes conjectures , fournir tout au
plus que ce qui est nécessaire à la consommation des
habitans de ces contrées.
Dans un extrait de la douane du fort Saint- Jean,
que j'ai déjà eu occasion de citer, la quantité de bois
de Cliéne qui est passée par ce poste , pendant les six
premiers mois de l'an 1807, est portée à i43,ooo
pieds cubiques ( 46,000 mètres J. Oddy, dans son
Traité sur le commerce d'Europe, dit que dans les
chantiers de constructions maritimes, en Angleterre ,
on a reconnu que le bois de Chêne blanc, qui ve-
noit de cette partie de l'Amérique septentrionale ,
étoit de fort bonne qualité. Tout en voulant bien
partager cette opinion jusqu'à un certain point, je
pense cependant que celui qui est importé des ports
de Baltimore et de Philadelphie, doit lui être fort su-
périeur par les raisons que j'ai données en parlant
du merrain.
Avant de terminer l'histoire du Chêne blanc, dans
laquelle j'ai fait connoître , autant qu'il m'a été pos-
sible, toutes ses propriétés, et par suite son impor-
tance dans les Etats-Unis, je me permettrai de ha-
sarder une conjecture sur les résultats de la négli-
gence qu'on met dans le pays à la conservation et à
la reproduction de cet arbre; négligence à laquelle
ni le gouvernement fédéral, ni celui des Etats en
28 QUERCUS ALEA»
particulier, ne peuvent remédier; car ils ne pos-
sèdent, que je sache , aucun corps de forets. Je pense
donc qu'avant 5o ans , eu égard à Faugmentation de
la population, aux défricliemens considérables qui
auront forcément lieu ; enfin à l'appauvrissement
du sol, résultat de l'altération du climat, les Etats
du centre, qui sont actuellement les plus garnis de
cette espèce de Chêne, seront ceux qui en fourniront
le moins, tandis qu'au contraire, dans le Rentucky,
le Tenessée,^ le Génessée et autres parties plus au
nord , où j'ai dit qu'elle étoit peu multipliée , elle
le sera beaucoup plus , et que très-probablement ,
dans les forets qui existeront alors dans ces contrées,
elle remplacera en grande partie les essences qui les
composent aujourd'hui, et qui ne trouveront plus
dans la nature du sol assez de fertilité pour s'y re-
produire; ainsi, près de la rivière de Rennebeck ,
au milieu des forets primitives, composées de Hêtres,
de Bouleaux à canot, d'Erables à sucre et de Pins du
Canada, j'ai vu de petits cantons anciennement dé-
frichés, puis abandonnés, qui s'étoient naturelle-
ment recouverts de Chênes blancs et de Chênes gris,
tandis que dans la basse Virginie j'ai remarqué que
de mauvais Chênes rouges et des Pins , Pinus mitis
et Pinus tœda^ en grande abondance, remplaçoient
des arbres d'une meilleure qualité. Les vallons , au
milieu desquels circulent les rivières à l'est des mon-
tagnes, sont, à quelques exceptions près, les seuls
endroits où pourroit se faire cette heureuse méta-
morphose ; mais ces terreins sont trop précieux pour
QUERCUS ALBA. 29
la culture , et l'on ne sauroit en tirer un meilleur
parti.
Le Chêne blanc de l'Amérique septentrionale
peut-il être considéré comme une acquisition utile
pour riLurope, et par suite convient-il de le mul-
tiplier dans les forets de l'Empire, au détri-
ment du Quercus pedunculata y ou même conjoin-
tement avec lui ? Je ne le pense pas , et mon
opinion est fondée sur les renseignemens que j'ai
obtenus principalement de beaucoup de construc-
teurs de vaisseaux américains , français et anglais
établis dans les Etats-Unis , et qui ont été à même
de travailler ces deux espèces de bois ; presque tous
sont d'avis, comme je l'ai dit plus haut, que le
Chêne d'Europe est préférable, parce que son grain
est plus serré et plus compacte ; cependant quelques-
uns croient que celui de l'Amérique l'égaleroit en
bonté , si on ne le mettoit en œuvre que lorsqu'il est
parfaitement sec, et si les pièces employées prove-
noient d'arbres venus autour des champs dans les
endroits fort anciennement défrichés. Suivant ces
mêmes personnes , la supériorité du Chêne blanc
se trouveroit seulement dans son plus grand degré
d'élasticité , qui le rend propre, lorsqu'il est encore
jeune , à en faire des cercles pour les tonneaux. Mais
cet avantage ne sauroit compenser son principal
défaut 5 et d'ailleurs les cercles du Châtaignier de
France sont bien préférables à ceux du Chêne d'Amé-
rique , parce qu'ils n'ont pas comme ceux-ci l'in-
convénient de pourrir aussi promptement, ce qui
3o QUERCUS ALBA.
rend le Chêne blanc , même en Amérique , infé-
rieur pour cet usage au bois d'Hickery.
Il est vrai que le Chêne blanc est employé au-
jourd'hui dans les chantiers de la marine royale en
Angleterre; mais la raison en est que, dans ces der-
niers temps , cette puissance n'a pu tirer d'Europe
ce qui lui en étoit nécessaire , et qu'elle est obligée
de se servir de bois qu'on rejetteroit peut-être dans
d'autres circonstances. Il est d'ailleurs fort possible
que cette espèce soit employée pour la charpente
inférieure qui est toujours dans l'eau , et que le
Chêne d'Europe , ainsi économisé , forme les mem-
brures supérieures.
Sous le rapport de l'introduction du Chêne blanc
dans nos forêts , je suis fâché de me trouver en op-
position de sentimens avec quelques personnes qui
ont récemment écrit sur le même sujet; mais je n'ai
émis mon opinion, que d'après les résultats des re-
cherches que j'ai faites, et des renseignemens que j'ai
pris avec soin pendant mon dernier voyage en Amé-
rique.
Si enfin on considère cette question comme dé-
cidée en faveur du Chêne d'Europe, Quercus pe-
dunculata^ les Américains des Etats-Unis devront
s'appliquer à introduire cette dernière espèce dans
leur pays. C'est surtout aux diverses corporations,
dont les propriétés sont plus rarement aliénables,
que je me permettrai de faire cette recommandation,
qui 5 si elle reçoit son effet, finira par tourner à leur
grand avantage et à celui de la société. L'analogie
QUERCUS ALBA. 3l
du climat ne permet pas de douter de la parfaite
réussite de cet arbre dans les Etats-Unis; on en trou-
vera d'ailleurs la preuve la plus manifeste dans le
jardin de M." J. et W. Bartram , situé à 3 milles de
Philadelphie, où il existe un très-grand Quercus
pedunculata ^ qui, depuis bien des années, donne
abondamment des fruits, et continue de pousser
avec vigueur.
PLANCHE l\
Fig. 1 . Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur
naturelle.
QUERCUS OLIFMFORMIS.
MOSSr CUP OAK.
QuERCUs ohlongis glabris , suhtùs glaucis , profundè în-
œqualîterque sinuato-lohabis ; fructu ovato ; cupulâ
profundiùs crateratâ , supernè crinitâ. Glande olivoi"
formi.
Les bords de la rivière Hudson , au-dessus de la
ville d'Albany, et cette portion de l'Etat de New-
York, connue sous le nom de Gënessëe , sont les
seules parties des Etats-Unis où j'aie trouvé cette
espèce de Chêne. Elle y est même assez rare pour
que jusqu'à présent les habitans ne lui aient donné
aucun nom particulier : j'ai dû y suppléer. J'ai cru
aussi devoir changer le nom spécifique latin de
Muscosa^ sous lequel cette espèce est comprise dans
le tableau indicatif qui précède cet ouvrage, pour
celui àlOlivœformis qui m'a paru plus caractéris-
tique.
Les feuilles de ce Chêne sont d'un vert tendre en-
dessus et blanchâtres en-dessous. Elles se rappro-
chent ainsi, quant à la couleur , de celles du Q. alha,
mais elles en diffèrent beaucoup par la forme; elles
sont plus grandes , laciniées très - profondément et
d'une manière irrégulière; et les divisions, dont les
sommets sont arrondis, varient tellement dans chaque
feuille , qu'il est rare d'en trouver deux qui se res-
semblent un peu exactement. Les glands , de forme
/'/ 2.
PJ./L:/.,,,/.-
/ù'fl^/'tt
QUEllC US oliva^/biniKs.
QUERCUS O LIV.^FORMIS. 33
ovale allongée, sont presque entièrement renfermés
dans une cupule qui présente à-peu-près la mémo
configuration que les glands , et qui , à sa surface ,
est garnie d'écailles saillantes dont les pointes se re-
courbent en arrière, excepté vers le t)ord supérieur
où elks se terminent en filamens déliés et flexibles.
C'est à cause de cette disposition particulière , que
je lui ai donné le nom de Mossy cup oak^ Chêne
à cupule chevelue.
Le Quercus olwœformis s'élève à 60 et 70 pieds
(30 mètres j. Son tronc, revêtu d'une écorce assez
blanche et comme lamelleuse, supporte une cime très-
large, qui donne à l'arbre une belle apparence; mais
ce qui le rend surtout très-remarquable, ce sont ses
branches secondaires, menues, flexibles et toujours
inclinées vers la terre. Cette dernière disposition suf-
flroit pour engager à le cultiver dans les parcs ou les
jardins d'une certaine étendue, à l'embellissement
desquels il ne peut que contribuer.
Comme je n'ai trouvé cet arbre que dans des en-
droits assez éloignés des lieux habités , je n'ai pas eu
la facilité d'en faire abattre , pour apprécier les qua-
lités de son bois. Cependant , autant que j'ai pu
juger, il n'est pas meilleur que celui du Chêne blanc,
quoique très-préférable à celui du Chêne rouge.
PLANCHE II.
Fig. 1 , gland dans sa cupule. Fig. 2 , gland hors de sa cvpule.
IT.
QUERCUS MACROCARPA.
OVER CUP WRITE OAK.
QuE^cvsfollis subtomenbosîs , profonde lyratimque sînua-
ùO'lobatîSflobis obtusis : fructu maximo: cupulâ profon-
diùs crateratâ , supernè crinatâ : glande turgidè ovatâ,
A. Michaux , Hist. des Chênes.
Les cantons les plus fertiles des Etats du Ren-
tucky et de l'ouest Tënessée , ainsi que de la partie
de la Haute-Louisiane qu'avoisine le Missouri , sont ,
au-delà des monts Allëghanys , les endroits où cette
espèce intéressante est le plus multipliée. Elle est
connue dans ces contrées , des Américains , sous le
nom à'Oi^er cup wJiite oak^ Chêne blanc à gland
renfermé, et des Français, des Illinois, sous celui
de Chêne à gros gland.
Le Quercus macrocarpa est un fort bel arbre qui
s'élève à plus de 60 pieds ( 20 mètres ) ; son feuil-
lage m'a paru très-toulFu et d'un vert assez sombre.
Ses feuilles, plus grandes que celles des autres es-
pèces qui croissent dans les Etats-Unis , ont souvent
i5 pouces (4o centimètres) de longueur, et 8 pouces
( 20 centimètres ) dans leur partie la plus large. Elles
sont crénelées à leur sommet , et sinuées et décou-
pées très-profondément dans leurs deux tiers infé-
rieurs. Les glands , de forme ovale , sont aussi plus
volumineux que ceux de toutes les autres espèces de
Chênes trouvées dans l'Amérique septentrionale , et
/y.?.
P.J/ir,/.,<,/.
J{fnar{f Se
OUERCUS iiiacrocarpa .
/ } / 1.^ ^/' "' ^ / ^ /
QUCRCUS M ACPtO CARPA. 3j
dont le nombre, comme j'ai eu occasion de le re-
marquer, est de plus de quarante. Ces glands sont
contenus, jusque dans les deux tiers de leur lon-
gueur, dans une cupule épaisse, inégale, et dont
les Lords sont garnis de filamens déliés et flexibles.
Quelquefois, cependant, lorsque ces Chênes se trou-
vent au milieu de forets touffues , ou que les étés
ne sont pas très-chauds, ces fdamens ne paroissent
pas , de sorte que le bord de la cupule est tout
uni , et paroît comme replié intérieurement.
Il est fâcheux qu'un arbre de cette espèce , et
dont les glands sont aussi gros , ait une fructifica-
tion peu abondante ; ce qui fait que les habilans
des pays où il croît en font peu de cas , et n'ont
aucun intérêt à le conserver, parce qu'ils ont re-
connu d'ailleurs que son bois étoit inférieur en
qualité à celui du véritable Chêne blanc.
J'ai également observé, comme mon père qui en a
fait le premier la remarque , que les jeunes branches
du Quercus macrocarpa se couvrent d'une subs-
tance fongueuse et jaunâtre comme celles de l'Orme
et du Liquidambar. Un Chêne , dont les feuilles
sont aussi grandes, et qui porte d'aussi gros fruits,
est bien fait pour attirer l'attention des amateurs
de cultures étrangères, et pour trouver une place
dans les parcs et jardins d'une grande étendue.
PLANCHE III.
Fig. \. Gland dans sa cupule y grosseur naturelle.
QUERCUS OBTUSILOBA,
POST OAK.
QuEKCvs foliis smuatis , subtùs pubescentibus , tobis obtu^
sis , superioribus dilatads , bilohis. Fructu mediocri ;
glande brevi-ovabâ»
Q. Stellata , WiLti)» sp. pi.
Dans la partie du New-Jersey, qui avoîsine la mer,
ainsi que dans les environs de Philadelphie , cette
espèce de Chêne, assez peu répandue dans les forets^
paroit y avoir été considérée jusqu'ici comme une
variété du Chêne blanc ; par suite elle n'y est con-
nue sous aucun nom particulier. Mais dans le
Maryland et dans une grande partie de la Virgi-
nie, où elle est très-multipliée, et où on a été
à même d'apprécier ses qualités , elle est désignée
sous celui de Box white oaky Chêne buis blanc, et
quelquefois encore de Iron oakj Chêne de fer, et
de Post oak , Chêne à poteaux. Cette dernière dé-
nomination est, au contraire, la seule en usage dans
les deux Carolines, la Géorgie et l'Etat de Ténessée.
Elle m'a semblé plus convenable que les précédentes,
comme indiquant un des usages auquel le bois de cet
arbre est préférablement employé, et je l'ai conservée.
Les rives escarpées de la rivière Hudson , presque
opposée à la ville de New- York , sont les points
les plus avancés vers le nord où j'ai trouvé le
Chêne à poteaux. Il est vrai que son existence dans
cet endroit ne paroit due qu'à l'influence de l'air de
n.4-
J'JJÎftf^u/c
7iemv\{ ^V-
OUEK C IJ S olnusiloba .
QUERCUS OBTUSILOBA- ^'J
la mer , qui, comme on sait, modère jusqu'à un cer-
tain point la rigueur des froids. Celte opinion, dans
cette circonstance, est, je crois, d'autant mieux fon-
dée , qu'on ne trouve pas cet arbre dans les forets
tant soit peu distantes de ces situations très-décou-
vertes et très-clevées dont je viens de parler. Mais
dans les environs de South- Ambojs , plus rappro-
chés de 3o milles de la pleine mer , où le sol est
d'ailleurs très -sec et très - sablonneux , il est plus
commun , et on remarque qu'il le devient davan-
tage , et que sa végétation est plus belle à mesure
qu'on avance vers le sud. A l'ouest, dans la Pen-
sylvanie , le dernier individu de cette espèce que
j'ai observé, en me rendant de Philadelphie à Pitts-
burgh sur l'Ohio , s'est trouvé à quelques milles en
deçà de Carisle , éloigné de i5o milles de Phila-
delphie. Aux environs de Baltimore, distant de 210
milles de New- York , le Quercus obtusiloba est très-
multiplié dans les bois, et il y parvient à son entier
développement, car, dans aucune autre partie des
Etals méridionaux, je n'en ai vu d'une plus forte
dimension. Dans les Etats du Kentucky et du Té-
nessée il est assez rare, et on ne le voit très-abon-
damment , quoique d'une médiocre grosseur , qu'au-
tour des prairies naturelles où il forme presque
exclusivement la lisière des forets, au milieu des-
quelles ces vastes prairies sont enclavées. Il existe
aussi vraisemblablement dans la Basse-Louisiane,
car mon père et moi l'avons trouvé dans la Floride
orientale , dont le climat est le même.
38 QUERCUS OBTUSILOBA.
Quoique cette espèce se trouve dans toutes les
parties des Etats-Unis que je viens d'indiquer, ce-
pendant elle ne m'a paru nulle part plus multipliée
que dans les Etats du Maryland, et dans cette por-
tion de la Virginie , comprise entre le dernier chaî-
non des Alléghanys et la mer. Partout où le sol est
sec et graveleux , par suite très-peu substantiel , on
y voit le Quercus obtusiloha entrer en grande pro-
portion dans la masse des forets , composées princi-
palement des Quercus tinctoria^ Quercus coccinea^
Quercus ferrugineaj Quercus falcata^ Cornus Jloriday
et fréquemment de Pinus mitis , et de rejetons de
Juglans tomentosay forets qui, d'ailleurs, ont une très-
mauvaise apparence , tant parce que , comme je viens
de le dire , elles reposent sur un sol peu fertile , que
parce qu'elles sont constamment dégradées par les
bestiaux qui les parcourent toute l'année, et qui,
affamés dans l'hiver parle manque d'herbes, mangent
les jeunes pousses et les plants des années précé-
dentes. La partie haute des deux Carolines et de la
Géorgie, surtout au point d'union des landes et des
terres à chêne , fort analogue à ces cantons de la
Virginie dont je viens de parler , produit également,
et parla même raison , beaucoup de Quercus obtusi-
loha y tandis que vers la mer, où le sol trop stérile n'est
couvert que de Pins [Pinus australis.)^ cet arbre ne
se rencontre que sur la partie déclive des marais, ou
autour des habitations. Ou sur l'emplacement de
celles qui ont été abandonnées à cause de la stéri-
lité du terrein.
Q UERCUS OBTUSILOBA. 39
Les feuilles du Quercus obtusiloba sont portées
sur de courts pëtioles; leur couleur est d'un vert
sombre en-dessus et grisâtre en-dessous. Elles sont
longues de 4 à 5 pouces (12 centimètres), épaisses
et même coriaces vers la fin de l'été , sinuées assez
profondément et d'une manière assez régulière. Elles
présentent quatre à cinq lobes, arrondis à leur sommet,
dont les deux supérieurs sont beaucoup plus larges.
Dès que les premiers froids se font sentir, on remarque
que les nervures inférieures deviennent roses et
non rouges , ni même tirant sur le pourpre comme
celles du Quercus coccinea. La fructification de cet
arbre manque rarement. Les glands ovales-arrondis
et assez petits, sont contenus jusqu'au tiers de leur
longueur, dansune cupule grisâtre et légèrement iné-
gale à sa surface. Ils ne sont point amers comme ceux
de beaucoup d'autres espèces, mais ils sont très-
doux j c'est ce qui les fait avidement rechercher
par les écureuils et les dindons sauvages. C'est pro-
bablement aussi à cause décela, que quelques habi-
tans donnent encore à cet arbre le nom de Turkej
oakj Chêne à dindons.
Le Quercus obtusiloba s'élève beaucoup moins
haut que le chêne blanc , car sa hauteur excède
rarement 4^ à 5o pieds (i5 mètres), et son dia-
mètre i5 pouces (4o centimètres); quoiqu'il soit
resserré dans les forêts au milieu desquelles il croît ,
cependant sa cime est fort large , et même plus
que sa grosseur ne paroitroit devoir le comporter;
ce qui est dû probablement à ce que son tronc se
4o QUERCUS OBTUSILOBA.
partage promptement en plusieurs branches; elles
forment, avec celles qui leur ont donné naissance,
des angles plus ouverts que cela n'a communément
lieu dans les autres arbres j et elles ont surtout cela
de remarquable, que de distances à autres , dans leur
longueur, elles sont comme coudées ou repliées sur
elles-mêmes; disposition particulière, qui donne à cet
arbre un aspect assez caractéristique , pour que dans
l'hiver , lorsqu'il est dégarni de son feuillage , on
puisse le reconnoitre au premier abord. Son tronc
est revêtu d'une écorce peu épaisse et d'un gris
blanc; lorsqu'il est débité^ son bois a iine teinte
jaunâtre et qui ne tire point sur le rouge comme
celui du Chêne blanc; le grain en est plus serré et
plus fin , mais sa fibre est moins élastique. Ces pro-^
priétés doivent être attribuées à la nature du sol où
il croît, lequel est moins fertile et moins humide,
ce qui lui donne aussi plus de force et de durée;
voilà pourquoi on l'emploie de préférence pour faire
des pieux. On se sert de son bois, comme de celui
du chêne blanc , pour tous les ouvrages de charro-
nage et on en fabrique du bon merrain.
Dansles constructions maritimes,on en faitprincipa-
lement les genoux, à cause de la disposition plus obli-
que de ses branches. 11 entre aussi dans la charpente
inférieure des navires; mais comme son tronc se
ramifie promptement, et qu'il n'a jamais un très-grand
diamètre, rarement on peut en tirer des planches
pour bordages,ou d'autrespièces de fortes dimensions
et de grandes longueurs ; c'est ce qui fait que cet arbre
Q UERC us OBTUS I LOBA. l^ l
est généralement moins apprécie que le Chêne blanc,
outre (ju'il n'est pas aussi abondant que lui dans les
pays où ces deux espèces croissent simultanément ,
à l'exception néanmoins du Maryland et de la partie
de la Virginie que j'ai désignée , où il l'est beaucoup
plus.
Dans les colonies des Indes occidentales, on fait
plus de cas du merrain qu'on y importe de Baltimore
et de Norfolk; cette préférence est, à mon avis, due
en grande partie à ce qu'il est fabriqué avec le bois de
Quercus obtusiloha , dont le grain , comme je l'ai dit ,
est plus serré que celui du véritable Chêne blanc.
La disposition très-oblique de ses branches, qui
permet d'en tirer parti , pour des usages importans
dans les constructions navales , et l'avantage qu'il a
de croître dans des terreins secs et maigres , sont des
motifs assez puissans pour engager à le propager dans
les forets de l'Empire, quoique ce ne soit qu'un arbre
de la seconde grandeur. Il réussira surtout beau-
coup mieux dans les départemens de l'Ouest et du
Midi , que dans ceux du Nord , où le froid peut res-
treindre sa végétation. Il mérite aussi de fixer d'une
manière particulière l'attention des habitans des
Etats-Unis, qui devroient favoriser sa végétation et
sa reproduction aux dépens des autres espèces qui
croissent avec lui , et qui lui sont inférieures en
qualité.
PLANCHE IV.
Hameau , représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
II.
QUERCUS LYRATA.
OFER CUP OAK.
Qv Eï^cvs foliis subsessilibus , glabris ^ lyrato-sînuosis ;
summitate dilatatà , divaricato-trilohâ , lohis aciitan-
gulis , tcrminali tricuspide : cupulà depresso-globosâ ,
mûri catO'Scab rata , glande subtectâ.
Cette espèce de Chêne, assez intéressante, paroit
être exclusivement confinée à la partie basse et ma-
ritime des deux Carolines et de la Géorgie, car je ne
l'ai rencontrée nulle part dans le reste des Etats-
Unis.Très-probablement, elle doit aussi exister dans
la Basse-Louisiane, sur les bords du Mississipi ; car
je l'ai observée sur ceux de la rivière Saint-Jean, dans
la Floride orientale , qui ofFrent des situations très-
analogues à celles où elle affecte de croître dans les
Etats méridionaux. Le Quercus Ijrata n'est pas très-
multiplié dans la Basse-Caroline et la Basse-Géorgie ,
ce qui fait que , jusqu'à présent^ il n'a été remarqué
que desliabitans qui demeurent à proximité des lieux
où il croît. Ils le connoissent sous les noms à^Over
cup oak , Chêne à gland renfermé ; de Swamp post
oak ^ Chêne à poteaux des swamps ou marais, et
plus rarement sous celui de TVater 'white oak^
Chêne blanc d'eau. Les deux premières dénomi-
nations sont assez bonnes; car l'une indique une
particularité fort remarquable de cet arbre , qui
J' .f /iU.„:<- ,M
OUERCUS Wta
/^rv' r../ ^^./
^,ve/ ,l'c .
OUKRCrS P."^^cunmlata
QUERCUS PRINUS ACUMINATA.
YELLOfV OAK.
Q^UEncvsyblîis longé petiolatis , acuminatis y suhceqiialiler
dentatis ^ jructu mediocri : cupulci subhemisphœricd,
Q. Castanca. Wu-ld.
Les bords de la rivière Delaware, dans la Pensyl-
vanie , peuvent être considères , au Nord-Est, comme
les limites au-delà desquelles on ne trouve plus cette
espèce de Chêne. On pourroit presque dire qu'elle
n existe pas non plus dans la partie maritime des
Etats méridionaux; elle y est du moins si rare, que
je n'en ai vu que quelques individus sur les bords
de la rivière Savannah , près de Two-Sister- Ferry ,
dans la Géorgie ; et un seul pied sur celle de Cap Fear,
à un mille de Fayetteville , dans la Caroline du Nord.
Quoique le Quercus prinus acuniinata soit plus ré-
pandu dans les Etats du milieu et de l'Ouest , il est
encore fort peu commun comparativement à beau-
coup d'autres espèces d'arbres, et l'on peut voyager
des journées entières , sans en apercevoir un seul
individu. J'indiquerai cependant les bords de la
petite rivière de Conestoga , qui coule près de Lan-
caster, dans laPensylvanie ; ceux de la Monongahela
un peu au-dessus de Pittsburg , et enfin quelques
petits cantons très-rapprochés des rivières Holston
et Nolachuky , dans l'Est-Ténessée , comme les en-
droits où je l'ai le plus ])articulièrement observe-
Dans sa Monographie des Chênes d'Amérique, mon
6'2 QUERCUS PRTNUS ACUMINATA.
père en fait mention comme existant dans le pays
des Illinois.
Aux environs de Lancaster, on donne à cet arbre
le nom de Yellow oak^ Chêne jaune, à cause de la
teinte jaunâtre de son bois ; mais dans les autres
parties des Etats-Unis, il n'a reçu aucune dénomi-
nation particulière, parce que, comme on vient de
le voir , il y est si peu multiplié qu'il n'a pas
jusqu'à présent, attiré l'attention deshabitans, qui
le confondent avec le Quercus prinus palustris ou
le Quej^cus prinus monticola^ avec lesquels il a par
ses feuilles, une certaine conformité.
Le Quercus prinus aciuninata est un fort grand
arbre, d'une belle venue, et dont les branches
m'ont paru avoir plutôt une tendance à se rappro-
cher du centre, qu'à s'en éloigner, en prenant une
direction horizontale. Ses feuilles , longues de 6 à 8
pouces (20 centimètres), de forme lanceolato-acumi-
née , sont dentées très-uniformément dans leur con-
tour; elles sont d'un vert clair à leur partie supé-
rieure, et blanchâtres en-dessous. Les glands, con-
tenus dans une cupule peu écailleuse, sont petits et
de couleur brune; ils sont plus doux que ceux d'au-
cune autre espèce de Chêne des Etats-Unis.
Cet arbre , que j'ai toujours rencontré dans des
vallons, dont la terre étoit meuble et très- fertile ,
s'élève de 70 à 80 pieds (60 mètres) sur environ 2
pieds (60 centim. ) de diamètre. Son tronc est revêtu
d'une écorce blanchâtre et peu crevassée , qui se di-
vise souvent en feuillets , comme celle du Quercus
QUERCUS PRINUS ACUMINATA. 63
prinus discolor. Lorsqu'il est débité, on remarque,
comme j'en ai déjà fait l'observation, et surtout dans
les vieux sujets, que le bois a une teinte jaunâtre.
Cette couleur, cependant, n'est pas assez prononcée
pour le faire employer de préférence à aucun usage
particulier. En examinant sa texture , j'ai trouvé que
les pores sont en partie oblitérés, disposés très-irré-
gulièrement et beaucoup plus nombreux que dans
tous les autres Chênes que j'ai observés en Amérique.
Cette disposition organique doit nécessairement atté-
nuer la force du bois , et le rendre moins durable que
celui du Quercux priniix paluMt.rix et du Qiiercus
prinus monticola.
Le Quercus prinus acuminata se trouvant dis-
séminé dans une étendue de pays si considérable,
on ne s'étonnera pas que je n'aie trouvé personne qui
ait mis son bois en œuvre, et qui m'ait ainsi fourni
l'occasion d'apprécier ses qualités. Je ne puis donc
en parler sous ce rapport; mais je l'indiquerai comme
pouvant augmenter la série intéressante des espèces
d'arbres étrangers que nous possédons en Europe, et
comme susceptible de contribuer à l'embellissement
des jardins pittoresques, par son port agréable et le
bel effet de son feuillage.
PLANCHE IX.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS PRINUS CH IN CAPIN,
SMALL C HE S IV UT OAK.
Qu ERcv S Jbl il S obovatis grosse dentatis , suhtùs glaucis y
cupulà hemisphcericâ , glande ouata.
Q. Prinoides , Willd.
Dans les Etats du nord et du milieu, on donne à
cette jolie petite espèce , le nom de Small or dwarj
chesnut oak. Chêne châtaignier-nain , à cause de la
ressemblance de sou feuillage avec celui du Quercus
prinus monticola. Les feuilles ont aussi assez d'ana*
logie avec celles àw. Fagus chincapin ; et c'est pour
cette raison que dans l'Est -Ténessée, et dans les
Hautes Carolines, près des montagnes, on la désigne
sous celui de Chêne cJiincapin. Cette dernière dé-
nomination que j'avois adoptée, lors de mon pre-
mier travail , dans le tableau général qui est à la
tête de cet ouvrage, m'a paru , par suite de réflexions
ultérieures , moins convenable que la première , à
laquelle je crois définitivement devoir m'arréter, et
que je regarde comme devant désormais être consi-
dérée comme fixe. Je vais rendre compte des motifs
de ce changement. D'abord le nom de Chêne chin-
capin est entièrement étranger à la moitié des pays
où cette espèce croit le plus abondamment ; et, en
second lieu , celui de Chêne châtaignier-nain, quoi-
que moins usité dans les Etats du midi, ne peut
tarder à être compris par tous les habitaiis qui pos-
/'/ w
A-....,, ./,..■
OUKUriT.S P."%li„uapia
QUERCUS PRIN U S CHINCAPIN. 6j
sèdent également, dans leurs forets, les deux espèces
de Chêne châtaignier précédemment décrites.
Cette espèce de Chêne n'est point ordinairement
disséminée dans les forets, comme le sont beaucoup
d'arbres et d'arbustes : il est très-rare, au contraire,
de la rencontrer dans un grand nombre d'endroits
où elle viendroit très-bien , et le plus souvent on ne
la trouve que par cantons. Alors seule, ou entremêlée
avec le Quercus hanisteri , elle couvre des espaces
plus ou moins considérables, qui quelquefois excè-
dent 100 arpens (5o hect.}. L'existence de ces deux es-
pèces est toujours un signe assez certain de la stérilité
du sol. Les endroits suivans sont ceux où j'ai le plus
particulièrement observé le Chêne châtaignier nain:
les environs de la ville de New -Providence , dans
l'Etat de Rhode-Island ^ ceux d'Albany , dans l'Etat de
New- York; danslaVirginie,surlesmontSx'\lléghanys;
et dans l'est Ténessée , près de Rnoxville. Je l'ai
retrouvé encore aux portes mêmes de Philadelphie,
dans le parc de M. W. Hamilton, où il croit spon-
tanément.
Cette espèce , et une autre qui vient au milieu
des landes dans les Etats méridionaux, sont, de
toutes les espèces de Chêne des Etats-Unis , celles
qui s'élèvent le moins; car elles n'excèdent pas or-
dinairement 24 à 3o pouces de hauteur ( Q^ centi-
mètres j. Peut-être même, par ce motif, n'en aurois-
je pas fait mention , si je n'eusse pensé qu'il seroit
agréable d'avoir la description complète de ce genre
II. 9
66 QUERCUS PRINUS CHINCAPIN.
d'arbre si utile, sous tant de rapports, et qui offre des
ressources si étendues , aux arts et au commerce.
Les feuilles du Chêne châtaignier nain sontovales-
acuminées, d'un vert clair en-dessus, et pâle en-des-
sous; elles sont dentées assez régulièrement, mais
avec des découpures peu profondes. Les glands,
contenus jusqu'au tiers de leur longueur dans des
cupules écailleuses et sessiles , sont de moyenne
grosseur, un peu alongés et également arrondis à
leurs deux extrémités ; ils sont très-doux au goût.
Il semble que la nature ait voulu compenser la
petitesse de ce Chêne par une fructification très-abon-
dante ; elle est souvent telle, que les glands, pressés
et serrés les uns contre les autres sur les tiges, les font
courber jusqu'à terre, où elles restent couchées dans
toute leur longueur; mais il faut dire que, quelquefois,
ces tiges ont àpeine la grosseur d'une plume ordinaire.
Sifexiguité de cette espèce la rend impropre, même
au chauffage, peut-être pourroit-on en tirer parti sous
le rapport de l'abondance extrême de sa fructifica-
tion. Surtout , si on le réunissoit au Quercus banis-
teri^ qui ne s'élève guère plus haut, et qui offre le
même avantage quant à sa fructification.
PLANCHE X.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur
naturelle.
N.ji.
M J. Redouté Jc-Z^
û.zirœlJcr
OUEllCUS vireiis
QUERCUS riRENs.
LITE OAK.
QuEiicus foliis perennantîbus y coriaceis , ovato-ohlongis ,
juniorihus dentatis , vetusdoribus integris ; cupula tur-
binata j squamulis abbreviatis\ glande oblonga.
Cette espèce de Cliéne, qui appartient exclusive-
ment à la partie maritime des Etats méridionaux ,
des deux Florides , et de la Basse-Louisiane , est
connue dans tous ces pays , sous le seul nom de Live-
oak^ Chêne vert. Les environs de Norfolk, dans la
Bas^e-Virginie, peuvent être considérés , vers le nord,
comme jouissant déjà d'une température assez modé-
rée, pour que cet arbre puisse y croître naturellement,
encore qu'il y soit moins multiplié et que sa végé-
tation n'y soit pas aussi vigoureuse que dans les
contrées, qui sont plus aumidi.LeChêne vert, particu-
lier au rivage de la mer, s'observe, à partir de l'endroit
que j'ai indiqué en Virginie, jusqu'au-delà de l'em-
bouchure du Mississipi ; ce qui comprend une éten-
due fort considérable, et qui excède plus de 5 à 6oa
lieues (25oo kilom. ) L'influence de l'air de la mer
paroit essentiellement nécessaire à son existence \,
car , sur le continent , on ne le voit que bien rare-
ment faire partie des forets , même à une très-petite
distance , dans l'intérieur, qui ne s'étend pas au-delà
de i5 ou ao milles.
63 QUERCUS VIRENS.
C'est principalementsurles lies nombreuses etassez
fertiles qui bordent les côtes , pendant plusieurs cen-
taines de milles , ainsi que sur la grande terre au
bord des lagons , autour des anses et le long des
criques, que le Chêne vert est le plus abondant, qu'il
acquiert son plus grand développement , et que son
bois est de meilleure qualité. Les îles de St. Simon,
de Gumberland , de Sapelo , et quelques autres qui
se trouvent entre les embouchures des rivières St.
Jean et Sainte-Marie, sont celles où j'ai observé
plus particulièrement cet arbre, dans le cours d'une
navigation de plus de i5o lieues ( 700 kilom. )
que je fis, en pirogue, sur les lagons, à partir du
cap Canaveral dans la Floride orientale, jusqu'à
Savannali en Géorgie. Dans ce voyage , j'en vis sou-
vent qui se trouvoient immédiatement sur la plage,
et d'autres qui étoient à moitié ensevelis dans les
sables des dunes, et qui , quoique dans un sol sa-
blonneux et mouvant, conservoient une belle ver-
dure et une apparence de végétation vigoureuse ,
résistant ainsi pendant des laps de temps considé-
rables, en hiver aux furies des tempêtes , et en été, à
l'ardeur d'un soleil brûlant. La hauteur totale la plus
ordinaire du Chêne vert est d'environ 40 à 4^ pieds
( i5 mètres ), sur i à 2 pieds (5o centim. ) de dia-
mètre. Ce n'est pas qu'il ne vienne beaucoup plus
gros ; car monsieur S. , président de la société d'a-
griculture de Charleston S. C, m'a dit en avoir fait
abattre un, qui avoit 24 pieds ( 8 mètres ) de cir-
conférence; il est vrai que cet individu étoit creux
QUERCUS VIRENS. ^ Cq
intérieurement. Comme tous les arbres qui croissent
isolément, cet arbre a un sommet très-élargiet Irès-
toufFu , qui repose sur une tige haute de i8 à 20
pieds Ç 6 mètres ) , mais qui le plus souvent , se
partage en plusieurs branches , à la moitié de cette élé-
vation ; de sorte que , vu dans l'éloignement , son as-
pect ne ressemble pas mal à celui d'un vieux pom-
mier ou plutôt d'un vieux poirier. Ses feuilles con-
sidérées séparément sont de forme ovale, coriaces ,
d'un vert foncé en-dessus et blanchâtres en-dessous.
Elles restent plusieurs années sans tomber, et ne
se succèdent que partiellement les unes aux autres.
On remarque encore que , sur un grand nombre d'ar-
bres qui ont été plantés dans des habitations , ou
qui croissent dans des terreins assez frais , les feuil-
les sont de moitié plus grandes, et que beaucoup
d'entre elles sont dentées. Elles le sont, au contraire,
jn'esque toutes, et d'une manière très-prononcée,
dans les plants de deux ou trois ans.
Les glands du chêne vert , contenus dans des cu-
pules pédiculées , peu profondes et de couleur gri-
sâtre, ont une forme ovale -alongée , et sont presque
noirs. On assure que les Indiens en tiroient autrefois,
par expression , une huile qu'ils méloient à leurs ali-
mens; peut-être même les mangeoient-ils , car, sans
être agréables au goût, ils n'ont pas une saveur âpre
et amère, comme ceux de beaucoup d'autres espèces.
Dans certaines années, ils sont fort abondans. Ils
germent avec une telle facilité , que , lorsqu'il vient à
pleuvoir, à l'époque de leur maturité, peu de temps
no QUERCUS VIEENS.
après on en trouve beaucoup sur ces arbres, dont la
radicule est déjà développée.
Le tronc du Chêne vert est couvert d'une écorce
noirâtre , dure et assez épaisse. Lorsqu'il est dé bité ,
on trouve que son bois a une teinte jaunâtre , plus
prononcée dans les vieux arbres 5 qu'il est fort pesant
et très-compacte ; que son tissu est très -fin , très-serré
et que ses couches annuelles ou concentriques sont
très-rapprochées ; ce qui annonce évidemment la len-
teur de sa croissance , et combien de temps il faut
attendre pour qu'on puisse en tirer parti. Doué de
beaucoup de force , et incomparablement plus du-
rable que le meilleur Chêne blanc, il est, à juste titre,
très-estimé pour les constructions navales , et sous
ce rapport il est fort recherché non-seulement dans
les pays où il croît, mais encore dans tous les ports
des Etats du Nord, où il est continuellement im-
porté pour cet objet, et où il s'en consomme propor-
tionnellement une bien plus grande quantité que
dans les Etats méridionaux. Sa longue durée, lors-
qu'il est bien sec, le fait employer presque exclusi-
vement pour la charpente supérieure ; mais, à cause
de sa grande pesanteur, on est obligé d'intercaler des
morceaux de même diamètre en Cèdre rouge , dont
le bois, d'une extrême légèreté, résiste aussi bien
aux alternatives de la sécheresse et de l'humidité.
Le peu d'élévation du tronc du Chêne vert, et son
diamètre , souvent peu considérable , ne permettent
pas d^en tirer de grandes pièces de charpente ; mais sa
cime très-branchue et très- étendue , compense , en
QUERCUSVIRENS. 7!
partie,ce désavantage, parce qu'elle fournit beaucoup
d'excellens genoux, pièces , comme on sait, très-pré-
cieuses, et dont on n'a jamais assez dans les grands
chantiers de constructions maritimes.
Les navires qui se construisent à Philadelphie et
à New-York, et dont la charpente supérieure est en
Chêne vert et en Cèdre rouge , et l'inférieure en
bon Chêne blanc, sont tout aussi durables que ceux
qui sont faits en Europe avec les matériaux de pre-
mière qualité. Brekel, que j'ai déjà cité, dit que les
meilleures gournables sont en Chêne vert. Actuelle-
ment on ne s'en sert plus dans les ports de mer des
Etats méridionaux j mais on y emploie pour cet usage
le cœur du Piniis australis.
Dans le midi des Etats-Unis, et notamment à
Charleston et à Savannah, les charrons font les jantes
et les moyeux des grosses voitures en Chêne vert ; et ,
sous ce rapport,il est bien préférable au Chêne blanc,
dontle principal défaut est de se fendre très-prompte-
ment de tous côtés , et de former des écartemens d'un
quart de pouce de diamètre ; il est aussi beaucoup
plus propre à faire les dents d'engrenage des roues
de moulin et les machines à vis. Je ne doute pas , non
plus, qu'il ne convint très-bien pour faire de grosses
vis de pressoir.
Son écorce est excellente pour le tannage des cuirs ,
étant très-riche en principe tanin ; mais on ne s'en sert
qu'accidentellement, et aucun tanneur, même dans
les pays oh. il croît, ne l'emploie habituellement.
La consommation qui se fait dans les Etats-Unis
^2 QUERCUSVIRENS.
du bois de Chêne vertpour les constructions navales ,
indépendamment de ce qui en est exporté pour le
même usage en Angleterre , est très considérable ,
principalement dans les ports de Baltimore , de Phi-
ladelphie , de New- York et de Boston ; et cette con-
sommation a été plus que triplée depuis vingt ans ,
à cause de la grande activité commerciale qui a eu
lieu dans ce court période. Il en est résulté , d'une
part, une double augmentation dans le prix de cette
sorte de bois , et de l'autre , une diminution très-
sensible de cette espèce de Chêne, dont l'existence,
indépendamment d'une croissance très- lente, est
limitée au littoral de l'Océan. Le défrichement des
lies où il se trouvoit en abondance, pour y établir
la culture du coton qui y vient d'une qualité su-
périeure, peut encore avoir contribué pour beau-
coup à la destruction du Chêne vert, dont on ne
peut plus se procurer que très-difficilement de grandes
pièces dans les limites des Etats méridionaux; ce qui
fait que, depuis plusieurs années, on va en chercher
sur les côtes de la Floride orientale , et notamment
entre la rivière Sainte-Marie et la rivière Saint-
Jean; car, au-delà de Saint- Augustin , jusqu'au cap
de la Floride, il s'en trouve fort peu. On dit que Ja
côte de la Floride occidentale en est bien pourvue,
et que les Anglais des îles Bahama y vont s'en appro-
visionner. 11 est probable que ces coupes clandes-
tines ne seront plus tolérées, actuellement que cette
province est passée sous la domination des Etats-Unis.
Le Chêne vert étant un des arbres dont il est le
QUERCUSVIRENS. ^3
plus difTicilc d'opérer la reproduction , tant à cause
des localités, qu'à cause de la lenteur de sa végéta-
tion, je ne puis m'empécher de regarder sa dispari-
tion , comme à peu près certaine dans tous les Etats-
Unis , d'ici à cinquante ans. Il en sera donc de
cette espèce comme de son analogue, lé Quercus
ilex^ qui garnissoit autrefois les côtes méridionales
de la France , de l'Espagne et de l'Italie. Comme
lui , on ne le trouvera plus que sous la forme de
cépée et de buisson , seulement propre au chauf-
fage ou à d'autres usages qui ne requièrent que l'em-
ploi de morceaux très-peu volumineux. Le chêne
vert seroit une acquisition infiniment précieuse pour
la partie maritime des départemens méridionaux de
l'Empire, et de ceux du royaume d'Italie, oii sa réus-
site peut d'avance être considérée comme certaine ,
si on tente jamais de l'y introduire.
PLANCHE IL
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
II. 10
QUERCUS PHELLOS.
WILLOW OAK.
Q u E R c u sfoliis lineari-lanceolatis , integerrimis^ glabris ,
api'ce seCaceo-acuminatis ,Junïoribus dentatis lobabisi^e;
cupulâ scutellatây glande subrotundâ , minimâ.
Cette espèce , très-remarquable par son feuillage,
commence à se trouver , en allant du nord au midi,
dans les environs de Philadelphie ; mais elle y est
moins multipliée, et n'y acquiert pas un aussi grand
développement que dans les États situes plus au
sud , tels que la Virginie , les deux Carolines et la
Géorgie , où la température moins rigoureuse qu'on
y éprouve en hiver , paroît évidemment avoir une
influence favorable sur sa végétation. Ce n'est ce-
pendant que dans la partie maritime des Etats mé-
ridionaux , qu'on remarque le Quercus phellos 5 il
semble , au contraire, étranger à l'intérieur de ces
mêmes états , dont le sol est montueux et la tem-
pérature plus froide. On doit, selon toute appa-
rence , le trouver dans la Basse-Louisiane qui a
beaucoup de rapports, par le climat et la nature
du sol , avec la partie basse des Etats dont nous
venons de parler. Je ne l'ai point observé au-delà
des monts Alléghanys, dans ceux du Rentucky et
du Ténessée.
Le Quercus phellos croit ordinairement dans les
terreins très-frais et même humides ; et , réuni au
Njssa aquatica au Magnolia glaucuj à l'Acer ru-
//. rn,.,/ou/c .A'/
/L'^:.7^y
(^)VK11C1 s phcllos
Q U E R C U s P II E L L O s. 7 J
bruin^ an Laurus caroliniensis, atSiU Quercus aqua-
iica^ il garnit les marais si nombreux qui cxislciu
dans la partie maritime des Etats méridionaux.
Dans ces sortes de situations qui sont , comme je
viens de le dire, celles qui lui conviennent da-
vantage, il s'élève à 5o et 60 pieds (20 mètres) ,
sur 20 à 24 pouces ( 60 centim. ) de diamètre. Le
tronc , même dans les vieux arbres , est couvert
d'une écorce unie, ou à peine crevassée, et dont
le tissu cellulaire est fort épais. Les feuilles
lisses, entières, étroites et longues , de 2 à 3 pouces
( 7 centimètres), sont d'un vert clair et d'une texture
assez fine. Leur forme , qui a une certaine ressem-
blance avec celle des feuilles du saule , lui a fait
donner le nom FTillow nakj, Chêne saule, le seul
qu'il porte dans toutes les parties de l'Amérique sep-
tentrionale où il se trouve.
Je viens de dire que le Chêne saule se rencontroit
rarement autre part que dans les lieux très-humides.
Cette assertion supposoit des exceptions. En effet ,
par une de ces causes dont il est assez difficile de
rendre compte, on le trouve quelquefois près de la
mer, au milieu des Chênes verts, dans des terrains
très-secs et très-sablonneux. Alors, il a de loin tout
l'aspect de cette dernière espèce y tant par sa forme ^
que par son feuillage qu'il conserve vert plusieurs^
années de suite ; mais, examiné de près, on le re-
connoît bientôt à ses feuilles,, qui sont plus courtes
et beaucoup plus étroites , ainsi qu'à la texture de
son bois, qui est très-poreux.
^6 QUERCUS PHELLOS.
Les glands du Chêne saule, rarement abondans,
sont contenus dans une cupule peu profonde et lé-
gèrement écailleuse ; ils sont petits , arrondis , de
couleur brun-foncë et fort amers. Quand on les tient
dans un endroit frais, ils peuvent, sans pousser,
conserver leur faculté germinative pendant plusieurs
mois.
Le bois du Quercus phellos est rougeâtre , le grain
en est grossier et les pores en sont très-ouverts; ce qui
fait que le merrain qui en provient, ne peut convenir
pour faire des barriques, ou tonneaux destinés à
contenir des liqueurs spiritueuses, même des vins:
aussi, ce qui s'en fabrique est-il classé parmi le mer-
rain de Chêne rouge , et employé aux mêmes usages.
Au surplus, la quantité qui s'en exploite sous ce
rapport, se réduit à peu de chose; car, cet arbre,
confiné dans certaines localités , est réellement peu
abondant, compai-ativement à une foule d'autres ;'et
j'oserai même avancer que tout ce qui en existe dans
les Etats-Unis ne suffiroit pas, si on l'employoit seul,
pour subvenir aux besoins du pays et du commerce
pendant le cours de deux années. Dans quelques
cantons de la Basse-Virginie, et notamment dans le
comté d'York , l'expérience paroît avoir appris que le
bois du Quercus phellos est doué de beaucoup de
force et de ténacité, et qu'il est moins sujet à se fen-
dre que celui du Chêne blanc; et c'est à cause de
cette propriété, qu'après l'avoir d'abord bien laissé
sécher, on s'en sert pour faire des jantes de roues de
charrettes et de cabriolets. Cet usage, avec celui in-
QUERCUS PHELLOS. ^^
cliqué plus haut, est le seul auquel j'ai trouvé
que ce bois fût adapté, et je ne puis croire même
qu'il y soit aussi propre que des morceaux Lien
choisis de Qiiercus ohtusiloba, ou de Fraxinus dis-
color. Cependant , j'ai encore vu les champs de plu-
sieurs habitations , dans les environs d'Augusta en
Géorgie, dont les clôtures étoient faites, en partie, de
bois de Chêne saule; mais elles durent huit à neuf
ans au plus, tandis que celles faites en Quercus pri-
nus palus tris résistent pendant quatorze ou quinze.
Le Quercus phellos ne fournit même qu'un mauvais
bois de chauffage; et quand on l'exploite dans cette
vue, il est toujours rangé dans la classe de ceux qui
se vendent au priy \e plus bas.
D'après ce qui précède, on peut juger que cet arbre,
considéré sous le rapport des avantages qu'il peut
offrir aux arts et au commerce, est d'un foible inté-
rêt pour les Européens, et même pour les habitans
des Etats-Unis, qui, dans les défrichemens, ne doi-
vent avoir aucun égard à sa conservation.
Nous possédons en France plusieurs Chênes saules
d'une grande hauteur. Il en existe surtout dans le
jardin impérial du Petit-Trianon , un fojt bel indi-
vidu, qui a plus de 4o pieds ( 12 mètres) , et dont
la belle végétation et le feuillage vraiment singulier
pour un Chêne , attirent toujours avec plaisir l'atten-
tion des curieux.
PLANCHE XII.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
QUERGUS IMBRIÇARIA,
LAUREL OAK.
QvEncv S Jbliïs subsessîlibus , ovall-oblongis , acutis , inte-
gerrimis, nitidis : glande subhemisphericà.
Cette espèce de Chêne , assez rare à Test des monts
Alléghanys], n'y est connue , sans doute par cette
raison, sous aucun nom particulier; tandis qu'à l'ouest
de ces montagnes, où elle est plus multipliée , etoià,
par conséquent, elle a dû attirer davantage l'atten-
tion des colons qui sont venus s'y fixer, elle est dé-
signée sous ceux de Jack oak^ Black Jack oak, et quel-
quefois de T.nureloak^ Chêne laurier, d'après la forme
de ses feuilles. Cette dernière dénomination m'a paru
la plus convenable, et je l'ai conservée, quoiqu'elle
ne soit peut-être pas aussi usitée que la première.
C'est à un ou deux milles en-deçà de Bedford, sur
la grande route de Philadelphie à Pittsburgh, qui ,
à cet endroit , longe la rivière Juniata , que j'ai ob-
servé, pour la première foisjdans laPensylvanie, cet
arbre qui ne se trouve dans aucun des Etats situés
plus au nord. Je ne l'ai vu ensuite très abondant
qu'au-delà des montagnes, et notamment aux en-
virons de Washington, Pen., ainsi que dans quel-
ques parties des Etats du Rentucky et du Ténessée.
11 paroitencore,d'aprèsles observations démon père,
que le Quercus imhricaria est plus commun dans
NjI',
/fJXeJof,U ,
QUERCUS CINEREA.
UPLAND WILLOTV O A K.
QvERCVS,/oliis petiolatis , lanceolato-oblongis, acutls, înte-
gerrimis , subtàs cinereo-pubescentibus : cupulu scutel-
latâ ; glande subliemisphcericâ,
L^ Quercus cinerea apparûent exclusivement à
la partie méridionale et maritime des Etats du Sud,
où il est connu sous îe nom de Upland TVillow-
oak^ Cliéne saule des terres élevées. Cette dénomi-
nation est assez bonne ; car cette espèce de Chènc
peu abondante sur le continent, comparativement
à beaucoup d'autres arbres , est disséminée par petits
groupes au milieu des pinières composées de Pinus
australis. On le trouve encore sur les bords de la
mer et dans les îles qui bordent la côte ; là , il cou-
vre exclusivement des étendues de plusieurs arpens,
dont le sol est encore plus aride que celui de la Terre-
ferme : mais les individus qui croissent dans ces deux
situations , présentent un aspect si différent , qu'on
seroit tenté de les prendre pour des espèces distinctes.
En effet , ceux qui croissent au milieu des pins , ont
i8 et 20 pieds (^ômètresj de haut , sur un diamètre
de 4 à 5 pouces (12 centim. ) ; leurs feuilles sont
entières, longues d'environ 2 pouces et demi ( 6^ mil-
limètresj , et blanchâtres en-dessous ; ceux , au cou*
traire, qui croissent dans les îles ou sur la partie du
continent qui est très-rapprochée de ia mer, et dont
H. II
82 QUERCUS CINEREA.
le terrain est aride , comme dans les environs de la
ville de Willemington , N. C. , ne parviennent qu'à
3 et 4 pieds (i mètrej de hauteur, et leurs feuilles,
longues seulement d'un pouce (27 millim. j , sont
dentées : elles sont même assez consistantes pour
rester deux ans sans tomber. Je me suis assuré que
ces deux variétés étoient une même espèce , par un
grand nombre de pieds appartenant à celle qui s'é-
lève le plus, et qui croît dans les pinières : ces arbres
qui avoient été coupés , repoussoient des rejetons
dont les feuilles étoient absolument pareilles à celles
de la variété , qui vient dans les iles et sur le bord
de la mer.
Le Quej^cus cinerea est une des mauvaises espèces
de Chênes , qui succèdent naturellement aux pins
dans les terrains couverts de ces arbres, qu'on a tenté
de cultiver d'abord , mais qu'on a été forcé d'aban-
donner bientôt, à cause de la stérilité du sol. Dans
ces endroits, le Quercus cfrzere^ s'élève jusqu'à 20
pieds (7 mètres) ; mais, comme les individus de cette
même espèce qui viennent dans les pinières , il est
très-branchu dans les trois-quarts de sa hauteur, et
son tronc tortueux est couvert d'une écorce très-
épaisse. Au printemps, les feuilles et les chatons qui
portent les fleurs mâles, ont, à l'époque de leur dé-
veloppement, une teinte rougeâtre qui les fait recon-
noitre d'assez loin. Les glands , contenus dans une
cupule peu profonde, sont arrondis et noirâtres;
lorsqu'ils sont nouvellement sortis de la cupule, le
Mil on leur base est d'un rose assez vif II est rare de
trouver des arbres qui en donnent un litre.
(
QUERCUS CINEREA. 83
Je suis le premier qui ai observe que le Quercus
cinerea estla seule espèce de Chérie, après le Quercus
tinctoria^ dont l'écorce donne une belle couleur
jaune: mais, comme il est peu multiplié dans les fo-
rets, et que ses dimensions sont très-petites, on ne
peut en tirer aucun avantage sous ce rapport, et on
en fait si peu de cas dans les Etats du midi, à cause
de son petit diamètre, qu'on ne l'exploite même pas
comme bois de chauffage.
Obseri^ation. A cette espèce doit se rapporter le
Quercus nana de Willdenovs^, qui est I^ien certai-
nement la variété dont j'ai parlé, et qui se trouve
principalement sur les îles qui bordent la côte dans
les Etats méridionaux.
PLANCHE XIV.
Rameau représentant les feuilles et /es glands de grandeur naturelle.
Fig. 1 . Feuille de grandeur naturelle de la variété qui croît sur le
bord de la mçr.
QUERCUS pvMiLA.
RUNNING OAK.
QuERcvs f /olii's décidais , lanceolatis , integerrimis , hast
abbenuads , apice dilatatîs : cupulâ scutellatâ j glande
subhemisphœricâ.
Q. Sericea. Willd.
De toutes les espèces de Chênes qui existent dans
les Etats-Unis, et même qu'on a trouvées jusqu'à pré-
sent dans les autres parties, soit de l'ancien, soit
du nouveau continent , il n'en est aucune qui
s'élève si peu que le Quercus pumila^ car il a ra-
rement plus de 20 pouces (55 centim.) de hauteur,
sur 2 lignes f 4 millim. ) de diamètre. Comme le
Quercus cinerea^ il appartient exclusivement à la
partie méridionale et maritime des deux Carolines ,
de la Géorgie et des Florides, où il est désigné par
les habitans sous le nom de Runing oak , Chêne
traçant : de même que celui-ci , il croit dans les
landes ou pinières, où il est mêlé parmi les nom-
breuses variétés de Faccinium^ d' Andromeda ^ et
d'autres plantes qui couvrent le terrain partout où
il y a un peu de fraîcheur, et où la couche de terre
végétale a quelques pouces d'épaisseur.
Les feuilles de ce Chêne arbuste sont rongea très
au printemps ; cette teinte s'évanouit à mesure que
la saison s'avance, et elle est remplacée par la cou-
/'/ j!>.
X^narJ .■«.>
QUERCUS PCfMILA. 85
leur verte; ces feuilles, lorsqu'elles ont acquis tout
leur développement 5 sonJ entières, lisses, de forme
ovale-alongée, et ont environ 2 pouces ( 5 centim. j
de longueur. Les glands, dont on ne trouve jamais
que quelques-uns sur les tiges , sont très-petits , arron-
dis et très-semblables à ceux du Quercus phellos et du
Quercus aquatica. S'ils sont aussi rares , c'est prin-
cipalement parce que les tiges sont brûlées jusqu'à
la superficie du sol, presque tous les ans, au prin-
temps, par le feu que les Américains sont dans l'u-
sage de mettre, à cette époque , dans les forets. Les
jeunes glands qui, dans le cours de la même année,
dévoient compléter leur entière maturité, sont alors
détruits avec les tiges qui les portoient, bien que
celles de l'année soient toujours couvertes des cha-
tons chargés de fleurs mâles et de rudimens de fleurs
femelles ; car le Quercus pumila appartient à la di-
vision des espèces à fructification bisannuelle, c'est-
à-dire, qui ne la complètent que dans le cours de
dix-huit mois , et non dans l'espace de neuf mois ,
comme le Chêne blanc.
Les observations de MM. Bosc etDelille, bota-
nistes distingués, qui ont habité long-temps le midi
des Etats-Unis, et celles qui me sont personnelles,
m'ont décidé à présenter ce Chêne comme une es-
pèce différente , et non comme une variété du Chêne
saule, ainsi que mon père l'a considéré dans sa
monographie, sur ce genre d'arbre aussi utile qu'im-
portant à bien connoitre.
On conçoit aisément qu'un aussi petit arbuste ne
85 QUERCUS PUMILA.
sauroit offrir aucun degré d'utilité dans les arts, et
qu'il ne peut intéresser que les botanistes.
PLANCHE XV.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
n.iù\
Jl,:..m .M
FfJioc^uef Se
QUEIICIIS lieteropliilla.
QUERCUS HETEROPHYLLA.
BARTRAM O A K.
QuERcus ,foUis longe petiolatis , ovato lanceolatis , inte-
gris vel inœqualiter dentaiU ; glande subglobosd.
Les voyageurs qui ont parcouru les diverses par-
ties dumonde,pour en étudier les productions natu-
relles; les botanistes qui se sont livrés d'une manière
plus particulière, à l'étude des végétaux, et qui ont
publié la Flore des pays qu'ils ont visités , ont dû
remarquer qu'il existoit des plantes et des arbres ,
appartenant à des espèces si peu multipliées, qu'elles
sembloient faire prévoir leur prochaine disparition
de la surface du globe. Le Chêne, dont je donne ici
la description , paroît devoir être rangé dans cette
classe: car plusieurs botanistes américains et anglais
qui , comme mon père et moi , n'ont cessé pendant
bien des années de parcourir les Etats-Unis dans
toute sortes de directions, et qui très-obligeamment
nous ont communiqué , po ur les progrès de la science ,
les résultats de leurs observations, u'ont, ainsi que
nous, rencontré nulle part aucun autre Querciis
Jieterophjlla ^ que le seul individu qui croît à quatre
milles de Philadelphie, sur le bord de la Schuylkill
dans un champ , dépendant de la ferme de M. Bar-
tram. Ce Chêne a environ 8 pouces ( 65 centim. j de
88 QUERCUS HETEROPHYLLA.
diamètre et 3o pieds ( lo mètres J d'élévation; il est
d'une belle venue , et paroît devoir encore arriver
à une beaucoup plus grande hauteur. Ses feuilles
sont ovales, alongées, et garnies irrégulièrement
de larges dents : elles sont lisses en-dessus et en-des-
sous et d'un vert sombre. Les glands , de médiocre
grosseur et arrondis, sont contenus dans des^cupules
peu profondes et légèrement écailleuses.
J'avois d'abord pensé que cet arbre pouvoit être
une variété du Quercus laurijolia , avec lequel il a
le plus de rapport; mais je me suis assuré du con-
traire , car dans aucun cas les feuilles de cette der-
nière espèce ne sont dentées; d'une autre part , il n'y
a point de Quercus laurifolia à plus de 5o milles de
celui qui fait Tobjet de cet article. Je possède quel-
ques jeunes plants du Quercus heterophjlla. que je
tiens de l'obligeance de M. Bartram; ils viennent
très-bien en pleine terre , et je me propose de les
planter dans quelques jardins publics, pour assurer
leur conservation d'une manière plus certaine.
PLANCHE XVI.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
^/.ly.
QUERCUS JQVATICA.
l'i i •
fFATER OAK.
QuEucus , fotiis ohovali-cuneads , basiacutis , summitate
suhintegris , variève trilohis , glabris : cupulâ modicè
crateratâ ; glande subglobosâ.
C'est à peu de distance de Richemond en Virgi-
nie, qu'en voyageant du Nord au Sud, j'ai, pour la
première fois, remarqué dans les forets, cette espèce
de Chêne. On la rencontre ensuite d'autant plus
fréquemment qu'on avance vers des latitudes plus
méridionales, et elle finit par être très-commune
dans les Basses-Carolines , la Basse-Géorgie et la
Floride orientale. Dans ces différens Etats, elle est
désignée sous le seul nom de FVater oak^ Chêne
aquatique. Il arrive cependant, quoique rarement ,
que, sous cette dénomination, le Quercm aquatica
est confondu avec le Chêne saule ; car ils croissent
toujours ensemble et avec les mêmes espèces d'ar-
bres, dans les petits marais qui traversent les landes
oupinières, et autour des mares qui y sont enclavées.
D'où il s'ensuit que le Chêne aquatique ne demande
pas un sol plus humide que le Chêne saule ou le
Quercus prinus palustris , comme pourroit le faire
croire le nom qui lui a été donné par les habitans.
Le Quercus aquatica s'élève beaucoup moins que
le Chêne saule; car sa hauteur excède rarement 40
à 45 pieds ( i5 mètres), sur i pied à 18 pouces
( 5o centim.) de diamètre. Dans les arbres qui ont
"• 12
go QUERCUS AQUÀTICA.
acquis tout leur développement , les feuilles sont
lisses et luisantes, et leur configuration est , à peu de
chose près, pyriforme, étant arrondies et beaucoup
plus longues à leur sommet qu'à leur base , qui se
termine par un angle aigu. En Virginie, où les hivers
sont encore assez rigoureux, elles tombent dès les
premières gelées, tandis que sur le bord de la mer,
dans la Caroline méridionale, la Géorgie et la Flo-
ride, les froids sont si peu sensibles qu'elles subsis-
tent deux et même trois ans , sans se renouveler.
Il n'est aucune espèce de Chêne dans les Etats-
Unis qui, dans sa jeunesse, présente des feuilles
dont les formes soient aussi variées et si peu sem-
blables à celles qu'elles ont, lorsque les arbres ont
acquis tout leur accroissement. Cette différence dans
la foliation a lieu également dans les rejetons des
vieux arbres qui ont été abattus, et sur les nouvelles
pousses des grosses branches qui ont été coupées.
Ces feuilles sont le plus ordinairement elliptiques,
avec des dents très-prononcées , très - saillantes et
placées fort irrégulièrement sur leur bord.
Les glands du Quercus aquatica , contenus dans
une cupule peu profonde et peu écailleuse , sont fort
petits, de couleur brune et fort amers; l'arbre le
plus fort en donne rarement plus de cinq à six litres :
ces glands , comme ceux du Chêne saule , peuvent
conserver leur faculté germinative pendant plu-
sieurs mois', pourpeu qu'ils soienttenus fraîchement.
Le tronc du Quercus aquatica est revêtu d'une
écorce lisse ou très-peu fendillée , même dans les plus
QUERCUS AQUATICA. QI
vieux individus. On se sert rarement de son ecorce
pour le tannage des cuirs, soit parce qu'il n'est pas
plus multiplié que le Chêne saule , soit parce que
cette écorce est d'une qualité inférieure à celle du
Quercus falcata ^ lequel est beaucoup plus commun
dans les mêmes pays.
Le bois du Quercus aquatica est très - coriace ,
mais moins durable que ceux du Chêne blanc et du
Chêne blanc châtaignier; et l'on préfère toujours
ceux-ci pour le charronnage et la bâtisse, lorsqu'on
est à portée de s'en procurer.
D'après les recherches que j'ai faites sur cette es-
pèce de Chêne, qui n'est que de la seconde gran-
deur , il résulte que cet arbre n'offre aux Européens
qu'un médiocre intérêt, d'autant plus que les froids
qu'on éprouve dans le milieu de la France suffisent
pour geler ses jeunes pousses , et qu'il ne viendroit
parfaitement bien que dans les départemens méri-
dionaux. Quant aux Etats-Unis, les diverses contrées
où se trouve le Chêne aquatique, produisent assez
d'autres sortes de Chênes , dont le bois est beaucoup
meilleur ; d'où il s'ensuit que cette espèce , ne méri-
tant, en aucune manière, d'être réservée dans les
nouveaux défrichemens, finira par disparoitre peut-
être entièrement des pays où elle se trouve, comme
plusieurs autres qui sont déjà rares et dont le bo-is
a peu de valeur.
PLANCHE XVIL
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeurnaturelîe.
QUERCUS FERRUGINEA.
BLACK JACK OAK.
Qv ERCjj S f foliîs coriaceis, surmnitatedilatatis , retuso-sub-
trilohis hasi retusis , subtùs rubiginoso-puîverulentis :
cupulâ turhinatâ , squamis obtusis , scariosis ; glande
hrevi ovatâ.
Q. Nigra. WiLLD.
C'est dans le New - Jersey , entre Allenstown et
Cranbery , petites villes situées à environ 60 milles
à Test de Philadelphie, que , pour la première fois,
j'ai remarqué dans les forets cette espèce de Chêne;
mais dans cet endroit elle m'a paru moins élevée et
moins abondante que plus au midi. Dans cet Etat ,
ainsi qu'à Philadelphie seulement, on donne à cet
arbre le nom de j5«7're/2^oaA, tandis que dans le Mary-
land , la Virginie et les Etats méridionaux , il est dé-
signé sous celui de Black jack. J'ai cru devoir conser-
ver cette dernière dénomination, non parce qu'elle
est la plus convenable, mais parce qu'elle est la plus
universellement employée. J'ai cru devoir aussi chan-
ger le nom spécifique latin de nigra en celui de
ferrugineaj SLttendu. que, dans tous les Etats-Unis, le
nom de Chêne noir est seulement donné au Quercus
tinctoria^ et jamais à l'espèce que je décris.
Cette espèce de chêne appartient plus particuliè-
rement aux mauvaises terres , qui sont formées d'un
sable rouge, argileux et entremêlé de gravier; ter-
rains maigres et si peu productifs que, si on les sou-
.^',,:f9ii^m\
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de
Pins à longues feuilles , Pinusaustralis'^ et c'est pro-
bablement à cause de cela, qu'on lui a donné le
nom de Barrens scrub oak^ Chêne chétifdes landes.
Quoique j'aie traversé ces landes dans bien des
102 QUERCUS CATESBOEI.
directions différentes, je n'ai vu nulle part le Quer-
cus catesbœi , réparti plus uniformément parmi les
pins, que dans l'intervalle d'environ 60 milles, com-
pris entre Fayetteville et Willemington. Il y forme à
peu près le dixième des pins, qui eux-mêmes, là,
comme par-tout ailleurs, sont très-disséminés , étant
éloignés de i5 à 20 pieds (^ 6 mètres) les uns des
autres.
Le feuillage de ce Chêne est peu fourni. Ses feuil-
les, attachées par de courts pétioles et assez grandes,
sont laciniées très-profondément et d'une manière
fort irrégulière. Elles sont lisses, assez épaisses et
même coriaces vers la fin de l'été. Dès que les froids
commencent à se faire sentir, elles deviennent d'un
rouge terne , et elles tombent dans le cours du mois
suivant. Les plus vieux arbres sont les seuls qui
fructifient : encore , ce qu'ils donnent de glands se
réduit - il à quelques poignées ; ces glands sont
assez gros, de couleur noirâtre et couverts en partie
d'une fine poussière de couleur grise , qui se détache
aisément en les frottant entre les doigts. Ils sont
contenus dans des cupules, épaisses, sensiblement
renflées à leur partie supérieure, et remarquables en
ce que les écailles placées vers leur ouverture se re-
plient intérieurement; caractère particulier à cette
espèce.
Lorsque le Qiiercus catesbœi est privé de ses
feuilles en hiver, il est difficile de le distinguer du
Quercus ferru^inea , avec lequel il a beaucoup de
ressemblance par son port; car, comme lui, il a
QUERCUS CAÏESBOEI. Io3
le tronc tortueux et branchu , à partir de deux ou
trois pieds (i mètre J au-dessus de terre. Son écorce
est également noirâtre, épaisse et profondément cre-
vassée , et les bois de l'une et de l'autre espèce sont
aussi entièrement semblables par la couleur, la tex-
ture , la grosseur et la pesanteur ; ce qui fait que
celui du Quercus catesbœi est aussi considéré à Wil-
lemington, comme le meilleur bois de chauffage du
pays, et qu'à cause de cela il est vendu séparément.
Mais, quoiqu'il soit très-commun dans ce canton,
il ne suffit pas à l'approvisionnement des habitans ,
parce qu'on trouve rarement des pieds qui aient plus
de la grosseur du bras. La petitesse de son diamètre
seroit seule un obstacle à ce qu'on en fit usage dans
les arts.
Ce que je viens de dire du Quercus catesbœi ^ fera
évanouir les espérances qu'on pouvoit d'abord avoir
conçues d'un arbre qui offroit l'avantage inappré-
ciable de croître dans les terrains les plus infertiles :
d'ailleurs, je suis presque certain qu'il ne végéteroit
que fort imparfaitement dans le Nord de la France
eu égard aux froids qu'on y éprouve en hiver ;
et cette presque certitude vient à l'appui de l'opi-
nion oii je suis, qu'il ne présente aucune ressource
aux Européens.
PLANCHE XX.
Rameau représentant les Jeuilles et les glands de grahdeurnaturelle.
QUERCUS FALCATA.
SPANISH OAK.
Q u E R ç u S , foliis longe petiolatis , suhpalmato-lohads ,
subtùs exiiniè tomentosis , lobis falcatis : cupulâ
crateriformi ; glande subglobosà.
Q. Elongata. Willd.
Le Quercus falcata , de même que le Quercus
ferruginea^ commence à paroitre vers le Nord dans
le New Jersey , près d'AUenstown , éloignée d'envi-
ron 60 milles de Philadelphie; mais, malgré cette
petite distance , il y est moins élevé que dans le
voisinage de cette dernière ville, où déjà il m'a sem-
blé acquérir tout son développement , et où son feuil-
lage se montre aussi sous sa véritable forme. Plus au
Sud, cet arbre fait toujours partie des forets , et il
est même un de ceux qui entrent en plus grande
proportion dans leur ensemble. J'ai également re-
marqué qu'il étoit moins commun à l'approche des
montagnes, ainsi que dans les Etats de l'Ouest.
Dans le Maryland, le Delaware et la Virginie,
cette espèce de Chêne est connue sous le seul nom de
Spanish oak^ Chêne d'Espagne, tandis que, dans les
deux Carolines et la Géorgie, elle est désignée sous
celui de Red oak , Chêne rouge. Dans un ouvrage
anglais assez ancien , que j'ai trouvé dans la biblio-
thèque de la ville de Charleston, S. C. , il est dit
que la dénomination de Spanish oak^ Chêne d'Es-
pagne, lui avoit été donnée par les premiers colons.
//
on: lier s talcala
^^,///A./ fit/-.
QUEBCUS FALCATA. Io5
à cause de la ressemblance qu'ils avoient cru voir
entre ses feuilles et celles du Quercus velani^ qui
croit en Espagne. Que cette étymologie soit vraie '
ou fausse , c'est ce que j'ignore ; mais elle est incon-
nue à tous les habitans qui désignent cet arbre sous
cette dénomination; car aucun de ceux que j'ai con-
sultés n'a pu m'en donner la raison, et moi-même
je ne pouvois m'en rendre compte avant que d'avoir
eu connoissance de cet ouvrage. Quant au nom de
Red oak^ Chêne rouge, qu'il porte seulement dans
les Etats du Sud, il lui a été probablement donné à
cause de la grande analogie qui existe entre son bois
et celui de l'espèce désignée sous ce même nom dans
les Etats du Nord et du milieu, où il est beaucoup
plus rare que dans ceux du Midi.
Le Quercus falcata est un fort grand arbre, qui
parvient à plus de 80 pieds (27 mètres) d'élévation,
sur 4 à 5 pieds (i à 2 mètres) de diamètre. Dans quel-
ques circonstances , ses feuilles se présentent sous
des formes très - différentes. Ainsi , dans le New-
Jersey, oii il ne s'élève qu'à 3o pieds (10 m.J sur 4 à 5
pouces de diamètre ^i4cent.j , elles sont seulement
trilobées, et non falquées comme dans les grands
individus qu'on voit plus au Sud ; ou du moins, celles
qui ont ce dernier caractère, sont en très-petit nom-
bre , et placées à l'extrême sommet des arbres. Dans les
jeunes plants , elles présentent également la même
configuration, ainsi que sur les branches inférieures
des arbres les plus vigoureux qui croissent dans des
lieux très -frais et très-ombragés, tandis que celles
If. i4
I06 QUERCUS FALCATA.
qui sont à la partie la plus élevée sont plus étroite-
ment laciniées , et elles ont leurs lobes encore plus
arqués que les feuilles représentées dans la figure
que je donne. C'est cette différence aussi remarqua-
ble qui a induit mon père en erreur, et qui lui a fait
décrire, sous le nom de Qiiercus triloba^ les indivi-
dus dont le feuillage n'avoit point encore acquis sa
véritable forme. Quelquefois aussi , les feuilles du
Quercus falcata ne sont, dans les rejetons des arbres
coupés, ni trilobées, ni falquées; elles sont découpées
ou dentées très-profondément à angles droits : mais
elles ont toujours pour caractère constant d'être très-
veloutées en-dessous , ainsi que les jeunes pousses aux-
quelles elles sont attachées.
Les glands du Quercus falcata ^ contenus dans des
cupules légèrement écailleuses et peu profondes, sont
petits, arrondis, de couleur brune, et supportés sur
des pédicules d'environ i à 2 lignes de longueur. Les
glands ressemblent assez à ceux du Quercus hanisteri.,
et ils conservent de même assez long- temps leur faculté
i^ermmative.
Le tronc du Quercus falcata est revêtu d'une écorce
noirâtre , profondément crevassée , et dont le tissu
cellulaire est moyennement épais. Le bois en est rou-
geâtre, le grain grossier , et les pores sont entièrement
vides. Il a^ toutes les propriétés et tous les défauts
des Chênes qui, dans les Etats - Unis, fournissent
au commerce le bois, dit de Chêne rouge. C'est à cause
de cela qu'il n'est propre, comme ce dernier, qu'à
être débité en merrain, pour les tonneaux destinés
QUEIVCUS FALCAÏA. IO7
uniquement à contenir des mélasses, des salaisons et
des marchandises sèches. On m'a cependant assuré
que , dans les colonies des Indes occidentales, on esti-
moit davantage le merrain de Chêne rouge qui y est
importé de Savanah et des autres ports des Etats mé-
ridionaux , où le Quercus falcata est très-commun j
ce qui porte à croire que son hois est d'un meilleur
usage que celui que fournissent les Quercus ruhra ,
Quercus coccinea et Quercus tinctoria ^ qui donnent
presque à eux seuls tout le merrain de cette qualité
exporté des Etats .du Nord, et qui y sont heaucoup
plus multipliés que dans le Midi des Etats-Unis. Néan-
moins, cette supériorité n'est pas bien marquée, puis-
qu'on ne paie pas, dans les colonies, le merrain qui
vient de Savanah, à un prix plus élevé.
Dans les endroits où le Quercus falcata est très-
abondant, son bois est bien moins estimé, à cause de
son peu de durée, que celui du Chêne blanc, du Chêne
à poteaux, et des autres espèces à fructification annuelle;
ce qui fait qu'on ne l'emploie presque jamais dans aucua
genre de construction, soit civile, soit maritime. On s'en,
sertseulement à Baltimore commebois de charix)nnage,
l'on en fait les jantes des roues des grosses voitures,
parce qu'il a, dit-on , pour cet usage , plus de force que
le Chêne blanc , et qu'il n'est pas aussi sujet à se fendre.
La principale propriété du Quercus falcata y celle
qui lui assure la supériorité sur la plupart des autres
espèces de Chênes des Etats-Unis , paroîlroit résider
seulement dans son écorce , qui , à Philadelphie , à
Baltimore, et dans les autres villes situées plus au Sud,
Io8 QUERCUS FALCATA.
est reconnue très-préférable à celle des autres Chênes
rouges, pour le tannage des gros cuirs. Préparés avec
cette écorce, ils ont plus de blancheur et de souplesse;
et leur qualité s'améliore encore , dit-on ,si on y ajoute
une certaine quantité de celle de Hemlock spruce ,
Ahies canadensis. C'est pour cela qu'à Philadelphie ,
à Willemiugton et à Baltimore , l'écorce du Quercus
falcata se vend environ iS pour loo plus cher, que
celle des autres espèces de Chênes.
Le Quercus falcata supporte très -bien les froids
du milieu de la France, à en juger par le grand nombre
d'individus qu'on voit dans les pépinières des environs
de Paris et dans les jardins des amateurs de cultures
étrangères ; mais les plants qui proviennent des en-
vois que j'ai faits pendant mes voyages aux Etat-Unis,
n'ont encore que les feuilles trilobées ; elles ne sont
point falquées comme elles le deviendront par la
suite.
Le Quercus falcata renferme - t - il des qualités
assez marquées pour mériter d'être introduit dans les
forêts européennes ? Je ne le pense pas, i°. parce que
son bois , quoique un peu meilleur que celui de plu-
sieurs espèces de Chênes, dits Chênes rouges dans les
Etats-Unis, est fort inférieur à celui de tous ceux à
fructification annuelle , qui eux-mêmes le cèdent à
notre Quercus pedunculata. 2°. Parce que, quand bien
même son écorce égaleroit en bonté celle de l'espèce
européenne, ce qui n'est pas encore certain, son bois
lui est fort inférieur en qualités.
Si dans les Etats du Midi , ainsi que dans la Virginie
QUERCUS FALCATA. lOQ
et même le Maryland , on vient dans la suite des temps
à favoriser la croissance de certaines espèces d'arbres
aux dépens de plusieurs autres qui offrent moins de
ressources à la société , on pourra , parmi les Chênes
rouges qui s'y trouvent , se restreindre au Quercus
f alcata, parce que, oulre les avantages qu'il possède
sur ceux-ci, il a celui de croître assez bien dans des
terreins de médiocre qualité, tels qu'il s'en trouve beau-
coup dans cette partie des Etats-Unis.
PLANCHE XXI.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS TINCTORI A.
BLACK OAK.
QuERcus , foliis profundè sinuosis , suhtùs pulverulentis :
cupulà turbinatâ j squamosà ; glande hreui ovatâ.
A l'exception du district de Maine , de la partie
septentrionale du New-Hampsliire, de l'Etat de Ver-
mont et du Génessée, on trouve cette espèce de Ghéne
dans tout le reste des Etats-Unis, tant à l'Est qu'à
l'Ouest des monts Alléglianys, avec cette différence
cependant, qu'elle est iDeaucoup plus abondante dans
les Etats du centre, dans la Haute-Caroline et la Haute-
Géorgie, que dans le bas de ces mêmes Etats. Partout
où vient cet arbre , il est désigné sous le seul nom de
Black oak^ Chêne noir.
Le Ghéne noir ne paroît pas demander , pour pousser
vigoureusement, un aussi bon terrein que le Chêne
blanc ; car dans le Maryland et dans une partie de la
Virginie , où le sol est fréquemment maigre, graveleux
et inégal , il concourt toujours avec le Quercus coc-
cinea , le Quercus falcata , le Quercus obtusiloha et
le Juglans tonientosa, a former la masse des forets;
et il est un des arbres les plus élevés, à l'exception
du Pin jaune , qui souvent est mêlé avec ces mêmes
espèces.
Le Quercus tinctoria est un des plus grand arbres
de l'Amérique du Nord, car il acquiert de 80 à 90
I'i22.
A^« /,/
idirif^t f *t'a^'
OlIEllCrS imcloi-ia
QUERCUS TINCTOKIA. III
pieds (27 à 3o mètres) d'élévation sur 4^5 pieds ( 1
à 2 met.) de diamètre. Ses reiiillcs, assez grandes,
partagées en 4 ou 5 lobes, sont laciniées assez pro-
fondément, avec des échancrui es ou sinus , moins pro-
fonds et plus ouverts que ceux des feuilles du Quercus
coccinea^ avec lesquelles elles ont beaucoup de res-
semblance j mais elles en diffèrent, en ce qu'elles sont
moins luisantes, d'un vert plus mat, et encore parce
qu'au printemps, et pendant une partie de l'été,
leur surface inférieure, et les jeunes pousses, sont
légèrement rugueuses ou couvertes d'un grand nombre
de petites glandes, très-sensibles à la vue et au toucber.
J'ai encore remarqué que, dans les jeunes plants ,
les feuilles devenoient, en automne, d'un rouge terne;
mais que, dans les vieux, arbres, elles jaunissoient , et
que celte teinte jaune commençoit à se manifester dans
le pétiole.
Le tronc du Quercus tinctoria est revêtu d'une
écorce assez profondément crevassée, moyennement
épaisse , et constamment de couleur noire , ou du moins
d'une teinte très-rembrunie , d'où lui est venu proba-
blement le nom de Chêne noir. Cette couleur très-
prononcée de son écorce est, dans tous les Etats au
Nord-Est de la Pensylvanie, le seul caractère auquel
on puisse, en hiver, le distinguer des Quercus rubra,
Q. coccineaei Q. amhigua^ et même en été , lorsqu'on
ne peut se procurer des feuilles pour les comparer les
unes avec les autres. Plus au Midi, ce seul caractère
ne suflit pas pour le reconnoitre d'avec le Quercus
ÏI2 QUERCUS TINCTORIA.
falcata^ dont l'écorce est aussi de la même couleur;
il faut absolument alors examiner les bourgeons, qui
sont plus longs, plus acuminés et plus écailleux dans
le Quercus tinctoria : toute espèce de doute sera en-
core levée , si on vient à mâcher une parcelle du tissu
cellulaire de l'écorce de l'une et l'autre espèce ; celle
provenant de l'espèce que je décris est très-amère,
et donnera une teinte jaunâtre à la salive , ce qui
n'aura pas lieu avec l'autre.
Le bois du Quercus linctoria est rougeâtre , le
grain en est grossier, et les pores en sont entière-
ment vides 5 c'est néanmoins de tous les Chênes à
fructification bisannuelle (le Chêne vert excepté), celui
dont le bois est le plus estimé, parce qu'il a plus de
force et qu'il résiste plus long - temps à la pourri-
ture ; c'est à cause de cela qu'à Philadelphie on l'em-
ploie au défaut de Chêne blanc dans la bâtisse des
maisons, et que, dans les Etats du Nord, les fermiers
qui , par une économie mal entendue, ne veulent pas
se servir de pieux de Chêne blanc pour enclore leurs
champs, emploient ceux de Chêne noir, qui coûtent
moitié moins.
Le Chêne noir étant très-abondant dans les Etats
du Nord et du centre, il fournit une grande propor-
tion du merrain, dit de Chêne rouge, qui est exporté
dans les colonies ou employé dans le pays pour les
barriques destinées seulement à contenir des farines ,
des salaisons ou de la mélasse.
On se sert beaucoup de l'écorce du Quercus tinc-
QUERCUS TINCTOniA. Il3
toria pour le tannage des cuirs , parce qu'elle est très-
facile à se procurer et qu'elle est très-riche en prin-
cipe tannin j le seul désavantage qu'elle présente , c'est
de donner aux cuirs une couleur jaune , qu'on est
obligé de faire disparoître par un procédé particulier;
car, sans cela, les bas s'en trouvent fortement im-
prégnés. C'est donc par erreur qu'on a avancé, que
cette teinte qu'elle communique aux cuirs , en aug-
mentoit le prix.
C'est la partie cellulaire de l'écorce de cette espèce
de Chêne qui fournit le Quercitron, dont on fait actuel-
lement un très-grand usage pour teindre en jaune la
laine, la soie et les papiers à tenture. D'après les au-
teurs qui en ont parlé, entr'autres le docteur Bancroft,
à qui on est redevable de cette découverte, une partie
du Quercitron donne autant desnbstance colorante que
8 ou 10 parties de gaude. La décoction du Quercitron
est d'une couleur jaune-brunâtre; les alcalis la rendent
plus foncée, et les acides plus claire ; la solution d'alun
n'en sépare qu'une petite portion de matière colorante,
qui forme un précipité d'un jaune foncé. Les dissolu-
tions d'étain y produisent un précipité plus abondant
et d'un jaune vif.
Pour teindre la laine en jaune , il suffit de faire
bouillir le Quercitron avec son poids d'alun; on intro-
duit ensuite l'étoffe , en donnant d'abord la nuance la
plus foncée, et en finissant par la couleur paille. On
peut aviver ces couleurs en faisant passer l'étoffe , au
sortir du bain , dans une eau blanchie par un peu de
II. i5
Il4 QUERCUS TINCTORIA.
craie lavée. On obtient une couleur plus vive par le
moyen de la dissolution d'étain. Le Quercitron peut
être substitué à la gaude pour les différentes nuances
qu'on veut donner à la soie , qui doit être d'abord alu-
née. La dose est d'une à deux parties de Quercitron
pour douze parties de soie. Il résulte des essais faits sur
le Quercitron , que cette substance est très - utile en
teinture, et qu'elle a l'avantage d'être à très-bon mar-
cbé. Dans les prix courans de Philadelphie du mois
de février 1808, le Quercitron est coté à raison de
4o dollars le tonneau, ou environ 10 francs le quintal.
C'est principalement de cette ville que le Quercitron
s'exporte en Europe.
Quoique le bois du Quercus tinctoria soit de
meilleure qualité que celui des Quercus cocci-
nea , Quercus falcata , Quercus ruhra , Quercus
palustris , Quercus ambigua , Quercus phellos ,
Quercus aquatica^ connus sous le nom de Chênes
rouges , il est néanmoins très - inférieur à celui que
fournit le Chêne d'Europe. Mais la haute élévation à
laquelle il parvient; la facilité avec laquelle il prend un
grand et prompt accroissement, même dans un mau-
vais sol et dans les pays les plus froids; la propriété
précieuse de son écorce pour la teinture ; tous ces
titres doivent le recommander auprès des forestiers
européens. Ce sont ces considérations qui , pendant
mon séjour dans l'Amérique septentrionale , m'ont
déterminé à envoyer en France beaucoup de glands
de cette espèce : il en existe actuellement , dans les
QUERCUS ÏINCTORIA. IIJ
pépinières de l'administration impériale des eaux et
forêts, plus de vingt mille jeunes plants , dont la bril-
lante végétation peut faire considérer sa propagation
dans les forets de l'Empire comme certaine.
PLANCHE XXII.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS cocciNEA,
SCARLET OAK.
QuERcus ,foliis longe petiolads , oblongis , projundè sinua-
ùis t glabris; lobis dentatisy acutis: cupuld însigniter
squamosâ ; glande brevi ovatâ.
Cette espèce de Chêne commence, vers le Nord,
à se trouver dans les environs de Boston , Etat de Mas-
sachusset; mais elle y est moins multipliée que dans
le New- Jersey , la Pensylvanie, la Virginie, lesHautes-
Carolines et la Haute- Géorgie, où elle concourt à
former la masse des forets qui y existent encore. Elle
est beaucoup moins commune dans la partie basse de
ces derniers Etatsj car, comme je l'ai dit autre part,
la très-grande partie du sol de ces contrées n'est sus-
ceptible de produire que des Pins. Je n'ai point remar-
qué cet arbre dans le district de Maine , dans le New-
Hampsbire, l'Etat de Vermont, et dans le Génessée,
au-delà d'Utica. Partout où je viens d'indiquer que le
Quercus coccinea se trouve dans les Etats- Unis, il
est confondu soit avec le vrai Chêne rouge , ou avec le
vrai Chêne d'Espagne, Quercus f aie cita ; ce qui fait
que, dans les Etats du Nord, il est connu des habi-
tans sous le nom de Chétie rouge; et dans ceux du mi-
lieu et du Sud, à partir de Philadelphie , sous celui de
Chêne d'Espagne.
La dénomination de Scarlet o«Â:, Chêne écarlate, qui
lui a été donnée par mon père, et qui lui est très-con-
Ji,..^a .U
dtiru/ Si-m^
OUEllCrS oocomci.
QUERCUS COCCINEA. XI7
venable , est jusqu'à présent étrangère aux habitans des
divers endroits où il croît j mais il est à présumer qu'ils
finiront par l'adopter 5 car cette espèce, étant absolu-
ment distincte de celle avec laquelle elle a été confon-
due , doit nécessairement porter un nom particulier.
Le Qiiercus coccinea est un très-grand arbre qui
parvient à plus de 80 pieds (27 mètres) d'élévation et
à 3 ou 4 pieds ( i mètre) de diamètre. Les feuilles,
supportées sur de longs pétioles et d'une belle couleur
verte, sont assez grandes, lisses, luisantes en -dessus
et en-dessous, et laciniées d'une manière très- remar-
quables : elles présentent le plus souvent quatre sinus
arrondis, très-profonds et très-larges à leur base. Dès
les premiers froids, le feuillage de cet arbre commence
à s'altérer , et , après quelques gelées , les feuilles
deviennent d'un rouge assez vif, et non d'une teinte
terne comme le vrai Quercus rubra. A cette époque
de l'année , cette singulière altération de son feuillage
forme un contraste très-frappant avec celui des autres
arbres, et cette seule propriété devroit engager à le
planter, pour contribuer à rembellissement des parc?
et jardins d'une grande étendue.
Les glands , contenus jusqu'à la moitié dans une
cupule sensiblement écailleuse , sont assez gros , un
peu alongés et arrondis également à leurs deux extré-
mités. Comme la grosseur de la cupule et du gland
varie assez, eu égard à la nature du sol où croît l'arbre
qui les produit, il est fort difficile de les distinguer
extérieurement d'avec ceux du Quercus tinctoria. Le
seul caractère qui les discerne, est dans la couleur de la
Il8 QUERCUS COCCINEA.
chair , qui est blanche dans les glands du Quercus
coccinea, et jaunâtre dans ceux de l'autre espèce.
Le bois du Quercus coccinea est rougeâtre , d'une
texture très-grossière , et ses pores sont entièrement
vides. Comme il pourrit beaucoup plus vite que celui
du Chêne blanc , on s'en sert le moins que l'on peut
dans la bâtisse des maisons, ainsi que dans le charro-
nage , et on ne l'emploie qu'au défaut de ce dernier
ou par esprit d'économie. Il est également peu estimé
comme bois de chauffage. Son principal usage dans
les Etats du Nord et du milieu , consiste en merrain ,
dit de Chêne rouge ; et comme cet arbre est très-abon-
dant dans les Etats du milieu, il doit fournir une bonne
partie de celui de cette espèce que l'on consomme dans
le pays, ou que l'on exporte aux colonies des Indes
occidentales.
L'écorce du Quercus coccinea est très-épaisse ; on
l'emploie généralement pour le tannage des cuirs; mais
elle n'est, en aucune manière, préférable à celle de
plusieurs autres espèces de Chênes que je décrirai ci-
après , et dont l'écorce est aussi épaisse et aussi riche
en principe tannin.
Cet arbre vient très -bien en France; on en a un
exemple dans une plantation très-belle, formée d'arbres
de plus de [\5 pieds ( i5 mètres ) , qui fut faite à Ram-
bouillet en 1786, à la suite des envois que fit mon
père , peu après son arrivée dans les Etats-Unis. Il est
réellement fâcheux qu'un aussi beau et aussi grand
arbre, qui prospère sur notre sol, ne donne qu'un bois
d'une qualité assez médiocre. C'est pourquoi j.e ne
QUERCUS COCCINEA. II9
puis ni recommander son introduction dans les forets
européennes, ni même engager les Américains à le
ménager de préférence à d'autres espèces plus utiles.
PLANCHE XXIII.
Rameau représentant les feuilles et les glands de grandeur naturelle.
QUERCUS AMBIGVA.
G RE Y OAK.
QuERcus , foins sinuatis , glabris , sinubus subacutis :
cupulâ subscutellatà ; glande turgide ovatâ.
De toutes les espèces de Chênes de l'Amérique
septentrionale , c'est celle qui croit le plus avant vers
le Nord. C'est du moins le résultat des remarques de
mon père, qui, à son retour de la baie d'Hudson,
en vit les premiers individus sur les rives du fleuve
St. Laurent , entre Québec et la Malebaie, latitude l\'f.
5o'. Mais sous cette latitude , ainsi qu'aux environs
d'Halifax, Nouvelle-Ecosse, où je l'ai observé de mon
côté pour la première fois, cet arbre ne parvient pas
à plus de 4o pieds (i3 mètres) d'élévation; les hivers y
sont tellement rigoureux et les froids se font sentir de
si bonne heure sur l'arrière -saison, que, bien qu'il
fleurisse tous les ans, ses glands, au rapport des habi-
tans , ne parviennent à leur complète maturité que
tous les trois ou quatre ans. Trois degrés seulement
plus au Sud, cet arbre est déjà beaucoup plus multi-
plié , comme j'ai eu occasion de le remarquer dans le
district de Maine, dans le New-Hampshire, et sur la
rive orientale du lac Champlain , dans l'Etat de Ver-
mont. Dans ces diverses parties des Etats-Unis, il
s'élève à 5o et 60 pieds ( 16 à 20 mètres ) sur 18 pouces
(5o centimètres ) de diamètre, et il est connu des habi-
ur/tix^'^
OUERCITS aiuWnia
QUERCUS AMBIGU A. 121
tans sous le nom de Grej oiik^ Chêne ^ris. Conimo
il a beaucoup d'analogie , par son feuillage , avec le
vrai Chêne rouge (avec lequel il a été jusqu'ici con-
fondu par les botanistes), et par ses glands avec le
Qiiercus coccinea, j'ai pensé que le nom spécilique
lalin d'Ambigua étoit assez convenable pour indiquer
cette analogie avec les deux espèces.
Les feuilles du Quercus ambigua sont assez gran-
des, lisses en-dessus et en-dessous, et découpées pro-
fondément à angles droits. Ses glands, contenus dans
une cupule écailleuse, sont de moyenne grosseur, et
arrondis à leur partie supérieure.
Le bois du Quercus ambigua offre absolument la
même texture que celui des autres espèces de Chê-
nes, dit Chênes rouges j le grain en est grossier, et les
pores en sont entièrement vides , ce qui ne le rend
propre qu'à faire des caisses ou des tonneaux des-
tinés à contenir des marchandises sèches. Mais
dans les contrées où il croît, le bois de Chêne étant
assez rare, on recherche ceux des espèces les plus
médiocres, et qui sont les moins appréciées dans les
pays situés plus au Midi , et on les préfère à ceux de
bouleau, de hêtre, de pin, etc. C'est pour cela que,
dans ces contrées , on emploie le bois de Chêne gris
pour genoux dans la construction des vaisseaux et pour
le charronage; on le regarde même comme bien supé-
rieur, pour ces usages, à celui du vrai Chêne rouge,
parce qu'il est plus fort et plus durable.
Tels sont les renseignemens que j'ai été à même de
recueillir sur cette espèce de Chêne, tant à Halifax
II. 16
122 QUERCUS AMBIGUA. \
que dans le district de Maine. Elle rentre donc
dans la classe de celles qui , sous le rapport de leur
utilité, ne peuvent intéresser ni les Européens, ni
même les habilans des contrées où elle croît , parce-
que ces contrées produisent des espèces bien préféra-
bles, comme le Quercus alba^ le Quercus discolor
et le Quercus prinus monticola.
PLANCHE XXIV.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
J'JJlrJouée (/,-/
OUEllCUS palustns
k"V^'V-W-VV>iV^-W
QUERCUS PALUSTRIS.
FINE OAK.
QvEKcvSfJoll'îs profu7idê si'nuati's, glabris y sînuhus latls ;
fruclu parvo ; cupuld scutellatd , levi ; glande sub -
^lohosâ.
Cette espèce de Chêne, comme celle précédem-
inent décrite, commence à paroître, vers le Nord-Est,
dans l'Etat de Massachusselt ; mais elle y est moins
multipliée que dans les environs de New- York, dans
le New-Jersey, la Pensylvanie et le Maryland. J'ai
encore trouvé le Quercus palustris au-delà des monts
Alleghanys , près de Pittsburgh , sur l'Ohio, ainsi que
dans l'Est Génessée. Mon père , de son côté , l'a
vu fort abondant dans le pays des Illinois. Le dis-
trict de Maine, l'Etat de Ver mont et les Etats méri-
dionaux sont, au contraire, les parties des Etats-Unis
où je pourrois presque assurer que cet arbre n^existe
pas.
Dans le bas de l'Etat de New- York, dans le New-
Jersey , et probablement aussi dans le Connecticut,
cette espèce de Chêne est connue sous le seul nom
de Pine oak^ Chêne à épingles ou à chevilles; mais
dans la Pensylvanie, le Delaware et le Maryland , elle
est désignée sous celui de Swamp Spanish oak^ Chêne
d'Espagne des marais. Quoique cette dernière déno-
mination lui convienne assez bien , eu égard aux loca-
lités dans lesquelles elle croit et à la grande analogie
qu'elle a dans son feuillage avec le Chêne écarlate ,
124 QUERCUS PALUSÏRIS.
néanmoins, j'ai préféré la première pour éviter toute
méprise; et, en second lieu , parce qu'elle ma semblé
se rattacher à un caractère pris dans l'arrangement
naturel de ses branches.
Le Quercus palustris est un très-grand arbre qui
croît constamment dans les lieux humides, et de pré-
férence autour des mares qui sont enclavées dans les
forets. Dans de pareilles situations, sa hauteur excède
souvent 70 à 80 pieds (-23 à 27 mètres) sur 3 à 4 pieds
(i mètre) de diamètre. Ce qu'il y a de fort remarqua-
ble dans ce Chêne , c'est que ses branches secondaires
sont beaucoup plus n^enues et beaucoup plus nom-
breuses que ne paroîtroient devoir l'être celles d'un
arbre qui a d'aussi fortes dimensions. De plus, elles sont
comme mêlées entr'elles; ce qui fait que, dans l'éloi-
gnement , elles lui donnent une apparence fourrée.
C'est peut-être à cause de cette disposition assez sin-
gulière, que le nom de Chêne à épingles lui a été donné.
Du reste, elle le fait reconnoître en hiver au premier
abord , lorsqu'il est privé de son feuillage.
Les feuilles du Quercus palustris , lisses en-dessus
et en-dessous, et d'un vert agréable, sont supportées
par de longs pétioles, laciniées très-profondément, et
fort semblables à celles du Quercus coccinea^ dont
elles diffèrent principalement, en ce qu'elles sont tou-
jours plus petites dans toutes leurs proportions. Ses
glands, petits et arrondis, sont contenus dans une
cupule très-évasée , peu profonde , et dont les écailles
sont étroitement apphquées les unes sur les autres.
L'écorce qui couvre le tronc , même dans les plus
QUERCUS PALUSTRIS. 125
vieux arbres, esta peine fendillée, et composée presque
entièrement d'un tissu cellulaire très-épais. Le bois est
rougeàtre, d'une texture très-grossière, et les pores en
sont entièrement vides et d'une capacité même plus
grande que ceux du Quejxus coccinea et du Quercus
riibra. Comme celui de ces deux espèces, il est très-
peu estimé sous le rapport de la durée, quoique cepen-
dant on lui ait reconnu plus de force et de ténacité ;
voilà pourquoi on s'en sert depuis quelque temps
pour faire des arbres de moulins , lorsqu'on ne peut
se procurer des Chênes blancs d'assez fortes dimen-
sions. On le débite aussi quelquefois en merrain, dit
de Chêne rouge ; mais cela arrive rarement , car cet
arbre est très-peu abondant , comparativement au
Chêne écarlate, au Chêne rouge et au Chêne noir.
Le Quercus palustris , dans sa jeunesse , affecte
naturellement une forme pyramidale, qui lui donne un
aspect fi)rt agréable , à quoi contribue pour beaucoup
son feuillage élégant et léger ; ce qui doit lui mériter
une place distinguée dans les parcs et jardins d'une
certaine étendue : il conviendra, dans tous les cas, de
ne jamais le priver de ses branches intérieures. Le
plus bel individu de cette espèce que je connoisse en
France, se trouve dans le jardin d'un amateur , situé
à trois lieues d'Anvers ; il avoit environ 20 pieds
(7 mètres) de haut, en i8o4, et sa végétation bril-
lante et vigoureuse indiquoit assez que le sol et le climat
lui sont très-favorables.
PLANCHE XXV.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur naturelle.
QUERCUS RUBRA.
RED OAK.
QuERCUs, foliis longé petiolatis , glabris ^ obtuse sinuatis ;
cupuld scuùellatâ , sublœvi ; glande subovatâ.
Cette espèce est, après le Chêne gris, celle qui se trouve
le plus avant vers le nord, car elle est une des plus com-
munes dans les Etats septentrionaux , ainsi qu'en
Canada. Plus au Midi, et notamment dans le bas de l'Etat
de New- York, dans le New- Jersey, la Haute-Pensy!-
vanie , et sur toute la chaîne des monts Alléghanys , le
Chêne rouge vient à-peu-près en égale proportion dans
les forets avec le Chêne écarlate et le Chêne noir;
mais il est beaucoup plus rare dans le Maryland , dans
la Basse-Virginie , et dans la partie maritime des Caro-
lines et de la Géorgie. Cette remarque m'a confirmé
dans les observations que j'avois déjà faites, que cet
arbre n'acquéroit jamais son plus grand développe-
ment que dans les climats froids, et où le sol est d'une
assez bonne qualité. Partout où il se trouve , il est
connu des habilans sous la seule dénomination de
Chêne rouge, bien que quelquefois, dans la Pensyl-
vanie, aux environs de Lancaster , il soit confondu
avec le Querciis falcata dont on lui donne le nom.
Le Qiiercus nibra est un fort grand arbre, dont la
cime embrasse beaucoup d'espace , et dont la hauteur
excède fréquemment 80 pieds (2'y mètres) sur 3 à 4
pieds ( I mètre ) de diamètre. Ses feuilles, lisses et lui-
P/2Û.
J>J.Mo„/é.
CASTA1SFEA Vesca.
CASTANEA VESCA. l5'J
quoique assez profond pour favoriser tout le déve-
loppement de sa végétation. C'est également dans les
parties de l'Europe méridionale qui offrent de sem-
blables situations , que le Châtaignier de l'ancien
continent parvient à son plus grand accroissement.
On en cite un, entr'autres, qui se trouve sur les
flancs du mont iEtna, et qu'on nomme Châtaignier
à cent chevaux, parce que cent personnes à cheval
peuvent se mettre à l'abri sous ses branches. Cet
arbre a i6o pieds (^52 mètres) de circonférence, ou
à peu près 53 pieds (^ig mètres J de diamètre; mais il
est entièrement creux , et il ne végète , pour ainsi dire ,
que par son écorce. Dans l,e voisinage de celui-ci , on
trouve plusieurs autres individus qui ont 76 pieds
(24 met.) de circonférence. Dans le département du
Cher , près de Sancerre, à 42 lieues (^168 kil.j de
Paris, on voit un Châtaignier qui a 3o pieds (^9 met.)
de circonférence à hauteur d'homme. Il y a six cents
ans qu'il portoit déjà le nom de gros Châtaignier.
On lui suppose mille ans d'âge. Son tronc est parfai-
tement sain , et chaque année il se charge d'une quan-
tité immense de fruits. Quoique dans aucune partie
des Etats-Unis où j'ai voyagé , je n'aie entendu parler
d'arbres de cette espèce qui eussent de pareilles di-
mensions, je ne considère pas moins le Châtaignier
du nouveau continent comme susceptible d'y arriver.
Car les individus qu'on rencontre dans les montagnes
de la Caroline du Nord, sont aussi gros et aussi élevés
que ceux qu'on trouve communément dans les forets
européennes. J'en ai mesuré plusieurs qui avoient de
l58 CASTANEA V E S C A.
i5 à i6 pieds p mètres) de circonférence, et dont la
hauteur égaloit celle des plus grands arbres.
Les diverses parties des Etats-Unis où le Châtai-
gnier peut être regardé comme étranger, sont, au
Nord, le district de Maine, l'Etal de Vermont, et
une grande portion du Gennessée : au Midi, la partie
méridionale et maritime de la Basse -Virginie, des
deux Carolines et de la Géorgie , ainsi que les deux
Florides et la Basse-Louisiane, jusqu'à Tembouchure
de rOhio dans le Mississipi.
Quoique le Châtaignier d'Amérique ait une très-
grande ressemblance avec l'espèce d'Europe par son
port, son feuillage, ses fruits et la nature de son bois,
il n'en est pas moins une espèce distincte.
Les feuilles de cet arbre, longues de 6 à 7 pouces
Ç 20 centim. j , sur i pouce et demi (4 centim.) de
largeur , ont une forme ovale très-alongée ; elles sont
largement dentées dans leur contour, luisantes , d'une
belle couleur verte et d'une texture assez ferme; les
nervures inférieures en sont très-saillantes et parallè-
les; les fleurs mâles grouppées sur des filets axillaires,
longs de 4 à 5 pouces (^ i5 centim.) , sont blanchâtres
et elles exhalent une odeur désagréable. Les Chatons
femelles sont également disposés sur des filets ; mais
ils sont moins apparens. A ces derniers succèdent
des fruits arrondis , hérissés de pointes fines et pi*
quantes, qui renferment deux ou trois semences de
la grosseur du doigt. Ces semences, auxquelles on
donne le nom de Châtaignes, sont convexes d'un
côté , déprimées de l'autre : elles sont revêtues d'une
CASTANEA VESCA. 1 ^()
enveloppe coriace, de couleur brune, et velues dans
leur tiers supérieur. Mangées crues, elles sont plus
douces que celles que produit le Châtaignier sauvage
d'Europe, mais elles sont un peu plus petites. Ce t
aux marchés de New- York, de Philadelphie , et de
ï3altimore, qu'on en apporte davantage; elles s'y
vendent à-peu-près if) Irancs le minot.
Le bois de Châtaignier d'Amérique, comme celui
de l'espèce de l'ancien Continent, a de la force, de
l'élasticité, et comme lui, il résiste très-long temps
aux alternatives de la sécheresse et de l'humidité.
Cette dernière propriété le rend surtout très-
appréciable pour faire des pieux qui se conservent
long-temps sains, si on a eu l'attention de les tirer
d'arbres qui ont moins de lo pouces [So centimètres)
de diamètre , et de carboniser la partie inférieure
jusqu'à quelques pouces au-dessus du niveau du sol.
Par cette même raison, dans le Connecticut, la Pen-
sylvanie et une partie de la Virginie , on regarde le
Châtaignier comme fournissant les meilleures barres
dont on puisse se servir pour former les clôtures
des champs cultivés. On assure qu'elles durent quel-
quefois plus de 5o ans. On en fait aussi des bardeaux
très-supérieurs en qualité, à ceux de quelque espèce
de Chêne que ce soit, quoiqu'ils aient , comme ceux-
ci, le défaut de se tourmenter.
Il en est de même du Merrain qui est fabriqué avec
le bois de cet arbre, mais la quantité en est peu consi-
dérable; il a, comme celui du Chêne rouge, les pores
très-ouverts, et on ne l'employé que pour les tonneaux
l6o CASTANEA VESCA.
qui ne sont propres qu'à contenir des marchandises
sèches, ou des salaisons. Le bois de l'espèce d'Europe
paroitétre, au contraire, plus compacte; car , dans une
grande partie de l'Italie , on s'en sert pour faire des
tonneaux destinés à mettre des vins et des eaux-de-
vie.
Dans toute la France et le reste du Midi de l'Eu-
rope^ presque tous les cercles de tonneaux et de cuves
de toute grandeur, sont faits en jeune Châtaignier, et ^
l'expérience a appris que c'est le meilleur bois dont
on puisse se servir pour cet usage important, parce
que ces cercles ont la propriété précieuse de se
conserver long-temps sans se pourrir, et plus que
ceux d'aucune autre sorte de bois, bien qu'ils soient
constamment exposés à l'humidité, dans les caves et
dans les celliers. J'ai souvent demandé à des tonne-
liers de New-York et de Philadelphie , par quelle
raison ils ne servent pas de cercles de Châtaignier
d'Amérique. L'on m'a toujours répondu que le bois
étoit trop britle, cassant. Si cela est ainsi, le Châ-
taignier d'Europe , outre les avantages que possède
celui du Nord de l'Amérique, auroit encore celui
d'être beaucoup plus flexible. Je ne puis cependant
me persuader que cela soit absolument ainsi ; je
pense au contraire que, si les tonneliers américains
ne l'employent pas à cercler les tonneaux , c'est
que les cercles de Châtaignier, de ce pays n'ayant pas
assez de force pour se maintenir seulement comme
ceux des Noyers Hickerys, par le double croissement
de leurs extrémités, il est nécessaire de les assujétir
CASTA]NL\ VtSCA.
i6i
avec (les brins d'osier, ce qui augmente beaucoup la
longueur du travail.
Le Châtaignier, comme bois de chauffage, est peu
estimé, et on n'en fait point usage sous ce rapport,
dans aucune des villes des Etats-Luis; il contient
comme celui d'Kurope, beaucoup d'air, ce qui fait
qu'il craque en brûlant, et envoyé au loin dos éclats
enflammés. Son charbon est considéré par les maré-
chaux qui se servent de charbon de bois, comme un
des meilleurs qu ils puissent employer. Dans la l'cnsyl-
vanie, sur quelques-uns des ridges couverts de Châ-
taigniers, auprès desquels sont établies des forges, les
propriétaires de ces usines ont transformé ces bois de
Châtaigniers en taillis, qu'ils coupent tous les seize
ans pour alimenter leurs fourneaux. Ce court inter-
valle paroît sufiire en Amérique pour fournir de nou-
velles coupes, attendu que dans ce pays, la végé-
tation est bien plus active qu'en Europe, parce que
l'atmosphère y est constamment plus humide et que
les étés y sont beaucoup plus chauds.
On ne peut trop engager les propriétaires de forges
de la Virginie, des Hautes-Carolines et du Holston,
à suivre cet exemple , en se hâtant de former des
taillis de Châtaigniers et de Chênes; cette méthode,
en leur procurant de grands bénéfices, tournera à
l'avantage du bien public , par l'économie qui en ré-
sultera dans l'emploi des matières combustibles, les-
quelles deviendront moins rares et moins chères.
Parmi les nombreuses espèces de Chênes dont j'ai
donné la description, on choisira de préférence, pour
II. 21
162 CASTANEAVESCA.
mettre en taillis, le Chêne Châtaignier des rochers.
On en trouvera les motifs dans la description que
j'ai donnée de cette espèce.
En France, les taillis de Châtaigniers sont regar-
dés comme une des meilleures propriétés qu on puisse
avoir; généralement on les coupe à sept ans pour en
faire des cercles de tonneaux, et, avec les brins les
plus gros, des échalas pour soutenir les vignes. On
les coupe à quatorze ans pour faire des cercles de cu-
ves, et à vingt-cinq, pour faire des pieux et des char-
pentes légères. Des taillis de Châtaigniers, dans des
terres de très-médiocre qualité, produisent tous les
5 ans, quatre, cinq et six cents francs; ces mêmes
terres n'auroient pu être louées plus de 18 à 20 francs
par an.
11 y a plusieurs manières de former des taillis de
Châtaigniers. La méthode que l'auteur de larticle
Châtaignier, du nouveau Dictionnaire d'histoire na-
turelle, présente comme préférable , consiste d'abord
à bien ameublir le terrain par plusieurs labours suc-
cessifs, et ensuite à le herser au moment de la planta-
tion; alors, avec un cordeau, ou au moyen de quel-
ques piquets d'alignement, on trace des rayons à dis-
tances égales, et tous les 6 pieds (^2 mètresJ,on ouvre
ime petite fosse de 8 àio pouces (^24 à 3o centim. J
de profondeur, sur autant de largeur. On place une
châtaigne à chacun des quatre coins , et la terre retirée
de la fosse sert à la couvrir. Comme la terre de des-
sus est bien ameublie, le fruit germe aisément, perce
la superficie sans peine, et la radicule a la plus grande
C A s T A N i: A V 1 ; S C A . 1 63
facilite pour pivoter. Lorsque les châtaignes auront
bien levé, et que leurs jets auront pris de la consistan-
ce pendant le cours de Tannée suivante, on ne laissera
subsister que celui qui promettra le pins. Il faudra les
déraciner avec précaution, et surtout prendre garde
à ne pas endommager les racines de celui qui restera.
Cette méthode donnera les moyens d'établir de belles
forets de Châtaigniers par les seuls pieds qu'on y
laisse, et fournira une masse considérable de jolis
sujets à planter ailleurs. Lorsque les branches com-
menceront à se toucher, et que les plants paroîtront
trop se rapprocher , il conviendra d'en supprimer un
alternativement, ce qui les établira à une distance
de 12 pieds (^4'^^tres J.
Je crois que la première plantation devra être faite
dans le courant de mars,avec des châtaignes qu'on aura
ensablées dans des caisses, ou mélangées avec du bois
pourri, et qu'on aura conservées dans la cave ou au
cellier. Ces châtaignes seront alors presque toutes
germées, et on sera bien plus certain de la réussite.
L'introduction , dans plusieurs parties des Etats-
Unis, du Châtaignier d'Europe , seroit une précieuse
acquisition ; car c'est cet arbre qui donne ces
grosses châtaignesjconnues vulgairement sous le nom
de Marrons de Lyon , lesquelles , par suite d'une
longue culture, ont augmenté considérablement en
volume et en qualité. Ces châtaignes ou marrons sont
tellement estimées, que tous les ans, des environs
de Lyon , elles sont exportées, non-seulement dans
le reste de la France , mais encore dans le Nord de
16.5. CASTANEA VKSCA.
l'Europe. Avant laguerre , on en envoyoit aussi dans
les colonies françaises des Indes Occidentales.
Cette recommandation pour la culture du Châ-
taignier cultivé , s'adresse plus particulièrement aux
habitans du Kentucky, de l'Ouest-Tennessée, ainsi
qu'à ceux de la iiaute-Virginie et des Hautes-Caroli-
nes, parce que la nature de leur sol sera plus favo-
rable à la réussite de cette excellente espèce , dont
le fruit est quatre fois plus gros que celui du Châtai-
gnier sauvage des Etats-Unis.
Cet arbre existe déjà chez quelques pépiniéristes des
environs de Kev^-York et de Philadelphie. Il suffira
donc de se procurer quelques pieds pour se fournir
de greffes qui seront faites sur de jeunes Châtaigniers
sauvages qu'on prendra dans les bois, ou ce qui vau-
droit mieux, sur des sujets élevés en pépinière et pro-
venant de châtaignes qu'on auroit plantées dans cette
vue.
On peut greffer le Châtaignier en fente et en écus-
son, mais on préfère la greffe dite en sifflet ou en flûte.
Celle-ci consiste d'abord à couper l'extrémité de la
branche qu'on veut greffer et qu'on nomme sujet ^ et
à enlever au-dessous de la coupe un anneau d'écorce
muni d'yeux, d'un à 3 pouces ( 3 à 9 centimètres j de
long, qu'on nomme le sifflet. On choisit ensuite la
branche qui doit fournir les greffes, et qui doit avoir
le même diamètre que le sujet; on enlève, par le gros
bout, un tuyau d'écorce un peu moins long que la
plaie du sifflet; on ajuste ce tuyau à la place de l'an-
neau enlevé , on le fait joindre exactement par le bas,
CASTANEA V E S C A. l65
on rëduit en charpie, en raclant de haut en bas, ce
qui reste de bois à découvert au-dessus de la greffe, et
on lute les scissures avec de l'argile pour empêcher
Teau de pluie de s'introduire, et de s'opposer à la
réussite.
Tels sont les renseignemens que je puis donner
sur le Châtaignier sauvage de l'Amérique septentrio-
nale, et sur les ressources qu'offrent aux Américains
sa culture, et l'introduction du Châtaignier cultivé,
dans les Etats-Unis.
PLANCHE VI.
Rameau représentant les feuilles de grandeur naturelle. Fig. i ,
fruit du Châtaignier à l'époque de la maturité. Fig. 2, châtaigne
séparée de son enveloppe.
CASTANEA pu mi la.
THE CHINCAP IJS.
Castanea pumila, foliis ot^alibus serratis, subtùs incanb-
tomentosis. Fructu parvo , in singulis capsulis echinatis
unico,
La partie du New- Jersey , qui avoisine la Dela-
ware , à partir du cap May jusqu'à environ loo
milles en remontant le cours de cette rivière, peut
être regardée comme la limite vers le Nord oii se
trouve le Châtaignier chincapin ; il est déjà plus
commun dans le Maryland, et il l'est encore davan-
tage dans la Basse- Virginie, ainsi que dans toute la
partie basse des deux Carolines, de la Géorgie, des
Florides et de la Louisiane, jusqu'à la rivière des
Arkansas. Cet arbre est aussi très-multiplié dans
rOuest-Tennessée , mais seulement autour des prai-
ries naturelles qui sont enclavées dans les forets ;
enfin , dans tous les Etats du Sud , on trouve très-
abondamment le Chincapin, partout oii ne croit pas
le Châtaignier d'Amérique , qui ne se plaît bien que
dans les pays un peu montueux, où le terrain est
graveleux , et où l'atmosphère est toujours très-
humide.
Dans les Etats de New-Jersey, de laDelaware et de
Maryland, le Châtaignier chincapin n'est , pour ainsi
dire, qu'un arbrisseau qui parvient rarement à plus de
7 et 8 pieds de haut (^2 à 3 mètresj, tandis que dans la
Pl.7._
n,.:„„ Ml'
CASTANEA pinuila
titfrtf/.<
// //ris
//ArY, ' .^Jrrr/
FAGUS S Y L V JiS T n IS. 1^1
^inea , qui se trouve aussi bien convenir à celle
qui est insérée dans la dernière édition du Species
yo/«AZjf«rwm, publiée par Willdenow, en i8o5.
Un sol profond et un peu humide, et une tempéra-
ture froide, sont les circonstances qui déterminent la
plus grande grosseur du Fa^us sylvestris : aussi, est-il
incomparablement plus commun dans les Ktats du
milieu, et surtout dans ceux de l'Ouest , que dans la
partie basse etmaritime dcsC'arolincs etdolaGéorgie.
Dans la Pensylvanie,le New-Jersey et le Maryland, et
généralement à l'Est des montagnes, cet arbre est
fort commun, mais il est isolé au milieu des bois ;
tandis que dans le Gennessée , le Kentucky et le
Tennessee, il compose souvent à lui seul des masses
de furets d'une étendue considérable. Je n'ai jamais
vu de plus beaux li êtres que sur les bords de l'Ohio,
entre Marietta et Gallipoli: j'en ai mesuré plusieurs
très-près les uns des autres , qui avoient 8 , 9 et 1 1
pieds [2 , 3 et 4 mètres J de circonférence, et qui ex-
cédoient certainement 90 à 100 pieds (^35 mètres J
d'élévation.
Dans ces belles forets de Hêtres, qui sont assises
sur un sol riche et profond, la surface du terrain
est fréquemment tapissée des racines de cet arbre ^
qui serpentent à fleur de terre, et s'étendent à une
grande distance en s'entrel açant lesunes dans les autres,
ce qui rend la marche du voyageur fatigante^ c'est
probablement aussi à cause de cette grande quantité
de racines, que les terrains couverts de Hêtres sont
les plus difficiles à défricher.
172 FAGUS SYLVESTRIS.
Le Hêtre blanc , paré d'un superbe feuillage , est
un arbre magnifique. Il est plus ëlancë et beaucoup
moins rameux que le Hêtre rouge. Ses feuilles, con-
sidérées isolément , sont ovales , acuminées , lisses
en-dessus et en-dessous, avec des nervures paral-
lèles très-prononcées; elles sont légèrement bordées
de poils qui ont de i à 2 lignes (^2 à 5 millimètres^ de
longueur. Cet arbre appartient à la classe de la
Monœcie de Linnaeus , dont les fleurs mâles et les
fleurs femelles sont séparées , mais placées sur le
même pied; les premières sont disposées sur des
chatons sphériques , suspendus par un pédicule
flexible et long d'environ 10 à 12 lignes [ 3 centim. J.
Les fleurs femelles sont peu apparentes. A ces der-
nières succèdent des fruits de forme ovale et héris-
sés de pointes courtes et flexibles. A l'époque de leur
maturité , ils s'ouvrent en quatre parties et laissent
échapper deux semences de forme triangulaire , cou-
vertes d'une enveloppe coriace.
Le tronc des Hêtres , même dans les vieux arbres ,
est revêtu d'une écorce épaisse, d'une couleur grise,
et qui est toujours unie et non fendillée, comme celle
du Chêne et du Châtaignier; dans l'espèceque je dé-
cris, la proportion de l'aubier au cœur est très-consi-
dérable; ainsi, dans des arbres de i5 à 18 pouces (^4^
5 décimètres J de diamètre, il n'existe souvent que 2
à 3 pouces ( 3 centimètres ) de cœur. C'est de la
grande blancheur de l'aubier que lui est venu le
nom de Hêtre blanc; car, comme je l'ai remarqué
plusieurs fois, dans ce pays on distingue le plus ordî-
F A G U s S Y L V K S T R I S. 1 7 3
nairementles espèces d'arbres du même genre , dont
ic bois est employé dans les arts, par la couleur de
celui-ci , et non par la différence que peuvent offrir
les fleurs et les feuilles.
Quant aux propriétés que possède le bois du
Hêtre blanc, j'en parlerai à l'article suivant, où je
traiterai du Hélre rouge , qui est beaucoup plus es-
timé , et d'un usage beaucoup plus étendu.
Sur les bords de l'Ohio, et dans quelques parties
duKentucky, où le Chêne est rare , et où par suite on
ne peut se procurer assez d'écorce de cet arbre pour
le tannage des cuirs , on lui substitue celle du Fagiis
sjhestris , qu'on lève dans le courant du mois de
juin. Le cuir préparé avec cette écorce est très-blanc
et de bonne qualité. Cependant, les tanneurs du
pays avouent que le tannage Tait avec l'écorce de
cbéne , est préférable.
Dans l'hiver, on apporte quelquefois , à Philadel-
phie , du bois de Hêtre comme combustible , mais
la quantité en est très -petite, comparativement à
celui de Hickery et de Chêne ^ ce qui sembleroit faire
croh^e qu'il est peu estimé sous ce rapport.
Tels sont les résultats de mes observations sur le
Fagus sjrhestrisy arbre d'une grande beauté , mais
dont le bois n'est que d'un intérêt secondaire dans les
arts, et qui n'a aucunes qualités qui doivent le faire
rechercher des Européens.
PLANCHE VIII.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur natu-
relle. Fig. 1 , fruit hors de sou enveloppe.
FAGUS FERRUGINEA.
RED BEECH.
Fagus ferruginea j foliis ovatb-acum,înatis^ grosse den-
tatis. N lices duce triquetrœ; calyce echinato , coriaceo ,
quadrifido , incliisœ.
Cette espèce de Hêtre se trouve presque exclusi-
vement dans le Nord des Etats-Unis, ainsi que dans
la province de la Nouvelle Brunsv^ick , à la Nouvelle
Ecosse et dans le Canada. Dans le district de ]\Iaine
et dans les Etats de Vermont etdeNew-Hampsliire,
elleyest tellement multipliée, que souvent elle forme
à elle seule des forets d'une grande étendue. C'est
plus particulièrement dans les terrains à surface
égale ou à pente douce, désignés sous le nom de Swel
lands^ qu'on trouve les plus belles forets de Hêtres r
terrains qui d'ailleurs sont très-productifs et les plus
propres à la culture du blé. Leshabitans de ces con-
trées lui donnent le nom de Hêtre rouge ^ pour le
distinguer de l'espèce précédemment décrite, qui y
croit également.
Le Fagus fer ruginea a pi us de ressemblance avec
le Hêtre d'Europe qu'avec le Fagus sfli>estris. Il
égale ce dernier en diamètre , mais il n'acquiert pas
une aussi grande élévation. Ses branches sont beau-
coup plus nombreuses et naissent plus près de terre,
ce qui le rend très-rameux et fait paroitre son feuil-
lage plus touffu. Ses feuilles , quoique aussi bril-
T^AGTJ S ieri'uo'inca
FAGUS FERRUGINEA. 17^
lantes , sont un peu plus grandes, plus épaisses et
Ijordées de dents très-saillantes Ses fruits ont la
même forme, mais ils sont de moitié plus gros et
hérissés de pointes plus nombreuses et plus fortes.
Outre ces dillérences déjà assez notables , il en est
une autre importante aux yeux des habitans, c'est
que le llétre rouge a beaucoup plus de cœur ou de
vrai bois; ainsi, dans des arbres qui ont i : j a i8
pouces ( 4 ^ ^ décimètres J de grosseur, on trouve
seulement 3à 4 pouces (i centimètre) d'aubier et de
1 3 à 1 4 pt>uces (3 à 4 décini.) de cœur : proportion qui
seroitinverse dans un Hêtre blanc d'un égal diamètre.
C'est de la couleur qu'a le cœur du bois de cet
arbre, que lui est venu le nom de Hêtre rouge^
et non de celle des feuilles , comme on pourroit le
croire en Europe, où il existe, dans les jardins, une
espèce de Hêtre dont on ignore l'origine, et dont
le feuillage est d'un rouge terne et quelquefois
pourpre.
Le bois du Hêtre rouge a le grain plus serré , et
il est plus fort et plus résistant que celui du Hêtre
blanc. C'est à cause de ces propriétés, qu'on le pré-
fère, et surtout parce qu'ayant beaucoup de cœur
ou de vrai bois, on peut en obtenir des pièces de
fortes dimensions. Ainsi, dans le district de Maine,
et plus au Nord, où le Chêne est très-rare , on se
sert du bois de Hêtre rouge , après l'avoir débarrassé
de tout son aubier, concurremment avec l'Erable
à sucre et le Bouleau jaune , pour la charpente infé-
rieure des navires , à quoi il convient parfaitement ,
176 FAGUS FERRUGINEA.
attendu que cette partie du navire reste continuel-
lement submergée.
Le bois de Hêtre, très-sujet à être attaqué par les
vers et à pourrir promptement lorsqu'il est exposé
aux alternatives de la sécheresse et de l'humidité, est
rarement employé pour la construction des maisons,
même dans les campagnes ; ce qui fait que , sous ce
rapport, son usage est très-borné.
Dans le district de Maine , on est obligé de se ser-
vir de jeunes Hêtres pour les cercles à barriques,
toutes les fois qu'on ne peut s'en procurer suffisam-
ment, de Bouleau jaune et de Frêne noir-, car les
jeunes Chênes blancs sont très - rares , et le pays ne
produit pas de Noyers Hickerys.
On apporte à Boston du bois de Hêtre rouge ,
pour chauffage ; mais sous ce rapport , il est moins
estimé que celui de l'Erable à sucre, dont le prix
est plus élevé. On en fait dans cette ville les formes
de souliers , les manches d'outils de menuisier , et les
cardes à carder la laine , parce qu'il n'est point sujet
à se tourmenter lorsqu'il est bien sec.
A Philadelphie , pour ces usages particuliers , l'on
fait venir le Hêtre rouge du haut de la rivière Hud-
son. Plusieurs ouvriers de cette ville, dont l'unique
occupation est de faire les manches de rabot de ce
bois , m'ont dit que celui du Hêtre d'Angleterre étoit
préférable, comme étant encore plus compacte et plus
solide; que cependant , on trouvoit quelquefois du
Hêtre rouge qui l'égaloit en qualité.
Du district de Maine et de la Nouvelle Brunswick,
FA G us FER RUGI NE A. l'jn
on exporte en Angleterre du bois de Hêtre rouge,
que l'on débite en planches épaisses d'environ trois
pouces (9 centimètres). J'ignore à quel usage on
l'y emploie; mais quelle qu'en soit la consommation^^
les forets de cet arbre sont tellement étendues dans
les pays que je viens de nommer, qu'elles pourront
long-temps subvenir aux besoins du commerce.
La grande analogie qui existe entre le ilétre rouge
et le Hêtre d'Europe, par leur aspect, leur feuillage
et la qualité de leur bois , m'engage à dire un mot des
propriétés de celui-ci, de l'usage qu'on en fait dans
les arts en Europe, et des moyens que Ton emploie
pour en assurer la conservation dans les grau des
constructions; présumant en cela être agréable aux
habitans des diverses parties des Etats-Unis, où j'ai
dit que le Fagus ferruginea étoit le plus abon-
dant.
L'expérience paroit avoir appris que le Hêtre doit
être coupé en été, lorsqu'il est en pleine sève, parce
qu'on a observé que les arbres abattus dans cette
saison , durent fort long-temps , et que ceux qui font
été durant l'hiver , se sont pourris en fort peu d'an-
nées. Lorsqu'ils auront été coupés, il faut les laisser
en grume, les retourner de temps en temps, ensuite
les façonner ou les priver de leur aubier , puis les
jeter dans l'eau , soit en entier , soit après les avoir
débités en planches plus ou moins épaisses ; ou les
y laisse plusieurs mois. Mais quelques personnes
prétendent cependant , qu'il suffit de les tenir en-
foncés dans la vase pendant un espace de vingt
II. :a3
l'jS FAGUS FERRUGINEA.
Nsemaines, et qu'alors le bois n'est plus sujet à la
vermoulure.
Le Hêtre dure long-temps dans les lieux secs, et il
est incorruptible sous l'eau ; mais il s'altère promp-
tement, lorsqu'il est exposé aux alternatives de la sé-
cheresse et de l'humidité.
En Europe , oii l'on n'a pas, comme dans le Nord
de l'Amérique , beaucoup d'espèces d'arbres telles
que les différentes sortes de Bouleaux et d'Erables,
dont les bois sont très-beaux et plus durables que
celui du Hêtre , on est obligé de se servir de ce
dernier d'une manière beaucoup plus générale: ainsi,
débile en planches plus ou moins épaisses , les me-
nuisiers en font des tables et des couchettes ; les
tourneurs, des vis, des rouleaux, des pilons, des
écuelles ; on en fait des sabots et des pelles à re-
muer les grains. Dans la reliure des livres , divisé
en feuillets très-minces, il étoit autrefois employé
au lieu de carton. Dans le Nord de la France, les
charrons en font des jantes de roues.
Aux Monts-Pyrénées, dans la vallée de Saint- Jean-
Pied-de-Port, les habitans en fabriquent des rames
qui s'emploient dans tous les ports de mer de l'O-
céan. Ce bois est pliant et a du ressort, tant qu'il
conserve un peu de sève. Cependant, je crois que
pour ce dernier usage , rien n'égale le Frêne blanc
dont on se sert dans tous les Etats-Unis. Comme
bois de chauffage, le Hêtre est fort estimé , quoiqu'il
dure peu au feu. Ses cendres contiennent beaucoup
d'alkali.
FA ou s FERP. UOIXE A. I^Q
Dans quelques cantons de la lîelgique, et notam-
ment près du village de Saint-Nicolas, entre Gand
et Anvers, on en fait des haies très-solides et d'un
très-bel effet. Ces haies sont faites avec de très-jeunes
arbres, espacés de 7 à 8 pouces (^2 1 à 24 centimètres],
inclinés en sens opposé , et croisés les uns sur les
autres, de manière à former des losanges de 4 à 6
pouces fi 2 à 18 centimètres). Ces jeunes plants, main-
tenus pendant les premières années au point d'in-
tersection par une ligature d'osier, finissent en gros-
sissant, par se greffer ou se souder à cet endroit. Le
Hêtre qui souffre bien la taille au ciseau ou au crois-
sant, et qui pousse moins de gourmands que beau-»
coup d'autres arbres , paroit très-bien remplir cet
objet. Comme ces sortes de haies doivent offrir un
grand degré d'intérêt à tous les cultivateurs des Etats
du centre et du Nord des P^tats - Unis, je rendrai
compte , dans le résumé qui terminera cet ouvrage ,
des détails relatifs à leur confection.
Dans les départemens de la ci-devant Normandie ^
et principalement dans le pays de Caux , on borde
et on entoure , avec des Hêtres , les fermes et les
châteaux. Ces arbres placés sur la même ligne , à
côté les uns des autres, et exposés à un air libre ^
croissent plus vite, s'élèvent beaucoup et prennent
une superbe lige ; ils forment, dans les campagnes,
des rideaux verts d'un aspect majestueux, qui an-
noncent et enclosent toujours un lieu habité.
Le Hêtre se multiplie facilement par ses graines ,
qu'on peut semer depuis le mois d'octobre jusqu'en
l8o FAGUS FERRUGINEA.
février 5 la meilleure méthode est de les mettre en
terre aussitôt que les fruits tombent , ou au moins
dans les quinze premiers jours. Comme cet arbre
souffre difficilement la transplantation , on peut le
semer à demeure, après avoir bien labouré le ter-
rain! Pour obtenir de beaux jets, et avoir des arbres
bien droits et bien filés, on doit semer épais, éclair-
cir les jeunes plants, à mesure qu'ils s'élèvent, et les
élaguer.
Si l'on veut semer le Hêtre pour former des pépi-
nières, une petite pièce de terre saffira pour élever
un grand nombre de sujets. Cet arbre aime l'om-
brage dans sa jeunesse; il exige un terrain propre et
net des mauvaises herbes. Aussitôt que les jeunes
plants sont levés , et qu'on s'aperçoit qu'ils sont trop
serrés, on ôte les plus forts, et on les transplante
ailleurs. Une planche de semence produit, au bout
de trois années, de très-beaux sujets qu'on pourra
employer à former des haies.
De l'extraction de V Huile de Faîne. "^
Dans aucune des parties Méridionales des Etats-
Unis, l'Olivier n'a encore été cultivé, et il me pa-
Ce que je rapporte ici sur l'extraction de l'huile de Faîne,
est en partie tiré d'une instruction, publiée en 1793, par ordre
du Comité de Salut public ; ainsi que d'un Mémoire de M.
Carlier, Prévôt ro_y al de Verberie , département de l'Oise, in-
séré dans le Journal de physique, Février fjSi.
FAGUS FERRUGINEA. l8l
roît même fort douteux qu'il puisse jamais l'être
avec succès, pour fabriquer de l'huile de son fruit,
comme article de commerce. Les seuls terrains qui
pourront être les plus propres à sa végétation, sont
les lies situées sur les bords de la mer; mais, d'une
part, leur étendue est assez limitée, et de l'autre,
la culture de la belle qualité de coton qu'on y ré-
colte,}^ sera long-temps plus lucrative. Ces diverses
considérations m'ont engagé à indiquer ici la ma-
nière , dont on extrait en Europe 1 huile de Faine. La
fabrication de cette huile, qui est très-bonne et re-
connue la meilleure après celle d'olive, doit surtout
intéresser les habitans des Etats du Nord et de
l'Ouest, oii j'ai dit que le Hêtre se trouvoit en corps
de forets. En Allemagne et en France, on fabrique
beaucoup de cette huile. Dans une seule année, les
forets d'Eu et de Crécy , département de la Somme,
ont donné plus d'un million de sacs de ces fruits.
En 1779, une portion de la Faîne recueillie dans la
foret de Compiègne, peu éloignée de Verberie, dé-
partement de l'Oise , a fourni plus d'huile qu'il n'en
faudroit aux habitans du pays pour un demi-siècle.
C'est un avantage trop sensible pour que les habi-
tans de tous les pays, où croissent les différentes es-
pèces de Hêtre , ne cherchent pas à en profiter.
Les graines de Hêtre, de forme triangulaire, sont
couvertes d'abord d'une peau coriace, ensuite d'une
pellicule mince fort adhérente à l'amande. Elles sont
toujours réunies deux à deux dans une coque légè-
rement épineuse, laquelle s'ouvre en quatre parties
182 FAGUS FERRUGINEA.
à l'époque de la maturité, qui a lieu ordinairement
vers le premier octobre.
Il faut cueillir la Faîne lorsqu'elle est bien mûre.
On doit profiter de l'instant , car les pluies peuvent
en faire perdre beaucoup. On la ramasse avec un
balai, et on peut augmenter la récolle, en secouant
les branches et en étendant, sous l'arbre, des toiles
pour recevoir les fruits qui tombent. On les nettoie
au moyen d'un van ou d'un talard.
Lorsque la Faîne aura été ramassée par un temps
sec, et qu'elle aura été nettoiée, on la déposera dans
des greniers ou dans quelque autre endroit que ce soit,
sur des planches , pour qu'elle ne prenne pas l'hu-
midité , ce qui est fort essentiel ; et il faut , comme le
blé , rétendre et la remuer souvent à la pelle. De
cette façon, la Faîne se sèche infailliblement, et elle
est beaucoup meilleure que si elle étoit exposée su-
bitement à l'ardeur du soleil. Cette remarque est
fondée sur l'expérience. Une mesure de Faîne séchée
à l'ombre, rend plus d'huile , que pareille quantité
séchée au soleil.
La Faîne ne contient beaucoup d'huile , que lors-
qu'elle a atteint sa parfaite maturité. Le temps le
plus favorable pour extraire l'huile, est depuis la fin
de novembre jusqu'à la fin de mars ; plutôt, la
Faîne ne seroit pas assez faite ; plus tard la chaleur
altéreroit la graine et l'huile.
Ordinairement, on extrait l'huile sans enlever l'en-
veloppe coriace qui couvre l'amande, ce qui diminue
la quantité d'huile d'environ un septième. Il seroit
FAGUS FERRUGINEA. l83
donc plus avantageux de l'écorcer. I.e meilleur moyen
pour y parvenir , seroit de faire passer la Faîne entre
les meules d'un moulin, qu'on écarte de manière
qu'il n'y ait que l'écorce d'attaquée. La Faîne ainsi
écorcée, doit être employée promptement , et on la
réduit en pâte au moyen d'une meule disposée ver-
ticalement , ou par l'action de moulins à pilons. Ces
pilons agissent dans des creux ou cavités formés, dans
une pièce de bois; plusieurs coups sont forts et fré-
quens, plus la pâte s'échauffe et rend l'huile suscep-
tible de s'altérer; c'estune des raisonspour lesquelles,
quand on s'aperçoit que la Faîne, en se broyant,
devient trop sèche , on doit ajouter une petite quan-
tité d'eau. On laisse reposer la pâte pour qu'elle
s'en imbibe , et on recommence à piler. La vraie
proportion d'eau est d'environ une livre sur quinze
deFaîne.LaFaîne doitrester environ'un quart-d heure
sous l'action du pilon, et elle est assez pilée, lors-
qu'en pressant fortement la pâte dans la main , on
aperçoit 1 huile disposée à en sortir.
La pâte sortant des cavités ou de dessous la meule ,
est soumise à la presse ; il faut en ménager insensi-
blement, l'action pour donner le temps à l'huile de
s'égoutter; trois heures sont à peine suffisantes, quand
les presses sont foibles. On se sert ordinairement de
celle à coins, pour opérer une seconde pression.
Avant d'y procéder, on pulvérise la pâte , on la fait
chauffer dans des vaisseaux convenables, on y ajoute
de l'eau en moindre quantité que pour la première
expression et on la remue pour qu'elle ne brûle pas :
l84 FAGUS FERRUGINEA.
la chaleur qu'on lui fait éprouver , doit être mo-
dére'e.
Indépendamment de la presse, il faut, pour compléter
l'opération du pressurage, des sacs pour renfermer
la pâte ou la farine , et des vases pour recevoir l'huile.
Lessacs destinés à contenir la farine, peuvent être cou-
sus en partie , ou être fermés chacun par un morceau
d'étoffe assez grand , pour que ses bords repliés en tous
sens,puissentcontenirlapâteou farine d'une manière
solide. Pour arranger la pâte facilement au milieu
du morceau d'étoffe , on pose sur celui-ci , un cadre de
bois de trois à quatre pouces d'épaisseur, assez grand
pour contenir quatre à cinq livres de pâte. On la
moule dans ce cadre , en appuyant dessus avec une
planche; on retire le cadre et on relève les bords du
morceau d'étoffe, pour envelopper la pâte ou farine;
les sacs ou étoffes peuvent être en toile très-forte ,
en laine, ou ce qui est préférable, en crin beaucoup
plus résistant et bien plus facile à nettoyer. La
Faine, parles meilleurs procédés ,rend, à peu près,
le sixième de son poids dhuile.
La bonne qualité de l'huile dépend du soin qu'on
a apporté dans son extraction, et de la netteté des
vaisseaux dans lesquels elle est gardée : elle a alors
la propriété de se mieux conserver qu'aucune autre.
Les trois premiers mois, on doit la soutirer deux fois,
toujours avant de la remuer; au bout de six mois, on
peut la soutirer une troisième fois, car elle n'acquiert
toute sa qualité que lorsqu'elle est parfaitement claire,
etseulementqudquesmoisaprèssonextraction; alors,
FAGUS FERRUGINEA. l85
elle rancit rarement, et plus elle est gardée , plus elle
est bienfaisante; elle peut se conserver dix ans dans
toute sa vertu.
PLANCHE IX.
Hameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur na-
turelle. Fig. I , graine hors de son enveloppe.
ZI.
a4
GHAMyEROPS palueto.
THE CABBAGE TREE.
( Hexandrie trigyiiie LiNW. Ord. des Palmiers, Jdss. )
C HA M iER o P S pahneto , caule arhoreo \frondihus palmatis,
plicatis j stipitibus non aculeatis.
La haute élévation à laquelle parvient ce grand
végétal, l'a toujours fait considérer comme un arbre,
par les habitans des Etats-Unis qui demeurent le long
des côtes de l'Océan, où il croît; et ils lui ont donné
le nom de CfliZ>ag^e ?ree. Chou Palmiste. Ce Palmier
est, de toutes les espèces américaines qui appartien-
nent au même genre j celle qui existe le plus avant
vers le Nord; car on commence à la trouver aux
environs du Cap Hatras, dans la Caroline Septen-
trionale, situé par le 34^ degré de latitude, dont la
température en hiver, est semblable à celle qu'on
éprouve en Europe sous le 44^* A partir de l'endroit
que j'ai indiqué, on trouve le Chou Palmiste sur
toutes les côtes de l'Océan, jusqu'à la pointe de la
Floride Orientale , et très-probablement aussi dans
tout le pourtour du golfe du Mexique. Je ne doute
pas non plus qu'il n'existe aux îles de Bahama, et
dans celle de Cuba; car je l'ai vu aux Bermudes,
quoique ces îles soient éloignées de plus de 200 lieues ,
des côtes de l'Amérique Septentrionale.
Quoique ce Palmier paroisse dans le territoire des
Etats-Unis, confiné immédiatement aux rivages de la
mer, on le trouve cependant plus au Midi, à une cer-
/y
./ AÀ' ,/•/'
Jfiyiun/ ,
CIIAMEROrs Palmolto.
C fl/n^ff^^ //1«r9.
cham^:kops palmkto. 187
laine distance dans les terres, car j'en ai fait abattre
deux pieds à environ !\o à 5o milles delà mer, sur
les bords de la rivière Saint- Jean en Floride, à quel-
milles au-dessus du lac George.
Une tige haute de l\o à 5o pieds, parfaitement
droite, et d'un même diamètre dans toute sa lon-
gueur, couronnée par une cime touffue et très-régu-
lière, donne à ce végétal une apparence très-helle et
très majestueuse. Les feuilles qui sont palmées et d'un
vert luisant, sont portées sur des pétioles presque
triangulaires, longs de 18 à i\ pouces, (5 à 7 déci-
mètres) et unis sur leurs bords. Quelques-unes de
ces feuilles varienten grandeur, depuis i pied p3cen-
timètres) jusqu'à 5 (1 mètre, 8 décimètres) en tout
sensj les plus grandes sont placées à la circonférence
de la cime , et les plus petites, près du centre. Avant
de se développer, les feuilles sont plissées sur elles-
mêmes, à-peu-près comme un éventail qui seroit
fermé : très-serrées les unes contre les autres, elles
forment alors un faisceau de 8 à 10 pouces (^ 2 à 3
décimètres) de long. Il parcit qu'en se développant,
elles occasionnent de proche en proche, sur celles qui
sont les plus extérieures, une certaine pression qui
force celles-ci à se détacher ou à se rompre près de
leur naissance, et 0 tomber d'elles-mêmes; et il ne
reste plus que leur base, entourée de filamens, en-
trelacés les uns dans les autres, formant comme
une toile très.grossière ettrès claire,de couleur rousse.
La base de ce faisceau, formé des feuilles non en-
core développées et des feuilles plus petites qui f avoi-
l88 CHAM^ROPS PALMETO.
sinent, est blanche, compacte, et cependant assez
tendre, lorsqu'elle n'a pas encore été exposée à la
lumière.Mangée avec de l'huile, du vinaigre et du sel,
elle participe de la saveur du chou et de l'artichaut,
d'où lui est venu le nom de Chou Palmiste. Abattre un
végétal qui a été 80 à 100 ans à croître, pour obte-
nir 3 ou 4 onces d'une substance médiocrement
agréable et peu nourrissante^ n'est tout au plus par-
donnable que dans des déserts qui, de long -temps
encore, ne seront habités : ainsi en agissoient les
premiers colons du Rentucky et du Tennessee, qui
tuoientun bison pesant 12 a i5oo, pour avoir le seul
plaisir d'en manger la langue, et abandonnoient le
reste à la voracité des animaux sauvages.
Le Chou Palmiste porte de longues grappes de pe-
tites fleurs verdâtres, qui sont remplacées par des
fruits noirs, de la grosseur d'un pois, et qui ne sont
pas mangeables.
La tige de ce Palmier, quoique très-spongieuse , est
employéepréférablementàtoutes les autres espèces de
bois , pour la construction des quais dans les ports de
mer des Etats Méridionaux ; car les tiges de cet
arbre ont le précieux avantage de n'être pas atta-
quées par les vers de mer qui, dans les latitudes méri-
dionales, causentpendantl'été, de grands dommages
à toutesles constructionsmaritimes; néanmoins, lors-
qu'elles sont exposées par suite des hautes et basses ma-
rées aux alternatives de 1 humidité et de la sécheresse,
elles se détériorent aussi promptement que toutes les
autres espèces de bois. La seule consommation que
CHAMiïiROPS PALMETO. 189
l'on fait du Chou Palmiste pour la construction de
nouveaux quais, et l'entretien des anciens , accélère
rapidement sa destruction ; et je pense que le
moment n'est pas éloigne, où ce végétal cessera
d'exister dans les limites actuelles des Etats-Unis.
Dans le cours de la guerre de l'indépendance Amé-
ricaine , quelques forts avoient été, en grande partie,
construits avec des tronçons de ce Palmier; les bou-
lets qui venoient frapper contre, entroient sans faire
d'éclats, et l'orifice du trou se resserroit sur lui-
même : il en est résulté que ce genre de construction
répond très-bien au but qu'on s'étoit proposé.
Tels sont les renseignemens que je puis donner sur
cette espèce de Palmier, dont la croissance très-lente
s'opposera toujours aux tentatives que l'on fera pour
le multiplier; il y auroit, d'ailleurs, bien plus d'a-
vantage à cultiver le Dattierdont le fruit, si abondant
et si nourrissant, constitue une grande partie de la
nourriture des Arabes; et si les deux Florides sont
destinées, comme il y a lieu de le croire, à agrandir
le territoire des Etats Unis, ce végétal devra certai-
nement attirer l'attention des habitans de ces nou-
velles provinces. Sa réussite est indubitable, à cause
de l'analogie de la température, et elle est encore
prouvée parla végétation d'un seul individu qui existe
probablement encore, dans file Sainta-x\nastasia, si-
tuée vis-à-vis de la ville de Saint-Augustin. Ce Dattier
que j'ai vu en 1788, pouvoit avoir 20 pieds (8 mètres)
de haut, et quoique le sol où il étoit planté , fût sec
et aride, il poussoit avec vigueur.
igO CHAMiEROPS PALMETO.
Le développement et l'accroissement des Palmiers
ont été le sujet de discussions entre plusieurs sa-
vans distingués, dont les opinions sont consignées
dans des mémoires intéressans qu'ils ont publiés;
j'y renvoyé ceux de mes lecteurs qui désireroient
les connaître.
PLAÎNCHE X.
Palmier avec ses fruits.
J/.y Jiedou/e' U M. 2.3 I
par arl)re, ce qui cependant ne paroit pas toujours
avoir lieu pour tous ceux qui s'en occupent : car plu-
sieurs fermiers sur TOhio m'ont assuré n'en obtenir
qu'environ 2 livres [ 1 kilogr. )
Les arbres qui croissent dans les lieux bas et hu-
mides, donnent plus de sève, mais elle est moins
chargée de principes saceharins que dans ceux qui
sont situes sur les collines ou coteaux; on en retire
proportionnellement davantage des arbres qui sont
isolés au milieu des champs ouïe long des clôtures
des habitations. On a remarqué aussi que , lorsque
les cantons oii l'on exploite annuellement le sucre,
sont dépourvus des autres espèces d'arbres , et même
des Erables à sucre mal venans , l'on obtient des ré-
sultats plus favorables.
Pendant mon séjour à Pittsburgh, j'ai eu occasion
devoir consigné dans une gazette de Greensburgh , le
fait suivant qvii mérite d'être cité.
(c Ayant, dit l'auteur de la lettre , introduit vingt
tuyaux dans un Erable à sucre , j'ai retiré le même
jour 23 gallons trois quarts de sève Ç 96 litres j , qui
donnèrent 7 livres un quart de sucre (^près de 4 kd. );
et tout le sucre obtenu dans cette saison de ce même
arbre , a été de 33 livres Çi6 kilogramm. j , qui équi-
valent à 108 gallons (4*^^ litres) de sève. » Cette
quantité de 108 gallons ( l\3'2 litres) , fait supposer
que 3 gallons (^ 12 litres J de sève donnent une livre
(un demi-kilogramme) de sucre, quoiqu'en général
on estime qu'il en faille 4 gallons Ç 16 litres ) pour
une livre.
232 ACER SACCHARINUM.
Il résulte de cet essai que , de chacun des vingt
tuyaux, il s'est écoulé un gallon et un quart [5 litresj
de sève , quantité équivalente à celle qu'on retire
seulement des deux canules qu'on a coutume d'in-
troduire dans les arbres perforés à cet efFet. De ces
faits , ne pourroit-on pas conclure que la sève ne s'é-
chappe que par les vaisseaux séveux, lacérés par les
tarières qui y correspondent, à l'orifice supérieur ou
inférieur, et qu'elle n'est pas recueillie, à cet endroit,
des parties environnantes. Je suis d'autant plus dis-
posé à croire que cela se passe ainsi , qu'un jour ,
parcourant les profondes solitudes des bords de
rOhio , il me vint dans l'idée d'entamer un sucrier
à quelques pouces au-dessus de Fendroit où il avoit
été percé l'année précédente. En effet , j'observai
qu'au milieu d'un aubier très-blanc, les fibres li-
gneuses présentoient , à cette place, une bande
verte de la même largeur et de la même épaisseur
que l'orifice qui avoit été pratiqué. L'organisation
des fibres ligneuses ne sembloit pas altérée, mais
cela n'est pas suffisant pour inférer qu'elles pussent
donner, de nouveau, passage à la sève l'année sui-
vante. On objectera peut-être qu'il est prouvé que
des arbres ont été travaillés depuis trente ans, sans
qu'ils paroissent avoir diminué de vigueur, ni avoir
rendu moins abondamment de sève ; on pourroit ré-
pondre à cette observation, qu'un arbre de 2 à 3 pieds
(^6 dèc. à I met.) de diamètre présente beaucoup de
surface; qu'on évite de perforer l'arbre au même en-
droit que , quand même cette circonstance auroit lieu
ACER SACC H AIU NUM. 233
après trente ou quarante ans , les couches succes-
sives, acquises dans cet intervalle, mettroicnt cet
individu presque dans le même état qu'un arbre ré-
cemment soumis à une opération.
C'est dans la partie supérieure du nouveau ïîamps-
hire, dans l'Etat de Vermont, dans le Génessée etlKtat
de New-York , dans la partie de la Pensylvanie située
sur les branches orientale et occidenlale de la Sus-
quehannah,à l'ouest des montagnes, danslescomtés
avoisinant les rivières Mononghahela et Alleghany ,
enlin , sur les bords de l'Ohio , qu'il se fabrique une
plus grande quantité de sucre. Dans ces contrées ,
les fermiers , après avoir prélevé ce qui leur est né-
cessaire jusqu'à l'année suivante , vendent aux mar-
chands des petites villes voisines, le surplus de ce
qu'ils ont récolté, à raison de 40 centimes la livre ;
et ces derniers le revendent 55 centimes à ceux qui
ne veulent pas s'occuper de cette fabrication , ou qui
n'ont pas d'Erables à leur disposition.
Il se fait encore beaucoup de ce sucre dans le
Haut-Canada, sur la rivière Wabasch, aux environs
de M ichillimakinac,oii les Indiens qui le fabriquent,
l'apportent et le vendent aux préposés de la Com-
pagnie du nord-ouest , établie à Montréal. Ce sucre
est destiné pour l'approvisionnement de leurs nom-
breux employés, qui vont à la traite des fourrures
au-delà du Lac supérieur.
Dans la Nouvelle-Ecosse , le district de Maine ,
sur les montagnes les plus élevées de la Virginie et
des deux Carolines, il s'en fabrique également j mais
234 ACER SACCIIAR IN U M.
en bien moindre quantité , et il est probable que les
sept dixièmes des habitans s'approvisionnent de
sucre des colonies, quoique l'Erable ne manque pas
dans ces contrées.
On a avancé , et il paroit certain , que la partie
supérieure des Etats de Nevs^-York et de la Pensyl-
vanie est tellement abondante en Érables à sucre ,
que ce qui pourroity être fabriqué de ce sucre, suffi-
roit à la consommation des Etats-Unis; que la somme
totale des terres couvertes d'Erables à sucre , dans la
partie indiquée de chacun de ces Etats, est de
526,000 acres qui, par une réduction très-modérée,
donneroient environ 8,416,800 livres de sucre, quan-
tité requise pour celte consommation, et qui pour-
roitméme être extraite de io5,2io acres, a raison
de 4 livres par arbre , et seulement de vingt arbres
par acre , quoiqu'on estime qu'un acre contienne h-
peu-près quarante arbres. Cependant, il ne paroît
pas que cette extraction , qui est limitée seulement
à six semaines de Tannée , réponde à cette idée vrai-
ment patriotique. Ces arbres, dans ces contrées ,
croissent sur d'excellentes terres qui se défrichent
rapidement, soit parles émigrations des parties ma-
ritimes, soit par l'augmentation singulière de la po-
pulation, tellement qu'avant un demi-siècle peut-
être, les Erables se trouveront confinés aux situa-
tions trop rapides pour être cultivées , et ne fourni-
ront plus du sucre qu'au propriétaire qui les possé-
dera sur son domaine; à cette époque, le bois de
cet arbre qui est fort bon, donnera peut-être un
ACER SACCUARIIf UM. 2.35
produit supérieur et plus immédiat que le sucre
lui-même. On a encore proposé de planter des ara-
bles à sucre autour des champs , ou en vergers. Dans
l'un ou l'autre cas, des pommiers ne donneront- ils
pas toujours un bénéfice plus certain ? Car , dans
l'x^mérique septentrionale , on a éprouvé que ces
arbres viennent dans des terreins qui sont si arides,
que les Erables à sucre ne pourroient y végéter. On
ne peut donc considérer que comme très-spéculatif
tout ce qui a été dit sur ce sujet, puisque dans la
JNouvelle-Angleterre où cet arbre est indigène, et où
il y a beaucoup de lumières répandues dans les
campagnes, on ne voit pas encore d'entreprises de
ce genre qui puissent tendre à restreindre l'importa-
tion du sucre des colonies.
Les animaux sauvages et domestiques sont avides
de la sève des Erables et forcent les barrières pour
s'en rassassier.
Nous ajouterons que la sève de l'Erable plane ,
qui est probablement celui qui croit en Bohême et
en Hongrie, donne une moindre quantité de sucre
que celle de l'Erable à sucre. L'Erable à feuilles de
hïêne^jécer negundo ^ qu on élève aujourd'hui dans
tios pépinières, ne produit point de sucre.
Je ne puis mieux terminer ces citations, qu'en les
appuyant des faits que contient la lettre suivante ,
écrite de Vienne le 21 juillet 1810.
(( On a déjà commencé ici ^à Vienne) à faire
usage d'une espèce de sucre, tiré du suc de l'Erable.
Des essais en grand, entix'pris dans différentes par-
ti. 3i
236 ACER SACCHARINUM.
lies de cette monarchie , ne laissent aucun doute sur
l'utilité de cette découverte. Les différentes espèces
d'Erables qui sont propres à fournir du sucre, se
trouvent en assez grand nombre dans les forets des
Etats d'Autriche : il y en a des bois entiers en Hon-
grie et en Moravie. Le prince d'i^uersberg , qui a
déjà fait depuis plusieurs années, dans ses terres de
Bohême, des expériences pour extraire le sucre de
l'Erable^ s'occupe actuellement d'établir pour cet '
objet une fabrique dont les frais s'élèvent à 20 mille
florins , et qui doit produire annuellement trois à
quatre cents quintaux de sucre. Ce prince a fait
planter récemment plus d'un million d'Erables. On
a lieu d'espérer que cet exemple trouvera bientôt
des imitateurs parmi les grands propriétaires ; et il
seroit possible que l'on eût ainsi du sucre indigène,
même en plus grande quantité qu'il n'est nécessaire
pour la consommation du pays ».
Les détails dans lesquels je viens d'entrer sur
l'Erable à sucre, peuvent faire apprécier son degré
d'importance dansl'économie domestique, soit par les
qualités de son bois, dont quelques-unes sont excel-
lentes, soit parla quantité de sucre qu'on peut retirer
de sa sève. J'ai déterminé , avec assez d'exactitude , les
contrées de l'Amérique septentrionale où il est le plus
multiplié , et la nature du sol où il se plaît davantage.
Ces renseignemens sont suflisans pour en faire es-
sentiellement recommander la propagation dans le
nord de l'Europe ; car je regarde Y Acer saccharinum
comme très-supérieur sous le rapport de la qualité
A C i: R s A C C H A 1\ I .N U M . jd']
(lu bois et de la quanlilc de sucre qu'on peut en
extraire , à V Acer plalanoïdes et à \ Acer pseudo-pla-
tanus y ce sera donc dans les mêmes contrées, où ces
deux espèces sont très-abondantes dans les forets
européennes, que la réussite complète de celle dont
je viens de donner la description sera assurée , et
on n'aura qu'à se louer d'en avoir propagé la cul-
ture.
PLANCHE XV.
Rameau avec les feuilles et les graines de grandeur naturelle.
Fig. I , petit rameau avec des fleurs.
ACER NIGRUM,
THE BLACK SUGAR TREÊ.
Acer nigrum , foliis çuinque-pariito-palmatis , sinuhus
apertis , margi'ne integris , subtùs pubescentibus , atro-
viridibus : floribus corymbosis ; capsuUs turgidè sub-
globosis. ■ ■
Dans les États de l'Ouest, ainsi que dans la partie
de la Pensylvanie et de la Virginie qui est située
entre les montagnes et l'Ohio , cette espèce d'Érable
est désignée par le nom de Sugar tree^ arbre à sucre^
et encore fréquemment par celui de Black sugar
tree ^ arbre noir à sucre. Cette dernière dénomina-
tion qui m'a semblé plus caractéristique , lui a pro-
bablement été donnée à cause de la teinte très-
foncée de son feuillage, comparativement à celui du
vrai Érable à sucre , qui quelquefois croit avec lui.
Dans le Génessée, qui est un pays fort étendu , on ne
fait au contraire aucune distinction entre ces deux
espèces, et on les désigne également par les noms
de Rock maple et de Sugar maple. La cause de
cette confusion dans les dénominations de ces deux
espèces , vient probablement de ce que cette por-
tion de l'État de New^-York a été, en grande partie,
peuplée par des émigrans des Etats du Nord, qui au-
ront donné à l'espèce dont il est ici question, le même
nom qu'à l'autre, parce qu'ils avoient trouvé son bois
Jf. J.JÏMfovle. pmo'.
y ^a^-
ACE 11 î^igiiuii
ACER N I GR U M. 2 3y
propre aux mêmes usages, et qu'ils en reliroient une
égale quantité de sucre.
Ces deux espèces d'Erables ont encore été confon-
dues par les botanistes qui ont décrit les produc-
tions végétales de l'Amérique septentrionale.
Les bords de la rivière Connecticut, près de Win dsor,
dans l'Etat de Vermont , sont le point le plus avancé
vers le Nord, où, pour la première fois, j'ai observé
lAcer nigrum , mais il y est peu élevé et assez rare ,
d'oi^i on peut inférer qu'il appartient à une latitude
plus méridionale de quelques degrés que VAcer sac-
charinum j en effet , un peu plus au Sud , il constitue
déjà une grande partie des forets du Génessée , et il
couvre en grande partie ces inépuisables vallons à
travers lesquels circulent les grandes rivières de
rOuest , tels que celles de l'Ohio , de la grande
Muskingum , de la Sioto et de la Wabash. Dans ces
bas-fonds , VAcer nigriim est un des arbres les plus
multipliés, et qui acquiert la plus haute éléva-
tion.
Les feuilles, larges de 4 à 5 pouces T 8 à 1 1 centim.)
en tous sens, présentent à-peu-près la même forme
que celles du véritable Erable à sucre : elles en dif-
fèrent principalement, en ce qu'elles sont d'un vert
beaucoup plus foncé, d'une texture plus épaisse, et
que les sinus ou échancrures sont plus ouverts; elles
sont aussi légèrement velues en-dessous, ce qui s'ob-
serve plus sensiblement sur les principales ner-
vures.
Les fleurs, comme celles de VAcer sacchariiiurn^
24o ACER NIGRUM.
sont suspendues à des pétioles grêles et flexibles ,
longs de 1 à 2 pouces ( 3 à 6 centim.) : les graines
ont aussi, à-peu-près, la même configuration, et elles
sont à maturité à la même époque, c'est-à-dire, vers
le premier octobre.
Le bois de YJlcer nigrum possède encore , à peu
de choses près, toutes les qualités de celui de lAcei^
saccharinum ^ si ce n'est que le grain en est plus
grossier, et paroît moins lustré, lorsqu'il est travaillé.
Cet Erable est peu employé , parce que toutes les
contrées où il croit, abondent en une grande variété
d'arbres, tels que les Cliénes, les Noyers, le Ce-
risier, le Mûrier etc., dont les bois sont très-préfé-
rables, soit pour les grandes constructions, soit pour
l'ébénisterie. Néanmoins, il est préféré au bois de ces
diverses espèces d'arbres parles fabriquans de chaises
dites de Windsor, pour en faire la charpente infé-
rieure. Il est regardé aussi, dans ce même canton ,
comme le meilleur bois de chauffage après celui du
Noyer Hickery.Leproduitleplus important qu'on en
retire , consiste dans le sucre qu'on obtient de sa sève,
et dont il se fabrique, tous les hivers, une très-grande
quantité dans les environs de Pittsburgh.
J'ai remarqué que V Acer nigrum , lorsqu'il se
trouve dans un endroit isolé, prend de lui-même une
forme agréable et très- régulière ; son feuillage , d'une
teinte très foncée , est plus touffu que celui d'aucune
autre espèce d'Erable que je connoisse^, ce qui le
rend très-propre à former des allées, dans des parcs et
des jardins où l'on veut avoir de beaux couverts, et
ACER NIGRUM. ^1^1
à être planté dans toutes les situations que l'on vou-
dra garantir des ardeurs du soleil par un ombrage
épais.
PLANCHE XVI.
Hameau avec une feuille et ses graines de grandeur naturelle.
ACER STRIATU M,
MOO SE WOOD.
Acer stria tum , foliis infernè rotundatis ^ supernè acii-
minalo-triscuspidibus argutè serratis : racemis simpli-
cibus ^ pendulis.
Acer Pensylvanicum. Linn.
Dans les provinces de la Nouvelle-Ecosse et de
New-Brunswick , ainsi que dans le district de Maine
et les Etats de New-Hampshire et de Vermont , cet
Erable est connu sous le seul nom de Moose wood,
bois d'Elan. Tandis que dans le New-Jersey et la
Pensylvanie, on lui donne celui de Striped niaple ^
Erable rayé ou jaspé. Quoique cette dernière déno-
mination puisse paroitre préférable comme expri-
mant un des caractères qui lui sont propres , je n'ai
pas cru devoir la conserver, parce qu'elle n'est usitée
que dans la partie des États-Unis oii cet Érable est
comparativement très-rare , et qu'elle est entièrement
étrangère aux contrées où il est extrêmement com-
mun dans les forets.
Le nom de Moose wood, bois d'Elan, que porte
cet arbre , lui a été donné par les premiers habi-
tans , parce qu'ils observèrent que cet animal devenu
aujourd'hui très-rare dans ces contrées , vivoit pen-
dant l'hiver et aux approches du printemps de ses
jeunes pousses.
L'Erable jaspé commence à paroitre, au Canada ,
ACER Striatiuu
Tolf reajr
ACER STRIATUM. 24-3
aux environs du lac S. Jean , vers le 49° ^^ l^ti"
tude , c'est-à-dire un peu plus au nord que les espèces
précédemment décrites. A laNouvelle-Kcosse et dans
le district de Maine où je l'ai plus particulièrement
observé, cet arbre y remplit les bois, mais à me-
sure qu'on approche de la rivière lludson , il devient
beaucoup moins commun , et au-delà de cette limite
il se trouve confiné à la région montagneuse des
Alléghanys jusqu'en Géorgie où elle se termine ;
encore dans ces montagnes se trouve-t-il seulement
aux expositions les plus fraîches et les plus ombra-
gées.
Dans le district du Maine, que j'ai visité avec le
plus de soin , j'ai toujours observé que l'Erable
jaspé croissoit avec plus de vigueur dans les forets
d'essences mêlées, mixtures lands ^ qui sont compo-
sées d'Erables à sucre , de flétres , de Bouleaux
blancs, de Bouleaux jaunes et d'Hemlock Spruce.
Dans ces forets il constitue en très-grande partie ce
que les habitans appellent ZJnder growh^ car sa
hauteur la plus ordinaire est communément au-des-
sous de 8 à lo pieds T 2 m. 5 décim. à 3 m. 3 décim. J
quoique j'aie trouvé quelques individus qui avoient
le double de cette élévation.
La tige principale et les branches de l'Erable jaspé
sont toujours revêtues d'une écorce lisse , de cou-
leur verte et rayée longitudinalement de lignes
noires , ce qui suffit pour le faire reconnoitre d'a-
bord, à toutes les époques de l'année.
Parmi les végétaux arborescens de ces contrées
il.
32
^44 ACER STRIAÏUM.
septentrionales 5 c'est un^des premiers dont la vé-
gétation annonce le retour de la belle saison. Les
bourgeons et les feuilles lorsqu'elles commencent à
se développer , sont de couleur rose, ce qui donne
alors à cet arbre une apparence assez agréable ;
mais bientôt après cette teinte disparoît et fait place
à la couleur verte. Dans les arbres d'une belle ve-
nue , les feuilles d'une texture assez épaisse et fine-
ment dentées dans leur contour ont 4 , 5 et quel-
quefois même 6 pouces ( ii , i4 ^^ ï^ centim. j en
tout sens. Elles sont arrondies dans leurs deux tiers
inférieurs et divisées en trois lobes accuminés à leur
sommet ; les fleurs de couleur verdâtre , sont dis-
posées en forme de grappes longues et pendantes. A
ces fleurs succèdent des graines très-semblables à
celles des autres Erables ; elles n'en diffèrent que
par une petite cavité, qui se fait remarquer sur un
des côtés qui correspond à l'amande. Leur matu-
rité a lieu vers la fin de septembre, et sont toujours
fort abondantes.
Le peu d'élévation et de diamètre auquel parvient
l'Érable jaspé , s'oppose à ce qu'on puisse faire
usage de son bois dans aucun genre de construc-
tion. Cependant, comme il est très-blanc et que le
grain en est très-fin^ les ébénistes , à Halifax , l'em-
ploient en place de houx, qui ne croit pas si avant
vers le nord, pour former les lignes blanches dont
ils incrustent les meubles d'acajou. Mais l'avantage
le plus marqué qu'il présente aux habitans des con-
trées oii j'ai dit qu'il croissoit en si grande abon-
A(:i:r STniATi.'M 24 5
(lance, est de fouiiiir à ceux qui ont négligé de s'ap-
provisionner de fourrages pour l'hiver, les moyens
de nourrir leurs bestiaux jusqu'à ce que la saison
devenue moins rigourc^use ait permis à l'herbe nou-
velle de végéter. Ils lâchent donc leurs chevaux et
leurs vaches dans les bois dès que la sève commence
à faire enfler les bourgeons , et ces animaux épuisés
de besoin en broutent avec avidité toutes les jeunes
pousses jusqu'au vieux bois; pauvre ressource, il
est vrai , mais qui cependant en est encore une ,
attendu que ces jeunes pousses sont très-tendres et
remplies d'une sève abondante et très-sucrée.
Depuis longtemps celte espèce d'Erable a été
introduite en Europe dans les parcs et jardins d'une
grande étendue. On la recherche parce qu'elle est
un des végétaux dont les feuilles se développent des
premières à l'approche du printemps , mais surtout
à cause de sa tige qui est veinée de blanc , et qui
véritablement est d'un effet fort agréable. Cette al-
tération de couleur noire que ces veines ont dans
les forets primitives où cet arbre est fort ombragé,
paroît être dû à ce qu'il est planté dans des terreins
plus secs , et surtout qu'il est plus exposé à être
frappé des rayons du soleil. Les pieds qu'on voit
dans les jardins sont presque tous greffés sur l'E-
rable d'Europe, Acer pseudo platauus ^ qui est un
très-grand arbre ^ aussi la végétation de l'Erable
jaspé se ressent- il de la vigueur de ce dernier ^ et ils
deviennent deux fois plus élevés et d'une grosseur
246 ACER STRIATUM.
souvent quadruple de celle à laquelle ils parvien-
nent dans les forets du nord de l'Amérique.
PLANCHE XVII.
Rameau avec ses graines de grandeur naturelle. Fïg. i , mor-
ceau d'écorce telle quelle est sur les arbres qu'on trouve dans les
forêts du nord de V j^mérique. Fig. a , morceau d'écorce dans les
arbres cultivés dans les terreins secs et découverts.
J'/Jd.
ACER NeguTido,
On 6rie/ * ^'cnw
r^r
ACEll NEGUNDO,
BOX F. LD E R
OR AS H LEAVCIiMAPLE.
Acer negundo , foUis pinnatis ternatisue , inœqualiler
serratis; floribus dloïcis.
Cet arbre, très-commun dans toutes les contrées
situées à Touest des Monts- Alléghanys, y est généra-
lement connu sous le nom de^ojre/r/er, Aulne Buis;
mais , à l'est de ces montagnes , oii il est plus rare, il
a été assez peu remarqué des habitans , qui ne lui
ont donné aucun nom. Cependant quelques per-
sonnes le désignent par celui ^Ash leaved niaple ,
Erable à feuilles de Frêne. Cette dernière dénomina-
tion seroit sous tous les rapports plus convenable ,
et je l'ai conservée avec l'autre , qui est consacrée
par l'usage , bien qu'elle soit absolument insigni-
fiante , attendu qu'elle ne se rattache à aucune des
propriétés de cet arbre. Les Français des Illinois
l'appellent Erable a Giguières.
Les feuilles de VAcer negundo sont opposées , et
ont dans leur ensemble depuis 6 jusqu'à i5 pouces
( i6 à 4o centim. j de longueur , selon que les indivi-
dus auxquels elles appartiennent sont plus vigoureux ,
et croissent dans les lieux frais et humides. Cha-
cune de ces feuilles est composée de deux paires de
folioles avec une impaire. Ces folioles sontpétiolées,
de forme ovale-acuminée, et fortement dentées. Vers
l'automne, le pétiole commun est d'un rouge foncé.
248 ACER NEGUNDO.
Cet arbre est dioique, ayant ses fleurs mâles et ses
fleurs femelles placées sur des pieds différens ; les
unes et les autres sont fixées sur d'assez longs pétioles,
et lorsque les graines qui sont ailées, et de la même
forme que celles des autres Erables, sont arrivées à
leur maturité, elles se présentent sous la forme de
grappes lâches, pendantes et longues de 6 à 7 pou-
ces Ç 16 à 19 cenlim. J
Des diverses espèces d'Erables que produit le ter-
ritoire des Etats-Unis , celle-ci croit le moins avant
vers le Nord: car!, dans les États Atlantiques, ce n'est
qu'à partir des bords de la rivière Delaw^ares, près
de Philadelphie, que l'on commence à la rencontrer;
mais elle y est peu multipliée , ainsi que dans la
partie basse et maritime des Etats méridionaux, oii
elle est aussi très-rare; ce qui, il est vrai, tient moins
à la chaleur du climat en été, qu'à la nature du sol ,
qui est marécageux sur les bords des rivières. A
louest des montagnes au contraire, VAcer negundo
est extrêmement multiplié, et il n'est pas, comme
dans la Haute-Virginie et les Hautes-Carolines, con-
finé seulement aux bords des rivières, il croît en
plein bois avec les Noyers, les Ormes, le Robinia
pseudo- acacia , le Cerisier de Virginie et le Gjmno-
cladus canadensis. C'est néanmoins dans les bas-
fonds, qui longent les rivières , et dont le sol très-
profond, très-meuble, est constamment frais et fré-
quemment exposé à être submergé, que cet arbre
est le plus commun , et qu'il acquiert de plus fortes
dimensions ; cependant elles sont telles , qu'on ne
ACEK NEGUNDO. 2/19
peut le considérer que comme un arl)re de la deuxième
grandeur. En effet, les plus gros Acer ne^undo que
j'ai vus n'excédoient pas plus de 5o ])ieds ( iG met. )
de hauteur sur 20 pouces ^ 6 décimètres j de dia-
mètre, et encore ces plus forts individus ne se trou-
vent-ils que dans le Tennessee et la haute Géorgie qui
sont situés assez avant vers le sud, car le plus géné-
ralement, dans leKentucky, ils n'ont que la moitié
de cette élévation, et quoiqu'ils soient dans des fo-
rets assez épaisses, leur sommet s'étend beaucoup et
forme la tête de pommier : c'est ce que j'ai particu-
lièrement remarqué sur les bords de l'Ohio et de la
grande Muskingum oii j'ai observé que le tronc de
ces arbres étoit toujours bosselé à différens inter-
valles, et souvent gâté dans le cœur. Une fort belle
rangée à' Acer negundo plantés dans le jardin des
plantes de Paris, vis-à-vis la rue de Imffon peut don-
ner par leur port et même par leur force une idée
assez exacte de ceux que j'ai vus près de l'Ohio et
de la Monongahela , à peu de distance de Pitts-
burgh. De ce que je viens de dire, il paroitroit ré-
sulter que cet arbre pour parvenir à son plus grand
développement exigeroit une température plus douce
au moins de trois à quatre degrés que celle du climat
de Paris, de Philadelphie et de Pittsburgh.
UAcer negundo se ramifie promptement ; il ne
forme pas une belle tige droite et élevée comme les
Erables à sucre et TErable noir, son tronc est revêtu
d'une écorce brune , et j'ai remarqué que le tissu
celluUaire avoit une odeur désagréable. La propor-
25o ACER NEGUjVDO.
tion de l'Aubier au cœur est considérable , si ce
n'est dans les très-vieux arbres , alors celui-ci est
entremêlé de veines roses et bleuâtres ; quelques
ébénistes des Etats de l'Ouest en font de petites frises
dont ils entourent les meubles qu'ils fabriquent en
Cerisier de Virginie. Le bois de cet arbre a le grain
très-fin et très-serré , et se fend , dit-on , très-diffi-
cilement ; cependant comme il est susceptible de
s'altérer très promptemcnt quand il est exposé aux
injures de l'air, on n'en fait aucun usage dans les
pays où il est le plus commun. C'est par erreur qu'on
a avancé que dans les Etats-Unis on fabrique it du
sucre avec sa sève.
\JAcer negimdo a été , il y a plus de cinquante
ans , introduit en France par l'amiral La Gallis-
sonnière , et depuis cette époque, il s'est répandu
successivement en Allemagne et en Angleterre, où
il est fort recherché pour embellir les parcs et les
jardins d'agrémens, soit à cause de la rapidité de
sa végétation, soit surtout à cause de la beauté de
son feuillage qui est d'un vert clair et qui tranche
agréablement avec celui des arbres à côté desquels
il se trouve placé. Ses jeunes branches, qui sont aussi
d'une belle couleur vcrle, contribuent encore au
choix qu'on en fait; elles servent aussi à le faire re-
connoitre dans le cours de l'hiver lorsque tous les
arbres ont perdu leur feuillages.
Quant aux avantages que le bois de l'Acer negunclo
peut offrir aux arts, je crois que dans ces dernières
années on les a un peu trop exagérées, nous possé-
ACER ]V !■: G U i\ DO. 2^)1
dons en Europe, et les Américains ont chez eux beau-
coup d'espèces d'arbres c{ui lui sont très-préférables
])0ur la force, et qui lournissent des pièces de
plus fortes dimensions. Il paroît néanmoins assez-
certain que V^cer negundo ^ converti en cépée et
coupé tous les trois ou quatre ans, peut donner de
grands produits par ses seuls rejetons qui sont nom-
breux : ils poussent dans les premières années
avec une force étonnante, et s'élèvent à une hau-
teur remarquable. La réussite en sera d'autant plus
assurée, c[ue ces plantations seront faites dans un
soi profond , constamment frais et humide : car
bien que Vjlcei^ negujido ,])aroisse prospérer pendant
les premières années, dans un terrein sec et médiocre,
il finit par y dépérir sensiblement^ c'est ce dont je
me suis convaincu chez plusieurs grands propriétaires
des environs de Paris qui , d'après quelques écrits
récemment publiés sur cet arbre, avoient fait quel-
ques tentatives pour tirer un meilleur parti de cer-
taines pièces de terres maigres et sèches, en y plantant
des Acer negundo.
PLANCHE XVIII.
Rameau représentant les feuilles et les graines de grandeur
naturelle.
IT. ^ »
NYSSA GRANDIDEISTATA,
THE LARGE TUPELO.
( Polygamie dioecie. Linn. Fam. des Elaeagnoïdes. Juss. )
NyssA grancUdentata , foliis longe petiolatis , ovalibas^ acu-
inlnaLis : pedunculis fœm. \~floris : fructibus cœruleis,
Nyssa tomentosa. A. Mich. FI. b. Am.
Oms. Folia passini acnlè grandide7itala.
Cette espèce de Nyssa est la plus remarquable de
toutes celles de ce genre, par la grande élévation
et la grosseur à laquelle elle parvient. D après mes
recherches personnelles , cet arbre est étranger à tous
les États du Nord et du milieu, et il ne se trouve
que dans la partie basse et maritime des deux Garo-
lines, de la Géorgie et de la Floride Orientale, oii
il est désigné sous le nom de Large Tupelo , grand
Tupelo. On m'a assuré qu'il étoit aussi fort com-
mun dans la Basse-Louisiane , sur les bords du
Mississippi, oii il est appelé Olivier sauvage ^ wild
olive. Enfin toutes les parties des Etats-Unis , où
j'ai dit que croissoit le Pinus australis , peuvent
être également regardées comme produisant le iN^^^^^
grandidentata. Je présume même, quoiqu'avec moins
de certitude, que cet arbre doit venir partout où
l'on rencontre le CAipressus distichay ce qui sem-
bleroit indiquer qu'il se trouve plus au Nord^ même
que la Virginie; car ce dernier végétal abonde dans
plusieurs marais du Maryland , à peu de distance de
Pl.lf,.
Ae.<:rn ,M
JV YS SA Grandident at a
J.'^A-tt^.
a/'ac
jyf//fr/,>'.
NYSSA G Jl A M) IDi: \ T A T A. '2J.i
la mer. En efl'et, dans la Caroline du Sud et la Géor-
gie, que j'ai plus particulièrement visitées, j'ai remar-
qué que ces deux espèces d'arbres se trouvent assez
constamment aux mêmes endroits, et que réunies
aux Quercus Ijrata ., Gleditsia inerniis ^ Populus
canadensis , Populus caroliniana^ Ju^lans anua-
tica^ etc. , elles composent l'ensemble des forets
ténébreuses et presque impraticables, qui couvrent
les marais fangeux, qui, dans ces iitats , bordent les
rivières, depuis leur embouchure dans l'Océan, jus-
qu'à cent à deux cents milles dans l'intérieur des ter-
res. Ceux de ces marais d'une grande étendue , qui
sont encore enclavés au milieu des bois, produisent
aussi les mêmes sortes d'arbres ; et dans l'un et l'au-
tre cas, leur présence indique d'une manière assez
certaine que le sol est profond, que sa qualité est
excellente, et que par conséquent, il est le plus pro-
pre pour la culture du riz.
Dans les débordemens annuels des rivières, les
eaux couvrent entièrement ces marais, elles y séjour-
nent et s'y élèvent quelquefois jusqu'à 5 et 6 pieds
(^ 2 mètres ) de haut, comme on peut s en assurer par
la trace qu'elles laissent en se retirant, sur le corps,
des arbres qui n'en végètent qu'avec plus de vigueur,
à en juger par leurs grandes dimensions. Ainsi, le
Njssa grcmdidejitata parvient à 70 et 80 pieds ( 23
et 26 mètres), sur un diamètre de i5 à 20 pouces
(4^6 décim.J , immédiatement au-dessus de sa base
conique, qui, dans cette espèce, est proportionné-
254 NYSSA GRANDIDENT ATA.
ment plus considérable que dans la précédente ;
car elle a quelquefois 5 à 6 pieds Ta mètres j de dia-
mètre, au niveau du sol, etseulement i8 et 20 pou-
ces (5 à 6 décim. j, à 6 et 7 pieds (^ 1 mètres) au-
dessus de terre; diamètre que conserve ensuite le
tronc jusqu'à aS à 3o pieds (^8 à 10 mètres j.
Je ne pense pas, comme pourroient le croire quel-
ques personnes, que cette amplitude extraordinaire
de la partie inférieure du tronc de ce Nyssa , soit
uniquement due à la grande humidité des lieux où
il croit. Si cela étoit ainsi, les sept ou huit autres
espèces d'arbres qui viennent avec lui dans les
mêmes lieux, ofFriroient la même singularité ; ce qui
ne s'observe pas.
Les feuilles du Njssû grandiclentata , ont 5 à 6
pouces (^i5 à 18 centim. J de longueur, sur 2 à 3
])Ouces Ç6 a g centim. j de largeur; elles sont même
deux fois plus grandes dans les jeunes individus qui
poussent vigoureusement. Leur forme est ovale , et
elles sont garnies sur leurs côtés, de deux ou trois
larges dents, irrégulièrement placées et non oppo-
sées les unes aux autres, comme cela a lieu le plus
ordinairement dans celles des autres arbres. Lors de
leur développement au printemps , elles sont très-
velues; mais à mesure qu'elles grandissent, elles
deviennent entièrement lisses ou glabres sur leurs
deux faces. Aux fleurs qui sont disposées en tête,
succèdent des fruits assez gros , d'un bleu foncé , et
de forme ovale-acuminée, qui contiennent un noyau
N Y s s A G II A \ l) I J) i: N T A T A . SJ 'Jî
osseux , (lc'[)riiJ»('; ni Ibiieiiioril suié longitudînalc-
ment en-dessus et en dessous. Ces fruits, froissés
dans une petite quantité d'eau , rendent un suc d'une
belle couleur purpurine qui m'a paru assez tenace ;
mais il est si peu abondant dans chaque fruit,
que je doute qu'on puisse jamais en tirer parti pour
la teinture, au moins d'une manière assez étendue.
Le bois deJYjssa grandidentata est d'une extrême
légèreté, et plus tendre que celuid'aucun autre arbre
que je connoisse dans les Etats-Unis. Ses fibres ligneu-
ses présentent la même organisation que celles des es-
pèces appartenant au même genre et s'entrecroissent
comme elles, en différentes directions. Ses racines sont
aussi plus tendres et plus légères. Cependant aucu-
nes parties de cet arbre ne peuvent remplacer le
liège, soit pour boucher des bouteilles, ou pour les
autres usages , auquel l'écorce du Chêne liège est pro-
pre. Le seul serv ice qu'on tire du bois de ce jVyssa , se
réduit donc à en faire des plats etdes sébiles, parce
qu'il se travaille avec une grande facilité. Les pê-
cheurs se servent aussi de morceaux de ces racines,
pour soutenir dans l'eau leurs filets.
Tel est le résultat des observations que j'ai été à
même de recueillir sur cet arbre, qui ne paroît pas
devoir offrir un grand degré d'importance dans les
arts, et dont tout le mérite semble résider dans son
beau feuillage et son aspect agréable. Je remarque-
rai enfin qu'il supporte très-bien la température du
climat de Paris , et qu'il n'y exige pas un terrein
256 NTSSA GIl AN D IDENTATA.
aussi aquatique que ceux dans lesquels on le trouve
exclusivement dans le Midi des Étals-Unis.
PLANCHE XIX.
Rameau représentant les feuilles et le fruit de grandeur natu-
relle. Fig. I , noyau dépouillé de sa pulpe.
Fl. ^o.
Jip^d-a a^/.
Gvipù/ se
/?eiû .
NYSSA
CAPITATA,
s OU H TUPELO.
Nyssa. capitata , foULs brevlssimh petiolatis , suhcuneaLà-
obJongis : suhbiis suhcandicaiitibus ; peduncuhs jœni.
i-floris : fructibus rubris.
Nyssa candicans , A. Mich. FI. b. Amer.
Gest dans l'État de Géorgie , sur les bords de la
rivière Oguechee , au point où cette rivière coupe
la route qui conduit de Savanah à Sunbury, que
l'on commence à trouver le Nyssa capitata , lors-
qu'on se dirige vers le Sud; et au-delà de ceite
limite, on le rencontre dans tous les endroits qui
sont favorables à sa végétation. Quelques personnes
m'ont aussi assuré que cet arbre existoit dans la
Basse-Louisiane; ce qui est très-vraisemblable, d'après
ce que j'ai dit autre part, de la grande analogie qui
existe entre le climat et la nature du sol des États
méridionaux et ceux de la partie basse du Mississippi.
Gette espèce de Nyssa est connue en Géorgie, sous
les noms de Sour Tupelo ^ Tupelo à fruits aigres , et
de wild litnes , Citron ou Limon saunage. J'ai pré-
féré la première de ces deux dénominations, quoi-
que la moins usitée, parce qu'elle est plus convena-
ble , attendu que ses feuilles, ses fleurs et ses fruits,
n'ont pas la plus légère ressemblance extérieure avec
ceux du Citronnier.
Les feuilles au. Njssa capitata, longues de5 à 6
pouces (^ i5 à 18 centim. j , de forme ovale , et rare-
258 NYSSA CAPITATA.
ment dentées, sont d'un vert clair en-dessus, et
glauques ou blanchâtres en-dessous. Les fleurs res-
semblentbeaucoup à celles du JYjssa grandidentata;
elles en diffèrent seulement en ce que les fleurs
mâle» et les fleurs femelles, sont, dans cette espèce,
toujours placées sur des pieds différens: mais ce qui
est fort remarquable dans le JVjssa capitata , et ce
que je n'ai observé dans aucun arbre de l'Améri-
que Septentrionale, c'est que les individus mâles
ont un aspect tellement différent des individus femel-
les , qu'on peut les reconnoitre au premier abord ,
même lorsqu'ils sont privés de leurs feuilles en hiver.
Cette différence consiste en ce que dans les premiers,
les branches sont plus rapprochées du tronc, qu'el-
les poussent dans une direction plus verticale , enfin
qu'ils prennent un accroissement plus rapide que
les individus femelles , dont les branches s'étendent
plus horizontalement, et qui forment une tète plus
large et plus arrondie.
Les fruits du Njssa capitata^ portés sur d'assez
longs pétioles, sont de couleur rouge clair, de forme
ovale, et ils ont environ i5 à i8 lignes [33 à 4o
millim.) de longueur. Ces fruits entourés d'une pel-
licule épaisse, sont très - acides. Ils contiennent,
comme ceux du Nyssa grandidentata , un noyau
oblong, très-gros et profondément strié sur ses deux
faces. On peut en faire au besoin , une boisson acide,
fort agréable, en y ajoutant du sucra; mais ce ne
sera jamais qu'accidentellement qu'on en fera usage
dans les pays , où cet arbre est indigène , parce qu'ils
N Y s s A C A P 1 T A T A. 259
produisent le Citronnier qui lui est très-supérieur par
la grosseur, et, l'abondance de ses fruits, et par l'avan-
tage qu'il a de croître dans les terreins les plus
médiocres et les plus exposés au soleil.
Des diverses espèces de Nyssa dont je donne la
description, c'est celle-ci qui s'élève le moins, car
elle acquiert rarement plus de 3o pieds f lo mètres)
de hauteur , sur 7 à 8 pouces (21 à 2^|. centim. ) de
diamètre. On la trouve , comme le Nyssa grandi-
dentata^ dans les marais bourbeux, situés le long des
rivières, ou enclavés au milieu des forêts; et comme
son bois est également très-tendre, et qu'il est tou-
jours d'un trop petit diamètre, pour être employé à
aucun usage que ce soit, cette espèce retombe natu-
rellement dans le domaine des amateurs de cultu-
res étrangères.
PLANCHE XX.
Rameau représentant les feuilles et les fruits de grandeur natu-
relle. Fig. 1 , noyau dépouillé de sa pulpe.
IT. 3;
'^^.•%/^^^-^'^»''^'^^*'^''^^'''*^^^-^-^^'^ "V^--^^"^^^ ^^^^,^,-^,'X-^^,'W^
NYSSA
SYLVATICA,
BLACK G U M.
N Y S S A syli>atica , foUis Oi^alibus , integerrimis ; petiolo ,
nervo medio^ ma rgitieque i^illosis : pedunculis fœm.
longis pler unique 2. floris, nuce brevi ^ obovatàf obtuse
striatâ.
Nyssa villosa, A.Mich. FI. b. Am.
Nys^a montana Horlulanoniin.
Obs. Interd'um culturd villositatem amiilit , qffinis N. aquatica .
C'est dans le parc de M. W. Hamiltori, situé à
Woodland , distant d'environ trois milles de Phi-
ladelphie, endroit très -remarquable par la grande
variété d'arbres de l'Amérique Septentrionale , qui
s'y trouvent naturellement rassemblés^ que j'ai ob-
servé pour la première fois , cette espèce de Nyssa.
Je crois donc pouvoir en conclure, sans craindre
trop de me tromper , que les bords de la rivière
Schuylkill,près de cette ville, peuvent être considé-
rés comme très-rapprochés des limites où elle com-
mence à se montrer, en allant du Nord au Midi,
quoiqu'elle se voie déjà assez communément dans
les bois qu'on rencontre sur les routes qui condui-
sent à Lancaster et à Baltimore. Enfin, dans tous les
États situés plus au Midi , tant à l'Est qu'à l'Ouest
des montagnes, cet arbre est plus ou moins multi-
plié, suivant que le sol lui est favorable. Dans ces
/'/oj
A.ihc/t.(/<'r
NYSSA Svlvatica
{raAnf/ Je.
u
NYSSA S Y T. V AT ICA. 2G I
diverses parties des Étals-Unis, il est désigné sous
le nom de Black gum , Gommier noir; de Yellow
gum ^ Gommier jaune; et de Sour gum ^ Gommier
sûr; dénominations qui ne se rattachent à aucune
de ses propriétés particulières, et par conséquent
sont assez mauvaises, mais qui sont consacrées par
l'usage. La première m'a paru la plus usitée, et c'est
le seul motif qui m'a déterminé à la choisir de pré-
férence.
Ce Nyssa offre dans sa végétation une singularité
assez remarquable. Dans le Maryland, la Virginie
et les Etats de l'Ouest, où il croit dans les terreins
élevés, ou à surface inégale , parmi les Chênes et les
Noyers, qui, dans ces Contrées, sous cette latitude,
composent la plus grande masse des forets , il ne pré-
sente rien dans son aspect qui le fasse distinguer
des autres arbres, tandis que dans la partie basse
des deux Carolines et de la Basse-Géorgie, où il ne
vient qu'aux lieux fort humides, awec le Magnolia
glauca , le Laiirus caroliniensis , le Gordonia
lasyanthus et le Q?/erczf^«<7z/«f26'«,lapartieinférieure
du tronc est pyramidale ou en pain de sucre. Ainsi,
dans un individu qui a i8 à 20 pieds ( 6 mètres )
d'élévation , la base a 7 à 8 pouces (21 à 24 centim. J
de diamètre, au niveau du sol, et seulement 2 ou 3
pouces (6 ou 9 centim.), à i pied (3 décim.) de
terre ; proportions, qui d'ailleurs varient eu égard
aux dimensions différentes de chaque arbre en parti-
culier.
Y^eNjssa sylvatica acquiert une élévation beau-
262 NYSSA SYLVATICA.
coup plus grande que le Nyssa aquatica , car il par-
vient fréquemment à 60 et 70 pieds (^20 à 23 mètres),
sur un diamètre de 18 à 20 pouces ("5 à 6 décim.)
J'ai eu aussi occasion d'observer que ceux qui crois-
sent dans les terreins élevés, mais de bonne qualité,
dans la Haute- Virginie, le Rentucky et le Tennessee,
ont des dimensions beaucoup plus fortes que ceux
qui viennent dans les lieux très-aquatiques, comme
dans la partie maritime des États méridionaux.
Les feuilles du Nyssa sylvatica^ disposées alterna-
tivement sur les branches, sont entières, longues
de 5 à6 pouces (i4^ 16 centimètres), de forme ovale,
très alongées, et portées sur des pétioles courts et
velus. Les fleurs fort petites et peu aparentes , sont
réunies en tête, comme celles de l'espèce suivante.
Les fruits qui leur succèdent, sont aussi en tout,
semblables à ceux de cette même espèce, soit par
leur forme ovale alongée , soit par leur couleur
bleu foncé , soit par le noyau qui est aussi légère-
ment convexe et strié longitudinalement sur ses
deux faces; ils en diffèrent néanmoins, en ce qu'ils
sont de moitié plus gros.
L'écorce qui couvre le tronc de cet arbre est blan-
châtre , et assez semblable à celle des jeunes Chê-
nes blancs. Le bois, dont le grain est d'une texture
très -fine, mais assez tendre, présente la même
organisation que dans toutes les espèces de ce genre,
et qui consiste en ce que ses fibres ligneuses sont
réunies en faisceaux, et s'entre-croisent ou s'enche-
vêtrent les unes dans les autres. Dans les vieux arbres
NYSSA. SYI,\ATICA. 2^3
qu'on trouve sur les terres hautes, et par eonsé-
quant assez sèches , l'aubier est ordinairement d'une
couleur jaunâtre , ce qui est considère par quelques
charrons, comme une indice, que le bois est de
meilleure qualité ; et c'est probablement pour
cela 5 que cet arbre est quelques fois nommé Yellow
gnm, Gommier jaune ^ quoique le cœur soit d'un
brun foncé.
Dans presque toute la Virginie, le bois du Nyssa
sylvatica^ est employé à faire des moyeux de car-
rosses, de cabriolets et de chariots. A lAichemond , à
Baltimore, à Philadelphie et dans les autres villes,
les chapeliers en font fabriquer les formes de cha-
peaux , et ils le préfèrent à toutes les autres espè-
ces de bois, parce qu'il a la propriété de ne pas se
fendre, de manière à augmenter de volume. Dans
les Etats méridionaux , on s'en sert aussi dans
les moulins à riz; on en fait le cylindre denté, dont
le mouvement de rotation fait hausser et baisser les
pilons , qui , tombant dans les auges où l'on a mis le
riz, le broyent et le dépouillent de son enveloppe.
Les dents chassées avec force dans les trous prati-
qués à cet effet, dans le corps du cylindre, y sont
retenues fortement par la rétraction, en différens
sens, des fibres ligneuses, due à celte disposition
particulière , dont j'ai parlé. C'est aussi à cause de
cette propriété qui le rend si difficile à fendre, qu'à
bord des vaisseaux, on choisit ce bois pour en faire le
Cap^ pièce destinée à recevoir la partie inférieure
des mâts supérieurs.
204 NYSSA SYLVAÏICA.
Tels sont les principaux usages auxquels le bois
du Nyssa syhatica est généralement employé: ces
usages sont les mêmes que ceux auxquels est pro-
pre celui du Nyssa aquatica'^ et les observations
que je ferai, en traitant de celui-ci, pourront éga-
lement s'appliquer à celui-là, dont le bois n'est pas
meilleur , mais qui offre l'avantage de ne pas exiger
autant d'humidité pour végéter. Et quoique l'un et
l'autre puissent supporter la température du climat
de Paris, cependant il viendroit encore beaucoup
mieux à deux ou trois degrés plus au Midi.
PLANCHE XXI.
Rameau représentant les feuilles et les fruits de grandeur
naturelle. Fig. i , uojau dépouillé de sa pulpe.
Ti.92.
JJiiWi.iM.
NYSSA Aqual ion.
ûtiér/e/Jc
NYSSA AQUATICA.
TUP ELO.
Nyssa aquatica , foliis ovalibus , integerrimîs ; pcAun-
culls fœm. biflorh : drupd breui , ob-ovatà ; nuce
striatâ,
Nyssa biflora , A. Micii., Flora b. Amer.
C'est dans la partie inférieure de l'Etat de New-
Hampshire, où l'air est tempère par le voisinage de
la mer, qu'on commence à trouver cette espèce de
Nyssa, en allant du Nord vers le Sud; mais il est
comparativement plus abondant que partout ail-
leurs dans le bas des Etats de New-York, de New-
Jersey et de la Pensylvanie. Il y est désigné assez
indistinctement sous les différens noms de Tupelo ;
de Guni tree. Gommier ; de Soiir Giun , Gommier
sur, et de Peperidge, dénominations dont je n'ai
pu apprendre ni la signification ni l'origine. La
première m'a semblé la plus usitée, et je l'ai pré-
férée seulement à cause de cela ; la seconde est cer-
tainement assez mauvaise , puisqu'il ne découle de
cet arbre aucun suc qui se condense par lui-même;
la troisième est seulement en usage parmi les des-
cendans des Hollandais , assez nombreux dans les
environs de la ville de New -York.
Le Tupelo appartient à la classe des arbres qui
viennent seulement aux lieux humides ; ainsi, dans
le New-Jersey, on le trouve constammeat autour
266 NYSSA AQUATICA.
des marais, mêlé avec le véritable Erable rouge , le
Liquidamhar stjracijlua^ le Quercus discolor ^ le
Quercus palustris et VUlmus americana. Cet arbre
s'élève rarement à plus de 4o à 45 pieds (^ i3 à i5
mètres), sur i5 à 18 pouces (^4 ^ ^ ^^^ii^^^tres ) de
diamètre. Ses branches qui commencent à cinq ou
six pieds (1 mètres) de terre , m'ont paru affecter
une direction très-horizontale ; et j'ai cru remar-
quer également que les pousses des deux dernières
années n'étoient presque jamais ramifiées, et qu'elles
étoient sensiblement écartées des tiges principales.
Le tronc, d'une grosseur uniforme, à partir de sa
base, est revêtu d'une écorce qui n'offre rien de re-
marquable, tant qu'il reste au-dessous de 8 à 10
pouces [2 à 3 décimètres J de diamètre ; mais lors-
qu'il est parvenu à son entier développement , et
qu'il est d'une belle venue , son écorce est fort
épaisse et profondément crevassée; et on remarque
que ces crevasses ou divisions de l'écorce, la par-
tagent de manière à présenter des hexaèdres, qui
quelquefois sont très-réguliers; particularité que je
n'ai observée que dans l'espèce que je décris, et que
je n'ai pas cru devoir omettre.
Les feuilles àuNjssa aquatica sont longues d'en-
viron trois pouces, [9 centim. ) , de forme obovale
lisses, entières, légèrement glauques à leur surface
inférieure et disposées alternativement sur les bran-
ches ; dans cette espèce, elles sont souvent réunies
en paquets aux extrémités des petites pousses laté-
rales. Les fleurs, petites et peu apparentes, sont
NYSSA AQUAilCA. 26"
rassemLlées en léte et portées sur des pétioles longs
de 1 à 2 pouces (3 à 6 centim. ) Aux fleurs succèdent
les baies ou fruits, de forme ovale et d'un bleu foncé,
qui sont toujours abondants, et qui reslent longtems
sur les arbres, après que les feuilles sont tombées; ils
forment une partie de la nourriture du Tardas mi-
^ratorius , dans sa migration, à l'automne, du Nord
vers le Sud. Ces fruits de la gros eur d'un pois, et atta-
chés deux à deux sur un pédicule commun, contien-
nent un noyau osseux, déprimé d'un côté, légèrement
convexe de l'autre, et strié longitudinalement. Les
graines sont à maturité vers le i^' novembre ; écra-
sées dans l'eau, elles rendent un suc épais, onctueux
et verdâtre , qui se mêle difficilement à l'eau. Ce suc
est d'une saveur un peu amère, et je ne sache pas
qu'on ait jamais tenté de l'appropriera aucun usage
économique. Je crois même qu'il estj^eu susceptible
d'entrer en fermentation, et par suite de donner
un produit spiritueux ou même d'être converti en
vinaigre.
Le bois de ce Nyssa , quant à sa texture et à sa
pesanteur , me paroit devoir être rangé dans la classe
de ceux qui tiennent le milieu entre les arbres à
bois dur et ceux à bois tendre. Lorsqu'il est bien
sec , son aubier a une légère teinte rougeàtre , et le
cœur est d'un brun foncé. Il arrive très-fréquem-
ment que les arbres qui excèdent i5 à i8 pouces
(435 décimètres ) de diamètre , sont creux dans
plus de la moitié de leur intérieur ; c'est un fait que
j'ai eu souvent occasion de vérifier par moi-même.
II. ^^
268 WYSSA AQUATICA.
Dans tous les arbres que nous connoissons , les
fibres ligneuses qui composent le tronc, sont étroi-
tement unies entr'elles , et s'élèvent verticalement :
quelquefois aussi , par un jeu de la nature dont on
ne peut assigner la cause, ces fibres vont en serpen-
tant, ou forment des ondulations en lignes droites,
comme dans l'Erable rouge et l'Erable à sucre; ou
encore, comme dans ce dernier, elles se tortillent à
de petits intervalles de i, 2 et 3 lignes (^ 2 , 4 et 6
millim. j ; enfin, comme dans l'Orme tortillard,
elles suivent en s'élevant, une direction tellement
oblique , quelles reparoissent à des distances de 4
5 et 6 pieds (12, 16, ig décim.j du même côté.
Dans ces arbres, ces dispositions ne sont qu'acci-
dentelles, et ne se rencontrent pas dans la Soo*' par-
tie de ceux qui croissent naturellement dans les
forets, et c'est pour cette raison qu'on n'est jamais
assuré d'avoir des arbres dont le bois ait la même
*
texture , à moins qu'on ne les greffe , ou qu'on ne
prenne des rejetons à leur pied. Le bois des Nyssas
présente , au contraire , une organisation toute par-
ticulière. Les fibres ligneuses sont réunies en fais-
ceaux , qui se croisent et s'enchevêtrent les uns
dans les autres, et qu'on pourroit comparer à une
tresse ronde ; disposition qui n'est pas accidentelle
comme dans les arbres que j'ai cités plus haut , mais
qui existe constamment dans toutes les espèces de
Nyssa, et qui fait que leur bois est de la plus grande
difficulté à fendre lorsqu'il n'est pas coupé en tronçons
très-courts. Cette propriété particulière le rend pro-
pre plus que tout autre, à certains usages j)arlicu-
liers. A INew York, dans le New Jersey et surtout à
Philadelphie, on en fait tous les moyeux des roues
de carrosses et de chariots. Cependant dans quel-
ques parties du New Jersey, et même de la Pen-
sylvanie , il y a des charrons qui, pour les moyeux
des chariots destines à porter de grandes charges,
donnent la préférence au Chêne blanc, comme plus
solide, quoique j'aie dit à Tarticle de celui-ci, qu'il
étoit peu propre à cet objet, parce qu'il est très-sujet
à se fendre. L'opinion est donc partagée à cet égard ,
et on peut en conclure que le bois du Nyssa n'est
employé à cet usage important qu'en raison de son
organisation, et non à cause de sa solidité et de sa
résistance. L'absence de ces dernières propriétés
auroit de bien plus graves inconvéniens en France ,
où les roues des grosses voitures , ont des moyeux
de 20 pouces ( 5 décim. j de diamètre , à l'insertion
des jantes, et des essieux qui, quelquefois, pèsent
35o livres , (près de deux quintaux métriques); car
ces voitures à deux roues^ sont calculées pour porter
pendant de longs trajets, jusqu'à 9 milliers ( 4^0
quintaux métriques) , tandis que dans les États-Lnis,
la charge des chariots excède rarement la moitié
de ce poids.
De tout ce que je viens de dire, il résulte que le
bois des Nyssas ne conviendra jamais en Europe pour
faire les moyeux des plus grosses voitures, qui sont
toujours en Orme tortillard, soit parce qu'il manque
de solidité, soit parce qu'il ne parvient pas à un assez
l'jO NYSSA AQUATICA.
grand diamètre. Mais si, à cette singulière organisa-
tion qui lui est naturelle , et qui le rend presque
impossible à fendre, il réunissoit la force de l'Orme;
si, comme lui, il pouvoit parvenir à un diamètre trois
fois plus grand, croître dans des terreins secs, élevés
et de médiocre qualité; si enfin, il avoit une végé-
tation plus accélérée, alors, je ne crains pas de le
dire, cet arbre seroit pour les arts mécaniques, le
plus précieux de tous ceux que produisent les forets
de l'Europe et de l'Amérique Septentrionale.
Dans la Pensylvanie et le New-Jersey, beaucoup
de fermiers préfèrent les planches de Nyssa à celles
de tous les autres bois, pour faire le fond et les
côtés de leurs chariots; l'expérience leur ayant ap-
pris qu elles durent très-long-temps. On en fabrique
aussi des sébiles qui sont un peu moins légères que
celles du Tidipier, mais qui se fendent, dit-on, moins
aisément. Comme combustible, le bois de ce Nyssa
brûle très-lentement et jette cependant beaucoup
de chaleur; c'est pour cela qu'à Philadelphie, plu-
sieurs personnes, en faisant leur provision de bois
pour l'hiver, achètent une certaine quantité de gros-
ses bûches de Nyssa, qui se vendent séparément: on
les met dans la cheminée derrière les autres , et elles
conservent long-temps le feu.
Tels sont les résultats de mes recherches sur l'em-
ploi dans les arts, du bois de cette espèce de Nyssa.
Les remarques que j'ai cru devoir faire, en le com-
parant à rOrme tortillard d'Europe, sous le rap-
port de l'un des usages les plus importans auxquels
INYSSA AOUATICA. 2^1
le bois de l'un et de l'autre est généralement adapté
pourront servir aux forestiers Européens , pour
asseoir leur opinion, et aux Américains pour les
engager à multiplier l'Orme tortillard.
PLANCHE XXII.
Rameau re pré s entant le s feuilles et les fruits de grandeur na-
turelle. Fig. \ , noyau dépouillé de sa pulpe.
GYMNOCLADUS cjnadensis.
THE COFFEE TREE.
Gymnocladus canadensis , foliis hipinnatis , amplissimis ,
décidais; joliolis ovalibus ^ acuminatis. Floribus race-
mosis ^ legujniiiihus inagnis ; polyspermis.
Le Haut-Canada au-dessus de Mont-Rëal, et le
Génessée qui avoisineles lacsErié et Ontario, sont les
parties les plus septentrionales, ou se trouve le Gjni-
nocladus canadensis ^ mais il y est assez rare; tandis
qu'il est, au contraire, beaucoup plus multiplié dans
les Etats du Rentucky et de Tennessee, ainsi que dans
toutes les contrées situées entre l'Ohio et la rivière
des Illinois, entre les 35^ et 40*" degrés de latitude. Le
grand développement auquel il parvient dans ces
dernières contrées , est une suite de l'extrême fertilité
du sol et d'une température beaucoup plus douce.
Les Français du Canada donnent à cet arbre le
nom de Chicot-^ ceux des Illinois, celui de Gros
féi^ier, et dans les Etats de l'Ouest, on le nomme
Coffee tree , arbre à café.
Au Rentucky et dans le Tennessee, la présence
du Gymnocladus canadensis , est le signe caracté-
ristique des meilleures terres. 11 s'y trouve réuni
avec le Noyer noir, l'Orme rouge, le Tulipier, le
Frêne bleu, le Gleditsia 3-acanthos et le Celtis
grandifolia ^ avec lesquels il croît le plus habituel-
lement et qu'il égale en hauteur, mais non en gros-
seur 5 car la plupart des Gymnocladus que j'ai vus ,
p/.%5.
J'. J.Bessa del.
Jt^/llIrJ .^tvip-
GYMNOCLx\DUS tanadeusis.
tyree .
GYMNOCLADUS CANADENSIS. 2^3
avoient moins de 12 à i5 pouces (^ 3sî à f[0 centim.J
de diamètre, quoique j'aie estimé quils pouvoieiit
avoir de 5o à Go pieds (^ 16 à 19 mètres) d'élévation.
Cet arbre parvenu à son entier accroissement, est
eu été, d'une belle apparence; car son tronc très-
droit et souvent dégarni de branches, jusqu'à la
hauteur de plus de 3o pieds ( 10 mètres j, supporte
une cime louffueet d'une forme naturellement régu-
lière, mais , qui cependant embrasse peu d'espace;
tel est au moins l'aspect qu'il m'a paru présenter
dans les forets primitives , lorsqu'il est resserré par
les autres arbres avec lesquels il croit. Dans l'hiver,
au contraire, lorsqu'il est privé de ses feuilles, ses
branches peu nombreuses et dont les terminales sont
très-grosses, comparativement à celles des autres ar-
bres, donnent à son port un aspect qui lui est pro-
pre et qui le fait ressembler à un arbre mort. C'est
probablement à cause de cela , que les Français
Canadiens lui ont donné le nom de Chicot ^ Stump
tree. A ce caractère particulier, il en réunit un autre,
c'est que son écorce (^epiderme) est extrêmement
raboteuse, parce qu'elle se détache transversalement
en petites lanières, contournées et ligneuses, dont la
saillie est assez forte pour faire distinguer cet arbre
au premier abord. J'ai également remarqué que le
tissu cellulaire, ou la partie vive de l'écorce, avoit
une très-grande amertume, et que si on en mâchoit
long - temps un morceau , seulement de la grosseur
d'un grain de maïs, elle produisoit une assez forte
irritation à la gorge.
274 GYMNOCLADUS CANADENSIS.
Les feuilles du Gjmnocladus canadensis ont
quelquefois près de 3 pieds ( i mètre ) de longueur ,
sur 20 pouces {6 décim.J de largeur, dans les jeunes
individus qui poussent vigoureusement; mais elles
ont moitié moins de cette grandeur, dans les vieux
arbres. Ces feuilles sont doublement ailées, et garnies
de folioles ovales-acuminées et longues de 1 à 2 pou-
ces ( 3 à 6 centim. j Elles sont d'un vert sombre, et le
pétiole sur lequel elles sont attachées, est de cou-
leur violette à l'automne.
Le Gjmnocladus canadensis appartient à la classe
de la dioécie de Linnaeus, qui renferme tous les
végétaux, dont les fleurs mâles et les fleurs femelles
sont sur des pieds difFérens, de sorte qu'il n'y a que
ceux qui portent des fleurs femelles , qui donnent
des fruits; encore est-il absolument nécessaire qu'un
individu mâle se trouve dans le voisinage, pour que
la fécondation puisse s'opérer. Les fruits et les fleurs
sont des gousses très - larges , d'un rouge brun ,
arquées et pulpeuses intérieurement. Elle contien-
nent plusieurs grosses graines de couleur grise, et
qui sont d'une grande dureté ; les Français de la
Haute-Louisiane leur donnent le nom de Gourganes.
Le nom de Cojfee ti^ee , arbre à café , donné à cet
arbre par les premiers émigrans qui allèrent s'établir
dans le Rentucky et le Tennessee , vint de ce qu'ils
crurent trouver dans ses graines torréfiées , et en-
suite moulues, une substance susceptible de rempla-
cer le véritable café; mais le petit nombre de per-
sonnes qui à cette époque en firent usage, l'aban-?
G YMNO CLADUS CANADENSIS. ^-yJ
donncTent des qu'ils eurent la facilité d'obtenir de
ports de mer , du café des colonies occidentales.
Le bois du Gjmnocladus est très-compacte et de
couleur rose. Le grain qui en est très-fin et très-serré,
le rend2:)ropre à l'ébénisterie; il l'est également pour
la bâtisse , parce qu'il paroit avoir beaucoup de force.
De même que l'Acacia , il possède une qualité pré-
cieuse , c'est que son aubier se convertit rapidement
en cœur ou vrai bois, tellement qu'un arbre de 6
pouces (^18 centim.) de diamètre, na que 6 lignes
(^ 2 millim. j d'aubier, etpourroit être employé dans
presque tout son entier. Ces bonnes qualités doivent
donc engager à le propager dans les forets du milieu
et du Nord de l'Europe.
Le Gjmnocladus canadensis a été envoyé du
Canada en France, depuis plus de cinquante ans; il
réussit très-bien aux environs de Paris , où il en existe
plusieurs individus, qui ont plus de 40 pieds ( i3 mè-
tres ) ; mais qui ne fructifient pas ; on est donc encore
réduit à le multiplier de rejetons, qu'on obtient faci-
lement, en faisant de petites tranchées autour des
vieux arbres. Les racines coupées donnent des jets
de 3 à 4 pieds ( i mètre) , dès la première année.
Ces jeunes pieds sont recherchés pour l'embellisse-
ment des parcs et jardins paysagistes, à cause de la
beauté de leur feuillage.
PLANCHE XXIIL
Rameau avec les fleurs de grandeur naturelle. Fig. 1 , gousse
de graîideur naturelle. Fig. 1 , graine de grandeur naturelle.
II.
PINCKNEYA puBENs.
THE GEORGIE BA RK.
P I N K c N E Y A pubens , foli'is oppositis , ovalïbus , utrinquè
acutis ; subtomentosis.
Obs. Florihus majusciiUs , pallentihis et pur pure b-lineads. ,
Jasciculatà-paniculatis. CapsuUs snbrotundis , modicè
compressis : ieniimbus numerosis.
Cet arbre , encore plus intéressant par la pro-
priété de son écorce , que par la beauté de ses fleurs
et du son feuillage, est indigène des parties les plus
méridionales des Etats-Unis. Il est très-probable qu'il
rroit également dans les deux Florides et la Basse-
Louisiane. C'est sur les bords de la rivière Sainte-
Marie, que mon père le trouva pour la première
fois, en 1791, et d'où il en rapporta à Charleston ,
des graines et quelques pieds qu'il planta dans un
jardin qu'il possédoit près de cette ville : quoique
le sol fût mauvais , il y réussit si bien, que lorsque
je visitai ce jardin en 1807, j'y trouvai plusieurs
Pinckneya qui avoient déjà 25 pieds { 8 mètres j
de hauteur, et 7 à 8 pouces f 21 à 24 centim. ) de
diamètre ; ce qui paroit prouver que cet arbre n'exige
pas une température très-cliaude ni un terrein très-
substantiel pour végéter.
Mon père reconnut que le Pinchieja pubens avoit
une grande affinité avec le genre Cinchona , qui
donne le lUnkina^ mais que cependant il en différoit
/Y. 24
F.J.JteJ47UU ciel.
PI NCKN EYA Pul)ens .
t7dirul ^vft^
.y .
P I N C: K N h Y A 1' I. H i; N S. 2'J'J
assez, ])Our en êlre sépare* cl fumier un nouveau
genre. Guidé par la reconnoissance el le respeet, il le
eonsacra à M'. (Ai. G. Pinckney, Amateur éclairé des
sciences et des arts , et dont mon père et moi, avons
reçu tant de marques de bienveillance et d'estime,
pendant notre séjour dans la Garoline Méridionale.
Le Pinckneya est un arbre très -brancliu et peu
élevé; car il acquiert rarement plus de 25 pieds
(8 mètres) de hauteur, sur un diamètre de 5 à G
pouces ( i4 à i6 centim. j , à sa base. Un sol frais et
ombragé, paroitle plus propre au développement de
sa végétation. Ses feuilles longues de 4 à 5 pouces
[ II à i4centim.), d'un vert clair, et opposées les
unes aux autres, sont velues en-dessous, ainsi que
les jeunes pousses auxquelles elles sont attachées.
Ges fleurs assez grandes et de couleur blanche, striées
longitudinalement de rose , forment de belles pani-
cules aux extrémités des branches. Ghaque fleur est
accompagnée d'une feuille florale, quiestaussi bordée
de rose à sa partie supérieure. A ces fleurs succèdent
des capsules, arrondies et comprimées dans leur
milieu , qui contiennent un grand nombre de peti-
tes graines ailées.
Le bois du Pinckneya piibens est très-tendre, et ne
ne peut être employé dans les arts; mais son écorce
intérieure est d'une grande amertume: et comme il
a le plus grand rapport avec le Gincliona, ilparoit
C[u'il participe de ses qualités fébrifuges , car les habi-
tans de la partie la plus méridionale de la Géorgie,
l'emploient avec succès, dans laguérison des fièvres
278 PINCKNEYA PUBENS.
intermittentes^ si communes dans les États du Midi,
sur la fin de l'été et pendant l'automne. On fait
bouillir une poignée de cette écorce, dans un litre
d'eau, on la fait réduire à moitié et on l'administre
aux malades. Cette propriété de l'écorce du Pincke-
neya , lui a fait donner le nom de Georgia Bark ,
Rinkina de la Géorgie.
PLANCHE XXIV.
Rameau avec les feuilles et les fleurs de grandeur naturelle,
Fig. I , le fruit, Fig. a, graine.
TABLE.
Tiitroduction à l'histoire des Chênes de l'Amériqne septentrionale. . . p*g'' «
Disposition méthodique ji
Ouercus alba, . . Chêne blanc Vf^hite oak i }
Mossy cup oak. . • • . 3.i
Over cup while oak . « . 3 |
Post oak 3/«. Chêne châtaignier nain . . Small chesnut oak. . . . G4
Q. uirens Chêne vert Live. oak. ...... 67
Chêne saule TVillow oak 7 5
Chêne à feuilles de laurier. . Laurel oak "j"^
Chêne cendré Upland ivillow oak ... 8 1
Chêne nain Running oak 8|
Chêne heterophylle. . . . Bartranis oak .... 87
Chêne aquatique .... fValer oak.
Chêne ferrugineux. . . . Black jack cyak. .
Chêne d'ours Bear s oak .
Chêne de Catesby. . . . Barrens scrub oak
Chêne falqué Spanish oak
Q. phellos. ,
Q. inibricdria.
Q. cinerea.
Q. pumila.
Q. heterophylla
Q. aquatica. .
Q.Jerrnginea.
Q. banisteri. ,
Q. catesbœi. .
Q.Jalcala.
Q. tlnctoria. .
Q. coccinea. .
Q. ambigua. .
O. paluslris .
Q. rubra. . .
8-J
loi
. 104
Chêne noir Black oak iio
Chêne écarlate. . .
. . . Scaiiet oak 1 "<)
Chêne ffris Grev oak i-o
. Chêne à chevilles .
, Chêne rouge. . c
Belula papyracea . Bouleau à papier.
Belula populijh
BeluTa rubra,
Belula tenta.
Belula lulea.
Caslanea vesca
■y
Fine oak 121
Red oak i^^
Canoë birch. . . . . . i j j
a. Bouleau à feuille de peuplier. TJ'^hàe birc/i \^