■;K>V^

IZ

VJ lô-yii,

Û

Digitized by the Internet Archive

in 2010 with funding from

University of Ottawa

Iittp://www.archive.org/details/histoiredesdc01lafi

FMc lu; Lùftûm et Fl.'U- Jcv Incie^ .

J^. S if'c^tât J*CJtip

HISTOIRE

DES DÉCOUVERTES

CONQUESTES

DES PORTUGAIS

DANS LE NOUVEAU MONDE,

Avec des Figures en caille-douce ,

ÏAT ie R.p. Joseph Fran(jois Lafitau 4e U Compugfiie de JESUS.

TOME PREMIER,

A PARIS,

S A u G R A I N Père , Quai des Auguftins , au coin de la rue y^, ) Pavée , à la Fleur de Lis,

j Jean-Baptiste Coignard Fils , Imprimeur du Roi, rue S. Jacques , à la Bible d'Or.

MDCCXXXIII. jv:bc ArrROBJTio n et prjv j leg e dv roi.

4":j:

■5>

*^^ QyvLonj-ctcpiciir

•/ 3 J'c^eùt J'cjMfy

ofuyeit/nciir

Les Découvertes ^ les Conquêtes des Vonugais dans le Nouveau Monde ^ dont j'ai l'honneur de ijous yréfentcr l'Htfiotre ^ ont eu quelque chofe de Jl

E P I T R E.

éclatant , qu'on ne pourra la lire fans en concevoir une haute idée du mini fier e de la Alarine j dont 'vous

êtes revêtu.

Cefi cela même y MONSEIGNEUR^ c^ui m engage à vous l'ojfrir ^ comme un hommage qui vous efi du s ^ comme une afiurance certaine pour moi quelle fera reçue favorablement , des qu'on la verra honorée de votre puisante TroteSiion.

f' obéis , quoiqu avec peine , à l'ordre précis ^ ri- goureux que vous m'aveTdonné :, ^ Couvent réitéré , de ne rien dire qui pût tant foit peu iûtérejfer votre Aîodefiie ^ ordre étendu prefque jufques à me faire une loi de pajfer fous filence la nombreufe faite de vos Illufires Ayeux ^ employés depuis deux fieclès aux différents départements du Aîiniflere , de peur que je ne parufe vouloir faire rejaillir fur Vous les jufies éloges que fen pourrois faire.

Je me bornerai donc ^ MONSEIGNEUR^^/^

feul témoignage que je dois au foin que vous ave7

défaire fleurir la Religion dans nos Colonies, Uem^

ploi que f occupe fous vos Aufpices ^ l'honneur que

E P I T R E.

fai de vous approcher pour 'vous rendre compte du Juccès de nos Alijftons , ^ de les pourvoir par vos ordres ^ d'Ouvriers nécef aires , m'impojent l'ohlifra- tien de rendre cette juftice à votre z^éle , ^ de vous donner cette preuve de notre réconnoifance. Heu- reux mot-même fi en fi^ivant toutes les tmpre (fions de ce Ziéle , ;> puis mériter la continuation de vos bontés.

Jai l'honneur d'être avec le rejpe^ le plus profond, MONSEIGNEUR,

DE VOTRE GRANDEVR,

Le très-humble Sitrès-obeifTant Serviteur, Lafi TAU, J.

J

'î^ÎNiî» 'f^Vtî/ 'î^\îA' '5ÎV*' ^î5^!A ^î:?^

PREFACE.

OUoique la nation Portugaife , à remon- ter ju(ques à fon origine , fe loit foû- tenuë avec gloire pendant plulieurs fiécles, rien cependant ne la rend plus recomman- dable que ce qu'elle a fait en ces derniers tems par Tes découvertes dc fes conquêtes dans le nouveau Monde. Elt-il rien de plus grand que d'avoir porté notre Religion juf- ques aux extrémités de la terre , &; d'avoir donné lieu à une infinité de nations enfeve- lies dans les ténèbres du Mahometifme ou de ridolâtrie , d'ouvrir les yeux à la lumière ? Quoi de plus illuftre que d'avoir apporté à tous les peuples de l'Europe les facilités du commerce , dont ils jouifTent aujourd'hui , en leur traçant une route jufques alors incon- nue , pour ralfembler chez eux les tréfors ^ les richeffes des pays les plus reculés ?

Pour peu que nous foyons touchés de ces grands avantages , nous devons fentir que fiotre reconnoillaiice lui ell: engagée pour Tome /, * " a

ij PREFACE.

nous les avoir procurés , furtout fi nous fai- fons atcention qu ils font le fruit de près de deux cens ans de travaux &c de fatigues im- menfes. Pendant ce long période de tems , on voit cette nation , dans le cours d'une hiftoire liée 6c toujours interélTante , vaincre les obftacles les plus infurmontablcs par une patience d>C un courage à l'épreuve , mettre de grands hommes en tout genre fur la fcé- ne, prendre l'aicendant partout ils fe mon- trent malgré leur petit nombre , établir leur réputation èc leur domaine fur la ruine des Empires , &C forcer en quelque forte la for- tune à les féconder toujours par d'heureux fuccès.

Cela doit paroître dautant plus digne d'admiration qu'à confiderer en foi le Portu- gal., qui eft un Royaume alfez petit , &C ref- tramt dans des bornes très-étroites ,il n'étoic pas naturel de préfumer qu'il pût trouver en lui-même tant de relfources , former de fi vaftes entreprifes , embraffer une aufTi gran- de étendue de pays , fournir à tant de dépen- fes , fubjuguer tant de peuples divers , &C mettre en oeuvre un fi grand nombre de fu- jets capables de faire rélifïir Ces projets avec tant de gloire.

Les découvertes ô^ les conquêtes des Por- tugais ont eu trop d'éclat dans leur tems 3

PREFACE. iij

pour être ignorées. Il ell: furprenant néan- moins que riiitloire n'en ait pas été faite" en nôtre langue , 6c c'ell ce qui m'a détermi- né à la donner au public , par eftime pour une nation à qui le monde fe trouve li re- devable, 6£ dont les grandes adions méri- tent il fort d'être tranfmifes en détail à la porterité. Autant que j'avois de plaifir de voir entre les mains des François les traduc- tions de la belle hiitoire de la conquête du Mexique , & de la conquête du Pérou , qui ont tant fait d'honneur aux Efpagnols , au- tant ai-je eu de peine de ce que perfonne parmi nous n'eût entrepris de réiinir dans un corps d'ouvrage ce que les Portugais ont fait de grand de leur côté.

Il eft vrai qu'anciennement on en a donné un efTai fous le titre à'Hifioire de Fonugal , conteriAnt les entreprifes ^ narvigAtions ^ gcfles mémorables des PortHgallois , tant a la Conque- te des Indes Orientales par eux découvertes , que s guerres d^ Afrique ^ gf autres exploits ^ tsc Mais ce livre imprimé depuis plus de cent cinquante ans n'eil proprement qu'une tra- dudion de la Chronique du Roi Don Em- manuel écrite en latin parle célèbre Oforius Evêque de Sylve dans les Algarves , & des Li- vres de Lopez de Caftagneda.Ce n'eft parcon- fequent qu'une partie de cette hiiloire mêlée

a \)

iv PREFACE.

de beaucoup d'autres faits qui lui font étran- gers. Le ftylc en eft d'ailleurs fi furanné , qu'on ne peut plus en foutenir la ledure.

La nation Portugaife n'a pas manqué d'E- crivains qui ayent célébré la gloire de Tes conquêtes en d'autres langues que la nôtre , & peut-être que le mérite de ces Ecrivains a rebuté ceux d'entre nous qui auroient vou- lu l'entreprendre , foit qu'on aie appréhendé de fe bazarder d'en écrire l'hiftoire de génie, foit qu'on ait defefperé d'atteindre à la force de -leurs expreflions dans une lîmple traduc- tion. Je n'ai pas cru devoir me faire un point de délicateiTe fur cet article. Il me fuffit que l'hiftoire foit intéreffante par elle-même , S>C qu'elle puifle Elire plaifir aux Lecteurs.

Fernand Lopes de Caftaiîeda commen- ça le premier à écrire en Portugais l'hiftoire de la découverte & conquête des Indes qu'il a donnée en huit livres , èc conduite jufques vers la fin du Gouvernement de Nugno d'A- cugna. Elle fut imprimée à Conimbre en' ijji.Le mérite de cet Auteur eft médiocre. Il eft extrêmement diffus 8>C minutieux. Cependant comme il avoit été lui-même dans les Indes à la ftiite de fon père , qui y avoit un office de judicature , il parle en hom- me entendu àc inftruit des fliits qu'il rap- porte.

PREFACE. V

Jean de Barros homme de qualité , mais plus recommandable encore par fon goût pour les belles Lettres , écrivit aulïi prefque en même tems l'hillone des Indes en ia lan- gue avec tant de fuccès , qu'il en a acquis le nom de Tite-Live Portugais. Il en donna trois Décades de fon vivant, qui parurent fuc- ceflivement en ijji. en ijjj.&en 1563. Cet ouvrage a coniérvé la réputation de Ton Auteur, qui paiTe pour trcs-élegant , très- exad dans la vérité des faits , &c très-entendu dans la defcription Géographique qu'il fait des pays dont il parle. Le mérite de cet Au- teur eif cependant contcfté par quelqu'un de nos Ecrivains , qui a dit que Barros n'avoic fait que barbouiller du papier. Barros avoic été trois ans Gouverneur à faint George de la Mine fur la côte d'Afrique , ÔC fut enfuite Tréforier général de la Chambre des Indes. C'ell: de-là qu'il a tiré les mémoires fur lef- quels il écrivit par ordre du Roi. Sa troilié- me Décade finit avec le Gouvernement de Don Enrique de Menefes.

La quatrième Décade de ce célèbre Ecri- vain eif un ouvrage pofthume , qui fut ache- té chèrement de Dona Loaïfa Soarez, veuve dejerôme de Barros fils aîné de T Auteur,&: mis au jour par Jean-Baptil1:e Lavanha Hiitorio- graphe de Philippe III, Roi d'Efpagne , &c par

a iij

vj PREFACE.

l'ordre de ce Prince. L'Editeur a beaucoup al- téré , ajoûcé èc retranché. Il a inféré même des chofes pollcrieures à laniortde (on Au- teur y ce qui diminue beaucoup Ton prix. Mais l'édition de cette Décade, qui fut faite à Madrid en lôiy. de l'Imprimerie Royale, eft magnifique pour le papier , les caractères &C les Cartes Géographiques dont elle cft embellie. Cette Décade va jufques à la fin du Gouvernement de Nugno d'Acugna.

Diego Do-Couto a continué l'hilloire de Barros , 6c a commencé par une quatrième Décade , qui rentre dans celle de ce fçavanc Ecrivain , laquelle n'avoit pas encore paru. Do-Couto avoit fait de grands progrés dans les belles Lettres, &; dans la Philofophie qu'il avoit étudié fous le bienheureux Barthelemi des Martyrs , que l'Eghfe a mis fur fes Au- tels. La mort de l'Infant Don Louis l'ayant privé de cette protection puiflante, dont ce Prince honoroit les Sçavants , il pafla aux Indes, il fervit d'abord pendant huit ansj après quoi il revint en Europe. Il retourna depuis dans les Indes une féconde fois , dC s'y établit à Goa , il fut garde-archive. ayant puifé les meilleures connoiffances pour cette hiftoire,il en entreprit la continuation par les ordres Sc fous les aufpices de Philippe îecond. Sa 4. j. 6. &, 7^. Décades furent im^

PREFACE. vi|

primées à Lisbonne en 1601. 16 iz. 1614. bC 16 16. Il avoit pouflé jufques à la douz.é- me inclufivement j mais ces dernières tonc rcitées en manufcrits qui feconfervenc dans les cabinets de quelques curieux. M. Couvei Secrétaire du Roi èc Chevalier de l'Ordre deChrirtjaulIi connu par Ion bon goûc dans la littérature , que par Ton habileté dans les affaires, m'a fait l'honneur de me communi- quer la huitième &: la neuvième , qu'il confer- vedansfa riche Bibliothèque. Qnq livtes de la douzième turent imprimés à Roiien en 1645. par les foins de Don Emmanuel Fer- nandes de Villareal chargé des affaires de Portugal à la Cour de France. La feptième Décade de Do-Couto finit avec le Gouverne- ment de Jean de Mendoze. Cet Auteur e(t exaâ: &: détaillé. Son ouvrage lui a fait hon- neur &: à (a Nation.

Maffée eftimé par Télegance de fa belle latinité, pafla expiés en Portugal pour y compofer fon hiffou'e des Indes , qu'il a con- duite jufques à la mort du Roi Don Jean III. èc qu'il a divifée en feize livres. Il eff aiiè de foupçonner que le lieu il écrivoit lui a donné un peu de cette fujettion,qui eff fi con- traire à la liberté de l'hifforien ëi: à la vérité de Thillioire. Il etl pourtant fidelle , 6c n'a tout au plus que gUifè légèrement fur certains

viij PREFACE.

points odieux, qu'il a cru devoir prudemment diilimuler.

Le Père Antoine de faint Romain n'a fait gueres plus que traduire MaflFée en Portu- gais. Emmanuel de Faria dit de lui , qu'il eil bien au-defTous de Ton original , 6c que Ion propre tradudeur Italien vaut encore mieux que lui.

Emmanuel de Faria &: Soufa Chevalier de l'Ordre de Chrift, connu par plulieurs ou- vrages j a célébré lui-même les éloges de fa Nation qu'il a fuivie dans les quatre parties du monde. Car après les quatre volumes de {on Enropa, Ponuguefti , il a donné fon Afia, Portuguefa, en trois volumes in-folio. Va/H- ca Portuguefii en deux , ÔC V America, Portuguefa, en un. Le premier Tome de fon Afie n'eft qu'un abrégé des quatre Décades de Barros, dont il a gardé l'ordre bL la méthode fous d'aU'- très titres. Il n'a pas cru faire violence à fa modeftie de fe comparer en cela à Florus ôC à Juftin j dont l'un abrégea l'hiftoire de Tite^ Live , ôc l'autre celle de Trogus Pompeïus, Le fécond Tome , qui finit à la mort du Car- dinal Roi Don Henri , eft pareillement un abrégé des Décades de Diego DoCouto, de la Cronique«du Roi Don Jean III, &; de plu- sieurs autres livres & manufcrits. Le troilîé' comprend ce qui s'eft palTé aux Indes fous

kl

PREFACE. ix

les Règnes des trois Philippes d'Autriche Rois d'iilpagne & de Portugal jufques à l'an 1640. qui fuc celui de la révolution , ôc de récablillcment de la maifon de Bragance fur le Trône de Ces pères. Cet Auteur a prête à fa langue naturelle , la Caltillane , qu'il a trouvée plus conforme à (on génie élevé , grave 6c lêntentieux. Son llyle cil noble , (er- ré, &; quelquefois obfcur pour être trop con- cis. Le caraétere de vérité qu'il afïede le rend hardi 6c libre. Ses réflexions trop fréquentes le jettent dans des digreflions qu'il pouvoic retrancher. Ses faillies font néanmoins plai- (îr. Partout il parle en homme avantageux qui applaudit à fes pen fées.

A ces Auteurs , qui ont écrit par état l'hif- toire des Portugais dans le nouveau Monde, il faut ajouter les Auteurs des Chroniques des Rois , fous qui fe font faites les découver- tes 6c les conquêtes. Entre ceux-là les plus connus font Jérôme Oforius,Damien de Goes, 6c François d'Andrade. Les deux premiers ont écrit l'hiftoire du Règne de Don Emmanuel ^ 6c le dernier celle du Roi Don Jean IIÎ. Ofo- rius furnomméle Ciceron Portugais, ne cède en effet à petfonne dans la beauté de la lan- gue latine , dans laquelle il à 'écrit , Sc qu'il poffedoit parfaitenaenr. Damien de Goës &C d'Andrade ont écrit dans leur langrue natu- Tome I, ê

X PREFACE.

relie , Sc fort bien tous les deux. Go'és &: Ofo- rius écoient liés avec tous les Sçavants de leur tems , les Bembes , les Sadolets , les Joves , les Erafmes , les Goclens , les Nannius , ôcc. Ils étoient eux-mêmes en une haute ré- putation de Dodrine.

On doit regarder encore comme un fe- cours néceiTaire pour Thilloire générale de ces découvertes & de ces conquêtes , les Auteurs de quelques hiftoires particulières , de quel- ques relations èc de quelques faits détachés, qui en font comme partie. Tels font les Com- mentaires d'Alphonfe d'Albuquerque , la vie du Viceroi Don Jean de Caftro , &C l'hiftoi- re d'Antoine Pinto Peréïra. Les Commen- taires d'Albuquerque (ont écrits avec une fimplicité modefte , qui relevé infiniment ce Héros, & avec une modération qui ne fait pas moins d'honneur à fon fils, qui lésa digérés &: donnés au Public. La vie de Don Jean de Caftro écrite en Portugais par Hiacynthe Freyre d'Andrade eft un chet-d'œuvre dans fon genre, & regardé comme tel en Portu- gal. Cette hiftoire a été très-bien traduite en latin tout nouvellement par le Père François Marie del Rofïb Jefuite , 6c imprimée à Ro- me en 1727. Antoine Pinto Peréïra écri- vit du tems du Roi Don Sebaftien , l'hiftoire du premier Gouvernement du Viceroi Don

PREFACE. xj

Lcuis d'Araïde Comte d'Acôuguia , que les Portugais regardent comme un autre Noe après le déluge , ÔC comme le reftauratcur de leurs affaires dans les Indes. Cet ouvrage, qui eft un in-quarto d'aflez gros volume , ne contient que deux livres d'un détail très-cu- rieux 6c très-inftrudif.

3'appelle maintenant, morceaux détachés , la deîcription latine de Damien de Goës du premier fiége de Diu j les trois Commentai- res du même Auteur fur la féconde guerre de Cambaïe -, l'hiiloire du fécond Cié^c de Diu par Diego de Teïve , ouvrage qui n'eft point inférieur à celui de Goës ; quelques voyages faits en ces tems-là , &: quelques autres piè- ces fugitives qu'on trouve dans le Recueil de Ramulius , l'expédition de Chriftophle de Gama écrite par Miguel de Caftanhofoj le voyage de François Alvares à la Cour du Prêtre-Jean ; les hiftoires d'Ethiopie de di- vers- Auteurs j celles du Brefil par Pierre Ma- galhaens & par le Père Jean Jofeph de fainte Therefe : celle de Barthelemi d'Ar^enfola des Ifles Moluques i l'hillioire du Père Louis de Gufman des premières MiiTions de la Com- pagnie de Jefus , les Lettres écrites des diffé- rentes MilFions , 6cc.

Nous regretons aujourd'hui beaucoup d'ou- vrages 5 qui n'ont été que manufcrits l'on

é ij

xij PREFACE.

auroit pu puifer de grandes lumières. Ces manufcrits font ignorés , ou perdus , ou diffi- ciles à tirer des mains des curieux qui les pofTedent.

Enfin nous avons outre cela une infinité de Relations modernes de tous les pays les Portugais ont été. Ces Relations déguifent beaucoup les chofes , & nous les repréien- tent quelquefois bien différentes de ce que nous les voyons dans les hiitoires anciennes. 11 eft vrai que par une longue fréquentation on a développé bien des chofes qu'on n'a pas aflez connues d'abord en matière de moeurs , d'ufages àc de coutumes, qui ne s'apprennent que par une connoiflance parfaite des lan- gues étrangères , une grande habitude de coriimicrcer avec les naturels du pays, &: une erande attention à réfléchir fur ces mê- mes ufages. Mais il faut dire aiiifi que tout à bien changé avec le tems , non feule- ment par rapport aux Empires qui ont fouf- fert de grandes révolutions 5 mais encorepar rapport aux moeurs qui s'altèrent toujours par la fréquentation dc le mélange des étran- gers , fans parler qu'il faut aller toujours bri- de en main , 6c avec une fage précaution dans la Icéture des faifeurs de Relations , à qui la démangeaifon de dire des chofes nou- velles, 6C l'envie de parler de ce qu'ils ont vu

PREFACE. xifj

Se entendu , avant que de s'être donné le tenis de l'approfondir , ôd de le bien connoîcre,font hazarder bien des particularités , dont la fauC- fêté évidente ou le peu de vrailemblance fe manifeftent malgré eux. Fernand Mendez ' Pinto s'elt fait une mauvaife réputation par cet endroit parmi les Portugais même. Son ouvrage paroît un Roman. Cependant je fçais, que des perfonnes inftruites le jultifient , èc aiîùrent qu'il n'en a pas encore afîez dit.

C'ell fur quoi je ne prononce point. Je n'ai pas eu befoin de lui pour cette hiftoire , ni de beaucoup d'autres , dont la foi m'eft fuf- pede. Je me fuis également tenu en garde contre les Relations modernes , quoique je les ai bien liaes. J'ai fait la même chofe par rapport aux anciennes, fans en excepter cel- les des MilTionnaires même de quelque Or- dre qu'ils fuflent j non pas que je -me défie de leur vertu ou de leur fincerité j mais parce que je fçais que des Ouvriers Evangeliques, uniquement attentifs aux fonélions du zélé, ne font fouvent pas mieux informés en ma- tière d'affaires de politique & de Gouverne- ment,que l'elT: le peuple lur les nouvelles cou- rantes ; que le zélé même leur a fait voir quelquefois les chofes d'un œd différent de celui du commun , foit qu'ils approuvent , foit qu'ils blâment j 6C que le beloin qu'ils

é iii

%W PREFACE.

ont des perfonnes en place pour foûrenir leurs travaux Apoftoliques , les oblige à taire ce qui pourroic tourner au défavantage de ces mê- mes perfonnes , ou à relever avec emphafe ce qui peut flater leur complaifance.

Je me fuis donc attaché uniquement , ôC autant que j'ai pu , aux Auteurs qui ont écrit cette hiftoire par état ,èc parce que leur mé- rite en ce genre cil connu , 6c parce qu'ayant été chargés, pour la plupart , de ce travail par les ordres des Souverains , le dépôt leur a été confié , qu'ils ont puifé dans les vrayes four- ces , jqui font les archives de Goa &; de Lis- bonne , les cabinets des Miniftres ÔC les mé- moires particuliers de ceux qui ont eu parc au Gouvernement , foit en Portugal , foit dans le nouveau Monde.

J'ai fixé l'époque de cette hiftoire à l'évé- nement mémorable qui réiinit le Portugal aux autres Couronnes de la Monarchie d'Ef- pagne. Je n'ai pas jugé devoir aller plus loin, ainfi qu'a fait Manuel de Faria , parce que en effet c'eft le terme des découvertes &C des conquêtes , &C que depuis ce teras-là les affaires des Portugais dans le nouveau Mon- de furent fi négligées par un Miniibe inté- reffé à afFoiblir un Etat, dont il craignoit les forces 6c l'amour pour fes Princes naturels , que ç'efl une efpece de prodige , qu'alors

PREFACE, XV

Portugal n'ait pas perdu tout ce qui avoic été le truit de tant d'années , de tant de dé- penfeSjde travaux 6c de fatigues.

Les conquêtes des Portugais dans le nou- veau Monde , n'ont pas le même agrément pour le coup d'œil qu'ont les conquêtes du Mexique ô^ du Pérou. Dans celles-ci on voie un Conquérant ieul , qui par la force de [on courage , ton invincible patience , la capaci- té àC l'étendue de fon génie , fon habileté à trouver des reflources , Ion attention à pro- fiter de tous fes avantages, vient à bout dans un allez petit efpace de tems àc avec aiïcz peu de monde de conquérir un Etat puiflant, èC de s'établir (olidement fur les ruines d'un grand Empire. Il femble que , comme dans le Poème épique , ce n'eft qu'une adion feule embellie de quelques Epiiodes. Dans les pre- mières au contraire c'eft un long période d'années, une multitude de pays différents, un nombre infini d'actions, divers Chefs qui fe fuccedent avec des idées différentes , un afTem.blage de choies difparates, qui n'ont ni unité ni fuite , d>C un efpece de cahos , d'où il ne refulte un tout, que parce que c'eft la même nation qui agit partout , &C à laquelle tout fe rapporte.

J'avoue que cela même produit une forte d'embarras j qui s'ell: fait fentir d'une manière

xvj PREFACE.

défagrcable aux Auteurs mêmes qui en ont écrit. Enveloppés de cette multitude^ défaits, diih'aics par îeloignement &; la diverfité des lieux, ècne fçac haut , pour ainfi parler, auquel accourir pour repréfentcr le tout avec ordre 6^ avec méthode , il ie (ont gênés eux- mêmes j en fe faifant une loi d'écrire en ma- nière d'Annales félon la Chronologie des tems ', co qui coupant leurs narrations les rend languilfants éc ennuyeux au Ledeur , qui s'attendant à voir la fuite d'un article qu'il a commencé de lire avec, plaifir , ôc au- quel il prend déjà quelque intérêt , (e voie tout-à-coup tranfportéje ne fçaisoù, ôC obli- gé de dévorer un nombre de Chapitres de points moins intéreffants avant que de pou- voir ratrapper celui dont il foupiroit de voir la fin.

C'eft pour éviter cet inconvénient, qui m'a fatigué moi-même, que j'ai jugé devoir me donner un peu plus de liberté. A la vérité j'ai fuivi -un ordre chronologique par rap- port aux années des Gouverneurs 8^ des Vi- cerois,en plaçant les principales adions dans l'ordre naturel qu elles doivent avoir , fur- tout quand elles fe font faites fous leurs yeux, 6c qu'ils s'y font trouvés en perfonne. Mais pour ce qui eft des adions, qui n'ont pas le même éclat ^ ou qui fe font pafTçes dans des

lieu3^

PREFACE. xvij

lieux éloignés , j'ai caché de les reftraindre davantage pour les repréfenter fous un coup d'œil qui' raiïèmble différentes perlpcéli- ves , fans avoir tant d'égard à l'ordre chro- nologique que je n'ai pas laifïé d'indiquer en coctant les années à la marge , ou dans le corps même de la narration : par-là je crois avoir remédié à ce que peuvent avoir d'in- grat 6c de failidieux des narrations eftropiées ou trop étendues, dont l'effet ed de produire de l'ennui àc de la confufion dans l'efprit.

Mais fans prétendre diminuer en rien la gloire que lesEfpagnoIs ont acquife, li leurs conquêtes l'emportent par l'avantage qu'elles ont de fe faire lire avec plaifîr à caufe de l'u- nité d adion , il faut convenir auffi qu'elles font inférieures de beaucoup , fi l'on com- pare Conquêtes à Conquêtes , Royaumes a Royaumes , Nations à Nations. Les Méxi- quains & les Péruviens , quoique compofanc des Etats policés , riches 6i floriffants, écoienc cependant des efpeces de Barbares , qui n'é- toient pas mieux en défenfe que les autres peuples fauvages de l'Amérique , ni moins faciles à vaincre que les Nègres Afriquains. Les peuples des Indes Orientales au contraire, quoiquaiTez mauvais foldats par eux-mê- mes , avoient cependant de plus grands fe- cours , en ce que les armes à feu écoient chez

Tome I. i

xviij PREFACE.

egx en ufage , &C qu'Us avoient un nombre conliderable de troupes auxiliaires compo- fées de Chrétiens renégats , èc de quantité de diverfes nations Muiulmanes, qui avoient auparavant tenu tcte aux troupes de tous les Potentats de l'Europe, qu'elles avoient fait écholier plufieurs fois en Ahe dans le tems des Croifades. Que malgré cela on veut s'obftiner ôc fe confirmer dans le mépris qu'on a conçu des Rois d>C des Nations de l'Indof- tan, on ne pourra cependant réfuter aux ar- mes Portugaifes le fuffràge qui leur eft dij, fi l'on fait réflexion que le Sophi Kmaël Con- quérant de la Perfe, S>C les Rois Mogols ai- mèrent encore mieux rechercher leur allian- ce , que leur déclarer la guerre , bc que les Caliphes d'Egypte ôc deux Sultans auiïi puif- fants que l'étoient Selim èC Soliman Empe- reurs des Turcs, qui entreprirent de les trou- bler dans leurs conquêtes , ne firent qu'en rehaufTer l'éclat par la honte de leur défaite, Ôd l'inutilité de tous leurs efforts.

Enfin fi cette étendue de pays , cette va- riété de Chefs , cette différence d'aétions ^ cette diverfité de tems femblent ôter à l'hi- ftoire fa grâce par l'endroit que j'ai dit, cela eft compenfé d'autre part 6c par cette varie- même , qui a fon agrément, 6c ôte ce qu'au- roit d'infipide une trop grande uniformité. Le

P R E F A CE.. XIX

contrafte des cara6teres diffcrens des per- fonnes , le mélange des éveneiiiens heureux ou malheureux font comme autanc d'Epilo- des , qui rapprochés dans un corps d'hiiloire, y forment un harmonie, laquelle ne plaît pas moins quelquefois à l'efprit, que plaît à l'oreil- le celle qui refulte de l accord de "divers inf- trumens , &c du concert de différentes voix.

Il faut néanmoins convenir , ôc les Por- tugais en conviennent eux-mêmes, qu'ils au- roient travaillé folidement pour eux , encore plus que pour rembellilfement de l'hiftoire , s'ils avoient embraffé moins de terrain. Si par exemple ils s'étoient bornés à l'Ille de Ceilan , qu'ils leulTent bien peuplée &C bien fortifiée j fi avec cela ils euilent porté leurs droits avec moins de hauteur , ôC traité les peuples avec plus d'humanité , placés comme dans le centre de tout cet Orient , &C à portée d'en faire tout le commerce , ils en feroient aujourd'hui feuls les maîtres , & il ne leur en eût prefque rien coûté, en comparaifon de ce qu'il leur en a coûté en effet , les Indes leur ayant abforbé des miUions d'hommes èC d'argent.

L'hiftoire ne doit point être dans le goût du Panégyrique. L'Auteur qui entreprend de tout loiicr , fort du caradere de l'hiftorien qui doit être vrai ÔC également éloigné d'une

XX .PREFACE.

exaggeration outrée des faits qui méritenc quelque louange, comme aulFi d'une diflimu- lation qui lui taie taire ceux qui font dignes de blâme. Les hommes qui entrent dans le détail de l'hiftoire , ne font pas tous bons &C vertueux j les adions qui en font le fond n'ont pas toutes du merveilleux &; de l'éclat. Il y a d'ordinaire dans le tableau plus d'om- bre que de jour j-raais l'un fert à relever l'autre , & c'eft de l'accord de toUs les deux que le tableau devient parfait , lorfqu'ils font bien ménagés. Je conçois qu'une Nation voit avec plaiiir dans l'hiftoire de fon pays , ce qui peut contribuer à lui faire honneur j les actions de vertu ô^:; de valeur , les exemples qui peuvent fervir de modèle &; exciter l'ad- miration 5 qu'au contraire elle a de la peine d'y trouver certains traits qui révoltent , des lâchetés , des crimes atroces , des pertes de batailles &; d'autres évenemens , dont le fou- venir eft affligeant. Quoique perfonnellement on n'y ait eu aucune part , on foufFre , uni- quement parce qu'ils intérefTent la Nation , & qu'on ne voudroit pas voir rappeller le fouvenir des chofes qui femblent la desho- norer j mais vouloir ôter cela du corps d'u- ne hilfoire , c'eft la défigurer, ôc s'en former une idée purement imaginaire.

L'hiftoire que j'entreprends de donner ici

P R E F A C B. xxj

au Public , a de grandes &: de belles chofes , fans doutejmais touc n'y elt pas beau. Le Lec- teur même y trouvera âes traits qui ont échappé à des particuliers , dC dont naturel- 'iement il doit êcre frappé. Il fera étonné , fur- tout de ce que je dis des Moluques, vérita- blement les Portugais fe portèrent en divers tems à d'étranges excès que j'ai eu moi-mê- me de la peine à lire dc à écrire. On fera après tout moins furpris de ces mêmes excès ^ fi l'on fait attention que le gros de ceux qu'on envoyoit dans ces Colonies , n'étoit pas com- pofé des plus gens de bien du monde , 6c qu'il fe trouvoit dans les équipages des Vailfeaux une efpece d'hommes , dont le Portugal fe fcroit délivré par des fupplices , s'il n'avoic trouvé une voyc de s'en défaire d'une ma- nière plus aifée , en leur laifïant la vie donc ils étoient indignes. Ces hommes n'en deve- noienc pas meilleurs dans l'éloignement , &C ne corrigeoient pas leurs moeurs , quoiqu'ils fuffent fouvent plus heureux à faire fortune que d'honnêtes gens qui le méritoient mieux qu'eux. Prefque toutes les Nations qui ont eu des Colonies à fonder , ont effuyé le mê- me inconvénient. Les conquêtes Efpagnoles ont eu la même tache. Quoi qu'il en foitjj'ai cru qu'il écoit du devoir d'un Hfftorien de dire la vérité ; je n'ai cependant rien dit que

î iij

XXlj

PREFACE.

ce que les Auteurs Portugais ont écrit avant moi , ë<: je me fuis étudié à le faire avec en- core, plus de modération qu'eux. S'ils ont exaggeré quelquefois leurs avantages, ils n'ont pas tu ce qui pouvoit leur faire honte. Je' penfe qu'ils ont jugé fagementque quelques fautes perfonnelles ne diminuoient en rien la gloire de tant d'autres belles adion s , par les mauvaifes font effacées &C annéan-

ties.

Par rapport à cette exaggeration en ma- tière de chofes qui peuvent flatter &C inté- reifer véritablement , elle paroît quelquefois un peu trop fenlible dans la defcription de certaines aâions,le gain des batailles. Je dis qu'elle le paroît , parce que l'efprit le refufe naturellement à croire une trop grande dif- proportion entre l'avantage àC le défavan- tage. Je me fuis contenté de l'indiquer quel- quefois ; mais communément j'ai fuivi mes Auteurs , abandonnant les réflexions au Lec- teur judicieux, capable de faire un jufl:e dif-' cernement félon les occalions.

La découverte ÔC les conquêtes des terres inconnues , les Portugais ont porté leurs armes , &: rétabliifement de la foi qu'ils ont plantée dans ces mêmes terres , font les deux grands objets qu'on verra toujours dans un long tiflli de faits èc d'aélions mémorables ,

PREFACE. xxiij

de manière cependant que faifant mon ca- pital du premier de ces objets , je ne puis qu'effleurer le fécond. La conquête fpirituelie du nouveau Monde , les travaux des Ou- vriers Apolioliques , qui pleins de l'efprit de Dieu , éc fous les aufpices de la Couronne de Portugal , ont confacré leurs Tueurs 6c leur fang même à Ictablillement de TEvangile^doi- vent faire la matière d'un ouvrage à part,ôC méritent bien d'être écrits fans le mélange de tous ces autres faits qui peuvent en divertir l'attention.

Etranger au Portugal , je ne fçais quelle part prennent les familles Portugaifes aux noms qu'on trouvera dans cette hiftoire , &C qu'elles portent aujourd'hui. Je fçais feule- ment qu'il y a une grande confufion de ces mêmes noms fans parenté &c fans alliance. Des Indiens mêmes prenoienc les noms des Albuquerques ôc des plus- illuftres maifons pour s'honorer èC fe faire une proteétion. Je n'ai pu ni voulu m'éclaircir fur ce point , car " comme dans l'éloge des grands hommes je n'ai eu aucun intérêt à répandre les louanges, auifi fuis-je exempt de toute padion envers ceux que je n'ai pu m'empêcher de blâmer , ne m'étant propofé que la gloire de la Na- tion en général , la fidélité due a la vérité des faits , le bien dc l'utilité du public.

xxiv PREFACE.

La reffemblance de ces noms caufe quel- quefois une efpece d'obfcunté. Souvent on peut confondre diverfes perionnes en une feu- le, & il y a lieu d'être étonné d'en voir revi- vre , qu'on croit que l'Auteur a fait mourir , c'eft une confuiion inféparable de toutes les hiftoires. ]'ai tâché de démêler tout , autant que j'ai pu , ô^ ai fuivi mes mémoires.

J'avertirai ici,en finiflant que par rapport au Dow, qui eft un titre honorifique que prennent des familles Nobles Ôi Illuftres , il n'eft pas une marque tellement diftindive de la No- blelfe que tous les Nobles puilTent le prendre , ni tellement fuperieure aux fimples Genrils- hommes qu'il ne foit appliqué qu'aux maifons titrées , y en ayant plulieurs qui ne le pren- nent pas, comme celles des Cabrals,des grands Albuquerques , ôic. parce qu'elles font d'une NoblelTe caraélerifée long-tems avant l'ori- gine de ce titre honorifique 5 quoique cepen- dant on le donne aux Rois &; aux Princes du fang. Comme je n'ai pas alTez de connoifTan- ce du Nobiliaire de Portugal , pour appliquer ces diftinélions à chaque famille , je me fuis conformé aux Auteurs Portugais , d'après lefquels j'ai écrit. Ainfi perfonne n'aura lieu de fe plaindre,.

HISTOIRE

Se^tei^ytioa-.

C^Mappe = Monde

' pmir sennr a i iyt/l(nre des DECOUVERTES et COÎJQUE5TE5

àes Portugais dansJe NOUVEAU Monde

/Cercle.

'Arctique

W ^ r

E R. / I' /Acorri

<Ui\^

■■jllilMjJMJL

V.tiu GipVer

d!b

M

•i^:>'^f

*>.,

■.,.^mA^^_5\u^i0

a7o

jï».i^i.4KÎ.,V.^

ER

^ iO Ethiopie

1 j_ _^b .laM:BU^^_

^. Bnchian

[are 4is Porroquetir

■LtJtrahs ~l

"-^^

/

Je la /Côte <Uj^^

^.Ve£li*-pr-e^Ach,r*TX ' j

idy.

mMÊÊÊÊÊlÊi

ft m utÊnaÊÊtitÊÊtmuÊ^

HISTOIRE

DES DECOUVERTES

E T

C O N au ESTES

DES PORTUGAIS.

Dans le Nouveau Monde.

LIVRE PREMIER.

Uelque parfaite qu ait pu être ia Navigation dans tous les temps ' qui nous ont précédé , la valte étendue de l'Océan avoit tou- jours été comme un mur impé- nétrable & une digue ou avoient brifé l'ambi- tion &la cupidité des hommes, fources fécon- des de leur induilrie. Les Colonnes d'Hercule avoient borné les exploits merveilleux de cq- Tome h A

A N N . de LU

i CONQUESTES DES PORTUGAIS

"^^Tdë Hcros. L'Antiquité ne connoifloit rienoupref- J. c, que rien au-delà au couchant. Les Phéniciens il célèbres par leur Commerce , n'ont connu, que les bords de la Méditerranée du côté de l'Europe ôc de l'Afrique, &, s'ils font (ortis du Détroit, ilsn ontgucrespafTé au-delà deCadis. Le Voyage des Argonautes , quand nous le comparons avec ceux de nos jours , valoit-illa peine d'être (i fort chanté par les Poètes ? Les IlesFortunées &Atlantiques des Anciens étoient fi peu connues qu'on les a mifes long-tems au rang des Fables, auili bien que tout ce qu'ils en ont dit. L'Ophir de Salomon & le Tharfis de l'E- criture font encore une matière de controverfe parmi les Sçavans , ou chacun dit ce qu'il veut & ne manque pas de raifons pour s'autorifer. C'eft aujourd'hui un Problême/i jamais les An- ciens ont fait le tour de T Afrique, quoiqu'on trouve dans Hérodote des indices , que ce voyage a été entrepris , ou même fait du tems des Carthaginois, de Necao Roi d'Egypte,& de Xerxes ; Mais fuppofé que cela foit, pendant combien de fieclcs cela a-t'il été ignoré ou re- gardé comme fabuleux? Enfin Ptolomée, Stra- Don , & les autres Géographes anciens , font bien obfcurs ou bien défed:ueux,pour peu qu'ils s'écartent des bornes de l'Empire Romain. Ces mêmes Romains au tems de leur plus haute for- tune nous ont reprefcnté la grande Breta- ,gne ôc la fameufe Thule comme les extrémi-

I

Ï)ANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. I. 5

tés du monde vers le Pôle Ardique. a n N.de

Ecoit-il donc plus difficile alors de pe'ne'crer î- C plus avant, ainfi qu'on l'a fait dans les derniers liecles , dont les découvertes ont été fi maenifi-

!• 1

ques? Avoit-on alors moins d envie de connoî- tre , de conquérir, d'ajouter Empires à Em- pires , d'entafler richeiîes fur richefles ? Man- quoit-on de moyens de perfedionner & d'em- bellir fes connoiffances , en perfectionnant l'art de Naviguer ? Non fins doute. Il elf même in- concevable , qu'on n'ait pu faire alors, ce qui a été fait de nos jours avec tant de fuccés.

Il femble donc neceffaire de recouriraux Dé- crets éternels d'une Providence cachée , donc il ne nous eft pas permis de fonderies abyfmes, mais qui a fes moments marqués pour condui- re toutes chofes à leur fin , & faire éclater fa gloire. Nous avons des preuves bien fenfibles de la conduite adorable de cette Providence dés l'origine du monde fur le fait de l'établiUe- ment de la Religion , en ce que le don d une foi précieufe,mais ambulante , a été tranlportéfuc- cefïivement de quelques peuples à d autres, les uns fe rendant indignes du tréfor inelfimable qu ils poffedoient & dont il paroiffoient fe laf. fer , tandis que d autres qui ne s'y attendoienc paSjle recevoientavec avidité. C'eft ce que nous avons vu encore d'une manière bien plus fenfi- ble , dans ces derniers fiecles , la foi altérée par les herefies ou languilTante dans les mœurs des

A ij

4 CoKquestës des Portugais

An N de ^^^•'^''^ic^s , femblaiit voulair abandonner peu ï J.C. peu fes anciennes demeures ,pour aller cher- cher un afile dans des pays jufques alors in- connuSjOÙ les Nations barbares & police'eSjfans diftindtion ont eu le bonheur de courber leurs têtes fous le joug de l'Evangile , &z d'embrafler la loi de Jefus-Chrift. Heureufe la Nation Por- tugaife , d'avoir été l'inftrument dont Dieu a voulu fe fervir pour exécuter un fi grand def-. fein ? îïANPRE- Le Portup-al étoit alors en fituation de fe-

wifR Roi ^ O 1 1 TA

DE poRTu- conder les vues de la Providence. Long-tems enproye à la cruelle invafion des Maures, qui avoient inondé les Efpagnes par la trahifon du Comte Julien, fous le Règne de RoderiC le der- nier des Rois Vifigots, dont les malheurs font affez connus ,ils'étoit non feulement foutenu, aufTi bien que la Caftille, contre la tyrannie de ces anciens ennemis, mais il avoit encore été âîihz heureux,pour être le premier à les chafTeF de toute l'étendue de l'Etat , à les forcer de re- pafTer la Mer , à les aller chercher jufques dans î Afrique, à les mettre fur la défenfive dans leur propre terrain, & à commencer de les accou- tumer à y porter fes fers.

Ce fut dans ces circonllances que Dieu , pour me fervir des termes de la fainte Ecritu- re, fufcita l'efprit de l'Infant Don Henri Duc de Vifeii grand Maître de l'Ordre de Chrift , f omme il avoit fufcité autrefois celui de Gé-

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. I. |

déon contre les ennemis de Ton Peuple, afin de ^ n n de fe fervir de ce jeune Prince , pour jetcer com- J.c. me la pierre fondamentale du grand Ouvrage jean i. r, des décrets de fa mifericorde. afTez près du Trône , pour paroître digne d'y monter , il en étoit aiTez éloigné par Tordre de la naifTance, pour fe voir forcé à vivre en fujet ; mais ce fut cela même qui le mit dans l'occafion de faire des chofèsjque lepoids entier duGouvernemenc eut pu troubler;, & de procurer des événements^ dignes fruits de fon loifir , qui l'ont rendu Su- périeur aux Monarques , peut-être même aux Hercules ôc aux Jafons fi vantés par l'Anti- quité.

H étoit le cinquième des Enfans du Roi Don Jean premier , furnommé le Vengeur & de Phi- lippine de Lancaftre Sœur d'Henri IV. Roi d Angleterre. Il avoic fuivi fon Père à fon ex- pédition d'Afrique, & fignalé fous fes yeux fes premières années par plufieurs adlions de va- leur. Mais ce qui ell encore plus eftimable ,iî avoir retiré ce fruit de (es premières armes, que confiderant en foi la qualité de Chrétien ôc de grand Maître d'un Ordre fondé pour com- battre les Mufulmans ennemis de la loi de Jefus- Chrift , il fe croyoit encore plus obligé de les foumettre a la douceur de fon joug , qu'il ne l'étoit comme Prince, de travailler à étendre les Etats des Rois fes ancêtres. Animé de ces ^obles motifs ;> il ayoit pris pour fa devifeces

A iij

(, CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de paroles françoifeSjr^/^wr de bien faire, qu'on vit J- C depuis {i fouvent gravées dans tous les pays nouvellement découverts Tous les aufpices , foit qu'il voulut témoigner par ces paroles d'une langue étrangère Ton cftime pour une Nation , dont il regardoit les Souverains com- me la (ouche de fa Maifon , (oit qu'il eut trouvé dans cette deviie déjà faite ^ une idée qui re- pondit plus partaitement à celle de les defirs.

En effet , penfant qu'un Prince cft plus obli- gé qu'un autre de foutenirla luperiorité de ion rang par lafuperiorité de fon mérite ;, il joignit aux vertus Chrétiennes & héroïques toute l'é- tude &; l'application qui pouvoient enrichir un fonds déjà riche de lui-même, par les belles connoiffances que donnent les Sciences & les belles Lettres : Etude alors bien rare & qui n'é- toit rien moins que l'objet des Princes de fon tems.

Il s'appliqua en particulier aux Mathémati- ques ,& comme elles ont diflferentes parties, il s'attacha fur tout à celles qui pouvoient le conduire au but qu'il s'étoit dé)a propofé. Pour y mieux réiiflîr , il crut devoir s'éloigner du tu- multe de la Cour. Il allas'étabhr dans les Al- garves prés de Sagres dans une de fes Muifons peu diftante du Cap de faint Vincent. s étant fait une folitude agréable, adoucie par lafocie- de quelques Scavants & Tamufement de les Livres^ ilie confirma de plus en plus dans \^

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. I. 7

perfuarion il écoic fur les notices que lui en a n n. de avoient donné les Maures mêmes , & lur les lu- ?• ^' mieres qu'il avoir puiie'es dans l'étude de la Geo- graphie , qu'on pouvoit réiiflir à faire quelques découvertes avantacreules , en fuivant la Côte d'Afrique. On allure néanmoins qu il y rut encore plus excité & d'une manière plus effica- ce , ainfi que l'écrit Odoric Raynaîdi dans la continuation des Annales de Baronius , par des François de la bafle Bretagne , qui ayant été portez par les tempêtes bien au loin à 1 Occi, dent delà mer Atlantique , &: y ayant décou-> vert de nouvelles Terres , étoient revenus à Lifbonne , & lui avoient fait part de leurs avan- tures & de leurs découvertes.

La Navip-ation dans ces mers étoit alors très- imparfaite. L'épouvante que donnoit la vue de l'Océan & l'ignorance l'on étoit, des moyens qu'on a trouvez depuis de naviguer avec faci- lité , faifoient qu'on ne s'éloignoit jamais des Côtes. Et comme dans les Pointes ou Caps que forment les terres qui s'avancent au loin dans la mer, le concours des eaux qui s'y fait des deux cotez 3 rend les vagues plus grofles , & qu'on y eftplus expoféà lagitation des vents, la diffi- culté qu'on avoit de les doubler intimidoit les plus hardis. Un des premiers Caps de 1 Afrique qui fe préfente du côté de l'Europe , paroiflbit fi épouvantable & d'un accès fi difficile , qu'on lui avoit donné le nom de Cap Non , pour ligni^

CONQXJESTES DES PORTUGAIS

A N N. de fici* ^^ l'impoflîbilicé qu'il y avoit à le doubler j J-C. ou la vaine &. inutile elperance d en. revenir^ ^'^^^' {uppofé qu'on le doublât, jsANi.R. Un relie d'opinion extravagante manée de l'Antiquité, rendoit le pe'ril encore plus af- freux. Sur la diftribution qui avoit e'té faite de l'Univers en cinq Zones, on Te perfuadoit que les deux tempérées étant feules habitables , les deux extrêmes étoient inacceilibles par froid qui y règne , & que la Zone torride qui eft dans le centre , étoit tellement brûlée par les ar- deurs du Soleil , qu'elle n'étoit qu une région de feu 5 de que les eaux qui l'approchent étoient ou des torrens de flammes , ou (e çonfumoienc peu à peu par l'excès de la chaleur. C eil: ce qu on croyoit appercevoir en dépaffant les Caps qui l'avoifinent, parce qu'entrant dans les Golphes pu les terres font extrêmement baf- feSj, on y voyoit diminuer fendhlement les eaux •« qui paroifToient boiiillir fur les bancs de fable

elles ont plus d'agitation qu'ailleurs,

L'Infant Ôon Henri , qui ne donnoit point dans ces chimères , n omettoit ni raiions pour difïiper ces fauffes préventions , ni foins pour trouver de bons Pilotes & d'excellents Mate- lots , ni dépenfes pour fiire de bons arme- ments, ni çarefïés, ni prefens pour récompen- fer les uns & pour piquer les autres d'une noble émulation. Il s'étoit pafTé cependant prés de dix années pendant lefquelles on ne fît autre

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. ï. f>

chofeque de doubler le Ca,p Non^d^ depe'ne'trer - trente lieues plus avant julques au Cap Bojd- dor ^ ceiï-a.-dire. Tournant , parce que les terres y font un grand circuit , en rentrant dans la profondeur. Les Capitaines des VailTeaux tou- jours intimide's par lide'e de ces Voyages pe, rilleux , fe contentoient de quelques defcen- tes fur la Côte , ôc fîérs du peu qu'ils avoient fait, ils retournoient fur leurs pas bien con- tents de leur perfonne ^ de de leur expe'di- tion.

L'Infant difTîmulant ce qu'il en penfoit , les recevoit toujours bien , & ne fe rebutoit pas. Ceux , qui veulent trouver du merveilleux dans toutes les chofes , il y a de la nou- veauté j difent que ce Prince , qui avoir été porté à commencer cette entreprife par quel- que infpiration célefte , ou par quelque lon- ge furnaturel , fe fentoit foutenu par les me- mes voyes à continuer. Mais , fans recourir au prodige , on peut attribuer cette fermeté au caraclere noble de ce Prince , dont l'ame na- turellement grande n étoit pas capable de cé- der aux premiers obftacles, quelques grands qu'Us parulTent.

Le Ciel voulut réeompenfer fa confiance , &c fit inopinément ce que n'avoient encore pu faire, ou le courage des Pilotes, ou leur ha- bileté. Deux Gentilshommes de fa Maifon nomm.és Jean Gonçalcs Zarco & Triftan Vaz

Tome /, B

An

N.

de

J.

c,

ï4

12.

EAN

I.

R-/

lO CoNQUESTES DES PORTUGAÎS

ij s'écaiit offerts à lui pour doubler le Cap "Bo^

ANN.de jaclorj&; aller plus loin à la découverte , fur 1412, un petit bâtiment 5 qu'il leur fit e'quiper , fu- rent furpris d'une violente tempête , qui les ayant jette's en haute mer, leur fit trouver pour afilejdansle tems quils fe croyoicnt perdus, une nie, jufques alors inconnue, à qui ils don- nèrent le nom de Porto Santo , parce qu'elle fut pour eux un Port de lalut. U18. Ils n eurent rien de plus preffe' que de por-^ ter eux-mêmes en Portugal une fi heureufe nouvelle. L'infant en parut au comble de fa joye, &, en ayant rendu de folemnelles ad:ions de grâces à Dieu , il mit de nouveau en Mer Jeani. R, j.j.QJ^ Bâtiments fous la conduite des mêmes Jean Gonçales Zarco & Triftan Vaz,aufquels il joignit Barthelemi Pereftrelle , qui e'toit un Gentilhomme de la Maifon de l'infant Don Jean fon frère. Ce fécond voyage fut encore plus heureux que le préce'dcnt , par la de'cou-' verte de l'Ille Madère fi excellente par fa fer- tilité, & fi renommée aujourd'hui parla déli- catefFe de fes vins. Elle nétoit alors qu'un bois touffu ; qui, regardé de l'Ifle de Porto Santo , & paroifTant à l'horifon comme une petite noir- ceur fixe, donna quelques foupçons à Triftan '^^^' &c à Zarco , que ce .pouvoir être une terre, & ^'^'°' les porta tous les deux à s'en éclaircir. Ils lui donnèrent le nom de Madère , à caufe du bois donc elle étoit couverte , ik. furent les

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.I. if

premiers qui en prirent pofTellion. L'Infant, du . ' ^ ^ " conlentement du Roi Ton Père , la diviia en j.c. deux Capitaineries, dont il les gratifia , autant H^i» pour cette de'couverte , que pour récompen- îer leurs autres fervices, l'un & l'autre s étant {i fort diftingués à la prile de Ceuta , ôc au fie- ge deTangerjOÙ ils avoient fuivi l'Infant^qu'ils avoient me'rite' par leur bravoure, quilles fie Chevaliers.

Le fuccès qu'eut peu de tems après Gilles Ane's, qui doubla le Cap Bojador, qu'on avoir ^ou^'^^^'- re'garde' jufques alors comme l'extre'mité du ^ ^ inonde , ôc dont l'entreprife étoit crue plus difficile , que ne l'avoit paru autrefois la Con- quête de la Toifon d'Or, fit revenir le peuple de fes premières erreurs , de enfla le courage des Portugais. On voyoit de toutes parts, du dedans & du dehors du Royaume , des gens de toute efpece , venir s'offrir à 1 Infant , pour aller de'couvrir & peupler les terres nouvelles, attire's e'galement & par l'accueil gracieux qu'il faiioit toujours à ces fortes de deman- deurs j& par l'ide'e flateufe des grands avan- tages qu'on efperoit en" retirer.

Cependant, comme il y^L toujours dans un Etat des perfonnes trop fages ou trop timides, à qui les nouveautez lont fufpedres , & don- - nent de l'ombrage, il s'en trouvoit beaucoup, ôc fur tout parmi les Grands du Royaume , qui, paroilfant raiionner a{fez juile, le donnoienï,

Bij

ri CONQUESTES DES PORTUGAIS'

A N N. de 1^ liberté de condamner ces nouveaux établifTe- J- c. ments , & de blâmer alTez haut la conduite & ''''^^' les projets de Flnfont.

^Edouard jj^ trouvoicnt mauvais , que tandis que TE-'

tat » s'e'puifoic d'hommes Se d'argent , pour

»5 foutenir la guerre contre les Maures j&: fe

» maintenir dans les Conquêtes d'Afrique du

« côte' de Ceuta & de Tanger ^ il fe ht une

» nouvelle perte bien plus confiderable , en

» expofant aux périls d'une mer redoutable

» par fes orages , Tes tempêtes , ôc fa vafte

« e'tenduë j tant de bons fujets, qu'on pouvoit

» appliquer au bien du Royaume, en leur don-

" nant des terres dans le Portugal , il y en

" avoit plufieurs en friche, quirapporteroient

»♦ de grands profits, fi elles étoientcultive'es, au

w lieu qu'on ne voyoit aucune liieur d'efpe-

» rance , de pouvoir tirer un avantage fo-

" lide de ces terres inconnues , que les ardeurs

w du Soleil rendoient fans doute inhabitables,

« &c qui ne dévoient être que des fables brû-

» lants femblables à ceux des deferts de Ly-

» bie. Ils difoient , que , s'il y avoit eu quelque

3> utilité à en efperer par le paffé, leurs préde-

»' ceffeurs , à remonter jufques aux tems des

« Romains & des Phéniciens , auroient tenté

»> ces fortes de découvertes, & que, puiiqu'ils

» ne l'avoient pas fait , cela feul fondoit un

" préjugé folide , qui marquoit la vanité, ôc la

.»» légèreté de ces projets chimériques j Que

DANS LE NOUVEAU Monde. Lîv. I. 15

')> quand bien même on en pourroit recueil-

1- 1 r j 1 r £■ A N N. de

« lir quelque huit dans la luice , ce rruit. in- ^ q^

» certain &: éloigné , ne devoit pas l'empor- 1438.

» ter fur un mal preTent & afîuré , qui n'étoit alphonsù

» que trop (énfible par le nombre des naufra- '^'^^h

» ges , qui remplilToient les familles dedeiiil,

» en multipliant le nombre des veuves &c des

» orphelins ; Que, fi l'Infant avoit tant de zélé

» pourle bien public , il devoit faire travailler

» aux appanages , que le Roifon Père lui avoic

" afïi^nés, &z ie conformer à la manière de

» penier de ce Prince , dont l'exemple con-

» damnoit fa conduite , puifqu'il avoit donné

" des terres à défricher dans le Royaume à un

« Seigneur Allemand, & à des familles venues

« du Nord: par il paroiiToit qu il eut été bien

« éloigné , de permettre à fes fujets d'en for-

» tir , pour aller s'établir au-delà des Mers.

Ces raifons rpecieiifes, qui faifoient impref- fion fur les efprirs , attirèrent une efpece de perfecution à l'Infant , qui ne s'en étonna pas , ôc crut devoir méprifer les difcours populaires. Le Roi Don Edoiiard , qui avoit luccedé au Roi Don Jean premier, n'en tint pas plus de compte, &, pour encourager 1 Infant, il lui céda fa vie durant, le domaine de Porto Santo, de Madère , & des autres terres qu'il pouroit dé- couvrir fur la Côte Occidentale d'Afrique j il affcdaen particulier la jurifdidtion fpirituelle de rille de Madère à l'Ordre de Chrill , fous

Biij

14 CoNQUESTEs DES Portugais

■"' le bon plaifir des fouverains Pontifes. Cette

ANK.de donation fut confirmée depuis par l'Infanc

^' »' Don Pedre , frère de l'Infant Don Henri , &c

143"'

Reeent du Royaume pendant la minorité du

Alphonse O i i r i

y. Roi. Roi Don Alphonie V. leur Neveu. En conlé- quence de cette donation, l'Infant fit bâtir dans cette Ifle deux Eglifes , la première , fous l'Invocation de Notre-Dame de Cagliao, & la féconde, fous le nom de Notre-Dame de l'Af- cenfion. Celle-ci fut depuis érigée en Arche- vêché , ôc joiiit , pendant quelques années, de la prérogative de Primatie des Indes. ï44o« Pour s'authorifer davantage, 1 Infant , char-

mé d'ailleurs de la vue de quelques Elclaves, £cc. ad afin, qu Antomc Gonçales &Nugno Triitan , qui 5a°r'./M«/. avoient pouffé julques au Cap Blanc , lui avoic fée. Em.de amenés & qui étoient les prémices de ces con- trees, relolut d envoyer vers le Pape Martm V, qui étoit alors fur la Chaire de S. Pierre , pour lui donner part de {q.% découvertes , &; en ob- tenir quelques grâces, dans la vue des grands avantages , qui pouvoient en réiulter pour le bien de la Religion, &1 honneur du faint Siè- ge, Il jetta les yeux , pour cette négociation fur Fernand Lopès d'Azevedo Chevalier deChrilf, ^ depuis Commandeur du même Ordre , dé- jà honoré du titre de Confeiller du Roi , & recommandable par lauthorité , que fa rare prudence lui avoir acquife.

Ce Seigneur étant arrivé aux pieds du Trône

t)ANs LE NOUVEAU Monde. Liv.I. 15

An Vicaire de Jefus-Clirift, repreTenta à fa Sain- ' '

tecé en plein Confiftoire avec beaucoup de for- An n. de

ce & d'e'nergie , les obligations infinies , que ^

»» l'Efflife avoir à l'Infant fon Maître. Il e'tala .

9' avec beaucoup de magnihccnce le zeie de v.Roi.

" ce Prince , qui , depuis plus de vingt anne'es ,

» avoir fait une de'penfe Royale , pour de'cou-

»' vrir des Pays immenfcs , dont les habitans ,

3' le joUet de l'ignorance & de l'erreur, gémiL

» foient depuis plufieurs fie'cles , fous le joug

ij tyrannique du Démon , efclaves du Maho-

" metifme & de l'Idolâtrie : Qjie le principal

" motif, qu'il s'étoit propofé dans fes travaux,

« e'toit la Gloire de Dieu , la dilatation de la

>' foi , & d'aggrandir le Bercail du bon Pa-

" fteur : Que la Nation Portugaife confacranr,

" dans cette vue , fes biens , & la vie même

M expofée à tant de naufrages 6c d'autres pé-

3> rils 3 (a Sainteté' étoit priée de vouloir ani-

?> mer , ôc reconnoître fon zélé à étendre la

s> foi , en attribuant à la Couronne de Portu-

ï> gai , toutes les terres qu'on découvriroit le

3' long de l'Afrique jufques aux Indes inclufî-

»> vement , puifqu'on devoit regarder comme

» des porteffeurs injuftes, toutes les Nations in-

3^ fidelles , qui y étoient établies , & dont ce-

» pendant on ne cherchoit quelefalut: Qu'elle

3' défendit en même tems à tous les Princes

Chrétiens , fous les peines Canoniques les

>' plus griéves , de traverfer les Portugais dans

i6 CoNQUESTEs DES Portugais.

^^ » leurs entreprifes, de les troubler en quelque

j.C. " façon que ce pûc être , ou de pre'tendre s'é-

1440. tablir dans les pays qu'ils avoient de'couverts,

Alphonse ^ quï , par-là même , leur étoient naturelle-

?' ment acquis : Enhn, que, comme il s agilloie

," du falut & du bien des âmes , fa Sainteté ou-

}y vrit les Tréiors de l'Eglife , & répandit Tes

" grâces (iir ceux , qui , mettant leur vie à la

5> merci d'un élément infîdelle , s'expoioientà

»' mille genres de mort , & à périr loin de leur

« Patrie, de leur famille , & de tous les fecours

.?' Spirituels &■ temporels qu'ils eufTent pûtrou-

.?' ver chez eux.

Le Pape & le Sacré Collège furent char- mez du difcours & des détails , que leur fÎE Azevedo , ils en conçurent de grandes efpe- rances pour la Religion , & ne ie trompèrent pas dans leurs conjedures. De forte que fa Sainteté, de l'avis des Cardinaux , fit exoedier une Bulle dans la forme & teneur que l'In- fant fouhaitoit , accordant libéralement à la Couronne de Portugal le (ouverain Domaine de toutes les terres qui feroient découvertes jufques aux Indes inclufivement , menaçant d'agir par la voye des Cenfures contre ceux qui la troubleroient dans fes Conquêtes , com- me contre des ufurpateurs , ratifiant ce que le Roi Don Edouard avoit fait en faveur de 1 Infant & de l'Ordre de Chrifl, ajoutant en- suite plufieurs Privilèges , Grâces, & Indul-

:ence§

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.I. 17

eences fpéciales aux Navigateurs & à quel- . ,

o r, i.r r r 1' A A N N. de

ques Egliles , que 1 Inranc avoit rondees dans j. c. les terres de Tes découvertes. Avec cela, l'En- H40' voyé fe retira fort fatisfait de fa Commiffion. Alphonse Ces Donations & Privilèges furent depuis confirmés & augmentés par les Souverains Pontifes Eugène IV. Nicolas V. ôc Sixte IV. &c.

Ceci ayant réiilli à l'Infant félon fes inten- ^44- tions' , & Ces Découvreurs faifant toujours des progrés plus confidérables , les murmures des Politiques tombèrent. Les peuples fufce- ptibles de nouvelles imprellions déterminées par les occurrences des événements , com- mencèrent à lui rendre plus de juftice. Le Portugal retentifToit par-tout de fes Eloges. On le regarda dès-lors com^me le Rcftaura- " teur d'un Etat épuifé par les guerres de Caf- tille & d'Afrique. On vitgroflîr le nombre de ceux qui ambitionnoient de lervir fous fes Aufpices. Les Etrangers accoururent de tou^ tes parts , & du fonds même du Danemarc , pour lui offrir leurs fervices , & lui demander ou de l'emploi , ou des terres à cultiver dans le nouveau Monde. Mais ce qu il y eut de plus folide pour lui , c'eft qu'ayant été jufques alors prefque le feul à foutenir toute la dépen- fe des armements , dont le produit n appro- choit pas du débourfé , il commença à fe for- mer des Sociétés , & des Compagnies d inter-

Tome I, C

l8 CONQUESTES DES PORTUGAIS

' refrés,qui lui, payant le quint &c les autres

j!c. ^ tlroits , que le Roi lui avoit adjugés ,- ou lui 1444- faifant des conditions encore meilleures , fe Alphonse chargoicnt dc tous Ics frais.

La Ville de Lagos fut la première qui ar- ma fix Caravelles , commandées par un Offi- cier nommé Lançarot, qui avoit fervi dans la maifon de l'Infant. Peu de tems après elle fît un fécond armement de quatorze Caravelles, fous la conduite du même Général. Il fe pré- fenta encore différents particuliers , dont les plus confidérables furent Gonfalve de Sintra , Soeiro d'Acofta, Alvare de Freitas , & Rodri- gues Anes , deforte que dans peu il y eut z6. ou ly. Bâtiments en état de faire voile , ou qui étoient aduellement en route. Les Cara- velles de Lagos ayant été féparées par le gros tems , ôc les autres VaiiTeaux n'ayant pas une même deftination , allèrent en différents en- droits de la Côte d'Afrique , depuis le Cap Blanc , la Rivière d'or & les Ifles d'Arguin , jufques au Cap Verd, au-delà duquel on n'a- voit pas encore paffé. Quelques-uns touchè- rent aux Ifles Canaries , & prirent Port àl'Ifle Gomere, les Habitans leur ayant fait beau- coup d'amitiéjes engagèrent à les fervir contre ceux de flfle de Palme , avec qui ils étoient en guerre. Mais, après cette expedition,étant reve- nus à l'Ifle Gomere, & voyant qu'ils n'avoient pas tiré de leur voyage tout le fruit qu'ils s'é-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. 19

toient promis en partant de Portugal , ils

voulurent s'indemniier aux dépens des Hôtes A nn. de qui les avoient h bien reçus , & , par une perfî- '' die infîgne , ils en firent plufieurs Efclaves ^ & levèrent l'Arichre pour revenir à Lilbonne. y. ro"!*^"

L'Infant , qui avoit été autrefois indigné contre Gilles Ane'z, pour un trait femblable , qu'Ane'z voulut re'parer , en doublant le Cap Bojador, fut encore plus pique' delà trahifon de ceux-ci. Il en te'moigna Ion refTentiment aux Capitaines, & après avoir retire' les Efclaves, qu'il traita fort bien, pour leur faire oublier l'injure qui leur avoit été' faite , il les fît re- mettre où ils avoient été pris , après les avoir comblés de {es bontés & de [qs libéralités.

L'Océan Atlantique eil: femé d Ifles , qui s'étendent affez avant dans la mer , le long de la Côte d'Afrique. Les Anciens ont eu con- noifTance de quelques-unes , ou les ayant fup- .pofées, nous en ont laifTé une idée confufe , fous les Noms de Fortunées , Gorgades , Hefperides & Cafîiterides. Mais depuis l'Origine du Chri- ftianifme , on les avoit abfolument perdues de vile , & elles paroifloient entièrement ignorées jufques au quatorzième fiécle, qu'elles com- mencèrent à être découvertes , par des Avan- turiers Génois, Maillorquins , Caftillans , Bifca- yens , François & Anglois. Les Bifcayens firent des premiers une expédition dans celle de Lançarote, d'où ils emmenerenr cent foixante-

Cij

zo CoNQUESTEs DES Portugais

dix perfonnes , &: rapportèrent quelques den-

j^^'_ ^ rées du Pays. Louis de la Cerda Comte de

1444. Clermont , Prince du fang d Efpagne ôc de

Alphonse France,Neveu de ce Jean de la Cerda, qu'on

^" °'' appelloit le Prince deshérité , ôc qui fe faifoit

nommer lui-même le Prince de la Fortune,

parut avoir quelque envie d'aller s'y établir.

sttnd.Ann. \\ s'adrefïîi pour cela au Roi d'Arrag;on , & en-

'Ecd. ad an». >■ O J

iH4-».7- luite au Pape Clément VI. qui le couronna Roi des Canaries dans Avignon , & lui don- na le Domaine de ces Illes , à condition qu'il iroit les conquérir, & y feroit prêcher la Foi. Mais ce Prince préférant quelque chofè de plus folide , vint chercher de l'emploi en Fran- ce , il fervit bien dans la guerre contre les Anglois. Les Rois de Portugal & de Caftille , acquiefcerent à cette donation duPape,ainfi qu'il efl conftaté par leurs Lettres rapportées par Raynaldi. Ils le plaignirent néanmoins l'un & l'autre , de ce qu'elle avoit été faite à leur infçû 6c à leur préjudice. Le premier préten- doit que les Canaries lui appartenoient , parce qu'elles avoient été découvertes par les Portu- gais , & le fécond fe fondoit fur ce qu'il croyoit avoir un droit plus naturel & plus immédiat de conquérir l'Afrique , dont les Canaries étoient une dépendance.

Le premier qui s'établit dans ces Ifles de l'O- céan, fut un François homme de qualité, nom- mé Jean de Betancourt , qui avoit engagé (c^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. zi

terres de Betancour & de Grainville à Robin de Braquemont Amiral de France ion Coufin, ^^^•'^s lequel, ayant fuivi en Caftille Henri le Magni- 1444. fîque ^ & lui ayant rendu de grands fervices , alphon pour l'établir lur le Trône de Pierre le cruel, v. roi. obtint de ce Prince les Canaries à titre de Roi , pour Jean de Betancour Ton parent. Jean de Be- tancour conquit quelques-unes de ces Ifles , mais il ne put le rendre maître de la grande Canarie. Les fonds e'tant enfuite venus à lui manquer /il repafTa en Europe , laifTant Me- naud ou MafTiot de Betancour Ton Neveu, pour lui confcrver fes Conquêtes. Celui-ci s'e'tant broiiille'avecl Evcque ou Vicaire Général, que Jeanavoit conduit dans les Caiiaries , rebuté d'ailleurs du long réjour,que Ton Oncle faifoic - en France , il fut retenu d'abord par fes in- firmités , & enfuite par les inftances du Roi , qui eut befoin de lui, Mafliot ne pouvant plus . fe foutenir, traita avec l'Infant Don Henri, aiv quel il abandonna tous {ç.s droits , & reçut de lui, en échange quelques terres dans l'Ille deMa- dere ^ fa famille s'établit , & prit alliance avec celle de Gonçales Zarco , qui avoir la principale Capitainerie de llfle.

L'Infant devenu maître de ces Ifles par cet accord , qui donnoit une nouvelle facilité à fes découvertes , s'anima d'un plus grand zele,pour en achever la Conquête , & pour y établir la Religion Chrétienne. C'eft pourquoi en 1444. 1444.

C iij

Zi CONQUESTÉS DES PORTUGAIS

. il fît un puifTcint armement;, pour y tranfporter

ANN.de deux mille cinq cens hommes d'Infanterie , ^" ^' &c fix vingt Chevaux,dont il donnala condui- te à Fernand de Caftro, Grand Maître de fa

Alphonse , . r j ' j m

V. Roi. Mailon. La pauvreté de ces llles , qui ne pou- voient fuffire à l'entretien de tant de monde , fît que l'Infant y perdit plus qu'il n'y gagna. Il eut néanmoins la coniolation d'y avoir fait travailler utilement à la converfion de ces peuples infîdelles. Ce fut le feul fruit qu'il en reciieillit. Car les Rois de CaftiUe ayant repris ces Ifles , comme appartenantes de droit à leur Couronne , puifqu'il étoit vrai que Betancour n'enavoit fait la Conquête ^ qu'à l'aide desCa- ftillans , ôc les tenoitd'euxà foi & hommage, elles furent ce'de'es aux Rois Catholiques dans un Traité fait entre la Caftille & le Portugal. Les foins que fe donnoit l'Infant, pour faire fleurir le commerce dans les Pays nouvelle- ment découverts , ou pour fonder folidement Ces Colonies , étoient prefque infinis. Les Na- vigateurs qui partoient par (es ordres , ne tou- choient nulle part dans ces Ifles déferres, qu'ils n'y jettafTent quelques têtes de bétail & d'au- tres animaux domeftiques , lefquels multi- pliant fans empêchement , donnoient enfuite de grandes facilités , pour fubfiffer , àceuxqui venoient pour les établir. On peut juger de (es foins par tout ce qu'il fît pour l'Ifle de Madè- re. Car il ne fe contenta pas, outre le choix de

I

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.I. 13

ceux qu'il envoyoic pour l'habiter, de la^NN-dc fournir d'Ouvriers de toutes fortes , mais il j. c. envoya jufques en Chypre & en Sicile, pour H+4- y faire chercher des Cannes de fucre.&dans Alphonse les Ifles de TArchipel , pour y avoir du plan des meilleures vignes de Malvoihe ,qu'il y fît tranfplanter. Tout y réiifïit (i bien en toutes manières , que vingt cinq ou trente ans après qu'on eut commencé à y faire des plantations, elle e'toit en e'tat d'entretenir huit cens Habi- tans portant les armes. Barros ailure^que , de fon tems feulement, le quint qu elle produifoit en fucre à l'Ordre de Chrift montoit certaines anne'es à plus de foixante mille Arrobes.

Pour ce qui eft du commerce des Côtes d'A- frique, Alvife Cadamofte , qui fut un des Dé^ cowvreurs de 1 Infant , e'crit, que de la traite qui fe faifoit aux Ifles d'Arguin , on conduifoit chaque anne'e fept à huit cents Efclaves dans le Royaume de Portugal. La Poudre d'or qu'on tira de la Rivière d'or fut aulf] aiTez abondan- te , pour que le Roi Alphonfe V. en fît une afiés belle monoye qu'il nomma, Crufades , à caufe de la Croifade que le Pape Calixte IIL avoit fait publier,& à laquelle ce Prince s écoic engagé par vœu. L'efpece de cette monnoye fubfirte encore en Portugal fous le même nom.

Ce commerce fut difficile dans les com- mencements, non feulement parce que la Côte

i4 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann ae <i'Afrique eft inhabitée bien au-delà du Cao j. c. Blanc , commence un defert de fable brû- 1444- lant de plus de foixante journées de che-

v''ro'i'^^ val , jufqu'aux Pays des Nègres , avec le- quel il confine^ & qu'il fallut du tems pour par- venir jufques-là, mais encore par les inconvé- nients inévitables dans la nouveauté de ces fortes d'établiffements. &

Les Nègres, peuples miferables & prefque nudsjHabitans d'une terre fterile & fabîonneu- fe , vivants fans Loix apparentes, n'ayant pour demeure que quelques tentes , & pour nour- riture qu'un peu de millet, le lait de leurs Troupeaux , & quelques viandes ou Poiffons fechés au Soleil , n avoient eu jufques alors qu un très- petit commerce par les terres avec les Maures de Barbarie. Ceux-ci voyageantpar CaravaneSjS'avançoient jufques dans les Royau- me de Tombut & de Melli, ils traitoient avec les Nègres, du fel , de l'yvoire, de lor, de la malaguette & des Efclaves , pour des Chevaux barbes , & quelques autres denrées tirées du Rovaume de Grenade , de la Sicile & de Tunis. Ces Nègres, quin'avoient jamais vu d'Européans avant la venue des Portugais, furent bien furpris à la première vue de leurs VailTeaux. Car , étonnés d'un foeétacle fi nou- veau , tantôt ils les prcnoient pour des oifeaux ou pour des poiffons , félon qu'ils avoient les voiles hautes ou carguées : tantôt mefurant

l'efpace

N.dc C.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. I. 15

refpace que ces VaifTeaux avoienc parcouru

durant une nuit , ils s'imaginoient que c'étoient ^ ^ des fantômes & des efprits qui leur caufoient j^^^. ces illufîons. La préfence des Portugais qui Alphonse avoient fait defcente fut leurs côtes , fut un ^- '^'"• nouveau (ujet d'admiration. Ces hommes fi dif- ferens d'eux, qui étoient vêtus de fer, ôc por- toient dans leurs mains la foudre & le ton- nerre, augmentèrent leur terreur & leur épou- vante. D'un autre coté ces Portugais qui n'en- tendoient point leur langue &c qui ne pouvant fe faire entendre eux-mêmes, cmploy oient vai- nement les careiTes , pour les faire revenir de leur pre'mier étonnement , fe voyoient obligés de recourir à la violence , pour en enlever quelques-uns, &en porter la montre en Portu- gal, achevèrent de jctter parmi eux l'effroi 6c la conrternation , lur-tout quand ils faifoient joiier leurs Canons & leurs Arquebuzes , & que ces pauvres malheureux voyoient tomber morts à leurs pieds leurs Compagnons, fans rien ap- percevoir qui eut pu les toucher &c les ofFen- fer.

Ce la fut caufe que les premières années , les Décoîi^reurs ne pouvant lier aucune fo- cieté avec des gens effarés, qui s'enfuyoient dans la profondeur des terres d'auffi loin qu'ils pouvoient appercevoir forage, dont ils étoient menacés , ne purent aufli exercer qu'une efpe- ce de Piraterie ;, enlevant quelques cafés de'

Tome I, D

CoNQUEsTEs DES Portugais

"Â^KTâë pêcheurs qui n'avoient pas eu le tems de pour- J. c. voir àleur laluc, par la fuite, injuftes envers ces ^'^'^'^' pauvres miferables , avec d'autant moins de re- alphonse mords, qu'ilsenavoient plus de mépris, & qu'à ^' "'' peine leur faifoient ils l'honneur de les diitin- guer des bêtes. Cela durajuiqu'à ce que quel- ques uns de ces Efclaves eurent appris alTés de Portugais, pour fervir de truchement, & que quelques Portugais , entre autres un nommé Jean Fernandès , fe furent confacrés à vivre parmi ces peuples fauvages , pour apprendre leur langue. Alors il commença à fe former un commerce réglé entre les deux Nations.

Pour l'afTurer davantage , le Roi Alphonfe V. établit un Comptoir à lllle d'Arguin, ou ce Prince & félon d'autres , l'Infant lui-même fit bâtir une efpece de fort. Le commerce ex- 1471. clufif fut alors donné à Fernand Gomés pour cinq ans , à des conditions plus avanta- geules pour lui que pour le Roi, comme c'eft l'ordinaire de ces Traités. Fernand Gomés s'o- bligea outre cela à continuer la découverte de la Côte 150000. mille plus avant', à commen- cer au Cap de Sierre Lionne , avoient fini celles de Pierre de Sintra & de Soeîro d'Acofta. Ce Fernand Gomés fe rendit puifTimment ri- che par ce Traité, qui fut renouv'ellé avec lui, & prorogé pour plufieurs années. Il rendit auf- fi de grands fervices à l'Etat , & fut d'un grand feeours au Roi dans fes différents befoin^ , ce

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. 17

qui fît que ce Prince l'ennoblie, lui permit de ANN.de prendre pour armes un EcufTon au Champ J-C- d'argent à trois têtes de Maures accoUe's d'or , ^'^'^^' avec trois Anneaux d'argent , l'un au nez , les yî^Ror'^" autres aux oreilles. Il lui permit pareillement de prendre le fur-nom de la Mine du nom d'un Pofte qu'il établit, & oûfe faifbit'le plus grand commerce de ces Contrées en poudre d'or. Les Découvertes furent poufTées par Tes foins jufques au Cap Sainte Catherine, à deux dégrez ôc demi de latitude Auftrale.

Le Roi Alphonfe V. étoit monté fur le Trône à 1 âge de fix ans. Sa minorité fut affés tranquille , par la fageffe de l'Infant Don Pe- dre fon Oncle qui lui fît époufer fafîlle. Ce ma- riage fut funefte à tous les deux. Il réveilla la jaloufie de l'Infant Don Juan , Frère de Don Pedre. Celui-ci eut beau remettre les rênes de l'Etat entre les mains de fon Pupille , fa re- traite fut pour lui un crime, & cet infortuné Prince qui revcnoità la Cour, pour fe jufèifîer, eut le malheur de périr les armes à la main contre fon Roi & fon Gendre, dans un de ces coups fourrés qu'on ne peut prévoir ni parer. La Guerre qu'Alphonfc fît à laCaflille,pour en difputer la fucceflion, celle qu'il fît en Afri- que,quoique plus heureufe , la préoccupation qu'il eut enfuite pour la Croifade , que Cahxte III. avoit publiée , nuifîrent beaucoup au pro- grez des nouvelles découvertes , aui eulTent

Dij

£S CONQUESTES DES PORTUGAIS

. ^ ^ , ete poufTees avec bien plus de vivacité &c de AN N. de 1^ r

j.c. lucces lans toutes ces dilgraces. H^i- Pouf ce qui eft de l'Infant Don Henri, quel- y''Roi°*'*^ ques chagrins qu'il eut des troubles domefti- qucs, & de l'inégalité de la fortune de l'Etat, il agit toujours auifi efficacement , qu'il le put, en s'accommod'ant au temS;& il ne relâcha rien de fon zélé fur ce point. Et, bien que paraffedion il eut adopté l'Infant Don Fernand fon Neveu, ôc Frère du Roi Don Alphonfe , qu'il fe fut dépoiiillé en la faveur deprefque tous fes droits & de tous les revenus fur ces nouvelles dé- couvertes. Don Henri féconda toujours ce jeu- ne Prince, autant qu'il pût, fans jamais aban- donner fon ouvrage jufqucs à fa mort, qui ar- riva l'an 1463. la ïoixante-feptiéme année de fon âge , & la troifiéme année du Règne de Don Jean fécond fon petit Neveu.

Quelque chofe que j aie déjà dit pour fa gloi- re 5 je ne puis m'empêcher d en donner ici une ' idée plus étendue, pour rendre juftice à la mé- moire d'un Prince vrayement digne de I im- mortalité , par l'aiTemblage de toutes les qua, litées naturelles, & de toutes les vertus acqui- fes , qui font les grands hommes & les bons Princes. Il étoit d une taille médiocre , mais bien prife , d'un tempérament fort & robu- ffce. Il avoit le teint d'un allez beau coloris blanc & vermeil , les cheveux blonds & un peu fri- '^ fés j l'air , grave de févere, qui interdifoit au

DANS-LE NOUVEAU Monde. Liv.I. 19

premier abord, mais cette feverité apparente e'toit corrigée par une bonté rare & une égali- ^ ^ ^. de d'ame parfaite , qui étoit l'eiïet d un riche i+fjj. naturel , de la candeur de [es mœurs, &c de donjeah l'empire qu'il avoir acquis fur Tes partions. Cet "-^o'- empire fe manifeftoit dans toute (a perfonne par une pieté folidc , une pureté à l'épreuve même du loupçon , un grand ordre dans la con- duite & dans celle de la mailon, qui étoit ré- glée comme un Monaftere, une modcllie très- remarquable dans fes paroles , dans Tes habits, fa table &(es équipages. Avec cela il penfoit en grand, il étoit libéral julqiies à la profu- fion , & faifoit une dépenfe vrayement Roya- le, dans tout cequiavoitpour objet l'avance- ment de la' Religion , la gloire de la Nation & le bien de l'Etat. Amateur des Sciences , & s'y diftinguant lui-même, autant que dans l'Art militaire ,où il avoit fouvent donné des preu- ves de fa bravoure & de (on habileté , il répan- dit des Tréforsimmenfes, qui furent employés à attirer de toutes parts des gens habiles, qu'il entretenoit enfuite par de groffes pendons , ôc à fonder des Académies , à qui il abandonnoit fes propres Palais & fes revenus les plus ch.irs. Toute la jeune NoblefTc de Ion tems lui fut redevable de fon éducation , &: du goût qu'elle prit alors pour les Sciences. Il ne fe contenta pas de lui en donner les moyens, en lui procuranr de bons maîtres , il fournilToit encore aux be-

D iiij

jO CONqUESTES DES PORTUGAIS

A NN. de foins des pauvres Gentilhommes les faifànt J- c. e'tudier à fcs frais , & prenant foin enfuite de ^^' '■ leur fortune. Mais en quoi fa magnificence

Don Jean / I i ri i r n-

II. R. éclata davantage , ce rut dans les rrais inelti- mables qu il fît pour fes découvertes , em- ployant lans relâche , jufqu'aux derniers mo- ments, le talent qu'il avoit de bien faire , pour remplir dans tous les lens la devife qu'il avoit prife, s'épuifant lui-même pour enrichir un jour l'Etat, deforte que le Portugal peut le regarder avec juflice , comme un de fes plus grands Princes , qui lui a fait le plus d'hon- neur , & à qui il a le plus d'obligation.

Le Roi Don Jean fécond du nom , ayant fuccedé à Don Alphonfe fon Père , ne fut pas plutôt monte' fur le Trône , qu'il entra avec chaleur dans les vues des Rois fes Préde'ceffeurs & de l'Infant Don Henri fon grand Oncle. Outre qu'il avoit lame grande & noble , & qu'il n'avoit pas moins de zélé pour la gloire de Dieu , que pour celle des Etats , dont il fe voyoit le maître , il fçavoit encore par fa pro- pre expérience , quel étoit l'avantage que le Portugal commençoit à recueillir des nouvel- les découvertes. Car il avoit eu une partie des revenus de fa caffette, dans le tems qu'il n'étoit encore que Prince des Algarves , & héritier préiomptif de la Couronne , fondés fur les pro- duits du commerce des pays nouvellement découverts ôc établis. Ainfi pleinement con-

T.-:n I /'.

Tlitc ile r-ui-eii. ôTMfdëTH^^,

prirm . maemr dtj' Decini i;

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. I. 31

vaincu de l'utilité de ce commerce , il n'omit an n. de rien pour le foutenir , pour l'animer, & pour J-C. le fonder d une manière folide. '"^ **

Dans les commencements de l'e'tablifTe- h^r^^^***- ment , les pre'miers Découvreurs fe conten- toient de drefTer des Croix fur les rivages ils abordoient , de graver la De'vife de Hn- fant fur les arbres voifins , les noms dont ils baptifoient ces Terres neuves, & telles autres notices qu'il leur plaifoit. Mais ious le Règne de ce Prince j on commença à drefler par tout des poteaux de pierre furmonte's d'une Croix, èc fur lefquels on voyoit gravés l'EcufTon de Portu- gal , le nom du Prince Régnant , celui du Ca- pitaine qui avoit découvert, & l'an & le jour deladécouvertejpourfervir d Ade&de témoi- gnage authentique d une prife de polTeilion réelle de tous ces pays au nom du Roi & de la Couronne de Portugal. Il fît ainfi planter jur». ques à neuf poteaux le long de la Côte d'A- frique inclufivement , jufquesau Cap de Bon- ne Efperance , finirent les découvertes qui furent faites de Ion tems.

Peu d'années après Don Juan ajouta à fes autres titres celui du Royaume de Guinée 6c Côte d'Afrique. Et afin de s'en affurer le Domai- ne effedit, il fît achever le Fort de l'Ifle d'Ar- guin, commencé quelques^-années auparavant, & il en fît bâtir un plus confiderable à laint George de la Mine, le faifoit le plus grand

3i CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de trafic de ces Contrées en poudre d'or.

J-C- La Flotte qu'il deftina pour aller bâtir le

^"^ '' Fort de la Mine^e'toit compofe'ede dix Cara-

^DoN.jEAN velles, de deux Ourques & d'une autre Bar- que plus petite. Cette Flotte e'toit chargée de toutes les pierres de taille , briques , bois ,' & matériaux néceffaires pour la ForcerefTe qu'il ne s'agifToit plus que d'élever -, & de cous les vivres & munitions de bouche & de guerre fuf- fifantes pour fix cens hommes , parmi lefquels il y avoit cent pionniers & ouvriers. Le plus petit bâtiment étoit deftiné pour faire la pê- che fur la Côte, Se approcher déplus prés la terre dans les anfes^ les Ourques & les Ca- ravelles ne pouvoienc entrer.

Don Diegue d'Azambuie, homme de mé- rite &c d'expérience , que le Roi avoit choifi 1481. pour Amiral de cette Flotte , ayant mis à la voile le 1 1 Décembre de l'an 148 1. ne fit que * toucheràBezeguiche,pourconfirmerunTraité ' fait avec le Seigneur de la Côte. Pierre Dévora Capitaine de la petite barque qui avoit pris les devants pour cet efïet, termina heureufe- ment cette affaire. Delà continuant leur rou- te , ils arrivèrent à la Mine le 1 9 . de Janvier de l'année (uivante. D'Azambuie y trouva fort à propos un petit batjment Portugais, apparte- nant au Roi, & dont le Capitaine ^ qui faifoit fa traite , lervit d'interprète , pour faire fça- voir au Seigneur du lieu la venue du Général^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. 33

ôc l'envie qu'il avoir de s'aboucher prompte- A n n. de ment avec lui. ^- ^•

Caramanfa , ainfi fe nommoit le Seigneur ^ de cette Bourgade de Nègres, ayant paru fatis- ii.roi. fait de l'arrivée du General Portugais , Don Diego d'Azambiiie , defcendit à terre , & s'empara d'abord d'une e'minence voifine de la Bourgade , qui lui parut propre pour le ter- rain de la ForterefTe. Il y fit élever la Bannière ôc les armes de Portugal , en prit pofTelTion au nom du Roi fon Maître , & y fit drelTer un Au- tel au pied d un grand arbre , fut chantée la première Meffe qui ait été dite dans ces Con- trées. Tous les afîiftans fondoient en larmes de dévotion dans la joye & l'cfperance de voir Jclus-Chrift prendre pofleflion de ces terres , jufques alors avoient régné la fuperftition & 1 idolâtrie.

L'entrevûë du General Portuo-ais & du Prin- ce NegrCjfe fit avec toute l'oftentation poilible. Chacun aftedla de donner idée de foi par tout l'appareil dont il étoit capable , quoique de part & d'autre, ce fut très peu de chofe. La Cour du Nègre fit peu d'imprelTion fur les Por- tugais. Les Portugais au contraire frappèrent les Nègres, qui n'avoient pas encore vu un fi nombreux & 11 pompeux étalage.

Après les premières cérémonies & les pre- miers compliments , d Azambiiie dit au Prin- ce avec beaucoup d'emphaie : » Seigneur , le

Tome I. E

54 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Roi inon Maître ayant appris avec un Ten- J- c. fible plaifir les facilite's que fes Sujets trou- ^'^ ^' "Voient à leur traite, dans cette partie de l'A-

ïL Roi!^^^ " fi'ique , qui vous eft foumife , par la bienveil- 5> lance , dont vous les favorifez ;, veut de (on >■> côté reconnoître un auffi grand fervice par » un bienfait fi fignalé , qu'il eft fèul la digne » recompenle de tout le bien que vous leur « avez fait ôc de toute la bonne volonté que M vous pouvez avoir. Ce bienfait confifte à vous « faire connoître un Dieu Maître & Créateur " du Ciel & de la Terre , Rémunérateur de » ceux qui croyent en fon nom , & le fervent » avec fidélité. Tous les Potentats de l'Euro- =5 pe reconnoiflent ce Dieu de Majefté , & » foumettent leurs têtes au joug de Loi. Si " vous voulez le reconnoître vous même & re- " cevoir le faint Baptême qui eft une profef- » fion publique de cette Loi , le Roi mon 5> Maître vous regardera alors comme fon frère » ôc comme fon allié, puifqu'il vous fera uni par « le même lien de la Religion, & que vous devez » être participans dans le Ciel , d'un bonheur s> qui n'aura jamais de fin : en cette qualité » il fera avec vous un traité de ligue olfenfive » & défenfive contre vos ennemis communs, » il fera avec vous une elpece de focieté ôc " de communauté de biens , en failant por- " ter dans vos Etats toutes les richeffcs des M fiens. Mais pour celamême la iûreté de l'un

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. T. 35

» & de l'autre exige que vous lui permetiez ANN.de " de faire un établiflement (olide dans vos ^•^' - » Ecats , qui puifTe (ervir de retraite à ceux de "les Sujets, quii enverra dans ces Contrées, n. Ror. » afin que vous ayez toujours à la main les » Portugais , dans un lieu qui puifTe leur fer- » vir d'afile contre vos ennemis & les leurs , " ôc de magazin, pour l'avantage de leur com- » merce.

Caramanfa , qui avoit de l'efprit & de la poli- - tique, plus qu'on n'en fuppoie communément à un Nègre , affeda une gravité étonnante , pendant toute la Icéance. Il écouta la Haran- gue du Général avec un filence ôc une attention merveilleufe , quoiqu'il'^s'en falût bien qu'il en comprit tout le fubUme. Et après avoir rê- vé profondement pendant quelque tems , il répondit en peu de mots d'une manière fort gracieule pour le Roi de Portugal , & pour celui qui reprefentoit fa perfonne _, mais affez équivoque par rapport au but effentiel ; qui étoit l'article de lai Citadelle, lur lequel le Gé- néral avoit gliilé fort légèrement.

L'un & l'autre en fentoient allés la confequen- ce, & tous les deux ne difoient pas ce que na- turellementils en penfoient. D'Azambiiie qui crutappercevoir dans le Prince Nègre, quel- ques motifs de défiance répliqua , & parla de la manière qu'il crut la plus propre à dilîiper tous fes ombrages. Soit que Caramanfa ne fe

Ei,

3<; CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de ciûc pas en état de refifter à tant de monde ,

J- C- qui pouvoit aifément lui donner la Loi , foit

^ "*■ ' qu il envifaeeât alors certaines condderations

Don Jean |. t / i ri

ii.Roi. dun intérêt prêtent , qui prévalurent iur les craintes de l'avenir , il prit Iur le champ Ion parti , & frappant des mains avec tous Tes gens, en figne d'approbation , il accorda pour lors de bonne grâce , ce qu'il n'eût peut-être pas e'té fur de refuler.

Dès le lendemain fans plus différer , le Gé- néral mit Ion monde en œuvre , pour creufcr les fondements de la place, mais les pionniers n'eurent pas plutôt commencé à foiiir & à tou- cher à certaines pierres conlacrées par la fu- perftition, que les Nègres accourant en armes le mirent en devoir d empêcher le travail. Les efprits s'échauffoient &c l'on alloit voir quelque fâcheufefcene quand Don Diegue, qui donnoïc alors [es ordres pour faire décharger les ma- tériaux 3 averti à propos par (es interprètes que la Religion avoit moins de part à ce dé- fordre , que le déplaifir de n'avoir pas reçu en- core les préfents qu on devoir faire au Prince, accourut en diligence & difant lui-même des injures à fes gens , il les fit ceffer avec un air d'autorité ôc d indignation qui calma l'émeu- te. Les préfents furent portés avec pompe. Les Nègres les reçurent avec plaifir , & vendirent ainfi, prefque fans le fçavoir, une liberté qui de- voit leur être bien plus précieufe. On travailla

DANS LE NOUVEÀuMONDE. LiV.I. 37

de C.

avec tant d'ardeur, que la place en vingt jours A n n

*de tems Ce vit hors d'infuke. Don Diegue fit ^' ^

auflî bâtir une Eelife dans l'endroit , à Ton ^ ,

^ Don TlâN

arrive'e il avoit fait drefler l'Autel. L'Eglife & la n-Roi. ForterefTe furent mifes fous la protedlion de S. George. On fonda dans la première une MeiTe chaque jour à perpétuité , pour le repos de l'a- me de l'Infant Don Henri , & le Roi accorda à la féconde les privilèges ordinaires des Villes. Don Diegue relfa avec foixante hommes pour la garde de la place , & renvoya tout le refte en Portugal dans les Vaiffeaux, avec l'or , les EC- claves & les autres denre'es qu'il avoit trai- te'es.

Quelques anne'es après, le Roi fit un arme- ment beaucoup plus confide'rable pour un troi- fie'me e'tabliffement qu il avoit projette' de fai- re à l'Embouchure du Se'négal , &c qu'il croyoic être d'une bien plus grande coniequence, mais qui eut un fuccés bien différend. En voici l'oc- cafion.

Parmi les Nations qui font (itue'es entre le fleuve Gambe'a & le Sénégal , les Jalophes font les plus voifins de la mer,& étoient alors les plus connus des Portugais. Le Prince qui les gouver- noit faifant paroître peu d'eftime pour les deux frères aînés Fils du Roi défunt, abandonna en quelque forte les rênes de l'Etat entre les mains d'un frère qu'il avoit du côté maternel, nommé Bemoin , & fe livra fans referve à

E iij

3? CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de toutes fortes de vices. Le choix de ceMiniftre

J- C- fut moins heureux qu il ne devoit 1 être. Il

^"^ '" avoit de refont , de la conduite & de la valeur.

Don Jean t-, r- ^ i r> r r,

II. Roi. Pour Ic maintenir contre les Princes les Ri- vaux , il s'approcha encore davantage de la mer , & fit une alliance étroite avec les Por- tugais. Ceux-ci dévoient en être contens jj il n omettoit rien pour les gagner ^ il facilitoit en tout leur commerce , payoit jufques aux chevaux morts dans le trajet, comme s'ils euf- fent été chargés pour fon compte. Tout alla le mieux du monde pendant la vie du Roi ; mais le Roi ayant été afTafliné par l'intrigue de fes propres frères, Bémoin fe vit tout à coup une groffe guerre à ioutenir. Il eut recours pour cela à les Alliés. Le Roi Don Jean lui fit pro- mettre toute affiftance, pourvu qu il voulut fe faire Chrétien & recevoir le Baptême : il lui envoya même pour cela des Ambaffadeurs , des préfents & des Millionnaires. Bémoin pro- mit tout ce qu'on voulut en faifant fentir néanmoins que le tems d'une guerre civile, étoit bien peu propre pour un changement qui devoit naturellement foule ver contre lui, jufques à ceux qui lui étoient reftés fidelles , mais que des qu'il fe verroit paifible poifeifeur, il pourroit & fe convertir & fe flatter de con- vertir avec lui toute fa Nation.

Il différa ainfi pendant un an , donnant tou- jours de bonnes elperances. Cependant la

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.I. 39

guerre qu'il faifoit à fon défavantage troubloic Ann. de beaucoup le commerce. Il empruntoic , ne ^•^• pouvoir payer, & le trou voie arrierre de beau- coup. Les Négociants Portugais , dont les au- 11. roi. faites alloierit mal, en donnèrent avis au Roi, qui voyant que Bémoin nefFedluoit pas la promeite qu'il a voit donnée d'embraffer la foi, ordonna à tous fes Sujets fous de trés-grie'ves peines de l'abandonner , & de retourner en Portugal.

Be'moin , qui fentit que cet ordre feroit la caufe de fa perte,fît un effort^ puifa dans la bour- fe de fes amis & paya fes dettes. Mais voyant qu'il ne pouvoit retenir fes Hôtes , il fît em- barquer avec eux fon Neveu , & le chargea d'un collier d or , qu'il accompagna de cent Efclaves choifis , dont il faifoit préfent au Roi pour implorer fon fecours , mais ils n'eut pas letems d'attendre ce fecours, il fut battu &fe fauva avecpeine àla Fortereffe d Arguin J il s'embarqua pour venir en Portugal avec vingt- cinq des principaux de fa Cour, qui voulurent fuivre fa fortune.

Le Roi ayant fçû fon arrive'e dans fes Etats ,. voulut le recevoir^ non comme un Chef de barbares gueux & miferables , mais comme un Souverain ôc puifTant Monarque , plus encore pour donner à toute l'Europe une haute ide'e de fes Conquêtes , que pour reconnoître les fervices que Bémoin avoit rendus à la Nation,

40 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de Don Jean donna donc fes ordres , pour le fai-

J- ^- re conduire au Palais de la Palmele , il lui

Don Jean ^^ ^^ Maifon, & il fut fervi aux dépens de

II- ^- fa Majefté , en attendant que tout fût prêt ,

pour le jour de fon Entrée publique dans

Lilbonne.

Le jour deftiné à cette entrée^étant arrivé, le Roi & la Reine, chacun dans leur Palais féparé- mcnt, entourés d'une Cour nombreule des Da- mes & des plus grands Seigneurs du Royaume, tous vêtus iuperbement,& parés pour la pompe, attendirent le Prince Nègre que Don François Contino Comte de Marialva ctoit allé prendre avec un grand cortège de la jeune Nobleffe. Bémoin ayant traverfé en cet état les rues de Lilbonne , qui étoient tapiffécs & ornées com- me pour un jour de triomphe , entra dans le Palais , ôc monta à la Salle du Trône. Dé^ que le Roi l'apperçut , il fe découvrit un peu, & fit quelques pas pour venir au-devant de lui. Bémoin de fon côté fe pMlerna aux pieds du Roi , faifant femblant d'en tirer de la terre avec fes mains qu'il portoit enfuite fur fa tête , pour marquer fon refpedl , & fe recon- noître fon vaffal. Le Roi l'ayant relevé d'un air gracieux s'acofta du Trône , il fe tint debout , mais un peu appuyé , & fit figne à l'interprète de dire à Bémoin de par- ler. Bémoin , qui étoit un homme de bonne mine, d'un grand fens, & dans la force de 1 âge,

commença

Roi.

DANS LE NOUVEAU. Monde. Liv. I. 41

commença Ton difcours avec un air dégagé , '~7~ ^ & le continua avec tant de grâce & de dignité , j. c. n'omettant aucune des raifons qui pouvoient hS?- rendre fenfibles tous les coeurs fur l'état prefenc donJean de fa fortune , que le Roi qui en fut touché ^ " & qui d'ailleurs fut très fatisfait,de toutes les quertions qu'il lui fit , conçut de lui l'idée d'un homme fage & judicieux , & en fît encore plus d'eftime qu'il n'en avoit fait fur les pre- mières relations qu'on lui en avoit données. Bé- moin pafTa enfuite chez la Reine ^ lui baifa la main , & à Alphonfe Prince de Portugal, priant l'un & 1 autre par un petit difcours coure & bien entendu, de vouloir bien fe rendre fes interceffeurs auprès du Roi , de qui feul il pouvoit tout attendre. Après quoi, il fut con- duit au Palais qui lui avoit été deftiné, avec le même cortège , & dans le même ordre qu'il étoit venu.

. Comme la converfion du Prince Afriquain étoit ce que le Roi avoit le plus à cccur , la première chofe qu'on fît par fon ordre, ce fut de mettre auprès de fa perlonne des Eccle- flafliques vertueux & fçavants , pour l'inftrui- re , avec tous ceux de fa fuite. Il ne leur fut pas difficile d'y réiifTir ^ Bémoin avoit été long- rems catechifé , & avoit alors un intérêt tout différend de celui, qui jufques à ce moment, l'avoit empêché de faire ce qu'on avoit exigé de lui avec trop d'empreffement ôc affez , ce Tome I. F

4z CoNQUESTEs.DEs Portugais

~ femble,hors de propos , de forte quedeman- An N. de dant lui-même avec ardeur le S. Baptême, pour ■g ' foi de pour les fiens , ils furent bien-tôt admis r.«M 1..V à recevoir cette grâce.

Don Jean O

II. Roi. La ce'rémonie en fut faite avec toute lafo-

lemnite' pollible. La nuit du troifiéme Décem- bre de Tan 1489. dans le Palais delà Reine, il fut pre'ienté aux fonds Baptiimaux avec deux des plus qualifiés de fa fuite , par le Roi , la Reine , le Prince, le Duc de Béja , qui mon- ta depuis fur le Trône , le Nonce du Pape , & les Evêques de Tanger & de Ceuta. Ce der- nier fit la fondion , & fut en même tems du nombre des parains. On donna à Bémoin le nom de Jean pour lui faire honneur , parce lue c'étoit le nom du Roi. Les autres Nègres Turent préfentés par d'autres Dames &c Sei- gneurs. Le lendemain cette cérémonie fut fuivie d'une autre , le Roi ayant fait Cheva- lier le Prince Afriquain , à qui il donna auffi pour armes une Croix d'or en champ de gueu- les, avec les cinq petits EcufTons de Portugal pour bordure. Bémoin de fon côté fit homma- ge de fes Etats au Roi & à la Couronne de Portugal. Enfuite le Nonce du Pape envoya à fa Sainteté une relation exaâre de tout ce qui s'étoit pafTé , & 1 aéle authentique d'obé- dience du Prince nouveau Chrétien , au Sou- verain Pontife, comme Chef de l'Eglife.

Pendant quelque tems on ne vit dans Lif^

l

II. Roi.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV.I. 45

bonne, à l'occafion de l'entre'e & du Baptê- ' me du Prince Nègre, que fêtes & divertifTe- ^^^^^ ments , feux de joye & illuminations , combats 1489. de Cannes & de Taureaux, couries de Barbes donjean & autres plaifirs , qui donnant dans les yeux de ces pauvres Afriquains dévoient leur im- primer une haute ide'e de la grandeur du Prince magnifique, qui les recevoir fi bien par la comparaifon qu'ils dévoient en faire avec leur mifere. Ils ne laifTerent pas néanmoins de donner eux mêmes du plaifir àlaCourde Portugal par leur agilité ôc par leur adreffe : car on les voyoit courir après les Barbes , dans le fort de leur courfe, voler fur leur croupe de plein fault , s'y tenir debout , -defcendre pour amaffer des pierres difpoféesd'efpace enefpace, fauter encore fur la croupe de ces chevaux , ôc cela avec tant de légèreté, qu'ils l'emportoienc de beaucoup furies Maures de Barbarie , quoi- que ceux-ci par leur adreife dans cet exerci- ce, fuffent eux-mêmes l'admiration de tous les autres peuples.

Cependant le Roi, qui penfoit plus aufoUde qu'aux plaifirs , fit armer en diligence vingt Caravelles bien pourvues d'hommes, d'armes, de munitions de bouche ôc de guerre, & de tous les matériaux néceffâires pour élever une Fortereffe. Il donna la conduite de cette Flot- te à Pierre Vaz d Acugna, furnommé Bifagu. Le Roi envoyoit en même tems un certain

44 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANn.de nombre de MiifionnaireSjà la tête defquels

^' f" étoit fon ConfefTeur même, le Père Alvarés

de 1 Ordre de S. Dominiq^ue , homme d'une

II. ROI. grande condition , ôc d'uile lainteté de vie plus grande encore. Mais toutes les efperan- cesque le Roi avoir forme'es , tombèrent tout- à-coup par une des brutalités les plus inouies. Car à peine cette nombreufe Flotte , qui jetta la terreur dans tout le pays, eut-elle paru, à peine eut-on pofe les fondements de la For- terefTe , que le Ge'néral , qui avoit un déplaifir fecret d'avoir commencé l'ouvrage dans un mauvais terrain , & qui fouftroit de le voir obligé à refter dans un lieu mal (àin , s étant approché de Bémoin le jetta roide mort à fes pieds à coups de poignard , fous le faux pré- texte qu'il brafToit quelque trahifon. Cette adion , qui caufa bien de l'émotion parmi les Nègres , & parmi les Portugais mêmes , fit une peine extrême au Roi, qui la laifTa pour- tant fans autre vengeance , que celle des remords qu'elle devoir caufer à fon Auteur. Peine trop dure pour un homme qui eût eu du fentiment, mais trop légère pour un hom- me capable d'une telle lâcheté.

Outre le defir de remettre fur le Trône un Prince allié , qui lui auroit obligation de fa fortune , Don Jean avoit encore tun plus grand objet qu il rouloit depuis long-tems dans fon efprit j c'étoit d'attirer dans fes Etats

DANS LE NOUVEAU MONDE. LlV. I. 45

le commerce des grandes Indes , & de trou- a n n. de ver une voye pour y pe'ne'crer. Ses Mathéma- J- ^• ticiens l'aiTuroient que non leulemcnc la chofe ''" ^'

î / . rr} f A ' 11 ' Don Jean

n ecoit pas niipollible , mais même qu elle ecoïc n. roi. très-failable par plus d'un endroit, car d'une part ils rafTuroient qu'on pouvoit faire le tour de l'Afrique ^ ôc ils produifoient une Carte Géographique , que 1 Infant Don Henri avoir reçue de la main des Maures, qui lui en mon- troit la route, & que révénement à fait voir être afTés e'xadle. D'un autre côté le monde étoit alors plein de l'idée d'un puilTant Mo- narque Chrétien , connu fous le nom de Prête ou Prêtre Jean, mais dont les Etats étoient af- fez ignorés. Plufieurs trompés par des Rela- tions anciennes , èc encore plus par celle de Marc Paul Vénitien, les croyoient placés bien avant dans la c^rande Afie, D'autres au contraire les {ituoientoù ils font véritablement, dans la haute Ethiopie , au voifînage de la Mer des Indes , & au-defllis des cataradles du Nil, ce qui avoir été confirmé par quelques Prêtres AbyfTins qui étoient pafTés en Efpagne , & par quelques Religieux Européans, qui avoienc fait le Voyage de Jerufalem- Le Roi avoir un empreflement extraordinaire d'écLiircir (es doutes fur ce point , dans le deffein de faire alliance avec ce Prince , pour achever de Fin- ftruire dans la foi , le foumettre à l'obéiïTan- ce du Vicaire de Jefus-Chrill: , & établir entre

Fiij

^6 CoNQUESTEs DES Portugais

fes Etats & ceux de ce Prince ,une correfpon-

An N. de dance mutuelle , dont il prëvoyoit des biens

^' ^" immenics , ii elle pouvoit lui ouvrir une route

à ces Indes fi de'fire'es . & qui faifoient l'objet

Don Jean , r i C n'

II. Roi. de la plus rorte pallion.

Il avoit d'ailleurs quelques notices qu'on pouvoit pénétrer dans les Etats de ce Prince par les Royaumes nouvellement découverts lur les Côtes d'Afrique. Car l'an i486, un Am-. bafllideur du Roi de Béin , qui étoit venu avec Jean Alphonfe d'Aveïro , pour faire al- liance avec la Couronne de Portugal , deman- der des perfonnes qui pufTent prêcher l'Evan- gile , &c l'inftruire lui éc les fujets dans n^tre lainte P^eligion , racontoit qu'à 1 Orient du Royaume de Bénin à 350. lieues dans la profondeur des terres il y avoit un Monarque puiflant , nommé Ogdue , qui avoit jurifdidion Ipirituelle & temporelle lur tous les autres Rois voifins : que le Roi de Bénin & les au- tres , à leur avènement à la Couronne , lui en- voyoient des AmbalTadeurs avec de riches préiénts ; & qu'ils recevoient de lui l'invefti- ture de leurs Etats , dont les marques Roya- les confiftoient dans un bourdon en guife de Sceptre , une manière de Cafque , au lieu de Couronne, & une Croix de Laiton , fans quoi, ils n'étoient pas reconnus comme Rois légi- times : que les AmbafTadeurs , pendant tout le féjour qu'ils faifoient à la Cour de ce Prin-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. 47 ce , ne le voy oient jamais : feulement qu'au T 7"

11 Al- iirr- A^ Ann. de

jour de leur Audiance , il laiiloit paroitre un J. c. de fes pieds , qu'ils bailoient avec refpeâ: , ^•^^9- comme une choie fainte ; & qu'à leur de'part donJean on attachoit aulii,au nom du Prnice, une Croix de Laiton , au cou*deldits AmbafTadeurs , ce ui les mettoit des - lors en liberté , les af- ranchifToic de toute fervitude , & e'toit pour eux comme un ordre de Chevalerie qui les annobliflbit.

Be'moin avoit affuré à peu près la même chofe au Roi , en lui difant qu'il y avoit à 1 Orient du Royaume de Tombut, plufieurs autres Souverains , mais un en particulier qu'ils appelloient le Roi des peuples Mofaïques, qui n'e'toit ni Mahometan, ni Idolâtre ^^ profel- foit une Loi qui paroifToit afTez conforme à celle des Chrétiens. Don Jean, dont toutes ces connoiflances, qui fe rapportoient aux Rela- tions qu'on avoit du Prêtre Jean, animoient la forte envie qu'il avoit de parvenir jufques à lui, s'étoit fortement perfuadé qu il en vien- droit à bout en remontant le Sénégal , qui félon les conjedlures" de ies Mathématiciens, fortoit des mêmes montagnes ;, font lesfour- ces du Nil à la hauteur des terres. C'elt pour- quoi il avoit ordonné que dés qu'on auroic bâti la Fortereffe à fon embouchure , on le remontât aufîl loin que Ion pourroit. Et com- ' me dans la Defcription qu'on lui en fît , on

48 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de lui avoic dit qu'il y avoic des cataractes & des

^'[ faults femblables à ceux du Nil , il donna Tes

, , ordres pour les rompre iufqties à fa fource.

Don Jean] I X ■* T.

II. Roi. Projet noble & magnifique fans doute , mais dont félon toutes les apparences , il n'avoit pas alTez pe'nétré la difficulté' ou l'impoilibi- lité.

Il y avoit quelques anne'es que fur les pre'- mieres notices que le Roi avoit eu du Prê- tre Jean , il s'étoit mis en devoir de le faire chercher par mer de par terre , jufques à ce qu'il l'eut trouve'. Les deux premières perfon- nes qu'il envoya revinrent de Jerufalem ians pafler outre, parce qu on leur fit comprendre que fans la langue Arabe qu elles ne fçavoient pas , il leur feroit impoflible & inutile de con- tinuer leur voyage. Sur cela le Roi en expé- dia deux autres qui la poffedoient affez bien. L'un e'toit un Gentilhomme de fa Maifon , nommé Pierre de Covillan, l'autre s'appelloit Alphonfe de Paiva. Ils reçurent leur commif. fion ôc leurs lettres de créance à Santaren le 7. Mai de l'an 1487. en préfence de Don Manuel Duc de Béja , qui fucceda à Don Jean.

Ceux-ci ayant pris le chemin de Naples , pafTerent de. à Rhodes , où. ils s'embarquè- rent pour Alexandrie, allèrent enfuite au Caire, d'où ils continuèrent leur route jufques à Aden, ville fituée dans le Golphe Arabique,

au

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.I. 49

au-deffus de l'embouchure de la mer Rouge. ANN.de Y e'cant arrive's au tems de la Mouçon^ ilsfe ^•^* fe'parerent. Alphonfe de Paiva fit voile en droi- ture pour l'Ethiopie , ôc Pierre de Covillan ii.roi. pour les Indes. Celui-ci aborda à Cananor , pafifa à Calicut ôc à Goa, il s'embarqua pour aller à Sofala , fur la Côte Orientale d'Afri- que. De-là il retourna à Aden , & enfuite au Caire, 011 Alphonfe de Paiva & lui s'e'toient donné rendes - vous. En arrivant il apprit Qu'Alphonfe de Paiva y étoit mort ; mais il y trouva deux Juifs Portugais avec de nou- veaux ordres , que le Roi lui envoyoit. Car ce Prince, à qui l'un de ces Juifs avoit rendu un compte affez eXadt du commerce de la Ville dOrmus , (ituée à l'cntre'e du Golphe Perfi- que , fe rendoient toutes les richeffes des Indes, d'où on les tranfportoit enfuite en Sy- rie & en Egypte pour les faire paiïer en Eu- rope , refolut d'envoyer ce Juif & fon Com- pagnon avec de nouvelles inftruâions pour Pierre de Covillan, par lefquelles il lui ordon- noit de renvoyer le fécond de ces Juifs avec un de'tail exadt de fes voyages, & d'aller avec le premier jufques à Ormus , enfin de conti- nuer toujours les recherches du Prête -Jean, ôc de ne point fe rebuter jufques à ce qu'il l'eût trouvé.

Pierre de Covillan pour obéïr aux ordres de fon Prince , donna un ample Journal de fes

Toffie I. G

50 Conquestes des POR^rUGAIS.

A N N. de Avantu'res au Juif que le Roi lui avoir de'fi-

J. c. m-ié & l'inltruifit de vive voix auili pleinement 1490. 11 \ ^ ' ' 1

qu il le put. Apres quoi s étant remis en che-

DonJfan '^ 1 1^ ^\j o rc

II. Roi. mm avec 1 autre il retourna a Aden , & palla enfuite à Ormus , après avoir bien confi- dcre' toutes chofes , il expédia Ton nouveau compagnon de voyage, lui ordonnant de par- tir ayec les Caravanes qui vont à Alep. Pour lui, il s'embarqua derechef pour la mer Rou- ge , & arriva enfin à la Cour du Prince quil avoir cherché avec tant de périls , de fueurs , & de fatigues.

Afin que rien ne fût omis de ce côté-là , le Roi fit écrire dans toutes les Echelles du Le- vant , aux Confuls de la Nation Portugaife , ou bien aux gros Marchands qui y éroient établis , pour avoir quelques connoilTances de tout ce qu il defiroit de icavoir. Enfin il lui vint de Rome un Prêtre Abyllm nomme Mar- cos.qui l'ayant fatisfair lur roures les quelHons qui lui furent faires touchant (on pays, il lui fit écrire plufieurs lettres , dont il lui fit faire aufli des copies , qu'il envoya en divers ports de l'Orient, afin que l'on en chargeât les Abyfîins fujets du Prince dont il étoit fi curieux d'ap- prendre des nouvelles , dans 1 efperance que quelqu'une venant à tomber entre (es mains^ ferviroit à donner plus de créance à Pierre de Covillan , fuppoié qu il hit alTez heureux, pour arriver au terme de ion voyage. Après cela

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. ji

il fît partir le même Prêtre Abyfllii chargé des A n n. de mêmes lettres, dont il avoit fait les copies . ^' ^^

I 1 / I ' ^- r \ i- 1490.

&r comble des grâces que répandit lur lui ion extrême libéralité. î^°^ ï''^^

il. KOI.

Ceux que le Roi envoya pari Océan Atlan- tique à la recherche de ce Prince , furent Bar- thelemi Diaz & Jean l'Enfant ;, qui comman- doient chacun un VaifTeau , fuivi d'un troidé- me uniquement chargé de vivres pour fup- pléer au défaut de ceux qui auroient étécon- ïuinés dans le cours d'une longue Navigation, & pour ôter une raifon fpécieufe à ces Avan- turierSj de revenir fur leurs pas , ainfi qu'a- voient fait pluheurs de ceux qui les avoient précédés.

La Navigation commençoit alors à devenir moins pénible. Le Roi qui entretenoit à fa Cour de três-habiles Mathématiciens , & qui étoit toujours en adlion pour inventer quelque choie qui pût faciliter le fuccès de les décou- vertes j les avoit louvent encouragés à imagi- ner quelque expédient pour rendre l'art de naviger plus ailé ôc plus facile. Ils répondi- rent à fon attente ;, car les Auteurs Portugais leur font l'honneur de leur attribuer d'avoir trouvé le moyen de prendre hauteurpar l'alfro- labe , & d'avoir fait des Tables des déclinais (ons à l'ufage des Pilotes. Et quand ils n'au- roient fait autre choie , ce feul fèrvice qu'ils .rendirent alors à l'Europe , iuffit pour lesren-

G ij

j-i CoNquESTEs DES Portugais

A N N. de dre immortels ; car depuis ce tems-là , on ne

^•^" fut plus forcé à ranger la Côte , & on pouvoit

s'expofer en pleine mer , fans craindre de per-

Don Jean , \ ^ J 1 xt L-

ii.Rox. dre la terre , ce qui rend la Navigation bien, plus courte & moins pe'rillcufe.

Diaz & l'Enfant avoicnt ordre de continuer les découvertes, à commencer depuis le Fleu- ve Zaïre ;, avoient fini celles de Diego Can, dont nous parlerons bientôt. Ils dévoient plan- ter par-tout des poteaux , & laiiTer fur le ri- vage des Nègres , & fur-tout des Negreffes , bien nippées & bien inftruites de ce qu elles dévoient dire , foit pour s informer du Royau- me du Prêtre-Jean , loit pour célébrer les louan- ges du Portugal ^ ôc donner envie d'entrer dans ion alliance.

Diaz y qui commandoit , eut infiniment à foufFrir dans toutes les terres il aborda. Il trouva des langues inconnues , que fes Nfe- gres même n'entendoient point. Son monde le révolta plufieurs fois contre lui ; il le rame» na toujours avec douceur ôc avec fermeté : mais dans ce voyage il n'eut aucune nouvel- le du Prince qu'il cherchoit. Il découvrit néan- moins trois cent cinquante lieues de nouveau pays, planta fix poteaux , & arriva jufques à l'extrémité de l'Afrique à un Cap , qu'il nom- ma le Cap Tourmente , à caufe de la grolTe mer qu'il y trouva. Son courage lui eût infpiré de pafTer outre, mais (es gens étoient trop re-

DANS LE NOUVEAuMONDE.LiV.I. Jj

butés. Il fe vit contraint de revenir fur Ces ANN.de pas,& trouva en retournant le VaifTeau qui ]'^' portoit les vivres , neuf mois après s'en être

Te'pare'. De neuf hommes qu'il y avoit fur ce n°Roî."" Vaifleau , il n'en reftoit plus que trois , dont l'un fut fi fort tranfportë de cette jondion , qu'il en mourut d'un excès de joye. Enfin Diaz arriva à Liibonne en Décembre de lan 1487. feize mois &dix-fept jours après en être parti. Le Roi le reçut fort bien , mais ayant enten- du dans fa Relation le nom de Cap Tourmente^ il voulut qu'il fe nommât le Ciip de Bonne Ef~ perance , pour fervir d'heureux préfage aux fruits qu'on devoit tirer de cette de'cou- verte.

Diego Can , qui avant l'expe'dition de Diaz avoit découvert depuis le Cap Sainte Catheri- ne jufques au Fleuve Zaïre , commence le Royaume de Congo , y avoit trouvé une nouvelle terre, une nouvelle Nation de Nè- gres , dont les premières qu'on avoit déjà découvertes n'entendoient point le langage. Quoique ce nouveau peuple dût être furpris à la première vue des Portugais , il n'en parut cependant que médiocrement étonné, &loin de fuir comme avoient fait les autres , il fe fa- miliarifa au contraire fi fort dès l'abord avec des hôtes qui lui venoient de fi loin & d'une manière Ci extraordinaire , qu'on eût dit que les uns àc les autres s'étoient toujours connus.

G iij

j4 CoNQUEsTEs DES Portugais

ANK.cie Diego qui vit qu'il alloit perdre beaucoup J- c. (Je cems en cet endroit par le défaut de s'en- tendre , prit fur le champ parti d en enlever

Don Jean . ' ^ . ^ J .

II. Roi. quelques uns pour les condun-e en Portugal, & de laifTer de ion côté quelques otages , qui des deux parts pourroient apprendre la langue du paysj ce qui fut exécuté habillement: car s'étant afTuré de quatre des principaux , il fit entendre aux autres , le tout par geftes & par fignes , ou le mieux qu'il put , qu'il n'avoit que des intentions utiles au pays ; qu'il traiteroic bien ceux qu'il emmenoit & qu'il les ramene- roit en quinze Lunes : Que pour gage de fa parole , il leur laifToit quelques-uns de les gens, qui apprendroient cependant leur langue , ôc (c mcttroient en état de leur rendre fervice.

Cette adion violente , faite brufque- ment, & qui étoit une vrai hoftihté , réiif- fit par une elpece de prodige , & par un mi- racle de la Providence. Les Nègres n'en fu- rent point offenfés ou fe calmèrent bien-tôt. Le Roi de ces peuples, qui en fut informé, ne s'en formalifa pas non plus , ôc traita fort bien les Portugais que Diego Can avoir abandonnes (i imprudemment à fa difcretion & à ion reffentiment. Ceux-ci ayant appris à jargonner , tirent eiiimer au Roi notre Reli- gion, & fe firent eftimer eux-mêmes. Cepen- dant Diego étant arrivé en Portugal , le Roi ie fit repartir prefque i'ur le champ , avec les

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. 55

mêmes Nègres qu'il avoit conduits. Leurs A nn. de compatriotes les voyant fains & iaufs , con- ^' ^' tens d ailleurs du traitement quils avoient re-

A r-k- ^ I 1 r 1 Don Jhan

çu , Diego en eut un accès bien plus facile ii-roi, dans cette Cour. Le Roi de Congo prit en particulier tant de confiance en lui , qu'il fe re'lolut de le renvoyer avec un de ceux-là mê. mes qu'il avoit enleve's , à qui il allocia deux jeunes gens des plus qualifiés en manière d AmbafTade , pour prier le Roi de Portugal de les faire inftruire Se baptifer, & de les ren- voyer enfuite avec des gens habiles, qui puf- fent procurer le même bonheur à lui, & à tous fcs lujets.

Les AmbafTadeurs furent reçus à Lifbonne avec beaucoup de dillindlion , ôc comme le Roi apprit en même tems que le Roi de Con- go étoit un Prince bien plus puiiTant , & fes lujets un peuple bien plus fpirituel , que ceux qu'on avoir trouvés jufques alors , Don J^ean crut devoir auiîi faire plus pour eux -, & îorfqu'ils furent inftruits , ils furent baptifés avec beaucoup de pompe. Le Roi , la Reine, &: quelques-uns des principaux Seigneurs 6c Dames du Palais les préfenterent aux Fonds, facrés , & les honorèrent de leurs noms. Enfuite pour répondre à 1 empreffement du Roi de Congo, le Roi les ayant chargés de riches préicnts , les fit partir en toute diligence fur une Flote , dont il donna le Commandement

j6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de à Gonfalve de Sofa , qui étant mort en che- ï- ^* min , eut pour fuccefîeur dans le Comman- dement Roderic de Sofa Ton Neveu , lequel

II. ROI, l'avoit fuivi en qualité de volontaire , ôc fc montra digne du choix qu'on avoit fait de lui.

Dés que cette Flote parut à l'embouchure du Zaïre , l'Oncle du Roi , qui commandoic dans cette Province , vint au-devant de Sofa , ' avec toutes les démonftrations de la joye la

plus parfaite.C'étoit un vieillard vénérable, qui ne foupiroit qu'après le moment de recevoir le S. Baptême , & en qui la grâce avoit opéré déjà de grands effets. Ce fut aufïï la première çhofe qu il demanda , & cela avec tant d'ar- deur & de raifons fi folides , que Sofa ne put s'empêcher delà lui accorder. Trois Religieux de l'Ordre de faint Dominique , qui étoient venus fur la Flotte, achevèrent de l'inftruire, de le baptiferent auffi folemnellement qu'ils H9I- purent, le jour de Pâques de l'année i49i.luij ôc un petit enfant qu'il avoit. Le refped: qu'on eut pour le Roi , qui fouhaitoit le Baptême avec autant d'ardeur , fît qu'on n'en baptifa pas davantag'^;. Le fils aîné même du Com- mandant ne put obtenir cette grâce. Son père lui fie entendre que lui-même n'oferoit prendre la liberté de précéder fon Souverain, {ans la crainte qu'il avoit d'expofer fon falut par UA délai , à raifon de fon extrême vieilleiTe,

DANS LE NOUVEAU Monde, Liv.I. 57

&i le falut de cet enfant , à qui il procuroic le a NN.dc même bonheur que l'enfant n'écoit pas en état J.C. de demander, à caufe de la foibleffe de cet ^'^^'' âge tendre, à qui il ne faut rien pour emporter il roi."'"*' un foufie de vie naiffante. L'Oncle du Roi fut baptifé au nom de Don Manuel Duc de Bé- ja , frère de la Reine , l'enfant eue le nom d'Antoine.

Le Roi de Congo fut fi content du proce'de' .de fon Oncle, que fur le champ il augmenta fon appanage de trente lieues de long en fuivant la Côte fur dix de profondeur. La grâ- ce des eaux falutaires du Baptême fe fit lentir dans la 'perfonne de ce véne'rable vieillard , qui depuis fut toujours plein de l'efprit de Dieu , zélé' pour toutes les affaires de la Reli- gion, avide de la parole du Seigneur, qu'il ne pouvoir fe laffer d'entendre, & qui eut un tel refpecft pour le Sacrement de nos Autels , & fur-tout en entendant laMeffe,que quelques jeunes Seigneurs ayant fait du bruit pendant ce faint tems hors de la Chapelle de brancha- ges qu'on avoir e'ieve'e pour la ce're'monie de Ion Baptême , & l'on continuoit d'offrir tous les jours le faint Sacrifice , il les auroit fait mourir, croyant que ce refpecfb avoir e'te violé , fi le Général Portugais èc les Religieux n'eufient modéré cet excès de zèle.

Sofa , qui n'ignoroit pas que le Roi de Con- go comptoit tous les moments juiques à [on

Tome L H

jS CoNQUESTEs DES Portugais

ANN.de arrivée, ne tarda pas à fe mettre en chemin

J- ^' pour la Capitale. Don Manuel lui fournit les

Efclaves nécefTaires , pour porter les hommes

IL rok"*^ & les bagages fur les terres de fon Gouverne- ment , & 1 accompagna lui-même jufques à la. frontière. Le Roi de fon côté , envoya plufieurs fois fur la route , pour complmienter le Gé- néral , & faire honneur à fa marche jufques aux approches de la Ville Royale.

L'entrée du Générale (a marche jufques au Palais du Roi furent magnifiques à la façon du pays , & la foule qui le fuivoit étoit fi nombreuiè, qu'à peine fe pouvoit il faire jour. Le Roi l'attendoit dans fon Palais , afïis fur une Chaife d'y voire placée fur une eftrade. Rien ne relevoit la Majellé de ce Prince. Il, avoit fur la tête un petit bonnet de feiiilles de palmier en façon de Mitre , & tiffu aifez' pro- prement : Son corps écoit nud jufques à la ceinture , le refte étoit couvert d'une pagne de coton jufques aux pieds. Son bras gauche étoit orné d un bracelet de laton , & une queue de cheval ^ marque diftindivedela Royauté, lui pendoit de deffus une épaule.

Sofa ayant fait fa harangue, ôcexpoféle fujet de fonambaffadejes préfents furent étalés. Le

, Roi les confidera avec admiration , demandant

raiion de tout , &: fe faifant repeter plufieurs fois ce qui avoit été dit. Malgré la foule , le filence étoit grand , l'attention étoit vive j mais

Tinri. jr Pu.7 . 5 $

"m^

-l^*.<g'î%

2^^rt^t4-^i

Rec^ticni dej- Portu^aùr a la. Ccnir de Cert^o

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.I. 59

ce qu'il y avoic de plus remarquable , c'eft Ank. de

que les Nègres imicoient ôc c-opioient fidelle- ^'^'

ment les Porcueais dans tous leurs eeites, re-

^ a r r o r DokJean

verences , genuriexions , inclmations & lignes 11. roi.

de Croix, comme s'ils eneulTent bien compris

tout le myftere.

On ne fçauroit exprimer quelle ëtoit 1 im- patience du Roi pour recevoir le Baptême. La Cour & le peuple avoient le même eni- preflement à 1 imitation du Souverain. Il e'toit cependant ne'celTaire d'e'clairer & d'e'prouver un peu ces Néophytes. Il falloit pouvoir s'en donner le tems , & les MifTîonnaires n'y fuffi- foient pas. Un e'venement imprévu décida l'af- faire & hâta leur bonheur. Quelques Infulai- res fitués dans un Lac , qu on prétend être dans le coeur de l'Afrique , & la (ource des principales Rivières qui larrofent, avoient ié- coiié nouvellement le joug du Roi de Congo, ôc . faiioient des courfes fur (es Provinces. Ils étoient redoutables , car on afTure qu'ils pou- voient mettre fur pied jufques à rren-te mille combattans. Le Roi ie voyoit forcé d aller en perfonne , pour s'oppofer au progrés de ces rebelles. Les rifques de la guerre furent un motif plus que iuffiiant pour mettre tous les guerriers au nombre des Soldats de Jefus- Chrift.

On commençapar drcfTcrune grande Croix, cjui fut plantée le troihéme de Mai avec beau-

H.j

6o CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de coup de folemnité. On n'en fit pas moins pour J-C- le Baptême de tant d'illultres Néophytes. On ^"^ ' donna au Roi de Coneo , à la Reine fa prin-

DoN Jean . , / r o r> *" I 1

ii.Roi. cipaie epouie & au rrmce lieritier, les noms de Jean, d'Eleonor, &d'Alphonre,qui e'toient ceux du Roi , de la Reine , & du Prince de Portugal. Onbaptifàeniuitetant d'autres per- fonnes de tout rang & de toutes conditions , que les bras des Millionnaires dévoient en être fatigue's.

Avant que de fe mettre en campagne. Sofa mît entre les mains du Roi de Congo un Eten- dart pre'cieux , que le Pape Innocent VIII. avoit envoyé au Roi de Portugal , & lui don- na la Croix pour le rendre participant lui 6c les fiens des mérites de la Croilade qui avoit été publiée contre les Infidellcs. Le Roi de Congo partit plein de confiance dans cefigne lalutaire. Ses clperances ne furent pas vai- nes , il revint victorieux de Tes ennemis , & perfijadé de l'obligation qu'il en avoit à Dieu , ôc au figne adorable de notre Rédemption.

Les premiers mouvements d'une trop grande ferveurfontfuivis pour l'ordinaire d'un prompt repentir , & ne fervent qu'à précipiter dans l'excès d'un relâchement tout oppoié. Cette nouvelle Chrétienneté formée un peu trop à la hâte léprouva d'abord. A la vérité les My- lleres de notre Religion avoient fait peu de peine à lefpric de ces Néophytes j peu accou-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. 6i

tumés , & peu propres à difputer fur ces ma- XTïï~dë tie'res. Les princips de notre Morale , leur J. c. avoienc paru fore juftes , & fonde's fur ceux '+^^- de la railon. Mais comme la vie du Chre'tien donjea» eft une guerre continuelle qu'il faut faire à foi-même , ces hommes vicieux des le ber- ceau, fentirent la difficulté' qu'il y avoit à con- trarier toujours des paflions flatteufes , & à fe gêner , pour fe conformer à des maximes qui contredifoient tous les plaifiis. L elprit de fuperftition ne s'etoit pas éteint dans les cen- dres de leurs Fétiches , ôc de leurs Moquifies ^ qu'ils avoient brûle'es folemnellement , en faifant profefïion du Chriftianilme. Le feu de l'avarice , de la luxure , de l'intempérance , ôc des autres paffions avoit pris un nouveau dé- gré de chaleur par la refiflance de peu de jours qu'on avoit faite à ces mêmes paiTions. Le Roi lui-même , qui avoit vieilli dans fes liiibitudes , trouvoic plus d'obftacle que les autres à foûtenir le nouveau perfonnage qu'il lui falloit faire ; deforte qu'en peu de tems , il fe forma une conjuration contre la Religion naiiTante,compofée des Infidelles qui reftoient encore , & à la tête defquels étoit un des fîls du Roi, qui avoit refufé de fe faire baptifer , & de ces Chrétiens lâches , qui étoient les pre- miers à blâmer leur légèreté. Ceux-ci animés par les Prêtres ou Devins du pays , & fourenus par les femmes ôc concubines que le Chri-

H iij

6i CoNQUESTES DES Portugais.

A N N. de ftianifme avoit obligé de répudier , mirent la

J. c. Religion dans un tel rifque , qu elle penfa être

étouffée dans fon berceau de les MifTionnai-

ii.R. res &c Portugais que Sola avoit lailles pour retourner en Europe, en fi grand péril de leur vie > qu'ils n'attendoient que le moment de fe la voir arracher.

Dieu qui avoit pitié de ce peuple , oppofa à ce torrent une digue qui l'arrêta. Ce fut Don Alphonfe le fils aîné du Roi. Ce Prince , feul fervent &c vrai héros Chrétien , étoit alors dans {on appanage, il faifoit lemploi d'A- pôtre , en même-tems qu'il étoit comme un mur impénétrable aux ennemis de l'Etat. Ayant appris le danger que couroit la Religion , il agit fi efficacement auprès de fon père , qu'il fufpcndit en lui les impreffions qu avoit faites fa lâcheté. Mais Alphonfe penfa être la viéli- me de Ion zèle. L'orage fondit tout fur fa tê- te. Les efforts des ennemis de la Religion fe réunirent fur lui feul. On le noircit dans l'efprit du Roi par les calomnies les plus atroces & les plus extravagantes. » LeBaptême,difoit-on, « en avoit fait un puifTant enchanteur , qui , ?5 corrompu par les mœurs étrangères , haïf- » foit fa patrie , le Roi même qui lui avoit don- ?> le jour.tranfportoit les montagnes, fé- ?> choit les rivières , gâtoit les fruits , troubloit " la raifon , & ce qu il y avoit de plus odieux, }> IbiiiUoit la couche nuptiale , par le fol amour

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. I. 65

w que Tes fortileges avoit infpiré aux époufes de A n n. de » ion père. Le Roi aimoin Don Alphonfe , ^- ^' mais ion eiprit aifoibli par l'âge le lit don- "^^ * ans ces rêveries, reut-etre auiii qu ayant n. Ror. fait iemblant d'y donner pour céder au tems , il entra en indignation contre ce fils chéri , le priva de fes Charges, de fès honneurs, & de fes revenus.

Don Alphonfe étoit perdu fans l'habileté de la Reine Eleonor fa mère. Cette PrincelTe iage laiffa couler le tems jufques à ce que cette grande e'motion des efprits fut un peu calmée. Alors elle mit en jeu les Seigneurs de la Cour les plus refpecftables par leur âge ôc par leur prudence , qui ayant perfuadé adroi- tement au Roi le tort qu'il fe faiioit à lui-mê- me par le trifte état il avoit réduit un fils qui avoit tant de fois affermi fa Couronne par fa valeur , le mirent dans la défiance & dans le- goût d'approfondir , fi dans le fond ce Prince n'avoir pas été calomnié. En effet le Roi rentrant en lui-même , & ufant d'une pro- fonde diiîmiulation , fit des recherches fecret- tes ; & ayant découvert l'innocence de fon fils^ il le rétablit dans tous fes premiers honneurs, te fit périr Ces principaux accufateurs par le dernier fupplice.

Cette févérité quoique jufte , ne fit qu'irriter davantage la cabale qui avoit juré la perte de Don Alphonfe , 6c s'étoit liguée pour mec-

64 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de tre iur le Trône à fa place PanLi Aquitimo, Ton j. c. frerejl'ennemi capital des Chre'tiens & des Por- tugais. Mais la crainte qu'elle infpira l'ayant

ilr'.""''''^ rendue moins hardie , elle n'en devint que plus dangereuie , èc le Roi en fut encore la dupe. Il le contenta pourtant de faire avertir (on fils de modérer fon zèle , & de prévenir par un peu de politique les malheurs qu'il pouvoir attirer fur lui &c fur toute fa mailon. Alphonfe ne changeant pas pour cela de con- duite , le Roi lui ordonna de (e rendre à la Cour. Mais le Prince inftruit fecrettement par fa mère , dijfïerant d'obe'ïr fous divers pre'tex- tes , éluda toujours jufques à la mort de fon père , qu'il voyoit bien ne pouvoir pas être éloignée j & qu il apprit en effet bientôt après. Alors prenant fa réfolution en homme de tête ôc de cœur, il marche à grandes journées vers la Capitale , y entre dans l'obfcurité de la nuit , affemble le peuple dès la pointe du jour, harangue fortement & avec tant de fuc- cès pour fouienir fes droits, qu'il ramené tous les efprits , & eil reconnu généralement pour l'héritier légitime du Trône. Panfa Aquitimo, qui étoit campé hors de la Ville , fut étourdi de .ce coup conduit avec tant de fecret & de prudence. Mais ne voulant pas donner à fon frère le tems de fe reconnoître, il marche furie ^hamp vers la Ville, ayant divifé fa petite ar- mée en deux corps. Alphonfe qui fe confioic

plus

DANS LE NOUVEAU MONDE. LîV. I. 6^

plus en Dieu , que fur le nombre & la qua- A n n. de îité des hommes qu'il avoic auprès de lui , •^* ^• ralTemble à la hâte le peu de combattans qu'il ^^'^'

\ r o 1 ' ^o^ Jean

trouva a la mam,&les ayant ammes aucom- ii. roi. bac , fait ouvrir les portes de la Ville , & in- voquant tout haut Jefus-Chrift , ôc faint Jac- ques à la façon d'Efpagne, fe jette comme un Lion fur le premier corps des ennemis , qui aufli-tôt renveriés qu'attaque's,fe culbutèrent fur le fécond corps , ils portèrent un tel défordre , que les uns ni les autres ne purent fe remettre , deforte que la vidoire ne tarda pas un moment à fe décider pour le bon par- ti, en faveur duquel le Ciel parut avoir com- battu.

Le malheur d'Aquitimo voulut que dans fa fuite il allât tomber dans une trappe faite pour prendre les bêtes féroces , il y fut pris & trouvé en cet état grièvement bleifé. Al- phonfe vouloit le fauver,mais cet homme fé- roce aima mieux perdre corps & ame , que de recourir à la clémence de fon frère , & ouvrir les yeux à la vérité. Le Général de fes trou- pes plus fage , ayant demandé à mourir Chré- tien & à recevoir le Baptême , obtint la vie à des conditions qui lui parurent bien douces.

Cette vidoire affermit Alphonfc fur le Trô- ne pour le refte de [es jours. Il régna cin- quante ans , pendant leiquels il fe montra tou- jours il reconnoiffant envers Dieu , ôc fi affc-

Tome /, l

(>(, CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de âiione envers les Portugais fes allie's , qu'on J- C- peut le regarder avec juftice , comme l'Apôtre "^^ * de fes Etats , qui lui furent redevables de la

IL Roi!^'"^ Religion , laquelle cependant par la fuite des temsyeft entièrement ou prefque entièrement tombe'e , & qu'il fut toujours un des amis des plus (olides que le Portugal ait eus.

Tandis que le Roi Don Jean fe donnoit tant de follicitudeS;, qu'il faifoit tant de de'pen- 1495. fes pour faire de nouvelles découvertes , & fur.tout pour arriver juiques aux -Indes , qui e'toient ce qu'il avoit de plus à cœur , il reçût une des mortifications les plus (enfibles ;, & crut fe voir enlever dans le moment par des Etrangers, une proye qu'il croyoit tenir en- tre fes mains. La peine qu'il eut, fut d'autant plus vive , qu'il croyoit devoir s'imputer à lui- même , que c'étoit uniquement par fa faute.

Chriftophe Colomb Génois de nation , ayant navigé long-tems dans le Levant, vou- lut aller tenter fortune fur la mer Atlantique, pour donner dans le goût qui regnoit alors. On prétend qu'il alla s'établir à Madère , ayant recueilli chés lui les débris d'un nau- frage d'un VaifTeau François , il eut par le Pi- lote la connoifTance de l'Amérique; connoif- fance dont il n'eut garde de découvrir la (our- ce , & dont ilpouvoit le promettre le iecret, le Pilote & tous ceux qui avoient échappé au naufrage étant morts de la mifere & des fati-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.I.

ques qu'ils avoienc fouffcrces. ANN.de

Quoiqu'il en foie , Colomb pafTa en Por- ^'^^ tugal 5 èc vint fe présenter au Roi avec de ma- '^^'^' gnifiques promefTes de le mettre en poiTeflion ii.roi. "" d'un nouveau Monde à 1 Oueft aux extrémi- re's de l'Océan. Don Jean qui crut apperçe- voir peu de folidité dans cet homme , le re- garda comme un vifionnaire & en fit peu d'é- tat. Toutes les autres PuilTances maritimes de l'Europe en firent autant. Enfin après fept ans de re'buts & de peines fouffertes , Colomb obtint par le moyen de l'Archevêque de To- lède , que la Reine Ifabelle lui fit armer trois Caravelles , avec lefquelles , après avoir foute- nu en grand homme bien des contradidrions de la part de fon équipage , il découvrit en- fin les Ifles Antiles , toucha à plufieurs , & après avoir laiflé une partie de fon monde dans une efpece de Fort de l'Ifle Efpagnole , il repaffa en Europe , conduifant avec lui dix ou douze naturels du pays , portant de l'or & autres fruits ou denrées, qui pufTent fervir de montre , 6c donner idée de ces Contrées de de fes découvertes.

Dès qu'il fut entré dans le Taee ôc eue

&

moiiillé au port de Liibonne , le Roi qui eut avis de fon arrivée , fut bien aife de l'entrete- nir. Colomb étoit fi fier du fuccès de (on voya- ge , il en. parloit avec tant d'emphafe & d'é- xageration , entre-mêlant à ce qu'il difoit

68 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de des reproches qu'il fît au Roi fur le peu de J- ^' confiance qu'il avoir eu en lui, & fur la per-

1497' .-15/. / / i\ ^ 1 A '•!

Don Jean ^^ 4" ^^ ^ ctoit cauice par-la a lui-même , qu il 11. Roi. parut n'être venu dans (es ports , que pour lui faire infulte Cette hardiefle peu refpedueufe penfa lui coûter la vie. Des gens de la Courin- dignés eurent la penle'e de l'aflàfliner. On en fit même la proportion au Roi, qui h rejer- ta avec horreur , &c affeéla même de gracieu- fer Colomb & les Infulaires qu'il avoit ame- nés avec lui. Il fit habiller ceux-ci d'écarlate^ ôc leur fit beaucoup d'araitie's & de largefTes. Cependant ce Prince étoit véritablement piqué de la vanité de Colomb & de fes dif- cours peu mefurés ; mais ce qui le touchoic davantage , c'étoit la vûë de fes Inlulaires mê- mes, qui étoient tous gens bienfaits, & avoient toute une autre grâce que les Nègres d Afri- que. Comme néanmoins il jugea à leur air que ce pouvoient être des Indiens des grandes Jndes, oudes pays qui pouvoientlui appartenir, il fe mit en devoir fur le champ de faire un puifTant armement pour s'afTurer de ces pays-là. Quoique le Roi Ferdinand ne fît pas encore grand fonds fur cette découverte de Colomb, néanmoins comme c'étoit un Prince três-po- litique & très-attentif à ies droits, il n'eut pas plutôt appris la nouvelle de cet armement du Roi de Portugal, qu'il lui en fit porter fes plain- tes par fes Amballadeurs , comme d une hofli-

DANS LE NOUVEÀuMONDE. LiV.I. 69

lité &c dune contravention aux Traite's faits ANN.de entre les deux Couronnes. Sur ces plaintes, •'^* *^* Don Jean fufpendit Tes préparatifs , &: conien- d^^.jj^^j^ tit à faire difcuter fes droits à l'amiable. Il y n.koi. eut en differens tems des Plénipotentiaires nomme's de part & d'autre. Ferdinand envoya même des AmbafTadeurs exprés en Portugal fur ce fujet. Mais comme ce Prince ^diflimu- ne vouloir rien conclure avant que de voir fi la chofe en valoir la peine , (es Am- bafTadeurs ne faifoient que traîner la chofe en loneueur , fans en venir à aucune décifion. Cela fit dire alfés plaifamment au Roi Jean que cette Ambaffade n avoit ni pieds ni tête , failant allufion à la qualité de ces deux Am- bafTadeurs , dont Tun étoit boiteux , & l'autre pafîbit pour être un peu éventé. Ils étoient cependant fur cette affaire bien fages Tun ôc l'autre. Enfin ces deux Monarques s'étant re- mis à la décifion du Pape Alexandre VI. qui étoit alors fur la Chaire de faint Pierre , fa ?.""^'--*f'^- Sainteté partao-ea le nouveau Monde entre ''^(■.spond. ces deux Puiflances , qui ny avoient encore h?!-». 10.

r 1 nltiq. multù

rien ou prelque rien , par une ligne imagi- naire tirée Nord & Sud à cent lieues à TOuefl des Ifles du Cap Verd & des Açores.

Don Jean eut toujours un violent regret , d'avoir rebuté Colomb , & de ne l'avoir pas écouté. Mais on peut dire que ce fut un ef- fet de cette Providence, qui tient le cœur des

Iiij

70 Conquestes DES Portugais /&c.

y^ NN.de Princes dans la main , & les fait agir félon

J- ^- fes vues. Le Portugal e'toit trop petit pour tout

''^^^" embrafTer. Le nouveau champ qui s'ouvroit

Don Jean ,, r- ' ' r n '■^

îi.Koi. d un autre cote etoit li valte , qu il pouvoit occuper plufieurs Puiflances , & lafTer l'ambi- tion la plus déméiurëe. Si celle de Don Jean avoit eu des bornes plus relTerrées , il avoit aflfez lieu d'être content. Le nom Portugais remplifToit toute l'Europe , il avoit effacé U gloire que les Phéniciens, les Carthaginois, les Grecs &: les Romains s'étoient acquife dans Part de naviger : toute la Côte Occidentale de l'Afrique avoit ouvert fes ports à fes Vaif- feaux : il avoit aiïiiré leur commerce par les Fortereffes qu'il y avoit bâties , &c par les al- liances qu'il y avoit faites : les Rois de Bé- nin 3 de Tombut , de Madingue , de Congo avoient recherché (on amitié par leurs Am- baffadeurs : il avoit interpofé fon autorité pour pacifier leurs querelles , ayant affés de crédit pour faire tomber les armes des mains aux vainqueurs mêmes. Mais comme les Indes furent toujours fon grand objet, qu'il y pen- foit fans cciïe , jufques à perdre le îommeil ôc le repos, il n'eut pas fur ce point la fatisfadion qu'il s'écoit promife , ôc la mort qui l'enleva à la veille des grands événements qu'il atten- doit , fit connoître qu'il n'avoit fémé , qu'afin qu'un autre plus heureux que lui recueillît la moilTon.

Fin du Li^re Premier,

7r

HISTOIRE

DES DECOUVERTES

ET

C O N Q_U ESTES

DES PORTUGAIS

Dans le Nouveau Monde.

LIVRE SECOND

A N N. ci

e

Do N Manuel Duc de Béja étoit cet J- c. homme heureux , que la fortune , ou ^'^^'^' pour mieux parler, la Providence avoir defti- nuel^rou*' pour le mettre dans la moifTon d'autrui. La mort de Don Alphonle , Prince héritier de Portugal , & fils de Don Jean fécond , qu'une chute de cheval précipita au tombeau à la fleur de fon âge , ouvrit à Manuel le chemin au Trône , il étoit appelle parle droit de fa naifTance & par le teftamentdu feu Roi. Il étoit fils de ce Don Fernand , frère d'Alphonfe V. que l'Infant Don Henri avoir adopté & ten- drement aimé, deforte qu'il femble que Dieu voulut recompenfer les mérites de ce vertueux

71 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de Prince , en faifant tomber fur une tête qui j. c. lui étoit chère l'abondance des biens dont il ,Pv,M, lui avoit frayé tous les fentiers. Ce fut même

Don Emma-

nuel Roi. comme par une efpece de prefTcntiment de la grandeur future de Don Manuel , que Don Jean qui le regardoit comme l'héritier pré- fomptif de fa Couronne , lobHgea d'ajouter à l'Ecu de fes armes une Sphère ou une Map- pe-Monde pour emblème , comme s'il eut pré- vu dès-lors , que ce jeune Prince devoit un jour avoir des Etats dans tous les pays que le Soleil éclaire.

Manuel étoit à Alcaçer-du-Sel avec la Rei- ne fa Soeur , lorfqu il apprit la mort du Roi & fa difpofition tellamentaire , & d'abord il y fut proclamé & reconnu pour légitime Sou- verain par tous les Ordres de l'Etat. Il, étoit alors dans fa vingt - unième année , doiié toutes les qualités qui font \ç.s grands Rois , .& fuperieur même à fa fortune. L'avantage de la Monarchie , que Dieu venoit de lui met- tre entre les mains , emportant tous (es pre- miers foins j il tint conleils lur confeils, pour régler plulleurs points qui avoient befoin de réforme , & pour tracer un plan général du Gouvernement.

Les affaires du nouveau Monde furent dé- battues dans ces confeils avec chaleur. Il y eut trois fentimens qui eurent chacun leurs Par- fcifans. Les plus vifs .étoient pour la négative ,

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. 73

& vouloienc abfolumenc abandonner une en- ""7 T treprife qu ils regardoient comme la ruine J. c. infaillible de l'Etar. Ils ajoucoienc aux raifons ^+97- qu'on avoir apportées dans les commence- donEmma- ments , pour combatre les projets de l'Infant '"''•'^'■^'"• Don Henri , 1 e'ioicrnement extrême des Indes , & des pays inconnus du Prêtre- Jean : Le dan- ger qu'il y avoit de foulever toutes les PuiC- lances Mahomecanes , l'impolïibilite' de four- nir à tant de dépcnfes , & de re'filfer à de fi puifTans ennemis. Les féconds plus modérés , vouloient qu'on le bornât aux découvertes fai- tes julques alors , & qu'on s'y portât même un peu plus {obrement,que parlepafTé. Les troifié- mes enfin, plus zélés pour la gloire de la Na- tion, vouloient qu'on pafîat outre , jugeant que les faveurs que Dieu leur avoit déjà faites dans le fuccès de ces découvertes , dévoient leur tenir lieu d'un garand fur de fa volonté pour le.s continuer. Ce fut à ce dernier fentiment que le Roi s'attacha comme plus conforme à Ion inclination,àlanobleirede iesientiments,& à la réconnoiffance qu'ildevoitàla mémoire du feu Roi ion prédécefleur , à celle de fon Père Don Fernand&de 1 InfantDonHenriiongrand oncle.

Il ne fe fut pas plutôt déterminé qu'il fit ar- mer trois VaiiTeaux d'un gabarit plus fort que lordinaire , afin qu'ils fuffent en état de lou- tenir les groffes mers du Cap de Bonne-Efpe- rance , & il y ajouta une Pinque uniquement,

Tome I. K

y4 CoNQUESTEs DES Portugais

7 ^ pour porter le fupplément des vivres &c des

j. c. provifions. Il nomma enfuice pour les com- 1497- mander Vafco de Gama^ homme de qualité.

Don Emma- ^^ cœur , & dc main j que le feu Roi avoir deja deltme a cette expédition. 11 lui donna pour féconds Paul de Gama»fon frère, oc Ni- colas Coello. Pour la Pinque , ce fut un hom- me de fa maifon que Valque's choifit pour

en être le Patron.

Des que les VaifTeaux furent en état, Don Manuel confiderant l'importance du fujet, vou- lut donner les ordres au Général de cette pe- tite Flotte avec quelque (olemnité. L'ayant donc fait venir au milieu d'une Cour nom- breufe à Eftremos, lui,fes deux autres Capi- taines, & fcs principaux Officiers , il leur fit un difcours étudié , ayant relevé la con- fiance qu'il avoir dans leur fidélité & leur cou- rage , ils les exhorta très-fortement à foute- nir l'idée qu'il avoir conçue d'eux , & dont il leur donnoit un témoignage authentique dans le choix honorable qu'il avoir fait de leurs perionnes. Les animant enfuite par les pro- meffes les plus magnifiques , & l'efpoir des plus grandes récompenfes 5 il leur recomman- da très-exprefTément l'obéiiTance & la fubor- dination qu'ils dévoient à leur Général , qui leur réprefentoit fa propre perfonne , & à ce- lui-ci la fageffe , la modération & la fermeté qu'exigeoit de lui félon les occurrences le

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. 75

pofte dont il I honoroir. Après ce difcours ;; T"

Il V r ' r I 1 / A N N. de

il donnaaValquesles lettres de créance pour j.c. les Rois des Indes , l'itinéraire de Pierre de ''+97- Covillan, ôz diverles autres infl:rud:ions. Pour ^onEmma-

, / / . , / . , T NLEL Roi.

termnier la cérémonie , un Secrétaire d htat , qui;, pendant tout le difcours , avoir tenu un étendart déployé', l'on voyoit peint le fi- gne adorable de notre Rédemption , le mit entre les mains de Vafque's , qui s'étant mis à ge'noux prêta ferment au Roi en fon nom , & au nom de tous les Tiens. Enfuite dequoi emportant avec foi l'étendart , il partit avec tout fon monde pour Lifbonne , devoir fe faire l'em.barquement.

Il y avoit alors à une lieué de cette Capitale une petite Chapelle ou Hermitage , que l'in- fant Don Henri avoit fait bâtir fur le bord de la mer fous les auipices de la fainte Vier- ge , pour animer la dévotion des Matelots , &• attirer fur eux la proteélion de la Mère de Dieu. Vafqués voulut y aller la veille de fon départ avec tous fes gens, pour y pafTer la nuit en prières, fe difpofer au voyage par les Sa- crements, & mériter les bénédidlions du Ciel par ces ad:es de Religion. Après y avoir fatis- fait à leur pieté, ils en revinrent en ordre de proceflionde la même manière qu'ils y étoient allés , chacun tenant un cierge à la main, chan- tant des Hymnes ôc des Pfeaumes , accompa- gnés d'un grand nombre de Prêtres & de Re-

Kij

CoNquESTEs DES Portugais

ANN.de ligieux 5 ôc fuivis d'une foule prodigieufe de 1497". monde , que la nouveauté du fpecfbacleavoic ^ _ attire' de toutes parts.

Don Emma- ^ 1

MUEi ROI. Diaz & les Compagnons avoient donne' une ide'e fi terrible des mers du Cap de Bonne-Ef- perance 5 qu'on nen attendoit autre chofe que des naufrages , & qu'on regardoit tous ces pauvres malheureux delhnés à en tenter le pafTage , comme autant de viélimes condui- tes à une mort prefque ine'vitable ; de maniè- re que dans cette perluafion on s'imaginoic en les accompagnant ailifter à leur convoi fu- nèbre. Tout le monde fondoit en larmes en voyant une jeuneffe (i belle & {i nombreufe, laifTer parcns , amis & biens , pour courir à untre'pas afTuré dans la fleur defcsplus belles anne'es.

Nos nouveaux Argonautes, attendris eux- mêmes par-tout ce que cet appareil avoir de touchant , fe virent ainfi conduits jufques au port. s'e'tant mis à ge'noux , ils reçurent de nouveau l'Abfolution géne'rale , comme pour mourir. Ils s'embarquèrent enluite au milieu des cris & des lamentations de tout ce peuple, qui ne pouvoit fe lafTer de les accompagner du cœur & des yeux,& qu'on ne pût arracher du rivage qu'après qu'ayant mis à la voile par un vent favorable , il les eût entièrement per- dus de vûë.

Yafqués partit au commencement de Juillet

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. y?

de l'an 1497. H cingla en pleine mer droit Ann. de aux Canaries , d'où continuant Ta route (ans ^'^' s'arrêter jufques aux Illes du Cap Verd : il

...111 \ Il 1 r- T X Don Emma.

mouilla le 15e. jour a celle de laint Jacques ou nuelRoi. il fît aiguade , & prit quelques rafraîchiffe- ments. S'étant remis en mer il fut près de qua- tre mois à lutter contre les vents , & force' à chercher la terre , il prit port dans une gran- de anle , qu'on appella depuis la Baye de lain- te Hélène. Il y trouva un peuple barbare & miferable ;, mais d'une grande bonté & fran- chife : un foldat nommé Fcrnand Vcllolo ob- tint du Général la permillion d'aller feul juf- ques aux habitations. Il y fut reçu avec une grande humanité -, mais faiii tout à-coup d'u- ne terreur panique ^ dont il ne pût jamais ren- dre raifon , il fe mit à fuir vers les VaiiTeaux de toute fa force. Ce pauvre peuple , qui igno- roit la caufe de cette courfe précipitée, le fui- vit pour le raffurer : Cela même redoublant la , crainte du foldat donnoit des aîles à fa lâche- té pour mieux fuïr. L'équipage, qui failoit de l'eau , le voyant venir fi effaré & pourfuivi , foupçonnant quelque trahilon, courut aux ar- mes. Les Nègres attaqués fe mettent en dé- fenfe , font pleuvoir une grêle de cailloux & de flèches , dont une bleffa le Général au pied- Le combat eût été plus funefte fans la pruden- ce de Gama , qui ayant fait donner le fignal de la retraite , lit rembarquer Ion monde , èc

Kiij

yS CONQUESTES DES PORTUGAIS

j- fe mit à la voile, s'eftimant heureux d'en être

j. c. quitte à (i bon marché, après avoir beaucoup 1497- rifque' par l'e'tourderie d un feul homme.

donEmma- Comme on ne fçavoit pas encore bien qu'il

Ni'EL Roi. -1 1 /

y avoit des vents règles en certams parages , qui rendent la navigation aifée en quelques faifons,& très-pe'rilleufe , même prelquc im- poffiblc en d'autres , il fe trouva malheureufe- ment que Valqués etoit parti dans la iaifon la plus contraire de l'année ; deforte que lorf- qu'il fut arrivé au Cap. de Bonne - Éfperan- ce, il n'y trouva que des orages & des tempê- tes fi affreufes , que Ton équipage rébuté des fatigues d'une navigation de près de cinq mois , lafTé de la mauvaife nourriture , & plus épouventé encore des fantômes qu'il fe for- moit fur les dangers de ce Cap redoutable , fe mutina plufieurs fois , dit-on , contre lui , & lui eût fait courir rifque de la vie , s'il n'eût trouvé une reffource dans fa fermeté & dans fa confiance. Car^ayant fait mettre les Chefs de lafédition aux fers,& parmi eux les maîtres ôc les pilotes, il prit lui-même le timon en main^ & pendant plufieurs jours que dura la tempête, ne faifant que louvoyer & courir la bordée , il fe roidit tellement contre tous les obfta- cles ôc contre tous les périls, plus grands enco- re de la part de fés gens mutinés , que du cô- té des vents & des flots , qu'il doubla en- fin ce fameux Cap en cinq jours de tems du

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LlV. II. 79

10. Novembre jufques aux ij. Trouvant en- Ann. de fuite des vents plus mous il eut la confolation ^•^• de voir les efprits fe calmer avec la tempête , ^^''' ôc alla prendre terre près de foixante lieues nuelRoi!" au-delTus du Cap en tirant vers l'Ell dans une. Baye qu on appella depuis l'Aiguade de iaint Blaife.

Il s'y refît un peu des fcuigues qu'il avoir foufferres & trouva d'abord dans les Cafres de cette côte afTcz de facilité pour lui laiffer faire de nouvelles provifions dont il traita avec eux pour quelques (onnaïUes , de la RafTade, & d'autres merceries de vil prixrmais s'étant élevé entre-eux & les (lens quelques difficultés pour la traite , il jugea à propos d'aller plus loin dans un petit port , ayant reparti fur tous les Vaiffeaux les vivres qui reftoient fur la Pinque,il labrûlafelon les ordres qu'il en avoir. Il partit de-làle jour de la Conception, mais en fortant il fut accueilli d'une autre tempête qui mit fa patience à l'épreuve durant plufleurs jours. Elle ceffa néanmoins fans qu'il lui arri- vât aucun accident , & il fe trouva fur une Côte qu'il nomma de la Nativité , parce qu'il la découvrit le jour de Noël. C'étoit l'ufage reçu en ces tems-là , de donner communément aux terres nouvellement découvertes , des noms pris du myftere du jour ou du Saint dont on celebroit la Fête. Par la même raifon , il don- na le nom de Flewve des Rois à une grande

8o CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de rivière il entra le jour de l'Epiphanie de

1498. 1 anne'e fuivante. Les Cafres d'une peuplade

^ ^ de cette Côte en uferent {1 bien avec lui , &

Don Emma- ^ _ > '^

NuxL Roi. il y fit {'on commercc avec tant de tranquillité , . qu'il lui donna le nom d'Aign-ade de la Bon- ne Paix. S'étant remis à la voile pour continuer fa route, il pafTa de nuit un Cap qu'il nom- ma des Courants , àcaule des courants, qui y portant à terre avec violence , l'engolphoient dans une grande Baye , d'où il appréhenda de ne pouvoir pas fe relever. Cela fut caufe qu'ayant pris le large , il paila fans s'en apper- cevoir toute la Côte de Sofala fi célèbre par (es mines d'or , &c que quelques Sçavants ont ' cru avec afTez de probabilité être l'Ophir,

Salomon envoyoit les Flotes , & il puifa toutes ces richelTes , qui rendirent fon Règne fi floriffant.

Julques-là nos Avanturiers étoicnt prefque à demi délefperés. Ils ne rrouvoient par-tout fur leur route , que des peuples miferables , dont ils n'entendoient pomt le langage , avec qui il falloit toujours être fur le qui-vive , & dont ils pouvoient à peine tirer quelques vi- vres pour prolonger leurs jours , fins entre- voir aucune lueur d'une meilleure fortune. Le Ciel commença à les favorifer dans cette ter- rible fituation d'efprit ; car étant entrés dans un Fleuve à la fuite de quelques Almadtes , ca- nots ou petits batteaux , qui avoient des voi- les

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. II. Si

les de feuilles de palmier , ils conçurenc quel- A n n. de_ ques elperances fur des changemenrs qui leur ^' ^' parurent de bonne augure , & qui firent don- ner a ce Fleuve le nom de Meuve des Boris nuelRoi. . Signaux. A la vérité' les peuples en étoienc noirs comme les préccdens , mais il fe trou- voit parmi eux quelque mélange d'olivâtres , qui indiquoir le voifmage des blancs ; d'ail- leurs ils ëtoient plus policés & mieux vêtus. - Quelques-uns portoient des pagnes de coton ôc de toile peinte, des bonnets de foye oud'é- tofte entremêle's d or èc d aro;ent. Il s en trou- va même qui entendant quelques mots Ara- bes, purent raiionner avec Fernand Martinez, qui en fçavoit ailez & fervoit d'interpre'te au Géne'ral. Mais ce qui acheva de les confoler, c ell qu'on leur fit entendre , tant bien que mal , qu'en remontant plus haut ils trouve- roient des blancs comme eux , ôc des Vaif- feaux à peu prés femblables aux leurs , qui courroient ces mers pour y faire le com- merce.

On peut concevoir quelle fut la joye de Vafqués , à des fignes fi heureux. Anime' donc par des elperances mieux fondées que par le pafTéjil planta un nouveau poteau fur le ri- vage , à qui il donna le nom de S. Raphaël , & prit la relolution de faire radouber fes Vaif- leaux qui en avoient grand befoin. Il y fut aidé par les naturels du pays , qui lui don-

Tome I. L

8^ CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. délièrent amiablemenc tous les fecours qu'ils j.c. purent. Mais il eft peu de joyes parfliitcs : celle

1498. K rr r ' L ^11'^

de Vaiques rut troublée par un nouveau ^enre

Don Emma- , 1 1 .. r 1 ' ' 1

3SI.ÎII.R0I. de maladie peu connue julques alors: cecoitie fcorbut qui fît de grands ravages parmi ion monde. Ils le regardèrent comme une forte d'éryfipe'le , qui leur gonflant les gencives ôc les pourrifTant, leur faiioit tomber toutes les dents , & leur cauioit d'autres fymptômes très- fâcheux. Ils en connurent la véritable caufe , en l'attribuant aux viandes falées , & à 1 air grofïier de la mer. Quelques-uns en mouru- rent , mais le grand nombre en réchappa.

Ce ne fut pas le feul accident qui lui arri- va. Il penfa périr lui-même dans lonefquif , ôc peu s'en fallut qu'il ne perdît ion Vailléau fur des battures. Mais ayant échappé heureufe- ment à l'un &z à l'autre danger, il arriva cinq jours après à 1 Ifle de Molambique , & alla moiiiller une lieue au-deffus à quelques Ifles , il planta un nouveau poteau , & à qui il donna le nom de faint George./

Le Molambique eft une petite Ifle peu éloi- gnée du continent de la Côte Orientale de l'Afrique à 14. dégrez &c demi de latitude auftrale. Elle n'étoit d'aucune confideration fous la domination des naturels du pays , qui font des Cafres idolâtres du Royaume de Qui- loa. Mais les Maures (eétateurs de Mahomet s'écant répandus fur ces Côtes en avoient fait

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. II. 85

une échelle pour le commerce de Sofala & Ann. de des Indes , à caufe de la bonté 6c de la fûre- ^- ^• de Ion port. Il n'y avoit gueres dans l'Ifle que des Maures log-és afîèz miferablement dans donEmma-

11 111 ^^^i- KOI.

de pauvres cabanes de terre couvertes de paille, enibrte qu'on n'y voyoit d'ouvrage de maçon- nerie que la Mofquée & la maiion du Cheq , qu'Ibrahim Roi de Quiola y entretenoit , pour percevoir (es droits ôc y commander en fon nom. Quand les Portugais s'en furent rendus les maîtres , ils en firent lentrepôc de leur Flores pour les voyages des Indes. Le Mo- fambique devint alors un port des plus célè- bres , mais comme l'air en eft très-mal fain , cette terre qui dévore Tes habitans, devint le lieu de la fépulture d'une infinité de malheu- reux, qui n'avoient refifté aux plus rudes tra- vaux de ces pénibles voyages , que pour y ter- miner les reftes d'une vie épuifée de fatigues. Dès que Vafqués parut , il vit venir à lui fept petites Almadies ou chaloupes pleines de mon- de & de joiicurs d'inflrumens à la fuite d'un Officier du Cheq , qui , d'aufTi loin qu'il pue être entendu , fît le ialut en Arabe, & deman- da d'où venoient les VaifTeaux , & ils al- loient. Mais il ne fut pas plutôt afTuré & par le pavillon & par la réponfe qui lui fut faite , que les VaiiTeaux éroient de Portugal , & cher- choient une nouvelle route pour aller aux In- des , qu'ennemi juré des Chrétiens par Reli-

Lij

g4 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de gion , & des Portugais par naiflance , étant J-^- iujet des Rois de Fez & de Maroc , il for- ma le defTein de les perdre. Néanmoins com-

DonEmna.- ,, . , ■', . ,-ni 1 \ r

nvelRoi. me 1 exécution n en ecoit pas poiiible a rorce ouverte , il crut devoir dilllmuler de (on mieux : cependant il ne pût le faire (i bien , que Vafqués, qui l'obf ervoit avec grande atten- tion,ne jugeât à fon air déconcerté de la perver- fité de (es intentions. Mais comme il convenoit à Vafqués même de couvrir les foupçons , tout (e paiîa de part & d'autre en politelTes. Les démonstrations de joye ne furent point épar- gnées. Le reipeâ: à l'Alcoran n'empêcha point les Maures de boire largement le vin que Vafqués fît fcrvir. On fe fît mutuelle- ment des préfents à diverfes fois ; enfîn il fut convenu qu'on fourniroit aux Portugais pour leur argent des vivres , & qu'on leur donne- roit deux Pilotes pour le prix dont ils con- vicndroient avec eux. Mais la haine de ces In- fîdelles ne pouvant fe cacher long-tems, on s apperçut bien-tôt à plufieurs traits de leur trahifon & de leur mauvaife volonté. Les Pi- lotes s évadèrent à la na^e : on fît cacher quelques Abyflms, avec qui Gama avoit déjà entamé quelques entretiens pour s'inffruire des Etats de leur maître -, enfîn on en vint aux hoftilités , & quelques Almadies attaquè- rent les chaloupes Portugaifes qui faifoienr de l'eau.

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. 8;

Le Général en ayant porté [es plaintes , <Sc A n n. de en demandant juftice , on lui répondit avec ^'^' aflez de hauteur. Le pourparler finit même par quelques inlultes, qui furent luivies d'une grê- ^uEL^Roit' le de flèches. Alors Gama irrité , fit faire quel- ques décharges de fon canon , qui allèrent tuer quatre perfonnes , ôc en particulier , l'un des Pilotes fugitifs , jufques aux cotez du Cheq. Le fracas de ces tonnerres meurtriers, peu connus julqu'alors , ou peu ufités dans ces contrées , jetta une coniternation h fubite , qu'en un inftant tous les Maures abandonnè- rent rifle pour fe lauver dans le Continent. Le Cheq épouvanté, devenu plus docile , accor- da à Vaiqués tout ce qu il voulut. Vaiqués fe contentant d'un Pilote , mit fur le champ à la voile &: ppffa outre.

La peur n avoir point corrigé la mauvaife volonté de celui-ci , &: loit qu'il fût d'intelli- gence avec le Cheq , loit que de lui même il fût aflfez porté à faire un mauvais coup , ïl fe flatta de pouvoir faire perdre les vaifl^eaux , ré- folu de périr lui-même , ou elperant de fe fiu- ver à la nage. Il étoit veillé d'aflez prés , & il s'en appercevoit ^ néanmoins il ne tarda pas à fe manifefter , ayant engage les vaiifeaux dans quelques Iflets qu'il difoitêtre un Cap, ou une pointe adhérente au Continent, ll^lui en coûta cher ; car Vafqués , qui connut par fa mé- chanceté 5 lui fit donner la corde H rudement j>

L iij

CONQUESTES DES PORTUGAIS.

An N.de que le fouvenir en refta toujours depuis en ce J- C- lieu ^ qu'on appella les Jjlets du, fuftïgé. ^^^ ' Cette corredîion faite à, propos , ayant tiré

n°£lRoi.' de lui un repentir apparent , il promit qu'il , conduiroit la flote à Quiloa, Ville opulente, fameufe par fon commerce avec les Indes , & habitée en partie par les Chrétiens AbylTms. Mais ce qu'il ne difoit pas , c'eft que fçachant qu'on y étoit inftruit par des exprés , de tout ce qui s'étoit paflé à Mofambique , il per- fuadoit qu'on y auroit pris des mefures effica- ces pour en tirer vengeance. Les courants & les venrs n'ayant pas fécondé (es projets cri- minels , le Pilote perfide crut y réulïir en al- lant à Mombaze , il difoit qu'on trouveroit les mêmes avantages qu'à Quiloa j &: Gama à la veille de fe voir réduit à une extrême necef- fité, par le manque de vivres , fut forcé de s'y lai/Fer conduire.

Mombaze étoit alors une Ville affez forte , fous la domination des Maures , qui y avoient leur Roy particulier &; indépendant de celui de Quiloa. Elle étoit entourée ou prefque en- tourée d'eau , ôc formoit une efpece d'Ifle ou de Prefqu'ifle , dont le port avoit deux goulets défendus par une alTez bonne Fortereffe. Ses maifons étoient bâties de pierre , & elle avoit affez 1 apparence d'une Ville d'Europe. L'air y eft très fain , le terroir excellent. Avec cela elle étoit très-peuplée, trèsrfloriffante par fon com-,

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. 87

merce ;, & les facilitez qu'on y avoir pour la a n n. de vie la rendoin une Ville trés-délicieuie. J- C.

Vafqués , que les trahifons préce'dentes ^'^^ avoienc mis fur la défiance , ne voulut point NUEtiToI*" entrer dans le port ^ & fe tint au large dans la rade. Il y reçut cependant le même accueil , qu'il avoit reçu d'abord à Mofambique. Quel- ques Almadies remplies d'hommes vêtus à la Turque , le Turban en tête, arme's de fabres , de poignards & de boucliers , abordèrent les Vaifïeaux au fon des inftrumens de mufique , &avec les de'monftrations d'une joye extraor- dinaire. Le Gëne'ral attentif à tout , n'en vou- lut laifler entrer que quatre , qui étoient les plus apparens , à qui même il fit quitter leurs armes. Apres les complimens , les buvettes , les préfens ordinaires en ces occafions, ceux- ci lui repréfenterent , qu'il e'toit de la bien- féance & de fa fureté même , qu'il entrât dans le port. Car , outre les dangers qu il courroit dans une rade peu iûre , il fe rendroit lufpedt, difoient-ilsj par cette conduite extraordinaire, & refteroit expofé aux Vaiffeaux qu'ils entre- tenoient fur la côte , ôc qui courreroient fur les fîens comme fur des Pirates.

On avoit eu une attention particulière à faire veiller le perfide Pilote , afin qu'il ne pût entrer en converfation avec ceux-ci. Cepen- dant, dans ce peu de tems , on ne fçait com- ment il trouva le moyen de leur parler, & de

SS CoNQUESTEs DES Portugais

A NN. tie les inftruire de tout ce qui s'etoit pafle à Mo-

^- ^* lambique : ce qui ayant excité leur haine , ôz

leur ayant mipire les mêmes ientmiens de ven-

DoiV Emma- ' i i rr i -l r" i

NU£i Roi. geance &de diliimulation , ils hrent encore de plus vives inftances pour engager le Géne'ral à faire entrer fes Vailîeaux dans le port. Gama qui vouloit leur ôter tout (oupçon , & pren- dre en mcme-tems les furetez , leur promit qu'il le feroit le lendemain , pourvu qu'ils lui fourniffent un bon Pilote , & les renvoya fur cette efpe'rance , contens de la bonne che're ôc des prélens qu'il leur avoit faits.

En partant de Portugal , Vafqués avoit pris fur les VailTeaux , dix hommes qu'on lui con-» figna dans les fers , & qui ayant été' condam- nés à la mort pour leurs crimes , pouvoient ef- pérer de mériter leur grâce , en tentant des évenemens , aufquels on ne pouvoit raifonna- blement expofer déplus honnêtes gens qu'eux. Il devoit s'en fervir dans les cas de défiance , ôc il en avoit déjà laiffé quelques-uns fur fi route. Le lendemain donc , quelques Maures de cou- fidération étant venus pour lui rendre vifite , & le preffant d'effedluer la parole , il demanda encore deux jours de délai , fous le prétexte que c'étoit la Pâque des Chrétiens ; mais que cependant il alloit envoyer deux perfonnes de dillindion pour ialuer le Roi de fi part , ôc l'affurer que le troifiéme jour il entreroit dans le port. C'étoit deux de ces criminels à qui il

avoit

DANS LE N0UVEAuM0NDE.LlV.il. 89

avoir donné Tes inftructionsi mais qui ayant été a n n. de conduits'avec les précautions dont on uie dans J-C. les Villes de guerre^ôc dans destemsfufpeclsjne ^'^^^' purent rendre compte que de la multitude du nuel ro".'' monde qu'ils avoient vu , de la beauté du Pa- lais du Roi , & de l'audience qu'il leur avoic donnée.

Le Général s'érant enfin déterminé à entrer dans le port au tems marqué , les Maures , com- me pour lui faire honneur & efcorte, vinrent dans plufieurs petits batteaux galamment pa- vaifés , & le nombre 6c la variété des inf- trumcns , formoient un Concert d'une mufique barbarefque , mais qui n'étoit pas abfolumcnc défagréable. Quelques-uns s'accofterent des VaifTeaux , & quelques elïorts qu'on pût faire, il y entra plus de monde qu'on ne vouloir. Vafqués ne laiiTa pas de faire fignal pour ap- pareiller , ce qui fit grand plaifir aux Maures , qui croyoient déjà tenir leur proye. Mais quand les VaifTeaux furent foiK voiles , com- me la Capitane avoit de la peine à venir au vent , Gama qui craignit , que ne gouvernant pas , elle n'allât donner fur une batture voi- fine , fit fur le champ jetter un grelin & car- guer les voiles. Comme cette manœuvre fu- bite ne put fe faire fans beaucoup de mouve- ment, & que la préience du danger donnoit encore plus d'aélion à l'équipage , les Maures, qui jétoient fur les autres VaifTeaux , ôc qui

Tome I, M

90 CoNQUESTEs DES Portugais

DsN Emma- NU£L Roi.

An N. de igiioroient la caufe de cette manœuvre (i peu j. C. attendue , crurent que leur trahifon e'toit dé- couverte , & ie précipitèrent tous dans la mer pour le fauver à la nage. Ceux qui étoient dans la Capitane en firent autant à leur exemple j avec le traître Pilote du Mozambique , autheur fecret de cette confpiration. Gama averti par- de leur complot , & confirmé depuis par les efforts que firent les Maures en envoyant des gens la nuit pour couper fes cables , rendit grâces à Dieu de l'avoir délivre' de ce danger , & fe remit en mer pour aller chercher un port plus fur &z une nation moins perfide.

Ayant trouvé fur fa route deux batteaux qui alloient à Mombaze;,il les prit^ôc quoique la plu- part des Maures qui y étoient fe jettafTent à la mer , il lui en refta treize entre les mains , qu'il mit aux fers. Les ayant fait interroger féparé- ment,il apprit d'eux qu'il y avoir prés de une Ville fîorifîante nommée Mélinde, dont le Roi favorifoit extrê^nement le commerce, recevoit parfaitement bien les étrangers , ôc qu'il y trou- veroit des Pilotes pour le voyage des Indes , des provifions à fouhait , & toutes fortes de denrées -, fur quoi il ne balança pas à y aller.

MéHnde étoit en effet une Ville telle qu'on la lui avoit dépeinte , fituée dans une belle plaine , & entourée de magnifiques jardins. Son Roy , qui étoit un vénérable vieillard ;, avoit j à fa religion prés , tout ce qui fait un

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. 9^

homme d'honneur & de probité y & quand Ann. de Vaiqués lui eue fait part de la venue par un de ^" S' ces honnêtes envoyés dont i ai parle , & par un des blclaves Maures qu il venoit de taire , nuel roi. il fut fenfible à l'arrivée des Portugais , & fe crut honoré de fe voir recherché de h loin par un Prince puiffant , dont ce qui lui fut rap- porté lui donnoit une haute idée. Dans cet ef- prit, il y eut entre cette Cour & le Général, un commerce alternatif de politeflé & de bon- ne foi , qui caufa de part & d'autre une mu- tuelle fatisfaclion. Le Roi, que fon âge extrê- mement avancé retenoit au lit , s'étoit déchar- gé du loin des principales affaires fur un fils légitime , héritier de (es Etats , & digne d'un tel père par fes bonnes qualités. Celui-ci ayant aufli conçu pour les Portugais une ellime véri- table j s'étudioit à leur en donner toutes fortes de marques ; mais voulant attirer le Général à terre , il le fit prier inifamment de ne point refufer une vifite au Roi ion père , qui defiroit très ardemment de le voir , S>c que les infirmi- tés empêchoient de lortir de chez lui , s'offrant pour exciter la confiance , de lui donner les deux fils en otage.

Vaiqués , aue les amitiés qu'il recevoit , rendoient plus foupçonncux , s'excula fur les ordres précis qu'il avoit du Roi fon maître. Il ajouta néanmoins , que h lui-même vouloir lui faire l'honneur de s'aboucher avec lui , il

Mij

92, CONQUESTES DES PORTUGAIS

An N.de feroit la moitié .du chemin pour aller à fa ren- J-*^- contre. Le Prince, que la fincérite' & l'eftime failoient a^ir , voulut bien en cette occafion.

98

nuiIroi.'" pafTer pardefTus les bicnfe'ances de (on rang, ôc y confentit. Vafqués flatté de cette démar- che ,qui le mettoit de niveau avec un Souve- rain,.ayant donné Tes ordres pour la garde des VaifTeaux , fît pavoifer fa Chaloupe , & n'ou- blia rien de ce qui pouvoit rendre l'entreviâë plus fblemnelle. Le Prince de fon côté , vou, îant lui donner idée de fa grandeur, s avança vers le port, élevé fur un Palanquin, & fuivi d un nombreux cortège, au milieu des voix, ôc des inftrumens , qui formoient autour de lui un concert. Dés que le Général l'apperçut, il dclcendit dans fa Chaloupe , mais la marche du Prince ayant été plus lente qu il ne penfoic, il fît faire alte , & attendit fur les avirons pour donner le tems au Prince d arriver. Dés qu'ils furent joints , le Prince entra dans la Chalou- pe du Général avec franchiie, il l'embraffa ten- drement , & s'étanc un peu remis de la peur que lui cauferent les falves d'artillerie des VaifTeaux , & qu'il fallut faire ceffer , il fe noua entre-eux une converfation gracieufe , pen- dant laquelle le Prince fît le tour des VaifTeaux pour les contempler. Le Général de fon côté , voulut voir la Ville d'un peu prés fans débar- quer. Ainfi après avoir fait pluiieurs tours en- femble , ils fe f éparerent trés-fatisfaits mutuel-

'dans LE NOUVEAU Monde. Liv. II. 93

lement l'un de l'autre ; mais le Prince en par- ^^ ^ ^ ticulier fut plus charmé du prélent des treize j. c. Efclaves Maures que le General lui donna, que H^s. des autres dons qu'il lui avoir fait, & de tou- donEh tes les belles choies qu'il lui avoit dites.

Il y avoit dans le port, quand Vafqués y ar- riva , quatre VaifTeaux des Indes fur lefquels fe trouvoient , diloit-on , des Chrétiens de ces Contrées , quelques Banianes & un Maure Gu- zarate , qui eurent une grande joye de la vue des Portugais. Vafqués n'en eut pas moins de fon côté. Il eut toute liberté de leur parler , & dans les fréquentes conférences qu'ils eu- rent enfemble , il en tira des lumières &: des inliruétions falutaires, fur tous les points qu'il lui importoit le plus de fçavoir.

On prétend même que ce fut dans ces entre- tiens,qu'il apprit une nouvelle manière de pren- dre hauteur &: de faire ufagedelaBouflole, qui lont fans contredit deux pomts (i eilentiels dans la navigation , que fans cela elle feroit impofîi- ble pour les grands trajets , de qu'avec cela on va par tout. Que (i on pouvoit y ajouter la connoifTance des Longitudes &c la manière de les prendre , on iroit aulfi fûrement fur mer que fur terre. On dit donc que Vafqués leur ayant montré fon aftrolabe , & ce que les Ma- thématiciens du Roi Don Jean fécond avoient inventé pourlufage des Pilotes , ils n'en paru- rent point furpris , ôc lui firent voir quelque

M iij

MA-

01.

94 Conquestes DES Portugais.

A N N.de chofe de plus parfait en cette matière , qu'ils

^' ô diloient être commun aux Arabes qui navi-

eeoient dans la mer Rouge, & a tous ceux qui

Don Emma- h ^ 1 t 1 /^ > 1 1

NUitRoi. irrequentoient les mers des Indes. Qu ils lui en- , feignerent en particulier, cettealliance admi- rable de l'aiman & du fer dans l'aiguille ai- mante'e , & que Vafqués étant de retour à LilLonne, rendit publiques toutes ces connoif- fances j ce qui feroit certainement un iervice des plus grands que le Portugal eût pu rendre à l'Europe. Mais quoique je lois perluadé que la connoiffance de la BoufTole en particulier , puifTe être venue en Europe des quartiers des Indes par les Arabes , ainfi que 1 Imprimerie & la poudre à Canon , qui iont à la Chine depuis pludeurs ficelés avant les voyages que les Eu- rope'ans ont fait au Cathay , du tems des Croi- fades , je ne vois pas qu'il confie que cette con- noiffance nous ait e'té communiquée par les Portugais ; au contraire , je vois que les au- theurs en font honneur à Flavius de Melphe dans le Royaume de Naples , deux fiécles avant les premières navigations du Portugal.

L'intelligence fut toujours parfaite entre la Cour de Melinde , & le Général Portugais. Ce- lui-ci n'ayant pu rendre vifite en perlonne au vieux Roi , la lui fit rendre par deux de les Of- ficiers dont le Roi fut trés-content. Vafqués trouva toutes les facilitez qu'il voulut pour fai- feiesprovifions &pourlubvenir à tous fes be-

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. II. 95

foins. Qjaelques Maures & quelques Indiens Ann. de oui fe trouvoient étraneers à Mélinde lui de- ^- ^• mandèrent pallaee.ô^voulurenc aller en la com-

-. -^ . ^ .', . , . .1 , Don Emm*.

pagnie. Le Prince héritier lui permit de planter n uil roi. un poteau aux armes duRoi de Portugal comme un te'moi^rnage de leur alliance. Il lui trouva un Pilote très-habile, Indien de Nation , & fur lequel il pût compter. Enfin pour mettre le comble à toutes fes honnêtetés , illuifît pro- mettre de paiTer par Mélinde à Ion retour ^ pour ferrer plus étroitement les liens de leur amitié, &pour prendre les Ambafladeurs qu'il vouloir envover en fon nom au Roi de Por- tugal.

Le trajet de Mélinde aux Côtes de Malabar , cft de prés de 700. lieues en droiture. Le Pi- lote mit d'abord le Cap au Nord , & dans peu ils apperçurent 1 Etoile polaire qu ils avoient perdu de vue depuis long-tems. Ils repaiferenu la ligne, & coupant enfuite tout droit iur l'In- dolbn, au bout de quelques jours, fécondés d'un vent favorable , ils virent une terre éle- vée qu'ils furent encore deux jours lans pou- voir rcconnoitre, p .rce qu'elle étoit enbrumée. Enfin le Pilote diftingua les montagnes de Cali- cot , & vint donner cette hcureule nouvelle à Gama,qui tranfportédejoye,commefi lui & les fiens euiïent touché à la fin de leur travaux, en rendit de lolemnelles aélions de grâces à Dieu. Peu d'heures après il moUilla à deux

CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de milles de cette Ville le !i8. Mai de l'année J-^- 1499. le iie jour après Ton départ deMélinde.

1409. „Ni \A rii

& près de onze mois , après être lorti de la K^L^Roz." Rade de Liltonne.

Quoique par le nom générique d'Indes Orientales , on entende communément toutes ces vaftes Régions de la grande Afie qui font au-delà de la mer d'Arabie & du Royau- me de Perle , les Indes néanmoins ne iont proprement que ce grand efpace de la terre Ferme bornée au couchant par le Fleuve Indus, duquel tous ces pays ont tiré leur nom ;, & qui les fépare de ce côté-là , de la Gédrofie , de la Carmanie , de la Perfe & de l'Ariane , Provin* ces qui s'étendent jufques à la mer Cafpienne. Elles ont au Septentrion les Monts Imaiis,qui (ont une produélion du Caucafe , & les divi- fent de la Scythie & de la Tartarie, L'Empi- re de la Chine eft à leur Orient. Elles ont au mi- di la mer Océane appellée aufïi mer des Indes, dans laquelle fe jettent bien avant les deux grandes Peninfules d'au-deçà & d'au-delà le Gange , entre la mer d'Arabie .& la mer de la Chine , fc trouve un Archipélague femé d'une multitude d'ifles fans nombre , dont plu- fieurs font elles feules des Etats trés-confidera- bles. L'Inde cependant confiderée d'une ma- fiiere plusprécjle, & referrée dans des bornes plus étroites , pour ce que les naturels du pays même, appelleric Indojian^ eft ce c^i contient

peut

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. II. 97 tout le pays compris entre rindus& le Gange, ÂTTrâë" qui fortant tous deux du mont Imaiis, &cou- J. c. rant Nord ôcSud, vont fejetter dans la mer ^^^^' des Indes donEmma.

Aj,C5 muta. ^ ^^^^ j^Qj

L'Indoftan eft aujourd'hui prefque tout entier de l'Empire des Grands Mogols qui ont ache- vé' de le conquérir depuis environ deux fic- elés. Il étoit au tems de la découverte des Por- tugais partagé entre cinq puifTans Monarques, dont chacun avoit lous loi plufieurs Rois tri- butaires. Ces Monarques étoient les Rois de CambaiCj dcDelli, deDecan, de Narfingue ôc de Calicut. Ce dernier étoit plus connu par le nom de Zamorin qui répond à celui d'Em- pereur, que par celui de fa Ville Capitale. Ses Etats étoient les plus maritimes, & s'écendoient dans tout le Malabar.

Ces Princes, les (uccefTeurs de Porus , étoient originairement tous Gentils. L'idolâtrie an- cienne , & les Orgies de Bacchus tranfmifes de main en main étoient encore la Religion do- minante chez la plupart , & elle étoit dans toute fa fplendeur. On y voyoit la même di- ftinction des Caftes ou des Tribus dont nous ont parlé les anciens Géographes, & les Auteurs qui ont écrit les adlions d'Alexandre. Entre ces Caftes diftinguécs par la nailjance & éternel- lement jaloules de la fuperiorité qu'elles ont les unes fur les autres , luperiorité fondée fur l^s Fables de leur origine & de leur Religion^.

Tome /. N

A N N. de

J. C.

1499.

PoN Emma-

nuel Roi.

98 CONQUESTES DES PORTUGAIS

les plus confidérables font celles des Braclî- manes & celles des Naïres ou des Nobles.

Les Brachmanes ifTus du fang des anciens Gymnofophiftes , les he'ritiers de leur E{prit&; de leur dilciplinC;, font les feuls depofitaires de la Religion de leurs Ancêtres, les Oracles de leurs Dieux, les interprêtes de leurs Loix, & les feuls qui ayent droit au Sacerdoce & au miniftere des Autels. Ils reconnoiflent un Etre fuprême nommé Parabrama lequel a produit trois Dieux fupérieurs à tout le refte, qui , félon l'opinion des Niarjigueuls, ne forment tous en- femble qu'une même Divinité', quoiqu'aujour- d'iiui félon l'idée commune & populaire ce font trois Dieux créés &fubalternes,fur lef- quels l'Etre fuprême s'eil déchargé de tour. Brama le premier des trois eft le Dieu Créa- teur. C'eft de lui que font fortis les Dieux in- férieurs & tous les Etres vifibles & invifibles. Vichnou efl: le Dieu confervateur;, & Routren le Dieu deftruâieur. Les Brachmanes en mé- moire de ces trois Dieux portent en écharpe trois cordons unis enfemble , & compofés de trois filets chacun de couleur différente , qui font un témoignage &z une profellion de leur foi , qu'on prétend être une idée corrompue de la révélation 4u myfiere de la très-fainteTt i- nitéj&une marque diftindive de leur Etat^ 6c de leur Cafte. Ces trois Dieux fe font incar- nés plufieurs fois fous différentes formes , &

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. II. 99

ont remporté fur les Démons plufieurs vidoi- An n. de res qu'on voit exprimées différemment fous ^" ^' les figures emblématiques des Idoles adorées

, '^ _, , •*■ Don Emma-

dans leurs Temples. nuelRm.

Outre ces trois Dieux , il y en à une infi- nité d'autres diftribués en divers Chorcams ou Paradis. Leurs idées fur les incarnations de leurs Dieux ont allez de rapport aux fables de la Mythologie des Grecs, & leurs différentes ipheres de Divinités, aux idées des anciens Egyptiens & des Platoniciens, dont Jamblique nous a donné une connoiflance affez étendue dans Ton livre des mylteres. Leur doélrine fur la Palingenefie ou rcnaiffance du monde & la tranfmigration des âmes , eft toute conforme à celle de Platon & de Pithagore. Rien n'eft plus extravagant que leur Religion fous l'écor- ce des fables dont ils 1 enveloppent. Les prin- cipes de leur morale feroient affez beaux , s'ils étoient fuivis , & fi leur Relitrion même ne les alteroit & ne les corrompoit. Leurs cérémonies légales font infinies , mêlées de toutes les horreurs du culte de la milice du Ciel , de tou- tes les fatuités de l'AftroIogie judiciaire , de la magie, & d une iuperffition fiminutieufe qu on peut dire qu'elle elf poulfée jufques aux der- . niers excès.

Le J^edxm divifé en cinq livres contient tou- te leur Religion, fes mylîeres ,& (es précep- tes, lis l'ont reçu d'une tradition immémo-

Nij

JOO CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de riale. Il cft refpecflé parmi eux comme le font

J- ^- parmi nous nos fainces écritures. & il eft d'un

langage li iuranne , qu il en clt peu parmi eux

Don Emma- \> j t / 1 '

NiiiRoi, qui 1 entendent. Les commentaires luppleenc au texte. Ils en font une étude qui fait pref^ ' que toute l'occupation de leur vie. Ils la com- mencent, dès que la raiion à fait briller Tes pre- mières lueurs -, & à mefure qu'ils avancent en âge , ils font admis à des connoifTIinces plus re'levées , aux de'gre's de leurs univerfités , & aux diftcrents ordres de leur Hiérarchie.

Ce cours d'e'tudes eft en même tems un cours d'initiations, dont les e'preuves font un dur noviciat, & deviennent plus rudes à me- fure qu'on elf promu à des dégrès plus élevésy & par confequent plus laints dans leur idée. En général leur vie eft très auftere , afTujettie à une infinité d'oblervanees légales. Ils ne man- gent rien qui ait eu vie, vivent d'aumônes, &: fe piquent d'une extrême régularité : régularité apparente, qui impolànt à des peuples extrê- mement fuperftitieux , les rend l'objet de la vénération de ces peuples, & leur inipire tant d'orgueil pour leur propre perfonne & tant de mépris pour les autres, que le plus miferable de la Cafte des Brachmanes fe croiroit foiiillé, s'il étois touché par des Rois , ou s il mangeoit avec eux, fi ces Rois n'étoicnt Brachmanes eux mêmes , quoiqu'ils ne fe fafTent pas de diffi- culté d'être leurs Cuifiniers , & de les fervir

DA^f5 LE NOUVEAuMoNDE.LlV.il. ICI

dans les plus vils minilleres. Ann. de

L aullerité de leur vie n'eft pas pour cous ^- C. la même. Elle eft différente fclon les fedesôc ''^^^' félon les differens Dieux qu'ils font profellion ^°^^ ^^'^*' de fervir d'une manière plus particulière. Quelques-uns vivent dans le monde ^ d'autres s'en retirent ^ les uns fe marient , les autres font profeflion du célibat. On en voit qui vivent dans de nombreufes Communautés, & il en eft, qui s'enfoncent dans la folitude, & parmi ceux-ci il eft plufieurs ordres de Pénitens , dont la vie eft fi exceflivement inhumaine, qu'on ne peut lire fans horreur les cruautés, ils fe portent contre eux-mêmes.

La féconde Cafte eft celle des Nobles diftin- gués en deux ordres , qu'on peut regarder comme la haute & la petite NoblelTe : la hau- te , eft celle des Raïas & des Caïmales, qui font de petits Souverains , ou d'autres perfonnes ca- radtérif éeSjComme font parmi nous les Ducsjes Marquis, lesComteSj&c. La petite,comprend les pursNaïres. Ceux-ci font profeftion des armes, & y font élevés dès 1 âge de fept ans dans des Académies qui répondent à celles de notre ancienne Chevalerie d'Europe. Les rigueurs en font extraordinaires, & s'ils deviennent ha- biles dans l'art militaire on peut dire,qu'ils l'ont acheté par des épreuves terribles. Ils ne peu- vent fervir dans les armées , ni porter les ar- mes pour parade > qu'on ne leur ait ceint 1 épée

N iiij

îOr CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de avec cérémonie après un certain nombre d'an- ^ nées qui terminent le cours de ces rudes

1499- ' ^ n J ' 1 r

Don Emma- cprcuvcs. Pendant ces épreuves ils en ront un NI Et Roi- continuel exercice , ôc cet exercice leur don- ne une adrcfTe lurprenante , une force , une légèreté qui ne le comprend pas , & un mé- pris de la mort qui eft au-deiTus de tout. Ceux d'entre les Naires qu'on nomme les Dévoues y & qui ont attaché leur vie par ferment à celle de quelque Prince, (ont auili les plus dange- reux & les plus formidables. Car fidelles à leur icrment ils ne manquent jamais à fuivre leur Patron dans le tombeau, mais pour l'en garen- tir il n'eil point de danger ils ne s expolcnt,&: il n'eft point de genres de mort qu'ils n'af- frontent. Avec cela ils fon;: extrêmement iu- perftitieux & fiers dans leur fuperflition, quoi- que tous gueux & milerables. D'auili loin qu'ils paro.fTent dans les rues ils crient pour fe faire faire place, de peur d être fouillés s'ils étoient touchés par quelqu'un du peuple. Ce qu'ils ont de plus fingulier, c'ell que plufieurs d'entr eux, ^clurtout les frères, ont une même époufe,qu'ils partagent fans jaloufie. Ils ne tranimettenc leurs héritages qu'aux enfans de leurs focurs ou de leurs autres parentes du côté maternel.

Les autres Caites du menu peuple font di- ftinguées, ainfi qu Hérodote nous le raconte des premiers Egyptiens , par les profeffionsde Marchands, de laboureurs, de porchers , de

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IL IO3

MMA-

L Roi.

vachers, & même de voleurs. La plus mi(era- ANN.de ble de toutes ert celle des Parias , qui man- ^' ' gent la chair des animaux , & qui font pour don e cette railonfi abominables, qu'à peine lont-ils ^^^' ' regardés comme des hommes.

La condition des femmes ci\ très dure dans les Indes, par l'obligation qu'elles ont de fe brûler iur le corps de leurs maris, fous peine de tomber dans le dernier mépris , & d'être obligées de fe proftituer pour le fervice des Temples. Abommation que leuPKeligion au- thoriïe auflibien que la coutume inhumaine de ie faire écrafcr ious les roues des chars des Idoles , ou de le faire barbarement mourir en leur honneur.

Rien n'égaloit la magnificence de leursTem- plcs ou Pagodes , & s'ileft vrai . comme l'afTu- rent quelques auteurs , cjue le Portique feul d un de ces Temples, l'on tenoit les vidli- raes dertinécs aux iacrifices, étoit compofé de fept cens Colonnes qui égaloient en beauté cel- les du fuperbe Panthéon de Rome ,- on peut dire qu'ils alloient de pair, qu'ils l'empor- toient même Iur les édifices de l'ancienne E- gypte. Leurs Pagodes font encore très riches, leurs Monalteres très nombreux ôc très bien fondés , leurs Idoles chargées de bijoux d un prix ineltimable , entorte qu'on auroit une très grande idée de leur Religion, fi on dévoie en juger par l'opulence.

104 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Calicut , qui étoit alors le fiege du Sacerdo- ^- ^- ce ôc de l'Empire , croit aufTi la Ville la plus

1495». . f. / , , K ,

niaffnihque de ces contrées , ôc le rendes-

DonEmma- ''11 1 1 /r J \'r^

NI El Roi. vous gciieral de toutes les ncheiies de 1 Orient. On y voyoit rouler dans le commerce les diamans & les pierres précieufes des riches mines de l'Indollan-, les perles , l'or, l'argent, 1 ambre , l'y voire, la porcelaine, les e'toflFes de foye, les toiles peintes , le coton, l'indigo , le fucre, les épiceries de toute efpcce , les bois précieux , le!^aromates , &z généralement tout ce qui peut contribuer à 1 ufage & aux déli- ces de la vie.

L'Indoftan eft traverfé par une chaîne af- freufe de montagnes , qui le coupent par le milieu , & finiflent au célèbre Cap de Como- rin. Le merveilleux , c'eft que dans un même climat dans les mêmes tems de l'année ^ & dans un efpace aulli petit que l'eft l'épaifTcur de cet- te chaîne , les laifons y font tellement réglées alternativement, que ceux qui font à l'Eil de ces montagnes joiiifTent d un été très fcc Ôc très beau , tandis que ceux du couchant font plongés dans un hiver qui dure pendant les mois de nos chaleurs d'Europe. L'hiver eft moins marqué par le froid qui s'y fait fen- tir , que par des pluyes continuelles , & des vents fi péfants, qu'ils rendent les mers des In- des impratiquabjes , ce qui oblige les étran- gers, qui en fçaventle tems précis, à les pré- venir

DANS LE Nouveau Monde. Liv. II. 105

venir , en profitant de la Mouqon , pour fe retU a n n. de rer chez-eux , & les naturels du pays à mettre ^" ^' leurs Vameaux a couvert en les tirant a terre lur des chantiers ou dans des arlenaux ou on nuelRoi. les conferve.

Comme ce fut précifement le tems ou Ga- ma aborda fur ces Côtes , on connut encore mieux par-là que par la forme inconnue de fes Vaiffeaux qu'il venoit de pays lointains , & qu'il avoit peu d'ufage de ces mers. Sa bonne fortune voulut qu'en arrivant ceux qu'il envoya à terre , pour donner part au Zamorin du fu- jet de fa venue , firent rencontre d'un e'tran- g^r qui ayant reconnu à peu près à leur figu- re qui ils étoient , & leur ayant demandé en bon Caftillan quel Démon les avoit portés & ce qu ils venoient y chercher, fe fit enfuite connoître à eux , s'y afFedlionna & leur rendit des fervices fi effentiels , qu'on peut dire, que le falut leur vint du côté d'où ils dévoient le moins l'attendre.

C'étoit un Maure natif du Royaum.e de Tu- nis nommé Monzaydc. Il fçavoit fort bien la langue Elpagnole & avoit connu les Portu- gais à Oran. Et quoique leur ennemi parnaif- lance ôc par Religion , comme il (e trouve par-tout d'honnêtes gens , en qui la probité rend toujours juftice au vrai mérite , malgré la diverfité de créance & les jaloufies de Na- tion, il avoit conçu pour eux une eftime que

Tome I O

I06 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. àc les vidoires qu'ils avoient remportées en Afri- J-C- que,n'avoienc fait qu'augmenter au lieu de ^^^^' 1 affoiblir. Il faifoit alors l'office de courretier

Don Emma- _ i, j v /^ i t1 /"

nu£lRoi. & d agent de commerce a Calicut. 11 le trou- va être ami d'un autre Maure que Vafqués envoyoit avec l'un de (es criminels , deforte que les ayant d'abord reçus dans fa maifon, il fe porta à faire plaifir aux Portugais avec une fincerité & une civilité que Dieu récompen- fa dans la fuite par la grâce de fa converfion. Ayant négocié d'abord avec le Catiial qui étoit le miniiîre duZamorindans Calicutpour le commerce , &z ayant applani les premières difficultez, il fît pourvoir premièrement à la fu- reté de la petite Flotte , en la faifant entrer dans le port qui eft un peu éloigné de la Ville» Il fit eniuite fi bien que le Zamorinfentant fa vanité fîatée aufîi-bien que fon intérêt de voir une Nation noble, guerriere^riche & puifTante, venue des extrémités du monde pour recher- cher fon amitié , & lui demander la grâce de lui ouvrir fes ports, voulut recevoir Gama fur le pied d'Ambafladeur d'un des plus grands Monarques.

Comme il falloir pour cela que le Général en perfonne fe préfenrât , la défiance les Portugais avoient toujours vécu fur ces Côtes barbares , & jufques alors inconnues , forma une difficulté dans le confeil. Paul de Gama frère du Général s'oppofbit plus vivement que

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. lO/

perfonne à fa defcente , & entraîna tous les au- A n n. de très dans Ton fèntiment par de très folides rai- ^' ^" fons. Mais Vafque's qui e'toit homme de cœur ne voulut entendre à aucune de ces raifons d°nEmma-

r / 1 A A 1 1 1 r NUEL Roi.

fuggerecs plutôt parla naturel la timidité, que par la prudence. Il trancha net la difficul- té' par la réfolution. Ayant donc lailTé Tes or- dres à fon frère pour faire les tonifiions de Gé- néral à fa place , commandé Nicolas Coello pour conduire les Chaloupes, les accoftant de terre le plus qu il pourroit, afin qu'il pût s'y re- tirer il le befoin le demandoitj& que la retraite lui fut poffible ; il ordonna enfuite à Paul en vertu de tout fon pouvoir que quand bien mê- me il lui verroit porter le poignard dans le iein , il préférât le fervice du Roi au foin de fa vie_i 4^il ^^ ^^ P'^s le moindre mouvement pour le fécourir& le fauver, mais qu'il appa- reillât fur le champ pour retourner en Portu- gal , afin d'y rendre compte au Roi leur maître du détail de leur voyage , de la découverte des Indes , & de fa trille deftinée.

Le difcours que fit alors le Général tira les larmes des yeux de tout le monde. Mais lui , conlervant toujours fon fang froid & un air d'intrépidité, qui ranimoit les courages abba- tuSjil choifit douze perfonnes pour lui faire cor- tège,leur ordonne de (e mettre d'un air de pro- preté convenable à l'occahon préfente & s'y .^it lui-même. Il fit parer les Chaloupes , &alla

Oij

io8 Conquestes DES Portugais

 N N. ae à terre au bruit de l'artillerie des Vaiffeaux, ^•^- au Ton des tambours, des fifres, &des trompet-

H99-

tes.cequifaiioitune efpece de pompe & delpe- wuiiRoi. dtacle qui recevoit tout ionprix de la nouveauté. Le Catiial , quil'attendoit à la defcente ac- compagné de deux cens hommes , partie pour porter les bagages , partie pour lui faire eicor- te, l'ayant reçu avec bien des démonlfrations d'amitié & de politefTe, le fît monter dans un Palanquin, & monta lui-même dans un autre. Les Portugais du cortège (uivoient deux à deux au milieu d une foule de monde que la curiofité attiroit de toutes parts , & à qui les figures & les habillements de ces nouveaux hôtes paroilToient aufTi bizares que celles de ces Indiens le pouvoient paroître aux Portugais. Il falloit en cet équipage aller jufques à Pan. darane mailon de plailance étoit alors le Zamorin,cinq milles au-delà de la Ville de Ca- licut. On pafTa par cette Ville fans y arrêter , ôc on alla coucher au-delà en une petite bour- gade. Le lendemain on ih remit en marche. Il fe trouva fur le chemin deux Temples d'I- doles , il fallut entrer. Les Portugais qui étoient perfuadés que tous les Indiens étoient Chrétiens convertis anciennement à la foi par faint Thomas, les prirent pour des Eglifes. Ils furent confirmés dans leur idée par les Brach- manes rangés en haye à la porte qui préfen- terent leurs eaux luftrales qu'ils crurent être

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV.II. I09

de l'eau be'nite, avec laquelle ils firent fur eux An N.dc le figne de la croix très dévotement. On leur ^'^' préfenta un peu de cendres faites de fiante de vache, quils mirent fur leur tête avec beau- ^o^^^Rort" coup d'humilité'. Etant entrés dans les Tem- ples ils fe proilerncrent devant les Idoles. Il eft vrai que les figures de ces Idoles leur donnèrent quelque loupçon , mais ils furent raflure's par une autre qui reffembloit affez à la Mère de Dieu tenant ion fils. Quelques Indiens ayant même prononce' le nom de ALiricin , ils fe perluaderent en effet que c'étoit elle , & l'honorèrent avec toute la dévotion qu'on fçait être particulière à la Nation Portugaife pour la Mère du Rédempteur. Un feul cependant plus défiant que les autres s écria. » Qu'ilado- »'roit Dieu,&que fi c'étoient des Diables,qu'il « y renonçoit de tout fon coeur. Vafqués qui l'entendit ne put s'empêcher d'en rire,mais ni lui ni les autres, comme leur erreur faiioit plaifir aux Indiens^n'en firent pas autrement (emblant. Ce fut à l'un de ces Temples que le frère du Catiial, mais qui étoit dans une dignité plus éminente , vint prendre l'AmbalTadeur efcorté d'un grand nombre des Naïres,&d un équipage bien plus lefte &bienplus noble que le premier. Vafqués monta dans un nouveau Palanquin riche & magnifique. Il étoit fi content de Ion fort qu'il repetoit fouventavec complaifance : " Qu'on n'avoit garde de penfer alors en Por-

O iiij

lîO CONQUESTES DES PORTUGÀtS

AMN.de >' tugal que la nation reçût fi au loin tant J- ^- 53 d'honneurs qu'elle en recevoit actuellement

145)9

Don Fmma-

" dans fa perlonne.

nvelRoi. On arriva ainfi au Palais du Roi. Les plus grands Seigneurs de 1 Etat vinrent recevoir l'Ambafladeur à l'entrée , & le conduifirentau travers de cinq grandes cours, aux portes def- quelles il y avoit des gardes qui à grands coups de bâton écartoient la foule , maisFem- prefTement de voir les nouveaux hôtes étoit fi vif &z la prcfTe fi grande , qu'il y eût bien des têtes cafTées ^ & même quelques perlon- nés étoufFêes.

La falede l'Audience grande & fpacieufe , étoit ornée de riches tapifleries de diveries cou- leurs. Le pavé étoit couvert de tapis de ve- lours verd: Tout le tour étoit rempli de ficges dilpoiés en amphithéâtre , & richement m.eu- blés : Dans le fonds étoit un fuperbe fopha ou lit de repos fur lequel le Zamorin étoit cou- ché la tête mollement panchée fur quelques carreaux. Il paroifToit un homme entre deux âges , de belle taille & de bonne mine. Il avoit lur la tête une efpece de bonnet en for- me de Thiare ou de Mitre. Une Tunique blan- che de coton parfemée de rofes d'or , & qui lui defcendoit juiquesaux genoux, faifoit tout (on vêtement.Scs mains étoient ornées de divers anneaux d'or qui foutenoient des pierres d'un prixineftimable. Ses bras & les jambes étoient

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. IL m

iiuës,& relevées par des carquans charge's de fi A n n. de grandes &: de belles pierreries qu'on en e'toit ^'^' . ébloui. Il avoir devant lui deux trrands vafes

,, ,, < ' r I 1 . P , . , Don Kmma.

d or, 1 un OU etoiclon becel qui lui ecoïc pre- nueiRoi. fente par un des Seigneurs des plus apparens , I autre étoit plein d eau pour le rincer la bou- che , & il erachoit dans un ballin de la même matière que les vafes.

Dès que l'AmbafTadeur parut à l'entre'e de la file , le Brachmane ou Pontife de la Cour ^ vieillard relped:able par Ion âge & par fa di- gnité , s'avança vers lui , le conduidt jufques au milieu de cette laie & le préienta au Roi. Après que le Général & les fiens eurent fait le ialut à la manière du pays , ainfi qu'ils en avoient été inltruits , le Zamorin les fit affeoir. On fervit eniuite quelques fruits & autres ra- fraichiffements que les Portugais mangèrent avec grand appétit. Soit que 1 air de ces étran- gers ou leur manière de manger eut quelque chofe qui plut au Zamorin, lequel s'cntretenoic tout bas avec le Sei^^neur qui lui préientoit le bétel , il parut qu'ils faiioient la matière de la converiation,&:qu'onenavoit du pîaifir. Quand on eut cç.^c de manc;er , les Portugais deman- dèrent à boire & on leur fervit de l'eau. Mais comme ils voulurent fe conformer à l'ufage du pays , qui eft de boire fans touch-erau va- fe avec les lèvres de peur de le loiiiUer , cette manière ^ qui leur étoïc trop étrangère leur

lîi CoNquESTEs DES Portugais

A NN. ck réliffit allez mal pour fournir un nouveau fu- ^- ^' jec de divertiiTemenr.

Le Zamorin ayant enfuite fait dire à l'Am-

D.oN Emma- i yp i -i r

Ni'Ex Roi. balladeur qu il pouvoir communiquer la com- million à quelques-uns de ceux qui e'toient au- tour de lui, Vafque's, qui crut que l'honneur du Roi Ion maître e'roit interelTe' à ce qu'il re- garda comme une cfpece de mépris , dit fiè- rement que les Rois ne communiquoient qu'a- vec les Rois &r avec leurs miniftres en pre'ien- c.e de peu de perionnes. Le Zamorin qui fen- tit cette dëlicatelle , eut la complailance de condefcendre à ce qu il vouloir Je fit palTer dans un Appartement voifin.où il fe rendit lui-même avec quelques-uns de les principaux Officiers. on lut la lettre du Roi de Portugal. Vaf- que's fit un difcours qui difoit-à peu près la même choie. Le Zamorin répondit à tout avec bonté en termes courts & précis, qui firent comprendre qu'il eftimoit lalliance d un Prin- ce qui le prévenoit d'uiiie manière fi gracieu- fe , & il témoigna qu'il étoit prêt de don- ner les mains au commerce , dès qu'on lui feroit coiinoître les denrées qu'on apportoit & celles qu'on louhaitoit. Après quoi ayant demandé à rAmbaûTadeur ce qu'il aimoit mieux ^ de loger âveclcs Maures ou avec les Chrétiens,c'eft-à- di- re, avec les Indiens Gentils que Gama qualifioic de Chrétiens , il le fit reconduire à Calicut, &c lui iit aiîî^ncr un logement pour lui &: pour

(es

DANSLENOUVEAuMoNDE.LlV.il. 1I3

fes gens il fut traité d'une manière conve- ' j>^^^ j^ nable à fa dignité. j. c.

Jufques-là tout alla bien. Mais deux chofes ''+99- renverferent toutes les belles efperances d'u- don emma- ne entière réiiffite. La première fut l'impof- *'^'^''^°''" iibilité fe trouva le Général de faire des préfents dignes du Prince à qui il étoit envoyé. Ce qu'il oftrit étoit fi peu de chofe , qu'il fut rejette avec mépris. Quelque rareté d'Europe eut été bien en place , mais la Cour de Por- tugal avoit manqué à y pourvoir. Vafqués s'ex- cuia le mieux qu'il pue. » Il dit que depuis » prés' d'un fiecle les Portugais cherchoient «une route pour pénétrer jufques à la Cour u de 1 Empereur des Indes : Que tous les » Capitaines qu'on avoit envoyés jufques » alors étoient revenus dans le defefpoir de » faire cette découverte : Qu'il étoit parti lui- 5> même dans l'incertitude d'y pouvoir reiillir, » èc qu'il n'y étoit parvenu qu'après des tra- » vaux incroyables : Que l'amitié du Roi fon » maître valoit mieux que tous les préfents du » monde , & que fi l'on cherchoit des préfents, » lui même à fon retour aux Indes , ceux »' qui y viendroient après lui , en feroient » de fi confiderables , qu'on apprendroit à » eftimer par- le Prince à qui il avoit l'iion- » neur d'appartenir. "Ces raifons étoient vray es ^ légitimes. Mais il étoit fâcheux de n'avoir à donner que de belles paroles chez une Na,

Tome J. P

Don Emma NUEl Rot.

114 CoNQUESTEs DES Portugais

""^"^ tion intereiïee , la coutume eft de ne fe pre'- j. c. Tenter jamais les mains vuides devant les Rois 1499- & leurs Minières.

Mais ce qui acheva de ruiner Tes affaires & la féconde caufe de fon mauvais fuccès, ce fu- rent les mouvements que les Mahometans fe donnèrent pour le faire e'choiier. Leur hai- ne pour les Chre'ticns ne fut pas le feul mo- tif qui les ameuta. Il y entroit plus de politi- que que de Religion. Ils faifoientun fort gros commerce à Calicut , d'où ils fe rendoient des Côtes d'Afrique &: de l'Arabie , &c ils étoient les feuls dépohtaires de toutes les richefles des Indes , que l'Europe recevoit d'eux de la pre- mière main. Voyant donc que les Portugais prenoient cette route, ils appréhendèrent avec raifon de le voir enlever ce commerce. Ce motif animant leur jaloufie , ils f e reiolurent de les perdre, & pour obvier au mal qu'ils crai- gnoientj défaire enforte qu il n'en retournât pas un feul en Portugal , pour y porter la nou- velle de cette fatale découverte. L'argent,qu'ils répandirent abondamment Jeur ayant gagné le Catiial 6c les principaux miniifres , ôc changé la difpofition de la Cour envers les nouveaux venus, que leur pauvreté avoit déjà décrédités ^ ils parvinrent julquesà donner des requêtes au Zamorin , dans lefquelles ils reprélentoienc » les Portugais comme de miferables pirates, " fans foi & fans honneur , qui avoient lailTé

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. IIJ

s> par-tout fur leur route des marques de leur :; ]""

i / 11 ri- 1 ^ . . A N N. de

» cruauté & de leurperhdie, dont onnavoïc j.c. » que de trop (ûrs garands dans ce qu'ils avoient '499- » fait à leur paiTaee à Mozambique & à Mom- donEmma-

, -, f , c?. .., > . . . ^ NUEL Roi.

5' baze. Ils ajoutoient , que s il etoit vrai , amli » qu'ils s'en vantoient, qu'ils fuiïènt les lujcts " d'un Monarque puifTant , on devoit bien » plutôt s'oppoler aux projets d'un peuple fier, » que l'ambition ôc l'envie de conque'rir fai- » {oient venir du bout du monde , & qui fe » préfentoit par-tout en tyran , que de le fa- » vorifer au pre'judice des Muiulmans , qui " depuis un tcms imme'morial faifoient le com- » merce dans ces Contrées en efprit de paix , » &z avec tant de profit pour l'Etat , que les "feuls droits d'entrée, qu'on levoit fur eux, » faifoit le plus clair des revenus du Monar- » que.

Ces raifons , qui étoient appuyées fous main, ay.ant fait imprellion , Vafqués put s'apperce- voir facilement du changement de la Cour à fon égard. Averti d'ailleurs par Monzaïde , qui fut aifez honnête homme pour ne pas entrer dans les complots de ceux de fa feéïe , il fe trouva tout-à-coup dans un des plus grands idangers il fe fût encore vu, & comprit d a- bord toutes les fuites que pouvoit avoir con- tre lui cette conjuration. Il ne perdit cepen- xlant pas la tête.- Attentif à tout il fit premie- •rement paffer l'avis à fcs Vaiffeaux d'être lur

Pij

ii6 CoNQUESTEs DES Portugais

ANN.de leurs gardes. Le point effenciel pour lui étoit

^' ' de s'y rendre. Il en vint à bout. Mais avant ce-

_ la il lui fallut de'mêler bien des artifices , dit

Don Emma- >- i -

MUEL Roi. iimuler ou iurmonter bien de mauvais pro- cédés. Il parvint néanmoins à parler au Za- morin , & à faire valoir la juftice de fa caufe. Ayant laifTé enfuite à terre quelques otages ôc fes marchandiles , il fe retira à bord avec Monzaïde, qui ne fe crut plus en fureté avec les (iens ;, & voulut fuivrc la fortune du Gé- néral, à qui il avoit toiîjours été fidèle. Alors Gama fe voyant un peu plus libre , quelques repréfailles faites à propos , & quelques Indiens enlevés , le mirent en état de r'avbir fes mar- chandifes ôc fes otages. Enfin il obtint du Za- morin une lettre pour le Roi fon maître dans lequelle » ce Prince le faifoit honneur de 1 al- » liance que le Roi de Portugal vouloit con- " trad:er avec lui, julHfioit un peu fa condui- " te fur le mal-entendu de fes miniltres avec " les Portugais , èc permettoit la liberté du 51 commerce , pourvu qu'il le fit lans violence >5 & fans préjudice des autres Nations , qui M étoient les premières en date, & qu'il avoit » de fortes raiions de ménager.

Le Général content de ce petit avantage, fit voile pour les Iflesd'Anchedive,ain(i nommées en Arabe , parce qu'elles font au nombre de cinq. Elles loncfituées fur laCôte, à cinquante lieues au-deflus de Calicut. ayant fait ra^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. Ili 117

douber Tes Vaifïeaux, & s'étant pourvu d'eau, a n n. de il le remit en mer les calmes le tinrent ^" ^" lon^-tems avant que d'arriver à la Côte d Afri-

^ ^ . ^ -1 £" 1 trii Don Emma-

que. La première terre qu il y vit rut la Ville ncelRoi. de Magadaxo qu'il canona fans s arrêter par un reite de de'pit & de chagrin contre les Mau- res. Il pafla à Mélinde, il prit un Ambaila- deur que le Roi le pria de conduire en Portu- gal. Ayant enluite touche' à l'Iile de Zanzibar , il tut très bien reçu, aux Illes de S. Geor- ge près de Mozambique , il perdit le Vaif^ ieau laint Raphaël fur un banc de fable , qui en a depuis retenu le nom , il doubla le Cap de Bonne-hiperance dans le mois de Mars de l'an 1499. prit (a route par les Ifles du Cap Verd & les Açores , &c arriva enfin à Lifbonne aa mois de Septembre plus de deux ans après en être parti , n'ayant plus que cinquante-cinq hommes de cent-foixante & dix qu'ils e'toient lorlqu'ils partirent. Le Icorbut & les maladies les avoient enleve's , & en particulier Paul de Gama qu'il enfevelit à l'Ille Tercere. Vafque's relTentit très -vivement la perte de ce frère qui ne lui étoit gueres inférieur en me'rite. Avec cela il fut encore heureux j car après tant de traveries effuyées lur mer & fur terre, fon- retour pouvoir être regarde' comme un elpece de miracle.

Avant que de rentrer dans Lifbonne , Gama voulut faire une neuvaine àl'Hermitao-e de

P iij

ii8 CoNQUESTEs DES Portugais

-7-' Notre-Dame , il avoir fait fes dévotions

j. c' avant que de partir , afin d'y rendre de folem- 1499- nelles actions de grâces à Dieu , de lavoir con- donEmma- fervé parmi tant de périls. Le Roi, qui avoit fçû tout le détail de ion voyage par Nicolas Coello , qu'une tempête avoit leparé de Gama vers les Illes du CapVerd,&: qui étoit entré dans le Tage dès le lo. de Juillet , envoya vers lui les premiers Seigneurs de fa Cour pour le faluer de fa part. Il lui fit enfuite une entrée comme à un Souverain , &: voulut célébrer fon retour par des fêtes, des jeux , des illumina- tions ôc des feux de joye. Et , pour le récom- pcnfer dignement , il lui permit d'ajouter le Don à fon nom, & de mettre dans l'Ecuflbn de fes armes une partie de celui de la Couronne j il le fit Amiral des mers des Indes : lui alligna mille écus de rente , lui accorda de pouvoir charger toutes les années deux cents cruzades d'or enmarchandifes, exemptes de tous droits pour les Indes , ce qui rendoit environ fepc autres cents crufades ,& dans la fuite des tems il le fit Comte de Vidigueira.Ce Prince récom- penfa de la même manière , mais avec quel- que proportion , tous ceux qui avoient eu part à cette expédition , deforte qu'il n'y en eut au- cun , qui ayant mérité fes bienfaits , put fe plaindre de n'avo ir pas eu de part à fes libéralités. Mais pour rendre éternelle la mémoire de .€,€€ événement en Prince vrayement Chré^

DANSLEN0UVEAuM0NDE.LlV.il. ÏI9

tien , après avoir ordonné des avions de gra- Ann. de ces folemnelles dans tous {es Etats , il fît bâtir ^•*^- une Eg-lifè macrnifîque lous les aufpices de la '^^^'

,, iT-A- J 11- A ^'-1 Don Emma-

Mère de Dieu dans le heu même ou etoit le n.elKoi, petit Hermitage de 1 Infant Don Henri , avec un Convent de Hieronymites pour la defTervir. II dota ce Convent de très grands revenus , à condition de recevoir ôc d inltruirè tous les g-ens de mer, qui voudroienty aller faire leurs dévo- tions.Il voulut,que ce lieu fàint portât le nom de Bélen 0.1 de Bethléem ^ du nom de celui de la naiffance du Sauveur du monde. Et quoiqu'il leut deftiné pour erre le lieu de fa lépulture ôc des Rois les lucceffeurs , il iembla vouloir en faire honneur à l'Infant Don Henri , le pre- mier moteur des voyages & des découvertes Portugaifes. Car il luifît drefTeruneftatuë dans l'endroit le plus éminent au-defTus de la gran- de porte de lEglife,& ajouta de nouvelles obligations aux fondations anciennes qui avoient été faites pour le repos de l'ame de ce grand Prince.

Rien n étoit plus fuperbe pour Don Manuel que le coup d'œil qui le préfentoit à lui , ôc la figure qu il faiioit alors dans le monde. Hé- ritier prélompti! de tous les Etats des Rois Catholiques Ferdinand èc Ifabelle , par le fils, qui lui venoit de naître de l'Infante d'Efpagne (on époufe , il fe voyoit à la veille d'être un des plus puiffants Princes de l'Europe. D'ailleurs

t£à CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de au nombre & à l'étendue de Tes Monarchies , il ^'[ alloit joindre le commerce des trois plus gran- DoN Emma- ^^^ partics du mondCjdc l'Afrique , de l'Afie , ôc nuelRoi. de 1 Amérique , à caule des découvertes que venoienc de faire les Portugais ôc les Caftillans. Deforte qu'animé plus que jamais par un point de vue fi flatteur, comptant pour rien 1 épui- Jfément de fes finances , les périls infinis des longs voyages , la perte de tant de VailTeaux & d un fi grand nombre de fes fujets qui pé- riffoient dans ces Navigations j pertes qu'il croyoit devoir céder aux autres avantages qu'en pouvoient retirer la Religion & l'Etat ; il fe confirma de nouveau dans fes rélolu- rions. Ajoutant enfuite à fes autres titres celui .de maître de la Navigation,Conquêtes,&; com- merce d'Afrique, d Arabie ^ de Perfe , ôc des Indes , il ne ie contenta plus d y envoyer quel- ques Vaiffeaux comme auparavant _, mais des Flottes nombreufes en état de donner la loi par-tout elles fe préfenteroienr.

La première qu'il mit en mer fut prête à fai- re voile au mois de Mars de l'année fuivan- j.Q^^ te 1500 Elle étoit compofée de treize Vaif^ féaux ôc de quinze cents hommes d'armes ou- tre les équipages. Il fit Général de cette Flotte Pierre Alvarès Cabrai homme de naiffance ,& lui donna pour Lieutenant un autre Gentil- homme nommé Sanche de Tovar. Tous les autres Capitaines étoient gens de mérite ôc d'expérience, Cabrai^

DANS LE NOUVEÀuMONDE. LiV. II. IZI

Cabrai, félon les ordres qu'il avoit, devoir ANN.de toucher à la Côte de Sofala , pour prendre con- J- C noiflance de fon commerce, vifiter les Rois de ^^°''" la Côte de Zanc^uebar, & en particulier celui n°£i,ro".'*" de Me'linde.à qui il devoit remettre l'Ambaf fadeur que Gama avoir amené , tâcher de fai- re alliance avec ces Princes, e'tablir,s'il le pou- voir, quelques polies iur cette Côte qui puf- fent iervir d'échelle & d'entrepôt pour les voyages & les retours des Indes. De-làil devoir aller droit à Calicut , èc ne rien omettre pour engager le Zamorin parles voyes de douceur à laifî'er établir un Comptoir dans fa Ville , qui pût fervir au commerce folide , ôc à la bonne correfpondance qu'il vouloir mettre entre les deux Nations , lui infinuer fecrette- ment de fe débarrafTer des Maures en lui pro- mettant qu'il retireroit du Portugal plus d'a- vantages qu'il n'en pouvoit efperer d'aucune au- tre.Nation. Enfînil devoit le prier de permettre à cinq Religieux de l'Ordre de faint François de prêcher l'Evangile dans fes Etats , lui fai- fant envifager ce point-là feul comme le plus grand bien qu'il pût lui procurer , &c la plus haute marque d'cftime qu'il put lui donner. Et luppofé que le Zamorin le rendît rétif à toutes ces propofitions , Cabrai devoit lui dé- clarer une guerre ouverte , &: venger par tou- tes fortes de voyes les mauvais procédés qu'il avoir eus pour Don Vafqués de Gama.

Tome 1, Q^

Don Emma-

Iir CONQUESTES DESPORTUGAIS

A N N. de Avant le dépatt , le Roi, qui vouloit agir par ^•^' efprit de Religion en toutes chofes , pour attirer les béne'didions du Ciel fur cette entre- prife , & lui donner plus de poids par une ce'- rémonie e'clatante , conduifit le Ge'néral avec tout fon monde en proceflion à l'Hermitage de Belem , aind qu'avoit fait Gama. Cabrai y fut toujours à côté du Roi fous le même dais. L'E- yêque de Vifeu officia Pontificalement , fît au Géne'ral un difcours très-éloquent capable de flatter fon ambition , & d'exciter l'émulation de fes compétiteurs. Il bénit enfuite 1 étendart aux armes de Portugal que le Roi remit lui- même entre les mains de Cabrai. Après quoi ce Prince mit fur la tête de ce Général le chapeau béni que le Pape lui avoir envoyé. Et la céré- monie finie il le conduifit dans le même ordre jufques au port , affedlant de lui parler avec privauté , pour l'honorer davantage par ces marques de confiance ^ & ne fe retira au Pa- lais, qu'après qu'il leur vu s'embarquer au bruit de l'artillerie des Vaiffeaux èc du port, & aux acclamations de tout le peuple.

La Navigation fut heureule jufques aux Ifles du CapVerdjOÛ ils arrivèrent en treize jours. Deux jours après Cabrai s'apperçut qu'il nian- quoit à fon efcadre. un Vaiffeau , qui probable- ment coula à fond , & dont on n'a jamais de- puis oiii parler. L'ayant attendu deux jours inu- tilement , il continua fa route. Mais il prit tel-

DANS LE NOUVEAuMONDE.LlV.il. IIJ

lement au large pour éviter les calmes des ANN.de Côtes d'Afrique , que le 24. d'Avril , il fe ^'^' trouva à la vûë d'une terre inconnue .fitue'e à

,, rt -r rr I> I 1- ' i DoN Emma-

lOueft. La crrolle mer 1 ayant oblige de ran- nuelroi. ger la Côte, il courut; jufques vers le quinziè- me de'gré de latitude auftrale , il trouva un bon port , qu'à caufe de cela même il nomma Vorto Securo , après avoir impofé le nom de fainte Croix à la terre du continent , ou. il avoit abordé. Ce nom fut depuis changé en celui de Brélll ou Brafil , qui eft celui d un bois aifez connu aujourd'hui , aufli bien que les peuples qui étoient les anciens habitans du pays.

Le Général ayant envoyé à terre les Décou- fvreurs , fur le rapport qu'Us firent que la terre paroifToit être très-fertile , arrofée de belles rivières , couvertes d'arbres fruitiers de plu- fîeurs efpeces , habitées d'hommes & d'ani- maux, il refolut d'y defcendre pour rafraîchir fon monde & s'en mettre dès-lors en pofTef- fion.

Ayant fait prendre quelques fauvages , les amitiés & les préfents qu'il leur fit fervirent à apprivoifer tous les autres qui fe familiarife- rent en peu de tems , & apportèrent à la Flot- te les fruits de leur terre. Ces Sauvages font entièrement nuds,& peints depuis la tête juf- ques aux pieds d'une couleur rouge, qu'ils re- nouvellent rous les jours , & à laquelle ils ajou- tent plufieurs agréments de différentes figu-

114 CoNQUESTES DES Portugais

An N. de rcs. Les hommes fe razent le devant & le dcfTus J-C- de la tête, & coupent leurs cheveux au dei- ^ * fous des oreilles d'une manière à peu près fem- NUEiRoi.*' blable aux couronnes des Moines. Ils fe per- cent les oreilles , le nez , les lèvres & les jolies, dans Icfquclles ils infèrent de gros boutons de porcelaine tirée des coquillages de mer, ce qui les rend affreux. Leurs autres ornements con- fiftenten quelques tiflus de plumes, quelques colliers & bracelets de porcelaine ou de fruits fccs , qui font du bruit comme des fonnailles. Ils font d'ailleurs grands & bienfaits , d'un bon temperamment, ion Icltes , adroits, & unique- ment occupés de la chaffe , de la pêche, & de la guerre. Leurs armes font 1 arc ,1a flèche, une efpece de Rondache , & la maffuë. Ils fe fervent de pirogues , ou longs batteaux d'ar- bres creufés , capables de contenir jufques à foixante perfonnes. Leurs femmes , qui font affez bienfaites , portent épars ou liés en deux treffes pendantes leurs cheveux, qu'elles ont fort longs & d'un très- beau noir. Ce font elles qui ont la peine de tout le ménage. Elles fément le bled de Turquie &: la racine de Manioc , dont elles font le pain de Caffave. Elles font bou- caner les viandes , & aprêtent auili les boif- fons enyvrantes qui fervent à leurs feflins. Les cabanes de ces fauvages font longues &pauvres. Quelques hamacs ils couchent & quelques vaifTeaux de terre en font toute la richefîe. Ce

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.TI. nj

qui les caradterife davantage, c'eft que les cou- An n. de fines germaines y naifTent lesépoufes de leurs ^ ' coufins germains: Que les maris fe mettent au

^,, c r j'i' 11 Don Emma-

licl quand leurs remmes lont délivrées de leur niel roi. fruit : Qu'ils mangent leurs ennemis dans une fête folemnelle , après les avoir aiTommés , &c qu'ils font fecher les corps de leurs morts ,les pilent , &c en boivent les cendres.

Cabrai voyant un peuple qui lui paroifToit bon ôc fiinple, mais chez qui il ne remarquoit aucun veltige de Religion, deloix, & de gou- vernement civil, en eut grande compallion. Il fouhaita que le Père Henri Supérieur des cinq Millionnaires , homme de mérite, qui fut de- puis Evêque de Ceuta , lui annonçât les vé- rités de l'Evangile , ce qu'il fit par un très- beau difcours Portugais , auquel les Sauvages quoique très-attentih , n'eurent garde de rien comprendre. Mais le Miffionnaire n en eut pas moins de mérite devant Dieu , ni moins de gloire devant ceux de f^ Nation, qui goûtè- rent fort fon fermon , le trouvèrent très-con- vainquant, & approuvèrent fort fon zele. ,

Le Général ayant planté un poteau pour prendre pofTelTion de cette terre , y laiiTa en- core deux de ces criminels , dont la peine de mort avoit été changée en celle de l'exil. A prés quoi ayant dépêché un de fes VaifTeaux lur lequel il fit embarquer un de ces Sauvages, pour aller porter à Lilbonne la nouvelle de

a.iij

Il6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N.de cette de'couvertCj il fe remit en mer coupant

j droit fur le Cap de Bonne-Efperance. Le tra-

jet eft d'environ iioo. lieues. La faifon e'toit

Don Emma- J

nuilRoi. belle , les vents mous & variables, les calmes fréquents. Une come'te qui parut durant dix jours confecutifs , fembla lui pronoftiquer le malheur qui lui arriva. Toutes les voiles e'toient fur les mâts & les battoient en attendant le vent. Les Pilotes ignoroient laconfe'quence de cette manœuvre dans un parage ou les oura- gans font ordinaires èc prompts comme l'é- clair. Tout-à-coup il en vint unfi furieux , que quatre VaiiTeaux furent renverfés fous voiles en un inftant & périrent fans qu'on pût leur apporter aucun {ecours , ni (auver perlonne. Barthelemi Diaz , celui qui avoit découvert le Cap de Bonne-Elperance , en commandoit un , & Hnit fa carrière digne d'un meilleur fort. La tempête, qui fuivit cet orage, dura vingt jours & difperfa ce qui reftoit deVaiffeaux^dont l'un fut porté en Portugal. LaCapitane fuivie de deux autres, qui furent toujours à mats & à cordes , dépaffa le Cap de Bonne-Efperance fans s'en apperçevoir. Les trois qui reftoient joignirent le Général fur la Côte de Sofala.

Cabrai ayant réiini les refies de cette Flotte diminuée de plus de la moitié, alla jufques à Mozambique , la crainte qu'infpira Ion ar- rivée , fît qu'il [ùt mieux reçu que n'avoit été Vafqués. Cette même crainte rendit plus

DANSLENOUVBAuMONDE.LlV.il. 1 17

circonfpeâ: Ibrahim Roi de Quiloa , avec qui a n n. de le Général s'aboucha fur mer,ainri que l'A- ^•^• mirante en avoir u(é avec le fils du Roi de Mé- ^°°' linde. La crainte nota pas cependant à Ibra- nTiiKoit' him l'envie de brafTer quelque trahilon. Ou- tre que le Général s en apperçût , il en fut en- core averti par un frère du Roi de Mélinde, qui fe trouvoit pour lors à Quiloa. Quelque envie qu'eut Cabrai de châtier ce Roi perfide, il crut plus avantageux aux intérêts du Roi fon maître de pafTer outre. Il continua donc fa route jufques à Mélinde, dont le Roi fidelle à l'alliancequilavoitcontracStéeaveclePortugal, jufques à loutenir le poids d'une guerre cruelle que lui fit le Roi de Monbaze^fut ravi de revoir les Portugais , & fon Ambaffadeur qu'ils lui ra- menoient avec des préfents confidérables , (i bien qu'après avoir comblé le Général de poli- teffe, & l'avoir pourvu de rafraîchiffements & de vivres de toutes fortes , il lui donna enco- re deux Pilotes Guzarates , avec lefquels s'é- tant mis en chemin , il arriva aux Ifles An- chedives en peu de tems,parune navigation fort heureufe.

Le Zamorin inftruit de l'arrivée de la Flotte envoya bien loin au-devant du Général des principaux Seigneurs de fa Cour pour le fa luer de (a part , & lui offrir ce qui dépendoit de lui , pour la fûrtté du commerce , témoi- gnant une joye extrême de fa venue dansfes

I2.S Conquestes DES Portugais

A N N. de Etats , & une grande fenfibilite' à l'honneur J- C- que lui faifoit le Roi de Portugal de vouloir entrer dans fon alliance. Cabrai que les dé- ^uEL^Ro*.' ïiiarches du Zamorin rendirent fier , & que fon procédé avec Vafqués avoir mis fur la défiance, lui fit demander une audience. Mais en mê- mc-tems il lui fit entendre affez réfolument qu'il ne mettroit pas le pied à terre , qu'il n'eut entre Tes mains des otages qui répon- difTent de fa fidelité,.& ilvoulut que ces otages fuffent le Catiial même & les miniftres , dans lefquels il pouvoir avoir le plus de confiance.

Cette propofition plus que hardie, étonna le Zamorin. Mais foit que la crainte rempor- tât fur lui , foit , ce qui eft plus probable , qu'a- giffant par le Confeil des Seigneurs que les Maures avoient gagnés, il eiit refolu des-lors de pou fier la dilîimulation jufques à l'excès , pour attirer les Portugais dans fes pièges, il fe rendit après quelques joursde contefl:ations fur cet article, ôc les otages furent livrés.

L'audience fut des plus fuperbes. Cabrai y parut avec toute la magnificence Portugaife. Lepréfent qu'il fit au nom du Roi fon maître, étoit digne du Monarque qui l'envoyoit. Le Zamorin, qui vouloir faire honneur à cet Am- baffade , étoit chargé de pierreries , & ac- compagné de la Cour la plus brillante. Les honneurs qu'on rendit à l'AmbafTadeur étoient fans exemple. Enfin comme rien ne

manqua

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. II. 119

manqua à la pompe du fpedtacle ., rien aufli ANN.de ne fut refufé de tout ce qui fut propofé. Le -^^ ^' Zamorin accorda à lAmbafTadeur une maifon

, . 11 1 1 -II- DonEmma»

quon pouvoit appeller un Palais, dont u lui nuelKoi. E.t une donation entière , & dont l'ade fut écrit en lettres d'or. Il lui Put permis d'y arbo- rer létendart du Portucral , & d en faire un lieu defranchife. André Corréa fut agréé pour faéleur ou Conful de la Nation. Il en prit fur le champ poileflion tranquille Oc commença a y étaler fes magafins.

Ces commencements étoient trop beaux pour n'être pas fufpedls. Ce qui étoit arrivé à l'Amirante Vafqués de Gama , les différentes tentatives qu'avoient fait les otages pour fe fauver , & plufieurs autres circonftances dé- voient les obliger à fe tenir fur leurs gardes. Le Général afiez défiant par lui-même étoit de cet avis, mais la trop grande confiance de Corréa l'ayant emporté fur fesfoupçons, il fe làiffa trop facilement aller aux avis de cet homme aveuglé par fon intérêt & par fes préjugés , dont il fut la première viclime.

Les Maures avoient à Calicutdeux perfon- nés de leur Nation & de leur fecle , pour veil- ler aux affaires de leur commerce, & faifoient l'office de S ahandar , cei\-à.-dirc , de Conluls. L un avojt jurifdiétion lur les Caravanes de terre , l'autre préfidoit à la Marine. Le premier nommé Coje-Béqui^ ôcle fécond Coje-Cemeri.

Tofnel, K

130 Conquestes des Portugais

_Ann. de Ces deux hommes fe regardoient d un œil ja-

J- C- loux, comme il arrive d ordinaire aux perfon-

^ ^^J^' nés en place, qui ont des intérêts à de'mêler.

Don Emma- . f J-,, l'i'

NU£i.Roi, Coje-Bequiavoit de la probité , ils attacha aux Portugais en homme d'honneur, ô<:s'y attacha fi bien , que cela fut dans la fuite la caufe de fa perte. Coje-Cemeri s'y attacha auiTi, mais en homme double & fourbe. Comme il àvoit plus de manège que fon Collègue , le malheur de Corre'a voulut que méprifant tous les avis de Coje-Béqui , il ie livra entièrement à fou rival, qui abufant de l'empire, qu'il prenoit peu à peu lur fon elprit , le fit donner pendant trois mois dans toutes fortes de panneaux.

La principale attention de celui-ci étoit de faire faire à Corre'a des fautes,qui retombant fur les Portugais , alicnaffent d'eux l'elprit des In- diens j & il y re'iiHit parfaitement. Il lui en fît faire en particulier deux confiderables. La pre- mière fut de l'engager à faire attaquer &c pren- dre de force un grosVaiffeau chargé de fept Ele- phans pour le compte des Indiens , & qu'il lui avoir periuadé appartenir à des Maures con- trebandiers , par une fuppofition, qui e'toit tou- te de fon invention. Le Zamorin qui conni- voit à tout, eut le plaifir du fpeclacle de ce combat T& en recueillit tout le profit. La fécon- de faute qu'il lobligea de faire , ce fut deie porter à faire attaquer un autre VaifTcau dans le port même ^ fur une autre fauffe iuppofitioil.

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. I

Les Portugais ne poiivoienc venir à bout de ANN.de faire leur cargaifon. Coje-Ccmeri perfuada à ^- ^' Corre'a , que le Zamorin en étoit la caufe , 6c ^°°' que fous le prétexte qu'il apportoit de n'avoir nuelRou*' pas dequoi , il faifoit enlever le tout pendant ' la nuit par les Maures , & que le Vaiffeau en queftion en e'toit chargé. Le Zamorin ayant nié le fait & donné lapermiilionaux Portugais de fe faidr du VaifTeau , ceux-ci l'attaquent , le prennent, & trouvent par l'événement qu'au lieu de marchandifes jil n'étoit chargé que de vivres pour le coijipte des Indiens.

Cependant Coje-Cemeri,qui fous main fii- foit un autre perfonnage ameute le peuple , & fait trouver quatre mille hommes , qui in- veftifTent la maiion des Portucrais , enfoncent les portes, la pillent, y mettent tout à feu & àfang,avant qa'on en pût donner -l'avis aux VaifTeaux. De ioixante-fix Portugais, il y en eut cinquante de tués, parmi Iclquels fut Corréa. Les autres le fauvcrent avec peine vers le riva- ge, où les Chaloupes qu'on envoya des Vaif- feaux au premier bruit les reçurent , la plu- part bleflés & accablés de fatigue , & des ef- forts qu'ils avoient fiit pour le défendre.

Le Général incertain , (i le Zamorin avoir part ou non dans un événement, le droit des gens etoit violé d'une manière fi atroce , attendit quelques jours fes excufes.Mais voyant qu'il n'en recevoit aucune (atisfadlion , il fit

Kij

131 CONQtJESTES DES PORTUGAIS

A N N. de appareiller pour aller attaquer treize gros Vaif- J- c. {eaux des Maures , qui e'toient dans le port , ^ ' fait un feu terrible d'artillerie fur eux , les

N°ri.^Roir brûle ou les prend , mettant à la chaîne tous ceuXj qui échappèrent au naufrage , ou aux flâ- mes. Et afin que les Maures ne fuflént pas les ' feuls à porter la peine des trahilons qu'on lui avoit faites , il canona deux jours entiers la Ville avec un effet fi prodigieux , qu'ayant abbatu plufieurs maifons , fait périr plus de fix cents perfonnes , il obligea le Zamorin de s'enfuir à la campagne , toijit épouvanté d'a- voir vu un de fes principaux favcris emporté à fcs côtés d'une volée de canon.

Apres ce coup de vigueur, qui l'avoit af. fez vengé, Cabrai met à la voile pour aller à Cochin trente lieues au-delà de Calicut , en tirant vers le midi. Cette ViHe fituée à l'em- bouchure du Mangat , qui l'environne , étoic la Capitale d'un petit état tributaire du Za- morin y mais dont le Roi , homme fage d'ail- leurs , toujours en crainte du voifina^e d'un Prince trop puiiîant , piqué d'ailleurs du tort qu'il faifoit au commerce de fes fujets , écou- ta trop facilement les raifons d'un intérêt pré- fent,{ans prévoiries conléqucnces de l'ave- nir , & forgea lui-même fcs propres fers , en fe donnant des alliés, qui devinrent ies maî- tres.

La réputation des Portugais avoit volé dans

DANS LE NOUVEAUMONDE. LiV. ÏI. 135

tout l'Indollan ,& tous les Princes Malabarcs Ann. de méconcens du Zamorin penloienc à s'en faire •^' ^' un appui pour les cas de ne'cefîité. Le Ge'ne'-

, ^^,. ^ . 1 > 1 /v 1 Don EMM-t.

rai ne S imagnioïc pas alors quil y eut dans nuel Ror. l'Inde de fi favorables difpofitions en (a Vi- veur , au contraire regardant tous les Indiens fur le même niveau , il f e déficit de tous e'ga- lement. Ainfi il ne voulut traiter d'abord avec Trimumpara, c'e'toit le nom du Roi de Cochin, que parl'entremife d'un Jogue , que le Père Henri avoir converti à la foi. Mais il trouva dans ce Prince tant de facilite', qu'il régla avec lui tout ce qu'il voulut, pour le preTent ôc pour l'avenir. Le pays étant plus fertile encore en épiceries & autres denrées de rindoftan , le Gé- néral fût en état de faire promptement toute ù. cargaifon , telle qu'il pouvoit la fouhaiter. Il ne reftoit plus qu'à partir lorfqu'il fe vie recherché par les Rois de Coulan & deCananor, Mais comme ilavoit déjà terminé ks alïaires, il ne put leur donner pour le préient que de belles paroles. Il pafïa néanmoms à Cananor , avant que de retourner en Europe. Il y fut reçu avec toutes les marques d'honneur & de cordialité qu'il pouvoit dcfirer. Quoiquileut déjà fa cargaifon faite , il voulut y prendre quelques marchandifes , mit fur fon bord un AmbafTadeurquc le Roi de Cananor envoyoic en Portugal, à l'imitation du Roi de Cochin, qui y envoyoic auili le ficn pour y ferrer les nœuds

Rii;

154 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de d'une plus parfaite alliance. Il partit enfuitepour ^•^- Lilbonne , il arriva heureufemenc la veille Don Emma- ^^ ^^ï^t Jean, l'an ijoi., ayant perdu ce- nuelRoi. pendant(ur fa route le VaifTeau de Sanche de Toj^ar , qui toucha lur de hauts fonds prés de Monbaze. Cabrai fut obligé d y mettre le feu ,' après en avoir retiré l'équipage ôcles marchan- diles. Mais Sanche repara bien ce malheur , car ayant été envoyé fur un autre petit bâtiment à Sofala, félon les ordres que le Roi en avoic donnés, il découvrit cette côte, fit alliance avec le Cheq , régla le traité de commerce , & vint mouiller dans le Tage auili-tôt que fon Gé- néral.

L'ardeur qu'avoit Don Manuel pour la réiif. fite des affaires des Indes , ne lui permit pas d'attendre qu'il eut des nouvelles de Cabrai. U fit partir quatre Vaiffeaux pour aller le joindre, & lui fervir de renfort. Ayant appris peu de tems après la découverte duBrélil, par le re- tour du VaifieaUj que Cabrai avoir dépêché, il fit un autre armement de fix Vailfcaux ious la conduite de Gonlalve Coello,pour aller en prendre une plus ample connoiiîance ôc une pofléflion plus aifûrée.

Jean de Nove Gentilhomme du Royaume de Galice, homme habile & d'expédition, qui commandoiLles Vaiffeaux deiHnés pour les In.. des, ne put parvenir à joindre le Général Por- tugais , à qui il écoit envoyé , mais dans tout

J. c. 1 501.

Don Emma- nuel Roi.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. II. 135

lerefteilfut aufll heureuxqu'on peut l'être, il Ann.cIc Recouvrit, en allant, l'ille de la Conception. Il trouva à l aieuade de faint Blaife une lettre fufpcndtië à un arbre & cachée dans un (oulier, qui linftruiloit du voyage de Cabrai alLint aux Indes. Il donna fon nom à une autre Ille , qu'il découvrit lur la côte de Zanguebar. Ar- rivé à Mélinde , il y reçût des nouvelles plus particulières de la mauvaife foi, dont le Za- morin en avoir u(é en dernier lieu avec les Portugais , ce qui l'obligeant à le regarder comme ennemi, il donna la chaiTe à deux de (es VaiiTeaux , dont il prit l'unie le brûla. Ayant enfuite fait route pour Cananor , il y arriva af- fez à tems pour y faire bien les affaires de Ton commerce , & acquérir de la gloire.

La politique des Maures négociants de Ca- licut. étant de débouter les Portugais du com- merce d'un Pays fi éloigné, leur principale at- tention étoit de les empêcher de faire leur cargaifon. Ils y avoient affez bien réulTi par les artifices, dont ils avoient joiié André Corréa, èc par le tumulte qui en avoit été la fuite. L'al- liance que les Portucrais avoient contractée avec les Rois de Cochin , & de Cananor les embarraiToit, & ils étoient bien déterminés de la troubler en toutes manières. Alors Içachanc que Cabrai étoit à Cochin , ils mirent en mer de concert avec le Zamorin une Flote de plus de 60. voiles j parmi IcfqucUesU y avoit vingt-

I CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de cinq VaifTeaux d'un bon port. Cabrai , qu'ils

j. c. joignirent, comme il partoit de Cochin,

^^ ' put les combattre, parce qu'ils ranecoient trop

DonEmMA- I .1 r ^. 1 /. *-' 1 , '•

wuïlRoi. la terre, & quil etoit deja trop au laf^e , de- iorte qu il continua fa route fans s'arrêter. Cet- te retraite fut pour eux une prétendue vidoi- re, qui anima fi bien leur courage, qu'ils réfo- lurent de le chafler encore de Cananor , com- me ils fe flattoicnt de l'avoir chalTé de Cochin. Ils y arrivèrent trop tard pour trouver Cabrai , qui e'toit déjà loin , mais afTez tôt pour em- barrafTcr de Nove, qui y étoit arrivé depuis le départ de l'autre, & ie préparoit lui même au retour. De Nove fut averti par le Roi de Ca- nanor de l'arrivée de la Flote & de fe tenir prêt. En effet dés le lendemain il parut plus de cent batimens , qui lui barrèrent l'entrée du port. De Nove étoit trop brave pour reculer.

II ne perdit ni le cœur ni la tête , & ayant mis fes Vaiffeaux en telle fituation , qu'il ne put être inverti , & rangé tous fes canons fur l'un des deux bords , il foudroya la Flotte en- nemie pendant tout un jour , fans difcontiJ nuer , avec tant de furie , qu'ayant coulé à fond dix-neuf batimens , & mis plus de quatre cens hommes hors de combat, il obligea les enne- mis à lever l'étendart de la paix , & les ;contrai- gnit de s'en retourner à Calicut , ils por- tèrent la défolation avec la honte de leur dé- fciite.

u

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. II. lé/

Le Zamorin cenra encore de furpr-^ndre ce- A n n. de lui-ci par des propoficions arcificieufes, mais ^'^' do Novee'canc averti par Coje-Be'qui & par un Portugais prilonnier , qui avoit échappe au nu£lRoi. mafTacre de Galicut,ne daigna pas feulement faire re'ponfe à ce Prince fourbe & diflimulé , ôc s étant mis en chemin pour le Portugal , il de'couvrit encore fur fa route la petite lile de fainte Hélène , qui étant excellente par la bonté de fes eaux , de fon air, & des autres ra- fraîcliiiïements qu'on y trouve , femble avoir été faite exprés , pour la commodité de ces longs voyages, n'y ayant prefque point de ba- ,timent qui ne cherche à s'y arrêter.

Il s en fallut bien que Gonfalve-Coello eut autant de bonheur de Ion côté. Des fix Vaif- feaux qu'il commandoit , un furieux ouragan lui en fit périr quatre. Les deux autres à la yerité arrivèrent au Bréfil , ôc retournèrent , mais charcrés feulement de bois de Bréfil , de ^u\.^Q.s & de Perroquets. Pauvre retour , eu égard à la dépenfe d'un tel armement. Mais que les penfées humaines font trompeufes : Ce pays qui parut alors fi miferable ell de toutes les découvertes qu'ait fait le Portugal celle donc il tire aujourd'hui de plus grands avantages.

Les honneurs que Don Manuel faifoit à ceux qui revenoient des voyages d'Outre-mer, fur- tout quand ils avoient quelques petits fuccés, avoient mis une émulation inconcevable dans

Tome I. S

i6S CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de tour le Royaume. Les plus grands Seigneurs

j.c. j^'çj^ écoienc pas exempts , comme (i le me'tier

d'Avantuner d'une certaine façon eût été alors

Don Emma- j /- i ^ ^ r ' /^ / 1

nuelRoi. la ieule porte ouverte a la fortune. Galpard Cortereal , homme de diftinction & en bonne pofture à la Cour ^voulant le dillinguer com- me les autres , en obtint l'agrément du Roi. Mais croyant que tout étoit découvert du co- té du Sud , il tourna Tes penfées vers le Noïd^ ôc découvrit en effet l'JÎle de Terre-Neuve , êc la Terre de Labrador , qu'il nomma Terre- Verte , & qui depuis a été nommée pendant quelque-tems de Ion nom Terre de Cortereal. Il y trouva les Efquimaux qui font les naturels du pays. Ces Sauvages ablolument différents de tous les autres peuples de l'Amérique , au- près defquels ils paroiflént étrangers , font (i / extraordmairement défiants , que quoiqu'ils ayant été des premiers connus , on n'a pil en- !ïî02 ^^^^ ^^^ apprivoifer , & qu'on ne peut com- mercer avec eux qu'à la pointe dufufil^ &avec toutes les précautions qu'infpire la crainte de la trahifon. Cortereal de retour en Portugal , y rendit compte de fon expédition, ôc y retour- na le plutôt qu'il put. Ce fécond voyage lui fut fatal , y il périt , foit qu'il fut tué par cqs fauva- ges, foit qu'il fît naufrage. Michel fon frère qui voulut aller après lui , pour avoir de fes nouvelles;, & qui avoir armé deux Vaiffeaux à cctefïetjeut le même fort. Le Roi qui aimoit

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. lég

deux fre exprès pc

beaucoup ces deux frères , envoya deux au- Ann. de très Vaiueaux exprès pour les chercher , mais ^' ^' tous leurs foins ayant e'té inutiles, il deiefpc- donEmLa- ' ra de leur falut , & ne voulut pas permettre ^"'^'■Roi. que Jean Valque's Cortereal leur aîné , & qui - étoit grand maître de fa maifon, entreprit ce voyage, que l'amour fraternel lui avoit infpi- re' de faire en perfonne fur la vaine efperance de les retrouver.

Cependant Cabrai e'tant de retour en Por- tugal j^&r y ayant rendu compte de Ion voyage ôc de l'e'tat des Indes , Don Manuel, qui , mal- gré la perte de la moitié de cette Flotte , con- çut de lolides efperances de réiiilir , mit en- core en mer vingt Vaiffeaux, qu'il partagea en trois efcadres différentes. L'Amirante Don Vaf- qués de Gama, qui avoit eu le tems de fe re- mettre des fatigues du premier voyage , com- manda la première qui étoit de dix Vaiffeaux. Vincent de Soldre & Eftevan de Gama coufin de Vaf qués en avoient chacun cinq, du nombre des dix autres. Ils dévoient obéïrà l'Amirante tous les deux. Soldre avoit unecommifîionpar- ticuHere , pour croifer dans la mer des Indes , 6c y faire refpeder la bannière de Portugal , en courant généralement fur tous les ennemis de la Couronne. Il devoir foutenir les deux Comptoirs établis à Cananor Se à Cochin,& fur- tout ne rien omettre, afin d interrompre le com- merce de la mer Rouge , en faifant garder le paffage de Babel Mandcl. S ij

i-jo Conquestes des Portugais

Xn n. de L'Amirante ayant établi fur fa route deux J-C- nouvelles Faéloreries ou Comptoirs fur la Cô- te de Zantruebar , l'un à Sofala, l'autre à Mo-

NI £1 Roi. zambique , vnit iurgu" avec toute la Flotte au port de Quiloa. Ibrahim épouvanté à la vue d'un fi puifTant armement , contre lequel il n'avoit pas eu le tems de fe mettre en garde ^ fe vit dans la néceffité d'accepter toutes les conditions que Gama voulut lui impofer , & vint exprés en mer pour s'aboucher avec lui. Gama qui étoit le plus fort,& qui ne fe fit pas un fcrupule de violer le droit des gens à l'é- gard d'un Prince , dont il avoit éprouvé la mau- vaife foi, le prit prifonnier, & crut lui faire grâce , de l'élargir en l'obligeant de fe recon- noître vafTal de la Couronne de Portugal, & de lui payer un tribut annuel de deux mille jniticals d'or. Ibrahim promit tout fans pein. Mais ce Prince qui s'étoit emparé violemment du Trône, & s'y maintenoit en tyran, furpric le Général, & le trompa en lui donnant en otage , pour fe tirer de fes mains un des Sei- gneurs des plus apparens de ia Cour, dont il craignoit le mérite, & dont il efperoit que les Portugais irrités de voir qu'il leur manquât de parole , prendroient foin de le défaire, en le lacrifiant à leur indignation. Mais celui-ci qui étoit homme d'efprit d-z de probité, découvrit à l'Amirante tout ce myfterejui paya de ion fond les deux mille miticals d'or, & fe comporta avec

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. II. I7I

tant de dextérité & de droiture que Gama lui ANN.de rendit la liberté', &: ne put lui réfuter Ion eflime. ^- ^• L'Amirante eut bien voulu prendre ven- ^°^' geance de la mauvaîfe foi d'Ibrahim , mais ^°^^^roi! craignant les fuites d'une affaire qui pouvoit avoir un fucces douteux , tramer en longueur, êc lui faire manquer l'occafion de la belle fai- fon , il fuivit fa route pour les Indes. En arri- vant fur la Côte du Malabar , il trouva la Me- fis gros VaiiTeau , que le Sultan d'Egypte en- voyoit toutes les années dans l'Indoftan , d'où il revenoit ordinairement chargé richement, pour le compte de ce Prince , ôc portoit en même tems plufieurs paffagers , que leur dévo- tion conduifoit à la Meque au Tombeau de Mahomet. Valqués fuivit en cette rencontre un peu trop les mouvements de fa haine con- tre les Maures , & le fit d'une manière peu digne d'un Gentilhomme. Car ne s'étant pas contenté de piller ce Vaiffeau qui n'a- voit fait aucune refiftance '\ ôc de prendre d'abord vingt enfans qu'il deftina à en faire des Religieux dans le Monaftere de Notre- Dame de Belem , il effaya enfuite de le faire couler à fonds, pour y noyer tous ceux qui étoicnt dedans , & qui étoicnt au nombre de prés de trois cens perfonnes. Mais n'ayant pîi y réiiflirjil fut obligé de l'attaquer àforce ouverte, & d y mettre le feu , ce qu il n'eut pas exécuté fi ailément qu il le fit; û ces malheureux pré-

Siij

I*?l CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de voyant un fi mauvais traitement fe fufTent J- *- mis en défenfè.

Ayant pris port à Cananor ^ il fut reçu du

nuelRoi. Kol , avec toute la magnihccnce pollible , & il traita avec lui d'égal à égal. Mais ayant pris les chofcs avec trop de hauteur, il ne put rien conclure avec lui lur l'article du commerce , & fe retira mécontent pour aller àCalicut. Sur fa route il prit une cinquantaine d'Indiens dans de petits batteaux de pêcheurs, & attendit quel- que tcms à la viië de la Ville , pour voir fi le Zamorin ne feroit point mine d entrer en quel- que négociation. En effet, il fe préfenta bien- tôt un homme qui abordant la Capitane en habit de Cordelier, & difant Deo gratias , fe fît enluite connoître pour un Maure député par le Zamorin, pour faire des excufes de tout le pafTé , &z jetter de nouvelles propofitions. L'Amirante ne voulut entendre à rien avant qu'on eut fatisfait pour tout ce quiavoitété pillé dans le Comptoir de Calicut , lorfque Corréa & les autres furent mafîacrés. Il fepaiîa trois jours en allées & en venues , pendant lefquellcs le Zamorin le juftifîoit affez bien, êc faifoit voir qu'on lui avoit fait plus de dom- mage qu'il n'en avoit reçu. Mais l'Amirante ne voulant point démordre de fa première réfolution , & le Zamorin ayant laiiTé paiTer le tems qu il lui avoit fixé pour fe reconnoî- Fre , Gama fît le fignal à l'heure marquée , pour

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. 173

faire pendre aux vergues les cinquanteliidicns a n n. de qu'ihivoit fait dilbibucr dans lesVaiflèauxpour '^; ^• ce lujet. Après cette cruelle exécution qui tut \ faite à la vûë de la Ville , il fît couper les pieds null Ro.. " & les mains de tous ces cadavres, & les ayant fait expofer fur un radeau , il prit le tems pour le lâcher que la marée pût les porter à terre, pour y donner le trilte fped:acle d'une vengeance aufli e'clatante que celle-là , figni- fiant au Zamorin par la même voye dans une lettre e'crite en Arabe. » Qiie c e'toit un "pre'fent qu'il lui failoit en repreTaille du meur- « tredes Portugais, & ajoutant par rapport aux M marchandiies , qu'ils les lui payeroit au cen- s' tuple. « Ayant enfuite fait approcher Tes Vaif^ féaux du rivage pendant la nuit le plus prés qu'il pût, ilcanona la Ville fans difcontinua- tion tout le jour fuivant , avec un fi terrible effet , qu outre le monde qu'il fit périr , il ruina un grand nombre d'édifices , &z endom- mag-ea confidérablement un des Palais du Za-

morin.

La folitude ou cette efpece de bonjbarde- ment avoit réduit la Ville, mettoit l'Amiran- te en état d'entreprendre quelque chofe cj^fp plus, mais foit qu'il ne fçut pas ce qui s'y paf- îoit,loit qu'il ne voulut,ou qu il no fit pas y en- trer, il le contenta de ce qu'il avoit fiit, & ayant mrs le feu à un gros Vailfeau qu il avoit pris dans le port , ôc qu'il avoit gardé quelque tems,

17*4 Conquestes DES Portugais

Ann. de croyant qu'il donneroit lieu à quelque pour- j. c. parler ^ il fie voile pour Cochin. ^^ " Les difficultés , que l'Amirante avoit eues

Don Emma- 1 r> J /^ J J !'•

NUEÎ.ROI. avec le Roi de Canaiior , donnoient de lin- quiétude aux Portugais , inquiétude qui fut au- gmentée par les loupçons du fadeur Gilles Gonzales. Celui-ci, homme d'un efprit inquiet, voulut perfuader à Gama , que le Zamorin avoit gagné fecrettement les Rois de Cochin ôc de Cananor , par le moyen de quelques Brachmanes , & que le but de tous les incidents que ce dernier avoit fait naître pour ne rien conclure , n'étoient qu'un concert entre ces Princes, pour traîner les affaires en longueur, afin d'obliger la Flotte d'hyverner dans les Indes , efperant de pouvoir la brûler dans les ports , elle fe retireroit. Ces foupçons foû- tenus de quelques conjectures affez folides, fu- rent encore tortifiés par la conduite j du Roi de Cochin , qui dans la première entrevue qu'il eût avec l'Amirante^fe montra aufli difficile que l'avoit été le Roi de Cananor. Si bien que T A- mirante en fortit auffi mécontent de celui-ci ,' qu'il l'avoit été du premier. Mais dans le fond^ ^ coeur de ces Princes étoit droit , & s'ils avoient fait des difficultés , ce n'étoit que par-, ce que les prétentions des Portugais n'étoient pas raifonnables.

L'événement le fît bien voir. Car le Roi de Cananor inquiet du peu de fatisfa6tion , que

lAmirance

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. ir. 145

l'Amirance avoic fait paroîcre en fortanc de Tes ^^ ^ j^ ports, lui fît dire par les Portugais qui e'coient J. c. chez lui, qu'il pre'feroit l'amitié du Roi de Por- ^5°-' tugal à Tes intérêts propres 5 qu'il réglât lesDoNEMMA- conditions du traité lelon fa volonté , que lui- ^"^'•^°''' même s'engageoit, à fatisfaire au tort qui en refultcroit pour les autres négociants, en s'ac- commodant avec eux , ôc leur relâchant partie de ce qui devoit lui revenir des droits d'en- trée & de fortie , & qu'ainfi toute la perte tom- beroit fur luifeul. Le Roi de Cochin fît encore mieux. Car ayant vu le Général partir en co- lère ôc un peu ému , il le fuivit dans une Al- ' madie,avec quatre ou cinq rameurs, & l'ayant joint , il monta dans fon Vaiffeau , & lui dit avec cet air de franchife , que donne la droitu- re de cœur. » Je vois bien que vous êtes un » homme plus difficile à contenter , que je ne » le fuis à vous accorder tout ce que vous de- » mandés. Faites ce qu'il vous plaira , vous êtes "le maître, ma perlonneque je viens remet- « tre entre vos mains , fera le garand de ma » bonne volonté, « Le Général étourdi égale- ment, oc confus de cette démarche , répondit par des complimens , qui marquoient plus fa furprife , qu'un retour réciproque à une pa, reiUe generofité. En effet il prit la parole au bond , & conclut à bon compte k traité , comme il l'avoit d'abord exigé , & l'aéle en fut dreffé fur le champ. Le Roi de Cananor Tome /. T

146 CONQUESTES DES PORTUGAIS

T ^ n'eut pas plutôt appris cette nouvelle, que ne fe

j. c. contentant pas de ce qu'il avoit fait dire à 150^- l'Amirante , il lui envoya encore deux Am-

donEmma- balTIideurs pour le prier de revenir chez lui

NUEL Ror. I I

avec une pleine aflurance, qu'il rcgleroit tou- tes chofes pleinement à (on 2^vé.

Cependant l'Amirante penla pe'rir dans le précipice, oii le jetterent trop de confiance ôc de preTomption. QLiclque outré que fut leZa- morin de tout ce qui s'étoit paflé , il n'avoit pas perdu l'efperance de noiier encore quel- que négociation , foit qu'il le voulut de bonne foi, foit qu'il eut conçu le deffein de fe venger par quelque perfidie. Les Auteurs Portugais font afTczde concert pour accufer la duplicité de ce Prmce, & fes lâches artifices. Des Au- teurs Indiens n'en conviendroient peut-être pas aufïi facilement qu'eux. Il me femble dé- mêler qu'il avoit allez de raifonde fe plaindre; Qu'il devoir paroître fort étrange à un aufïï puiffant Monarque , qu'un petit nombre d'é- trangers vinlTcnt dans les Etats pour lui par- ler en maîtres , & lui faire des propofitions telles qu'il n'en pouvoir conclure autre choie, fi ce n'cft qu'ils prétendoient lui donner la loi, ôc recourir d'abord aux voyes de fait les plus violentes, lorlqu'il ne vouloir pas leur accor- der tout ce qu'ils dcmandoient.

Quoiqu'il en foit de les intentions , voici le fait. Dans le tems que l'Amirante éroit en-

Roi.

DANS LE NOUVEAuMoNDE.LlV.il. 147

core à Cochin un Brachmane , homme d'efpric 7 7^

1- A rr ' 1 T 1 ANK.de

& d un âge aflez avance , vmt lui prelenter deux j. c. de fes enfants , & un de Tes neveux , pour les '>°^- conduire en Portugal, il vouloir, diioic-il, dosEmma.- qu'ils fulTent inftruits dans la Religion , & les iciences de l'Europe. S'ecant eniuite infinue' peu-à-peu dans fon efpric , il lui avoua qu il e'coit envoyé de la parc du Zamorin, & tic fi bien qu'il lui perfuada de recourner à Calicur. Gama croyanc donc faire afTez que de laiffer le Brachmane & les trois jeunes gens pour ôtag-es , donna le Commandemenc de la Flot- te à Etienne de Gama , & partit contre l'a- vis de fes Capitaines (eulement avec deux Vaif- feaux , dont même il envoya l'un pour avertir Vincent de Soldre, qui ëtoit à Cananor, deve- nir le joindre. Le Zamorin ne concluant rien , & affectant des délais , enfin Gama le vit inve- fti tout-à-coup , d'une centaine d'Almadies qui avoient encrepris de le brûler à la faveur de la nuit. La trahif on fut fi bien conduite , qu'il ne s'en appcrçut que lorique les Indiens s'atta- choient déjà aux cordages , & il n'eue le tems que de couper le cable & la chaîne de fer qui le tenoit amarré. Un vent d'Eil aflez fore s é- leva très à propos , mais les ennemis s'achar- nant à le fuivre au large , il fut joint encore à point nommé par Vincent de Soldre, qui avec fes Caravelles & le feu de fon artillerie , en ayant coulé pluileurs à fond diflipa bientôt le

148 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N.de reftc. L'Amirante de retour à Cochin , fit pen-

^' \ dre le Brachmane, dont les enfants & le ne-

_ _, veu vrais ou pre'tendus, avoient déjà pourvu

Don Emma- 1 -" -* T

Muïi. Roi. à leur falutpar la fuite.

Outre les AmbafTadeurs du Roi de Cana- nor, qui étoient venus à Cochin, pour traiter avec l'Amirante , il lui en vint encore deux autres de Cranganor. Ceux-ci fe diloient les Députez des anciens Chrétiens des Indes, def- cendus de ceux que 1 Apôtre faint Thomas avoit converti avant que de confommer fes courfès Apoftoliques , par un glorieux mar- tyre. Après avoir expofé toute leur tradition touchant ce glorieux Apôtre de Jefus-Chrift , & l'état nréfent de leur chrétienneté, qui fe montoit à près de trente mille âmes , gouver- nées pour le fpirituel par des Evêques & des Prêtres, quireconnoifToient le Patriarche d' A r- menie,pour leur premierPafteur,ils dirent qu'ils étoient envoyés de la part de leur petite Ré- publique , " pour fignifier à l'Amirante la joye " qu'ils avoient eu à la première nouvelle de M 1 arrivée des Chrétiens , (ujets d'un des plus >' puifTants Monarques de l'Europe , ôc de l'ef- » perance qu'ils avoient conçue en même-tems s> dans la penfée que Dieu les avoit envoyés , " pour les délivrer de la iervitude ,oli ils gé- 5' mifloient fous la tyrannie des Princes infî- " délies de cette Gentilité & des Sarrazins , en- " nemis mortels des Chrétiens ;, que leurs ri-

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. 149

chefTes & leur commerce avoient extrême- A n n. de »' ment accrédités dans ces Contrées. CHiainfi ^'^\ » ils avoient recours à leur bonté , & qu'alin de

1 1 rr ^ 1 T ^°*^ Emma.

» les engager plus emcacement a •les prendre nuil roi.

>■> fous leur proteélion, ils leur préfentoient le

" Sceptre , par lequel ils s'engageoient au Roi

•' de Portugal , qu'ils vouloient reconnoître

>' déformais , pour leur véritable & légitime

»' Souverain.

Rien ne pouvoir être plus flatteur pour l'A- mirante que cette AmbafTade. Auiîi y répondit- il de la manière du monde la plus gracieufe Se la plus confolante, acceptant la proportion au nom du Roi Ton maître , & afTurant les Dé- puteZj» Qu'ils trouveroient dans ce Monarque » un protedeur zélé & efficace : Que \qs Géné- »'raux,qui étoient fes Lieutenants, & repre- » fentoient fa perfonne dans les Indes , pren- »>droient toujours leurs intérêts en main de tout »' leur cœur : Qu'ils dévoient les regarder com- 5' rne les interprètes de fes volontés , & recourir 3' à eux dans leur befoin : Que pour lui en par- » ticulier il les afTuroit de fon affedlion & de » fa difpofition à leur faire plaifiriQue dans " fon abfence & à fon départ, il les recomman- » deroit à celui qui entreroit en fa place , ôc >y qui leur feroit un autre lui-même." Avec cela il les congédia , les laiffant charmés de- [qs ca- refres,& de lés libéralités.

Le Zamorin ne s'endormoit pas. Voyant

Tiij

A N N. de

150 CoNQUESTEs DES Portugais.

que Tes artifices ne lui avoient fervi de rien , il j. c. eut recours à d autres moyens qu'il crut plus 150-- fûrs & plus infaillibles. Ce fut d écrire au Roi donEmma- de Cocliin ion vaiîal, &de faireaçrir en rnême-

KIEL Ro:. Nil- n r '

tems auprès de lui, &; par promeiles, & par me- naces, pour l'obliger à lui livrer les Portugais, ou bien à les contraindre de fortir de les Etats. Trimumpara aufli ferme qu'il ëtoit fincere , re'pondit à ces lettres du Zamorin avec une grandeur d'ame , qui devoir lui faire léntir fa confiance , & fa rélolution. Il eut outre cela la délicatcffe de ne vouloir rien découvrir de cette négociation à l'Amirante , pour lui épar- gner les ombrages & les inquiétudes qu'elle eût pu lui cauler , & il ne lui en parla, que loriqu'il fut en état de lui faire voir avec cer- titude , qu'il rifquoit le tout pour le tout , & qu'il failoit tant de cas de l'alliance qu'il avoit faite avec lui , qu'il aimoit mieux touc perdre que d y renoncer.

Gama qui étoit fur (on départ , fut ravi des difpofitions il laiiloit ce Prince , &n'omic rien pour lui perfuader qu'il devoir tout atten- dre de la reconnoilTance des Portugais. Ayant enfuite pris congé de lui , il partit pour Cana- nor avec treize VailTeaux. Il trouva iur (a route allez près de Pandarane une Flotte de trente neuf bâtiments, que le Zamorin envoy oit pour le combattre. La conclufion fut bientôt prife d'accepter le défi. Soldre , Raphaël , ôc Pétreïo,

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.il. Ijl

dont les VaiiTcauxécoient moins charo-és , roni- An n. de berenc d'abord fi rudement lur deux gros bâ- ^•^• timents Sarrazins , qui faiioient l'avanc-c^ar- ^°"'

d* . 1 1 '\ J -1 DonFmma-

e ennemie, que la plupart de ceux qui de- nuelRoi.

voient les détendre , n'ayant pas afTez de cou- rage, pour Soutenir un û rude choc, fe lan- cèrent à la mer , les Portugais qui fautè- rent dans leurs Chaloupes en affommerent plus de trois cens à coups de demi-piques, d'avironSjôc de le'viers. Le refte de la Flotte fai- fi de la même terreur , ayant gagné la terre, i'Amirante, dont les VaifTeaux trop charj^és ne pouvoient les fuivre , fe borna à dépouiller ceux qu il avoit pris , y mit le feu , ôc conti- nua Ion chemin. Entre les richeffes qu il y trou- va, il eft parlé d'une Idole d'or du poids de foi- xante livres , dont les yeux étoient deux très- belles émeraudes , & qui avoit fur la poitrine un rubis , ou une efcarboucle de la groffeur d'une chacaigne , & d'un très grand éclat. Le manteau de l'Idole relevé en broderie d'or étoic pareillement enrichi de perles , & d'autres pier- reries d un trés-grand prix.

L'Amirante conclut fon traité avec le Roi de Cananor , aux mêmes conditions qu avoit accepté le Roi de Cochin. Il engagea de plus ce Prince à faire ligue oftcnfive & défcnhve avec celui-ci, pour lui procurer un déf"enlcur, au cas que le Zamorin voulut l'attaquer. Ayant ainfi conclu toutes choies à fa iatisfaclion, il reprit la

iji CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de route d'Europe , prit des rafraîchiiTements à ,' Mozambique , èc arriva à Liitonne le premier ^ ^ de Septembre I co?.

Don Emma- ,' ' 1 n I C T J *.

nuilroi. L entrée que le Roi lui ht taire dans cette Capitale, put être regarde'e comme une efpe- ce de triomphe , l'on porta avec toute la folemnité poilible , les prélents des Rois de Ca- nanor & de Cochin , les de'poiiilles de celui de Calicutj le Cceptre des Chre'tiens de S.Thomas , &les deux mille miticals d orde tribut du Roi de Quiloa devenu feudataire de la Couronne de Portugal , dont le Roi Emmanuel voulut éternifer la me'moire, employant tout l'or de ce Tribut, aune Cuftodefuperbe qu'il fit faire & qu'il confacra dans fa magnifique Eglife de Notre-Dame de Belem.

Fin du Second Lhre.

HISTOIRE

15?

HISTOIRE

DES DECOUVERTES

E T

C O N Q_U ESTES

DES PORTUGAIS

Dans le Nouveau Monde.

LIVRE TROISIEME

LE départ derAmirante laiiTant un grand ANN.dc vuide dans les Indes , le Zamorin , ex- J-C. cède par les Porcue-àis , ôc pique' au vif des ^^°^'

' /■ 1 T-> 1 /^ 1 1 Don Emma-

reponles du Roi de Cochin , crut quelaconr nuilRoi. johdture e'toit des plus favorables , pour fe venger , ôc que la fortune lui livroit en quelque forte [es ennemis entre les mains. Voulant néanmoins agir félon les règles , pour paroître fe déterminer prudemment fur un point qu'il avoit déjà réfolu , il affembla un grand con- feil , fe trouvèrent plufieurs Princes fes vafTaux , & plufieurs autres vaflaux du Roi de Cochin , que la crainte avoit déjà dérobés à celui-ci. Dans ce confeil il expofa Ces griefs Tome /. V

154 CoNQUESTEs DES Portugais

Don Emma NUEL Roi.

Ann. de avec toutes les apparences d'une grande mo- ^' ^' deration , mais avec tout l'artifice des railons captieuies , que lui fuggeroit la plus vive ani- mofite'. La plupart des Seigneurs gagne's par les Mahometans , ou pouflés de diverles paf^ fions félon l'ordinaire des Cours , applaudirent aux motih de ion indignation. Le feul Nau- beadarin, fils de fa fœur, & l'héritier préfom- ptif de fa Couronne , Prince, qui avoit de la probité' & de la valeur", entreprit de combat- tre ics raifons prétendues. Et il le fît avec tant de refpeâ: d'une part , tant de force & de fo, lidité de l'autre , qu'ayant juftifîé pleinement les Portugais dans tous les cas, infpiré de l'ad- miration , même pour le Roi de Cochin , dont il releva extrêmement la confiance & la bon- ne foi , il ébranla tellement l'efprit de fon on- cle que la raifon alloit triompher de fa haine., fi le Caïmale de Repelin , ennemi perfonnel du Roi de Cochin , au fujet d'une place qu'il prétendoit que celui-ci lui retenoit injufle- ment , emportant tous les fuffrages du confeil par fa hauteur, n eût fait pancher la balance en faveur de fa haine contre la raifon.

La guerre étant donc réfolué , la nouvelle en fut bientôt portée à Cochin, elle caufa un grand trouble & une grande émotiondans lesefprits. Les Maures établis depuis plufieurs fiecles dans cette Ville , ainfi que dans pref- que toutes les Villes maritimes des Indes , y

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. III. lyj

étoienc (i puifTants , qu ils donnoient delà fu- Ann. de jertion au Souverain même. Ils avoienc mis ^'^' dans leurs intérêts la plupart des Miniftres &c

, r rt . , . Don Emma-

desNaïres. Les Portugais a^i contraire y etoient nuel roi. extrêmement hais du peuple & de la noblelTc, foir par l'inftigation des Maures , ennemis d'autant plus dangereux quils cachoient mieux leur haine , loit parce que les Portugais natU' rellement méprilants, &ne connoiiTant pas en- core afTez bien le pays, en violoient trop aife'- ment les coutumes , & vivoient un peu trop à l'Europêane.

Dans cette difpofition des efprits ^ le Roi de Cochin recevoir de furieux affauts de la part de (es fujets les plus fidelles , qui lui re- préfenterent vivement le tort qu'il le faifoit à lui-même, & à toute la famille Royale, s'ex- pofant lui , &: fes peuples à tout perdre pour quelques étrangers queperfonne n'aimoit. Les Portugais eux-mêmes , qui fentoient le dan- ger qui les prefToit, &c qui avoient encore plus à craindre les habitans irrite's d'avoir à fou- tenir malgré eux, une guerre dont ils appré- hendoient avec raifon d être les vidimes , que toute l'armée de Calicut, firent tous leurs ef- forts pour perfuader au Roi de céder au tems, de faire femblant de les abandonner, de met- tre fa perfonne & fes Etats à couvert, en leur permettant de fe retirer à Cananor , ils fe- roient en fureté. Mais ce Prince qui faifoit

Vij

156 CoNQUESTES DES Portugais

A N N. de plus d'état de fon honneur , que de fa Couron-

J;^- ne & de fa vie même, croyant que cet expé-

^ " dient , qui e'toit une manière honnête de man-

NuiiRoi. ' quer à fa parole jJ^lefToit délicateffe , ne

voulut e'couter aucune de ces proportions , &

fe roidilTant contre tout le monde, tint ferme,

ôc donna aux Portugais une garde de Naïres ^

pour les empêcher de s'évader, ôc pour lesfau-

ver de la fureur du peuple. ,

Sur ces entrefaites Vincent de Soldre arri- va à Cochin, avec les Vaiffeaux de Ion efjca-

dre. Le Roi & les Portugais commencèrent à refpirer en le voyant. Mais quoiqu'il eut un ordre exprès de l'Amirante de fecourir Cochin, fuppofé qu'il fut menacé , foit lâcheté , ioic avarice , ou bien 1 un ôc l'autre, il ne pût ja- inais le laifTcr fléchir de confentir à demeurer. Le Préfidcnt de la faélorerie n'épargna ni rai- fons,ni prières, ni larmes. Tout fut inutile- Cet homme indigne du (ang d'une nation noble, comptant pour rien la vie de fes concitoyens, l'honneur du Roi fon maître , ôc les mérites d'un Prince, qui facrifioit tout pour eux par pure générohté , ôc préférant à tout, le gain de fes pirateries, répondit froidement. » Qu'il n'é- » toit pas venu pour faire la guerre fur terre : » Que le Roi de Cochin ôc les Portugais fe » tiralTent d'intrigue comme ils voudroient,ou » comme ils pourroient: Que pour lui il avoir ,^ ordre du Roi de Portugal , de croifer dans

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 157

» le Golphe Arabique , qu'il fe croiroit cou- An n. de

"pable , s'il n'éxecutoit (es ordres. «Sur cela il ^ '

partit avec fon efcadre , laiiTant dans Cochin

une conlternation encore plus grande qu elle nuii. roi.

ne rétoit avant une retraite (i peu attendue ôc

fi mal juftifîe'e.

Dieu vengeur des crimes l'en punit, & l'a- veugla de manière, qu'il ne put s'en prendre qu'à lui-même de fa perte. Son avarice fe trou- va d'abord bien flatée, par cinq ou fix groffes nouvelles prifes qu'il fit, fur lefqucUes il trou- va, feulement.en or monoyé, plus de deux cents mille ducats. Mais il alla enlliite faire naufrage aux nies de Curia-Muria , vers le détroit de la Meque. Les Bediiins Arabes, quoique Maho, métans, enuferent bien avec lui, & le {écou- rurent bien à propos , par un commerce mu- tuel de leurs befliaux avec fes marcliandifes. Ils lui donnèrent enfuite lavis falutaire, de mettre à couvert d'un coup de vent de Nord or- dinaire dans ce parage au mois de Mai , & fi vio- lent, qu'il n'y avoit point de Vaiifeau qui pût y tenir. Soldre mépnla également , & leurs avis, & ceux de {qs Capitaines, qui le féparé- rent de lui. Deforte qu'endurci par fon obltina- tion , ou plutôt par la juftice de Dieu , qui vouloir que fon or ôc lui fuffent en perdition, fon frère & lui périrent effeiftivement de ce terrible coup de vent, fans qu'on pût jamais rien recueillir de ces grandes richciTes , qui

V ïvy

158 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de avoienc été la caufe d'une des plus lâches ^' ^' adlions du monde.

Trimumpara, à qui l'exemple de Soldre pou-

NuiiRoi. voit fournir un pre'cexte de manquer à fa pa- role, ne jugea pas que ce fut pour lui un exem- ple à fuivrej&qu'une lâcheté pût en juftifier une autre de fa part. Il n'en refta pas moins trou- blé & confus. Le Zamorin étoit aux portes , avec une armée de cinquante mille hommes, dont le nombre groflilîoit tous les jours , par la defertion des Princes vafTaux du Royaume de Cochin. Il s'avançoit à grandes journées plein de cette animofité , ôc de cette joye , qui font les préfages de lavidroire. Trimum- para ne voyoit au contraire autour de foi , qu'un air fombre & tri fie fur le vifage de ceux qui lui étoient reftés fîdelles ; ôc cela feul fuf- fifoit pour lui annoncer fa ruine future. Mais rien ne le mortifia davantage , que la defer- tion de deux Européans transfuges fondeurs de leur métier , & excellents armuriers , qui étant pafTés fur la Flotte de Gama,cn qualité de maçons , ôc déguifant leur véritable profeffion , donnèrent lieu par leur apoftafîe de foupçon- ner qu ils étoient venus dans les Indes , mê- me qu'ils y avoient été envoyés pour nuire aux Portugais. En effet ils rendirent de très-grands ferviccs au Zamorin, qui fçut les employer à propos pour en tirer de grands avantages , ôc les retenir en leur faifant agréer leur nou-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 159

velle condition par de gros appoinremencs. A NN.de

La dénonciation iolemnelle de la guerre qui J;^^" vint en même tems au Roi de Cochin de la

, r-, ... j ~^ Don Emma-

part du Zamorm, jointe aux lettres prenantes nuhRoi. de ce Prince, & de plufieursautres Seigneurs de {es amis, qui lui faifoient de vives inftances d'a- voir pitié de lui-même & de fon peuple, mit fon cccur aune terrible épreuve. Mais mébran- lable à tant d'attaques, comme un rocher battu vainement des ondes delà mer, & fe confiant fur la juiHce de fa caufe , il ranima lui-même les courages ébranlés des fiens & des Portu- gais. Continuant enluite à agir de iang froid , & avec cette ferenité de viiage, qui infpirc de la fecuritéjil mit ordre à tout, &le trou- va en état de faire une vigoureufe réfiliànce. L'Ille de Cochin efl: tellement féparée du con- tinent, que le détroit que la mer y forme fe trouve cruéable fur la fin du Jufant , furtout en un endroit qu'on nomme le pas de Palurt. C'étoit celui par le Zamorin prétendoit en- trer avec toutes Tes troupes. Trimumpara qui connoifïoit l'importance du poftc, le donna à crarder à Naramuhin , fils de fa f<xur & l'héri- tier defes Etats , félon la loi delà Ginécocratie ■établie dans le Malabar , & y mit lous (es or- dres cinq milles cinq cents Naïres, auiquels fe joignirent Laurent Morcno,& un petit nombre de Portugais. Naramuhin éroit brave & hom- me de têzc. Il en donna de grandes preuves en

i6o CoNQUEstEs DES Portugais

A N N. de cette occadon. Car leZamorin s'e'tant preTenté

J-^- le z. d'Avril pour tenter le pafTage, Naramuhin

s'y porta avec tant de vigueur, qu'il Tobligea

N°BL^Rm.' ^^ ^^ retirer avec beaucoup de perte. Le lende- main le Zamorin ayant doublé Ion monde fous les ordres du Caïmale de Repelin, qui devoir être foutenu dans le Canal de l'eau , par un grand nombre de Paraos , le combat plus opi- niâtre, & bien plus fanglant que la veille, fit encore plus d'honneur à Naramuhin , qui s'é- tant diftingué par tout il le montra, força les ennemis à une retraite honteule. Toutes les tentatives ôc toutes les diverdons que fit depuis leZamorin, ne lui réufïirent pas mieux. Naramuhin ne prenoit point le change , paroit à tout & faifoit face de tous cotez , cnforte que le Zamorin toujours ba^tu,&: defefperant du fuccès de fon entrcprife , l'auroit abandonnée lâchement fans fon confeil qui le picqua d hon- neur.

La force ne lui fervant de rien , il eut re- cours à la trahifon. Il gagna par de groiïès fommcs d'argent le Tréforier de l'armée de Naramuhin. Ce perfide féduit feignit d'être malade , & fe retira à la Ville. Les Naïres ac- coutumés à recevoir tous les jours leurs morv très, èc leurs vivres , commencèrent bientôt à murmurer de fon abfcnce , & retournèrent en foule à Cochin. Le Tréforier qui l'avoir bien prévu les differoit de jour en jour fous divers

prétextes.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LlV. III. l6l

prétextes , ce qui augmentant les murmures , ANN.de & la defertion dans le camp , Naramuhin le vit ■^' ^' bientôt abandonne'. Le Zamorin qui jouoitce

, A 1 1 . DonEmma-

jeu avec le traître, & qui de concert avec lui nuelRoi. fut quelques jours fans faire aucun mouve- ment , faifit alors l'occafion de tenter le pal^ iage , & s'y pre'fenta avant la pointe du jour. Naramuhin averti y courut , il ioutint le com- bat toute la journée jufques à la nuit, avec le peu de monde qu'il avoit , mais étant accablé par le nombre , il fut forcé & tué avec deux de Tes neveux , jeunes Princes d'une grande efperance , qui fécondant leur oncle , vengè- rent bien leur mort, & ne fuccomberent fous I-es coups , qu'après avoir donné comme lui de •grandes preuves de leur valeur.

La perte de ces brave^ Princes confterna la Ville de Cochin , fortifia les motifs de la hai- ne qu'on y avoit pour les Portugais , & mit le Roi au defefpoir. Mais ce Prince , dont les Por- tugais partagèrent le deiiil par des larmes fin- ceres & de regrets véritables , n'en conçut que plus d'ellime pour eux avec un plus vio- lent defir de fe venger. Ayant donc raffemblé fes troupes difperfées , il alla préienter la ba- taille au Zamorin , mais il fut battu, bléfTé, & obligé de fefauverdans l'Ille deVaïpin.Detous les Seigneurs de fa Cour , le feul Caïmale de cette Ifle le fuivit avec les Portugais , que le Roi voulut toujours avoir avec foi, pour veil-

Tome I. X

i6i CoNQUESTEs DES Portugais ler lui-même a leur confervation.

Le viAorieux Zamorin tenta encore lacon- ftance du généreux Trimumpara par les voyes de la douceur. Mais l'adverfité n'ayant rien changé dans un cœur aufïi fidelle , il déchar- gea la colère fur Cochin, entra dans la Ville comme un furieux, y mit tout à feu & à fang, ôc ofa aller attaquer le Roi fugitif dans fa re- traite , quoique leur Religion en eut fait un afyle iacré. Mais l'Ifle fe trouvant bien fortifiée, èc d'un difficile accès , tous les efforts furent inutiles. L'approche du retour des pluycs l'o- bligea enfuite de fe retirer chez lui. Il pour- vût néanmoins à la défenfe de l'Ille de Co- chin , y laiffa quelques corps de troupes pour s'en aflurer lapofTellion, & retourna à Calicut tout fier de fes fuccès^ & refolu de recommen- cer la guerre dès les premiers jours de la belle faifon.

Dans cette extrémité oii fe trouvoit réduit le Roi de Cochin la veille de tout perdre , la Providence lui envoya un nouveau fecours, qui lui fît d'autant plus de plaifit;, qu'il étoic alors moins attendu. Don Manuel croyant que tout étoit tranquille dans les Indes, n'avoit mis en mer Tannée précédente, que trois petites ef- cadres de trois Vailleaux chacune. La première commandée par Antoine de Saldagne,ne de- voit pas palier le Golphe Arabique , & devoit garder 1 entrée de la mer Rouge. Les deux au-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 163

très écoienc dcftinées pour les Indes , fous la ann. de conduite des deux coufins germains , François ^- ^• & Alphonfe d'Albuquerque. François arriva ^°'" le premier aux liles d' Anciiedive,* après avoir nuelRo"** perdu un de (es VaifTeaux. Il en trouva qua- tre autres de l'efcadre de Vincent deSoldre, commande's par Pierre d Ataïde , qui lui ap- prit le malheur arrivé à ce Général , & la tri- ite fituation il avoit laiiTé le Roi de Cochin, que Soldre avoit abandonné dans Ton plus preffant befoin. Ces nouvelles obligèrent Al- buquerque à partir malgré la mauvaife faifon qui duroit encore. Le détail qu on lui fît à Ca- nanor des mauvais fuccès de la guerre de Co- chin , l'oblicrea à fe hâter davantacre, & le dé- termina a aller fans perdre de tems mouiller à l'Illc de Vaïpin.

Le Roi de Cochin , qui fut des premiers à reconnoître le Pavillon , s'écria tranfporté de joye , Portugal^ Portugal , courut au port au- devant du Général , & le reçut comme fon li- berateur. François lui ayant fait les compli- mens du Roi fon maître , l'ayant remercié de fon attachement à les intérêts , lui fît porter les préfents, que Don Manuel lui envoyoit, ôc lui fît donner au nom de ce Prince dix mille cruzades d'or, qu'il prit dans letréfordela Flot- te. Cette libéralité bien placée changea tous les cœurs des Indiensdujets du Roi de Cochin à l'é- gard des Portugais. François lui offrit enfuite fes

Xij

164 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de fervices , ôc lui promit de le re'tablir bientôt j. c. {\jj- [q^ Trône.

^ ^* L'effet fuivit de près les promefTes. Le Gé-

^y^i^R^i*" ne'ral ayant- taillé en pièces ou mis en fuite les Garnifons que le Zamorin avoir laifTées dans rifle de Cochin, ramena triomphament le Roi dans fa Ville capitale. Non content de ce pre- mier fuccès, ayant diftribué fix cens hommes de fa Flotte fous la conduite des Capitaines , qui étoient venus avec lui , il fe rendit maître de deux Ifles voifines , qui appartenoient à des Caïmales rebelles, de'fit leurs troupes , laifla l'un des deux Caïmales mort iur la place , brû- la leurs Palais , ravagea leurs terres , battit une Flotte de cinquante Paraos, qui appartenoient au Zamorin , fit plufieurs excurlions fur les terres de Repelin toujours avec fuccès , & une incroyable célérité, & retourna à Cochin tout couvert de gloire. Celui qui fe dillingua le plus dans ces premiers combats , fut Edouard Pa- checo Péreïra. Il avoir été du premier voya- ge de FAmirante Don Vafco de Gama , & il s'étoit fignalé fous les yeux du Zamorin dans la prife du Vaiffeau chargé d'Eléphants dont j'ai parlé. Il étoit venu cette féconde fois aux Indes, commandant un Vailïeau de Fefcadre d'Alphonfe d'Albuquerque, mais le gros tems l'ayant féparé de lui, il arriva avant lui, & fît de û grandes choies en arrivant , qu'il fembla préluder dès-lors aux adiions héroïques , qu il fit peu de tems après.

b

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. m. 165

Le Roi de Cochin étoit fi content, que le Ann. de Ge'ne'ral crut devoir profiter de ces heureux J- ^• moments , pour lui propofer au nom du Roi *^°^' Don Manuel , de lui permettre de bâtir une nuTl ro"*^ ForterefTe dans fa Ville. Véritablement c'étoic lui faire agréer l'efclavage dans lequel on al- loit le faire entrer. Trifte re'compenfe pour un Prince , à qui le Portugal étoit fi redevable. Mais cette proportion délicate fut faite dans de fi belles circonlfances , èc déguiiée lous des raifons (i fpecieufes , que,quoique le Roi & fon confeil en viffcnt lans doute les conféquences, néanmoins les obligations toutes récentes, ôc la fituation préfente des affaires , firent que non feulement le Roi y confentit , mais qu'il fournit même les matériaux & des manœu- vres pour accélérer l'ouvrage. Le Général , qui apprehendoit le prompt repentir d'un confen- tement donné avec trop de facilité, ne perdit point de tems. Il choifit un emplacement éle- vé, qui dominoit la Ville 6c le port , traça le plan de la Forterefie, & au défaut de pierres ôl de ciment, fit couper les bois de palmier , que le Roi donna libéralement. Quatre jours après qu'on eut commencé à mettre la main à l'œuvre , arriva Alphonie d'Albuquerque , qui ayant les mêmes ordres que François , y appli- qua aulli tout fon monde , &c preifa tellement l'ouvrage, dont il eut la diredlion, qu'il fut con- fommé en trés-peu de tems , aulîi bien que l'E-

X lij

i66 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. cie glife qu'il fît faire tout de fuite.

J- ^- Le Fort neconfiilioit que dans un quarré de

,> l l.\ pièces fur pièces bien embouffetées & chevil- NUEL Roi. lées dc fer. Il etoit terrane en dedans & en- touré par le dehors d'un folTe'jOÙ entroit l'eau du fleuve. On éleva deux Tours ou cavaliers à deux des angles du quarré , l'on établit de fortes batteries. L'emprefTement qu'avoienc les deux Albuquerques de faire leur cargaifon & de retourner en Portugal , ne leur permit pas d'employer d'autre matière que le bois à laconllrudtion du fort &: de l'Eglile ni de hiire un ouvrage plus folide. La fin des travaux de ces deux édifices fut (uivie d une cérémonie fainte, 6c aulli pompeuie que le pût permettre la fîtuation les Portugais fe trouvoient. El- le ne lailTa pas de plaire aux infidelles , qui ad- mirèrent les ufages de notre Religion, & fu- rent témoins de la folemnité,avec laquelle on bénit l'Eglife , fous l'invocation de faint Bar- thelemi , & le fort qui fut baptifé fous le nom de faint Jacques. Les Auteurs Portugais con- viennent eux-mêmes qu'en ce jour Alphonfe d Albuquerque prit comme une polTeffion réelle des Indes : qu'il captiva par cette For- rereffe la liberté de toutes ces contrées , & mit comme la pierre fondamentale de toutes celles qu'il bâtit lui-même , ou qui furent bat- ties après lui dans ce nouveau monde, dont il fut le conquérant.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 167

Cette affaire termine'e , les Albuquerqucs An N.de n'eurent rien de plus à cœur que de taire des ^' ^' courles dans le pays ennemi, &: de venger le don emma- Roi de Cochin de fes vafKiux rebelles. Ils fi- nl>elRoi. rent plufieurs excurfions coup fur coup fur les terres duCaïmale de RepeUn, & fur celles du Caïmale de Cambalam. Us ravagèrent tout leur pays , brûlèrent leurs villages , & firent périr beaucoup de monde. Mais comme de main en main on e'toit averti dans tout le pays de leurs irruptions j il s'aflembloit entrés-peu de tems un {i»grand nombre de Naïres que les Portugais le trouvoient fouvent en prefre,&; étoient oblige's de regagner leurs bateaux à la hâte. Edouard Pacheco n'ayant pas trou- vé le fien, oûillavoit laide', penfà être ac- cablé par la multitude , mais ayant fait des efforts de bravoure plus qu humains , il donna le tems aux Albuquerqucs de le délivrer. Il rendit peu après le même fervice à Alphonfe d'Albuquerquc, qui lui étant obligé de la vie, lui fut redevable de toute la gloire qu'il acquit depuis. Pacheco défit aulïi trente quatre Paraos de Calicut qui troubloient le commerce de Cochin , &croi(oient fur la côte. Les Généraux auroient fait de plus grands progrez, ou pour mieux dire de plus grands rava^-cs, filabon- te de 1 rimumpara l interciiant pour les enne- mis mêmes ,ne les eut obligés de fufpendrele cours de leurs fanglantes exécutions.

A N N. de J. C.

I

503.

Don

NUEl

Emma- . Roi.

168 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Le Zamorin-, qui n'ignoroit rien de ces fuc- cès , èc qui e'toit ennuyé de la guerre ;, excité d'ailleurs par le Prince Naubeadarin , que Ton amour pour la juftice , & (on eftime faifoient pancher pour les Portugais, demanda la paix. Elle fut traitée & conclue avec tant de fecret , que les Maures de Calicut n'en fçurent rien qu'après que le traité fut (igné. Il s'engagea à vivre en bonne intelligence avec le Roi de Cochin , à retirer les Vaifïeaux de (es ports , ôc à n'en point troubler le commerce. Il s'obligea de plus à payer quinze cens Bahars de poivre ôc quelques quintaux d'autres marchandifes en dédommagement de ce quiavoitété pillé, lors de la mort d André Corréa , enfin à ne point permettre qu'aucun des Maures de Ca- licut commerçât dans le Golphe Arabique. François d Albuquerque vouloir outre cela, qu'il livrât les deux Chrétiens transfuges ,- mais ce Prince ne voulant pas confentir à un article fi honteux pour lui , on pafTa pardefTus. Le Comptoir du Roi fut rétabli à Cahcut , êc on commença à joiiir de toutes parts des avan- tages d'une paix fi défirée.

Alphonfe d'Albuquerque , qui avoir ordre de Don Manuel d'aller charger à Coulan, étoit déjà parti , appelle d'une manière bien gra- cieufe par la Reine , qui étoit Régente pen- dant la minorité de fon fils. L'eftime qu'elle avoit conçu pour les Portugais, ôcIqs avanta- ges

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 169

ges du commerce l'avoicnc engagée à les pré- a n n. de venir. Coulan eft une Ville des plus anciennes ^' ^' de l'Inde , & d'où l'on prétend que font forcies ics Colonies qui ont ronde les Capitales des nuïlRoi. divers Royaumes de l'Indoftan. Mais le com- merce ne s'y faifant plus avec tant d'avanta- ge , depuis la fuperiorité qu'avoit pris la Ville de Calicut , elle avoit beaucoup d'échii de fa première fplendeur. Cependant elle étoit en- core belle &c riche. Elle avoit un port com- mode dans une rivière bien navigable & aiïez fûre, excepté en certains endroits oii le canal de cette rivière fe rétrécit.. Alphonfe y trouva toutes les facilités qu il voulut. Il y établit un magafin avec un faéleur & deux écrivains , aufquels il donna vingt hommes de garde. Ayant trouvé des Chrétiens de faint Thomas dans cette Ville, il adoucit leur fervitude,& obtint du Gouvernement une relaxation affez conhderable des impôts qu'ils étoienc obligés de payer. Enfin ayant fait fa cargaifon , il y laiffa pour Apôtre le Père Rodrigues Religieux Dominiquain, qui joignant à la dodrine une grande vertu, & étendant fon zèle fur les Chrétiens ignorants , & fur les Indiens idolâ- tres , fit de grands fruits parmi les uns àc les autres.

La paix ne fut pas de longue durée. Ce ne fut pas la faute du Zamorin , mais l'effet d'un trait indigne de l'avarice d'un Portugais. Fer-

Tome L Y

I-JO CONQUESTES DES PORTUGAIS

An N.de nanti Corréa, faéleur de Cochin, ayant eu nou-

J- C. velle qu il pafToic un bateau chargé de poivre,

'' qui alloit à Cranp;anor pour le compte du Za-

DonEmma- ^ . P ^ , i> 1 T

miEiRoi. morin, envoya du monde pour 1 enlever. Le Patron eut beau alléguer la paix, & le traité d'alliance nouvellement fait , dire que le ;bateau appartenoit au Zamorin , & qu'il étoit deftiné, pour faire partie du payement aux Portu- gais , à qui on en avoit déjà remis huit cens Bahars. On ne voulut entendre aucune raifon. Le bateau fut faifiavcc violence, fix Indiens y furent tués , & plufieurs autres blefTés. Une ac- tion fi fort contre toutes les loix de l'équité & de la raifon,ayant été divulguée à Calicut y cau- fa une grande furprife , & une juif e indigna- tion. Cependant Naubeadarin toujours mode- ré, fufpendit tous les mouvements de la colè- re du Zamorin , dans l'efperance qu'on lui ren- droit juftice. Mais François d'Albuquerque à qui \qs plaintes furent portées, en tint fi peu de compte , que loin de faire reftituer la prife , il ne daigna pas même répondre , & donner la moindre fatisfacffion apparente ; & comme la cargailon de tous fes VailTeaux étoit prête , il fe difpofoit à repailer en Europe.

Le Zamorin irrité plus que jamais, ôcrefo- lu de fe faire juftice^ l'Ait d'abord tout en mou- vement pour recommencer les holfilités. Al- phonfe d'Albuquerque averti par Coje-Béqui, &par le fadeur de Calicut, en donna l'avis à

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 171

François. Le Roi de Cochin lui-même inftruit a n n. de de tout par (es efpions , & qui voyoic que cet J- C. orae:e alloic fondre fur lui , n'omit rien pour le ^^^^■'

O r 1 11 rL DonEmma-

detourner, mais tout rut mutile. 11 elt vrai que nuxl roi. François promit au Roi de lui lailTer du mon- de pour le défendre. En effet il laiffa cinquan- te hommes dans le Fort faint Jacques. Il laiffa pareillement un VailTeau & deux Caravelles avec cent' autres hommes fous les ordres d E- douard Pacheco , qui au refus de tous les Capitaines fe facrifia en cette occafion pour la gloire de Dieu,& l'honneur de la nation. C étoit<ellement unfacrifîce, que François & fes Officiers , qui voyoient combien ce iecours étoit peu de chofe , regardoient déjà Pacheco & les fiens comme des gens perdus , & dont on pouvoir d'avance recommander les âmes à Dieu comme de gens morts. Se fouciant ne'anmoins fort peu de ce qui devoit arriver, ils fe mirent en chemin pour le Portugal , ayant fait demander au Zamorin les Portugais , qui 1504. e'toient à Calicut , pre'voyant bien qu'il ne les leuraccorderoit pas.

l'avoue que cette conduire des Albuquer- ques a lieu de furprcndre, & met une tache à leur gloire. Ce qui pourroit juftifîer Alphon- fe , c'ell qu'il paroit par fes commentaires qu'il eut de grands déméle's avec fon coufin , qui fe portant pour Général en premier agiflbit avec beaucoup de hauteur, leconfultoit peu,

Yij

172, CONQUESTES DESpORTUGAIS

An N. de & aflFedoit même de le dominer. Il femble d'ail- j. c. leurs qu'Alphonfe avoit ordre d'obe'ïr à Fran-

Ï504. . i \ 1' 1 j r^ ' \

COIS quant a 1 article du retour. Uuoiquil en

Don Emma- /- . . i i r i o i

NUEiRoi. loit Alphonle partit le premier, &c arriva le 16. Juillet de l'an 1504. àLifbonne, il fut très bien reçu du Roi , à qui il fît preTent de deux beaux chevaux de Perfe , les premiers qu'on eut tranfportés en Portugal : de quel- ques Arrantas , ou mciures de perles de prix & un plus confiderable de femences de perles. Pour François il eut le même fort que les Sol- dres , dont il avoit fuivi le mauvais exenv pie. Nicolas Coello & lui pe'rirent fan* qu'on ait jamais £cù & comment. Pierre d'Ataï- de qui e'toit dans la même efcadre , fe brifa fur la côte de la haute Ethiopie, mais l'e'quipagefe fauva. Et après bien des miferes , les uns fe rendirent à Mozambique, les autres s'arrêtè- rent à Mélinde.

Edouard Pacheco , qui avoit fuivi les Albu- querques à Coulan 6c à Calicut , fe prelTa de retourner à Cochin d'abord après leur départ. Il y trouva le Roi extrêmement ébranlé fur un faux bruit, que les Maures de la Ville avoient fait courir malicieufement à fon fujet. Ils avoient perfuadé à ce Prince , que Pacheco fen- tant fa foibleife & l'impolïibilité de refiller à toutes les forces de l'ennemi , devoit fe reti- rer à Coulan ou à Cananor avec tous fes Por- tugais , lorfqu'on y penferoit le moins , ôc le

Emma.» ROL

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 175

laifTeroit fans défenfe expofé à toute l'indigna- ANN.de tion du Zamorin, indignation dont il ne pou- ^•^• voit éviter les trilles effets , fes perfides alliez '^'

& fcs fujets mêmes , ie difpofant tous égale- ^°^^^ ment à l'abandonner. Trimumpara,(urqui ces difcours n'avoient fait que trop d'impreffion, ne put s'empêcher d en parler à Pacheco , & de lui témoigner fa défiance. Pacheco naturelle- ment brufque,&: qui fentit combien cette dé- fiance bleflbit fon honneur &c fa déîicateffe , s'emporta fi furieufement, & avec tant de vi- vacité , qu'il en perdit le refped à la Maje- fté j de manière que le Roi en fut un peu ému. Mais ce Prince, qui avoir l'efprit bienfait ju- geant par même de la fincerité de Pacheco &. de fon courage, dont il avoir déjà de bon- nes preuves, fe tranquilifa tout-à-fait. Pache- co de fon côté fe radouciffant lui donna enfui- te de fi bonnes raifons pour achever de le raffu- rer, & lui fit des protellations fi fortes , fi plei- nes de confiance de de prélomption , que Je Roi fe rendant à tout ce qu'il voulut, or- donna par fon confeil à tous fes fujets de lui obéir comme à lui-même , ôc défendit à qui- conque de fortir de fes Etats fous peine de la vie.

Après cette démarche , Edouard appella' chez lui les principaux Négociants d'entre les Maures de Cochin. Loriqu'ils furent affem- blez , il leur fit un difcours, dont lecomnvea-

Yii>

174 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de cernent étoic très honnête & très poli. » II

J-.C- »loûa leur zèle & leur ancien attachement

' '■'''■ ^ » pour 1 ttat. Il leur marqua enfuite avec beau-

wuelRoi. » coup d'afFedion le deflein ils étoient lui « & tous les Portugais, de verfer jufques à la » dernière goure de leur Tang, pour la défen- ■» fe de leurs biens & de leur vie. Il leur fit « comprendre en même tems combien il leur » feroit honteux & defavantageux d'abandon- »ner leur patrie, leurs familles, & leurs mai- « fons £ms autre fondement, que celui d'une » vaine terreur. Enfin il ajouta que s'il s'en. >' trouvoit quelques-uns afiez lâches pourpren- »> dre ce parti , qu'il pût prefientir le delTein " de leur fuite , ou les avoir entre les mains " après qu'il fe feroient enfuis , il les feroit tous " pendre fans remiffion. » A mefure qu'il par- loir Ton vifage s enflammoit , & il e'ievoit le ton. de fa voix. Mais il dit ces dernières paroles, avec tant de véhémence & de colère, que ces pauvres malheureux , qui fe croyoient de'ja la corde au cou , fe jetterent à fes pieds protelf ant de leur fidélité' envers les Rois de Portugal & de Cochin , pour lefquels ils e'toient prêts de tous facrifier, Edouard , par le principe de la même politique qui l'avoit fait parler , faifant fem- blant de ne pas les entendre, fe leva brufque- ment, leur tourna le dos , & lortitpour leurint pirer encore plus de terreur.

Comme les paroles n'ont jamais tant d'effi-

DANS LE NOUVEAuMONDE. LiV. III. I75

cace que les aiftions , il fit faire une patrouille A n n. de exadle de jour &c de nuit, fouhaitant & cher- ^' ^' chant 1 occafion de vérifier les me'naccs qu'il ^

f. . . 1 , ^ Don I'mma»

aites, pour intimider encore davantage nuelRoi,

par un coup de vigueur. Mais perfonne n o- fant fortir par la crainte extrême qu'on avoic de lui , il eut recours à un ftratagême qui pro- duifit le même effet. Car e'tant tombé par ha- zard fur quelques bateaux de pêcheurs In- diens, il fit mine de les prendre pour des fu- gitifs , & donna fes ordres pour les faire pen- dre. Le bruit s'en e'tant re'pandu dans la Ville, le Roi les lui envoya demander. Il re'pondit avec hauteur j quelachofe e'toit de'ja faite, &z que fi elle étoit à faire , il n'auroit garde de les lui renvoyer. Cependant il les fit cacher , ôc quelque tems après il les fit rendre au Roi en lecret. Cet artifice lui réiiflit parfaitement , & contint tout le monde dans le devoir.

D'autre part pour donner à entendre au Za- morin combien il le craignoit peu, il commen- ça le premier les hoftilités iur fes terres , & fur celles des Caïmales (es alliez, enlevant & brû- lant tous les jours, tantôt une peuplade , tan- tôt une autre, mais cela avec tant de célérité dans fes courfes , tant d adivité & de bonheur, que les Indiens même de fon parti , qui ne pou- voient comprendre comment il pouvoit refi- fter à tant de fati2;ues , èc remporter tant d'a- vantages, le craignoicnt extrêmement , &di-

17^ CONqUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de foient de lui qu'il n'étoic pas un homme, mais

^' ^' un Démon. ^ Les cris des peuples fatieue's par ces hofli-

Don Emma- ,. , ii ' r

nuelRoi. lites continuelles , étant parvenus julques aux oreilles du Zamorin , l'obligèrent à fe prefTer de fe mettre en campagne. Suivi de plufieurs Rois Tes tributaires ou fes alliez, & de cinquan- te mille hommes, qui compoioient Tes arme'es de terre & de mer , il marcha à grandes jour- nées jufques à Repelin , refolu d'entrer dans rifle de Cochin par le pafTage du Gué de Cam- balam. Quelque courage qu'eut Pacheco,il fentoit mieux qu'un autre î'efpece d'impofh- bilité qu'il y avoit, de pouvoir refifter à unfî prodigieux nombre d'ennemis avec cent cin- quante hommes, fur lefquels feuls il pouvoir compter , & qu il étoit obligé de divifer. Néan- moins comme on prend fouvent des forces de la néceffité même , &c d'une efpece de defefpoir il les aifembla , ôc leur repréfenta fi pathéti- quement la conjondlureoii ils fe trouvoient, preffez également de l'obligation indifpenfa- ble , ou de faire des efforts plus qu'humains , pour défendre leurs biens , leur liberté , leurs vies , & l'honneur de leur nation , ou de mourir deshonorés , qu'excités , oucomme tranfportés par la véhémence de fon difcours^ils s'embraffe- rent mutuellement , & s'engagèrent tous par les ferments les plus faints, de commencer par mettre ordre aux affaires de leur conscience,

en

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 177

en fe munifTant des Sacrements & de périr pIû- "ATTTdc tôt, que de s'abandonner les uns les autres , de J- C. reculer ou de donner le moindre figne de là- '5°"*'

cllCté. Don Emma..

Content de la noble émulation qu'il vit dans '^"^'^ °'' tous les braves gens qu'il avoir lous Tes or- dres , il les partagea en cette manière. Il mit dans le Fort de Cocliin trente neuf hommes, commandés par le fad:eur Fernand Corréa , l'injufte ôc l'imprudent auteur de cette guerre. Il en donna vingt cinq à Diego Péreira Capi- taine du VaifTjau qu'il laifTa pour la garde de la Ville. Des deux Caravelles , l'une, qui avoic befoin d'être radoubée, refta lur les chantiers hors de fervice. Il diftribua le reite de (on monde fur l'autre & fur deux bateaux , donc il devoir commander l'un pour aller avec ce foible fecours fe placer au polie de Cambalam qu'il entreprit de défendre. Avant que de par- tir il alla prendre congé du Roi, qui lui don- na cinq cens Naïres , Tous la conduite de deux Caïmales qu'il fit accompagner des deuxtréfo- riers de fes finances. La gayeté affedlée de Pa- chec^ n'impofa point à ce Prince , qui en lui difant à Dieu , ne put retenir fes larmes dans l'idée qu'il le voyoit courir à une mort certai- ne , par la comparaifon qu'il faifoit de cette petite troupe, avec la multitude innombrable de fes ennemis.

Etant arrivé au pafTage du Gué , Pacheco

Tome J, Z

ly? CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de mit d'abord en fuite huit cens Naïres , qui vou-

^' lurent lui empêcher la defcente. Il mouilla en-

^ fuite dans le palfage même , de manière que

DonEmma- r o ' ^

Ni'EL Roi. la Caravelle & les deux bateaux 1 occupoient prefque tout entier, amarrés les uns aux autres avec des cables fortifiés & doublés par des chaînes de fer , afin qu'on ne put pas aifément les couper.

L'armée ennemie arriva le même jour , & des la nuit le Zamorin fit élever par le confeil des deux Chrétiens transfuges , un Cavalier fur le bord de l'eau , & y fit drefler une batterie. Le jour fuivant qui étoit le jour des Rameau5f, jour marqué par les Devins comme un jour heureux &c décifif , les ennemis s'ébranlèrent pour le combat dés la pointe de l'aurore. La terre étoit couverte de troupes qui dévoient tenter le Gué,& qui étoient commandées parle Zamorin en perfonne. La Flotte fous les or- dres de Naubeadarin & du Caïmale de Repe- lin (on Lieutenant remplifïbit tout le canal, & étoit compofée de cent cinquante bâtiments à rames de trois différentes efpeces : fçavoir : foixante-feize Paraos bien gabionnés ^ ayant deux petites pièces d'artillerie chacun, vingt cinq archers & cinq arquebufiers , cinquante quatre Caturs & trente Tones , chacun avec une petite pièce d'artillerie , & feize combat- tans différemment armés. La vue de cette mul- titude d'ennemis , l'éclat de leurs armes , le fon

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 179

de leurs inftruments & leurs cris e'tourdirent 7~^^ T* fi fort les Naïres du Roi de Cochin, qu'ils pri- j.c. rent la fuite & qu il ne refta pas un feul des ^504- fuiets de ce Prince , à l'exception des deux tré- donEmma.- loriers qui étant dans la Caravelle , lurent re- tenus malgré eux par les Portugais , qui fai- foient de leur côté. la meilleure contenance qu ils pouvoient en répondant aux cris de l'ar- mée ennemie.

Vingt Paraos enchaînés & armés de grap- pins pour accrocher la Caravelle, commencè- rent l'attaque. Une nuée de flèches qu'on dé- cocha alors, &; la fumée de l'artillerie ôtant , pour ainh parler , l'efpace au jour , on com- battit quelque tems comme dans les ténèbres. Mais les ennemis, fi prefTés qu'ils ne pouvoient faire leurs évolutions , recevoient bien plus d incommodité que les Portugais. Le canon des vingt Paraos ne laifla pas d'incommoder ceux-ci quelque tems. Mais Pacheco ayant fait tirer à propos deux coups d une des plus grofTes pièces en coula quatre à fonds, & ayant rompu la chaîne , obligea les autres à fe reti- rer. La féconde ligne des Paraos ayant fucce- à la premiejje , il en coula à fond encore huit de ceux-ci , en mit treize hors de com- bat & le refle en fuite. Le Caïmale de Repe- lin qui commandoit latroifiéme ligne, s'étant avancé pour prendre leur place , l'armée de terre entra dans le Gué, Ln ce moment le com-

iSo CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de bat devenu plus dangereux par cette double

'' attaque,recommença avec plus de fureur^&du-

, _ rajulques au loir, mais avec un fuccès fi malheu-

UON tMMA- 'X -^ .

Ki'it ROI. reux pour les ennemis , dont l'ardeur s'etoit fore ralentie , parce que les derniers Paraos (e con- tentèrent de fe battre toujours d'afTez loin, qu'ils furent oblige's de fe retirer avec perte de quin- ze cens hommes , fans que les Portugais qui ai- ment mieux attribuer leur fortune à des mira- cles qu'à leur valeur , euffent eu de leur part que très peu de blefTés.

Quoique e'tonné de cette première difgra-. ce , le Zamorin encourage' par fes Devins , qui lui promirent un fuccés plus heureux pour le jour de Pâques refolut de tenter ce jour-là une nouvelle attaque. Son armée de mer avoit été renforcée. Elle étoit de cent Paraos , cent Caturs , & quatre -vingt Tones , avec trois cens quatre-vingt pièces d'artillerie, & quin- ze mille hommes. Il la divifa en deux corps , dont l'un devoit aller attaquer le Vaifïeau qui étoit refté à la garde de la Ville , tandis que l'autre caché dans le Fleuve de Repelin , vien- droit faifir le pafTage du Gué dans l'abfence du Général , qu il prévoyoit ne devoit pas man- quer d'accourir au VaifTeau pour le défendre. Pacheco étoit averti du jour de l'attaque par {qs efpions , mais il ne içavoit pas la feinte. Comme il s'étoit préparé au pafTage du Gué, il fut étonné de ne voir rien paroîtrc. Mais fur

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. III. i8i

les neuf heures il reçut un exprés du Roi de Ann. de Cochin;, qui lui donnoic avis du danger ou ^; ^• e'coit fon VaifTeau. Sur le champ il prend Ton ^°"^* parti. Des deux Caravelles,quiétoient alors en n°el roi!' état d'agir , il en laifTe une avec un des bateaux à la garde du pafTage, à tout e'venement, & avec l'autre Caravelle , ôc le fécond batteau il vole au fecours du Navire aide du Jufant&d unvenc de terre favorable. Sa preTence mit les enne- mis en fuite malgré leurs Généraux, qui ne pu- rent les retenir. Comme il ne put les fuivre , il continuoit fa route vers le VaifTeau, lorfqu'il fe fentit rappelle par le bruit du canon de ceux qui attaquoient èc défendoient le pafTage du Gué. Heureufement le vent ayant changé à la venue du flot^ il y fut rapporté en peu d'heu- res. Il étoit tems qu'il arrivât la Caravelle étoit percée à fleur d'eau, l'artillerie avoit razé pref- que tous fes plats bords , ôc ceux du bateau. Le combat étoit acharné d'une manière extraor- dinaire de part ôc d'autre , & les Portugais n'en pouvoient plus.Mais la venue du Général ayant jette le même trouble dans cette nouvelle at- taque que dans la première , les ennemis qui fe virent pris en flanc , ne penferent pkis qu'à ^lïr, ayant perdu prés de trois cens hommes ôc dix-neuf Paraos que les Portugais brûlèrent, n'ayant point foulïert eux-mêmes , à quelque dommage prés & quelques légères bleflures,de plus grand mal que l'extrême fatigue de cette journée. Ziij

iSi CONQUESTES DES PORTUGAIS

L'indienarion du Zamorin ne lui permit pas

An N. de ,, i i i i j

j. c. d attendre plus long-tems que le lendemain,

1504- pour recommencer le combat. Le Géne'ral , qui

Don Emma, en fut avcrti par des Brachmanes , ordonna

NUEi Roi. ^ ir- A iirr

aux liens de le tenir prcts , mais de lailler ap- procher les ennemis le plus qu'ils pourroient , lans faire le moindre bruit. Le filence augmen- tant leur confiance j Ils vinrent en effet en fou- le & prefque fans ordre. Dès qu ils furent à belle portée , le Général ayant donné le fignal, il fe fit une décharge de toute lartillerie &de la moufqueterie fi vive & fi heureufe , qu'elle leur ôta abfolument le courage. Envain Nau- beadarin & le Caïmale de Repelin animés par- les injures , les reproches , & les affronts même que leur fit le Zamorin au deiefpoir , tâchèrent de les ramener plufieurs fois. à l'affaut , ils n'o- ferent jamais approcher, & fe tinrent toujours affez loin jufques à la fin de 1 aélion , qui fe ^^ termina par une retraite honteufe , avec perte

de plus de vingt Paraos , & de prés de fix cents perfonnes.

L'afïliélion qu'eut le Zamorin d'une retraite fi ignominieufe , l'obligea à abandonner le def- fein de tenter déformais ce palfage, auquel il ne s'étoit obftiné que par vanité. Il fit leve^ promptement camp & bagages , & fe retira avec précipitation. Pacheco le luivit en queue & le même jour , il lui brûla deux Pagodes, une petite peuplade, & battit un corps de troupes.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 183

Quelques fatigués que fuflenc les Portugais, Ann. de leur Général ne leur donnoit point de relâ- ^•^• che pour ne pas laiffer le tems aux ennemis de ^°"^' relpirer. Comme il etoit averti a propos de nuilRoi. tous leurs defTeins , & que leurs attaques croient toutes marquées par la fuperftitioiijôc la fatuité des jours heureux ôc malheureux, il profîtoit de tous les intervalles, & étoit toujours en parti on l'attendoit le moins ; tantôt il brûloit une» peuplade , tantôt il enle voit un quartier , tantôt, il tomboit fur un détachement de la Flotte. Toujours il alloit à coup fur , ôc ne revenoit point fans coup ferir , & fans avoir remporté quelque avantage confiderable.

Le Zamorin en étoit fi piqué, que, quelque honte qu'il y eût à abandonner une entreprife faite avec tant de dépenfe & d'éclat,&avec une armée fi nombreufe contre une (i petite poi- gnée de gens , fans la finir, il auroit demandé la paix , & l'auroit conclue , ainfi qu'il le propo- dans fon confeil , fi le Caïmale de Repelin , les Maures ôc Brachmanes ne l'en euffent dé- tourné, en lui faifant efperer que la chofe réiif. firoit mieux , en tentant les pafTages de Pali- gnard ôc de Palurt, il avoit pafTé la pre- mière fois , lorf(^u'il entra dans l'ifle de Co- chin.

Refolu donc de faire cette nouvelle tenta- tive , il y conduifît fes troupes. Pacheco fur les avis qu'on lui avoit donnés, ôc fur la route que

1S4 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de le Zamorin avoir pris ne doutoit point qu'il . ' ne fe retirât àCalicut. Mais ayant e'té enfuite

S 4"* - /->

_ _ mieux informé de la marche , & ayant Içû que

Don Emma- ' ^ ^ ^ * T.

nuslRoi. déjà quelques troupes avancées étoient en- trées dans rifle d Araul,&coupoicnt des bran- ches d'arbre , ce qui parmi les Indiens ell un: fîigne de viétoire , il y accourut , & leur tom- ba fur le corps fi rapidement, qu il les mit en rfuite, encloiia le canon des batteries qu'on y avoir déjà dreflTées , & fît couper les arbres qui étoient fur la pomte de l'ifle.

Les deux palTàges , de Palignard ôc de Palurt fituésà une demie lieuë l'un de l'autre, avoient cela de commode pour les Portugais , qu'on ne pouvoit les pafler tous les deux en même- tems. Le premier n'étoit acceflible aux gens de pied qu à la fin du Jufant. Encore étoit-il alors trés-difficile par la hauteur des vafes, & l'épaiC Teur des halliersqui bordoient l'autre rive. Le fécond fe pouvoit pafler en bateau , lorfque la mer étoit haute , mais on ne le pouvoit pas abfolument, lorfqu'elle avoit perdu. Pacheco à qui fon attention avoit tait faire cette remar- que, vit qu'il pouvoit être toujours à tems de les défendre tous les deux. Ayant donc mis fes deux Caravelles dans le paflTage de Palurt , bien anchrées & bien amarrées enfemble par des chaînes de fer, il fe laifloit aller au flux &re- fiux avec fes deux bateaux bien armés , de manière qu'il arrivoit àPahgnard fur la fin du

Jufant ,

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. III. 185

Jufant,& revenoic avec le flot au pas de Palurr. Il a n n. de^ continua ce travail fans relâche jour &nuit,quel- ^" ^' que tems qu'il fit, pendant qu'il eut les ennemis ^ '^'

y-*- , •^_, I j I Don Emma.

a craindre. Ceux-ci ne lui donnèrent pas grand nuelRoi. tems deVl'abordjCar ils l'attaquèrent le premier jour de Mai , avec une armée aufîi nombreu- ie que la première j mais avec le même iucces & la même honte , la vicloire s'ëtant déclare'e une quatrième fois pour les Portugais.

La pefte, qui fît alors dallez grands rava- ges dans l'arme'e du Zamorin ,* & 1 obligea de s'en abienter pendant quelque tems , donna le loifir au Ge'néral de radouber (es bâtimens , de faire des provifions de guerre & de bouche , ôc de fortifier les pafTages. Il fit jetter dans celui qui etoit gueable aux gens de pied des poutres de autres machines garnies de. longues pointes de fer j mais celles-ci étant entrées trop pro- fondément dans les vafes , il y fit planter quan- tité de pieux de bois durci & aigu , qui eu- rent leur effet dans leur tems. Il fortifia enfuite la tête du Gué , & tira une longue eftacade tout le long du rivage d'un paiTage à l'autre qui étoit gardée par les Naïres, que commandoic en perlonne le Prince héritier de Cochin.

Cette pefle ayant un peu ceffé , & les Devins ayant marqué un jour heureux pourlepafTage du Gué de Palignard , le Zamorin fit avancer ics troupes en cet ordre. Trois mille Naïres mar- choicnt à la tête pour eicortcr i'artillerie,con-.

Tome I, A a '

i86 CoNQUESTEs DES Portugais

ANN.de fiftant en trente pièces de canon montées fur

^S' leurs affûts. L'avant-garde compofe'e de douze

1°'^' mille hommes, parmi lelquels il y avoit deux

Don Emma- ^i i, r r r

nuelRoi. cens archers & trente Moulquetaires , iuivoic enluitefous les ordres du Prince Naubeadarin. Le Gaïmale de Repelin commandoic le corps de bataille , qui confiftoit en un pareil nom- bre de troupes. Le Zamorin fermoit la mar- che avec l'arriere-garde qui e'toit de quinze mille hommes , parmi lelquels il y en avoit quatre cens armés de haches , pour couper les pieux de l'eftacade. Pacheco n'avoit à oppofer à toute cette arme'e que quarante hommes dans fes deux bateaux , fur chacun defquels il y avoir fix pierriers , deux fauconneaux , & une autre plus groffe pièce. Il attendit fans faire aucun mouvement que J'artillerie des ennemis fût lo- gée, & eut commencé à tixer. Alors ayant fait approcher du bord fes deux bateaux, il fîtfer- vir la fienne fi vigoureufement, qipl obligea les ennemis à reculer juf qu'à un bois , d'où ils continuèrent encore quelque tems à canoner. Cependant Naubeadarin arriva avec l'avant- p-arde , & entra dans le Gué avec beaucoup de détermination. 11 rut reçu tres-vivement par les Portugais , qui firent un grand feu de ca- non , de mouf queterie , & de grenades. La nouveauté de celles-ci caufa un grand défor- dre, & un grand étonnement aux ennemis^, dont l'ardeur fut un peu ralentie. Pacheco qui crai-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. m. 187

gnic que Ton bateau ne reliât à [ec dans les a n k. de vaies , fut obligé de faire avancer Clirillophle ?• ^' Jufart commandant du {econd bateau qui ëtoit ^^°^' plus petit, afin d'occuper 1 entrée, tandis que lui n vel ro^^* ilfe retira un peu pour le (outenu*, ie préparant à le rejoindre au flot qui ne pouvoit pas tarder. Ce mouvement ne dimmua rien de l'action des Portucrais. Mais dans ce même tems les Naïresde Cochin qui dévoient garder l'elfaca- de s'enfuïrent par la trahifon d'unCaïaiale pa- rent de Trimumpara, qui ayant quitté le parti de ce Prince, pour fuivre celui du Zamorin, avoir quitté de nouveau celui ci, pour faire fa paix avec le Roi de Cochin, qu'il trahidoit en- core. Le Prince de Cochin^qui devoit comman- der ce corps étoit abfent , & ne fçavoit rien du combat. Le Général lui en avoit fait donner avis parun Brachmane , mais le perfide Brach- mane ne l'avertit , que lorfqu'il^ jugea que l'aélion devoit être décidée. Juiart qui s'apper- çûtde ladefertion de ces Naïres, cria à Pache- co pour la lui faire remarquer, mais le bruit de l'artillerie &les cris des combattans étoient fi grands , que le Général ne put l'entendre.

Le reft e des troupes avoit joint le gros de l'armée, tout f ailoit effort en même tems. Le Zai- morin expolant fa perionne comme un (imxplê foldat, animoit les fiens du gefte & de la voix. Pacheco 1 ayant dill: ingué à les marques Roya- les, lui fit tirer un coup de fauconneau qui tua

Aa ij

I88 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de deux Naïres auprès de lui. Le Zamorin ne fît que

J-^- s'écarter un peu fans cefTer d'exhorter Naubea-

darin &le Caïniale de Repelui , de hâter leurs

HviL^Koit' troupes pour prévenir le retour du flot. Ceux ci les poufToient à grands coups de plat d'épée. El- les entrèrent en effet bien avant dans le gué , mais quand elles curent trouvé les pointes des pieux aigus , alors déchirées d'une part par ces pointes douloureufes , incommodées de l'autre par le £eu des bateaux , ce ne fut plus qu'une confufion de cris & de gemiiTements de gens , qui fe culbutoient les uns fur les autres , qui voulant rebroufTer le chemin , & ne le pouvant paSj s'embarrafïoient d'avantage dans ces va- les , ou plufieurs reftoient étouffés.

Tout reiifïifToit jufques-là aux Portugais ; Mais la palifTadeoui étoit fans défenfe, ayant été coupée, il s'ouvrit un nouveau pafTage , auquel le Général ne s'étoit pas attendu : & dans l'inftant il fut prefque environné. Déjà l'enne- mi faififToit les rames du bateau , & il ne pou- voit plus manœuvrer. Il s'apperçût alors du danger , fe crut perdu , & appella Dieu à fon fecours de tout fon cœur. Le flot fembla re- venir exprés en ce moment pour exaucer fa prière. Ce fut en effet le moment décifif. A mefure que le flot augmenta les Portugais trou- vèrent plus de facilité , les ennemis au contrai- re fe virent obligés de céder juiques à ce que le pafTage étant devenu impoiliblcj leZamo-

DANSLEN0UVEAuMONDE.LlV.nl. Ï89

rin fut forcé de faire fonncr la retraite, & de Anx. de ramener (es troupes dans Ion camp, ayant per- ^'^' du plus de monde en cette occafion, que dans ^°'^' aucune des pre'cëdentes. Il courut même un nueI koi.*'"' nouveau péril de la vie dans ia retraite. Car comme il cotoyoit le rivage , Diego Raphaël, qui commandoit une des Caravelles au pas de Palurt l'ayant reconnu, le pointa , & ayant fait mettre le feu à un canon tua trois des princi- paux Seigneurs de ia Cour fi près de lui , qu'il fut tout couvert de leur fang, contraint de def- cendre de fon Palanquin & de fe fauver à pied. L'indignation croifïoit dans le cœur de ce Prince avec fes malheurs. Irrité du peu de refpedt qu'on avoir eu pour (a perfonne en faifant tirer fur lui , & affligt de la perte de tant de batailles , on l'accufe d'avoir eu recours à la trahilon de à lartifice, voyant que la force ouverte avoic été jufques-là fi inutile. Car on prétend que fuivant les confeils pernicieux du Caïmale de Repelin, il mit des aflaflins en campagne pour ôter la vie au Général Portugais, qu'il en em- ploya d'autres pour empoifonner les eaux des puits & des fontaines , & qu'il avoit formé le plan d une autre confpiration , pour faire met- tre le feu au VaifTcau & à la Ville de Cochin. Le Général qui n ignoroit rien de ces projets vrais ou prétendus & ébruités peut être pour l'intimider , fît femblant de les méprifer, &ne laifTa pas de prendre fecrettement des mefures

A a iij

190 ÇONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de pour les prévenir. Voulant cnfuice rendre le ^- ^* change à l'ennemi & l'intimider, il fie courir le Don Emma- bruic d'un Certain plan qu'il avoit formé, ôc nuelRoi. (\'\ii\ ouvrage qu'il avoir à faire, dont les luc- cés infaillible devoit être la prife de la perfon- ne du Zamorin. Cependant tout l'ouvrage fe reduifoit à fortifier le pafTage du gué , il fit creuler des foffez profonds,& à faire une re- doute fur laquelle il fit dreffer une eipece de po- tence, dont on le fert dans les Indes pourlefup- plice du bas peuple. Interrogé par les Naïres de Cochin quel devoit en être l'ulage , il répondit froidement que c'étoit pour y faire pendre le Zantorin. Cette réponfe les étourdit fi fort , que pas un n'ola lui répliquer. Mais le Zamo- rin en fut fi épouvanté , que ftir le champ il envoya deux perlonnes pour traiter de la paix, fans en avoir communiqué avec qui que ce fût, qu avec le feul Prince Naubeadarin fon neveu , qui la fouhaitoit avec ardeur. Le Gé- néral ne la fouhaitoit pas moins, mais les Dé- putez fecrets ne produiiant point leurs pleins pouvoirs, &agiffant fimplementen leurs pro- pre & privé nom , le Général afiPeéla de s'en foucier peu, ôc dit que fi le Zamorin la luide- mandoit , il penleroit à ce qu il auroit à lui ré- pondre.

Cette fierté concertée & ce mépr.'s appa- rent, foutenu d'ailleurs par le luccès des cour- fes continuelles , ôc toiijours imprévues du Gé^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 191

néral ,achevcrenc de défoler le Zamorin , Se A:-} n. c'.cr augmentèrent les terreurs. Ne comptant donc ••■ '^' plus lur la paix , il fe refolut de- tenter encore ,. ' le hazard de la guerre avec d autant plus de nuiiKoi. facilite', qu'il fe laiiTa perfuader trop facile- ment fur la re'iifîite de Quelques machines , dont un Ingénieur Arabe avoir invente le defl fein^ôc avec lefquelles ilcomptoit de brûler les VaifTeaux des Portucrais. Ces machines con^ filfoient en huit tours ou donjons dont chacun e'toit élevé' fur deux Paraos joints enfemble , & pouvoir contenir dix arquebufiers , qui fe trouvant plus exhauiïés que les VaifTeaux pour- roient dominer lur le pont & les combattre avec avantagé. Pacheco , qui eut le plan de cc:s machines fe dilpofa à les bien recevoir. Pour cet effet il accoifa Ces deux Caravelles l'une de l'autre la poupe fur le rivage portant fur des fo- livauXj afin que les Paraos ennemis ne puffent les invertir dans l'action. Il fît à chacune un château de proiie au-deffus de l'éperon avec des demi mâts , qui pouvoient contenir cha- cun fix hommes. £t afin d'écarter les machi- nes des ennemis, il fît jetter fur le devant à une diftance raifonnable un ponton compofé de quatre-vingt mats de huit braffcs en quar- , bien affermi fur fix grofles anc[iresavec des chaînes de fer.

Le jour de l'Afcenfion ayant été choifi pour cette grande aiftion 3 les deux armées de terre

191 CoNQUiESTEs DES Portugais

A N N. de &c de mer , fe mirent en mouvement des la

J- ^- pointe du jour. La première devoit tenter le

^^°'^ eue de Palip;nard , tandis que la féconde atta-

niîelKoi. queroit les Caravelles au pas de Palurt , ou devoit fe faire le plus grand effort. L ordon- nance de celle-ci éttoit telle .D'abord paroif foit un grand nombre de bûchers e'iévés fur des radeaux , & remplis de toutes fortes de matières combuftibles qui étant allumées dé- voient être lâchées contre les Navires le fil de l'eau devoit naturellement les porter. La Flotte fuivoit eniuiterangée fur trois lignes ,1a première étoit de vingt Paraos , partie dé- tachés , partie enchaînés. La féconde de cent catures éc de quatre-vingt Tones. Après celles- venoient les huit machines , dont on efpe- roit de fi prodigieux effets. Mais toutes ces ef- perances de 1 ennemi s'en allèrent en fumée. Leurs projets ne fervirent qu'à leur caufer une nouvelle perte , & à les couvrir d'une plus gran, de confufion.

Les bûchers enflammés abandonnés au Jufant & détournés par le ponton des Portugais, qui faifoit une efpece d'éperon ou de jettée , fe con- fumerent inutilement. Bien loin de répondre à l'attente des ennemis , leur Flotte qui n ofoit avancer à caufe de ces bûchers embrafés , re- fla expofée pendant tout le tems que dura cet incendie au grand feu de lartillerie de Portu- gais plus forte de mieux fervie que celle des

Indiens.

DAITS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IIL 193

Indiens , de manière qu'elle ne portoit pas un A n n. de coup à faux , & que le fleuve étoit couvert de ]\^; morts & de mourants , & du débris des bati-

, , , . ^ r 1 1 Don Emma.

ments , dont les uns couloient a rond , les au- nu£lRoi, très trop incommodés cherchoient à s'écar- ter , & ne faifoient qu'augmenter la confudon 6c le déf ordre.

Pour ce qui eftdes machines , lourdes , pé- fantes & difficiles à manier à caule des deux gouvernails qu'on avoir mis à chacune , & donc l'un empêchoit l'effet de l'autre , il n'y en eut que deux qui puilent approcher aiïez près pour avoir quelques iuccés. Le combat recommen- ça alors avec une plus grande fureur , & dura quelque tems tenant la fortune en balance & la victoire incertaine. Mais le Général ayant fait tirer quelques coups d'une de ces coaleu- vrines qu'on nommoit Chameaux , les deux ma- chines mifes en pièces croulèrent dans l'eau, avec un horrible fracas , & la perte de tous ceux qui y étoient.

Le Zamorin n étoit pas plus heureux au paf. fage du Gué de Palignard. Smion dAndrade & Chridophie Jufard , qui commandoient les bateaux , Laurent Moreno qui avoit fous lui quelques Paraos Indiens & le Prince de Co- chin,qui veilloit avec fes Naïres à la garde de l'clfacade , fe défendirent avec une extrême valeur jjufques à ce que le flot revenu , déci- da encore du fort de cette journée , la plus

Tome f. Bb

194 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N.de funefte de toutes pour le Zamorin, qui ne fa-

J- ^- chant à qui s'en prendre de tant difgraces , ou à

la lâcheté de fes Ge'néraux & de ics troupes , ou

Don Emma- v,. ^ trr-i.- •!■

MUEiRoi. a 1 impolture de les Devins qui iavoienttanc de fois trompé , après avoir balancé quelque rems ne fuivit plus que fon dégoût, & leva le camp le jour de lafaint Jean,pour fe retirer à Calicut. On compte qu'il perdit dans cette guerre , qui dura près de cinq mois, dix-huit à vingt mille hommes , partie par la pefte , & partie par le fort des armes. On n'eftime point la perte de 1 artillerie des Vaifleaux , ôc des au- tres apprêts de cette guerre.

Les chagrins fuivirent en foule le Zamorin jufquesà Calicut. La vue de cette Ville défo- lée, les plaintes de fes habitans ruinés, la de- fertit>n & l'abandon des Rois alliés ouvafTaux du Roi de Cochin , qui tous jufques au Caï- male de Repelin étoient r'entrés en grâce avec lui , la profperitéde ce Prince triomphant, qui avoit attiré chez lui tout le commerce, & gou- toit avec plaifir la douce fatisfacfïion de l'avoir humilié, la confiance du Général Portugais j qui enflé de les viâ:oires profitoit de la con- iternation générale , &c fe montroit partout en maître , tout cela lui revenant lans cède dans l'efprit , y fit de (i fortes impreiîions, & le jet- ta dans une fi profonde mélancolie qu'aban- donnant les rênes de l'Etat , il renonça fon fceptre pourfe retirer dans unTurcol ^ efpece

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. ïgj

d'Hermitage pour y pafTer le refte de (es jours a n n. de dans l'exercice de la pénitence , & au fervice J- c. de (es Dieux. ^^f"^'

,, ,, Z' ' I r Don Emma»

La nouvelle dune retraite li éclatante rut NutiRoi. bientôt porte'e dans toute l'Inde , & acheva de de'ranger Tes affaires. Mais cette retraite ne fut pas longue. La mère de ce Prince fem- me d'un grand courage èc d'une bonne tête le picqua fi vivement lur la lâcheté d'une dé- votion, qui avoit la honte d'un dépit & d'une fuite, & ranima fi fort fon reffentiment d'un nouveau defir de vengeance , qu'elle l'en reti- ra, & l'obligea de remonter fur le Trône- Mais il n'étoit plus tems de penfer à fe ven- ger. Lope Soarez d'Alvarenga, que le Roi de Portugal avoit envoyé cette même année fur les inltrucftions que l'Amirante lui avoit don- nées à fon retour , arriva fur ces entrefaites avec les treize Vaifleaux de fa Flotte , & quel- ques autres qu'il avoit joint chemin faifant. Les nouvelles que Soarez reçût à Mélinde,à Monba- ze, & à Cananor des prodiges qu avoit fait Pa- checo , lui-enflerent extrêmement le courage & le rendirent un peu trop fier & trop mépru fant. Le Zamorin, que lafrivée de ce nouveau Général avoit rendu plus docile, iouhaittoit la paix avec ardeur, & avoit ménagé lous main qu'on députât jufques à Cananor au-devant de lui, pour lui demander cette paix au nom des Portugais captifs àCalicut^ Se des Principaux

Bbij

196 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de négociants de cette Ville. Mais à peine Soarez

J-C. voulut-il les écouter. On lui renouvella les

mêmes inftances en lui envoyant toutes for-

xuiiRoi. tes de rarraicliillenients ,lorl<^uil parut a la barre de Calicut. Mais devenu plus altier par ces foumiflions , il ne voulut entendre à au- cune proportion qu'avant toutes chofes, on ne lui eût remis entre les mains les Portugais pri- fonniers & les deux Chrétiens transfuges. Le Zamorin conientoit volontiers à rendre les pre- miers, & avec cela il l'auroit fait maître de tou- tes les conditions du traité , mais il ne pouvoit fe déterminer à livrer deux hommes , que fon iionneur & fa probité même l'engageoient de défendre après les avoir pris fous fa protedlion, & en avoir tiré de grands fervices. L'un& l'au- tre s étant obftiné fur ce point, Soarez fit ca- noner la Ville pendant deux jours avec un fracas terrible, pîufieurs édifices en furent rui- nés, ôc plus de treize cens hommes y périrent. Cette adtion, il faut l'avouer, fut d'un bien mauvais exemple par le contracte fcandaleux, l'on voyoit d'une part un Général Chrétien, pour fatisf aire fa vanité «Se ia paflion, préférer les événements d'une gtierre douteule, aux avan- tages certains d'une paix toujours defirable, &facrifier la vie des fujets de fon Prince, qu'il laifToit expofés à toute la fureur de fon enne- mi , pour décharger (a vengeance fur deux |iommesfeulsp qui quoique coupables n'étant

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 197

1504.

Don EmmÀ" NUEL Roi,

pas nez fujets du Portugal avoicnt ézé les mai- a n n. de très de leurs adions , tandis que de l'autre côté ^- ^ un Prince idolâtre , lezé dans Tes propres Etats, facrifioit favie & ces mêmes Etats, pour garder la foi qu'il leur avoir donnée , & en ufoit avec tant de modération envers des ennemis, qui ayant été les premiers infraéleurs delà paix, qu'il avoir jurée avec eux, le traitoientfimal, que loin d'immoler à fon refTentiment ceux d'entre eux qu'il avoir entre fes mains , on peut dire qu'il leur lailToit même trop de liberté», puifqu'ils en abuioient , & fervirent d'efpions chez lui , pendant tout le tcms que dura la guerre.

Soarez alla à Cochin , le Roi , qui le reçut avec de jurandes démonltrations d amitié , lui prefenta Pacheco comme Ton libérateur. Le Général remercia ce Prince au nom du Roi fon maître de fa confiante affection pour les Portuguais , de fa generofité à perfifter dans leur alliance , lui offrit fes (ervices , & fe mit d'abord en état d effedl:ucr fes offres.

La Ville de Cranganor dont nous avons déjà parlé , {ituée dans le Malabar à quatre lieues de Cochin, & compoiée de plufieurs nations raffemblées^ôc de plufieurs Religions idolâtres, Mahometans , Juifs , & Chrétiens , faifoit avec (on territoire un petit Etat, qui le gouvernoit en manière de République fous la proted:ion du Zamorin , à qui elle payoit tribut pour fc

B b iij

£98 CoNQUESTES DES Portugais

A N N. de maintenir contre les Rois voifins , & foutenir

J- ^' fon commerce. Dans cette dernière guerre elle

avoir paru fort zélée pour les intérêts de ce

Don Emma- ta- iro- iai^ .,.

tivii Roi. Prmce j par la raction des Maures qui y etoient les plus puifïànts. Cochin en avoit beaucoup fouffert à caufe du voifinage. Et aduellement on avoit nouvelle que le Zamorin comptant fur le départ prochain de la Flotte Portugaife , y faifoit fes pre'paratifs de guerre , pour reve- i\ir fur riile de Cochin, il efperoit entrer par un autre paflage., qu on appelloit le Pas de Paliport : que le Prince Naubeadarin y alTem- bloit une armée nombreufe de terre , & qu'un Maure nommé Maïmane habile homme de mer, faifoit travailler en diligence à une Flotte & avoit. déjà quatre-vingt Paraos de cinq gros Vaiffeaux.

Il fut refolu de les prévenir & de le faire avec toute la diligence & le fecret polïible. Le fecret fut bien gardé. Soarez ayant fait ar- mer quinze bateaux , vingt cinq Paraos & une Caravelle , partit à 1 entrée de la nuit , avec mille Portugais ôc mille Naïres , qui dévoient fe joindre à huit cens autres , à qui le Prince de Cochin avoit fait prendre les devants , pour occuper le Pas de Paliport. Malgré le fecret & la diligence , les ennemis eurent le tems de fe mettre en défenfe. Maïmane fe préfenta d'a- bord avec deux de fes gros Vaiffeaux enchaî- nés l'un à l'autre, bien fournis d'artillerie, &

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 199

qui couvroient toute la Flotte. Cinq bateaux a k n. de qui faiioient Tavant-garde des Portugais ,atta- •''• ^- - quercnt avec beaucoup de refolution , on com- ^°'^'

I . 1 Al, Don L"MMir«

battit longtems avec une extrême valeur de nueiRoi. part&: d'autre. Maïmane & les deux fils fe dé- fendirent en defelperez , & fe firent tuer en braves gens. Ces deux VaifTeaux pris le relie de la Flotte fut bien-tôt difïipé. Le Gëne'ral fit alors le fignal ;, pour faire la defcente. Nau- beadarin s'y oppofa avec fes troupes. Le com- bat fut âpre & fanglant. Mais enfin oblige' de ce'der , & entraîné par les fiens dans leur fuite , Naubeadarin rentra dans Cranganor par une porte pour en fortir par l'autre. Les Portugais le fuivirent dans la Ville , ils mirent tout à feu & l^ng. Le Général avoit ordonné de (au- ver les Eglifes de les maifons des Chrétiens , qui étoient venus reclamer fa protection , mais comme les maifons fontprefque toutes de bois dans les Indes, de couvertes de cannes, ou de grands feuillages , on ne put empêcher que beaucoup de leurs maifons ne fuifent brûlées comme les autres.

Dans ce même tems le Zamorin reçût deux nouveaux échecs du côté d'où il les attendoic le moins. En voici l'occafion. Le Roi de Tanor brave de fa perfonne & aflez puilTant en terres , avoit été dépouillé peuà peu par leZamorin,qui ne lui avoit laifle que Panane &z Tanor. Il avoit fouifert cela avec patience , ainfi que font or-

ioo CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de dinairement les petits Princes , qui font forcés

j. c. ^Q céder à une puiflance majeure. Pendant tout

le tems de la dernier^ p;ucrre , il avoir {ervi le

Don Emma- _, . i i i i r

NUEi Roi. Zamorin,avec tout le zèle imaginaDle,eiperant que fes iervices lui defiUeroient les yeux , & le porteroient à lui rendre plus de juftice. Mais bien loin que le Zamorin daignât faire ces at- tentions , il penfoit encore à envahir le refte de fes places pour la commodité qu'il en reti- reroit dans le defTein il étoit de continuer la guerre contre le Roi de Cochin. Le Roi de Tanor en fut outré ,& refolut de lever le maf- que j il envoya fes AmbaiTadeurs au Général Portugais, pour rechercher f on alliance, & lui demander du fecours. Mais avant que ce fe- cours fût arrivé , il porta deux coups mortels ôc décififs au Zamorin avec une extrême cé- lérité. Car ayant appris que ce Prince s'avan- çoit avec dix mille hommes, pour aller join- dre les troupes qu'il avoir à Cranganor,il alla l'attendre dans un défilé , le battit à plate cou,- ture &c lui tua deux mille hommes. De re- venant fur Naubeadarin, dont on lui annonça en même tems la défaite , il tomba fur lui (i fort à l'improvifte , qu il acheva de le détruire , & de dilîiper les miierables relies de fon armée fu- gitive- La guerre avoit peu troublé le commerce des Portugais, Pacheco étoit un homme qui pour- voyoit à tout, &avpit mis les chofes fur ce pied^,

que

DANS LE NOUVEÀuMONDE.LiV. III. ICI

que perfonne ne pouvoir charger , que les ma- a n n. de gafins du Roi de Portugal ne fuflent pleins. J-C S'il trouvoic quelqu'un qui chargeât en fraude ^^°^'

I I rr o 1 j ' ••n DoK Emh\-

il le confilquoit, & le depouilloit avec une nhelRoi. extrême rigueur , deforte qu à l'arrive'e de Soa- rez dans les Indes lacargaifon fe trouva prête & extrêmement riche . Ce Gëne'ral n'ayant donc plus rien à faire , prit congé' du Roi de Co- chin, à qui il lailloit Manuel Telles Baretto avec quatre VaifTeaux , pour la garde de Tes places, & pour croifer dans la mer des Indes. Ce Prince eût bien fouhaité retenir Edouard Pacheco , mais le Général ne voulut jamais y confentir , & Pacheco fut contraint de partir.

Soarez avoit un grand coup à faire avant que de prendre le large pour retourner en Eu- rope. Il étoit inftruit qu'il y avoit à Pandarane dix fept gros bâtiments des Maures richement chargés^ & qui n'attendoient que le vent pour faire voile vers la mer Rouge. Réfolu de les brûler, &: ne voulant pas manquer fon coup , il n'en dit mot même au Roi de Cochin. Il fît femblant de n'avoir d'autre vûë que d'aller à Cananor , & fe mit en mer avec toute fa Flot- te 5 fe faifant accompagner de celle qu'il laiffoic dans les Indes.

Dès qu'il fut par le travers de Pandarane ,' vingt Paraos ennemis bien armés, qui étoientà la découverte, ayantapperçû les Caravelles qui avoient gagné les devants^ &: qui avançoienr

Tome I. Ce

XOZ CONQUESTES DES PORTUGAIS

yv N N. de peu à caufe que le vent e'toic mou , les aïïail- J-^- . îirencavec beaucoup de de'ccrmination. Mais la ^ Flotte qui fuivoit étant furvenue peu après, ils

Don Emma- re^aenerent la terre bien vite. Les dix lepc Vaiileaux Sarraznis etoient dans une elpece de bafliii j tous liés les uns aux autres , la poupe fur le rivage , la proiie herilTée de canons avec quatre mille hommes pour les défendre. Le baflin étoit à couvert d'un recif, fur la pointe duquel il y avoit une redoute , & une bon- ne batterie. Les VaifTeaux Portugais ne pou- vant approcher près de terre caufe qu'ils étoient chargés , le Généial fe jetta avec l'élite de fon monde dans les chaloupes qui étoient au nombre de quinze, ôc ayant «oblervé que rien n'empêchoit les Caravelles d'entrer , il les fit remorquer.Toute la difficulté fut dans le paf fage du recif Sa batterie & celle des Vdifïeaux faifoit un fi furieux effet, que pour peu que cela eût duré, les Portugais enlortoient à leur honte. Animés cependant par la grandeur du péril mê- me, les Capitaines des chaloupes allèrent s'atta- cher chacun à un des Vaiffeaux ennemis , com- me s'ils l'avoient concerté enfemble. Trillan de Silva fut le premier qui alla à l'abordage , ôc monta fur le Vaiifeau qu'il accrocha. Cet exem- ple ayant été fuivi de tous les autres , parmi îefquels Pacheco fe fignala , comme il l'avoit fait par tout ailleurs , on combattit alors maia à main ;, ôc pied à pied. Mais les Maures n étanc.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 105

pas faits à foutenir de (i près les efforts de tels A n n. de adverlaires 5 fe battirent en retraite le mieux ^'^' qu'ils purent , & abandonnèrent leurs Vaif- leaux, quirurentla proye des liâmes, & con- nuelRoi, fomme's avec toutes leurs richefles , par ordre du Géne'ral,qui tout fier de cette belle vidoi- re , prit la route de Portugal , il arriva le z 1. Juillet 1505. n'ayant mis que quatorze mois depuis Ton de'part de Lilbonne jufques à Ton retour.

Comme il e'toit fils du grand Chancelier du Royaume, il fut reçu avec grande diftinc- tion: & il lame'ritoit. Mais quelque gloire qu'il eût acquife, & quelques honneurs qu'on lui rendît , ce n' e'toit rien en comparaifon de l'ad- miration qu'on avoit pour Pacheco. Tous les yeux e'toient ouverts fur lui , comme ceux des filles d'ifraël fur David _, après la de'faite de Goliath. On ne pouvoit fe laffer de voir , d'entendre , de parler, & de fe faire raconter les faits prodigieux de cet homme , qui étoit lui-même un prodige. Le Roi qui en fut des plus éblouis , en fit faire des relations exacHres. qu'il envoya au Pape,& à toutes les Puifîan- ces de l'Europe. Il le conduifit enfuite en pro- ceflion à l'Eglife Cathédrale, il fit rendre des adiions de grâces folemnelles à Dieu , &c faire fon éloge par l'Evêque de Vifeu , le cé- lèbre Do6teur Ortiz. La même chofe fut faite par ordre de ce Prince dans toutes les Egliles du Royaume C c ij

^u£I,

io4 Conquestes DES Portugais

f^ N N. de II y avoic en tout cela bien plus d'ollentation j.c. ^ Je fafte, que de folidicé pour le pauvre Pa- ^^°^' checo. Son definte'refTement lui avoic fait refu- ON ^MA- ç^^ ^^^^ obftination tous les préfents du Roi de Cochin. Il s'e'toit contenté d'une patente ho- norable 5 qui faifoit l'éloge de Tes exploits, &: d un Ecuflon qui ajouté à celui de fes ancêtres relevoit leur gloire par la fienne. Il n avoic travaillé qu'à la réputation , & non point à fes affaires, en travaillant à celles du Roi Ton maî- tre. Il n'en étoit que plus digne de fes récom- penfes. Avec cela on le laiffa languir long-tems ianspenfer à lui. Ce fut comme parhazard que quelques Seigneurs ayant parlé en f^ faveur, on lui donna plufieurs années après, le Gou- vernement de faint George de la Mine. L'en- vie toujours acharnée à perfecuter les grands hommes, ne l'y laiffa pas long-tems tranquille. Pacheco vif d'ailleurs,d'un tempérament boiiil- lant , peu propre à faire fa cour , & à ménager ceux qui font les organes des Rois , & les inter- prètes de leurs volontés , fut la vid:ime de fon humeur brufque. Accusé de malverfationil fuc ramené en Portugal chargé de chaînes. On le laiffa enfuite gémir long-tems dans une obfcu- re prifon , fous le poids des mêmes fers. Enfin fon innocence étant reconnue, il fut élargi, mais il refta toujours dans la mifere , mifere qui alloit jufques à la mendicité. Bel exem- ple du fond qu'il y a à faire fur les fervices

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. m. lo^

qu'on rend aux hommes , & de la reconnoiiïan- An n. de ce qu'on en doit attendre , fi on n'a pas l'efprit ]' ^' de le conduire, _ ^

TT 1' ' T r J t Don Emma-

Un mois avant 1 arrivée cie Soarez dans le nuel roi. Tage , Don Emmanuel avoit fait mettre en donfran- mer une puifTante Flotte de treize VaifTeaux MiroA^fte. & defix Caravelles, fous la conduite de Don l^.urï'vï François d'Alméïda Comte d'Abrantes. Alme'ï- j"'*^"^"" da devoit refider dans les Indes, d'abord en qualité' de Gouverneur & de Capitaine ge'né- rai. Il devoit prendre enfuite le titre de Vi- ceroi , mais il ne devoit le prendre qu'après avoit bâti. quelques ForterefTes dans des lieux defigne's par la Cour. Le Roi avoit donne' cec ordre exprès, afin de l'obliger à apporter toute la di ligence pofTible à la conllrutftion des places. Comme il devoit reprëfenter la perfonnc du Roi Ton maître. Don Manuel, qui vouloir qu'il figurât d'une manière convenable, lui avoit aiïi- gne' de gros appointements , cent hommes pour Ta garde , une Chapelle enfretenue avec les Chapelains ôc Tes Muficiens , ôc avoit ajouté d'autres accompagnements propres à relever fa. dignité.

11 partit de Lifbonne le 30. Juin, ôc arrivai aux Iflcs d'Anchedive le 13. Septembre de la; même année. Il y trouva en même tems un ex- près dépêché par Gilles Barbofa , fadleur de Cananor, pour donner avis aux premiers Vaif- feaux venant de Portugal ,. que les magafins

Ç c 11;

ÇlROi.

Z06 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de écoient pleins pour le retour , & de veiller peu-

J- ^* danc le mois de Septembre (ur cette côte, parce

qu'on avoir nouvelle que trois VaifTeaux ve-

DoN Emma- ^ \ i x r i i

nuelRoi. nant delà Meque, dévoient amener quelques donfran- fecours à Calicut pour le fervice du Zamorin. MïYDA vi- Alméïda pour réponfe expe'dia fur le champ 1 exprès & une de (es Caravelles , pour aller dans les différents Comptoirs de llnde y ap- porter la nouvelle de fon arrivée. Il fît partir deux autres Caravelles , pour croifer fur la Cô- te, «Se commença lui-même à jetter les fonde- ments d'une Citadelle , à laquelle on travailla avec beaucoup de chaleur , aufTi-bien qu'à deux Galères ;, ôc à deux autres bâtiments légers de- ftmés à faire la courfe, & dont les bois avoienc e'té apporte's de Portugal tous prêts à être mis en oeuvre.

Les Portugais avoient pris dês-lors une telle fuperiorité dans l'Indoftan, que par tout ils fe prefentoient ils y donnoient la loi. Les pre- mières conditions des traite's qu'ils faifoient avec les Princes , qui vouloient entrer dans leur alliance, étoicnt de reconnoitre tribu- taires du Roi de Portugal , de fouffrir que les Portugais bâtiffent des magazins , même une Citadelle dans le fein de leurs Villes capi- tales, ou bien ou bon leur fembleroit. Quant au comn>erce ils fîxoient le prix des denrées à leur gré , contraignoient les Indiens à en rem- plir d'abord leurs magafms, avant que de pou»

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. Z07

de

CÎROV

voit les vendre à d'autres. Aucun e'cranj^er ne Ann. pouvoit faire fa cargaiion qu'ils n'euflenc fait ^''^' la leur, & foit étrangers , foit naturels du pays, ^°^*

,, ' .^ ' r / ^ Don Emma-:

perionne ne pouvoit naviger dans ces mers en nielroi. ' fureté, fans être fuiet à leur vifite , 6c (ans pren- °°^ l^*'^' are la patente ou palieport des douverneurs ou ^hyda vi- des faôleurs e'tablis par le Ge'ne'ral. Cette fu- periorite' ne pouvoit être que très odieuie , mais la crainte obligeoit les uns à fe foûmettre, &c d'autres fi foumettoient volontiers , pour des intérêts particuliers oc perfonnels,

L e'tabliffement que fît Alméïda dans l'Ifle d'Anchedive , devoit naturellement donner de la jaloufie aux Princes voifins. Celui d'Onor^ qui n'en eft e'ioigne' que de dix lieues, fut des plus allarme's. Le Ge'néral Portugais &c luife re- cherchèrent mutuellement, & il fe fit dabord entre eux une efpece de traite', le Roi d'O- nor ne parut que par la médiation de fesmi- niftres.

Pour entendre les intérêts de celui-ci , il faut fcavoir, qu autrefois les ports d'Onor, deBati- cala , Ôc quelques autres de cette Côte , qui re- levoient du Roi de Bifnaga ou de Narfingue , étoient les plusflorifTants des Indes pari abord continuel dés Maures, qui y vcnoient charger leurs épiceries Ils les échangoient avec des chevaux de Perfe & d'Arabie , que le Roi de Narfingue achetoit fort cher , à caufe du fervi- ce qu'il en retiroic dans la guerre qu'il faifoic

i08 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de au Roi de Decan. Mais quelque foin qu'il prit JC- pour faire lui feul ce commerce de chevaux, les Maures e'talDlis dans fes états étoient les pre- N^EL^Ro*" iTiiers à le trahir par la contrebande qu'ils fai- DoNfRAN- foientde ces mêmes chevaux qu'ils vendoient M^YDA y ^ l'ennemi , qui les payoit beaucoup plus cher cLRoi. ôc au double. Le Roi de Narfingue ayant tout tenté inutilement pour empêcher cette con- trebande, réfolut de prendre une vengeance éclatante de ces perfides, & de les exterminer. Ilfc fit dont en l'an deNotre-Scigneur 1469. &: de 1 Egire 917. une de ces fanglantes exécu- tions , dont on a vu en difïerens tems plufieurs femblables exemples contre les Juifs en divers états de l'Europe. Plus de dix mille Maures ou Sarrazins périrent dans celle-ci ; les autres qui purent s'échapper , & dont on favorifa 1 éva- fion , allèrent s'établir à Goa , ôc dans fon voi- finage.

La vengeance du Roi de Narfingue lui fut plus dommageable , que ne Tavoit été la con- trebande. Car les Maures étrangers irrités de la barbare inhumanité , dont ce Prince avoic ufé envers ceux de fes fujets qui étoient de leur Religion, fe vengèrent à leur tour en abandon- nant (es ports, & portant les richéflTes de leur commerce dans ceux de fes voifins & de fes ennemis. Le Roi d Onor que cette perte tou- choit plus immédiatement, ne devoit pas voir d'un bon œil le Zabaïe , ou Prince de Goa , pro- fiter

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. III. 109

fîter de Tes dépouilles. La profperité de ce ""T T

1 r r ^ jjri 11- Ann. de

rival rut une iemence de dilcorde ôc de haine, j. c. qui furent fuiviesd'une guerre continuelle entre ^ )°5- les deux Rois. Il paroît que celle qu'ils fe firent don fmma. par terre fut plus avantageufe au Sabaïe , qui ^^'^'•^°'- bâtit une place forte allez près de la Ville d O- ^o°is dVl-' nor.dont cette Ville recevoit une erande fu- ""daVi.

o CEROl.

jettion. Par mer au contraire le Roi d'Onor plus heureux vint à bout de troubler le com- merce de Goa,&: de rappeller peu à peu les Sarrazins dans fes ports. Il avoit pour cela une Flotte toujours bien entretenue , & comman- de'e par un des principaux Seigneurs de fa Cour nomme' Timojaj homme de main & de tête ^ qui s'étoit acquis une grande réputation en fer- yant très-bien fon Prince.

Lorfque Vafquësde Gama arriva la première fois à Anchedive , le Roi d'Onor parut n'avoir d'autre de{rein,que de le faire pe'rir. Timoja . avoit dreiïë pour cet effet des machines enjoi- gnant deux Paraos enfemble , afin de le brûler, mais le canon des Portugais les difiipa bien- tôt. Le Sabaïe s'y prit plus induftrieufement , car il envoya un Juif Polonois, qui avoit dans fes inftruciions d'obliger le Géne'ral Portu- gais, de fe mettre à la lolde du Sabaïe , afin de fervir contre fon ennemi , ou de l'engager dans quelque piège pour Le faire périr. Mais Gama averti par les Infulaires mêmed'Anche- dive de fe défier de cet homme, tira de lui

Tome /. D d

C£KOI.

iio CoNQUESTEs DES Portugais

Ann. de tout fon Tecret par la crainte des tourmens,Ie j. C. i-nena en Portugal , il fe convertit , prit le '^° nom de Gafpar au Baptême ', ôc rendit de-

DonEmma- . 1 1 1 1 1 1 r T>

NUEL Roi. puis dans les Indes de grands lervices aux Por-

donFran- tugais.

MEYDA^Yi- L^s belles adions que Pacheco avoit faites dans la guerre du Zamorin , avoient inlpiré à Timoja une grande eftime, pour ceux de cette nation. Il relolut de le les attacher à quelque prix que ce pût être. Il s'y employa avec cha- leur à l'arrivée d'Alméïda. Il voulut même en- gager adroitement ce Général , quin'étoit pas au fait des divers intérêts du pays , à commet- tre quelque hoftilité contre la place , que le Sa- baïe avoit fait bâtir à Cintacora , & dont la Vil- le d'Onor recevoir de grandes incommodités. Mais le Gouverneur de Cintacora déconcerta les projets de Timoja par fa prudence , car il vint au-devant d'Alméïda, lui porta des ra- fraîchifTements , fît alliance avec lui , ôc dé- tourna forage dont il étoit menacé.

Ce coup ayant manqué, un nouvel incident dérangea encore d'avantage la politique du Roi d'Onor &c de Ion minillre Les Portugais qui croifoient fur la Côte forcèrent un bâtiment Sarrazin à s'échouer , ôc le rendirent maîtres de la cargaifon , dans laquelle il y avoit douze chevaux de Perfe. Le gros tems les ayant em- pêchés de les embarquer, ils furent contraints de les laifTer en dépôt dans les mains des pre-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. m

niiers venus, leur difant, que puifqu'ils e'toient XlT^Tàc amis & allie's, ils dévoient leur rendre le fer- J. C. vice de les leur garder, jufques à ce que le '505- tems leur permit de venir les reprendre. Etant ^°^''^^"j*' venus pour les repeter, les chevaux ne fe trou- donfran- verent plus. On leur dit que le Roi d'Onor ^^hyda^ vV s'en e'toit rendu le maître. Les Portugais font '^'^^o'- grand bruit. Le Roi d'Onor & Timoja e'toient abfens. Les Maures du pays & le Gouverneur d'Onor promettent fatisfadlion , ôc que le Roi payera les chevaux. Mais comme les délais fi- rent naître des foupçons au Ge'ne'ral , il crut qu'on vouloit le jouer, ôc eut d'abord recours aux voyes de fait,brûla lesVaifl'eaux qui e'toient dans le port , ôc mit aufli le feu à la Ville , dont une partie fut confume'e.

Soit que le Roi d'Onor fe fut attire' ce mal- lieur,{oit que fa lenteur l'eiit mis hors d'e'tat de le parer, il fe crut obligé de diflimuler pour préve- nir des fuites encore plus fàcheufes. C'eft pour- quoi il envoya en toute diligence Timoja,qui ménageant avec délicateffe l'efpritdu Général, cxcufa le mieux qu'il put , les excès l'on étoit tombé de part & d autre par un mal-en- tendu : le pria de fe contenter du mal qu'il avoir déjà fait ; promit une ample iatisfadion pour la perte des chevaux , quoiqu'il prétendît que le Roi n'en avoit aucune nouvelle : exa- géra l'envie que ce Prince avoit de bien vivre avec la Couronne de Portugal , dont il vouloit

D d ij

ZIZ CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de fe rendre tributaire , fe montrant prêta acce-

i<o<. P'-^'' toutes les conditions de paix qu'on vou-

^ _ droit lui preTenter. Le Ge'ne'ral , qui étoit pred

Don Emma- r. , ,., . ' 1 , ^

NUEL Roi. le de partir , répondit qu il n avoit pas le tems donFran- de s'arrêter pour régler les conditions du trai-

çois d'Al-

MEYDA Yi- ; mais il promit qu'en peu de jours il enver- roit Ion hls pour cet eitet . Qu en attendant il prenoit le Roi d'Onor fous la protection du Roi Ton maître , & lui laiflbit une bannière de la Couronne , que tous les Portugais ref- pederoient des qu'ils la verroient. Il ren- voya ainfi Timoja fort content de fa négocia- tion.

La ForterefTe d'Ancliedive étant élevée à une telle hauteur qu'elle étoit déformais hors d'inlulte jDon François, félonies ordres qu'il en avoit reçus du Roi de Portugal , y laifTa pour Gouverneur Manuel Pazzagna j avec une bonne garnifon, & fe rendit à Cananor, il prit la qualité de Viceroi au moment qu'il y arriva.

Le nouveau Viceroi n'oublia riren de ce qui pouvoit donner du relief à fa dignité. Il parut en public avec toute la pompe qu'il put ima- giner. Il affedla lur-tout plus d'éclat dans l'en- trevue qu'il eût avec le Roi de Cananor. Il traita avec ce Prince prefque comme de fupe- rieur à inférieur , renouvella avec lui les pre- mières alliances , en régla les conditions en maître 5 & obtint de lui comme une eipecede

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 213

CEROl.

grâce qu il lui faifoit , l'agrémenc de faire ba- A n n. de tir une Citadelle, qui fut élevée en très peu ^•^■. de tems , le Roi fournilTant les matériaux , & *'

tous les Portugais lans diftindionderangmet- nuelrou" tant la main à l'œuvre pour la finir en toute donFran- diligence. ^ Tvï'ri.

Mais ce qui fervit à relever davantage la fierté du Viceroi , c'efl qu'il fe vit recherché dans le même tems par le Roi de Narfingue ou de Bifnaga,dont nous avons déjà parlé. Ce Prince outre les grands états qu'il avoit dans la profondeur des terres, s'étendoit encore fur toute la Côte de Coromandel , au-delà du Cap de Comorin , &c en deçà il pofTedoit les terres du Canara qui joignent le Malabar d'un côté , »& le Royaume de Decan de l'autre. Il fe fai- foit appeller le Roi des Rois, & en comptoic en effet plufieurs pour fcs tributaires , ôc en particulier le Roi d'Onor. Son intérêt deman- dant qu'il s'attachât aux Portugais , il envoya un Ambaffadeur à Alméïda , dés qu'il apprit fon arrivée à Anchedive. Alméïda trouva l'Ambaflàdeur à Cananor , ôc lui donna audien- ce à bord de (es VaifTeaux», avec toute l'often- tation imaginable » L'Ambafladeur dit que »> Tertime que le Roi fon maître avoit conçu » de la nation Portugaife l'ayant engagé à lou- " haiter de fe lier avec elle, il conlentoit vo- »lonriers à toutes les conditions qui pourroienc » favorifer le commerce entre elle & (es fujets,.

Dd iij

A N N. de

114 CoNQUESTEs DES Portugais

»& que pour rafTûrer davantage de fa bonne vo- j.c. " loncé, il permettoic au Viceroi de bâtir des 150^. ForterefTes dans fes ports partout il vou- DoN Emma- droit, cxccpté dans celui de Baticala qu'il avoir déjà affermé à d'autres. Enfin que pourfer-

DON pRAN-

çoisdAl- ,1 rer davantage les nœuds de l'union qu'il vou- loit former entre le Roi de Portugal & lui.

CEROI.

» il offroit au Prince de Portugal en mariage fa M foeur qui étoit une très-belle PrincelTe. « Ces offres étoient accompagnées de trés-riches pré- fents. Le Viceroi répondit à cette AmbalTade noblement & avec dignité. Il régla pour le pre- fent les conditions qui convenoient à l'état de fes affaires , donna de belles paroles pour le re- fte , & r envoya l'Ambaffadeur très-fatisfait , chargé également de prefents magnifiques * pour le Roi (on maître, ôc pour lui-même.

Le Viceroi ayant laide Laurent de Brito pour Gouverneur de la Citadelle de Cananor, partit pour Cochin , il avoir hâte de fe ren- dre , & il avoir à faire une adion d'un grand éclat. Trimumpara cet ami fi fîdelle fi con- fiant &{i généreux des Portugais n'étoit plus fur le Trône. Sa dévotion l'avoit porté àendef- cendre pour{e confiner, félon un ufage aflez ordinaire des Rois Brachmanes dans une fo- litude , & y finir fes jours dans l'exercice des plus faintes pratiques de fa Religion. Mais en fe retirant il avoit voulu donner aux Portugais une preuve jnfigne defon affedion. Car- ayant

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV.III. ilj

à choifir parmi (es neveux un fuccefleur , il re- A n n. de jetta celui qui avoin témoigne' plus d'inclina- ^'^' tionpour leZamorin, & donna la préférence à Naubeadora qui en avoit marqué davanta- N-°Ei.Roit" ee pour la nation Portueaife, quoique l'autre donFran-

Q i 1 1 r 1 1 çois D Al-

lelon 1 uiage du Malabar , rut le plus proche meyda vî- heritier de la Couronne. Ce changement caula d'abord quelques embarras au Viceroi, mais toutes reflexions faites, rien n étoit plus favo- rable au coup qu'il méditoit. Car Naubeado- ra ne régnant pour ainfi parler que par la fa- veur des Portuîrais, ceux-ci (e fervirenc de la. conjondlure , pour lui impoler le joug , & le réduire fous la domination dePortusal.

Après avoir pris toutes fes mefures,& fait tous les préparatifs pour rendre la Fête des plus folemnelles , le Roi étant alTis au milieu de fa Court' & le Viceroi aflîs ésalement enuou- de fes Officiers & de les Gardes , Alméïda commença à parler. » Il releva d'abord les 1er- " vices importants que Trimumpara avoit ren- » dus à la Couronne de Portugal , ayant expo- « fes Etats & fa vie même , pour le falut des » Portugais fes alliés. Il ajouta eniuite que le » Roi fon maître y avoit été fi fendble que » voulant lui donner un témoignao-e écla- » tant de fa reconnoiiïànce , il lui avoit re- » commandé trois chofes qu'il alloit exécuter «à 1 égard du Prince régnant , puifque Tri- »' mumpara s'étoit mis hors d'état par la renon- «ciation^ d'en profiter.

ii6 CoNQUESTEs DES Portugais

C£ROI.

ANN.de «La première écoic de lui mettre en tête

j "^g" «une Couronne d'or, marque dilbncftive de

^ ^ » l'autorice' Royale , qu'il lui conferoit fous la

Don Emma- / > T. ^

nuelroi. 55 prored:ion du Portugal , 1 exemptant dès ce Don fran- » momcnt de toute iubordination au Zamorin, MEYDA vi- » ou qu . Ique autre Prmce que ce fut; : lui don- » nant la permiflion de battre monnoye d'or, " d'argent, & d'autre métal ,ainfi que le praci- >' quent les Rois : s engageant à défendre le » nouveau Roi ôc fes fuccefleurs , envers &c con- " tre tous. « Cela dit le Viceroi fe leva, prit la Couronne , la mit fur la tête du Prince , au bruit des fanfares & des trompettes, Técablic dans lonTrône,& l'inftala Roi.

» La féconde confiiloit à lui offrir une coupe » d or du poids de (ix cruiades , que le Roi » Don Emmanuel envoyoit à Trimumpara , «pour le confoler de la perte qu'il* avoic faite » de fes neveux , dans la guerre qu il avoit fou- » tenue en faveur des Portugais, ajoutant que " le Roi de Portugal en enverroit toutes les « années une femblable , comme un témoi.. " S^^S^ ^^ ^^ gratitude & de fa protection. « Le Viceroi fe leva encore , ôc mit la Coupe en- tre les mains du Roi.

5> Enfin la troifiéme chofe , dit-il , c'efl: que " pour mettre la perlonne du Roi , & la Ville » de Cochin entièrement hors d'infulte , j'ai « ordre de faire une nouvelle Citadelle plus w folide que la première , qui foit comme un

»> rempart

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. zi7

"rempart afluré de cet Etat. ANN.de

Le Roi qui parut content de tout , répondit ^•^* aulii très ^racieulement : " ^u il reconnoilloit » les obligations qu il avoit au Koi de Portugal nuel roi. «de qui il recevoir de fi grands avantages: Qu'il Don fran- •'fe feroit honneur de la proted;ion d'un fi grand mÉyda vi- «'Prince^un devoir de la mériter, & de la mena- '^'"^'^'* » ger, en concourant avec les Portugais , à tout >' ce quipouvoit leur faire plaifir. «

Il fut fait un aile double de tout ce qui s'é. toit pafTé. Les Auteurs alTûrent que Naubea- dora fe reconnut alors pour vafïal de la Couron- ne de Portugal , ôc il paroît bien que les Portu- gais le regardèrent toujours depuis comme tel. Le Viceroi content ne perdit point de tems , il fît travailler à reparer & à augmenterla Ci- tadelle. Il expédia enfuite pour le Portugal huit gros Vaiffeaux , dont la cargaifon fe trou- va prête dans les magafins de Cochin & de Cananor , & il donna le commandement de cette Flotte à Fernand Soarez.

Depuis les difgraces arrivées au Zamorin par la valeur de Pacheco , ce Prince rebuté pa- roifloit ne louhaiter que la paix. Mais foit que la vanité l'empêchât de faire le premier la dé- marche de ladeniander^ (oit que d'autre part, la crainte lui ôtat le courage de rien entre- prendre, il ne faifoit ni la paix , ni la guerre , & fe tenoit dans l'inadlion. Les Portugais au- roient pu en profiter, fi la confiance quinf-

Tome /. Le

ii8 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de pircnt les fuccès à une nation ficre ;, ne les eut

J- ^- jecte's dans cette préfomption aveup-le , qui eft

r, r la^ luite de 1 éitime de loi-meme , & du mépris

Don Emma- , ' _ I

NUEL Roi. qu'on fait de fon ennemi. Anifi , loin de penfer donFran- à entamer quelque neVociation.ce que leZamo- WEYDA vi- rm deliroit paiiionnement , ils ne hrent qu ai- ciRoi. g^- j. j^ cle(e(poir de ce Prince, par la courie que raifoient leurs VaifTeaux fur la Côte, ce qui rui- noit abfolument fon commerce. Véritable- ment les Portugais e'toient en cela peu poli- tiques. Il étoit de leur intérêt d'adoucir l'ef- prit des Indiens, de les apprivoifer peu à peu, ôc de les gagner , & il lèmble qu'ils s'appli- quoient à les irriter de plus en plus. Il fe pafTa même quelques allions (i violentes de leur part, que naturellement elles eufTent été' la cauîe de leur perte , fi la Providence n eut travaille' à les conferver, en quelque forte malgré eux.

Antoine de Sa faéleur à Coulan , homme violent & intereifé j fut un de ceux qui mit fa nation en plus grand rifque , par fon avarice & fon emportement. Son attention à empêcher que perfonne ne pût charger , avant que fes magafins fufïcnt pleins avoitcaufé quelque pe- tite émeute contre les Portugais , &: il y en avoit eu quelqu'un de tué. Le fait étoit arrivé au tems que Pacheco commandoit feul dans les Indes , & lavoit obligé de fe tranfporter à Coulan. Mais tout vif qu'il étoit lui-même, il crut devoir diffimulçr prudemment le paffé ,

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. III. II9

afToupir l'affaire , & afTurer fes droits pour l'a- a NN.de venir. Apres qu'Alméïda eue mouille à Anche- ^- ^• dive, Jean de IHomme Capitaine de laCara- velle , qui avoit été dépêché pour porter la nou- nuel ro^** velle de l'arrivée du nouveau Général , étant don fram- allé à Coulan, Antoine de Sa fier de fe voir ren- {°^I^a%^ force par ce nouveau fecours , renouvella ies '^'■^°'- inftances ôc fes vivacités. Il y avoit dans le port de Coulan bon nombre de VaifTeaux Sar- razins , qui preflbient le Roi de les charger , & n'atténdoient que cela pour repartir. De Sa l'avoit empêché jufques alors de les fatisfai- re , quelque volonté qu'il en eut. Mais ap- préhendant que le Roi ne fe laifTàt gagner , il expofa à Jean l'Homme le fujet de la crainte. Celui-ci plus violent & plus entreprenant que Sa , lui répondit froidement^ qu'il ne falloit pas s'expofer à voir le Roi leur manquer de pa- role , & que j pour le mettre dans la néceflité de la leur tenir, il falloit fans le confulter,& par voye de fait , enlever le gouvernail, & les voiles de tous les bâtiments étrangers, & les enfermer dans fes magafins. Ce projet conçu avec trop de légèreté, fut exécuté avec encore plus de hauteur. Enfuite de l'Homme remit à la voile , aufïi content de fa perfonne , que s'il eût gagné une grande vicloire.

Umdignation que caufa une telle adion fut extrême , & parmi les Indiens , & parmi les Maures. Et bien que ceux-ci puffent aifément

E e ij

2ZO CoNQUESTEs DES Portugais

ffiKOI.

ANN.de en prendre vengeance , n'y ayant plus àCou-

^- ^' lan que douze à quinze Portugais , le Miniftre

du Roi ne voulut permettre aucune voye de

Don Emma- r J' ' il i i i

ki'elroi. lait, avant que d avou' tente celles de la dou, donFran- ceur. Il envoya donc auparavant demanderau mÉ'ydaVi- fadeur, qu'il voulût bien lui remettre ce qui avoit e'té pris, & faire attention aux fuites que pouvoit avoir une affaire fi contraire au droit des gens. Mais cet homme étourdi re'fléchif- fant moins au pe'ril il étoit , qu'excède' des reproches que lui fit l'Envoyé' , le laifTImt tranf- porter de colère , des paroles en vint bientôt aux mains avec lui. Ce fut comme un coup de tocfin pour la populace mutinée, elle cou- rut aux armes, les Portugais furent tous tués, la plupart brûlés dans leur Eglife , qu'ils avoient gagnée comme un afile, ou malTacrés en vou- lant éviter les flammes.

Le Viceroi n'eut pas plutôt appris cette tri- lle exécution,qu il donne ordre à Laurent d'Al- méi'da fon fils d'aller fur le champ la venger. La commiffion étoit en bonnes mains. Don Laurent, quoique jeune, étoit un des grands hommes qu'eut le Portugal , & il étoit déjà cé- lèbre par plufieurs belles a(ftions. Il part donc en toute diligence , le prefente au port de Cou- lan , ôc voyant, que, de la part du Roi ou de la Régence, on ne le mettoit point en devoir de faire aucune fatisfacftion , qu'au contraire les VailTeaux^qui y étoient,s'attachoient les uns aux

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. III. lil

autres, & fe dilpofoient à faire une vigoureufe An n. ds refiftance , il jette ion monde dans Tes chalôu- ^- ^^ pes , & après un combat afTez acharné, met ^°'^'

1r ^ \T ff _ ' Don Emma.»

e reu a tous ces Vailleaux qui etoient au nom- nuel roi.

bre de vingt quatre tous richement charge's. donfran- Jean de l'Homme fut choifi par Don Laurent, mÉyda^vi- pour aller porter à Ion père la nouvelle de ce '"'"^°'' luccès. Il s étoit fort diftino-ué dans le combat, ôc avoir reçu fur ion bouclier un boulet d'une petite pièce d'artillerie qui tomba à fes pieds Fans avoir pénétré , & lui avoir fait aucun mal , miracle, difent les Auteurs, par le Ciel fem- bloit avoir approuvé l'adion vigoureufe qu'il avoir faite. Mais le Viceroi qui avoir été in- digné de cette adion , &z qui le fut bien davan- tage, quand il apprit que le meurtre des Por- tugais en étoit le triil:e elïet , en jugea tout au- trement jCar il le caira,&lui ôtafaj Caravelle, au lieu des recompenfes dont il s'étoit flatté. Comme preique tous ces VaiiTeaux appar- tenoient aux Maures de Calicut , le Zamorin en reffentit vivement la perte. Quoique ce Prince ie fut'tenu, ainfi que je l'ai dit, dans une efpece d'inaélion , elle n étoit à proprement parler qu'apparente. Car outre qu'il faiioit agir dans les autres Cours tous les reilorts de fa po- litique , pour faire un foulevement général contre les Portugais , il ne difcontinuoit pas de faire fous main de très- grands préparatifs , pour fe mettre en état de faire réiiilîr ies pro-

E e iij

ill CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de jets. Il les redoubla alors avec plus de vivacité J- ^^ & afin que l'ennemi ne pût en avoir connoif- Don Emma, ^àuce , il fit garder fes ports avec tant d'exadi- nuelRoi. tude, que perfonne n'avoit la liberté d'en for- ço°rD-AL " tir; Mais les delTeins furent éventés,malgré tou- ^E™ ^'^ ^^^ ^^^ précautions.

Un Romain de la noble maifon des Patriz- zi,mais plus connu fous le nom de Louis Bar- thenia Boulonois qu'il s ell; donné dans fes mémoires , fe trouvoit alors à Calicut. Sa cu- riofité & l'amour des voyages l'avoient por- té dans toutes les échelles du Levant , &juf- ques aux Indes , déguifant Ion nom , fon état, & (a patrie. Son habileté lui ayant fait péné- trer tout ce qui fe palToit à la Cour du Zamo- rin , il trouva le moyen de fortir de la Ville , ôc de venir rendre un compte fidelle de tout à Don Laurent d'Alméïda. Le précis de fon rap- port contenoit. » Que le Zamorin outré de voir « fon commerce interrompu , ayant ramaffé le M plus grand nombre d'ouvriers qu'il lui avoit » été poflible , avoit mis fur pied une Flotte 55 des plus nombreufes qu'il eut encore eu , >. pour lui faire convoyer tous les VaifTeaux » marchands, qui viendroient dans (es ports 5 » qu il efperoit furprendre les Vaiffeaux Por- >•> tugais difperfés &c occupés en difFerens en- 3' droits à faire la courfe : Qu'ils étoitferviavan- •> tageufement des deux Chrétiens transfuges » dont nous avons déjaparlé : Qu'ils lui avoienc

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. izj

«fondu un grand nombre de pièces d'artillerie An n. de « de differens calibres , ôc lui avoienc donne le ^' ^" «defTein du Gabarit de pluficurs bâtimens.dont nn^, vJ^. «fa Flotte e'toit compolée.Mais que ces deux re- ^'■'" '^^°'- >'nec:ats,qui,parlà,avoientfaitbiendumalaux ^°'^ ^^**'- >' Chrétiens, etoient vivement tourmentes dans meyda vi- oleurs confciences : qu'ils ne fervoient plus M les infideiles, que par une elpece de néceflité, « & fe remettroient volontiers entre les mains » des Portugais, s'ils pouvoient avoir un fauf- » conduit, & être affure's de leur grâce.

Le Viceroi inftruit de tout ceci par le Gen- tilhomme Italien qui lui fut envoyé', expédia fur le champ le même Gentilhomme à fbn fils avec ordre de le faire palfer à Calicut , & de favoriferen toutl évadon des deux transfuges, d'aflembler en même tems tous fes Vaiffeaux difperfés , & d aller au-devant de la Flotte en- nemie pour la combattre. Don Laurent exécu- ta bien les ordres de fon père, mais l'avidité des transfuges fut la cauie de leur perte. L'en- vie qu'ils eurent de tranfporter leurs femmes, leurs enfants , & tous leurs efïets, & les mou- vements qu'ils fe donnèrent, firent preffentir le delTein de leur fuite , le peuple s'en émût ôc les mit en pièces. Le Gentilhomme Romain plus habile ie fauvaavec peine.

La Flotte ennemie parut bien-tôt après, fé- lon l'avis qu'on en avoit eu. Elle étoit compo- fée de plus de deux cents voiles : fçavoir, qua-

MEY CiSOI

ii4 CoNquESTEs DES Portugais

A N N. de tre-vingt quatre gros bâtiments & cent vingt J- ^* quatre Paraos. La mer en paroifToit toute cou- verte. Don Laurent en fut troublé, & n'ayant nuelRoi. ' dans faFlotteque onzeNavires en tout, trois Don fran- galions ou gros VaiffeauXjCinq Caravelles deux ^"'^daVi. galères , & un brigantin, il appréhenda, que fes gens ne perdifTent courage, en faifant compa- railon de leur petit nombre, avec cette multi- tude innombrable d'ennemis, dont le coup d'txil avoit quelque chofe capable de de'concerter. Rcfolu ne'anmoins de combattre , félon les ordres qu'il en avoit, il mit toute fa confiance dans le lecours d en haut , & fit vœu de bâtir une Eglife à Notre-Dame de la Viâ:oire. Les ennemis , malgré leurs forces ,ne laifferent pas aufli d'avoir peur , & de la faire paroître, en de- " mandant la liberté du pafTage. Peut-être aufït voulurent ils mettre les Portugais dans leur tort, en difânt, qu'ils n'avoient pas ordre de combattre lesChrétiens,mais feulement de con- voyer lesVaiffeaux qui étoient fous leur efcorte. La première journée on ne fit que parle- menter, parce que le vent manqua. Mais le lendemain un vent frais s'étant élevé. Don Lau- rent , qui vouloit éviter d'être envelopé , ga- gna le large & le deflus du vent. Les armée? commencèrent à fe çanpner , mais avec un fuc» ces bien différent. L'artillerie des'ennemis mal iervie fit peu d'effet fur les Vailfeaux Portu- gais , affez éloignés les uns des autres , au lieu

que

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. iij

que ceux-ci ne perdoient pas un coup fur cette a n n. de mulcirude de bâtiments ferre's & prefles , en- ^- ^• forte qu'ils fe nuifoient dans leurs e'volutions. ^ Dés que le Général apperçut le defordre dans nuelRou*" la Flotte , & le fracas que faifoit ion canon , _ ^ chang-eant alors le premier lyftême de necom- ço:sdAl- battre que de lom , il courut a 1 abordage iur le ceroi. VailTeau le plus apparent. Trois fois fcs grap- pins manquèrent, & il n'accrocha bien qu'à la quatrième. Don Laurent lauta le premier de- dans , fuivi de Jean l'Homme, qui tout mécon- tent qu'il étoit du Viceroi,voulut fuivre ion fils en qualité de volontaire , & partager avec lui l'honneur de cette journée. Philippe Rodri- gués , Fernand Pérez d'Andrade , Vincent Pe- réïra iauterent en même tems , & furent fui- vis de plufieurs autres. Il y avoit dans le VaiiTeau fix cents Maures choiiis, qui fe battirent d'a- bord affez bien,mais qui épouvantés des grands coups qu'ils virent faire aux Portugais , fe jet- terent à la mer laiifant le tiUac jonché des corps de leurs morts.

Nugues Vaz Peréïra à l'imitation de ion Gé- néral avoit été à l'abordage d'un autre Vaif- feaUj qui n'étoit gueres moindre que le pre- mier, & fur lequel il y avoit cinq cens hom- mes , mais avec un fuccés bien différent. Car fa Caravelle étant fort petite en comparaifon , il étoit rudement mené. Les coups que le Vaii^ feau donnoit à la Caravelle fembloient devoii*

Tome I, F f

Il6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de la couler à fond , &c\qs ennemis rafTemblésau J- C- Château d'avant, lançant leurs traits de haut ^^ * en bas, combattoient avec bien plus d'avan-

DonEmMA- tt r \T r-» T

NUEt Roi. tage. Heureulement pour Vaz , Don Laurent , Don fran- qui s'e'toit rendu maître du Vaifleau c[u'il avoit

mÉyda'^yÎ- ^^^^'^^ 5 ^°^'^ ^ ^^^ fecours , & après un com- cERor, t>at vigoureux fe rendit encore maître de ce- lui-ci. La prife de ces deux gros bâtiments ayant déconcerté la Flotte ennemie , les Vaiffeaux marchands, pour la plupart , s'en féparerent , les uns pour retourner vers Calicut , les autres pour fuivre leur deflination. Mais les Paraos &: les autres Navires de l'efcorte prenant de nouvelles forces de leur defelpoir , s'ébran- lèrent tous en même tems , & s'étant élargis pour enveloper les Vai{reaux,ils le firent avec tant de réiolution & de bonheur, que les Por- tugais furent long-tems en doute, s il ne fe- roient pas accablés par le nombre. L'animofité étoit extrême des deux cotez. De part & d'autre on fe battoitavec le plus vif acharnement. Les Portugais furtout fiiloient des prodiges. Jean Serran & Simon d'Andrade fe diltinguoienc parmi ceux ci , & combattoient comme des héros. Enfin après que l'adfion eut duré tout un jour, &une partie delà nuit au clair delà lune, la Flotte ennemie lâcha pied & fe retira avec perte de plus de trois mille hommes, de plufieurs bâtimens coulés à fond , & de neuf Yaiffeaux pris , que le vainqueur fit encrer

CEROI.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. III. 11/

dans le port de Cananor , il fuc reçu avec a n n. de un très grand applaudifTemenc du Roi & de J- c.

peuple , qui avoient ece témoins de ^^ tout le combat. nuilRoi.

Sur ces entrefaites le Sabaïe Prince de Goa, don fram, jaloux de l'alliance que les Portugais, avoient miydaVi faite avec le Roi d'Onor Ton ennemi , épiant les occafions de les prendre à ion avantage , envoya une Flotte à Anchedive , dés qu'il içût que Don Laurent , qui étoit allé ravitailler cette place, en étoit parti pour combattre la Flotte de Calicut. La (lenne étoit compofée de foixante bâtiments à rames , & étoit com- mandée par un Portugais renégat nommé An- toine Fernandés charpentier de Navire. C'étoit un de ces profcrits dont j'ai parlé , que Pierre Alvarés Cabrai avoir jette fur la Côte dAfri- que. Celui-ci avoir été laifTé à Quiloa,oii ayant changé de Religion & pris le nom d'Abdala, il trouva enfuite le moyen de pénétrer jufques aux Indes , il s'étoit donné quelque confi- deration. Il attaqua la place avec beaucoup de vigueur , mais le Gouverneur Emmanuel Paz- zagne la défendit fi bien, qu'il l'obligea d'ab- bandonner le fiege , & de s'en retourner à Goa allez maltraité. Le Viceroi voyant que cette place trop éloignée coûtoit beaucoup à en- tretenir , & fervoit de peu de chofe , la fit râler quelques jours après de l'avis de fon confeiL

Ffij

MEYD A Yl- CIROI.

llS CONqUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Un nouvel incident qui arriva,penra exciter de

J-C. nouveau un foulevement général dans les Indes

contre les PortuîiaiSj&cauler la perte de toute la

DonEmma- ^ r II rL- J i

NUEL Roi. nation.Ce rut véritablement une action des plus atroces , & la faute d'un feul homme. Gonfalve

çois dal- deVaz Goës fortant de Cananor, pour aller join- dre la Flotte de Don Laurent d' Alméïda, tomba fur unVaifTeau Maure quifortoit aufTi du même port. Le Capitaine tranquille aborde au fignal & produit un pafl'eport expédié en bonne for- me par Laurent de Britto Gouverneur de la Citadelle de Cananor. Mais l'avide Goës qui ne cherchoit qu'un prétexte pour fe faifir du Navire , s'écrie en homme forcené , que le pafTe- port eft contrefait ou extorqué j luppofe au Ca- pitaine de mauvais deireins,&: fans fe lailfer tou-; cher aux raifons , & aux larmes de ces malheu- reux j ajoutant la barbarie à l'injuftice, fe fai^ fît du VaifTeau , fait prendre tous ceux qui étoient dedans , les fait lier & coudre dans les voiles , & les fait jetter dans la mer.

Le flot qui porta ces cadavres fur le rivage dans le port même de Cananor, découvrit toute la noirceur de cette adtion , ôc excita toute 1 horreur qu'elle méritoit. Cananoravoit chan- gé de maître. Le Roi y étoit mort peu de jours auparavant , & le Zamorin par fes intrigues, ôc par fon argent avoit eu le crédit de lui faire donner un fucceffeur aulTi contraire aux Por- tugais, que le défunt leur avoit été favorable.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. III. I29

Le Capitaine du Navire qu'on avoir fait pe'- Ann-Jc rir e'toit le neveu du plus confiderable Mau- ^- ^• re qui fut dans Cananor , ôc dont le crédit etoit très grand dans tout le Malabar. Ce mal- ^1"!^'^^'; heureux vieillard n'eut pas plutôt vu le cada- donfran. vre d'un neveu (i chéri , qu'afTcmblant fur le ç°isdai- cnamp toute la parente avec celle de ceux ceroi. qui avoient eu le même fort , il court à la Ci- tadelle tranfporté de fureur &tout baigne' de larmes : Il demande à parler au Gouverneur , lui reproche fa trahifon , &z la mauvaife foi de fon paffeport. Laurent de Britto ne pouvant prouver fon innocence, nijuftifierl'atftion bar- bare de Goës 5 demeure interdit, ou parle inu- tilement. Le vieillard aigri de plus en plus vole de au Palais du Roi luivi du même corteçre , & d'une foule infinie de peuple qui s'y joint: il demande audience à fon Souverain , implo- re fon e'quite', lui expofe 1 indignité' du fait, &: remplit la cour de clameurs. Le Roi déjà pre'- venuparles mouvemensdefa haine, fentit en- core plus vivement l'horreur du crime. Il en eut de la joy e dans fon cœur, & confolant de (on mieux le vieillard afflige',il lui promit de tra- vailler à lui rendre juftice.

Tout concouroit ce femble à aigrir le mal. Car dans le même tems la Ville de Cochm , étoit dans la de'foktion par un malheur arri- vé, je ne dirai pas par la lâcheté, mais parle trop de prudence de la plupart "des Capitaines

F f lij

NU EL Roi.

Don Fran

COIS d'Al-

MEYDA Vl-

CEROl,

430 Conquestes des Portugais

A N N. de de la Flotte de Don Laurent d'Alméïda. Ce jeu-

J- ^- ne Seigneur avec une efcadre de dix VaifTeaux

avoit ordre de courir la Côte pour favorifer le

Don Emma- J n 1 /-- 1 1

commerce du Roi de Cochin , qui avoit alors plufieurs Vaifleaux en mer prêts à faire voile pour le retour. Don Laurent e'tant arrivé à Da- bul , fut averti qu'il y avoit plufieurs bâti- ments de Cochin alTiegés par la Flotte duZa- morin. Cette Flotte, qui étoit dans le fleuve ne pouvoit lui échaper , & après avoir délivré fes alliés , il étoit fur le point de remporter une nouvelle vid:oire de cette Flotte. Don Laurent fouhaitoit combattre , mais dans le conieil le grand nombre des Capitaines fut d'un ienti- ment oppofé. Laurent entraîné malgré lui fut obligé d'abandonner la partie. Les ennemis en profitèrent , & brûlèrent ou prirent tous les VaifTeaux qu ils tenoient bloqués. La nouvelle de cette perte portée à Cochin remplit la Ville de deiiil , & le Roi d'une extrême indignation. Le Viceroi en fut outré lui-même, & tâcha affez vainement de calmer la colère de ce Prin- ce, lui promettant juftice de Ion fils, fuppo- qu'il fut coupable. En effet dès qu'il fut ar- rivé , il le mit au confeil de guerre. Mais Don Laurent ;, qui avoit eu ordre de ne rien faire que de 1 avis du plus grand nombre des Capi- taines , & qui avoit eu loin de prendre leurs avis par écrit, portoit fa juftification en main, &:fe tira bientôt d'intrigue. Les Capitaines con-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. m. 131

CEKOI.

damnés par leur propre fignature furent fuf- A n n. de pendus de leurs charges. i\o6.

Par bonheur pour les Portugais , les habi- ^ ,. tans deCocninie contentèrent d évaporer leur nuilRou douleur par leurs plaintes. Mais il n en fut pas dq^ fran- de même à Cananor. Soit que la punition qu'on LydI vi- avoit fait de Goës, qu'on le contenta de priver de fon emploi, parut trop légère, comme elle l'étoit en effet , (oit qu'on fut trop irrité pour admettre aucune f atisfaâiion , on commença à travailler fecretement , & à prendre des mefu- res avec le Zamorin pour exterminer ces étran- gers. LeZamorin étoit trop habile pour laifTer pafTer une aufli belle occafion ; il offrit d'à- bord au Roi de Cananor vingt-quatre pièces d'artillerie , & trente mille hommes.

Les circonitances du tems étoient toutes très-fâcheufes pour les Portugais. Il ne leur étoit point venu de Flotte du Portugal à l'or- dinaire, &c leurs ennemis en tiroient de gran- des efperances fondées fur les prédirions des Devins , qui leur annonçoient pour cette année de très grands avantages. A la vérité Don Laurent avoit jette ioixante hommes dans la Citadelle j& avoit ravitaillé la place^mais qu'étoit-ce contre tant d'ennemis ?L'hy ver ap- prochoit , & il n'y avoit plus d'apparence de pouvoir fecourir la place, jufques au retour de la belle (aifon , au lieu que le Zamorin , failant marcher fes troupes par terre, pouvoit les en-

A N îJ. lie

J. C.

1501?.

Don Emma

NUEL Roi.

Don Fram-

COIS d'Al-

J.1EYDA Vi-

C£R0I.

131 CoNQaEsTEs DES Portugais

A NîJ. cie voyer en tout tems. Aulli eft-il certain que les Portugais de Cananor écoient abrolument per- dus , {ans la trahifon d'un oncle &: d'un neveu du Roi j qui e'touffant la voix du fang & de la nature , pour lé's facrifier à leur ambition & à leurs efpejrancesj facrifîant en même tems leur Roi, leurs parents de leur patrie, ne leur eufTent donné des avis & des fecours félon le tems & les befoins , ôc n eufTenc été par ce moyen les caules deleur (alut.

La ForterefTe de Cananor e'toit fituéefur une pointe de terre que la mer baignoit des deux côte's. Elle avoit un défaut effentiel, elle man- quoit d'eau , ôc n'en pouvoit retirer que d'un puits , fitué entre la Ville & la place, dans la- quelle on n'avoit pu le renfermer. Le Roi de Cananor , qui voyoit bien qu'il auroit les Por- tugais à fa difcretion, s'il pouvoit leur ôter la communication du puits, avant qu'il y eut" de rupture ouverte, fit faire fous divers prétextes un profond foffé d'une rive à l'autre , ne laif- fànt qu'un paffage fort étroit pour aller au puits, &c garnit enfuite toute cette ligne de redoutes & de bonne artillerie. Le Gouverneur inftruit de fes defTeins par les Princes perfides , fit la même chofe de Ion côté , ne laiffant , pour aller au puits, qui fe trouvoit entre ces deux lignes, qu'un fimple pont-levis.

L'ouvrage étant fini de part & d'autre , les hoftilités commencèrent. Ce fut vers les pre- miers

7> m^l.P^iiye 2>^2

L.a. f^iile^ t^^ Coc/iHi

2 Liv f^ULe (lUi^ivcLiro

ir-

Don Emma- nuel Roi.

Don Fran-

DANs LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 135

miers jours de Mai que le Roi de Cananor (e ^ nn.cIc prefenca avec foixance mille hommes , qui fï- J. C. rent dans cette première montre plus de bruit '^^'^^ que d'effet. Le puits fut enfuite pendant un mois le champ de bataille & le théâtre , les plus braves des deux partis donnèrent di- ço'^da^ veries Icenes , pour taire preuve de leur valeur, ceroi. Quoique les ennemis y euflent ordinairement du pire , néanmoins les Portugais étoient ré- duits à la trifte nécefTité, de ne pouvoir puifer de l'eau qu il n'en coûtât du fang. Pour l'avoir il falloit que toute la garnifon le trouvât fous les armes , ce qui la fatiguoit extrêmement. Le peu qu'on en puiloit ie diftribuoit avec tant de referve , que chacun avoir à peine dequoi étan- cher fa foif. Le Gouverneur qui n'avoit que quatre cents hommes , tant Portugais que Ma- labares, pour confcrver fon monde ménageoit les fortics , ce qui rendant l'eau encore plus rare , obligeoit les malheureux , que la ioif pr'effoitjde pailer par delfus les défenfes , ôc d expofer leur vie en trompant la vigilance des gardes , & pluheurs fe faifoient tuer,

Britto fentant bien , que peu à peu il per- droit ainfi tout fon monde , fe trouvoit fort en peine. Mais Thomas Fernandés, qui étoitdans la place^ôc qu'on avoit envoyé dans les Indes en qualité d'Ingénieur du Roi , le tira de cette inquiétude. Il fit faire un chemin fous terre haut & fpacieux , qui alloit jufques au puits au

Tome L G^

154 CONQUESTES DES PORTUGAIS

CEKOI.

ANN.de niveau de l'eau. Pour empêcher enfuice que

^- ^' l'eau ne fut empoifonne'e par les ennemis , il

fît une voûte le plus fccretemcnt qu il lui fut

Don Emma- poHible au-deflus de Teau . après quoi le Gou-

NUEL Roi. r ' r T.

verneur fît razer le puits & le fit combler par çorsDA^L-' dehors. Cette aâiion e'tourdir fi fort le Roi de meydavi- (^ananor & les Indiens , que , ne doutant pas que les Portugais n'euiïent trouvé de Teau dans la Citadelle même , il ne leur vint jamais en penfe'e qu'il y eut en cela de la rufe ôc de l'ar- tifice.

Les ennemis ayant perdu toute efperance de ce côté-là, tournèrent ailleurs leurs penfées, ôc refolurent d'attaquer la place dans les for- mes, li y eut d'abord plufieurs affauts au re- tranchement que Britto avoit fait, mais le ca- non des PortuErais éclaircifîcint les afTaillanrs , les pertes fréquentes que ceux-ci railoient ral- lentit il fort leur ardeur, qu'ils n'avoient plus le courage de fe montrer. Pour obvier à cet inconvénient, les Maures fuggererent au Roi de faire préparer une grande quantité de ga- bions de laine fort épais , à l'abri defquels ils pufTent être à couvert. Britto n'ignora point les préparatifs , il en découvrit le myftere par quelques uns des ennemis qu'il avoir pris dans une trappe, il les avoir fait tomber après une fortie,& il en fut averti d'ailleurs par le Prin- ce de Cananor , qui lui envoya la nuit un de fes confidents, avec deux bateaux chargés de

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 13;

vivres, nonobftant cela l'artifice des ennemis ANN.de ne laifTa pas d'avoir d'abord un erand f uccès.Les ^' ^' grolles pièces d artillerie qu on nommoit en

Don Emma-

ces tems-Ià^fpheres &ciiameaux , moUiHoient nuel roi." fur CCS lacs de laine, ce qui intimida les aflie. don fran- '^és, ôc enhardit au contraire fi fore les Indiens, mÈvda^vT- que fortant de leurs retranchements , & fe pré- "'^°'' fentant en foule pour elcalader celui des Portu- gais , il s'attachoient déjà aux pièces de bois de la paliflade qui foutenoient les terres. Mais Britto ayant fait conduire furie rempart quel- ques couleuvrines de celles qu'on appelloit bafilics , & ayant fait charger les autres pièces à mitrailles , les î^abions ne purent tenir con- tre ce nouvel effort , & laifTant à découvert le monde quiétoit derrière Je canon chargea car- touche y faifantde furieufes efquarres,y porta la terreur & le defordre. Britto qui s'en ap- perçut lâcha alors à propos une bande de lés gens qu'il tcnoit prêts pour une fortie , mit les ennemis en fuite, & rentra vi(florieux dans la place.

Le fiege traînant en longueur, il y eut ainfi plufieurs attaques d'une part , & plufieursfor- ties de l'autre. La plus célèbre de ces for- ties , fut celle que commanda un Gentil- homme Calliillan , connu feulement fous le nom de Gadualajara fa patrie. Il choifit le tems d'une nuit fort obfcure , froide & pluvicufe , & étant tombé lur un quartier des ennemis ,

ijô CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de il leur tua trois cents hommes , & revint char- ^•^' de de'poiiilles & de vivres. Une autre for- tie qui fe fît le jour, de faint Jacques , ne fut

Don Emma»

nuelRoi. pas tout a rait li avantageuie pour les Fortu-

DoN fran- n-çiis. Us v perdirent du monde & quatre per- çois dal- ç> J r 1 r 11 r >r mcydayi- lonnes de marque , entre leiquelles rut Gon- sinoi, f^iye y ^2 de Goez , qui paya de fon fang Tin- digne ad:ion qui avoir attiré cette guerre , heu- reux d'en effacer la honte par une mort glo- rieufe.

Les efforts des ennemis leur re'iifTifTant fi mal , la fortune fembla vouloir combattre pour eux. Un aide magafin ayant mis par impru- dence le feu à la factorerie de la Fortereffe , il y prit avec tant de violence , que n'y trou- vant que des matières conbuftibles , en peu d'heures elle fut confumëe avec prefque tous les vivres , & pluheurs maifons voifines.

Le Gouverneur voulut en vain difïimuler cette perte aux ennemis & aux fiens mêmes. Les ennemis s'en apperçurent , & en profitè- rent, s'étant avife's de pouffer vers les retran- chemens ennemis, des troupeaux pour irriter la faim des a{fiegez,par la vue de ce qui pou- voir la raffafier , & les attirer par ce moyen dans les embufcades qu'ils leur avoient dreffe'es. Pour ce qui eft des afïîegés, malgré les fecours que le Prince de Cananor leur envoyoit de nuit & en cachette , ils f e virent réduits à une û grande famine qu'ils furent obligés de man-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. III. 2.37

ger les rats , les fouris , ôc toutes forte? d'ini- An n. «le modices. ^ '

En peu de tems il falloir périr ou fe rendre.

r .,..'■ Don Emma-

Dans cette extrémité ils eurent recours aux nuel roi. prières publiques , & firent des vœux à la Mère donFran- de Dieu dans l'Egliie , que Don Laurent d'Aï- L°ydavÏ- méïda avoir bâti en fon honneurjaprès fa vie- '^^^°^' toire. Cette bonne Mère toujours favorable à ceux qui l'invoquent fembla les avoir exau- ce's. Car le jour même de fon Aifomption glo- rieufe , un vent de mer jetta dans la place une fi grande quantité de lauterelles , qu il y en eut une ample provifion pour plufieurs jours. Et comme dans les Indes cette nourriture eft fort faine , non feulement elle fervit de re- mède à la faim , mais encore aux maladies que cette faim avoit caufées.

C'eut été un foulagement léger Se inutile , fi la faifon eue été moins avancée. Mais le re- tour du beau tems ayant fait appréhender au Zamorin & au Roi de Cananor , les fecours qui venoient alors d Europe, ils réfblurent de les prévenir par la jondion de leurs forces , & de faire un dernier effort pour emporter la place. A cet effet le Zamorin fit partir fa Flotte dés qu'elle put foutenir la mer. L'ordre de l'atta- que étoit bien concerté. Elle dévoie commen- cer à l'ordinaire par le retranchement inté- rieur, pour attirer de ce côté-là toute l'atten- tion des ailiegés , qui ne fe defieroicnt point

Ggiij

138 CoNQUESTEs DES Portugais, &c.

CEKOl.

A N N. de de la feinte. Mais quand 1 adlion feroic enga-

j. c- crée , la Flotte cache'e julques alors devoit aller

raire delcente a la pointe , & s emparer de la

NI IL Roi. place par efcaladelans craindre de refiftance.

donFran- Britto inftruit du projet par les Princes fes ef-

çoisd'Al- . . r ^ r

MEYDA Yi- pions ordinaires, ne négligea point leur avis.

Le jour de l'adlion la Flotte s'étant preTentée', félon ce quiavoit été concerté, quoique belle, nombreuie , &c munie de machines d'un nou- vel artifice, fut reçue avec tant de valeur , & un (i terrible fracas de fartillerie , que les chefs étonnés d une refiftance à laquelle ils ne s'é- toient pas attendus, fe retirèrent prcfque fans livrer de combat. Les Portugais qui défen- doient ce pofte , étant alors accourus au retran- chement , les Indiens de Cananor commen- çoient à avoir quelque avantage, il y eut en ce moment un li vigoureux choc , que les affie- geans ne pouvant ioutenir l'impetuoUté des affiegés furent obligés de (e battre en retraite , laiflant plufieurs de leurs morts fur la place.

Depuis cette adiion le Roi de Cananor re- buté ne prêta plus l'oreille qu'aux proportions de paix , laquelle fut accélérée par l'arrivée de Triftan d'Acugna, qui étant parti de Portugal , vint moùller dans ce port. Ainfi le fiegefut le- vé après avoir duré quatre mois., pendant \ef- quels Laurent de Britto & les braves qui étoient avec lui, acquirent beaucoup de gloire & de réputation.

Fin du troijîéme Livre.

i39 «c^ •$- cRi -^-^ fjç; -^-ti^ ee •^4- «Ci -^-tii- Cv^ 4-^ «f^i tl"-^ «c, •■Ji- 1»^

^■^ VX} -iHf "^X) 4"*- !:«) •'{^•^ «Çi •^;^•^ (Xi ijM^ RÇi ^-i^i- Ï5Ç) ^ ^

HISTOIRE

DES DECOUVERTES

E T

C O N au ESTES

DES PORTUGAIS

Dans le Nouveau Monde.

Q

LIVRE (QUATRIEME-

Uclques foins que le Roi Don Manuel A n n. de prit j & quelques dépenfes qu'il fit pour j _^ la reùflice de les affaires dans les Indes , il ne r, ^ negligeoiL point celles d Arnque, qui etoient nluiRo*. un acheminement aux fuccès de celles-là. Et f^^'Jf''^"

^U IS D n

tandis qu il failoit une guerre vive aux Mau- "'^^'°'^ ^i-

O CE R Ol

res de Fez èc de Maroc, il envoyoit continuel- lement des Flottes nouvelles dans rOcéan,pour pouffer plus loin les de'couvertes , & faire de nouveaux établiiTements fur ces Côtes. Déjà il avoir preique entièrement environné cette par- tie du monde,& avoir pénétré jufques au Cap de Guardafu. Tout étoit tranquille du côté de la mer Atlantiquc.il y joliillbit paifiblcmcnt de les

140 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A NN. de poflefïions & de fon commerce.Ec ce Prince qui

^- ^" étoit animé d'un véritable elprit de pieté' , n'a-

voit point d autre lujet plus a cœur, que d y eta-

™^Rm." blir la Religion , & d'y envoyer des MilTionnai-

donfran- res. Ces Millionaires y firent beaucoup de fruit,

çois D Al- furtoutdans leRoyaume deConp;o,où ils étoient

MEYDA Vl- ^ O '

"ROI. bien feconde's par le pieux Roi Don Alphonfe. Sur la Côte Orientale les peuples étoient plus policés, mieux en état de fe défendre , & prefque tous Mahometans , il y avoit fou- vent à combatte. Mais cela fe faifoit prefque toujours avec fuccès. Le Roi de Mélinde & le Cheq de Mofambique demeuroient fidelles dans leur alliance. Le Roi de Mombaze au contraire fe défendoit vivement , 6c moleft oit le Roi de Mélinde ion voifin , à caufe de fa- ille qu'il donnoit aux Portugais , & de l'incli- nation qu'il avoit pour eux. Ibrahim Roi de Quiloa , que FAmirante avoit contraint de fe reconnoître tributaire du Roi de Portugal, n avoit fait qu'une alliance fimulée qu'il rom- pit bientôt après. Don Manuel ayant enfuite envoyé trois Navires fous la conduite d An- toine de Saldagne , ces Navires furent fépa- rés par le gros tems. Diego Fernand Peréïra, qui commandoit l'un , découvrit l'Ifle de So- cotora inconnue jufques alors aux Européans, il y hyverna & paffa aux Indes. Ruiz Laurent Ravafco , qui commandoit le troifiémc, fit une vive guerre au Roi de l'ille de Zanzibar;, quoi-

c|ue

CEROI.

DANS LE NOUVEAuMONDE.LlV.lv. 141

que allié de la Couronne, lui prit plufieurs bâ- "^mê timens , tua Ion fils dans une mêle'e , & obli- j. c. gea ce Prince de fe rendre tributaire, en payant ^5^^- cens miticals d'or chaque anne'e, & trente mou- don emma- tons pour le Capitaine qui iroit chercher le tri- ^"'^'■^'''• but. Il impofa pareillement un tribut de cinq çoHI^a^-' cens miticals d'or par an , à laVille de Brava, qui """* ^'" étoit une petite Republique fur la Côte de Zan- guebar. Ayant rejoint Antoine de Saldagne , ils intimidèrent tous les deux le Roi de Mombaze , & l'obligèrent à faire une paix feinte avec le Roi de MélindCj & pafTerent enfuite aux Indes.

Ibrahim ufurpateur du Trône de Quiloa, & à qui fa confcience reprochoit fa mauvaiie foi paffée , fe retira dans les terres, lors du pafla- ge du Viceroi Don François d'Alméïda. Ma- homet Anconin qu'il avoit laiiTë dans la Ville , n ofa lui-même y relier , mais ayant été' raffuré par le Général Portugais ;, il retourna avec les troupes. Almeïda qui fçavoit qu'il étoit agréa- ble au peuple , le fit reconnoître pour Roi à la place de l'ulurpateur fugitif. Il lui mit une Cou- ronne fur la tête en grande cérémonie , & lui fit prêter ferment de fidélité par fes nouveaux fujets , après qu'il leut prêté lui-même au Roi de Portugal , dont il fe reconnut vaffal.

On vit alors un bel exemple de probité dans la perionne de ce Prince. Car fe regardant plu- tôt comme dépofitaire de la Couronne , que comme Roi , il pria le Général de vouloir

Tome I, H h

CEROr.

Z4Z CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de faire reconnoître pour héritier légitime de lE- ^•^- tat au pre'judice de (es propres enfants ^undes fils du Roi Abulfaïl de'trôné par lufurpateur N°EL RoT' Ibrahim. Alme'ïda admirant dans ce Mululman donFran- une generohté qui condamnoit fi hautement mÉyda'^vi- l'ambition ordinaire des Princes, toujours prêts à envahir les Etats d'autrui , ambition qui n'a que trop d'exemples dans le fein même du Chrifiianifme , lui accorda ce qu il demandoit, à condition néanmoins qu'il portât le fceptre JLilquesàlamort, & gouvernât en Roi les Etats de Ion pupille.

Apres avoir bâti un Fort à Quiloa , qu il fal- lut pourtant détruire dans la luite , Alméïda partit pour Mombaze dans le deffein d'en châ- tier le Roi, & de le mettre à la raifon. Le pi- lote, qu il envoya, pour reconnoître l'entrée du Port , fut reçu à coups de canon , dont il y en avoit quelques pièces aux armes dePortugal,& que le Roi de Mombaze avoit fait pêcher après le Naufrage du VaiiTeau iaint Raphaël échoiié fur cette Côte. L'ennemi s'étoit préparé à fe bien défendre. Il avoit quatre mille hommes dans la place, 6c attendoit encore du fccours. Nonobifant cela Alméïda ayant fait mettre le feu à la Ville en deux endroits, l'attaqua en même tems par trois autres , & la prit. Le com- bat dans les rues fut long & fanglant. Il y eut fept cens perfonnes paflees au fil de lépée, & il fut fait deux cens prifonniers. Le Roi fe fauva

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. 145

dans les terres, & fie jetter quelques propofi- ^ ^ ^ j^' rions de paix qui ne furent point écoutées, -j.c. La Ville fut faccage'e. On y fit un butin con- M^^- fiderable, dont le Ge'néral ne retint pour loi donEmma-

n ' 1 T r oy r } n ni'el Roi.

qu'une flecnç. Don Laurent ion nls le diltin- donfran- gua beaucoup dans la priie de cette place. Le ""^^^^^y^^ Ge'néral ne voulut point luivre le Roi dans fa c^roi- retraite. Ses gens étoientfi fatigués, qu'ils n'en pouvoient plus. Il fe contenta de faire enle- ver le canon , & il continua fa route pour les Indes.

Dans l'idée qu'on avoir dés-lors, que Sofala étoit rOphirde Salomon,& qu'on retiroit delà prefque tout l'or de ces Contrées , le Roi Don Manuel n' avoir garde d'oublier un tel pofte. Audi y deftina-t'il une efcadre qu'il fit partir peu de tems après le départ d Alméïda. Pierre de Agnaïala commandoit, & devoit être Gou- verneur à Sofala. Son efcadre étoit compofée de fîx Vaiffeaux , dont les tro.'s plus gros dé- voient aller fervir dans les Indes, quand Agnaïa nauroit plus befoin de leur lecours. Les trois autres dévoient fervir de garde-côtes dans la baffe Ethiopie , fous la conduite de François d Agnaïa fils de Pierre.

On comprend fous le nom de Sofala une Ville, une Ille & un Royaume dans le pays des Cafres , affez au-delà du Cap de Bonne-Efpe- rance, en remontant vers l'Equateur, entre le Cap des Courans & le Mozambique. L Ifle efl

Hhij

Z44 Conquestes des Portugais

A N N. de fermée par les deux bras du fleuve Ciiama , qu i

•'■ ' eft une branche duZambele. Les habicans en 1506. , , , . _

^ ^ {ont noirs & crépus: Ils font {uperftitieuXjCom-

DoN Emma- 1 n 1 /^ 1 '

NUEL Roi. me le reltedesNegres,moinslimples néanmoins m^^d-aY-^' nioins grolTiers, & un peu plus induftrieux. Mal- meydaVi- gré cela ils font pauvres au milieu de l'abon- dance j & leur pauvreté fe fent dans leurs mai- fons , dans leurs perfonnes & prefque en tout. Mais le pays eft véritablement riche par l'or des mines qui font dans les terres , &c encore plus par celui qu'on tire des lacs & des rivières, qui coulent dans une vafte campagne , fe trouvent, dit-on, quelques bâtimens d'une ftru- dure fi forte ; ou ils font à l'épreuve de tous les tems , ôc d'une antiquité fi reculée , que , quoiqu'on en ait des veftigcs dans certains caradlercs qu'on y voit gravés , ces caraéleres même , par laraiion qu'ils font inconnus, fcm- blent la faire remonter julques aux premiers fiecles.

Ce Royaume étoit autrefois fous la domina- tion du Monomotapa, dont l'Empire s'étend encore dans toutes les vaftes Contrées de la baffe Ethiopie Orientale. Mais des gens, tels que je viens de les dépeindre, n'étoient pas faits pour profiter des avantages de leurs terres , qui paroifloient deftinées pour des étrangers plus habiles. Les Maures s'en étoient rendus les maî- tres en dernier lieu. Ils s'y établirent d'abord aflez pacifiquement. Quelques denrées de cel-

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. Z45

les qu'apporte par tout le commerce furent a m n. de autant d'amorces qui les firent recevoir avec ^•^' plaifir. On pre'tend que ce furent ceux de la

iriiJ\^J 11 1 Don Emma-

Ville de Magadaxo qui y allèrent les premiers, nuel roi. Mais les Rois de Quiloa , ayant chafTé ceux-ci , don fran- s'en emparèrent, & y e'tablirentdesCheqs ou mÈIdaVi, Gouverneurs en leur nom. Celui qui y étoit '^^^°^- lorique les Portugais y arrivèrent , nommé Ifuph , fe rendit indépendant à la faveur des troubles de la dernière révolution de Quiloa, & s'érigea en Souverain. Mais il s'y étoit pris tard , & il n'en profita pas long-tems.

Agnaïa ayant abordé àSofala,aprés quelques difficultés qu'il eut à furmonter , pour parve- nir au Palais du Cheq , qui étoit dans une bour- gade afTez éloignée, prit la détermination d'y aller avec tout Ion monde, au Ton des tambours &des trompettes.LeCheq^quifeleroitpafTé vo- lontiers de cette vifice, diilimula,&le reçut fort bien. Il étoit couché fur un fopha au fond de Ion Palais. Il avoit à côté de lui un f aifceau de flèches. Le relie , quoique propre, étoit aflez modefte , Il n'y avoit rien de plus grand & de plus remar- quable dans toute la Cour que lui-même. Et bien qu'il fut âgé de quatre-vingt ans & qu'il fut aveugle , il avoit encore un air qui marquoit fa fuperiorité , ôi foutenoit la réputation qu'il s'étoitacquife.

Agnaïa lui expofa commiflîon, fit valoir la puilTance du Roi de Portugal , & les avanta-

Hhii;

246 CoNQUESTES DES Portugais

7~ ses de fon alliance , & conclut par deman-

j. c. cler la permillion de batir un Fort , qui put 1er- 1^06. vir d'entrepôt pour les VaifTeaux qui iroient

dokEmma- aux Indes , de maifon de fûrete' pour les mar-

Ni'EL Roi. 1 i-r 1 A

chandiles , & de rempart même contre les en- çoisdAl- nemis du Cneq , dont les Portugais vouloienc

MEYDaYi- a I II' £• J II

«ROI. être les allies ridelles.

liuph ii'avoit pas befoin du commerce des Portugais , & fçavoit qu'il avoit plus lieu de les craindre que de les aimer , mais ce fut cela même qui le rendit facile à toutes leurs de- mandes.

Lapermiiîionde bâtir le Fort irrita furieufe- ment les Maures , & iur-tout Mufaph gendre du Cheq,qui s'étoit mis en pofTeflion de parler avec hauteur à Ion beau père. Mais ce vieillard expé- rimenté, qui étoit aulïi clairvoyant des yeux de l'efpritjqu'il 1 étoit peu de ceux du corpSjlufpen- dit un peu leur vivacité,en leur failant peler les motifs de fa politique. » il n cft pas tems aujour- " d liui, leur dit-il, de vouloir nous oppofer à ce « que nous ne pouvons empêcher. Rien ne re- » (ilfe à ces nouveaux venus. Vous n'ignorez " pas ce qu ils ont fait à Mozambique, à Quiloa, » à Mombaze, & même aux Indes. Ce font des » hôtes incommodes, & de mauvais voifins. Je » l'avoue. Je leur donne le tems de fe fortifier, » & de s'établir. J'en conviens encore. Mais ou " font les forces que nous avons pour commen- » cer des hoftilités , oupour nous défendre , s'ils

CEROI.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.IV. 147

« veulent nous opprimer ? Attendons j laiflbns a n n. de

» faire au tems ; Tout ce monde n'eft pas pour ^' ^'

» refter ici 5 LaifTons partir ceux que leur def-

>' tination doit conduire ailleurs. L'air de ce nuÊlRoi.*

«pays mortel à tous les étrantrers.ainfi que nous donFran-

»ne*l éprouvons que trop nous mêmes, nous meyda vi-

« rendra bon compte de ceux-ci. Lorfque leur

» nombre fera diminue' , & qu'ils auront e'té

» affoiblis par 1 air empoiionne' de ces Con-

»' tre'es , alors nous les aurons à difcretion , ôc

" nous 'nous délivrerons de ces fâcheux hô-

M tes. ce

La prédiârion d'Ifuph fe vérifia bientôt en partie. Agnaïa travailla en toute diligence à taire (on Fort , & il y fut bien fécondé des Ca- fres naturels du pays qu'il mit en oeuvre à peu de frais. Alors il congédia Baretto , qui partie pour les Indes avec les trois Vaifïeaux de char- ge , & il envoya fon fils avec les trois autres faire la courie jufques à Mozambique. Celui- ci fut fi malheureux , qu'ayant perdu deux de fes Vaiffeaux , il eut bien de la peine à fe fauver à Quiloa , le facteur Pierre Ferréïra le fit mettre en prifon, comme s'il les avoir perdus par (a faute. La garnilon étant ainfi diminuée tout à coup, le fut encore confiderablement par les maladies , que caulà l'air marécageux & peftilentiel de ces Contrées devenu encore plus mauvais par le remuement des terres , deforte qu'elle fe trouva réduite à quarante perfon-

148 CoNquESTEs DES Portugais

A N N. de lies, dont plufieurs avoient bien de lapeine à Ce

i^'o^: Soutenir. _ -- Les Portuo-ais ne fe comporcoient pas pour

Don Emma- o i 1 r,

nu£lRoi. cela pluspoliciquement.Ilsattiroientà eux leuls donFran- tout le commerce de l'or. IlsétablifToienc les

çoisd'Al- ^ , J -n 1

MEYDA vi- mêmes règles , qui rendoienc ailleurs leur com- '^^^°^' merce odieux , ôc ils les faifoient obferver avec la même rigueur, deforte que les Maures outrés, & fe prévalant du crédit de Mufapli , obligèrent enfin Ifuph de profiter des conjon- ctures du tems , pour les exterminer.

Afin d'aiïurer mieux leur coup , & multiplier leurs forces , Ifuph fit inviter un Prince voifin tributaire de l'Empereur de Monomotapa, à qui ils firent connoître leurs griefs contre les Portugais , l'exliortant à venir prendre part à leur défaite , ôc à leurs dépoiiilles. Ils lui repré- fenterent cette entreprife , comme une chofe , très facile d'une part, èc très lucrative de l'autre. C'en étoit affez pour exciter l'avidité du Cafre , J

êc il fe mit d'abord en campagne , avec une ar^ 1

mée nombreufe.

Il y avoit alors auprès du Cheq un Seigneur très accrédité , Abyfïîn de naiffance , ôc qui, ayant été fait efclave à l âge de dix ans par les Maures, avoit été circoncis par eux,& élevé dans leur Religion. Il étoit homme de mérite,& avoic gagné la confiance du Cheq. Dès qu'il vit A- gAaïa, à la première audience qu'il eut, illefui- yjt, ha très étroitement avec lui, ôc, pour lui

donner

1. l'aie de JVfû^i'amhiqtie . 2 . ^-'^oh-ilci^^

DANS LE N0uVEAuM0NDE.LlV.lv. 149

lOI.

donner des marques de Ton eftime , il lui fie An N.dc prefent de vingt Portugais , qui étoient tom- ^' ^; be's entre Tes mains. C étoient des eens d'un

, ^, 1 r r 1 . 1 V DonEmma»

des Vailleaux de loneicadre, qui s étant mu- nuelRoi. tine's contre leur Capitaine avoient été faits don fran- elclaves , ayant mieux aime s expoier a tous les mevda vi- périls qu'ils dévoient courir dans une terre in- ^^'^'^ connue , que de fe rembarquer avec lui.

L'amitié s'étantiortifiée avec le tems, il avoic toujours foutenu le parti des Portugais dans le confeil. Mais n'y étant pas le plus fort , il vint avertir Agnaïa de tout ce qui avoit été réfolupour leur ruine, &fe jerta dans la For- terefTe avec cent hommes , qui étoient à lui , peu avant le moment de l'attaque , à laquelle Agnaïa avoit eu tout le tems de fe préparer.

Le deiïeindes ennemis étoir démettre le feu au Fort qui n'étoit que de bois , par le moyen des flèches enflammées & des fafcines. En effet ils en lancèrent un très grand nombre des pre- mières , & portèrent une û grande quantité des ces fafcines , qu'elles égalèrent prefque la hauteur du rempart. Agnaïa , qui avoit pris les précautions ordinaires contre le feu , laifîa ap- procher les ennemis à leur aife,& fit joiierfes canons fi à propos , que les Cafres , qui n é- toient pas accoutumés au bruit &c à l'effet de ces machines , prirent d'abord la fuite , & fe re- tirèrent dans un bois de palmiers. Mais le canon abattant les arbres , ôc faifant un ravage en- Tome I. \x

ijO CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANK.de coreplus terrible par les éclats , les Caftes in-

J- C. dig-nés decequ'onles avoir appelles pour faire

Don Emma- ^^ gucrrc, iioii pas a cleshommes , diioient-ils,

nuelRoi. mais à des Dieux, tournèrent leur fureur contre

donfran- les Maures , pillèrent leurs peuplades , &fe re- çois D Al- ' i II J

MEYDA vi- tirèrent dans leurs terres.

Peu content d en être quitte a li bon mar- ché J Agnaïa voulut rendre le change à les en- nemis , Ôz les mettre hors d,état de lui nuire , par un coup de vigueur. Ayant donc pris avec lui quinze Portugais ôc vingt hommes de l'A- bifîin (on ami fîdelle , il va lurgir à la peuplade du Cheq à la pointe du jour , pénètre juiques à Ion Palais , tuant tout ce qui le prélente , entre dans l'appartement du Prince , qui tout vieux & tout aveugle qu'il étoit, ne le déconcerte point, fe met en défenfe, lance les javelots au hazard, & blelTe Agnaïa au cou, quoique alTez légèrement. La vengeance de ce coup fut bien prompte. Le facffeur Emmanuel Fernandés hom-j me de main ôc bon foldat, s'approchant du vieillard lui coupe la tête, ^ui fut enfuite ex- pofée au bout d'une pique lur les remparts du Fort , pour y être un Ipedlacle de terreur.

Cette mort ayant lur le champ procuré la paix, la divilion le mit parmi les Maures au fujet de lafuccellion.Lcsfils du Cheq ayant chacun leur parti, Agnaïa lie paiicher la balance pour So- liman, qui avoir toujours paru avoir plus d'in- clination pour les Portugais , & qui accepta

DANS LE NOUVEAuMoNDE.LlV.lv. Z^I

CiROl.

volontiers la condition de fe rendre vafTal de la ANN.de Couronne de Portugal. Ac^naïa mourut peu de ^- ^- jours après , emporté par lacontaeionde 1 air

n r ' 1 /-> ' T- 1T- ^°^ Emma-

pellirere de cette Contrée, hnimanuel Fernan- NtELRoi. dés prit le Gouvernement dans Tefperance d'y don fran. être confirmé en confideration de les fervices. 1,° vda vî- Mais le Viceroi des Indes , à qui il appartenoit de nommer à ce porte , & qui apprit la mort d'Agnaïaparles deux Capitaines des VaifTeaux, que Don Manuel , avoit envoyés à la recher- che de François d'Albuquerque , le releva , ôc envoya pour y commander Nuc^nés Vaz Pereï- ra , à qui il donna ordre de paflér par Quiloa , cil les troubles arrivés demandoient fa préfen- ce , & un prompt remède.

Nugnés trouva en effet à Quiloa les chofes dans un grand delordre. Mahomet Anconin , qui y entretenoit le calme par fa fagefTe, après avoir échapé aux embûches des Partifans d'I- brahim, devint la vidime de fa propre géné- rodté , à l'égard d'un Prince allié de l'ulurpa- teur dépofTedé. Pierre Feréïra faéleur ou Gou- verneur de Quiloa avoit pris un fils du Roi de Tirendiconde, & il le traitoit plus en elclave, qu'en prilonnier. Mahomet , qui n'étoit pas homme de naiflance, & qui vouloit le faire un protecteur , délivra ce jeune Prince , & le ren- voya à (on père avec des préfents. Celui-ci fei- gnant d'être fort fenfible à cette marque de grandeur d ame, attira Mahomet à une confé-

Iii)

x^t CoNQUESTEs DES Portugais

CIK.OI.

A N N. de rencc , fous prétexte de traiter des affaires de la J- ^- paix , & l'ayant entre Tes mains , il le fit cruelle- ment afTaflmer pendant qu'il dormoit. ^vij^KoiT Mahomet e'tantmort;,& apparemment aufli le donFran- jeune Prince de la race d'Abulfaïl , qu'il avoit mîydavÎ. fait défigner pour héritier légitime du Royau- me , le Trône fut difputé par Hocen fils de Mahomet , & par Micant neveu de l'ufurpateur Ibrahim. Ces deux compe'titeurs diviierent, non feulement les Maures , mais les Portugais même. L'attachement de Mahomet pour les étrangers , n'étant pas un fujet de mérite pour Hocen dans l'idée des principaux , qui d'ailleurs le méprifoient à cau[e de fon extraftion, ils fe déclarèrent prefque tous pour Micant avec le Gouverneur Feréira^quine pcnfoit pas en cela comme ceux de fa nation. Mais ce n'étoit pas la fource du plus grand mal. Le Roi de Por- tugal mal informé avoit fait publier un ordre, pour empêcher qu'on ne tranfportât hors de cette Ville aucune des marchandifes qu'on por- toit d'ordinaire à Sofala,dont il vouloit faire feul le commerce. Cet ordre , qu'on faifoit obfer- ver à la rigueur, révolta tellement les efprits, qu'en peu de tems la Ville fut prefque défer- re , les principales familles s'étant retirées à Mombaze, àMélinde, & dans les autres Vil- les voifines. Nugnés,avant même que d'arriver à Quiloa, abrogea cet ordre, & fit fignifier cette abrogation fur fa route, ce qui produifit un fl

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. IV. 253

bon effec,qu'il y aborda fuivi de plus de vingt bâ- A n n. de timents charge's de ces familles fugitives , qui ^- ^; revenoient avec joye , pour rentrer dans leurs anciennes pofTefTions. Ainfila Ville reprit Ton nu^l r^^*" premier luîlre. Nugnés fît enfuite plaider de- don fran- vant foi les deux Compe'titeurs , &c , nonob- ueIbaYi- ftant la faveur de Fere'ïrajmit Hocen en pof- '^^^°^ fellîon du fceptre ;, après quoi il partit pour So- fala.

Une victoire que gagna Hocen peu après, lui ayant acquis l'ellime du peuple , il en devint fi infolent , que les fadlions s'étant émues de nouveau, le Viceroi des Indes envoya ordre de le dépofTeder , & Micant fut mis à fa place. Celui-ci ie comportant encore plus mal quefon rival , de donnant tous les jours de nouveaux fujets de plainte par la brutalité' de fes mœurs, fut de'poffede' pareillement , & on eût recours à l'ufurpateur Ibrahim. Il eut d'abord de la pei- ne à fe confier aux Portugais , & à fe mettre entre leurs mains. Mais ayant furmonte' fa dé- fiance , il régna paifiblement , & vécut toujours depuis en bonne intelligence avec eux.

Triftan d'Acugna étoit parti de Portugal dans ces conjonctures pour aller aux Indes , & execu- ter,chemin faifant, quelques ordres fur la Côte d'Afrique. LeRoi qui l'aimoit l'avoit nommé au- paravant pour aller réfider dans leslndes en qua- lité de Viceroi. Mais les vertiges, dont il étoit at- taquéjl'ayant rendu aveugle;Alméïda fut nom-

li iij

254 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de à fa place. Les Médecins l'ayant gue'ri, le J- C- Roi le nomma alors Ge'ne'ral des Vaifïcaux de Don Emma- charge qu'il cnvoyoït aux Indes , pour lui don- nuelRoi. ner quelques droits fur la cargaifon , & le fît S°rD^Ai-'^ partir avec une Flotte de feize voiles , dont Al- mîydaYi- phonfe d'Albuquerque en commandoitcinq. Triilàn s étant trop eleve, ht la découverte de quelques Ifles, à qui il donna fon nohi, qu'el- les portent encore, & il arriva en(uite heureufe- ment à Mozambique. Mais ayant perdu beau- coup de tems en route , pour n'avoir pas fuivi les confeils d'Albuquerque, il trouva la (aifon trop avancée pour paffer aux Indes. Il voulut fe dédommager de cette perte,en allant reconnoL tre 1 lile de Madagalcar ou de faint Laurent , que Ruy Peréïra avoir découvert parle dedans^ éc qui le fut enfuite par le dehors & du côté de la bande du Sud par Fernand Soarez , qui y toucha à fon retour des Indes.

Cette nie jfituée fous la Zone Torride & fous leTropique du Capricorne dans la mer Ethiopi- que^répond au pays desCafres,&peut avoir trois cens cinquante lieues de long&quatre-vingt,ou cent de large. Les habitans en iont,partie noirs& partie blancs ou bazanez. Ceux-ci habitent les bords de la mer , &c paroifTent être des Colonies Arabes. Les noirs,'plus anciens dans le pays font probablement deicendus des Cafres, à qui ils. rellemblent & dans leurs mœurs & dans leur Religion. La terre y eft affez abondante en tou-

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. ZJJ

tes chofes nécefTaires à la vie & utiles dans le An n. de commerce , mais Triftan n'y trouva pas les ^' ^• grandes richefles des Indes , dont on l'avoit fla- ,. * te. Les peuples ne le reçurent bien d abord que ^i'" Roi- pour lui faire une trahilon qu'il vengea bien- don fran- tot. Mais voyant qu li y avoit peu de choie a mîydaVi- faire , il s'en retourna , perdit quelques uns de '^^^°'' fes VaifTeaux lur la batture de l'ille, qui porte fort au large , & penla y périr lui même.

Ayant trouve' tout tranquille à Quiloa , il pafla jijlques à Mélinde. Le Roi de Mélinde avoit alors la guerre avec les Rois d'Hoya de de Lamo, pour des intérêts particuliess &d'an- ciennes prétentions. Mais ayant perfuadé à Tri- flan, que c'étoitpour la faveur qu'il avoit don- née jufques alors aux Portugais , il engagea ce Général à entrer dans fa querelle. Hoya fut fac- cagée, & fonRoi tué*en la défendant. Celui de Lamo inltruit par la difgrace de ion voifin, dé- tourna de deffus lui le même malheur par fa foumifïion , & fe faifant tributaire de la Cou- ronne de Portugal.

La Ville de Brava fituée trente lieues plus haut imita l'exemple dHoya,& eût le même fort. Elle étoit grande, riche, peuplée , & for- tifiée d unmur, d'unfolfé, & de pluheurs tours, défendues par fix mille Maures bien armés* & qui tirent paroître qu'ils avoient du courage. Elle avoit été faite tributaire du Portugal par quelques uns des chefs de la République , qui

et ROI.

%^6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Te trouvèrent à Quiloa , ainfi que je l'ai dit.Mais

j. c. . ç\\q fm {] indignée de cette adion , que , quoi-

que ce n eut ete qu un artihce pour lauver un.

Don Emma- ,K-rr i i ' o ^ r

NiiîL Roi. Vaiileau richement charge , & ou le trouvoient Don fran. des pcrfonucs de la Ville des plus confidera- mÉIda vi. bles , elle jugea devoir punir fe'verement cette aélion dans ceux qui s'en trouvèrent coupa- bles, & lescafTade leurs charges. Réfoluc de fe bien de'fendre lorfque Triftan d'Acugna s'y préfentajelle renvoya d'abord infolemment Ton trompette. Cependant, quelques reflexions fai- tes, le Sénat commença à noiierune négocia- tion avec le General Portugais. Maislane'ço- ciation traînant en longueur fous divers pré- textes, le Général;, qui ie défia de cette lenteur, tira par la crainte des tourmens , la vérité de la bouche même de celui qui portoit les paroles, èc apprit qu'on ne l'amuloit que parce que dans cette faifonlàjil regnoit un coup de vent fi violent , qu'il n'y avoit pas un feul VaifTeau qui ne vint périr à la Côte.

Sur cela , Triftan ayant affemblé le confeil , réfolut d'attaquer la Ville dés la nuit luivante. L'armée s'embarqua dans les chaloupes, àc fe rangea en deux lignes. Albuquerque comman- doit la première compofée de quatre cents honimcSj ôcTriltanla féconde, il yen avoit fix cents. Ils arrivèrent à terre au point du jour. Quoiqu'ils euffent pris toutes fortes de précau- tions, pour cacher leur marche , la Ville s'en

apperçut,

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. IJ7

apperçut , & il fe trouva deux mille hommes ANN.de fur la rive pour empêcher la defcente. Elle fe •^" S" ncneanmoms heureulementnonians répandre

t r -r 1 ^"'^ Emma»

de lang. Les ennemis combattirent avec vi- NuttRoi. gueur, mais, revoyant poufTës, ils regagnèrent j^^^ vras- la Ville , y rentrèrent , 6c eurent le tems de fer- ço'sdal- mer les portes a la raveur de ceux qui le lacri- ceroi. fièrent, en failant tête aux pourfuivants. Les Portugais fe répandirent alors le long des murs. Albuquerque ayant apperçû une eipece de brèche dans un endroit le mur étoit fort bas donna parla l'affaut Regagna le rempart. Le combat fut lono- ôc violent le loncr des rues. Mais Triftan, qui attaquoit par un autre en- droit , étant entré dans la Ville de fon côté , les Maures gagnèrent la grande place & la Mof- quée. le combat fe renouvella &c fut plus échauffé. Enfin après avoir duré juiques lur le midi , les Maures fe battirent en retraite , ôc fortirentde la Ville, y ayant eu déjà quinze cens hommes de tués, parmi lefquels furent les chefs de la République. Il refta unaffez bon nombrjs de Portugais morts (ur la place, Us en eurent un plus grand de blelTés , parmi lefquels fut le Gé- néral , qui dans le heu même, il avoir été bleiféjVoulut être faitChevalier avec fon fils par Alphonfe d' Albuquerque lequel leur ceignit répée,& leur donna l'acollade ielon la forme an- cienne. Le Général fitenfuite quelques Cheva- liers lui même du nombre de ceux qui s'étoient Tome I. K k

ijS CoNQUESTES DES Portugais

DonEmma-

Nl'EL Roi.

Don Frak-

çoisd'Al-

MEYDA Vl-

CEUOI.

ANN.de le plus diftingués dans cette journée. j. c. Triftan ne voulut pas qu'on fuivit l'ennemi

^ ' hors de la Ville , & en fît fermer les portes. Et comme il craignoit le coup de vent , dont il étoit me'nace' , il la mit au pillage , & fît publier qu'on fe dépêchât, parce qu'il vouloir y faire mettre le feu. On y trouva de grandes richefTes de toutes fortes , mais Tavidiré du foldat & du matelot fut û grande , que quelques uns ne pouvant s'affouvir furent envelopés dans les liâmes. Leur cruauté' ne fut pas moindre , car ils coupèrent les mains & les oreilles à plus de huit cens femmes ou filles, afin de perdre moins de tems à leur ôter leurs bracelets & leurs pen- dants. Cette barbarie de'plut infiniment au Gé- néral, qui, pour l'arrêter donna fur cela des or- dres un peu trop tardifs. Dieu fembla ne vouloir pas la lailTer impunie, car quinze de ces mate- lots & foldats conduifanfâ bord de T Amiral une chaloupe extrêmement charge'e , la cha- loupe enfonça, & ne revint fur l'eau à vuide , qu'après qu ils furent tous noyés , & tout le bu- tin perdu.

Magadaxo autre Ville fituécà dix-huit lieues de Brava, aulïi riche &aufripuifrante qu'elle, ne voulut point lui céder en courage, quoiqu'elle eût à craindre la même infortune. Dés que la Flotte Portugaife parut, elle le mit en état de vaincre ou de périr. Lionel Coutigno que le Général envoyoit en qualité de trompette pour

DANS LE NOUVEAuMONDE. LiV. IV. 159

CEROI.

la fommer, voyant le rivage bordé d'une gran- a n n. de de mulcitude de gens de pied & de cheval , qui J- C- failoienc bonne contenance ,n'ofa fe rifquer , ^'°'^* & ne de'barqua quun eiclave qui rut aulli-tot ni.ei.roi. mis en pièces. Ce mauvais début l'ayant obligé don fran- deretourner à bord, pour y faire fon rapport, hÉydaVi- Triftan d'Acugna aHémbla aufTi-tôt Tes Capi- taines, qui ayant fuivi les lumières de leur pru- dence, plutôt que limpetuofité de leur coura- ge , furent d avis de remettre la partie à une au- tre fois , & de continuer leur route jufques à Socotora, oùils arrivèrent au mois d'Avril de Tannée 1507.

Socotora, qu'on croit être la Diofcoride des anciens Géographes, eft une lile à l'entrée de la mer Rouge dans le détroit de la Meque /qui eft formé par le Cap de Guardafu du côté de l'A- frique , & par celui de Fartaque du côté de l'A- rabie. Elle eft placée précifément entre ces deux Caps à une diftance preique égale, & à environ une trentaine de lieues de l'un & de l'autre. Elle en .a vingt de long fur neuf de large. L'air y eft chaud^mais afTez iain, parce qu'il eft tempéré par un vent de mer ordinaire. La terre y eft haute, montagneuie, lèche & fterile, excepté en quel- ques vallons propres à nourrir des troupeaux. L'encens & l Alocs y font meilleurs que par tout ailleurs. On y trouve du vermillon &de l'ambre, que la mer y jette fur la côte. On y recueille aufti quantité de dattes , qui avec les laitages

Kkij

l6o CONQUESTES DEsPORTUGAIS

An n. de fervent à la nourriture des gens du pays. J-^- Ceux-ci font originairement Arabes , &: vi-

vent dans des cafés fouteraines à la façon des NUEi Roi. anciens iroglodytes. Ils lont tous nuds _, a 1 ex- ception de ce que la pudeur ordonne de ca-

DonFran- ,^ inr ^1 J'

çois dAl- cher. Tout le relte le rapporte a leur nudite.

c'e'^roi*^'" Timides, pareffeux , lâches , peu fpirituels , ils ne femblent être nez que pour être efclaves ôc miferables. Leur Religion n étoit qu'un aflem- blage monllreux de Judaïime , de Mahometif- me,&deChriftianifme^dont on peut dire encore qu'ils n'avoient que hs apparences extérieures tant e'toit parfaite leur ignorance. On tient que S. Thomas allant aux Indes y avoit annonce' la foi que les Jacobites avoient enfuite altérée. Chrétiens (ans baptême ^ ils portoient encore le noms de Marie & des Apôtres , rendoient un grand refpcdl à la Croix , en avoient de drefîees en différents endroits ^ & en portoient au cou. Ils faifoient leurs prières en hébreu fans l'en- tendre , n époufoient qu'une feule femme , ob- fervoientles jeûnes & les Fêtes , & avoient ainfî plufieurs autres veftiges d'une Religion, donc les notions véritables étoient entièrement ef- facées de leurefprit & de leur cœur.

Le Roi de Caxem dans le pays des Fartaques, profitant de la foiblefTe de ces pauvres Iniulai- res, s'en étoitrenduie maître, leur avoit impo- un joug fort dur,&, pour les mettre hors d'é- tat delefecouer^avoit bâti une Fortereffe dans

DANS LE NOUVEAuMONDE.LlV.lv. l6î

rille , oLi il avoit mis pour commander Ibrahim A n n. de fon Jiis , jeune Prince d'une grande refolucion ^;£' &d'un courage mâl'e, donc il donna de grandes

preuves. ^ ^ nuelRoi.

Comme une des grandes viiës d'Emmanuel donfran. étoit de ruiner ablolument le commerce des ç°"Drti-

^ MEYDA Vl-

Maures par la mer Rouge , & que prelque ne- ceroi. cefTairement tous leurs VaifTeaux qui venoienc . de l'Inde ou de la Côte Orientale d'Afrique dévoient palier par-là , il n'avoit aufli rien de plus à coeur que de fe rendre maître de ce pofte qui lui ailuroit la pofTeflion du détroit , & lui donnoit un aiyle pour les Flottes qu'il envoyoic croifer fur les Côtes d Arabie. Ce fut dans ce deffem principalement qu'il fit partir Acugna, avec ordre de chaffer les Fartaques de riïle,de s'emparer de leur Fort;, ou d en bâtir un ail- leurs dans un endroit commode. Et pour cela il fit charger fur neuf des VaifTeaux de la Flotte les matériaux d'une ForterefTe qui fe trouva toute faite dans les Arfenaux de Liltonne, en- forte qu'il n'y avoit qu'à la monter.

Trilfan ayant fait iommer Ibrahim de fe rendre , n'en reçut point d'autre réponfe que celle que devoit faire un galant homme, de- forte .qu'il fallut fe réloudre d'en venir aux mains. -La réfolution prile , le Général envoya vifiter la Côte , afin d'y chercher l'endroit le plus propre pour la dcfcentc. Comme la m.er étoit haute on n'en trouva point de pluscom-

K k 11)

z6z CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de mode, que vis. à-vis luipetit bois de palmiers,

j. c. peuéloigne'duForCjOÛeJle fut détermine'e. Le

Géne'ral devoir commander la première ligne

NUfL Roi. avec les Capitaines de fon efcadre , chacun dans

Don fran- ^^^^^ chaloupes , ôc Albuquerque la féconde

çois dAl- avec les Capitaines de la Tienne.

MLYDA vi- - . ^-- . 1 /-^ ' ' 1 r

cERoi. Le jour luivant le General le mit en mou-

vement , & alla droit à l'endroit marqué dès la veille. Ibrahim attentif à tout , fortit à la tête de fes Fartaquins , pour aller foutenir un retran- chement qu'il avoit fait faire dans le bois pen- dant la nuit , èc s'oppofer au débarquement. Albuquerque ^ qui jugea de fon intention , au lieu de (uivre le Général , alla débarquer au port vis. à-vis de la ForterelTe, la mer étoit moins groffe que la veille & la defcente plus facile. Ibrahim, qui de cette manœuvre , que le Générallui mêmen'apperçut pas, craignit d'ê- tre pris en flanc, ou même d être coupé , par- tagea fon monde, & de cent hommes qu il avoic en envoya quatre-vingt vers le retranchement, ÔL avec les vingt autres courut vers le port , pour faire face à Don Alphonfe de Norogna neveu d' Albuquerque qui avoit déjà débarqué, & gagnoitle chemin de laForterefle. Ces deux chefs tous deux jeunes & tous deux braves , fem- blerent fe chercher 1 un ôc l'autre , ôc fe bat- tirent long-tems avec une égale valeur, mais enfin Norogna fut le vainqueur.

Ceux de la Citadelle voyant leur chef mort ,

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV.IV. 165

CLROI.

firent le fignal pour la retraite , laquelle étoit a n n. de déformais leur unique reilource. Triftan d A- ^' ^' cue;na ayant trouvé une grande refiitance avoit ' ^ ^*

C ' ^ 1 o I \ ^ t>ON 1:MMA-

rorce le retranchement , & mis les Maures en nuelRoi, fuite. Plufieurs rentrèrent dans le Fort. D'au- don fran- tres fe fauverent dans les bois. Les Portugais mTyd'ÏVi'- rendus au pied des murailles s'efforcent d'en- trer , font porter les échelles pour planter l'efl calade, & les pétards pour enfoncer les portes. Les afliegez le défendent du haut des murs , jettent des artifices &c des pierres , dont l'une étourdit fi fort Albuquerque , qu il fut quel- que tems fans pouvoir parier. Mais étant reve- nu àfoi,&: les Portugais s'étant emparés du mur, & ayant ouvert les portes , il fit des prodi- ges de valeur comme les autres , & fauva No- rogna d'un coup mortel en le couvrant à pro- pos de fon bouclier. Les Fartaques voyant leForc pris fe retirent dans le Donjon. Acugna leur fait propofer la vie & la liberté s'ils veulent fe rendre. Mais ces braves [^ens animés par la vue de leurs compagnons morts, qui s'étoient battus en héros , répondent fièrement que ce n'elf pas la coutume des Fartaques de capitu- ler : Que le fils de leur Roi leur ayant donné l'exemple de mourir en braves, ils ne peuvent lui furvivre , & qu'ils fe défendront jufques à la dernière goûte de leur fang. En effet le Donjon ayant été emporté, ils fe firent tous paffer au fil de l'épée , à la refervc d'un feul. C'étoit'uii

CîROr.

z64 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de pilote habile , qui rendit depuis de grands fer- j. c. vices à Albuquerque.

Le Géne'rai fit enfuite avertir les Infulaires

Don Emma- j ... > ti i i- /--n 'i >'

nuelroi. de venir lui parler. » Il leur dit. Quilnetoit donfran- «venu que pour les délivrer du jou^^ infupor- MErDAVi- " table que les Fartaques leur avoir impofe' : » Que le Roi de Portugal fçachant qu ils étoient 55 Chre'tiens , & qu'ils gémifToient fous la ty- » rannie des Mufulmans , n'avoit eu rien tant à » cœur que leur délivrance , & leur inilrudlion: w Qu'ils e'toient enfin libres , -puilqu'il s'etoit » rendu -maître de la Fortertile , & qu'il leur » laifToit pout les inftruire un faint Miilionnai- » re qui en prendroit volontiers le foin. « Ce- toit un Religieux de 1 Ordre de laint François, nomme le P, Antoine de Lauriere , qui fit en effet de grands fruits parmi ce pauvre peuple. La Mofquëe fut convertie en Eglife , & con- facrée lous le nom de Notre-Dame de la Vic- toire. Alphonfe de Norogna fut e'tabli Gouver- neur de la ForterefTe , félon la deftination que le Roi en avoit fait avant que la Flotte partît de Lifbonne,

Voilà quelle e'toit la fituation des affaires d'Afrique , quand Triftan d Acugna fit voile de pour les Indes. Il n'y fut pas long-tems. Sa préience comme nous l'avons dit accéléra la paix de Cananor , & en fit lever le Siège. Il alla enfuite droit à Cocliin , il trouva fa car- gaîion prête, parce qu'il y avoit un an qu'il n'é-

toic

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.IV. 26;

toit venu des VailTeaux de Portugal. Ainfi il a NN.de fut bientôt expédie'. Mais avant que de repar- J-C. tir il voulut fe trouver aune belle entreprife, ^^°'^' que faifoit en perfonne le Viceroi , qui fut bien n°el ro"" aife de Favoir pour fécond , & d'en partager don f

RAN-

l'honneur avec lui. m'yda vi-

Le Viceroi ayant eu avis', qu'il y avoit à Pa- ïiane, à quatorze lieues de Cochin,quinze à Çq'i- ze VaifTeaux Maures , qui étoient fur le point de charger & de partir , réfolut d'aller les y brûler, & de mettre en même tems à feu & à fang cette Ville, qui e'toit alors fous l'obe'ïfTan- ce,où dans l'alliance du Zamorin. L'entrepri- fe étoit pe'rilleufe. Panane étoit fituée fur une petite rivière qui y fait un port commode, à une licuë au-deffus de fon embouchiire. L'en- trée de cette rivière étoit difficile , à caufe des fables qu'elle regorge. Les ennemis, qui s'at- tcndoient à être attaqués, avoient fortifié non feulement la place , mais encore l'entrée de cette rivière , y ayant élevé des deux côtés une redoute hériffee groffe artillerie. Le Zamo- rin y avoit outre cela quantité de troupes fous la conduite d'un Maure , nommé Cutial , qui étoit en réputation d'un grand homme de guer- re j & les Maures qui faifoient l'élite de ces troupes , étoient outrés des pertes continuel- les , que leur caufoit la haine que les Portugais avoient pour eux , que plus de foixante d'entre eux 3 la plupart Capitames & Officiers de Vaif.

Tome I. Ll

CEROI.

z66 CoNquESTEs DES Portugais

A N N. de féaux , s'écoient razés la tête & la barbe , ce qui

^- ^' eft un figne parmi eux qu'ils fe font engage's

par des ierments & des exécrations à vaincre

DON Emma- ^^ ^ ^^.-^^^ NU EL Roi. r

La Flotte Portugaife au nombre de douze çoisdAl-' bâtimens , ayant paru à la barre delà rivière y clIou^^' étonna les ennemis, mais elle ne leur ôta pas le courage. Ils travaillèrent toute la nuit à for- tifier leurs retranchemens , & à fe préparer à l'adiion. Les Ge'ne'rauxPortugais tinrent con- feil. Alméïda ayant mis (ur le bureau un plan exàd: du lieu , qu'il avoir eu par Tes efpions , il fut conclu que -le lendemain lé. Novembre 1507. à la pointe du flot, tandis que les gros Vaifleaux barreroient la rivière ils ne pou- voicnt entrer , Pierre Baretto & Diego Perez entreroient les premiers, chacun avec leur bateau , dans lequel il y auroit quatre-vingt hommes des plus de'tcrmine's de 1 arme'e : Que le premier iroit débarquer à l'endroit, les VaifTeaux ennemis tirés fur le rivage , étoienc attachés enfemble , & que le fécond aborde- roit au pied de celle des redoutes de l'embou- chure qu on jugea la plus meurtrière. Don Lau- rent d'Alméïda <&: Nugnés d'Acugna fils des Généraux ôc tous deux émules, conduifoient le corps de bataille dans les chaloupes , ou étoienc repartis pour la plupart , les Capitaines & les Otficiers des efcadres de leurs pères. Nugnés devoit foutenir Baretto ôc Don Laurent d'Al-

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. z(>7

méïda , Diego Ferez. Les Gene'raux fuivcienc ANN.de eniuite , & conduifoient la troifiéme lig-ne dans ^' ^'

1111 r i5°7-

les Galères de la courle.

__ /-. ' r 1 r 1 1 ^°^ Emma-

Tout rut exécute rorc bien lelon le projet, nuel roi. Des la pointe du flotBaretto & Ferez s'ébran- don fran-, lerent,&pairerent entre les redoutes,- les fol- mÈyda.vI- dats couchés iur le ventre , fans que l'artillerie *^^'^°'' ennemie qui portoit trop haut leur fît aucun mal. Mais quand ce fut à la defcente , les Mau- res devoiie's a. la mort fortent de leurs retran- chemens , fautent dans l'eau jufques à mi-corps, faififTent les bateaux , & donnent tant d'occu- pation aux foldats, que fe trouvant trop pref- ïez dans ces bateaux , ils ne pouvoient agir , ils font obligés de iauter eux-mêmes à l'eau , le combat fut très opiniâtre. Don Laurent & Nugnés étant arrivés chacun à leur polie ^ les foldats malmenés reprirent coeur & de nouvel- les forces. Le combat fut alors encore plus fan- glant, tous ces dévoiiés combattant en defefpe- rés. On dit que Don Laurent en tua fixa coups d'une demie pique qu'il manioit avec beau- coup d'adrefle &z de vigueur. Comme c'étoit rhomme le plus grand & le mieux fait qu'il y eut alors dans les Indes , un de ces braves , qui à fa mine le prit pour un des chefs, s'attacha à lui ,&ie cachant fous fon bouclier, vint à corps a demi recourbé pour lui couper les jarrets Don Laurent qui étoit lefte efquiva le coup , & re- venant fur fon ennemj d'une hache qu'il faifit

Ll ij

l6S CONQUESTES DES PORTUGAIS

C£ROI,

Ann. de bien des deux mains lui fendit la tête & la lut

J-^- partagea jufques à la poitrine. Mais ayant e'té

bleilé par un autre dans l'endroit du bras , ou

Don Emma» .< i i i ri i r

nuelRoi. 11 y a Je plus de nerrs & détendons , ion ar- DoN fran- deur fut un peu rallentie , il fe trouva maL& fe

çois D Al- I ' , , .

meydaVi- lentit des envies de vomir. Les Généraux, qui n avoient pu arriver plutôt , parce que leurs galères tirant plus d'eau n'avoient pu entrer comme les autres, étant venus fur ces entre- faites , &c animant leurs enfans & leur monde par leurs exhortations & par leurs reproches , Nugnés mit le feu aux Vaiffeaux ennemis , ôc les gens de Don Laurent gagnèrent la redoute. Les de'voiie's étant enfuite éclaircis & morts, la plupart percés de coups , tout le refte fe mit en fuite. Les Vaiffeaux furent conlumés par les fiâmes aufli bien quela Ville, & prefque toutes fes richeiTes , le Viceroi ayant porté un ordre très rigoureux , dans la crainte que l'amour du pillage ne devint la caufe de leur perte. Les re- doutes ayant été emportées,tout le canon en fut enlevé.

Ce fut ians doute un très beau fait d'armes, car, quoiqu'il n'y eut eu que deux à trois cens morts du côté des ennemis , dix huit du côté des Portugais, & grandnombredebleflés, par- mi lelquels furent les deux fils des Généraux , certainement on n'avoit point encore vu , ni plus de bravoure , ni de plus belles ad:ions dans les combattans des deux partis. Aufli le Viceroi

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. 1^9

en fut (i charmé , qu'il voulut faire quelques An n. de Chevaliers en mémoire de cette adlion. Après ^'^' cela Triftan d'Acugna & lui étant allés à Cana- nor,Ies VaifTeaux du retour achevèrent de fe nuel roi.' charger , le Viceroi repartit pour Cochin , & donfran- dAcugna pour le Portugal , il porta l'agréa, yda vÏ- ble nouvelle de ces fuccés. *^^'^°'"

Retournons à la Côte d'Arabie , la gloire du grand Albuquerque nous appelle. Suivons- le dans {es premiers exploits, dont le feul pro- jet femble nous annoncer d'avance les merveil- les, que fît depuis ce nouveau conquérant de l'Inde. Ses Trophées l'ont mis prefque de ni- veau avec les Héros les plus célèbres de l'anti- quité , qui l'avoient précédé dans cette Con- quête.

Dédaignant de croifer fur les gorges de la mer Rouge, félon les ordres qu'il en avoit,ce qui étoit faire en quelque forte le métier de Corfaire : impatient d'ailleurs de fefignaler par quelque entreprife digne de lui, & plus utile au fervice de (on Prince , il conçut le projet de s'emparer du Royaume d'Ormus , & com- mença à fe mettre en état de léxecuter, dés qu'il l'eut formé.

Le Royaume d'Ormus , ainfi nommé de fa Ville capitale , étoit alors un Etat alfez puiflant. 11 commençoit au Cap de Rofalgate dans l'A- rabie heureufe , & s'étendoit au loin de l'au- tre côté dans la Carmanie , il embraffoic

Llii|

170 CONQUESTES DES PORTUGAIS

CEROl.

A N N. de une afîez vafte étendue de pays. Mais ce qui J- ^' faifoit fa plus o-rande confideration , c'e'toit la ficuation de la Ville même d'Ormus,placée dans nuilRoi. l'Ille de GérunàTencrée du Golphe Perfique^à donFran- m-^ peu plus d'une demie lieuë de diftance de la MiYDA Yi- terre terme d une parc , & a quatre lieues de l'autre, L'Ifle n'en a que cinq ou fix de circuit. Mais elle forme deux ports magnifiques , lépa- rés par une langue de terre très étroite , & {1 avantageufement fitués, qu'Us femblent être faits pour être l'entrepôt général de tout 1 O- rient. La nature contente d'avoir donné à cette Ifle une pofition fivheureufej femble lui avoir refufé tout le relie , comme fi elle avoit prévu que l'art luppléant à fon défaut ^en feroit un des endroits du monde les plus délicieux. Car en effet quoique l'eau même y manque, & que l'herbe ait peine à y croître, la Ville grande, riche , fiiperbe , & magnifique joignoic encore à la proFufion des biens immenfes, que luiap- portoit le commerce de l'Afie, de 1 Afrique, & même de l'Europe, une abondance furprenante de tout ce qui peut iervir à 1 utilité , & aux com- modités de la vie , comme fi tous les autres pays navoient été faits, que pour fuppléer à la llcrilicé de celui-ci.

Le commerce ayant fait cette Ville , elle étoit à proprement parler un ramas d'étrangers de toutes les nations , de manière cependant que les Arabes & les Perfes plus voifins y do-

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. ijl

CEROI,

minoient avec la Religion de Mahomet, qui ANN.de e'toic auffi celle du Souverain. Le fang y écoic ■^•'^' aiTez beau, les hommes très bien faits & très fpirituels. Malgré le luxe de leur Ville , & les nuïlRoi. fcntimens pacifiques du neVoce.ils fcavoient i^on fran- parraicement unir enlemble le courage maie meydaVi d'une origine guerrière , ôc d'une fedle qui s'eft étendue par la voye des armes , avec l'amour pour les Iciences & les beaux arts , qui (ont les fruits de la paix & de la tranquillité.

Albuquerque ayant mis ordre aux affaires de Socotora , reprimé les Radiions des Fartaquins^ qui étoient reliés dans l'ille :, en partit avec iix VaifTeaux èc une fuite commandés par de braves Officiers , & furlefquels il y avoit qua- tre cents foixante -dix Portugais. Avec ce pe- tit corps il cingle en haute mer tirant vers le Cap de Roialgate , commencent les Etats d Ormus , préfente devant Calajate qui lui ouvre fes portes , accepte fcs propofi- tions ou les élude avec adrelîé. Curiate plus fiere éprouve le fort des armes ; la confiance qu'elle a dans fes propres forces , caufe fa ruine. Maicare plus confiderable & plus en état de refilfer plie fous le joug par la prudence de fbn Gouverneur. Mais deux mille Arabes, qui y entrèrent la nuit fui vante, la foule verent, quel- que chofè que put faire le Gouverneur pour* leur faire éviter le châtiment inévitable de la trahifon, dont on vouloit le rendre coupable.

XfX CONqUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Ses prédirions furent vrayes. Les deux mille

j. c. Arabes furent battus, & attirèrent fur laVille les

maux dont ils avoient voulu la défendre. LeGou-

NUîL Ro^ verneury périt en combattant en brave contre

donfran- ^^s vues & les lumières. Toutes les précautions

çoisD Al- J^ Général ne purent le fauver , mais les at-

METDA VI- i '

c£Ro.. tentions qu'il eut pour tout ce qui lui apparte- noit j euffent pu le dédommager , fi rien pou- voit dédommager, qui perd tout avec la vie. ' ~ Soar & Orphazan toutes deux grandes, opu- lentes & fortifiées d'un bon mur & d'une Cita- delle, n'eurent pourtant pas le courage de (e défendre. Soar le foumit aux conditions qu'on voulut lui impofer. Mais les habitans d'Orpha- zan eurent tant de peur , que, quelques efforts que fit le Gouverneur , qui étoit un Officier de réputation, ils abandonnèrent leur Ville pour s'enfuïr dans les bois. Les Portugais n y ayant point trouvé ni refiftance ni foumiffion , la pillèrent & la brûlèrent. Après quoi le vidto- rieux Albuquerque alla moiiiller le zj. de Sep- tembre à la viîë d'Or mus , ayant fait précéder devant lui la terreur oc l'épouvante , qui furent beaucoup augmentés par la décharge géné- rale de toute Ion artillerie ^ dont il falua la Vil- le & le Palais du Roi.

Il envoya fur le champ un trompette à la Cour, pour y fignifier les motifs de fa venue. » Ce n'étoit pas , difoit-il , pour y porter la guer- " re , mais la paix : Qu'à la vérité il n'y avoit

» point

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. 275

•' point d'autre moyen d'obtenir .cette paix , T T

' r r TiiT^ r'ÂNN. de

» qu en le loumettant au Koi de Portugal Ion j. c. »' maître , & en lui payant le tribut annuel que ^507- » les Rois d'Ormuspayoient aux Sophis. Mais donEmma- » que le Roi de Portugal étoit un (i grand Prin- ^"^"^ ^°'" » ce, qu il e'toit plus heureux de lui obéir, que ço°s dVl- »» de commander à des Empires : Que dès qu'ils "^"°^ '^'• " feroient reconnus pour les valTliux , ils pou- » voient tout efperer de fa protediion contre » leurs ennemis , comme aufli ils dévoient tout » craindre de Tes armes vidtorieufes , -s'ils étoient » afTez aveugles pour refuler les avantages de » cette même proteélion qu il leur otfroit , » en voulant bien les accepter pour fes tribu- « taires. «

Zeifadin fécond du nom étoit alors fur le Trône d'Ormus qu il avoir hérité de Ces pères 3^ quil'avoient fondé. Mais la jeunefTe de ce Prin- ce ne lui permettant pas de gouverner par lui- même , il étoit encore fous la tutelle d'un Eu- nuque , nommé Coje-Atar , homme habile ôc expérimenté, quiavoit pris dans cette Cour le delTus fur tous fes concurrents.

Véritablement la propofition- du Général Portugais avoit quelque chofe de bien extraor- dinaire , & devoir paroître bien nouvelle. Mais Atar, qui n'ignoroitpasles grandes chofes que les Portugais avoient faites dans l'Afrique & dans les Indes , qui étoit auifi parfaitement in- struit de ce qu'Âlbuquerque venoit de faire

Tome I. Mm

CïROI.

Z74 CONQUESTES DES PORTUGAIS

~T~ fur fa route « intimidé d'ailleurs par la crainte

Ann. de . ' , i

j. c. qu 11 eut que les mecontens du Gouvernement

1507- préient, n'en prifTent occafion de faire quelque

donEmma- changement dans l'Etat, prit d'abord le parti

de la diflîmulation , cherchant à fragner du

Don Fran- lITjrj

COIS D Al- tems j ann de donner le ioilir de le rendre aux troupes de terre & de mer , qui n e'toient pas loin , de dont une partie étoit deia arrivée. Ainfi il renvoya le Trompette avec un de les Offi- ciers avec des lettres & des préfents confidera- bles. Albuquerque reçut la lettre , & refuia fiè- rement les prélents , en difant qu'il n'en vou- loit point recevoir qu'il ne fçur auparavant s'il devoit traiter avec lui , comme ami ou comme ennemi.

Atar ne fut pas moins choqué de cette ré- ponle qu il l'avoit été de la première propor- tion. Il continua néanmoins à dillimulerjulques à ce qu'il eut obtenu la fin qu'il s'étoit propo- fée. Mais quand il fe vit vingt mille hommes de troupes, fa Flotte de rétour jointe à plus de foi- xante VailTeaux de charge , & plus deux cens ef^ quifs , chaloupes , & autres petits bâtimens qui étoient auparavant dans le port , alors levant le mafque, il commença par faire arrêter les Portugais , qui avoient ofé débarquer avec trop de confiance , & envoya dire au Général.' Qu'il » étoitfurpris de lahardielle de (es propofitions " &: del'injuftice defes demandesrQueles Rois "d'Ormus bien loin de païer tribut aux étrangers

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. IV. 175

»> qui venoiencdans leurs ports, avoienc coûtu- Ann. de " med'enexigerd'euxiQuefiles Portueais vou- ^'^' î' loient commercer comme les autres nations, " on leur accorderoit la permifïion & la liber- niÊiroi.' « aux mêmes conditions : mais que s'ils en- ^°" ^^''^•

J r 1 -1 -1 çoisdAl-

"treprenoient de raire quelque violence , us meyda vi- «apprendroient bien-toc à leurs dépens qu'ils » fe trompoient , s'ils croyoient encore avoir " affaire à des Cafres , & à de miferables Ne-

CEROI.

>■< gres. «

La fierté de cette réponfe &c les manœuvres qu'on faifoit dans le port, ayant fait juger au Général qu'il falloit fe réfoudre d'en venir à la force ouverte , il appelle au confeil , ayant conclu d'atta^^uer les VaifTeaux ennemis , par c'étoit une nécefTité de commencer , il levé l'anchre & appareille fur le champ , occupe toute la Rade , y difpofe fes VaifTeaux dans de juftes intervalles, afin qu'ils pufTent faire leurs évolutions , virer aifément de bord, lâcher à propos leurs bordées , ôc fait feu de toute fou artillerie. Les ennemis dillribués dans tous les petits bâtimens rangés en deux lignes , Atar commandoit en perfonne, &c à qui il avoit fait gagner le large pour inveffir la Flotte Portugaife , ne s'étonnent point du bruit , s'avancent hardiment malgré le fracas du canon. La fumée même qui pendant un tems déroboit tous les objets à la vue, leur don- na le moyen d'accofler de fi près , qu'après

M m i j

zyô CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N.de avoir décoché en afTcz bon ordre une nuée de

T C^

' j'q ' flèches, ils vinrent à l'abordage. Les Portugais ^ _ à qui la multitude innombrable de ces flèches

Don Emma- a.

NUEL ROI. blefïa beaucoup de monde, n'eurent pas peu '^^ox%^l'^-' ^ ^^ire de (e défendre de la vivacité de ce pre- MiYDA vi- j-nier afTaut, il fallut combattre main à main

CEROI. ^ ^ 11- 111 1

a coups de lances, de leviers , de haches & de

fabres. Mais pendant ce combat, qui dura afTez

long-tems , les plus hardis ayant été tués oa

précipités dans la mer, le canon d'entre-pont

& des baffes batteries , qui étoient au niveau

de l'eau , fît un fi terrible effet fur ces petits

bâtimenSjqu'Atar,qui avoir commencé le com.

bat avec une extrême confiance , & qui ani-

moit tout de fa prefence , les voyant éclaircis,

mis en pièces ou coulés à fond la plupart, prit

Je parti de fe retirer le plus fecretement qu il

put à labri des Vai(feaux de charge. Sa retraite

néanmoins -n'ayant pu fe faire fi fecretement

qu'on ne s'en apperçut , il eut le chagrin de

voir que fon mauvais exemple fut en peu de

tems luivi de tous les autres.

Albuquerque délivré de l'importunité de tous ces petits bateaux , courut alors vers les gros Vailfeaux parmi lefquels il y en avoir deux du port de huit cens tonneaux, & d'environ cinq à fix cens hommes d'équipage. Le premier ap- pelle le Prince , appartenoit au Prince de Cam- baïe. Le fécond avoir nom U Méris , & étoit à Mélique Jaz , Seigneur de Diu , dont nous par-

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. 2-77

CE ROI.

lerons beaucoup dans la fuite. Le Gene'ral s'at- a n n. de

tacha à tous les deux l'un après l'autre, & après ^■^' I ^ . -A .s 1 ^ r j ^ '5°7-

un combat très opiniâtre les coula a rond tous

- , _ ^ ^ . . . . p Don Emma-

les deux. Les autres Capitaines imitant 1 exem- nuel roi. pie de leur Chef s'attachèrent aulîi à divers bâ- don fran- timens, & ce fut alors un feu , une mêlée , une m'^^"'»^'" confufion des plus horribles. La mer fut bien- tôt couverte de débris de Navires , de morts &: de mourants , dont le fang fît changer de cou- leur à fes eaux. Le defordre ètoit fi grand par- mi les ennemis, qu'ils combattoient les uns contre les autres , ôc que parmi leurs morts qu'on fait monter julques à trois mille , il s'en trouva beaucoup quiétoient percés de flèches quoiqu'il foit certain que les Portugais n'en ti- rèrent pas une feule. Enfin les ennemis aban- donnèrent abfolument leurs 'VaifTeaux , & fe lancèrent à la mer pour fe fauver. Albuquer- que ayant fait le fignal aux (lens de fe jetter dans les chaloupes , ce ne fut plus qu'un maf- facre général de tous ces malheureux , qu'on affommoit dans leau ou qu'on forçoit de fe noyer i fpedlacle afïreux lequel ayant pour té- moins le Roi ôc tout le peuple , qui bordoit les murs & le rivage , pour voir le fuccès d'une fi grande aèlion , devenoit encore plus horrible' par les hurlements & les cris déplorables que cette multitude poufToit jufques au Ciel.

Après que le combat eut duré huit heures , le victorieux Albuqucrquc n'ayant plus per-

M m lij

1^8 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de lonne qui ofâc lui faire têce , & profitant de J- C- Ion avantage fit mettre le feu à tous ces bâti- ^'°^' mens abandonne's, qui étant emportés loiiidu K-jr^i RoT' port par un vent de terre^quifoufla alors, furent domfran- donner un nouveau fpeéVacle d horreur fur les mÈvda^i- Côtes delà Carmanie,& de l'Arabie, od ils cERoi. allèrent fe confumer ou s'échoiier. Faiiant en- fuite le tour du port , le Général fit pareille- ment mettre le feu à cent quatre-vingt bâti- mens de toute efpece,qui étoient encore fur les chantiers , prêts à être lancés à l'eau, & qui furent laproye des fiâmes. Mais en paflant fous une efpeee de petit fortin ou Palais étoit le Roi , & d'où malgré la confternation l'on, étoit, on tira une grande quantité de flèches , il fut bkfféavec quelques-uns des Officiers qui étoient près de lui.

L'animofité des Portugais étoit inconceva- ble. Déjà quelques uns ayant mis pied à terre , avoicnt mis le feu à un des Fauxbourgs , il y eut une Mofquée brûlée. Se laifl^ant enfuite emporter à leur ardeur boiiillante & impetueu- fe, ils alloient entrer dans la Ville pêle-mêle avec les fuyards ■■, mais Albuquerque failanc attention à leur petit nombre & à leur lafiitu- 'de, fit fonner la retraite , content d'une fi belle viéloire.

L'excès de la préfomption d'Atar dégénéra tout à coup , comme il arrive d'ordinaire aux âmes viles , en un découragement extrême^ Qix

DANS LE NOUVEAU 'Monde. Liv., IV. 179

voyant un fuccès fi contraire à Ton attente. Li- . , , i vré en ce moment a les cruelles inquiétudes , J. c. & appréhendant tout du dehors 6c du dedans, ^^°7- il fe fentit une extrême impatience de conclure domEmma.- la paix a quelque prix que ce put être. 11 ht donc donfran- élever dans le moment un étendart blanc fur tf.'l^'^ v.

M fc Y D A Y *"*

une des tours du Palais du Roi, & envoya dans <='^R°-- un efquit avec un iemblable e'tendart deux Maures de confiance , dont 1 un étoit un des Grenadins chaffés d'Efpagne, lorfque les Rois Cathoiiquesfe furent rendus maîtres du P.oyau- me de Grenade. Albuquerque qui e'toit faticrué remit leur audience au lendemain , retint ce- pendant celui-ci pour otage , & renvoya l'autre avec la permifîion qu'il donnoit d'éteindre le feu , & l'afTurance qu'il ne troubleroit rien, qu'il neut entendu les propofitions.

Le lendemain le Maure étant revenu avec quatre autres Notables , le Général leur donna audience publique iur fon bord qu il avoit fait p'avoifer pour cette cérémonie.

Celui-ci qui portoit^la parole , parla à peu près ainfi. "Seigneur Capitaine Général du Roi » de Portugal, le Roi d'Ormus notre Maître te " fut dire par notre boucha que dans les cho- » fes qui fe font pafTées entre toi& lui, &qui » ont caufé tant de maux , la perte de tant de » braves gens , & celle de tant de VaifTeaux , il » n'a point d'autre excufe à te donner, que fa " grande jeunelfc , fon peu d'expérience ^ & les

i8o Conquestes des Portugais

CEROI.

A N N. de » mauvais confeils de fes Miniftres , qui l'ont Q^[ » engagé à refufer la paix , & ton amitié que tu Don Emma- " '"^ ^^ offerte. Il en ell très repentant. Et plut à nuelRoi. Dieu qu'il n'en eût pas tant coûté à lui Ôcàfon donfran- peuple ,pour fe repentir. Il convient que ce meydaVi- » Royaume eft à toi &c au Roi de Portugal , "puifque tu l'as conquis parla forcede tes armes » en preux Chevalier & en grand Capitaine. Il » fouhaite (e remettre entre tes mains lui ôc fes " Etats, pour que tu en difpofes à ta volonté. Il » te demande leulement que tu ayes pitié de » lui & de Ton peuple -, que tu le traites comme » un père traite Ion tils défobéiflànt auquel il » pardonne , dés qu'il le voit fournis & contrit. " Ayes compallion pareillement de cette pau- » vre Ville. Puifqu'elle eft à préfent du domai- » ne du Roi de Portugal , n achevé pas de la » détruire. Elle eft afTez à plaindre, n'y ayant " pas une maifon il n'y ait bien des fujets de » vcrfer des larmes. Pour ce qui eft du Coje- » Atar premier Miniilre & des autres princi- " paux Officiers de la Couronne, ils te font fça- » voir également qu'ils font tes efclaves , que " le Royaume étant à toi , ils font aufïi à tes or- î' dres & à ta difcretion. «

Afin de ne rien perdre des heureufes difpo- fitions qu annonçoit une telle harangue , Albu- querque ayant tenu confeil avec fes Capitai- nes , fît partir fur le champ deux perfonnes avec l'interprète munies depleins pouvoirs de fapart.

La

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. iSl

CEROt.

La paix fut bien-toc conclue en cette manie- Ann. de re. » Zeifadinfe reconnut vaflal de la Couron- ^' ^' » ne de Portugal , & promit de lui payer tou-

, z*-' . ^ nr II \ Don Emma.

"tes les années qumze mule leraphms d or a NUELRor, titre de tribut. lien payoit outre celaadruel- don fran- » lement cinq mille au General pour les irais meyda vt- » de la guerre. Il s'engageoit de donner un em- » placement dans la Ville d'Ormus , pour y ba- » tir une Citadelle, de fournir pour cela 1 ar- » gentjles matériaux & les manoeuvres néceC- " faires. En attendant il adiraoic dans la Ville » des mailons commodes . les Porcu2:ais " pourroient loger jjulques à ce que la Forte- ' " refTe fût achevée & mife à fa perfedlion. Le » Roi de Portugal de fon coié prenoit le Roi »> d'Ormus fous fa prote(ftion,(5cs'obligeoit de » le défendre envers & contre tous fes enne- » mis. « L'ade de ce traité fut fait double , ôc gravé fur des lames d'or, en langue Perfane & Arabique. La Bannière de Portugal fut élevée fiir la plus haute tour du Palais du Roi. Ce Prince & Albuqucrque fe virent lun & l'au- tre, ô^ s'envoyèrent mutuellement ^q% préfènts. Enfin la paix fut publiée avec toutes les dé- monftrations de joye , que pouvoit permettre le deiiil la Ville étoit plongée.

L'emplacement de la Citadelle fut marqué fur la pointe de cette langue de terre , qui fait comme une efpece de jcttée dans la mer entre les deux ports. ElleJie pouvoit être mieux alTife,

Tome L N n

iSi CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de puifquelle dominoit Fun Se l'autre aufli bien J- c. que Iq Palais du Roi , en face duquel elle e'toit doneL'^m - piace'e. On ne perdit point de tems à y travail- NUEL Roi. 1er. Tout le monde mettoit la main à l'œuvre, donFran- depuis le Ge'ne'ral jufques au dernier moufle MEYDA Yi- de VaifTeau. Chacun avoitfatâche.Une efcoua- ^''^°^' de relevoit 1 autre aux heures marquées , ôc on travailloit fans difcontinuation. Mais toute la prudence du Général ne pût parvenir à ca- cher le petit nombre de (es gens. Atar s'en ap- perçut , il en rougit , & pénétré de honte & de confufion d'avoir facrifié l'Etat & fon Souve- * raina une (i petite poignée de monde, il con- çut dés-lors le deifein de reparer fa faute par la fourbe, & par l'artifice.

Plus habile dans les relTorts de la poUtique que dans le maniement des armes,il tourna tou- tes fes vues à détruire les Portugais par eux mêmes , & il s'y prit avec tant d'adreffe qu'il eutprefquele bonheur d'y réiifïir. Il commença d'abord par ceux du bas étage,qui ayant les fen- timens moins élevés, & 1 honneur moins à coeur font auffi moins capables de refifter aux vues d intérêt qu'on leur propofe. Il débaucha ainfi fecretement par les largeifes quelques fon- deurs d'artillerie & quelques charpentiers de Navires qu'il fit écly pîer , & qu'il fçut appliquer utilement félon fes delfeins. Le Général les fit repeter , mais l'habile Miniftre qui fentit bien que pour fi peu de chofe ;,»il ne voudroit pas

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. iSj

rompre , fçut toujours éluder Ces demandes, a n n. de Ceux qui demeurèrent fidelles ne laifTerenc J- C- pas de concevoir de l'inclination^pourun hom- ^^°^' me qui affedoit de fe montrer libérai, populai- nuelÏi!** re , ôc qui alloit au-devant de tout ce qui pou- don fran. voit faire plaifir. Des petits il vint aux grands. ^^^ Y^/yj. Il en trouva plufieurs qui ne furent pas indiffe- '^^«■oï- rents à fcs dons (es careires,& iliçut les employer fi bien , qu'il fe les rendit plus utiles, que s'il en avoit fait ouvertement des traîtres & des transfuges. Car comme il ne cherchoit qu'à faire naître la divifion & à la fomenter , il en eut bien-tôt l'occafion ^ <Sc il y fut parfai- tement (ervi.

La batiffe de la Citadelle n'avançoit pas au- tant que chacun l'eut fouhaité. L'adroit Mini- ftre avec le talent de paroître zélé & emprelTé faifoit toujours manquer fous main toutes cho- {es pour le moment du befoin. Albuquerque d'un autre côté naturellement fevere 6c dur , ne relâchoitrien de la rigueur du fervice , de- forte que peu aimé des Officiers &c desfoldats, qui s'ennuyoient de fon inflexible aufterité , ôc qui ne ibupiroient qu'après le moment ils pourroient aller croifer, pour s'enrichir des prilés qu'ils faifoient dans ce métier , il y avoic parmi les uns & les autres beaucoup de mé- contcns. Et comme dans ces fortes d'occafions on paiTe d'ordinaire bien-tôt des premières plaintes 6c des murmures , aux difcours info-

Nn ij

284 CoNQuESTEs DES Portugais

MiY CEROI.

A N N. de lens , aux petites cabales , & aux factions , le

j. c. ^fgy s'alluma de telle manière en peu de tems,

^^° * que tout étoit diipofé à une lédition ouverte.

N°rLÏoi^ Atar n'ignoroit rien , & ne fe ncgiigeoit pas.

Don fran- Les Capitaines qui euflent contenir les mu-

^°" DA Vu tins dans le devoir par leur exemple & par leur autorité , etoient les premiers à les ameuter. Albuquerque difïimuloit , ôc fe contenta de faire avertir lecretement ceux dont il avoit dé- couvert les fentimens de fetenir fur .leurs gar- des , à veillera ce que la Cour d Ormus ne pé- nétrât rien dans leurs divifions. Tout fut inu- tile , & les choies vinrent au point , que les mu- tins eurent la hardieffe de lui faire prefenter par l'écrivain du Roi , une Requête fignée des principaux Capitaines & Officiers, qui decla- roient , à la décharge de leur confcience,& pour leur furetéj&pour la juftifîcation de leur condui- te,qu'il étoit du bien du fervice du Roi^ d'aban- donner l'entreprife d'Ormus , pour aller croi- fer dans le Golphe Arabique îelon les ordres de la Cour, pour aller joindre le Viceroi dans les Indes. Albuquerque, qui étoit de ca- raélere à devenir plus fier par la refilf ance qu'il trouvoit , prit cette Requête avec un fouris moqueur, & pour témoigner fon indignation Se fon mépris , il lenvoyafur le champ mettre dans les fondemens de la porte d une tour de la Citadelle, qu'on appella depuis par dérifion/^ Forte de la Requête,

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. iS;

r CEKCU

^

Le hazard voulut dans le même tems ,• ou Ann. de bien ce fut une adrefTe d'Atar , qu'il parut des ^' ^' AmbafTadeursdu Sophi , qui venoient chercher

, ., 1 r> J'/^ I Don Emma.

le tnbut que le Roi d Ormus avoit coutume de ni el roi. lui payer toutes les années. La Courallarmce dom fran- ou feignant de l'être , eut d'abord recours à Ai- uIIvaYi- buquerque, & lui fit expofer les craintes par Raix Noradin l'un des Minières d'Etat. Ce fut une nouvelle occafion aux mutins de remuer. Mais Albuquerque prenant un air chagrin ôc impérieux ;, s'étant fait apporter fur le champ un grand balîin plein de boulets & de grena- des , de fers de lances , &c de piques , d'e'pe'es ôc de labres. « Allez , dit-il fièrement à Nora- « din, portez ce preient aux AmbalTadeurs de » Perfe. Dites leur que c'eft le tribut que » payent le Roi de Portugal & les Rois fes Vaf- 3> laux , à ceux qui le leur demandent. AiTurez- » les en même temsque dès que laCitadclle fera " acheve'e , j'entrerai dans le Golphe Perlique, «pour aller aifujetir à la Couronne du Roi mon. «maître, toutes les places qui dépendent du » Sophi. Et gardez vous bien de lui payer d'au- » tre tribut que celui que je lui envoyé , fi vous » ne voulez être dépolé de votre charge , ôc » châtié très leverement. «

Cette fermeté d'Albuquerque jointe au mé- pris qu'il avoit fait paroître pour la Requête, ayant aigri encore davantage les efprits , le mécontentement dégénéra en licence. Les or-

N n iij

CEROI

i8ô Conquestes des Portugais

_A K N. de" dres n'étoienc plus obfervés ou 1 ecoient fi mal

J- c. & {i à contre-tems , que le Général ne pouvoit

^ ^1°'^' pas s'empêcher de voir l'attache qu'on avoit à

Don Emma- r 1 1

NUEL Roi. lui donncr du degout. Atar cependant croyant Don fran. avoir conduit alors Ics chofes au point il les MEYo^'l^vi- vouloit, prenoit de fecretes mefures , pour fe- coiier le joug, & accabler les Portugais lorf- qu'ils y penferoient le moins. Il avoit fait fon- dre beaucoup d artillerie par les transfuges : fait entrer fecretement des troupes dans la Vil- le : on avoit tiré par Tes ordres tous les bâti- meiis du port : percé enplufieurs endroits les maifons qui répondoient à la Citadelle , & il n'attendoitque le moment pour faire fon coup. Mais comme les Cours des Princes ont toujours leurs traîtres, & des ennemis du Gouvernement prêfent , Albuquerque qui avoit aufîi fes ef- pions , fut averti à propos par un de ceux-là, de tous les defTeins du Miniitre.

Sur cet avis, ayant afTemblé le Confeil, & fait connoître aux mutins le danger ils s'é- toient précipités eux-mêmes par leur faute , ayant reveillé en même tems dans leurs cœurs les fentimens d'honneur , en leur repréientann ce qu'ils dévoient au Roi ôc à eux-mêmes, il les détermina à penfer à leur (alut, fans pour- tant venir à bout d'effacer de leur cfprit les mauvaifes impreflions qu'y avoit fait 1 aigreur. L'ordre fut donc donné à tous les Portugais, rant à ceux qui étoient épars dans laVille qu'aux

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. iSy

autres qui écoient occupés à la conftrudionde An n. de la Citadelle , de fe rembarquer avec tous leurs ^- *^- efFetsje plus fecrettement qu'il leur feroit polli- ^ * ^°^* ble,& lur le champ iordre rut exécute. Atar nuelRoi. voyant Tes projets trahis , ne différa pas à e'cla- don- fran- rer. Il fait fonner le tocfm , il met (es troupes mÈydavi-. en mouvement , brûle un VaifTeau que le Gé- ''^^°^' ne'ral avoit fait tirer fur les chantiers pour le radouber, & vole fur le port, doù l'on déco- cha contre la Flotte,bien que très inutilement, toutes fortes de traits.

Albuquerque s'e'tant plaint de cette infra- ction , & n'en recevant aucune fatisfadlion foudroyé la Ville à coups de canon pendant huit jours conlecutifs , & brûle les Vaiffeaux qu'Atar croyoit avoir mis à couvert. Mais s e'tant apperçû que cela ne favançoit pas de grand choie , il forma le deffein d'aff^amer la place, & de fermer le pafTage à tous lesfecours. L'Ifle ne produifanr, ainfi que je l'ai dit , que quelques herbages qui y croifîent à peine, les habitans n'ayant d'autre eau à boire que celle des pluyes confervées en quelques'cifternes, la chofe e'toit facile. Dans ce delTein donc il entoure l'iUe en quelque forte par fes Vaiffeaux qu'il difpofe par intervalles , & avec fes chalou- pes & bateaux , qui en fiiioient continuelle- ment le tour , il fait une patrouille exade. Quel- ques petits bâtimens des ennemis ne laifferent pas de fe bazarder, mais tout autant qu'il en

z88 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de prenoitjil faifoit couper le nez & les oreilles ^- ^' des prifonniers , & les hiifoit remettre à terre ,

I C 07 A ,

afin que (e montrant dans cet état , ils fufTent

Don Emma- r il i /\

nuelRoi. enluite un exemple de terreur, qui mtimidac

DonFran. les plus hardis.

mÊyda^Vi- Sçachant enfuite qu'il y avort dans l'Ifle à un

cERor. endroit nommé Torombac à une grande lieuë de la Ville , quelques puits gardés par un déta- chement de deux cens hommes & de vingt-cinq chevaux , il envoyé de nuit George Baretto de Caftro avec quatre vingt hommes. Caflro fait {on attaque un peu avant le jour, taille en pie- ces le détachement, & fait jetter dans les puits les cadavres des hommes & des chevaux pour les boucher.

L'a(flion étoit belle, mais le pofte étoit trop important , pour que les ennemis ne fiflent pas des efforts confiderables , afin de le reprendre. Le Général , qui de fon côté avoit autant de raifons de le conferver , commanda vingt hom- mes pour cet eifet , fous la conduite d'un brave Caftillan nommé Laurent de Sylva , à qui il donna ordre de faire porter une pièce d'artil- lerie fijr une éminence ,oû l'on ne pouvoir ar- river que par un fentier fort étroit. Mais cela ne put être exécuté affez àtems , parce que les ennemis y accoururent en grand nombre, ayant à leur tète un des fils de Raix Noradin , à qui le Général avoit obtenu fa grace,& qu'il avoit fait rappeller de réxil,oùila.voit été envoyé pour

crime

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. 289

crime d'Etat. Albuquerque étant arrivé par a n n. de mer dans ces conjonélures, avec environ cent ^'^' cinquante hommes d'élite , il fe piqua de vou- loir planter la pièce d'artillerie dans le pofte nuelRoi. ' qu'il avoit marqué. Mais la troupe des enne- ^^ ^

T ^ l ^ r Don Fran-

mis étant renforcée par un nouveau corps de ço:sdal-

1 1 ^ r 1 I t MEYDA Vl-

troupes beaucoup plus conliderable , que com- cerol mandoient le Roi & Atar en perfonne , il y eut une des plus rudes efcarmourcKes. Prefque tous les Portugais y furent blefTés. Albuquer- que reçut plufieurs coups dans ia côte de mail- le & dans (on bouclier , & peut être eut -il fuccombé fous celui de mafTuë , que lui por- toit le fils de Noradin, lorfqu'un coup de feu qui emporta le bras à celui-ci, le délivra de cet ennemi. Ce fut là, ainfi qu'il le dit depuis , un des plus grands dangers qu il eût couru de fa vie. Il fe fauva néanmoins dans les bateaux avec prefque tout fon monde , laiiTant à fes enne- mis la gloire de l'avoir fait fuir, fes Capi- taines, qui avoient contredit cette entreprile, la joye maligne qu ils eurent de lui voir elluyer cette petite mortification.

Cependant la mer étoit exadlement gardée, il ne pafToit aucun fecours, & la Ville réduite àunedifette prefque extrême étoit fur le point de fe foulever. Tous les jours une troupe de femmes & d'enfans , foutenus par une multi- tude de faineans , qui dans ces rencontres font les braves , environnoiçnt le Palais du Roi , ôc

Tome L O o

190 CoNQUESTEs DES Portugais

C£KOI.

A N N. de tantôt par des prières , tantôt par des menaces ^'^' demandoientlapaix ou du pain. Atar quelque-

1508. Cl ri- 1 r 1 r ^

rois les conloioit, & les amuloit par 1 eiperan-

NUEL r""^ ce de l'arrive'e prochaine d'une Flotte qu'il at-

tcndoit, quelquefois il étoit oblip;é de les faire

DonFran- ^^ \ ^ . ' r^ >■

çoisdAl- repouller a main armée. On nignoroit point meydaYi. j^j^j la Flotte d'Albuquerque l'état étoit la Ville & la nécefïité elle fe trouveroit , de recourir à fa clémence. Ce moment étoit pro- che , quand par la lâcheté la plus indigne , fur- tout de gens de diftindlion , Albuquerque fe vit enlever une fi belle proye par trois de fes Capitaines , qui laiffant prévaloir dans leur cœur la haine ôc la jaloufie fur leur devoir, l'a- bandonnèrent honteufement , &c firent voile pour les Indes, voulant fe jufti fier auprès du Viceroi de leur défertion , ils ajoutèrent àl'infi- delité qu'ils avoient faite à leur Général,la noir- ceur des plus atroces calomnies ^ dont ils le chargèrent.

" On ne fçauroit exprimer l'excès du dépit d'Albuquerque, quand il apprit cette nouvelle, qui lui fut d'autant plus fenfible, qu'un de ces Capitaines emportoit avec lui les vivres de la Flotte, & toutes les provifions defi:inées , pour ravitailler la garnifon de l'Ifle de Socotora, qui en avoit grand beloin. Nonobftant cela le delct poir même il étoit l'obllina d'avantage à vouloir continuer de réduire la Ville à la der- nière extrémité. Et quoique les autres Capi-

DANS LE N0UVEAuM0NDE.LlV.lv. zgi

CE ROI,

taines , qui reftoient avec lui , ne f uiïent gue- a n n. de res mieux difpofes que ceux qui venoienc de le ^' ^' quitter, il fît encore deux encrepriles furrille de Qiicixome , d ou les aiiieges attendoient nuel roi. quelques fecours. Dans la première il lacca- donFran- gea un Palais du Roi , ce Prince tenoit deux M^YDA^yr. cens archers & trente chevaux , qui furent paf^ [es au fil de l'e'pe'e. Dans la féconde il défie un corps de cinq cens hommes , conduit par deux neveux du Roi de Lar,qui combattant vaillamment fe firent tuer. Le Général qui fçavoit quils étoient partis dans le deffein de ravitailler Ormus , & d'expofer leur vie pour la défendre , fit mettre le corps de ces deux Princes, &desplusconfiderablesde cette troupe dans un bateau qu'il laifTa à la conduite d'un Calender ou vieux Santon , avec ordre de dire de fa part à Cojé-Atar , qu'il lui enverroit dans cet état tous ceux qui entreprendroienc de venir le fecourir. Revenu pourtant un peu de l'excès de fa colère , faifant reflexion à la foi- bleffe préfente il fe trouvoit , & craignant l'arrivée de la Flotte dont Cojé-Atar flattoit toujours les afîiegez , il prit le parti de fe reti- rer , & fit voile pour Socotora ^ il arriva fur la fin de Janvier I 508.

Lesfuccès prefque continuels que les Portu- gais avoient eu jufques alors dans les Indes , furent interromps au commencement de cet- te même année, par un échec qu'ils y reçurent

O o ij

CEROI.

i9i CONQUESTES DES PORTUGAIS

An n. de & qui leur fut d'autant plus fenfible , qu'il y fît

J- ^- un plus grand éclat , & qu'ils avoient railon d'en

appréhender une révolution entière de leur for-

wLEi Roi. tune. Pour entrer dans ce détail ^ il faut repren- dre les chofes de plus loin,

çois dax- Dès les premiers progrès que les Portugais

MtYDA vi- f^j-ent; cl^j-i5 l'Indoftan , les Maures , qui y étoient répandus, &c établis depuis quelques (lecles , 6c qui en faifoient le plus gros commerce , com- mencèrent à prefrentir,que ces étrangers n y ve- noient que pour leur ruine. Ils furent bien plus confirmés dans cette penfée,cjuand voyant grof- fir leurs Flores, ils leur virent tenir la mer, donner la loi aux Rois des Indes , bâtir partout des ForterefTes, exiger qu on ne pût faire au- cune cargailon, qu'ils n'eufTent fait la leur,qu'on ne pût naviger dans ces mers , fans prendre leur agrément ôc leurs pafTeports j & qu'enfin ils ne fe cachoient pas ; que leur intention étoit de rompre abfolument tout le cours du com- merce de la mer Rouge & du Golphe Perfique : qu'ennemis des Maures par religion & par inté- rêt 5 ils travailloient à toute force à les détruire, faifoient continuellement fur eux des prifes , pilloient ou brûloient leurs Vaiifeaux fans ref- pecftermême les pafTeports , que la crainte les avoit obligés de prendre d'eux, ne manquant point de mauvais prétextes , pour colorer leurs injulHces qu'ils accompagnoiieiic fouvent de cruauté.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. IV. 293

Les Maures donc ne fe Tentant pas afTez forts A n n. de pour fe délivrer d'un ennemi qui dès les pre- ^' ^' miers pas s'e'toit fait connoître par l'afcendant qu'il avoit pris , réiolurent de recourir à une ^T^^kou^ puifTance fuperieure , dont les intérêts joints donfran. aux leurs, pufTent être un motif capable de len- ço«d-al- gager a raire de grands eftorts. Dans cette vue ceroi. ils perluaderent au Zamorin d'envoyer un Am^ bafladeur au Soudan d'Egypte , qui e'tant la partie la plus le'ze'e , prendroit vivement feu , & e'toit en état de porter un puiilant remède au mal commun. Le Zamorin écouta la pro- portion, & députa au Caire un Santon nomme Maïmane , homme fage & en réputation d'une grande fainteté parmi ceux de fa fede. Celui- ci s'étant mis en voyage prit encore en chemin des lettres de recommendation des Rois de Cambaïe, d'OrmuS;, d'Aden, &: d'autres Prin- ces Mufulmans, qui reconnoiffoient le Caliphe ou Soudan d'Egypte comme Chef de leur Re- ligion , & qui ayant les meilleurs entrepôts de ces Côtes , s'ouftroient aufli le plus de l'inter- ruption du commerce , & avoient tous de5 plaintes perlonnelles à faire.

Campîon , qu'on peut regarder comme le dernier des Caliphes de la race des Mammelus qui s'établirent en Egypte du tems des Croi- lades , étoit alors fur le Trône, Les Etats de ce Prince ctoient vaftes , & comprenoienc, outrs 1 Egypte & une partie de l'Afrique Septentrip-

Ooiij

i94 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de nale , toute la Syrie jufques à TEuphrate , 6c J- ^' une partie delArabie. Le tranfport des mar- '^ * chandifes des Indes ôc de i'Afie en Europe , ne nuelRoi. pouvoient fe faire que par les terres de fado- donfran- mination, ou par les Flottes , ouparlesCarava' MEYDA vi- nés. Dans toutes les Villes ou elles touchoient, il percevoit au moms le cinq pour cent pour les droits d'entrée & de fortie ; ôc dans celles de la Méditerranée , il retiroit le double des Vénitiens, des Génois, & des Catalans , qui feuls faifoient le commerce du Levant. Les principaux revenus de ce Prince confiftant donc dans le produit des DoUanes, il n'eft pas pofïible qu'il n en fentît la perte, ou la diminu- tion par 1 interruption de ce commerce. Com- me d'ailleurs les Maures des Indes avoient leurs Correfpondants dans tous les entrepôts des Vil- les d'Egypte èc de Syrie, les uns ne pouvoient fouffrir lans faire fouffrir les autres. Les banque- routes devenues fréquentes & néceffaires , com.» me étant les fuites de la circulation interrom- pue, avoient aigri les efpritsau dernier point, contre les Auteurs de cette interruption.

Maïmane étant arrivé en Egypte dans ces conjoncflures y trouva toutes les diipofitions , & toutes les ouvertures poiïibles, pour fe faire écouter. Je ne puis m'empêcher de dire ici en hiftorien lîdelle , que quelques Auteurs impru- dents & téméraires ont ofé calomnier les Puif- fances Maritimes de l'Europe, qui faifoient

DANSLENOUVEAoMONDE.LlV.lv. 1^$

CEROI,

alors le commerce du Levant, & qui verita- Ann. de blement perdoienc beaucoup par fa cefTation, ^'S: de s être jointes aux plamtes de Maimane, d a- voir anime lecretementle Caliphe, a s oppoler niei.roi. de toutes fes forces aux progrès des Portugais, ^°^ fr^n- ôc d'avoir fait pafTer jufques dans l'Inde des ou- meyda y'u vriers habiles^pour le (ervice des Infîdelles con- tre les Chrétiens. Mais des Auteurs Portugais, plus re'flechis ôc moins fuipeds, ont juftifie'ces PuifTances delà noirceur de ces accufations.En effet il n'efl pas probable que ces Puiffances , qui fe font foutenuës pendant tant de fiecles par la fagefle de leur politique , qui ont tou- jours confervé une liaiion étroite avec la Cou- ronne de Portugal , eufTent voulu defcehdre à des adlions (i indignes d'elles -, & il paroît bie^ que le Roi Don Emmanuel lui-même n'ajou- ta aucune foi à l'impollure dont on vouloic lesnoircir,puifquedansle même temsiléquip- pa une Flotte à fes dépens , pour les défendre contre l'invaflon des Turcs. Que quelques miferables renégats Européans fe comportè- rent mal alors , & furent également infîdelles à leur patrie & à leur Religion , on ne doit pas plus imputer leur perfidie àcesPuiffanceSjqu'on doit imputer à la Couronne de Portugal la îrahiion de tant de Portugais , qui imitant ces transfuges dans le renoncement à leur foi, ôc aux devoirs de leur naiflmce , le donnèrent aux Rois des Indes,pourles lervir contre leurs Coa=

«

2.9<? CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de citoyens & leurs propres frères, J- ^' Le Caliphe, qui étoit un Prince pacifique

& modère' , voulanc tenter d'abord les voyes de

Dow Emma- , , fin- i \ r

nuelRoi. la douceur ;, ht gliller adroitement dans les DonFran- JEtats la nouvelle , qu'il alloit de'truire tous les MEyDA'vi'- lieux faints , effacer jufques aux veftiges des P£Rot, fandiuaires & des monuments confacrés par la prëfence de Jefus-Chrift , interdire tout com- merce avec les Chrétiens e'trangers , & chalTer tous ceux' qui étoient établis dans les terres de la domination , ou les forcer à fe faire Maho- metans. Le Supérieur du Monaftere du Monc Sinaï , nommé Maur ^ Religieux de l'Ordre de faint François , grand homme de bien , mais peu f^it aux manèges de Cour, ayant enten- du cette nouvelle , la prit avec chaleur , & fe tranfporta au Caire tout allarmé.C'étoitceque demandoit le Caliphe , qui, après avoir bien fait le difficile , confentit enfin à fufpendre 1rs effets de fa jufte vengeance , fuppofé qu'on lui donnât fatisfadion. Et , comme ce Reli^ gieux promettoit tout de fa médiation auprès du Pape, & auprès du Roi de Portugal même , le Caliphe approuva qu'il vint à Rome , & le chargea d une très-belle lettre pour fa Sain? teté.

La lettre fu« lûë en plein Confiftoire. Elle commencoit par les titres magnifiques , que le Caliphe fe donnoit,& par ceux qu'il donnoic au Pape ^ qui n étoient gucres moins honora- bles.

^

DANS LE NOUVEAuMoNDE.LlV.lv. 197

AN-

bles , & qui méritent bien d'être rapportés ici". 1^ ^^ j^.jg » Le grand Roi , Seigneur des Seigneurs , Roi J-C. 5' des Rois, le glaive du monde, riieritier des '^° ' »> Royaumes, Roi d'Arabie , de Gemie , de Per- ^.°jl ro"* «fe&de Turquie, l'ombre du Dieu très-haut, donFr » & fa reffemblance fur la terre, le dilb-ibuteur •°';^''„^y,. " des Empires , le fléau des rebelles & hereti- ceroi. » ques, le Souverain Prêtre des Temples , qui « font fous fa puiflance, la fplendeur de la foi, » le père de la victoire , Canaçao Algauri ( c é- »> toit le nom de Campfon , ) dont Dieu perpe- j' tuë le Reene & établiffe le Trône au-deffus » de la conftellation des Gémeaux -, à toi Pape « Romain , excellentiiTime & fpirituel , grand » dans la foi ancienne des Chrétiens fidelles de »> Jefus , ôcc.

"Après ce début, le Caliphe expofoit afTez »> au long les juftes fujets de plaintes , qu'il avoit » à faire des Rois Catholiques, Ferdinand & Ifa- » belle, & du Roi de Portugal , qui fe mon- » troient les plus cruels ennemis d'une Religion » dont il étoit le Chef, qu'ils perfecutoient à " feu fang jufques aux extrémités du mon- » de, fans qu il leur en eût jamais donné la moin- »dre occafion : Que fon honneur , fon zèle " pour cette Religion l'obligeoient à la venger » de tout fon pouvoir , par la railon même qu'il « en étoit le Chef. Qu'ainfi il l'avertifloit, que 35 fi par le crédit qu il avoit fur tous les Princes >> fedateurs de la Loi de Jefus^Chrill, il n'enga-;

To?ne J. Pp

ZgS CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de " geoit ceux-ci à changer de conduite , il fe ver- J- c. roit forcé à ufer de repréfailles , à détruire les ^^ ' » lieux (aints , à chafTer tous les Chrétiens de

NOËL Roi. " les btats , ou aies contraindre d embralier la

DON fran- "loi de Mahomet. «

mYDA^vî- "^^ Pape Alexandre VI. qui étoit alors fur le

ci&oi. Siège de laint Pierre , & tout le facré Collège épouvantés d'une menace qu ils craignoienc de voir s'effedluer, députèrent d abord le même Religieux en Efpagne avec la copie de la lettre qu'il avoit apportée , à laquelle ils en ajoutèrent d'autres , qu'ils crurent capables de faire im- preflîon fur l'elprit desPrinces.à qui elles étoient écrites. Je ne fçais ce que le Roi Ferdinand ré- pondit. Il ne paroit pas qu'il changeât de con- duite. Pour ce qui eft de Don Manuel, il eut une véritable joye de voir le Caliphe recourir aux plaintes , en conclut affez bien qu'elles étoient une preuve de fa foibleffe. » Il écrivit » fur ce ton au Pape, qu'il tranquillifa fur fes " vaines terreurs, l'aiTurant que le Caliphe n'o- « feroit rien exécuter de ce qu'il fembloitpro- " jetter contre les faints lieux , de peur de fe » priver d'un de fes plus grands revenus. Il lui «prouva que le zèle de Religion, n'avoit au- " cune part dans les motifs de fon AmbafTade , 55 puifqu'il avoit difiFeré plus de vingt ans à fe « plaindre , de ce que Ferdinand &c Ifabelle " avoient fait contre les Maures de Grenade: M Que ce qui lui tenoit uniquement au cceur ,

l

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. I99

« c écoic la perte que lui caufoit rinterruption a n n. de » de (on commerce. Qu'ainfi , bien loin de le re- I- C. » lâcher dans ce qu'il avoit fait , il fe confirmoit '^° ' » de plus en plus dans la reiolution ou il ecoit de nuil roi. » faire une vive guerre à ces ennemis de Jefus- Don fran- » Chrift, étant bien jufte qu'après ladéfolation mÉydaVi. » qu'ils avoient apportée dans l'Europe , ôc dont '^^^°^' » rEfpagne avoit fenti les terribles effets pen- »> dant tant de fiecles , on portât la même dé- » folation chez eux , & qu on leur rendît au » centuple , s'il étoit pofTible , les maux qu'ils «aveientcaufés.

En effet Manuel redoubla dés-lors Tes efforts, & ce fut à peu prés vers ces tems-là, qu'il en- voya Alméida dans les Indes. Pour ce qui efl du Religieux de faint François , après avoir fait deux fois inutilement le voyage de Rome , il retourna en Egypte , il ne put rendre qu'un affez mauvais compte de fa négociation. Le Ca- liphe voyant qu il fiUoit recourir à des moyens plus efficaces , le rélolut à faire pafTer une Flot- te dans la mer des Indes. Ce fut une dépenfe immenfe. Car comme l'Egypte Se les bords de la mer Rouge ne portent point de bois de con- ftru(flion , il fallut faire couper tout ce bois dans l'Afie Mineure. La Flotte Egyptienne qui l'apportoit à Alexandrie compofée de vingt- cinq bâtimenSjfut rencontrée par le Bailli de Portugal , André d'Amaral grand Chancelier de l'Ordre de faint Jeande Jerufalem, qui étoic

Ppij

300 CoNQUESTEs DES Portugais

An N. de forci de Rhodes avec une efcadre de fix Vaif- J- ^- féaux & de quatre Galères de la Religion. Ama- ^ ' rai battit la Flotte du Caliphe, lui coula à fond N FL KOI. ' cinq Vaiffeaux , en prit fix , ôc diflippa le refte , DoK fran- qui alla prendre port à Alexandrie & à Diamete. MtYDAVi- Delà tout le DOIS ayant ete conduit au Caire, «hRoi, ^ tranfporté enfuite fur des Chameaux jufques à Suez en cinquante jours de tems, on en com- pofa une Flotte de quatre gros Navires , un Gallion^deux groffes Galères, & trois Galliot- tes. Le Caliphe nomma pour la commander un de fes Emirs , nommé Hocem,hommje de mérite , ôc en qui il avoir confiance. Avec cette Flotte fur laquelle,outre les équipages,il y avoit quinze cens Mammelus tous Chrétiens rené- gats , Hocem traverfa la mer Rouge , rafa les Côtes d'Arabie , & alla mouiller à Diudans le Royaume de Cambaïe fur la fin de Tannée 1J07.

Melic Jaz, Gouverneur ou Seigneur de Diu, reçut Hocem avec toute la joye imaginable, le regardant déjà comme le libérateur de l'In- de. Jaz étoit un homme de fortune & d'un mérite rare. Il étoit Sarmate d'origine, de parens Chrétiens, & avoit été pris par les Turcs étant encore à la mamelle. Ils l'avoient élevé dans la Religion Mahometane , & dans la fuite du tcmsils l'avoient vendu pour efclave au Roi de Cambaïe. Jaz entra dans les bonnes grâces de ce Prince, par l'habileté qu'il avoit à tirer

/

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. 301

de l'arc. Il s'infinua enfuite û bien par fon ef- An n. de prit, & Tes manières engageantes , qu'il parvint \' ^^^ à l'intime confiance. Ayant eu depuis le Gou- n ,

^ i Don Lmma-

vernemenc de Diu & quelques autres places ^^'^^ Roi. ' dans le continent , il Içut avec tant d'adrefle donfran- me'nager Teiprit des Maures Afiatiques & Eu- LevdavÎ. ropéans , qu'il fît de ia Ville un des plus celé- "'^°'' bres entrepôts des Indes, ôcfe mit^preiquede niveau avec les Rois par Ion crédit ôc ics ri- chefTes.

Hocem & Jaz , ayant uni leurs forces , reTo- lurent fans perdre de tems d'aller chercher les Portugais , & de tomber fur eux au de'pourvû. Don Laurent d'Alme'ïda pour fon malheur e'toic celui, qui fe trouva le plus à leur porte'e. De- puis le départ de Triftan d'Acugna, il ri'avoit fait autre chofe que courir fur les VaifTeauxMau- res, il en avoir pris ou coulé à fond plufieurs,& après avoir rançonné la Ville de Dabul & les bâtimens qui y étoient , il s'étoit retiré à Chaiil, ou il attendoit vingt Navires de Cochin qu'il devoit efcorter. Chaiil étoit alors une Ville d'un très-bon commerce , fituée fur un afTez groffe rivière à deux lieues au-defTus de fon embou- chure, & à cinquante lieues de diflance de la Ville de Diu. Elle étoit du domaine de Niza- maluCjl'un des tyrans qui s'étantioulevés con- tre le Roi de Décan , s'étoient érigés en pe- tits Souverains dans lediftriél de leurs Gouver- nements. Ce Prmce étoit très-curieux d attirer

P p lij

joi CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de chez lui les étrangers j &furrefl:ime qu'il avoic

J- ^* conçue des Portugais, il leur avoic ouvert fes

porcs.

NUEi Roi.'^ Don Laurent , qui croyoit n'avoir aucun en-

^ _ nemi à craindre , y vivoit en grande iecurité ,

Don Fran- ' •' O , »

çois D Al. &;paiToit Ion tems en Fêtes, courfes de Baeues, ctRor. & autres exercices milicaires ôc de plailir , lorl- que le bruk fe répandit qu il étoit arrivé une Flotte de Rumes ioudoyez par le Caliphe , ôc que cette Flotte étoic à Diu. On appelloic alors Rumes ou Romains, les Turcs ou Mufulmans d'Europe qui s étoient écablis iur les débris de 1 Empire des GrecSjlefquels avoient affedé eux- mêmes de donner à leur Capitale le nom de nouvelle Rome , & de qualifier leur Empire d'Empire Romain , comme aufli on y appelloic Francs ou Franguis tous les Latins fans diftin- d;ion, depuis les tems des entreprifesdes Fran- çois fur la Terre-Sainte lors des Croifades , dont l'éclat s'étoit répandu jufques aux extré- mités de lAiie.

Cette première nouvelle, qui ne fut d'abord qu'un bruit fourd & incertain, fut confirmée enfuite à Don Laurent par Britto, Gouverneur de la Citadelle de Cananor, qui en avoit reçu l'avis de Timoja , &c par le Viceroi lui-même qui fit partir Pierre Can pour Chaiil avec or- dre à Don Laurent d'aller combattre cette Flot- te , avant qu'elle pût arriver à Calicut , & rele- ver le courage du Zamorin. Le Viceroi fit en

DANSLEN0UVEAuM0NDE.LlV.lv. JO?

cela une grande faute , car il eût venir A n n. de lui-même joindre fon fils avec toutes fes forces. ^" ^' Malcrré ces avis Don Laurent & fes Capitaines ^

^ ' A 1 1 I t>ON LmMA-

ne purent s empêcher de regarder cette nou- nuelRoi. velle comme une chimère. Il leur paroilToit don fran- inconcevable que le Caliphe eût pu faire paf- LTyJI'vi'. fer une Flotte de la Méditerranée dans la mer '^'■^°'' Rouge, laquelle même ne peut porter de gros VailTeaux, à caufe de la quantité' de hauts fonds, dont elle eft pleine. Beaucoup moins fe per- fuadoient-ils que cette Flotte eût pu faire le tour de l'Afrique. Don Laurent ne laiffa pas néanmoins de donner ordre aux VaijGTeaux de Cochin de hâter leur car2"aiion.

Cependant la Flotte d'Hocem parut. Don Laurent & fes Capitaines en la voyant, ne pu- rent encore le perluader , que ce fût la Flotte Egyptienne, & crurent que c'étoit Albuquer- quequ'onattendoitdejour en jour. Mais quand e.Ue eut commencé à doubler une certaine pointe , on h. reconnut à fes fiâmes ôc à fes pa- villons rouges & blancs fémés de lunes noires. Elle étoit toute pavoifée & ornée de banderol- les de foye , comme pour une Fête galante. Alors on fe prépara tout de bon, & on eut en- core affez de tems pour fe mettre en état de la bien recevoir. Les huit ou neuf Vaif. féaux de la Flotte d'Almé'ida, féparés les uns des autres par de juftes intervalles , avoient tous la pouppe fur le rivage. Don Laurent les

■504 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A NN. de laiiTa dans cette dirpofition, il (e contenta de

j. c. faire avancer le fien plus au large , ôz de placer

au devant de lui , un peu plus loin dans le mi-

NUEL^Rm.' ^icu delà rivière Pierre Baretto,n'y ayant qu'un

donfran- efpace entre deux par la Flotte ennemie

MÈrDAYi- P^-^ parte r.

CEB.01. Hocem fur des relations fidelles qu'il avoir

eues de la ficuation de la Flotte Portugaife,avoit difpoie' la (lenne de la manière qu'il avoir ré- glé pour l'ordre de l'attaque. Il raifoit l'avan- garde , pour s'attacher au Vaifleau a'Alméïda. Le refte fui voit à la file,les Galères entre-mêle'es avec les VaiïTeaux de haut bord. Dès qu'ils fu- rent tous à portée, ils firent une falve terrible de toute leur artillerie foutenuë d'une nuée épaiffe de flèches, de pots à feu, ôcde toutes fortes d'ar- tifices. Mais il leur fut répondu dans le moment avec tant d'exaditude & de fuccès en même tems , qu'Fiocem , qui ne s'étoit attendu à rien moins, &qui fut étourdi de fe voir environné de morts & de mourants,pafTa outre, fe rangea près de la Ville, (e mettant iur la défen{ive,attendant que MélicJaz,quiétoit refté à l'embouchure de la rivière :, vint le joindre. Selon cette idée, il difpofa tous les Vaiffeaux le long du port , de manière qu'il en étoit un peu plus avancé , & avec de longs madriers , il fit comme Une ef- pece de pont de communication d un Vaiifeau à l'autre.

L'attaque quoique courte avoit été vive , Se

les

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. IV. 305

CEROI.

les deux Flottes avoient beaucoup de blefTe's Ann. de qu'on penfa toute la nuit. Mais Don Laurent , ^' 9* qui avoit conçu une p;rande elperance de la

^- r, T 1 J' J^ I 1 J DonEmMA.

Victoire , reiolut d attaquer des le lendemain. nuelRoi. Il communiqua (on projet aux Capitaines ;, & Don fran- donna à chacun leur tâche , afin que chacun mÉvda vi- ie préparât à l'adlion.'Dès que le vent le fut un peu élevé;, l'armée s'ébranla, & commença le combat avec beaucoup de chaleur. L'Emir Te Tentant trop prefTé par Alméïda & par Baretto Cu/iij fe fit Haller vers la terre , il fçavoit bien qu'ils ne pouvoieiit approcher. En effet les VaifTeaux Egyptiens étoient d'un Gabarit différent , &; plats du côté de la quille , ce qui avoit été fait exprés , pour éviter les baffes de la mer Rouge. D ailleurs l'Emir avoir fait déchar- ger le fien pendant lanuit, ainfiil tiroit beau- coup moins d'eau que ceux des Portugais , qui avoient plus de courbure. Le vent ayant man- q^ué en même tems,Laurent&Baretto ne purent accrocher , ce qui fut pour eux une grande dif- grace. Car le VaifTeau d'Hocem étant beaucoup plus haut de bord , & défend.: tout autour par un tilTu de cordages, qui y falloir un pont à la Levantine, ils tiroient à couvert & de haut en bas J ce qui fit un grand ravage dans le Vaif- feau d'AÎméïda , qui fut lui-même blelTé de deux flèches , dont la dernière le frappa au vifage. Le pofte n'étant pas tenable , Don, Laurent & Baretto le retirèrent un peu plus Tome I. Q^q

C£KOI.

^06 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de loin. Mal<Tré cette difo-race on combattit ail- T r^ 1 J- ^- leurs avec grand avantage. Les autres Capitai-

Don Emma- ^^^ couIercnt quclqucs Galères à fond, & alle- nuelRoi. rent à l'abordage de quelques autres. Leurar- donfran- tillerie d ailleurs faifoit un (i grand effet, que

çois D Al- O î t.

MEYDA vi- les Maures abandonnant leurs Vaiffeaux, fejet- toient tous à la mer pour fe fauver à terre. La vidoire en ce moment etoit certaine aux Por- tugais, quand François d'Agnaïa croyant bien faire, la leur ôta des mains , en failantpaiTer fa Caravelle entre les VaifTeaux ennemis & le ri- vage , & defcendant dans fa Chaloupe. Car s'e'- tant mit à pourfuivre à coups de lance tous ces malheureux qui tâchoient de gagner laterreà la nage , il arrêta les autres , qui penfcient à fuivre leur exemple, & obligea la plus grande partie de ceux-ci à regagner leurs Vai(reaux,oil ils conti- nuèrent à fe battre en defefperés. Don Laurent d'Alméïda fît de fon côté une autre faute , car il auroit pu brûler tous les VaifTeaux ennemis , & c e'toitlà lefentiment de fes Capitaines. Mais l'envie de s'en rendre le maître, & de lespreTen- ter à fon père, comme un beau monument de fa victoire , l'empêcha de fuivre ce confeil , ce qui fut la caufe de fa perte.

Le combat ayant ainfi dure' jufques au fbir on vitparoître la Flotte de Mélic Jaz, qui ayant rangé la terre fut fe joindre à l'Emir. Ce poli- tique qui vouloir fe mériagerdes deux côtés, s'étoit tenu à 1 entrée de la rivière, & n'avoir

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. IV. 507

voulu fe mêler de la partie , que quand il le A n n. de croiroic fur de faire pancher la vidoire. Sa ^' ^^ Flotte étoit compoie'e de quarante fuilres à ra- mes , bien pourveiies d'artillerie , & de toutes nuelrÔ^*" fortes de munitions de guerre & de bouche , Don fran. mais fur-tout de gens choifis au nombre de 'Mj^D.A'^i- trente trois fur chacune. '^^^°^-

Les Portugais furent dcconcerte's à la vue de cette nouvelle Flotte, dont ils n'avoient eu. tout au plus que quelques avis incertains. Elle parut avec la même pompe que celle d Hocem; & ce qui acheva de mettre le trouble , c'effc qu'en même tems qu'elle commença les hofti- lite's j la Ville , qui jufques alors s'étoit tenue neutre , fe déclara en faveur, des ennemis.

La nuit ayant fufpendu l'ardeur des combat- tans , Don Laurent appella au confeil les Ca- pitaines. Tous furent d'avis^, que , vu leur petit nombre & la multitude des ennemis, la quan- tité de blefle's qu'ils avoient , & la laifitude des autres, il falloit fe retirer àla fourdine, & faire avertir les Navires de Cochin de prendre les devants. La plus forte voix vouloit que ce fut dés l'entrée de la nuit. Mais Laurent & quel- ques autres ne voulant pas que cela parut une fuite s'obftinerent à ne partir qu'un peu avant le jour. Les Navires Marchands paifercnt heu- reufement. Ceux de la Flotte les fuivirent. Mais Laurent qui devoir faire l'arriere-gardc s'étant opiniâtre à vouloir lever fon anchre , qui étoit

3o8 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de près du VaifTeau d'Hocem , au lieu de cou- j. c. pej. \q cable , les ennemis s'apperçurent de ^ ' Ion defTein , & fa Chaloupe qui levoit 1 anchre Nu^L^RoT fiit coulée à fond. Le Pilote du VaifTeàu cou- donFran- pa alors {on cable, mais trop tard. La frayeur çoisdAl- î'avoit faifi. L'envie qu'il eut de s'éloigner çERoi. de l'ennemi le plus qu il pourroit, lui fit per- dre l'air du VaifTeau , & aller à la Côte , il donna fur une pêche & s'y échoua. Comme Mélic Jaz qui le talonnoit de près avec fes Fuftes , l'avoit percé d'un boulet à fleur d'eau fous le gouvernail , & qu'il étoit déjà à moitié plein , tous les efforts de Pelage de Sofa qui le remorquoit furent inutiles. Le cable même de Sofa ayant rompu , ioit par la violence des Rameurs , foit que la peur eût obligé quelqu'un de le couper , parce que Jaz , qui fe tenoit affuré du Vaiffeau , avoit fait avancer deux fuf^ tes fur Sofa, le VaifTeau relia fans efperance de fecours. Car quelques mouvements que fe donnaffent Sofa, Diego Percz & quelques au- tres, il leur futimpoflible de gagner fur le cou- rant , qui étant très-fort & très-rapide , les em- porta bien loin malgré eux.

Dans cette extrémité les Officiers d' Alméïda le conjurèrent de fe fauver dans l'efquif qui étoit tout prêt , lui reprélentant , que la vi6loi- re confilfoit dans fon falut. Mais ce jeune hé- ros qui craignoit moins la mort qu une tache à gloire , refufa conlfammenc de le faire , ôc

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. ^O^

mçnaça même de frapper d'une demi pique ANN.de qu'il avoir à la main , le premier qui oieroit lui ^- ^• en parler davantage Concmuanc donc à don- ^

V I J / £" J 1 Don Emma»

nerles ordres.de iang rroid^ quoiqu il apprit nuel roi. encemomcnc quele Vaiiîeaucouloicbasd eau, don- fram. de trente hommes qui lui reftoient, {oixante- meyda'^vi- dix autres e'tant hors de combat , il fît trois *=^^°'- corps qu'il dillribua fur les Châteaux d'avant ôc de poupe , gardant pour lui le pont à dé- fendre.

Cependant toute l'attention ôc tous les ef- forts des ennemis étant réiinis fur ce ieul Vaif- feau , le feu étoit horrible. La réhllance répon- doit à la vigueur de l'attaque, mais Don Lau- rent eut d'abord la cuifTe emportée d'un bou- let. Ce coup qui le renverfa, ne lui ôta pas le courage. Il fe fît mettre fur une chaife au pieddu grand mât,où continuant à animer fes gens un fécond boulet qui le frappa dans la poitrine prés du bras droit, le jctta roide mort. Le ca- davre ayant été précipité entre-ponts pour le dérober à la vûë , le combat dura encore avec acharnement affez long-tems , & les ennemis étant venus quatre fois à l'abordage , en furent repouilés autant de fois. Ils s'en rendirent néa- moins les maîtres à la cinquième , & alors le combat devint encore plus terrible. L'eau gagnoit toujours. En même tems tout ce qui le trouva entre deux ponts , tant des bleffés Por- tugais 3 que des ennemis y fut noyé. Cepen-

Qq iij

CE ROI.

310 CONQUESTES DESPORTUGAIS

A N N. d7" dant Mélic Jaz,qui eut pitié des^ braves gens qui

j. c. reftoient encore, & qui vouloit les avoir pri-

r. !,llr.\ Tonniers, fit cefTer le carnage & finir le combat.

Don bMMA- ■' O

nuelRoi. On raconte deux belles aâ:ions de deux

CoN fran. hommes qui fe fignalerent en cette occafion. meydVyÎ- L^ première fut d'un Page de Don Laurent , qui e'tant blefTé d'une flèche à l'œil , n'aban- donna point le corps de fon maître , efTuyant fon fang d'une main & les larmes de l'autre , jufques à ce qu attaque' par les ennemis en- tre-ponts , il tomba fur un tas de corps morts qu'il avoit immole's à fa vengeance. La fécon- de fut d'un matelot, qui quoique blelfe' & pri- vé de l'ufage d'une main , fe défendit deux jours & demi du haut de la hune il étoit fans vouloir fe rendre qu'à Mélic Jaz , après que celui-ci lui eut donné fa garantie en bonne forme.

Cette viéloire coûta fix cens hommes aux en nemis,& environ cent quarante aux Portugais, mais la plus grande perte de ceux-ci fut celle de leurGénéral.ll avoit une taille telle qu'on la don- ne aux héros , & il étoit doiié de plufieurs belles qualités, qui le faifoient eftimer & aimer. Il s'é- coit déjà fignalé par plufieurs belles aétions , ôc n'étant encore qu'à la fleur de fon âge , il étoit celui de tous les Portugais qui donnoit les plus grandes efperances.Les ennemis perdirent auffi de leur côté un homme qu'ils avoient en grande vénération, c'étoit Maïmane,ce Santon ^ qui

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. JII

avoit été envoyé en AmbafTade à la Cour du An n. de Caliphe , & qui avoic toujours depuis fuivi l'E- ^' ^' mir. Il fut emporté d'un coup de canon, tan- ^^^ e^Ja. dis qu'il faifoit U ZiiU , & qu'il invoquoitfon niei.'Roi. faux Prophète , pour obtenir la vidloire aux don fra.n- fiens. Après fa mort on lit fon Apotheofe , on meydaVi- lui bâtit une Chapelle comme à un Saint , & *^^'^°'' on fonda plufîeurs lampes pour honorer Ion fepulchre.

La politique vouloit que les vainqueurs pouriuivifTent les vaincus , & qu'ils allalTent in- cefTamment à Calicut , pour joindre leurs for- ces à celles duZamorin. Hocem lefouhaittoit, & s'échauffa beaucoup pour faire goûter cet avis. Mais le Mélic qui avoit une Politique toute différente, s'y oppofa, &: conclut à ramener l'ar- mée à Diu.

Comme outre beaucoup d efprit , il avoic en- core beaucoup de politeiTe , & tout cet air de galanterie, dans laquelle les Maures ie font fi long-tems dijftingués , il traitta les prifonniers avec un loin extraordinaire , fît penfer leurs bleffures , pourvut à leur entretien , & n'oublia rien de ce qui pouvoit rendre douce leur cap- tivité. Il fit auffi chercher le corps de Don Lau- rent, pour lui donner une fepulture honorable, mais jamais on ne put le trouver & le recon- noître. Enfin il écrivit une lettre au Viceroi fur la mort de fon fils , le confolant de (a perte par tous les motifs qu'on peut apporter dans ces

3Ii CONQUESTES DES PORTUGAIS

An N.de rcncontrcs , c'cft en efiFet un fujet de confo-

^" ^' lation pour un père qui aime la gloire , de fça-

voir qu un nls qu il a perdu s elt rendu dip;ne DoN^MA- J , > -^ J I i- J.l ^

NUEL Roi. de lui , en mourant dans le lit d honneur.

Don fran. Avant que de recevoir cette lettre , le Vice-

çois d'Al- - 1 ' 1 '

WEYDA vi- roi ^ut toutes les inquiétudes qu on peut avoir ciKoi. furie fort de Ton fils, La Flotte fugitive étant arrivée à Cochin , lui apprit bien le détail de l'adlion, & le fort de la Capitane , mais perfon- ne ne pouvoit dire, fi Don Laurent étoit du nombre des morts ou des prilonniers. Dans cette perplexité plus cruelle qu'une connoif- fànce claire & dilHnélc , il fit partir un Jogue , efpece de Religieux Indien, pour aller jufques à Cambaïe. Celui-ci ayant joint les prifonniers fur la route , mit entre les mains de l'un d'eux , fans que perfonne s'en apper.çut , une boule de cire, dans laquelle il y avoir un billet du Vice- roi , & dit que dans deux jours il fe repréfente- roit pour avoir la réponfe.Jl fe reprélenta en effet , & porta au Viceroi le détail affligeant de tout ce qui s'étoit paffé.

Alméïda foutint avec dignité dans le public tout le premier effort d'un coup fi rude à Ion coeur. Et quoique le mérite de Ion fils eût paru avec plus d'éclat que jamais au moment qu'il l'avoit perdu, comme un flambeau qui iemble redoubler fes feux , lorfqu'il efl: iur le point de s"éteindre,il fçut commander à (a douleur, par- la en héros Chrétien fur cet événement , & en

homme ,

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. IV. 515

homme ^ en qui l'e'ducacion féconde les fenti- an n. de mens éleve's que donne une naifTance illuftre. J- C. Mais dans le iecrec du cabinet , fe livrant un ^'° * peu trop à Tes triftes reflexions j& peut-être àDoNEMMA- les larmes, il fe tint trois jours entiers fans pa- '^'- ° - roître, de peur de laiiTer échapper quelques ço°isd-al'- marques de foiblefTe. Il eut même befoin de cElof/'" quelques reproches, qu'il prit bien , pour être tire' de cette aflreufe iolitude. .

Les vainqueurs au contraire nageoient dans la joye. Toute l'Inde retentiiToit du bruit de leur vicfloire. On ne parloir que de l'Emir ôc du Mélic. Leurs noms c'toient célébrés dans les Vers &z les Vaudevilles , qu'on faifoit à leur loiiange. Tous les Rois ôc Princes de l'In- doftan leur envoyoient leurs Ambaffàdeurs , pour leur faire leurs compliments. Les Peuples exaltoient leur triomphe par des fêtes & des réjoUiffances. Ils les regardoient comme leurs Dieux Tutelaires, & tous croy oient être arrivés au moment de leur délivrance.

Le Viceroi qui ne pouvoir ignorer ce qui fe paffoit fur ce lujet, en recevoir un nouvel ac- croilTementàfa douleur. Comprenant d'ailleurs de quelle imoortance il étoit de rabattre la fier- té de fes ennemis , & de tempérer la joye qu'ils faifoient paroître , fans quoi il y avoit danger, que fes Alliez même ne fufTent entraînés par ce torrent, touché d'une part de la honte qui re- jaillifToit fur fa Nation , animé de l'autre du.

Tome I. Rr

514 CoNQUESTES DES Portugais

An N.dT defir de reparer fon honneur par une ven- j. c. geance éclatante , il donna toute fon applica- '^° ' tion à rafTembler toutes Tes forces pour en execu' K°ii. K^u' ter le defTein.Heureuiemenc pour lui, il lui vinc DON fran- en même tems de Portugal , les Flottes de deux LTyda'yi'- anne'es confecutives , celle de l'année précé- cERoi. dente ayant été obligée d'hyverner en chemin. Ce fut dans ces circonftances qu Alphonfe d'Albuquerque arriva àCananor avec des Let- tres de la Cour qui le conftituoient Gouver- neur Général des Indes. Ce grand Capitaine avoiteû des Patentes fecrettes pour fucceder à Almé'ida, dès que fon temps fcroit expiré , il avoit gardé fur cela un profond fecret , & peut être trop grande lorf qu'il partit de Lifbonne avec Trillan d'Acugna-, car s'il en eût laifTé tranfpirer quelque chofe, il eût (ans doute trou- vé plus de déférence , de docilité , & de refpedt dans ceux , que les fautes qu ils firent à fon égard obligèrent à lui procurer depuis des chagrins infinis pour foutenir leurs premières démarches. Malgré ces Lettres, Albuquerque crut néanmoins devoir attendre de nouveaux ordres.

A fon retour à Socotora il avoit ravitaillé la place , reprimé l'audace des Fartaquins qui étoient relfés dans l'Ille , ils foulevoient les naturels du pays , & il étoit allé croiier affez inutilement pendant trois mois vers le Cap de Guard^fu. Lnfin ayant recules provifions qui!

DANSLENOUVEAuMbNDE.LlV.lv. JîJ

CEROI.

accendoit, & ayant ccé joint par trois VaifTeaux Ann. de quialloientaux Indes, il fe mitcnchemin.Mais ^•^• il voulut avant que de fe rendre à fa dellina- ' tion^ donner un coup d'œil à Ormus ; non pas N°ÈtRoi." qu'il crût avec''fi peu de forces pouvoir s'en donFran- rendre le maître , mais pour voir 1 état ou meyda yi- étoient les choies , & y faire tout le mal qu'il pourroit ,pour faire dépit à Coje-Atar, Il alla d'abord à Calajate , & pour fe venger de l'in- fuite qu elle lui avoir fiite autrefois dans une paix fimulée, il la pilla^ & quelques jours après ayant de'fait Zafaradin ^ qui à la tête de mille hommes e'toit venu une nuit pour le (urpren- dre j il acheva de décharger colère fur la Vil- le, qu'il brûla avec vingt-fept bâtimens qui étoientdansle port.

De-là s'étant préfenté devant Ormus, il eut d'abord le chagrin de voir qu'Atar avoir mis fon travail à profit, en achevant la Citadelle qu'il avoit commencée , qu il Tavoit munie de bonne artillerie aufli-bien que laVille qu'il avoit entourée de bons retranchements & de fortes batteries. Mais il eut une mortification encore bien plus fenfible , quand Atar lui eut fait com- muniquer les Lettres que le Viceroi des Indes lui avoit écrites , Lettres par lefquelles il défap- prouvoit toute la conduite quAlbuquerque avoit tenue dans la guerre d'Ormus , promet- toit d'en porter fes plaintes au Roi de Portu- gal , ôc de lui faire rendre jullice , lui deman-

Kr ij

CEROI,

316 CoNQUESTEs DES Portugais

^ N N. de doit {'on amitié & une mutuelle correfpondan- J- c. ce entre les deux Nations. '^° ' Ces Lettres lui ayant fait comprendre les

Don Emma- /- 1 /■ /• \ / 1 it- ^ /'

NUEL Roi. mauvaues dilpolitions ouetoitle Viceroialon donfran- é^ard, lui furent un funefte |5!-élap-e des delà- MF YDA vi- grements qui l'attendoient. Rélolu néanmoins d aller fon chemin à tout événement , après avoir fait le dégât autour d'Ormus , il alla tom- ber de l'autre côté fur Nabande , place fituée dans la Côte de la Carmanie , il y avoit deux Officiers d'ifmael Roi de Perfe , à la tête de cinq cens hommes d'élite, qu'ils conduifoienc au lecours de Zéifadin. Il les attaqua pendant une nuit fort obfcure, croyant les furprendre, mais il les trouva prêts à le recevoir. Nonob- ftant cela , il les pouffa avec tant de vigueur , qu'il tailla ce corps en pièces, &:les deux Offi- ciers furent trouvés parmi les morts. L'aârion parut fi belle au Sophi même, quand il l'apprit, qu'il envoya un exprès à Albuquerque pour lui en faire complimentjmais lEnvoyé le trou- vant parti pour les Indes , ne put alors s'acquit- ter de (a commiffion.

Soit qu'Alméida eût quelque motif de fe- crette jaloufie contre Albuquerque , & qu'il ne l'aimât pas, foit qu'il fût d'un caradlere d eC prit trop iufceptible de préventions , il prit d'abord trop facilement les impreffions que voulurent lui donner les Officiers qui l'avoienc abandonné j ôc bien loin de les punir de leur

DANSLENOUVEAuMONDE.LlV.lv. ^ly

deTobeiiTance, il reçut toutes leurs de'pofitions, A n n. de & commença à inftruire ion procès dans les ^•^' formes, fans entendre que les parties. Piqué ' enfijite d'un fecret dépit de fe voir relevé par -m Roit' un homme qu il avoit déjà fi maltraité, fur cet- don fran- te nouvelle, qui fut pour lui & pour ces Offi- T^^'^ir ciers coupables un coup de foudre , il prit en- *^^^°'- core d'eux les oppofitions qu'ils lui préfcnte- rent, comme étant contre le fervice du Roi de remettre le Gouvernement entre les mains d'un homme capable de tout perdre. Et il conçut le defléin hardi de le ramener prifonnier en Portugal, defleinqu il eut exécuté fi Siquéïra, à qui le Roi avoit donné une petite Flotte pour ailerreconnoître Malaca , eût voulu fe charger par intérim <\u. Gouvernement des Indes , juf- ques à ce que le Roi y eût'pourvû.

Il reçut néanmoins Albuquerque à fon arri- vée avec afTez de politefle. Mais quand ce Géné- ral lui eut fait la prôpofition delui remettre le Gouvernement entre les mains félon les ordres qu'il en avoit du Roi , il le rejetta avec hau- teur , s'en excufa fur des raifons afTez frivoles, le remettant après Ion expédition contre Ho- cem. Et comme Albuquerque s'offrit poliment à le lui vre en qualité de volontaire,& fous fes or- dres ,il le remercia froidement, &luicomman- da d'aller à Cochin , fous prétexte qu il avoit be- foin de repos , pour fe remettre de fes fatigues.

Tandis que pour faire fa cour au Viceroi ,

Rr iij

5i8 CONQUESTES DES PORTUGAIS

^ N N. de tout le monde abandonnoit Albuquerque, qui J- ^- demeuroit livré à la triftefle de Tes reflexions , ^ ' celui-ci fier de fe voir à la tête d'une belle ar- NUEL Ro*^.'^* me'e Navale de dix neufs VaifTeaux , comman- donfran- dés par des Officiers de nom & de mérite, ôc mÈyda'^Vi- ^ur laquelle il y avoit treize cens Portugais & cERoi. quatre cens Malabares de Cochin , mit à la voile le I z. DecejTibre pour aller chercher l'en- nemi. Après avoir brûlé quelques VaifTeaux de Calicut fur fa route , quand il fut à la hau- teur de Dabul , réfolu de châtier le Zabaïe à qui elle appartenoit, & qui en toute occafion marquant fa partialité contre les Portugais , avoit en dernier lieu témoigné trop de joye de la vidloire de l'Emir,il tourna tout d'un coup fur cette Ville^ôc vint mouiller dans fon port. Dabul fituée à peu prés cdVnme Chalil , au pied d'une montagne agréable & fertile, (ur un fleuve large & navigable , à deux lieues de fon embouchure, étoit une Ville grande, bien bâtie , riche , mar- chande & peuplée. Le Zabaïe l'avoit faite entou- rer d'un rempart & d'un foflé profond , & il y avoit fait ajouter en pluheurs endroits d'au- tres fortifications & de bonnes batteries. Il y tenoit un Commandant , homme de réputation avec une garnifon de fix mille hommes , parmi lefquels il y avoit cinq cens Rumes , Turcs ou Chrétiens renégats.

Ce Commandant préfumoit fi fort de lui- même, qu'il ne voulut jamais fouftrir qu'on fer-

CÎROU

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. 3 I9

mât les boutiques , & qu'on tranfporcât rien a n N.de de la Ville ni des Fauboures , comme s'il y eût J-^- eu le moindre danger à craindre , & qu il fie ^ venir de la campagne à la Ville la plus chère n "e'I roi.*^' •de Ces e'poufes pour lui donner le ipedlacle donFran-

/ I I 1 p . i, - ÇOis d'Al-

agreable de la vidroire. meyda vi-

DèsquAlmeïda eut fait la defcente, il vint

au-devant de lui hors des portes avec toute fa

o-arnifon. Véritablement il fe battit de bonne o

erace , &' fe fît tuer en brave. Le combat même fut afTez e'gal, tandis qu'on ne fe battit que de loin^mais quand on en vint aux armes blanches, ce ne fut plus qu'une déroute & un maffacre.Le Portugais entrant pêle-mêle dans la Ville avec le Citoyen la remplit toute de fang. On n'é- pargna ni âge ni fexe ^ l'épcufe du Comman- dant même ne put racheter fa vie par l'offre de toutes les richeffes. Le vainqueur infolent s acharna avec tant de fureur fur ce miferable peuple;, qu'il prcnoit plaifir àe'craler contre les murs les enfans arrache's du fein des mères , 6c que fa cruauté' paffa depuis en proverbe aux In- des, les Indiens dans leurs imprécations ayant pris la coutume de dire. » Puide la colère des " Frang-uis tomber fur toi , comme elle tomba

r r

»' lurDibul. Quand il fut faoul de meurtres, il ne penfa qu'à affouvir fon avarice,& pour le retirer de-là, Alméïda fut obligé de faire mettre à la Ville le feu qui acheva de détruire ce qui avoic échappé aux mains du foldat avide.

510 CoNQUESTEs DES Portugais

C£ROI.

A N N. de Ayant faic le dégât pendant quelques jours J-C- aux environs, le Viceroi enflé d'un fi beau dé- but remit à la voile ,& vintfur^ir devant Diu,

Don Emma- ,/ ,„,. ïi> / tt

nitelRoi. le fécond revrier de 1 année 1509. Hocemvou- . Don fran- lut fortir du port pour lui préfenter la bataille en* mÉyda^vi- ple'ne mer. Le Mélic qui étoit chez lui, & qui vouloit refter à la garde de fa Ville, tenta inu- tilement de l'en empêcher , en lui repréientant qu'il étoit plus prudent de refter dans le port, il feroit foutcnu par. l'artillerie des boule- varts èc des batteries , rafraîchi continuelle- ment par de nouvelles troupes qu'il lui cnver- roit de terre , & enfin il auroit un afyle , fi la fortune ne fecondoit pas les efforts. Ces rai- fons n'ayant fait aucune imprelTionfur un hom- me vain , & qui comptoit fur une Flotte de plus de cent batimens de toute efpece , il les fie tous fortir au-delà du Mole. Mais parce que le vent lui manqua, il les fit ranger le long de terre ou étoient déjà quatre Navires de Cam- baïe mouillés au-delà d'une battu re qui s'a- vançoit dans la mer. Le vent ayant aufli man- qué au Viceroi , il appella les Capitaines au confeil l'ifluë duquel il alla mouiller aune grande portée de canon des ennemis , la battu- re entre deux. Alors les batimens à rame qui étoient fortis du port , vinrent aulîi moiiiller prés delà Flotte Portugaife , & fe mirent à la canoner , en quoi ils furent (econdés de l'artil- lerie du Mole ôc des autres batteries qui étoient

fui,

DANSLEN0UVEAcM0NDE.LlV.lv. ^tl

CEROI.

fur la rive, ce qui dura jufques à la nuit. A n n. de

Pendant cette nuit Hocem ayant change' ^' ^' de penfëe rentra dans le port, & ne laifla au- '

11. 111 I XT- I Don Emma-

delà de la batture que les quatre Navires de nuelRoi, Cambaïe, & celui de Mélic Jaz. Il rangea en- Don fran. fuite fes VailTeaux prés du rivage fur deux li- meIdayÎ' gnes j dont la première e'toit compofée des fix plus gros de la Flotte attachés deux à deux , le fien au milieu. Les Portugais ne pouvant al- ler là qu'à la file les uns des autres , Alme'ïda prie' par Ces Officiers de veiller à fa conferva- tion , d'où dépendoit le falut de la Flotte & le gain de la vidloire , fut forcé de céder le Com- mandement de l'Amiral , qui failoit l'avant, garde , à Nugno Vaz Peréïra (on ami, qu il fit foutenir par Diego Perez qui fut fon matelot. Pour lui il refta à l'arriére garde pour donner de fes ordres.

Un vent frais s'étant élevé à trois heures de jour le Viceroifit donner le fignal, & tous les Navires fe mirent en mouvement à la referve de celui de George de Mello qui ne put être /?.:er^'par la malice de fon pilote. L'artillerie des ennemis ayant commencé alors à jotier avec un bruit , une fumée , & un fracas terrible , Nugno eut fix hommes emportés à la grande voile. Il ne laifTa pas de paifer outre. Hocem à fon approche ayant fiit écarter le Navire qui lui fervoit de matelot pour le mettre entre deux feux , Nugno qui avoic encore à courir

Tome I. Sf

311 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ai^^^- tle avant que del'élonger, fît tirer h. celui-ci un

^'^' coup de gros canon fi à propos , qu il le perça

à fleur d'eau d outre en outre. Hocem & Nu-

Sue'I R^.^ gno ayant jette en même tems leurs grappins, . les deux Navires refterent accroche's. Les Por-

çoisdAl- tugais plus leftes ayant fauté dans celui de l'E-

cERoi. mir , le rendirent maîtres du Cliateau d avant, ôc firent retirer les ennemis jufques à la cour- five, mais comme ceux-ci avoient un pont de cables en forme de rets au-delTus , ce fut pour eux un grand avantage. Le combat cependant s'attacha , avec beaucoup d'animofité de parc & d autre , ôc les Portugais n'eurent pas peu à faire, parce que en même tems un des autres Vaiffeaux de l'Emir ayant filé du cable, prit le VaifTeau de Nugno par l'autre bord. Nugno qui étoit fauté des premiers dans le Vaifléau d'Hocem animoit tous les gens par fon exem- ple. Mais comme il étoit fatigué & prefTé par le gorgerin de fon Cafque qui l'étouflFoit , l'ayant lâché pour prendre un peu d'air, il re- çut un coup de flèche dans la gorge , dont il mourut trois jours après.

La bleffure du Capitaine ne rallentit point l'ardeur des combattans , au contraire la mê- lée devint plus affreufe par lajondion de Fran- çois de Tavora, qui arriva fur le Navire d Ho- cem, & fauta dedans fuivi de fes gens, avec tant d'impetuofité qu'ils tombèrent tous fur le nez.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. 515

I

L'acftion n'étoic pas moins vive ailleurs. ANN.de Tous les autres Capitaines avoient accroché à ^•^' l'exception de George de Mcllo, qui battoit de loindeux Navn-es de Cambaie,ôcau Viceroi, nuel roi. qui faifantdefon côté la même chofe coula donFran- un grand Navire à fond. Le fuccés n'e'toit pas uIyd^yÎ' e'gal par- tout , mais par -tout les Portugais '^^'^°*- avoient l'avantage. La vidoire ne fe déclaroic pourtant pas , parce que Mélic Jaz , qui étoit fur le rivage, fournifloit toujours des troupes fraîches , & tuoit ou bleiToit ceux des fiens qui s'étoient jette's à la mer pour fe fauver.

Dansletemsque le combat étoit pluséchauf- féjle Viceroi malgré les précautions qu'on avoit prifespour (a confervationjfe trouva le plus ex- pofé au danger. Car , outre qu'il étoit le plus à portée de l'artillerie de laVille qui le foudroyoit, les Navires de Calicut,&: les fuftes de Mélic Jaz l'environnèrent. Son VaifTeau paroifToic tout en feu , car comme il étoit à trois ponts ôc avoit trois batteries l'une fur l'autre , fon artil- lerie fut fi bien fervie , qu'on compte que fon VaifTeau feul tira mille neuf cens coups de ca- non. Il avoit une côte d'armes de velours cra- moifi fur fa cuiralTe, le heaume en tête, l'écu au bras gauche , & le fabre à la main droite. Et fon attention étoittelle qu'il voloit , pour ainfi par- ler, d'un bout de fon Vaifl'eau à l'autre , pour animer tout le monde par fa préfence.

Enfin la vidoire fe déclara pour les Portu-

Sfi)

514 Conquestes des Portugais

An'n. de gais , par la prife du Vaiffeau de rEmir. Le J-C. VaiHeau qui étoic veau à (on iecours , s'e'tant décaché les ^ens d'Hocem perdirent couracre, NUEL Roi. & le )etterenc a la mer, lui-même le retira bleue, donpran- & étant arrivé à terre craignant que leMélic ne Yo°ViV le livrât au Viceroi , il prit un cheval & fe re- c£Roj. j.jj.-j^ fecrettement à la Cour de Cambaïe, Les Navires de Calicut donnèrent enfuite le pre- mier exemple de la fuite. Ils firent le tour de rifle j& ne s'arrêtèrent qu'à Calicut jOii ils fu- rent fuivis des fuites du Mélic. Ruy Soarez fe mit à leurs troulTes , & fit une très-belle adlioii. Car en ayant joint d eux,ilyjectadeuxanchres, & les remorqua vers le VailTeau du Viceroi à la viië de toute l'armée.

Il reftoit le Navire de Mélic Jaz. Il étoit plus gros que les autres , extrêmement fort de bois & couvert par-tout de cuirs huilés , pour ren- dre l'abordage plus difficile. En efïet on le ten- ta inutilement, ce qui obligea le Viceroi de fe réduire aie faire canoner. L artillerie même y faifoit alTez peu d'effet, mais heureufèment la Caravelle de Garcie de Sofa l'ayant percé à fleur d eau 5 il coula bas.

Ce fut par-là que finir le combat qui dura jufques à la nuit. Les ennemis y perdirent en- viron quatre mille hommes ôc en particulier les MammeluS;, qui, à la relerve de vingt deux, fe firent hacher tous en pièces. Les Portugais n'eurent que peu de gens tués , 6c environ trois

DANS LE NOUVEAU Monde. Lîv. IV. 315

cens bleflés. Outre les deux Vaifleaux qu'ils ANN.d* coulèrent bas , ils en prirent trois autres de la ^- ^■ Flotte de l'Emir , deux Galères ôc deux Navires ^^°^' de Cambaïe. ^-^^--

Des le lendemain Mélic Jaz envoya deman- donfran. der la paix au Viceroi , & lui députa un Maure, ^°" o'^^-" nommé Cid-Alle, qu'Alméïda avoir connu en ceroi. Efpagne du tems de la guerre de Grenade. Cet entremetteur ayant porté & rapporté les proportions de part & d'autre ^ le Mélic ac- cepta toutes celles fon honneur n'étoit point engagé. Il rendit les prifonniers qu'il avoir, abandonna quelques Galères , promit de ne donner plus d'alyleaux Flottes du Caliphe, mais il ne voulut jamais livrer des perionnes qui avoient mis en lui leur confiance.

La paix ayant été ratifiée , le Viceroi repar- tit pour retourner à Cochin. Sur (a route il exigea le tribut de Nizamaluc, &: de quelques autres Princes de la Côte , qui jufques alors l'avoient refuie. Mais il flétrit fes lauriers par fa cruauté j car étant arrivé à la vue de Cana- nofjilfit pendre plufieurs des prifonniers qui! avoir faits , & fit voler en pièces les corps de plufieurs autres de ces malheureux, qu'il fit at- tacher à la bouche du canon. Tant il eft vrai qu'il eft difficile de commander à la pailion dans la profperité.

Lesfuccès du Viceroi neraddoucirent poinî fon elprit à l'égard d'Albuqucrquc. Les chofes

S fil)

3i<5 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de ne firent au contraire que s'aigrir , & il pafTa

J- ^' entre eux bien des fccnes déiagre'ableSj dont je

^^ ^* crois bien faire de fupprimer le de'tail odieux. Il

Nuil-Ro^.*' fuffit de dire que le Viceroife laifTant aller aux

donFran- mauvais confeils de Tes flatteurs le mit d'abord

''°'l^f"vr aux arrêts , qu'il fit faifir dans fa mailon tous Tes

cERoi. papiers & tous les effets, & l'envoya enfuite pri-

Ibnnier dans la Citadelle de Cananor , ne lui

lailTant que trois domelliiques. Il fit arrêter aufli,

ôc perfecuta en différentes manières, ceux qui

avoient paru le favorifer.

Il y avoit trois mois qu'Albuquerque étoit dans cet état violent , ayant beaucoup à four- frir dans fa prifon , parce que le Gouverneur Laurent de Britto étoit tout au Viceroi, quand Fernand Coutigno grand Maréchal du Royau- me arriva à Cananor avec quinze Vaiffeaux , octrois mille hommes d'armes.

Rien ne pouvoit être plus heureux pour AI- buquerque. Le Maréchal étoit fon parent , fon ami,& il portoit de nouveaux ordres de la Cour en fa faveur. On peut juger de l'indignation du Maréchal, quand il eut appris par Albuquer- que même le détail de fes difgraces. Mais com- me il n'y avoit point de tems à perdre,&: qu'il ne s'agiffoit pas deraifonner, il le fit reconnoître aufli-tôt pour Gouverneur général , &c le re- connut lui-même polir tel , ayant ordre de lui obéïr en tout. Il le prit enfuite fur fon bord, ôc ie conduifit à Cochin.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. IV. 317

[

I

Le Viceroi reçut le Maréchal avec beau- ANN.de coup de démonllrations d'cftime , &z ne fir ^^^• point de difficulté d'obéir aux ordres de la ^^^" Cour. Le Maréchal fit de fon côté ce qu'il put, n°elRok*' pour reconcilier ces deux grands hommes, à don fran- qui on ne pouvoir reprocher que leurs diiTen- 1°hvd/v*, rions. Albuquerque parut oublier afTez î^ene- '''''''^■• reufement , ce que lui avoient fait les (ubalter- nes; mais il fut plus difficile à revenir al égard du Viceroi. Celui-ci parut le fentitiCar du mo- ment qu'il eut remis le Gouverijement entre les mains, i! fe retira à Ton VaifTeau , & ne mit plus les pieds à terre. Ainfi , à en juger par les apparences, leur reconciliation fut afTez froide & peu fincere, comme le font d'ordinaire les réconciliations des Grands.

La plupart des Officiers qui s'étoient décla- rés contre Albuquerque jugeant de fon cœur par le leur , n olerent mettre fa generofité à l'é- preuve, & s'expofer à fon refléntimeht. Ils par- tirent avec le Viceroi pour le Portugal. Mais le Viceroi qui avoir acquis tant de gloire dans les Indes,alla fe faire tuer comme un (Carabin) par les plus miferables hommes du monde. Car étant arrivé à l'Aiguade de Saldagne prés du Cap deBonne-lilperance, les gens de l'équipa- ge , qu'il avoir envoyés vers les Cafres de cette Contrée , pour traiter de quelque bétail , leur ayant fait iniulte,ces barbares le mirent fur la défenfive, ôc en blefTcrent quelqu'uns. Le Vi-

3i8 CoNQuESTEs DES Portugais, &c.

A N N. de ceroi croyant devoir en rirer raifon par le con- J- ^' fcil des mêmes Officiers , qui l'avoient engagé dans Tes de'mêle's avecAlphonfe d'Albuquerque, NutL Roi. il y perdit la Bannière Royale, & y fut tué avec Donfran- onze Capitaines & cinquante autres per Tonnes, uzIda'vÎ- ^^ plupart de condderation , qui y périrent par ÇZB.01. les mains de ces Cafres les plus brutes de cette Côte , & armés feulement de pierres , de bâ- tons ôc de flèches. Perte plus flétriffante & plus confiderable pour les Portugais, qu'aucune de celles qu'ils euffcnt faites en tant dallions qui s'étoient palïées dans les Indes.

Fin du quatrième Livre*

HISTOIRE

r-9

<c^^ CXA -if-ifr «ça -if-^ c^ ■^•^ (ifS. <1"<I' (>^ ■il^'^ CXX ■i}--^ (^ ■<}■ iifj ?* ïV *''* ^■* ^V ^ ^ î** *■** tfî «V tV «V ^i tV ^ ïV ïV "Si 'Si 'St ii ^ ï*f ïV ï*' ^^'Si "Si "St î*; ï"; ï'î ^ ïV 5^ |n^

y^ SX» •<mJ- :jiej ■^■^ KO -iSi-^- Gca -^-lii- rfô 4-tSi- «ci -^nli- .-io ■$- ^

HISTOIRE

DES DECOUVERTES

E T

C O N Q^U ESTES

DES PORTUGAIS

Dans le Nouveau Monde.

LIVRE CINQ^UIEME-

Alphonse d'Albd-

E GOU VER»

NEURt

A Peine Albuqtierque commencoit-il à ANN.de goûter le plaiîir que dévoie lui caufer le ^■^' cliaiiirement de fa fortune , plaifir qui confif- ^ ^

I i r c r\ I n 1 r Don Emma-

.toit dans la lacisracrion légitime &-jultede le nuîl roi. voir de'livré d'une perfecution outrageante , plutôt que dans la joye maligne de voir fon ^i^er^i" rival humilié , puilque les. grandes âmes ne font pas capables de ces bas fentiments , qu'il eut une nouvçlle mortification , à laquelle il ne s'attendoit pas , & qu'il fut obligé de diflimu- 1er. En voici l'occafion.

Le Bailli Amaral, qui avoir battu dans la Me- diterrannée la Flotte que le Caliphe avoit en- voyé en Afie , pour y charger des bois de con«

Tome /. T t

5 50 CONQUESTES DES PORTUGAIS

^j^N.de ftru6lion , ayant rendu compte au Roi de fon

J- c. expédition, & du defTein que le Calipheavoic

^^°^' de {e fervir de ces bois , pour faire pafTer une N°rLRo"'" Flotte dans les Indes fur les inftanccs que lui

Alphonse cn avoit fait le Zamotin , Don Manuel piqué

d-albu- contre ce dernier^ qui l' avoit déjà afïez offen-

Couver, fg par la gucrrc obftinée qu'il faiioit aux Por-

NEUE. ^ M 1 1 1'

tugais , relolut de s en venger dune manière éclatante , & de faire un effort confiderable , pour le ruiner en détruifant (a Ville capitale. Pour cet effet il arma cette Flotte de quinze Vaifleaux & de trois mille hommes , dont je viens de parler. Et quoique le motif apparent de ce crrand armement fût d'être en état de s'oppoler à la Flotte du Caliphe,les vues fe- crettes de la Cour avoient principalement pour but la deftruâiion de Calic«t.

Don Fernand Coutigno grand Maréchal du; Royaume, homme vif , entreprenant, & qui aimoit la gloire , demanda au Roi d'être char- gé de cette expédition, &: le Roi , qui l'aimoity le lui accorda volontiers , lui fit expédier les ordres que Coutigno voulut , & le rendit abfo- lument indépendant du Viceroi &du Gouver- neur pour cette journée , afin qu'il qn eût tout l'honneur.

Apres le départ d'Alméïda , le Maréchal ne tarda pas à intimer fa commiflîon. Il voulut da- bord preffentir le Gouverneur , &lui fît porter la parole par Gafpar Peréïra, Secrétaire de la

DANS LE NOuvEjvu Monde. Lrv. V. 331

Couronne dans les Indes. Apres cette première XnnTTÏc ouverture il parla lui- même, & pria Albuquer- J- C. que, non feulement de ne pas le croiler dans '^°^' '

'■ i r 11 1 DonEmma-

une choie, qui naturellement ne devoir pas nuiRoi. lui plaire, mais de vouloir bien comme parent aiphonse & comme ami, 1 aider en tout & le féconder. ^-Vr^c^'e » Vous avez .lui dit.il, acquis aflez de gloire ^^i^-

, ' '1 O NEVR.

"juiqu'ici partant de belles adtions que vous " avez faites. Il vous reliera encore beaucoup » à faire après mon de'part pour vous immorta- » lifer.LailTez-moi me fignaler aufli un peu dans » la (eule occafion pour laquelle je fais venu. » Je ne veux point me fixer dans les Indes : Je «ne porte point envie à fes richeffes : Je n'ai » d'autre pailion que de me faire quelque hon- »> neur. J'efpere que l'amitié & le fang qui nous »5 lient & qui rendent tous les biens communs » entre nous,feront que vous ne m'envierez pas » l'avantage de pouvoir me faire un mérite , « qui ne peut obfcurcir le vôtre, ni même en- » trer en parallèle avec une partie des chofes » que vous avez faites , & qui vous ont déjà » mis en réputation d'un des plus grands Capi- » taines. »

Les obligations qu'Albuquerque avoir au Maréchal étoient trop grandes & trop récen- tes , pour qu'il voulût lui refufer une deman- de qui paroiffoit fi raifonnable. Et quoique je croye qu'il la (entît trés-vivement, ôc qu'elle lui déplût trés-fortj il y répondit cependant fore

T t ij

5 3 2, Conquestes des Portugais

l^j^ j^. ti7 bien , Se fe comporta jufques au tems de lac-

J-C. tion d'une manière qui ne donna point d'om- 1500. 1 -• orage,

S°e1\T" Le Roi de Cochin, à qui le projet fut corn- , Alphonse Hiunique' , l'approuva. Mais il fut d'avis qu'il d'albit- falloir, avant que de rien ftatuer, prendre lan- GouvER. gLie de Coje-Bequi 1 ancien & fidèle ami des Portugais , de qui on fçauroit au jufte l'état étoit la Ville de Calicut. On apprit en effet de lui que le Zamorin étoit adluellement oc- cupé dans les terres fur fa Frontière , à faire la guerre à un Prince allié du Roi de Cochin : Qu'il y avoir peu de Naïres dans la Ville pac comparaifon au grand nombre qui y étoit lorf- que le Zamorin étoit préfent : Que d'ailleurs la Ville étoit fans défenfe du côté du Nord , mais affez bien défendue au midi , il y avoit à quelque diftance une maifon de plaifance du Zamorin, nommée le Csrame ^ laquelle avoit un bon enclos & un fort retranchement bien muni d artillerie 5 Qu'enfin il y avoit un grand coup à faire en brûlant vingt bâtiments neufs ,qui étoient fur les chantiers , & qui étoient deftinés pour faire le voyage delaMéque.

L'expédition ayant été réfolué fur ces avis, on en fit tous les préparatifs avec toute la di- ligence poflible. Mais pour en cacher le defïein on ébruitoitque tous ces préparatifs ne con- cernoient que la cargaifon de quelques VaiC féaux , qu'on fe dilpofoit à faire partir pour le

DANS LE NOUVEAU IVlONDE. LiV. V. 333

Portugal. Quelque fecret ne'anmoins qu'on af- An n. de {cftàt , on fut averti , & tout fe trouva prêt à ]'f^ Calicuc pour les recevoir. n r -,

^ , r ' I 1' ' ^°^ Emma»

Toutes choies étant en état , 1 armée com- nuel roi. polée de trente VaiiTeaux dilHngue's en deux aiphonse Flottes , dont l'une étoit appellée la Flotte du ^. e^^'e Portugal , commandée par le Maréchal , ôc l'au- ne°ur?^^ tre la Flotte des Indes conduite par le Gouver- neur Général ^ partit le dernier de Décembre 1509. & arriva devant Calicut le fécond Janviêï de l'année fuivante.

Les Généraux tinrent confeil à la vue de la Ville , il ne paroifToit aucun mouvement ^ quoiqu'il y eût trente mille Naïres dilfnbués dans les portes importans. Le Maréchal renou- vella alors à Aîbuquerque fon premier com- pliment , & lui {ignifîa qu'il fouhaicoir com- mander l'avant garde. Aîbuquerque y confen- tit quoique à regret , foit qu il craignît les fui- tes du naturel impétueux & étourdi du Maré- chal, foit qu'à l'âge avancé ou il étoit il fe laiffât piquer d'un point d'iionneurde jeune homme. Mais en y conientant, il régla tellement les cho- fes, qu'il ne voulut pas s'éloigner du Maréchal : Qu'il fut ordonné qu'ils iroient tous les deux de concert chacun à la tête de fa Flotte , & dé- fendu aux Officiers par un ordre exprès atta- ché au grand mat de chaque VaifFeau , de met- tre pied à terre avant les Généraux. Albuquer- q^ue vouloic par la être toujours à portée de

Ttiiî

3 34 CONQUESTES DES PORTUGAIS

^ M N. cie modérer l'ardeur trop bouillante du Maréchal,* J- ^- ou lui enlever par voye de fait un honneur '^^ ' qu'il ne lui cedoit qu'en paroles ôc par pure

Don Emma- ^^. r , ^ ^ ^ *■

NL.il. Roi. bienleance.

AtPHONSB . Manuel Pazzagne vieux Officier augura mal J^R^c^rE de cette difpofition. Une put s'en taire, &dit GouvER- qu'ily avoit peu à efperer d uncorps qui avoit deux têtes, il ajouta qu étant allez heureux pour avoir vu mourir quatre de (es enfans dans le li6t d'honneur 6c au fervice du Roi dans les Indes, il auroit encore l'avantage de lui faire le iacrifîce de lui-même en cette occafion. Il avoic renvoyé' le cinquième de fes lils en Portugal, comme s'il eût pre'vu que les Indes feroient fou fepulchre, & celui de prefque toute la famille. La Flotte du Mare'chal étoit compofée de braves Officiers, gens de dill:ind:ion , mais qui étant nouveaux venus, neconnoiifoient pas le pays , ôc ignoroient la manière d'y faire la guerre. Celle du Gouverneur avoit aufïi pour premiers Officiers des fubalternes qu'il aVoit fallu fubfticuer aux anciens Capitaines,que leur haine pour Albuquerque avoit obligés de s'em- barquer avec le Viceroi , pour ne pas refter ex- pofés à la vengeance d'un homme qu ils avoient trop offenfé.C'étoit déjà un allez mauvais pro- noftique. Ce qui fe paiTa après que l'ordre eue été affiché fut d'un préfage encore plus funeftej car l'émulation s'étantm.ife parmi les Officiers «des deux Flottes &;parmi la jeune nobleffe , au-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 35 j

lieu de prendre de la nourriture & du repos , A n n. de afin d'être plus alerte le lendemain,chacun se m? ^' ^• preiï'a de s armer , & de prendre ia place dans '^'°'

111 ^ ■] rr ^ 1 -1 Don Iîmma»

les chaloupes ou lis paiierent toute la nuit, de- nuelRoi. forte que le matin ils e'toiente'puifés de veille, Alphonse. defatieue ,de faim ôc defoif, qu'ils feritirent ^^'^^"- enluite bien plus cruellement durant l'extrê- gquver- me chaleur du jour ôc de l'adtion.

Les chaloupes se'tant mifes en mouvement ôc approchant du rivage pour faire la defcen- ^

te , trouvèrent la mer qui y brifoitavec beau- coup de violence. Elles furent reçues outre ce- la contre leur attente par l'artillerie du retran- chement & du Cérame , qui ne lailfa pas de les incommoder beaucoup , & fauroit fait bien davantage, fi les batteries eufTent été plus au niveau de l'eau. Albuquerque fit comprendre alors au Maréchal qu il étoit plus expédient que les chaloupes fe leparaffent , & que chacun d'eux à la tête des fiens allât defcendre il pourroit. Cela fut fait. Le Maréchal , qui com- ptoit toujours d'avoir l'avant-garde, ne le pref- loit pas , & fut defcendre aflfez loin. Mais Al- buquerque uiant de plus de diligence & cou- pant plus court, gagna d'abord la terre,& après, un léger combat s'étant rendu maître du re- tranchement, il alla droit au Cérame, qui étoit éloignéd une portée d'arbalelte. Il y trou- va une aîTez forte refillance , mais s en étant encore emparé , fes gens y mirent le feu.

5 CoNQpEsTEs DFs Portugais

■Kevr,

A N N. de Le Maréchal, qui n'écoit pas encore arrivé

J- C- au retranchement . ayant apperçu le feu s'écria

qu'il écoit trahi, & entra dans une furieufe co.

NUït^Raî.' ^^^^- P^iis jcttant ion calque & les armes qu'il

Alphonse tcnoit à la mam , ille fît donner une toque ôc

D albu- m^e canne. Albuquerque étant venu àluiiur ces

GoavER. » entrefaites.» Et eft-ce ainli, Seigneur Albu-

» querque , lui dit-il , que vous gardez la parole

» que vous m'avez donnée? Vous voulez avoir le

w plaifir d écrire au Roi que vous êtes entré le

« premier dans Calicut, mais je lui rendrai bon

"Compte de tout,& je lui ferai connoître ce que

" ceil que cette canaille d Indiens3dont vous lui

wfaitesdeloinunépouvantail. Il le comprendra,

« bien quand je lui dirai que je fuis entré dans

»laVille la toque en tête ôc la canne àla main. Il

dit cela avec tant d'emportement,qu'on croïoit

qu il alk)it le frapper du baron , &c que quelque

chofe qu'Albuquerque put dire pouriajuftifi^

cation,leMaréchal n'en voulut recevoir aucune,

èc fe laifTa tellement tranfporter déslors à la paf.

{ion^ qu'il ne fut plus capable d'écouter confeil.

Cependant ayant fait venir l'interprète , qui

connoifToit le pays, il lui demanda étoit le

Palais du Roi , & lui dit de le conduire il pûc

trouver des hommes à combattre. Car , difoic-

il , on ne peu appeller ainfi ceux qui fe font

rendus avec tant de facilité. L interprète lui

rnontra le Palais de deffus un petit tertre. Il

jpouvoit bien y avoir de-là une demie lieue.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. J37

Le Maréchal déterminé à y aller, donna ordre An n. de à Pierre Alphonfe d'Aguiar fon Capitaine Lieu- ^- ^' tenant de prendre deux petites pièces d'artille-

^ /- . I '■ 1 r Don Emma»

ne , & ayant rait battre aux champs le mit en nuel roi. marche avec huit cens hommes , faifant dire Alphonse au Gouverneur qu'il pouvoir le fuivre , ou fai- ^-frq^'b re ce qu'il voudroit, qu'il ne s'en mettoit pas ^°u™' en peine.

Bien qu'Albuquerque fût extrêmement piqué, & qu'il comprît bien le danger la témérité du Maréchal alloit le précipiter^ il le fuivit avec fix cens Portugais & les Malabares de Cochin. Mais auparavant il donna ordre à Don Antoi- ne de Norogna Ton neveu, à Simon d'Andra- de , & à Rodrigues Rabelo qu'il laiflbit avec trois cens hommes , de veiller à la garde des chaloupes, d'y faire tranfporter le canon du re- tranchement &c du Cérame , & de brûler les Na- vires qui étoient fur les chantiers , ce qui fut exécuté fans aucune oppofition.

Quoique le Palais du Zamorin fût défendu par le Gouverneur de la Ville & par un grand nombre de Naïres , ils firent fi peu de refiflan- ce , que le Maréchal, qui ignoroit que leur fuite n'étoit qu'un ftratageme , fe confirma da- vantage dans lopinion qu'il avoit conçue de leur lâcheté, & du mépris qu'on en devoir faire. Manuel Pazzagne 1 avertit en vain d'être fur fes gardes , d'empêcher fon monde de fe dé- bander, de mettre incefUimment le feu au Pa-

Tome J, Vu

338 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de lais , & de regagner les bateaux. Comme il étoïc

J- C. fatigue' à n'en pouvoir plus, jufqucs-là qu'il

_ _ avoit fallu le porter en chemin, &qu il ne pou-

DoN Emma- . , , i •'1,1

nuelRoi. voit fe ioutenir,il dit qu'il vouloir ie repofer AiPHONSE quelque tems , & s'aflit. Les Portugais ne man- «ii'ER<y>B querent pas de fe répandre dans le Palais, pour NEiiT'^' piller les richefTes dont il étoit plein. Les Na'ù res qui e'toient aux aguets les voyant e'pars , firent leur cri ordinaire pour fe raffembler. Dé- jà on les voyoit paroître de tous les côtés. AL buquerque, qui arrivoit alors au Palais, voyant les Naïres s'attrouper ne voulut pas y entrer,. &c envoya dire par deux fois au Maréchal d en fortir. Le Maréchal lui fît répondre qu'il ga- gnât les devants , ôc qu'il le fuivroit dans peu, Joriqu'il vcrroit le feu bien attaché en diflPerens endroits. Il en fortit en effet pour lors, mais il étoit trop tard. Les Naïres raiTemblés l'ayant: fuivi l'obligèrent à revenir fur eux , accompa- gné feulement de trente hommes. On combat- tit avec aifez de courage pour fauver la vie au Maréchal. Mais ce Seigneur , ayant reçu une blefTure à la jambe , qui le fit tomber fur ies ge- noux, il fe défendit quelque tems en ccvtc po- If ure , & f uccomba enfin fous la multitude des coups avec Manuel Pazzagne , Lionel Couti- gno, Vaz de Silveira & quelques autres Officiers au nombre de treize.

Albuquerque qui avoir gagné les devants , ayant appris le danger fe trouvoit le Mare-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.V. 359

chai , revint fur Tes pas & accourut avec un a n n. ds gros de troupes. Mais comme les ennemis é- ^' ^' toient en erand nombre ;, il ne put péne'trer ^^°'

. ^ N 1 ti J' 11 rr ^ C Don EmmA"

juiques a lui. 11 eut d ailleurs allez araire pour nuelRoi. le de'fendre. Car comme il fe trouvoit dans un Alphonse fentier fort e'troit & fort profond , les Naïres l^^''^^^ qui ctoient au-delTus du chemin & qui le do- goiver- niinoient, 1 attaquèrent a leur aile de haut en bas_, (ans que les Portugais , qui étoient fort fer- res pufTent faire ufage de leurs lances. Aucun des coups qu'on leur portoit au contraire ne tomboit en vain. Albuquerque fut bleffé lui- mcme de trois fle'ches, dont deux lui percèrent le bras gauche, la troifie'me le frappa au vifa- ge, quoique alTez légèrement ; mais il reçut un fi grand coup de pierre dans la poitrine, qu'il en fut renverfe' & privé de tout lentiment. Il eût péri en cette occafion , fans la bravoure de Gonzales Quemado fon Enfeigne , qui le fît tuer à les cotés, & fans le fecours de Diego Fer- nandes de Béja,qui fît des efforts extrêmes pour le iauver,& qui l'ayant fait mettre fur un pavois, le porta en cet état jufques aux chaloupes.

Depuis ce moment ce ne fut plus qu'une de- route générale. La frayeur ayant fuccedé au courage , on ne vit plus que Portugais fuir, jet- tant leurs armes pour mieux courir. Les Naï- res qui éfoicnt àleurs troufles en tuèrent beau- coup. Mais ils furent contraints de s'arrêter à l'arrivée de Diego Mendes de Vafconcelios ôi

V ui;

540 CoNQUESTEs DES Portugais

^ j^ N. de de Simon d'Andrade d'une part, & de Don Art- J- c. toine de Norogna & de Rodrigue Rabelo de ^^'°' l'autre, qui venoient au fecours des fuyards. NurL^Roi''' Malgré cela la terreur étoit fi grande que la , Alphonse plupart jcttoient encore leurs armes pour fe dAlbu- fauver, quoique perfonne ne les pourfuivît. Le Goi VER. dernier qui entra dans les chaloupes , rut Geor- "^"^" ge Botello qui fut long-tems occupé à ramaflér ces armes éparfes.

Chacun des deux partis ennemis fentit vive- ment la perte qu'il avoit faite en cette occafion, fans goûter les avantages qu'il avoit rempor- tés. Les Portugais affligés de la mort du Maré- chal & de quatre-vingt des leurs , dont la plu- part étoient gens de diftindtion : inquiets fur les bleffures d Albuquerque , qui fut quelque tems entre la mort & la vie : abbatus par la honte de leur défaite , & encore plus humi- liés par la lâcheté qu'ils a voient tait paroître dans leur déroute en jettant leurs armes , fe retirèrent à Cochin , ils ofoient à peine fe montrer.

D'autre part le Zamorin reçut un tel échec dans cette journée qu'il eut de la peine à s'en re- lever. Il périt dans Calicut par le fer ou par le feu plus de trois mille perionnes, entre leiquellcsfe irouverentleGouverneur&deuxCaïmales.Mais la perte des hommes fut ce qu'il y eut de moins fenfible pour ce Prince. Sa Capitale.fesPalais,fes .Temples ,fes VajfTeaux brûlés étoient ce qui fit

î)ANs LE NOUVEAU Monde. Liv.V. 541^

NEL'R.

la plus vive imprefTion fur fort cœur, & le plus Ann. de de tort à fes affaires. Il apprit la nouvelle de ce :" ' defaftre dans le tems qu il raiioit la guerre en ^ ^

i . o Don Emma«

pays ennemi avec avantage. Sur le premier nuel roi. avis il délogea de nuit fans trompette, & arri- Alphonse va le quatrième jour après le départ d'Albu- qiierVe querque. Le feul premier coup d'œil du raya- ^''''^'''■^' ge qu'avoir fait le feule mit hors de lui-mê- me. Mais quand il eut appris le de'tail de l'ac- tion , & qu'il y avoit eu fi peu de Portugais tues, il entra dans une telle indignation con- tre la lâcheté de fes gens , & fur-tout des Mau- res de la Ville , qu'ayant affemble' ceux-ci , il en vint jufques à les me'nacer de les chafTer de fes Etats. En effet il faut avoiier que Calicut fe de'fendit mal , ôc qu'à 1 exception de ces Na'ires qui pourfuivirent les Portugais dans leur re-- traite , tous avoient très-mal fait leur devoir ju{ques-là. Il n'y avoit prefque point eu de re- fiftance en plufieurs attaques , &c enfuite de part & d autre amis & ennemis tous furent plus attentifs au pillage, qu'à (e battre en honnê- tes gens. Le grand nombre des morts fe trou- va être de femmes , d'enfans &c de plufieurs autres que les flammes enveloppèrent , ou enfin de ceux qui courant à lenvi au pilla- ge , furent furpris , & fe virent obligez de cé- der à la force , à laquelle rien ne peut re- fifter.

feul qui profita foUdement du malheuî

V u iij>

541 CoNQUESTEs DES Portugais

ANN.de commun fut Albuqiierque. Car, outre que îa J- ^' mort du Mare'chal le délivroit d'un ennemi qui l ' l'eût perdu à la Cour , il ell certain qu'il n'eût NUEL Roi, jniiais ofé entreprendre, s'il eût vécu, de lui en- Alphonse lever la Flotte qu'il avoit amene'e de Portugal, Q.FR(^'E ainfi qu'il fit à Pierre Alphonfe d'Aguiar qui Sr^' fuccedoit au Maréchal , dont il étoit Capitaine Lieutenant. Et fans ce coup hardi que fit AL . buqucrque en cette occafion , il eût été moins un Gouverneur Général, qu'un Capitaine gar- de-côte hors d'état de rien entreprendre

En fuccedant à Almé'ida dans le Gouverne- ment des Indes 3 Albuquerque ne fuccedoit ni à tous fes honneurs, ni à tous fes droits. Le Roi Don Emmanuel failant reflexion qu'un homme feul ne pouvoit veiller comme il faut à cette immenfe étendue de pays, qui s'étend depuis le Cap de Bonne-Efperance Juiquesaux extrémités des Indes , avoit réfolu de la parta- ger en differens Gouvernements. Et comme il avoit toujours dans l'idée que le principal ob- jet étoit les environs de la mer Rouge , dont il vouloir abfolument rompre le commerce , il voulut appliquer fes principales forces. Pour cela il en fit un Gouvernement particulier , qui s'étendoit depuis Sofalajufques àCambaïe. Il y nomma George d'Aguïar qu'il y envoya avec une Flotte. Perfuadé enfuite que le Gou- verneur des Indes auroit peu à faire , fur-tout après la deftrudion de Cahcut, il lui donnoic

q: î s

Gouver- neur.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 345

ordre d'envoyer à George d'Aguïar les Galères An n. de ôc les Brigancins qui avoienc éçe faits à Ahchc- ^- ^* dive, &quiétoienc deftinés àfaii-elacourrefur ^ ^^°'

} r-' J \A \ } ;.,',• A , ,r . Don Emma-

la Cote du Malabar, comme s il lui eut ete raci- nuel roi. ]e de earder cette Côte ians ce lecoui s.ou com- Alphonse me s'il n'eût eu plus rien à craindre. D'autre o.' îr<^'i part Emmanuel avoit aufli envoyé une Flotte vers Malaca lous la conduite de Diego Lope's de Sique'ïra, pour y établir un Gouvernement diftinct. Ainfi le Gouverneur des Indes borné au feul Indoflan, fe trouvant réduit pref que à rien , c'étoit moins une grâce dans la réalité qu'on avoit faite àÀlbuquerque de l'en revêtir, qu'une efpece d'affront, puifqu'on ne le mettoit en l'ôtant des environs de la mer Rouge, que pour le tirer d'un porte, qui dans les vues de la Cour;étoit celui qui devoit être le plus confiderable.

Mais Albuquerque qui fçavoit mettre à pro- fit les conjonctures du tems , fe lervit à propos de fa fortune & de fa politique pour renverfer tous ces projets , attirer tout à lui , & y faire trouver encore le bien du lervice. Il commen- ça par Pierre Alphonlc d Aguïar. Il tacha d'a- bord de lui infinuer qu'il ne convenoit pas à la fituation des affaires , qu'il ramenât toute €ette Flotte en Portugal ^ qu après le défa- ftre arrivé à Caiicut , il étoit dangereux que le Zamorin réduit au defcfpoir ne rilquat le tout pour le tout, afin de fe venger j qu'il ne ti-

544 Conquestes DES Portugais

KSUR

ANN.de châc de foulcver les Princes de l'Inde amis &: ^- ^' ennemis des Portugais, qui profîteroienc d'au- tant plus volontiîers de l'occafion de les perdre.

DonEmma- ../ . ,, , Il

nuelRoi. qu ils venoient d apprendre par leur dernière AirHONsE difgrace , que les Portugais n'étoient pas in- ^'//(J'e vincibles -, ôc qu'après le départ de cette Flot- Gouv£B.. j.^^ jj (e^.Qit; d'autant plus facile de les vaincre , qu'ils refteroient fans défenfe , & ne feroient pas encore revenus de l'abatement de leur dé- faite. Aguïar ne fe rendant point , le Gouver- neur le prit fur le haut ton. Il lui dit nettement que puilqu'il s'obftinoit à vouloir ce qui étoit contre le fervice du Roi , il en écriroit à la Cour, & qu'il lui feroit demander compte des deux pièces de campagne , dont le Maréchal lui avoir confié le foin , & qu'il avoit fi lâche- ment perdiîës à Calicut. Comme Aguïar avoir véritablement ce reproche à fe faire , il fut étourdi de cette propofition , &c devint par fi docile, qu'il en paffa par-tout ce que le Gou- verneur voulut. Et celui-ci fentit fi bien fon avantage que, lorfque d' Aguïar faifoit le rétif fur quelque article , il lui envoyoit demander OLi étoient les deux pièces de campagne. En- fin il le reduifit à fe contenter de trois Vaif- feaux , de auinze dont la Flotte étoit compo- fée , lui enleva jufques à fes trompettes , ôc l'ex- pédia ainfi pour le Portugal.

Il étoit plus difficile d'éluder la deflination que Je Koi avoit faite pour le Gouvernement de la

mer

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 345

N£U&.

mer Rouge fi la fortune ne l'eût bien fecon- An n. de de'. La Flotte nombreufe de douze Vaifîeaux ^- ^• que le Roi y envoy oit^ ayant e'té toute dif perfe'e par une furieufe tempête , Georg-ed'A^uïar qui DonFmma-

X 1 ^ ' n fc> 1 nuilRox.

la commandoit, alla périr lur les Illes de Tnltan ,

'1 r Alphonse-

d'Acugna. Les autres Vaifleauxfuivirent diver- d'albu- les routes , & le rendirent pour la plupart aux goiver- Indes. Edoiiard de Lemos , neveu d'Aguïar à qui il fuccedoit , ayant attendu envain à Mo- zambique pour les raflembler, n'en put reciieii- lir qu'un petit nombre, avec lefquels il alla hy- verner à Melinde ,& prit enfuite le chemin de Socotora, il ne put joindre, ce qui l'obligea de continuer fon chemin jufques à Ormus. il ménagea fi bien toutes chofes, qu'il engagea Atar à lui payer le tribut annuel des quinze mil- le feraphins ilipule's avec Albuquerque ; mais il ne put jamais obliger ce Minillre à lui refti- tuer la Citadelle , ni même à lui permettre d'é- tablir une fadorerie. Atar croyant alors de- voir s'appuyer fur les liaifons qu il avoit avec le Viceroi Don François d'Alméïda , &n avoir rien à craindre d'Albuquerque , dont il fçavoit la difgrace &c la détention à Cananor,éluda tou- tes les demandes.

Lemos ayant refté près de deux mois de- vant Ormus , vivant en très-bon commerce avec les Maures &; en fort grande (ecurité, en partit pour venir regagner Socotora , & dépê- cha de Mafcate Nugno Vaz de Silvéira au

Tome I. Xx

J4<5 CONQUESTES DES PORTUGAIS

_^N N. de Gouverneur des Indes.pour lui demander les ga-

j. c. Icres & les bâtimens que le Roi avoir mis dans

^^ * fon refTort.Vaz arriva préciiément dans le tems

Nu^L Rot? que le Maréchal & le Gouverneur fe difpo-

Aii'HûNSE foient à l'entreprifc de Calicut. On n'eut pas

XvLK^i de peine à lui perfuader qu'il falloir attendre

GoiivER- - les fuites de cette affaire , à laquelle il voulut

avoir part, & il foutint bien l'ide'e qu on

avoit de fa bravoure -, car il mourut dans le lit

d'honneur, en volant au fecours du Maréchal j^

êc après avoir tué trois Naïres de fa main.

Apres la mort de Silvéira, le Gouverneur Gé- néral fit repartir fur le Vaifleau qu'il comman- doit, Antoine de Noguera, parent de Lemos, avec des provifions pour rafraîchir Socotoraôc avec une Lettre qu il le chargea de lui remettre. Dans cette Lettre , Alburquerque s excufoit à Lemos fur la (ituation de les affaires qui ne lui perm.ettoient pas d'envoyer un plus puifTanc fecours ; mais il lui promettoit, que, dès que fa Flotte feroit en état d'être mifé en mer,il iroit le joindre, & qu alors il lui con{i2;neroit les ga- lères ôc les bricrantins , félon les ordres de la Cour. Cependant il le prioit de lui envoyer Don Alphonfe de Norogna fon neveu , que le Roi avoit nommé Gouverneur de la Fortereffe de Cananor.

Au bout de quelque tems Albuquerque lui envoya encore un autreVaifTeau chargé de pro- vifions fous la conduite de François Parito.ffa,

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 547

avec une Letere fort gracieufe ^ mais pleine A n n. de de pareilles excufes pour juftifier ies délais. Le- ^' ^' mos , a qui tout cela ne convenoïc point , ayant

, J- ^ f~ 111 DonEmma-

perdu prclejue tout Ion monde par les maia- nlelRoi. dies , & s'étant vu contraint d'aller à Mélinde Alphonse pour y rétablir fa fanté,le réiolut enfin de par- ^ier^c^"e tir lui-même pour les Indes , afin d'y folliciter ^°^"^" en perionne ce qu'on ne pouvoit lui refufer , fans violenter les ordres de la Cour. Albuquer- que, qui vouloir lui donner quelque {atisfac- tion , le reçut à bras ouverts , ôc s'appliqua à lui faire tant de compliments , tant d'hon- neurs &z tant de carefles , fous prétexte déten- dre juftice à fon mérite , & de tenir une con- duite différente de celle qu'Alméïda avoit te- nue à fon égard , que Lemos, dont la vanité étoit aifez flattée par toutes ces demonftra- tions, fut trés-fatisf-ait pendant quelque tems, ôc n'eut pourtant autre choie que de belles pa- roles ôc de purs complimens , comme je le dirai plus au long dans la fuite.

Les vues qu'avoit la Cour fur l'établifïement d'un autre Gouvernement à Malaca^, furent en- core moins faftidieufes au Gouverneur par le peu de iuccès qu'eut Diego Lopés de Siqueïra dans ion entreprife -, ce que je vais maintenant raconter.

Siqueïra étoit parti de Lifbonne le 5. Avril 1508. avec quatre Vaiffeaux. Il avoit eu ordre de reconnoitrc enpaffantrifle de Madagafcar

Xx 1)

348 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de OU de faint Laurent , & de s informer s'il y

J- c. avoir des mines d'or & d'argent , des épiceries

^ * & autres denrées, félon les avis qu'on en avoit

Don Emma- 1 ' \ >-i-. -n i> « . >i >

NUEL Roi. donnes a Triitan d Acugna , qui , quoiqu il n y Alphonse cût rien ttouvé de tout cela, n'avoit pas laifTé dAlbit- d'en faire de belles relations à fon retour. Siqueï-

Çi^ E R QJJ E 1

GouvFR-j j.3^ aborda l'Ille du côté du larr^e , toucha à plulieurs ports , & y recueillit plulieurs des malheureux qui s'étoient fauves du naufrage de Jean Gomez d'Abreu. Mais n'y ayant rien trouvé lui-même de conforme aux efperances qu'on en avoit conçues , il continua fa route vers l'Ifle de Ceilan, qu'il ne put gagner, le vent l'ayant mal fervi^de forte qu'il fut obligé d'al- ler prendre port à Cochin , il mouilla le 1 1. Avril 1509. après avoir mis plus d'un au dans

cette navigation

Alméïda le reçut fort bien , & ayant vu fa commiflion , il lui donna un Vaiffeau de ren- fort avec foixante hommes, parmi lefquels il en embarqua quelques-uns comme bannis, &: dont le (eul crime étoit d'avoir été favorables à Albuquerque. Avec ces cinq voiles Siqueïra partit de Cochin le 19. Août de la même année, & ayant pris connoifTance de l'Ifle de Ceilan le troifiéme jour , il traverfa le Golphe de Ben- gale coupant lur l'Ifle de Sumatra , rangea en chemin les Ifles de Nicobar , & prit port à Pe- dir, après quelques jours d un aflez beautems.

L'Iile de Sumatra la plus grande des Ifles de

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 349

NEUR.,

la Sonde , a , félon l'eflimacion des Maures qui a n n. de l'ont mefiire'e, fepc cens lieues de circuit. Elle ^•^• ell diftribuée en plufieurs Royaumes peuplés ^ par deux fortes d'habitans , dont les uns qui nuL roi!" iont les anciens naturels du pays font idolâ- Alphonse très, &: quelques-uns même fi barbares, qu'ils ^^er^<^'b fe nourrirent de la chair de leurs ennemis. Les ^'°'-"'^^- autres plus recens & plus police's, font origi- nairement Arabes & de la iede de Mahomet. Comme cette Ifle eil la plus grande de ces quartiers, elle eftaufïi la plus riche ene'piceries, pierres précieufes , mines d'or , de cuivre , d'é~ tain ôc de fer , & en toutes fortes d'autres den- rées. Le milieu de l'Ifleeft plein de hautes mon- tagnes , dont l'une a un Volcan celebre,& jette du feu ôc des flammes comme les monts Gibcl & Vefuvcjmais fur les Côtes il y a de belles campagnes trés-fertiles & couvertes d'arbres de toute efpece. On y en voit fur-tout un re- marquable par fa fingularité , cc[\: celui que les Portugais appellent l Arbre trifle de jour , parce que le jour ilparoît entièrement dépouil- lé , mais tous les foirs au coucher du foleil fes boutons s'épanouilTent , & pouflentdes feiiilles & des fleurs d'une odeur trés-agréable, qui tom- bent toutes, dès queleloleilreparoîtfur l'Hori- 2on.La ligne qui coupe l'Ifle prefque par le mi- lieu, la rend fujctte à de grandes chaleurs. L air y ell d'ailleurs aflez mal (ain , dit on, pour les écrangers.LesSçavants font partagés entre cette.

Xx iij

5;0 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de lîle & celle de Ceilan,pour fçavoir laquelle

^' ^' des deux ell la Tapobrane des anciens.

1 5 1 o. i ,

^ ^ Comme Siqueïra etoit le premier Portugais

Don Emma- ai?/ t/I f 'II ^

NUEL Ror. qui eue aborde cette lUe , & quelle pouvoir

Alphonse palTer pour uHc nouvclle découvertc j il obtint

d'Albu-

NEUK.

cli'erq.u'e des Rois de Pedir ôc de Pacen 3 avec qui il fît GouvER. alliance , fans traiter cependant qu'avec leurs Miniitres, la permifTion de planter un poteau aux armes de Portugal , ainfi qu'en avoient uié les premiers Découvreurs j mais comme il n'a- voir pas intention de s'arrêter là, il fît voile peu de jours après pour Malaca,où il arriva le II. Septerribre.

Malacae'toit alors une des Villes de l'Orient des'plus riches & des plus délicieufes. Situe'e au-delà du Golplie de Bengale fur la pointe de la célèbre prefqu'iile qu'on croit être la Cherfonefe d'or des Anciens , & fur le bord du détroit qui la fe'pare de llfle de Sumatra , elle femble en effet être placée pour être le centre du commerce de l'Arabie & de llndo- ftan d'une partj de la Chine, du Japon, des Phi- lippines àc des autres Ifles de la Sonde de l'au- tre. Petite cependant , elle ne comptoit gue- res que trente mille feux. La rivière à l'embou- chure de laquelle elle eft, la coupoit par le mi- lieu, S>c en faifoit comme deux Villes fort lon- gues & fort e'troites unies enlemble par un feul pont de bois. Les habitans prefque tous Maho^ metans d'origine & de Rehgion, vifs, fpiri*

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv, V. 551

NLVR.

tuels , aimant le plaidr, y menoienc une vie Ann. de fore douce & crés-conforme aux idées de leur ^'^' re(fle. L'abondance des pays voifins leur four- nillant toutes les délices contribuoit a leur vie niel roi. voluptueufe, autant que leur opulence , qui alphomse étoit telle^qu'on ne compcoit leurs richefîes que ^jer^qIt'e par pluiieurs Bahars d'or.(Chacun de cesbahars *^°"'"^'^- contient quatre quintaux. ) On n'y elliimoit pas un homme riche , fi dans un même jour il ne pouvoir mettre en mer trois ou quatre Vaii- léaux , &: les charger richement à Tes propres dépens. Elle avoit été autrefois de la dépen- dance du Royaume de Siam y mais Mahmud , qui regnoit alors , en avoit fecoiié le joug , & il faifoit fi bien agir les refTorts de la politique chés les Princes voifins , & chés les Miniftres même de fon légitime Souverain , que ce puif- fant Monarque , ou négligeoit , ou n'ofoit en- treprendre de le réduire à fon devoir.

Mahmud inftruit des motifs de la venue du Général Portugais , en fut bien aife, ou fît fem- blant de l'être. Il lui donna audiance avec tou- te la pompe quafFedlent les Rois de lOrienr, Le traité fut figné de part ôc d'autre , le fer- ment fait (ur la loi de Mahomet d'une part , & furlesfaints Evangiles de l'autre. Le Roiafîi- gna enluite une maifon commode dans laVille, dont Ruy d'Aravio, qui devoir être le facteur^ prit po/ïeiTion , & dès ce moment les Portugais prirent tant de confiance dans les careiTes du

352, CoNQUESTEs DES Portugais

ANN.de Prince & du Bendara, fou oncle, qu'ils fe ré-

^' ^' pandirenr dans la Ville fans aucune pre'caution.

Cependant les Maures de l'indollan établis à

Don Emma- K ' J n o 1

NLEL Roi. Malaca, ennemis jures des Portugais & naturel- Alphonse Icment jaloux d'un traité qui devoit préjudi- q^^Vrohe cier à leurs affaires , fe donnèrent tous les rnou- GrnvER- vcments qu'ils s'étoient donnés ailleurs pour decrediter les nouveaux hôtes. Ils ne manquè- rent pas pour les rendre odieux, de rappeller tout ce qu'ils avoient fait à QLnloa. à Ormus & dans le Malabar. Les faits étoientd parlants & expofés avec des couleurs fi vives , qu'ils firent d'abord toutl'eftct qu'ils fouhaitoient. Les Mau- res trouvèrent d'autant plus de facilité à leurs defTeins pernicieux , qu'ils fçurent mettre à leur tête deux hommes d'un très-grand crédit. Le premier étoit un nommé Vtemutis Jave de nation , à qui on donnoit le titre de Raïa que prennent tous les petits Roitelets du Malabar. Il étoit fi puiffant dans Malaca, qu'on lui com- ptoit fix mille efclaves mariés , & un bien plus grand nombre d autres qui ne 1 étoient point. Le iecond étoit un Maure Guzarate, qui failoit l'office de Sabandar ou de Conful de fa nation.

Ceux-ci ayant tourné l'elprit du Roi & du Bendara ou premier Miniftre, il fut conclu en-; tre eux dans le confeil fecret du Prince, qu on tâcheroit d'attirer les Portugais dans quelque piège pour fe défaire de tous en même tems. Cette rélolution fut prife contre l'avis de

l'Amira!

DANS LE NOUVEAuMONDE.LiV. V. JJJ

TAmiral & du Tréforier général des finances, A n n. de qui ne purent eoucer cette crahilon.On ne néo;li- •^* ^• geoit rien cependant pour endormir les Portu- gais^& couvrn- les mauvais deileins qu on avoit nuel roi. conçu contre eux. Mais comme c'étoit princi- Alphonse paiement du Général & des principaux Offi- ^uir^cJe ciers qu'on vouloir s'afTurer , &c qu'il étoit diffi- ^""^H]^' cile de les attirer à terre , le Roi, pour les mieux tromper , fit publiquement tous les pré- paratifs d'un repas magnifique qu il vouloit leur donner , & pour lequel il fit bâtir exprès une maifon de bois joignant le pont de la Ville.

11 y avoit dans le port lorfque Siqueïra y en- tra , quatre Joncs de la Chine , dont les Capi- taines allèrent fiir le champ faire civilité au Gé- néral , qui leur rendit leur vifite 5 & il lia fi bien avec eux,qu'ilsfe traitèrent mutuellement dans leurs VaifTeaux, & entretinrent toujours enfem- ble une mutuelle correfpondance. Ces Capitai- nes ayant apperçu l'aveugle confiance duGéné- ral , &lalibertéqu il donnoitàfes gens d'aller par la Ville , l'avertirent en amis de le défier d'u- ne nation naturellement perfide, & lui donnè- rent enfiiitel avis de la rrahifon qu'on luibraf- foit. Mais Siqueïra n'en fit aucun cas , & n en devint pas plus lage.

Une hôteiTe, Perfane de nation, laquelle te-

noit auberge dans la Ville, &logeoit chez elle

un Portugais qui entendoit la langue, ayant été

inftruite du complot, fit dire au Général par ce

Tomel. Y y

554 CONQUESTES DES PORTUGAIS

_A N N. tle même Portugais qu'elle vouloit lui parler en

j. c. fecret,& quelle iroicàfonbord exprès la nuit,

^ * afin de n'être pas apperçuë. Siqueïrane fir que

Don Emma- railler de ce rendez-vous, &reietta trois fois la

NUEL Roi. r 1 ' r I

propolicion. Mais cette remme maigre ion ob- daI.^u-'^" ftination étant alle'e à bord & l'ayant inftruitde Couver!, tout le fecrct , quoiqu'elle nc pût venir à bout N£UR. tle le perfuaderjgagna pourtant fur lui qu'il pré- textât une incommodité , & fit échouer les me- fures prifes pour le repas , ce qui fut fait.

Ce coup étant manqué, on eut recours à un autre artifice d'autant plusinfidieux, qu'il mar- quoit une nouvelle faveur de la Cour. Le Roi fit donc dire au Général que faifant attention que le tems de la Mouçon s'avançoit , 6c con- fiderant qu'il étoit venu des extrémités du monde , & avoir un plus grand voyage à fiiire pour le retour , il vouloit le préférer à toutes les autres nations qui étoient dans fon port 8>c l'expédier le premier : Que pour cet effet il n'a- voit qu'à envoyer toutes fes chaloupes à terre à un jour marqué , auquel on lui donneroit fa cargaifon. Dans le même tems le Bendara fit préparer une grande quantité de petits ba- teaux , dans le fond defquels on difpola toutes fortesd armes qu on couvrit de diverfes provi- fions de vivres. Le nombre de ces petits elquifs étoit prodigieux , mais on les tint cachés juf- ques au moment qu'ils dévoient faire leur coup, éc commencer le mairacre général des Porta:

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. V. 5j/

NEUR.

2-ais au {lenal qui en feroit donne par un feu. A n n. de

Quoique Siqueira eut du juger par piulieurs ■'•^* contradictions de conduite , au fuiet même de

, . r. \ r-^ rc Don Emma»

la cargailon,que le Gouvernement agiiloit avec nuel roi. lui de mauvaife foi, il s'aveugla de plus en plus, Alphonse & n'en conçut pas le moindre foupçon. Il envoïa ^^er^e donc au jour alligné les chaloupes & canots gohver- à terre, à l'exception d une feule de ces chalou- pes, qu'on calfeutoitjôc qui pouvoit être nécef- îaire pour aller & venir dans le befoin. Dans le même moment le Bendara fit partir les petits elquifs qu'il tenoit prêts, & qui e'toient pleins d armes & de gens de guerre de'guiiés enpay- fans , fans qu'il parût qu'ils eulTent d autrepré- tention que de porter des provifions & desra- fraîchilTemcntspour la Flotte. Lafecurite avec laquelle on vivoit fît qu'on ne fe défia point d'a- bord de leur nombre , dont on avoit ménagé ladlion, & qui ne croifToit que peu à peu.

Pour mieux endormir le Général, le fils du Raïa Utemutis, qui sétoit chargé de le tuer, & le Sabandar accompagnés feulement de iept ou huit perfonnes vinrent à bord comme pour lui rendre viilte. Siqueïra joiioit alors aux échecs , mais les traîtres lui ayant témoigné qu'ils auroient du plaihr de lui voir finir fa par- tie, d'autant mieux, difoient-ils, qu ils avoient un j eu à peu prés femblable , il f e remit & con- tinua àjoiieravec beaucoup d'application.

Les Navires cependant le rempliffoient de

Yyij

d'Albu-

QUtRQUE

Gouver- neur.

^^6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Xn n. de" tous ces faux marchands. Garcie de Sofa Capi- J- ^- caine d'un des cinq VaifTeaux, s'apperçut le pre- mier du danc^er;, & ayant crié à fes tiens de faire

DonEmma- p . ^ Il ? 1 Ti r

NuiiRoi. lortir tout ce monde, il envoya Fernand Ma- , Alphonse gellan fi connu par cc famcux détroit auquel il a donné Ton nom , pour avertir le Général de fe tenir fur Tes gardes. Dans le même mo- ment le contre-maître de l'Amiral , qui étoit monté à la hune , apperçut derrière Siqueïra le fils d'Utcmutis , qui attendant avec impatien- ce le (ignal , portoit de tems en tems la main fur un poignard dont il devoir le frapper, &c le tiroit à moitié. Saifî à cette vue il pouiTe un grand cri , donne l'alarme èc avertit le Gé- néral , qui réveillé à ce bruit 6c ne fçachant en- core ce que c'étoit , fe levé avec précipitation, demande fes armes , ôc ordonne qu'on mette le feu au canon. Le fils du Raïa ôc les autres qui étoient avec lui fe croyant découverts , n'eurent pas le courage de faire leur coup 6c fe jetterent à la mer pour gagner les petits ef. quifs. La même chofe fut faite dans l'inllant par ceux qui étoient dans les autres Vaiffeaux que cette terreur (ubite fauva.

Mais comme alors le fignal fut donné , on commença à fiire main baffe fur les Portu- gais qui étoient dans la Ville , dont vingt feule- ment fe fauverentdanslamailon deRuy d'Ara- vio , où. ils f e mirent auflî tôt en défcnle. Fran- çois Serrano gagna aufii la chaloupe du Vaif-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 357

feau de Jean Nugnes , qui eut bien de la peine A n n. de à arriver à bord. ^- ^•

Le Géne'ral dans ce premier défordrc ne fça- chanc quel parti prendre ailembla ion con- ^[^'^tou feil. Quelques-uns furent d'avis qu'il falloit Alphonse prendre vengeance de cette trahiion , brûler ^'^'-^'^' lesVaiueaux qui etoient dans le portjàrexce- couver, ption de ceux des Chinois , de qui ils avoienc toujours reçu & des bons avis & des marques d'une amitié folide. Mais comme ils n'avoient que deux chaloupes , Siqueïra , devenu plus prudent par le danger qu il venoit de courir , fut d'opinion d'appareiller , de faire quelques tentatives pour ravoir les Portugais quie'toienc à terre , & de fe retirer.

D'un autre côte' le Bendara voyant le peu de fuccès de fon entreprife courut à la fad:orerie Aravio fe de'fendoir, & ayant e'carté la fou- le des afTaillants , il s excufa du mieux qu'il put , prétendit que le Roi & lui n avoient aucune part à cette émotion , qui procedoit ians doute ^ d'un mal entendu , & ayant donné à Aravio un riche marchand Indien , ami des Portugais pour fa caution , il le prit lui & les fîens lous fa îauve-garde.

La tranquillité ayant été ainfî rétablie, le Bendara envoya faire les mêmes cxcufcs au Gé- néral,1 exhortant à revenir avec confiance, qu il lui rendroit tous les Portugais & tous fes effets. Mais le Général palïant de l'excès de la Iccu-

Y y hj

558 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de rite à un excès oppofé, ne voulant point fefîer

^' ^' à fa parole, & jugeant plus à propos d'expo-

fer la vie de quelques particuliers à la fureté

Don Emma- , r ri 1 /l' J '■! r ^ '

NU£t Roi. de la Flotte , lui ht dire qu il conlervat precieu- .

Alphonse femeiit les gagcs qu il avoit entre fcs mains, que ^i^R^E dans peu on viendroit les lui redemander à GouvER. Yi'ï^dn armée èc lui faire païer chèrement le droit des gens qu'il avoit violé dans fa perfonne.

Après cette menace il le remit en mer , brûla fur {a route deux de fes. Vaiffeaux , parce qu'il n avoit pas affez de monde pour les manœuvrer. Etant enluite arrivé a Travancor , & y ayant appris qu'Albuquerque étoit en podeiïion du Gouvernement des Indes , le louvenir du dé- plaifir qu'il lui avoit fait en fe déclarant ou- vertement contre lui pour complaire au Vice- roi , & la crainte qu'il eut de fe voir expofé à fon reffentiment , firent qu'il fe contenta de lui écrire, & de lui envoyer deux autres Vaiffeaux de fon efcadre qu'il ne pouvoit conduire avec lui , parce qu'ils faifoient trop d'eau. Après quoi il partit de-là pour le Portugal feul,fai. fant la même route qu il avoit faite en venant. Albuquerque ne lailta pas d'être fenfible à fa diigrace , & au parti qu'il avoit pris. Car outre qu'ils avoient été amis , il l'eftimoit & étoit fâ- ché de perdre un bon Officier avec qui il eût pu re no lier.

Bien que le Gouverneur des Indes n'eût plus perfonne qui parut le troubler dans la poffef-

DANS LE NOUVEAU MONDE.LiV. V. 359

fîon de foii Gouvernement , & que depuis la A NN.de guérifon de Tes Weflures il ne parût occupé J-^- d'abord que du foin de recevoir les Ambafla- ^'°*

di T'» I £■ 1 r t>oN Emma"

eurs des Princes qui venoient le reliciter lur nuelRoi.

fon nouvel Etat , Ton eiprit néanmoins n'étoit Althonse pas tranquille. Il faifoit de triilies reflexions fur ^.Vr^^^; les contrariétés qu'il avoit eues du tems d'Al- gouyer, meida \ il avoit vu parrir avec lui pour le Por- tugal fes plus cruels ennemis j qui lui avoient déjà fait trop de mal pour ne pas continuer à travailler de le ruiner tout-à fait dans l'eiprit du Roi. Il voyoit encore autour de lui beaucoup de mécontens qui fervoient fous fes ordres. La difgrcce de Calicut ôc la mort du Maréchal étoient pour lui une tache de une occafion à fes adveriaires de lui porter de nouveaux coups. Mais ce qui lui faifoit le plus de peine , c'é- toient les ordres du Roi, qui ayant borné fon Gouvernement, le mettoient hors d'état de rien faire pour le fervice de l'Etat, &: pour fa propre gloire.

Dans cette perplexité il rouloit fans ceffe dans fon efprit quelque grand coup , dont l'é- clat pût fervir à détruire les plus mauvaifes im- preflions , parer à tous les efforts de I envie & le rendre néceffaire malgré qu on en eût. Il avoit en main de grandes forces pour exécuter fes deffeins fecrets , & afin de n'en pas laiffer échapper 1 occafion , il ne dormoit ni jour ni nuit y ôc fe donnoit des mouvements infinis

6o CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de pour en prefTer l'éxécurion. J- ^' Sa Flotte , qui confilloit en dix-huit Vaif- feaux , deux Galères & un brifiantin , deux mil-

DoN Emma- i y,, i i r. i

NUEiRoi. le rortugais de bonnes troupes , ôc quelques Alphonse Malabares,ne fuc pas plutôt en e'tat,qu il aflem- ^^"(^'e t)la Tes Capitaines au confeil. » Il leur dit qu'il GouvER-, avoit reçu des ordres prefTants du Roi de " donner tous les lecours qu il pourroit, a ■>■> Edouard de Lemos : que les vues de la Cour »' étoient de tourner toutes les forces de l'Inde » vers la mer Rouge , pour être en e'tatde re- » {ifter aux nouvelles Flottes que préparoit le 55 Caliphe , ôc pour rompre entièrement fon î5 commerce. Que fuivant ces vues il étoitdans »> le defïein d'aller en perfonne joindre Lemos, » pourl'aideràbâtir la Citadelle que Je Roi lui " commandoit de faire dans l'endroit le plus " convenable , pour être maître du détroit de »' Babelmandel , ôc qu'il e'toic reTolu de 1 aider w en tout ce qui pourroit contribuer le plus au » bien du fervice ôc à l'honneur de fa nation. " Qu'au refte rien nel empêchoit de fuivre ce «projet: que tout étoit tranquille dans l'In- » doftan , ôc que le Zamorin étoit fi bas depuis " la perte qu'il avo.it foufFert à Calicut , qu'il « étoit abfolument hors d'état de rien entre- »> prendre. «

Ce Difcours, qui fut reçu avec grand ap- plaudiflemeiK^^fur-tout de ceux qui ne l'ai- Sî-ioient pas, étoit, tout au plus loin de fapen-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. jéi

fee , & quelques Auteurs Portugais eux-mêmes ^ ^ ^.^c €11 conviennencj mais ils (e font trompe's , je J-C. crois , en penfanc que fa vue e'coit daller com- '^'°' ber fur Ormus pour (e venger de Coje-Acar , ^''^^ l^]^' &:s'afrurer d'une conquête quiluiavoit e'chap- Alphonse pe'. Ils auroient parlé autrement , s ils avoient i^'a^bu- tait attention qu Albuquerque iortant de ion go-ver. Gouvernement , & entrant dans le diftridl d'un autre perdoit toute Ton autorité , & ne pouvoic plus lervir qu'en qualité de (ubalterne. Or je luis perfuadé qu'il étoit trop habile homme. Se en même tenîs trop jaloux du Commande- ment & de fa gloire, pour faire une aufïi fauffe démarche.

Ma penfée eft donc que Ton projet fecret étoit de tomber fur Goa, comme il fît, & on en conviendra, à en juger par les antécédents &z par les fuites. Cardes l'arrivée du Maréchal, & lorfqu'il fut queftion de déguiier l'entrepri- fe de Calicut , qu'on vouloit tenir fecrette, le Gouverneur , qui avoit dês-lors les vues, en- voya fonder le port de Goa ;, ce qui apprêta beaucoup à rire à fes Capitaines , qui regait doient cette entreprife comme une folie , & en firent des Vaudevilles,oû le Gouverneur n étoit pas mal chanfonné.

Dans le même tems Albuquerque écrivit au Roi d'Onor& à Timoja, ennemis capitaux du ^ Sabaïe Prince de Goa , pour les intérêts que j'ai expliqués ailleurs , &c il leur envoya Lionel,

Tome I, Z z

501 CoNQUESTÈs DES Portugais

A N N.<î.: Coutinho &c Blaiic Texeira.Timoji ne put venir J- ^- alors parler au Gouverneur qui le louhaitoit j , mais il le fie aiïiirer querentreprifede Goaétoic

Don Emma- r x .-ii ^ -a^ anj/-

NUEL Roi. racile,& qu il le trouveroïc toujours prêt a le le-

Alphonse couder quand il voudroit la tenter^& Albuquer-

^i^ER^c^^E 4^^ 5 4^^^ vouloit gagner Timoja pour les bc-

GoivER. foins avenir, lui remit à fa prière les droits fur

les marchandifes qui entroient dans le port de

Mergeu , droits que le Viceroi Don François

d'Alméïda avoit eu l'injuilicede lui ôter.

Enfin après la malheuréufe expédition de Ca- licut,le premier foin du Gouverneur fut de lier avec le Roi de Narfingue. Il lui envoya pour cet effet un homme de confiance, qui étoit un Religieux de l'Ordre de faint François.nom- le Père Louis. Le point capital de l'inftru- d:ion» de ce Père étoit de faire comprendre à ce Prince , que le but de l'alliance qu'il fe propofoit étoit de fe joindre à lui, pour l'ai- der dans la guerre qu'il avoit contre le Royau- me de Décan, & en particulier contre le Sa- baïe : De leur ôter le commerce des chevaux <le Perfe , ce qui feroit d'autant plus facile , que depuis que le Royaume d Ormus étoit Tribu- taire du Pgrtugal , il feroit aifé d'empêcher que les chevaux allaflent débarquer ailleurs que dans (es ports : & que pour l'exécution de 5 leurs projets communs, il (e tint prêt de faire marcher ies troupes dans les terres fclon le be- foin j que pour lui, il fe chargeoit de ce qui con-

I.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. V. jéj

cernoit les Villes maritimes. Il y a bien de l'ap- a n n. de

parencc que dans le même tems le Gouverneur J- c.

fitrefTouvenirTimoiade Tes promelTes, & que ^^'°

. ■' 11 r DonEmm

lous mam il concerta avec lui le perlonnage nuilRo

qu'il joiia dans la fuite. aiphons^

Quoi qu'il en foit, la Flotte partit de Cochin J, HR^i^re fur la fin de Janvier de l'année 15 lo. tout- le nÈur.'^" monde étant plein de l'idée du projet de la mer Rouge. Albuquerque pourvut en partant & fur fa route à diverfes places de lonGouvernement, oûiUaifra de bons Officiers, des crarnifons nom- breufes ôcdes munitions en abondance. En tou- chant à Cananor , il recueillit les débris des deux VailTeaux , qui retournant en Portugal avoient péri près des Ifles d'Anchedive , fur ce qu'on appelloit les battures de Padoiie , les équipages furent redevables de leur falut au courage de Fernand Magellan. De-là le Gou- verneur fe remit en mer faifant toujours la mê- me route. Quand il fut parle travers d'Onor^ Timoja parut comme le Dieu forti de la ma- chine pour renverfer tout le fyftême de cette entreprife. Il venoit dans un bateau long, fans autre motif en apparence que de faliier le Gou- verneur fur (on paffage , & lui apporter des ra- fraîchilîements. Apres les premiers compli- mens ils parlèrent long-tems en particulier , ôc Albuquerque l'ayant entendu , voulut qu il expofàt en plein confeil^ ce qu'il lui avoic dit dans le fecret.

Z z i j

364 CoNQUESTES DES Portugais

A N N. de Quand le confeil fut affemblé, Timoja parla

J-^- ainfi. » J'apprens avec une extrême étonnement

«que cette puilTante armée eft deftine'e pour

NUEL Roi. » aller faire la guerreauCaliphe juiques dans la.

A^jPHONSE «mer Rouge, & que tout cet appareil n'cft que

d'Albu

<i!J E R QIT E GOU VER- KEUR,

pour empêcher (es Flottes de pénétrer juf-

» ques ici. J'avoue ma fuprile , &c que je ne puis

s5 comprendre, comment tant de gens aufli re-

"CommandablespourleurfagcfTe^quepourleur

" bravoure , peuvent être ainil les dupes de leur

"faufTe prudence. Car comment aller chercher fi

" loin un ennemi que vous avez dans votre (ein ?

55 Ignorés.-vous que le Caliphe a dans Goa un de

>3 les Généraux & plus de mille Mammellus ou

M Rumes, qui s'y font retirés depuis la défaite de

M l'Emir Hocem? Que ce Général a écrit au Ca-

» liphe qu'iUui envoyât feulement des hommes

" & des VailTeaux , qu'il efperoit faire de Goa.

» une place d'armes , laquelle deviendroit la

w ruine de tous les Portugais qui font dans les

» Indes î Vous fçavez à n'en pouvoir douter,

" qifte le Zdbaïe , le plus cruel ennemi de votre

M Nation depuis l'affaire de Dabul^s'eft faitun.

M point capital de donner afyle à tous les étran-

« gersde fa feéle, & fur-tout aux Européans j

'5 qu'il a fait conftruire vingt VailTeaux de la

" grandeur des vôtres , & qu'il a mis tout en

=' œuvre pour être en état , non feulement- de

« vous refiftcr , mais même "de vous détruire.

» Mais ce que vous ignorez peut-être^ c'eft qu'il

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 36;

NEUR.

« vient de mourir dans le fore de tous ces pre'- -An n. lie

» paratifs , & que l'Ualcan {on fils ^fonfuc- ?;^*

" ceiïeur , jeune homme lans expérience , le ^^^^

» trouve aujourd hui dans le dernier embarras, nieÏ roi.

» occupé à faire la cruerre aux ëtrano-ers Çqs Alphonse

» voilins, dont chacun veut ravoir ce que Ion q^erc^-te

»' père avoit ufurpé , & à (es propres fujets, qui °^'^^^''

» le vengent par leur re'volte des violences

« esercées contre eux par le pafTé , détcrmine's

" à fecoiier le jouj^ trop péiant de leur lervitU'

5' de. Déjà le Chef des Mammelus & des Rumes

»5 ne reconnoît plus de maître. Ainfi quoique

» Goa foit une Ville forte , elle efl: aujourd'hui

« bien affoiblie par la divifion qui y règne. La

« conquête en eft ficile,& j'y compte tellement,

» fi vous voulez l'entreprendre;, que je m'offre

» à être de la partie. J'irai mettre mes trou-

» pes & mes VaifTeaux en état pour vous join-

» dre , & quand je ferai de retour , je monte fur

«Je VaifTeau Fleur de U mer y afin qu'ayant ma

« perfonne entre vos mains , comme un ga-

» rand fur de ma parole , vous puilTiez vous

» venger, fi je vous trompe, en me faifant cou-

» perla tête.

Ce difcours ayant fait une grande imprefîion dans l'afTemblée , Albuquerque ,~ qui ne vouloic pas même iaiffer foupçonner qu'il y eût entre 'Timoja & lui la moindre connivence , rcpré- fenta avec beaucoup de gravité , qu'à la vérité il feroit fâcheux de manquer une auffi belle

Zz iij

3 66 CoNQUESTES DES Portugais

A f4 ^^ de occafion de prendre Goa que celle qui fe pre- J- ^' fentoic, & de laifTer les Mammelu§ prendre pied ^^ * dans un polte , d'où peut-être on ne pourroit

Don Emma- i : l rr ] -t-"

mu Roi. plus ics challcr ; mais que dans tout cequeTi-

alphonsb moja avoit dit, il voyoit bien des choies fur

^^ER^cnrE lefquelles on pouvoit raifonnablement douter:

Couver- Qu'il nc falloit pas aife'ment laifTer le certain

NEUR. ^~- , . . ^r w- 1 1 ' 1 o

pour 1 mcertain , iacnher les ordres du Roi ôc des avantages fûrs aux inconvénients qui pour- roient (uivre , fi le rapport qui venoit d'être fait n'étoit pas exadement vrai.

Comme c'e'toit incliner pour la propofîtion que Timoja venoit de faire , & qu'il n'e'toic qu'cftion que d avoir des informations plus fu- res & plus pofitiveSjOn conclut à le renvoyer pour faire de nouvelles recherches , & le Gé- néral lui donna rendez-vous aux Illes d'Anche- dive , il devoit s'arrêter fous prétexte de faire aiguade.

Timoja ne manqua pas de revenir le plutôt qu'il put avec les éclairciiTemens qu'on luide- mandoit. Il conduiloit avec foi quatorze fuftes bien armées, & remplies de gens d'élite , fans que dans le pays, on en pût prendre aucun om- brage qui pût préjudicier au (ecret de Tentre- prife , par le foin qu'il avoit eu de répandre le bruit, que le Gouverneur général lui faiioic l'honneur de lui donner part à la gloire qu'il" alloit acquérir dans (on expédition de la mer Rouge , & à la conquête d'Ormus qui devoit la fuivre.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. -367

Don 1-.mma>

N U £ L Roi.

Z' LPHONSS D Al B J- C!^ 1 RQUE

Timoja ayant donc confirmé &c afTuré par a n n. de de nouveaux témoignages ce qu'il avoit avan- ^' ^• ce, il n'y eut plus que quelques concellacions '^ au lujet de la barre de Goa , les Officiers étoienc perfuadés qu'il n'y avoïc pas. allez de fond. Mais Timoja ayant répondu fur ia tête ^^^^'j qu'il y avoit au moins trois brafles & demi d'eau goxvlk- de baffe m^ , la conquête de Goa fut réfoluë. Le Gouverneur voulut en avoir Tavis par écrit de tous ceux qui alFiltoient au conlcil , & leur fit figner pareillement un autre aéle^par lequel ils s'engageoient tous à reconnoître, pour Gou- verneur Général , Don Antoine de Norogna , fuppofé que, comme le fort des armes eil in- certain , il vînt à manquer dans cette guerre.

Cette réiolutionprile,Timoja par ordre d'Al- buquerque s'en retourna, & ayant laifTe" fa pe- tite Flotte au Cap de Rama , elle devoit l'at- tendre , il alla tomber avec fes troupes de ter- re fur laForterefle de Cintacora, dont le voi- finage incommodoit fort la Ville d'Onor, rem- porte de vivre force, pafTe tout au fil de lépée ^ y met le feu , & ulant d'une célérité incroya- ble revient joindreAlbuqucrquc avec les fuites dans le tems que ce Général arrivoit à la barre de Goa. . - ""

La Ville de Goa fituée au feiziéme degré de latitude Nord dans l'Iile de Tiçuariii , laquelle a environ neuf ou dix lieues de tour^ ocelt fer- mée par le confluent de deux petites rivières^

368" CoNQOESTES DESPORTUGAIS

I j 10.

Don Emma NuiL Roi.

Ai PHONSE

d"Ai,bu- GouvE

NEUR.

A N N. cie étoit alors une des Villes des plus confiderables J- ^- de la prefqu'ifle d'en deçà le Gange. Placée à une égale diftance entre Cambaïe & le Cap de Comorin , elle étoic d'autant plus propre à faire un grand commerce , qu'elle a le plus beau dalbu- pQj-t; (\q toutes ces Contrées .enforte qu'on ne GouvER- irait pas de dimcuke de le comparer aux ports de Conftantinople & de Toulon^qui paiTenc pour ên'e les plus beaux de notre grand con- tinent. Elle étoit anciennement du Royaume de Eiécan. Le Roi de Décan,à qui les princi- paux Seigneurs de fes Etats n'avoient plus laifTé qu'une ombre d autorité , l'avoit confiée à un Officier de fa Couronne, Maure d'origine & de Religion, nommé Adil-Can, & par corruption Idalcan, que les Portugais continuoient à appel- 1er mal à propos leZabazejnom quineconvenoit proprement qu'au Prince Gentil , fur qui Goa avoit été ufurpé» Cet Idalcan entretenant tou- jours une grande correfpondance avec fon Sou- verin tandis qu'il vécut, s'étoit néanmoins mis en état de fe maintenir par la force en cas de befoin. Il avoit muni la Ville de bonnes mu- railles,'de Tours & de Citadelles. Il avoit forti- fié de la même manière les pafiages par l'on pouvoir éhtrer dans l'Ifle , & il les faifoit gar- der avec une attention trés-fcrupuleu(e. Ne fe fiant point aux Indiens ni aux Maures du pays, dont il connoifToit la lâcheté & la mauvaife foi, il s'étoit fait un corps de troupes compofé

d'Arabes

Te^r^.I.Pa<i.'i6!>'

17/1^ ^t-f'-U^ de (J,>.t

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 569

d'Arabes ôcPerfans 5 de Mahometans d'Europe Ann. de. & de Mammelus d'Eo-y pte , en qui il meccoit la ^' ^* principale conhance. il avoïc eu outre cela un

X, r . ^ T7-11 1 r DonEmma»

loin extrême de pourvoir la Ville de toutes ior- nuel roi. tes de munitions , ôc fur-tout d'armes à la fa- Alphonse ; çon d Europe ; Tes magafins étoient pleins fes Q^irR^Q^'e arfenaux en bon état , il avoit dans les chan- ^^^'^^' tiers plufieurs VaifTeaux d'un gabarit fembla- ble à celui des Portugais. Enfin comme il étoit intelligent , vigilant &:a6lif", quoique Ton Gou- vernement fût un peu dur , il e'toit parvenu à rendre fa Ville belle, forte & florifïante , n'ou- bliant rien pour y attirer le commerce ^ ôc re- cevant toujours parfaitement bien les e'tran- gers, qu'il fçavoit employer & recompenfer félon leurs talens & leurs fervices , ôc qui s'y, établifloient d'autant plus volontiers , que le pays naturellement riche &c fertile, y fournit abondamment aux commodités & aux délices de la vie.

L'inquiétude étoit Albuquerque , & la crainte qu'il avoit d'aller échoiier à la barre , fit qu'il ordonna par précaution à Don Antoi- ne de Norogna & à Timoja d'aller auparavant la fonder. Il commanda enfuite au premier d'al- ler attaquer le Fort de Pangin qui étoit dans rifle, & à Timoja de fe préfénter devant l'autre Fort, qu'onappelloit le Fort de Bardes qui étoit dans le continent. Ces deux portes avoientété établis parle Zabaïe pour la défencede la barre.

Tome /. A A a

570 CONQpESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Norogna devoit être foutenu par Simon d'An- J- ^* drade dans fa galère , de Simon Martinés dans Don Emma- ^on brigantin , dc George Fougace , de Jérôme nuelRoi. Texeira , George Silveira ^ Jean Nugne's ^ ôc da^l""'^^^ Garcie de Sofa dans leurs chaloupes. Timoja cti'ERQiB devoit conduire (es fuftes. NEUR.. ' A la vue de la Flotte ennemie & dés la pre-

mière alarme Melic Çufe-Curgi , cet Officier du Caliphe dont nous avont parlé , qui avoit la plus grande autorité dans la Ville , en étoitfor- ti avec précipitation pour aller défendre le Fore de Pangin. combattit vaillamment fur la rive au premier retranchement pour empêcher la defcente -, mais ayant été bleiTé d une flèche qui lui perça la main , la douleur qu il en ref- fentic 1 obligea à fe retirer dans le Fort, d ou. peu après il regagna la Ville. Ses gens fe voyant îans chef regagnèrent aulli le fort en diligen- ce, mais Norogna ayant eiTuyé les premières bordées de l'artillerie qui ne firent aucun effet, les pourfuivit ii vivement , que les Portugais entrèrent pêle-mêle avec les fuyards. Timoja n ayant pas trouvé plus de refiifance de l'autre côté, les deux Forts furent emportés , &: toute lartillerie enlevée.

Une viéloire fi aifée mit la confternation dans la Ville , il n y avoit point de tête , chacun obéiïTant mal volontiers à ceux qui vouloienc s y donner de l'autorité. Albuquerque.qui, par- ce que le vent ne le fervoit pas pour faire eji-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 371

NiUR.

trer les j^ros VailTeaux dans la rivière ;, avoir a n n. de fait avancer toutes les chaloupes & eiquifs, èc ^■^'

> rc' \ r /" I 11 1510.

qui etoit palle lui-même iur la galère de Fer- nand de Béja, fut inftruit d'abord de ce défor- nlelRoi. dre par quelques Maures de Cambaïe ôc de Alphonse Diu 5 qui vinrent fe mettre lous fa protecftion. ^!\k^4'e Ceux-ci lui ayant repreTente' 1 état des chofes , go.ver- Sc l'ayant aiTuré que les gens même de Mélic Çufe-Curgi lui obéïlToient peu , parce qu il les payoit mal , le Général renvoya iur le champ ces mêmes Maures pour faire de fa part des pro- portions avantageufes aux habitans , à qui il fie dire: -'Que bien loin d'être venu pour leur ôter »> leur liberté, il n'avoit eu d'autre intention que " de les délivrer du joug odieux fous lequel ils » gémilToient : Qu'il confirmoit tous leurs pri- » vileges, permettoit à chacun de vivre dans " la Religion dans laquelle il avoit été élevé , » ôc qu'il les déchargeoit de la troifiéme par- » tie du tribut qu'ils payoient àl'Idalcan : Ex- •' ceptant néanmoins les étrangers armés pour J5 le iervice de ce Prince j dont il vouloit être »le maître, avec qui cependant il en uferoit " de manière , que tout le monde feroit con- >' tent. «

Ces propofitions ayant été reçues agréable- ment dans la Ville , elle confentit à fe donner aux Portugais, ôc le traité en fut figné départ Se d'autre malgré les efforts de ^ufe-Curgi, qui ne pouvant en empêcher l'exécution, fortit de

A A a i j

15 lo.

Don Emma- nuel Ror.

A1.PH0NSE

WïUR

371 CoNQUEsTEs DES Portugais

A N N. de Goa afTez peu fuivi , & alla porter à l'Idalcaii J- ^- la trifte nouvelle de la reddition de cette place. Les Magiftrats ayant porté les clefs à Albu- querque , le Ge'néral y fit paifiblement fon en- trée le 17. Février 15 10. au milieu des accla- DAtBu- rnations du peuple toujours adorateur de la Goi VER. nouveauté. 11 etoit monte lur un beau cheval de Perfe précédé des trompettes & autres in- ftruments militaires , d'un Religieux Domini^ quain , qui portoit devant lui l'Etendartde la Croix , & d'un Officier qui tenoit la Bannière de Portugal. Les troupes fuivoient à la file marchant en bon ordre , leurs Officiers à la tête.

Ayant rendu grâces à Dieu les genoux en terre , & verfant beaucoup de larmes de joye d'un fi glorieux événement , il prit polTeffion de la ForterelTe & du Palais de l'Idalcan, & il mit un fi bon ordre à tout, que perfonne ne put lui nuire ^ ôc qu'aucun des fiens ne fie tort à un peuple qui s'étoit donné de fi bonne grâce.

On trouva dans la Ville quarante pièces de gros canon , cinquante -cinq fauconeaux & beaucoup d'autres pièces d'artillerie légère , poudre, boulets , grenades , & toutes Tortes d'armes ôc de munitions de guerre. On com- pta (ur les chantiers jufques à quarante bâti- ments tant grands que petits , entre lelquels jl y avoit dix-fept fuites avec tous leurs agrez

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 373

dans les magafins. On compta pareillement Ann. de dans les écuries de l'idalcan cent loixante che- ^' ^" vaux de Perfe. Ainfî de toutes choies à pro-

^ Don Emma^

portion. NLEL Roi.

Le Gouverneur , qui avoit defTein de faire Alphonse Goa la Métropole des poiTeiTions des Portugais q^-eko^te dans les Indes , commença par déclarer à Tes ne^r!^' Officiers le deilein qu'il avoit d'y pafTer l'hyver, èc donna enfuite tous les loins pour pouvoir s'y maintenir , & pour introduire une bonne forme dans leGouvernement qu'il prétendoit y établir.

Il nomma enfuite Antoine de Noro^na fon neveu Gouverneur de la Ville , &: lui céda la ForterefTe. Pour lui il fe logea dans le Palais de l'idalcan , ou étoient encore fes femmes & fon Sérail. Il établit Gafpar de Pay va Caftellaii major j & donna la fadlorerie à François Cor- vinel. S étant après cela informé avec exacti- tude du produit des douanes, tant de la Ville de Goa, que des Illes voifines, quimontoienc à quatre-vingt deux mille pardaos d'or par an , il établit des fermiers tant Maures que Gentils, qu'il foumit à Timoja qu il fît fermier général, & à qui il donna outre cela la charge de fer- gent major de l'Etat & Royaume de Goa.

Ayant tout de fuite fait enlever quelques portes , les ennemis fe maintenoient enco- re dans rifle , il fît entrer fa Flotte dans le port, rétablie les poftes de Cintacora, de Pangin & de Bardes qui avoient été ruinés , ajouta de

A A a iij

374 CoNQUEsTEs DES Portugais

GOUVER

NEl'R.

Ann. de nouveaux ouvrages à la Citadelle de Goa pour J- c. pouvoir s'y retirera tout e'vénement , & pour- l ' vut aux pafTap-es de i'ifle, mettant dans cha- nuelRoi. ç^i-y Jes Officiers fubordonnés à Don Antoine Alphonse ^q Norogna qui devoit veiller à tous en fai- QjKRCiiTE fant le tour de llile ,& porter du lecourspar-

" tout félonie befoin.

Cette première forme mife dans le Gouver- nement intérieur , le Gouverneur fît appeller les Envoyez des Princes étrangers, qui fe trou- voient à Goa , & après avoir Içu d'eux le fujec de leur légation , il expédia d abord ceux des Rois de Narfmgue & de Vengapour , auf quels il joignit Gafpard Chanoca & le Père Louis Francifcain en qualité d AmbaiTadeurs pour tâcher de faire ligue offenfive & défenfive avec ces Princes ennemis de l'Idalcan , & demander l'agrément au premier de bâtir une ForterefTe à Baticala. Ayant enfuite entendu les Envoyés d'Ormus & du Sophi de Perfe , il dépêcha en- core ceux-ci , & envoya avec eux en qualité d'AmbalTadeur Ruy Gomez Gentilhomme de la maifon du Roi de Portugal.

Ifmael-Schah ou Sophi de Perfe étoitundes plus grands Princes , qui euffent occupé ce Trône,qu il avoir pretque conquis. Il étoit con- fideré comme un des plus puifïànts Monarques de l'Orient , & s'étoit rendu fameux par deux grandes batailles qu'il avoit gagnéeSjl'une con- tre le grand Seigneur, ôc l'autre contre un Cham

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 375

très-puiilant de la grande Tartarie. Il eftimoic An n. de Albuqucrque particulièrement , & lui avoit ^- ^• envoyé' des AmbafTadeurs, mais qui n'arrive- r, V°'

/ _ , =., r ^ . . ^ Don Emma-

rent a Ormus quapres qu il en rut parti, ainli nuelRoi. que je l'ai dit. Rien n elt plus beau que lalet- Alphonse tre qu Albuquerque lui écrivit, de les inftruc- cl'e"<^"e rions quil donna à fon AmbalTadeur , qu'on n°iI!*"' voit tout au long; dans les Commentaires. Le projet d union qu'il propoloit à ce Prince pour détruire le Caliphe , marque bien 1 étendue de fon génie , la noblelTe de Tes lentimens , la grandeur de fon courage , & la folidité de fes vues. Mais cette Ambaftade n'eut aucun effet, Atar toujours ennemi fecret des Portugai^lfc d'Albuquerque , fît empoifonner Gomez en chemin, après lui avoir fait toutes fortes d hon- neurs.

Cependant le jeune Idalcan frappé de la tri- fte nouvelle de la reddition de Goa , ne pcnfà d'abord qu à faire fa paix avec tous fes enne- mis tant du dehors que du dedans, aux condi- tions les moins défavantageufes qu'il put pour tâcher de recouvrer cette place, qui étoit ce qui lui importoit le plus. Il y réuffit. Le Roi de Narfingue qui aimoit encore mieux voir Goa entre les mains de fon ennemi qu'entre celles des Portugais , dont il craignoit la trop gran- de puiffance , fut le premier à donner les mains au traité. Les ennemis domefl:iqucs furent en- core plus faciles à s'accommoder. 11 n'y eut pas

d"Albu

Ql'ERQl'B

Gouver- neur,

376 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de jufques aux habirans de Goa & à ceux même

J- ^* qui avoienc livfé la Ville , qui ayant home de

leur foiblciTe . & faifant place dans leur cœur à

Don Emma- ,, , , _. . ^, . . . _,

nuilRoi. 1 amour de leur Prince légitime , ne priflenc /iLi-HONSE avec lui des mefures pour lecoiier une domi- nation étrangère , qui de jour en jour leur de- venoit plusodicufe.

Ces pratiques (ècrettes ne furent pas incon- nues au Gouverneur, mais ce ne fut pas ce qui lui fut le plus fenfible. Il e'toit de ladeftinée de ce grand homme , d'avoir encore moins à com- battre les ennemis de fa nation que fa nation même. II avoir parmi fes Officiers principaux OTs efprits brouillons , dont il avoir déjà éprou- vé la mauvaife volonté. Car étant à Cananor avant que de venir à Goa , quatre de fes Capi- taines avoient projette dés-lors de l'abandon- ner pour aller faire la courfe vers Mlle de Cei- lan. Mais ce projet fut rompu , parce que le Gouverneur ôta à Jérôme Texeira, le plus fac- tieux de tous, le commandement de ionVaif- feau , qu'il lui rendit pourtant peu après.

Timoja n étoit pas content. Il s étoit flatté qu'on luicederoitle domaine de Goa, moyen- nant quelque redevance qu'il feroit au Roi de Portugal, & rengagement qu'il prenoit de dé- fendre la place avec fes feules troupes & à fes dé- pens, ce qui étoit une chimère. Il avoir voulu fe perfuader qu'Albuquerque le lui avoir promis, ^ voyant qu'il ne lui tenoit pas la parole qu'il

lui

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 577

lui en avoit donnée , ainfi qu'il le prétendoit , an n. de il travailla fourdement à gagner les Officiers , î- ^■ & à les mettre dans Tes intérêts. Le Gouver- ^ neur avoit de trop bonnes raifons pour ne^^oNEMMA- pas leur faire comprendre la fotife delà pro- ,

r ' 1 ^ r Alphonse

polition quils lui en hrent , & pour ne pas d'Albj- leur faire lentir la honte de la lui avoir faite, gouv^r! Mais lorfqu'on eut appris que 1 Idalcan ayant ^'"^" fait ia paix avec fes ennemis, s'avançoità gran- des journe'es , qu'il avoit quarante mille honi' mes d'Infanterie ôc cinq mille chevaux ,Timo- ja ayant recommencé les menées fecrettes , alors la crainte de ne pouvoir refifter à de {i grandes forces , l'ennui du travail des fortifi- cations , & lavidité de Tervir à d'autres intérêts plus perfonnels , firent que chacun trouva des raifons plaufibles du bien de l'Etat, pour ap- puyer les prétentions de Timoja, ôc pour obli- ger le Gouverneur à abandonner une entrepri- que tout le monde croyoit au-defTus de [es forces.

Albuquerque diffimuloitjil avoit befoin de toute la confiance pour le roidir contre ce tor- rent, mais il étoit forcé de prendre patience. Malgré fa modération néanmoins les facflieùx allèrent fi loin , qu'ils lui débauchèrent entre leurs fubalternes jufques à neuf cens perfonnes. Hcurcufement pour lui, il les furprit dans une maifon , ils déliberoient de lui faire propo- fer féditieuicmenc par les troupes de leur payer

Tome/. BBb

578 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Don Emma

NU EL

b'Albl'

OlIEROJ^iE GoiVER-

KEUR,

An N. de le prêt cn argent , & non pas en vivres. Il en j. c. arrêta deux des principaux , & ayant Içu de ceux-ci les Auteurs de tous ces mouvements, il Roi. e'iargit ceux-là, & fc contenta de faire une for-

Aii'HONSE te reprimende aux autres. Quelque tems après il (e délivra de Jérôme Tixeira , en lui accor- dant la permillion qu il demandoit d aller à Cochin j George de Silveira eut la liardiefTe de le fuivre fans ordre.

Tandis que le Ge'ne'ral e'toit ainfl occupe' à fe défendre des trahifons des habitans &c des cabales des fiens, l'Idalcan fe difpoloit à ve- nir aflieg-er Goa avec toutes fes forces. Il fît d abord prendre les devants à une partie des troupes, fous la conduite d'un de fes meilleurs Capitaines, nommé Pulatccan, en attendant qu'il pût joindre avec le gros. Pulatecan ne trouvant aucune refiftance lur fa route, s'avan- ça julques à deux des paffages de llfle, qu'on nommoitles Pas de Benaftarin& d'Agacin, &: il fe campa fur la petite rivière de Salfete au pied de la chaîne des montagnes de Gâte , qui traverfent toute cette prefqu ifle de l'Inde. Le dcffein de ce Général étoit de pénétrer dans 1 Ille à la première occadon favorable qu'il en auroit, & pour cela il fît faire une grande quan- tité de radeaux ôc de petits canots d'ofier pour le paiTage de fes troupes. Et parce que l'artille- rie de Garcie de Sofa, qui commandoitau pas de Benaftarin , &c celle du VailTeau d'Arias de

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 379

Sylva qui écoic au même pofte, auroic pu beau - a n n. de coup l'incommoder 5 il fît tirer un rideau qui ^•^• le mit entièrement à couvert de l'une &; de ^ °'

) DonEmma-

1 autre. . nl'elRoi.

Le defitr qu avoit Pulatecan de pouvoir ren- al

PHONSE

trer dans Goa avant que l'Idalcan l'eût joint , J;^e"4*e lui fit tenter les voyes de la négociation plu- gouver. tôt que les hoftilités. Le Trompeté qu il en- voya étoit un de ces profcrits que Pierre Al- varés Cabrai a^oit jettes fur la Côte d'Afrique. Il le nommoit Jean Machiado , & e'toit Portu- gais de nation. De Mélmde il avoit palTe' à Diu, 6c de-là à Goa, le feu Idalcan le croyant Turc de Religion & d'origine , & lui ayant d'ailleurs trouvé du mérite , lui avoit donné une com- pagnie de Rumes. Les propofitions de Machia- do étoient telles qa'en paroiffant vouloir le bien de fa nation , il favorifoit toutes les pré- tentions de celui qui l'avoit envoyé , en re- préfentant au Gouverneur » l'impoiTibilité » il étoit de refilter à une auffi puifTante ar- »mée, au milieu d'une Ville toute prête à fe " foulever , avec une poignée , pour ainfi par- '> 1er, de Portugais qui étoient peu de concert » avec lui , ôc cela à l'entrée d'un liyver qui » lui ôteroit tous les moyens de fe retirer, fup- » pofé qu'il ne prît pas fes mefures pour le pré- » venir par une capitulation honnête ôc avan- 5) tageufe. «

Bien qu'Albuquerque témoignât à Machia-

BBb i)

380 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de do (a fenfibilité fur la bonne volonté qu'il lui

J- ^- marquoit , & fur les fervices qu il lui pour-

^ ' roic rendre , fçachant néanmoins le peu de

Don Emma- n 1 "i ^ r /'i/T-i i

muL Roi. lonci qu il y a a retire lur la roi de gens de cet-

Alphonse te efpece, il ne s'y fia que de bonne force, &

^^e'r^q1"e préfuppofant qu'il pourroit bien lui avoir ex-

GouvER. ^gggj-^ j-Qm; QQ qu il lui avoir die des forces de

1 ennemi, il fe confirma dans le deflein de fe conferver dans fa conquête , & d'y faire les der- niers eflPorts.

Timojalui donnoit de lafujettion. Le dégoût qu'il lui avoit déjà caufé par fes intrigues avec les Officiers , le peu de folidité des troupes de cet Indien, qui étant poflées au pas d'Augin, éfoient tous les jours fur le point de l'aban- donner , lui rendoient fa foi fufpeéle. Dans le fond je crois que Timoja ne penfoit à rien moins qu à trahir. Il étoit retenu par de trop gros avantages , mais fa conduite donnoit lieu à quelques ombrages. Le Gouverneur , qui vouloir s'en affurer, le fît donner dans un piè- ge où il fe prit lui-même. Un jour donc qu Al- buquerque lui témoignoic la d^'liance- qu'il avoit des principaux Maures de la Ville , dont il craignoit le retour vers leur ancien maître , & lui parlant avec cette ouverture de cœur d'un homme qui à befoin de confeil , il lui demanda par quelle voye il pourroit fe tirer d'inquiétude fur cet article. » Obligez-les, lui «répondit Timoja j à mettre leurs femmes èc

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 3S1

KEl'R.

» leurs enfans dans la ForterefTe comm^ des a n n. de » earands furs de leur Hdelité. Cela fera difîi- ^- ^' » cile,reprit Albuquerque.s lis n onrquelqu un

'A 1' ^ 1 . ^ ^ Don Emma.

» qui leur montre 1 exemple ; mais comme vous nuel roi. » êtes ici à leur tête s'ils voyent que vous le aiphonss » faites fans répugnance , ils le .feront tous à ^,er°<^uj »> l'envi. « Timojaattçrré de ce coup impre'vu *^°^'^^ï^- ne put reculer, il obéit & fît obéir les autres. Par-là il tranquillifa l'efprit du Gouverneur , qui fît en cela un coup de maître.

Cette précaution néanmoins n'empêcha pas les trahifons , & le Général en eut bientôt des preuves par écrit en interceptant les lettres , parmi lefquelles il en trouva de Mirai & de Mélic Çufe-Condal , de qui il devoir, ce femble, le moins fe défîer ; car le premier avoit mar- qué le plus d'empreflement pour remettre la Ville entre les mains des Portugais , & le fé- cond étoit intimement lié avec Timoja, qui lui avoit autrefois donné un afyle , après qu'il eut été chalfé de Goa par le défunt Idalcan. Albu- que^que n'en fît pourtant pas femblant d'a- bord, remettant à en prendre vengeance félon lesconjoncftures.

Cependant il donnoit fcs foins en grand Ca- pitaine , & tenoit lllle fi bien fermée, que les ennemis n'y pouvoient pénétrer. Rien n étoit mieux établi que tous lés poftes. Il avoit fait tirer' des tranchées des uns aux autres, il les vifitoit louvent en perfonne , & avoit mis des

BBb iij

38i CONQUESTES DES PORTUGAIS

d'Albu

Gouver- neur.

An N. de corjfs de referve pour voler à tous félon le be-

^- ^" foin. Une de fes premières attentions avoir été

aufli de faire raffembler tous les bateaux , pour

Don Emma- , . , rr r

NUEL Rot. que les ennemis n en pulient pas pronter \ mais Alphonse quand il cn donna l'ordre , le Sabandar ou CommifTaire de la Marine ^ qui trahiifoit , l'ayant prévenu , les avpit tous envoyés vers les ennemis^, qui s'en étoient faifis. Il n en porta pas loin la peine , car n'ayant pu rendre raifon. de cette conduite , Albuquerque le fît maffa- crer par fes gardes, & jetter Ion corps dans la rivière.

La fentinelle que faifoient les troupes Por- tugaifes , qui étoient toujours alertes, ayant ôté i'elperance à Pulatecan de pouvoir- les forcer de jour , il réiolut de les lurprendre pendant unt de ces nuits fombres de l'hyver l'on alloit entrer, & qui font d'ordinaire accompa- gnées de vents & de pluyes. Il choifit celle du 1 7. de Mai qui fe trouva telle qu'il la fouhaitoit. Çufolarin Officier de réputation commandant un corps de mille hommes , parmi lefquels il y avoit treize cens Rumes ou blancs , devoir aller defcendreau Pas de Benafl:arin,& le Mélic Çufe-Curgi avec un autre corps pareil devoir aller defcendreavec les Cottes ou petits bateaux que le Sabandar avoit envoyés de Goa , au po- Ite de Gondalin. Ils furent fi heureux qu ils avoient débarqué la moitié de leur monde, avant qu'on s en fût apperçu. Et bien qu'à la

NSE

BU-

DANS LE NOUVEAU MONDE.LiV. V. 383

pointe du jour les Portugais filTent un grand a n n. de feu de leur artillerie , & un grand ravage fur J-C. ceux qui avoient paflé , ne'anmoins le nombre ^ '°' des ennemis croilîant toujours , les deux portes n°ei. roj^" furent emporce's,& les Portugais force's de fe alpho retirer dans la Ville; deforte que Pulatecan ne °j;^^^' trouvant plus rien qui lui fit tête , fît pafler fes goi'ver. troupes dans 1 ille , &c vmt camper en un lieu appelle'" /^j- deux Arbres à demi lieue de Goa. Vi- (5foire facile , mais qu'il n'auroit pourtant pas euëjfi deux des principaux Officiers Portugais euffent voulu faire leur devoir.

Le Gouverneur n'eut pas plutôt appris que les ennemis étoient dans l'Ifle , que penfant au danger qui le prefToit de plus près, il fit fortir de la Ville toutes les troupes Indiennes qui y e'toient, fouspre'texte de les envoyer au fecours du pofte de Benaftarin. Il prévoyoit bien qu'el- les iroient joindre les ennemis , ainfi qu'avoicnt de'ja fait les troupes de Timoja ; mais il lui e'toit plus avantageux de les e'carter que de les laiffer dans la place , elles auroient pii lui donner de plus fàcheufes affaires.

Voulant enfuite fe venger des traîtres^ il fit couper la tête à quelques-uns , &; en fit pendre d autres dans la Citadelle afTez fecrettement, afin que les habitans ignorant cette exe'cutioii fuffent toujours retenus dans le refped- par ces gages qu il avoir entre les mains. Mais com- me ils ne purent fe perluader qu'il ofât en venir

384 CoNQUESTES DES Portugais

A N N. de à aucune extrémité à leur égard , ils ne fe gé- J-C- nerent point à marquer leur inclination pour 1 ennemi , & des que Puiatecan eut tait avancer

15

Don Emma-

won nin m a- r- T 17--11 A V '

NUEL ROI. les troupes vers la Ville , tout parut prêt a s y . ALPHONSE foulever.Pulatecan perdit cependant trois jours Qj^E'^'ajE ^^ tems devant la place , fut oblige de faire GouvER- un ouvraee avancé , & d'y placer quelques pièces d artillerie pour battre en brèche. Alors chacun des habitans courut aux armes. LesPor tugais attaqués au dedans & au dehors, comba- tirent cependant avec beaucoup de valeur. Ti- moja & Menaïque tous deux Indiens oc tous deux fidelles à leur parti , fe {ignalerent dans cette occafion , mais entraînés par la multitude des afTaillants j ils furent obligés de gagner la Citadelle avec Albuquerque, qui eut bien de la peine à s'y fauver. Il eut néanmoins l'attention avant que de s y enfermer, de faire mettre le feu aux magafins & aux VailTeaux qui étoient fur les chantiers', ce qui fît une diverfion , les ennemis ayant été obligés d'y accourir pour tra- vailler à 1 éteindre.

Dans le befoin Albuquerque fe trouvoit il dépêcha à Cochin , & envoya ordre à Jérôme Tixeira , & à George de Sylveira de venir le joindre, &: de lui amener du fécours. Mais ces deux hommes que leur haine aveugloit , ne tinrent compte , ni de fes ordres ni de les priè- res. D'un autre côté la divifion s'augmentoit parmi les flens , dont la hardieffe & la révolte

prenoient

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 385

prenoient de nouvelles forces à mefure qu'il a n n. de leur fembloit avoir plus de raifon de combat- ^' ^' tre fonobftinacion. Pulatccan qui e'roic infor- me' de tout ce qui fe pafToic , allumoit le feu de nuf l roi. cette dividon par les facilite's qu'il donnoit au Alphonse Ge'néral de fe retirer avec honneur , & par la ^^ r^^'e terreur qu'il vouloir lui infpirer , en publiant ^IH]^' le deffein qu il avoit de brûler fa Flotte , (oit qu'il efperât par-là le forcer d'abandonner la partie , ioit qu'il n'eût d'autre vue que d'au- gmenter le trouble. Machiado toujours zélé , du moins en apparence , donnoit des avis de tout , & fes avis qui fe trouvoient toujours vrais, produifoient cet effet , qu'ils broiiilloienc toujours de plus en plus le Gouverneur avec fes fubalternes.

Sur ces entrefaites l'Idalcan arriva, & entra dans la Ville avec le refte des troupes. La pre- mière chofè qu'il fit, fut de tenter de boucher le Canal de la rivière , pour empêcher la Flotte Portugaife de fortir, & s'affurer de pouvoir la brûler. Pour cet effet il y fit échoiier deux corps de bâtimens dans l'endroit le Canal fe trou- voit le plus étroit. Albuquerque fe trouva alors dans une terrible extrémité. Il fe voyoit dans la nécefTité d'abandonner la Citadelle pour fauver fa Flotte, avec cela il ne fçavoit fi le Ca- nal n'étoit pas abfolument fermé, & fuppofé même qu'il pût forcer le paffige, il étoit con- traint d'hy verner dans fes Vailfeaux , y ayant

Tome /, CCç

386 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de toute apparence que la barre feroit entièrement ^'^' bouchée par les fables que les gros temsy ai-

lemblent à l'entrée de l'hy ver.

^^^.^p""^" Heureufèment comme c'étoit le tcms des

Alphonse

NlUR

inondations , la criic des eaux lui fît jour , de dAl'^u-"" manière que Tes VaifTeaux pouvoient paiTer à Couver! ^^ ^'^ ^ ^ôté dcs bâtimcns échoués. Sur cela la réfolution ayant été prife d évacuer la Cita* dclle , il fe fît une nouvelle jullice des traîtres en failant périr juiqucs au nombre de cent cinquante perfonnes qu'il avoit en otage. Il fît enfuite couper en pièces & faller les che- vaux des écuries de l'idalcan, pour s'en fervir de remède contre la faim , &z ayant pris fes me- fures pour embarquer tout ce qu'il vouloit em- porter , il prit le tems de la nuit pour faire fa retraite. Don Antoine de Norogna ayant fait mettre mal à propos le feu à un des magafms, avertit par les ennemis du deffein de la fuite. Albuquerque les eut bien-tôt fur les bras, de forte qu'il ne put regagner fes VaifTeaux fans combat ^ôc courut même affez de rifque, fon cheval ayant été tué fous lui.

La joye qu'eut l'idalcan de fe voir maître la Citadelle, fut bien tempérée par 1 affreux fpe- d:acle de tant de têtes coupées & de troncs qu'il trouvadans la place, & par les cris des parens des morts, lefquels étant tous des principaux de la Ville appartenoient à prefque toutes les maifons qui en furent pleines de deliil. Pendant ce temS"

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. V. 587

Albuquerque voguoic à pleines voiles , & al- A n n. de la anchrer dans un badin fpacieux encre la poin- ^- ^■ te de Rébandar, la barre & les Forts de Pantin ^'°

, _ , T 'T 1 1 P c r Don Emma-

ôc de Bardes. Lldalcan qui lavoïc rait luivre nuel roi. par un brigantin , craignant qu'il ne s'emparât Alphonse de ces Forts, lui envoya Machiado pour l'amu- ^'^^r^'e fer par des propositions de paix. Et bien que la gouver- fierté du Gouverneur rut telle que celles qu il faifoit de (^on côté , puflent pafler pour extra- vagantes , tant elles étoicnt hautaines , ce Prin- ce ne cefTa point de continuer fes négociations , jufques à ce que ces deux polies fulTent entiè- rement établis. D'autre part les Capitaines vou- loient abfolument obliger Albuquerque de fortir de la barre , &, quoique ce fût contre l'a- vis de tous les Pilotes , ils ne fe rendirent que lorfque parcondefcendancejil eut permis àFer- nand Perez d'Andrade de tenter la (ortie avec le VaiHeau le faint Jean , que l'entêtement de cet Officier fît périr , de manière cependant qu'on fauval équipage & toute la charge.

L'artillerie des Forts étant en état, elle com- mença à joiier avec tant de fuccès, que comme le ballin étoit la Flotte , quoinue grand, ne l'étoit pas allez pour clic , Albuquerque ne Iça- voit ie mettre , & étoit obligé de faire chan- ger continuellement de place à fes Vaiffeaux , fans pouvoir leur trouver d'afyle alTuré. La Fa- mine (e fit enfuite fentir d'une manière fi cruelle , qu'on fut obligé de manger les rats ôc

CCc ij

388 CoNQUESTES DES Portugais

Xn n. de jufques aux cuirs des cofres &; des boucliers : J-^- mais ce qui mortifia le plus le Géne'ral , ce fut la défertion de trois de Tes p;ens , qui allèrent ren- NiEiRoi. are compte a 1 Idalcan de 1 état milerable ou , Alphonse il fc ttouvoit rcduit. Cc Princc qui avoit autant ^fe^eluE <^c politefTe que de bravoure , lui envoya, fur la GouvER- première nouvelle qu'il eneut.une Fufte pleine de vivres &c de rarraichmements en lui railant dire. » Que c'e'toit par les armes qu'il vouloic »> vaincre fes ennemis, & non pas parla faim.cc Mais Albuquerque , qui crut que le deffein de ridalcan étoit de fçavoir au vrai s il e'toit en effet dans une aufTi grande extre'mite' , ufa de feinte. Car ayant fait expofer fur le tillac une barrique devin avec le peu de bilcuit qui étoit rcfervé pour les malades , comme fi chacun eût pu en prendre à difcretion , il éluda le piè- ge , & renvoya le préfent, répondant à l'Offi- cier qui fapportoit , gracieufement & fière- ment en même tems. » Dites à votre maître » que je lui fuis obligé , mais que je ne rece- w vrai {qs préfents , que lorfque nous ferons «bons amis. «

La Flotte fouffrant toujours beaucoup de l'artillerie des Forts de Pangin & de Bardes , le Gouverneur réfolutde fe délivrer de cette im- portunité, en tentant de les emporter de vive force. L'cntreprife étoit hardie, & même té- méraire. Dans la mauvaife diipofition d'e/prit. étoient les Officiers contre lui, il vit bien

DANS LE NOUVEAU Monde. Lîv. V. 389

£K.«

NEUR.

qu'il ne viendroit pas à bout de les y reToudre, a n n. de en mettant la chofe en délibération dans le ^•^• confeil : c'eft pourquoi les ayant aflemblés , il ^ °' leur ditréfolument, qu'il étoit déterminé de vf.^^n"*" \qs attaquer, qu'il ne vouloit contraindre per- Alphonse fonne à le fuivre, mais qu il iroit à la tête de «'^'-Ba- ceux quile luivroient de bonne volonté. Cette gouv manière de propofer la choie réiilïit. Il n'y eue perlonne qui ne voulut en être, ôctous y don- nèrent les mains.

L'idalcan, qui en avoit eu l'avis par un tranf^ fuge, avoir renforcé la garniion de Pangin de cinq cens hommes , fuivant le confeil de Ma- chiado , qui s'étoit obil:iné_, contre le lentimenc des autres Officiers , à dire que les Portugais emporteroient le Fort , fuppoié qu'ils en fuilenc trop incommodés. Quoique depuis l'évafion du transfuge Albuquerque fe fût défié que l'Idalcan enverroit ce renfort , il fe prépara néanmoins à faire (on coup dès la même nuit. Ayant fait fon projet & diftribiié fou monde par mer & par terre, pour attaquer par diffé- rents endroits en même tems les deux Forts , &le camp même de Pulatecan , qui étoit po- fté fur une colline affez prés du Fort de Pan- gin , pour y porter du fecours félon le befoin , il arriva au débarquement deux heures avant le jour, fans avoir été apperçu. Alors ayant fait fonner la charge avec le plus grand nombre de trompettes éc de tambours , qu'il lui fut pof-

C Ce iij

390 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Cible , il attaque de tous les côte's. Pulatccan , J- ^' qui crut avoir toute l'armée Portup-aife fur le corps j n eut que la penlee de le mettre en ruite nielRoi. pour le retirer a la Ville avec précipitation. Alphonse Ceux qui gardoient le Fort de Pangin , avoienc ^JerÏ^'e pafle une grande partie de la-nuit à boire, ôc GouvER. étoient tous plonge's dans un profond (ommeil. Comme ils étoient tous couchés dedans &c de- hors le Fort, ils ne pouvoient tous conte- nir, fans aucune précaution, portes ouvertes & les gardes même endormies, ils furent plu- tôt vaincus qu'ils n'eurent, pour ainfi parler , le loifir de fe mettre en défence. Les Forts fu- rent emportés , lartillerie & les vivres embar- qués , & ce coup de vigueur qui fut une ad:ion trés-mémorable, ne coûta que peu d'hommes aux Portugais & quelques blelTés. L'Idalcan y perdit trois de fes Capitaines , cent cinquante Rumes èc cent Indiens qui refterent (urla pla- ce. 11 en fut fi effrayé , que craignant que les vainqueurs ne vinlTent Taffieger dans Goa , il en fortit j & jetta encore de nouvelles propo- fitionsde paix.

Il lui relfoit cependant une grande refîbur- ce dans lelperance qu'il avoic de brûler la Flot- te. Il avoir pour cet effet fait préparer quanti- té de radeaux pleins de matières combuftibles qu'il devoit faire fuivre , &c fourenir par quatre- vinet bâtimens à rames , dont la deftination étoit pour alTommer les Portugais qui le jet-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 391

iR.

teroient à reaUjlorfque leurs Vaiffeaux feiFoicnc A n n. de en feu. Albuquerque n'ignoroic pas ce projet, ^•*^- & prie d'abord quelque meiures pour s'en de- ^

fi 1 f'-\ >i Don Emma-

endre, mais tout bicnpcnie , il crue qu il va- NiriRoi.

loit mieux pre'venir le coup, & aller brûler les Alphonse radeaux avant qu'ils fufTent lancés. Il deftina ^,1'/cJÎ,"e cette commiflion à Don Antoine de Norocna ^'^'""^ Ion neveu , a qui il donna trois cens hommes d élite repartis en dix Chaloupes, qu'il fit précé- der d'une fuftcjd'un Parao & des deux Galè- res deFernand de Bcja ôc d'Antoine d Alma- de. Il donna ordre à ces derniers de mettre des gens à terre pour tacher de prendre quelqu'un qui pût leur dire- la fituation des ennemis, niais ceux-ci n'ayant vu paroître perfonne & s'en- nuyant d attendre , allèrent moiiilleràune por- tée de canon de la Ville. Jean Gonzalez de Ca- ftelblanco , qui commandoit le Parao, fut aflez hardi pour y aller donner un coup d'œil , ôc p.afTer lous tout le feu des batteries , dont il ne reçut aucun dommage.

Don Antoine de Noroî^îia étant arrivé fes Galères étoient mouillées , apperçut par leur travers trente Paraos commandés par Çu- folarin , qui venoit du côté de l'Iile de Diva- rin. Alors craicrn^nt d'être mis entre deux feux, ôc attaque par les autres petits bâtimens qui fe- roient lâchés du côté de la Ville , il divifafes Chaloupes en deux corps. Il en donna fix à commander à George d'Acugna qu'il envoya

5 92- CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de contre ces derniers, lui donnant ordre de ne

J- ^- point tirer, qu'il n en eût fait le (ienal. Pour

lui avec les quatre autres Chaloupes loutenuës

Don Emma- j-p, iii-n 1 /->i -iii r

nuelRoi. du Parao, de la Fuite & des Galères , il alla ar- .

AtrHONSE fronter Çufolarin,

^lER^c^E Lecombat ayant commencé en même tems

GouvER. (^£ fQjj5 jgg côtés , d'Acugna mit d'abord eu

NEUR.

fuite les Paraos qu'il avoit en tête, & les ac- cula contre le rivage, ne pouvant les fui- vre , il les canona long-tems à plaifir. Çufola- rin fît d abord plus de refiftance & fe battic bien, mais un coup de canon bien afiené lui ayant enlevé quelques rameurs , il regagna la Ville: Norogna le talonna de (i près, qu'il l'o- bligea à s'échoLier devant la porte de la Ville , qu on appella depuis de fiinte Catherine. Et parce qu'alors il ie trouva avoir la proue de (a Chaloupe dans la poupe de la Fufte ennemie, les deux d Andrade fautèrent d'abord dedans , & furent fuivis de trois autres, ce qui étour- dit tellement Çufolarin & fes gens , qu'ils fe jetterent à bas , ôc abandonnèrent le Vailfeau. Il pleuvoit pendant ce tems-là du haut des murs & du rivage un nuage de traits , dont 1 un ayant bleffé Norogna au gras de la jambe gau- che dans le rems qu'il alloit fauter dans la Fu- fte de Çufolarin , après les cinq autres qui y étoient déjà entrés , il retomba dans fa Cha- loupe, qui s'étant détachée de la Fufte , parce qu alors on ne penfa qu'aie fecourir, les cinq

bravçs

BANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 395

NEUR,

braves refterenc expofés à la fureur des enne- a NN.de mis qui les environnèrent. Leur nombre écoit J-C. fi grand qu'aucun des Capitaines n'oia débar- ^^^°* quer pour voler à leur fecours : mais Louis Cou- NurL^Ro"*" tinho , qui colnmandoit une des fix Chaloupes Alphonse de l'efcadre d'Acugna , étant entré dans une °'Ai-bu- des autres Chaloupes avec la plupart de les gouver, gens , envoya la lienne avec Ion ratron & lept rameurs pour les prendre. Fernand de Beja ayant arrivé en même tems avec fa Galère pour foutenir la Chaloupe , le Patron accofta la Fufle , & lauva les braves qui combatroienc comme des Héros, à l'exception néanmoins de Jean d'Eïras , que trop de bravoure avoic porté à fe lancer parmi les ennemis , qui le tuè- rent. Beja ayant enfuite tenté inutilement d'em- mener la Fufte en la remorquant ^ fut obligé de l'abandonner, après quoi tous fe retirèrent pendant la nuit pour rejoindre la Flotte.

L'Idalcan^ qui étoit retourné à Goa,& qui fut le ipeélateur de tout le combat, fut fi charmé de la valeur des cinq Champions , & fur-tout des deux frères d'Andrade qui firent des prodiges de bravoure , ôc fervirent de bouclier aux trois au- tres, qu'il envoïa Machiado pour leur faire com- pliment de fa partjlcur faifant dire qu'il eftimoic fi fort leur courage, qu'avec tux il efpereroit de conquérir toute l'Inde j qu'il les alTuroit de fon amitié , & leur demandoit la leur. Il leur eût même envoyé quelque préfent, fi Machiado

Tome I, D D d

94 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de ne l'avoic afTuré qu'ils ne le recevroient pas. J- ^- Cette viâ:oire,qui de'concerta le projet de

l'Idalcan , eût été complette fans la perte de

Don Emma- r-v a i -v

NUEiRoi. Don Antoine de Norogna, qui mourut trois Alphonse jouts aprés de fa blcfïure. Sa mort fut d'au^ qi'ïRqi'E ^^^^ plus fenfible à Albuquerque,que la dou- GoivER. leur en fut compliquée dans la nouvelle qu'il apprit peu après du delaltre arrive a Don Al- phonfe de Norogna, frère de Don Antoine. Il étoit parti de Socotora pour venir prendre le Gouvernement de la ForterefTe de Cananor , ainfi que nous l'avons dit. Le Vaifleau qui l'apportoit ayant échoué par un gros tems fur la Côté de Cambaïe , Don Alplionfe fe con- fiant en fes forces , fut de ceux qui fe jette, rent à la mer pour fe fauver. Il attrapa une boye , mais étant arrivé au rivage la mer battoit furieuiemcnr, la boye même fur laquel- le il étoit, l'écrafa. Ceux qui refterent attachés au corps du Vaifleau , fe fauverent tous, «Se fu- rent conduits prifonniers à la Cour du Roi de Cambaïe. Albuquerque aimoit ces deux frères, qui étoient fils de fa lœur , comme s ils euffent été fes propres enfans. Ils avoient tous les deux infiniment du mérite.ils s'étoient diflingués par de belles actions , & ils étoient o;eneralemenc cftimés & aimés. Il paroît que Don Antoine 1 emportoit fur fon frère dans le coeur de fon on- cle. Car quoiqu'il n'eût encore que vingt-quatre ans , il le deltmoit à être fon fuccefleur dans le Gouvernement général.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 395

Ce fut véritablement une perce pour le Gou- ann. de verneur. Car comme Don Antoine étoitaimé, J- C.

15 10.

éc qu'il avoir les manières infinuantes , il ré- ^ tablifïbit les affaires que la trop grande aufte- NUiLRoi. rite de Ton oncle avoit gâtées. C'étoit lui d or- aiphonse dinaire qui fe faifoit l'entremetteur, & qui rac ^ER^t^rg commodoit tout. Albuquerque éprouva bien- n^X"'^" tôt qu'il lui manquoit au beioin.

Le Général avoit dans Ion VaifTeau plufieurs jeunes filles des Maures rebelles, qu'il ne vou- lut jamais rendre à leurs parens , ayant réfola de les faire inftruire dans notre lainte Religion & de les marier à des Portugais, comme il fit en eifet peu après. Il les appelloit fes filles , ô^ il y avoit afTez de fondement pour foupçonner qu'elles étoient Tes maîtreffes. Quelques pré- cautions qu'il prît pour les garder, il s'y pafla bien des défordres , dont les principaux Offi- ciers fe trouvèrent les premiers coupables. Ruy X)ias jeune volontaire convaincu du fait futcon- damné à être pendu. Les Capitaines les plus échauffés,parmi lefquels étoient les deux d'An- drade, furent fi indignés de cet arrêt, quoique porté par l'Auditeur des Indes , qu'ayant fou- levé leur monde, ils allèrent enlever le crimi- nel , & vinrent tumultuairement à bord du VaifTeau du Gouverneur, pour lui demander* en vertu de quel pouvoir il exerçoit une telle juftice^ & entre plufieurs paroles peu féantes ils lui dirent rélblument qu'il falloit le délivrer

DD dij

396 CONQUESTES DES PORTUGAIS

D'A LB l'- on ERQIIE GOUVER- MZUR.

An N. de OU changer fa peine, qui neconvenoit pas à un.

J-^- Gentilhomme. Albuquerque fe pofledant fît

femblantcle vouloir leur montrer fes pouvoirs.

Don Emma» t /-> r rr i v

mut Roi. Les Capitamcs turent allez bons pour monter a Alphonse bord. Alors Albuquerquc tirant (on épée. » Voi- »5 , dit-il , en vertu de quoi j'agis. « Les ayant enfuite fait mettre aux arrêts , & leur ayant ôté le Commandement de leurs VaifTeaux , il fie exe'cuter la fentence fans remiflion. Aâiion de vigueur qui retint tout le monde dans un plus grand refped:, mais qui ne fit qu'irriter de plus en plus les efprits.

Les avantages que les Portugais avoient rem- porte's, les avoient mis un peu plus au large pour les vivres , & la facilité qu'ils leur donnèrent d'en tirer des petites Ifles du voifinage de Goa. Les pourparlers même de paix leur avoient été utiles pour cet effet. Car comme le Gouverneur avoit encore dans fes fersplufieursMaures qu'il r)i'avoit pas fait périr par le dernier fupplice , il fe fitprier pour permettre que le faéteurCorvi- nel traitât de leur rançon avec les parens des prifonniers, &c c'étoit toujours en vivres que la rançon étoit payée. Malgré cela néanmoins la Flotefouffroit toujours de la faim; mais comme riiyver étoit fur fon déclin , on fe flattoit de voir bien-tôt la fin de toutes ces miferes.

Le deffein du Général étoit de ne point for- îir de-là, fans avoir repris la Ville, & dans cette yûë il fit d'abord partir Don Jean de Lima ^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 597

qui devoir conduire les malades à Anchedive^ A n n. ds &: donner ordre aux VaifTeaux qui arriveroient ]' ^' nouvellemencdePorcucral d'aller joindre le Gé- ^ ,

, , V , L J r- -r- C J'AI. DonEmma-

neral a la barre de Goa, 1 imoja rut dépêche en ^ ^l roi. même tems avec fesFuftes pour aller chercher Alphonse des vivres à Onor. Albuquerque avoit nouvelle o, er^q^'e affuréc que le Roi de Narfingue revenu de la ^^IH^"' faufle imprefïion qu on lu,i avoir donne'e au fu- jet de la prife de Goa , avoit derechef rompu avec l'Idalcan , & s e'toir joinr aux Princes les triburaires, pour aller allieger la Ville de Ti- racol,ce quimerroir l'Idalcan dans lanéce/îîte' de quitter Goa, pour aller au fecours de cette autre place. Mais les Capitaines e'toient {1 ameu- te's contre le Gouverneur , qu'il ne pût jamais leur faire goûter les meilleurs raifons , de forte que rebuté des affronts qu'il en recevoir tous \q.^ jours, il fe réfolut de lever l'anchre pourfe retirer. La première tentative fut inutile , & il fut contraint de revenir fur les pas avec Lima & Timoja qui n'a voient pu palTer. Enfin le 15. d'Août ayant appareillé , il lortit de la barre, & le même jour il eut la vue de la Flotte de Die- go Mendez de Vafconcellos qui arrivoit de Portugal.

Outre une Flotte de trente voiles que le Roi Don Emmanuel mit en mer contre les Maures de Fez & de Maroc, à qui il continuoit de fai- re vivement la guerre , ce Prince fit partir cette même amiée trois autres Flottes pour le nou-

DDd lij

ÏJEUR.

598 CONQUESTES DES PORTUGAIS

veau Monde. L\me de quatre VaiiTeaux com- mandée par Varconcellos qu'il envoyoic à Ma- laca, avant que d'avoir reçu aucune nouvelle

Don Emma- i^^- r'Jr- •• 1

NUExRoi. de Diego Lopes de Siqueira, qu il y avoit en, Alphonse voyé Ics annécs pre'cédcntes. La leconde e'toit J^R^c^îrE fie fept Navires fous la conduite de Gonzales GoiTVER- ^Q Siqueïra , dont la deibnation e'toit pour les Indes : & la troiiieme de trois autres batimens qu'il donna à Jean Serran, qui avoir ordre d'al- ler prendre une connoifTance exa(5te de l'Ifle de Madagafcar , & des avantages qu on en pourroit tirer. Mais Serran ayant perdu beau- coup de tems à parcourir cette Ifle de ports en ports, (ans être plus heureux que ceux qui l'avoient préce'dé , continua fa route pour les Indes.

La venue de tous ces VaifTeaux fît grand plai- fir à Albuquerque , qui en eut nouvelle à An- chedive par Vafconcellos , mais la deftination de celui-ci ne lui en failoit point du tout. Il fe garda bien ne'anmoins de lui en témoigner rien d'abord : au contraire il le reçut très-gracieu- fement , ôc lui ayant fait comprendre qu'il ne pouvoir l'expédier fi-tôt , parce que la naviga- tion pour Malaca ne feroit ouverte de trois mois, il lui promit que des qu'elle feroit bon- ne, il lui donneroit un plus grand nombre de Vaiffeaux pour le mettre en état d'exécuter avec honneur une entreprife, dont il ne pour- l'ok gueres venir à bout avec la petite Flotte.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 399

Ayant enfuite fait quatre cfcadres de trois a n n. de Vaiffeaux chacune pour croifer en differens ^- ^^ endroits de la Côte, il alla à Cananor , E- '^'°' doiiard de Lemos qui y arriva pour lors , l'em- nuel roT.** barrafTa davantage. Albuquerque prit le parti Alphonse de le recevoir avec dillindion , ainfi que je ^fl^R^ug l'ai dit, 6c Lemos le contenta pendant quelque couver- tems de ces demonftrations honorables ; mais les Capitaines mécontens ayant loufle' le feu de la difcorde, il (e piqua au Tujet d'un Am- bafïadeur du Roi de Cambaïe , qui vint trai- ter de la paix avec Albuquerque. Lemos pre'- tendit que le Géne'ral entreprenoit fur fes droits^ & qu'il devoir lui renvoyer l'Ambafladeur , parce que Cambaïe étoit dans fon diftridl. Al- buquerque dilTlmula avec Lemos , & lui fouf- frit bien des chofes qu'il n'auroit pas fouffer- tes dans un autre tems. Il crut devoir le me'na- ger par refpecl pour le Roi, & les provisions qu'il en avoit. Il ne laifLi pas d'aller fon train , S: d'expe'dier l'Envoyé de Cambaïe. Les diffe- rens de ces deux hommes cufTent eu de plus fâcheufes fuites , s'ils n'eufîent e'te' terminés parl'arrivée des Vaiffeaux de Siqueïra, qui por- toient ordre à Lemos de retourner en Portu- gal , &de remettre le Gouvernement entre les mains d'Albuquerque.

Le Gouverneur ayant terminé les affaires qu il avoit à Cananor , & vu le Roi, de qui il reçut toutes fortes d honneurs, fe vit obligé

JJIUR.

400 Conquestes des Portugais

A N N. de d'aller à Cochin par un nouvel e'venement;

j. C. Trimumpara e'toic mort dans fa retraite. La

^ " loi dupays portoit quele Roi quilui avoit fuc-

^n^r^Ro^' cédé au Trône, allât le remplacer dans cette

Alphonse folitudc , & ccdât fa pkce à cc neveu , que Tri-

BAiBu- mumpara en avoit exclus, parce qu'il avoit pris q:'erq.ue .r -1^1 ^ 1-

Goi'vER- parti pour le Zamorni dans le tems que celui- ci lui faifoit la guerre. Le jeune Roi n avoic pas affez de dévotion pour s'enfermer fi-tôt. Les Portugais de Cochin s'y oppofoient de touc leur pouvoir ^ mais fon Compétiteur qui étoic déjà entré à main armée dans l'Ifle deVaipin, paroifToit (e mettre en devoir de l'y forcer. La préfence du Gouverneur lui en ôtales moyens, mais le Gouverneur qui avoit d'autres deffeins en tête étant retourné à Cananor, le Prince ambitieux revint avec de nouvelles forces qu'il avoit eues du Zamorin. Elles lui profitèrent peu. Nugno Vaz de Caftelblanco le battit à platte couture, penfa le prendre priionnier, & luiôta pour jamais l'efperance de régner.

L'entreprife de Goa tenoit toujours extrê- mement au cœurd'Albuquerque j mais les con- trâdiélions qu'il avoit foufFertes de la part de fes Officiers, faifoient qu'il n'ofoit témoigner l'inclination qu'il y avoit. Il la propofa cepen- dant dans le Confeil^ comme pour prendre les avis fur la conjoncture des tems , lefquels fe trouvèrent fi favorables, qu'elle fut détermi- |iée à la pluralité. Albuquerque eut grand foin.

de

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. V. 401

de prendre les avis par écrit , &c ne perdit pas Ann. de un moment de tems pour l'exécuter. ^' '

Il eut bien voulu conduire a cette enTe- ^

^ I /1 ^ Don Emma»

prile les Capitaines deltinez a retourner en Por- nuel rw. tugal avec Lemos & Gonzalesde Siqueïra, qui Alphonse avoient ordre de revenir avec les Navires de ç>.rR(i:.E la cargaiion. Car quoique ces Capitaines fuf- n^urY'^' lent les principaux des mc'contens, & des fac- tieux, dont il devoit être bien aile de le déli- vrer ; ne'anmoins comme ils étoient bons Offi- ciers , 6c accoutumés aux guerres des Indes , il n'eût pas été fâché qu ils eufTent voulu le fui- vre. Mais JerômeTexeira & les autres bien loin de le féconder , firent toutce qu'ils purent pour faire échoiier l'entreprife. Ils lui débauchèrent cinq cens hommes , qui fe cachèrent au mo- ment du départ , & n'ayant pu lui débaucher Valconcellos , ils le calomnièrent auprès d'Al- buquerque en faifant donner à celui-ci par Gaf- pard Peréïra Secrétaire des Indes, le faux avis que Vafconcellos vouloir s'échapper pour aller à Malaca. Cela fut cauf e que le Géne'ral qui don- na trop facilement dans ce piège , le fît mettre aux arrêts avec les Capitaines de fon efcadre, à qui il ôta le Commandement de leurs Vaifl féaux , qu'il leur rendit pourtant bien-tôt après , ayant découvert la fauffeté de l'accufation.

Vers le commencement de Novembre , le Ge'néral mita la voile , & alla moiiiller à Onor, qu'il trouva toute en fête pour les noces de

Tome I. E E e

402, CONQUESTES DES PORTUGAIS

^ N N. de Timoja, qui époufoic la fille de la Reine de Go-

j. c. zompa. Albuquerque voulut honorer ces noces

^ ' de fa pre'fence.Sa Flotte,qui écoïc de trentequa-

nuelRoi. tre Vailieaux, ayant enluite ete renrorcee de

-Alphonse trois autrcs batimcnts que Timoja lui donna, il

Xu^^^z fe remit en mer tandis que le Prince Indien de

Goi VER. concert avec le Géne'ral , laifTant fa nouvel-

le e'poufe ;, rafTembla trois mille hommes de les

troupes pour l'aller joindre devant Goa.

L'effroi fut fi ^rand à Goa à l'arrive'e de la Flotte, que les Forts de Bardes &; de Pangin furent d'abord abandonne's par ceux qui les gardoient. Albuquerque, qui ne voulut pas per- dre de temsjs'en iaifit^ôc envoya quelques Cha- loupes fous les ordres des deux frères , Don Jean & Don Jérôme de Lima pour donner un coup dœilà la Ville, & faire leur rapport de l'e'tatoùe^e étoit. Ils s'acquittèrent fi bien de cette commillion , qu'ils allèrent jufques au pied de la Citadelle , & raferent la terre d'affez près, malgré les falves d'artillerie & la grêle des flèches , dont ils ne reçurent aucune incom- modité'.

L Idalcan avoit laifTé dans la place neuf mil- le hommes, parmi lefquels on comptoit deux mille Rumes. Il y avoit ajouté de nouveaux ouvrages, & il l'avoir pourvue de toutes for- tes de munitions guerre. Le Général ayant réglé le projet de {qs opérations , alla defcen- dre deux heures avant jour le Z5. de Novembre

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 405

à une jufte diftance d'un ouvrage avancé, qu'il a n n. de falloir d'abord emporter. On dévoie l'attaquer ^- ^• en même tems par trois endroits, tandis qu'Ai- ^^°'

b. j . r- . T- Don Emma»

uquerque qui devoit rau-e une autre attaque nuelRoi.

à une des portes de la Ville, attendroit quele Alphonse maître de la Capirane fuivi de trente matelots, JyV/^'e eût coupé une eftacade , qui fe trouvoit fur le <^°"^'=î^- chemin qu il devoir tenir. Le fignal de l'atta- que ayant été donné avec un grand bruit de fanfares. Don Jean de Lima, Diego Mendez de Vafconcellos &z un troifiéme , qui comman- doient les trois corps deftinés à donner l'afTaut à l'ouvrage avancé , le forcerenr tous trois en même tems , & fiiivirent les ennemis jufques à la porte de la Ville , que ceux-ci ne purent exa- «^ement fermer après eux , parce que Denis Fernandes de Mello , qui fe trouva à la rête des pourfuivants , infera entre les deux bat- tans de la porte , qu'on appella depuis de fainte Catherine, le bois d'une grofle lance. Apres de grands efforts de part & d'autre, les Portugais le rendirent maîrres de la porre , ôc fe repan- direnr à l'inftanr par les rues , malgré les pierres & les rraits qu'on leur lançoit des toits ôc des fenêtres des maifons , ils pouffoient les ennemis devant eux, & fe voyoient quelque- fois repouffés eux-mêmes : mais fecourus tou- jours à propos, ils regagnèrent aufli toujours du terrain julques au Palais del'Idalcan. Tandis que ceux-ci profîtoient de leurs avan-

E E e ij

b'Albu-

Gouver- neur,

404 Conquestes des Portugais

ANN.de tages, Albuquerque quiavoit entendu tout le J- C- bruit qui s'e'toit fait de ce côté-là, envoya Si- ^ ' mon Martine's pour lui faire le rapport de ce Nu^L Rorf qui s'y pafîoit : mais n'ayant pas la patience d'at- Alphonse tendre fa re'ponfe , il enfila la rue du Fauxbourg qui aboutifîoit à la porte de fon attaque. il eut fur les bras un corps de Maures qui fuyoient de la Ville , & qui fe trouvant entre deux feux firent de necelTite' vertu, & fe batti- rent bien. Le Ge'néral néanmoins leur paffa fur le ventre , Centra dans la place.

Cependant ceux quiétoient arrivés des nre- miers au Palais furent affez maltraités ; quel- ques-uns des plus braves y furent tués , & Don Jérôme de Lima y fut bleffé à mort. Ils étoient tous taillés en pièces , fans un nouveau renfort qui leur arriva à tems. Don Jean de Lima voyant fon frère renverfé voulut s'arrêter; mais celui-ci , qui dans létat il fe fentoit^ne fai- foit plus compte de fa vie , lui montra le che- min de la gloire , ôc lui parla en héros. Don Jean combattu de deux paflions fuivit fon avis, Se crut mieux faire en vengeant fa mort, qu'en témoignant une tendreffehorsde faifon. Ils ne laifferent pas d'avoir bien des affaires ; car il fortit du Palais par differens endroits tant de gens à pied & à cheval, qu'ils furent bien-tôt inveftis. Mais Diego Mendez de Vafconcellos étant arrivé fur ces entrefaites , fit pancher la balance , & eut véritablement l'honneur de

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 405

cette journée aufli bien que Manuel de Lacer- Ann. de da , qui ayant un fer de flèche planté dans le ^- ^■ vilaçe , d'où il couloit beaucoup de fan ^, ne

/T- I I aLjT' Don Emma.

celloïc de combattre , tua un Abillin qui pa- n.el roi, roiflbit un homme de confideration , èc étant Alphonse monté fur le cheval de cet ennemi terraffé , fe ^.hr^^e trouva encore feul à faire tête à huit perfonnes l^^' qu'il défît.

Depuis ce moment les ennemis ne firent prefque plus de refiftance. Chacun ne penfa qu àla fuite , & fe fauva par les portes ou par deffus les murailles, deforte que quand le Gé- néral arriva tout fe trouva fait. Il fit d'abord fermer les portes , pour empêcher {es gens de fe débander , & après avoir rendu grâces a Dieu d'un avantage fi fignalé , il fit Chevaliers Manuel d'Acugna , Frédéric Fernandes qui étoit entré le premier dans la Ville , & quel- ques autres qui s'étoient des plus dillingués.

Dans cette ad:ion il n y eut qu'environ qua- rante Portugais tués fur la place, mais il y en eut plus de trois cens bleffés , parmi lefquels furent les deux frères d'Andrade , qui étoienc toujours des premiers aux coups. Pour la perte des ennemis elle fut trés-confiderable, (oit de ceux qui pafferent par le fer du vainqueur, (oit de ceux qui fe précipitèrent du haut des murs &c des toits des maifons , ou qui fe noyèrent. On fit particulièrement main baiïe fur les Maures , &c le Général bannit enfuite de la Ville & de

E E e iij

KJEUK.

^06 CoNQUEsTES DES Portugais

^ jj N. de fon territoire tous ceux d'entre eux qui avoient J- ^- échappé au mafTacre qu'on en fit. Il fit aufïi ^^^°' mettre le feu aux Fauxbourgs de Goa , ainfi

Don Emma- ,.1 i> / r ' J /^

miELRoi. quii lavoit jure pour le venger des Canarins Alphonse & Malabarcs , qui avoient favorilé le retour de Ï^erÏÎ'e ridalcan. Il mit la Ville au pillage , & pour pu- GouvER. nir leshabitans.il leur impola les mêmes tri- buts qu ils payoient a leur premier maître.

Timoja arriva peu après l'aélion, & il n'y eut que la célérité avec laquelle tout s'ctoit pafTé, qui put jullifier Ton retardement , &: ôter les foupçons de trahifon.

L efprit du Général vicflorieux étoit trop vif pour s endormir en goûtant le fruit d'une nou- velle conquête. L'exécution d'un projet ne fai- foiten lui que reveiller lidée d'un autre. Il en avoit trois principaux. Le premier étoit celui de la mer Rouge. Le Roi Emmanuel le preflbic beaucoup fur les nouvelles qu'il avoit eues du Levant , que le Caliphe préparoit une puiffante Flotte à Suez fur les vives inilances duZamo- rin,des Rois d'Ormus,d' Aden & de Cambaïe,& il avoit donné des ordres précis de contraindre le Roi d' Aden de gré ou de force , à laiiTer bâtir une Citadelle dans fa Capitale : Que fi cela ne fe pouvoit j on" en bâtit une dans l'Ifle de Cama- ran , qui étoit meilleure que celle de Socotora, les VaifTeaux ne pouvoient liy verner. En ef- fet Albuquerque envoya alors Fernandes de Beja pour la détruire , parce qu'outre foninuti-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 407

SE

licé, elle lui coutoit trop à entretenir. Le fécond A n n. de projet étoit celui d'Ormus , qui lui tenoit toû- ^- *^' iours au coeur: & le troidéme enfin étoit l'en- ^ ^ J°'

r \ 1 Don Emksa-

treprile de Malaca , a laquelle il ne paroifToit nuelRoi. penfer, que pour favoriier la commifllon de alphon Diego Mendez de Vaiconcellos , qui s'e'toit o,- erc^iTe beaucoup diftingue' dans la prile de Goa. Eflfe- neuI!*"" <5tivement un de les premiers foins, fut d'en- voyer des ordres àCananor d'y mettre tout en état pour le voyage de cet Officier.

En attendant il donnoit toute fon attention à s'affurer tellement de Goa^ qu on ne pût plus le lui enlever , ôc depuis la fin de Novembre jufques à la fin de Mars de Tannée fuivante , il ne perdit pas un moment , & pour le fortifier , ôc pour y introduire une forme de Gouverne- ment ftable. Comme il en vouloit faire une Ville Portugaife , fon plus grand emprcffement fut d'y établir les Portugais qui voulurent s'y fixer. Il les maria aux filles des Maures & des Gentils, qu'il tenoit prifonnieresj & afin de les y engager mutuellement , il leur dillribua les maiions ôc les terres des Maures qu'il avoit bannis , ou leur donna des emplois dans les Fermes & Douanes. Il fe rendit d ailleurs ex- trêmement populaire & gracieux à cette nou- velle colonie. Ilafliftoitaux cérémonies de ces mariages , &: bien qu'ils euffent aïTez 1 air de ceux des premiers Romains avec les Sabincs enlevées , ils ne lailTerent pas de réulTir. Il fie

4o8 Conquestes DES Portugais

AuN.de' enfuite battre monnoye pour decrcditer celle J- c. des Maures , & mit dans les finances un très- ^V bel ordre , aulli-bien que dans les Fermes, dont

nuelRoi. ' il conféra la Surintendance à Merlao frère du

Alphonse Roi d Onor.

li^tK^'z Pendant tour ce tems , il reçut les AmbafTa-

GouvER. deurs de prefque tous les Souverains de l'Inde , qui 1 envoyèrent complimenter iur la nouvelle conquête , & recherchèrent (on alliance. Sa Cour reiïembloit alors à celle d'un des plus grands Monarques du monde ^ &c il en foute- noit l'éclat avec tout le faile imaginable.

Le tems s'écouloit , & Diego Mendez de VafconcelloSjVoyant que le Gouverneur l'amu- foit par de belles paroles , le pria de s'expliquer. Il le fit par des railons trés-folides , & lui taiiant fentir l'impofiibilité de Ton entrcprife mais voulant lui adoucir le dégoût de ce refus, il lui offrit ou le Gouvernement de Goa, ou d'au- tres avantages confiderables , luppofe qu'il eût defiein de s'en retourner en Portugal. Mendez n e'tant pas fatisfait , Albuquerque lui fit parler par fes amis. Mais rien n'ayant pu le faire reve- nir,&: cet Officier paroiffant toujours déterminé à fuivre fa deftination bon gré malgré, le Gou- verneur mit la chofe en délibération dans le con- feil,& en fit fignifier juridiquement la réfolution à Mendez fous peine d'exil pour lui , & de mort pour les autres de fonefcadre,(uppofé qu'ils paf^ iaffent outre. Mendez étant parti malgré cette

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. V. 409

défenfe , il le fît fuivre avec ordre de le faire an n. de revenir ou de le couler à fond. Malheureufe- J- C- ment pour Mendez le mauvais tems l'arrêta à ^ la barre de Goa. Il ne le rendit neanmoms qu a- nuel roi. pr&s quelques volées de canon qui lui coupe- Alphonse rent ia groire vergue, & lui tuèrent deux mouf- ^,h"<^Ù~e fes. Le procès fut fait aux coupables. Mendez ^^l^^' [ fut condamné a être renvoyé en Portugal , & à tenir prilon juiques à fon départ. Denis Cer- niche Capitaine devoit avoir la tête tranchée, & les maîtres & pilotes dévoient être pendus. Il y en eut d'abord deux d'exécutés en préfence de tous les Miniftres étrangers, qui approuvè- rent fort cette jurtice du Général , & en conçu- rent de lui une plus haute idée. Mais à la foUi- citation des Officiers Portugais, ils demandè- rent grâce de la vie pour les autres , & l'ob- tinrent.

Le Général paroiiïbit toujours vouloir fui- vre le projet de la mer Rouge. En effet il fe mit en mer comme pour l'exécuter ; mais ayant pris un peu le large , pour éviter les baffes de Padouë ,il futiurpris d'un gros tems. Il devoit l'avoir preffenti , parce que c'étoit la faifondes Vents généraux & réglés, qui rendent pendant quelques mois irhpoffible la navigation de l'In- de dans le Golphe Arabique, & font au con- traire la Mouçon pour Malaca. Il parut alors qu'il n'avoir fait de difficulté à Vafconcellos par rapport à cette entrcprife , que parce qu'il vou^

Tomel, FFf

D'A LE l'-

Goi' VER- M£UK.

410 CONQUESTES DES PORTUGAIS

"ÂTûTdo loit la tenter lui-même. Il eft vrai qu'il ne fal- J- C- loit pas moins que lui ôc toutes fes forces pour y reuliir.

Don Emma- --- , 1 T 1 1 1 1

NUEi Roi. Jbn ayant donc pris la reiolution de 1 avis de alihonse tous fes Capitaines , il fît virer de bord , t@u- cha en pafTant à Goa, à Cananor & à Cochin , après avoir mis encore quelque ordre aux affaires de fon Gouvernement , il traverfa le Golphe de Bengale, prit, chemin faifant, quel- ques Vaiileau'x de Cambaïe , qui naviguoient fans fes pafTeports , & aborda à Pedir dans l'ifle de. Sumatra. Le Roi de Pedir, que fa venue in- timida, lui envoya neuf ou dix Portugais de la troupe d Aravio , qui s'e'toient fauve's de Malaca. Ceux-ci lui apprirent la révolution ar- rive'e dans cette Ville , le Roi fur le point d'être opprime' parle Bendara fon oncle , avoic prévenu les defTeins en lui faifant couper la tê- te, llenauroit fait autant au Sabandar des Gu- zarates , qui étoitdela confpiration,fi celui-ci n'avoit pourvu à fon faluten fe fauvant chez le Roi de Pacen , auprès de qui il étoit. Comme le Bendara & le Sabandar avoicnt été les prin- cipaux auteurs de la trahilon faite à Siqueïra, cette nouvelle ne put que faire plaifir au Gé- néral, qui en tira un bon augure.

Il partit du port de Pedir fort content des po- liteffesqueleRoilui avoit faites, & alla rnoiiii- ler dans celui de Pacen , on lui fît les mêmes démonif rations j mais il en connut bien-tôt le

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 411

peu de fincerite' ; car le Roi de Pacen , qui lui a n n. de avoic promis de lui remettre en main le Sa- ^•^• bandar des Guzarates , le laiiTa échapper , dans l'elpcrance qu'il pourroit obtenir fa grâce du n°elRou' Roi de Malaca , par la nouvelle qu'il lui ap- Alphonse porteroit de l'arrivée de la Flotte Portugaile. l^^''^^^ Iltàchoiten même tems d'amuler le Général, Couver. pour donner le tems à Mahmud de fe mettre en défenfe. Albuquerque s'en apperçut , mais ne voulant pas rompre avec ce Prince , il remit promptement à la voile. Le Sabandar ne por- ta pas loin la peine qu'il méritoit , le Général le iurprit dans la fuite lans le connoitre. Il fe battit comme un défefperé. Tous ceux de Ton bâtiment furent tués avec lui , & il bleiTa tous ceux de celui qui l'attaquoit. Il arriva alors une choie qui parut un prodige , car quand on le dépoiiiUa , on le trouva tout couvert de blelTu- res, lans qu'il parut une goûte de fang. Ce ne fut qu'après qu'on lui eut ôté un bracelet d'or, dans lequel étoit enchafTé un os d'un animal, que dans le Royaume de Siam on appelle Cahis^ que le fang fortit à torrens de toutes fes play es, cet olTement avoit eu la vertu de le re- tenir.

Après ce que Mahmud Roi de Malaca avoit fait à Siqueïra,il devoit s'attendre à quelque hoftilité de la part des Portugais : ainfi il ne devoit point être furpris de l'arrivée d'Albu- querque. Il paroît même qu'il y avoit en quel-

FFfij

41 1 Conquestes DES Portugais

A N N. de que forte compté. Car quoique fa Ville fût J- c. toute ouverte , il avoit trente mille hommes ^^ ' de troupes, & un nombre prodigieux de pie-

DoN Emma- i- h i r '-1 rT

NL'EL Roi. ces d artillerie , de iorte qu il paroiiloit s ap- AiPHoNSE puyer beaucoup lur Tes forces. Il ne laifTa pas n,^.?^" d'envoyer faluer le Géne'ral , & de lui faire Goi.vFR. quelques excufes du pafTé en rejettant la faute lur le Bendara quil en avoit , diloit-il, puni en lui faifant fubir les rigueurs de fa juilice par le dernier fupplice. Albuquerque voulut bien recevoir (es excuies , & fe contenta de de- mander que Ruy d'Aravio & les autres Portu- gais lui fufTent remis avec tous les effets du Roi fon maître , qui avoient été faifis ôc difr fipez.

Mahmud eiît bien voulu donner quelque fatisfadlion à Albuquerque , dans la crainte que lui infpiroit fa préfence , & dans l'incertitude il étoit s'il devoit fe réfoudre à la guerre , dont ilapprehendoitles événemens. Mais Ala- din fon fils & Prince héréditaire de Malaca ^ le fils du Roi de Pam,qui fe trouvoit alors dans cette Ville , il étoit venu pour époufer la fille de Mahmud , & le nouveau Sabandar des Guzarates, quin'étoit pas moins animé contre les Portugais que fon predecefreurjl'aigriiTant fans celle contre ces étrangers de qui il avoit tout à craindre, il fe détermina en effet à rif- quer tout , plutôt que de leur donner la Càtis^ faélion qu'ils demandoient. Il les amufa cç-

DANS LE NOUVEAuMONDE. LiV. V. 41 J

pendant par de belles promelTes, afin de donner a n n. de le tems à fon Amiral , qui e'toic aâruellemenc •^•^'

"^ I C I I

en mer , de revenir avec la Flotte pour le join-

d\ r U '^ ; ^ '1 Don- Emma-

re a plulieurs autres bâtiments a rames qu il nlelRoi.

tenoit tous prêts j& tous enlemble brûler la Alphonse

Flotte Portugaife. ^ "Q^:^^

La manière toutefois dont il amufoit le Ge'- '^"'•'^er-- neral etoit Ii groliiere , qu on pouvoir la re- garder comme une fuite d'infultes. Albuquer- que ne s'en appercevoit que trop, &avoit be- foin de tout Ion flegme , pour ne pas perdre patience ; mais il croyoit devoir tout foulTrir pour l'amour d'Aravio,à qui il avoir de gran- des obligations , & qui ne fe trouvoit à Mala- ca dans le danger d'y pe'rir , que pour avoir été attaché à fiperfonne , le Viceroi Don Fran- çois d'Alméïda l'ayant envoyé comme ban- ni pour la railondecet attachement. Il croyoit d'ailleurs devoir cette déférence aux ordres du Roi de Portugal, qui ne vouloit pas qu'on engageât mal à propos une affaire , tandis qu'il y avoit efperance d y réLiflirpar les voyes de la douceur. Enfin il n'étoit pas fâché devoir fes Officiers fe piquer des inlultes qu'on leur faifoit , pour les animer davantage à la ven- geance par le grand froid qu'il oppofoità leur vivacité.

A la fin pourtant rébuté de ne voir aucune fin à la négociation, il fit reprélenter à Aravio la trifte nécellité il fe trouvoit d'entreprcn-

FFfiij

414 CONQUESTES DES I^ORTUGAIS

b'Albi'

GOUVER- K£UR.

An N. de dre quelque chofe. Celui-ci lui fit répondre no- J- c. blemenc qu'il ne fongeâc nullement à la per- ^ * fonne , mais feulement à fe vcnp-erd'unPriU'

Don Emma- , , > . i> ".. 11

NU£L Ror. ce pertiûe , qui navoit d autre vue que de le Alphonse perdre. Sur Cette re'ponfc le Géne'ral envoya quelques Chaloupes pour mettre le feu en quelques quartiers de la Ville , & à quelques Vaiffeaux de Cambaïe. Cela re'iiilit fi bien , que Mahmud renvoya fur le champ Aravio, àc tous les Portugais prilonniers , priant en grâce le Général de permettre qu'on travaillât à étein- dre le feu.

La joye qu'eut le Général de r'avoir Aravio & fes gens lui enfla extrêmement le courage , & le mit en état de faire des proportions bien plus fîéres. En effet il demanda alors : » Que « non feulem.ent on lui payât la valeur de ce « qui avoit été enlevé dans la fadlorerie ,mais S5 encore tous les frais de l'armement qu'ilavoic 3>fait. Car comme il nétoit pas venu en mar- ïichandife, mais feulement pour repeter ce î> qu'on lui detenoit injuftement,il n'étoit pas »> raifonnable , difoit-il , qu'il en fupportât la >5 dépenfe. Enfin il exigeoit qu'on lui donnât un emplacement pour bâtir une Citadelle, parce » qu'après la trahifon qui avoit été faite à Si- »5 queïra, il ne convenoit pas que les fujets du 5j Roi fon maître & fes effets fulfent expofés à s> de pareilles perfidies. «

Mahmud feignit d'accepter ces propofitions.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 41J

NEUP..

& donna même la liberté au Géne'ral de choi- ANN.dc fir remplacement qui lui conviendroit le mieux. ^'^' Mais les fubterfuges dont il (e (ervit , & les ^' '

,- 1 . 1 T 1- DonEmma-

avis iecrets que donnoient quelques Indiens nuel roi. amis des Portugais, ayant pleinement décou- Alphonse vert Ta mauvaile foi , Albuquerque fe mit en ^.'Iîr^c^Ve devoir d'employer la force, ôc de donner un ^°"''^^' aflfaut à la Ville dans l'elperance de lemporter. Aravio lui avoit fait entendre qu'il leroit le maître de la Ville dès qu'il le leroit du pont, ôc que du moins il diviieroit les forces de len- nemi^une moitié' de la Ville ne pouvant plus communiquer avec l'autre. Le pont étoit aiïez bien fortifié 1 on y avoit bâti une efpece de Château de bois , commandoit un des prin- cipaux Officiers du Roi. Il étoit IierifTé d'artille- rie. Des deux côtés on avoit fait quelques cou- pures ou retranchements , dont il failoic d'a- bord s'emparer. Outre cela l'une des têtes du pont étoit défendue par le voifinage d'une Mofquée de pierre & du Palais du Roi. L'au- •tre l'éroit également par les terrafTes des mai- fbns.

Laveilledefaint Jacque le Majeur, dans le- quel le Général avoit une grande confiance , & parce que ce grand Saint ell Proted:eur des Efpagnes , &c parce qu'il eft le Patron d'un Or- dre dont il étoit Commandeur, toutes les Cha- loiipes & efquifs de la Flotte eurent ordre de fe rendre à bord de l'Amiral, pour y concerter

41^ CONQUESTES DES PORTUGAIS

HEUR.

A N N. lie le projet de l'attaque. Le Général fît deux corps

•^■^' d armée , dont chacun devoit aller defcendre

à l'un des bouts du pont pour fe rejoindre en-

DonEmma- 1 I- T^ t J

NUEL ROI. luite tous les deux vers le milieu. Don Jean de Alphonse Lima comiiiandoit celui des deux corps , qui ^Vrc^'e devoit débarquer du côté de la Moiquée ôc GouvEB.- ^^ Palais du Roi. Albuquerque en perfonne conduifoit l'autre, & devoit defcendre au cô- té oppofé étoit le quartier des Marchands. Le débarquement refitheureufement à la poin- te du jour de la fête malgré le feu du canon, de la moufqueterie, & une grêle de traits, &c de tous côtés le combat commença avec beau- coup d'animofité.

Albuquerque eut bien-tôt forcé les retran- chements, où Simon d'Andrade entra le pre- mier. Ce ne fut pourtant pas fans peine , & fans rendre de grands combats, que le Général put pénétrer julques au pont,& fe rendre maître d'une moitié. Il étoit lurpris que Lima , qui étoit defcendu de l'autre bord , n'en eût pas fait autant , & il fe trouvoit embaraflé. Mais. Lima avant que d'arriver au pont , s'étoit vu en tête Aladin , & le fils du Roi de Pam (on beau-frere , à la tête d'un gros corps de trou- pes: &à peine la partie fut-elle liée avec ceux- ci, qu'il fut obligé de divifer fon monde, pour faire face au Roi qui venoit- le prendre à dos. Ce Prince étoit monté fur un Eléphant précédé de deux autres, ôc luivi d'un plus grand

nombre

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 417

nombre , cfcortes de plus de cinq cens hom- a n n. de mes. Chaque Eléphant avoit une tour & fa J'p trompe arme'e de faux &c de labres. La vue de ces Elephans intimida dabord les Portugais. NUEtRoi. MaisLimaayant fait élargir les rangs, comme Alphonse pour leur ouvrir un chemin, & les laifler paf- ^y^R^c^'s 1er, les prit en flanc. Fernand Gomez de Le- ^IH]'^' mos & Vaz Fernand Coutinho furent les pre- miers qui les attaquèrent. Ils percèrent l'Lle- phant du Roi de leurs lances , & le blelTerenc dangereufement. L'Animal frappé pouiïa de grands cris , prit fon conducfteur de la trompe, le foula aux pieds , & revenant fur fes pas , cul- buta ceux qui venoient après lui , C<: mit tout en défordre. Mahmud,qui apperçutle danger il étoit , & qui étoit déjà blefle à la main, del- cendit fccretement, & fe fauva. La troupe d'A- ladin n'ayant pas fait plus de refiftance que celle du Roi , Lima fe rendit maître de la Mof- quée & de l'autre bout du pont.

Le Gouverneur général n'avoit pas eu peu à faire de fon côté. Car dans le même tems que le Roi le préfenta pour attaquer Lima ôc les liens , trois des Officiers principaux de ce Prince fe ié- parerent de lui, & coururent au pont iuivis d'un corps de fept cens hommes pour faire tête au Général, qui fe trouva ainfi emre deux feux , obligé de faire face en même tems à ceux-ci , & à ceux du côté oppolé , qui répondoit à la grande rué delà Ville 3 d'où il venoit toujours

Tome /. ^ ^ §

.i8 CoNQUESTEs DES Portugais

MLUR.

Ann. de fur lui des troupes fraîches. Il e'toit outre cela ^' extrêmement incommodé des flèches & des ar- tifices qu'on lui tiroit de defTus les terraffesdes donEmma- r ^ ) T j r I

nuelRoi. maiions les plus voilines du pont, lans quiL

Alphonse pût s'cn garantit. Mais quand Lima arriva au oiit^ouE pont, les ennemis fe trouvant alors eux mê- GouvER. j^g^ entre deux feux, après un affez longue re- fîftance, furent oblige's de fe jetter en bas du pont dans la rivière pour fe iauver. Le cou- rant les ayant porte's vers les bateaux , ceux qui étoient reftés àla garde de ces bateaux,les affom- merent,enforte qu il n'en e'chappa que très-peu. Les deux corps s étant ainfi réiinis , & lentant ranimer leur courage par la joncftion de leurs forces , Albuquerque travailla à le fortifier fur le pont avec le même bois que les ennemis y avoient, & fit mettre deux pièces de canon à l'entrée du retranchement qui enfiloit la grande rue. Pour (e délivrer enfuite de l'im- portunité des terraflfes , il détacha Gafpar de Païva , & Simon Martinés , chacun avec cent hommes pour aller mettre le feu aux maifons. Le feu prit fi bien qu'il y en eut plufieurs de confumées avec le toit de la Mofquée , une par- tie du Palais du Roi, & un autre petit Palais ambulant, traîné fur des roulettes, que le Roi avoit fait conftruire , pour le divertiflement des noces de la Princeffe fa fille.

Albuquerque ne réiilIîlToit pourtant pas à fe fortifier lur le pont comme il le fouhaitoit.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 419

avoic toujours de nouveaux ennemis fur les Ann. de bras : Tes gens e'coient extrêmement harrafle's ; ^'^' ils avoient pafTe' toute la nuit fous les armes : '

lis avoient combattu toute la journée : & tout- nuel roi. froient extre'mement de la foif , delà faim ôc alphonsb de l'exceflive chaleur du jour. A peine pou- ^,e^^e voient-ils fe loutenir.Le Général craienoit d'ail Couver.-, leurs pour fa Flotte le retour de l'armée Navale des ennemis, ou les machines qu'on pouvoic lâcher fur (es Vaifléaux pour les brûler; de forte qu'il prit le parti de le retirer, réfolu de reve- nir une autre fois à la charge , ôc content de ce qu'il avoit fait cette journée.

Comme le Général avoit un peu trop com- pté fur la facilité qu il auroit aie rendre maî- tre de la Ville , fur le rapport d'Aravio, il trou, va par Tévenement qu'il lui avoit manqué beaucoup de chofes, aufquelles il voulut pour- voir, avant que de tenter une féconde attaque. Dans cette vue il palfa quelques jours à armer un Jonc qui étoit un Vaiiîeau d'un grand porc> qu'il fît herilfer degrofles pièces d'artillerie, ôc bien gabionner pour le garantir de celle des ennemis. Il le fit remplir outre cela de futail- les, & de toutes fortes d'inftruments propres à remuer h terre , afin de pouvoir s'en fervir à fe retrancher. Ce Jonc , qui paroilToit uneFor- terefle flottante, devoit joindre le pont pour le dominer ; mais comme les marées ne don- noient pas afTez d'cau^ il fallut plufieurs jours

A N N. de J.C. 1511.

DON EmMA'

NUEL Roi.

Alphonse d'Albu-

«iUV RQUE

Gouver- neur.

410 CoNqUESTES DES PORTUGAIS

pour le touer,& le faire avancer peu àpeu,àme^ iure cjue les eaux crurent, en approchant de la nouvelle Lune. Les ennemis firent tout ce qu'ils purent pourlebrûler,&lâchoient à chaque ma- re'ejufques à trois & quatre machines pleines d'artifices &c de matières combullibles , qui fu- rent toujours de'tourne'es par les Chaloupes de la Flotte arme'es de longs bois & de grappins. Les batteries du rivage ne celîoient auili de ti- rer fur lui , & de le cribler en divers endroits. La moufqueterie & les flèches qu'on de'cochoit de toutes parts, faifoicnt pareillement un très- grand effet j & Antoine d'Abreu qui comman- doit , eut les deux joues percées d'une balle qui lui emporta une partie de la mâchoire, de Tes dents ôc de la langue , ce qui n'empêcha pas ce brave homme de continuer à faire fa charge , êc de s'offenfer même contre Albuquerque qui Je croyant hors de fervice , voulut le relever. Enfin le jour de faint Laurent , le Gouverneur voyant, que le Jonc pouvoit être conduit juf- quesaupont, retourna à la charge comme de- vant. Les ennemis qui avoient eu le tcms de fe préparer, faifoient un feu effroyable , malgré lequel la defcente fe fit trés-heureufement. De- nis Fernandes,GeorgeNugnésdeLion,Nugnés Yaz de Caftel-Blanco, & Jacque Teffeira , ayant forcé les premières tranchées à la tête de leurs compagnies, allèrent attaquer laMofquée.De l'autre part, Albuquerque ayant évité, fur des

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 42,1

avis qu il avoit eus,des mines & des chaufiTetrap- a n n. de pes empoifonnées , que Mahmud avoit faïc ^;^' mettre dans les endroits il croyoit qu'il paf- ^ leroit,poufla les ennemis devant lui julques KunRor. au milieu de la grande rue, il fît les plus Alphonse puilTants efforts pour ie rendre maître d'un re- ^.'er^^Je tranchement que les Maures y avoient fait , couver, &■ ils combattoient avec une extrême va- leur. En e'tant venu à bout, il laiiïa une par- tie de fes troupes , & revint avec l'autre pour aider ceux qui attaquoient la Moique'e. il trou- va en chemin le pont libre & entièrement ne- toye'parla valeur d'Antoine d'Abreu. Ceux qui combattoient à laMofque'e ayant eu le même fuccès, l'avoient emportée de vive force avant que Mahmud , qui venoit à la tête de trois mil- le hommes pour la défendre, fut arrivé j de for- te que ce Prince voyant la chofe faite , retour- na brufquement fur fes pas , & ie retira à fon Palais , ou le Général ne voulut pas qu'on le iuivît.

Toute lattention du Général étant alors de s'alTurer du pont , il envoya quatre barques à (es deux bouts, bien fournies de canon pour ne- toyer le rivage, il fit enfuite tirer les futailles qu'on avoit portées dans le Jonc , ordonna qu'on les remplît de terre, &en fit deux bon- nes batteries , l'une du côté de la Molquée ^ & l'autre du côté de ta grande rué. Ayant ainfi fortifié les avenues, il fie couvrir le pont & le

GGg ii)

411 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Jonc avec de grandes voiles , pour pouvoir y j. o ^j-j-e à, couvert e'galement ,& de la grande cha- '^' ' leur ,&: des traits, & des artifices qu'on ne diC nuelRoi. continuoit pas dy lancer. Mais pour le deli- AirHONsE vrer plus efficacement de cette incommodité, oifER^iE il fie occupper les maifons les plus voifmes du. GouvER- pont, & mettre quelques pièces d'artillerie fur leurs terraffes. Le combat duroit encore dans la Ville , foit dans la grande rue , foit dans les rues de traverfe. Un défachement qu'il y envoya avec ordre de palier tout au fil de l'e'pe'e , ache- va de tout diflipper, tuant & malîacrant jufques à la nuit, de manière que les rues & le lit mê- me de la rivière étoient pleins de fang ôc de corps morts.

Le Général croyoit avoir encore beaucoup à faire le lendemain à l'attaque du Palais, mais le Roi au defefpoir l'avoit abandonné , & s'é- toit retiré pendant la nuit chez le Roi de Pam , d'où il écrivit aux Princes voifins , pour les en- gager de travailler à le rétablir. Six mille hom- mes de troupes ennemies qui reftoient encore dans un quartier retranché s'étant fauves de la même manière , la Ville parut réduite en une aifreufe folitude. Perfonne n'oloit fortir des mai- fons. Cela dura ainfi quelques jours, pendant lefquels le Raja Utcmutis , qui avoit déjà traité fecretement avec le Généraljîui envoya deman- der fauve-garde pour lui , & pour tous les Javes qui étoient de ia dépendance. Aravio inter-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. V. 415

céda auiïi pour Ninachetu. Cétoit un Gentil , A n n. de confîderable pour fa probité 6c pour fès riciicl- ^' ^' {es , qui par elprit de Religion avoir donné tou-

'71 ^ , \- *^ r. '1 Do>f Emma.

tes fortes de lecours aux Portugais pendant nuelroi. leur captivité, & avoir continué depuis à leur Alphonse donner avis de tout ce qu'on tramoit contre ^.^"cJrE eux. On fit quartier aux étrangers , mais pour ^j"^*''" ce qui eft des Maures, Guzarates & des Maures naturels de Malaca , tout ce qui ne fut pas paf- au fil de l'épée _, fut fait elclave. La Ville fut en proye pendant trois jours à l'avidité du fol- dat. Il eft incroyable combien de richefles on y trouva. Car outre l'argent & les pierres pré- cieufes qui furent emportées ou enfevelies par les ennemis ; outre celles que le viâiorieux put divertir , le quint de tout le butin qui appar- tenoit de droit au Roi, femontoit à deux cens mille cruzades d'or. On ne toucha point aux magafins de la Ville , ni a tout ce qui pouvoit fervir à rétablir la Flotte , ou à fortifier la pla- ce, dans laquelle on aura peine à croire qu'on trouva trois mille pièces d'artillerie , dont il y en avoit jufques à deux mille de fonre. Ainii le dilent les Auteurs Portugais, que je fuis obli- gé de fuivre.

Cette conquête qui fut l'ouvrage de huit cens Portugais, &: de deux cens Malabares au- xiliaires , dont la Flotte d'Albuquerque écoit compofée,ne coûta au vainqueur que quatre- vingt hommes des fiens , dont une grande par-

424 CONC^ESTES DES PORTUGAIS , &C.

_ANN.de tie ne mourut qu àcaufe des fle'ches empoifoti- j. c. j^^çs , ôc qu'on ignoroic encore le remède à ce ^^"' poifôn. Les ennemis au contraire perdirent un NUE^LRcTit' monde infini , dont on ne put eftmier le nom- alphonse bre. On ne peut nier qu ils ne le défendifTent d'albu- Jj-^j^ j^^^jg Qj^ vit en cette occafion ce que peut

Q^E B QUE ' 1 t 1

Couver- j^ bravourcôc dc Quoi lont capables des gens de cœur conduits par un grand Capitame.

Fin du cinquième Liyre.

j)£UK.

HISTOIRE

4i;

•^ J*f îf >î- :* :f ^ >?• :f >^ Jf ^ ^ >^^ >^ ^ >î- >^ Jf îf :f ^ J^ J^

•«^.i.^4.^ + 4. + ^^-!:>4.-4-4.-<i-+-*4«-fr+-fr •i••*••i••0■•l•■<^•^•i^

HISTOIRE

D£S DECOU VERTES

ET

O N Q^U ESTES.

DES PORTUGAIS

Dans le Nouveau Monde.

L

LIVRE SIXIÈME

A conquête de Malaca n'e'canc pas de

moindre importance que celle de Goa , j q ^ le Ge'néral s'y prit à peu près de la même ma- ijn. niere pour s affurer de la pofTeffion de celle-là , don emma- qu'il en avoir ufé pour s établir folidement dans celle-ci. Et d'abord pour captiver l'efprit des bal"°-" peuples , & {e les gagner , il donna 1 Intendan- coi v^r! ce des Maures e'tran^ers au RaïaUtemutis, &c '^^"^^« celle des Indiens Idolâtres à Ninachetu. L'un avoit beaucoup de crédit & d'autorité' fur ceux de fa fecle, l'autre avoit de la probité , les Por- tugais lui avoicnt obligation ;, & il ne lui man- quoit que d'être d'une Cafte plus noble. Ces deux hommes attirèrent bien-tôt ceux que la Tome/. HHh

4i4 CONQUESTES DES PORTUGAIS

XTiTâë" terreur avoir difperfe's. De forte que Mahmud

J- C- & le Prince Aladin, qui s'étoicnt campés fur le

^^ ' Fleuve Muar à huit lieues de la Ville , ne pu-

NI £L Roi. rent empêcher la delertion d une partie des m-

AiPHONSE gitifs, qui les avoientfuivis dans leur malheur,

D'AiBu- plutôt par la crainte d'une domination e'tranee-

Goi VER. j-e , que par affedlionpour leur perfonne. AinCi

la \ lUe commença a le peupler , ëc a redevenir

commerçante , comme auparavant.

En même tems que le Général portoit fes loix de police j pour mettre dans Malaca une nouvelle forme de Gouvernement , il ne né- gligeoit pas ce qui n'étoit pas moins néccfTai- re, qui étoit de conftruire une Citadelle pour fervir d'afyle aux Portugais, & de frein à une Ville qui eût pu aifément changer de maître. Il avoir défefperé , fur la relation que lui avoit faite Aravio , de trouver de la pierre propre à la bâtir. Mais il fut plus heureux qu'il ne pen- foit. Car ayant fait creufer aux pieds d'une mon- tagne , il y trouva plufieurs fépultures des an- ciens Rois toutes travaillées en Belle pierre de taille il y découvrit en même tems une efpece de pierre bonne à faire de la chaux. Content de cette double découverte , il n abandonna pas fon premier projet de faire un Fort de bois par provifion ;, & parce qu il devoir être pliâtôt fini» Mais le même jour qu il commença celui-ci, il jettales fondements de l'autre au pied delà montagne, & afin qu'elle ne le dominât pas;il fit

NEUR.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 417

élever le Donjon ou la Tour de l'hommage de a n n. de cinq e'tages. Il fît aufli bâtir une Eglife ious le J- C. nom de Notre-Dame de l'Annonciation , & un ^^^^'

^ , , . •' Don Emma»

Hôpital pour les malades. nuelRoi.

On travailla à tous ces ouvrages avec afTez aiphonse de diligence , parce que le Général voyant que ^-e'/ote les fiens ne pouvoient fuffire à ces travaux , y ^°'''^^' employa les Amh.irages , qui étoient une efpe- ce de menu peuple , qu'on appelloit les E/c/a~ ^es du Roi , & qui étoic entretenu aux frais de lEtat. Albuquerque les y engagea , Scpar dou- ceur & par force , recevant fort bien ceux qui fe préfèntoient d'eux-mêmes, & ayant porté un Edit rigoureux pour y contraindre les autres , afïignant une récompenie à quiconque repré- fenteroit un de ces fugitifs ce qui donna lieu à quelque déiordre, bien des perlonnes decon- dition libre ayant été dénoncées comme Ef- claves.

-Mahmud fe fortifioit de fon côté fur la ri- vière deMuarjquil barra pour couper che- min aux bateaux , qui auroient pu faire des courfes vers fon Camp. Il s étoit flatté d'abord qu'AIbuquerque fe contenteroit de piller la Ville , & d'en emporter toutes les richefTes dans llndoltan. Mais quand il vit les mefures qu il prenoit pour s'y établir, il voulut fe perfuader qu'il pourroit encore le chaffer avec les fecours qu'il attendoit ; d'autant mieux qu'il avoit nou.- VcUe que Laczamana ou l'Amiral de la Flotte,

HHhij

41§ CONQUESTES DES PORTUG AIS"

QJïRQUE Gol'VLR- NEUK,

^ N N. de ôcle Prince de l'Ifle de Linda Ton vaffal, s'e'toient

^•^- mis en chemin pour Malaca , & n'en e'coient

pas loin. Mais le Prince de Linda voyant la Vil-

DonEmma» i . r > t r

NUEL Roi. le prue s en retourna , & Laczamana ht jetter Alphonse quclqucs propofitions d'accommodemcnt à Albuquerque , qui les accepta. Llles n'eurenc pourtant aucun effet par la jaloufie même de ceux des Indiens , à qui le Ge'ne'ral avoit don- né fa confiance. Car appréhendant que cet A- miral, qui e'toit homme démérite, n'eût plus de condderation ôc de crédit qu eux auprès de lui , ils le firent avertir fous main , qu'on en> vouloit à fa vie, ce qui rompit la négociation». Cependant Albuquerque, à qui le trop grand voifinage de Mahmud & d'Aladin déplaifoit, réiolut de les débufquer de ce polte, avant qu'ils s'y fortifiaient de telle manière qu on ne pût plus les y forcer. Il donna cette eommiflioa aux d'Andrades , qui à la tête de quatre cens Portugais, defix cens laves, de trois cens Ma- lais du Royaume de Pegu , allèrent le furpren- dre fi brulquement , qu'il n'eut que le tems de . s'enfuir , laiflant prefque tous fes bagages , parmi leiquels fe trouvèrent fept Eléphants ri- chement enharnachés.

Tout étant bien plus tranquille à Malaca de- puis cette retraite,, Albuquerque y avoir bien plus de liberté pour pouiTer fes ouvrages, & pour y établir Tordre. Les loix qu'il porta, fon- dées fur l'équité 6c fur la juftice , furent reçues

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 419

îd'une manière d'autant plus agréable, qu'elles A n n. dg faifoient plus iencir le contratle du Gouvcr- ^ ' nement précèdent, qui avoïc ete violent & ty- ^

J^-.. ^ . , 11- 1 ^°^ Emma-

rannique. Mais ce qui acheva de lui gagner le nul roi. coeur du peuple, ce hit ce qu'il fie en battant Alphonse une nouvelle monnoye.Car en même tems que ci: er'^^'e fa politique lui faifoit porter l'Edit, quiinterdi- ^°uk7^ foit l'ufage de toute autre monnoye fous peine de mort , il fit faire cette proclamation avec une pompe & une libéralité , qui iembloit tenir de la profufion. Rien ne manquoit à la beauté da fpediacle , & dans toutes les rues paflfoit le cortège , Antoine de Sofa ôc le fils de fsjinache- tu répandoient cette monnoye d or ;, d argent & d'étain à pleines mains aux acclamations de tout le peuple empreflé à la ramafler.

La nouvelle de la priie de Malacas'étant ré- pandue en peu de tems , caufa un grand mou- vement dans toutes les Cours des Princes voi- . fiAS. Chacun y prit part félon fes différents in- térêts. Tous néanmoins par divers motifs de politique envoyèrent leurs AmbafTadeurs pour fe réjouir avec le Général de fi victoire , & faire alliance avec lui. Le Roi de Siam même , qu'il avoit prévenu , lui envoya faire compliment; fur ce qu'il lui avoit fait jultice d'un de fes fujets lebelles j &lui témoigna lajoye qu'il auroit de vivre en bonne intelligence avec la Couronne de Portugal. Albuquerque reçut tous ces Am- jbajOTadeurs avec éclat , ôc de grandes marques

HHh iij

450 CONQUESTES DEsPORTUGAIS

A N N. de de diflindion , ôc après les avoir expédiés , il j. c. envoya les fiens dans ces différences Cours j An- '^' * roine de Mirandad'Azevedo & Nicolas Coello

NUEtRo""*^ au Roi de Siam^Ruyd'Acugnaau Roi dePegU;

Alphonse & d autrcs , donc Ics noms ne font pas venus

X^tR^'n jufques à nous , aux Rois des Ifles de Jave de de

Gouv^HR. Sumatra.

L occaiion etoit trop belle pour manquer de faire reconnoîcre les Ifles de Banda, & les Molucques célèbres par la (ingularité duMacis, des Noix Mufcades & du Clou de gerofle, qu'on ne trouve nulle autre part, & dont elles fai- foient un grand commerce avec Malaca. Le Général y envoya trois Vaifleaux fous la con- duite d'Antoine d'Abreu, qu'il voulut recom- penfer par cette diftind:ion des fervices recens qu'il avoit rendus à la prife de Malaca.

Tandis que toutes choies tournoient (i fore à fouhait à Albuquerque, il couroit un rifque d'autant plus grande qu il tenoit dans fon (éin l'ennemi qui cherchoit à l'opprimer, & que cet ennemi étoit plus puiflant & plus couvert. L âge de quatre-vingt ans n'avoit rien ôté à la viva- cité de 1 ambition d Utemucis ■■, elle fembloit au contraire croître & allumer tout fon feu à mefure qu'il approclioit du tombeau, toute grandeur va s'anéantir. Cet homme , trop riche ôc trop accrédité pour un fujet , avoit toujours donné de la jaloufie à Mahmud, qui avoir rai^ fon de l'appréhender j car iln avoit jamais pçr-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 431

alphonse

d'Albi'-

CyKRQUE

du de vue le defTein de ie détrôner. Mais, com- a n n. de me il e'coic extre'memenc fourbe & pliant , il ^- *^- s'étoitfi bien accommodé au temSj&avoit tel- ^ lement ménagé fes intrigues , que fans rien î^Th.koI''''' précipiter , il lémbloit tout attendre des con- jondures. Il n'en pouvoit pas avoir de plus fa- vorables, que celle du fyftême d'un Roi depof- '^o^'^i fedé j fugitif, & d'un Gouvernement étranger & nouveau , dans lequel on lui avoit donné une fi grande autorité. .

Ses efpcrances s'étant donc réveillées plus vivement que jamais, il prefla d'une parties fecours qu'il attendoit de l'Ifle de Jave , 011 il avoit toujours eu des intelligences pourréiiflir dans fon projet, & de l'autre il noiia une nou- velle intrigue avec Aladin, Prince héréditaire de Malaca , qu'il voulut bien leurrer de l'efpoir du Trône. Albuquerque , qui connoiiToit ie cara- d:ere du perlonnage , avoit allez lieu de s'en défier d ailleurs. Car à mefure que cet homme vain crut approcher du terme , il devoit voir fes vœux couronnés , il devint infolent & moins docile : le peuple commença à fe plaindre de fes tyrannies, & le Général de fes rapines & de fon peu d'obéilTance. Mais le Général fut bien- tôt éclairci de tout le myftere des opérations fecrettes de cet homme intrigant par fes let- tres originales qu'il intercepta , &: qui furent iacaufe deia perte.

Il écoit qucftion de fe faifir de fa perfonne

jt CoNQUEsTEs DES Portugais

A N N. de & cela n'écoit pas aifé j le Général fe fervit pour J- ^' cela d'un artifice. Il y avoit dans la Ville un Per- fan, nommé Ibrahim , ami d'Utemutis , qui fou- NUEL^Rm.' l^'^iicoir paflTionnément un emploi qu'il lollici- Alphonse foit ^vec ardeur. Albuquerque fit Temblant de r.ALi'.u. vouloir le lui donner , mais il lui fit entendre GouvKR- en même tems qu il s etoit rait une loi de ne donner aucun pofte, (ans avoir pris les avis des principaux Officiers, ôc de tous les mem- bres du Confeil. Ibrahim , qui étoit afTuré des fufFrages,les eut bien-tôt rafîemblés dans la For- teréllé. Mais au lieu de traiter de cette affaire, le Général fit arrêter Utemutis, fon fils , Ton gendre & Ton neveu, & les ayant convaincus du crime de haute trahilon parleur propre Signa- ture , il leur fit faire leur procès dans les formes, êc les fit condamner à avoir la tête tranchée.

L'époufe d'Utemutis fit tout ce qu'elle put pour détourner ce coup , èc offrit au Général fept bahars d'or, s'il vouloir fe contenter de commuer leur peine en exil. Le Général , qui crut devoir faire un coup d'éclat dans cette oc- cafion, fut inflexible,& répondit que le Roi fon maître ne l'avoit pas revêtu de la charge, dont il l'avoit honoré , pour vendre la jullice. L exécu^ tion fe fit avec tout l'appareil qui pouvoit infpi- rer la terreur fur le même théâtre, qui avoit été dreffé par l'avis d'Utemutis pour le fomptueux banquet , l'on avoit projette d'aflafiiner Si- queïra de les fiens au milieu des délices delà ta- ble. L'exécution

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 455

L'exécution faite, l'emploi du coupable fut Ann. de donné à Patequitir, Jaye de nation comme lui, /* ^* mais que leurs richefTes , qui les rendoient con-

^ . h . / DonEmma*

currens&rivaux,avoientraits ennemis. Cetoit nuelRoi, un trait de politique dans le Général. Que ne alphonss peut pas une temme offenfée j' L'époufe d'U- ^ fr^cu'b temutis , outrée de la mort de Ton époux , s unit ^°; J^^" auili-tôt à Patequitir , lui offrit en mariage fa iîlle, qui lui avoit été autrefois refuiée , & lui affigna pour dot tout l'or qu'elle avoit voulu donner à Albuquerque, à condition qu'entrant dans fon refTentiment , il entreprendroit de la venger pleinement. Patequitir, qui n'avoit pas moins d ambition qu'Utemutis , promit tout, &: conçut d'autant plus facilement le defTeinde s'établir fur le Trône, que toutes les forces des Javes, jufques alors diviiées , fe rélinifToient en fa faveur. Il donna bien- tôt des preuves de fon, changement en mettant le feu fous quelque mauvais prétexte au quartier des Quittins ôc des Chatins , qui avoient porté des plaintes contre Uremutis. Albuquerque connut alors la faute qu'il avoit faite dans le choix de cet homme i mais pour des confiderations particu- lières , il n oia entreprendre de le dépouiller de fon office de Sabandar,& lui de fon côté, il n'ofa auill le déclarer trop ouvertement rebel- le , jugeant qu'il devoit attendre le départ du Gouverneur, qui ne pouvo;t être différé long- tems , à cauie du voifinage de la Mouçon. Ea Tome /, 1 1 i

434 CoNQUEsTEs DES Portugais

JT^TdT effet des qu'elle fut venue, il nomma Ruy de

J- C- Bricto Patalin pour Gouverneur de Malaca , ôc

^^^ ' Commandant dans tout ce diftrid: avec toute

NUE^LR^o'^r fon autorité. Ruy d'Aravio fut laifTe' en quali-

alphonse te' de fadeur , &: de Caftellan ou Gouverneur

^^er^c^'e cle la Citadelle i 6c Fernand Ferez d'Andrade,

Couver. ^ q^[ ^\ ^omia dix VaifTcaux , fut pourvu de la

charge d'Amiral de ces mers. Il fit amd plu-

fieurs autres Officiers fubalternes , après quoi

il mitàla voile pour retourner dans l'Indoifan^

au grand regret du peuple de Malaca , qui lui

fît de très-vives inilances pour le retenir encore

quelque tems.

Goa s'e'toit fentie de labfence du Général , ôc il s'en étoit peu fallu qu'elle ne retombât entre les mains de fes premiers maîtres. L'Idal- can foupiroit toujours après cette place qui étoit fon plus beau fleuron ; il épioit le moment du départ d'Albuquerque , fur l'éloignement duquelilparoiffoit compter. Mais, trop occu- pé à la guerre que lui faifoient fes voifms dans la profondeur des terres , il ne put tenter l'en- treprife en perfonne^, ôz fut obligé de la com- mettre à Pulatecan , à qui il donna trois mille hommes de troupes &c quelque Cavalerie. Mel- rao & Timoja avertis de ion arrivée, en raf. femblerent auiïi-tôt quatre mille & quarante chevaux qu'ils avoient pour garder les doiianes de terre ferme , & allèrent lui prefenter la bat- taille, Pulatecan l'accepta 6c fut battu. Ses trou-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 43^

pes mifcs d'abord en déroute , l'entraînoienc A n n. de maigre' lui dans leur fuite ; mais un Officier ^- ^• de l'arme'e de Melrao l'ayant (uivi trop impru-

P II- -1 ^°^ Emma*

demment & lans ordre , lui remit en main la nuelRoi. vidroire. Car cet Officier ayant e'té tué, Tes gens Alphonse fe diffiperent. Alors Pulatecan ayant rallié les ^^,^^478 fiens , vint fondre fur Merlao , qui ne penfmc ^°u^'^" à rien moins , goutoit tranquillement le pfaifir de l'avantage qu il venoit de remporter avec tant de gloire. Melrao défait à ion tour n ofa de honte retourner à Goa , & s'enfuit chez le Roi de Narfingue , ôc conduifit avec loi Timo- ja, après avoir obtenu un faufconduit pour lui. Mais le faufconduit ne fervit de rien à Timoja. Le Roi de Narfingue violant à fon égard les droits de fhofpitalité & de la foi publique , je ne fçais pour quel fujet , le fît affaffiner. Fin trifte pour cet homme , qui avoit fes défauts ; mais qui avec cela avoit bien du bon , de la va- leur , plufieurs belles adions par devers lui,& de grands fervices rendus aux Portugais. Mel- rao fut plus heureux , car dans ces circonfhan- ces la mort du Roi d Onor fon frère le déli- vrant d'un Compétiteur injufle , le Trône lui fut déféré fans concurrence , & il s'y com- porta toujours en allié fidelle de la Couronne de Portugal,

Pulatecan n'ayant plus d'ennemis en tête , s'avança jufques aux pas de Benaflarin ôc d'A- gacin. Il tenta inutilement de faire fbulever les

Ili i)

45^ ConquestEs des Portugais

ANN.de Indiens de llfle , qui demeurèrent fidelles , Se J- ^- donnèrent avis de tout à Roderic Rabelo , Gou-

I C I !•

verneur de Goa, afin qu il pourvût à la fureté NuïL Ror. de rifle en failant garder les pafTages. En effet Alphonse il y mit un ttès-bon Ordre , & ufa de beaucoup (iiiFR^c^uE de célérité'. Le Géne'ral ennemi ne s'en rebuta «îur^^' pas. Il efpera qu il en viendroit à bout comme la première fois , & y réùiTit. Car ayant fait fai- re quantité' de bateaux légers couverts de cuir^ êc choifi le tems d'une nuit obicure & pluvieu- fe , il donna fi bien le change aux Portugais par plufieurs feintes , qu'ayant diverti leur at- tention :, non-feulement il traverfa dans llfle fans être entendu , mais s'empara encore de deux Caravelles, & pafla au fil de l'épee ceux qui les gardoient.

Pour profiter enfuite du premier trouble que devoit caufer ion paflage , ôc attirer 1 en- nemi dans quelque pie'gCj il luborne un Indien, à q-ui il donna ordre d'aller à la Ville parler au Tanadar-comme de lui-mêmCjôi: lui donner avis que deux cens Maures étoient entre's dans llfle, i&etoientpofte'sau vieux Goa, il feroit facile <le les furprendre. Le Gouverneur brave, mais unpeu trop jeune, donnadans le panneau con- tre lefentiment de Coje-Qui, à qui l'avis parur fufped. Il envoyé d abord Fernand deFariaàla découverte; mais (ùivant enfuite l'impetuofité <le fa jcuneffe , il fort à h tête de quarante che- yaux , ôc de cinq cens Indiens. Tandis qu'il ga-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI, 437

gnelesdevants, le traître qui avoir donné le faux Ann. de avis, de'couvre la fourbe aux Indiens qui le fui- ^' ^' voient, leur dit le vrai nombre des ennemis, & ^"'

f- /- ..^ A , Don Emma*

elauve. Ceux-^ci s arrêtent, voyant que la par- NiELRor.

tie n'étoit pas égale. alphonss

d'Albu-

Rabelo découvrant de delTus une^bolline les q.,erq^ue ennemis qui étoient bien au nombre de quinze ^"'^'^^-

cens , & le voyant abandonné de les Indiens , fut étonné; mais fe ralTurant un peu: » Que « vous en femble , Meilleurs , dit-il , à fa petite " trouppc. Mal , répond Coje-Qui; mais quel- « que parti que vous préniez, je vous luis. «Les autres ne difant rien, de peur qu'on n attribuât à lâcheté le feul confeil lage qu'il y avoit à prendre, " Allons, leur dit Rabelo , on verra au- MJourd'hui ce que vaut le cœur de chacun de M nous. Cela me plaît, « dit Manuel d'Acugna aufli brave , mais aufïi téméraire que le Gou- verneur ; ôc lans autre préambule , ils fon- dent fur 1 ennemi avec tant de fureur , qu'ils le rompent , le culbutent , le mettent en fuite ^ & l'obligent à fe précipiter dans la rivière. Trois cens réitèrent fur la place , & il y en eut un plus grand nombre qui fe noya.

Des cinq cens Indiens de la fuite de Rabelo^ trois cens Canarins étoient retournés fur leurs pas ; les autres deux cens qui étoient Malaba- res avoient fuivi de loin , & arrivèrent allez à tems pour le mettre aux trouffes des fuyards. Tandis qu'Us les poulTent avec ardeur, on vient

I I i lij

NEUR,

438 CoNQUESTEs DES Portugais

J^TTâT avertir Rabelo qu'il y avoir quelques-uns des

J- C- ennemis retirés fur une hauteur entre des ma-

'^'^' zures. C'e'toit Pulatecan & quatre-vingt hom-

NUEL R^i."^' nies des plus braves de fa luire. Le Tanadar

Alphonse Coje-Qui le connut à Tes Enfeignes , & fît ce

ï^r'/c^'E 4^ 1^ P^^'^ pd^ir arrêter l'impetuodté du Gouver-

GouvER. neur , lui promettant qu'il les feroit entourer

NEUB.. J i 1 1 V 1 n '

par les gens , & percer de lom a coups de ne- ches , de manière qu'il ne s'en fauveroit pas un. Le confeil e'toit trop lage pour un jeune fou, que fon premier fuccès avoir aveugle'. Il y vole feulement avec quatorze chevaux, & faute dans l'enclos. Les ennemis le prennent en flanc des deux côtés, percent fon cheval quife ca- brant le renverie fous lui, à l'inflant il eft tué à coups de lances. Manuel d'Acugna qui l'a- voitfuivi eut lemême fort: les autres font re- pouilés avec vigueur , & prennent le parti de le retirer à la Ville , lans que les ennemis fe miffent en peine de les fuivre , contens de la mort de ces deux hommes , dont le courage trop bouillant avoit ravi aux leurs le fruit d'une fi belle vidoire,

François Pantoja devoit fucceder de droit à Rabelo dans fon pofte, & le confeil len preiïa; mais il le refufa,& prit Ade de fon refus. A fon défaut perfonne ne le méritoit mieux que Diego Mendez deVafconcellos. Il eft vrai qu'é- tant prifonnier d Etat , c'étoit une confidera*' lion qui devoit empêcher , qu'on ne jettât les

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 439

yeux fur lui. Néanmoins la néceflité fie pafTer A nn. de par defTus. On le lui offrit . & il l'accepta. Pan- ^- ^• toia voulut revenir, nt les proteltations,mais ^ ^

-' , i ' Don Emma-

on n y eut aucun e^a'rd. ^vn. roi.

Mendez en homme entendu s'appliqua tout Alphonse

■- ^ d'à t n m

aufîi-tôt à fe préparer à foutenir un (lége, dont il cv erq-'e craignoit les riiques, parce qu'on étoit à l'entrée nlI It^" de rîiyver , & qu'il n'avoit pour toute garnifon que (ix cens Malabares ou Canarins, qu'il avoit été obligé de recevoir dans la Ville , & deux cens Portugais , aufquels (e joignirent peu après ttente autres que conduifit François Peréïra Berredo , qui avec ce petit renfort fut reçu comme une Divinité.

Pendant ce tems-là Pulatecan qui avoit eu le loifir de fe remettre du dernier échec qu'il avoit eu, s'étoit rais enpolTeiTion du refte de rifle , & fe fortifîoit au pofte de Benaftarin, ou il fit une efpece de Citadelle félon les règles de l'art. De-là il infultoit fouvent la Ville étant maître de la campagne , 60 courant jufques à fes portes. Mais dans toutes fes couries il fut toujours battu ^ & contraint de fe retirer avec perte.

Ces pertes néanmoins étoient peu de chofe , èc il comptoit fi bien fe rendre maître de Goa, que s'aflurant dés-lors de s'en approprier la Souveraineté, il ne fit plus état des ordres de fon Prince, & ne daignoit pas même finflruire de ce qui fe pafToit. L'idalcan , à qui cette con^,

NEUR.

440 CoNQUEsTEs DES Portugais

A N N. de duite le rendit {ufpe(ft, réfoluc de le faire re- j. c. lever , & envoya pour cet effet Roftomocau ^^ ^ '' Arabe ou Turc d'orig^ine & de Religion , dont

Don Emma- 1 ,• . r 1 V' ■■ ' ^ 1 i

nuelRoi. le mente perionnel I avoit engage a lui don- Alphonse ncr fa fœur cn mariage. Roftomocan condui- Ji-^ÏÏi'E ^°''- ^^ mille hommes , & portoit un ordre à Goi VER. Pulatecan de lui remettre le Commandement des troupes. L'idalcan s'étoit perluadé que la confideration de la perfonne qu'il envoyoit adouciroit à Pulatecan le délagrément de fa revocation ^ mais celui-ci le prit au criminel j & refufi d'obéir. i

Roftomocan prit le parti de diilimuler , mais il envoya lous main un prifonnier Portugais qu'il avoitj àMendezpour lui dire de fa part. " Que tout ce que Pulatecan avoit fait il l'a- w voit fait fans ordre & contre la volonté de » l'idalcan, qui ne demandoit pas mieux que w de vivre en bonne amitié avec la Couronne «de Portugal, dont il vouloit le rendre tribu- » taire. Que s'il vouloit joindre fes troupes aux "fiennes pour l'aider à foumettre ce fujet re- " belle, il lui en auroit obligation, & le laiffe- « roit enfuite dans la polTellion paifible de Goa, ?' auquel il n'avoit plus rien à prétendre puifque »' les Portugais s'en étoient rendus les maîtres, Mendez fut la dupe d'une propofition (i flat, teufe. Les deux Généraux s'unirent avec fuccès. Pulatecan dépoiiillé le retira vers l'idalcan pour fe plaindre de cette trahifon , & lui demander

juftice;

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 441

juftice. Il la lui fît en lui faifanc donner du Ann. d& poifon. ^- ^*

Rollomocan venu à bouc de Tes fins , non feulement ne tint pas à Mendez la parole qu'il nuflRoi. lui avoit donne'e, mais il le fit fommer fur le Alphonse champ avec beaucoup de fierté d'évacuer la ^-er'c^ue place. Comme il n'eut d'autre réponfe que cel- neuT"^' le qu'il me'ritoit , il commença à la harceller avec bien plus d'ardeur que n' avoit fait fon prédecelfeur -, mais fon camp e'tant affez éloi- gne' , il fut affez maltraité dans les différentes courfes qu ilfit,parlesembufcadesque le Gou- verneur mit fur les diverfes routes qu'il tenoit. Dans toutes il eut toujours du pire , & les afïie- gez ne perdirent qu'une feule perfonne de con- sidération , qui fut le Tanadar Coje-Qui , dont ils reffentirent vivement la perte, à caufe de l'af- feélion qu'il avoit toujours eue pour les Por- tugais, à qui il avoit rendu de grands fervices ; qu il étoit homme de main, & étoit extrême- ment animé contre les Maures ennemis. Il fut bleffé dans une de ces forties d'un coup de feu, dont il mourut quelques jours après , n'ayant d'autre regret que de n'être pas mort fur le champ de bataille.

Les pluyes continuelles abattirent enfuite un grand pan des murs de la Ville , de manière ce- pendant que le mur étoit encore de la hauteur d'un homme. Heureufement ce fut la nuit. Ainfî on eut le tems de travailler à reparer la

Tome I. K K k

M£UR.

442. CONQUESTES DES PORTUGAIS

An N. de brèche. Rpftomocan , qui en fut averti par Tes

J-C. Découvreurs, Y vint iur le champ donner l'af-

^ * faut. Mais le combat ayant dure' tout le jour, il

Don Emma- r ^ n 1 ' -1 ' r « 1 1

NUEi Roi, y rut II mal mené, qu il n oia reparoure le len- alihonse demain. On en jugea du moins ainfipar le loi- J^ERaî'ii ^^ 4^^^ laifTa aux afliegés de fortifier ce pofte. GouvER- "Mais il parut la nuit fuivante que ce n'étoit qu'une feinte pour les endormir. En effet il fe préfenca à la brèche deux heures avant jour , ôc penfa s'en rendre maître par furprilè. Qua- tre nuits de fuite il fit la même cho{e , & fut toujours repoulTé , deforte que devenu plus re- fervé , il eut recours à un ftratagême pour lafTer les aiïiege's , & les épuifer de fatigues , (ans qu'il lui en coûtât rien. Il plaça un corps de troupes afTez près de la Ville avec ordre de faire joiier les trompettes pendant le tems deîanuit. Les afïiegès réveillés à ce bruit ètoient toujours alertes , & fouffroient beaucoup de la veille, de la pefanteur de leurs armes & des rigueurs de la faifon. Ils fe délivrèrent néanmoins de cette incommodité, & taillèrent le détache- ment en pièces.

Jufques les afliegèsavoientalTez peu fouf- fert de la part des ennemis : mais Roftomo- can s'étant faifi d'une hauteur qui dominoit la Ville, & y ayant placé une groffe coulevrine,le feu continuel de cette pièce qui portoit partout & fe pointoit à difcretion,non feulement fur les maifonSj mais fur les hommes même, fit

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.VI. 445

un très-grand dommage, & caufoit de gran- ann. de des inquie'cudes. La faim d'un autre côté fe fît J- C. fentir de manière qu'un petit fac de ris fe ven- ^ doit cmq ecus,& une poule une crulade. Les noelRoi. habitans ayant confumë leurs provifions , il ne alpho^e refta plus que celles des magafms,dont la diftri- l^^''^^^, butionfefaifoit avec beaucoup dereferve.&feu- gouver.

1 I NEUR.

lement à ceux qui portoient les armes, les autres ne vivant que du feul produit de leur pêche -, ce qui caufa bientôt une maladie populaire ;, qui ne fut pas un moindre fle'au que la faim. Ces miferes multipliées renverferent l'efprit de quelques foldats , qui comparant leur état préfent avec celui de Machiado, & des autres transfuges que les Princes de l'Inde , chez qui ils feretiroient, combloient de biens & d'hon- neurs , palîerent dans le camp ennemi, & ab- jurèrent leur Religion. Il y en eut peu d'abord qui donnèrent ce mauvais exemple j mais les amis qu'ils avoient laifTés dans la place travail- leirent (i bien, qu'il y en eut enfuite jufques à foixante-dix qui firent le complot de s'évader. D'autre part Machiado, dont l'état faifoit en- vie à ces miferables , tyrannifé par les remords de fa confcience , excité par un refte d'amour pour fa nation , & craignant peut-être d'être puni comme traître ( car il commençoit a être foupçonné ) meditoit dans fon cœur une retrai- te toute oppofée. C'étoit à lui que les trans- fuges étoient addreffés , & il les incorporoit

. KKk 1;

d'Albc-

Qll E R Q^ E

GOUVER

N£UR,

444 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de dans le corps qu'il commandoit. La difîimula-

J- C- tion dont il écoit contraint d'ufer , l'obligeoit

^ ' à leur faire bon vifaee & bon accueil -, mais

Don Emma-.i , . ^f . . . '-' ji i\ r

Nuii. Roi. il gemilioit niterieurement de leur apoltalie , Alphonse qui lui rcnouvelloit tous Ics rcgrets de la (len- ne. Il fut furtout extre'mement touché, quand il vit que cette gangrené gagnoit jufques à la Noblefle , & qu'il Içut le complot qu avoient fait ceux qui étoient encore dans la place. Il en fut péne'tré & effraye' , & la douleur qu'il en eut hâta l'exe'cution du delTein qu'il rouloit depuis quelque tems dans fa tête.

Il avoit eu deux enfans qu'il avoit baptifés en fecret. Il eût bien voulu pouvoir les enle- ver ; mais n'y voyant point de jour , & craignant qu'élevés dans le Mahometifme , ils n'euffent le malheur d'être damnés , une pieté mal enten- due le rendit parricide ; il les étouffa pendant la nuit, & après cet horrible meurtre qui pa- rut l'effet du hazard , il prit {on tems , & con- duifit avec foi les Portugais captifs & trans- fuges comme pour fe promener. Il les mena afTcz prés de Goa. leur ayant fait un dif^ cours vif &: patétique, qu'il accompagnoitd'un torrent de larmes , il les exhorta à le fuivre dans la Ville , à corriger leur faute pafTée par un repentir , dont il leur garantiffoitle par- don. Les transfuges daignèrent à peine l'écou- ter, & retournèrent fur leurs pas. Pour lui & les captifs ils fuivirentle projet qu'ils avoient pré-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 44;

médité. On vint les recevoir en proceiTion Se a n n. de avec toutes les demonftrations d'une joye par- ^•^• faite. La Ville fembla avoir reçu avec eux leur

falut. Et.dans le fond il eil certain que ce re- nuïi. ro *" tour , qui toucha tout le monde , ayant empê- Alphonse ché la defertion, empêcha aulîi la reddition de ^Vr^<^,"j la place , que cette delertion eût rendu iné- c°vver- vitable.

Roftomocan irrité de cette retraite de Ma- chiado n'en devint que plus ardent à preiTer le fiege. En effet pendant quelque tcms il ne donna de repos aux alTiegés ni jour ni nuit.Néan- moins dans une de ces efcarmouches le Gou- verneur forti à la tête de quatre-vingt chevaux, lui ayant défait deux cens chevaux Maures &c fcpt cens hommes d'infanterie qu il avoit mis dans une embufcade, il ménagea davan- tage fon monde , mettant fa confiance dans ce que devoit produire l'extrême famine la Ville étoit réduite. On y avoit déjà fouffert prefqu'autant qu'en aucun des ûeges les plus mémorables .dont il foit parlé dans l'hiltoire , quoique la Ville ne fût pas affiegée dans les formes, ôc l'on étoit en fituationdefouffrir bien davantage fans la gé- néreufe réfolution de François Peréïra Berre- do 3 qui entreprit malgré la faifon d'aller à Ba- ticala , chercher des vivres dans une Fulle. Et quoique le pofte de Cintacora par il devoit palier, fût gardé par des Fuftes ennemies , il

KKk lij

d'Albu

Gouver- neur.

44<S CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de fit un voyage (i heureux, qu'il revint chargé & C. accompagne' de vingt Paraos pleins de toutes ^^ * lortes de provifions. Quelque tems après Se- NiEL Rot. baltien Rodrigues ayant rait le même voyage AirHONSE avec le même fuccês, Goa eut de quoi fe fou- tenir jufques vers la fin de l'hyver. Fernand de Bejaj qu'Albuquerque avoir envoyé pour dé- molir le Fort de Socotora , arriva enluite dès l'entrée de la belle (aifon. Peu après lui arrivè- rent encore Jean Serran & Pelage Sala qui ve- noient de l'Ifle de Madagafcar. Ils furent fui- vis de près par Manuel de la Cerda , qui y me- na les fix Vaiffeaux qu'Albuquerque lui avoic laifTés pour faire la courfe fur la Côte deMa- labar,& par Chriftophe de Britto qui étoit parti cette année 1 5 1 1 . dans l'efcadre de Don Gar- cie de Norogna. Il n'y eut pas jufques à Mélic Jaz toujours politique , qui voulant fe faire un mérite d'y avoir donné du fecours , y envoya deux Vaifieaux qui achevèrent d'y apporter l'abondance.

Roftomocan ne fe rebuta pas à l'arrivée de ces fecours j mais ayant été bien battu en di- verfes rencontres, il ne penfa plus qu'àfecon- ferver dans le pofte de Benaftarin, dont il fît la meilleure place qu'eut l'Idalcan. néan- moins plutôt afTiegé qu'afïiegeant , Goa fe trouva entièrement délivrée de toute crainte de fa part , après avoir fait beaucoup d'hon- neur à ceux qui l'a défendirent,particulierement

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 447

a Mendez j qui y eût acquis encore plus de ANN.de gloire fans les fautes que lui fît faire 1 envie ^' '^ qu'il eut de fe venger d'Albuquerque , & de ., renverferce qu'il avoit établi. niel roi.

Ce Ge'ne'ral , que nous avons laifTe' fur nier Alphonse partant deMalaca, {eulement avec cinq Vaif- çn.ERc^t.g féaux & un Jonc , fît un des plus malheureux ^^uZ^'^' voyages qu on puifTe faire , & ne s'en (auva que par un miracle de fa bonne fortune. Car rangeant la Côte de Sumatra &; fe trouvant par le travers du Royaume d'Auru , il fe .vit ac- cueilli d'une des plus violentes tempêtes qu'on éprouve dans ces mers. Il e'toit nuit. Tous les vents e'toient déchaîne's : le Ciel e'clattoit en foudres & en tonnerres , & la mer e'toit haute comme les Monts. Comme il étoit prés des terres il arriva pour chercher un afy le &c mouil- la. Mais les vagues étoient fi fortes, qu il chafTa fur fes anchres, ôc alla donner fur une bature ou le VaifTeau'F/^^r de la. Mer qu'il montoit , célèbre par fes voyages & fes expéditions , mais extrêmement vieux & demi pourri , fe cou- pa en deux par la moitié, & fur le champ tout le coié de la prouié fut englouti dans les flots. Le côté de la poupe refta affable & mangé par les coups de mer. Tandis que les uns font ab« forbés par les vagues, & que les autres faififl fent la première chofe qui fe p refente à eux, Albuquerque luttant contre les flots ne trouva qu'une petite enfant d'une de fes efclaves , il

•A N N. de J.C. 1511.

DoM Emma- nuel Roi.

Alphonse d'Albu-

QJJERCjnE

Gouver- neur.

448 CONQUESTES DES PORTUGAIS

1 embrafTa avec compailïon, puifque Dieufem- bloit la lui envoyer pour être Ton refuge^ en mettant lui-même l'efperance de fon propre lalut dans l'innocence de cet âge tendre. Pierre d'AIpoëm , qui commandant le Vaiflcau U Trinité , avoit moiiillé auprès d'Albuquerque, averti de fon naufrage par les clameurs qu'il entendit malgré le fifflement des vents , mit aufTi-tôt fa Chaloupe à la mer , & fauva le Gé- ne'ral. Les autres qui e'toient reftés au Château de Poupe furent aufli fauves , & par quelques radeaux qu'ils firent , & par le {ècours qu'on leur donna, lorfque le jour fut venu & que la mer fut tombée. Du refte on ne put rien (au- ver des grandes richeffes que ce VaifTeau por- toit. On y avoit embarqué le quint du Roi , & tous les effets du Général, qui regretta cepen- dant plus que tout l'or & les bijoux de la car- gaifon , deux Lions de bronze qu il avoit de- lîinez pour fa fepulture , & le bracelet du fa- meux Sabandar de Malaca , dans lequel on avoit remarqué une fi grande vertu pour étancher le fang , & dont il vouloit faire préfent au Roi.

Ce ne fut pas le feul malheur de cette funefle avanture. Les Javes qui étoient en grand nom- bre dans le Jonc , s'étant féparés par forage du Vaiifeau de George Nugnés qui le veilloit , fe révoltèrent contre le Capitaine Simon Mar- tinez , le tuèrent avec les autres Portugais à

l'exception

\

11

I

r'

/

H.

•\

l^A

îropit

Pietie

'3U k

r(|ue,

•■

i(\yl

r

s, mit

eGe-

hàteau

e(|ues

(juon

(jiieh

ii(aii-

MomoiiPU

1-1

NEUR.

448 CONQUESTES DES PORTUGAIS

.A N N. de l'embrafTa aveccompafTion, puifque Dieufem- J-<^' bloit la lui envoyer pour être Ton refuge ^ en. ^^ ' mettant lui-même l'efperance de fon propre N HEL roi'" ialut dans l'innocence de cet âge tendre. Pierre Alphonse d'AIpoëm , qui Commandant le VaifTeau U ^'v^KQvz Trinité y avoit moiiille' auprès d'Albuquerque, GouvER- averti de fon naufrage par les clameurs qu'il entendit malgré le fifflement des vents , mit auili-tôt fa Chaloupe à la mer , &: fauva le Ge'- ne'ral. Les autres qui e'toient reftés au Château de Poupe furent auHi fauve's , 6c par quelques radeaux qu'ils firent , ôc par le fècours qu'on leur donna, lorfque le jour fut venu & que la mer fut tombée. Du refte on ne put rien fau- ver des grandes richeffes que ce VaifTeau por- toit. On y avoit embarqué le quint du Roi , & tous les effets du Général, qui regretta cepen- dant plus que tout l'or & les bijoux de la car- gaifon , deux Lions de bronze qu il avoit dc- liinez pour fa fepulture , & le bracelet du fa- meux Sabandar de Malaca , dans lequel on avoit remarqué une fi grande vertu pour étancher le fang , & dont il vouloit faire préfent au Roi.

Ce ne fut pas le feul malheur de cette funefte avanture. Les Javes qui étoient en grand nom- bre dans le Jonc , s'étant féparés par forage du VaiiTeau de George Nugnés qui le veilloit, fe révoltèrent contre le Capitaine Simon Mar- tinez , le tuèrent avec les autres Portugais à

l'exception

Mt<l>lt'cl)L4,'

Q:iU<

Ocorjje cù^ la. JVfiiic

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 449

l'exception de quatre, qui s'e'tant jette's dans Ann. de Tefquif ie fauverent à terre , & furent recueillis ^' ^' parle Roi de Pacen , qui les traita fort bien , ^^

■*■ , r- . , .^ NI/-' Don Emma-

pour S en raire un mente auprès duGouverneur. nuel roi. Les calmes ayant fuccede' à la tempête. Al- alphonsb buquerque fe vit dans un nouveau danger de l^^'i^^^ périr de faim &c de foif. Deux Vaiffeaux qu'il gouver- prit, chemin railant, portèrent remède a 1 un & à l'autre. L'un de ces Vaifleaux qu'il avoir don- né à Simon d'Andrade, pour l'amariner avec quelques gens de fon équipage , lui joiia un nouveau tour. Car comme d'Andrade ne put prendre hauteur , il fut obligé de fe confier au Patron qui fit la route des Maldives. les Indiens du Vaiffeau s'étant révoltés contre d'Andrade & fes gens , les dépoiiillerent , & leur firent toutes fortes d'infultes. Ils n'oferent pourtant leur ôter la vie, de peur qu'on ne s'en vengeât fur le Capitaine du VaifTeau qui fer- voit d'otage fur celui du Général. Ils les en- voyèrent enfuite à Cochin , le Général ar»- riva de fon côté fur la fin de Février.

On l'y reçut avec d'autant plus de joye, que iju, fur le premier bruit de fon naufrage on l'y avoit pleuré comme mort. Si l'allegreffe pu- blique lui fut fenfible , fa joye fut un peu tem- pérée par la douleur qu'il eut des malverfa- dons èc des tyrannies de ceux qu'il avoit laiiïés dans le Gouvernement. Ces hommes iniques , dont les mains étoient pleines de rapines , vo- Xowe /, LLl

GOUVER-

MEUR.

'450 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de loient eflfrontément, & avec fi peu de pudeur ,

J-^- qu'ils avoient exile' Simon Rangel, uniquement

à caule de la liberté' avec laquelle il reprenoit

nuelRoi. la publicité' & le fcandalè de leurs extorfions.

AiraoNSE Exil qui fut caufe d'un nouveau malheur pour

^^e'r.Î.Ûe l'^i > car il fut fait efclave par les Maures , ôc conduit à Aden. L'équité d'Albuqucrque fuc vivement piquée de ce trait. Il en eût fait bon- ne julHce ; mais fon confeil ne layant pas jugé à propos , il fe contenta d'en informer la Cour. Il eut de quoi fe confbler un peu par les nou- velles qu'il reçut des fecours qui lui venoienc de Portugal , & par le plaifir qu'il eut de re- voir les Portugais qui avoient été faits prifon- niers dans le VaifTeau qui périt fur la Côte de Cambaïe.

Dès l'année précédente le Roi, pour le con- foler de la perte de fes deux neveux Don Al- phonfe & Don Antoine de Norogna , avoit fait partir Don Garcie leur frère à la tête d'un ef- cadre de fix VaifTeaux. Don Garcie eut un voya- ge très- difgracieux, il s'accofta de trop près des terres du Brefili & s'étant enfuite trop éle- vé au-deifus du Cap de Bonne-Efperance vers le Pôle Auftral , il éprouva des froids au/ïi vifs que ceux qu'on fent dans les voyages du Nord ëc trouva les jours fi courts , qu ils étoieni obli- gés de confondre en une même heure leur dî- ner ôc leurfouperj (ainfi ledifent tous les Au- teurs. ) Il mit enfuite fept mois entiers à fe rendre

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. VI. 451

à Mozambique, il hyverna. Les VailTeaux ANN.de de Chriitophle de Britto 6c d'Arias de Gama , ^■^' frère de l'Amirante, qui écoient de l'efcadre de ^

T-k /^ /^ /^ DonEmma-

Don Garcie,nrent au contraire un voyage li nuel roi. prompt, qu'ils furent de retour en Portugal, Alphonse au(ïi-tôc que Garcie dans les Indes. ^Ir^'e

Cependant Noroîrna avant trouvé en che- gouver- min quelques Vailleaux , & donne avis a la Cour des lenteurs de fa marche , le Roi qui craignoit toujours les apprêts du Caliphe , fît partir douze Vaifleaux divife's en deux efcadres commandées par George de Mello Pereira, & Garcie de Sofa, qui avoient fous eux de très-bons Officiers,, par- mi lefquels étoient George d Albuquerque , Pierre ionlîls,&: Vincent, tous trois proches parents du Général. Ces Flottes étant arrivées en même tems cette même année , furent d autant plus agréablement reçues , qu elles portoient un renfort de plus de deux mille hommes.

Pour ce qui eft des prifonniers de Cambaïe , ils furent délivrés d'une manière finguliere, & qui mérite d'être rapportée. Le Roi de Cam- baïe, quoique ligué fecrettement avec le Ca- liphe & ennemi mortel des Portugais dans le fond du cœur , avoit toujours traité ces prilon- niers avec grande diftindion par le conféil de Mélic Jaz & de Mélic Gupin , tous deux rivaux & concurrens , mais tous deux fort accrédités guprés de fa perfbnne , & pafTionnés également

L L 1 i j

GOUVER

mas.

451 CONQUESTES DES PORTUGAI?

Ann. de pour fe faire un appui des Portugais dans le

j. c. befoin. Comme ces prifonniers pouvoient leur 1511. r V ^1 , ^ . . .,

lervir a entrer en quelque nep;ociation , ils en

NUEL Roi. uloient lort bien a leur égard , & leur don- alphonse noient toutes les facilités pour traiter de leur ^'!r^'e rançon. Albuquerque fouhaita ardemment leur délivrance , tandis qu'il ignora le fort de fon neveu Don Alphonfe , qui étoit fur le VaifTeau échoiié -, mais quand il l'eut appris , quoique ces deux Miniftres du Roi de Cambaïc & les pri- fonniers conjointement lui euffent écrit , il ne fe preffa plus tant, je ne (çais par quel motif ,, de traiter de leur rachapt. Une fut pas moins froid fur cet article avec un AmbafTadcur qui lui vint de la Cour de Cambaïe , d'autant mieux qu'il fçavoir que les prifonniers étoient bien. Cependant ceux-ci s'ennuyant de leur état^lc Père de Lauriere Francifcain, ce digne Miflion- naire dont nous avons déjà parlé , preffa le Roi de le laiifer partir pour Cochin, afin d'y aller traiter lui-même de cette affaire. Le Roi lui ayant demandé quelle affûrance il luidonnoic de fon retour, il détache fon cordon, & le lui met en main , comme le gage le plus afTûré de fa foi. Ayant obtenu l'agrément de ce Prince fur cela leul , ri fe rendit à Cochin. Albuquer- que en étoit parti, & ceux qui avoient le ti- mon dans (on abfehce , étoient trop intéreifés & trop peu affeilionnés au bien public , pour «tre touchés de l'état de leurs Concitoyens , de

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VI. 45

NEUR.

forte que ne voyant aucun jour pour rélifTir, il Ann. de retourna comme il étoic venu. Le Roi fut fi ^- ^• frappe de cette £delite' ^ & conçut une (i haute

../■'■i, J-r-J 1 Don Emma-

idée d une nation qui produiioit des hommes nuel roi. capables de ces acfles de vertu , qu'il les ren- Alphonse voya tous fans rançon. ^ur^iÊ

Dés le moment de fon arrive'e à Cochin , le ^^"J^'*' Gouverneur avoit appris tout ce qui s'étoit paffé à Goa, les chofes étoient encore dans î'e'tat nous les avons laiffées. Il y envoya d'abord des provifions de guerre & de bou- che. Il releva Mendez,àla place duquel il mit Manuel de la Cerda. Il fît Manuel de Sofa Gou- verneur de la Citadelle^ & Fernand de Beja Ge'- ne'ral de l'armée de mer que la Cerda com« mandoit. Il fit partir auffi pour Malaca François de Mello , Martin Guedez, & George de Britto^, avec un renfort de cent quarante perfonnes , quantité' de munitions de guerre & de bouche , des Charpentiers de Navires y Se tout ce qui etoit néceffaire pour mettre en merfix Galercs_, qu'il deftinoit à garder les détroits deSabanôu de Sincapour. Il eût bien fouhaité fe tranfpor- rer lui-même à Goa^, fa préfence étoit né- ceffaire -, mais ceux qui y commandoient lui faifant faire attention au peu de forces qu'il avoit alors j le prièrent de fufpendre fonvoya- c;e jufques à l'arrivée des fecours qui venoient de Portugal , dont on avoit déjà nouvelle. Cette propofitionlui ayant paru jufte ôc rai*

LLl hj

d'Albu-

QjIERqUE

GouvtR-

NïUR.

4J4 COi^TQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de fonnable, il rufpendic en effet pendant quelque

J- ^' tems Ion voyage , 6c s'appliqua cependant à

' " reformer les abus qui s'e'toient gliiïes pendant

Don Emma- ^ , r- ^ ,f . r \ i ir

nuelRoi. Ion abience. Ceneroit pas leulement les chers Alphonse du Gouvemement qui avoient pre'variqué dans leuradminiftration,le defordre avoit pafTé des Grands au peuple j & il y avoit une corruption de moeurs fi ge'nérale & fi peu meiurée , que les vices des Portugais faifoient horreur aux Ma- hometans & aux Idolâtres: de forte que ces hom- mes , qui e'toient paffe's dans l'Inde , plutôt dans l'ide'e de la conquérir à Jeius-Chrilt , que de la foumettre au domaine de leur Souverain , e'toient la Croix des MifTionnaires , &"le plus 2;rand des obftacles à l'établifTement de la foi , parle contrafte affreux de leurs exemples &de leurs ad:ions,avec les maximes faintes de la mo- rale de l'Evangile. Albuquerque fut touché de ces excès, il travailla de (on mieux a y porter remède 5 & le moyen le plus efficace ce fut que de concert avec le Roi de Cocliin , il fépara les quartiers des Malabares & des Portugais, avec défenfe fous peine de mort de pafTer des uns aux autres j ce qui arrêta pendant quelque tems la licence, & ne (ervit pas peu à la converfion des Gentils.

Malacane fe fentit pas moins del'abfencedu. Général,queravoit {aitGoa.Mahmud & Aladin pofte's à II lie de Bintan , Lacfimana leur Ami- ral qui gardoit la rivierre de Muar , &: Pate^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 455

qiiitir fe concertoienc enfemble pour lui faire a n n. de une vive guerre ,_ clans l'ciperance de s'enren- ^- '^• dre les maîtres. Les Indiens amis des Portu- ^^^*

I '> r ^ ' n 1 Don Emma-

gais , & les Portugais eux-mêmes le dehanc de nieiRoi. . leur petit nombj-e,apprehendoient tout de l'u- Alphonse nion de ces ennemis , dont chacun pris fépa- ^uIr^c^.e re'menc n'e'toit pas à mépriier. Patequitir né- ^°^''^"" toit pas forti de la peuplade d'Upi, il fai- foit la demeure avec les Javes , depuis qu'il avoit eu la hardiefTe de brûler le quartier des Quitins&desChatins. Il s'y étoit fortifie' d'une double enceinte , dont la féconde e'toit faite du pre'cieux bois de fandal. Il avoit aufïi fes Vaiiïeaux , avec lefquels il faifoic des courfes ^ ôc donnoit beaucoup d'inquiétude à la Ville.

Britto a\«oit tait un retranchement depuis la Ville , jufques à la pointe de la ForterelTe , avec laquelle il faiioit comme une efpece de Baftion, à l'angle duquel il plaça le corps d'un gros Vaif- feau qui en commandoit les deux faces. Pate- quitir prenant le tems d'une nuit obfcure, en- leva le Vailfeau par la négligence du Capitai- ne ^ qui y fut tué avec tout ion mondera l'ex- ception d un maître canonier , que le vido- rieux épargna pour lui faire fervir une grofTe pièce d'artillerie qu'il y prit.

Il étoit de conféquence de ne pas laifTer joiiirlong-tems Patequitir d'un fuccès, qui lui enflant le courage abbatoit extrêmement celui des Indiens alliez , qui n avoient déjà donné

45^ CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de que trop de marques de leur de'fiance , en |>re- J- ^' nanc le deiiil au départ d'AIbuqaerque. Ainfi il fur reToIu d'aller dès le lendemain l'attaquer NUEL Roi. dans (on Fort. Alplionfe Perfonne conduifit par Alphonse terre le long du rivage les Malabares & les Ma- l^A^^E l^ys 3 Toutenus de quelques arquebufiers Por- GouvER- tugais. Fernand Perez d'Andrade^ qui comman- doit le parti , e'toit à la tête du refte dans les ba- teaux. Alphonfe Perfonne arriva un peu tard , à caufe qu'il fut arrêté à un gué. Botello d'une part avec vingt Portugais feulement, & Fer- nand Perez de l'autre attaquèrent le Fort , ôc forcèrent les barricades des deux enceintes. J-e plus grand danger fut dans le dedans de la place , ils trouvèrent quatre cens hommes en armes & trois Eléphants , fur chacun def- quels il y avoit une tour ôc plufieurs archers. Botello plus expofé que les autres eut le pre- mier eftort à foutenir avec fa petite troupe. Il ne fe déconcerta pas, & donna ordre à fes gens de vifer à tuer le Pafteur du premier Eléphant^ qui étoit une femelle beaucoup plus petite que les autres. Le Pafteur étant tombé percé de coups jl'Elephant pretale côté , & fur le champ il reçut un coup d'arquebuze dans le cœur, dont il ne pouffa qu'un cri , & tomba roide mort. Fernand Perez étant arrivé dans le mo- ment par le côté oppofé , les ennemis troublés ne penferent qu'à gagner les bois, on ne le fouçia pas de les fuivre. On trouva dans le Forjt

ranc

DANS LE NOUVEAU MoNDE. LiV. VI. 457

tant de richefTes & furtout tant d'épiceries , ANN.de que les vainqueurs ne pouvant s'en charger , J-C. furent oblige's d'inviter les gens deMalaca de ^^'^* venir prendre part au butin ; après quoi on mit nuel^ro".*' le feu à tout ce qui refta. Botello le diftingua alphonss beaucoup danscette adion : mais celui qui eut "A'^bu- le plus grand honneur de cette journée, ce fut gouver. fans contredit le maître canonier , que Pate- quitir avoit pris dans le Vaifleau qu il avoir en- levé. Car ayant riiieux aimé périr que fervir le canon contre les fiens ;, Patequitir lui fît cou- per la tête fur la culafTe du même canon , qu'on trouva encore arrolé de fon (ang tout fraîche- ment répandu quand on le reprit.

La fuperllition empêcha Patequitir de re- venir dans un endroit , le fort des armes lui ^ avoit été fi contraire. Il fe tranfporta une lieue plus haut , & s'y fortifia encore mieux qu'il n'a- voit fait dans le premier pofte. On ne tarda pas à l'y aller attaquer , pour profiter de l'ardeur que donne la vidloire aux vainqueurs, & de l'effroi qu'elle infpire aux vaincus. Les deux enceintes furent encore forcées avec beaucoup de valeur comme la première fois j mais com- me le terrain étoit un pays noyé , & les eaux étoient ménagées par artifice , les Portugais ne pouvant pas s'en tirer aufli habilement que les indiens , à caufc de la pélanteur de leurs armes, Perez fit (onner la retraite pour regagner les bateaux. Celui d' Aravio trop chargé de monde

Tome L MMm

M£UR.

4j8 CONQUESTES DES PORTUGAIS

^ j^ N. de s'afTablajôc fut furie champ le théâtre d'un grand J- c. combat. Ferez le fit fecourir ; mais Aravio y fut '^'^' tué avec Chriftophle Pacheco èc Antoine d A- Nu^L RoT.^" zeveao Capitaine d'une Caravelle. Fernand Pe- AiPHONSE rez , Pierre de.Faria,&; plufieurs autres y fu- d-aleu- j.çj^j. blcffes . avantage qui faifant pafTer tout GouvER. (i'un coup la victoire d'une main dans lautre, releva le courage des ennemis, & humilia beau- coup les Portugais.

Peu de jours après , ils eurent occafion de fe dédommacrer fur la Flotte ennemie. Laczama- na qui lacommandoit, étoit un bon Officier ; mais donnant plus à la prudence qu'à la valeur, il évitoit d'en venir à une adion , le contentoit de molefter les Portugais , & de leur couper Iqs fecours ôc les vivres. Cependant Mahmud preffé par Patequitir , & encouragé par fon der- nier fuccès, envoya ordreàfonAmiraldefe join- dre aux Flottes du Roi d'Arguin ôc d'un autre Prince fes alliez , & de fe montrer dans les dé- troits de Saban & de Sincapour , & vers l'em- bouchure de la rivière de Muar. Ferez averti par ics Découvreurs qu'il étoit en ce dernier en- droit , alla auili-tôt l'y chercher pour lui don- ner bataille. Laczamana apperçut le premier la Flotte Portugaife , lorfque le VailTeau de Bo- tello qui faifoit lavant. garde , commença à doubler un Cap qui cachoit toute la (lenne. Bien loin de lui courir fus, il s'enfonça davan- tage dans l'ance que faifoit le Cap , pour le

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 459

laifTer paffer, &le couper enfuite. Bocello s'ap- a n n. Je perçut de fondeffein, ôc ne laiiïa pas de paffer J- C. outre , dans la vue de l'enfermer , & de lui ^^^l^'

' ^ 111 DonEmma-

barrer le chemin. En eftet quand la Flotte Por- nul roi. tugaife le fut développée , Laczamana ne pen- aiphonse fa plus qu'à fe mettre à couvert ; & afin d'em- clerc^.s pêcheries VailTeaux ennemis d'aller jufques à neÙI.'"^" lui, il fit devant foi une eftacade de VailTeaux ôc de ballons qu'il fit percer par le fond, afin que l'eau les remplilTant , ils fufient plus diffi- ciles à forcer. L artillerie commença à joiier enfuite de part & d'autre très-vivement , avec la différence ordinaire, que celle des ennemis étoit plus nombreufe , ôc celle des Portugais plus efficace ôc mieux fervie ; mais les premiers îup^éerent à leur défavantage , par la multi- tude des flèches qu'on tiroit même de deffus le rivage , & dont les Portugais étoient fort in« commodes.

Nonoblfant cela néanmoins ceux-ci gagnè- rent les bateaux à melure que le Jufant les dé- couvrit, fautant de lun à l'autre. Il y eut un fanglant combat. Les Javes s'y dill:inguerent,& s'avancèrent jufques à combattre à coups de fabre. Ils lâchèrent pied pourtant à la fin, & les Portu£;aisne pouvant emmener les bateaux, y mirent le feu, qui n'y fit pas un grand dom- mage.

La nuit ayant féparé les combattans, Perez d'Andrade ne fut attentif qu'à veiller fon en-

MMm ij

MIUR.

'460 CONQUESTES DES PORTUGAIS

yv N N. de nemij afin qu'il ne lui échappât point pendant J-^- les ténèbres. Mais Laczamana ayant tiré fes '^^^' Vaifîèaux à fec , fit faire au-devant un retran- NUEL Roi. chement de terre , lur lequelii établit une bon- alphonse ne batterie. Cela fut fait avec tant de promp- X^xT^z titude &: de filence , qu'il fe trouva fini à la Couver, pointe du jouT. Lcs Portugais l'avoient fi peu entendu, qu'ils étoient dans le doute s'il n'a- voit pas délogé. De forte que le matin j quand Perez vit ce retranchement , &: qu'il entendit les fanfares des ennemis , il fut dans la derniè- re furprifcj &ne put s'empêcher d'adrairer leur Général, qui en cette occafion lui parut grand Capitaine. Et n'ayant pas aiîez de monde pour bazarder de faire la defcente , il fe retira laif- fant à ce Général, quoique vaincu, plus de 'gloi- re , qu'il n'en avoit eu à le vaincre.

La guerre qu'on faifoit à Malaca en ayant éloigné les étrangers, la difette y caufa une fa- mine , & enfuite des maladies , qui faifant tom- ber les armes des mains aux deux partis, les obligèrent à faire une efpece de trêve , fans en être convenus. Le mal duroit & augmentoit. Perez futcontraint d'aller en courfe pour avoir des vivres. Il tomba fur un Jonc qu'il prit après un vigoureux combat. Cela penfa être la caufe de fa perte. Il s'étoit contenté de défarmer les prifonniers , & leur laiflfoit la liberté d'aller partout fur fon Vaiffeau , il en avoit fait paf- fer une partie. Les prifonniers avoient con-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 461

I

fervé chacun un cric fous leurs habits , &: for- A n n. de merenc le deflein de s'emparer du Vaiffeau. Le ^' ^'

I C I î.

Capitaine dévoie donner le fip;nal , il prie le tems que Ferez etoit couche lur ion ht la- n-^el roi. prés midi pour dormir , oc comme il fe tour- Alphonse noir , il lui donna un coup par derrière. Les ^ er^c^'e autres commençoient à vouloir joUer des cou- ^^u ''^^' teaux 3 mais les Portugais furent fi leftes, que le Capitaine n'eut pas le tems de redoubler : il fut faifi j les autres tués , ou pris , ou fe jette- rent à la mer. Ferez fît donner la queftion au Capitaine , qui avoiia que le Jonc étoit à Fate- quitir, & que le fils même de Fatequitir étoic adluellement dans le VaifTeau.

Comme le Jonc n'étoit plein que de vivres, & que le Capitaine déclara encore trois autres Joncs qu'on prit fans coup ferir, lallegreflefut d'autant plus grande dans Malaca , que les ha- bitans y trouvoient le double avantage de leur bien propre & du mal de leur ennemi , à qui lès Joncs appartenoient , & qui mouroic de faim. Mais le fils de Fatequitir fut fi mal gardé, qu'il fe fauva.

La Ville fut enfuite un peu plus foulagée , non feulement par les prifes que Ferez conti- nua de faire ^ mais encore par larrivée des fe- cours qu'Albuquerque envoyoiCjpar celle de Gomez d Acugna, qui ayant fait alliance avec le Roi de Pegu , avoir conduit quelques Joncs pleins de vivres ^ & en avoir obtenu la liberté

M M m iij

MSUR.

462, CoNQUESTEs DES Portugais

^ j, fj. de de pouvoir en aller charger dans Tes Etats. An- J- ^- toine d'Abreu revint auffi pour lors des Mo- ^^^ ' lucques,& Antoine de Miranda de Siam,où

Don Emma- 1 -4 / ^ 1 i> /■ ■- i 1 r

i^ullRoi. le General lavoïc envoyé , & ou il avoit ete

Alphonse très-bicn tCÇU.

%^^kI^% Réjoiiis par ces nouveaux fecours d'hom- GouvER- jYies & de munitions, les Portug-ais le re'folu- rent à aller viliter derechef: Patequitir dans fes retranchements , perluade's qu'ils en au- roient meilleur marché, à caufe de l'état ils {çavoient que la faim 1 avoit réduit. En effet cette fois-ci il fut totalement défait , ies re- tranchements forcés j partie de fes Eléphants tués ou pris , fes gens taillés en pièces ou mis en fuite, & lui tellement déconcerté, que défeipe- rantde l'état de fes affaires, il s'embarqua avec fa famille pour regagner l'Ifle de Jave : mais il le fît avec tant de lecret, qu'il y avoit trois jours qu'il étoit parti , avant qu on en eût l'avis à Malaca. Et quoique Fernand Perez le guétât , & le poufuivit vivement enfuite, il luiéchap^ pa,& fe mit en fureté.

La défaite de Patequitir défola Mahmud, qui fe trouvoit abandonné, ô'r privé d'un ap- pui fur lequel il avoit beaucoup compté, mais elle fut un coup de partie pour les Portugais. Car en m»ême tems qu'ils fe virent délivrés de cet ennemi , il leur en tomba un autre furies bras,qui les eût probablement détruits , s'il eût joindre fes forces avec celles de Patequitir,

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 465

avec qui il entretenoit de fecrecces intelligen, a n n. de ces, & quinecefloïc de hâter fon déparc de la ^- ^• grande Jave^ il faïf oie les pre'paracifs. '^'^'

Les deux Illes de Jave font du nombre de Su^AT" celles que les Portugais nomment de la Sonde, aiphonss La Grande , dont il eft ici queftion , n'eft fc'pa- ^'^'■^'■'- rée de celle de Sumatra , que par un petit dé- gouvîr^ troit qui donne ce nom générique de la Sonde à toutes ces lies. Elle à environ deux cens lieues de long fur cinquante de large , & court l'Ell: - & Oucil. Elle eft comme coupée dans fa lon- gueur par une longue chaîne de montagnes , ainfi que l'Italie l'ell: par les Apennins ; mais (i hautes, que les habitans qu'elle fépare dans Tes deux bords , n'ont aucune communication. D'ailleurs elle eft très-fertile en toutes fortes de choies néceffaires à la vie , fur- tout en épi- ceries & en aromates, dont il s'y fait un grand commerce. S'il eft vrai que les naturels du pays font originaires de la Chine , ainfi au'on le leur fait dire , il faut qu'il y'ait long-tems que fe foie faite leur tranfmigration. Ces Inlulaires font en même tems polis & braves jufques à la férocité,, extrêmement vindicatifs , & comptant la m.ort pour rien quand ils ont entrepris de fe venger. A Texception de quelques-uns des plus notables, qui portent des Tuniques de loye & de coton, ils vont nuds , & ne cachent que ce que la pu- deur oblige de voiler. Ils razent le devant de leur tête & friient le refte. Ils ne la couvrent

tiEUR.

464 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de jamais , & regarderoient comme un affront des J-^- plus infignes qu'on ofât y toucher de la main. Ils aiment la guerre & la chaffe , à laquelle ils NuîL^Ro*' traînent leurs femmes & leurs enfans dans des Alphonse Cliars dorc's. Lc Tcxc , qui n'y eft pas défagréa- dalbu- ble, travaille bien à plufieurs ouvrages. Les GonvïR- hommes y font auiïi três-induftrieux, & font fur-tout habiles dans les ouvrages de fer & de fonte. Originairement ils étoient Idolâtres, Se ceux qui habitent dans le cœur du Pays le fonc encore. Ceux qui font aux bords de mer, ohc embraflé la loi de Mahomet en s'alliant aux Maures qui s'y font e'tablis comme par. tout ailleurs. Au tems dont nous parlons, il y avoit neuf Rois dans l'Ille , mais qui avoient une au- torité fort limite'e lur la nation , laquelle fe gouvernoic proprement par le conieil des Anciens.

Pate'-Onus, quieftlennemi dont je vais par^ ler,n etoit pas Roi, mais il s'étoit fouleve' con- tre fon légitime Souverain , & il étoit affez puif- fant pour s'en faire craindre , ou même pour Je détrôner dans la fuite. Il paroifToit avoir dref. ion plan pour s'établir furies ruines deMah- niud Roi de Malaca , par les intelligences qu'il avoit avec Utemutis, & il y avoit fept ans qu'il s'y préparoit avec un fecret impénétrable par rapport à les vues. Apres que les Portugais fe furent rendus maîtres de cetteVille,il n'en con- çut qu'une plus haute efperance de s'en emparer.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 465

Sa Flotte étoit , dit-on , de près de trois cens An n. de voiles de toutes efpeces, parmi lefquelles il y ^ avoit plufieurs Joncs de erand port. Celui qu'il ^

r , o i 71 DonEmma-

montoit, etoit un prodige par ia hauteur & par nuelRoi. fon e'paifTeur. Lahune des VaifTeaux Portugais alphonss n'alloit qu'au niveau de Ton Château de poupe a.FR(^i.E Il e'toit (i fort de bois , que fes pre'cinces & ies t^^^'^^^' plats bords , qui étoient de (ept doubles ma- iHqués d'un ciment inféré entre les uns & les autres , étoient à l'épreuve du canon &c ren- voyoient le boulet.

Cette Flotte ne partit du port de Japaraque l'année fuivanteij 13. Dés qu elle eut paiTéledé- troitde la Sonde, Ruy de Britto en eut aulîi-tôt avis par fes Découvreurs. La. nouvelle en fît quel- que imprelïion dans Malaca fur les Portugais même. Car, outre qu'ils fçavoient que les Javes font gens déterminés & belliqueux , ils n'igno- roient pas qu'ils font encore dangereux dans les combats de mer, par desftratagêmes qu'ils em- ployent pour dernière reifource. Siqueïra & Al- buquerque les avoient éprouvés , &en avoient été étonnés. Le premier même y penfa périr.Car quand ils iont pris à 1 abordage,ils ont un feu ar- tificiel qui ne confirme point j mais qui effraye ceux qui n'y font pas faits. Ils ont outre cela l'in- duftrie de percer leurs Vaiffeaux, en forte qu'ils fe rempliffent d'eau fans gâter les marchandi- fès , oc expolent cependant ceux , qui s'en font rendus maîtres à fe noyer. Néanmoins le GoUr

Tome L N N n

466 CoNQUESTEs DES Portugais

ANN.de verneurde Malaca fans s'éconiicr envoya Fer-

J- ^- nand Ferez d'Andrade avec (es VaiiTeaux pour

ipj*. tenir cette Flotte à vue, & fe difpofaà aller la

Don Emma- Combattre. Pcrez revint fans avoir rien vu, parce

NUEL Roi . quç 1^ Flotte ennemie étoit entrée du détroit de

Alphonse Saban dans un autre que forment quelques Illcs

«u'ERCiiiH voinnes; mais a Ion retour il la vit le develo-

«uîT'^' per devant la Ville , le nombre de fes Vaif-

leaux ne lailla pas d'augmenter la terreur.

On vit cependant une noble émulation en- tre les Chefs pour en venir à une action. Il y eut même des paroles trés-fortes entre Britto & Ferez, parce que le premier vouloir comman- der la Flotte, &C les chofes furent poulTées d a- bord fi loin, que Britto mit Ferez aux arrêts. Mais ce premier feu étant palîé , il fe repen- tic, le délivra, lui fît excufe , ôc celui-ci fa- crifîant fes reffentiments au bien public , tout fe mit en mouvement pour aller à l'ennemi. La Flotte Fortugaife n'étoit que de dix fept Vaif- feaux, foutenus d'un autre petite Flotte toute compofée de bâtimens du pays , que comman- doit Ninachetu, qui avoit quinze cens Malais fous fes ordres.

Le jour fuivant au lever du Soleil , les deux Flottes appareillèrent, celle des ennemis pour entrer dans le port, & celle des Portugais pour gngner le large. Botello qui étoit à l'avant-gar- de, & qui avoit un bon voilier, gouverna fur la capitane,qui fe diftinguoit affez par fa maffe. Il

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 467

fut d'abord inverti par quinze petits bâtimens, a NN.de aufquels il ne daigna pas feulement faire at- ^' ^• tention. Pierre de Faria le fui vit dans fa Ga- 15 13" 1ère avec la même ardeur. Léurdefléin e'toit don emma^ d'aller à l'abordage. Mais quand ils confidere- nuelRoi. rent de près fon excefîive hauteur , ils s'e'car- ^''/"°^^" terent pour canoner.Xe canon n'y faifant rien, 'yjERQoe

.1 ^ r 1- T- GOUVER-

ils revinrent le mettre en ligne, loute cette neur, journe'e fe pafTa en elcarmouches. Les ennemis n'avoient pas envie de combattre au largc,& vi- ferent à entrer dans le portjComme ils firent fur le loir, fans qu'on pût les en empêcher. Ils cf- peroient par leurs intelligences caufer quel- que mouvement dans la Ville , & la faire de'cla- rer en leur faveur. Les Portugais au contraire avoient envie de tenir le large, mais ils changè- rent de penfée, de peur d'être envelope's , & fe rangèrent aufli dans le port aflez près du rivage. On dormit affez peu dans les deux Flottes. De part Se d'autre les Chefs tinrent conleil , la divifion s'alluma plus qu'auparavant entre les Portugais. Britto & ceux de fon parti chan- geant d avis vouloient éviter le combat , & en- voyer demander du (ecours dans 1 Indoftan. Ils verbalilerent , de l'adte fut fignifié à Ferez , qui en Ht peu de cas , verbalifa de fon côté , &: ré- folu de donner la bataille, le mit à pic fur fes anchres , tandis que le Gouverneur fit travail- ler au pont , & à la tête de la grande rue pour fe mettre en défenfe. A la fin pourtant les Offi-

NNn ij

468 CoNQUESTES DES Portugais

^ i^ N. de ciers* fe réunirent en faveur de Ferez , & firent

j. c. prier le Gouverneur de fe tenir dans la Cita-

jYij. délie j afin de ne pas mettre en rifque fa per-

DoN Emma- ^oi^nc , d'oû dépendoit le falut de la place , en

MUïLRor. cas d'un mauvais luccès.

Alphonse D'auttc part quclqucs-uns des plus cond- «yiRQjE derables de la Ville palTerent fur le bord de «suR^" Pate-Onus , à qui ils contèrent la défaite & la fuite de Patequitir , ce qui le mit de très-mau- vaiie humeur. Mais comme c'étoit un mal fms remède , il fallut délibérer fur le parti qu'il y avoit à prendre. On lui confeilla d'éviter la ba- taille, dont le fuccés étoit au moins incertain avec les Portugais accoutumés à vaincre. Paté- Onus fe rendit à cet avis, &c voulut defccndre à terre j mais la crainte que fes Javes ne pillaiTent amis & ennemiSjfit qu'on s'oppofa à ce projet, & qu'on lui confeilla d'aller fe joindre àLaczamana à la rivière de Muar, dans fefperance qu'a- giffantde concert , & veillant feulement à fer- mer les paffages , ils fe rendroient maîtres de la place, en coupant les fecours & les vivres.

Cet avis , qui étoit le plus fage ôc le plus fur, ayant prévalu , Pate-Onus appareilla -, mais afin de cacher fa manœuvre, il fit faire un Ci grand bruit de trompettes & de fanfares, que Perez ne put jamais le preffentir , & crut qu'une par- tie de fes troupes avoit débarqué , lorique le jour fuivant lui découvrit fa retraite. Ce. pendant comme il étoit encore à la vue , il ne

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VI. 469

deTefpera point de 1 atteindre , & ayant fur le Ann. de champ de'rerle' fa mifaine & levé fon anchre , ^•^' tous les autres en firent autant , & eurent bien- i /l'jV tôt joint, quoique l'ennemi, qui le vit appa- don emma. reiller , mît toutes fes voiles dehors pour mieux ^'■'^'- ^°'- fuir. Les Portugais animés par une retraite fi ^,""°nse honteufe & (i peu attendue, commencèrent à «yER^yE

r \ I 1 GouvER-

rau-e jouer leur canon, & jetter des grenades neur. & des pots à feu avec tant d'ardeur & de fuc- cés, qu'on ne voyoit de tous cotez que bâti- ments brûler, couler à fond, voler en éclats, &; ennemis qui fe jettoient à la mer , les Por- tugais deicendus dans leurs Chaloupes fe laf- foient aies affommer. Perez craignant que. les munitions ne lui manquaiïent, dépêcha pour en demander à Britto , qui les lui envoya, & fît décharger l'artillerie de la Citadelle, pouran- noncer à la Ville une vidloire qui étoit déjà en bon train ; mais que les habitans différemment affeélionnés n'avoient oie efperer , ou ne se- tôient pas avifés de craindre.

Le combat ayant duré jufques à midi , Pâte- Onus étourdi de 1 effet de 1 artillerie Portueai- fe , dont les boulets & les éclats avoient fiit quelque défordre fur fon tillac , fit fignal à quatre Joncs des plus forts de fa Flotte de le ve- nir accoller. Le Seigneur de Polimbam , fon pa- rent & fon Vice-Amiral , eut ordre de fe met- tre au-devant de lui avec un autre Jonc, & de faire ferrer tous ceux qui n'étoient pas encore

NNn lij

15 li Don Emma

GoUVER MUR

470 CoNQUESTEs DES Portugais

_A N N. de" hors de combat tout au tour deux. Cela fut fait. J- ^- Mais ce fut aufli le plus mauvais parti qu'il put prendre. Car e'tant ainfi (erre's , les Portugais ne perdoient pas un feul coup , & les éclats fai- NUEL Roi. f^j^j- encore plus d'effet que les boulets , la mer Alphonse ejolt toute couvertc dc débris ou de VailTeaux Qi'ERQ..E brûlants, toute temte de lang , & remplie de mourants & de morts.

Perez avoit donné ordre qu'on combattit toujours de loin fans aller à 1 abordage ; mais la raifon des ordres changeant quelquefois fé- lon les circonftances , ces circonllances mê- me obligent malgré qu'on en ait , à pafTerpar- deffus ces ordres. Ainfi Martin Guedez fut le premier qui fe voyant à portée d'un Jonc , ar- riva pour l'aborder, le prit & y mit le feu. Jean Lopez d'Alvin en fit autant à un autre. Perez ayant renforcé fonVaiffcau de monde qu'il prit dans quelques autres bâtiments, abordaleVice- Amiral de l'armée ennemie par le flanc,de con- cert avec François de Mello qui l'accrocha par la proiie.Le neveu duVice-Amiral jeune homme déterminé , voyant le péril de fon oncle , joint le Vaifleau de Perez en l'élongeant , y paffe comme fur un pont fans s'arrêter , & comba- tant comme un defefperé , prend l'avantage. Perez, Simon Alphonie Bifagudo font bleflés. Ils étoient mal menés fans Botelio^qui ayant AulTi abordé , vola à leur fecours. Nonobftant cela ils eurent encore beaucoup à faire , & ce

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VI. 47 I

ne fur qu'après un combar des plus opiniârres, A n n. de ces cinq VaifTeaux reftanr roûjours accroche's , ^- ^-" que les Porrugais fe rendu-enc mairres des deux 1^1',^' Joncs , aufquels ils rairenr le feu , n'y rellanr don emma- plus perlonne pour les défendre. nuelRoi.

Les aurres Capitaines de la Flotte Portugaife da\"°-'^ Eiifoient chacun des merveilles de leur côté , ^^îR<i:'s

I GOUVER-

aufli-bien que Tiian Mahamet , qui combat- n£ur. toit en leur faveur dans un Jonc qui lui appar- tenoit , & Nmachetu qui conduiloit la petite Flotte Malavoife.

Apres quePerez fe fut rendu maître des deux Joncs , il fe mit à donner la chalTe à Pate-Onus, & le pourfuivit jufques au loir coupant (es hauts bancs ôc fa mâture, n'y ayant rien de iain que le corps de fon VailTeau ,011 le canon ne pou- voitmordre. L'image du combat étoit toujours affreufe. Elle le devint davantage , parce que le^iel fe mit de la partie. Il fe chargea tout-à- coup , ôc redoubla l'horreur de l'artillerie , en y mêlant fes foudres , les tonneres «Se les ténèbres de la nuit. Alors chacun commença à penfer à foi. Les deux Flottes furent difperfées &c con- fondues , perfbnne ne fçachant ou il étoit. Les gros VailTeaux coururent le plus de rilque j car comme on étoit près des terres , ils furent obligés de mouiller à deux brafTes d'eau.

Le lendemain après l'orage , Botello & Tiian Mahamet écartés du relie de toute leur Flotte^ fe trouvèrent auprès du Jonc de Pâte - Onus y

47.1 CoNQUESTES DES Portugais ANN.de & de deux autres. Le voifinage ayant rallumé ^" ^' l'ardeur du combat , ils le battirent avec fu- 151}. reur, jufques à ce que la poudre leur manqua. Don Emma- Alors Botcllo rcvint à Malaca pour prendre de NUEL Roi. nouvelles munirions & renouer la partie. Dans d'a'^l""-'^ le tems qu'il s'y portoit de nouveau , il trouva Qi.ER<ïi.E Perez aux Ifles appelléeslcs Iflcs aux VaiflTeaux.

GOUVER- ,,, I -^l/- r -KJ

NEUR. Il 1 exhorta en vain aie luivre, car les Navires étoient extrêmement maltraite's , prefque tout {on monde bleilé & accablé de la fatigue du jour ôi de la nuit précédente. Botello ne laiffa pas de fuiyre fa pointe , mais inutilement. Pate-Onus avoit déjà gagné le large pour aller , non pas à la rivière de Miiar , lelon le premier projet ^ mais à l'Ide de Jave , il arriva bleffé lui-mê- me , après avoir perdu plus de huit mille hom- mes, prefque tous fes joncs, qui étoient au nom- bre de foixante , & la plus grande partie de Ces petits bâtiments. Pour ce qui e(t du Jonc ql'il avoit monté, il le fît tirera terre & conferver dans un Arlenal fait exprés, pour éternifer la mémoire de cette journée , l'honneur qu'il avoit eu en allant chercher les Portugais ., & fon bonheur à échapper de leurs mains.

Au retour de Botello , toute la Flotte rentra dans Malaca aux acclamations du peuple, qui applaudit à une fi belle viéloire. Et après en avoir rendu à Dieu, de folemnellcs aélions de grâces , Fernand Perez qui avoit fini fon tems, partit pour l'Indoliaiî avec Antoine d'Abreu ,

Vaz

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 475

Vaz Fernandez Coutinho & Lopez d Azevedo, an n. de laifTanc le Commandement de la mer à Jean \- ^• Lopez d'Alvin , qui en avoir eu les providons l'^i^. du Gouverneur. donEmma-

Les nouvelles dune Flotte du Caliphe , qu'on ''"'■ ^°'- difoit avec affectation être fortie de la mer ^a^bT/^ Rouge , èc entrée dans le Golphe Arabique ^^''"'^"^^ pour venir re'prendre Goa fur les inftances neur. de ridalcan, donnoient de l'inquiétude à Ai- buquerque ^ qui prefTé d'un autre côté par les ordres de la Cour de fe mettre en devoir de prévenir cette Flotte, pouvoit fe faire quelque reproche fur la lenteur ,& craindre, que Tes en- nemis fecrets ne s'en prévalufTent. Ainfi ayant pourvu aux affaires les plus preiTées , & recules renforts qui lui étoient venus,il fe mit en mer le 1 3C. Septembre 1511. avec feize VaiiTeauXjauf- quels fe dévoient joindre quatre autres qu il de- voir prendre à Goa. Mais ayant eu fur la route des avis plus (ûrs des projets du Caliphe, dont la Flotte n'étoit pas encore en état , & qui , avant toutes chofes,vouloit{e rendre maître d'Aden, pour l'être des Gorges de la mer Rouge, il chan- gea tout à coup de peniée, & s'arrêta à Goa , dé- terminé à n'en point partir, qu'il n'eut chaffé Rofbomocan du pofte de Benaltariij.

11 fut reçu avec les mêmes honneurs qu'on eût rendu au Roi en perlonne, & avec les dc- monftrations de tendrcffe & de reconnoiffan- ce , que la Ville lui devoit , comme à (onfon-

Tome I. ' O O o

474 CONQUESTES DES PORTUGAIS

^jj N. de dateur&àfonliberateur.L'ennemijqu'ellcavoic

J- ^' dans (on voifinage , ne la preflbit plus comme

j , I ^\ auparavant , mais lui laifToic tout à craindre. Il

Don Emma- ^voit fait dc Bcnaflarin une place de guerre

nuelRoi. jçg mieux entendues pour ces tems-là. Il l'a-

ali'honse voit entourée de boulevards & de fortes murail-

«ii'ERCM'i les terraflées en dedans juiques aux créneaux ,

N°i'R.^^* à l'exception d'un feul endroit , le mur, fort

par lui-même, n avoit pas beioinde ce fecours,

à caufe d'un marais qui le garantilToit , & iur

lequel il tenoit un nombre de bateaux arme's.

Il y avoit neuf mille hommes de garnilon -, il ne

manquoit de munitions de guerre ni de bouche,

& le bruit couroit que Tldalcan lui envoyoit

encore une armée de vingt mille hommes.

Le Gouverneur ayant pris connoiflance de l'état des choies, entreprit d'en faire le fiege dans les formes par mer &c par terre, Recom- mença d'abord par le côté de l'eau. C'étoit le plus difficile. L'ennemi avoit barré les pafTages en deux endroits par de fortes eftacades , qui pccupoient tout le lit de la rivière. D ailleurs ces pafTages étoicnt fi étroits , qu'ils étoient expoiés à tout le feu des remparts. La difficul- té ne l'arrêta pas. Il fit armer fix bâtiments fi herifTés d'q^'tillerie , qu'ils paroifloient avoir plus de fer que de bois , & fit faire au-deflus des ponts , des appentis en l'air, pour y mettre les travailleurs à couvert -, ôc comme ces appen- tis les faiioient un peu pancher d'un côté , il

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 475

les mit en e'quilibre par des futailles qui fai- Ann. de foient le contrepoids. Lorfqu'ils furent prêts , ^■^' il en envoya deux par le côté dupas fec , &: ip/. les quatres autres par le vieux Goa. donEmma-

Les Vaifleaux arrive's à leur pofte, les efta- ^lei-Roi. cades arrachées & enlevées , ce fut le fort Alphonse du danger. Les ennemis faifoient un feu conti- querqui nuel &c terrible. Ilsavoient une batterie à fleur neur. d'eau qui ne portoit pas un faux coup. Une grofTe coulevrine en particulier fervie par un renégat, les défoloit plus que tout le relie. Al- buquerque,qui dans un camr fe portoit partout le beioin étoit plus prefTant, fut tout couvert de la cervelle & du fans; d un malheureux , qu'elle écrafaà fes côtés. Le Vaifleau quecom- mandoit Arias de Sylva ayant mal gouverné & touché , le canon des ennemis le maltraita fi fort, qu'ayant mis le feu à trois barils de pou- dre , il en fît fauter en l'air une partie, & mit une telle épouvante dans 1 équipage , que tous, à l'exception de Sylva , fe jetterent à l'eau. Mais ils furent fi honteux de voir le Gouverneur dans fon efquif accourir au plus fort du pé- ril, qu'animés plus encore par fon intrépidité, que par les reproches qu'il leur fit d'avoir ainfi abandonné leur Capitaine , ils regagnèrent tous le bord.

La couleuvrine donnant trop d'inquiétude à Albuqucrque , il propofa cent cruzades de récompenle , à qui pourroit la démonter. Son

OOo ij

476 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de maîcre canonier en vint à bout , il mit le bou?-

J- C- let droit dans la bouche du canon , dont les

I jj' e'clats tuèrent le renégat & deux aides quil

Don Emma- ^.voit. Mais Ic fcu de rennemi fut fi fréquent

Ni'iL Roi. toute cette première journe'e , qu'il ne put ja-

AiPHoNSE niais l'exécuter que le lendemain. Les ennemis

<y'ERq:.E tirèrent aulli une Ii grande quantité de flèches ,

NïUR.''^' que les VaifTeaux en étoient couverts & he-

riffe's comme une Forêt. Cependant l'artillerie

des VaifTeaux ayant beaucoup endommagé les

batteries des ennemis, leur feu ferallentit. On

fe rendit alors maître des pafTages , & , ce qui

étoit plus important , on coupa les vivres & les

fecours aux afîiegez du côté du continent.

On n'avoit encore rien entrepris du côté de la terre , quand une avanture penla rendre les Portugais maîtres de la place en un feul coup de main. Ce fut un vendredi jour de fête chez les Mufulmans. Roftomocan forti.ce jour-là à la tête de deux cens cinquante chevaux , ôc d'un nombre beaucoup plus conhderable de gens de pied, s'avança jufques à mi-chemin de Goa. Albuquerque étoit allé reconnoître quel- que poll:e,& ayant découvert tout ce monde, il fut dans le doute, s il n'y avoit point quel- que embûche , fi les ennemis n'avoient point eu intention de faire quelque bravade , pour faire voir qu'ils craignoient peu les Por- tugais. Cependant une des gardes avancées, ayant donné l'alarme à la Ville , on fonna le

4EUR.

DANS LE NOUVEAuMONDE. LiV. VI. 477

tocfin, & furie champ fans attendre l'ordre du a n n. de Gouverneur , les Officiers firent fortir les trou- J- C. pes par pelotons juiques au nombre de deux /^/."' mille hommes .fans compter les Malabares & ,. r-

,, ^,- ri Don Emma'-

les Cenarins. Roitomocan le voyant iuivi, bâtit ^^i'" Roi. en retraite , èc rentra dans fa place ; mais {es alphonsb gens qui fe virent chaudement harcele's, ayant <îiterq."£ fermé les portes , ceux qui reftoient dehors , ^«"^^R^- furent obligés de fe difperfer autour des murs, d'où on leur jetta des cordes pour les aider à fe fauver ; d'autres fe noyèrent ou furent tués.

Les Portugais arrivés au pied de la muraille ^ & animés par l'ardeur de la pourfuite, entre* prirent d'elcalader parles mêmes endroits^ s'ai- dant de leurs lances le mieux qu'ils pouvoient. Comme ceux qui arrivèrent des premiers é- toient des gens de dill:ind:ion ôc des plus grands Officiers , l'émulation les piqua encore davan- tage. Don Pedro Mafcareiias & Lopez Vaz de Sampaioou de faint Pelage, fe dillinguerenc entre les autres. La refiftance vigoureufe des ennemis qui accoururent àladéfenfede leurs murs, ne rallentit point leur ardeur, non plus que la mort de Diego Correa, de George Nu- gnés de Léon & de Martin de Mello, ni le nom- bre de leurs bleflés. Mais Albuquerque qui étoit monté à cheval, &: arriva à propos , voyant que la partie n étoit pas égale , fit fonner Lx retraite ^ ôc tout tranfporté de joye , fut em-

OOo iij

478 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de brafler Mafcarenas & le baifaau front, foit que J'^- par cette diltindion il le voulut recompenler" j^^ij'. de ce qu'étant nommé par la Cour Gouver- donEmma- ïieur de Cochin , il refufa d'en prendre pofTef- NUEL Ror. {^Qj^ pour avoir l'honneur de Te trouver au(iege Alphonse ^q BenaftarinXoit Qu'il voulut par difpofer le Qi'ERiiUE monde à fouffrir de le voir transféré au Gou- NEUR. " vernement de Goa qu'il lui delfinoit. Mais cet- te dilf indlion , qui fit bien des jaloux , mit le Gouverneur dans la néceflité de (c juftifier con- tre la vivacité des uns , & de faire femblant de ne point entendre les mauvaifes plailanteries des autres.

Il fallut donc en venir à un fiege réglé qui fut commencé deux jours après. L armée étoic compolée de trois mille Portugais de fort belles troupes. Une fortie que fit l'ennemi iur le quar- tier de Manuel de SofaTavares , Garcie de Norogna étoit mal mené , fans Mafcarenas qui conduifit un nouveau renfort, obligea le Gé- néral à faire des lignes de circonvallation. Les ennemis fe défendoient en braves gens, mais les batteries des afiicgeans ayant commencé à faire brèche , Roftomocan qui appréhenda d'ê- tre pris d'affaut , fit battre la chamade , & arbo- ra le Pavillon blanc.

Les articles de la capitulation furent fignés un peu contre le gré des Officiers,qui vouloient emporter la place d aflaut. Les conditions fu- rent que les ennemis fortiroient leurs biens ôc

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 479

leurs perfonnes fauves , abandonnant au vain- A n n. queur l'artillerie , les munitions de guerre , les ^ ' ^ ^

queur i artillerie , les munitions ae guerre , ics ; ^ ^^ Vailleaux qu ilsavoient dans 1 Ille , les chevaux 15 13. & les renégats. Ce dernier article cauia quelque do>j emm a- conteftation. Albuquerque leur promit la vie, '''^'' ^°'' & Roftomocan par Icrupule de Religion fortit daTb"^"' auparavant de la place , afin qu'il ne fût pas ^'^^^^^^ dit qu'il les avoit livrés. La place étant éva- j^e^r- cuée, le vainqueur y entra. Alors parut le fe- cours envoyé par l'idalcan , 5c commandé par Çufolarin. C'étoit un peu trop tard. Il s'en re- tourna comme il étoit venu.

Albuquerque tint parole aux transfuges. Il ne leur ôta pas la vie ; mais voulant en faire un exemple de terreur pire que la mort même , après les avoir expofés aux infultes de la popu- lace, il leurfit couper le nez, les oreilles, la main droite & le pouce de la main gauche , & les renvoya pnfonniers en Portugal, pour y don- ner un fpeclacle aflreux de la peine qu'avojt nierité leur apoftafie. L'un d'eux , homme de qualité ne pouvant fouftrir la vue de la patrie qu'il avoit reniée , obtint par grâce qu on le jettât dans l'iHe fainte Hélène alors deierte. On l'y laiffa avec quelques Nègres , & de quoi faire une habitation. Il y fit pénitence de Ces péchez, & repara la honte qu'il avoit faite à fon nom & à fa nation , en défrichant cette Ifle qui a été depuis d'une très-grande utilité aux Naviga- teurs de ces voyages de long cours.

480 CONQUESTES DES PORTUGAIS

'a n n. de Le Roi Don Manuel par confideration pour J-^' le Gouverneur, lui avoir envoyé Don Garcie V^ I j . de Norogna fon neveu , & l'avoir fait Général Don Emma- ^^ ^^ ^'^^^ dcs Indes , afin qu'cn cette qualité nuelroi. j} p{j[ ^iclei- fon oncle avec autorité, & fup- AiPHONSE pleer à bien des chofes qu'il ne pouvoir faire

d'Alb"- r A r A 11 1 c

QjtRQj^^E par lui-même. Amli Albuquerque que les at- neur!^ FairesretenoientàGoa, l'envoya à Cochinpour expédier les VaifTeaux de charge, qui dévoient partir cette année 1511. pour le Royaume, ôc lui donna ordre en même rems de faire croi- fer fur la Côte de Calicut, pour empêcher les VaifTeaux Maures d'y entrer , d'en (ortir. Il fit aufli partir Garcie de Sofa pour croifer fur laCôre de Dabul, avec ordre d'envoyer à Goa tous les Navires qui feroient chargés de che- vaux de Perfe, fans leur permettre d'aller ail- leurs, leur faifant déclarer par la même voye, qu'ils (croient déchargés d'une partie des droits qu'ils payoient auparavant pour ce commerce. Cette manœuvre réiiflit aufli-bien qu'il eût pil le defirer des deux côtés. Le Zamorin de- puis long-tems étoit ennuyé de la guerre , qui lui avoir attiré malheurs fur malheurs. Ses al- liés, ou lavoient mal fervi , ou lavoient aban- donné. Son commerce étoit entièrement morr. Ses conciarrents & fes rivaux avoient profité de fes dépouilles, en fe fortifiant de l'alliance des Portugais. Les Portugais eux mêmes étoient devenus fi puilïans depuis la prife de Goa & de

Malaca ,

NSE

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 481

Malaca , qu'ils étoicnt en quelque forte les mai- a n n. de très de 1 Inde , de manière que ce Prince ne ^' ^' voyant aucun jour pour fortir de l'embarras 1 j i j'. il s'e'toit plonge, que celui de la foumiflion, donEmma- il donna commillion au Prince Naubeadarin ^^^'■^°^' d'entrer en pourparler, èc de conclure la paix ^^^^^^^l à quelque prix que ce pût être. Celui-ci écri- autRouE

V GoUVER-»

vit a Don Garcie de Norogna, s'offrit pour neur, être médiateur entre le Zamorin & lui, & s'en- gagea à faire conlentir fon oncle à donner un emplacement pour une Citadelle.

D'autre part, Goa devint plus florifTànt que jamais. La diminution des droits d'entre'e & de fortie attiroit les commerçans , toujours avi- des du moindre gain , & toujours attentifs au plus léger intérêt. On les y voyoit accourir en foule & à l'envi. Le Roi de Portugal n'y per- dit rien -y car ce qu'il fembloit perdre par la di- minution des droits , il le regagnoit par l'abon- dance des denre'es & l'augmentation des fer- més. Elles étoient d'un (i grand revenu que le Roide Vengapour, dont le Gouverneur fou- haitoit extrêmement l'alliance , envoya une Ambafrade,afin d'obtenir la préférence pour la ferme générale. Son Ambaffadeur portoit un prefentfuperbe en houffes, felles , & autres har- nois de chevaux d'une riche broderie & d un grand prix. Il demandoit en même tems qu'on lui vendit trois cens chevaux de Perfe,ce qui lui fut accordé. Le Roi de Narfingue & l'Idal-

Tome J. P P p

48x CONQUESTES DES PORTUGAIS

Ann. de can lui-même toujours ennemis, en conçurent

J- ^' de la jaloufie , & craignant d'être prévenus l'un

par l'autre , ils envoyèrent leurs AmbafTadeurs

Don Emma- v . ii r i '

nuelRoi. a Albuquerque pour raire leur traite. Alphonse Dans le même tems Albuquerque fe vit re- Sh^^Ùe cherché de nouveau par les Rois de Perfe & GouvER. ^e Cambaie. L'Empereur des Abifllns & le Roi d'Ormus lui envoyèrent leurs AmbafTadeurs , pour les faire pafler en Portugal : & un Roi des Maldives fe ioumit, en fe rendant tributai- re de la Couronne.

Lapolitique d'Albuquerque à l'égard de tous ces Princes fut merveilleuie. Car en même tems qu'il traitoit leurs Envoyés avec fplen- deur & avec amitié , il ne faifoit que nouer les négociations fans fe hâter de terminer défini- tivement, & feignant de remettre l'entière con- cluhon des traités au retour d'une expédition qu'il méditoit,& pour laquelle on lui voyoit faire de gros préparatifs , dont perfonne ne fçavoit la dellination ; afin que chacun crai- gnant que l'orage n'allât fondre fur lui , fit des proportions plus avantageufes , & donnât plus facilement les mains à celles qu'il vouloit faire lui-même.

De tous ces AmbafTadeurs , celui dont il eut une joye plus fenfible^ce fut celui duPr/rr^-y^^a ou de l'Empereur des Abiilins , Prince connu jufques alors d'une manière fi confule , & que les Rois Don Jean fécond & Don Emmanuel

DA^îs LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 485

N£UR.

avoient fi fort ambitionné de connoître II A NN.de étoit flatteur pour Albuquerque, que les pre- ^'^' .mieres notices fûres en vinfTent à la Cour par

, . , A .^ n- Don Emma-

lui, ôcque cela put paroitre comme un eiiet nu^l roi. des foins qu'il sétoit donne's pour parvenir à Alphonse les avoir. Ainfi fur le premier avis qu il eut que ^er^e cet Ambafïadeur e'toit à Dabul, le retenoit ^°".''^'^' prifonnier le Tanadar ou Fermier de la Doiiane de ridalcan, il envoya ordre àGarciedeSofade le repeter, &: de le lui faire conduire en toute diligence. Sofa s'acquitta bien.de fi commifl fion. Et parce que cet Ambaffadeur e'toit char- gé d'un morceau du bois précieux de la vraye Croix, que l'Empereur & l'Impératrice Hélène envoyoient au Roi de Portugal , le Gouverneur le fut recevoir en procellion à la tête du Clergé & des troupes. Et après s'être entretenu fort au long avec lui au iujet de fa million, il le fit partir pour Cochin, comblé d'honneurs, avec ordre au Commandant de Cochin de le faire pàfTer en Portugal fur le meilleur voilier de la Flotte de la carçaifon.

La Flotte d'Albuquerque,compofée de vingt Vai{feaux,dix fept cens Portugais & de huit cens Malabares , étant prête , fans qu'on en pût pé- nétrer le myfterc , il mit à la voile-, & étant prêt à fortir de la barre de Goa , il affembla ies Capi- taines, qui étoient tous Officiers diftingués, ou par leur qualité , ou par leurs fervices. Il leur propofa les ordres qu'il avoit reçus du Roi pour

PPp ij

M£U&

484 CONQUESTES DES PORTUGAIS

 N N. ae le voyage de la mer Rouge j il les appuya par J- c. Je fortes raifons, qui furent toutes approuvées ^ ^' par le Confeii.

DonEmma- t 1 1 1 Ti

nuelRoi. Les calmes le tmrent long-tems en mer. Il /tPHONSE fut obligé de toucher malgré lui à Socotora, & ^tR^z n'arriva à la vue d'Aden que le jour du Jeudi GouvER. Saint. Mais comme c'étoit à l'entrée de la nuit, ôc qu'il connoifToit peu la plage , il mit à la Cap- pe. Peu après Pierre d'Albuquerque lui étant venu dire qu'il trouvoit fond par trente cinq brafles , il fit continuer la route avec la feule M.ifaine , toujours le plomb à la main, & mouil- la par quatorze brafTes fans vouloir fe fier aux feux que les habitans, qui l'avoient apperçu, fi- rent fur quelques rochers dans le delîcinde le faire échoiier.

La vûë feule de la place fit juger à Albuquer- que querentreprilé étoit plus difficile qu'on ne la lui avoit faite. LaVille d'Aden fituée vers l'en- trée de la mer Rouge au douzième degré quinze minutes de latitude Nord fur la Côte de l'Ara- bie, fait un bel afpeâ: par fa Situation & par la beauté de fes édifices. Une petite langue de terre,fur laquelle elle fe trouve, s'avançant dans la mer y forme deux ports , qui en font une ef- pece de prefqu ifle au pied d'une montagne , laquelle s'élevant en plufieurs pointes tres-ef- carpées , y préfente un beau Ipedacle , mais d'une beauté mêlée d'horreur. Le fol de cette rnontagne eflfiaride^qu onn'y voit jamais croî-

N£UR.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 485^

tre la moinde herbe , & qu'au lieu de fournir a n n. de quelques (ources , elle imbibe dans l'inftanc J- C. toute l'eau qui tombe du Ciel. Un feul acque- ^^ ^'" duc conduit à la Ville de quatre mille loin tou- ^T^^kou' te celle qu'on y boit. On efl: obligé d y porter Alphonse par mer, ou bien du fond des terres toutes les °"'^'-^"' denre'esnécefTairesàla vie. Malgré cela la Ville gouver, ne laifToit pas d'être peuplée , riche & aifée. Elle avoir en particulier cette obligation aux Portu- gais, qu'elle s'étoit beaucoup accrue en toutes manières depuis leur établiflement dans les In- des. Car auparavant, comme les VaifTeaux qui entroient ou fortoient de la mer Rouge n'a- voient rien à craindre , ils faifoient leur route en droirure (ans penfer à Aden. Mais le dan- ger des VaiiTeaux Portugais qui croifoienr , obligea enfuite les Marchands à s'y retirer comme en un afyle ^ ôc dès-lors elle devint une échelle des plus célèbres. La même rai- fon fît qu'on la munit de bonnes murailles, & de fortes tours du côté de la mer , & que du côté même de la montagne on pouffa les forti- - fications jufques au fommet en bâtiffant de femblables tours fur toutes fes pointes , & de bons murs qui coupoient tous les défilés.

Le Roi ou Cheq d'Aden n'y faifoit point fa réfldence ordinaire. Il demeuroit dans les terres pour être plus à portée de fe défendre de fes voifins. Il tenoit feulement à Aden un Emir qui en écoic le Gouverneur. Mir-Amir-

PPp hj

d'Albu-

QilERCyE

Gouver- neur.

48(? CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de jam qui l'étoit lorfque Albuquerque s'y pré-

^' ^' lenta , étoit politique & brave. Il donna des

preuves de l'un & de l'autre , car il le joua fort

Don Emma- f , ., ,- , , j r

NUEL Roi. habilement pour le donner le tems de taire eii- alphonse trer des troupes dans la place, ôcilTe de'fendit ~ enfuite avec beaucoup de courage & de rélo-

lution. Albuquerque de'chu des elperances que lui avoient fait concevoir les premières poli- te/Tes , dont l'Emir l'avoit prévenu , jugea, que, pour en fortir à fon honneur, c étoit une aflfaire qu'il falloir brufquer, ôc fe détermina à don- ner l'efcalade. L'Emir ne prit point le change. Il ne s'embarafTa pas d empêcher la dcfcente ,, ôc attendit de pied ferme furies murailles.

Sa prudence & fa valeur culfent cependant échoué contre 1 effort des Portugais, fi lefprit de vertige ôc la folie du peint d'honneur ne fe fuflent emparés de ceux-ci. Les Capitaines don- nèrent eux-mêmes l'exemple aux autres. La pré- cipitation avec laquelle chacun s'efforçoitjd'être le premier qui monteroit fur le rempart , èc y planteroit (es étendarts les faifoit courir en étourdis. Plufieurs (e jetterent à feau par im- patience pour arriver plutôt au pied de la mu- raille. Ils plantent enfuite leurs échelles, & mal- gré la furieufe rehftance des ennemis , ils mon- tent comme en courant, arborent leurs Enfei^ gnes j mais fi fort à l'envi les uns des autres , qu'on neputdiftinguer dans le nombre, qu'un Clerc revêtu de (on furplis, qui arbora un Cru-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 487

MA-

NIUR,

cifîx au lieu d'éteiidart. Cependant les e'chelles A n n. de

trop charp-ées le brifent en plufieurs pièces , ^' ^' , r ,., o . , r r 5 1J13

lorlquil y avoit deja près de cent cinquante

, ^ •'.,.' ^ , , ,,A ^ Don Emm

hommes qui etoient entres dans la place , ou nielRoi ils eurent bien-tôt écarté les Maures qu'ils Alphonse

A d'Albu-

avoient en tête. ch,erch,e

Le Gouverneur qui gémiiïbit d'un defor- ^°"^^R- dre qu'il ne pouvoit empêcher;, s'appliqua à faire reparer les échelles. Mais Garcie de Sofa qui s'étoit laifle couler le long des créneaux , étant entré par une embrafure de la murail- le qu'il fît déboucher avec environ foixante hommes , Albuquerque fe tranlporta dans le même endroit , & en fît ouvrir une autre , par il en entra encore une quarantaine. Il envoya enfuite ordre à Jean Fidalgo d'aller avec fa compagnie d'ordonnance pour tâcher d'entrer du côté de la montagne , ce qu il ne put faire , le terrain étant trop efcarpé , & les ennemis s'y défendant très- vaillam- ment.

Ils avoient repris cœur en voyant le defor- dre. Les Portugais qui étoient fur les murs combattoient de leur mieux , & Garcie de Sofa plus animé que tous les autres , s'étoit empa- ré d'un petit retranchement ^ mais Amirjam à la tête d'un corps de chevaux, donna fur eux avec tant de vigueur, qu'il nettoya le rempart, & obligea les Portugais à fortir par les mêmes embrafures par ils étoient entrés. Sofa re-

t^BUR

488 CONQUESTES DES PORTUGAIS

;^ N N. de Itoic embaraiïe avec quelques gens qui étoienc J- c. avec lui. Albuquerque leur fît donner des cor- *^'^* des pour defcendre , mais la plupart de ces

Don Emma- 1 r 1 i

nuelRoi. braves croyant le déshonorer aimèrent mieux Alphonse périr, & fc firent prefquc tous tuer. D'autres oifÈRmiE 4*^^ combattoient ailleurs n'eurent pas cette GouvER. délicateffe. Ils defcendirent du mieux qu'ils pu- rent, & quelques uns le précipitèrent. Garcie de Sofa qui relta parmi les morts , avoir des provifioiis fecrettes de la Cour pour le Gou- vernement d'Aden, c'eft ce qui lui donna tant de. chaleur pour fe diltinguer dans cette jour- ne'e. On dit qu'il jetta au col du Patron de fa Chaloupe un collier d'or qu'il portoit , & qu'il lui donna fa bourfe , afin de l'animer à le met- tre en état de fauter le premier fur le rivage. Peniée aveugle d un homme qui fe liâtoit d'al- ler chercher la mort , il croyoit trouver le commencement de fa fortune.

Rebuté d'un fi mauvais fuccés, Albuquer- que fe retira dans fesYaifTeaux^ayant appris à fes dépens que la vi(5toire n'eft pas toujours atta- chée au Char des Conquerans , & quelle aban- donne quelquefois fes plus chers favoris. Néan- moins avant que d'abandonner la partie , il voulut fe rendre maître d'un boulevart qui étoit fur une jettée , & dont le canon incom- niodoit beaucoup fa Flotte. Mais tandis qu'il délibère , le maître du VaiOeau d Emmanuel de la Cerda , qui en fouffroit plus que les autres,

delcend

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 489

dcfcend à terre avec-partie de fon e'quipage , a NN.de l'emporte , & pafTe au fil de lépée ceux c|ui J-C. ledëfendoient.Fierde ce luccès,ilvouloit qu'on '^''' attaquât derechef la Ville , dont ce boulevard nuel ro".*" faifoit la principale force. Les Capitaines en- Alphonse trant dans cette penfée en fommerent le Gé- ^'^^t m-, néral. Mais Albuquerque n'y voulut point en- cîouver.- tendre. Il fe contenta de faire enlever le canon du boulevard.de piller les Vaiileaux qui étoient dans le port ^ & de les brûler , fans que la Ville fît aucun mouvement , après quoi il remit à la voile pour entrer dans la mer Rouge.

Cette mer , fur le nom de laquelle les Sça- vantsfe font beaucoup exercés, a la figure d'un Lézard ou d'un Crocodile, dont la tête eftcom- prilè entre les Caps de Fartaque & de Gar- dafu , jufques au de'troit de la Méque ou de Ba- belmandel , qui en fait le cou. Le corps s'éten- dant enluite entre les Côtes d'Arabie d'une part,& celles de la haute Ethiopie & de l'Egypte de l'autre, va fe terminer en pointe , qui en fait la queue jufques à Suez, qu'on croit êtrel'Afion- gaber , d'où partoient les Flottes de Salomon, Se commence l'Ifthme, qui la fe'pare de la Me'- diterranée,&qui joint les terres d'Afrique à cel- le de l'Afie. La mer Rouge ne reçoit dans fon fein prefque d'autres eaux que celles de l'O- céan Indien. Elle ell peu fujete aux orages, & ne connoît prefque point d'autres vents que ceux du Nord ôc du Sud , qui y ont leur tems

Tome I. QSX<\

490 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de réglé comme la Mouçon dans la mer des In- J- ^- des. Sa longueur eft d'environ trois cens cin- quante lieues fur quarante de large, à comp- nielRoi. ter de Suez julques au détroit. Les Arabes la Alphonse partagent cn trois bandes ou lizieres , dont cel- ^;t^l"' le du milieu, qui fait comme l'e'pine du dos du GoivER. Crocodile , eft nette, navigable de jour & de nuit^y ayant toujours moLiillage entre vingt- cinq & loixante brafTes. Les deux autres , qui font fur les flancs & bordent les Côtes , font au contraire pleines d'Ulots , d'Ecuëils , de baf- fes & bancs de fable. Cependant comme on n'y navigue que dans des bâtiments affez petits , qu'on nomme Gelées , les Pilotes ne gagnent le Canal du large , que lorfqu'ils craignent un coup de vent. Ils aiment toujours le voifinage des terres -, mais de peur d accident ils mouil- lent d ordinaire avant le coucher du Soleil. Il fe trouve deux Ifles dans le détroit même , qui forment deux canaux. Celui du côté de l'Ara- bie eft le plus fréquenté. C'eft dans une de ces nies qu'on prend les Pilotes dont on fe fert pour entrer dans la mer Rouge. Outre les défauts de cette navigation que nous avons déjà touchés , & la difficulté d aborder les ports, tant du côté de l' Afie , que de l'Afrique^il en eft encore un trés-grand , c'eft que les Ifles qui fe trouvent dans cette mer font prefque defertes, arides , qu elles manquent d eau , & des autres chofes néceffaires à la vie.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 491

Le Gouverneur entra dans la mer Rouge a n n. de contre l'avis de tous Tes Capitaines & de tous J- C- {es Pilotes , à qui il n eut d'autre raifon à don- _, ^'''

' , J- . , , , Don tMMA"

ner, fi ce n'efl: que c etoit l'ordre de la Cour. ><"i- Ro'- En y entrant il fit faire une falve générale de Alphonse toute Ton artillerie, comme par une efpece de c>:£R<iiE triomphe , parce qu il étoit le premier des Eu- neur."^' ropéans qui y fCit entré avec une Flotte. Per- fonne ne l'avoit fait avant lui , depuis la dé- couverte du nouveau Monde. Cependant ce qui lui avoit été prédit lui arriva. Il penfa pé- rir fur les bafTes. Il fut obligé d'hyverner à l'îlle de Camaran. Il ne put joindre ni Suez , ni Gid- da, ni avoir des nouvelles de la Flotte du Sul- tan. Il foufFrit beaucoup de la foif , de la faim, & des murmures de fes Subalternes. Il ne pue exécuter le projet qu'il paroifToit avoir de bâ- tir une. Fortereffe dans l'Ide de Camaran dans celle de Maçua. Enfin après avoir elTuyé toutes fortes de difgraceSjil fit donner la ca- réné à fes Vaiffeaux, fortit de la mer Rouge, Ôc vint Ce repréienter devant Aden.

On fembloit 1 y attendre. Tout y étoit bien fortifié. Il y paroilToit & plus d'ouvrages , ôc plus de monde, & plus de réfolution qu'aupa- ravant. Ce qu'il y a de fingulier , c eft que lui , qui n'avoit pas voulu prendre*la Ville, quand il y fut excité unanimement par toute fa Flot- te , voulut tenter de la prendre enfuite , contre le fentiment général de tous [es Capitaines,

492- CoNQUESTES DES Portugais

An N. de & de tous fcs hommes d'armes. Il fut fi indi-

j. c. gj^^ ^Q i^ contradidion qu'il trouva en ce point, que pour leur faire honte, il donna la com-

NUEL Roi. million aux gens des équipages d aller enle-

Alphonse vet le même boulevard qu'ils avoient pris la

Qi'ï'^aÛE première fois ; ce qui fut fait. Néanmoins après

GouvER- avoir fait canoner la Ville , & tente' inutile-

^EUR.

ment de brûler les VaifTeaux du port , il fut obligé de remettre à la voile pour s'en retour- ner.

Sur fori pafTage il s'arrêta à Diu , Mélic Jaz , de qui il vouloit obtenir l'agrément d'y bâtir une Citadelle, fçut fi bien Tamufer, tan- tôt par des préfents , tantôt par de belles pa- roles, que fans jamais fe montrer, & fans lui donner lieu de fe plaindre , il vint à bout de laiTer fa patience , & de l'obliger à s'en aller , fans avoir rien conclu. Des qu'il eut mis à la voile, le Mélic le fuivit pour lui rendre vifîte. Il étoit fi paré , qu'il fembloit n'avoir d'autre deffeinque de lui faire honneur ; &{i bien ar- mé, qu'on eût dit qu'il vouloit fe faire craindre. Albuquerque ne put s'empêcher de rendre ju- ftice à fa fagell'e. Il dit » Qu'il n'avoit jamais " connu de courtifan, plus habile, plus ferme « à refufer tout ce qu'on vouloit exiger de lui, « & plus propre à faire recevoir agréablement » fes refus. « Le Général continua enfuite fa route , fans avoir tiré aucun fruit d'une expédi- tion qui avoit coûté tant de dépenfes, ôc donc

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VI. 493

il fembloit qu'on dévoie fe promettre les plus A n n. de grands avantages. ^'^'

Il elt des événements qui paroiiïent être

, f- . i> rr 1 1 ^ Don Emma-

quelquerois uniquement 1 eftet de la fortune nuel roi. & du hazard , mais qui ont des caufes fecret- alphonsb tes , que le public ne pe'nétre pas toujours, par- ^ :er*<^'e ce qu'il n'en voit pas les reflbrts. Véritablement ^°i.-'r^^" il doit paroîtrelurprenant qu'Albuquerque ne voulut point prendre la Ville d'Aden , lorfqu'il le pouvoir, & que fon ConfeiU'en prefToit^lans être rebute' du mauvais fuccês qu avoit eu l'ef- calade. Il eft vrai qu'il apporta alors pour raifon que la Ville étoit trop grande , & qu'il lui faudroit quatre mille hommes pour la gar- der. Mais cette raifon ne contente pas. Lopez de Caftaiieda l'a lenti , & fuppofe pour le julH- fîer, quil couvroit fous ce prétexte le defTein qu'il avoit d'aller à Suez. Pour moi , je fuis perfuadé qu'il avoit d'autres motifs plus puif- lants d échoiier dans toute cette entrepriie.

' Les Indes étoient devenues le théâtre des paflions des Portugais. Le grand éloignement de la perfonne du Souverain fembloit y auto- rifer , non feulement les impudicités les plus monflrueufes , les rapines les plus énormes , les injuftices les plus criantes , l'avidité la plus in- fatiable ^ mais encore tout ce que la jaloufie , la haine,& la vengeance ont de plus atroce. Albu- querque trop zélé pour le bien du fervice ^ trop auflere dans fa manière de Gouverner, ne pou-

Q.Qq 11;

494 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de voie fouffrir l'excès de la licence, furtoutdans

^' ^' les perfonnes en place. C'en étoit affez pour 1515- , . ^ ^ . A r

lui en raire autant d ennemis mortels & d m-

NLEiRoi. jultes calomniateurs , qui ne cellant d écrire a

Alphonse la Cour coiitrc lui , tâchoient d'infirmer lesac-

^'^ERoirE cufations véritables qu'il eût pu faire contre

GouvbR- g^^ en le rendant ("ulpeâ: lui-même par d'au- NEi'R. ' r ^ r

très acculations bien concerte'es, & loutenuës parla pluralité' des témoignages de ceux qui îe pre'toient la main dans le mal.

Du nombre de ces derniers, dont la me'moire devoit être à jamais enfevelie, c'toit GafparPe- réïra Secrétaire des Indes. C'e'toit un homme dangereux, mauvais e{prit,&:du nombre de ceux dont on dit proverbialement qu'ils ne cherchent qu'à pêcher en eau troublerpropre à faire le per- fonnage de criminel, d accufateui^de te'moin &c de juge tout enlemble. Le Viceroi Don Fran- çois dAlméida avoir eu des preuves de (on cara- (flere pervers, ^'Albuquerque en fut la victime. Pércïra étoit repalTé en Portugal, il s'étoit ac- quis la confiance du Roi, & beaucoup de crédit auprès des Miniftres. Il y avoir bien appuyé les articles fecrcts qu'on avoit écrit contre Albu- querque, &le Roi s'étoit laifTé perluader que tout ce que ce Général avoit fait de bien étoit contraire à fon fervice , particulièrement dans la prife de Goa, & lui avoit envoyé ordre de le reftituer à l'Idalcan, après cependant avoir inis la choie en délibération dans fon Confeil,

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 49;

Albuquerque avoit reçu cet ordre par les Flot- A n n. de tes qui arrivèrent de Portugal après fon retour ^ \ de Malaca. Mais il l'avoit prudemment dilli- 1514. mule dans les circonftances tout e'toit à donImma- craindre pour cette Ville , par le voifmage de "^'"^^°'- Roltomocan qui étoit encore maître de Bena- J 1^''^"°-^'^ ftarin. Gafpar Pere'ïra étant revenu dans les Qi"<yE Indes avec le même ordre, ce rut alors que le neur. Gouverneur fît part au Conleil des Lettres de la Cour. Heurcufement il s'y trouva aflez de gens bien intentionne's , pour que la ne'gative l'emportât, & Goa fut conferve'.

En même rems que les calomniateurs d'Al- buquerque faiioient tant d'efforts pour de'trui- re {on ouvrage , ils travailloient à le fapper par un autre endroit , en faifant de continuelles inftances à la Cour , pour attirer les forces de rinde vers la mer Rouge , dans l'efperance que cela feul ruineroit fon Gouvernement , ainfî

?u'il avoit penfé arriver dans le partage qui fut ai't en faveur de George d'Aguïar , à qui Le- mos avoit fuccede', Albuquerque le lentoit bien,&: comprenoit encore mieux que c'e'toit ruinerles affaires de fon Prince fous le fpecieux prétexte du bien. C'eft pour cela que je fuis convaincu que prenant en homme habile tou- tes les mefures qui convenoient pour paroître entrer dans les vues du Roi fon maître , & d'u- ne Cour trompée par des relations infîdclles, il ne fut pas fâché qu'il pût paroître qu'elles

496 CoNQUESTEs DES Portugais

NEOR.

A N N. de n'ccoient pas pratiquables. j. c. A {qj^ retour du voyage de la mer Rouge,

15 14. IcGénéral trouva que les envieux avoient enco- re travaillé pour faire e'choiier tous ies projets.

Don Emma- ri' t^-ia--i-i

NUEL Roi. Ils avoicnt perlujde aux Rois de Cochin &de Alphonse Cananor , quc la paix faite avec le Zamorin ^■er^'e alloit ruiner leur commerce, parce qu'il dé- GouvER- jruifoir le leur.Cétoit dans le même cfprit qu'ils avoient fouleve' ces Princes contre l'entreprifè de Malaca. En effet ils perdoient beaucoup les utîs & les autres , parce que les Portugais de- venus les maîtres de cette Ville,y prenoient les marchandifes de la première main , ôc par- toient de-làen droiture pour le Portugal , au lieu qu auparavant toutes les denrées venoient aboutir de Malaca dans l'indoltan. Ces Princes, quoique ennemis du Zamorin , avoient trouvé le moyen de troubler toute fa Cour, pour l'em- pêcher de conclure , & de tenir au Gouverneur la parole qu'il lui avoir donnée d'afTigner un terrain pour conftruire une Citadelle. Le vieux Zamorin étoit mort.C étoitNaubeadarin qui lui avoit fuccedé : & ce Prince, tout ami qu'il étoic des Portugais , trouvoit tant d'obftacles dans fa propre Cour par les intrigues des broiiillons, qu il ne fçavoit quel parti prendre. Ce qui fer- voit d'une part à animer ces Princes , & à fuf- pendre tout de l'autre, c étoit lanouvelle que Gafpard Peréïra avoit affecfté de répandre en arrivant, qu il venoit un nouveau Gouverneur,

qui

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. Vî. 497

qui auroitdes idées toutes différentes, & qu'il An n. de talloit attendre pour le bien public. ^'

Outre ces pratiques , dont Albuquerque ni- 15 14. gnoraprefque aucune , il eut encore des avis donEmma. lecrers dune lettre pleine d'horreurs , qu'An- n^'elRoi. toine Real écrivoit au Roi contre lui à la folli- n^TsT-^^ citation de Gafpard Peréira, qui ious main al- ^£R<i^'» loit de mailon en mailon pour la taire ioulcru neuh, re. Le Gouverneur trouva moyen d'en avoir co- pie. Quelques-uns des coupables avoi.ierent tout , & demandèrent grâce. La Lettre fut pro- duite en plein Confeil , & Pere'ïra convaincu. L'avis du Confeil fut qu Albuquerque envoyât Peréïra pieds ôc poings liés en Portugal ; & il eût bien fait. Mais il fe contenta d'y envoyer une juftification fignée par le Confeil même ; foit qu'il craignît le crédit que Peréïra avoit à la Cour , foit qu'il fe flattât que les coupables étant abiens, on leur feroitplus aifément leur procès.

Cependant il négocia fi bien avec le nou- veau Zamorin , que ce Prince chaffa hors de fes Etats les Maures qui s'oppofoient à la paix, donna l'emplacement qu'on iouhaitoit, fe ren- dit tributaire du Portugal , céda la moitié de fes droits d'entrée , fournit les matériaux & le monde néceffaire pour conftruire la Citadellej & ne fe contentant pas que ce traité fût (igné par le Gouverneur , envoya un Ambafiadeur au Roi de Portugal chargé de riches préfents,

Tome I. RRr

49S CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de afin qu'il ratifiât par lui-même cette paix qu'il J. C. me'ritoit, diioit-il ^ puifque n'étant encore que 15 14! Prince deCalicut , il l'avoir toujours favorilee. Don Emma- ^ qu'cn Cette confidcration il venoit de renon- NUEiRoi. cerà Tamitie' du Caliphe, fermer l'entre'e de les Alphonse ports aux Sujcts de cc Prince, & à tous les avan- Qi'ERQi'E rages qu'il pouvoir en recevoir. NîuR. ' Lqs Rois de Cananor & de Cochin revinrent

pareillement , après avoir ôté d'auprès d eux les brouillons qui leur raettoient de mauvaifes ide'es dans refprit. Albuquerque leur fit enten- dre raifon (ur leurs intérêts , & les tourna de £içon, qu'ils parurent fatisfaits de fa condui- te , & firent eux-mêmes leur paix avec le Za- niorin.

Le Gouverneur traita aufli avec les Rois de Narfingue , l'Idalcan & le Roi de Cambaïe , en confirmation de ce qui avoir été commencé entre eux. Il obtint en particulier de ce der- nier l'agrément de bâtir une ForterefTe à Diu -, à condition qu'il lui donneroit le même avan- tage à Malaca. Mélic Jaz avoit toujours paru donner les mains à cette ForterefTe, prefîantles Portugais d'agir auprès du Roi de Cambaïe, qui étoit le maître de la leur accorder. Mais il agilfoit fous main auprès de ce Prince , &: employoit les plus forts moyens pour l'en dé- tourner. Le Méiic Gupi, qui partageoit avec lui fes bonnes grâces, ôc qui par cette raifon étoit fon ennemi , l'y fit enfin conléntir. Il eft vrai

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv.VT. 499

que cela n'eue aucun effet alors ; car Me'lic Jaz a n n. de ie donna tant de mouvements toujours en fe- ^' ^' cret , que le Roi changea d'avis , & que Mëlic 1 5 14* Gupi de'chut beaucoup du degré' de faveur , don emma- il e'toit auprès de la perfonne du Monarque. nuelRoi.

Tous ces avantages donnèrent à Albuquer- ^^^^°^j^ que autant de foye , que les intricrues des fac- <iiER<iye tieux qui avoient travaille a les empêcher lui neur. avoient caufé de chagrin. Cette joye fut en- core augmente'e par Fernand Ferez d'Andrade, qui e'tant arrivé dans ces circoiiftances, pour obtenir la permiflion de retourner en Portugal, . apportoit l'agréable nouvelle de la viéloire in- figne qu'il avoir remportée fur Paté-Onus dans le port de Malaca.

Cependant cette Ville penfa être enlevée aux Portugais d'une manière afTez finguliere , 6c à bien peu de frais. Mahmud voyant que toutes Tes forces & celles de Tes alliés ne luffi- foient pas pour le rétablir, eut recours à 1 indu- ft'rie. Il avoir à fa Cour un Maure Bengale de na- tion , nommé TiiamMaxelis, en qui il avoir fa principale confiance. Il concerta avec lui le pro- jet de fa trahiibn, & en traça le plan fur celui de l'ancien Zopirc Babilonien. Il fait donc fem- blant de dif'gracier ce favori , le chafTe d au- près de fa perfonnCj luifufcite des accufations comme s'il avoit malverfé dans l'adminiftra- tion de fes finances , lui donne plufiçurs dé- goûts fucceflifsôc touséclatans, de forte qu'il

RRr ij

500 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de ne rcftoit plus que de lui faire fon procès , & J- ^- de le faire pe'rir fur un e'chafaur. On n'igno- 1514! roitrien de ce revers de fortune dans Malaca^ Don Emma- o*^ ^^^ n'avoit garde d'imaginer que ce fÛE NuîL Roi. une feinte.Cepcndant Maxelis trouve le moyen »alTu^-^^ de s'e'vader. Il fe réfugie auprès de Britto, qui «iiTïRQj^TE le reçoit à bras ouverts. Comme il avoir de muR. ' refpritj& qu'il parut fort affedlionné aux Portu- gais , pour fe venger de l'ingratitude de fon Prince, il s'infinua bien-tôt dans l'efprit du Gou- verneur , & de Pierre Perlonne qui étoit fac- teur , de forte qu il avoit les cntre'es libres dans la Citadelle , ôc y conduifoic une garde qu'on lui avoit permis d'avoir pourfa fûrete. Un jour dans le fort de la chaleur, Maxelis ayant difl pofe' fes gens de concert avec Tiian Colafcar, qui e'toit un des Chefs des Maures de la Ville le plus voifin de la Citadelle , il entre dans la place à fon ordinaire , lailTe fon monde à la por- te, va à l'appartement du facfleur , qu il trouve couché pour faire fa méridienne. Il l'aborde , lui parle, &lorfqu'il y penfoit le moins, il le frappe mortellement d'un cric , & court aufïi- tôt pour introduire (es gens. Le faéleur quoi- qu'aux abois a encore afîez de préfence d'efprit pour fermer fa porte^donner rallarme,& en mê- me-tems combe mort. La garde court au bruit ; s'empare des portes avant que Maxelis s'en fût rendu maître. On fait aufli-tôt main baffe fur les Maures qui écoient répandus dans le Fort.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 501

Maxelis lui-même tombe perce'.de coups com- Ann. de battant en defefpere', & paye fa perfidie de fon ^' ^' fang , malheureux dans l'éxecution d'un projet i ^^^^ bien concerte' ôc bien fuivi. Mahmud qui en don emma* fut informé bien-tôt, n'en eut que le regret & ^'•'^'- ^°'- la confufion , &c fe vit peu-à-peu forcé à de- '^.""°ns« mander une paix qu il étoitréfolu de ne garder 'ii-ERc^uE qu autant qu il y leroit contramt par neceiiite, neur. ic qu'on ne lui accorda que parce qu on étoic dans une efpece de nécelTité de le faire.

Malacavitpeuaprês deux cruelles fcenes dans le lein de la paix^qui eut en cela quelque chofe de plus affreux que les horreurs de la guerre. En voici l'occafion. Le Roi de Campar , gendre de Mahmud & beau frère d'Aladin, mécontent de ces deux Princes, s'étoit féparéde leurs in- térêts peu après la prile de la Ville, pour s'allier aux Portugais. Il avoit envoyé fes Ambaffa- deurs à Albuquerque , s'étoit enfuite abouché avec lui , & ils avoient conclu enfemble ce qui fût depuis la caufe des deux accidents funeftes que je vais rapporter.

Dans la dillribution des emplois qui fut faite d'abord après que les Portugais eurent pris poffeffion de Malaca, Ninachetu avoit eu celui de Bendcira, , qui étoit le plus confiderable de tous. Il le méritoitjComme je l'ai dit, par fa pro- fité 6c par fcs fervices: on ne pouvoit lui re- procher que fa naififance. Mais cela même étoic un grand obftacle , n'y ayant rien au monde

RKriij

I5I3 1514

Don Emma

Couver

KEUR

jor CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de dont les Indiens foient plus jaloux , que des J- c. prérogatives de leurs Caites. Ceux des prin- cipales ne pouvant louffrir de fe voir fournis à un homme d'une Cafte inférieure à la leur, NUEiRoi. fiixnt fentir à Albuquerque cet inconve- alphonse nient , qui alloit éloigner de Malaca toute la <ii>ERQ.'E Nobleffe des Indiens idolâtres. Cependant ce Général n o(ànt alors ôter l'emploi de Bendara à Ninachetu à caufe d une certaine bienféan- ce , fe contenta de promettre au Roi de Cam- par, qu'il le mettroit en pofTeffion de cet em- ploi , quand les circonftances du tems pour- roient le permettre. En effet deux ans après ayant envoyé George d'Albuquerque pour re- lever Britto , qui avoit fini Ion tems dans le Gouvernement de Malaca , il lui ordonna de dépoffeder Ninachetu, &; de mettre le Roi de Camparà fa place.

George d'Albuquerque ne fut pas plutôt arrivé, qu'il penfa à mettre la chofe en exécu- tion, ôc pour faire plus d'honneur à ce Prince, il lui envoya George Botello fuivi de quelques Vaiffeaux à rames pour le prendre , & le con- duire à Malaca. Le Roi de Campar étoit alors afliegé dans fa Capitale par le Roi de Linga, vafTal de Mahmud , & l'exécuteur de fes ven- geances. Celui-ci avoit une Flotte de foixante voileSj&lcRoi de Campar fe voyoit prefque ré- duit par la faim aux dernières extrémités. On î-gnoroit fa fltuation à Malaca j mais Botello en

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VI. 503

ayant eu nouvelle fur fa route , ôc ayant en- A nn. de voyé demander du renfort, battit la Flotte en- ^' ^' nemie, délivra le Prince afïiegé , & l'amena à l^il', Malaca , il fut reçu triomphamment, ôc mis don emma- en pofTefTion de 1 emploi de Bendara. nuh.roi.

Ninachetu reçut ce coup de la fortune & ÎYi'^"!^^ de l'ingratitude des hommes en Héros Indien , ^'^«^"^i'» ôc re'folu de donner un Ipedlacle lemblable à ^^'-'^• celui que Calanus donna autrefois à la Grèce du tems d'Alexandre le Grand , fpedlacle afTez ordinaire dans les Indes , mais fort nouveau pour les Portugais , il fit pre'parer un bûcher de bois de fandal, & des plus précieux aroma- tes. Ayant enfuite invité tous fes amis , il s'y rendit au jour marqué en leur compagnie, ôc en préfence de tout le peuple.

, d un air tranquille & d'un fang froid ad- mirable il tint à peu prés ce difcours. » Les Por- » tugais m'avoient honoré de la charge de Ben- " dara. J'y fuis entré fans l'avoir ambitionnée , >'je lai exercée fans intérêt, plus pour leur » avantage, que pour le mien, & je n'ai nul :> regret à la perdre. Malheureux eux feuls fî. « en me l'ôtant ils recompenfent ma vertu , »' comme ils punifTent les crimes , de s'ils ne » fçavent pas difcerner que celui qui brigue un « emploi, le mérite modis que celui qui ne Ta «point defiré. Qu'Albuqucrque apprenne au- » jourd'hui, & tous les Portugais avec lui , qu'en »♦ manquant de reconnoiffance à mon égard y

Gouver- neur

504 CoNquESTEs DES Portugais

A N N. de » ils ont pu me faire l'affront de me depoffeder J- c. fans faire une tache à ma gloire j & qu'ils 1514.' "Comprennent bien que celui qui facrifîe les Don Emma- " richcfTes , les dignités ôc fa vie même à fori nuelRoi. >j honneur, n'étoit pas capable de facrifiercet Alphonse ^onncur à l'amour des dignités, des richeffes, Qi'tRqiiE & delà vie. Mon ame efl: purCjôi va fe pu- "rifier encore dans ce feu comme l'or dans la " fournaife pour s envoler à l'auteur de fonori- "gine. Vous, qui gouvernez le monde, qui eft ve- ntre ouvrage,Dieux immortels, que les hommes s> ne peuvent tromper , & qui dilpenlez les ré- » compenfes ôc les peines lelon le mérite , re- » cevez-moi dans votre gloire , rendez juftice ï> à mon innocence, & vengez-moi de l'ingra- »> titude. t< Cela dit , il (e lança dans le bûcher, il fut bien-tôt confumé. I Le Roi de Campar exerça pendant quelque tems lofîice de Bendara avec dignité , & avec autant d'intégrité & de fidélité que Ninache- tu. La Ville fe reifcntit de fon Gouvernement. Elle devint très-florifTante ôc très-fréquentée des Gentils ôc des Maures , qui y étoient atti- rés par l'eftime de fes vertus. Mahmud jadis Roi de Malaca , que nous appellerons défor- mais Roi de Bintan,oii il s'étoit établi après avoir chaffé celui qui en étoitle légitime maître , ne put iûuiïrir cette profperité. Il réfolut de le per- dre en tâchant de le rendre fufpecl , comme l'il eût entretenu avec fui de feçrettes intellig- ences,

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 50/

genccs. Il en vmcà bout trés-fînemcnt. Geor- An n. de ge d Albuqucrque trop crédule , & donnant ^- ^■ trop à de (impies apparences qui firent de for- i^ji^', tes impre/îions fur fon efprit loupçonneux, fît don-emma- prendre ce Roi innocent ^ lui fît faire fon pro- f'''^'^i-R°i- ces dans les formes ; & ce Prince infortuné , ^■''^^°^fj* condamné fur des préfomptions plutôt que ^"«li'E fur des preuves , eut le malheur de perdre la neur, tête fur un échafitaut par la main d'un bour- reau. La cruauté barbare de cette exécution fanglante fur une perfonne de ce rang , de qu'on fçavoit n'être pas coupable , ayant ré- volté tous les efprits , reveillé le fouvenir du paffé , la mort de Ninachetu & le fupplice d'U- temutis,la Ville redevint déferre & le nom Por- tugais fut en exécration.

Quoique 1 expédition de lamer Rouge n'eût pas fait grand honneur à Albuquerque ;, elle avoir pourtant fait une terrible impreflion fur tous les peuples de ce voifinage, ôc particuliè- rement à la Cour du Caliphe. Car ce Prince qui d'abord avoit fait peu de cas de la tentative fur Aden , & avoit fait répondre au Cheq , qui lui avoit envoyé demander du fecours , & dont il n'étoit pas content, "Qu'il eiàt à défendre » fes Etats comme il pourroit,qu il f çauroit bien « pourvoir à la lûreté des fiens. « Néanmoins dés qu'il fçut que la Flotte Portugaife étoit en- trée dans lamer Rouge , il eut fi grand peur fur la nouvelle qui fe répandit enmême-tems qui!

fome I. S S f

D'A LE L'

querqiie Gouver- neur.

jo6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de devoir venir une autre Flotte des Princes Chré- j. c. j-içj^s p-jj. i^ Meditcr.rane'e du côté d'Alexan- ^^ ^" drie, qu'il fe regarda alors comme perdu. Dans

Don Emma- i ^ .'• , ,. V i r '• J J

NUEL Roi. le Cau'e , deja emu par le luppiice de trois des Alphonse principalcs têtcs dc l'Etat, tout fut prêt à un loulevement ge'néral , & à cette occadon l'E- mir qui commandoit à Alep fe révolta, & fît déclarer la Ville en faveur du Roi de Perfe ; de forte que le Caliphe , dés qu'il vit le danger un peu éloigné , penfaférieulcment à prendre des mefures pour garder la mer Rouge , ôc mettre fes Etats à couvert de ce côté-là.

Le Roi Emmanuel , qui en eut avis par les correfpondances qu'il avoir dans le Levant, en- voya de nouveaux ordres à Albuquerque pour retourner fur Aden , lui laiffant néanmoins le choix de mettre en délibération s'il ne feroit pas plus expédientxie tomber fur Ormus. L'Am- bafladeur que le Roi d'Ormus avoir envoyé en Portugal , étoit un Sicilien, qui enlevé dès fon bas âge avoit eu d'autant moins de peine à fe faire Mufulman, qu'il n'avoir de Chrétien que le baptême. Etant à Lifbonne , il revint à la re- ligion de fes pères, & prit le nom de Nicolas Feréïra, que le Roi lui donna Le changement de Religion ayant changé fes intérêts & fes in- clinations , il avoit fort porté le Roi à s'afTir- rer d'Ormus, en lui faifànt appréhender qu'il ne fût prévenu par le Sophi , qui muguettoit cetteplace jôc le Roi entrant dans fes pcnfées

NEUR.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 507

lavoir renvoyé à Albuquerque avec les ordres a n n. de donc je viens déparier. î-<^-

Le Ge'néral ayant mis en état fa Flotte, qui '^'^' étoit de vingt-fépt voiles de différentes gran- ^uel kqu' deurs, ôc fur laquelle il y avoit quinze cens Alphonse Portuirais & (ept cens MalabaresouCanarins, °,'lt^„''',

^j X y Qi^ ^ '^ QUE

tint confeil à la vûë de Goa fur le Vaiffeau de «-«"ver. Vincent d'Albuquerque, qu il montoit ; & ou- tre fes Capitaines il y appella le Gouverneur de la Citadelle de Goa , & Nicolas Feréïra. Les fentiments furent fort partagés fur les deux expéditions: mais Ferei'ra ayant parlé, l'affir- mative l'emporta pour Ormus , l'on mit aufïi-rôt le Cap.

Rien n'écoit plus flatteur pour Albuquerque. Il y avoit long-tems qu il en vouloit à cette place, & depuis qu'il fut obligé de l'abandon- ner par la retraite df fes Capitaines, il avoit gardé le ferment qu'il avoit fait de ne point couper fa barbe , qu'il n'eût eu raifon de cette Ville , qu'il s'étoit vu fi lâchement enlever. Les Rois d Ormus n'avoient jaraais voulu ren* dre la Citadelle qu Albuquerque y avoit com- mencée , ni accorder aux Portugais une fac- torerie dans la Ville, pas même leur reftituer les effets qui avoient été pris : mais comme fans le commerce des Indes , leur Ville étoit abfolument ruinée, & qu'ils ne pouvoient le faire (ans les pafTcports du Gouverneur,leur po- litique les avoit obligés de payer à la Couronne

SSf ij

/08 CONQUESTES DES PORTUGAIS

jY H N. de de Portugal le tribut annuel auquel ils s'é- J- c. toient engagés. Ils avoient pourtant tâché de '^'^' le faire diminuer ;, ôc c'étoit le motif pour le

Nu^L^Ror' quel ils avoient envoyé leur AmbafTadeur en

Alphonse PottUgal.

m^ER^i^E ^^ t^icc des affaires avoir changé à Ormus.

GOUTER. Coje-Atar étoit mort dans une vieillefTe hono- rable. Raix Noradin , qui lui avoir fuccedé dans le miniftere , avoir fait empoifonner Zei- fadin, pour mettre à fa place au mépris de fes deux enfans Torun-Cha frère de ce Prince. Pour fortifier davantage fon autorité , Noradin avoic fait venir de Perlé trois de fes neveux, dont le dernier nommé Raix Hamed, homme d'efprit & de réfolution , prit peu à-peu un tel amen- dant, qu'il fe rendit le maître de la perfonne du Roi. Noradin trompé dans fes efperances, non- feulement n'avoit aucun crédit, mais étoit mê- me tenu comme prifonnier chez lui avec {es deux fils. L'habile Hamed agifToit en tout def- potiquement. On prétend que fon deffein étoie de livrer le Royaume au Sophi Ifmaël. D in- telligence avec ce Prince , qui étoit fort zélé pour la feéled'Halijil avoir déjà fait prendre à Torun-Cha le Turban rouge, qu'Ifmaël en- voyoit par fes AmbafTadeurs à tous les Princes Mufulmansde l'Inde & de l'Arabie , pour les attacher à fes intérêts par la Religion. Hamed avoir auffi attiré à Ormus fa famille, qui faifoic plus de fept cens perfonnes. Peu-à-peu il fai-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 509

foit glifler des troupes de Perfe dans Ormus & a n n. de dans fon voifinage. Et fi de'ja il n'avoit pas fait ^- C mourir Torun-Cha , c'e'toit apparammenr que ^^'^' tout n etoit pas encore prêt pour la révolution NuL^Roit' quil mcditoit. A.PHOMst'

Hamed ne laiiïbit pas de continuer de paver ^''^""- le tribut a la Couronne dePortugal; mais il avoit gouver- refufé de rendre la Citadelle , que le Général lui avoit fait demander de nouveau par Pierre d.'AIbuquerque , qu'il avoit envoyé croifer fur les Côtes d Aden ôc du Golphe Perfique ; de forte que ce fut l'afTemblage de toutes ces cho- fes ;, qui détermina le Confeil à préférer l'en- treprife d'Ormus , qu'il eût été difficile de ti- rer des mains d'Ifmaël , fi une fois il en avoir été en polTeffion.

La Flotte ayant mouillé devant Ormus 6c falué le Palais du Roi de toute fon artillerie , Albuquerque fit fçavoir fes intentions à cette Cour., & après quelques allées & venues^ le Roi le mit en poflciTion de la Citadelle _, qu'on fe hâta d'achever , lui afïigna quelques maifons dans la Ville pour y établir fes quartiers , & fie arborer fur fon Palais la Bannière de Portu- gal. Hamed qui étoit le maître , confentoit à tout par crainte. La préfence de la Flotte avoit cependant diminué fon autorité , & fait con- cevoir au Roi ôi à Noradin l'efperance de for- tir d'efclavage. Le foupçonneux Miniltre s'en, «loucoit bien , ôc ne permettoic pas que per-

SSf iij

Gouver- neur.

^lO CONQUESTES DES PORTUGAIS

^ j^ jj. de" lonne parlât au Général Portugais, à qui que J- c. ce fût qui vint de fa part , qu'en préfence d un '^^^* de fes frères qui lui fervoit d'efpion. Nonob- ^vtL KoC ftant cela néanmoins Noradin fit fçavoir fe- althonse cretement à Albuquerque , que le Roi & lui iaa'ïuE auroient beaucoup de plaifir quil les tirât de l'oppreffion.

Dans le tems que ces chofes étoient en cet état, il y avoit à Ormus un Envoyé d'Ifmaif 1^, qui attendoit l'occafion favorable de paffer dans rinde& d'aller trouver Albuquerque, à qui il étoit adreilé de la part de fon maître pour re- chercher (on amitié & celle du Roi de Portu- gal. Ce Prince depuis l'âge de huit ans jufques à celui de vingt qu'il pouvoit avoir alors , avoic conquis plufieurs Provinces , & s'étoit fait une Monarchie qui alloit de pair avec celle du grand Seigneur & du Caliphe. L'eftime qu il avoit pour le vrai mérite , en ayant beaucoup lui-même , lui avoit fait rechercher Albu.quer- que depuis long-tems,& cette pafïîon s'étoit augmentée par les belles chofes qu'Albuquer- que avoit faites depuis. Comme les grands hommes s'eftiment mutuellement, Albuquer- que n'avoit pas moins d'envie de lier avec If- maël de qui il efperoit tirer de grands avan- tages.

L'idée flatteufe que portoit avec foi une telle demande de la part du Sophi , fit qu' Albuquer- que donna à cette Ambafïade tout l'éclat qu'ellq

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. jn

i'E GOUVER-

LVR.

eût pu avoir dans les Cours les plus brillances A n N.dc de l'Europe. Tout fe paiTa avec pompe & avec ^ " ^ '^ maenificence, & fe termina pourtant à de fim- ^

b , . » . r Don Emma.

pies témoignages a eitime lans aucune con- nuei roi. clu/ion,au moins que l'on fçache^ mais le Gé- alphokse ne'ral en renvoyant l'Ambafïadeur le fit accom- (i-EROi' pagner à la Cour dlfmaël par Fernand Gomez de Lemos , qui fut charge' de pre'iens très-gra- cieux j ôc d'un très-beau projet d'alliance , qui eût pu produire de grandes choies, s il eût pu être iuivi par celui qui l'avoit conçu.

Cependant Hamed & Albuquerque cher- choient mutuellement à fe nuire , & en vou- loient à la vie l'un de l'autre. Albuquerque au- torife' fur ce que le Roi lui avoic fait dire en trouva plutôt les moyens que fon adverfaire , quoique celui-ci crût réuffir par la même voyc. Le Ge'néral fit donc propofer une entrevue au Roi. Hamed vouloir que ce fût dans une tente faite exprès devant le Palais , il prétendoic faire fon coup. Le Ge'néral s'obftina à vouloir que ce fûi: dans la Citadelle. Hamed ne de- fefperant pas de re'uifir même , y confentit. On régla le cérémonial & les conditions de cette vifite. La principale de ces conditions étoit, que de part ôc d'autre on n'auroit point d'armes , condition qu'aucun des deux partis ne vouloit obferver.

En effet dès le lendemain Albuquerque ayant pris toutes fesmefures, & Hamed les flennes ,

yïl CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Hamed entra le premier. On lui chercha que-

J'^' relie fur les armes dans le tems qu'il fe plai- enoic juftement lui-même de la mêmechofe:

miEL Roi. & commc il commcnçoit a s emporter ;, il rut

AtPHONSE percé de mille coups. Le Roi qui vint enfuite

qi-er^qI'e fut furpris , & craignit pour lui-même ^ mais

Goûter- bicn-tôt il fc tranquilUfa. Les frères d Hamed

HEUR.

ôc leurs fatellites , à qui on avoit fermé les por- tes , voulurent les forcer. Les troupes Portu- gaifes qui étoient dehors &c quiavoientlemot, accoururent. Le peuple alloit fe mettre de la partie , dans l'incertitude fi le Roi n'étoit pas mort : la préfence de ce Prince, qui fe montra de deffus un balcon l'appaifa. Cependant les frères d'Hamed gagnèrent le Palais du Roi , qui étoit la principale Fortereffe de la Ville , & s'y barricadèrent. Il y avoit alors à Ormus un Officier du Sophi qui accompagnoit l'Envoyé de Perfe , dont nous avons parlé , & qui fous mains devoit appuyer les delTeins d'Hamed. Albuquerque l'envoya chercher , ôc lui com- manda d'aller dire aux frères de ce perfide ^ que s'ils ne fortoient inceflamment du Palais , il ne feroit quartier à perfonne. Cette menace eut fon effet , ils abandonnèrent le Palais , Ôc peu après toute la famille de ce Miniftre fut bannie de l'Etat, fous peine de mort. On (igni- fia en même-tems une défenfe fous la même peine de porter des armes de nuit ou de jourj & cette défenfe, qui defarma le peuple, remit la pranquiUicé. Depuii.

Gouver- neur.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VI. 515

Depuis ce cems le Roi & le General fe virent A n n. de avec plus de liberté' , & Aîbuquerque parut ^- ^• avoir rendu la fienne à ce Prince , qui ne fe pof-

r ^ 1 ^ r ■' 1 Don Emma-

ledoit pas de joye de le voir maître , au heu nuelRoi. qu il ne l'avoit jamais été. Le Général ne fe Alphonse mêloit de rien dans les affaires du Gouverne- ^.hr^c^'e ment mais dans le fond il prit de telles me- fures , qu'Ormus ne put jamais fecoiier le joug qu'il lui impofoit.

Un bruit qui fe répandit alors qu'il venoit une Flotte du Caliphe fur Ormus en fut la prin- cipale caufe. On ne fçauroit déterminer qui en fut l'auteur j fi ce furent les Miniftres du Roi , qui n'eufTent pas été fâchés du départ d'Albu- querque , ou fi ce fut Aîbuquerque lui-même qui le fit répandre à deffein de faire ce qu'il fît à ce fujet. Quoi qu'il en foit , accréditant cette nouvelle, qui n'avoit aucune apparence , il envoya Don Garcie de Norogna demander de fa part toute 1 artillerie du Palais & de la Ville, lous prétexte qu'il avoit beloin de la fien- ne pour aller au-devant de cette Flotte ,& ne poLivoit laiffer la Citadelle fans armes. Nora- din promit tout d'abord ^ mais s'étant enluire repenti de fa facilité , il voulut fe rétracter. Don Garcie qui avoit ordre fecret de l'enle- ver de force , (i on la lui refufoit,lui ôtatout prétexte d'ufer de délais , en difant qu'il ne par- tiroit point , que l'artillerie ne fût livrée com- me elle le fut en effet.

Tome/, TTê

JI4 CONQUESTES DES PORTUGAIS

d'Aibu-

QUERCyiE GOUVER-

An N. de Albuquerquc acheva d'aiîûrer cet Etat à la

î-^- Couronne de Portugal par un coup d'un plus

erand éclat. Car il fît fi bien , fous le prétexte

DON Emma- ^ ,-, . a j iij in

NUEL Roi. qu il pourroit naitrc des troubles dans le Koyau- alphonse me à caufe de la multitude des Princes du fang des Rois d'Ormus qu'on avoir aveuglés pour les écarter du Trône ; mais qui avoienc femmes èc enfans , dont on pourroit fe préva- loir contre le Roi régnant , qu'il fe fit livrer ces Princes, qui étoient au nombre de quinze, èc les envoya à Goa avec leurs familles dansl'efcadre de Garcie de Norogna,afin de les y tenir fous bonne garde. Et lorfqu'il partit lui-même d'Or- mus , il donna ordre à Pierre d'Albuquerque, qu'il laifTa Gouverneur de la Citadelle , de fe rendre maître des deux enfans de Zeifadin , afin de tenir le Roi en bride par ces deux jeu- nes Princes, qui étoient les légitimes héritiers de la Couronne.

Avec cela il ménageoit fi bien le Roi, que ce Prince , qui lappelloit ion père, paroifloic lui avoir obligation de tout ce qu'il faifoit; ôc il contenoit fi bien les Portugais , qu il n'y en avoit pas un qui of ât faire la moindre inf ulte, ou qui la fit fans en être puni. Il y en eut fepc qui déferrèrent , Ôc pafferent chez les Arabes. Le Général les fit fuivre , & fe fervit pour cela deRaixNoradin. Ils furent pris^ &c parfentence de Juge ils furent brûlés vifs dans le même ba- teau , dans lequel ils s'écoient évadés , à l'ex-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 51;

)UVER«

ccpcfbn de deux, qui ayant rendu quelque fer- A n n. de vice dans la malheureufe affaire deCalicut ^■^' le Maréchal fut tué , méritèrent qu'on leur commuat leur peine en celle des Galères. Cet^ nuel roi. te feverité , qui contenoit tout le monde dans Alphonse le devoir , augmentoit l'eftime qu on avoit pour ^^rque le Général, & le mit en telle réputation , que ^°' les Cheqs ou Princes voilins le hâtèrent de de- mander l'on amitié, ou par eux-mêmes venant en personne le laliier , ou par les principaux Officiers de leur Cour.

Cependant il tomba malade: un dévoyement caufé par fes travaux continuels le mit (i bas en peu de tems , qu il fit fon teftament j 6c reçut ■tous les Sacrements comme pour mourir. Un peu de relâche qu il eut dans ion mal 1 obligea de s'embarquer pour retourner à Goa. Il le fit fi fecretement , que cela même fit qu'on le crut mort. On fut néanmoins détrompé par ceux que le Roi envoya à fa fuite pour lui porter dés rafraîchiiTements de fa part.

A peine fut-il hors du Golphe qu'il parut un petit bâtiment de Maures parti de Diu , qui portoit des Lettres pour lui. L'une étoit d'un Maure , nommé Cid-Alle , & l'autre d'un Am- baffadeur du Sophi auprès du Roi de Cambaïe. Le premier lui apprenoit que Loup Soarez d'Albergaria étoit arrivé dans les Indes avec douze VaifTeaux , & venoit pour lui fucceder en auahté de Gouverneur : Que Diego Men-

TTc ij

D

NUïL Roi.

Alphonse b'Albu-

GOUVER-

MEUR.

jl6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de dez de Vaiconcellos venoic commander ''5. Co- J- C- chin , Diego Peréïra erre faéleur , & que le Roi avoir ainn difpofe de plufieurs poftes. Il ajou- toir que Melic Jaz etoïc ii mortihe de Ion rap- pel,qu'il n'avoir pas eu le courage de lui écrire. L AmbafTadeur d'Ifmaël lui difoir à peu prés la même chofe , tâchoir d'aigrir Ton efprir fur l'in- grarirude avec laquelle on recompenfoir Tes fervices , & lui offroit un afyle chez fon maî- tre, avec tous les biens àc tous les honneurs dont il e'roit digne.

Albuquerque dans lerat il étoit , n'é- toit pas àle'preuve d'un revers , fi peu mérité & fi peu attendu. Saifi à la vûë du triomphe de fes ennemis , & du progrès qu'ils avoient fait dans l'efprit du Roi , il ne put s'empêcher d'en témoigner fa furprife. » Quoi, s'écria-t'il, Soa- » rez Gouverneur des Indes ? Vafconcellos èc » Diego Peréïra , que j ai fait paffer en Portu- " gai comme criminels , renvoyés avec hon- «neur î J'encours la haine des hommes pour >' l'amour du Roi , & la difgrace du Roi pour l'amour des hommes ? Au tombeau , mal- heureux vieillard , il eft tems , au tom- » beau. « Il répéta plufieurs fois ces derniè- res paroles pénétré de la plus vive douleur. Après néanmoins que cette première impref^ fion eut pafTé , il parut plus tranquille , & fe laifTa perfuader d'écrire au Roi. Il le fît en ces termes. » Seigneur , j'écris cette dernière Let-

\

NEUR,

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 517

« treàvotre Akeffeavec un ferrement de cœur, ANN.de >' qui m'eit un figne certain de ma mort pro- J- ^• » ciiaine. J'ai un iils dans le Royaume, je vous ^

I 1 r 1 ^ j Don Emma-.

" prie de le raire grand a proportion de mes NUEtRor? wlervices , & je lui ordonne de vous le de- Alphonse w mander ious peine d'encourir ma maledi- ^!,'^"""

1 QU E R Q_il E

» (flion. Je ne vous dis rien des Indes , elles couver " VOUS parleront allez , ôc pour elles , & pour »> moi. <c

Il fît cnfuite brûler les Lettres que les Mau- res de rindoflan e'crivoient à leurs correipon- dans d'Ormus, en les avertifTant de ne point livrer la Citadelle aux Portugais j que le Gou- verneur e'toit relevé , qu'il en e'toit venu un nou- veau bien difl-erent de Ton pre'décefTeur, & qui feroit bien plus favorable à leurs affaires. Apres cela il ne penfa plus qu'à fon falut ^ & quand il fut près de Goa, il envoya chercher le Vicaire général & le Médecin. Le mal avoir trop gagné pour que celui-ci pût y faire quelque chofe. Le Vicaire général lui adminiftra les derniers Sacremens, quil reçut de nouveau avec les fentimens d'une très-grande pieté. Toute cquq nuit prelque s'étant paffée dans les exercices de religion , il rendit fon ame à Dieu un peu avant jour le 16. Décembre 151 y. la foixante- troifiéme année de fon âge , dont il avoit paffé les dix dernières dans les Indes.

Son corps fut porté à Goa , Se enfeveli dans l'Eglife de Notre-Dame de la Montagne, qu'il

TTt iij

5i8 CoNQUESTEs DES Portugais

M£UR.

A N N. de avoic bâtie. Les obfeques qu'on lui fit furent

^' ^" magnifiques , & durèrent prés d'un mois. Mais

^ le fafte de la pompe lugubre de cette iolemni-

DonEmma- , . . r ^ 1^ ^Li 1 j •■•I

NUEiRoi. te lui rut moms honorable que le deuil um- alphonse verfel cette Ville fut plongée, & les lar- QiiïRQ^iE mes que re'pandoient fans diftindion Chrétiens, GouvER. j^ufulmans ôc Gentils , dont chacun croyoic perdre en lui fon père ou fon appui. Plus de cinquante ans après fes ofTemens , furent tranf portés en Portugal , on lui fit encore de grands honneurs,

. Sa maifon tiroit fon origine des enfans na- turels des Rois de Portugal , dont le fang fut autant honoré en lui que dans fes Princes légi- times. Il étoit le fécond fils de Gonzales d'Al- buquerque, Seigneur de Villaverde, &de Dona Leonora de Menefes , fille du premier Comte d'Atouguïa. Dans fa jeuneffe il avoit été grand EcuyerduRoi Jean fécond , & s'étoit toujours diftingué; mais fa fortune l'attcndoit aux Indes, elle devoit lui faire acquérir le nom de Grand, &c le mettre au niveau des Conquérants les plus célèbres.

H étoit d'une taille médiocre , mais bien pro- portionnée. Il avoit le tour du vifage agréable, le nez aquihn & un peu long, 1 air noble &ma- jeftueux. La vieilleffe le rendit encore plus vénérable par l'extrême blancheur de fes che- veux, & d'une barbe fi longue, qu'il pouvoic ianoiieràfa ceinture. Dans le Commandement

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 519

il paroifloit grave & feverCj & dans la colère An n. de terrible ^ hors delà il etoic gracieux , plaifant & ^- *-• aimable. Il avoir cultive' Ton efpric par les belles '^ ^' Lettres. Il parloit fur le champ avec grâce, & n°£i.r'o''i,*° e'crivoit encore mieux. Il alTaiionnoit toujours alphonss fon difcours de quelques bons mots. Se il affec- ^fj^^'j toit cela en particulier quand il parloit en mai- "^«"^er- tre, afin de corriger par-là ce que fon air trop fevere avoir de rebutant.

La droiture , la juftice ôc l'amour du bien pu- blic faifoient proprement Ton carad:ere. Il e'toic fevere fouvent jufques à la cruauté, avare pour les inte'rêts du Roi , inflexible dans ce qui étoit du fervice & de la difcipline militaire j mais (i afïeâ:ionné en même tems à procurer le bien d'un chacun , que de ce mélange de qualite's au- fteres ôc officieufes, il re'fultoit une idée géné- rale qui le faifoit aimer de ceux-même qui haïffoient fa feverité outrée. Sa rigide équité avoit fait une fi grande imprellion , qu'après fa mort les Gentils èc les Maures alloient offrir des vœux à fon tombeau, pour lui demander juftice contre la tyrannie de quelques-uns de ceux qui fuccederent à fa place , fans fucceder à fes vertus. Durant fa vie fa rigueur lui fit de grands ennemis , &c lui procura bien des dé- goûts j mais la facilité avec laquelle il revenoic à leur égard , & les excufoit même à ceux qui i exhortoient de fe venger, ne fervit pas peu à. relever fa gloire.

5 10 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de Dans la guerre il fut véritablement grand J- C. par la noblefîe de l'es projets , k prudence avec ^^'^' laquelle il les conduifoit , & la vigueuravec la- m''LÏor qut-lle il les exécuta. Dans le Conieil & dans AiPHONsE i'adion il paroifToit en lui deux hommes tous daleu- differens. Un jour de bataille il e'toit tellement Couver- Capitaine , qu il le montroit tout loidat , allant aux coups & s expolant comme un entant per- du. On lui en a iouvent fait des reproches inu- tiles, ôc dans l'affaire de Benaftarin Diego Men- dez de Valconcellos , quoique me'content de lui, fut obligé de l'avertir qu'il s'expofoitavec trop de témérité. Sans faire tort aux plus grands Capitaines de fon tems , il n'y en eut point qui eût une réputation plus étendue que la Tien- ne dans les trois parties du monde , l'Euro- pe , l'Afrique & 1 Afie, Avec cela il étoit heu- reux, ce qui fit dire au Roi Ferdinand le Catho, lique parlant à l'AmbafTadeur de Don Manuel, qu'il s'étonnoit que le Roi ion gendre eût penfé à le retirer des Indes \ mais Emmanuel le fit par la même politique qui avoit obligé Ferdinand lui-même à retirer le grand Capitaine Gonfal- ve de Cordouë du Royaume de Napies. Al- buquerque avoit demandé Goa à titre de Du- ché , & ce fut fur cette demande que fes en- vieux achevèrent de le rendre fulped:.

Trois Royaumes conquis, pluheurs Forte- reffes bâties , la paix établie fur toutes les Côtes de 1 Inde, plufieurs Rois {oumis^ faits tributai- res

7}>frt^ Ipa^jc S-xû

/7//«^" et-f^/c L>'Or.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 511

ONSB

d'Albu-

GoUVEI NEUR»

res OU alliés, furent fon ouvrage, dont il n'eut ANN.de d'autre récompenfe que le chagrin d'une dif- J-C. grâce qui le fie mourir même, il avoit '^'^* commencé de naître en héros. Don Manuel nuel^ro"."^ connut pourtant la faute qu'il avoit faite , mais alph trop tard, & fans lui rendre julHce de fes ca lomniateurs. Ce qu'il fît,ceft que véritable- gouv^r- ment il prit foin du fils qu'il lui avoit recomman- dé. Il lui fit quitter le nom de Blaife, pour prendre celui d'Alphonfe. Il le maria enfuite à Marie de Norogna fa parente , fille du Comte de Linarés, ôc de Jeanne de Sylva fille du pre- mier Comte de Portalegre. Il lui eût fait fans doute de grands biens, amfi qu'il l'avoir promis au Comte de Linarés fon beau père j mais après la mort d'Emmanuel, Alphonfe s'apperçut qu'on ignoroit fous le règne fuivant les promeffes qui lui avoient été faites , comme on avoit oublié les fervices de fon père. Ainfi les Héros ne doi- vent compter que fur la gloire qui éterni- fe leurs belles aélions , gloire que l'envie peut obfcurcir pendant quelque tems , mais dont le tems même les fait toujours triom- pher.

Albuquerque avoit fouhaité que quelqu'un pût écrire fon hiftoire. Il eût pu le faire , com- me Cefar avoit écrit la fienne. Ses travaux l'en empêchèrent - mais fon fils y fuppléa. C'eft ce fils qui a donné ks Commentaires que nous avons fous fon nom. Il y paroît un grand amour

Towe L V V u

^Zi CONQUESTES DES PORTUGAIS , ÔCC.

A N N. de de la vérité, une grande modération , beaucoup J- ^- de me'nagement pour la perfonne des enne- mis de fon père , ôc tant de modeftie dans le détail des aâ:ions de ce Héros , qu'on peut dire que le portrait qu'il en fait , bien loiri d'être outré , eft beaucoup au-deffous de Ion original.

1515.

Don EmmA' NU EL Roi.

Alphonse b'Aleu-

Ql'ERQUE GOUVER- M£U&.

Fin du fisiéme Livre.

5^3

.c^^ Kj. + -!>. + ^ ^ 4- + ^ .^ ^ -^ ■!?- + <>- + -<i- ^ -«-^ ■«• + -:> + ^ +^

«^ J: Jf ^ >f «• :f >f ^ ^ >f >f 5^ 5^ ♦'^ ^ Jî- ^ ^ 5^ îf >f ^ :f. J^

HISTOIRE

DES DECOUVERTES

E T

C O N Q^U ESTES

DES PORTUGAIS

Dans le Nouveau Alonde.

LIVRE SEPTIÈME-

LA gloire de la nation Portugaife voloit XT^T^ avec la renommée dans toutes les parties J. C. du monde j tandis que le Portugal ie rempli!- ^^'5- foit des richefles de 1 Orient , & que l'Europe nuilRoi.' ouvroit des yeux admirateurs & jaloux fur la lopesoa- profperité. Don Manuel tranquille fur ion Trô- g""^^^" ne jouifloit du plaifir flatteur du grand nom cio.vER. que lui failoicnt julques au bout de l'Univers fes Capitaines par leurs fuccés ^.leurs travaux & leurs conquêtes , & il reciieilloit fans peine les treTors immenfes qui e'toient le fruit des fatigues inconcevables qu'ils avoient iouffer- tes , & despe'rils fans fin qu'ils avoient courus. Ce Prince fage & toujours zélé pour la Re-

VVu ij

ïERGARiA Cour. Emmanuel leur fit donner l'éducation j^^y^ qui convenoit à leur qualité, ôc les fit palTeu

514 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de ligion fe fît honneur de Tes avantages auprès

J-C- du famt Siège en Prince Chrétien. Alphonfe

Roi de Conco lui avoit envoyé le Prince Henri

Don Emma» ir r\ i r rr

tiviL Roi. ion tils , avcc une nombreule jeunelie compo- iopesoa- fée des enfans des principaux Seigneurs de fa

RIZ d'Al- ~ " ^ . ....

ÏERGARI

Gol'VER-

enfuite à Rome, Ion vit avec une extrême fatisfadiion ces prémices de la Barbarie , venir des extrémités de l'Afrique reconnoître le Vi- caire de Jefus-Chrift , & lui mettre comme fous les yeux les preuves des progrès que faifoit la foi.

Peu de tems après Emmanuel voulut faire encore dans Rome la montre d'une autre forte de biens , en faifant une efpece d'honneur au Souverain Pontife , qui étoit alors Léon X. des prémices des richelfesdelOrient. Triftan d'A- cugna fut le chef de cette Ambalfade , &c con» duifit avec foi trois de fes enfans , dont l'un fut depuis Gouverneur général des Indes. Se- lon les relations qui nous reftent de ces tems- là, ce fut une des AmbafTades des plus fplendi"- des qui eût encore paru dans cette Capitale du monde. Rien ne manqua à la magnificen- ce de l'entrée de l'Ambaffadeur ; mais rien n'é- gala la beauté des prefents. Ils confiftoient en tous les ornements qui conviennent à la perfon- ne du Pape , & à la décoration de fes Autels , lorfqu'il tient Chapelle. C'étoiencdes ouvrages

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. 515

REZ d'Al-

bergaria VER-

en broderie d or & d'argent , fi charge's de per- A n n. de les & de pierres pre'cieufes, qu'ils en croient J'^' tout couverts : (i richement travaille's , que le ^ travail iurpailoit en quelque lorte la matière, nuel roi. "Lts yeux des Romains en furent e'blouisjmais lope soa ce qui ne leur fît pas moins de plaifir , ce fut une Panthère & un Elephant.L'Elephant inftruit/e ^e°ur proilerna trois fois devant le Vicaire de Jefus- Chrift , ôc divertit enfuite la Cour en arrofànt les Ipedateurs de 1 eau qu'il avoir puife'eavec fa trompe. La Panthère dreffe'e à la chafTe e'tran- gla quelques bêtes , fur lefquelles elle fut lâ- che'e. Le Roi de Portugal vouloit aulli procu- rer aux Romains le fpeétacle du combat d'un Eléphant & d'un Rinocerot^ mais leRinocerot ne put arriver jufques à Rome, & mourut fur Jes Côtes des Ge'nes.

Tandis que tout l'Univers applaudiffoit à ce Prince fortuné, il creufoit lui-même le tom- beau , il devoir enfeveliravec Albuquerque k'plus beau de fa gloire & de celle de fa nation. Il fe repentit, il eft vrai, de lui avoir envoyé un fuccefleur, & il écrivit à Soarez bornant fon Gouvernement de Cochin à Malaca , & laif fant le refte à Albuquerque , ainfi qu'on le voie dans la Lettre de ce Prince rapportée tout au long dans les Commentaires de ce grand hom- me. D'autres difent qu'il écrivit à Albuquerque le priant de choifir une place dans les Indes à fon gré, il leroit indépendant du Gouver-

y Vu iij

5l6 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de neur, avec promefTe que dés que le tems de

J- ^ Soarez (eroic expire' , il lui rendroit le Gouver-

^^ nement avec le titre & les honneurs de Vice-

NurLiroT." roi. Mais le coup étoit frappé & le mal étoit fans

lopesoa- remède.

BiR^Àlil Soarez arrive' à Cochin,fit ce quefont quelque- GouviR. foisles perfonnes qui entrent en place par rap- port a leurs preaecelleurs,a quiiisnecroiroient pas fucceder, s'ils ne lesde'truifoient eux & leurs ouvrages ; en quoi ils font fécondés commu- nément par des lubalternes , qui changeant d intérêt comme d'objet , ou n'ont d'autre mé- rite que celui de fçavoir faire leur cour à un nouveau venu , ou éclypfent le mérite qu ils ont en fe ren^eant du côté des fades Adula- teurs. Il vifita les places , fît des changements partout , mit fcs créatures dans les diflferents pofles , cafTa & perfè'cuta toutes celles d'AIbu- querquc, renverla toutes fes idées , prit des fy- ftên*ies tout contraires , s'attacha en particulier àchagriner parde mauvaifes manières DonGar- cie de Norogna, à qui fon oncle avoir fait pren- dre les devants pour Cochin , en lui permettant de retourner en Portugal. En un mot il fît tout nouveau , croyant Tans doute faire bien. Mais on s'apperçut , bien-tôt de la diflference qu'il y avoir d'homme à homme. Les ennemis des Portugais reprirent "cœur , leurs amis fe refroi- dirent , les Rois de Cananor , de Calicut & de Cochin , àc particuUerement ce dernier , per-

DANSLE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 517

dirent pour lui la confiance (qu'ils avoient dans A n n. de Albuquerque , à qui ils ne Içavoient rien refu- ••• ^* fer. Les Portucrais eux-mêmes parurent s'ab-

, 1 ■„ r 1 ' ' Don I^MMA-

batardir j & ceux quijulques alors avoient ete nuïlRoi. des He'ros , ne parurent preique plus que com- ion: soa- me des Marchands ou des Pirates. Ce n'eft "''' '"^"

Bt RGARIA

pas que Soarez n eût Ion mérite; mais il pou- ^J^,';',^'^^' voit en avoir beaucoup , ôc être beaucoup au- defTous d'Albuquerque.

Les mauvais lucces &: les diigraces qui ar- rivèrent enluite coup iur coup, firent fentir da- vantage le parallèle par Ion contraire , la for- tune qui fe mêle louvent delà réputation des grands hommes , éclypfant d'ordinaire leurs belles qualités , ou faiiant éclater les médio- cres , félon qu il lui plaît de les iervir bien ou mal. C'ell pourquoi on a toujours dit que les grands talents ne fuffifent pas feuls à ceux qui commandent j mais que dans le choix qu'on fait de leurs perfonnes , il faut encore faire at- tention s'ils (ont heureux.

Il y avoir déjà quelques-années qu'on mena- çoit les Portugais d'une nouvelle Flotte du Ca- liphe ; mais tous les bruits qu'on en répandoit^, s'évanoiiifToient eniuite , & rien ne paroliToic- En effet foit que ce Prince eût affez d autres affaires , foit qu il fût rebuté du malheureux - fuccês de fa première tentative , il paroifloic s'endormir fur fes intérêts. Deux choies le ré- veillèrent de ce profond afloupifîèment. La.

^iS CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de première fut TadrelTe de l'Emir Hocem. Lafe- J- ^- ^conde , l'épouvante que lui caufa la Flotte Por- ^ ' tugaife entre'e dans la mer Rouge fous les orJ r 'rot: dres d'AIbuquerque.

LoptsoA- Hocem ayant été battu par Alméïda, n'ofa rlzdAl- p^5 retourner au Caire, de peur d'y payer de

BERGARIA f. ^ , p 1 r r C 1

Goi'vER- la tête les rautes de la mauvaile fortune. Les Princes Mufulmans en ces tems-là ne faifoient point de grâce à leurs Généraux malheureux: Mais comme c'étoit un vieux courtifan , il réfolut de faire fa paix avec fon Prince irrité, par quelque lervice important , qui pût lui aider à rentrer dans fes bonnes grâces. Dans cette penfée ayant conféré de fes vues avec le . Roi de Cambaïe & Mélic Jaz , il recueillit les débris de fon armée , & fe retira à Gidda ou, Judda , ainfi que les Portugais la nomment. Cette Ville qui eft fituée fur la Côte d'Arabie à vingt-un dégrés & demi de latitude Nord , quoique ancienne & alfez jolie pour lés édi- fices, n'avoir d'autre mérite que d'être fréquen- tée par les Pèlerins qui alloient à la Méque , dont elle n'ert qu'à une journée. Le terroir n'y produit rien on eft obligé d'y payer l'eau très- cher , parce qu'on l'y porte de fort loin fur des bêtes de charge. Elle n'avoir alors aucunes mu^ railles, & étoit fujette aux couries des Bediiins Arabes, qui l'infeftoient par leurs voleries.

Hocem déterminé à s'y établir , fit entendre aux habitans , pour gagner leur bienveillance ,

qu'il

DAKS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. 519

qu'il vouloit rcfter parmi eux pour les garan- a n n. de tir du pillage des Arabes , qui venoient les ran- ^' çonner juiques dans leurs maifons. Mais en

^ ^ ^ 1 ' .. /^ I- 1 J' DonEmma-

meme tems il écrivit au Caiipiie d autres mo- nuelRoi. tifs qu'il Içavoit devoir être agrée's. Il com- lopfsoa- mençoit fa Lettre » en expofant d'une manie- bergar"!! «re de'licate le malheur de fa défaite, qu'il at- ^eur?'^' »» tribuoit aux péchés des Mufulmans,& à 1 indi. » gnation de leur grand Prophète. De-là paffant »> aux progrés extraordinaires que les Portugais »> avoient faits, dans les Indes contre l'effort de » toutes les Puiffances de 1 Afie, ilfuppofoit que leur principale vue étoitdefe rendre les maî- « très du tombeau de Mahomet,pour retirer des » Mahometans les mêmes tributs qu'ils reti- »' roient eux-mêmes du faint Sépulchre & des » Chrétiens qui le vifitoient. Il ne fe trompoit '

pas en un fens -, car il eft certain qu'Albuquer- que zélé contre l'Alcoran autant qu'on puiffe l'être , avoir formé le deffein de détruire la Mé- que & Médine , fans y lailfcr pierre fur pierre , & d'en enlever les tréiors qui y font ; & il auroic exécuté ce projet , s'il eût vécu. Il l'avoit tenté d'abord étant dans la mer Rouge, lorfqu'il fie route pour Gidda -, mais les vents refulerent. Cçla ne lui fit point perdre de vue cette réfo- tion qu'il crut pouvoir effeéluer, quand il (e feroit rendu maître d'Ormus ôc de quelques autres pofies fur le Golphe Perfique ôc dans ryemen , d'où il prétendoic envoyer par terre Tome /. X X X

/■

5.30 CoNquestes des Portugais

A N N. de des gens dëtermine's pour les emporter d'un

J* ^' coup de main. » Hocem repréfentoic enfuite

» comme un moyen efficace de s'oppofer à leur

Don Emma- . r, , a.. .-i j r 12 /^ \

NUEL Roi . » cntreprile , la vue qu il avoit de rortiher Gid- lopesoa- »da,qui afïûreroic le tombeau de Mahomet BERG^ARiI "Contre les armes des Chrétiens, & rendroic Couver. encorc le Caliphc maître de toute cette Côte " de la mer Rouge. «

L'artifice d'Hocem re'iiffit. Le Caliphe ga- gné par ce zélé apparent de Religion, & par l'intérêt perfonnel qu'ilytrouv oit, lui envoya des fecours d'hommes & d'areent, lui donna des ordres pour entourer Gidda de murailles , &y bâtir une bonne Citadelle afin de tenir les habitans fous le joug ^ ce qu'il fit. Mais comme lalarme qu'eut le Caliphe de la Flotte d'Al- buquerque & des progrés de ce conquérant, lit encore plus d'imprelïion , il penfa iérieuie- ment à faire une nouvelle Flotte pour les In- des. Il en fit couper les bois en Afie, comme la première fois. Et quoique le Bailli Portugais de l'Ordre de faint Jean de Jerulalem battit en- core cette Flotte dans la Méditerranée , coula fix VailTeaux à fond , & en prit cinq , il fauva afîéz de bois de conftrudlion , pour faire à Suez vingt-fept bâtimens , Galions , Galères, Fulies & Gelves , aufquelles on travailla avec une ex- trême diligence.

Dans le fort de ce travail , Raiz Soliman , Corfaire célèbre , arriva à Alexandrie, Pour lui

DANS LE NOUVEAUMONDE. LiV. VII. ^31

RE2 D'Al- BERGARIA R.-

ofFrir (es fervices. C'étoir un homme de bafTe a n n. de nai (Tance à Mytiiene dans les Ifles de l'Ar- ^- ^' chipel.Il avoir fait d'abord le me'tierde Pirate , ^

'^ . , , . -Il- ^oN Emma»

êc acquis quelque réputation j mais les plain- nuelRoi. tes que les Turcs même firent contre lui à la lope soa Porte lui ayant fait appréhender l'indignation de cette Cour , il vint croifer fur les Côtes dl- ^°"''^^

1 s r r NEUR,

talie & de Sicile , ayant fait des priies con- flderables , il fe mit en état de le faire recevoir du Caliphe, avec d'autant plus d'eftime , qu'il fe préfentoit en meilleure pofture.

En effet Sultan Campion le reçut comme un homme qui lui étoit envoyé du Ciel dans les circonftances , & auffi-tôt il le nomma Géné- ral de la Flotte qu'il avoit fait équipper à Suez. Il lui donna Hocem pour Lieutenant Général, avec ordre de l'aller prendre à Gidda , d'aller enfemble à Aden pour s'en rendre les maîtres ; & s'ils ne pouvoient en venir à bout, d'aller conftruire une ForterefTe dans l'Ide de Cama- raii , il fçavoit que les Portugais avoient tenté d'en faire une.

Soliman exécuta fa commiflion avec le plus de fidélité & de promptitude qu il lui fut poiïi- ble , & alla fe prefenter devant Aden. Le Roi d'Aden prévenu de l'arrivée de la Flotte Mu- fulmane,&: ne pouvant douter des mauvaifes intentions du Caliphe, avec qui il étoit mal, avoit mis la Ville en défenfe. Il avoit tiréd'E- lach & des autres places de {qs Etats de puilTants

XXx ij

Don Emma NU EL Roi.

JIEZ d'Al- BERGARIA

Gouyf.R-

'5 CONQUESTEs DES Portugais

fecours de troupes & de munitions, qu'il avoic envoyés à l'Emir Amirjam pour pouvoir foute- nir un fiege.Soliman voyant le peu de cas qu'om fît de fa Ibmmation , bat la place avec fureur , lopesoa- fait une large brèche , monte à l'afTaut , entre dans la Ville. Mais il y perdit tant de monde ;, qu'étonné d'une vigoureuse refiftance , ôc de- fefperant de pouvoir la prendre , il fe retira , ôc alla à Camaran pour y commencer la Citadelle qu'il avoit ordre de bâtir.

Le féjour ennuyeux de cette Ifle , ou la faim Se la foif ne pouvoient pas tarder à fe faire fen- tir , joint à un travail défagréable & éloigné de fon génie ad:if & entreprenant, lui ayant dé- plu, il laifTaHocem continuer l'ouvrage d'une place , dont le Caliphe lui avoit defliné le Gou- vernement , & pafla avec la meilleure partie des troupes dans la terre ferme , pour aller fe ren- dre maître de la Ville de Zéibit, qu'il empoTta.

Sur ces entrefaites la nouvelle eft portée à Camaran, que le Caliphe ayant pafîe dans la Syrie à la tête d'une puiffante armée contre Selim Empereur des Turcs, avoit été battu au- près d'Alep en bataille rangée, &c y avoit per- du la vie. Quoique ce ne fût encore qu'un bruir fourd & incertain, Hocem, qui étoit piqué qu on lui eut préféré Soliman dans le Com- mandement général , en profita pour débau- cher les troupes qu'il avoit avec lui. Il ne man- qua ni de railbns ni de facilités pour perfuader

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VIÎ. 535

des gens qui fouffroient j de force que tous de Ann. de concert abandonnent 1 ifle, & fe recirent àGid- ^' ^* da. Soliman, qui en fut bien-tôt inll:ruit,y vole ^ ' de fon coté. Hocem lui ferme les portes. On nu^l roT."^^ alloic en venir aux mains de part & d'autre , lope soa- quand le Muphti de la Mëque tranfporté du bkrg°.A^a zélé de fa Religion , de faiii de l'horreur des c°^^'=^- maux qu'alloit caufer cette guerre civik , ac- courut à Gidda , &z termina les différents des deux Compétiteurs. Hocem fut la vidime de cette faufle paix , quoiqu'il s'en déliât. Soliman (c faifit de îa perlonne fous prétexte de i en- voyer au Caliphe pour en faire juftice , & le fie jetter fecretement dans la mer une pierre au cou. Les bruits de la mort de Camplon s'étant enfuite vérifiés, Soliman (e déclara pour Selim^ & s'en fit un mérite auprès du Sultan, qui ayant l'année luivante achevé de détruire î Empire des Mamm.élus, eut obligation à Soliman de ce qu'il avoit fait, ôc reconnut [çs fervices.

Emmanuel qui avoit eu des avis fûrs des nou- veaux préparatifs , que le Caliphe faifoic à Suez: pour cecte Flotte dont je viens de parler, avoit aufîi envoyé de nouveaux ordres au Gouver- neur, & de puiflants renforts pour aller la com- battre. Soarez avoit été inlfruit d'ailleurs par Don Alexis de Menefes , qui avoit hyverné à Ormus, d'une partie des chofes que je viens de rapporter j de lorte que fans perdre de tems, il fe mit en mer. Sa Flotte compofée de qua-

XXx hj

JDoN Emma.

NUEL Roi.

LoPH SOa-

REZ d'Al-

BîRCARIA

GOUVER.

M£UR.

1^4 CoNQUESTES DES Portugais

ANN.de rance-fept Vaifleaux étoic la plus belle & la plus J- C. nombreufe que lesPorcugais euflent encore eue '^ ' ' dans ces mers. L élite de les Capitaines étoit de gens braves ôc de difl:inâ:ion ^ mais bien infé- rieurs pourtant à ces vieux Officiers, qui avoient ferviious Alméïda ôcfous Albuquerque, & que le dégoût du nouveau Gouvernement avoic obligés de repalTer pour la plupart mécontens en Portugal , avec Don Garcie de Norogna. En entrant dans le port d'Aden , Soarez fa- lua la Ville de toute Ion artillerie , & d'un grand bruit de fanfares & de trompettes,qui dura près de deux heures. La Ville ne répondit point au falut , ce qui étonna le Gouverneur , & com- mença à l'embarrafTeri car il n'avoit point d'en- vie d'attaquer la place. Peu de tems après il fe rafTûra , voyant venir un efquif à (on bord avec un drapeau blanc en (igne de paix. La brèche que Soliman avoit faite, n'avoit point été^répa- rée. Amirjam prenant confeil de la nécefTité il le trouvoit, envoyoit trois perfonnes des plus notables de la Ville pour en porter les clefs au Général, en lui dilant. » Qu'il fe recon- »5 noilloit pour vafTal du Roi de Portugal , ôc » livroit la Ville à (a difcretion : Qu'il auroin « fait la même chofe , lorfque Albuquerque s'y » préfenta , fi ce Général trop auftere n'avoit » d'abord révolté tous les habitans contre lui, M &c infpiré une crainte qui les obligea de fg »> mettre fur la défenfive. «

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 535

Jamais occafion ne pouvoir être plus belle ANN.de de s'emparer d'Aden , &: d'y conltruire une ^- '^• ForcerefTe ; & , jufques au dernier Moulle de la ^ ^ '

' '/ 1 Don Emma-

la Flotce j il n y avoïc perionne qui ne jugeât nuelRoi. qu'il ne falloir pas la laiffer échapper. Soarez lopesoa- icul penla autrement , & ne daigna pas même bergari tenir confeil fur la conjonârure prelente. Il fît n°iI!^ re'pondre à l'Emir qu'il reier voit fi bonne volon- té pour le retour , qu'il étoit prefTé d'aller cher- cher la Flotte du Sultan pour la combattre, qu'il lui demandoit feulement quelques Pilo- tes, Se des vivres qu'il payeroit bien. L'Emir ne fe tint pas de joye à cette réponfe qu'il n'eût jamais ofé cfperer , & n'attendant que l'heu- reux moment du départ de cette Flotte , il fît tout ce qu'il put pour l'accélérer, en envoyant tout ce qu'on lui demandoit, & cela avec des manières (i polies , que l'aveugle Soarez en prit occafion de s'applaudir de l'énormité de fa faute.

' Ayant levé l'anchre huit jours après , il fît route pour la mer Rouge , & penfa périr dans le détroit, pour avoir voulu marcher la nuit. Une tempête qui s'éleva maltraita extrê- mement fa Flotte , & la mit en grand danger. Il en fut quitte pour la perte d'un de fesVaiffeaux, qui fe trouva fi chargé des prifes qu il avoit faites , qu'il coula à fond : digne récompen- fe de l'avarice du Capitaine, qui eut le mênie fort que fes tréfors.

I^EZ D'Al BERGARI A Gol! VER- DEUR.

536 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de Après bien d'autres difgraces la Flotte fe J- c. montra devant Gidda. La frayeur penfa en chafl ^'^' ' fer tous les habitans ; Soliman les raffûra. La

Don Emma- j j/^'^ir» -i -n-

nuilRoi. prudence du General Portugais les tranquilli- lopE soA- fa encore davantage. Il eft vrai que le port étoit de difficile accès , qu'on ne pouvoit en ap* procher que par un canal tortueux, qui e'toit fortifié de quelques redoutes & de quelques batteries. Soarez appréhenda de s'y engager. Tandis qu'il perd le tems en irrefolutions^ So- liman , qui connut à qui il avoir affaire , lui envoya propofer le duel corpsà corps. Soarer €Ut lafagefle de le refufer. C'en étoit une ,s'il avoit ofé entreprendre de s'emparer de la Ville, & de brûler la Flotte du Caliphe, comme il le pouvoit , & que tous les Officiers , qui frémif. îoient de colère & de honte , le demandoient; mais n'ayant pu prendre cela fur lui,fe voyant infulté en toutes manières par les ennemis, & ne pouvant tenir contre les reproches des fiens, dont la plupart mouroient de ioif , il fe remit à la voile pour l'IUe de Camaran.

il éprouva de nouveaux chagrins. Les ha- bitans s'étoient enfuis s à peine put-il obtenir quelques vivres d'une Ifle voifine , quel- ques-uns de fes gens furent enlevés par trahi, lon& envoyés à Soliman. Faute de commodi- tés pour finir la Citadelle que les Mammelus avoient déjà bien avancée, le Général ladétrui- fii. La pefte,lafaim, la foiffaifant enfuitedç

furie w$

NEUR.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. 537

furieux ravages parmi Ton monde , les tempe- An n. de tes lui ayant encore fait perdre quelques Vaif ^- *^- féaux , les nations des deux bords de la mer Rouge étant comme conjurées pour lui reru- nuelRoi. fer toutes fortes de fecours , il repaffa le détroit lope soa~ de Babelmandel, &alla tomber fur Zéila à la bÈrgIriZ Côte d'Afrique. ^!ir^'^'

Cette Ville affez peuple'e étoit toute ouver- te & fans défenfe ; mais comme on y comptoic beaucoup fur le Ge'ne'ral , dont on fçavoit tous les de'faftres, le mépris donna du courage à fes habitansj qui ayant fait fortir les femmes & les bouches inutiles , pour les mettre en fureté dans la profondeur des terres j s'armèrent , & firent bonne contenance fur le rivage. Lanéceiïité fit qu onferéfolut à la defcente. Les ennemis s'en étonnèrent peu, & reprochant aux Portugais la lâcheté qu ils avoient fait paroîtreàGidda ^ ils leur infultoient en leur promettant qu'ils leur fe- roient meilleur acciieil,que n avoir faitSoliman, L'avant-garde & le corps de bataille avoient déjà mis pied à terre, & s'impatientoient fu- rieufement des lenteurs du Général qui condui- foit l'arriére -garde. L'ennui de fes délais d'une part, & la honte des infultes des ennemis de l'autre, l'ayant emporté fur le devoir , tous de concert fondirent lur ces habitans rodomonts, qui foutinrent mal la gageure. A peine firent- ils quelque refiftance. Ils gagnèrent leur Vil- le , entrèrent par une porte, ôc (ortirent par

Tome I, YYy

538 CoNQUEsjEs DES Portugais

KIVK,

ANN.de l'autre avant que le Ge'ne'ral , qui procedoic

J- C- avec beaucoup de phlecrme , eut defcendu. Soie

raillerie ou autrement , Simon d Andrade lui

DonEmma- j- 1 r 1 a >•!

nuelRoi. envoya dire de le hâter, qu il pouvoir venir lopesoa- en toute confiance, &z ne trouveroit plusper- ïERG^AR^il Tonne qui lui fit tête. Le compliment ne plût GoivER. p^5 beaucoup à Soarez , & il parut très. piqué, qu'on lui eût dérobé la gloire qu'il devoir ac- quérir à cette aâ:ion.

La Ville fut pillée. On y prit quelques pro- vifions ; mais peu. Le Général fit mettre le feu à tout le refte , comptant le pourvoir abondam- ment de tout à Aden, il retourna plein de cette confiance avec laquelle il en étoit parti. Mais il n'en étoit plus tems , Ihabile Amirjani avoit profité de fa bévûë,&: s étoit fortifié de foii mieux. Les brèches étoient réparées , les rem- parts garnis d'artillerie , & la Ville pleine d'u- ne bonne foldatefque prête à la bien défendre. Ainfi n'ayant plus rien à rédouter d'un homme qui avoic d'abord perdu toute fon eftime , ôc qui dans l'état ou il fe préfcntoit , étoit plus capable d'exciter la compaffion que la terreur, il lui refufa jufques à cette compafïion même ^ ne voulut pas confentir qu'on lui fournît des vivres, & permit à peine qu'il pût faire de l'eau qu il lui fit payer bien cher.Dans cette extrémi- té , Soarez confus ôc réduit à une efpece de dé-, fefpoir , retourna lur la Côte d'Afrique vers la Ville de Borbora j mais les calmes l'ayant pris ^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 559

il fe vit contraint au premier vent de gagner a n n. de Ormus , & de les Indes , ayant perdu encore ^- '^• en route une partie de fa Flotte que les tem-

A ^ ,-r r ■■ -11- J' DonEmma-

petes diiliperent, lans avoir recueilli d un ar- nuelRoi. mement (i formidable d'autre fruit, que la hon- lope soa- te de n'avoir abfolument rien exécuté de tout ^l^^'C^'

BERGARIi

ce que le Roi lui avoit commandé , & d'avoir ^qi^ver- petdu par fa faute deux des plus belles occa- fions ;, que la fortune pût lui prélenter.

Un malheur eil fou vent fuivi d'unautre.Pen- dant que Soarez étoit occupé à fa trifte expé- dition , Goa penfa revenir à fon premier maî- tre par la faute de fon Gouverneur , Don Gut- tieres de Montroi , homme de qualité , &c pro- che parent du Général , avec qui il étoit revc nu dans les Indes pourvu par le Roi du Gou- vernement de cette place. En voici l'occafion. Fernand Caldéïra qui avoit été Page d'Albu- querque, s'étoit établi à Goa fous la protec- tion de ce Général, & s'y étoit marié. Il fut peu après accufé à la Cour d'avoir fait le métier de fourban , courant également fur amis & fur ennemis , & fut traduit en Portu- gal chargé de fers. Comme il étoit homme d'efprit , il fe défendit fi bien , qu'il futabfous, & renvoyé avec honneur. Il repaiïa avec Soa- rez , & s'embarqua fur le VailTeau que com- mandoit Montroi. Celui ci étant à Goa avoir eu quelque galanterie avec la femme de Cal- déïra, & dans la route , Coit que Caldéïra en dé-

YYy ij

M£UK.

540 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de couvrît alors quelque chofe , foit que le fou- J- c. venir du pafTé fît renaître des idées deTagréa- ' ' blés, ils eurent des paroles (i vives, que Cal- NUEL Roit" déïra lailTant la Flotte à Mofambique , pafTa à lopeSoa- Goa fur un autre petit bâtiment. Y e'tant ar- bergIri^I rivé , Payant eu de nouveaux éclaircilTements GouvFR, fur (es foupçons , il coupa le vifage & les jarêts à Henri de Toro , qui avoit été l'entreme- teur des intrigues de Montroi. Se défiant enfui- te de la paflion & de la vengeance de celui-ci dans une place il devoit être le maître ; d'un autre côté (e voyant fans appui par la mort d'Albuqùerque , il ie retira à Fonda place de ridalcan , y conduifit fa femme , ôc y porta tous ies effets. Ancoftan , qui y commandoit pour •ridalcan, fçachant qu'il étoit brave, le reçut avec plaifir j & lia bien-tôt avec lui.

Don Guttieres prefTé également defon amour &du defir de fe venger,fu t très-irrité de la retrai- te de Caldéïra, & par divers meffagesne ceffoit de folliciter Ancolian de lui remettre ce trans- fuge,pour en faire juftice. Ancoftan qui avoir de la probité, ne voulut jamais entendre à fes pro- portions ,&futoffenfé qu'on voulût l'obliger à violer le droit d'hofpitalité & d'afyle , qui devoit être inviolable fur les terres de fon maî- tre. Ces négociations ne réu/Tiflant pas , Mon- troi fuborne un Portugais nommé Jean Gomez pour affafïmer Caldéïra. Gomez prend la com- miftion, &c va s'établir à Fonda. Caldéïra qui le

A-

L- lA

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 541

connoiflToic le reçoit à bras ouverts ,lui donne A n n. de un appartement dans fa maifon , 1 introduit j'^' chez Ancoftan , & le met dans Tes bonnes era-

, . N A n ' Don Emma.

ces. Quelques jours après Ancoltan étant mon- nuel«roi.

à cheval , & s'etant aile' promener avec eux lopeso

hors de la Ville, Gomez fait femblant d'avoir l^lc^l

quelque chofe de particulier à dire à Calde'ïra: ^"r.^^'

lit. ' NELR.

il le tire un peu à l'e'cart , le tue fous les yeux jnême d'Ancoftan , & pique des deux. Anco- ftan outré le fait fuivre , & fans autre forme de procès lui coupe la tête, dès qu'on l'eut ame- né devant lui.

Plus irrité encore contre Ancoflan, qu'il ne l'avoit été contre Calde'ïra , Montroi fentit auiïi un plus violent défit de s'en venger, &nepoU' vant le faire honnêtement , il voulut lexécuter par une trahifon. Afin donc de mieux couvrir fon deflein fous les apparences d'un fimple di- vertiflément, il fe prépare à donner un Carou- fel, des jeux de cannes , & autres fpeâ:acles pour les Fêtes de la Pentecôte. Il y invite tou- te la jeuneffe de la Ville & des environs , tant Portugais que Maures & Gentils , ôc fous ce prétexte , il exerça affez long-tems fa Cavale- rie à faire divers mouvements.

Le jour même de la Pentecôte fur le foir , fans rien dire de fon projet, il prit quatre-vingt chevaux , foixante-dix arquebufiers Portugais, & environ cinq ou fix cens Malabares , qu'il conduiht juiques au pas de Benaftarin , ih

YYy iij

Gouver- neur

^41 CoNQUËsTEs DES Portugais

A N N. de arrivèrent à l'entrée de la nuit. leur ayant J-^- expliqué Tes vues , il trouva quelque difficulté ^' ' dans les gens de probité , à qui cette trahiion.

Don Emma- t /\ T' 1' ' J

NUEL Ror. ne plut pas ; mais ayant interpole 1 autorité du LoPE soA. Roi , prétexté le bien du fervice , il les fit par- BERG°ARiA tir la même nuit pour Fonda , après avoir en- gagé Jean Machiado de laifTer le Commande- ment du parti à fon frère Don Fernand de Montroi. Machiado plus expérimenté que ce- lui-ci j lui confeiUa de fe faifir d'un défilé pour afTûrer fa retraite ; ce qu'il fit. Mais Don Fer- nand ne fut pas aulli docile fur le confeil qu'il lui donna de faire l'attaque de nuit , tandis que tout le monde étoit plongé dans le fom- meil. Il voulut attendre le grand jour : ce qui l'ayant fiit découvrir , Ancoilan palTa de l'au- tre côté de la rivière avec fes troupes , & la plus grande partie deshabitans, dontiifitun corps. Les Portugais étant entrés dans Fonda y payè- rent au fil de l'épée ce qu ils trouvèrent j mais leur Commandant défefperant de forcer le ba- taillon quarré , qui étoit au-delà du pont^, & fentant la faute qu il avoit faite , envoya dire à Machiado de fc retirer avec fes gens de pied , & qu'il alloit en faire autant avec la Cavalerie, avec laquelle il le fouticndroit.

Ancofi:an, prenant cette retraite pour une fuite, pafTe le pont,. donne fur Don Fernand , & fait pleuvoir fur lui une fi grande quantité de flèches , qu'il le mec en délordre , & le faic

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 543

tomber fur Ton Infanterie , qui en fut encore A n N.de plus trouble'e, èc fe mit en déroute. Ce f"uten- ^'^' core pis quand on arriva au défilé: ceux qui de-

J^ , ^ , ,, 11 / '■ . DonEmma.

voient le garder, 1 ayant abandonne pour avoir mel roi. part au butin de la Ville dePonda Ancoftan ne lope soa- manqua pas de l'occuper , & profitant de i'avan- BER^ypRVA tage du lieu , il mit les fuyards dans une fi gran- ^°^'l^^^' de prefTe, que ce ne fut plus qu'une boucherie. Machiado, pour donner lieu à Don Fernand de s'évader, fit ferme pendant quelque tems,& fut tué après avoir fait des prodiges de valeur, pour ne pas tomber entre les mains des ennemis. Si ceux-ci eufTent voulu, il n'échappoit prefque pcr- fonne de ce parti. Ils eurent pourtant lieu d'être contens d'eux-mcmes ; il relia cinquante Portu- î^ais (ur la place j il y en eut vingt-iept de pris,&: plus de cent Indiens ou morts ou prilonniers. DonFernand de Montroi s'étant fauve avec pei- ne, &avcc très-peu de fuite, arriva à Benaftarin Don Guttieres l'actendoit répaiifant fon ef- prit d'avance du plaifir de la vengeance qu'il croyoit prendre d' Ancollan , & ne s'attendant à rien moins, qu'à l'iffue d'un fitriife événement. Il y eut plus. Ancoilan fier de fa vitloi- re , & indigné de cetzc complication de per- fidies d'un lèul homme , dépêcha furie champ à l'Idalcan , pour lui rendre compte de ce qui s'étoit palTé , reveillant en lui fefperan- ce defe rendre maître de Goa, que l'infradiion de la paix lui donnoit droit d'attaquer ^ & qui

HEUR

544 CoNç^ESTEs DES Portugais

A N N. .de étant bien affoiblie parla perte qu'elle venoic j. c. ^Q f^jfg ^ pleine de deiiil & d'elîroi, feroic d'au^ ^ " tant moins de refiftance, que n étant pas prête

Don Emma- f. . r \\ a

muelroi. pour loutenir un iiege , elle ne pourroit être loPE soA- îecouruë, à caufe qu'on etoit à l'entrée de l'hy- sfrAr^a ver. L'Idalcan,qui avoit fait une trêve avec le Sùr^ Roi de Narfingue , profita de la conjondture, & fit partir Çurolarin avec cinq mille chevaux & vingt fix mille hommes de pied. Celui-ci s'étant joint à Ancoftan , occupe tous les poftes de la terre ferme. A la vérité il ne put parve- nir à entrer dans l'Ifle j mais il lui ferma fi bien - tous les pafTages, que Goa réduit par la fami« ne étoitdans la néceflité de fe rendre , fans \q% fecours que lui amenèrent Jean de Sylvéïraqui avoir hy verné à Quiloa , Raphaël Pereftrelle qui revenoit de Malaca, & Antoine de Salda- gne qui vint cette année de Portugal avec une efcadre de fix Vaiffeaux. Que de maux n'attire point un homme en place qui compte fur lim- punité i & que les Rois font à plaindre , s'ils les ignorent , s'ils n'ont pas la force d'enfai-. rejuftice!

L'avarice & la concurrence de deux Compé- titeurs mirent Malacadans les mêmes rifques Goa s'étoit vu réduit par un fol amour, George de Britto , qui fucceda à George d'Al- buquerque ^ bien loin d adoucir les efprits, que îe lupplice du Roi de Campar avoir éloignés, iiefit que les aigrir par fon indifcretion. Lg,

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VIT. 54;

Cour mal informée , lui avoic donné des ordres a n n. de que Georee d'Albuquerque lui confeilla de ne J- ^* pasluivre, prévoyant les mconvenients qui en

.■'■—, , . 1 '^ Don Emma»

arriveroienc. Ces ordres concernoient les Am. nuelRou harages & les EixlUtes ^ qu on appelloit les ef- lopeSoa- claves du Roi. Ces gens étoienc entretenus b^rg^aria aux dépens du fifclls n'étoient obligés qu'à cer- <^o"vee.- tams travaux j Du refte on les lainoit vivre en paix dans leurs familles , avec leurs femmes & leurs ^enfans. Britto fuivant fes inftrudions , leur retrancha les appointements , & les ren- dit véritablement efclavesjles repartidànt en- tre les Portugais. Il entreprit en même tems de mettre des Portugais dans tous les Joncs &: Navires qui abordoient à Malaca,pour y faire le commerce. Ces entrepriies odieufes didtées par une avidité fans bornes , & contre toutes les règles de la prudence,reduifirent la Ville à une véritable folitude, donc elle eut beaucoup à fouffrir. En vain Britto voulut corriger ce qu'il avoir fait, il n'en put venir à bout , de iiaqurut dans la peine.

Sa mort fut fuivie d'une nouvelle calamité pour cette pauvre Ville. Il avoir nommé eu mourant Nugnes Vaz Peréïra, pour comman- der à fa place. Peréïra s'étoit emparé de la Ci- tadelle , ôc s'v maifttenoit en vertu de cette no- mination , &: des ordres même de la Cour. An- toine Pacheco , qui écoit Capitaine de portôç Général de la mer dans ces parages , préten-

To7ne /. Z Z z

#

J46 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de die que le Commandement lui apparcenoit , J-^' £c ie pre'valoit de l'ordre que le grand Al- buquerque avoit e'tabli , en fubfticuant Fer- nuelRoi. nand Ferez d'Andrade à Ruy de Britto Pa- loPE soA- talin , ruppofé que celui-ci vint à manquer. BE^GARiA Les Portugais s'étant partage's fur cela en GoavER- deux fadions , Pacheco , qui vouloit éviter les occafions des voyes de fait , fe retira avec fa Flotte à une petite Ifle voifine. Un jour que Pacheco étoit venu à Malaca pour entendre la Méfie , bien accompagné , Peréïra paroît fur le guichet de la Fortereffe , l'appelle , èc fait fem- blant de vouloir entrer en accommodement par voye d'arbitrage. Pacheco s'avance à la bon- ne foi , ôc eft enlevé par force avec quelques- uns de fes Partiians. Cette violence ne fit qu'a- nimer davantage les efprics ;, & augmenter le feu de la divifion. Le Roi de Bintam en pro- fita. Il fit avancer avec un corps de troupes un Raja qui étoit à (on fervice , nommé Ceribige , & qui s'étoit acquis beaucoup de repucatioii parmi les fiens. Celui ci vint fe campera cinq lieues de Malaca à l'entrée du Fleuve Mùar. 11 s'y fortifia tellement en peu de jours , qu'on ne fut plus à tems de ledébuiquer. Delà faifant des courfes par mer & par terre, il incommo- da tellement la Ville, qu'aucun VaiiTeau no- foit s'y préfenter , Ce qui avec le tems auroit fait tomber cette place , fi une Providence particulière n'eût veillé fur les Portugais ^ en

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. J47

NEUR.

quelque forte malgré eux - mêmes. a n n. de

Leur conduite n'étoit pas meilleure par tout ^' ^' ailleurs ; comme fi la mort d'Albuqucrque eût

/ , /■ 1 r, -i Don Emma-

répandu parmi eux unelprit de vertige, & qu ils nuel roi. fe fuflent donné le mot pour travailler à fe dé- lopesoa- truire : de forte qu'encourant en même tems le b'erca^r^I mépris & l'indignation des Gentils ôcdesMores, gouver- ils lembloient leur inlpirer du courage, pour fe foulever contre eux. A Baticala il y eut vingt-fepc Portugais tués dans une émeute, A Cochin cinq autres, qui étoient allés chafTer dans la terre fer- me , éprouvèrent le même fort. Il s'en fallut de peu , qu'on ne fît main baffe àCoulan fur tous ceux qui y étoient. Hedor Rodrigues , qui y avoir été envoyé pour tâcher d'obtenir lagré- ment d'y conftruire une Citadelle, para le coup par les ordres feveres qu'il leur donna de ne point (brtir , & d'être toujours fur leurs gardes. Quinze Fuftesde Mélic Jaz coururent fur Jean deMontroi, quicroifoitfur les Côtes de Cam- baïe. Un renégat Portugais conduiilt l'entre- prife, & leu r fit naître l'elperance de le prendre: la volonté ne leur manqua pas ; mais Montroi les battit. On contrevint, par haine pour Albu- querque , aux principales conditions du traité, par lequel le Roi des Maldives s'étoit rendu vaffal du Roi de Portugal, & on éloigna l'efprit de ce Prince. Enfin les Rois de Pegu &c de Ben- gale fe retirèrent d'eux-mêmes de l'aUiance des Portugais.

ZZz ij

548 Conquestes des Portugais

A N N. de II etoit tems que le Gouverneur géne'ral re-

J-C- vint de Ton expe'dition pour remédier à tous

cesmaux&c'eft d'abord à quoi il s'appliqua,

DonEmma- t1 n '1 11'

nuelRoi. il elt vrai qu il eut en arrivant quelques de- LoPE soA- goûts , qui firent une dive-rfion dans f on efprit, ierg^a'IVa La Cour bornoit ôc limitoit fon autorité. Car^ Couver- Qutre Qu'ellc nommolt à tous les Gouverne- ments, qui etoient auparavant allez a la dilpo- fition du Géne'ral, elle envoya encore Fernand d'Alcaçova en qualité d'Intendant des finances & droits du Roi , & elle avoit donné une com- miflion particulière à Antoine de Saldagne , pour croifer fur toute la Côte d'Arabie ^ avec des pouvoirs fort étendus, en lui afiignant un nombre confiderabledeVaifleaux.Soarez en eut beaucoup de chagrin. Mais après tout , comme un Gouverneur général fe trouve toujours avoir la principale autorité en main^ôc que dans cet éloignement il ne manque ni de prétex- tes , ni de couleurs pour interpréter ou fuf- pendre les ordres de la Cour , Soarez fit fi bien par lui - même & par fes créatures , qu'Alcaçova dégoûté, s'en retourna en Portu- gal cette même année, avec les VaifTeaux de la cargaifon. Les plaintes qu'il y porta eurent leur effet , & firent fentir à fes adverfaires à leur retour. Car la coutume fut établie dês-lors de faire fbmmerles Gouverneurs, & de les ci- ter au Tribunal des finances du Roi pour y ' rendre compte. On ne lailTa pas néanmoins de

CANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VIL 549

N£UR.

trouver des refTorcs fecrets pour échapper dans An n. de la fuite à la rigueur de ce Tribunal. Pour ce ^•^'

O I Ç 1 7

qui eft d'Antoine de Saldac^ne , il fut obligé de fe contenter dune eicadre médiocre, avec la- NurtRor. quelle il ne fît autre chofe , que de traiter la lopesoa. Ville de Borbora de la même manière que l'a- bergA'"!! voit été celle de Zeila. ?.°^^'-^'

Soarez dépêcha enfuite DonAlexis de Menc- fes, à qui il donna trois VaifTeaux pour Malaca, avec ordre d'y établirGouverneur AlphonleLo- pez d' Acofta^Edoiiard deMello dans le Généra- îat de la mer^ôc de faire pafTer Edoiiard Coello à Siam, afin d'y renouveller 1 alliance avec le Roi, & engager ce Prince à faire aller Ces Vaiffcaux à Malaca , pour en ranimer le commerce. Il en- voya aulli Emmanuel de la Cerda à Diu,Dorï Triftan de Menefes aux Molucques , & Don Jean de Silvéïra aux Maldives , d il dévoie pafTer à Bengale , ôc de. revenir à l'ille de Ceilan ^ fur laquelle le Gouverneur avoit des yûës.

Don Alexis de Menefes s'acquita bien de fa commiflion. La confufion étoit plus grande que jamais à Malaca. Nugno Vaz Peréïra étoic mort :, & il s'étoit élevé deux nouveaux Com- pétiteurs plus animés encore que les premiei's de forte que de part &c d'autre on y étoit fur le qui vive ; tandis que le Roi de Bintam pro- fitant de ces troubles , avoit formé un nouveau camp fur le Fleuve Miiar , pour fortifier celui

ZZz iij

jjo CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de de Ceribige , & infeftoic tellement Malaca, J- ^" qu'il la tenoit comme affiegée. Mcnefes eut de ^^'^' la peine à remettre la tranquillité' parmi les

Don Emma- a . ^ ^ r t^ j l^

nuelRoi. Portugais, Ce netoitpasie tems de punir les lopeSoa- coupables i il Te contenta de délivrer Pachcco llloA^l & les autres prifbnniers , & d'ordonner aux uns GouvER- ^ ^yj, autres d'oublier les injures paflfées. Coel- lo, que Meneles envoya a Siam_,ielon les ordres qu'il en avoir, réiiflit parfaitement dans fa né- gociation , & à (on retour eut l'olDligation à une tempête, d'une autre bonne fortune qu'il ne cherchoit pas. Car ayant été jette fur les terres du Roi de Pam , gendre de Mahmud Roi de Bintam , qui étoit mal avec fon beau-pere , ce Prince reçut Coello avec toutes les démon- ftrations poflibles d'amitié ,&: fe rendit vafTal du Portugal , s'engageant de payer un vafe d'or d'un poids marqué pour tribut annuel.

Fernand Perez d'Andrade étant arrivé fur ces entrefaites des Côtes de la Chine , il avoit été envoyé, ain{î que nous le dirons ail- leurs , Malaca le trouva un peu foulagée , & le Roi de Bintam aflez déconcerté. Mais ce Prin- ce recourant à fes artifices ordinaires , fit fem- blant de vouloir la paix , & en jetta des pro- po{itions,dont il ne vouloit fe fervir que pouF amufer, fçachant bien qu'Andrade & Mcne- fes ne feroient pas un long féjour à Malaca. En effet ces deux Officiers qui brûloient d'im- patience de retourner en Portugal , voulurent

L- A ER-

DANs LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. /ji

à peine entamer une ne'gociation , donc ils de- a n n. de voient renvoyer la conclufion au Gouverneur, ^'^'

I Ç 1 7

ô: partirent tout le plutôt qu'ils purent , em-

^ /' 1 r 1 Don Emma-

menanc avec eux prcique toutes les forces de nuelRoi. Malaca. lope soa-

Alors le Roi de Bintam levant le mafque, lll^""^!^', parut devant la Ville fi inopine'ment, qu'Aco- '"°"^' lèa, qui s'attendoit àla conclulion de la paix, penfa être enlevé' avec la place dans le pre- mier moment de la furprile. La Flotte enne- mie compofée de quatre-vingt-cinq bâtimens de ceux qu'on appelloit Lancharcs ècCalalwi^s , parut d abord dans le port , & mit le feu à deux Navires marchands & à une Galère , qu'on ne putfecourir, àcaufe que la mer étoit balle. Il n'y avoir dans Malaca que foixante-dix Portugais la plupart malades. La peur leur fit palier la He'vre. Tous s'armèrent pour courir au port j mais dans le tems qu'ils y volent , l'armée de terre du Roi de Bintam le montra de l'autre côté. Ce fut line efpece de miracle , que dans ce moment de trouble , la Ville ne Kit point -emportée. Mais malgré le défordre iufeparable de cqs at- taques inopinées , Indiens &: Portugais firent (i bien leur devoir , que le Roi de Bmtam s'étanc morfondu prés d'une vingtaine de jours devanc la place , fut oblic^é de regagner fon camp de Muar,fe bornant, comme auparavant, à cou- per les vivres auxafliegez.

Il auroit peut-être pu réiifïir à faire tomber la

JJ2, Conquestes DES Portugais

A N N. de Ville par ce moyen/ans une avanture , qui d'ufî J- ^- hôte luifit un ennemi,duquel il reçut depuis un ^^'^' échec, qui lui fît perdre 1 un de Tes deux camps. nue\ro"k' Il avoir pris un Jave homme riche & puifTant, LorE soA- qui venoit s'établir à Malaca avec toute fa fa- ^e'^Yari^' mille. Ce Jave av oit une femme très -belle, dont Couver- ]g p^QJ fg rendit amoureux avec f uccès. Le Jave s'apperçut bien-tôt de l'affront qui lui étoitfair, ôc plein du defir de fe venger,. pafTe fécretemenc à Malaca, fe met à la tête d'un corps de Portu- gais foutenu du côté de mer par Edouard de Mello , attaque le premier camp de Mahmud & l'emporte ^ malheureux pourtant dans fa ven- geance , puilqu'il y fut tué.

Don Jean deSylveira réiifïit afTez bien dans fon voyage des Maldives. Le Gouverneur le fouhaitoit avec paillon, & il en avoitplufieurs motifs. Ces Ifles compofent un Archipelague au devant de la peninlule de l'Inde en deçà du ' Gange , environ à foixante-dix lieues de la Côte

du Malabar. Les Arabes les comptent par mil- liers, la plupart de peu d'étendue, & féparées par de très-petits canaux les unes des autres. On les diftribuë en treize parties , que les Indiens nom- ment Atollons , & qui font diftinguées par des bras de mer plus larges. C'eft une perfuafion commune qu'elles ont fait autrefois avec l'Ifle de Ceilan , partie du continent, & qu'elles en ont été féparées par quelque violente révolu- jtipn arrivée à la terre. Ce qui pourroir favorifer

cette

DANS LE NOUVEAU Mo KDE. LiV. VI. j*;?

cette opinion eft, qu'on voit encore dans la mer a n n. de grand nombre de Cocotiers. Les fruits qu'en ar- J- C. rachent les tempêtes & qui viennent fur la furfa- ^^^■^' ce de l'eaUjfont recherchés avec foin,&d'un bon nuel^ro"*' commerce, parce qu'on les regarde comme un Lop^ joa- contrepoifon aufli efficace , que l'eftle bezoard. ^"J'^^J'^ Les Cocotiers qui croifTent dans ces Ifles, font gouver. la plus grande richefTe du pays. C'eft de tous les arbres celui qui fert à plus d'ufages , ainfi que les Anciens l'ont écrit du Lotos & de la plante Papyros. Le principal de tous eft^ qu'il fournit le Caire ^ qui eft la matière de tous les cordages. Elle confifte dans ces filaments ner- veux qui fe trouvent entre la première écorce & le teit ou corps ligneux du coco. Cette ma- tière eft fi abondante , qu'il y en a pour four- nir abondamment l'Afie & l'Afrique , & pour en faire part à l'Europe. Le pays produit outre cela diverfes fortes de fruits. Il a des mines d'or & d'argent , des pierres précieufes , des co- quillages qui fervent de bafle monnoye dans les Indes. On trouve aufïï quantité d'ambre de toute efpece fur les Côtes. Ces Ifles recon- noiflbient un Souverain lequel faifoit fa réfî- dence à Mâle , la capitale , qui donne le nom à toutes les autres.

Lorfque les Mores négociants des Indes fe

virent expofés aux courfes des Portugais ^ qui

prétendirent d'abord être les fculs maîtres de la

jTier,ils abandonnèrent lesCôteSj& prenant plus.

Jome L A A a a

NEL'S..

IJ4 CONQUESTES DES PORTUGAIS

^ N N. de au large , afin d'échapper à leurs mains , ils fai- j. c. {oient route par les Maldives , & de-là ils al- ^^ ^' loient le charger à Malaca, à Sumatra, dans les K°rLRo?.'^' autres Ifles de la Sonde , & dans tous les en- LorE soA- droits les Portugais n'étoient pas encore e'ca- bizd'al- i^jj Dqyi François d Almcïdaen ayant ëte'aver- GouvER- il envoya Don Laurent (on fils a la decouver- te de ces lUcs, avec ordre de croiler iur ce Pa- rage. Ainfi Don Laurent d'Almeïda fut le pre- mier des Portugais qui y alla , quoique cepen- dant quelques Auteurs aflûrent, qu'il n'y abor- da point , & que, loit qu'il s'égarât , foit que les vents lui fufTent contraires , il ne découvrit que rifle de Ceilan , dont il prit poffcflion au nom du Roi de Portugal , ayant mouillé dans le port de Galle , & fait un traité d'alliance avec le Roi.

Celui qui regnoit alors dans les Maldives ^ avoit un Compétiteur qui poffedoit quelques- unes de ces Ifles , & prenoit aufli le titre de Roi. C'étoitiun More de Cambaïe nomméMa- niale établi dans le Malabar & ami des Portu- gais. Ce fut le motif qui engagea fon Compé- titeur à rechercher l'alliance de ceux-ci, éc il fe rendit volontiers tributaire de la Couronne de Portugal , à condition qu'on obligeroit Ma- niale de renoncer à fes prétentions. Mamale le fit, en confideration d'Albuquerque ; mais les ennemis de ce grand homme s'étant moqués de fa complaifance , il voulut rentrer dans fes

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. 555-

droits , appuyé par les Portugais même , ce qui ^ n n. de dégoûta beaucoup le Roi des Maldives. J- C.

Cependant fur les inftrudlions qu'Albu- ^^^^'

1 . j ' ^ } r^ J in DonEmma-

querque avoit données a la Cour, de ces Illes , null roi. ôc des avantages qu'en pourroit retirer , le lopesoa. Roi Don Manuel donna ordre à Soarez de bergar^iI ménager l'efprit de ce Prince , 6c de for- neuI."^* mer un établiffement folide dans fes Etats. C'é- toit en conféquence de ces ordres , que^ Soa- rez avoir dépêché Sylvéïra. Comme celui-ci avoir dans Tes inftrudions de promettre au Roi toute la fatisfacflion qu'il pouvoit defirer , il ob- tint aulli tout ce qu'il voulut.

Il étoit ordonné en même tems à Sylveira de donner la chafTe aux Vaifleaux qui pren- droient cette route du large, ôc fur- tout à un More Guzarate nommé Alle-Can qui avoir fept bâtiments à rames , avec lefquels il devoir convoyer fix Navires de Cambaïe , & empê- cher qu'on n'apportât aux fadoreries Portu- gaifes , le Cciife ou cette matière des cordages dont la cargaifon fe fait aux Maldives. Sylvei- ra donna bien la chafTe à Alle-Can ^ mais celui- ci, qui connoiffoit en perfedion le labyrinthe de toutes ces liles lui échappa toujours , lalTa fa patience , &c l'obligea de s'en aller fans avoir rien fait autre chofe , que prendre deux Na- vires qui venoient de Bengale , de qu'il envoya à Cochin.

La prife de ces deux Navires fut caufe

AAaa ij

)j6 CoNQUESTEs DES Portugais

•JEUB-f

A N N. de qu'il eut un aufTi mauvais fucces dans IcRoyauJ ^''^ nie de Bengale , que celui qu'il avoir eu à la ^ Cour du Roi des Maldives , avoit été heureux, NUEL Roi. Les Valfieaux^que Sylvéïra avoit pris , apparte- lopE soA- noient au beau frère du Gouverneur de Châti- BERcARiA gan, A-^ille du Royaume de Bengale , ou Sylvéï- f^'T^" ra alla mouiller. Un Moufle de ces VaifTeaux n'y eut pas mis pliîtôt pied à terre , qu'il dé- clara que c'étoit Sylveira qui les avoit pris , ôc que lui &: tous ceux de Ta fuite n'étoientque des voleurs & des fourbans. Ce qui fortifia d'a- vantage cette opinion , ce fut la manière dont Sylveira fe comporta à l'égard de Jean Coello, que Fernand Ferez d'Andrade avoit envoyé à la Cour de Bengale au nom du Roi de Portu- gal 5 dont il pafToit pour être AmbafTadeur. Car Coello étant allé innocemment à bord du Vaif^ feau de Sylvéïra , celui-ci, qui voulut avoir l'honneur de cette AmbafTade , retint Coello prifonnier. Le Gouverneur de Châtigan , qui aimoit Coello , & ne pouvoit douter qu'il ne fût au nom du Roi de Portugal , ne puç s'empêcher de conclure de cette détention , que c'étoit en efFet un Pirate ; Portugais à la vérité , mais que la crainte d'être puni de quel- que crime par le Gouverneur Général , avoic obligé de faire ce métierj de forte que toute la ,Villc js'étant foulevée contre lui , il eut beau- coup à foufïrir , & de la faim , de de la part des habitans^pendant tout unhyver qu'il fut obligé

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. Jjy

GOUVER-

de pafTer dans cette rade. Coello, qu'il relâcha ^ A n n. de raccommoda un peu fes affaires ; mais la haine \'f^ qu'on avoit pour lui, fît qu'on luitramaunetra- ^^^^ hifonjOÙ l'on fit entrer le Roid Arracan. Sylve'ï- niel roi/ ra s'en tira heureufement. Voyant cependant i-opi soa- qu'il avançoitpeu, & perdoit Ton tems, ilpartit bergarV pour aller joindre le Géne'ral à l'iHe de Ceilan, ^°^'2 il devoit être alors occuppé à conftruire •une Citadelle , dont Soarez avoit promis à Si- quéïra de lui donner le Gouvernement.

Ceilan e'toit un grand objet pour les Portu- gais j & la Cour avoit aufïi donné des ordres pre'cis au Gouverneur de s'y établir , &c d'y bâtir une FortereiTe. L'Ifle ,, qui eft d'une for- me prefque ovale , ôc placée vis-à-vis du Cap de Comorin à la pointe de laPeninfule en de- çà du Gange , a environ foixante - dix lieues de long fur près de cinquante de large. La na- ture lemble l'avoir faite pour les délices , & elle conferve encore aujourd'hui de quoi au- torifer l'opinion de fes habitans, qui croyent, que étoit le Paradis terreft re. L'air y eft très- fain , ôc la terre extrêmement fertile. Les bois de canelle y répandent une odeur des plus dou- ces , qui (e porte bien au loin dans la mer, d: lannonce avant qu on la voye. Les arbres dont on la tire , les orangers & les citroniers y for- ment des bois touffus &c précieux , fans avoir beioin d'une main qui les cultive. On y trou- ve plufieurs pierres précieufes. Il y a des mine?

AAaa iij

;58 CONqUESTES DES PORTUGAIS

NPUR,

A N N. de d'or, d'argent & d'autres me'taux. On pêche J- ^- fur Tes Côtes de très-belles perles. Les Eléphants ^^ ' ' y font plus beaux & plus dociles , que dans nul nu^lRo"* autre endroit des Indes. Les Infulaires y profef- LopF soA- fent pour la plupart la Religion ancienne du bvrgÀriI païs, telle qu'elle leur eft enfeigne'e par lesBrach- GouvER- mânes. Ils ont en particulier une g-rande vene- ration pour unemontagne,qui s eleve au milieu de rifle ;, que les Portugais ont nomme' le Pic d'Adam. On voit fur Ton fommet un ou deux vefliges , que les Infulaires difent être ceux des pieds du premier homme. Ils prétend , que c'eft qu'il fut crcé,ôc qu'il fut enfeveli avec fon époufe , fous deux pierres fépulchrales , qu'on y voit encore,à ce que rapportent queU ques Auteurs. Quoique cette montagne , foie extraordinairement efcarpée, & qu'on n'y mon. te qu'à travers d'affreux précipices &c des dan- gers de mort continuels , les dévots du pays &c furtout les Jogues y font des fréquents pèle- rinages, pour y fatifaire à leur dévotion. L'Ifle étoit partagée en neuf Royaumes , dont le prin- cipal étoit celui de Colombo , le Général avoir ordre d'aller.

Soarez avoir hy verné à Cochin , pour faire les préparatifs de fon expédition , à laquelle il tra- vailla avec d'autant plus d'ardeur, qu'ayant ap- pris qu'on lui envoyoit un fucceflfeur , il appré- henda que fon arrivée ne le furprît , & lui ravît une petite gloire, dont il avoit grand befoin,

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 559

pour reparer un peu Tes difgraces pafTces. Il par- A n n. de ticdonc vers la mi-Septembre avec une Flotte ^- ^^' de dix-iept VaifTeaux , fept à huit cens Portu- gais^ pluiieurs Naires de Cochm, & quelques nuelRoi. troupes Malabares. Il arriva en peu de tems à lopf soa- la vue de Ceilan, de prit porta Galle, les birg^ar!"! vents contraires le tinrent près d'un mois. De- ^°^,l^^' ayant fait voile pour Colombo , il apperçut en y arrivant une petite Baye qui formoit un très-beau port, dans lequel fe jettoit une ri- vière fortie des terres. Il s'y arrêta , rèfolu de conftruirelaFortercfle en cet endroit. Il de'pê- clia auili-tôt vers le Roi pour lui en demander l'agre'ment. Ce Prince pre'voyoit afTez les in- convénients de cette demande , qui fut bien combattue dans fon Confeil. Mais faifant ré- flexion aux avantages que le Roi de Cochin avoit retirés de fon alliance avec les Portugais, par le moyen defquels il étoit devenu riche &. puifî'ant, d'aiïez petit Prince qu'il e'toit, gagné d'ailleurs par les préfents & les belles paroles de l'Envoyé du Gouverneur , il accorda tout de la meilleure grâce du monde. Mais les Mo- res étrangers qui le trouvoient dans [es ports , ayant travaillé pour faire changer cette réfo- lution , non-feulement le Roi fe retradta j mais il fit encore tant de diligeriife pour fe mettre en défenfe , que Soarez trouva le lendemain une efpece de retranchement fait dans l'en- droit ou il vouloir bâtir, & des batteries dref

5^0 CoNc^ESTÉs DES Portugais

A N N. de fêes qui commencèrent à tirer fur lui. J- c. Moins e'tonné qu'indigne' de la légèreté du

^ ' Prince qui lui manquoitde parole, il ne déli- NUEL^Roi.' ^^^^ point à l'attaquer , & après quelque refi- lopE soA- ft^rice il força le retranchement , où. il perdit RtzD'Ai.- quelques-uns des{îenS;,& entre autresVeiiiïime Goi-vER- Pacheco. Mais la perte des ennemis fut plus *'^"^' confiderable. Déterminé à bâtir fa Fortereife bon gré malgré , le Gouverneur fit creufer un foflé lur une des pouites de la Baye , & éleva en deçà un mur de pierre lèche pour mettre les pionniers à couvert. Le Roi voyant ce mur élevé, •& rebuté de la première difgrace, en- voya faire des excufes , & demander à renouer la négociation. Soarez y confentit , mais il ajou- ta qu'il étoit juile , qu'en punition de la trahi- Ion quil lui avoit faite , il fe rendit vaffal delà Couronne de Portugal, ôc payât un tribut an- nuel d un certain nombre de Bahars de Canelle, d'Eléphants & de pierres précieufes enchaffées dans leurs anneaux On confentit à tout : laCita- delle fe fit avec une extrême diligence , le Roi fourniffant les manœuvres & les matériaux. Soa- rez en ayant donné le Gouvernement à Sylvéï- ra , & laifTé Antoine de Miranda pour comman- der dans ce parage, repartit pour Cochin, trouvant Diego "ÎLopez de Siquéïra fon fuccef^ feur, il lui remit en main le Gouvernement des Indes , & fitvoile pour le Portugal, Il y arriva en Janvier de l'an 1519. plus riche des biens qu'il

emportoi^

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 561

emportoit du nouveau Monde que de la gloi- An n. ds re qu'il y avoir acquife. •["^g'

Dieeo Lopez de Sique'ïra qui fucceda à Soa-

o r 1 1 - DonEmma»

rez , n ayant pas eu une meilleure fortune que nuelRoi. lui,n'eurauffirienàluireprocher. Il pourvut d'à- diego lo- bord aux difFerens Gouvernemens félon les ^«ra ordres qu'il en avoir de la Cour , expédia les ^^"j,^'^' VailTeaux de la cargaifon pour le Royaume , & partagea ceux qui dévoient refter dans l'In- de, félon les diverfes deftinations. Antoine de Saldagne eut ordre d'aller croifer fur les Côtes de l'Arabie,pendant que le Gouverneur fe pré- pareroitày aller reparer les fautes defonpréde- cefleur. Chriftophle de Sa & Chrillophle de Sofa avec leurs efcadres dévoient veiller fur les Côtes de Diu & de Dabul, contre les Fuftes de ces deux places. Alphonfe de Menefes fut envoyé à Baticala, dont le Seigneur refufoit le tribut ordinaire. Jean Gomez Chéïra-Dinéïro partit pour les Maldives, avec ordre d'y bâtir félon le traitéfait , une Fadorerie qui tînt lieu de ForterefTe. Hedor Rodrigues fut continué dans fon pofte de Coulan , pour exécuter la commiflion qu'il avoir eue de Soarez d'y élever une Citadelle. Antoine Correa nommé pour aller en AmbafTade à la Cour de Pegu, dévoie conduire un (ecoursà Malaca, & Simon d'An- drade avec une efcadre de cinq Vaiffeaux fut deftiné pour la Chine.

L'expédition d'Antoine de Saldagne fe borna

Tome J, B B b b

KlVSi..

jéi CONQUESTES DES PORTUGAIS

^ N N. de à quelques prifes. Menefes obtint ce qu'il vou- J- C- lut à Baticala , parce qu heureufement le Gou- '^' verneur Général allant à Goa, arriva presque Nurt^Ro'^t' en même tems que lui devant cette place. Diego Lo- Chriftophlc clc Sola perdit un de (es Vaiiïeaux Z^tiRA^' ^^^ Tauta : les Fuftes de Dabul lui en prirent GoiTVER. nj^ autre chargé d'effets pour le Roi de Portu- gal ôc lui - même ayant fait defcente , fut fi bien battu, qu'il eut toutes les peines du mon- de à fe rembarquer. Jean Gomez étant arrivé aux Maldives y bâtit fa Fadlorerie , il refta avec feulement quinze hommes pour en avoir la régie j mais au lieu de s y comporter avec prudence, s étant érigé en petit tyran, & fui- vantfon humeur bruique& emportée , il lou- leva contre lui les Maures étrangers ^ qui Taf fommerent , ôc firent main baffe fur tout fon monde. Heélor Rodrigues eut beaucoup de peine à venir à bout de les fins. Perfonne ne conlèntoit qu'il bâtît un Fort. De fon côté , il feignoit de le borner à un magazin -, mais les fondements qu'il jettoic le trahiifant malgré lui , alors il le vit plufieurs fois fur le point d'ê- tre égorgé : mais comme la Reine lui prêtoic la main, & le favorifoit contre l'avis de fon Confeil & de tout fon peuple , il mit fon ou- vrage en état de pouvoir être perfectionné fans crainte. A peine en fut-il là, que réveillant de vieilles dettes, il aliéna l'efprit de la Reine qui les avoit payées au centuple. Cette Princelfe fe

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 563

I

repentit trop tard des fervices qu'elle lui avoit a n n. de rendus, & éprouva ce qui lui avoit été' dit fou- ^•^' vent, qu'elle travailloit elle-même à fe mettre lous le joug. Les tentatives quelles ht pour le nuelRoi. fecoiier , furent inutiles, & elle fut obligée de diego lo- demander la paix, après l'avoir rompue. ^1°ra.''

Simon d'Andrade gâta à la Chine tout ce que ^°'7r^** Ton frere,qui y étoit allé avant lui, avoit fait de bien. Après la prife de Malaca, rien ne conve- noit mieux aux affaires des Portugais , que de fe faire connoître dans le grand Empire desChi- nois, d y établir une bonne correfpondance ;, & ' d en faire le commerce.

Il a paru au jour tant d'hiftoires & de relations de l'Etat de cette grande Monarchie fi refpecla- ble par fon antiquité^par la longue fuite & laMa- jefté de fes Empereurs, la'.fagefTe de fon Gouve- nement politique, l'étendue, le nombre, la fer- tilité de fes provinces , qui embraffent un pays aufli grand que lEurope, la multitude infinie de fes peuples, la beauté de fes Villes & de fes cdifices, le caradere cultivé & poli de fes ha- bitans , la variété des. arts & des Iciences qui y fieurifîént, les richeffes immenfes qui y font, ou le fruit de l'induftrie, de l'art^ ou des avan- tages de la nature, qu'il feroit fuperflu de fe jetter dans une digreffion inutile, pour donner à connoitre des chofes qu'aujourd'hui prefque perfonne n'ignore : ainfi renvoyant mon lec- teur à ces mêmes relations, je laiffe tout ce qui

B B b b 1 j

PEZ DE Si

Couver

«EUR.

564 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de concerne la Religion , les mœurs , le Gouver- J- c. nemenc & les autres notices de cet Empire , ^ ' dont le détail me meneroit trop loin , pour ve-

DoN Emma- n n >■ r " 1 in-

Ni.EL Roi. nn- a ce qui elt precilement de mon hiltoire, Diego lo- Lcs prcmicrs Chinois que les Portugais vi- rent;, furent ceux que Diego Lopez de Siqueira trouva dans le port de Malaca, de qui il reçut toutes fortes de politeffes & de bons confeils , ainfi que je l'ai dit. Le grand Albuquerque y en rencontra d'autres , quand il vint pour pren- dre cette Ville , & il trouva dans ceux-là les mêmes manières engageantes qui l'obligèrent" à lier avec eux. Ce Ge'néral qui avoit un grand difcernement, conçut une haute idée d'une na- tion, qui fe faifoit eitimer jufques dans des pa- trons de Vaiffeaux , & dans des équipages com- pofés de gens de baffe naiffance , & dont le mé- tier ne s'accorde pas toujours avec les bienféan- ces. Il leur fît connoître à leur départ, que, lorf- qu il feroit maître de la place, il auroit un ex- trême plaifir que les Chinois vouluffent bien la fréquenter , & de leur part ils le lui promi- rent j mais la guerre, qui y avoit continué tou- jours depuis, les en avoit écartés aufli bien que les autresnations.

Sur cela la Cour de Portugal détermina d'en- voyer uneefcadre à la Chine pour y conduire un Ambaffadeur. L'efcadre compofée de neuf Vaiffeaux étoit commandée par Fernand Perez d'Andrade, qui s'y rendit la première année du

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. y<?5

Gouvernement de Lope Soarez d Albergaria. Ann. de

Quand Perez arriva aux Ifles voifines de Can- ^- ^' 1 { 1 8

ton , le Mandarin Général de la mer vint avec fes VaiiTeaux au devant de lui dans l'eiprit nuel ro"** de défiance que de voit donner la première vûë diegoLo- des VaiiTeaux Portugais. Perez ne fit point mi- ^v^^^^'" ne de fe mettre en défenfe , & le comporta en ^oiyer- tout rort prudemment. Etant arrive a Canton quelque tems après , il donna part aux Manda- rins du fijjet de fa venue , leur configna lAm- bafTadeur ôc lept perfonnes de (a fuite, elTuyant tout le cérémonial ordinaire en ce pays là. Et après quatorze mois de féjour,pendant leiquels il fit vifiter les Villes maritimes par George deMafcareiîas qu'il y envoya, il tacha de pren- dre par lui-même toute la connoiffance qu'il put du pays , fans négliger les intérêts perfon- nels , il le difpofa à s'en retourner. Mais , avant que de mettre à la voile , il fit publier dans les ports de Canton , de Taman èc de Nanto il avoit féjourné , que s'il y avoir quelqu'un qui eût lieu de fe plaindre de quelque Portugais, il pouvoit venir en liberté pour en recevoir fatisfaâ:ion,&par l'éclat d'une fi belle ad:ion laif facette nation fage pleine d'une haute idée de lui & de tous les fujetsduRoi de Portugal. Son retour à Malaca y fut d'un grand (ecours à la Ville. De-là paifant dans l'indoftan , il revmt en Europe , il arriva heureufement au grand contentement d Emmanuel,. qui ne pouvoit fe

BBbb iij

NfiUR

j66 CoNQUESTEs DES Portugais

j^^s.ds lafTer d'entendre les relations qu'il lui fît de fou J. c. voyage. '^' ' Cependant rAmbalTadeur Thomas Perer

Don Emma- r i-^-ni- ^ I 1

nuelRoi. rut conduit a Pckin , avec tous les honneurs Diego lo- qu'on rend aux Miniftres des plus grands Rois. rF2 DE Si- ^^^ vovaee de Canton à Pékin fut de quatre Couver, mois. Tout ctoit daus Ics Dlus Favorables dilpo- fitions pourlareuflitedefanegociation. L Em- pereur avoir conçu beaucoup d'eftime pour les Portugais , dont le nom s'étoit répandu dans toute l'Afie. L'Envoyé du Roi de Bintam , qui étoit allé demander du fecours contre eux , s'efforçoit en vain de les détruire. Mais Simon d'Andrade ne fut pas plutôt rendu avec fon ef- cadre à l'Ille de Taman, que prenant une con- duite toute oppofée à celle de fon frère , 8>c croyant agir avec les Chinois, comme s'il eue eu affaire avec des Cafres du Cap de Bonne- Efperance , il commença par jetter les fonde- ments d'une Forterefle dans rifle , dreffer des batteries , difpofer des fentinelles , courir fur les Vailfeaux marchands , piller ceux qui ve- noient de l'Inde fans pafTeport du Gouverneur, & les rançonner. Donnant enfuite carrière IL bre à tout ce que le libertinage a de plus effré- né, lui èc les liens firent infulte aux Chinois comme à l'étranger , enlevant les filles dans les maifons , faifant efclaves les perfonnes li- bres , &c vivant dans une diffolution également honteufe à notre fainte Religion, & à l'honneur

Gouver- ne Li R.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 567

cîe leur nation ^ de lorre qu'ayant irrité &: fcan- A n n. de

dalifé ces peuples modere's & judicieux . tout ^- *^* ^ , ^ j ' Ti / . 1518.

s arma pour les détruire. Us ne pouvoient evi- ^

r . , i Don Emma-

ter d être pris , & traites comme des voleurs & nuel roi. des Pirates -, mais un ouragan ayant dilTipé la diegoLo- Flotte Chinoife , ils eurent le tems de s'e'vader. Thomas Ferez &c ceux de la (uite payèrent pour les coupables , & portèrent la. peine qui leur étoit due, La nouvelle de ces déiordres e'tant parvenue à la Cour , on ne les regarda plus que comme des efpions. Ils furent renvoye's 3. Canton , confume's de chagrins & d'en- nuis ^ Ferez & les autres de fa fuite mouru- rent miferablement. Ce qu'il y -eut de plus de'plorable , c'ell: que la nation Fortugaife de'crie'e fe fentit de cette mauvaife condui- te , ôc fut comme bannie de la Chine , qui lui ferma fes ports pendant une longue fuite d'anne'es.

Simon d'Andrade étoit fi preffé d'aller à la Chine pour y faire cette belle manœuvre, que paifant à Malaca il n'y laiffâ aucun fccours , quoique la Ville toujours preffée en eût un très-grand befoin. Antoine Correa allant au Royaume de Fegu , ne fît pas la même chofe. Il trouva la place réduite à de très -grandes extrémités. Une très-petite mefure de ris s y vendoit une cruzade , on n'y difoit plus laMef fe, faute de vin ^ les voyes étoient fermées à tous les fecours des environs j les ennemis fe

J^EUR,

j68 Conquestes des Portugais

A N N. de preTentoient (ouvenc , fans que les Portugais J- C. ofafrenc fortir pour leur courir fus j le Gouver- ^^' neur étoic mourant & une partie delà garnifon NurtRot'"' malade.LestroisVaifTeauxqueCorreaavoit me- DitGO Lo- nés mirent la Ville un peu plus à l'aifcMalgré ce PEXDE SI- fecours néanmoins Correa pendant deux mois GouvER. ne fut pas peu embarraffe a refifleraux fréquens ailauts des ennemis, qui s étant ranimes par 1 ar- rive'e même du renfort, devinrent fi importuns, que Correa, fur qui tout rouloit,ne mangeoit ni ne dormoit fans être armé , fatigant fans cefTe du corps & de l'efprit. A la fin les enne- mis fe lallerent & fe retirèrent plus loin , ce qui lui donna la facilité de fuivre fa route pour al- ler à deftination.

Du port de Pedir, Correa alla fe charger, il fe rendit à celui de Martaban , d'où il en- voya à la Cour de Pegu deux ou trois perfon- nés en fon nom , pour y donner part de fa ve- nue. Le Roi de Pegu étoit alors un très-puif- fant Prince , qui en avoir plufieurs autres pour fes tributaires. Le Roi de Siam & lui occu- poient toute la prefqu'ifle au-delà du Gange. Leur Puiffance & leur voifinage les faifoient toujours ennemis. Les peuples néanmoins de ces deux Princes fe reffemblent affez dans leur Religion, leurs mœurs & leurs inclinations.

Le Roi de Pegu ayant goûté les motifs de lAmbaffade, dépêcha les Envoyés de Correa, êc fit partir avec eux le Kmlin de la Cour qui

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. 569

eft le Chef de la Religion du pay s,& un des prin- A n n. de cipaux Minillres d'htat, pour aller régler les ^•^^• conditions du traite'. Dés qu'on en fut convenu, ^^,^', & qu'il fut queftion de les ratifier , le Raulin donEmma- & le Miniftre du Roi jurèrent avec beaucoup '^^'ï'-R°'- de ce'remonie fur les Livres de leur Religion. °'J°° s°.' Correa, qui avoit fait prendre uiifurplisàTAu- ^^"'R^ mônier de Ion Vaiiieau, pour donner aufli quel- neur, que dignité à fon ferment , foit qu'il ne fût pas content du bréviaire de cet Aumônier qui fe trouva trop mal propre , foie que perfuadé en mauvais Cafuifte, qu'il n'y avoit point de foi à garder avec ceux qui n'étoient pas dans le fein de la vraïeReligion,&qu'line voulût pas prophaner les Livres faints par un ferment qu'il n'étoitré- folu de garder,qu'autant que celaconviendroic à fcs affaires , fe fit apporter un recueil de fen- tenceSjde chanfons & de vaudevilles , fur le- quel il dit tout ce qu'il voulut. Le hazard ne'an- moins l'ayant fait tomber fur ces paroles de l'Ecriture , <va,nité des a^'anités , tout neft que 'va.nïté ^ il fut (aifi d'une fecrete horreur, & fentit unjuftefcrupuledela prophanation qu'il venoit de faire, laquelle eiit fans doute bien fcandalifé les payens mêmes, s'ils eulTent pu comprendre cette fupercherie. Le traité ayant été ainfi fait , & le commerce réglé au con- tentement des contraétans, Correa remit à la voile , & revint à Malaca accompagné de plufieurs Joncs chargés de vivres & de provi- Tome I. C C c c

^■yO CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de fions , qui y ramenèrent l'abondance. Î-C- Garcie de Sa e'toit arrive' dans cette Ville

I j I c,"_ pendant l'abfence de Corrca , & depuis Ton de- donEmma- P^i"'^ pour le Royaume de Pegu. Il y e'toit ve- nuelRoi. p^ pour les intérêts perfonncls de Diego Lo- fi'z'^D-=^s°' P^^ '^^ Sique'ïra. Mais Acolla , qui e'toit toû- Q^'iïRA jours malade , lui remit le Gouvernement de m\j&. la place pour s'en aller mourir à Cochin. Mah- mud e'toit toujours campé fur le Fleuve Mùar , dont le voifinage tenoit aulli toujours la Ville en inquiétude. Au retour de Correa on réfo- lut de fe délivrer de cette importunité. Cor- rea & Mello commandèrent le parti. Quelques forts que fufTcnt les retranchemens ôc les ob- Itacles que Pennemi avoit mis tout le long de la rivière , tout fut forcé. Les Portugais pour- fuivantleur viéloire, vont jufques à la Pagode étoit le quartier du Roi. Il en étoit déjà for- ti, ôc avoit mis fcs troupes en bataille avec les ~ Elephans. Il fembloit devoir fe battre en brave homme , de la manière dont il fit fervir fon ca- non , & que fes troupes paroiiïoient animées ; mais ce beau feu s'étant changé tout d'un coup en une terreur panique , il le vit abandonné des fiens par une honteufe fuite , obligé de laifTer tous fes bagages en proyeau vainqueur, ôc de fe retirer à Bintam pour y attendre une meilleure fortune.

Les Rois d'Achen & de Pacen, quoiqu'al- liés des Portugais , protîcant de l'état d'afSic-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 571

tion oii étoit Malaca, s'étoicnt mal compor- Ann. de tés à leur égard. Ce dernier en particulier , ^•'^' fous je ne fçâis quels prétextes avoit pillé leur j^ic,. Fadlorerie, & dans l'émeute qui le fit en cette donemm^ occafîon , il y en eut jufques à vingt-cmq de f^'^'^Roi tués , & plufieurs maltraités ôc mis en priion. i^"go lo Garcie de Sa le voyant un peu plus au large ^ùr* depuis la défaite du Roi de Bintam , jugea à NEui. propos de leur en marquer fon refTentiment. Il en donna la commifïlon à Emmanuel Pache- co , qui étoit un peu intérefTé à la vengeancc5 fon frère Antoine étant du nombre de ceux qu'ils avoient faits prifonniers. Quoique Pa- 'checo n'eût qu un feul VailTeau , néanmoins la crainte qu il infpira fut telle , que non-leule- iTient il éloigna de ces quartiers tous les Vaif- feaux étrangers j mais que pas même une bar- que de pêcheur n'oloit fe montrer.

Les ennemis n'ayant pas lahardicffe d'atta- quer le VaifTeau , fe bornèrent à épier les oc- cafions Pacheco envoyoit fa Chaloupe à terre. Il s'en préfenta bien-tôt une fi favora- ble , qu'il ne paroifToit pas que cette Chalou- pe pût échapper. Elle s'étoit engagée dans la rivière de Jacoparin pour aller faire ai- guade. Les ennemis l'ayant appcrçuë , bor- dèrent aufTi tôt les deux rivages du Fleuve ,&: commencent à décocher une grêle de flèches , pendant qu'on équippe le plus promptement qu'il eft polTible trois Lanchares, dans chacune

ce ce ij

A N N. de

J. C.

1518.

1515).

T)o^ Emma-

nuel Roi.

PlEGO LO-

riz DE Sl-

QUEÏRA

GOUVER-

ISEUR.

jyl CONQUESTES DES PORTUGAIS

derquelles il y avoit cent cinquante hommes. Il n'y en avoit que cinq dans la Chaloupe afTez oc- cupés à parer avec leursbouchers les traits qu'on leur lançoit. Le vent & le flux leur e'toient con- traires , & fervoient les ennemis à fouhait. Ces cinq braves dans cette extre'mité , prennent le feul parti que pouvoit infpirer le courage, qui étoit de mourir en faifant les derniers efforts de valeur. Ainfi dès que le premier bateau que commandoit le Raja Sudamicin eut joint la Chaloupe , l'un des cinq hommes fort & robu- fte le faifit, les autres quatre prenant le nom de Jefus pour cri de guerre , volent dedans de plein faut, & à coups de lances percent tout ce qui' fe prefente , le cinquième les ayant luivis ôc failant pareillement fon devoir , les ennemis c'tonne's fe confondent , fe renverfent les uns fur les autres , & enfin fe jettent à l'eau malgré les efforts de Sudamicin, qui forcé de faire comme eux , de rage & de défefpoir ne ceffa de bleffer ou de tuer ceux des fiens qui tom- bèrent fous fa main^qu'après qu'il eiât été noyé. Les deux Lanchares qui luivoient^ ayant perdu cœur en voyant le mauvais fuccès de la pre- mière, fe mettent en fuite à la vue de cinq hom- mes épuifés de fatigues, & du fang qu ils per- doient par leurs bleflures j ôc leur ayant ainfi laifTé une pleine vicfboire , mirent leur Roi dans la nécellité de demander la paix.

Le Gouverneur Général en partant de Lif-

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. 575

bonne avec neufVailTeaux, avoitfaitun voya- ann. de ge heureux ayant conduit avec lui toute fa ^'^' Flotte aux Indes. L'année fuivante le Roi en i^uj. fît partir une autre de quatorze voiles , fous le donEmma. commandement de George d'Albuquerque j ^^'^^^°^- qui portoit les provifions de la Cour pour être ^p^'Î,°e^s°' une féconde fois Gouverneur de Malaca. La de- <ii"RA Itine'e de cette féconde Flotte fut tout à-fait neur. de'plorable. Un gros tems l'ayant féparée dans la mer Atlantique , l'un de ces Vaiffeaux re- tourna à Lifbonne. Un fécond commandé par un Efpagnol d'un grand nom , mais dont la conduite fît voir un cerveau b le ffé, n'ayant pu doubler le Cap de Bonne-Efperance , relâcha au Bréfil , les Sauvages tuèrent jufques à foi- xante-dix hommes de fon équipage. Le Capi- taine ne fut point fâché de cette perte -, car ayant pris le deffus fur les Portugais qu'il dé- farma d'intelligence avec fes CaftillanS;, il fe fît Forban,& périt enfuite miferablement.Untroi- fiéme commandé par Emmanuel de Sofa, ayant perdu le Capitaine , le Pilote & grande partie de fon monde vers les Illes du voifinage de Qui- loapar la trahifondes Infulaires.leVaifTeau mal gouverné alla fe brifer fur le rivage , les Maures affomm.erent tout ce qui tomba fous leurs mains, à l'exception d'ua Moufle dont le Roi de rifle de Zanzibar, lit préfent au Roi de Mombaze. Neuf autres de ces bâtimens abor- dèrent à Mozambique , ils furent obligés

ce ce iij

^■74 CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de d'hyverner avec George d'Albuquerque leur J- C- General. Il n'y en eut que quatre qui arrivèrent

'5^°- ' J l'T J

cette année dans 1 Inde. N °EL Ro'r."' Cette Flotte portoit un nouvel Intendant des DiiGoLo- Finances, Cetoit le Dodeur Pierre Nugnes , Q^'^RA^' que le Roi envoyoitàla place d'Alcaçova, que GouvfR. Soarez avoit fi fort maltraité. Celui-ci étoic exempt de la jurildi6lion du Gouverneur gé- ne'ral. Outre la finance , il avoit encore la po- lice & la juftice. Le Roi lui avoit alTigné vingt hommes pour fa garde , de gros appointemens & des privilèges conriderableSj& par làle Gou- verneur géne'ral fe trouvoit prefque borné au feul militaire.

Siquéïra , qui avoit hyverné cette année à Cochin pour faire les préparatifs de fon voya- ge de la mer Rouge , ayant appris par les qua- tre VaifTeaux qui étoient arrivés dans 1 Inde , l'armement que le Roi avoit fait fous le Com- mandement de George d'Albuquerque , dépê- cha un bâtiment à Mozambique , pour don- ner ordre à celui-ci de venir l'attendre vers le Cap de Rofalgate ^ & fuppofé qu'il eût dé- jà paffé , de le venir jomdre dans la mer Rouge , & de le fuivre jufques à Gidda. Mais les VaifTeaux qu'il commandoit, étant prefque tous Navires de. charge, quelques Capitaines, qui avoient leurs commifîîons pour ailleurs, ôc n'étoient pas obligés de fervir dans ces fortes d'expéditions, refuferenc d obéir. Leurs inftan-

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. J75

cesayant paru jufteSj il fut déterminé que des Ann.cIc neuf Vaiffeaux que commandoit Albuquerque, 7'^" quatre pafTeroient en droiture dans l'Inde avec ^^°' 1 Intendant, & que les cinq autres iroient avec nuel rok* Albuquerque à la rencontre du Gouverneur. dugoLo- Mais Siqueïra étant déjà entré dans la mer ^<l^\^l^" Rouée, les Capitaines refuferent encore de fe ^o^'^"^"^- loumettre ; & Albuquerque ayant pris adle de leur refus, fit route pour Ormus , & fut forcé de prendre port à Calajate. s'étant laille per- fuader par Edouard Mendez de Vafconcellos de faire prifonnier Raiz Zabadin Gouverneuc de cette place , félon les ordres fecrets aue Mendez en avoir du Roi même d'Ormus , l'af- faire fut Cl mal menée, qu'ils ne purent réiilTu- dans leur tentative, & qu'il y eut vingt Portu- gais tués & plus de cinquante blefTés , Zabadin n'ayant perdu que trois desfiens, & s'étant fait autant d'honneur en c^te rencontre que les Portugais s'en firent peu. . - Siqueïra étoit enfin parti dès le mois de Fé-- vrier avec une Flotte de vingt-quatre voiles , & de trois mille hommes de troupes , dont il y en avoit dix-huit cens Portugais,pour renouer la partie de la mer Rouge : entreprife (i iou- vent recommandée par la Cour , fi fouvenc tentée &c toujours malheureufe. Il tira d'abord fur le Cap de Guardafu , évitant la Côte d'A- den,dont il paroît qu'il ne voulut pas tâter. Son voyage fut prompt jufques au Cap, il ar-

^7^ CoNfQUESTEs DES Portugais

A N N. de" riva prefque aufli tôt que les Courvettes , à qui ^■^- il avoir fait prendre les devants pour battre ^ cette mer , &c tâcher de fçavoir des nouvelles

Don Emma- j t^ i 2 F J t1

nlelRoi. des Rumes qu il avoit envie de iurprendre. il DinGoLo- avoit ordonné à ces Courvettes de donner le- ^<^^ïkJ'' gerement la chafle aux VaifTeaux qu'elles trou- Go .VER- veroient j afin que croyant n'avoir que quatre ou cinq bâtimens en tête, les ennemis priffent confiance , & donnaient dans le piège. Quel- ques jours s'écoulèrent , fans qu'il lui arri- vât rien de condderable , que de prendre une miferable Bicoque , il n'étoit refté qu'une vieille , à qui il eut l'obligation de trou- ver de l'eau dont il avoit grand beloin, en re- corrfioilTance de quoi il ne voulut pas mettre le feu à la peuplade. Il pafla enfuite à la Côte d'A- rabie au deffous d'Aden , & alla donner fur un Ecuëil fon VaiiTeau le brifa & périt. De-Ià étant entré dans le détroit , il apprit par les priles qu'il fit, qu'il étoit venu à Gidda fix Ga- lères Turques & quinze cens hommes de ren- fort : Que les intentions de la Porte étoient d'occupper Zéibit j & de marcher enfuite con- tre Aden. Sur cela il tint confeil & expofa les ordres qu'il avoit ;, quiconfiftoient à marcher contre la Flotte du Sultan , ou s'il ne le pouvoit, de tacher de prendre quelque connoiflancc des terres du Prêtre-Jean,d'y aborder^ & démettre à terre l'AmbafTadeur qui étoit venu en Por- tugal de la part de ce Prince , & celui que le

Roi

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 577

Roi Don Emmanuel lui envoyoit. Ann. de

Le Confeil ayant opine' pour le premier par- ^- ^'

\ ^ r ^-11 -1 j 1510.

ti, on mit le Caplur Gidda : mais les vents du

xTi ' ^ r m o' 1 Don Emma-

Nord ayant commence a loumer , & étant des nuel roi. vents durables en cette failon , la crainte qu'on orico lo-

' 1> ' 1 h y-r ' PEZ DE Si-

eut d éprouver les mêmes diigraces qui e- q..eïra roient arrive'es aux deux précédents Gouver- ^°"^^'^* neurs ^ fît qu'après avoir lutté quelques jours inutilement , on fut obligé de revenir au fe- cond parti, & de faire route pourl'Ille de Ma- çua, qu'on découvrit le jour de Pâques , & l'on mouilla le lendemain dixième d'Avril. Les Jiabitans l'avoient abandonnée croyant que la Flotte dont ils avoient eu nouvelle par une Gelve, étoit celle des Turcs , de qui ils appre- hendoient d'être maltraités , quoique Maho- metans comme eux , de forte que le Géné- ral fut obligé de faire avancer quelques bri- gantins pour prendre langue. Un de ces bri- gantins ayant rangé de fort près la terre, il vint un petit bateau à bord, conduit par trois hommes , qui ayant reconnu les Portugais fau- tèrent dans le brigantin avec de grandes de- monltrations de joye , montrant une Lettre & un anneau qu'ils portoient.

Ces hommes étoient envoyés par le Gouver- neur d'Arquico , Ville fujete de l'Empereur d'Ethiopie,&: port confiderable. La Lettre écri- te en Arabe rémoignoit » le plaifir infini qu'il »» avoit de voir enfin s'accompUr leurs ancien;

Tome J. DDdd

TEZ DE Si

QL'EÏRA

GOUVER

578 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de » nés Prophéties , qui leur annonçoient qu'il

J-C. viendroic un jour fur leurs terres des Chré-

^ ' "tiens d un puifTant Royaume de l'Occident.

NUEL Roi. « qui ûevoicnt s unir d amitie & d intérêts avec

Diego lo- " cux , coiTime ils l'etoient de'japar la toi qu'ils

« profefToient. Que le Roi David Ton maître

» ne foupiroit qu'après cette union , par l'efpe-

« rance qu'il avoit conçue qu'elle ferviroit à

" la deftruclion de la le<51:e de Mahomet : Qu'il

î3 lui avoit donné les ordres les plus précis de

« les bien recevoir quand ils paroitroient : Qu'il

" alloit donner part au Barnagais, Gouverneur

»' de la Province, de cette bonne fortune : Que

» cependant il prioit le Général de vouloir bien

" permettre aux habitans de l'Ifle de Maçua de

« retourner chez eux, & de les regarder quoi-

» qu'ils fufTent Mahomctans , comme fujets de

" l'Empereur des Abiflins. «

La ledlure de cette Lettre remplit les Portu- gais de confolation. Siqué'irafurtout , qui fe re- garda comme l'homme du monde le plus for- tuné pour avoir fait cette découverte , nepou- voit exprimer ni contenir le plaifir qu'il en reilentoit. Il répondit donc au Gouverneur le plus obligeamment qu'il lui fut pollible , &c donna à fes Envoyés un drapeau dans lequel •paroiiToit une Croix comme celle de l'Ordre de Chrift , pour fervir de fauve - garde. Cet Etcndart fi refpetftable de notre Religion , ne fut pas plutôt apperçu par les habitans de la

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. 579

PIZ DE Sl« OBEIRA

Gouver- neur.

Ville d'Arquico , que tous accoururent en fou- a n n. de le comme en procellion , le Gouverneur à la tê- ^- ^" te pour le recevou-, & le portèrent enluite en chantant des Hymnes & desPfeaumes jufques n°el roi. à fonPalais , fur lequel il le fit arborer. diego lo-

Les préfens mutuels ayant fuccedé & e'ta- blie une plus grande fureté de part & d'autre , ceux qui vinrent parler de la part du Gouver- neur d'Arquico demandèrent des nouvelles d'un certain Ambaffadeur que l'Empereur d'E- thiopie avoir envoyé dans les Indes pour le faire pafTer de en Portugal. C'étoit celui qui étoit dans la Flotte , & qu'on tenoit caché pour les raifons que je vais dire •■, mais il faut que je reprenne d un peu plus loin fon hi- ftoire.

Nous avons vu jufques ici les foins infinis que s'étoient donnés les Rois Don Jean II. &c Don Emmanuel, pour découvrir les terres d'un Prin- ce Chrétien j connu dans l'Europe dès les tems des Croifades , fous le nom de Prêtre-Jean , les différentes perfonnes qu ils avoient envoyées par diverfes routes pour en avoir quelque con- noiffance. Leurs foins ne furent pas en quel- que forte inutiles , ôc nous avons remarqué que fur les indices qu on leur avoir donnés , c'étoit l'Empereur des Abiflîns ou de la haute Ethio- pie. Pierre de Covillan l'un des premiers qui avoient été envoyés à cette recherche, étoit ar- rivé à la Cour de ce Prince nous l'avons

DDdd ij

Piz DE Si

QJ^' R A

Gouver- neur.

580 CONQUESTES DES PORTUGAIS

An n. de laifTé. Ceux qui depuis tentèrent d'y pénétrer

J-C- parle Sénégal, n'y réulTirent point par l'artifice

des Portup;ais même. Ceux qui allèrent par

DonEmma.- ,, o , _^ 1 rz L r

NUEi Roi. 1 hgypte & par la Cote de Zanguebar , turent Diego Lo- plus heureux , particulièrement Ics trois que Triftan d'Acugna avoit débarqués à Quiloa , & qu'Alphonfe d'Albuquerque fit mettre à terre vers le Cap de Guardafu.

Pierre de CoviUan avoit été parfaitement bien reçu de l'Empereur Ilcander ou Alexan- dre qui regnoit alors, Ce Prince ayant vu (es Lettres de créance le traita fort bien, & con- çut de grandes elperances fur l'alliance qui lui étoit propofée. Mais la mort l'ayant enlevé à la fleur de fon âge , fon frère Nahu, qui lui fucceda , fe trouva avoir d'autres peniées , ôc par un principe de politique ordinaire à cette Monarchie ^ il ôta à Pierre de Covillan toute efperance de pouvoir retourner dans fapatrie^ de manière que Covillan prenant parti de la néceflité , fe maria, & ne penfa plus qu'à finir fes jours dans cet exil. Nahu étant mort aufli peu de tems après fon frère, David fon fils en- core enfant , monta fur le Trône fous la tu- telle de l'Impératrice Hélène fa mère.

Cette PrincefTe^ qui avoit beaucop de tête ôc de courage , reprit les erremens d'Ifcan- der d autant plus volontiers , qu elle avoit déjà appris par la voye pubhque les belles chofes que les Portugais avoient faites aux Indes j de

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 5-81

forte qu'elle réfoluc de répondre à l'Ambaila- Ann. de de du Roi de Portugal, tlle ne jetta pas à la ve- ^' ^* rite les yeux fur Pierre de CoviUan^du recour du

, /, . ^A . 11 Don Emma-

quel elle ne pouvoir pas s atlurer -, mais elle nuel roi. choific un Chre'cien nommé Matthieu, Armé- diîgo lo- ni^i de nation, qui avoit refté long-tems au ^,^jïra'^*' Caire , fait i^lufieurs voyag-es en Ethiopie , dont gouve». elle s etoit lervie en plulieurs négociations , & qui par-là avoit mérité fa confiance. A fes Let- tres de créance elle ajouta un morceau de la vraye Croix dans un reliquaire d'or, dont elle faifoit prefenc au Roi de Portugal. Elle lui donna enfuite pour compa£;non d'Ambaflade un jeune Abiilîn, homme de qualité, & les lie paifer tous deux iecretement dans les Indes , ils dévoient demander au Gouverneur un embarquement pour le Portugal..

Alphonfe d'Albuquerque , qui e'toit alors en place,retira f AmbalTadeur des mains du Ta- nadar de Dabul,qui le tenoit comme en pri- fon. Il lui rendit toutes fortes d'honneurs dans la Ville de Goa , & le fit palTer à Cochin , ainfi ^ue je lai dit , pour le faire embarquer fur le Meilleur voilier qui dût aller cette même an- née en Portugal. Mais l'Ambalfadeur n'ayanc rien de relpectable que (on propre mérite , chofe affez peu connue dans un étranger, & peu eftimée de ceux qui ne font cas que d'un certain éclat qu'on ne voyoic pas en lui , les ennemis d'Albuquerque , ceux même qui a-

DDdd iij

j8l CONQUESTES DES PoRTuCAIS

A N N. de voient le plus d'autorité dans Cochin , le traît- j. c- tercnt comme unimpofteur, lui firent toutes ^^ ' fortes d'avanies, iurlefquelles renchérirent en- NuÊiRoi, core les Capitaines Bernardin Freyre & Fran- Duco Lo- çois Pereira Pcftaiia ,. de qui il eut beaucoup ^mra^' à fouffrir en route ,& particulièrement à Mo- COUVER- zambique.

Don Emmanuel, qui en fut informe avant même leur arrive'e , en fut fi indigne' , qu'il en- voya au-devant de ces deux Capitainespour les mettre aux fers , & les traduire eniuite dans les prifons de Lifbonne, ils expièrent long-tems leur faute, & d ils ne fortirent que iur les inifances re'itere'es de l'AmbafTadeur qu'ils avoient (i maltraité. Pour ce qui eft de F Ambaf fadeur, le Roi lui fit tous les honneurs que me- ritoit la Majellé du Monarque de qui il étoit envoyé, & dont il avoit fouhaité la connoif. fance avec tant de paffion. Apres quelques mois de féjour _, Manuel le fit repartir pour les Indes avec le jeune Abiffin , & il le'fit accom- pagner d'un nouvel Ambafladeur , qu'il en- voyoit lui-même à la Cour d'Ethiopie , donnant ordre à Soarez , qui étoit alors Gouverneur, d'e les conduire en perfonne fur la Flotte qu'il de- voit mener dans lamer Rouge, & de les débar- quer ou il pourroit fur les terres des Abifîms. Le Roi témoignoit affez combien il avoit cette affaire à cœur, & la haute opinion qu'il en avoit conçue^, par le choix de la perfonne

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VU. 583

qu'il nomma pour cette AmbafTade. C'ëtoit ANN.de Edouard Galvan , qui après s'être diftingué dans ^- '^• les guerres d Afrique , avoir commandé les corps de troupes auxiliaires que le Iloi de Por- klÈIroÎ."' tugal»voit envoyé aux Princes Tes alliés, s étoit diego Lo- rendu encore plus recommandable par les af "^j"/*' faires importantes qu il avoir traitées avec une *^0"ver- grande dextérité dans la plupart des Cours des plus grands Princes de l'Europe, & qui étant alors d'un âge très-avancé , devoir fe trouver fort étonné de fe voir chargé dune commiffion pour le bout du monde , qui avoïc plus l'air d'une avanture que d une AmbafTade. Néan- moins le zélé ôc î'efpric de laUeligion la lui fi. rent accepter avec plaidr, dans l'elperance d'y procurer la gloire de Dieu. Mais comme Soa, rez dans fon entrepriie de la mer Rouge , n'e- xécuta rien de tout ce que le Roi lui avoit or- donné, Galvan mourut des fatigues ôc de la difette qu il {ouffrit dans llfle de Camaran , à la vûëjpour ainfi parler^de celle deMaçua^n'y aïant que deux pas à faire pour le mettre au port tant defiré. Galvan étoit un faint j le naufra2"e de George fon fils qu'il vit des yeux de l'elprit , ôc qu'il déclara en mourant, augmenta de beau- coup l'opinion qu'on avoit de l'a vertu, lorf- que l'événement eut juftifié la vérité de la pré- diélion.

L' AmbaUadeur Matthieu étant retourné dans les Indes avec Soarez , fut obhgé d'y attendre

JSEUR.

J84 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A NN. de jufques à l'expédition de Siqueira,qu'ils'embar- J- ^- quade nouveau avec Roderic de Lima, qu'Em- ^^ ' manuelavoit fubfticuéàEdoiiard de Galvan. Si NurLEcTit pendant tout cet intervalle il ne fut pas mal- Dirco Lo- traité , comme il avoit été par Tes premiers per- pjz DE Si- (ecuteurs , il avoit toujours le délabrement de GoavER- fe voir en très-petite confideration , ôc pour le moins fulped à une infinité de gens qui le re- gardoient comme un impolteur ^ un vagabond. & un efpion.

Mais quand on l'eût repréfènté à ces Abilîîns qui demandèrent de fes nouvelles, le moment de cette reconnoiflance tira les larmes des yeux de tout le monde. Ces bonnes gens le profter- nerent d'abord en lui ballant la main , & l'ap- pellant fouvent Ahha Mattheus , c'eft-à-dire , Fere Matthieu. Ce vénérable vieillard pleurant lui-même de joye & de tendrelTe , & arrofant fa barbe blanche de les pleurs , les embrafloit à fontour, comptant pour rien toutesfes peines palTées , & les fatigues immenfes de dix années confecutives , & rendoit publiquement des grâces à Dieu , de ce que ne s'étant propofé que la gloire , il lui avoit plû de bénir fes travaux en réiinifTant de fi loin deux aufli puifTantes nations , pour le bien & l'avantage de la Re- ligion. Ses paroles & l'air dont il les difoit , touchoient vivement le cœur de tous ceux qui étoient préfents , furtout aux Portugais à qui ce fpedlacle reprochoit vivement, les in- dignités

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. jS;

dignités qu'on lui avoir fait fouffrir. ANN.de

On attendoit le Barnaguais ou Gouverneur J-C. Ge'néral de la Province, qui eft une des pre- '^^'' mieres perfonnes du Royaume, d'ordinaire un nuel^ro'Î.*'" proche parent de l'Empereur, & Roi lui-même diego lo. du Royaume de Tiere-Mahon. Pendantcetin- '"^"'^^ ^'-

II ' rr' > -I QilEIRA

tervalleSiqueïra pritconnoiliance de rilleMa- gouver- çua, fît purifier une de Tes MofquéeSj qu'il con- vertit en Chapelle fous le nom de Notre-Dame de la Conception^oû l'on célébra les faints My f^ teres. Pierre GomeZjPrefident du Confeil des In- des d'autre part avec l'AmbafTadeur Matthieu, allèrent vifiter un célèbre Monaflere de l'Or- dre de faint Antoine , nommé de Jefus ou de la Vifion , ils reçurent toutes fortes de cour- toifiesde la part de fes Religieux.

Enfin le Barnaguais arriva. Il y eut d'abord, quelques difficultés pour le cérémonial de fon entrevue, & de celle du Général. On reglanéan- moins qu elle fe feroit dans une vafte campa- gne, où il y auroit trois fieges , l'un pour le Barnaguais, le fécond pour le Général &le troi- fîéme pour l'AmbafTadeur Matthieu. Le Barna- guais y vint avec deux mille hommes de pied ôc deux cens chevaux. Siquéïra ne conduifit que fix cens hommes qu'il rangea en bel ordre, & s'avança feulement à la tête de foixante. Apres quelques civilités qui furent fuivies de prefents mutuels , le Général remit entre les rnains du Barnaguais les deux AmbafTadeurs ôc Tome/. EEee

^86 CoNQUESTEs DES Portugais

ANN.de leur fuite. On parla enfuite du projet de bâtir

^* ^' une Citadelle à Maçua à l'ifle de Camaran, fur quoi on ne put rien conclure fur l'heure.

NUEL Roi. Enfin on jura de part & d'autre une efpece d'al-

djego lo- liance fur les faints Evangiles ;, & chacun fe re-

iï'ïal "■ tira de fon côté.

GouvER. Lg5 AmbafTadeurs Matthieu & Roderic de

NEUR.

Lima furent configne's au Gouverneur d'Ar- quico , qui devoir les faire conduire à la Cour, oûnous les laifferons aller pour fui vre Siquëï- ra qui fe remit en chemin pour les Indes. Le retour de ce Ge'ne'ral n'eut rien de fingulier jufques au Golphe Perfique, fi ce n'elf qu'il fît le dégât dans llfle de Dalaca,qu il trouva aban- donnée, & perdit encore un de fes VaiiTeaux , commandé par Jérôme de Sofa. A Calajate il trouva George d'Albuquerque , à qui il laiffa le Commandement de la Flotte, pour aller lui mê- me avec les petits bâtimens hyverneràOrmus, d'où il partit au mois d'Août pour fe rendre dans llndoftan , fans avoir rien fait plus que fes prédéceffeurs avec tout ce puiffant arme- ment, à moins qu'on ne comptât pour quelque chofe ce qu'il fit à Arquico, ,&; qu'auroit fait une {impie Galère, auili bien que lui avec tou- te fa Flotte.

Pendant Tabfence de Siqué'ira, le Roi de Narfîngue & l'Idalcan le firent la guerre. Le premier la déclara , & rompit la trêve qu'il avqit faite. Il en avoit d'afTez forts motifs. L'Idalcan

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 587

donnoit un afyle à tous les fugitifs contre les a n n. de

loix e'tablies entre eux ; mais comme la plainte J- C.

pouvoit en être éludée par de faulTes couleurs, ^^'* r r ' DonEmma-

le Roi deNarlmgue voulant avoir un pi^texte nueiRoi. plus plaufible , uia de ce ftratagême. Il envoya diegoLo- à Goa un Maure , nommé Cid-Mercar pour y q^ jïra acheter des chevaux,lui donna une grofTe lom- NLur"^" me d'argent & des lettres pour le Gouverneur. Comme le Maure devoit paiTer par les terres del'Idalcan, quelachofe n'étoit point fecrete, ôc ne devoit pas l'être félon les intentions de ce- lui qui l'envoyoit , l'Idalcan averti, fait mille carefTes à Mercar , comme pour honorer en lui le fang de Mahomet & le Turban verd, le dé- bauche du fervice du Roi de Narfingue , l'en- voyé Commandant dans une de fes places , le fait enfuite tuerfecretementj & enlevé fes tré- fors. Le Roi de Narfingue qui n'attendoit que ce moment , met une armée fur pied fembla- ble pour le nombre à celle de Xerxes , & va âfïieger Rachol place forte que l'Idalcan lui avoit prife. L Idalcan s'étant mis en mouve- ment pour en faire lever le fiege , perd la ba- taille, dans laquelle quarante Portugais rené- gats fé firent ruer pour défendre un des Géné- raux de l Idalcan qui fut fait pwfonnier. Apres cette vicfloire , Rachol fut obligée de fe rendre au vainqueur par la détermination de vingt autres Portugais qui fervoicnt dans l'armée du Roi de Narfingue, & dont le chef fe nommoic

E E e e ij

588 CoirQUESTES DES Portugais

An N. de Chriftophle de Figueredo , ces vingt hommes ^•^' ayant fait plus d'imprefïion furlesaffiege's que ^^ " cette multitude innombrable de Barbares vi-

DonEmma»

NUEL

Roi. * (ftorieux , contre lefquels ils paroifToient réfo- DIEGO Lo. lus de fe bien de'fendre.

PIZ DE Sl-

QL,i,R^ L'Idalcan réduit à une honteufe retraite é-

Goi-vER- prouvoit de nouvelles difgraces de la fortune^ Les Gines, qui font une Cafte d'Indiens établis dans les terres maritimes avant que les Mau- res les eneuffent chaffés, voyant l'Idalcan oc- cupé à cette guerre , defcendirent de la mon- tagne de Gâte au nombre de huit mille hom- mes j & s'emparèrent d'une partie de la terre ferme des envh-ons de Goa. Le Tanadar de l'I- dalcan voulant convertir à fon profit ce qu'il avoit entre les mains du revenu de fes fermes_, donna avis fur le champ à Ruy de Mello Gou- verneur de Goa, de l'irruption des Gines , lui faifant fentir qu il ne dépendoit que de lui de s'emparer des Doiianes de la terre ferme, & que ridalcan fbuffriroit plus volontiers qu'el- les fuffent entre fes mains, qu'entre celles de fes fujets rebelles. Mello mit la chofe dans le Confeil. Le cas étoit facile à décider. Les Gines étoient alliés , & on étoit en paix avec l'Idal- can mais la cupidité' ne manquant point de couleurs pour donner atteinte aux traités Se à la fainteté des fermens , on faifit cette occa- fion avec avidité, & Ruy de Mello Jufart fut envoyé par le Gouverneur fon oncle contre

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VIL 589

les Gines à la tête de fept ou huit cens hom- A n n. de mes. Ceux-ci ne fe voyant point en état de j / contraller avec les Portugais , leur abandon- ^ ^

1 1 /^ n rr 11- '~'°^ Emma-

nent le territoire de (joa , & palient plus loin, ni el roi. Le Tanadar s'applaudifTant de fa perfidie, fait dugolo- pafl'er fecretement de groffes fommes à Goa , 4^eïr1 '' & s'y retire pour fe mettre en fureté. Mais Dieu NfuR.^"^" vengeur de la mauvaife foi , permit qu'elle ne fructifiât à perfonne. La trahifon de lldalcan- lui coûta cher parles pertes qu'il fit. Celle du Roi de Narfingue lui profita peu , puifqu'il perdit peu de tems après la Ville de Rachol , qui avoir été l'objet de l'infradrion de la paix. Le perfide Fermier voulant retirer l'argent de fon maître qu'il avoir en dépôt , l'ami Portu- gais, à qui il l'avoit confié, nia la dette -, ce qui mit le Tanadar en fi grande fureur , qu'il en devint fou. L'infidelle dépofitaire ne joiiit point de fon larcin & de fon parjure ; une mort pré- cipitée l'enleva peu de jours après. Enfin les Portugais perdirent auifi les Doiianes , qu'ils avoient enlevées avec plus de facilité que de juftice.

Les Portugais eurent alors une occafion de faire encore mieux leur affaires ailleurs , fous l'apparence de 1 équité & de la défenfe du droit des pupilles ^ je ne fçais cependant le fon- dement de cette équité étoit bien folide. Dans Je tems qu'Alphonle d'Albuquerque alla pren- dre Malaca^ il fit rencontre d'un Jonc , qu'il ne

EEee iij

J90 CONQUESTES DES PORTUGAIS

Tiz Si

Q^'IÏRA GOUVER NEUR.

A K N. de put prendre , tous ceux qui etoient dedans

J* ^' e'tant reTolus de pe'rir , plutôt que de fe laiirer

enlever de vive force. Lorfqu'il delefperoit d'en

Don Emma- -^ i i i i.

NUEiRoi. venir a bout , ils vinrent parlementer d eux- DiFGoLo- mêmes, & prier ce grand homme de prendre fous fa protection un Roi malheureux chaf- de les Etats par un injufteufurpateur. C'é- toit Sultan Zeinal, qui avoit été dépoiiillé du ■Royaume de Pacen. Albuquerque acquiefca volontiers à la propofition , & conduifit ce Prin- ce à Malaca, réfolu de s'en fervir pour le bien, de fes affaires après la prife de la Ville. Zeinal voyant que ce Général l'avoit manquée à la première attaque trouva le moyen de s'évader ôc de pafler dans le camp de Mahmud. La Ville étant prife il revint encore à Albuquerque ; mais ayant preffenti qu'Albuquerque vouloit le conduire dans rindoftan,& que le fecours qu'on lui promettoit pourroit tirer en lon- gueur, il repaffa encore dans le camp enne- mi, & fuivit la fortune de Mahmud dépoiiillé de fes Etats comme lui.

Les Rois de l'Ifle de Sumatra étoient telle- ^ ment dépendans du' caprice de leurs (ujets , qu'il devoit paroître furprenant , qu'on voulût 1 être. Le moindre fanatique y caufoit une émo- tion populaire, &dès qu'un infpiré avoit pro- noncé dans fonenthouliafme,Meure leRoi,c'cn étoit fait de vie , il étoit égorgé , ôc on faifoit main baffe fur tous ceux qui lui étoient dévoilés.

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. Vil. 59T

N£L R.

fans trouver de leur part la moindre refiftancc. A n n. de On en avoir fait périr ainfi plufieurs à Pacen , ^' ^" ouand Zeinal aidé des troupes de Mahmudre- ^

■^ r 1 .^ r. ir TJ T^- ^0*^ 1:mma-

inontaiurleTrone de les pères. Le dernier Roi nueiRoi, que Zeinal de'poliilla, laiffoit un fils âgé d'envi- diego lo- ron douzeans.Le Mo/^«^ou chef delaReligion ^"/'ja '" ayant fauve cet enfant, le conduifit dans 1 Indo- '^°'^''^^' jftan pour implorer le lecours des Portugais , & le mettre fous la protecftion du Gouverneur gé- néral , offrant de le rendre lui & fon Royaume tributaires du Portugal , & de donner un em- placement pour bâtir une Fortereffe dans Pa- cen. Ce parti ayant été accepté, George d' Albu- querque qui alloit prendre poifeifion du Gou- vernement de Malaca , fut chargé de la com- miflion de remettre ce Prince en poffelfion de fes Etats.

Quoique Sultan Zeinal n'eût reçu les fecours de Mahmud , qui même l'avoit fiitlon gendre pour fe 1 attacher davantage , qu'aux condi- tions de s'en fervir contre les Portugais , néan- moins ce Prince changeant d'intérêts avec fa bonne fortune , ne fouhaitoit rien tant que Meur alliance. Et fur ce que lors de la révolution le faâ:eur qui étoit à Pacen , s'étoit enfui par la crainte qu'il eut de lui , il en fut très-fâché, & envoya prier le Gouverneur de Malaca de lui envoyer quelqu'un avec qui il pût parler d'affairés , ce qui fut fait. Mais la paix ne fut pas de durée par l'imprudence de Diego Vaz

591 CONQUESTES DES PORTUGAIS

A N N. de qui lui fut envoyé. Cet homme infolent ayant

J- ^' perdu plufieurs fois le refped: à ce Prince ,

fut la viétime de l'indignation de Tes courtifans

Nu^L^Rm.' 4^^ ^^ poignardèrent avec quelqu'uns de fcs

Diego lo- g^Hs , fans en attendre l'ordre.

riïDESi- . Georp;e d'Albuquerque s'étant préfenté au

GouvER- port de Pacen avec Ion pupille, Zeinal pour dé- tourner l'oracre offrit toutes les mêmes con- ditions & les mêmes avantages que les Portu- gais pouvoient efpererde celui dont il avoient pris la défenfe. Albuquerque ne voulut rien entendre , & fe difpofa à en venir à la force ou- verte. Zeinal , qui avoit appréhende' les e'mo- tions populaires, s'étoit fortifié dans un camp hors de la Ville avec une double enceinte. Les troupes Portugaifes d'un côté avec celles du Roi d'Auru de l'autre , l'attaquèrent & l'em- portèrent. Zeinal combattant en brave y fut tué. Le Prince pupille n'ayant plus de Compé- titeur, fut remis fur le Trône. Les Portugais bâtirent leur Citadelle, & profitèrent de beau- coup de dépouilles.

Le jour même qu'Albuquerque gagna cette ' belle vidloire, les Portugais reçurent dans le ^ voifinage un échec confiderable qui fervit à la contrebalancer. George deBritto étoit pafTé cette année de Portugal dans les Indes, com- mandant une efcadrede neuf VaifTeaux. Etant . arrivé à Cochin , il fut expédié par le Gou- verneur général pour les Molucques,oùétoic

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 595

fa deftination avec une efcadre de fept Vaif- An n. de féaux. Il partit peu après George dAlbuquer- ^' ^' oue , avec qui il ne put aller de conlerve.

1 ' ^ A I ri Don Emma*

Ayant pris port a Achen , un Portugais nom- nuel Rot. Jean de Borba vint à Ton bord pour le fa- diego lo- luer. Cet homme après avoir fait naufrage & J^.^e.ra '* lutté pendant neuf jours dans un petit efquif, ^°^'^^^' contre la faim, les vens & les flots , avoit abor- de' à Achen , il avoit e'te' re'ciieilli par le Roi de la manière du monde la plus gracieufe. Bor- ba reconnut mal les bontés de ce Prince j car dès qu'il fut à bord, il mit en tête à Britto de fe rendre maître d'une Pagode, il trouve- roit , lui dit-il, des richeffes immenfes. Et afin de l'encourager à cette aétion, il lui fuppofa que le Roi d'Achen avoit profité des débris du naufrage d'un de leurs VaifTeaux , & fait mou- rir les Portugais qui s'en étoient fauves. Brit- to 5 aveuglé par l'efperance de ces richeffes qu'il croyoit déjà tenir, envoya faire des pro- portions aflez extraordinaires au Roi, qui y ré- ^pondit néanmoins de manière à fatisfaire tout homme qui eût été bien aife qu il eût eu rai- fon. Britto refufa en même tems le fecours d'un autre Vaiffeau Portugais qui fe trouvoit dans le port , fous le prétexte qu il n'étoit pas de ion eicadreymais en effet pour n'être pas obli- gé de lui donner part au butin de la Pagode.

Ayant donc déterminé d'attaquer la Ville, il commanda deux cens hommes pour la dei^

Tome /. FFff

i4£llK.

J94 CONQUESTES DES PORTUGAIS

ANN.de cente , les Capitaines à leur tête dans leurs

J- C- Chaloupes, à l'exception de FrançoisiGodiz ,

^ ' qui {uivoit avec fa Fufte e'toit 1 artillerie ôc

Don Emma, i i r ijr- i-

nuelRoi. les arquebuners au nombre de loixante-dix. Diego Lo. Lcs Chaloupcs ayant gagné les devants, parce Z^iUa'' ^^^ ^^ Fufte ne pouvoit aller fi vite , Britto GoiTVER. voulut lattendre , parce qu'elle portoit fès principales forces , qu'elle .devoir outre cela î'e'pauler , & favorifer la defcente j mais un vent de terre qui groftifToit les eaux de l'em- bouchure du Fleuve , lui donnant beaucoup de fatigue aufli bien que quelques coups de fau- conneau qu'on tiroit d'un petit boulevard voi- fîn , (es gens le forcèrent malgré lui à gagner le rivage 6c à débarquer. Celui qui portoit l'enfeigne de Britto, s'étant étourdi à force de vin pour fe donner plus de courage , partit de la main dés qu il eut mis pied à terre fans at- tendre d'ordre. Britto par fes cris, fît ce qui! put pour l'arrêter lui ôc les avanturiers qui le luivirent ; mais tous étant fourds à fa voix , ôc leur nombre groftiflant toujours , il fe vk en- traîné lui, même malgré lui. Ils ne furent pas long-tems fans tomber fur un corps de mille .hommes conduit par le Roi en perfonne. Çoni- me les Portugais n'avoient point avec eux leurs arquebufîers , ils eurent bien-tôt du deiTous. L'Enfeigne auteur delà difgrace commune por- ta la peine de fonétourderie, ayant été tué le premier. George de Britto ôc trois autres Capi-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 595

taines de fa Flotte eurent le même fort. Gafpar a n n. de Fernandes , bon Officier, s'étant trop approché ^' ^' d'un Eléphant pour le percer de ia lance, cet

. A . . ^ r ^ , . ,, Don Emma*

anunal le prit avec ia trompe, le jetta en lair nuelRoi, fi haut qu'il retomba mort de fa chute. Le re- diegoLo. fte s'étant mis en fuite, Laurent Coutinho l'un ^I^r^" des Capitaines qui venoit joindre le gros , &c ^°uY^" faifoitcommelecorpsde referve , voyant cette déroute , fe mit aufli à fuir, au lieu d attendre pour loutenir les fuyards. Cela ayant donné du cœur aux ennemis , il y eut foixante-dix Por- tugais qui périrent dans cette honteufe retrai- te. Deuxfeuls ,fçavoir Louis Rapofo & Pierre Vellofo , dont les noms méritent d'être immor^ tels, réparèrent l'honneur de leur nation. Etant prêts de fe rembarquer & ne voyant pas leur Général, ils réfolurent d'aller le chercher, de le ramener, ou dépérir avec lui j & après avoir fait des prodiges de valeur , ils moururent per- cés de coups. Le Capitaine de la Fuile ayant ■jugé par le bruit, qu on en étoit aux mains, fit tout ce qu'il put pour aborder :,• mais s'étant affable , il fut obligé d'attendre jufques à la pleine mer pour fe relever. Apres ce malheu- reux fuccés tous ayant regagné leur Flotte comme ils purent , ils firent voile pour Pedir Antoine de Britto , qui fe trouva dans ce port , fut élu Général en vertu d'une commif- fion du Roi qu'il trouva dans les papiers de fon frère , à qui il étoit fubltitué. Du port de Pedir

FFffij

^9^ CoNQUESTES DES Portugais

A NN. de ils allèrent à celui de Pacen , ayant trouvé J- ^' George d'Albuquerque prêt à partir, ils firent . ^ " voile tous enfemble pour Malaca. NUEi Roif Albuquerque ayant pris poïTefïion de ce DiïGo Lo- Gouvernement , &c le trouvant fi bonne com- Î."ïr1^^" pagnie , voulut en fignaler les commencemens Couver, ^j^ allant dcbufquet Mahmud de Tlile de Bin- tam. On lui avoit fait la chofe facile , & il comptoit beaucoup fur dix-huit VaifTeaux qu'il jmenoit à cette expédition & fix cens hommes de bonnes troupes. Mais ayant manqué de por- ter avec lui des échelles, dont on l'avoitaffûré qu'il n'auroit pas befoin, il fit des efforts inu- tiles contre un feul boulevard, que Laczamana défendit avec tant de vigueur, qu Albuquerque y ayant perdu beaucoup de monde, perdant encore l'efperance de le prendre ^ le rembar- qua avec honte pour retourner à Malaca. An- toine de Brittoôc fon efcadre s'étantfeparés de lui pour fuivre leur route aux Molucques, Lac- zamana qui le vit affoibli par cette divifionde forces, le fuivit bien-tôt avec quinze Lanchares armées , de fi près , qu'il entra avec lui dans le port, ôc y prit le brigantin de Gilles Simon, qui y fut tué avec tous ceux qui le défendoient.

Vers ce même tems, les Portugais fe trou- vèrent réduits à une grande extrémité dans l'Ifle de Ceilan. Lopez de Britto qui avoit fuccedé à Don Jean de Sylvéi'ra dans le Gouvernement de la ForterefTe , que Soarez y avoit bâtie, en-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 597

trepric de lagrandir , & avoit pour cet effet Ann. de^ mené avec foi un renfort de foldats ôc de ma- ■^' ^' nœuvres. Les Chingulais, qui font les Nobles ^^''

di ^ r o ' 1 Don Emma<

u pays, le trouvèrent tort mauvais & s en plai- nuel roi.

gnirent hautement comme d'une infradion diegoLo- faite au traité, & d'une tentative hazardéepour "^, Aa^'' opprimer leur liberté. Il eût été fans doute de ^°^'^^^- la prudence de lurleoir un ouvrage, contre le- quel tout le monde paroiflbit révolté : mais Lopezméprifant les bruits populaires n'en eut que plus de courage & de détermination à fui- vre fon travail. Les efprits s'étant échauffés à cette occafion , les Maures attifant le feu de la divifion à leur ordinaire , le commerce de la Fortereffe avec la Ville fut interrompu , de forte que la difette s'y fit fentir en peu de tems. L'audace des habitans alla plus loin, car s'ils trouvoient quelques Portugais àfécart, ils les infultoient &les maltraitoient.

Lopez de Britto diffimula ces infultes , peut- être plus qu'il n'eût dû; mais animé enfuite par les murmures des fiens, qui lui reprochant ion trop de patience accufoient fon courage , i\ paffa tout d'un coup à une autre extrémité fans en trop prévoir les confequences. Car un jour, dans le tems du repos ôc de la grande chaleur, étant forti de fon fort avec cent cinquante hommes, il entre dans la Ville de Columbo, l'on ne s'attendoit à rien moins qu'à cette hoflilité;, y porte une telle épouvante , que dans

FFffiij

jgS CONQUESTES DES PORTUGAIS

A K N. de " l'allarme d'une irruption fi fubite chacun des J- c. habitans ne penfa qu'à fuir. Mais eniuite s'é- ^^ ' tant re'iinis hors de la Ville , & ce premier mo-

DoN Emma- i r rr ' il ' 1'

nuelRoi. ment de terreur étant palle, rappelles par la- DiEGO Lo- mour de leurs femmes &: de leurs enfans , ils onl.t'^ ^^' rentrent avec fureur. Le fpedlacle de ces fem-

^^-' £1 R A i.

Couver, j^^j ^ ^^ CCS cnfaus Que Brltto s'étoit conten- te de raire lier , augmentant encore leur ani- mofité , les Portugais (ont pouffe's à leur tour, plus de trente font bleife's , ils regagnent leur Forterefle avec peine , & ne feroient peut-être pas venusà bout d'y rentrer, file feu queBritto avoit fagement fait mettre aux mailons de la grande rue ^ n'eût fait diverfion & facilité la retraite.

Cène furent que les commencements de leurs maux. L'indignation que caufa dans tou- te 1 Ifle une irruption fi brufque & fi peu co- lore'e la fouleva toute entière. Il n'y eut per- fonne qui ne voulût s'armer pour détruire , "difoit-on, d'indignes Pirates, qui ayant été 3j reçus avec humanité, ne (e contentoient point 3> de fe rendre maîtres du pays &; du commer- » ce pour le faire feuls félon les loix qu'il leur s5plaifoit deprefcrire, mais paroifToient enco- » re avides du fang de leurs hôtes , employoienc » pour le répandre les plus noires trahifons , fe 5' montroient en ennemis les armes à la main, :> fans aucun fujet,fans aucune dénonciation S' de guerre, & de ces formalités que les peu-

DANS LE NOUVEÀUMONDE. LiV. VII. J99

»' pies les plus barbares ont coutume de gar- a nn. de »' der. ce En moins de rien il y eut plus de vingt J- ^" mille hommes afTemble's , en qui la fureur au- ^1^'"

, 1 V T r 1 ^°^ Emma-

gmentanc le courage naturel a ces Iniulaires , nuelRoi. leur fît prendre les mefures les plus efficaces niEcoio- pour afTûrer leur jufte vengeance. La Forte- q^-h>a ' refîe fut donc aflîege'e dans ks formes. Les en- neuI!'^' nemis l'entourèrent du coté de la terre par des lignes & des redoutes^ aufquelles ils joignirent deux cavaliers , dont le canon dominant la place , donna lieu pendant cinq mois entiers à Britto de fe repentir de fon imprudente for- tic , & à [es gens de l'y avoir forcé.

Dès les commencemens du {iege,Britto avoit donne' avis à Cochin de l'extrémité' il alloit fe trouver j mais comme le Général avoit dé- pourvu toutes les places de l'Indoftan , pour la grande entreprife dont nous allons parler, on ne put lui envoyer que cinquante hommes fur une Galère , commandée par Antoine de Lemos , qui fut trés-long-tems à fe rendre à caufe de l'hyver.

A l'arrivée de ce foible (écours, Britto com- prenant qu'il n'en devoit point attendre d'au- tre , prit confeil de fon défefpoir , & réfolut de rifquer le tout pour le tout, de faire lever le fie- ge aux ennemis, ou de périr en brave plutôt que de fe laiiTer confumer par la faim, & les autres difgraces qui font les luites des longs fîeges

Il ordonna donc à Lemos de faire approcher

NEUR

éoo CoNQUESTEs DES Portugais

A N N. de fa Galère le plus près qu ilpourroit des retran- j. c. chemens ennemis , & de les foudroyer pendant toute la nuit. Cette manœuvre ayant attire de NUEL Roi. ce cote-ia 1 attention des aiiiegeans , ainli qu il Diego lo- l'avoit prc'vu , dès la pointe du jour fuivant , il Su^rV' attaqua les retranchemens du côté oppofé à GouvER. ]^ j-^j-g jg tnois cens hommes avec tant d'im- petuofite', que ceux qui les de'fendoient,pris au de'pourvû , les de'femparerent pour fe reti- rer vers la Ville. Mais comme la multitude des ennemis étoit fans nombre en comparaifon des. Portugais , & que d'ailleurs ils ne man- quoient pas de gens habiles dans le métier de la guerre , ils fe réunirent , firent un corps de cent cinquante chevaux 6c de vingt cinq Elé- phants , loutenus par une elpece de bataillon quarréjôc retournèrent en bon ordre vers les re- tranchemens qu'ils venoientde perdre. Britto, qui en étoit déjà forti à leur pourfuite , les voyant venir ne s'étonna pas,& ayant raffem- blé tous fes arbaleftriers , il leur ordonna de faire leur décharge fur les Eléphants. Ils le fi- rent avec tant d addreffe & de bonheur , que ces animaux épouvantés & irrités de leurs bleC fures, revenant fur leurs gens renverfant hom- mes & chevaux , cauferent fur le champ une déroute ii générale, que les Portugais ne trou- vant plus perfonne qui leur fit tête , entrereni avec les fuyards pêle-mêle dans la Ville, & les pourfuivirent encore au-delà jufques àunbpis

de

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. éof

de palmiers, Britto craignant que Tes gens An n. de ne le debandaiïenc, ne jugea pas à propos de ^- ^• les forcer , & fît ionner la retraite. ^^ '

La paix fut le fruit d'une (i belle vicfloire. NUïLRot. Car le Roi deColumbo indigné de ce que les diegoLo- Maures , qui l'avoient porte' à cette guerre , "u''eïr'a '' avoient été des premiers à fuir, fâché d'ailleurs ^j^^^^" des pertes qu'il avoit faites dans cette a(5lion & pendant le fiége , fe reconcilia de bonne foi avec les Portugais , & vécut depuis avec eux en bonne intelligence.

Don Emmanuel defiroit paiTionnément de fc voir une Fortereffe à Diu. Il en avoit fou- vent donné les ordres aux Gouverneurs des Indes. Mais Mélic Jaz les avoit toujours élu- dés par fon habileté. Le Roi ennuyé de (es ar- tifices avoit enfin ordonné à Siquéïra de fai- re en forte de venir à bout d'en obtenir l'a- grément de gré ou de force. Il y avoit d'a- bord une modification à cet ordre ; car le Roi voulant ménager fes troupes fouhaitoit qu'il s'y prit de telle manière , qu'on y em- ployât tellement la force , qu'elle ne fît que priter la main à l'adreffe ôc àl'induftrie. Apres ceh, néanmoins cette modification fut ôtée , & l'ordre fut envbyé pur & fimple : que fi Mélic Jaz refufoit de confentir à la deman- de qu'on lui en feroit de nouveau, on lui dé- clarât la guerre. Le Roi fe tenoit fi afluré , que la chofe feroit facile , qu'il avoit fiiit par-

To?ne I. G G g g

NÏUR

602, CONQUESTES DES PORTUGAIS

J'^TûTdê tir Fernand de Béja avec les provifions de Gou- j. c. verneur de la nouvelle Citadelle. '^^^' Siquéïra , qui reçut ces ordres à Ormus au

N °e1 r""*' retour de fon expédition de la mer Rouge , les Diego lo- tint fort fccrcts, & alla en palTant moiiiller de- PEx DE Si- y^j^j- Y)iu. , bien re'fblu de profiter de l'occafion, GouvER- s'il \^ trouvoit favorable. Il lui fut répondu en tergiverfant comme par le pafle. 11 s y atten- doit bien, mais il diflîmula. Le fadeur Portu- gais lui avoit fait entendre que la place étoic trop bien munie , pour qu il piit fe flatter de l'emporter dans l'état ou il fe trouvoit , de forte qu'en effet ne fe croyant pas affez fort, il con- tinua fa route jufques à Cochin , pour y aller faire de plus grands préparatifs.

Jaz , qui étoit bien fervi en efpions qu'il païoit bien , fut auffitôt averti des mouvemcns du Gouverneur , dont il étoit difficile qu'il ne prît quelque ombrage. Pour s'en alfûrer da- vaiitage , il envoya à Cochin un Officier, fans autre vûë en apparence , que de faire porter quelques prefents de fa part au Général , qui contmuant à diffimuler les reçut fort bien _, té- moigna toujours à l'Officier beaucoup d'efti- me pour fon maître , & un grand defir de vit're en bonne correfpondance avec lui. Mais il é- toit difficile que cet homme, voyant une Flotte de plus de quatre-vingt voiles , la plus belle que les Portugais euffent encore eue , ne fou- pçonnât quel(]ue grand deffein , ôc que le Mé-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 603

lie n'en conclue que ce defTein le regardoit. Si- a n n. de quéïra partant de Cochin mena lOfficier juf- J- ^r ques à Goa ; mais il s'échappa , ôc alla donner ^

j \ ;^ A Don Emma-

avis de tout a ion maître. nuelRoi.

Jaz, qui ne vouloit pas fe trouvera Tarri- diegoLo. ve'e de la Flotte , partit auffi-tôt pour la Cour JJ.^eïrI^'" de Cambaïe , laiiTant dans la place Me'lic Saca gouver- fon fîlsj bien inllruit de tout ce qu'il avoità di- re & à faire , & avec lui un brave Capitaine nommé Aga-Mahmud, homme de main& de confeil , qui pouvoit fervirà tout pour le be- foin. Siquéira ayant moiiille' dans la Rade avec cette Flotte formidable, envoya aufli-tôt fa- luerle jeune Mélic, pour lui donner avis defon arrive'e , ou pour mieux dire, de Ion pafTage. Son defTein e'toit, difoit-il, d'aller à Ormus, ou fa preTence e'toit neceflaire ; mais qu'il le prioit eu même tems de vouloir bien efFedluer ce qu'on lui avoit promis tant de fois de lui affignerun emplacement pour bâtir une ForterefTe. Saca, qui par pre'caution avoit fait mettre aux ar- rêts tous les Portugais difperfe's dans la Ville, afin qu'ils ne communiquafTent point avec leur Ge'néral,ne refufa point de s'abboucher lui- même avec lui , en prenant les pre'cautions qui convenoient à(a lûreté.

Dans cette entrevue, qui fut pleine de poli- tefTe, » il s'excuia fur ce qu'il ne pouvoit ac- " corder ce qu'on lui demandoit , (ans la per- » mijOTion de fon père, qui e'toit lui-même por-

GGgg ij

NïUR

604 Conquestes DES Portugais

A N N. de » de la meilleure volonté' , & n'e'toit même

J- c. » allé à la Cour qu'afîn d'engager le Roi à ac-

M corder cette demande, pour laquelle ce Prin-

Don Emma- r i t r^- '■•

nuelRoi. "Ceavoit une oppolition mvincible. Siqueu-a piïGoLo- ayant fait inftance pour parler du moins aux ^^°//'■ Portugais qui étoient dans la place. Le jeune GouvER. Mélic répondit : » Qu'il devoit être très-tran- " quille lur leur état, qu ils etoient libres, con- « tens, & qu'ils joUifToient de tous les avantages s'd'une bonne correfpondance:Que la demande « qu'il lui faifoit de les lui reprefenter, lui étoit « injurieufe, marquant une défiance qui blef- »' foit fa délicatelTe : Qu'il ne les reprelènteroit " point que la Flotte ne fût partie , de peur « qu'il ne parut qu'on fe défioit de fa (incerité, s> qu'il agiifoit lui-même par pufillanimité, » & par crainte. «

Le Gouverneur tint fur cela plufîeurs con- feils avec fes Capitaines. La plupart avoient leurs commifïions pour des poftes , ou ils ef- peroient de s'enrichir , & fèrvoient mal vo- lontiers dans une entreprife , il n'y avoit rien à gagner. Ainfi la plus grande partie , opi- na que la place étant auffi bien fortifiée qu'el- le l'étoit , c'étoit une témérité d'entrepren- dre de l'attaquer. Appuyant d'ailleurs les rai- fons du Mélic , ils conclurent que ce feroit ajouter l'injuftice à l'imprudence, puifqu'en effet il ne tenoit , ni à fon père , ni à lui ^ qu'ils ne lui donnaflent la fatisfa(5tion qu'il deman- doir.

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 6os

rtz DE Si-

QiJ El R A

Gouver- neur,

Le foldat toujours courageux , & qui ne de- A n n. de mande qu'à être conduit , ne fçut pas plutôt ^•^' cette détermination du Confeil , que frémiffant

di o 1 1 C ' Don Emma-

e iionte & décolère, ce ne rut qu une voix nuelRoi.

dans toute la Flotte, qui taxant de lâcheté & de diego lo- poltronnerie le Général ,lui mettoit enfacc la gloire de la nation avilie en perdant cette occa- fion la plus belle qu'il pût avoir , & qu'il ne retrouveiroit plus. Ce fut pis quelques jours après : le Facfleur étant venu à bord lur la per- miflion que le Général en avoir eue en don- nant des otages , & portant à diverfes fois des caifTons d'or ôc d'argent, qui étoient fes effets qu'il fauvoit dans la jufte apprebenfion d'une guerre qu'il prévoyoit , on difoit hautement que le Général vendoit la nation & les inté- rêts du Roi à bel argent comptant. Les Capi- taines de la Flotte parlant dans le public d'une manière différente de ce qu'ils avoient fait dans le Confeil, appuyoient ces difcours infolens ; mais qui n avoient que trop de fondement ap- parent. Siquéïra qui le fçut, les ayant rappel- lés au Confeil , leur en fît les reproches les plus amers, qu'ils méritoient bien, & leur fît don-' ner derechef leur avis par écrit. Ils fignerent tout ce qu'il voulur,préts encore à faire des pro- teflations contre lui. Ainfi le Général fe croyant en fureté du côté de la Cour par cette précau- tion , réfolut de pourfuivre fa route pour Or- mus; faute confiderablcj à l'examiner par tous.

GGgg iij,

6o6 CONqUESTES DES PORTUGAIS

j\ NN. de les chefs, y ayant des conjonâ:ures les Gé- J. c. néraux doivent prendre fur eux les évenemens, '^^ ' furtout quand ils ont des ordres pre'cis qui les Nuia ^ou favorifent , fans quoi en perdant l occafion de DiFGo Lo- bien faire, ils perdent auflileur réputation mal- '^"ifRA^'" gré les apparences de iageife , dont ils croyent GouvER- la couvrir, & avec leur réputation la confian- ce des troupes , à qui il ell difficile d'en im- pofer.

Ayant donc faitfçavoir au Mélic Saca la dé- termination où il étoit de continuer fa route , il le fit prier de vouloir bien faciliter à Ruy Fernandes le voyage de la Cour de Cambaïe; il l'envoyoit pour terminer cette affaire. Saca délivré d'une extrême inquiétude , promit tout, ôc dès-lors fit porter à la Flotte toutes fortes de rafraîchiffemcns. Siquéïra expédia pour Cochin Don Alexis de Menefes,qui devoir comman- der dans l'Inde en fablence du Général, & avec luijil fitpartir George dAlbuquerque & Geor- ge de Britto pour leurs deftinations , dont nous avons déjà parlé , ôc dont nous avons vu les fuc- cés. Avec eux partirent auffi Coutinho & Pe- ^reftrelle deftinés pour la Chine , & les autres qui dévoient commander les Navires de la car- gaifon de retour pour le Portugal; ce qui fai- loit en tout le nombre de vingt Capitaines plus marchands quefoldats: mais qui peut-être aufli euflent été plus loldats que marchands , fi le Général, eût plus aimé fa gloire que fon inté-

DANS LE NOUVEAU MONDE. LiV. VII. 607

rêt. C'eft ce qu'il eft difficile de démêler. ANN.de

Enfin le Géne'ral, mettant à la voile pour J" ^' Ormus, laiiïa Fernand de Be'ja & Pierre d'Ou-

tel avec leurs Vaiileaux , les deux frères Nu- NurtRo*'

gno Fernand &z Emmanuel de Macedo avec dugo lo. leurs Caravelles , fous pre'texte de charger ^i^^ïRl^' quelques provifions ; mais avec ordre fecret ^°^^^^' à Be'ja de retirer à bord tous les Portugais qui étoient à Diu , fuppoié que la ne'gociation de Ruy Fernandes n'eût aucun luccés , & de déclarer enfuite la guerre. Autre faute très- grande : car s'il n'avoit ofé la déclarer lui-mê- me en ayant une aufli belle occafion & une Flotte aufTi formidable , il paroifToit bien peu facre de faire cette déclaration fi hors de pro-

o r 1 r ^

pos j &c avec li peu de rorces.

Depuis quelques anne'es le Roi d'Ormus ne payoit pas exadlement le tribut qu'il devoit à la Couronne de Portujjal , il s'en excufoitfur la diminution de fes revenus ; & avoir quelque raifon. Les Ifles de Baharen &: de Catife dans le Golphe Perfique étoient du domaine de ce Prince La pêche des perles qui s'y fait n'efl pas fi abondante que celle des Indes j mais les perles en ont une bien plus belle eau,& font d'un meilleur acabit. Ces Ifles , qui failoient une partie confiderable de la richefle de ce Prince , lui furent enlevées par un de fes vaf- faux nommé Mocrin, Roi de Lazar & gendre du Cheq de la Méque , qui fit foulever Baha--

6o8 CONQOESTES DES PORTUGAIS

A N N. de rem en fa faveur , en même tems qu'Hamed

î-^; fon neveu fie la même chofe à Cacife. Le

^ me'pris qu ils conçurent 1 un & l'autre d'un Roi

nuelRoi. quisetoit rait tributaire d une poignée detran-

Diego Lo- gers, autorifant leur revolte , fut auili le motif

^<^iiKA.^^' 4^^ ^^ ï^oi Torun-Cha fît valoir auprès du Gé-

GouYER- néral pour l'aider à foumettre ces fuiets rebelles,

ou pour ne pas trouver mauvais quii ne payât

point un tribut,dont le poids excedoit Tes forces.

Le Général entra dans fes raifons d'autant plus

volontiers^, que Mocrin ne fe contentant pas de

fon ulurpation , entretenoit une petite Flotte

qui ruinoit le commerce d'Ormus, prenant tous

les bâtimens qui venoient de la Baçore & des

autres endroits du Golplie.

Comme l'affaire étoit prefTante , Siquéïra commanda pour cette expédition Antoine Correa avec iept Fuites & quatre cens Portu- gais , qui dévoient être fuivis de la Flotte de Torun-Cha compofée de près de deux cens pe- tits bâtimens , conduits par Raix Seraph fon premier Miniftre. Une violente tempête les ayant difperfés , Correa fut obligé d'attendre quelques jours fur fes anchres à la vue de Ba- haren, pour donner le tems à ceux qui pour- roient venir le joindre de fe raffembler. Mo- crin profita de ce délai , pour fe fortifier de plus en plus. Il avoit douze mille hommes de trou- pes, trois cens archers Perfans & vingt arbalé- triers, Correa débarqua tranquillement ; mais

commç

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 6o<)

comme il fe défioic des troupes Armuzieiines, Ann. de il ordonna à Seraph de faire latcaque d'un cô, ^•^* te, tandis qu il en^aeeroit le combat de 1 autre. Celui-ci qui vouloit prendre Ion parti lelon les nuelroi. e'venemens , s'empare d'une hauteur pour y at- dugo lo- tendre à fe déterminer félonie iuccès. D'autre ^^ï^ra'' parties Portugais s'étant mis en mouvement, ^°J|^^^' Arias Correa, frère d'Antoine menant l'avant- garde compofëe de foixante-dix hommes , la plupart gens de diltindion , fe laifTa un peu trop emporter à la vivacité de fon courage: Et fui- vant la méthode que les Portugais avoient alors de combattre fans ordre entraînés par leur im- petuofitéjil donne fur les ennemis de furie avec Tes gens ;, qui s'étant débandés pour faire face à la multitude , furent fort maltraités ^ plufieurs ayant été bleffés , &: en particulier Arias Correa qui fut percé deplufieurs flèches, &auroitété tué, fans le fecours de quelques braves qui fe ferrèrent autour de lui pour le défendre. An- toine étant furvenu avec le corps de bataille pafTa outre fans s'arrêter , malgré le trifte état ou il voyoit fon frère. Les retranchemens en- nemis furent forcés j mais il fallut bientôt les abandonner &c céder à la force & à la valeur de Mocrin , qui combattant à la tête des fiens, ne fe rebuta pas,quoiqu'il eût eu deux ou trois che- vaux tués fous lui , & ne s'arrêta qu'après avoir repouffé le Portugais déjà vidorieux.

L'extrême chaleur du jour ayant obligé les Tome /, H H h h

éio CoNQuESTEs DES Portugais

A N N. de" deux partis à faire une efpece de trêve pour

j. c. reprendre haleine , chacun mit ordre à Tes blef-

^ ' fés. Mais après un peu de repos , Antoine Cor- Do n Emma- , ^ vil I I

nuelRoi. rea étant revenu a la charge, le combat recom- DiEGO Lo- mençaavec plus de fureur. La vidtoire fut long- "iÏ'iï'ra^' tems douteufe , tandis que Mocrin put animer GouvER. Çq^ troupes par fa prefence ; mais ayant reçu un coup dont il mourut trois jours après, il rue obligé de (e faire porter hors de la mêle'e : alors fes gens lâchèrent le pied, & fe mirent en fuite. Seraph oifif jufques à ce moment s'emprelTade venir prendre part au butin , plutôt qu'à la vi- dVoire. Correa dilîimulant ce qu il ne pouvoit punir , le laifTe un peu fatisfaire fon avidité , ôc le met à la fuite des fuyards qui gagnoient le Royaume de Lafàh. Seraph les atteint & revient avec la tête de Mocrin , qui ayant été embau- mée, fut envoyée au Roi d'Ormus. Ce Prince en triompha, & la fit enchafTer dans un monu- ment qu'il érigea dans fa Capitale avec une dou- ble inicription en langue Perfcine ôc en langue Portugaile,pourimmortalifer la gloire de cette adion.

Correa ayant fournis les deux Ifles de Baha- ren & de Catife , & y ayant laifTé Seraph , revint àOrmus , il fut également bien reçu du Roi & du Général , comme il méritoit de l'être. Car ce futveritablcment un beau flùt d'armes qui lui fit donner le (urnom de Baharen, auquel le Roi de Portugal concéda depuis une nouvelle mar-

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VI. en

que d honneur, en lui permettant d'ajouter Ann. de une tête de Roi à l'ancien blafon des armes de J-^- la mailon. '

Le Gouverneur prefle de retourner dans l'In- n°ei. roiV de, ayant pris congé' du Roi, fe remit à la mer, diego lo- ôc vint remontrer devant Diu faifant toujours "^•°^ ^^" mine de pourfuivre le projet d'y conftruire une gouver- Ciradelle. Les chofes y avoient bien changé de face, 6c il eut alors bien fujet de fe repentir du pafTe'. Ruy Fernandcs etoit revenu de Ton Am- bafTade fans avoir rien obtenu. Fernand de Béja avoit de'claré la guerre dans toutes les formes, & avoit couru lu r quelques VaifTeaux de Cambaïe, qu'il avoit pris; mais cette levée de bouclier lui coûta cher. Les Fuites de Mélic Jaz, commandées par Aga Mahmud, lui tom- bèrent fur le corps , ôc ayant trouvé fa petite efcadre leparée pendant un tems de bonace , Mahmud prenant les VailTeaux l'un après l'autre, les attaqua avec tant de vigueur , qu il coula à fond Pierre d'Outelj& maltraita tellement laCa- ravelle de Nugno Fernand de Macedo, & le ga- lion de Fernand de Béja , qu ils auroient eu le mêmelort que d'Outel,{i un petit vent frais qui fit ceiler le calme,n'eût obligé r Aga de fe retirer.

Béja s'écant un peu reparé dans le port de Chaiil , vint au-devant de Siquéïra félon les or- dres qu'il en avoit. Il le joignit à la hauteur de Diu , & lui apprit ces triftes nouvelles , dont il fut extrêmement affligé. Le Général crue

HHhh ij

6i^ CoNQUESTEs DES Portugais

,N£US.

An N. de néanmoins remédiera tout en prenant le def-

j. c. fçjj^ Je bâtir à Madrefaba,cinq lieues au-defTous

de Diu. Mais outre que Me'lic Jaz , qui en avoit

DonÇmma- I r r ' ni r

NUEt Roi. eu Ic vent , avoit rortihe ce poire , il en rut en- DiEGoLo. core empêché par un autre événement. Les Q^riïRA^'' Maures d'un bâtiment qu il avoit pris, & qu'il Couver- avoit fait pafTcr dans celui d'Arias Correalon frère , étoient toutes les chofes nécefTaires pour cette FortelTe , ne pouvant fouffrir leur captivité , mirent le feu aux poudres, &: firent fauter le VaifTeau en l'air, fe fouciant peu de pé- rir 5 pourvu qu'ils fiiïent périr avec eux ceux qu'ils regardoient comme leurs injuftes op- prefTeurs. Aind il fervit peu à Arias Correa de s'être acquis beaucoup de gloire à Baharen , &: il lui eût été plus avantageux de mourir fur le champ de bataille , que de furvivre peu de jours pour faire une aufli triite fin.

Le Général ne pouvant réiiiïir dans fon pro- jet , changea encore de penfée , & réfolut de bâtir le Fort à Chaiil. Nizamaluc y confentoit & en preffbit même l'exécution. Il en devoit retirer de grands avantages, & avec cela il avoit la douce (àtisfaâiion de faire dépit à Mélic Jaz, avec qui il étoit actuellement en guerre. Si- quéira faifit l'occafion avec plaifir , & hâta l'ou- vrage de tout fon pouvoir, parce qu'il apprit alors l'arrivée de fon. fucceffeur. La Citadelle fut bâtie à une demie lieue de la Ville à l'em- bouchure du Fleuve du côté du Nord, & en peu

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 613

de tems elle fut en état d'être conduite à Ton An N.de

entière perfedlion, fans crainte de la part des en- ^' ^' f . , , . / , 1511.

nemis, lelquels etoient encore arrêtes par un

' A , . . , •11 Don Emma*

ouvrage avance qui mettoit les travailleurs nuel rou à couvert diegolo-

Cette Fortereiïe , qu'on croyoit devoir rui- ^^\^lj, '" ner abfolument le commerce de Cambaïe ^ ^°''J"^'

■^ N E U R

étoit trop préjudiciable aux intérêts de Mélic Jaz, pour qu'il ne fît pas tout Tes efforts dans la vue de l'empêcher, Aga Mahmud infatiga- ble dans fes courfes fecondoit fi bien Tes inten- tions, qu'il ne lailToit pafTer aucune occafion d'attaquer les Portugais. Il coula d'abord à fond le Vailleau de Pierre de Sylva de Menefes, qui revenoit d'Ormus , & étoit prêt d entrer dans la barre de Chaiil , fans que Don Alexis de Me- nefes, qui étoit venu de' Cochin , & qui par ordre du Gouverneur alloit à fa rencontre, pût lui donner aucun f ecours , à caufe du calme qui le prit. Enflé de ce (uccés , l' Aga continua encore plus de vin^t jours de fuite à affronter les deux Galères que commandoient Fernand de Mendoze ôc Don George de Menefes , pre- nant fi bien fon tems à profiter du vent & du flot j que Don Alexis de Menefes ne pouvoic lui rien faire, &quil battoit à plaifir les deux Galères fur lefquelles ion artillerie avoit tou- jours de l'avantage.

Siquéïra , qui fe trouvoit à l'étroit , & à qui cette petite guerre ne faifoit pas beaucoup

HHhh iij

6i4 CoNQuESTEs DES Portugais

A N N. de d honneur, fcntant Ton autorité peu refpedée

^- ^" depuis qu'on fçavoit qu il avoit un fuccefTeur^

prefTé d'ailleurs par le tems du de'part des Vaif-

DonEmma- ^. . , .^ , TA \ r

nuelRoi. leaux, qui dévoient le ramener en Portugal, le Duco Lo- difpofa à partir pour Cochin, laiilant Henri de q,"ïr1^' Menefes Ton neveu pour commander dans le Se'^uV'^" ^^^^ ^^ Chaiil , & Fernand de Béja pour Géné- ral delà mer avec deux Galions , trois Galères , une Fufte & un brigantin, avec quoi il étoit eu état de tenir tête à l'Aga.

A peine le Général le fut- il mis en mer que le ve.ntlui manquant , il fe vit obligé de mouil- ler à une portée de canon de l'endroit étoit Fernand de Béja avec fa petite Flotte. Le calme favorifant l'audace de Malimud , il fut aufli- tôt aux mains avec Béja à la vue du Général , à qui un vent de terre qui s'éleva , empêchoit de faire le moindre mouvement en faveur des fiens. Tout l'efFort du combat tomba d'abord fur la Galère d'André de Sofa , qui fut extrême- ment maltraitée parle canon, jufques à ce que Don George de Menefes arriva à ion (ecours, & fît retirer un peu les Fuites de l'Aga, il caufa quelque défordre. Fernand de Béja, qui étoit pafTé de fon Galion fur la Galère de Fer- nand de Mendoça, étant furvenu avec trois Chaloupes bien armées & un efquif, les enne- mis fe mirent en fuite malgré les efforts de l'A- ga :, qui fit ce qu'il put pour les retenir.

Mais la honte de cette fuite l'animant encore

DANS LE NOUVEAU Monde. Liv. VII. 615

davantage, il revint le lendemain avec plus ANN.de de fureur. Et commeil n'avoit plus à faire qu'aux J- '^• deux Galères, parce que André avoit eu ordre

allerle montrer au Gouverneur dans le mau- nulroi. ' vais équipage les ennemis 1 avoient mis, diegoLo- l'Aga eut plus d'avantage & le combat fut ''^^H'" bien plus acharné que le jour précèdent. L'Aga ^,°^"^^^' s'attacha à la Galère de Don George dcMene- fes , fur laquelle Fernand de Béja avoit paflé. Béja combattant avec valeur, y fut tué entou- ré de fes gens , dont la plupart étoient bleffés s la Galère étoit crible'e du feu continuel del'en- nemi. Don George de Menefes loin de s'en étonner ranimant le courage des fiens , fit une fi belle manœuvre, que les ennemis en perdi- rent cccur, & le retirèrent les premicrs,au grand étonnement de tout le peuple , qui de defliis le rivage étoit Ipedlateur du combat. Don George rout iier de cette retraite mouilla, comme pour dire qu'il étoit maître du champ de bataille , ôc fit pavoifer fa Galère pour annoncer fa victoire. Mais dès le foir avec le Jufant , il alla rendre compte au Général des pertes qu'il avoit faites, & de l'affreufe fituation le canon ennemi avoit mis fa Galère, qui étoit entièrement hors defervice.

Béja fut tres-regreté , &: méritoit de l'être. Antoine de Correa futlailTéàia place jufques à l'arrivée de Don Louis de Menefes , frère du nouveau Gouverneur général, qui avoit les pro-

ô I 6 CONQUESf ES DES PORTUGAIS , &c;

A^f,. de vidons de Général de la mer. Siquéïra étant en- ^•^- fuite parti pour Cochin, y trouva Don Edouard ^^^^' de Menefes déjà en pofleflion de la Citadelle, t^vti. R(r..^' & faifi du Gouvernement, fans autre formalité dhgolo- que de quelques démonstrations de politefTe, qui ne fignifioient rien. Apres quoi Siquéïra partit avec les Navires de la cargaifon pour re- tourner en Portugal , ou l'on dit qu'il avoit en- voyé déjà beaucoup d'argent devant lui. On faccufoit en effet , loit vérité , foit envie, de ne s'être pas oublié , & d'avoir mieux fait (es affaires, que celles du Roi fon maître.

Fin dufeftiéme Livre ^ du Tome premier.

FEZ Dl Sl-

qi' El R A

GOUVER

NfUR.

TABLE

DES MATIERES

Contenues dans le premier Tome.

A

ABreu ( Antoine d' ) fe fi- gnaJe à la prife de Ma- laca , 420. y eft bleffé, ihid. envoyé aux Moluques par Alphonfe d'Albuquer- que,43o. revient à Mala- ca, 4(Î2. retourna dans l'In- doftan, 472.

^hreu ( Jean Gomes d' ) fait naufrage fur l'Ifle de Madagafcar il étoitallc en compagnie de Triftan ./l'Acugna, 348.

'/Ibjjjiine , ou haute Ethiopie ,

579- Ahyffin. Jeune Abyfïïn de qua- lité envoyé en Portugal en qualité d'AmbalIadeur, avec l'AmbalTadeur Matthieu par l'Impératrice Hélène, 58 1. Ahyjfm ( Seigneur Abyflin ) é- tabli à Sofala , s'jittache à Pierre d'Agnaïa , lui dé- couvre la trahifon des Mau- res, 24S. fe jette dans le fort des Portugais , & leur irend fervice, 149.

Tome L

y^cJï)^?; , Royaume de l'Ifle de Sumatra. Roi d'Achen al- lié des Portugais , profite de l'afflidion de Malaca , & donne des fujets de mé- contentement, 570.

Aco^A i Alphonfe Lopes d' ) Gouverneur de Malaca , 549. y tombe malade , re- met le Gouvernement àGar- cie de Sa , & revient à Co- chin il meurt, 570.

Acofla ( Soeiro d' ) l'un des Découvreurs de l'Infant ,

Aciigna ( George d' ) comman- de quelques chaloupes dans une adion à Goa ,351. met en fuite plufieurs paraos en- nemis, 39Z.

AcHgna. ( Gomes d' ) fait al- liance avec le Roi de Pégu, & conduit quelques joncs pleins de vivres à Malaca , 467,

Aeugna ( Manuel fils de Tri- ftan) fait Chevalier par Al-

lïii

TABLE

phonfe d'Albuquerque pour s'être diftingué à la prilede Goa , 40 y. fa témérité dans une fortie contre Pulate- can , 454. fa mort , 438.

^cngna (Nugno fils deTriftan) fe fignale à l'attaque de Pa- nane , z66. accompagne fon père à Rome dans fon Am- baflade ^ 514.

^CHgna ( Pierre Vaz furnom- Bifagu ) reconduit Bé- moïn dans fes Etats , & le poignarde, 44.

jicugna ( Triftan d ') part pour les Indes avec une flote , ij3, découvre quelques If- les , & leur donne fon nom, 2 54. reconnoîc l'ifle de Ma- dagafcar de faint Lau- rent avec peu de fucccs , ibid. fait la guerre en faveur du Roi de Melinde aux Rois d'Hoya & de Lamo ,155. faccage la ville de Brava, ibid. tente inutilement la ville de Magadaxo , ijS. aborde à Socotora , 255). défait les Fartaques , & fe rend maître de l'ifle, ibid, accélère la paix de Cana- nor ,158. accompagne le Viceroi Don François d'Al- méïda à l'entreprife de Pa- nane,265. retourne en Por- tugal , ibid. fon Ambaflade magnifique à Rome, J24.

uldam ( Pic d'Adam.) Mon- tagne de l'ifle de Ceïlaxi. Tradition du pays fur cefu- jet, jj8.

■Aden , fa defcription. Tentée

inutilement par Alphonfe d'Albuquerque , 486. par Raix Soliman, j ; i. Par Lo- pes Soarez d' Albergaria,5 5 8

Afn(jHe , fi les anciens en ont fait le tour , z.

uigacin , un des Gués ou pafla- ges pour entrer dans l'ifle deGoa, 378.

Agnaia ( Pierre d' ) Gouver- neur de Sofala y bâtit un fort , & fait alliance avec le Cheq , 145. s'y défend contre les Maures & les Ca- ftes , ibid. & fuiv. fa mort ^

^^«rfirVî (François fils de Pierre) perd deux vaifl'eaux , & eft mis enprifon par le fadleur de Quiloa, 247. faute qu'il faite par imprudence dans le combat donné par Lau- rent d'Alméïda contre l'E- mir Hocem , 30^,

Aiguc.de de la bonne paix, 80, de faint Blaife ,79. de SaU dagne, 527,

Aladin , fils de Mahmud Roi de MalaC3_,confeille la guer- re contre les Portugais,4i2. défend la ville contre eux, 41 G. fe retire avec Mahmud après la prifede la ville,422. flacé de l'efpoir de repren- dre Malaca par Utemutis ,

Agùio-r ^-^ George d') nommé par la Cour au Gouverne- ment du diftri6l de la mer Rouge , 542. ion naufrage,

345- AgdiiirÇ Pierre Alphonfe d' )

DES MATIERES.

Capitaine Lieutenant de la flote du Maréchal^perd deux pièces de campagne à l'af- faire de Calicur, 3 44- eft dépoiiillé de prelque toute fa fiote par Alphonfe d'Al- buquerque , ihid.

^Ibergaria ( Lope Soarez d' ) fuccede à Alphonfe d'Albu- querque dans le Gouverne- ment , 51J, renverfe tous les projets de fon prédé- celTeur , & perfecute toutes fes créatures , ^t6. part pour la mer Rouge avec une flote , 5 j 5. fe préfente

devant AJen , & manque l'occafion de s'en rendre le maître par une confiance indigne d'un homme en pla- ce , 5 5 5- entre dans la mer Rouge , & perd quelques vaideaux , ihid. aborde à Gidda , & n'ofe l'attaquer , 536. éprouve de nouvelles difgraces à l'Ifle de Cama- ran il détruit la Citadel- le que les Turcs y avoient

. commencée au lieu de la fi- nir , ihid. tombe fur Zsïla , 6c venge l'infulte qu'elle lui fait , 5 57. revient devant Aden, & connoît la faute qu'il avoit faite de ne pas la prendre d'abord ^ 538. va à Ormus , & de la retourne aux Indes , 559. fa condui- te à l'égard de Fernand d'Alcjçova j envoyé pour être Intendant des finances, 548. fait diverfes expédi- tions pour divers endroits ,

549. pafle à rifle de Ceï- lan , y bâtit uneForterelîe, Si punit le Roi deColumbo de la légèreté en le failanc tributaire , 559. rétourne en Portugal , 560.

jilbn(]t*erqiie ( Alphonfe d' ) furnommé le grand , con- duit une efcadre aux Indes, avec Don François fon cou- fin, 163. conftruit la For- tereffe de Cochin, i6y. fes exploits fur les terres des ennemis du Roi de Cochin, 167. établit une fadorerie àCoulan, 169. revient en Portugal , & eft bien reçu du Roi, 171 retourne aux Indes avec Triftan d'Acu- gna,2j4. ^^ fignale à la prife de Brava, i5(î. à celle du fort de Socotora , i(>2. entrepend de conquérir le Royaume d'Ormus , i<î9. prend plufieurs places fur fa route, 171. bat la ville d'Ormus, & force le Roi à fe rendre tributaire , 275. commence à y bâtir une Citadelle ,281. artifices de Coje-Atar pour lui débau- cher fes Officiers , 285. fou- levement d'Ormus contre lui , 287. bat de nouveau la ville , & f réduit à l'afFa- mer , ibid. eft abandonné de fes Officiers , & forcé de fe retirer à Socotora , après quelques exploits , 291. eft nommé Gouverneur des In- des pour fucceder à Alméï- da , 3 14. le rend dansl'In-

Ilii iy

TABLE

doftan, jiç, fe préfente de- vant Ormus inutilement , ihid. eft mal reçu du Vice- roi , } 17. eft envoyé prifon- nier à Cananor , 316. déli- vré par le Maréchal Don François Coutinho , & ré- connu Gouverneur , ^16. Entreprife malheureufe de Calicut , & fa conduite en- vers le Maréchal qui y fut tué, 519. Avantages qu'il en retire , 541. fa conduite envers Pierre Alphonfe d'A- guïar & Lemos , iùid. fes projets, 558. entreprend de fe rendre maître de Goa , 361. eft reçu dans la ville par les habitans , 371. eft obligé d'en fortir par les fa. ftions des fiens , ^86. hy- verne dans la rade , 387. defcription de cet hyverne- ment , ibid. revient à Co- chin,& appaife les troubles au fujet de la fucceflion de cet Etat , 400, rétourne fur Goa, & s'en rend le maître, 401. fa conduite à l'égard de Diego Mendes de Vaf- concellos , 40S'. fon entre- prife fur Malaca , 409. la prend_,&y bâtit deux For- terefles ,411. ordre qu'il y établit , 415. envoyé des Ambafladeurs aux Princes voifins , & Antoine d'Abreu aux Moluques , 419. fait couper la tête à Utemutis,, &c. 431. revient dans l'In- doftan , 454. fon naufrage, 447. arrive àCochin,&y

remédie aux défordres, 449; revient à Goa, 473. afiiége Roftomocan dans Benafta- rin, & le force à capituler, 474. punition qu'il fait des Portugais renégats , 479. reçoit plufieurs Amballa- deurs, & fa manière de trai- ter avec eux , 48 2.. fon en- treprife fur Aden , 485. y échoue, 4S7. entre dans la mer Rouge , 491. revient fur Aden avec le même fuc- cès, & pourquoi ^ibid. tou- che à Diu ,492. efForts de fes envieux contre lui,494. concilie le Zamorin & les Rois de Cochin & de Ca- nanor , 497. pafle a Ormus , ôc s'en rend le maître, 507. tombe malade , & repart pour l'Indoftan , 515. nou- velles défagréables qu'il ap- prend en chemin ^ 5 i(î. fa mort,5 17. origine de famai- fon, jiS. fon Portrait, ibid.

j^lbutjuenjtte { Blaife, & enfuite nommé Alphonfe) fils na- turel d'Alphonfe d'Albu- querque, écrit les Commen- taires de fon père, 511,

^Ibuijuerque (François d' ) con- duit une flote aux Indes , 162. fa générofité envers le Roi de Cochin _, 163» réta- blit ce Prince dans fes E- tats , 1(^4. ravage les terres de fes ennemis , ibid. ob- tient l'agrément de bâtir uneFortere(reàCochin,i(>5. fbûtient l'injuflice du Fac- teur de Cochin ,,170. aban-

DES MATIERES.

donne le Roi de Cochin pour retourner en Portu- gal , ryi. fon naufrage, 171. VailTeaux envoyés pour le chercher, ^51»

Albwjuercjue ( George d' ) pafle aux Indes , 4^1. eft envoyé Gouverneur à Malaca, joz. dépofTede Ninachetu, & met leRoide Campar à fa place, ibii. fait couper la tête au Roi de Campar , 505. re- vient une féconde fois de Portugal aux -Indes avec des provifions pour être une fé- conde fois Gouverneur de Malaca , 575. fait un voya- ge malheureux , ihid. reçoit des ordres de Siquéïra qu'il ne peut exécuter ,\574. en-

treprend mal à propos d'en- lever le Gouverneur de Ca- lajate,& eft battu, 575. va prendre pofteffion de fon Gouvernement de Malaca , & conduit l'héritier du Royaume de Pacen , 591. le rétablit par la défaite de Sul-

. tan Zeïnal , ibid. mauvais fuccès de fon entréprife fur l'ifle de Bintan, 59^;.

jilbutjuercjue ( Pierre fils de George d' ) paffe aux Indes dans la flote de George de Mello Peréira , 45 i. accom- pagne Alphonfe d'Albuquer- que à l'entreprife d'Aden ; fait Gouverneur d'Ormus , 514.484.

ji\buciuercjHe ( Vincent ) palle aux Indes dans la flote de George de Mello Peréïra ,

451. Alphonfe d'Albuquer-- que monte fon vaillèau , & y tient confeil de guerre a- vant la féconde entréprife fur Ormus , 507.

Alexandre VI. détermine par une ligne imaginaire le par- tage du nouveau Monde en- tre les Couronnes deCaftille & de Portugal , (Î9. écrit aux Rois de Caftille &: de Portugal, au fujet des Let- tres du Caliphe , 298..

Alle-Cm , Corfaire aux Maldi- ves, 555.

JilrtMde ( Antoine d' J 391.

yilmadïes , efpeee de petits ba- teaux , 80..

Alméida (Don François ) Vi- ceroi des Indes, part pour les Indes, 205. prérogatives de fon Etat , ibid. établit un Roi àQuiloa, qu'il fait tributaire de Portugal ,241. y bâtit un fort , ibid. bru le la ville de Mombaze, 141. bâtit lune Forterede à An- chedive , 207. traite avec le Roi d'Onor par l'entremi- fe de Timoja ,212 fon en- trevue avec le Roi de Cana- nor , Z12. eft recherché par le Roi de Narfingue , 213, va à Cochin , & y établit un Roi fous la proteâion du^ Roi de Portugal , 21 j. en- voyé Nugnes Vaz Peiéïra Gouverneur à Sofala, 251. brûle les vaifTeaux Maures àPanane,2(î5. fa douleur fur la mort de fon fils,; 1 1. ven- geance qu'il en prend , 520,.

II li iiy

TABLE

fa cruauté après fa vi~ (ftoire,5 15. & à Dabul, 319. fa conduite envers Albu- querque , 517. 315. retour- ne en Portugal ^ 317, fa fin tragique , ihid.

yîlméida ( Don Laurent fils de Don François ) fe diftingue dans l'attaque de Mombaze, 145. -venge fur la ville de Coulan l'infulte faite aux Portugais , 210. bat la flote du Zamorin, 115, faute qu'il fait à Dabul , 130. eft mis au Confeil de guerre , & fe juftifie , ibid. fe diftingue à l'entreprife de Panane , 166. Découvre l'Ifle de Ceilan , & en prend poireffion , eft attaqué à Chalil par les flo- tes de l'Emir Hocem ,& de Mélicjaz, 301. combat , 304. fautes qu'il fait, 3 06. fa mort 3 310,

^Iphofife ( Don ) Prince , & en- iuice Roi de Congo,fon Bap- tême , 60. fon zélé pour la Religion , 6t. perfécution qu'il foufFre à cette occa- fion , il>i4. fa vidVoire contre fon frère, 64.. Ci conftanceà maintenir la Religion juf- ques à fa mort , 66. en- voie fon fils & plufieurs jeu- nes Seigneurs en Portugal ,

^Iphonfe V. Roi de Portugal, Concefïîon qu'il fait à l'In- fant Don Henri, 14. trou- bles qui fuivirent fi mino- îitéj 17. fait battre une mon- r.oye appellée Cruzade ,23.

établit un Comptoir aux Tf- lesd'Arguin, 27.

^/^om ( Pierre d' ) comman- dant le vailleau la Trinité , fauve Alplionfe d'Albuquer- que apiès fon naufrage ,

448.

Alvarenga. ( Lope Soarez ) en- voyé aux 'Indes avec une flote ,19t. fait des propofi- tions tn>p fiéres au Zamo- rin , 196. canone la ville de Calicut,r^/'^.fa viftoire con- tre les Malabares à Cranga- nor, 198. autre victoire à Pandarane , 201. retourne en Portugal , & y eft bien reçu , 205 .

Alvares ( le Père ) Religieux Dominiquain, Confeffeur du Roi Jean II. envoyé avec Bémoin au pais desjalophes,

44.

AMn ('Jean Lopez d' ) fe di- ftingue dans le combat livré à Pâté Onus , 470. f uccede à Fernand Perez d'Andrade dans le Généralat de la mer à Malaca , 47 5

Amaml ( André d' ) Bailli de l'Ordre defaint Jean de Je- rufaiem défait deux flotes du Calyphedans la Méditerra- née , 299. j 30,

Ambarages , appelles les Efcla- ves du Roi^ forcés de travail- ler aux fortifications de Ma- laca , 427. réduits à l'état de vrais Efclaves , 54J.

Amérique , par qui dccouverre, y. 66. 125, 137.

Amirjam (rEmii) Gouverneur

DES MATIERES,

d'Aden fe défend contre Al- phonfe d'Albuquerque , Se l'oblige à fe retirer , ^86. ^91. contre Raix. Soliman , 531. contre Lope Soarez d'Albergacia , 554. avanta- ge qu'il tire de la faute de ce Général , 558.

jinchedives ( Ifles ) & pourquoi ainfi nommées,! 16. fort bâ- ti dans ces Ifl^s par D, Fran- çois d'Alméida , 206. donne de la jaloufie aux Princes voifins , zoj. Inlulté par les troupes du Zabaïe, 217- dé- truit &c rafé par les Portu- gais , ibid.

J^nconin ( Mahomet ) donné en otage à Vafco de Gama , 140. eft établi Roi à Quiioa par Don François d'Alméi- da , 241. fa grandeur d'ame, ihii. fagelTe de fon Gouver- nement & fa mort tragique,

251.

jincoftan , Gouverneur de Pon- da pour l'Idalcan , donne afile à Fernand Caldéïra _, 541. coupe la tête à fon af- faflîn , 54!. fe défend avec fuccès contre l'attaque im- prévue des Portugais , ihid. confeiUe à l'Idalcan de ven- ger cette infradion en re- prenant Goa , 543.

^ndru !e ( Fernand Perez) fe (î- gnaledans un combat devant Cananor, 226. fait périr un vaifTeau par Ion obftination à vouloir fortir de la barre de Goa , ^Sy. belle aftion qu'il fait au fiége de Goa ^ 355.

fefouleve contre Albuquer- que, ôc eft mis aux arrêis, 39J. eft bleilé à.la prife de Goa, 405. challe Mahmud de lonpofte du fleuve Wiiar, 428. fait Général delamer par Albuquerque d.ms le di- ftri6t de Malaca , +34, fon expédition contre Patcqui- tir , 455. & fuiv, fon com- bat contre Laczamana Ami- ral de la floce de Mahmud ^ 45*8 . prend un jonc , ÔC court danger de la vie pour avoir donné trop de liberté aux prifonniers , 460. ache- vé de défaire Patequitir , 461. fon combat & fa belle victoire contre Pâté Onus ^ 464. & fuiv. retourne dans l'Indoftan , 472. revient de Portugal dans les Indes , fe- court la ville de Malaca , 550. va à la Chine, & y conduit un AmbalTadeur de Portugal ,'564. fagefte de fa conduite à Canton, &dans les ports delà Chine , 565. retourne en Portugal , &c eft bien reçu du Roi , ibid. Andrade ( Simon d' J fe figna- le fous les ordres d'EdoUard Pacheco contre le Zamorin, ij) j.fur mer davantCananor, 226. a Calicut,5 57.à la prife du fort de Pangin,57o. belle adionau flégede Goa,392.fe fouleve contre Albuquer- que , au fujet de Ruy Diaz, & eft mis aux arrêts , ^9y. eft blefTé à la prife de Coa,. 405, entre le premier dan*

TABLE

les létranchemens au (lége de Malaca, 4i<î,chaffeMah- raud de foii pofte au fleuve Miiar , 418. conduit aux Maldives par le Pilote d'un vaifleau qu'il amar inoit.Mal- traité , & renvoyé à Co- chin , 449. va à la Chine , & en pallknt à Malaca n'y îailTe aucun fecours , 567. détruit à la Chine tout le bien que fon frère y avoit fait, *3^3-

^nés C Gilles ) l'un des Décou- vreurs de l'Infant double le cap Bojador, 1 1.

ulttés (Rodrigue ) l'un des Dé- couvreurs de l'Infant , 18.

^ravio ( Ruy d'^ attaché aux intérêts d'Alphonfe d'AIbu- querque , eft envoyé en exil à Malaca dans la flote de Diego Lopez de Siquéïra par Don François d'Alméï- da,4i5. eft fait faéVeur à Malaca , 5 5 r. eft retenu pri- fonnier en confequence de la trahifon faite à Siquéïra, 3 5 7. eft fait fadeur à Mala- ca, 454, fa mort , 458.

^^■;^rf trifte de jour, fadefcrip- tion , J49.

Arguin ( Ifles ) par qui décou- vertes, 18. leur commerce, 2j. Comptoir établi dans ces Ifles par Alphonfe V. 27. fort bâti à Arguin , 31.

Arguin , Roi d'Arguin vaftkl de Mahmud Roi de Malac.a conduit (es troupes contre ieG Portugais.

Ai'quice, ville de l'Ethiopie &

port fur la mer Rouge, 577. joye du Gouverneur & des habitans d'Arquico à la veue de la flote Portugaife, 579.

Ataide ( Pierre d') commande les vaiffeaux de l'efcadre de Vincent de Soldre après la mort de Vipcent , 16} fe brife fur la côte delà haute Ethiopie il fait naufra- ge » i7i.

Atar ( Coje-Atar ) Miniftre du Roi d'Ormus , attaque la flote d Alphonfe d'Albu- querque dans le port , 275. eft battu , ij6. fait la paix avec lui , & foumet le Royaume d'Ormus à celui de Portugal,, 279. en a hon- te , 8c s'en repent ,282. Dé- bauche les gens d'Albuquer- que , ihid. fe fouleve contre lui^ & l'attaque de nouveau, 1S6. Profite des divifionsdu Vicetoi & d'Albuquerque , pour faire la. paix avec le premier, 515. fe fert avec avantage des Lettres qu'il en a reçues pour éloigner Al- buquerque lorfqu'il fe pré- fente à Ormus pour la fé- conde fois, il^id. s'engage à Lemos de continuer à payer le tribut, & lui refufe tout le refte , 345. reçoit bien un Ambafladeur qu'Albu- querque envoyoit au Roi de Perfe, & le fait empoifonner fecretement, 555. fa mort,

508,

/^ttoUons , ce que c'eft , j j 2.

Angin ( le Pas de ) l'un des palTages

DES MATIERES.

partages pour entrer dans rilla'lie Goa , . 580.

Aveiro ( Jean ) Notice qu'il donne des Etats du Prècre- Jean , ^6.

Avis donné à Siquéïra par une hôteiïe Perl'anne de la trahifon qui le tramoit con- tre lui à Malaca , 555.

APtrti , Royaume de l'Ifle de Sumatra, 4'|-7-

Az-ambuic (Don Diegue d') bâ- tit la Fortereile de S. Geor- ge de la Mine , 3 2. C^ fuiv. Ion difcours & fon traité avec Caramanfa , ihid.

Az.evedo , Antoine de Miran-

da d' ) envoyé en Ambafla-

de au Roi de Siam par Al-

phonfe d'Albuquerque ,

450.

ATjvedo (Antoine d' ) fa mort,

458.

ui\eveio ( Fernand Lopes ) ÂriibalTadeur de l'Infant Don Henri à Rome, 14. Grâces qu'il obtient du fou- verain Pontife, \6.

B

BAhd Mnndel , nom du dé- troit de la Méque ou des Gorges de la mer Rouge , j6o. 489. B>tharen ( Ifle du Golphe Per- fique ) Perles de Baharen^ 607. enlevée au Roi d'Or- mus par Mocrin , ihid. re- prife par Antoine Correa , 610. Bakars , mefuredes Indes, 351.

Tome I.

B.îllattesoit Amb.rrages , appel- les les Efclaves du Roi , for- cés au travail par Alphon- fe d'Albuquerque, 417. ré- duits à l'état de vrais Efcla- ves par George de Britto ,

545-

Bardes ( Fort de Batdes ) for- tifié par le Saba'ie , 569. em- porté par Timoja , 370. ré- tabli par Albuquerque, 375.

Baretto{ Manuel Telles ) lailTé par Alvarenga avec quatre vailléaux à la garde de Co- chin, 2-01.

Baretto ^ ( Pierre ) fe diftingue à l'adion de Panane, Z67. ôc à celle Laurent d'Al- méïda fut tué , 304.

Barfiagais ( Prince Abydîn & Roi de Tigre Mahon ) s'a- bouche avec le Gouverneur Diego Lopes de Siquéïra, & reçoit l'Ambaifadeur Rode- ricde Lima,&: l'Ambaira- deur Matthieu , 5 S 5.

Banhema ( Louis ) nom fuppo- d'un Seigneur Romain de la maifon de Patrizzi. Ses voyages , 111. avis qu'il donne au Viceroi D. Fran- çois d'Alméïda, & ce qui en arriva , ibid.

Baticala, ville du Malabar au Roi de Narfingue ,114. Les Portugais fouhaittent inuti- lement d'y bâtir une Forte- refle, 374.

Beduins , Arabes commercent avec Vin/entdeSoldre^avis qu'ils lui donnent , 157.

Beja (Fernand de ) fauve la vie

KKkk

TABLE

à Alphonfe d'Albuquer- que , 3 59. fe fignale au fiége de Goa , 5 9 1. eft envoyé par Albuquerque pour détruire le fort de Socotora,4o6. ar- rive à Goa , & y porte du fecours , ibid. eft fait Gé- néral de la mer dans l'Indo- ftan par Alphonfe d'Albu- querque , 453. ordres qu'il reçoit du Gouverneur Diego Lopes de Siquéïra, 607. clare la guerre au Roi de Canibaie, 611. eft attaqué par Aga-Mahmudà la veuc de Chaiil ,614. fa mort , 61 5.

Belem ou Bethlehem , hermitage bâti par l'Infant Don Henri près de Lifbonne ,75. chan- gé en Monaftere & Eglife magnifique par le Roi Don Manuel, iiS.

JBelU aElion , d'un Page & d'un Matelot du vaiffeau de Lau- rent d'Alméïda , lorfqu'il fut tué , 310.

Bemoin , Prince des Jalophes s'allie avec les Portugais ,

3 8. en eft abandonné, 39. battu & chaiïe par les fiens, fe réfugie aux Ifles d'Ar- guin , & pade en Portugal ,

39. eft bien reçu du Roi, 40. fe fait baptifer , 41. eft fait Chevalier, ibid. retourne en Afrique , 44. fa fin tragique^

ibid.

£enaflarin , ( Gué ou Pas de ), pour entrer d'ans l'Ifle de Goa, 378.

Benafiarin , paflàge de Beaafta-

rin fortifié deux fois par Pulatecan , 381. 439. par Roftomocan 440. emporté par Alphonfe d'Albuquer- que i 47S.

Bendara ( nom du premier Of- ficier du Royaume de Ma- laca pour les Indiens Ma- lais ) 351. Le Bendara on- cle du Roi Mahmud fa- vorife les Portugais, leur de- vient contraire par lafadtioii des Maures, 3 5 1. tâchede les furprendre , & de les faire périr , ibid. cherche à fe ju- ftifier ayant manqué (on coup , 3 j7. forme unecon- fpiration contre Mahmud qui lui fait couper la tête , 410.

Berredo , ( François Peréïra) fa belle aâion pour porter des vivres à Goa, 445.

Betancour ('Jean ) Roi des Ca- naries repafTe en France , & y meurt, 21,

Betancour ( Menant ou Mafïîot) traite pour les Canaries avec l'Infant Don Henri , 11,

Bezegitiche , pays fur la côte d'Afrique Occidentale^ trai- té fait avec le Seigneur du lieu , & par qui , 32.

B'fnaga, Voyez. Narfingue.

Blanc ( Cap Blanc) par qui dé- couvert , 14^

Bojador ( Cap Bojador ) pour- quoi ainfi nommé , «y.

Barba ( Jean de ) fait naufrage fur la côte d'Achen , eft trai- té du Roi fort gracieufe- mentjfa perfidie envers ce

DES MATIERES.

Prince , & confeil qu'il don- ne à George de Britto ,

Borbora, ville de la côte d'Adel, 5 58. ruinée par Antoine de Saldagne, 549.

Botello (George J fe fignale con- tre Patequitir , dont il for. ce les rétranchemens , 45 (î. contre Laczamana ,4^8. & dans le combat contre Pâté Omis , 466. & fmv. délivre le Roide Campar, & le con- duit àMalaca , 501.

Brachmanes, leur origine , leurs mœurs Se coijtumes , 98. leurs Dieux ^ ibid. vertiges de la vraye Religion dans leur Idolâtrie , 99.

Brachmane, perfidie d'un Brach- mane pour perdre Vafco de Gama , 147. punie de mort, 148. perfidie d'un au- tre Brachmane à l'égard du Prince héritier de Cochin ,

187. Brama , Dieu des Indiens ,

98. Bra^uemont , ( Robin de ) Ami- ral de France obtient du Roi de Caftille les Caniries à titre de Royaume pour Jean de Betancour fon parent ,

21. Brava ( Republique fur la côte de Zanguebar)faite tributai- re du Portugal par quelques particuliers, 241. venge l'in- dignité de cette adion, 1 j j. fe défend contre les Portu- gais qui la ruinent, 255. Bre/il , par qui découvert, 123.

Brejiliens , leurs mœurs & cou- tumes , Aid.

Britto ( Antoine de) fuccede à fon frère George , 595- ^'^ trouve à l'expédition mal- heureufe de George d'Al- buquerque fur l'Ifle de Bui- t^m , 596. fuit fa route pour les Moluques . ibid.

Britto ( Chrillophle) comman- de un vaiffeau de la flote de Don Garcie de Norogna , & fait un voyage très-prompt,

45 I; Britto ( George de ) envoyé à Malaca,4j;. luccede à George d'Albuquerquedans le Gouvernement de Mala- ca, s'y prend mal , & ne peut corriger ce mauvais début , fa mort , ibid.

544- Britto ( George de ) paiïè dans les Indes avec une efcadre de neuf vailîeaux , 592. eft envoyé aux Mo- luquas , ibid. entreprend d'attaquer une Pagode au voifinage d'Achen ,59 V Y eft tué , ibid.

Britto ( Lopes de ) fuccede à Jean de Sylvcïra dans le Gouvernement de la Forte- reffe de l'Ifle de Ceïlan , 596. entreprend de l'aggran- dir , ibid. difficultés qu'il y trouve, 597. fait une irrup- tion dans la ville de Co- lumbo , ibid. eft battu par les Infulaires, 59S. les bat

à fon tour

Î99-

Britto ( Ruy de Brito Pataîin )

KKkk ij

TABLE

Gouverneur de Goa, 434. fe fortifie contre Patequitir , 45 j. prétend commander la flote contre Patc Onus,^6^. fes démêlés avec Fernand Perez d'Andrade à ce fu- jet , le met aux arrêts , & le délivre, H'iJ. eft prié par les Officiers de refter dans la place, 467. fait travail- ler au pont de la ville , ibid. envoyé des munitions à la flote , 469. relevé par Geor- ge d'Albuquerque, 501.

CAhis, Animal du Royau- me de Siam, EfFets pro- digieux de (es oflemens pour étancher le fang, 411.

Cabml ( Pierre Alvarez ) com- mande une flote dcftinée pour les Indes, 110. hon- neurs qu'il reçoit du Roi avant fon départ, 112. dé- couvre la terre du Brefil , & en prend poffeiïion , 123, efluye unefurieufe tempête, \x6. arrive à Mozambique , & enfuite aux Indes _, 116. obtient audience du Zamo- lin , &c établit une faftore- rie à Calicut , i zS. révolu- tion arrivée à Calicut , & par qui caufée , 129. ven- geance qu'il prend du Za- morin ^ 151. fon traité avec les Rois de Cananor , de Coulan & de Cochin ,153. retourne en Portugal ^ 1 54.

Cadamofle ( Alvife ) l'un des

Découvreurs ie l'Infant Don Henri , 1 3.

Cafre ( Prince Cafre ) appelle par Ifuph pour combattre les Portugais , le venge de fa défaite fur Ifuph &c les fiens,

250.

C^gliao (Notre-Dame de) E- glife bâtie dans rifle Madè- re , 1.4.

CiUmales ( Cafte des Indiens Nobles titrés ) 101.

C^z/^^ ^ , matière dont ont fait les cordages j 553.

Culajate , ville du Royaume d'Ormus trompe Alphonfe d'Albuquerque , 271, en eft punie par le même , 315.

CiilaluXjs ( efpece de bateaux )

55î.

Caldeira ( Fernand ) créa- ture d'Alphonfe d'Albu- querque eft envoyé en Por- tugal chargé de fers , 539. fe juftifie , & eft renvoyé dans les Indes , ibid. fes dé- mêlés avec Don Guttieres de Montroi _, ibid. fe retire à Fonda _, 540. eft aflaffiné par ordre de Montroi ,

ibid.

Calicut ( Capitale du Malabar ) première terre des Indes dé- couverte parVafco deGama, 95. fa defcription ^ 104. in- fultée par Pierre Alvares Cabrai j 151, parVafco de Gama , 743. par Lope Soa- rez d'Alvarenga , 1 96. par le Maréchal D. François Cou- tinho,, & par Alphonfe d'Al- buquerque, 325. Citadelle

DES MATIERES.

bâtie à Calicut par Alphon- fe d'Albuquerque , 497. Camaran , Kle de la mer Rou- ge. Raix Soliman y com- mence une Citadelle, 531. les Portugais la détruifent,

537.

CambaUm ( Caimale de ) allié du Zamorin. Ses terres ra- vagées par les Albuquer- ques , 167. Gué de Camba- lam , I7<S.

Cambatc _, Royaume de l'indo- ftan , ç)j,

Cnmftir ( Roi de ) gendre de Mahmud Roi de Malaca s'aflFedtionne aux Portugais 501, affiégé par le Roi de Linda , eft délivré par Geor- ge Botello , 502. eft fait Bendara de Malaca , 505. eft fait mourir fur de faux foupçons ^ 504.

Campfon , Calyplie ou Soudan d'Egypxe. Ses inquiétudes fur l'Ètablidement des Por- tugais dans les Indes, 19e. fa politique pour l'empêcher, - & fa Lettre au Pape , ibid. fa flote battue' deux fois dans la Méditerranée par le Bailli Amaral , 199, 550. envoyé deux flores aux Indes avec un malheureux fucccs, ^00. 5 5 o.eft défait par Selim Em- pereur des Turcs , & perd la -vie dans la bataille ,

Cananor ,v'\\\t & Royaume de l'Indoftan. Roi de Cananor recherche l'alliance des Por- tugais j traite avec Pierre

Alvares Cabrai, & envoyé un Ambaftadeur en Portu- gal ,153. traite de nouveau avec Vafco de Gama, 14.4. 151. nouveau Roi de Cana- nor contraire aux Portugais, &:pourquoi,izS.Iiége deCa- nanor ,131. fiége le vé, 1 3 S. Princes de Cananor traîtres àleurRoi favorifent lesPor- tugais alTîégés , 2 :; 2 .& fitiv.

Can ( Diego ) pénètre jufques au Zaïre , & découvre le Royaume de Congo, j 3, dé- tail de fon expédition , ibid, & Juiv.

C^.n.iries , par qui découvertes, 19. occupées par Jean de Betancour à titre de Royau- me , 20. cédées à l'Infant Don Henri , 21. & enfuire au Roi d'Efpagne , 22.

Canonier , confiance d'un maî- tre canonier pris par Pate- quitir, qui aima mieux fouf- frir la mort que fervir le canon contre ceux de fa Na- tion , 457.

Cannes de fuccre tranfportées dans l'Ifle Madère, 23.

Canton , ville & port de la Chine, 565.

Cap des Courants , So.

Caramanfa , Prince Nègre , ac- corde à Don Diegue d'A- zambuïe la permiflîon de bâtir le fort de faint Geor- ge de la Mine, n.&fuiv.

C^'fld BUnco ( Jean Gonçales de ) fa hardieffe pafTer fous le feu des batteries de la vil- le de Goa , 351.

KKkk iij

TABLE

Cafles des Indiens , & leur di- vifion , 100.& fuiv.

Cflfiro ( Fernand de ) conduit une colonie aux Canaries d'ordre de l'Infant Don Henri , ii.

Caftro ( George Baretto de ) emporte le pofte des puits de Torombac , iS8»

Catife ou El Catifdans le Gol- phe Perfique prife fur le Roi d'Ormus par Mocrin ^ Roi de Lafah , 607. repri- fe par Antoine Correa , 610.

Cttxem ( Roi de ) maître de l'Ifle de Socotora, y tient une garnifon fous le Com- mandement de fon fils Ibra- him , i6o.

Ceilan , Ifle de l'Océan des In- des, fa defcription , 557. partagée en neuf Royaumes, 5 5 S. fort bâti, jéo.

Cerdme(^et'\t fortin de Calicut) emporté par Alphonfe d'Al- buquerque, , 335.

Cemeri ( Coje ) faux ami des Portucrais , fa trahifon & fes fuites , ï^o. & fuiv.

Cerdii ( Louis de la ) couron- né Roi des Canaries dans

Avignon ,

zo.

Cerda ( Manuel de la ) eft fait

Gouverneur de Goa_, 453.

Cerihige ( Général de Mahmud

Roi de Malaca ) forme un

camp fur le fleuve Miiar ,

546.

Cemiche ( Denis ) Capitaine

condamné à avoir la tête

sranchée ^ obtient fa ^ra-

ce , 405,.

Chanoca ( Gafpârd ) envoyé en Ambafîdde auprès du Roi de Narfingue, 374.

Chatigan , port du Royaume de Bengala, 5 54-

Cheira-Dineiro (Jean Gomes ) établit une Fadborerie aux Maldives, s'y comporte mal, & eft maflacré avec les fiens,

Chine, idée abrégée de l'Empi- re de la Chine, 565. Portu- gais exclus de cet Empire , & pourquoi , il>id.

Chinois , Patrons de vaifTeaux Chinois , (ervice qu'ils ren- dent à Diego Lopes de Si- queïra à Malaca , 355.

Chinois , Patron de vaideaux Chinois trouvés à Malaca par Alphonfe d'Albuquer- que, leur éloge, 564.

Chorcam _, Paradis des Indiens ,

99'

Chrétiens de faint Thomas , leur

dépuration à Vafco de Ga- ma , fe mettent fous la pro- teftion du Portugal , 148.

Chriflianifme , fon établifle- ment dans le Royaume de Congo, 5^.

Cid-Alle , Maure fert d'entre- metteur pour la paix entre le Viceroi & Mélic Jaz ,

Cintacora ^ Place du Zabaïe , donne de la jaloufieàla ville d'Onor, Confervée par la fa- geiTe de fon Gouverneur , 110. ruinée parTimoja, 567. rétablie par Alphonfe d'Al^

DES MATIERES.

buquerque, 573.

Clément ^/.Pape couronne dans Avignon Louis de la Cerda Roi des Canaries , zo.

Cûchin , ville , Ifle ôc Royau- me de rindoftan j 1 3 2,. at- taquée par le Zamorin 8c prife , 161. ravagée par le même, 161. reprife par les Albuquerques 164. fort bâ- ti à Cochin par les mêmes , 165.

Cocotiers & Cocos , leur ufage ,

Cocotiers ,qm naiiïentau fond de la mer aux Nf aldives , & leur fruit , 5 J5*

Coello ( Edoiiard ) envoyé à Siam, 549. eft bien reçu par le Roi de Pam qui eft fait

_ vaiïal du Portugal , 550.

Coello ( Gonfalve ) fon voyage au Brefil peu heureux , 1 37.

Coello ( Nicolas ) paffe aux In- des avec Vafco de Gama à fon premier voyage,74. arri- ve à Lifbonne avant lui, J18

Coello ( Nicolas ) envoyé en Ambaffade au Roi de Siam par Alphonfe d'Albuquer- que , 430.

Coje-Atar. Foye"^ Atar.

Coje Becjni , ami des Portugais , IZ9. confulté fur l'affaire de Calicut , J3Z.

Coje-Qiti , confeil qu'il donne à Roderic Rabello,437.C^/«'i'. fa mort & fon éloge , 441.

Colafcar [ Tuam ) Maure de Malaca entre dans la confpi- ration de Maxelis , 500.

Colomb ( Chnllophle ) décou-

vre les Ifles de l'Amérique, 66. aborde à Lilbonne à fon retour, 67. fa vanité, (S8. danger qu'il y court , ibid.

Colombo , principal Royaume de l'ide de Ceilan , 558, Roi de Columbo traite avec Lope Soares d'Albergaria , accorde ce qu'il demande , s'en repent , y eft enfuite contraint & forcé de fe ren- dre tributaire du Portugal , 558.

Commerce des Indes par le Le- vant. Comment il fe faifoic avant la découverte des Por- tugais ,& par qui , Z94,

Comorin ( Cap de ) termine la

prefqu'lfle de l'Indoftan ,

104.

Conceffions , faites à l'Infant Don Henri par les Rois de Portugal, 14. parles Papes,

16.

Conception ( Ifle de la ) par qui découverte, 135,

Congo ^ fa découverte, 5 i. pro- grés de la foi dans ce Royau- me , j(j. révolution à ce fu- jet, 61,

Correa ( André ) fafteur à Ca- licut, 1 19. fa mauvaife con- duite & fa moïljbid. &fuiv,

Correa ( Antoine) va au Royau- me de Pegu , fecours qu'il donne en paiïant aMalaca,fa bravoure, ^6j. pourfuit fa route , & arrive au port de Martaban , 368. fait allian- ce avec le Roi de Pegu, ibid, fupercherie de Correa dans le ferment qu'U fait , j^î>.

TABLE

s'en répenc, ibid, retourne à Malaca avec de nouveaux fecours de vivres , iètd. commande avec Mello un parti contre Mahmud qu'il chafle de fon pofte fur le fleuve Miiar, jyo.

Correa ( Antoine ) commande dans l'expédition faite con- tre Mocrin Roi de Lafah , reprend les Ifles de Baha- ren & d'Elcatif , «îio. eft 'nommé pour tenir la place de Fernand de Beja, 6ij.

Correa ( Arias frère d'Antoine ) bielle dans l'adlion contre Mocrin , 609.

Correa ( Diego) tué à l'afFaire de l'attaque de Benaftarin ,

477- Correa ( Fernand ) fafteur à

Cochin , fon avarice caufe

la guerre , icîj.

Cortereal { Gafpard) découvre l'Amérique vers le Nord , 137. y retourne, & périt avec Michel fon frère a fon fécond voyage, 1 58.

Corvifiel ( François^ eftfait fa- deur à Goa par Alphonfe d'Alhuquerque , 373.

Cottes ( petits bateaux) 381.

CovilUfi ( Pierre ) envoyé pour découvrir les Etats du Prê- tre-Jean , 48. fes voyages , ibid. & fuiv. envoyé fon Iti- néraire au Roi de Portugal , 50. arrive à la Cour d'E- thiopie, & y eft accrédité, ibid,

Conian , ville & Royaume de r.Iiidûftan , Roi de Coulan

s'allie avec les Portugais , 135. renouvelle l'alliance avec Alphonle d'Albuquer- que ^ 169. defcription de la ville de Coulan , ibid. allian- ce troublée par la faute du fadeur Portugais , 210. fc- dition excitée à cette occa- fion , ibid. punie par Don Laurent d'Améïda, ii>id.

Coutigno ( Fernand ) grand Ma- réchal de Portugal arrive aux Indes avec une flote , 32(3. délivre Alphonfe d'Al- buquerque de fa prifon , Sc le fait reconnoître pour Gouverneur , ibid. travaille en vain à le reconcilier avec le Viceroi > 527. motifs de fon voyage ,550. fa propo- fition à Alphonfe d'Alhu- querque , ibid. fon entrepri- fe fur Calicut , & fa mau- vaife conduite , fon empor- tement contre Albuquerque, fa mort , ibid. & fuiv.

Cominho ( Laurent) fa lâcheté,

595- Cominho { Lionel ) envoyé en

qualité de trompette à Ma- gadaxo 258. envoyé vers le Roi d'Onor , 3(^1. fa mort ,

388. Coutinho ( Louis ) donne occa- fion au Patron de fa cha- loupe de fauver les cinq Champions qui fe fignale- rent au fiége de Goa , 393. CeutinhoCvaz Fernand ) blefle l'Eléphant fur lequel étoit Mahmud Roi de Malaca , 417. CofftHme,

DES MATIERES.

CoHtume établie en Portugal de faire rendre compte aux Gouverneurs , revenants des Indes, 54S.

CrAnganor , ville de l'Indoftan, fa defcription. Brûlée pat Lope Soarez d'Alvarenga ,

19S.

Criminels , livrés aux Naviga- teurs pour tenter les décou- vertes , &c être expofés fur les terres neuves, SS.

Croix plantées par les pre- miers Navigateurs , 31.

Croix ( fainte Croix ) premier nom de la terre du Brefil ,

CrHZ.ades , monnoye faite par le Roi Don Alphonfe V. du premier or apporté d'Afri- que , & pourquoi ainfi ap- pellée, 15.

Catùal , Miniflre du Zamorin , reçoit Vafco de Gama,io(î. devient contraire aux Por- tugais gagné par les Maures, 114. eft donné en otage à Pierre Alvares Cabrai, 118.

Ciiama fleuve , 144.

Curiate , ville du Royaume d'Ormus faccagée par Al- phonfe d'Albuquerque, 271.

Cittial , Général du Zamorin, battu à Panane par le Vice- roi & Triftan d'Acugna ,

265.

Çiife-Ccndal ( Mélic ) trahit Al- buquerque après la reddi- tion de Goa, 381. puni _,

383. Çufe-Curgi (Mélic ) commande

les Rumes dans Goa après la

Tome I.

mort du Sabaïe ,571. entre- prend de défendre le fort de Pangin , y eft bleffé, & rentre dans la ville , 370. fort de Goa après la prile de la place, & fe rend auprès del'Idalcan, 371. comman- de un corps de deux mille hommes au pas de Gonda- lin, 381.

Çkfolarin commande un corps de deux mille hommes pour l'Idalcan , & force le palla- gede Benaftarin, 3 84. vient audevant de la petite flote d'Antoine de Norogna , &c eft battu, 391. fe joint à Ancoftan avec un renfort de troupes pour attaquer Goa ,

5++- D

DAbid , ville de la dépen- dance de l'Idalcan , fac- cagée par le Viceroi Don François d'Alméïda. Téme- rite de fon Gouverneur pu- nie , 3 1 9. Cruauté que les Portugais y exercent paffe en proverbe , ibid.

David , Empereur d'Ethiopie fous la tutele de fa mère Hélène, 580.

Decan, Royaume de l'Indoftan,

97. Dé'///, Royaume de rinde,97. Devise de l'Infant Don Henri ,

6. Dévoilés parmi les Indiens , 102. parmi les Maures , 265,

Diaz. ( Barthelemi ) fes décou- vertes jufques au Cap de

LLll

TABLE

Conne-Efperance, 51. Son naufrage & fa mort, iz6. ■DiaX^ ( Ruy ) convaincu d'in- trigue amoureufe avec les filles Maures gardées par Alphonfe d'Albuquerque , eft condamné à être pendu , & exécuté malgré la fédi- tion qui fe fît à ce fujet ,

395- Diu , Ifle & ville du Royau- me de Cambaïe donnée à Mélic Jaz , & fortifiée par lui, 300. Efforts des Portu- gais pour y bâtir une Cita- delle , 492. 601. Vidoire remportée par Don François d'Alméida dans le port de Diu, jio. & fuiv. Douanes de Goa afFermées au Roi de Vengapour , 481.

EDo'narJ[ Don ) Roi de Por- tugal favorife l'Infant Don Henri fon frère. Con- cevons qu'il lui fait , 15.

E'tras ( Jean d' ) l'un des Cham- pions qui fe (îgnalerent à Goa, fe noyé par trop de précipitation, 395.

Eleonor^ Reine de Congo , fon Baptême, 60. Son habileté pour fauver fon fils Don Al- phonfe , 63.

Eléphant ; envoyé en Portugal, eft conduit à Rome au Pape à qui le Roi Don Emmanuel en faifoit préfent , jij.

Emmanuel ou Don Manuel Duc de Beja parvient à la Cou-

ronne,7i,Ses premiers foins pour continuer les découver- tes, 71. fait partir Vafco de Gama 73. lui parle &r à fes gens avec une efpece de lo- kmnité , 74,Reception qu'il fait à Gama à Ion retour , 118. Grâces qu'il lui accor- de , ihid. fait bâtir le Monaftere & la fuperbe E- glile de Notre-Dame de Be- lem ou Bethléem , ihid. Sa reconnoiilance envers l'In- fant Don Henri fon grand oncle, 119. Nouveaux titres qu'il ajoute aux fiens , no. envoyé une flote aux Indes fous les ordres de Pierre Alvares Cabrai, 110. Céré- monie qu'il obferve en cette occafion ,122. envoyé Jean de Nove aux Indes, & Gon- falveCoello au Bréfil , 134. fait partir une féconde fois l'Amirante "Vafco de Gama pour les Indes avec une flo- te divifée en trois efcadres, 13 9. Réception qu'il fait à Gama à fon retour, 1 5 2. fait équiper trois petites flotes de trois vailTeaux pour les Indes , 162. envoyé aux In- des LopeSoarez d'Alvaren- ga , 19 j. expédie une nou- velle flote, & nomme un Vi- ceroi pour les Indes. Hon- neurs qu'il lui attribue, 205. Ordre qu'il donne pour le commerce deSofala. Abro- gé, 252. travaille à ruiner le commerce des Maures par la mer Rouge , x6i. Etat

DES MATIERES.

qu'il fait des plaintes du Ca- liphe au Pape , & de fes me- naces , 199. révoque Don François d'Alméida , 5c lui fubftuue Alphonfe d'Albu- querque en qualité de Gou- verneur, j 16. Deffein qu'il forme de détruire Calicut. Envoyé pour cet effet le Ma- réchal Don François Couti- gno , jjo. fepare les Indes en trois Gouvernements , 341. faitpartir George d'A- giiiar pour la mer Rouge , & Diego Lopez de Siqueira pour Malaca , ièid. fait par- tir enfuite Diego Mendez de Vafconcellos pour Mala- ca , 59S. un autre pour les Indes , Se un troifiéme pour rifle de Madagafcar , il^id. donne des ordres à Albu- querque d'aller fe faifir d'A- den , Se d'y bâtir une Cita- delle,406. envoyé D. Garcie de Norogna au fecours d' AU buquerqueavec une puilTan- te flote , 4S0, fe laiiTe pré- venir contre Albuquerque , 494. lui fubftituëSoarez d'Al- bergaria, 5i5.s'en repentjjii. Ordres renouvelles à Soa- rez d'aller à Aden, j 3 j.Am- badade & prefents magni- fiques qu'il envoyé à Ro- me , 513. dépèche une efca- dre avec un AmbalFadeur à l'Empereur delà Chine,5<î4. une féconde à Malaca fous la conduite de George d'Al- buquerque, envove un autre AmbalFadeur à l'Empereur

d'Ethiopie, & renvoyé celui qu'il avoit reçu de cette Cour , 381.

FEreira ( Nicolas) Sicilien renégat envoyé en Portu- gal par le Roi d'Ormus en qualité d'Ambaiïadeur, 506. fe convertit , ihid. perfuade au Roi Emmanuel de fe ren- dre maîcre d'Ormus , il'id. renvoyé aux Indes détermi- ne le confeil de guerre à l'entreprife d'Ormus , plu- tôt qu'à une nouvelle expé- dition fur Aden , 507.

Fereira (Pierre) Fadeur à Qlù- loa , 2.51.

Fernande! [ Emmanuel ] Fac- teur à Sofala , coupe la tête auCheq, 259.

Ferdinand le Catholique en- voyé des AmbalFadeurs en Portugal pour foutenir les droits de la CaftiUe , tou- chant les découvertes de Chriftophle Colomb , 68. Bon mot du Roi Jean fé- cond fur le caraâere de ces Ambadadeurs, 6^.

Fernand [ Don ] Prince de Por- tugal neveu de l'Infant Don Henri ^ & adopté par lui , donne fes foins à pouiïér les découvertes , 2S.

Fernande! ( Antoine) Portu- gais renégat , conduit une flote du Sabaïe pour tâcher d'enlever la Forterefled'An- ched)ve , 117.

LLII ij

TABLE

ternmdes [ Fiedeiic] fait Che- valier par Alphonled'Albu- querque pour être entré le premier dans la ville à l'at- taque deGoa, 405.

demandes (Cdit^nv) fa mort,

595. Fernande^ ( Rny ) envoyé par

Siqucïta AmbafTadeur à la

Cour de Cambaïe , 606.

Femandcs ( Thomas J ingénieur rend un grand fervice au fié- gedeCananor, 135.

Fidalgo ( Jean ) commandé par Albuquerque à l'attaque d'Aden ^ 4S7.

Fleuve des Rois , 79.

Fleuve des bons Signaux , 81.

Forterejfes bâties par les Portu- gais , aux Ifles d'Arguin,5 i, à faint George de la Mine, if 6. à Mozambique ^ 85. à Cochin , i6ç. à Anchedive^ io6, à Sofala , ^^G. à Or- mus , z8i. à Ceilan, ^60. àChaiil , 614. à Coulan , 561. François , les François font les premiers qui ont décou- vert l'Amérique^ ainfi que l'écrit Odoric Raynaldi dans fes Annales , y.

Frangttis, noms des Europeans aux Indes , 301.

Freyre ( Bernardin ) traite mal l'AmbalTadeur Matthieu , eft mis aux fers , Se traduit dans lesprifons de Lifbonne,58i.

Freitas ( Alvare de ) l'un des Découvreurs de l'Infant ,iS.

Fitfligé ( Ifles du fuftigé ) pour- quoi ainfi nommées , 85.

G Aile , partie de l'Ifle Ceï- ,lan , 559,

Galvan (^doiiard) nommé Am- bcilTàdeur par le Roi de Por<» tugal pour la Cour d'Ethio- pie , 581. meurt dans l'Ifle de Camaran. Son éloge , 585.

Galvan (George fils d'Edouard) fon naufrage vu en efpnt par fon père mourant :, 5 8 j .

Gama ( Arias de ) frère de l'A- mirante commande un vaif- feau de l'efcadre de DonGar- cie de Norogna , & fait un voyage très-prompt , 45 1.

Gama (Eftevan) coufin de Vaf-

co part avec lui pour les

Indes commandant une efca-

dre à fon fécond voyage ,

139,

Gama ( Vafco de ) commande la première flote que le Roi Don Emmanuel envoyé aux Indes, 74, Pieté par laquelle il fe difpofe à ce voyage , 7j. Sa route jufques au Cap de Bonne-Efperance ,-76& fiiiv. double ce fameux Cap^ 78. touche à plufieurs en- droits : à Mozambique , à Mombaze , à Melinde, 78. & fuiv. Danger qu'il court à Mombaze, //'/W.Traitemenc gracieux qu'il reçoit du Roi de Melinde , 90. & fuiv. Notices qu'il acquiert pour perfeftionner la Naviga- tion, 51. arrive à Calicut,

DES MATIERES.

9 5 .Sa réception ibid. & fuh. voie les elperances renver- fées, & pourquoi,! 1 3. Dan- gers qu'il cour: à Anchedi- ve il fe retire , 115.209. Il s'en tire habilement , ibid. Son retour en Portu- gal , 1 16. Sa route, ibid. Sa pieté avant que d'entrer dans Lifbonne, 1 17. Honneurs & grâces qu'il reçoit du Roi , iiS.eftfaic Amiral des mers des Indes , ibid. Son fécond voyage aux Indes , 1 3 9. fait tributaire du Portuçral Ibra- him Roi de Quiloa , 140. prend la Meris vaifTeau du Calyphe : fa cruauté en cet- te occafion , 14.1. Sa cruau- té envers les Indiens de Ca- licuc ,143. Son traité avec les Rois de Cochin , & de Cananor^ 144. Danger qu'il court de la part du Zamo- rin, i4(j. reçoit les Envoyés des Chrétiens de faint Tho- mas, 14S. remporte quel- ques avantages fur le Zamo- rin , 147. retourne en Por- tugal, 151.

Gama ( Paul de ) frère de Vafco pafle aux Indes avec lui à fon premier voyage , 74. Son inquiétude au fujet de Vafco obligé de fe préfen- ter au Zamorin , 1 06. meurt aux Terceres , 117.

Cambea fleuve d'Afrique ,

57- Cate , nom des montagnes qui

coupent tout l'Indoftan ,

578.

Gnedez. (Martin) envoyé à Ma- laça , 455. aborde le pre- mier un jonc de la flote de Paté-Onus , 470,

Gines (Cafte d'Indiens) Anciens polTelIeurs de la terre fer- me de Goa. Excurfion qu'ils font fur ces terres ^ 5 S S. chafles par les Portugais _,

ibid.

Gelves , petits batimens plats , dont ont fe fertdans la mer Rouge , 490.

Goa , ville du Malabar du Do- maine du Sabaïe fortifiée par ce Prince , 567. fe rend a Albuquerque , 571. en- trée d'Àlbuquerque dans cette ville, 572. fe foule- ve contre lui en faveur de l'Idalcan , 376. reprife par ridalcan , 3 84. Albuquer- que s'en rend pour toiàjours le maître, 4ot.affiégée de nouveau par Pulatecan dans- l'abfence d'Albuquerque , 434. enfuite par Roftomo- can ,.441. délivrée par les fecours qui y arrivent dans la belle faifon , 446. atta- quée par Ancoftan &Çufo- larin eft encore délivrée de la même manière, 544.

Gd^î ( vieux Goaj 47?.

Godi^^i^ François ) commande une fufte à l'expédition de George de Britto , 594,

Goes ( Gonfalve Vaz de ) a<5tion atroce , par laquelle il caufe la guerre de Cananor , ztZ. en eu puni trop legeremenr, 23 1. Sa mort, 236.

LLll lij

TABLE

Gomere ( l'une des Canaries ) trahifon de quelques Portu- gais qui y abordent, iS.

Gomés ( Fernand ) obtient le commerce exclufif delà cô- te d'Afrique _, 16. continue de pouHer les découvertes , établit la pofte de S.Geor- ge de la Mine , prend le fur- nom de la Mine , fervices qu'il rend, & honneurs qu'il reçoit du Roi , 16.

Con.és ( Jean ) Fafteur aux Maldives,y eft maffacré avec fes gens à caule de fon im- prudence , 561.

Gomc'y^ [ Pierre ] Préfident du Confeil des Indes , va vifi- ter le Monaftere de Jefus avec l'AmbalTadeur Mat- thieu, jSj.

Gomez. [ Ruy ] envoyé par Al- buquerque a Ifmacl Roi de Perle eft empoifonné par Coje-Atar, jyj.

Goriçales [ Antoine ] découvre jufques au Cap Blanc, 14.

Gotiçales [ Gilles ] Fadeur de Cananor , faux avis qu'il donne à l'Amirante ^ 144.

Gondalin ou le pas fec , l'un des pafTages pour entrer dans i'IfledeGoa, 381.

Cuadalajara Gentilhomme Ca- ftiilan fait une belle fortie durant le (lége de Cana- nor, ^ ^ 135.

Cnardafu,Qà^à' .kfx\c[uek l'en- trée de la mer Rouge,ij9.

Gupin [ Mélic] l'un des favoris du Roi de Camhaïe jaloux ât la faveur de Mélic Taz ,

favorife le deflein qu'avoient lesPoitugais d'avoir une for- terefle à Diu ^ 4J1. tombe dans la difgrace du Roi de Cambaie par l'adreiïe de fon rival, 498.

H

H^med ( Raix ) neveu de Nauradin , fe rend maî- tre à la Cour d'Ormus , fes mauvaifes intentions , eft af- faiïiné par ordre d'Aibu- querque, 50S. & fuiv.

Hamed , neveu de Mocrin Roi de Lafah , fefaifit d'El-Ca- tif , & en eft dépolTedé , 688. e^ fuiv.

Hélène mère de David Empe- reur d'Ethiopie envoyé un Ambaffadeur en Portugal avec un préfent du bois de la vraye Croix , 5S0.

Sainte Hélène [ Ifle de ] par qui découverte j 157. par qui cultivée , 479.

Hefiri , Don Henri Infant de Portugal , Duc de Vifeii , Grand-Maître de Chrift , premier auteur des décou- vertes,4. Sa naidance, 5. Sa devife , G. eft excité à entre- prendre de nouvelles décou- vertes , /T'/^^.Contradiûions qu'il éprouve à ce fujet , 1 1. confirmé dans fon def- fein par les Rois de Portu- gal & par fes fuccès , ij. députe vers le Pape, 14. Grâces qu'il en obtient, 14. applaudi pour fes fuccès^i7. encouragé par les Compa- gnies qui le formèrent pour

DES MATIERES.

fuivre Tes projets , ibid. Sui- te des découvertes faites de fon tems ^ 1 8. Ses foins pour les peupler & les continuer 22. devient maître des Ca- naries , y envoyé , & les cède à la Couronne de Ca- ftille,2 2. Ses chagrins dome- ftiques , 27. adopte l'Infant D.Fernand fon neveu,28. Sa mort & fon caractère , ibid.

Henri , Prince de Congo paiïe en Portugal & à Rome, j 24.

Henri [ le père ] Religieux de l'Ordre de faint François , Supérieur des Millionnaires envoyés aux Indes avec Pierre Alvarés Cabrai , fait un difcours aux Bréfiliens , 125. eft fait depuis Evêque de Ceuta , ibid.

Hocem , fils de Mahomet An- conin , fait Roi de Quiloa, 15 2. depofé ,255.

Hocem [ l'Emir ] Généra! du Calyphe, conduit une flore de la mer Rouge dans les Indes, 300. aborde àDiu, ibid. joint fes forces à Mé- lic Jaz , joi. bat la flote PortugaifeàChaiil , 303, eft défait par le Viceroi à Diu, 320. le rend à la Cour de Cambaïe , 524. fait fa paix avec le Calyphe, 528. s'em- pare de Gidda , & la forti- fie , 5 30. va à l'attaque d'A- den fous les ordres de Raix Soliman , 551. conftruit une fortereiïe dans l'Ifle de Camaran , J32. fe reti- re à Gidda fut la nouvel-

le de la mort du Calyphe, ;^/W. Divifion entre SoHman 8c lui fuivie d'une fauffe paix, 533. eft noyé par or- dre de Soliman , ibid.

Homme [ Jean de V ] faute qu'il fait étant arrive à Coulan, 21 9. Sa punition, 221.

Hoya [ Roi de ] tué en défen- dant fa ville , & fa ville fac- cagée, 25 y.

Hyver des Indes , & fa flngula- rité, 104,

I

JAlophes , peuple de Guinée, 37.

Japara, ville & Royaume de rifle de Jave , 465-

Jave [grande & petite ]Ifles du détroit de la Sonde,4(j3.Def cription de la grande Jave&: des mœurs de fes habitans , ib. Artifices des Javes quand ils font pris fur mer, 46 j.

Jave , pris prifonnier par Mah- mud Roi de Malaca qui lui enleva fa femme, cherche à fe venger en prenant le parti des Portugais, force le camp de Miiir , & y eft tué ,552,

J'^X, [ Mélic ] Seigneur de Diu,. la nailfance , fon cara(5l:ere_, 300. fe joint à Hocem pour aller combattre Laurent d'Alméïda, 501. détermine lavnfloire en faveur de l'E- mir,3o8.Sa politefte à l'égar J du Viceroi fur la mort de fon fils, 3 II. Sa politique après cette vidtoire , ibid. fa flore jointe à celle de l'E- mir battue devant Diu pac

TABLE

Don François d'Alméïda , jzo. fait fa paix avec lui, 315. amufe les Portugais,& élude tous leurs efforts pour bâtir une Citadelle à Diu , fentiment d'AIphonfe d'Al- buquerque fur fa politique, 49Z. Regret qu'il témoigne du rappel d'Albuquerque , 516. élude de nouveau les intrigues des Portugais pour s'établir à Diu fous Diego Lopes de Siquéïra , 60 1 .Ses fuftes font la courfe fur les Portugais , avantages qu'el- les remportent, 6 1 1 .& fuiv. Ibrahim [ Roi de Quiloa ] fait prifonnier & tributaire par Vafco deCama, 14.0. Sa per- fidie , izy. 2.41. dépofé par D. François d'Alméïda, 141 . rétabli fur Ion Tiône, 155. Idalcan, ou ^dilcan^ou Sahaie, Prince de Goa , fa jaloufie contre le Roi d'Onor , & pourquoi , Z09. tache de furprendre Vafco de Gama par le moyen d'un Juif Po- JonoiSj ibid. envoyé une flo- te contre liForterede d'An- chedive conduite par un Por- tugais renégat. Sa mort, 5 j . Son caraétere , 368.

Jdalcan (fils du Sabaïe nommé Ibrahim ) fon embarras à fe défendre contre fes fujets révoltés & les Princes voi- fins après la mort de fon père, 565. fait la paix avec fes ennemis, des qu'il apprit la reddition de Goa , 375. ejivoye des troupes pour ]a

reprendre, 578. s'en rend le maître , & y rentre , 384. tache de boucher le Canal de la rivière pour brûler la flote d'Albuquerque, 3 8 y. jette des propofitions de paix pour amuferSc fortifier le fort de Pangin , 387. en- voyé des vivres à Albuquer- que avec un compliment fort poli , 388- admire la valeur des frères d'Andrade & leur envoyé faire com- pliment, 393. fe voit dans la néceflîté de quitter Gca, à l'occafion de la guerre que lui fait le Roi de Nar- fîngue , 3517. perd pour tou- jours Goa qui lui eft enlevée par Albuquerque, 402. en- voyé de nouveau Pulatecaa pour prendre Goa dans l'ab- fence du Général , 434. Le Roi de Narfingue lui fait la guerre , & pourquoi. Suite de cette guerre,586.1esGines fe foulevent contre lui, 5 88.

]ean ( Roi de Congo ) reçoit le Baptême, 6g, Son inconftan- ce , 6\. perfeciite fon fils calomnié par Içs ennemis de la Religion , 62.

]san II. Roi de Portugal , fon zélé pour la découverte du nouveau Monde , 30. en prend poirefîion par les po- teaux qu'il fait planter ,31. ajoute à fes titres ceux de Roi de Guinée & côte d'A- frique , ibid. fait conflruire les forts d'Arguin &-defaint George de la Mine ^3;.. re- çois

DES MATIERES.

coit le Prince Bémoiii dans les Etats , & le renvoyé honorablement, 59. & fitiv. Son adtivité pour découvrir les terres du Prctre- fean , meuires qu'il prend pour cela,45. Notices qu'il en a , 4.6. envoyé une flore & des Millionnaires au Congo, 5 4. eft piqué de la vanité de Chriftophle Colomb, 68. Sa mortj 70.

Indes & Indoflan ^Iqu": defcrip- tion , 95. Rois qui parta- geoient l'Indortan au tems de l'arrivée des Portugais ,

97-

Indiens, leurs moeurs,coûtumes & Religion, 97, Leurs Tem- ples, 105. Condition cruelle de leurs femmes , 105.

/«;f/4f;o?;i des Indiens , 100.

/w/«/<î/r(f/, ennemis du Roi de Congo vaincus , 59,

Joaues , efpece de Penitens In- diens, ICI. Jogue converti à la foi fert d'entremetteur au- près du Roi de Cochin pour traiter avec les Portugais , I j 5. Jogue porte une Let- tre du Viceroi aux prifon- niers faits dans l'aâion Don Laurent d'Alméjda fut tué ,314. Jogues ,vont en pelerinai^e au Pic d'Adam dans l'Ifle de Ceïlan , 558.

Jonc, efpece de vailTeau des In- diens , 465. Jonc de Paté- Onus, 46;.

Jfcander ou Alexandre , Empe- reur d'Ethiopie , reçoit très- bien Pierre de Covillan,5 So.

Tome J.

Ifmael ( Schah ou Sophi de Perfe) fon éloge, 574. mar- que Ton eftime a Albu- querque ,316. l'un & l'au- tre s'envoyent mutuelle- ment des Ambaiïadeurs , mais fans efFet , 575.

Ifnph ( Cheq de Sofala ) reçoit les Portugais , 146. eft for- cé par les fiens de les atta- quer , 248. Sa mort _, 150.

Italiens , deux Italiens transfu- ges rendent de grands fervi- ces au Zamorin , i jS. le Zamorin refufe de les ren- dre aux Portugais, 168.196. le repentent, & traitent de leur retour ,212. font maf- facrés par les Maures de Ca- licut , lîj.

Jufan ( Chriftophle J combat fous les ordres d'Edoiiard Pacheco contre le Zamorin,

189,

Juifs envoyés par le Roi Don Jean fécond après Pierre de Covillan & Alphonfe de

Paiva

49.

LAcz.amana ( Amiral de la flotede Mahmud Roi de Malaca ) s'oppofe à la tra- hifon que le Roi veut faire à Siquéïra ,552. traite avec Albuquerque pour fe rendre à lui , & en eft empêché par un faux avis , 428. fe re- tranche fur le fleuve Miitr, 455. eft battu par Fernand Perez d'Andradequi admire fa manœuvre , 45 8. pourfuit

M M m m

TABLE

George d'Albuquerque après fon entreprife fur 1 Ifle de Biiitan jufques dans le port de Malaca , & y prend le brigantin de Gilles Simon , J96.

Lngoi ( la ville de ) féconde

l'Infant Don Henri dansfes

entrepnfes , 18,

Lamo ( Roi de ) évite fa ruine & celle de fa ville , en fe faifant tributaire du Portu- gal 155-

Z-^w^^ror, commande les Cara- velles de la ville de Lagos ,

18.

Lançarote ( Ifle des Canaries ) defcente qu'y font les pre- miers 2)e<ro«z'rtf«rjBifcayens,

19.

Lanchares , efpece de petit ba- teau, 551.

Z^r, Royaume fur la côte de Carmanie au voifinage d'Or- mus. Deux neveux du Roi de Lar défaits & tués en fe- courant Ormus contre les Portugais , 291.

Lafah , petit Royaume dans iTemen , 6o-j.

Lauriere ( Antoine de ) Reli- gieux de faint François laide pour Miffionnaire à Soco- tora, 264. Belle aftion par laquelle il fe fait rendre la liberté , & à tous les prifon- niers Portugais par le Roi deCambaïe, 45 i.

Lemos ( Antoine de) porte du fecours à la ForterelTe de rifle de Ceïlan, J99. bat les ennemis , ibid.

Lemos ( Edoiiard de ) fuccede à Don Georsje d'Aguiar dans le diftndl de la mer Rouge , 545. va fe préfenter devant Ormus , éc n'obtient pas tout ce qu'il iouhaitoit,//'/i^. revient à Socotora , ibid. Conduite d'Albuquerque à fon égard ,546. pallë dans les Indes, 5 99. Ses démê- lés avec Albuquerque, ibid. eft révoqué , & repafle en Portugal , ibid,

Lemos f Fernand Gomés dej attaque les Eléphants de Mahmud Roi de Malaca ,

417- V Enfant ( Jean) envoyé avec Diaz pour découvrir les Etats du Prêtre-Jean par l'Océan Atlantique , 51. Léon (George Nugnesde)tué à l'attaque de Benaftarin _,

477- Lima [ D. Jean de ) eft com- mandé par Albuquerque pour conduire les malades aux Iflesd'Anchedive, ^97, forcé de rélâcher, ibid. eft commandé de nouveau pour donner un coup d'ceil à Goa^ & le fait avec bravoure , 402. force le porte de l'at- taque où il avoir été en- voyé, 405. attendri parla blellure de fon frère &c par fon difcours , vole à fa ven- geance , 404. commande un corps de troupes à Ma- laca, & s'y fignale , 416, & fuiv, Lima ( Don Jérôme de ) com^

DES MATIERES.

manJé pour aller donner un coup d'œil à la ville de Goa s'en acquite avec bra- voure , 40Z. eft blelTé mor- tellement , 404. Son dif- cours à Ton frère digne d'un héros , ibid.

Lima ( Don Roderic de^ fub- ftitué à Edouard Galvan pour l'Ambaflàde d'Ethio- pie , 584. eft remis entre les mains du Barnagais & du Gouverneur d'Arquico par Diego Lopez de Siqucïra , 5S(Î.

LinJa , petit Etat au voifinage de Malaca,4iS. le Prince de Linda vallal de Mahmud Roi de Malaca , ayant ap- pris la prife de la ville , fe retire dans fes Etats , ibid.

Louis ( le Père ) Religieux de l'Ordre de faint François envoyé par Alphonfe d'Al- buquerque en Ambaffade auprès du Roi de Narfingue ,

574- M

M^cedo ( Emmanuel ) commande une cara- veil.; fous les ordres de Fer- nand de Beja , 607,

JUfacedo ( Nugno Fernand de ) lailfé avec une caravelle fous les ordres de Fernand de Beja , 6oj.

M'^chia.do ( Jean ) Portugais renégat , l'un des Profcrits d'Alvares Cabrai , paflTe aux Indes , & s'engige au vieux Idalcan qui lui donne une Compagnie de Rumes, 379.

envoyé par Idalcan le fils à Albuquerque pour négo- cier avec lui , ibid. Son zélé & fes propoficions (ufpedes à Albuquerque , 380. avis qu'il donne à ridalcan, 589. Sa converfion &c fi fauffe pieté envers fes enfans,443, le rend à Goa avec les pri- fonniers Portugais , 444. cè- de le Commandement à Fer- dinand deMontroi dans l'af- faire de Ponda , 541. Con- feil qu'il lui donne, ibid. Sa mort, 545.

J\4achines inventées par un In- génieur Arabe pour brûler les vailTeaux d'Edoiiard Pa- checo , 191.

AîaçHo. , Ifla de la mer Rouge fur la côte d'Ethiopie, 577. Siquéïra y convertit une mofquée en Eglife fous le nom de Notre-Dame de la Conception, 585.

Madagafcar{^ iflede Madagai- car ou de faint Laurent) par qui découverte , 2 j 4.Sa def. cription & mœurs de fes habitans , ibid. eft vifitée fans fuccès par Triftan d'A- cugna, i^j. par Jean Ser- ran, 398. par Pelage Sala,

44<î. Madère ( Ifle ) par qui décou,

verte , 10. Pourquoi ainlî nommée , ibid. affecftée à l'Ordre de Chrift,! 3. Sa fer- tilité, XT,. M-t(i^aia,y:o , ville de la côte du Zanguebar. InfultéeparVaH- co de Gama, 1 17.

M M m m ij

TABLE

Magellan ( Fernand de ) fauve les équipages de deux vaif- feaux Portugais qui péri- rent fur des batutes , 565.

JUahamed ( Tuam ) fe fignale dans le combat donné contre Pâté. Onus , 47 '

MAhmuà ( Aga ) confeille Mé- licSacà , lors de l'arrivée de Diego Lopez de Siquéïra devant Diu , dot,, comman- de les fuftes de Mélic Jaz , après la déclaration de la guerre, 611. coule à fond le vaiffeau de Pierre d'Ontel, & maltraite ceux de Fernand de BeJA & de Nugno Fernand de Macedo , ïhid. coule à fond le vaiffeau de Pierre de Sylva Menefes^ôi 3, conti- nue à donner de la peme aux Portugais , 614. com. bat avec Fernand de Beja , 614. revient au combat, Fernand de Beja eft tuéjhid,

Jidahmud ( Roi de Malaca ) re- çoit bien Diego Lopes de Siquéira , fe lailTe en-fuite gagner par les Maures , & lui fait une trahifon, 5J1. & fuiv, fe juftifie auprès d'Alphonfe d'Albuquerque, jette des propofitions de paix pour l'amufer , 411, ren- voyé Aravio & les prifon- niers , 414. fait connoître fa mauvaife foi , 41 5. fe dif- pofe à fe défendre fur les propofitions fiéres que lui fit Albuquerque , 414. eft bleffc dans la première atta- que de la ville, 417. arrive

trop tard à la féconde , 411. abandonne la ville , & fe retire chez le Roi de Pam fon gendre , 42.1. fe fortifie fur le fleuve Miiar , 417. en eft chalïé par les frères d' An- dradc,4i8. fe retire avec fon fils Aladin à l'Ifle de Bin- tan, en dépouille le Roi , & s'y fortifie, 454. le concerte avec Utemutis , enfuite avec Patequicir & avec Paté- Onus , 4J4. & fuiv, fait un effort pour enlever Malaca par une trahifon , 499. fait femblant de vouloir la paix , &tache de s'en rendre maître par une nouvelle furprife , 550. prend pour gendre Sul- tan Zeinal,& lui fournit des troupes pour l'aider à re- monter fur le Trône , & s'en faire un allié contre les Portugais, 591, Tentative inutile que fait George d'Al- buquerque pour le chaffer de Bintan, 59(5.

M-'^imane , Général d'une flote du Zamorin , battu à Cran- ganor , perd la vie avec deux de fes fils , 19S.

Malaca. , ville de la Prefqu'ifle du Gange , 350. prife par Albuquerque ,415. fortifiée par le même , 4x0.

Maie , capitale des Maldives donne fon nom aux autres mes, 55J.

Maldives , grouppe d'Ifle dans la mer des Indes , leur de- fcription , 551. Pourquoi aiufi nommées , 553.

DES MATIERES.

Roi des M^ddives , fait alliance avec Aiphonle d'Albuquer- que, 554-

Jidalvoijïe , plans de Malvoide portés dans l'Ifle Madère, ii. A^aiTiale , Maure de l'Indoftaii s'intitule Roi des Maldives, renonce à ce titre en con- fideration d'Alphonfe d'Aï- buquerque, 554.. s'en repent dégoûté par les Officiers en- vieux de ce grand homme,

ihid. A-îammellus , nom de la Milice des Soudans d'Egypte , 5/Î9. Empire des Mammellus dé- truit par Selim Empereur des Turcs , 555.

Jl^anufl , Oncle du R.oi de Con- go, Son Baptême , fa pieté & fon zélé pour la Religion, 56.57. A^annel Roi de Portugal, f^oye"^

Emmanuel, M.Arcos ( Prêtre Abyfïïn ) en- voyé de Rome au Roi de Portugal , renvoyé par le Roi en Ethiopie avec des Lettres , 50,

Mariages faits à Goa par Al- phonfe d'Albuquerque,407, Alarian ( Idole des Indiens ) qui a quelque rapport à la fainte Vierge tenant fon fils, & nom que les Maures don- nent à la fainte Vierge,io9. Aianine^^l Fernand ) interprè- te de Va fco de Gama , 81, Aixniriez. ( Simon ) comman- dé pour aller mettre le feu aux maifons dans l'attaque deMalaca, 41 S.

Alanaban , Port du Royaume de Pegu, 5 68.

Mafcaregnas ( George de ) vi-

fite divers ports de la Chine,

565.

Mafcaregnas ( Pedro de ) arri- ve aux Indes avec les provi- fions de Gouverneur de Co- chin, 47S. veut fuivre Al- phonfe d'Albuquerque au fîége de Benaftarin , ibid. s'y lignale ^ ihid. Deftiné au Gouvernement de Goa par Albuquerque , ibid. délivre D, Garcie de Norogna, ibid.

Mafcate , ville du Royaume d'Ormus, s'arme contre Al- buquerque malgré fon Gou- verneur,&: en^eil punie^iyi.

Mathématiciens du Roi Jean II, leurs efforts pour perfec- tionner la Navigation , &.' leurs découvertes , ji,

Matthieu ( Arménien ) Ambaf- fadeur de l'Empereur d'E- thiopie auprès du Roi de Portugal, 581. fait prifon- nier par le Tanadar de Da- bul,efl: délivré par Alphonfe d'Albuquerque, 58 1. Reçu avec honneur par ce Géné- ral, qui lui procure un em- barquement pour le Portu- gal , ibid. maltraité par les Portugais , 58z. reçu avec diftinétion par le Roi Don Emmanuel , ibid. renvoyé aux Indes avec un nouvel AmbafTadeur au nom du Roi de Portugal , ihid. s'embar- que fur la flote de Diego Lo- pez de Siquéira pour aller en

M Mm m iij

TABLE

Ethiopie, 584. demandé & reconnu par les Abyffins , 579. 584. va vificer le Mo- naftere de Jefus ou de la Vifion , 585. tient fon rang d'Ambarfadeur dans la con- férence du Gouverneur avec le Barnagais , thid. eft con- figné entre les mains du Bar- nagais & du Gouverneur d'Arquico avec lenouvelAm badadeur de Portugal , tbid.

i^/<î«r. Religieux de l'Ordre de faint François , & Supérieur du Monaftere du Mont Si- naï , fes terreurs lur les pro- jets- du Calyphe , 296. Ses Négociations en Europe fans fuccès ,198. & fuiv.

M^H'fes Se Mahomet ans répan- dus dans les Indes , leurs efforts pour perdre les Por- tugais & ruiner leur com- merce ,114. 6cc. 155. met- tent une flote en mer con- tre Pierre Alvares Cabrai , 13J. font battus par Jean de Nove ,156. Maures de Cochin. Difcours que leur fait Edouard Pacheco ^ & la crainte qu'il leur infpire ,

173; Jidaiire , Gurazate Sabandar à Malaca , change la volonté du Roi & de fon Mini- ftre contre les Portugais ^ 351. entre dans la con- juration du Bendara contre le Roi , eft obligé de s'en- fuir , 410. fc retire chez le Roi de Pacen , ibid. fe fau- ve pour aller à Malaca por-

ter la nouvelle de l'arrivée des Portugais , & mériter fa grâce , 41 1, eft rencontré &c attaqué par Albuquer- que , fe défend en homme defefperé , & eft tué ,411. Merveille arrivée à fa mort, ihid.

Maxelis (Tuam ) concerte avec Mahmud une trahilon pour le rendre maître de Mala- ca , 499. fe réfugie à Mala- ca comme transfuge _, eft bien reçu , & obtient une garde pour fa fureté , joo. tue le Fadeur , &: eft tué lui-même , ibid,

Medine , deftein d'Albuquer- que pour la détruire, 519.

Jidelindc , fa defcription , 90, Roi de Mélinde & le Prince reçoivent polimentVafcode Gama,9o,envoyent un Am- baflTadeur en Portugal , & le font tributaires de cette Couronne, 117. Roi de Mé- linde foûtient la guerre con- tre le Roi de Mombaze en faveur des Portugais , 117. engage Triftan d'Acu^na dans fa querelle contre les Rois d'Hoïa & deLamo,i5f ,

Mello ( Edoiiard de ) force le camp de Mahmud fur le fleu- ve Miiar , 532.

Mendoz^e ( Fernand de ) com- mande une galère dans une adion contre Aga- Mahmud, 61 3.

Miîlo ( Fernandez de ) fe fîgna- le à l'attaque de Goa, 403.

Mello ( François de ) envoyé à

DES MATIERES.

Malaca , 455. fe diftingue dans le combac concre Paté- Onus, 470.

Aiello ( George de ) mal iervi par la malice de fon Pilote , 311. fait bien fon devoir ,

MMo ( Martin de ) tué à l'at- taque de Benaftarin , 477.

Afello ( Ruy de } Gouverneur de Goa , profite de l'irrup- tion des Giues pour fe ren- dre maître des terres fermes du voifinage de Goa , 5SS. les perd peu après , 5S9.

Aienatque ( Indien ) fidelle à Albuquerque , lui rend de bons fervices , 384.

Menefes ( Don Alexis de ) ne peut fecourir Pierre de Me- nefes attaqué par Aga-Mah- mud, à caufe du calme_,6i 3, commande dans l'Indoftan dans l'abfence du Gouver- neur général , Gc6.

Menefes ( Alphonfe de ) en- voyé à Baticala pour y exi- ger le tribut , j<>i. obtient

ce qu'il veut à caufe de l'ar- rivée du Gouverneur géné- ral Diego Lopes de Siquéï- ra , jéi.

Mené f es ( Don Edoiiard de ) ar- rive aux Indes en qualité de Gouverneur , 6\6.

Menefei ( Don George de ) donne du fecours à André de Sofa maltraité par Aga- Mahmud, 614.. fe bat per- fonnellement contre l'Aga , & le fait fuir , '15- fe re- lire exticmement maltrai-

té j ibiel,

Menefei ( Henri ou Enrique neveu de Siquéïra ) laiiïé pour être Gouverneur de Chaiil , 614.

M^nefes ( Don Louis ) frère de Don Edoiiard , arrive aux Indes avec les provifions de Général de la mer, 615. Menefes (Pierre de 5^ylva ) cou- lé a fond par Aga-Mahmud, 613. Méque [ la ] deffein d'Alphon- fe d'Albuquerque pour la détruire , jii>.

MécjHe [ Cheq de la Méque ] s'entremêle pour accorder l'Emir Hocem , & Raix So- liman , ^ 5 3?. Merccir\ Cid- ] envoyé par le Roi de Narfingue fe laiiïe gagner par l'Idalcan qui le fait alTaflîner , 587. Meris [ la ] vaifleau du Soul- dan ou Calyphe d'Egypte pris par Vafco de Gama , 141. Aîerlao [ frère du Roi d'Onor] obtient d' Alphonfe d'Albu- querque la Surintendance des fermes de Goa , 40S. défait Pulatecan , 434. eft défait à fon tour par le mê- me, 43?. s'enfuit auprès du Roi de Narfingue , ibid. de- vient Roi d'Onor après la mort de fon frère, ibid, Afey-RoHgeJa defciiption^489. Alphonfe d'Albuquerque eft le premier qui y entre avec une flote , 451. Micant fait Roi de Quiloa , &

TABLE

eft dépofé , 153.

Mine ( S. George de la Mine ) Ville & Forterefle fur la cô- te d'Afrique , 51.

Mird , trahit Albuquerque après la reddition de Goa, 381. puni , 5S5.

Miranda ( Antoine de ) laiflé à Ceïlan pour Capitaine de Port, $60.

Mijfiomaires de l'Ordre de faint François envoyés aux Indes avec Pierre Alvares Cabrai ,

î II.

Mocritt Roi de Lafah , fe fai- fit des Ifles de Baharen & d'El-Catif j fon courage à les défendre , 607. & fuiv. eft bleiï'é , & meurt trois jours après, éio. Sa tête eft portée à Ormus le Roi en triom-

phe ,

ibid.

Molana owChçi At la Religion fauve l'héritier du Roi de Pacen dépoffedé , le con- duit dans l'Indoftan , & le rétablit par l'entremife des Portugais, 591.

Monibaz^e y fa defcription , 8<î. trahifon que !e Roi de Mom- baze fait à Vafco de Gama , ibid. Ce Roi molefte le Roi de Mélinde , 240. eft forcé de faite une paix fimulée avec les Portugais , 241.

Monde nouveau, long-tems in- connu , &: pourquoi , i.

Montroi ( Don Fernand de )

commande le parti que Don

Guttieres fon frère envoyé

yers Ponda, & eft battu ,

54Z,

Montrai ( Don Guttieres de ) va dans les Indes Gouver- neur de Goa , 539. expofe cette ville par une folle paf- fion , ibid. Ses démêlés avec Caldéïra , ibid. fait irruption fur les terres de l'idalcan avec un très- mauvais fuccès,

543. Montrai ( Jean de) attaqué par

quinze fuftes de Melic Jaz

les bat, J47.

Monz.aide , Maure Tunetain s'attache aux Portugais, 105. donne des bons confeils à Gama , & lui rend de grands fervices , ibid. retourne en Portugal avec Gama , & fe fait Chrétien , ii6-

Mareno ( Laurent ) combat en

faveur du Roi de Cochin ,

159. 19}.

Mafambique , fa defcription ,

82,

Çhei^ du Mofambique , fa tra- hifon envers Vafco de Ga- ma, 84. eft plus traitable à l'arrivée de Pierre Alvares Cabrai, 128.

MoHfon , terme pour fignifier les vents réglés , ïo^,

Mufaph, gendre d'Ifuph Cheq de Sofala, ennemi des Por- tugais caufe la guerre & la ruine des fiens, 24(3.

Mùar ,ûeuwe au voifinage de Malaca ^ fortifié par Mah- mud Roi dépoftedé de Ma- laca, 427,

Mythologie des Indiens. Son rapport avec la Mythologie

ancienne ,

5)9-

DES MATIERES.

N

NAhixnde ( Place de la Car- manie ) Alphonfe d'Al- buquerque y défait deux Sei- gneurs , Généraux d'Ifmael Roi de Perfe , 5 i<î.

N^hn Roi des AbylTîns ou Em- pereur d'Ethiopie peu favo- rable aux Portugais, 580,

Naires de Cochin s'en fuyent par la trahifon d'un Caïma- le parent du Roi de Cochin,

187. Naires ( Cafte des Nobles Indiens ) leurs mœurs leurs épreuves ,101. Naïres dé- voilés, 101. Naïres deCali- cut. Avantage qu'ils rem- portent fur le Maréchal ,

537.

jyr.wro. Port de la Chine , 565.

JSravigation des Anciens im- parfaite , I .

Navigation imparfaite au tems ' des découvertes , 7.

JSJaramnhin neveu & héritier du Roi de Cochin , défend l'entrée de l'ifle de Co- chin au Zamorin , 160. Sa bravoure , ibid. Sa mort & celle de fes deux neveux ^ 161.

îJarftngue ( Roi de ) fes Etats & les intérêts, 207. iij. Vengeance qu'il prend des Maures fes fujets qui fai- foient la contrebande, 20S. envoyé une célèbre Ambaf- fade au Viceroi Don Fran- çois d'Alméïda, zij. en re-

Tome L

çoit une de la part d'At- phonfe d' Albuquerque, 5 62. déclare la guerre à Tldai- can , & fait fa paix avec lui par la crainte des Portugais, 575, recommence la guerre en faveur des Portugais con- tre l'idalcan , 59-7. N^mbeadarin , neveu & héritier du Zamorin favorable aux Portugais , 154. SagefTe de fes remontrances , ibid. fait conclure la paix , 168. fuf- pend la détermination d'une nouvelle guerre , 170. Ses vains efForts pour entrer dans l'ifle de Cochin , 17S. & fuiv. Battu à Cran^;anor par Diego Soares d'Alva- renga , & enfuite par le Roi de Tanor , 199. s'entremet pour la paix & la traite avec D. Garcie Norogna, 4.8i.fuccede au veuxZamo- rin fon oncle , traite de nou- veau avec les Portugais , leur accorde un emplace- ment dans Calicut pour une Citadelle , & envoyé fes Ambafiadeurs en Portugal , 49e.

Natibeadora ( neveu de Tri- mumpara) fait Roi de Co- chin à fa place ,115. infta- avec pompe , ibid. fe re- connoît tributaire du Por- tugal , 6c permet qu'on con- ftruife une nouvelle Cita- delle , 217. maintenu con- tre fon aîné par Alphonfe d'Albiiquerque , 400.

Nègres d'Jfri^ue. Leur carac-

NNnn

TABLE

tere , 24. Leur commerce avec l'Europe avant le tems des découvertes , ihid. Leur étoiinement à l'arrivée des Portugais , ihid. Difficultés qu'on eut d'abord à lier commerce avec eux , 25.

NinacheiH , favorife les Portu- gais à Malaca,42 3. eft fait Bendara ou Chef des In- diens Gentils, 42 5. fe figna- le dans la bataille contre Paté-Onus ,471. eft dépofé de fon emploi par George d'Albuquerque , 505. fe brûle vif à la façon des Indiens Gymnofophiftes , fon difcours en cette occa- fion , ihid.

Ni^fmalnc , l'un des Tyrans qui s'élevèrent dans le Royaume deDecan, reçoit les Pottugais à Chaiil , fe fait tributaire ^ & paye le tribut à Don François d'Al- méida , 325. confent que les Portugais fadent un fort à Chaiil , & en prefle l'exé- cution, 612.

No^uera f Antoine de ) dépê- ché par Alphonfe d'Albu- querque à Edouard de Le- mos , rafraîchit le fort de Socotora , 346*

Noms ^ afFeftés aux terres nou- vellement découvertes , & ufage des Navigateurs pour les appliquer , 79. Divers noms donnés à cette occa- fion , ihid.

Non , Cap Non , pourquoi ainiî nommé , 7 .

Nor^idin ( Raix ) Miniftre du Roid'Orinus. Réponfe fiére que lui fait Albuquerqiie , 28 5. empoifonne le Roi Zeiphadin , & met Torun_ chaà fa place , 508. attire de Perfe fes neveux ^ ibid, Sujettion qu'il reçoit de l'un d'eux nommé Hamed, ibid. favorife Albuquerque pour fe tirer de la tyrannie de ce neveu , yio. eft forcé par Don Garcie de Norogna à livrer toute l'artillerie de la ville, 513.

Noradin ( fils de Raix Noradin) ingrat envers Albuquerque, & prêt à le tuer _, a le bras emporté, 289.

Norogna ( Don Alphonfe de ) fe diftingue à l'attaque du fort de Socotora , & tue Ibrahim qui y commandoit, 262. refte Gouverneur à Socotora , 264. pafle dans l'Inde , & périt dans un nau- frage allant prendre le Gou- vernement de Cananor , 3 94.

Norogna ( Don Antoine de ) défigné par Alphonfe d'Al- buquerque pour lui fucce- der , en cas de mort au fié- ge de Goa il l'avoit fuivi ^ 367. enlevé le fort de Pan- gin, 367. eft fait Gouver- neur de Goa , 373. fait met- tre mal à propos le feu à un magazin , & découvre par- la retraite des Portugais, 386. Commandé pour atta- quer Çufoiarin , eft blefTé mortellement dans le com-

DES MATIERES.

bat, J92. Sa mort & fou éloge, 5 94.

JSlorogna ( Don Garcie de ) ne- veu d'Alphonfed'Albuquer- que envoyé aux Indes com- mandant une flote avec les provifions de .Général delà mer dans l'Indoftan , 4S0. va à Cochin expédier les vailTeaux de la Cargaifon , ihid. Malmené à l'affaire de Benaftarin , eft délivré par Pedro- Mafcaregnas , 478. traite de la paix avec Nau- beadarin , 48 1 . Enlevé l'ar- tillerie du Palais & de la ville d'Ormus , 51}. conduic à Goa les Princes aveuglés d'Ormus ,514. efluye beau- coup de mauvaifes maniè- res de la part de Lope Soa- rez d'Albergaria avant fon départ pour le Portugal, 516.

Z^ove ( Jean de ) part pour les Indes, 134, découvre l'Ifle de la Conception , & donne fon nom à une autre ,155. remporte une belle vifioire

. fur le Zamorin , ijô. re- tourne en Portugal , & dé- couvre rifle de fainte Hé- lène, i}7.

X^ove ( Ifle de Jean de Nove )

Nugnes ( Pierre ) envoyé aux

Indes en qualité d'kitendant^

palîe fur la flote de George

d'Albuquerque , ^74.

O

Orém Atlamicjue , Ifles de i'Océan Atlantique con- nues par lesAnciens fous di-

vers noms , inconnues juf- qu'au quatorzième fiécle,i5).

Officier Efpitgnol d'un grand nom , mais d'efprit foible commandant un vaifleau Portugais , rélâche au Brefil , & (e fait forban , 575.

0)wr. Ville & Royaume de l'Indoftan, Roi d'Onor cher- che à furprendre Vafco de Gama à fon premier voya- ge , 109. Inquiet de l'éta- bliflTement que les Portugais font à Anchedive, 207. trai- te avec Alméïda par la mé- diation de fes Mmiftres , ibid. Intérêts de ce Prince , ibid. Incident qui trouble la paix, iio. renoue avec Al- méïda par l'entremife de Timoja , 211.

OriHs. Voyez PatéOnus.

Ormus [Ifle, Ville & Royaume du Golphe Perfique] fa def- cription, 269. attaquée par Albuquerque, 275. faite tri- butaire par le même,28o.Ci- tadelle commencée, 281. fe fouleve, 287. attaquée de nouveau en vain , ibiâ. prife & foumife par Albuquer- que, 508. & fitiv.

Orpha^an , ville du Roi d'Or- mus, pillée 6c brûlée par Al- phonfe d'Albuquerque, 27 2.

Omel ( Pierre d' ) croife fur les

côtes de Diu , C>oj. eft coulé

à fond par Aga-Mahmud ,

P 611.

Py^««, Royaume de l'Ifle de Sumatra. Roi de Pa- cen accorde à Diego Lopes

N N n n ij

TABLE

deSiqucïrala permiflîon de planter un poteau dans fes Etats ^ reçoit bien Alphon- fe d'Albuquerque, mais fous main fait fauver l'ancien Sa- bandar de Malaca qu'il ren- voyé à Mahmud pour lui donner avis de l'arrivée des Portugais, 411.

Roi dePucen pille la Factorerie des Portugais , jyi. Emma- nuel Pacheco envoyé pour l'en punir , Je contraint à demander la paix , 572.

Pacerr , Pupille fils d'un Roi de Pacen dépoii'llé , efl: rétabli par George d'Albuquerque,

591.

Tacheco { Antoine) Général de la mer à Malaca , prétend fucceder à George de Britto dans le Gouvernement de cette ville , 545. eft fait pri- fonnier par fon Compéti- teur, 546. délivré par Don Alexis de Menefes , jyo.

Tacheco ( Chnitophle) fa mort,

458. Tacheco(^io\iità) pafle aux In- des avec Pierre Alvarez Ca. bral_,& s'y difl:ingue,i64. y revient avec Alphonfe d'Al- buquerque , ihid. fauve la vie à Alphonfe , i&j, eft laifTé aux Indes pour défen- dre le Roi deCochin , lyi. Sa conduite à l'égard du Roi & des Maures de Co- chin , 172. Ses vidoires contre le Zamorin , i-j^,& fiiiv, repalfe en Portugal , 103^ Honneurs qu'il y re-

çoit, ihid. mal récompenfé de fes lervices, 204.

Pachsco ( Emmanuel ) envoyé par Garcie de Sa contre les Rois d'Achen & de Pacen , 570. Belle aûion de cinq perfonnes de fon équipage attaquées dans fa chaloupe ,

Padoué ( Battures de ) Hauts- fonds ainli nommés fur la côte du Malabar, l'^l-

Paiva ( Alphonfe de ) envoyé pour découvrir les Etats du Prêtre- Jean , fa mort , 4S.

49.

Pdiva ( Gafpar de ) eft fait Caftellan major de Goa par Alphonfe d'Albuquerque ,

375-

Paiva ( Gafpar de ) comman- dé pour aller mettre le feu aux maifons dans l'attaque de Malaca, 418.

Paix ( Aiguade de la bonne Paix) So.

P ail gnard (Gué de) 184.

Palipon ( Gué de ) 198.

Palun ( Gué de ) 1 84.

Pam , petit Royaume feuda- taire de celui de Malaca , 4.12. fils du Roi de Pam, gendre de Mahmud confeille la guerre contre les Portu- gais , ihid. défend fa ville, 412. fe fait vaiïal de Por- tugal, JJO.

Panane , ville & maifon de plaifance du Zamorin brû- lée par Don François d'AL méïda, 265.

Pan^A Aquitimo Prince de

DES MATIERES.

Congo ennemi des Chré- tiens , vaincu par fon frère, Gn-.Sa mort j 65.

Pandarane , vidoire gagnée à Pandarane Tur les vaifleaux Maures par Lopcs Soares d'Alvarehga, . 101.

Vangin ( fort de) dans Tlflede Goa, emporté par Don An- toine de Norogna, ^70. ré- tabli par Albuquerque, 375. pris & renforcé de nouveau par l'Idalcan , 5b'9. repris encore par Albuquerque , ihid. repris une troifiéme fois par le même,* 402.

Tmthere envoyée au Pape par le Roi Don Emmanuel ,

Panteja ( François ) refufe de fucceder à Rabelo dans le Gouvernement de Goa ^ 450. veut revenir, mais en va m , ibid.

Pantojfa (François) dépêché par Alph. d'Albuquerque vers Edouard de Lemos , ^^6.

Parabrama , Dieu des Indiens ,

98.

Pai-ao , efpece de bateau , 1 60.

P<?>-;.M(Cafte des Indiens ) 103.

Paté-Onns , arme une flote contre Malaca , 464. Def- cription de cette flote , 46 ç. battu par les Portugais, Defyiptionde cette aftion, 46S.

Pateqiiitir-j efl: fait Sabandar de Malaca a la place d'Utemu- tis , 45 }. fe joint à la veuve d'Utcmutis pour la venger , & époulc fa fille,j^/V.brûle le

quartier des Quittins & des Chatins , ibid. levé le mal- que , ôi infulte Malaca , 45 5 . eft forcé deux fois dans les retranchemens , & fe fauve dans l'ifie de Jave , 44J.462.

Pateijuitir ( fils de Patequitir ) prifonnier dans un jonc , fe iauve, 461.

Pa-!.z.agne ( Manuel ) établi Gouverneur de laForterefle d'Anchedive ,112. s'y dé- fend contre les troupes du Zabaie commandées par un renégat Portugais , 217. Son fentiment fur la dit, pofition de l'attaque de Ca- licut , 334. Confeil qu'il donne au Maréchal ^ 337. eft tué en le défendant, 3 3 8. Mort de fes enfans ^ 334.

Pedir-, Royaume de l'Ifle de Sumatra. Roi de Pedir ac- corde à Diego Lopes de Si- quéïra l'agrément de plan- ter un poteau far fes ter- res, 350. Intimidé par Al- buquerque , lui renvoyé quelques Portugais qui a- voient été arrêtés à Malaca^ 410.

Pedre ( Don Pedre ) Prince de Portugal Régent du Royau- me «Se frère de l'Infant Don Henri, anime les découver- tes par les conccfîions qu'il lui fait , 14. Malheur de ce Prince,& fa fin tr,igique,27.

Peréïra ( Diego Fernand ) dé- couvre rifle de Socotora ,, 240^

NNnniij

TABLE

Pere'ira { Gafpard ) Secrétaire des Indes, Propofition qu'il fait à Albuquerque de la part du Maréchal, j 50. Son caractère , 494. Etant paflé à la Cour de Portugal , y rend de mauvais fervices à Alphonfe d'A'.buquerque , ibid. retourne dans les Indes avec ordre auGouverneur de reftituer Goa à l'Idalcan , 49 5 .Continue à cabaler con- tre le Gouverneur , ibid, eft convamcu par Albuquerque de fes mauvaifes intrigues ,

497.

Pereira { George de Mello ) pafTe aux Indes comman- dant uneefcadre, 45 1-

Perdra ( Nugnes Vaz ) fait Gouverneur de Sofala, 151. paflTe à Quiloa , y rétablit le commerce , & fait recon- noître Hocem pour Roi ,

/'fwV4(Nugno Vaz) comman- de l'avant-garde de la flote Portugaife devant Diu con- tre l'Émir Hocem , jii. faute dans le vaifleau de l'Emir , 3 12.. eft bledé à la gorge , ibid. Sa mort , ibid.

Perdra (N usinez Vaz) nom- mé par George de Britto pour lui lucceder dans le Gouvernement de Malaca, 54^. eft troublé par les pré- tentions d'Antoine Pacheco, ibid. le fait prifonnier par îrahilon , Ç46. meurt , 549.

Perefirelie { Barthelemi ) l'un d.es X)écoHvrciirs de l'ija-

fant , 10;

Pères ( Thomas ) Ambaffadeur versl'Empereui de laChine, j65.eft conduit à Pékin avec de grands honneurs , 567. meurt dans les prifons de Canton , ^6j,

Perfonne ( Alphonfe ) conduit par terre un détachement contre Patequitir, & arrive trop tard , 45^.

Perfonne ( Pierre ) Fadeur de Malaca aflaflinéjfa préfence d'efprit en ce moment fau- ve la place , 500.

Peflana (François Pereïra ) trai- te mai l'Ambafladeur Mat- thieu , eft mis aux fers, Se traduit dans les prifons de Lift)onne , 581.

Pilotes perfides du Mofambi- que cherchent à faire périr Vafco de Gama, 84. & fuiv.

Pilote de George de Mello le fait fortir de ligne par ma- lice , 5ZI.

Pilotes de Diego Mendes de

Vafconcellos, condamnés à

mort , deux font exécutés ,

les autres ont leur grâce ,

409,

Portug.îl , fituation du Portu- gal au tems de la découver- te du nouveau Monde , 4,

Porto Securo , premier port du Brefil toucha Pierre Al- vares Cabrai, iij.

Poteaux établis pour prendre poftefllon des terres nouvel- lement découvertes , 31.

Prêtre-Jear?, idée confufe qu'on avou de ce Prince j 45. Ewî»

DES MATIERES.

preflement du Roi Jean IL pour le découvrir , ibid. Notices qu'on avoïc de fes Etats , 46.

frifonniers Portugais à la Cour de Cambaïe comment déli- vrés, 4JZ.

Fuijfanccs d'Europe juftifiées contre les calomnies de quelques Auteurs, zpy.

lulatécan. Général de l'Idal- can, vient à Goa pour la reprendre, 37;^. tente d'a- bord la voye de la Négo- ciation , J79. force le paf- fage de l'Ifle , 5 8 5. Forcé dans fon camp par Albu- querque , rentre dans Goa^ 590. revient fur Goa dans l'abfence du Général, 454. bat Merlao & Timoja,435. efl: battu par Rabelo Gou- verneur de la place , & court un grand rifque de fa per- fonne,457. fe remet de fes pertes, & continue à prelfer la ville, 439. eft re- levé par l'Idalcan , contre - lequel il fe fouleve , 439. Batru par Diego Mendez de Vafconcellos & par Ro- ftomocan joints enfemble , fe retire vers l'Idalcan qui le fait empoifonner , 440.

CL

QVexiomé , Ifle au voifina- ge dOrmus , infultée pat Alphonfe d'Albuquerque ,

291. Qucmada ( G on cales ) fe fait

tuer pour fauver la vie à Alphonfe d'Albuquerq-je

339- QuiloA , ville & Royaume de

la côte cie Zanguebar , S(j,

Fort bâti à Quiloa , & en-

ihite détruit , 14.2.

J^</'r/>, Voy ;z Patetjuitir,

Quitins , leur quartier brûlé

par Patequicir, 43 j.

RAbello ( Roderic ) com- mandé pour brûler les bacimens qui étoient fur les chantiers, à l'affaire de Ca- licut,3 57. apporte du fe- cours aux fuyards , 340,

Rachol , ForterefTe dans les ter- res de l'Idalcan , allîcgée par le Roi de Narfingue , 587. prife par le même , ibid, re- prise par l'Idalcan , 589.

^4W<î , Cap de Rama , /07..

Rangel ( Simon ) exil? <-le Co- chin par cs\-^-^ qui y com- mandoie»' à caufe de fa prob'«^ & de fa liberté à re- prendre leurs vices , 450.. eft fait efclave par les Mau- res , Se conduit à Aden ,

ibi'.L

Raphaël ( Côte de S. ) VailTeau le S. Raphaël échoué fur la côte de Mombaze ,

Raphaël ( Diego ) commande une Caravelle au pas de Pa- lurt, 189. fait tirer fur le Zamorin , ibid.

Rapofo ^ Louis ) fa mort glo- rieufe, J9î«-

TABLE

Radin , nom du Chef de la Re- ligion au Royaume de Pe- gu, 568. jure le traité d'al- liance avec Antoine Correa , 569.

Ravafco ( Ruy Laurent ) fait tributaire le Roi de Zanzi- bar, . 240,

Real ( Antoine ) écrit en Cour contre Albuquerqueàla fol- licitation de Gafpard Peréi- ra,497.eft furpris& convain- cu de fes calomnies , 497.

Rebandar ( Pointe de Reben- dar ) placée à l'entrée de la barre de Goa, 387.

Relighux de faint Dominique Miffionnaires au Royaume de Congo , leurs fuccès ,

Repelin ( Caïmale de ) ennemi perfonnel du Roi deCochin détermine le Zamorin à la guerre contre ce Prince , »î4. voit fes terres de Re- peliu ravagées par les Al- buquerqu>.; ig^. 167. Caï- male de Repeiin combat en faveur du Z^imorui ^ &:tente plufieurs fois d'entrer dans rifle deCochin,! 79, (^yi«/z/. abandonne le Zamorin ,

•94- Retjuête préfentée à Alphonfe

d'Albuquerque , mépris

qu'il en fait, 484. Porte de

la Requête, ihid.

Rinocerot envoyé au Pape par le Roi Don Manuel meurt fur les côtes de Gennes , 513.

Rivière d'Or , par qui décou- v.erte , j 8,

Rodrigués ( le Père ) Religieux Dominiquain Mifllonnaire à Coulan , 169.

RodrigHés ( Hefbor ) envoyé à Coulan pour y bâtir une Fortereiîë , y réuflit avec adreiïe & avec peine, ^6i,

Rodrignés ( Sebaftien ) s'expo- fe pour aller chercher des vivres , afin de ravitailler Goa, 44y.

Rofalgate , Cap de l'Arabie commence le Royaume d'Ormus , i6çf.

Routren , Dieu des Indiens , 9S,

Rumes^ nom donné dans les In- des aux Mahometans d'Eu-

rope

302.

SA ( Antoine de ) Fadleur de Coulan Ton avarice & fon imprudence, eau fes de fa mort , z6S. & fuiv.

Sa ( Chriftophle de ) conduit une efcadre pour croifer fur les côtes de Dabul & de Diu,

Sa ( Garcie de Sa ) va à Ma- laca pour les intérêts du Gouverneur général , prerid le Gouvernement de la ville, 570.cha(re Mahmud de fon pofte du fleuve Miiar , ihid, envoyé Pacheco contre les Rois d'Achen & de Pacen , idid.

Saba'ie ou Zabdie. Voyez Idal- lan.

Sabandar de Goa , trahit Albu-

querque,& envoyé îous les

petits

DES MATIERES.

petits bateaux vers les en- nemis , 3S4. Sa punition ,

ibid. £aca (Mélic)fîls de Mclic Jaz^ joue habilement Diego Lo- pes de Siqucira qui lui de- mandoit l'agrément pour bâtir une ForterefTe à Diu ,

Sddagne ( Aiguade de) célèbre par la fin tragique de Don François d'Alméïda & de onze Capitaines de fa iuite,

Sddagne ( Antoine de ) croife fur les côtes de l'Arabie , 1^2. 549. 5(îi.

Sampdio^ Lopes Vaz de Sam- païo , ou de faint Pelage, fe îîgnale au fiége de Bena- ftarin , 477.

Sauterelles , jettées par hazard dans la ForterefTe de Cana- iioî , y fervent de nourri- ture & de remède , 2; 7.

Scorbut^ Si.

Selim, Empereur des Turcs, fa vidoire contre Campfon Soudan d'Egypte, 532. dé- truit l'Empire des Mamélus, 553. Rai'X Soliman fait dé- clarer la ville de Giddapour lui , ibid.

Sénégal , fleuve d'Afrique, 37.

Seraph ( Miniftre du Roi d'Or- mus ) accompagne Antoine Correa à l'expédition de Ba- harcn , 608. fe comporte mal dans l'aftion , 610. fe met à la fuite des fuyards , & rapporte la tête de Mo- crin , rhid.

Tome L

Sépultures des Rois anciens trouvées à Malaca , 42 ^.

Siam, Royaume de l'Inde dans la Peninfule au-delà du Gange. Roi de Siam féli- cite Albuquerque fur la pri- fe de Malaca , 429. Am- balTadeurs qu'Alljuquerque lui envoyé , ibid.

Sierre Lymiue ( Cap de ) par qui découvert, 16.

Simon ( Gilles ) attaqué par Laczamana dans le port de Malaca perd fon brigantin & la vie , 59(3.

Simra ( Gonzalve de ) l'un des Découvreurs de l'Infant , iS.

Smiuéira ( Diego Lopes de ) de- ftiné par le Roi pour faire un ctabliiTement à Malaca , 347. Reconnoît l'Ifle de Madagafcar ', ibid. aborde à Cochin , 34S. découvre les iHes de Nicobar & de Sumatra , zï'/y. fait alliance avec les Rois de Pacen Se de Pedir ,350. arrive à Ma- laca, ibid. traite avec le Roi, &établit une Factorerie, :; ^ i. Trahifon qui lui eft faite à la foUicitation des Mau- res j 3J2. eft averti de fe défier par des Capitaines de vaideaux Chinois , & en- fuite par une femme Per- fane, 3^3. Son aveugle fe- curité , 3 54. eft attaque , Çc danger qu'il courut, 355. fe retire , n'ofe revenir dans les Indes , & retourne en Portugal 358. revient Gou- verneur des Indes , j^o,

OOoo

TABLE

arrive à Cochin , & fait di- veries expéditions , ibid. pafle avec une flote dans la mer Rouge , 575. Ne pou- vant aller à Gidda, il tour- ne fur l'Ifle de Maçua, 577. reçoit des Lettres du Gou- verneur d'Arquico , ibid. traite avec le Barnagais , & lui remet l'AmbalIadeur Matthieu & l'AmbalIadeur du Roi de Portugal, 5S5. va hyverner à Ormus^ jS6. fe préfente à Diu avec une flote, & eft la dupe des ar- tifices de Mélic Jaz & de Saca fon fils, 601. & Jniv. revient à Ormus , 607. de- là dans les Indes il trou- ve la guerre déclarée avec Mélic Jaz , 611. aborde à Chaijl , & s'y trouve prelTé par les fuftes du Mélic, 61 3. retourne à Cochin , & de- là en Portugal , 6\6. Soar ^y'xWt du Roi d'Ormus fe foumet à Albuquerque ,

27i. Soarez. ( Ruy ) belle ailion qu'il fait à Diu dans le com- bat contre l'Emir Hocem ,

3^4- Socotora ( Ifle de ) par qui dé- couverte , 240. Sa defcrip- tion ,259. crue la diofco- ride des anciens , ibid. Mœurs & Religion de Tes habitans , 160. foumife aux Fartaques , ibid. Fort de So- cotora pris par Triftan d'A- €ugna, x6i. Détruit par Al- phonfe d'Albuquerç[ue,44(J,

S oldats Portugais défertenrs pris & brûlés à Ormus avec le bateau dans lequel ils a- voient déferté, 514.

Soldre ( Vincent de ) conduit une efcadre aux Indes au fécond voyage de Vafco de Gama ,159. refufe lâ- chement de fecourir le Roi de Cochin & les Portugais 1^6. Son naufrage & celui de fon frère aux Ifles de Curia Muria, 1 57.

Soliman ( Raix ) Corfaire com- mande la féconde flote que le Calyphe envoyé aux In- des, 550. tente inutilement la ville d'Aden ,' 531. em.. porte la ville de Zeibit , ibid. Ses démêlés avec l'E, mit Hocem , 533. le fait mourir , & fe déclare pour Sultan Selim , ibid.

Sofa ( Chriftophle de ) com- mande une efcadre pour croifer fur les côtes de Diu & de Dabul , 56 i . perd deux de fes vaiflèaux , 562.

Sofa ( Garcie de ) commande au Pas de Benaftarin , 378. repalTe aux Indes comman- dant une efcadre , 451, croife vers Dabul , 480. ire- tire l'AmbalTadeur Matthieiï des mains du Tanadar de Dabul , 483. fe fignale à l'attaque d'Aden , dont il devoit être Gouverneur , 4S7. y eft tué , 488.

Sofa ( Manuel de ) eft fait Gouverneur de la Citadelle de Goa , 4J3. Son nau-

DES MATIERES.

frage , 57}.

Sofa ( Pelage de ] efforts inuti- les qu'il fait avec Diego Pe- rez pour fauver le vallFeau de Laurent d'Almcïda , 508,

Sofa (Roderic ) fuccede à Ion oncle Gonfalve dans l'Am- ballade auprès du Roi de Congo, 5 (î. Son entrée dans cette Cour , 58.

Sudamicin ( Raïa ) attaque la chaloupe d'Emmanuel Pa- checo , fon courage , fa mort, 571.

Shmatra ( Ifle ) fa defcription , 345^. crue la Taprobane des anciens, 550. découverte par Diego Lopes de Siquéï- ra , ihid.

Suez. , ville à l'extrémité de la mer Rouge du côté du Nord, 490. Crue l'Afiongaberd'oii partoient les flotes de Salo- mon, 489.

Sylva ( Arias de ) commande un vailTeau da«s le Canal de la rivière au pas de Be-

iiaftarin , pour défendre le paiïage à Pulatecan , 578.

Sylva ( Laurent de ) comman- dé par Alphonfe d'Albu- querque pour porter une pièce d'artillerie fur une éminence, 2 8 S.

Sylvêira ( George ) abandonne Albuquerque , & va à Co- chin fans ordre , 378. refufe de retourner , en étant prié par Albuquerque, 3S4.

Sylvêira [ Don Jean de ) en- voyé aux Maldives par Lo-

pes Soarez d'Albergaria , .551. fait un établillément aux Maldives, 5 j j. donne la challe àAlle-Can,/^/^. prend deux navires de Bengale , ibid. va à Chatigan dans le Royaume de Bengale , y efl: mal reçu , &c pourquoi , 556. Sa mauvaite conduite à l'égard de Jean Coello, ihid. échappe à une conju- ration que les Indiens de Bengale avoient faite contre lui, ibid. fe rend à l'Ifle de Ceilan il devoit con- ftruire un fort , dont il de- voit être fait Gouverneur ,

Sylvéïra ( Nugno Vaz de ) dé- pêché à Alphonfe d'Albu- querque par Edouard de Lemos, fe trouve à l'affure de Calicut, s'y fignale^Sc y efttué, 338.

Tylman , Ifle & port de la Chine, 555.

21«w^(^<îr, perfidie du Tanadar ou Fermier des Doiianes de rindoftan dans la terre fer- me des environs de Goa, 588. Punition de cette per- fidie, 589.

Tanor ( Roi de ) piqué contre le Zamorin , & pourquoi , 199. Sa vengeance, ihid,

Tavora ( François de ) fe fi- gnale dans l'attaque de la flote de l'Emir Hocem de- vant Diu , 515.

O O o o ij

TABLE

Texeira ( Blaife ) envoyé vers le Roi d'Onor , ^(îz.

Texeira ( Jérôme ) accompa- gne Albiiquerque à l'entre- prife de Goa , 370. Albu- querque ôte à cet homme furieux le commandement de Ton vaiffeau , & le lui rend peu après , J76. con- tinue à brouiller & à fou- lever les efprits contre le Général , 37S. Albuquerque s'en délivre en lui accor- dant la permiiïîon d'aller à Cochin , /i/X Rappelle par ce Général , il refufe de lui obéir , 384. fait tout ce qu'il peut pour faire é- choiiet l'entreprife de Goa, 401. tache de débaucher Vafconcellos, & le calom- nie auprès d'Al'buquerque , fouleve les troupes , & re- tourne en Portugal ^ /W.

Tiç'iiarin , nom de 1 Ifle eft fituée la ville de Goa, 567.

Ttmoja , Amiral du Roi d'O- nor , tache de furprendre la flote de Vafco de Gama , 209. cherche à faire allian- ce avec les Portugais ^210. Contretems arrive pour lors , ihid. fait fon traité avec Don François d'Alméï- da,zi2. s'attache à Albu- querque^ iGx. vas le join- dre pourrentr'prife de Goa^ fon difcours à ce fujet , 3 64. Services qu'il rendit, i,(i6, &' fuiv. Ses prétentions après la prife de la ville &

les inquiétudes , ^-jG. Soup-

çon d'Albuquerque & ha- bileté de ce Général pour le fixer , 380. époufe la fille de la Reine de Gozom- pa j 402. abandonne fon époufe , pour fe trouver à la prife de Goa , &: arrive trop tard , 406. combat contre un Oflicier de l'Idalcan , 454. Sa mort, 435.

Tones , efpece de bateaux des Indiens, 192.

Toro [ Henri de ] infulté par Caldéiia qu'il avoit offenfé,

540.

Torombac , pofte dans l'Ifle as Gerun étoient des puits , aflion , qui s'y donne , 288.

Torim-Cha ( Roi d'Grmus J mis fur le Trône par Raix Noradin , 508. a l'obliga- tion à Alphonfe d'Albu- querque de l'avoir délivré du perfide Hansed , jio, paroît content de ce Géné- ral ^ y 14. l'envoyé vifiter à fon départ j 515. perd Ba- haren & Catife 607. a re- cours au Général Portugais , & les recouvre par fon moyen , 608. & fxi'V.

Tivar ( Sanche de ) accompa- gne Cabrai aux Indes, r20. perd fon vailléau ^ 1 34. dé- couvre la côte de Sofala,fain alliance avec le Cheq , &c retourne à Lifbonne , ibid.

ToHrmente^^ Cap Tourmente ou de Bonne - Efperance , par qui découvert , pourquoi ainfi nommé , 52.55»

Transfuges Portugais comment

DES MATIERES.

punis par Albuqiierque,479.

Tf'imitmpara , Roi de Coclun , fait alliance avec les Portu- gais ^ 151. la ratifie avec Vafco de Gama ,145. refi- fte aux prières , aux mena- ces du Zamorin & aux fol- licications des fiens , rjo. i5 5.eft abandonné par Vin- cent de Soldre , 156. perd fon neveu &: deux de fes pe- tits neveux ,161. eft clialTé de fes Etats , ihid. fecouru , & rétabli par les Albuquer- ques ,163. leur permet de bâtir une Citadelle à Co- chin , 165. en eft abandon- né, 171. foutient* une nou- velle guerre contre le Za- morin , &c eft défendu par Edoiiard Pacheco , 204. & fuir. Sa retraite & preuve de la conftante affection qu'il donne aux Portugais en cette occalîon , z 1 4.

Tr/Ji'V! ( Nuo;no ) découvre jufques au Cap Blanc, 14.

V Alpin ( Ifle de ) ferï de refuge au Roi de Co- chin , 161.

Vtufcoticellos ( Diego Mendes de ) arrivé de Portugal avec une flote 397. eft deftiné par le Roi pour aller à Malaca , ibid. eft calomnié auprès d'Albuquerque , mis aux arrêts, & délivré, 40Î. fe (ignale à la prife de Goa, &a:ou£ l'honneur de cette

journée , 407. Ses démêlés avec Albuquerque j4oS. fs fauve ^ eft arrêté & con- damné à êtrfe renvoyé en Portugal & à tenir prifon, jufque au départ , 409. Tiré de prifon pour être fait Gouverneur de Malaca par intérim , 438. eft la du- pe de Roftomocan , & fou- tient le fiege de Goa contre lui^ 439. eft relevé &: ren- voyé en Portugal par Al- buquerque , 451. eft ren- voyé par le Roi aux Indes pour être Gouverneur de Cochin _, 518.

yafconcellos [ Edoiiard Mendez de ] mauvais conieil qu'il donne à George d'Alba- querque, , J"^

Va\^ ( Diego ) envayé vers

Sultan Zeïnal , lui perd le

refpecl _, & eft maftacré par

les Courtifans de ce Prince,

592.

Vaz. [ Triftan ] découvre Tlfie de Porto Santo , 10. en- fuite celle de Madère , ibid. Y obtient une Capitai- nerie, II.

Vedain [ Livre de la Religion des Brachmanes ] fon anti- quité, Ç)Ç).

Vellofo [ Femand ] foldat de l'équipage de Valco de Gama. Terreur panique dont il eft faifi dans une bourgade de Nègres , 77, expofe par -là les fiens à être défaits , ibid.

Vents réglés en certains- Pa-

O Ooo ii}

TABLE

rages, 78.

f^ichfioH , Dieu des Indiens ,

98.

Vtcmutis [ Raïa ] Chef des Ja- ves à Malaca, fon crédit, 351. eft contraire aux Por- tuî^ais , ihid. s'attache a Al- buquerque , 411. eft fait Sabandar de Malaca ,41^. Sa trahifon , 430, Son fup- plice , 43 z.

Vterr.utis [ le fils d' ] chargé de poignarder Diego Lopes de Siquéïra , n'ofe exécuter fon projet j 355. eft puni avec fon père, 451.

ZAfa.Ain , Gouverneur de Calajate fe défend avec fuccès contre George d'Albuquerque qui vouloir le faire prilonnier, 575. Zafaradin, défait par Alphon- fe d'Albuquerque , 315, Zdire ^ fleuve d'Afrique ,

53-

Zambefe , fleuve , 144.

Zamorin . ou Empereur de Ca- licut,97. donne audience à Vafco de Gama, 106. Son portrait, 110. fe laiffè ga- gner parles Maures, 114. écrit au Roi de Portugal , 1 1(5. donne audience à Pierre Alvarez Cabrai , & lui accorde une Fadtorerie , Ï17. 119. lui fait une tra- hifon , & en eft puni, 1 1<). & fuiv. Trahifon qu'il fait à Vafco de Gama , 1^6.

écrit au Roi de Cochin pour le retirer de l'alliance des Portugais , 150. lui déclare la guerre après un grand Co-nfeil tenu fur ce fujet , 155. entre vidtorieux dans Cochin, 161. en eft chaf- par les Albuquerques , 164. fait la paix avec eux , 168. recommence la guerre avec raiion , 169. Détail de cette guerre , 176. & fuiv. eft confterné de fes mauvais fuccès , iùid. a re- cours à la trahifon & au poifon, 189. fait des tenta- tives pour la paix , 190. fe retire* Calicut , 194. re- nonce à l'Empire , & re- prend les rennes du Gou- vernement à la foUicitation de fa mère, 195. envoyé au- devant de Lope Soarez d'Alvarenga pour traiter de la paix, fans fuccès, 196. eft défait par le Roi de Ta- nor 199. met une flote en mer contre les Portugais , laquelle eft battue par Don Laurent d'Alméïda , 213. Don François d'Alméida lui brûle une autre flote à Panane, 165. Don François Coutinho & Alphonfe d'Al- buquerque vont ravager Calicut dans fon abfence , 3 3 1. Indignation qu'il en conçut , & dommage qu'il en reçut , 340,

Z anguebar ,Cott d'Afrique ,

140.

ZanXjbar [ Ifle fur la côte de

DES MATIERES.

Zanguebar ] fon Roi fait tributaire de Portugal , 240.

Zarco ( Jean Gonzales ) décou- vre i'ifle de Porto Santo & l'Ifle Madère, obtient une Capitainerie dans cetce der- nière , 9. cr fuiv.

Zètbh [ Ville d'Arabie ] em- portée par Raix Soliman ,

Zeifadin II. ( Roi d'Ormus ) fe fait tributaire du Portu- gal , 279. fe fouleve contre Albuquerque, 286. Sa mort, 508.

Zeinal [ Sultan ] Roi de Pa- cen , fe bat contre Alphonfe

d'Albuquerque , Se fe don- ne en fuite à lui fans y ctre forcé, 5 Se?, palfe deux fois du camp d'Albuquerque dans celui de Mahmud^ & pourquoi, 590. eft faitgen- dre de Mahmud , & rentre dans fes Etats , 591. re- cherche les Portugais, 591. propofitions qu'il fait à George d'Albuquerque,592. efl: attaqué , fe défend avec courage , &■ meurt en com- battant , ihU, Zones. Erreur populaire fur celles qu'on croyoit inha- bitées , 8,

Fin de U Table des Matières du I. Tome,

I

'jmrm:

t^tlt^itttt^ttt

Çi«l?

é^k%

mmt^

IV -' > > .

^ s

1

^i*.|--t

.ili>'

***v^>

:ÏVWJÏ^'

1'.

V

1

J

i

■••'.

t « .

'C»J

...'.,

"m

** l!i

â

Mf'f'*

i^'^HU

Vi^-^-ï-C*,:

;^2>'i>

« . ,

•..

EJ?f*^^t*fte*-?*f^f

> j^^ii:^^^'*:"^^'' -^

_i__^Bt_

f||||:fff*r^?

r^i

■ft>«**««*f

Wn

n^rm

|*iià

'^>^

^«tffrr