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Bibliothèque publique | de Neucbâtel. |
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DES CONQUETES
D E
GUSTAVE- ADOLFE
ROI DE SUEDE,
EN Allemagne:
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C A M F x% G N E s
DE CE MONARQUE
EN lé^o, 1631 , i53Z ,
Précédées d'une introduction contenant l'origine Si. le commencement de la guerre de trente ans.
Par M. LE Comte de Grimoard,
Avec Us plans des principales batailles.
PARTIE II.
A NEUCHATEL,
Ds l'Imprimerie de la Société Typographique.
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1789.
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HISTOIRE
DES CAMPA G NES
D E
GUSTAVE-ADOLFE
EN ALLE MA G A' E.
PREx^lIERE EPOQUE.
Lja' flotte Suédoife , quoique fort con- trariée par les vents , aborde enfin i^5^« à l'île de Ruden après onze jours de jciiisc navigation. Guftave - Adolfe parvenu ^ près du rivage , ^ s'élance de la cha- loupe , débarque le premier , fe prof- terne à la vue de fes troupes , & Partie IL A
Juillet.
2 Campagnes
prie le Dieu des armées de flivorifer J630, fon entreprife ; il défend enfuite aux foldats , fous les peines les plus féveres, le pillage & les violences , met gar- nifon dans le fort de Ruden , & fe rend le lendemain à Stralfund , fuivi d'une partie de fes vaifleaux de guerre &: de tranfport. Le roi vifite les prin- cipaux poftes de Pile de Rugen , y établit de même qu'à Stralfund des magafms confidérables de grains & de munitions de guerre que fa Hotte avait apportés , laifie dans l'île Lef- lé avec cinq cents hommes , ordonne à deux vaifleaux de ligne de croifer aux environs pour protéger les côtes , tire cinq mille hommes de Stralfund , où il ne refi:e que fix cents Suédois , qui avec les bourgeois fuffifent pour garder la place , & retourne à Ru- den. L'armée du monarque fut alors de dix-fept mille cinq cents hommes d'infanterie & de deux mille de cava-
deGustave-Adolfe. 5
lerie ; il partage la flotte de guerre & celle de débarquement en trois divi- ^^5^' fions ; la première s'approche de l'em- bouchure de la Penne , la féconde de la Sch vine , & la troifieme du DiA'e- nou. L'artillerie des Suédois oblige les Impériaux à fortir d'un fort conf truit près de ia mer fur la rive gauche de la Penne : Guflave le fait occuper & débarque dans l'île d'Ufedom. Les Autrichiens fe retirent à Volgafl; & abandonnent deux cents Croates qui font taillés en pièces. Les Suédois attaquent enfuite Pennemund & s'en 15 emparent. Tandis que le monarque foumet l'île d'Ufedom, fes généraux fe rendent maîtres des forts qui défen- dent l'embouchure de la Schvine & du Divenou, & pénètrent dans les îles de VoUin & de Griftou. Les Al- lemands font peu de réfiflance & éva- cuent leurs poftes à mefure que l'en- nemi approche 5 ils abandonnent de
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4 Campagnes
même la ville & le château de Vol- 1630. iJQ^ après îivoir brûlé quelques édi- juiiiet. £^^g ^ endommagé les fortifications que Guftave ordonne de réparer , & fe réfugient à Cammin avec un grand nombre de payfans qui croient y être en fureté. Les Suédois paraiflent bien- tôt devant la place , qu'ils attaquent , & dont leur cavalerie dévafte les en- virons 5 afin d'obliger par cet acte de févérité les habitans du pays de refter à l'avenir dans leurs maifons. Le hui- tième jour du fiege, les affiiillans fe difpofent à tenter un aflraut; mais la ^9 garnifon capitule , obtient les hon- neurs de la guerre & fort de la place au nombre de quinze cents hommes d'infanterie & de quatre cents de ca- valerie. Les Suédois trouvèrent dans Cammin une grande quantité de fub- fiftances.
Les premiers fuccès de Guftave- Adolfç lui coûtèrent très-peu de tems
DE GuSTAVE-AdOL FE.' f
& de monde , & encouragèrent fes troupes ; il prévint par fon activité 1630. la cour de Vienne , qui avait mé- •^"''^^'^^ prifé fon reflentiment au point de ne prendre aucunes mefures pour la fô- reté de la Baffe - Allemagne. Valftein occupé à lutter contre fes ennemis qui intriguaient pour lui faire ôter le commandement , ne pouvait s'oppofer au roi de Suéde. Tilli , que des nié- contentemens avaient engagé à re- noncer au généralat en 1528? était rentré au fervice de la Ligue Catho- lique , & faifait exécuter l'édit de refli- tution dans différentes parties de l'Em- pire ; mais la médiocrité de fes forces & l'éloignement où il fe trouvait , ne lui permettaient pas de mettre des bor- nes aux progrès de Guftave. Dès que le comte de Torquato-Conti , Italien de nation & général médiocre , qui commandait pour Pempereur en Po- méranie, fut informé que les Suédois-
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6 Campagnes
allaient y pénétrer, il fe fit joindre 1630, par une partie des troupes difperfées Juillet. j,^j^g réledorat de Brandebourg , le duché de Meckelbourg, la Siiéfie & la Bohême , & pourvut de fon rnîeux à la défenfe de la Poméranie. Il en dé- farma les habitans dont il fe défiait , occupa de force plufieurs places d'où il chaiîa les foldats du duc Bogislas , & partagea fon armée ( qui confiftait , les garnifons déduites , en feize mille hommes tant infanterie que cavale- rie) en deux corps : le premier fe poila près d'Anclam , & Torquato s'ap- procha de Stettin avec le fécond , pour contenir le duc de Poméranie qui lui était d'autant plus fufpect , qu'il refufait de recevoir les Autri- chiens dans fa capitale ; enfin tous les arrangcmens du général de Fer- dinand n'étaient pas terminés, lorf- que les Suédois parurent. La rapidité de leurs fuccèsl'é tonna, & il crut fans
DE Gustave-Adolfe. 7
doute n'avoir pas le tems de fecoiirir les îles d'UTedom & de Vollin. i6^o.
Torquato jugea que Guftave ne né- J^^'^et. gligerait rien pour fe rendre maître du cours de l'Oder ; il mit une nom- breufe srarnifon dans Gartz , ville fi- tuée au-defius de Stettin , lit retrancher fous le canon de la première de ces places une partie de fes troupes , & le furpîus fe pofta à I\larvitz à la droite de l'Oder, fur lequel les Impériaux jetèrent des ponts , dont ils couvrirent les deux extrémités par des retran- chemens garnis d'artillerie. L'objet de la difpofition des Autrichiens éttut de s'alfurer de l'Oder depuis f/i fource jufqu'à Stettin , de relTerrer les Sué- dois , de couvrir Francfort , de con- ferver une communication avec les troupes difperfées dans les places de- puis les frontières de Siléfie jufqu'à la mer, & de relier fur k défeniive dans leur polie qui était fort avanta-
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s C A M PAGNES
geux , jufqif à ce que la cour de Vienne i^^'o. eût raflemblé une armée afTez nom- juiiiet. breufe pour changer l'état de la guerre. La conquête des îles d'Ufedom & de VoUin rendait Guftave maître du Grand - HafF & de l'embouchure de l'Oder : il réfolut de profiter de la pre- mière furprife des Impériaux pour faire un établilFement folide en Poméranie , & avant qu'ils euiïent raflemblé des forces fuffillintes pour s'y oppofer : il ne pouvait remplir fon objet qu'en s'afllirant du cours de l'Oder , des prin- cipales places bâties fur les deux rives du fleuve & fur - tout de Stettin ; car le monarque aurait couru les plus grands rifques & vu échouer fes v ailes projets , fi n'ayant d'autres places de fureté que Stralfund , un revers de fortune l'eût réduit à la défenfive. Bo- gislas haïflait les Autrichiens ; mais le caradcre faible de ce prince ne per- aiiettait à Guftave de compter fur lui ,
DE Gustave-Adolfe. 9
qu'autant qu'il parviendrait à le met- tre entièrement dans fa dépendance. 1630. Torquato-Conti ayant exhorté le duc Juillet. à refter fidèle au chef de l'Empire , il envoya aufli-tôt le prince de Cour- lande au roi de Suéde qui était à peine débarqué , pour le fupplier de fortir de fes états & de ne pas donner au général de l'empereur, en y étabhf- fant le théâtre de la guerre, un prétexte plaufible pour achever de les ruiner. Guftave répondit, qu'il n'était venu en Allemagne que pour délivrer Bo- gislas & fon pays de l'oppreffion des Impériaux j mais la conduite timide de ce prince confirma le monarque dans la réfolution , de mettre de gré ou de force garnifon dans Stettin : en occu- pant cette ville , il fe procurait des avantages infinis ; elle le rendait maî- tre de la plus grande partie de la Po- méranie, pouvait fervir aux Suédois de dépôt & de point d'appui dans tous
TO C A jM P A G N E S
^^^^les cas, leur donnait la facilité de 1 630. pénétrer par la droite ou par la gauche •^"^^^"- de rOder en Siléfie & en Saxe, & de gêner la communication des Autjri- chiens avec le duché de Meckelboùrg & la partie des côtes de Poméranie où Colberg eft fitué ; enfin , comme Guilave était déterminé à fe porter dans le Meckelbourg auffi-tôt qu'il le pourrait , & même dans l'éleclorat de Brandebourg félon que les circonf- tances Texigeraient , fi Stettin eût été au pouvoir des Impériaux , ceux - ci en s'avancant vers Stralfund pendant l'abfence du roi, lui auraient coupé par terre fa communication avec cette place d'où il tirait fes fubfiftances , & l'euflent obligé de revenir fur fes pas & de tout rifquer pour la rétablir. Il fallait que le monarque s'emparât tôt ou tard de la ville de Volgaft; mais comme il était poflible que cette en- treprife traînât en longueur , il réfolut
DE GuSTAA^E-AdOIFE. II
de la différer jiirqu'à ce qu'il fût maître ■ de Stettin : alors le fiege de Volgaft 1630. devenait d'autant plus facile , qu'un Juillet, détachement pouvait l'entreprendre derrière l'armée Suédoife , & fans crainte d'être inquiété ; car le corps Autrichien poflé à Anclam appréhen- dant d'être attaqué par des forces fu- périeures , s'était retiré au camp de Gartz , de même que la garnifon d'Uc- kermund , qui pilla cette ville avant que de l'abandonner.
Torquato-Conti n'ayant pu engager le duc de Poméranie à recevoir les Impériaux dans Stettin , avait tenté , quoiqu'infruclueufement , de farpren- dre un fort conilruit dans une île de l'Oder entre la place & Damm. Comme le général de l'empereur pouvait pro- fiter du moindre délai pour réitérer fes tentatives avec fuccès , le roi de Sué- de jugea qu'il fallait le prévenir : il- accélère les arrangeniens nécelîaires
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ÎZ C A ^l P A G K E S
pour mettre fes conquêtes en état de 15^0. défenfe, fait enfuite monter une par- juiiiec. tjg jg {ç5 troupes fur cent bateaux, remonte la Svine , le Grand -Ha{f& l'Oder, & débarque près d'Aderberg. Le duc de Poméranie ordonne à la garnifon & aux bourgeois de Stettin de prendre les armes, & envoie de- mander la neutralité à Guiïave. Le monarque répond , qu'il defire s'abou- cher avec Bogislas : celui - ci fe failant attendre , le roi s'approche de Stettin & met fes troupes en bataille à la vue des remparts. Le gouverneur de la place nommé Damitz lui envoie un tambour pour lui déclarer qu'on tirera fur les Suédois s'ils continuent de s'approcher. Guftave prétend qu'on lui manque de refpect, & il exige des excufes. La fermeté de Damitz s'éva- nouit , il vient avec des députés de la bourgeoise de Stettin, & conjure le roi de s'élois^ner & d'accorder la neu-
DE Gustave-Adolfe. I?
tralité à la ville. Guftave répond , qu'il veut abfolument voir Bogislas, qu'il 1630. ne commettra aucun adle d'hoftilité à Juillet. moins qu'on ne l'y force , & qu'il n'eft pas un pillard comme le général de l'empereur. Il commençait à railler Damitz fur fes menaces , lorfque le duc de Poméranie parut. « Je ne me „ fuis approché de votre capitale , lui „ dit le monarque , que par néceffité „ & pour vous affranchir des vexa- „ tions de la cour de Vienne. Je n'en „ veux qu'aux ennemis de la liberté „ Germanique ; ainfi j'efpere que nous 3, ferons bientôt d'accord. Il eft nécef- „ faire que je m'affure de Stettin & „ de quelques autres de vos places; „ mais elles vous feront rendues quand „ la raifon de guerre ou le rétabliffe- „ ment de la paix le permettront. Au „ reile , ajouta - 1 - il en riant , tâchez „ d'avoir des enfins , car fans cela je j5 vous prierai de m'adopter pour votre
14 Campagnes
„ héritier „. Guf tave adreffii enrnite la 1630. parole aux députés de la magiftrature ^t. ^ j^^^j. ^Ij.. ^< Je vous exhorte à don-
„ ner de bons confeils à votre fouve- „ rain. Je n'ai pafle la mer que pour „ vous tirer de la fervitude dans la- „ quelle vous gémilTez , & j'efpere „ que vous féconderez mes deOeins. „ Qjie deviendrez-vous , fi l'empereur „ s'empare de votre ville , & fi votre „ pays eli expofé aux horreurs de la „ guerre ? Prenez donc votre parti , „ ne me forcez pas de recourir à des „ moyens violens. Le jour s'avance , „ ainii décidez-vous fans délai ; car je „ n'aime pas à pofter mes troupes „ dans l'obfcurité „. Le duc de Pomé- ranie fe trouvait dans la plus grande perplexité : d'un côté le roi de Suéde aux portes de fa capitale , de l'autre la crainte du re{îèntiment de l'empe- reur , l'effrayaient. << Il fliut donc , s'é- „ cria- 1- il, que je m'expofe à être
Juillet.
DE Gustave -Adolfe. ir ,j profcrit ; que mon pays foit ravagé ^ „ & cette ville où votre majelté veut l^J,^' „ entrer , détruite par les Autrichiens , „ dont la vengeance efl: implacable. „ J'ai des forces pour vous en pré- „ ferver , répliqua le roi ; & comme „ la nuit approche, hâtons -nous de 5, conclure,,. Bogislas demande d'a- bord qu'on ne faRe point entrer de troupes dans Stettin. Cette propofi- tion rejetée , il veut qu'on drefie une capitulation ; mais Guftave répond qu'on la rédigera plus conmiodément dans la ville , & les Suédois y entrent auiTi-tôt. Le monarque pofte lui-même fes troupes fur les remparts, dont il ordonne de mettre le canon en bat- terie , fait chafTer les Impériaux qui fe trouvent dans la place , & figne en- fuite la capitulation : elle portait, que l'oppreffion de la Poméranie avait dé- terminé le roi à venir à fon fecours , en vertu d'un traité d'amitié conclu à
16 Campagnes
Stettin en ifyo entre fa couronne & 16 90. les états du duché; que Bogislas vexé ^*" par les Impériaux & trop faible pour réfifter au monarque Suédois , était convenu : i<^. de vivre amicalement avec lui & de permettre que fes fujets corn mer çaflent librement avec la Sué- de; 2°. que le renouvellement d'al- liance n'avait d'autre but qu'une dé- fenfe mutuelle contre toute violence injulle; 5°. que ladite alliance n'étaic direclement ni contre l'empereur ni contre l'Empire ; mais plutôt pour con- ferver au dernier fon ancienne forme de gouvernement , fans rompre le nœud féodal qui attachait la Pomé- ranie au Corps Germanique & parti- culièrement au cercle de BalTe - Saxe ; 4^. que Bogislas s'engageait à em- ployer tous les moyens qui dépen- daient de lui , pour affranchir fes fujets des vexations qu'ils fouffraient depuis trois ans au mépris des loix de l'Em- pire
deGustave-Adolfe. 17
pire; f^. que les contrées ou places que le roi de Suéde occupait ou pour- i<^3o. rait occuper en romeranie ne celle-' raient pas d'être foumifes au duc , qui féconderait le monarque dans la dé- fenfe du pays , dont aucune partie ne ferait aliénée, & que la ville de Sti al- fund conferverait fes privilèges & fori alliance particulière avec Guflave ; 6^ que le chapitre de Cammin conti- nuerait à jouir du droit d'élire fon évê- que ou fon coadjuteur Ç 7°. qu'une des deux parties contrariantes ne pourrait,, fans le confentement de l'autre, re- noncera l'alliance; 8°- que les diverfes puiffances chrétiennes y feraient ad- mifes , fi elles le déliraient ; 9«. que le duc de Poméranie n'entamerait & ne conclurait aucune négociation fuis l'agrément du roi de Suéde; lo^. que celui-ci s'engageait à défendre les états de Bogislas , fi on les attaquait fous , prétexte du traité; 11?. que le privi-; Partie IL B
t8 C A x^ï P A G N E s
^^5! lege de nataralifation ferait réciproque 1^30. pour les Suédois & les Poméraniens ; J^îJ^et. j^o, qu^ ]a monnoie Suédoife aurait cours en Paniéranie ; 15^. que s'il fur- venait des différends entre les con- tradans, ils ne recourraient pas aux armes , mais fe régleraient fur le traité de If 70 , ou qu'ils s'en rapporteraient à des arbitres; 14^. enfin, que fi Bo- gislas mourait fans poflérité mafculine, 1e Suéde retiendrait en fequçftre le duché de Poméranie, jufqu'à ce que 3'électeur de Brandebourg , héritier éventuel , eût accédé à l'alliance & payé les frais de la guerre fans fouler le duché; ou en cas qu'on lui difputât là fucceffion , jufqu'à la décifion du tlifférend. Ce traité fut ratifié Tannée fuivante par les états de Poméranie. Bogislas avait fait préparer de ma- gnifiques appartemens pour Gufi:ave à: pourfes généraux; mais le roi or- donna à ceux-ci de coucher fur les rem-
DE GUST A VE-AdOLFE. I9
parts avec les foldats , reconduifit une partie de fes troupes à Aderberg qu'il 16^0. fit retrancher & où il pafla la nuit Juillet. Il revint le lendemain à Stettin & ^^ en augmenta la garnifon : on convint qu'elle ferait logée chez les bourgeois & payée par le roi, qui prit à fon fer- vice le régiment Poméranien de Da- mitz , compofé de douze cents hom- mes : il ordonna de réparer les an- ciennes fortifications de la place & de conftruire quelques nouveaux ou- vrages en terre ; ce qui fut exécuté en quatre jours. La ville prêta à Guf- tave cinquante mille talers , & le pays en fournit autant. Le monarque vou- lant pouvoir s'étendre à la droite de l'Oder , comme Stettin lui donnait les moyens de le faire à la gauche , il réfo- lut d'occuper Damm qui n'eft féparé de la place que par le fleuve. Les Sué- dois fe difpofaient à en chafier les Im- périaux , lorfque le colonel PicolomiiH
50 C A M P A' G NES
r^^^^^ qui les commandait , ne trouvant pas 1630. [^Y\s doute fon pofte tenable , fe retira "''^ '^^' à Stargard av€C fa garnifon forte de lix cents hommes. Le roi envoya des troupes à Damm , reconnut le pays à àa gauche de l'Oder, & ordonna d'é-, lever fur le bord du fleuve entre Stet- . , tin & Gartz un fort vers Kurou (a). Le duc de Poméranie , pour fe difculper aux yeux de l'empereur d'a- voir reçu les Suédois dans fa capitale 24. & traité avec eux , écrivit à ce mo- narque : la lettre commençait par des plaintes fur les exactions commifes dans fes états par les troupes Impé- riales. Bogibias difait enfuite, « que ,, les généraux Autrichiens ayant dé- s> firme les habitans & mal défendu la „ frontière maritime de la Poméranie, ,. Giiftave s'était préfenté à l'impro- ., ville devant Stettin , dont il n'avait
(a) Les mémoires qucj'a< entre les mais,nppren- riei>t que ce fort fut conftrHtt à quatre lieues de Stet- r:i, & n'indiquent pas ÎV. poGcion plus clairemsnc. ^
DE G U S T À VE-At) 0 L F E. 21
„ pas été poffible de lui refufer Teii- ^'-^"^"" - „ trée. „ Le duc finiOàit par coji- i<^3'^- dure, qu'on ne pouvait lui imputer J^^'^- les progrés du roi de Suéde. Cette apologie ne perfuada pas Ferdinand : ce monarque & ^:in confeii pernfterent à croire , que l'admilîion des Suédois dans Stettin & le traité conclu en mê- me tems avec eux , étaient concertés avant Tarrivée de Guflave. Il paraît vraifemblable que cette opinion était mal fondée , & que Bogislas ne fe détermina à ouvrir les portes de fa capitale au monarque , que parce que celui - ci fut l'intimider. Qiioi qu'il eu Toit, l'empereur ordonna à fes géné- raux de châtier le duc & fes fujets. Le colonel Hatzfeld manda aux magiftrats de Stettin, que puifqu'ils avaient re- çu un ennemi du Corps Germanique, on regarderait à Tavenîr les Pomé- raniens comme des traîtres. Les Impé- riaux tinrent parole , firent des cour-
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22 Campagnes
fes fréquentes , & pillèrent & brû- 1630, lerent les villages. Ces violences ne Juillet, fgj^yjj-ejit qu'à rendre les Autrichiens encore plus odieux, & à faire aimer les Suédois qui obfer valent la difci- pline la plus févere.
Attentif aux effets que produirait fon entrée en Allemagne , Guftave la juftifia par un manifelèe dans lequel il affurait, que fon intention n'était pas d'augmenter fes états aux dé- pens de perfonne , & qu'il ne fallait la guerre à l'empereur que parce qu'il ne pouvait s'en difpenfer ; il lui repro- chait : 1°. d'avoir fait intercepter en pleine paix des lettres adreflees par la cour de Stockholm au prince de Tranfd vante ; 2^. les renforts donnés aux Polonais , tandis qu'on défendait aux xAllemands d'entrer au fervice de la Suéde & de lui fournir les moin- dres fecours ; 3°. d'avoir fomenté la guerre entre cette couronne & la
I) E GUST AV E- Ad OL F E. 23
Pologne ; 4^ la profcription des ducs de Meckelbourg coufins de Guftave , dépoîTédés de leurs états par le feul droit de la force; f^ de s'être em- paré deplufieurs ports eiiBafle-Saxe ik en Poméranie ; ce qui avait obligé la Suéde d'armer à grands frais une nombreufe flotte, pour maintenir la liberté de la navigation ; 6^ que les Impériaux avaient arrêté des navires Suédois , confifqué leurs marchandifes & troublé leur commerce dans l'Em- pire ; 7^. qu'ils avaient ruiné le terri- toire de Stralfund & afliégé cette ville , avec laquelle le royaume de Suéde avait une alliance ; 8^. le refas d'ad^ mettre les ambalTadeurs Suédois au congrès de Lubeck , & la violation du droit des gens en leur défendant de paraître dans l'Empire ; 9^ que fous prétexte de châtier quelques préten- dus rebelles (Se de revendiquer les biens de l'églife , la cour de V^ienne
B iv
24 Campagnes
êîfiii^if? voulait fiibjDguer l'Allemagne ; Io^
J630, enfin d'avoir rejeté les propofitions
Juillet. £^|^çg p^^ j^ Suéde à Dantzick fous
la médiation du roi de Danemarck. Guflave inférait de tous ces griefs , qu'il ne lui refiait plus que la ^ oie des armes pour obtenir une fatisfac- tion convenable & prévenir la ruine de fes alliés.
Le roi de Suéde , maître de la mer , qui lui donnait les moyens de com- muniquer facilement avec fes états , & d'en tirer tout ce qui était nécef. faire pour établir à Stralfund & à Stettin des magafins fufîifans pour fub- venir à tous les befoins de la guerre , ne fonge plus qu'à réunir fes forces pour agir contre les Impériaux : il iaiife à Cammin , & dans \qs îles de G ri flou , de Vollin & d'Ufédom les garnifons néceffaires pour les garder & pour contenir celle de Volgalf: , & ^<î laflemble [on armée entre Aderbourg
DE GUSTAVE-AdOLFE. 2S
& Stettin , où elle eft renforcée par deux mille hommes crinfanterie dé- i<^5 0. barques à Péiiémund avec le feld- *'"' ^^ irraréchal Horn , qui les amenait de Riga en Livonie. Ces troupes faifaient partie de huit mille hommes que le roi avait ordonné au chancelier Oxen- ftierna de lever dans cette province & en PrulFe , pour les lui envoyer à mefure qu'ils feraient fur pied. Guf- tave qui ne négligeait jamais aucun moyen d'augmenter fes refTources , imagina qu'il pourrait tirer parti des Lappons qui font agiles &robuftes , & en forma deux régimens qui le joigni- rent en Poméranie ; mais l'ineptie 6c la lâcheté de ces nouveaux foîdats les empêchant de fe ployer à la difcipline militaire, le monarque les renvoj^a bientôt dans leur pays.
La pofiTelîion de Stettin établififànt Guftave au milieu des places qu'il vou- lait attaquer , les habitans de celles que
s5 Campagnes
le voifinage des Suédois menaçait les ,1530. premières, voulant fe réferver le mé- '^^* rite d'une foumiffion volontaire , s'em- prefîerent d'envoyer des députés au roi: il pafTe l'Oder avec un corps de trou- pes , marche à Neugarten , prend cette ville en deux jours , s'empare enfuite de GriefFenberg & de Neu-Treptou Ru- la Réga, & fait occuper Freyenvald & Régenvald. Pendant ce tems , le feld - maréchal Horn fe rend maître de Pafvalck , d'Uckermund , d'Anclam , de Stolp & de Clempenou à la gauche de l'Oder. Le colonel Picolomini , qui , après l'évacuation de Damm s'était re- tiré à Stargard , exigea de la ville une contribution de fix mille écus , & ordonna que les foldats fulfent nour- ris par les bourgeois. Leur pauvreté les empêchant d'obéir , ils envoyè- rent fecrétement un député au roi de Suéde , pour le prier de les fecourir. Le monarque y était affez difpofé ;
deGustave-Adolfe. 27
rnais fufpeclant la bonne - foi des habitans de Stargard,il ne jugea pas 1630. à propos de hafarder de bonnes trou- i^'^^^"- pes à cette expédition , & n'y des- tina que trois cents Suédois avec le régiment de Damitz, dont il ne faifait fas grand cas , & qui devint dans la fuite un des meilleurs corps de fon armée fous le nom de Brigade Blan- che. Le colonel , qui était du pays & le connaifTait mieux que les Suédois , fut chargé de l'entreprife : il fe met en marche à l'entrée de la nuit & arri- ve au point du jour prés de Stargard ; il en efcalade auffi - tôt les remparts. Une partie de la garnifon eft taillée Du 50 au en pièces , & le refte fe fauve précipi- ^^' tamment dans une tour voifine. Les af- faillans commencent à la fapper ; & Pi- colomini , qui n'avait pas eu le tems de fe pourvoir de vivres & de munitions , capitule. Guftave profita d'un maga- fin confidérable de blé , que les ïmpé-
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riaux avaient formé à Stargard , 6c fit i<5io. prendre poffeffion d'Arenfvald. juaiet. L'empereur n'envoyait aucun fecours à Torquato - Conti ; d'autres foins l'oc- cupaient : il avait à la perfuafion des éledleurs de Bavière & de Mayence , convoqué à Ratisbonne une diète gé- nérale de l'Empire , dans laquelle il ef- pérait alfoupir les plaintes que le Corps Germanique formait contre lui & les dépofitaires de fa puiflance , dont la dureté & le fafte infultaient à la mifere publique. Le monarque alla à Ratis- bonne avec l'impératrice fa femme {a) & l'archiduc Ferdinand fon fils aine , déjà couronné roi de Hongrie & de Bo- hême. Les électeurs de Brandebourg & de Saxe ne fe rendirent point à la diète ; le premier s'en excufa, fous pré- texte que l'armée du duc de Valflein l'avait ruiné au point qu'il ne pouvait fubvenir aux frais de fon voyage 5 mais
{a) Elconore de Gonzague,
DE G U S T A V E - A D O L F E. 29
îa véritable raifon qui les empêchait d'aiïifter à une afTemblée aufli folem- i<^5o« nelle, était leur mécontentement con- ^"' ^^ tre l'empereur , qui avait profcrit Chrif- tian-Guillaume , oncle de l'élecleur de Brandebourg & adminiitrateur deMag- debourg, & friillré le fécond iils de l'éledeur de Saxe de cet archevêché : d'ailleurs ces princes informés que Fer- dinand defirait faire élire l'archiduc foi des Romains , ils ne voulaient pas lui donner leur fuffrage ; & pour ne pas faire eux - mêmes ce refus , ils préfé- raient d'en charger leurs repréfentans. Les autres électeurs n'étaient guère mieux difpofés pour l'empereur : celui de Bavière en particulier intriguait pour le faire échouer. Le Corps Ger- manique était aigri par les malheurs, & le monarque ne pouvait l'amener à fon but qu'en lui faifant efpérer Li paix & un avenir plus heureux. L'em- pereur comptait au nombre de fes en-
30 Campagnes
nemis prefque tous les princes dWl- 1650. lemagne , la France , l'Angleterre, la '^"^^^"' Suéde & la Hollande : il fentit qu'il lui ferait a\^antageux de perfuader à la diète , que les ennemis particuliers de la cour de Vienne Tétaient plutôt de l'empire , & qu'il convenait que tous fes membres fe réunifient à leur chef 5 pour agir de concert avec lui. La diète s'ouvrit : Ferdinand vou- lut fe difculper de la guerre qui déval- tait l'Allemagne depuis fi long-tems , & en rejeta le blâme fur Téleéleur Pa- latin & fur fes adhérens. Le monar- que , pour appuyer cette affertion , rappelia en termes pompeux fes di- verfes tentatives pour rétablir la paix ; démarckes , ajouta - 1 - il , que les enne^ mis du bien public ont rendu vaines : le bien public n'avait pas d'ennemi plus dangereux que l'ambition de l'em- pereur. Il remit à la diète un mé- moire qui contenait les principaux
DE Gustave-Adolfe. 31
objets dont elle devait s'occuper. En 5 voici la fubftance : i°. Que fi Pon ne ^^^^* pouvait rétablir la paix , il était in- difpenfable de pourvoir aux moyens de continuer la guerre ; 2^, que Pé- ledeur Palatin ayant rejeté les con- ditions propofées par l'aflemblée de Mulhaufen , & continuant à fufciter des ennemis au Corps Germanique , il paraiflait convenable que les élec- teurs décidafient qu'il ne pourrait être compris dans aucun traité ; 3^. que li Guftave - Adolfe ne fortait d'Allema- gne , il fallait prendre des mefures pour l'empêcher de s'y étendre ; 4^. que la cour de Vienne n'ayant entre- pris contre la France la guerre pour la fucceffion de Mantoue , que pour con- ferver intade la jurifdiction de l'Empi- re en Italie , il était julle que tous fes membres fecondaiTent des vues aulTi louables , fi Louis XIII n'acceptait la paix; ^•o. qu'il fallait que la concorde
32 Campagnes
régnât jdans l'Empire , parce que Tes 1630, ennemis fondaient leurs efpérances fur fes divifions , & qu'on ne pouvait les empêcher de s'en prévaloir que par des armées, dont l'entretien exigeait des dépenfes auxquelles tous les prin- ces d'Allemagne devaient contribuer. Ce mémoire fit juger que la cour de Vienne n'inclinait pas à îa paix. Les premières aiTemblées de la diète fe pafTerent à déplorer les malheurs de la patrie , & à déclamer contre les extorfions & les richeffes du duc de Valftein : fon arrogance avait indiPpole la cour de Madrid & prefque tous les princes d'Allemagne , qui cherchaient à le perdre. Il arriva à Ratisbonne avec un fafte qui éclipfait celui des éledeurs & de l'empereur lui-même. Le duc de Bavière , irrité de ce que Valftein le traitait en égal , voulait en outre le remplacer dans le commandement des années, ou au moins lui.fubftitucr le
comte
DE Gustave-Adolfe. 33
comte de Tilli fa créature. L'éledenr profitait du foulevement de la diète 16^0. contre le général Autrichien , pour en- J^ii^ec gager Ferdinand à le deftituer : il dif- fimulait adroitement fon delTein , & flattait le monarque de l'élection de l'archiduc j mais il lui infinuait en mê- me tems, qu'il ne pouvait fe difpenfer de donner fatisfadion au Corps Ger- manique , qui manifeftait fon mécon- tentement par une multitude de mé- moires remis à la diète contre le duc de Valftein : celui - ci imaginant que fon abfence ferait cefTer les plaintes, fe retira à Memmingen en Souabe.
Tout l'Empire voulait la paix avec Louis XIÎI , & le cardinal de Riche- lieu ne la fouhaitait pas moins ardem- ment , afin de pouvoir exécuter avec d'autant plus de fuite & de prompti- tude le delfein d' abaifier la maifon d'Autriche , qu'elle pouvait fondre fur la France après avoir fubjugué l'Alls-i Partie IL C
3 4 ' Campagnes ;^^sR!5^ niagne. Ce miniRre - roi jugeant né-* îcSio, ceiTaireà fes vues defemer d'abord la jui et. j^jp^,Qj.^g entre les membres de l'Em- pire & l'empereur , pour tirer enfuitc parti de leur défunion, fentit qu'il flillait proftter de la circonftance où la diète était alfemblée. Comme Ferdinand de* firait fur - tout que Ton fils fût défigné fon fucceiïeur , il était obligé , pour fe concilier les éledeurs , de les iatisfaire fur plufieurs points , & de fe délilier au moins en apparence, de fes projets d'aQ:randilTement en Italie & en Allé-
o
niagne. Entrevoyant dans ce choc d'in- térêts la poiiibiiité de faire manquer réleciion de l'archiduc , & de terminer en même tems la guerre de Mantoue , Richelieu réfolut d'agir fur ce plan. Il exigeait un négociateur habile , & le cardinal choifit le fameux Jofeph du Tremblai , capucin & fon premier mi- niftre ; mais comme les vœux & le vêtement d'un dilciple ds S. François
DE G U S T A V E - A D 0 L i: E. 3 f
eufTent contrafté avec la pompe & le ^^^ faile qui doivent environner le repré- i<^50. Tentant d'un grand roi , le prélat , pour '''" ^^' fauver le ridicule, jeta les yeux fur Léon de Brulart ambalTadeur en SuifTe, pour l'envoyer àRatisbonne avec le même caractère. On ne lui deflina que la décoration de l'ambaiTade , dont le fecret fut réfervé au P. Jofeph. Il partit a de Grenoble accompagné des PP. Ange de Mortagne & Hiacinte de Paris, autres capucins & fes fecretaires de confiance , prit la route de Sclcure & y joignit Brulart , avec lequel il s'ache- mina vers Ratisbonne : ils y entrèrent dans les carroiïes de Tempereur. Ce 26 monarque qui avait un faible pour les moines, traita Jofeph avec la plus grande diilindion. Les minières du roi d'Efpagne & du duc de Savoye plus clairvoyans que Ferdinand, lui repréfenterentque le but de la France était de le brouiller avec les éîeéleursy
C ij
36 C A M P A G !s^ E s
'^^••"""^ & de traverfer l'éledion de fon fils ; 1630, nmis le riifé capucin , à force de pateli- nage & de faillies proteftations , par- vint à raffiner l'empereur.
L'arrivée des plénipotentiaires Fran- çais fufpendit d'abord les coups qu'on portait à Valilein , & combla de joie les catholiques & les protellans : ils avaient chacun leurs motifs ; les pre- miers defiraient qu'une puiflance tierce pût contenir les derniers & empêcher en même tems l'empereur de fe rendre defpotique en Allemagne ; les protel- tans efpéraient que l'intérêt de la France étant de maintenir l'équilibre dans l'Empire, elle contrebalancerait l'affillance que l'Efpagne donnait à la cour de Vienne , & prendrait des me- fures avec la Suéde pour rétablir danvS toutes leurs prérogatives les feclateurs de Luther & de Calvin. L'empereur, pourfe conformer au denr deladiete, chargea l'abbé de Krembfmuniler &.
CE GUST A VK-AdOL FE. 57
les biirons de Noilitz & de Keftem- ^-"^''-'*^ berg de traiter avec Brulart. Les in- i^30. trigues contre le duc de Valftein re- commencèrent enfuite : le capucin Jo- feph les fomentait de concert avec le duc de Bavière ; il vit fecrétement les autres électeurs , & les affura de la part du cardinal de Richelieu , qu'une armée de quarante mille hommes s'a- vancerait vers le Rhin , pour appuyer toutes les demandes qui tendraient à diminuer la puiiTance de Tempereur, Cette promeffe illufoire encouragea le collège électoral. L'ambaffiideur d'EC- pagne témoignait en même tems , que fon maître defirait la deftitution du général Autrichien : la diète la folîi- citait avec chaleur ; mais la nouvelle des premiers progrès de Guftave-Adolfe la fit différer. Ferdinand , craignant que plufieurs proteftans ne fe joignif- fent à ce monarque , publia un édit qui adjugeait au fifc impérial les biens
C iij
38 Campagnes
«sr*m^^ ^Q j-Qr^^g jgg nobles d'Allemagne quî
J630, prendraient les armes contre le chef de l'Empire. L'empereur voulait exci- ter la diète à déclarer la guerre au roi de Suéde ; mais foit que les catholi- ques defirafient que Gullave eût quel- ques fuccès pour abaiiTer Forgueil du aiionarque Autrichien , & lui rendre leurs fecours néccfiliires , foit qu'ils imaginaient qu'on obligerait facile- ment les Suédois à repalFer la mer , ils ne prirent aucune rélblution , & tout reila en fuipens jurrju'à ce que l'en^ vahiiTement d'une partie de la Pomé- ranie fit craindre que Guflave fécon- dé par les proteftans & les puilfances ennemies de l'Empire, n'y opérât des changemens défavorables à la Ligue. Ces confidérations déterminèrent enfin la diète à fe déclarer contre le roi de Suéde; mais comme on n'avait pris îiucune précaution pour lui réfifter , il eutjç tçms d'étendre fes conquêtes»
DE GUSTA VE-AdOL FE. 59
. Pour empêcher la réunion des for- ces de Ferdinand & de la Ligue Catho- lique , prefque toutes difperfées de- '^^"^• puis le Véfer jufqu'à l'Oder , dans les états de la maifon d'Autriche & en Italie, Guftave réfolut d'en retenir par des diverfions une partie dans les pays qu'elles occupaient. Il était important d'inquiéter les Impériaux vers l'Elbe , & Chriftian - Guillaume de Brande- bourg , ancien adminiftrateur de JMag- debourg , remplit cet objet. Dès que ce prince fut informé des préparatifs de la Suéde pour porter la guerre en AUe- aiiagne , il conçut l'efpérance d'être ré- tabli par les armes de cette couron- ne, & fe rendit fecrétement à Stoc- kholm : il offrit à Guitare , de fiire foulever le duché de Magdebourg , dont le peuple & les magiftrats lui étaient entièrement dévoués , de lever des troupes dans la Baffe - Saxe , afin jde divifer d'autant plus les forces de
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40 Campagnes f^^^ Tempereur & de fes adhérens , & de 16^0, ne rien négliger pour attirer l'élec- ^°^^' teur de Brandebourg fon neveu dans le parti du monarque. Chriftian-Guil- launie ne demanda qu'une fomme d'ar- gent pour fubvenir aux dépenfes de la guerre , & d'être rétabli dans fon archevêché. Guftave nerefufa pas de contribuer à des projets qui s'accor- daient fi bien avec les fiens ; mais comme le génie borné de l'adminif- trateur infpirait peu de confiance & que ce prince avait befoin d'être diri- gé, le roi lui confeilia de ne rien pré- cipiter & de fe borner à déterminer en fecret les ennemis de l'empereur de fe joindre à la Suéde. Le monarque ajouta , qu'il ne fallait pas trop com- pter fur l'éledeur de Brandebourg , prince timide , fiible & abfoîument gouverné par un miniftre vendu à la cour de Vienne. Le moment d'agir \enu 5 Guflave envoie Stralman à l'ad-
DE Gustave-Adol f-:e. 4î rniniftrateur , pour réfider près de lui ?? & rengager à faire fouhver fes anciens î<^30. fujets. Chriftian-Guillauine fe déguife , ^^""*^ entre dans Magdebourg, & pendant quatre jours ne fe découvre qu'à fes partifans les plus fidèles : ceux-ci en gagnent d'autres ; enfin le prince fe rend à l'hôtel de ville, où les magif. i trats & les principaux habitans étaient afîemblés. Il leur rappelle tout ce que leur ville a foufFert des Autrichiens , les afilire que l'empereur veut afler- vir l'Allemagne , perfécuier les pro- teftans & violer les loix les plus fa- crées de l'Empire & de l'équité ; il leur promet la protedlion du roi de Suéde , propofe de s'allier avec lui , & préfente Stralman qui eft prêt à conclure le traité au nom du monar- que. Les Magdebourgeois féduits en- trent dans les vues de l'adminiftra- ^ teur , lui renouvellent , de même que le chapitre , le ferment de fidélité , &
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conviennent avec Stralman , que fon ^^^ ' maître pourra traverfer i\îagdebourg de jour & de nuit avec fes troupes ; qu'on lui livrera le pont de l'Elbe , & qu'il recrutera librement dans tout le duché , à condition qu'il fecourra la \'ille quand elle en aura befoin , & ne fera ni trêve ni paix avec la maifon d'Autriche fans l'y comprendre , & fans que fon gouvernement temporel & fpirituel foit rétabli fur l'ancien pied. Halberflat fe foule ve en même tems en faveur de Chriftian-Guiliaume : il levé des troupes , & la régence de Mag- debourg lui cède celles qu'on entre- tenait pour la défenfe de la ville. Une partie de fes forces marche à Volmer- ftat, en chaffe les Impériaux, & s'a- vance enfuite à Kalbe , dont la gar- nifon Autrichienne efl: faite prifon- Du 6 au 7. niere de guerre. L'adminiftrateur part de Magdebourg à l'entrée de la nuit avec quatre cents hommes , paffe h
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Sala à Eernbourg , dont les habitans expiilfent les Inipériaiix, & arrive à i^30» onze heures du foir près de Hall: fes partiiiins lui livrent deux portes. Cent .cinquante foldats de l'empereur ou de la Ligue, qui étaient dans la place, fe retirent précipitamment au château de Moritzbourg & canonnent la ville. Chriftian-Guillaume les ftiit fommer ; un capitaine d'infanterie qui les com- mande , déclare qu'il fe défendra juf- qu'à la dernière extrémité. Le prince eft d'autant plus embarralTé qu'il man- que d'artillerie; mais les habitans de Querfurt challent la garnifon Impé- riale & envoient à Hall cinq pièces de canon ; Tadminiitrateur les fait pla- cer dans des maifons voifines de i\Io- ritzbourg. La troupe de Chriflian-Guil- îaume fe groflit de quelques gens à pied & à cheval, qui fe préfentent volontairement pour fervir fous lui: il fait alors piller les châteaux des
44 Campagnes
partifans de l'empereur; mais il le 1530. croit trop faible pour réfifter à un °°^ corps d'Autrichiens qui s'aiTemble dans le comté de Mansfeld pour dé- gager Moritzbourg : il en levé le fiege après huit jours d'attaque , pro- met aux bourgeois de Hall de revenir bientôt avec de plus grandes forces , & regagne précipitamment I\lagde- bourg , en abandonnant fon artillerie & fes munitions : s'il eût attendu deux jours , Moritzbourg capitulait faute de vivres. Le commandant de ce château s'empare du canon & des chariots de l'adminiftrateur, & fait rentrer la ville de Hall fous l'obéiflance de Ferdinand. Guflave-Adolfe voulant reconnaître les poftes des Impériaux à la droite de l'Oder &: le pays qu'il aurait à traver- fer pour s'approcher de laSiléfie, dé- couvre fon delTein à un officier Italien nommé Quinti del Ponte , forti depuis peu de jours du fervice de Ferdinand,
Août.
deGustave-Adôlfe. 4ç
avec le projet d'afiTaffiner le roi de Suéde ou de le livrer à Torquato- i<^3o, Conti. Qiiinti diffimule ii bien que le monarque le fait lieutenant - colonel , & prend en lui d'autant plus de con- fiance , qu'il témoigne beaucoup de mé- contentement contre le général Autri- chien , fur la pofition duquel il peut donner des lumières. Le fcélérat fe concerte avec un de fes compatriotes appelle Jean-Baptifle , transfuge com- me lui, &qui avait obtenu une com^ pagnie dans le régiment de cavalerie de Falckenberg. Guftave part de Stet- tin fuivi de quatre-vingt-dix cavaliers Finlandais, s'approche des polies des Impériaux , laiiTe en - arrière la plus grande partie de fon efcorte, & s'a- vance avec vingt chevaux feulement & Quinti. Torquato avait fait embuC- quer cinq cents cuiraffiers Napolitains près d'un défilé que le roi paffe. Qiiinti prend les devants fous prétexte de
4<5 Campagnes
^^'^'■'*^ mieux reconnaître , & le monarque i6^o, qui le fuit fans défi^ince fe trouve en- ^*'"^' vironné. Le traître s'évade, & les en- nemis tombent fur la faible troupe de Guftave : elle réfille long-temSj mais elle fuccombe enfin ; le cheval du roi eft tué & le monarque fliit pri- fonnier fl\ns être reconnu , parce qu*il n'était guère mieux vêtu qu'un fimpie foldat. Déjà on le conduifait au camp des Autrichiens , lorfque les foixante- dix cavaliers Finlandais reft;és derriè- re, attirés par les coups de piiloletSy viennent charger les Impériaux avec tant de furie qu'ils les renverfent malgré la fupériorifé de leur nombre ^ délivrent le roi & le ramènent à Stet- tin avec trente prifonniers. Environ deux cents Autrichiens périrent dans le combat. Guftave fit arrêter Jean- Baptifte que fes liaifons avec Qiiinti rendaient fufped; & fes papiers con- tenant des preuves de complicité , il
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fut pendu. Quelques jours après on ^gs^gga arrête dans le camp des Suédois un 1530. moine déguifé , qui avoua que fon def- Août, iein était d'afïaffiner le roi. Ces voies odieuiës convenaient également à Fer- dinand & à Torquato - Conti , qui étaient peu délicats fur les moyens. Com.nie l'armée impériale coupait à Stettin & à une partie de la Pomé- ranie tout commerce avec pîufieurs provinces d'Aiiemagne, le duc Bogis- las preiïait Guflave de faire décamper les Autrichiens. Le monarque confent enfin qu'un colonel qui avait reconnu leur pofition , tente de furprendre la ville de Gartz. Le Suédois communi- que indifcréteraent fon projet à un trop grand nombre d'officiers , & Torquato - Conti qui en ell informé fe tient fur les gardes. Le colonel part à l'entrée de la nuit & s'approche de Gartz. Le profond filence qui règne aux envkcus lui perfuade qu'on ns
48 Campagnes ^^S^^ l'attend pas; il attaque, & fa troupe i6)0. ell enveloppée : elle parvient à fe Août. £j-j.g jQyj. ^ enlevé même deux éten- dards aux ennemis. Le colonel vient les préfenter à Guftave ; mais ce mo- narque le regardant avec fé vérité , ûpprene:^ , lui dit - il , quun acte de va- leur ne vous jujlljiera jamais dans mon efprit d'avoir mal gardé un fecret , & que je fais moins de cas de ces deux étendards , que du moindre des foldats auxquels votre indifcrétion a coûté la vie.
Les Impériaux ne fortant pas de leurs retranchemens , le roi de Suéde réfolut d'employer les diverfions , dans l'efpérance qu'elles les obligeraient à £iire quelques mouvemens dont il pourrait profiter. Il détache un corps • de troupes aux ordres de Kniphaufen pour alliéger Volgail , qui fermait aux Suédois la navigation du Petit-Haff & de la Péene, & où le colonel Schlechter
commandait
DE GUS T A VE-Ad OLFE. 49
commandait quinze cents Autrichiens. -
L'artillerie fait brèche aux remparts, i^^o* & les Suédois fe difpofent à emporter la place d'afifaut; mais Schlechter la leur rend après fept jours de réfiflance^ & fe retire avec fa garnifon dans le château conftruit vis- à - vis de la ville , au milieu d'une petite île formée par la Féene. Kniphaufen commence un nouveau fiege , pendant lequel il tente infructueufement de fe rendre maître de Gripfvald.
Torquato - Conti , fous prétexte d'ô- ter les fubfiftances au roi de Suéde , ravageait la Poméranie ; il impofait de fortes contributions aux villes , en pro- mettant de les exempter du pillage 5 & quand elles avaient payé les fom.mes exigées , il permettait aux officiers fu- balternes & aux foldats de rançonner les habitans pour leur propre compte. Le duc de Savelli , compatriote & lieu- tenant du général de Tempereur ,
Partie IL D
fo Campagnes
1(30. rimitait dans fes brigandages , &: iîs A^ùc. s'enrichirent bientôt à force de vexa-
r
tions. Puffendorf afTure (û) que Sa- velli enlevait les chevaux & les beG- tifiiix des payfans , pour les envoyer au marché , & que quand il ne trou- vait pas à fe défaire de ces animaux ^ il les faifait tuer & en vendait le cuir à récorcheur. Guftave touché de la mi- fere des peuples , defirait de les déli- vrer de leurs tyrans; mais il ne pou- vait agir avant l'arrivée des renforts qu'il attendait : il fentit qu'ayant déjà difperfé beaucoup de troupes dans un grand nombre de places , il s'affaiblirait encore par de nouvelles conquêtes , tandis que l'ennemi fe fortifiait jour- nellement , en réunifiant à fon armée les garnifons des villes qu'il abandon- nait après les avoir faccagées. Cepen- dant le roi de Suéde ne pou^ ant fe
f a) Livrc^mj, §. $ ^de fon hiftoire intitulée : De Tchus Succicis.
DE Gustave-Adolfe. 5-1
reFufer entièrement aux inllances des "^*^''^''— Poméraniens qui le conjuraient de ref- ï^^*^* ferrer les Impériaux, il voulut d'abord afliéger Demmin ^ mais cette place étant bien fortifiée , le monarque jugea qu'elle l'arrêterait trop long-tems, & qu'il valait mieux s'attacher à couper aux Autrichiens leur communication avec le duché de Meckelbourg , où il fe préparait à pénétrer , pour rétablir les princes Adolfe - Frédéric & Jean- Albert , profcrits & dépouillés par l'em- pereur. Avant de parler de cette expé- dition , il eft nécelfaire de voir ce qui s'était pafTé à la diète de Ratisbonne. L'éledleur de Saxe prévoyant qu'un incendie général allait embrafer l'Alle- magne , écrivit à l'empereur , dans l'ef. pérance que de juffces repréfentations pourraient le fléchir & l'engager à ré- voquer l'édit de reftitution. Jean-Geor- ge ordonna de plus à fon miniltre à Ratisbonne 3 d'employer les argumens
D ij
f 2 Campagnes
^^^5 les pins forts pour convaincre Ferdî^ 1^30. nand, que s'il ne fatisfaifait les pro- teftans 6c n'uOiit plus modérément de fa puiflànce,il ne parviendrait jamais à rétablir la paix dans l'Empire, où les mécontens avaient attiré le roi de Suéde , qui réuîïirait peut-être à y opé- rer une révolution générale , qu'il était facile de prévenir avec un peu de con- defcendance. Le monarque Autrichien, encore enivré de fa profpérité , & accoutumé à vpir tout plier devant lui , répondit à Télecleur , <* qu'il avait „ des forces plus que fuffifantes pour „ maintenir fon édit & pour repoufler „ Guftave ; & qu'à tout événement^ „ il efpérait tirer des éleclorats de Saxe 55 & de Brandebourg des vivres & de ^ l'argent , pour entretenir les trou- 5, pes qu'il jugerait à propos d'y en- „ voyer „. Jean- George furpris d'une réponfe aulfi fiere , mande à l'empe- reur , << qu'il voit avec douleqr que la
deGustave-Adoîfe. 5-5 J, guerre civile dévafte depuis long- „ tenis les plus belles provinces de i^3o. ,5 rAUemagne ; que la liberté eft dé- ^'^^^' „ truite, les conftitutions germaniques ^
„ violées & la dignité éledorale avi- 33 lie 5 que la plupart des princes de „ l'Empire 8c lui en particulier fuppor- jj tent impatiemment le renverfement „ de toutes les loix ; qu'il fe flatte que ,3 la cour de Vienne n'oubliera pas les 53 fervices importans qu'il lui a ren- jj dus , au point d'envoyer dans fon j3 éledorat des troupes qui emploient j5 la violence pour s'y maintenir & y 5, fubfifter ; que (i la diète fe détermine 35 à la guerre , il fera ce qu'il doit 55 comme membre de l'Empire ; que 55 l'édit de reftitution eft une fource ,j de difcorde ; qu'il n'y a d'autre voie }, pour rétablir la tranquillité en Alle- î, magne, que de convoquer une alfem- „ blée particulière , qui s'occupera uni- 53 quement des moyens propres à faire
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f 4 • C A M P A. G N E s
^^jnmm»^ ^^ ceiïèr les querelles de religion ; enfin ^^y^' „ qu'il a imaginé devoir entrer dans „ tous ces détails , pour que l'empe- „ reur n'ignorât pas que , quand on a ,5 fait fon poffible pour fufpendre les 35 progrès du mal , on n'eft plus refpon- ,, fable des expédiens qu'on eft forcé „ d'emploA^er pour l'arrêter „. Les rai- fons de l'élecleur firent quelqu'im- preflion fur Ferdinand ; mais fes miniC- .ti*es & plufieurs princes eccléfiafiiques qui avaient fa confiance , & qui étaient intérefifés à la continuation dés trou- bles, luiperfuaderent de maintenir fon édît. Le monarque répondit à Jean- George , <' qu'il connaiflait la caufe „ des malheurs de l'Allemagne ; mais 3, qu'on ne pouvait les imputer qu'à „ la conduite des protefians, qui l'a- „ valent contraint de pourvoir à fadé- „ fenfe perfonnelle ; que la diète pren- „ drait des mefures pour rétablir la „ paix ou pour continuer îa guerre ,
D E GUST A VE-AdOLFE. ff
félon les conftitutions de TEmpire ; qu'à l'égard des contributions en ar- 1630. gent & en fubfiftances , elles étaient ^^^^^ indifpen fables, puifqu'il fallait obli- ger les Suédois à repalfer la mer; que l'exécution de ce deflein exi- geait de grandes dépenfes , & que Texaclitude de l'éîecteur à payer fa quote - part des taxes réglées dans la diète , ne fuffifint pas , il devait , à l'exemple des autres membres de l'Empire , recevoir & entretenir dans fes états les troupes qu'on y enver- rait pour les défendre ; parce que fi la Saxe tombait au pouvoir du roi de Suéde , il pénétrerait enfuite fans peine dans le cœur de TAllemagne; & qu'au furplus Jean-George devait fe rendre en perfonne à Ratisbonne , afin d'y propofer lui-même les pro- jets qu'il avait imaginés pour l'avaii- tage de l'Empire. „
Les éledeurs écrivirent à Gullave- ^^
D iv
s 6 C A J\l P A G N E S
ï:-.::^2!^ Adoîfe, « que fes fujets de méconten- ' ^ ' „ tement contre l'empereur n'étaient „ pas aflez graves pour le déterminer 53 à lui faire la guerre ; que la cour de „ Vienne n'avait ordonné aucun ade „ d'hoftiiité contre lui ; qu'il devait „ d'autant moins fe plaindre que le „ collège éledoral eût omis de lui don- „ ner le titre de majefté ( ^ ) , qu'on „ s'était conformé au protocole ufité ; „ qu'à l'égard des ducs deMeckelbourg „ & des autres princes dépouillés de 5, leurs états , ils devaient s'en rappor- i, ter à la décifion de Ferdinand , com- „ me au fuzerain direcl de tous les „ fiefs de l'Empire 5 que le monarque „ Autrichien n'avait pu fe difpenfer „ d'envoyer des fecours au roi de Po- „ logne fon beau-frere & fon allié ; & „ que comme le Corps Germanique „ n'y avait aucune part , il était fur-
(a) Dans leur rcponfe du 2 décembre 1629,3 ia lettre de Guftive du ç de mai.
deGustave-Adolfe. f7
; prenant que l'armée Suédoife fût „ entrée hoililement en Poméranie; i<^3o. 35 mais qu'on pouvait profiter , pour ^°"'^' „ faire la paix , du tems où tous les „ états de l'Empire étaient aflemblés •^ à Ratisbonne „. Ferdinand jugea aufîi à propos d'écrire au roi de Suéde : ^ ^ il lui témoignait de Tétonnement , de ce qu'il avait fait une invafion en Al- lemagne fans fujet & fans déclaration de guerre , & ajoutait , <^ que fa qua- „ lité de chef de l'Empire légitimait 35 fa conduite paffée ; que fi la Suéde ,5 eût agi de bonne-foi au congrès de „ Dantzick , la médiation du Dane- „ marck aurait pu terminer les diffé- „ rends qui fubfiftaient entre les cours 55 de Vienne & de Stockholm ; qu'au ,5 refte il l'exhortait à repafifer la mer , 55 & à ne pas s'immifcer dans les affai- 55 res de l'Allemagne ; & que s'il con- 35 tinuait les hoflilités, il était naturel -^ que le chef & les membres de l'Eni-
5*8 Campagnes
„ pire repouiraflènt la force par la 1650. p ^^^^ „ force. „
Rufdorf , agent de l'éledeur Palatin ,
demanda de nouveau le rçtablifTement
de ce prince. Les électeurs daignèrent
à peine jeter les yeux iur les mémoires
préfentés en fa fa eur ; il leur écrivit
en vain lui même , pour les prier d'en-
" gager Ferdinand a oublier le padé-.
AiTîfthruter, ambailadeur d'Angleterre,
appu3^ait la négociation de Rufdorf,
& menaçait du courroux de Charles 1^^ ,
fi Ton ne donnait fatisfaCtion à fon
beau-frere. L'empereur qui ne craignait
pas la vengeance du roi Britannique,
"répondit, « que les états du Palatin
„ étant partagés entre Téledeur de
j, Bavière & l'infante gouvernante des
„ Pays-Bas Efpagnols , on ne pouvait
„ les lui rendre. „ Amftiiruter fe rédui-
fit alors à folliciter au nom de fon
maître une penfion alimentaire pour
Frédéric 5 celui-ci indigné de la de-
D E G U s T A V E - A D 0 L F E. ^9
mande honteufe du roi d'Angleterre , déclara qu'il ne renoncerait jamais à la ^1^30» moindre partie de fes états. Les plé- Août nipotentiaires Français ne foutinrent pas îe Palatin , pour ne donner aucun ombrage au duc de Bavière.
Les débats relatifs à l'édit de refli- tution inquiétaient l'empereur & re- tardaient l'exécution de fes delfeins. L'éled;eur de Bavière , qui voulait fe concilier les proteftans dans i'efpoir, dit -on, d'être roi des Romains , pro- pofa de fufpendre l'exécution de l'édit pendant quarante ans. Après beaucoup de délibérations , Ferdinand indiqua pour l'année fuivante , conformément aux proportions de l'élefteur de Saxe, une affemblée à Francfort fur le Mein', où l'on terminerait la querelle. Les catholiques & les proteftans confen- tirent à cet arrangement ; les premiers parce qu'ils jouiilaient des biens res- titués j les derniers d^ins I'efpoir qu'a-
^o Campagnes vant raffemblée de Francfort les fuccés de Giiilave-Adolfe annulleraient Pédit. L'empereur ne perdait point de vue fon objet principal , qui était l'é- lection de rarchiduc Ferdinand : le comte d'Eggenberg vit plufîeurs fois les éledeurs qui étaient à Ratisbonne & les envoyés de Brandebourg & de Saxe , pour les engager à donner leurs voix a ce prince ;mais le duc de Ba- vière & le capucin Jofeph les avaient déterminés à ne rien promettre ; Se pour faire diverfion aux follicitations d'Eggenberg , le collège électoral de- manda que l'empereur conclût inceC- famment la paix avec la France & les princes d'Italie ; qu'il prévînt toute rupture entre l'Empire & la Hollande , réformât une partie de fes troupes & otât le commandement au duc de Valf- tein. Ferdinand répondit, qu'il était difpofé à confentir aux trois premières demandes, & qu'il foufcrirait àla der?*
DE Gustave- A DOLîr. ^î
niere , pourvu qu'un procédât fans .3^ délai à Pélcélion de l'archiduc ; mai^' «690. les électeurs ne voulaient pas qu'elle ^^^^^*^^'®' fut le prix du renvoi du général Au- trichien , & il femblait que la diète n'était alTemblée que pour le perdre , tant il y avait d'unanimité peur fa dé- pdfition. L'empereur defirait fi ardem- ment l'élection de fon fils , qu'il con- fentit enfin à facrifier Valftein , & char- gea trois de fes amis (û) d'aller à Memmingen lui annoncer fa difgrace. Comme le monarque manquait de pré- texte pour juftiiier fa conduite, il écrivit au duc , " qu'il fe laifîait gou^ 5, verner par fes troup s , & qu'il ^'était 5, trompé en espérant le gouverner à. „ fon tour. „ Valftein répondit à Fer- dinand /'que la meilleure preuve qu'il ,3 ne le gouvernait pas , était qu'il „ fe laiiïait duper par fes minifties
( a "^ Le comre de Vr.rrerberg . !e baron de Kef» tenberg & le ^comte Wflxunilien de Valftein.
6z Campagnes „ & par fes ennemis. „ li finirait fit ï6')o. lettre en annonçant à l'empereur les
Septembre- 7 , / i- -, .
plus grands revers : prédiction que
l'événement vérifia. Le duc témoigna beaucoup de fermeté , combla de pré- fens les envoyés de Ferdinand , & fe retira dans Tes terres de Bohême. Les électeurs demandèrent enfuite que le monarque le dépouillât des princi- pautés immédiates & de la qualité de membre de l'Empire; ils alléguaient pour raifon, que fi les ducs de Mec- kelbourg n'étaient pas jugés coupables du crime de lefe - majefté par les re- préfentans du Corps Germanique , Valftein ne pouvait pofiéder légiti- mement leurs^états. On voulait encore qu'il rendit compte de toutes fes ex- torfions, afin d'en employer le produit à la réparation des maux qu'il avait caufés ; mais Ferdinand éluda de ré- pondre à ces demandes. Un grand nombre d'officiers de dillindion, at-^
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. 65
tachés à la fortune de Valftein , le fui- vit dans fli retraite, ou pafla chez les 1630- ennemis de la cour de Vienne. Guftave- Septembre. Adolfe qui cherchait à s'acquérir des partilans , fit dire au général Autri- chien , qu'il avait appris avec autant de furprife que d'indignation , que l'empereur payât fes fervices de la plus noire des ingratitudes, & qu'il fouhaitait de trouver l'occafion de lui témoigner fon tftime. Le duc ne ré- pondit que par des remerciemens aux avances du roi de Suéde.
Toute l'Europe fut furprife de la foumifiion de Valftein & de la com- plaifance de l'empereur pour les élec- teurs : ceux-ci encouragés par fi fa- cilité , exigèrent qu'il s'engageât à n'entreprendre à l'avenir aucune guerre fans le confentement des états de PEm- pire , & qu'il fît obferver aux troupes qu'il conferverait fur- pied, après la réforme, la difcipline la plus rigou-
64 Campa g n e s . wrn^n^^ reufe. Quelque dures que fuilcnt ces 1630. conditions, Ferdinand y foufcrivit ; Septembre, j-jg^ j^g j^j coûtait pour obtenir rélec-
tion de fon fils : il voulut la prefier ; mais le collège éledoral répondit, qu'on n'y procéderait pas à moins que la paix ne fût rétablie en Allemagne ; & que d'ailleurs c'était à Francfort , & non à Ratisbonne , que réleclion devait fe faire. Les minillres de Bran- debourg- & de Saxe déclarèrent en mô- me tems que leurs maîtres ne donne- raient leurs voix à l'archiduc que quand l'empereur rendrait juftice aux pro- teftans. Le monarque perdit en peu de jours le fruit de plufiCurs années de difnmulation ; il fut la dupe du defir immodéré d'élever fa maifon : il reconnut , mais trop tard , que le ca- pucin Jofeph l'avait trompé , & dit publiquement que ce moine avait eu le talent de faire entrer fix bonnets électoraux dans fon capuchon. Cepen- dant 5
deGustave-Adolfe. 6r
dant , comme l'état des affaires de
Ferdinand ne lui permettait pas de i^^o. continuer la guerre contre la France , Septembre. il enjoignit à fes plénipotentiaires de conclure la paix avec ceux de Louis Xni. Revenons maintenant aux Sué- dois.
Trois cents foîdats de Guftave, poftés à Pafvalck pour réprimer les courfes des partis de Torquato-Conti , font attaqués par trois mille Impériaux j munis d'artillerie, & détachés du camp de Gartz aux ordres de colonel Goetz : ils réfiflent courageufement ; mais la fupériorité des aiTaillans les fait péné- trer dans la place , & les trois cents Suédois font pafles au fil de Pépé^é Les Allemands mettent le feu à la ville & fe retirent. La prife de Rugenvald dédommagea Guftave de cette perte. Sept cents Ecoffais, commandés par Robert Monro , s'embarquèrent à Pil- lau en Prufle pour venir joindre Tar- Partie IL £
Ç6 Campagnes mée Suédoife au camp de Stettin : ils 1630. font naufrage près de Rugenvald, où Septembre. ^j y avait gamifon Impériale, perdent leurs équipages & prefque toutes leurs armes & leurs munitions : il ne refte aux foldats de Monro que des épées , quelques piques & environ cinquante moufquets. Cet officier apprend que l'ancien commandant de Rugenvald pour le duc Bogislas , feignant de fe foumettre à l'empereur , eft refté dans la place avec une partie de la garnifon Poméranienne : il lui fait dire par un homme de confiance , que s'il veut ouvrir pendant la nuit une porte de la ville aux EcofTais , & leur fournir des moufquets & de la poudre, ils tenteront de fe rendre maîtres de la place. L'offre eft acceptée , & l'entre- prife réuflit. Peu de jours après , le vent contraire oblige quatre cents Al- lemands deftinés pour l'armée de Guf- tave , de relâcher à R ugenvald j ils fe
DE Gu sT ave-Ado L F E. 67
Joignent à Monro qui efl encore ren- forcé par le régiment Suédois de He- 1630, burn qui venait auffi de Prufie. Ces Septembre. troupes réunies montant à plus de deux mille hommes, Monro les emploie à garder fa conquête , Schlava & Coslin , & à faire des courfes fur les Impériaux qui occupaient Colberg & quelques poftes aux environs de cette place.
Depuis fon entrée en Allemagne, Guflave projetait une invafion dans le Meckelbourg; mais avant que de la- tenter, il s'approclia deux fois de Gartz, pour engager Torquato - Conti à fortir de fes retranchemens & à combattre : celui-ci fe tint renfermé dans fon camp;' & comme il n'aurait pas été pru-' dent de l'y attaquer , le roi réfoluf de ne plus différer une expédition qui^ pouvait lui procurer les plus grands! avantages. Il voulait chaflèr les Impé- riaux du Meckelbourg, y faire fub- filler fes troupes & en tirer des four--
Eij
^8 Campagnes rages pour nourrir fa cavalerie pendant ^ ^/ l'hiver, rétablir dans leurs états les
Sepcemofe.
ducs Adoife - Frédéric & Jean - Albert dépouillés par l'empereur ; s'approcher du landgrave de Hefle qui avait huit iiiille hommes fur pied, une haine im- placable contre la cour de Vienne, & qui n'attendait qu'une occafion favo- rable pour fe déclarer contr'elle ; enle- ver aux Autrichiens RofLock & fur-tout Vifmar, d'où ils faifaient des courfes fur la mer Baltique ; fe mettre à portée de Hambourg & de Lubeck , qui devaient lui fournir des hommes & de l'argent ; attirer dans fon parti d'autres villes & quelques princes difpofés à prendre les armes dés qu'ils fe verraient appuyés des Suédois ; fecourir Magdebourg que les Autrichiens menaçaient, & dont la peite lui eût été fort préjudiciable. Enfin Guftave fe flattait que dés qu'il ferait établi dans le Meckelbourg , l'é- ledeur de Brandebourg ne balancerait
DE Gustave-Adolfe. 6^ plus à embralTer ouvertement la caufe j
des proteftans. Le monarque Suédois 1630. n'avait pas encore reçu les renforts que Septembre. le chancelier Oxenllierna devait lui en- voyer de PrufTe & de Livonie; mais obligé d'alTurer Tes conquêtes en Po- méranie & de lailTer à Stettin des forces fuffiCintes pour contenir les Impériaux, il ne pouvait employer que pej de troupes à fon expédition : il fit embar- quer à Stettin dans foixante vaifTeaux 4. environ fix mille hommes tant infan- terie que cavalerie , & laifTa le furplus de fes forces dans le camp retranché fous la place aux ordres du feld-maré- chal Horn. Une efcadre détachée de l'armée navale , fut deftinée à croifer fur les côtes du Meckelbourg pour fé- conder les opérations & fournir des fubfiftances à l'armée de terre. Le vent retarda pendant deux jours le départ du roi ; il mit enfuite à la voile , def- cendit l'Oder , le Grand - HafF & la
E iij
70 Campagnes Schvine, & mouilla à Stralfund. Le i5jo. monarque fit auffi-tôt débarquer fes 'troupes & s'avança vers le Aleckel- bourg. Les Impériaux avaient réduit dans l'état le plus déplorable la fron- tière de ce duché ; les villages étaient brûlés , les belHaux entièrement dé- tiuits & les chemins rompus. Guftave confolait les habitans,leurfaifait diftri- buer des grains que fli flotte fourniflait en abondance , & les flattait d'un ave- nir plus heureux.
Le roi marcha à Damgarten, ville entourée d'une vieille muraille garnie de tours & de quelques dehors à la moderne. Les Impériaux avaient conf- truit à la hâte , pour défendre l'embou- chure de la Rekenitz , un fort qui n'é- tait pas encore achevé. Cependant ils s'obfl:inent à garder ce mauvais pofte & refufent toute capitulation. Les Suédois ouvrent la tranchée , mettent leur canon en batterie , foudroient le
DE GUST A VE-AdOL FE. 7I
fort, l'emportent d'aîTaut le fixieme
jour du fiege & paiïent la garnifon au ^ ^^ ^•
mil,// /p-n j r* 1 Septembrs.
de lepee en reprelailies du lac de
Pafvalck. Le roi précédé de quelques compagnies de dragons traverfe auffi- tôt la Rekenitz & arrive à minuit aux portes de Ribnitz , bâti près d'un lac dans lequel la Rekenitz fe décharge. Mézerode, capitaine d'infanterie, com- mandait la garnifon : elle confiftait feu- lement en cent cinquante Autrichiens qui ne peuvent empêcher les Suédois de fe rendre maîtres de la place par efcalade. Le commandant eft fait pri- fonnier , & les foldats prennent parti dans l'armée de Guftave : elle campe enfuite, fa droite appuyée à la Reke- nitz vis - à - vis de Damgarten , & fa gauche à Ribnitz. Ces conquêtes ou- vrant au monarque l'entrée du Mec- kelbourg , il fe rend à Roftock & publie une déclaration qui porte , << que vou- ,5 lant rétablir les ducs de IMeckeL
E iv
7^ Campagnes
IS^Sif^tlP^S^
hoir g Adolfe - Frédéric & Tean-Al-* '" ,5 bert dans leurs états, il enjoint à
Septembre, . r - . r . i,A
ï5 leurs iujets , ious peine d être trai^ ,5 té^ comme rebelles , de prendre les j3 armes, de s'unir aux Suédois & dQ „ faire main baffe Par ceux qui recon- 33 naiffent l'autorité de l'empereur ou 95 celle de Valiiein , ou qui exercent „ des emplois en leur nom. „ Guftave îaiffe la garde de Roftock aux bour* gems , conformément à leurs privile-^ ges , & retourne au camp de Ribnitz, Les Impériaux alarmés de l'invafion du roi , raffemblent entre Sternberg Sç Guflrou les garnifons les moins nécet faires, Ils apprennent que le monarque Suédois s'efl; éloigné de Roftock , fe flattent alors de reprendre cette vill^ & s'en approchent ; ils demandent humblement le paffage pour quelques régimens de cavalerie, fous prétexte de les envoyer au fecours de Denimiq , dont ils craignent que les Suédois ne
deGustave-Adolff. 75
faiTent le fiege. Les crédules bour- geois confenteift que ces troupes tra- ï^3o. verfent la ville fucceffivement & par ^^^'^"^^''^* efcadron ; mais le premier entré , au lieu de fortir , revient .Ri-r fes pas & fe joint à celui qui ie-fuit : ils ouvrent la porte aux autres , occupent les rem-- parts, braquent du canon au débou- ché des rues , déCirment les bourgeois & s'établiflent de fqrce ians leurs mai- fons.
Les Impériaux, pour retenir les nabi- tans du Meckelbourg dans leur dépen- dance ,. font tranfporter à Roflock & à Vifmar tous les grains & tous les fourrages , avec promçlTe de les rendre auffi-tôt que les Suédois ne feront plus à portée de s'en i^mparer. La perte de Roftock & la prévoyance des Autri- chiens fufpendirent les opérations de Guftave ; mais à leur exemple, il leva des contributions , & employa fes trou- pes à fortifier Damgarten & RIbnitz ,
74 Campagnes
pour s'afiTurer de ces deux clés du Mec- I630. |^git)Qiji.g ^ ^ empêcher la cavalerie Im- périale de faire des courfes en Pomé- ranie.
Xe comte de Torquato - Conti vou- lant profiter de fa fiipériorité & de l'ab- fence de Guftave, pour attaquer le camp retranché de Stettin & pour faire lever le fiege du château de Volgaft , part de Gartz à l'entrée de la nuit avec neuf mille hommes d'infanterie & un corps de cavalerie , laiflant le furplus de fes troupes pour garder fes lignes , arrive au point du jour à la vue de Stettin & forme trois attaques : il trouve les Suédois fur leurs gardes , & l'aclion commence par une vive canon- nade. La principale attaque des Impé- riaux était dirigée fur les retranche- mens élevés à la gauche de Stettin dans une île formée par un bras de l'Oder appelle le Parnitz. Repouffé avec perte , Torquato redouble fes efforts 5
DE GusT ave-Adolfe. 7f
mais voyant qu'il perd inutilement l'élite de fes troupes, il abandonne ie 1630. champ de bataille , trois cents morts , Septembre. cinq ce'ts blelFés , douze drapeaux, trois étendards & plufieurs chariots. Le feld- maréchal Horn ordonne de pourfuivre l'ennemi , autjuel on fait beaucoup de prifonniers. Cet échec fut fuivi de la reddition du château de Vol- gaft. Le commandant ayant refufé de capituler , Kniphaufen fait jouer une mine qui ouvre le rempart, & enfe- velitfous fes ruines un grand nombre des affiégés. Les Suédois donnent en- fuite un aflaut , s'emparent de la place &paiTentau filde l'épée une partie de '^ la garnifon : le colonel Schlechter fut au nombre des prifonniers. Guftave laifîe au général Banner le comman- dement du camp de Ribnitz , fe rend à Volgaft , y £iit entrer une garnifon fuf- fifmte pour mettre hors d'infulte la ville & le château , dont on répare les
7^ C A M P A G N*E S
"^ " ^'"^ fortifications, &. ordonne à Knipîiau-
I630. i^çj^ d'aller avec lefurnlus de Tes trou- Septembre. . . , , / , , ,,
pes joindre le corps du colonel Monro
pour bloquer Colberg. Il importait au roi de Suéde de fe rendre maître de cette place , dont la garnifon faifait journellement des courfes dans la par- tie de la Poméranie qui efl: à la droite
, de l'Oder. Quoique l'armée de Guftave, depuis fon entrée en Allemagne, eût été renforcée par un grand nombre de déferteurs Autrichiens 8c de vieux fol- dats , il n'avait pas néanmoins affez de forces pour contenir l'armée deTor- quato-Conti , & pour chaiïer en même . tems les Impériaux du Meckelbourg.
18 II écrivit de Volgaft au chancelier Oxenftierna , de lui envoyer le plus promptementpoflible les troupes qu'il talTemblait danslaPrufTePolonaife , & fur -tout l'infanterie. Le roi retourna en fuite à Ribnitz.
L'adminiflrateur de Magdebourg
deGustave-Adolfe. 77
continuait fa diverfion en flweur des Suédois. Un grand nombre des habi- ^^^^' tans de fon archevêché s'enrôla vo- lontairement pour la défenfe de la reli- gion proteftante. Chrillian- Guillaume profitait du zèle de fes fujcts , & mu- nilfait fa capitale , où l'on amenait d3 toutes parts des fubfiftances. Un déta- chement de JMagdebourgeois s'avance à Calb , y bat trois cents Croates Au- trichiens & fe rend maître d'un convoi qu'ils efcortent. Les troupes de l'ad- miniftrateur s'emparent enfuite de Vantzleben, d'Egeln, de Strasfurt, d'Alsleben & de quelques autres lieux moins importans, & font descourfes fur les Impériaux. Le colonel Holcken fe met en devoir de les réprimer avec mille chevaux. Un gros parti de Mag- debourgeois s'approche de Barmers- ^ leben , & dreffe à Holcken une em- bufcade à la fliveur d'un bois. Le co- lonel Autrichien s'avance pour atta-
78 Campagnes
quer les troupes de Chriftian - Guil-' J630. laume : elles reculent en efcarmou- ptenibre. çj^^^j^^ ^ attirent l'ennemi dans le piège , le chargent en flanc & à dos , & tuent environ cent cavaliers. Les Im- périaux raflemblent de plus grandes forces pour borner les fuccès de Pad-^ miniftrateur: celui-ci fe détermine alors à faire occuper plufieurs poftes, & en- tr'autres Mansfeld, afin de gêner la communication des Autrichiens avec Francfort fur TOder. Ces derniers pri-
«9 rent la ville de Frofa après une longue réfiftance , & mirent en même tems garnifon dans Schonbeck , que les bourgeois ne purent défendre. Botz,
•o colonel Magdebourgeois , arrive le len- demain devant cette place , en fait en- foncer les portes & chaflTe de la ville les ennemis : ils s'étaient emparés de ^Vo!^" Saltz pendant la nuit. Deux jours après ils donnent plufieurs afiauts à
a, la ville de Calb défendue par fept cents
DE Gustave-Ado LFE. 79
cinquante hommes , & parviennent à les forcer. Le nombre des Autrichiens 1650. augmentant tous les jours , Tadminif- ^^P^'^'^ibrc trateur ne juge pas à propos de s'ap- procher de Hall , pour fou tenir les habitans qui s'étaient foulevés en fa faveur ; il préfère de raflembler aux environs de Magdebourg fes troupes difperfées , & les polie derrière un re- tranchement élevé fur le Cloflerberg. Le comte de Pappenheiin qui com- mande les Impériaux à la gauche de l'Elbe 5 s'attache à relferrer Magde- bourg de ce côté.
Tandis que Chriftian-Guillaume oc- cupait une partie des forces de l'em- pereur, le duc François-Charle de Saxe- Lavenbourg , que le baron de Falcken- berg avait engagé dans le parti de Guftave , faifait , en faveur de ce mo- narque , une autre diverfion du côté de Hambourg & de Lubeck : il avait raC femblé quelques troupes, avec; lefquel-
So Campagnes les il s'empara de Lavenbourg , de 1 6 ? o. Boitzenbourg & de Niehaus ; mais trop e^nem r^* £^j|^]g p^^j. [^ partager , il abandonna ces deux premières villes* Il furprend enfuite pendant la nuit Ratzenbourg, réfidence de fon frère le ducAugufte, qui fe retira dans le château , fltué au milieu d'un lac qui communique avec Lubeck par un canal , & refufa de l'y recevoir. Le comte de Pappenheim qui était devant Magdebourg^ en part fuivi d'un corps de ùx mille hommes , pour diffiper les troupes de François-Charle* Le colonel Reinacher , qui conduit Pavant -garde Autrichienne, forts de deux mille hommes 5 s'empare facile- ment de Niehaus , quoique cette place fût bien pourvue & bien fortifiée. Après cet heureux fuccès , Pappenheim s'approche de Ratzenbourg , & fa mar- che eft fi prompte & fi fecrete, que l'ennemi n'en eft informé que par la défaite d'un de fes partis , battu pref.
que
deGtjstave-Adolfë. 81
que fous le canon de la ville par la ? cavalerie Impériale. Reinacher fe pofte ^ <53 o. à la droite du lac & à la tête d'un pont ^^^^"^ ^^' de bois, par lequel on entrait dans Ratzenbourg, en même tems que Pap- penheim s'avance à la gauche du lac du côté du château : il détermine le duc Augufte à y recevoir garnifon Au- trichienne, & fe prépare auffi-tôt à forcer la ville. François - Charle crahit d'être emporté d'aifaut & demande à capituler. Pappenheim veut qu'il fe rende à difcrétion , & ne lui donne qu'un quart d'heure pour fe détermi- ner. Le prince imagine pouvoir gagner Lubeck par le lac , & fe jette dans une barque : les Impériaux jugeant qu'il cherche à s'évader, tirent plufieurs coups de canon fur le bateau. Le duc expofé à couler à fond , préfère de venir fe rendre prifonnier de guerre : il eft conduit à Stade & exige que Pappen- heim lui donne fa parole d'honneur. Partie II, F
82 Campagnes
que ni l'empereur ni le duc de Ba- 1 630. viere ne le feront mourir : demande qui Septembre, prouve la barbarie de ce tems. La di- verfion de l'adminiftrateur de IMagde- bourg & celle du duc de Lavenbourg , quoique malheureufes , furent utiles au roi de Suéde ; car elles empêchèrent les Impériaux de fe dégarnir fur l'Elbe , pour envoyer des renforts en Pomé- ranie.
Guftave-Adolfe ayant reçu la lettre que les électeurs lui avaient écrite de 25 Ratisbonne (û) , leur répondit : " qu'il „ eût été plus efficace de remédier à „ fes griefs , que de les improuver; „ qu'il n'avait pu fe difpenfer de fe- „ courir la ville de Stralfund, avec 3, laquelle il était en alliance depuis „ plufieurs années , de maintenir la 55 liberté de la navigation fur la mer 5, Baltique , & de pourvoir à la confer- j, vation de fa couronne j que les dit
(a ) Le 10 d'août.
ï)iEGuSTAVÈ-ADOLFF. 8?
5, .pofitions de l'empereur à fon égard ,5 lui étant fufpectes depuis long-tems , i j^^o. » on ne pouvait le blâmer de ne pas ^^p^*"^^"^®' „ croire aveuglément des proteftations „ vagues fur un objet aulFi important i, que la lûreté d'une nation ; que quoi- j5 qu'il n'eût jamais provoqué la cour 5, de Vienne 5 il en avait reçu beau- „ coup d'ofFenfes , & qu'il ufait du ,5 droit que chacun a de fe défendre; „ que Pempereur devait d'autant moins 55 fournir des fecours au roi de Pologne, 5, que celui-ci était l'agrelfeur, & que j, fi les Suédois avaient porté la guerre j5 dans fes états , c'efi: qu'il vaut mieux 5j entrer dans le pays de l'ennemi que j, de l'attendre dans le fien, & qu'au j5 refte il n'avait rien omis pour enga- ^ ger Sigifinond à faire la paix; mais 3, que ce monarque avait méprifé tou- 53 tes fes avances à l'inftigation de la „ cour devienne; que le collège élec- „ toral jugerait fans doute , que k
F ij
54 Campagnes „ Suéde ne pouvait fe difpenfer de re-
*. ? ' « courir aux armes , puifqu'on dédai-
Septembre. i , o o ^
„ gnait de la iatisraire. „ Le roi termi- nait fa lettre en afTurant , << qu'il n'avait „ entrepris la guerre que pour avoir „ la paix ; qu'il n'était pas l'ennemi „ de l'Empire ; qu'il ne voulait ni atta-
55 quer ceux qui ne l'avaient pas offen- 53 fé , ni changer les conftitutions du 53 Corps Germanique; mais qu'il ne 55 fortirait d'Allemagne qu'après avoir 55 obtenu une entière fatisfaction. „
Guftave peu Hitisfait des éledeurs, informé d'ailleurs que la diète s'occu- pait des moyens de le chafîer de l'Em- pire , & qu'on propofait d'armer puit famment contre lui , réfolut de recher- cher l'alliance de la France. Il eft vrai- femblable qu'en même tems que le ca- pucin Jofeph intriguait pour brouiller l'empereur avec les éledeurs , il eut des conférences avec un agent fecret du roi de Suéde ; car celui - ci fit une
DE GusT ave-Adolfe. 8f
démarche qui paraît la fuite d'une négociation commencée : il écrivit à 1630. Louis XIII, "que nonobftant l'avan- ^'p^'^^'«' „ tage qu'il aurait pu retirer de l'al- jj liance ci- devant propofée par le ba- 55 ron de Charnacé , il n'avait pas du ,5 céder à cet ambafladeur , qui ne vou^ j, lait pas lui accorder le titre de ma- 55 jefté dans le traité ; qu'il renoncerait 55 plutôt pour toujours à s'unir avec la 55 France , que de fe relâcher fur une „ prétention auffi jufte , & qui ne com- 3, promettait pas la dignité de cette ,5 couronne ; & que fi le roi très - chré- 53 tien jugeait utile à fes intérêts de 55 s'allier avec la Suéde , il était néceC j3 faire que fon miniftre fût muni à l'a- ^ venir d'un plein pouvoir affez étendu 35 pour conclure le traité promptement 5, & fans difficultés. „ Le monarque Suédois ajoutait, << qu'il envoyait fa 55 lettre par le comte de la Noue & le ,5 baron de Sémur cliargcs de lever des
F iij
8^ Campagne s Tï^^!^ „ troupes en France , & qu'il priait ^ ^^^' „ Louis de leur en faciliter les moyens^
Septembre. p , i v v-i i r •
35 atin de prouver par-la qu il délirait „ favorifer les armes de la Suéde. „ Guflave manda en fubftance au cardi- nal de Richelieu les mêmes chofes qu'à fon maître , & l'engagea à lever les obftacles qui jufqu'alors avaient retar- dé la conclufion de Falliance entre les- deux couronnes. Le monarque écrivit en même tems au roi d'Angleterre , pour le preffer de lui fournir des fecours conformément à fes promeffes. Reve»- nons maintenant aux opérations des Suédois & des Impériaux en Pomé^ tanie. Octobre. Des Croates s'approchèrent de Stet- tin pour enlever du bétail qui paifTait aux environs. Le maréchal Horn char- gea le colonel Denhof de leur donner la chafTe avec fix cents chevaux. Les Croates le retirent avec précipitation 5 & les Suédois qui les pourfulvent jm^
DE Gustave-Adolfe. 87 prudemment , donnent dans une em- bufcade & font enveloppés : ils fe font i^^^* jour & regagnent Stettin avee perte de quelques cavaliers. Le blocus de Col- berg inquiétait Torquato-Conti , quoi- que le nombre des troupes Suédoifes qui bloquaient cette place ne fût pas proportionné à la force de la garnifon , & qu*on ne la relTerrât que de loin. Le colonel Julian qui commandait dans la ville , faifait de gros détachemens pour fè procurer des vivres & des four- rages. Un de ces partis d'environ neuf cents hommes , après avoir pillé plu- fieurs villages, voulut s'emparer de Treptou : quelques Suédois qui y étaient en garnifon , fécondés des bourgeois , repouiïerent vigoureufe- ment les Impériaux , qui retournèrent néanmoins à Colberg avec beaucoup de grains & de beftiaux. Pour arrêter ces courfes , le général Baudiffin fe rendit devant la place avec un corps
F iv
Odobre.
88 Campagnes qu'il joignit à ceux de Kniphaufen & j6^o, de Monro. Torquato-Conti détache de fon côté fept cents hommes , avec ordre de fe jeter dans Colberg. Le feld- maréchal Horn fait fortir en même tems de Stettin fept cents hommes d'infanterie & cinq cents de cavalerie , pour renforcer les troupes du blocus. Les Impériaux craignent d'être cou- pés , &: rebrouffent chemin après avoir pillé & brûlé les villages qui fe trou- vent fur leur paflage. Il y eut alors à Colberg un grand incendie , dont les Suédois ne purent profiter pour s'em- parer de la place , tant la garnifon était fur fes gardes.
Guftave ordonna à fi flotte qui croi- fait à la hauteur de Vifmar , de fe rap- procher de Stralfund , où il était venu pafler quelques jours : il retourna en même tems au camp de Ribnitz pour accélérer la conftruclion des fortifi- cations qu'on élevait autour de cette
DE GusT ave^Adoife. 8s^ place & de Damgarten. Le monarque reçut feulement à cette époque la q^J^^ç lettre de Tempereur ( ^ ) , & dit au i6 gentilhomme qui la lui apporta : <* je „ répondrai à votre maître , quand je „ ferai guéri du coup de griffe qu'un „ aigle m'a donné en Pruffe. „ Guf- tave faifait allufion aux fecours que Ferdinand avait envoyés en 162S au roi de Pologne.
Le monarque Suédois, prévoyant qu'il aurait bientôt fur les bras toutes les forces de l'empereur & de la Ligue Catholique , prenait fes mefures pour leur réfifter ; il projetait de mul- tiplier les diverfions , afin d'obliger l'ennemi à fe divifer , de pouvoir l'é- loigner des côtes , fe rendre maître de l'embouchure des fleuves qui tom- bent dans la mer du Nord , & de re- pouffer en fuite fes adverfaires vers le cœur de l'Empire , où il voulait péné-
(a) Datée du I8 d'août.
90 Campagnes trer. Il réfolut d'occuper l'étendue de i^^o- pays comprife entre les frontières de Octobre. 1^ pj.y^g Polonaife & celles de Hol- lande. Guftave fe propofait d'avoir fur pied cinq armées; la première devait être fous fes ordres , & con- fifter en vingt-un mille fix cents hom- mes d'infanterie ( en comptant quatre régimens attendus de France ) & en fix mille cinq cents de cavalerie , & agir depuis Stralfund jufqu'à l'extré- mité du duché de Meckelbourg ; la féconde, formée de quinze mille fix cents hommes de pied & de deux mille fix cents chevaux, commandée par le feld - maréchal Horn , & ayant Stet- tin pour point d'appui, était defti- née à défendre la Poméranie depuis Stralfund jufqu'à Colberg. La troi- fieme armée , compofée d'environ neuf mille hommes d'infanterie & de deux mille cinq cents de cavalerie , & conduite parle général Teuffel , devait
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. 9I
opérer depuis Colberg jufqu'à la fron- 1 tiere de Prufle. Dix à onze mille hom- i<^50. mes de pied & mille chevaux que l'adminiftrateur de Magdebourg pou- vait entretenir , renforcés par fix mille Allemands à la folde de Guftave & aux ordres du baron de Falckenberg qui les raflemblait en Hollande , où il réfi- daiten qualité d'ambafladeur , étaient deftinés pour former la quatrième ar- mée : elle devait fe pofter à Magde- bourg & occuper les deux rives de TElbe depuis la frontière du i\ieckel- bourg jufque vers la droite du Vefer. Enfin , le roi de Suéde voulait tirer de fon roj^aume une cinquième armée d'environ fix mille hommes d'infan- terie & de mille de cavalerie , & rétablir à Bremen pour agir depuis la gauche du Vefer jufqu'à l'extré- mité de révêché de Munfter. Guftave le propofait de la renforcer avec les troupes qu'il attendait d'Angleterre
^i Camp a g n e s
fous les ordres du comte de Hamit 1530. ton : il ne fe diffimulait pas la diffi-" culte de compléter toutes ces armées & de les entretenir, car les frais de la guerre excédaient les revenus du monarque ; mais il efpérait que fes généraux trouveraient des reflburces chacun dans fa ftation : d'ailleurs , les fuccès des Suédois devant leur pro- curer des alliés , ceux-ci ne pouvaient fe difpenfer de fubvenir à une partie des dépenfes. Le roi penfait que h guerre doit s'alimenter elle-même, & il agit toujours fur ce principe. A. l'égard des troupes , outre qu'il faifait recruter en Suéde, en Pruffe, en Po- méranie & dans le Meckelhourg, il était déterminé à prendre à fon fer- vice celles que les Hollandais pour- raient licencier ou lui permettre de lever chez eux , indépendamment des foldats qu'il efpérait tirer des diffé- rentes provinces de l'Empire à me-
deGustave-Adolfe. 9?
Ture qu'il y pénétrerait. Le monarque voulait que les Allemands même fer- viflTent à conquérir l'Allemagne. Il était d'ailleurs vraifemblable que fila Suéde parvenait feulement à foutenir pendant quelque tems avec égalité la guerre contre l'empereur , les ennemis fecrets de celui - ci lèveraient le mafque , fe joindraient à Guftave & feraient pen- cher la balance de fon côté. On verra dans la fuite que les fuccès rapides du roi le difpenferent de réalifer la plus grande partie du projet qu'on vient d'expofer.
Torquato-Conti efpérant empêcher le roi de Suéde de faire des progrès dans le Meckelbourg , y envoya le duc de Savelli avec un détachement & ordre de tirer quelques troupes des places , & de pourvoir à la défenfe de Demmin. Le général de Ferdinand voulait auffi empêcher les Suédois de fe rendre maîtres de Colberg. Sachant
1650.
Octobre,
94 Campagnes
que la garnifon commence à manquef 1^30. de vivres , il détache du camp de Gartz Odobre. environ quatre mille hommes tant in< fanterie que 'cavalerie , pour faire en- ' trer un grand convoi dans la place , obliger les Suédois à en lever le blo- cus , & couper le chemin aux troupes qui leur venaient de Pruffe. Le feld- maréchal Horn informé de la marche des Impériaux, en pénètre l'objet & envoie un renfort de quinze cents hommes d'infanterie & de mille de cavalerie à Baudiflin & à Kniphaufen, Les ennemis fécondés par la garnifon de Colberg , attaquèrent le quartier de ce dernier qui était le plus près de la place : Baudiiïin & le Rhingraf vien- nent à fon fecours \ alors les Autri- chiens fe retirent en bon ordre : une partie joint la garnifon , & le relie fe met en bataille près de Falckenboarg , quoique fuivi de près par la cavalerie Suédoife aux ordres de Baudiffm \ il
deGustave-Adolfe. 9^
a l'audace d'attaquer les Impériaux , dans refpérance qu'effrayés encore du i<^30. premier combat , ils lui oppoferont ^^° '*' peu de réfiffcance : mais leur feu met fcs efcadrons en défordre , fon cheval eft tué , & il manque d'être pris. Obligé de fe retirer , il s'approche de Doblitz , où il rencontre mille hommes d'in- fanterie & quinze cents de cavalerie , fortis de Colberg pour féconder les troupes portées près de Falckenbourg. Kniphaufen avait heureufement dé- taché quelques compagnies d'infante- rie & de cavalerie , pour favorifer la retraite de Baudiffin : ces troupes le joignent , il charge les Impériaux & les renverfe ; mais l'approche de la nuit & un brouillard qui commence à s'élever , l'empêchent d'achever leur défaite. A la pointe du jour les Autri- chiens veulent regagner Colberg à la faveur du brouillard , & Baudiffin les fuit avec fa cavalerie feulement, car
96 Campagnes
l'infanterie qui ne peut fe mouvoir 1630, avec la même promptitude refte der- ociobre. f^^^ç^ L^s Suédois atteignent l'enne- mi 5 mettent de nouveau fa cavalerie en défordre , & la pouffent jufqu'à Schiffelbein , où fix cents moufquetai- res Impériaux ( que le colonel Valda amenait par ordre du commandant de Colberg au fecours des troupes qui \^enaient d'être battues ) s'étaient por- tés : ils font fur BaudifTm un feu très- vif , qui l'empêche de paffer outre, & les Autrichiens couverts par Valda qui fait l'arriére- garde , rentrent dans Colberg : leur cavalerie avait été pref- qu'entiérement ruinée dans ces difFé- rens combats. Baudiffin fe rappro- cha en même tems de la place, dont les Suédois continuèrent le blocus.
Guftave-Adolfe rappella de Hollande le baron de Falckenberg , auquel on a vu qu'il deftinait un autre emploi , Se choifit Camerarius pour le remplacer.
Ce
t)È Gustave-* A DOLFE. 517
Ce nouvel ambafiadeiir avait ordre de maintenir les Etats-Généraux dans les ï^^o» bonnes difpofitions où ils étaient à ^^° ^^^ l'égard de la Suéde, & de les engager à la féconder , en donnant dans les Pays-Bas affez d'occupation aux Efpa-» gnols , pour qu'ils ne puilent fliire dans rEmpirc aucune diverfion en fa- veur de la cour de Vienne.
{Jn régiment d'infanterie de milla hommes , commandé par le colonel Ferentz, était arri\^é à Magdebourg , & les autres troupes que Faîckenberg avait levées en Hollande fe rendirent aufli fucceffivement dans cette place ^ de même que plufieurs compagnies d'infanterie raffemblées fur le Vefer aux environs de Ptlinden par les agens de G u (lave. Ce monarque qui connaif- fait l'incapacité de l'adminiftrateur ^ chargea Faîckenberg d'aller réfider près de ce prince pour diriger fa con-^ duite & les opérations de fes troupes i
Partie JL . Q
98 Campagnes
■g'^g^'^^^- cette précaution était d'autant plus 1 63 o. f^ge ^ qj^ie \q^ Impériaux fe préparaient Octobre, ^ ^^^^ vigoureufcment contre Chrif- tian-Guillaume. Le roi donna au baron de Falckenberg les inftruttions dont il avait befoin pour exercer fon nouvel emploi , & lui recommanda fur-tout de veiller furies démarches des catho- liques de Magdebourg, qui fervaient d'efpions aux Autrichiens.Guftave écri- vit en même temsaux magiftrats,pour les avertir des intelligences que l'en- nemi avait dans leur ville.
La petite guerre continuait toujours aux environs de JMagdebourg. Les Ln- périaux fommerent Vettin défendu par cent foldats de l'adminiflrateur. Trop faibles pour réfiller , ils témoignent defirer une capitulation; mais ils re- çoivent inopinément un renfort de quatre-vingts hommes & refufent alors de fe rendre. Les Autrichiens attaquent au(îi-tôt la ville, la forcent , palfenfc
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. ^^
au fil de l'épée la plus grande partie ^^^^ de la garnilon, & font le relie prifon- [^^^* nier. Botz , colonel Magdebourgeois , qui avait des intelligences à Hall , ré- fol ut de furprendre cette place : quel- ques bourgeois lui flicilitent les moyens 5 de pafler la Sala , & il cache fes trou-^ pes dans des lalines* Le lendemain un corps de cavalerie de Tadminiflra- ^ teur arrive au point du jour près de la ville. L'inflmterie de Botz fort alors de fon polie , les habitans lui ouvrent une porte , & les Impériaux qui veu- lent réfiiler dans les rues font tués ou pris : cent quatre - vingt - dix per- dirent la vie , & deux cents la liberté* Botz fomme en même tems le château de I\ïoritzbourg ; mais les împériau^C s'aflTemblant en force aux environs de Hall , les Magdebourgeois évacuent précipitamment cette ville : l'ennemi inquiète leur retraite , & s'empare d'une partie de leurs équipages. Les
G ij
loo Campa&nes
Autrichiens reprennent enfuite Oner- 1650. furt & Mansfeld : un officier nommé Octobre, jgg^i^ furprit cette dernière ville. Le colonel Schneidvin fortit de IMagde- bourg avec fix cents hommes d'infan- terie & deux cents de cavalerie , fe pré- fenta devant Ofcherleben & s'en ren- dit maître : la garnifon conhftait en cent foixante Impériaux, dont cent furent prifonniers & les autres tués. L'adminiftrateur prévoyant qu'il ferait bientôt affiégé ou bloqué dans fa capi- tale , fentit la néceffité d'enlever tou- tes les fubiiftances des environs, tant pours'approvifionner que pour en pri- ver lés Autrichiens : il envoya à cinq ou fix lieues de la place de gros dé- tachemens qui furprirent plufieurs quartiers de l'ennemi , & ramenèrent une grande quantité de grains & de beff-'anx.
Après la dépofit'on de Valftein , le duc de Bavière s'otiiit pour cominan-
DE GUS T A VE-Ad 0 L F E. lOI
der les armées de Temperenr & de îa Ligue ; mais les autres éleveurs catho- liques craignant de voir de grandes forces à la dirpofition d^un prince auiîi ambitieux & aufli puiiTant que Maxi- milien , réfolurent de le faire échouer : l'ambafladeur d'Efpagne repréfenta de fon côté à Ferdinand , que le Bavarois avait empêché l'élection de l'archiduc de concert avec le P. Jofeph. L'em- pereur rejeta les offres du duc , qui propofa auffi - tôt pour généraliffime le comte de Tilli. Le monarque Au- trichien & la Ligue qui n'avaient per- fonne pour commander leurs troupes, l'agréèrent : il fe rendit aulfi-tôt à Ra- tisbonne , où on lui remit fes inftruc- tions. Tilli repréfenta à la diète, que « Guftave avait autant de capacité que „ de courage & d'ambition ; que fes „ troupes, avaient en lui la plus grande „ confiance ; qu'elles étaient affez 3, nombreufes , difciplinées , aguerries
G iij
lOa C A M P A G N E S
«^j^^g» „ & bien entretenues ; qne celles dont 1630, „ on loi confiait le commandement ne O'iiobre. ,, réuniffiiient pas les mêmes avanta- ,5 gcs 5 que les vertus du monarque „ Suédois lui ayant acquis l'amour de ,5 fes peuples, il en tirait tous les fe- 3, cours dont il avait befoin ; qu'un tel j, ennemi était fort redoutable , & 5, qu'on ne pouvait fe flatter de rem- „ porter fur lui de grands avantages ; 8, mais qu'il efpérait que fa longue 55 expérience le mettrait à l'abri des 3, revers „.
Les plénipotentiaires Français & Impériaux avaient continué leurs né- gociations ; mais avant que d'en expo» fer le réfultat , il ell néccîTaire de jeter un coup-d'œil fur ce qui s'était palfé Février, en Italie depuis le commencement de l'année. Louis XIII voulant fecourir d'une manière efficace le dnc de Man- toue, renforça jufqu'à la concurrence de vingt mille hommes d'in&aterie &
UE Gustave- A DOLFE. lo?
deux mille de cavalerie les troupes qu'il avait au-delà des Alpes. L'empe- t63o. reur prenait en même tems des mefu- ^^^^*^'^' res pour n'être pas réduit à la défen- five dans cette partie. Le comte de Colalto avait obtenu des renforts fuffi- fans pour compléter l'armée Autri- chienne qui était fort diminuée. Fer- dinand , en foufcrivant à la demande de fon général , commit une très-grande faute : il s'affaiblit dans l'Empire avant que d'y être entièrement le maître. Les forces qu'il envoya en Italie péri- rent prefque toutes fans fruit ; car l'invafion de Guftave - Adolfe obligea les cours de Vienne & de Madrid à faire la paix avec la France & à flicri- fier leurs conquêtes dans le Mantouaii & le Montferrat, pour ramener au fe- ^
cours de l'Allemagne les débris de leur armée.
Le roi de France envoya le cardinal de Richelieu au-delà des Alpes avec le
G iv
Î04 Campagnes
titre de généraliffime : les maréchaux 1(5^0. de Créqui , de la Force & de Sclion- ?krs, |3gj.g eurent ordre de fervir fous le pré- lat Il marche d'Embrun à Oulx & s'a*, vance enfuite à Sufe, d'où il fe rend à CaCilette (a) : il fait fommer le due de Savoye ( qui avait raffemblé à Veillane une armée de douze mille hommes d'infanterie & de trois mille de cavalerie ) de fournir en payant , conformément au traité de Sufe , des fubfifrances aux troupes du roi, afin qu'elles puffent entrer dans le Mont- ferrat, dont les Efpagnols menaçaient ^ï les places ; Charîe- Emmanuel répond d'une manière ambiguë à cette requît fition , & détache fix miile hommes de pigd & quinze cents chevaux, pour garder le pont d'Alpignan , les gués de ]a Doire & garnir les villes du Pié- îiiont. Le cardinal aQemble un confeil de guerre , & repréfeate la néceflitQ
(^a) A 1^ dvûite cie la Dgâf,
DE GUSTAVE-AdOLFE. TOf
de s'aCurer du chemin de Cafal. Tous ^''""'^'^ les généraux font d'avis qu'il faut s'em- ' °^^* parer des pafTages qui conduifent dans le Montferrat ; mais qu'il n'efh pas moins néceffaire d'avoir une libre com- munication avec le royaume, & que la prudence ne permettant pas de fe fier au duc de Savoye , on doit le mettre dans l'impuifTcUice de couper la retraite aux Français. Richelieu congédie les généraux fims leur dé- couvrir fon delFein , & fe difpofe à for- cer les paifages de la Doire pendant la nuit : Charle- Emmanuel lesaban-Du 17 au
18.
donne & s'approche de Turin. Le prélat traverfe la rivière & marche à Rivoli , d'où il fait avancer un corps de troupes avec de l'artillerie vers Tu- rin. Le duc de Savoye trompé par cette feinte , contremande un renfort de mille hommes d'infonterie qu'il en- voyait à Pignerol : fix mille Français «« mx ordres du maréchal de Créqui
Mars
CI
22
ïO(^ Campagnes inveftiflTent alors cette place : le car-
If ^^* dinal arrive le lendemain au camp avec le refte de l'armée & fait commencer les attaques. Le fécond jour du fiege les alTiégés fe retirent dans la citadelle , & la ville reçoit les Français qui s'é- taient emparés la veille du fort de la Péroufe : ils ouvrent la tranchée de- tj vant la citadelle , & contraignent la garnifon à capituler , après trois jours de • réfiftance. Richelieu décache un
Avril, corps d'infanterie & de cavalerie aux ordres du maréchal de Schonberg : ce général paîTe le Chifon près de Pigne- rol , s'empare de Briqueras fans coup férir , & fait enfuite élever un fort pour s'alTurer des débouchés de plufieurs vallées qui aboutiffent aux montagnes de Dauphiné. Les conquêtes du car- dinal lui afllirent une communication libre avec la France , il pourvoit à leur fureté , & fe difpofe à pouffer plus loin fes fuccès ; mais le duc de Sa-
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IZ
D E .G U s T A Y E - A D 0 L F F. I07
voye craignant d'être accablé, avait demandé du fecours aux Impériaux ^^^^' &, aux Efpagnols. Le comte de Co- lalto arrive bientôt à Carmagnole à la tête de cinq mille Autrichiens , & le 7 marquis de Spinola le joint peu de jours après avec fix- mille hommes d'infanterie & deux mille de cavale- rie. Ces renforts donnent la fupériorité à Charle- Emmanuel, qui refle néan- moins à la droite du Pô. Richelieu vou- lait porter la guerre en Savoye , & Spi- nola afliéger Cafal ; ni l'un ni l'autre ne juge à propos de décamper le pre- mier , & les deux armées reftent dans l'inadion.
Le marquis deToiras commandant de Cafal , était venu chercher à Sufe vingt mille piftoles dellinées aux be- foins de fa garnifon. Les troupes Ef- pagnoles paflent la Sélia à Langofco au-delfous de Verceil , conftruifent un fort à la droite de la rivière & com-
ICS C A 31 P A s N E s
mencent à s'afîembîer dans l'intention
1 f- , r\
. '.. * de s'emparer de Barzolo à la s^aache
Arrif. ^ -
du Po : Toiras les -prévient & fait oc- cuper ce pofte ; les ennemis s'y ren- dent le lendemain au nombre de trois mille hommes d'infanterie & de quinze cents de cavalerie , n'ofent attaquer les Français & retournent fur leurs pas par Villanova. Toiras paffe une féconde fois le Pô à la tête de fix efcadrons & de huit cents hommes d'infanterie qu'il lailTe en arrière pour protéger fon retour, marche à Barzolo d'où les Efpagnols étaient partis , les pourfuit , les harcelé dans leur retraite & les oblige à repaffer la Séfia. Toiras voulant rpprovifionner Cafal , traverfe le Pô avec la plus grande partie de fa garnifon dans l'intention de tirer des grains du T^lontferrat & du Piémont , s'approche de Trin & de Crefcentin où il répand l'alarme , s'avance jufqu'à Li- vorno , diffipe un régiment qu'on y raf-
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. I09
femble pour le duc de Savoye , & en- :^
voie deux détachemens , l'un cà Salu- i6jj. gia & l'autre à Bianzo , pour faire con- ^''"^ tribuer tous les environs. Les enn .mis campés à Villatta fur la Séfia , paiïent cette rivière pour couper le chemin à Toiras & l'empêcher de rentrer dans Cifal : il abandonne auiîi-tôt les iub- fiilances qu'il a raflèmblées, réunit lés troupes , s'avance à Palazzolo pris de Trin , & fe remet en marche le len- demain au point du jour. Le Pô enMé par les pluies a\ ait entraîné le pont de bateaux conllruit vis-à-vis de Cafal ; Se la hauteur du fleuve ne permettant pas de le tra\ erfer à Pondelture, Toiras fe retire à lAloran : les Eff^agnols s'en ap- prochent; mais comme ils s'attendaient à rencontrer les Français en marche & non poftés avantageufement,ils n'a- vaient point amené d'artillerie ; & tan- dis quils en envoient chercher quel- ques pièces , les eaux du Pô s'écoult^nt
12
IIO C A Ivl PAGNES
■gg«»g3g en partie , Toiras le traverfe à PondeG 1630, fure & rentre dans Caflil dont il fait Avril, réparer le pont. Il fe détermine enfuite, pour n'être pas relTerré , h occuper plu- lieurs poftes aux environs de la place : un détachement furprend Villadeati , ( û ) un autre occupe Gabiano (^) , & la garnifon de Fondefture affiege Se prend Camin : ces poftes mettent les Français au large , mais le duc de Sa- voye & le marquis de Spinola fe con- certent pour les leur enlever ; ils con- viennent que le premier fera attaquer Villadeati & Camin, tandis que le fé- cond tentera de s'emparer de Pondef. ture , de Rofiignano & des autres lieux occupés par Toiras. Les Savoyards em- portent d'aflaut Villadeati , & l'armée Efpagnole forte de onze mille hommes d'infanterie & de quinze cents de ca- valerie , s'approche du Pô aux ordres
( fl ) Entre Vcrue --v' Cafal. (6) Entre Verue & Pondefturc.
DE Gustave-Adolfe. itî de Don Philippe Spinola : il fait atta- quer par un corps détaché Barzolo qui i ^ ^o. fe rend à difcrétion , & inveftit en ^^"^ même tems Pondefture , que les trou- pes qui avaient pris Barzolo bloquent à la gauche du Pô. Les afliégeans fe logent très - près de la place dans des mafures qu'on avait négligé de rafer; alors les officiers de la garnifon crai- gnent que l'ennemi ne tente un affaut , fe mutinent contre le baron de Virieu 24 leur commandant, & l'obligent à capi- tuler le quatrième jour du fiege. Les ^ Efpagnols s'emparent enfiiite d'Occi- miano , & de Ruffignano occupe par le marquis de Montaufier , qui eil obli- '^ gé de capituler après s'être vaillam- ment défendu.
Le cardinal de Richelieu lailfe le commandement de l'armée aux maré- chaux de la Force & de Schonberg & ■fe rend avec le maréchal de Créqiii à Grenoble, où le roi arrive le ÏQtidQ^ ^
112 Campagnes
T^ ■ ""^^ main. Le cardinal de Bagni nonce du 1530. pape, &:Panzirole & Mazarini minit ^^ ' très du pontife tentent en vain de mé- nager lin accommodement entre les puiffimces belligérantes. Les Impé- riaux & les Efpagnols fufcitaient une foule de difficultés : les premiers vou- laient attaquer une féconde foisMan- toue, dont le fiege était interrompu depuis la fin de Tannée précédente; & les derniers efpéraient fe rendre en- fin maîtres de Cafd. Louis remet à Mazarini les conditions définitives auxquelles il coniènt à traiter avec le duc de Savoye , qui les rejette & perfifte dans fon alliance avec les cours de Vienne & de Madrid. Le monarque' fe détermine alors à pouiler vigoureu- fement la guerre :il avait f^ut raiTem- bler une féconde armée de dix mille hommes d'infanterie & de deux mille de cavalerie , commandée fous lui & fous Richelieu par les maréchaux de
Créc^ui^
DE GUSTAVE-AUOLFF. 115
Créqui , de BafTompierre & de Châtil- lon. On tint confeil pour régler les 1630» opérations ; il importait d'attaquer (luis ^^'^'• délai la Savoye , afin que Charle-Em- manuel obligé de la défendre ne pût reprendre les places du Piémont occu- pées par les Français , ni leur fermer les paflTages du Montferrat , qui deve- naient d'autant pins nécelïaires que le marquis de Spinola fe difpofait au fiege de Cafal , dont Toiras fliifait augmen- ter les fortifications. Enfin le général Efpagnol p:ut de Carmagnole avec les lîx mille hommes de pied & les deux mille chevaux qu'il avait menés au fecours du duc de Savoye, & arrive devant la place : il reçoit bientôt un 33 renfort de quatre mille Florentins com- mandés par Jean de iMédicis , & com- mence le fiege : il forme plufieurs at- taques & dirige la principale contre la citadelle. Toiras n'omet rien pour pro- longer fa défenfe : il tente de fréquen- Partie IL H
ÎI4 Campagnes tes forties, ruine plufieiirs fois les tra- 1 630. vaux des affiégeans , encloue leurs bat- teries , répare les brèches & emploie autant de vigilance que de fermeté pour contenir les habitans , parmi lef- queis les Efpagnols avaient des intel- ligences. Mais revenons aux opérations
ï2 de l'armée du roi. Le maréchal de Cré- qui était parti de Grenoble , fuivi d'un gros détachement qui inveftit Cham-
15 beri le lendemain. Louis fe rend en même tems à Barraux. Chamberi ca-
57 pitule le quatrième jour du fiege, & plufieurs châteaux fitués aux environs ^ fe foumettent enfuite.
22 L'armée Françaife part de Chamberi.
Le maréchal de Châtillon , qui en com- mande l'avant garde , s'approche d' An- née! , dont on lui ouvre les portes k la première fommation : le château fe
-5 rend le lendemain. Le roi avait mar- ché en même tem.s à Rumilli, où il entra fans coup férir quoique la place
DE Gustave-Adolfé. Ilf
pût tenir un mois. Les Français occu- ^Ë!^^ pent en fuite avec la même fecilité quel- 1630* ques châteaux qui les rendent maîtres ^'^- de tout le pays depuis Chamberi juf- qu'à Genève. Ils croyaient éprouver plus de réfiftance à Confians k l'entrée de la Tarentaife, où le prince Tho- mas fécond fils du duc de Savoye , s'é- tait retranché avec dix mille hom.mes de pied & mille chevaux : hs rivières d'Ifere & d'Arli couvraient fon front. Le maréchal de BafTompierre laifle cinq ^^^ cents hommes à Anneci, en part fecré- tement à la tôte de fix mille hommes d'infanterie & de mille de cavalerie & s'avance à Moutiers, afin de pren- dre Conflans à revers en même tems que Louis y maichera de front avec le refte de fon armée. Le prince Tho- mas appréhende d'être coupé , fait rompre le pont de l'Ifere , abandonne Conflans au roi & fe retire à Saint- i\launce. Le monarque détache alors
Hij
3
115 Campagnes le maréchal de Créqui avec un corps l630« de troupes, pour s'emparer du fort ^^^^' de Carbonniere fitué à la gauche de l'Arc : il y éprouve peu de réfiftance , & ordonne à Vignole maréchal - de- camp de s'avancer à la gauche de l'I- fere , d'attaquer d'abord le château de Miolans , de marcher enfuite à Mont- mélian , d'occuper la ville & de blo- quer la citadelle. Le maréchal de Châ- tillon fuivi d'un détachement, vient de Confians à Moutiers , joindre le maréchal de Baflbm pierre pour l'aider à déloger le prince Thomas des pof- tes de Brianconnet, d'Eme & de Saint- JMaurice : ils marchent à Eme , & le roi s'établi à Moutiers. Le lendemain les deux maréchaux s'approchèrent de Saint - IMaurice que les Savoyards ve- naient d'abandonner ; ils avaient laifiTé derrière un torrent en-delà de ce pofte quelques carabins qui rejoignirent , après une mauvaife dccharge, dix com-
DE GUST A VE-AdOL FE. IT7
pagnies d'infanterie retranchées der- rière un fécond torrent qui palTe au- ^;^^*
Juin.
deflous de Sext. Les Français atta- quent ces troupes ; elles abandonnent un pont qui donne les moyens de les pourfuivre, fe retirent à Saint -Ger- main & fuivent le prince Thomas qui fuit par des chemins prefqa'imprati- cables à travers le petit Saint-Bernard, pour regagner le Piémont par le duché d'Aoft. Le roi ordonnna d'élever un fort à quatre baftions au pied du mont Saint - Bernard , & de conftruire quel- ques redoutes pour fermer de ce oôté les paflages aux enn-emis , qui ayant perdu Carbonniere , ne pouvaient dé- formais rentrer par la Maurienne en Savoye. Ce duché était entièrement conquis à l'exception de la citadelle de Montmélian qu'on bloqua, Louis retourna à Chamberi, d'où il fe rendit, à Lyon. Charle-Emmanuel n'avait rien fait pour arrêter les progrès du mo-
H iij
118 Campagne!§ ^^ narqiie en Savoye ; mais en Piémont
1630, il tenta de s'emparer de Briqueras que
Juin, I -I-. . ,
^y les Français mettaient en état de de- fenfe : il fut repoufTé avec perte , & s'en dédommagea par la prife de Cer- fenafco que le maréchal de la Force ne put fecourir , parce que l'armée du duc fe pofta entre ce château & Pignerol.
èS Les Français fe préfentent devant Yigon qu'ils n'attaquent pas , & tour- nent enfuite vers Javenne , dont ils fe rendent maîtres , afin de ficiliter le paffiige des troupes qui venaient les joindre pour fecourir Cadd.
11 eft bon de voir maintenant ce qui fe paffait dans le Mantouan. Les troupes Vénitiennes établies à Valeg- gip fur les frontières de ce duché & du Veronnais furent renforcées au mois de mars par fix mille Français .^ k folde de Charle de Ne vers. Le duc de Candale prend le commande- ment de l'armée combinée , forte de
DE GU S T A VE-Ad OL F E. If9
dix-huit mille hommes d'infanterie & eistiMMjm^ de trois mille de cavalerie : il aban- 1530. donne Solfario , Capriana & la Volta, Juin. & jette des troupes dans Caftiglione &dans Marmiruolo , pour affurer l'ar- rivée des convois , la communication avec Mantoue & contenir les Impé- riaux qui occupaient Goito. Le géné- ral Français s'approche enfuite de cette place avec huit mille hommes de pied & quinze cents chevaux. Les Alle- mands fe ralTemblent au nombre de fept mille d'infanterie & de deux mille de cavalerie , s'approchent de Villa- * buona que le duc de Candale faifait mettre en état de défenfe , le chaflent de la ville , & l'obligent de fe retirer à Valeggio : les troupes Vénitiennes ne s'y croient pas en fureté , laifiTent au pouvoir de l'ennemi , leur artil- lerie , leurs munitions & leurs équi- pages , oC s'enfuient à Mantoue & à ^ Pefchiera. Le duc de Candale couvre
H iv
120 Campagnes
cette retraite précipitée avec les Fran- 1530. çais & quelques régimens Italiens qui *'"^^* ne s'étaient pas débandés ; mais ils l'a- bandonnent cette fois , & il ell obligé de fuir lui-même. Les Impériaux en- trent dans l'état de Venife , y commet- tent de grands dégâts , s'emparent de toutes les fubfiilances de la campagne de Vérone & de la récolte de l'année a[in d'affamer le duché de Mantoue , qui tirait des vivres du territoire de la république. La lâcheté de Sacrédo commandant des Vénitiens produifit tous ces défaftres : le fénat lui ôta fon emploi & le nota d'infamie. Juillet. Les Impériaux fe renforçaient jour- nellement par les troupes qui leur arrivaient d'Allemagne. Le comte de Colalto réfolut de furprendre Man- toue , dont une maladie contagieufe avait fort diminué la garnifon , & char- gea de cette entreprife Aldringer & ( TcdaS qui coninianduîent fous lui. L'a-
DE GuSTAVE-AdOLFE. 121
bord tie la place était d'autant plus dif- ficile, qu'elle efl environnée de trois i^50« côtés par des lacs, & couverte de Pau- ^" ^^' tre par plufieurs canaux très-larges. Les Impériaux arrivent pendant la nuit Du kî au près de Mantoue; mais le vent con- ^' traire retient les bateaux qui doivent s'approcher de la ville par les lacs , & l'attaque efl; différée. La nuit fuivante, ^" ^7 au les Allemands prennent à revers le fort de Saint-George , en paffent la garde au fil de l'épée , s'emparent du pont & pénètrent dans la place , tandis qu'un autre détachement entré dans 3'île de Cereze l'attaquait de ce côté. Le duc & le prince de Mantoue & le maréchal d'Etrées font de vains efforts pour repoufler les aifaillans ; ils font obligés de céder au nombre & de fe retirer dans le fort de Porto, où la princeife de Mantoue s'était réfugiée avec fes enfans : les Autrichiens blo- quent auffi - tôt cette fortereffe. Le duc
122 Campagnes ^Ktift«g;ggg qui n'efi pas en état de réfifter , capî- 1630. tule , & convient de remettre Porto jttiiïet. ^^^ Impériaux ; " que la princelle & fes 55 enfans y relieront ou dans le palais ,j à leur choix ; que le duc & le prince „ fe retireront dans les états de l'églife; „ que les troupes xlllemandes qui fui- .y vent le parti de Charle feront fèr- 5, ment de ne jamais fervir contre l'em- » pereur, & les autres pendant fix „ mois , & que toutes fortiront défar- 5, niées du duché de Ivlantoue 5 enfin j, que le maréchal d'Etrées , le prince » iVlfonfe de Gonzague & le rendent „ de Venife iront où bon leur femble- 19 „ ra „. Le lendemain une efcorte Au- trichienne conduifit le duc & fon fils 22 jufqu'à la firontiere des états du pape. Trois jours après Aldringer & Galas fe rendirent au palais de Tvlantoue , pour recevoir au nom de l'empereur le fer- ment de fidélité des habitans , qui ré- voquèrent en même tems celui qu'ils
DE GuSTAVE-AdOLFE. 123
avaient prêté à Charle de Nevers. '"^''"""'^-^ Le maréchal de Chatillon avait fliit '^>°- commencer les travaux devant la cita- délie de Montmélian ; mais fa fitua- tion avantageufe ne permettait pas de les poLiller avec célérité , & au bout de vingt-trois jours il nr'}^ avait encore que deux batteries en état de tirer. Louis XIII revenu de Lyon .à Saint- 2g Jean de Maurienne, alla au fiege de Montmélian ( a ). Le monarque defi- rant terminer la guerre d'Italie , avait envoyé précédemment le P. Jofeph & Brulart à Ratisbonne, pour traiter avec l'empereur , & pour informer les élec- teurs des raifons qui le déterminaient à prendre la défenfe du duc de Man- toue. Les Efpagnols & le duc de Sa- voye ne voulurent f^ prêter à aucun
(û) Les Fiançais ne purent fe rendre maîtres dç cette place , dont ils levèrent le blocus en vertu du traité de Querarque, figné Je 19 de juin de l'année fuivance.
124 Campagnes E^^^ accommodement; on jugea que pour 1630, rendre le dernier traitable, il fallait at- taquer le Piémont. Le roi avait ordon- né aux troupes qui n'étaient pas em- ployées au liège de Montmélian , de quitter la Savoye & de s'approcher de Pigneroî : celles qui avaient pris cette place Tous les ordres de Richelieu en préfence du duc de Savo3'^e , du mar- quis de Spinola & du comte de Co- lalto , étaient refiées fur la dcfenfive après le départ du prélat. Le duc de Montmorenci & le marquis d'Effiat nommés pour commander l'armée de Piémont, le rendirent de Sufe à S. Jouere , où elle s'affemblait au nombre de huit mille hommes d'infanterie & de huit cents de cavalerie. Le duc de Sa- voye voulant empêcher la jonction de leurs troupes avec celles que le maré- chal de la Force commandait à Pigne- roî , fit avancer à Saint - Ambroife & à Veillane toutes Tes forces , elles con-
DE GuSTAVE-AdOLFE. I2r
fiilaient en quinze mille hoinnies de gg=^^-^ pied & en neuf milie chevaux, Fié- ^630, montais, Allemands ou Eipagnols. Le -^""^^^ duc de Montmorenci & le maréchal de la Force conviennent de fe joindre à Javenne : le premier fe met en mou- vement , tandis qu'un détachement 10 aux ordres du marquis d'Effiat s'ap- proche de Veillane pour couvrir la* marche. Le duc de Savoye détache le prince de Piémont avec fix mille hom- mes d'infanterie & douze cents de ca- valerie, pour attaquer Effiat : celui-ci chargé par des forces fupérieures com- mençait à perdre du terrein , lorfque JMontmorenci arrive à fon fecours ; l'ennemi eft repouifé & fe retire avec perte de huit cents hommes tués , de fix cents prifonniers & de dix - neuf drapeaux ou étendards : la vidoire ne coûta qu'environ quatre cents fol- dats. Le duc de Savoye , qui du haut des retranchemens de Veillane voyait
125 CaIÏÏ PAGNES
la défaite de fes troupes , ne tenta' pa9 Juiu t' ^^ ^^^ dégager. Les Français fe réu- jj nifTent à Javenne , où ils féjournent. Sur la nouvelle que les Savoyards veu- lent s'emparer de Cumiana , on y en- Du II au voie des troupes pendant la nuit , &
13. ,
le lendemain Pavant-garde de l'armée
15 y marche. Les Français devaient s'a- vancer à Cercenafco ; mais leurs gé- néraux changent d'avis & vont à Saint- Marcello : les Savoyards évacuent le château dès que les premières troupes
16 paraiflTent. Après un féjour inutile on marche à Briqueras, & le lendemain on s'approche de Rével comme peur l'attaquer ; mais les Français avaient
*^ des vues fur Saluées : ils s'avancent vers Ennui , polie important , d'eu ils chalfent l'ennemi , & font fommcr Saluées , qui envoie des députés. Tan- dis qu'ils fe rendent au camp , le duc de Savoye jette dans la place cinq cents hommes qui empêchent les bour-
B E G U S T A V E - A D 0 L F E. 127
geois de fe fou mettre. L'armée Fran- çaife s'approche aulli-tôt de la ville, i^^îo. la foudroie de fon canon & l'oblige à -^^'^^ capituler : la garnifon retirée dans le château fe rend enfuite prifonniere de guerre. L'ennemi abandonne le fort de Saint-Pierre & toute la vallée qui ^^ en dé|>end , & le lendemain les Fran- çais s'emparent du château de Verfolo. Le duc de Savoye, qui s'était avancé ;» à Savillan , y mourut d'apoplexie, & fon fils Vicior- Amédée lui fuccéda.
Le marquis d'Effiat fut d'avis , qu'il fallait profiter du trouble où la mort de Charle - Emmanuel jetait fon ar- mée , pour fe rendre maître de Ville- franche , de Pontcalier & de Carignan , afin de s'ouvrir le chemin de Cafal qu'on pouvait alors ravitailler fiicile- ment. Le confeil de guerre rejeta ce projet qui était le meilleur qu'on pût fuivre. On préféra d'aller prendre Ré- vel 5 & de laifîer à Saluées deux mille
128 Campagnes BK-^aMM hommes d'infknterie & trois cents che- 1630. vaux. Le duc de Montmorenci , le ma- Août. j-^chal de la Force & le marquis irEf- fiat commandaient alternativement l'armée pendant une femaine : ils fe jalouiaient , cherchaient à s'enlever la gloire du moindre fuccès , & démon- traient les inconvéniens d'un com- mandement partagé. Le duc de laTré- , mouille s'approche de Carignan avec un parti & s'empare du château qui renfermait beaucoup de fubfiitances ; mais tandis que les généraux Fran- çais perdent du tems à de vaines dit cuiTions , les Savoyards pafTent le Pô , &; bloquent le château de Carignan , où la Trémouille n'avait lailFé que qua- rante hommes. Le marquis d'Effiat fe détermine à dégager ce polie , & fe met à la tête d'un détachement que Vidor - Amédée prend pour toute l'ar- mée ; après un combat alFez acharné , il abandonne Carignan , repafle le Pô
&
DE G U S T A V E - A T) 0 L F E. 129
& fe polte prcs de la rive droite du S^^^SSf fleuve, de manière à barrer les deux V',',^*
^ Juillet,
cliemins qui conduifent à Cafàl. Le ]K)Jit de Cari^^nan était au pouvoir de rcnnenii qui avait rompu celui de JVlontcalier* Les généraux Français délibèrent pour fiivoir s'ils forceront le pallàge du P6 , ou s'ils retourne- ront à Saluées : pendant ce tems le duc de Savoye repallé le fleuve avec une partie de fon armée , & couvre d'un retrancbement la tête du pont de Carignan. Le duc de Montmorenci *3 l'attaque vigoureulement , & les enne* mis ol)ligcs de l'abandonner après avoir perdu beaucoup de monde , de- mandent le lendemain une furpenlioil d'armes pour enterrer leurs morts.
Le cardinal de Ricbelieu venait d& faire palFer les Alpes à un renfort de deux mille hommes d'infanterie & de* cinq cents de cavalerie : le maréchal de Schonberg eut ordre de prendre
Farde IL I
Î30 Campagnes
le commandement de ces troupes,
J6io, de joindre l'armée de Piémont, &
^°"'^' de s'occuper des moyens de délivrer
Cafal. Le général Français part de
^^ Saint-Jean de Maurienne & s'avance
à Saint -André : il A'iiite un fort que
^^ l'on conllruifait à Soullieres , & fe
17 rend à Termignon : il marche enfuite
18 à Suie, & le lendemain il arrive à Ja- venne où fes troupes étaient afiem- blées : il en part à huit heures du loir ,
Du 18 au marclie toute la nuit & arrive au point ^^ du jour à Veillane , qu'il fait attaquer par huit cents hommes partagés en trois corps : ces troupes s'emparent des retranchemens des Savoyards , & Du 19 au la nuit fuivante Schonberg force la ^° ville & contraint la gàrnifon à fe ré- fugier dans le château , qu'elle évacue 38 après huit jours de réiiihmce. 7 Louis XIlï , en retournant de Saint-
Jean de Maurienne à Lyon , avait re- mis ù Mazarini les nouvelles condi-
DE G U S T A V E - A D 0 L f E. I 5 t
tions auxquelles il confentait à faire
la paix : elles furent communiquées ^^^Oa
au marquis de Spinola qui répondit
que le roi d'Efpagne fon maître lui
avait retiré le pouvoir de traiter. i\la-
zarini ne fe décourage pas , fe rend à
Rével , fait aux généraux Français
diverfes propofitions qu'il porte en--^
fuite au duc de Savoye & à Spinola , Septemljfé,
&: revient à Rével avec le projet d'une
fufpenfion d'armes que les Français ra- ^
tifient , parce que c'était le feul moyen
de fauver Cafld , que Toiras défendait 4
encore : il avait manqué d'argent &
fait convertir en monnoie fa vaiifelle
& un canon crevé ; mais la difette des
vivres fe fefiit déjà fentir dans la
place , lorfque le marquis de Brezé
y arrive avec la convention de Rével. "^
Mazarini qui efpérait toujours ménager
un lïccommodement durable entre les
puilTances belligérantes , les avait en*
gagées à fufpendre les hoililites ju&
132 Campagnes
^^^^ qu'au 15- d'odlobre: on était convenu 1 630. ^Q pi^^g ^ ,, q^^^ Toiras remettrait à Spi- ' » noia la ville & le château de Cafal ; n que (i la paix n'était pasiliite le if „ d'odobre , ni la citadelle fecourue „ avant le 5 ï inclufivement , on la lui 3, livrerait pareillement ; mais que fi :„ les Français la fecouraient avant » cette époque, les Efpagnoîs éva- 5, cueraient la ville & le château ;\ „ enfin que ces derniers fourniraient „ en payant les vivres nécefTaires pour 55 la fubfirtance de la garnifon de la „ citadelle jufqu'à l'expiration de la „ trêve. „ Spinola étant malade , la 2ç convention fut exécutée par le mar- quis de Santa -Cruz. Le général Ef^ pagnol mourut peu de tems après à Caftelnovo d'ïncifa (^)j où il s'était fait tranfporter.
Le duc de Savoye déferait la paix ; mais il ne voulait pas que Cafal refiât
(a) Près de iNicc-dc-laJ*ailIe.
BE GuSTAVE-AdOLFF. 155
aux Efpagnoîs non plus qu'aux Fran- ^^^r?j çais , & il cherchait à engager les i<^50. deux partis à en démolir les fortifica- ^^p^^"^^*^*- tions : ni l'un ni l'autre n'y était dif- poie. Le maréchal deMarillac venant d'arriver de Champagne en Piémont avec fept mille hommes de pied & neuf cents chevaux , on choifit parmi les différentes armées, environ vingt mille hommes d'infanterie & trois mille de cavalerie pour lecourir la place : ces troupes furent mifes des deux côtés du Pô dans des quartiers où elles pou- vaient fuhfifter facilement. On prépara en même tems à Yillefranche & à Sa- luées les munitions de guerre 8c de bouche néceflaires pour l'expédition qu'on devait commencer le 15- d'odo- bre au plus tard , conformément aux ^s ordres exprès du roi , qui tomba dan- gereufement malade à Lyon.
Mazarini vint à Mante pour an- Ociobre. noncer au maréchal de Schonberg que £
I iij
î|4 C A M F A 0 K E s
le duc de Savoye confentait à faire la 1650. paix: ce prince demandait qu'on lui c^jore. rendit fes états ; cette propofition fut rejetée, parce que Victor- Aniédée, les Efpagnols & les Impériaux ne refti- tuaient pas au duc de P^lantoue ce qu'ils lui avaient enlevé. iVlazarini propofa en même tems une prolongation de trêve que les généraux Français refur ferent. Le duc de i^Iontmojenci était retourné en France ; une maladie obli- gea le marquis d'Eiiiat de fe faire tranf- porter à Embrun , & le commande- ment refta aux maréchaux de la Force , de Schonberg & de IMariilac qui avaient chacun leur jour. On laifla à Veillane aux ordres du marquis de Tavanne , maréchal- de-camp, huit mille hommes de pied & cinq cents chevaux pour contenir le duc de Savoye , & les trou- pes deftinées à fecourir Cafal furent toutes railemblées a Scarnafix. L'ar- 5î m^ée en partit deux jours après & fe
Octobre. 20
DE Gustave-Adolfe. tk
rendit en quatre marches à Canale.
(/2) Mazarini y fit de nouvelles pro- J^^'^*
pofitions qui furent encore rejetées.
Saint-Etienne beau-frere du P. JoFeph
arriva le même jour à Canale avec le ^'
traité conclu à Ratisbonne entre le
roi de France & Pempereur, fous la
médiation du p:ipe & du grand-duc
de Tofcane ; il portait: " 1°. Que Louis
55 XIII & Ferdinand ne fe fufciteraient
„ réciproquement aucun ennemi, &
,5 ne donneraient aucun fecours d'ar-
„ gent, de troupes , d'armes , de mu-
„ nitions & de vivres, à ceux qui pour-
„ raient fe déclarer contre l'un ou
„ l'autre contraclant ; 2^ que le duc
„ deSavoye aurait, pour terminer les
„ prétentions qu'il formait fur la fuc-
5, ceflion de Mantoue , la ville de Triii
s3 & des terres qui produififfent un
„ revenu annuel de quinze mille écus ;
(fl) ParRaconis, Sommerive-del- Bofco & Ccri-
foUes,
I iv
J3S Campagnes r^^sj^^œa „ 3''. qu'à l'égard des répétitions d^ 1650. „ la duchefle douairière de Lorraine, Qcipbre. j, l'empereur communiquerait fes ti- „ très aux électeurs , prendrait leur s, avis , 8c que fix mois après avoir „ donné fon invelliture au duc de 9, Mantoue , il rendrait un jugement 5, définitif, auquel ce prince fe con- „ formerait ; 4°. qu'il céderait au duc „ de Guailalle (û) fix mille écus de „ rente en fonds de terre ; f °. que le 5, duc Charle demanderait par écrit fa „ grâce au monarque Autrichien , 6% „ qui lui accorderait fix femaines après 5, la fignature du traité, à la demande „ du. pape & du roi très-chrétien , l'in- „ veftiture des duchés de Mantoue ,, & de Montferrat ; & que quinze „ jours au plus tard après l'avoir ob- „ tenue , les commilfiires Impériaux „ remettraient aux ducs deSavoye Se „ de Guailalle les terres qui leur
( a ) Ççfar de Gonzpgue,
DE Gustavé-Adolfe. 137
„ étaient cédées; 7°. qu'en vertu de „ Pinieftiture , Ferdinand protégerait 1650. „ le duc de Mantoue enxers & contre <^^^"bre. 5, tous ceux qui pourraient l'inquiéter „ fous prétexte du paflé; 8°. que les „ hoUilitcs celTeraient en Italie dès „ que le traité ferait notifié aux géné- 5, raux refpectifs ; 9^ que quinze jours après que Pinvefliture aurait été remife au duc Charle , Tempereur & le roi de France retireraient leurs 5, troupes d'Italie ; que celles du roi ,, d'Efpagne fortiraient de la ville & ,, du château de Cafal , du Piémont „ & du Montferrat que le duc de „ Savoy e évacuerait à l'exception de „ Trin & des autres lieux qui devaient 5, lui relier en propriété; que le mo- 5, narque Autrichien lailferait néan- 5, moins garnifon dans la ville & ci- „ tadelle de Mantoue & dans Canetto , „ & Louis XIII dans Pignerol , Bri- ,5 queras , Sufe &yeillane; lo^ que
1530.
Odobrî.
I?8 C A :î P A G N E S
, le duc de i\îantoiie pourrait , à , Texemple de Tes predeceneiirs , , mettre des garnifons dans les places , du IMontferrat , 8c qu'il ne les aug- , menterait pas au point de donner , de l'inquiétude à fes voifins ; que , files généraux Français, Impériaux , & Efpagnols étaient convenus avant , la fignature du traité , de quelques , conditions relatives à la démolition , des fortifications de CaCil , elles fe- , raient exécutées ; ii°. que quand , les ftipulations précédentes auraient , eu leur effet , les troupes Autri- , chiennes évacueraient la ville & la , citadelle de Mantoue & Canetto qui , feraient remifes au duc Charle , & que celles de France fortiraient pa- reillement de Pignerol, Briqueras, Sufe & Veillane , dont le duc de , Savoye rentrerait en puiïeflion; I2^ , qu'alors les Impériaux fe retireraient , entièrement de la Valteline & du
DE Gustave-Adolfe. 159 pays des Grifons ; 13°. que Ferdi- nand & Louis fe donneraient réci- ï^^^*
^ -, , /r Octobre.
proquement des otages pour aiiurer l'exécution de Tarticle précédent; 1 4°. qu'à la prière du roi très-chré- tien l'empereur confentait que la république de Venife fût comprife dans le traité, & qu'on lui rendît les places qu'elle pouvait avoir per- dues depuis le commencement de la guerre, à condition qu'à l'avenir elle n'attaquerait ni l'empereur , ni l'Empire , ni n'inquiéterait fes voi- fins; if^ & i6Mes min iftres Au- trichiens ayant voulu établir que la France avait contrevenu aux an- ciens traités relativement aux évê- chés de Metz , Toul & Verdun , & même violé le territoire de l'Em- pire, Brulart & le P. Jofeph refu- ferent d'entrer en négociation à cet égard ; mais ils demandèrent que les fortifications de Moyenvick élç-
Î40 Campagnes gg:^^^^^^=^^=3g j, vées contre le confenteraent de l'é- 1530. „ vêque de Metz fufTent rafées , & oetobrc. ^^ q^^ig jjj garnifon Impériale fortît de „ la place. Les plénipotentiaires de ,) Ferdinand prétendirent alors , que ,, les Français devaient démolir les 5, citadelles de Metz & de Verdun: „ enfin on convint , que de part & „ d'autre on ferait éloigner des fron- 5, tieres rerpeflives les troupes qui ,, pouvaient infpirer de l'inquiétude ; „ que le duc de Lorraine ferait com- „ pris dans le traité , & qu'il promet- „ trait de n'offenfer perfonne à l'ave- 5, nirj 17°. que tous les princes & au- „ très qui avaient pris les armes en „ faveur de l'empereur & du roi de „ France, feraient rétablis dans leurs „ biens , dignités & prérogatives ; „ qu'on fe reflituerait réciproquement 5, fans rançon les prifonniers de guer- „ re , en rem.bourfant cependant les „ dépenfes qu'ils avaient occafion-
DE Gustave-Adolfe. 141 , nées , 3c dont l'état ferait réglé par "^^'-^^ , les généraux refpeclifs; i8^ que fi i<5^o. , ces derniers , munis de pouvoirs ^^^^^bre. , fuffifans , étaient convenus avant , la fignature du traité de quelques , conditions particulières relatives à , l'Italie , elles feraient exécutées ; , 19°. enfin que le roi de France & , l'empereur promettaient d'obferver 5 fidèlement toutes les ftipulations , qu'on vient de lire , & que le der- , nier alTurait que le roi d'Efpagne & , le duc de Savoye s'y conforme- , raient. ,,
Lorfque le traité fut rédigé , le P. Jofepb , qui favait fans doute que la cour de France le défavouerait, prétendit que l'humilité dont il faifait profelfion , ne lui permettait pas de mettre fon nom à côté de ceux des plénipotentiaires d'un empereur , & de rambaffadeur du plus grand roi de l'Europe j mais les nainidres Au tri*
142 C A M P A 6 N E S
chiens connaiiïknt la finefle du capU^
165O. cin , & fâchant d'ailleurs qu'il avait
oaobre. yn plein pouvoir & toute la confiance
du cardinal de Richelieu , exigèrent
qu'il fignât.
Le traité portant que dans fix fe- maines l'empereur donnerait fon nu veftiture au duc de Mantoue , & que quinze jours après les Efpagnols for- tiraient de Çafal & du I\lontferrat ^ le maréchal de Schonberg obferva que cette condition obligerait l'armée Françaife à relier encore deux mois en Italie , qu'elle fe difperferait influlli- bîement, vu la difette des fubfiftances ; que la fam.ine obligerait la garnifon de la citadelle de Cafai de fe rendre , & qu'alors les Efpa^nols feraient les maîtres de \ioler le traité , puifque l'empereur affurait fimplement que la cour de T^ladrid s'y conformerait , & qu'il ne s'engageait pas à la contrain- dre de l'exécuter. Schonberg conclut
D E GUS T A V E-Ad OLFE. I45
qu'il fallait à tout hafard fecourir la ^— -t citadelle de Cafal , & obliger les Efpa- '<^'0- gnols à exécuter la convention de Ré- vel. Les autres généraux furent de fon avis , & l'armée partit de Canale le lendemain , s'avança à la Rocca , d'où elle arriva en quatre marches à Occi- ^' niano à deux lieues de Cafal. Elle fe mit le lendemain en mouvement pour ^^ s'approcher de la place & attaquer les lignes des Efpagnols. Mazarini vient repréfenter aux maréchaux de la Force, de Schonberg & de Marillac , le dan- • ger de rifquer une aclion contre un ennemi retranché & déterminé à fe bien défendre : ils ne font aucune ré- ponfe à ce négociateur qui retourne à Cafal ; l'armée continue à s'avancer , pafle la Catella ( a ) , & fe met en ba- taille à fix cents pas des retranche- mens : Mazarini en fort à toute bride au m.oment qu'on va donner le fignal
(a) Ce n'eft qu'un torrent.
144 Campagnes TE^Z^du combat, & annonce aux maré- i6jO. chaux, que les généraux Erpagnols '^^° '^^' confentent à rellituer la ville & le château de Cafal & à évacuer le Mont- ferrat, à condition que les Français en fortiront aufli , & qu'au lieu de rendre les places au duc deMantoue, qui ne peut les poffëder légitimement avant d'avoir reçu i'inveiliture de l'empereur , elles feront en attendant remifes pour la forme à un commiC- faire Impérial. Les généraux Français • acceptent ces propofitions. Deux jours 28 après Toiras fortit de la citadelle de Calai , en même tems que les Efpa- gnols évacuaient la ville & le châteaiî & reprenaient la route du Milanez : ils commirent quelques légères infrac- tions à la convention ; mais appre-- nant qu'on raiïëmblait une partie de l'armée Françaife qui s'était d'abord féparée , ils fe déterminèrent à rem- plir fidèlement leurs promelTes. Les
maréchaux
DE GU ST /VV E-AdOLF F. I4f
maréchaux avaient reçu une lettre du
roi , qui leur enjoignait de furfeoir i^50.
Octobre» *7
Fexécution du traité de paix : un cou- der leur apporta enfuite l'ordre de contraindre les Efpagnols & les Im- périaux à fortir des états des ducs de Savoye & de Mantoue ; mais on vient de voir que les généraux Fran- çais avaient prévenu les intentions du roi.
Le cardinal de Richelieu ayant fait manquer i'éledion de l'archiduc, femé la méfmtelligence entre l'empereur & les électeurs , & voyant que plufieurs princes proteftans ne tarderaient pas à fe joindre au roi de Suéde contre le monarque Autrichien , jugea qu'ii ne pourrait foutenir en même tems la guerre en Allemagne & en Ita- lie , & réfolut de dédivouer le traité de Ratisbonne. Le prélat reprocha aux plénipotentiaires Français d'avoir ou- trepadë leurs pouvoirs , en foufFrant
Partie IL K
31
1^6 Campagnes
qu'on inférât dans le premier article, 3 6)0. que Louis XIII s'engageait â najjîfler Odobrc. j^i ciireciement ni indire clément ceux de fes alliés qui étaient ou pourraient de-- venir ennemis de V empereur. Le cardi- nal manda à Brulart qui revenait en France , de fe rendre fans délai à Vienne , & de faire réformer le traité , conformément à une inftrudion qu'il lui envoyait. Le P. Jofeph reçut ordre de fe retirer à Paris dans le couvent des capucins de la rue Saint-Honoré , & de ne plus fe mêler d'aftaires à l'a- venir. La difgrace de ce moine n'é- tait que fimulée , & il reparut bien- tôt à la cour avec le même crédit qu'auparavant.
Les différends furvenus entre la France , l'Empire & l'Efpagne relati- vement à la fucceffion de ]\lantoue , ne furent enfiérement terminés que par le fécond traité de Qijerafque , conclu au mois de juin de l'année
DE GUST AVE-Ad 0 L FE. I47
fuivante. ( ^ ) L'empereur fut obligé d'apporter plufieurs modifications à i^5o» celui de Ratisbonne , & de retirer fon ^*^^°^'^*' armée d'Italie : ainfi Ferdinand & le roi d'Efpagne facrifierent fans fruit beaucoup d'argent & de troupes au projet inique de dépouiller le duc de I\Iantoue. Les procédés tyranniques des monarques Allemand &Efpagnol déterminèrent le duc de Savoye à s'al- lier étroitement avec la France , afin de fe mettre à l'abri des injultices que les cours de Vienne & de Madrid pouvaient commettre un jour à fon égard. Mazarini , entièrement dévoué au cardinal de FJchelieu , engagea même Viclor - Am.édée à remettre au roi de France fon beau-frere , Pignerol, cette clef de l'Italie , comme un gage alîuré de fi bonne-foi. Prévenons main- tenant à ce qui fe paifait en Allemagne.
" (a) Le premier traité de Qu^rarque fut {\gnéh6 d'avril I6}i , & le fécond le i^ de juinfuivaiit.
K ij
148 Campagnes L'empereur n'avait rempli aucune 1630. ^Q fesvues, & il chercha à s'en con-
Octobre. „ , , 1.. ,
^g loler par le couronnement de rimpe-
ratrice , qui fe fit avec beaucoup de
Novembre, pompe. Le mouarquc reprit enfuite la
^î route de Vienne, après avoir ligné le
12 conclufum de la diète ; il portait :
" que Ferdinand touché des repré-
„ Tentations des éledeurs & des autres
5) membres du Corps Germanique fur
„ l'indifcipline de fes loîdats & fur les
„ défordres qu'ils commettaient jour-
„ nellement , & confidérant d'ailleurs
„ que l'épuifement & la mifere des
5, peuples ne permettaient pas d'en-
„ tretenir un auffi grand nombre de
troupes que par le paffé , il avait
confenti à une réforme confidérable
dans fes armées , fe promettant que
fi le cas l'exigeait , les états y fup-
pléeraient par des fecours efficaces ,
qui feraient employés contre les
j, ennemis de l'Empire , 6c nommé-
5J 5)
5)
r^^^msssaÊ
DE GUST A VE-AdOL FE. I49
„ ment contre le roi de Suéde. „
La diète de Ratisbonne n'apporta 1650. aucun adouciffement aux maux de ^°^'*-'"^'^'^®- l'Allemagne, & ne fervit qu'à humi- lier l'empereur , qui commit une faute impardonnable, en facrifiant à de vai- nes efpérances une partie confidérable de fes forces , dont il avait plus befoin que jamais , & un général qui ne s'é- tait attiré la haine publique que pour l'avoir trop bien fervi. Après la réforme & les pertes effuyées en Allemagne & en Italie , il ne refta au monarque que quarante mille hommes qui , joints aux trente mille de la Ligue Catholi- que , fuffifaient pour réfifter à Guftave- Adolfe s'ils eulTent été bien entretenus & commandés par un général habile; mais le foldat accoutumé depuis long- tems à la licence la plus effrénée , dé- fcrta dès que la févérité de la difci- piine empêcha le pillage. L'armée de Ferdinand, quoique diminuée des trois
K iij
ifo Campagnes
y^^^^ quarts , fut plus mal payée que quand i5^o. ce monarque avait au-delà de cent ûvcm re. (.j^^qy^j^j-g hiïWq hommes & Vaîftein pour général. Il ell vrai que celui-ci ne fubvenait à tout qu'en ruinant in- diftinclement les alliés & les ennemis de fon maître. Cependant les revers qu'éprouva l'empereur , le firent re- pentir de fon ingratitude.
Dès que l'éledeur de Brandebourg vit que les Suédois prenaient des me- fures pour hiverner dans le Meckel- bourg , il craignit que leur voifmage ne lui fufcitât des différends avec la cour de Vienne , & envoya à Guffave une députation chargée de lui deman- der la neutralité pour l'éleélorat de Brandebourg , où plufieurs régi mens Impériaux avaient encore leurs quar- tiers. George Guillaume le flattait que la feule proximité des Suédois pourrait engager les Autrichiens à fortii* de fes états 5 & que , lans encourir la ven-
DE GuSTAVE-ADOLFt. Tfl
geance de l'empereur, il n'en ferait s^-^!
1630.
Novembre-
pas moins délivré de fes troupes. Le
roi avait d'abord réfolu de les atta- quer; mais comme il n'avait pas des forces fuffifantes pour exécuter cette entreprife & pour garder fes conquêtes dans le Meckelbourg, & que d'ailleurs il ne voulait pas mécontenter George- Guillaume qu'il efpérait attirer dans fon parti , il accorda la neutralité à l'é- leélorat de Brandebourg, à condition cependant que les Suédois y jouiraient des mêmes droits que les Impériaux. L'arrivée du duc de Savelli dans le Meckelbourg ne permettant pas à Guftave d'y faire des progrès , il ré- fol ut de retourner à Stettin pour chaf- fer les Impériaux des poftes qu'ils occupaient encore en Poméranie : le monarque projetait de s'emparer en- fuite de Francfort pour s'ouvrir le che- min de la Haute-Saxe. Il s'était rendu à Stralfund, d'où il répondit à l'em-
K iv
ifs Campagnes HL'^sBs.-.'.t'M pereur , & mortifia d'autant plus fon Ï630. orgueil , qu'il ne lui donna que le titre Novembre, de dileclion. Au relie , comme la lettre du. roi ne contenait guère qu'une répétition des griefs dont on a déjà parlé plufieurs fois , je me bornerai à dire que Guftave après quelques repro- ches au monarque Autrichien fur ce qu'il avait provoqué la Suéde , ajoutait, « qu'il n'était pas ennemi de l'Em- „ pire , comme la cour de Vienne „ tentait de le perfiiader , & qu'il ferait 5, toujours difpofé à un accommode^ 5, ment dès qu'elle voudrait de bonne- 5, foi réparer fes torts & lui donner 3, des fùretés pour Tavenir. „
Avant de former de nouvelles en- treprifes, Guftave jugea à propos de ïz conférer avec fes généraux : il alla de Stralfund à Greiffenberg , où le feld- maréchal Horn fe rendit , ainfi que Kniphaufen & Raudiffin qui venaient informer le roi de l'état de Colberg ,
DE GuSTAVE-AdOLFE. IÇ5
dont Torquato-Conti tentait fréquem- ment le fecours. Le monarque or- 1630. donna que la plus grande partie de Novembre. la cavalerie du camp de Ribnitz & les troupes qui venaient de Prufle ren- forçailënt le blocus de Colberg. L'in- fanterie qui avait pénétré dans le Mec- kelbourg revint preique toute à Stet- tin ; & il ne refta au général Banner qu'environ trois mille hommes d'in- fanterie & huit cents de cavalerie, avec lefL]uels Guftave le chargea de bloquer Demmin. Il fallait d'abord pourvoir à la fureté de Damgarten & de Ribnitz : Banner y mit garnifon & fomma , fous peine d'être pillés , les habitans de la campagne de conduire leur bétail & leurs grains dans ces places , afin de les avitailler , & d'ôter les fubfiftances aux Impériaux. Le gé- néral Suédois occupa enfuite plufieurs poftes qui refierraient Demmin. Guf- tave faifait recruter en même tems
IÇ4 Campagnes dans une partie de la Bafle-Allemagne ^^^^' & fur-tout dans les villes anféatiques. Les magiftrats de Lubeck , gagnés par les Autrichiens , tentèrent d'inter- rompre ces levées dans leur territoire : le roi leur écrivit pour leur en témoi- gner fon mécontentement & les en- gager à changer de conduite.
Dès que le comte de Torquato- Conti fait que Guftave eft revenu à Stettin , & qu'il n'a laiflé dans le Mec- kelbourg que peu de troupes , il dé- tache de Gartz deux mille hommes d'infanterie pour renforcer le duc de Savelli , & lui envoie ordre de tirer des garnifons mille fantaffins , de fe faire joindre par les trois mille che- vaux cantonnés dans le duché, d'at- taquer les Suédois difperfés aux en- virons de Demmin , & de les chalfer du pays. Savelli fe flatte de défaire Banner avant qu'il ait raffemblé fes forces 5 mais le général de Guftave,
Isovembre
TE GUS T A V E-Ad OLFE. Iffl
qiiî veille fur les mouvemens de l'en- nemi , ne fe laifle pas furprendre : i^^o d'ailleurs le roi informé du détache- ment de Torquato & de fon objet, joint fjbitement Banner , harangue fes foldats & marche aux Impériaux. Dès que ceux-ci apperçoivent Its Suédois, ils fe rangent en bataille. Savelli place l'infanterie au centre , & la cavalerie aux ailes avec quelques pièces de ca- non fur fon front : il ne foi me qu'une ligne fous le mauvais prétexte de dé- border Guftave , qui s'avance fière- ment en colonne de marche vers le centre de l'ennemi comme pour l'en- foncer ; il déploie enfuite fes troupes obliquement de droite & de gauche avec la plus grande rapidité, prend en fianc une aile des Autrichiens, renverfe la cavalerie qui la compole , s'empare de plufieurs canons, & les fliit tourner contre l'infanterie qui elt alors battue en écharpe par fa propre
If 5 Campagnes
^^ artillerie , & foudroyée de front par i6jo. celle du roi: il continue à charger en flanc les Autrichiens qui prennent la fuite. Les Suédois les pourfuivent , & en font un grand carnage. Le duc de Savelli fe fliuve à Roftock avec les débris de fa défaite : le canon, les ba- gages, les munitions avec beaucoup de drapeaux & d'étendards, tombèrent au pouvoir du vainqueur , qui con- tinue tranquillement le blocus de Demmin. (a) Guifave fitisfait d'a- voir battu lix mille hommes avec en- viron quatre mille , retourne lans dé- lai à Stettin & ordonne d'en ache-
(û) Plufieurs hiftoriens pafTent ce combat fous CIcnce. Le baron de Spanhcim ,dans Con Soldat Sué- dois, page 185 aiTure qu'il fe donna entre Ribnit7& Roftock. Le comte de KevenhuUer , auteur des An- nales de l'empereur Ferdinand II , rapporte un détail de cette action ; mais ni Spanheim ni KevenhuUer n'indiquent précifément ni ie jour ni le lieu où Guf- tave-AdolFe vainquit le duc de Savelli; & les mémoi. res qoe j'ai entre les mains, ne donnent aucun éclair» cilTcnient à cet égard.
DE Gustave-Adolfe. If7
ver promptement les fortifications ; il ^^^ voulait en faire ïk place d'armes, & i<53o. parvint à la rendre Tune des plus for- tes d'Allemagne.
Le comte de Pappenheim qui com- mandait les troupes Impériales difper- fées fur les bords de l'Elbe, raffem- bla fix mille hommes d'infanterie & mille chevaux pour relTerrer Mag- debourg : il en laiflTa dans leur quar- tier environ autant , qui pouvaient le joindre au befoin. Les Autrichiens s'emparèrent des principales avenues de la place , & publièrent une décla- ration qui enjoignait aux habitans des évêchés de Halberflat & de Mag- debourg , retirés dans la ville de ce jiom , de retourner dans leurs maifons & de ne fournir à l'avenir aucun fe- cours à l'adminiftrateur & à fes adhé- rens, fous peine des châtimens Us plus féveres & de la confifcation de leurs biens. Chriftian - Guillaume qui
If 8 Campagnes campait avec deux mille hommes de 1630. pied & fix cents chevaux près de fa Novembre, capitale pour empêcher qu'on ne la reflerrât trop, implora l'affiftance de Guftave ; mais ce monarque occupé en Poméranie ne pouvait venir au fe- cours de l'adminiftrateur. Falckenberg ayant remarqué que Pappenheim s'at- tachait fur-tout à empêcher les vivres d'entrer dans I\lagdebourg , envoya de fréquens détachemens pour éloi- gner ceux des Impériaux & enlever les fubfiftances qu'on pouvait raffem- bler : la plupart de ces entreprifes réulfirent , & l'on parvint à munir abondamment la place.
L'armée Impériale en Poméranie était dans le plus grand délabrement ; les Autrichiens avaient eu en abon- dance 5 tandis que Valllein les corn- - mandait , des vivres & de l'argent , & ils manquaient du néceŒiire par la faute de fes fuccefîéurs qui biffèrent
DE Gustave-Adolfe. 15-9 relâcher la difcipline & ravager le pays """""^"^ au point qu'il ne fourniirait prefqu'au- ^^^o.
n^ 1 rr- • • 1- Novembre.
cune reiiource : les omciers particuliers & les foldats étaient à peine vêtus , & leur mifere les réduiHiit à l'expé- dient honteux de voler fur les che- mins. La défertion , le fer de l'ennemi , les maladies occafionnées par les fati- gues & la rigueur du froid qui fe fit fentir dès le mois d'odobre , affai- blilfaient journellement les différens corps. Les Suédois plus endurcis que les Impériaux & d'ailleurs couverts de cafaques fourrées de peaux de mouton, bravaient les frimats d'Allemagne , qu'ils trouvaient fupportables en com- paraifon de ceux de leur pays. Guil:ave méditait une campagne d'hiver, & le comte de Torquato - Conti penfait au contraire à difperfer fon armée dans des quartiers : il efpérait que les Sué- dois fe repoferaient volontiers de leurs travaux , & que pendant ce
i6o Campagnes
*="^'*^'*^'"^ tenis fes troupes fe rétabliraient. Il 1*530. envoya un trompette à Stettin , pour Novem re. ^Q^-^^^idev que deux députés fe ren- diflent entre cette place & Gartz , afin d'écouter quelques propofitions dont il chargerait deux officiers de Tempe- reur. Guftave ordonna à deux colo- nels d'aller conférer avec les Impé- riaux : ceux - ci propoferent de fuf- pendre les hoftilités & de mettre les armées refpedives en quartiers d'hi- ver. Les Suédois répondirent , que le roi ne fichant ce qu'on voulait leur communiquer , n'avait pu faire con- naître fes intentions ; mais qu'ils croyaient pouvoir aillirer , qu'il ne foufcrirait pas à la demande du géné- ral Autrichien : il la rejeta elîedive- ment. Torquato - Conci , dont la cour de Vienne était mécontente , & peu fatîsfait lui-même des faibles moyens qu'on lui donnait pour réfifter aux Suédois , demanda fon rappel & fut
remplacé
DE GUST A VE-AdOL FE. l6ï
remplacé par le feld - maréchal comte
de Schaumbourg : c'était un vieil oîîi- 1630.
cier qui avait pafle par tous les grades Novembre,
& que fa bravoure éleva aux premiers
emplois.
Le roi de Suéde voulant s'étendre Décembre, à la droite de l'Oder pour rellerrer les Impériaux & les empêcher de tenter de nouveau le fecours de Colb:^rg, réfolut de railembler fon armée à !a gauche de l'Ihna entre Stargard & Golnou. 11 ordonna au feld-maréchal g Horn de réunir près de cette der- nière ville , quelques troupes arrivées depuis peu de jours ( de Prufle par la Pologne ) , à celles qu'on avait difper- fées dans les places fiir les deux rives de l'Oder depuis Stettin juifqu'à la mer, & de fermer par des redoutes tous les paffages par lefquels les Au- trichiens pouvaient s'approcher de Colberg. Le général Banner qui blo- quait Demmin revint en même tems
PanU IL L
i62 Campagnes à Stettin avec fes troupes. Le comte de SchaumboLirg fit paOer l'Oder fur le pont de Gartz à un corps d'infan- terie & de cavalerie qui vS'établit près de GreifFenhagen : cette démarche in- diquant que les Impériaux projettent de tenter le fecours de Colberg ou quelqu'entreprife contre le feld-maré- ciial Horn , Guftave lui mande de fe tenir fur fes gardes , & d'empêcher fur- tout l'ennemi de fe pofter entre Stet- tin & Golnou : le monarque fe difpofe de fon côté à joindre Horn avec preC- que toutes fes forces. Si les Autri- chiens eulTent marché à Piritz , le roi fe propoCiit de traverfcr l'Oder à Stet- tin & de fe lendre à Golnou par le chemin de Damm : fi au contraire ils fe fuifent avancés vers Stargard , Guf- tave pour ne pas leur prêter le fane pendant fa marche , aurait fait embar- quer fes troupes à Stettin , defcendu l'Oder jufqu'à l'embouchure de filma ,
DE Gustave-Adolfe. 15? & remonté enluite cette rivière pour '"'^'^'^^'^ gagner GolnoLi ; mais la retraite des i<^3o- Impériaux rendit ces meiures mutiles. .J.eroi pour fe délivrer des inquié- tudes continuelles que les Allemands lui donnaient par Greiffenhagen , ré^ folut de s'emparer de cette ville , qui facilitait l'envoi des fecoiirs dellinés pour Colberg & les courfes de l'en^ nemi dans la partie, de la Poméranie fituée à la droite de l'Oder. La place n'avait d'autres fortifications qu'un mur flanqué de tours & un fofTé peu profond , au - delà duquel on avait conftruit quelques redans pour en défendre l'abord. La douane ou Zoll^ Haus bâtie un peu en - avant de la ville du côté de Damm , fut retran- chée ; & afin que les troupes por- tées à Greiffenhagen & aux environs puffent communiquer facilement avec le gros de l'armée Impériale établie à Gartz , on avait jeté fur l'Oder ud
L ii
164 Campagnes gm^m^^ pont dont la tête était couverte à la 1530. gauche du fleuve par un retranche- Décembre, ment garni d'artillerie. Guftave bien . informé de ces détails , fe rend à Gol- nou , & la faifon femblant trop rude pour tenir la campagne , il feint de prendre avec le maréchal Horn des mefures pour diilribuer des quartiers de cantonnemens aux Suédois ; il ne relte à Stettin que les troupes abfo- Jument nécefiaires pour le défendre , & le furplus s'établit à Damm & dans les lieux voiflns. Ces arrangemens qui durent quelques jours, n'infpirent au- cune inquiétude aux Impériaux : ils fe flattent qu'ils jouiront enfin d'un repos defiré depuis long-tenis, pour rétablir leurs troupes & ravitailler Col- berg.
Gufl:ave part de Golnou avec toutes les troupes de Horn , & joint à Damm celles de Stettin : ces forces réunies qui confiftent en douze mille hom-
DE GU S T A V E-AdOLF F. l6r
mes d'infanterie & en fix mille de ^^^- cavalerie , prennent la route de Greif- î^30.
„ , A j Décembre.
fenhagen , en même tems que douze prames ou bateaux plats cliargés de foixante - dix canons , partent de Stet- tin & remontent l'Oder.-Les Suédois arrivent de nuit près de Greiffenhagen, u nuit du rinveftifTent , & débarquent leur artil-'^ '" '^• lerie , dont on laiiFe quelques pièces fur les prames, qui s'étabîilFent à la vue du ponj: de Greiffenhagen , pour le détruire parleur feu , & couper ainli le paflage aux fecours que les Impé- riaux peuvent envoyer de Gartz le long de la rive gauche de TOder. Le ^^ lendemain à cinq heures du matin GuC- tave fait canonner la place & attaquer la douane : ceux qui la défendent l'a- bandonnent &: fe retirent dans la ville , au-de[fous & au-delTus de laquelle les Suédois commencent leurs approches. Le feu de l'artillerie brife les paliffiides » & ruine deux tours & le parapet d'une
L iij
ï66 Campagnes p.__-^^,. courtine. Ferdinand de Capone , com- Î630, mandant de la place, fait réparer les décembre, ^j-gches avcc des facs à terre & des poutrelles mifes en travers. Le roi or- donne cependant à fcs troupes de paiïër le fofifé & de tenter l'efcalade. Les Au- trichiens oppofent aux aflaiilars la ré- fiftance la plus courageufe ; mais les Suédois excités par la préience de leur fouverain qui fait avancer des troupes fraîches pour les foutenir , parviennent fur les remparts & en chaflent les af- fiégés : ils fe retirent alors à couvert d'un épaulement élevé à la hâte der- rière les murailles. Les affiégans éta^ bliffent trois pièces de canon fur la brèche & canonnent ce nouveau re- tranchement où les Allemands fe main- tiennent. Cependant Ferdinand de Ca- poue voyant qu'il a déjà perdu fix cents hommes , que les Suédois fou- droient la place de toutes parts, & qu'il ne peut la confcrver , fe doter-.
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. l67
♦
mine à fc retirer à la faveur de la KKmk^mmm nuit & par le pont de l'Oder au camp i530« de Gartz avec deux mille quatre cents ^^^'^"^'^'^'^' hommes qui lui reftent. Cette réfolu- tion prife., il diîpofe tout pour le dé- part, laiffe feulement quelques tirail- leurs fur les brèches & derrière l'épau- lement, ôrfait mettre le feu c'< plufieurs maifons pour couvrir fa retraite. La garnifon commence à défiler en filence vers les cinq heures du matin , couverte aç par une arrière -garde aux ordres de Ferdinand de Capôiie lui-même. Au moment que fes troupes fe mettent en marche , une partie des murailles de Greiffenhagen s'écroule avec fracas, & les Suédois pénètrent dans la place. Prefque toute la garnifon ayant déjà paflé l'Oder , ils ne peuvent joindre que l'arriére- garde qui fe défend vaillam- ment ; mais elle eil: bientôt accablée par le nombre , à l'exception de trois oHi- ciers & de cent cinquante foldats qui
Liv
168 Campagnes ^^^^--^ mettent bas les armes. Le brave Fer- 1630. ^jj-mn^i ^Q Capoue blefle dangereufe-
Décembre. ^ . , -r •
ment , le trouve parmi les prnonniers : on le tranfporte à Stettin , où il meurt deux jours après. On conduit pareille- ment dans cette ville un comte de Thurn (^z) qui fuivait le parti de l'em- pereur. L'état miférable de ce jeune homme prouve le délabrement des Impériaux tant foldats qu'officiers : fes vêtemens étaient fi ufés qu'on fut obligé de Thabiller pour le préfenterà Guftave,
Les Suédois font de vains efforts pour éteindre l'incendie allumé par les Autricbiens , & une partie de Greiffen- hagen eft réduite en cendres. On trou- va dans cette ville plufieurs pièces de canon & beaucoup de munitions ; mais comme elle avait été prife de vive force & fans capitulation , Guf-
{a) Tl était pat-ent de celui q>.n avait contribué au foulevement de la Bohême en 1618.
DE Gustave-AdoLfe. iô'p tave permit à fes troupes de piller les équipages des Impériaux. Ferdinand 1*^50.
, ^ -i. • 1 r r^ Décembre.
de Capoue avait mis les liens en lu- reté avant le liège : coir.patriote de Torquato-Conti & du duc de Savelli, il s'était permis , à leur exemple , de commettre les plus grandes vexations pour fatisfaire fa cupidité. La valeur & la mort glorieufe de cet officier font regretter à l'hiftorien d'être obligé de flétrir fa mémoire.
Le roi de Suéde confidérant que Greiffenhagen était difficile à défendre & ne pouvait fervir à fes defleins , il n'y laiffia pas de" garnifon & fit occu- per feulement deux ou trois forts éle- vés par les Impériaux ; il réfolut en même tems de ne leur donner aucun relâche & de profiter de l'ardeur de fes troupes, que les incommodités de la faifon ne rebutaient pas. Dès le lende- «^ main de la prife de Greiffenhagen le monarque partage fon armée en deux
ïSSiï'Sjss'c^ir'"
Î70 Campagnes
corps qui s'avancent à Ja même hau- 1630, teur pLir ia droite *& la gauche de l'O- der ^ pour inveftir des deux côtés du - fleuve les retranchemens des Autri- chiens &: la ville de Gartz; mais le comte de Schaumbourg voyant Tes pro- jets renverfés par la perte de GreifFen- hagen , & confidérant d'ailleurs que la terre eft couverte de neige , que fes fol- dats laflTés d'une campagne d'hiver au(R pénible & attirés par les bons traite- mens & le voifmage du roi de Suéde , 2s paiïènt en foule Tous fes drapeaux , & que déformais il lui eft impoilible de fe maintenir dans fon pofte, alTemble un confeil de guerre pour délibérer fur les moyens de fortir d'embarras. Tous les généraux Allemands font d'avis , que Guftave ne tardera pas à venir les attaquer , & qu'il vaut mieux fe retirer que d'expofer l'armée Impériale à une délliite certaine.
Schaumbourg fait enclouer fon artil-
DE Gustave-Adolfe. 171 krie qu'il ne peut emmener faute de *^
chevaux, & fcs troupes prennent le^, ' '
' ^ *■ Décembre,
chemin de Francfort. Avant d'aban- donner Gartz & fes Hgnes , ii permet aux foldats de piller la ville & de la brûler , afin que le roi de Suéde ne puifle s'y établir : il ordonne en même tems de gâter les vivres & les mu- nitions , & de détruire les ponts de l'Oder. A peine les Suédois ont - ils pafle le fleuve, qu'ils apperçoivent Gartz en feu. L'incendie annonçant la retraite de l'ennemi , Giiftave accé- lère Hi marche dans l'efpérance de fauver la ville : il détache en même tems toute £<\ cavalerie pour tomber fur l'arriére - garde des Autrichiens qui fuient vers Francfort & Landsberg. Les premières troupes Suédoifes arri- vent en même tems le long des deux rives du fleuve dans les lignes de Gartz & dans les retranchemens élevés à 31arvitZ5 mais une forte fecouiïe fuivie
172 Campagnes t^Z^^^^s^sB d'une violente explofion leur perRia- 1630. dant que le terrein eil miné, elles s'é- ï)écembre. joignent précipitamment. Leur crainte dura peu ; car l'horrible fracas qu'on avait entendu , venait de l'hôtel-de- vilîe & de plufieurs édifices qui fautè- rent par l'effet d'un grand nombre de barriis de poudre que les Impériaux y avaient laiflTés : non content de brû- ler Gartz, ils incendièrent Jes villages voifms. Toutes les horreurs de la guer- re étaient raîTemblées dans ce théâtre étroit : on ne vo^/ait dans la campagne que des cadavres fanglans , des femmes éplorées , & de malheureux habitans emportant quelques meubles dédai- gnés par les Allemands, ou chargés d'enfuis , de mahuics & de vieillards trop fliibles pour fe foulfraire eux- mêmes à la fureur des flammes.
Lorfque Guftave arriva à Gartz , il n'en fubfiilait plus que les remparts , une églife & environ quarante mai-
DE Gustave-Adolfe. 175
fons. Il ordonna de conilruire des ba- raques pour Joger provdroireir^ent la ^^^^'
■ n ,•! 1 • 1 f-ï- 1 1 Décembre.
garniloii quil voulait Jaiiier dans la ville ; & après avoir donné quelques ordres concernant fon rétablilTement &: celui des ponts , il fe mit à la pour- fuite des ennemis. Une part'e de la cavalerie Suédoife atteignit leur ar- riere-garde formée d'un corps de Croa- tes & de trois réginiens : ils furent enfoncés, mis en fuite, & les bagages qu'ils efcortaient devinrent la proie du vainqueur.
Dès que les troupes Autrichiennes qui avaient leurs quartiers à la droite de roder furent que le comte de Schaumbourg abandonnait Gartz, elles prirent la route de Landsberg, pour y paffer la Varta & gagner Francfort. Le colonel Cratz qui occupait Piritz , a? fit mettre le feu à la vieille ville & à tous les bâtimens extérieurs , malgré les fauve-gardes accordées à prix d'ar-
174 Campagnes -£[ent aux ma^iftrats : il voulait aiiQl
i6jo. ]ji'Ii\qy la ville neuve ; mais le lieute- ecem ^^- J^r^^^^çQ]^^^Q\ ï?Qnck l'eii euipêcha, en lui repréCentant, « que tant de rava- 5j ges & d'incendies commis contre le „ droit des gens, fouleveraient tous 53 les peuples d'Allemagne & attire- „ raient la colère du ciel fur les armes „ de l'empereur ; que la deftrudion de „ Piritz ne fervirait qu'à ruiner les ,5 habitans , auxquels on ne pouvait „ imputer les fuccés des Suédois. „ Ces remontrances font impreffion fur Cratz , qui fe met en marche avec quatorze cents cavaliers ou Croates précédés de trois cents chariots char- gés du fruit de fes extor fions & du pillage de fes troupes. Gullave arrive à Piritz deux heures après le départ des ennemis , & détache à leur pour- fuite un corps de cavalerie commandé par BaudiiTm , qui atteint les Autri- chiens entre Bahncn & Kônigsberg ,
DE Gustave-Adolfe. 175-
les renverfe & les poufiTe jiifqu'aux ?!^-^^ chariots , où les Allemands demandent ï ^> o- quartier & font faits prifonniers de '^""^^^*- guerre ; mais on pafle au fil de l'épée prefque tous les Croates , pour les pu- nir de leurs cruautés. Cratz fe fauve à Landsberg : les étendards de fa cava- lerie & les bagages qu'elle efcortait tombent au pouvoir de Baudiffîn , qui les envoie à Piritz avec fes prifonniers. Il continue à fuivre les Impériaux, dont il rencontre un autre corps près de Beervald ; il l'attaque & le taille en pièces. Un feul régiment Elpagnol échappé du carnage fe préfente devant Cuftrin , ville de la nouvelle marche de Brandebourg : celui qui y commande pour Pélecleur , permet aux ennemis de traverfer l'Oder fur le pont de la place , & refufe une heure après le palfage aux Suédois : s'il le leur avait accordé , il eft probable qu'ils euffent pouffé jufqu'à Francfort, & que dans
1^6 Campagnes
le trouble & ia corifafion où étaient
i55o. les Autrichiens, ils auraient abandon- Décembre, j^^ ç>£^^g Vûh, Guftave quitta Piritz , vint s'établir à Kônigsberg & enfuite à Beervald.
L'empertur ii'av^ait plus en Pomé- ranie que Demmin , Loitz , Gripfvald & Colberg. Le roi de vSuede fe difpo- fait à fliire le fiege de ces deux premiè- res villes ; mais comme les Allemands ne pouvaient fecourir Colberg , il ne jugea pas à propos d'expofer fes trou- pes en l'attaquant dans les formes, & recommanda feulement aux comman- dans du blocus de redoubler de vigi- lance pour qu'il n'entrât dans la place ni vivres ni munitions. Peu de jours après , les Suédois s'emparèrent d'un convoi de cent cinquante chariots qu'on voulait y introduire.
Les Lnpériaux s'étant réfugiés dans la nouvelle marche de Brandebourg, les partis des Suédois y pénétrèrent,
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. î 77
& Talaniie fut fi grande à Berlin , que «l^î^S réledeur envoya à Spandau , ville alors ^ ^^ °' très -forte, fes meubles & fes effets les plus précieux. Ce prince n^ayant fur pied que quatre ou cinq mille hom- mes de mauvaifes troupes , ne pou- vait fe fliire refpeder : aaffi les Autri- chiens commirent-ils dans fes états les mêmes brigandages & les mêmes excès qu'en Poniéranie. On doit au comte de Schaumbourg la juftice de n'avoir rien néglige pour réprimer l'indifci- pline de fon armée ; mais fes efforts ne pouvant arrêter le mal dont l'habitude était trop invétérée , l'électeur fe vit obligé de faire afficher une procla- mation qui portait , « que les trou-* ,5 pes Impériales commettant les plus „ grandes opprelEons , telles que „ viols , meurtres , pillage des maifons ,3 & même des égHfes, il autorifait „ fes fujets à prendre les armes & à „ repoufiTer la violence par la force. ,, Partie IL M
178 C A IVÏ F A G N E s
^^i:e^^ Guftave confia au général Todt un 1630. détachement de quatre mille homjnes
®*^"'"'^**^- tant infonterie que cavalerie pour blo- quer Landsberg. Cratz qui comman- dait dans la place , craignant d'être af- iiégé , demanda au comte de Schaum- bourg des vivres & des munitions de guerre. Le général Autrichien , dans rimpuiffimce de fatisfaire ce colonel , envoie fa lettre au comte de Tilii, occupé alors à rafîembler en BalTe- Saxe les forces de la cour de Vienne & de la Ligue Catholique , pour venir s'oppofer aux progrès du roi de Suéde & pour faire exécuter Pédit de reftitu- tion. Schaum bourg écrivit en même tems au généraiiffime, « que fon ar- „ mée était réduite à huit mille hom- „ mes d'infanterie & à quatre mille „ de cavalerie également découragés; „ que fi Landsberg qui ne pouvait Elire „ une longue réfiilance , tombait entre ,^ les mains des Suédois , fes forces
13 E Gustave-Adolfe. 179
j5 étaient trop peu confidérables pour
„ leur réfifter & pour couvrir Franc- i<^?o-
, fort & la Siléfie; qu'il manquait lai- ^^''°'^''*
„ même des munitions que Cratz de-
„ mandait ; qu'il avait pour toute artil-
„ lerie dix pièces de canon & deux
5, fauconneaux ; que le pays ruiné &
„ défert n'offiait aucune reffource ; &
„ que fi l'on ne lui enyoyait promp-
„ tement des fecours , il fe voyait
5, expofé aux plus grands revers &
5, dans l'impodibilité de les prévenir. „
Cependant Scliaumbourg pourvoyait
de fon mieux à la confervation de
Francfort , regardé avec raifon comme
la clé de la Poméranie.
L'état flicheux des affaires de l'em- pereur n'avait pas échappé au comte de Tilii ; mais les troupes Autrichien- nes difperfées par toute l'Ailemagne n'avaient pu fe réunir affez prompte- ment pour contenir les Suédois ; d'ail- leurs , argent , vivres , munitions de
M ij
iSo Campagnes
mfiissmim guerre , artillerie , tout manquait. L'hi- 1630. ver fe faiiait fentir vivement, & les
Dccembre, provinces qui auraient pu fournir des fubPiftances étaient épuifées ou dé- valuées. Cependant le généraliffime avait envoyé ordre à quelques régi- mens cantonnés dans le duché de Juiiers , la Souabe & la Franconie , de prendre le chemin de la Bafiè - Saxe , de fe joindre à ceux qiû occupaient ré»/êché de Bremen & de fe rendre enfuite fur l'Elbe aux environs de
f^T^^^^ Magdebourg : d'un autre côté OfTa ^67 1' comniiflaire Impérial raifemblait de l'argent & des vivres. Enfin après avoir furmonté les plus grandes dif- ficultés , le généraliflime fe vit à la tête d'une armée de vingt-deux mille liommes , tant Autrichiens que trou- pes de la Ligue Catholique.
innvier.
DE GU ST A VE-AUOLF F. I8l
SECONDE EPOaUE.
Av A N T de continuer le récit des opérations militaires des Suédois & 1631. des Autrichiens, il convient de jeter J^"^^^'^* un coup-d'œil fur l'effet que produiii- rent les fuccès de Guflave - Adolfe. L'empereur & les princes de la Ligue Catholique les regardèrent comme un orage pailager qui s'appaiferait bientôt. Les protellans & l'éledeur de Saxe en particulier jugèrent l'occafion favorable pour faire repentir la cour de Vienne de fon injuilice & de fa tyrannie : ils étaient irrités fur -tout de la rigueur avec laquelle les commiffiu'res Impé- riaux pourfuivaient l'accufation de cri- me de lefe-majefté , intentée par le iif- cal de l'Empire contre ceux qui avaient fuivi les drapeaux de l'éiedeur Palatin , du comte de Mansfeld , du roi ds
M iij
janvier.
182 Campagnes
Dannemarck & du prince Cliriftian 1631* cle Brunfvick, admîniftrateur de Hal- berltat : Ferdinand avait connlque k fon profit tous les biens de leurs adhé- rens; & en fuppofantque la confifca- tion fût jufte , çMq appartenait , félon les loix Germaniques , non à l'empe- reur , mais aux princes dans la domi- nation defquels les fiefs faifis fe trou- vaient fitués. C'était donc une nou- velle ufurpation de la part du mo- narque Autrichien , qui , malgré les vives repréfentations des differens états , ne voulut jamais révoquer les pouvoirs de fes commiffiiires , ni même fufpendre leurs procédures. Cette con- duite acheva d'aigrir les efprits. Le général Arnimb , devenu l'homme de confiance de l'électeur de Saxe , cher- chait à fe venger du peu de cas que Ferdinand avait fait de fes fer vices lors de ladépofitionde Valilein : il excitait continueilement ion nou^ eau maître
DE GUSTAVE-X^DOIFF. I§5
contre le m marque. Nonobftant les *''-'^"-^' ^ contradidions eies minillres de Jean- i5)i» George qui recevaient prefque tous des -f^"^^"- pcnlions de la cour de Vienne, il par- vint à fon but. L'éleéleur fort adonné à Tivrognerie {a) ne s'occupait de fes affaires que quand il était à jeun, ce qui arrivait rarement. II avait néan- moins de l'ambition , & ne pouvait fupporter qu'après tant de fervices ren- dus à .la maifon d'Autriche , elle vou- lût priver fon fils de l'archevêché de Magdebourg , & refufât de rétablir dans fes privilèges la ville d'Augs-* bourg , au fort de laquelle il s'intéref. fait.
Arnimb fomentait le mécontente- ment de l'élecieur, lui repréfentait qu'avec fes forces il pouvait iè faire redouter de «la cour de Vienne; lui dépeignait fon ingratitude fous les couleurs les plus noires ; ralTurait
(a) Il préféiaitla bière aux nicilienrs vins.
M ir
184 Campagnes qu'on n'en obtenait rien qu'en Tinti- 163 1. midant ; & que pour y réuffir , il fallait Janvier. £;^j^,ç qj^^^^i^^q ^ pempeteur que les états
proteftans ne fe joignifTent aux Sué- dois; qu'il pouvait renouvelle!* l'Union Evangélique & s'en rendre le chef; qu'il devait rechercher l'alliance de Guftave pour augmenter les inquié- tudes de Ferdinand , & qu'on profi- terait de fon embarras pour obtenir fatisfaction fur l'archevêché de Magde- bourg 5 la Luface & la fuccefiion de Cleves & de Jnliers ; mais qu'il ne fallait conclure réellement aucun traité avec le roi de Suéde , afin de pouvoir embrafier le parti qui offrirait le plus d'avantages. Jean -George adopta ce plan & il y revint après la mort de Gufi:ave , quoique les circonftances l'eufiènt obligé d'unir fes intérêts à ceux de ce monarque.
L'électeur de Saxe fe concerta avec celui de Brandebourg , pour le moins
DE Gustave-Adolfe. iSf aiifîî mécontent que lui de la cour de Vienne : ii y eut entre ces deux prin- i<^3 !• ces une entrevue à Annaberg, & ils convinrent de mettre tout en œuvre pour rendre l'empereur plus traitable. Jean-George tintenfuiteàTorgau les états de fon éledorat : ils décidèrent qu'il était indilbenliible de convoquer le Corps Evangélique. L'éleCteur défi- gna la ville de Leipzig pour le lieu de l'afTemblée , dont l'ouverture fut fixée au commencement du mois de février, & adrcda des lettres circulaires à tous les états proteltans de l'Empire , pour les inviter à fe rendre au congrès, où l'on s'occuperait des intérêts de la caufe commune. On verra bientôt l'effet de ces démarches.
Quelque confiance que Guftave eût dans la valeur de fes troupes & dans fon habileté, il avait compris qu'il ne ferait jamais de progrès durables en Allemagne avec fes feules forces, ■
185 Campagnes ».v.:»^:^^ £^ Suéde déjà épuifée par les guerres 153 1. précédentes , ne luifournifiiiit ni alFez de troupes ni aflèz d'argent pour exé- cuter fes vaftes projets : il n'ignorait pas combien la piiiŒince de l'Empire eft redoutable , lorfque tous fes mem- bres font unis & concourent au même but; il ne pouvait efpérer de fuccés qu'en armant le Corps Germanique •contre fon chef : aufli excitait-il les proteftans à prendre les armes ; il ufait en même tems de tous les moyens propres à difpofer en fi faveur les principales puiffimces de l'Europe , dont il eft à propos de faire connaî- tre les vues.
Les Hollandais regardaient l'expé- dition du roi de Suéde comme la di- verfion la plus favorable qu'ils puflent fouhaiter, & ils fournirent de l'argent au monarque: ils efpéraient que l'em- pereur occupé à fe défendre lui-même, ne pourrait déformais donner contre
.DE GUS T A VE-AdO LFE. IS7
la république des fecours à l'Erpa^ne, ^^^'^ qui ferait peut-être obligée de par- , ^.
Ai o I Janvier.
tager Tes forces pour foutenir Ferdi- nand.
Le roi d'Angleterre , tout faible & irréfolu qu'il était , infifrait toujours pour que l'empereur reftituât le Paiâ- tinat à Frédéric V : il envoya un peu d'argent à Gullave , & fit hâter la levée des troupes Angîaifes deilinées à renforcer fon armée.
Le roi de Pologne, ennemi déclaré des Suédois , penchait pour la cour de Vienne ; mais l'épuifement de fon royaume ne lui permettait pas de fe déclarer. Ferdinand en tirait cepen- dant en fecret quelques fiibles fecours.
Le roi de Danemarck haïifait la maifon d'Autriche : cette raifon & l'in- térêt de la religion proteftante qu'il profe fiait , auraient dû lui foire em- braifer le parti des Suédois ; mais il était jaloux de Guftave & redoutait
188 Campagnes »^'""*^^ Ion ambition autant que celle derem- ï 53 I . pereiir : audi refta - 1 - il neutre , dans Janvier, l^efpérance que ces deux potentats s'af- faibliraient mutuellement , qu'alors il deviendrait arbitre , & profiterait de la conjond:ure pour augmenter fa puif- fance.
Les fouverains d'Italie, que la guerre ^ de Mantoue avait juîlement alarmés,
virent naître avec joie une querelle qui allait occuper en Allemagne tou- tes les forces des deux branches de la maifon d'Autriche.
La France s'intéreflàit vivement aux fuccès du roi de Suéde. Jufqu'alors des guerres de religion & des révol- tes fomentées par la cour de ]\ladrid avaient occupé cette couronne ; mais les huguenots étant abattus & les grands foumis , le cardinal de Riche- lieu fentit que le royaume qu'il gou- vernait pouvait JQuer le premier rôle en Europe.. Il propola k Louis Xlil
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. î g9
de prendre part aux affaires de TEni- r^ pire , & eut beaucoup de peine à vain- 163 1. cre fa répugnance. Le prélat, moins Janvier, attaché aux intérêts de la religion catholique & plus éclairé que fon maî- tre fur ceux de l'état , lui fit en ^ ifager Ja guerre d'Allemagne comme une querelle politique telle qu'elle l'était en effet , & dont il pouvait fe mêler fans fcrupule , pour maintenir la li- berté Germanique & affaiblir la mai- , fon d'Autriche ; fauf à prendre les me- fures convenables pour mettre la reli- gion à couvert. Louis fe rendit aux raifons de fon miniflre , & commença par défa vouer le traité de Katisbonne en ce qui concernait l'Allemagne , afin d'y intervenir quand il le jugerait à piopos , fans paraître violer fes enga- gemens. Richelieu trouva qu'il fufïifait d'abord que fon maître donnât des fecours aux Suédois, fans prendre lui- niênig les armes , & il envoya le baron
Janvier.
T90 Campagnes
de Charnacé auprès de Guftave,pour T(S5 1. conclure dans cette vue un traité avec lui.
Le plénipotentiaire Français arrive au camp de Beervald & entame aufîi- tôt la négociation dont il eft chargé. Quoique Gcftave ientît que le con- cours de la France pouvait lui être utile , il craignit cependant que cette couronne ne voulut partager le fruit de fes travaux , & témoigna d'abord peu d'empreflement pour l'alliance de Louis ; mais Charnacé diffipa les crain- tes du roi. Richelieu prétendait qu'on inférât dans le traité une claufe en Riveur de la religion & des états catho- liques de l'Empire : Guftave au con- traire voulait ufer de repréfailles , & traiter les catholiques comme l'em- pereur avait traité & traiterait les proteilans. L'ambaffuleur eut befoiii de toute la dextérité pour perfuader le monarque de fe relâcher fur ce
DE GUS T A V E-Ad 0 LFE. I^T
point : il lui repréfenta que , quand ? même Louis XÎII n'aurait pas pour i^3i« fa religion le zèle qu'il avait en effet, il ne pourrait , fans compromettre fa réputation , abandonner les catholi- ques à la merci des proteflans; qu'il devait fuffire à ces derniers que le roi très - chrétien s'intéreffât à la confer- vation de leurs dogmes & de leurs privilèges ; & qu'au furplus la France & la Suéde ne montrant d'autre but que le rétabliffement du fyltême de l'Empire , on parviendrait facilement à détacher les catholiques bien inten- tionnés des intérêts de l'empereur. Charnacé ajouta , qu'être le protecteur des libertés Germaniques & le ven- geur àcs proteflans , était un rôle trop noble & trop éclatant , pour le fouilkr par des perfécutions , dont il fallait au contraire tarir la fource.
Les raifons de Charnacé étaient trop folides pour ne pas fiire impref-
192 C A M I^ A G N E S
^^^rr fioii fur jGuftave; mais il s'éleva une 1621. nouvelle difficulté fur le titre de ma-
Janvier. • .7, i; 1 n" j 1 ••
jejte , que 1 ambailadeur ne voulaïc point accorder au monarque dans le traité , fous prétexte que la France ne le donnait pas aux rois électifs : celui de Suéde était alors réputé tel , parce que les états de fon royaume n'avaient pas renoncé au droit d'élec- tion. Dès l'année précédente cette conteftation avait empêché Guftave de traiter avec Louis XIII : il répondit cette fois , que tous les rois étaient égaux, & déclara formelleipent qu'il renoncerait plutôt à l'alliance de la France, que de fe départir des droits de la dignité. Charnacé fe relâcha, & le roi de Suéde nomma le feld- ma- réchal Horn , Jean & Charle Banner y pour négocier avec lui. 24 Le traité fut bientôt conclu. II por-
tait, I .que les couronnes de France & dvi Suéde s'unifiaient pour rendre
la
DE GUST A VE-AdOL FE. I9?
4a liberté à leur voifins , défendre leurs
alliés communs , affurer la liberté du ^^^^*
o 1 1 • • p i,^ Janvier.
commerce & de la navigation lur 10- céan & la mer Baltique , rétablir dans leurs prérogatives les états de l'Em- pire 5 & faire démolir les forts élevés contre le droit des gens fur l'une & l'autre mer &xians le pays des Grifons : 2^ que les o^^reffeurs de l'Allemagne & de l'Italie ayant refufé de réparer leurs torts , on n'uferait plus défor- mais que de la voie des armes pour les y contraindre , & pour la défenfe de la caufe commune : 3*^, que le roi de Suéde emploierait au moins en Allemagne trente mille hommes d'in- fanterie & fix mille de cavalerie à fa folde, pour foutenir une guerre aufli julte & aufîi importante , & que le roi de France paierait annuellement à Guftave la fomme de quatre cents mille écus d'Allemagne , & comptant celle de quarante mille : 4<^. que Iqs Partie IL N
IS4 Campagnes deux puiiïances contradantes ponr- I <55 1. raient lever mutuellement des troupes •Janvier. ^^^^ huTS états refpectifs ; que leurs ports feraient ouverts à leurs vaiiTeaux & fermés à ceux de leurs ennemis: f °. que les déferteurs & les criminels feraient rendus réciproquement : 6^ que quels que fuflènt les fuccès du roi de Suéde , il ne changerait rien à l'état de la religion dans les lieux qu'il occuperait , & obferverait à cet égard les loix & les conflitutions de l'Em- pire : 7°. que tous les princes ou états quelconques , foit du dehors foit du dedans de l'Allemagne , qui délire- raient accéder au traité, y feraient compris , pourvu qu'ils fupportaffent en ce qui dépendrait d'eux les charges de la guerre : 8°. qu'on en uferait d'abord amiablement à l'égard du duc de Bavière & de la Ligue Catholique , & qu'on leur acccorderait même la .neutralité s'ils la demandaient : 9^ que
DK GuSTAVE-AdoIFE. T9f
les propofitions de paix ne feraient ?^?^^ écoutées & acceptées que du con fente- ^ ^3 t* lîient unanime des confédérés : lo^ & 11°. que le traité durerait jufqu'au is de mars 1636, & qu'on le renouvel- lerait alors , fi la paix n'était pas ré- tablie.
Telle eiï l'origine de cette fameufe union de la France & de la Suéde , qui fubfifte encore aujourd'hui , du moins en partie. Plufieurs hilloriens ont avancé que le cardinal de Riche- lieu attira les armes de Guftave dans l'Empire & prépara feul la révolution qui en changea la forme ; mais ce qu'on a rapporté jufqu'ici prouve d'une manière évidente que le prélat profita feulement des conjon dures. Quand même il n'aurait pas donné quelqu'argent au roi de Suéde , ceiui-cl eût toujours tenté fortune. La con- duite de Richelieu n'en ell; pas moins habile ; car il n'en coûta à Louis XIII
N jj
19^ Campagnes ^^^S qu'un fubiide très-modique pour acca- ï63i' bler fucceflivement deux empereurs jufqu'à la paix de Veftpbalie , & la France eut ainfi le tems de jeter en liberté les fondemens de ù\ propre grandeur.
Guftave avait interrompu- fes opé- rations pendant quelques jours , pour laifler repofer fes troupes : lui feul était toujours en action ; car tandis qu'il écoutait les propolitions du ba- ron de Charn icé , il Riifait mettre Gartz en état de défenfe & conilruire lin fort à la droite de l'Oder près de Cîiftrin , pour rendre ce paiTage inu- tile aux Impériaux. Le roi ne perdait pas de vue îe projet de les chaflTer entièrement de la Poméranie & de la nouvelle marche de Brandebourg, & de pénétrer dans l'éledorat de ce nom > dans celui de Saxe & en Luface : par ià il lé préparait des relTources im- menfes pour la guerre & fe mettait
DE G U S T A V E- Ad OL F F. I97
à portée d'attaquer les états hérédi- -
taires de l'empereur; mais Tapproche I6>i. du comte de Tilli fufpendit l'exécution J'^''^^^'^- de ces defleins. Le généralifllme in- quiet pour Francfort & Landsberg avait laiffé le comte de Pappenheini devant Magdebourg & en était parti à la tête de vingt-deux mille hommes , pour venir aflurer lui - même la con- fervation de ces places : il arrive bien- tôt à Francfort, réunit les troupes du Février. comte de Schaumbourg à fon armée qui monte alors à trente-quatre mille hommes , laifTe quatre régimens à Francfort, prend le chemin'de Lands- berg , le ravitaille & oblige le colonel Todt qui bloquait cette place, de fe replier fur farmée de Guftave toujours campé cà Beervald. Quoique le mo- narque eût été renforcé par quatre / mille Suédois & trois mille Allemands venus de Pruffe , il ne lui était plus poilible d'attaquer ni Landsberg ni
N iij
198 C A M PAGNES
^Francfort : c'ell: pourquoi il £e détet"
î 63 1 . mina à repafler l'Oder avec une partie f?Frier. ^^ ç-^^, forces. Le roi voulait retenir Tilli pendant quelques jours prés du fleuve, pour lui faire confumer inuti- lement fes fubfiftances , attaquer lui- même les villes frontières duMeckel- bour^^, feindre de pénétrer dans ce duché pour y attirer les Impériaux, les éloigner ainii de Francfort & de Landsberg , & revenir alors fur fes pas pour emporter cçs places. Ce pro^ jet qui obligeait les Autrichiens à difl férer le fiege de Magdebourg , avait encore l'avantage de fatiguer leur ar* inée 5 en la forçant à de grands mou- vemens , tandis que le roi n'en fefait que de petits. Tilli fe propofait de le contraindre à combattre , efpérant terminer la guerre par une bataille décilive ; mais le monarque avait ré^ folu d^éviter tout engagement, Gutove ordonne au feld-maréchal
DE Gustave- Adolf F. 1^9 Horn de fe poller à Soldin avec fix mille hommes d'infanterie & trois 153 1. mille de cavalerie , pour contenir les Février. Impériaux & la garnifon de Landsberg; de prendre des quartiers fur l'Oder fi l'ennemi fe difperfe , & s'il fe raflem- ble pour agir ofFenfivement , de met- tre garnifon à Soldin , Kônigsberg, Pyritz & Damm , & de fe retirer aux environs de Stargard ; de ne hafirder une adion qu'à la dernière extrémité ; que fi les Autrichiens fuivent l'armée royale, il aille auffi-tôt attaquer Lands- berg, & tente de s'emparer de Driefeii ville fituée fur la Netze. Le roi re- commanda de plus au maréchal, de laflembler alTez de fubfiftances pour lui en envoyer, de prefTer les travaux de Stettin & de Gartz , de l'informer exadement de tous les mouvemens de l'ennemi , & de tirer quelques trou- pes des places pour renforcer celles qui bloquaient Colberg. Ces ordres
N iv
soa Campagnes
donnés, Guflave fe rend de Beervald 163 1. à Stettin à la tête de feize mille hom- Fêvrier. j^ies , pafie l'Oder & campe à Loc- kenitz.
Tilîi informé du départ du roi de Suéde , fe rapproche de Francfort : n'ayant ni mefures prifes , ni fubfif- tances préparées pour fuivre le mo- narque dont il n'avait pas prévu les rnouvemens , il écrit au duc de Sa- velli gouverneur de Demmin , « qu'il „ fera infailliblement alfiégé ; mais ., que la place étant défendue par une . 3, garnifon nombreufe , bien pourvue „ de vivres , d'artillerie & de muni- s, tions , il lui enjoint de tenir au „ moins trois femaines , pour lui don- „ ner le tenis d'arriver à fon fecours ; ^ & que fi contre toute vraifemblance „ la ville eft obligée de fe rendre, il s, fe retire à Rollock avec fes troupes.,, Tandis que le général Autrichien fe difpofc à fuivre Guflave, celui-ci dé-
Î)E GûSTAVE-AdOLFE. 201
campe de Lockenitz & marche à Neu- Brandebourg, gardé par quinze cents i^^jI. flintailins Impériaux & trois cents ^^^'^'^* Croates aux ordres de François Ma- razzani , qui fe trouve trop faible pour réliller aux Suédois & leur rend la place : ceux-ci s'emparent en même tems d'Alten-Treptou & de Klem- pnou , Se fe préfentent le lendemain 17 devant Demmin , que Guftave recon- naît en perfonne; fon armée tourne is en fui te à droite , traverfe la Peene & invertit Loitz , où commandait un offi- cier Efpagnol nommé Pierre Peralta , qu'on envoie fommer: ce rodomont s'arme de toutes pièces , fait alTembler les principaux de la ville , & demande en leur préfence au trompette Suédois, s'il refTemblc à un poltron ; il le charge en même tems d'affurer le roi , qu'il eft déterminé à s'enfevelir fous les ruines de la place. Comme elle était mai fortifiée, cette menace n'inquiète
202 Campagnes pas le monarque , qui fait dire au gou- 1531. verneur qu'il lui accorde du tems pour
X cVricr
fe préparer à une vigoureufe défenfe. Mais Peralta enfin convaincu qu'il ne peut tenir contre une armée , demande à capituler, & vient trouver le roi qui le raille fur fa belle défenfe , & prend poffeflion de Loitz. Il n'occupa cette ville que pour empêcher les Impé- riaux de troubler la fureté de fes con- vois durant le fiege de Demmin. Pen- dant que Gullave fe prépare à le com- mencer , Jean Melck s'approche avec trente-fix cavaliers Suédois de Mal- chin, ville très ■ importante du Alec- kelbourg fur la Peene , gardée par deux compagnies de dragons Autri- chiens. Quoique Melck n'eût pas d'in- £mterie , il forme le projet de s'empa- rer de la place par ftratagême. Les habitans des villages voifins defiraient s'affranchir des brigandages continuels de la garnifon : Melck profite habile-
DE GusTAVE-AdoLFE. 205
ment de leurs difpofitions ,raflrembleà la hâte quelques chariots & environ ^^V* trois cents payfans , s'approche de Mal- chin pendant la nuit, fait alkuner un grand nombre de feux , & à la pointe du jour il envoie fonimer la ville au nom du roi de Suéde, avec menace de palfer la garnilbn au fil de Pépée , fi elle ne fort à Pinftant fans armes. Les crédules Impériaux, frappés du fpedacle de tant de feux, ne dou- tent pas de l'arrivée de l'armée Sué- doife ; ils évacuent auffi - tôt la place, font environnés , Hés par les payfans, jetés fur des chariots & conduits à Guflave, qui les enrôle dans fes trou- pes , & envoie occuper Malchin.
Le roi renforcé par Dodo de Knip- haufen avec deux mille hommes d'in- fanterie & mille de cavalerie venus de Stralfund' , où ces troupes qui ar- rivaient de Suéde avaient débarqué , 23 part devLoitz & arrive aux portes de
ft04 Campagnes Demmiii , occupé par quatre mille T631. hommes d'infanterie au moins , &
Février. 1 • 1 1 •
quelques compagnies de cavalerie. La place bâtie dans un coude de la Peene , arrofée au midi par la Tollen- fée & au couchant par la Triebel, avait deux enceintes : la première à l'antique, compofée d'un mur avec des tours & un foiFé ; la féconde for- mée de baftions , d'un fofifé plein d'eau & d'un chemin couvert. La Peene eft bordée de marais aflez étendus , au milieu defquels les Impériaux avaient élevé fur le chemin de Stralfund uil fort quarré , qui environnait une tour à l'épreuve du canon : on ne parve- nait à ce fort protégé par l'artillerie de la place, qu'en paflant deux ponts. Une grande demi -lune revêtue cou- vrait les remparts entre la Peene & la Triebel fur la route du Holftein.
Gi^ftave établit fon quartier dans le château de Schveinebourg , & faiC
DE Gustave -x^DOLFE. 20^ camper la pins grande partie de fon r— ----^ année derrière le Mont-aux-Nonains : ' ^> i« ( ^ ) le refte des troupes eft employé ^^""* aux approches. La terre était fi forte- ment gelée, qu'on ne put l'entamer, & qu'on fut obligé de conftruire les batteries avec des fo^cines feulement. Le roi ordonne à Dodo de Kniphaufen & au colonel Todt d'attaquer pendant la nuit le fort quarré : le duc de Savelli D" ^j au avait négligé de faire cafTer la glace du folTé , ce qui aurait dû être fon premier foin. Les Suédois paflent le marais, & environ deux mille liom- mes , qui gardent le fort, l'abandon- nent après une faible réfiftance & fe retirent dans la tour, dont les murailles éta'ent fi épaifles , qu'il fallut la miner. "Le roi avait fait drelTer fur le Mont- îiux-Nonains une batterie de gros ca- non qui incommoda beaucoup les affié- gés ; comme il voyait tout par lui-
(a) Eo allemand Isonntn-Btrg,
206 Campagnes r •-^'•"•' même , il voulut reconnaître fi l'on 1631» pouvait former une attaque du côté Février. ^^^ marais , s'avança fur la glace qui rompit fous fes pieds, & tomba dans l'eau , d'où on le retira fins accident. 27 I>es Suédois ayant réuffi à miner
la tour du fort , ou du moins à le perfuader à ceux qui la défendaient , ils craignirent de fauter & fe rendirent à difcrétion. Guftave fit planter leurs huit drapeaux près de fes batteries pour intimider la garnifon. Le colo- nel Teuifel emporta le même jour la demi -lune qui couvrait la porte de Holftein & y fit un logem;ent, La prife du fort & de la demi-lune laiffait en- core aux Suédois de grands obftacles à furmonter : les deux enceintes de la ville reftaient entières & pouvaient les arrêter long-tems ; mais le duc de Savelli , plus occupé de la confer- vation de fes richeRes que de celle 86 de fa réputation , capitula le troifiemè
DE Gustave-Adolfe. 207
jour du fiege : il fortit de Demmin à la tête de fa garnifon avec armes, i6n- bagages & deux pièces de canon. î^*^^"^"^- Lorique Savelli palEi devant Guftave , celui - ci lui dit en italien , « qu'il 5, était charmé qu'il eût quitté le fé- „ jour de Rome pour venir faire la „ guerre en Allemagne ; mais que „ l'empereur devait l'employer plutôt ,, à la cour que dans fes armées. „ Vérité dure , il eft vrai , mais qui prou- ve le mépris que la lâcheté entraîne toujours après elle. Le roi regardant fes généraux , ajouta en fuédois : « Si „ ce poltron était à mon fervice , je „ lui ferais trancher la tête ; cependant „ je connais aflez la dévotion de l'em- 5, pereur , pour alTurer qu'il obtiendra 5, fon pardon. „ Le roi de Suéde trou- va dans Demmin une prodigieufe quan- tité de grains , de fourrages , de mu- nitions de guerre & trente -fix pièces de canon , dont quatorze de fonte. Les
208 Campagnes f!?!^^^ équipages de Q,uinti-del- Ponte, qui i6ii. avait trahi le monarque & tenté de le Février. |j^/j.gj. ^^ comte de Torquato- Conti ,
étaient parmi les effets compris dans la capitulation ; les commiiïaires Sué- dois voulurent les coniirquer : Non , dit Gultav e , j'ai donné ma parole , (5r je ne veux pas quon puijfe me repro^ cher d'y avoir manqué. DélicatelTe ad- mirable , qui n'exifte que dans une ame véritablement grande.
Quand le comte de Tilli a raf^ femble les fubbilances nécefîaires pour fe rendre dans le Meckelbourg , il laiiîe aux ordres du général Schaum- bourg huit mille hommes à Franc- fort , part des environs de cette place avec vingt - quatre mille hommes & vingt -cinq pièces de canon , & dirige fa route à travers l'éleclorat de Bran- debourg , parce qu'il n'ofe s'avancer le long de l'Oder, dont la rive gauche ell ruinée , ni s'engager au milieu des
places
Février.
DE Gustave-Adolfe. 209 places des Suédois. L'armée catho- lique paiïe la Sprée à Furftenvald, la i^H- Dais à Vufterhaufen , la Saar à Saar- mund, arrive à Lenihn , s'avance en- fuite à Brandebourg où elle traverfe la Havel , marche fucceffivement à Naueii & à Fehrbellin , & s'arrête à Ruppin. Le duc de Savelli vient ap- prendre lui-même au comte de Tilli fa honte & les fuccès de Guftave-Adolfe» Le généralifTime irrité de la perte de Demmin , chafle Savelli de fon camp , lui ordonne de fe rendre à Vienne , & écrit en même tems à l'empe- reur , « que cet officier indépendani- „ ment de ce qu'il ne s'eft pas retiré ,5 à Roftok avec fa garnifon , comme „ il en avait l'ordre , afin de fortifier „ d'autant les troupes Impériales ré- „ pandues dans le Meckelbourg , a ,j fi mal défendu Demmin , que fes „ propres foldats l'ont infulté en for- 55 tant de la place j 3c qu'il faut ab-
Parde IL 0
2îo Campagnes
„ folument faire un exemple éclatant ^^31' ^ de ce ,lâche. „ Savelli dl arrêté & ^'^""' on lui donne des juges. J\lais ce que le roi de Suéde avait prévu arriva ; les amis de l'accufé agirent fi efficacement auprès de l'empereur , qu'il en fut quitte pour renoncer à un état auquel fa rapacité & fon manque de courage le rendaient peu propre. On ne tarda pas à l'employer dans plufieurs négo- ciations importantes , & à le combler de faveurs.
Après la reddition de Malchin & de Demmin , le Meckelbourg fut ou- vert aux armes de Guftave : il était maître de tous les paiîliges , & pouvait continuer les conquêtes dans ce duché; mais voyant que le comte de Tilli s'en approche & donne ainfi dans le piège qu'il lui a tendu , il fe difpofe à s'approcher de Francfort. Guftave dif- perfa environ la moitié de fes troupes dans des quartiers qui s'étendaient de
DE GuSTAVE-AdOLFE. 211
Nen - Brandebourg à la mer , & de t^rrs^^^
roder aux frontières du Meckelbourg. 1 65 1 . Le général Kniphaufen établi à Neu- F*^vrier. Brandebourg commandait en chef dans cette partie. Le monarque voulant s'oc- cuper lui - même des préparatifs de i'entreprife qu'il doit bientôt tenter, reprend la route de Stettin avec le 29 refhe de fon armée , après avoir or- donné à Banner de refter à Demmin , d'en augmenter les fortifications , de mettre garnifon dans Loitz , Grimnien & Tribfées , & de fournir les fecours néceflaires à Todt chargé de bloquer Grypfvald , qui tenait encore pour l'empereur. Comme Tilli pouvait man- der aux troupes Autrichiennes can- tonnées dans le Meckelbourg de fe raflembler à Roftock pour inquiéter les quartiers du roi de Suéde , ou ten- ter lui-même de les enlever & de ra- vitailler Grypfvald , Guftave avait pré- vu tous es eus dans ks inQruclions
. Oij
ziz Campagnes
de fes généraux. Si Tilli faifait une 1631» irruption dans le pays occupé par les '^^^^^^* Suédois , foit pour fe rendre maître de Neu- Brandebourg, foit pour re- prendre Malchin , Banner devait lailîer devant Gryprvald un corps fuffifant pour en continuer le blocus, raffeni- bler le refte de fes troupes tant in* fanterie que cavalerie , joindre Knip- haufen & fe concerter avec lui pour arrêter les Allemands & pour donner au roi le tems d'arriver. Si les en- nemis fe réunifiaient à Roftock pour tomber fur Malchin ou marcher à Grypfvald , Banner avait ordre de je- - ter une forte garnifon dans la première de ces places , de raifembler des forces proportionnées à celles des Impériaux , de tirer au befoin de Stralfund les troupes qui ne feraient pas abfolument néceffaires à la défenfe de cette ville , & d'appuyer fa droite à Damgarten , fon centre à Tiibfées , & fa gaicheà
Février.
I)E GUST A VE-AdOLFE. 2IJ
Demmin , s'étendant ainfi derrière le Recknitz & la Triebel : ces rivières i<^3i' qui pouvaient non -feulement fervir de retranchement , facilitoient encore les communications L'objet de cette difpofition était de barrer aux Autri- chiens le chemin de Grypfvald : s'ils eufTent forcé le paffage , les Suédois n'auraient rien négligé pour rendre leur retour impofiible , en jetant des troupes dans les places qui fe fuflenc trouvées fur leur route. Comme il im- portait de les relferrer dans le ^lec- kelbourg , le Rhingrave qui comman- dait à J\ïalchin , eut ordre , fi la pru- dence le permettait , d'y faire occuper plufieurs poftes , & notamment i\lal- chou & Varen fur le lac de Calpiner : le général Banner avait injonclion du roi de lui envoyer les renforts dont il aurait befoin pour remplir cet objet. Si le comte de Tilli tentait avec toutes fcs forces de pénétrer dans l'Ucker-
O iij
214 Campagnes Marche & de s'approcher de Gartz ou 163I' de vStettin , Guftave projetait pour faire diverfion , d'envoyer attaquer Prens- lou. Banner devait en même tems raC- fembler autant de troupes qu'il pour-, rait, lailTant les places fuJFRfamment garnies , & venir joindre KniphauFen à Neu-Brandebourg. Dans tous les cas , les généraux Suédois avaient ordre d'informer exactement le roi , foit des mouvemens de l'ennemi , foit des leurs, afin qu'il pût prendre confé- quemment fes mefures particulières. Le général Banner écrivit au colonel Perufi , commandant de Grypfvald, pour rengager à capituler : il lui re- préfentait , « que la Poméranie entière „ étant au pouvoir des Suédois qui 55 reflerraient la place de tous côtés, „ il n'avait aucune efpérance d'être „ fecouru ; que s'il différait d'évacuer 35 la ville , il était douteux qu'il pût „ en fauver la garnifon , à laquelle le
DE GUST AVE-AdOLF E. 2If
„ roi , irrité d'une vaine réfiftance , majumm
„ n'accorderait aucune capitulation ; i5ii.
5, qu'il l'exhortait à ne pas attendre Février.
„ la dernière extrémité , & fe faifait
„ fort de lui obtenir de Guflave deâ
5, conditions honorables; qu'au reft®
,3 il voyait avec indignation que les
„ Impériaux continuafiTent à brûler &
35 à ravager inhumainement laTomé-
„ ranie , & qu'il l'engageait à répri-
„ mer des excès qui lui attireraient
„ la plus jufle des vengeances. „ Peruli
répondit, <* qu'il ne pouvait fe rendre
„ fans ordre des généraux de Pempe-
5, reur , & qu'à l'égard des incendies
„ qu'on lui reprochait, il n'y avait au-
„ cune part , à moins qu'il ne s'agît
5, de la ruine de quelques maifons
^ bâties trop près des remparts de
„ Grypfvald. „ Le colonel Allemand
chafia enfuite de la ville toutes les
bouches inutiles , afin de ménager fes
fubfiftances , Se de pouvoir réfifter plus
long-tems.
216 Campagnes
Les états de Poméranie s'afTem* 1 5a I . blerent à la requiFition du roi de Suéde ;
Fcvricr,
il leur fît repréfenter que tout l du- ché fe trouvant délivré des Impériaux , il avait réfolu de porter fes armes ailleurs, pour ne pas l'incommoder plus long-tems de fes propres trou- pes ; mais que comme il fallait pour- voir à la fureté du pays , il était indit penfable qu'ils levaffent dix mille hom- mes d'infanterie & trois mille de ca- valerie 5 qui leur prêteraient ferment de même qu'à lui & au duc Bogislas. Le monarque remit enfuite aux dé- putés une obligation de cent trente mille écus d'Allemagne , qu'ils avaient été contraints de donner au colonel Autrichien Hatzfeld , & qu'un parti Suédois avait trouvée parmi d'autres papiers. Les états foufcrivirent aux demandes de Guftave , le remercièrent d'avoir pris leur défenfe , & l'aifurerent qu'ils formaient les vœux les plus
DE GU ST A VE-AdOIF E. 217
ardens pour le fuccès de fes armes.
Dès que tous les proteftans de 163 1. l'Empire eurent reçu la lettre de l'é- ^^^"^'^*• lecteur de Saxe , ils s'emprelTerent de fe rendre à Leipzic. L'éledleur de Brandebourg , celui de Saxe , tous les princes de fa maifon , le landgrave de Hefle & beaucoup d'autres fouve- rains moins puilTans y vinrent en per- fonne : les villes & les états parti- culiers y envoyèrent des députés. Les membres du congrès s'étant aflem- '^ blés à l'hôtel - de - ville , l'électeur de Saxe leur dit, «qu'il fallait prendre „ les mefures les plus efficaces pour „ remettre en vigueur les conftitu- „ tions germaniques & donner la paix „ à l'Allemagne ; qu'on ne devait pas ^ „ fonger à fe fouffcraire à la jurifdic- „ tion de l'empereur , mais qu'on avait „ le droit d'exiger qu'il fe conformât „ aux loix de l'Empire. „ Les pro- tcftans avaient à peine commencé
218 Campagnes
leurs féances , qu'ils reçurent une lettre
T631. (Jli i-oi de Suéde : il leur ftufait part de fon traité avec la France , de la prife de Neu-Brandebourg , de Loitz , de IMalchin & de Demmin , & de la ferme réfolution où il était , de ne pofer les armes que quand l'Empire & la religion évangélique jouiraient de la liberté que leur accordaient les loix. Cette déclaration encouragea le congrès : nous rapporterons le réfultat de fes délibérations quand l'ordre des événemens l'exigera.
Mars. Le roi de Suéde faifait à Stettin des préparatifs immenfes pour atta- quer Francfort. On conftruifaic avec beaucoup de diligence de grands ba- teaux munis de majitelets deftinés à couvrir les foldats. On préparait en même tems un pont de bateaux affez large pour que cinq cavaliers puiTent y pafler de front. Guftave en arivant à Stettin, avait envoyé le maréchal
DE G U S T A V E - A 1) 0 L F F. 2T9
Horn devant Colberg pour reconnaître ?
l'état du blocus. La vigilance des Sué- 155 1. dois ayant empêché depuis long-tems Mars. le ravitaillement de la place, la garni- fon éprouve une telle diiette , que le colonel Julian fait dire à Horn , que " s'il veut lui accorder les honneurs de la guerre , il évacuera la ville. Le feld- maréchal dépêche un courier au roi pour lui demander fes ordres. Le monarque répond, qu'il Ruit fatisfiiire ce brave gouverneur. La capitulation efl: bientôt fignée , & le colonel Julian '? (û) fort à la tête de fa garnifon forte encore de deux mille quatre cents hom- mes d'infanterie & de fix cents che- vaux , avec armes , bagages & deux canons , laiffant dans la place cin- quante-une pièces d'artillerie & beau- coup de munitions de guerre. Quel- ques vaiflèaux équipés par les Autri-
(rt) PufFendorf nomme cet officier, François de Meurs.
220 CaI\1 PAGNES
chiens à Roftock & àVifmar amené* 1631» rent à Colberg un renfort de troupes ^^J' & des vivres ; mais voyant qu'on ne répondait pas à leurs fignaux , ils »p gagnèrent le large. Trois jours après , un bâtiment qui ignorait la reddition de la ville , entra fans défiance dans le port, où les Suédois le prirent. On enle- vait ainfi fucceffivement à l'empereur toutes les places de Poméranie , où il ne lui reftait plus que Gripfvald. La perte de Colberg fut pour le comte de Tilli un nouveau fujet d'inquiétude : cette ville importante pour les Impé- riaux , le devenait encore plus pour les Suédois. Leur flotte qui croifait fur la Baltique pouvait rafraîchir continuel- lement la place ; & de quelques fuccès dont le général Autrichien pût fc flat- ter , quand même Gufl;ave n'aurait eu que cette ville , il était déformais très- difticile , pour ne pas dire impoflTible , de le chafler entièrement de Pomé-
DE GuSTAVE-AdOL FE. 2?.I
rallie. Un détachement des troupes !^^™ employées au blocus vint palier la i<^3i. Bufch à Landeck & s'établit fur les frontières de Pologne , pour intercep- ter les vivres que les Impériaux ti- raient de ce royaume.
Tilli étonné de la prife de Demmin qui dérange fes projets , refte plufieurs jours à Ruppin , ne fâchant à quoi fe réfoudre : il prend enfin le parti de s'approcher des Suédois , jugeant qu'ils fe réuniront pour lui barrer l'entrée du Meckelbourg , & qu'il pourra alors leur livrer bataille. L'armée Impériale part de Ruppin & marche à Reins- berg , d'où elle prend la route de Feld- berg bâti fur le lac de Droetz , & dé- fendu par cent cinquante Suédois , 15 dont le commandant imagine devoir attendre que les Autrichiens viennent' le forcer : il fe retire dans le château & refufe de fe rendre. La garnifon i^ pouvait s'évader , gagner la Pomira-
222 Campagnes
nie à la faveur des bois , & le lac 16^1* même aurait fevorifé la retraite. Tilli ^'^^'^^' fait attaquer Feldberg : fes foldats font repouflës avec perte , & il fe voit obligé d'afliéger dans les formes cette bicoque qui l'arrête deux jours. La réfiilance des Suédois iVqH qu'une témérité mal- 15 heureuie: ils font enfin emportés d'at faut , & le général de l'empereur plus irrité de leur réfiflance que touché de leur courage , les fait paiTer au fil de l'épée. Cette barbarie fut vengée par la défaite de cinq cents cavaliers en- voyés par Tilli versTemplin. Un dé- tachement Suédois les furprit à la fa- veur d'un brouillard , en tua près de la moitié, & le rede fe fauva.
Pendant l'attaque de Feldberg , le colonel Cragen prit les devants avec douze mille Impériaux &inve{l:itNeu. Brandebourg, r)ccupé par deux mille Suédois aux ordres du général Knip- hauftn. Cet oificier conlidérant que la
DE Gus T ave-Ado LFE. 22?
ville forme la tête des quartiers du roi de Suéde, juge qu'il doit la con- i^5i- ferver aufli long-tems qu'il le pourra , & que puifque Guliave ne lui a pas envoyé ordre de fe retirer , c'eil une preuve qu'on fe difpofe à le fecourir : il ignorait que le monarque lui avait écrit d'évacuer Neu - Brandebourg , mais que la lettre interceptée par Tilli Ta engagé à le faire bloquer par une partie de fon armée , dans la crainte qu'il ne lui échappe. Le généraîiflime i- arrive devant la place avec le relie de fes troupes & l'envoie fommer. Kniphaufen répond qu'il veut fe dé- fendre. Tilli , loin d'être fâché de cette réfolution , fe flatte que Guflave viendra fans doute pour faire lever le fiege , & qu'il profitera de la con- jonclure pour le combattre : il tait commencer les travaux , qu'on pouiTe mollement , afin de donner au roi de Suéde le tems d'arriver. Le monarque
524 C A Ivl P A G N E S
qui avait d'autres vues , ne paraifTant 1631' pas,Tilli perd patience ;& comptant prendre d'emblée la place , entière- ment dépourvue d'artillerie , il donne pluiieurs aŒiuts que les affiégés re- pouiïent vigoureufement. Alors les Autrichiens dreflent des batteries , font plufieurs brèches aux murailles , ten- tent un nouvel affîiut , & font encore repouiTés avec perte. •
Au premier avis qu'eut Guflave que Tilli allait fondre fur fes quartiers , il J3 écrivit au général Banner , de prendre fes mefures pour que les Impériaux ne puITent lui couper la communication de Stettin , & que s'ils dépaflàient Neu- Brandebourg , il laiflat une forte gar- nifon à Demmin & rafTemblât toutes fes troupes à Friedland , tandis qu'il s'avancerait lui-même à Prenslou pour le joindre félon les circonllances à Star- gard ou à Voldeck. Le roi , afin d'être préparé à tout événement, fe rendit à
Pafvalck ,
DE GUST AVE-AdOL FE. 22f
Pafvalck , & ordonna au feld-maréchal
Horn qui était revenu de Colberg , i53I. d'aller remplacer les généraux Knip- ^'^^'^=- liaufen & Banner , de s'établir à Fried* land avec deux mille fix cents hom- mes d'infanterie , trois mille de cavale- rie & quatre cents dragons, d'employer le refte des troupes à garnir les places & à continuer le blocus de Gripfvald, & de relier dans Ton polie aufii long- tems que Ncu - Brandebourg arrêtera les Impériaux ; que s'ils s'avancent au- delà , il fe retire à Anclani , laiflfant garnifon à Spantikou , Landfcrona , Clempenou & même Friedland, pour les retarder ; que s'ils le pourfuivent , il fe couvre de la Peene & en défende le pafilige depuis fon embouchure dans le Petit - Haff jufqu'à Demmin ; que fi les Autrichiens s'approcheht d'An- clam , il relie près de cette place ; que s'ils prennent au contraire 1^ parti de s'approcher de Loitz ou de Demmin , Farde IL P
Mars.
225 Campagnes
jl en fafTe autant après avoir pourvu if^i- à la fureté d'AncIam & de Volgaft , & obferve de fe régler fur leurs mou- vemens & de les devancer toujours, pour leur difputer non-feulement le palTage de la Peene , mais encore celui de la Triebel & de la Recknitz ; qu'alors il raflèmble tous les bateaux de fon côté pour s'en fervir au befoin & en priver l'ennemi; que fi Tilli veut attaquer Loitz , les Suédois en détrui- ront le pont, empêchent l'ennemi de traverfer la Peene & fe portent près de la place ; que fi les Autrichiens s'approchant de Demmin , le maréchal a befoin de renforts pour contrarier leurs deffeins , il en tire de Barth & de Stralfund ; que s'ils marchent à Rib- nitz , il vienne fe pofter à Damgarten & faffe enfuite tous fes efforts pour fecourir la place ; & qu'enfin li fes troupes ne font pas affez nombreufes pour contenir l'ennemi, il fe retire à
DE Gustave-Adolfe. 227
Barth & à Stralfund. Comme le roi
fe difpofait à s'approcher en force de 1631. Francfort , il avait enjoint à Horn de Mars. lui envoyer le plus tôt poffible la cava^ lerie qui ne fefait pas partie de fon ar- mée. Il eut ordre , en cas que les Au- trichiens fuiviiïent le monarque , de les fuivre lui - même , après avoir kilfé quelques troupes aux paîTages de la Triebel & de la Recknitz , pour em- pêcher les Impériaux établis dans le Meckelbourg de fecourir Gripfvald.
Le colonel Autrichien Vingerski, gouverneur de Roftock , partit de cette ville avec douze cents chevaux qu'il conduirait à l'armée Impériale devant Neu - Brandebourg : il prit la route de Guftrou f, de Plau & de Rabel , pour éviter les Suédois ; mais le Rhingraf qui eft inftruit de fa marche , part de IMalchin fuivi de quelques efcadrons de cavalerie, s'avance fucceffR-ement à Vahren & à JMalchou , tire du ren-
228 C A I\I P A G N E 3
fort de ces places , fe trouve à la tête'
163 i' de deux mille chevaux, furprend les
^lars- • ennemis près de Plan & les taille en
pièces à l'exception de deux cents qui
fe fauvent à Viftock.
Le comte de Tilli rebuté de la ré- fifknce de Neu - Brandebourg ,en le- 22 vait le fiege , lorfque plufieurs régi- mens reliés à la- garde des tranchées pour contenir les Suédois , efcaladent fans ordre les remparts. Le bruit de la moufqueterie annonce à Tilli que fes troupes font entrées dans la place : il leur envoie promptement du ren- fort , avec injonftion de ne donner quartier qu'au général Kniphaufen. Les affiégés fe défendent en défefpérés ; mais ils font bientôt accablés par le nombre, & inhumainement paffés au fil de l'épée. Kniphaufen blelfé légè- rement parvint à gagner avec fon fils , quelques officiers & une foixantaine defoldats, l'hôtel -de -ville, où plu-
DE Gustave-Adolfe. 229 fleurs habitans tant hommes que fem- f^s^^n'^f^ mes s'étaient réfugiés: ce fut tout ce 1631* qui échappa au fer des Impériaux. ^^3"- Tilli n'épargna pas même les bour- geois , pour les punir , difait - il , de s'être livrés lâchement aux Suédois : il abandonna la ville au pillage, & le foldat y commit des cruautés inouïes. On ne peut excufer la barbarie du gé- néralifiime ; elle s'accordait ei'ailleurs fort mal avec les fentim.ens de religion qu'il affichait. Il était aigri par les mau- vais fuccès , & ne réfléchit pas que la conduite autorifait les Suédois à ufer de repréfailles. Guilave apprenant les maflacres ordonnés à Feldberg & à Neu - Brandebourg , protefta qu'il trai- terait les foldats de ce vieux caporal comme il avait traité les fiens , pour l'obliger à ne pas agir en bourreau , & à faire généreufement la guerre. Le monarque ordonna en même tems de défarmer la garnifon de Colberg qui le rendait à Landsberg.
230 Campagnes ***""''""--^ Le roi de Suéde , qui s'était avancé 163 1. à Friedland avec le projet de jeter du "• renfort dans Neu- Brandebourg ou de dégager Kniphaufen , fans néanmoins fe compromettre, fut très -fenfibl eau malheur de cet officier qu'il honorait de fon eftime. Dans le fait , il ne pou- vait fecourir la place qu'en s'expofant à une bataille, dont le mauvais fuc- ces eut anéanti le fruit de fes travaux ^ paires & détruit fes efpérances : il aima mieux perdre deux mille hommes & une ville peu importante , que de com- mettre une imprudence. Cependant, comme il était vraifemblable queTilli irait en - avant après fa conquête , Guf- tave pour le contenir fit ralTembler quelques tro<ipes entre Demmin & Treptou , retourna à Stargard , d'où il fe rendit à Anclam pour donner lui- même fes ordres dans cette partie ; mais conimie il importait au roi d'em* pêcher les Impériaux de s'approcher
DE G U S T A V E - A D 0 L F E, 2 51
de la Peene , il jugea que le meilleur moyen d'y réuITir était de marcher fans ^ ^5 1 ■ délai vers Francfort , afin d'inquiéter le général de l'empereur & de l'em- pêcher de profiter de la conquête de Neu- Brandebourg. Le monarque re- tourne à Stettin , en part avec dix mille hommes d'infanterie & cinq mille de cavalerie, marche à Neu-Anger- mund , fait occuper cette ville , campe entre Fierraden ( ^ ) & Schvedt dans une prefqu'île formée par un bras de l'Oder, 8c fe retranche. Le pont conf- truit à Stettin avait remonté en même tems le fleuve pour être fixé près de Schvedt. Les Suédois en couvrent les extrémités par des forts garnis d'artil- lerie , & conllruifent à Fierraden avec les bateaux qu'ils peuvent ralTembler , un fécond pont qu'ils fortifient comme le premier. Cet arrangement permet- tait déformais au roi de marcher vers
(c) Ou Vicrraden.
P iv
25 2 Campagnes
le Meckelbourg, Francfort ou Lands- i63i» berg, fans être obligé de retourner ^^"' toujoars à Stettin pour y pafler l'Oder. Gullave fit plulieurs détachemens , qui levèrent des contributions & rameneh rent au camp toutes les fubfiftances qui fe trouvèrent dans les villes & villages depuis Bernau jufqu'à Schvedt.
L'armée du feld - maréchal Horn poltée à Friedland & celle de Guftave établie à Schvedt menaçaient , l'une le Meckelbourg, & l'autre Francfort Le comte de Tilli confidérant que la première pouvait, quoique peu nom- breufe, lui faire éprouver de grands obftacles s'il tentait de pénétrer en Pc- méranie , pays hérifie de places occu- pées par les Suédois qui avaient d'ail- leurs enlevé les vivres & les fourrages au point qu'il était impoffible d'y fub- lifter, ne fut d'abord de quel côté il tournerait fes pas. Cependant, après avoir rafé les remparts de Neu - Bran-
13E GuSTAVE-AdOLFE. 23 3
debourg , que les Suédois réoccuperent dès qu'il en fut éloigné , il revint à Rup- ^ ^^ ^ pin , pofte intermédiaire entre le IMcc- "'* kel bourg & Francfort. Le généralifiime ne renonçant pas au projet de com- battre 5 ordonne au comte de CoUoredo de pafTer la Havel à Oranienbourg (û) avec deux mille cinq cents chevaux, & d'aller reconnaître fi l'on peut atta- quer le camp de Schvedt. Colloredo marche de Bifenthal à Barften fur la gauche de Gullave & s'approche de ^^ Schvedt : les polies avancés des Sué- dois donnent l'alarme , & l'officier Au- trichien fe retire précipitamment , re- joint TiUi, ne dilTipe pas fes doutes fur les projets du roi , mais change par fon rapport le deffein de l'attaquer. Six cents chevaux Suédois qui n'ont pu atteindre l'arriere-garde de Colloredo , s'en dédommagent en furprenant au point du jour fept cents Croates dans
(a) Ou Boltzou.
I\Iars.
2^4 Campagnes MuUenbeck ( ^ ) : ils en pafTent un grand nombre au fil de l'épée , s'empa- rent du bagage, font cent prifonniers & regagnent heureufement Schvedt.
L'inadion des Autrichiens prouvant à Guftave qu'ils n'ont pas pénétré fes defleins , il prend les dernières mefures pour s'emparer de Francfort avant que Tilli puiffe le fecourir : il mande au feld-maréchal Horn , que quand il par- tira de Friedland pour s'approcher de Schvedt , il fuive la route de Lockenitz préférablement à celle de Prenslou, afin de ne pas rencontrer une partie de l'ar- mée Allemande qui peut tenter de le couper, en même tems que le refte marchera au camp de Schvedt ; mais Tilli informé par fes efpions de 1^ ""i^- AvrH. niere dont il eft retranché , n'ofe rifquer ^ l'entreprife. Le roi prêt à tomber fur Francfort , envoie occuper Lebenvald , paflage par lequel les partis Autrichiens
(Z>) Entre Oranienbourg & Bernau.
VE G U S T A V E - A I) 0 L F E. 23 f
auraient pu inquiéter fes flancs pen- dant fa marche. Guftave laiiTe dans fes i^3 1' retranche mens un corps de troupes qu'il pourvoit abondamment de fub- fiftances & de munitions de guerre , fait embarquer fa grofie artillerie & démonter le pont de Schvedt. Tout ce convoi efcorté par des bateaux chargés de foldats aux ordres du général Banner qui était venu renforcer le roi , re- monte roder, tandis que le monarque qui a envoyé vers la Havel des déta- chemens pour alfurer fa marche , fe met en mouvement fuivi de vingt mille hommes dont la moitié d'infanterie, & d'un grand nombre de pièces de cam- pagne Ça) , côtoie la rive gauche du fleuve & arrive le lendemain à Vrit- ^"^ zen , d'où il écrit au maréchal Horn ,
(a) Le roi emmena deux cents canons tant grands que petits : il y avait vraifemblablcment beaucoup de ces pièces de cuir bouilli dont on a donné ladefcrip- tion,page 150 de cet ouvrage.
25<5 Campagnes qui était parti de Friediand en même 163 f. tems que la grande armée décampait ^ * de Schvedt , de fe pofter à Gartz , d'y raflembler des bateaux , & de veiller attentivement fur les mouvemens de Tilli , qui était toujours à Ruppin ; que s'il apprend que ce général s'avance vers Schvedt , il embarque auffi - tôt fon infanterie pour J'y envoyer par roder, & flifle aflez de diligence avec fa cavalerie pour prévenir les Allemands & arriver dans le camp retranché avec toutes les forces , avant qu'ils pufifent
11 l'attaquer. Guftave part de Vritzen , & » dirigeant fa marche par Friediand , Se-
12 lou & Lietzen , il arrive à Lébus. (a)
Dès que le comte de Schaumbourg apprend que le roi de Suéde remonte l'Oder , il juge qu'il en veut à Franc- fort; mais pris au dépourvu , il n'a que le tems de pofter fes huit mille hom- mes : il les emploie à border les rem-
( a ) A deux lieues de Francfort,
DE GuSTAVE-AdOLFE. 257
parts , & à garnir des redoutes & quel- ques retrancheniens à demi ruinés , éle- i<^n. vés dans des vignes près de la ville. En même tems que les Suédois campent à Lébus , le feld - maréchal Rodolfe de TiefFenbach arrive à Francfort pour remplacer Schaumbourg dontTilli était mécontent, & qui avait demandé fon rappel. TiefFenbach improuve , félon l'ufage , les arrangemens de fon pré- décefteur & n'en prend pas de meil* leurs. Les fortifications de la place con- finaient alors en un large foffé plein d'eau & en un rempart fans baftions , féparé par un fécond foffé d'une mu- raille flanquée de tours , à laquelle il paraît qu'on avait ajouté un terre- plein : chaque porte était couverte d'une tenaille. Tieffenbach, au lieu de fe renfermer avec fes huit mille hom- mes dans une mauvaife place qu'il ne fallait confidérer que comme une der- nière reffource, devait faire élever des
23 s C A M r A G N E S
^s^a^ batteries à la droite de l'Oder an-defluâ 1631» Se au-delTous de Francfort, pour ren- Avni. jjj.g ^gg ^gy^ côtés inabordables , répa- rer & augmenter les retranchemens conftruits dans les vignes fur des hau- teurs qui dominent la place , & s'y maintenir julqu'à la dernière extrémi- té ; il n'y laifla au contraire que peu de troupes , quoique la défenfe de ces retranchemens eût prolongé la refit tance de la ville , coûté néceflairement des hommes aux Suédois & donné au comte de Tilli le tems d'arriver. Quand même Guftave ferait parvenu à chaflTer les Impériaux de leur pofte , ils fe fuflcnt retirés tranquillement dans la place à la faveur des fiuxbourgs , aux- quels ils euffent alors mis le feu; mais Tieffenbach les fit brûler dès qu'il fut que le monarque qui avait décampé 13 de Lébus , arrivait à la portée du]canon de Francfort. Le roi reconnaît la place , pofte fes
DE Gustave-Adolfe. 259
troupes & fait attaquer les retranche- mens dont on vient de parler. Les i^3i- Allemands craignent d'être coupés , & ^^"^* les abandonnent prefque fans réfiftan- ce. Les Suédois ouvrent aufli - tôt la tranchée & dreffent des batteries. Les afliégés , au lieu d'interrompre ces travaux par de grolfes forties , fe bor- nent à en faire vers le foir une peu conlidérable , dans laquelle ils font rc- poulfés avec perte. Le canon de la Du i ? au place tire pendant toute la nuit , & tue ou blelfe une centaine d'affiégeans ; ce qui n'empêche pas les autres de s'avan- cer vers les ruines des fauxbourgs & de s'y retrancher. Quatre batteries fou- droyaient en même tenis la ville. Le u 1 lendemain à midi les Suédois étaient , parvenus jufqu'au jardin de l'hôpital près de la porte de Guben : ils dreffent une nouvelle batterie de douze gros canons , pour battre en brèche la mu- raille qui avoifme cette porte , atta-
240 Campagnes ^ quent enfaite la tenaille qui la couvre i i6? I. en chafTent quatre cents Impériaux qui :'^^"' la défendent mal , & s'y logent. Ce iuccès imprévu engage le roi à tenter vers le foir un alTaut. Les arrangemens qu'il exige obligeant le monarque à des mouvemens de troupes & à ralentir le feu de Tes batteries , les afiiégés ima- ginent que les Suédois défefperent de réuffir , ou que Tilli vient au fecours de la place , & qu'ils fe difrofent à lever le fiege. Dans cette confiance les Impériaux défient les afliégeans , les inlultent , & pendent fur le rempart une oie , fymbole de la fottife.
Toutes les mefures de Guftave étaient prifes & il n'attendait plus que la chute du jour pour donner l'afEuit, loriciu'un lieutenant d'infanterie nom- mé André Auer , indigné des injures que les Autrichiens vomifient contre les Suédois , engage quelques foldats déterminés à efcalader le rempart ,
afin
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afin d'impofer filence à rennemi : ces 9-^.m.i)m braves gens dreflent aiiHi - tôt des 163 !• échelles contre la muraille, & mon* ^^'^'** tent malgré une grêle de coups de mouFqucts. Le roi témoin de i'adioa d'Auer, & le voyant parvenu fur le rempart avec Hi troupe , le fait fou- tenir par quelques régimens qui fe trouvent à portée , & envoie cher- cher d'autres troupes. Les Impériaux accourent en foule pour repoulfer les afiaillans , qui font des prodiges de valeur pour conferver leur avantage. Renforcés continuellement par des troupes fraîches , ils renverfent enha les ailiégés & pénètrent dans la place- Le comte de Schaumbourg , affez généreux pour féconder un fucceifeuu qui avait blâmé indécemment fa con- duite, fondait fur les aifaillans avec quelques régimens de cavalerie , lorf- que la porte de Guben eft enfoncée par deux pétards que Guilave y fait Parue IL Cl
S42 Campagnes attacher : Baudiffin entre briifquement £65 T. fuivi de la cavalerie Suédoife, charge les ciiirafliers Impériaux avec tant d'ardeur qu'il les renverfe , & tombe enfuite fur l'infanterie Allemande , qui déjà ébranlée par le combat qu'elle a foutenu , plie entièrement dès qu'elle fe voit abandonnée de fa cavalerie. Les Autrichiens pourfuivis l'épée dans les reins, demandent quartier. Les Sué- dois fe rappellant le trille fort de leurs camarades impitoyablement maffacrés par les ordres de Tilîi , s'excitent au carnage en criant : (Quartier comme à Feldberg & a Neu-Brandehourg ^^ tout ce qu'ils atteignent eft égorgé fans niiféricorde. Les fuyards gagnent en jFoule le pont de l'Oder près de la porte de Bruck (^a) ; mais le trouvant embar- raflë par des équipages & par la cava- lerie , un grand nombre qui efpere fè fauver àla nage fe jette dans le fleave
(a) Ou du pont; en allemand Bruck m Thor.
DE Gustave-Adolfe. 245
8c s'y noie ; d'autres auffi malheureux ne peuvent échapper au fer des vain- i^3i« -queurs. Le maffacre fut fi grand entre ^"^ " la porte & le pont , que les corps morts en fermaient prefqu'entiérement les avenues , & que des ruifleaux de fang coulaient dans les rues. La nuit qui furvient , augmente la confufion , mais favorife la retraite de ceux qui peuvent gagner le pont. Schaum^ bourg & TiefFenbach parviennent à s'échapper : le dernier , qui fe trou- vait près de la porte de Lébus quand les Suédois pénétrèrent dans la place , accourut avec quelques troupes pour les charger ; mais jugeant qu'on ne peut les repoufier , il gagne la porte vis-à-vis du pont , non Hms rifquer d'être pris on tué. Le pont était cou- vert à la droite de l'Oder d'une re- doute garnie de canons & occupée par cent cinquante hommes. TiefFenbach ordonne au capitaiiie qui les conv
244 Campagnes r^-"^-^ mande, de détruire le pont ; & dès 1 6"5 1 . que cet officier juge que toute la garni- ■^^^^'* fon eft maiïacrée , noyée ou échap- pée , il tourne fon artillerie contre la place , brûle la plus grande partie du pont , & fe retire après avoir fait jeter dans roder fon canon , qu'il ne peut emmener fluite de chevaux. D'environ huit mille hommes renfermés dans Francfort, plus de la moitié périt , avec trois colonels. Les Suédois firent feulement huit cents prifonniers , au nombre defquels on comptait quatre colonels & plufieurs autres officiers moins diftingués : on voit par- là qu'il ne fe fauva guère que deux mille hom- mes. Guffcave en envoya trois mille à leur pourfuite ; mais le pont de l'Oder était déjà rompu , & ils ne purent traverfer le fleuve. Le relie des trou- pes Impériales s'enfuit en Siléfie , & ne fe crut en fureté qu'à Gros-Glo- gau , à plus de cinquante lieues de Fraucfort,
DE Gustave-Adolfe. 24f La conquête de cette place ne coûta pas aux Suédois plus de quatre i<^3i- cents hommes tués ou blefifés : vingt- ^^'"^* quatre drapeaux , l'artillerie , un amas confuiérable de munitions de guerre & de bouche & prefque tous les équi- pages de l'ennemi tombèrent entre leurs mains. La ville ne put payer la contribution que le roi lui impofa ; & quoiqu'elle appartînt à l'électeur de Brandebourg , on l'abandonna au pil- lage pendant trois heures. Les trou- pes acharnées au butin n'obéifFant pas à l'appel des tambours , le monarque ordonna aux officiers d'aller les faire fortir des maifons & de les rallier. Les Suédois furent bientôt raflTemblés ; mais les Allemands à la folde de GuC tave , qui étaient moins difciplinés , continuèrent à piller malgré fes or- dres. Le roi accourt , bleiîe de fa main & fait même arquebufer fur- ie - champ quelques foldats pour iii-
(iiij
S4^ Campagnes gf^/jfif^i^ timider les autres , fur qui les coups Ï65 î. d'épée & de bâton faifaient peu d'im^ Avril. preHion. Un incendie, dont la nuit augmentait Thorreur , termina cette journée mémorable. Les habitans ai- dés des troupes éteignirent le feu, & feize maifons feulement furent la proie des flammes. Quand le calme effc rétabli , le premier foin de Guftave eft de faire chercher le lieutenant qui a contribué à la prMe de la ville , pour le récompenfer ; il lui donne une com* pagnie & une fomme d'argent. Six ré- gimens relièrent en garnifon dans la place; & comme les bourgeois man- quaient de vivres , le roi leur fit dif- tribuer ceux que les Impériaux avaient abandonnés.
La prife de Francfort & la deftruc- tion de l'élite des troupes Impériales ouvraient au roi de Suéde l'entrée de la Siléfie , de la Bohême & des autres états héréditaires de l'empereur : s'il
DE Gustave-Adolfe. 247 eût été dans fes projets d'y pénétrer alors , le comte de Tilli ne pouvait le 163 ï. fuivre fans abandonner le relie de PEni- •^^■^^^• pire aux protellans qui commençaient à armer; & s'il fe fût attaché à les foumettre , il expofait les états de fon maître à une perte certaine. Le gé- néraliŒme était refté dans fon camp de Ruppin fans démêler les defleins de Guftave : n'ofant venir l'attaquer dans fon pofte , il délibère s'il s'ap- prochera du roi pour le contenir , ou bien s'il retournera devant Magde- bourg. Le premier parti était le plus avantageux , parce que la proximité de l'armée Impériale, en obligeant le monarque Suédois de lui tenir tête, eût arrêté fes progrès ; le fécond avait l'inconvénient de retenir l'armée de l'empereur fur l'Elbe , ce qui permet- tait aux proteftans éloignés de ce fleuve de lever tranquillement des troupes : il eft vrai que la prife de
è4S C A M P A G N F. s
^^^^ Magdebourg pouvait porter au Corps 1631^ Ev^angélique uncoup fLme{]:e;car une fois maître de la ville , Tilli mettait iin aux incurfions de la garnifon dans les lieux qui tenaient pour l'empe- reur, & dérangeait les opérations & les projets des Suédois ; Qn^n il ga- gnait une place d'armes au centre du pays qu'il voulait tenir en relped. Il efi; certain que. les électeurs protef- tans , ou les états de la Baffe - Alle- magne , qui avaient une prédiledion décidée pour le roi de Suéde , ne lui auraient pas fourni fecrétement des fecours , ni ofé refufer de fe confor- mer à redit de reftitution , fi Mag- debourg eût été au pouvoir des Im- pé' îpux ; m^ais il n'était pas vraifem- blable que cette place qui bravait leurs efforts depuis plulieurs années , luc- combât en peu de tems : d'ailleurs Guftave pouvait la fe courir. Ces con- fidératîons , en Cuppcfant qu'elles fe
Avril.
DE Gustave-Adolfe. 249
foient préfentées à refprit de Tilli , ne purent l'arrêter : il part de Ruppin , 1 «^5 !• repaire la Havel à Brandebourg , s'é- tablit à I\lockern , & ordonne de for- mer à Zerbfl: les magafms néceffaires pour le fiege de I\iagdebourg. 11 ap- prend bientôt que les Suédois ont atta- qué Francfort , & fe met fur-le-champ en marche avec la plus grande partie de fes forces , dans le deffein de le dégager & de combattre le roi , qu'il efpere trouver encore occupé au fiege : il reçoit bientôt la nouvelle que la place a été emportée d'affaut , revient fur fes pas , & campe à Pechau à la droite de l'Elbe au - defiTus de Magde- bourg , voulant fe dédommager par la conquête de cette ville de la perte de Francfort. Mais avant d'expo fer les opérations de ce fiege mémorable , il paraît néceffaire de rapporter ce qui avait précédé. Après l'expédition contre le prince
2fo Campagnes
François - Charle de Lavenbourg, au 1631' mois de feptembre de l'année précé- , ^" • dente , le comte de Pappenheim paiïk l'Elbe & s'approcha de Magdebourg. Les troupes de l'adminiftrateur aban- donnèrent auffi - tôt les petites villes qu'elles occupaient aux environs , à l'exception d'Afchersleben , pofte d'au- tant plus utile aux Magdebourgeois , qu'il leur aflurait une communication avec le comté de Mansfeld & le pays qu'arrofe la Sala. Les Autrichiens at- taquent cette ville avec huit pièces de canon : la garnifon dépourvue d'ar- tillerie , réfifte d'abord à coups de moufquets ; mais voyant qu'elle ne peut éviter d'être emportée d'aflaut , elle propofe de capituler. Les Impé- riaux rejettent d'abord cette demande ; cependant ils y foufcrivent enfin , & accordent la vie à ces braves Magde- bourgeois , à condition qu'ils ne fer- viront jamais contre l'empereur , qu'ils
DE GU ST A V E-AdOLF E. 2fl
livreront leurs armes , & que les offi- " ciers qui auront des affaires preiTantes ^^^^* à Magdebourg , obtiendront la per- miffion dy refter trois jours , au bout defquels ceux qui ne reviendront pas feront déclarés parjures , & pendus fans formalités , fi l'on parvient à les reprendre. Ce fut à cette époque que le comte de Tilli arriva de Ratisbonne devant Magdebourg : il écrivit à fad- miniftrateur (û), <* que chargé par „ l'empereur & la Ligue Catholique „ du commandement de leurs ar- „ niées , il avait ordre de faire ren- „ trer dans le devoir les réfraclaires „ aux conftitutions Germaniques, & „ particulièrement la ville & le duché „ de IMagdebourg , & qu'il l'exhortait 3, amiablement à obéir de bon gré au „ chef de l'Empire , s'il ne voulait y „ être contraint par la force. „ La ré- ponfe de Chriftian - Guillaume ne fut
(a) Le 29 de décembre i6jo.
2f3 Campagnes pas moins fiere que la lettre du gé- J63 1. néraliffime : après s'être difculpé des torts que la cour de Vienne lui im- putait , & avoir fait Pénumération des fréquentes violences dont elle ufait à l'égard des proteftans & de pref- que tous les états de l'Allemagne , il déclarait , « qu'il était inviolablement „ attaché aux loix de l'Empire ; qu'il „ verferait avec joie fon fang pour la „ défenfe de fes fujets ; que s'il fuc- „ combait dans un auffi généreux def- „ fein 5 il aurait du moins la confola- „ tion d'avoir fait ce qu'il fe devait ,y à lui - même & à fa patrie , & qu'au „ refte il ne craignait que Dieu ^. Les menaces ne pouvant intimider l'adminiflrateur , Tilli ne fongea plus qu'à lui faire fentir le poids de fes armes.
La nécelïité de ravitailler Francfort & d'arrêter le roi de Suéde ,* obligea le gén éraliflime de s'approcher de l'O-
DE G U s T A VE-Ad 0 L FE. 2f?-
der & de fufpendre fes projets contre T521, Blagdebourg. Falckenberg chargé de Avril. le défendre , Tentant l'importance de fe rouvrir les communications qui étaient coupées depuis la prife d'Af- chersleben , envoya occuper Schon- beck (^) à la gauche de l'Elbe : les Magdebourgeois y élevèrent un fort , pour protéger des partis qui rame- nèrent dans la ville beaucoup de grains & de bois , dont les habitans avaient le plus grand befoin. Les Im- périaux comprennent qu'il fliut refTer- rer de nouveau les afliégés dans l'en- ceinte de leurs murailles , & font atta- quer le fort de Schonbeck par fix cents hommes d'infanterie , foutenus de plufieurs efcadrons : la garnifon repoulTe les alTaillans , qui font pris à dos par des troupes forties de I\Iag* debourg & mis en fuite. Les Magde- bourgeois gardèrent encore ce poils
(a) Au commencement de mars.
2f4 Campagnes ^^^^.J:.Ea environ un mois , & firent des cour- ir? i. fes vers Afchersleben & Barbi, où ils Avril, s'emparèrent d'un magafm de fublif- tances qui appartenait aux Autrichiens. La méfintelligence de Pappenheim , du comte Volfgang de Mansfeld & du duc Adolfe de Holilein , chargés de reiïerrer la ville en l'abfence de Tilli , nuifait à leurs opérations. La divifion régnait également dans la place : la robe & Fépée ne s'accor- daie-^vt pas , & plufieurs habitans fer- vaient d'efpions à l'ennemi. La gar- nifon confiftait au plus en trois mille hommes de troupes réglées & en dix« huit compagnies de bourgeois infub- ordonnés , prefque toujours ivres , & nullement endurcis aux fatigues de la guerre : ils ne recevaient des ordres que du fénac , & ils refufaient infolem- ment d'occuper les poftes où l'on cou- rait le moindre danger ; il fubfiftait d'ailleurs parmi eux plufieurs fujet*}
DE GUST A VE-AdOL FE. 2^5".
de mécontentement : les pauvres fe plaignaient qu'on les nourrifTait mal , i^3i« Se qu'on les excédait de fatigues pour ^^^* épargner les riches. Ni Padminiftrateut ni Falckenberg n'avaient afifez d'auto- dté pour réprimer ces murmures , & ils n'empêchaient le refroidifTement total de l'amour de la patrie , qu'au moyen des miniftres, qui à leur inftiga- tion ne cefîliient de repréfenter au peu- ple dans leurs fermons les Impériaux fous les couleurs les plus hideufes.
Enfin le comte de Tilli décampe de Pechau , fe pofle entre 1-es forts de Pref- ter & de la Croix-de-Hort (^z) dans • le bois qui les féparait , pour leur cou- per toute communication avec Mag- debourg , & fait drelfer fur les deux bords de l'Elbe , des batteries pour ruiner le dernier de ces forts , qui n'était conflruit que de fable & de faf- cines : le capitaine Boeft , chargé de le
( a ) En allemand Crcuiz - Mon,
2f(5 Campagnes 5 défendre , fe rend prifonnier de guerre. 16^1. Ufi licLitenant pofté avec vingt-quatre hommes dans une maifon ifoIée,re- fiife de capituler , tue plus de cent Autrichiens , & n'eft forcé qu'à la cin- quième attaque , dans laquelle il a un bras cafle. Tilli charmé de fon cou- rage , lui rend la liberté ; mais il fouille cette action par le maflacre des foldats. Il fait canonner le lendemain le fort de Preiler ; ceux qui le gar- dent l'abandonnent d'eux-mêmes , 8c fe retirent dans le fort du Péage , le meilleur des ouvrages extérieurs de la ville. Les Autrichiens attaquent auffi- tôt la tour de Cracau , paflent au fil de l'épée quinze hommes qui la défen- dent, 8c fe retranchent dans le village de ce nom. Le comte de Mansfeld s'empare en mêmetems de la redoute de Buckou , dont la garde , compofée de foixante-dix hommes , manquait da munitions de guerre.
Le
DE Gustave-Adolfë. 2f7 Le comte deTilli ne veut pas atta-
quer le fort du Péage, que les Mag- 1(531- debourgeois ne peuvent conferver ^^"^ après la perte des autres ouvrages ex- térieurs , & il s'attache à ruiner la re- doute de la Corne - Rouge à la gauche de l'Elbe : cinq canons établis fur le bord oppofé , la battent fi rudement ^ que la garnifon efl forcée de l'aban- donner. Le généraliffime fait alors embarquer des troupes , va lui-même prendre polTefllon de la redoute , & ordonne au refte de l'infanterie qu'il a amenée, d'ouvrir une tranchée entre la traverfe & les autres ouvrages conf- truits par les affiégés près des brique- teries. On dirige en même tems un rameau vers le pont par lequel la ville communique avec le fort du Péage , afin de couper la retraite à la garni- fon, qui ér\^acue le fort & ruine le pont que les Impériaux achèvent de détruire , après une grande pluie qui Partie IL R
2f8 Campagnes retarda leurs travaux pendant trois 1631" jours : iis occupent en même tems le fort du Péage , le fortifient du côté de la ville , & réparent le dommage que les affiégés y ont fait avant de l'abandonner : il ne leur refta plus d'ouvrages extérieurs. Les IMagde- bourgeois n'avaient pu jufqu'alors fe perfuader que Tilli voulût les aiïiéger dans les formes ; ils crurent d'abord que ce général n'oferait partager fes forces des deux côtés de l'Elbe , dans la crainte que le roi de Suéde ne vînt l'attaquer ; mais l'éloignement de ce monarque , la difette de munitions de guerre & TaffaiblilTement de la garnifon qui failait journellement des pertes , commença à inquiéter le peu- ple , & les partiians de l'empereur ne craignirent plus de fe montrer à découvert. Tilli fomma l'adminiftra- teur, le iénat & Falckenberg de lui remettre Magdebourg, On tint confeilj
DE GtrSTAVË-ADOLFE. Ù.f9
Bc quoique les traîtres opinaiïent pour
la foumiffion , ils n'eurent pas la plu- ^^^^'
1- / -1 - ^ f 1- 1 Avril
ralite des voix. On répondit qu on aimait mieux mourir que de fe rendre , & que cependant on priait le généra- liflime de trouver bon que l'adminifl trateur & les magiftrats envoyaflent des députés aux électeurs de Saxe & de Brandebourg, pour lavoir leur fen- timent Tilli répliqua , « qu'il était 3, trop tard pour négocier , & que le M fort de la ville , qui ne dépendait ,j plus que de ia foumiiTion ou du 5, fuccès des armes de l'empereur , ne 5, tarderait pas à être décidé „. Les bourgeois offenfés de cette réponfe , voulurent montrer aux ennemis qu'ils ne manquaient ni de courage ni de réfolution , 8c demandèrent inftam- ment qu'on leur permît de faire des forties. Falckenberg y confentit , & tout fut arrangé le lendemain pour tomber fur les trois principales atta--
R ij
26o Campagnes ques des affiégeans. Les Magdebour- 1631' geois eurent l'avantage dans ces ac- tions , tuèrent une centaine d'Impé- riaux , en prirent cinquante , ruinèrent une batterie , mirent en fuite les tra- vailleurs , comblèrent quelques toifes des tranchées , & enlevèrent beau- coup d'inllrumens propres à remuer la terre. Ce fuccès rendit la fécurité aux afliégés ; mais les Autrichiens eurent bientôt réparé leur perte. Le comte de Tilli jugea à propos d'écrire aux électeurs de Brandebourg Se de Saxe pour fe plaindre de l'obftination des Magdebourgeois ; il l'attribuait aux réfolutions prifes par raflémblée de Leipzic & à l'efpérance d'un fecours prochain , & ajoutait, que les deux électeurs ou d'autres princes de l'Em- pire ne pouvaient , fans s'expofer à la vengeance de l'empereur , favorifer une ville rebelle à fes décrets. Cette lettre ne fit aucune impreffion furies
DE Gustave -A DOLFE. 261 proteflaiis encouragés par les nou- veaux fuccès de Guftave-Adolfe ; car k^^i. tandis que les Autrichiens prefTaient ^vrii. Magdebourg , le monarque leur enle- vait encore une place importante.
Le lendemain de la prife de Franc- 15 fort l'armée Suédoife , à l'exception de fix régimens deftinés à refter dans la place , paffe l'Elbe & fe raflemble dans une plaine à la droite du fleuve. Un détachement d'infanterie & de cavalerie aux ordres de BaudiflTm & du Rhingraf , diffipe quelque cavalerie Impériale près de Reppen , & marche à CrofTen défendu par trois cents Au- trichiens qui fe rendent prefque fans réfiftance , abandonnant aux afliégeans une grande quantité de vivres & de munitions de guerre. Cette ville & quelques autres poftes que BaudifTm fit occuper avant de rejoindre le roi, permirent aux Suédois de faire des courfes en Siléfie.
R iij
26 ^ G A M r A G !v E s
Gnftave penfant comme Céfar, qu*il J651. n'avait rien fiait tant qu'il lai reftait "'"^ à faire , s'était dirpofé au fiege de Landsberg : il détache les généraux Horn & Banner qui paiTent l'Oder près de Cuiirin , pour inveiliir la place jl à la droite de la Varta : il vient h refferrer lui-même à la gauche de la rivière ; & quoique ce côté de la ville fût le moins abordable , puifqu'on n'y arrivait que par une chauffée d'une lieue de longueur , conftruite dans des marais formés par divers bras de la Varta, ce fut cependant celui par où le roi réfolut d'attaquer. La garnifoa confiftait en trois mille hommes d'in* fanterie & en quatre cents de cavalerie des meilleures troupes de l'empereur. Des payfans de Sternberg avaient in* diqué à Guftave un chemin non fré- quenté à travers les marais , qui abou» tiflait fort près de la ville. Le mo-» narque j guide par cespayians, fgmet
DE GuSTAVE-AdOLFE. 26^
en marche à l'entrée de la nuit , ar- ^^"^^^ rive au point du jour à une demi- i^5i- portée de canon de Landsberg , com- ^^^^^* mence à fe retrancher & fait drefler fes batteries. Cratz , commandant de la place , quoique furpris de ce que Jes Suédois ont franchi un paiïage qu'il croyait impraticable, ordonne à fon fils de faire une fortie pour in- terrompre leurs travaux ; mais ce jeune homme eft tué, & Ton détachement rentre en défordre dans la place. Le lendemain au point du jour, le roi 2ç attaque le Fort - aux - Vaches , d'où les Impériaux font chaiïes après une médiocre réfiftance : elle leur coûte cependant , fans compter les morts &: les bleifés , trois cents prifonniers qui s'enrôlent dans l'armée Suédoife. Cratz déconcerté de voir Guftave maî- tre d'un pofte qui domine la ville , & menacé d'ailleurs d'un affaut qui peut expofer fa garnifon au même fort ' R iv
264 Campagnes
que celle de Francfort , demande à l^^^* capituler : il convient que fes troupes ^"' ne ferviront de quatre mois contre le roi , évacue Landsberg le jour fui- vant avec les honneurs de la guerre & quatre pièces de canon , & fe re- tire à Gros-Glogau en Siléfie. Le roi pourvoit à la fureté de fa nouvelle conquête , fait embarquer fon artille- rie , qui defcend la Varta jufqu'à Cuf- trin & remonte enfuite l'Oder pour gagner Francfort , ordonne à fon in- fanterie de s'y rendre par terre & y arrive lui-même fuivi de fa cavalerie , avec laquelle il avait pris les devants. Le monarque voulait aller au fecours de Magdebourg dès que fes forces feraient réunies. jç Guftave avait écrit après la prife
de Francfort à Téleéleur de Saxe & à raffemblée de Leipzic , pour leur faire part de fes fuccès & leur repré- fenter qu'ils étaient une preuve m^
DE Gustave-Adolfe. 26^
nifefte de la proteclioii que Dieu ac- cordait aux proteftans, dont toutes ï^3i. les réfolutions devaient tendre au ré- ^ tabliflèment de la religion évangé- îique , & au châtiment de fes oppref- feurs. Le monarque , qui ne négligeait jamais ce qui pouvait concourir à l'exé- cution de fes defleins , avait envoyé à Leipzic des agens chargés de faire part de fon traité avec la France aux membres de la confédération , de tout tenter pour déterminer l'éledeur de Saxe à s'allier avec la Suéde , & de convaincre les proteftans , que les conquêtes du roi & fes alliances leur permettaient de ne plus diffimuler, & que la conjondure était favorable pour obtenir de l'empereur , les armes à la main , fatisfliclion pour le pafle cc fureté pour l'avenir. Si la crainte ou le refped ordinaire des Allemands pour le chef de l'Empire empêchaient les confédérés de fe déclarer contre
266 Campagnes .Mw^uiuiM lui , les miniftres Suédois avaient ordre 153 1. de les prelTer de lever des troupes ■^^"^* pour leur propre défenfe , d'accorder à Guftave qui fe dévouait pour confer- ver leur religion & leur liberté , des fubfides fuffifans pour remplir cet ob- jet , des vivres pour fes troupes , un libre pafTage dans leurs états , & une retraite dans leurs places , s'il éprou- vait des revers. Enfin , fi les minifi:res du roi ne pouvaient déterminer les proteftans à fe déclarer ouvertement , ils devaient leur propofer de s'unir entr'eux par des conventions qui fe- raient tenues fecretes , jufqu'à ce que la nécefiité obligeât de les exécuter. Les tentatives des Suédois pour gagner l'élecleur de Saxe , furent vaines , & celles de la France qui defirait que les proteftans & fur-tout Jean-George s'unifient avec Gufi:ave , n'eurent pas un fuccès plus heureux. Après la conclufion du traité de Béer-
DE GuSTAVE-AdOLFE. 2(57
vald, le baron de Charnacé reçut ordre du cardinal de Richelieu de fe rendre ^^^^ auprès de Félecieur : ce prince crai- gnant prefqu'autant le roi de Suéde que l'empereur , voulait fe fliire re- chercher de Tun & de l'autre. Char- nacé lui repréfenta que cette conduite pourrait lui attirer deux ennemis au lieu d'un. Jean - George répliqua que Ferdinand l'alarmait moins que Gufl tave , parce que le premier ferait toujours difpofé à le recevoir dans fon parti , fâchant les embarras qu'il pouvait lui fufciter dans l'empire ; mais qu'il redoutait avec raifon, que le monarque Suédois, après avoir rem- pli fes vues d'agrandiflement , ne l'a- bandonnât au reffentiment de la cour de Vienne. Cette réponfe prouvait évi- demment que l'électeur n'avait ex- cité les proteftans à fe confédérer, que pour fe mettre en état, en joi- gnant fes forces aux leurs , de tenir
26S Campagnes iagpg?grgiB la balance entre Guflave & Ferdinand ; i(S^i, niais le rôle d'arbitre était au-delTus Avril, des talens & des moyens de Jean- George. Le landgrave de Heiïe (a) Se le duc de Lunebourg, qui connaiflaient mieux leurs véritables intérêts , firent affurer le roi de Suéde , qu'ils conclu- raient volontiers avec lui une alliance ofFenrive & défenfive. Les autres états évangéliques , à l'inftigation de l'élec- teur , refuferent de fe déclarer : il leur avait perfuadé de refter neutres , d'affinblir les deux partis en leur don- nant le fcems de fe ruiner mutuelle- ment, & de fe joindre alors à celui qui offrirait les meilleures conditions. Tandis que les proteftans cher- chaient à s'affranchir de Toppreffion de l'empereur , la Ligue Catholique dé- libérait à Dunckelfpuhl fur les moyens de prévenir leurs deffeins & ceux des Suédois. Les confédérés de Leipzic
(a) Guillaume V.
DE GuSTAVE-AdOLFE. 26"9
avaient envoyé à Vienne ( ^ ) un mémoire contenant rexpofé de leurs 1631. plaintes , des traités violés à leur égard, ^^rii. & des raifons qui les déterminaient à ne pas fupporter déformais les con- tributions , les garnirons & les autres vexations dont on les accablait fous prétexte des befoins de l'Empire. Ils écrivirent dans les mêmes termes aux 4 électeurs catholiques , après avoir ter- miné leur aflemblée par les exercices de piété , qu'il était alors d'ufage de mettre aux affaires d'intérêt.
Les proteftans étaient convenus de traiter amiableinent avec les catho- liques , s'ils confentaient de bonne- foi à prendre des mefures efficaces pour pacifier les troubles ; de manière cependant que tous ceux qui profef- faient la religion évangéiique confer- Vaflent les prérogatives & les droits que les conftitutions Germaniques
(«) Le 29 de mars.
270 Campagnes s leur accordaient; mais que comme on 163 !• Jes accablait depuis long^ems d'injuC- tices , & que leur modération, loin d'adoucir leurs maux , les avait aggra- vés, ils jugeaient néceiïaire , afin d'être préparés à tout événement , de lever dans leurs états refpedifs des trou- pes , non dans l'objet de fe fouftraire à l'obéiffance due au chef de l'Empire, mais pour la confervation de fes loix. Les confédérés arrêtèrent de plus , de mettre fur pied quarante mille hom- mes tant infanterie que cavalerie 9 qu'on entretiendrait à frais communs , & dont l'emploi ferait réglé par un confeil permanent. Cesréfolutions pri- fes , les proteftans retournèrent chez eux pour les exécuter.
L'éledeiir de Saxe envoya à l'em- pereur le conclufum de l'aflemblée de Leipzic : il portait que les membres de cette confédération , voyant les peuples réduits à la plus affreufe mi*
DE GU ST A VE-AdOL FE. 27I
fere , par les extorfions arbitraires des 5
troupes & des généraux catholiques , ^'^31. avaient enfin réfolu d'accorder à leurs fujets une jufte protedion , & d'obte- nir la réforme d'une multitude d'au- tres abus , contraires au bien public & aux capitulations impériales. Fer-, dinand répondit à l'élecleur , qu'il lui ferait favoir inceflamment fes inten- ^aj. tions par un ambafiadeur. Le baron 9 de HegenmuUer , confeiller aulique , partit bientôt de Vienne avec les inf- trudions de fon maître : il reprocha à Jean -George toutes les réfolutions prifes à Leipzic , & fon refus de con- courir à l'afTemblée de compofition in- diquée à Francfort par la diète de Ra- tisbonne , tenue l'année précédente. HegenmuUer ajouta que le monarque Autrichien defirait remédier aux maux de l'Empire & traiter avec le roi de Suéde par l'entremife de Télecfleur , auquel il demandait confeil à cet égard.
Mai.
£7S Campagnes
Jean-George répondit ,« que fon mî- ^^J^' 53 niftre avait outre -paffé fes ordres „ en confentant en fon nom à l'afTem- ,5 blée de compofition ; que fi l'em- „ pereur voulait fmcérement rétablir „ la tranquillité en Allemagne , il ré- „ voquerait l'édit de reftitution & re- „ mettrait tout fur Pancien pied ; qu'il „ ne pouvait fe difculper d'avoir pouffé 5, à bout les proteftans, fans exami- „ ner leurs droits & fans obferver „ aucune forme ; qu'il n'avait fuivî 5, en cela que les paffions des moines „ fanatiques qui dirigeaient fa con- „ fcience ; que la cour de Vienne ,5 traitait prefque tous les états de ,5 l'Empire d'une manière auffi def- 5, potique qu'arbitraire ; que la dimi- „ nution de fes troupes, engraiifées „ de la fubftance des peuples , n'était „ pas une fitisfaftion fuffifante , & que „ S. M. I. perfuaderait avec peine 3, qu'elle defirait la fin des troubles
qui
MaU
DE GU S T A. VE-AD 0 L Ï"E. 273
„ qui déchiraient la patrie , tant qu'on „ verrait les généraux Autrichiens ï'^3i« „ traiter hoftilement plufieurs princes „ proteftans , & commettre dans leurs „ états les plus horribles briganda- 99 ges. „ L'éledeur fufpedant que la cour de Vienne ne lui propofait la médiation d'un traité avec la Suéde que par un raffinement de politique dont l'objet était de lui témoigner une confiance apparente , dit à Hegen- niuUer, qu'on ne pouvait qu'approuver tout projet d'accommodement avec Guftave - AdolFe , &: qu'il y concour- rait volontiers , quand l'empereur au- rait confulté le collège électoral , qui avait déclaré ennemi de l'Empire le monarque Suédois. Ces réfonfes ne fiitisfirent pas le miniilre Autiichien, qui jugea facilement que fi lafortiine continuait à favorifer Guftave , une partie de l'Allemagne fe déclarerait ea ïà foveur. Cependant, comme il ima- Partie II, S
14
274 C ^^ ^^ F A G N E s
giiia que fa- perfévérance pourrait faire i<53 1. clianger d'avis Jean-George , il réfolut de refier à la cour.
Les affaires de l'Empire allaient fe brouiller plus que jamais ; & pendant que Ferdinand cherchait à ramener ou plutôt à amufer l'éledeur de Saxe par des négociations , il publiait des man- demens qui déclaraient illicite l'afTem- blée de Leipzic , caifaient fon conclu- jum , & enjoignaient à la nouvelle Union Proteilante de difcontinuer fes levées de troupes & de licencier celles qui étaient déjà fur pied , défendaient aux peuples de payer les contributions qui pourraient être levées en vertu des délibérations des proteftans , mena- çaient de la confifcation de leurs biens & des autres châtimens prefcrits par les loix Germaniques contre les rebel- les , tous les Allemands qui embrafle- raient le parti de l'Union , & décer- naient la peine de mort contre les
DE Gustave-Adolfe. 27f étrangers qui s'enrôleraient fous fes drapeaux. Ces mandemens commen» 153 1, çaient , félon k coutume , par la pro- Aiai. teflation de n'avoir jamais agi que de la manière la plus conforme aux inté- rêts de l'Empire &c au defir fincere d'y rétablir la tranquillité. Les proteftans répondirent au monarque Autrichien par une déclaration apologétique ^ dans laquelle ils aifuraient , « (ju'ils 5, ne fêlaient des levées ni contre lui 9 ,-, ni pour attifer le feu qui embrafait „ TAllemagne , ni enfin pour donner „ atteinte aux droits d'aucun mem- „ bre du Corps Germanique , mais 5, uniquement afin de préferver leurs „ fujets de l'indifcipline des foldats & „ de la rapacité des généraux catho- „ liques , Se que les mefures prifes à „ l'aflemblée de Leipzic étaient léga- „ les & autorifées par le droit natu«
Tandis que les proteflans , loin d'o-
Sij
27^ Campagnes béir aux décrets impériaux , conti- nuaient avec ardeur les préparatifs de guerre , le comte de Tilli ne donnait aucun relâche à la ville de Magde- bourg. L'adminiftrateur & Falcken- bcrg tinrent un confeil , dans lequel on réfolut d'une voix unanime , d'aban- donner les fauxbourgs de Sudenbourg & de Neuftat Ça) , dont la défenfe exigeait plus de troupes qu'on ne pou- vait y en employer , & de fe borner à la confervation de la Vieille - Ville. Les affiégés brûlèrent le lendemain le Sudenbourg , & raferent le jour fui- vant les mailbns & les murailles d'a- lentour. Les Impériaux attaquent alors le Durfchnit en même tems que le comte de Pappenheim traverfe l'Elbe avec cinq régimens d'inflmteric , fur un pont de bateaux conftruit à Schôn- beck : il campe près du lac Rouge ( ^ )
(fl ) La Ville - Neuve.
(Z>) En allcni;ind, roi/ic Sce.
tàiiS^StÊE^-9
DE Gustave-Adolfe. 277 devant la Ville-Neuve , que les Mag- debourgeois abandonnent après y avoir 1(^3 1. mis le feu. Si Pappenheim n'eût man- ^"^^ai. que de munitions , il aurait attaqué ce fauxbourg en arrivant ; mais le lendemain il s'y logea fans perte , 8c fit diriger quatre nouveaux boyaux vers la place. Le danger qui la me- naçait augmentant chaque jour , les commandans des troupes s'alTemble- rent pour partager entr'eux la déFenfe des pofles attaqués & pour régler le fervice de la garnifon : ils convinrent que les dix-huit compagnies bour- geoifes occuperaient de nuit le foni- met du rempart , au pied duquel on porterait les troupes réglées pour les foutenir au befoin , & que de jour la bourgeoifie ne garderait qu'une moitié des fortifications , & les troupes l'au- tre. Plufieurs jours que les Autrichiens employèrent à perfeclionner leurs tran- chées & à creufer des mines , fe paffe-
S iij
27S Campagnes ^^EB rent en canonnades. Les alFiégés firent J631. enfuite une fortie Tiir la Ville-Neuve , j^'' tuèrent environ cent hommes & em- menèrent quelques prifonniers , au nombre defquels fe trouva l'aide -de- camp du comte de Pappenheim : fes mines qui étaient mal dirigées , pro- duifirent, lorfqu'elles jouèrent, moins d'effet contre la place que contre Tes propres travaux.
Le roi de Suéde fe préparait à mar- cher au fecours de Magdebourg , & cette raifon engageait les Impériaux à en preffer le fiege avec ardeur. On a vu qu'après la prife de Landsberg Guf- tave était revenu à Francfort avec fa cavalerie : il la difperfe le long de la Sprée , dans Befckou , Furftenvald & Copenick ; & afin d'inqwiéter le comte de Tilli , il envoie fommer Brande- bourg. Vittenhorft , commandant de la place , répond , qu'il ne peut la rendre fans l'agrément du généra-
DE GUS T A V E-Ad 0 L F E. 279
liffime , auquel il dépêche auffi - tôt ikutJiJjB^ un Courier, qui lui rapporte Pordre i6bi- de fe défendre jufqu'à la dernière ex- ^'^»'' trêmité. Cependant peu de jours après Tilli change d'avis & mande à cet officier , ainfi qu'aux commandans de 9 plufieurs autres places voifines de Brandebourg, de' joindre l'armée ca- tholique à l'approche des Suédois.
Quand l'infanterie & l'artillerie de Guilave furent revenues de Landsberg à Francfort, il les conduifit à Furf^ tenvald, d'où il partit le lendemain pour camper à Côpenick avec toutes fes forces réunies. Le monarque qui " avait pour maxime de ne jamais s'a- vancer que fes derrières ne fuffent bien afiurés , & qui voulait d'ailleurs forcer l'élecleur de Brandebourg d'en- trer dans fes intérêts , chargea le comte d'Ortenbourg d'aller repréfenter à la cour de Berlin , « que tous les protef- 53 tans devaient s'intérefTer au falut de
S iv
1631*
JVIai.
280 Campagne;?
Magdebourg , mais particuliél'enient réledeur, dont l'oncle était arche- vêque de cette ville ; que ces raifons faifaient efpérer à S. M. que George- Guillaume lui faciliterait les moyens de faire lever le fiege , en lui remet- tant , pour afflirer fa retraite au be- foin , les forterenfes de Cuftrin & de Spandau , fur fa parole royale de les rendre dès que Magdebourg ferait délivré ; que le roi demandait ces deux places , non qu'il fe défiât de l'éiedeur , mais parce qu'il crai- gnait que ceux qui y commandaient , ne fuifentpas d'aulli bonne foi que leur maître , & qu'ils ne refufalfent le paflage aux Suédois , comme à Cuftrin au mois de décembre de l'an- née précédente : inconvénient au- quel il ferait imprudent de s'expo- fer une féconde fois, „ Guftave fit demander de plus un mois de paie & des vivres pour fon armée , en pro-
DE Gustave- A DOLFE. 281
mettant de lui faire obferver la difci-
pline la plus rigoureufe. L'élecleur i55i. trompé par le comte de Sch^^artzen- ^'^^^ berg , fon favori , qui faifait naître dans fon efprit mille foupçons ridi- cules , rejeta toutes les propoiitions de Guftave; mais avec les plus grands ménagemens. Le feld-maréchal Horn iJ fe rend le lendemain à Berlin par ordre du roi , & n'obtient pas davan- tage que le comte d'Ortenbourg. Enfin ^* le monarque prend le jour fuivant le parti de s'aboucher lui-même avec George - Guillaume ; il part de Côpe- nick efcorté par cinq cents cavaliers , mille fontaffins & quatre pièces de ca- non. Dès que l'élecleur fut averti de l'approche de Guftave , il vint à fa ren^ contre jufques dans un petit bois à une demi-lieue de Berlin. Le monarque réi- tère fes proportions , & tente de per- fuader George- Guillaume. « J'ai , lui j3 dit-il , forcé les Impériaux à fortir de
282 C A M r A G N E S
„ la plus grande partie de vos états , *"^ ^' 5, où j'efpere les empêcher de rentrer : 5, ce lervice doit exciter votre recoii- 5, naifîance. Vos fujets ne verront pas 3, renouveller par mes troupes les dé- „ fordres commis par les Autrichiens. 5, S'ils prennent Magdebourg , ils re- 5, viendront piller votre pays , & vous » traiteront encore plus rigoureufement 5, que par le pafTé. „ L'éledeur qui n'a rien à alléguer , fait une réponfe am- biguë & demande pour confulter les niiniftres une demi -heure, que le roi emploie à s'entretenir avec la Palatine douairière mère de l'infortuné roi de Bohême. Les niiniftres de George- Guillaume , après avoir donné leur avis , ajoutaient : j4u refle que faire ?Les Suédois ont des canons. L'électeur re- joignit Guftave & finit par ne rien con- clure. Le monarque voulait retourner . àfon camp; mais les princeflTes le pref- ferent de venir à Berlin , où il entra
DE Gustave-Adolfe. 28? avec fon efcorte qui fut logée chez les bourgeois , à la réferve de deux cents i^3 1« hommes qui relièrent pour fa garde ^^^'* dans les cours du château. Le lende- ^^ main on reprit la négociation fans fuccés , & l'armée Suédoife vint de Cô- penick camper aux portes de Coin , qui fait partie de la ville de Berlin. L'éledeur donna un grand repas , pen- dant lequel le roi dit au duc Jean- Albert de Meckelbourg , afléz haut pour être entendu : <^ J'avais le projet de fecourir „ Magdebourg , non que j'y fois inté- „ refle , mais pour l'avantage des pro- „ teftans ; & ils refufent de me fecon- „ der. Eh bien ! je traiterai avec l'em- ,5 pereur qui ne demande pas mieux ; „ je retournerai en Suéde , & nous „ verrons enfuite ce que deviendront j, ces gens - ci ,,. Soit que ce difcours fit impreffion fur l'éleCleur , foit qu'il trouvât imprudent de réfiffcer à fes argumens appuyés par dix -huit mille
284 Campagnes hommes d'infanterie , lept mille de 1631. cavalerie & mie artillerie très - nom- breufe , il réuffit enfin à fatisfaire
16 Guftave , dont l'armée s'établit le jour fuivant en face de Spandau. Le monar- que y mit aux ordres du colonel Lillen une garnifon de mille hommes qui prêta ferment à George -Guillaume. On publia en même tems une ordon- nance relative à la tranquillité des fa- jets de l'éledeur , afin de les convain- cre de la différence qui exiftait entre la difcipline des Suédois & celle des Autrichiens. Le roi campa vis-à-vis de
17 Potzdam. Alors la garnifon de Bran- debourg & quelques autres fe repHe- rent fur le camp des catholiques de- vant Magdebourg , félon l'ordre qu'el- les en avaient reçu. Le colonel Gratz qui occupait Zerbil [avec un corps d'Autrichiens , fe retira en même tems à Defiau.
Guftave voulant partager les forces
DE Gustave-Adolfe. 28f & l'attention des Impériaux par des diverfions, afflirer les frontières de la i^5i« nouvelle marche de Brandebourg & de ^^^'* la Poméranie , contre les entreprifes des troupes qu'ils raflemblaient en Bohême & en Siléfie , & les empêcher de paOer l'Oder, fait partir de Span- dau , où il avait établi fon quartier , le feld- maréchal Horn , auquel il or- donne de fe rendre à Cuftrin & à Landsberg , de tirer des troupes de différentes places, d'y joindre celles qu'on levait fans inteiruption , de preffer le chancelier Oxenftierna de lui envoyer le plus tôt poflihle plu- fleurs nouveaux régimens qu'il alfem- blait en Pruffe , de compofer une ar- mée d'environ dix mille hommes , in- fanterie , cavalerie & dragons , & ds la faire camper près de Landsberg on de Cuftrin ; de manière qu'elle pût s'oppofer aux Autrichiens , foit qu'ils s'avançafTent par la Siléfie ou les fron-
2S(5 Campagnes
tieres de Pologne , ou le long de l'Oder I53I. ^ ^Q la Sprée , pour pénétrer dans réledlorat de Brandebourg ou en Po- méranie. Dans la dernière fuppofition , Horn devait faire rompre les ponts de Befckou & de Furftenvald , & barrer le chemin de Cuftrin. Si les Autrichiens s'approchaient de Francfort , l'armée Suédoife venait couvrir cette place ; W au contraire ils tentaient de déboucher fur Drieffen & Landsberg , Horn s'ap- prochait d'eux pour les contenir. En- fin s'ils n'entreprenaient rien , le feld- maréchal avait ordre d'attaquer , félon que les circonftances le permettraient , les frontières des états héréditaires de l'empereur. Guilave avait encore re- commandé à Horn d'empêcher que fes troupes ne vexalTent les fujets de l'éledeur de Brandebourg ; de fe con- certer avec Kradfcht qui commandait pour ce prince dans la partie de fes états qui touchait aux frontières de
Mai.
deGustave-Adolfe. 287
Pologne , pour que les Impériaux ne pulTent faire de ce côté aucune inva- i^3i« fion dans les pays occupés par les Sué- dois ; de ménager les Polonais , & de favorifer leur commerce à Landsberg & à Cultrin ; d'envoyer dans les places les nouvelles levées qu'on attendait de Suéde , jufqu'à ce qu'elles fuilent bien difciplinées & accoutumées au fervice ; de pourvoir à la fubfiftance des troupes , foit en formant des magafms de fourrage & de blé tirés du pays même, foit en failant des achats de grains en Pologne ; de lever de l'argent & d'en envoyer aflez au roi pour la folde de fon armée ; de remettre fur les frontières du Aleckelbourg au duc de ce nom une ville à fon choix , pour lui fervir de place d'armes ; de lui fa- ciliter les moyens de raffembler quel- ques troupes pour opérer de concert avec le général Tott , foit contre Grip- fvald , foit dans le Meckelbourg , & de les aider de les confeils.
288 Campagne
Giiftave n'avait que deux chemins ^ °^/ * pour s'approcher de Magdebourg : l'un par Brandebourg & Môckern , J'autre par Treuen-Biezen & Deflau ou Vit- tenberg ; il ne pouvait fuivre le pre- mier, car outre la difficulté de trouver des vivres & des fourrages dans un pays occupé depuis long^tems par les Autrichiens , il aurait fallu pafler l'Elbe en leur préfence , & l'on fe fouviendra que le pont de Magdebourg était rom- pu ; d'ailleurs , le roi n'avait aucuns matériaux pour en conilruire un au- tre: il était donc forcé de traverfer le fleuve à Vittenberg , & afin d'occu- per cette ville , de fe rendre maître du cours de l'Elbe pour recevoir fa- cilement de Saxe par eau les fubfifl tances & les munitions dont il au- rait befoin. 11 fallait engager l'élec- teur de Saxe à remettre ce paOage aux Suédois : Gulf ave écrivit à ce prince , afin de lui repréfenter l'utilité du pont
DE Gustave-Adolfe. 289 de Vittenberg pour fecourir Magde- bourg , dont la confervation impor- 163 i* tait également à la Saxe & à tous les ^^^^' proteftans de l'Empire. Le monarque ajoutait , « que fi l'on fufpeélait fa „ bonne-foi , il fe bornerait à fe fervir 5, du pont fans mettre garnifon dans „ la ville , & qu'il efpérait que dans „ tous les cas on lui enverrait des vi- „ vres & des munitions de guerre par 5, l'Elbe ; mais qu'il ferait plus avan- „ tageux à la caufe commune , que „ les troupes Saxonnes fe joigniifent 5, aux Suédois pour mieux aflurer le „ fuccès de l'entreprife , & partager „ la gloire de fauver une ville dont „ la perte pouvait avoir les fuites les „ plus funeftes pour tout le Corps 5, Evangélique „. Ces raifons ne firent aucune impreffion fur Jean-George. La plupart des princes protellians fem- blaient méconnaître leurs véritables intérêts; car prefque tous balançaient
Partie IL T
290 Campagnes
pour s'unir à un roi victorieux, qui •*^,^* leur tendait une main fecourable.
L'éledeur de Saxe flatté de l'efpoir de tenir la balance entre Ferdinand & Guftave , réfolut de ne point renon- cer à Ton fyilême : les confeils de fes miniftres , vendus pour la plupart à Tempereur , & les iniinuations de He- genniuUer , plénipotentiaire de ce mo- narque 5 l'y confirmaient. Le der- nier, informé des demandes du roi de Suéde , va trouver Jean - George , le preffe de nouveau d'être le médiateur de la paix générale de l'Empire , & l'affure que Ferdinand fe prêtera à tou- tes les voies d'accommodement com- patibles avec fa dignité. L'électeur fe laiffe ainfi tromper par la cour de Vien- ne , qui cherchait à l'empêcher de fe déclarer avant que la prife de ]\lagde- bourg permît au comte de Tilli d'em- ployer la force pour l'obliger à déOir- mer. Jean-George répondit au roi de
DE G U S T A V E - A D 0 L F E. 291
Suéde , « qu'il ne voulait ni attirer „ la guerre dans fon pays en fe tour- 1631. „ nant contre les catholiques, ni man- ^^^^* • „ qiier à les devoirs envers le chef „ de FEmpire. „ Guftave mécontent de rélecteur , s'écria dans un premier mouvement d'indignation : « Puifque „ les proteftans veulent périr , qu'ils „ périfTent. Je vais me cantonner en „ Poméranie en attendant que ces poli- „ tiques , qui touclient à leur perte , „ m'appellent à leur fecours. ,^ Cepen- dant le roi demanda une entrevue à Jean-George , qui la lui refufa fous différens prétextes : il eft vraifem- blable que le monarque allait négo- cier avec l'élecleur de Saxe comme avec celui de Brandebourg , c'eft-à- dire , à la tête de fon armée , lorfqu'il apprit que Tilii avait emporté Mag- debourg d'alTaut.
Les fuccès des Suédois inquiétaient depuis long-tems le généralifTime &
T ij
292 Campagnes
lui faifaieat fentir la néceffité 'de ré- ^^^* tablir la réputation des armes de l'em- '° • pereur : fa propre gloire y était d'au- tant plus intéreflfée , qu'il avait été témoin de la perte de plufieurs pla- ces importantes , fans pouvoir les fe- courir. Il eft vrai qu'en levant le fiege de Magdebourg , il fe procurait les moyens de rentrer dans quelques- unes , & de s'oppofer en même tems à Guftave; mais il perdait alors tout ie fruit d'un projet à l'exécution duquel il avait déjà beaucoup facrifié , expo- fait même fon maître & l'Empire à de grands revers , augmentait la con- fiance des proteftans , les engageait à fe déclarer ouvertement pour Gufta- ve , qui après la délivrance de Mag- debourg pouvait forcer l'éledeur de Saxe d'embraffer fon parti, & fondre enfuite fur la Siléfie & la Bohême , qui fourmillaient de luthériens mé- contens de la cour de Vienne : enfin
DE GU s T A VE-AdO LFE. 293
la prife de la place dédommageait Tilli de toutes fes pertes; auffi réfolut-il 153 1. de s'en rendre maître , au rifque de ^^^i. laifiTer étendre les Suédois , & de s'ex- pofer même à une bataille.
Lorfque les Impériaux ont réparé 15 le dégât fait par les mines à leurs propres travaux , ils recommencent à foudroyer les remparts de Magde- bourg. Les affiégés répondent vive- ment à ce feu , établiifent deux pièces de canon fur une tour élevée , d'où l'on voyait le Sudenbourg à revers , tuent un grand nombre d'affiégeans dans les tranchées & les ruines des maifons de ce fauxbourg , & démon- tent une batterie. Les catholiques font obligés vers le foir de fufpendre le jeu de leur artillerie , pour réparer le mal qu'ils ont efluyé, & remplacer les canonniers mis hors de combat. i\lal- gré le feu de la place qui continue pendant toute la nuit , les Autrichiens ^^^ ^"
T iij
294 Campagnes poiifient dans quelques parties leurs 165 1. fappes juiques fur le bord de la con- ^^^'' trefcarpe ; mais ils ne peuvent entre- prendre la defcente du foîTé , qui contenait plus de fix pieds d'eau.
Le comte de Pappenheim aug- mente les batteries à Pattaque du Su- denbourg où il commande, & bien- tôt il s'en trouve fept de prêtes , qui jouent à la fois contre la ville : par- venu peu de jours après fur la con- trefcarpe , il obferve que dans cette partie le folfé eft fec & peu profond , en informe le comte de Tilli , & lui propofe de tenter un aifaut général. Comme le fuccès en paraît douteux, n'y ayant aucune brèche au corps de la place , & le fofiTé étant très-difficile à ]!)afler aux autres attaques , le géné- raliffime n'ofe le rifquer. Un fergent fuivi de vingt hommes s'avance, à la faveur d'une cave profonde qu'il a dé- couverte dans le fauxbourg , jufqu'au
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pied des murailles où il commence un logement. Les affiégés accourent en I53i. foule , & tuent ou font prifonniers ce ^^^^ petit nombre de catholiques. Le tu- i6 mnlte que cette alarme caufa d'abord dans la ville , fit croire à Tilli & aux autres généraux qu'elle allait capitu- * 1er ; mais ils forent bientôt détrompés par le feu terrible qui partit des rem- parts. Les deux pièces de canon éta- blies for la tour dont on a parlé , in- commodaient toujours l'attaque de Pappenheim : il fit jeter dans la place pendant toute la nuit des boulets rou- Du 17 au ges qui produifirent peu d'effet. ^^
Le comte de Tilli était réfolu à preffer le fiege : il avait intercepté une lettre que le roi de Suéde écrivit de Potzdam aux Magdebourgeois, pour les affurer qu'il viendrait les dégager inceffamment. Le généraliffime , crai- gnant que le monarque ne lui ravît fa proie , fe détermina enfin à donner
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296 Campagnes l'aflaut ; mais avant que de le tenter» i6m, il écrivit aux affiégés pour les exhorter jg'* à obéir aux ordres de l'empereur , à fe montrer fidèles membres du Corps Germanique , & à prévenir par une foumiflion volontaire les malheurs qui menaçaient leur ville ; les afTurant que fi Guftave lui-même connailfait leur véritable fituation , il ne pourrait leur donner d'autre confeil. Les Magde- bourgeois informés des projets du mo- narque , jugèrent au llyle modéré de Tilii que l'armée Suédoife approchait : ils réfolurent de n'expédier le trom- pette du généraliffime qu'à loifir , & crurent inutile de veiller à la garde de la place auffi exa dément que par le pafifé. Une négociation que Tilli* avait entamée avec eux par l'entremife des villes Anféatiques , augmentait encore leur fécurité. Falckenberg était d'une vigilance extrême ; mais il ne pouvait feul remédier à l'indifcipline des bour- geois.
DE Gustave-Adolfe. 297
Les affiégés firent cependant fur
l'attaque du Sudenbourg & fur celle ^^.^.^' du baftion de Heideck une fortie dans laquelle ils tuèrent environ foixante hommes , & faillirent prendre le comte de Pappenheim , qui n'échappa qu'en fe cachant derrière une mafure. Les Impériaux continuèrent à battre la place le refte du jour & le fuivant juf- 19 qu'après midi , que la tour dont l'ar- tillerie les incommodait , s'écroula en- fin fur le rempart & ne combla pas le foffé , contre leur attente. Le feu celfi enfuite peu à peu du côté des affié- geans , qui retirèrent même les batte- ries de l'attaque du Sudenbourg. Les Magdebourgeois ne doutèrent plus alors que le roi de Suéde ne fût ar- rivé à la vue du camp des catholi- ques , & que ceux-ci ne fe difpofalfent à lever le fiege. Tilli ne voulant pas fupporter feul le blâme d'un affaut qui pouvait échouer , tenait alors un con-
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aa^^iiwv' feil ^Q guerre : il y repréfenta Tim- 1^51. poflibilité de continuer le fiege & de ^^^*' s'oppofer en même tems à Guftave- Adolfe , & ajouta qu'il balançait s*il renoncerait à fon entreprife , ou s'il tenterait d'emporter la place de vive force. La plupart des généraux , crai- gnant l'événement , n'ouvraient que des avis timides , lorfqu'un firriple co- lonel , dont l'hiftoire n'a pas confer- vé le nom , foutint qu'il fallait donner raiïaut le lendemain matin , & qu'on pouvait compter fur le fuccès , parce qu'alors les bourgeois fe retiraient chez eux pour s'y délaffer des fatigues de la nuit. Ces raifons firent imprefTion , & l'on réfolut l'aflaut, dont on régla auffi-tôt les difpofitions. Le comte de Pappenheim fut chargé d'efcalader -avec trois régimens les remparts du côté de la Ville-Neuve , en même tems que le duc Adolfe de HolRein attaque- rait l'ouvrage à corne de la porte de
DE Gustave-Ado LFE. 299 Krocken ; que le comte de Mansfeld tenterait de s'emparer du baflion de i55i. Heideck , & qu'un quatrième corps fe- ^^^'* rait une faufle attaque contre la BafTe- Ville près du fleuve. On employa la nuit fuivante au tranfport des échel- ^" J^ ^" les & à difpofer les troupes.
Tilli devait donner le fignal de Pat- 2° taque à cinq heures du matin ; mais arrêté par la crainte de perdre infiuc- tueufement l'élite de fon infanterie, il balançait encore , lorfque des traî-* très fortis de Magdebourg viennent l'informer que les affiégés , après avoir pafTé la nuit fur les remparts , & voyant que les catholiques ne tiraient plus, avaient pretque tous quitté leurs pof- tes , jugeant qu'on levait le fiege : ils pouvaient s'afTurer du contraire , en faifant fortir quelques patrouilles pour reconnaître la caufe du filence des Im- périaux. Cet avis détermine enfin Tilli à donner vers fept heures le fignal
50O Campagnes convenu. Les difFérentes attaques 1^5 1. commencent auffi-tôt de tous côtés.
Mai. Celle de Pappenheim était la plus fa- cile ; le fofle était fec , peu profond , & le rempart alfez bas : les Impériaux en gagnent facilement le fommet &
' n'y trouvent que trente hommes à moitié endormis , qui font une mau- vaife décharge & font aufli-tôt accablés par le nombre. Pappenheim ordonne d'occuper les tours voifmes & de tour- ner contre la place le canon des rem- parts.
Falckenberg qui allait à l'hôtel- de- ville où l'on devait répondre à la let- tre du comte de Tilli , inquiet du feu qu'il entend , prend au galop le che- min de la Ville-Neuve , & arrive au moment que les Autrichiens com- mencent à pénétrer dans les rues. Il rallie les foldats qui fuient , charge l'ennemi & le repouITe ; mais comme il venait continuellement des^troupes
DE Gustave-Adolfe. 501
fraîches aux aflTaillans , Falckenberg eft repouflTé à fon tour & renverfé mort d'un coup de moufquet en com- battant vaillamment pour regagner le terrrein qu'il vient de perdte Cepen- dant toutes les cloches de la ville Ton- nent l'alarme , & le bruit des tam- bours , joint à celui des armes à feu , au tumulte inféparable d'une furprife , aux pleurs des femmes qui veulent retenir des maris ou des enfans qui s'arrachent de leurs bras , aux gémif- femens plaintifs des blefles , & aux cris perçans d'un grand nombre d'ha- bitans des deux fexes fuyans devant les Impériaux qui maflacrent tout ce qu'ils rencontrent , formait un enfem- ble qui infpirait Teffroi. Les foldats & les compagnies bourgeoifes s'arment à la hâte , s'attachent aux Autrichiens , les arrêtent d'abord , mais finifTent par en être accablés. Le duc de Holftein avait attaqué la
302 Campa g n t s ^^^Ê porte de Krocken , & le comte de 1^31. Mansfeld le baftion de Heideck; & quoique les foffés fuiïent pleins d'eau , ils les palFerent facilement dans des bateaux , fur lefquels ils appuyèrent enfuite leurs échelles. Le capitaine Schmit rallie quelques foldats & les bourgeois les plus déterminés , fond fur le duc de Holftein avec furie , & l'oblige à reculer jufqu'à la porte de Krocken. Ce brave homme eft tué en faifant , pour la regagner , des efforts prodigieux : fa mort décourage les bourgeois , ils fe difperfent , & aban- donnent les foldats qui font égorgés fans pouvoir obtenir quartier. Quel- ques troupes de Tadminirtrateur arrê- tent d'abord le comte de Mansfeld ; mais bientôt prifes à dos par des dé- tachemens que Tilli envoie le long des remparts pour favorifer les diffé- rentes attaques & ouvrir les portes à la cavalerie , elles font dilfipées ou
Mai.
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pafTées au fil de Tépée. Les Croates s'avancent fur le bord de l'Elbe, dont i^5i. les eaux étaient alors fort baffes , pé- nètrent par le fleuve dans la place , Se y commettent mille défordres. Le nombre des catholiques , qui aug- mente à chaque inllant , rend enfin inutiles les efforts de la garnifon & des habitans. Tilli fldt braquer du ca- non au débouché des principales rues, pour diffiper quelques pelotons d'habi- tans qui fe font raffemblés , & entre onze heures & midi le généralidime efl entièrement maître de la ville.
L'adminiftrateur , qui avait eu les jambes froiffées par un boulet de ca- non , amenait cependant quelques ren- forts aux fiens : il eft attaqué par un corps fupérieur , bleffé d'une balle à la cuiffe gauche , d'un coup de pique à la tête , renverfé de cheval , dépouillé & contufionné de bourrades par les foldats catholiques, qui l'eiiffent affjm-
Mai.
504 Campagnes
mé , ri les ducs de Holfteiii & de Saxe- ^^^^* Lavenbourg ne Pavaient arraché de leurs mains : ils firent à Chriftian-Guil- laume des reproches infultans fur là prétendue rébellion , & lui demandè- rent avec dédain , pourquoi il s'était facrifié pour des traîtres qui les aver- tilTaient réguhérement de ce qui fe paflait dans la ville. Lorfque l'on pré- fenta ce prince au comte de Tilli, il lui tint les propos les plus durs. L'adminiftrateur répondit , *' qu'on ne ^, devait pas ufer d'une vidoire avec „ autant de barbarie , & qu'il efpérait „ que les proteftans vengeraient tôt 5, ou tard les flots de fang verfés par „ les catholiques. „ Le général Amf- terroth , quelques autres officiers , trois bourguemeftres & Stralman miniftre du roi de Suéde furent faits prifonniers en même tems que Chriffcian-Guillau- me. Comme les bleffures de ce prince l'empêchaient de marcher , on le tranf-
porta
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porta fur deux piques au quartier du comte de Pappenheim , d'où il fut con- loi i. duit fous bonne garde à Volmerftat : ^^^^^' on l'eTivoya enfuite à Vienne. L'em- pereur le fit refferrer étroitement à Neuftat , où il ne voyait que des Jé- fuites : ils lui rendirent fa prifon H infupportable , que pour en fortir il abjura les dogmes de Luther. La com- pagnie de Jéfus ajouta avec tranfport au catalogue de fes converfions celle d'un prince de la mailbn de Brande- bourg , qui joignait à ce titre celui d'archevêque proteftant. Les Jéfuites ' tout-puiffans à la cour Liipériale , pro- curèrent à leur profélite la charge de grand-véneur & une penfion confidé- rable. Chrillian-Guillaume voulut fans doute prouver qu'il méritait les grâces de l'empereur ; car il publia bientôt un livre de théologie : mais l'ignorance du nouveau converti était fi généralement reconnue , que tout le monde fut per- Panu IL V
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5 fuadé qu'il prêta feulement Ton nom au 163 1. mercenaire qui lui prétait fa plume. Les Magdebourgeois , retirés dans leurs maifons , attendaient leur fort au milieu de leurs familles éplorées. Un autre général que Tilli , content de voir la place foumife , eût exigé une groffe contribution & empêché toute violence ; mais les partis modérés étaient incompatibles avec fon carac- tère , & il abandonna la ville au pillage. Tout ce que peut la licence effrénée du loldat lorfque rien n'arrête fa fu- reur , tout, ce que la cruauté la plus féroce infpire à l'homme quand une rage aveugle s'empare de fes fens , fut commis par les Impériaux. Ils fe dif- perfent dans tous les quartiers , for. cent les maifons , violent les femmes entre les bras de leurs maris , & les filles aux yeux de leurs mères : ni la décrépitude ni l'enfance ne peuvent arrêter la brutalité des Autrichiens.
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Douze cents filles fe précipitèrent , ^^EZ^ dit-on, dans TElbe pour conferver leur i6^\» virginité ; mais c'eft un de ces contes ^^'^** qui aurait pu édifier la crédule anti- quité , & qu'aujourd'hui l'on révoque en doute. Lorfque répuifement des forces du foldat ne lui permet plus d'augmenter le nombre de fes forfaits , il fe livre au pillage ; & quand fa cu- pidité efi: alfouvie , il maifacre impi- toyablement ceux qui fe défendent comme ceux qui ne font point de ré- fift:ance , égorge les femmes , les en- fans & les vieillards , jonche les mai- fons & les rues de morts & de mou- rans ; enfin , les Autrichiens ne celfent de tuer que faute de victimes , & finif- fent par mettre le feu prefque dans tous les quartiers , afin fans doute d'en- fevelir fous les ruines de la ville les marques de leur barbarie. Qiielques officiers , touchés des cruautés qu'ils voient commettre, viennent conjurer
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f"^^^' Tilli de les arrêter. Laijfei faire lefoU ^^^^- ^c^ , répond-il froidement, il ejl jufle quil fe dédommage de fes fatigues. Les troupes de la Ijgiie Catholique fe con- duifirent avec modération ^ mais les Impériaux prouvèrent qu'aucun frein ne les arrêtait.
Un vent impétueux allume l'incen- die au point que les foldats font forcés de regagner précipitamment les rem- parts ; & la chaleur devient bientôt fi grande , que Tilli ordonne à prefque toutes les troupes de fortir de la ville : elle renfermait plus de quatre mille maifons , & en peu d'heures il n'en refta que cent quarante avec deux égli- fes. La conquête de cette place coûta la vie à un afTez grand nombre d'offi- ciers & de foldats catholiques. Quinti del Ponte , dont on a parlé plufieurs fois , périt à ce fiege : fin trop glorieufe pour un homme auffi méprifable. Le même jcur que Magdebourg fut pris ,
dlai.
DE Gustave -A DOLFE. 509 quelques partis Suédois s'étant mon- trés à la vue de Deflau , le colonel 1631* Gratz imagine que Guftave-Adolfe ap- proche avec toutes fes forces , brûle le pont , fait fauter le fort, & le retire avec fa garnifon à l'armée Impériale.
Quand Magdebourg celle de brûler, les Impériaux y rentrent pour s'empa- rer de ce que les flammes ont épargné. La cupidité des foldats coûte la vie à plufieurs , qui font étouffés par la va- peur embrafée qui fort des caves où ils veulent pénétrer , foupçonnant que les habitans y ont caché leurs effets les plus précieux ; mais le feu avait détruit prefque toutes les dépouilles dont les Autrichiens croyaient s'enrichir. Le lendemain on rapporte au comte de Tilli , qu'environ mille perfonnes , tant hommes que fenmies , réfugiées dans la cathédrale n'ont pas mangé depuis trois jours : il leur fait diftribuer du pain & ordonne de les amener au camp.
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310 Campagnes
Ces malheureux , avec environ quatre 1(5^1. cents autres, auxquels l'efpoir d'en tirer rançon fauva la vie , furent les feuls qui échappèrent au fer des catho- liques & à la fureur des flammes. On commença à déblayer les principales rues 5 & l'on jeta dans l'Elbe plus de vingt mille cadavres. En joignant à ce nombre celui des habitans brûlés ou écrafés fous les décombres des mai- fons , on peut admettre , fans crainte d'exagérer , qu'il périt dans ce jour d'horreur , au moins quarante mille perfonnes. Les Impériaux n'épargnè- rent pas les traîtres qui leur avaient fervi d'efpions pendant le fiege , & ils les confondirent avec leurs mal- heureux compatriotes. 24 Le comte de Tilli fit fon entrée à
Magdebourg , & fe rendit en pompe à la cathédrale , devant laquelle on avait planté les drapeaux enlevés à la garnifon & à la bourgeoifie. Après
DE GuSTAVE-AdoLFE. 311
le fervice divin & le Te Deum qui K^^ra fut chanté au bruit d'une triple dé- 15 ji. charge de la moufqueterie & du ca- Ma- non des remparts & du camp , le généralifîime parcourut à cheval avec fa fuite les rues de la ville. Son ca- raclere dur & inflexible fe manifefta dans cette occafion ; car il contemplait avec une joie barbare mille objets aflPreux qui frappaient fes regards. Tilli ordonna de réparer les fortifications de Magdebourg , & y mit en garnifon trois régimens qui furent obligés de conftruire des baraques pour fe loger. Le feu prit la nuit fuivante à l'un des Du 24 au principaux quartiers, que les catholi- ^^ ques occupaient aux environs de la place : leurs équiqages & ce qu'ils avaient pillé devinrent la proie des flammes. Prefque tous les prifonniers qu'on gardait au camp de Rothen-See profitèrent du tumulte pour s'évader. Strahnan, miniftre de Gufl:ave , fut
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512 Campagnes
^^^^ de ce nombre : il traverfa l'Elbe , & ^'^'ï* joignit fon maître à Spandau. ^''''' Tilli afFeda d'annoncer la prife de Magdebonrg aux principaux protef- tans : il en fit part à l'élecleur de Saxe d'un ton de triomphateur , pour humi- lier fans doute ce prince que la def- trudion de cette ville devait d'autant plus affliger , qu'il était la caufe féconde de fa ruine. La lettre du généralilfime portait, << que le fac de Magdebourg 35 était une jufte punition de fa rélif. 53 tance aux ordres de l'empereur ; „ & afin , vraifemblablement , d'intimi- der Jean -George, il ajoutait, " que 3, tous ceux qui s'oppoléraient ou pour- „ raient s'oppofer au monarque Autri- 35 chien , encourraient les mêmes châ- „ timens , & qu'on ferait inceflamment 35 à la cour de Saxe quelques nouvelles „ propofitions relatives à la paix de 2-) „ l'Empire. ,5 L'élecleur répondit , « qu'il déplorait le malheureux fort de
DE Gustave-Adolfe. 513 „ Magdebourg ; que fa prétendue re- „ bellion aux décrets impériaux ne i(^3i. „ juftifiait pas la barbarie avec laquelle ^^^'' „ on avait traité fes habitans, & que „ rien n'était plus oppofé aux fenti- „ mens pacifiques que l'empereur té- '„ moignait ; que pour lui il ne s'était ^ jamais écarté de fon devoir à l'égard „ du chef de l'Empire; mais qu'on ne „ devait pas fe flatter que la crainte „ pût l'empêcher de foutenir ouver- „ tement les droits de fes fujets & „ les loix Germaniques ; & qu'au relie ,5 il écouterait volontiers les nouvelles „ propofitions dont on lui parlait. „
La perte de Magdebourg affcda Guftave - Adolfe d'autant plus vive- ment , qu'elle pouvait décourager les proteflans , & atterrer le parti qu'il commençait à fe faire en Allemagne. La ruine de cette ville devenait un fujet de triomphe pour l'empereur , & lui rendait aux yeux de plufieurs mem-
?i4 Campagn'es bres de l'Empire le degré de puiflance 1631, dont les fuccès des Suédois l'avaient î^ïai- fait décheoir. Il était à craindre que les proteftans , difpofés à s'unir avec Guftave , dans l'efpérance de retirer les plus grands avantages de Ton appui , ne perdiflTent toute confiance , & ne renonçaiTent à leurs defTeins , en con- lidérant que fi les Impériaux s'étaient emparés en auffi peu de tems d'une place comme Magdebourg , il ne s'en trouverait aucune qui ne dût préférer de leur ouvrir fes portes , à expofer fes habitans à périr par le fer ou par le feu ; & d'ailleurs , comme les enne- mis fecrets des Suédois pouvaient les charger aux yeux des peuples du blâme d'avoir laiffé faccager la ville , étant fi à portée de la fecourir, le roi jugea nécelfaire de publier une apolo- gie de fa conduite , qui fit connoître les véritables caufes de la perte de cette place. Le manifefte de Guftave por-
DE Gustave-Adolfe. 5If tait :" que le fénat & le peuple avaient „ refufé opiniâtrement de contribuer ^^^^' „ aux dépenfes indifpenfables , foit „ pour lever des troupes , foit pour „ mettre Magdebourg en état de dé- „ fenfe , jufqu'au moment où l'armée „ Autrichienne l'attaqua ; que, s'ils „ euffent confenti à augmenter leur „ garnifon , un aflaut devenait impra- ,, ticable ; qu'il leur avait envoyé pour „ les befoins du fiege de grandes fom- „ mes d'argent , que d'infidèles dépo- „ fitaires s'étaient appropriées ; que „ les Magdebourgeois , en dédaignant „ de s'afllirer des traîtres qu'on leur „ avait fait connaître , avaient donné „ par cette négligence aux partifans „ de l'empereur la facilité d'inilruire „ fes généraux des réfolutions prifes „ pour la confervation de la place , & „ de ce qui fe paflliit de plus fecret „ dans les confeils ; qu'avant de s'ap- „ procher de l'armée Impériale , il
3i6 Campagnes «^;^,w^ ^^ ^(-^j^. néceŒiire que les Suédois s'em- 1631» „ paraflent de Francfort & de Lands- ■^^'' „ berg, pour ne pas laifTer des garni- „ fons ennemies fur leurs derrières ; „ que le roi avait promis plufieurs fois „ de fecourir Magdeboiiag , mais que „ cet engagement ne l'obligeait pas à „ des démarches oppofées à la pru- jj dence, & qui l'euflent perdu fans 33 aucune utilité pour la ville, dont „ on ne pouvait lui imputer la prife , „ puifqu'il était arrivé afiez tôt pour „ faire lever le fiege ; mais cju'il n'a- „ vait jamais prévu que la cour de „ Berlin différât plufieurs jours à lui „ remettre Spandau , qui lui devenait „ indifpenfable pour affurer fa retraite „ après une adion malheureufe, & „ que l'éledeur de Saxe refuiTit de lui „ laiffer paffer l'Elbe fur le pont de „ Vittenberg : que ces obftacles im- „ prévus avaient arrêté l'armée Sué- „ doife. „ Guirave terminait fon mani-
DE Gustave -Adolfe. 317 fefte par rappeller ce qu'il avait fait pour les proteftans depuis fon entrée i<^5i. en Allemagne. L'apologie du roi de Suéde produifit l'effet qu'il en atten- dait ; c'eft-à-dire que les membres du Corps Evangélique ne furent point ébranlés par les imputations dont les partifans de la maifon d'Autriche cher- chaient à le noircir à leurs yeux ; & loin d'être découragés par la perte de Magdebourg , elle ne fervit qu'à les animer davantage contre l'empereur, & à leur faire prendre la réfolutioii de tout tenter pour venger cette mal- heureufe ville.
Un détachement des troupes Impé- riales , que le général Tieffenbach raffemblait en Siléfie , s'approcha de Croffen pour le furprendre; mais le feld-maréchal Horn informé du deffein des ennemis , renforça la garni fon qui les obhgea de fe retirer avec perte de cinauante hommes. Le roi de Suéde
518 Campagnes '^""""'^^ prévoyant que les Autrichiens fof- 1531. nieraient d^autres entreprifes contre Croiïen qu'il lui importait de con- 29 ferver , envoya ordre à Horn de faire mettre cette ville en état de défenfe, & de la pourvoir abondamment de munitions. J"^^- La Ligue Catholique avait ré fol u , à fon aflemblée de Dunkelfpuhl , d'aug- menter fes troupes , & de continuer la guerre. L'empereur enorgueilli de la conquête de JMagdebourg, avait repris toute fa fierté , & il menaçait de faire fubir le fort de cette ville infortunée aux membres de l'Union de Leipzic qui rélifteraient aux décrets impériaux. Les zélés catholiques pré- tendaient que le monarque Autrichien devait exterminer les rebelles , puif- qu'il avait la force en main & que la fortune favorifait fes armes : c'était l'intention de Ferdinand , qui envoya au comte de Tilli un ordre fecret de
i)E Gustave-Adolfe. 519 mettre à feu & à fang les états des ■
princes qui n'obéiraient point à fes i53i« décrets , qu'on devait regarder comme J"^"- un dernier ade de clémence à l'égard des oppofans : on cherchait cependant à leur perfuader que la cour de Vienne ne defirait que la paix , & qu'ils ne devaient pas refufer de fe rendre à la diète de compofition indiquée à Franc- fort , où ils obtiendraient enfin juftice. L'ouverture de cette diète était fixée au commencement d'août 5 plufieurs raifons l'av^aient déjà fait proroger , & les circon fiances obligèrent de la diff:e- rer encore.
L'empereur faifait lever des troupes dans fes états héréditaires , & furchar- geait d'impôts la Bohême & la Silé- fie ; il projetait d'interrompre les arme- mens des proteftans , d'accabler l'é- ledeur de Saxe & le landgrave de Helfe ( les deux plus puiflTans princes de l'Union , ) & d'incorporer leurs
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?^^^ troupes dans celles des catholiques. l'^^i* Les Impériaux méprifaient les autres membres du Corps E^^angélique, & difaient que c'était un tas de gueux qui ne pouvaient entretenir dix régi- mens. L'armée qui avait pris Magde- bourg devait agir contre les protef- tans de la Baffe - Allemagne , tandis que l'éledeur de Bavière ferait atta- quer ceux de Franconie , & que les troupes Impériales revenues d'Italie, forceraient à la foumiflion les confé- dérés de Souabe & de la droite du Rhin.
Le comte de Tilli prend poffeifion de l'archevêché de Magdebourg au nom de l'archiduc Léopold- Guillau- me , fécond fils de l'empereur , ( qui le lui avait conféré en i528 à l'exclu- fion du prince Jean-Augufte de Saxe , élu par le chapitre , ) donne le gou- vernement de la place , qui reflém- blait plus à un camp retranché qu'à
une
DE GU ST A V E- Au OLF E. 321
une ville , au comte de Mansfeld , ^'^^•^^'? chargé d'en faire réparer les fortifica- i<^3i- tions avec d'autant plus de foin , qu'il importait aux catholiques de la con- ferver à caufe de fa fituation fur l'Elbe ; laiffe fous Magdebourg un corps peu confidérable d'infanterie & de cava- lerie , commandé par le feld-maréchal comte de Pappenheim, & prend la route de la Thuringe avec vingt mille 3 hommes de pied & fix mille chevaux , pour aller défarmer les proteftans. Le généraliflime côtoie d'abord l'Elbe & remonte en fuite à la gauche de la Sala jufqu'à Bernbourg ; mais comme il voulait couper toute communication • entre la Saxe & la HelTe, il marche à Afchersleben , s'avance en fuite h Mansfeld & à Eisleben , d'où prenant fur fa droite à travers le Hartz-Vald, ( û ) il arrive à Sangershaufen y y refte avec la plus grande partie de fes trou-
(a) Autrefois la forêt Hercynienne.
Partie IL X
922 Campagnes
pes , & envoie le furplus occuper Arteiî 1631. & Altftat. Cette marche coûta beau- coup de monde aux Impériaux : com- mettant 5 félon leur coutume , mille défordres dans les villages qui fe trou- vent fur leur chemin ; ces briganda- ges irritent les habitans , & ils mafTa- crent impitoyablement tous les fol- dats qu'ils trouvent écartés. Tilli fe venge , en livrant le pays qu'il occupe à la difcrétion de fes troupes : elles pillent & brûlent à fes yeux la ville de Franckhaufen , & ravagent le comté de Schvartzbourg & plufieurs terres appartenant à l'électeur de Saxe. Le généralifïime , bientôt chaffé de fa pofition par la difette de fubfiftan- ces , s'avance à Neumarck fur la route d'Erfurt , capitale de la Thuringe. Cette ville pouvait fervir de place d'armes aux Autrichiens , leur per- mettre de s'étendre jufqu'au Mein , & dans k s cercles du Haut-Rhin & de
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DE Gustave -Adolfe. 32
Franconie , leur faciliter les moyens de fecourir les états catholiques de i<^3i- Haute-Allemagne, de donner la loi ^"'"• aux villes impériales qui y font fi- tuées , & à la nobleffe ; enfin , de priver la maifon de Saxe de fon droit de protection fur Erfurt. Si les pro- teftans fe fuffent emparés de la place , ils refferraient leurs adverfaires , aux- quels ils eulfent coupé le paffage , pouvaient fondre fur les évêchés de Bamberg & de Vurtzbourg , & fe ren- dre ainfi maîtres d'une grande éten- due de pays qui leur eût fourni des reffources immenfes pour la guerre. Tilli envoie fommer Erfurt ; & mai- gré les motifs qu'on vient d'alléguer pour l'occuper , il préfère une groiïe contribution , que les magiftrats lui offrent pour fe difpenfer de recevoir garnifon. Cependant , le général idime leur fait promettre de relier fidèles à l'empereur, envoie des troupes à
X ij
524 Campagnes qaaawMHB Veimar , Arnflat , Gotha , Eifenach 163 1. & dans plufieurs autres villes , & J"'"* s'établit à Malhaufen avec le refte de fes forces. Les catholiques commirent des vexations horribles dans leurs quartiers, prefque tous établis au mi- lieu de l'apanage des princes de la mai- fon de Saxe.
HegenmuUer , miniftre de Ferdi- nand , avait fait à l'éledeur les nou- velles propofitions d'accommodement annoncées par Tilli après le fiege de JMagdebourg : il le follicita de licen* cier environ vingt mille hommes qu'il avait déjà levés, & de renoncer aux réfolutions de l'alTemblée de Leipzic. Jean - George répondit , « Qu'il n'en- „ treprendrait rien contre l'empereur ; „ mais que la prudence ne lui per- „ mettait pas de défarmer avant que 5, les proteftans fulfent fatisfaits. „ Il munit en même tems fes places , & niilemble dix mille hommes près de
DE Gustave -A DOLFE. 5ai Vittenberg. Hegeiimuller retourne enfuite à Vienne , & fon rapport con- i<^3 !• firme Ferdinand dans le deflein d'ac- J'I"* câbler Télecleur. Ce prince fit porter fes plaintes à Tilli aux premiers dégâts que les Autrichiens commirent fur fes firontieres pendant leur marche : le généralifiime afTura , qu'on ne pou- vait l'en rendre refponfable , parce qu'il avait ordonné à fes troupes de ménager les Saxons. Une réponfe auffi vague mécontente Jean- George ; mais quand il voit la manière dont les catholiques traitent les états des ducs de Veimar , de Gotha & d'Eifenach fes païens , il juge que fon tour vien- dra , travaille à augmenter fes forces , . & convoque à Drefde (û) une afiem- blée provinciale du duché de Saxe , pour délibérer fi l'on enverra des dé- putés à ladiete de Francfort^ conve- nir du parti qu'on prendra à l'égard
{a ) Pour le 2} du mois.
X iii
316 C A. M P A G N E s
de Tiili s'il continue les hoflilités ; 1^3 1- rédiger la réponfe définitive qu'on fera '^"^^* à l'empereur fur fes inftances réitérées de renoncer à l'union de Leipzic ; pren- dre des mefures fur la manière d'en- tretenir les troupes & de les employer , & même d'en lever de nouvelles au befoin ; examiner fi pour préferverla Saxe & les proteftans du danger qui les menace , il efl: à propos de s'allier avec des puiŒmces étrangères ; enfin ce qu'il convient de faire relativement à l'archevêché de Magdebourg , dont , l'archiduc s'appropriait la jouifiance. L'éledeur voyait avec un déplaifir ex- trême fon fils privé de ce bénéfice : d'ailleurs , les procédés de l'empereur & de fes généraux lui faifaient regret- ter de n'avoir pas mieux répondu aux avances du roi de Suéde ; & les avis qu'il voulait demander aux états de fon éledorat prouvent qu'il jugea dès lors moins dangereux d'avoir Guf-
DE Gustave-Adolfe. 327 tave pour allié que l'empereur pour maître. 1631-
Tandis que le comte de Tilli mena- çait la Saxe& la HefiTe, les premières divifions des troupes Impériales , qui repaffiiient d'Italie en Allemagne , commençaient les hoftilités contre les proteftans de la Souabe. Plufieurs ré- gimens arrivent aux portes de IMem- mingen avec du canon, & la ville ne r? peut fe racheter du pillage que par une grofic contribution. En même tems qu'un fécond corps s'approchait d'Ulm , le colonel Ofla tentait avec un troifieme de s'emparer de plufieurs petites places dépendantes de î'évêché de Strasbourg , & fituées à la droite du Rhin. Les Strasbourgeois , qui avaient levé des troupes , leur ea- voyerent du fecours , & Ofla fe retira vers le margraviat de Baden , pour attendre le duc de Lorraine qui fe
préparait à joindre fes forces à celles
X iv
328 Campagnes
des Impériaux. La cour de Vienne i^n. engagea ce prince dans fes intérêts, Juin. Q^^ |g flattant de lui procurer la dignité éledoraie qu'il defirait pafiionnément. Le roi d'Angleterre , qui voyait pref- que tous les proteftans en armes , jugea la conjondure favorable pour obtenir de l'empereur le rétabliflement de l'éleéleur Palatin. Jacques envoie Amftruther pour le tblliciter , & Fer- dinand répond qu'on ne peut s'occu- per des intérêts de Frédéric , qu'à la diète de Francfort. La faibleffe du roi Britannique ne lui laifTait guère plus de confidération dans fes propres états , qu'en Allemagne.
Dès que le landgrave de HefTe vit Tilli approcher de fes frontières , il raffembla fes troupes à Caflel. Ce prince , avec le fecours des Suédois & des Hollandais, pouvait non-feule- ment arrêter les progrès des Impé- riaux , mais préjudicier eflentiellement
DE Gustave-Adolfe. 329
aux princes catholiques Tes voifins. La plupart des villes limitrophes de la 163 1< HefTe appartenaient aux électeurs de ^^^^' Mayence & de Cologne , aux évêques de Munfter & de Paderborn , à Pabbé de Fulde & à d'autres fouverains , dont les forces réunies n'étaient pas afTez grandes pour réfifter à celles du land- grave ; & il fallait , ou que l'empereur leur envoyât du fecours , ce qu'il ne pouvait faire fans s'affaiblir ailleurs , ou qu'ils fe préfervaffcnt des invafions des Heflbis , par des traités oppofés aux intérêts de la cour de Vienne. Ces raifons perfuaderent au généraiiffime qu'il fallait accabler Guillaume avant qu'il pût être fecouru , & qu'enfuite on forcerait plus aifément l'éledeur de Saxe à renoncer à l'union de Leip- zic : ces deux appuis ôtés aux pro- teflans , Tilli fe flattait de contrain- dre le roi de Suéde à fortir d'Alle- magne. Il envoie fommer le land-
3 30 C A M PAGNES
grave , de déclarer s'il effc ami ou 1^3 !• ennemi de l'empereur, de recevoir dans fes états cinq régimens Autri- chiens ou de la Ligue , de livrer fes troupes aux commifiaires Impériaux & de n'en point lever de nouvelles, de recevoir garnifon dans Cafiel & dans Ziegenheim , & de fournir des munitions , des vivres & de l'argent pour l'entretien de l'armée catholi- que. Guillaume répond franchement: « qu'il n'elt encore ni ami ni ennemi „ de l'empereur ; qu'ayant befoin de „ fes troupes pour repouffer toute 5, agreOTion injufte , il ne pc;ut les li- „ cencier ; qu'il ferait imprudent de „ recevoir des forces étrangères dans „ fes états , & fur-tout dans fes pla- 5, ces ; & qu'à l'égard des munitions , „ des fubfiftances & de l'argent que „ Tilli demande , il lui confeille d'al- „ 1er en Bavière , dont l'éledeur qui „ eft bien pourvu , & qui prend le
DE Gustave-Adolfe. 331
„ plus vif intérêt à la confervation de „ l'armée catholique, fubviendra avec ^ ?^' „ plaifir à tous fes befoins. „ Cette réponfe ironique irrite le généralif- fime , qui jure de traiter les Heflbis auiïi rigoureufement que les habitans de IMagdebourg ; mais Guftave-Adolfe ne lui donne pas le tems de fe venger. Qiielques jours après le départ de Tilli , l'armée Suédoife quitta fon camp de Potzdam , & vint s'établir vis-à-vis de Spandau , que l'élecleur 17 de Brandebourg prefîa Guftave de lui rendre , puifque le fort de Magde- bourg était décidé. Le monarque pénètre les raifons qui portent ce prince à fe hâter de fé parer fa caufe de la fienne , & prend la réfolution de le retenir de force dans fon parti ; mais trop fidèle à (a parole pour la violer , il envoie ordre au comman- '8 dant Suédois d'évacuer la place, & de la remettre à celui que George-
552 Campagnis
Guillaume a chargé de la recevoir. ^^3^' Le roi voulait porter la guerre à la ' gauche de l'Elbe ; mais la prudence ne lui permettait pas de traverfer ce fleuve, à moins qu'il ne fût aiïuré d'une place fur la Havel, & que les Autrichiens ne puflent fe fervir du pont de Cuftrin ; & comme il était vraifemblable que Tilli reviendrait fur fes pas pour s'oppofer aux Suédois, Se qu'une bataille ferait inévitable , il leur fallait, en cas de malheur, un pofte qui arrêtât l'ennemi aflTez long- tems pour leur donner le loifir de réparer leurs pertes. Guftave jugea d'ailleurs que s'il éprouvait un échec, la faibleffe de l'élecleur & l'infidélité de fon miniftre leur feraient enibraffer le parti du vainqueur ; que cette rai- fon ne permettait pas de fe fier à des promeffes , & qu'il lui était d'une né- ceflité indifpen fable d'obliger George- Guillaume de lui remettre Spandau
DE Gustave-Adolfe. 3 33 une féconde fois : il lui fit déclarer le foir par un trompette qu'il prétendait 15^1. être reçu de bonne grâce dans Berlin , J^ï"- ou qu'il emploierait la force pour s'en faire ouvrir les portes. Le lendemain 19 l'armée Suédoife vint camper à la vue de cette capitale. George - Guillaume charge Arnimb , général des troupes de Saxe, qui fe trouvait à fa cour, d'aller favoir les intentions de Guf- tave : celui-ci répond qu'il prétend mettre garnifon dans Berlin , pour s'aflurer que l'éledeur ne fe décla- rera pas en faveur des Impériaux , 11 les Suédois éprouvent un revers. On négocie fims rien conclure ce jour-là & le jour fuivant ; enfin , le roi perd 20 patience & range fon armée en ba- »» taille avec l'artillerie fur le front de la première ligne. George -Guillaume trouve humiliant de livrer fa capitale & fait protefter par Arnimb qu'il n'y confentira jamais, <* Il a cependant
5 34 Campagnes 5„ reçu les troupes Impériales dans
J^Bi. „ tout fon éleclorat , répond Guftave ;
'^"^^^' „ elles y ont levé des contributions, „ occupé les places, confommé les „ fubfiilances , & ruiné les peuples. 5, Je n'autoriferai jamais de pareils dé- 55 fordres; & moyennant les fûretés 5, qui me font nécefTaires , des vivres „ & une fomme d'argent , je me char- „ ge de défendre les Marches de Bran- „ debourg. Mon frère l'éledeur ne „ doit pas me traiter plus mal que „ les Impériaux. Au relie , je fuis dé- „ terminé à ne me relâcher en rien , „ & j'exige que l'on fe décide fans „ délai , ou je canonne. Berlin dans „ l'inftant. „ Des paroles aufli mena- çantes, foutenues d'une armée, jet- tent le trouble dans tous les efprits. George-Guillaume , pour fléchir Guf- tave , lui députe les princeiTes de la cour , ayant la Palatine douairière à leur tête. Le roi relie inflexible, &
DeGuSTAVE-AdOLFE. 33f
Péledeur efl: obligé de venir en per- fonne traiter avec lui: ils convien- 1631. nent enfin, que les états de Brande- J^in. bourg paieront au monarque trente mille écus par mois ; qu'il mettra gar- nifon à Spandau & dans les autres places qu'il jugera à propos d'occu- per ; que les portes de Cuftrin feront ouvertes aux Suédois chaque fois qu'ils le defireront , & que les Marches Moyenne & Uckerane , dont George- Guillaume réferve le revenu pour fon entretien & celui de fa cour , feront exemptes de contributions. Cet accord ne fut figné que le foir ; & lorfque l'électeur retourna à Berlin , l'armée le falua d'une triple fldve de mouf- queterie & d'artillerie. Comme les canons chargés réellement , étaient braqués vers la ville , les boulets en- dommagèrent des toits & traverfe- rent même des chambres habitées , mais heureufement ne tuèrent per-
336 Campagnes Tonne. Ce réveil déplut aux Berlinois , 165 1. qui trouvèrent les civilités du roi de Juin. Suéde gothiques Se vandales. Guf- tave fit à George - Guillaume des excufes fur l'imprudence de fes ca- nonniers. Ses procédés à l'égard de ce prince, fon beau-frere, paraiiïent violens au premier afped : mais Pim- périeufe néceffité l'obligeait d'agir ainli ; car il ne pouvait que fe défier de ceux qui entouraient l'éleéleur : prefque tous étaient vendus à la cour de Vienne , & le monarque ne jugeait pas à propos d'employer fon argent pour les gagner. George - Guillaume s'emprefla d'écrire à l'empereur pour juftifier fi conduite : il fe plaignait , •< de ce que les troupes Autrichien- ,, nés , après avoir ravagé fon pays, ,, l'avaient abandonné à la difcrétion „ des Suédois , qui n'y fuffent pas „ entrés , fi on ne leur en eût donné „ l'exemple 5 & que pour lui , il n'a-
A^ait
DE GUST A VE-AdOLFE. 537
„ vait pu réfifter à un monarque puif- „ fant, qui didait des loix les armes i5ji. „ à la main. „ Ferdinand répondit J"in- féchement à l'éledeur , << que la défu- „ nion du Corps Germanique était la „ feule caufe des fuccès du roi de 3, Suéde, & qu'au relie il ne traite- „ rait pas mieux les Marches de Bran- „ debourg que les Impériaux, parce „ qu'il était impoffible qu'un pays 5, fût le théâtre de la guerre fans „ fouffrir des dégâts „.
L'armée Suédoife palfa la Sprée fur 2» le pont de Berlin , traverfa la ville & alla camper près de Spandau, dont elle reprit pofieffion. Guftave remit le commandement au général Banner , lui ordonna de marcher à Neu-Bran- debourg , & de mettre cette place en état de défenfe. Le monarque fe ren- dit le lendemain à Stettin, où fa pré- ^^ fence devenait néceffaire, foit pour conférer avec le chancelier Oxenftier-
Partie IL Y
5 58 Campagnes
na qui s'y était rendu , foit pour écou-* ■1(531. iQY les propofitions d'un ambafiTadeur "^^"* du Czar de Mofcovie (a) , arrivé dans cette ville depuis pluiieurs jours ; il ^^^ eut audience le lendemain : il venait au nom de fon maître féliciter Guftave fur fes victoires , renouveller les an- ciennes conventions avec la Suéde ,
6 offrir au monarque un corps de troupes pour l'aider dans fes deffeins. Le roi ligna un traité fecret , par le- quel le Czar s'engageait à lui fournir trente mille hommes quand il en au- rait befoin , combla l'envoyé de pré- fens , & le congédia. Guftave avait
6 reçu de Pruffe deux mille cinq cents hommes amenés par le chancelier Oxenftierna : il attendait encore d'An- gleterre des renforts avec lefquels il projetait de pouffer la guerre plus vivement que jamais. Il avait ordonné au général Tott de faire les prépa-
C a ) Michel Foederovitz.
DE Gustave-Adolfe. 5 39 ratifs nécefiaires pour attaquer Gripf-acp^
7>*^*!m
vald , & fe difpofait à conduire lui- 1631. même quelques régimens & de Par- Juin. tilierie devant la place pour en accé- lérer la reddition , afin d'employer les troupes occupées jufqu'alors au blocus ou au fiege , à rétablir les ducs de Meckelbourg dans leurs états.
Tott rafTemble fes forces & s'ap- 2* proche de Gripfvald. Quelques cava- liers Suédois s'avancent vers la porte de Steinbeck pour enlever les trou- peaux de la garnifon , qui paifiaient ordinairement dans les prairies voilî- ries : ils ne trouvent rien , & tirent pluiieurs coups de piftolets , dont le bruit donne l'alarme dans la ville. La cavalerie monte à cheval & dé- bouche des portes, partagée en trois pelotons , le premier conduit par le colonel Perufi gouverneur de la place , le fécond par fon lieutenant , & le troifieme par un chevaHer de l'ordre
Yij
340 Campagnes Teutoiiique. A peine font- ils à une id^i. portée de mourquet des remparts , Juin, qi^i'ils découvrent trois efcadrons en bataille. On confeïUe à Perufi de ren- trer dans Gripfvald , d'où il n'aurait pas dû fortir ; mais loin de fuivre un avis aufli fage , il veut poufler les Suédois , continue à s'avancer & don- ne dans une embufcade qui lui coupe le chemin de la ville. Ses cavaliers , la plupart Croates, ne peuvent fou- tenir le choc de leurs advei faires , font mis en déroute , s'enfuient vers des marais , & tombent dans une fé- conde embufcade , où prefque tous font paffés au fil de l'épée : le refte gagne la grande route & fe réfugie dans la place. Perufi & le chevalier Teutonique , qui tentent d'en repren- dre le chemin , font vivement pour- fuivis & finilfent par être enveloppés. ' Le fécond effc renverfé mort : l'ar- mure du premier lui permet de fe
DE GU s T A V E-AdOLFE. 54^
défendre plus long-tems, mais un
coup de piftolet dans la tête le jette ^°^^"
fans vie à bas de fon cheval.
Deux heures après l'action , Tott arrive avec fes troupes à la vue de Gripfvald qu'il envoie fommer. Le nouveau coiirmandant répond qu'il veut fe défendre. Perufi avait défar- mé les bourgeois & fait augmenter les fortifications de la place : environ- née de baftions , d'un double fo(îe rempli d'eau & d'une contr'efcarpe fraifée & paîifladée , elle était îa plus forte de Poméranie , & renfermait d'ailleurs dans fes magafins aflez de vivres pour nourrir fa gamifon en- core quatre mois ; ainfi les affiégeans devaient s'attendre à une longue ré- fiftance. Ils ouvrent la tranchée fort près de la ville & dreflent leurs bat- teries le même jour , malgré un feu très-vif des remparts. Le lendemain 9$ ils avancent leurs travaux & conti-
Y iij
342^ Campagnes ^^ iiiient à battre la place ; mais le jour '^^^* fuivant vers fept heures du matin
2^' les affiégés font une fortie dans la- quelle l'infanterie Suédoife eft mife en défordre : foutenue à propos par izt cavalerie, elle repoufie enfin les Impériaux & les oblige à la retraite après un combat long & meurtrier.
iîç Les affiégeans s'occupent à perfec- tionner leurs travaux , & avancent leurs galeries jufque fur le bord du fofle, qu'ils commencent à combler. Cependant Tott voulant ménager fes troupes , fait déclarer au comman- dant , que s'il ne fe rend , les Suédois donneront l'aiTaut le lendemain. Cette menace accélère la capitulation qui efl fignée le foir même. On convient que la garnifon , qui conlifte encore en quinze cents hommes d'infanterie & en plufieurs compagnies de cavale-
^$ rie , fortira le matin du jour fuivant avec armes & bagages , & qu'elle fera
DE Gustave-Adolfe. 545 efcortée jufqu'à Loitz, d'où elle fe mà&tamja rendra à Roftock ; mais les Impériaux , 1 6? i . au lieu d'en prendre le chemin, tour- «J"'"* nent vers Havelberg avec le projet de s'y jeter. Tott , informé de leur mau- vaife foi , ordonne au colonel Hall de les pour fuivre : il les atteint , taille la cavalerie en pièces & défarme l'in- fanterie , dont la plus grande partie fert à recruter quelques régimens Sué- dois qui en avaient befoin : le relie eft fait prifonnier de guerre. Guftave était parti de Stettin avec un nouveau ^ç train d'artillerie , beaucoup de muni- tions & un renfort de troupes, afin de hâter la reddition de la place : ii apprend en chemin qu'elle a capitulé , & retourne fur fes pas d'autant plus fatisfait de cette conquête, que les Autrichiens n'avaient plus une feule place en Poméranie. Le contentement du roi n'égalait pas celui des payfans des environs de Gripfvald y auxquels
Y iv
544 Campagnes la garnifon avait fait mille violences. i<^^i' Le feld-maréchal Horn avait pofté à Zullichau , pour défendre ce pafTage de l'Oder , quelques troupes Suédoi-
-2 fes que les Impériaux en chalTent avec perte. Guftave , irrité de cet échec ,
25 réprimande fon général d'avoir expo- fé des foldats dans un auffi mauvais pofte , & lui enjoint de fe borner à la confervation de Landsberg , de Franc- fort & de CrofiTen ; ajoutant que , fi les ennemis fe renforcent au point qu'il fe trouve dans l'impoiTibilité de les contenir, il ira en perfonne à fon fecours. Les Impériaux tentent bien- tôt une féconde fois de fe rendre maî- tres de CrofiTen , & gagnent des traîtres qui promettent de mettre le feu à la ville pour favorifer l'attaque. Le com- plot eft découvert, fes auteurs font punis de mort, & les Suédois aux- quels Horn avait envoyé du renfort , font une fortie fur les Autrichiens qui
DE GUST A VE-AdOLFE. H^
s'étaient approchés de la place , les obligent de fe retirer & d*abandonner i<^5i deux pétards , quatre pièces de canon & plufieurs chariots de munitions de guerre. Pour fe dédommager de cette perte , ils pillent les environs de Crof- fen & enlèvent tous les beftiaux. D'un autre côté le colonel Goetz avec trois mille Impériaux s'approche de Cot- bus , en pétarde une porte pendant la nuit , & furprend le régiment de Bock, nouvellement levé pour le fer- vice du roi de Suéde , & à peine armé. Gostz fait piller la ville , où fes foldats commettent mille excès , & emmené les habitans les plus qualifiés , pour en tirer rançon. Les partis Autrichiens ravageaient en même tems les fron- tières de la Luface. L'éleéleur de Saxe , auquel cette province avait été hypo- théquée en 1625 pour fureté des fom- mes prêtées à l'empereur pendant les troubles de Bohême , fe plaignit amé-
54^ Campagnes rement de ces violences. La cour de J63 1. Vienne n'y eut aucun égard , & Jean- George imagina qu'elle autorifait le général TiefFenbach , commandant de fon armée en Siléfie , à vexer les Lu- faciens. Ce foupçon qui paraît fondé augmente l'aigreur que Pélecleur avait déjà contre le monarque Autrichien. Il avait chargé Jean-George de faire quelques propofitions d'accommode- ment à Guftave - Adolfe ; & quoique celui-ci ne jugeât pas qu'elles eulTent des fuites , il demanda cependant l'avis du fénat de Suéde fur les points fui- vans. En fuppofant que l'empereur fouhaitât fmcérement la paix , fallait- il fe contenter que la Poméranie , le Meckelbourg & les villes maritimes fufient réintégrés dans leurs anciens privilèges , ou exiger le rétabliflement du libre exercice de la religion évan- gélique, conformément aux confti- tutions de l'Empire , & ne pofer les
DE G U" S T A V E - A D 0 L F E. 3 47
armés que quand Pempereur fatisfe-S
iS
rait entièrement les proteftans. Le i53i- fénat répondit , qu'il était à defirer •^'""' que tous les états évangéliques ob- tinffent une liberté de confcience alTez ftable pour que les catholiques ne puf- fent la troubler à l'avenir ; mais qu'il n'était pas jufte que le roi & fes fujets fupportaflent feuls le poids de la guer- re , fi ceux pour qui on la faifait ne fécondaient pas le monarque avec plus d'ardeur que par le pafle ; qu'au refte on le laiflait le maître de faire la paix s'il la trouvait avantageufe , & qu'a- lors on pourrait établir pour prélimi- naire , que la Poméranie & le Meckel- bourg fulTent rétablis dans leur an- cien état 5 & que la Suéde confervât la protedion des villes maritimes , qu'elles avaient acceptée avec em- preffement.
Gripfvald pris , Guftave ordonne au général Tott de joindre le duc Jean-
^48 Campagnes Albert de Meckelbonrg , de pénétrer J631. ^^j^g \q cÎLiché de ce nom pour achever d'en chalTer ks Intpériaiix , & de les reflferrer du coté de Damgarten' & de -S Demmin, tandis que le duc Adolfe- Frédéric les attaquait par celui do-Vifl mar. Ce prince était parti de Lubeck pour fe mettre à la tête d'un corps d^infanterie rafifemblé par fes ordres à Hertensbourg dans le diftrid de 2-9 Schœnberg : il s'empara fans réfif^ tance de Gadebufch oii ilféjourna, & s'avança enfuite à Brunitz , où les co îonels Breitenbach , Paul , & le capi- taine Reilinger le joignirent avec de la cavalerie & des dragons. Le cola- nel Monro , qui avait pris Rugenvald au mois de feptembre de l'année pré- cédente , attaque par ordre du roi de Suéde h ville de Plauen (a) , défen- due par cinquante Impériaux qui fe retirent dans le château & fe rendent
(c) A fept lieues de Guftrou.
DE Gustave- A DOLFE. 549
après trois jours de réfiftance. Monro prend enfuite la route de Schverin , n5?î. défait cent dragons Autrichiens fortis ^^^^ de Vifmar , & vient renforcer Adolfe- Frédéric. Ce prince réfolut d'attaquer Schverin, capitale du l\leckelbourg , gardée feulement par deux compa- gnies d'infanterie Autrichienne, Rel- linger, chargé de couper le chemin du château à cette garnifon , fe pré- parait à pafTer le lac dans des bateaux pour remplir cet objet ; mais les trou- pes qui devaient attaquer la place , fe montrèrent trop tôt , & plus de jfii- xante Impériaux gagnèrent le château. Adolfe-Frédéric pénètre dans la ville , Se tente de fe rendre maître de la for- tereffe : il eft repoulfé ; & comme il manque d'artillerie , il fait offrir les conditions les plus avantageufes aux capitaines Kelli & IMilatz, Ces offi- ciers déclarent qu'ils ne fe rendront que quand ou aura fait une brèche ,
Ko Campag^^es
m^^-m^m^ & Je duc cft obHgé d'attendre que les 15^1. Suédois lui amènent du canon. Juillet. Le duc Jean- Albert , joint au géné- ral Tott , s'était approché de Guftrou & de Butzou que les Autrichiens éva- cuent précipitamment pour gagner Roftock; mais les Suédois les attei- gnent fur la chauflee de cette ville , les diflipent , paflTent les Croates au fil de l'épée , & s'emparent des baga- ges. La garnifon de Roftock , qui vou- lait mettre en fureté le fruit de fes extorfions, en charge deux vaifleaux deftinés pour Dantzic. Le vice-amiral Carlfon qui croifait.avec une efcadre Sué^oife fur les côtes du Meckelbourg & de Poméranie , s'empare de ces bâtimens , change leur delHnation & les conduit à Volgaft.
Tott , informé des raifons qui re- tardent la prife du château de Schve- rin , s'y rend avec fix cents hommes d'infanterie & quatre pièces de canon :
DE GUST A VE-Ad OLFE. 3fî
alors les Autrichiens demandent à capi- tuler, obtiennent les honneurs de la i55i« guerre , & font conduits à Vifmar. Ils J"^^^^'* ne poffédaient plus dans le Meckel- bourg que cette place, Roftock & Dômitz Ça), Le duc Adolfe-Frédéric joint fon frère à Guftrou : Guftave y arrive auffi de Stettin pour être pré- ,♦ fent à la réinflallation de ces princes dans leurs états : elle fe lit le lende- main avec beaucoup de pompe. Le ^ roi , toujours limple , y parut à che- val & vêtu d*un fimple habit de drap verd. Tous les ordres du duché affem- blés à l'hôtel-de-ville , retracèrent le ferment de fidélité prêté à Valfteiîi , 6c rendirent de nouveau hommage à leurs fouverains légitimes. Tott fe difpofe à bloquer Roftock avec les troupes des ducs & deux mille hom- mes qui furent bientôt joints par qua- tre mille venus de Suéde. Le général
(a) Sur l'Elbe.
3^z Campagnes Suédois prit fes mefures pour que la 1651. garnifon de Vifmar ne pût faire des Juillet, courfes dans le Meckelbourg.
Guftave partit le même jour pour Berlin : Ton armée s'était avancée de Spandau à Brandebourg , dont Banner faifait réparer & augmenter les fortifi- cations de même que celles de Rate- nau ; il avait établi des portes le long de la Havel pour obferver les mou- vemens des Impériaux portés à la gau- che de TElbe , aux ordres du comte de Pappenheim, & fait traverfer la Havel à un détachement de quinze cents hommes de cavalerie , qui enleva les bertiaux & les grains depuis la gauche de la rivière jufqu'à Jerichou. Le roi voulant faire les plus grands efforts contre les Autrichiens en Bafïe- Saxe , afin d'obliger le comte de Tilli de venir la défendre, & de dégager ainfi le landgrave de Hefle , ne laiffa . en Poméranie que les garnifons abfo-
lument
DE GUST AVE-AdOLFE. JfJ
lumen t néceflaires , renforça de quel- ques régimens le maréchal Horn qui i<^5i. s'établit entre Cuftrin & Francfort , pour couvrir les conquêtes des Sué- dois du côté de la Siléfie , & le fur- plus des troupes alla joindre Banner.
Le roi , qui defire s'établir fur TElbe le plus tôt poflible , arrive de Berlin ^ au camp de Brandebourg , en part le s lendemain avec fix mille hommes de cavalerie , mille dragons & autant de moufquetaires , & marche à Volkau , d'où il s'avance le jour fuivant à Jeri- 9 chou fur la rive droite de l'Elbe : Pap- penheim campait à Buch de l'autre côté du fleuve. Guftave craignant qu'il n'en difputât le paflage & ne rendît la prife de Tangermund impoilible, forme le projet de l'obliger à décam- per, en lui donnant de . J'inquiétude fur un autre point : il fe met en mar- che le lendemain & remonte l'Elbe : i© alors Pappenheim imagine que les
Partie IL Z
?5'4 Campagnes
Suédois en veulent à Magdebourg, 1^^^' part fur-le-champ de Buch Si vient s'établir fous la place. Le roi arrive à Bourg & furprend la garnifon , dont le commandant qui ne s'attendait pas à être attaqué , donnait un repas. Le monarque reconnaît le pays jufqu'à la
" vue de Magdebourg , revient à Bourg ,
. retourne le lendemain à Jerichou , &
la nuit fuivante fait palTer l'Elbe dans
des bateaux à un détachement com-
12 mandé par le colonel Rantzau (^) , qui au point du jour furprend Tanger- mund , gardé par cent Autrichiens : ils fe retirent dans le château , que les Suédois attaquent fans délai de plufieurs côtés: un lieutenant, chargé d'enfoncer une porte , eft tué ; les fol- dats fe voyant fans chef, ne veulent cependant pas renoncer à leur entre- prife , & décident que les bas- officiers tirerpnt au fort à qui prendra le com- mandement de la troupe ; la fortune
( <ï ) Il fut depuis maréchal de Fiance.
DE Gustave-Adolfe. ^ff
fe déclare pour un caporal ; il attache lui-même un pétard, & dès que la i53i* porte eft enfoncée, il pénètre dans le J"'^^«'* château & en facilite ainfi la prife , n'ayant eu que cinq hommes blefTés. Soixante Impériaux font égorgés dans la première chaleur de l'adion , & les autres obtiennent quartier. Tan- germund ouvrait à Guftave un pays riche & abondant : il fait occuper la ville par fes mille moufquetaires , raC- femble des bateaux & commence fans délai un pont fur l'Elbe près de Tan- germund : îl mande à BannerJ de lui envoyer mille hommes d'infanterie pour renforcer la garnifon de la place , d'accélérer la réparation des fortifi- cations de Brandebourg & de Rate- nau , de mettre en état de défenfe Spandau & Fehrbellin , & quand ces travaux feront terminés , d'envoyer à Tangermund le refte de l'infante- rie , à l'exception d'un détachement y
Zij
5f^ Campagnes avec lequel il ira affiéger Havelberg. i^3i- Les Suédois s'étaient emparés depuis ^"^^^'* peu d'une abhaye ou cloître appelle k Chapitre , fitué près de cette ville. ^* Dès que le pont eft achevé , Guftave
pafle l'Elbe & fait camper fa cavalerie àùtout de Tangermund. Un détache- ment oÊèUpe Stendel , dont la garni- fbn s'êiifiïît à Garleben, en même tenïS que le général Ëaudiffin & le eoîïite d'Oftenbourg fe rendent maî- ti^s d'Arttbourg, d'Ofterbourg & de V^t-beft : deux cents cavaliers & en- t4ïon huit Ceints payfans armés qui défendent cette ville font tués , diffi- péâ où faits prilbhriiers. Une chaleur excèflîve engage Baudiflin & Orten- bourg à fe baigner dans l'Elbe en for- t-aht de table , & cette imprudence èccafiônnè à toiïs deux une maladie , dont le dernier va mourir à Berlin : il ernport€ m tombeau les regrets de Cxirfl-avé', -qw ©ft4mait-fbn intelligence
DE GuSTAVE-ADaiFE. K7
& fa valeur. En même tems que le roi pafle l'Elbe, le Rhmgrave s'ap>- I<^H* proche de Magdebourg avec quelques ^^ ^^ régimens de cavalerie , dont il embuf- que le plus grand nombrç. Pappen- heira qui ne découvre qu'un détache- ment peu nombreux , accourt pour \ç: charger ; le Rhingrave fe montre alors avec le refte de fes troupes, tombç fur les Impériaux , fait prifonniers huit officiers & deux cents cavaliers, 8(, pourfuit les fuyards jufqu'à la vue de Magdebourg, où ils jettent l'épou- vante. La garnifon croit qiîe toute l'armée Suédoife approche pour atta- quer la place , borde les remparts ; & P^penheim qui apprend que Guflave a paffé l'Elbe , ne fe trouvant pas aiïez; fort pour lui réfîfter, fe retire à Halberf- tat, d'où il dépêche un cou rie r au comte de Tilli pour le preffer de venir lui- même tenir tête au roi avec toutes fes forces. Le généraliffime fe difpofait
Z iij
5f8 Campagnes alors à pénétrer en Hefle : il avait 1631' chargé le colonel Cratz d'occuper Juillet. Creutzbourg & Vacha avec quinze "^ cents hommes d'infanterie , en même tems que le comte de Colloredo , fui- vi de mille chevaux, s'emparerait de Saltzungen & de Schmalkalden. Les peuples de dix lieues à la ronde , effrayés des ravages & des cruautés dont la renommée accufait les Im- périaux, abandonnent les bords delà Verra & fe retirent dans l'intérieur de la HefTe , emportant leurs fubfiftan- ces & ce qu'ils avaient de plus pré- cieux : il y eut entre les Autrichiens & les HefTois plufieurs efcarmouches peu importantes, & la défertion des habitans ne laiflant aucune reffource pour les vivres , Tilli prenait fes me- fures afin de s'en procurer d'ailleurs , lorfqu'il reçut le courier de Pappen- heim. Obligé de différer fes projets de vengeance contre le landgrave , le
deGustave-Adolfe. 55'9
gcnérali(îîme rafTemble fes quartiers à Mulhaufen, laifle de faibles garni- k^^i. fons dans quelques places , & reprend Juillet. le chemin de Magdebourg, publiant qu'il va combattre le roi de Suéde. A mefure que les Autrichiens s'éloi- gnent , les HefTois réoccupent les polies qu'ils ont perdus , & en égor- gent les garnirons. Le landgrave pro- fita du départ des catholiques pour augmenter fes forces par de nouvelles levées.
Brandebourg & Ratenau mis en état de défenfe , Banner envoie à Tanger- 25 mund la plus grande partie de fes trou- pes. L'approche de Tilli fit réfoudre Guftave à quitter fa pofition pour s'éta- blir à Verben , pofl:e admirable au con- fluent de l'Elbe & de la Havel , où l'on defcendit le pont de bateaux de Tan- germund, & l'on conftruifit un fort à la droite du fleuve , dans l'angle que forme la rivière en s'y jetant. Entre
Z iv
36o Campagïies
la ville de Verben & l'Elbe , dont 1 53 1. elle eft éloignée d'environ une demi-
*^"^"' lieue , font des prairies où Ton avait élevé des digues pour arrêter les débor-
^* démens. Le roi arrive avec fon armée qui campe entre le fleuve & Verben , entouré d'un foITé plein d'eau. La ville & les digues couvraient une partie du front : les deux ailes recourbées en- arriere appuyaient à l'Elbe, & l'on ne pouvait aborder la gauche qu'après avoir traverfé un bois qui bordait le fleuve , & un foffé fec, derrière le- quel Gufl:ave pofl:a plufieurs bataillons. L'armée Suédoife était adofiTée à fon pont de bateaux qui la faifait commu- niquer avec l'éledorat de Brandebourg & la Poméranie. Tandis que le mo- narque fe rendait de Tangermund à Verben , Banner qui s'était avancé de
22 Brandebourg à Rathenau, en partait pour attaquer Havelberg : il arrive à quatre heures du matin devant cette
DE GUST AVE-AdOLTE. $6l
place, chafTant devant lui une garde avancée. En même tJems qu'il fait pé- tarder une porte , le colonel Vinckel raflembJe par fon ordre des barques fur le bord de la Havel , dont un bras tta- verfe la ville : il y pénètre & attaque par - derrière la garnifon qui tente de repouffer Banner. Plus de trois cents Impériaux font paffés au fil de Tépée , & environ quatre cents fe rendent pri- fonniers de guerre. Le général Sué^ dois laiffe quelques troupes dans la place & fe rend au camp de Verben.* Tilli qui avait marché fans féjour- ner , arrive à Afchersieben , s'établit le ^* lendemain à Vantzleben , près de Mag- ^ V debourg , & renforcé par le comte de Pappenheim, il s'avance enfuite à Vol- *? merftadt , y campe, ordonne à fon armée de ne faire aucun quartier aux Suédois , & pofte en-avant deux régi* mens de cavalerie dans le village de Burgflal , un dans celui de Bendorf ,
36z Campagnes & deux dans -Angern , afin d'obferver 16^1, de plus près les mouvemens de Gut
Juillet. ^^ç^ QgJ^jj _ çj ^ q^- yQ-^lQ f^^j. ççyj^ (lg3
catholiques, imagine que fatigués d'une longue marche , ils fongeront moins à fe tenir fur leurs gardes qu'à fe repofer ; & jugeant qu'il trouvera Toc- cafion d'entreprendre contre leur avant-garde ou leurs détachemens , & qu'il fera avantageux à la réputation de fes armes de remporter un avan- tage quelconque furTilli , il fait avan- *^ cer deVerben à Arnbourg trois mille Do 26 au cavaliers & cinq cents dragons : la nuit ^^ fuivante il marche à Belgen , où il 27 paflTe toute la journée. Afin d'avoir des nouvelles certaines de l'ennemi , il dé- tache deux partis peu nombreux , com- mandés par des majors intelligens ; ils ramènent cinq prifonniers qui aflurent que les régimens Impériaux, poftés dans Burgflal & Angern , perfuadés qu'ils n'ont rien à craindre des Sué-
DE Gust ave-Adolfe. 363 dois, qu'ils fuppofent plutôt occupés à fe retrancher qu'à chercher l'occafion 1 53 1. de combattre , ont négligé les précau- J"'^'^^ tions les plus efifentielles à leur fureté. Guftave charge vers le foir un nou- veau parti d'aller vérifier la dépofition des prifonniers , & d'après fon rapport il part de Belgen au commencement de la nuit , arrive à une demi-lieue de H ^" Burgftal , partage fes troupes en trois corps, donne le commandement du pre- mier au général Baudifiin , confie celui du fécond au Rhingraf , & fe réferve le troifieme , formé de trois cents clie- vaux feulement , deftinés à couper toute communication entre Burgfi:al & An- gern. Le monarque avait devant lui le village de Bendorf qu'il ne croyait pas occupé : il veut le traverfer pour prendre à revers les deux autres ; mais il apperçoit , malgré Tobfcurité , de Ja cavalerie en bataille en- avant du village : c'était le régiment de cuiraC
3^4 C A m P A G N E s
^ fiers de Berncftein , qui avait monté â l63î. cheval au bruit de l'attaque de Burg- •^" ^^' ftal , & dont le colonel détache une partie pour reconnaître les Suédois. Quoique Guflave ne puifle évaluer la force de cette troupe , il la charge & la renverfe : vivement pourfuivie , elle entraîne dans fa fuite ce qui était reûé en bataille en -avant de Bendorf, & que le colonel a beaucoup de peine à rallier derrière ce village : le roi le traverfe & tombe une féconde fois fur les Allemands ; ils plient de nouvçau f & Berneftein qui tente de repoufler les alfaillans , eft tué. Le monarque , emporté par fon ardeur guerrière , s'en- gage au milieu des ennemis qui l'eut fent tué fans le connaître , fi Harald Staçk , qui fut depuis fénateur de Sué- de , ne l'avait dégagé avec quelques dragons. Une partie des Autrichiens eft taillée en pièces , & le refte s'é- chappe à la faveur de la nuit > aban^- donnant beaucoup de chevaux & de
DE Gustave -A DOtFE. j^f
bagages dans Bendorf , où le roi fait mettre le feu pour en chaffer fes fol- 1^3 1. dats qui s'étant difperfés pour piller , J^'^^^'* pouvaient être furpris en défordre & battus facilement par une troupe très- inférieure en nombre.
Les autres attaques réuflîrent aufîî heureufernent que celle de Bendorf. Baudiflin furprit dans Burgftal les régi- mens de Pappenheim & de Montecu- culi : ils n'eurent le tems ni de monter à cheval, ni de fe former, & furent défaits en un inftant ; ce qui ne fut pas tué o\k pris , s'enfuit dans un bois voifin. Le Rhingraf , chargé d'attaquer Àngem , éprouva plus de réfîftance , parce qu'il ti*eut pas l'avantage de furprendre les Impériaux. Le colonel Holck mit en bataille fon régiment & celui de Coronini, & fe défendit avec tant d'opiniâtreté , que fes trou- pes ne purent être rompues qu'à la troifieme charge , où les Suédois leur
"^66 • Campagnes.
enlevèrent deux étendards. Le jeune' 163 1. prince Palatin de Lautereck , qui ac- compagnait le Rhingraf , reçut trois coups de piftolets, dont il mourut à Verben , où Guftave le fit tranfporter. Les Suédois ne perdirent dans les trois attaques que vingt hommes , & il leur refta beucoup d'équipages , quoique le feu qu'on mit aux trois villages en eût détruit la plus grande partie. Les Im- périaux , outre trois cents cavaliers tués, en perdirent plus du double , faits prifonniers avec les colonels Monte- cuculi & Holck : prefque tous les fol- dats prirent parti dans l'armée de GuC- tave. C'eft ainfi que Tilli fut châtié d'avoir pofté cinq régimens trop loin de fon camp , pour en être foutenus. Le roi raflemble fes troupes & fait pourfiiivre les fuyards par un déta- chement , qui s'avance jufqu'à la vue de Volmerftadt ; il reprend enfuite le chemin de^elgen , y laifTe repofer
DE GUST A VÏ-AdOLFE. 367
fbs troupes pendant quelques heures , va s'établir entre Staudel & le village de 1 53 1- Baldingen, & conferve cette pofition Juillet, jufqu'au lendemain qu'il rentre dans 29 fon camp de Verben.
Dès que Tilli fut informé de l'en- treprife de Guflave , il détacha de Vol- merftadt un gros corps de cavalerie & d'infanterie pour dégager les régimens poftés dans Burgftal , Bendorf & An- gern ; les Suédois étaient partis , & les catholiques retournent à leur camp. Le généraliffime , mortifié de l'échec qu'i* a reçu , prend des mefures pour avoir fa revanche , & fe flatte d'en trouver bientôt l'occafion. Quoiqu'il eftimât le roi àQ Suéde, il le confidérait moins comme un grand homme de guerre que comme un jeune prince avide de gloire , qui s'était embarqué dans la guerre d'Allemagne fms avoir bien pefé fes forces , fes relTources & celles de l'empereur , & qui était perdu s'il
568 Campagnes éprouvait un revers de fortune. L'ar- 1631. mée Suédoife, compofée de dix mille juuiet. hommes feulement , était beaucoup plus faible que celle des catholiques ; mais aucun général ne favait mieux que Guftave fuppléer au nombre par l'art. Nous rapporterons les moyens qu'il employa pour arrêter Tilli 9 quand nous aurons vu ce qui fe paf- lait fur les frontières de Siléfie & en Haute-Allemagne.
Le feld-matéchal Horn , voulant fe venger de l'échec qu'un de fes dé- tachemens avait reçu à Zullichau , paffe l'Oder à Croflen avec huit cents chevaux , s'approche de Grunberg , y furprend de nuit huit compagnies d'Impériaux , fait un grand nombre de prifonniers , & revient chargé de dé- pouilles à Croffen. Ce fuccès ne com- penfait pas les maux que les catholi- ques faifaient éprouver aux proteftans deFranconie &deSouabe. Le comte
de
DE GUST A VE-ADOLFE. 369
de Fuiflenberg entra dans îe duché 'ïï??^^!^ de Virtemberg & fit fubir les condi- ï^^'I» lions les plus dures au prince Jule qui '''^* radminiftrait pendant la minorité du jeune duc : il fut obligé de renoncer au conclufurade ralFemblée de Leipzic , de confentir que trois mille hommes d'infanterie & huit cents chevaux qu'il avait levés , fuHent incorporés dans les troupes de l'empereur , de fe fou- mettre aux décrets de ce monarque , & nommément à Tédit de reftitution. L'armée catholique s'établit dans le duché , vécut aux dépens des peuples, & leva des contributions exorbitantes?. Le général Aldringer traita de même la ville d'Ulm : elle livra fept cents hommes de pied & trois cents che- vaux qu'elle avait raflemblés en confé- quence des réfolutions prifes à Leipzic. Le cercle de Souabe abandonna pareil- lement aux Impériaux trois mille hom- mes levés en vertu des réfolutions de Partie IL A a
?7o Campagnes rUnion Proteftante. L'éleéleur de Sa'x'e
165 1. écrivait en vain aux confédérés pour
^^'' les exhorter à perfifter dans leurs en-
gagemens ; fes lettres ne pouvaient
prévaloir fur la terreur que les troupes
catholiques infpiraient.
Marie - Eléonore de Brandebourg , reine de Suéde , avait débarqué à Vol- gall , où le duc de Poniéranie l'envoya complimenter : cette princefle amenait huit mille Suédois , dont quatre mille allèrent renforcer le roi , & le refle joi- gnit le général Todt aux environs de
Aoât. Roftock. Peu de jours après , le mar- quis de Hamilton débarque à Pénémund dans l'île d'Ufédom, avec fept mille Anglais ou Ecoffais levés pourlefervice de Guftave. Comme Hamilton affec- tait la plus grande fomptuofité , le roi craignant pour les Suédois un exem- ple contagieux & deflrudeur de la difcipline militaire , lui envoya ordre de fe rendre fur les frontières de Silé-
s
DE GU ST A VE- AdOLF E. 37I
lie , d'où il retirait l'armée du mare- ■g-*^^-*^^»? chai Horn , à l'exception de quatre ^'^n- raille Allemands qui refterent avec les Anglais»
Le comte de Tilli voulant attaquer le roi de Suéde dans fon pofte , dé- campe de Volmerftadt , marche à Tan- germund, s'en empare , & y fait cam- per fon armée. Guftave avait déjà en- voyé ordre depuis plufieurs jours au feld-maréchal Horn de partir des en- virons de Francfort avec dix mille hommes , & de venir promptement le renforcer. Le roi écrivit en même tems à Todt de lui amener fins délai quatre mille Suédois. Dès que le mo- narque eft informé des deffeins de Tilli , & que le comte de Furftenberg a quitté la Souabe pour agir contre le landgrave de Heffe , ou renforcer l'ar- mée catholique , il dépêche un fécond 5 courier à Horn & à Todt pour preffer leur arrivée , & mande au premier ,
A a ij
572 Campagnes î s'avancer avec diligence par Spandaa 163 1. & Brandebourg , où il recevra de '^°^^' nouveaux ordres , de renforcer de fept cents fantaflins la garnifon de cette place & de trois cents celle de Spandau , dans la crainte qu'un détachement d'Impériaux ne paflat l'Elbe pour s'em- parer de ces villes, couper aux Sué- dois leurs communications & ravager les Marches de Brandebourg. Guftave recommandait de plus au maréchal , de faire marcher fes troupes fur plu- sieurs colonnes & de laifier même l'ar- tillerie derrière , afin de faire une plus grande diligence : il arrive le jour * fuivant à Brandebourg, & le lende- 5 main Tilli décampe de Tangermund & vient fe porter à la vue de Verben. Guftave envoie ordre à Horn , de char- ger le colonel du Val du commande- ment de Brandebourg, & de fe rendre promptement avec fes troupes au camp de Verben queles ennemis menaçaient.
DE GUST A V E-Ad OLFE. ^^f
Le général catholique avait dans l'ar- mée du roi des émilTaires chargés d'en- 163 1. clouer fon artillerie; quelques habitans , ^°"^- gagnés à force d'argent , promirent de mettre le feu à la ville , que les Impé- riaux devaient attaquer en même tems que le camp ; & il eft vraifemblable qu'ils les euflént forcés avec d'autant plus de facilité , que l'artillerie Sué- doife n'aurait pu fervir. Guftave, in- formelle ce complot, ordonne d'arrê- ter \2S coupables , & apprend par leur dépofition l'heure à laquelle le général de l'empereur fe propofe d'attaquer. Le monarque profite de cette décou- verte pour faire tomber l'ennemi dans fon piège : il range fon infanterie à couvert des barricades qu'il avait fait conftruire , & des digues dont il gar- " nit le foilé de moufquetaires ; la ca- valerie fut partagée en trois corps , dont deux foutenaient les ailes , & le troifieme fe pofta en réferve derrière
A a iij
374 Campagnes r^^^""^ Verben. On allume de grands feux ^'^^ï* dans la ville à l'heure marquée par ^uc. rpiij. ^ ^^^. ^j^^^ s'avance audacieufe-
nient. Le canon des Suédois ne fe fki- fant point entendre , achevé de lui perfuader que fon projet a réuffi. GuT- tave avait ordonné à fes généraux , de n'employer d'abord contre les Au- trichiens que la moufqueterie , afin de les mieux tromper. Le généraliffime canonne fi vivement le camp^ & la ville de Verben , que la tour de l'é- glife eil; abattue : plufieurs détache- 32iens d'infanterie & de cavalerie s'ap- prochent enfuite pour tâter les Sué- dois , qui leur tirent feulement des coups de moufquets ; mais dans le momiCnt que les catholiques veulent forcer le camp & la ville , Guflave démafque fon canon , & leur fait ef- fuyer prefqu'à bout portant une dé- charge générale d'artillerie & de mouf- queterie. La cavalerie Suédoife s'é^
DE GUST AVE-AdOL FE. 57^
branle alors, tombe fur le flanc des Allemands déjà en défordre , & achevé 163 1. de les mettre en confufion; l'infan- terie fort en même tems de fon pofte , les charge brufquement & les oblige à prendre la fuite. Les mémoires du tems & prefque tous les hiftoriens afiurent que Tilli eut dans cette ac- tion fix mille hommes tués ou blelTés. Ce nombre peut être exagéré ; mais il eft certain que les catholiciues firent une perte confidérable , fur -tout à deux mille pas de Verben , entre Se- haufen & Ofterbourg , près d'un petit bois à travers lequel il fallait qu'ils dé- lilaflént pour fe retirer. Le lendemain 7 de l'adion , Horn arriva au camp de Verben avec neuf mille hommes.
Tilli ayant rallié fes troupes vers Valsleben , fe rapproche du roi de Suéde dans l'intention de l'attirer à une ^ bataille. Guftave refte dans fon pofte & fe borne à faire jouer fon artillerie
A a iv
57^ C A M PAGNES
^^S^ contre les Autrichiens* Le généralit 16"^ T. {\>YiQ ygut alors attaquer les retran- Aûû:. chemens des Suédois ; mais Pappen- heim objede que le renfort qu'ils ont reçu rend cette entreprife téméraire : prefque tous les généraux Allemands ié rangent à cet avis, &Tilli reprend Je chemin de Tangermund. Baudilhu , le Rhingraf & le duc Bernard de Saxe- [ Veimar, qui avait joint depuis peu de jours le roi avec quelques troupes le- vées en BaiTe-Saxe , pourfuivent les catholiques & atteignent leur arrière- garde. Les Impériaux font volte-face & repouifent les Suédois : ceux-ci re- viennent à la charge, & l'adion re- commence. Baudifîin , qui payait tou- jours de (Il perfonne comme le moin- dre foldat , a fon cheval tué , & deux cuirafiiers le font prifonnier : dégagé })refqu'au{ri-tôt , il continue à com- battre & rompt fon épée dans le corps 4'un officier Autrichien. Enfin les Al-
DE Gustave-Adolfe. 577
îeinands craignent que le roi n'amené du fecours aux fiens , & continuent 165 1. leur retraite : ils avaient perdu cinq ^°"'* cents hommes , & les Suédois trois cents. Ce fat dans cette action que le duc de Vcimar commença à fe fignaler ; oc Guftave , jiifte appréciateur des tu- lens , le jugea dès lors digne du gé- néralat , malgré fa jeuneiTe.
.Tilli ne voulant pas fe rapprocher du roi de Suéde , détacha quatre mille hommes d'infanterie Se fix cents de cavalerie , commandés par le colonel Reinacher, qui fe rendit dans l'évêché de Bremen pour faire exécuter les dé- crets de l'empereur. Cet officier débuta par pubHer un manifefte portant , « que „ le comte de Tilli, informé des pro- „ jets criminels des fujets de l'évêque „ de Bremen , daignait cependant les „ exhorter à y renoncer & à ne pas „ compter fur l'appui des Suédois , „ qu.i d'ailleurs pillaient impitoyable-
578 Campagnes „ ment les peuples; au lieu que les i63i> 5, Impériaux les traitaient avec une ^°û^- „ extrême douceur. „ Reinacher ajou- tait cependant ^ « que ceux qui auraient 53 l'audace de réfifter à l'empereur , fe- 5, raient détruits par le fer & le feu. „ La douceur de ces expreflions ne fé- duifit perfonne ; mais Pimpoflibilité de réfifter aux troupes Autrichiennes obligea l'évêque de Bremen de livrer les foldats qu'il avait levés , & de re- noncer aux engagemens pris à Leipzic. Le comte de Furftenberg , après avoir paffé le Mein avec douze mille hommes d'infanterie & environ quatre mille de cavalerie , entra dans l'abbaye de Fulde : il projetait de conquérir la Hefle , dès que fes troupes feraient délaiïees de leurs flîtigues. Le land- grave , trop faible pour tenir tête aux catholiques , fe rendit au camp du roi de Suéde pour implorer fon affiftance. Tili voulait alors fe faire joindre par
DE Gustave-Adolfe. 579
Furftenberg, afin de tenter une inva- fion en Saxe. L'armée Autrichienne, 155 1- qui éprouvait dans fon camp une ex- ^'^^^' trême difette , faillit à fe mutiner ; les foldats défertaient en foule ou com- mettaient mille défordres. Ces raifons engagèrent le général iflime à partir de Tangermund que les Suédois réoc- cuperent : il retourna au camp de Vol- ^7 merftadt , d'où il était en mefure de fe porter en Saxe ou en HefTe ; mais comme il pouvait également pafler l'Elbe à Magdebourg, & entrer dans l'éledorat de Brandebourg, Guftave pourvut aux moyens de l'en empêcher. Il ordonna au général Tott d'aller s'é- tablir avec quatre mille hommes à Rathenau fur la Havel. Cette ville , quoique peu confidérable , était nécef- faire pour conferver la communica- tion de Verben à Brandebourg, où le feld - maréchal Horn fe rendit avec neuf mille hommes, tant infanterie
?So Campagnes que cavalerie. Par cet arrangement, '^51. fi Tilli pafifait l'Elbe, Tott, en joi- gnant Horn , le renforçait affez pour lui donner les moyens de difputer le paiTage de la Havel aux ennemis, & de les contenir jufqu'à Tarrivée de Guftave , qui ferait parti de Verben aux premières nouvelles de leurs mou- vemens. Alors, retenus dans un pays ruiné & reflerré par l'Elbe & la Havel , les Autrichiens , auxquels on coupait d'ailleurs le chemin des places depuis cette rivière jufqu'à l'Oder , n'avaient d' autre parti à prendre que de fe reti- rer , ou d'entrer en Saxe : démarche qui obligeait l'éledeur de traiter avec le roi de Suéde , ou de fe foumettre à l'empereur. Si, au lieu de palTer TEl- be ou de marcher vers la Saxe , Tilli fe fût rapproché de Verben , Horn & Tott y feraient retournés.
Dès que le général iifime fut le land- grave de Hefle dans le camp des Sué-
DE GusT ave-Adolfe. 58i
dois , il voulut foire foulever fon pays «
en écrivant aux états, « qu'il était 1^31. „ criminel à un membre du Corps Août. „ Germanique d'entretenir des intel- „ ligences avec Guftave , déclaré en- „ nemi de l'Empire par la diète; que „ le landgrave encourait de fait la „ même fentence fur -tout après avoir ,, réitéré l'aflurance , que fes arme- „ mens n'étaient pas deffcinés contre 5, l'empereur & l'Empire; que Guil- „ laume était déchu de tous fes droits ; „ qu'on devait cefTer de reconnaître „ fon autorité , jufqu'à ce que le mo- „ narque Autrichien eût décidé de 5, fon fort; & qu'en attendant, les „ états ne pouvaient mieux faire que j, de recourir à la protedion du chef „ de l'Empire , afin que leur pays ne „ devînt pas le théâtre d'une guerre „ qui entraînerait fa ruine. „ Les ex- hortations de Tilli ne produifirent aucun effet , & les Hefîbis reflerent
3S2 Campagnes
'0!^'''"''''''*^ fidèles à leur fouverain. Indépendam* ■^ "^ ' • ment des raifons que Guillaume avait ,
. Août. . P î n
ainh que les autres proteitans , pour fe déclarer contre la cour de Vienne , plufieurs motifs particuliers Vy dé- terminaient. L'empereur avait décidé en faveur du landgrave de Darmftadt le différend relatif à la feigneurie de Marbourg ; depuis le commencement de la guerre les Autrichiens commet- taient de grands dégâts en Heffe ; les catholiques prétendaient , en vertu de l'édit de reftitution , rentrer en pofleC- fion du monaftere de Geifmar , dont les revenus formaient plus du quart de ceux du landgrave , qui aurait été ruiné , s'il eût fallu reftituer ce que lui & fes prédéceffeurs avaient reçu depuis le traité de Paiîlui ; Guillaume profeffait la religion réformée , à la- quelle il defirait procurer dans l'Em- pire les mêmes prérogatives qu'à la catholique & à la proteftante , afin de
DE GU ST A VE-AdOLFE. 38?
fe faire chef d'un troifieme parti, rôle qui lui revenait depuis la chute de la 1631. maifon Palatine ; enfin ce prince avait ^°"'* toujours favorifé les ennemis de l'em- pereur , & il craignait fa vengeance : Guftave-Adolfe feul pouvant l'en pré- ferver, il traita avec lui.
Le roi de Suéde promit au land- grave « de le prendre fous fa protec- tion , ainli que fes états & les con- quêtes qu'il pourrait faire fur les ca- tholiques ; de regarder fes ennemis comme les fiens ; de le fecourir quand il en aurait befoin & de join- dre fes forces aux fiennes ; de ne traiter avec l'empereur & la Ligue Catholique , qu'autant qu'ils fatisfe- raient Guillaume fur les prérogati- ves dont il avait joui avant les trou- bles de Bohême ; que fi les circonC- tances obligeaient les Suédois d'oc- cuper quelques-unes de fes places , ce ferait fans préjudicier à fes droits
584 Cabitagnes „ de fouverain , & qu'elles lui feraient i63i* „ rendues, ainfi que i'artiilerie qu'il °"^* ^ „ aurait fournie, quand la raifon de „ guerre ne fubfifteraiî: plus ; que le „ landgrave commanderait en chef „ non-feulement fes propres troupes , „ mais celles que les Suédois pour- „ raient lui envoyer ; enfin , que pen- „ dant trois mois à compter de la „ date de cette alliance, Guillaume 5, pourrait y admettre aux mêmes con- „ ditions les princes ou les villes qui „ voudraient y entrer , & qu'ils joui- „ raient des mêmes avantages que 5, s'ils avaient traité directement avec „ Guftave ,,. Le landgrave convint , « de refier inviolablement attaché aux „ intérêts du monarque ; de le fecon- „ der de toutes fes forces ; de ne con- „ dure aucun traité fans fon agré- 5, ment ; de confidérer comme fes 5, propres troupes celles des Suédois 5, qu'il recevrait dans fes places , & qui
lui
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DE G U s T A VE-Ad 0 LFE. 58f
lui prêteraient ferment ; d'afiembler ^^^^"^ inceflamment fon armée ^ afin d'agir ^^^^* fous la dii'eclion du roi contre l'en- nemi commun , pour lui fliire tous les maux que les loix de la p^uerrel autorifent ; que les foldats Suédois n^exigeraient de leurs hôtes Het fois , que le feu & la lumière ; de joindre fes forces à celles de Guf- tave , fi n'ayant rien à craindre pouf la Helîe , le monarque portait fes armes dans les états de l'empereur ou des autres membres de la Ligue Catholique ; que s'il s'emparait de quelques places à la bienféance de Guillaume , elles lui feraient remi* fes ; que s'il furvenait des différends entre les contradtans , ils s'en rap- • porteraient à des arbitres. „ Enfin le landgrave promettait , « de rappel" ïer fes fujets, de quelqu'état & con- dition qu'ils fuffent , qui pouvaient fe trouver au fervice de l'ennemi , Partie II. B b
Août.
585 Campagnes „ & de confifqucr leurs biens , s^ife I <^5 1. „ n'obéillaient pas. „ Ce traité conclu , Guillaume retourne dans fon pays , efcorté par deux régimens d'infanterie aux ordres du duc Bernard de Saxe- Veimar , deftiné à commander l'armée Heffoife fous le landgrave.
Le comte de Tilli ayant formé le projet de foumettre l'éledeur de Saxe , & d'entrer dans fes états du côté de la Sala, en même tems que TiefFen- bach avec l'armée de Siléfie péné- trerait par la Luface , avait mandé au comte Egon de Furftenberg de partir du pays de Fulde & de venir le join- dre dans le comté de Mansfeld. Le généralilîîme envoya ordre en même tems à Aldringer refté en Souabe avec environ huit mille hommes , & au comte de Fugger qui était en Fran- conie avec dix mille , faifant partie des nouvelles levées de la Ligue Ca- tholique , de s'approcher du centre de
DE Gustave- A DOLFE. 5 87 l'Allemagne , foit pour renforcer au befoin la grande armée , foit pour i^n» agir contre ie landgrave de Hefle & '^°"^- les autres membres de l'union de Leipzic.
Tilli écrivit à l'éledleur de Saxe^ 24 « qu'il voyait avec étonnement que „ malgré les ordres de l'empereur , il 5, continuât fes préparatifs de guerre 5 5, que plufieurs princes proteftans l'i- „ mitaient , en alléguant l'exemple „ de Sa Sérénité Eledlorale ; qu'une „ pareille conduite ne pouvait amener ,, la paix ; qu'on avait murmuré contre „ rindifcipline des troupes catholi- „ ques , & accordé volontairement des „ quartiers & des contributions aux „ Suédois déclarés ennemis de l'Em- „ pire , flms implorer l'afliftance de „ l'empereur , à qui feul il appartenait 5, de défendre les états opprimés ; que ,, le conclu fu m de l'aflemblée de Leip- „ zic , quoiqu'annullé par le monar-
B b ij
388 Campagnes
■^^^^'^ „ que , avait été exécuté par un atten- -ï^5 1. „ tat injurieux à l'autorité impériale ; „ que S. S. E. fe diffimulait fans doute „ les malheurs auxquels fa perfonne „ & fes peuples s'expofaient , en per- „ fiftant dans fa défobéifiance ; qu'il „ n'avait perfonnellement aucun fujet 5, de mécontentement, puifque l'cm- „ pereur l'avait toujours ménagé , ainfi „ que les princes Saxons ; que le mo- „ narque ne refufait juftice à per- „ fonne , & que dans cette vue il „ avait convoqué à Francfort une 5, diète générale pour régler défini- „ tivement ce qui concernait l'édit 5, de reftitution ; qu'il était encore „ tems d'obtenir par cette voie légi- „ time la réparation des torts avérés ; 5, qu'il confeillait à S. S. E. de re- „ noncer à des projets qui entraîne- 5, raient fa perte , & de joindre fes „ troupes à celles de la Ligue pour „ chalfer les étrangers de l'Empire , &
DE Gustave-Adolfe. 589 „ y rétablir l'ordre ; que la Saxe ne ''"**'*''*^ „ pouvait être difpenfée de fournir î^3i« „ des quartiers à Parmée catholique , °^^' „ de fub venir aux frais de la guerre , „ & d'employer fa médiation pour en- 5, gager les proteftans rebelles à obéir „ fans délai aux décrets du chef du 5, Corps Germanique; qu'au furplus ,) Jean Reinhart de Metternich , „ grand-prévôt du chapitre de Mayen- 5, ce & adminiftrateur de Halberftat, „ & le baron de Schœnbourg , cham- 55 bellan de l'empereur & général de 5, l'artillerie de la Ligue , explique- 5, raient plus particulièrement à S.S.E. 5, les intentions du monarque Autri- 5, chien. 5,
Le premier des plénipotentiaires était un homme modéré & infmuant ; le fécond , altier & enivré de la puif- fance de fon maître , admirait fon def- potifme qu'il prenait pour de la gran- deur. Ces députés arrivèrent à Mer-
B b iij
590 Camp a Cx n e s jggg^^^g» fcbourg , où réiedeur les reçut avec ï 65 1» politefle. Schœnbonrg mçnaç.i ce priix- Auùt. QQ (le l'indignation de l'empereur , s'il n'obéiflait fans délai à fes ordres fuprêmes ; Metternich adoucit la du- reté de cette déclaration, & tenta de modérer remportement de fon colle^ gue, Jean -George répondit , << qu'il „ avait donné au monarque des preu-.- 5, ves réitérées de fon attachement 5 5, mais que la prudence ne lui permet- ,j tait pas de fe déclarer contre Guf-^ tave-Adolfe , qui n'avait que l'Elbe à traverfer pour entrer dans Ton éleCf 55 torat , & y porter la guerre avec „ une armée viclorieufe ; que cette „ appréhenfion l'avait engagé à fe ,5 renfermer dans les bornes d'une ,, exa& neutralité ; qu'en fe condui- 5, faut ainfi , il ne manquait pas à ce; „ qu'il devait au chef de l'Empire, j, qui ne pouvait exiger rien au-delà ^, d€ ce que requéraient les conflit^^
5?
DE GuSTAVE-AdOL FE. 39 1
„ tions germaniques ; & qu'au refte , ga^'^jy^'*. „ il répondrait le lendemain à la lettre i6iî. „ du comte de Tilli. „ L'éladeur retint ^°"^- les plénipotentiaires à fouper ; & pen- dant le repas , Tun d'eux , trompé par des noix de porcelaine qu'il crut natu- relles , faillit à fe cafTer les dents. I^ous voye^ , me [fleurs les Autrichiens , dit Jean- George en riant, quon trouve en Saxe des fruits de dure digejtion.
L'élecleur remit le jour fuivant aux 27 envoyés de Tilli , une lettre pour ce général : elle portait, « que fon ref- 5, ped & fon attachement pour l'em- 5, pereur ne pouvaient être plus grands ; qu'il fe difpenfait d'allé- guer de nouveau les motifs qui l'a- vaient engagé à armer , puifqu'ils étaient déduits dans plufieurs écrits rendus publics ; que la fituation fâ- chcufe de l'Allemagne l'afFeélait vi- vement, & que loin de fomenter les troubles , il defirait les voir ap-
B b iv
392 Campagnes ,, paifés ; qifil avait rendu les plus Î63I9 ^^ grands fer vices à l'Empire & parti-
' "" 5, culiérement à l'empereur depuis le 9, commencement de la guerre , & 9, qu'il ofliit eipérer qu'on ne les ou- 55 biierait pas au point de le traiter en 55 ennenii , quoiqu'on l'aiTurât de tous 5, côtés que l'armée catholique s'ap- 3, prochait de la Sax^ pour l'envahir. „
H Le comte de Tilli ayant décampé
de Volmerftadt , s'avança p^r Afchersr leben , & Mansfeld jufqu'à Eisleben , OÙ le général Furilenberg le joignit. Ce fut là que Metternich & Schœn- bourg lui apportèrent la réponfe de
?8 rélecleur. Le gçnéralifiime aîTemble au(li-tôt un confeil de guerre, dans lequel on réfolut de pafier la Sala à Hall , de pénétrer en Saxe , & dès qu'on aurait pris les places qui fe trouvent fur le chemin de Torgau , de s'en em- parer ainfi que de Vittenberg , pour fe rendre maître du co.:irs de l'ElLe,
DE Gustave-Adolfe. 595
L'armée catholique part d'Eisleben le lendemain, arrive le jour fuivantvis- ^Q^^* à-vis de Hall , & campe près du bord ^9 * de la Sala , fur laquelle elle jette deux 30 ponts de bateaux.
Les menaces du comte de Tilli avaient convaincu l'élecleur de Saxe , que les catholiques ne tarderaient pas à entrer dans fes états ; & comme il était vraifemblable qu'ils tenteraient de s'emparer de Torgau , Arnimib gé- néral de Jean-George l'engagea à par- tir promptement de Merfebourg, pour aller raiTembler fon armée fous cette place, d'où l'on pouvait facilement 'pourvoir à la confervation de Vitten- berg. Le roi de Suéde , qui avait prévu ■que Tilli ne permettrait pas à l'élec- teur de refter neutre , jugea que ce prince , mécontent des violences de l'empereur & fentant les Suédois à ' portée de le foutenir, ne balancerait plus à embraffer leur parti & à rompre
26
394 Campagnes enfin avec la cour de Vienne qui von- 1631* lait le dépouiller. Guftave voyant le Août, généraliffime parti de Voimerftadt , décampa de Verben , où il laifla une garnifon qui fit des courfes jufqu'aux portes de Magdebourg & de Halber- ffcat, repafla l'Elbe & vint s'établir à la droite de la Havel près de Bran- debourg , pofte d'où il pouvait pro- fiter des conjon dures.
Les mefures de l'éledeur de Saxe firent échouer le defTein des catholi- ques fur Torgau & Vittenberg. Tilli commit en cette occafion deux fautes capitales ; la première, de pouflér à bout Jean - George & de l'obliger à fe déclarer contre la cour de Vienne , tandis que fon caractère indécis 8c ti- mide l'eût empêché de renoncer à la neutralité , fi l'on n'eût pas ufé de vio- lence à fon égard ; la féconde faute , plus grande encore que la première,, çonfifte dans la manière dont le gé.né>
TiE GUS T A VE-AdOLFE. ^S^
raliffime régla fes mouvemens en par- tant de Volmerftadt. On ne peut allé- 163 1* guer qu'en prenant la route de Mans- ^°^^' ield , il voulût rufer & cacher Tes def- ftins ; car il publia qu'il allait foumet- tre l'élecleur de Saxe. Au lieu de s'a- vancer jufqu'à Eisleben pour entrer dans réleclorat , il devait traverfer l'Elbe à Magdebourg , s'emparer de Vittenberg , y repafler le fleuve , faire occuper Deflfàu & aller enfuite atta- quer Torgau. Jean-George qui n'avait qu'environ dix- fept mille hommes d'infanterie & trois mille de cavalerie prefque tous de nouvelles levées , ne } ouvait réfifter àTilli auquel ilreftait dix -huit mille foldats aguerris, & à Furilenberg qui fe fut avancé par Hall avec plus de quinze mille hommes de vieilles troupes. Les catholiques , maî- tres du cours de l'Elbe , fe fuflent trou- vés entre les Suédoise les Saxons, ?i«xcjuds ils ôtaient tout moyen de fe
59^ Campagnes masasem joindre ; & il falloit que les derniers î<^3 1. fe foumiiïent. Le généralifTime , après '^^"'* avoir raflemblé des fubfiftances pour dix ou douze jours , ne rifquait rien en fe portant de Volmerfladt par Mag- debourg fur Vittenberg : il n'avait à franchir qu'une diftance d'environ vingt lieues , qui exigeaient au plus quatre jours ; tandis que de Verben à Vittenberg il y a près de trente lieues ; & le roi de Suéde , qui n'aurait guère pu quitter fon camp que le lendemain du départ des Allemands qui avaient d'ailleurs le moyen de lui dérober une . marche , ne ferait pas arrivé afTez tôt pour empêcher la prife de Vittenberg, dont la réfiftance ne pouvait être lon- gue, Tilli entrait en fuite en Saxe , y trouvait des fubfiftances & des ref- fources infinies pour la guerre & obli- geait Jean-George de joindre fes trou- pes à l'armée catholique. Alors la ba- taille de Leipzic n'avait pas lieu. Guf-
DE Gustave -A DOLFE. ^97 tave , dédudion faite des quatre mille m
hommes de Todt , nécefiaires dans 1^31. Je Meckelbourg , & de quelques gar- Août, nifons indifpenfables , n'eût oppofé aux forces réunies des catholiques & des Saxons montant à plus de cinquante mille foldats , que douze mille hom- mes d'infanterie & huit mille de cava- lerie. Ainfi réduit à la défenfive , le mo- narque ne pouvait pénétrer à la gau- che de TElbe ; fes conquêtes arrêtées dans leur principe laiflaient dominer l'empereur en Allemagne ; peut - être même que les Suédois trop faibles, malgré les talens de leur roi , pour réfiiter à toutes les forces de l'Empire , euflent été obligés d'en fortir ; & c'en était fait de la gloire de Guftave & de la liberté Germanique.
L'éledeur de Saxe inquiet des me- naces & des projets des catholiques, furmonte enfin l'averfion qu'il avait toujours eue pour les alliances étran-
59^ Campagnes 5^ gères , & envoie Arnimb à Brandé- 1^51. bourg , pour repréfenter au roi de Suéde le befoin qu'il a d'un prompt fecours. Guftave, quoique charmé que ce prince prît de lui-même un parti auquel on avait en vain tenté de l'a- mener , répond froidement au général Saxon , « qu'il connaît les vues de la „ maifon d'Autriche ; qu'il fait mieux 5, que perfonne qu'elle veut d'abord „ affujettir l'Empire afin de donner „ plus facilement des fers au refte de 5, l'Europe ; qu'il eft fôché de la fitua- „ tion embarraflante de l' électeur , „ mais que fi depuis long - tems il 5, avait daigné fuivre des avis £ilu- 5, taires , il ne ferait pas réduit à la „ dernière extrémité , ni Magdebourg 5, au pouvoir des Impériaux ; que Jean- ,, George le recherchant plutôt par „ nécefîité que par inclination , il ne 5, juge pas à propos d'expofer fon ar- 55 mée , dernière reflburce des protef-
DE GUST A VE-Ad OLFE. 59^
tans, pour fecourir un prince gou- verné par des traîtres, qui lui con- 163I' feilleraient d'abandonner les Sué- '^""^' dois , fi l'empereur défavouait Tillî , & lui ordonnait de s'éloigner de la Saxe ; que l'armée du généraliOTmie eft devenue formidable depuis h jondion de Furllenberg ; mais que cependant il n'évitera pas l'occafion de la combattre , dés qu'il fera alfuré d'une retraite en cas de mauvais fuccès , & que fes troupes ne péri- ront pas faute de fubfiftances , avant que d'avoir pu joindre l'ennemi. „ Arnimb écouta ce difcours avec une mpatience facile à remarquer ; il favait qu'en piquant Guftave de générofité , 1 le défarmerait , & que le monarque cherchait uniquement k faire valoir un fecours qu'il était de fon intérêt de ne pas refufer ; cependant , ne pouvant blâmer l'indifférence apparente du roi, qui était fondée fur la conduite de
^00 Campagnes ^^^l'éledeur , il répondit , « que le déFen- 1631* „ feur de la liberté Germanique devait ^°^^' „ pardonner à ce prince des réfolu- 5, tions fuggérées par la crainte & de ,, mauvais eonfeils ; mais que comme „ il était impoffible de remédier au „ paiTé , il fallait l'oublier ; qu'on ne 5, pouvait improuver les précautions „ que le monarque voulait prendre ,, avant que de marcher au fecours „ de la Saxe , & qu'il le fuppliait d'ex- 5, pliquer clairement fes prétentions. 5, Au refte , Sire , ajouta Arnimb , c'eft 5, vous feul qui pouvez réparer nos 5, fautes; c'effc de vous feul que la Saxe „ attend fon falut , & une grande ame 5, comme la vôtre doit oublier facile- 5, ment les torts. Je veux , répliqua 5, Guftave , que votre maître me re- „ mette Vittenberg ; qu'il me donne „ en otage le prince électoral fon „ fils; qu'il pourvoie à la fubfiilance 5, de mes troupes , paie leur folde
5, pendant
DE Gustave-Adolfe. 401
„ pendant trois mois ; me livre ou ,, panifie lui-même les traîtres qui 163 1- „ l'ont trompé , & fafie avec moi ^°"^* „ une ligue offenfive & défenlive. A „ ces conditions , je fuis prêt à mar- „ cher : fmon Téledleur fe tirera d'em- „ barras comme il pourra „. Arnimb n'ayant pas de pouvoirs fuffifans , retourna joindre Jean -George. Gus- tave voyant ce prince enfin réduit à fe jeter entre fes bras , réfolut de s'ap- procher des frontières de Saxe , partit de Brandebourg & vint camper à Cof- vick à trois lieues de Vittenberg : il manda au général TodC reflé à Ra- 51 thenau , « de fe rapprocher de Roftock „ pour l'affiéger dans les formes , & „ que comme il fe préparait à marcher „ en perfonne ^1 fecours des Saxons , „ une bataille parailfait inévitable ; „ que par cette raifon, il lui ordon- „ nait de prendre des mefures pour „ la confervation des places du Mec- Fartie IL Ce
40Z Campagnes
^^^?„ kelbourg & des frontières voifines, 15^1. „ afin qu'un revers de fortune ne pût Août. ^^ entraîner la perte de toutes fes con- 5, quêtes, j,
La garnifon de CrofTen faifant des courfes continuelles en Siléfie , les Im- périaux réfolurent d'obliger les Sué- dois à abandonner cette place ; & comme ils défefpéraient de les en chaf- fer par la force , ils n'imaginèrent d'au- tre expédient que de fuborner des traîtres qui mirent en même tems le feu à la ville & au château. Tous les bâtimens devinrent la proie des flam- mes , & les Suédois ne purent fauver que leurs armes & leurs munitions de
guerre.
Guftave cherchait à fufciter de toutes parts de nouveaux ennemis à l'em- pereur : lui ambaiïlideur Suédois pro- pofa aux Vénitiens de fournir des fub- fides à fon maître, ou de faire avec lui une alliance olTenfive & defen-
DE Gustave-Adoife. 405
£ive. Ces républicains qui s'étaient bor- nés jufqu'alors à contribuer à la dé- 1631» fenfe de la liberté de l'Italie contre la ^°"'^* maifon d'Autriche, ne voulurent pas fe mêler des affaires d'Allemagne* Le roi de Suéde demanda des fecours d'hommes & d'argent même aux Sui{^ fes & à la ville de Genève , fous pré- texte d'empêcher l'empereur d'entre- prendre contre leur liberté : motif puif- fant quand le danger prelfe, mais inu- tile quand il efl: éloigné. Benoît Oxenf- tierna ( frère du chancelier ) s'étaic rendu en France pour recevoir au nom de Guftave une partie des fubfides dus par cette couronne en vertu du traité de Beervald : il obtint fatisfaclion , Louis XIII le combla de préfens, & les conditions de l'alliance furent ren- dues publiques. La cour de Vienne fe plaignit, & prétendit que la France violait le traité de Ratisbonne. Le car- dinal de Richelieu répliqua , qu'on ne
C c ij
404 Campagnes
pouvait empêcher fon maître de cou- 1631» clure les traités qu'il jugeait utiles à
Août. p o VI . ,
la couronne , & qu il trouvait bon que Septembre, l'cmpereur en fit de même. Ferdinand ^^ irrité, écrivit aux électeurs catholiques pour leur demander s'il n'était pas à propos de déclarer la guerre au roi Très -Chrétien. Ces princes répon- dirent , « qu'on ne pouvait nier que „ la France n'eût manqué à fes enga- „ gemens , & que S. M. I. ne fut en „ droit de fe venger; mais que dans l'état d'épuifement & de combuf- tion où fe trouvait l'Empire , il fe- rait imprudent d'y attirer les Fran- çais ; qu'en faifant lever pour le fervice de la Ligue Catholique des troupes par le duc de Lorraine , on avait donné de l'ombrage & un pré- texte à Louis XlïT pour raffembler „ fur fes frontières une armée qui pou- „ vait entrer en Allemagne au pre- „ mier ordre ; Se que comme on n'a-
3?
5)
?> 95 5»
DE Gustave -A DOLFE. 40^
„ vait aucun moyen pour lui réfif- „ ter, il fallait diffimuler , afin d'ôter 1^51. „ au roi Très - Chrétien tout motif s^p^^"''''^- „ d'envahir la Lorraine ou les états „ héréditaires de l'empereur qui étaient „ à fa bienféance , & que le parti le „ moins dangereux que S. M. I. pût „ prendre , était d'écrire au pape , afin „ de l'engager à faire tous fes efforts „ pour détourner Louis de s'allier „ avec des hérétiques & particulicre- „ ment avec le roi de Suéde. „ Ferdi- nand confulta auffi fon frère l'archi- duc Léopold : ce prince , doué d'un génie médiocre , prétendit qu'il fallait fans délai porter la guerre jufques dans le cœur de la France. Cet avis était plus facile à donner qu'à fuivre , & la néceifité força l'empereur à dif- fimuler : il fentit que Guftave fuffifant feul pour l'occuper , il ne devait pas s'attirer d'autres ennemis ; d'ailleurs il voyait prefque tous les états pro-
C c iij
40(^ Campagnes ^^ teftans de l'Empire prêts à éclater
^^^^* contre lui, & fe défiait de l'éledeur
eptçni re. ^^ g.^yiere dcpuis la conclufion de fon
traité avec la France. Comme on n'en
a rien dit à l'époque où il fut ligné Ça) ,
il eft à propos d'en parler ici.
Le cardinal de Richelieu voulant re^ mettre Louis en pofléflton de Moyen- vick & de quelques autres terres alié- nées de l'évêclîé de JMetz , il jugea que l'empereur tenterait de s'y op- pofer , de concert avec l'Efpagne , & qu'il importait de le priver des fe- cours que les princes d'Allemagne pouvaient lui fournir pour remplir cet objet. Le prélat réfolut de rechercher Talliance des électeurs de Trêves & de Bavière : le premier pouvait accor^ der aux Autrichiens le palfage d^^vUS fes états , & le fécond donner des troupes. Qiioique celui-ci fût l'ame de îa Ligue Catholique , les projets am- bitieux de l'empereur l'inquiétaient
Ça) A. fontainsbleau le jo de mai.
DE Gustave-Adolfe." 407 depuis long-tems , & il reftait atta- ché au monarque feulement dans la 163 1. crainte que Guftave - Adolfe ne Pobli- Septembre, geât de reftituer au Palatin la dignité électorale avec les états dont il avait obtenu Tinvelliture. Le cardinal , in- formé des difpofitions du Bavarois , ordonne au baron de Cliarnacé d'aller le fonder fur un projet d'alliance dé- fenfive avec Louis XIIL iMaximilien charmé de pouvoir compter au befoiii fur le fecours de ce potentat , con- vint , <* que pendant huit ans la France „ & la Bavière fe défendraient mu- „ tuellement ; que fi l'on attaquait „ la dernière, le roi enverrait à fon fe- ,, cours neuf mille hommes d'infan- „ terie & deux mille de cavalerie avec 5, l'artillerie , les munitions & les fub- 55 fiftancesnécefiaires , ou bien donne- 5, rait l'argent fuffifant pour entrete- 5, nir ces troupes , au choix de l'éîec- 5, teur, qui s'engageait réciproque-
C c iv
408 Campagnes „ ment , fi l'on déclarait la guerre à ^631' ,, la France , de lui fournir trois mille eptem re. ^^ |-iQj^nies de pied & mille chevaux , 5, ou une fomme équivalente ; que les 5, contraclans ne fe nuiraient ni direc- „ tement ni indirectement , & ne four- 5, niraient aucun fecours à leurs en- 5, nemis refpedifs ; que le monarque 5, garantifTait la dignité éledorale à „ Maximilien & à fes defcendans , & 5, que le traité demeurerait fecret. „ Un agent chargé par Richelieu de por- ter des inftrudlions à Charnacé, tombe malade en chemin & fe fait tranfpor- ter à Brifac , où il eft arrêté & fes pa- piers faifis par ordre du commandant : il les montre à deux officiers de l'ar- chiduc Léopold , qui les remettent à leur maître, & celui-ci les envoie à l'empereur. Le monarque écrit une lettre très - pathétique à l'électeur fur fes liaifons avec la France. Maximilien répond , *' qu'il eft bien éloigné de
DE Gustave-Adolfe. 40^
„ vouloir manquer à fes devoirs en- „ vers l'Empire &fon chef, qu'il n'a ^^5^* „ d'autre but que d'empêcher Louis „ d'attaquer l'Allemagne ; & que com- „ me il ignore le contenu des enga- „ gemens qu'on lui reproche , il n'a „ pu en informer S. M. I. „ Malgré cet incident, le traité fut conclu & ligné à la fatisfadlion des deux par- ties. Qiiand les Suédois en eurent con- naifTance, ils fe plaignirent de ce que contradidloirement à l'alliance de Béer" vald , la France s'engageait à fecou- rir l'éleâeur de Bavière fi on l'atta* quait , & à lui garantir la dignité élec- torale. Le cardinal de Richelieu ré- pliqua, « que le traité fait avec le „ roi de Suéde portait, qu'on accor- „ derait la neutralité aux états catho- „ liques qui la demanderaient ; que „ cette ftipulation ne pouvait empê- „ cher la France de s'allier avec eux ; 5, & qu'à l'égard de la dignité élec-
410 Campagnes ff^s'^s"^ „ torale , il était poffible d'obtenir de i63i' „ l'empereur qu'elle fût alTurée à Maxi- eptembre. ^^ j^jiieji ^ £^^5 préjudicier aux droits „ du Palatin & à fon rétabliiïement. „ Cette réponfe latisfit Guftave. Reve- nons maintenant aux opérations de l'armée catholique contre l'éledeur de Saxe, j Le comte de Tilli paiïe la Sala &
campe près de Hall , d'où il mande par un trompette , à Jean - George qui était à Torgau , *^ que l'empereur l'a „ chargé d'exhorter amiablement les „ membres de l'Union de Leipzic à „ rentrer dans leur devoir ; mais d'em- „ ployer la voie des armes contre ceux „ qui refuferont d'obéir ; que S. A. E. „ en dédaignant toutes repréfenta- „ tions, forçait de recourir à des moyens „ extrêmes; qu'en admettant qu'il eût „ rendu les plus grands fer vices au „ monarque Autrichien & au Corps „ Germanique , fa rébellion lui en ôtait
DE Gustave-Adolfe. 411
„ le mérite , & qu'il répondrait devant 5, Dieu, l'Empereur & l'Empire , des 155 1. „ malheurs qui allaient fondre fur la Septembre. „ Saxe & fur ceux qui pourraient em- „ brafTer fes intérêts. „ Le généralif- fime finiflait en réitérant les demandes contenues dans fa lettre précédente , & en infiflant fur une réponfe auffi prompte que catliégorique. Cette nou- velle fommaticn plus preflante en- core que la première , & les conditions que Guftave mettait à fon alliance, embarraffaient également l'éledeur & fes miniflres. Prefque tous ceux-ci pré- tendaient, « qu'il valait mieux fatis- „ fiiire l'empereur , que d'encourir fa „ vengeance ; que l'exem.ple du roi de 5, Danemarck & des autres princes „ qui avaient tenté de lutter contre „ la puiGTance Autrichienne devait fer- 5, vir à Jean - George ; qu'il pouvait , „ il efl; vrai , recourir à Guiiave ; 5, mais qu'on n'était pas certain que fes
4IS Campagnes ' „ fuccès fufTent durables, parce qu'une ^^31' „ bataille perdue l'obligeait de retour- cptcm re. ^^ ^^^ ^^ Suede , faute d'argent & de
„ moyens pour réparer fes pertes ; au 5, lieu que les refiburces de l'empe- „ reur portaient fur des bafes diffici- „ les à ébranler ; que l'éledeur ne „ pouvant foutenir feul la guerre con- 5, tre le monarque Autrichien & la 5, Ligue Catholique , il devait l'éviter „ & fe fou met tre au chef de l'Em- 5, pire , plutôt que d'attirer en Saxe „ un allié d'autant plus à craindre , 5, qu'il ferait peut-être impoffible de „ l'en faire fortir. „ Arnimb & ceux de fon parti répondirent , « que la „ puiifance & les vues de l'empereur 5, étaient bien plus redoutables que 55 l'ambition du roi de Suede ; que le „ premier, ennemi juré du proteilan- 5, tifme , traiterait rigoureufement la ,, Saxe , où il avait pris naiffimce; „ que les catholiques voulant s'agran-
DE Gustave-Adolfe. 415
„ dir, & ne le pouvant qu'aux dé-
„ pens des proteftans , ceux-ci de- "ï<^5i-
„ valent s'unir pour prévenir leur ^^^^^'^^^^*
„ ruine ; que les états évangéliques ,
„ en foutenant le Palatin fur le trône
„ de Bohême , auraient établi l'équi-
„ libre en Allemagne & prévenu les
„ deflTeins ambitieux & tyranniques
„ de la maifon d'Autriche ; qu'on les
„ connaiflait aflez pour fentir la né-
„ ceffité d'y mettre promptement obf-
„ tacle ; & qu'il n'y avait d'autre
„ moyen de fecouer le joug de la
„ cour de Vienne , que de s'abandon-
„ ner entièrement à la fortune & aux
„ talens de Guftave. „ Ces raifons
perfuadent Jean-George; il mande à
Tilli, « qu'il connaît les bornes de
„ l'obéifîance due à l'empereur; qu'il
„ ne s'en eft jamais écarté , & que
„ nonobftant la manière violente dont
„ on le traite , il efl prêt à donner de
„ nouvelles preuves de fon dévoue-
414 Campagnes î, ment , pourvu qu'on n'en exige 1631» „ aucune oppofée à fon honneur & à Septembre. ^^ l'équité. „ L'éledeur ordonne en même tems à Arnimb de fe rendre lans délai auprès du roi de Suéde , & de l'en- gager , à quelque prix que ce foit , de venir à fon fecours.
Le général Saxon arrive au camp de Cofvick , & affure Guffcave de la part de Jean-George , " qu'il fera reçu non- 5, feulement dans Vittenberg, mais 5, dans toutes les villes de Saxe ; que , ■ „ s'il le délire , la famille électorale & „ le prince kii-même deviendront fes 5^ otages ; cju'on lui livrera les traîtres 5, qu'il défignera ; que la folde de fon 35 armée fera payée exadement ; que „ l'éledeur eft déterminé à fe ficrifier „ pour la caufe commune , & qu'il me- „ furera fi reconnaiiTance fur le befoin „ qu'il a d'une prompte aififtance. „ Le roi touché de la confiance & de la fituation fâcheufc de Jean -George,
. DE GUST A VE-AdOLFE. 4If
répond , « que puifqu'il en ufe auffi cor-
5, dialement , il fe défifte de toutes ^^^^'
r 1. .' . n Septembre.
les prétentions ; mais que li ce prince veut payer un mois de folde à l'armée Suédoife , il fera bientôt avantageufement dédommagé de cette dépenfe. „ Le monarque figne un traité par lequel il promet , « de fe- 5, courir l'éledleur de toutes fes forces , „ de ne pas quitter les armes que les „ catholiques ne foient chafiTés de fes „ états , & de ne conclure aucun ac- 5, commodément fans Vy compren- „ dre. „ Arnimb retourne à Torgau pour faire ratifier cette convention à fon maître, qui tranfporté de joie s'o- n blige par un écrit de fa main , « de join- 5, dre fon armée à celle de Suéde dès 5, qu'elle aura paffé TElbe , de la fe- „ conder dans toutes fes entreprifes , 5, de laifier à Guftave l'entière direc- 5, tion des opérations , de ne conclure ;, aucun traité j ni d'entamer aucune
41^ Campagnes
„ négociation fansfon confentement, 1^5^' „ de lui ouvrir au befoin toutes les eptem re. ^^ places fituées fur l'Elbe, & de four- „ nir à fes troupes les vivres & les 5, fourrages dont elles auront befoin. „ Le comte de Tilli n'avait pas atten- du la réponfe de l'éledeur de Saxe pour agir hoftilement. Des partis de cavalerie fe difperferent dans la cam- pagne qu'ils commencèrent à ravager , & portèrent la défolation jufqu'aux j portes de Leipzic. Le généraliffime dé- tache fix mille hommes avec huit pie- ces de canon aux ordres du comte de Pappenheim qui marche à Merfe- bourg , s'en empare fans réliflance , fe rend maître le lendemain de Veiflen- fels , & fucceiTivement de Naumbourg, 2 Cambourg , Dornbourg , Jena , Zeitz & Pégau dont les bourgeois furent très -maltraités. On tourmenta de la manière la plus cruelle le chancelier de Zeift , pour l'obliger à découvrir
le
DE Gustave-Adolfe. 4T7
le lieu où il avait caché Ton argent. Toute cette partie de l'éleclorat fut i^3i. abandonnée à la difcrétion des trou- Septembre. pes j qui y commirent des cruautés inouieSé Le foldat enlevait ce qui lui convenait & brûlait ce qu'il ne pou- vait emporter. On compta environ deux cents villages ou hameaux ré^ duits en cendres après avoir été pillés*
Quand Tilii fe vit afiTuré des places dont or^ vient de parler , il partit de Hall à la pointe du jour , & vint cam- ^^ per à Schkeuditz , où Pappenheim re- joignit l'arméCà Le généralifîïme s'a- vança le même jour avec fes princi- paux officiers JLifqu'au village d'Eu- tritz , & envoya fommer Leipzic. Une députation en part auffi-tôt , pour lui repréfenter que, comme fa ville n'a jamais donné à l'empereur aucun fujet de mécontentement , on ofe efpérer qu'elle n'éprouvera pas de mauv^ais- traitem.ens. Le général catholique offre
PartU IL D d
418 Campagnes
^^^^ des conditions avantageufes & reçoit
163 !• pour réponfe , qu'on ne peut les ac-
eptem re. ^^^^^^ ç^^^ l'agrément de l'éleCleur ;
& qu'on ne préfume pas que l'inten- tion du monarque Autrichien Ibit qu'on traite en ennemis les fujets d'un prince qui lui a rendu des fervices fignalés. Tilli réplique qu'il fera favoir incef- famment fes intentions définitives , & retourne à Schkeuditz après avoircon- gédié les députés. Leur rapport déter- mine à conduire du canon fur les rem- parts & à prendre des mefures pour la défenfe de la place. Environnée d'un fimple folfé plein d'eau, peu pro- fond & facile à combler , de quelques baftions revêtus , mais petits & mal conftruits , & de mauvais ouvrages de terre devant les portes , elle ne pou- vait faire une longue réfiftance; d'ail- leurs la garnifon n'était compofée que de bourgeois plus propres au com- merce qu'à la guerre , & de quatre
DE GUST A V E»Ad,OL F E. 419
compagnies de foldats prerqu'aufli mal ^""^^''^ aguerris , aux ordres de Jean de Pfort. ^ "^ ^' L'armée catholique campe le lende- " ^^ main , fa gauche près de Môckern , & fa droite fur les hauteurs d'Eutritz à une lieue de Leipzic. Tilli s'avance avec une efcorte jufqu'à la porte de Hall , & charge un officier de remettre aux magiftrats une fommation écrite , portant , qu'ils enflent à ouvrir les portes fans délai , & à recevoir garni- fon , s'ils ne voulaient éprouver le mê- me fort que les Magdebourgeois. La régence demande vingt-quatre heures pour informer l'éledeur de ce qui fe pafle : on ne lui en accorde que deux. Alors on déclare augénéraliflime , que les prières ne pouvant exempter la ville de fes violences , on la défendra jufqu'à la dernière extrémité ^ & la bourgeoifie met auffi-tôt le feu au faux- bourg de Hall qui était le côté que Tilli voulait attaquer. Il fait avancer
D d i)
420 C A M PAGNES
^ fes troupes pour éteindre l'embrafe- i^3i* ment ; mais un vent impétueux Tétend Septembre. ^^ loin. D'ailleurs , l'artillerie & la moufqueterie de la place éloignent les catholiques qui ne peuvent exécuter les ordres de leur général : ils dreflent deux batteries & commencent le len- 14 demain au point du jour à canonner Du 14. au la ville , & la nuit fui vante ils y jete- '^ rentdes bombes & des boulets rou- ges. Les afliégés fans efpérance d'être fecourus , & ne recevant aucunes nou- velles de l'électeur , dont les catholi- ques avaient pendu trois émiflaires qui cherchaient à entrer dans la place, commencèrent à craindre les fuites i? d'une plus longue réfiftance. La gar- nifon , quoique trop faible , fe défendait vaillamment & paraiflfait réfolue à fou- tenir un aiïaut ; mais les bourgeois intimidés par les menaces de Tilli , ju- gèrent qu'il valait mieux capituler que d'expofer inutilement leurs biens &
DE Gu ST A VE-AdOLF E. 421
leur vie : ils demandèrent une fuC- tt^ssuks^m penfion d'armes pour traiter. Tilli pro- 169 !• mit à Ja ville la confervation de fes Septembre. privilèges & la liberté de confciencc : il accorda les honneurs de la guerre à la garnifon qui fortit tambours bat- tans & drapeaux déployés avec fes équipages & deux pièces de canon : elle fut efcortée par un détachement de cavalerie chargé de reconnaître h pofition des Suédois & des Saxons. Jean Vopel, commandant du fort de Pleiflenbourg , alors fufceptible d'une longue réfiftance , le rendit en même tems que la place. L'élecleur fit arrê- ter ce lâche qui fut jugé par un confeil de guerre. Le généraliffime exigea des habitans de Leipzic une contri- bution de deux cents mille écus pour le rachat du pillage , & mit dans la ^'ille une garnifon de mille hommes aux ordres du colonel Vangler. Après avoir reçu la ratification de
D d iij
422 Campagnes
fon traité avec l'éledeur de Saxe , Guf-
1631. t^ve part de Cofvick , marche à Vit-
Septembre, ^gj-j^crg , y paffe l'Elbe & campe à Pra-
tau. Les Suédois viennent s'établir le
14 lendemain à Duben , où ils font joints
15 le jour fuivant par l'armée Saxonne qui avait marché la veille de Torgau à Eilenbourg, d'où côtoyant la rive droite de la Mulda , elle s'approcha de Duben. Guftave efcorté d'un détache- ment , alla au-devant de Jean-George qui était accompagné de i'éledleur de Brandebourg : celui - ci fâchant par ex- périence combien il eft dangereux de ne pouvoir fe défendre , faifait lever quelques troupes dans fes états. Le roi fuivi des deux éledeurs parcourut le front des lignes de l'armée Saxonne , & leur fit voir la fienne rangée en ba- taille pour les recevoir. On tint enfuite chez le roi de Suéde un confeil pour' régler les opérations.
Guftave informé que Tilli pouvait
DE Gustave-Adolfe. 425 être renforcé incefTamment par les troupes des généraux Aldringer &Fug-- i^Bi* ger , qui l'eufTent rendu fort fupérieur Septembre. aux Suédois & aux Saxons , était ré- folu de combattre 5 mais foit qu'il ne - voulût pas fe charger feul de l'évé- nement, ou qu'il délirât fonder les dit pofitions de l'éledeur de Saxe , il pré- tendit , « qu'il était plus prudent de „ harceler l'ennemi , de le fatiguer , „ de lui couper les vivres , de le for- 3, cer ainfi à fe retirer , & de faifir ce ,j moment pour lui donner un échec , ,5 que de remettre le fort des protef- „ tans & de leur religion au hafard 3, d'une bataille qui pouvait être dé- „ cifive ; que pour lui , il ne rifquait „ rien , puifque fon royaume lui offrait „ un afyle ; mais qu'un mauvais fuccés 5j rendrait fort chancelans deux bon- „ nets éleéloraux. „ Ces dernières pa- roles faifaient allufion au péril que courraient les électeurs de Brande-
D4 iv
424 Campagnes r^*^"'" bourg & de Saxe, fi les catholiques 1651. étaient vidorieux. Le dernier donna Septembre. ^ peine au roi le tems d'alléguer fes raifons , & répliqua , « qu'il fallait re- „ prendre Leipzic qui venait de fe ren- „ dre ; que la Saxe ne pouvait , fans „ s'épuifer entièrement , fubvenir pen- j5 dant le refte de la campagne à la „ fubfîftance des armées proteftante „ & catholique ; que temporifer , c'é- „ tait ruiner Téleclorat , dont on ne „ pouvait chafTer l'ennemi que par ,5 une bataille ; que fi on la perdait , „ il reltait encore des refiburces ; que „ fon avis était d'attaquer Tilli fans 3, délai , & qu'il préférait de courir le „ hafard d'une adion avec fa feule „ armée , à relier plus long-tems dans „ une inadion prefqu'auffi nuifible „ pour lui qu'une défaite. „ Eh! non ^ monfieur Vélecleur ^ répondit Guftave , vous ne combattre? pasfeul ^ & les Sué-, Jois yous accompagneront, Quant à
DE GUST AVE-AdOLFE. 42f
moi 3 je fais charmé de vous voir pren- dre une réfolution digne de vous. Le ^o^^* roi adrefTant la parole à fes généraux : Nous irons donc , leur dit - il en fou- riant ^frotter une couronne & deux bon' nets électoraux contre la carcajfe de ce vieux caporal ( ^ ) ^ lui difputer Vhon" neur de la victoire , & faire nos efforts pour enlever à Jes maîtres le fruit de leurs ufurpations & de leurs injuficeSm. Les électeurs fe retirèrent enfuite dans leur camp , & les deux armées fe préparèrent à marcher le lendemain. En fe rappellant fes exploits , le comte de Tilli devait être confiant ; mais en réfléchiffant fur l'inconftance de la fortune, il pouvait craindre qu'une défaite ne lui fit perdre en un jour le fruit de fes travaux. Après la red- dition de Leipzic , le généralifllme voulait fe pofter entre cette ville &:
(fl) On a vu que c'eft aiafi que Guflave appellait Tiili.
4^6 Campagnes
Merfebourg, derrière les rivières d'EIC-
r^^i» ter & de Lnppa, & fubfiiler aux dé- eptem re. ^^^^^^^ ^^ j^ g..^^^ j^^^^ ^^ pofte inatta- quable de front & par les flancs , juf- qu'à ce que l'arrivée des renforts , dont, il attendait dans fix jours au plus tard une partie aux ordres d'Aldringer , qui était arrivé près d'Krfurt , lui don- naient une afiTez grande fupériorité pour que les Suédois & les Saxons ne pullent lui réfiller. Le baron de Schœnbourg était du même avis. Cette réfolution fut contredite par le comte de Pappenheim qui ne refpirait que les combats & l'occafion de .fe lignaler : il allégua , *' que le projet „ du généraliirime annoncerait une 5, timJdité flétri fiante pour les armes 5, de l'empereur & qui ternirait l'é- „ clat dont elles avaient brillé juf- „ qu'alors ; qu'il fallait marcher en- ,, avajit , pafler la I^lulda fms délai „ pour empêcher la jond;ion des Sué-
9) 15
DE Gustave-Adolfe. 427
dois & des Saxons fi elle n'était
pas faite 5 ou pour leur donner ba- ^^^^'
taille même ii leurs forces étaient
„ réunies 5 qu'enfin il fallait nécefiai- „ rement combattre avant que les 5, confédérés fufient renforcés par les 5, troupes que Gufl;ave pouvait tirer 5, de Poméranie , du duché de I\Iec- 55 kelbourg & de l'éleclorat de Bran- 5, debourg , Se par les recrues que 5, fes enrôleurs ne cefTaient de rafiem- 5, bler dans ces provinces. „ Ces rai- fons plus fpécieufes que folides en- traînèrent le comte Egon de Furfi:en- berg & quelques autres généraux ca- tholiques à l'avis de Pappenheim. Tilli y réfilla d'abord ^ mais fâchant que cet officier cherchait à le fupplanter & le ;nénageait peu dans fes lettres à l'em- pereur & à l'électeur de Bavière , il n'ofa s'expofer au blâme de s'être ré- duit volontairement à la défenfive ; & par cette fatalité que le vulgaire &
428 Campagnes les théologiens appellent prédeJUncu. 16^1, don ahfolue , mais qui n'a jamais d'au- Septembre. tre caufe que l'imprudence humaine, le généraliffime prit un parti mitoyen , qui fut de ne pas s'éloigner de Leip- zic , & d'attendre les confédérés dans fon camp d'Eutritz , fur le front du- quel il fit élever quelques retranche- mens. On détermina enfuite Tilli à marcher à la rencontre des protef- tans ; il reconnut à peu de diltance de fa pofition au-delà des villages de Seehaufen , de Vetteritz & de Brei- tenfeld, un champ de bataille qui lui parut avantageux.
Le général catholique , dédudioa , faite de la garnifon de Leipzic, ne pouvait oppofer qu'environ vingt- un mille hommes d'infanterie & onze mille de cavalerie , aux protellans qui en avaient près de quarante mille dont vingt-huit mille d'infanterie ; mais il les jugea d'autant plus faciles à vain-
DE Gustave -A DOLFE. 429 cre , que les Saxons qui compofaient 15
la moitié de ces forces , n'éiaient pour 163 1. la plupart que des recrues. Tilli les ^^p'®'"^^*^- comptait pour rien , & fuppofait n'a- voir réellement à combattre que vingt mille Suédois ou Allemands, excellens foldats. Quand on apprit dans le camp des catholiques la réunion de Guftave & de Jean - George , Pappenheim pré- tendit avec raifon , que le généraliflime aurait pu laifTer devant Leipzic une partie de fes troupes pour en conti- nuer le liege , & aller combattre en détail les Saxons & les Suédois , ou détruire l'armée des premiers , avant qu'il fût poffible à Guftave de la fe- courir ; mais que l'irréfolution de Tilli l'avait empêché de tenter cette entre- prife.
L'armée combinée décampe de Du« i^ bcn , défile à travers cette ville , y pafle la Mulda , & prenant par Vel- haun & Liiidenhain , elle arrive au
4^o Campagnes mme^m village de Volck , où elle s'arrête perf* 155 1. dant la nî,}it Le lendemain au point Septembre. Jn jour les protelbns fe remettent Du 16 au gj^ marche fur deux colonnes. Les ,^ Saxons formant celle de gauche, fui- virent le chemin de Duben à Leip- zic. La colonne de droite , compo- fée de l'armée Suédoife, précédée d'une avant-garde d'environ dix -huit cents hommes d'inflinterie & de quelques efcadrons , nrarcha de Volck à Creu- ma , fe dirigeant fur Podelvitz. Le comte de Tilli avait détaché deux mille chevaux aux ordres de Pappen- heim pour obferver les confédérés : il pafla près de Giinteritz (^3) un ruif- feau appelle le Lober, & s'engagea im- prudemment avec l'avant - garde Sué- doife : vigoureufement repoulTé , fa re- traite eût été très - difficile , (ans un fécond détachement de cavalerie que Tilli avait fait avancer pour le foute-
( a ) VQyez le plan de la bataille de Leipzic,
DE Gustave-Adolfe. 451
nir. Pappenhcim repafla le Lober en efcarmoiichant , & fit mettre le feu à i^^i» Podelvitz pour retarder les Suédois, ^^p^"^^^^^' Leur avant -garde traverfale ruifleau entre ce village & Schelkau , & fe for- ma au - delà pour couvrir les mouve- mens de Guftave , qui flnfait défiler fes troupes derrière elle , en même tems que l'élecleur de Saxe pafiait lui-même le ruifieau au - defiiis de Schelkau & de Hohen-Ofllg. A mefure que les pro- teft;ans traverferent le Lober , ils fe for- mèrent , & appuyèrent leur droite à Gros - Podelvitz.
Le comte de Tilli était parti d'Eu- tritz pour venir occuper le champ de bataille qu'il avait reconnu ( ^ ). Son armée marcha fur deux colonnes : la première , deftinée à former l'aile droite & une partie du centre , fuivit le chemin de Leipzic à Duben jufqu'à hauteur du Grand- Vetteritz, &fe jeta
(a) Voyez le premier papillon du plan de bataille.
432 Campagnes
enfuite fur fa droite. La féconde co-
165 1. lonne prit fur la gauche parLinden- Septcmbre. thaï , OÙ elle traverfa un ruilfeau; & tournant enfuite à droite par - der^ riere Breitenfeld , elle arriva fur le terrein défigné par le généraliffime , qui déploya fon armée fur une feule ligne. Toute l'infanterie montant à vingt -un mille hommes partagés en dix - fept régimens ( i ) , fut rangée au centre. Un foffé marécageux & non impraticable qui ne fubfifte plus , fépa- rait les premiers bataillons de la droite des fuivans. Sept régimens de cavale- rie (2) formèrent l'aile droite , & fix (5) la gauche. Cinq régimens de Croa- tes (4) aux ordres d'Ifolani , fe pof- terent en - avant de la droite. Les troupes des deux ailes conflftaient en onze mille chevaux. Tilli fe plaça au corps de bataille , le comte Egon de Furftenberg commandait la droite, & Pappenheim la gauche. L'artillerie
partagée
DE Gustave-Adolfe. 4n
partagée en deux batteries ( f , 5 ) pour lefquelles on laifla des interval- 1691- les , fut établie fur le fommet d'une ^^p''^"^"^*' colline , de manière que l'armée la ca- chait entièrement (c). Cette hauteur n'eft pas afîez élevée pour que le ca- non ait pu tirer par - deffus les troupes , ainfî que plufieurs l'ont avancé. L'aile droite avait le village de Seehaufen fur fes derrières , & la gauche s'éten- dait vers Breitenfeld. La plaine eft cou- verte de monticules qui s'élèvent & s'abaifTent infenfiblement.
Prefque toutes les relations du tems & les hiftoriens différent entr'eux fur la difpofition qu'on vient de rappor- ter ; mais on a fuivi les mémoires les plus authentiques , & particuHérement une relation faite par le roi de Suéde,
(a) C'eft ainfi que s'exprime Guftave dans fa re- lation au chancelier Oxenftierna ; ce qui prouve que l'artillerie ne peut avoir été difpofée autrement ^ue fur le plan.
Partie IL E Q
454 Campagnes Prefque tous & notamment un officier 1631» qui fervait dans Tannée catholique, eptem re. ^ff^j-gj^t q.jg ^j||i rangea fes troupes
fur une feule ligne fans corps de ré- ferve, à moins qu'on n'appelle ainii l'infanterie la plus voifine de l'artille- rie , & qui ne combattit que vers lu fin de Padion. Le comte Galeazzo Gualdo Priorato Ça) efl: le feul con- temporain, du moins à ma connail- fance , qui avance que le généraliffime forma deux lignes avec une réferve : il eft vraifemblable qu'il a pris la ré- partition habituelle d'après laquelle les Impériaux campaient , & qu'on appelle ordinairement V ordre de ha- taille y pour celui qu'ils employèrent dans le combat. D'ailleurs , on a en-
( a ) Voyez les dernier es campagnes de GiiftavC" Âdulfe , tirées de VHifloire univerfclle de cet écri- vain , traduites de l'italien en français par M. l'abbé de Francheville, & augmentées de remarques & de diQTertations militaires par un officier PruiTien. Cet ou- vrage a été imprimé in -4*^. à Berlin en 1772.
deGustave-Adolfe. 45^ core fiiivi pour l'arrangement des trou- '^-^^^"'^"••'^ pes des deux armées, un plan drelFé '^>^* fous Jes yeux du roi de Suéde (û).
Comme on n'a pas jufqu'ici déve- loppé le ryllême de tactique de Guf^ tave-AdoIFe , il eil nécefiaire d'en don- ner une idée , avant que de rapporter la dirpofition dans laquelle ce monar- que combattit à Leipzic. il parait qu'il s'était attaché à combiner un difpofitiF pour que Jes moufquetaires & les pi- quiers, qui compoliiient alors l'infan- terie, fe foutinfient mutueiiemient dans l'adioii : il jugea avantageux l'arran- gement qu'on va détailler. L'infanterie Suédoife fe partageait dans l'ordre de bataille en corps ou brigades de douze cents vingt - quatre hommes , tant moufquetaires que piquiers , rangés fur fix rangs & difpofés comme il fuit (h),
Ca) ParOluf Hanfon, Le plan qui fe trouve dans le Théâtre de PEuropc , eft une copie de celui-ci,
( /; ) Voyez la difpontion de la colonne ou brigade deGuftave, jointe eu plan de U bat:n'!le.
E e ij
43^ Campagnes ^ Deux cents feize piquiers ( i ) for-
I ^^ I • maient la tête de la brigade : ils étaient Septem re. {Q^^j-gj^yg p^j. quatre-vingt-feizc mouC-
quetaires ( 2 ). Ces deux divifions en précédaient cinq autres rangées fur une ligne dans l'ordre fuivant : cent quatre - vingt - douze moufquetaires ( 5 ) , deux cents feize piquiers ( 4 ) , quatre-vingt-feize moufquetaires (5"), deux cents feize piquiers ( 5 ) , & cent quatre - vingt - douze moufquetaires ( 7 ). Tel eft le fameux fyftême de tactique de Guftave , qui n'eut point d'imitateurs, & auquel les généraux Suédois parailfent avoir renoncé peu de tems après la mort du monarque. Les Suédois prirent la droite & les Saxons la gauche. Guftave rangea fon • armée fur deux lignes, l'infanterie au centre & la cavalerie aux ailes. Qiiatre brigades ( 7 ) compofaient la première ligne d'infmterie , & trois ( 8 ) la fé- conde. La première ligne de cavalerie
DE Gustave-Adolfe. 457
de l'aile droite confiftait en cinq corps (9), & la féconde en quatre (10). ^^^^'
XT T 1 X. • / • y \ Septembre.
Une relerve de trois regimens ( 1 1 ) fut placée entre les deux lignes. L'aile gauche , moins nombreufe que la droi- te , avait en première ligne cinq corps ( 1 2 ) & trois ( 1 3 ) en féconde ; deux troupes de cavalerie ( i4}foutenaient le centre. Comme le roi fe propofait de recevoir d'abord le choc de l'enne- mi, & que les chevaux des Suédois étaient trop faibles pour réfifter à ceux des cuirafliers Impériaux , il prit le parti 5 pour fortifier fa cavalerie , de placer dans les intervalles des efca- drons de la première ligne des pelo- tons de moufquetaires ( 1 f ) : ceux de la droite étaient de cent quatre- vingts hommes chacun , & ceux de la gauche du double ou environ. Une ré- ferve ( 1 5 ) de cavalerie & de mouf- quetaires fe pofta au centre entre les deux lignes d'infanterie. On difperfa
E e iij
4^8 C A M PAGNES
I^^^L la plus gninde partie de rartilleric
^6^1. ( 17 ) fur le front de la première.
Septembre. ^ \q ^-gfj-g (^ i§ ) devant la feconde , de
manière à s'avancer facilement au be- foin à la tête de l'armée. Le roi , ayant fons lui Banner , commandait l'aile droite ; le général Teuffel fécondé par Hepbiiin, le centre , & le feld- maré- chal Horn avec le colonel Hall la gauche.
Gufbave comptant peu fur les trou- pes Saxonnes , craignit que fi elles étaient mifes en défordre , elles ne jetaflènt la confuiion dans fon armée ; c'eft pourquoi il voulut qu'elles faiïent rangées féparément , fuivant la difpo- fition réglée par le général Arnimb qui commandait fous l'clecleur. L'in- fanterie ( 19 ) forma le centre , & la cavalerie ( 20 , 21 ) les deux ailes. L'artillerie ( 22 ) fut établie fur le front de la première ligne. L'élecleur fe plaça au centre , Arnimb le chargea
DE GUST A VE-AdOL F E. 439
du commandement de la droite , & le ■»'^'*-'^'"'"'« général Binthauf de celui de la gauche. 1 53 1- La plaine qu'occupaient les deux ar- Septembre. mées , était entièrement labourée , même les éminences occupées par les catholiques.
Le roi de Suéde, couvert d'un fim- ple buffle par-deflus fon habit, qui était de drap mélangé , n'avait pas même d'armure de tête : il portait un chapeau gris , avec un pennache verd. Le monarque parcourut le front des troupes tandis qu'elles fe rangeaient en bataille. Si le fer dont les cuirajjîers Impériaux font couverts j dit-il à fa ca- valerie , vous empêche de les percer , plonger vos fahres dans le poitrail des chevaux. Il recommanda à l'infanterie de ne tirer que quand les ennemis fe- raient affez près pour leur voir le blanc des yeux. Comme Gullave aimoit k haranguer, il n'en perdit pas l'occa- fton^ Braves Suédois , s'écria-t-il , voim:
E e v<L
440 Campagnes alle^ combattre des ennemis que vous 16^. ave:^ toujours vaincus jufqu ici. Dieu ^ " qui féconde vifihlement la juflice de notre caufe ^ nous donnera la victoire. Ne craigne^ point les périls qui en font Inféparahles ; ne vous écartei pas de vos drapeaux ^ & combatte^ vaillamment fous les yeux d'un roi qui vous aime comme fes enfans , qui fera témoin de vos exploits & partagera vos dangers. Guftave ayant intérêt de perfuader qu'il n'avait pris les armes que pour la défenfe de la religion proteftante , le- \-^ant les yeux au ciel , ajouta : Dieu tout-puijfant , jette un regard favorable fur tes ferviteurs ; fais-les triompher de tes ennemis ! Nous n avons quitté notre patrie qu'afin de verfer notre fang pour la défenfe de ton Evangile ; favorife nos armes ! Le monarque parla avec un ton afiTuré , qui fit pafTer dans tous les cœurs la confiance qui l'animait, & les troupes attendirent le commence-
DE Gustave-Adolfe. 441
lïient du combat , avec cette ardeur
qui effc ordinairement le gage de la 163 1«
Viéloire. Septembre.
L'armée proteftante s'ébranla vers midi pour marcher aux ennemis; & dès qu'elle fut à portée , l'artillerie des catholiques fe fit entendre. Guftave ordonne d'y répondre , & s'arrête au- delà de Podelvitz. Les Saxons dépaC- fent de leur côté le village de GôpP- chelvitz, & leur droite fe trouve fépa- rée de la gauche du roi de Suéde , par le fofie bourbeux dont on a parlé plus haut. Leur première ligne occupa nn terrein un peu élevé , au bas duquel était la féconde. La canonnade devint très- vive ; car Guftave , pour augmen- ter les pertes de l'ennemi , ordonna que l'artillerie placée à la tête de la féconde ligne avançât fur le front de la pre- mière. Comme un vent de fud - oueft qui foufflait avec aflez de violence por- tait dans les yeux des proteftans la
44^ Campagnes ~ fumée & la pouffiere , le roi voulant . ''^^ I. s'en garantir & en venir promptement
Septembre. . ^ , ,
aux mains, ht approcher vers deux heures fon aile droite ( 9 ) de la gauche des Allemands , par un mouvement obhque qui eût diminué les inconvé- niens de la pouffiere , s'il avait pu être achevé ; mais le comte de Pappenheim (3 ) qui débordait déjà les Suédois (9) , les débordant encore davantage par leur manœuvre , s'ébranle auffi - tôt pour charger. Le roi s'arrête , & les Allemands fe jettent fur leur gauche pour le prendre en flanc ; alors Ban- ner s'avance brufquement à la tête de la réferve (11) placée entre les deux lignes , la forme en potence à l'extrémité de la première ( 9 ) , & préfente ainfi aux cathoHques un front . aufli étendu que le leur. Quoique fur- pris de ce mouvement imprévu , Pap- penheim engage le combat avec achar- nement 5 mais la cavalerie Suédoife
DE Gustave-Adolfe. 445 ( 9 ) protégée par le feu des pelotons de moufquetaires ( if ) placés entre 1651- les elcadrons , réfiffce avec avantage Septembre, aux catholiques.
Le comte de Tilli s'avance à la tête de plufieurs régimens d'infante- rie ( 23 ) pour attaquer le centre ( 7 ) & la gauche ( 12) des Suédois : ils foutiennent fes efforts ; & le gêné- raliffime trop incommodé du feu de leur artillerie , auquel la fienne d , 7) alors mafquée par fes propres troupes ne pouvait répondre , renvoie l'infan- terie (.23) à fon premier pofte, & paffe à l'aile droite pour attaquer en perfonne l'éledeur de Saxe , qu'il fe flatte de vaincre plus facilement que fes alliés , contre lefquels il fe propofe de réunir toutes fes forces quand il aura battu Jean-George. Les Croates ("4 ) qui avaient déjà commencé à efcarmoucher , fuivis de la cavalerie ( 2 ) qu'ils précédaient & des premiers
444 Campagnes régimens d'infanterie de cette aile^ 15? I. tombent fur l'armée Saxonne , dont Septembre. \^ cavalerie ( zi ) & l'infanterie ( 19 ) fe défendent d'abord avec le plus grand courage ; l'artillerie ( 22 ) fait même elTuyer de grandes pertes aux catholi- ques ; mais les plus braves canonniers étant tués , les autres s'enfuient. Tilli redouble fes attaques ; & l'extrémité delà gauche (21) des Saxons, enve- loppée par les Croates ( 4 ), recule d'abord , eft mife en confufion par une nouvelle charge , & prend la fuite. L'infanterie (19) dénuée de protec- tion , fe fauve bientôt elle-même pref- que toute ; le refte foudroyé par l'ar- tillerie ( 22 ) dont les Impériaux s'é- taient emparés , & vivement attaqué de front & en flanc , ne peut faire une longue réfillance. L'éledeur crai- gnant d'être tué ou pris , abandonne le champ de bataille avec fa compagnie des Gardes & ne s'arrête qu'à Eilen-
DE Gustave-Adulte. 44^ bourg à plus de cinq lieues de Leipzic ; & afin fans doute de s'étourdir fur la i^^i- défaite de fes troupes , il palfe le refte ^^^^^ ^^' du jour & prefque toute la nuit fui- vante à s'enivrer de bierre , félon fa coutume.
Cependant les Saxons pourfuivis par les Croates ( 4 ) & par quelques régimens de cuiraffiers , répandent par-tout la terreur dont ils font faifis , & pillent en fuyant leurs propres baga- ges & ceux des Suédois. L'efcorte laiC^ fée par le roi de Suéde pour les garder , croyant la bataille perdue, leur fait reprendre dans la plus grande confu- fion le chemin de Duben. Le feld- maréchal Horn voyant fon flanc gau- che découvert par la déroute de l'é- lei^eur , ralfure en rangeant en po- tence derrière le foifé bourbeux la fé- conde ligne ( 15 ) & quelques régi- mens Saxons( 24 ) qui n'ayant pas fui 5 s'étaient joints aux Suédois, Cç
44^ Campagnes difpofitif contient les cnirafTiers îm- i53 1. périaux ( 2 ) qui fe préparaient à tour- Septembre, j^gj. p^jjg gauche. Pappenheim (?)
continuait à prefTer le roi de Suéde ; mais la réfiftance de fa cavalerie ( 9 , 1 1 ) & le feu des pelotons de mour- quetaires placés entre les efcadrons , ayant jeté les aflliillans ( 9 ) dans la confufion inféparable d'un combat acharné, le général Allemand prit le parti de les faire reculer pour les re- former ( 2f ) , avant que de tenter une nouvelle attaque, nuftavc en était encore aux mains , lorfqu'il ap- prend la fuite des Saxons : jugeant que les catholiques vont réunir tou- tes leurs forces contre fa gauche afin d'accabler le feld-maréchal Horn ( ^ ) 5 il détache de l'aile droite le régiment de Veftgothie Ç 26 ) avec les deux pelotons de moufquetaires contigus, & la réferve (16) placée derrière le
( a ) Voyez le fécond papillon du plan de bataille.
DE Gustave -A DOLFE. 447
centre de la première ligne, aux or- ^mmsjm^ dres de Hepburn , à qui il enjoint de 1631. conduire promptement ces troupes au Septembre. recours de l'aile gauche. Les deux pre- mières brigades d'infanterie ( 27 , 28 ) de la féconde ligne vont en même tems fe former derrière la cavalerie ( 12 ) de Horn. Le roi ne voulant pas laifler de vide dans le centre de la première ligne de cavalière ( 9 ) de l'aile droite , fait remplacer le régi- ment de Veflgothie & les moufque- taires qui l'avoifmaient , par les deux corps de la réferve ( 14 ) portée der- rière l'armée. En arrivant à l'aile gau- che , Hepburn range les trois régi- mens ( 16, 2(5 ) à la gauche de ceux (13) placés en potence, fait pafier en féconde ligne les Saxons ( 24 ) qui ayant beaucoup fouffert dans le com- mencement de l'adion, n'étaient guère en état de réfifter à de nouvelles char- ges , & difpofe les pelotons de mouf-
420 Campagnes
quetaires ( 29 ) derrière fes efcadrons^ 163 1» La cavalerie (25')de Pappenheira cptem re. j-^jjj^g ^ jj ^g^te Une nouvellc attaque , Se fe jette fur fa gauche , dans Pefpé- rance de déborder enfin les Suédois ( 1 1 ) & de les envelopper. Guftave attentif aux mouvemens de l'ennemi, ordonne à la féconde ligne ( 10 ) de venir fe former à la droite du général Banner (11), afin de préfenter un front au moins égal à celui de Pap- l^enheim , qui charge aufli-tôt avec la plus grande réfolution. Le roi fait alors avancer dans les intervalles de fes efcadrons quelques canons de cuir bouilh , qui tirant de près & fort vite , éclaircifient les rangs des Autrichiens. Le régiment d'infanterie de Holffcein (30) le détache imprudemment du corps de bataille des catholiques pour féconder Pappenheim: Guftave le laiflfe approcher , & lorfqu'il le voit égale- ment éloigné du refte de l'infante- rie
DÉ Gustave -A DôLi'E, 449
fie (i) & de la cavalerie (2f ) Alleinan- des, & de manière à ne pouvoir être ï^^ï- protégé ni par l'une ni par l'autre , Sep^sm^vr il détache au galop les Finlandais ( î I ) qui tombent fur le flanc gauche de ce régiment, le fabrent prefqu'eri entier & obligent le refte à prendre la fuite.
Le comte de Tilli voulant faire un dernier effort pour enfoncer le cen-j tre (7) & l'aile gauche ( 12 ) des! Suédois , fait repafler le fofle à l'infan»* terie ( 52 ) qui avait combattu leï Saxons , forme des feize régimens quî lui reftent quatre grolTes maffes oii colonnes (5?)Hj5^»3<5)& attaque vigoureufement le feld-maréchal Horrs (12 ") , en même tems que la cavale- rie Allemande (2) s'ébranle pour tom- ber furies troupes ( I? , 16 ,26) qui couvrent le flanc du général Suédois^ A l'approche de l'ennemi Hepburrt leur ordonne de s'ouvrir, & les pe-
Partie IL F f
4fO C A M PAGNES
lotons de moufquetaires (29) placés 1^3 1. derrière , s'avancent furie front & font Septembre, ^^^^ décharge inopinée qui met les Au- trichiens ( 2 ) en défordre. Les Sué- dois ( 13 ? i<5 , 25 ) fondent auffi - tôt fur eux & parviennent à les rompre : partie des efcadrons de Hepburn fe met à leur poiirfuite , & les autres tournent contre les Croates & les cui- raffiers détachés contre les Saxons, 8c alors occupés à faire des prifonniers ou à piller des équipages. Pendant ce tems le comte de Tilli fait des efforts auffi multipliés qu'inutiles pour en- foncer le feld-maréchal Horn , qui vail- lamment fécondé par fes troupes réfifre aux attaques du généraliffime.
Après que les Finlandais (31) eu- rent diffipé le régiment de Holftein ( ?o ) , Guftave leur ordonna de tom- ber fur le flanc droit de la cavalerie ( 2f ) de Pappenheim, & fit redou- bler le feu de fes canons de cuir bouilli.
DE Gù ST A VE-AdOLFEô 4fï
Alors ces braves CLiiraffiers fe voyant ^
attaqués de front & en flanc, & ex- ^^^''' pofés à une grêle de balles & de mi- "^ '^"'^ trailles , commencent à plier : une charge vigoureufe achevé de les rom- pre , & ils prennent la fuite , malgré les efforts de Pappenheim pour les arrê- ter. Banner les pourfuit à la tête de II\ cavalerie ( 1 1 ) , en obfervant de les pouffer vers Breitenfeld & Linden- thaï , & de fe pofter de manière à leu^ couper le chemin , afin qu'ils ne puil^ fent aller joindre le comte de Tilli* ou s'ils fe rallient , venir prendre à dos l'aile de Guftave, qui fe prépa-» rait à envelopper entièrement l'infan- terie (33, 34, 5f,5<î)du généra- liffim^e. La féconde ligne (lo) du roi de Suéde fe reforma derrière la pre- mière ( 9 ).
Il ne reftait fur le champ de bataille (û) d'autres troupes catholiques que
(a) Voye?. fur le plan la dernière difpoïkioa d^â troupes des deux armées,
F f ij
4f2 Campagnes ^^ les quatre gros bataillons de Tilli ^^^- ( 3^? M? 3f ) 36 ) ; & Guftave fe * voyant libre de fe porter avec fon aile droite fur le flanc & les derrières du généraliffinie & que ce mouvement compléterait la vidoire , il ébranle fa cavalerie , dont la féconde ligne (10} enveloppe la gauche (36) des Impé- riaux , & s'avance avec la première ligne ( 9 ) vers une batterie (6) des Al- lemands , dont il s'empare & qu'il fait tourner contr'eux , de manière à pren- dre en écharpe une partie ( H> 53 ) de leur infanterie. Déjà les catholiques perdaient du terrein , lorfque Tilli, foit pour aflurer la retraite de fes troupes , foit dans l'efpérance de reprendre fon artillerie, s'approche du bois fitué à quelque dirtance du petit Vetteritz, avec quatre ré^imens ( 37 > 38 , 39 > 40 ). Le roi de Suéde (9) attaque auffi- tôt cette infanterie. La divernon du monarque donne au feld - maréchal
DE Gustave-Adolfe^ 4f5
Horn le tems de fe reconnaître ; la confufion était parmi les catholiques , ^^^ ï» & il l'augmente par une nouvelle at- ^^ ^"^ ^^' taque : alors ces gros bataillons trop affaiblis pour pouvoir réfifter défor- mais , font réduits à plier & fe difper- fent Guftave avait déjà chargé plu- fieurs fois les quatre régimens(37, 38» 59 j 40 ) poftés près du bois , lorfqu'il cft renforcé par une partie de la cavalerie ( 10 ) & par celle ( 41 ) que Horn vient de détacher de fon aile (12) pour empêcher l'inflm- terie Allemande de fe ralHer. Le roi combattait à la tête de fes efcadrons comme un fimple cavalier , & Tilii prouvait que s'il était vaincu , ce n'é- tait pas manque de valeur : il difpu- tait opiniâtrement la vidloireôr tentait de venger fa débite par des efforts de courage au-deflus de fon âge avancé. Le grand Frédéric , ( capitaine au ré- giment de cavalerie du Rhingraff,)
F f iij
.^f4 C A M r /l G "N E s
ç^^^ qu'on nommait ainfi à caufe de fa ï5sï. haute taille, joint le sfénéraliffime & lui orrre quartier : celui-ci, quoique blelTé de trois coups de feu , continue à fe défendre. L'officier Suédois vou-^ lait prendre Tilii mort ou vif; mais ion épée étant rompue & fes piftolets déchargés , il en faifit un par l'extrê- niité & bat rudement le général Alle- mand avec la croilé. Le vieillard épuifé de forces, couvert de contufions & de meurtriiïiires , allait fuccomber fous les coups redoublés de fon adverfaire , jorfque le ducRodolfe-Maximilien de Saxe- Lavenbourg furvient, cadè la tête au grand Frédéric , écarte d'au.» très Suédois qui environnent le géhé- ralidime ,l*entraînehors du champ de bataille , & lui fait prendre la route de Hall , où il arrive le foir , efcorté par cinq cents hommes au plus , ralliés avec peine par les comtes de Furlten- berg & de Cronenberg.
DE Gustave-Adolfe. 4f ^
Les quatre régimens Impériaux (57 , t^-*^'^^^ 38 , 59 j 40 ) continuaient à fe défen- 1 5> i. dre opiniâtrement , & paraifTaient dé- ^^■P^^"^^''«- terminés à ne quitter leur pofte qu'a- vec la vie ; ils étaient réduits à fix cents hommes , dont la nuit favorifa la retraite.
La cavalerie Suédoife pourfuivit les vaincus , dont un grand nombre fe réfugia à Leipzic ; d'ailleurs l'obfcurité de la nuit ne permit pas aux vain- queurs d'aller bien loin. Le comte de Pappenheim s'était retiré à Merfe- bourg , fuivi d'environ quatorze cents hommes. ^Soixante - fix drapeaux , vingt-deux étendards , vingt-huit pie- ces de gros canon , les munitions , les bagages , environ cinq mille prifon- niers, & beaucoup de blefiTés tombè- rent au pouvoir des Suédois , qui paC ferent la nuit fur le champ de bataille , au milieu de fept mille catholiques qui y relièrent morts: on remarquait parmi
F f iv
4^6 Campagnes ceux - ci le baron de Schœnberg , gé- lô^h néral de l'artillerie , le général - major . &pt?'n re. ^^^^ ^ j^^ colonels Baumgarten , Blanc- kart , Ervitt , le marquis de Gonza- gue , le baron de Grotta , & un grand nombre d'autres officiers de moindre rang. Le duc Adolfe de Holftein , bleffé dangereufenient, fut tranfporté àEi-r lenbourg , où il mourut deux jours après. Les payfans Saxons & ceux des états que les catholiques traverferent , augmentèrent leur perte en alTom- mant les foldats qu'ils trouvèrent dit perfés 5 pour fe venger de leurs ra- pines. C'eft ainfi que fut prefqu'en- tiérement diffipée cette armée qui avait fait trembler l'Empire , & avec laquelle la cour de Vienne s'était flat- tée de le mettre dans les fers , & d'obli- ger Guffcave - Adolfe à retourner en Suéde. La journée de Leipzic fut moins funelle à lafmaifon d'Autriche & àffes alliés par là pevte d'une partie
DE GusT A ve-Adolfe. 4f7
de leurs forces , que par l'effet qu^elle produifit furies proteflans : encoura- i53i« gés par cette victoire , prefque tous ré- Septembre. folurent de fe joindre à Guftave , & de faire les plus grands efforts pour fecouer entièrement le joug fous lequel Fempereur voulait les couiber. Un fuc- cès aufli marqué coiita feulement au roi de Suéde quinze cents hommes , avec les colonels Teuffel, Hall,Cal- lenbach, & Damitz qui commandait la garnifon de Stettin lorfque Guftave occupa cette vjlle. On crut d'abord le colonel Corviil tué ; mais il n'était que prifonnier. Les Saxons perdirent trois mille hommes dans l'adion & la fuite. I.e général Binthauf & quel- ques autres officiers fupérieurs furent tués , ou moururent de leurs bieffures. La journée de Leipzic affeda d'au- tant plus le comte de Tilli jufque là invincible , qu'elle lui fit perdre la réputation du meilleur général de
4f8 "Campagne s fon teins : il fe plaignit amèrement i63i> ^Q Pappenheim , qui de fon côté fe 'plaignait du généraliilime. Il eft à propos d'examiner le fondement de leur mécontentement réciproque , ainfi que les caufes qui produifirent la défaite des catholiques. On a vu plus haut , que Tilli eut la faiblelTe de fe laiflTer entraîner contre fon avis , à rifquer une acT:ion décifive. Les intri- gues de Pappenheim pour le fupplan- ter , & la crainte de s'expofer aux cen- fures de fes partifans , ne font pas des raifons fuffifantes pour excufer le gé- néral Allemand , qui devait méprifer les vains difcours , & non condef- cendre à l'ardeur imprudente de fes fubalternes : revêtu de l'autorité , il pouvait les plier à l'obéiffîince. La faute de donner bataille lorfqu'il fal- lait la différer , était réparable par le choix d'un terrein avantageux & par de bonnes difpofitions ; mais Tilli
DE Gustave -A D.OLFE. 4f 9 négligea ces deux objets importans. r^^^^^s^^ Le champ de bataille qu'il occupa i65i' île lui était pas plus EivoraLle qu'aux Septembre. proteftans, & l'arrangement de Tes troupes fur un grand front flms féconde ligne ni corps de réferve , prouve qu'il fe flatta de renverfer l'ennemi au pre- mier choc : c'était mal connaître Guf- tave & fes troupes que de concevoir une femblable efpérance. Tilli lailTa traverfer tranquillement le Lober aux proteftans ; car la fumée produite par î'embrafement de Podelvitz n'était pas un obilacle capable de les arrêter : il allégua pour fe juftifier , qu'il n'avait pas voulu abandonner les hauteurs ; mais cette raifon eil d'autant moins admiffible , qu'elles n'étaient pas aflez élevées pour donner aux catholiques de la fupériorité furies proteftans ; & le général Allemand eft en contradic- tion avec lui - même , lorfqu'il renonce nux prétendus avantages de fon polie.
4^o Campagnes
pour vçnir .attaquer en rafe campagne 1631* le centre & la gauche des Suédois. Septembre. Le comte de Tilli commit pendant Tadion plufieurs fautes furprenantes dans un général à qui les hiftoriens accordent autant de capacité que d'ex- périence; peut- être qu'ils n'ont pas obfervé que la gloire d'un fuccès eft •proportionnée aux obftacles qu'on a furmontés , & que jufqu'à l'époque où Guftave devint Padverfaire du géné- raliffime , celui-ci n'eut guère à com- battre , avec d'excellentes troupes , que de mauvaifes armées conduites par des hommes dépourvus de talens ' militaires. Lorfque Tilli eut mis en fuite les Saxons , pourquoi permit - il à la plus grande partie de fon aile de les pourfuivre , & ne tomba-t-il pas auffi-tôt fur la gauche du feld - maré- chal Horn ? Il lui donna le tems de fe reconnaître , de couvrir fon flanc , ^ de recevoir les renforts que Gut
DE Gustave-Adolfe. ^6i
tave lui envoya. Le général ifli me , en formant fon infanterie en grofTes maf- i^5 !• fes , doubla la profondeur de fes trou- ^^ ^"^ ^^' pes qui n'était déjà que trop grande , & reflreignit fon front : il en réfulta qu'il fut enveloppé & battu. Cette faute prouve que Tilli ne connaiffait pas les avantages d'une ordonnance auffi mobile que celle des Suédois, & qu'il penfait qu'un corps profond doit toujours triompher d'un autre ran- gé fur moins de rangs. Cette erreur dé- montre que le général catholique n'a- vait pas affez médité fon art Pendant l'adion fa prévoyance ne s'étendit ja- mais au - delà du pofte où il fe trou- vait : il agit , non en général d'armée , mais en officier particulier ; il oublia entièrement fon aile gauche, & ne fongea pas à renforcer Pappenheini qui , de fon côté , fous prétexte de . déborder Guftave, fe fépara entière- ment du corps de bataille : entraîné
4^2 Campagnes ■«■awaiflii par l'ardeur bouiilante de fon cou- i5ji. rage, il ne penfe qifà charger comme Septembre, ^j^ fimple cuiraffier ; les Suédois le coupent d'avec l'armée catholique ; enfin il eft lui-même débordé & battu* Un officier Autrichien , dont on a parlé plus haut , dit dans fii relation , qu'aucun des généraux cathofiques ne favait ce qu'il avait à finre ; que per- fonne ne donnant d'ordres , tout était dans la plus grande confufion; que fans la nuit, l'armée était entièrement détruite , & que tousles chefs , à com- mencer par TilH , agirent comme s'ils eufient perdu la raifon. Cet officier afilire qu'il remarqua un fimple capi- taine de cavalerie de la droite , qui trouvant fans doute que le combat commençait trop tard à cette aile , dit inibiemmentau comte de Furften- berg , que s'il ne l'en voyait à la charge ^ il irait fans fon ordre. Etait -. il pofi^ible qu'une armée aufii mal difciplinéepût
DE Gustave -A DOLFE. 46^ vaincre ? Celle de Gultave-Adolfe offre mmsuj^^sai un rpedacle bien différent : fa conduite is^î, & celle de fes généraux excitent f admi- Septembre, ration. Les précautions du monarque font prifes avec tant de jufteffe , que la fuite de l'armée Saxonne ne peut le déconcerter j des réferves habile- ment difpofées remédient à tout; &il femble que le roi a lu dans l'avenir, car tout efl prévu. Loin d'appercevoir la moindre faute pendant l'adlion , on remarque dans tous les officiers Sué- dois autant de fagacité que de promp- titude à profiter de la moindre fauffe démarche de l'ennemi. Enfin l'armée de Guftave peut être comparée aune machine parfaitement organifée , dont les moindres reiforts concouraient à l'effet général, & prouve qu'avec des troupes manœuvrieres & bien condui- tes, il eftpolfible de tout entreprendre.
Quand la victoire fut décidée, Guf- tave dépêcha un officier à l'élecleur de
4^4 Campagnes ■S Saxe pour Ten prévenir & l'engager î^^i» à rallier fes troupes le plus tôtpoffi- Septembre, ^^jg , afin d'achever d'expulfer les ca- is tholiques de fes états. Le lendemain de la bataille le roi envoya fommer le colonel Vangler, commandcint de Leipzic , & vint camper aux portes de cette ville, où Téleél^ur le joignit. Le monarque alla au-devant de lui ,■ & ne négligea rien pour calmer h crainte où il le vit , qu'il ne lui repra- chât fa fuite & celle de fes troupes. Voyant que Jean-George cherchait à s'excufer , Monfieur V électeur ^ lui dit- il , réjouijfons - nous d'une vicioire due en partie à la fermeté avec laquelle vous foutîntes au confeil tenu à Duhen , qu'il fallait marcher aux ennemis. L'électeur, également touché de la modeftic de Guftave& de l'importance du fervice qu'il venait d'en recevoir, promit de lui refter toujours attaché , & d'em- ployer fon crédit pour le faire élire
roi
DE Gustave -A DOLFE. 46f
roi des Romains , en cas qu'il y af- "^"^^^^^"^^^ pi rat. Le monarque Suédois renier- ï^^'-
. i,/i rL j» Septembre.
cia lelecteur , non comme d un com- pliment, mais comme d'une offre qui lui faifait plaifir, & dont il pourrait profiter.
En arrivant à Hall on mit un ap- pareil fur les bleiïures du comte de Tilli, qui prit le lendemain à neuf i§ heures du matin le chemin d'Eisleben : il fe rendit le jour fuivant à Alchersle- 19 ben & enfuite à Halberftat. Pappen* heim y arriva lui-même après a^^oir marché de Merfebourg à Eisleben. Le généraliflîme dépécha un grand nom- bre de couriers pour raflembler les ref- tes de fes troupes , & l'on afficha aux portes de Halberftat des placards pour indiquer aux foldats qui arrivaient fuc^ ceifivement , le lieu où ils trouveraient leur régiment. Tilli , plus fenfible à fa défaite qu'à fes bleiïbres , était moins occupé de conferver fa vie que de répa-
Partie IL G g
so
466 Campagnes rer fon malheur ; & quoiqu'il fût encore î63 1. très - faible , il voulut monter à cheval , 2^ * contre l'avis des chirurgiens, pour faire la revue des troupes : elles étaient réduites à environ quatre mille che- vaux & à nn fort petit nombre de fan- taffins ; mais au bout de quelques jours l'armée de l'empereur & de la Ligue Catholique monta à huit ou neuf mille hommes , dont la moitié d'infanterie. Le généraliffime entièrement occupé des moyens de fe remettre en campa- gne , manda au comte de Fugger , qui avait déjà paflTé le Mein pour venir attaquer la HefiTe , de fe préparer à le joindre avec fes dix mille hommes , & au général Aldringer arrivé , ainfi • qu'on l'a dit , aux environs d'Erfurt avec huit mille , de fe réunir au pre- mier corps : en vertu de cet ordre , Aldringer rétrograda auffi - tôt vers le comté de Henneberg. Tilli attendait encore treize mille hommes levés par
DE Gustave-Adolfe. 457
le duc de Lorraine , & quelques compa- Bt*a*»^ygti gnies d'infanterie & de cavalei-ie raf- 1631. femblées par l'élecleur de Cologne. La Septeoibre- réunion de ces forces faifait efpérer au généraliffime de pouvoir prendre fa re- vanche j mais craignant que les pro- teftans ne s'approchaffent de Halber- flat pour achever de difliper fon armée , & voulant d'ailleurs attirer la guerre en Bafle - Allemagne , afin d'en préferver la Franconie , la Bavière & les états héréditaires de la maifon d'Autriche, il réfolut de s'approcher du Vefer & d'accabler le landgrave de Heffe. Tilli fit aflembler les magiftrats de Halber- 24. fiât, leur déclara que la conjoncture fâcheufe , dans laquelle l'empereur fe trouvait , ne lui permettait pas de les protéger , jufqu'à ce que fes armes enflent repris la fupériorité, les exhorta néanmoins à refter fidèles au monar- que Autrichien , leur remit les clés de leur ville , & prit la route d'Ofiervick ,
G g ij
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? emmenant l'adminiftrateur Jean Rein- 163 i' hart de Metternich avec tout fon cler- eptem re. ^^ ^ j^^ moines , & s'avança par Schla- den &BockeIheim à Alfeld fur la Leine, où il s'arrêta plufieurs jours pour ache- ver de rallier les débris de fon armée , défà renforcée par les garnifons des places de la gauche de l'Elbe : il n'en refta que dans Magdebourg & Vol- fenbuttel. i8 Le colonel Vangler paraiffant vou-
loir fe défendre dans Leipzic , Guftavc ne jugea pas à propos d'attaquer cette place , & il laifiTa le foin de la réduire à l'éledeur , dont l'armée fut ralfem- blée le lendemain. Le roi partit le même jour à la tête de quinze mille hommes , prit le chemin de JVlerfe- bourg , rencontra deux mille catho- liques qui furent prefque tous prifon- niers,& envoya fommer la ville qui ouvrit auffi-tôt fes portes : on y trouva quelques officiers Autrichiens avec le
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fecretaire du feld - maréchal comte de pappenheim. Le jour fuivant Guftave i^3i- s'approcha de Hall, dont la g^miï'on^'^'l'^^''' fe rendit prifonniere de guerre à la première fommation : celle du château , commandée par Gratfiltz & Vinckel- man , fe défendit jufqu'au lendemain «i qu'elle fut obligée de fubir la loi du vainqueur. Comme ces deux officiers étaient Saxons, on les envoya fous bonne garde à l'éledeur , pour qu'il en fit juftice. On exigea de ces garnifons le ferment de ne jamais fervir contre les proteftans de l'Empire & leurs alliés : prefque tous les foldats s'enrôlèrent parmi les troupes Suédoifes.
Avant de partir des environs de Leip- zic , Guftave avait envoyé à la pour- fuite des catholiques plufieurs déta^ chemens qui ramenèrent un fi grand nombre de prifonniers , que le roi. parvint non - feulement à compléter fes anciens régimens ,^ mais encore à
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47^ Campagnes ^'^'^'î^ en former de nouveaux; de manière ï55î. que Tarmée Suédoife, qui confiftait Septembre. 2V2nt la bataille en vingt mille hom-' mes , montait à plus de vingt - quatre mille lorfqu'elle fut réunie à Hall, Le monarque refta dans cette ville pîu- lieurs jours qu'il employa à des arran- gemens relatifs à la fureté de fes con- quêtes. Il ordonna la levée d'un régi- ment d'infanterie dans les évêchés de Magdebourg & de Halberflat , établit le prince Louis d'Anhalt gouverneur du cercle de la Saala, vulgairement appelle Saal-Creutz , en nomma le co- lonel Schneidvin commandant & Stal- man chancelier. Le roi détacha quel- ques troupes aux ordres du général Eanner , qui envoya occuper Halber- flat , & fe rendit dans les marches de Brandebourg, où il alfembla une armée d'environ huit mille hommes pour agir fur rEfbe , oc prendre Magde- bourg , ainfi que les autres villes de
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BafTe-Saxe qui tenaient encore poiir^?^^ l'empereur. Le général Tott preŒiit la 16 j i. reddition de Roftock, pour accélérer ^^p'^^"^'^*"' enfuite celle de Vifmar & de Dômitz , que les Impériaux occupaient dans le duché de i^leckelbourg.
Guftave informa les alliés de l'heu- reux fuccès de la journée de Leipzic , & ne manqua pas d'écrire à tous les princes & états proteftans de l'Em- pire , pour leur repréfenter les avanta- ges qu'ils pouvaient retirer -de cette victoire , & les engager à concourir avec lui au rétablififement de la paix & de la liberté en Allemagne. Le roi les afllirait que c'était le feul motif qui l'eût engagé à la guerre ; & qu'en vertu de fon traité d'alliance avec la France , il prendrait fous fa protec-» tion les catholiques , même les ecclé- fiailiques qui relieraient neutres. Guf- tave fit partir en même tems Chem- nitz & Reîingen , officiers dans fes
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472 Campagnes ^^^^^ troupes , avec ordre de fe rendre fiic- 3631. ceffiveoient près des princes, villes >i.tew ^^' jij^pÀj^y^^iQ^ ^ autres états proteftans des cercles de Franconie , de Suabe & du Rhin , afin de les difporer à s'u- nir étroitement avec lui & à fournir des fecours pour foutenir la guerre.
L'empereur avait convoqué à Franc- fort une diète , (û) où il s'était flatté d'obtenir au moins en partie l'exécu-r tion de l'édit de rellitution ; & afin d'ô- ter tout prétexte aux protellans de fe • joindre au roi de Suéde , il avait réfolu
de leur donner une fatisfiiélion quel- conque , mais plus apparente que réelle. Qiielques états luthériens ne daignèrent pas même envoyer leurs ïepréfentans à la diète. Dans la pre- ^ miere feifion les commiflaires de Fer- dinand demandèrent que l'édit du monarque eût fon eflTet. Les protef- tans prirent du tems pour délibérer ,
(a ) Le 3 d'août.
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& ne répondirent que fept jours après
la bataille de Leipzic , dont l'heureux ^^^^*
r ^ -^ j r c r Septembre
iucces leur permit de le retuler aux 24. defirs de l'empereur.
L'éleéleur de Saxe fit fommer à fon tour la garnifon de Leipzic. Le colonel "Vangler voyant qu'il ne pou- vait efpérer du fecours , fe réduifit à obtenir une capitulation auffi avnnta^ geufe que les conjondlures le permet? taient : après de longues difcuffions on convint que la garnifon fortirait ^* de la place & du château de PleifiTen- bourg avec armes & bagages, mais fans canons ; qu'elle ne fervirait pas à l'avenir contre l'éledeur & fes aUiés, & qu'on l'efcorterait jufqu'aux frontières de Bohême. Cette capitulation fut exé- cutée le lendemain. Le colonel Coroni- ni ,Valmeroth , commiffaire-général de ^^ l'armée Autrichienne, le comte de Zin- zendoif , plufieurs autres officiers , prés de deux mille hommes dont la
474 Campagnes
■"" — '-'"" plupart bleffés , & tous ceux qui s'é-
15^1. talent réfugiés dans la ville après la
Septembre.- .,i r -r • i
bataille turent prilonniers de guerre. La plupart des foldats prit parti dans les troupes Saxonnes. Quelques Jé- fuites attachés à Tarmée catholique pour diriger la confcience des géné- raux , tombèrent au pouvoir de l'élec- teur : comme ce prince ne voulait pas fe convertir , il fe hâta de les renvoyer. Jean- George mit garnifon dans Leip- zic , où il refta plufieurs jours afin d'y rétablir l'ordre , fit marcher fon armée à Torgau , & fe rendit à Hall pour conférer avec Gufiiave.
Lorfqiie le landgrave de Hefie fut re- tourné dans fes états , accompagné du duc Bernard de Saxe-Veimar & des trois régimens levés par ce prince , il joignit ces troupes aux fiennes , qui confiftaient en quatre régimens d'in- fanterie & en deux mille chevaux. Ber- nard détacha trois mille hommes d'in-
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fanterie & quatre cents de cavalerie, ^^ qui pénétrèrent dans le pays d'Eicli- 155 1. feld , occupèrent Heiligenftat , exige- Septembre, rent des contributions , & envoyèrent à Cafifel près de trois cents voitures chargées de fubfiftances. Le duc fit de fon côté différentes incurfions dans Tabbaye de Fulde, dans celle de Hirfch- feld & dans quelques autres états de l'archevêque de Mayence , qu'il obli- gea de contribuer. Le général Fugger fe hâta d'arriver à Vacha pour contenir les HeiTois & les empêcher de piller les catholiques. Le commandant de Fritzlar voulant venger les pertes de rélecleur de Mayence , entra dans le diftrid de Gundersberg & y faccagea deux bourgs : cet officier s'était permis des difcours offenfans pour le land- grave , qui réfolut de fe venger. Il part de Caffel à l'entrée de la nuit avec trois 23 mille cinq cents hommes d'infanterie, jnille de cavalerie & deux pièces de
47^ Campagnes canon , & arrivée de grand matin de-' i6ii» vant Fritzlar , qu'il envoie fommer. Septembre. _Lg5 catliollques ne répondant qu'à ^^ coups de canon , les Hefibis appliquent jilors le pétard à une porte, tandis qu'ils en brifent une féconde avec leur ar- tillerie : ils pénètrent enfin dans la ville qui eft livrée au pillage. Le com- mandant , fait prifonnier avec fa gar- nifon , fut conduit à Zigenheim.
Le comte de Fugger s'était flatté qu'avec fes dix mille hommes il fou- mettrait la Hefle ; mais voulant ten- ter la voie de la négociation avant que d'employer la force , il écrivit de Vacha aux états du landgraviat , pour les engager à ne prendre aucune part aux projets chimériques de leur fou- verain , & à prévenir une ruine iné- vitable par une prompte foumiffion aux ordres de Tempereur , qui ne de- mandait pas mieux que de manifefter fi clémence ; Fugger ajoutait que , s'ils
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licenciaient leurs troupes & donnaient des quartiers aux Tiennes , il aurait les 15^ i. plus grands ménagemens pour les peu- Septembre. pies ; mais qu'il exigeait fur tous ces points une réponfe cathégorique. Les Heflbis qui avaient depuis long-tems une jufte idée de la clémence de l'em- pereur , & fur- tout de la manière dont fes troupes ménageaient les pays où elles pénétraient , ne daignèrent pas répondre à Fugger , dont les projets s'évanouirent ; car ayant reçu ordre de Tilli de fe préparer à le renforcer , il ne put lailfer dans l'abbaye de Fulde qu'un petit nombre de troupes , plus propre à irriter l'ennemi qu'à s'op- pofer à fes deffeins , & marcha à Sal- zungen , pour joindre le général AI- dringer , qui s'avançait par le comté de Henneberg le long de la rive droite de la Verra. Le duc de Veimar fuivit Fugger , furprit fon arrière - garde , tailla en pièces quatre compagnies de
478 Camp, de Gustave-Adolfe. Croates , & s'empara de plufieurs cha- 153 1. nots de bagages. Le général catholique ' avait laifle à Vacha trois compagnies d'infanterie & une de cavalerie pour défendre la ville , & préferver la partie de l'abbaye de Fulde où elle eft fituée , des courfes des Hefîbis : ceux-ci s'ap- prochent fecrétement de la place , en efcaladent les murailles 3c furprennent la garnifon qu'ils paiïent au fil de l'épée, à l'exception de cent quatorze hommes , parmi lefquels fe trouva le colonel Rettvitz avec quelques autres officiers. Les Heffois pillèrent enfuite îa ville , & firent un butin confidérable. Tandis que les alliés de Guftave-Adolfe remportaient ainfi des avantages fur l'ennemi commun , le mo-narque fe préparait à cueillir de nouveaux lau- riers.
Fin de la Partie II*
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Griraoard, Philippe Henri Histoire des conquête;
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