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0»«;'?rf ♦l>^ 1

AsS./o. yos:<s7s

lëarbarti Collège l^ibrars

PROM

the library of Professor E. W. GURNEY,

(Clatt of 185a).

Received 22 May, 1890.

à

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HISTOIRE

DES MONGOLS.

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IMPRIMBRIB DES HERITIERS SUSAN A LA HAYE.

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HISTOIRE

DES MONGOLS,

DEPUIS TCHINGUIZ-KHAN

JU8QU A

TIMOUR BEY ou TAMËRLAN;

PAR

M. LB BARON Ci,D[OHSSON ,

nombre des Acadteics ro/ales des Sciences et des

Belles-Lettres de Stockholm, de la Socitftë

royale des Scâences d'Upsal , etc.

TOME SECOND.

A'^^

LA HAYE ET AMSTERDAM, LES FRÈRES VAN CLEEF.

i834.

L:

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^\oii\ the L'brarV'Of

[MiCRÛFlUyiEol J ATHARVARD 1

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HISTOIRE

DES MONGOLS.

LIVRE IL

OGOT.A1.

«V^^^%^/%%^^^

CHAPITRE PREMIER.

Apanages et troupes donnés par Tchinguîz-khan aux mem- bres de sa femille. Régence de Touloni. Assemblée générale. Élection d'Ogotaî. Premiers actes de ce prince. Envoi d'une armée en Perse. Guerre contre les Kins. Occupation de tout le Scben-si. Expédition de Toulouï. Ses ravages dans le Su- tcbouan. Son invasion dans le midi du Ho-nan. Passage du fleuve jaime par Ogota!. Jonction des deux armées mongoles. Défaite d'une armée kiue. Investissement de Pian-king. Négociations de paix. Départ d'Ogotaî et de Toulouï pour la Mongolie. Siège de Pian-king par Souboutaî. Levée de ce siège. Mortalité dans Pian-king. Départ de l'empereur kin de sa capitale. Il passe au nord du fleuve jaune. Q I

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HISTOIRE DES MONGOLS.

Défaite de ses troupes. Il repasse le fleuve et se retire a Kouë-té-fou. Second siège de Pian-king. Tra- hison de Tsouï-li. La capitale livrée à Souboutaï. Sort des membres de la famille impériale. Alliance des Soungs avec les Mongols. Entrée d*une armée soung dans le Ho-nan. '~- Retraite de Nînkiassou à Tsaï-tcheou. Siège de cette ville par les Mongols et les Soungs. Prise de Tsaï-tcheou. Mort de Nin- kiassou. Meurtre de son héritier Tching-lin. Fin de la monarchie kine.

X cHiNGuiz-KHAN avalt assigné un territoire (yourte) à chacun de ses fils et de ses parents. L'apanage de son fils aîné Djoutchi était situé au nord du lac Aral, et s'étendait, à l'occident, jusqu'aux confins du pays des Sacassines et des Bulgares. Selon l'expression d'Âlai-ud-din , le conquérant mongol avait donné à Djoutchi ces contrées occidentales, jusquaux derniers lieux quasf aient atteints les pieds d'un cheval tatare. Les domaines de Tchagataï s'étendaient de Cayalig et du pays des Ouïgours aux rives du Djihoun. Ogotaï possédait le pays arrosé par rimil , et Toulouï devait hériter du terri- toire que son père s'était réservé entre les monts Caracouroum et les sources de l'Onan (i).

(i) Tarikh Djihankuschat , tom. I.

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LIVRE II, CHAPITRE I. 3

Ces dispositions étaient conformes à l'ancien usage des peuples turcs et tatares: un père de famille donnait à ses fils, devenus majeurs, des meubles et des troupeaux , afin qu'ils pus- sent quitter la hutte paternelle; ce qui res- tait avec cette habitation passait en héritage au plus jeune des fils qu'il avait eus de sa principale femme , lequel était appelé, Utdjur kérty ou cadet. Aussi Tchinguiz-khan laissa- t-il à Toulouï ses ordous, ses effets les plus précieux, ses chevaux de selle et la plus grande partie de ses troupes, c'est-à-dire des tribus soumises à sa puissance.

Son armée était, à sa mort, de 1219 mille hommes. U en donna à Toulouï loi mille, divisés en trois corps, le centre (coul), l'aile droite (baraoun-car) , et l'aile gauche (tchaoun- car) (i). Le centre n'était composé que de mille hommes, qui formaient la garde de Tchinguiz-khan; c'était son propre régiment, commandé par le noyan Tchagan, tan- goute, dont il avait pris soin depuis l'âge de i3 ans, et qu'il appelait son cinquième fils. Tchagan était en même temps capitaine

(i) Baraoun-car et tchaoun~car y en mongol , signifient proprement la main droite et la main gauche.

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(\ HISTOIRE DES MONGOLS.

de la première compagnie de cette gardé. Les autres centeniers étaient attachés par des emplois aux quatre grands ordous, ou cours des quatre impératrices, femmes de Tchinguiz- khan , ils remplissaient les fonctions d'in- tendants de la table, d'écuyers, etc. Ce régi- ment était tenu aux mêmes prestations, en chevaux de relais, en provisions de bouche, etc., que les autres de l'armée. L'aile droite, forte de 38 mille hommes, était commandée par le noyan Bourgoudji, de la tribu Erlate; il avait son propre régiment. L'aile gauche, de 6.2 mille hommes, obéissait à Moucouli, de la tribu Tchélaïre. Le conquérant mongol , qui faisait grand cas de ce général, lui avait accordé le commandement particulier des trou- pes tchélaïres, au nombre de trois mille hom- mes, avec la faculté de nommer leurs offi- ciers, sauf l'approbation du souverain. Plu- sieurs autres généraux commandaient aussi les troupes de leur nation, et avaient le droit de nommer les chefs de mille: Coutouca, s'étant soumis, fut laissé à la tête de ses quatre mille Oïrates; Taritaï resta chef de dix mille Barines; Alacousch-tékin conserva le commandement de ses quatre mille Oi- goutes; un coi'ps de dix mille Khitans, et un autre de dix mille Tchourtchés demeu-

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LIVRE II, CHAPITRE ï. 5

raient sous les ordres d'Oyar et de Togan , qiii avaient passé au service du souverain mongol, loi's de son invasion en Chine.

Il restait a8 mille hommes. Tchinguiz-khan en donna quatre mille à chacun de ses autres fils, Djoutchi, Tchagataï et Ogotaï; quatre mille à son cinquième fils Goulgan, cinq mille à son frère cadet Utdjukén , trois mille au fils de son frère Catchioun, trois mille à sa mère Ouloun, et mille aux fils de son frère Djoutehi-Cassar. Ces troupes et leurs familles passaient en héritage au chef de la branche qui les possédait, et ce chef com- mandait à tous les princes issus de la même branche (i).

(i) Djami ut-Tévarihh, Raschid nomme les généraux, les chefs de mille et les tribus qui composaient les cent vingt-neuf mille hommes de l'armée de Tchinguiz-khan. Ces troupes mongoles , en petit nombre , que Tchinguiz- khan légua à ses fils, et à d'autres membres de sa fa- mille formèrent le noyau de leui's armées, composées en grande partie , des indigènes des contrées qui leur avaient été données en apanages. Il laissa , par exemple , quatre mille Mongols à la branche de son fils aîné Djoutchi , dont les descendants régnèrent sur uu vaste empire , au nord de la Mer Noire et de la Mer Caspienne , habité par diverses nations, qui servaient dans leurs ar- mées. « Actuellement^ dit Raschid, qui écrivait environ

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6 HISTOIRE DES MONGOLS.

En présentant à ses fils les officiers des corps de troupes qu'il leur donnait, Tchin- guiz-khan les leur recommanda, et leur dit: <c Si jamais il commettent des fautes, ne les

« 80 ans après la mort du conquérant mongol , une par- « tie des troupes de Tocota et de Nayan , se compose « des descendants de ces quatre mille Mongols, donnés « par Tchinguiz-klian à la branche de Djoutchi, et le « reste de leur armée consbte en troupes russes , cir- « casses, kiptcbakes, madjares (hongrois) et autres, qui « ont été jointes à ce noyau primitif. » Le petit nombre des Mongols qui furent transplantés dans ces régions occidentales explique pourquoi la langue mongole n'a pas pu s*y natui^aliser. La langue turque y est restée dominante , parce que la population des plaines au nord de la Mer Caspienne et de la Mer Noire, était turque kiptchaque. Raschid dit, pour prouver à quel point les Êunilles mongoles se multipliaient, lorsque les circon- stances leur étaient favorables, que Tcmpereur Coubilaï (qui régna de ia6o à 1294) ayant fait faire le dénomr- brement des desc^idants d'Utdjukén et de Catchioun, trouva que les premiers étaient au nombre de 600 , les autres, au nombre de 700 , et que les familles de leurs soldats s'étaient aussi fort augmentées. Un neveu de Tchinguiz- khan, fils de son cinquième frère Bilgouté, dont le rang était inférieur aux autres, avait cent femmes et cent enfants, ce qui lui fit donner le surnom de TchaouXow, c'est-à-db:e , centenaire. Sa postérité ne s'élevait pour- tant, sons Coubilaï, qu'à 800 individus, tandis que celle

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LIVRE U, CHAPITRE I. 7

« punissez pas de votre chef; car vous êtes « jeunes^ et ce sont des hommes de mérite; « mais consultez-moi 9 et lorsque je ne serai « plus, tenez conseil ensemble; exécutez en- « suite la loi. Que le délit soit mis en évi- te dence; qu'ils l'avouent eux-mêmes; qu'ils « soient obligés de reconnaître que la peine « est appliquée légalement; qu'elle n'est pas « infligée par la colère ou d'autres passions. »

de DjoQtcbi-Cassar , qui n'avait eu que 40 enfants , était aussi nombreuse. Coubila! en parut étonné; on lui en dit la raison: la branche de Bilgouté était pauvre, au lieu que celle de Djoutchi-Cassar était riche. Ce dernier, en récompense des services qu'il avait rendus à Tchinguiz- kban , surtout dans la bataille contre les Naîmans , avait été élevé au rang de prince du sang , qui devait être transmis à ses héritiers. Les descendants des autres frères de Tchingnîz-klian ne prenaient place que parmi les gé- néraux. L'historien Alaï-ud-dm, qui écrivait en 1260, rapporte que, de son temps, la postérité de Tchinguiz- khan comprenait environ 10,000 individus.

Les territoires (yourtes) de Temougou Utdjukén et des fils de Catchioun étaient situés dans la partie orien- tale de la MongoUe , la plus vobine du pays des Tchour- tdiés, près du Calaltchin Alt, et de la rivière Olcouï; c'était l'ancien pays des Ikirasses. Celui des enfants de DjoutckUCassar éuit à l'extrémité nord-est de la Mon- golie, aux environs de l'Ergouna, du lac Keulé et de la rivière Caïlar. (Raschid).

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8 HISTOIRE DES MOICCOLS.

Après avoir rendu les derniers devoirs au conquérant mongol , les princes de sa famille et les chefs des tribus et des troupes se séparèrent pour retourner à leurs divers can- tonnements. Ce ne fut qu'au bout de deux années, que dans la crainte des maux qui pouvaient résulter d'un plus long interrègne , ils convinrent de s'assembler pour élire un souverain.

Au printemps de Tannée 1229, les princes et les généraux se rendirent, de tous les points de la Tartarie, au grand ordou de Tchinguiz- khan, sur la rive du Kéroulan (i). On y vit arriver, des pays situés au nord de la Mer Caspienne, Ourda, Batou, Schiban, Tang- coute. Berça, Bergatchar et Touca-Timour , tous fils de Djoutchi. Tchagataï y vint, avec ses fils et ses petits-fils, du pays arrosé par rili; Ogotaï, des bords de l'Imil; Utdjukén, de la frontière orientale, voisine du pays des

(i) U Histoire des Yuans ajoute : « dans le canton de « Tsidal-Ola. » Ce nom signifie , en mongol : mont puis- sant.^ÇTrzà, de Hyac, p. 149). Selon le Kang-mou, Ogotai fut élevé au trône dans le canton de Couitun- Aral, nom qui veut dixe , en mongol, tic froide, (Ibid. p. i5o).

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LIVRE If, CHAPITRFI. 9

Tchourtchés. Ces princes furent reçus dans les ordous de Tchinguiz-khan , par Toulouï , qui avait été chargé d'exercer la régence jus- qu'à l'élection d'un nouveau souverain (i).

Après les trois premiers jours du Couriltaï , qui furent passés dans les festins et les plaisirs, les membres de cette nombreuse assemblée délibérèrent sur le choix d'un empereur. Comme beaucoup d'entre eux penchaient pour Toulouï, le ministre Yéliuï-Tchoutsaï le pria de travailler lui-même à réunir les suffrages en faveur d'Ogotaï, pour accomplir les der- nières volontés de Tchinguiz-khan et préve- nir les funestes effets de la division. Toulouï n'hésita pas à suivre ce conseil; il déclara dans l'assemblée qu'il fallait proclamer celui que Tchinguiz-khan avait nommé son succes- seur, et fit lire l'ordonnance de son père (a). Les princes, s'adressant alors à Ogotaï, lui dirent qu'il devait être leur souverain. U ré- pondit que ses frères et ses oncles étaient plus dignes du rang suprême; il désigna principa-

(i) Djami ut-Téçarikh, Vie d'Ogotaï.

(2) Mailla, tom. IX 9 pag. i3i. Selon Djoméim\ Tchingiiiz-khan avait exigé de ses fils leur engagement par écrit de reconnaître Ogotaï pour son successeur.

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LIVABU, CHA.P1TREI. II

prospérité 9 et le saluèrent du titre de Caan (i). Le nouveau monarque, suivi de toute Fas-

n frappeal trois fois la terre de leur front et restent « prosternés jusqu'à ce qu'un autre mandarin s'écrie : « Levez-vous. Aussitôt ils se lèvent et font attention au « second conunandement, qui est suivi d'un troisième.

Cétait l'ancien cérémonial chinois, imposé même aux rois, vassaux de l'^epereur de la Chine. Vang-yen-te, envoyé en 981, par l'empereur Soung-thai-tsoung au roi des Ouîghourt, qui résidait à T-lo-loUy ville appellée ensuite Bisdi-balik, rapporte, dans la relation de son ambassade, traduite du chinois en français, par Yisdelou, (Supplément à la Bibl. or. de D'Herbelot, in-f*., p. 137), que lorsqu'il fut admis avec sa suite à l'audience de ce souverain, qu'il trouva environné de sa famille et de sa cour, « tous se tournèrent le visage vers l'Orient « et s'étant mis à genoux, le roi seul firappa la terre « avec le front neuf fois à trois reprises, les instruments « de musique marquant le temps de chaque cérémonie , tt après quoi il reçut les présents de l'empereur de Chine. « Ensuite les fils et les filles du roi firent tous ensemble « le même salut, avant de recevoir les présents qui leur « étaient destinés, v

(i) Caan est la contraction de Khacan , titre qui , de- puis Ogotai , servit a distinguer le prince suzerain de ses grands vassaux, les chefs des trois autres branches de la famille tchinguizienne , lesquels ne prenaient que le titre de khan. Oegata est un adverbe mongol qui si- gnifie en haut. Cest aussi l'explication que donne de ce nom Tliistonen Raschid.

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Il HISTOIRE DES MONGOLS.

semblée, sortit de sa tente pour adorer le soleil par trois génuflexions, et la multitude qui couvrait les environs de l'Ordou rendit un semblable hommage à l'astre de la lumière. Rentrés dans le pavillon impérial, les chefs du peuple mongol célébrèrent par un festin ce jour solemnel; les princes étaient assis à la droite du trône, les princesses, à la gau- che, et des essaims de jeunes esclaves des deux sexes leur offraient les mets et les bois- sons.

En élevant au trône Ogotaï, les membres de sa famille jurèrent de rester fidèles à ses descendants, et se servirent de ces expres- sions bisarres: te Nous jurons que tant qu'il « restera de ta postérité un morceau de chair « qui, jeté dans des herbages, empêcherait « le bœuf d'en manger; qui, mis dans de la a graisse, défendrait aux chiens de la prendre, ce nous ne placerons pas sur le trône des a princes d'une autre branche. »

Ogotaï se fit apporter les trésors de son père, composés des dépouilles de l'Asie, et les distribua aux princes , aux généraux et aux troupes. Il ordonna que, suivant la coutume, des mets fussent offerts, pendant trois jours, aux mânes de son père* Il fit choisir, dans les familles des novans et des

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LIVRE II, CHAPITRE I. l3

généraux, les plus belles filles, au nombre de quarante; elles furent parées de riches vêtements , de joyaux d'un grand prix , et , selon l'expression de Raschid, on les envoya servir Tchingiiiz-khan dans Vautre monde. A cet hommage barbare fut joint celui de super- bes chevaux.

Le premier soin d'Ogotaï , lorsqu'il s'occupa des affaires publiques, fut d'ordonner la stricte observation des lois (yassas) de Tchin- guiz-khan; mais il accorda le pardon de tous les délits commis depuis la mort de ce prin- ce (i). Yéliuï- Tchoutsaï , qui avait beaucoup de crédit sur son esprit, lui persuada de déterminer, par des règlements, le rang des diverses classes d'officiers, de fixer les préro- gatives qui devaient distinguer les princes du sang des autres sujets, de régler l'étiquette qu'ils observeraient entre eux et envers le souverain. Il voulut aussi restreindre le pou- voir sans bornes des commandants mongols dans les pays conquis. Ces officiers dispo- saient arbitrairement de la vie des hommes,

(i) Tarikh Djihankuschaï 9 tom. I. Djami ut-Tépa- rikh.

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l4 HISTOIRE DBS MONGOLS

et lorsqu'ils trouvaient un individu coupable, ib le faisaient mourir avec toute sa famille. Sur les représentations d'Yéliuï * Tchoutsai , Tempereur établit des formes de procédure, que ses oÉ&ciers durent suivre à l'égard des accusés £n même temps les impositions an- nuelles furent fixées pour la première fois. Elles frappaient, dans les possessions occiden- tales, tout individu majeur, du sexe masculin; mais dans les provinces mongoles en Chine, on suivit l'usage établi, en ne les prélevant que par maison. Les Chinois donnèrent de l'argent, de la soie et des grains; les peuples mongols devaient livrer une tête sur cent de leurs chevaux, de leurs bœufs et de leurs moutons. On établit des magasins de grains et des statioûs de poste pour les messagers du khan.

Sur la proposition d*Yéliuï-Tchoutsaî, char- gé de l'administration des finances dans les pays conquis sur les Kins, ces contrées fu- rent divisées, au commencement de Tannée ia3o, en dix départements, dans chacun desquels on établit, pour l'assiette et la le- vée des impôts, un tribunal dirigé par un président et son substitut, furent placés des lettrés chinois. Yéliuï-Tchoutsaï parla même, un jour, à Ogotaï, d'adopter les règles

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LIVRE II, CHAPITRE I. l5

d'administration du philosophe Coung-tsé, et lui dit: « L'empire a bien été conquis a à cheval ; mais il est impossible de le «t gouverner à cheval » ; ce que le Caan entendit avec bonté. Dès-lors, les lettrés fu- rent mis, peu à peu, dans les emplois pu- blics (i).

Les Mongols, dès qu'ils eurent un chef, songèrent à poursuivre leurs conquêtes, d'après les vastes plans de Tchinguiz-khan. Trois grandes expéditions militaires furent résolues dans la diète d'élection. Une armée de trente mille hommes partit sous les ordres du noyan Tchormagoun, pour aller en Perse détruire la nouvelle puissance du sultan Djélal-ud-din , qui, revenu de l'Inde après la retraite du conquérant mongol, s'était mis en possession d'une partie des états de son père. Une seconde armée, égale en nombre, et com- mandée par les généraux Gueuktaî et Sou- nodai, fut chargée de soumettre les pays habités par les Kiptchacs, les Sakassines et les Boulgares, que le prince Djoutchi, s'il eût suivi les ordres de son père, aurait du

(i) Mailla, ibid, p. iBa. Koag^mou, ibid, p. i5i»

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l6 HISTOIRE DES MONGOLS.

conquérir. Ogotaï partit lui-même , accompagné de Touloui et de plusieurs autres princes du sang, pour achever la conquête de l'empire kin (i).

L'empereur kin Ninkiassou, dont le nom chinois était Schou-siou , avait envoyé en Mongolie, dans l'année 11229, ^^ ambassa- deur, nommé Agouta, avec des offrandes pour les mânes de Tchinguiz-khan , à l'occasion de ses funérailles. Le nouveau khacan ne voulut pas les accepter, de la part d'un souverain qui avait toujours refusé de se soumettre au défunt empereur.

Malgré la mort de Tchinguiz-khan, les Mongols avaient continué leurs opérations dans le midi du Schen-si , et pénétré jusqu'à la frontière de l'empire Soung. Ils assiégèrent, à la fin de 1227, Si-ho-tcheou, ville située à une trentaine de lieues au sud-est de Coung- tchang-fou. Le commandant Tchen-in, bien secondé par la garnison et les habitants, dé- fendit cette place avec valeur; mais, voyant que malgré ses efforts, elle allait tomber au pouvoir des Mongols, il invita sa femme, Lou-

(i) Tarikh Djihankuschaï , tom I. Djami ut^Téva- rtkh. Ganbil, p. 56.

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LIVRE II, CHAPITRE I. I7

schi, de songer à son propre sort. Elle lui dit : a Nous avons joui ensemble des bien- a faits de notre souverain; il est juste que « nous mourrions ensemble pour le trône ; » et prit du poison. Deux de ses fils et leurs femmes suivirent son exemple. Après avoir bridé leurs corps Tchen-in se poignarda ; avec lui moururent vingt-huit de ses clients.

Les Mongols ayant pénétré ^ en 12128, dans le canton de Ta-tchang-yuan (i), le général kin Ouanien Khada envoya contre eux Oua- nien Tcheng-ho-schang , qui, avec quatre cent cavaliers battit complettement le corps en- n^pii, fort de huit mille hommes. C'était, depuis le commencement de la guerre, dans le cours de dix-huit ans, la première victoire remportée sur les Mongols par les Kins. Elle releva le courage de leurs troupes et valut de généreuses récompenses à ceux qui l'a- vaient gagnée. Cette avant-garde, commandée par Tcheng-ho-schang était composée d'Ouï- gours, de Manéis (a), de Tangoutes, de To-

(i) Ce bourg était probablement près de King-yang- foa^ dans le Schen-si.

(a) Le nom de Manéis désigne , sans doute , les ha- bitants barbares des contrées montagneuses à l'ouest du Su-tchouan.

a X

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l8 HISTOIRE DES MONGOLS.

gantses et de chinois fugitifs , tous des bri* gands que ce général avait su discipliner, et qui, toujours les premiers au combat, ani- maient les autres troupes par leur exemple.' Le général mongol Toucoulcou venait d'inves- tir, en laag, la ville de King-yang-fou , lors- que la cour de Nan-king envoya, pour la seconde fois, un ambassadeur en Mongolie avec des présents , que le Caan ne voulut pas accepter. Cette année , Ogotaï donna le com- mandement des troupes chinoises à trois officiers chinois, qu'il éleva au grade de chef de dix mille ; c'étaient Schi-tian-tse , Lu- ho-ma et Siao-tcha-la. Il nomma les de\ix premiers gouverneurs de plusieurs départe- ments dans le Pe-tcheU, le Schan-si et le Schan-toung. fëvr. Les Mongols furent battus, en ia3o, près du bourg Ta-tchang-yuan , par le général kin Yra-bouca, qui leur fit ensuite lever le siège de King-yang. Enflé de ce succès, Yra-bouca mit en liberté un officier, nommé Oniolo^ que le prince Toulouï, pendant sa régence, avait envoyé dans le Schen-si pour traiter de la paix, et que le général kin avait re- tenu. En le congédiant il lui dit : « Nous <c avons eu le temps de nous préparer à vous « recevoir. Si vous avez envie de vous battre,

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LITRE II, CHAPITRE I. I9

« VOUS n'avez qu'à avancer; » paroles qui fu- rent rapportées à Ogotaî.

Cet empereur partit pour la Chine avec aoAt. son frère Toulouï. Ses troupes prirent d'as- saut, en entrant dans le Scban-si, la forte- resse Thian-tcheng-pou, située à dix-huit Ueues au nord-est de Taï-toung-fou , et d'autres pla- ces fortes. Elles passèrent le fleuve jaune , pé- nétrèrent dans le midi du Schen-si, elles détruisirent environ soixante forts, et allèrent investir Fong-tsiang-fou,

Le gouvernement kin se repentit alors du traitement fait à l'envoyé de Touloui , et char- gea un officier, nommé Fong-yen-teng de porter au camp mongol de nouvelles propo- sitions de paix. Ogotaî voulut contraindre cet ambassadeur d'aller engager le commandant de Fong-tsiang-fou à se rendre, et n'ayant pu Fy déterminer, même par la menace de la mort, il lui fit couper la barbe et l'envoya prisonnier à Fong-tcheou.

La ville de Fong-tsiang-fou était assiégée par le général Antchar. L'empereur kin, voyant que ses généraux Ouanien Khada et Yrarbouca tardaient à secourir cette place importante, leur envoya son secrétaire Bai-coua, pour les presser d'agir. Ces généraux exposèrent qu'ils ne pouvaient pas se mesurer avec k

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aO HISTOIRE DES MONGOLS.

nombreuse armée du Nord. L'empereur leur ordonna de tirer des troupes de la forteresse Toung-couan , et de livrer bataille à l'ennemi , pour tâcher de dégager Fong-tsiang-fou. Ils partirent enfin, et attaquèrent les Mongols au nord du fleuve Hœi. La victoire fut in- décise; mais le même soir Khada et Bouca se retirèrent et ne songèrent plus à la dé- livrance de Fong-tsiang-fou. Cette ville conti- nua néanmoins à faire une si vigoureuse dé- fense que le général Antchar jugea à propos convertir le siège en blocus. Il alla pren- dre plusieurs villes du Schen-si, telles que Si-ho-tcheou , Ping-leang, Ring-yang, Pin-yuen et d'autres. Il revint ensuite devant Fong- tsiang-fou, qui ayant épuisé ses munitions mai. et ses vivres, fut obligée de se rendre.

Ogotaï était resté dans le Pe-tche-li; il en partit au mois de juin, pour aller passer la saison des grandes chaleurs sur le bord du lac Yloun-oussoun , à cinquante Ueues au nord de la grande muraille. Maître du Schen-si, . ce prince voulut s'emparer du Ho-nan, la dernière possession de l'empereur kin; mais il était difficile de pénétrer dans cette pro- vince, bornée au nord, par le fleuve jaune, à l'ouest, par de hautes montagnes et la forteresse de Toung-couan. On cherchait les

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LIVRE II, CHAPITRE 1. Ht

moyens de vaincre ou d'éluder ces obstacles , lorsque Li-tchang-go , officier kin, qui avait passé au service mongol après la prise de Fong-tsiang-fou , proposa au prince Toulouï d'entrer dans le Ho-nan, par le midi. Il Êdlait marcher de Fong-tsiang-fou à Han-tchong- fou, et s'emparer de cette ville, d'où l'on pourrait, en un mois de temps, arriver à Teng-tcheou , sur la frontière méridionale du Ho-nan, dans le département de Nan-yang- fou. Toulouï reconnut l'identité de ce plan avec celui que son père avait tracé à son lit de mort. Il le proposa à Ogotaï qui, après avoir consulté ses généraux, l'approuva, et chargea Toulouï de l'exécuter. Il fut convenu que l'armée du nord opérerait sa jonction avec celle du midi devant Nan-king, au mois de février de l'année suivante. L'empereur mon- gol envoya aussitôt Tchoubougan à la cour Soung pour demander le passage sur son territoire; mais arrivé à Tsing-yé-yuan dans le Su-tchouan , province frontière de l'empire Soung, cet ambassadeur fut tué par l'ordre août. de Tchang-suan, gouverneur de Mian-tcheou. Malgré cet attentat, qui surprit d'autant plus les Mongols, que la cour Soung avait «oUicité leur alliance, et qui fut, dans la suite, le prétexte dont ils se servirent poui"

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aa HISTOIRE i>Es mougols.

attaquer l'empire chinois ^ Toulouï se mit en marche de Pao-ki, ville située à 9 lieues au sud-ouest de Fong-siang, il avait réuni une armée de trente mille cavaliers (i).

Il prit d'abord la forteresse de Ta-san-couan , détruisit la ville de Fong-tcheou (Fong-hien) et se fraya avec difficulté, une route à tra- vers les monts Houa, qui séparant le bassin du fleuve Hœï de celui du fleuve Han, for- maient la hmite des empires Kin et Soung. Ainsi, la partie méridionale du Schen-si ap- partenait à ce dernier empire. Toulouï entra sur son territoire. Il y saccagea Yang-tcheou (Yang-hien) dans le département de Sing-youan (Han-tchoung-fou) , et mit le siège devant cette »cpt. ville, dont il se rendît maître. Il fit égorger la population du département de Han-tchoung- fou; beaucoup d'habitans périrent dans les lieux incultes ils s'étaient réfugiés. Une division de l'armée de Toulouï marcha de Han-tchoung-fou à l'ouest, traversa les monts Youï-pei, passa le fleuve Kia-ling, ravagea le district de Pao-ning-fou, et après avoir pris cent quarante villes et forts, alla rejoindre le corps principal. Au mois de novembre la par-

(a) Selon Easchid, il n*en arait que vingt mille.

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LIVRE II, CHAPITRE ï. a3

tie septentrionale du Su-tchouan était soumise aux Mongols.

Toulouï prit en décembre la forteresse de Jao-fong, et posa son camp sur le bord du fleuve Han. A son apparition sur la frontière méridionale du Ho-nan Ton ne s'attendait pas à voir l'ennemi, l'effroi se répandît dans cette grande province. On délibéra, dans le conseil de l'empereur, sur le système de dé- fense qu'il convenait d'adopter. La plupart de ses membres furent d'avis de distribuer Far- mée dans les villes voisines de la capitale, d'amasser une grande quantité de grains à Pian-king (i) et d'ordonner aux habitants du plat pays de se retirer dans les lieux fortifiés. 11 leur paraissait vraisemblable, que les Mon- gols ^ harassés d'une si longue marche, ne trouvant pas l'occasion d'attaquer les troupes kines en rase campagne, se verraient forcés de se retirer, par le défaut de vivres et de fourages. Cet avis ne fut pas goûté de l'em- pereur. Il observa que ses sujets ayant tout sacrifié, depuis tant d'années, afin de pour^

(i) Cette ▼illc, appellée aujourd'hui Caï-fong-fou , por- tait alors les noms de Pian , Pian-king , Pian-léang^ et cdui de Nan-king, ou de résidence méridionale.

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LIVKE II, CHJLPITKK I. a5

au pied des monts Youï, qui courent à neuf lieues au sud-ouest de Nan-yang-ifou. Après un vif combat, les Mongols, trop inférieurs en nombre, se retirèrent, sans être poursuivis. Les Kins apprirent, au bout de quelques jours, qu'ils occupaient un bois de jujubiers; ils réso- lurent de retourner à Teng-tcheou, pour consommer les vivres en magasin dans cette ville et ménager ceux de l'armée. La route qu'ils suivaient s'approchait du bois. Les Mongols en sortirent et se rangèrent en ba- taille. Khada et Bouca se préparèrent à les recevoir; mais Toulouï ne fit qu'escarmoucher , et tandis qu'il amusait les Kins, un détache- ment de cent cavaliers enlevait une partie de leurs bagages. Les généraux kins de re- tour à Teng-tcheou, mandèrent à la cour qu'ils avaient remporté une grande victoire. L'empereur reçut des félicitations, donna des fêtes; mais cette joie ne fut pas de longue durée.

Tandis que Toulouï s'avançait sur le Ho- nan, Ogotaï cherchait à s'emparer de la ville de Ho-tchoung (Pou-tcheou-fou), située à l'extrémité méridionale du Schan-si, près du fleuve jaune. Une tour pyramidale, haute de deux cents pieds, d'où l'on plongeait dans l'intérieur de la ville, des buttes de terre,

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%6 HISTOIRE DES MOIYGOLS.

des chemins souterrains ^ menés dans toutes les directions, et d'autres ouvrages servirent à faciliter l'attaque. Bientôt les tours et les logements en bois sur les remparts furent détruits. On se battit une quinzaine de jours à l'arme blanche , et la ville fut prise d'as*

janv. saut, après un siège de trente cinq jours. Ogotaï fit mourir le gouverneur Tsao-ho Agué pris les armes à la main. Le comman- dant Ban-tsé Agué (i) se sauva avec trois mille hommes, dans des barques, et atteignit Ven-siang. Calomnié auprès de l'empereur par des eunuques, qui lui imputaient la perte de Ho-tchoung et de Fong-tsiang, il fut condamné à mort et exécuté à Pian-king il s'était rendu.

Ogotaï, ayant été informé, par un courier de Toulouï, que ce prince avait passé le

fëvr. Han, se disposa à passer le fleuve jaune ^ qu'il traversa à Baï-po, près'de Ho-tsing-hien; de sa rive méridionale, il manda à Toulouï de venir le joindre. Sur l'avis de ses pré- paratifs, le gouvernement kin, avait donné l'ordre d'inonder, par des coupures à la

(i) ^gué est un titre mantchou, affecté aux piînces de la maison impériale.

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LIVRE ir, CHA.PITRE U ^'J

digue, les environs de la capitale ^ et le général Kiacoussaho fut chargé de garder la rive du fleuve avec trente mille hommes, infanterie et cavalerie; mais à peine arrivé à Fong-kieou, ce général ayant appris le passage du Khacan était revenu sur ses pas; et les Mongols, ne trouvant point de résis- tance , s'approchèrent inopinément de la digue ils firent main -basse sur les travailleurs, qui étaient au nombre de plusieurs milliers.

Cependant, Toulouï avait divisé son armée en petits corps, qm entrèrent par diverses routes dans le Ho-nan , embrassant une grande étendue de pays, et forçant tout ce qui rési&* tait. De Teng-tcheou , leur point de réunion , il se dirigea sur l'armée kine, qui se retirait lentement, observant sa marche. Les Mon- gols la surprirent au moment elle dressait ses tentes, et la forcèrent d'abandonner son camp. Harcelée, sans cesse, dans sa marché rétrograde, retardée par les pluies et la neige, épuisée de fatigue et de faim, cette armée était arrivée à Hoang-yu-tian , à deux lieues et demi de Kioun-tcheou (Youï-tcheou) , lors- qu'un eunuque du palais lui apporta l'ordre de marcher au secours de la capitale.

L'armée kine alla camper au pied des monts San-fong, près de Kioun-tcheou, ayant à peine

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9l8 histoire des mongols.

pris quelque nourriture depuis trois jours. Elle y fut cernée par les troupes de Touloui et celles d'Ogotaï, qui venaient d'opérer leur jonction. Se voyant entourés, les Kins char- gèrent les Mongols, pour s'ouvrir la route de Kioun-tcheou. Plusieurs de leurs géné- raux périrent en combattant à la tête de l'infanterie; Ouanien Khada se fit jour à tra- vers l'ennemi, et se jeta dans la ville de Kioun-tcheou. Des renforts envoyés par Ogotaï à son frère, n'arrivèrent qu'après l'issue de cette journée. Touloui mit aussitôt le siège devant Kioun-tcheou, qu'il fit entourer d'un large fossé, afin que personne ne pût s'écha- per,et prit cette ville, le général Khada fut découvert et tué (i). Fait prisonnier il avait demandé à être conduit à Souboutaï: « Toi qui n'as qu'un instant à vivre, lui «t dit le général mongol, quel motif te fait fc désirer de me voir? » « Ton courage « répondit Oanien Hâta; c'est le ciel, non « le hasard qui fait naître les héros. Puis- « que je t'ai vu, je fermerai les yeux sans <r regret (a). »

(i) Kang-mou, ib. p. i55 à 176.

(a) Nolice biographique de Soiiboutaî dans les ISotm*aujc Mélanges Asiatique d'Abel Rémusat, tom. II, pag. 9 5. *

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LIVRE II9 CHA.P1TRE X. 19

Lorsque la fureur du soldat victorieux se fut rallentie, le général Ouanien Tcheng-ho- schangy qui s'était aussi caché dans cette ville, Sortit de sa retraite, et se faisant connaître pour l'un des généraux de l'empire kin, il demanda à parler au chef de l'armée mon- gole. Mené à Toulouï, il répondit à ses ques- tions : a Je suis le général Tcheng-ho-schang ; «t c'est moi qui ai remporté les victoires de «c Ta-tchang-yuan , de Veï-tcheou et de Tao- <c hoi-goa. Si j'avais péri dans la confusion de a la déroute , on aurait pu dire que j'avais « trahi ma patrie; maintenant on saura com-. « ment je suis mort, et nul doute ne pourra « s'élever sur ma fidélité. » Après l'avoir long- temps pressé de se soumettre, sans pouvoir le Élire fléchir, les Mongols lui coupèrent les pieds pour le forcer à s'agenouiller, et lui fendirent la bouche jusqu'aux oreilles; mais fl ne cessa de répéter que jamais il ne s'hu-* milierait. Des généraux mongols, frappé de sa constance, épanchèrent du coumizj et lui dirent, d'une voix émue : « Illustre guerrier! « si jamais tu es rappelle à la vie, renais parmi « nous, n

Le général Yra-bouca, qui avait été pris fuyant vers la capitale, fut conduit enchainé «u camp d'Ogotaï. Ce prince l'exhorta à se

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3o HISTOIBE DES MOITGOLS.

soumettre et Fen pressa long-temps; mais Bouca se bornait à répéter : <c Je suis un seigneur de a Tempire kin , je dois rester fidèle à mon sou- ce yerain. » Il fut mis à mort. Ainsi périrent les meilleurs généraux de Fempereur kin, et Félite de son armée venait d'être détruite (i).

Quelques jours après la prise de Kioun- tcheou, Ogotaï arriva au camp de son frère, et entendit de sa bouche, avec plaisir, le récit de son expédition depuis Fong-tsiang-fou , dans laquelle Touloui avait eu à vaincre des diffi- cultés de tous genres, et surtout, une disette .telle, que ses soldats avaient été réduits à manger de Fherbe et de la chair humaine. Le Caan loua Toulouï d'avoir aussi habilement exécuté cette périlleuse entreprise. Toulouï dit que le succès en était à la constance et à la valeur de ses troupes, ainsi qu'à la fortune attachée aux armes d'Ogotai (a).

Sur la nouvelle que Toulouï était entré à Jao-fong-couan, Fempereur kin avait appelle

(i) Histoire des Yuans et Kang-mou, ibid., p. iSi à 177. Mailla, Hist. de la Chine, t. IX, p. i33 à i56.— On trouvera, dans la note Yin à la fin du volume , ce que rhistorien Raschid a rapporté sur cette campagne. de Toulon!.

(a) Djami ut-Tévarikh. Mailla, ibîd., p. i56.

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LIVRE II, CHAPITRE T. 3l

au secours de sa capitale les troupes char* gées de défendre la frontière occidentale du Ho-nau. En conséquence , le général Touctan Oudeng, qui commandait à Ven-siang^ sur le fleuve jaune , le général Bakhata Rhéyouï; gou- verneur de l'importante forteresse de Toung- coan , et le général Ouanien Tchounssi , com- mandant des districts de Tsin-tcheou et de Lan-tcheou^ dans la partie occidentale du Schen-si, ayant réuni leurs forces, s'avance- mars, rent vers Schan-tcheou , ville située au midi du Hoang-ho, à quelques lieues au nord-est de Ven-siang, avec une armée de cent dix mille fantassins et de cinq mille chevaux. En évacuant le pays qu'ils avaient été char- gés de défendre, ils voulurent transporter à l'est les magasins de vivres établis dans les viDes de Thoung-tcheou-fou , Houa-tcheou et Ven-siang. Deux cent barques avaient été réunies pour descendre le fleuve; mais les Mongols vinrent enlever les grains avant qu'ils fussent chargés. A leur approche de Toung- couan, un officier, nommé Si -ping, qui y avait été laissé avec une faible garnison, leur livra ce boulevard du Ho-nan ; il leur mars, donna même les renseignements dont ils avaient besoin pour attaquer l'armée kine. Les Mon- gols s'avancèrent sur Schan-tcheou sans ren-

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3a HISTOIRE DES MONGOLS.

contrer d'obstacles. Les troupes kineii^ qui devaient couvrir de ce côté la capitale, Touc- tan Oudeng à leur tête, s'étaient retirées vers le sud-ouest, suivies d'une multitude d'habi- tants des deux sexes et de tout âge qui fuyaient le fer mongol. Elles se jetèrent dans les hau- tes montagnes de Thié-ling, elles furent poursuivies; la neige, qui fondait pendant le jour, rendait les chemins presque impratica- bles; les vieillards et les enfants restaient en arrière; ils étaient impitoyablement égorgés par les Mongols. Épuisés de faim et de fatigue, les soldats n'avaient pas la force de se défen- dre. Ouanien Tchounssi se rendit; néanmoins les Mongols lui coupèrent la tête. Oudeng et Kheyoï furent atteints et tués.

Après s'être emparés de Kioun-tcheou , les mars. Mongols avaient pris quatorze villes du Honan ; mais ils ne purent se rendre maîtres ni de Koué-té-fou, ni de Lo-yang (Ho-nan-fou). Cette dernière place, dont la garnison se composait de trois à quatre mille hommes des débris de l'armée battue près des monts San-fong, fut vainement assiégée pendant trois mois par des forces considérables.

Maître de la plupart des villes situées au- tour de Pian-king, l'empereur Ogotaï, qui avait posé son camp près de Tcheng-tcheou,

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LIVRE II, CHAPITAE I. 33

à quatorze lieues à Fouest de cette capitale, détacha, pour l'investir, le général Souboutaï arr. qui, peu d'années auparavant, ravageait la Perse, les rives du Dnieper et les bords la Mer Noire.

La ville de Pian-king, de forme carrée, avait environ douze lieues de tour. Sa garnison 9 quoiqu'elle fut de quarante mille hommes, avait été jugée insuffisante pour sa défense. On y fit entrer les troupes postées le long du fleuve jaune, ainsi que la levée en masse de l'arrondissement de Peï-tcheou (Peï-hoï-fou) situé au nord de ce fleuve; elle était d'envi- ron quarante mille hommes; enfin, l'on arma vingt mille jeunes gens parmi les habitants de la campagne qui s'étaient réfugiés à Pian-king. On put ainsi pourvoir à la défense des quatre côtés de la ville, et il y eut pour chaque coté une réserve de mille hommes, destinée à porter secours aux points les plus menacés. L'empereur, voulant exciter l'enthousiasme public, chai^ea l'académicien Tchao-vun-ping de rédiger une proclamation pathétique. Cette pièce produisit, en effet, une vive impression.

Le siège de Pian-king était à peine com- mencé y que le khan mongol, qui avait l'in- tention d'aller passer l'été au nord de la grande nmraiUe, envoya de Tcheng-tcheou , un am- a ' 3

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34 UtSTOIRC DES MONGOLS.

bassadeur inviter l'empereur kin à se sou- mettre. Il demandait à ce prince de lui en* voyer l'académicien Tchao-ping-ouen , un des* cendant de Confucius, nommé Coung-yuan- tsou, et plusieurs autres savants, de lui don- ner en otages vingt-sept familles des plus dis- tinguées, de lui remettre les familles de ceux qui s'étaient soumis aux Mongols, ainsi que la veuve et les enfants du général Yra4>ouca, de lui envoyer enfin des filles habiles dans Fart de broder, et des hommes exercés à la chasse de l'épervier. L'empereur consentit à tout; il offrit même en otage , pendant les négociations, son neveu Ouco, et chargea le procureur-général Foïmo Égoudé d'aller con- clure la paix. Malgré ces marques de soumis- sion, le général Souboutaï n'en continuait pas moins ses travaux d'attaque, disant qu'il avait reçu l'ordre d'assiéger la capitale, et qu'il ignorait le reste. Il faisait dresser les catapultes. Des milliers de captifs, femmes, filles, enfants et vieillards, étaient employés à apporter des fascines et de la paille pour combler le fossé. Craignant de faire rompre la négociation , le général Ouanien Bakssan avait défendu de tirer sur les Mongols. Cet ordre causait du mécontentement. L'empereur se montra dans la ville, suivi seulement de quel-

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LIVRE U, CHAPITAIE 1- îjf

ques cavaliers. Uoe troupe de militaires vint à lui se plaindre de ce qu'on ne leur per- mettait pas de se défendre , quoique Fennemi eut déjà comblé la moitié du fossé. L'empe- reur leur dit: a Je me suis résigné , pour le « salut de mes sujets , à devenir vassal et à «c payer un tribut. J'envoye maintenant en « otage mon fib unique (i). Patientez jusqu'à « ce qu'il soit parti. Si alors les Tatares ne « se retirent pas, il ne sera pas trc^ tard pour « les combattre à outrance. i> Ce même jour le )eune prince se mit en route , accompagné du ministre d'état Li-tsî. ; et comme néan- moins Fattaque continua , l'empereur , indigné de la perfidie des Mongols, permit à ses su- jets de se défendre.

Souboutai avait fait dresser contre les murs de la ville un grand nombre de catapultes, en bois de bambou, qui lançaient des quar* tiers de meules. Au bout de quelques jours de tir sans relacbe sur le même point, ces pierres s'élevèrent presque à la hauteur du rempart. Les tours et les vedettes qui le couronnaient , quoique bâties de poutres épaiœes, tirées des vieux palais, furent biem

(i) Peut-être fils adopUf.

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^6 HISTOIRE t>ES MOKGOLS.

tôt mises en pièces par ces énormes projec- tiles. Pour en amortir l'efifet, on enduisit ces bâtiments de fiente de cheval , mêlée avec de la paille de froment, et on les recouvrit de feutres, fortement liés avec des cordes, ainsi que d'ais revêtus de peaux de buffles, semblables à des boucliers. Alors les Mongols firent jouer leurs balistes à feu qui les incendièrent. Mais leurs boulets ne faisaient que des trous dans l'épaisseur du mur, construit avec une argile qui avait acquis la dureté du fer. Ils prirent le parti d'élever un rempart de terre près du fossé de la ville, et de k border d'un fossé large et profond de dix pieds. Ce rempart, qui avait quinze lieues de circuit, fut garni d'embrar sures, et muni de tours ainsi que de corps de garde, placés à trente ou quarante pas de distance, lesquels pouvaient contenir chacun cent soldats.

Les assiégés faisaient usage de projectiles ignés; c'étaient des pots de fer, remplis d'une certaine poudre ; on les lançait avec des balis- tes; la poudre prenait feu et son action s'étendait à la distance de cent vingt pieds; mais son explosion, semblable à un coup de tonnerre, se faisait entendre à dix lieues^ Ces projectiles étaient appelles Tchen-tien^li ,

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LIVRE II, CHAPITRE I. 37

c est- à -dire tonnerres. D'autres machmes lan-. caient des boulets de pierre.

Pour saper la muraille, les Mongob s'en approchaient, couverts de peaux de buffles impénétrables aux flèches; ils pratiquaient des excavations dans le mur et s'y logeaient. Les assiégés imaginèrent de faire descendre des pots à feu, attachés à de fortes chaînes, jus- qu'au niveau des mineurs , qui étaient mis en pièces par l'explosion. Ils se servaient aussi de javelots à feu, chargés de poudre, qui brûlaient tout à dix pas de circuit. C'étaient ces deux espèces de projectiles que les Mon- gols craignaient le plus.

Au bout de seize jours d'attaques sans re- lâche, dans lesquelles il périt, dit-on, un million d'hommes des deux côtés, Souboutaï, désespérant de prendre la ville, manda aux mai. assiégés qu'il était inutile de continuer les hostilités, puisqu'on négociait. L'empereur, satinait de cette ouverture, chargea un mem- bre du conseil des finances de porter au camp mongol des présents de route; c'étaient de l'argent, des soieries, et d'autres effets pré- cieux qui devaient être distribués aux offi- ciers de Souboutaï. Ce général promit de se retirer, et alla, en effet, poser son camp entre le fleuve jaune et la rivière Lo.

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38 HISTOIRE DBS MOITGOLS.

pin. Un mois après la levée du siège il éclata^ dans la capitale, une maladie contagieuse qui dura cinquante jours , et y causa une grande mortalité. On compta eUTiron neuf cent mille cercueils qui y dans cet espace de temps , pas- sèrent par les portes de la ville; et dans ce calcul ne furent pas compris les indigents qui ne laissaient pas de quoi se faire ensevelir. Pendant qu'on négociait la paix, un en-^

août, voyé mongol , nommé Tang-tsing, fîit tué par des soldats, avec les trente personnes de sa suite, dans l'hôtellerie il venait de descendre à Pian-king. Cet attentat étant resté impuni, les négociations furent rompues^ et Souboutaï reçut l'ordre de reprendre les hostilités. Les Mongols avaient un autre grief contre l'empereur kin. Il venait d'admettre à son service et même de décorer du titre de prince, un général mongol qui, s'étant attiré le ressentiment de son chef, avait passé aux Kins avec les villes il commandait dans le Schan-toung.

Lorsque sa capitale était investie, l'empe- reur avait appelle à son secours le général Vouschan qui^ après la défaite essuyée près des monts San-fong, s'était retiré à Nan-yang« fou, et y avait formé, des débris des troupes kines, une nouvelle armée, avec laquelle il

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LIVRE II, CHAPITRE I. 39

avait pris une position près des monts Lu. Le gouverneur de Teng-tcheou, Ouanien Celé, et celui de Coung-tchang-fou , dans le Schensi, Ouanien Khoutakhou, reçurent également l'or- dre de marché au secours de Pian-king. Vou- schan s'étant avancé jusqu'au delà de Mi-hien , à aa lieues de la capitale, et voyant devant lui des troupes mongoles, manda à Ouanien Celé qu'il l'attendait pour continuer sa mar- che; mais ce général, se dirigeant avec célé- rité sur Pian-king, ne voulut pas changer de route, et son armée, ayant rencontré les sept. Mongols près de la rivière king, se débanda sans avoir combattu. Sur la nouvelle de cette dispersion, les troupes du général Vouschan prirent également la fuite, et retournèrent à leur position de Lu-schan, dans le départe- ment de Nan-yang-fou. Le général Tchiga- Katsika, qui avait été détaché de la capitale, avec un corps de troupes, pour renforcer Vouschan, ayant appris ces événements, aban- donna de nuit son bagage , et revint précipi- tamment à Pian-king.

Ces déroutes suscessives enlevaient le dei*^ nier espoir d'un secours efficace; la disette augmentait dans la capitale, dont les com- munications étaient coupées par les Mongols. Après les pertes qu'elle avait essuyéfBs, elle

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4o HISTOIRE DES MONGOLS.

paraissait d'ailleurs hoi's d'état de soutenir un second siège. L'empereur Minkiassou se décida à la quiter. Il confia la défense de Pian-king- au gouverneur Saniabou, qui avait sous lui un commandant de la ville intérieure, un commandant de la ville extérieure, et quatre autres, pour les quatre côtés de la ville. L'empereur donna aux officiers et aux soldats de la garnison des gratifications de son trésor, pour les animer à faire une courageuse ré- sistance. Laissant dans Pian-king l'impératrice mère, l'impératrice régnante et les autres membres de la famille impériale , il prît la route de l'est, escorté par plusieurs corps de troupes. Le jour même de son départ, était arrivé le général Khouschakhou , com- mandant de Coungtchang-fou , avec son corps d'armée. Il apprit à l'empereur que le pays à l'ouest de la capitale, dans Tenace de trente lieues, était totalement dévasté, qu'il était im- possible d'y voyager. En conséquence Nin- kiassou se dirigea vers l'est; et après avoir fait venir de Koué-té-fou des grains qui fu- ï^^^ rent distribués à ses troupes, il passa le fleuve près de Tsao-hien, à une vingtaine de lieues de Pian-king. A peine fut-il sur la rive sep- tentrionale qu'il s'éleva un vent si impétueux, que les troupes restées sur l'autre bord ne

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LIVRE II, CHAPITRE 1. 4^

purent pas effectuer le passage. Alors survint une division mongole, envoyée par Souboutaï à la poursuite de l'empereur. Le combat fut vif et sanglant. Les Rins y perdirent deux généraux , dont l'un fiit pris , l'autre se soumit aux Mongols, et environ mille soldats, qui la plupart se noyèrent.

L'empereur avait conçu l'espoir de recouvrer une partie de ses domaines au nord du fleuve et de faire , par ses opérations de ce côté , une diversion utile à sa capitale. Il chargea Bakssan d'aller s'emparer de Oueï-tcheou. Ce gàiéral permit à ses soldats de tout piller sur leur passage; des gens de la campagne se sauvè- rent à Oueï-tcheou et y jetèrent Tallarme; aussi Bakssan eut-il beau arborer le drapeau impérial sous les murs de la ville, il ne put obtenir qu'elle lui ouvrit ses portes, et ap- prenant, au bout de quelques jours, l'appro- che des Mongols , il jugea prudent de se re- tirer. En effet, le général Sche-tian-tsé , ayant assemblé à la hâte les troupes du Pe-tche-li et du Schan-toung , arriva à Oueï-tcheou , suivit Bakssan, et le battit complètement près du couvent Pé-kong-miao. Bakssan alla lui- même porter à l'empereur la nouvelle de sa défaite , et le pressa de se retirer au-delà du fleuve, lui indiquant la ville de Koué-té-fou.

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4a HISTOIRE DES MONGOLS.

L'empereur suivit son conseil; il se jeta, de nuit, dans ime barque avec le général Khor- kho et six ou sept officiers, repassa le Hoang- ho, et arriva à Koué-té-fou. Le lendemain, les troupes instruites de son départ, se dis- persèrent.

L'empereur chargea un de ses officiers d'aller chercher les deux impératrices à Pian- king. Ces princesses sortirent de la ville, mais ayant apperçu les feux de l'ennemi, elles retournèrent précipitamment sur leurs pas. Informé que Ninkiassou avait abandonné sa capitale, Souboutaî était parti de Jou- tcheou, ville située à quarante lieues au sud- ouest de Pian-king, dans le dessein d'investir, pour la seconde fois, cette résidence.

Les habitants de Pian-king s'étaient persua- dés que l'armée du Schan-toung, encouragée par la présence de l'empereur, aurait des succès; en apprenant sa défaite, leur dernier espoir s'évanouit Souboutaî resserrait la ville tous les jours davantage; bientôt les prix des denrées y haussèrent à l'excès; les indigents mouraient de faim; on voyait des fonction- naires publics mendier avec leurs femmes dans les rues. Il y eut des individus qui mangèrent leurs femmes et leur enfmts. On consommait le cuir bouilli. On démolissait

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LIVRE n, CHAPITRE I. 4^

les maisons pour se procurer du combusti- ble. Le peuple s'était indigné de ce que Ninkiassou avait envoyé chercher les impé- ratrices; il en inférait que la capitale était abandonnée à son sort. Un homme pervers, Tsouï-li, commandant du côté occidental de k ville, profita de l'agitation publique et du découragement général pour s'emparer de Fautorité. Il commença par faire tuer, en fér. sa présence, le gouverneur de la résidence Ouanien Saniapou , et le ministre d'état Ouanien Nassouhaha, ainsi que dix autres grands fonctionaires; puis il répandit une proclamation il les déclarait dignes de mort, pour n'avoir pas fait leur devoir. Tsouï^i entra dans le palais, à main-armée, et tint conseil sur la nécessité de reconnaître un nouveau chef. Sur sa proposition , la ré- gence fut déférée au prince Ouanien Tsoung- ko, qui se- trouvait à l'armée du nord. Il chargea un de ses gens d'aller, au nom de l'impératrice mère, inviter ce prince de reve- nir à Pian-king. Tsoung-ko s'y rendit et fut proclamé régent. Tsouï-li se créa lui-même premier ministre, président du sénat et géné« raHssime. Il donna à l'un de ses frères le poste de gouverneur de la résidence, et à l'autre, celui de commandant du palais im-

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44 UISTOIAE BES MOVGOLS.

pénal. Toutes ses créatures furent placées* Maître de l'autorité , il crut avoir besoin y pour la conserver, de la protection mongole ^ et envoya ses soumissions à Souboutaï. Ce général s'approcha de Tsing-tcheng , petite ville située à la porte de Pian-king, Tsouï-li, revêtu d'habits royaux, alla à sa rencontre avec un brillant cortège, et le traita avec un respect filial. De retour en ville, pour mieux prouver aux Mongols sa sincérité, Tsouï-li fit mettre le feu aux tours de bois et aux vedettes construites sur les remparts. Peu après, il relégua dans l'un des palais, le r^ent et les autres individus de la famille impériale , qu'il fit garder à vue par des gens qui lui étaient dévoués. Il alla lui-même habiter le palais du souverain, et envoya à Souboutaï, les joyaux et autres ef- fets précieux qui se trouvaient dans le trésor, et même les habits de cérémonie de l'empe- reur et de l'impératrice. Il se fit amener les femmes et les filles des seigneurs qui étaient partis avec Ninkiassou et retint celles qui lui plurent. Un édit ordonna aux habitants de la capitale de lui apporter leur or et leur argent. Cette injonction fut suivie de visites domiciliaires, et Tsouï-li fit périr dans les tourments un grand nombre d'individus qui

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LIVRE Uy CHAPITRE T. ^S

avaient tâcbé de soustraire une partie de leurs richesses à sa cupidité.

Dans une visite que Tsouï-li fit avec sa femme aux deux impératrices, qui pour le recompenser de ses prétendi» services, lui donnèrent ce qu'elles avaient de plus pré- cieux, il sut persuader à l'impératrice mère d'écrire à Ninkiassou, pour le presser de se soumettre aux Mongols. Après avoir expédié cette lettre à Koué-té-fou , par la nourrice de ce souverain , il se saisit de l'impératrice mère, Ouan-sché, de l'impératrice régnante, Touc- tan, du prince régent, Ouanien Tsoung-ko, du prince Ouanien Scheou-schoun, des prin- cesses, enfin de tous les in<Mvidus des deux sexes de la famille impériale, au nombre d'environ cinq cent, et les fit conduire, sur mal trente-sept chariots, à Tsing-tcheng ils fu- rent Kvrés à Souboutaï. Il lui envoya aussi un des descendants de Confucius , à la cinquante- unième génération , nommé Coung-yuan-tso , qui jouissait d'une haute réputationde sagesse, plusieurs individus versés dans la connaissance des lois, les plus savants lettrés des Tao-ssés, des Ho4cfaangs ou bonzes, des médecins^ des artistes, des brodeurs, des commédiens* Souboutaï fit tuer les princes du sang. Les impératrices et les princesses fiirent conduites

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46 HISTOIRE DES MONGOLS.

à Cara-courouin. L'histoire observe qu'elles eurent beaucoup à souffrir, dans ce voyage, du manque des objets les plus nécesssaires. Le jour que Souboutaï voulut faire son entrée à Pian- king, Tsouï-li alla le recevoir à la porte de la ville , et le conduisit au palais. Pendant qu'il était ainsi occupé, les soldats mongols, sachant que l'hôtel de Tsouï-li renfermait de grandes richesses, y coururent en foule et le pillèrent; ils enlevèrent même ses femmes et ses concubines.

Prévoyant la prise de Pian-king, Souboutaï avait envoyé un exprès à l'empereur Ogotaï , en Mongolie, pour lui exposer que cette ville avait fiait une longue résistance et que beaucoup d'officiers et de soldats de- son armée y avaient été blessés; il demandait, en consé- quence, la permission de la saccager; car, d'après une loi de Tchinguizrkhan , toute ville investie, qui ne se rendait pas avant d'être attaquée, devait être mise à feu et à sang. Instruit de cette demande, Yéliuï-Tchoutsaï courut chez l'empereur et lui représenta que les habitants de Pian-king alkient devenir ses sujets; qu'il y avait, dans cette popu- lation, beaucoup d'habiles artisans et artis^ tes, entre-autres d'excellents armuriers, que s'il permettait de Éaire périr tant de gens

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LIVRE n, ClfAPITRE I. 4?

Utiles, il se priverait des avantages de la conquête. Ogotai se rendit à ses instances , et manda à son général de ne mettre k mort que les individus de la fsunille impé* riale, ceux qui portaient le nom d'Ouanien. Y^iui-tchoutsaî eut ainsi le bonheur de sau- ver une Immense population. Il restait, dit on, à Pian-king environ quatorze cent mille familles, y compris, sans doute, les réfti- giés des provinces. Ce ministre obtint même l'abolition de la loi cruelle qui vouait à la mort les habitants des places prises après un siège.

Peu après son arrivée à Koué*té-fou, l'em- pereur kin, voulant satisfaire ses troupes, qui imputaient à Bakssan les revers essuyés au nord du fleuve, avait traduit ce général devant un conseil de guerre. Condamné à mort il fut exécuté. Un autre général, Fou- tcha-Kouannou, s'empara du pouvoir, après avoir fait tuer le premier ministre Li-tsi, le avr. gouverneur de la ville et environ trois cents mandarins.

La mère du général Kouannou avait été prise par les Mongols, après la déroute des Kins près du monastère Pé*kong-miao, dans le district d'Ouei<-tcheou. L'empereur, vou- lant tromper le général mongol Témouta!,

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48 niSTOIRE DES MONGOLS.

qui assiégeait la ville de Po-tcheou, située à une vingtaine de lieues au sud de Koué- té-fou, chargea Kouannou de lui insinuer que s'il voulait lui rendre sa mère, lui Kouan- nou forcerait l'empereur à accepter les con- ditions qui lui seraient imposées. Témoutaî lui renvoya sa mère et entama une négocia- tion. Les deux généraux avaient souvent des entrevues; en att^idant Kouannou préparait juin, une expédition secrète; enfin, il alla, avec 45o hommes d'élite, surprendre, au milieu de la nuit, le camp de Témoutaî. Les flèches à feu dont il avait armé une partie de ses gens augmentèrent la confusion causée par cette attaque inopinée. Témoutaî leva le siège pré- cipitamment et se retira au-delà de la rivière , se noyèrent 35oo des siens, et Kouannou, après avoir incendié son camp, retourna à Koué^té-fou. Nommé généralissime , en récom- pense de ce coup de main , il s'empara des rênes du gouvernement , et ne laissa pas même à l'empereur une ombre d'autorité.

Sur ces entrefaites Oucoulunhao, gouver- neur général des départements de Tsaï-tcheou (Ju-ning-fou) Si-tcheou, Yng-tcheou et de plusieurs autres, dans le midi du Ho-nan, fit proposer à l'empereur de transférer sa resi* dence à Tsaî-tcheou. Ce prince y était dis*

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LIVRE 11^ CHAPITRE I. 49

posé; mais Kouannou ne voulut pas en- tendre parler d'un projet qui devait lui en- lever la personne de Tempereur. Ninkias- sou fie. vit d'autre moyen de sortir de cette oppression que de se défaire de Kouannou ; il le fit assassiner par deux de ses ministres , au moment il entrait dans l'appartement impérial.

Ninkiassou avait d'ailleurs un motif puis- sant pour se rendre à Tsaï-tcheou. Le général Vouschan se trouvait à Schun-yang, dans le midi du Ho-nan, à la tête d'une armée de i5oixante-dix mille hommes. II. est vrai que Vouschan ne tarda pas à être vigoureusement attaqué par les forces de l'empereur soung. Ogotaï avait, l'année précédente, envoyé un ambassadeur à ce souverain , pour lui proposer une alliance offensive contre les Kins, et l'em- pereur chinois Li-tsong, jugeant l'occasion fa- vorable pour détruire les anciens ennemis de sa maison, s'était engagé à envoyer une armée ?*^^ dans le Ho-nan , contre la promesse , qu'après la chute des Rins, cette grande province serait réunie à son empire. L'armée soung ^ commandée par le général Meng-kong, battit Vouschan près des monts Ma-teng, prit neuf forts que ce général occupait dans les monta- gnes, et reçut la soumission des débris de ses

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30 HISTOimC DES MONGOLS,

août, troupes. Après s'être emparé de la ville fron* tière de Teng-tcheou, Meng-kong reprit le ehemin de Siang-yang-fou, dans le Hou* kouang.

Avant ces derniers événements, l'empereur kin était parti pour Tsaï-tcheou, avec une escorte de trois cents hommes, dont cin* quante seulement étaient à cheval. A son arrivée dans cette ville, il mit à la tête des affaires Ouanien Houschahou qui aux quar lités d'un bon général joignait celles d'un homme d'état. Le nouveau ministre s'occupa, sans relâche, à former une armée, et paiv vint, en peu de temps, à mettre sur pted un corps de dix mille hommes de cavalerie» Il avisait aux moyens de conduire l'empe* reur à Coung-tchang*fou, dans le Schen-sî; mais les courtisans de ce prince répugnaient à s'éloigner du Ho-nan, et leurs représenlar tions réitérées lui firent abandonner ce projet de retraite. L'éloignement des Mongols loi inspirait de la sécurité; il voulut se livrer à son penchant pour une vie efféminée, %t ordonna qu'on plaçât de jeunes filles daas son palais, qu'on lui créât des pavillons et des lieux de plaisance. Houschahou lui pel^- suada de renoncer à ces ^ idées de mollesse, en présence des dangers qui le menaçaient ^

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LIVRE II, CHAPITKB I. 5l

et les Mongols ne le laissèrent pas jouir long^ temps du repos qu'il s'était flatté de trouver à Tsaï-tcheou. Bientôt parurent dans les en* virons de cette ville, des troupes détachées du corps d'armée de Tatchar, qui n'attendait, pour l'attaquer, que la reddition de Lo-yang (Ho-nan-fou). On a vu que Lo-yang avait déjà soutenu un siège. Tsiang-$chen y com* mandait, général qui avait rendu de grands services à l'empire, dans les campagnes au nord du fleuve. Lorsque Tatchar vint l'assié* ger, cette place n'ayant plus que peu de vi . ▼res et une faible garnison, ne pouvait pas £Eâre une longue résistance. Kiang-schen, ré* duit à l'extrémité, se mit à la tête de ses soldats les phis intrépides, et tenta de se frayer on passage à travers l'ennemi; mais il fut pris les armes à la main. Tatchar aurait voulu engager sous ses drapeaux un aussâ brave officier. Ce fut en vain qu'il pressa Kiang-* schen de rendre hommage à Ogotaï, en se prosternant, v^rs le nord ; ce général $e toAima en côté du midi^ pour saluer NinkiassoU; il iàt mis à mort.

Tatchar ) qui était fils du Nojfan Borgôul, hin des quatre preux de Tchioguii-Uian , se vendit alors devant TsaJktcheou, qu'il fit oct. entourer dHin rempart. Il y fut joint par nov.

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/>U HISTOIRE DES MONGOLS.

une armée chinoise de vingt mille hommes^ sous les ordres de Meng-kong et de Kiang-^ haï, que l'empereur soung avait fait mar- cher, conformément à son traité d'aUiance avec les Mongols, et ces auxiliaires appor- taient à Tatchar trois cent mille sacs de ris. Au bout de deux mois de blocus, la disette de vivres fut si grande dans la ville, qu'on y mangeait de la chair humaine. Des mala- dies y firent de grands ravages. On arma tous les hommes en état de servir, et les fem- mes les plus jeunes et les plus robustes, vêtues en hommes, furent employées à transporter les bois et les pierres nécessaires pour la défense. A la suite de plusieurs attaques, les Mongols et les Chinois livrèrent ensemble un assaut qui les rendit maîtres d'une partie de la mu- raille. Ils furent surpris de voir un second rempart, bordé d'un large fossé; mais à la vue des drapeaux ennemis, plantés sur le mur ex- térieur, Ninkiassou, déplorant la rigueur de son sort, fit connaître sa dernière résolution, n dit à ceux qui l'entouraient qu'il croyait n'avoir montré pendant les dix années de son règne, ni de grands vices ni de grands dé- fauts, et que néanmoins, il était près de subir le sort réservé aux plus méchants prin- ces; que la mort n'avait rien qui l'efifrayât;

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LIVRE II, CHAPITRE f. 53

mais de se voir le dernier souverain d'un em- pire si florissant pendant un siècle, et de pen- ser que l'histoire le confondrait avec ces princes, qui par leui's méfaits avaient perdu leurs dynasties, c'était ce qui causait son affliction. « La plupart des souverains, ajouta- « t-il, qui survécurent à la chute de leur a empire furent réduits en captivité, ou livrés « au mépris public; je n'attendrai pas jusque « là; le ciel connaît ma résolution. » Toute- fois Ninkiassou voulut faire une tentative pour se sauver. Ayant distribué ce qu'il possédait aux ofïiciers de la garnison, il sortit de nuit, avec quelques troupes, par la porte orientale, vêtu en homme du commun ; mais il ne put tromper la vigilance des avant-postes enne- mis, et se vit contraint de rentrer dans la ville. Alors il fit tuer ses chevaux pour nour^ rir la garnison.

Le premier jour de l'an , les assiégés , \^^^ épuisés de faim et de fatigue, entendirent les chants d'allégresse et les sons des instru- ments, par lesquels les Mongols avaient cou- tume de célébrer cette époque. Dans leur détresse, ils avaient fait bouillir, pour leur subsistance, tout ce qu'ils avaient trouvé en cuir: selles, bottes, vieilles tymbales; ils s'es- taient nourris d'une pâte faite avec des os ..

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54 HISTOIRE I>ES MONGOLS.

humains y des 'os d'animaux et des herbea. Us avaient mangé des vieillards , des infir* mes, des prisonniers et des blessés. Meng- kongy instruit par des transfuges, de l'état la place était réduite, résolut de la sur- prendre. Ses troupes s'avancèrent, le haillon à la houche , avec les échelles d'escalade , pénétrèrent dans la ville par cinq hréches (ailes au mur occidental, et livrèrent un vif combat qui dura jusqu'au coucher du soleiL Elles se retirèrent alors avec une perte con- sidérable ; mais les assiégés avaient vu périr leurs meilleurs officiers et soldats. Dans la nuit, l'empereur, ayant convoqué les grands fonctionnaires, céda le trône au prince Oua- nien Tching-lin , frère de Bakssan , qui avait été mis à mort, et descendant en droite li- gne de l'empereur Horipou; il était chargé de défendre le côté oriental de la ville. Le prince se prosterna, les yeux rempUs de lar- mes; il ne voulait pas accepter ce funeste présent. « Ce n'est pas, lui dit l'empereur, « sans une impérieuse nécessité' que je t'offre « le trône. Mon embonpoint ne me permet « pas de me fier à la vitesse d'un cheval; « mais tu peux encore te sauver; tu as du « courage et de l'habileté; si tu réussis dans « cette tentative, tu pourras conserver notre

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LIVRE 11^ CHA.PITRË 1. 55

t djmastie et relever Tempire; telle est ma « pensée. » Tchiug-lin accepta le sceau impé- rial, et le lendemain il fut élevé au tronc.

Les cérémonies de l'inauguration furent in- terrompues par une nouvelle attaque qui dé- cida du sort de la ville* Meng-kong y pénétra, par la porte de l'ouest, avec Kiang-haï et Tatchar. Houschahou, à la tête de mille bra- ves, combattait dans les rues. Ninkiassou ne voyant plus de salut, annonça à ses courtisans qu'il allait mourir, et leur ayant recommandé de brûler son corps, il se pendit. Alors Hou- schahou dit à ses officiers qu'il était désor- mais inutile de combattre; mais que, ne vou- lant pas recevoir la mort d'une main obscure, il allait se jeter dans la rivière Jou. Cinq of- ficiers généraux et environ cinq cents soldats suivirent son exemple.

Tching-lin, qui s'était retiré dans la cita- delle, pour la défendre, apprenant la mort de Ninkiassou, alla, suivi des grands digni- taires, lui rendre les derniers devoii-s. Il n'avait pas achevé les libations que la ville était au pouvoir des assiégeante. Les officiers du palais se hâtèrent de brûler le corps de Ninkiassou; ils en recueillirent les ossements qui furent enterrés sur la rive du Jou. Meng-kong, étant entré dans le palais, ap«

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56 HISTOIRE DES MONGOLS.

prit d'un mandarin que Tempereur s'était ôté la vie. Ce général partagea avec Tat- char les ossements de Ninkiassou, et ce qu'on put trouver des ornements impériaux. Le même jour Tching-lin fut tué par ses propres soldats révoltés. Ainsi périt la dynastie Kin, qui avait régné, sous neuf souverains, l'espace de cent dix-huit ans. Alors toutes les places qui avaient appartenu à cette monarchie se rendirent aux Mongols, à l'exception de Coung- tchang-fou dans le Schen-si (i).

L'empereur soung célébra par de grandes réjouissances la destruction de la dynastie Kin. Il alla offrir à ses ancêtres, dans le temple qui leur était consacré, les dépouilles et les cendres du dernier empereur de cette maison (2).

(i) Thoung-hian-Kang-mou et Histoire des Yuans , trad. par Hyacinthe , p. 177 à 139. Mailla, Hist. dt la Cldncy t. IX, p. i56 à 207. Gaubil, p. 69 à 88.

(a) Gaubil, p. 89.

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LIVRE II, CHAPITRE II. $7

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CHAPITRE II.

Retour d'Ogotaî et de Toulouï en Mongolie. Maladie d'Ogotaî. Mort de Toulouï. Couriltaî, suivi de trois expéditions militaires. Fondation de Caracou- roum. Marque de faveur donnée à Yéliui-Tchoutsaî , adminbtrateur des finances de la Chine. Apanages dbtribués en Chine aux princes et aux princesses du sang. Admission des lettrés aux emplois en Chine. Établissement en Chine de deux grandes écoles pour les enfants mongols. Kévolte de la Corée et sa sou- misdon. Invasion d'une armée soung dans le Ho- nan. Assassinat de Tsoui-li à Pian-king. Occupation de cette ancienne résidence par les Soungs. Défaite des Soimgs par les Mongob. Leur retraite. Ten- tative de la cour des Soungs pour conserver la paix. Guerre déclaré aux Soungs. Marche de trois corps d'armée mongols. Envahissement du Su-tchouan. Campagnes dans le Hou-kouang et le Kiang-nan. Mort d'Ogotai. Ses résidences. Son penchant pour la boisson. Traits de sa prodigalité. Tchagataî. Troubles causés dans la Transoxiane par un imposteur mahométan.

On a VU que l'empereur mongol était parti du Ho-nan, avec son frère Toulouï, dans le mois de mai laSa, pour retourner en Mongolie. Ces princes prirent la route de

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58 HISTOIRE DES MONGOLS.

Tching-ting-fou et de Yen-king (Pé-kin), et passèrent la grande muraille à Ck>u-pé-keou. Au-delà de ce boulevard, Ogotaï fut atteint d'une maladie grave. Lorsque sa santé fut rétablie, les deux frères se rendirent aux sources de TOnon. Ce fut que Toulouï mourut dans le mois d'octobre de cette même année, à l'âge de quarante ans (i).

(i) Gaubily Hist. de Gengh., p. 74. Il y est dit que lorsque les jours d'Ogotaï se trouvaient menacés par la maladie dont il vient d*étre taXt mention, « Toley se ' « mit à genoux, mit son nom dans un billet cacheté , « pria le ciel de conserrer la vie à son frère , et s'ofirit « à mourir à sa place. » Raschid &it également enten- dre que Toulouï se dévoua pour son frère. « Ce prince, « dit-il, étant allé voir Ogotaï malade , vit auprès de son « lit un vase de bois qui contenait une liqueur avec la- « quelle les Cames, appelles pour guérir le Caan par « leurs sortilèges, avaient •humecté la partie douloureuse « de son corps. Toulouï prit le vase et fit au ciel cette « prière : O grand Dieu y être éternel; si tu sé'is, à « cause fies péc/tés commis , tu sais que Je suis plus cou- « pable que lui; car J'ai tué plus de monde à la guerre; « J'ai enlevé plus de femmes et d'e^/ants; j'ai fait couler m les larmes de plus cle pères et de mères; mais si, au t contraire , tu veux appellet à toi l'un de tes serviteurs , « à cause de sa beamté et de son mérite, J'en suis plus t digne; prends moi au lieu d'Ogotaï, délivre le de

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LIVRB 11^ CHAPITRE II. 59

Ce prince était le fils chéri de Tchinguiz^ khan; jamais il ne l'avait quité; il s'était formé à son école , dans l'art de la guerre. On admira son expédition dans le Ho-nan. 11 était encore enfant lorsque son père lui fit épouser Siourcoucténi, fille de Dja-gam- pou, frère d'Ong-khan, roi des Kéraïtes (i). Il eut de cette princesse quatre fils : Mangou ,

« cette maladie f et fais la passer en moi* 11 but eft « même temps l'eau fatale. Ogotaî guérit; mais Toulouî « ne tarda pas à mourir. Ce trait , ajoute Raschid, est « bien connu. Siourkouktini Bigui, veuve de Toulouî ^ « le citait souvent. »

Djouvéini ne fait pas mention de cet acte de dévcue- moit. 11 se borne à dire que Toulouî, à son retour de la Chine , se livra avec excès à son penchant pour la bois- son, qu'il tomba malade, et mourut au bout de deux ou trois jours. « Le Caan, ajoute cet hbtorien, en fut « profondément affligé , et ne cessa de le regretter le reste « de sa vie. Chaque fois qu'il était ivre il se mettait à « pleurer, disant : Cest le vif chagrin que j'éprowe de « cette perte, qui m'engage à boire; je cherche dam « l'ivresse un soulagement à mon cœur* »

(x) Dja-gampoti avait trois autres filles : Abica, qui, comme on l'a vu, était l'une des épouses de Tchingui»-- khan ; Bigtouîmisch Fo-^jin , que Tchingnis-khan fit épol^• ter à son fils akié I^outchi; la troisième, dont fltn ne cite pas le nom, fut donnée en mariage au fils du chef des ODgoutes. Raschid , article des ^Kénmes,

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6o HISTOIRE DES MONGOLS.

Coubilaï, Houlagou et Aric-Boga, dont les deux premiers parvinrent à Tempire, et le troisième fonda une dynastie en Pei'se. Il eut encore six fils de ses autres femmes et concubines.

Toulouï signifie miroir en langue mongole. Après la mort de ce prince, il ne fut plus permis de prononcer son nom, et pour dé- signer un miroir, les Mongols empruntèrent de la langue turque le mot de gueuzugu. Tou- louï était d'ailleurs appelé le grand noyan (yéga-noyan).

A son retour de la Chine, l'empereur tint, en 1234 9 une assemblée générale dans un lieu de la Mongolie appelle Talan-tépé. L'an- née suivante, il convoqua un couriltaï dans sa nouvelle ville de Caracouroum (i), sur la

(i) Not» ne coimaissoiis pas la position précise de Ca- ncouroum. L'indication la plus positive du site de cette Tille, qui ait été découverte jusqu'ici, se trouve dans l'histoire de la dynastie des Thangs en chinois (Tliang-chou). £lle en a été. extraite par M. Abel Rémusat et citée dans ses Recherches sur la viile de Kara-koroum , (Voyez Mé^ moires sur plusieurs questions relatives à la géographie de l'Asie centrale, Paris, i8x5, in-4^}. Voici la traduction qu'il donne de cet article:

« A l'orient de la ville (de Kara-Koroiun) sont des

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LIVRE II, CHAPITRE II. 6l

rive de TOrcon , il avait fixé sa principale résidence. Pendant le premier mois de cette diète, il ne fut question que de fêtes, et l'empereur signala sa munificence, en distri- buant les richesses amassées dans son trésor depuis le commencement de son règne (i). •Lorsqu'on s'occupa des affaires générales, il fut résolu que, pour reculer les limites de l'empire, suivant les préceptes de Tchinguiz- khan , on ferait à la fois plusieurs expédi- tions. Une armée fut destinée à attaquer l'em- pire Soung; une seconde, à réduire la Corée, qui avait secoué le joug mongol. Il fut ar- rêté qu'il partirait de chaque dixaine de l'ar-

« plaines incultes; à l'occident, elle repose sur le mont •• Ou-te-kian; au midi, elle s'appuie sur la rivière Wen- « kouen (Orkhon). Au nord, à 6 ou 700 lieues on trouve « la rivière Sian'-o (Sëlînga). »

Malgré ses recherches, dont les résultats sont consigné* dans le dit Mémoire , M. Abel Rémusat n*a pas pu dé- terminer plus exactement la position de Kara-Koroum. On savait déjà que cette ville était sur le bord de TOrkhon. Ou-te-kian était aussi le nom de l'une des dix rivières ^ On-orcoun, dont les bords étaient anciennement habités par des tribus ouïgoures. Voyez la note Y à la fin du 1*'. volume.

(i) Djami ut^TévariAh, Tarikh Djihankuschaï , tom. I.

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0a' HI&TOIRE DIS MOlfGOLS.

tnée mongole, un homme pour FOuest et un homme pour le Midi, et que dans la Chine septentrionale, il serait levé un homme par dix feux, pour la guerre au Midi, et un second pour l'expédition en Corée (i), Ogotai avait proposé dans l'assemblée d'en* voyer les troupes chinoises en Occident, et de faire passer en Chine les troupes maho- raétanes; le ministre YéKuï-Tchoutsaï lui fit abandonner cette pensée , en lui exposant que les armées seraient ruinées, non moins par la longueur de la marche qu'elles auraient à faire, que par la différence du climat et de la nourriture dans des contrées si distan- tes de leur patrie (a). L'empereur annonça l'intention de se mettre à la tête de l'armée , qui devait marcher à la conquête des pays situés au nord de la Mer Caspienne et de la Mer Noire; mais plusieurs des princes de sa £simille lui représentèrent, qu'élevé au rang aupréme, il devait s'affranchir des fatigues de la guerre, et passer sa vie dans les dou* ceurs du repos; sinon, que lui servirait d*avoîr tant de parents et de généraux auxquels il<

(i) Kang^mou, trad. par Hyacinthe, pag. aSS. («) Maillii lomi IX, pag. 21s.

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LIVRE II, CHAPITRE II. 63

pouvait confier le commandement de ses ar- mées? Ogotaï céda sans peine à ces obser- vations, et nomma Batoiiï, second fils du prince Djoutchi, chef de l'expédition en Oc- cident. Un corps d'armée, sous les ordres du général Houcatou, fut en même temps envoyé sur la frontière du Caschmire et de ITnde. Déjà la Perse tout entière avait été reconquise par le général Tchormagoun; le sultan Djélal-ud-din avait péri dans Tannée ia3i ; il n'existait plus de rejeton mâle de la dynastie des Khorazm-Schahs , et l'Iran était gouverné par des officiers mongols. Nous rendrons compte de ces événements au qua* trième livre, dans l'histoire de la Perse sous la domination des princes tchinguiziens.

n fut décrété, dans la même assemblée^ que les propriétaires de troupeaux donneraient une tête par cent; et les cultivateurs, la dixme de leurs récoltes. Le produit de ces imposi^^ lions fut destiné au soulagement des indigents; On statua que, pour accélérer la marche des messagers, des relais de chevaux seraient éta- blis dans tout l'empire (i).

A son retour de la Chine , d'où il avait

(l) TifriJ^h JD^ihankuschaXM tom. %, -^ Djami ut-Té^arikà.

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64 HISTOIBE DES MONGOLS.

emmené un grand nombre d'habiles artistes et artisans, Ogotaï se fit bâtir un vaste palais dans son nouveau yourte de Caracouroum, sur la rive de VOrcoun. Il y avait d'an- ciennes ruines; une inscription lapidaire qu'on y découvrit alors, fit connaître que c'étaient les restes d'un château y fondé j au milieu du huitième siècle , par Boucou , khan des Ouï- gours, et devenu la principale résidence de ses successeurs. Le nouveau palais d'Ogotaï, richement décoré par des sculpteurs et des peintres chinois, était entouré d'un parc, et avait quatre entrées; l'une, réservée à l'em- pereur; la seconde, aux princes du sang; la troisième , aux dames de la famille impériale ; la dernière donnait accès au public. Autour de ce palais furent bâtis des hôtels pour les princes et les Grands; il s'éleva bientôt une ville, que l'empereur nomma Ordou-Baliky ou la ville de l'Ordou, mais, qui fut plus connue sous le nom de Caraœurouniy par lequel on désignait une chaîne de montagnes la rivière Orcoun prend naissance (i). Cette

(i) Tarikh Djihankuschai , tom. I. ^^ On trouve , dans V Histoire de la Tartarie y par Visdelou (Supplément à la Bibl orient, de D'Hcrbclot , in-f^. , p. 86), qu'en 9*4,

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LIVRE II, CHAPITRE U. 65

nouvelle cité fut entourée, en i235, d'un mur qui avait une demi-lieue de circuit. De jusqu'à la Chine, fuirent établis des relais particuliers, au nombre de trente-sept, tous gardés par des détachements de cavalerie. Chaque jour il arrivait dans cette résidence, des différentes parties de l'empire, cinq cents chariots remplis de vivres et de boissons , que l'on déposait dans les magasins , pour la con- sommation de la cour et les distributions au peuple (i).

Ogotaï inaugura, en 12 36, son nouveau pa- lais par un grand festin, et donna, en cette occasion , à son ministre Yéliuï-Tchoutsaï une marque signalée de sa faveur. Il l'avait chargé, dès son avènement au trône, de l'administra- tion des finances dans les provinces conquises en Chine. Lorsqu'il était arrivé, en ia3i,

Apaki, fondateur de la monarcliie des Kitans ou Lëaos, campant , arec son armée , auprès de l'ancienne résidence des khans ouîgours, y fit ériger un monument de mar- bre , sur lequel fut gravé le récit de ses victoires , et qu'il ordonna de repolir l'ancien monument de Pi-gha-khan (Boucou) et d'y graver , eh caractères khitans , turcs et chinob, une inscription qui contenait le récit de ses grandes actions.

(1) Tarikh DjUtankusrhaï , tom. I.

a 5

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66 HISTOIRE DES MONGOLS.

sur la frontière de cet empire, Yéliuï-Tchoutsaï lui avait présenté un état des impositions le- vées depuis un an , tant en argent qu'en soie- ries. Ogotaï fut étonné d'y voir les mêmes sommes , les mêmes quantités d'étoffes qui lui avaient été annoncées d'avance. Cette exac- titude augmenta son estime pour Yéliuï-Tchou- tsaï ; il lui confia , le même jour , avec son grand sceau, l'administration générale de ses possessions en Chine (i). Ogotaï, qui savait apprécier sa haute capacité, son amour de la justice, son zèle pour les intérêts du gou- vernement, comme pour le bien des peuples ^ lui fit l'honneur, dans ce festin, de lui pré- senter la coupe et de lui adresser ces paro- les : « Si j'ai employé vos talents, si je roc « suis réglé sur vos lumières, je n'ai fait que « suivre les ordres du défunt empereur. Sans <f vous serions nous les maîtres du Tchong- « yuen (Chine septentrionale). Si je dors main- te tenant sans inquiétude, c'est à vos veilles « que j'en suis redevable. » Puis, se tournant vers les ambassadeurs de l'Occident et du

(i) Mailla, ibid., p. i38. iLrtide de Tëltai-Tclioii- tsaï, dans les Nouveaux mélanges asiatiques, de M. Abel Rémiisat, tom. II, pag. 7a.

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LIVRE H, CHAPITRE U. 67

Midi qui se trouvaient, en grand nombre, à sa cour, il leur demanda , en leur mon- trant Yéliuï-Tchoutsaï, si leurs pays possé- daient un homme qui, pour l'habileté et la sagesse, pût lui être comparé (i).

En mars 12 36, furent créées en Chine, pour la première fois sous la domination mongole, des assignations munies du sceau du trésor, appellées Kiao-tchao, Sur la pro- position d'Yéliuï-Tchoutsaï , il en fut émis pour la somme de dix mille petits lingots, ou cin* quante mille onces d'argent (a).

Au début de son administration , Yéliuï- Tchoutsaï s'était attiré de puissantes inimitiés, en voulant arrêter des abus intolérables. Ogotaï avait promis à ses généraux de leur distri- buer les pays conquis. Son ministre lui fit sentir les inconvénients qui devaient en ré- sulter et pour son autorité et pour ses peu- ples, et le détermina à leur donner, en ré- compense de leurs services, de l'argent, des soieries et d'autres effets précieux. Ce conseil souleva contre Yéliuï-Tchoutsaï un grand nom* bre d'individus. A leur instigation, le prince

(1) Mailla, îbid. , p. ai 5.

(a) HisL des Yuans et Ka/ig^mou, ibW., p. a58eta6x.

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68 HISTOIRE DES MONGOLS.

Utchuguen, oncle de rempereur, lui dénonça son ministre, comme un étranger qui avait des vues perfides. Les informations que prit Ogotaï lui firent connaître la véritable cause de Vanimosité contre Yéliuï-Tchoutsaï ; il sut qui avait conduit cette intrigue, et voulut que le ministre calomnié prononçât sur le sort de cet officier; Yéliuï-Tchoutsaï dédaigna de se venger.

Les Mongols, dans leurs conquêtes en Chine, n'avaient pas plutôt occupé un dis- trict, une province, que généraux et officiers s'en partageaient les habitants. Le moindre village avait son maître, et dès -lors, une administration séparée. L'empereur chargea , en ia36, un fonctionnaire, nommé Cadac, de faire le dénombrement de la population chinoise. A la suite de cette opération, les habitants furent divisés par districts, et cer- tains districts formèrent un département. Il fut alors question d'établir un impôt per- sonnel. Les ministres mongols entendaient qu'il fut perçu en Chine, comme il l'était dans les autres parties de l'empire, par tête d'individu mâle, en âge de puberté. Yéliuï- Tchoutsaï représenta que l'impôt personnel avait toujours été perçu, en Chine, par feu ou par famille. « Dans notre pays, comme

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LIVRE II, CHAPITRE II. 69

« dans les provinces d'Occident, lui dirent les « seigneurs mongols, tout individu mâle en « âge viril est sujet à la capitation. Abandon- « nerions-nous la législation du grand empire « pour adopter le système de la monarchie « détruite? » Tchoutsaï répliqua que si l'on voulait introduire ce changement en Chine, on pourrait bien, la première année, perce- voir la capitation; mais que, dès la seconde, les contribuables prendraient la fuite. Ogotaï fut de l'avis de son ministre et ordonna l'as- siette de l'impôt personnel par feu ou maison. D'après les états que lui présenta Cadac, il y avait dans les possessions en Chine environ onze cent mille familles.

Il fut alors proposé, dans le conseil, de dis- tribuer les provinces de la Chine en apanages aux princes du sang et aux seigneurs mongols- Yéliuï-Tchoutsaï représenta que ce mode de rétributions pouvait avoir, par la suite, de grands inconvénients, et qu'il était préférable de donner, en récompense, de l'or et des étoffes de soie. L'empereur dit que sa parole était engagée: «Alors, reprit Yéliuï-Tchoutsaï > a il faut placer, dans tous les lieux concédés « en fiefe, des employés chargés d'en percevoir « les droits fiscaux et de les remettre aux do- « nataires , auxquels il sera sévèrement défendu

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70 HISTOIRE DES MONGOtS.

« de rien demander de leur chef aux contre ¥ buables. » L'empereur approuva cette pré-^ caution (i).

En même temps l'impôt foncier et les droit» de consommation furent fixés par une loi qui devait être invariable. Ces taxes s'élevaient à un trentième de la valeur des marchandises de toutes espèces, à l'exception du vin qui, considéré comme article de luxe, payait un

(i) Voici les apanages qui furent donnés aux princes et aux princesses du sang, dans les provinces conquises en Chine. Dans le Pe-tchc-li, la province de Ta-ming-fou , au prince Couyouc, fils de l'empereur; celle de Sing^ tcheou fSchoun-te-fou) , à Borotaï; celle de Ho-kian-fou, à Rhoulgué ; celle de Couang-ning-fou (Tchang-li-hien) , k Bourgoutt. Dans le Schan-si, la province de Ping-yang- fou à Ordou-Batou; celle de Thaï-yuen-fou , à Tchagataï. Dans le Su-tchouan, la province de Tching-ting-fou , à rimpératrice douairière; Ping-tcheou (Ping-hun) et Louan- tcheou , à Utchuguen noyan. Dans le Schan-toung une par- tie de la province de Y-tou-fou (Tsing-tcheou) et de celle de Tsi-nan-fou, à Ykbo; Bin-tcheou et Laî-tcheou^ à Adjitai. Le prince Routan, Tcbëkou, gendre d'Ogotaï, la princesse Alikha, la princesse Gatchin, les princes Tchalakhou , Tchagataï Tankin , Mongou , Khantcha , et les noyans Angui, Tsing et Khoss-kissou, reçurent des terres dans la province de Toung-ping-fou du Schan-- toung. -— Histoire des Yuans , trad. par Hyacinthe, p. a6o.

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LIVRE U, CHAPITRE II.

dixième. Ainsi les districts de la Chine furent répartis entre les princes, les princesses du sang, et les seigneurs mongols (i).

Yéliui-Tchoutsaï avait fait connaître à Ogotaï les préceptes de Tcheou-kong et de Confu- cius pour l'administration d'un empire, et proposé à ce prince d'en adopter dix-huit, qui devaient servir de règles au gouverne- ment et à ses agents. L'un de ces articles défendait aux fonctionnaires publics de rece- voir des présents. Ogotaï se récria cortre cette sévérité, disant qu'on pouvait en recevoir, pourvu qu'on n'en demandât point, et qu'il Cdlait laisser à cet égard une entière liberté. Son ministre lui fit observer que dans ce cas on exigerait sans demander (2).

Les princes du sang étaient dans l'usage de prendre autant de chevaux de poste qu'ils voulaient, et partout ils arrivaient, ils exigeaient beaucoup de prestations. Yéliuï- Tchoutsaï fit rendre, en 1237 une ordon- nance qui prescrivait l'exhibition d'un passe- port spécial pour obtenir des chevaux de relais, et fixait, d'après le rang du voya-

(i) Kang-^mou , Irad. par Hyacinthe, p. 264 et suiv. (2) MaiUa, Lbid., i35.

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7^ HISTOIRE DBS MONGOLS.

geur, le nombre de chevaux qu'il avait le droit de requérir.

Ce ministre exposa à l'empereur mongol que si la confection d'ouvrages matériels exi- geait d'habiles artisans, l'administration pu- blique avait de même besoin d'employés ins- truits, et qu'il leur fallait bien des années d'études pour se rendre aptes à exercer les fonctions auxquels ils se destinaient. Ogotaï manifestant l'intention de donner des emplois aux Chinois qui auraient l'instruction néces- saire, Yéliuï-Tchoutsaï demanda qu'ils fussent préalablement soumis à un examen. En con- séquence deux inspecteurs furent chargés d'éta- blir, dans plusieurs villes, des concours pour les lettrés, qui, la plupart, étaient devenus les captifs des Mongols. Le patron qui empê- cherait ses esclaves d'aller prendre ces exa- mens, était menacé de la peine de mort. Il se présenta quatre mille trente lettrés , dont un quart fut affranchi de l'esclavage (i).

YéHuï-Tchoutsaï travaillait, en même temps, à instruire les Mongols. Il institua deux grands collèges, l'un à Yan-king, l'autre à Pin-yang, dans le Schan-si, les seigneurs mongob

(i) Kang-moH, Irad. par Hyacinthe, p. 173 et

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LIVRE Ily CHAPITRE II. 73

envoyaient leurs enfants, qui étudiaient l'his- toire, la géographie, Tarithmétique et l'as- tronomie, sous des maîtres choisis par le ministre lui-même (i).

Il y avait dans l'empire deux autres grands gouvernements: celui du Turkustan et de la Transoxiane, qui s'étendait depuis les monts Cangcaï jusqu'au Djihoun, confié à Mass'oud- Bey, fils de Mahmoud Yelouadj, et celui des contrées à l'ouest du Djihoun, jusqu'aux fron- tières du Diarbekir et du Roum, qui se trou- vait entre les mains du général Keurgueuz (2).

L'expédition contre la Corée était provo- quée par la révolte de ce pays, dont Ogotaï avait reçu la nouvelle, à son retour de la Chine. On a vu que Vang-toung, roi de Corée, s'était rendu, en iai8, vassal et tri- butaire de Tchinguiz-khan. Un ambassadeur d'Ogotaï fut tué dans ce pays, en laSi , et le gouvernement ne rechercha pas les cou- pables. Sahtaï , général mongol , envoyé contre les rebelles, prit environ quarante villes, reçut la soumission du roi, et, avant de se retirer, plaça, au nom de son souverain, jusqu'à

(i) Mailla, ibidy p. 21 5. (a) Djami lU-Tevarikh.

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74 HISTOIRE DES MONGOLS.

soixante douze Darougas ou préfets dans les districts de ce pays. Dès l'année suivante, le roi de G^rée fit tuer tous ces préfets, qui abusaient de leur autorité, et se retira, suivi d'un grand nombre d'habitants de sa capitale et des autres villes, dans l'île de Tsiang-houa, située près de la côte occidentale* de cette péninsule, laissant l'autorité dans son royaume à Hong-fou-yuen , qui fit aussitôt des prépa- ratifs de défense. Salitaï étant rentré en Corée, fut atteint d'une flèche dans un combat, et mourut de sa blessure.

Avant de faire attaquer le roi de Corée, Ogotaï lui exposa ses griefs. Le premier tort du roi était de n'avoir envoyé personne à la cour du Caan, son suzerain, pour lui rendre hommage ; le second , d'avoir mal accueilli un officier envoyé par l'empereur pour lui rap- peller ses obligations ; le troisième , d'avoir laissé impuni le meurtre d'un ambassadeur d'Ogotaï, commis par ses sujets; le quatrième, d'avoir éludé, sous différents prétextes, de join- dre ses troupes aux troupes de son suzerain, et de hii donner l'état de la population de son pays; le cinquième, d'avoir fait massacrer ses préfets. Il le sommait de venir incessamment à sa cour lui rendre compte de sa conduite.

Le roi de Corée persista dans sa révolte;

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LIVRE II, CHAPITRE II. 75

mais Hong -fou- y uen y chargé de la défense du royaume y jugea qu'il ne pourrait pas ré^ sister aux Mongols et leur envoya sa sou- mission. Ogotaî lui donna le gouvernement général du pays de Toung-king.

D'après les résolutions de la diète de ia35, une armée composée de Mongols et de Chi- nois fut envoyée contre la Corée, sous les ordres du prince Coutchoun. Le roi Vang- toung qui, après la défection de son lieute* nant, était revenu dans son pays pour le défendre, essuya plusieurs défaites, et se vit obligé, en ia4iy de demander la paix. Elle lui fut accordée, à condition qu'il se sou- mettrait, comme par le passé, à payer un tribut. On voulait qu'il allât en personne rendre hommage à l'empereur mongol; il allégua des difficultés. Ogotaî se borna à exiger qu'il lui envoyât, en otage, un de ses parents; le roi fit partir le prince Schoun (i). août.

Après la destruction de la monarchie des Kins, les Mongols n'avaient cédé à l'empire Soung, malgré les stipulations du traité d'al-» liance, que la partie du Ho-nan située au sud-est des villes de Tching-tcbeou et de Tsaï*

(i) Mailla, ibîd. , pag. 174 > 207 et aSB.

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76 HISTOIRE DES MOITGOLS.

tcheou (Jou-ning-fou), et avaient réuni à leurs domaines le reste de cette grande province, dont ils donnèrent le gouvernement au géné- ral Liou-fou-

La cour Soung fut indignée de ce manque de bonne foi. Deux princes de la famille im- périale , Tchao-fan et Tchao-koue , représentè- rent combien il importait d'avoir pmir li- mite septentrionale le fleuve jaune, et de pos- séder le midi du Schen-si. Us pressèrent l'em- pereur de prendre, par la force des armes, ce qui lui était refusé, et de reconquérir les trois anciennes résidences impériales: Tchang- an (Si-ngan-fou) dans le Schen-si, Lo-yang (Ho-nan-fou) dans le Ho-nan et Pian-king. Des membres du conseil objectèrent que l'exécu- tion de ce projet rappellerait les Mongols, qui s'étaient déjà retirés, et qu'on aurait à se re- pentir d'avoir envoyé des troupes au loin, pour occuper des villes désertes, qu'il faudrait approvisionner; enfin, que l'empire manquait de bons généraux , de troupes aguerries , de magasins et d'argent ; mais l'empereur Li-tsong fiit sourd à ces observations , et donna l'ordre au général Tsuan-tsé-tsaï, gouverneur de Lou- tcheou, de marcher sur Pian-king avec un corps de dix-mille hommes.

Tsouï-li continuait à exercer l'autorité dans

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LIVRE II, CHAPITRE II. 7-7

la résidence des derniers empereurs kins. Trois chefs militaires sous ses ordres , qui^ indignés de son arrogance, avaient juré sa perte, n'eurent pas plutôt appris la marche du gé- néral soung, qu'ils l'assurèrent, par écrit, de leur soumission. Us délibéraient, en même temps, avec Tsouï-li sur les mesures de dé- fense. Pour pouvoir mieux exécuter leur com- plot contre ce chef, l'un des trois, Li-bo- yuan, fit mettre le feu à l'une des portes de la ville. Tsouï-li se rendit au lieu de l'incendie. Lorsqu'il en revint, Li-bo-yuan l'accompagna et lui porta soudainement un ^^^^' coup de poignard qui le fit tomber de cheval sans vie; des soldats apostés firent main -basse sur sa suite. Son corps fut attaché à la queue d'un cheval et traîné jusqu'au palais, Li-bo-yuan, adressant la parole au peuple assemblé: « Tsouï-li, dit-il, ce le sanguinaire, le pillard, le débauché et « le tiran, le traître et l'infâme, dont le pareil « n'a existé ni dans l'antiquité, ni dans les « temps modernes, méritait -il, ou non, la «« mort ? » Mille voix s'écrièrent : « Le hacher « en pièces eut été encore trop peu. » Sa tête fut exposée et son corps offert en holo- causte aux mânes de l'empereur Ninkiassou. Tsuan-tse-tsaï alla paisiblement occuper Pian-

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78 HISTOIRE DES MONGOLS.

king, et ne tarda pas à y être joint par le général chinois Tchao-koué à la tête de cin- quante mille hommes. Ils envoyèrent des

août, troupes prendre possession de Lo-yang.

Sur l'avis de cette invasion des Soungs dans le Ho-nan, les Mongols entrèrent en campagne et surprirent, près de Lo-yang, un second corps de quinze mille chinois, qui se dirigeant de Pian -king sur cette ville, avait posé son camp sur le bord de la rivière Lo. Ils le détruisirent et allèrent camper sous les murs de Lo-yang. Le premier corps chinois sortit de la ville pour les combattre; la victoire fut indécise; néanmoins les Soungs furent obligés , faute de vivres , d'évacuer Lo- yang. La disette força également Tchao-koué, et Tsuan-tsé-tsai d'abandonner Pian-king; car les villes reconquises, presque toutes désertes, manquaient de subsistances : toute l'armée chi- noise reprit la route du midi. Les deux gé* néraux qui la commandaient, furent punis, par la perte d'un grade, du mauvais succès de cette campagne, qu'on imputait à leurs Êiutes.

1*235 ^8^*^ rappella le général Souboutaï, qu*il destinait à un autre commandement et en^ voya un ambassadeur, nommé Vang-tsié, à la cour Soung, pour lui reprocher la violation

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LIVRE II, CHAPITRE H, jg

de son serment. L'empereur Li-tsong chargea Tching-fei d'aller en Mongolie conjurer l'orage; ce fut en vain; la guerre venait d'être réso* lue dans le Couriltaï dont il a été fait men- tion. Trois corps d'armée furent destinés à attaquer cet empire; l'un, commandé par G)u- tan , second fils d'Ogotaï , et par le général Tagaï, devait envahir le Su-tchouan; le se- cond, sous les ordres du prince Coutchou, troisième fils d'Ogotaï, et des généraux Té- moutaï et Tchang-jou, se dirigea sur le Hou- kouang; le troisième, avec le prince Khon* bouca et le général Tchagan , devait agir dans le Kiang-nan. Ces armées étaient composées de bonnes troupes mongoles, khitanes et chinoises.

Coutan traversa le Schen-si et reçut, en passant près de Coung-tchang^fou, la soumis- sion de Vang-schi-hien , gouverneur de cette ville, la seule de l'empire kin qui ne se fut pas encore rendue aux Mongols. Coutan lui laissa son gouvernement; mais il lui or* donna de le suivre avec ses troupes, qui formèrent Tavant-garde de son armée. Ce prince entra, par la route de Fong-tcbeou (Fong-hien), dans le Han-tchoung-fou, dé- parlement du Schen-si méridional, et s'eiD- i*"^- para de Mian-tcheou (Mian-hien), fut

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8o HISTOIRE DES MONGOLS.

tué le commandant Gao-kia. Tchao-yan-na, gouverneur du Han-tchoung-fou , alla se jeter dans la forteresse de Tsing-ye-yuen , qui était considérée comme la clef du Su-tcbouan; il y fut investi; mais Tsao-you-vun , comman- dant de Li-tcheou (Couan-yuan-hien) , marcha au secours de cette place, attaqua les Mon- gols et les força à la retraite. Il courut en- suite à Ta-an (Ning-tsiang-tcheou) assiégée par Vang-schi-hien , délivra cette ville, et après avoir battu un gros corps mongol, il se retira dans la forteresse de Sian-jin, au sud- ouest de Fong-hien.

Ces succès furent remportés sur Favant- garde de Coutan. Lorsque les forces de ce prince eurent été réunies, les Chinois, très- inférieurs en nombre, cherchèrent à défen- dre les défilés des hautes montagnes qui séparent le Schen-si du Su-tchouan, mais ils oct. furent complettement battus par Coutan , près de la forteresse Yang-ping, à quelques lieues au nord-ouest de Han-tchoung-fou, et leur chef Tsao-you-vun, qui était sous les ordres de Tchao-yan-na, fut tué dans la mêlée. Après cette victoire, les Mongols pénétrèrent, sans obstacle, dans le Su-tchouan, ils prirent, en un mois, toutes les villes et les forteresses situées dans les districts de Li-tcheou, Toung-

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LIVRE ir, CHAPITRE II. 8l

Ichuen-fou et Tching-tou-£ou. Us étaient ainsi les maîtres des deux tiers de ce gouverne- ment, dont ils avaient massacré une grande partie de la population, surtout dans la ville et le district de Tching-tou-fou.

Ven-tcheou fut assiégée. Liou-joui, gouver- neur de cette place, désespérant de la con- server, fit mourir, par le poison, tous les membres de sa famille, brûla leurs corps, détruisit par le feu ce qui appartenait au trésor, ses propres richesses, son diplôme de gouverneur, et se poignarda au moment la ville fut prise. Son lieutenant Tchao-jou- siang fut coupé en morceaux. Les Mongols firent main-basse sur les militaires et les habitants.

Après avoir ruiné la partie occidentale du Su-tchouan , Coutan se retira dans le Schen-si , et les Chinois revinrent, au commencement de 1237, occuper Tching-tou-fou; mais deux ans après , le général mongol Tagaï rentra dans le Su-tchouan, prit neuf villes dans les envi- rons de Tching-tou-fou, et s'empara encore de cette cité, qui pour la seconde fois fut saccagée.

Tagaï voulut alors pénétrer dans le Hou- kouang, par Kouei-tcheou, ville sur la rive septentrionale du grand Kiang, dont les Mon- a 6

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8a HISTOIRE DES MONGOLS.

gols s'étaient précédemment rendus maîtres; mais le général Meng-kong mit la frontière occidentale du Hou-kouang sur un pied de défense qui fit échouer cette entreprise; il reprit même aux Mongols la ville de Koueï- tcheou.

Cependant y le prince Coutchou, qui avait établi son quartier-général à Tang-tcheou dans le Ho-nan, était entré, en laîô, dans le Hou- mars. kouang. Les commandants de Siang-yang-fou lui livrèrent cette place importante, qui ren- fermait de grands magasins. 11 prit ensuite août. Tsao-yang et Te-ngan-fou; mais il mourut nov. dans cette campagne. Coutchou était le fils chéri d'Ogotaï, celui auquel il destinait le trône. Témoutaï avait mis le siège devant Kiang* ling (King-tcheou) ; Meng-kong, envoyé par Sé-song-tchi , gouverneur général de la pro- déc. vince, au secours de cette place, le battit sous ses murs, et délivra vingt mille captifs chinois.

Riou-yo battit aussi les Mongols, comman-* dés par le général Tchagan, devant Tchin- tçheou (Y-sching-hien) , ville du Riang-*nan, qu'ils tenaient assiégée, et leur fit éprouver une perte considérable.

he prince mongol Khon-bouca prit, à la fin de I a 37, les villes deKouang-tcheou, Ki-tcheou,

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LIVRE II, CHAPITRE H. 83

Soui-tcheou, qui avaient été abandonnées par leurs commandants , et s'avança jusqu'à Hoang- tcheou-fou, sur le grand fleuve Kiang, dont il commença le siège; mais le général Meng- kong le força de se retirer. L'année suivante il attaqua Ngan-fong (Schou-tcheou) qu'il ne put pas prendre.

Le général Tchagan investit , en laSS , Liou- tcheou-fou, dans le Kiang-nan. Une oct. sortie vigoureuse lui fit lever le siège, et il perdit , dans sa retraite , une partie de ses troupes.

En ia39, Meng-kong remporta trois vic- toires sur les Mongols, et reprit les villes de Sin-yang-kiun , Kouang-hoa-kiun , Siang-yang , ainsi que Fan-tching qui était située vis-à- vis de cette dernière place, sur la rive méridionale du fleuve Han. Dans le mois de février de l'année suivante plusieurs corps mongols, sous les ordres du général Tchang- jeou pénétrèrent par plusieurs routes sur le territoire de l'empire chinois, et l'ambassadeur mongol Vang-tsié vint, pour la cinquième fois, à la cour des Soungs, avec des proposi- tions de paix, qui ne furent pas acceptées. Vang-tsié mourut sur ces entrefaites et le gouvernement chinois fit remettre son corps aux Mongols. L'histoire ne fait plus mention

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8/j HISTOIRE DES MOWGOLS.

tle faits d'armes dans ces contrées jusqu'à la mort d'Ogotaï, dans l'année 1241 (i).

Tandis que ses armées envahissaient la Co- rée, ravageaient le midi de la Chine, dévas- taient la Russie, la Pologne, la Hongrie, et répandaient l'effroi dans l'occident de l'Europe, Ogotaï se livrait à l'oisiveté, à son goût pour la chasse et pour la boisson. Il ne résidait à Caracouroum que pendant un mois du prin- temps, et habitait le reste de cette saison un palais situé dans un Heu, nommé Kertchagarij à une journée de cette ville; il avait été bâti par des architectes persans, qui voulurent rivaliser de talents avec les constructeurs chi- nois du palais de Caracouroum. En quitant cette maison de plaisance, Ogotaï passait en- core quelques jours dans la ville qu'il avait fondée ; puis , il allait se fixer pour tout l'été dans un lieu nommé Ormektoua (2). Il tenait

(1) Mailla, ibid. , p. axa a a3i. Ganbil , p. 91 à 97. Histoire iles Yuans et Kang-mou, trad. de Hyacinthe, p. 241 à a84.

(a) II y a une montagne et une station , nommées Our- moukhtoui, près de la rivière Scliara , qui Tient du sud- est se jeter dans l'Orgon, à environ a a lieues au midi de Riakhta , sur la route de l'Ourga. {Voyage à Pékin , par M, Timkovrski, Paris, i8a7, tom. I, p. 43).

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LIVRE II, CHA.PITKE II. 85

alors sa cour sous une tente chinoise de feu« tre blanc, garnie intérieurement de tissus de soie brochés d'or , qui pouvait contenir mille personnes; on Tappellait Sira-Ordou. En au- tomne, le prince demeurait une quarantaine de jours près du lac Keuschéy à quatre jour- nées de Caracouroum , d'où il se rendait à Ong-ki, pour y passer l'hiver; c'était la saison de la grande chasse. Ogotaï avait Éait construire, dans ce canton, une enceinte formée de pieux et de terre, appellée Tchehik ^ qui avait deux lieues de circuit et plusieurs portes. Les troupes cantonnées à la distance d'environ un mois de chemin , recevaient Tor- dre de s'avancer vers ce point central, en cbassant devant elles le gibier, et une multi- tude d'animaux, poussés dans l'enceinte, tom- baient successivement sous les coups de l'em- pereur, des princes du sang, des officiers de l'armée , chacun d'après son rang , et finale- ment des soldats (i).

Ogotaï buvait avec excès; son père l'en avait souvent réprimandé; ce vice altéra sa santé. Tchagataï, pour lequel il avait beau- coup de déférence, chargea un officier de

(i) Tank h Djlhankuschai , tom I. Djami ut-Tivarikh^

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86 HISTOIRE DES MONGOLS.

veiller à ce qu'il ne bût qu'un certain nom*- bre de coupes chaque soir. Ogotai n'osa pas désobéir ouvertement à son frère aîné; mais il éluda sa défense, en se servant de coupes plus grandes, et la personne chargée de le surveiller ne s'y opposa point (i). Un jour, le ministre Yéliuï-Tchoutsaï fit voir au prince un anneau de fer qui avait été exposé à l'ac- tion du vin, et lui montrant des marques de corrosion, il lui fit sentir que si cette liqueur attaquait le métal , son effet sur Fes- tomac devait être encore plus énergique. Ogotaï fut frappé de cette preuve, mais ne put re-

"^/ noncer à son habitude. Il tomba malade au mars.

retour d'une partie de chasse qu'il avait faite dans les environs du lac Tchitchek- Tchagan. L'impératrice Tourakina, vivement allarmée, demanda à Yéliuï-Tchoutsaï ce qu'il fallait faire, pour obtenir du ciel le rétablis- sement de l'empereur. Ce ministre conseilla des actes de justice et de bienfaisance; il dit que les premiers emplois étaient confiés à des hommes qui vendaient les places et trafiquaient de la justice, et qu'une foule d'individus in- nocents gémissaient dans les prisons pour

(i) Djami ut-Tcvarikh,

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LIVRE II, CHAPITRE II. 87

s'être élevés contre les extorsions dont ils étaient les victimes; qu'il fallait accorder une amnistie générale. Tourakina voulut la publier «ur le champ. Le ministre lui représenta que cela ne pouvait se faire sans un ordre de Fempereur. Ogotaï ayant recouvré l'usage de 8es.««ens, consentit volontiers à la demande que lui fit l'impératrice d'accorder un pardon général aux individus emprisonnés ou exilés. Ogotaï se rétablit; mais, au mois de décem- bre suivant, il fut atteint d'une nouvelle in- disposition. Il alla néanmoins passer cinq jours à la chasse, malgré l'avis d'Yéliuï-Tchoutsaï. A son retour, il s'arrêta près du mont Eutégou- Coulan , il s'amusa à boire jusqu'à minuit. Le lendemain matin , il fut trouvé mort dans son lit. Ogotaï était âgé de cinquante-six ans; il en avait régné treize. Il fut enterré dans la vallée de Kinien (i).

Ce prince avait , pour un mongol , une grande douceur de caractère. Il était libéral à l'excès. Lorsque ses officiers se récriaient contre ses lar- gesses immodérées, il leur disait que tout étant passager dans ce monde , il fallait du moms tà-

(i) Mailla, ibitl. , p. a^3 et 234. VHùit. des Yuans t\ le Kang-nwu, dan» UyaciiUhe, p. 284 et 28 5.

II déc.

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88 HISTOIRE DES MONGOLS.

cher de se perpétxier dans ia mémoire des hom-^ mes. Il aimait à entendre citer des traits de princes célèbres dans l'histoire ; mais lorsqu'on parlait des trésors que quelqu'un de ces sou* verains avait amassés: « Il était donc, disait-il, a bien dénué de bon sens; puisque les riches- ce ses ne nous préservent pas de la mort, et <c que nous ne pouvons pas revenir de l'autre « monde , nous devons déposer nos trésors dans « le cœur de nos sujets. »

On rapporte beaucoup d'exemples de la pro- digalité d'Ogotaï. Un homme étant venu lui offrir un bonnet fait à la persanne , ce prince donna l'ordre de lui compter deux cents balischs. Ses gens crurent qu'un pareil ordre ne pouvait provenir que des fumées du vin, et se dispensèrent d'obéir. Le lendemain , Ogo- taï voyant le même homme, et apprenant qu'il n'avait pas été payé, lui assigna trois cents balischs; le jour suivant il voulut qu'on lui en donnât quatre cents; la somme fut encore augmentée; elle s'éleva enfin à six cents balischs. Alors Ogotaï s'emporta contre ses officiers , et leur dit qu'ils étaient ses vrais ennemis, puis- qu'ils voulaient l'empêcher d'acquérir la seule chose qui fut durable dans ce monde, une bonne renommée. « Je vois bien, ajouta-t-il, i< que vous ne vous corrigerez pas jusqu'à ce

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LIVRE II, CHAPITRE If. 89

« que j'aie puni un ou deux d'entre vous pour « l'exemple des autres. »

Lorsqu'on bâtissait Caracouroum, il entra un jour dans son trésor et le trouva plein de balischs. <c A quoi me sert, dit-il, tout cet a argent, qu'il faut encore avoir la peine de « Mi^er? » 11 fit publier que ceux qui vou- laient des balischs n'avaient qu'à se présenter. Aussitôt les habitants de la nouvelle ville accoururent au trésor, et chacun prit autant d'argent qu'il en put emporter.

Attirés par le bruit de sa générosité, de» marchands venaient à sa cour de pays loin- tains. Il prenait leurs marchandises en bloc, pour en faire des présents. Il avait coutume de s'asseoir, après son diner, devant son pavillon, et de donner des cadeaux à ceux qu'il voulait distinguer. Les marchands pro- fitaient de sa facilité pour lui présenter en- suite des comptes foit exagérés; mais il vou- lait toujours qu'ils fussent acquittés, et même qu'on leur donnât un dixième en sus. On lui représenta un jour que cette addition était bien superflue, puisqu'il payait beau- coup au-delà des prix ordinaires. « Ces gens, a répondit Ogotaï, n'apportent ici leurs inar- « çhandises que dans l'espoir de faire de « gros profits; je ne veux pas qu'ils soient

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90 HISTOIRE DES MONGOLS.

et trompés dans leur attente , et d'ailleurs , « n*ont-ils pas toujours quelques petites dé- « penses à faire pour vous autres. »

Ce prince ayant rencontré sur son chemin un vieillard étranger, le questionna, selon son habitude; il apprit qu'il était de Bag- dad, et qu'il avait dix filles à marier , j^^fiis qu'il se trouvait dans l'indigence. « Pourquoi « le khaliphe, ton maître, ne te donne-t-il « pas des secours? » lui demanda Ogotaï. a Toutes les fois que je lui expose ma misère, « lui répondit le vieillard, il me fait donner « dix pièces d'or; mais cette somme est bien- « tôt dépensée. » Ogotaï lui fit présent de mille balischs d'argent. Ses officiers proposè- rent de lui remettre une assignation sur les revenus de la Chine; le prince voulut que la somme lui fut comptée sur-le-champ en espèces. Lorsqu'on l'apporta au vieillard, il dit qu'il ne saurait comment transporter tout cet argent. Ogotaï lui fit fournir des che- vaux et tout ce qu'il lui fallait. uMais, ob- « serva le vieillard, j'ai un si long voyage à « faire; Dieu sait si j'arriverai à Bagdad; et « si je viens à mourir en route , mes filles « seront privées des bienfaits de l'empereur. » Ogotaï lui fit donner une escorte de dix Mongols, et le vieillard partit; mais il mou-

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LIVRE Ily CHA.PITRE II. 9!

rut en chemin. Les gens de son escorte en informèrent le Caan^ qui leur ordonna de porter l'argent aux filles du défunt dans Bagdad.

Ce prince faisait souvent donner des fonds à des individus qui venaient lui en demander poijy établir un commerce quelconque. Un marchand avait reçu de son trésor un emprunt de cinq cents balischs d'or; il revint au bout de quelque temps ^ et dit qu'il avait tout perdu. Le Caan lui fit compter une pareille somme. L'année suivante, il reparut dans un état voi- sin de la misère, et se plaignit des disgrâces qu'il avait essuyées. Les officiers du prince lui dirent qu'un tel avait mangé tout l'argent qu'il avait reçu, a Comment peut-on manger des « balischs? » demanda l'empereur. Ils répondi- rent qu'il les dépensait à ses plaisirs. « Ils n'en « restent pas moins des balischs, reprit Ogotaï, « et ceux à qui il les a donnés étant mes « sujets, c'est comme si je les avais dans mes « coffres. Comptez-lui encore la même somme, c et dites-lui de ne plus être si prodigue à « l'avenir. »

Comme il était un jour à la chasse , un pauvre homme vint lui présenfer trois melons. Ogotaî n'ayant rien sur lui , dit à Mouga , son épouse , de lui donner deux grosses perles qui

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99t HISTOIRE DES MONGOLS.

pendaient à ses oreilles. Elle observa que cet homme n'en connaissait pas le prix, et qu'il vaudrait mieux le faire venir le lendemain, pour lui donner des habits et de l'argenté a Croyez-vous donc, dit Ogotaï, qu'un homme a dans le besoin puisse attendre jusqu'au len- « demain ? et quant aux perles , elles me revjen- « dront toujours. » En effet, cet homme les ayant vendues à vil prix , l'acquéreur les trouva assez belles pour en faire hommage à l'em- pereur, qui les rendit à son épouse.

Le frère du prince de Farss étant arrivé à Caracouroum avec des présents , parmi lesquels on distinguait deux vases remplis de perles fines , Ogotaï , qui n'ignorait pas qu'elles avaient une grande valeur en Perse, se fit apporter une cassette pleine de perles magnifiques , qu'il étala aux yeux de l'ambassadeur du Farss , et comme cet étranger en témoignait son admi- ration, l'empereur ordonna un banquet, ces perles furent versées dans les coupes de vin, et distribuées ainsi aux convives.

Nous citerons encore quelques traits qui font connaître ce prince et les usages de sa nation. On a vu que chez les Mongols , il était défen- du , pendant le printemps et l'été, de se baigner de jour dans une eau courante, d'y tremper les mains , d'y puiser avec des vases d'or et

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LIVE II y CHAPITRE H. 9}

d'argent, de faire sécher sur terre des vête» ments blanchis; car ces peuples superstitieux croyaient que Ton attirait par le tonnerre, qui est très-fréquent dans leur pays, et dont ils avaient une extrême frayeur (i). Lorsqu'un homme avait été frappé de la foudre, on fai- sait écarter sa hutte et sa famille, et person- ne des siens ne pouvait entrer de trois ans dans l'ordou d'un membre de la maison im- périale (2); tout ce qui lui avait appartenu, hommes et meubles, devait être purifié en pas- sant entre deux feux (3). Ogotaï revenant un jour de la chasse avec son frère Tchagataï, . vit un musulman accroupi dans l'eau pour faire ses ablutions. Tchagataï, qui était strict obser- vateur des lois et n'aimait pas les mahomé- tans, voulut le faire mourir sur l'heure. Le Caan dit qu'il serait interrogé et jugé le len- demain. En attendant, il fit jeter secrètement un balisch à l'endroit cet homme avait été trouvé, et le musulman fut averti d'alléguer pour excuse, qu'ayant eu le malheur de lais-

(i) Djami ut^Tévarikh, (a) Tarikh Djihankuschaï , tom. I, (3) Relation de Jean du Plan Carpin, dans Yîncentii Spec, Hi'st,, lib. XXXI, cap, 7.

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q4 histoire des mongols.

ser tomber dans la rivière le seul argeçt qu'il possédât, il y était descendu pour le chercher* Lorsqu'on l'interrogea, il répondit ce qui lui avait été suggéré, et les personnes envoyées pour vérifier sa déclaration, ayant rapporté le balisch, Ogotaî dit qu'on ne devait, dans aucun cas, trangresser la loi; mais qu'il fai- sait grâce à cet homme, en considération de son indigence qui l'avait porté à exposer sa vie pour si peu de chose. A cet acte de bonté il joignit le don de dix autres balischs.

Au commencement de son règne, il avait fait publier la défense de couper la gorge aux animaux dont on mange la chair; il fallait ^ suivant l'usage mongol , et le Yoissa de Tchin- gui^khan, leur fendre, la poitrine. Cet édit contrariait fort les mahométans qui ne peu- vent manger que la chair des animaux égor- gés. Un d'eux ayant acheté un mouton, le conduisit dans sa demeure; il fut observé par un Kiptchac, qui suivit ses pas, monta sur le toit de sa maison, sauta à terre au moment le musulman égorgeait l'animal, et traîna le coupable devant l'empereur. Ogo- taï fit mettre ce dernier en liberté, et punit de mort le Kiptchac, parce qu'il s'était in- troduit dans une maison étrangère.

Un ennemi des musulmans se présenta de-

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LIVRS II> CHAPITRE If* g5

vant Ogotaïi et lui dit que Tchinguiz-khan^ lui ayant apparu en songe, lui avait adressé ces paroles: « Va dire de ma part à mon a fils qu'il extermine les sectateurs de Maho- « met; car c'est une méchante race. » Après avoir réfléchi quelques instants, Ogotaî lui demanda si Tchinguiz-khan lui avait parlé par interprète; il dit que non. a Et sais-tu le o mongol , » reprit l'empereur. Il avoua qu'il ne savait que le turc. « Tu mens donc , poursuivit a Ogotaî; car Tchinguiz-khan ne parlait que « le mongol. » Il fit mourir cet homme.

Des Chinois qui donnaient le spectacle des ombres, furent admis en présence d'Ogotaï. Parmi ces figures qui représentaient des hom« mes de diverses nations, on voyait un vieil- lard coiffé d'un turban, portant de longues moustaches blanches, et attaché par le cou à la queue d'un cheval. Le Caan leur demanda ce que cela représentait. « C'est ainsi, répon- « dirent-ils, que les captifs musulmans étaient « traînés par les soldats mongols. y> Ogotaî fit cesser le spectacle, et ordonna qu'on lui ap» portât de son trésor les productions les plus précieuses de la Perse et de la Chine. Il mon* ira à ces Chinois que celles de leur pays ne pouvaient pas soutenir la comparaison avec les autres, et ajouta: « Il n'y a point de riche

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96 HISTOIRE DES MONGOLS.

tf musulman dans mon empire qui n*ait pla- ce sieurs esclaves chinois, et pas un seigneur « chinois ne possède des esclaves mahométans. te Vous connaissez d'ailleurs la loi de Tchinguiz- « khan , qui prononce une amende de quarante «f balischs d'or pour le meurtre d'un musulman , « et ne taxe la vie d'un Chinois qu'à la valeur <c d'un âne. Comment, malgré cela, osez-vous «f insulter les mahométans; » et il les renvoya. Il aimait beaucoup le spectacle de la lutte, et entretenait un grand nombre d'athlètes mon- gols, kiptchacs et chinois. Ayant ouï vanter les lutteurs persans, il manda à Tchormagoun de lui en envoyer. Ce général en fit partir une trentaine, sous deux chefs fameux. Pilé et Mohammed Schah. Lorsqu'ils furent présentés à Ogotaï, ce prince admira la bonne mine, la stature et la proportion des membres de Pilé. « Ah, je crains bien, dit le général Iltchidaî, « que les frais de leur voyage et de leur sa- ie laire ne soient perdus. » « Eh bien , lui « dit l'empereur, faites venir quelques-uns de «c vos lutteurs; qu'ils, essaient leurs forces avec a les persans, si les vôtres sont vainqueurs, je « vous paierai cinq cents balischs; dans le <r cas contraire, vous me donnerez cinq cents a chevaux. » Le pari fut accepté. Iltchidaî produisit dès le lendemain un homme de sa

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LIVRE II, CHAPITRE II. 97

division. Pilé s'avance; les deux champions se mesurent des yeux, et se saisissent au corps. Le mongol a l'adresse de renverser son adver- saire et tombe sur lui. « Tiens-moi bien, lui dit Pilé, en plaisantant, prend garde que je n'échappe;» au même instant il l'enlève, et Je jette à terre si rudement qu'on entend craquer ses os. Alors l'empereur s'élançant de sa place , dit à Pilé : « Tiens-le ferme , » puis se tournant vers Iltchidaï, il lui dit: « Eh bien, a-t-il gagné son salaire? » et il exigea du général le paiement de la gageure. Pilé reçut beaucoup de présents avec une somme de cinq cents balischs.

Ogotaï avait donné au même athlète une jeune fille d'une grande beauté ; quelque temps après, il lui demanda, en riant, comment elle avait trouvé le tazik; car les Persans avaient, sous certain rapport, de la réputation parmi les Mongols. Cette fille donna à entendre qu'ils ne vivaient pas ensemble. Ogotaï en de- manda la raison à Pilé , qui allégua pour excu- se, qu'ayant acquis de la célébrité à la cour du Caan , et n'ayant jamais été vaincu, il voulait conserver ses forces pour continuer à mériter les bonnes grâces du prince. Ogofaï lui dit qu'il voulait avoir de sa race, et qu'il le dispensait de combattre.

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98 HISTOIRE DES MONGOLS.

On rapporte aussi un trait de sévérité rc* marquable de la part d'Ogotaï. Le bruit s'était répandu parmi les Ouïrates que le Caan vou- lait marier leurs filles aux hommes d'une autre tribu. Dans la crainte de l'événement, les Ouïrates se hâtèrent de se promettre mutuel- lement leurs filles, et il y eut même plusieurs mariages conclus. Ogotaï, instruit de ce fait, ordbnna de réunir toutes les filles de cette tribu qui étaient âgées de plus de sept ans, et toutes les femmes qui avaient été mariées dans le courant de l'année. Elles fièrent ran- gées sur deux lignes, au nombre de quatre mille. L'empereur choisit les plus belles pour son palais; il en donna un grand nombre aux officiers de sa cour; il en envoya d*autres dans des maisons publiques et des hôtelleries, et il permit à tous ceux qui étaient présents d'en- lever celles qui restaient. Cette scène se pas- sait sous les yeux des pères, des frères, des maris de ces femmes, et personne n'osait en murmurer.

Un Mongol venait de raconter à Ogotaï qu'un loup avait, la nuit précédente, détruit son troupeau, lorsque des athlètes musulmans amenèrent à ses pieds un animal de cette espè- ce, qu'ils avaient pris dans les environs. L'em- pereur l'acheta mille balischs, fit donner au

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LIVKE II, CHAPITRE H. Qy

Mongol un troupeau de moutons, et voulut qu'on mit le loup en liberté, « afin , dit-il , qu'il « allât avertir ses compagnons du danger qu'il a avait couru , et les engageât à quitter le pays; » mais à peine le loup eût-il été relâché, qu'il fut assailli par une meute de chiens et mis en pièces. Ogotaï parût consterné de cet évé- nement; il rentra, l'air morne, dans son pa- villon ; après avoir long-temps gardé le silence , il dit à ceux qui l'entouraient: « Ma santé a s'affaiblit, et en sauvant cet être de la mort, « je pensais qu'il plairait peut-être au ciel de « prolonger ma vie ; il n'a pu échapper à sa a destinée; c'est pour moi un triste, présage. » En effet, ce prince mourut peu de jours après.

Ogotaï eut plusieurs épouses et soixante concubines (cournas). La première de ses fem- mes en rang était Tourakina, de la tribu Ouhouse - Merkite , dont il eut cinq fils, Couyouc , Goutan , Coutchou , Caradjar et Caschi. Ses deux autres fils Cadan-Ogoul et Mélik étaient nés de deux concubines.

Après la mort d'Ogotaï, tous les yeux se tournèrent vers le prince Tchagatai, le seul des fils de Tchinguiz-khan qui vécût encore, n était d'autant plus respecté que Ton con- naissait la tendresse et la confiance de Tem-

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lOO HISTOIRE DES MONGOLS.

pereur pour son frère. Ogotaï n'entreprenait rien d'important sans le consulter, et lorsque Tchagataï se trouvait dans le pays des Ouï- gours, il avait coutume de résider, il lui envoyait fréquemment des officiers pour lui demander son avis (i). Tchagataï était d'un caractère sévère; il tenait la main à la stricte observation des lois de Tchinguiz- khan; aussi, le conquérant mongol, qui con- naissait la rigidité de son second fils, Favait-il spécialement chargé de veiller au maintien de ses statuts. Les musulmans se plaignaient avec amertume de la rigueur avec laquelle il faisait exécuter dans ses domaines, qui s'éten- daient depuis, les monts Canghaï jusqu'au Djihoun, les ordonnances de Tchinguiz-khan les plus vexatoires pour les gens de leur re- ligion, telles que la défense, sous peine de mort, d'égorger les animaux dont on mange la chair, de se baigner, de jour, dans une eau courante, et d'autres du même genre, qui forçaient les sectateurs de Mahomet de violer les préceptes de leur loi (a). On cite un trait de .ce prince, qui prouve combien il était

(i) Tarikh Djihankuschaï , toin. I. (2) Djami ut-Téi'arikh ,

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LIVRE n, CHAPITRE II. lOl

scrupuleux sur le point de la subordina- tion. Étant un jour sorti avec l'empereur son frère, tous deux la tête échauffée par la boisson, il prétendit que son cheval de- vancerait à la course celui d'Ogotaï, et lui proposa de parier. En effet, il gagna la gageure; mais, le même soir, retiré dans sa tente, il réfléchit qu'il avait manqué de res- pect à son souverain, en lui proposant un pari et en le devançant; pour détruire l'effet de ce mauvais exemple , il se rendit le lende- main matin, suivi de tous ses officiers, de- vant la tente d'Ogotaï. Ce prince, malgré sa confiance en son frère, n'apprit pas, sans un sentiment d'inquiétude, son arrivée de si bonne heure, avec un nombreux cor- tège ; il lui fit demander quel motif l'amenait. Tchagataï répondit qu'il avait, le jour pré- cédent, manqué de respect à l'empereur, et qu'il venait se livrer à sa justice, prêt à subir la peine qui lui serait infligée, méritant la bastonnade et même la mort. L'empereur, confus de cette excessive soumission de la part de son frère aîné, lui en fit faire de tendres reproches, et Tchagataï accepta enfin son pardon; mais il voulut accomplir les for- malités prescrites aux criminels graciés: en faisant ses prosternations à l'entrée de l'ordou

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lOa HISTOIRE DES MONGOLS.

impérial, il offrit au monarque un don expia- toire de neuf fois neuf chevaux, et voulut que les greffiers annonçassent à haute voix que le Caan avait fait grâce de la vie à Tchagataï, afin que tout le monde sût qu'il se prosternait pour remercier Tempereiu* de sa clémence (i).

Tchagataï avait confié l'administration de ses vastes domaines à Mass'oud Bey, qui travailla avec zèle à réparer les maux que l'in- vasion de Tchinguiz-khan avait causés à la Transoxiane. Bokhara surtout ressentit les ef- fets de ses soins pour ramener la prospérité dans ces belles contrées; elle vit sa population s'accroître, et redevint une ville florissante; mais elle faillit d'être, pour la seconde fois, ensevelie sous ses ruines, à la suite d'une émeute causée par le fanatisme d'une populace crédule. Un homme du village de Tarab, à trois lieues de Bokhara, qui gagnait sa vie a fabriquer des cribles, prétendait avoir des esprits familiers toujours prêts à exécuter ses ordres, et qui lui révélaient les secrets de l'a- venir; son nom était Mahmoud. Il eut bientôt un grand nombre d'adeptes; car dans la Tran-

(i) Djami ut^Tévarikh^

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LIVRE II, CHAPITRE II. lo3

soxiane et dans le Turkustan , on croyait gé- néralement à la magie; beaucoup d'individus , surtout des femmes, exerçaient cet art trom- peur; appelés pour guérir les malades, ils évo- quaient les démons en dansant et s'agitant comme des furieux. Au bruit du pouvoir surnaturel de Mahmoud, des gens affligés de paralysie, d'épilepsie, et d'autres infirmités, vinrent implorer son secours; plusieurs pré- tendirent qu'il les avait guéris; il n'en fallut pas davantage pour attirer auprès de lui un grand concours de peuple. Ces rassemblements donnèrent de l'inquiétude aux commandants mongols dans Bokhara; ils en firent leur rap- port à Mass'oud Bey, qui résidait à Rho- djend, et résolurent de se défaire de l'impos- teur. Étant allés le trouver à Tarab , ils lui baisèrent les pieds, et l'invitèrent avec respect de se rendre à Bokhara, pour faire participer à ses faveurs les habitants de cette ville. Ils avaient l'intention de le tuer en un certain endroit de la route; soit que Mahmoud de- vinât leur dessein, ou qu'il en eût été averti, lorsqu'il fut arrivé près du lieu fatal, il re- garda fixement le principal officier mongol et lui dit : a Renonce à ton mauvais dessein ; « sinon je te ferai arracher les yeux par une « main invisible. » I^es Mongols, surpris de

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104 HISTOIRE DES MONGOLS.

cette apostrophe, et persuadés qu'il n'avait pu être instruit de leur projet que par une voie surnaturelle, craignirent d'attenter à sa vie. A Bokhara , Mahmoud fut logé dans un palais , et reçut de grands honneurs. Le peuple se portait en foule au quartier qu'il habitait, chacun voulant avoir part à ses faveurs; pour satisfaire cette multitude, il montait sur le toit de son hôtel et aspergeait les assistants avec de l'eau qu'il laissait tomber de sa bou- che. Mais ayant su que les autorités de la ville, résolues de le faire périr, étaient seule- ment retenues par la crainte que leur inspirait le grand nombre de ses adhérents, il s'évada. Lorsqu'on s'aperçut de sa disparition, on en- voya des cavaliers de toutes parts pour le chercher; on le trouva à quelques lieues de Bokhara. Le peuple se persuada qu'il s'y était rendu par les airs, et s'y porta en foule, pour le ramener en ville. Mahmoud haran- gua cette multitude: «Braves gens, leur dit-il, « qu'attendez-vous pour purger le monde des « hommes sans foi; que chacun de vous se « munisse d'armes et me suive. » Jl fut conduit en triomphe à Bokhara, que les autorités mongoles crurent prudent d'évacuer; et le jour suivant, qui était un vendredi, on y prononça dans la prière publique le nom de

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LIVRE II, CHAPITRE II. Io5

Mahmoud y de Tarab. Au sortir de la mos- quée, les gens du nouveau souverain allè- rent prendre dans les hôtels des riches les meubles et les effets qui étaient à leur con- venance; le peuple y pénétra sur leurs traces et les mit au pillage. On raconte que Mah- moud ayant passé la nuit avec des femmes, ses adeptes recueillirent l'eau dont il s'était servi pour ses ablutions, se la partagèrent et la gardèrent précieusement dans des fioles, pour la donner en potion aux malades. Maître dans Bokhara, Mahmoud manda auprès de lui les principaux personnages , qu'il accabla d'injures, et dont il envoya même quelques-' uns à la mort; il destitua le chef du clergé, le remplaçant par un de ses affidés; les hom- mes les plus marquants prirent alors la fuite.

Cet imposteur disait qu'il avait à ses or- dres des légions d'êtres invisibles; que les uns volaient dans les airs et les autres ha- bitaient la terre. Il ordonnait à ses disciples de les regarder; ceux-ci s'écriaient que les esprits leur apparaissaient vêtus de telle et telle couleur. Si quelqu'un disait qu'il n'aper- cevait rien, on le faisait voir à coups de bâton.

Cependant les autorités ayant rassemblé des troupes mongoles à Kerminiyé, entre Bok-

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Io6 HISTOIRE DES MONGOLS.

hara et Samarcand, s'avancèrent sur la ville insurgée. Mahmoud sortit à leur rencontre avec ses disciples qu'il rangea en bataille; il ne portait lui-même ni armes, ni cuirasse. Un ouragan qui s'éleva pendant le combat fut attribué par les Mongols au pouvoir de Mahmoud; dans leur frayeur superstitieuse , ils tournèrent le dos, et furent poursuivis, l'épée dans les reins, jusqu'à Kerminiyé; mais les vainqueurs, revenant sur leurs pas après avoir fait un grand carnage, furent bien sur- pris de ne plus revoir leur prophète; Mah- moud avait péri dans la mêlée, sans que les siens mêmes s'en fussent apperçus. Ses adep- tes répandirent qu'il avait disparu momen- tanément, et reconnurent pour chefs, pen- dant son absence, ses deux frères, Moham- med et Ali.

Huit jours après cette victoire , les insurgés virent arriver un gros corps de troupes mon- goles, auxquelles ils Uvrèrent un second com- bat, mais avec un succès tout différent; ils essuyèrent une défaite totale, et laissèrent, dit-on, vingt mille hommes sur la place. Les deux frères de Mahmoud qui, comme lui, s'étaient présentés à l'ennemi sans armes, fu- rent tués dès le commencement de l'action. Le lendemain de leur victoire, les Mongols

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LIVRE 11^ CHAPITRE II. I07

firent sortir tout le monde de Bokhara; ils voulaient égorger les hommes , réduire à l'es- clavage les jeunes femmes et les enfants ^ et piller la ville. Le ministre Mass'oud Bey s'opposa à cette cruelle exécution , disant que la faute de quelques individus ne devait pas retomber sur tous les habitants , et faire dé- truire ime ville, dont on avait mis tant de soin à rétabUr la prospérité. Ses vives re- présentations eurent l'effet de suspendre l'acte de barbarie que 1^ chefe mongols voulaient commettre, suivant la rigeur de leur code militaire. Il fut convenu que l'on deman- derait les ordres de l'empereur. Mass'oud Bey expédia à la cour et fit si bien qu'il obtint la grâce des habitants de Bokhara (i).

Tchagataï passait ordinairement l'été dans le pays diAlmalig, dans le voisinage des hautes montagnes Gueuk et du mont Coût; le canton qu'il habitait l'hiver s'appellait Mérouzik-ila. Ainsi que ses frères, il était très-adonné aux boissons fortes, vice commun parmi les Mon- gols; il se livrait aussi sans modération aux plaisirs de l'amour; car les princes tchingui- ziens croyaient ne pouvoir mieux jouir de leur

(i) Tarihh Djihankuschaï , tom. I.

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1o8 HISTOIRE DES MONGOLS.

haute fortune qu'en se plongeant dans la dé- bauche. Après la mort de l'empereur, Tcha- gataï, l'aîné de la famille impériale, d'accord avec les autres princes du sang, déféra la ré- gence à l'impératrice Tourakina. Ce prince ne survécut que de quelques mois à son frère. Pendant sa maladie, son ministre favori, qui était turc, et son médecin, un persan, lui prodiguèrent les remèdes; lorsqu'il eut suc- combé, ces deux individus furent mis à mort, ainsi que leurs -enfants, par l'ordre d'Yssou- loun, l'une des épouses du défunt (i). Les descendants de Tchagataï régnèrent sur le Turkustan et la Transoxiane jusqu'au milieu du quatorzième siècle. Leurs guerres civiles pour la succession au trône avaient depuis long-temps miné cette monarchie, lorsqu'elle fut détruite par Tamerlan (2).

(i) Tarikh Djihankuschaï , tom. I. Il y avait dani Tannée mongole, un officier nommé Tchagataï Kout- chouk (c'est-à-dire le petit). Après la mort du prince Tchagataï, il ne fut plus permis de porter ce nom. L'of- ficier se fît appeller Sounataï, parce qu'il était de la tribu sounite. (Raschid , article des Sounites),

(2) Selon les hbtoriens mahométans, postérieurs au fa- meux Timour, son cinquième ayeul , Caradjar, conunan-

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LIVRE n, CHAPITRE II. I09

dait les troupes de Tchagatai, possédait tonte la con- fiance de ce prince, et jouissait à sa cour de la plus grande autorité ; cependant Caradjar n'est nommé ni par Alaî-ud-din , ni par Raschid, qui font mention de plu- sieurs personnages influents sous le règne de Tchagatai , tels que Mass*oud Bey, Habesch*Amid et d'autres. Ca- radjar mourut en 65a (1254) > âgé de soixante-dix- neuf ans. Foyez Mirkhond , tom. IV.

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JIO HISTOIRE DES MONGOLS.

CHAPITRE ni.

Expédition mongole dans les pays à Toccidcnt du Volga. Conquête de la Boulgarie; du pays des Captchacs; de la Russie septentrionale. Soumission complète des peuples au nord du Caucase. Conquête de la Russie méridionale. Invasion en Pologne. Bataille de I^ignitx. Dévastation de la Silésie et de la Moravie. Invasion en Hongrie. Déroute de l'armée hongroise. Dévastation de la Hongrie. Fuite de Bêla vers la côte Adriatique. ^Expédition des Mongols enDalmatie. Leur retraite. Leurs nouvelles irruptions en Hongrie et en Pologne. Leur domination en Russie.

Les princes mongols avaient arrêté, dans l'assemblée générale de Tannée ia35, qu'ime armée marcherait à la conquête des pays situés à Foccident du Volga. Lorsque la diète fut dissoute, les princes qui devaient faire partie de cette expédition, retournèrent dans leurs territoires pour s'y préparer. L'armée d'Occident fut composée de contingents four- nis par les quatre branches de la famille im- périale, et commandés par les princes Batou,

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LIVRE II, CHAPITRE IIl. III

Orda, Schiban, et Tangcoute fik de Djou- tchi; Baidar et Bouri, l'un fils, l'autre petit- fils de Tchagataî; Couyouc et Cadan, fils d'Ogotaï; Coulcan son frère; Mangou et Boud- jek, fils de Toulouï. Batou, l'aîné de ces princes, fut investi du commandement en chef, et l'empereur plaça auprès de lui, en qualité de lieutenant-général, Sonboutaï Ba- hadour, qui fut rappelé du centre de la Chi- ne, pour employer en Occident ses talents militaires et sa longue expérience (i).

Au printemps de l'année ia36, les princes partirent de leurs divers cantonnements, pour se rendre avec leurs troupes au rendez-vous général, sur la frontière du pays des Boulga- res. Ils commencèrent par soumettre ce peu- ple. Le général Souboutaï entra, dans la Boul- garie avec une division de l'armée mongole, et saccagea la ville de Boulgar, capitale de. cette contrée. Les chefs de la nation vaincue allèrent prêter hommage aux princes mongols. Us ne tardèrent pas à se révolter; mais Sou- boutaï , chaîné de les réduire à l'obéissance , acheva la soumission de la Boulgarie (a).

(i) Tarikh Djihankuschaï , tom. I. Djami ut^Tévarikh, (a) Djami tU^Tévarikh.

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II) HISTOIRE DES MONGOLS.

ia37. L'année suivante, au retour du printemps, les princes mongols attaquèrent les Kiptchacs. Une partie de cette nation fut détruite; une autre émigra; le reste se soumit aux vain- queurs. Un de leurs chefs, nommé Batch- man (i), incommoda long- temps les Mongols par ses courses hostiles. Il les attaquait à l'im- proviste, disparaissait avec son butin, et sa- vait échapper à leurs poursuites. C'était en vain qu'ils le cherchaient; caché avec sa troupe dans les forêts sur les rives du Volga, il chan- geait à tout moment de retraite. Le prince Mangou et son frère Boudjek résolurent enfin de cerner ces forêts. En les parcourant, les troupes mongoles virent les vestiges d'un cam- pement, et apprirent d'une vieille femme ma- lade, abandonnée en ce lieu, que Batchman venait de le quitter pour se retirer dans une île du Volga. Us passèrent à gué dans cette île; les Kiptchacs y furent surpris et taillés en pièces. Batchman, amené devant Mangou, lui demanda seulement la grâce de périr de sa main ; ce prince ordonna à son frère Boudjek de le couper par le milieu du corps (a).

(i) D est appdlë Batzimak dans Vffist, des Yuans, ibid. p. 3o4.

(a) TariAà DJihankusthat , tom. H.

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LIVRE If, CHAPITRE III. I l3

Les autres nations qui habitaient ces con- trées septentrionales furent subjuguées par les Mongols. De ce nombre étaient : les Bourtasses et les Mokschas ou Mordouans, de race finoise^ dont les territoires avoisinaient au sud-ouest celui des Boulgares; les Circasses, et un peu- ple que l'historien Raschid appelle Vézofinak. Les Saxines étaient déjà soumis. Maîtres des régions situées au nord de la Mer Caspienne et du Caucase, les princes mongols tinrent un cou- riltaï, ils résolurent d'envahir la Russie (i).

Les Mongols se présentèrent, dans le mois de décembre 1^37, sur la frontière du grand-

(i) Djami ut^-Tévarikh . Carpîn fait mention de trois Tilles qui furent conquises par les Mongols sous Bat ou , ayant leur invasion en Russie. La première est Barthra (var. Barchin), dont il n'indique pas la situation, non plus qpie de la seconde, appellée selon lui Jahint (var. Sarguit) ; la troisième Orna , ville riche , habitée prin- cipalement par des Chrétiens, Gazares, Russiens, Alains et autres, et il y avait aussi quelques Sarasins, était située près de Tembouchure du Don; « c'était un port « célèbre 9 d'un grand abord et commerce de Sarasins et « d'autres. Les Tatares voyant qu'il était difficile de la « prendre de force, s'avisèrent d'arrêter la rivière qui « passe par cette ville, et ainsi la submergèrent avec « tout ce qui était dedans. De ils entrèrent dans le « pays de Russie, etc. (Art, V).

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Il4 HISTOIRE DES MONGOLS.

duché de Vladimir, qui était borné, au nord et à l'ouest , par les territoires de Novgorod et de Smolensk; à Test, un peu au-delà de Nij- neï-Movgorod, par le pays des Boulgares; et au midi , par les plaines des Kiptchacs ou Po- lovtsis. Ils sommèrent les princes de Razan , Roman et George, qui étaient frères, de leur prêter obéissance et de leur livrer le dixième de leurs sujets et de leurs biens. Ces princes demandèrent du secours au grand-duc George , qui leur répondit avoir besoin de ses troupes pour défendre son propre territoire. Trop fai- bles pour tenir la campagne , Roman et George s'enfermèrent, l'un dans la ville de Colomna, l'autre, dans celle de Razan. Cette dernière fut investie par les Mongols, qui l'entourèrent d'une palissade , firent jouer leurs balistes, continuèrent l'attaque sans relâche, prirent la ville au bout de sept jours, et en passèrent les habitants au fil de l'épée. Le prince George, sa femme et d'autres princesses périrent daiis le massacre général. Après avoir pillé Razan, les Mongols y mirent le feu' et se portèrent sur Colomna.

Le grand-duc de Vladimir s'était enfin dé- terminé à envoyer son fils Vsévolod avec quelques troupes au secours de Razan; Vsé- volod apprit en route que déjà cette ville

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LIVRE II, CHAPITRE lïl^ n5

n'existait plus, et alla se joindre à Roman dans Colomna. Ce prince, étant sorti de la ville pour en défendre les approches, périt dans le combat. Vsévolod se sauva par une prompte fuite et retourna à Vladimir. Co- lomna fut prise. Moscou, qui était alors une ville peu considérable, ne fit guère de résis- tance. Ses habitants furent égorgés ou traînés en captivité; au nombre des prisonniers se trouva le prince Vladimir, fils du grand-duc George, qui défendait la place.

Alarmé par les nouvelles de ces désastres qui se succédaient avec rapidité, le grand- duc sortit de Vladimir pour hâter l'arrivée des secours qu'il avait demandés aux autres prin-^ ces apanages, confiant la défense de sa capi- tale à ses deux fils, Vsévolod et Mestislaw« Il alla poser son camp sur le bord de la Sitti, qui se jette dans la Mologa, et attendit en ce lieu les troupes de ses frères Yaroslaw et SviatoslavïT.

Les Mongols parurent devant Vladimir le i février ia38, et sommèrent la ville de se ren- dre , montrant au pied de ses murs le prince Vladimir leur prisonnier. Pendant qu'ils tra- vaillaient à l'investir, un autre corps marcha sur Souzdal, la prit et la livra aux flammes; une partie de ses habitants fut égorgée, Fau-

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îj6 histoire des mongols.

tre réduite à l'esclavage. Ces troupes allèrent se joindre à celles qui assiégeaient Vladimir, dont les habitants, sans espoir de salut, se pré- paraient à al mort. Les plus notables d'entre eux, les princes et les princesses, voyant l'en- nemi prêt à donner l'assaut, se réfugièrent dans les églises, et selon l'esprit du temps, se firent tonsurer pour mourir dans l'état mona- 8 fév. cal. Les Mongols escaladèrent le mur, et furent bientôt maîtres de la ville , ils commirent leurs atrocités ordinaires. Les deux jeunes princes périrent dans le massacre général. La femme du grand-duc et les princesses de sa famille s'étaient enfermées, avec l'évéque et beaucoup de personnes de distinction, dans le choeur de la cathédrale; les Mongols ayant abattu les portes de cet édifice sacré, et tué tous les individus qui remplissaient la nef, crièrent à ceux qui étaient dans le choeur de se rendre, assurant qu'il ne leur serait fait aucun mal; mais voyant qu'ils ne se fiaient pas à leur parole, ils mirent le feu à l'église, et les firent périr dans les flammes. La ville «fut enfin pillée et brûlée.

Ensuite l'armée mongole, divisée en plusieurs corps, saccagea, dans le courant de février, les villes de Rostow, Yaroslavl, Gorodetz, Youriew, Pereslavl, Dmitrew, Tver, Caschin,

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LIVRE II, CHAPITRE III. ' ÎI7

Volok, Cosniatin, et d'autres. Le grand-duc George était encore, à la fin du même mois, sur le bord de la Sitti, attendant les secours qu'il avait demandés à son frère Yaroslaw , prince de Kiew, lorsqu'il fut attaqué dans cette position, et tué avec la plus grande partie de ses troupes.

Après cette victoire, les Mongols marchè- rent sur Novgorod, dont le territoire, voisin des principautés de Vladimir et de Smolensk, s'étendait, au nord, jusqu'à la Mer Blanche et à la Permie ; mais , à vingt lieues de cette ville , les Barbares changèrent de direction. On ignore ce qui, en détournant l'orage prêt à fondre sur Novgorod, sauva de la destruction géné- rale cette république alors puissante dans le nord , par les avantages qu'elle retirait de son commerce avec l'Asie et la Baltique (i).

L'armée mongole retourna vers les contrées situées au nord du Caucase, pour achever la

(i) Micbel Scherbatow, Istoriia Hossitscafa, tom. II, pag. 555 à 575. Karamsin, Istoriia Gossoudarstva Rossiiskago, tom. III, pag. 270 à a8i. Ce ne fut qu'en 1259, sous le règne du khan mongol Barcai et du czar Alexandre Nevski, que la ville de Novgorod dut se 2»oumettre à payer une copltatlon aux Mongols. ^Lbid.) tora. IV, pag. 75).

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Il8 HISTOIRE DES MONGOLS.

soumission des peuples qui les habitaient. Les Circasses furent réduits, ainsi que les Mari- meSy peuple qui, suivant Raschid , Élisait partie de la nation des Tchintchakes (i). Le prince Berça battit les Kiptchacs (a); un de leurs principaux chefs, Coutan, beau-père de Mestislaw, prince de Galitch, émigrant avec quarante mille huttes, alla chercher un asyle en Hongrie (3). Dans l'hiver de ia38, les Mon- gols firent le siège de Mangass (4) , qu'ils pri- rent au bout de six semaines, et le printemps suivant ils conquirent les pays voisins du Derbend, défilé appelé par eux Timour^ahal- ca, on porte de fer. Les princes Couyouc et Mongou ayant reçu de l'empereur Tordre de revenir, quittèrent l'armée dans l'automne

(i) Le peuple de race tchoude ou finoise , que les Russes appellent Tchërémisse , se nomme lui-même Mari; c'est peut-être ce peuple qui est désigné ici sous le nom de Marinu Les Tchérémises habitent aujourd'hui les con- trées arrosées par la Yiatka et la Kama, au nord-est de Cazan.

(a) Djami ut-Téparikfu

(3) Raramsin, tom. IV, pag. 8.

(4) Le nom de cette Tille,. qui nous est inconnue, man- quant de point diacritique dans le manuscrit de Rasckid» peut-être aussi lu Mikess.

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LIVRE II, CHAPITRE m. I I9

de 1239; ^ ^^^^ arrivée en Tartarie, Ogotaï était déjà mort (i).

L'armée mongole ayant pourvu à sa sûreté par la destruction ou la soumission des peu- ples quelle laissait derrière elle, rentra en Russie. Elle ruina pour lors la partie mé- ridionale de ce pays, dont les petits souve- rains n'avaient pas été distraits de leurs que- relles intestines, par les horribles dévastations des Barbares dans le grand duché de Vladi- mir. Après leur retraite, Yaroslaw, prince de Kiew, frère de George, s'était rendu à Vladimir, et avait pris le titre de grand-duc; car les trois fils de George avaient péri avant lui. Dès que Yaroslaw eut quitté Kiew, Michel, prince de Tchemigow, s'empara de cette capitale ; mais à l'approche des Mongols il se réfugia en Hongrie.

Après avoir saccagé Tchernigow et Pere- yaslavl, les Mongols marchèrent sur Kiew. Cette ville , qui pendant trois siècles avait été la métropole de la Russie, et que son commerce avec l'empire de Byzance, par le Dnieper et la Mer Noire, rendait florissante, fut prise et en grande partie détruite. Les ia4o.

(i) Djami ut-Tévankh.

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I20 HISTOIRE DES MONGOLS.

Mongols ravagèrent la principauté russe de Calitch ou Galicie , qui , bornée au nord par la Lithuanie^ s'étendait jusqu'aux monts Car- pathes et à l'embouchure du Pruth et du Siret. Daniel, descendant de Ruric, souve- rain de cette contrée, se retira en Hon- grie (i). Après avoir dévasté la Galicie, une partie de l'armée mongole entra en Pologne par la province de Lublin (a).

La Pologne était bornée, au nord, par la Prusse encore payenne , et par la Poméranie cilérieure ; à l'est , elle conGnait à la princi- pauté de Galitch et au pays des Lithuaniens, encore idolâtres; au midi, les monts Carpa- thes la séparaient de la Hongrie; ses limites occidentales touchaient à la marche de Bran- denbourg et à la Silésie, qui dépendait de la Pologne sans en faire partie intégrante. Depuis le partage de la Pologne entre les quatre fils de Boleslaw IH, mort en iiSg, ce pays était en proie aux fureurs de la guerre ci-

(i) Karamsin, tom. IV, pag. 6 à 14.

(a) Bar Uebraeus rapporte que le Caan avait ordonné de couper l'oreille droite à tous les hommes tués dans cette expédition, en Boulgarie et en Russie, et que les Tatares se trouvèrent en possession de a70,ooo oreilles. (Pag. 492).

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LIVRE II, CHAPITRE III. lai

vile; ses princes armés par Tambition, ani- més par la vengeance, s'attaquaient mutuel- lement et ravageaient tour-à-tour leur patrie commune. A l'époque de l'irruption des Mon- gols, Boleslaw IV, arrière petit-fils de Boles- law in, prince jeune et simple, surnommé le Pudique y à cause du vœu de chasteté qu'il avait fait en épousant Cunégonde, fille de Bêla, roi de Hongrie, occupait le trône suzerain de Cracovie, ne possédant que la province de ce nom et celle de Sandomir. Sa suprématie n'était que titulaire; les autres princes ne reconnaissaient pas son autorité; aucun lien n'unissait les divers états qui par- tageaient la Pologne. La Mazovie et la Cuja- vie appartenaient à Conrad, oncle de Boles- law, qui résidait à Plotsk. Henri II, autre descendant de Boleslaw III, régnait, depuis trois ans, sur la basse Silésie et sur la grande Pologne, composée des provinces de Gnesne, Posnanie et Calisch; Wratislaw ou Breslau était sa capitale. Son cousin Miézislaw possé- dait les duchés d'Oppeln et de Ratibor, ou la haute Silésie (i).

(i) Mart. Cromcnis, De Origine et rébus gestis Polo^ norum , ap. Joan. Pistorium Nidanum. Polonicœ Hisf, Corpus y tom. II.

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laa HISTOIRE DES MONGOLS.

Les Mongols pénétrant en Pologne ^ dans l'année ia4o, ravagèrent la province de Lu- blin , et se retirèrent avec leur butin en Ga- licie. Ils revinrent au cœur de Fhiver, passè- rent la Vistule sur la glace, saccagèrent San- domir, et s'avancèrent, sans trouver de ré- sistance, jusqu'à sept milles de Cracovie. Ils se retirèrent une seconde fois, au commence- ment du carême de I24ï> chargés de dé- pouilles et chassant devant eux, comme des bestiaux, une multitude de captifs des deux sexes attachés l'un à l'autre; c'était l'élite de la population. Vlodimir, palatin de Cracovie, les suivit avec quelques troupes, surprit leur camp près de Polanietz, et leur tua du monde dans le premier instant; mais les Mongols ayant reconnii le petit nombre de ceux qui les attaquaient, les chargèrent et les mirent aisément en fuite. Cette action fut cependant favorable aux captifs qui, pendant le combat, ayant rompu leurs liens, se sauvèrent dans les forets voisines. Les Mongols continuèrent leur retraite par Sedziszow , et rentrèrent en Galicie.

Ils ne tardèrent pas à revenir en Pologne avec de nouvelles forces. Arrivés près de San- domir, ils se divisèrent en deux corps. Tandis que l'un marchait sur Lencisc et la Cujavie,

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LIVRE II, CHAPITRE III. Ia3

Fautre ravageait le palatinat de Sandomir. La noblesse de cette province et celle du pala- tinat de Cracovie, ayant rassemblé tous ses vassaux y s'avança contre l'ennemi sous la con- duite de deux palatins ^ et l'attaqua le i8 mars près de la ville de Szydlow. Les Polonais fu- rent battus ; ils perdirent leurs chefs et beau- coup de monde ; ceux qui purent échapper au fer mongol y se réfugièrent dans les forets voisines. Le prince Boleslaw, ne se croyant plus en sûreté dans la citadelle de Cracovie, se réfugia avec sa mère et sa femme, dans un château situé près de la ville de Sandecz, au pied des monts Carpathes, et, peu après, dans un monastère des Cisterciens en Moravie. Beaucoup de Polonais, surtout les plus opu- lents, allèrent, à son exemple, chercher un asyle en Hongrie ou en Allemagne; les habi- tants qui ne pouvaient émigrer, tâchaient de se soustraire à la mort, en se cachant dans les forêts, les marais, les montagnes.

Les vainqueurs se portèrent sur Cracovie, et après avoir mis le feu à cette ville, qu'ils trouvèrent déserte, ils entrèrent en Silésie. Les ponts sur l'Oder ayant été rompus, ilg passèrent ce fleuve près de Batibor, les uns sur des radeaux, les autres à la nage, en présence du duc Miézislaw, qui n'ayant

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1^4 HISTOIRE DES MONGOLS.

qu'une poignée de monde, se retira vers Lignitz, son cousin Henri rassemblait ime armée. Les Mongols marchèrent droit à Bres- law, capitale de la Silésie; mais ils la trou- vèrent réduite en cendres; ses habitants, à leur approche, s'étaient réfugiés dans la cita- delle, dont la garnison avait mis le feu à la ville , pour empêcher l'ennemi de s'y loger. Ils tinrent cette citadelle assiégée pendant quelques jours; puis ils s'éloignèrent pour aller joindre l'autre corps d'armée qui avait passé par la Cujavie, et marcher avec lui contre les forces rassemblées près de Lignitz. Henri, duc de Silésie, surnommé le Pieux, fils de Henri le Barbu et de Sainte-Hedvige , se trouvait à la tète d'environ 3o mille hom- mes, divisés en cinq corps. Le premier, composé d'Allemands qui avaient pris la croix contre les Tatares, et d'une troupe d'ouvriers des mines voisines de Goldberg, était com- mandé par Boleslaw, fils du margrave de Moravie, Dipold. On voyait, dans le second, les troupes de la grande Pologne, et un petit corps de Cracoviens, sous les ordres de Su- lislaw, frère de Vlodimir, palatin de Craco- vie. Le troisième était formé des troupes de Miézislaw, duc d'Oppeln. et de Ratibor; le quatrième, des chevaliers teutoniques, sous

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LIVRE II, CHAPITRE in. laS

leur maître Poppo d'Osternau, et le dernier, se trouvait Henri, était composé de l'élite des guerriers de la Silésie et de la Pologne, et d'une légion d'étrangers, la plupart alle- mands. Les Mongols, commandés par un prince que les historiens polonais nomment Péta (i), s'étaient aussi divisés en cinq corps; mais leur armée surpassait en nombre celle de leurs ennemis.

Le duc Henri, les princes, les chefs chré- tiens, après avoir entendu la messe et com- munié, sortirent de Lignitz le 9 avril 1^419 et les deux armées se rangèrent, à une lieue de la ville, dans une plaine arrosée par la Neiss, fut bâti depuis le village de fVahU stadtj nom qui signifie champ de bataille. Les croisés avaient obtenu du duc Henri la faveur de commencer l'attaque; ils s'engagè- rent imprudemment à la poursuite de l'avant- garde mongole qui se retirait à dessein ; lors- que cette infanterie mal armée, à demi nue, fat suffisamment éloignée des autres corps, la cavalerie mongole l'entoura, par une évo- lution subite, et la perça de flèches; presque tous ces Allemands périrent avec le duc Bo-

(1) Ccst peut-être Baîdar, fils de Tchagataî,

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ia6 HISTOIRE DES MONGOLS.

leslaw leur chef. Les deux coips de Miézislaw et de Sulislaw, qui s'étaient avancés à leur secours, furent mis en déroute. Henri et Poppo chargèrent alors ceux qui poursuivaient les fuyards; mais leurs efforts n'eurent pas un meilleur succès; l'armée polonaise essuya une entière défaite. Henri s'éloignant du champ de bataille , et n'ayant auprès de lui que qua- tre de ses officiers, fut retardé dans sa fuite par la chute de son cheval blessé; ce prince venait d'en inonter un autre, lorsqu'il fut entouré par un escadron ennemi; comme il avait le sabre levé pour se défendre, il reçut un coup de lance dans l'aisselle, et fut ren- versé. On lui trancha la tête. La perte des Polonais fut trèsK:onsidérable ; on rapporte que, pour faire connaître le nombre de leurs ennemis restés sur le champ de bataille , les Mongols coupèrent une oreille à chaque mort, et en remplirent neuf grands sacs (i).

(i) Dlngoss, Hist. Poionica, Upsi» 1711 , îii-P, I. Vil. Math, de Michow, Cronica Polonica , lib. III, cap. Sp. Menu 9 Sarmatia Js, atq, Burop, Mart Cromeros» De Origine et rébus gentis Polonorum, lib. VII. Joadiim.- Gurens Freîstadiensb , Gentis Sitesiœ Annales y Wîtcber- ga, 1571, in-f*, pag. 68 et suiv. Assertiones tab. geneai, duc. Silesiœ in Silesicar, rer, scriptoribus 3 t. I,

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LIVRE II, CHAPITRE HI. 12J

Les vainqueurs se présentèrent, avec la tête de Henri au bout d'une lance, devant la cita- delle de Lignitz, et la sommèrent de se ren- dre; la ville avait été livrée aux flammes par les chrétiens. Voyant que leurs menaces étaient vaines, les Mongols dévastèrent toute la contrée environnante et se portèrent à Ottmuchow, près de Neiss, ils restèrent campés une quinzaine de jours. Après avoir

p. 3i6. Dubrayim, Hist, BoAemica, lib. XVI. Les historiens polonais et silésiens racontent que lorsque les deux corps de Sulislaw et de Miézislaw, accourus au secours des croisés allemands ^ soutenaient avec yaillance les efforts des Tatares , on entendit la voix d'un cayalier inconnu qui Toltigeait sur les flancs des Polonais , criant en leur langue : Fujrez , fujrez , et que Miézislaw et ses troupes , croyant que c'était im ayis salutaire , prirent su- bitement la fuite. Les mêmes historiens attribuent à une cause plus extraordinaire la déroute des deux dernières divisions. Comme elles combattaient avec succès, les Tar- tares recoururent, pour vaincre, aux ressources de la magie; ils déployèrent un étendard l'on voyait un signe semblable à la lettre X, et une tête d'homme mon- strueuse qui vomissait avec des nuages de fumée Im vQp«nrs les plus fétides. Ces exhalaisons épaisses, en couvrant les Tartares, les dérobèrent à la vue de leurs ennemis, tandis qu'elles répandirent la terreur et la mort dans l'armée polonaise. Cest ainsi que dans tous les temps les vaincus ont voulu sauver leur houneiu*.

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l^S HISTOIRE DES MONGOLS.

ravagé , pour la seconde fois , le pays de Batibor, et fait une halte de huit jours à Bolésiskoy ils entrèrent dans la Moravie, qu'ils mirent à feu et à sang jusqu'aux fron- tières de la Bohême et de l'Autriche. Ce pays, qui faisait partie des états de Vences- law, roi de Bohême, n'avait qu'un petit nom- bre de défenseurs. Venceslaw ne voulait dé- garnir ni la Bohême, ni la Lusace, qui étaient également menacées par les Barbares; il n'en- voya au secours de la Moravie qu'un corps de cinq mille hommes d'infanterie, avec quel- ques escadrons, sous la conduite de Jaroslaw de Sternberg , capitaine expérimenté , qui reçut l'ordre de ne pas s'exposer en rase campagne devant un ennemi si supérieur en nombre, mais de défendre la ville d'Olraûtz, ou celle de Brûnn. Sternberg trouva à Brunn quelques troupes qui avaient été rassemblées par les seigneurs de ce district; il en prit mille hommes, et laissant le reste en garni- son dans cette ville, il courut se jeter dans Olmiitz- dont les Mongols approchaient. A peine y était-il entré qu'on vit paraître les premiers escadrons ennemis; et la nuit sui- vante un grand nombre d'incendies qu'on dé- couvrait des remparts sur tous les points de l'horizon , attestèrent le voisinage de l'armée

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LIVRE II, CHAPITRE III. lag

tatare. Le troisième jour elle fut toute réunie devant Olmûtz, qu'elle entoura de ses nom- breux bataillons ; mais elle ne voulut pas en- treprendre le siège de cette place , dont la garnison était forte de douze mille hommes. Les Mongols se bornèrent à la harceler, tirant des flèches à tous ceux qu'ils apercevaient sur les remparts; à peine quelqu'un s'était-il montré, qu'il tombait percé de traits. Les as* sièges, étonnés de la dextérité des Mongols, s'amusaient à exposer des mannequins sur la mufaille, et à les voir aussitôt criblés de flè- ches. Quelquefois les Barbares, pour effrayer les citadins, lançaient à la fois une multitude de traits qui couvraient la ville comme un nuage, et y tombaient comme la grêle. Sui- vant leur usage, ils tâchaient d'attirer la gar- nison dans la plaine; mais Sternberg avait trop d'expérience pour donner dans le piège. Les assiégeants brûlèrent alors les faubourgs, et attaquèrent un couvent qui était occupé par quelques troupes. Ils mirent le feu à cet édifice, en y décochant des flèches chargées de matières inflammables, qui se fixaient au bois de la toiture; un grand vent favorisa Fincendie , et les traits des Mongols frappaient ceux qui voulaient l'éteindre. Les guerriers enfermés dans le monastère embrasé , près de ^ 9

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l3o UISTOIHE DES MONGOLS.

périr dans les flammes , se précipitèrent sur Tennemi, et moururent tous les armes à la main. Les Barbares leur ayant coupé la tête, attachèrent à la queue de leurs chevaux ces trophées sanglants, qu'ils montrèrent avec bravade aux assiégés, en se promenant de- vant les remparts. A cette vue les défenseurs d'Olmûtz , brûlant du désir de venger leurs compatriotes, demandèrent à grands cris qu'on les laissât sortir de la ville, et il fallut que leur commandant employât toute son autorité pour contenir leur fureur prête à éclater en sédition; Stemberg défendit, sous les peines les plus sévères, que personne ne quittât son poste, ni s'avisât de parler d'une sortie.

Pendant qu'une partie de l'armée de Péta restait campée devant Olmiitz , plusieurs corps de ses troupes pillaient et dévastaient toute la province. Sternberg, apercevant moins de vigilance dans le camp ennemi, résolut de le surprendre; il exécuta son projet dans la nuit du !»4 juin , et fit éprouver aux Mongols une perte considérable, avant qu'ils eussent le temps de se mettre sous les armes. Un de leurs chefs, qu'on crut être Péta, fut tué dans la mêlée , et l'on prétend qu'il tomba sous les coups de Stern- berg. Ce général , faisant sa retraite au moment il allait être enveloppé, rentra dans la ville.

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LrVRE II9 CHAPITRE III. l3l

avec une perte de trois cents hommes. Le lendemain on entendit les gémissements des Tartares qui rendaient les derniers honneurs à leur chef; ils eurent la barbarie de sacrifier à ses mânes tous leurs prisonniers. Trois jours après ils levèrent leur camp devant Olmûtz, dont^ selon toute apparence , ils avaient seu- lement voulu tenir la garnison en échec pen- dant que leurs troupes mettaient le pays à feu et à sang; et ils marchèrent vers la Hon- grie, pour rejoindre la grande armée, sous les ordres de Batou (i).

(i) Joannis Pessina de Czechorod, Mars Moravicus , Pragae, 1677, in-f** , pag. 343 et suit. Cet auteur, qui était archeyéque de Semendrie, ou Saint- André en Ser- TÎe, dans l'année 1675, nous apprend que Stemberg, pour rendre grâces au ciel du salut d'Olmûtz , y fit bâ- tir une église dédiée à la Vierge, et que son souye- rain , le roi Venceslaw , lui donna , en récompense de sa prudence et de sa yaleur , le gouvernement de la Moravie, la permission de mettre dans ses armoiries une couronne ducale et la propriété d'une terre près d^Olmûtz, ce général fit élever un ch&teau qui reçut k nom de Stemberg (pag. 348). Suivant un autre histo- rien, la terre qui lui fut donnée comprenait le théâtre même du combat le chef mongol avait péri. Voyez Bohuslai Balbini, societatb Jesu, MisceUanea historica regni 3okemiaf , Vngx y 1687, in-£®, pag. 117. Au reste,

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l3a HISTOIRE DES MONGOLS.

Tandis qu'une partie de l'armée mongole dévastait la Silésie et la Moravie, l'autre, commandée par Batou en personne, enva- hissait la Hongrie. Ce royaume, qui s'éten- dait alors jusqu'à la Mer Adriatique, obéis- sait, depuis cinq ans, à Bêla IV, fils et suc- cesseur d'André. Batou, avant de l'attaquer, écrivit au roi Bêla pour le sommer de prê- ter obéissance au souverain mongol, s'il voulait conserver sa vie et celle de ses su- jets (i). Un Anglais, banni de son pays, et

le siège, ou plutôt le blocus d'Olroûtz, est le seul ërë- nement de Tinvasion des Mongols en Europe, que Von trouve décrit avec quelques détails.

(i) Il est fait mention de cette circonstance dans une lettre de l'empereur Frédéric II au roi d'Angleterre, datée de Faenza, le 3 de juillet 1241» et dans une lettre d'un prêtre français nommé Itou, à l'archevêque de Bordeaux , écrite de Neustadt , près de Vienne. Voici le passage ^de celle de Frédéric II, qui impute les malheurs de la Hongrie à l'ineptie de Bêla. Après avoir fait mention des horribles ravages commis par les Tartares dans le pays des Russes , l'empereur ajoute : « Quod cum contermino regno Hungarorum fuisse debuît « ad cautelam , robur et munimen , sprevit negligenter. « Quorum rex deses, et nimis securus, per Tartarorum « nuncios et litteras rcquisitus , ut , si suam vitam eu- « peret et suorum , per suam et regni sui deditionem ^

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LIVRE II, CHAPITRE ïll. l33

reçu au service des Mongols , fut chaîné de porter cette lettre au roi de Hongrie (i). Quoique les hordes sanguinaires qui venaient de désoler les provinces russes , fussent déjà en Galicie, prêtes à fondre sur la Hongrie et la Pologne, la seule mesure de défense que prit, dans les derniers jours de Tannée ia49> le roi Bêla, prince doux et pieux, mais nul- lement guerrier, fut d'envoyer le comte pa- latin avec une poignée de troupes dans les gorges des monts Carpathes, pour les garder

« eoTum gratiam festinus praeTcniret , nec sic perterritus, « aut edoctus , suis vel aliis praestitit documcntum , ut « et ipse et sui se maturius ad eorum prolecti prseinu- « nirent încursus. » Math» Paris , Ilist^ Angliœ , tom. I , pag. 558.

^i) Un ecclésiastique français, qui se trouTait à Neu- stadt, près de Vienne, lorsqu'en 1242 un parti mongol vint de Hongrie menacer cette petite ville, raconte, dans une lettre à l'archevêque de Bordeaux, que ce détache- ment se retira à l'approche de forces considérables, et qu'on lui prit huit hommes» parmi lesquels était un Anr- glais, banni de son pays à perpétuité, qui ayant passé au service des Tartares , avait été envoyé deux fois par leur chef au roi Bda , pour le sommer à Tobéissance. Yvonis dicti Narbonensis Epistola ad Giraldum Burde^ galensem archiepiscopum, ap. Math. Paris, Hist. AngUte^, tom. I, pag. 608.

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l34 fflSTOIRB PES MOICGOLS.

et les obstruer par des abatis d'arbres. Ce ne fut que vers le carême de l'année suivante que, recevant de la frontière russe des nou- velles de plus en plus alarmantes, il convo- qua une diète dans la ville de Bude, pour délibérer avec le clergé et la noblesse de son royaume , sur les moyens de le défendre.

Une partie de la noblesse était mécontente du roi Bêla. Ce prince, à son avènement au trône, avait sévi contre des seigneurs qui n'avaient cessé de fomenter la discorde entre lui et le roi André, son père. Il s'était vu obligé d'en punir d'autres, après avoir inter- cepté des lettres ils offraient la couronne de Hongrie au duc d'Autriche et à l'empereur Frédéric II. Quoique ces coupables n'eussent pas été traités selon la rigueur des lois , leurs familles n'en étaient pas moins animées con- tre Bêla, qui d'ailleurs avait augmenté le nombre de ses ennemis, en reprenant les do- maines royaux que ses prédécesseurs avaient trop libéralement accordés à des nobles, au préjudice des revenus de la couronne (i).

(i) On trouve dans la Géographie de Cazvini, intit. Assar^ul-BUad y etc., art. Baschguird, 7* climat, le morceau suivant il s'agit, sans nul doute, du mécon* tentement des seigneurs hongrois envers Bêla. Les Hon^

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LIVRE II, CHAPITRE III» l35

Il existait une autre cause de mécontente- ment plus générale. Une partie de la nation des Kiptchacs ou Coumans, qui^ pour se sous- traire au joug mongol 9 avait émigré sous la conduite d'un chef nommé Cou tan, avait, deux ans auparavant, obtenu du roi la per- mission de s'établir en Hongrie. Coutan était suivi de quarante mille familles, et promet- tait d'embrasser la foi chrétienne; l'acquisition de ces nouveaux sujets donnait au roi un ac- croissement de puissance , et l'espoir de con- vertir tant de payens lui causait une douce satisfaction. Les officiers qu'il envoya pour

grois y soot nommés, par erreur^ Baschkires ^ an lieu de Hongross, nom sous lequel ils sont désignés dans le Dict. géogr. de Yacout, article Baschguirde , d'où Caz- Tini paraît ayoir tiré le sien, à Texception du paragraphe suivant , qui le termine :

« Chaque canton , dans le pays des Baschgulrdes , est un fief appartenant à quelque seigneur puissant , et la « plupart des contestations entre ces magnats s*élèvent au « sujet de ces fiefs. Pour les faire cesser, le roi des « Baschguirdes jugea à propos de leur retirer leurs fiefs, « et de leur accorder des traitements pécuniaires de sou « trésor ; ce qu'il fit ; mais lorsque les Tatares vinrent « attaquer ce pays, et que le roi des Baschguirdes se « prépara à marché à leur rencontre, les chefs de ses « troupes dirent : Nous ne combattrons pas que vous ne-

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l36 HISTOIRE DES MOIYGOLS.

annoncer à Ck>utan l'accueil favorable fait à sa demande y étaient accompagnés de mission- naires. Le roi alla lui-même, en laSg, à la rencontre de ce prince turc jusqu'à la fron- tière de ses états, et lui rendit de grands hon- neurs. Mais les Coumans, en traversant avec leurs nombreux troupeaux les provinces de la Hongrie, ne laissaient pas d'y faire du dé- gât ; ils avaient de fréquentes contestations avec les habitants; on les accusait d'attenter à la pudeur des femmes hongroises; des cla- meurs s'élevèrent de toutes parts contre ces

« nous ajez rendu nos fiefs ; à quoi le roi leur répondit : « Je ne vous les rendrai pas de cette manière; si vous m apez à combattre c'est pour vous marnes et pour vos m enfants. Alors ses troupes nombreuses se débandèrent, « et le sabre tatar les moissonna sans résistance. »

Guillaume de Nangis parle aussi de la désunion parmi les Hongrois, à Tépoque de l'invasion des Tartares. Li roys, dit-il, et li prince et li clergiez et li pcu- « pies estoient en si grant discorde que il ne se vaudrent « apparillier, (qu'ils ne voulurent pas prendre les armes); « aincois furent li uns ça et li autres là, parquoi grant « multitude de eulz en fii occise. Après cette occision fîi « si grant famine au roy*. de Hongrie que li homme vif « mangeoient les cors des mors bonunes et chiens et « chas et toutes telles chouzcs que ils povoient trouver. » {Annales de St, Louis , édit. de Capperonnier, p. 189).

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LIVRE II, CHAPITRE ÏÎU l^J

nouveaux hôtes, et contre le roi qui les avait reçus; on se plaignit de les voir favorisés dans tous leurs démêlés avec les Hongrois. Voulant aviser aux moyens de faire cesser les griefs de part et d'autre, Bêla convoqua, en ia4o, le clergé et la noblesse de son royaume, ainsi que les chefs des Coumans, 11 fut résolu, dans cette diète, que les Cou- mans seraient répartis dans les diverses pro- vinces, et qu'on leur assignerait des districts incultes pour y faire paître leurs troupeaux. Le roi avait tenu Coutan sur les fonts de baptême; plusieurs chefs de tribus avaient eu pour parrains des seigneurs hongrois; néanmoins le peuple était animé contre ces étrangers, et sa haine éclata au moment de l'invasion des Mongols.

La première mesure que l'on crut devoir prendie, dans l'assemblée convoquée à Bude en I a4 1 7 fiit d'arrêter comme suspects le prince Coutan et les autres chefs de sa nation qui avaient été appelés à la diète. On y dé- libérait encore sur les préparatifs de défense contre les Mongols, lorsqu'on vit arriver le comte Palatin, avec la nouvelle que, le la mars, sa troupe avait été taillée an pièces par les Tartares, et qu'ils étaient entrés dans le royaume. Cet événement répandit la con-

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l38 HISTOIEE DES MONGOLS.

sternation parmi les Hongrois. Bêla congédia les membres de l'assemblée, en leur recom- mandant de venir promptement le joindre avec leurs troupes. Des ordres furent expé- diés aux Coumans pour les faire marcher sans délai. Le roi alla chercher lui-même les guerriers qui se trouvaient dans Albe et Stri- gonie, les amena à Bude, y passa le Danu- be, et, en attendant Farrivée de ses vassaux, il établit son quartier-général à Pest, riche ville allemande située sur le même fleuve , à l'opposite de Bude. L'évêque de Vatzen fut chargé de conduire à la frontière d'Autriche la reine, ses enfants, et les effets les plus précieux de la couronne.

Batou pénétra en Hongrie par le défilé qu'on nommait la porte de Russie; Péta, ve- nant de la Moravie, y entra un peu plus tard , par les goi^es qu'on appelait portes de Hongrie; les corps d'armée du prince Cadan et du général Souboutaï arrivaient en même temps du côté de la Moldavie, appelée alors Coumanie.

Batou marcha droit à Pest, mettant à feu et à sang les provinces qu'il traversait. Ayant posé son camp à une demi-journée de cette ville, il en fit ravager tous les environs. Les escadrons mongols voltigeaient sous les murs

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LIVRE II, CHAPITRE 111. l39

de Pest , pour en braver la garnison et Fat* tirer dans la plaine; mais le roi ne voulait pas qu'on fît de sorties; cependant le troi- sième jour 9 comme l'ennemi répétait sa ma- nœuvre, l'archevêque de Colotcha, nommé Ugolin, ne put plus contenir son impatience, et, taxant le roi de pusillanimité, il sortit, malgré sa défense , avec une poignée de gens. Les Mongols se retirèrent lentement vers un terrain marécageux, qu'ils traversèrent avec rapidité; l'archevêque, ardent à les poursui- vre, s'y engagea, sans s'en apercevoir, et bientôt sa troupe, pesamment armée, enfon- çant dans la bourbe, ne put ni avancer, ni reculer. Alors les Mongols entourèrent le ma- rais et tuèrent les Hongrois à coups de flèches. L'archevêque se sauva , lui quatrième , et ren- tra dans la ville, aussi confus de sa mésa- venture qu'irrité contre le roi qui ne lui avait pas envoyé de secours.

Le peuple croyait que Coutan était secrète- ment d'intelligence avec les Mongols, et qu'il les avait attirés en Hongrie; il prenait même les Mongols pour des Coumans, parce qu'il y avait, sans doute, beaucoup de ces Turcs dans leur armée. On murmurait contre le roi Bêla. « Qu'il combatte lui-même, disait-on, lui «qui, pour notre malheur, a introduit les

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l4o HISTOIRE DES MONGOLS.

a Coumans dans le royaume ! qu'il combatte a avec ceux auxquels il a donné nos terres! » La multitude y dont l'irritation croissait avec le danger y demanda à grands cris la mort de Coutan ; des Hongrois et des Allemands couru- rent en fureur à l'hôtel il était détenu. Le prince et ses gens se défendirent pendant quelque temps contre ces forcenés; mais enfin ils périrent, et leurs têtes furent jetées au peuple par les fenêtres. On reconnut dans la suite l'innocence de Coutan.

Le meurtre de ce prince ne servit qu'à ag- graver les maux de la Hongrie. Dès qu'il fut connu dans les provinces, les paysans tom- bèrent sur les Coumans, qui se rendaient de toutes parts au rendez-vous général, et mas- sacrèrent sans pitié ces étrangers qu'ils détes- taient; mais bientôt les Coumans se réunirent, et passant de la défense à l'agression , saccagè- rent le plat pays; un de leurs corps attaqua même une troupe de gentilshommes qui, avant d'aller joindre le roi , conduisaient leurs famil- les dans la haute Hongrie, et en tua le plus grand nombre. Puis, traversant le Danube, ces nomades battirent les habitants de la Marche , qui , pour les repousser , s'étaient rassemblés sur la lisière de leur province, et la mirent à feu et à sang. En tuant les Hon-

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LIVRE n^ CHAPITRE HI. li^J

grois , ils disaient : Reçois ce coup pour Coutan. Après avoir détruit les deux villes principales de ce district , Franka et Saint-Martin , ils pas* sèrent en Bulgarie , avec un butin considéra- ble en argent, en chevaux et en bestiaux.

Le roi attendait à Pest l'arrivée de toutes ses troupes, résistant aux sollicitations de Farchevéque de Colotcha, qui le pressait de fiEiire attaquer les partis ennemis répandus dans les environs, et occupés à les dévaster. Un corps mongol venait de détruire la ville épiscopale de Vatzen, sur le Danube, s'étaient réfugiés un grand nombre d'habi- tants avec leurs effets les plus précieux. L'évê- que de Varadin essuya un échec, en condui- sant ses troupes à l'armée. Averti qu'un corps ennemi, qui venait de saccager la ville d'Agria, se retirait chargé de dépouilles, parmi les- quelles se trouvait le trésor de l'évêque et de l'église, il suivit ses traces avec célérité. Les Mongols, inférieurs en nombre, employèrent un stratagème qui leur avait souvent réussi; ils mirent en embuscade une partie de leur troupe avec des mannequins placés sur des chevaux; après avoir escarmouche avec les Hongrois, ils prirent la fuite vers ce lieu, et furent poursuivis par les gens de Févéque; mais ceux-ci , apercevant tout-à-coup la nou-

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l4a HISTOIRE DBS MONGOLS.

velle troupe, qui paraissait deux fois plus nom** breuse qu'elle ne Tétait réellement, tournè- rent le dos, et perdirent beaucoup de monde dans leur déroute. Le prélat rentra à Vara- din avec quelques-uns des siens, et après s'y être arrêté quelques jours, pour réparer ses pertes, il se rendit au quartier-général.

Lorsque l'armée hongroise fiit réunie, le •roi sortit de Pest pour marcher contre les Mongols, qui aussitôt se concentrèrent, et se retirèrent lentement par la route qui les avait amenés. Bêla plaça son camp sur la rive occidendale de la Sayo, non loin d'un pont qu'il fit garder par mille hommes; on croyait que c'était le seul point des trou* pes pussent passer cette rivière large et limo- neuse. Les Mongols, qui s'étaient arrêtés dans une plaine bordée de marais, à cinq milles au- delà de cette même rivière, ne tardèrent pas. à surprendre le camp hongrois (i). Ayant traversé de nuit la Sayo, une partie à gué, l'autre sur le pont, d'où les Hongrois furent

(i) M. Rogerii VaradîeDsb Capitnli Canonici Miserabile Carmen, scu Historia super destructione regni Hungariœ temporibns Belae IV régis , per Tartaros facta , cap. 2 , ad 218, ap. SdiTandtneram , Scrlptores rerum Hungaricth- rum, tom. I, iit-f^ Yindob. 1746.

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L1VR£ Ily CHAPITRE III. l43

chassés par une batterie de sept catapultes^ leurs nombreux escadrons entourèrent, dès le point du jour, le camp ennemi, sur lequeL ils firent pleuvoir une grêle de traits. Atta- qués à l'improviste, se voyant enveloppés par cette multitude , les Hongrois furent saisis de crainte; leurs chefs perdirent la tête, et la plus grande confusion se mit dans leur camp. Le duc Coloman, frère du roi, l'archevêque Ugolin et un maître des templiers furent les seuls qui chargèrent Tennemi ; mais les flèches des Mongols leur firent éprouver une grande perte. De retour au camp, Ugolin reprocha au roi et aux seigneurs leur manque de réso- lution; il put à peine engager quelques-uns de ces derniers à le suivre au combat. L'arche- vêque sortit pour la seconde fois avec le duc Coloman et le maître des templiers; cette tentative fut plus malheureuse encore que la première; après avoir fait des prodiges de valeur, Coloman et Ugolin revinrent blessés , mais tous les templiers restèrent sur le champ de bataille. Alors, ni les exhortations du roi, ni celles du courageux archevêque ne purent déterminer les Hongrois à sortir de leur camp, ils restèrent entassés pèle mêle jusqu'au milieu du jour. Enfin, le duc Coloman re- tourna à la charge; tandis qu'il combattait

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l44 HISTOIRE DES MOITGOLS.

avec valeur, beaucoup de Hongrois quittèrent leurs retranchements, non pour suivre son exemple, mais pour prendre la fuite. Les Mongols ouvraient leurs rangs* et les laissaient passer, sans même tirer sur eux. Dans Fespoir de se sauver de même, les autres troupes hon- groises se pressèrent de sortir du camp. Pour en diminuer l'étendue, on avait placé les tentes très-serrées; ce fut un obstacle à Fécoulement de cette multitude , qui pouvait à peine se mouvoir dans d'étroits intervalles, coupés en- core par les cordes des pavillons. Le roi, qui avait cru que ses troupes allaient char- ger l'ennemi , s'apercevant de leur dérou- te, se vit contraint de chercher aussi son salut dans la fuite. Il passa, sans être recon- nu, par l'une de ces issues que les Mongols avaient ménagées à dessein. Ces barbares sui- virent d'abord les Hongrois au pas, sans leur décocher de flèches , sans leur permettre non plus de se disperser ; mais lorsqu'ils virent les fuyards épuisés de lassitude, ils les passèrent au fil de l'épée. Un grand nombre d'entre eux furent chassés dans un marais ils pé* rirent (i).

(i) L^empereur Frédéric, dans sa lettre au roi d'An- gleterre, déjà citée, parle en ces tennes de la surprise

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LIVRE II, CHAPITRE lll. 1^5

La plus grande partie de Farinée hongroise fut moissonnée dans cette déroute. Un espace de deux journées de chemin était parsemé de cadavres. Parmi les morts se trouvaient les archevêques de Strigonie et de Colotcha, trois évêques et une foule de seigneurs. Le roi dut son salut à la bonté d'un cheval qu'on lui donna; il se réfugia dans le comté

du camp hongrois : « Sed hostium contemtores (Hungari) a datiy vel nescii, dam inimico vicinante segnes dormi- « tarent, loci nativo munimine confidentes, ipsi (Tartari), « more turbinis intrantes eos undique cîrcumdabant re- « pentini. At Himgari ante cxspectatum circmndati , et « oppressi yelut imparati , ipsîs objicere castra contende- « nmt. £t com distarent quinque tantmn miiliaribus hinc « ezercitus Tartarorum , inde Uungarorum , imierunt rap- « tim in aurorse crepuscolo Tartarorum praeambulî , et « subito castris Hungarorum circumdatis, interfectis primo « praelatis , et majoribus de regno , qui se objecerant , 1 caesisy infinitam Hungarorum multitudinem gens inimica « trucidavit , stragem faciens inauditam , oui ex antiquis- « simi lapsu temporis, in uno belli conflictu vix recolitur a âiisse consimilis. Ex fîigà igitur rex -vix elapsus equo « raptus velocissimo. « Frédéric ajoute qu'il tient ces dé- tails de l'évéque de Vatzen, ambassadeur du roi de Hongrie, qui venait d'arriver à sa cour, et qu'ils lui ont été confirmés par les lettres de son fils Conrad, roi des Romains , du roi de Bohême , et des ducs d'Autriche et de Bavière.

2 lO

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l46 HISTOIRE DBS MONGOLS.

de Thurocz, près des monts Carpathes, il rencontra son gendre, Boleslaw, duc de Cracovie, qui était aussi venu chercher un asyle dans ces contrées (i). Le duc Coloman gagna Pest par des chemins détournés, et se retira dans son apanage, composé de la Dal- matie et de la Croatie, qui relevaient alors de la couronne de Hongrie. Il y moui-ut de ses blessures au mois de décembre de la même année (a).

Lorsque les Mongols, revenus de la pour- suite des fuyards, recueillirent les dépouilles des vaincus, ils trouvèrent le sceau royal sur le chancelier, qui avait péri dans la déroute; Batou s'en servit pour tromper les Hongrois. Il fit écrire par ses captifs des lettres adres*

(i) Petr. de Rêva, de Monarchia et S, Corona regni Uun^ariœ y centuria III ap. Schvandtneruni , t. II , p. 63

(2) Thomas, archidiaconus spalatensis, HUt, Solonitarum Pontyicum atque Spalatensium , cap. 87, ap. Schvandtner. Scriptores rerum hungaricarum , tom. III. M. Rogerius, MiserahUe carmen, cap. 28. « Le duc Coloman, dit Far- « chidiacre Thomas, fut enseveli dans un mausolée souter- « rain , parce que les Tartares détruisaient les tombeaux , « surtout ceux des princes , et dispersaient leurs ossements. « C'était un prince rempli de piété , jaasns qui n'était pas « propre aux affaires publiques. » cap. 38.

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LIVRE II, CHAPITRE III. Ï^'J

sées, au nom du roi, aux seigneurs et au peuple , et conçues en ces termes : « Ne «t craignez pas la rage et la férocité de ces « chiens, et gardez-vous de quitter vos habi- te tations. Quoique nous ayons abandonné no- ce tre camp , à la suite d'une surprise , nous « comptons, avec l'aide de Dieu, le repren- ne dre bientôt^ Fépée à la main; contentez- « vous donc de prier Dieu qu'il nous permette a d'écraser nos ennemis. » Les Hongrois, abu- sés par cet artifice, se tinrent tranquilles, conservant un espoir que tout ce qui se pas- sait aurait détruire; mais le pays étant inon- dé par les barbares, on ne pouvait se procu- rer aucunes nouvelles.

Après leur victoire, les Mongols marchèrent sur Pest, s'étaient réfugiés un grand nom- bre d'habitants des bords du Danube. Lie duc Coloman , en passant par cette ville , avait conseillé à sa population de se sauver par la fuite; elle préféra de s'y fortifier; on travail- lait aux retranchements, lorsque les Mongols parurent devant Pest ; ils la prirent d'assaut au bout de quelques jours, et la brûlèrent après avoir égorgé tout le monde.

Tandis que ces événements se passaient au cœur de la Hongrie, le prince Cadan s'avan- çait par la Transilvanie. Après avoir marché

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l48 HISTOIRE DES MONGOLS.

trois jours à travers des forets, il se présenta tout-à-coup devant Roudan, riche ville alle- mande, située entre de hautes montagnes, près d'une mine d'argent qui appartenait au roi. Les habitants de cette place sortirent brar vement à sa rencontre. Cadan se retira pour les attirer à sa poursuite; mais ils s'en re- tournèrent triomphants, déposèrent leurs ar- mes, et se mirent à boire (i). Pendant qu'ils s'enivraient, les Mongols, revenus sur leurs pas, entrèrent, sans éprouver la moindre ré- sistance , dans cette ville qui était entièrement ouverte. Cadan emmena le comte Ariscalde avec six cents hommes armés, choisis parmi les Allemands, et poursuivit sa marche, par les montagnes et les forets , jusqu'à Waradin. Une foule de nobles, de dames et de femmes du commun étaient venus de tous les envi- rons se réfugier dans cette ville, l'une des principales de la Hongrie. Elle avait une cita- delle défendue par de larges fossés et des murs flanqués de tours de bois. Les Mongols s'emparèrent aisément de la ville , la pillèrent , y mirent le feu, et en égorgèrent toute la

(i) Prout Theutonicorum furia exigit, ajoute le chanoine M. Roger.

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LIVRE II, CHAPITRE III. 1 49

population, sans distinction d'âge ni de sexe. Us se retirèrent ensuite à la distance de cinq milles. Au bout de quelques jours, ceux de la citadelle ne les voyant pas reparaître, cru- rent qu'ils s'étaient éloignés, et allèrent s'éta- blir dans les maisons de la ville qui n'avaient pas été détruites; mais un matin, les Mongols tombèrent sur eux à l'improviste, et tuèrent tous ceux qui n'eurent pas le temps d'attein- dre le château. Ils investirent alors cette pla- ce, et battirent jour et nuit avec sept balis- tes une partie du mur qui venait d'être ré- parée. Lorsqu'elle eut été renversée, ils em- portèrent le fort d'assaut. Les dames s'étaient réfugiées dans la cathédrale; les Mongols, voyant qu'ils n'y pouvaient pas entrer tout de suite, y mirent le feu, et toutes les per- sonnes qui s'y étaient enfermées périrent dans les flammes.

Ces barbares profanèrent les autres églises par les plus abominables débauches; ils y traînaient des femmes et des hommes sur lesquels ils assouvissaient leurs infâmes dé- sirs, puis ils les égorgeaient. Ils fouillèrent dans les tombeaux, foulèrent aux pieds les reUques, souillèrent les vases sacrés, et mi- rent les chanoines à la torture, pour leur faire découvrir tout ce qu'ils possédaient;

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l5o HISTOIRE DES MONGOLS.

enfin, le peu d'habitants qui restaient, no* blés, bourgeois, chanoines et militaires, fu- rent impitoyablement massacrés dans la plai- ne. Bientôt l'infection des cadavres força les Mongols d'abandonner ce lieu réduit en un désert. Après leur départ, ceux qui s'étaient cachés dans les forets voisines sortirent de leurs retraites, pour aller chercher quelque nourriture parmi les ruines et les morts; mais les barbares, qui les épiaient, tombèrent sur eux et les taillèrent en pièces. Ils répétèrent plusieurs fois la même manœuvre, et ne se retirèrent tout-à-fait que lorsqu'il ne resta plus personne à tuer.

Le pont Saint-Thomas, bourg allemand, éprouva le même sort que Varadin. Tchanad fut détruite par une autre division. Les Mon- gols dévastèrent toute cette province avant d'attaquer la ville de Perg, s'étaient ré- fugiés les habitants de soixante-dix villages, et le monastère d'Égresch, de l'ordre des Cisterciens, qui ressemblait à un château- fort. Lorsque tout le plat pays eut été en- tièrement ravagé, Perg fut investi par un corps d'armée composé de captifs russes , coumans et hongrois , et d'un petit nombre de Mongols. Ceux-ci firent d'abord attaquer la place par les Hongrois, et lorsqu'ils eurent

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LIVRE 11^ CHAPITRE 111. l5l

péri, par les Russes , enfin par les Coumans. Ils se tenaient derrière ces malheureux, et riaient de les voir tomber, faisant main-basse sur ceux qui reculaient. Au bout d'une semaine d'attaque continue, la ville fut prise; on la fit évacuer. IjCS militaires et les dames, qui étaient en grand nombre, furent placés d'un côté dans la plaine et les paysans de l'autre. On les dépouilla, et puis on les mas- sacra à coups de sabres et de hacher. A l'exception de deux jeunes filles, que ces barbares réservèrent pour leurs plaisirs, il ne se sauva de cette boucherie, que ceux qui s'étant jetés subitement à terre et se trou- vant teints du sang des autres, passèrent pour morts. Peu de jours après, les Mon- gols attaquèrent le couvent d'Égresch. Ceux qui s'y étaient enfermés se rendirent à con- dition d'avoir la vie sauve; mais ils furent égorgés, hormis quelques moines que les Mongols laissèrent en liberté, et les plus belles femmes qu'ils gardèrent pour leur usage (i).

Les Mongols prirent alors des cantonne- ments au milieu du pays qu'ils avaient dé-

(i) M. Roger , Miserabile carmen , etc., cap. 3o, 3i et 3A«

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l5a HISTOIRE DES MONGOLS.

vaste , possédant un immense butin , en che- vaux, en bétail, en effets de toutes espèces, et maîtres d'un grand nombre de captifs des deux sexes, qu'ils employaient à divers ser- vices (i). Beaucoup d'habitants de la pro- vince de Varadin s'étaient réfugiés dans les forets. Les Mongols, après les avoir parcou- rues, ne pouvant atteindre tous ces mal- heureux, eurent recours à cet expédient: ils relâchèrent quelques-uns de ceux qu'ils avaient pris, leur disant que quiconque se fierait à eux et retournerait dans ses foyers avant une certaine époque , ne serait pas molesté. Sur la foi de cette promesse, tous ces fugitifs, qui mouraient de faim, retour- nèrent dans leurs demeures et repeuplèrent une centaine de villages. Chacun de ces villages fut placé sous l'autorité d'un Mon- gol, et comme c'était le temps de la mois- son, les paysans s'occupèrent à récolter les bleds et à les serrer. Les Mongols . et les Coumans étaient confondus avec les Hongrois, et Ton voyait souvent de ces derniers rache- ter leur vie au prix de l'honneur de leurs femmes, de leurs filles ou de leurs soeurs,

(i) Thomas ) etc., Hist. salon ^ cap. 37.

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LIVRE n, CHAPITRE III. l53

dont ces barbares jouissaient même à leurs yeux ; on envoyait les plus belles filles aux commandants des villages, qui donnaient en retour du bétail ou des chevaux; mais après la récolte et les vendanges, ces chefs s'étant assemblés, ordonnèrent que les habitants de tous les villages vinssent , un certain jour , leur apporter des présents, et se fissent ac- compagner de leurs familles. Lorsque ces malheureux eurent offert leurs dons, on les conduisit dans une vallée où, après les avoir dépouillés, on les égorgea.

Les Mongols restèrent dans l'inaction l'été et l'automne de 1241. L'hiver suivant fiit si rigoureux que le Danube gela, ce qui de long-temps n'était arrivé. Les Mongols vou- lurent profiter de cette circonstance pour at- taquer Strigonie ou Gran, qui était la ville la plus considérable du royaume et l'ancienne résidence de ses souverains. Pour savoir si l'on pouvait traverser le fleuve sur la glace, ils abandonnèrent près de la rive des che- vaux et des bestiaux, puis s'éloignèrent; au bout de trois jours, les Hongrois de l'autre bord ne voyant plus l'ennemi , crurent qu'il s'était retiré, et allèrent chercher ces ani- maux, qu'ils amenèrent sur la glace. Les Mongols passèrent alors le fleuve.

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l54 HISTOIRE DES MONGOLS.

La ville de Strigonie était ceinte d'un fossé et de murs flanqués de tours de bois, derrière lesquels ses habitants se croyaient en sûreté contre l'ennemi. Les Mongols posèrent d'abord leur camp à une certaine distance de la ville, en attendant qu'on eût construit une trentaine de catapultes; ensuite ils investirent la place, et leurs prisonniers élevèrent sur le bord du fossé un parapet en fascines, à l'abri duquel ils dressèrent leurs machines qui jouèrent sans interruption. Lorsqu'une partie du mur eut été détruite, ils comblèrent le fossé avec des sacs pleins de terre , lancés par leurs engins. Alors les assiégés, parmi lesquels il y avait beaucoup de négociants français, allemands et lombards, mirent le feu aux faubourgs et aux maisons de bois , brûlèrent une immense quantité d'habits et d'étoffes, tuèrent leurs chevaux, enfouirent leur or, leur argent, ce qu'ils avaient de plus précieux, et se retirè- rent ensuite dans les édifices en pierre pour s'y défendre. Les Mongols, furieux de se voir frustrés de leur proie , entourèrent la ville d'un enclos de pieux, enfin que personne ne put s'en échapper; puis ayant assailli ces édifices, ils tuèrent tous ceux qui s'y étaient retirés; les barbares brûlaient à petit feu les principaux habitants pour les forcer à déclarer ils

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tilVRE n^ CHAPITRE II!. l55

avaient caché leurs richesses. Les premières dames de la ville, couvertes de leurs plus belles parures, s'étaient réfugiées dans l'un de ces hôtels; sur le point d'être massacrées, elles demandèrent à être conduites au prince mongol. Amenées dans son camp, au nombre de trois cents, elles implorèrent sa miséricor- de, s'offrant à le servir comme esclaves. Ce barbare donna l'ordre de les dépouiller et de leur couper la tête.

Cependant les Mongols ne purent pas se rendre maîtres de la citadelle de Strigonie, qui était située sur une hauteur et vaillamment défendue par un Espagnol, le comte Siméon. Grâce au dégel qui survint , ils ne prirent pas non plus Albe-Julie, entourée de marais, et tandis qu'ils assiégeaient le fort de Saint-Mar- tin, ils reçurent un courrier du fond de la Tartarie avec la nouvelle de la mort d'Ogotaï et l'ordre de revenir. Ces trois places furent les seules qui échappèrent à la destruction; car Bude avait aussi été incendiée; mais le pays à l'occident du Danube ne fut pas entiè- rement ruiné comme l'autre partie du royau- me; les Mongols n'y ayant pas cantonné, ne dévastèrent que les districts sur leur passage (i).

(i) M. Rogcrius, Miserabile carmen, cap. 35, 36, 38, 39 et 40.

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l56 HISTOIRE DES MONGOLS.

Ces barbares pénétrèrent même en Autriche; au commencement du mois d*août , un de leurs corps s'avança jusqu'à Neustadt près de Vienne (i). Il n'y avait dans Neustadt que cinquante hommes de garnison et vingt ba- listaires ; mais les Mongols se retirèrent à l'ap- proche d'une armée réunie par le duc d'Au- triche, le roi de Bohême, le duc de Ca- rinthie, le mai^rave de Bade et le patriarche d'Aquilée (a).

Après la destruction de Strigonie le prince Cadan fut détaché contre le roi Bêla. Du comté de Thurocz ce prince avait passé à Presbourg, Frédéric, duc d'Autriche, étant allé le trouver et lui ayant prodigué des té- moignages d'intérêt et d'amitié, l'avait pressé de se mettre en sûreté au-delà du Danube. Mais dès qu'il le vit en son pouvoir, il exigea du roi une grosse somme d'argent, en resti- tution de celles que Bêla, disait-il, lui avait extorquées les années précédentes, et en in- demnité des contributions que ce prince avait levées sur les Viennois. Bêla fut contraint de

(i) Pemoldus, Chronicon^ ad an. 1242.

(2) Yvonb dicti Narboncnsis Epistola ad Giraldum Bur- degalensem archiepîscopum , apud Math. Paris, Historia j4ngliœ y tom. I, p. 608.

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^ LIVRE II, CUA.PITRE III. iS'J

lui payer une partie de cette somme en argent comptant y en vases précieux, et de lui en- gager, pour le reste, trois comtés voisins de rAutriche. Frédéric ne fut pas encore satisfait de cet acte de vengeance; il ravagea les pro- vinces hongroises à Fouest du Danube, tandis que celles à Fest étaient dévastées par les Bar- bares; il s'empara même de la ville de Raab; mais les habitants de ce district ayant couru aux armes, la reprirent, et brûlèrent tous les Allemands qui gardaient la citadelle (i).

Bêla, quittant l'Autriche, se retira avec sa famille à Zagrab ou Agram en Croatie. U y demeura pendant Fêté, attendant Fissue des événements, et auprès de lui se réunirent beaucoup de Hongrois qui avaient échappé au fer mongol. Il envoya chercher, dans la viUe d'Albe- Royale , le corps du roi Saint- Étienne, ainsi que les trésors des églises, et les fit conduire en Dalmatie avec la reine son épouse et son fils Etienne , âgé de deux ans. Ces dépôts si chers furent confiés à la garde de la ville de Spalatro; mais la reine préféra de se retirer dans le fort de Clissa.

(i) M. Rogerus, cap. 33. Pemoldus, Chronicon, ad an. 1241*

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l58 HISTOIRE DES MONGOLS.

Sur la nouvelle que le prince Cadan était en marche pour l'enlever, Bêla quitta la ville d'Agram et se réfugia vers la côte de Dalma* tie; les villes maritimes de ce pays furent bientôt encombrées d'émigrés hongrois. Le roi, accompagné d'un grand nombre de pré- lats et de nobles, se rendit à Spalatro, puis à Trau, d'où il passa dans ime île voisine. Cadan .traversa la Sclavonie avec une in- croyable rapidité , franchissant des lieux qui n'avaient jamais vu d'armée et répandant la terreur dans cette contrée, dont les habitants se réfugièrent dans les montagnes et les forêts; mais lorsque le prince mongol eut appris que le roi avait atteint la côte, il ralentit sa course et s'arrêta quelques jours sur la rive du Sir- bium. Alors il fit assembler dans une plaine les captifs hongrois des deux sexes et de tout âge, que l'armée avait menés à sa suite, et les fit égorger. Il traversa la Croatie, parut devant Spalatro et cerna le fort de Clissa; voyant que cette place située sur un rocher ne serait pas facile à prendre, informé d'ail- leurs que le roi n'y était pas, il alla à Trau, et campa sur le rivage, en face de l'île s'était réfugié Bêla, qui ne se croyant plus en sûreté, fit embarquer sa famille et ses tré- sors. Après avoir demeuré pendant presque

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LIVRE II, CHAPITRE III. iSq

tout le mois de mars dans ces contrées, les Mongols se portèrent sur les villes maritimes de la haute Dalmatie, laissant de côté Baguse. Ils saccagèrent Cattaro, Suagio et Drivasto, ils ne laissèrent pas une ame vivante, et traversèrent ensuite la Servie pour aller re- joindre l'armée de Batou.

Lorsque les Mongols, qui s'en retournaient en Orient, furent sur le point d'évacuer la Hongrie , ces barbares publièrent dans leur camp que tous les étrangers, libres ou cap- tifs , pouvaient , grâce à la clémence des prin- ces mongols, s'en aller chez eux. Une foule de Hongrois et d'Esclavons quittèrent l'armée au jour fixé; mais à peine ces malheureux s'étaient éloignés de trois milles , que des escadrons tartares vinrent fondre sur eux le sabre à la main et les taillèrent en pièces (i).

Les princes mongols s'arrêtèrent plusieurs mois dans le pays au nord du Caucase , pour réduire les Kiptchacs, qui avaient repris les armes et attaqué Sancor , frère de Batou. Continuant leur marche à la fin de ia43, ils arrivèrent Tannée suivante dans la Tartarie (a).

(i) Thomas, Hist, salonitar, Pontif, cap. 39 et 40. (a) Djaml ut-TéParikh. Tarikh Djihankuschaî , tom. L Voyez dans la note XI, à la fin du irolume, la traduc-

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l6o HISTOIRE DES MONGOLS.

Bêla ne quitta l'île il s'était réfugié, et à laquelle on donna son nom (i), que lors- qu'il fiit bien assuré de la retraite totale des Barbares. Alors il retourna en Hongrie; mais ce royaume éprouva , la même année , un fléau plus destructeur encore que la cruauté des Mongols ; comme les champs*, abandonnés pendant leur occupation, ne fournissaient au- cun tribut, la famine acheva la désolation de ce malheureux pays (a).

tion des passages de ces deux histoires qui sont relatifs à Texpédition des princes mongols en Occident.

(i) Lucius, de regno Dalmatiœ et Crotiœ, lib. IV, cap. 5, pag. i63.

(2) Deux auteurs contemporains nous ont transmis les principaux détails de l'invasion des Mongols dans le royaume de Hongrie : T archidiacre Thomas , de Spalatro en Dalma- tie, mort en 1268, dans son Histoire des Pontifes de Salona et de Spalatro , et Roger, chanoine de Yaradin, dans son récit intitulé Miserabile carmen, etc. Ce petit ouvrage est précédé d'une épître dédicatoire à Jean, évéque de Pest, Roger l'assure, en ces termes, de la fidélité de sa narration : « Multa quidem invenietis in eo , « quae meo subjacuerunt aspectui , plurimaque proprtis (c palpavi manibus; nonnullaque a fide dignis didici, in « quorum illa ^erunt praesentia perpatrata. » U ajoute : a Et sciant cuncti, haec me temerè non referre, quod « quisquis ad manus ipsorum devenerit Tartarorum, si

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LIVRE II, CHAPITRE III. l6l

La funeste bataille de Lignitz et les horri- bles dévastations des Mongols sur les frontières

« natm non fuisset , melius esset ei ; et sentiet , se non a « Tartaris, sed in Tartaro detinerî. »

Voici ce que Roger raconte de ses propres aventures : « Tandb que les Tartares saccageaient Varadin , j*étais « caché dans une forêt voisine ; je me sauvai de nuit à «Pont-Thomas, bourg allemand sur la rivière Kœrœsch, « et ne me croyant pas encore en lieu de sûreté, je me «c réfugiai dans une île fortifiée de la Marosch. J'appris « bientôt le sac de Pont-Thomas , ce qui me fit dresser « les cheveux; je quittai Tlle, et me jetai dans une forêt. « Dès le lendemain, cette lie fut occupée par les Tartares, a qui firent main-basse sur tout ce qui s'y trouvait. Plu- « sieurs de ses habitants s'étaient sauvés dans les bois ; m croyant, au bout de trois jours, que l'ennemi s'était « éloigné , ils y revinrent pour chercher de la nourriture ; « mais ils y trouvèrent des Tartares qui y étaient restés « cachés et qui les massacrèrent. Cependant j'errais dans « les bois, dénué de tout. Pressé, par la faim, j'étais obligé « d'aller la nuit dans l'ile pour tâcher de découvrir, sous « les cadavres , de la viande et de la farine enfouies , que tt j'emportais furtivement. Je vécus ainsi pendant plus de n vingt jours, me cachant dans les cavernes, dans les fos- « ses, dans les cavités des arbres.

« Quand les Tartares promirent de ne faire aucun mal « aux habitants qui reviendraient dans leurs foyers, je ne « me fiai pas à cette assurance, et mes soupçons n'étaient «( que trop justes. J'aimai mieux aller droit à leur camp « que d'attendre mon sort dans un village; je me donnai 2 II

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LIVRE IT, CHAPITRE llî. l63

tre ces barbares, que Ton croyait acharnés à la destruction du nom chrétien; ceux qui

« rayant de tuer du bétail pour les captifs; on leur aban- R donnait seulement les intestins, les pieds et la tête des « animaux qui servaient à la nourriture des Tartares. « Nous commençâmes alors à craindre qu'on ne fit main- « basse sur nous tous; ce que les interprètes donnaient a aussi à entendre. Je songeai à m*échapper. Feignant « d'aller satisûiire un besoin , je m'écartai de la route , « et m'enfonçai précipitamment dans la foi^t , suivi de mon « domestique; j'entrai dans une grotte, et me ûs couvrir « de branchages ; mon domestique se cacha plus loin. «( Nous restâmes ainsi couchés comme dans le tombeau, a pendant deux jours, n'osant pas lever la tête, enten-» « dant l'horrible voix des Tartares qui cherchaient les m bestiaux dans la forêt , ou bien appelaient les captifs « qui se cachaient. Enfin , pressés par la faim , nous sor- « times de nos retraites; bientôt nous aperçûmes im honune, « et, saisis de frayeur, nous primes la fuite; il s'éloigna « de son côté ; puis nous nous regardâmes , et conune il « était ainsi que nous sans armes , nous nous fîmes des si- m gnes pour nous appeler mutuellement. Nous nous ra- te contâmes l'un à l'autre nos tristes aventures, et déli- « bérâmes sur ce qu'il fallait faire. Nous étant fortifiés par n notre confiance en Dieu , nous arrivâmes à l'extrémité de « la forêt; nous montâmes sur un arbre élevé, et vîmes « que le pays épargné par les Tartares , à leur arrivée , « était entièrement désolé. O douleur ! nous nous mimes à « traverser cette terre déserte , les clochers des églises « dirigeaient notre marche ; heureux quand je pouvais

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l64 HISTOIRE DES MONGOLS.

possédaient de la fortune, mais n'étaient pas propres à la guerre, devaient contribuer de

«trouver des poireaux, des oignons, de l'ai], dans les (c jardins des villages ruinés, réduit d'ailleurs à me nourrir « de simples racines. Enfin , huit jours après être sortis « des forêts , nous arrivâmes à Albe (probablement Albe- « Julie) , nous ne trouvâmes que des ossements hu- « mains , que les murs des églises et des palais > qui « étaient encore teints du sang chrétien. A dix milles de «là, il y avait, près d'une forêt , une maison de cam- « pagne appelée vulgairement Frata ^ et à quatre milles « de la forêt une haute montagne s'étaient réfugiés « beaucoup d'individus des deux sexes. Ils nous félicité- « rent, les larmes aux yeux, et nous interrogèrent sur « les périls que nous avions courus. Il nous offrirent du « pain noir, fait de farine mêlée d'écorce de chêne, qui « nous parut le plus délicieux que nous eussions jamais a mangé. Nous restâmes un mois dans ce lieu, n'osant a pas le quitter; mais nous envoyions souvent à la décou- « verte les hommes les plus dispos, pour voir s'il n'était « pas resté de Tartares dans le pays, craignant toujours « que leur retraite ne fut simulée , et qu'ils ne revinssent « pour égorger ceux qui avaient pu échapper à leur bar- « barie; et quoique le besoin de vivres nous forçât sou- « vent de descendre dans les lieux qui avaient été habi- « tés , nous ne quittâmes tout-à-faît cette retraite , qu'après « le retour du roi Bêla. » (Cap. 40)-

Roger était dans la principauté de Benevent. D fut d'abord attaché, comme chapelain, au cardinal Jean de Tolède, qui l'envoya plusieurs fois en Hongrie pour ses

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LIVRE II, CHAPITRE III. l65

leurs biens à la défense commune (i). I^es lettres que Grégoire IX adressa aux fidèles pour les exhorter à voler au secours des Po- lonais, peignent fortement sa douleur et ses alarmes. « Divers objets et tous très-graves, a y est-il dit, occupent sans cesse notre pen- « sée : les tristes affaires de la terre sainte; « les tribulations de l'Église; l'état déplorable «de l'empire romain; mais, nous le con- <c fessons, nous oublions tous ces motifs d'af- « fliction, et ,ce qui nous concerne particuliè- « rement, en songeant aux maux causés par

affaires ou celles de TÉglise. A Tépoque de Tinvasion des Tartares, il était chanoine du chapitre de Yaradin. Après aToir échappé à la mort comme par miracle , il retourna auprès de son ancien patron , qui prit soin de son avan- cement, et lui procura les bonnes gfraces du souverain Pontife. Roger fut nommé à Tarchcvéché de Spalatro; revêtu de cette dignité, il se rendit en Hongrie auprès du roi Bda, avec des lettres de recommandation du pape. Le roi fut très-mécontent de cette nomination faite à son insu; néanmoins il dissimda sa colère, et permit au nou- vel archevêque de se rendre à son siège, dont Roger prit possession en laSo (Thomas, Hist. salon,, cap. 48). 11 le conserva jusqu'à sa mort , en 1 167 (Séries archiepis- eopor, salon, et spalat, ecclesiœ. ap. Schvandtner, t. III). (i) Chronlcon Luneburgicum ap. Eccard. Corpus Histo- ricum medii œvi, tom. I , cap. 1 9.

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l66 HISTOIRE DES MONGOLS.

« les Tartares; car l'idée que le nom chrétien a pourrait être détruit de nos jours par les « Tartares ; cette idée seule brise tous nos os , « dessèche notre moelle, amaigrit notre corps, « détruit nos forces, et nous cause une telle a douleur , de si vives angoisses , que , pour a ainsi dire, hors de nous-mêmes, nous ne « savons de quel côté nous tourner (i). »

Cependant l'Allemagne échappa au danger d'une invasion. L'armée du prince Péta se dirigea vers la Hongrie , qui fut pendant près de trois ans un vaste théâtre de carnage et de destruction. Ce fut en vain que Bêla im- plora le secours des souverains de l'Europe; l'empereur Frédéric II et le pape Grégoire IX se faisaient alors la guerre avec une ex- trême animosité. Le pontife romain, voulant délivrer l'Italie de la domination germanique, et précipiter du trône un prince qui, par ses lumières , supérieur à son siècle , ne fléchissait pas devant l'autorité spirituelle, lançait sur son ennemi les foudres de l'Église, déliait ses sujets du serment de fidélité, les excitait à la révolte, et s'efforçait d'animer contre lui toute la chrétienté. Frédéric, bravant l'orage.

(i) Dlugoss, Hist. Polon.y Jib. VII, pag. 682.

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LIVRE II, CHAPITRE III. 167

employait ses armes à réduire ses états d'Ita- lie, soulevés à l'instigation du pape. Il était occupé dans ce pays, lorsque l'évéque de Vatzen, envoyé par Bêla, vint lui remettre les lettres de ce prince, qui le pressait de le secourir contre les Tartares, et s'offrait, à cette condition, de lui prêter hommage. Frédéric répondit à Bêla: que s'il quittait l'Italie avant d'avoir terminé la guerre, l'Al- lemagne perdrait le fruit du sang et des trésors qu'elle avait sacrifiés pour maintenir ses droits; qu'en marchant contre les Bar- bares, il exposerait ses propres états à être envahis, puisqu'il avait tout à craindre de l'animosité du souverain pontife; mais qu'il espérait donner bientôt la paix au monde chrétien, et qu'après avoir rétabli le calme en Italie, et pourvu à la sûreté de son em- pire, il marcherait, avec une multitude de guerriers, pour vaincre les Tartares (i). Fré- déric manda néanmoins à son fils Conrad, et aux princes de l'Allemagne de se tenir prêts à repousser les Barbares; il adjura les autres souverains , au nom de la religion , et pour leur propre sûreté, de concourir

(i) Pétri de Vineîs, cancellarii Friderici II, EpistoL, lib. I, cap. 29. Basilae, i566, in-ô*'.

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l68 HISTOIRE DES MONGOLS.

aux mesures de défense contre un danger qui était commun; « car, écrivait-il au roi d'An- ge gleterre, si les Tartares pénétraient en Alle- « magne, et n'y trouvaient pas de barrières <c suffisantes pour les arrêter, les autres états « se verraient bientôt menacés par la tem- « péte que la justice divine, nous le croyons, « a permis d'éclater, à cause des péchés qui « souillent le monde, et du refroidissement a de la piété parmi les hommes. Que votre « excellence use donc de prévoyance, et tan- ce dis que l'ennemi commun exerce ses fureurs « dans les pays voisins, qu'elle avise aux «t moyens de lui résister; car ces peuples ont « quitté leurs pays avec l'intention de subju- « guer tout l'Occident, et de détruire la foi a et le nom chrétien, ce que Dieu ne veuille « pas permettre; mais nous espérons dans « notre Seigneur Jésus -Christ, qui, par sa <c grâce et son assistance, nous a fait, jusqu'à « présent, triompher de nos ennemis, que « ceux-ci, qui se sont élancés des régions a tartares, rencontrant les forces de l'Occi- « dent , déposeix>nt leur orgueil , et que les Tar- ie tares seront précipités dans le Tartare. (i) »

(i) Matb. Paris, Hist, Jngîiœ , tom. I, pag. 558. C'est la lettie déjà citée du 3 juillet i2/|i.

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LIVKE 11^ CHAPITRE III. 169

En quittant la cour de l'empereur, l'évêque de Vatzen se rendit à Rome avec des lettres son souverain implorait également l'assis- tance du siège apostolique ; mais les réponses du pape ne furent guère plus satisfaisantes que celles de Fréiléric II. Après avoir ex- primé la profonde affliction que lui causaient les calamités dont les chrétiens étaient frap- pés par les mains des Tartares, et qui de- vaient être attribuées au courroux céleste, provoqué par l'excès de leurs péchés et de leurs crimes; après avoir exhorté ceux dont le cœur est touché de la crainte de Dieu, d'implorer sa miséricorde, couverts de cilices et de cendres, Grégoire IX conjure Bêla de défendre vaillamment son royaume et la reli- gion catholique, contre laquelle les Barbares, comme on le savait, étaient particulièrement animés, lui promettant de l'aider de ses con- seils et de lui donner des secours efficaces. Il lui annonce que, recevant sa personne et sa famille sous la protection du siège apos- tolique, il lui accorde, ainsi qu'à tous ceux qui marcheront, sous la bannière delà croix, à la défense de la Hongrie, les mêmes in- dulgences et immunités qui avaient été con- cédées, en concile général, aux croisés de la terre sainte. En même temps Grégoire

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170 HISTOIRE DES MONGOLS.

écrivit à plusieurs souverains pour les presser de secourir la Hongrie, dans la crainte que ce pays étant conquis et dévasté, les autres contrées de l'Europe n'éprouvassent le même sort.

Dans une seconde lettre adressée à Bêla, le pape exhorte ce prince à fonder son es- poir en la miséricorde de Dieu, qui, après avoir lancé sur son peuple le fléau de sa vengeance, provoqué par l'intolérable atrocité des crimes, fait succéder à ses rigueurs la douceur de l'amour, et après avoir tenu la verge de la correction , étend une main con- solatrice. Il l'invite au courage et à la con- stance, promettant de lui donner toujours des secours et des conseils: « Si Frédéric, « qui se dit empereur, ajoutait-il, revenait <c d'un cœur contrit et pénitent, à l'obéis- « sance de la mère Église, elle serait prête a à faire la paix avec lui, ce qui tournerait « à la gloire de Dieu, et au bien de la re- « ligion; ce qui rendrait le repos au monde « chrétien et permettrait aussi de vous secou- a rir plus efficacement » (i).

(i) Odor. Raynaldus, Annal. Ecries,, tom. II, pag. 259 cl 261. Ces deux lettres sont datées de Latran; la pre- mière du 16 juin, la seconde du i*^*" juillet ia4i.

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LIVRE n, CHAPITRE III. I7I

En Occident comme en Asie, les peuples se persuadaient que les Tartares étaient les in- struments dont la providence voulait se servir pour les châtier de leurs iniquités. Les Fidè- les craignaient même que ce ne fut le peu- ple, qui, selon l'écriture, devait précéder l'arrivée de l'Anti- Christ (i); on le croyait sorti des extrémités de l'Orient pour anéan- tir le nom chrétien. Dans ce siècle, l'au- torité souveraine était affaiblie par l'aristo- cratie féodale, et l'Europe morcelée en petits états rivaux; l'on ne pouvait prendre une mesure sans convoquer une diète, ni réunir ses efforts pour un intérêt commun, l'es- prit monastique, une dévotion puérile et de vaines superstitions, offusquant les lumières naturelles, s'opposaient au développement de la raison; la chrétienté fit à peine quelques préparatifs de défense contre les hordes bar- bares prêtes à la dévaster, et ne dut pro- bablement son salut qu'à la mort d'Ogotaï, qui obligea Batou et les autres princes à retourner en Tartarie, pour participer à l'é- lection d'un nouveau souverain. Sans cette heureuse circonstance, il est à croire que la

(i) Thomas arcbid. , Hist. Salonita , cap, 38.

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l^^ HISTOIRE DES MONGOLS.

supériorité des Mongols dans l'art de la guer- re, eût fait éprouver aux autres nations euro- péennes le sort déplorable des Russes, des Hongrois et des Polonais. Une funeste expé- rience avait prouvé que des troupes compo- sées d'un petit nombre de cavaliers couverts de fer, et d'une multitude de paysans à demi nus; que des armées sans ordre, ni subordi- nation, sans unité de commandement, ni usage de tactique, ne pouvaient résister à cette nom- breuse cavalerie légère des Mongols, aguerris et disciplinés, fertiles en stratagèmes, habiles dans Fart des grandes opérations et des ma- nœuvres sur le champ de bataille; qui, mon- tés sur des chevaux agiles, et frappant de loin par leurs flèches, se jouaient de la bra- voure et de l'adresse de guerriers habitués à combattre avec la lance, l'épée et la masse d'armes.

A peine Bêla fut-il de retour dans son royaume , que des bruits sinistres annoncèrent une nouvelle invasion des Tartàres. Leur em- pire s'étendait jusqu'à l'extrémité occidentale de la Galicie et de la Moldavie, d'où ils me- naçaient la Hongrie et la Pologne. Le pape Grégoire était mort le ai aoiit 1241; Célestin n'avait occupé que peu de jours la chaire de Saint Pierre, qui resta vacante jusqu'au a5

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LIVRE II, CHA.PITRE m. 1^3

juin ia43. Innocent IV venait d'être élevé au pontificat, lorsque Bêla lui écrivit pour le con- jurer d'avoir compassion de son royaume, et de faire marcher à sa défense des légions de croisés. Innocent ordonna sans délai au pa- triarche d'Aquilée, d'exhorter les peuples d'Al- lemagne à prendre la croix pour secourir les Hongrois; mais heureusement les craintes de Bêla ne furent pas vérifiées (i).

Deux ans après, dans un concile général assemblé à Lyon, le pape Innocent IV cita, parmi les principaux motifs qui l'avaient dé- terminé à le convoquer, l'urgence d'aviser aux moyens de défendre l'Europe contre les Tar- tares. Pour appaiser la divinité, on ordonna des jeûnes et des prières solemnelles; il fut résolu que les peuples exposés aux irruptions des Mongols, recevraient le conseil de forti- fier leurs villes, d'obstruer les chemins, et que des missionnaires seraient envoyés aux chefs de ces barbares avec des lettres du pape, qui les inviteraient à ne plus verser le sang chrétien , et à se convertir à la vraie foi ; telles

(i) Odor. Raynaldus, ad. an. 1243. La lettre d'Innocent au patriarche d'Aquilée est datée d'Anagni, le 12 des calendes d'août (22 juillet) i2/|3.

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174 HISTOIRE DES MONGOLS.

furent les dispositions du concile de ia45, pour garantir la chrétienté d'un danger aussi mena- çant (i).

En implorant l'assistance de Frédéric H, à l'époque son royaume était à moitié dé- vasté par les Tartares, Bêla s'était engagé à lui prêter hommage, si avant un certain ter- me, l'empereur venait à son secours, ou lui envoyait son fils Conrad, roi des Romains. Frédéric annonça que son fils marcherait à la défense de la Hongrie; mais cette promesse ne fut pas accomplie. Au bout de quelques années, Bêla ayant communiqué au pape sa crainte que l'empereur ne fondât sur cette promesse éventuelle la prétention d'un droit de suzeraineté suç la Hongrie, le pontife ro- main le rassura par sa réponse il déclarait que la condition n'ayant pas été remplie, l'engagement était nul, et qu'on ne pourrait jamais rien réclamer à ce titre, ni de Bêla, ni de ses successeurs (2).

On apprend par une lettre que le pape

(i) lbïd,y tom. II, pag. 332.

(a) Odor. Raynaldns, ad. an. 1245, tom. II, pag. 342. La lettre d*Innocent est datée de Lyon 12 calendes de septembre (21 août) 1246.

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LIVRE II, CHAPITRE III. 1^5

Alexandre IV adressa, en lîiSg, au roi de Hongrie , que Bêla avait reçu des propositions d'alliance de la part d'un prince mongol. Le roi s'était plaint amèrement envers ce pontife de l'indifférence que la cour de Rome lui avait témoignée dans ses malheurs, et mena- çait de s'en venger, en acceptant les propo- sitions d'alliance, qui lui étaient faites par les Tartares. « Les plaintes contenues dans le dé- « but de votre lettre, lui répond Alexandre, « nous ont froissé le cœur. Il y est dit que, a lorsque votre royaume était cruellement d^- « vaste par les Tartares, vous aviez fait de- ce mander du secours à notre prédécesseur a Grégoire, et que ce pontife, comme s'il eût i< oublié votre insigne dévotion et celle de a vos ancêtres, n'avait pas voulu témoigner, « même par des paroles , encore moins par des « actions, qu'il compatissait au carnage de vos « sujets; et que, bien qu'après sa mort, pen- ce dant la vacance du siège apostolique, les a cardinaux vous eussent donné la promesse « consolante, que le pape futur mettrait ses tf soins à repousser les barbares de vos fron- ce tières, cet espoir n'avait cependant pas été ce réalisé. En demandant les secours et les ce conseils de l'Église contre de nouvelles atta- cr ques de la part des Tartares, vous exposez

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176 HISTOIRE DES MONGOLS.

« qu'elle vous a abandonné et dédaigné dans « le danger précédent; mais si vous voulez « considérer la malheureuse situation de l'É- « glise à cette époque, nous croyons que vous « l'absoudrez, et que vous conviendrez que « l'omission dont vous vous plaignez doit a être uniquement attribuée aux malheurs du a temps, et à l'iniquité de ceux qui troublaient <( alors l'Église ; car l'empereur Frédéric exer- ce çait la plus violente tyrannie contre le siège « apostolique, l'attaquant de toute sa puis- « sance, afin que, lorsqu'il aurait été op- « primé, lorsque ses fils, privés de sa protec- <c tion, auraient été subjugués, il put recevoir c< seul les honneurs suprêmes. Pour défendre a sa liberté et celle de ses fils, l'Église avait <c fait de si grandes dépenses , elle était grevée a de tant de dettes, que, dans ses embarras, a elle ne pouvait prêter secours à autrui; et a ses ressources n'ont pu encore suffire à « acquitter toutes les dettes qu'elle a contrac- « tées. Si , après l'avènement d'un nouveau « pontife, les promesses, données par les car- ce dinaux, n'ont pas été accomplies, c'est que « le secours n'était plus nécessaire, puisque les « Tartares avaient alors évacué vos domaines. i< Vous ajoutez que, hors d'état de résis- c( ter à de si puissants ennemis, s'il fallait que

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LIVRE II, CHAPITRE III. I77

« VOUS fussiez privé ultérieurement des secours

cf du saint siège, vous seriez forcé, quoiqu'en

« gémissant, de faire avec eux un traité de

« paix et d'alliance, qu'ils vous avaient pressé

« plusieurs fois de conclure, vous proposant,

a à ce que vous dites, de faire épouser à votre

a fils la fille du prince tartare, ou à votre

ik fille son fils, selon votre choix; ce traité

« de paix devant porter la condition expresse,

«que votre fils, avec la quatrième partie de

a la nation , formera Favant-garde des Tartares,

« dans une expédition qui sera entreprise pour

« détruire le peuple chrétien, et que vous aurez

« le cinquième du butin et des biens qui se-

<K ront enlevés aux chrétiens tués ou soumis;

<c que d'ailleurs vous ne paierez aucun tribut

« aux Tartares, qu'ils n'entreront pas sur votre

« territoire , et que , lorsqu'ils vous enverront

« des ambassadeurs pour traiter d'affaires ,

« leur suite n'excédera pas le nombre de cent

<c personnes; mais il aurait mieux valu taire

«t toutes ces circonstances; car si vous pensez

« qu'ilVy a de secours à attendre contre ces

«ennemis, ni du ciel, qui dans les guerres

«soutenues pour la religion et la justice,

« donne ordinairement la victoire au petit

, « nombre, ni de la terre, le péril qui vous

% menace est commun aux autres princes^, un

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179 HISTOIRE DES MONGOLS.

<^ monarque très-chrétien devrait cependant « avoir horreur de conserver, à des conditions a si honteuses et détestables, non-seulement tf le plus beau royaume du monde , mais sa « propre vie et celle des siens ». Le souverain pontife cite alors tous les motifs tirés des principes de la vertii, de l'honneur, de la re- ligion , qui doivent engager le roi à repous* ser de pareilles propositions; il ajoute que son intérêt, même temporel, lui défendait de les accepter, puisqu'il ne pouvait pas atten- dre , de la part des Tartares , plus de bonne foi qu'ils n'en avaient montré envers d'autres nations, qu'ils avaient fait tomber dans les mêmes embûches, pour les mieux asservir; et après lui avoir annoncé que les calamités qui frappent les peuples sont des châtiments qui leur sont infligés par la divine providen- ce, l'exhortant à les éviter dans son royaume, par son zèle pour y faire règner la justice et la piété, il s'excuse ne pouvoir lui accor- der sa demande d'un corps de mille balistai- res, et lui assure que le saint siège, par ses concessions d'indulgences pour une croisade, lui donne un bien plus grand secours (i).

(i) Odor. Raynaldiis ad. an. mSg, Cette lettre est datée d'Anagni n. id. oct. an. Y, ou aa octobre 1159.

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LIVHE II9 CHAPITRE IIL I79

L'Europe était toujours agitée par la crainte d'une nouvelle invasion des Mongols; le pape Alexandre IV invita les chrétiens à prendre des mesures pour repousser ces Bar- bares. Dans une lettre qu'il adresse, en 1160, à Farchevêque de Bordeaux, le sou-^ verain pontife invoque la réunion de toutes les forces chrétiennes, celles d'un seul état ne sufiBsant point pour réprimer les irrup- tions de cette multitude féroce, et prononce qu'il faut empêcher, par la menace de peines terribles, que des chrétiens ne commettent l'in&mie de s'allier avec les Tartares; mais comme le danger n'était pas imminent, on se borna, du moins en France, à ordonner des processions, le premier vendredi de cha* que mois, ainsi que des prières, des jeunes, des aumônes et d'autres œuvres méritoires (i). Au commencement de la même année, le pape ayant mandé au roi de France que les chrétiens de la Palestine étaient menacés par les Tartares, qui venaient de conquérir les

(i) Alexandri IK LUterœ ad archiepiscopum Buniega*' iensêtn et responsiô conciià Burdegaiensis , ap. Martenile «t Durand, Fêter, scfiptor, et monumentor, ampiissima eoUeetio, Pariaiis, 17^4, in-f* , toin. Vil, pag. 168 et 170.

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l8o HISTOIBE DES MONGOLS.

principales villes de Syrie, Louis IX assembla à Paris les barons et les prélats de son royaume, qui ordonnèrent, dit Guillaume de Nangis , que on feit pourcession et que on deit litanies et oroisons y et que on se gardât de vilainneniejit jurer de nostre seigneur et des sains, et que on se tenlt de pécher et de superfluités et de robes et de viandes (i).

L'année suivante, Alexandre IV avait con^ voqué un concile général à Rome au temps de pâques; mais des bruits annonçant la marche d'une armée tartare vers l'Occident, lui firent différer la tenue de cette assem- blée, qui n'eut lieu qu'à la fin de juin, après que ces alarmes eurent été dissipées par la nouvelle que les Tartares, entrés en Hongrie , y avaient été battus par le roi Bêla avec une perte de cinquante-deux mille hom- mes (a). On délibéra dans ce concile sur les

(i) Guillaume de Nangis, jinnales de Saint^Louis (édit. de Capperonnicr) , pag. a 4 7.

{7) Harduinusy Acta Omcilionim , Parisiîs, I7i4,in-P, iOTD. VIT 9 pag. 546 et 7. L'inyasion en Hongrie et la défidte des Tartares dans Tannée 1261^ dont il orient d'être £ût mention, d*après les historiens des conciles, n'était, lajiB doute, qu'une lansse nouvelle; car les anciens bisto^

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LIVRE II, CHAPITrtE lit. l8f

mesures à prendre |X)iir garantir la chré- tienté des hordes féroces qui la menaçaient. Le pape exhorta, par ses lettres, les rois et les princes à faire des armements , et les peuples furent appelés sous la bannière de la croix pour repousser les ennemis du nom chrétien.

En ia65, le roi Bêla ayant annoncé au pape Clément que les ïartares se préparaient à faire une irruption en Hongrie et en Po- logne, le souverain pontife fit prêcher la croi- sade dans ces deux royaumes et dans led parties de l'Allemagne qui les avoisinent (i); toutefois l'ennemi ne parut pas. Ce ne fut que dans l'année laSS que la Hongrie revit les Mongols qui, attirés dans ce royaume par des Coumans révoltés contre le roi Ladislas, le dévastèrent jusqu'à Pest, et se retirèrent chargés de butin (2).

La Pologne fut plus souvent ravagée par ces Barbares. Après avoir fait, en i^Sg, une

riens bongrois n'en parlait pas. Cependant George Pray Ta recueillie comme un fait avère dans les Annales regunk Hungariœ , tom, I , iu- f* , p. 309.

(i) Odor. Raynaldus,ad an. X265.

(a) Joh. de Thurocz, Chronica Hangaromtn , cap. 78-^ ap. Schvandt. Script, rrr. Hung. , tom. 1, pag. i5i.

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l8a HISTOIRE DES MOITGOLS*

incursion en Lithuanie, ils égorgèrent tous les habitants qui ne purent pas se réfugier dans les bois ou les marais, ils entrèrent en Pologne avec des troupes russes et lithua- niennes qu'ils faisaient marcher sous leurs drapeaux. Ayant brûlé Sandomir, ils assiégè- rent sa citadelle, les habitants de la ville et des campagnes environnantes s'étaient re- tirés avec leurs effets les plus précieux. Les chefs des troupes russes, Vassilko et Léon, Tun frère, Vautre fils de Daniel, roi de Ga- licie, chargés de parlementer avec le com- mandant de cette place, Pierre de Crempa, lui persuadèrent qu'il obtiendrait aisément une capitulation , s'il voulait aller fléchir les généraux mongols, et le pressèrent de sau- ver , par ce moyen , la vie de tant de chré- tiens renfermés dans la citadelle, garantissant la sûreté de sa personne. Trop confiant en leurs paroles, Pierre de Crempa se rendit au camp ennemi avec les principaux de la no- blesse; mais comme ils se prosternaient de- vant les chefs mongols pour leur demander quartier , ils furent assaillis, dépouillés de leurs vêtements , et massacrés. Aussitôt les Barbares courent avec de grands cris à la citadelle, l'on se croyait désormais en sû- reté; ils s'en emparent, font main-basse sur

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LIVRE Uy CHAPITRE HT. l83

les hommes^ épargnent les femmes pour les réduire à l'esclavage , et lorsqu'ils sont las de tuer, ils chassent le reste de la population dans la Vislule. Après avoir brûlé la citadelle^ les Mongols se portèrent rapidement sur Cra- covie, qu'ils trouvèrent sans défense et livre* rent aux flammes ; Boleslaw le pudique s'était réfugié en Hongrie. Les Mongols ravagèrent le pays jusqu'à Bythom , dans le district d'Op* peln, et retournèrent en Russie au bout de trois mois chargés de dépouilles. Unis aux Russes et aux Lithuaniens ils firent encore dans la suite plusieurs irruptions en Pologne f ils commirent toujours les mêmes cruau- tés (i).

La Russie, plus malheureuse que la Pologne et la Hongrie, après avoir été dévastée, de- meura pendant plus de deux siècles sous l'af- freuse domination des Mongols. Le grand-duc et les princes apanages étaient les vassaux du khan 9 de la postérité de Djoutchi, qui rég- nait sur les conti*ées situées au nord de la Mer Noire et de la Mer Caspienne, et faisait sa principale résidence à Séraï , sur le Volga. Ces princes étaient souvent obligés de se rendre à

(i) Cronienis, Rcr, Pohnicar, , lîb. X.

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l84 HISTOIRE DES MONGOLS.

la cour de leur suzerain pour lui rendre hom- mage. Les fréquentes querelles qu'ils avaient entre eux pour la possession de leurs domai- nes , les obligeaient de soumettre leurs diffé- rends à la décision du souverain mongol, et pour réussir ils devaient être munis de riches présents; car rien n'égalait l'avidité de ces khans et de leurs officiers. A la mort du grand duc , ceux qui aspiraient à lui succéder, allaient briguer la faveur des successeurs de Batou. Sans cesse exposés à perdre leurs prin- cipautés et même leur vie , dont leur suzerain mongol disposait arbitrairement, ces princes étaient souvent forcés de comparaître à la cour de Serai, pour se défendre contre les accusations de leurs rivaux. Ils y étaient sou- mis à un cérémonial humiliant , et traités en sujets avec la grossière insolence particulière à ces Barbares. Des gouverneurs mongols éta- blis dans les provinces russes, y exerçaient impunément leurs tyrannies et leurs concus- sions. Lorsqu'un envoyé du khan arrivait à la cour du grand duc de Russie , ce prince sor- tait de la ville à pied pour aller à sa rencon- tre, se prosternait devant l'ambassadeur de son suzerain, et lui présentait une coupe remplie de coumiz. On étendait une peau de martre sous les pieds de l'officier, qui lisait à haute

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LIVRE II, CHAPITRE III. ' l85

Toix les ordonnances du khan , et le grand duc récoutait un genou à terre (i). Les Russes payaient aux Mongols une capitation qui con- sistait en fourrures; souvent ceux qui n'avaient pas les moyens de l'acquitter étaient réduits à l'esclavage (a).

La domination des Mongols sur la Russie dura jusqu'à la fin du quinzième siècle. Les guerres civiles entre les descendants de Djou- tchi, qui se disputaient la succession au trône, affaiblirent la puissance des khans de Serai. Tandis que leur empire se divisait en plusieurs états, les grands ducs de Russie, dont la rési- dence était fixée à Moscow, devenaient de plus en plus puissants par la réunion sous leur sceptre , des principautés qui avaient servi d'apanages aux princes du sang; ils ces- sèrent enfin de payer le tribut aux khans mongols , et de reconnaître leur suprématie; puis ils s'emparèrent de leurs domaines.

Il parait que les Mongols, dans les pre- miers temps de leur domination en Russie, étendirent leurs ravages dans le nord jusqu'à

(i) Karamsin, Ist, Gossoud. Ross,, loin, IV, V et VI. CureiUy Silex Annales , pag. 67. (a) Carpin, ^ojage, art. VIL

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l86 HI8TOIBE DES MONGOLE.

la Permie. Sous le règne de Hocan II , qui oo cupa le trône de Norvège depuis laiy jus* qu'en ia63) il arriva dans ce pays un grand nombre de Permiens, qui avaient émigré pour se soustraire aux cruautés des Tartares. Le roi les ayant fait instruire dans la religion chrétienne, leur donna des terres autour du golfe Malanger (i).

(x) Tkonnod. Torfœus, Historia rer. Norvegicarum ^ Hafiii«, 1711» in-r, tom. IV, pag. 3o3.

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LIVRE Uf CHAPITRE IV. 187

CHAPITRE IV.

C O U Y O U C.

Régence de Timpératrice Tourakina. Disgrâce et mort d'Yéliuï-Tchoutsaï. Élection de Couyouc. Actes de son règne. Sa mort. Missionnaires envoyés aux Mongols par le pape Innocent. Mission du frère Jean de Plan Carpin en Tartarie. Mission du frère Anselme en Perse. Mission d'André de Lonjumel, envoyé par Saint-Louis en Tartarie.

A la mort d'Ogotaï , toutes les routes aux environs de la résidence furent gardées , afin que personne n'en pût partir, et des courriers, expédiés dans toutes les directions, obligè- rent les voyageurs de s'arrêter à l'endroit ils les trouvèrent. Ogotaî avait d'abord désigné pour son successeur Goutchou, son troisième fils, et celui qui lui était le plus cher; ce jeune prince étant mort, en i236, à l'armée dans le Hou-kouang, son fils aîné Schiramoun hérita de la tendresse d'Ogotaï, qui le fit éle- ver à sa cour, et le destina au trône; mais

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i88 HISTOIRE DES MONGOLE.

l'impératrice Tourakina voulait y placer son. fils aîné Couyouc (i). Celui-ci, en iao6, avait servi dans la guerre contre les Kins, sous les ordres du général Adjitaï, et même fait prisonnier un prince de la famille impé- riale (a). Plus tard il suivit Batou dans son expédition en Occident. Ogotaï lui avait ex- pédié, en janvier ia4i> l'ordre de revenir avec ses troupes, Couyouc apprit, en route, la mort de son père.

Les princes du sang et les chefs de Farmée reçurent , avec la nouvelle de cet événement, une invitation, de la part de Tourakina, de se rendre à l'Ordou d'Ogotaï, pour élire son successeur. En attendant, Tchagataï et les au- tres princes déférèrent la régence à cette im- pératrice. Elle avait été l'épouse de Taïr- Oussoun, chef de la tribu Ouhouse-Merkite ; prise avec son mari, qui s'était révolté contre

(i) Djami ut-TévariAh. Le nom de ce prince, qui se prononçait Couyouc ou Gouyouc, est écrit Cuiuc dans le Miroir Historique de Vincent; maia, dans les au- tres ouvrages qui parlent des Mongols ^ ce nom est trans> formé en Cuine , par une méprise assez facile sur les deux dernières lettres.

(2) Hist, des Yuans , dans Hyac. , p. ^^98.

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LIVAE II, CHAPITRE IV. 189

Tchtnguiz-khan^ elle fut donnée par ce prince k son fils Ogotaïy et devint son épouse. , La régente commença par destituer le chan- celier Tchingcaï. Ce ministre d'Ogotaï, ouïgour, était chargé, indépendamment des fonctions de sa place , de consigner chaque jour, sur un registre, les paroles remarqua- bles de l'empereur (i); usage que l'on voit établi, dès les temps les plus reculés, à la cour des souverains de la Chine.

Un mahométan, nommé Abd-our-Rahman , qui était arrivé jadis en Mongolie, avec des marchandises, possédait toute la con* fiance de Tourakina. U avait proposé k Ogotaï, çur la fin de son règne, de prendre à ferme les revenus du fisc en Chine. YéUuï- Tchoutsaï les avait évalués à la somme de 5oo mille onces d'argent par an, lorsqu'il avait établi les impôts dans les provinces au nord du fleuve jaune; après la conquête du Ho-nan , les recettes s'élevèrent jusqu'à i , i oo.ooo onces. Abd-our-Rahman en offrit 2,200.000, <lans Tannée laSg. Yéliuï-Tchoutsaï dit qu'on

(i) Djami ut-Tévarikh. Le prince Tchagatal avait pour chancelier un chinob, qui était aussi chargé de recueilli!* journellement ses discours. Ibid^

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190 HISTOIRE DES MOMGOLS.

pourrait percevoir jusqu'à cinq millions; mais qu'on écraserait les contribuables, et, comme en combattant la proposition du mahométan^ son air et sa voix s'animaient, Ogotaï lui dit: On croirait que tu veux te battre! Ce prince accepta l'offre du traitant. Le ministre en fat vivement affligé, et observa que c'était ainsi qu'on faisait naître un esprit de mécontente- ment qui éclatait tôt ou tard (i). Dès-lors son crédit alla en déclinant. La régente mit Abd-our-Rahman à la tête du département des finances de l'empire. Yéliuï-Tchoutsaï voyant que les moyens oppressifs employés par ce ministre, pour procurer à l'impéra* trice l'argent dont elle avait besoin, détrui-* saient le fruit de ses longs travaux, en conçut un profond chagrin. Il mourut à Caracou- roum, en juin 1^44 > âgé de cinquante-cinq ans. On insinua à la régente que celui qui avait si long-temps administré les finances de la Chine devait avoir amassé une immense fortune. L'ordre fut donné de visiter sa mai- son. On n'y trouva que des instruments de musique, des livres, des cartes géographiques, des médailles, et des pierres chargées d'an- ciennes inscriptions.

(1) Mailla, ibid,, p. 3a 1 . TT/ï/f^/noB , ibid., p. «8i«

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LIVRE II, GHAPITIIE IV. I9I

. Yéliuï^Tchoutsaï, au jugement des historiens chinois, possédait les plus hautes qualités, et surpassait de loin ses contemporains. Il servit la cour mongole avec droiture, mais sans jamais s'humilier devant le pouvoir. Toutes les fois qu'il exposait ce qui était utile ou nuisible à sa patrie, ce qui pouvait causer du soulagement ou des souffrances aux peu- ples, ses paroles étaient fortes et ses traits décelaient une vive émotion. Ogotaï, que ses remontrances importunaient quelquefois, lui dit un jour : « Tu vas encore pleurer pour le peuple. » Il s'était imposé une noble tâche, d'autant plus difficile à accomplir, qu'il se trouvait isolé au miUeu d'étrangers ignorants investis du pouvoir. Un des successeurs d'Ogo- taï honora sa mémoire, en lui donnant le titre de roi de Kouang-ning et le surnom de Fenr tcfieng (1).

(1} Mailla 9 ibid. , page 2139. Kang-mou , ibid», page aga à 295. M. Abel Rémusat a recueilli, (Voyez Nouveaux mélanges asiatiques, t. I, p. 64 et siUT.), quelques traits de la yie dTëlim-Tcboatsal , tirés de la Biographie de ce grand ministre, par Tau- teur chinois de Thistoire des Tnans, et termine cette intëressante notice par le jugement suiTant : « Les circon- « stances dans lesquelles yécut Téliul-Tchoutsaî , les belles

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IC)0L mSTOIEE DES MONGOLS.

Mass'oud bey, fils d'Yelvadje, gouverneur du Turkustan et 'de la Transoxiane, crai-

<t qualités dont la nature et Téducation rayaient pourvu , « ont fait de lui Tun des plus grands ministres dont TAsie « occidentale se glorifie. Tartare d'origine, et devenu <i Chinois par la culture de son esprit, il fut Fintermë- « diaire naturel entre la race des opprimés et celle des « oppresseurs ; il se trouva placé près de Tchingkis et de « son successeur, comme une providence protectrice des « peuples vaincus, et sa vie se consuma tout entière à «I plaider auprès de la barbarie triomphante, la cause des « lois, du bon ordre, de la civilisation et de l'humanité. « On ne saurait compter les millions d'hommes qui lui durent « la vie et la liberté. Il remplaça le joug de la force par m cdui de la raison; la puissance du glaive, par cdle des « institutions; le pillage, par un système réguH^ d'impôts; « la brutale autorité des conquérants tartares, par Tin^ n fluence lente mais irrésistible des lettrés de la Chine; il 41 organisa la partie orientale de cet empire gigantesque « qui menaçait alors d'envahir le monde entier, et pré- a para de loin la révolution qui, en renvoyant les Mon- H gols dans leurs déserts, devait affranchir la Chine d'une ti domination étrangère et lui rendre un gouvernement a fondé sur la base des mœurs naturelles et des traditions « nationales. »

« Près d'un siècle après la mort de ce grand ministre « (en i33o), ajoute M. Rémusat , l'empereur, par un usage « très-commun a la Chine, lui décerna solemnellement le « titre de roi de Kouang-ning, avec un surnom qui rap- « pellait les nobles qualités de son esprit et la droiture

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LIVRE lî, CHAPITRE IV. IqS

gnant d'être arrêté, se réfugia auprès du prince Batou. Argoun fut envoyé en Perse,

« de son caractère. Le fils d' Yéliuï-Tclioutsaï , nommé « Yélîuî-Tchu, lui succéda dans sa charge de vice-chan- n celier, et son petit -fils, Téliiu-Thouhousse se distingua « sous les règnes de Khoubilaî et de ses successeurs. Il « mourut durant le règne de Yésun-Timour (en 1327), « laissant des travaux sur ThUtoire des Mongols , et quel- « ques poésies. »

« Le tombeau d'Tëliuî-Tchoutsaî, dit le père Hyacinthe, « dans une note , pag. 294 » est au pied du mont Ouan* « scheou, à trois lieues et demi de Pékin. Le gouverne- « ment lui fit bâtir, en i75t , un nouveau temple près « de son tombeau; on lui érigea aussi un monument en tt pierre, avec une inscription. L'ancien temple était « depuis long-temps ruiné ; cependant il existait encore en « i6a8. On y voyait sa statue et celle de sa femme, l'un « et l'autre représentés assis; la barbe et les moustaches « d'Yéliuî-Tchoutsai dépassaient ses genoux» >*

Selon les historiens persans, Mahmoud Yelouadj était chargé, sous le règne d'Ogotal, de l'administration géné- rale des provinces mongoles en Chine; selon les historiens chinois, c'était Yéliu-Tchoutsiû. Après la mort d'Ogotaî, Mahmoud Yelouadj fîit . disgracié ; il eu fut de même d'Yéliu^Tchoutsaî ; mais ce dernier mourut en 1244 et Mahmoud Yelouadj vivait encore au commencement du règne de Mangou, qui le nomma, en 1262, administra- teur général des possessions mongoles en Giine. De plus, Mahmoud Yelouadj était mahométan; il avait un fils, Mass'oud bey, qui administrait, sous Tchagataî et ses a 13

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194 HISTOIRE DES MOUGOLS.

avec l'ordre de saisir Keurgueuz, gouver* neur de ce pays; il Famena à la cour de la régente y qui, pour satisfaire un ancien ressentiment contre cet officier, le fit em- prisonner, et le remplaça, par Argoun. L'im- pératrice se laissait guider par les conseils d'une de ses femmes, nommée Fathma, qui avait été prise par les Mongols au sac de Thouss, en Perse. On attribuait à l'influence de cette mahométane la disgrâce que ve- naient d'éprquver plusieurs des personnages les plus marquants sous le règne d'Ogotaï. Peu de temps après la mort de ce prince, son oncle Témougou Utchuguen fit une faible tentative pour s'emparer du trône; il s'ap- procha avec ses troupes de la résidence im- périale. Tourakina lui fit demander amica- lement pourquoi il venait auprès de sa fille avec une suite si nombreuse, et lui renvoya

successeurs , le Tarkustan et la Transoxiane. Téliu-^Tchou^ tsai, Khitan, était ou de la secte de Confocius , ou de celle de Fo. B . avait suivi Tchinguiz-khan en Perse; Mahmoud Telouadj l'accompagnait aussi; il fîit nommé gouverneur de Ghazna. Nous ne savons comment conci-* lier les données contradictoires de ces auteurs; mab nous présumons néanmoins qu'ils ont voulu désigner le mém6 personnage.

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LIVHE II, CHAPITRE IV, 19$

son fils, qui avait demeuré à la cour d'Ogo- taï. Comme on apprit alors l'arrivée de Cou- youc dans son yourte, sur le bord de l'Imil, Témougou ne jugea pas à propos de poursuivre son dessein. Il retourna sur ses pas, man* dant à la régente qu'il était venu dans l'in- tention de lui £sdre ses compliments de con« doléance sur la mort de son époux.

L'assemblée générale, qui avait été con- voquée dans un endroit (i), près du lac Gueuca, le dernier empereur avait cou- tume de résider pendant l'été, ne put avoir lieu qu'au printemps de l'année ia46. Ce retard fut causé par les dâais de Batou qui, n'aimant ni la régente ni son fils Cou- youc, prétextait un mal de pied pour ne pas se rendre au Couriltaï; et comme il était l'aîné des princes du sang, les autres membres de la famille impériale ne vou- laient pas procéder sans lui à l'élection d'un nouveau souverain. Sur les instances de l'im- pératrice, Batou promit enfin de venir; mais il ne parut pas, et la diète se tint malgré son absence. La convocation de cette assem-

(i) Cet endroit est nommé Daian-daba (les soixante-dix eollines) , dans VHist, des Yuans.

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196 HISTOIRE DES MONGOLS.

blée avait mis en mouvement les princes de l'Asie; les routes qui conduisaient de toutes les parties de ce continent au centre de la Tartarie étaient couvertes de voyageurs; les princes du sang s*y rendaient avec une nom- breuse suite militaire. On vit arriver au lieu fixé pour l'élection Utdjuken avec ses quatre-vingt fils; la veuve de Toulouï ac- compagnée de ses enfants; les descendants d'Ogotaï, de Djoutchi et de Tchagataï, sui- vis des noyans et chefs de leurs troupes particulières; les gouverneurs militaires et civils des possessions mongoles en Chine; Argoun et Mass'oud, l'un gouverneur géné- ral de la Perse, l'autre, du Turkustan et de la Transoxiane, ayant à leur suite les princes et les seigneurs de ces contrées; le sultan Seldjoukide du Roum, Rokn-ud-din; le grand duc de Russie, Yaroslaw; deux princes nom- més David, qui se disputaient la couronne de Géorgie; le frère du souverain d'Alep, les ambassadeurs du khalife de Bagdad; ceux du prince Ismaïliyen d'Alamout, des princes de Moussoul , du Farss et du Kerman ; tous apportant des offrandes magnifiques; et, dans cette foule de personnages qui paraissaient avec le brillant éclat du luxe asiatique, se faisaient i^enlarquer, par leur simplicité, deux

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LIVRE II, CHAPITRE IV, I97

moines européens. C'étaient des missionnaires . envoyés par le pape, pour prêcher l'évangile aux Tartares, et les détourner de faire dé^ sormais la guerre aux chrétiens. On voyait en ce lieu, nommé SirorOrdoUy deux mille tentes blanches, à peine suffisantes pour loger cette affluence de princes, de seigneurs et d'ambassadeurs, qui n'attendaient que le mo* ment de se prosterner devant le nouveau mo* narque. Des marchands y étaient accourus en grand nombre avec les productions les plus précieuses des diverses contrées de l'Asie. Une immense multitude couvrait les environs du camp impérial, et les vivres devenues rares se vendaient à très haut prix (i).

Les princes du sang et les généraux s'assem- blaient dans une grande tente, qui pouvait contenir deux mille personnes; elle était en- tourée, à quelque distance, d'une balustrade couverte de peintures. Cette tente avait deux entrées : l'une , réservée pour le souverain seul, n'était point gardée; ou supposait que

(i) Tarikh Djihankuscha'L, tom. I. Djami ut-Tévarikh^ Parmi les personnages qui se trouvaient présents au lieu de Téleclion, les auteurs de ces deux histoires nomment des ambassadeurs francs^ ils veulent sans doute parler de& deux missionnaires envoyés par le pape.

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198 HISTOIRE DES MONGOLS.

personne n aurait Faudace de passer de ce côté; l'autre était occupée par des militaires armés d'arcs et de sabres. Les membres de l'assemblée s'entretenaient d'affaires jusqu'au milieu du jour; puis ils se mettaient à boire avec excès de la liqueur de lait de jument, et chaque jour ils se vétissaient d'habits d'une autre couleur. Avant même son élection, Couyouc recevait des honneiu^ particuliers; toutes les fois qu'il sortait de son pavillon, on faisait retentir l'air de chants en son hon- neur , et Ton inclinait devant lui des baguet- tes terminées par des touffes de laine écar- late. Lorsque le moment de l'élection appro- cha , l'impératrice et les membres de l'assem- blée se rendirent à un endroit situé à trois ou quatre lieues du Sira-Ordou, et tinrent leurs réunions dans une tente appelée VOrdou dor, parce qu'elle était soutenue par des co» lonnes couvertes de lames d'or , fixées avec des clous d'or (i). Les princes du sang et les chefs des tribus et des troupes, délibé- rant sur le choix d'un nouvel empereur, ar- rêtèrent, en premier lieu, qu'il serait pris

(i) Garpin, ap. Vincaitium , Specul, Hist, , lîb. XXXI, cap. 3o et 3i.

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LITBB 11, CHAPITRE IV. I99

parmi descendants d'Ogotaï. Quoique Schi- ramoun eût été désigné par son grand-père pour lui succéder, les membres de l'assem- blée, cédant à l'influence de la régente, fu- rent d'avis^ que ce prince étant encore mi- neur, il fallait élire Couyouc, et lui don- nèrent unanimement leurs suffrages. Celui-ci , suivant l'usage, refusa la dignité suprême, nommant chacun des autres princes, comme plus digne du trône , et s'excusant sur sa faible santé. Après une longue résistance, se rendant enfin aux vœux de l'assemblée, il dit qu'il acceptait Fempire, mais à condition, que le trône serait assuré à sa postérité. Ils signèrent tous un acte, par lequel ils prenaient l'engagement suivant : a Jusqu'à ce qu'il a tfexiste plus de ta race qu'un morceau de <r chair tel que de la graisse ou de l'herbe « qu'on y aurait frotté , répugnerait à un et chien ou à un bœuf, nous ne donnerons à a personne autre la dignité de khan. » En- suite ils ôtèrent leurs bonnets, détachèrent leurs ceintures, firent asseoir Couyouc sur un trône doré, et le saluèrent du titre de

khan. Les membres de l'assemblée rendirent ^^f^

1246..

hommage au nouveau monarque par neuf prosternations , et la multitude r^andue dans la plaine, les princes vassaux, les amhassa-

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aOO HISTOIRE DES MONGOLS.

deurs étrangers, qui se tenaient respectueu- sement hors de l'enceinte du pavillon im- périal, s'étendirent en même temps la face contre terre. Après avoir reçu l'hommage de ses nouveaux sujets, Couyouc sortit de sa tente, suivi des princes du sang et des généraux, pour saluer le soleil par trois gé- nuflexions. Ces cérémonies furent suivies d'un festin. L'empereur était assis sur son trône; les princes à sa droite, les princesses à sa gauche, siégeaient sur des tabourets; le repas ne fut composé que de viandes; on servit à la ronde du vin et du coumiz, et les convives burent jusqu'au milieu de la nuit, au son des instruments, accompagnés de chants guerriers (i). Ce banquet se renou-

(i) Simon de Saint-Quentin qualifie le cbant des Mon- gols de hurlements: Cantibus , vel potius ululatibus (ap. Vincent. Spec, Hist.y lib. XXXI, cap. 5o). Tartari, dit Vincent dafls sa description des mœurs de ce peuple (lib. XXIX, cap. 71) modo interrogatîpo , clamomso lo^ quuntury giUture rabido et horribilû Contantes mugiunt ut tauri, vel ululant, ut lupi, vôces inarticulatas in cantanrlo proferunt, *

Deux voyageurs du treizième siècle parlent d'une cé- rémonie , pratiquée à Tinauguration des empereurs mon- gols, dont les historiens persans ne font aucune mention. Le frère Simon de St. Quentin, qui se rendit, en ia47>

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LIVRE II, CHAPITRE IV. aOI

vela sept jours de suite. Les fêtes terminées, Côuyouc fit distribuer l'or, l'argent, les étof- fes et les bijoux qui composaient le trésor de son père, confiant la direction de ces largesses à la princesse Siourcoucteni, veuve de Toulouï, qui était la personne la plus marquante du Couriltaï. Des présents furent donnés à chacun -selon son rang, d'abord aux princes et aux princesses de la famille impériale, puis aux personnes attachées à leur service, aux noyans, aux généraux, à

an camp du général mongol Baîdjou, en Perse, rapporte qu*après Télection de Gouyonc khan, les seigneurs mon-^ gols firent asseoir ce prince et sa femme sur un feutre , les éferèrent en Tair, et les proclamèrent empereur et impératrice. (Chap. IX du Voyage de Carpin, dans la collection de Bergeron). Comme ce frère de l'Ordre des Prédicateurs n'avait pas été en Tartarie, son récit pour- Tait être révoqué en doute s'il n'était confirmé par un témoin oculaire. Le prince arménien Haiton dit, dans son Histoire orientale y (collection de Bergeron, chap. XVI, p. 27). « Les che£s et les principaux des sept nations fi> « rent assembler les peuples , et leur firent juret obéis- « sance et fidélité à Changius, (Tchinguiz) comme à leur « seigneur naturel. Après cela ils mirent un siège au mi- « lieu d'eux , et ayant étendu par terre un linceul noir , « ils le firent asseoir dessus, et les sept chefs des nations « rélevèrent en cette manière, avec de grandes démon-

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%0% HISTOIAB DBS MOVGOI^S.

toits les officiers, enfin aux rois des nations tributaires, à leurs ministres et aux indivi- dus de leur suite. Le nouvel empereur vou- lut passer son père en libéralité. Il acheta des marchandises pour la somme de 70 mille balischs, qui fut payée avec des assignations sur les pays conquis; ses officiers lui ayant proposé d'enfermer ces 'richesses dans les magasins de Caracouroum, attendu qu'il se- rait difficile de les transporter à sa suite, Gouyouc dit qu'il était inutile de les garder,

« stratioiis de joie, et le nommèrent empereur ou premier « eham , lui reodanit leurs respects à genoux aTec beaucoup « de réTërenoe. Personne ne doit être surpris de la so- « leomité m de la cérémonie , que les Tartares obserré- « rent k Tégard de leur premier empereur , non plus que « du linceul sur lequel as râerèrent dans son siège, parce « qu*ib n'avaient point alors af^iaremment de plus belles « étoffes; ou bien ils étaient si grossiers qu'ils ne savaient « pas mieux; mais, ce qu'on doit admirer, c'est que les « Tartares , après avoir conquis jdusieurs royaumes et des « richesses infinies (car ils possèdent tonte l'Asie et ses « richesses jusqu'aux frontières de Hdngrie) , ils n'ont ce- pendant pas voulu quitter cette ancienne coutume; en- « sorte qu'il faut , pour la confirmation de leur emperemr, « que l'on observe cette ancienne manière pratiquée par « leurs andltres. Et j'ai assisté deux fois à la confirmation « de l'empereur des Tartares. »

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LIVRE U, CHAPITRE lY. ao3

et voulut qu'elles fussent distribuées, non- seulement aux troupes, mais aussi à tous les individus présents. On en donna d'abord aux tribus de l'aile droite et de l'aile gau- che, avec une telle profusion qu'il n'y eut pas un en£ant qui ne reçût un présent; en- suite les étrangers, jusqu'aux valets, eurent part aux largesses de l'empereur. U restait encore, après cette distribution, une grande quantité d'effets; on en fit une seconde, sans pouvoir les épuiser. Enfin Couyouc, passant un jour devant les tas qui restaient, ordonna qu'ils fussent livrés au pillage (i).

La première affaire dont le khan s'occupa fîit l'examen de la conduite du prince Utdju- ken. Comme elle était d'un nature trop dé- licate pour être traitée publiquement, les princes Mangou et Orda furent seuls char- gés de faire les informations nécessaires. Ce procès se termina par le supplice de plu- sieurs ofiGiciers d'Utdjuken.

(i) Carpin dit qa*à une petite distance des tentes impé- riales, il y avait, sur une colline, plus de cinq cents chariots, remplis d*or, d'argent et d'habits de soie, et que tou( cela fut partagé entre l'empereur et ses princes et ducs , .qui après en firent des présents aux leurs , comme il leur plut. (Chap. XII).

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Û04 HISTOIRE DES MONGOLS.

Pendant la régence, qui avsdt duré plus de quatre ans, les princes du sang avaient donné à leurs créatures des assignations sur les revenus des provinces; ils avaient ac- cordé à toute sorte de personnes des brevets d'exemption des charges publiques. Couyouc leur en fit de sévères réprimandes, et annula toutes ces concessions. La princesse Siour- coucteni et ses fils étaient les seuls qui ne se fussent point permis de pareils abus; le khan mêla Féloge de leur conduite aux re- proches qu'il adressa aux autres membres de sa famille. En même temps il confirma tou- tes les ordonnances d'Ogotaï, de même que celui-ci avait confirmé les ordonnances de Tchinguiz-khan, et il sanctionna par sa signa- ture tous les diplômes délivrés sous le règne de son père.

Tchagataï, en mourant, avait transmis ses états à son petit-fils Cara-Holagou , dont le père Moatougan , avait péri au siège de Bamian. Le nouvel empereur, qui avait de l'amitié pour Yissou-Mongco fils de Tchagataï, lui donna l'investiture des domaines de son père, trouvant étrange qu'on eut préféré le petit fils au fils. Couyouc continua la guerre contre les Soungs, et mit les généraux Souboùtaï et Tchagan à la tête de l'armée qui devait agir

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LIVRE n, CHAPITAE IV. ao5

dans la Chine méridionale. Il fit marcher des troupes contre la Corée, qui soutenait son indépendance. Une armée fut envoyée en Perse, sous la conduite du général Utchika- ^^^-^ daï; pour la former, il fut ordonné que cha- cun des princes du sang fournit deux hommes sur dix de ses troupes. Iltchikadaî devait pren- dre le commandement des forces mongoles en Perse, et lever, dans ce pays, deux hom- mes sur dix. Les royaumes de Géorgie et de Roum , les principautés de Moussoul , de Diar- békir et d'Alep furent placés sous sa juri- diction exclusive, et il fut autorisé à perce- voir setd les tributs de tous ces états. L'em- pereur annonça la résolution de marcher lui-même en Occident; cette armée dlltchika- daï devait être son avant-garde (i). Argoun conserva le gouvernement général de la Per- se ; Mass'oud , celui du Turkustan et de la Transoxiane; ils furent munis de tablette à tête de lion, marques de leurs dignités. Tous les grands fonctionnaires qui étaient sous la protection de ces deux gouverneurs, furent paiement confirmés dans leurs emplois par

(i) Carpin dit aussi que Couyouc avait rintcntion de marcher à la conquête de TOccidcnt (lîb. XXXI , cap. 36).

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ao6 HISTOIRE DBS MOIIGOLS.

des diplômes et des tablettes , et plusieurs petits souverains de ces contrées reçurent des patentes qui leur en continuaient la pos- session. Abd-our-Rahman , le nouvel adminis- trateur des provinces chinoises, fut mis à mort, et remplacé par son prédécesseur Mal> moud Yelvadje. Tchincaï obtint de nouveau la charge de grand chancelier.

Le royaume des Seldjoukides , dans l'Asie- Mineure , venait de subir le joug mongol , et selon une clause de son pacte de soumission ^ le sultan Yzz-ud-din Keî-Kavouss avait envoyé à la cour de son nouveau suzerain son frère cadet Bx)kn-ud-din Kilidj-Arsslan. Ce jeune prince plut à l'empereur qui lui donna le trône de Roum, et déposa son frère (i).

Deux jeunes princes géorgiens , nommés tous deux David, étaient venus à la cour du grand khan solliciter l'investiture du royaume de Géorgie; l'un était fils naturel de George La- scha, dernier roi de Géorgie; l'autre était fib de la reine Rhouzoudan , qui avait succédé à son frère George. Couyouc partagea la Géorgie entre ces deux compétiteurs ; il donna le Khartli au premier et llmirette au se-

(i) Tarikh Djihankuschaï , tom. I. Djami ui-Téçarikh*

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LlVmS II, CHAPITAB IT; ^OJ

cond; mais le fils de Rhouzoudan £iit obligé de rendre rhommage pour ses états au fils de George (i). Sempad, frère de Hethoum I, roi arménien de la Cilicie, était venu porter au nouveau khan, avec de riches présents , l'hommage de ce petit souverain. Le grand juge Fakhr-ud-din, ambassadeur du khaliphe, fut congédié avec un message menaçant, à cause des plaintes portées contre ce pontife par les généraux mongols en Perse; et les envoyés du prince Ismaîliyen (d), traités avec mépris, emportèrent une réponse très-dure au mémoire qu'ils avaient été chargés de re- mettre. Les affaires générales ainsi réglées, l'assemblée fut dissoute, et les princes parti- rent pour faire les préparatifs des expéditions militaires nouvellement résolues (3).

Les deux religieux européens qui furent présents à l'élection de Couyouc, étaient les moines franciscains Jean de Plan Carpin el

(i) Précis de V Histoire d'Arménie, par M. Saiot-Mardn , dans ses Mémoires jur l'Arménie, tom. I, p. 385, tom. II, pag. 294. Djami ut^Téçarikh.

(a) C'était le chef de la secte des Bathiniyés , plus connus en Europe sous le nom d'Assassins , lequel résidait dans un ch&teaur-fort du Dedem en Perse.

(3) Tarikh Djihankuschaï , tom. I. Djami ut^Tévarihht

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lOft HISTOIRE DES MONGOLS.

Benoit. On a vu que le concile tenu à Lyon dans Vannée ia45, avait décrété Fenvoi de missionnaires vers les Tartares^ pour leur prêcher Thumanité et tâcher de les conver- tir au christianisme. Le pape Innocent IV écrivit au prieur des Dominicains à Paris, de choisir, parmi les religieux de son ordre, plu- sieurs frères qui pussent être chargés de cette mission. Le prieur ayant donné lecture des lettres apostoliques en plein chapitre, tous les religieux s'offrirent à Tenvi; tous fondaient en larmes; ceux qui venaient d'obtenir la per- mission de se dévouer à la mort pour le sa- lut de leurs frères, pleuraient de joie; les au- tres étaient pénétrés de douleur. Les quatre religieux qui furent choisis, Anselme de Lom- bardie, Simon de Saint-Quentin, Albéric et Alexandre, étant allés se jeter aux pieds du pape , reçurent de ce pontife des lettres adres- sées au chef des Tartares, et l'ordre de se rendre à la première armée de cette nation qu'ils trouveraient en Perse (i). Us allèrent au camp du général Baïdjou. Trois autres religieux de l'ordre de Saint François, Benoit,

(i) Vincent. M. Fontana, Monument a Dominicana, Roroae, 1675, in-f^, pag. 5a.

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LIVRE Ily CHAPITRE IV. 209

polonais y Laurent de Portugal et Jean de Plan Carpin furent envoyés en Tartarie. Ces deux ordres mendiants étaient institués, de- puis près d'un demi siècle , dans le but spécial de propager la lumière de l'Évangile parmi les infidèles (i).

Les deux missions partirent en 1246. Les franciscains traversèrent la Bohême, la Silésie et la Pologne. Ils apprirent à Lencisc que, pour être admis devant les chefs mongols , il fallait leur offrir des présents; et comme ces frères, qui vivaient d'aumônes, ne possédaient rien, le duc Conrad, son épouse, Tévéque de Lencisc, les nobles polonais vinrent à leur secours, en leur donnant des pelleteries, pour les employer en offrandes. Les missionnaires se rendirent à Kiew, d'où ils parvinrent en six jours aux avant-postes mongols, sur le bord du Dnieper. Us furent conduits au quar- tier du prince qui commandait les troupes mongoles sur cette frontière; mais comme il n'y avait auprès de lui personne qui pût in- terpréter les lettres latines dont ils étaient

(i) Lucas Waddingus, Annales ^ Minorum , LngdiiDii 1647, in-f*^ , tom. I, pag. 641. Odor. Raynaldus, Annales Ecclesiastici , tom. II, in-f^, pag. a 58 et SgS. a 14

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2IO HISTOIRE DES MONGOLS.

chargés, ce général envoya les missionnaires à la cour de Batou. Ils partirent le premier lundi de carême et après avoir couru à franc- étrier pendant trente-neuf jours, changeant de chevaux quatre ou cinq fois par jour, ils arrivèrent au camp de ce prince sur le bord du Volga. On leur dressa des tentes à envi- ron une lieue du quartier-général. L'intendant de Batou leur ayant demandé ce qu'ils oÉfri- raient à son maître lorsqu'ils seraient admis à se prosterner en sa présence, ils répondi- rent que leur seigneur le pape, n'étant pas sur que ses envoyés pussent arriver à leur destination, ne les avait pas chargés de por- ter des présents, et que d'ailleurs ils avaient eu à traverser des pays très-dangereux; mais qu'ils offriraient ce qu'ils avaient reçu pour leur propre compte. Lorsqu'ils eurent remis leurs présents et fait connaître le motif de leur voyage, ils furent conduits à l'audience de Batou. On les fit d'abord passer entre deux feux, pour détruire les influences ma- lignes qui pouvaient résulter de leur présence. Deux lances plantées auprès de ces feux sou- tenaient une corde tendue, à laquelle étaient attachés des morceaux d'étoffe. Les person- nes, les animaux et les effets qui devaient être purifiés passaient sous cette corde , et en

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LIVRE II, CHAPITRE IV. ail

même temps deux femmes, chacune d*un coté, Élisaient des aspersions d'eau en recitant cer- taines paroles. Les religieux durent fléchir trois fois le genou gauche devant la tente du prince, et furent avertis de n'en pas toucher le seuil. Batou était assis sur une estrade éle- vée, ayant auprès de lui une de ses femmes. Les membres de sa famille et ses principaux officiers occupaient un banc au milieu du pavillon , et derrière eux reposaient par terre les personnes d'un rang inférieur, les hom- mes à droite, les femmes à gauche. Les mis- sionnaires durent se mettre à genoux pour adresser leur discours au prince. Ils lui remi- rent ensuite les lettres dont ils étaient char- gés, et demandèrent des interprètes pour les traduire. Us furent placés à gauche dans la tente du prince; on plaçait à droite les ambassadeurs qui revenaient de la cour du grand khan. Cette tente , qui était spa- cieuse et de toile fine, avait été prise au roi de Hongrie. On y voyait une table cou- verte de coupes d'or et d'argent, pleines de diverses boissons; chaque fois que Batou bu- vait, des chants mêlés au son des instruments se faisaient entendre (i).

(i) Relation de Plan Carpin dans Vincent. SperuL Hist,

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làm HISTOIRE DES MONGOLS.

Les lettres du pape, datées de Lyon le III des nones de mars 1^45, étaient adressées au roi et à la nation tartare. Dans l'une de ces missives, après avoir expliqué les principaux dogmes de la religion chrétienne : la rédemption du genre humain opérée par le sacrifice du fils de Dieu , sa résurrection et son ascension , précédée de la désignation de son vicaire dans ce monde , qui est chargé du soin des âmes et des clefs du royaume des cieux, le sou- verain pontife déclare que, successeur, quoi- que indigne, de ce vicaire, il veut opérer le salut du roi et de la nation tartare, et que, ne pouvant être présent partout, il délègue ses pouvoirs au frère Laurent de Portugal et à ses compagnons, porteurs des présentes, afin qu'ils leur fassent connaître les dogmes de la religion chrétienne. L'autre lettre était conçue en ces termes: « Comme non-seule- « ment les hommes, mais aussi les animaux « privés de raison, et même les éléments de <c l'univers, sont unis ensemble par une certaine

lib. XXXI. Ce missionnaire dit que lorsque Batou montait à cheval, on tenait sur sa tête un parasol, ce qui se pratiquait aussi pour les autres princes du sang et même pour leurs femmes.

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LIVRE n, CHAPITRE IV. 2l3

a affinité, à l'exemple des esprits célestes, que « l'être suprême a établis dans un. état de paix «f perpétuel, nous ne pouvons qu'être gran- a dément étonnés que vous ayez envahi, com- « me nous l'avons ouï dire, tant de pays chré- « tiens et autres, que vous les ayez horri- c< blement désolés, et que, dans vos fureurs a dévastatrices , vous ayez rompu tous les liens a de l'affinité naturelle , n'épargnant ni l'âge, « ni le sexe, et passant tout le monde indis- cc tinctement au fil de l'épée. Désirant donc, « à l'exemple du Dieu de paix, voir tous les a hommes réunis dans la crainte du Seigneur, a nous vous avertissons, prions et exhortons « de ne plus attaquer les chrétiens , et d'apai- « ser la colère divine fortement provoquée ce par tant d'offenses , en vous soumettant à « une pénitence qui y soit proportionnée; <c car si, jusqu'à présent. Dieu a permis que ce les nations tombent sous vos coups, cela a ne doit pas vous enhardir à continuer d'exer- « cer Vos fureurs; il omet quelquefois pen- « dant un temps de châtier les superbes; a mais s'ils ne songent pas eux-mêmes à s'hu- a milier. Dieu ne manque pas de les punir i< de leurs iniquités, dans ce monde, en leur a réservant dans l'autre une vengeance plus ce complète. » Cette lettre se termine par la

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2l4 HISTOIRE DES MONGOLS.

prière de bien accueillir les religieux chargés de la présenter, et d'ajouter foi à ce qu'ils diront au nom du pape, surtout en ce qui concerne l'établissement de la paix. Le souve- rain pontife y demande enfin assez naïvement que les Tartares lui fassent connaître ce qui a pu les exciter à détruire les autres na- tions, et quels sont leurs projets pour l'ave- nir (i).

Quelques jours après la remise de ces let- tres, qui furent traduites en langue mongole, russe et arabe, Batou fit dire aux envoyés du pape de se rendre au lieu fixé pour l'élec^ tion d'un nouveau khan. On leur proposa de renvoyer quelques personnes de leur suite; les missionnaires y consentirent et les char- gèrent de leur rapport au pape; mais ces in- dividus furent retenus près de la frontière russe jusqu'au retour des religieux.

Jean de Plan Carpin et ses compagnons partirent (2) du camp de Batou le jour de

(i) Odor. Ra^naldiis, Annules Ecvles,, tom. II, p. 3a i.

(2) « Nous partîmes, dit Carpin (Lib. XXXI, cap. 23), « les yeux baignés de larmes, pensant que nous allions a « la mort; car nous étions si faibles, que noBS pou'vions « à peine nous tenir è chcTal. Pendant tout le carême ,

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LIVHE II, CHAPITRE IV. 1l5

Pâques y accompagnés de deux Tatares, qui avaient l'ordre de les faire voyager en gran-

« nous n'avions eu d'autre nourriture que du millet cuit « à Teau avec du sel, d'autre boisson que de la neige « fondue, w

Ce mbsionnaire rapporte quelques traits qui caracté- risent la barbarie des Mongols. Un duc de Russie , nommé Michel, étant venu rendre hommage à Batou, fut conduit entre deux feux, et reçut l'intimation de se prosterner devant l'image de Tchinguiz-khan. U répondit qu'il s'in- dinerait volontiers devant Batou et les siens, mais que sa religion lui défendait de rendre cet honneur à l'image d'un homme mort. On insista; et comme il persévérait dans son refus , Batou lui fit dire , par le fils du grand duc Yaroslaw, que s'il n'obéissait pas, il serait mis à mort. Cette menace n'ayant pu ébranler la constance du prince russe, Batou l'en fit punir par un de ses gardes, qui lui donna tant de coups de pied dans^ le ventre et dans l'estomac, qu'il en mourut peu après. Ce même fait est rapporté dans V Histoire de Russie , par M. Ka- ramsin, tom. IV, pag. 34. On y voit que Michel était prince de Tchcmigow , et qu'il avait reçu l'ordre , en 1246 , de se rendre auprès de Batou ; un de ses boyards , nommé Fédor, périt avec lui, et ils furent mis tous deux au rang des saints.

« Il arriva , dit ailleurs Plan Carpin (lib. XXXI , cap. 6) , « comme nous étions siu: les terres . de Batou , qu'un cer- tain André, duc de Sarvogle en Russie, accusé devant « ce prince d'avoir tiré des chevaux de Tartarie, pour

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2l6 HISTOIRE DES MONGOLS.

de diligence, afin qu'ils pussent arriver avant l'élection ; néanmoins ils n'atteignirent le grand Ordou que le aa de juillet, environ cinq mois

a les vendre ailleurs , quoique le fait n'eût pas été prouvé, n fut mis à mort. Le frère cadet et la veuve du défunt, « ayant appris cette nouvelle , se rendirent à la cour de Batou ft pour le supplier de ne leur point 6ter sa principauté, ce Alors Batou ordonna que , suivant la coutume des Tar- « tares, le jeune prince épousât la veuve de son frère. « Elle répondit qu'elle se tuerait plutôt que de commettre « un acte aussi contraire à sa religion; néanmoins il la fit « livrer au jeune prince , et connue l'un et l'autre s'y re- « fusaient , les Tartares les conduisirent au lit , et mirent « le jeune homme sur la princesse, malgré les pleurs et les « cris de cette dame.

<c Les Tartares , dit encore ce missionnaire (lib. XXXI , « cap. 5), sont les plus orgueilleux des hommes, et trai- n tent avec mépris les chefs des nations. Nous avons vu, « à la cour de l'empereur , le grand-duc de Russie , le ce fils du roi de Géorgie , beaucoup de sultans et d'autres « princes auxquels ils ne rendaient aucun honneur; et « même les simples Tartares qu'on leur donnait pour es- « corle , quelque misérables qu'ils fussent , passaient dc- « vant eux, et prenaient toujours la meilleure place. »

Suivant Carpin (cap. 36) , le grand-duc de Russie Taros- law mourut subitement, à la suite d'un repas il avait élé invité chez l'impératrice-mère , et, sept jours après, son corps était couvert de tâches livides, ce qui ne laissa aucun doute qu'il n'eût été empoisonné.

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CHA.PITRE IV. ai7

après leur entrée sur le territoire mongol, près du Dnieper. Ces religieux furent admis à l'audience de Couyouc , à la fin d'août , quel- ques jours après son élévation au trône, en même temps que plusieurs princes et ambas- sadeurs, dont les noms furent lus à haute voix par le chancelier Tchincaï. Tous fléchi- i:ent quatre fois le genou gauche (i); on les

(i) Ici y comme à U occasion de son audience chez Bat ou, le frère Jean Carpin ne parle que de génuflexions; mais, selon l'étiquette mongole , qui ayaît sans doute été em- pruntée du cérémonial chinois , et à laquelle on ne dé- rogeait ni pour les ambassadeurs , ni pour les grands vassaux, quiconque se présentait devant le grand khan, im prince régnant de sa famille , et même un de ses Ueutenants-généraux , devait le saluer par trois proster- nations et neuf battements de tète, en se mettant à ge- noux , frappant la terre trois fois de son front , et se relevant pour recommencer. « L'oncle du prince d'Alep « et le frère du sultan de Moussoul , dit Simon de Saint- « Quentin, revenant de la cour de Couyouc, arrivèrent « au camp de son général Baîdjou en Perse, peu de jours « avant le départ des religieux dominicains que le pape a avait envoyés auprès de cette armée tatare. Les deux ff princes firent de beaux présents à BaïdJQU , ipsumque « cum trina genuum flexione^ capUumque in terrain aUi- « sione, secundum mandatum Chaojii , adorantes, v Rela- tion de Simon dans Vincentii Spec, Hist., lib. XXXI, cap. 5o. Les plus grands personnages, lorsqu'ils par-

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2l8 HISTOIRE DES MONGOLS.

fouilla soigneusement pour voir s'ils ne por- taient point de couteaux , et on les avertit de ne pas toucher en entrant la pièce de bois qui était sur le seuil de la porte. Ces per- sonnages avaient offert à l'empereur une immense quantité de présents, qui consistaient principalement en riches étoffes, en ceintures de tissu soie et or, en fourrures précieuses j il y avait aussi des chevaux et des mules bardés de fer ou de cuir. On demanda aux envoyés du pape quels présents ils apportaient; ils répondirent qu'ils ne possédaient plus rien. Quelque temps après cette première au- dience, l'empereur fit dire aux religieux, par l'organe de Tchincaï, de mettre par écrit l'objet de leur mission. Avant de répondre aux lettres du pape, on leur demanda s'il y avait auprès de leur maître quelqu'un qui comprît le mongol, le russe ou l'arabe; ils répondirent négativement. Peu de jours après (il novembre), Cadac, intendant de l'em-

laîent à Tempf renr , et pendant qu'il leur adressait la pa- role, restaient à genoux; mais, selon Carpin , jamais le grand khan n'adressait la parole directement à un étran- ger, quelque élevé qu'il fàt par son rang (cap.. 33). Sur ce dernier point le missionnaire se trompe.

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lilVRE lly CHAPITRE IV. IXig

pire 9 Tchincaï et Bela^ accompagnés de plu- sieurs secrétaires, se rendirent auprès d'eux et leur interprêtèrent la réponse du khan au pape, que les missionnaires écrivirent en latin. Les officiers de l'empereur avaient soin de se faire expliquer chaque mot que les reli- gieux écrivaient, pour s'assurer qu'ils avaient bien compris; néanmoins, en leur remettant les lettres originales de l'empereur, scellées de son sceau, ib y joignirent une traduction en langue arabe (i). Deux jours après les

(i) On ne connaît pas le contenu de cette réponse aux lettres du pape; mais comme les Mongols se croyaient de droit les maîtres de la terre , qu'ils ne voyaient dans les ambassades que des actes d'hommage , et qu'ils n'ima- ginaient pas qu'il pût y avoir d'autre rapport entre eux et les nations étrangères que celui de suzerain à vassal , il n'est pas douteux que la lettre de Couyouc ne contint ime sommation au pape de se soumettre à sa puissance , et de lui rendre hommage. On pourrait citer , à l'appui de cette conjectiu*e , le passage suivant d'une lettre que le roi de Chypre avait reçue du connétable d' Arménie , et qu'il communiqua à Louis IX pendant le séjour de ce prince à Nicosie, vers la fin de l'année ia48.

'< Sachez aussi que notre seigneur le Pape a envoyé « un ambassadeur audit Caan , lui faisant demander s'il « était chrétien , et pourquoi il envoyait les gens de sa « nation pour fouler aux pieds et détrnire l'univers. A

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aao HISTOIRE DES MONGOLS*

religieux furent conduits à Taudience de l'im- pératrice-mère, qui donna à chacun d'eux une pelisse de renard avec le poil en dehors, et ime robe d'étoffe. Us partirent, en no- vembre, de la résidence impériale (i), mais ils n'arrivèrent à la cour de Batou que vers la fin de mai de l'année suivante (1247). Ayant demandé à ce prince sa réponse au pape, ils apprirent que Batou n'avait pas autre chose à mander que ce qui était con- tenu dans les lettres de l'empereur, et les

« qnoi le Caan a répondu y que Dieu avait ordonné à « ses aïeux et à lui-même d* envoyer son peuple pour « exterminer les mccJiantes nations ; mais quant a la « question s'il était chrétien, il répondit : que Dieu le « savait , et que si le Pape voulait le savoir , il n'avait « qu'à venir et voir, » Voyez Yincentius , Spec, Hist, , lib. XXXI, cap. 9a.

(i) Pendant un mois que ces religieux restèrent à la cour impériale , ils faillirent mourir d'inanition ; car les vivres qu'on leur distribuait pour quatre jours sufïisaient à peine pour im , et ils ne pouvaient rien acheter , le marché étant à une trop grande distance. Heureusement ils furent assistés dans leur besoin de provisions par un orfèvre russe , nommé Come , qui était au service de Couyouc, et bien vu de ce prince. (\''oyez Relat. de Carpin, cap. 37).

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LIVRE II, CHAPITRE IV. 221

missionnaires poursuivirent leur route, pour se rendre auprès du souverain pontife (i).

Le frère Anselme et ses compagnons, qui avaient reçu l'ordre de se rendre à l'armée tartare la plus proche, arrivèrent, en ia47, au camp du général Baîdjou, en Perse (2), avec une lettre du pape ce pontife ex- hortait les Tartares à ne pas renouveler leurs

(i) Relation de Jean de Plan Carpin, dans Vincentii Spéculum Historiale , lib. XXXI, cap. ipàaS, 3o et3i, 33 à 39. Ce moine franciscain , et Simon de Saint- Quentin, de Tordre de saint Dominique, furent les pre- miers qui donnèrent en Europe quelques détails sur les Mongols. Jean de Planocarpio ou Planocarpino , avait été disciple de saint François. Il fut d'abord custode en Saxe , puis provincial d'Allemagne ; il propagea son ordre en Bohème, en Hongrie, en Norvège, en Dacie, en Lorraine, et remplit une mission en Espagne dans l'an- née 1225. (Vaddingus, Annales Minorum, t. I, 64i)« A son retour de Tartarie, il fut très-bien accueilli par le pape Innocent IV, qui le garda auprès de lui trois mois, et le fit évéque d'Antivari. (Paolo Pansa, Fita del gran pontifice Innocencio IF, Napoli , iSqS , in-4^ , p. 45).

(2) Ce camp était, selon le firère Simon, près du château de Sitiens, que l'on disait à la distance de cin- quante-neuf journées de Saint- Jean-d' Acre. Nous igno- rons où était situé ce château , dont . le nom est sans doute altéré.

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aaa HISTOIRE DES MONGOLS.

ravages dans les pays chrétiens et à se repen- tir de ceux qu'ils avaient commis. Ces frères dominicains ayant témoigné le désir d'être admis devant Baïdjou, pour s'acquitter de la commission dont ils étaient chargés, furent interrogés par les officiers de ce général sur le lieu d'où ils venaient. Ils se dirent les envoyés du pape, que les chrétiens regar- daient comme supérieur à tous les autres hommes, et révéraient comme leur père et leur maître. Ces paroles causèrent une vive indignation aux officiers mongols, qui deman- dèrent à ces étrangers, comment ils avaient l'insolence de prétendre que celui qui les envoyait fut au-dessus de tous les autres hommes. « Ne sait-il pas, dirent-ils, votre « maître, que le khan est le fils de Dieu? a que Baïdjou noyan est son lieutenant? Leurs « noms doivent être connus en tous lieux. » Le frère Anselme, chef de la mission, ré- pondit que le pape ignorait qui était le khan, qui était Baïdjou, et qu'il n'avait jamais en- tendu prononcer leurs noms; qu'il avait seu- lement ouï dire qu'une nation, appelée Tar- tare, sortie des confins de l'Orient, avait subjugué beaucoup de contrées et fait périr une multitude d'hommes innombrable; que si le pape eut connu les noms du khan et

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LIVRE II, CHAPITJIE IV. aîi3

de son lieutenant , il n'aurait pas omis de les écrire dans les lettres dont il les avait chargés; que ce pontife, affligé de tant de carnage et principalement du meurtre des chrétiens, leur avait ordonné, de l'avis de ses frères les cardinaux, de se rendre prompte- ment au premier camp tartare qu'ils pour- raient rencontrer, pour exhorter, en son nom, le chef de cette année et tous ceux qui lui obéissaient, à s'abstenir désormais d'égorger les hommes, suitout les chrétiens, et à expier par la pénitence leurs crimes atroces , comme la teneur même des lettres le leur ferait con- naître plus parfaitement.

Les oflSciers de Baïdjou et les interprêtes allèrent rendre à ce général les paroles du frère Anselme, et revinrent au bout de quel- ques instants pour demander aux missionnai- res s'ils apportaient des présents de la part du pape. Le frère Anselme répondit qu'ils n'apportaient rien, parce que le pape n'était pas dans l'usage d'envoyer des présents; quil recevait, au contraire, des offrandes de la part des chrétiens et même des infidèles. Les officiers mongols retournèrent encore à la tente de leur maître et ne tardèrent pas à revenir: « Gemment , dirent-ils aux missionnaires, vou- Œ lez-vous paraître devant notre maître les

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a24 HISTOIRE DES MONGOLS.

« mains vides ; personne encore ne Ta fait, y^ Anselme répondit que s'ils ne pouvaient pas être admis devant le général, sans présents, ils leur donneraient les lettres du pape pour les lui remettre.

Les officiers allèrent encore prendre les or- dres de leur chef; à chaque message ils avaient soin de changer d'habits. De retour, ils dé- clarèrent aux religieux que s'ils voulaient présenter eux-mêmes les lettres du pape au noyan Baïdjou, il fallait qu'ils l'adorassent par trois génuflexions, comme s'ils étaient devant son souverain , le fils de Dieu et le maître de la terre. Les religieux , pensant que cette es- pèce d'adoration pourrait être regardée comme un signe de soumission de la part du pape et de l'église chrétienne envers l'empereur mon- gol, ce qui donnerait un sujet de triomphe à tous les ennemis de l'Église en Asie, refusè- rent d'y consentir, et déclarèrent qu'ils étaient prêts à saluer le général, puisqu'il représen- tait le khan, de la même manière qu'ils sa- luaient leur propre maître ; que la proposition qu'on leur faisait était ignominieuse à la re- ligion chrétienne et qu'ils souffriraient la mort plutôt que de s'y soumettre; mais que pour montrer qu'ils n'étaient pas animés dans leur refus par un sentiment d'orgueil , ils les assu-

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LIVRE II, CHAPITRE IV. ia5

raient que, si le noyan Baïdjou, si eux-mé- mes, ses officiers, voulaient se faire chrétiens, ils n^hésiteraient pas , non-seulement de se prosterner devant eux, mais aussi de leur bai- ser la plante des pieds, en l'honneur de Dieu. A ces mots, les officiers mongols leur dirent avec indignation: « Quoi, vous nous con- « seillez de nous faire chrétiens, de devenir « des chiens comme vous et votre pape! » et ils les quittèrent en colère. Cependant ils revinrent demander aux religieux comment ils saluaient leur souverain. Le frère Anselme tira son capuchon un peu en arrière et fit une légère inclination de tête. Les Mongols demandèrent ensuite comment ils adoraient Dieu. Anselme répondit qu'ils Fadoraient de beaucoup de manières; les uns prosternés, les autres à genoux, d'autres différemment. « Puisque vous autres chrétiens, leut* dirent « brusquement ces officiers, vous adorez le a bois et la pierre, vous ne devriez pas « refuser d'adorer Baïdjou noyan, à qui le <c khan, fils de Dieu, ordonne que l'on rende « les mêmes honneurs qu'à lui-même. » Le frère Anselme leur fit observer que c'était la divinité représentée par le bois et la pierre que les chrétiens adoraient, et que leur maître ne pouvait prétendre rien de semblable, a i5

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aa6 HISTOIRE des mongols.

Les officiers de Baïdjou s'étant absentés, reparurent encore et signifièrent aux religieux qu'ils n'avaient qu'à aller à la cour du khan pour lui présenter les lettres du pape, et contempler sa majesté et sa puissance, dont ils pourraient rendre compte à leur maître. Anselme répondit que le pape n'ayant jamais entendu parler du grand khan, leur avait simplement ordonné d'aller à la première ar^ mée tatare qu'ils trouveraient , et qu'il leur suffisait d'avoir accompli ses instructions ; qu'il était prêt à leur remettre les lettres du pape, s'il leur plaisait de les recevoir, sinon il les remporterait: « De quel front, dirent alors « ces officiers, osez-vous dire, vous autres « chrétiens, que le pape est supérieur en « dignité à tous les autres hommes? Qui a tf jamais ouï dire que votre pape possède « autant de royaumes que le khan, fils de « Dieu, en a acquis par la grâce divine? « Qui a jamais entendu dire que le nom du « pape soit répandu, craint et respecté sur « toute la terre, comme celui du khan, qui « domine depuis les bornes de l'Orient jus- « qu'à la Mer Méditerranée et à la Mer Noire. « Le khan est donc supérieur en gloire et « en puissance à votre pape et à tous les a hommes. » « Nous disons, répondit le

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LIVRE 11^ CHAPITRE IV. tXH'J

«f frère Anselme, que notre seigneur le pape « est au-dessus de tous les autres hommes , « parce que Dieu a accordé à saint Pierre <c et à ses successeurs l'autorité de l'Église « universelle jusqu'à la fin des siècles, » et le religieux se mit à leur expliquer cet arti- cle de foi; mais il fut bientôt interrompu par les insolentes vociférations des officiers de Baïdjou qui l'empêchèrent en même temps de répondre aux autres points de leurs discours.

Ces officiers, qui étaient partis brusque- ment, revinrent encore et dirent aux mission- naires de la part de Baïdjou, de leur remettre les lettres dont ils étaient chargés. Anselme les livra. Ils s'éloignèrent avec ces missives, et de retour au bout de quelques instants, ils dirent aux religieux de les faire traduire en persan. Les quatre frères se retirèrent à l'écart avec les interprètes et les écrivains de Baïdjou; tous travaillèrent à la version des lettres du pape en persan; de cette langue elles furent traduites en mongol et mises sous les yeux de Baïdjou.

Les officiers de ce général reparurent ac- compagnés d'un secrétaire du grand khan, personnage considérable, qui allait partir pour la cour, et dirent aux religieux qu'il fallait que deux d'entre eux se rendissent, sous la

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anS HISTOIRE DES MONGOLS.

conduite de ce fonctionnaire, au camp impé- rial pour présenter eux-mêmes les lettres de leur maître à l'empereur, recevoir sa répon- se, et voir par leurs yeux sa gloire et sa puissance. Anselme s'y refusa encore par les raisons qu'il avait déjà alléguées.

Après avoir passé péniblement cette pre- mière journée en négociations peu satisfaisan- tes , les religieux s'en revinrent le soir , à jeun, dans leur tente, qui était à un mille de distance du quartier de Baïdjou. Au bout de quatre jours, ils retournèrent au campe- ment de ce général, pour demander sa ré- ponse et la permission de partir; ce fut en vain. Ils réitérèrent leurs démarches, et pen- dant près de neuf semaines, ils se rendirent presque chaque jour au quartier général , res- tant plusieurs heures de suite exposés à l'ar- deur du soleil, dans les mois de juin et de juillet, sans qu'on fît attention à leur deman- de, sans même que les gens de Baïdjou dai- gnassent s'approcher d'eux et leur parler. « Les « missionnaires , dit le frère Simon , étaient « regardés par ces Tartares comme des misé- « râbles, indignes d'une réponse, et même « comme des chiens; ce fut ainsi que Baïdjou a exerça son ressentiment contre les frères , a qui l'avaient blessé par la franchise de leurs

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LIVRE II, CHAPITRE IV. ^29

« paroles. Il alla, dans sa colère , jusqu'à vou- « loir les faire mourir, et trois fois il en donna «c l'ordre (i). »

Enfin les missionnaires furent congédiés, le 2 5 juillet, avec la réponse de Baïdjou au pape, conçue en ces termes:

ce Par l'ordre du divin khan , Baïdjou noyan et t'adresse ces paroles: Sache, ô pape! que « tes envoyés sont venus et nous ont ap-' « porté tes lettres. Tes envoyés ont eu « le verbe haut; nous ne savons pas si tu a leur as ordonné de parler de la sorte, ou «( s'ils l'ont fait de leur chef. Tes lettres por- « talent entre autres ces mots: Vous tuez « beaucoup de monde; mais voici le comman- de dément de Dieu, et l'ordre qui nous est « donné par celui qui est le maître de toute a la terre: Que quiconque nous obéira, reste « en possession de sa terre, de son eau, d^

(i) Baidjon était d'une tribu mongole, appelée Yissoute, et parent du général Tchébé qui avait dévasté tant de pays. Il vint en Perse avec Farmée du général Tchonna- gotm; il commandait alors mille hommes; il fut élevé au grade de chef de touman ou de dix mille hommes; ce fut lui qui soumit le royaume seldjoukîde de Roum. Djami ut-^Téparikh , article des Mongols- Yssoutes.

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d3o HISTOiaB DES MONGOLS.

a son patrimoine , et Hure ses forces au maitre a de toute la terre; mais que quiconque nous a résistera , soit anéanti. Nous te transmettons ce cet ordre, en vertu duquel, si tu veux « conserver ta terre, ton eau, ton patri- cc moine, il faut que toi, pape, tu te rendes « en personne auprès de nous, et que tu « ailles ensuite te présenter devant celui qui « est le maitre de toute la terre. Et si tu K n'obéis pas au commandement de Dieu et « de celui qui domine sur la terre, nous ne « savons ce qui en adviendra, Dieu seul le a sait. Envoie-nous tes messagers pour nous « annoncer si tu viendras ou non , si tu veux a. être notre ami ou notre ennemi, et fais- « nous parvenir promptement ta réponse à cet a ordre, que nous envoyons par Aybeg et « Sargis. Fait dans le district de Sitiens, le « ao de juillet. »

A ces lettres fut jointe une copie de Tor- dre général donné à Baïdjou, pour régler sa conduite à Tégard des peuples étrangers. Il lui était enjoint, au nom de Tchinguiz- khan , fils de Dieu et maîti^e de la terre , comme l'Éternel est le souverain de l'univers, de faire connaître en tous lieux, que qui- conque se soumettra aux commandements du fils de Dieu , sera sauvé ; mais que

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LIVRE II, CHAPITRE IV. a3l

quiconque lui résistera , sera anéanti (i). L'impératrice Tourakina mourut deux mois

(i) Relation du frère Simon de Saint-Quentin , dans Vincent, Spéculum Historiale, lib. XXXI, cap. 40 à 5a. Le nom de Baîdjou noyan, y est toujours écrit Bayo- thnoy. Le frère Anselme, que d'autres appellent Anselin et Ascelin, resta près d'une année en Perse avec ses compagnons, et revint à la cour du pape après une absence de trois ans et sept mois. Les quatre mission- naires, en se rendant au camp de Baîdjou, avaient été joints par deux autres dominicains, André de Lonjumel, qui avait déjà parcouru FOrient pour y propager la foi chrétienne, et Guichard de Crémone, qu'ils avaient trouvé à Tiflîss.

Voici la traduction originale des deux pièces que Baîdjou fit remettre aux missionnaires. Il faut sans doute attribuer, du moins en partie, les incohérences de la seconde à l'ignorance des interprètes qui Font dictée.

•I Dispositione divina ipsius chaan transmissum Bayoth- noy verbtun. Papa , ita scias : tni nuntii venerunt , et tuas litteras ad nos detulerunt; tui nuntii magna verba dixe- mnt, nescimus utrum injunxeris eb ita loqui, aut à se- metipsis dixerunt; et in litteris taliter scripseras : homines multos occiditls, interimitis et perditis. Praeceptum Dei stabile, et statutum ejus qui totius faciem orbis continet ad nos sic est: Quicunque statutum audierint , super pro- priam terram , aquam et patrùnonium sedeant , et ei qui faciem totius orbis continet virtutem tradant ; qui- cunque autem pracceptum et statutum non audierint y sed aliter fecerint , ilU deleantur et perdant ur, Nuiic super

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1l3l HISTOIRE DES MONGOLS.

après ravènement au trône de son fils. Alors les nombreux ennemis de Fathma conjurèrent la perte de cette favorite. Elle fut accusée par im mahométan de Samarcande^ nommé Schiré, d'avoir, par ses maléfices, attiré au prince Coutan, frère de l'empereur, la maladie dont il était atteint. Celui-ci envoya même un of- ficier à Couyouc, pour lui dénoncer la pré- tendue magicienne, et demander son suppli-

hoc istud statutum et praeceptum ad vos transmittimus; si Yultis super terram Yestram, aquam et patrimonium sedere, oportet ut tu Papa in propria persona ad nos yenias, et ad eum qui faciem totius terr» continet, accé- das ; et si tu praeceptum Dei stabile , et illîus qui faeîem totius terrae continet non audieris> illud nos nescîmus, Deus scit. Oportet ut antequam venias, nuntios praemltta» et nobis significes si yenis aut non, si Tclis nobiscum componere, aut inimicus esse, et responsionem praecepti cil6 ad nos transmittas. Istud praeceptum per manus Aybeg et Sargis misimus mense Julii vigesima die lunationis, in territorio Sitiens castn scripsimus. »

Litterae DeL

« Per praeceptum Dei -vivi Chingischan filius Dei dulcis et yencrabilis, dicît quia Deus excelsus super omnia, ipse Deus immortalis, et super terram Chingischan soins do- minus , Yolnmus istud ad audientiam omnium in omnem

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LIVRE II, CHAPITRE IV. a33

ce, s'il succombait à son mal. Le prince étant mort , Tchingcaï rappela au khan la demande de son frère, et Tordre fut donné d'examiner Fathma. Après l'avoir forcée , par la bastonna- de et la torture, de s'avouer coupable, on cousut les ouvertures de son visage et de son corps, et on la jeta, enveloppée d'un feutre, dans la rivière. Les amis de cette femme su- birent aussi le dernier supplice. Peu de temps après, Schiré, accusé lui-même d'avoir ensor-

locum pcrvenire , provincîis nobîs obedientibus et pro- TÎnciis nobis rebellantibus. Oportet igitur te, ô Bajolhnoy, ni excites eos et notifiées eis quia hoc est mandatum Dei vîvi et immortalis. Incessanter quoque innotescas eis super hoc petitionem tuam, et notifiées in onini loco hoc meum mandatum, ubicumque nunttus poterit devenire; et qui- cunque contradixerit tibi, venabitur et terra ipsius vasta- bitnr; et certificio te quod quicunque non audierit hoc meum mandatum erit surdus et quicunque yiderit hoc meum mandatum et non fecerit, erit cœcus; et quicunque fecerit secundum istud meun judiciom, cognoscens pacem, et non facit eam, erit claudus. Haec mea ordinatio per- veniat ad notitiam cujuslibet ignorantis et scientis. Qui- | cunque ergo audierit et observare neglexerit , destruetur, perdctur et morietur. Manifestes igitur istud, ô Bajoth- noy, et quicunque voluerit utilitatem domus sua et pro- secutus istud fîierit, et voluerit nobis servire, salvabitur et honorabitur, et quicunque audire istud contradixerit, secundum yoluntatem tuam facient , eos corripire studeas. »

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^3^ HISTOIRE DES BTONGOLS.

celé Khodja Ogoul, fils de Couyouc, (ut mis à mort avec ses femmes et ses enfants.

Couyouc partit y au printemps de Tannée ia48, pour retourner dans son propre do- maine, sur le bord de Flmil, dont il trou- vait le climat meilleur pour sa santé. Dans cette route, partout il voyait des habita- tions, il faisait distribuer de l'argent et de^ étoffes. Cependant la princesse Siourcoucteni, soupçonnant que Couyouc s'avançait dans des intentions hostiles envers Batou, qui n'était pas venu lui rendre hommage, fit secrètement avertir ce prince de se tenir sur ses gardes; *'^J^ mais Couyouc mourut à sept journées de Bisch-Balic, capitale de l'Ouigourie, âgé de quarante-trois ans.

Ce prince était grave et sévère. I^a seule nouvelle de son avènement au trône fit ren- trer dans le devoir ceux qui, pendant la fai- ble administration de la régente, avaient em- piété sur l'autorité suprême. Mais Couyouc était fortement attaqué de rhumatismes, et son goût pour les boissons spiritueuses et les plaisirs de l'amour avait achevé de détruire sa santé. Son état habituel de souffrance ne lui permettant pas de s'occuper d'affaires, il en abandonnait le soin à ses ministres Cadac et Tchingcaï, tous deux chrétiens. Cadac,

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LIVRE II, CHAPITRE IV. 235

son instituteur, lui avait inspiré de la prédi- lection pour le culte qu'il professait. La pro- tection particulière que les chrétiens trouvaient à sa cour, y attira un grand nombre de moines de l'Asie mineure, de Syrie, de Bag- dad ^ du pays des Âses et de la Russie; ils y acquirent d'autant plus d'influence que les mé- decins du prince étaient de la même reli- gion (i). Carpin vit devant sa tente une chapelle chrétienne l'on célébrait tous les jours l'office divin , et dit que G^uyouc sala- riait des prêtres chrétiens , ce qui faisait croire qu'il avait l'intention de se convertir (a); aussi l'historien Raschid se plaint-il de l'abais- sement auquel les mahométans étaient réduits sous son règne.

Le sceau de Couyouc portait ces mots : Dieu au ciel et Coujouc khan sur la terre; par

(i) Tarikh DJihankuscfioi , tom. I. Djami ut-Tépa- rikh, Abool-faradj , trad. de Bruns, Lips. 1769, tom. U, pag. 5a5.

(a) Voyage de Carpin en Tartarie, cbap. XI. Ce mis- ûonnaire dit que lorsque l'empereur Cuyuc fut élu, il avait 40 ou 45 ans; qu'il était d'une stature moyenne, fort sage, avisé, sérieux, et plein de gravité en son air et ses manières.

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a36 HI6TOIBE DES MONGOLS.

la puissance de Dieu y V empereur de tous les hommes (i).

Deux années après la mort de Couyouc, il arriva à la cour de sa veuve, qui exerçait encore la régence, une ambassade de la part de saint Louis. Ce prince se trouvant, en I3i48, à Nicosie, capitale de l'île de Chypre, prêt à passer en Egypte, donna audience, le jour de Noël, à deux individus, nommés Da- vid et Marc, qui se disaient envoyés auprès de lui par Utchikadaï (i), commandant des for- ces mongoles ^i Perse. Us lui remirent, de la part de ce général, ime lettre écrite en persan, que le roi fit traduire en latin, par le frère André de Lonjumel, dominicain, qui

(i) Relation de Jean du Plan Carpin, dans Vincent, Spec. Hist., lib. XXXI, cap. 34- L'Anglais Jean de Man- de ville , qui voyageait dans la Qiine vers Tannée i35o , dit que sur le sceau de rcmpereur mongol étaient gravées CCS paroles: Dieu règne au ciel, le Caan sur la terre; sceau du maître de la terre ^ et que dans ses lettres, ii prenait ces titres : Caan , fils de Dieu , très-fuiut posses- seur de toute la terre , mattre de ceux qui sont mattres fies autres, (Collection de Bergeron, p. ai des Voyages de Blandeville).

(a) n est nommé Erchalchaï et Ercaltay dans les Rda- tions contemporaines.

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LIVAB II, GHAPITEE IV. aSy

avait connu David, quelques années aupara- vant, dans le camp de Baîdjou. Cette lettre commence par des vœux pour la durée et la prospérité du règne de Louis, et pour le suc- cès des armées chrétiennes contre les maho- métans; le général mongol annonce qu'il est venu en Perse avec l'ordre de délivrer les chrétiens de la servitude, de les affranchir des tributs et de toutes charges quelconques, de les faire honorer et respecter, d'empêcher que personne ne touche à leurs propriétés, de veiller à ce que leurs églises détruites soient relevées, à ce qu'ils soient libres de faire résonner leurs plaques d'airain (i), à ce que personne ne les empêche de prier en re- pos pour le règne du grand khan. Il prie le roi de France, qu'il appelle son fils ^ d'ajouter foi à ce que lui diront de sa part ses envoyés Sab-ed-din David et Marc, chargés de lui re- mettre cette lettre, et lui fait connaître que le roi de la terre veut qu'on ne fasse aucune distinction entre latin, grec, arménien, nesto- rien et jacobin , parce que tous ceux qui ado- rent la croix sont égaux à ses yeux. Il prie donc le roi magnifique de ne faire entre eux

(i) Les cbrédens orientaux s'en servent au lieu de cloches.

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a38 HISTOIRE DES MONGOLS.

aucune dififérence, et d'étendre sa bienveillance sur tous les chrétiens (i).

Cette lettre qui^ sous tous les rapports ^ aurait paraître supposée ^ n'inspira aucun

(i) Voici la traduction latine de cette lettre , telle qu'elle lut faite mot à mot par l'ordre du roi. (Voyez Vincent, Spec, Hist., lib. XXXI, cap. 91, et la lettre du légat Odon au pape Innocent IV dans d'Achery Spicilegium, in-f*, tom. m, p. 625). Guillaume de Nangis en donne une traduction française dans ses Annales de saint Louis (éd. de Capperonnier, p. 196) j mais elle n'est pas tour- jours exacte :

« Per potentiam Dei excelsi, missi a Rege terrae Khan, Terba Erchaltay, régi magno provinciarum multarum, pro- pngnatori strenuo orbis, gladio christianitatis Tictori, re- Ugionis apostolic« defensori, legb erangelicas filio, régi Ftancorum. Augeat Deus dominium suum et oonsenret ei regnum suum annis plurimis, et impleat voluntates suas In lege et in mundo , nunc et in futurum, per veritatem divin» potentiae, conductricis hominum, et omniiun Pro- phetarum et Apostolorum, amen; centum milJia salutum et benedictionum. Ex hoc rogo quod recipiat salutationes istas, ut sint gratae apud ipsum. Fadat Deus ut yideam hune regem magnificum qui applicuit. Creator autem ex* celsus causet occursum nostrum in caritate et facile faciat ut congregemur in unum.

« Post banc autem salntationem noverit quod in bac epistola non est intentio nostra , nisi utilitas christianitatis et corroboratio manus regnm christianorum , Domino con-

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LIVEE U, CHAPITRE IV. aSg

soupçon à Louis IX; ce prince en envoya une copie à la reine Blanche; une autre fut adressée au pape Innocent par son légat, le cardinal Eude de Château-Raoul. Les Chré-

cedente. Et peto à Deo ut det victoriain exercitîbos re- gum christianitatis , et triumpliet eos de adversanis suis contemnentibus cnicem. Ex parte autem régis subUmis (subtimet emn Deus), yidelicet de praesentia Kioukai (Couyouc khan) [augeat Deus magnificentiam suam], veni- mus cmn potestate et mandato, ut omnes christiani sint liberi à senritute et tributo et angaria et pedagiis et con- similibus, et sint in honore et reverentia, et nullus tangat possessiones eorum, et ecclesiae destructse reaedificentur; et pulsentur tabulas , et non audeat aliquis prohibere, ut orent corde quieto et libenti pro regno nostro. Istà au- tem horà adhuc Tenimus pro utiUtate christianorum et custodia, dante Deo eixelso. Mislmus autem hoc pernun- tium fidelem nostrum, virum Tenerabilem, Sab-ed-din Mou£itt David, et per Marcum, ut annuntient istos bonos rumoresy et quae sunt circa nos dicant ore ad os. Filius autem recipiat verba eorum, et credat eis. Et in litteris suis y Rex terr» (augeatur magnificentia sua) ita praedpit, quod in lege Dei non sit difFerentia inter latinum, et gra&- cum et armenum, nestorinum et jacobinumi et onmes qui adorant crucem; omnes enim sunt unum apud nos. Et sic petimus ut rex magnificus non diyidat inter ipsos; sed sit ejus pietas super omnes christianos, duretque ejus pietas et clementia. Datum in fme Muharram et erit bo- num, concedente Domino excelso. »

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24o HISTOIRE DES MONGOLS.

tiens étaient trop enclins à croire les Tar- tares portés à embrasser le christianisme ^ et prêts" à les assister contre les mahomé- tans, pour ne pas ajouter foi légèrement à tout ce qui favorisait cette opinion. Lorsque Tchinguiz-khan conquit la Perse et fit un si grand carnage de ses habitants, les chrétiens orientaux crurent, ou du moins propagèrent, que le souverain des Tartares professait la religion du Christ; selon les fables qu'ils débitaient, ce conquérant se nommait Da- vid, fils d'Israël, fils de Jean (i). Ils se* plaisaient à regarder comme leur protecteur et leur auxiUaire, celui qui exterminait les sectateurs de Mahomet; la puissance des Mongols, qu'ils croyaient les ennemis du mahométisme, leur inspira l'espoir de sortir de l'état de sujétion auquel ils étaient con- damnés depuis des siècles, et les croisés par- tageaient des illusions qui soutenaient leur courage, quoique les rapports des mission- naires, envoyés par le pape, eussent du les désabuser. Ainsi Louis IX accueillit avec dis- tinction les prétendus messagers d'Utchikadaî. Le roi les ayant reçus en présence des mem-

(i) Voyez la note III à la an du yolume.

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LIVRE II, CHAPITRE IV. 3l4l

bres de son conseil, du légat et de quelques autres prélats, leur fit diverses questions, aux- quelles ils répondirent d'une manière qui trahit leur ignorance. Ils firent croire à ce prince que le grand khan s'était fait baptiser, avec un grand nombre de princes et de généraux mongols; qu'Utchikadaï avait égale- ment reçu le baptême; qu'il était envoyé par son maître pour aider les chrétiens à con- quérir la Terre -Sainte et à délivrer Jérusalem, et qu'il désirait beaucoup l'amitié du roi de France, dont la prochaine arrivée en Chypre lui était connue; enfin qu'il avait l'intention d'assiéger Bagdad, au printemps suivant, et qu'il priait le roi de vouloir attaquer l'Egypte, afin qu'elle ne pût pas secourir le khalife. Louis reçut toutes ces nouvelles avec joie. Il fut résolu dans son conseil qu'il enverrait une ambassade au grand khan; elle devait se rendre d'abord au camp d'Utchikadaï. David ayant insinué que le don le plus précieux pour l'empereur mongol serait une chapelle en forme de tente , le roi lui fit préparer une chapelle de ce genre , dont l'étoffe écarlate était ornée d'une riche broderie , réprésentant les principaux traits de l'histoire de Jésus- Christ: l'annonciation, la nativité, le baptême, la passion , l'ascension et l'avènement du Saint- 3t 16

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!24^ HISTOIRE DES MONGOLS.

Esprit. On y joignit des calices, des livres, des ornements et tout ce qu'il fallait pour célébrer les saints mystères. Le roi destina même au souverain mongol et à son général Iltchikadaï, du bois de la vraie croix. Dans les lettres qu'il adressa à Fun et à l'autre, il les exhorta à remplir les devoirs d'ua culte respectueux envers celui qui, par sa grâce, les avait appelés à la connaissance de son saint nom, et à persévérer dans leur ferveur. Le lé^gat du pape écrivit aussi au grand khan, à sa mère et à son lieutenant général en Perse pour leur annoncer que la sainte Église romaine, ayant appris avec joie leur conversion à la foi catholique, les rece- vait au nombre de ses enfants chéris, les exhortait à conserver inviolablement la foi orthodoxe, à reconnaître l'Église romaine pour la mère de toutes les Églises, et son chef pour le vicaire de Jésus-Christ, auquel doi- vent obéir tous ceux qui professent la foi chrétienne. Les personnes chargées de cette * ambassade furent trois dominicains, André de Lonjumel, Jean et Guillaume. Le premier, français, et qui, dit Joinville, savait le Sarrazmoisy avait été avec le frère Anselme au camp de Baïdjou. Ils partirent de Nicosie, le lo février 1^49, accompagnés de David

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LiyRB.II, CHAPITRE IV* ^43

et de MarC| avec une suite composée de deux clercs et de deuic sergents du roi (i). Les deux frères prœheurs se rendirent ea Tartarie par la Transoxiane; avant leur arri- vée, Couyouc était mort; ils remirent à l'imr pératrice régente les lettres et les présents dont ils étaient chargés, et reçurent un bon accueil à sa cour; mais le résultat de leur mission ne répondit nullement aux espérances de Louis IX (a), auprès duquel ils revinrent, en ia5i, tandis que ce prince était occupé à fortifier Césarée en Palestine. La cour mon- gole considéra cette ambassade et les présents qu'elle apportait, comme un acte d'hommage de la part du roi de France, et sa réponse, qu'elle envoya par des messagers qui accom- pagnèrent les deux dominicains, ne contenait

(i) Odonisy episcopitnsculani, Epistola ad Innocent. IV, an. 1^49 > apud Luc. d*Acliery, Spicilegium , Paris, 1723, in-f*, tom. m, p. %%%. lehan de Joinville, Histoire de saint Louis, éd. de Capperonnier; Parb, 1761, in-f*, p. 29. Guillaume de Nangis, Annales de saint Louis, ibid., p. ao4. Vincentlus, Spec. Hist. , lib. XXXI, cap. 90 et 8e({.

(a) Amelricuft Augerius de Biteris, Acttis Pontificum Romanorum , ap. Eccardum, Corpus historicum mcdii œvi, tom. Il, p. 1774.

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a44 HISTOIRB DES MONGOLS.

que la sommation accoutumée de prêter obéis- sance, de payer tribut et de venir en per- sonne rendre hommage au chef de l'empire mongol; ensorte que le roi de France, selon l'expression de Joinville, se repentit fort ^ quand il jr emKyya (i).

(i) Joinyille nous i^t connaître la manière dont la cour de Caracouroum enyisagea cette ambassade, et la nature de ses réponses. Son récit mérite d'autant plus de créance y qu'il est entièrement conforme à la pratique constante des Mongols dans leurs relations avec les princes étrangers. « Le roi des Tartarins , dit-il , fit tendre la chapelle , et <t dit aux rois qui se trouyaient à sa cour: Seigneurs, le « roy de France est venu en nostre sujestion, et Tezci le « treu que il nous envoie. Avec les messagers le Roy

« vindrent si apportèrent lettres de leur grant roy au

« roy de France qui disaient ainsi : Bone chose est de «péz, quar en terre de pèz manquent cU qui vont à « quatre pied Verbe pesiblement; cil qui vont à deus la-- « bourent la terre, dont les biens viennent pesiblement: et « ceste chose te mandons nous ponr toy aviser; car tu ne *i peus avoir pèz si tu ne Vas à nous, et tel roy et tel « (et mo^lt en nommoientj et tous les avons mis à Vespée. « Si te mandons que tu nous envoies tant €le ton or et de « ton argent chascun an, que tu nous retieignes à amis; et « se tu ne le fais , nous destruirons toy et ta gent aussi « comme nous avons fait ceulx que nous avons devant « nommez. £t sachez qu'il (le roi) se repenti fort quant il « y envoia. » Pag. io3.

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LIVRE II, CHAPITRE V. ^45

CHAPITRE V.

M A N G O U.

Régence de rimpératriceOgoul-Gaîmisch. Mangou désigné empereur dans un premier Couriltal. Passage du tr6ne de la branche d'Ogota! dans celle de Toulouî; élection jde Mangou. Opposition des petits-fils d'Ogotai. Prétendue découTcrte d*un complot. - Condamnation des partisans de la branche d*OgotaL Nomination aux postes les plus importants. >»- Création d'un chef de la religion de Boudha. ^Fixation de rimp6t personnel.-— Mort de Siourcoucténi. Supplice de l'impératrice Ogoul-Gaïmisch. Les princes de la branche d'Ogotaï privés de leurs troupes et exilés. Les partisans d'O- gotaî recherchés et punis dans tout Tempire. Sort du roi des Ouigours. ^- Coubilai , lieutenant de l'empereur en Chine. Opérations militaires des Mongols contre les Soung , depuis la mort d'Ogotaî. Envoi d'une armée contre la Corée. Expédition en Perse, com- mandée par le prince Houlagou. Opérations des Mongols dans le nord de l'Inde, depuis la mort de Tchinguiz-khan.

A la mort de Couyouc , on prit les pré- cautions d'usage pour empêcher que la nou- velle de la vacance du trône ne se répandit avant que les principaux chefs de la nation

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!246 HISTOIRE DES MONGOLS.

en fussent informés; tandis qu'on interceptait les communications et qu'on retenait les voya- geurs, des messagers étaient expédiés à la princesse Siourcoucteni et au prince Batou, pour leur annoncer cet événement.

Batou, qui était enfin parti des bords du Volga pour aller rendre hommage à Couyouc, était arrivé aux monts Alactac, à sept jour- nées de Cayalic, lorsqu'il apprit la mort de ce prince, et il s'y arrêta, sous le prétexte que ses chevaux avaient besoin de repos. Il déféra la régence, suivant les coutumes de la nation, à Ogoul-Gaïmisch , qui tenait le premier rang parmi les épouses du souve- rain défunt; elle était fille du bey Coutouca, chef des Ouïrates. En même temps Batou convoqua une assemblée générale à Alactac. Les princes de la branche d'Ogotaï refusèrent de s'y rendre, alléguant que la diète d'élec- tion devait se tenir dans l'ancienne patrie des Mongols. Cependant ils y envoyèrent Témour noyan, gouverneur de Caracouroum , muni de leurs pouvoirs, lui ordonnant de souscrire en leur nom à ce qui serait résolu par Batou et la majorité des princes. Dans ce couriltaï, composé principalement des descen- dants de Djoutchi et de Toulouï, le général Iltchidaï, de la tribu djélaîre, rappela qu'ils

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LIVRE II, CHAPITRE V. ^47

avaient tous promis, en élevant au trône Ogotaï, de ne pas élire un prince d'une autre branche de la famille tchinguizienne , tant qu'il resterait de la sienne un morceau de chair. « C'est vrai, lui répondit le prince a Coubilaï ; mais vous avez été les premiers tf à enfreindre les lois et à désobéir aux volon- « tés d'Ogotaï; d'abord vous avez fait mourir a Altaloun (i) sans jugement , au mépris (c des statuts de Tchinguiz-khan, qui pres- « crivent de ne point punir un individu de « sa famille, qu'il n'ait été jugé dans l'as- « semblée des princes du sang; en second « lieu , vous avez élevé au trône le prince «Couyouc, contre la volonté d'Ogotaï, qui <c avait désigné Schiramoun pour son succes- « seur. »

Ces deux griefs étaient allégués par ceux qui voulaient justifier leur résolution d'ôter le trône aux descendants d'Ogotaï. Batou, l'ennemi de ces derniers, était d'accord avec Siourcoucteni pour faire élire Mangou, l'aîné des fils de cette princesse, qui avait d'ailleurs un puissant parti dans l'armée.

(i) C'était la fille fayorite de Tcbinguiz-klian , qui avait épousé Djaver-Satchan.

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^48 HISTOIRE DES MONGOLS.

La disposition par laquelle Tchinguiz-khan avait donné la plus grande partie de ses trou- pes à son fils Toulouï, assurait à cette branche de sa famille une supériorité marquée sur les autres. Lorsque le trône était occupé, toutes les troupes obéissaient au chef su- prême; mais dans un interrègne, elles ne reconnaissaient pour chefs que les princes auxquels elles appartenaient (i). Après la mort de Toulouï, ses troupes avaient passé en héri- tage à ses quatre fils , Mangou , Coubilaï , Aric Boga et Moga; pendant la jeunesse de ces

(i) L'empereur n*avait pas le droit de disposer de la propricté des troupes qui appartenaient à des princes du sang. Après la mort de Toulouï, l'empereur Ogotaï ayant donné à son propre fils Coutan mille hommes de la tribu Sounite, et deux mille de la tribu Seldouze, qui fusaient paitîe des troupes de ce prince, leurs généraux allèrent s^en plaindre à sa [Teuve et à ses fils, disant qu'ils vou- laient en faire des représentations à Tempereur; la prin- cesse Siourcoucteni leur répondit qu*Ds avaient raison; mais que ces trois mille hommes formaient une bien pe- tite partie de l'héritage de ses enfants; qu'il ne fallait pas importuner l'empereur pour si peu de chose; « et d'ail- A leurs, ajouta-t-elle , nous appartenons nous-mêmes au A Caan ; il est notre maître à tous. » Les généraux furent réduits au silence, et Ogotaï sut bon gré à la princesse d'avoir étouffé cette réclamation. Djami ut^Tévarikh.

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LivEB n, guapithe v. ^49

princes, leur mère avait gouverné leurs ^nonir breuses tribus avec une rare prudence, sûre de Faffection des chefs qu'elle s'était attachés, honorée de Batou et de tous les princes; il lui était d'autant plus facile de placer un de ses fils sur le trône, que les prétendants de la branche d'Ogotaï, étaient trop jeunes pour jouir d'une considération personnelle; outre Schiramoun, le prince Khodja-Ogoul, fils de Couyouc, aspirait au rang suprême (i).

Le général Mangoussar fut le premier qui proposa dans l'assemblée d'élever au trône le prince Mangou, dont il vanta l'esprit et le courage, citant les glorieuses campagnes qu'il avait faites en Chine, sous son père, et en Occident, sous la conduite du prince Batou (a); mais les princes offrirent d'abord le trône à Batou , comme à Taîné de la famille de Tchin- guiz-khan. Sur son refus, ils le prièrent de désigner celui qu'ils devaient élire, s'engageant tous par écrit à suivre son avis. Déférant à leurs vœux, Batou dit, dans la séance du lendemain , que , pour gouverner un pareil empire, il fallait un prince capable et qui

(i) Tarikh Djihamkuschaï , lom. IL Djami ut^Tévarikh. (2) Mailla, tom IX, pag. 147.

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a5o HISTOIRE DES MONGOLS.

connut bien le Yassa de Tchinguiz-khan; il nomma le prince Mangou. Celui-ci s'excusa d'accepter cet honneur, et résista plusieurs jours aux prières de l'assemblée; enfin Mogaï- Ogoul, son frère, se leva et dit: « Nous avons « tous promis de nous conformer à la déci- « sion du prince Batou; si Mangou se per- a mettait de ne pas tenir sa parole, d'autres « pourraient à l'avenir se prévaloir d'un pareil <c exemple, n Batou applaudit à ce discours, et le prince élu ne fit plus de résistance. Dès qu'il eut accepté, tous les membres du cou- riltaï le saluèrent Caan de la manière accou- tumée, et Batou lui présenta la coupe.

L'assemblée, décréta qu'il serait convoqué, au printemps suivant, un second couriltaï dans l'ancien jvurt ou territoire de Tchinguiz-khan , près des sources de l'Onan et du Kéroulan (i), pour faire reconnaître Mangou par la totalité des princes et des chefs de l'armée, et que dans l'intervalle l'impératrice Ogoul-Gaïmisch continuerait à exercer la régence. Cette prin- cesse partageait son autorité avec ses fils

(i) « Onan Kcrtile, dit Rubmquis (chap. 89), est le t propre et vrai pays de Moal (Mongol) y était la cour « de Cingis.

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LIVBE 11^ CHAPITRE V. a5l

Khodja-Ogoul et Nagou; mais l'unique soin de ces trois régents était de disposer d'avance des revenus du fisc> par des assignations sur les provinces. Ogoul-Gaïmisch, adonnée aux pratiques de la sorcellerie, passait son temps enfermée avec des cames y et l'empire mongoi était livré à Tanarchié.

Cependant Khodja et Nagou désavouèrent leur représentant, qui avait consenti en leur nom à l'élection de Mangou. Ils mandèrent à Batou qu'ils ne pouvaient adhérer à la décision d'une assemblée qui s'était tenue loin de la patrie de Tchinguiz-khan , et qui avait été incomplète. Batou les exhorta à se rendre au nouveau couriltaî, leur déclarant que les princes assemblés avaient fixé leur choix, sur celui qu'ils jugeaient le plus digne de gou- verner un aussi vaste empire, et que leur décision était irrévocable. Le reste de Tannée s'étant écoulé en messages infructueux, entre les partisans de Mangou qui voulaient engager les mécontents à le reconnaître, et ses com- pétiteurs qui protestaient contre son élection, Batou fit partir ses deux frères, Barcaï et Toca-temour avec un nombreux corps de troupes, pour accompagner Mangou jusqu'aux rives du Kéroulan, et l'installer sur le trône de Tchinguiz-khan dans une assemblée géné-

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d5a HISTOIEE DES MONGOLS.

raie, qui avait été convoquée par la princesse Siourcoucteni; mais les descendants d'Ogotaï et Yissou-Mœngga , fils et successeur de Tcha- gataï, refusèrent de s'y rendre, soutenant que Télection de Mangou était illégale, et que le trône appartenait de droit à la postérité d'Ogo- taï. Des députés envoyés par Batou et Siour- coucteni, vinrent plusieurs fois les exhorter à ne pas déchirer l'empire par leur opposition. Batou leur mandait que des enfants n'étaient point capables de gouverner l'immense héri- tage de Tchinguiz-khan. Comme ces princes persistaient néanmoins dans leur refus, Barcaî, après ime année d'attente, demanda les ordres de Batou, qui lui fit dire d'installer Mangou sans plus tarder , déclarant que ceux qui trou- bleraient l'état , le paieraient de leurs têtes.

Les princes des deux branches de Djout- chi et de Toulouï, et les neveux de Tchinguiz-khan (i) étant réunis au lieu

(i) Suivant l'ancien usage des Turcs, les princes tchin- guiziens, cantonnés avec leurs troupes dans FAsic centrale, s'appelaient y les uns, princes de Vaile droite, les autres, princes de l'aile gaucfie. Par exemple, les fils de Djoudji Cassar, de Cadjioun et d'Udjuken noyan, tous trois frères de Tchinguiz-khan, et dont les territoires étaient situés 8 l'extrémité orientale de la Tartarie , appartenaient à l'aile gauche.

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LIVRE n, CHAPITRE V. a53

fixé (i) , firent une dernière démarche pour engager les chefs des branches d'Ogotaï et de Tchagataî à venir prendre part aux déUbéra- tions. Un officier envoyé à Ogoul-Gaïmisch et à ses deux fils; un autre à Yissou-Mœngga, leur annoncèrent que les princes étaient as- semblés , et n'attendaient que leur arrivée pour commencer les opérations de la diète. Schira- moun, Khodja et Nagou voyant leur oppo- sition désormais inutile , promirent de s'y ren- dre, et fixèrent le temps de leur arrivée. Ce terme étant écoulé sans qu'ils eussent paru, l'ordre fut donné aux astrologues d'indiquer le jour et l'heure de l'inauguration.

Mangou, qui était alors âgé de quarante-trois ans (a), fut installé sur le trône avec les cé- rémonies d'usage (3), et au moment les

i*'juiL

125l.

(i) Ce fut dans le canton de Couitun-Ola (montagne froide) selon VHist, des Yuans, trad. de Hyac. p. 3o6.

(a) Il était au conunencement du mois de janvier de Tannée i3o8. Dans son enfance Ogotiut Ini servit de père; il le fit élever dans son ordou, et le garda jusqu'à la mort de Toulouî, après laquelle il le fit partir pour son propre territoire {HisL des Yuans y ibid. p. 3o3).

(3) «On peut citer, dit Djouvéini, entre autres preuves t du bonheur attaché à la personne de ce monarque, « ce qui arriva à son inauguration. Depuis plusieurs jours

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a54 HISTOIRE DES >T0N60LS.

princes jetèrent leurs ceintures sur leurs épau- les et fléchirent neuf fois le genou , leur exem- ple fut suivi par dix mille guerriers, rangés autour du pavillon impérial. Mangou ordonna qu'en ce jour, les hommes quittant leurs travaux, oubliant leurs querelles, se livrassent entièrement à la joie et au plaisir, et vou- lant faire 'participer à cette fête le reste de la nature, il défendit de monter les chevaux, de charger les bêtes de somme, de tuer les animaux dont on mange la chair, de chas- ser, de pêcher, de blesser la terre, de trou- bler le calme et la pureté des eaux.

Le lendemain, Mangou donna un banquet solennel dans une tente magnifique, tapissée des plus riches étoffes. A la droite de son trône siégeaient les princes du sang, à sa

t les nuages étaient amoncelés ; la pluie tombait en tor- «rents, le disque du soleil, concert d'ombres épaisses «^ « se dérobait aux regards des astrologues > qui deyaientf « prendre hauteur pour indiquer le moment fixé. Tout à coup la ÙLce resplendissante de l'astre du jour se dé- « Toile , comme une nouvelle mariée se montre à son «époux, tourmenté d'une longue attente, et le ciel se « découvre autant qu'il Êiut pour laisser paraître le globe « lumineux, ensorte que les astrologues purent faire leur « observation. »

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LIVRE 11^ CHAPITRE V. Îl55

gauche 9 les princesses; ses frères , au nom- bre de sept, se tenaient debout devant lui; les généraux et les noyans étaient rangés en haie, Mangousar à leur tête; les employés civils , secrétaires , intendants , chambellans , avec leur chef Boulgaï Aca, occupaient la place qui leur était assignée par le cérémo- nial; autour de la tente étaient assis les officiers et les soldats couverts de leurs ar- mes. Cette fête se renouvella pendant une semaine, et chaque jour les membres de rassemblée portaient des habits d'une autre couleur. Il se consommait journellement trois cents chevaux et bœufs, cinq mille moutons, et la charge de deux mille chariots de vin et de coumiz.

Au milieu de ces réjouissances , un homme parut à Feutrée du pavillon impérial, annon- çant qu'il avait découvert un complot contre l'empereur et les autres princes assemblés. Il , raconta que, cherchant un mulet égaré, il était tombé au miUeu d'im corps de trou- pes escortant des charrettes, qu'il avait cru d'abord remplies de provisions pour le cou- riltaï. Un jeune garçon, auprès duquel il pass^, le prenant pour un de ses camarades, le pria de l'aider à raccommoder son chariot. Jjc muletier , nommé Kischk , s'aperccvant

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a56 HISTOIRE DES MONGOLS.

qu'il était rempli d'armes, demanda à ce jeune homme quelle en était la destination; il ré- pondit qu'il y en avait dans son chariot comme dans les autres. Cette circonstance frappa le muletier qui, ayant questionné adroi- tement d'autres individus, apprit que la troupe se rendait au couriltaï, avec les princes Schi- ramoun , Nagou et Goutoucou, résolus de profiter d'un moment tout le monde se- rait plongé dans l'ivresse, pour se défaire de Mangou et de ses adhérents. Le muletier, impatient d'apporter cet avis à l'empereur, avait franchi en un jour, l'espace de trois journées de marche. Son récit causa une vive sensation dans l'assemblée; toutefois il parais- sait peu vraisemblable; on le fit répéter, et Kischk l'affirmait de manière à dissiper tous les doutes sur sa véracité. Chacun des princes voulait aller lui-même examiner le fait. On résolut que Mangoussar, le premier des gé- néraux, irait, avec deux ou trois mille hom- mes, au-devant de ces princes, qui n'étaient pluis qu'à deux journées de marche du lieu de l'assemblée. Mangoussar arriva de grand matin à leur campement, et les ayant fait entourer, il s'approcha de leur tente avec cent cavaliers, leur criant qu'on avait rapporté à l'empereur, qu'ils venaient dans de mauvaises intentions;

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LIVRE II, CHAPITRE V. ^S'J

que si cet avis était faux , ils se justifieraient en se rendant sur-le-champ à son Ordou; sinon il avait ordre de les y conduire. A ces mots les princes sortirent de leurs tentes , et se vi- rent entourés de troupes; ils dirent qu'étant venus pour rendre hommage à Mangou, ils étaient prêts à continuer leur route; mais ils furent obligés de suivre Mangoussar, sans pouvoir emmener plus d'une vingtaine de leurs gens. Arrivés à l'Ordou, ils offrirent à l'empe- reur leurs présents, composés de neuf objets divers, chacun au nombre de neuf pièces. Les deux premiers jours, ils prirent part aux fê- tes, sans qu'il fût question d'éclaircir leur dessein; mais le troisième, comme ils se pré- sentaient pour entrer dans le pavillon impé- rial, il leur fut ordonné de renvoyer leurs troupes dans leurs cantonnements, et les trois princes furent arrêtés (i).

Le lendemain, Mangou, assis sur un ta- bouret, les interrogea lui-même; il commença par leur dire que, quelque invraisemblable que parût la dénonciation faite contre eux , il

(i) TariÂh Ljihankuschaî , foin. II. Djamî ut^TéPO- fikh. Rubruquîs raconte cet ëyènement de la même manière, chap 3o.

a 17

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^58 HISTOIRE DES MONGOLS.

devait s'assurer de sa fausseté ^ pour détruire jusqu'au moindre soupçon sur leur compte, et pouvoir affliger aux calomniateurs une pu- nition exemplaire. Les princes nièrent ferme- ment ce qu'on mettait à leur charge. Mangou interrogea le gouverneur de Schiramoun. La bastonnade lui fit avouer le complot; maiâ il déclara que c'était à l'insçu des princes que lui et les autres officiers l'avaient formé, et il se tua de son sabre.

Alors une commission composée de géné^ raux 9 et présidée par Mangoussar , fut chargée d'informer contre les officiers des trois princes. On leur arracha l'aveu de leur dessein* Mangou voulait leur faire grâce; ses parents, ses gé- néraux représentèrent qu'il ne fallait pas laisser échapper l'occasion de se défaire de ses enne- mis. Cédant à leurs conseils, Mangou fit char- ger de fers les officiers coupables. Il balançait encore; dans son irrésolution, il ordonna un jour aux Grands qui l'entouraient de dire chacun leur avis sur le sort que méritaient les conjurés. Lorsque tous eurent parlé, sans qu'aucun de ces discours eût fait impression sur son esprit , Mangou , apercevant Afehmoud Yelvadje qui se tenait modestement à l'extré- mité de la tente, demanda pourquoi ce grand- père ne disait rien. On lui fit signe de s'avan*-

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XIVRE II, CUAPITRK V< 2$^

cer. Yelvadje dit que, si le prince rordonnait, il citerait un trait d'histoire qui avait quel? que rapport avec le sujet présent, u Lorsque « Alexandre , continua-t-il , déjà vainqueur de a la Perse, se préparait à marcher vers l'Inde ^ « plusieurs de ses capitaines méconnurent son M autorité ; chacun d'eux voulait faire le maî- « tre. Indécis sur la conduite qu'il devait « tenir à leur égard, il fit consulter Aristote. « Ce ministre incomparable mena le député « dans son jardin, où, en se promenant, il « donna l'ordre d'arracher les arbres vigou- « reux qui avaient poussé de profondes raci- « nés, et d'y planter de jeunes et faibles re- « jetons. Le député fut congédié sans autre a réponse; mais Alexandre, auquel il rendit « compte de ce qu'il avait vu, comprenant Tin- « tention d' Aristote , punit de mort Tambition ic de ses capitaines , et les remplaça par leurs fils. » Mangou, frappé de cet exemple, se décida à faire périr les officiers arrêtés. Us fur^t mis à mort au nombre de soixante-dix. Parmi qes victimes se trouvaient deux fils du général Iltcbikadaï, qui commandait en Perse; on leur ota la vie, en leur enfonçant des pierres daï6 la bouche, et leur père, arrêté à Badghiss ^ans le Khorassan, fut conduit à Batou, qui fit mourir.

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1)6b HISTOIRE DES MONGOLS.

Mangou avait nommé , après son avènement au trône 9 ses principaux ministres et les dé*, positaires de son autorité dans les diverses parties de son vaste empire. Le noyan Man- goussar fut créé grand juge; Bolgaï^ chrétien, de la secte de Nestor, fut placé à la tête de la chancellerie, du département des finances et de celui des affaires intérieures. La chan- cellerie, divisée en plusieurs bureaux, était composée de secrétaires persans, ouïgours, chinois, tibétains, tangoutes, etc., chargés de la correspondance avec tous ces pays (i). Le prince Councour, fils de Djoutchi Cassar, fut nommé gouverneur de Caracouroum; il eut dans ses attributions Tintendance du palais et des trésors. Aldar lui fut donné pour adjoint.,. L'empereur nomma son frère Coubilaï son ' lieutenant-général dans les pays de sa dominar lion au midi du grand désert. Tchagan reçut le commandement en chef des troupes mon- goles et chinoises sur la frontière du Hoaî^ fleuve qui séparait, au sud-est, l'empire mon- gol de l'empire Soung; Dandar, celui des troupes cantonnées dans le Su-tchouan et Rhortd, dans le Tubet. Un religieux foïste,

(i) Tarikh Djihankusehaï , t. II. Djami ut^Téparikh.

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LIVRE II9 CHAPITRE V. a6k

Khaï-youan , fut chargé de gouverner les af- faires ecclésiastiques des sectateurs de Fo, en Chine, et Taoca-li-tcheng , celles de la secte Taotsée (i). Mais, ce fut le lama tibétain Namo , qu'il créa chef de la religion de Boudha dans tout l'empire, en lui donnant le titre de Ho-schi y ou di Instituteur du monarque (0).

(ï) Hist, des Yuans, ibid. , p. 307.

(a) Kang-mou, ibid., p. 3 12. Le commentateiw chinois du Kang-mou fait, au sujet de rélévation de Namo, les observations suivantes:

« L'existence d'une monarchie est fondée sur des dc- « voirs réciproques, sur ceux de père et de fils, de sou- « veraîn et de sujet , de mari et de femme , sur les de- « voirs des jeunes gens envers les vieâlards , sur ceux « des amb entre eux. Or, Namo, étranger de basse cx- « traction , dans TOccident ,. ayant quitté ses foyers , « errant pour subsister , ne pouvait accomplir le devoir « de nourrir père et mère. Il se rasait la tête, et ou- « vrait sa ttmique; preuve qu'il ignorait ce qu'un sujet < doit à son souverain. S'étant dispensé du mariage , il n'avait pas de postérité; il ne t;onnaîssaît donc pas les « devoirs d'un époux et d'un père. Il s'asseyait sur ses «( talons ; il ne rendait donc pas ce qui est à la vieil- « lesse. Il avait renoncé à la société ; il fuyait le monde;, « il ne connaissait donc pas les liens de l'amitié. Il n'avait « ainsi aucune des obligations humaines qui servent de «t base à la monarchie. Il reçut le titre de Ho-schi (c'est- ' * à-dire, d'instituteur impérial); mais que pouvait-il ea-

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a6a HISTOIRE DES MONGOLS.

Mahmoud Yelvadje (i) fut nommé admini- strateur général des possessions mongoles dans la Chine, et son fils Mass'oud, des pays situés entre llrtisch et le Djihoun. Le gouvernement de la Perse fut confirmé à Ai^oun , dont la juridiction s'étendit sur TAzerbaidjan , le Diar- békir , Moussoul , Alep et les royaumes de Géorgie , de Roum et de petite Arménie. Tous les seigneurs et les officiers civils et militaires qui étaient venus à la suite d'Argoun, obtinrent les grâces que ce gouverneur demanda pour eux.

Argoun exposa à l'empereur le triste état les finances de la Perse étaient réduites , par la quantité d'assignations que les princes du sang donnaient sur les revenus de ce pays; il peignit la ruine des peuples, consommée par le grand nombre de commissaires envoyés pour cet objet, lesquels se faisaient défrayer

« seigner; et en quoi pouvait-il servir d'exemple ? Les «'Mongols, étant des barbares, ne lui demandèrent cer- a tainement rien. Au reste , comme ils quittaient déjà leurs «, feutres , et adoptaient le chapeau et la ceinture (c'est- «.à-dire, le costume chinois), qu'ils dominaient sur la « Chine , et donnaient à leur souverain le titre d'empe- t reur, ils auraient s'abstenir d'une pareille inconve- ff.nance. Nons la faisons remarquer pour montrer l'union •v.des brutes entre elles. » ^i) .Yelpa€(/e reut dire ambassadeur, en turc.

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LIVRE II) GHAPiTRE V. !i63

par les habitants. Les taxes se multipliaient de la manière la plus arbitraire j au point que le cultivateur, en y sacrifiant même tout le produit de sa récolte, ne pouvait pas les ac- quitter. Mangou donna l'ordre que les inten- dants des diverses parties de la Perse qui avaient accompagné Argoun, consignassent, dans des mémoires séparés, les abus existants dans leurs provinces respectives, et les moyens d'y remédier. Ils obéirent; le jour suivant, ayant tous été mandés auprès de l'empereur, le résultat de leurs avis fut que, la misère des peuples provenant de l'excès des charges , il conviendrait d'introduire en Perse le mode d'imposition établi par. Mahmoud Yelvadje dans la Transoxiane; c'était une capitation proportionnée aux facultés des contribuables ^ laquelle, payée une fois par an, les libérait de toute autre taxe. Cette proposition ayant été approuvée, le maximum de l'impôt per^ sonnel en Perse fut fixé à sept dinars, et le minimum à un dinar; tandis que, dans la Chine et dans la Transoxiane y les plus pau- vres étaient taxés à une pièce d'or et les plus* riches à quinze (i). Il fut ordonné que le^

(i) Rascbid. Selon DjouTeinî, en Chine et dans

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a64 HISTOIRE DES MONGOLS.

produit de cet impôt serait appliqué aux frais d'entretien des milices, des postes aux che- vaux, des envoyés de l'empereur; et défense fiit faite de rien exiger des sujets, sous aucun autre titre. La taxe sur le bétail, appelée countchour^ fut fixée à une tête par cent de chaque espèce , et ceux qui possédaient moins de cent pièces en étaient exempts. Mangou confirma les ordonnances de Tchinguiz-khan et d'Ogotaï , qui affranchissaient de toutes contributions les prêtres et les religieux chré- tiens, mahométans et idolâtres (i), ainsi que les vieillards et les individus de toutes les nations qui ne pouvaient pas gagner leur vie.

Transoxiane, les plus imposés payaient dix pièces d*or, et les moins imposés en payaient une.

(i) L'auteur du Tarikh Djihankuschaï dît à cette occa- sion que les Chrétiens sont appelés Arcaoun par les Mon- gols , qui donnent aux moines idolâtres (boudhistes) le nom de Touilles, Rubruquis fait aussi mention des Boudhistes, sous le nom de Touiniens, dans plusieurs endroits de sa re- lation (chap. 3 1 et 43, éd. de Bergeron, i634). Touin est effectivement le nom que les Mongols donnent aux ecclé- siastiques boudhidtes. Quant à la dénomination des Chrétiens, elle est confiimée par le passage suivant de l'histoire des Orpélians, par Etienne Orpélian: « Ce prince « aimait beaucoup les Girétiens, que les Mongols appel- « lent Ark^kaïoun. » Voyex Mcm* sur VArméfde, par M* Saint-Martin, tom. II, pag. i3S»

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LIVRE 11, CHAPITRE V. a65

Les rabbins n'étaient point compris dans cette fiaveur, à la grande mortification des Israélites.

MangoU défendit d'exiger l'arriéré des con- tributions, disant qu'il avait moins à cœur de remplir son trésor que de ménager ses peuples. Comme, depuis la mort de Cou- youc, sa veuve et les princes du sang avaient accordé un grand nombre de patentes d'exemp- tion à toutes sortes d'individus censés à leur service, l'empereur ordonna de retirer tou- tes celles qui avaient été délivrées depuis la mort de Tchinguiz-khan , et défendit qu'au- cun prince de sa famille donnât des ordres dans les provinces, sans s'être entendu d'a- vance avec ses préfets. Quoiqu'ils eussent tous des apanages considérables, ces princes se croyaient en droit de partager avec le souverain le produit des pays conquis, comme d'un bien commun aux enfants de Tchin- guiz-khan , ensorte que le pouvoir du chef de ce vaste empire était restreint par les empiétements de ses nombreux parents.

L'empereur défendit à ses envoyés et mes- sagers de requérir les chevaux des particu- liers, de prendre plus de quatorze chevaux de relais à chaque station , d'exiger en voyage au-delà de ce qui était fixé pour leur en- tretien, de passer par les villes et les vil-

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a66 HISTOIRE DES MONGOLS.

lages qui n'étaient pas sur leur route. De^ puis le règne d'Ogotaï, les banquiers, mar- chands et fournisseurs de la cour se faisaient donner des chevaux de poste pour parcourir la Tartarie; Mangou trouva étrange que des gens qui voyageaient pour leur propre intérêt) se servissent d'un établissement ré- servé à l'usage des officiers publics , et fit cesser cet abus.

Un grand nombre de marchands avaient fait des fournitures à l'empereur Couyouc, et reçu en payement des assignations sur les revenus des provinces ; mais elles n'avaient point été soldées à cause de la prompte mort de ce souverain. Après lui, sa veuve, ses fils, ses neveux avaient également émis des bons sur les différentes caisses, pour des effets qui leur avaient été vendus. A l'avè- nement de Mangou, la plupart de ces mar- chands n'avaient rien touché de leurs cré- ances. Encouragés par la renommée de ce prince, confiants dans sa générosité, ils se rendirent tous à son Ordou. Les officiers du trésor n'étaient point d'avis que l'empe- reur payât les dettes de son prédécesseur, moins encore celles de ses ennemis, et disaient qu'il ne devait avoir aucun scrupule à ceb égard; mais Mangou ordonna qu'elles fussent

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LIVRE II, CHAPITRE V. 267

acquittées des deniers du fisc; elles s'éle- vaient à plus de 5oo,ooo balischs d'argent.

Mangou perdit, au mois de février laSa, sa mère Siourcoucténi , à laquelle il avait donné le titre d'impératrice. Cette princesse était chrétienne; néanmoins elle témoignait de la bienveillance aux mahométans et leur faisait de grandes largesses. Elle donna mille balischs d'or pour fonder un collège maho- métan à Bokhara, et le dota de terres con-, sidérables. Ce Medréssé, appelé Khani, était fréquenté par mille étudiants. L'empereur Ogo- taî lui montrait les plus grands égards; c'était elle qu'il consultait la première dans les af- faires importantes; c'étaient ses envoyés qu'il traitait avec le plus de distinction. Il la de- manda en mariage pour son fils Couyouc; mais elle lui fit repondre que l'éducation de ses enfants réclamant toute sa sollicitude, elle se voyait, avec peine, obligée de lui désobéir. Elle habitait avec son quatrième fils, Aric- Bouga , un district situé près des monts Altaïs. Elle fut inhumée auprès de son époux et de Tchinguiz-khan (i). Mangou avait élevé son père Toulouï au rang d'empereur, et, suivant

(i) Djami ut-Téparikh, Tarikh Djihankusrhaï y t. II.

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!l68 HISTOIRE DES MONGOLS.

l'usage de la Chine, lui avait donné un surr nom chinois dans le temple de ses ancêtres (i). L'empereur s'étant rendu, dans le mois d'août laSa , à Caracouroum , statua sur le sort des princes et des princesses qui s'étaient opposés à son élévation au trône. Irrité sur- tout contre l'impératrice Ogoul Gaïmisch , qui avait répondu au député du Caan, chargé de l'inviter à aller rendre hommage au nouveau souverain, que Mangou, ainsi que les autres princes, avait fait le serment de ne recon- naître pour empereur que l'un des descen- dants d'Ogotaï, il se fit amener cette prin- cesse, les deux mains cousues dans un sac de cuir. A son arrivée au camp impérial, elle fut conduite , avec la mère de Schiramoun^ au quartier de Stourcoucteni , le grand- juge Mangoussar l'ayant fait dépouiller de tous ses vêtements, procéda à son interroga- toire, quoique la princesse lui reprochât avec indignation de dévoiler un corps qui n'avait été vu que par un souverain. Jugées toutes deux coupables d'avoir attenté, par

(i) Kang-mou , ibid. , p. 309. H lui donna le sur- nom de Jouï-tAoung, deux motîi chinois qui signifient, selon Gaubily (p. 109) spirituel et respectable.

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LIVRE II, CHAPITRE V. ^69

ées sortilèges, à la vie de Mangou, elles forent enveloppées dans des feutres , et noyées, lueurs fils avaient déclaré que c'étaient elles qui les avaient excités à ne pas reconnaître Temperèur. Cadac et Tchincâï, les deux prin- cipaux conseillers de Gaïmisch furent mis à mort; ce dernier périt de la main de Da- nischmend Hadjib. Bouri , petit-fils de Tcha- gatai, fut livré à Batou, qui lui fit ôter la vie, pour se venger de quelques propos injurieux que Bouri avait tenus contre lui^ dans les fumées du vin.

Mangou fit grâce aux trois princes en consi- dération des liens de parenté. Khodja-Ogoul fot relégué dans un canton nommé Souligaï, à l'ouest de Caracouroum; Nagou et Schira- moun reçurent l'ordre d'aller à l'armée. Cou- bilaïy partant peu de temps après, pour aller prendre possession de son gouverne- ment en Chine, obtint de son frère la per- mission d'emmener Schiramoun, qu'il aimait; mais lorsque Mangou se rendit lui-même à la Chine 9 il fit noyer, par méfiance, ce jeune prince qui avait été destiné au trône. La plupart des fils d'Ogotaï furent relégués en divers lieux, et privés des troupes qu'ils avaient héritées de leur père. L'empereur les distribua aux princes qui lui étaient dé-

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hl'jo histoire des mongols.

voués; il ne fit d'exception qu'en faveur de Cadan, de Mélik et des fils de Coutan, qui étaient venus de bonne grâce lui rendre hommage; non-seulement il leur laissa leurs troupes 9 mais il donna à chacun d'eux un ordou d'Ogotaï, avec l'une de ses veuves.

Non content de ces actes de vengeance , Mangou voulut atteindre tous ceux qui, dans l'étendue de son empire , s'étaient dé- clarés en faveur de la branche d'Ogotaï. Ses armées formèrent une chaîne depuis les monts Caracouroum jusqu'à Otrar, et le juge Bêla fiit envoyé dans les domaines de Tchagataï, pour rechercher et punir de mort les cou- pables y tandis qu'un autre inquisiteur se rendait à l'armée en Chine. Deux corps de troupes partirent dans le même temps pour le pays des Kirguises et des Kemdjoutes (i).

(i) <t Depuis cette malheureuse époque, dit ici Raschiâ, « les Mongols sont déchirés par des guerres ciriles. Leurs m princes semblent avoir oublié ce que Tchinguia-khaa « ne cessait de recommander a ses filf > de rester toujours « unis, afin de conserver leur puissance et les vastes états n dont il avait fait la conquête. On raconte même , qu'un «jour, pour mieux leur faire sentir les avantages de n Tunion , il tira- une flèche de son carquob, et leur dit « de la briser; ils le firent sans peine. H en présenu

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LIVRE 11, GHAPITAE V. ^7!

Affermi sur le trône par la destruction de ses ennemis 9 le nouvel empereur congédia les princes , et les généraux qui avaient com- posé le couriltaï. Berça et Toca Timour reçurent de superbes présents pour eux et pour leur frère Batou. Cara-Houlagou fut investi des états de son grand-père Tchaga- taï, et chargé de mettre à mort Yissou-Moengga son oncle , que l'empereur Couyouc avait placé sur le trôné. Cara-Houlagou mourut, en allant prendre possession de sa princio^té; mais sa veuve Organa exécuta l'ordre de l'em- pereur à l'égard de Yissou-Moengga, prince qui vivait dans un état continuel d'ivresse, et abandonnait à sa femme la direction des affaires. Organa prit les rênes du gouverne- ment, qu'elle conserva dix années. Mangou n'oublia pas de récompenser le muletier Rischk; il lui accorda les privilèges de Terkhan, un rang supérieur et une somme considérable.

Le sort qu'éprouva, à cette époque, le roi des Ouïgours, montre le cas que les Mongols

deux y troitf et jusqu'à dix réunies , faisceau que l'homme « le plus rigoureux de son armée n'aurait pas pu rompre : « Foiià , leur dit -il, quelle sera votre force, tant que « vous vous soutiendrez mutuellement. »

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^7^ HISTOIRE DES MONGOLS.

faisaient des princes, leurs vassaux. Bardjouc, qui s'était soumis à Tchinguiz-khan , l'avait suivi avec ses troupes, d'abord dans la Tran- soxiane, ensuite dans le Tangoute. Pour re- connaître ses services, Tchinguiz-khan lui accorda la main de sa fille Altoun Bigui. Le mariage fut retardé par la mort du conqué- rant mongol. Ogotaï voulut accomplir l'inten- tion de son père; mais, sur ces entrefaites, la princesse vint à mourir, et Bardjouc la suivit de près. Son fils Kischmaïn s'étant rendu à la cour d'Ogotaï, obtint le titre d'/e//-cowf, affecté au rang suprême chez les Ouigours. Il mourut peu de temps après, et la régente Tourakina lui donna pour successeur son frère Salendi (i). Ce prince étant parti pour aller rendre hommage à Mangou, à l'occa- sion de son avènement au trône , fut accusé dans son pays, par un esclave idolâtre, d'avoir eu l'intention de faire égorger tous les mu- sulmans qui se trouvaient à Bisch-Balik et dans le reste de l'Ouïgourie, lorsqu'ils seraient rassemblés le vendredi dans les mosquées. Un officier de Mangou, nommé Seif-ud-din, qui était alors à Bisch-Balik, reçut cette accusa-, tion et dépêcha un messager au roi pour le

(i) Djami ut-Tévarikh ^ art. des Ouîgours.

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faire i^evenir. Salendi étant retourné sur ses pas, fut confronté avec l'esclave, qui raconta, en sa présence, les circonstances du plan dé- couvert; et comme le prince niait fermement tout ce qu'on mettait à sa charge, l'esclave demanda que cette affaire fût portée devant le tribunal de la cour. Seïf-ud-din le fit aus- sitôt partir pour la résidence impériale. Peu après, le roi reçut l'ordre de s'y rendre. In- terrogé par le redoutable Mangoussar et mis à la torture, il finit par s'avouer cou|[§ble. L'empereur le renvoya à Bisch-Balik pour y subir sa peine. Il fut décapité un vendredi, ia5a. de la main de son propre frère Okendje, en présence d'une foule immense, et à la grande satisfaction des musulmans , qui , selon toute apparence, avaient conjuré la perte de ce prince, sectateur de Boudha, dont les ri- gueurs avaient peut-être provoqué leur res- sentiment. Deux de ses principaux officiers, jugés ses complices, furent coupés par le milieu du corps. Un troisième, nommé Bêla, dut la vie, pour la seconde fois, à une heun reuSe circonstance. Il avait été arrêté précé-* demment, et condamné à mort avec les au- tres officiers de la régente Gaïmisch, dont il était le secrétaire; mais comme l'empereur, pour obtenir du ciel la guérison de sa mère, d i8

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^74 HISTOIRE DES MONGOLS.

dangereusement malade^ venait d'accorder la grâce de tous les criminels qui devaient être exécutés en ce jour, Bêla, déjà conduit au lieu du supplice et dépouillé de ses vêtements , profita de l'amnistie, et Mangou lui ayant fait grâce de la vie à cette occasion , ne voulut plus qu'il fut mis à mort; mais ses femmes, ses enfants et tous ses biens furent saisis par le fisc, et on lui donna une mission pour la Syrie et l'Egypte ; car les princes mongols , lors^'ils faisaient grâce de la vie à un cri- minel, avaient coutume, ou de l'envoyer à l'armée, afin qu'il pérît d'une manière utile, ou de l'employer comme parlementaire, lors- que cette commission était périlleuse, ou de l'expédier dans des pays dont le climat est meurtrier pour les hommes du nord. L'esclave accusateur fiit récompensé et se fit mahomé- tan. Lorsqu'il revint à Bisch-Balik, après la condamnation de Xldi-Cout^ il inspira tant de terreur aux Ouïgours pui pouvaient être com- promis, qu'ils s'empressèrent de lui faire leur cour et de lui offrir de grands présents. Après 8*étre ainsi défait de ceux parmi les Ouïgours qu'il savait être attachés à la branche d'Ogo- taï, l'empereur Mangou donna à Okendje l'in- vestiture de cette principauté (i).

(i) Tavifih Djihanhuschaï y fom. I.

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LIVRE II, CHAPITRE V. a'jS

Cependant y le prince Conbilaî, qui était parti pour la Chine, en laSi ^ s'appliquait à connaître les moyens de remédier aux maux que tant d'années de guerre avaient causés dans la partie de cet empire qui était deve* nue possession mongole. Il s'était empressé de mander auprès de lui un savant chinois , nommé Yao-schou, qui lui avait enseigné^ dans sa jeunesse, les lettres chinoises, afin de s'éclairer des conseils de ce philosophe, aussi distingué par l'élévation de son caractère que par l'étendue de ses connaissances. Yao-schou composa pour le prince un traité de morale et de politique. Il y traçait les devoirs d'un souverain, et les principes d'un bon gouver- nement. Le soin qu'on doit prendre de se perfectionner soi*méme, l'utilité de l'étude, la considération due aux sages, l'afïection envers ses parents, la crainte du ciel, la compassion pour le peuple , l'amour du bien , et la né- cessité d'éloigner les flatteurs, formaient dans cet écrit les sujets d'autant de chapitres. Yao- schou indiqua aussi dans trente articles, les abus qu'il était le plus urgent de réformer. Il conseilla à Coubilaï de se borner au com- mandement militaire et de laisser le soin de l'administration aux autorités civiles, afin de ne pas donner d'ombrage à la cour. Coubilaï ^

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276 HISTOIRE DES MONGOLS.

plein de confiance dans sa sagesse, le consul-^ tait en toute occasion.

Depuis la mort d'Ogotaï, les troupes mon- goles cantonnées sur la frontière méridionale, avaient fait plusieurs invasions dans le Su* tchouan , le Hou-kouang et le Kiang-nan ; mais inspirées uniquement par l'amour du pillage^ ces entreprises n'avaient pas reculé les limites de l'empire. Les Mongols ravageaient, dévas- taient, prenaient des villes et se retiraient avec éeur butin.

L'année même de la mort d'Ogotaï, le gé- néral Vang-schi-hièn , cet ancien gouverneur de Coung-tchang-fou qui avait passé au ser- vice des Mongols, rentra dans le Su-tchouan, à la tête d'une division de l'armée de Tagaï, et investit Tching-tou-fou , sa capitale, qui avait été déjà deux fois saccagée par les Mongols. Le gouverneur Tchin - loung - schi était résolu de se défendre jusqu'à la mort; tnais l'un de ses généraux, qui s'était donné secrètement aux Mongols, les introduisit, de nuit, dans la place. Ils prirent Tchin-loung- schi, firent périr plusieurs centaines de per- sonnes qui composaient sa maison, et le trans- portèrent, enfermé dans une cage, sous les murs de Han-tcheou, ville située à dix lieueâ au nord -est de Tching-.tou-fou; ils lui

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LIVRE II, CHA.PITRE V, 177

ordonnèrent d'engager le commandant à se soumettre ; Tchin - loung - tchi lui cria , au contraire, qu'un homme d'honneur mourait plutôt que de se rendre, et il. fut tué à l'in- stant. Han-tcheou ne put résister aux Mongols ^ qui passèrent au fil de l'épée sa garnison de trois mille hommes.

L'année suivante, ia4'2> les généraux Yké noyan et Yélïu-Tchouho firent , de Si-ngan-fou , une nouvelle invasion dans le Su-tchouan; ils allèrent assiéger Lou-tcheou, sur le bord sep- tentrional du fleuve Kin-scha; mais le géné- ral chinois Meng-kong les. força de se retirer.

En récompense de ses services signalés dans les campagnes du Su-tchouan, Vang-schi-hien reçut, en ia43, du prince Couitoun, le gou- vernement de vingt districts dans le.Schen-si, et à sa mort, laquelle suivit de près cette nomination , il fut remplacé par son fils Vang- te-tching, qui reçut l'ordre d'aller avec ses troupes à l'armée du Su-tchouan.

A l'est , le général Tchang-jéou passa , en 1 214^ > le fleuve Hoaï et prit les villes de Yang-tcheou, Tchou-tcheou, Ho-tcheou et Toung-tcheou, dans la province de Kiang-nan. Toung-tcheo» fut saccagée.

En ia45, Tchagan, gouverneur général du Ho-nan , reçut de l'impératrice régente l'ordre

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ayB HISTOIRE des hongols.

de joindre son armée , forte de trente mille hommes y à celle du général Tchang-jéou et de passer le fleuve Hoaï. Il prit Scheou-tcheou, sur la rive méridionale de ce fleuve, assiégea Sé-tcheou , Souï-tcheou et Yang-tcheou. Alors un ambassadeur Soung étant venu lui de- mander la paix, il se retira.

Un chef de dix mille, nommé Schi-tsuan fit, en ial\6j une invasion dans le Hou-kouang, et pénétra jusqu'à Houang-tcheou. A cette oct. époque mourut le général Soung Meng-koung^ l'adversaire le plus redoutable que les Mon- gols eussent trouvé en Chine , général habile , actif, valeureux, qui arrêta maintes fois les progrès de leurs armes, et les battit en plu- sieurs rencontres. Depuis lors, excepté le siège de Se-tcheou dans le Kiang-nan, entre- pris, en I247> par le général Tchang-jéou, l'histoire ne fait plus mention d'hostilités jus- qu'au règne de Mangou.

Les provinces limitrophes des deux empires étaient dévastées, les villes désertes, les champs incultes. Par le conseil d'Yao-schou, Coubilaï établit à Pian-king une commission qui fut chargée de prendre des mesures pour relever ces districts ruinés. Il fallut y employer les troupes cantonnées dans le midi du Ho-nan. On leur fournit des bœufs et des instruments

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LIVRB II, CHAPITRE V. ^79

aratoires. Le soldat cultivait la terre et à l'approche des troupes soung courait aux armes. De Teng-tcheou jusqu'à l'embouchure du fleuve jaune , furent placés à certaines distances des postes militaires.

En laSa, l'empereur donna des apanages en Chine aux princes de sa branche. Coubilaï eut le Ho-nan et la province de Coung-tchang-fou dans le Schen-si. Ce prince reçut l'ordre de ^^ût. Éaire une expédition dans le Yun-nan. Un autre prince du sang, nommé Yégou, fut *^o^- chargé de soumettre la Corée; mais l'empe- reur le destitua, au bout de trois mois, parce qu'il était allé assaillir, avec ses troupes, le camp du général Talar, auquel il en voulait, et le commandement en chef de l'armée d'Orient fut donné à Tchalatou. Cette même année, Mangou fit solemnellement un sacrifice au ciel, sur la cime d'une montagne, après s'être fait instruire, par des docteurs chinois, des céré* monies consacrées pour cet acte religieux.

Mangou fit publier, en janvier ia53, une amnistie générale. Il fut arrêté, dans un Couriltaï convoqué près de la source de l'O- nan, qu'une armée serait envoyée en Perse. L'empereur fit choix, pour la commander, de son second frère Houlagou , qui partit cette même année. Ce prince attaqua d'abord les

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a8o HISTOIRE DES MONGOLS.

Ismaïliyens, qu'il anéantit; il détruisit ensuite la monarchie des Khaliphes Abbassides, en- vahit la Syrie, et fon^a en Perse une dynastie qui dura près d'un siècle. L'histoire de ce prince et de ses successeurs suivra celle des empereurs mongols de la Chine.

L'empereur fit partir une légion de mille hommes, sous les ordres dunoyan Sali(i), pour renforcer le corps d'observation sur la fron- tière de rinde. Sali devait en prendre le com- mandement, et obéir à Houlagou, Tchinguiz- khan avait ordonné à ses quatre fils de fournir chacun un régiment de mille hommes pour former ce corps qui resterait cantonné dans les districts de Schébourgan, Talécan, Ali- Abad, Gaounk, Bamian et Ghaznin. Ces trou- pes firent des invasions dans la partie sep- tentrionale de l'Inde (2). A l'époque de la mort d'Ogotaï, en décembre ia4i> les^ Mongols al- lèrent mettre le siège devant Lahaur. Cara- cousch, gouverneur de cette ville pour le

(i) Sali était de la tribu des Tatares Toutoucalioutes. Lors du massacre général des Tatares, par Fordre de Tchinguiz-khan , il dut la vie à l'intercession de Yessou- loun et Ycssougat , femmes de ce conquérant , lesquelles étaient aussi Tatares. (Raschid).

(a) Vassaf, toin, I.

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LIVRE II, CHiLPITRE V. a8t

sultan de Delhi, voyant la désunion parmi les siens, s'évada et se rendit à la capitale. Lahaur fut prise et saccagée. Cette agression, des Mongols fut suivie d'une révolution à Delhi.

Le sultan Moïzz-ud-din Bahramschah, fils d'Iletmisch , après avoir exigé de ses généraux un nouveau serinent de fidélité, avait fait marcher des troupes contre les Mongols. Avec elles partit son vézir Nizam-ul-Mulk; mais ce ministre méditait la perte du sultan. Il lui manda, lorsque l'armée fut au bord de la rivière Biah, que ses généraux avaient l'inten- tion de le trahir, et le pressa de se rendre au camp pour les prévenir , à moins qu'il ne consentit à lui donner , à lui et au général en chef Coutb-ud-din Hassan Gouri, l'autorisatioii de se défaire des conjurés comme ils le pour- raient. Le sultan, plein de confiance en son ministre, lui répondit que les coupables ne tarderaient pas à être punis de mort, et qu'il devait en attendant, user de dissimulation. Nizam-ul-Mulk n'eut rien de plus pressé que de montrer cet ordre aux généraux, qui con- vinrent avec lui de déposer le sultan. Ils marchèrent sur Delhi, prirent cette ville, après trois mois et demi de siège, en mai 124^2, tuèrent le sultan Bahramschah, qui

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%8a HISTOIRE DBS MONGOLS.

avait r^;né un peu plus de deux ans, et mirent sur le trône Alaî-ud-din Mass'oud Schahy petit-fil» dlletmisch.

Sous le règne de ce prince , les Mongols firent du pays de Candahar une invasion dans le Sind, et mirent le siège devant la ville d'Oudja; mais ils se retirèrent précipitamment, sur la nouvelle que Mass'oud, qui marchait contre eux de Delhi, était arrivé près de la rivière Biah (i).

Cette même année 12 53, Mangou chargea un de ses officiers, nommé Berké, d'aller faire le dénombrement des habitants de la Russie.

(i) Histoire de VInde, par Firischté, ms. pers. de la Bibl. de Paris.

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LIVHB 11^ CHAPITRE VI. nH^

CHAPITRE VI.

Mission du cordelier Guillaume de Rubruquis. -— Son voyage en Tartane. Camp de Sartac. Cour de Batou. Audience de Rubruquis. Son voyage à la cour de Mangou. Audience. Harangue de Rubru- quis. — Réponse de Mangou. Ville et palais de Ca- couroum. Réponse de l'empereur a la lettre de St.-Lonis. Retour de Rubruquis. Arrivée de Het- houm, roi de la petite Arménie. - Avantages qu'il obtient.

A la fin de Tannée ia53, on vit arriver à la cour de Mangou deux religieux européens avec des lettres du roi de France. Pendant son séjour en Palestine , Louis IX ayant oui dire à des chrétiens nestoriens arrivés de la Tartarie, que Sartac , fils aîné de Batou, était chrétien j jugea que des missionnaires pour- raient , sous la protection de ce prince , pro- pager la vraie foi parmi les Tartares , et donna à un cordelier, nommé Rubruquis, des lettres de recommandation pour Sartac, il de- mandait qu'il fut permis à ce religieux de demeurer en Tartarie pour y prêcher le chris- tianisme. Guillaume partit de Palestine dans

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a84 HISTOIRE DES MONGOLS.

Tannée ia53, accompagné d'un autre frère nommé Barthélemi de Crémone et d'un clerc. Étant allé s'embarquer à Constantinople, il aborda à Soudac en Crimée, d'où il atteignit, en trois journées, le premier cantonnement des Tartares, « et quand je les eus vus et a considérés, dit Rubruquis, il me sembla « que j'entrais en im nouveau monde. » De là, il se rendit au campement de Sartac, qu'il trouva à trois journées en deçà du Volga. « Dans ce voyage qui dura deux mois , depuis a Soudac, nous ne couchâmes, dit Rubru- cc quis dans aucune maison , ni tente , mais a toujours à l'air ou sous nos chariots, et « dans toute cette route, nous ne trouvâmes a aucun village, ni vestige de bâtiments « il y en eut eu, sinon des sépultures de Co- te mans en grand nombre. r> Rubruquis fut présenté à ce prince par un de ses officiel^ qui était chrétien nestorien. Le religieux était revêtu de ses riches ornements; il tenait dans ses mains une belle Bible qu'il avait reçue du roi et un psautier de grand prix, orné d'images coloriées, dont la reine lui avait fait présent; son compagnon portait le missel et la croix; le clerc était muni d'un encensoir. Ils furent avertis, suivant l'usage, de prendre bien garde à ne pas toucher le

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LIVRE U, CHAPITRE VI. a85

seuil de la porte, et on leur conseilla d'en- tonner quelque cantique de bénédiction pour le prince. Ils entrèrent en chantant le Sal\fe Regina. Après que Sartac et ses femmes eurent satisfait leur curiosité en examinant les vête- ments et les livres des religieux, Bubruquis présenta au prince les lettres de saint Louis avec deux traductions, l'une en arabe, l'autre en syriaque. Sartac ayant pris connaissance de leur contenu, lui fit dire le lendemain ^ que puisqu'il voulait demeurer dans le pays^ il fallait qu'il en obtint la permission de son père Batou, et qu'il serait conduit à la cour de ce prince. Guillaume observa que Sartac .avait auprès de lui des prêtres nestoriens qui officiaient, mais que d'ailleurs il n'était pas chrétien : // me semble bien plutôt y dit-il, quil se moque des chrétiens et les méprise (i). Les missionnaires furent donc obligés de se rendre à la cour de Batou , sur le bord du Volga. Rubruquis fut surpris de voir le camp de ce prince embrasser autant d'espace qu'une grande

(i) A Les quatre jours que nous demeurâmes en la cour « de Sartach , dit Rubruquis , nous n'eûmes aucune provi- « sion de manger ni de boire ^ sinon un seule fois, qu'on « nous donna un peu de coumiz. » (lait aigre de jument).

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a86 HISTOiRE DES MONGOLS.

ville y et ses environs, à une distance de trois ou quatre lieues, couverts d'une multitude de tnonde. Au centre était l'habitation du prince , dont l'entrée regardait le midi; et de c^ côté il n'était pas permis de placer des huttes ; elles étaient toutes rangées à droite et à gau- che de la maison royale, dans la direction de l'est à l'ouest; celles des femmes à gauche, d'après l'ordre de leur rang, à un jet de pierre l'une de l'autre, et Batou avait seize femmes. On voyait autour de la maison de chacune d'elles un grand nombre de huttes pour les femmes et les filles qui la ser* vaient, ainsi que des maisonnettes pour ser- rer les effets ; elles étaient couvertes de feu-, très enduits de suif ou de lait de brebis, qui devaient les préserver de la pluie. Tou- tes ces maisons et huttes étaient fixées sur des trains garnis de roues; on y attelait des boeufs et des chameaux lorsqu'il s'agissait de changer de lieu; transport que facilitait fégaUté du sol dans ce pays de plaines im- menses.

Rubruquis fut conduit à la cour de Batou, qui avait fait dresser une grande tente, parce que sa maison ne pouvait pas contenir toute sa cour assemblée, « On nous avertissait tou- « jours , dit Rubruquis , de nous garder bien de

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LIVRE II, CHAPITRE VI. ^87

(X toucher les cordes qui tenaient cette tente atta- A chée, parce qu'ils l'estiment comme le seuil de <x la maison. Nous demeurâmes nuds pieds ^ « en notre habit, la tête découverte, et en spec- « tacle, à la vue de tous. Frère Jean du Plan « Carpin y avait déjà été avant nous ; mais a il avait changé d'habit, pour n'être pas en « mépris, d'autant qu'il était envoyé par le « Saint-Père. Après nous fumes introduits jus- ce qu'au milieu de cette tente, sans exiger de « nous que nous fissions aucune révérence, tt en fléchissant le genou, comme les ambas- « sadeurs envoyés vers eux ont coutume de i( faire. Nous demeurâmes ainsi en sa présence « environ la longueur d'un Miserere, et tous « gardaient un grand silence. Baatu était assis « sur un haut siège ou trône, de la grandeur « d'un lit et tout doré, auquel on montait « trois degrés; près de lui il y avait une de a ses femmes; les autres hommes étaient assis « à droite et à gauche de cette dame. Comme « les femmes n'étaient pas assez pour remplir « un des côtés (car il n'y avait que celles 9L de Baatu) , les hommes rempUssaient le reste « de la place. A l'entrée de la tente était un « banc, sur lequel il y avait du coumiz et de « grandes tasses d'or et d'argent, enrichies de « pierres précieuses. Baatu nous regardait fort

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a88 HISTOIRE DES MONGOLS.

« et nous le <;onsidérions aussi avec attention, a Son visage était un peu rougeâtre. Enfin il <c me fit commandement de parler; alors nôtre a conducteur nous avertit de fléchir les ge- a noux, et de lui parler ainsi. Je pliai donc « un genou à terre, comme devant un homme; a mais il me fit signe que je les pliasse tous « deux; ce que je fis, n'osant leur désobéir « en cela; sur quoi m'imaginant que je priais « Dieu, puisque je fléchissais ainsi les deux « genoux, je commençai ma harangue par « ces paroles : Mon seigneur, nous prions tu Dieu, de qui tous biens procèdent et qui <c vous a donné tous ces avantages temporels, « qu'après cela il lui plaise vous donner « aussi les célestes, d'autant que les uns sont a inutiles et vains sans les autres. Vous devez « savoir, mon seigneur, que vous n'aurez « jamais ces dernières , si vous n'êtes chré- « tien; car Dieu a dit lui-même: Qui croira et « sera baptisé sera saiwé; mais qui ne croira ft sera condamné, A ces mots, dit Rubruquis, « le prince sourit modestement et tous les « Mongols commencèrent à frapper des mains « et à se moquer de nous. Après , silence s'é- « tant fait, je lui dis que j'étais venu vers « son fils, parce que nous avions ouï dire qu'il était chrétien, et que je lui avais porté

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LIVRE n, CHAPITEB VI. 1:189

« des lettres de la part du roi de France , mon a souverain seigneur, qui m'avait envoyé vers <( lui, dont il devait savoir le motif. Ayant ce oui cela, il me fit lever, s'enquit du nom « de votre majesté (la relation de Rubruquis <c est adressée à saint Louis), de ceux de mes « compagnons et de moi, et mon interprète a les lui fit mettre par écrit. Il me dit encore « qu'il avait entendu que V. M. était sortie « de son pays avec une armée pour faire la « guerre. Je lui répondis qu'il était vrai ; mais « que c'était pour la faire aux Sarasins, qui ce occupaient la sainte cité de Jérusalem , et ce profanaient la maison de Dieu. Il me de- <c manda aussi si jamais vous lui aviés envoyé « des ambassadeurs, et lui dis que non. Alors ce il nous fit seoir et donner de leur lait à « boire, ce qu'ils réputent à grande faveur, a quand il Êiit boire du coumiz en sa maison ce avec lui. Comme je regardais fixement en « terre, il ne commanda de lever les yeux. <( Après cela nous sortîmes. ^

A l'issue de cette audience, Rubruquis fut informé que le prince Batou n'osait pas lui permettre de demeurer dans le pays ; qu'il fal- lait l'autorisation de l'empereur Mangou, et que Rubruquis devait se rendre à sa cour pour la solliciter. Après avoir suivi, avec 2 19

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«^90 HISTOIRE DES MONGOLS.

leurs chariots, la cour de Batoa, pendant six semaines, le long du Volga, les deux religieux partirent à cheval le 1 5 de septembre avec le fils d'un chef de mille que Batou avait chargé de les conduire, et ils passèrent en route plus de trois mois, a U est impossible de dire, « écrit Rubruquis, combien, en tout ce che- « min, nous endurâmes de faim, de soif, de tt froid et de lassitude. » Ils traversèrent les ▼astes plaines qui, avant la conquête des Mongols, formaient le territoire des CancaUs, puis le Turkustan ou Gara Khitaï, le pays des Ouïgours, celui des Naïmans, et arrive* rent le 27 de décembre à la cour du grand khan, qui était alors à quelques journées au midi de Caracouroum. Dans ce voyage, les vivres, les chevaux et les chariots leur étaient fournis gratuitement en tous lieux, par voie de réquisition, suivant la règle établie; car les personnes expédiées par les princes du sang étaient, de même que les envoyés de l'empereur, défrayées sur leur route, aux dé- pens des sujets. Partout on rendait des hon- neurs à Tafficier de Batou; on sortait des villes à sa rencontre, avec des mets et des bois- sons, et des gens venaient chanter devant lui en battant des mains.

Les deux religieux furent aussitôt interrogés

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LIVRE ri, CHAPITRE VI. 2^1

sur le motif de leur voyage, et malgré tout ce qu'ils purent dire, les officiers de l'empe- reur restèrent persuadés qu'ils étaient envoyés pour demander la paix et offrir la soumission de leur maître. Rubruquis leur répétait qu'il n'était pas ambassadeur du roi de France, mais un missionnaire muni de lettres de re- commandation de ce souverain pour le prince Sartac, qu'il avait cru chrétien; car Louis IX, sachant alors que l'envoi d'une ambassade était regardée par les Tartares comme un acte de soumission, avait recommandé au frère Guil- laume de ne pas laisser croire qu'il fût son ambassadeur (i). Les missionnaires furent ad- mis, le 4 janvier 1254^ à l'audience du grand khan. <c Le feutre qui était devant la porte « du palais étant levé, nous y entrâmes, dit « Rubruquis , et comme nous étions encore au « temps de Noël, nous commençâmes à en ton- ci ner l'hymne  solis ortus cardiney etc. Lors-

(i) « Us ftont si fiers et si orgaeilleux, ly ortie Robmqins^ qu'Us croyent que tout le monde doit désirer leur bonne n grâce. Us s'enquéraient de nous s'il y avait dans no* « tre pays force bœufs , moutons et chevaux , comme s'ils « eussent été tout prêts d'y venir et emmener tout. » La même question lui avait été faite plusieurs fois par les gens de Sartac et de Bâton. (Chap. 32).

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^9^ HISTOIRE DES MONGOLS.

« que nous eûmes achevé> ils se mirent à nous « fouiller partout , pour voir si nous ne por- te tions point de couteaux cachés et contrai- « gnirent notre intrepréte même de laisser sa « ceinture et son couteau au portier. A Ten- « trée de ce lieu il y avait un banc, et des- a sus du coumiz; auprès de ils firent met- te tre notre interprète tout debout , et nous (c firent asseoir sur un banc vis-à-vis des da- te mes. Ce lieu était tout tapissé de toiles d'or ; au milieu il y avait un réchaud plein de a feu y fait d'épines et de racines d'absinthe , « qui croît en abondance ; ce feu était allumé te avec de la fiente de bœuf. Le grand khan tt était assis sur un petit Ht, vêtu d'ime riche tt robe fourrée et fort lustrée, comme la peau tt d'un veau marin. C'était un homme de « moyenne stature, d'un nez un peu plat et et rabattu, âgé d'environ 45 ans. Sa femme, ti qui était jeune et assez belle, était assise tt auprès de lui , avec une de ses filles , nom- « mée Cyrina, prête à marier et assez laide; if plusieurs petits enfants se reposaient sur un t( autre lit proche de là. Le khan nous fit tt demander ce que nous voulions boire, du tt vin, ou de la terasiney qui est un breuvage a fait de riz, ou du cara cowïdz^ qui est du in lait de vache tout pur ou du bail y qui est

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LIVRE If, GUAPITUE Vî. 2C)3

a fait de miel; car ils usent l'hiver de ces « quatre sortes de boissons. A cela je répon- « dis que nous n'étions pas gens qui se plùs- « sent beaucoup à boire; que toutefois nous « nous contenterions de tout ce qu'il plairait « à Sa Grandeur de nous faire donner. Alors « il commanda de nous donner de cette té- e rasine, faite de ris, qui était aussi claire cr et douce que du vin blanc, dont je goûtai a un peu pour lui obéir; mais notre inter- a prête, à notre grand déplaisir, s'était accosté a du sommelier, qui l'avait tant fait boire, <(. qu'il ne savait ce qu'il fesait et disait Après « cela, le khan se fit apporter plusieurs sortes <x d'oiseaux de proie , qu'il mit sur le poing, a les considérant fort assez longtemps. Puis, « il nous commanda de parler. Il avait pour a son interprête un nestorien ; nous avions <K aussi le nôtre, comme j'ai dit, fort mal « accomodé du virt. Nous étant donc mis à « genoux, » je lui dis : Que nous rendions grâces à Dieu de ce quHl lui avait plu nous amener de si loin pour venir voir et saluer le grand Mangu-khan , à qui il avait donné une grande puissance sur la terre , mais que nous suppliions aussi la même bonté de, notre Seigneur Jésus Christ, par qui nous viiwns et mourions tous , qu'il lui plût donner à Sa Majesté heu-

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a94 HISTOIRE DE5 MONGOLS.

reuse et longue vie (car c'est tout ce qu'ils dé- sirent, qu'on prie pour eux, afin de leur ob- tenir une longue vie). Rajoutai à cela que nous avions ouï dire en notre pays que Sar» tach était chrétien, dont tous les chrétiens avaient été jort réjouis , et spécialement le roi de France y qui sur cela nous avait envojé vers luiy avec des lettres de paix et d'amitié , pour lui rendre témoignage quelles gens nous étions y à ce qu'il voulut nous permettre de nous arrêter en son pajs; d'autant que nous étions obligés f par les statuts de notre ordre ^ d'enseigner aux hommes comment il faut vivre selon la loi de Dieu. Que Sartach sur cela nous avait envoyés vers son père BaatUy et Baatu y vers sa majesté impériale y à laquelle puisque Dieu avait donné un grand royaume sur la terre , nous le suppliions aussi bien hum' blementy qu'il plût à Sa Grandeur de nous per^ mettre la demeure sur les terres de sa domina- tion y afin d'y faire faire les commandements et le service de Dieu y et prier pour lui y pour ses femmes et ses enfants. Que nous n'avions ni or y ni argent , ni pierres précieuses , mais seulement notre service et nos prières y que nous ferions continuellement à notre Dieu pour lui ; mais qu'au moins nous le suppliions de nous pouvoir arrêter tant que la rigueur du

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LIVJEIE II, GHAPITa£ VI. ^9$

jroid fut passée; (VauîaM même que tnon compagnon était si las y et si harassé du long chemin que nous avions fait, quil lui était du tout impossible de se remettre sitôt en vojrage y sans courir danger de vie; de sorte que sur cela il ni! aidait contraint de lui de-- mander licetwe de demeurer encore pour quelques jours; car nous nous doutions bien quil nous faudrait bientôt retourner vers Baxitu y si de sii grâce et bonté spéciale il ne nous permettait de demeurer là. A cela le khan nous répondit : « Que tout ainsi que « le soleil épand ses rayons de toutes parts , a ainsi sa puissaiœe et celle de Batou s'éten^ « daient en tous liewjc; que pour notre or et « notre argent il nen (wait que faire. Jusque « là, j'entendis aucunement notre interprète; 4C mais du reste je ne pus rien comprendre « autre chose, sinon qu'il était bîefi ivre, et, « selon mon opinion, que Mangou même était « un peu chargé. Après cela il nous fit « asseoir, et au bout d'un instant, nous sorti- « mes avec ses secrétaires. Comme nous « étions sur le point de retourner à notre « logis, vint l'interprète qui nous dit que « Mangou avait pitié de nous, et nous donnait « deux mois de temps pour demeurer là, « tandis que le froid se passerait; et il nous

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^96 HISTOIRE DES BIONGOLS.

c< mandait aussi que près de il y avait une «ville, nommée Caracouroum, où, si nous « voulions nous transporter, il nous y fera « fournir tout ce qui nous serait de besoin; ce mais que si nous aimions mieux demeurer « nous étions, il nous ferait aussi bailler « toutes choses nécessaires , et néanmoins que « ce serait très^grande peine et misère de sui- « vre la cour partout. »

Pendant son séjour à la cour impériale, Rubruquis observa que Mangou et les per- sonnes de sa famille assistaient paiement aux cérémonies religieuses des chrétiens, des ma- hométans et des boudhistes; qu'ils ne con- naissaient du christianisme que quelques pra- tiques extérieures, telles que l'encens, la béné- diction de la coupe, l'adoration de la croix; et, qu'indépendamment de cames ou magi- ciens, ils entretenaient des prêtres de ces trois cultes , pour être plus sûrs d'obtenir les biens qu ils souhaitaient et d'éviter les maux qui les menaçaient, ne soupçonnant pas que les pra- tiques religieuses pussent avoir un autre but(i).

(i) Rubruquis rapporte que les prêtres nestoriens c[ui se trouvaLent auprès de Mangou, étaient fort ignorants, su- )>erstitieux et adonnés au vin. Dans les festins à la cour^ les prêtres cliréticns, revêtus de leurs Dinements, en-

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LIVRE II, CHàPltAE VI. ÎI97

Les sectateurs de ces trois religions s'effor- çaient de faire des prosélytes parmi les Mon-

traient d'abord, priaient pour l'empereur, et bénissaient sa coupe. Lorsqu'ils s'étaient retirés, on introduisait les ministres du culte mahométan, et après eux les prêtres païens qui officiaient à leur tour.

« Le jour de l'octave de l'Epiphanie, dit Rubruquis, la principale femme de Mangou, nommée Gontouctaî^ vint à la chapelle des Nestoriens, avec plusieurs dames, son fils aîné Baltou et ses enfants en bas âge. Tous se pros- ternèrent la tàce contre terre, touchèrent les images de la main droite, qu'ils portèrent à leurs lèvres, et donnè- rent la main à tous ceux qui étaient présents, selon l'usage des Nestoriens. Mangou visita aussi cette chapelle, et s'assit avec son épouse sur un sopha doré placé devant l'autel, n fit chanter Rubruquis et son compagnon, qui entonnèrent le Feni, sancte spiràus. L'empereur ne tarda pas à se retirer; mais sa femme demeura dans la cha- pelle, et fit des présents à tous les chrétiens. On apporta du tarassoun , du vin et du coumiz. L'impératrice prit une coupe, se mit à genoux, demanda la bénédiction, et, tandb qu'elle buvait, les prêtres chantaient. Ceux-ci burent à leur tour, et s'enivrèrent; ce fut ainsi qu'ils passèrent la journée. Vers le soir, l'impératrice étant ivre comme les autres s'en retourna chez elle dans son chariot, accompagnée des prêtres qui ne cessaient de chanter, ou plutôt de hurler. »

n Le samedi, veille de la Septuagésime, qui est le temps « de la Pàque des Arméniens, continue Rubruqub, nous « allâmes avec les prêtres nestoriens et un moine armé-

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agS HISTOIRE DES MOHGOIiS.

gob ; il leur importait surtout de gagner Tein- pereur; mais Mangou, fidèle à la maxime de

nieny en procession au palais de Mangoii. Comme noi» entrions , sortit un serviteur portant des os d'épaule de mouton brûlés au feu et noirs comme charbon , dont je fus fort étonné, et leur ayant demandé depuis ce que cela voulait dire, ils m'apprirent que jamais en ce pays-là rien ne s'entreprend sans avoir premièrement bien consulté ces os. Quand le KJian veut faire quelque chose, il se £Edt apporter trois de ces os, qui n'ont pas encore été mis au feu, et les tenant entre les mains, il pense à l'affaire qu'il veut consulter , si elle se pourra &ire ou non ; puis il baille ces os pour les brûler , et il y a deux petits lieux proche le palais ou le Khan couche , on les brûle soigneusement, et étant bien passés par le feu et noircis, on les rapporte devant lui, qui les regarde fort curieusement, pour voir s'ils saat demeurés entiers, et que l'ardeur du feu ne les ait pas rompus ou éelatés; et en ce cas, ils jugent que l'affaire ira bien; mais si ces os se trouvent rompus de travers, et que de petits éclats en tombent, cela veut dire qu'il ne fiiut pas entreprendre la chose (Voyez la note I à la fin du volume). Arrivés en la présence de Mangou, les prêtres nestoriens lui apportèrent l'encens, qu'il mît lui-même dans le vase , et ils l'encensèreiit. Us bénirent aussi sa coupe; nous fûmes tous obligés de faire de même; ensuite on fit boire tous les prêtres. « Après cela, nous allâmes au logis de Bakou. Sitût qu'il nous aperçut, il sauta de son siège et se jeta a terre, la touchant du front, en révérence de la croix,

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LIVRE U9 CHAPITRE Tl. ^99

Tchii^uiz-khan, ne montrait de préférence pour aucun culte ^ et les traitait tous avec égalité. Il dit un jour au frère Guillaume, pour l'exhorter à la tolérance, que tous le» hommes qui se trouvaient à sa cour, ado- rant le même Dieu, être unique et éternd, devaient être libres de l'honorer chacun à sa manière. Les bienfaits qu'il répandait sur les hommes des diverses sectes j faisaient croire à chacune qu'elle était préférée. Selon

« qu'il mit poser , après s'élre relevé , sur une pièce de « tissu de soie neuf, et la plaça devant loi en un lieu éleré. «Son précepteur^ nommé David, prêtre nestorien, <pft « était un vrai ivrogne, Tavait instruit à cela. Ensuite il « nous fit asseoir , et après avoir bu une coupe qui avait « été bénie par les prêtres , il les fit boire aussi.

De , nous allâmes successivement à la cour de la « seconde, de la troisième et de la quatrième femme de « l'empereur. Tontes se jetaient à terre , aussitôt qu'elles « apercevaient la croix, l'adoraient et la fidsaient poser « ensuite dans un lieu élevé sur un tapis de soie ; c'est « tout ce que les prêtres leur avaient appris du chris- « tianisme. Elles suivaient du reste en tout les pratiques « des devins et des idolâtres. » (Chap. 36 à 3<)).

« La veille de Pâques, dit-il plus loin, c'est-à-dire le a 19 avril 1254 9 plus de soixante personnes furent bap- n tisées en très-bel ordre à Caracouroum , dont il y eut « grande réjouissance entre tous les chrétiens* » (Chap. 4^)*

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300 HISTOIRE DES MONGOLS.

Thistorien Alaï-ud-din , c'étaient les musul- mans dont Mangou faisait le plus de cas; poiu* citer un exemple de sa bienveillance à leur égard, il rapporte le trait suivant. I-.e jour de Beyram de l'année 65o (laSa), les musulmans qui se trouvaient dans la résidence de Mangou, s'assemblèrent devant l'Oixlou impérial pour célébrer cette fête par un office solemnel. Après le namaz, auquel avait pré- sidé le grand juge Djémal-ud-din Mahmoud, de Khodjend, ce prélat entra dans l'Ordou et pria pour l'empereur. Mangou lui fit ré- péter plusieurs fois sa prière, et donna aux musulmans, à l'occasion de leur fête, plu- sieurs chariots remplis de riches étoffes et de monnaies d'or et d'argent; il voulut même signaler ce jour par un acte de clémence; des courriers furent expédiés dans les pro- vinces avec l'ordre de relâcher tous ceux qui languissaient dans les prisons (i). Deux histo- riens chrétiens, Haython et Etienne Orpéiian, témoignent, au contraire, que Mangou mon- trait de la prédilection pour les chrétiens, et les sectateurs de Boudha croyaient, sans doute y que l'empereur préférait leur religion.

(i) Tarikh Djihankuschaï, tom. II.

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LIVRE II, CHAPITRE VI. 3oi

L*histoire de la Chine nous fait voir qu'en effet le Boudhisme devenait déjà la religion de l'État.

Le frère Guillaume observa que le chef des prêtres ou devins mongols était logé devant le pavillon de l'empereur, à la distance d'un jet de pierre, et qu'il avait sous sa garde les chariots qui portaient les idoles. Ces de- vins se mêlaient d'astrologie, et savaient pré- dire les éclipses. A l'apparition d'un sembla- ble phénomène, ils se mettaient à battre du tambour et des cymbales, en poussant de grands cris. Ils indiquaient les jours heu* reux et malheureux pour toute sorte d'affai- res; on n'entreprenait rien sans leur avis. C'étaient eux qui purifiaient par le feu tous les objets destinés pour la cour, ainsi que les présents offerts à l'empereur, dont ils avaient le droit de prélever pour leur compte une certaine part. On les appelait à la nais- sance des enfants, pour tirer leur horoscope; on avait recours à leurs sortilèges pour la guérison des malades. Voulaient -ils perdre quelqu'un , ils n'avaient qu'à l'accuser d'avoir attiré par ses maléfices les maux dont on éprouvait les atteintes. Lorsqu'ils étaient in- terrogés, ils évoquaient les démons au son du tambourin, s'agitant avec fureur; puis

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3oa HISTOIRE DES MONGOLS.

tombant en extase , ils feignaient de recevoir de leurs esprits familiers une réponse qu'ils proclamaient comme un oracle (i).

(i) Relation de Rubniquis, chap. 45. Ce missionnaire rapporte quelques traits de la malignité de ces devins et de la superstition des Mongols, que lui ayait racontés à Caracouroum une dame de Metz , nommée Paquette , prise en Hongrie et attachée pendant quelque temps au service de l'une des épouses de Mangou, qui était chrétienne. Cette princesse mongole avait reçu en présent de super- bes fourrures. Les devins les ayant purifiées par le feu, suivant l'usage, en retinrent une partie; mais la femme qui soignait la garde-robe de la princesse, jugeant qu'ils avaient pris plus qu'il ne leur revenait, en avertit sa maîtresse, qui fit aux devins de vifs reproches. Peu de jours après, cette dame étant tombée dangereusement ma- lade, les devins consultés sur son état, déclarèrent qu'elle «rait été ensorcelée par la femme qui avait dénoncé leur larcin. L'intendante fut saisie, et on la tortura pendant sept jours pour lui arracher l'aveu de son prétendu crime. Sur ces entrefaites, l'impératrice mourut. Alors l'accusée supplia qu'on lui 6tât la vie, voulant suivre sa maîtresse y è qui elle protestait n'avoir jamais causé aucim mal ; mais Tempereur n'y voulut pas consentir ; il la fil remettre en Kberté.

Les devins choisirent une autre victime : ils accusèrent de la mort de la princesse la nourrice de sa fille ; c'était la femme de l'un des principaux prêtres nestoriens. Mise à la toiture, elle confessa qu'elle avait bien employé quelque charme pour gagner les bonnes grâces de sa

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LIVRE n^ CHAPITRE VI. 3o3

Vers Pâques, Rubniquis suivit le grand khan à Caracouroum, ville qui hii parut infé- rieure à celle de Saint-Denis en France , dont

■uikresse, roaîs protesta qu'elle n*ayait jamais rien £sdt qui put liii noire; néanmoins elle fut condamnée à mort et exécutée.

A quelque temps de là, une des femmes de Mangou étant accouchée d'un fils , les devins appelés pour tirer son horoscope prédirent qu'il jouirait d'une longue vie, qu'il deviendrait un grand monarque , et qu'il aurait le règne le plus prospère. Cet enfant étant mort au bout de quel- ques jours y la mère désespérée fit venir les devins, et les accabla de reproches. Ils se justifièrent en disant que la nourrice , mise à mort peu de temps auparavant , avait tué l'enfant par ses maléfices, qu'ils l'avaient vu emporter par cette magicienne. L'épouse de Mangou, devenue fu- rieuse à ces paroles, voulut du moins exercer sa ven- geance sur les en£uits de la nourrice. Cette infortunée avait laissé un fils et une fille; l'impératrice ordonna que l'un fût tué par un homme , et l'autre par une femme. Mangou, ayant appris ces exécutions, en fut outré de colère; il reprocha sévèrement à l'impératrice d'avoir fait mourir de son chef ces deux individus, et la fit enfer- mer dans un cachot pendant sept jours , au bout des- quels elle fut éloignée de la cour pendant un mois. En même temps , l'empereur fit trancher la tête à celui qui avait tué le jeune honune , et ordonna que cette tête fût attachée au cou de la femme qui avait tué la jeune fille ; elle fut ensuite battue avec des tisons ardents , et mise à mort. (Chap. 47)*

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3o4 HISTOIRB DBS MONGOLS.

le monastèi'e, ajoute-t41, est dix fois plus considérable que tout le palais même de Mangou. Il y avait deux grandes rues, Tune dite des mahométans , se tenaient les marchés et la foire , et Ton voyait beaucoup de marchands étrangers, attirés à Caracouroum par le séjour de la cour et l'abord d'une foule d'envoyés qui y venaient de toutes parts; l'autre, appe- lée rue des Chinois, était habitée par des ar- tisans. Cette ville renfermait plusieurs édifices destinés aux chancelleries , douze temples païens de divers rits, deux mosquées et une église. Elle était ceinte d'un rempart' de terre, et avait quatre portes qui correspondaient aux points cardinaux. Près de ces portes étaient divers marchés ; on vendait à l'orient , le millet et d'autres sortes de grains , dont il n'y avait pas abondance; à l'occident, les brebis et les chèvres; au nord, les chevaux; au midi, les bœufs et les chariots.

I^e palais impérial, situé près du rempart et entouré d'un mur de briques, s'étendait dans la dii'ection du nord au midi; sa face méri- dionale était percée de trois portes. On y voyait une grande salle, dont la construction ressem- blait à celle d'une église ; c'était une nef bor- dée de deux rangs de colonnes. Dans les jours solemnels, l'empereur se plaçait au fond de

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LIVRE II, CHAPITRE VI. 3o5

cette salle sur un trône élevé; auprès de lui, sur un siège un peu plus bas, était assise la première de ses femmes. Ses fils et les autres princes du sang étaient placés à sa droite, les princesses, à sa gauche. Vis-à-vis du trône s'éle- vait un grand arbre d'argent, au pied duquel reposaient quatre lions de même métal; de leurs gueules jaillissaient, dans quatre bassins d'argent, du vin, du coumiz, de l'hydromel et du tarassoun. Au sommet de l'arbre, un ange d'argent sonnait de la trompette lorsque les sommeliers devaient emplir les réservoirs extérieurs qui communiquaient avec- les fon- taines. Cette pièce venait d'être exécutée par un orfèvre parisien, nommé Guillaume Bou- cher, qui avait été £ait prisonnier par un des frères de Mangou dans la ville de Belgrade en Hongrie; on lui avait fourni pour ce travail trois mille marcs d'argent (i).

Après un séjour de cinq mois à la cour impériale, Rubruquis se prépara à partir. Il ne parait pas que ce missionnaire eut beau-

(i) Rubruquis ajoute que, dans la même ville de Bel- grade, avait été pris un ëvéque natif de Belleville, près de Rouen, dont il vit le neveu à Caracouroum, il y avait d'ailleurs un grand nombre de chrétiens hongrois, alains , russes , géorgiens et arméniens*

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!V>6 HISTOIRK DES MONGOLS.

coup insisté poar obtenir la permission de res» ter plus long-temps en Tartarie. Mangou vou- lait le faire accompagner de ses ambassadeurs; mais Guillaume déclara qu'il ne pouvait pas* répondre de leurs personnes , à travers de pays il n*y avait aucune sûreté pour les voya- geurs. Il fut alors chargé des lettres du Caan en réponse à celles du roi de France. Rubni- quis demanda si , après avoir remis ces lettres, il pourrait revenir pour soigner les âmes des chrétiens qui se trouvaient dans cette partie de la Tartarie. Mangou ne lui fit aucune ré- ponse à -ce sujet, et après lui avoir conseillé de se bien pourvoir de tout ce qui était né- cessaire pour le long voyage qu'il allait entre- prendre, il le fit boire et le congédia, (i)

La lettre de Mangou à Louis IX, écrite en langue mongole et en caractères ouigours, commençait par la sommation ordinaire de Tchinguiz-khan. « Tel est le commandement «c du Dieu étemel; il n*y a qu'un Dieu au ciel, « et qu'un souverain sur la terre , Tchinguiz- « khan, fils de Dieu. Faites savoir partout

(i) £t je pris congé de lui, dit naïTement Rubruqnis, pensant bien que si Dieu m'eût fait la grâce de tels mi-* racles que Moue avait fait jadis , peut-'étre Veussé-je converti.

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LIVRE ri, CHAPITRE VT. So^

« oreilles peuvent entendre et chevaux peu* « vent aller, que ceux auxquels mes ordres ce seront parvenus, et qui n'y obéiront pas, ou « qui s'armeront pour y résister, auront des « yeux et ne verront pas, auront des mains « et ne pourront s'en servir, auront des pieds « et seront perclus. Tels sont les comman* a déments du Dieu étemel et du Dieu de la « terre, le souverain des Mongols.

«c Ce commandement est adressé par Mangou- « Caan à Louis, roi de France, à tous les « seigneurs et prêtres et à tout le peuple du « royaume de France, afin qu'ils puissent en- « tendre mes paroles et les commandements <c du Dieu éternel à Tchinguiz-khan , qui ne « sont pas encore parvenus jusqu'à vous.

c( Un homme, nommé David, vous a été et trouver comme ambassadeur des Mongols; <r c'était un imposteur. Vous avez envoyé « avec lui vos ambassadeurs à Couyouc khan, « après la mort duquel ils sont arrivés à la « cour, et sa veuve Gaïmisch vous envoya et par eux une pièce de soie avec des lettres; a mais comment cette femme, plus vile qu'une a chienne (i), aurait-elle pu savoir quelque

(i) <t Et le Caan me dit hû-méniey observe ki Rn»

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3o8 HISTOIRE DES MOHGOLS.

« chose des affaires de la paix ou de la guer- re re, et de ce qui concerne le bien de cet « empire?

. « Ces deux moines sont venus de votre part « vers Sartac, qui les a envoyés à Batou, et « Batou les a envoyés ici, parce que Man- « gou Caan est le chef suprême des Mon- te gols. Nous eussions voulu vous envoyer « nos ambassadeurs avec vos prêtres; mais ils « nous ont fait entendre qu'entre ce pays et if le votre, il y a plusieurs nations ennemies a et des chemins dangereux; ce qui leur fai- « sait craindre que nos ambassadeurs ne pus- ce sent aller sûrement jusqu'à vous; mais ils « s'offrirent de porter nos lettres, contenant <x nos commandements au roi Louis. Ainsi a donc, nous vous adressons, par vos pré- ce très, les commandements du Dieu étemel. « Quand vous les aurez entendus, vous nous « enverrez vos ambassadeurs pour nous an- « noncer si vous voulez avoir paix ou guerre a avec nous. Si vous méprisez les comman- cc déments de Dieu, dans la pensée que vo- ie tre pays est bien éloigné, que vous êtes

m bntquis, que cette malheureuse feinnie avait par ses « sortilèges détruit tout son lignage. »

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LIVRE îl, GUAPITRE Vï. SoQ

« protégé pas de hautes montagnes, par des « mers vastes et profondes, celai qui peut « faciliter les choses difficiles, et. approcher « ce qui est éloigné, sait bien ce que nous a pourrons faire (i). »

Bubruquis partit au mois de juin i a 54, avec les lettres de Mangou, se dirigeant, par Fon- dre de l'empereur, vers la cour de Batou. Dans cette route, qu'il parcourut en soixante- dix jours, il ne vit qu'un seul village, il ne put pas même trouver du pain; quel- quefois il n'avait, pendant deux ou trois jours, d'autre nourriture que du Coumiz. Mangou avait écrit à son cousin d'ajouter et de re- trancher ce qu'il voudrait dans ses lettres au roi de France. Après avoir suivi quelques semaines la cour nomade de Batou, Bubru- quis prit la route du Caucase, pour retour- ner à son couvent de Saint Jean d'Acre, d'où il adressa la relation de son voyage à Louis IX, qui était parti pour la France (a).

(i) « Voilà à-pea-près, dit Rubmquis, la substance de « ces lettres. » Leur traduction, telle qu'il la rapporte, se ressent de Tignorance des interprètes. Nous en avons omis quelques passages peu intelligibles.

(a) Relation du Voyage en Tartarie de Frère Guillaume de Rubmquis y édition de P. Bergeron ; Paris , 16S4,

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3lO HISTOIRE DES MONGOLS.

Mangou reçut, à la même époque, la visite et Fhommage de Hethoum I, roi de la Pe- tite Arménie, souveraineté peu étendue, dont Sis était la capitale; elle comprenait alors la Cilicie et la Comagène, avec plusieurs villes de la Cappadoce et de Flsaurie. Peu après la mort de Kakig II, dernier roi d'Arménie de la race des Piigratides, un parent de ce prince, nommé Roupen, s'empara en 1080, de quelques districts montagneux de la Ci- licie, où beaucoup d'Arméniens, fuyant Top- pression des Turcs Seldjoukides , maîtres de leur patrie, étaient venus s'établir depuis près d'un siècle. Les successeurs de Roupen agran- dirent leur territoire aux dépens de l'empire grec, et le défendirent avec vaillance contre les Turcs Seldjoukides de l'Asie-mineure. Un intérêt commun les avait liés avec les croisés, dont ils reçurent des secours et auxquels ils rendirent des services. Léon, le neuvième successeur de Roupen, qui avait agrandi ses domaines par des conquêtes sur les Grecs et sur les Turcs, obtint, en 1197, le titre de

îii-8®. Ce missionnaire s'appelait proprement Guillaume de Ruysbroek , et comme on sait qu'il était Brabançon , on doit le supposer natif du village de Ruysbroek, situé À une lieue au midi de Bruxdles.

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LIVRE II, CHAPITRE VI. 3ll

Hoi, qu'il avait fait demander, par ses am* bassadeurs, au pape Célestin III et à rem- j>ereur Henri VI. Lorsque le général mongol Baïdjou eut défait le sultan de Roum Key- Khosrou et envahi une partie de son pays, le roi Hethoum, troisième successeur de Léon, voyant les Mongols s'approcher de la Cilicie, jugea qu'il n'avait de meilleur parti à pren- dre que celui de rechercher leur amitié. Il envoya, en 1^449 sa soumission à Baïdjou, et le roi d'Arménie augmenta le nombre des vassaux de l'empereur mongol ; c'était sous le règne d'Ogotaï. On a vu qu'à l'avènement au trône de Couyouc , le roi Hethoum lui envoya, pour le féliciter, son frère Sempad, général en chef de ses troupes. Diverses cir- constances l'avaient empêché, jusqu'en ta 54, de quitter ses États, pour offrir en personne son hommage à Mangou. Il alla d'abord, par la route de Derbend, saluer Batou et Sartac; puis il se rendit à la cour impériale, il reçut un accueil distingué (i). Au bout de cinquante jours, Hethoum quita cette rési-

(i) Relation du Voy'<ige de Hethoum à la cour du grand khan, par Thistorien arménien Earakos Kaîdzaketsi, pu- bliée avec des notes par M. KJaproth, dans le tome XI du Noui\ Journ, asiat., pag. 273 et suiv.

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3ia HISTOIRE DES MONGOLS.

deuce, muni de lettres patentes par lesquelles il était investi de son royaume, et emportant une ordonnance qui, non-seulement diminuait le tribut imposé à la Petite- Arménie, mais aussi garantissait à son clergé la franchise de toutes impositions (i).

(i) History of Anncnia by Fathcr Michael Chamisch, transi, fr. the original armenian by Joh. ÀTdall, Calcutta 1B27, p. 284. Uaiton, HUt, orientale y chap. a3. Selon cet auteur, la première prière que le roi Haiton, son parent, adressa à l'empereur mongol, était qu'il voulût se con\ertir à la foi chrétienne, et travailler à la con- version de toute sa nation. « Cette demande et six autres « ayant été soiunises à Mangou, ce pi*ince, dit Haiton, fit «I assembler son conseil , et le roi d'Arménie étant présent , « il lui répondit en ces termes : Parce que le roi d'Ax- « ménie est venu de fort loin dans noU*e empire sans y « élrc obligé, il est raisonnable de lui accorder ses de- « mandes, surtout en ce qui est juste. Nous vous décla- « rons donc, ô roi d'Arménie, que nous avons vos de- « mandes pour agréables, et que nous les ferons effectuer <t avec l'aide de Dieu. Premièrement , moi empereur et « seigneur des Tartares, je me ferai baptiser; je tiendrai « la foi des chrétiens, et ferai en soite que mes sujets en t% lassent autant, quoique je ne prétende y forcer personne. »— Ce récit n'est guère vraisemblable. Haiton îgoute qu'en effet, l'empereur reçut le saint baptême des mains d'un ( erlain évequc , qui élait chancelier du roi d'Arménie ; que tous ceux de sa maison furent aus4 bapti;>és, el plu*

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LIVRE Ily CHAPITRE VI. 3l3

sieurs autres de l'un et de l'autre sexe, entre lesquels il y en avait des principaux de l'empire. H est possible que Mangou ait été baptisé; car il suivait indifTéremment les pratiques des divers cultes protégés à sa cour ; mais il ne professait aucune religion positive; et les Mongols regar- daient sans doute le baptême comme une simple purifica- tion. Quant à l'exemption des charges publiques en fa- veur du clergé et des biens de l'église, que l'historien Haiton dit avoir été obtenue par le roi d'Arménie , on a vu que , d'après les règlements de Tchinguiz-khan , confirmés par Ogotaî , les ministres de tous les cultes jouissaient de ce privilège. Selon Haiton, il fut promis au roi Uethoum que les places du royaiune d'Arménie , conquises par les Musulmane et reprises par les Mongols, lui seraient restituées; que les généraux mongols dans l'Occident recevraient l'ordre de fournir du secours au roi d'Arménie, lorsqu'il en ferait la demande; que les Mongols attaqueraient le Khaliphe, et qu'ils se join^ draient aux chrétiens pour délivrer la Terre-Sainte du joug mahométan; promesses que le prince Houlagou ne tarda pas à réaliser.

Uethoum ou Haiton , parent des rois d'Arménie, et prince de Gorhigos, petit territoire situé au sud-ouest de Tarse, sur le bord de la Méditerrannée , remit , en i3o5, sa principauté au roi Hethoum II , se fit religieux de l'ordre des Prémoutrés , passa en Chypre , puis à Rome , et vint en France , il composa à Poitiers une histoire d'Orient, qui contient beaucoup de détails sur l'histoire des Mon- gols et des rois de la petite Arménie. (Saint-Martin, Description de la G'Ucie , dans ses Mémoires sur l'Anne- pie, toni. I, pag. 2o3).

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3l4 HISTOIRE DES MONGOLS.

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CHAPITRE Vn.

Conquêtes de Coubila! dans le Yim-nan. Conquêtes dn général Ouriangcadaî. Soumission du Toung-king. Soumission de la Corée. Disgrâce momentannée de Coubilaî. Projet de guerre contre l'empire Soung. Marche de Mangou. Campagne dans le Su-tchouan. Siège de Ho-tcheou. Mort de Mangou. * Retraite de son armée. Mort de Batou. Sartac .

Coubilaî avait reçu, en i a 5a, Tordre de faire une invasion dans le Yun-nan, contrée qui comprenait alors plusieurs petits royaumes, la plupart indépendants de Tempire Soung. A la fin de cette même année, le général Vang-té-tchen fit quelques progrès dans le Su-tchouan. Après avoir pillé Tching-tou-fou^ il alla prendre Kia-ting-fou , à trente lieues plus au midi, frayant ainsi le chemin à Cou- bilaî. Ce prince se mit en marche vers le mois d'octobre de l'année ia53, de Lin-tao-fou dans le Schen-si, il avait assemblé son

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LIVRE U^ CHàPITRE Vil. 3l5

armée. Soiis lui commandait Ouriangcadaî , fils de Souboutaï (i), celui des généraux qui avait le plus contribué à Félévation au trône de Mangou. Il était chargé par l'empereur de diriger cette expédition. Coubilaî traversa le Su-tchouan et après une marche pénible à travers des montagnes qui semblaient inacces- sibles à une armée, il atteignit la rive du Kin-scha. Ayant passé ce fleuve sur des ra- deaux, il reçut les soumissions du roi des Moussou-man. Celui des Pé-man ne fit pas non plus de résistance; mais son neveu voulut défendre la capitale. Coubilaî la prit et fit mourir le prince; les habitants furent épar- gnés. Ta-li, capitale du pays de Nan-tchao, passa en son pouvoir sans efiiision de sang Yao-schou avait raconté à Coubilaî , que Tsao- bin , chargé par un empereur soung de pren- dre la ville de Nan-than réussit dans cette en- treprise, sans tuer un seul homme, et sans même que le trafic dans les boutiques eut

(i) Après aroir assisté à la diète qui fut couToquée à la mort d*Ogotal, Souboutaï était retourné à son cantonne- ment sur le bord du Don. Il y mourut à Tàge de soixante- treize ans. (Voyez la Biogr. de Souboutaï, dans les Noiiv. Mél. asiat,, par M. Ab. Rémusat, tom. Il, pag. 97}. Sotibout veut dire perfe, en mongol.

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3l6 HISTOIRE DES MOlfGOLS.

été interrompu. Le lendemain j Coubilaï ^ mon- tant à cheval , cria à son instituteur qu'il allait

? ^ * imiter ce qu'il lui avait entendu citer. Arrivé janT. ^

SOUS les murs de Ta-li, il fit déployer des étendards de soie qui portaient ^ en gros carac* tères, la défense de tuer, sous peine de mort. En effet, Ta-li ouvrit ses portes, et cette conquête ne coûta la vie qu'aux deux com- mandants de la ville, qui avaient fait tuer trois officiers envoyés par les Mongols pour la sommer de se rendre, Coubilaï n'alla pas plus loin; il quitta l'armée pour se rendre auprès de l'empereur, en Mongolie, laissant Ouriang^ cadaî à la tête de ses troupes, pour achever la soumission de ces contrées méridionales.

Après avoir réduit à l'obéissance le royaume de Ta-li , Ouriangcadai attaqua les Tou-po ou Tubétains. Il soumit, à la suite de plusieurs combats, cette nation guerrière qui se compo- sait de plus de trois cent mille familles. Des troupes tubétaines renforcèrent son armée et lui servirent même d'avant-garde dans les ex- péditions qu'il entreprit pour réduire d'autres tribus de ces contrées. Ouriangcadaï se rendit , vers la fin de l'année ia54 , ^ la cour de l'em- pereur, en Mongolie, et lui rendit compte de ses opérations militaires. Renvoyé, l'an- née suivante, dans le Yun-nan, il y entra du

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LIVHB If, CHAPITRE VII. 3l'J

côté du Tubet, et soumit les Pé-man, les Ow- man, les Koué-man et d'autres peuples. Lies royaumes de Lo-los, d'Ava, et d'Alou, inti- midés ou vaincus par ses armes, reconnurent Tautorité de l'empereur mongol (i).

(i) Mailla , pag.* a57 à a6a. Le Tiin-nan était divisé en plusieurs principautés, et habité par des peuples que les Chinois appelaient Barbares. Pé-man veut dire, en chinob, Barbares blancs, Ou-man , Barbares noirs. Dans le Yun-nan était l'ancien royaume de Nan-tchao, dont la capitale s'appelait Ta-li. Les Ou-man furent désignés par les Mongols sous le nom de Cara^djang, qui veut dire, dans leur langue, peuple noir; on voit que c'est la traduction du nom chinois. Sous le règne de Coubilaî, une grande partie ou peut-être la totalité du Yun-nan forma le gouvernement de Cara^âjanh , dont le chef- lieu était la ville de Ya-tchi, aujourd'hui Thsu-hioung- fou, selon M. Klaproth (iVbtt»'. Journ, asiat.y tom. XI, pag. 459). Marco-Polo fait mention du pays de Caraiam, qui contenait sept royaumes, et obéissait à Coubilaî. Raschid le nomme aussi, en parlant de l'expédition de ce prince, sous le règne de Mangon. Il rapporte que Coubilaî, avant d'attaquer le Nanguiass (la Chine méri- dionale), voulut conquérir le pays de Cara-djank, « pays « dit-il , appelé en chinob Taï-liou , c'est-à-dire grand «royaume, en indien, Candar, et en persan Candahar ; ft il confine au Tubet, au Tangoute, à la Chine, à une « partie de l'Indoustan, et au pays des Dents d'or. Cou- a bilaî mit ce royaume à feu et à sang , et se rendit

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3l8 HISTOIRE DES MOITGOLS.

 la fin de i^S'jj Ouriangcadaï se présenta sur la frontière du Gan-nan ou Toung-king et fit sommer le roi Tchen-tchi-kung , qui était vassal de l'empereur soung, de se reconnaître tributaire du khan mongol. Ouriangcadaï, ne voyant pas revenir ses parlementaires, entra dans le Gan-nan et pénétra , sans éprouver de résistance, jusqu'au fleuve Tha*, qui traverse

« maître de la personne de son souverain , nommé Ma/ta « Raàj'a ou grand roi, qu'il emmena, lorsque peu après « il qnita l'armée. »

Rascbid, indiquant plus loin les douze gouyemements qui divisaient l'empire de Coubilaî , nomme celui de Cara- djank, jadis royaume indépendant, dont le chef-lieu était YatchL

Voici ce que le même historien rapporte, à l'artide des Ourianguites mongol.

« Chiriangcadaî , issu de cette tribu , était un grand « général sous le règne de Mangou-caan. Lorsque ce sou- « Tcrain envoya son frère Coubilaî dans le pays de Cara- « djank , avec dix toumans de troupes , il en donna le n commandement à Ouriangcadaï , et voulut que Coubilaî « fut soumis à son autorité. Ce pays était éloigné de près « d'une année de chemin de la résidence de Mangou. Son « climat très-mal sain, causa des maladies dans l'armée. « D'ailleurs le Caranljank était défendu par un grand « nombre de guerriers valeureux; il fellait se battre cha- « que jour; ces deux causes de destruction eurent bientôt « réduit l'armée à deux toumans. »

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LIVRE II, CHAPITRE VU. Sig

ce royaume. L'armée toung-kinoise était ran- gée en bataille, sur la rive opposée, avec un grand nombre d'éléphants. Les Mongols for- maient trois divisions, qui passèrent Tune après l'autre, et mirent l'ennemi en déroute. Le roi se jeta dans une barque , descendit le fleuve jusqu'à la mer et se réfugia dans une île. Une partie de son armée se sauva de la même manière. Ouriangcadaï avait ordonné au général Tchéchétou, qui commandait la première division , de ne pas attaquer l'ennemi avant que les deux autres eussent passé le fleuve et de tâcher, en attendant, de s'emparer de sa flotille. Irrité de la désobéissance de ce général, il lui en fit de vives réprimandes, et le menaça de lui faire appliquer les lois mi- litaires. Tchéchétou s'empoisonna.

Ouriangcadaï parut devant Kiao-tchi, la ca- dcc pitale du Toung-king , et prit possession de cette ville, qui lui ouvrit ses portes. Ses parlementai- res, jettes dans une prison, avaient été si for- tement garottés avec des cordes de bambou, qu'elles étaient entrées dans leurs chairs , et que l'un d'eux mourut de ses souffrances, au mo- ment où on le délivrait. Ouriangcadaï vengea ce traitement par le sac de la ville, et après avoir donné à ses troupes neuf jours de repos, il reprit la route du Nord, pour se soustraire à

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ia58 mars.

3aO HISTOIRE PES MONGOLS.

des chaleurs insupportables (i). Peu après ^ le roi Tchen-tchi-kung se soumit; mais il abdi- qua le trône en faveur de son fils aîné Tchen- kouang-ping , qui envoya à la cour de M angou son gendre avec plusieurs seigneurs et de ri- ches présents. Ouriangcadaï les accompagna. L'empereur mongol marchait alors contre Fempire Soung (a).

Mangou avait convoqué une diète, au prin- temps de Tannée ïiiS6^ dans un lieu nommé Orbolguétou. Il traita magnifiquement, pen- dant deux mois, les princes et les seigneurs assemblés, leur fit de riches présents, et fixa ce que chacun d'eux recevrait dorénavant, pour son entretien , soit en grains , soit en argent (3).

(i) Mailla, ibid. , pag. 264 et suiv.

{i)'Hist, des Yuans, ib. p. 337. Mémoire historique sur le Ton-hin, par Gaiibil , dans le tom. XII de Mailla, pag. a6. Le Toung-king (Tonquîn) avait été appelé par les Chi- nob du nom de Kiao^tchiy c'est-ànlire h orteils croisés , et ils lui donnaient, à ceUe. époque, celui de Ngan-nan (An-nam) ou midi pacifique. Ce pays et la Cochinchine furent long-temps réunis. Le nom de Toung-king, qui signifie en chinois résidence orientale, lui aura, sans doute, été donné de Tune de ses capitales.

(3) V Histoire des Yuans rapporte qu'en ia53, le prince Batou envoya un de ses officiers, nommé Tobdja, de- mander à Mangou dix mille lingoU d'or (selon M. Hyacin-

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LIVRE II, CHAPITRE VII. 3lt

Cette même année,' Mangou reçut la sou- mission de la Corée, qui, depuis 1247, avait cessé de payer son tribut. Le succès des ar- mes mongoles dans ce pays força le roi d'aller lui-même rendre hommage à son suzerain.

L'empereur avait conçu de la méfiance en- vers son frère Coubilaï, qui, se faisant aimer des Chinois par son humanité et sa jus- tice, lui était représenté comme visant au pouvoir suprême; il le rappela, en laSy, et chargea Alemdar, le substitut du gouver- neur de Caracouroum, d'aller prendre l'ad- ministration des provinces de Ho-nan et de Schen-si. Alemdar établit à Coung-tchang-fou une commission chargée de vérifier les comptes des revenus du fisc. Elle fit comparaître les intendants de Coubilaï et leur appliqua la peine de mort, deux seuls exceptés, sur les- quels Alemdar demanda les ordres de l'empe- reur. Coubilaï, le cœur navré, hésistait sur

the, la valeur de iio mille roubles d'argent), dont il avait besoin pour acheter une perle. Le khan n'en donna que mille, et dit : « Si Ton dissipait ainsi les trésors ac-> « quis par Tchinguiz-khan et Ogotaï, avec quoi rëcomn « penserions nous les princes ? C'est ce que Bâton doit <c considérer. Cet argent est destiné aux gratifications de « cette année et de la prochaine. » (Trad. de Hyac. , p. 379). a ai

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3^2 HISTOIRE DES MONGOLS.

le parti qu'il devait prendre. Le sage Yao- schou lui dit, qu'étant le premier sujet de l'empereur, il devait donner l'exemple de la soumission; il lui conseilla de retourner en Mongolie, avec sa famille et sa maison, comme le meilleur moyen de dissiper les soupçons de son frère, et d'écarter les dangers qui pour- raient à l'avenir menacer ses jours. Docile à son avis, le prince se rendit à la cour de Mangou. Les deux frères, en se revoyant, ne purent retenir leurs larmes. Mangou ne de- manda aucune explication. Il supprima la com- mission de Coung-tchang-fou , rappela Alemdar , et il ne fut plus question de cette affaire (i). sept. Une diète avait été convoquée à Cabour Cabouktchour , au centre de la Mongolie. Dans une des séances de ce Couriltaï, Daougaî Gourgan, de la tribu Ikirasse, gendre de Tchinguiz-khan , témoigna son étonnement de ce qu'on laissait en paix la Cbine méridionale, qui n'était pas encore soumise. Mangou se déclara pour la guerre et annonça qu'il marche- rait en personne. « Mes pères, dit-il, ont fait « de grandes choses; ils ont acquis par leurs ce conquêtes une belle renommée; je veux

(i) Mailla, ibid, ^ pag. a63. Gaubil, pag. ii6. Kang-mou, ib. , pag. 333.

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LIVRE If, CHAPITRE VU. 3a3

a suivre leur exemple. » « Pourquoi s'écriè- cc rent les princes du sang, un souverain qui «r règne sur le monde entier , et qui a sept a frères, irait-il lui-même combattre ses enne- ce mis? » Mangou n'imita pas Ogotaî en pa-* reille circonstance; il persista dans sa résolu-* tion (i). Depuis long-temps la cour des Soung avait fourni aux Mongols un prétexte de lui faire la guerre. En 1241 ^ la régente Tourakina lui avait envoyé un oÉBcier, nommé YouU* massa, pour négocier la paix. Cet ambassadeur fut arrêté à son arrivée sur le territoire soung , et enfermé avec les soixante-dix personnes de sa suite, dans une forteresse du Hou-kouang, il mourut peu après. Ses gens restèrent détenus jusqu'en ï^Bl^. A cette époque, les Mongols étaient allés assiéger la ville de Ho- tcheou, devant laquelle ils furent battus par le gouverneur Vang-kian; le gouvernement chinois voulant leur donner un gage de son désir de conserver la paix, mit en liberté les gens de la suite de Youlimassa {2).

Dans l'été de cette année, Mangou alla

(i) Dj'ami ut^Tévarikh.

(a) Mailla, ihid,y pag. 237 et 260* Kang^mou, ibid. » pag. 290 et 3^5.

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3a4 HISTOIRE DES MONGOLS.

visiter l'Ordoii de Tchinguiz-khan , et fit un sacrifice aux drapeaux et aux tymbales qui y étaient déposés. Une diète fut convoquée près du Kélouran. L'empereur nomma Kitat, fils de son gendre Renzin, gouverneur (Da- rouga) de la Russie, et lui fit présent de trois cents chevaux et de cinq cents moutons (i).

Mangou partit pour la Chine, en octobre 1257, laissant le gouvernement de Caracou- roum à son frère Aric-Bouga, auquel il donna pour lieutenant le général Alemdar. Avant d'entreprendre cette expédition, il était allé juilJ. rendre des honneurs aux mânes de son grand père dans le temple qui lui était consacré, et il avait offert au ciel un sacrifice solem- nel (2). Il reçut à Gataï-yoroun, au midi du grand désert, l'hommage de Coubilaï et de plusieurs autres princes du sang, qui après avoir été conviés à un grand festin , retour- nèrent à leurs postes. Le premier jour de fëvr ^^^^^^^ mongole fut célébré dans le canton Arban-tokhaï; l'empereur y reçut les félicita- mars, tions d'usage. Il fit passer à son armée le fleuve mai. jaune sur la glace, entra dans le Schen-si, et posa son camp près du mont Liou-pan, de-

(i) Hist, fies Yuans, pag. 33 1. (2) Gaubil , pag. 1 1 5.

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LIVRE II, CflAPITRE VU. 3'^5

venu célèbre par la mort de son grand-père. Il y donna audience aux gouverneurs des dé- partements et des districts du Schen-si. Un officier, expédié de Perse par Houlagou, lui apporta en ce lieu, un rapport qui lui an- nonçait les conquêtes faites par ce prince en Occident. A cette occasion, Mangou donna à son frère le gouvernement des contrées sou- mises au-delà du Djihoun. Après avoir passé dans le repos les trois mois des fortes cha- leurs, laissant ses gros bagages à Liou-pan, il août, continua sa marche, à la tête d'une armée de quarante mille hommes, qu'on disait à dessein forte de cent mille. Elle s'avançait en trois divisions sur le Su-tchouan. Celle se trouvait l'empereur, prit la route de San- kouan, par Lou-tcheou; la seconde, sous les ordres de son frère Mouké, passa par Sian- tcheou, pour se rendre à Mi-tsang-kouan ; la troisième, commandée par Bourtchak, chef de dix mille, se dirigea, par Yuï-kouan, sur Mian-tcheou. Deux autres armées étaient desr tinées à entrer dans le Hou-kouang et dans le Kiang-nan , afin de diviser les forces des Soimg ; l'une, sous le général Tchang-jeou, mais dont le prince Coubilaï devait prendre le comman- dement en chef, avait l'ordrç d'assiéger Ouo- tcheou (Voii-tchang-fou), tandis que Togat-

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3^6 HISTOIRE DES 3IONGOLS.

char, fils du prince Utchuguen, attaquerait King-schan , dans le Kiang-nan. Ouriangcadaï reçut Tordre de partir du Toung-king et de joindre Coubilaî devant Vou-tchang-fou. Tel était le plan militaire qui avait été conçu pour attaquer la monarchie Soung.

Le général Néoulé qui , à la tête d'une forte avant-garde , avait précédé l'empereur dans le Su-tchouan, s'était porté sur Tching-tou-fou , le général mongol Adacou se trouvait as- siégé, et après avoir battu le général chinois Liou-tcheng, il avait dégagé cette ville; mais il ne se fut pas plutôt éloigné qu'elle fut prise par Pou-ko-tchi, gouverneur général du Su- tchouan , et Adacou y périt. Néoulé ,. déses- péré de n'avoir pu la secourir plus prompte- ment se retrancha entre l'armée soung et cette ville, qui se rendit faute de vivres;, l'armée soung se retira et Néoulé reçut les soumis- sions de plusieurs villes du département de Tching-tou-fou. Le grade de général en chef fiit la récompense de sa campagne, oct. Cependant l'empereur était arrivé par la route de Pao-ki , à Han-tchoung-fou , et comme il voulait se rendre maître de la forteresse Rhou-tchou-yaï, située aune vingtaine de lieues au nord-ouest de Pao-ning-fou , dans la partie la plus élevée des monts Sia-kiang, Néoulé se

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LIVRE II, CHAPITRE VU. 3^7

dirigea sur cette place, après avoir laissé une bonne garnison dans Tching-tou-fou. Il char- gea le général soung Tchang-schi , qu'il venait de faire prisonnier, d'aller engager à la sou- mission le commandant de Rhou-tcliou-yaï. Cette tentative n'eut aucun succès. Tchang- schi resta volontairement dans la place qu'il devait sommer, et l'empereur se vit obligé d'aller la réduire. Il traversa le fleuve Kia- nov. ling, puis la rivière Pé-schoui, sur un pont de bateaux que le général Vang-te-tcheng, qui commandait dans ces provinces conquises, avait reçu l'ordre de construire, et alla mettre le siège devant Khou-tchou-yaï. Au bout de dix jours une porte de cette place lui fut li- vrée par un officier de la garnison, nommé Tchao-tchoung. Les Mongols y pénétrèrent secrètement; on se battit dans les rues; le commandant Yang-li fut tué, et ses troupes prirent la faite. L'empereur défendit à ses soldats de violer le domicile de Tchao-tchoung. Il récompensa la trahison de cet officier par le don d'un habit complet, et le commande- ment d'une petite ville dans le district de Pao-ning-fou. Le lendemain, Tchang-schi fut pris et coupé en quatre. Vang-te-tcheng reçut de l'empereur une ceinture de jaspe. On fit une distribution de vin et de mets aux trou-

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32^8 HISTOIRE DES MONGOLS.

pes, et cinq cents hommes d'élite furent mis en garnison dans la place.

Deux jours après cette conquête, l'empe- reur fit attaquer Tchang-ning-schan , défilé fortifié dans le district de Pao-ning-fou , qui était défendu par Vang-tso et Siou-sin. Vang- tso fut battu et se retira à Ngo-ting-pao, qui ne tarda pas à se rendre. Vang-tso y périt les armes à la main. Son fils, le gé- néral Siou-sin et environ quarante officiers de la garnison furent exécutés par ordre de l'empereur, qui reçut, peu api es, la sou- mission de cinq villes du département de Loung-an-fou. Mangou fut rejoint, à cette époque, par les deux autres divisions de son armée, qui avaient conquis plusieurs dépar- tements du Su^tchouan, et il apprit qu'un de ses généraux , nommé Lithan , s'était emparé deLan*-schoui, de Haï-tcheou , de qua- tre autres villes, et qu'il avait détruit une armée chinoise.

Mangou s'avança jusqu'aux monts Ta-kho, d'où il envoya Vang-tchoung sommer Leang- tcheou (Pao-ning-fou). Yang-ta-youan, le commandant de cette place, fit tuer le par- lementaire; mais dès qu'il fut assiégé, il se rendit. Mangou le prit à son service avec le grade de général. Ses troupes furent in-

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LIVRE II, CHAPITRE VU. 3^9

corporées dans l'armée mongole, et il alla avec le général Vang-te-tcheng réduire Sian- tcheou et d'autres districts. Chargé par l'em- pereur de sommer le commandant de Young- schan, il réussit dans cette mission. L'armée .'^^^ s'approcha ensuite de Tsing-kiuï-schan , dont le commandant fut tué par ses officiers qui livrèrent la place. L'empereur reçut la sou- mission du gouverneur de Loung-tcheou, dans le Pao-ning-fou et celle de l'officier qui défendait les défilés des monts Ta-liang. La ville de Ya-tcheou fut prise d'assaut; la for- teresse de Schi-tsuan ouvrit ses portes. Tsin- ko-pao, général soung qui avait passé aux Mongols, fut alors chargé d'aller sommer le général Vang-kian , gouverneur de la ville de Ho-tcheou; mais il revint sans avoir réussi.

Le premier jour de l'an mongol fut célébré févr. dans le camp impérial, au pied des monts Tchoung-koué. Mangou donna une grande fête, après laquelle il tint conseil avec les princes du sang , les alliés de la maison impé- riale et les généraux. Mangou était incertain s'il devait attendre, dans ces contrées méri- dionales, la saison des grandes chaleurs; il con- sulta l'assemblée. Togan, de la tribu djélaire, fut d'avis que ce climat méridional étant per- nicieux , l'empereur agirait prudemment s'il re-

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33o HISTOIRE DES MONGOLS.

tournait vers le nord , en laissant à ses officiers le soin de garder les provinces conquises. Ba- ritchi, de la tribu erlate, dit que c'était un avis pusillanime et conseilla à l'empereur de rester. Son opinion fut approuvée par Mangou^ qui renvoya Tsin-ko-pao à Ho-tcheou, avec une seconde sommation. Cette fois Vang-kian le fit exécuter comme un traître. Alors le siège de Ho-tcheou fut résolu, et le général Yang-ta-youan chargé d'investir cette place, commença par enlever dans les districts envi- ronnants près de quatre-vingt mille habitants mars, des deux sexes. L'empereur arriva bientôt, avec le gros de l'armée , sous les murs de cette ville, située au confluent du fleuve Kia-ling et de la rivière Féou. Elle soutint plusieurs assauts dans le courant de mars et d'avril. En mai il y eut un terrible ouragan , et des pluies qui durèrent vingt jours.

Tandis que le général Vang-kian repoussait avec valeur les attaques des assiégeants, le nouveau gouverneur général du Su-tchouan cherchait à leur couper les vivres. Pou-ko- tchi, malheureux dans ses opérations défensi- ves, venait d'être remplacé par Luï-ven-té. Ce général détruisit, après un combat opiniâtre, un pont de bateaux que l'empereur avait fait jeter sur la rivière Féou, pour le transport des

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LIVRE II, CHAPITRE VII. 33l

vivres nécessaires à son armée, et réunit à Tchoung-king-fou un millier de barques avec lesquelles il remonta le fleuve Kia-liug; mais cette flotille fut attaquée, sur les deux rives, par les troupes mongoles, qui coulèrent bas plus de cent bateaux et poursuivirent le reste jusqu'à Tchoung-king-fou.

Dans le mois de juin, Mangou fit livrer nombre d'assauts à la ville de Ho-tcheou. Une nuit du mois de juillet, Vang-te-tcheng esca- lada le mur extérieur, à la tête d'une troupe d'élite, et s'y maintint jusqu'au point du jour. Apercevant alors Vang-kian , qui s'était porté au lieu du combat , il s'avança seul et lui cria d'une forte voix : <c Vang-kian , on accorde la <c vie aux militaires et aux citadins; il vaut « mieux se rendre tandis qu'il en est temps. » U avait à peine achevé ces paroles qu'une pierre, lancée par une catapulte, le renversa mourant. Ceux qui s'étaient logés sur le rem- part ne pouvant pas être soutenus, parce que les échelles étaient rompues, échouèrent dans leur tentative et ce fut le dernier effort des Mongols pour prendre Ho-tcheou. Leurs atta- ques multipliées leur avaient coûté beaucoup de monde , et la dyssenterie faisait des ravages dans leur armée. Mangou lui même était tombé malade. U résolut de changer le siège en blo-

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33a HISTOIRE DES MONGOLS.

août. eus. Laissant devant la place un corps d'ob- servation de trois mille hommes d'élite, il fit marcher le reste de son armée sur Tchoung- king-fou , dont il voulait s'emparer ; mais douze jours après cette résolution , Mangou mourut près du mont Tiao-youï, situé à une lieue à l'est de Ho-tcheou (i).

Ce prince avait régné huit ans et se trouvait dans sa cinquante deuxième année. Il était doué d'un caractère ferme et décidé , parlait peu, n'aimait ni les festins, ni le luxe, et ne permettait pas à ses femmes de faire de gran- des dépenses. Sa sévérité maintenait dans le devoir les seigneurs mongols, habitués du temps d'bgotaï à faire ce qu'ils voulaient. La chasse était son principal amusement, et simple dans ses habitudes, il disait souvent qu'il préférait le genre de vie de ses ancêtres à la somptuosité et à la mollesse des souve- rains du midi; mais, superstitieux à l'excès,

(i) Nous ne savons pas le P. Gaubil a pris (p. lai) que Mangou était monte à Tassant avec ses troupes, et qu'on aperçut son corps percé de coups. L'auteur de l'histoire des Yuans et celui du Kang-mou disent qu'il mourut, le premier, près du mont Tiao-youï, le second sous les murs de Ho-tcheou. Selon Raschid, Mangou qui buvait beaucoup , fîit atteint de la dyssenterie qui régnait dans son armée , et en mourut.

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LIVRE H, CHAPITRE VII* 333

il consultait sans cesse les devins qui abon- daient à sa cour, et n'osait rien entreprendre sans leurs avis.

Dans la campagne du Su-tchoiian, il dé- fendit à ses troupes de piller et de ravager. Ayant appris que son fils Assoutaï avait, dans une partie de chasse, foulé un champ de bleds, il lui en fit des réprimandes, et con- damna à des peines corporelles plusieurs des personnes de sa suite. Un soldat mongol fut puni de mort pour avoir pris un oignon chez un paysan. De pareils exemples réprimè- rent la licence. En revanche , Mangou accordait souvent des gratifications à ses troupes (i).

Les chefs de l'armée prirent la résolution de se retirer, et se mirent en marche vers le Schen-si, emportant le corps de l'empe- reur (2), que son fils Assoutaï, après avoir

(i) Hist. des Yuans et Kang-mou , ibid. , pag. 337 ^ 354. La traduction de rarchimandrite Hyacinthe ne va que jusqu'à la mort de Mangou. Mailla , ibid. , pag. 265 à 275. Gaubil, pag. 117 à lai. Mangou signifie , en mongol , argent. Ce même nom veut dire en turc étcrneL Les Mongols s*en serrent dans le même sens y mais il n*aura pas été donné à un mortel. (2) D'après le Kang-moUy le corps de Mangou, enve- loppé d'étoffes de soie, fut placé sur deux ânes. Marco-Polo rapporte que les soldats qui escortaient le

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334 HISTOIRE DES MONGOLS.

laissé le commandement des troupes au gé- néral Condoucaî, accompagna en Mongolie. Les derniers devoirs lui furent rendus alterna- tivement, pendant quatre jours, dans les dif- férentes habitations de ses quatre femmes, l'une desquelles Tavait accompagné en Chine. Chaque fois, le cercueil était posé sur un trône et les assistants éclataient en pleurs et en gémissements. Il fut inhumé à Bourcan-Cal- doun , auprès de Tchinguiz-khan et de Toulouï.

Mangou avait plusieurs femmes et concu- bines. La première de ses femmes était Cou- touctaï, de la tribu des Ykirasses. Il en eut deux fils, Baltou et Orenguiass; deux de ses concubines lui donnèrent aussi deux fils, Schirégui et Assoutaï (i).

Le prince Batou était mort en ia56 (654), près du Volga, à l'âge de quarante -huit ans (a). Il fut surnommé Saïn-khan, qui veut

corps de Mangou de la Chine en Tartane, tuèrent toutes les personnes qu'ils rencontrèrent dans la route, et qu'ils dirent avoir envoyé dans l'autre monde environ vingt mille individus.

(i) DJami ut-Tevarikh,

(a) Le Djami ut-Tévarikh et le MoHzz-uUEnssah pla- cent la mort de Batou à l'année 65o (i252-i253); mab le Tarikh-Kiptchaki et le Tarikh Monédjim-Baschi , t. II,

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LIVRE II, CHAPITRE VII. a35

dire le bon prince. On vante son extrême libéralité; il distribuait les présents qu'on lui apportait, sans permettre qu'on les déposât dans son trésor. Ce prince avait conservé la grossière religion de ses ancêtres. Il fonda ^ sur la rive orientale du Volga, la ville de Serai, qui fut la résidence principale de ses successeurs. Selon la nature de la vie no- made, Batou parcourait dans l'année un cer- tain territoire; au printemps, il commençait à émigrer vers le nord, suivant la rive orien- tale du Volga jusqu'aux frontières du pays des Boulgares; au mois d'août il retournait vers le midi (i). A la mort de Djoutchî, Batou avait partagé avec son frère aîné Orda les troupes de son père; Orda prit posses- sion du pays situé au nord du Sihoun. Ce prince et ses successeurs, qu'on appelait les princes de l'aile gauche, pour les distinguer de la lignée de Batou établie près du Volga, résidaient dans les environs de Signac, de Sabéran et d'Otrar. Ils étaient indépendants

la rapportent à l'année 654 (ia56), ce qui parait plus exact; car le moine Rubruquis et le roi Haiton virent ce prince en 1254. Batou veut dire, en mongol, ferme, stable,

(i) Relation de Rubniquis, chap. 22.

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336 HISTOIRE DES MONGOLS.

de la branche principale, dont Serai était le chef-lieu; néanmoins ils regardaient le khan de la postérité de Batou comme leur suze- rain , et mettaient son nom en tête de leurs ordonnances (i).

Batou avait envoyé son fils Sartac au cou- riltaï convoqué par Mangou en 12 56. Avant d'arriver à sa destination, Sartac apprit la mort de son père. L'empereur le nomma successeur de Batou et le congédia avec de magnifiques présents; mais Sartac mourut en route (2). Ce prince passait, même parmi les Mahométans, pour avoir embrassé la reli- gion chrétienne (3). Le pape Innocent IV, informé par un prêtre, nommé Jean, de sa prétendue conversion, lui adressa une lettre en 1254, pour l'en féliciter (4).

Après la mort de Sartac, son fils Oulagtchi fut proclamé, par l'ordre de l'empereur; comme

(1) Djami ut-Tévarikh , Vie de Djoutchi. Tarikh Monédjim-Baschi y tom. II.

(a) Tarikh Djihankuschaï , tom. I.

(S) Tarikh Monédjim-Baschi , tom. II. Aboul-Faradje , cité par Assemannus, Biblioth. Orient,, tom. III , 2* partie, pag. 104.

(4) Odor. Rayn. Annal, Eccles, , tom. II, pag. 49a. Cette lettre est datée d*Anagni, IV Kal. sept., an. IL

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LIVKE II, CHAPITRE VH. 337

il était en bas âge, Mangou donna la régen- ce, jusqu'à sa majorité, à' la princesse Bo- ractchin, qui avait été la première en rang des épouses de Batou; Oulagtchi étant mort au bout de quelques mois, Barcai, fils de Djoutchi, fut élevé au trône (i).

(i) Djami ut-^Tévarikh^

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338 HISTOIRE DES MONGOLS.

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LIVRE m.

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CHAPITRE PREMIER.

COUBILAl.

Marche de Goobila! de Caî-ping-fou au grand Riang. Fondation de Cai-pîng-fou. Passage du Kiang. Siège de Ouo-tcheou. Propositions de paix du pre- mier ministre soung , Kia-sse-tao , acceptées par Cou- " bilaï. Départ de ce prince pour le Nord. Marche d*Oriangcadaî du Toung-king au bord du Kiang. Mesures prises par Aric-Bouga pour s'assurer du trône. Élection de Coubilaï à Caï -ping-fou. Élec- tion d'Ario-Bouga à Caracouroum. Guerre entre les deux empereurs. Première défaite des troupes d'Aric- Bouga et sa retraite dans le pays des Kirguises. Se- conde défaite. Troisième défaite près du lac Simoul - taï. Quatrième bataille indécise. Guerre entre Aric- Bouga et Algou , chef de TOulouss de Tchagataî.

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LIVRE III, CHAPITRE I. SSq

Soumission d'Aric-Bouga envers Coubilaî. -<— Punition des principaux officiers de ce prétendant. Mort d*Aric- Bouga. Avènement de Borac au trône de Tchagata!. Révolte de Caîdou. Corée. Japon. Résidences de Coubilaî. Religion de Coubilaî. Boudhisme. Création d'un chef de la religion de Boudha Inven^ tions de caractères d'écriture pour la langue mongole. Érection d'un temple consacré aux aïeux et aux pré- décesseurs de Coubilaî. Adoption d'un nom de dy- nastie en chinois. Protection accordée aux savants. -^ Fondation d'une Académie. Règlement . de l'admi- nistration. — Création de divers collèges.

On a vu que Coubilaî avait reçu Tordre de conduire une armée dans le Hou-kouang, et d'entreprendre le siège d'Ouo-tcheou (Vou- tchang-fou), capitale de cette province, située sur le bord méridional du grand Kiang, au confluent de ce fleuve et du Han. Coubilaî partit pour cette expédition, à la fin de m5Sf d'une ville qu'il venait de fonder en Tar- tarie. L'empereur son frère lui avait assigné, pour ses quartiers d'été, le district de Houan- tcheou. Coubilaî chargea, en ia56, un savant religieux chinois, de la secte de Fo, nommé Lieou-ping-tchoung, grand astrologue, qui possédait toute sa confiance, de lui désigner

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34o HISTOIRE DES MONGOLS.

le lieu qu'il jugerait le plus propice pour l'établissement de sa demeure, et fit bâtir, d'après son indication , un palais, des hôtels, des édifices sacrés, au pied d'une côte nommée Loung-kang, sur le bord septentrional de la rivière Louan, à l'est de Houan-tcheou. Cette nouvelle ville située à environ vingt - deux lieues au nord- est de la porte la plus sep- tentrionale de la grande muraille, celle qui est appelée ToU'Schi'keou y fut ceinte d'un mur, et reçut, en 1260, le nom de Caï-ping-fou (i). La marche de Coubilaï ftit lente; ce ne fut qu'au mois d'août de l'année laSg, qu'il posa son camp sur le bord de la rivière Jou , dans le Ho-nan , d'où son armée , divisée en deux corps, l'un commandé par Coubilaï, en personne, l'autre, par le général Tcliang- jeou, entra dans le Hou-kouang. Ces troupes s'emparèrent de plusieurs places fortes voisi- nes de la ville de Ma-tching; Coubilaï reçut

(1) Kang-mou, ibîd. , pag. 33o. D'après la grande Géographie de la dynastie actuelle en Chine, citée par M. Klaproth, dans le Nouveau Journal asiat,, tom. XI, pag. 347, sur l'emplacement de Caï-ping fou, dont on voit encore quelques ruines, se trouve aujourd'hui la ville de DJao-naïman-soumé. Elle est marquée sur la carte de

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LIVRE ÏII, CHAPITRE I. 3^1

alors la première nouvelle de la mort de son frère. Il n*en continua pas moins sa marche vers le grand Kiang, qu'il franchit sans obstacle, à la vue d'une nombreuse flotille chinoise et de troupes ennemies, con- centrées sur sa rive. Il mit le siège devant Ouo-tcheou. Une division de son armée était entrée dans le Kiang-si et y avait pris les villes de Schouï-tcheou-fou et de Linkiang-fou.

Ces opérations jetèrent l'alarme dans Lin- ngan, la résidence impériale, l'on prétend que le souverain, trompé par son ministre Ting-ta-tsiuan, avait jusqu'alors ignoré l'in- vasion des Mongols. Ce ministre fut accusé de trahison dans un grand nombre de pla- cets qui demandaient sa mort; l'empereur se contenta de le destituer, et le remplaça par Kia-se-tao, qui reçut l'ordre de marcher à la tête d'une armée, au secours d'Ouo- tcheou. De grandes levées furent ordonnées^ et l'empereur fit distribuer aux troupes de l'argent et des pièces d'étoffes de soie.

Le nouveau ministre était un lettré , qui n'entendait rien à la guerre, et ne possédait

D'An ville. La ville de Cai-ping-fou est plus connue sous^ le nom de C/iang-tou, qui servit aussi a désigner la ri- vière Louan.

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34^ HISTOIRE DES MONGOLS.

aucune des qualités nécessaires dans un poste aussi éminenty si ce n'est Fesprit d'intrigue qu'il faut pour s'y maintenir , sous un monar- que faible et dans une cour corrompue. Le choix qu'il fit de ses créatures mécontenta l'armée y qui n'avait d'ailleurs nulle estime pour son chef; mais ce n'était point par des exploits guerriers que Kia-sé-tao voulait déli- vrer l'empire. Il fit secrètement des proposi- tions de paix à Coubilaï, qui attaquait Ouo- tcheou avec vigueur; il promettait que son souverain se reconnaîtrait le vassal de l'empe- reur mongol. Coubilaï avait reçu , par un Cou- rier de son frère Mounké , la nouvelle officielle de la mort de l'empereur ; il rejeta néanmoins les propositions du ministre chinois; mais de nouveaux exprès anivèrent avec des lettres de ses partisans qui le pressaient de revenir, afin de prévenir les tentatives que pourrait faire Aric-Bouga, pour s'emparer du trône. Coubilaï sut que Douredji et Alemdar cher- chaient à gagner les troupes en faveur de son frère, dans le nord de l'empire. Il tint con- seil avec ses généraux. Hao-king lui représenta qu'Aric-Bouga, exerçant l'autorité dans Cara- couroum et Douredji , gouverneur de Yan- toii (Pé-king), étant dévoué à ce prince, il était à craindre que, maîtres des deux capi-

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LIVRE Illy CHAPITRE I. 343

taies de l'empire, ils ne se concertassent pour élire un souverain, à l'exclusion de Coubilaï, qui, en sa qualité de premier prince du sang, devait exercer la régence et présider à l'élec- tion d'un nouvel empereur; il était donc ur- gent qu'il se rendit en Mongolie. Dans ces conjonctures, Coubilaï jugea à propos d'ac- cepter les conditions, d'ailleurs avantageuses, qui lui étaient offertes par Kia-sé-tao; il fut stipulé que l'empereur Soung se reconnaîtrait le vassal du grand khan, qu'il lui paierait un tribu annuel de deux cent mille onces d'ar- gent, avec deux cent mille pièces d'étoffes de soie, et que le fleuve Kiang serait la limite des deux empires. Ces conditions arrêtées, le prince mongol partit avec l'élite de sa cavale- rie, laissant à la tête de l'armée les généraux Tchang-kié et Yen-ouang, qui eurent l'ordre d'attendre l'arrivée d'Oriangcadaî^ Le siège d'Ouo fut levé et l'armée repassa le Kiang.

Ouriangcadaï, qui avait reçu de Mangou l'ordre de joindre devant Ouo-tcheou l'armée de Coubilaï, était parti du Toung-king avec un renfort de treize mille hommes, que lui avaient fourni les nations soumises de ces contrées méridionales. Après avoir battu, sur la frontière chinoise, des forces plus considé- rables que les siennes, il mit le siège devant

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I26o

janv.

344 HISTOIRE DBS MONGOLS.

Koueï^lin, capitale du Kouang-si, défit encore une armée chinoise , et pénétra dans le nord du Hou-'kouang, il assiégeait la ville de Tchang-scha, lorsque la convention que Cou- bilaï venait de conclure l'obligea d'abandonner cette entreprise et de passer au nord du Kiang. Les deux généraux qui l'attendaient, avaient fait jeter un pont de bateaux sur ce fleuve pour son armée, que les marches et les com- bats avaient réduite à cinq mille hommes. Lorsque le dernier détachement de ces trou- pes arriva au bord du Kiang, en mars ia6o, Kia^é-tao fit rompre le pont, par des bateaux lancés à pleines voiles, et passer au fil de l'épée cette arrière-garde d'environ cent soixante-dix hommes*

Kia-sé-tao avait eu soin de laisser ignorer à son souverain les conditions humiliantes de son accord avec Coubilaï. L'empereur attribua la retraite de l'armée mongole à la valeur et à l'habileté de son général; le massacre des sol- dats d'Ouriangcadaï lui était représenté comme une victoire éclatante; Kia-se-tao fut rappelé à la cour pour y recevoir l'accueil le plus dis- tingué.

Coubilaï, qui avait posé son camp sous les murs de Yan-tou (Pé-king), se plaignit à Aric- Boiiga des levées d'hommes , de bétail et d'ar-

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LIVRE m, CHAPITRE I. 345

gent qui se faisaient par ses ordres; il en reçut les assurances les plus tranquillisantes. Aric-Bouga voulait attirer Coubilaï et ses par- tisans au Couriltaï qu'il avait convoqué au grand Ordou de Mangou, dans le pays de l'Altaï, pour faire des obsèques à cet empe- reur. Douredji vint, de sa part, inviter Cou- bilaï et les princes de son armée à s'y rendre. Ils répondirent, qu'avant d'aller au Couriltaï, ils devaient ramener les troupes dans leurs cantonnements. Douredji expédia cette réponse à son maître et resta auprès de Coubilaï , qui avrU. se rendit à Caï-ping-fou, lieu fixé par ceux de son parti, pour l'élection d'un nouveau souverain. Son frère Mouké, Cadan, fils d'O- gotaï, Togatchar, fils d'Utchuguén noyan, les princes et les généraux de l'aile gauche se réunirent en Couriltaï, et considérant que ni le prince Houlagou, qui était en Perse, ni les descendants de Djoutchi et de Tchagataï, ne pouvaient être convoqués à cause de leur éloignement et de la gravité des circonstances qui ne permettaient aucun délai, ils élurent à l'unanimité Coubilaï, et le placèrent sur le 4 juin trône avec les cérémonies d'usage. Ce prince était âgé de 44 ans (i). Après les fêtes, qui

(i) Mailla, ibid, p. 27$ à -282. Djami ut-Tévarikh,

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346 HISTOIRE DES MONGOLS.

durèrent huit jours, le nouvel empereur fit venir des chariots pleins de balisch d'or et d'argent, et des charges d'étoffes précieuses qu'il distribua à ses parents , aux khatounes et aux chef militaires (i).

Cent députés allèrent annoncer à Aric- Bouga, de la part des princes et des géné- raux, l'élection de Coubilaï. Douredji, qui avait pris la fuite, fut arrêté et contraint de révéler toutes les brigues de son maître, depuis la mort de Mangou; on l'emprisonna. Coubilaï nomma Apischga, fils de Bouri, chef de VOulouss de Tchagalaï, et le fit partir avec son frère; mais ces princes fu- rent arrêtés dans le Schen-si, et conduits à Ario-Bouga, qui les retint prisonniers (a).

De son côté Aric-Bouga ne restait pas inac- tif. Il chargea Alemdar d'aller lever des trou- pes dans les tribus du nord , et de distribuer à leurs chefs de l'argent et des étoffes de soie. Lieou-taï-ping et Houloutaï furent envoyés dans le Schen-si, pour y établir des maga- sins de grains. Lieou-taï-ping était lié avec le général Condoucaï que le prince Assoutaï,

(i) Vassaf, tom. I. (a) Djami ut^Têvarikh.

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LIVRE III, CUA.PITRE I. 347

en partant pour la diète de Caracouroum , avait laissé à la tète de l'armée campée à Liou-pan. Ce général sut engager Milihotché, gouverneur de Tching-tou-fou et Ritaï-Bouca, commandant à Tsing-kin, de se déclarer en faveur d'Aric-Bouga, qui soutenu par ces chefs, n'hésita plus à prendre le titre impérial (i). A la tête de son parti étaient Coutougtaï, qui avait été la primière en rang des femmes de Mangou, les princes Assoutaï, Youroung- tasch et Schiréki, fils de cet empereur, et plusieurs des petits-fils de Tchagataï (a).

Les deux prétendants au trône continuè- rent, pendant l'été, à s'envoyer des ambassa- deurs, sans pouvoir s'accorder. En automne, Aric-Bouga fit marcher une armée, sous les ordres de Tchoumoucour, fils de Houlagou, et ceux de Caradjar. Ces deux princes furent défaits par l'avant-garde de Coubilaï , que com- mandait Yessoungga. Découragées par cet échec, les troupes d' Aric-Bouga se débandèrent, et lui-même se retira dans le pays des Kirguises, après avoir fait tuer les deux princes et les cent' députés qu'il avait en son pouvoir. Ses

(i) Mailla, ib. pag. 284.

(2) Vassaf, tom. I. Gaubil, pag. i33.

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348 HISTOIRE DES MONGOLS.

quartiers d'hiver étaient dans ce pays; ses quartiers d'été, dans les monts Altaï; son territoire, qui était celui de sa mère Siour- coucténi Bigui, avait une étendue de trois journées.

La cause d'Aric-Bouga ne fut pas plus heu- reuse dans le Schen-si. Coubilaï y avait en- voyé, dès son avènement au trône, un de ses meilleurs généraux, Lien-hi-hien , ouï- gour, avec le diplôme de gouverneur général juin, de cette province et de celle du Su-tchouan. Lien-hi-hien se rendit à Si-ngan-fou et y fit reconnaître l'autorité de Coubilaï. Lieou-tai- ping et Houlouhaï étaient arrivés , deux jours avant lui, dans cette capitale du Schen-si, pour tâcher, par leurs intrigues, de lui faire embrasser le parti d'Aric-Bouga. Le nouveau gouverneur parvint à se saisir de ces deux émissaires, et apprenant sur ces entrefaites, que Coubilaï venait d'accorder une amnistie générale, il se hâta de les faire mourir en prison; puis il alla, selon l'usage, au-devant du porteur de l'édit de grâce , qu'il fit aussi- tôt publier.

Lien-hi-hien avait chargé Lieouhema d'aller dans le Su-tchouan faire mettre à mort Mi- liotche et Kitaï-bouca. Par ses ordres trois corps de troupes, commandée par le prince

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LIVRE III, CHAPITRE I. 349

Cadan, qui avait demandé à servir sous lui, par Vang-leang-tching et Patchun, se pré- parèrent à agir contre Coundoucaï. Ce géné- ral crut avoir besoin de renfort; il se retira au-delà du fleuve jaune, prit en passant la ville de Kan-tcheou, et opéra sa jonction, au nord de la grande muraille, avec Alemdar, qui amenait des troupes de la Mongolie. Cette armée se dirigea pour lors vers le midi; elle fiit attaquée , entre Caracouroum et Kan- tcheou, par Coutan et les deux autres géné- raux de Coubilaï. La victoire fut long-temps disputée, mais enfin l'armée d'Aric-Bouga , se trouvant enveloppée, essuya une défaite si sanglante qu elle ne put plus tenir la cam- pagne, et l'issue de cette bataille, dans la- quelle périrent Alemdar et Countoucai, assura à Coubilaï la possession du Schen-si (i).

Coubilai s'avança en personne vers Cara- couroum , et prit ses quartiers d'hiver sur le bord de la rivière Oungki. La ville de Cara- couroum, qui tirait ses provisions de la Chine, souffrait de la disette, depuis que Coubilaï avait défendu de laisser sortir des vivres de la Chine. Aric-Bouga manquait d'armes et de subsistances. Il songea, dans sa détresse, à

(i) Mailla y ibld., pag. ^85. Gaubil, pag. i34.

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35o HISTOIRE DES MONGOLS.

mettre à la tête de TOulouss de Tchagataï, Algou, fils de Baïdar, qui était auprès de lui j et fit au prince deux recommandations : de lui envoyer des armes et des vivres , et de garder la frontière du Djihoun ainsi que les limites de la Kiptchakie, pour empêcher le passage des secours que Houlagou et Barcaï seraient tentés d'envoyer à son adversaire.

Aric-Bouga était encore dans le pays de Kem-Kemdjout. Craignant d'être attaqué, dans son état actuel de pénurie, il manda à son aîné qu'il se repentait de son entreprise ; qu'il le reconnaissait pour son souverain, et qu'il avait l'intention de se rendre auprès de lui; mais que ses chevaux avaient besoin de se refaire et qu'il désirait attendre l'arrivée d' Al- gou, de Houlagou et de Barcaï, qu'il avait invités à venir régler avec eux et les autres princes la succession à l'empire.

Coubilaï lui fit répondre, qu'il se fiait à sa parole, et désirait de le voir au plutôt, avant même l'arrivée des trois princes; puis, laissant dans le pays de Caracouroum son cousin Yessoungca avec un corps de troupes, pour attendre Aric-Bouga, qu'il devait con- duire à rOrdou, il s'en retourna à Caï-ping- fou , et renvoya le reste de son armée dans ses cantonnements.

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LIVRE III, CHAPITRE I. 35l

L'été et l'automne de Tannée ia6i s'écou- lèrent; Aric-Bouga, dont les chevaux étaient refaits y se mit en marche, et fit annoncer à Yessoungca qu'il venait se rendre. Après lui avoir inspiré, par ce message, une fausse sé- curité, il fondit sur ses troupes, les battit, les dispersa et traversa le grand désert, mar- chant droit à Coubilaî. Ce prince rassembla promptement son armée , et s'avança à la ren- contre de son rival. Les deux frères se livrè- rent bataille, vers la fin de ia6i, sur la li- sière du Cobi, dans un lieu nommé Altchia Coungour, près des collines Khoudja-Bouldac et du lac Simoultaï. Aric-Bouga fut com- plettement battu. Le vainqueur défendit de le poursuivre, a Ce sont, dit-il, des étourdis; « peut-être la réflexion les amènera au répen- te tir. » Mais, dix jours après, Aric-Bougâ, qui ayant appris que l'armée de son frère se retirait, était revenu sur ses pas, lui livra une seconde bataille sur la limite de la partie du désert qui est appelée Mty dans le canton de Sengan Bagouly près des hauteurs de Silguilk. On combattit avec acharnement jusqu'à la auit^ dont les deux armées profitèrent pour se retirer. Il n'y eut plus d'actions de ce côté, pendant le reste de l'année ia6a; car Aric- Bouga se vit obligé de faire face à un nouvel

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35a HISTOIRE DES MONGOLS.

ennemi; il venait d'apprendre la défection d'Algon.

Nommé par Aric-Bouga chef de TOulouss de Tchagataï, Algou s'était rendu à Bisch- Balic et avait pris les rênes du gouvernement des mains de la princesse Organa^ veuve de Cara-Holagou. Sa domination s'étendait de- puis la contrée d'Almalic jusqu'aux rives du Djihoun; il eut en peu de temps une ar- mée de cent cinquante mille hommes. Aric- Bouga, se trouvant à la suite de ses revers dénué de tout, avait envoyé trois commis- saires dans les états d'Algou pour y lever luie imposition en bétail, en armes et en argent. Le riche produit de cette réquisition tenta Tavidité d' Algou; voulant se l'appro- prier, il fit arrêter les officiers de son su- zerain , sous le prétexte de quelques dis- cours qu'ils avaient tenus, et puis il con- sulta les siens sur le parti qu'il devait pren- dre. On lui dit qu'il aurait mieux valu déli- bérer avant d'agir; mais qu'après avoir of- fensé Aric-Bouga, il ne lui restait plus d'autre parti que de se déclarer ouvertement contre lui, en reconnaissant Coubilaï. Algou fit aussi- tôt mettre à mort les trois commissaires, et s'empara du produit des contributions, qu'il distribua à ses troupes.

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LIVRE m, CHàPITRE I. 353

Aric-Bouga, étonné 5e cet acte de perfidie^ auquel il était loin de s'attendre, résolut de marcher contre Algou, et, en partant, il laissa la liberté aux chefs spirituels des habitants de Caracouroum , qui étaient chrétiens, musul- mans ou bouddhistes, de rendre la ville à Goubilaï s'il venait l'attaquer; car il n'avait pas une grande opinion de leur courage. A peine s'était-il éloigné que le Caan parut de- vant Caracouroum. Les habitants lui envoyè- rent une députation de chaque secte, qui fut bien accueillie, et Goubilaï confirma les pri- vilèges d'exemption de tout impôt que cette ville avait reçus d'Ogotaï et de Mangou. Il allait continuer sa marche; mais des courriers lui ayant apporté la nouvelle de troubles qui s'étaient élevés en Chine, il prit la route de ce pays.

Cependant Cara-Bouca, qui commandait Favant-garde d' Aric-Bouga, ayant rencontré le prince Algou près de la ville de Poulad et du lac Sout, perdit la bataille et la vie. Al- gou, se croyant en sûreté par cette victoire, retourna tranquillement à sa résidence sur le bord du fleuve Hilé (Ili), et licencia son ar- mée. Mais bientôt Assoutaï, à la tête d'une seconde division, franchit le défilé qu'on nomme porte de fer, passa le fleuve Hilé, a a3

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354 HISTOIRE DES MONGOLS.

3'einpara d'Almalic et même du territoire privé d'Algou, qui se retira vers Rhotan et Caschgar avec son aile droite que l'ennemi n'avait encore pu entamer. Peu après Aric- Bouga arriva avec le reste de l'armée et prit ses quartiers dTiiver sqr la rive de l'Hilé, dans le pays d'Almalic, tandis qu'Algou, que ses troupes venaient joindre par détache- ments, rétrogradait vers Samarcand.

Aric-Bouga passa l'hiver dans le repos, fai- sant ravager le pays de son ennemi et tuer toutes les troupes d'Algou qui tombaient entre ses mains. Ces actes de barbarie lui devinrent funestes. Le pays d'AlmaUc éprouva, au prin- temps suivant, les horreurs de la fisimine, qui causa une grande mortalité. ÏjB. plupart des officiers d' Aric-Bouga, indignés de l'inhuma- nité avec laquelle il traitait les troupes mongoles de son ennemi, que le sort de la guerre livrait en son pouvoir, résolurent de l'abandonner; ils se rendirent avec leurs troupes auprès du prince Youroung-tasch fils de Man- gou, qui commandait les avant-postes de Cou- bilaï dans le désert de l'Altaï et sur la rive du fleuve Tchabacan, et passèrent au service de ce souverain.

Il ne restait plus à Aric-Bouga qu'une poignée de^ troupes. Sachant qu'Algou vou-

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tIVRE m, CHAPtTBE I. S55

lait profiter de sa faiblesse pour venir l'atta* quer, il lui envoya la princesse Organa et Mass'oud-Bey pour lui faire des propositions de paix. Après avoir été obligée de céder à Algou le gouvernement du pays de Tchagataï , Organa s'était rendue auprès d'Aric*Bouga pour se plaindre d'avoir été dépossédée par son ordre, et se trouvait encore dans son camp. Lorsqu'elle arriva auprès d' Algou avec la mission dont elle était chargée, ce prince Fépousa; en même temps il confia à Mass'oud^ Bey l'administration de ses finances. Le ministre leva dans Samarcand et Bokhara de fortes con-» tributions d'argent, qui mirent Algou en état de r^arer ses forces. Il en eut immédiatement besoin pour combattre un nouvel ennemie Caïdou, petit-fils d'Ogotai, soutenu par le successeur de Batou , s'avançait pour s'emparer de ses états; mais il fut repoussé.

Aric-fiouga, sans armée, dénué de ressour* ces, prit, en ia64, le parti d'aller se mettre à la discrétion de son frère. Le jour de son arrivée, Coubilaï fit ranger ses troupes, et lorsque le prince suppliant se présenta à l'en- trée du pavillon impérial, on jeta sur lui la portière de la tente; ainsi couvert, il fit ses prosternations, suivant l'usage en pareille circonstance. Admis dans l'intérieur, après

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356 HISTOIRE DES MONGOLS.

quelques instants, il resta debout à l'endroit assigné aux secrétaires. Coubilaï le fixa long- temps avec émotion, et voyant qu'il répandait des larmes, il ne put retenir les siennes. Eh bien! mon frère, lui dit-il enfin, qui de nous deux cwait la justice de son côté? Autrefois c'était moi, répondit Aric-Bouga, c'est vous aujourd'hui. Atchigaï, frère d'Apischga, s'appro- chant du prince Assoutaï, qui accompagnait Aric-Bouga , lui dit : C'est toi qui as tué mon frère ! Je l'ai tué, répondit-il , par l'ordre d' Aric-Bouga, qui était alors mon souverain, ne voulant pas qu'un prince de notre famille périt de la main dun Caradjou (i). Coubilaï est à présent mon maître; s'il l'ordormait, je te tue- rais de même. Le Caan imposa silence à At- chigaï, en lui disant que ce n'était pas le mo- ment de tenir de pareils discours. Alors le noyan Togalchar, neveu de Tchinguiz-khan , se leva et dit: Le Caan veut qu'en ce jour on ne s'occupe pas du passé, et qu'on se liçre uni- quement à la joie. Puis se tournant vers l'em- pereur: Aric-Bouga j continua- 1- il, est debout. Quelle place vous plait4l de lui assigner? Ck)u*

(i) Caradjou signifie sujet , en mongol. L*épithète de Caradjou s'appliquait, parmi les Mongols, à tous ceux qui n'étaient pas de la race de Tchinguiz-khan.

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LIVRE IIÎ, CHAPITRE I, 357

bilaï le fit asseoir auprès de ses fils, et ils passèrent le reste du jour dans les plaisirs.

Mais le lendemain, les officiers d'Aric-Bouga furent mis aux fers, et Coubilaï établit une commission de quatre princes et de trois gé- néraux pour interrogea son frère et ses par- tisans. Aric-Bouga déclara qu'il était Tunique auteur de son entreprise, que ses officiers n'étaient pas coupables. Comment ils ne sont point coupables, dit l'empereur. Les généraux qui étaient contraires à l'élévation de Mangou n avaient pas tendu Varc contre lui; vous savez cependant comment ils furent punis de leur simple intention, et vous, qui avez allumé la guerre civile, qui avez tué tant de pHnces et de troupes , que méritez-vous donc? Comme ces officiers gardaient le silence: Mes amis, dit Touman noyan, le plus âgé d'entre eux, ne vous souvient-il plus , qu en élevant Aric-Bouga au trône , nous jurâmes de mourir pour sa cause ; voici le moment de tenir notre promesse^ Coubilaï l'ayant loué de sa fidélité, demanda encore à Aric-Bouga qui l'avait excité à son entreprise. Celui-ci déclara enfin que Balga et Alemdar lui avaient dit : « Holagou et Coubilaï <c sont occupés à des expéditions lointaines , et a le défunt empereur vous a laissé à la tête du a grand OuJouss ; qu'hésitez-vous à vous faire

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358 HISTOIRE DES MONGOLS.

« empereur ! » qu'il en avait délibéré avec ses autres officiers, et que tous avaient appuyé cet avis. Les officiers présents confirmèrent ce qu'Aric-Bouga venait de dire. Us furent con- damnés à mort au nombre de dix. Mais , pour le jugement de son frère, Coubilaï désirait la présence de Holagou , de Barcaï et d'Algou. Après avoir attendu quelque temps ces trois souverains, les princes du sang et les géné- raux qui se trouvaient dans la Mongolie , s'as- semblèrent pour statuer sur le sort d'Aric- Bouga et d'Assoutaï, Ils convinrent unanime- ment de leur accorder la vie , en considération de Coubilaï, et mandèrent aux trois grands vassaux de l'empire, que les voyant retenus dans leurs états par des affaires importantes, ils avaient jugé à propos de faire exécuter les officiers coupables , dans la crainte qu'un plus long délai ne fut pas sans danger , et qu'a- près avoir interrogé Aric-Bouga et Assoutaï, les princes, tous d'avis de leur faire grâce, désiraient connaître leur sentiment.

Algou répondit aux députés, qu'ayant pris le gouvernement du pays de Tcbagataï, sans le consentement de Coubilaï, il ne pouvait émettre son opinion avant d'avoir été légitimé par l'assemblée des princes du sang. Holagou approuva tout ce qui avait été fait dans cette

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LIVRE Illy CHA.PITRE 1. 359

circonstance 9 et annonça qu'il se rendrait inces- samment au couriltaï. Barcaï donna la même r^onse. Alors Aric-Bouga et Assoutaï eurent la liberté d'entrer dans l'Ordou et de rendre hommage au Caan. Le premier de ces princes mourut un mois après ^ de maladie; il fut i*^6. inhumé auprès de Toulouï et de Tchinguiz* khan (i).

Holagou , Barcaï et Algou étant morts dans un court espace, Coubilaï donna le comman- dement des Mongols et des Taziks dans l'Iran à Abaca, fils aine de Holagou; l'Oulouss de Djoutchi, à Mangou-Timour, petit-fils de Ba- tou 9 et celui de Tchagataï, à Moubarek«Schah , fils de Cara-Holagou. Ce dernier, après la mort d' Algou, avait été placé, par sa mère Organa , sur le trône de son aïeul ; mais Borac, arrière-petit-fils de Tchagataï (2), obtint de l'empereur, à la cour duquel il résidait depuis quelque temps, des lettres patentes qui l'as- sociaient à Moubarek-Schah dans le gouver- nement de son Oulouss. En arrivant auprès de

(i) Jrlc^Bougay signifie en turc, maigre taille; et en mongol, taureau pur. '

(a) Boiac était fils de Yissoun-toua, fils de Moa-tougan , fils de Tchagataï. Son apanage et ceux de ses frères étaient dans le pays de Tchaganian^ au sud-est de Samarcand.

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36o HISTOIRE DES MONGOLS.

ce prince il cacha sa nomination , disant qu'il n'était amené que par le désir de revoir ses foyers. II parvint à s'insinuer dans l'esprit de Moubarek-Schah, et séduisit en même temps une partie de ses troupes; lorsque ses me- sures furent prises ^ il détrôna ce jeune prince dont il fit peu de temps après son grand-ve- neur. Moubarek-Schah était musulman. Plein de douceur, enclin à la justice, il s'efforçait de réprimer les excès et les brigandages de ses troupes.

Plusieurs princes du sang refusaient encore de reconnaître Coubilaï, entre autres Caïdou, petit-fils d'Ogotaï, qui avait tenu le parti d'Aric-Bouga jusqu'au moment ce prince était allé se livrer à son frère. Caïdou, fils de Caschi, qui devait succéder à son père Ogotaï, revendiquait ses droits au trône; mais la branche d'Ogotaï ayant été privée de ses troupes par l'empereur Mangou, Caïdou ne pouvait pas soutenir ses prétentions par ses propres armes; dans la lutte entre Coubilaï et son frère , il se rangea du côté d'Aric-Bouga. Après la soumission de ce prince, il se retira dans son territoire sur le bord de l'Imil, et s'occupa des moyens d'assembler quelques trou- pes. Doué de beaucoup d'esprit , rusé et fé- cond en ressources, il sut gagner l'amitié des

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LIVRE III, CHAPITRE 1. 36l

princes qui gouvernaient l'Oulouss de Djou- tchi; avec leur assistance, il se rendit maître des contrées qui avoisinent l'Imil , anciens do- maines de Couyouc et d'Ogotaï, et parvint à former im corps d'armée. Coubilaï lui ayant fait demander pourquoi il n'était pas venu au couriltaï, lui témoignant le désir de le voir, de le consulter, de lui donner des mar-* ques de son affection , Caïdou allégua l'excuse ordinaire, la maigreur de ses chevaux, an- nonçant néanmoins qu'il se rendrait incessam- ment auprès de l'empereur. Mais, pendant trois ans , il éluda , sous divers prétextes , de rem- plir sa promesse; puis il commença les hos- la^S. tilités (i).

On a vu que Vang-toun, roi de Corée, après avoir long-temps résisté aux armes mon- goles, s'était soumis à l'empereur Mangou, et lui avait envoyé en otage son fils aîné Yang-tien. Vang-toun était mort depuis plu- sieurs années, lorsque Coubilaï parvint au trône. Son fils lui demanda la permission de retourner en Corée. Coubilaï le fit roi, par lettres patentes, et lui donna une escorte jusqu'à la frontière de son pays.

Vang-tien trouva les Coréens armés et décidés

(i) Djami ut-Tévarikh.

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302 HISTOIRE DES MONGOLS.

à se défendre contre les Mongols, à ne pas le reconnaître pour leur souverain , à moins qu'il ne renonçât à tout traité contraire à leur indépendance. Après bien des pourpar- lers Vang-tien parut enfin consentir à leurs Toeux. Cependant les chefs mongols sur la frontière instruisirent l'empereur de la révolte des Coréens, et lui demandèrent des troupes, pour les réduire à l'obéissance. Coubilaï pré- féra d'employer d'abord la voie de la douceur; il écrivit à Vang-tien, en ia6i, une lettre conçue en ces termes :

« L'empire des Mongols, fondé par Tchin- « guiz-khan, mon glorieux aïeul, s'est si fort a étendu, sous ses successeurs, qu'il se trouve « composé de presque tous les royaumes en- « fermés entre les quatre mers, et plusieurs « même de nos sujets possèdent à titre de « souverains, pour eux et leurs descendants, «c des États qui ont près de mille ly d'étendue. « Un empire aussi formidable fait assez con- cc naître la gloire que mes ancêtres se sont a acquise! De tous les royaumes du monde, « il n'y a plus aujourd'hui que le vôtre et <c celui des Song qui refusent de se soumettre « à nous. Les Chinois regardaient leur grand « fleuve Kiang comme une barrière que nous « ne pourrions jamais forcer, et j'en suis venu

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LIVRE UI9 CHAPITRE I. 363

« à bout. Ils croyaient que la valeur des trou^ « pes du Ssé-tchuen et du Hou-kouang , jointe a à leurs montagnes escarpées , leur assuraient « ces deux provinces, et partout nous les « avons battus et leur avons enlevé les meil- « leures places ; ils sont aujourd'hui comme ce des poissons sans eau ou des oiseaux dans ce les filets. Avant votre élévation au trône de « Corée , vous vîntes ici , de la part de votre a père, nous prêter hommage et payer tribut, a Après sa mort , vous m'avez prié instamment tt de vous accorder sa couronne ; j'ai consenti ^ a avec plaisir à votre demande et je vous ai a renvoyé avec honneur dans votre royaume. « Je vous avais rendu vos anciennes limites; « je croyais qu'on ne pensait plus dans vos a États à tout ce qui s'est passé dans les guer- « res précédentes, et mes officiers, qui sont « dans les pays de l'Est, m'écrivaient qu'on y a jouissait des douceurs de la paix. Cepen- « dant, j'apprends avec surprise qu'il vient de « s'y élever des troubles; je ne comprends « point quelle peut en être la cause. Quelques « grands parmi les Coréens, profitant de l'in- « terrègne, auraient ils disposé du trône pen- « dant votre absence? Quoiqu'il en soit, je a n'ignore pas ce que vos peuples ont souf- « fert dans la dernière guerre; je les regarde

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364 HISTOIRE DES MONGOLS.

ce comme mes enfants et je ne veux pas voir « renouveller leurs calamités. J'espère qu'ils <c reconnaîtront d'eux-mêmes leur faute et « qu'ils se corrigeront. Pour éloigner de leur a esprit toute crainte de vengeance de ma « part, faites leur savoir que je pardonne tout « le passé, même à ceux d'entre eux qui au- « raient excité cette révolte. Mais s'ils ne « rentrent pas dans le devoir, je leur annonce « qu'ils insulteront non leur maître, mais le « bon ordre que j'ai à cœur de soutenir, et « ils n'auront plus de grâce à espérer. »

« Roi Ouang-tien! souvenez-vous que je vous « ai établi sur le trône ; soyez attentif à remplir a vos devoirs et à suivre les bonnes instructions « que je vous ai données ; conservez vos États «f en paix, et ayez soin de publier cet ordre. »

En même temps Coubilaï renvoya dans leur pays à ses frais tous les Coréens faits prison- niers dans la dernière guerre, ainsi que les familles qui avaient émigré de la Corée pen- dant les troubles de ce royaume, et défendit sévèi'ement aux troupes mongoles sur les fron- tières de molester les Coréens. Cette conduite désarma les rebelles, qui reçurent Vang-tien avec soumission (i). Le roi de Corée envoya

(x) Mailla, ibid. , pag. 292.

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LIVRE III, CHA.PITRE I. 365

chaque année un ambassadeur à Coubilaï , pour le féliciter à l'occasion du nouvel an (i).

L'empereur mongol adressa, en ia66, une lettre à l'empereur du Japon, pour lui témoi-' gner son étonnement de ce que ce prince ne lui avait pas encore envoyé des ambassadeurs; il en chargea deux de ses officiers qui eurent ordre d'aller s'embarquer en Corée. Mais, ef- frayés de ce qu'on leur dit, dans ce pays, des dangers auxquels ils s'exposeraient en abor- dant au Japon, ces deux messagers rebrous- sèrent chemin. Coubilaï sut mauvais gré au gouvernement coréen, d'avoir détourné ses envoyés de se rendre à leur destination; il se crut trompé, et s'en plaignit vivement au prince Vang-tchang, frère du roi de Corée qui avait été envoyé à sa cour, en ia68, pour le complimenter à l'époque du nouvel an. Yang-tchang ne fut pas plutôt parti, que l'empereur chargea deux de ses officiers de porter au roi de Corée l'ordre suivant :

« En vertu des lois établies par l'empereur « Taï-tsou (i), Tchinguiz-khan, notre aïeul

(i) Gaubily pag. 144.

(2) Cest le surnom qu'on donne en Chine , au sonTerain qui fonde une dynastie; il signifie grand aïeul.

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366 HISTOIRE DES MONGOLS.

« d'auguste mémoire, tous les royaumes sou- a mis à notre obéissance sont obligés de nous « envoyer des otages, de nous aider de leurs « troupes, de nous fournir des provisions et a des vivres, d'établir des postes dans leurs « États , et de nous donner le dénombrement « de leurs peuples, avec les noms et les qua- « lités des officiers chargés d'exercer l'autorité. « Telles sont aussi mes intentions, que je vous « ai fait savoir depuis long-temps. Le roi « Vang-toun envoya des otages à l'empereur « Ogotai, et il établit des postes dans ses fc États. Ce sont les seules obligations aux- « quelles votre royaume ait satisfait. Dans le « dessein je suis de faire la guerre aux fc Chinois j'ai besoin de vos vaisseaux. Tenez-les a donc prêts pour cette expédition. Formez, « autant que vous le pourrez, des magasins « de grains. Choisissez de bons officiers; en- « voyez-moi promtement le dénombrement de a vos peuples, et instruisez-moi de tout ce « que vous serez en état de faire pour secon- (X der mes vues. »

Le roi de Corée s'empressa d'obéir; il équipa une flotte de mille navires, montés par dix mille hommes. Coubilaï voulut s'en servir, non contre la Chine, mais contre le Japon; toutefois il se vit obligé d'ajourner l'exé-

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tlVRE III, CHAPITRI I. 367

GUtion de ses desseins sur ce royaume (i).

Coubil^ avait, dès son avènement au trône, choisi la ville de Yan-king ou Tchoung-tou pour le lieu principal de sa résidence et la capitale de son empire. Comme cette ancienne métropole de la monarchie Rin avait été rui- née par les troupes de Tchinguiz-khan , il fonda , au nord-est de Tchoung-tou , une nou- velle ville qui fut achevée en 1272, et reçut le nom de Ta-tou, c'est-à-dire de grande résidence; elle était contigue à Tancienne. Coubilaï l'habitait en hiver. Il passait les étés à Caï-ping-fou , ville à laquelle il donna, en ia64, le surnom de Schang-tou, ou de r^i- dence supérieure (a).

Coubilaï fut le premier des successeurs de Tchinguiz-khan, qui s'écarta de son précepte d'indifférence religieuse; il avait embrassé la religion de Bouddha , qui commençait à se pro- pager parmi les Mongols. La philosophie de Confiicius, avec ses principes de morale et de justice , faits poiu» servir de bases à l'établisse- ment du bon ordre dans la société, ne pou- vait pas avoir d'attraits pour des conquérants

(i) MaiUa, S)id., pag. 807. (a) Id., ibid., pag. 404.

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368 HISTOIRE DES MONGOLS.

féroces. Les pratiques superstitieuses des prê- tres Tao^sé auraient eu plus d'empire sur les Mongols; mais déjà les prêtres de Boud- dha, qui de l'Ouigorie et du Tubet s'étaient répandus dans les camps des princes tchin- guiziens, y avaient supplanté les Cames, aux- quels ils étaient bien supérieurs en savoir. Ces prêtres, appelés Lamas y chez les Mongols, Ho^schans à la Chine , et Bonzes au Japon , se vouaient au célibat et vivaient habituelle- ment dans des cellules, placées autour de leurs temples, la Divinité était représentée sous les formes allégoriques les plus bizarres. La transmigration des âmes était le principal dogme de cette religion qui était celle des Brames. Chaque homme a son bon et son mauvais génie, qui le surveillent sans ces- se, et notent toutes ses actions; à sa mort, son ame, citée au tribunal du souverain des enfers, est soumise à un jugement qui prononce quelle sorte de corps elle doit habiter. Les individus renaissent, selon la nature de leurs oeuvres, dans une classe supérieure ou inférieure à celle ils se trouvaient en der- nier lieu, depuis Tordre des esprits célestes jusqu'à celui des malheureux condamnés aux plus affreux tourments de l'enfer. Entre ces deux points extrêmes de l'immense chaîne des

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LIVRE m, CHAPITRE I. SÔg

êtres, sont placés les génies inférieurs, les hommes, les animaux et les monstres, qua- tre grandes classes qui offrent des gradations à Finfini. Les hommes doivent invoquer les bons et les mauvais génies; les uns, pour obtenir les biens, les autres, pour éviter les maux. Ces derniers sont représentés sous toutes sortes de formes monstrueuses. On peut con- jurer leur maligne influence par certaines for- mules que des hommes saints , élevés au rang des dieux, ont composées dans l'ancienne lan- gue de l'Inde. Cette doctrine comprend une vaste mythologie; et c'est dans la description des huit enfers et des tourments qu'on y fait subir aux âmes des réprouvés, que les doc- teurs de la secte ont surtout exercé la fécon- dité de leur imagination.

La religion de Bouddha recommande la pra- tique de toutes les vertus, et défend par- dessus tout d'ôter la vie à un être animé, de s'approprier le bien d'autrui, de commettre l'adultère, le mensonge et la calomnie.

Sa doctrine secrète enseigne que l'homme^ pour atteindre au plus haut degré de perfec- tion et de sainteté , doit se dépouiller de tous désirs, devenir insensible au plaisir comme à la douleur, n'être plus affecté des objets ex- térieurs, demeurer dans un état d'impassibité a -24

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370 HISTOIRE DES MONGOLS.

absolue, et n'exister que pour la contemplation des choses divines; alors son ame, n'ayant plus })esoin d'être purifiée par la transmigration , s'élève au rang des divinités.

Le fondateur de cette religion est Chekia- mouni, qui naquit dans le pays de Caschmire environ mille ans avant notre ère. Il est ré- véré comme un Dieu, sous le nom indien de Bouddha, que les Chinois ont converti en Foto, Foé et Fo; mais il n'est que le dernier législateur céleste; avant lui s'étaient succédés, dans le cours des siècles, plusieurs Bouddhas ou fondateurs de religion. Il a pour vicaires dans ce monde des esprits divins incarnés, des êtres célestes qui descendent dans des corps humains, soit au moment de leur nais- sance, soit dans leur jeune âge. Tels étaient les guides spirituels des sectateurs de Boud- dha (i).

Coubilaï éleva, en janvier 1261 , à la di-

(i) Pallas, SamL hist. Nachr,, tom. II,pag. 5 à 363. Grosier, Description de la Chine y tom. IV, in 8^, p. 45o et suiv. Deguignes, Hist, des Huns, tom. I, pag. a23 à a 3 5. « Quoiqu'il y ait, dit Raschid, un grand nombre « de Bakhschis , chinois, indiens et d'autres nations; ceux « du Tubbct sont les plus estimés. » Bakscld veut dire i/oc- teur chez les Mongols.

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LIVRE m, CHAPITRE I. i'J t

gnité de chef de cette religion dans son empire, un jeune Lama, nommé Mati Dhwâ- dscha , mais plus connu sous le titre de Pakba Lama, ou de Suprême y Saint Lama. (i). à Sazghia dans le Tubet, issu de Tune des fa- milles les plus illustres de ce pays, et distin- gué par un rare mérite, il s'était acquis les bonnes grâces et la confiance de Coubilaï, qui en lui conférant ce suprême sacerdoce, l'in- vestit de la puissance temporelle dans le Tu- bet, avec le titre de Roi de la grande et précieuse loi, et celui d! Instituteur de Vem^ pereur. Telle fiit l'origine des Grands Lamas. Depuis environ quatre siècles que le Tubet ne formait plus une monarchie, les tribus tubétaines obéissaient à différents chefs. Après la conquête du Tangoute, plusieurs d'entre elles se soumirent à Tchinguiz-khan; d'autres furent subjuguées par le général Ouriang- cadaî. Pour mieux établir sa domination sur le Tubet, Coubilaï le divisa en provinces et en districts , dont les gouverneurs fu- rent subordonnés à l'autorité du souverain pontife qu'il venait de créer (2). Dans la

(1) GeschicJite der Ost Mongolen ^ note de M. I.-J. Schmidty pag. 895.

(a) Opissanic Tlbeta (Description du Tibet), St.-Pétersb.

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Z']% HISTOIRE DES MONGOLS.

suite il chargea Pakba de composer des ca- ractères d'écriture pour la langue mongole qui, depuis Tchinguiz-khan, s'écrivait avec les lettres ouïgoures que Tatatunno avait en- seignées aux Mongols. Pakba présenta un nou- vel alphabet, dont les caractères, de forme quadrangulaire , et assez semblables à l'écriture tibétaine, composaient plus de mille groupes syllabiques (i). Avant lui le Lama Sagtcha Pandita, appelé du Tubet par deux prin- ces tchinguiziens, avait travaillé à la com- position d'un semblable alphabet; mais il était mort avant de l'avoir achevé (2). L'em- pereur ayant approuvé celui de Pakba ren- dit, en mars 1*^69, une ordonnance de la teneur suivante : « Notre dynastie, origi-

1828, iii-8**, pag. 106, ouyrage traduit du chinois en russe par le père Hyacinthe. Les Tubëtains désignent, par le nom de Pakba la divinité incamée , que les Mon- gols appellent Khoutoaktou, et les Chinois, Sclieng-seng. Ibid.y pag. 216.

(i) Mailla, ib. , pag. 3 10. Pallas, SamL hist, Nach- ridUen. Jul. v. Klaproth, AbhandL ûber die Sprache und Schrift der Uiguren , îm aen theile, der Reise in den Kaukasus y 181 4, in-8° , pag. 538.

(a) Geschichte der Ost Mongolen , note de M. Schmidt, pag. 394.

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373

« naire du nord, s'est servie jusqu'à présent , a pour figurer les mots de la langue mater- « nelle, de l'écriture chinoise et de l'écriture « ouïgoure. En jetant les yeux sur les Leao et « les Kin, noiis voyons que ces deux monar- «r chies eurent leurs propres caractères d'écri- « ture. Nous n'en avions pas qui fussent par- « ticuliers à notre langue, quoiqu'elle se soit « successivement perfectionnée; c'est pourquoi , « le précepteur impérial Pakba inventa les ca- « ractères mongols que nous envoyons au- <r jourd'hui dans les pays de notre domina- « tion, afin que tous les actes soient dressés, a à l'avenir, dans notre langue maternelle, a En considération de ce travail, nous avons « conféré à Pakba le titre de Roi de la foi , ic [Kiao-vang] (i). »

A l'exemple des Chinois qui rendent un culte religieux à leurs ancêtres, Coubilaï fit élever à Yan-king, dans l'année ia63, un temple consacré aux mânes de Tchinguiz- khan , de son père Yissougaï , de ses quatre fils Ogotaï, Djoutchi, Tchagataï, Toulouï, de ses petits- fils Couyouc et Mangou, auxquels il

(i) Hyacinthe, Zapiski o Mongolii (Description de la Mongolie), tom. II, pag. 3oJ^

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374 HISTOIRE DES MONGOLS.

donna des noms honorifiques , en langue chi- noise (i). Une salle particulière y était dédiée à chacun de ces princes; on y voyait son nom et son surnom honorifique tracés sur une tablette appendue au mur, et à côté, une autre tablette avec le nom et le surhom de la première de ses femmes. L'empereur alla , pour la première fois, en avril ia63, honorer leur mémoire dans ce nouveau temple, qui ne fut achevé qu'en ia66, et il ordonna, qu'en certains temps de l'année, des bonzes y vins- sent réciter des prières pendant sept jours et sept nuits (a).

Suivant un usage établi en Chine, depuis les siècles les plus reculés, le fondateur d'une dynastie donne à sa famille un nouveau nom , qu'elle conserve tant qu'elle occupe le trône. Les prédécesseurs de Coubilaï ne considé- raient leurs possessions chinoises que comme des provinces du grand empire, dont le siège était fixé en Tartarie; mais Coubilaï, ayant établi sa résidence en Chine, et adopté les lois et les xisages de ce pays , agréa , en

(i) Ces temples aux ancêtres sont appelés Taï^miao par les Chinois.

(a) Mailla, ib., pag. 3oi. Gaubil, paç. 14a et i45.

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LIVRB III^ GHA.PITRE 1. 375

1271 , la proposition qui lui fut faite par des mandarins, de donner à sa dynastie le nom chinois de Yuan, qui veut dire origine, principe (i). Il désigna aussi par des titres particuliers les années de son règne (a).

Coubilaï s'était entouré de savants chinois. On voyait à sa cour Yan-tcheou , Li-chouang , Hiu-heng, Teou-mé, Lieou-ping-tchong et d'autres hommes de mérite, qui l'instruisaient dans l'art de gouverner. Souvent ils lui re- présentaient que les Mongols étaient trop sanguinaires; que la crainte de leur barbarie animait les peuples à la résistance, qu'avec plus d'humanité, on prendrait les villes plus aisément (3). A l'exemple des empereurs chi- nois, Coubilaï créa une académie, composée des lettrés du premier ordre. Il fit choix de plusieurs de ces académiciens, appelés en chinois Han-lin , pour former une commission chargée spécialement de rédiger l'histoire de l'empire. Sur la proposition du savant Yao- chou, nommé ministre d'état, en 11263, Cou- bilaï avait ordonné l'établissement d'écoles pour l'instruction et l'éducation de la jeunesse, dans

(i) MaHla, ibid^ pag. H112.

(!») Gaubil, pag. i38.

(3) Mailla, ibid. , pag. 282.

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3'jb HISTOIRE DES MONGOLS.

toutes les provinces de l'empire. Il voulait tirer les Mongols de leur ignorance, honteux de voir combien les princes et les seigneurs de sa nation étaient, en fait de lumières, au- dessous des Chinois et des Occidentaux, qui abondaient à sa cour; car les Mongols ne savaient que manier le sabre et l'arc, que soigner les chevaux. Un Chinois, nommé Tchao-pi, avait déjà traduit en mongol une partie des livres classiques. Hiu-heng composa dans la même langue un abrégé de l'histoire et de la chronologie chinoise. Coubilaï don- nait ces livres à apprendre aux Mongols et ne dédaignait pas de les interroger lui-même sur l'ouvrage de Hiu-heng (i). Dès son avènement au trône il avait accordé la liberté à plusieurs milliers de lettrés, faits prisonniers dans le Su-tchouan et le Kiang-nan , et vendus comme esclaves par les Mongols. Il protégeait d'ailleurs les hommes de mérite, de quelque nation ou religion qu'ils fussent. Beaucoup d'étrangei's , Ouïgours, Persans, Turkustaniens , et d'autres pays étaient employés comme traducteurs. Un astronome persan, Djémal-ud-^din , fit un calendrier à l'usage de la cour et offrit à l'em- pereur de beaux instruments d'astronomie.

(i) Gaiibil, pag. 141,

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LIVRB III, CHAPITRE I. 3'JJ

Gaisuï y du pays de Fou-lin , c'est à-dire du Bas-Empire y était à la tête de la faculté de médecine, et Tun des principaux mandarins du bureau des mathématiques (i).

Avant le règne de Coubilaï, il y avait peu de fonctionnaires pour l'administration publi- que et la distribution de la justice. L'auto- rité supérieure était entre les mains des offi- ciers militaires , des commandants appelés Darougasy munis du sceau, plus puissants même que les ministres d'état. Coubilaï char- gea Lieou-ping-tchong et Hiuheng , d'organiser l'administration civile, de déterminer le nom- bre des mandarins, de les classer, de fixer leurs attributions et leurs émoluments. Alors furent créés les principaux collèges; celui des ministres d'état, des censeurs de l'empire, des rites, des mandarins, des crimes, des travaux publics, de la guerre et autres. On établit un bureau des mathématiques. On ré- gla ce qui concernait les officiers de l'armée et ceux du palais impérial. Tous ces statuts furent publiés (a).

(i) Gaubil, pag. i36, i38, i44- (a) Gaubll, pag. i35.

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378 HISTOIRE UES MOITGOLS.

CHAPITRE n.

Arrestation d'un ambassadeur de Coubilaî par ordre du gouvernement Soung. Manifeste de Coubilaî contre les Soung. Révolte du général Li-tan dans le Schan- toung. Mort de Tempereur li-tsong. Guerre contre la Chine méridionale. Siège de Siang-yang-fou. Prise de Fan-tching. Capitulation de Siang-yang. Mort de l'empereur Tou-tsong et minorité de son fils Kong-tsong, sous la régence de l'impératrice, veuve de Li-tsong. Second manifeste de Coubilaî. Opé- rations contre l'empire Soung de deux armées mon- goles , commandées en chef par Bayan. Conquêtes de Bayan le long du grand Kiang. Assassinat d'un ambassadeur de Coubilaî, près de Lin-ngan. Rappel de Bayan. Destitution et mort du ministre Kia-ssé- tao. Opérations militaires. Retour de Bayan. Marche des Mongols sur Lin-ngan. Propositions de paix de la cour Soung. Soumission de l'impératrice régente. Occupation de Lin-ngan par les Mongols. Ordre de l'impératrice régente aux autorités Soung de se soumettre à Coubilaî. Translation à Schang-tou de l'empereur, des impératrices et des autres mem- bres de la famille impériale. Tentative de délivrer l'empereiur en route. Transport à Ta-tou du tré- sor impérial de Lîn-ngan. Opérations du général Alihaya dans le Hou-kouang. Rap|>el de Bayan. Armements des Soung dans le Fou-kien. Y-ouang frère de Kong-tsong, proclamé empereur à Fou-tcheou ,

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LIVRE III, CHAPITRE II- 379

SOUS le nom de Toan-tsong. Siège d'Tang-tcbeou dans le Kiang-nan. Succès des Mongols dans le Fou-kien. Embarquement du nouvel empereur et de son armée à Fou-tclieou. Opérations d'Alihaya dans le Kouang-si. Invasion du Rouan-toimg. Mort de l'empereur Toan-tsong. ^- Inauguration de son frère Ti-ping. Retraite de la flotte chinoise près de File de Yaï. Bataille navale. Défaite des Chinois. Mort de Ti-ping et fin de la dynastie des Soung.

ÏjSl guerre que Caïdou venait de commencer n'empêcha pas Coubilaï d'attaquer l'empire Soung. Il voulait se rendre maître de la Chine entière, projet de conquête que les fils de Tchinguiz-khan n'avaient jamais abandonné. Une violation du droit des gens commise, plu- sieurs années auparavant, par le gouvernement Soung, fournissait à Coubilaï un prétexte pour prendre les armes. Il avait envoyé, en ia6o, un de ses officiers, nommé Hao-king, pour notifier à la cour de Lin-ngan son avènement au trône et veiller à l'exécution du traité con- clu devant Ouo-tcheou. Dès son arrivée sur le territoire Soung, cet officier fiit arrêté et emprisonné par l'ordre du ministre Kia-ssé- tao , qui voulut empêcher ainsi que l'empe- reur n'eut connaissance de son traité avec Coubilaï. 11 prit même la cruelle précaution

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38o HISTOIRE DES HOITGOLS.

de faire disparaître ceux qui étaient instruits de ce pacte. L'arrestation de Hao-king provo- qua, de la part de Coubilaï,le manifeste sui- vant, publié en 1261.

a Depuis que je suis sur le trône, j'ai mis « tous mes soins à procurer à mes sujets les « douceurs de la paix, et dans ce dessein, a j'envoyai, l'an passé, un de mes officiers « proposer aux Soung un arrangement solide, « propre à rendre la tranquillité à nos peuples, «c Leur cour, peu inquiète de l'avenir, n'en « .est devenue que plus hardie et plus entre- nt prenante, et il n'est pas de jour que leurs « soldats n'inquiètent nos limites. J'avais com- « mandé à mes généraux de se tenir prêts au « printemps dernier ;. mais, pensant aux suites « funestes de la guerre , et me flattant que <c Hao-king, mon envoyé, reviendrait bientôt a avec des espérances conformes à mes vœux , «c j'avais changé de sentiment. Je me suis a trompé; ils ont arrêté cet envoyé contre le « droit convenu entre les souverains , et j'at- « tends inutilement son retour depuis plus de « six mois; d'ailleurs, ils continuent les hos- « tiUtés, et prouvent évidemment, par cette « conduite, qu'ils ne veulent pas de paix avec « nous. Une nation qui, depuis tant d'années, « se pique de philosophie et d'observation

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LIVRE m 9 CHAPITRE II. 38l

« des règles d'un bon gouvernement, devrait a elle agir ainsi? Sa conduite, si peu con- « forme aux lois dont elle se glorifie, est « comparable aux ombres qui donnent du « relief à un tableau, et le font paraître avec « éclat, mais que cet éclat même rendent plus « sensibles. De même la beauté de ses lois « forme un contraste avec sa manière d'agir, a et nous fait mieux appercevoir sa mau- « vaise foi.

« Vous, généraux de mes armées, rassem- « blez vos troupes; aiguisez vos sabres et « vos piques; préparez vos arcs et vos flèches; a engraissez vos chevaux, et mettez vous en « état d'aller, l'été prochain , punir les Chinois, « que mon dessein est d'attaquer par terre « et par eau. La droiture de mes intentions « et la justice de ma cause m'assurent la vie* « toire. Vous, Grands de ma cour, faites sa- « voir cet ordre à tous mes sujets; que les ce officiers et les soldats en soyent instruits, « et que chacun de vous soit attentif à son « devoir. »

Cependant, la guerre que Coubilm devait soutenir contre son frère lui fit différer l'exé- cution de ses desseins hostiles contre les Soung. A peine fut il arrivé à Yan-king, après les \^^ deux batailles que lui avait livrées Aric-Bouga

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38a HISTOIRE DES MONGOLS.

près du désert, qu'il apprit la révolte de Li-tan, chef de ses troupes dans le pays de Riang-hoaï. Ce général s'était emparé des villes de Tsi-nan et de Y-tou (Tsing-tcheou- fou) dans le Schan-toung, avait passé au fil de l'épée les militaires mongols répartis dans plusieurs garnisons de cette contrée, et s'était déclaré pour les Soung. Coubilaï fit marcher contre ce rebelle, le prince Apitché et le général Ssé-tian-tché, qui l'assiégèrent dans Tsi-nan. La défense fut opiniâtre; lorsque les vivres furent consommées, on se nourrit dans la ville de chair humaine. Au bout de quatre mois, Li-tan, réduit à la dernière extrémité, après avoir tué sa femme et ses concubines; se jeta dans le lac de Ta-ming; mais l'eau y était peu profonde, et Ssé-tian-tché lui fit couper la tête. On sut que les Soung avaient soutenu cette révolte, quoique timi- dement

Malgré ses griefs contre les Soung, Coubilaï tarda encore quelques années à leur faire la guerre. L'empereur Li-tsong était mort en novembre i!&64, dans la quarantième année de son règne et la soixante-deuxième de son âge , laissant le trône, faute d'enfants mâles, à son neveu, Tchao-ki, qui prit le nom de Tou- tsong. Ce ne fut qu'en 1267, ^"^ Coubilaï

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LIVKE III, GHAPITAE II. 383

résolût de mettre à exécution son dessein d'attaquer la Chine méridionale, et il s'éclaira, dans la discussion du plan de campagne, des connaissances d'un général soung transfuge. Lieou-tching était, quelques années auparavant, gouverneur du département de Lou-tcheou, dans le Su-tchouan. Ayant appris que le gou- verneur général de cette province, qui était son ennemi, l'avait accusé auprès de Kia- ssé-tao, et craignant pour sa vie, il avait passé au service des Mongols. Il se rendit, à la fin de ia6i , à la cour de Coubilaï, qui le nomma gouverneur de Kouei-tcheou , ville sur les confins du Hou-kouang et du Su- tchouan. Lieou-tching était l'un des meil- leurs officiers de l'empire qu'il avait dé^ serté. La guerre étant décidée, ce fiit d'a- près ses conseils, que l'on commença les opérations militaires par le siège de Siang- yang, ville située sur la rive septentrionale du fleuve Han, dont la possession devait fa- ciUter la conquête des pays arrosés par le grand Kiang. Cette ville et celle de Fan- tching, sur la rive opposée, avaient été occu- pées par les Mongols , sous le règne d'OgotaL Kia-ssé-tao, croyant ramener Lieou-tching, ou ne voulant, peut-être, que le rendre sus- pect aux Mongols, le fit créer prince de Yen,

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384 HISTOIRE DES MONGOLS.

et lui envoya un sceau d'or, les lettres paten- tes, et les marques de cette nouvelle dignité. Lieou-tching fit arrêter Fofficier porteur de ces insignes, et le conduisit lui-même à la résidence de Coubilaï, aux pieds duquel il renouvella les protestations de sa fidélité. Ce prince le traita avec distinction, çt fit couper la tête à l'officier chinois.

Par son ordre Atchou, fils d'Ouriangcoudaï et le général Lieou-tching allèrent, à la tête d'une armée de soixante-dix mille hommes, mettre le siège devant Siang-yang, en octobre ia68. Sché-tian-tsé avait été nommé généra- lisime des troupes destinées contre les Soung. Sous cet illustre guerrier chinois, voulurent servir beaucoup d'officiers de diverses nations soumises au grand Khan, Ouîgours, Persans Arabes, Kiptchaks, Ases et autres. Sché-tian- tsé ayant examiné la position de Siang-yang, jugea que cette ville était en état de soute- nir un long siège, et qu'il fallait l'affamer. Pour lui couper toute communication par terre, il la fit entourer d'un rempart qui eipbrassait, dans son circuit, une montagne située à trois lieues de la ville, et des forts liés entre eux furent bâtis sur les hauteurs environnantes.

Mais Lieou-tching, chargé de conduire le

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LIVRE m, CHAPITRE IT. 385

siège, vit qu'il ne pourrait pas empêcher la ville de recevoir des secours, tant qu'il ne serait pas maître du fleuve, les Chinois avaient une flottille nombreuse; il fallait aux Mongols un grand nombre de mariniers. Son collègue Atchou fit construire cinquante gran- des barques, les soldats furent exercés tous les jours à la manœuvre et aux com- bats. Malgré ces précautions, les assiégeants ne purent empêcher une flottille chinoise bien armée et chargée de munitions et de vivres, d'arriver, dans l'automne de l'année suivante, à la faveur d'une crue extraordinaire du fleuve, sous les murs de Siang-yang et de ravitailler cette place; mais Atchou lui fît du moins éprouver, à son départ, une perte considé- rable; il prit cinq cents barques.

Au bout d'une année de blocus, les Mon- gols virent la nécessité d'investir aussi Fan- tching, qui communiquait avec Siang-yang, par plusieurs ponts de bateaux. Us garnirent les deux rives du fleuve de postes militaires et de retranchements; son cours fut barré par des chaines et couvert de barques armées.

Siang-yang paraissait abandonnée à son sort. Le gouvernement Soung ne prenait aucunes mesures pour secourir cette place impor- tante. Kia-ssé-tao mettait le plus grand soin a a5

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386 HISTOIRE DES MONGOLS.

à cacher à son souverain ce qui se passait dans l'empire. On rapporte que, malgré ses précautions, Tou-tsong ayant ouï dire que Siang-yang était assiégée depuis trois ans, voulut s'en éclaircir, et que son ministre l'as- sura que les Mongols avaient déjà levé le siège et repris la route du nord; que Kia- ssé-tao chercha à savoir qui avait donné à l'empereur cette fausse nouvelle; que n'ayant pu faire nommer le coupable , il réussit néan- moins à le découvrir , et le fit périr sous un prétexte. Cependant la question que venait de lui faire Tou-tsong le tira momentanément de sa torpeur. Il donna à Fan-ouen-hou le commandement d'une armée pour secourir les places assiégées. 1271. De son côté, Coubilai avait réuni des forces destinées à protéger l'armée de siège. Elles marchèrent, divisées en trois corps, par dif- férentes routes, et se réunirent sur le bord du fleuve Han , au-dessous du lieu la flo^ tille ennemie était stationnée (i). Ces troupes

(i) Selon Raschid, au bout de quatre années de guerre, les généraux du Caan lui demandèrent des renforts. Pour leur en fournir promptement , Coubilaî fit ouvrir les pri- sons du Khitaï. On en tira près de vingt mille individus.

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LIVRE m, CHAPITRE II. 387

ayant barré le fleuve par un pont de bateaux s'emparèrent de presque tous les vaisseaux chinois.

Atchou alla à la rencontre de Fan-ouen-hou, qui s'était approché de Siang-yang^ avec une armée de cent mille hommes; les deux avant- gardes en vinrent aux mains; celle des Chi- nois fat taillée en pièces. Cet échec répandit un tel eâroi dans l'armée soung qu'elle prit la faite, abandonnant ses étendards, ses armes et ses bagages.

Les assiégés, qui avaient pour chef Liu-ouen- hoan, guerrier habile et valeureux, ne se laissèrent pas décourager par ces deux revers* Au bout de quatre ans de siège la ville était x^?)* encore bien pourvue de vivres; mais elle commençait à manquer de plusieurs articles, tels que sel, paille, soie. Le gouverneur de Ngan-lo entreprit de l'en pourvoir. Li-ting-tchi commandait dans cette place, située sur le

Quand ils furent assemblés on leur dit, qu'au lieu de les mettre à mort , comme ils le méritaient, on allait leur donner des habits et des armes et les envoyer contre le Nanguiass; que ceux qui se distingueraient seraient ré- compensés. Raschid observe qu'en effet, beaucoup de ces prisonniers obtinrent, par leurs services, des grades sur périenrs.

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388 HISTOIRE DES MONGOLS.

fleuve Han , à une vingtaine de lieues au- dessous de Siang-yang-fou. Il fit construire une centaine de petites barques sur une ri- vière qui se jette du nord dans le Han; elles furent attachées ensemble, trois par trois; on chargea celles du milieu; les deux au- tres devaient être garnies d'hommes armés. Il fut promis de grandes récompenses à ceux qui voudraient y monter; trois mille braves s'offrirent. Li-ting-tchi mit à leur tête deux officiers, nommés Tchang-schun et Tchang- koué, dont la valeur inspirait aux soldats la plus grande confiance. Les bateaux étaient armés de flèches à feu et de machines qui, au moyen d'une poudre inflamable lançaient des pierres et des charbons allumés. Cette flottille, partagée en deux divisions, entra de nuit dans le Han, le remonta, passa entre les postes des Mongols, brisa les chauies qui bar- raient le fleuve, et après avoir parcouru douze lieues, toujours en combattant, elle atteignit vers le matin Siang-yang, elle fut reçue avec les plus vives démonstrations de joie et d'enthousiasme; mais l'un de ses chefs, Tchang-schun, avait été tué dans la traversée; l'autre, Tchang-koué, étant reparti avec ses barques, rencontra la flottille mon- gole, qu'il avait pris de loin pour celle des

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LIVRE iri, cuAPiTRE II. SSg

Soung; le combat fut acharné; ses gens se firent hacher en pièces. Tchang-koiié lui-même fut pris, couvert de blessures, et comme il refusa de se soumettre, les Mongols le tuèrent; puis ils chargèrent quatre de leurs prisonniers de transporter son corps à Siang- yang.

A cette époque arrivèrent à l'armée de siège des ingénieurs que Coubilaï avait fait venir de Perse. Un officier général employé dans cette armée, Alihaiya, ouïgour, avait parlé à ce monarque d'ingénieurs dans l'Oc- cident, qui construisaient une espèce de ma- chines avec lesquelles on pouvait lancer des poids énormes. L'empereur en fit demander à Abaca , qui avait succédé à son père Houlagou sur le trône de Perse. Ce prince fit partir en courriers deux de ces ingénieurs, nommés Alaï- ud-din et Ismaïl. Ils firent des essais à Ta-tou^ en présence de Coubilaï , et furent envoyés à l'armée vers la fin de layii.

Au commencement de l'année suivante , les deux ingénieurs dressèrent leurs machines contre les murs de Fan-tching; elles lançaient des pierres du poids de cent cinquante livres chinoises , lesquelles faisaient dans les rem- parts des cavités de sept ou huit pieds de profondeur. La brèche fut bientôt praticable.

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390 HISTOIRE DES MONGOLS.

Les Mongols, commandés par Alihaiya mooh tèrent à l'assaut, et emportèrent les £siu- bourgs, après un grand carnage. Ils travail- lèrent sur le champ à rompre le pont de ba* teaux qui joignait les deux villes. Atchou fut chargé par Ssé-tien-tché de conduire cette attaque, et réussit à brûler le pont. Des trou- pes postées le long du fleuve purent dès-lors couper toute communication entre Fang-tching et Siang-yang. Après avoir isolé la première de ces villes, les Mongols la prirent d'assaut* Fan-tien-chun, qui y commandait, se tua, di- sant qu'il voulait mourir sujet des Soung. Son collègue Nieou-fou, à la tête d'une centaine de braves, se battit dans les rues, faisant mettre, en se retirant, le feu aux maisons. Percé de coups, il se jeta dans les flammes, et les militaires qui le suivaient, voulurent périr de même. Les Mongols se rendirent ainsi maîtres de Fan-tching, en février 1273.

La prise de cette ville détermina Kia-ssé-tao à faire une démonstration de zèle. Il s'ofifrit d'aller en personne au secours de Siang-yang; mais il se fit donner l'ordre de ne pas quitter la cour, parce que sa présence y était néces- saire, et choisit, pour commander l'armée, le général Kao-ta, qui, par malheur, était l'ennemi déclaré de Liu-ouen-han.

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LIVRE m, CHAPITRE II. SqI

Les catapultes qui avaient servi à battre Fan-tchingy furent dressées ^ après la prise de cette ville, contre Siang-yang; mais l'at- taque ne commença que dans le mois de novembre de la même année. Ces machines battaient les tours avec un fracas épouvanta- ble; on croyait entendre des coups de tonnerre; les assiégés s'éloignèrent avec effroi des points exposés à l'effet de ces batteries (i) et le dé-

(i) Mailla, îb., pag. 809 et suiy. Ganbil, pag. i55 et suîv. Visdelou, Supplément ^ etc., pag. 188. Cet auteur croit que les machines construites par les ingé- nieurs de rOccident, étaient des bouches à feu, c'est-à- dire une espèce de canon. Raschid fait mention du siège de Sayan-fou et rapporte que, comme il n*y avait pas en' Chine de grands Mandjaniks Coumga (Mandjanik , qui Tient du grec Mechdnikos, signifie catapulte chez les Persans et les Arabes; mais nous ignorons ce que désigne Coumga) , le Caan ayait fait venir un ingénieur de Damas on de Baalbek, dont les trois fils Abou-biker, Ibrahim et Mohammed avec leurs ouvriers, avaient construit sept grands Mandjaniks, qui furent employés au siège de Sayan-fou, place frontière et boulevard du Man-zi , c'est- à-dire de la Chine méridionale. Marco Polo parle aussi du siège de Sayan-fou, et des machines dont on se servit pour battre cette place. Voici ce qu*il en dit : « La prin- « cipale difficulté de ce siège provenait de ce que la place , «entourée d*eau de tous les côtés, excepté au nord>

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39^ HISTOIRE DES MONGOLS.

couragemeut se répandit dans la ville. C'était le moment de faire accepter une capitulation.

« était approvisionnée par des bateaux, sans que les as- « siégeants pussent l'enipêcher. L'empereur fut très-irrité « des obstacles qui retardaient sa reddition ; alors les « frères Nicolo et Matheo (l'un père, l'autre oncle de « Marco Polo), qui se trouvaient à la cour impériale, « proposèrent à Coubilaî de construire des machines *i semblables à celles dont on se servait dans l'Occident, « avec lesquelles on lançait des pierres du poids de trois « cents livres. Leur mémoire ayant obtenu l'approbation « de l'empereur, ce prince ordonna que l'on mit a leur « disposition les plus habiles forgerons et charpentiers ; « il y avait parmi eux plusieurs chrétiens nestoriens qui « étaient d'excellents machinistes. Sous la direction des « deux frères vénitiens , ils eurent, en peu de jours , « construit trois catapultes; lorsqu'on en fit l'essai en tt présence du grand khan et de toute sa cour , on vit « qu'elles lançaient en effet des pierres pesant trois cents « livres. Elles furent aussitôt embarquées et transportées « à l'armée. On les dressa contre la ville assiégée , et la « première pierre lancée par ime de ces machines écrasa « la plus grande partie d'un édifice. Ce terrible effet causa « une telle frayeur aux habitants, qu'ils délibérèrent de « leur reddition. Ils envoyèrent des parlementaires au « camp mongol , et leur soumission fiit acceptée sous les « m^es conditions qui avaient été accordées au reste de « la province. » Marco-Polo, Trapels , transi, by Will. « Marsden, Lond. 1818, in-4^, ch. 62, pag. 488.

r^icolas et Mathieu Polo, gentils-hommes vénitiens, par-

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Z.IVRE III, CHAPITRE IL 393

Lieou-tching , qui avait connu Liu-ouen-han demaïkla à lui parler et s'approcha du pied de la muraille; mais lorsqu'il commençait à parlementer avec le commandant, des sol- dats de la garnison, placés en embuscade, lui tirèrent des flèches et il ne dut son salut qu'à la bonlé de son casque et de sa cuirasse. Les troupes mongoles voulurent tirer vengeance de cette perfidie, en donnant l'assaut; Lieou- tching et Alihaiya les arrêtèrent. Ce dernier fit savoir aux assises qu'il avait une procla-

tirent de Venise par mer pour Constantinople , en 1259, et se rendirent à la cour du prince Barca, sur le bord du Volga, ils demeurèrent un an. Après la défaite de Barca par l'armée de Holagou, ils allèrent à Boukhara, résidence du prince Borac ; ils y étaient depuis trois ans , lorsqu'un ambassadeur envoyé par Holagou à la cour de Coubilaï , passant par Boukhara , engagea les deux Vénitiens à l'accompagner; ils y consentirent. Après un séjour de plusieurs années en Chine, ils revinrent dans leur patrie en 127a; mais ils, ne tardèrent pas à repartir pour la Chine, et emmenèrent alors Marco, fils de Nir- colas. Ce jeune homme ayant appris les différentes lan- gues usitées en Chine, fut chargé par Coubilaï de com- missions importantes dans différentes parties de cet em- pire, où il demeura dix-sept ans. Il le quitta en 1291, et fut le premier qui donna en Europe quelques notions sur ce pays, qui n'y était connu que de nom.

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394 HISTOIRE DES MONGOLS.

mation de Coubilai à leur communiquer ^ et s'avançant au pied du rempart ^ il lut it haute voix cette pièce ainsi conçue:

<c La défense généreuse que vous faites de- a puis cinq ans vous a comblés de gloire, (c Servir son prince aux dépens de ses jours ^ «c c'est le devoir de tout sujet fidèle; mais, « dans l'état, vous êtes réduits , épuisés de « forces, privés de secours et de toute espé- « rance d'en recevoir, serait-il raisonnable « de sacrifier, par opiniâtreté, la vie de tant « de braves gens? Soumettez- vous , et il ne a vous sera fait aucun mal. Nous promettons « de donner à chacun de vous des emplois <c honorables. Vous serez contents; nous y « engageons notre parole impériale. »

Liu-ouen-hoan accepta ces promesses, dont Alihaiya jura le fidèle accomplissement, en „ar« rompant une flèche. Il remit la ville aux Mongols; puis il se rendit avec Alihaiya à la cour de Coubilaï, qui le combla de marques de bonté, et le nomma commandant de tou- tes les troupes du département de Siang-yang. Les officiers sous ses ordres furent placés avantageusement dans l'armée impériale.

La défection de Liu-ouen-hoan causa une grande sensation à la cour des Soung; sa fa- mille était l'une des plus considérables de

mars.

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LIVRE III, CHAPITRE II. SqS

Tempire. Plusieurs de ses parents, qui occu- paient .des postes élevés , présentèrent des pla- cets à l'empereur, pour demander leur dé- mission, comme ayant le tort d'appartenir, par les liens du sang, à ce transfuge; mais Kia^ssé-tao, Tami de cette famille, ne fit nulle mention de leurs suppliques.

Coubilaî, qui avait à soutenir une guerre dans le Nord contre des princes de sa famille, était disposé à faire cesser les hostilités dans le Midi; mais ses généraux, Alihaija, Atchou, Lieou-tching, lui représentèrent les avantages que donnait la prise de Siang-yang pour continuer la guerre, Fanimant à profiter de la faiblesse du gouvernement chinois. L'em- pereur Tou-tsong venait de mourir. Ce pnnce ^^^^ efféminé abandonnait le soin des affaires à Kia-ssé-tao et à ses autres ministres , aussi indifférents que lui sur les intérêts de l'empire. Les Grands voulaient mettre sur le trône Tchao-ché, fils aîné de Tou-tsong ; mais le premier ministre jugea qu'il conserverait plus long-temps son autorité, en y plaçant Tchao-hien, second fils du défunt empereur, âgé seulement de quatre ans. Ce prince reçut le surnom de Kong-tsong, et l'impératrice Sieï-chi, veuve du père de Tou-tsong, fut proclamée régente.

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396 HISTOIRE DES MONGOLS.

Tandis que les préparatifs d'une invasion dans Teinpire chinois se poussaient avec ac- tivité, Coubilaî voulut justifier, par un mani- feste, ses hostilités contre les Soung. Il y exposa les démarches faites par Tchinguiz- khan, Ogotaï et Mangou pour établir une paix solide entre les deux empires, rappelant que lui-même, lorsqu'il n'était encore que prince, avait accordé la paix aux Soung sur les bords du Kiang; mais que les Soung l'avaient violée, dès qu'il eut retiré! ses trou- pes; qu'après son avènement au trône, il avait bien voulu oublier tous les sujets de mécontentement passés , et n'avait pas hésité de faire des avances , en envoyant un ambas- sadeur, chargé de cimenter cette paix; mais que non-seulement les Soung ne hii avaient pas permis de se rendre à sa destination; qu'ils l'avaient arrêté, contre le droit des gens, et qu'ils le retenaient encore, lui et les personnes de sa suite.

Après la publication de ce manifeste, Cou- bilaî nomma Sché-tian-tsé et Bayan, généraux en chef de l'armée qui devait pénétrer dans le Hou-kouang, et leur donna pour lieute- nants Atchou, Alihaiya, et Liu-ouen-hoan. Une autre armée devait opérer dans le Riang- nan, sous les ordres des généraux Polohoau,

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LIVRE ITI, GHÂ.PITRE H. 3qJ

Atahai, Lieou-tching , Tatchou et TongouçA- ping (i). Elles pouvaient se monter ensemble à deux cents mille hommes. Sché-tian-tsé étant tombé malade en route , laissa le commande- ment à son collègue (2). Il mourut à Tching- ting-fou, au commencement de l'année 12175; dans ses derniers moments, il avait supplié Coubilaï de défendre le carnage, au-delà du Kiang (3). Bayan était arrivé de Perse, quel- ques années auparavant, avec des ambassadeurs d'Abaca. Coubilaï , charmé de sa bonne mine , voulut s'entretenir avec lui et conçut une si haute idée de son mérite, qu'il le prit à son service, et lui donna un emploi éminent; peu de temps après, en ia65, il le nomma ministre d'État, l'adjoignant à Hantoum (4). Bayan, fils de Gueukdjou, de la tribu mongole des Barines (5), avait passé sa jeunesse en Perse.

(i) « Coubila, dit Vassaf, envoya, en 671 (1273), pour «r achever la conquête de la Chine, une armée de quinze «i toumans (cent cinquante mille hommes), avec laquelle « étaient Adjoun, Béguilmisch, Bayan, fils de Houkta noyan « et Alibeg , fils de Yelvadj. »

(2) Mailla, ibîd., p. agS à 338. Gaubil, p. 146 à iSg.

(3) Gaubil, p. 167. Le nom de ce généralissime est écrit Semehé dans le Djami ut-Tévarikh,

(4) Gaubil, pag. i45»

(5) Djami ut-Tévarikh.

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39B HISTOIRE DES MOITOOLS.

Bayan prit avec Atchou la route de Siang* yangy tandis que l'autre armée, commandée en chef par Polohoan , se dirigeait sur Yang- tcheou dans le Kiang-nan. Bayan recommanda

noT. à ce général d'épargner le sang. Il s'avança lui-même avec une nombreuse flottille, com- mandée par T^iu-ouen-hoan , jusqu'à NganJo- fou, sur le bord du fleuve Han; mais de- vant cette ville, le fleuve était fermé par de fortes chaînes de fer, de grosses poutres atta- chées ensemble, des barques armées de ma- chines à lancer des pierres et chargées d'un grand nombre d'arbalétriers. Bayan jugea qu'il ne pourrait prendre , sans le sacrifice de beau- coup de monde et de temps, cette place qui venait d'être pourvue d'une bonne muraille en pierres, et qui était défendue par une forte garnison. Un Chinois prisonnier le tira de peine, en lui indiquant le moyen de la tourner. Les Mongols traînèrent leurs barques sur des fûts d'arbres et des bam- bous , jusqu'au lac Teng , d'où ils rentrèrent dans le Han, un peu au-dessous de Ngan-lo.

déc. Us allèrent prendre Scha-yang , puis Sin-hing- tcheou, sur le Han, vis-à-vis de Ngan-lo, et descendirent ce fleuve jusqu'à son confluenjt avec le grand Kiang, sur les deux rives du- quel étaient situées les villes de Ouo-tcheou

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LIVRE m, CHAPITRE n. 3gQ

et de Han-yang. Un grand nombre de bar- ques de guerre y sous les ordres du général Hia-koué étaient postées de manière à dé- fendre l'entrée du Kiang. Bayan fit mine de vouloir forcer ce passage , et ayant attiré de ce côté l'attention de l'ennemi , il s'empara de Scha-fou-keoUy y prit une centaine de barques de guerre, et introduisit sa flottille dans la rivière Lun, d'où elle atteignit la rive septentrionale du Kiang. Atchou passa ce ?^^ fleuve avec une division de l'armée. Hia- koué craignant alors d'être coupé , descendit le Kiang avec sa flottille. Les Mongols venaient de prendre Yang-lo ; le commandant de Han- yang s'était rendu. Bayan franchit le Kiang avec toute son armée, et se disposait à faire le siège de Ouo-tcheou, lorsque cette ville lui fat livrée par ses deux commandants, Tchang- yen-gen et Tching-pong-fd, qui passèrent avec leurs troupes au service mongol. Bayan laissa dans cette ville une nombreuse garnison sous les ordres d'Âlihaya , et marcha vers l'est avec le reste de ses forces.

La déroute de Hia-koué, et la prise d'Ouo- tcheou alarmèrent la cour Soung. Kia-ssé-tao fut contraint par la voix publique de se met- tre à la tête de l'armée.

Tching-pong, qui venait de passer au ser»

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400 HISTOIRE DES MONGOLS.

vice mongol , fut chargé d'engager à la sou- mission Tchin-y, commandant de Hoang- tcheou. Tchin-y demanda une place; Bayan lui promit celle de grand inspecteur des pays qui bordent le Riang , et Tchin-y mit les Mongols en possession de Hoang-tcheou. Il entraîna même dans sa défection le gouver- neur de Ri-tcheou. Plusieurs de ceux qui commandaient dans les places situées sur le Riang, avaient servi sous Liu-ouen-hoan , ou sous des officiers de sa famille; ils se soumi- rent aux Mongols 9 sans attendre leur somma- tion. Tchin-yen, fils de Tchin-y, commandant de Ngan-tong-tcheou , dans le Riang-naii , sui- vit l'exemple de son père. Le gouverneur de Rieou-kiang-fou (Rian-tcheou) , dans le Riang* si, ouvrit ses portes à Bayan, qui reçut bien- tôt, dans cette ville, les soumissions des com- mandants de Ngan-king, Té-ngan-fou et Lou- ngan. L'accueil que ce général faisait aux transfuges chinois, faciUtait ses conquêtes.

Cependant Ria-ssé-tao avait assemblé une grande armée, et fait entrer dans le Riang, par Si-gan-tchi-kéou, une flottille nombreuse, mars, qui se posta près de Vou-hou. Il y fut joint par la flotte de Hia-koueï. Ce ministre renvoya à Bayan un officier mongol, fait prisonnier, lui fit présenter une quantité de beaux fruits,

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LIVRE m, CHAPITRE II. 4oï

et lui proposa la paix aux conditions du traité conclu avec Coubilaï, lors du premier siège de Ouo-tcheou. Bayan lui écrivit qu'il aurait faire ces ouvertures avant le passage du Kiang par l'armée mongole; que si cependant Kia-ssé-tao désirait sincèrement la paix, il pouvait venir le trouver. Cette lettre resta sans réponse.

La ville de Tchi-tcheou sur le bord du Kiang 9 avait été aussi livrée aux Mongols* Kia-ssé-tao chargea Sun-hou-tchin d'aller avec des forces considérables occuper une île du Kiang, située au-dessous de Tchi-tcheou, et confia encore deux mille cinq cents bar* ques à Hia-koueï, pour fermer le Kiang et arrêter les Mongols. Il se posta lui-même près de Lou-kiang avec le gros de son armée.

Bayan fit avancer son infanterie et sa cava- lerie le long des deux rives du Kiang. Ces troupes, arrivées vis-à-vis de l'île occupée par Sun-hou-tchin, firent jouer leurs balistes , tan- dis qu'une multitude de petites barques , char- gées de soldats, sous les ordres d'Atchou, y effectuèrent une descente. Les Chinois, sans songer à se défendre, coururent à leurs bar- ques; mais une nuée de projectiles dirigés contre eux des deux rives, coulèrent à fond nombre de ces barques et tuèrent tant de a a6

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402 HISTOIRE DES MONGOLS.

monde que les eaux du fleuve furent feintes de sang. Cette victoire facile valut aux Mon- gols un immense butin. Kia-ssé-tao instruit de l'événement par Hia-koueï, qui s'était retiré à l'approche des Mongols, fit mettre sur le champ à la voile, et descendit le fleuve avec tous ses vaisseaux. 11 s'arrêta près d'une île du Kiang, appelée Kin-scha, il fut joint par Sun-hou-tchin , et tint conseil avec ce général et avec Hia-koueï. Ces deux chefs lui exposèrent qu'on ne pouvait pas compter sur le soldat, qui tremblait à la seule vue des Mongols. D'après leur avis Kia-ssé* tao se retira à Yang-tcheou, pour y réunir de nouvelles forces; mais ses efforts furent vains; les troupes découragées ne voulaient plus servir sous lui.

Après cette dernière déroute des Chinois, les Mongols prirent possession de plusieurs villes du Kiang-nan , telles que Tching-kiang, Ning-koue, Long-hing, Kiang-yn dont les gou- verneurs s'étaient enfuis; d'autres, comme Taï- ping, Ho-tcheou, Vou-oueï, fiirent livrées par ceux qui y commandaient. A l'approche de Bayan, le gouverneur de Nan-king, Ouang-li- sin, désespérant du salut de sa patrie, et décidé à mourir le sujet de l'empereur Soung , prit du poison, au milieu d'un repas il avait réuni

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LIVRE m, CHAPITRE I. 4o3

ses parents et ses amis, et Nan-king passa ^ sans obstacle, au pouvoir des Mongols.

La saison des grandes chaleurs approchait Coubilaï voulant ménager ses troupes, manda à Bayan de suspendre jusqu'à Tautomne, les opérations militaires; mais Bayan lui ayant représenté que lorsqu'on tenait son .ennemi à la gorge, il ne fallait pas le laisser respirer^ l'empereur lui écrivit qu'il s'en rapportait à lui sur ce qu'il y avait de mieux à faire.

Le gouverneur de Kouang-té , dans le Kiang* nan , ceux de Tchang-tcheou et de Ping-kiang- fou, livrèrent ces villes aux Mongols; mais Kouang-té fut repris par Tchong-schi-kié. L'im- pératrice régente venait d'exhorter, par un édit, les fidèles sujets des Soung à prendre les armes. Cette proclamation ranima le zèle de quelques chefs militaires. Tchang-schi-kié re- couvra Yao-tcheou dans le Kiang-si. Nommé général en chef, il divisa ses forces en trois corps qui furent dirigés sur Kouang-té, Ping- kiang et Tchang-tcheou; mais ces deux der- nières villes ne furent pas reprises.

Hao*king, ambassadeur de Coubilaï, était encore retenu prisonnier. Coubilaï donna au frère de Hao-king la mission d'aller le récla- mer à la cour chinoise. Hao-king fut mis en liberté avec toutes les personnes de sa suite;

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4o4 HISTOIRE DES MONGOLS.

la?^. mais il tomba malade, en route, et mourut en arrivant à Yan-king. Il était l'auteur d'ou- vrages estimés , entre autres d'une histoire des Han postérieurs.

Coubilaï envoya, peu après, à la cour des Soung, pour lui faire de nouvelles proposi- tions de paix , Lien-hi-kien , frère de Lien-hi- hien, président du tribunal des rites et Yeng- tchong-fou, assesseur au conseil des travaux publics. Lien-hi-kien étant arrivé à Kien-kang, ou Nang-king, le quartier-général de Bayan, obtint de ce chef une escorte de cinq cents hommes , et Bayan défendit à ses troupes tout acte d'hostilité, afin de ne donner aucun prétexte pour insulter cette ambassade; néan- moins Lien-hi-kien fut attaqué près de la for- teresse de Tou-song , dans le département de Sou-tcheou-fou , par des troupes chinoises , qui tuèrent son collègue, le blessèrent lui-même et le conduisirent à Lin-ngan , il mourut de ses blessures. La cour Soung expédia aus- sitôt un officier au camp de Man-king, avec une lettre elle protestait que cet attentat avait eu lieu à son insu, et qu'on en recher- cherait les auteurs. Elle déclarait en même temps qu'elle était disposée à se reconnaître tributaire de l'empereur mongol.

Bayan, se méfiant de la sincérité de ces

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LIVRE m, CHAPITRE II. 4^5

propositions, les reçut froidement, et fit partir pour Ling-ngan, avec celui qui les avait apportées, un de ses officiers, nommé Tchang-yn, sous prétexte de traiter de la paix; mais en effet pour examiner ce qui se passait dans la capitale. Tchang-yn fut assassiné en route. Indigné de tant de per- fidie, Bayan demanda à Coubilaï la permis- sion de continuer la guerre. Ce souverain , qui était alors pressé par Caïdou, lui or- donna, en réponse, de se rendre à sa cour, voulant le mettre à la tête de l'armée qui devait marcher contre le prince rébelle. Bayan partit pour le Nord.

Kao-schi-kié, gouverneur de Yo-tcheou, dans le Hou-kouang, ayant formé le dessein d'attaquer Ouo-tcheou , assembla les troupes de son département, les mit sur plusieurs milliers de barques armées en guerre, et s'empara du détroit de King-kiang. Alihaiya, qui commandait à Ouo-tcheou, s'avança avec sa flotte à la rencontre de Kao-schi-kié, qui ne voulant pas courir la chance d'un combat, de peur d'exposer Yo-tcheou, leva l'ancre au milieu de la nuit, et se retira dans le lac de Tong-ting, il rangea ses barques en ordre de bataille. Alihaiya forma des siennes plusieurs escadres, qui fondirent

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4o6 HISTOIRE DES MONGOLS.

sur les Chinois et les uiireut ea fuite. Les Mongols prirent la barque que montait Kao- schi-kié. Ce gouverneur fut décapité, et sa tête portée au bout d'une lance sous les murs de Yo-tcheou, qui se rendit à la pre- mière sommation.

Encouragé par cette conquête, Alihaiya at- taqua Kiang-ling , dont le gouverneur Kao-ta , l'un des meilleurs officiers de^ Soung , mécon- tent de la cour, à cause d'un passedroit, ren- dit la place au bout de quelques jours. Il fit écrire aux commandants des villes de sa juri- diction , pour les engager à se soumettre éga- lement aux Mongols, et il y en eut plus quinze qui se rendirent. Alihaiya, en vertu de ses pouvoirs, laissa toutes ces villes sous l'autorité de ceux qui y commandaient. Con- tent de ces succès, Coubilaï, qui affectionnait particulièrement ce général, lui en témoigna sa satisfaction par écrit, et donna à Kao-ta la poste que les Soung lui avaient refusé.

La partie méridionale du Su-tchouan obéis- sait encore aux Soung. Le gouverneur mongol Ouang-liang-tchin attaqua le général Tsan- ouan*cheou qui y commandait, le battit et l'investit dans Kia-ting, sa résidence. Tsan- ouan-cheou se rendit, et remit un état dé- taillé de toutes les places de son département

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LIVRE III, CUAPITRE II. 4«7

au général mongol, qui lui fit obtenir de Coubilaï la conservation de son poste. Ce- pendant le Su-tchouan ne fut entièrement soumis qu'au commencement de l'année 1278.

Au lieu de profiter de l'absence de Bayan, pour se mettre en état de résister à de nou- veaux efforts, la cour Soung ne paraissait occupée que du sort de Ria-ssé-tao. L'impéra- trice régente avait enfin destitué, en 1274, et même ^rivé de tous ses emplois, ce minis- tre, devenu odieux à la nation; mais cette justice tardive ne satisfesait pas la haine pu- blique. Les Grands demandaient qu'il fut mis en jugement; ils avaient préparé contre lui dix chefs d'accusation. La régente ne put se résoudre à le faire périr ; elle confisqua ses biens et le relégua, pour le reste de ses jours, à Kien-ning-fou , dans le Fou-kien. Un fonc- tionnaire, dont le père avait été envoyé en exil par Kia-ssé-tao, ayant obtenu la com- mission de le conduire au lieu fixé pour sa retraite, prit à tâche, pendant le voyage, de molester l'ex-ministre, et finit par lui ôter la vie dans l'une des dernières stations sur cette route; crime qu'il ne tarda pas à expier par le dernier supplice.

Atchou résolut d'attaquer le général Tchang- schi-kié qui s'était posté près de la montagne

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4o8 HISTOIRE DES MONGOLS.

ïsiao, avec un grand nombre de barques. Il plaça en avant sur les plus grands ba- teaux environ mille arbalétriers, auxquels il recommanda de s'attacher à brûler, avec leurs flèches enflammées, la flotille chinoise, et il se posta au centre pour les soutenir. Les Mongols coururent à pleines voiles sur la flottille en- nemie, et l'on vit bientôt le Kiang couvert de flammes et de fumée. Pour éviter de tomber entre les mains des Mongols , ou d'être brûlés, beaucoup de Chinois se jetèrent dans le fleuve et s'y noyèrent. Tchang-schi-kié se retira, laissant plus de sept cents barques au pouvoir des Mongols.

Bayan, mandé à Schang-tou, ayant repré- senté qu'il serait nuisible aux intérêts de l'empire d'interrompre le cours de ses opé- rations, obtint de retourner à l'armée du nord. Coubilaï l'éleva au rang de ministre d'État et lui donna pour collègue Atchou , dont il avait fait un grand éloge. Le plan de la prochaine campagne fut arrêté. Bayan devait aller investir la capitale des Soung; Atchou, continuer la guerre dans le Hoaï- nan; Alihaiya, achever la conquête du Hou- kouang méridional; enfin, Songtoucaï, fils du général Tatchar, Liu-ssé-koué et Li-hing, ce dernier issu du sang royal des Hia, attaque-

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LIVRE m, CHAPITRE II. 4^9

raient dans le même temps, la province de Kiang-si.

Bayan, de retour de Schang-tou visita le camp du général Atchou devant Yang-tcheou; puis il passa le Kiang, à Manteou, et son armée divisée en trois corps, s'avança sur Lin-ngan par différentes routes. L'un, com- mandé par Argan et Ngaoloutchi , se dirigea, de Kien-kang, par les places de Kouang-té et Ssé-ngan, sur la forteresse de To-song. Un autre, sous les ordres de Tong-ouen-ping et. de Sian-goueï, dont l'avant-garde était commandée par Fan-ouen-hou suivit le long de la mer, la route de Kiang-yn, de Ran- pou et de Hoa-tong; Bayan et Atahaï, à la tête du troisième, dont Liu-ouen-hoan con- duisait l'avant-garde, prirent la route de Tchang-tcheou.

La cour Soung envoya plusieurs corps de troupes au secours de cette dernière place. Bayan les ayant battus, la somma de se rendre; après avoir vainement em- ployé les promesses et les menaces, il fit raser les faubourgs et élever un rempart à la hauteur de la muraille; ce fut par ce moyen qu'il s'empara de la ville. Des quatre chefs qui y commandaient trois fu- rent tués; quatrième parvint à se sauver.J

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4lO HISTOIRE DES MONGOLS.

Les habitants furent passés au fil de Té- pée (i).

Le général Argan, qui avait pris la route de Fouest, s'empara d'Yn-sou, Rouang-té et Ssé-ngan, et emporta d'emblée la forteresse de To-song. Alors les commandants des villes voisines se réfugièrent à Lin-ngan. Tongouen- ping venait de prendre Kiang-yn. L'alarme et

(i) Marco Polo ùlt mention du sac de Tchang-tcheou, qu'il appelle Cingùigiu, « La Tille de Cingingiu, dit-il, « est grande et riche et abondante en tout ce qui est nécessaire a la vie. Lorsque Baiam, général des Tarta- « res, attaquait la province de Mangi, il envoya de cer- « tains chrétiens, que l'on appelait Alains , contre cette « ville, qui l'assiégèrent si vivement que les habitants fîi- « rent obligés de se rendre. Étant entrés dans la ville , « ils ne firent mal à personne, parce que tout le monde a se soumit de bon cœur au grand Cham. Comme ils « trouvèrent en cette ville de fort bon vin et en quan- «tité, ils burent si copieusement, qu'ils s'enivrèrent, et « accablés de sommeil, ils ne songèrent point à poser « des gardes pendant la nuit. Ce que les habitants ayant « remarqué , qui les avaient reçus d'abord de bonne vo- « lonté, ils se jettèrent sur eux, sans en excepter un « seul. Baiam ayant entendu cette nouvelle , envoya une <t autre armée contre la ville, qui s'emparant bientôt de A ses défenses, mit à mort, sans miséricorde, tous les a habitants pour venger leurs camarades, v (Chnp. LXll , édit. de Bergeron).

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I.1VRE m, CHAPITRE II. 4ll

la confusion régnaient dans la capitale. Ceux qui y exerçaient le pouvoir ne savaient à quel parti s'arrêter. Le principal ministre Tchin-y- tchong fit prendre les armes à tous les hom- mes au-dessus de quinze ans. L'impératrice envoya au quartier-général de Bayan , qui était à Vou-si près de Tchang-tcheou , un assesseur du conseil des travaux publics , nommé Leou- yo, pour lui témoigner ses regrets de l'attentat commis sur Lien-hi-kien par des gens sans aveu, et le prier avec instance de ne pas re- fuser la paix aux conditions déjà proposées. Leou-yo voulut émouvoir Bayan, en lui re- présentant que le chef de l'empire était encore dans l'âge de l'enfance, hors d'état de s'occu- per des affaires de gouvernement, et en deuil de son père; imputant au perfide Kia-ssé-tao, qui en avait été puni , tout ce qui avait donné de justes sujets de plaintes aux Mongols. Bayan lui répondit qu'il accusait à tort le seul Kia- ssé-tao, qui n'avait pu tremper dans le meur- tre de Lien-hi-kien et de son collègue, et ajouta : « Votre maître est jeune, dites vous; tf il ne saurait encore s'occuper des affaires; « mais avez vous oublié que l'empereur des « Tcheou , à qui le fondateur des Soung en- « leva l'empire, était aussi un enfant? Devez- « vous trouver étrange que nous agissions de

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4'3 HISTOIRE DES MONGOLS.

a même à votre égard; » et il le congédia. Ping-kiang (Sou-tcheou) se rendit à Bayan, qui alla prendre possession de cette ville, Leou-yo vint encore le trouver, de la part de la régente et du ministre Tchin-y-tchong , pour lui annoncer que le jeune empereur consen- tait à se dire neveu ou petit-neveu de Cou- bilaï , et à payer tribut aux Mongols. Ces pro- positions furent rejetées, janv. Alors l'impératrice manda à Bayan que l'empereur se qualifierait de sujet du kliacan mongol, et lui paierait un tribut annuel de deux cent cinquante mille onces d'argent et d'un égal nombre de pièces de soieries. Cette ouverture se faisait à l'insu de Tchen-y-tchong, qui voulait que la cour transférât sa résidence dans le midi; mais l'impératrice s'y refusait obstinément.

Bayan s'approchait de Lin-ngan; il était déjà maître' de Kia-hing. Les princes de la famille impériale pressèrent la régente de faire passer dans les provinces méridionales les frères consanguins de l'empereur, Ri- ouang et Sin-ouang, qui en cas de malheur, pourraient conserver la dynastie. Elle y con- sentit et envoya Ki-ouang, dont elle chan- gea le titre en celui de Y-ouang, dans la capitale du Fou-kien. Le prince Sin-ouang

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LIVRE III, CHAPITRE 11. 4»3

fut conduit à Siuan-tcheou, dans la même province, et reçut le titre de Kouang-ouang. Bayan fut rejoint, près de Lin-ngan, par les deux autres divisions de son armée. Lorsque les Mongols parurent devant cette capitale, l'impératrice fit remettre à Bayan le grand sceau de l'empire, en signe de soumission. Ce général chargea un de ses officiers, nommé Nankiataï, de le porter au Khacan, à Schang- tou. Il avait mandé Tchin-y-tchong, avec lequel il voulait régler les nouvelles relations entre les deux empires ; mais ce ministre , qui avait désapprouvé la dernière résolution de l'impératrice, au lieu de se rendre au camp mongol, partit pour Ouen-tcheou, ville maritime située à environ cinquante lieues au midi de Lin-ngan. Tcheng-schi-kié se retira avec un corps de troupes à Ting-haï. Bayan lui envoya un officier de marque pour l'exhorter à se rendre. Tchang-schi-kié lui fit couper la langue et ordonna de le mettre « en pièces.

L'impératrice nomma Ouen-tien-siang pre- mier ministre, lui donna Ou-kien pour collè- gue, et les envoya tous deux en mission auprès de Bayan. Ouen-tien-siang dit à ce général que si l'empire du Nord avait le des- sein de mettre la Chine sur le pied des autres

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4l4 HISTOIRE DES MONGOLS.

royaumes que les Mongols avaient conquis, ils le priaient avant tout de retirer ses troupes et de les renvoyer à Ping-yang, ou tout au moins à Kia-hing, après quoi ils traiteraient avec lui du tribut qu'on payerait tous les ans en argent et en soieries, et des distributions qu'on ferait à ses troupes. « Si vous portez a vos vues plus loin, ajouta-t-il, et que vous « ayez formé le dessein d'anéantir la dynastie a des Soung, sachez que vous avez encore ce bien du chemin à faire et des combats à a livrer avant d'en venir à bout. Les provinces « du midi ne sont pas en votre pouvoir; nous <c nous y défendrions, et comme le sort des <t armes est journalier, qui sait si les choses a ne changeraient point? » Bayan congédia Ou-kien , et retint Ou-tien-siang, sous prétexte de régler avec lui les conditions de la paix. Le ministre soung protesta contre cette viola- tion du droit des gens. Voyant des officiers chinois qui avaient passé aux Mongols , il leur reprocha vivement leur félonie, et n'épargna pas même Liu-ouen-hoan. Bayan le fit con- duire à la résidence de Coubilaïj.mais il par- vint à s'échaper en route, mars. Bayan nomma , pour gouverner Lin-ngan , un conseil composé de Mongols et de Chi- nois , sous la présidence de Manhoutaï et de

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Fanouenhou. Il chargea Tching-pong-feï d'aller demander à l'impératrice régente, un ordre enjoignant aux gouverneurs des provinces de se soumettre aux Mongols; pour le rendre plus obligatoire, on le fit signer par tous les grands fonctionnaires; ils obéirent hormis un seul nommé Kia-hiuen-hong , que les menaces ne purent intimider. Quatre officiers mongols furent chargés par Bayan d'enlever les sceaux de tous les départements, et de recueillir les livres, les registres, les mémoires historiques, les cartes géographiques, qui se trouvaient dans leurs archives; le tout fut mis sous le scellé.

Ayant fait occuper par ses troupes les points principaux dans l'intérieur de Lin-ngan, l'ordre le plus parfait n'avait cessé de régner, Bayan s'y rendit de Hou-tcheou, et fit son entrée dans cette capitale, avec un nombreux cortège, précédé de l'étendard de généralis- sime, et suivi de tous ses officiers généraux. L'impératrice et l'empereur demandèrent à le voir. Bayan s'excusa de paraître en leur pré- sence , alléguant qu'il ne savait pas quel cérémonial il devrait observer, et il partit le lendemain (i).

(i) La ville de Lin-ngan, aujourd'hui Hang-tcheou-fou ,

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4l6 HISTOIRE DES MONGOLS.

Deux seigneurs chinois (iirent chargés de veiller sur ce qui se passait dans le palais de

capitale de la province de Tché-kiang, étak décorée du surnom de King-ssé, qui signifie en cliinois résidence impériale y parce que les neuf derniers empereurs de la dynastie Soung y tenaient leur cour. Marco Polo , qui se trouvait en Chine à l'époque de la chute de la monar- chie Soung, en fait mention sous le même nom de Quin- saî, qu'il traduit par ville du ciel (Tien-tsaî); mais ce n'est pas Tunique erreur qu'on rencontre dans la relation de Marco Polo , quoiqu'il eut passé dix-sept ans en Chine. Selon cet auteur (livre III, chap. 68, édit. de Marsden), la ville de Quinsaî , il avait été et qu'il avait soigneu- sement visitée , avait cent milles de circuit , et comme elle était bâtie dans un marais, à-peu->prè$ comme Venise ^ on y voyait douze mille (il faut peut-être lire douze cents) ponts de pierre, dont les arches étaient si hautes que les plus grands navires pouvaient passer dessous, sans baisser leurs mâts, et il y avait la nuit, sur chacun de ces ponts, une garde de quelques hommes. Ses murailles enfermaient, du côté du midi, un lac de trente milles de circonférence. La pupart des maisons étaient en bois. U y avait dans l'enceinte de la ville une montagne sur le som- met de laquelle était une tour , des gardes veillaient toutes les nuits ; dès qu'ils appercevaient du feu quelque part, ils frappaient avec des maillets de bois sur des planches de bois , ce qui fusait im bruit qu'on pouvait en- tendre par toute la ville. Ce même signal était employé lorsqu'il éclatait une émeute. Toutes les places publiques étaient pavées. On y comptait plus de trois mille bains.

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tIVRE m, CHAPÏtRB M. 4^7

Timpératrice régente, et de ne pas perdre de vue cette princesse, sous l'apparence

Quinsaî est à vingt-cinq milles de l'Océan, se jette la nyière qui passe dans ses murs; à Tembouchure de cette rivière est une ville nommé Ganfou qui lui sert de port. (Voyez un article de M. KJaproth sur le port de Gampou dans le cinquième vol. du Journal asiatique, pag. 35 et suiv.), Les vaisseaux de Tlnde et des autres pays y abordent en grand nombre et les mar- chandises sont transportées sur cette rivière à Quinsaï. Enfin, la population de cette capitale des Soung s*élevait à six cent mille Êunilles.

Le frère Odoric d*Udine, qui voyageait en Qiine dans l'année i3i8, s'extasie sur l'étendue et la population de Quinsa!, città maravigliosa , dit-il, si grande che a penû ardisco di dir lo. Jean de Mandeville compare aussi Cansaï à Venise bâtie dans la mer, et parle de ses douze cents ponts, sur chacun desquels s'élevait une tour d'une merveilleuse grandeur, garnie de soldats. Il y avait vu des Chrétiens de plusieurs sectes et même des frèred mineurs et des prédicateurs, qui toutefois n'y vivaient point d'aumônes.

L'historien persan Vassaf (tom. I) , donne aussi quelques détails sur Khanzai, d'après des voyageurs et des com- merçants dignes de foi. « C'est, dit-il, la plus grande « ville de la Chine ; elle a près de vingt-quatre fersenks « de circuit. Son sol est pavé de briques et de pierres* a Ses maisons sont en bois et ornées de jolies peint u- « res. D'un bout à l'autre de la ville , il y a trob relais. « La plupart des rues ont trois fersenAs de longueur. Elle « contient soixante-quatre places quarrées , qui sont bor- a 27

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4l8 HISTOIRE DES MONGOLS.

de lui faire une cour assidue. Peu après , le général Atah^^ suivi de plusieurs officiers, se rendit au palais , fit cesser les cérémonies prescrites par l'étiquette à ceux qui parais-

« dées de maisons uniformes. Le produit de Timpôt sur n le sel s'y élève chaque jour à sept cents balischs tchao m (balischs en papier monnaie). On peut juger du grand 1 nombre de ses artisans , par celui des ouvriers teintu- « riers , dont on compte jusqu'à trente mille. Sa garnison «( est de sept tournons (soixante-dix mille hommes). Le « cens a fait connaître qu'elle a soixante-dix toumans de « contribuables (sept cent mille familles). On y voit sept « cents temples qui ont l'air de chàteaux-forts ; ils sont n remplis de religieux. On y compte trois cent soixante «I ponts. Une innombrable quantité de bateaux de toutes « grandeurs y servent aux communications. On y trouve « une prodigieuse affluence d'étrangers de tous les pap n de la terre , commerçants et autres. Telle est la capitale^ « La Chine possède en outre quatre cents villes considé- « râbles, dont la plus petite surpasse encore Bagdad et « Schiraz, comme Kenkan-fou, Zaitoun et Tchin^élan, N Chose étonnante I Ceux qui ont vu ce pays rsq>portent n que, malgré sa vaste étendue, on n'y trouve pas un n quart de fersenk de terre propre à la culture , qui ne « soit mis en rapport. »

Les abréviateurs Mohammed Benaketi et Abd-oullah Beidhavi (Hist, SinensisJ , rapportent , d'après la partie du Djami ut-Tèvarikh y qui ne se trouve pas dans les Biblio- thèques d'Europe , qu'il y avait à Khamaï trois grandes mosquées.

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LIVRE lUf CHAPITRB II. 4^9

saient devant Tempereur , et invita ce prince et Timpératrice sa mère, de se disposer à par- tir incessamment pour la cour de Coubilaî. Après avoir reçu cet avis, l'impératrice em- brassa, les yeux baignés de larmes, son fik âgé de sept ans, et lui dit: « Le fils du w ciel vous fait grâce de la vie; il est juste <f de l'en remercier. » Ce prince et sa mère tombèrent à genoux, le visage tourné vers le nord, et saluèrent l'empereur mongol par neuf battements de tête. On les fit par* tir dans un char. Les princes et les prin- cesses du sang qui se trouvaient dans la capitale, les ministres, les Grands, les man- darins, les lettrés du collège impérial, enfin toutes les personnes de marque, prirent la route du nord à la suite du jeune empe- reur; mais sa grand'-mère l'impératrice ré- gente, qui était malade, resta à Lin-ngan jusqu'à son rétablissement.

Des officiers dévoués à la dynastie Soung^ désespérés de voir emmener en captivité leur jeune empereur, formèrent le projet de le délivrer. A leur tête étaient Li-ting-tchi et Kiang-tsaï, commandants de Yang-tcheou. Us sacrifièrent tout ce qu'ils possédaient pour lever des troupes, avec lesquelles ils allèrent attaquer, pendant la nuit, le corps mongol

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4t20 HISTOIRE DE& MONGOLS.

qui conduisait les captifs, dans la ville de Koua-tcheou, entre le Kiang et Yang-tcheou- fou. Les généraux Atahaï et Li-ting, chefs de cette nombreuse escorte, repoussèrent les Soung après un combat de trois heures , et continuèrent leur route. Les habitants de la ville de Tchen-tcheou firent une tentative semblable, mais avec aussi peu de succès. Lorsque le jeune empereur fîit arrivé près de Schang-tou, Coubilaï envoya au devant de lui son premier ministre. Ce prince or- donna que Tou-tsong et les autres captifs fussent bien traités; mais du rang d'empe- reur il le fit descendre à celui de Kong ou de prince du troisième ordre, en lui don- nant le titre de Hiachkong. U ôta de même à sa mère ainsi qu'à la régente, le titre d'impérarrice. Djanouï Khatoun, la première de ses femmes, prit soin d'adoucir, par des attentions délicates, le sort de ces princesses. Coubilaï fit transporter à Ta-tou ce qui avait été trouvé en or, en argent, en pierreries et autres objets précieux, dans le palais im- périal de Lin-gan. Ces trésors furent en- voyés par mer à Thian-tsin-ouey, dans le Pe-tche-h, d'où ils arrivèrent à Ta-tou par le canal. En présence de ces dépouilles d'une puissante dynastie, que les princes et les

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LIVnE III, CHAPITRE II. 4^1

princesses du sang contemplaient avec joie, Timpératrice régnante ne put retenir ses lar- mes; elle dit à Coubilaï, « qu'il lui érait « venu dans la pensée, que l'empire mongol « finirait aussi un jour. »

Coubilaï demanda à des officiers chinois qui lui furent présentés pourquoi ils s'étaient si promptement soumis. Ils répondirent que Kia-s»sé tao , ne faisant cas que des employés civils et lettrés , les avait obligés de recourir à un monarque qui savait apprécier les services militaires. Coubilaï leur dit que les sujets de mécontentement qu'ils avaient contre Kia-ssé* tao, n'auraient pu leur faire oublier les bienfaits de leur souverain, encore moins les porter à se ranger du côté de ses enne- mis; qu'ils avaient prouvé, par cette conduite, que Kia-6sé*tao avait raison.

Lorsque Bayan marchait sur Lin-ngan , Ali- haiya pénétrait dans le midi du Hou-kouang , et assiégeait la ville de Tan-tcheou (Tchang- tcha), attaquée si vivement par terre et par eau qu'elle se vit en peu de joui's réduite à l'extrémité. Les Mongols ayant donné un as- saut général, se logèrent sur les remparts. Dans ce moment critique, un officier de la ville févr. de Heng-tcheou , qui se trouvait dans Tchaiig- tcha avec ses deux fils, encore adolescents,

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4î^a HISTOIRE DBS MOKGOLS.

leur fit prendre le bonnet, cérémonie qui se pratique à la Chine lorsque les jeunes gens ont atteint l'âge de vingt ans, et se jeta avec eux et tous ses domestiques dans les flammes. I-iC gouverneur de la place, Li-fou, honoi*a leur mémoire par des libations de vin , et s*é- tant assuré que tous ses officiers mourraient fidèles sujets des Soung, il appella l'un d'eux, Chin-tsong, auquel il dit, que ne voulant pas que sa famille le deshonorât par un honteux es- clavage, il exigeait de son attachement, qu'après avoir fait mourir tous ceux qui la composaient, il lui rendit le même service. Ce fut en vain que Chin-tsong se jeta à ses genoux, et frap- pant la terre de son front, le suppUa de le dispenser d'une pareille exécution. Comme Li- fou insistait, il promit d'obéir, en versant un torrent de larmes. Il fit boire ces individus et profita de leur ivresse pour leur donner la mort; ensuite Li-fou présenta sa tête, qu'il abattit d'un coup de sabre. Chin-tsong mit le feu au palais, et courant à sa propre maison, il tua sa femme et ses enfants, et finit par se poignarder. Tous les mandarins de la ville, deux seuls exceptés, un grand nombre de militaires et d'habitants suivirent l'exemple de leur gouverneur; les uns se précipitèrent dans des puits, les autres se pendirent, ou termi-

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LIVRE III9 CHAPITRE II. 4^3

nèrent leur vie par le poison ^ de sorte que les Mongols y en entrant dans la place , furent étonnés de la trouver presque déserte. Alihaiya fit sommer les autres villes du Hou-kouang méridional^ qui se rendirent la plupart sans coup féiîr. En même temps ^ les généraux Songtoucaï et Li-hing faisaient de grands pro- grès dans le Kiang-si. Onze villes de cette province se soumirent , et Fou-tcheou fut prise.

Bayan avait reçu Tordre de revenir inces- samment à la cour. Au moment de son dé* part, il fut informé par Songtoucaï, que les deux princes Soung mettaient beaucoup de troupes sur pied dans les provinces de Fou- kien et de Kouang-toung, et qu'ils avaient le dessein d'entrer dans le Kiang-si. Bayan re- commanda aux généraux Argan et Tongouen- ping, qu'il laissa à la tête des troupes dans les environs de Lin-ngan, de ne pas donner à ces princes le temps de fortifier leur parti.

Lorsque les deux frères de l'empereur Soung étaient arrivés de Lin-ngan à Ouen-tcheou, les officiers qui les avaient suivis ou rejoints, dont les principaux étaient le ministre Tchin- y-tchong et le général Tchang-chi-kié , avaient proclamé le prince Y-ouahg gouverneur gé- néral de l'empire, 11 était le fils aîné de

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4^4 HISTOUIE DES MONGOLS.

Tou-tsong; on lui associa son frère Kouang- ouang.

Ces princes se disposèrent à entrer dans le Fou-kien, dont les villes principales étaient sur le point de se soumettre à Hoang-ouan- tan, qui, nommé gouverneur de cette pro- vince par Bayan , s'était fait fort de la réduire en peu de temps. Les partisans des Soung y prirent les armes dès qu'ils eurent l'espoir d'être soutenus. Hoang-ouan-tan fut battu et chassé de la province; ses troupes se rangè- rent sous les drapeaux des Soung. Les deux princes arrivèrent à Fou-tcheou, capitale de juîiL la province, et Y-ouang y fut salué empereur avec les cérémonies d'usage ; il n'était âgé que de neuf ans.

Les Soung eurent bientôt une nombreuse armée, qui fut divisée en quatre corps, les- quels devaient opérer dans le Kiang-si, le Kiang-touug, le Tché^tong et le Hoaï. Sur ces entrefaites arriva Ouen-tien-siang , qui s'était échapé des mains des Mongols, lorsque l'es- corte du jeune empereur avait été attaquée à Koua-tcheou. Il fut chargé de la conduite de la guerre, avec le titre de généralissime, et il s'efforça de ranimer le courage, d'enflam- mer le patriotisme des Chinois. Une procla- mation du prince Y-ouang réveilla l'esprit

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LIVRE m, CHAPITRE II. 4^5

national; il se fit de grandes levées, qui don- nèrent de l'inquiétude aux Mongols. Tongouen- pingy chargea le général Soutou de combattre les forces du nouvel empereur.

Lorsque Bayan eut obtenu de l'impéra- trice régente un ordre qui enjoignait aux sujets de l'empire Soung de se soumettre à la domination mongole, Atchou fit noti- fier cet ordre à Li-ting-tchi , qui défendait opiniâtrement la ville d'Yang-tcheou , il s'était retiré, après avoir échoué dans la tentative d'enlever aux Mongols le jeune empereur que l'on conduisait à la cour de Coubilaï. Li-ting-tchi répondit du haut du rempart aux émissaires d'Atchou, auxquels il ne permit pas d'entrer dans la ville , qu'il ne connaissait d'autre ordre que celui de défendre la place qui lui était confiée. Atchou obtint un nouvel ordre, écrit de la main de l'impératrice , et adressé spécialement à Li-ting-tchi; il était conçu en ces termes: a J'ai donné ci-devant un ordre général qui tt enjoint aux commandants et aux gouver- « neurs de se soumettre aux Mongols, et « j'apprends que vous ne vous y êtes point a conformé ; sans doute que vous n'avez <r pas bien compris ma pensée , et que vous « prétendez sur cela vous défendre en fidèle

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^^6 HISTOIEE DES MONGOLS.

«sujet. Je loue votre zèle; mais sachez « que Fempereur et moi , nous nous som- « mes soumis à leur puissance , et que c'est « comme leurs sujets que nous sommes con- « duits à leur cour. Pour qui donc prodi- « guez vous votre sang?» Li-ting-tchi fit décocher des flèches à ceux qui lui appor* talent le rescrit impérial. Alors Atchou re- doijd^la de vigilance pour lui couper les vivres. Désespéré de ne pouvoir réduire cette place 9 tandis que Bayan avait fait^ en si peu de temps , la conquête du Kiang-nan et de la capitale , il tenta encore un moyen pour ébranler la fermeté de Li-ting-tchi. U lui fit remettre un écrit par lequel Coubi- laï promettait de lui accorder tout ce qu'il demanderait. Li-ting-tchi jeta au feu ce pa- pier , et fit couper la tête à celui qui l'avait apporté. Les villes environnantes, que les Mongols tenaient, depuis long-temps investies, venaient d'être réduites par famine; Yang- tcheou éprouvait le même fléau. Coubilaï, à la prière du général Atchou, écrivit à Li-ting-tchi qu'il était encore disposé à tenir ses promesses, et à lui pardonner le peu de respect qu'il avait montré pour ses or- dres ainsi que le meurtre de son envoyé; mais Li-ting-tchi ne voulut pas recevoir cette

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LIVRE lU; CHAPITRE II. 4^7

nouvelle missive. Ayant appris, sur ces en- trefaites , que le prince de Y-ouang avait été proclamé empereur des Soung, il lais- sa la garde de Yang-tcheou à Tchu-hoan^ et partit avee son collègue Kiang-tsaï à la tête de sept mille hommes , se dirigeant sur Taï-tcheou dans le dessein d'aller, par mer, joindre le nouvel empereur à Fou-tcheou, A peine fut-il parti que Tchu-hoan livra la place aux Mongols. Atchou envoya im- médiatement à la poursuite des deux chefs, un corps de cavalerie qui leur tua environ mille hommes. Li-ting-tchi vivement pressé, se jeta dans Taï-tcheou, et y fut aussi- tôt investi. Deux des principaux officiers du gouverneur, introduisirent les Mongols dans la place. Li-ting-tchi, voyant qu'il ne pouvait plus leur échaper, se jeta dans un étang peu profond, d'où on le retira vi- vant. Il fut conduit, avec Kiang-tsaï, à Yang- tcheou. Le général Atchou n'omit rien pour les engager à passer au service de Coubilaï; mais les trouvant inflexibles, il les fit exécuter. Argan et Tongouen-ping faisaient des pro- grès dans le Tché-kiang. Après avoir remporté une victoire sur l'armée des Soung, près de Tchu-tcheou-fou, ils s'emparèrent de la forte- resse de Scha-ou dans le Fou-kien. Ces succès ,

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4a8 HISTOIRE DES MONGOLS.

suivis de défections et de la reddition spon* tanée de la plupart des villes, déterminèrent la cour Soung de songer à sa sûreté. Tchin-y tchong et Tchang-schi-kié avaient £ait équiper un grand nombre de vaisseaux, et selon les historiens, cent soixante-dix mille hommes de troupes réglées, trente mille hommes de mi- lices et dix miUe soldats du pays de Hoai étaient prêts à y monter au premier signal. Ces deux chefs firent embarquer l'empereur, son frère, toute la cour, et partirent pour Thsiuan-tcheou-fou (i). Arrivés dans ce port qui était à cette époque très-commerçant, les chefs de la flotte y prirent quelques vaisseaux dont ils avaient besoin; mais ces navires ap- partenaient au gouveiTieur, qui faisait lui- même un grand négoce; il en fut irrité au point qu'il ordonna de faire main-basse sur tou& ceux de la flotke qui étaient à terre , et

(i) Thsioan-tcheou-fou était iine grande yille maritime dans la province de Fou-kian et son port était très- fréquenté par les Indiens » les Persans et les Arabes. Elle est désignée sons le nom de Zcùtoim par Marco Polo» ainsi que par les historiens Raschid et Vassaf. M. Klap- roth nous apprend que l'ancien nom de Tlisîuan-tclieou- fou était Tsen-thoung, (/ou m, asiat. , tom. V, pag. 44)- On voit que ce nom lui était resté.

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LIVRE lUj CHAPITRE II. 4^9

la contraignit même de s'éloigner; puis il se soumit avec sa ville aux Mongols; exemple qui fut suivi par la forteresse de Hing-hoa.

Alikaiya assiégeait, depuis trois mois, Koué- lin-fou, capitale du Kouang-si. Ne pouvait pas triompher de la résistance vigoureuse de Ma-ki, gouverneur de cette place, il voulut tenter la voie de la douceur; il promit à Ma-ki, s'il se rendait, de lui faire obtenir le poste de général en chef de la province de Kiang-si, et en obtint de Coubilaï le brevet, qu'il fit porter au gouverneur par un de ses officiers. Ma-ki brûla ce diplôme et tua l'of- ficier.

Koué-lin-fou, dont les murs étaient baignés par deux rivières, n'était accessible que d'un côté, ce qui permettait à la garnison d'y concentrer ses forces. Le général mongol fit détourner le cours de ces rivières; les fossés restèrent à sec , et la place fut emportée d'as- saut. Ma-ki se battit de rue en rue; il fut pris et mourut de ses blessures. Alihaiya fit passer les habitants au fil de l'épée. Son ar- mée fut alors divisée en plusieurs corps qui s'emparèrent de toutes les villes du Kouang-si.

L'empereur Toan-tsong étant arrivé à Hoeï- "^^^ tcheou, dans la province de Kouang-tong, envoya un de ses officiers au général Sou-

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43o HISTOIAB DES MONGOLS.

toU) avec une lettre pour Coubilai^ dans laquelle il offrait sa soumission à ce monar- que. Soutou l'expédia à la cour par son fils, avec lequel partit l'officier Soung. Cette démarche n'arrêta pas les opérations des '^^'7 Mongols, et bientôt la province de Kouang- tong, le général Lou-schi-koueî était entré l'année précédente , fat entièrement soumise.

A cette époque, Coubilaî rappella du midi de la Chine la plus grande partie de ses troupes, ordonnant à ses généraux de n'y laisser que ce qui était nécessaire pour gar- der les pays conquis. Li-heng devait en prendre le commandement. Les Soung pro- fitèrent de cette conjoncture pour reprendre plusieurs villes dans le Fou-kien, le Kouang- toung, le Hou-kouang et le Kiang-si.

Tchang-schi-kié , qui avait fait de grandes levées dans le Fou-kien, alla mettre le siège devant Tsiuan-tcheou. Soutou le força de le lever. Ce général mongol, prétendant qu'on ne pouvait pas se fier aux Chinois, en faisait partout un grand carnage; par ses ordres les habitants de Hing-hoa et de Tcheng-tcheou dans le Fou-kien, furent passés au fil de l'épée.

Les Soung avaient deux armées dans le

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LIITRB m, CHAPITRI Jl. 43l

Rîang-si; l'une commandée par Ouen-tien- siang, Fautre par Tseou-fong. Le général Lî- heng sut empêcher leur jonction, et battit plusieurs fois Ouen-tien-siang , qui dut se retirer avec une perte considérable. Sa femme et ses deux fils furent pris et envoyés à Ta-tou,

Coubilaïy ayant appris que beaucoup de villes avaient été reprises par les Soung, renvoya des troupes dans les provinces mé- ridionales, et ordonna à Tatchou, à Li-heng et à Liu-sse-koué de franchir avec l'infanterie les monts Ta-yn-ling tandis que la flotte, commandée par Mancoutaï, Soutou, Pou- cheou-king et Lieou-chin irait attaquer celle des Soung. Soutou et Tatchou devaient opé- rer leur jonction dans le pays de Fou-tchang du département de Canton. Soutou cingla vers Hing-hoa, dont il se rendit maître ainsi que de Tsiuan-tcheou ; mais il échoua devant Tchao-tcheou. Il ne voulut pas s'y arrêter, dans la crainte d'arriver trop tard au lieu du rendez-vous. Faisant voile vers Hoeï-tcheou, il y joignit Liu-ssé-koué , avec lequel il se présenta devant Canton, qui se soumit; ils dëc. s'y réunirent à T atchou.

Après la reddition de Canton, le général 1378. Tatchou renvoya Soutou devant la ville de Tchao-tcheou. Soutou fut obligé d -assiéger

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432 HISTOIRE DES MONGOLS.

cette place en règle. U Fattaquait avec vi- gueur depuis vingt jours j sans faire de grands progrès ^ tant le gouverneur Ma-fa mettait d'activité à éteindre les incendies et à ré- parer les brèches y lorsque ce commandant fit une sortie^ dans laquelle il réussit à brû- ler les machines des assiégeants; mais atta* que par des forces supérieures, il fut tué dans un combat meurtrier; les Mongols en- trèrent pèle mêle avec les fiiyards dans la ville, qu'ils prirent et dont ils passèrent les habitants au fil de Fépée.

Le jeune empereur Toan-tsong qui, ne possédant aucun port il put être en sûreté, errait depuis quelque temps avec sa flotte, mourut dans la petite île déserte de Kang-tchouen (i), en mai 1278, à l'âge de onze ans. La plupart des seigneurs qui l'a- vaient suivi , rebutés de cette vie vagabonde, voulaient faire leurs soumissions à Coubilaï. Liou-siou-fou combattit leur dessein: « Nous a avons encore, leur dit-il, un fils de l'em- « pereur Tou-tsong; il faut le proclamer, a Nous trouverons des officiers et des sol-

(i) Selon Gaubil, cette petite île est sitnée, latit. ai** 8'; longit. 6*> i5'.

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LIVRE IIT9 CHAPITRE II. 4^3

« dats. Si le ciel n'a pas décrété la ruine des « Soung, doutez-vous qu'il puisse relever leur « trône? » Ces paroles suffirent pour rani- mer le courage des chefs; ils proclamèrent Kou-ang-vang , qui fut placé sur un tertre et salué à genoux. Ce nouvel empereur reçut le nom de Ti-ping. Liou-siou-fou et Tchang- schi-kié furent ses ministres. On n'entendit plus parler de Tchin-y-tchong , qui, Tannée précédente, était parti avec une mission pour la Cochinchine.

La flotte chinoise l'on comptait, dit-on, plus de deux cent mille individus, se retira î^ dans un détroit formé par l'île de Yaï et le mont Ki-ché, à huit lieues au midi de Sien-hoeï-hien , dans le golphe de Canton. Tchang-schi-kié fit bâtir sur le sommet de cette île un palais en bois pour l'empe- reur et sa mère et des baraques pour les officiers et les soldats. On travailla avec ac- tivité à ravitailler la flotte, à la munir de tout le nécessaire. Les vivres arrivaient de Canton et des autres villes voisines, même de celles qui s'étaient soumises aux Mongols. Ouen-tien-siang , malgré les pertes qu'il avait faites, s'était remis en campagne et ses trou- pes avaient repris , en avril , la ville de Canton. Tchang-hong-fan, fils du célèbre général a 18

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434 HISTOIRE DES MOITGOLS.

Tchang-jeou, ayant exposé à Coubilaï qu'il fallait, pour terminer cette guerre, se rendre maître au plutôt de la province de Kouang- toung, fut chargé d*en faire la conquête* L'empereur lui donna un sabre garni de pier- reries , et le nomma général en chef de Tannée destinée contre Ti-ping. Tchang-hong-fan alla prendre à Yang-tcheou vingt mille hommes àéc. de bonnes troupes, et se rendit par mer dans le Kouang-toung. Après sa défaite, Ouen-tien- siang avait rallié les débris de son armée à Tchao-yang, il fut joint par deux autres généraux, Tséou-fong et Lieou-tsé-tsiun , qui lui amenèrent des forces considérables. Il ne se crut pas néanmoins en état de tenir tête à Tchang-hong-fan ; à l'approche de ce géné- ral il se retira vers Haï-fong, mais il fut at- teint dans sa marche. Ses troupes, composées de nouvelles levées, prirent la fuite, et pres- que tous leurs chefs furent faits prisonniers. De ce nombre étaient Ouen-tien-siang lui- même, Lieou-tsé-tsiun et Tseou-fong. Ce der- nier se tua ; le second fut brûlé à petit feu. Ouen-tien-siang demanda la mort. Tchang- hong-fan, après l'avoir vainement pressé de faire les battements de tête prescrits, en signe de soumission, l'envoya à Ta-tou; mais il ren- dit la liberté à ses parents et à ses amis faits prisonniers.

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LIVRE III^ CHAPITRE II. 435

Tchang-hong<fang embarqua son armée sur la flotte qui était restée près de Tchao-yang, et parut bientôt à la vue de l'île de \aï. Les ^V^ troupes de terre chinoises s'étaient fortement retranchées sur cette île, et la flotte se croyait en sûreté du côté du nord, l'eau n'était pas assez profonde pour les vaisseaux mongols. Tchang-hong-fang ayant été reconnaître la po- sition de l'ennemi, vit que les navires chinois étaient lourds et manœuvraient difficilement. Il fit remplir plusieurs de ses barques les plus légères de paille . trempée dans l'huile; on y mit le feu et ces barques furent lancées, par un bon vent, contre la flotte chinoise; mais Tchang-schi-kié avait fait enduire de vase ses navires et leurs agréts, et dresser de grandes poutres qui les garantirent des brûlots; en sorte que cette tentative n'eut aucun succès.

Tchang-hong-fan ayant reçu de Canton un renfort de troupes et de barques de guer- re, commandées par Li-heng, les posta au nord de l'île de Hsu et se prépara à l'atta- que de la flotte chinoise qui était rangée à l'ouest de cette île. Il divisa ses forces nava- les en quatre escadres, dont les chefs man« dés à son bord, reçurent leurs instructions; il leur recommanda surtout d'être attentifs à ses signaux. Le lendemain, à la haute ma-

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436 HISTOIRE VEÈ MOIfGOLS.

rée^ la musique militaire de Tchang-hong- fan, donna le signal du combat. Il attaquait du côté du midi; Li-heng, du côté du nord. Bientôt la confusion se mit dans la flotte chinoise. Vers le soir, Tchang-schi-kié et Sou-liou-y, profitant d'un épais brouillard, coupèrent leurs cables, sortirent du détroit et gagnèrent le large avec seize gros na- vires. Lou-siou-fou monta sur le vaisseau de l'empereur pour lui faire prendre la même route; mais, plus grand que les autres, ce bâtiment était aussi plus di£Qcile à manœu- vrer, et le détroit par lequel il devait sortir était fermé par des barques attachées l'une à l'autre. Lou-siou-fou, voyant qu'il n'y avait plus d'espoir de salut, fit jetter à la mer sa femme et ses enfants ; puis , ayant dit à Ti- ping, qu'un empereur de la dynastie des Soung devait préférer la mort à la capti- vité, il prit ce jeune prince sur ses épau- les et se précipita avec lui dans les flots. A son exemple la plupart ses seigneurs chi- nois se noyèrent. Plus de huit cents navires tombèrent au pouvoir des Mongols, et bien- tôt la mer se couvrit de milliers de cadavres. On reconnut celui de Ti-ping, sur lequel on trouva le sceau de l'empire.

Tchang-schi-kié ayant appris la mort de

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LIVRE III, CHA.PITRB II. 43?

l'empereur, joignit le vaisseau de Timpératrice , sa mère , et voulut l'engager à choisir un re- jeton de l'illustre famille des Tchao (i), pour le mettre sur le trône; mais cette princesse, désespérée de la mort de son fils , se jeta in- continent dans la mer. Les femmes de son service s'y précipitèrent après elle. Tchang- schi-kié la fit inhumer sur le rivage, et se rendit au Toung-king, il reçut quelques secours, avec lesquels il résolut de retourner à Canton, afin d'installer, s'il était possible, un nouvel empereur. Il essuya dans cette traversée une violente tempête; son vaisseau fit naufrage et il périt (a). Sou-lieou-y fut tué par ses propres gens. Après la mort de ces chefs, les officiers et les man- darins se soumirent aux Mongols, et cette même année, l'empereur Coubilaï se vit maî- tre paisible de la Chine entière, que les Mon-

(i) Tchao était le nom de famille des Soimg.

(a) « Tchangchîkiay, dît le P. Gaubil [p. i88 , note (4)], « était de la même famille que Tchang-bong-fou. Il était « natif de Tchotcheou dana le Petcheli. Il suivit jeune son « parent Tchangjao dans le Honan '^ il y fit une faute , et « pour éviter la punition qu*il craignait , il se réfugia « chez les Song , qu'il servit avec une constance héroï- « que. »

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438 HISTOIRE DES MONGOLS.

gols avaient employé plus d*un demi siècle à conquérir. La dynastie Soung avait régné trois cent vingt ans (i).

(i) Mailla» tom. IX, pag. 338 à 400. Gaubil, pag. 159 à 189.

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LIYHB Illy GHÂPITAE III. 4^9

CHAPITRE m.

Expédition au Japon. Expédition en Cochinchine. . Conquête du royaume de Mien. Projet d'une seconde expédition au Japon. Guerre ayee le Toung-king. Mort de l'héritier du trône Tchingkxm. - Abandon du projet d'attaquer le Japon. Guerre dans le Toimg- king. Soumission de plusieurs royaumes insulaires au midi de la Chine. Guerre avec Caîdou. Victoire remportée par Coubila! sur le prince Nayan. Victoire du prince héréditaire Témour sur le prince Cadan. Le général Bayan opposé à Caîdou. Expédition dans l'ile de Koua-oua. Bayan remplacé par le prince Té- mour. — Ministres des finances de Coubilaî. Noun Teau code de lois. Mort de ce prince.

Coubilaî ne fut pas plutôt en possession de toute la Chine, qu'il voulut soumettre le Japon (i), pays qui avait anciennement payé un tribut à cet empire. En IS170, il avait invité le roi du Japon à reconnaître pour son suzerain le fils du Ciel et le msutre de

(x) Le nom de Japon nous vient des Chinois, qui ap- pellent ce pays Gé^pan, au soleil levant.

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440 HISTOIRE DES MOUGOLS.

la terre, mais son envoyé ne fut pas même admis. D'autres ambassadeurs qu'il fit partir après la destruction des Soung, ayant été mis à mort , Coubilaï résolut de réduire le Japon, malgré les représentations de ses plus sages conseillers, qui appréciaient les diffi- cultés de cette entreprise, et jugeaient que sa réussite même aurait peu d'utilité. L'or- dre fut donné, en mars laSo, de préparer une expédition de cent mille hommes, pour conquérir les îles orientales; Fan-ouen-hou, l'un des meilleurs généraux chinois, devait la commander. Ces troupes furent embar- quées vers la fin de l'année, dans les ports de Lin-ngan et de Tsiuan-tcheou , et la flotte fit voile pour la Corée, elle fut jointe par le contingent du roi tributaire de ce pays, composé de neuf cents vaisseaux et de dix mille hommes de troupes réglées. L'expédition partit enfin pour le pays qu'elle devait subjuguer; mais elle essuya près du Japon une furieuse tempête qui détruisit la plus grande partie des navires; les naufragés tombèrent au pouvoir des Japonais, qui, sui- vant l'histoire de la Chine, firent prisonniers soixante-dix mille Chinois, et tuèrent trente mille Mongols; de faibles débris de cette armée formidable regagnèrent les côtes de

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LIVRB m 9 CHAPITRE III. 44^

la Chine, vers l'automne de l'année ia8i (i). Après la chute de l'empire Soung, le roi de Cochinchine avait prêté hommage, par ses ambassadeurs, au nouveau souverain de la Chine. Coubilaï, non content du tribut qui lui était offert, établit en Cochinchine un conseil de régence, composé de ses offi- ciers. Au bout de deux ans, le prince royal, indigné de voir le gouvernement de son pays entre les mains de ces étrangers, détermina son père à les faire arrêter. Pour punir cet acte de rébellion , Coubilai fit sortir des ports du midi de la Chine une flotte qui avait à bord des troupes chinoises et mongoles, sous les ordres du général Soutou. Elles débar- quèrent, en ia8i , à Tchen-tching et s'em- parèrent de cette capitale. Le fils du roi, s'étant retiré dans les montagnes, amusa le général mongol par des promesses de sou- mission, en même temps qu'il prenait des mesures pour détruire son armée. Soutou, apprenant que des forces considérables s'a-

(i) Mémoires concernant V histoire, les sciences y clc. , des Chinois , par les missionnaires de Pékin; Paris, 1789, in-4**, tom. XrV, pag. 63 et suiv. Charlcvoix, Hist, et descript, gén. du Japon; Paris, 1736, in-12, tom. II, P^g- 79- Gaubil, Hist, de Gentch, pag. 196.

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44^ HISTOIRE DES MONGOLS.

vançaient de plusieurs côtés pour couper ses communications avec la flotte, fut obligé de faire sa retraite.

Le prince Siancour avait reçu Tordre, en ia83, de faire la conquête de la partie occidentale du Yun-nan qui comprenait les principautés de Taï-liou et de Young-tchang (i). Il avait une armée de douze mille hommes, commandée, sous lui, par les généraux Kulié et Nassir-ud-din. Le roi de Mien (a) , dont ces deux contrées étaient, sans doute, tributaires,

(i) Voyez sur le pays de Taï-liou la note de la p. 317. La principauté de Young-tchang, située à Touest du Taï- liou, ainsi nommée de Young-lchang-fou, sa capitale, était appelée, sous la dynastie mongole, Kîn-tchi qui "veut dire en chinois dents d'or, parce que ses habitants se couvraient les dents d*une feuille de ce métal. Dans le DJami ut-Tévarlkh, et la f dation de Marco Polo, ce pays est désigné sous le nom de Zerdendan, mot persan, qui signifie aussi dents d'or; on voit que c'est la traduc- tion de Kin-tchi. Il faut observer qu'à cette époque Ja plupart des préfets de la Chine étaient des Mahométans.

(2) Le royaume de Mien, que les indigènes appellent Myam-ma , et les Chinois , Mien-tien , s'étendait depuis le Yun-nan jus<iu'au Bengale qui en faisait partie, d'après Marco Polo; il comprenait le pays d'Ava. C'est aujour- d'hui l'empire des Birmans ou Barmans , ou Bouragh" mans.

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LIVRE lUy CHAPITRE III. 443

s'arma pour repousser les Mongols. Il alla avec soixante mille hommes , infanterie et car vallerie, leur présenter la bataille près de Young-tchang ; ses éléphants étaient en pre- mière ligne. A l'approche des Indiens^ les Mongols^ dont le flanc droit était couvert par une épaisse foret , sortirent de leurs retranche- ments pour les charger; mais leurs chevaux, effrayés de la vue des éléphants qui portaient des tours dans chacune desquelles il y avait ^ouze ou seize hommes, se retournèrent su- bitement et prirent la fuite sans qu'il fut pos- sible de les arrêter. Nassir-ud-din ordonna à ses troupes de mettre pied à terre et fit con- duire les chevaux dans la forêt. Les Mongols commencèrent par faire pleuvoir une grêle de traits sur les éléphants, qui, n'étant pas ga- rantis par des couvertures de cuir, furent bientôt criblés de blessures. Ces animaux , ren- dus furieux par la douleur, se jetèrent dans les rangs de l'armée indienne; beaucoup d'entre eux coururent dans la partie de la forêt qui n'était pas occupée par les Mongols et brisè- rent leurs tours entre les arbres. Délivrés des éléphants, les Mongols remontèrent à cheval, et, attaquant de loin avec leurs flèches, en- suite de près avec le sabre et la niasse d'ar- mes, ils firent éprouver une grande perte aux

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444 HISTOIRE DES MONGOLS.

Indiens, qui ne portaient pas, comme leurs ennemis, des armures de cuir. L'armée de Mien, mise en déroute, laissa deux cents élé- phants au pouvoir des vainqueurs. Siancour déc. se rendit maître de Taï-kong, capitale du Mien, et ce royaume devint feudataire du trône de Coubilaï. Les peuples de Kin-schi, que le roi de Mien avait empêchés de se soumettre à l'empire mongol, lui prêtèrent alors obéissance. Depuis cette campagne , Cou- bilaï eut toujours des éléphants dans son ar- mée (i). ia83. Coubilaï voulait envoyer une seconde flotte au Japon , dans l'espoir de réparer le désastre de la première. Le général Atagaï fut nommé chef de cette expédition, pour laquelle le roi de Corée devait fournir cinq cents navires. On construisit des vaisseaux; on leva des ma- rins dans le Kiang-nan , le Tché-kiang et le Fou-kien , au détriment du commerce mari-

(i) Marco Polo, Travels , éd. de Marsdcn, liv. Il, chap, 42. L'histoire de la Chine par Mailla, tom. IX, pag. 419, se borne à dire que les généraux de Cou- bilaï firent, en i283, la conquête du royaume de Mien- tien , et que les peuples de Kin-tclii , que le roi de Mien-tien avait jusqu'alors empêchés de reconnaître la domination mongole, se soiunirent à l'empereur.

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LIVEI III, CHA.PITRI Illé 44^

time de ces provinces. Les ouvriers des chan- tiers, les matelots enrôlés de force, désertè- rent en foule, et infestèrent les grandes rou- tes, ou écumèrent les côtes. Les troupes mur- muraient hautement, et dans le conseil même de l'empereur, personne n'approuvait cette entreprise , dont les préparatifs traînèrent pour cette raison en longueur (i). Coubilaï s'occupa bientôt d'une autre expédition.

Le roi de Cochinchine lui avait envoyé des ambassadeurs pour apaiser son ressentiment. L'empereur ne voulut pas les recevoir, et or- donna à son fils Togan, gouverneur de la province de Yun-nan, de marcher contre la Cochinchine, à travers le Tong-king; Soutou devait concerter ses opérations avec ce prin- ce (2).

Le Toung-king s'était soumis à Coubilaï dès son avènement au trône, et le souverain de ce pays, Tching-koan-ping, s'était engagé à livrer tous les trois ans une certaine quan- tité d'or, d'argent, de pierres précieuses, de

(i) Mailla, ibid., pag. 418. Gaubil, pag. 199.

(2) Mailla, tom. IX, pag. 414 et suiv. Id, tom. XII, Notice historique sur la Cochinchine, par Gaubil, pag. xi et iniT.

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446 HISTOIRE DBS MONGOI^S*

drogues médicinales , d'ivoire et de cornes âe rhinocéros; en même temps un commissaire impérial était venu s'établir dans le Toung-king. Ce roi avait eu pour successeur , en 1^77^ son fils Tchin-gé-suan y lequel, aigri par les réquisitions multipliées des Mongols, ne res- pirait que vengeance, lorsque Togan lui de- manda le passage par ses états et des vivres, pour aller attaquer la Cochinchine. Tchin-gé- suan fit des difficultés, et Togan, pénétrant ses dispositions hostiles, vit qu'il serait obligé , avant tout, de ranger à l'obéissance le roi de Toung-king. U entra dans ce pays, en janvier 1^85, et traversa, sur des radeaux, le fleuve Fou-léang , derrière lequel il vit l'ennemi rangé en bataille. Les Toung-kinois prirent la fîiite et leur roi disparut. Togan croyait la guerre terminée; mais les troupes qu'il avait disper- sées s'étant ralliées, s'opposèrent à ses progrès. L'été survint ; les grandes chaleurs et les pluies causèrent des maladies dans l'armée du nord qui , se voyant hors d'état de gagner les frontières du Tchen-tching , se retira vers le Yun-nan, et fut continuellement harcelée. Le général Li-heng, qui commandait sous Togan, blessé d'une flèche empoisonnée, mourut en arrivant à Ssé-ming. Sotou était à une vingtaine de lieues de cette armée, et ignorait sa retraite*

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LIVRE III, CHAPITRE III. 44?

Coupé par les Toungkinois, il voulut se faire jour , et périt dans une bataille qu'il leur livra sur le bord du fleuve Kien-moan.

Coubilaï regretta vivement la perte de deux de ses meilleurs généraux. Il éprouva peu après un profond chagrin, par la mort de son fils ^^^' Tchingkim, qu'il avait déclaré son successeur; prince d'un grand mérite , versé dans les scien- ces qui s'enseignaient à la Chine, et généra- lement estimé pour sa droiture et son amour de la justice. Tchingkim qui était âgé de qua- rante-trois ans, laissait trois fils : Camala, Dharmabala et Témour (i).

L'expédition destinée contre le Japon n'é- tait pas encore partie en ia86; cependant elle était prête et les vaisseaux devaient se réunir, dans le mois de septembre, à Ho- pou, le rendez -vous général. Lieou-siuen, président du tribunal des mandarins, dis-

(i) Au rapport de Vassaf, [tom. I], Coubila! Toulot associer à l'empire son fils Tchingkim ; i^ais ses ministres lui représentèrent qu'il serait contre la coutume et contre le Yassaî de Tchinguiz-ldian , que le fils exerçât la puis- sance souveraine, du vivant de son père, et ils lui of- frirent leur engagement par écrit (MoutchelgaJ de soutenir les droits de Tchingkim au trône après la mort du Caan.

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4^8 HISTOIRE DES MONGOLS.

suada Fempereur d'une entreprise aussi ha* sardeuse, et Coubilaï renonça à la guerre contre le Japon; mais il ordonna une nou- velle expédition en Cochinchine. Le général Alihaiya reçut Tordre de diriger sur le Yun- nan une partie des troupes en garnison dans le Hou-kouang et d'autres provinces méridio- nales. Le prince Togan, ayant pris le comman- dement de cette armée, entra dans le Toung- king, en février 1287, accompagné des géné- raux Tching-pong-feï et Fantsié , tandis qu'une flotte, équipée dans les ports de la province de Koang-tong, débarquait des troupes dans ce royaume. Elles étaient commandées par Sitour, Kiptchac, et il s'y trouvait beaucoup d'of- ficiers et de soldats de la même nation.

L'armée de Coubilaï battit les Toung-kinois dans dix-sept rencontres, ravagea une partie de leur pays, pilla la ville de Tchen-tching , capitale de ce royaume, fit un immense bu- tin, et se retira dans le Yun-nan. Le roi Tchin-gé-suan s'était embarqué; on ignorait le lieu de sa retraite. Il reparut après le départ des Mongols, et parvint à réunir des forces considérables. Togan rentra dans ce pays en avril 1288, et y trouva les habitants armés. La campagne se prolongea jusqu'aux chaleurs de l'été qui causèrent encore des maladies dans

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LIVRE m, CHAPITRE llf. 449

l'armée mongole. Togan se vit obligé de ré- trograder vers le Kouang-si. Il fut alors atta- qué par Tchen-gé-siuan , qui voulait lui cou- per la retraite, et il perdit beaucoup de monde dans plusieurs combats, entre autres les géné- raux Apatchi et Fantsie; enfin il dut son salut à la valeur de Sitour, qui, à la tète de Ta- vant-garde lui fraya le passage.

Malgré cette victoire, le roi de Toung-king prit le parti d'offrir ses soumissions à Cou- bilaï; il le supplia d'oublier le passé et lui fit hommage d'une statue d'or massif. Coubilaï ôta au prince Togan le gouvernement du Yun- nan et le relégua dans la ville de Yang-tcheou, avec défense de paraître à la cour (i).

Coubilaï avait chargé, en ia85, un de ses officiers, nommé Yang-ting-pié, d'aller visiter les îles situées au midi de la Chine, de s'in- former secrètement de leurs forces, de leurs richesses, et de les engager à se reconnaître vassales de son trône. La mission de cet of- ficier eut un plein succès. Dans le mois d'oc- tobre de l'année 1286, les vaisseaux de dix de ces royaumes abordèrent à Tsiuan-tcheou,

(1) Mailla, lom. IX, pag. 4'20 et suiv. Id. tom. XÏI, Mi'm, hist, sur le Tong-khig , par Gaubil , p. 26 cl suiv.

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45o HISTOIRE DES MONGOLS.

célèbre port du Fou-kien , et apportèrent leui*s tributs; c'étaient les royaumes de Mapar, de Sumenna, de Sengkili, de Nanvouli, de Ma- lantan, de Navang, de Tinghor, de Laïlaï, de Kilanitaï et de Soumoutou ou Sumatra (i). La principale circonstance qui avait déter- miné Coubilaï à contremander l'expédition contre le Japon, était l'attitude menaçante de Caïdou, qui lui disputait, depuis vingt ans, l'empire de la Tartarie. Revendiquant les droits au trône de la branche d'Ogotaï à laquelle il appartenait, après avoir long-temps éludé de se rendre a la cour de Coubilaï, il se déclara ouvertement son ennemi. L'empereur croyait pouvoir compter sur l'appui de Borac, qu'il avait placé à la tête de l'Oulouss de Tchagataï , et dont les domaines étaient si- tués à l'ouest de ceux de Caïdou. Ces deux princes voisins ne tardèrent pas effectivement à se faire la guerre. Us se livrèrent bataille sur le bord du Sihoun. Borac dut la victoire à une embuscade et fit beaucoup de prison- niers et de butin; mais Caïdou, soutenu par Mangou-Temour, descendant de Djoutchi, qui envoya à son secours une armée commandée

(i) Mailla, ibid. , pag. 429.

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LIVRE III, CHAPITRE IIÎ. 4^1

par son oncle Bergatchar, revint attaquer Bo- rac et le vainquit dans une action meurtrière, après laquelle Borac se retira en Transoxiane. Il y rallia les débris de son armée, dont il répara les pertes aux dépens des paisibles habitants de Samarcand et de Bokhara, et il se préparait à renouveller la lutte, lorsqu'il reçut des propositions de paix de Caïdou, par l'organe de Kiptchac Ogoul, petit-fils d'Ogotaï, leur ami commun. Borac les ac- cepta; il forma une étroite alliance avec Caï- dou, et les deux princes devinrent anda.

Cette union mettait le pays de Tchagataî, composé du Turkustan et de la Transoxiane, dans la dépendance de Gaïdou. Borac mourut en 1270. Son successeur Nikbey, filsdeSarban et petit-fils de Tchagataï, ayant pris les armes contre Caïdou, fut attaqué et tué en 1^72. Après lui régna Toca-Temour ; à sa mort Caïdou mit sur le trône Doua, fils de Bo- rac (i).

Caïdou et Doua entrèrent, en 127$, dans le pays des Ouïgours, avec une armée de cent raille hommes, et assiégèrent YIdiœut dans sa capitale. Ils voulaient le forcer de s'unir avec

(1) Djami ut-Tevarikh, Vassaf.

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45a HISTOIRE DES MONGOLE.

eux contre Coubilaï. Ce prince s'y refusa et reçut des secours qui le dégagèrent (i).

Obligé de défendre la frontière occidentale de son empire, Coubilaï y envoya, en layS, une armée commandée par son fils Noumou- gan, qui avait sous lui le ministre d'état et général Hantoum, descendant de Moucouli. Gueukdjou , frère de Noumougan , Schiréki , fils de Mangou , Toctimour et d'autres princes du sang avec leurs troupes, faisaient partie de cette armée. Noumougan avait été nommé gouverneur général du pays d'Almalig.

Dans l'année 1^77, Toctimour, mécontent de Coubilaï, proposa à Schiréki de le mettre sur le trône, et ce prince ayant accepté, ils enlevèrent de nuit les deux fils de l'em- pereur, ainsi que le noyan Hantoum. Ils livrèrent les deux princes à Mangou-temour, souverain de l'Oulouss de Djoutchi, et le général , au prince Caïdou , leur mandant qu'ils embrassaient leur cause; ensuite ils entraînèrent dans leur parti Sarban, fils de Tchagataï, et d'autres princes de cette bran- che, ainsi que de celle d'Ogotaï (a).

(i) Gaubil , pag. 168. (a} Djami ut-Tévarikh,

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LIVRE m, CHAPITRE III. 4^3

Ce fut alors que Coubilaï rappella Bayan du midi de la Chine pour le mettre à la tête de l'armée destinée contre les rebelles. Bayan les trouva bien retranchés, sur la rive de rOrgoun. Il s'attacha à leur couper les vivres, et les força, par la crainte de la disette, à accepter la bataille. Elle fut long- temps indécise; enfin Schiréki fut battu (i) et se retira vers l'Irtisch. Toctemour ayant passé dans le pays des Kirguises, y fut sur* pris par les troupes impériales , qui lui enle* vèrent tous ses bagages. Il demanda du secours à Schiréki pour les reprendre. N'en ayant pu obtenir, il voulut s'en venger, en offrant le trône à Sarban. Schiréki tenta de l'ame- ner Toctemour; mais celui-ci lui fit répondre qu'il n'était pas assez brave pour être leur chef, que Sarban en était plus digne. Schi- réki dut se résigner à son sort et fut même obligé d'envoyer, avec les autres princes de son parti, des députés à Caidou et à Man- gou-temour, pour leur annoncer qu'ils avaient élu Sarban.

(i) IVrailla, ibid., pag. 389. Gaubil, pag. 182. D*aprèx ces deux auteurs, qui ont suivi le Kan^-inau, Schiréki fut pris dans sa fuite et tué par le général Litin^.

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454 HISTOIRE DES MONGOLS.

Toctemour voulut alors forcer Youboucour, fils aîné du prince Aric-Boca, de reconnaître le souverain qu'il venait de créer. Celui-ci rassembla son monde pour le repousser. Au moment du combat , les troupes de Tocte- mour passèrent de son côté, et le prince abandonné, réduit à prendre la fuite, fut arrêté et livré à Schiréki, qui le fit tuer à la demande d'Youboucour. Toctemour était renommé pour son extrême bravoure et son adresse à tirer de l'arc. Il montait toujours un cheval blanc dans les combats, et disait qu'on choisissait d'ordinaire des chevaux de couleur foncée afin que l'ennemi ne put pas apercevoir le sang des blessures, mais qu'il pensait que, semblable au rouge dont les femmes ornent leur visage, le sang du ca- valier et du cheval fait la parure d'un guerrier.

Sarban, privé de son protecteur, alla trou- ver Schiréki , et s'excusa de s'être laissé sé- duire par Toctemour. Schiréki lui prit ses troupes, et l'envoya avec une escorte de cin- quante hommes, à Cotchi-ogoul , petit-fils de Djoutchi; mais, passant dans le district de Djend et d'Ozkend, il fut délivré par ses propres troupes, cantonnées dans ces quar- tiers, et se mettant à leur tête, il s'avança

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LIVRE m, CHAPITRE HT. f\!^^

contre Schiréki. Lorsque les deux corps en- nemis furent en présence, celui de Schiréki passa du côté de Sarban; il tomba lui-même au pouvoir de ce prince. Youboucour, qui était venu pour le secourir, ftit également abandonné de ses troupes et fait prisonnier. Sarban ayant confié chacun de ces princes à la garde de cinq cents hommes, se mit en marche pour se rendre auprès de l'em- pereur; en passant près de l'ancien territoire d'Utchuguen, Youboucour envoya de l'ar- gent et des bijoux au prince qui l'habitait, avec la prière de venir le délivrer ; le des- cendant d'Utchuguen fondit à l'improviste sur Sarban et prit tout son monde. Celui-ci s'étant échappé seul se rendit auprès de l'em- pereur, qui lui donna des terres et des trou- pes; mais Schiréki, conduit à Coiibilaï, fut rélégué dans une île malsaine il termina ses jours. Youboucour , après avoir servi quelque temps dans le parti de Caïdou, fît sa soiunission à l'empereur, et dans la suite Noimiougan, fils de Coubilaï, fut mis en hberté (i).

Dix années s'étaient écoulées depuis ces

(i) Djami ut^Tcvarihh.

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456 HFSTOIRE DES MONGOLS.

événements, lorsque le prince Caïdou forma une puissanle ligue contre l'empereur Cou- bilaï. Il sut entraîner dans son parti les prin- ces Nayan , Cadan et Singtour , qui avaient leurs territoires sur les confins du Leao-tong et du pays des Tchourtchés. Ils étaient les arrières petits-fils de trois frères de Tchin- guiz-khan. Nayan descendait, à la cinquième génération, d'Utchuguen Noyan; Singtour, de Djoulchi-cassar, et Cadan était le qua- trième descendant de Cadjioun (i). Nayan avait réuni quarante mille hommes, et at- tendait l'arrivée de Caïdou , qui avait pro- mis de lui . en amener cent mille. L'empe- reur sentant combien il importait d'empêcher celte jonction, ordonna au général Bayan, de prendre une position du coté de Cara- couroum, pour tenir Caïdou en échec, tan- dis qu'il marcherait lui-même contre son alUé. Il fut ordonné d'embarquer dans le Kiang-nan, et de transporter à l'embouchure du fleuve Leao, toutes sortes de provisions pour la subsistance de l'armée. Coubilaï, ayant promptement rassemblé un grand nom- bre de troupes, s'avança, à marches forcées,

(ï) Djatni ut-Tévarikh.

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LIVRE m, CHAPITRE lîl. 4^7

vers le territoire de Nayaii , qu'il atteignit au bout de vingt-cinq jours. 11 avait pris la précaution de faire garder les chemins pour empêcher que son ennemi ne fut in- struit de ses préparatifs. Son armée était di- visée en deiix corps nombreux, l'un com- posé de Chinois, sous les ordres du géné- ral tchourtché Li-ting, l'autre, de Mongols, commandé par Yissou-temour, petit-fils du général Bourdji, qui avait été l'un des pre- miers capitaines de Tchinguiz-khan. Ils trou- vèrent l'armée de Nayan campée près du fleuve Leao, et protégée par une ligne de chariots (i). L'empereur , après avoir con- sulté ses astrologues, qui lui promirent la victoire, donna le signal du combat. Son ordre de bataille était composé de trente corps de cavalerie, formant trois divisions, et ses ailes débordaient celles de l'ennemi. En avant de chaque corps étaient placés cinq cents hommes d'infanterie, armés de piques et de sabres. Ces fantassins étaient exercés à monter en croupe lorsque la cavalerie at- taquait; ils mettaient pied à terre près de l'en-

(i) Mailla, pag. 4^1 et suiv.

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458 HISTOIRE DES MONGOLS.

nemi et se servaient de leurs piques; la cava- lerie faisait-elle volte face, ils sautaient à cheval pour s'éloigner. Coubilaï était placé sur une tour de bois portée par quatre élé- phants, bardés de cuir et couverts de housses de drap d'or; sur cette tour, qui était garnie d'archers et d'arbalétriers, flottait l'étendard impérial, représentant le soleil et la lune. Quand l'armée fut rangée en bataille, l'air retentit des sons d'un grand nombre d'instru- ments à vent de diverses espèces; à cette musique miUtaire succéda le chant des guer- riers. Les timbales et les tambours donnèrent alors le signal du combat, et l'air fiit aussitôt obscurci par une nuée de traits. Lorsqu'ils eurent lancé leurs flèches, les combattants se joignirent et firent usage de leurs lances , de leurs sabres, de leurs masses d'armes. Les troupes de Nayan montrèrent beaucoup de résolution ; mais elles durent céder au nombre. Après avoir soutenu la lutte depuis l'aurore jusqu'au milieu du jour, Nayan, qui sur le point d'être entouré, tentait de se sauver par la fuite, tomba au pouvoir du vainqueur. Coubilaï le fit mettre à mort sur- le-champ; le prisonnier fut enveloppé dans deux feutres et secoué avec violence jusqu'à ce qu'il eut rendu Tame; genre de mort ré-

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LIVRE III, CHAPITRE 111. 4^9

serve aux princes de la famille impériale. Après cette victoire Coubilai retourna à Chang- tou (i).

(i) Marco Polo , édit. de Marsden , liv. II , chap. i , 263 à 270. Cet auteur dit que Nayan, quoiqu'il n'eût que trente ans, était oncle de l'empereur, qui en avait soixante-douze. Coubilai était au contraire le grand oncle de Nayan, car il 'était le petit-fils de TcLinguiz- khaii , et Nayan descendait à la cinquième génération d'Utchuguen noyan , frère cadet de Tchinguiz-klian. Marco Polo rapporte, au sujet du supplice de Nayan, qu'on faisait périr de cette manière les princes de la famille impériale , afin que le soleil et l'air ne vis- sent point coidcr leur sang. 11 dit aussi que Nayan, qui avait reçu le baptême , quoiqu'il ne professât pas ouvertement le christianisme, jugea à propos, dans cette occasion, de mettre le signe de la croix sur ses drapeaux , et qu'il y avait dans son armée beaucoup de chrétiens , dont une bonne partie resta sur le champ de bataille. Les Juifs et les Mahométans qui étaient dans l'armée de Coubilai, se moquaient journellement de ces chrétiens qui venaient de se sou- mettre à l'empereiu*, leur disant que Jésuii-Chrbt, dont Nayan avait arboré le signe, ne les avait pourtant pas assistés. Les chrétiens ne pouvant plus tolérer ces ou- trages, en portèrent plainte à Coubilai. Ce i)rince leur dit , en présence de leurs ennemis : « Votre Dieu n'a « pas voulu assister Nayan; mais vous ne devez pas vous «en affliger, ni avoir honte de votre religion, parce

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4^0 HISTOIRE DES MONGOLS.

Cependant les princes Cadan et Singtour restaient encore armés. L'empereur fit mar^ cher contre eux, l'année suivante, son petit- fils Temour, avec les généraux Yssi-temour, Toutouca, Li-ting et Polohoan. Temour at- taqua d'abord Kinkianou, l'un des généraux du feu prince Nayan; la bataille dura tout le jour, mais sans résultat décisif. Cependant Kinkianou s'étant retiré, Temour marcha con- tre Cadan qui était campé près de la rivière Koueiley. Ils se battirent pendant deux jours;

« que Dîeu , qui est juste , ne peut pas favoriser le « crime et Finjustice. Nayan était rebelle contre son « souverain , et , dans sa perversité , il implorait le se- « cours de votre Dieu ; mais ce Dieu bon et juste n'a « pas voulu protéger ses mauvais desseins. » Ensuite il défendit aux ennemis des chrétiens de continuer à offen- ser leur Dieu et sa croix.

Raschid ne dit que ce peu de mots sur la campagne contre Nayan: « Coubilaî, quoique attaqué de la mala- « die de (lacime) et fort avancé en âge, marcha contre « les rebelles ; mais il allait en palanquin. H fut sur le « point d'essuyer une défaite; et l'on mit en fuite l'élé- « phant qui le portait. Toutefois il remporta la vicloi- « re, et poursuivit ses ennemis qui lui furent livrés par « leiu^ propres soldats. Il fit mourir les princes et distribua « leurs troupes. De fut la dernière expédition cpie Cou- « bilaï fit en personne. »

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LIVRE III, CHAPITRE III. 461

plusieui's princes alliés de Cadan , plusieurs anciens généraux de Nayan, et leurs meil- leures troupes périrent dans ces journées glo- rieuses pour Teinour, qui reçut après sa vic- toire les soumissions des tribus de ces con- trées arrosées par le Léao, le Tiro, le Kouei- ley (i). Le général Li-ting se distingua dans cette campagne ; les machines à feu ou canons {ho'pad) , dont son armée était pourvue , con- tribuèrent aux deux victoires qu'elle rem- porta (a).

Coubilaï avait encore un ennemi redoutable dans Caïdou. Les monts Cangcaï et le désert Cobi séparaient les états des deux princes; sur la lisière occidentale de ce désert étaient pos- tés sept corps de troupes, qui en venaient souvent aux mains avec celles de Caïdou (3). L'empereur, pour mieux pourvoir à la sûreté de ses frontières sans cesse exposées aux hostilités de ce prince, donna à Bayan le gouvernement général de Caracouroum avec des pouvoirs illi- mités. Avant l'arrivée de Bayan à l'armée, le prince Camala,fils de Tchingkim, qui comman-

(i) Gaubil, pag. 209.

(2) Mailla, îbUL, pag. 438.

(3) Djami ut-Tévarikh,

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46a HISTOIRE DES MONGOLS.

(lait un corps avancé, voulant empêcher Caï- dt)u de franchir la limite du Cangcaî , essuya une défaite, après laquelle il fut enveloppé par l'ennemi près de la Sélinga, et ne dut son salut qu'aux efforts de Toutouca, qui lui fit jour à la tête de ses Kiptchacs. L'empe- reur jugea nécessaire , malgré son grand âge , de marcher en personne contre Caïdou. Il fit venir le général Toutouca, qui devait com- mander sous le monarque, et le loua de sa dernière action. Coubilaï partit de Chang- tou pour la frontière occidentale, en juillet la 89; mais il ne trouva pas d'ennemis et rebroussa chemin; Caïdou s'était éloigné. Ca- dan fut battu à la même époque , sur le bord de la rivière Toro, par le prince Naïmantaï (i). Coubilaï envoyait souvent. des mandarins en mission dans les diverses parties de l'ar- chipel indien, dont les vaisseaux arrivaient, en grand nombre, au port de Tsiuan- tcheou; car Coubilaï aimait les productions rares de l'étranger, et ces ambassadeurs lui rapportaient des présents. Un de ses mi- nistres chinois, nommé Meng-ki, était allé trouver, par son ordre , le souverain d'un

(i) Mailla, pag. 44* Gaubil , pag, a 10.

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LIVRE III, CHAPITRE III. 4^3

pays d'outre-mer , appelée Kouawa. Ce prince , on ne sait par quel motif, le fit marquer au visage d'un fer chaud , punition qui s'infligeait aux voleurs de grands chemins, et le renvoya avec mépris. Coubilaï en fut outré; ses minis- tres, ses courtisans demandèrent vengeance. L'ordre fut donné de réunir un grand nom- bre de vaisseaux de guerre et de transport à Tsiuan-tcheou. On y embarqua trente mille hommes, tirés des provinces de Kiang-si, Fou- kien et Hou-kouang. Une flotte de mille na- vires , approvisionnée pour un an , partit de Tsiuan-tcheou, en janvier 1293. Ché-pi, chi- nois, commandait en chef l'expédition; les troupes étaient sous les ordres de Kao-hing^ également chinois, et les matelots sous ceux de Yehemisch, ouïgour. Ce dernier et Ché-pi avaient navigué dans les mers de l'Inde et entendaient la langue du Kouawa. La flotte se dirigea d'abord vers la côte de la Cochin- chine, d'où elle pénétra dans l'Océan méri- dional. Elle aborda à l'ile de Kan-lan-siu l'on abattit des arbres, pour construire des bateaux , qui lui servirent à débarquer sur la côte de Kouawa, en octobre 1293. Le roi de Kouawa feignit de se soumettre, et persuada à Ché-pi de faire la conquête d'un royaume voisin, nommé Kolang, avec lequel il ^tait

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464 HISTOIRE DES BI0N60LS.

en guerre. Ché-pi marcha contre le Kolang^ et remporta une grande victoire sur le roi de ce pays , qui se rendit et fut mis à mort. Alors le roi de Kouawa voulut se défaire des Chi- nois; il les attaqua et chercha à les couper de leur flotte. Ché-pi eut de la peine à rega- gner ses vaisseaux, dont il était à trente lieues; il mit à la voile et arriva en soixante -huit jours à Tsiuan-tcheou. Il avait perdu trois mille hommes; mais il rapportait beaucoup d'or et de pierreries. A son arrivée à la cour , il offrit ces richesses à l'empereur, qui mé- content de ce qu'il n'avait pas réussi à sou- mettre le roi de Kouawa, le condamna à soixante-dix coups de bâton, et confisqua le tiers de ses biens (i).

(i) Mailla, ibid. p. 45a. Gaubil, p. 1117. Suivant une relation faite par des Chinois que l'empereur Kang- hi envoya, vers la fin du dix -septième siècle, dans Vile de Koua-oua (voy. dans les Mémoires sur les Chinois , Introduction à la connaissance des peuples chinois, tom. XIV, pag. 101 et suiv.), ce pays était anciennement appelé Tché-po , Pou-kia-loung et Hia-siang et ce furent les Mongols qui lui donnèrent le nom de Koua-oua. « Ce royaume est situé , y est-il dit , au milieu de la <r mer du sud-ouest , et les vaisseaux qui viennent du « grand Occident à la Chine , passent près de ses côtes.

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LIVRE III, CHAPITRE IIÎ. 465

Le général Bayan qui tenait en échec, de- puis quatre ans , les forces de Caidou , fut des-

« On s'embarque ordinairement pour le Koua-oua à « Tsiuen-tcheou-fou , port du Fou-kien; on range la « côte de Tchen-tcheng (Cochinchine) , et on y arrive « au bout d'un mois de navigation. On distingue dans * le pays trois sortes d'habitants : les étrangers de l'Oc- « cident , les Chinois , qui s*y sont fixés sous la dynas- « tie des Tang, et qui ont embrassé la religion maho^ « métane , et les indigènes qui ne ressemblent en rien « aux deux autres. »

D'après ces données, il est probable que le pays de Tché-po ou de Koua-oua est l'île de Java. L'historien Raschid dit : « Une armée envoyée par Coubilaî dans le A pays de Djava , qui fait partie de l'Inde , en fit la « conquête. Un autre historien persan contemporain, Vassaf, rapporte qu'en 691 de l'hégire (1292), Coubiliû conquit l'ile de Moul-Djava^ située près de l'Inde, et dont la longueur est de deux cents fersenks, siur cent vingt de largeur. U ajoute que le souverain de ce pays, Seri-Rama , se rendant auprès de Coubilaî pour lui ren- dre hommage, mourut en route ; mais que son fils ar- riva à la cour de ce monarque, en fut bien accueilli, et obtint la conservation de sa principauté, moyennant un tribut annuel en or et en perles. (Voy. Kitab tedj^ ziyet-ul-emssar y etc., tom. I). Marco Polo , qui partit, en 1291, de la Chme pour retourner en Europe, rap- porte (liv. III, chap. 10) que, de son temps l'empereur n'avait pas encore pu soumettre à sa domination la a 3o

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466 HISTOIRE DES MONGOLS.

servi auprès de Ck)ubilaî; on blâmait son in- action; on le soupçonnait même d'intelligence juU. ^vec Caïdou. Coubilaï le rappela , et donna le commandement de Farmée du nord à son pe- tit-fils Temour, qu'il institua en même temps , son héritier* Il lui adjoignit le général Yusi- Temour. Avant leur arrivée, Bayan alla de Caracouroum attaquer les troupes de Caïdou, et les battit. Lorsqu'il eut remis le sceau du commandement à Temour, qui l'invita à sa table et lui fit de riches présents, il se ren- dit à Taï-tong-fou , lieu qui lui avait été dé- signé, et il y trouva l'ordre d'aller à la cour. Coubilaï revint de ses préventions à son égard, le reçut avec distinction, fit en public l'éloge de son zèle et de ses services, le nomma son premier ministre et lui donna le commande- ment de la garde impériale et des troupes qui étaient campées aux environs de Ta-tou et de Chang-tou (i).

grande ile de Ja^a. Jean de Mandeville dit (ch. 19) que le royaume de Java est fort grand, que son roi est très-puissant et qu'il commande aux princes de sept fies voisines; que le grand khan avait souvent tenté de subjuguer Java; mais qu'il n'avait jamais pu réussir. Ce voyageur mourut en 1371.

(i) Mailla, îbid, pag. 456. Gaubil, pag. aao.

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LIVRE llly CHAPITRE Ilf. 4^7

A son avènement au trône , Ck>ubilaï confia l'administration des finances de son empire à un mahométan, natif de Boukhara, nommé Seyid-Edjell ; ce ministre mourut en 1270, laissant une belle réputation de probité (i). Il fut remplacé par Ahmed, natif de Fénaket, ville sur le bord du Sihottn. Ahmed dut sa fortune à la connaissance qu'il avait faite de Djambouï-khatoun , la première des épouses de Coubilaï, lorsqu'elle était encore dans la maison de son père, Utchi Noyan, Fun des chefs des Cancarates. Il fut attaché à la cour de cette impératrice; et souple, rusé, d'un

(i) Selon Raschid) Seyid Edjell était goaYemenr da Caradjank y à Tépoque ou Coubiiaî entra dans ce pays « sous le règne de Mangou. Coubiiaî Payant pris en ami- tié, remmena lorsqu'il quitta l'armée et le recommanda au Caan , qui lui donna la charge de vézîr. Son fils Nassir-ud-din 9 fut nommé à sa place gouyerneur du Caradjank , et conserva ce poste jusqu'à sa mort ^ « la- « quelle arriva il y a cinq ou six ans, ajoute Raschîd, «(qui écrivait vers l'an iSoo), et son fils Abou-biker, « surnommé Bayan Fentchan est actuellement gouverneur « de Zaîtoun (Thsiuan-tcLeou). » Nous observerons que lors de l'expédition de Coubiiaî dans le Yim-nan y le Caradjank n'était pas encore soumis, et que, par consé- quent, il ne pouvait pas y avoir dans ce pays un gou- veraeur de Mangou.

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468 HISTOIRE DES MONGOLS.

esprit insinuant et fertile en ressources, il eut dans cette place l'occasion de gagner les bonnes grâces du Caan, qui, à la mort de Seyid Edjell, remit entre ses mains l'adminis- tration des finances de l'empire. Ahmed sut prendre un grand ascendant sur l'esprit de Coubilaï (i). Ce prince avait besoin de beau- coup d'argent, et son ministre trouvait les moyens de lui en fournir. Il profita de sa fa- veur pour exercer un pouvoir sans bornes (a) , disposant à son gré de tous les grands offices, et faisant périr arbitrairement ceux qu'il re- gardait comme ses ennemis. Beaucoup d'in- dividus furent les victimes de sa tyrannie. Personne, quel que fut son rang, n'osait bra- ver sa haine. Aucune femme, remarquable par sa beauté, n'était à l'abri de sa. convoi- tise; il employait tous les moyens pour satis- faire ses désirs. Ses vingt-cinq fils occupaient les premiers emplois , et il avait amassé des biens immenses par ses concussions ; tous ceux qui obtenaient des places étaient obligés de lui faire des présents considérables (3).

(i) Djami ut-Tévarikh.

(a) Mailla, ibid, pag. 3i5. Gaubil, pag. i5i.

(3) Marco Polo, liv. II, chap. 8, pag. 309.

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LIVRE m, CHAPITRE III. 4^9

Ahmed occupait depuis douze ans le minis- tère, ayant une foule d'ennemis secrets, et chargé de la haine publique , qu'il s'était atti- rée par ses malversations. Les lettrés chinois qui vivaient dans Fintimité de l'empereur, cher- chèrent vainement à lui ouvrir les yeux sur son compte; mais ils le firent connaître au prince Tchingkim, qui devint son plus dan- gereux adversaire (i). Ce prince s'emporta un jour contre le ministre au point de le frap- per au visage du bout de son arc, qui lui fendit la joue. Coubilaï voyant Ahmed blessé , voulut savoir ce qui lui était arrivé; il ré- pondit qu'il avait reçu un coup de pied de cheval. Tchingkim, qui était présent, lui de- manda s'il avait honte d'avouer que c'était lui qui l'avait frappé. Une autre fois il l'assaillit à coups de poings, sous les yeux de l'empe- reur (a). Enfin, un Chinois, nommé Ouang- tchu, l'un des principaux officiers du dé- partement des finances, résolut, en 1282, de délivrer l'empire de ce personnage. Pour exécuter son complot, il choisit l'époque Coubilaï et Tchingkim étaient à Chang-

(i) Mailla, ibid, pag. 411. Gaubil, pag. i5i. (a) DJami ut-Tévarikh,

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470 HISTOIRE DES MONGOLS.

tou , leur résidence d'été. Ck)mme Ahmed était resté dans la capitale pour vaquer aux affai- res de son département ^ Ouang-tchu donna un jour le faux avis que Tchingkim allait arriver; les grands fonctionnaires furent man- dés au palais pour faire leur cour au prince impérial, et Ahmed s'y rendit à la tête des mandarins; au moment il dépassait le seuil de la porte, Ouang-tchu lui asséna un coup de massue qui Fétendit à ses pieds (i). A la nouvelle de cet assassinat, l'empe- reur , outré de colère , fit arrêter le coupa- ble et ses complices, qui furent jugés et exé- cutés. Ce prince donna une somme d'argent considérable pour faire de magnifiques obsè- ques à son premier ministre , et voulut que ses grands officiers suivissent le convoi fii- nèbre: mais^ aux regrets que lui causait la mort tragique de ce favori, succéda bientôt une vive indignation contre sa mémoire. Cherchant à faire l'acquisition d'un gros dia- mant pour en orner sa coiffure, Coubilaï apprit que deux commerçants lui avaient apporté, peu de temps auparavant, une su-

(1) Mailla, îbid , pag. 412. Raschid raconte cet assas- sassinat d'iine autre manière.

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LIVRE m, CHAPITRE III. [\^\

perbe pierre, qu'ils avaient remise à Ahmed; on la trouva au pouvoir de sa principale épouse. L'empereur , indigné de ce trait , excité par les discours de son fils Tching- kim, auquel les fonctionnaires chinois avaient persuadé que c'était pour le délivrer d'un ennemi mortel qu'on avait fait périr Ahmed, et apprenant alors que ce ministre s'était rendu odieux par ses concussions, fit écla- ter son ressentiment d'une manière terrible. Par ses ordres on exhuma le cadavre d'Ahmed; sa tête , séparée du tronc , fut exposée à la vue du public , et son corps abandonné aux chiens; on mit à mort celle des veuves du défunt qui possédait le diamant , ainsi que deux de ses fils ; ses quarante autres femmes et ses quatre cents concubines furent don- nées en présents; on confisqua ses biens, et ses clients, au nombre de sept cent, subi- rent diverses peines , selon la part qu'ils avaient eue à ses malversations (i).

Le ministère des finances fut alors donné à un Ouïgour nommé Sanga, dont le frère avait succédé à Pakba dans la dignité de

(i) Djami ut-Tévarikh. Mailla , toni. IX, pag. 4i'3. Marco Polo, liv. II, chap. 8, pag. 309:

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47îi HISTOIRE DES MONGOLS.

chef des Lamas. Il occupait ce poste depuis huit ans, marchant sur les traces de son pré- décesseur, lorsqu'un officier de Coubilai se chargea de la dangereuse commission de faire connaître à ce souverain les dilapidations de son ministre. Il lui en parla dans une par- tie de chasse; mais il fut mal récompensé de son zèle, Coubilaï le traita de calomnia- teur, et le fit frapper par ses gardes. Il voulut ensuite le forcer d'avouer qu'il n'avait fait que servir la haine des envieux de Sanga; cet officier protesta que , n'ayant aucune ini- mitié personnelle contre le ministre , il n'avait eu en vue que l'intérêt de son souverain et le bien de l'état. Coubilaï prit alors des informations qui confirmèrent ce qu'on lui avait dit, et sut que, s'il n'avait pas été in- struit plutôt des malversations de Sanga , c'est qu'on redoutait le cruel ressentiment de ce ministre (i). Une circonstance acheva de le perdre dans l'esprit de l'empereur. Coubilai lui ayant un jour demandé des perles, Sanga dit qu'il n'en avait point. Un Persan, en fa- veur auprès du prince, et l'ennemi de son ministre, s'empressa de dire à Coubilaï qu'il

(i) Mailla, ibid , pag, 445. Gaubil, pag. 218.

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LIVRE III, CHAPITRE UI. ^']Z

avait vu chez Sanga une grande quantité de perles et de pierreries, et offrit même, si l'empereur voulait le retenir quelques in- stants, d'aller les chercher à son hôtel. Il revint en effet chargé de deux cassettes plei- nes de ces objets précieux. « Comment, dit m Coubiiai, en les montrant à Sanga, tu pos- « sèdes tant de perles, et tu ne veux pas a m'en donner quelques-unes ! D'où les as-tu? » Le ministre répondit qu'il les avait reçues en présents de plusieurs fonctionnaires ma- hométans qu'il nomma; c'étaient des préfets de provinces chinoises. « Pourquoi, reprit a l'empereur, ne m'ont -ils pas offert des « pierreries? Tu m'apportes des bagatelles, « et tu gardes ce qu'il y a de plus pré- « cieux. » « Ils m'en ont fait présent, re- ct prit Sanga; si vous l'ordonnez, seigneur, a je les leur rendrai. » Le prince, dans sa colère, lui fit remplir la bouche d'ordures, et le condamna à mort (i). On confisqua ses biens, qui étaient immenses, et l'empe- reur, irrité contre les grands fonctionnaires qui auraient l'instruire des malversations de Sanga, demanda aux censeurs de l'em-

(i) Djami ut-Tévarikh,

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474 HISTOIRE DES MONGOLS.

pire quelle punitions ils méritaient. Sur la décision de ce tribunal ils furent destitués (i). Deux préfets mahométans et plusieurs autres individus, entraînés dans la disgrâce du mi-

1291. nistre, subirent comme lui la peine capi- tale (a). Ainsi , depuis la mort de Seyid Edjell , les chefs du département des finances, étran- gers ainsi que la plupart de leurs agents , s'é- taient maintenus en faveur par des exac- tions révoltantes. Coubilaï, toujours avide d'argent, accueillait ceux qui lui proposaient des expédients pour en fournir au trésor ou pour augmenter ses revenus, et mettait le pouvoir entre les mains d'hommes sans pu- deur, qui se permettaient tous les excès: vexations, concussions, fausses accusations, confiscations injustes, et qui souvent atten- taient à la vie des victimes de leur cupidité (3). Oldjaî succéda à Sanga dans le ministère des finances.

1291. Vers la fin de son règne Coubilaï fit pu- blier un nouveau code de lois rédigé par son ordre. Jusqu'alors on avait suivi, dans le

(i) Mailla, ibid, pag. 446.

(2) Djami ut-Tévarîkh,

(3) Gaubil, pag. 20a.

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LIVRE III, CHAPITRE III. 4?^

nord de la Chine, la législation établie sous la dynastie Kin ; mais elle avait paru trop rigoureuse (i).

Coubilaï mourut au mois de février de Tan- née 1294, dans son palais de Ta-tou, âgé de quatre-vingts ans, après en avoir régné trente- cinq. On lui donna, dans le temple de ses ancêtres, le surnom chinois de Chi-tsou (2).

(i) Mailla, pag. 45o.

(2) Mailla > tom. IX , pag. 418. Marco Polo (liv. n, chap. 4)9 nous apprend que ce prince avait une stature moyenne , de beaux yeux noirs , un nez aquilin et le teint délicat. Au rapport de Rascliid , lorsque Coubila! vint au monde, Tcliinguiz-khan s'étonna qu'il fût brun , parce que tous ses enCmts éuient blonds.

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47^ HISTOIBE DES MONGOLS.

CHAPITRE IV.

Étendue de Tempire de Conbîlaî. Sa division en gou- Temements. Fonctionnaires publics. Communica- tions rapides au moyen de relais. Population de la Chine. Armée. Finances. Papier monnaie. Chrétiens en Chine. Mahométans. Astrologues et devins de la cour. Résidences impériales. Fêtes à la cour. Chasses. Femmes de l'empereur. Ses fils. Filles du palais impérial. Désignation d*un successeur.

Le souverain de Fempire mongol n'était plus un chef nomade, qui traitait en escla- ves les peuples vaincus, et ruinait les pays conquis. Coubilaï avait reçu une éducation chinoise; il appréciait les avantages de. la civilisation, admirait les institutions de la Chine, et protégeait les sciences et les let- tres. On voyait à sa cour des savants de toutes les nations policées de l'Asie. Il fit traduire les ineilleurs ouvrages chinois en langue mongole, et fonda des collèges pour les jeunes gens de sa nation , dont il en- courageait les études. Si la politique lui

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LIVRE m, CHAPITRE IV. 477

commandait de ne pas donner aux Chinois les premiers emplois de l'administration , il adoucit du moins le sort de la nation en restreignant l'aulorité jusqu'alors despotique des commandants mongols. On vante son humanité; cependant il fit périr des milliers d'hommes dans des expéditions lointaines, qui ne furent entreprises, dit l'histoire, que pour satisfaire son insatiable cupudité.

Coubilaï était le souverain du plus vaste empire que les fastes de l'histoire nous aient fait connaître; il comprenait la Chine, la Corée, le Tibet, le Tong-king, la Cochin- chine et une grande partie de l'Inde au-delà du Gange, plusieurs iles de la mer du sud, le nord du continent, depuis la mer orien- tale jusqu'au Dnieper, quoique, pendant le règne de Coubilaï, les princes Tchinguiziens qui possédaient les pays à l'ouest des monts Cangcaï, ne voulussent pas reconnaître la légitimité da sa puissance: enfin la Perse était feudataire de son trône; ses souverains, suc- cesseurs de Holagou, recevaient leur investi- ture de Pékin; et comme la domination de ces grands vassaux s'étendait jusqu'à la mer méditerranée et aux frontières de l'empire grec, on peut dire que presque toute l'Asie était soumise aux lois du grand khan.

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478 HISTOIRE DES MONGOLS.

La portion de cet empire sur laquelle Cou- bilaï régnait immédiatement, était divisée en douze grandes préfectures , régies chacune par un collège ou tribunal, appelé sing en chi- nois. L'un de ces gouvernements comprenait les pays de Spulangca (i) et de Tchourtché; un second la Corée; un troisième, le Yun- nan ; les neuf autres partageaient la Chine (a). Les chefs de ces préfectures et de l'admini- stration en général étaient des Mongols, ou des étrangers, mahométans, chrétiens, boud- dhistes, qui la plupart avaient appartenu à la maison de l'empereur. Beaucoup de mahomé- tans, originaires de la Perse, de la Transoxiane et du Tiu'kustan , attirés par l'espoir de faire fortune, à la cour d'Ogotaï et de Mangou, ob- tinrent des charges importantes sous les mi- nistères d'Abd-our-Bahman , de Seyid Edjell et d'Ahmed. Les Mongols ayant adopté le mode d'administration par collèges , qu'ils trouvèrent établi en Chine, ainsi que la mé- thode d'adjoindre un collègue à chaque titu-

(i) Le Soulangca était probablement la partie cultivée du pays des Tchourtchés, celle qui contenait des villes et des villages.

(i) Djami ut-Téparikh.

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LIVRE III, CHAPITRE IV. ^JQ

laire d'emploi, donnaient les places secon- daires à des lettrés chinois (i). Avant la con- quête, les lettrés étaient seuls admissibles aux fonctions publiques, et ils s'y préparaient par de longues études; pour les obtenir les can- didats devaient avoir subi des examens sur la connaissance des livres classiques, des prin- cipes du droit public et des traditions des anciens. Investis de tous les emplois, dé- positaires des doctrines sacrées et des scien- ces, les lettrés formaient le premier or- dre de l'état. On a vu que plusieurs mil- liers de ces lettrés furent réduits en escla- vage par les Mongols dans leurs invasions en Chine, et qu'un grand nombre d'entre eux

(i) «c II faut savoir, dit Marco Polo, que le grand « Khan n'ayant pas obtenu la souveraineté de la Chine , n par un droit légitime, mais uniquement par la force (c des armes , n'avait pas de confiance en ses habitants , a et donnait, pour cette raison, les gouvernements des « provinces et les autres places administratives a des n Tartares, des Sarazins , des Chrétiens et autres étrangers « qui appartenaient à sa maison , et auxquels il pou- « vait se fier. C'est pourquoi son gouvernement était n universellement détesté par les Chinois, qui se voyaient « traités en esclaves par les Tartares , et encore pire «c par les Sarazins. »» (Liv. Il, chap. 8, édit. de Marsden).

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48o HISTOIRE DES MONGOLS.

durent la liberté aux instances de Yeliu- tchoutsaîy qui fit comprendre à l'empereur Ogotaï la nécessité d'administrer les pays con- quis pour recueillir des fruits permanents de la conquête. Alors furent rétablies, par les soins de ce ministre, les écoles détruites dans le chaos qui suivit en Chine les ravages des Barbares du nord. Coubilaï restaura, en 1287, sur les représentations de Yeliu-Yeouchang , le collège impérial fondé à Yen-king (Pékin), par Yeliu-tchoutsaï , et qui était tombé en décadence. Les plus habiles professeurs de la Chine y furent placés et un grand nombre de jeunes gens des premières familles y firent leurs études. Deux ans après Coubilaï fonda à ïa-tou un second collège dont la direction fiit donnée à des Musulmans. L'empereur s'inté- ressait vivement au succès de cet institut, exhortant lui-même les seigneurs mongols et chinois à y envoyer leurs fils (i). Mais les ordonnances qui rétablissaient les examens et les concours pour les candidats aux emplois publics, ne furent pas mises en vigueur sous le règne de Coubilaï.

Les communications entre les parties de

(i) Gaubi], pag. a 10. Mailla, ibid, pag. 43o.

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LIVRE III, CHAPITRE IV. 48l

ce vaste empire étaient accélérées par l'éta- blissement de chevaux de relais sur les rou- tes principales, pour le service des messa- gers de l'État. Les maisons de poste, qui servaient en même temps d'hôtelleries, étaient placées à la distance de vingt -cinq à trente milles, et devaient tenir chacune quatre cents chevaux, dont la moitié se reposait pendant un mois. Ces chevaux étaient fournis et entretenus par les habitants, que l'on in- demnisait de cette charge par une diminu- tion d'impôts. Dans les cas urgents, les mes- sagers faisaient jusqu'à deux cent cinquante milles par vingt-quatre heures. En approchant de la poste, ils sonnaient du cor, pour faire apprêter les chevaux. Entre les maisons de poste il y avait, à trois milles de distance, des stations pour les coureurs piétons du gouvernement; ils portaient des ceintures gar- nies de petites sonnettes, afin qu'on pût les entendre arriver, et que ceux qui devaient les relever se préparassent à partir pour por- ter plus loin le paquet qui leur était remis. Â chaque station, comme dans les maisons de poste, des commis notaient le jour et l'heure de l'arrivée des courriers (i).

(i) Marco Polo, éd. de Marsden, liv. II,'ch. 20, p. 362. 2 3l

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482 HISTOIRE DES MONGOLS.

Un dénombrement fait en 1290, fait con- naître la population de la Chine à cette épo- que. On y comptait plus de treize millions de familles sujettes à l'impôt, et l'on évaluait à cinquante-neuf millions le nombre d'indivi- dus dont elles étaient composées (i).

Des princes du sang avaient le gouverne- ment général de plusieurs provinces. Chacune était commandée par un chef de dix mille hommes, chargé d'en percevoir les contribu- tions, d'après un ordre qu'il recevait du dé- partement des finances, et il avait auprès de lui, à cet effet, quatre employés du même département (a). L'armée, composée de Mon- gols et de Chinois, était en partie renfermée dans les villes, en partie distribuée dans les

(i) Mailla, ibid, pag. /|44. Fakhr~ud-din Moham- med, de Bénaket, auteur d'une histoire universelle, sous le titre de Raouzat OuU-l-Elhab ^ ou de Jardin des hom- mes d'esprit y dont une partie est extraite du Djami lU- TevariAh, dit que le Khodja Raschid-ed-din rapporte, d'a- près Poulad Tchinksank , (ambassadeur de l'empereur mon- gol de la Cliine en Perse), que le dénombrement de la population chinoise s'élevait, suivant les registres, à neuf cents toumans (neuf millions) de contribuables, c'est-à- dire de familles.

(a) Djami ut-Tevarikh,

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LIVRE III, CHAPITRE IV. 483

campagnes. On prenait la précaution de dé- payser les troupes chinoises; celles d'une pro* vince étaient envoyées en garnison dans une autre éloignée; les soldats ne s'engageaient que pour six ans. Les troupes mongoles, tou- tes composées de cavalerie, cantonnaient dans des lieux convenables; elles recevaient égale- ment une solde; et ces nomades échangeaient leur bétail dans les villes, contre les objets dont ils avaient besoin (i). On délivrait aux officiers de l'armée, en guise de brevet, et comme marque distinctive de leurs grades, des tablettes qui étaient d'argent et du poids de vingt onces pour les centeniers; d'argent doré, et du même poids, pour les chiliarques; d'or avec une tête de lion, et pesant trente-six onces, pour les chefs de dix mille hommes. Les inscriptions que portaient ces tablettes, commençaient par cette formule : Par la toute puissance du grand Dieu y et par la grâce quil accorde à notre empire ^ béni soit le nom du Caan. Quiconque désobéira à ce qui est ici ordonné sera puni de mort. Ces inscriptions spécifiaient les devoirs et les droits de l'offi-

(i) Marco Polo, ibid. lîv. II, chap. i, pag. 164, et chap. 68, pag. 535.

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484 HISTOIRE DES MONGOLS.

cier muni d'une semblable tablette. Celle d'un général , commandant en chef une grande armée , était d'or , du poids de cinquante on- ces, et portait la figure d'un lion avec les images du soleil et de la lune (i). Lorsqu'un

(i) Les étrangers de distinction étaient aussi munis de tablettes qui leur servaient de passeports. Lorsque le prince arménien Sempad fut sur le point de quiter la cour de Mangou , pour retourner dans son pays , « il « reçut, dit l'historien Etienne Orpélian , un paiza d'or , ti c'est-à-dire , une tablette avec le nom de Dieu. De « plus, on rédigea pour lui une patente que les Mongols « appellant Yarlekh, ^[Hist, d'Etienne Orpélian, chap. VU, dans les Mémoires sur r Arménie de Mr. St. Martin, tom. II , p. 137).

L'usage de ces tablettes, d'origine chinoise, ayait été adopté en Perse, sous la dynastie mongole. Lorsque Marco Polo, son père Nicolo , et son oncle Matheo Polo , quittèrent la Perse , ils reçurent d'Argoun , Khan Tchinguizien de ce pays> des tablettes d'or, longues d'une coudée, larges de cinq pouces et pesant trois ou quatre marcs. L'inscription qu'elles portaient commen- çait par invoquer les bénédictions célestes sur la per- sonne du grand Khan , par souhaiter que son nom soit révéré pendant un grand nombre d'années, et par prononcer la peine de mort et de confiscation des biens contre quiconque refuserait d'obéir aux ordres suprêmes. Il y était ensuite prescrit de traiter les trois ambassadeurs avec les honneurs convenables, dans tous les pays de la domination d'Argoun , de les dé-

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LIVRE Uly CHiiPITRE IV. 4^5

officier de ce rang sortait à cheval, il se fai- sait tenir un parasol sur la tête; lorsqu'il vou- lait s'asseoir, on lui présentait un siège d'ar- gent (i). On a vu que Coubilaï avait, dès son avènement au trône, fixé le rang et les attri- butions des diverses classes d'officiers mon- gols, jusqu'alors peu distinctes. Ce prince avait une garde de douze mille hommes de cavale- rie, commandée par quatre généraux, qui faisaient alternativement le service avec trois mille hommes.

La plus grande partie des revenus du trésor était appliquée à l'entretien des forces mi- litaires; l'armée recevait sa solde en papier- monnaie; il n'y avait point de numéraire en circulation dans la Chine; l'or et l'argent étaient remplacés par des billets, munis de la signa- ture et du sceau des officiers de la monnaie, revêtus en outre de l'empreinte, en encre rouge, du sceau impérial. Ce papier-monnaie

frayer de tout et de leur fournir les escortes nécessai- tes, [Travels of Marco Polo , édit. de Marsden , liv. I , chap I , p. 34). U est probable que les tablettes accordées aux voyageurs étaient non d*or mais dorées, et quant au titre â*Iltr/ily ambassadeur, il se donnait, sous les Mongols , à toutes sortes de commissaires , com- missionnaires et \oyageurs.

(x) Marco Polo, iùid , chap. 3, pag. 278.

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486 HISTOIRE DES MONGOLS.

était fabriqué avec Fécorce intérieure du mû- rier, pilée dans un mortier et réduite en pâte, et la grandeur du billet, dopt la forme était oblongue, augmentait avec la quantité qu'il représentait; il y en avait de toutes les valeurs, depuis un denier tournois jusqu'à six sequins. U était défendu, sous peine de mort, de les refuser dans le commerce; leur falsification entraînait le dernier supplice. £n payant un droit de trois pour cent, on pouvait échanger à l'hôtel de la monnaie les billets usés pour des billets neu&. Les doreurs et les orfèvres avaient la faculté de s'y procurer les métaux précieux dont ils avaient besoin pour leurs travaux. En arrivant aux frontières de la Chine, les étrangers devaient livrer leur or et leur argent pour la monnaie fictive. Celle qui avait cours sous le règne de Coubilaï , et qui avait été émise par ce prince, était nommée Tchao (i), papier-monnaie y ou plutôt Pao^ tchao , papier-monnaie précieux. Coubilaï avait eu recours à cet expédient dès son avènement au trône, à l'exemple des souverains de la dynastie Soung et même de ceux de la dynas- tie Thang, qui avaient commencé à émettre

(i) Marco Polo, ibid , liv. II, chap. 18, pag. 353-

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LIVRE m, CHAPITRE IV. 4^7

du papier-monnaie ) en sorte qu'il était connu à la Chine depuis quatre cents ans (i).

Coubilaî avait embrassé le Bouddhisme à la persuasion de l'impératrice Djamouï-kha- toun, et la protection qu'il accordait aux La- mas était un grand sujet de mécontentement pour les Chinois éclairés. Par l'effet du cours d'études qui leur était tracé, les lettrés pro- fessaient en général la doctrine de Confucius, de toutes les religions celle qui parle le moins aux sens extérieurs et à l'imagination ; culte sans autel ni prêtres, dont le souverain et ses lieutenants sont les principaux ministres, lors- qu'il s'agit de rendre hommage au ciel, dans les jours solemnels. Or, les sectateurs de Con- fucius avaient en aversion le Bouddhisme avec ses temples d'idoles et ses légions de moines fainéants (a), adonnés à toute sorte de pra- tiques supei*stitieuses et décevantes. Les let-

(i) Gaubil, Obscn*. chron,, pag. 192. Sur C origine du papier-monnaie, par M. Klaprolh , Journ. asiat. , tom. I , pag. 257.

(2) Les prêtres bouddhistes, selon Rubruquis, (cli. 26), étaient vêtus de jaune , avaient tête et menton rases > portaient des chapelets, vivaient dans des couvents, au nombre de cent ou deux cent, et faisaient vœu de chas- teté.

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488 HISTOIRE DES MONGOLS.

très ne purent pas s'attacher sincèrement à un pouvoir dévoué aux Lamas ^ et les lettres jouissaient d'un grand crédit sur Tesprit des Chinois.

Malgré son zèle pour la religion de Bouddha , Coubilaï respectait le culte des chrétiens, des mahométans et des juifs. Les jours les chrétiens célébraient leurs grandes fêtes, il les faisait venir en sa présence, et baisait dévotement le livre des évangiles, après l'a- voir fait encenser. Il disait qu'il y avait qua- tre grands prophètes révérés par les nations: Jésus-Christ, Mahomet, Moyse et Sommona- Codoni (Schaguia-mouni); qu'il les honorait tous quatre et qu'il invoquait leur céleste assistance (i). Comme zélé sectateur de Fo, il était l'ennemi des Tao-ssé; aussi donna-t-il l'ordre, en iîi8i , des brûler leurs Uvres dans tout l'empire (2).

Les chrétiens nestoriens, nombreux en Chine, avaient un évèque résidant à Ta-tou. Le pape Jean XXI, ayant ouï dire à deux Géorgiens qui, en 1^77, se présentèrent à sa cour comme envoyés du Rhan Âbaca, fils de Hou-

(i) Marco Polo, liv. Il, chap. 2, pag. 274. ('i) Mailla, ibid., p. 4io*

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LIVRE III^ CHAPITRE IV. 4^9

lagou j que Fempereur Coiibilaï s'était fait baptiser et instruire dans la religion chré- tienne, et qu'il désirait ardemment que des missionnaires vinssent prêcher l'Évangile à ses sujets, ce pontife fit choix de plusieurs religieux qui durent se rendre en Tartarie; mais sa mort suspendit leur départ. L'année suivante, Nicolas III, son successeur, char- gea cinq franciscains d'aller propager la reli- gion chrétienne parmi les Mongols et les Chinois, et leur donna des lettres pour Abaca et Coubilaï. Celle qui était adressée au Caan commençait par une courte relation de la vie, de la^ mort, de la résurrection et de l'ascension de Jésus -Christ; elle faisait en- suite connaître et l'occasion et le motif de l'envoi desdits religieux. Le pape priait Cou- bilaï de les accueillir avec bonté, de les dé- frayer pendant leur séjour dans son empire, et de les faire escorter à leur retour, afin qu'ils pussent revenir à Rome avec le fruit désiré de leurs travaux, et la joie d'avoir opéré le salut d'un grand nombre d'individus. Il finit par lui recommander les chrétiens qui se trouvaient dans ses états (i).

(i) Odor. Raynaldusy Annales Ecclcs», tom. III, pag. 452

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49^ HISTOIRE DES MONGOLS.

En 1289, le pape Nicolas IV fit partir pour la Chine quelques religieux du même Ordre, sous la conduite du frère Jean de Monte-Corvin. Des envoyés d*Argoun, khan mongol de la Perse, lui avaient assuré que Fempereur Coubilaï était très-affectionné à la religion chrétienne, et avaient demandé en son nom l'envoi de missionnaires à la Chine. Le pape remit au frère Jean une lettre pour Coubilaï, il témoignait à ce prince la joie qu'il ressentait de ses bonnes disposi- tions envers les chrétiens, et recommandait à sa protection les religieux qu'il envoyait à sa cour (i).

Il y avait aussi, à cette époque, beaucoup

à 454* Cette lettre est datée de Rome, apud S. Pe- tnim, II non. aprîlis, anno I (la avril 1278).

(i) Ibid. , t. IV , pag. 69. La date de cette lettre est, Rcate III. idus jul. an II (i 3 juillet 1289). Le frère Odorîco d*Udine vante la munificence de Coubilaï envers les moines européens qui habitaient sa capitale: « £t io vi stetti tre anni in compagnia di frati roinori, « che vi hanno il monastero, dove, dalla corte vi veniva « tanta robba , che sarebbe stata bastante per mille frati. « Ë per lo Dio vero è tanta difTerenza da qucsto signcxre « a questi dltalia , come da im huomo ricchissimo ad « un che sia il più povero del mondo. »

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LIVRE Uïy CUAPIXEE IV. 49^

de mahométans en Chine; mais une circon- stance particulière leur attira , pendant plu- sieurs années, une sorte de persécution. Des marchands mahométans ayant offert en pré- sent à l'empereur des aigles blancs et des faucons (sancours) à pattes blanches et à bec rouge, qu'ils avaient apportés du pays des Couris et des Kirguises, ce prince, pour leur donner une marque d'attention, leur envoya des mets de sa table. Comme ils s'abs- tenaient d'en manger, Coubilaï leur en de- manda la raison. Ils répondirent que pour eux ces viandes étaient impures, parce qu'el- les provenaient d'animaux qui n'avaient pas été tués de la manière prescrite par leur loi. L'empereur, offensé de leur répugnance, excité d'ailleurs par les bouddhistes et les chré- tiens qui se trouvaient à sa cour, fit revi- vre l'ordonnance tchinguizienne qui défendait, sous peine de mort, d'égorger les moutons, et promit de donner les familles et les biens des coupables à ceux qui les auraient dé- noncés. Dès que cet édit eut été promul- gué, il se trouva des délateurs; beaucoup d'individus s'enrichirent par ce moyen aux dépens des musulmans; les esclaves, pour obtenir leur liberté , accusaient leurs patrons. Cette persécution dura sept ans; enfin, sur

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49^ HISTOIRE DES MONGOLS.

les pressantes sollicitations de quelques sei- gneurs et prélats mahométans^ le ministre des finances, Sanga, représenta à Tempereur que les marchands mahométans ne venaient plus à la Chine; que le prince était privé des pré- sents qu'ils avaient coutume de lui offrir, et le trésor , des droits de douane que payaient leurs marchandises. Ces considérations enga* gèrent Coubilai à révoquer son ordonnance. Avant cette époque, les sectateurs de Maho- met avaient déjà encouru la disgrâce de Tem- pereur. Des chrétiens leur avaient rendu le mauvais service de citer au prince ce verset du Cour'an : Tuez tous cewt qui adorent plu^ sieurs dieux. L'empereur ayant fait venir les docteurs musulmans qui se trouvaient dans sa résidence, demanda au principal d'entre eux si leur livre sacré contenait ce précepte. Il ne put le nier. Et y reprit Coubilai, vowj crojez que le Cour an vous vient de Dieu ? Nous nen doutons pas. Puisque Dieu vous a ordonné de tuer les infidèles y poursuivit le Caan , pourquoi ne lui obéissez-vous pas ? C'est que le temps n^en est pas venu ; nous ne le pouAfons pas encore, Mais moi je peux vous faire périr y s'écria le prince en colère, et il ordonna que cet homme fût mis à mort sur le champ. Jx^ ministre des finances

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LIVRE m, CHAPITRE IV. 4^3

Ahmed ^ prédécesseur de Sanga, et d'autres fonctionnaires mahométans supplièrent l'em- pereur de faire suspendre l'exécution , et d'in- terroger d'autres musulmans , mieux instruits du véritable esprit de leur religion. Ils firent venir un cadhi à qui le prince adressa la même question sur le passage du Cour'an qui lui avait été dénoncé. // est vrai y répondit ce magistrat, que Dieu nous commande de tuer les pluralistes y mais on désigne sous ce nom ceux qui ne reconnaissent pas un être suprême ; et comme vous mettez le nom de Dieu en tête de toutes vos ordonnances , vous ne pouvez pas être rangé dans cette classe. Coubilaï, satisfait de cette réponse, donna au cadhi des mar- ques de sa bienveillance et fit mettre en li- berté les docteurs musulmans (i).

L'empereur avait beaucoup de confiance dans l'astrologie. Il y avait à Khanbalic près de cinq mille astrologues ou devins, tant chrétiens que mahométans et chinois, entre- tenus aux frais du prince, qui pourvoyait également aux besoins d'une multitude d'in- digents (a). On voit dans l'histoire que les

(i) Djami ut-Tévarikh,

(a) Marco Polo, Hv. II, chap. a5, pag. 877,

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/|94 HISTOIRE DES MONGOLS.

éclipses 9 les comètes , les tremblements de terre, regardés alors comme des signes de la colère céleste, lui causaient de vives alarmes. Coubilm habitait en hiver la ville qu'il avait fondée près de l'ancienne capitale des Kin, nommée Ta-tqUy c'est-à-dire en chinois la grande résidence , et appelée par les Mon- gols Kharirbalik ou la ville du khan; c'est la cité surnommée aujourd'hui Pé-kin ou cour du nord, mais dont le vrai nom est Chun- tien-fou. Elle était de forme carrée ; chaque côté avait six milles de long, et trois portes, gardées chacune par mille hommes (i). Les rues principales , tirées au cordeau , laissaient voir à-la-fois les portes opposées. Douze grands faubourgs correspondant aux douze portes, étaient habités par les marchands et les étran- gers (a). Le transport des denrées et des marchandises à Ta-tou était facilité par un

(i) Suivant Rascbid, elle était ceinte d*an rempart de terre, flanqué de sept tours; d'une tour à Tautre, il y avait un fersenk de distance (environ une lieue com- mune). Le palais impérial, nommé carschi ^ était situé au centre de la ville, et l'on y voyait partout le mar- bre et l'albâtre.

(a) Marco Polo, liv. Il, chap. 6.

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LIVRE III, CHAPITRE IV. 495

canal y qui aboutissait , près de rembouchure de la rivière Pay dans le golphe du Pe- tche-li, à la petite ville de Thian-tsin, d'où le cours d'autres rivières conduisait dans le grand canal impérial qui traverse le Schan- toung, et mettait la capitale en communi- cation avec le midi de la Chine (i). Coubilai habitait Ta-tou pendant les mois de décembre ^ janvier et février. L'enceinte de son palais for- mait un carré dont les côtés avaient un mille de long. A chaque angle et au milieu de cha- que mur s'élevait un superbe édifice, l'on conservait les instruments de guerre. Un se- cond mur intérieur était également flanqué de huit bâtiments qui renfermaient les trésors de l'empereur. Les murs de ces deux enceintes représentaient des batailles et d'autres sujets , peints des plus vives couleurs, parmi lesquelles on voyait briller l'or et l'argent. Au centre du second carré s'élevait le palais impérial, dont la cour contenait ime table à laquelle six mille hommes pouvaient se placer pour prendre leur repas; dans l'espace compris entre les deux murailles étaient des vergers, un parc rempli de bétes fauves et des viviers l'on

(i) Mailla, ibid,pag. 439«-7- Gaubil, pag. aïo.

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496 HISTOIRE DES MONGOLS.

nourrissait les poissons les plus délicats (i). Lorsque l'empereur, dans les jours solem- nels, donnait un grand festin, sa table par- ticulière était placée devant son trône sur une estrade élevée, et il était assis le visage tourné vers le midi, ayant à sa gauche Fim- pératrice (a). A sa droite siégeaient les prin- ces ses fils et les autres princes du sang, sur des estrades moins élevées, de sorte que leurs têtes étaient au niveau des pieds de Fempereur; d'autres tables, graduellement plu» basses, servaient aux seigneurs et aux chefs militaires. A la gauche de l'empereur étaient assises, à des tables de différentes hauteurs, les princesses du sang, les femmes des sei- gneurs et des ofi&ciers. Beaucoup de person- nes de marque qui ne pouvaient pas être placées à ces tables, prenaient leurs repas assis sur les tapis. Les grands ofiiciers qui servaient l'empereur, avaient la bouche cou- verte d'une fine étoffe de soie, afin que les mets et les boissons ne fussent pas exposés au contact de leur haleine. Chaque fois que le monarque levait la coupe pour boire,

(i) Marco Polo, liv. 11, chap. 6, pag. 287. (a) Selon Aboul-Gazi, la gauche ^ le côté du cœur, était la place d'honi^eur che^ les Mongols.

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LIVRB in, CHàPITRB IV. 497

l'orchestre se faisait entendre et tout le monde se mettait à genoux* Au milieu de la salle, un buffet carré, richement doré et chargé de sculptures représentant divers animaux, contenait une superbe cuve pleine de vin , qui était entourée de quatre" vases moins grands l'on puisait du lait de ju- ment et d'autres boissons. De larges coupes d'argent ou de vermeil, remplies de ces liqueurs, étaient placées sur les tables; il y en avait une pour deux convives; chacun avait devant lui une grande cuillère avec laquelle il puisait dans ce vase, et portait la liqueur à sa bouche. Après le repas, on introduisait des comédiens, des jongleurs, des bateleurs, qui exerçaient leurs talents devant le souverain. Deux officiers, d'une taille gi- gantesque, le bâton à la main, étaient pos- tés à chaque porte de la salle, pour veiller à ce que personne n'en touchât le seuil des pieds, contact regardé comme un maléfice; ceux qui commettaient une pareille inad^ vertance étaient dépouillés de leurs vêtements par les huissiers, à moins qu'ils n'aimassent mieux recevoir un certain nombre de coups de bâton (i).

(ij Marco Polo, Itr. Il, cHaf». lo, p. 3i8. Rubru- 2 32

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49B HISTOIRE DES MONGOLS.

Les principales fêtes étaient le premier jour de l'an, qui tombait au 6 de février, et l'anniversaire de la naissance de Coubilaî. A cette dernière occasion l'empereur recevait de riches présents des princes et des sei- gneurè, et l'on priait pour lui dans les tem- ples des divers cultes. Le premier jour de l'an, les princes, les Grands et les officiers, vêtus de blanc, se rendaient au palais, dès l'auroi'e, et, s'étant rangés suivant leurs gra- des, à un certain signal, ils tombaient tous à genoux pour saluer le monarque par qua- tre prosternations; après cet acte d'homma- ge , ils allaient brûler de l'encens sur un autel placé au milieu de la cour, devant un tableau qui présentait le nom de Cou- bilaï. Il était d'usage que les commandants des villes et les gouverneurs des provinces fissent offrir, en ce jour, des chevaux blancs à l'empereur. On célébrait dans l'année douze autres fêtes, à l'occasion desquelles Coubilaï

quis raconte qu'en sortant du payillon de Tempereur Mangou, son compagnon^ le frère Bai*thélemi, eat la maladresse de heurter du pied le seuil de la porte, et qu'il fut arrêté par les gardes; mais qu'on ne tarda pas à le relâcher, en considération de ce qu'il était étranger.

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LIVRE III, CHAPITRE IV. 499

donnait aux Grands de sa cour des habits brodés d'or et garnis de perles et de pierres précieuses (i).

Ce prince passait les mois de juin, juillet et août à Caï-ping-fou , surnommée Change touj dans un palais qu'il avait fait bâtir, à l'extrémité de cette ville de sa fondation , le- quel était décoré des plus beaux marbres, et dominait sur un parc d'environ seize milles de circuit il prenait souvent le plaisir de la chasse. Il retournait à Ta-tou, dans le mois de septembre; usage que suivirent les empe- reurs mongols, ses successeurs (â).

(i) Marco Polo, liv. H, chap. la, pag. SaB. Le frère Odorico d'Udine, parlant de ces fêtes du grand Khan , dit : « Nel loco piu basso di tutti stanno quattro « scrittori che scriyano tutto quello che parla il sîgnore tf finche sta nella sedia. »

(2) Idem y liv. I , chap. 56 , pag. a5o. Gaubil p. 144. J. de Mandeville (chap. 87), et Haïton (chap. 19) , rapportent que la ville de Chang-tou était pins grande que Rome. Selon Gaubil (pag. xiS), elle était située, lat. 4^*^ ^5', longit. xo ou la' à Touest de Pékin. Raschid dit que Caï-ping-fou était à 5o fersenks de Ta-tou. Nous donnons, dans la note IV à la fin de ce volume, la traduction des articles du Djami ut-Tépa- rihh il est fait mention des deux résidences de Cou- bilaî, de l'étendue de son empire , de sa division en

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5oO HISTOIRE DES MONGOLS.

Il entretenait deux corps de chasseurs, cha- cun de dix mille hommes; les uns, vêtus de rouge, les autres, de bleu, sous les ordres de deux grands veneurs, qui étaient allemands. On employait ces corps dans les grandes bat- tues. Lorsque l'empereur s'amusait à chasser avec les oiseaux de proie, il se plaçait dans une maison portée par quatre éléphants (i).

Coubilal avait plusieurs femmes et un grand nombre de concubines. Celle de ses épouses qui tenait le premier rang et qu'il aimait le plus était Djambouï Khatoun, fille du noyan Utchi, l'un des chefs de la tribu mongole des Councourales. Elle lui donna quatre fils : Dor- dji, Tchingkim, Mànggala et Noumougan (a).

grands gouvernements , et des aatorîtés administratlyes à Ta-tou.

(i) Marco Polo, liv. II, chap. i3 à i6.

(a) Djami ui-Tévarikh. -— Raschid dit que, quoique Coubilaï eut douze fils, les quatre princes, nés de sa grande épouse, qu'il appelle Djanouî Khatoun eurent, comme les quatre fils de Bourta Fotchin (la première des femmes de Tchinguiz-khan) , une supériorité de rang bien marquée sur les autres. Mr. J. J. Schmidt nous apprend que Dordji est un nom tibétain qui signifie sceptre; que Mànggala veut dire, en sanscrit, bonheur, et Nomogan, en mongol, débonnaire» Il ignore ce que signifie Tchbigkim. Voy. la note 21 , p. 399, à la suite de Gcschichte der Ost^mongolen»

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LIVRE III, CHAPITRE IV. 5oi

Coubilaï eut encore huit fils d'autres femmes: Couridaï, Hougatchi, vice-roi du pays de Ca- radjank; Oucouroudji, vice-roi du Tubet; Abadji, Geukdjou, Coutouctemour, Tougan (i). Quatre de ses femmes avaient le rang d'impé- ratrice; chacune d'elles entretenait à son ser- vice trois cents jeunes filles et une foule de pages et d'eunuques , en sorte que les maisons de ces quatre princesses pouvaient être com- posées de dix mille personnes.

Les filles employées au palais impérial étaient prises, en grande partie, dans les tribus de la Tartarie et particulièrement dans celle des Ongoutes, qui avait la réputation de fournir les plus belles femmes. Des officiers de la cour étaient souvent chargés d'aller choisir ces filles, au nombre de plusieurs centaines, et de les conduire au palais. Us en donnaient un cer- tain prix à leurs parents , qui se réjouissaient de voir leurs filles placées à la cour. Arri- vées au palais , elles étaient inspectées par des

(i) Djami ut-Tévarikh, Le nom du huitième manque dans le manuscrit. - Selon Marco Polo,. Coubilaï eut Tingt-deux fils de ses femmes et vingt-sept de ses con- cubines.

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5o2 niSTOIRE DES MONGOLS.

officiers qui choisissaient les plus belles. Celles- ci, destinées au service particulier de l'empe- reur, étaient, avant leur admission, placées sous la surveillance de matrones, chaînées d'observer avec soin si elles avaient quelque imperfection physique qui pût ofifenser la dé- licatesse des sens du maître. Cinq de ces filles formaient une compagnie, et chaque compa- gnie faisait le service, pendant trois jours de suite, dans les appartements intérieurs, tandis qu'une autre se tenait dans les pièces exté- rieures pour recevoir de la première et trans- mettre les ordres du prince. Les filles qui n'étaient pas réservées pour le service de sa personne, étaient données aux impératrices, ou mises à la disposition des différents officiers du palais, qui les employaient aux travaux de l'office, de la cuisine, de la garderobe, etc. Elles épousaient ordinairement des officiers de la cour, avec l'agrément de l'empereur, qui avait coutume de les doter (j). Ce choix de filles pour le palais impérial n'avait pas lieu dans les provinces chinoises. Ogotaï l'y avait supprimé, sur la proposition d'Yeliu-tchoutsaï,

(i) Marco Polo, liv. II, chap. 4, pag. 281.

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LIVRE III, CHAPITRE IV. 5o3

et Coubilaï étendit la même défense aux pays conquis sur les Soung (2).

Coubilaï eut d'abord l'intentipn de laisser le trône à son quatrième fils Noumougan; mais pendant la captivité de ce prince, fait prisonnier dans la guerre contre Caïdou, il désigna pour son successeur son second fils Tchingkim. Quelque temps après, Noumou- gan, l'émis en liberté, revint en Chine et exhala son mécontentement par des discours qui lui attirèrent le courroux de son père. Coubilaï le chassa de sa présence et lui dé- fendit de reparaître à ses yeux. Noumougan mourut peu après sa disgrâce, et Tching- kim, prince doué de grandes qualités, pré- p^G céda également son père au tombeau. En lagS, huit ans après la mort de cet héritier présomptif, le général Bayan, l'un des prin- cipaux ministres de Coubilaï, poussé par la princesse Gueukdjin, veuve de Tchingkim, fit observer au Caan, dont l'âge était très- avancé, qu'il n'avait pas de successeur dé- signé. Alors Coubilaï nomma Temour, au- quel il venait de donner le gouvernement de Caracouroum, et chargea Bayan d'aller

(a) Gaubil, pag. 199.

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5o4 HISTOIRE DES MONGOLS.

en Tartarie lui annoncer son élévation , et rinstaller sur le trône de prince impérial avec les cérémonies et les fêtes accoutu- mées (i).

(i) Mailla , tom, IX, p. 434 à 456. Djami la-^Téva^

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LIVRE III) CHAPITRE V. 5o5

<#>c^c#)C^c^c^c^c^c#>c^c#>c^c^c^c^e^c#>c^c^c#>

CHAPITRE V.

T E M O U R.

Élection de Temonr. Nominations faites par le nonrel empereur. Mort du généralissime Bayan. Paix avec le Ngan-nan. Tribut du roi de Mian>tian. Révolution dans le Mian-tian. Intervention armée de Temour. Conduite de ses généraux. Leur ptmition.^- Expédition contre le pa]rs de Papésifou. Révolte de plusieurs peuples sur la frontière de la Chine. Revers des troupes impériales sous Lieoutchin. Victoires de Lieou-koué-kié. Soumission des peuples révoltés. Opérations militaires contre Doua. «- Campagne et dé- faite de Caîdou. Sa mort. Soumission de Tchébar, son fils et de Doua, Reconnaissance de Temour par tous les princes Tchinguiziens. Guerre entre Doua et Tchébar. Réunion des domaines de Tchébar à ceux de Doua. Mort de Doua. Ses successeurs. Mort de Temour.

A la mort de Coubilaï, une diète d'élection fut convoquée à Chang-tou. Temour s y rendit de l'armée qu'il commandait. Quoiqu'il eut été déclaré successeur au trône, son frère aîné

mai.

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5o6 HISTOIRE DES MONGOLS.

Camala^ aspirait à l'empire. Il y avait division parmi les princes; mais les généraux et les dignitaires chinois voulaient Temour. Enfin le général mongol Bayan qui, par sa considé- ration personnelle, autant que par sa place de premier ministre et de généralissime, était le personnage le plus influent de cette assem- blée, mit le sabre à la main et déclara, d'un ton animé, qu'il ne souffrirait pas qu'on pla- çât sur le trône personne autre que celui qui avait été désigné par le défunt empereur. Ce mouvement termina les débats. Camala se mit à genoux devant son frère; les autres piinces suivirent son exemple et Temour fut proclamé Khacan. On publia, selon l'usage, une amnis- tie générale (i).

(i) Mailla, ibid, pag. 461, Gaubil, pag. aa3. Selon Raschid, la mère de Temour, nommée Gueukdjin, exerça la régence pendant l'interrègne. « Lorsque la diète fut as- « semblée , voyant que Camala disputait le trône à son «frère, celte princesse, dit Raschid, qui avait beaucoup « d*esprit et d'adresse, déclara que, d'après la volonté du « Caan défunt , le trône devait appartenir à celui de ses des- « cendants qui posséderait le mieux les maximes de Tcbin- « guiz kban. Montrez cbacun , leur dit elle , ce que vous « en savez, et les princes et seigneurs qui sont ici pré- « seuls , décideront entre vous. Temour qui s'exprimait

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LIVRE III, CHA.PITRE V. 5o7

Le premier soin de Temour fut d'élever son père et sa mère au rang impérial, et d'or- donner l'érection de monuments en l'honneur de Tchingkim , de Coubilaï et de l'impératrice Djambouï. U adopta le nom ^OldjaîtoUy qui veut dire, en inou^oXy fortuné. Le gouverne- ment général de la Mongolie, dont Caracou- roum était le chef-lieu, fut donné au prince Camala. Gueukjou et Keurgueuz, beaux-frères de Temour, reçurent le commandement du cordon de troupes placé sur la frontière du nord-ouest contre Caidou et Doua. Le prince Ânanda, cousin de Temour, fut nommé gou- verneur des provinces à l'ouest du fleuve jaune, plusieurs desquelles avaient fait partie du Tangoute. Cette grande vice-royauté , dont son père Mangala était investi sous le règne pré- cédent, avait pour chef-lieu la ville de King- tchao-fou, nommée actuellement Si-ngan-fou. Bayan-Fentchan conserva le ministère des fi- nances, et reçut le surnom àe Sej-id-Ed/elly

« bien , prit la parole et retraça disertement les sages « préceptes de son grand aïeul. Camala avait un peu « d'embarras dans la langue et moins d'assurance. Après « les avoir entendus l'un et l'autre , les membres de l'as- « semblée s'écrièrent, tous d'une voix, que Temour était « le plus digne du trône. »

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5o8 HISTOIRE DES MOKIGOLS.

fort considéré chez les Mongols, qui s'étaient habitués à le regarder comme appartenant au chef de l'administration. Ce ministre avait huit collègues qui composaient avec lui le conseil des finances (i). imy ^ généralissime Bayan mourut au commen- cement du règne de Temour, âgé de cinquante* neuf ans, généralement regretté des Chinois comme des Mongols. Il avait montré, dans la guerre contre les Soung, qu'il possédait le ta- lent de diriger de grandes armées. Ses officiers, confiants en la supériorité de son génie mili- taire, lui obéissaient avec une entière soumis- sion. Il cherchait à épargner le sang , et tou- tes ses qualités étaient relevées par une rare modestie (a).

Les seuls événements remarquables du règne de Temour sont deux guerres qu'il eut à soutenir, l'une pour réduire à l'obéissance des peuples révoltés contre sa domination dans la partie de l'Inde qui avoisine la Chine; l'autre contre Caïdou et Doua, les^ anciens rivaux de Coubilaï. .

Dès son avènement au trône, Temour fit

(i) Djami ut-Tévarikh, (a) Mailla, ihid, pag. 462.

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LIVRE III9 CHAPITRE V. Sog

la paix avec le roi de Ngan-nan, et ou- vrit les communications avec les Indes, qui avaient été interrompues par la guerre de Kouawa (i). Depuis plusieurs années Titiya, roi de Mien-tien , n'avait pas envoyé son tribut , et Temour était sur le point de faire marcher une armée contre ce prince vassal , lorsque son fils Sinhobati vint lui apporter sa redevance 1117. et lui rendre hommage en son nom. Temour reconnut, par des lettres patentes, le roi de Mien-tien, et son fils Sinhobati, pour son successeur. Il remit à ce prince un sceau carré, sur lequel était gravée la figure d'un tigre. En même temps , les commandants mon- gols sur la frontière du Mien-tien reçurent Tordre de respecter le territoire de ce royau- me, et de protéger le commerce de ses habi- tants avec l'empire (a).

Trois ans après, Titiya fut détrôné et tué par son frère Asancoyé. Son fils alla implo- rer l'assistance de Temour, qui ordonna à Siétchaour, gouverneur du Yun-nan, d'en- trer dans le .Mien-tien, et de lui amener Asancoyé. Siétchaour essuya plusieurs échecs,

(i) Gaubil, pag. aa4.

(%) MaUla, ibid, pag. 468.

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5lO HISTOIRE DES MONGOLS.

à la suite desquels il se retira dans le Yun- nan^ faisant courir le bruit qu'il avait étoufFé la révolte; mais on sut que plusieurs des chefs de son armée s'étaient laissés corrom- pre par les rebelles; ils furent punis de mort. Quant à Siétchaour, Tempereur le dégrada et confisqua ses biens.

A l'occasion de cette guerre dans le Mien- tien, on fit observer à Temoiu* que le royaume de Papésifou, qui est situé à l'ouest du Yun-nan, refusait encore d'adopter le calendrier chinois, c'est-à-dire, de se soumet- tre au grand empire. Temour voulant, à l'exem- ple de ses prédécesseurs, illustrer son règne '^^' par des conquêtes, fit marcher contre ce pays ua armée de trente mille hommes sous les ordres de Lieouchin qui avait, le premier , conseillé cette entreprise; mais elle fut bien- tôt réduite à un tiers par les fatigues d'une longue marche et l'influence du cUmat méri- dional. Les réquisitions dans le Yun-nan pour les subsistances des troupes et la remonte de la cavalerie, poussèrent à la révolte les Miao- tsé, les Lao-tsé et d'autres peuples montar gnards de cette contrée, qualifiés par les Chinois de Barbares. Un de leurs chefs , Song- long-tsi, se mit à la tête de leurs forces réu- nies; elles enveloppèrent Lieoutchin et au-

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LIVRE III, CHAPITRE V. 5ll

raient taillé en pièces son armée, si le prince Hougatcbi, fils de Coubilaî, qui était vice- roi du Yun-nan, ne fut arrivé promptement à son secours.

Par l'ordre de l'empereur, les généraux Lieou- koué-kié et Yang-saï-yn-poua , ayant assemblé les troupes disponibles du Su-tchouan , du Yun-nan et du Hou-kou^g, s'avancèrent pour soutenir Lieouchin, qui, poussé vivement par Songlongtsi, était en pleine retraite; il avait abandonné ses bagages et perdu beaucoup de monde. L'insurrection s'étendait ; beaucoup d'autre^s peuplades y prenaient part (i). Des corps détachés pillaient les villes, ruinaient les forts, ravageaient le plat pays dans les contrées qui restaient soumises. Lieou-koué- kié cherchait seulement à se maintenir jusqu'à l'arrivée d'un renfort que Yessou-taïr avait reçu l'ordre de lui amener. Alors il pénétra de divers côtés, dans le pays des rebelles, dont il prit ou tua un grand nombre. Une femme nommée Ché-tsioë qui, dès le principe, s'était mise à la tête des révoltés, fut prise et exécutée. Song-long-tsi , arrêté dans sa fuite,

(i) C'étaient les Ousan, Oumong, Tongtchnm, Mang, Outeng, Oaétchouy Poungan et autres.

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5lll HISTOIRE DES MONGOLS.

par son propre neveu, eut la tête tranchée. La mort de ces deux chefs fut promptement suivie de la soumission des rebelles. L'empe- reur leur accorda une amnistie générale; mais Lieoutchin fut mis en jugement et condamné à mort (i).

La guerre continuait dans le nord. Les troupes impériales commandées par Tchohan- gour, qui après la mort, en lagy, de son père Toutouca, prince kiptchac, avait été nommé son successeur , remportèrent , dans les années 1297 et 1298, quelques avantages sur celles de Caïdou et de Doua; celles-ci obtinrent, à leur tour, un succès qu'elles du- rent à la négligence de leurs ennemis* Une division de l'armée de Doua vint attaquer le cordon de troupes qui gardait la frontière de l'empire. Des corps de cavalerie étaient pos- tés, de distance en distance, sur une ligne qui s'étendait du sud-ouest au nord-est, et les communications entre ces troupes étaient ac- célérées par des relais. Dès qu'on aperçut l'en- nemi , des courriers furent expédiés le long du cordon pour donner l'alarme; mais les com- mandants de trois postes s'étaient réunis ce

(1) Mailla, ibid^ pag. 477 et mût.

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LIVRE m, CHAPITRE V. 5l3

même jour pour boire ensemble, et lorsque cet avis leur parvint, au milieu de la nuit, ils étaient ivres au point de ne pouvoir pas monter a cheval. Le général Keurgueuz, igno- rant cette circonstance, rangea en bataille ses troupes , dont le nombre ne montait qu'à six mille hommes, et fut promptement attaqué. Les secours qu'il attendait n'arrivant point, il se vit obligé de prendre la fuite; poursuivi, fait prisonnier, il ne sauva sa vie qu'en se sept, faisant connaître pour le gendre de l'empereur. Temour fit mettre aux fers les trois com- mandants qui avaient manqué à leur devoir. Cependant l'échec dont ils étaient cause fut bientôt réparé. Deux princes, Youboucour et Oulouss-Bouca, et un général, Dourdouca, quit- tèrent Doua avec douze mille hommes pour passer au service de Temour. Us avaient dé- serté l'empire sous le règne précédent. Temour, se méfiant de ces transfuges , envoya des trou- pes pour s'assurer de leurs personnes. Chemin faisant, Oulouss-Bouca fit piller Caracouroam par ses soldats. A son arrivée il fut arrêté; mais il trouva de puissantes protections qui lui firent obtenir sa grâce ; néanmoins Tepiour ne voulut pas remployer. Il traita, au con- traire, avec bonté Youboucour, auquel il n'a- vait rien à reprocher; quant à Dourdouca, 2 33

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5l4 HISTOIRE DES MONGOLS.

qui avait déserlé deux fois , il fut condamné à mort. Ce général dit, en versant des lar- mes, que la crainte seule lui avait fait quîter le service de Coubilaï; qu'il n'avait jamais porté les armes contre cet empereur, et que voyant Temour sur le trône, il s'était con- certé avec les deux princes pour passer de son côté; qu'il lui amenait plus de troupes qu'il n'en avait enlevé, et cela pour marcher à leur tête contre les ennemis du Caan. Te- mour lui fit grâce et l'envoya avec une armée contre Doua. Youboucour obtint la permis- sion de partir .avec lui. Tous deux connais-^ saient bien les forces de Doua, et ils dési- raient, l'un et l'autre, se signaler contre ce prince rebelle.

Après l'avantage qu'il avait remporté, Doua s'en retournait tranquillement et à petites jour- nées à ses ordous. Il avait le dessein de tom- ber, en passant, sur les troupes d'Ananda^ d'Atchiki et de Tchobaï, cantonnées sur la frontière du Tangoute, jusqu'à Cara-khodja près de l'Ouïgourie. Mais au moment ses troupes se préparaient en désordre à passer un fleuve, Dourdouca fond sur elles tout-à- coup , les bat complettement et en tue ou noyé un grand nombre. Doua, dont le beau-frère avait été fait prisonnier dans cette action,

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LIVRE IJÎ, CHAPITRE V. 5l5

envoya des députés à l'empereur pour propo- ser son échange contre Keurgueuz. Temour y consentit et fit conduire son prisonnier au camp de Doua; avant son arrivée ce prince fit tuer Keurgueuz, et dit qu'il l'avait envoyé à Caïdou, mais qu'il était mort en route.

Nayan, chef de l'Oulouss de son bisaïeul Orda, était, depuis plusieurs années, en guerre avec Caïdou et Doua, qui soutenaient son cousin et rival Kouïlek ; ces princes s'étaient livrés dans cet espace de temps quinze batailles. Nayan, affaibli par ses efforts, pro- posa au khan mongol de la Perse et à l'em- pereur Temour, d'attaquer leurs ennemis com- muns de trois côtés à-la-fois. L'occasion était favorable; mais l'impératrice Gueukdjin re- présenta à son fils qu'il possédait d'assez vas- tes états; que s'il marchait contre Caïdou et Doua, dont les forces étaient si éloignées du siège de son empire, il emploierait une ou deux années dans cette expédition, et que son absence pourrait faire naître des troubles en Chine. Temour congédia les en- voyés de Nayan, avec la réponse qu'il dé- libérerait sur la proposition de leur maître (i).

(i) Djami lU^Tévarihh, C'est ici que se termine Thistoire

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5l6 HISTOIRE DES MONGOLS.

En i3oi , Caïdou entra dans l'empire avec une armée plus formidable que celles qu'il avait jusqu'alors mis sur pied. Il était accona- pagné de Doua et de quarante princes des deux branches d'Ogotaï et de Tchagataï. Khaï- sclian , neveu de Temour , que cet empereur avait envoyé, peu auparavant, à l'armée du nord , afin qu'il fit son apprentisage de guerre sous les généraux Yuetchetchar et Tchoan- gour , appela à lui promptement les cinq corps d'armée qui se trouvaient dans cette partie ^^M ^^^ ^^ Mongolie, et livra bataille à l'ennemi, entre Caracouroum et la rivière Tamir. Caïdou fut défait; il se retira et mourut de maladie dans sa marche rétrograde (i). Ce prince,

de la branche suzeraine des successeurs de Tchlnguiz- khan, dans le Djami ut-Tévarikhy dont Tauteur était con- temporain de Temour.

(i) Gaubil, pag. 229. Mailla, ibùly pag. 479» Selon Vassaf, Caïdou et Doua rencontrèrent Farmée impériale à quelques journées de la ville de Cayalic , qui était sur la frontière des deux États. Des négociateurs, envoyés de part et d'autre, suivant Tusage des Mongols, n'ayant pu ménager un accomodement, on eut recours à la voie des armes. La victoire se déclara, comme d'ordinaire, pour Caïdou. Il fit un butin considérable sur les troupes de Tenipercur , et , satisfait du résultat de son expédition , il s'en retournait dans ses États, lorsqu'il tomba malade et mourut dans le désert.

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LIVRE m, CHAPITRE V. 5l7

qui avait pris le titre de khan , fut regretté de ses sujets pour son humanité, de ses trou- pes, pour sa bravoure. On dit qu'il s'était trouvé dans quarante-une batailles , soit contre les armées du Caan, soit contre d'autres en- nemis , et qu'il avait presque toujours été vic- torieux. Ses troupes aguerries étaient citées, même parmi les Mongols, pour leur intrépidité au milieu des combats (i).

Ces troupes, suivant l'usage, lui rendirent les honneurs funèbres en poussant des cris lamentables. Doua, qu'il avait fait le déposi- taire de ses dernières volontés , proposa aux princes réunis autour de son cercueil, de lui donner pour successeur Tchabar, l'aîné de ses quarante fils qui était alors absent. Il avait d'ailleurs des obligations à ce jeune prince : lorsqu'après la mort de Borac, les membres de sa famille se rendirent, comme de coutume, à la cour de Caïdou, pour solliciter le trône

(i) On trouTe dans la Collection d*Odor. Raynald> (tom, IV, pag. 70), une lettre du pape Nicolas IV au prince Caidou, datée de Reate, id. III. julii un. II (i3 juillet 1189), ®^ ^^ pontife, lui ayant exposé les principaux dogmes de la religion chrétienne, tels que la rédemption du genre humain par la mort de Jésus-Christ , fils de Dieu, sa résurrection -au bout do trois jours et

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5l8 HISTOIRE DES MONGOLS.

vacant, Doua, qui était du nombre des pré- tendants, l'obtint par le crédit de Tchabar, quoiqu'il ne fût pas l'aîné des descendants de Tchagataï. Tous furent de l'avis de Doua. En- suite, chacun des princes délégua plusieurs de ses officiei-s pour accompagner le cercueil jus- qu'à la résidence du défimt. Peu après Tcha- bar étant arrivé, les princes, ayant à leur tête Doua, lui rendirent hommage.

Lorsque Tchabar eut été installé sur le trône d'Ogotaï, Doua lui proposa de recon- naître la suzeraineté de Temour, pour terminer la guerre qui, depuis trente aimées, déchirait la famille de Tchinguiz-khan. Son avis fut agréé par Tchabar et les autres princes. Ils

hon ascension au ciel, après avoii* conféré à St.-Pierre, le prince des apôtres, les clefs du royaume des cieux, pour ùlvc transmises à ses successeurs, investis par d'un tel pouvoir que ce qu'ils lient ou délient sur la terre est lié ou délié dans les cieux , exhorte le prince mongol y en vertu de ce pouvoir qui lui est écbu, quoiqu'il en soit indigne, à embrasser la religion chrétienne, comme Tunique voie qui conduit au salut, le seul moyen d'être préservé des tourments de l'enfer , et d'acquéiir la récom^ pense de la béatitude éternelle, laquelle surpasse toutes les jouissances de celte vie.

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LIVRE III, CHAPITRE V. SlO

firent partir des ambassadeurs chargés d'offrir août. leur soumission à Temour. L'empereur reçut avec joie ce gage de la paix et vit son pou- voir souverain reconnu par tous les princes de sa famille.

Mais la concorde ne fut pas de longue du- rée entre ceux mêmes qui venaient de faire la paix avec Temour, Des différents qui s'élevè- rent, dès Tannée suivante, entre Tchabar et Doua , firent prendre les armes aux princes de ces deux branches tchinguiziennes. Doua sut engager Fempereur à faire attaquer, de son côté, le fils de son ancien ennemi. Tchabar fut alors abandonné de presque toutes ses troupes. Dans sa détresse, il prit le parti d'al- ler, suivi de trois cents cavaliers, clierclier un asile auprès de son adversaire. Doua le traita avec honneur; mais il s'empara de ses états,, et, réunissant le Turkustan à la Transoxiane, il rétablit presque dans son intégrité l'ancien royaume de Tchagataï, qui avait été démem- bré par Caïdou. Ainsi Tchabar, successeur de son père, de Couyouc et d'Ogotaï, fut le der- nier souverain de la branche à laquelle Tchin- guiz-khan avait légué son trône, et qui, dé- pouillée par l'empereur Mangou , devait aux talents de Caïdou la possession d'un assez vaste domaine.

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5^0 HISTOIRE DES MONGOLS.

Doua (i) mourut en i3o6. Son fils Goun- djouc, qui lui succéda, n'occupa le trône qu'un an et demi. A sa mort , Talicou , descendant de Tchagataï , par Moatougan , s'empara de l'autorité suprême. C'était un prince ([ui avait vieilli dans les combats. Pro- fessant le mahométisme, il travailla, lorsqu'il fut souverain, à le propager parmi les Mon- gols. Cependant deux princes de la branche de Tchagataï soutinrent les armes à la mam, que le trône appartenait à l'un des fils de Doua; mais ils furent vaincus. Plusieurs au- 708. très princes se préparaient à venger leur dé- faite, lorsque Talicou fut assassiné, au milieu d'un festin, par des officiers qui voulaient placer sur le trône le fJs de leur ancien maître.

Les conjurés proclamèrent Guébek, fils cadet de Doua. Il était à peine installé, qu'il fut attaqué par Tchabar, ligué avec d'autres princes de la famille de Caïdou. Tchabar, ayant été vaincu, passa, avec quel- ques troupes, le fleuve Ili et se réfugia dans les états de l'empereur. Après avoir rem- porté cette victoire, qui détruisait les der-

(i) Ce nom est aussi écrit Toua.

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LIVRE III, CHAPITRE V. 5^1

nières espérances des descendants d'Ogotaï , ceux de Tchagataï tinrent une diète, ils résolurent d'élever au trône Issenboca, frère de Guébek. Ce prince, qui se trouvait alors à la cour du Caan , alla prendre possession de la souveraineté, que Guébek lui céda de plein gré. A sa mort, dont on n'indique pas l'époque, Guéljek lui succéda et régna jusqu'en i3ai (i).

Ces querelles sanglantes entre les princes des deux branches d'Ogotaï et de Tchagataï avaient causé la ruine du Turkustan et dé- truit les éléments de prospérité que la bonne administration de Mass'oud-Bey avait fait re- naître dans la Transoxiane; mais la prospé- rité ne pouvait être que précaire dans des provinces exposées à la rapacité des nomades turcs et mongols, qui, regardant les fruits de l'industrie comme leur proie , n'attendaient que l'occasion de les ravir à leurs paisibles possesseurs. A peine une ville, une contrée était-elle devenue florissante par quelques an-

(i) Kitab Tedjziyét-ul-Emssar u Tezdjiet-ul-A' ssar y par Abd-oullali , flls de Fazl-oullah , célèbre sons le titre de f'(issaf~ul-Hazret, ou de panégyriste de Sa Majesté. •(Ms. persan de la biblioth. royale de Paris , tom. lA }.

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5^2 HISTOIRE DES MONGOLS.

nées de paix, sous un gouvernement tolé- rable, 'que sa richesse lui attirait tous les maux de la guerre, et l'on voyait les habi* tants des cités et des campagnes sans cesse occupés à réparer leurs pertes pour fournir un nouveau butin aux hordes féroces qui les entouraient. Le pays était partagé entre les princes du sang; chacun d'eux avait son territoire et ses troupes, et leurs moindres querelles dégénéraient en guerres civiles. Ils concouraient tous à l'élection de leur sou- verain; tous croyaient avoir des droits au trône, et celui qu'ils y avaient placé, s'il ne dominait par la supériorité de son carac- tère, devenait le jouet de ses grands vas- saux. Ainsi, l'histoire du Turkustan et de la Transoxiane sous la puissance des princes tchinguiziens, n'est que le tableau d'une san- glante anarchie.

Ayant jeté un coup-d'œil sur les événe- ments qui, après la mort de Caïdou, agitè- rent le centre de l'empire mongol, nous revenons à Temour, dont le pouvoir suze- rain était alors reconnu dans toutes les par- ties de ce vaste empire; mais ce prince ne tint pas long-temps le sceptre de l'Asie. Il mourut en février i3o7, âgé de quarante- doux ans. Les Chinois font Téloge de sa.

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LIVRE III, CHAPITRE V. 5a3

sagesse et de sa bienfaisance. Il avait si- gnalé sa justice, en défendant d'exécuter au- cune sentence de mort, qu'il ne l'eût confir- mée. Jusqu'alors, les princes et les princesses du sang, ainsi que les personnes alliées de la famille impériale, exerçaient sur leurs vassaux une autorité sans ]>omes (i).

Dans sa jeunesse, Temour mangeait et bu- vait avec excès. L'empereur , son grand père , l'en réprimandait sans cesse; il l'en punit même trois fois par la bastonnade. Il finit par atta- cher à son service des médecins chargés d'as- sister à ses repas ; lorsqu'ils jugeaient que le prince devait quitter la table, ils l'en avertis- saient en frappant ensemble deux baguettes; niais Temour trouvait le moyen de tromper leur vigilance. Un mahométan, qui prétendait connaître les secrets de l'alchimie et de la magie, et qui avait entièrement captivé l'es- prit du jeune prince , imagina de conduire Temour dans une maison de bain, dont le maître faisait verser du vin au lieu d'eau dans le réservoir. Coubilaï, qui n'avait pas pu ob- tenir de Temour qu'il éloignât de sa personne ce dangereux favori, instruit de son strata-

(i) Mailla, ibid, pag. 464.

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5a4 HISTOIRE DES M017G0LS.

géme, le fit enlever de l'hôtel du prince et conduire en exil avec Tordre de le tuer secrè- tement. Lorsque Temour fut sur le trône, il sut vaincre cette passion pour le vin, que tous les moyens employés par Coubilaï n'a- vaient pu réprimer, et il devint aussi tempé- rant qu'il avait été déréglé (i).

(i) Diami ut-Tévarikh.

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LIVRE Illy CHAPITRE VI. 5a5

C^ C^ C^ C^ C^ C^ C^ C^ C^ C^) C^ C^) C^) C^^ C^^ C^ C^ C^ C^^ C^)

CHAPITRE VI.

Régence de rimpératrice douairière Botdougan. •— Ses mesures pour l'élévation au trône d*Ananda. Parti pour Khaîschan. Arrestation d'Ananda et de ses par- tisans. — Régence de Batra. Inaugiuration de Khaî- schan. — Exécution des chefs du parti d'Ananda, de ce prince même et de Boulougan. Khaîschan. Ayour-bali-batra, Schoudi-bala. Yissoun-temour. Assoukéba. Tob-temour. Rintchenpal. Avène- ment au trône de Togan-temour.

Temour ne laissait pas de postérité. Sa veuve Boulougan (i), qui, sur la fin de la vie de Temour, exerçait une grande influence, voulait mettre sur le trône Ananda, fils de Mangcala, et petit-fils de Coubilaï, vice-roi du Tangcoute, nom sous lequel étaient alors compris le Schen-si, le Tubet et une partie du Su-tchouan. Pendant la maladie de son

(i) C'est le nom de cette impératrice dans l'histoire de Yassaf. Mailla la nomme Péjfoouchi; Gaubil, Péyaou; Hyacinthe y Bayout.

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5^6 HISTOIRE DES MONGOLS.

époux, elle lui avait expédié secrètement un message à Si-ngan-fou pour le presser de se rendre à la résidence. Cette princesse voulait écarter du trône les deux fils de Tarma-bala (i), lihaïschan et Ayour-bali-batra (a), dont elle avait fait exiler la mère à Hoaï-king-fou , dans le Ho-nan (3). Khaïschan commandait l'ar- mée d'observation sur la frontière du nord- ouest , et s'était acquis une grande considéra- tion, par sa valeur et sa capacité, dans la guerre contre Caïdou. Batra était auprès de sa mère. Boulougan , déclarée régente , soute- nue dans son projet en faveur d'Anànda, par le premier ministre Agoutaî et d'autres seigneurs, fit placer des troupes sur les rou- tes de la Mongolie, pour empêcher Khaïschan d'arriver à Ta-tou; mais il existait un parti pour les fils de Tarma-bala. Le ministre Cara- Khass, qui en était le chef, manda secrète-

(i) Tarma-bala, fils de Tchinkim, était mort sous le rêne de Coubilaî.

(a) Ce prince est nommé AïyuHpalIpata dans les his- toires de Mailla et de Gaubil, d'après récriture chinoise. Son nom est écrit Berié-batra dans le manuscrit de Vassaf.

(3) Vassaf rapporte que l'impératrice Boulougan ayait empêché Temour d'épouser, selon l'usage des Mongols, la -veuye de son frère Tarma-bala.

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LIVRE III, CHAPITRE Vf. 5^7

ment au prince Khaïschan de venir sans dé- lai, et l'avertit de prendre une route détour- née. 11 fit en même temps inviter Batra de se rendre à Ta-tou. Ce prince ne tarda pas à y arriver avec sa mère.

Cependant, les partisans d'Ananda avaient fixé un jour du mois d'avril pour son inau- guration. Leurs adversaires virent qu'il nV avait pas de temps à perdre; on ne pouvait pas attendre l'arrivée de Khaïschan, trop éloi- gné. Pour exécuter les mesures concertées en- tre Batra et le ministre Cara-Khass, le prince Toula fit entrer à Ta-tou un gros corps de troupes qu'il commandait; aussitôt fut arrêté le prince Mélik-temour , fils d'Aric-Bouga , l'un des principaux adhérents d'Ananda; il avait servi dans l'armée de Tchabar^ fils de Caïdou, et s'étant révolté contre ce prince, il était venu se réfugier en Chine. Mélik-temour fut conduit, chargé de chaînes, à Chang-tou. Le ministre Agoutaï et les autres partisans d'Ananda furent également arrêtés et con- damnés à mort, pour avoir voulu disposer arbitrairement du trône; mais on sursit à l'exécution jusqu'à l'arrivée de Khaïschan. Le prince Ananda, et l'impératrice régente furent gardés à vue dans le palais. Alors des princes du sang proposèrent à Batra de se faire pro-

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5a8 HISTOIRE DES MONGOLS.

clamer empereur. Il refusa, disant que le trône appartenait à son aîné. Il envoya à Khaïschan le sceau impéral; en attendant l'ar- rivée de ce prince, il prit le titre de régent et s'occupa à tenir en respect les partisans de l'impératrice douairière.

Khaïschan se trouvait près des monts Khan- khaï lorsqu'il apprit la mort de Temour. Il se rendit à Caracouroum, il tint conseil avec les princes et les généraux. L'armée , dont il était aimé, souhaitait qu'il se fit proclamer empereur à Caracouroum même. Khaïschan ne le voulut pas et se mit en marche pour Chang-tou, avec trente mille hommes d'élite, mandant à sa mère et à son frère de ve- nir assister à son inauguration. Batra partit pour cette résidence septentrionale, Khaï- schan fut salué empereur par les princes et les généraux assemblés en Couriltaï (i). U

(i) L'historien persan Vassaf décrit ainsi les cérémo- nies qui eurent lieu à Tavénenient au trône de Khaïschan. « L'inauguration de Khaïschan se fit avec les solemnités « d'usage, au jour et à l'heure indiqués par les astro- « logues. Les sept premiers princes du sang ayant été ft désignés pour procéder à son installation, quatre d'en- « tre eux l'enlevèrent sur un feutre Liane il était assis; deux autres le tinrent sous les bras, et lors-

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LIVRE III, CHAPITRE Vî. SuQ

adopta le surnom de Kuliik Khacan, éleva sa mère au rang d'impératrice et donna à son

A qu'ils Teurent placé sur le trône, le septième lui pré- « senta une coupe de yin. Aussitôt les Cames firent des « prières pour la prospérité du nouveau monarque , et « le saluèrent du nom de Kuîuk-Jihan.

« L'empereur fit venir de son trésor des voitures pleines de halisch (voyez la note V à la fin du « volume) et d'étofTes, qui furent entassées devant son n palais, et distribuées a tout le monde indistinctement. « On répandit à terre une multitude de perles fines, « en sorte que le sol ressemblait au firmament. Les <c fêtes durèrent une semaine; chaque jour il se con- «c sommait au palais quarante juments et quatre mille « moutons. On faisait des libations avec le lait de plus « de sept cents juments et de sept mille brebb consacrées; n il était répandu en si grande abondance que les envi- « rons de TOrdou ressemblaient a la voie lactée. Ces « animaux , appelés Ongons , c'est-à-dire qui portent bon- *t heur y tous d'une blancheur éclatante, étaient conservés « intacts dans les troupeaux, parce qu'on croyait qu'ils « les faisaient prospérer; jamais on ne mangeait leur « chair, et les chevaux consacrés n'étaient montés que « par le souverain. »

Guillaume de Rubruquis et Marco Polo font mention de ces animaux consacrés : « La coutume des Mongols, « dit le premier (chap. 47)> est aussi, au 9^ de la lune « de mai, d'assembler toutes les juments blanches qui se « trouvent dans leurs haras, et de les consacrer. » « L'empereur, dit le second (chap. 65), a une grande a 34

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53o HISTOIRE DES MONGOLS.

pèie défunt le titre d'empereur. En même temps, il reconnut les services que son frère

<i quantité de chevaux blancs ; on en fait monter le « nombre jusqu'à dix mille et plus. Or, pendant cette « fcte (que Ton célébrait le 28 d'août) on prépare du « lait de cavale dans de beaux vases, et le roi, de ses « propres mains, le verse par terre ça et là, s'imaginant, « instruit à cela par ses magiciens, que les dieux boivent « ce lait répandu, et que cela les engage à prendre <i soin de tous ses biens. »

En parlant de l'inauguration de Bouyantou Caan, suc- cesseur de Kbaîschan, Vassaf rapporte que les princes du sang, convoqués au Couriltaï, s'y rendirent au nom- bre de quatorze cent, dont chacun prenait en route, selon son rang, de sept cents à mille chevaux de relais. On passa une semaine en fêtes. H se consommait chaque jour, dit on, quarante juments et quatre mille moutons, outre d'autres animaux dont la chair est défendue aux Musulmans, et dont on n'indique pas le nombre. On peut estimer , dans la même proportion , la quantité de vin, de coumiz, de lait et de fromages de toutes espè- ces. A l'heure ûxée par les astrologues , le nouvel empe- reur se plaça sur le trône, le visage tourné vers le midi, dans le Carschi, qui était tapissé d'étoffes de soie €t de brocard. Les princes du sang de Tchinguiz-khan se tenaient debout à la droite du trône; les princes, des- cendants de son frère Djoutchi Cassar, à la gauche; les Klialounes étaient assises sur des tabourets. Les Fintchans (ministres d'état), les généraux, occupaient chacun la place que son rang lui assignait, les uns dans

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LIVRE m, CHAPITRE VI. 53l

Batra venait de lai rendre, en l'institiiant son successeur au trône, quoiqu^il eut lui-même des fils.

Le premier acte de Khaïschan , lorsqu'il arriva à Ta-tou, fut de rendre hommage à ses ancêtres dans le temple qui leur était con- sacré. Il fit ensuite exécuter la sentence de mort portée par son frère contre les parti- sans d'Ananda. Ce prince lui-même , son ami Mélik-temour, et l'impératrice Boulougan fu- rent sacrifiés à la sûreté du nouveau souve- rain (i).

la salle, les autres dehors. En fece du trône bril- laient un grand nombre de vases et de coupes garnis de pierreries. Le nouvel empereur fut salué du nom de Boui Yantouç Caan, et les princes, ainsi que les chefs militaires, firent les cérémonies d'usage; ils fléchirent le genou, répandirent de l'or, émirent des vœux et offrirent la coupe. (Vassaf, tom. IV).

(i) Mailla y ib., pag. 4^. Gaubil, pag. 238. Selon Vassaf, le prince Khsûschan demanda aux princes et aux généraux assemblés en Couriltaî à Chang-tou, à qui, d'après le Yassa du Caan, devait appartenir le trône. Ils déclarèrent, d'une voix unanime, que Coubîlaï ayant nommé pour son successeur son fils Tchinkim, grand-père de Khaïschan, et n'ayant donné qu'un gouvernement à Mangcala, père d'Ananda, le trône appartenait de droit à Khaïschan. En conséquence, tous les membres de l'as-

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53a HISTOIRE DES MONGOLS.

Ananda, confié dans son enfance aux soin$ d'un mahométan, qui l'avait élevé dans sa religion , la professait avec zèle et cherchait à la propager dans le Tangoute. On rapporte qu'une grande partie de ses troupes, qui étaient au nombre de cent cinquante mille hommes, furent, par ses soins, converties au mahométisme. Il savait par cœur le Co- ran , et il excellait dans l'écriture arabe. Un de ses officiers alla se plaindre à l'empereur Temour , que le prince Ananda passait son temps, dans la mosquée, à lire le Coran, qu'il faisait circoncire les enfants mongols , et travaillait à répandre parmi ses troupes la foi de Mahomet. Temour lui envoya deux per- sonnes pour tâcher de le ramener au culte

semblée signèrent rengagement de hii rester fidèles. Le nouvel empereur, pour reconnaître le service que lui avait rendu Batra, le nomma son successeur au trône, quoiqu'il eut des fils, et voulut que dans le même acte qu'ils venaient de dresser, les princes et les généraux s'obligeassent à respecter cette décision en faveur de son frère. Ensuite on délibéra sur le sort d' Ananda. Jugé à Tunanimité coupable d'avoir violé les lois de Tchinguiz- klian , en voulant s'emparer du trône , sans le consente- ment des princes de la famille impériale, il fut puni de mort {Tedziyet ul-Emsar, tom. IV).

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LIVRE III, CHAPITRE Vï. 533

de Fo; leui's exhortations furent vaines. L'em- pereur le manda à sa cour, et ses moyens de persuasion n'ayant pas eu un meilleur succès, il le fit emprisonner; mais peu après, sur les représentations de l'impératrice Gueukdjin, qui craignait que cet acte de rigueur ne mé- contentât les habitants du Tangoute, fort at- tachés à Ananda, il* le renvoya dans son gou- vernement (i).

Le règne de Khaïschan n'offre que des évé- nements de peu- d'importance. Ce prince fit distribuer dans tout l'empire la version en langue mongole d'un ouvrage de Confucius, intitulé Hiachkingy sur l'obéissance filiale, et en recommanda la lecture aux princes et aux seigneurs de sa nation (2). Par son ordre le lama Tchoigji Odszer traduisit en mongol, la plus grande partie des livres sacrés de la religion de Bouddha (3). Le nouvel empereur reçut à sa cour Tchabar, fils de Caidou, et d'autres princes du sang qui lui rendirent hommage. Les Chinois blâmèrent son attachement pour les

(i) Djami tU-Tévarikh , Vie de Temour.

(2) Mailla , ibid. , pag. 496.

(3) Gesch, der Ost-Mongolen ; note do Mr. .Sdiinidt, pag. 398.

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534 HISTOIRE DES MONGOLS.

Lamas. Quelques-uns de ces prêtres avaient commis des actes de violence; au lieu de les punir y Khaïschan statua , par un édit, qu'on couperait le poing à celui qui aurait frappé un Lama, et la langue à quiconque lui au- rait dit des injures. Malgré cette protection spéciale, les terres possédées par les prêtres de Fo et ceux de la secte Tao-ssée, jusqu'alors exemptes de toutes redevances, furent, à la même époque, soumises comme les autres, aux impôts. Khaïschan, trop adonné au vin et aux femmes, mourut en février i3ii, âgé de trente-un ans. Il reçut le titre chinois de Vou-tsong.

Son frère Ayour-bali-batra fut proclamé em- pereur (i),sous le nom de Boyantou-khacan. Il fit aussitôt punir plusieurs ministres qui avaient profité de l'incurie de Khaïschan pour abuser de leur pouvoir , s'enrichir et commettre nom-

(i) Barta, surnommé Boyantou, est le dernier empereur mongol de la Chine dont Vassaf rapporte quelques faits ; car Choudi-béla et Yiisoun-lemour ne sont que nommés dans son cinquième volume. Après avoir décrit la solemnité de rinauguration de Boyantou , et cité les premiers actes de sa munificence, il dit que le nouvel empereur fit no- tifier de toutes parts son avènement au trône, et que deux de. ses ambassadeurs, Ayadji Tchinksank et Devlet-

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LIVRE III, CHAPITKE VI. 535

bre d'injustices; les uns furent mis à mort; d'autres, exilés.

Parmi les princes tributaires, auxquels Batra notifia son avènement, sont nommés les sou- verains de Tchen-tching , de Ngan-nan, de Papésifou, de Ta-tcheli, de Chao-tclicli , de Mapor et de Hien, île située près du Japon. Tous lui envoyèrent des ambassades avec des présents.

Malgré les ordonnances de Coubilaï, les examens pour les lettrés n'étaient pas encore rétablis. Batra fit revivre cette ancienne insti- i3i5. tution. Les docteurs qui devaient concourir furent divisés en deux classes; dans Tune étaient

scfaah arrivèrent y en ramazan 71 x (février i3i2), à la cour du sultan Oldjaîtou, qui passait l'hiver à Bagdad. Us remirent au khan mongol de la Perse des présents et des lettres remplies de témoignages d*amitié de la part du Caan mongol en Chine. Oldjaîtou les traita avec beau- coup de distinction , et leur donna des habits de drap d*or, avec des ceintures garnies de pierreries. Vassaf rapporte que ces deux ambassadeurs prenaient chacun, en route, six cents chevaux de poste. Il ajoute que les ambassadeurs que le sultan de Perse envoya en Orient , à celte occasion , furent chargés de vérifier la compta- bilité des terres qu'il y possédait , comme part héréditaire de sa branche, et d*en percevoir le produit, depuis plusieurs années.

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536 HISTOIRE DES MOIMGOLS.

les Mongols, clans Tautre, les Chinois. L'empe- reur voulut que les candidats composassent en sa présence , sur un sujet qu'il leur donna , et les trois plus habiles chaque classe re- çurent des titres et des récompenses. Ces soins valurent à Batra l'attachement des lettrés, qui ont toujours eu beaucoup d'ascendant sur l'es- prit des Chinois.

Ce prince, considérant les maux que les eunuques avaient causés, en abusant de leur crédit, sous les dynasties précédentes, défen- dit, en i3i4> de leur donner des emplois; toutefois, dès l'année suivante, il enfreignit lui-même sa défense, en créant un eunuque grand mandarin.

Pour éloigner Couschala , fils aîné de Khaï- schan, qui avait des prétentions au trône, Batra lui donna le gouvernement du Yun-nan. Les officiers de la maison de ce jeune prince , mécontents de sa nouvelle destination, qu'ils regardaient comme un exil, engagèrent, en passant par le Schen-si, plusieurs comman* dants mongols, à prendre les armes en faveur de Couschala, qui s'empara même de la for- teresse de Tong-koan; mais peu après, aban- donné i:^r ces chefs militaires, Couschala se vit obligé de prendre la fuite, et il se retira dans le pays qui est au nord-ouest du mont

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LIVRE ni, CHAPITRE Vl/ 537

Altaï. L'empereur fit alors reconnaître pour son héritier son fils Scfhoudi-bala (i).

Batra eut la guerre avec Essen-bouca, sou- verain de YOulouss de Tchagataï. Le prince Kiptchak Tchoanggour, qui commandait son armée, remporta deux victoires sur les trou- pes d'Essen-bouca et les poursuivit jusqu'au pays de Tchaïr, voisin du défilé, appelé /x>rte de fer (2).

Batra mourut, en février i3ao, âgé de trente et quelques années. Il était doux , bienfaisant , appliqué aux affaires; il aimait la lecture et possédait l'histoire, particulièrement celle des mongols. Son nom honorifique chinois est Gin-tsong.

Il avait pour premier ministre un sei- gneur mongol, nommé Témouder, qui s'é- tait rendu odieux par ses injustices. Accusé de nombre d'abus de pouvoir, dans un pla- cet signé par quarante censeurs de l'empire, il fut destitué et condamné à mort; mais l'im- pératrice, qui le protégeait, ne permit pas

(i) Mailla, ib. , p. 496 à 5a6. Gaubil , p. 2^9 à 249.

(2) Gaubil, p. a49 [note i], d'après Vélo^e historique de Tchoanggour. L'histoire chinoise ne fait pas mention de cette guerre. .

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538 HISTOIRE DES MONGOLS.

Fexécution de cette sentence, et sur ces en- trefaites, Batra ayant cessé de vivre, elle réin- tégra tout de suite son favori dans ses digni- tés. Le nouvel empereur Schoudi-bala le con- serva, par égard pour sa mère; mais il ac- corda toute sa confiance à Baïdjou, descen- dant de Moucouli. Témouder se vengea de plusieurs de ses ennemis, en les faisant périr. A sa mort, qui arriva en i3aa, s'élevèrent contre sa mémoire une foule d'accusations qui n'étaient plus étouffées par la crainte; les parents de ses victimes demandèrent justice. L'empereur dégrada le défunt, en lui ôtant ses titres, fit renverser son tombeau, et con- fisqua ses biens.

Craignant d'être poursuivis à leur tour, ceux qui avaient participé aux atrocités de Témouder, entre autres Tekchi, son fils adoptif , formèrent le complot d'assassiner l'em- pereur et son premier ministre, et de mettre sur le trône Yissoun-temour , fils de Camala. Par sa charge d'inspecteur général, Tekchi avait une grande influence sur les troupes. Il en- voya secrètement un officier, nommé Oualous , au prince Yissoun-temour, qui commandait dans le pays de la Toula, au nord du désert, avec une lettre signée par seize des conjurés, dans laquelle il l'instruisait du plan arrêté, et

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LIVRE lU, CHAPITRE Vf. SSq

Tinvitait à venir prendre possession du tinine. Le prince Yissoun-temour fit arrêter Oualous, et manda à Teuipereur ce qui se tramait con- tre ses jours; mais ses courriers arrivèrent trop tard. De crainte que leur complot ne fut découvert, les conjurés avaient résolu de l'exécuter , sans attendre la réponse du prince. L'empereur était parti de Chang-tou , pour retourner à Ta-tou; il couchait à Nan-po. Les conjurés tuèrent d'abord Baïdjou dans sa tente; puis, ils forcèrent la garde du pavillon de l'empereur, et Tekchi tua de sa propre main ce prince dans son lit. Schoudi-bala i323. était âgé de 21 ans.

Deux princes, Antaï-bouca et Yésien-temour, s'emparèrent du sceau et des autres insignes de la dignité impériale, qu'ils portèrent à Yissoun-temour. Celui-ci se fit proclamer em- sept, pereur dans son camp, sur le bord du fleuve Keroulan, et accorda un pardon général. Il était disposé à mettre à la tête du gouverne- ment ceux qui, par l'assassinat, lui avaient procuré le trône; on lui fit sentir qu'il serait soupçonné d'avoir connu leur complot. Frappé de cette idée, le nouvel empereur fit arrêter sur le champ Yésien-temour , avec deux autres conjurés, et ordonna leur exécution sur le lieu même de l'attentat. Il expédia à Ta-tou

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54o HISTOIRE DES MONGOLS.

deux de ses officiers avec l'ordre de faire mourir Tekchi , ses complices et les membres de leurs familles; leurs biens furent confisqués. Sonan, fils de Témouder, n'avait été con- damné qu'à l'exil; l'un des ministres fit ob- server que c'était lui qui avait abattu d'un coup de sabre l'épaule à Baïdjou; il fut mis à mort. Plusieurs princes du sang qui se trouvaient au nombre des conjurés furent relégués en divers lieux. Yissoun-temour fit son entrée dans Ta -ton, en décembre i323, et nomma pour son successeur, au commencement de l'année suivante, son fils Asouképa.

11 y eut, la première année du règne de Yissoun-temour, un grand tremblement de terre, une éclipse totale de lune, des pluies abondantes qui submergèrent les campagnes; une sécheresse funeste aux récoltes; enfin des nuées de sauterelles firent d'affreux ravages. Tous ces phénomènes, et surtout l'apparition des comètes causaient de vives alarmes aux Chinois et aux Mongols. Ils y voyaient des signes de la colère céleste, que l'empereur, fils du ciel, que les dépositaires de son auto- rité, croyaient avoir provoquée, soit en com- mettant des actes blâmables, soit en négli- geant de travailler au bonheur des peuples

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LIVRE m, CHAPITRE VL 54 1

qui leur étaient confiés. Sous le règne de Batra, un ministre d'état mongol avait de- mandé sa démission à la suite d'une longue sécheresse et de l'apparition d'une comète, alléguant que le ciel voulait sans doute le punir d'avoir manqué à quelque point dans l'exercice du ministère dont on l'avait honoré. L'empereur lui répondit que ces fléaux n'a- vaient rien de commun avec son admini- stration; mais les calamités de l'année i334 étaient attribuées à l'assassinat de Schoudi- bala et de Baïdjou. Yissoun-temour demanda ce qui , dans son gouvernement , avait pu provoquer la colère céleste. Les membres de son conseil invitèrent l'un des ministres, nommé Tchang-kouey, qui jouissait d'une haute considération, d'indiquer, dans un mé- moire, les griefs qu'il était le plus urgent de redresser. Tchang-kouey commença par réclamer entière justice de l'attentat commis par Tekchi. Il observa que malgré la sen- tence, les biens de Sonan, fils de Témouder, n'avaient pas été confisqués; que les fils de Sonan étaient encore officiers dans la garde impériale , tandis que la justice exigeait leur exil et laC confiscation de leurs biens; que les princes du sang convaincus de complicité avec Tekchi n'avaient été punis que de l'exil,

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54a HISTOIRE DES MONGOLS.

lorsqu'ils méritaient la mort. Après avoir cité plusieurs autres exemples d'impunité, le mi- nistre observait que les deniers du trésor, le produit des sueurs du peuple, étaient em- ployés à payer dix fois au-dessus de leur valeur des pierreries apportées de Tétranger. Il prétendit que le ciel n'avait cessé de don- ner des marques de sa colère, depuis que les Bonzes, les Lamas et les Tao-ssées faisaient tant de prières et de sacrifices à Foé , et qu'on devait s'attendre aux plus grands malheurs si l'on n'abolissait pas son culte, si l'on ne chas- sait pas ses prêtres. Il se plaignit que le pa- lais était rempli d'eunuques, d'astrologues, de médecins, de femmes et d'autres gens oisifs, dont l'entretien coûtait à l'État des sommes im- menses. Il exposa la nécessité de réparer les injustices commises sous le ministère de Té- mouder, et depuis le complot de Tekchi, en indemnisant les familles de leurs victimes. U fallait visiter les prisons, examiner la situation des villes et des campagnes; enfin défendre la pèche des perles dans la province de Canton, parce qu'elle enlevait tous les ans beaucoup de monde. L'empereur lut ce mémoire; .mais n'ordonna rien (i).

(i) Mailla, ibid., pag. 536. Gaubil, pag. 258.

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LIVRE m, CH;iPITRE Vf. 543

Les Lamas étaient en effet très- puissants à la cour, et surtout en grande faveur auprès des princesses. Ils obtenaient des patentes pour prendre des chevaux de poste , et leurs fré- quents voyages étaient à charge aux habitants, qui devaient en outre leur fournir des vi- vres (i). Un fonctionnaire envoyé dans le Schen-si, avec la mission d'examiner les be- soins publics, afin d'y apporter quelque sou- lagement, imputa, dans son rapport, la plu- part des maux de cette province aux La- mas occidentaux qui, se prévalant de la pro- tection de l'empereur, foulaient le peuple sans ménagement. « On voit, dit-il, ces Lamas a parcourir à cheval les provinces occidenta- a les, portant à leur ceinture des passeports « écrits en lettres d'or; ils se répandent dans a les villes, et au lieu de se loger dans les (f hôtelleries, ils s'établissent dans les maisons « particulières, dont ils chassent les maîtres, « pour jouir plus facilement de leurs femmes. « Non contents de se livrer à la débauche, « ils enlèvent encore au peuple le peu d'ar- ec gent qu'il possède; ensorte qu'il ne faut « plus s'étonner des difficultés qu'on éprouve

(i) Gaubil, pag. 260.

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544 HISTOIRE DES MONGOLS.

a à percevoir les tributs. On doit s*eu prendre à «t ces sang-sues publiques , plus cruelles encore « que les percepteurs, dont on se plaint avec a tant de raison. On peut du moins faire punir « ceux-ci ; mais comment accuser des hommes « indépendants des autorités locales, et munis « de sauve-gardes respectées, à l'abri desquelles <f ils se croyent tout permis. Autrefois il « n'en était pas ainsi; les corps de garde éta- a blis sur les frontières ne leur permettaient « une libre entrée dans l'empire que sur un « ordre spécial. » L'empereur s'étant assuré que ce rapport était exact , défendit l'entrée de la Chine aux Lamas (i).

Ce prince inepte, dont le nom chinois est Taï-ting, mourut à Chang-tou, au mois d'août i3a8, dans la trente-sixième année de son âge. Quoique Radchapika (2), l'aîné de se» quatre fils, âgé de neuf ans, eut été déclaré prince héritier, on lui contestait ses droits à Tempire. Batra avait succédé à Khaïschan,

(1) Mailla, ibid. , pag. SSg.

(a) Tel est le nom sous lequel ce prince est désigné dans rhistoire de Ssanang Setsen, et M. J. J. Sclunidt nous apprend qu'il est sanscrit. Mailla et Gaubil, qui Tont transcrit du chinois , écrivent Asouképa , de même que le père Hyacinthe.

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LIVHE III, CHAPITRE VI. 54S

son frère, sous la condition de laisser le trône à l'un de ses neveux ; néanmoins il l'a-* vait destiné à son propre fils, prenant la précaution d'éloigner de la cour les deux fils de Khaïschan, Couschala et Tob-temour. Lors de la conjuration contre Schoudi-bala , le pre* mier était en Tartarie ; le second , dans le midi de la Chine; il ne fut pas difficile à Yissoun- temour de profiter de leur éloignement pour s'emparer du pouvoir.

A la mort de ce prince, l'impératrice expé- dia à Ta-tou un ministre d'état, nommé Ou- pétoula, pour se saisir des sceaux de tous les collèges; mais le gouverneur de la capitale, Yang-temour, était à la tête d'un parti qui voulait mettre sur le trône l'un des fils de Khaïschan. Yang-temour, fils de Tchoangour, distingué par ses talents militaires, recom- mandé par le souvenir des services de son père et de son aïeul, avait été élevé par Khaïschan aux premières dignités. Il fut le favori de cet empereur; la reconnaissance l'at- tachait k sa famille. Yissoun-temour, en par- tant, quelques mois auparavant, pour Chang- tou, lui avait confié le commandement dans la capitale. Yang-temour convoqua au palais les grands Mandarins, leur proposa l'élévation au trône de l'un des fils de Khaïschan, et 2 35

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5^6 lîISTOIRK DES MONGOLS,

menaça de la mort quiconque s'opposerait à cette résolution. Après s'être ainsi prononcé, il fit arrêter Oupétoula et d'autres hauts fonctionnaires, qu'il remplaça par ses créatures. Les troupes, qui ignoraient encore son véri- table projet, ayant été assemblées, reçurent Tordre de s'agenouiller, et de faire les batte- ments de léte vers le midi; cérémonie qui leur fit connaître que Yang-temour voulait procla- mer empereur Tob-temour, alors à Nan-king, capitale du Kiang-nan. Il avait mandé à ce prince de venir promptement; il annonçait sa prochaine arrivée, ainsi que celle de Cou- schala (i).

Trois princes Tchinguiziens voulurent, de concert avec quinze seigneurs, punir, par un assassinat, l'audace de Yang-temour. In- struit de leur complot, celui-ci les fit tous mourir. Cependant, l'impératrice avait fait proclamer, à Chang-tou, le prince Asouke- ba, et choisi pour son premier ministre le prince Yantsin, petit-fils de Camala, pour chef de ses troupes Taché-temour, fils du mi- nistre Toto, prince Cancali , en lui donnant l'ordre de marcher contre Yang-temour, quif

(i) Gaubil, pag. 262.

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LIVRE III, CHAPITHE VI. 547

voulant couper les communications avec Chang- tou, avait fait occuper la forteresse de Kiu- yong-koan, par son frère Satun, et celle de . Kou-pé-keou, par son fils Tangkitchi.

Le prince Tob-temour arrivé à Ta-tou, sept, prit les rênes du gouvernement, nomma aux emplois, fit mourir le ministre Oupétoula et oci. envoya en exil Toto, ainsi que les autres pen^onnages emprisonnés par Yang-temour. Ce gouverneur le pressait de profiter de l'enthou- siasme que sa présence causait dans la capi- tale, pour se faire proclamer empereur; mais le prince iléclara que le trône appartenait à son aîné Couschala, qui avait plus mérité que lui de l'empire par ses longs services en Tar- tane, et qu'il attendait son arrivée pour le mettre en possession du pouvoir suprême. Yang-temour lui représenta combien il était à craindre que les mécontents ne profitassent de l'interrègne, et que le bien public exigeait qu'il se fit proclamer immédiatement. Le prince consentit enfin à son inauguration; mais il eut soin de déclarer, dans un édit, que forcé par la nécessité de monter sur le trône, il avait l'intention de le céder à son frère Cou- schala, dès son arrivée.

Après l'inauguration, Yang-temour marcha vers la frontière du Leao-toung, pour s'op-

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5/i8 HISTOIRE DES MONGOLS.

poser à une armée que commandait Yésien- temour, partisan d'Asoukéba. Apprenant, sur ces entrefaites, que Vantsin avait attaqué et pris la forteresse de Kiu-yong-koan , il revint sur ses pas, battit ce général et le força de se retirer en Tartarie. D'autres chefs militaires s'étaient déclarés, dans le cœur de la Chine, en faveur d'Asoukéba. Le général mongol Té- moukou s'avançait du midi vers le Ho-nan, avec des forces considérables; tandis que le prince Kokohoa, à la tête des troupes du Schen-si , s'emparait de l'importante forteresse de Tong-koan , et que le prince Yesien-temour, après avoir fait proclamer Asoukéba dans cette même province, s'avançait sur la capitale, prenait Tong-tcheou, qui en est à quatre lieues, et se préparait à assiéger Ta-tou; mais Yang- temour faisait face à tous les ennemis de son maître; il attaqua Yesien-temour , et tailla en pièces son armée.

Bouca-temour , oncle paternel de Yang-te- mour, et commandant en chef des troupes sur la frontière du Léao-toung, ayant appris l'inauguration de Tob-temour , invita le prince Yuélou-temour à joindre ses forces aux siennes nov. et ils allèrent ensemble attaquer Chang-tou. Taolacha, qui commandait dans cette rési- dence , en sortit plusieurs fois avec les princes

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LIVRE III, CHAPITRE VI. 549

et les seigneurs du parti d'Asoukéba, pour combattre les assiégeants; mais réduit à l'ex- trémité, il passa dans le camp ennemi, et livra le sceau impérial ainsi que les pierreries d'Asoukéba. Ce jeune empereur périt alors, on ignore comment. Le prince Todo, descen- dant de Témoukou Utchuguen, gouverneur du Léao-toung, avait été tué les armes à la main. Yuélou-temour, maître de Chang-tou et possesseur du sceau impérial, conduisit à Ta- tou l'impératrice-mère , le ministre Taolacha, Yésien-temour et plusieurs autres prisonniers de marque. I-.'impératrice fut exilée à Tong- ngan-tcheou dans le Pe-tche-li. Taolacha, Vant- sin, Yésien-temour, et les seigneurs de leur parti subirent la peine de mort.

La nouvelle de la catastrophe d'Asoukéba, appelé par les Chinois Tien-chiuij fit déposer les armes aux princes et aux Grands qui s'é- taient ligués contre Tob-temour, dans plu- sieurs provinces de la Chine, et ce prince envoya quelques-uns de ses principaux offi- déc. ciers à Couschala, au nord du Scha-mo, pour l'informer de la situation des affaires, et le presser de venir prendre possession du trône.

Couschala s'avançait lentement comme s'il ,3^9 avait de la méfiance. Arrivé près de Caracou- ^*''^*-

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55o HISTOIRE DES MONGOLS.

roum, il se fit proclamer empereur. Tob-temour avr. chargea Yang-temour de lui porter le sceau de l'empire , les habits et les ornements impériaux. Couschala montra de la bienveillance à Yang- temour, et le chargea, en le congédiant, d'as- surer son frère qu'il confirmerait toutes ses nominations. En même temps le nouvel em- pereur choisit ses ministres, et chargea l'un d'eux d'accompagner Yang-temour, pour an- noncer à son frère qu'il l'instituait son suc- cesseur.

Tob-temour partit avec Yang-temour pour Chang-tou, et rencontra son frère à une petite distance de cette ville. Peu de jours après leur entrevue, Couchala mourut subitement. Le bruit se répandit qu'il avait été empoisonné, et les soupçons tombèrent sur Yang-temour. Couschala, qui était dans sa trentième année, reçut le surnom chinois de Ming-tsong. Huit jours après sa mort, Tob-temour fut, pour la seconde fois, proclamé empereur.

Le règne de Tob-temour fut de courte durée, et n'offre d'autre événement digne d'être rapporté, que la révolte d'un prince du sang, nommé Toukien , gouverneur du Yun-nan, qui prit le titre de roi de ce pays , mais dont l'usurpation fut étouffée par la force des ar- mes dans le cours de Tannée suivante.

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LIVRE III, CHAPITRE VI. 55l

Tob-temour, zélé bouddhiste, consacra des sommes considérables, à la réédification des temples de Foé. Ce prince fit venir de rOuïgourie un Lama célèbre, nommé Nien- tchinkilas, auquel il conféra le titre rfV/i- stituteur de Vempereur, ordonnant aux Grands de la première classe d'aller à sa rencontre, et de fléchir le genou toutes les fois qu'ils lui parleraient. Les Grands obéirent, et pré- sentèrent du vin au Lama , qui le reçut sans leur faire aucune civilité. Choqué de sa hau- teur, le président du collège impérial , lui dit, en lui présentant la coupe comme les autres: « Vous êtes disciple de Foé et chef a de tous les Ho-chang, et moi je suis dis- « ciple de Confucius et chef de tous lés let- *c très de l'empire. Confucius n'est pas moins a illustre que Foé; ainsi, il n'est pas besoin «( entre nous de tant de cérémonies. » Le Lama, souriant, se leva de son siège et reçut de- bout la coupe que le président lui présen- tait (i). Malgré ces marques de la faveur impériale, des Lamas, des Ouïgours conspi- rèrent avec des seigneurs mongols pour mettre sur le trône Yuélou-temour, fils d'Ananda.

(i) Mailla, ibid. , pag. 55o.

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55a HISTOIRE DES MOrfGOLS.

Le complot fut découvert, et les coupables, y compris Yuélou-temour , subirent la peine de mort.

I/empereur voulant aussi plaire aux let- trés, dont rattachement devait lui garantir la paisible soumission des Giinois, décerna de nouveaux honneurs au père et à la mère de Confucius, ainsi qu'à plusieurs de ses disciples.

Dès son avènement au trône, ce prince avait ordonné au collège des Hanrlin , composé d'un certain nombre des principaux docteurs de l'empire, de faire un recueil des coutumes des Mongols, Il visita, un jour, ce tribu- nal des historiens, et à la suite d'un long en- tretien avec ses membres, sur différents points de l'histoire chinoise , il témoigna le désir de voir ce qu'ils avaient écrit de sa personne, ordonnant qu'on lui ouvrit la cassette qui renfermait les mémoires de son règne. Des officiers de sa suite allèrent la chercher, sans que les premiers mandarins du tribunal osas- sent s'y opposer. Alors un employé subal- terne, nommé Liu-ssé-tching, s'avança vei^ l'empereur, et se jettant à ses pieds, lui re- présenta que le tribunal avait l'obligation sa- crée de consigner, avec une rigoureuse exac- titude, les actes bons et mauvais des enipe-

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LITRE m, CHAPITRE VI. 553

reurs, des princes et des Grands; que depuis ui) temps immémorial y aucun souverain n'avait violé le dépôt des mémoires de sa dynastie, encore moins celui des mémoires de son règne , et qu'il osait espérer que l'empereur ne vou- drait pas être le premier à enfreindre la loi. Tob-temour n'insista pas davantage. Occupé principalement de ses plaisirs, et laissant les rênes du gouvernement entre les mains de son premier ministre Yang-temour, cet empe- reur mourut à Chang-tou , en septembre 1 33a , âgé de vingt-neuf ans. Son nom chinois est Verirtsang.

Quoiqu'il eut légué le trône à l'un des fils de Couschala, Yang-temour proposa à l'impé- ratrice Poutachéli de faire inaugurer le fils de Tob-temour. Cet empereur aimait tant son premier ministre qu'il lui avait confié son fils unique pour l'élever dans son propre hôtel, donnant même au jeune prince, qui s'appelait Courou-dara , le nouveau nom de Yang-tékouss , et il l'avait remplacé dans son palais par le fils de Yang-temour, nommé Targaï, qu'il faisait élever comme son propre fils. L'impé- ratrice voulait mettre sur le trône Rintchen- pal, second fils de Couschala, âgé de sept ans, que Tob-temour avait désigné son héritier. Elle fit proclamer cet enfant et prit la régence.

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554 HISTOIRE DES MONGOLS.

Satî fut son premier ministre; mais Rintchen- pal (i), d'une santé délicate , mourut au mois de décembre suivant. On lui donna le surnom chinois de Ning-lsong.

Yang-temour fit alors de nouvelles tentatives en faveur de Yang-tékouss; mais l'impératrice lui objecta que ce prince était trop jeune; elle lui rappela que l'empereur Tob-temour avait promis à Couschala de laisser le trône à l'un de ses fils, et lui apprit qu'elle avait dé- pêché un officier à son fils aîné Togan-temour, dans le Kouang-si, pour l'inviter de se rendre promptement à la résidence. Ce prince était âgé de treize ans.

L'impératrice Poutachéli avait fait périr , au commencement du règne de Tob-temour, l'im- pératrice Papoucha, veuve de Couschala, et relégué le prince Togan-temour , son fils , dans une île de la Corée, avec défense de laisser approcher qui que ce fut de sa personne. Au bout d'un an, conune le bruit courait que

(i) Ce prince est nommé Rintchenpal dans rhistoirc de Ssanang Ssetsen, et Mr. J. J. Schmidt nous apprend que c'est un nom tibétain. Il est désigné sous celui d*Ilint- chépan par Mailla et Gaubil. Mr. Hyacinthe écrit Ylé- tchébé.

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LIVRE III, CHAPITRE VI. 555

Togan-temour avait été exilé, parce qu'il était l'héritier légitime du trône, Tob-teinour fit publier que Couschala n'avait pas eu d'enfants pendant son séjour en Mongolie , que par con- séquent, Togan-temour n'était pas son fils; il le fit revenir de Corée et l'établit à Tsing- kiang (Koueï-ling-fou) dans le Kouang-si.

Yang-temour, accompagné des princes et des Grands, alla au devant de Togan-temour jusqu'à Leang-hiang, à quelques lieues au midi de Ta-tou; mais, peu satisfait du froid ac- cueil qu'il avait reçu du jeune prince et des personnes de sa suite, il différa la cérémonie de l'inauguration. Togan-temour sentit sa faute et tâcha de la réparer en épousant Peyaou, fille de Yang-temour. Sur ces entrefaites, le premier ministre vint à mourir. Ce person- nage qui, depuis l'avènement de Tob-temour, était tout puissant dans l'empire, n'avait pas craint d'épouser une impératrice, la veuve de Yissoun-temour, ni d'enlever successive- ment jusqu'à quarante princesses du sang impérial, pour en faire ses concubines. Sa mort, hâtée par son incontinence, assura le trône au fils de Couschala. L'impératrice, s'étant rendue avec la cour à Chang-tou, y fit connaître les dernières volontés de Tob- temour et Togan-temour fut proclamé cm-

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556 HISTOIRE DES MONGOLS.

pereur. Les Grands promirent, à la demande de l'impératrice, qu'après lui le trône pas- serait au prince Yang-tékouss.

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LIVRE III, CHAPITRE VII. 557

CHAPITRE Vn.

TOGAN TEMOUR.

Ministère de Peyen. Conspiration. Disgrâce de Peyen. Ministères de Matchartaî ; de Toktagha. Ouvrages historiques. Minbtères d'Aloutou; de Pierkié Bouca; de Tourtchi; « de Taîping. Second ministère de Toktagha. Révoltes dans plu- sieurs provinces de la Chine. Siu-cheou-hoeî , empe- reur dans le Hou-kouang. Fang-koué-tchin , chef de pirates. Disgrâce de Toktagha. Ministère de Haraa. Han-lin-eulh, empereur Soung. Guerre entre les rebelles Tchou-youan-tchang et Tchang-ssé-tching. Succès des Soung; prise de Caî-fong-fou ; expédition dans le Leao-toung; sac de Leao-yang et de Chang- tou. Conquêtes de Tchou-youan-tchang. Captivité et assassinat de l'empereur Siu-cheou-hoeï. Tchîn- ycou-léang empereur. Reprise de Caî-fong-fou par les Mongols. Retraite du premier ministre Taî-ping. - Ministère de Cho-ssé-kien. Querelle entre les géné- raux mongols Tchagan-temour et Polo-temour. Révolte du prince mongol Alouhoeï-temour. Succès de Tcha- gan-temour sur les révoltés du Schan-toung. Son assassinat. Empereur dans le Su-tchouan. Guerre entre Tchou-youan-tchang et Tchin-yeou-léang. Dé- faite et mort de ce dernier. Tchou-youan-tchang maître du Hou-kouang et du Kiang-si. Révolte de

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558 HISTOIRE DES MOl^GOLS.

Polo-temour. Il est nommé premier ministre et gé- néralissime. — Hostilités entre le prince héritier d Polo-temour. Défection des officiers de Polo-temour. Il est assassiné. Ministère de Koukou-temour. Sa disgrâce. Tcliang-ssé-tching vaincu par Tchou-youan^ tchang. Mort de Tempercur Hia. Mort de l'empe- reur Soung. Soumission de Fang-koué-tchin à Tchou- youan-tcLang. Conquête des provinces méridionales de la Chine par les généraux de Tchou-youan-tchang. Ses conquêtes dans le nord de la Chine. Soumission du Schan-toung. Élévation de Tchou à la dignité impériale. Sa marche sur Ta-tou. Progrès de son général Su-ta dans le Pe-tche-li. Bataille près de Tong tcheou. Départ de Togan-temour et de sa fa- ' mille pour la Tartarie. Occupation de Ta-tou par les Ming. Marche d'une aimée chinoise sur Yng-tchang- fou. Mort de Togan-témour. Retraite du prince héritier à Cara-couroum. Son avènement au trône. Ses successeurs. Division des Mongols sous plusieurs princes. Passage successif de la plupart des peuples mongols sous la domination des Mandchous. Catholi- cisme en Chine.

Le nouvel empereur ne montrait du pen- chant que pour la mollesse. Peyen et Satun furent créés ministres d'état et généralissi- mes. Peu après Satun, frère aîné de Yang- temour, étant mort, fut remplacé par Tang- kichi, fils aîné de Yang-temour, et frère

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LIVRE m, CHA.PITAE Tfl. SSq

de l'impératrice Peyaou; car Togan-temour , voulant gagner la famille puissante de Yang- temoiir, avait élevé sa fille au rang d'im- pératrice. Tangkichi, d'un caractère fougueux ^ indigné de voir Peyen expédier seul les affai- res les plus importantes, forma le complot de mettre sur le trône Hoang-ho-temour , fils de Schiréki, et petit-fils de l'empereur Man- gou. Les conjurés, au nombre desquels étaient Targaï, frère de Tangkichi et Talientali leur oncle paternel, convinrent de surprendre, avec des troupes qu'ils auraient cachées, le palais impérial à Chang-tou. Peyen, averti du complot par un prince du sang, et chargé d'en prévenir l'exécution, donna l'or- dre d'arrêter, dans le palais, Tangkichi et son frère. Tangkichi, qui voulut se défendre, fut tué sur le champ. Targaï se réfugia dans '*? l'appartement de l'impératrice sa sœur. Ce fut en vain que la jeune princesse le cou- vrit de sa robe; elle ne put empêcher les officiers qui l'avaient poursuivi jusque dans cet asile, de le sabrer sous ses yeux; mais elle n'eut pas elle-même un meilleur sort. Peyen obtint de Togan-temour Tordre de la faire mourir, et se chargea de l'exécution. Lorsque l'impératrice le vit entrer dans son appartement, devinant son dessein, elle cou-

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56o HISTOIRE DES MONGOLS.

rat se jeter aux genoux de Togan-temour et lui demanda la vie. Peu touché de ses larmes, ce prince lui dit que son oncle et ses frères avaient conspiré contre lui et qu'il ne pouvait pas la protéger. Elle fut enlevée du palais et conduite dans une maison par« ticulière, Peyen lui ôta la vie. Talientali, après s'être défendu, les armes à la main, se réfugia chez le prince Hoang-ho-temour , il fut pris et tué. Ce prince lui-même se donna la mort. Ainsi tomba l'illustre et puissante maison de Yang-temour.

Les fréquents changements de règne, les révolutions de palais, la guerre civile, et la faiblesse du gouvernement étaient des circonstances bien propres à inspirer aux Chinois l'espoir de leur délivrance du joug 133;. mongol. Des révoltes éclatèrent à la fois dans les provinces de Ho-nan, de Su-tchouan et de Koang-tong. Elles furent étouffées dans leur principe; mais la cour en conçut une plus grande méfiance envers les mandarins chinois, et défendit aux indigènes d'avoir chez eux des armes et des chevaux; elle leur interdit même l'usage de la langue mon- gole.

Peyen, merkite, exerçait un pouvoir absolu. Il eut l'audace de faire mourir, à

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LIVRE III, CHAPITRE VU. 56l

Tinsu de l'empereur, un prince du sang de Tchinguiz-khan , et d'exfler deux autres de ces princes. Ambitieux et cruel, avide et fastueux, il s'était attiré la haine publique. L'empereur, qu'il avait entouré de ses créa- tures, ignorait sa conduite; mais un neveu même de Peyen, nommé Toktagha, simple officier dans les gardes, entreprit d'éclairer Togan-temour à son sujet. Des mesures prises secrètement devaient assurer l'exécution du plan formé pour l'éloigner. On saisit le mo- ment où il était sorti de la capitale pour une partie de chasse ; il ne lui fut pas permis d'y rentrer, et il dut se rendre en exil dans 1340. le midi de la Chine; mais il mourut en route. Son frère Matchartaï, le père de Tok- tagha, fut nommé premier ministre.

Cette même année, Togan-temour fît ôter de la salle des ancêtres de la famille impé- riale la tablette (i) de Tob-temour. Il cliassa

(i) <t Ces tablettes sont ordinairement en bois, d'un « pied et plus de long sur cinq à six pouces de largeur; « on y écrit le nom et la qualité de la personne, avec la <t date de sa naissance et de sa mort. Cest devant ces « tablettes que se font les cérémonies, et les Chinois sont « dans l'opinion que l'ame des défunts y réside. « (Note de l'éditeur de ÏHist, de la Chine , par Mailla , tom. IX ,

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0()'i HISTOIRE DES MONGOLS.

de la cour l'impératrice veuve de ce prince, et exila en Corée Yang-tékouss, qu'il avait traité jusqu'alors de prince héritier. Les mo- tifs de ces rigueurs furent exposés dans l'édit suivant, qui éclaircit quelques faits historiques. « Lorsque l'empereur Khaïschan eut expiré, « l'impératrice, par le conseil d'intrigants, « éloigna de la cour Khouschala khan, mon a père, et le fit nommer prince de Yun- a nan. Schoudi-bala khan ayant été assassiné, .c( les princes et les Grands bien intentionnés, « voulaient mettre sur le trône mon auguste « père, qui s'était garanti de ses ennemis, a en se retirant dans le pays de Cha-mo. En (c attendant son retour, ils offrirent les rênes « du gouvernement à Tob-temour khan, qui a ne les accepta qu'en protestant de les lui a remettre à son arrivée de Tartarie. En a effet, pour dissiper les mauvaises impres- (( sions qu'avait pu laisser sa conduite pas* « sée, apprenant qu'il était en marche, il

pag. 539). Les tablettes dans le Miao des empereurs mongols étaient d'argent, pubque Thistoire chinoise rap- porte que des voleurs entrèrent, au mois de juin i346, dans le palais des ancêtres de la famille impériale, et dérobèrent les tablettes d'argent des empereurs; sacri- lège jusque sans exemple. Mailla, ibid. , pag. 58 1.

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LIVRE llly CHAPITRE VII. S63

« lui envoya le sceau impérial. Mon père crut « qu*il agissait de bonne fol, et pour le ré- a compenser de son zèle apparent , il le nomma •a son successeur. Pour prix d'une grâce si émi- « nente, Tob-temour khan traita secrètement « avec Yuelou-bouca , Yeliya, Minlitona, et « plusieurs autres de ses officiers qui lui étaient « dévoués; et, étant venu avec eux au-devant a de mon père, il le fit périr, au moment « il en recevait les plus grands marques de a bienveillance. Après cet attentat il remonta «c sur le trône, et, parjure à la parole qu'il « avait donnée à mon père, il nomma son « propre fils prince héritier; il fit mourir « l'impératrice Papoucha; il entreprit même de a faire croire à tout l'empire que je n'étais a point fils de l'empereur Couschala, et il me (c confina dans des lieux fort éloignés de la c< cour. Le ciel le punit de tant de forfaits en « lui ôtant la vie. Poutachéli, abusant de son « autorité, mit sur le trône, à mon préjudice, « mon jeune frère, qui ne fit que paraître. « A sa mort, les princes et les Grands se hâ- « tèrent de m'offrir un sceptre qui m'était dû, ce comme fils aîné de l'empereur Couschala. cf Élevé à ce haut rang par une faveur signalée « du ciel , mon premier soin a été de purger « la cour de ces factieux qui ne respiraient que

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5G4 HISTOIRE DES MONGOLS.

« le trouble et le meurtre. Pénétré de recoo- « naissance pour les bienfaits du ciel, soutien- ce drai-je ceux que sa justice a abandonnés? « Que le tribunal à qu'il appartient d'en con- « naître se transporte dans le palais des ancêtres a de la famille impériale et en ôte la tablette « de Tob-temour, décoré du titre Ouen-tsong; « que Poutachéli soit dépouillée du titre et « des apanages d'impératrice, et soit reléguée « à Tong-ngan-tcheou; enfin que Yang-tékouss « soit conduit en exil dans le royaume de a Corée; que Minlitona et tous ceux qui ont <c eu part à ce mystère d'iniquités et qui vi- « vent encore soient punis, selon l'énormité « de leurs crimes (i). »

On fit partir Yang-tékouss pour la Corée, sous la conduite d'un mandarin , nommé Yué- kousar, qui lui ôta la vie en route. L'impéra- trice Poutachéli fut reléguée à Tong-ngan- tcheou, peu après elle mourut. Craignant que le public n'imputât à ses conseils ces ac^ tes de rigueur, le premier ministre Matchar- taï, qui les désapprouvait , demanda et obtint ï34i. sa démission. 11 fut remplacé par son fils Tok- tagha (a) et par Temour-bouca.

(i) Mailla, îlnd. , pag. 576.

(2) Dans les histoires de Gaubil et de Mailla , il est ap- pelé Toto. Nous avons suivi Sanang-Setscn.

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LIVRE III, CHAPITRE VII. 565

A cette époque fîit achevée l'histoire des Leao, des Kin et des Soung. Coubilaï avait ordonné, dès le commencement de son règne, que Ton composât l'histoire des deux premières de ces dynasties , d'après les mémoires officiels qui avaient été conservés, et après la chute de celle des Soung, le même empereur vou- lut également qu'on réunit en corps d'his- toire les matériaux qui la concernaient; mais ces travaux, négligés malgré ses ordres et ceux de ses premiers successeurs, n'étaient encore que peu avancés, lorsque Togan-temour parvint au trône. Pour les achever ce prince établit, en i343, une commission formée de son premier ministre Toktagha, de Temour- tasch, de Gheou-yang-suen , historographe de l'empire, et de plusieurs autres savants, qui mirent au jour une histoire particulière de chacune de ces dynasties. On y trouve, dans des chapitres distincts, les divers calendriers^ les méthodes et les observations astronomi- ques, un ample catalogue des hommes célè- bres avec un précis de leur biographie, ainsi que la liste des ouvrages publiés par les sa- vants contemporains, et de plus, dans l'his- toire des Soiuig , une bibliothèque chinoise sont classés les livres écrits sur toutes sortes de sujets. Enfin ces ouvrages renferment des

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566 HISTOIRE DES MONGOLS.

notions statistiques sur plusieurs pays étran- gers , et la description détaillée des États qui étaient tributaires des trois empires auxquels ils sont consacrés (i).

Peu après son avènement au trône, en 1 329, l'empereur Tob-temour avait ordonné à plu- sieurs savants mongols du collège des Han-lin de faire une collection des coutumes mongoles, des préceptes et des exemples des souverains ses prédécesseurs, à l'instar d'ouvrages sem- blables qui avaient été composés sous les dy- nasties chinoises des Tang et des Soung. Ce recueil, d'abord rédigé en mongol et traduit en chinois, reçut le titre de King-cki^ta^ tien (îi).

Quelques années auparavant, lorsque Schoudi- bala occupait le trône, avait été publié, sous le titre de Taï-Yuanr^Hg'tchi, le recueil des lois données depuis le commencement de la dy- nastie des Yuan ou Mongols, lequel conte-

(i) Gaubil, pag. 479.

(2) Id. , pag. 267, « Ce livre, dit le père Gaubil ^ « dans une note , est en chinois. Je n*ai pu encore \t « trouver. Par ce qu'on en cite souvent dans la gi*ande a histoire des Mongous, on voit qu'il doit contenir « quantité de choses rares sur l'origme, le gouvernemeot, « les conqu^es et la géographie des Mongous, «

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LIVRE III, CHAPITRE VII, ^J

naît deux mille cinq cent trente neuf arti- cles (i), et dans Tannée i3o3, les If an-fin avaient offert à l'empereur Temour , les annales de Tchinguiz-khan , d'Ogotaï, de Couyouc, de Toulouï et de Mangou, ouvrage très-es- timéy qui a pour titre Tsien-pien (a).

Au bout de trois ans, Toktagha, dégoûté ^^^^4. de la cour, obtint sa retraite. Consulté sur le choix de son successeur, il indiqua Alou- ton, qui descendait, à la quatrième généra- tion, de Bourdji, l'un des quatre preux de Tchinguiz-khan. Aloutou fit exiler Matchartai et Toktagha. H fut remplacé, en i347> P^^ Pierkié-bouca , fils du ministre Agoutaï, qui avait été mis à mort par Tordre de Khaï- schan. Ce dernier n'occupa que peu de mois ce poste éminent. Tourtchi, son successeur, demanda pour collègue Taï-ping, qui obtint le rappel de Toktagha; Matchartai était mort en exil. Toktagha ne tarda pas à recouvrer les bonnes grâces de l'empereur, et en profita 1349. pour faire renvoyer Taï-ping.

Cependant l'insurrection faisait des progrès dans les provinces méridionales de la Chine.

(i) Mailla, ibid., pag. 53 1. (i) Gaubil, pag. a3a.

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568 HISTOIRE DES MONGOLS.

Dès l'anuée i34i ^ deux particuliers avaient levé des troupes dans le Hou-kouang, et s'y étaient emparés de plusieurs villes. Il se ma- nifestait du mécontentement dans le Schan- toung ; des bandes de brigands ravageaient d'au- tres provinces; un chef de pirates ^ Fang-koué- tchin j infestait les côtes du Tché-kiang et du Kiang-nan, remontait les fleuves, pillait les villes et ruinait le commerce , s'appliquant sur- tout à intercepter les vaisseaux chargés de ris, de grains et d'autres marchandises, des- tinées pour la capitale. Les Mongols parurent mépriser ces premières tentatives, et les désor- dres allèrent croissant. Ceux qui les fomen- taient tirèrent parti de grands travaux publics entrepris par le gouvernement, en i35i. Les dommages que causaient, malgré ses digues, les inondations du Hoang-ho, avaient fait prendre la résolution de creuser ù ce fleuve un nouveau lit; il fallait construire une levée de vingt-huit lieues. A ces travaux furent employés plus de soixante<lix mille hommes, soit militaires, soit habitants des deux rives. Les factieux enrôlèrent une partie de ces tra- vailleurs forcés , ainsi que beaucoup d'indi- vidus expropriés, qui devaient être trans- portés dans d'autres districts, tandis que les nouvelles taxes imposées pour les frais de

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LIVRE ITI, CHAPITRE VII. SCq

ces ouvrages augmentaient le mécontente- ment

Un particulier, nommé Han-chan-tong, pro- fitant de la fermentation des esprits, fit cou- rir le bruit qu'un Foé était descendu sur la terre pour délivrer les Chinois de l'op- pression des Mongols; il excita des soulève- ments dans le Schang-toung , le Ho-nan et le Kiang-nan; mais les chefs rebelles, pré- voyant que cette fable grossière serait bientôt démentie, publièrent que Han-chan-tong était de la race impériale des Soung, et descen- dait à la huitième génération de l'empereur Hœï-tsoung. Ils lui prêtèrent serment de fidéUté, en sacrifiant un cheval blanc et un bœuf noir, et adoptèrent le bonnet rouge, qui fut le signe de reconnaissance des insurgés. Cependant le prétendu rejeton des Soung ne jouit pas long- temps de sa fortune. Attaqué par les Mongols il fiit fait prisonnier; mais sa femme Yang-chi et son fils Han-lin-eulh échappèrent à leurs poursuites.

Ce premier revers ne découragea pas les révoltés. Leur principal chef Lieou-fou-tong, après avoir pris plusieurs villes du Kiang-nan , passa dans le Ho-nan, avec une nombreuse armée. D'autres chefs attiraient sous leurs drapeaux les mécontents du Kiang-nan et du

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570 HISTOIRE DES MOITGOLS.

Hou-kouang, auxquels ils faisaient prendre des bonnets rouges. L*un d'eux, Siu-chéou-hoeï, se fit proclamer empereur à Ki-chouï, ville du Hou-kouang , et donna à la dynastie qu'il vott- lait fonder le nom de Tienouan. Les capitai- nes mongols évacuèrent, après une faible résis- tance, les provinces arrosées par le Kiang. Une comète venait de paraître ; les mécontents eurent soin de répandre que c'était le signe avant-coureur de la chute de Togan-temour. Le gouvernement sentit la nécessité de se con- cilier ceux qui avaient, par leurs lumières, le i35a. plus d'influence sur la nation. Il fut ordonné d'admettre dans les tribunaux ou collèges d'ad- minstration les Chinois des provinces au midi du Kiang, qui n'avaient pu exercer jusqu'alors que des fonctions relatives au commerce ou à la littérature. La cour envoya contre les re- belles dans le Ho-nan , une armée commandée par Yesién-temour, frère du premier ministre ïoktagha, et prit la précaution de reléguer à Scha-tcheou, en Tartane, Tchao-ouan-pou, prince de Yng-koué, rejeton de la famille impériale des Soung, avec ordre aux offi- ciers préposés à sa garde de ne le laisser communiquer avec personne du dehoi's; car la plupart des chefs rebelles couvraient les projets de leur ambition du prétexte de

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tlYRE III, CHAPITRE VII. 671

mettre ce prince sur le trône de ses aïeux. -

Cependant Siu-cheou-hoeï continuait à faire des conquêtes, accordant à ses soldats, pour les mieux attacher à sa fortune, le pillage des villes dont il s'emparait. 11 prit Han- i35i. yang et Vou-tchang-fou^ dans le Hou-kouang, ainsi que Kieou-kiang, dans le nord du Kiang-si; battit Fan-tchi-king et se rendit août, maître de Hang-tcheou, l'ancienne capitale des Soung; mais le général Tong-pou-siao passa le Kiang, assiégea cette ville et la reprit après un grand carnage.

Yesien-temour battu par Lieou-fou-tong, s'était retiré dans Caï-fong-fou , abandonnant la campagne aux révoltés. Ce général fut remplacé. Peu après, les progrès de l'insur- rection déterminèrent son frère Toktagha à demander à l'empereur la permission d'aller prendre le commandement de l'armée dans le Ho-nan. Il défit les rebelles près de Pé- sui-tcheou; mais Sing-ki, commandant des troupes du Kiang-si, ayant rencontré, près de Hou-keou, Tchao-pou-ching, général de Siu-cheou-hoeï, perdit la bataille et la vie. Tang-koué-tchin continuait à enlever les vaisseaux destinés pour le Pé-tché-li, et pri- vait ainsi la capitale des marchandises et des tributs qui hii arrivaient des provinces iné-

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5'J'X HISTOIRE DES MONGOLS.

ridionales. Il avait fait tuer perfidement le général Taï-bouca envoyé contre lui. Néan- moins la cour 9 désirant composer avec ce chef de pirates, chargea Tiéli-temour de la négociation. Tang-koué-tchin Tassura qu'il se soumettrait et licencierait ses troupes , si on lui donnait, à lui et à ses deux frères, des [mandarinats du cinquième ordre. Tiéli- temour, heureux de pouvoir désarmer, à ce prix, un aventurier aussi incommode, leur donna les mandarinats importants de Hoeî- tcheou, Rouang-té et Sin-tcheou, dans le Tché-kiang ; mais soit que le chef rebelle n'eut pas été de bonne foi , soit qu'il se méfiât des intentions du gouvernement, il refusa les mandarinats et remit en mer. ï354. Peu après , un autre rebelle , nommé Tchang- ssé-tching, parut dans le Kiang-nan, et quoi- que ses troupes fussent composées de nou- velles levées, il défit complettemeut le géné- ral Taché-temour, qui avait reçu Tordre de marcher à sa rencontre» Alors Toktagha atta- qua Tchang-ssé-tching, le battit et reprit les villes dont il s'était emparé.

Tandis que ce ministre combattait avec succès les ennemis de l'empereur , son collè- gue Hama travaillait à le perdre. Ilama et son frère Sué-sué, turcs cancalis, décriés |x>ur

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LIVRE m, CHAPITRE VU. §73

le dérèglement de leurs mœurs, étaient deve- nus puissants à la cour corrompue de Togan- temour. Hama s'appliquait à flatter les goûts dissolus de ce prince. Quoique son immoralité fut bien connue, Toktagha, parvenu au pou- voir , le mit dans les affaires et le fit nommer ministre. Bientôt Hama, soutenu par l'impé- ratrice Ki, princesse coréenne, la favorite de l'empereur et la mère du prince héritier, se rendit indépendant de Toktagha, et prit de jour en jour plus d'ascendant sur Togan-te- mour , dont il servait les penchants , en peu- plant le palais de jeunes débauchés et de La- mas du Tubbet, adonnés à toutes sortes de pratiques superstitieuses. A son instigation, les censeurs accusèrent Tokta£;ha d'avoir em- }^^^ ployé, soit à son usage particulier, soit en distributions parmi les troupes, les fonds qui lui avaient été remis pour faire la guerre. Toktagha fut dépouillé de ses titres et exilé dans le pays de Hoaï-nan, avec l'ordre de re- mettre le commandement de l'armée aux gé- néraux Yuékoutchar et Yuéyué.

Sur ces entrefaites Siu-cheou-hoeï, qui avait pris le titre d'empereur, déjà maître de Vou- tchang, capitale du Hou-kouang, voulut s'em- parer du district de Mien-yang , et confia cette entreprise à l'un de ses généraux nommé

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574 HISTOIRE DES MONGOLS.

Ni-ouen tsiun. Le prince de Oueï«<;hun , qui commandait dans ce pays, chargea son fib Poannou de s'y opposer; mais sa flottille composée de barques pesantes , fat arrêtée par les eaux basses dans le district de Han-tcbuen, et les rebelles parvinrent à l'in- cendier par des flèches enflammées. Poan- nou périt avec nombre des siens, et Ni-ouen- tsiun s'empara de Mien-yang. Il se rendit maître, l'année suivante, de Siang-yang, et conquit le pays de Tchong-hing, après avoir battu le général mongol Tourtchipan, qui fut tué dans l'action.

Les revers essuyés dans les provinces méri- dionales produisaient, à raison de l'éloignement, peu d'impression à la cour; mais les entre- prises des rebelles du Ho-nan, qui faisaient des incursions au nord du Hoang-ho, lui cau- saient de vives alarmes. Des renforts de trou- pes furent envoyés dans le Schan-si , le Ho^ nan et le Schan-toung.

Lieou-fou-tong , chef des bonnets rouges du Ho-nan, crut augmenter le nombre de ses mars, partisans, en proclamant empereur des Soung Han-lin-eulh, fils de Han-chan-tong. Ce prince adopta le surnom de Ming-ouang et établit sa cour à Po-tcheou, dans le Honan. La cour mongole craignit que le nom de

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LIVKE m, CHAPITRE VIÎ. SyS

Soiingy si cher aux Chinois , n'excitât leur enthousiasme; elle se hâta d'envoyer contre le jeune empereur une armée, sous les ordres de Tatché-bahadour; mais ce général fut battu , près de Hiu-tcheou, par le rebelle Lieou-fou- tong. Lieouhala-bouca , qui, à la tête d'un second corps d'armée, devait soutenir Tatché, apprenant sa défaite, attaqua Lieou-fou-tong qu'il battit à son tour. En récompense de cette victoire il reçut le commandement en chef, dont Tatché fut privé. Marchant droit à Po-tcheou, il battit une seconde fois Lieou- fou-tong, qui s'était avancé à sa rencontre. Ce dernier se sauva du côté de Ngan , avec son empereur.

Âpres la disgrâce de Toktagha, Hama fut nommé premier ministre, et Sué -sué, chef des censeurs de Fempire; en sorte que toute l'autorité fut concentrée entre les mains des deux frères. N'ayant plus à craindre que le retour de Toktagha, Hama lui fit ôter la vie dans le lieu de son exil; mais bientôt voyant la décadence de l'empire et le souve- rain dans un état d'abrutissement, auquel il se reprochait d'avoir lui-même contribué, il songea aux moyens d'arrêter les progrès du mal, et résolut de mettre sur le trône le prince héritier, qui avait de l'esprit et de la

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576 HISTOIRE DES MONGOLE.

prudence; mais ce dessein ayant été dé- couvert, Hama fut condamné à Texil et ses

i356. ennemis le firent étrangler.

A cette époque parut sur la scène celui qui . devait un jour expulser les Mongols de la Chine et fonder une puissante dynastie. Tchou- youan-tchang avait quitté Thabit de bonze, pour s'enrôler comme simple soldat sous les drapeaux de Ko-tsé-hing, chef de rebelles dans le Kiang-nan. Il ne tarda pas à se faire un parti; sa renommée qui s'accrut par sa mo- dération et ses succès , lui attira beaucoup d'ad- hérents. Il s'avança jusqu'au Kiang et fîit reçu en libérateur dans la ville de ïaï-ping. Après s'être emparé de Nan-king , de Yang-tcheou , de

1357. Tchin-kiang, il assiégea Tchang-tcheou , ville située près de l'embouchure du Kiang, et oc- cupée par les troupes de Tchang-ssé-tching. Celui-ci, après sa défaite par Toktagha, avait profité de la négligence des Mongols à pour- suivre leurs succès, pour rétablir ses affaires; il s'était rendu maître de plusieurs villes dans la partie la plus orientale du Kiang-nan, et même de Hang-tcheou , capitale du Tché-kiang, que le général mongol Taché-temour avait évacuée à son approche; mais il la perdit après avoir été complettement battu par Kia- hing. Tchang-ssé-tching envoya au secours de.

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LIVRE III, CHAPITRE VU. 577

TchaDg-tcheou , son frère Tchang-ssé-té, qui fut défait et pris. Il écrivit à Tcliou-youan- tchang pour le prier de le lui renvoyer, of- frant de se reconnaître son vassal et de lui payer annuellement un tribut considérable, en grains, en or et en argent. Tchou, per- suadé de sa mauvaise foi, ne prêta point l'o- reille à ses propositions, et s'empara de la ville de Tchang-tcheou.

Dans le nord, les partisans de l'empereur Soung, qui désolaient le Ho-nan et le Chen- si, furent battus, dans cette dernière pro- vince, par le général Tchagan-temour; mais Lieou-fou-tong, son premier ministre, déjà maître de presque tout le Ho-nan, voulut s'emparer de Caï-fong-fou, pour y établir lacour de ce souverain. Deux corps de trou- pes qu'il fit passer dans le Schan-toung et le Schan-si y cominirent de grands ravages. Pepousin, chef de l'un de ces corps, entra dans le Schen-si, prit Tsin-long et Kong- tchang, et assiégea Tong-siaug; mais Tcha- gan-temour accourut au secours de cette pla- ce, surprit Pepousin, lui enleva tous ses bagages et le força de se réfugier dans le Su-tchouan.

Le corps de rebelles qui avait passé dans le Schan-toung y prit plusieurs villes, dé* a 37

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578 HISTOIRE DES MONGOLS.

fit le général mongol Talima-chéli, et venait (le mettre le siège devant Tsi-nan^ la capitale (le cette province, lorsque Tong-toan-siao arriva du Ho-nan avec une division mon- gole et battit les rebelles sous les murs de cette ville; mais, à peine se fut il éloigné que Mao-koué, qui commandait ce corps de

i538. troupes Soung, revint attaquer Tsi-nan et s'en empara; puis il remporta un avantage sur Tong-toan-siao, qui fut tué dans l'action. Après cette victoire il s'empara de la ville de Ho-kien , et fit des courses jusqu'aux environs de Ta-tou. On agita, dans le conseil, si l'empereur ne devait pas c[uiter la capitale. Le ministre Taï-ping s'y opposa, et fit venir du pays de Lieoulin le général Lieoukara- bouca, qui battit Mao-koué, lequel fut obligé de se retirer jusqu'à Tsi-nan.

Tandis que l'un de ses détachements insul- tait la capitale, Lieou-fou-tong s'emparait de Caï-fong-fou, que le gouverneur Tchou- tchin avait abandonné par la fuite, et instal- lait son empereur dans cette ancienne rési-

i358. dence des Kin. Ensuite il envoya au nord du fleuve jaune, sous les ordres de Koan- sien-seng et de Potéoupan deux corps de troupes qui ravagèrent la plus grande partie du Schan-si. Koannsien-seng fit un long dé-

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LIVRE III^ CHAPITRE VIL B'jg

tour pour atteindre le Léao-tong, dont il pilla la capitale, Leao-yang, et il poussa jusqu'aux frontières de la Corée. Revenant ensuite sur ses pas, il attaqua et prit la résidence impériale de Chang-tou, qu'il livra au pillage; cette ville fiit incendiée avec le beau palais que Coubilaï y avait fait bâtir. Au midi, Siu-cheou-hoeï s'était rendu maî- tre . de presque toute la province du Hou- kouang et d'une partie du Kiang-si. Tchou- yuan-tchang se fortifiait dans le Kiang-nan, et se préparait à conquérir la partie orien- tale du Tché-kiang. Ce chef reçut alors les soumissions du pirate Fang-koué-tchin , qui, menacé, à l'ouest, par Tchang-ssé-tching, et au midi par Tchin-yeou-ting, maître du Fou-kien, préféra devenir le vassal d'un chef qui lui inspirait de la confiance par son droiture et son humanité. Il lui promit de remettre à ses troupes, dès qu'elle pa- raitraient, les départements de Ouen-tcheou, de Taï-tcheou et de King-yuen , dans le midi du Tche-kiang, et lui envoya en otage son fils Fang-koan. Tchou, se fiant à la parole du marin, lui renvoya son fils, et possesseur du Tché-kiang, il retourna à Kien-kiang (Nan- king), il établit un conseil pour l'admini- 1359. stration de ses nouveaux États.

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58o HISTOIRE DBS MONGOLS.

Tandis que Tchou affermissait son aato- rite, la division affail>lissait les partis des deux empereurs danois. Alao-koué, général des Soung, fut tué par Tchao-kiun-yong, son collègue, et vengé par Siu-ki-tsou, qui, sur la nouvelle de cet attentat, partit de Leao- yang,i et tua Tchao-kiun-yong k Y-tou. Les dissentions étaient encore plus vives dans le parti de Siu-cheou-hoeï. Tchin-yeou-leang , un des généraux de ce fondateur de la dynastie des Tien-ouang , venait de s'emparer de la ville de Sin-tcheou (Rouang-sin-fou) , sur la limite orientale du Kiang-si, après un siège mémora- ble par la résistance opiniâtre de ses défen- seurs que commandaient le prince du sang Tachinnou, et le général Beyen-bouka-tikin , descendant des Idicout ou rois de l\)uïgourie ,. qui y périrent les armes à la main. Siu-cheou- hoeï voulut alors transférer sa résidence, de Han-yang sur la rive du Kiang, à Long-hing, (Nan-tchang-fou) conquête toute récente, et quoique son général s'y opposât , par la crainte de voir restreindre son autorité, il n'en j:>artit pas moins de Han-yang , par la route de Kieou- kiang. Tchin-yeou-leang alla à sa rencontre, sous prétexte de lui rendre honneur; mais lorsque Siu-cheou-hoeï fut entré dans la ville de Kieou-kiang, on en ferma les portes, et des

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LIVRE III, CHAPITRE VII. 58l

troupes mises en embuscade à l'ouest de cette ville firent main basse sur Tescc^rte impériale. Bfaître de la personne du souverain, Tchin- yeou-leang épargna sa vie et lui laissa le titre d'empereur; mais il l'enferma, et prit lui-même le titre de prince de Han. Peu après il mar- cha sur Taï-ping, emmenant se m prisonnier, qrfil fit assommer dans sa I)arque, à coups de l)arres de fer, lorsqu'il se fut emparé de cette ville. Puis Tchin-yeou-léang se fit pro- clamer empereur, donnant à sa dynastie le nom de Han ; après < juoi il retourna à Kieou- kiaug.

Le général mongol Tchagan-temour , voulant profiter de la division qui régnait parmi les Soung, forma le plan de prendre, dans Caï- fong-fou, Lieou-fou-tong et son empereur. Il coml>ina la marche de son armée, de ma- nière que les trois divisions qui la composaient , arrivèrent en même temps, par îles chemins différents, sous les murs de cette ville, qui se trouva inopinément investie. Il la fit ceindre d'un rempart, afin de la prendre par famine. Lorsqu'il sut que les vivres y étaient épuisées, il livra de nuit un assaut général; le nuir fut escaladé, et la ville enlevée, malgré une vive résistance; mais Lieou-fou-tong profita de la confusion d'un pareil moment, pour

l'^So

juin.

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i36o mars.

582 HISTOIRE DBS MONGOLS.

se sauver avec l'empereur, qu'il ramena à Ngan-fong.

Togan-temour avait désigné, pour son suc- cesseur, en i353, son fils Aïyeouchélitala, et donné à cette occasion , une amnistie générale. Le prince héritier, d'accord avec l'impératrice Ki, sa mère, voulait que le ministre Taî- ping déterminât Togan-temour à abdiquer en sa faveur. Ne pouvant l'y engager, il cher- cha à le perdre. Le prince fit condamner à la prison ou à la mort plusieurs de ses créa- tures, et Taîping, exposé à tous les ressorts que faisait jouer une audacieuse intrigue, prit le parti de se retirer. Alors le pouvoir passa entre les mains de l'eunuque Papou-hoa et du ministre Cho-ssé-kien , deux hommes per- vers, qui ne songèrent qu'à s'enrichir, et lais- sèrent ignorer à l'empereur tout ce qui se passait.

Une querelle qui s'éleva, à cette époque, entre deux chefs militaires , leur mit les ar- mes à la main. Tchagan-temour avait repris sur les rebelles le pays de Tçin-ki, dans la province de Schan-si. Polo-temour, gouver- neur de Taï-tong-fou, prétendit que ce dis- trict ayant appartenu à son département , ne devait pas en être détaché, et s'avança avec des* troupes pour en prendre possession. ïcha-

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LIVRE ÏII, CHAPITRE VII. 583

gan-temour s'y opposa. L'erapereur fixa les limites des deux gouvernements et ordonna aux compétiteurs de se retirer chacun dans le département qui lui était assigné. A peine eurent-ils obéi, que l'empereur ordonna à Tchagan-temour de céder à son rival le pays de Ki-ning. Celui-ci répondit que ce pays lui était nécessaire pour la défense de Caï-fong-fou , et rassemblant ses troupes, il marcha contre Polo-temour. De nouveaux ordres de Tempe- reur arrêtèrent ce mouvement et les deux gouverneurs déposèrent les armes.

Cette affaire était à peine assoupie qu'il s'é- leva dans le nord un orage phi3 menaçant que les révoltes chinoises. L'empereur avait plusieurs fois ordonné aux princes de sa fa- mille, en Tartarie, de venir avec leurs trou- pes au secours de son trône. Un de ces prin- ces nommé Aiouhoeï-temour , qui descendait, à la septième génération, de Miélita, fils d'O- gotaï , voulut , au lieu de soutenir l'empereur, s'emparer du sceptre. Quand il fut à quel- ques journées de la grande muraille , il manda à Togan-temour n'était pas, sans doute, en état de conserver l'empire qu'il avait reçu de ses ancêtres, puisqu'il en avait déjà perdu plus de la moitié, et l'invita à lui céder tous ses droits. Le général Toukien-temour, que

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x36i nov.

584 HISTOIRE DES MONGOLS.

l'empereur envoya contre ce prince , fut battu et contraint de s'enfuir à Chang-tou. La cour consternée faisait marcher à la hâte de nou- velles forces, lorsque le prince rebelle fut inopinément livré aux troupes de l'empereur par ses propres officiers; il subit la peine de mort, par l'ordre du prince héritier qui s'é- tait porté à sa rencontre.

Tchagan-temour ayant fait rentrer le Ho- nan sous la domination mongole , mit des gar- nisons dans les principales villes de cette pro- vince, et alla camper près des monts Taï- hang, il fit les préparatifs d'une expédition contre les rébelles du Schan-toung. Lorsqu'il fut entré dans cette province, il reçut les soumissions de Tien-fong et de r)uang-ssé- tching, deux chefs des rebelles. Son armée fat divisée en plusieurs cor[>s qui s'emparè- rent des villes du Schan-toung; il alla en personne investir la capitale Tsi-nan, qu'il prit au bout de trois mois de siège ; il attaquait Y-tou (Tsing-tcheou-fou), la seule ville de la province qui restât aux insurgés lorsqu'il fut assassiné. Tien-fong et Ouang-ssé-tching, s'étant repentis d'avoir secondé l'entreprise du général mongol, avaient tramé sa perte. Invité par Tien-fong à venir faire la revue de ses troupes, Tchagan-temour, qui croyait ce

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LIVRE m, CH4PITRE VII. 585

général chinois de ses amis, se rendit sans défiance à son camp j suivi seulement de onze cavaliers. À peine fut-il entré dans la tente de Tien-fong que Ouang-ssé-tcliing lui porta un coup mortel. Cet officier et Tien-fong se juii. jettèrent aussitôt avec leurs troupes dans la ville d'Y-tou, comme ils en étaient convenus avec le gouverneur.

Roukou-temour y fils adoptif de Tchagan-. temoiu*, hérita de ses titres et de ses dignités, et continua, avec l'agrément de l'empereur, le siège d'Y-tou. Il attaqua cette place avec vigueur et trouvant une résistance également courageuse, il fit creuser des galeries souter- raines, par lesquelles il y pénétra. Il y prit les chefs des rel>elles qu'il envr>ya à la cour; mais il voulut faire lui-même justice de Tien- fong et d'Ouang-ssé-tchin ; les ayant fait con- duire devant le cercueil de son père, il leur arraclia le cœur qu'il offrit à ses mânes, et oirlonna de faire main basse sur tous ceux qui les avaient suivis dans la ville.

Il parut à cette époque un nouvel empereur dans le Su-tchouan. Un officier, nommé Ming- yu-tchin , envoyé dans cette province par Siu- cheou-hoeï, ayant appris l'assassinat de son maître, fit des conquêtes pour son propre compte et finit jiar s'emparer de la capitale

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586 HISTOIRE DES MONGOLS.

du Su-tchouan j il prit le titre d'empereur, donnant à sa dynastie le nom de Hia.

Le même assassinat avait été le signal d'une guerre entre Tchou-yoan-tchang et Tchin- yeou-leang. On a vu que celui-ci avait pris Taï-ping; il avait même fiEUt des courses dans le territoire de Nan-king. Tchou marcha contre lui, et après avoir pris Ngan-king, l'ayant rencontré près de Kieou-kiang-fou, il tailla en pièces son armée. Tchin-you- leang se réfugia à Vou-tchang-fou. Le vain- queur s'empara de Kieou-kiang, puis de Nan- tchang-fou, et maître de cette capitale il re- çut les soumissions des principales villes du Kiang-si. i363. Tchin-yeou-leang, voulant à tout prix re- couvrer Nan^tchang-fou , sa capitale, écjuipa un grand nombre de bateaux et alla mettre le siège devant cette ville, qu'il pressa vive- ment dans l'espoir de la prendre avant que son adversaire put la secourir ; mais les com- mandants de la place firent une vigoureuse défense et trouvèrent moyen d'avertir Tchou- de la position ils se trouvaient. Celui-ci partit de Nan-king avec une flottille mon- tée par une armée nombreuse, et afin de couper la retraite à l'ennemi, il vint se ran- ger près de Hou-keou, à l'endroit

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LIVRE m, CHAPITRE VU. 587

grand Riang communique avec le lac Poyang. Tchin-yeou-leang , qui assiégeait Nan-tchang- fou depuis quatre-vingt-cinq jours, leva aus- sitôt le siège, pour entrer dans le lac, il rencontra la flotte de son rival. La bataille s^engagea et dura trois jours, au bout des- quels Tchin-yeou-leang, après avoir perdu la plupart de ses navires, fut tué d'un coup de flèche. Son fils, Tcbin-chan-eulh, dé- signé son* successeur, fut fait prisonnier, et ses principaux officiers se rendirent aux vain- queurs; son second fils, Tchin-li, se sauva à Vou-tchang et y fut proclamé empereur; mais assiégé et voyant ses affaires dans un état désespéré, il se rendit à discrétion. La prise de cette capitale du Hou-kouang fut promp- tement suivie de la soumission de toute cette province, que facilitait la modération du vain- queur, son amour de Tordre et la discipline de ses troupes.

Avant cette campagne qui décida du sort de la nouvelle dynastie des Hariy Tchou in- formé que Tchang-ssé-tching et Liu-tchin, avaient attaqué et pris Ngan-fong, rési- dait l'empereur des Soung , et qu'ils y avaient fait mourir Lieou-fou-tong, s'était avancé vers Ngan-fong, et avait battu Liu-tchin. Remettant alors le commandement de son

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588 HISTOIRE DES M05C0LS.

armée au général Su-ta, il le chai^ea d'as- siéger Hiu-tcheou. Après son départ, les Mon- gols reprirent Ngan-fong.

Des troubles venaient encore d'éclater parmi les Mongols. Après l'assassinat de Tchagan- temour, Polo-temour voulut rentrer en pos- session du pays de Tçin-ki, et malgré les ordres rétirés <le l'empereur, envoya des trou- pes pour l'occuper. Elles furent battues par Koukou- temour, fils de Tchagan, et Polo- temour renonça à son entreprise; mais une autre circonstance lui mit bientôt les armes à la main contre son souverain même. La faiblesse du gouvernement favorisait l'essor des factions, et le prince héritier prenait parti dans ces querelles entre des seigneurs 1 364. ambitieux. Le ministre Cho-ssé-kien , per- suada à ce prince que plusieurs des Grands, ses ennemis, songeaient à se révolter, et l'engagea à les perdre. Le prince les accusa auprès de son père, et obtint à force d'in- stances, la mort des deux principaux.

Cho-ssé-kien et l'eunuque Yésien-bouca, unis ensemble par leurs intrigues, craigni- rent que Toukien-temour, ami des deux sei- gneurs qu'on venait de faire périr, ne vou- lut les venger, et résolus de le perdre, ils lui intentèrent un procès criminel. Polo-temour

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LIVRE III, CHAPITRE VIL SSg

fit parler en sa faveur. Le prince impérial , irrité de la hardiesse de Polo-temour, Taccusa lui-même de complicité dans le prétendu com- plot, et fit destituer le gouverneur de Taï- tong. Polo-tcmour refusa de remettre le com- mandement. Son ennemi Koukou-temour fut chargé de l'y contraindre. Polo-temour, qui savait que cet ordre avait été donné à l'insu de l'empereur, engagea Toukien-temour à faire un mouvement sur la capitale, et celui-ci s'empara de la forteresse de Kiu-yong-koan. Ils voulaient forcer l'empereur à chasser les intrigants qui l'obsédaient. Yésou, qui com- mandait de ce côté, en vint aux mains avec Toukien-temour; mais il fiit complettement battu. Alors le prince héritier ne se croyant pas en sûreté dans la capitale, se retira en Tartarie, par la route de Rou-pé-keou. Tou- kien-temour s'avança jusqu'à la rivière de Tsing-ho, il campa, en attendant la ré- solution que prendrait la cour, à laquelle il avait mandé que Polo-temour, par les ordres duquel il agissait, ne prétendait point man- quer à l'obéissance due à l'empereur, mais qu'il voulait délivrer ce prince des traîtres Cho-ssé-kien et Papou-hoa, qui mettaient la discorde parmi les Grands; qu'il se retirerait dès qu'on lui aurait remis ces deux ennemis

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590 HISTOIBB DES MONGOLS.

de l'État On fut long-temps à délibérer si on accéderait à cette demande. Il y eut des pourparlers; Toukien tint ferme et ne se retira qu'après qu'on lui eut livré les deux ministres, et que Polo-temour eut été rétabli dans sa charge de gouverneur.

Le prince héritier reçut alors de l'empe- reur Tordre de revenir incessamment à Ta- tou. Il obéit; mais, plein de ressentiment contre Polo-temour, il assembla une armée, et ordonna à Koukou-temour d'attaquer ce rebelle dans son gouvernement de Taï-tong- fou. En conséquence, Koukou-temour fit mar- cher le général Koan-pao contre Polo-temour, qui, laissant à Taî-tong un corps de trou- pes capable de lui tenir tête, s'avança sur Ta-tou avec le gros de son armée. Le prince héritier, de retour dans cette ville, alla camper sur le bord du Tsing-ho; mais, à la première vue de l'ennemi, ses soldats s'enfuirent vers Ta-tou et ne se croyant pas même en sûreté dans cette capitale, ils en sortirent par la porte opposée, suivis du prince héritier, pour aller joindre Koukou- temour, près de Taï-yuen-fou, capitale du Schan-si. Après leur retraite, le général Polo- temour entra, sans obstacle, dans la capi- tale, et se rendit, avec plusieurs de ses gé-

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LIVRE III, CHAPITRE Vil. SqI

néraux, au palais où^ se jettant aux genoux 9 sept, de l'empereur y il lui demanda pardon des* actes auxquels il s'était vu forcé .de recourir^ Togan-temour le nomma généralissime et premier ministre.

Polo-temour, investi de toute l'autorité, fit mourir Tolo-temour, favori et compagnon des débauches de l'empereur. Il chassa du pa- lais beaucoup d'individus inutiles, entre au- tres un grand nombre d'eunuques, et tous les Lamas. A sa demande, l'empereur dépécha plusieurs couriers au prince héritier, pour lui ordonner de revenir à la cour. Ce prin- ce, loin d'obéir, résolut, au contraire, de i365.' tenter encore la voie des armes contre son ennemi, devenu tout -puissant. Polo-temour, apprenant qu'il marchait contre lui, fit arrê- ter l'impératrice Ki, sa mère, et la força de lui envoyer un ordre écrit de sa main, par lequel elle le rappelait à la capitale. Ensuite il détacha Toukien-temour, pour s'opposer, du côté de Chang-tou, aux Mongols attachés aux intérêts du prince héritier, et chai^ea le général Yésou d'aller combattre ce prince et Koukou-lemour.

Yésou ne passa pas Leang-hiang, à six lieues au midi de Pé-kin. Voyant tous les of- ficiers mécontents du ministre généralissime,

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5ga HISTOIRE des mongols.

il assembla les principaux cVentre eux, qui résolurent imanimement de ne pas obéir. Us rebrousèrent chemin et s'arrêtèrent à Yong- ping, cVoù ils informèrent Roukou-temour et les princes en Tartarie , de la résolution qu'ils venaient de prendre.

Polo-temour, désespéré de cette défection, détacha contre Yésou le meilleur de ses gé- néraux, Yaopeyen-Bouca. Yésou le surprit, tailla en pièces ses troupes et l'ayant pris lui- même, le fit mourir. Alors Polo-temour mar- cha en personne; mais une pluie cpi tomba pendant trois jours et trois nuits déconcerta toutes ses mesures, et il s'en retourna à Ta- tou. L'opposition qu'il venait d'essuyer l'avait rendu si méfiant que sur de simples soupçons, il fit mourir plusieurs de ses officiers. Cher- chant à noyer dans le vin l'humeur sombre et chagrine qui le dominait, il devint farou- che et cruel. U tua plus d'une fois de sa main ceux qui se trouvaient à ses côtés. Il était devenu odieux à toute la cour. Ho-chang, fils du prince de (Jueï-chun, obtint de l'em- pereur un ordre secret de se défaire de lui et de ses partisans et trouva bientôt l'occa- sion de l'exécuter. Polo-temour, ayant reçu la nouvelle de la prise de Chang-tou et d'une victoire remportée par Toukien-temour sur

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LiVRt 111, CHAPITRE Vit. 5^3

les Mongols du parti du prince héritier, se rendit au palais pour en faire part à Tempe* reur. Au moment il y entrait il fut arrêté par des satellites que Ho-chang avait apostés et un officier lui fendit la tête d'un coup de sept. sabre. Lorsque cette nouvelle parvint à l'ar- mée de Toukien-temour, les officiers de ce général voyant leurs espérances évanouies, l'abandonnèrent l'un après l'autre. Il fut ar- rêté et mis à mort*

L'empereur envoya au prince héritier, à Ki-ning, la tête de Polo-temour, avec l'ordre de revenir à la cour. Ce prince s'y rendit, accompagné de Koukou-temour, qui fut nommé ministre et généralissime. Il voulait que Kou- kou-temour le secondât pour déterminer l'em- pereur à lui céder le trône, et ne l'y trou- vant point disposé, il en eut du ressenti- ment. L'empereur ne consentit point à abdi- quer; mais il investit son fils d'un pouvoir 1^67. presque égal au sien, en le nommant son lieutenant-général dans l'empire. Koukou-temour ayant tenté de s'opposer à l'exécution de cet ordre souverain, fut destitué, et se retira dans une place forte du Schan-si.

Tandis que la cour mongole était déchi- rée par ces dissensions, Tchou-youan-tchang étendait les limites de ses nouveaux États. 2 38

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5()4 HISTOIRE DES MOlfGOLS.

Il résidait lui-même à Nan-king, s'appliquant à fonder son gouvernement sur les principes d'ordre et de justice que recommandent les anciens philosophes chinois; mais ses géné- raux Su-ta et Tchang-yu-tchun attaquaient Tchang-ssé-tching , maître d'une partie du Tché-kiang et du Kiang-nan. Ces deux chefs remportèrent une victoire signalée sur ses troupes, en i366, s'emparèrent de Hou-tcheou, l'une des villes les plus riches du Tché-kiang et puis de Hang-tcheou, capitale de cette province. L'année suivante, ils prirent ce prince dans Ping-kiang, et l'envoyèrent à Nan-king. Tchou lui rendit la liberté, à condition qu'il ne sortirait pas de la ville. Tchang-sse-tching donna sa parole et se pendit.

Ming-yu-tchin , qui avait pris le titre d'em- pereur des Hia, était mort en i366. Min- tching, son fils, âgé de dix ans, lui avait succédé sous la régence de sa mère. Cette même année était mort Han-lin-eulh , qui se disait de la dynastie des Soung, et avec lui s'éteignait son parti. Fang-koué-tchin venait enfin de se soumettre. Ce marin, infidèle à ses promesses, avait non-seulement refusé de se rendre auprès de Tchou, et de lui envoyer son tribut en grains; mais il s'était alUé contre lui, au nord, avec Koukou-temour ; au midi,

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LIVRE ÎII, CHAPITRE VU. SpS

avec Tchin-yeou-ting , qui s'était emparé d'une partie du Fou-kien. Tchou chargea le général Tang-ho de prendre les villes de Ouen-tcheou , Taï-tcheou et King-yuen. A l'approche des forces ennemies Fang-koué-tchin se réfugia dans une île de la mer. Voyant bientôt que toutes ses villes avaient ouvert leurs portes à Tang-ho, il lui envoya son fils, pour offrir sa soumission , et ne tarda pas à aller se remettre à la discrétion de ce général, qui le fit con- duire à Nan-king.

Tchou entreprit alors la conquête du reste de la Chine. Su-ta, son grand général, et Tchang-yu-tchun marchèrent au nord avec une armée de deux cent cinquante mille hom- mes, tandis que Hou-ting-chouï réduisait le Fou-kien et le Koang-tong , et que Yang-king occupait le Kouang-si. Ces provinces méridio- nales, lasses du joug étranger, se soumirent volontairement au conquérant chinois.

Su-ta et Tchang-yu-tchun s'étant d'abord emparés de tout le pays qui est entre le Hoaî et le Hoang-ho, passèrent ce dernier fleuve et pénétrèrent dans le Schan-toung. En y en- trant ils répandirent une proclamation , ils déclaraient que des barbares , tels que les Mongols, n'étaient pas faits pour gouverner une nation policée; qu'ils devaient, au con-

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:hj6 histoirf des mongols.

traire, en recevoir la loi; que les Mongols avaient conquis l'empire, non par leur force et leur courage, mais par le secours du ciel, et que le ciel, irrité des crimes dont leurs sou- verains s'étaient rendus coupables depuis le règne de Temour khan, le leur otait pour le donner à un guerrier rempli de vertus et de magnanimité, qui se faisait aimer et admirer partout il portait ses armes. Les deux gé- néraux n'éprouvant nulle part de résistance, après avoir reçu les soumissions de toutes les i368. villes du Schan-toung, passèrent dans le Ho- nan , ils eurent le même succès. Les por- tes des villes s'ouvraient à la vue de leurs étendards.

Togan-temour , effrayé de la rapidité de ces conquêtes, envoyait courriers sur courriei's à Koukou-temour pour lui ordonner de revenir avec ses troupes. Ce général partit de Tsin- ning; mais au lieu de couvrir la capitale il se porta avec une armée nombreuse dans les environs de Taï-yuen.

Maître d'une grande partie de la Chine, Tchou-youan-tchang , qui n'avait encore pris que le titre de prince de Ou, se fit proclamer empereur à Nan-king, le premier jour d'une année chinoise, qui tombe en février i368. Il donna à sa dynastie le nom de Mingy c'est-

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LIVRE m, CHAPITRE VII. JC)']

à-dire 9 lumière ^ et aux années de son règne celui de ffou/i^vou , giierœ fortiuice; nom sous lequel on désigne cet empereur lui-même , qui reçut, après sa mort, le titre de TaUsou ou grand aïeul , qu'on a coutume de donner , en Chine, au fondateur d'une dynastie.

Tchou partit de Nan-king, en août i368, à la tète d'une armée, passa le fleuve jaune à Ping-lien, et marcha sur hi capitale, par Oueï-tcheou , Siang-tcheou , Tchang-té , Kouan- ping et Schun-té, villes qui se soumirent à son apparition. Dans le même temps, ses généraux Su-ta et Tchang-yu-tchen entrèrent du Schan- toung dans le Pe-tche-li, et s'avancèrent jus- qu'à Tong-tcheou, qu'ils prirent, après avoir battu Poyen-temour , qui fut tué dans l'action. On attendait l'ennemi aux portes de la capi- tale. Dans ce moment critique, un des mi^ nistres, nommé Cheliemen, enleva du palais des ancêtres les tablettes des empereurs mon- gols et partit pour le Nord avec le prince héritier. Togan-temour, décidé à le suivre de près, nomma le prince Temour-boca son lieu- tenant-général dans la Chine, confia à Ring- tong le soin de défendre la ville impériale, et le lendemain, ayant annoncé aux princes, aux princesses et aux Grands qu'il avait con- voqués, sa résolution de passer en Tartarie,

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SgS HISTOIRE DES MONGOLS.

a5 août, il partit dans la nuit même, avec les mem- bres de sa famille et se retira à Chang-tou,

sept, par la route de Kiu yong-koan. Les Chinois ne tardèrent pas à paraître devant Ta-tou, qu'ils occupèrent après un léger combat à la porte de cette ville. Presque toute la Chine était alors au pouvoir de l'empereur Ming. Ce prince s'at- tacha à réduire les places qui restaient encore aux Mongols. Il songea ensuite à poursuivre son ennemi dans le Nord.

Togan-temour ne s'était pas cru en sûreté à Chang-tou; il avait passé à Yng-tchang-fou, ville située à trente lieues plus au nord , sur le bord du lac Tal. Une armée chinoise ayant franchi la muraille, n'était plus qu'à une pe- tite distance de cette ville, lorsque Togan-te- mour finit sa crrrière. Ce prince était âgé de

^mai! cinquante -un ans. Son surnom chinois est Chun-ti (i).

Les Ming s'emparèrent d'Yng-tchang-fou, et y prirent Maïtilipala , petit-fils de Togan-temour , beaucoup de princes , de princesses et de sei- gneurs, qui furent tous conduits à la Chine. Le seul Ayour-scbiri-dara, héritier du trône,

(i) A^oy. la table généalogique des grands Khans de la race de Tchinguiz khan, note VI à la fin du volume.

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LIVRE III, CHAPITRE Vil. O99

put s'échaper; il se retira à Caracouroum qui devint la résidence des Khacans mongols.

Sur Tavis que ce prince avait rassemblé des forces dans la Tartarie, l'empereur Ming fit marcher de ce côté, en 137a , une armée nom- breuse , sous les ordres de Su-ta , laquelle péné- tra jusqu'aux rives du Kéroulan et de la Tou- la; mais ne remporta aucun avantage décisif. Ayour-schiri-dara, qui avait pris le titre de Khacan, mourut en 1378. Son fils et succes- seur Tokous-lemour fut complimenté par un ambassadeur de l'empereur Ming sur la mort de son père et son élévation à la dignité de souverain des Mongols. Dans les années sui- vantes, les troupes de ce Khacan allèrent fré- quemment insulter les frontières de l'empire chinois; mais, en i388, le fondateur de la dynastie Ming fit marcher une armée contre Tokous-temour , qui fut complettement défait près du lac Bouir. Ses femmes, son second fils, plus de trois mille officiei's et soixante- dix mille Mongols des deux sexes, tombèrent au pouvoir des vainqueurs (i). Tokous-temour fut assassiné dans sa fuite, près de la Tou- la, par un prince de sa famille, nommé Yis-

(i) Mailla, tora. X, pag. 38 à 93. Hyacinthe, Description de la Mo/tgoiie , tom. II, pag. 195.

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6oO HISTOIRE DES MONGOLS.

soudar, qui s'empara du trône. L'ambition d'autres compétiteurs fit naître la guerre civile. A la suite de longues dissensions , un prince nommé Goltsi, parvint au pouvoir suprême. Son règne fut de courte durée; il mourut assassiné ^ et Bouïnschara fut élevé au trône. En 1408, l'empereur de la Chine invita ce souverain mongol de se reconnaî- tre son vassal 9 et sur son refus le fit atta- quer; mais l'armée chinoise fut battue sur le bord de la Toula. Young-lo, le troisième empereur de la dynastie Ming, s'avança lui- même, en i4io, avec des forces considéra- bles, jusqu'à la rive du Kéroulan. La désu- nion parmi les Mongols favorisa ses armes. Le prince Olotaï, lieutenant de Bouïnschara, l'avait quité avec ses troupes et s'était retiré vers l'Orient sur le bord de la rivière Caïlar. L'empereur les battit tous deux, le pre- mier, sur la rive de l'Onon; le second, à l'extrémité orientale de la Mongolie. Bouïn- schara fut tué, en i^^^j par le prince des Ouïrates Mahmoud, qui mit sur le trône Dariba. Les princes mongols continuèrent ainsi, pendant deux siècles, à se disputer le rang siqjrême, se soumettant à la Chine, lors qu'elle déployait contre eux sa puissance , et allant ravager ses provinces frontières quand

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LIVRE III, CHAPITRE VÏI. 6oi

ils trouvaient l'occasion favorable. A l'époque la dynastie Ming touchait à sa fin, la na- tion mongole était divisée sous plusieurs chefs qui prenaient le titre de Khan. Lies Kalkas demeuraient au nord du désert, dans l'ancienne patrie des Mongols. A l'ouest de leur territoire, l'ancien pays des Naïmans et des Ouigours était occupé par les Euleutes ou Djoungares, Les Tchakhares et les Ordos habitaient entre le désert et la grande mu- raille. A l'origine de leur puissance, les Man- dchous prirent successivement sous leur pro- tection les tribus mongoles les plus orientales, et renforcés par ces nouveaux alliés, ils sou- mirent, en i632, les Tchakhares. Dans les années suivantes, la Mongolie méridionale et les Ordos éprouvèrent le même sort (i). Les Kalkas conservaient encore leur indépendance; mais, attaqués par les Euleutes, ils se virent réduits à la nécessité d'implorer la protection du souverain Mandchou de la Chine, et, en 1691 , l'empereur Kang-hi alla recevoir l'hom- mage des trois khans des Kalkas, à une qua- rantaine de lieues au nord de la grande mu-

(1) Hyacinthe, Description de la Mongolie, tom. Il, pag. 200.

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6o!l HISTOIRE DES MONGOLS.

raille (i). Eufin les Ëuleutes ou Djoungares furent réduits^ vers Tannée 1760, sous la domination mandchoue , en sorte que la plus grande partie des peuples mongols est aujour- d'hui soumise à l'empereur de la Chine; les autres tribus de cette nation appartiennent à l'empire russe.

Le christianisme avait fait quelques progrès en Chine, sous la protection des empereurs de la dynastie mongole , par les soins zélés d'un moine franciscain , nommé Jean de Mont- Corvin , qui après avoir parcouru la Perse et llnde, était venu s'établir, vers Tannée lagS, dans la résidence impériale. Il y fonda deux églises et baptisa , dans l'espace de quelques années, environ six mille individus (2). A la

(i) Gerbillon, Troisième voyage en Tartarie, en 1691, dans le quatrième tome de la Description de la Chine ^ par Du Halde.

(a) On trouve dans les Annales des Frères mineurs y par L. Wadding, (tom. VI, pag. 69), deux lettres de Jean de Mont-Corvin , qui font connaitre les opérations de ce missionnaire. La première , dont il manque le commencement, datée de Cambaliech, le 8 janvier i3o5, était adressée, à ce qu'il parait d'après un passage de la seconde, au vicaire et aux Frères mineurs dans la province de Gazarie , c'est-à-dire, en Crimée. Arrivé,

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LIVRE III) CHAPITKE VU. 6o3

demande de ce missionnaire, le pape Clément V fit partir sept franciscains pour la Chine,

dit-il, dans le Khataî, domaine de l'empereur des Tar- tares, nommé le Grand Khan, j'invitai ce souverain, en lui remettant les lettres du Pîq>e, à embrasser la foi catholique de notre Seigneur Jésus-Christ; mais l'idolâtrie était chez lui trop invétérée; toutefob il comble de bien- £Edts les chrétiens. Je suis à sa cour depuis plus de deux ans. Certains ISestoriens qui se prétendent chrétiens , mais s'écartent beaucoup de la religion chrétienne^ ont tant d'autorité dans ce pays-ci, qu'ils ne permettent pas qu'un chrétien d'un autre rit ait un petit oratoire, ni qu'il prêche une autre doctrine que celle des Nestoriens. Ja- mais apôtre ni disciple d'ap6tre n'a pénétré dans ces contrées; aussi lesdits Nestoriens m'ont ils, soit directe- ment, soit par des individus qu'ils avaient corrompus par de l'argent, fait essuyer les plus cruelles persécutions , assurant que je n'étais pas envoyé par notre seigneur le Pape; mais que j'étais un espion , im ensorceleur; puis ils produisirent des faux témoins, qui soutinrent que j'avais tué dans l'Inde un ambassadeur étranger, chargé de porter à l'empereur un grand trésor, dont je m'étais emparé. Ces machinations durèrent environ cinq ans, pendant lesquels je fus souvent traduit en justice et me- nacé d'une mort ignomineuse. Enfin, par la grâce de Dieu, la confession d'un individu fit connaître à l'empe- reur, et mon innocence et la malice de mes envieux, qui furent exilés avec leurs femmes et leurs enfants. Je restai seul ici pendant onze ans , au bout desquels vint me join- dre, il y a environ deux ans, le frère Arnold, allemand

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6o4 HISTOIRE DES MOKGOLS.

dans l'année 1807; il nomma en même temps Jean de Mont-Corvin, archevêque de RhaD-

de la province de Cologne. J'ai b&ti une église dans U YÎUe de Carobaliech, qui est la principale résidence di roi; cette église est achevëe depuis six ans; elle a m clocher, j'ai fait mettre trois cloches. Jusqu'à présent j'ai baptisé dans cette église , je pense , enviroa six mille personnes, et sans les diffamations dont j'ai parié*, j'en aurais baptisé plus de trente mille; je suis souvent occiq>é à baptiser (et sum frecpienter in baptizando). J^ai acheté successivement cent cinquante garçons, fils de païens, âgés de sept à onze ans, qui n'avaient encore aucune religion, et je les ai baptisés; je leur ai enseigné les let- tres latines et grecques; j'ai écrit, pour leur usage, des psautiers ainsi que trente faymnaires, et deux bréviaires; en sorte que onze de ces garçons savent déjà notre of^ fice et chantent au choeur comme cela se fait dans nos couvents, que je sois présent ou non; et plusieurs d'entre eux transcrivent des psautiers, et d'autres livres. Je fais sonner les cloches à toute heure; je célèbre l'office divin devant la réunion de ces enfants, et nous chantons par routine, n'ayant pas d'ofEce noté. Si j'avais pu être assisté de deux ou trob compagnons, peut-être l'empe- reur khan se serait-il fait baptiser. Il y a déjà douze ans que je n'ai reçu aucunes nouvelles ni de la cour de Rome, ni de notre Ordre, et que j'ignore l'état des af- faires dans l'Occident. Je supplie le ministre général de notre Ordre de m'envoyer un antiphonaire, une légende des saints, un graduel et un psautier noté, pour modèle; car je n'ai qu'un bréviaire portatif avec de brèves leçons,

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LIVRE III, CHAPITRE Vil. 6o5

balik, et le constitua primat en Orient Le nouveau prélat devait avoir pour sufFragants les sept franciscains, qui furent créés évéques; mais de ce nombre trois seuls arrivèi'ent, l'année suivante, à Khanbalik ou Ta-tou, ap- portant à l'empereur Temour des lettres

et un petit luissel. Si j*cn avais un exemplaire, les en-* fants pourraient le copier. Je fais bâtir une seconde église, afin de diviser ces garçons. J'ai appris la langue et récriture tartare, et j'ai déjà traduit dans cette langue tout le Nouveau Testament et le psautier, que j'ai fait éciire en très-beaux caractères tartares; enfin, j'écris, je lis et je prêche la parole de Dieu.

Dans ime autre lettre, écrite, vers la fin de l'année i3o5, aux Frères mineurs et prédicateurs en Perse, et dont il manque la dernière partie, Jean de M ont-Corvin , dit qu'il fait bâtir ime seconde église vis-à-vis le palais du Caan, à un jet de pierre de la porte de ce palais; que le terrain a été acheté par un négociant nommé Petrus de Lucalongo, qui avait accompagné Jean depuis Tauriz, et qui lui en fit présent, pour Tamour de I^eu. Il y avait entre cette église et la première , dans l'intérieur de la ville, la distance de deux milles et demL <t Quand « nous chantons, écrit Jean, le seigneur Khan peut nous « entendre de ses appartements. J'ai mes entrées au pa- « lais et une place fixe à la cour, comme légat du Pape. « L'empereur m'honore plus que les autres prélats, quels « qu'ils soient. » Ces deux lettres sont écrites sous le règne de Temoiu*, qui occupa le trône de 1294 à 1807.

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6o6 HISTOIRE DES HOIfGOLS.

le souverain pontife Tinvitait d'embrasser la foi du Christ, et lui recommandait Jean de Mont-Corvin. Ces trois évêques, Gérard, Pere- grinus et André de Perusio sacrèrent Jean, archevêque de Cambalu (i). En i3ia, le Pape lui envoya, comme suffragants, trois autres franciscains : Thomas , Jérôme et Pierre de Florence. Les trois premiers furent suc- cessivement préposés à la direction d'une communauté catholique dans la ville de Zaï- toun [Tsiuan-tcheou] (a). Après la mort de

(i) Odor. Raynaldi Ann. Ecci. , ibid, pag. /|33. V^addingi Jnn. ad an. i3o7, pag. 60 et seqq.

(1) Une riche dame arménienne, ayant fait bâtir à ses frais une église à Caîton (il faut lire, sans doute, Zaî- toun), ville située, est-il dit, à trois semaines de distance de Canbalic, obtint que l'archevêque Jean Térigcât en cathédrale. Ce prélat chargea Tévéque Gérard de la con- duite de ce nouveau diocèse, qui, à sa mort, passa à Pér^inus, et ce dernier eut pour successeur, en iBaa, André de Perusio. On voit par une lettre de Tévéque André au Frère gardien du couvent de Perusio, en date de Cayton , janvier 1 3a6 , nous trouvons ce qui pré- cède, que les missionnaires envoyés par le pape étaient nourris et vêtus aux frais de Tempercur mongol. André dit que lui et ses compagnons reçurent des vivres et des vêtements pour huit personnes, pendant les cinq années qu'ils restèrent à Khanbalik , et que lorsque André eut

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LIVRE III, CHAPITRE VII. 607

Farchevéque Jean, le pape Jean XXII nomma pour son successeur, en i333, le franciscain Nicolas, qui partit pour la Chine avec vingt- six religieux du même ordre. Enfin, l'on voit par des lettres émanées de la chancellerie romaine, que le pape Urbain V nomma, en 1370, à Tarchevéché de Cambalik le francis- cain Guillaume de Prat, docteur en théolo- gie à Paris, lequel partit avec douze frères du même ordre, muni de lettres de recom- mandation du Pape pour l'empereur de la Chine, et les souverains tartares des pays qu'ils devaient traverser (i).

Il est facile d'observer que les missionnaires faisaient au Pape des rapports peu fidèles sur

transféré sa résidence à Cayton, il obtint la continnation du même Alafa, mot qu'il explique par aumône royale, {IJloufat est un nom arabe qui signifie salaire, appointe- ments). La valeur de ce subside , d'après l'estimation de commerçants génob, pouvait s'élever annuellement à cent florins d'or, «i Certes, ajoute l'évéque André, il y a « dans cette empire des gens de toutes les nations qui « existent sous le ciel , et de toutes -les religions ^ et l'on « permet à chacun de suivre la sienne; car chez eux « (les Mongols) est établie cette opinion ou plutôt erreur, « que dans toutes on peut être sauvé ! »

(i) Moshemil Hist, tartaivrum ccclesiastica , Helmstadi, 1741, pag. ii/| et SUIT.

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6o8 mSTOIUE DES MOXGOI.9.

les progrès du christianisme en Orient, et sur les dispositions des princes mongols à l'embrasser; car ils avaient tous le désir de donner des nouvelles qui fussent agréables à la cour de Rome, et de faire valoir les fruits de leur zèle pour la propagation de la foi. D'ailleurs , la plupart des individus qui venaient trouver les pontifes romains ou d'autres souverains, se disant envoyés par des princes mongols pour les intérêts de la religion chrétienne, en imposaient dans des vues personnelles, comme le prouve la simple inspection des lettres dont ils se prétendaient chargés. Nous citerons un exemple de pareilles déceptions. Un certain André vint à Avignon, dans l'année i338, avec quinze autres indivi- dus, qui étaient, à ce qu'il paraît, des Alains; il se dit envoyé par l'empereur Chun-ti, et présenta au Pape une lettre de ce souverain, datée de Cambaliech, dans l'année du rat, (i336) avec une autre adressée à sa Sainteté par des Alains au service du même empereur. Le grand Khan écrit au Pape qu'il lui envoyé André et ses compagnons pour ouvrir la voie à de fré- quentes ambassades de part et d'autre, pour prier le Pape de lui envoyer sa bénédiction et défaire toujours mention de lui dans ses prières, pour lui recommander les Alains porteurs (le

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tIVRE m, CHAPITRE \IU 609

Cette missive ^ qui sont les serviteurs de l'em- pereur et les fils chrétiens du Pape, et afin que ces mêmes Alains ramènent à l'empereur des chevaux et lui rapportent des raretés de l'Occident.

L'autre lettre, de même date que la précé- dente, est écrite au nom de cinq Alains, qui font savoir au Pape qu'ils ont été instruits dans la foi catholique par son légat, le frère Jean, mort depuis huit ans. Ils le supplient de répondre gracieusement à la lettre de l'em- pereur, afin qu'il s'établisse, comme ce sou- verain le demande, des rapports d'amitié entre les deux cours, au moyen de fréquentes am- bassades de part et d'autre, d'où résultera un grand avantage pour le salut des âmes et l'exal- tation de la foi; ils le prient enfin de les re- commander comme ses fils et ses frères, à l'empereur leur maître, en quoi il leur pourra faire beaucoup de bien.

Il paraît que le Pape ne douta pas de l'au- thenticité de la lettre impériale , puisqu'il adressa à l'empereur des Tartares une réponse, qui est datée d'Avignon, ides de juin, année IV (i 3 juin i338). Il lui témoigne la sa- tisfaction avec laquelle il a appris, tant par ce que ses envoyés lui ont fait savoir par interprète, que par la teneur des lettres im- a 39

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(mo HISTOIRK DES MONGOLS.

[>ériales qu'ils lui ont remises , que Tenipereur avait une grande dévotion pour la sainte église romaine, et pour celui qui, quoique indigne , tient la place de Dieu sur la terre. Il lui demande de continuer à traiter favorablement les cinq princes alains, qu'il lui nomme, ainsi que les autres chrétiens; de permettre aux prêtres et religieux catholiques, et aux chré- tiens en général, de bâtir et de posséder des églises , des basiUques , des oratoires , pour y célébrer l'office divin, et de prêcher librement dans son empire la parole de Dieu. Enfin , il le prévient qu'il va envoyer ses nonces à la Chine, et le prie de les bien recevoir, de les écouter avec patience et bonté, afin que les semences de vie qu'ils doivent répandre dans son cœur, puissent produire des fruits abon- dants.

Le Pape écrivit en même temps à Fodein Jovens, le principal des cinq Alains, pour lui recommander de travailler, avec les au- tres princes ses compatriotes, à obtenir que les chrétiens puissent fonder des églises, et que leurs directeurs spirituels soient libres de prêcher la parole de Dieu. Une troisième le^ tre adressée collectivement aux cinq princes alains leur enseigne les principaux dogmes de la foi chrétienne. Cette même année, le Pape

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LIVRE m, CHA.PITRE VU. 6l I

fît effectivement partir quatre franciscains, et les munit de plusieurs lettres de recom- mandation, datées du 3i octobre i338, Tune pour le khan Uzbeg, l'autre pour un souve- rain, qualifié d'empereur des empereurs de toutes les nations tartares, et une troisième au magnifique prince Chunti, empereur des Tartares de l'empire du milieu (i).

Les conquêtes des Mongols avaient rappro- ché les extrémités de l'Asie. Lorsque la Perse, la Tartarie et la Chine furent réunies sous le même sceptre, des individus et des troupes de toutes les nations asiatiques parcoururent ce vaste empire; on vit des corps d'Alains et de Kiptchaks, faire la guerre dans le Tonquin, et des ingénieurs chinois employés sur les bords du Tigre. Un grand nombre de ma- hométans vinrent alors s'établir en Chine, ils occupèrent les premiers emplois admini- stratifs, où ils reçurent même des comman- dements militaires. On voyait à la cour de Ta-tou des astronomes et des mathématiciens persans conférer avec les savants chinois, et au service des empereurs mongols se trou-

(i) L. Moshcmû Hist» Tartar, ecclesiastica , in Appen- dice, n**. 74 à 84.

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6l^ HISTOIRE DES MOIfGOtS.

valent confondus des hommes de vingt na- tions différentes^ qui, avant le treizième siè- cle y se connaissaient à peine de nom.

Après avoir terminé l'histoire de la bran- che suzeraine des successeurs de Tchinguiz- khan , nous donnerons celle de la Perse sous la domination mongole, jusqu'à la fin de la dynastie de Houlagou. Dans cette par- tie nous aurons l'occasion de parler des deux autres branches souveraines de la famille tchin- guizienne, celles de Djoutchi et de Tchaga- taï, dont les historiens mahométans ne font guère mention qu'au sujet de leurs démêlés avec les souverains de la Perse, et dont les histoires particulières, s'il en existe, ne nous sont pas connues.

Fllf DU SECOND VOLUME.

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c#^ c^^ c#) itf^ c^ c^ r^< c^ c^» c^ c^d c^ c^ c^ï CT) CT) c^ t^ cr^w c^^

NOTES.

NOTE I.

(Page 3o).

« J-JoRSQCE Toulouî fut airlyé près du défile Tong- coan^ il trouva, comme il Tavait présumé , que celte forte position était occupée par l'ennemi. Une armée Khitane, de cent mDle hommes de cavalerie, sous les

ordres de deux généraux nommés JCj. ^t*^ (Cadaï Zengou) et ^O^o m (Camer Tégoudar), était rangée en cet endroit, prête à recevoir les Mongols, qu'elle sem- blait mépriser pour l'infériorité de leur nombre. Toulouî, voyant l'ennemi avec des forces si considérables , manda en particulier le général Schiki Coutoucou, pour conférer avec lui sur le parti à prendre. Il lui dit que , comme on ne pouvait pas attaquer l'ennemi dans sa position, il fal- lait tâcher de l'en déloger , et voulut que Coutoucou allât , avec trois cents cavaliei*s , voltiger devant les Khitans pour voir s'ils bougeraient. Coutoucou exécuta cet ordi*e; mais les troupes de l'AItan-khan ne firent pas le moindre mou* vement. Elles exprimaient leur mépris pour les Mongols par des fanfaronnades, disant : Nous allons envelopper et prendre tous ces Mongols ; nous ferons ceci et cela à leurs femmes, Toulon! voyant que la tentative de Coutoucou n'avait pas réussi, ne pouvant ni attaquei^ l'emieroi dans une position si avantageuse, ni rétrograder sans dccoii-«

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6l4 NOTES.

rager ses troupes , prit le parti de niarclier de coté vers la province TAItan-khan faisait sa résidence, pour tâcher d*opérer sa jonction avec l'empereur Ogotaï et la grande armée. Il mit à Tarrière-garde Toucoulcou-Tcharbi

^f^' y^yy ^^^^ mille hommes; ce général était le frère cadet de Bouroudji noyan, de la tribu Erlate.

« L'armée khitane voyant que les Mongols se détour- naient pour éviter le combat, les défia à grands cris; mais ceux-ci continuèrent leur marche sans y faire atten- tion. Les Khitans furent obligés de quitter leur position pour suivre les Mongols. Après avoir talonné pendant trois joints cette armée qui était découragée, à cause de son petit nombre, ils tombèrent tout-à-conp sur Tarrière- garde, et culbutèrent une quarantaine d'hommes dans im canal. Toucoulcou alla annoncer à Toulouî que l'ennemi les avait atteints. Dans ce danger, Toulouî ordonna que l'on eût recours à l'opération magique appelée djoda-- mischi. Certaines pierres, lorsqu'elles ont été trempées dans l'eau et essuyées , ont la vertu d'attirer , même au cœur de l'été, im ouragan avec des tourbillons de neige et un froid excessif, ou du moins des torrents de pluie. Il y avait dans l'armée mongole un Cancali fort habile dans ce genre de sortilège; il reçut l'ordre de prati- quer son art. Les troupes de Toulouî se couvrirent de leurs manteaux, et restèrent trois fois vingt-quatre heures sans descendre de cheval. £Ues arrivèrent dans une contrée les villages avaient été désertés par leurs ha- bitants , qui y avaient laissé leurs bestiaux et leurs effets ; elles y trouvèrent des vêtements et des vivres en abon- dance. Cependant le Cancali avait opéré avec succès; il commença à pleuvoir; le jour suivant il tomba de la neige, et il s'éleva un ouragan; le vent était glacial. Les

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!V O T E s. Cl 5

Clmiols, sentant au milieu de Tëté une température qu'ils n'avaient jamais éprouvée en hiver, pcrdii'ent tout cou- rage. Toulouï avait ordonne que chaque corps de raille bommes occupât un village ; qu'on mit les chevaux à l'abri dans les maisons, et qu'on les couvrît bien; car la vio- lence de l'ouragan ne permettait pas de....; mais Tarmée khitane restait dans la campagne exposée à toutes les injures de l'air, et pendant trois jours il lui fut impos- sible de se mouvoir. Le quatrième, quoiqu'il tombât en- core de la neige , Toulouï voyant ses troupes reposées , ni les hommes , ni les chevaux n'ayant souffert du froid , tandis que les Khîtans restaient sénés comme des mou- tons qui mettent la tête sur la queue l'un de l'autre, avec des habits collants et des armes couvertes de glace, Toulouï fit battre les timbales; ses soldats se couvnrent de manteaux de feutre et montèrent à cheval. Ce prince les exhorta à combattre vaillamment, et les Mongols, ainsi que des lions qui poursuivent un troupeau de cerfs, fon- dirent sur les Khitans, dont l'armée fut en grande partie détruite. Ceux qui se réfugièrent dans les montagnes y périrent. Les deux généraux khitans prirent la fuite avec cinq mille hommes, qui se jetèrent dans ime rivière, la plupart fiirent noyés. Pour punir les Khitans de ce qu'ils s'étaient moqués des Mongols et leur avaient pro- digué les bravades, il fut ordonné aux troupes d'exercer l'acte du p>euple de Loth sur tous ceux qui avaient été pris. «

Le sortilège dont il est fait mention dans cet article, a élé pratiqué, dès les plus anciens temps, chez les peu- ples nomades de l'Asie centrale. La pierre dont se servent leurs magiciens pour attirer la pluie est appelé rrr/a , fljéda , et le sortilège, djcflamischi. Ceux qui font profes- sion de l'opérer portent encore aujourd'lmi, chez 1rs.

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6l6 NOTES.

Kalmoiikds, le nom de djcdadji , coinme nous Tapprend B:*rfi^nan, qui Técrit ssaddattschi. « Les ssaddattscliis , dit ce voyageur [Nomadisçhe Streifcreien unter den Kalmu-* kcn , th. III, s. i83), passent pour commander à la pluie , aux éclairs et au tonnerre. Pour attirer la pluie il se servent de pierres de bézoar, qui, jetées dans Teau, produisent naturellement une yapeur. Les ssaddattschis prétendent que ces vapeui^s sont les éléments des nuages qu'ils ont la vertu de faire naître, et ils n'opèrent que lorsque le temps annonce la pluie. S'ils échouent dans leur tentative, ils se tirent d'affaire en disant qu'ils sont contrecarrés par d'autres magiciens, ou que la chaleur est trop forte pour pouvoir être vaincue par la pluie.

Pallas, qui nous a donné une foule de notions inté-^ ressaiite^ sur les peuples mongols, décrit une autre pra- tique superstitieuse qui était très i- en usage chez leurs ancêtres dans le treizième siècle; c'est la divination par les fissures d'une omoplate brûlée. On voit dans T his- toire que les souverains de la race de Tchiuguiz-khan consultaient cette espèce d'oracle; et le missionnaire Ru-* bruquis, qui se trouvait à la cour de l'empereur Man- gou, explique de quelle manière on l'interrogeait. Sa description s'accorde avec celle de Pallus , que nous allons traduire, (Voy, Samlungen /list, Nachr. iiber die Mongo-r lischcn FœlkerschqJ'ten y th. II, s. 35o),

« Parmi les différents genres de divination qui, selon toute apparence, ont été pratiqués depuis les temps les plus reculés chez les peuples superstitieux de la race mongole, et sont même en vogue chez presque tous les peuples de l'Asie , qui ont été ou sont encore adonnés aux superstitions du schamanisme, on doit surtout ramarquer l'usaj^e de prédire les choses futures, un ou plusieurs jours d'avance, d'après l'inspection des fissures ]>roduites par

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NOTES. 617

le feu sur des omoplates, tant à cause des règles systé* matique de cet art , que de sa fréquente application. Cette manière de prédire est appelée par les Calmoukes Dalla- iùllike, et ceux qui la pratiquent sont nommés par eux dalladschiy mais par les Kirguises, jauruntchis; ce sont des gens qui, sans exercer d'ailleurs la profession de sorcier, ni appartenir à la classe du clergé, ont acquis, par une longue pratique, une grande habileté dans cet art. Il existe un écrit mongol, intitulé Dalla, qui ensei- gne les règles d'après lesquelles il faut interpréter les di- verses fissures, droites ou transversales, que reçoit une omoplate exposée au feu. Les meilleures pour cet usage sont celles de mouton, de saïga, de daim et de renne. L'épaule dont on veut se servir doit d'abord être cuite; puis on la dépouille nettement de sa chair avec im cou* teau. L'os nu Cit mis sur la braise, il reste jusqu'à ce que le dalladschi juge qu'il présente assez de fissures; c'est d'après leur situation , leurs proportions , leur liaison entre elles qu'il prédit l'avenir, l'issue d'une affaire, les événements heureux ou malheureux, la vie ou la mort. Il est assez singulier que, par ce moyen, l'on prédise souvent juste , ce qui met ce genre de divination en grand crédit chez les peuples grossiers de l'Asie. 11 y a cer- taines lignes principales auxquelles on rapporte toutes les fissures, et ces lignes ont chacune leur nom et leur signi- fication particulière. »

On pratiquait en Chine, dans la plus haute antiquité, un genre de divination semblable à celui qui vient d'être décrit, si ce n'est qu'au lieu d'omoplates ou se servait d'écaillés de tortues, dans lesquelles on brûlait certaines herbes, jusqu'à ce qu'elles se fendissent. (\^oy. Mailla, Hlst. (le la Chine, tora. I, pag. 104. Note de l'éditeur).

Nous citerons eiicore, au sujet des superstitions mon-

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6l8 NOTES.

goles un passage de Raschid, qui se trouTe à Tarticle des Ourianguites mongols.

« Lorsque les Ourianguiles mongols, dit cet historien, Teulent faire cesser un orage, ils disent des injures au ciel , aux éclairs , au tonnerre. Les autres peuples mon- gols font tout le contraire : lorsque le tonnerre gronde, ils restent enfermés dans leurs huttes, saisis de peur. Les Ourianguites s'abstiennent de manger la chair d*un animal tué par la foudre, et se gardent même d'en approcher. Les Mongols croient que le tonnerre provient d'un ani- mal semblable au dragon, qui tombe de l'air, frappe la terre de sa queue, se replie et vomit des flammes. Des Mongols dignes de foi assurent qu'ils l'ont souvent vu de leurs yeux. Ils disent aussi que lorsqu'on répand sur la terre du vin ou du coumiz, du lait ou du lait caillé, la foudre tombe sur les animaux domestiques, et surtout sur les chevaux; mais que c'est le vin versé qui produit cet effet le plus infailliblement. Us croient que des bottes humides exposées au soleil attirent le tonnerre; aussi les font-ils sécher dans leurs huttes après en avoir soigneu- sement fermé l'ouverture supérieure. Le tonnerre est fré- quent dans leur pays, et la crainte qu'il leur inspire le leur fait attribuer à toutes sortes de causes. Ils disent aussi qu'il leur apparait des esprits avec lesquels ils s'en- tretiennent; il y a dans ces contrées beaucoup de suj>er- stitions de ce genre. Les cames y sont nombreux , sur- tout dans le pays qui touche aux limites de 4a terre habitée , et que l'on appelle Bargouti ou BargouXchin- Totigroum ; il est certain que les esprits viennent con- verser avec ces sorciers. »

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NOTES. 619

NOTE II.

(Page 159).

Voici la traduction des passages du Tarikh Djihanhus- chaï (i) et du Djami ut-Tcmrikh, qui sont relatifs à Texpédition des Mongols dans les pays à Toccident du Volga.

« Dans le second couriltai, tenu sous le règne d*Ogo- taï, dit rhistorien Alaï-cd-din, il fut arrêté qu'on sou- mettrait les nations voisines du territoire de Batou, telles que les Boulgares, les Ases et les Russes. L'empereur désigna les princes du sang qui assisteraient Batou dans cette entreprise; ce furent Mangou et son frère Boudjec, ses propres fils (de l'empereur), Couyouc et Cadgan, les princes Coulcan, Bouri et Baïdar, les frères de Batou, Orda et Tangoute , avec plusieurs autres princes , et parmi les généraux, Souboutaï Bahadour. Les princes retour- nèrent dans leurs apanages, pour faire les préparatifs de cette expédition, et le printemps suivant ils se mi- rent tous en marche vers la frontière des Boulgai*es, qui était leur rendez-vous général. Ils forcèrent d'abord la ville célèbre de Boulgar, tuèrent ou traînèrent en captivité ses habitants; de ils s'avancèrent sur le pays des Russes, et conquirent leurs provinces jusqu'à la ville de Mocoss, /j*iX«, (Moscou), dont les habitants étaient

(1) Voyez tom. I, les deux chapitres intitules: Zihr />- iîkhlaJiJi Boulgar u houdoud As u Rous ; et Zikr Djcnh KèJari Ba^chs:uird,

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6aO HOTES.

aussi nombreux que les fourmis et les sauterelles. Pour j arriver, il fallait traverser des forêts si épaisses, que les serpents même n'y pouvaient pas pénétrer. Les prin~ ces mongols ayant entouré ces forêts, y firent percer des chemins assez larges pour contenir trois chariots de front. On dressa les catapultes contre le mur de la ville, et au bout de quelques jours elle fut anéantie. Les vainqueurs y firent un butin considérable. U fut ordonné de couper Toreille droite à tous les morts ^ on en compta deux cent soixante-dix mille.

« Lorsque les Russes, les AJans et les Kiptchacs eurent été exterminés, Batou s'apprêta à détruire les Basch^ guirdes (i), nation chrétienne tres-considcrable , que Ton dit voisine des Francs. Il partit pour cette expédition au commencement de l'année, Lne armée de quatre cent mille hommes de cavalerie marcha à sa rencontre. Batou détacha, pour la reconaître, son frère Schiban, avec un corps de dix mille hommes. Schiban revint au bout d'une semaine, annonçant que rennenii avait des forces supé- rieures. Lorsque les deux armées furent proches l'une de l'autre, Batou monta sur une hauteur, il demeura un jour et une nuit sans parler a personne, imploi-ant la protection divine, 11 avilit ordonné aux musulmans qui étaient dans son armée, de se réunir pour offrir

(1) Ce AODt lea Hongrois que l'auteur dcsignc sons le nom do Baichguirdes i on croyait alors , comme ou le voit par la relation de Garpin , que les Hongrois étaieut de la même ruce que les Bascbguirdes , quoique ces deruiers fussent un peuple turc; erreur qui provient peut-être de la ressem- blance de ce nom avec celui de Magyar , surtout dans la bouche des Turcs septentrionaux , qui confondent le b avec l'm.

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NOT£S. I^^t

aossi leurs prières à Dieu. Le leudemain ses troupes se préparèrent au combat. Les deux armées étaient sépa- rées par un grand fleuTe. Batou le fit passer pendant la nuit à une partie des siens , et son frère Schiban^ se mettant à leur tête» chargea plusieurs fois Tennemi; mais il ne put Tenfoncer à cause de son grand nom- bre; alors le reste de l'armée mongole joignit Schi- ban, qui arec toutes ces forces se précipita sur Tenne- rai. Les Mongols pénétrèrent dans le camp, et coupèrent même avec leurs sabres les cordes des paTillons. A la Tue des tentes royales renversées, l'armée Kélare (i) per- dit courage et prit la fuite» Il ne s'en sauva qu'un petit nombre et tout ce pays lut conqms* C'est l'une des plus grandes victoires que les Mongols aient remportées.»

L'histoire de Raschid donne sur ces expéditions les dé- tails suivants :

« Au printemps de Tannée du singe , qui commence dans le mois de Djomada-1-akhir 633 (février ia36), Mangou et Boudjec, fils de Toulon! , Couyouc et Cadan, fils d'O- gotaî, Coulcan, son frère, Bouri et Baldar, fils de Tcha- gâtai, Batou, Orda, Schiban et Tangcoute, fils de Djoutchi, et plusieurs généraux, parmi lesqueb on dbtinguait Sou- boutaï-Bahadour , paitirent pour l'expédition contre les Kiptchacs. Ayant marché tout l'été, ils arrivèrent en au- tomne à rOrdou des enfants de Djoutchi, dans le voisi- nage du pays des Boulgares. De là, Batou, Schiban et

Bourouldaï s'avancèrent contre les Polo , ^y> et les Basch- guirdes (les Polonais et les Hongrois). Les Polo sont une

(1) RéUr est ici pour Kéral ^ Crdt ^ qui signifie roi, en langue slave. Les Mongols auront , sans doute , emprunté cette dcnomination des Russes qui appelaient le roi de Hon- grie , Korol F'engerski,

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6a'Jl NOTES.

nation très-consîdérable , qui professe le Christian bme , et dont le pays confine à celui des Francs. Us vinrent à la rencontre de Batou, au nombre de quarante toumans (quatre cent mille hommes). Schiban, qui commandait l'avant-garde , forte de dix mille hommes, avertit son frère que Tennemi était bien supérieur en nombre. Lors- que les deux armées furent en présence , Batou , à l'exem- ple de son aïeul Tchingniz-khan, monta sur nne hauteur , il passa en prière un jour et une nuit. U ordonna aux mahométans qui étaient dans son armée , de prier également pour le succès de ses armes. Puis, traversant de nuit, avec Bourouldaî, un grand fleuve qui le séparait de Fennemi, il l'attaqua. Schiban le chargea en personne; le général Bourouldaî fondit sur lui avec toute l'armée, et les Mongols pénétrèrent jusqu'à la tente du Kélar (Crâl) , dont ils coupèrent les cordes à coups de sabre. L'ennemi découragé prit la fuite. Semblable à un lion furieux qui s'élance sur sa proie, l'armée mongole le poursuivit, et en tua le plus grand nombre. Tout ce pays fut conquis. Celte victoire est l'un des grands faits d'armes des Mon- gols. Le Polo et la Bascbguirdie sont de vastes pays, il y a beaucoup de lieux fortifiés ; néanmoins ils les conqui- rent; mais ces peuples se révoltèrent dans la suite, et maintenant (Raschid écrivait en i3oo) il ne sont pas tout- à-Êiit soumis ; ils conservent même leurs rois qu'ils ap- pellent Kélar (i).

(1) Kaschid confond Ica deux expéditions des Mongols en Pologne et en Hongrie. La bataille dont il fait mention est celle de la Sayô , la plus grande partie de Tarmëe hon- groise fut détruite , en 1241 ^-niais cet historien n'a pas suivi l'ordre des événements; il parle ensuite des opérations dt l'armée mongole dans l'anuéc 1237.

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NOTES. 6a3

« L*année mongole se trouvant réunie sur le bord de la rivière ^Ijl^, (dans l'hiver de I236 à 1 237) , les princes détachèrent Souboutaï-Bahadour, pour faire la conquête des pays d'Ase et de Boulgar. Ce général pé- nétra jusqu'à la ville de CJU^ (Cazan?) et battit l'en- nemi. Ses chefs ^Ub (Bayan?) et yu^ (Tchicou?) vin- rent en personne rendre hommage aux princes du sang, qui, après les avoir bien accueillis, leur permirent de s'en retourner; mais ils ne tardèrent pas à se révolter, et Souboutai fut encore chargé de les réduire.

« Les princes ayant tenu un conseil général, se sépa- rèrent pour s'étendre et embrasser une vaste étendue de pays; ensuite ib s'avancèrent de tous côtés dans son intérieur, comme s'ils faisaient une grande battue.... (i), qui marchait à l'aile gauche sur le bord de la mer

(Caspienne) prit Batchman, ^U^> l'un des plus braves

chefs de la nation kiptchake , qui était de la tribu ViIJLaI J^t

(Olerlik?), ainsi que Catchar Ogola, ^^^\ fi^^ ^^ était de la nation... (2). Voici comment cela se passa: ce Batchman, qui avait échappé au fer mongol, ayant réuni autour de lui une troupe de brigands et d'autres fuyards, courait le pays, faisant du butin siu* les Mon- gols, et se rendant chaque jour plus incommode. Comme

(1) Le» points indiquent des lacunes dans le manuscrit; mnis quand c'est un nom propre qui manque , il est proba- ble que c'est celui dcMangou, parce que les noms des sou- verains mongols étant t^crits avec de l'encre rouge , le co- piste a quelquefois oublié de remplir l'espace qu'il avait laissé vide.

(2) Il manque ici probablement le mot Aae,

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6a4 K O T H Si

il n'ayait paB de demeure fixe^ on ne sayait ou 1^ prendre; il restait caclié pendant le jour dans les forêts qui couvrent les bords de TAtil. Mangou ordonna de préparer deux cents bateaux, et mit dans chacun cents hommes bien armés; puis longeant un côté du fleuve 9 tandis que son frère Boudjec suivait Tautre, ils fouillè- rent toutes ces forêts» Les Mongols vinrent en un en-> droit ils virent les vestiges d'un campement que Ton venait de quitter, et il y trouvèrent une vieille femme qui leur apprit que Batchman avait passé dans une île, et que était déposé tout ce qu'il avait enlevé dans ses courses. Mais comme il n'y avait pas de bateaux dans le voisinage, les Mongols n'auoraient pas pu arriver à cette lie, s'il ne s'était élevé tout-à-^oup un grand vent qui fit refluer l'eau vers le bord opposé (i), au point de laisser voir le lit du fleuve^ Mangou ordonna à ses troupes de le passer à gué. Elles arrivèrent dans l'ile à l'improviste et prirent Batcliman; tous ses gens furent en un instant noyés ou tués; leurs femmes et leurs enfants tombèrent, avec un butin considérable, an pouvoir des Mongob, qui repassèrent le fleuve à gué sans avoir perdu un seul homme dans ses eaux. Batdi' man , amené devant Mangou , le pria de le tuer de sa propre main; ce prince ordonna a son frère Boudjec de le couper par le milieu du corps (2). Catchir Ougola^

(1) II y a ici dans le manuscrit une lactme , que noat avons remplie, d'après le Tarikh DjikanJcuschaï ^ l'his toire de Batchman est rapportée à peu près dans les mêmes termes; on voit que RascLid l'a copiée.

(2) La suite est de Raschid.

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KOTBS. 6^5

Tun des chefs des Ases, fut aussi tué. Les princes mon- gols passèrent Tété dans ce pays (i).

« Dans Tannée de la poule (634 €t xa37), Batou, Orda, Barcaîy Cadan, Boiu'i et Coulcan attaquèrent les Bokschas

^iJ^, et les Bourttassesy ^mUo^, qu'ils sotunirent en peu de temps. Dans l'automne de la même année, les princes y après avoir tenu un Courîltaî, marchèrent tous ensemble contre les Russes. Couyouc, Mangou, Coulcan,

Cadan et Bouri assiégèrent la ville de ^b (Ban?) et la prirent au bout de trois jours. Us s'emparèrent ensuite de la ville de iù] (Iga?) devant laquelle Colcan reçut une blessure dont il mourut. Us défirent et tuèrent Oui^

(l) Voici ce que l'histoire de la Chine , par Mailla , rapporte sur le même sujet : « Lorsque Meng->ko , dans la troisième luoe de cette année (1237) , fat entré dans le pays de Kin- cha (Kiptchac) , il s'avança vers la mer de Koan-tienkis {Koan signifie , en chinois , forteresse de défilé et Tenguiz signifie mer en turc ; ces deux mots expriment donc la mer du Derbend). Leur prince, Patchiman , se jeta à leur ap- proche , dans une lie de la mer avec ses gens , dans l'espé- rance qu'on n'oserait pas l'y venir chercher ; mais un grand vent qui s'éleva tout à coup , dans le temps que la marée se retirait, mit k sec le chemin qui conduisait à cette Ile. Meng-ko en profita et fit main basse sur tous les Rin-cha; leur prince Patchiman fut fait prisonnier et mené devant Meng-ko , qui voulut l'obliger de se mettre & genoux. Croyez.-'vous , lui dit Patchiman , que y aie la faiblesse de vous demander la vie ^ et me prenez-vous pour un chameau? Meng-ko le confia à la garde de quelque soldats. Patchiman les avertit que la marce allait remonter , et qu'ils couraient risque d'être surpris, s'ils ne prenaient pas le parti de se retirer promptement. » Mailla , tom. IX , page 226.

Ï3I 4o

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626 N O T E S^

inan, ^l««^t 9 (1« ^^ Roman), l'un des che£s ntsses, qui était allé à leur rencontre. Us emportèrent , au bout de cinq jours, la ville de. . . ^iCu, et en tuèrent Témir,

nommé Oulaî-Timour t«4uj (^1%) (Wladimir). Il leur fal- lut ensuite huit jours pour prendre la ville du Grand- George V^iW tj^O* (grand-duc George). On se battit

avec acharnement fit lui-même des prodiges de valeur,

et finit par remporter la victoire. Ils n'employèrent que

cinq jours devant la ville de Saint-Nicolas, JUijJ, capi- tale du pays de Venceslaw, ytfjy Ils prirent et tuèrent le souverain de ce pays, le grand George («^^ i^)» qui s*était caché dans une forêt. Ensuite les princes, ayant tenu conseil, s'étendirent pour embrasser un vaste espace, et s'avancèrent par plusieurs routes dans l'intérieur de la Russie, prenant toutes les villes et les forteresses qui se présentaient devant eux. Batou assiégea pendant deux

mois la ville de aCmjI (JiA^ (Kil Acaska?); enfin, ayant été joint par les princes Cadan et Bouri, il l'emporta le troisième jour. Alors les princes prirent des cantonne- ments et se reposèrent pendant

« Dans l'automne de l'année du chien (635 et I23S)... et Cadan marchèrent contre les Circasses, et tuèrent, dans

l'hiver, leur prince nommé ^1^%^ (Toucan?). Schiban, Boudjek et Boiuri firent une incursion dans le pays des Mérimes , ^j^ , branche de la nation des ^jl?'**^ (Tchin- tchakes ?) , et Barcaî attaqua les Kiptchacs ; il prit les chefs des Mékroutis «j*)*^

« Dans l'hiver de l'année du porc (636 et i238 à 1239) avec Bouri et Cadan firent le siège de Mangass iJiXw,

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NOTES. 6^27

qu'ils prirent au bout de six semaines; le printemps sui- vant, année de la souris (637 ^^ 1*39), ils envoyèrent Coucdaï, j^l«iJ*î, faire la conquête de la porte de fer asiia jf^ (Derbend) et des pays adjacents. Dans Tau-

tonme de la même année , les princes Couyouc et Man- gou furent rappelés par l'empereur Ogotaî, et ils arrivè- rent à leurs Ordous dans Tannée du bœuf (638\ »

Cette relation se trouve dans la vie de l'empereur Ogotai *, elle est continuée après son règne , daas un cha- pitre intitulé : Des Princes du Descht Kiptchac, ou des steppes des Kiptchacs.

R Dans l'automne de l'année de la souris (687 et 1239), lorsque Couyouc et Mangou eurent quitté l'armée par l'ordre du Caan (pour retourner en Tartarie), le prince Batou avec ses frères, et les princes Cadan, Bouri et Boutchec marchèrent contre les Russes et les Bonnets- noirs {Cara-Calpaks ; ce sont les klobouks noirs des his- toriens russes). Ils prirent en neuf jours la grande ville

russe de ^li^Jl^ (Minguercan ?} et puis toutes les villes

à*Ouladimour j%«0]UI (Wladimir). Cernant une grande

étendue de pays, ils s'avancèrent de tous côtés, prenant les villes et les châteaux-forts qui se trouvaient sur leur passage. Us assiégèrent avec leurs forces réunies la ville

à' Outch^Ogoul-OuJadimour jy^Siy\ {J^^ ^y\ (ces trois

mots signifient en turc les trois fils de Wladimir) , et la prirent au bout de trois jours. Il mourut dans l'année du bœuf (1240). [On ne sait pas de qui il est question].

« Au milieu du printemps (12 40), les princes franchirent les monts . . . ^jl) ^L> pour entrer dans le pays des Boula- res .ly et des Baschguirdes. Orda , qui marchait sur la

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628 If O TE 5.

droite, ayant passé par le pays dllaoute , CL.i«Ll, rk

venir à sa rencontre é^jyi (Bezerenbam ?) avec une ar- mée ; ce dernier fut battu. Cadan et Bouri s*étant dirigés contre les Sassans [^LmLm] ^ les vainquirent à la suite

de trois combats. Boudjek traversa les montagnes de ce pays pour entrer dans le Cara-Oulag (probalrfe- ment la Transylvanie et la Valachie), défit les peuples Oulag (Valaques) , passa les monts . . . çjji ^j\j\j , et entra

dans le pays de jl ^/«JU (Mischelav?), il battit Tennemi, qui l'attendait. Les princes, marchant par ces cinq routes, s'emparèrent de tout le pays des

Baschguirdes , des Madjars , ild^t* , et des Sassans (i), dont le roi, Kelar, prit la fuite* Ils passèrent ensuite l'été sur le bord de la Tissa, dJLmj (Theiss) et du Tonba, l^ (Danube). Cadan partit avec ses troupes et conquit

les pays de CUyU (Macoute?) ^^j\ et ^^f*»9 il pour- suivit jusqu'au bord de la mer le Kélar, souverain de ces contrées, qui, pour lui échapper, s'embarqua dans la ville

maritime de... jJuJU et alla en mer. Cadan revint alors

sur ses pas, et prit, après des combats opiniâtres, ... ^j*^^

(1) C'ëtaieut probablement les colons saxons qui habi- taient les proTinces onentales de la Hongrie, et qui farent attaqués par le prince Cndan. Par tem orient alemllungariœ ^ quam Almani inhabiiabant , Cadan introivit et eain des- truxit, TVIichow , Cronica Polonorum, Ici devrait être placé le rccit de la victoire sur les Hongrois , qui se trouve au commencement du premier article.

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NOTES. 629

et..ALuui dans la ville d'Oulacoute » CL^yliy. Ils u*a\aient pas encore reçu la nouvelle de la mort du Caan.

« Dans Tannée du tigre (laA')» les princes livrèrent bataille aux Kiptchacs, qui étaient venus en grand nom- bre attaquer... /^a^ et Schingcour, fils de Djoutcbi, et

les vainquirent. Ils revinrent en automne, passèrent la porte de fer et les montagnes, et envoyèrent Ilaoudar

jO^Ll avec un corps de troupes contre les Kiptchacs battus, qui s'étaient retirés dans ces contrées; on les fit pri- sonniers. Lepaysd'Ouroungcoute-Badadj, «p-'ûU c:,>jgCîi^.^l fut aussi soumis et envoya des députés aux princes, qui finirent Tannée dans ces régions. Au commencement de celle du lièvre (640 et ia4^)> les princes ayant achevé la conquête de ce royaume , s*en retournèrent , et après avoir psssé en route Tété et Tiiiver, ils arrivèrent à leurs territoires dans Tannée du serpent (641 et 1243), »

NOTE III.

(Page a 40).

On trouve dans Eccard [Corpus hlst, mcdli œvi , vol. II, page i45i), une notice sur Tchinguiz-khan , qui pa- rait avoir été composée par un chrétien de la secte de Nestor, peu après Tinvasion de ce conquérant en Perse. Selon Eccard, les chrétiens d'Asie se plaisaient à publier que David, roi chrétien des Tartares (c'est ainsi qu'ils appelaient Tchinguiz-khan), était prêt à leur fournir «les secours contre les Turcs de Syrie et d'Egypte. Cet eàpoir leur était d'autant plus nécessaire, que les crois^^s venaient d'essuyer un terrible échec sur les bords dur

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628 irOTES.

droite, ayant passé par le pays d'il» c le;»

venir à sa rencontre ^IjiiU (Bezereç*// singu-

mée; ce dernier fut battu. Cadap//

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contre les Sassans [«,UU], Ij.y^ ^ ^^,^jj^„^

de troi» combats. Boudje>, ,'^ ^ .e en Saxe,

ce pays pour entrer #* // '/ / quatre pages

nie '// / " atitulës: De

j9 //'' ^' prœUo régis Da-

: ^ i** Quomodo rex Da-

.; 4** Quomodo rex David ooldani; 5** /^^ situ regni Sol- *A" r^^/j David et calrpho, ►itre traite de l'origine de Tcbinguiz- id, fils du roi Israël, fils du roi Jo- ie plus jeune de six frères. L'aîné I ^ j^a ^ iM aci. Ces deux princes et leurs ancêtres *''eiit tributaires du grand roi des Perses, appelé /V,aii-cliara (il faut lire, sans doute, kban-khata, et l'on voit, par l'indication de son pays, que l'on veut désigner le khan du Cara-khataï) , c'est-à-dire, roi des rois, dont le pays s'étendait depuis Chassar (C^scLgar) jusqu'à Bella-Garum (Béla-Sagoun) , au-delà du Djihoun. Les astrologues avaient j>rédit à Chau-cbara que son royaume serait conquis par quelqu'un du nom de David. On découvrit que le fils d'Israël s'appelait ainsi; on le fit venir à la cour pour s'en defaiie; mais ce jeune homme plut au roi , qui , à l'intercession de ses deux femmes , dont Tune était la fille -du roi Johan, lui accorda la vie, et David retourna sain et sauf dans sa patrie.

Chapitre 2. Trois années après , le fils aîné d'Israël étant mort, David fut élu roi. On lui fit épouser la fille du roi de Machadii (Mahatchîn , grande Chine) ; il alla avec une

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NOTES. 63 1

armée innombrable envahir le pays de Chan-chara» roi des Perses. David le vainquit dans une bataille, prit Chan-chara , et conquit tout son royaume, où. il y a soixante-quatre grandes villes, et dont l'étendue est de soixante-dix-huit journées de chemin.

Chapitre 3. Ensuite le roi David vint au pays dit Alaanar (Mavera-un-nahar), qui est limitrophe de l'Inde et con- tient un grand nombre de villes ; celle le roï de Perse fait sa résidence est appelée Gazna. David vainquit le roi d' Alaanar, et passa au fil de l'épée toute son armée. Ayant conquis ses états , il s'en retourna dans la contrée appelée Chara (Khataî). Le roi de Chara et Chamamisa (Khorazin- schah, il est question du sultan Mohammed) avaient eu des différends au sujet de la possession de Bacharim (Boukhara), Samarchant et Bellecharun (Bilad Kharazm , c'est-à-dire le pays de Kharazm). T^dit Charnamisa en- voya des ambassadeurs au roi David et fit la paix avec lui, en lui cédant toutes ses possessions au-delà du fleuve Geon (Djihoun). En sûreté de ce côté, il rassembla une grande armée, entra dans le Khorassan, et s'approcha de Bagdad, à la distance de six journées de marche, d'où il envoya des ambassadeurs au khaliphe, pour lui décla- rer la guerre. (Ici laissons parler l'auteur anonyme). « Calyphus vero magno timoré ductus quia vires non habebat ut resbteret ei, consuluit super hoc fidèles suos. Qui dixerunt ei ut rogaret Japhelit, patriarcham Nesto- linorum, qui nuntiaret régi David, ut treugas frangeret Chamamisan, ut vel sic cessaret ab infestatione sua. Ca- liphus nocte equitavit cum suis, quia die equitare non consueverat, nisi statutis diebiis, et ivit ad doroum pa- triai^chae , qui morabatur intus Baldahc, et rogavit eum dicens : Ecce nequam istc Chamamisan super nos patenter advcnitf et si occupaverit tcrram istam , oaines christianos

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63a iroTBs.

morti tradet, Tali modo me jupare poteris : Rex David et omnes qui confidenter legem vestram observant y obeditmt tibi. Rogo ergo ut per Utteras et nuntios tuos régi David insinues ut treugam infringat inter se et Chamamisan et sic ccssahit a molcstatione nostra, Patriarcha exaudiens preccs Calyphiy misit ad regem David, ut dicto Charna- misam trcugas in/ringeret. Quo audito rex David aggres- sus est terram Charnamysan. Audiens istud Chamamysan ad propria rediit, de quo Calyphus valdè laetatus est. Charnamysan volait libenter pacisci cum rege David, quod ille penitus recnsavit. Congregavit autem gentem innumerabilem Charnamysan et transivit ultra fluvium Geon, preparans se opponere régi David. Quem rex David viriliter devicit in campo, et major pars gentîs ejns occisa est. Asserunt quidam ipsum Charnamysan fore mortuum, quidam vero dubitant ubi sif. »

Ce dernier récit a quelque intérêt , parce qu'il confirme ce que les historiens mahométans laissent entrevoir, que Topinion publique imputait au kaliphe Nassir l'invasion de Tchinguiz-khan dans l'empire khorazmien. Il montre en même temps que les chrétiens d'Orient voulaient faire croire que leurs chefs spirituels avaient du crédit siu* l'esprit du conquérant mongol. L'auteur prétend même, dans le chapitre 6, que des ambassadeurs, envoyés par le roi David au khaliphe de Bagdad ^ portaient im dra- peau sur lequel était le signe de la croix. £n nommant à cette occasion le roi David, il ajoute: qui semper trium- phct et vivat. Cependant les Mongols attaquaient aussi les chrétiens, puiscpi'ils firent à cette époque une invasion en Géorgie; mais l'auteur de la relation explique ce fait : « Caput exercitûs David terram Georianorum intraverat, « quos devicit, et abstulit eis 40 castra, quia non sunt vere credentes. »

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NOTES. 633

NOTE IV.

(Page 499)-

Nous donnons la traduction d*un chapitre du Djanii ut-Tévarikh y il est question des deux résidences de Goubilaî, des principaux fonctionnaires publics dans la Chine, et de la division de l'empire en gouyemements.

« Le Khital est un empire très-vaste, on ne peut plus cultivé. Des personnes dignes de foi rapportent qu*ii n'y a, dans aucun autre pays du monde, la culture et la population qu'on trouve dans le Khitaî. Un gol- phe de l'Océan s'enfonce, au nord-ouest, dans la par- tie de la côte du Khita! qui sépare la Corée du Manzi, et pénètre jusqu'à quatre fcrsenks de Klian- balik; les vaisseaux vont jusque là. La proximité de cette mer cause l'abondance des pluies. Plusieurs des provinces de cet empire ont un climat chaud; d'autres, un clinuit froid.

« La -ville de Khan balik, appelée en chinois Tchoung-- dou, ancienne capitale des souverains de ce pays, était leur résidence d'hiver. Comme elle avait été ruinée par Tchingniz-khan, Coubilaî voulait la restaurer; mab il aima mieux, pour la gloire de son nom^ fonder une nouvelle ville près de l'ancienne^ et il la nomma Daï- dou } les deux sont contigues. Le mur de cette ville est flanqué de sept tours, entre lesquelles il y a la distance d'un fersenk. Elle est si peuplée qu'on a bAti dans SCS environs. Des arbres fruitiers, transplantés de tous les pays, ornent ses vergers et ses jardins, et la plupart portent des fruits. Coubilaî fit bâtir pour son

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634 NOTES.

usage, au centre de cette Tille, un raste palais, qu'il nomma CarschL II est orné de colonnes et de pavés de marbre, et muni de quatre enceintes, à la distance d'une portée de trait l'une de l'autre. La cour exté- rieure sert de grand commun; la troisième est la sta- tion des officiers, qui s'y réunissent tous les matins; la deuxième est destinée aux che£s de mille, et la pre- mière aux officiers de la maison de l'empereur. Le Caan demeure l'hiver dans ce palais.

« n passe à Kban-balik et à Taï-tou , une grande rivière , qui vient du nord, du côté de la résidence d'été, et coule près du Djemdjal (i). U y afflue aussi d'autres eaux. On a creusé , près de la ville, un très-grand bassin, comme im lac; on y a fait une rampe sont lancées les bar- ques qui servent au plaisir de la promenade. Le fleuve avait jadis un autre lit, et se jetait dans un golphe de l'Océan, qui pénétrait dans les terres jusqu'à une petite distance de Khan-balik ; mais comme, avec le temps, ce golphe ou détroit s'était retréd au point de ne plus laisser passer les vaisseaux, il fallait charger les cargai- sons sur des bétes de sommes, pour les faire arriver à Khan-balik. Alors, sur le rapport des ingénieurs et des savants chinois, qu'il n'arrivait plus dans cette capitale de navires des provinces du Khitaï, ni de la capitale du Matchin, ni des villes de Kingsaî et de Zaïtoun, ni d'au- tre lieux, le Caan ordonna que l'on creusât un grand canal et qu'on y conduisit les eaux de ladite rivière, et de plusieurs autres. Il y a de Khan-balik à Kingsa! et à Zaïtoun, qui sont (l'un) le port de l'Inde, (l'auti-e) la ca-^

(1) C'est le défilé de Con-pé.keou.

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NOTES. 635

pitale du Matchin, quarante journées de navigation. Ce canal a beaucoup d'écluses, destinées à dbtribuer Teau dans le pays; pour les franchir, les vaisseaux sont his- sés tous chargés par des machines qui les font descendre de Tautre côté, dans Teau. Le canal a plus de trente gttiz de largeur. Coubilaï ordonna que les parois en fussent revêtus de pierres, afin d'empêcher les éboule- ments. U est bordé d'une grande route, qui va au Mat- chin (Chine méridionale); ce chemin a quarante jotunées de longueur; il est entièrement pavé, afin qu'après les foites pluies y les animaux ne puissent pas enfoncer dans la boue; ses deux côtés sont plantés de saules et d'autres espèces d'arbres, qui l'ombragent. On ne souffre que personne, ni militaire, ni qui que ce soit, se permette d'en rompre des branches , ou d'en donner le feuillage aux animaux. Cette route est bordée de villages, de bouti- ques et d'hôtelleries, ensorte que dans cette étendue de quarante journées, les habitations se succèdent sans in- tervalle.

n Le rempart de la ville de Taï-tou est de terre. A la Chine, pour faire un pareil rempart, on dresse des planches entre lesquelles on met de la terre humide , qu'on bat avec de gros blocs de bois , jusqu'à ce qu'elle soit bien ferme; alors on ôte les planches, et l'on a im mur. On est obligé de recourir à ce moyen pour faire des remparts solides, parce qu'il pleut beaucoup dans ce pays et que la terre y est légère.

«« Cloubilaï voulut bâtir, au milieu de la ville de Caï- ping-fou, qui est à cinquante fersenks de Taï-tou, un palais semblable à celui de cette capitale. De Taï-tou a la ré:>idence d'été il y a trois chemins: l'un interdit au public, et réservé pour la chasse, ne sert qu'aux envoyés; l'autre passe par la ville de Tchou-tchou, et

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636 NOTES-

suit la rive du Sanguin; on y Toit beaucoup de raisins et d'autres fruits. Près de cette ville, il y en a une autre, appelée Sémaii, dont la plupart des habitants sont des Samarcandiens; ils y ont planté beaucoup de vergers dans le genre de ceux de Samarcande. La troisième route traverse un défilé, nommé Siking, au-delà duquel on ne trouve plus que des prairies et des quartiers d*été jusqu'à la ville de Caï-ping-fou. Autrefois la cour pas- sait l'été dans le voisinage de ladite ville de Tchou-* tchou. Coubiiaî s'était £ait bÂtir, à l'est de Caî^pixig^fou , im palais, nommé Leng^ten; mais à la suite d'un songe, il l'abandonna. Les savants et les arcbitectes consultés sur le choix d'un autre local, s'accordèrent a dire que le meilleur emplacement était un lac, entouré de prairies, dans le voisinage de Cai-ping^fou. U y a dans ce pays une espèce de pierre qu'on employé en guise de bois. On en assembla une grande quantité avec beaucoup de bois, et Ton combla ce lac, ainsi que sa source, de chaux et de briques concassées, par dessus lesqudles on fit fondre beaucoup de plomb et d'étain. Ces fondements s'élevèrent à Li hauteur d'un honune. L'eau emprisonnée ainsi dans le sein de la terre, se fraya, avec le temps, divers passages , et produbit des fontaines. Sur ces fon- dements fut bâti un palab dans le goût chinois; on l'en- toura d'un mur de marbre, d'où part un enclos en bois qui défend l'entrée de cette prairie, le gibier se multiplie. Un second palais fut élevé dans l'intérieur de cette ville, à la distance d'une portée de tr«\it du pre- mier; mais la plupart du temps, l'empereur réside dans le palais extérieur.

« Les grands dignitaires qui sont à la tête des dépar- tements, reçoivent le titre de Tc/iing-sang; les généraux

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W O T B s. 637

en chef, celui de Thaï-fou; les chefs de dix mille, celui de Fang-schi; les sous-chefs d'administration, per- sans, chinob, ou ouïgours, sont appelée Fentchan (1) ^;l^. n est d'usage que dans le Grand Divan (le conseil des ministres), il y ait quatre Tchinksanks ^ pris parmi les grands officiers mongols, et quatre Fentchans, soit per- sans, chinois, ouïgours et arkaouns (chrétiens), lesquels ont aussi leurs substituts dans le Divan. D y avait dans la capitale six Divans, chacun avec des attributions spéciales, et un conseil suprême C^ing). » (Suivent quelques détails que nous omettons, sur les attributions de ces collèges).

« U est d'usage à la Chine, lorsqu'un individu passe un contract, qu'on prenne sur le papier le contour de ses doigts; car l'expérience a prouvé qu'il n'existe pas deux individus dont les doigts soient parfaitement semblables; on applique une feuille de papier contre les doigts du contractant, et l'on trace sur le dos de cet acte, des traits à l'endroit des jointures de ses doigts, afin que si jamais il niait son obligation, on put comparer ses doigts avec les contours, et le convaincre par cette preuve.

Raschid dit ensuite que les employés et membres de tous les Divans doivent être assidus à leurs postes, que plusieurs secrétaires sont chargés spécialement d'inscrire le nom de celui qui ne vient pas tous les jours, afin qu'il soit fait une retenue sur ses appointements, pour chaque jour d'absence; et si quelqu'un s'absente souvent, »ans pouvoir alléguer d'excuses valables, il est destitué.

(1) Ce nom est écrit Pentckan , ^A^ , par Vassaf et Bingdsching par Sanang Setscn , p. 127.

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638 w o T E s.

« Le Sing (l*hôtel du gouvernement) de Rhan-balik esl très-vaste; on y conserve les registres de plusieurs mil- lîers d*années. Les employés de ce Slng sont au nombre de près de deux mille. Il n*y a de Sûigs que dans les che£5~lieux des provinces.

« Le premier Sing est à Khan-balik et à Daî-don.

« Le second est celui des pays de Tchourtché et de

Soulangca. H est placé dans la ville de Moun-tcheou «^j^, la plus grande des villes du Soulangca.

a Le troisième est celui du pays de Couli et d'Ouconlî (Corée), qui forme un royaume particulier, dont les sou- verains portent le titre de ^ang. Coubilaî donna sa fille en mariage à ce souverain.

« Le quatrième est celui de Nan-king (Caî-fong-fou) , sar le bord du fleuve Cara-mouran; c*est l'une des capitales du Kbitaî.

« Le cinquième est dans la ville de Seltcheou ? yS^ 9 sur la frontière du Khitaî.

« Le sixième est celui de la viUe de Khingsa!, (Hang- tcheou-fou) , capitale de l'empire Manzi.

« Le septième est le Sing de Loutcheou ^jJ , (ce doit être Fou-tcheou) , ville du Manzi. Il avait été transféré à Zai-toun ; mais dans ces derniers temps , on l'a replacé à Fou-tcheou.

« Le huitième est celui de Loukinfou J à^^^ (proba- blement Koué-lin-fou), ville du Manzi, sur la frontière du Tangoute.

« Le neuvième est celui de Lonmkéli? ^J^^t ^^ 1^ commerçants appellent Tchin-kelan ^Ji^, C'est une viDe très-grande, sur la côte, au midi du grand port de ZaMoun.

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NOTES. 639

« Le dixième est celui de Caratchang qui formait un royaume particulier. Le Sing est dans une grande ville, nommée Yatchi, dont les habitants sont tous mahométans.

« Le onzième est celui de Kiiidjanfou , «Âj.»- ^S , (Si- ngan-fou) , ville du Tangoute. Ananda, fils de Noumou- gan (ce doit être fils de Mangala), réside dans ce pays,

et habite l'endroit nommé Fentchan naour, j^U ^J^9 il a bâti im palais.

« Le douzième est celui de Mélcheou, ^ip^, grande ville du Tangoute, avec un territoire immense. C'est que réside Atchiki (i).

« Il y a beaucoup a dire sur tous ces pays ; mais comme nous donnons leur histoire dans un appendice, nous nous bornerons ici à ce peu de détails.

*i Au sud-est , tout est soumis au Caan , hormis une ile de rOcéan, nommée Tchépangou (Japon), qui n'est pas éloignée des côtes du Tchourtché et du Kaoli, et dont les habitants ont la taille petite , le ventre gros et la tête enfoncée dans les épaules. Droit à l'Orient tout lui est soumis jusqu'au bord de la mer et aux frontières du Kirguiz. Au sud-ouest du Manzi il y a sur la côte, en- tre le pays de Keuîleki? ^/^^ €t Zaïtoun, un

foret, le fils de l'empereur du Manzi s'est mais il est sans moyens et vit dans l'indigence. a A l'ouest est le pays de Keftché-koué, (ou Candjé-coué , le Cangigu de Marco Polo, c'est-à-dire, le Tonkin) d'im accès difficile et borné par le Cara-

(1) Les préfets de ces provinces , nommés dans le Djami^ ut^Tévarikh y étaient, la plupart, musulmans.

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6![0 NOTES.

djank , par une partie de lUindostan , et par la mer. Il a son propre souverain et renferme les deux villes de Loudjek? et de Djessam? Tougan, qui commande à Kouélinfou et garde le Manzi, est aussi chargé de sur- veiller ces peuples ennemis. H fit une expédition dans leur pays et s'empara des villes de la côte; mais, au bout d'une semaine qu'avait duré sa domination, leurs troupes, sortant inopinément de la mer, des forêts ^ des montagnes, tombèrent sur les soldats de Tougan qui étaient occupes à butiner. Tougan se sauva et il réside encore à Kouélinfou.

« Au nord--ouest, est la frontière du Tubbet et celle des Derits-^'or, il n'y a pas d'ennemis, excepté sur un point occupé par Coutlouc-khodja et son armée; ton» tefoisy il est séparé de l'empire par de hautes monta* gnes, et l'ennemi ne peut pas y pénétrer de ce côté. Néanmoins on a placé quelques troupes sur cette fron- tière pour la garder.

« Xu nord-nord-ouest, un désert de quarante journées sépare les États de Coubilaî de ceux de Caidou et de Doua. Cette frontière s'étend à trente journées de l'est à l'ouest. De distance en distance sont placés des corps de troupes, sous les ordres de princes du sang ou de généraux, lesquels en viennent souvent aux mains avec les troupes de Caïdou. Cinq de ces corps sont cantonnés sur la li- sière du désert; un sixième, sur le territoire du Tan- goute, près du Tchagan naour (lac blanc); un septième, dans le voisinage de Cara-Khodja, ville des Ouîgours, située entre les deux États et gardant la neutralité. Cette frontière se termine aux montagnes du Tubbet. On ne peut pas traverser en été le grand désert, parce qu'on y manque d'eau; en hiver, on n'y boit que de Teau de neige.

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NOTES. 6^1 1

NOTE V.

(Page 519).

Comme il est souvent fait mention de balisch, dans Thistoire des Mongols, nous citerons les évaluations de cette monnaie , qui ont été indiquées par divers auteurs contemporains. Le balUch était une monnaie de compte. L'auteur du Tarikh Djihankuschhï dit, à la fin de sa préface, que le balisch d'or et le balisch d'argent valaient une quantité d'or ou d'argent, du poids de cinq cent miscals. Il ajoute que le balisch d'argent valait en Perse, de son temps, soixante-quinze dinars roknis , chaque dinar du poids de quatre danks. Vassaf nous apprend, à la fin du chapitre intitulé : De Vapénement au trône de Coubilaï , tom. I, que le balUch d'or valait deux mille dinars, le balisch d'argent, deux cent dinars, et le balisch tchao , ou en papier , dix dinars. Le balisch d'or valait cinq cents dinars , d'après l'auteur du Raouzat- ul-Djennat, Enfin, selon Oderic d'Udine, moine francis- cain, qui voyageait en Chine vers l'année iSao, le balisch en papier valait un florin et demi de Venise. (Voy. son ^ofage dans Ramusio, tom. II, in-f^, pag. aSo). Nous nous bornerons à réunir ces données. Il est probable que la valeur du balisch a subi de fortes variations.

4i

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64a

NOTES.

NOTE VI.

(Page 598).

TABLE GÉNÉALOGIQUE DES GRANDS KHAN^ successeurs de Tchinguiz-Khaw.

ÏOULOUÏ. 0

TCHINKIM.©

Camala. ©

\

Noms mongols. Surnoms mongols,

TÉMOUTCHIir

Tghin61}i:&-Kha-

CAH.

Setchen Kh. Oldjaîtou Kh.

1311

©

I

1320

è>

1323 ©

1

1328 ©

329^©^

I32d

W

1332

1333

Rhaîsghan. Kuluk Kh.

AYOUa-BALI- BOUYANTOU Kh.

BATRA. SCHODI-BALA. GuÉGUEH Kh.

YlSSOUN-TEMOUR.

AssouiLEPA (Radjaph-a).

COUSCHALA. KOUTOUKTOU Kh.

TOB-TEMOUR. DjIDJACATOU Kh.

Ylé-tchébé (Rintchehpal}.

TOCAW-TEIIOUB. OUKHAGATOU Kh

Surnoms chinois Thaî-t»ou. Thaï-tsoug. Tmo-TSoirG.

SlAN-TSOHG.

Chi-tsou.

TCHIHG-TSOWC.

VOU-TSOHG. GlN-TSONG. YWG-TSO«C.

Thaï-ting.

TiEH-CHUH. MlNG-TSOHG.

Oueh-tsoiig.

NlHG-TSOlIG.

Chun-ti.

FIN DES HOTES DU SECOND VOLUME.

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TABLE

DXS MATliBES COHtENUES D4NS LE SECOND VOLUME.

LIVRE It

Chapitre premier. Apanages et IrMipes donnés par TcMn- guiz-khan aux membres de sa famille. Régence de Toulouï. Assemblée générale* Élection d'Ogotaï. Premiers actes de ce prince. Envoi d'une armée en Perse. Guerre contre les Kins. Occupation de tout le Schen-si. Expédition de Toulouî. Ses ravages dans le Su-tchouan. Son invasion dans le midi du Ho-nan. Passage du fleuve jaime par Ogotaî. Jonction des deux armées mongoles. Défaite d'une armée kine. Livestissement de Pian-king. Négo- ciations de paix. Départ d'Ogotaï et de Toulouï pour la Mongolie. Siège de Pian-king par Souboutaî. Levée de ce siège. Mortalité dans Pian-king. Dé- part de l'empereur kin de sa capitale. II passe au nord du fleuve jaune. Défaite de ses troupes. Il repasse le fleuve et se retire à Koué-té-fou. Second siège de Pian-king. Trahison de Tsouï-li. La ca- pitale livrée à Souboutaî. Sort des membres de la famille impériale. Alliance des Soung avec les Mon- gols. — Entrée d'une armée Soung dans le Ho-nan. Retraite de Ninkiassou à Tsaï-tcheou. Siège de cette ville par les Mongols et les Soung. Prise de Tsaï- tcheou. Mort de Ninkiassou. Meurtre de son hé- ritier Tching-lin. » Fin de la monarchie kine. . Page i

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6/|4 TABLE.

Chapitre II. Retour d'Ogotaï et de Toulouî en Mongo- lie. — Blaladie d'Ogotaï. Mort de Toulouî. Cou- riltaï , suivi de trois expéditions militaires. Fondation de Caracouroum. Marque de faveur donnée à Yéliuî- Tchoutsaï, administrateur des finances de la Chine. Apanages distribués en Chine aux princes et aux prin- cesses du sang. Admission des lettrés aux emplois en Chine. Établissement en Chine de deux grandes écoles pour les enfants mongols. Révolte de la Corée et sa soumission. Invask>n d'une armée soung dans le Ho- nan. Assassinat de Tsoui-li à Pian-king. Occupa- tion de cette ancienne résidence par les Soung. Dé- faite des Soung par les Mongols. Leur retraite. Tentative de la cour des Soung pour conserver la paix. Guerre déclarée aux Soung. Marche de trois corps d'armée mongols. Envahissement du Su-tchouan. Campagnes dans le Hou-kouang et le Kiang-nan. Mort d'Ogotaï. Ses résidences. Son penchant pour la boisson. Traits de sa prodigalité. Tchagataï. Troubles causés dans la Transoxiane par un imposteur mahométan Page 57

Chapitre III. Expédition mongole dans les pays à l'oc- cident du Volga. Conquête de la Boulgarie ; du pays des Kiptchacs; de la Russie septentrionale. Soumission complète des peuples au nord du Caucase. Conquête de la Russie méridionale. Invasion en Po- logne. — Bataille de Lignitz. Dévastation de la Silésie et de la Moravie. Invasion en Hongrie. Déroute de l'armée hongroise. Dévastation de la Hongrie. Fuite de Bêla vei-s la côte Adriatique. Expédition des Mongols en Dalmatie. Leur retraite. Leurs nouvelles irruptions en Hongrie et en Pologne. Leur domination en Russie iio

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Chapitre IV. Régence de l'impératrice Toui'akina. Dis- grâce et luort d*Yéliiiï-Tchoutsaï. Élection de Cou- youc. Actes de son règne. Sa mort. Missionnaires envoyés aux Mongols par le pape Innocent. Mission du frère Jean de Plan Girpin en Tartarie. Mission du frère Anselme en Perse. Mission d'André de Lonjumel , envoyé par Saint-Louis en Tartarie 187

Chapitre V. Régence de Timpératrice Ogoul-Gaîmiscb. Mangou désigné empereur dans un premier Couriltaï. Passage du trône de la branche d'Ogota! dans celle de Touloui; élection de Mangou. Opposition des petits- fils d'Ogotaï. Prétendue découverte d'un complot. Condamnation des partisans de la branche d'Ogotaï. ïïomination aux postes les plus importants. Création d'un chef de la religion de Boudha. Fixation de l'impôt personnel. Mort de Siourcoucténi. Sup- plice de l'impératrice Ogoul-GaSmisch. Les princes de la branche d'Ogotaï privés de leurs troupes et exilés. Les partisans d'Ogotaï recherchés et punis dans tout l'empire. Sort du roi des Ouïgours. Coubila! , lieutenant de l'empereur en Chine. Opéra- tions militaires des Mongols contre les Soung, depuis la mort d'Ogotaï. Envoi d'une armée contre la Co- rée. — Expédition en Perse , commandée par le prince Houlagou. Opérations des Mongols dans le nord de l'Inde y depuis la mort de Tchinguiz-khan . . . ^4^

Chapitre VI. Mission du cordelier Guillaume de Rubru- quis. Son voyage en Tartarie. Camp de Sartac. Cour de Batou. Audience de Rubruquis. Son voyage à la cour de Mangou. Audience. Harangue de Rubruquis. Réponse de Mangou. Ville et palais de Cararouronm. Réponse de l'empereur à la lettre

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de St .-Louis. Retour de Rubruquis. Arrivée de Hethoum , roi de la Petite Arménie. Avantages qu'il obtient 283

Chapitre AIL Conquêtes de Coubila! dans le Yun-nan. Conquêtes du général Ouriangcada!. ^^ Soumission du Toung-king. Soumbsion de la Corée. Disgrâce momentanée de Coubilaî. Projet de guerre contre Tempire Soung. Marche de Mangou. Campagne dans le Su-tebouan. Siège de Ho-tcbeou. Mort de Mangou. Retraite de son armée. Mort de Batou. Sartao , . , , . 3i4

LIVRE IIL

Chapitre premier. Marche de Coubilaî de Caï-ping-fou au grand Kiang. Fondation de Caï-ping-fou. Passage du Kiang. Siège de Ouo-tcheou. Propo- sitions de paix du premier ministre soung, Kia-sse- tao, acceptées par Coubilaî. Départ de ce prince pour le jVord. Marche d*Ouriangcadaï du Toung- king au bord du Kiang. Mesures prises par Aric- Bouga pour s'assurer du trône. Élection de Cou- bilaî à Caï-ping-fou. Élection d'Aric-Bouga à Ca- racouroum, Guerre entre les deux empereurs. Première défaite des troupes d'Aric-Bouga et sa retraite dans le pays des Kirguises. Seconde défaite. Troisième défaite près du lac Simoultaï Quatrième bataille indécise. Guerre entre Aric-Bouga et Algou , chef de l'Oulouss de Tchagatai. Soumission d'Aric- Bouga envers Coubilaî. ^ Punition des principaux ofiieiers de ce prétendant. Mort d'Aric-Bouga. Avènement de Borac au trône de Tchagatai. Révolte de Caidou. Corée. Japon. Résidence de Coubilaî. r Religion de Coubilaî. Boudhbme.

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Création d'un chef de la religion de Boudha. In- ventions de caractères d'écriture pour la langue mon- gole. — Érection d'un temple consacré aux aïeux et aux prédécesseurs de Coubilaî. Adoption d'un nom de dynastie en chinois. Protection accordée aux savants. Fondation d'une Académie. Règlement de l'administration. Création de divers collèges. . 338

Chapitre II. Arrestation d'un ambassadeur de Coubila! par ordre du gouvernement Soung. Manifeste de Coubilai contre les Soung. Révolte du général Li-tan dans le Schan-toung. Mort de l'empereur Li-tsong. Guerre contre la Chine méridionale. Siège de Siang- yang-fou. Prise de Fan-tching. Capitulation de Siang-yang. Mort de l'empereur Tou-tsong et minorité de son fils Kong-tsong , sous la régence de l'impératrice , veuve de Li-tsong. Second manifeste de Coubilaî. Opérations dbntre l'empire Soung de deux armées mon- goles, commandées en chef par Bayan. Conquêtes de Bayan le long du grand Kiang. Assassinat d'un ambassadeur de Coubilai, près de Lin-ngan. Rap- pel de Bayan. Destitution et mort du ministre Kia-ssé-tao. Opérations militaires. Retour de Bayan. Marche des Mongols sur Lin-ngan. Pro- positions de paix de la cour Soung. Soumission de l'impératrice régente. Occupation do Lin-ngan par les Mongols. Ordre de l'impératrice régente aux autorités Soung de se soumettre à Coubilaî. Translation à Chang-tou de l'empereur, des impéra- trices et des autres membres de la famille impériale. Tentative de délivrer l'empereur en route. Trans- port à Ta-tou du trésor impérial de Lin-ng^n. -r— Opérations du général Alihaya dans le Hou-kouang. Rappel de Bayan. Armements des Soung dans le

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Fou-kien. Y-ouang frère de K.ong-tsofig, proclamé empereur à Fou-tcheou^ sous le nom de Toan-tsong. Siège d'Tang-tcheou dans le Kiang-nan. Succès des Mongols dans le Fou-kien. Embarquement du nou- vel empereur et de son armée à Fou-tcheou. Opérations d'Alihaya dans le Kouang-si. Invasion du Rouan-toung. Mort de l'empereur Toan-tsong. Inauguration de son ft^re Ti-ping. Retraite de la flotte chinoise près de l'Ile de Taï. Bataille navale. DéÊûte des Chinois. Mort de Ti-ping et fin de la dynastie des Soung 378

Chapiteb m. Expédition au Japon. Expédition en Co- chinchine. Conquête du royaume de Mian. Projet d'une seconde expédition au Japon. Guerre avec le Toung-king. Mort de l'héritier du trône Tching- kim. - Abandon du projet d'attaquer le Japon. Guerre dans le Toung-king. Soumission de plusieurs royaumes insulaires au midi de la Chme. Guerre avec Caidou. Victoire remportée par Coubilaî sur le prince Nayan. Victoire du prince héréditaire Temour sur le prince Cadan. Le général Bayan opposé à Caîdou. Expédition dans File de Koua-oua. Bayan remplacé par le prince Temour. Ministres des finan- ces de Coubilai. Nouveau code de lois. Mort de ce prince 439

CHAPiTaB rv. Étendue de l'empire de Coubilai. Sa division en gouvernements. Fonctionnaires publics. Communications rapides au moyen de relais. Popu- lation de la Chine. Axmée. Finances. Papier monnaie. Chrétiens en Chine. Mahométans Astrologues et devins de la cour. Résidences impé- riales. — Fêtes a la cour. Chasses. Femmes de

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rcmpcrear. Ses fils. Filles du palais impérial. Désignation d'un successeur 4?^

CcRA^iTRS V. Élection de Temour. Nominations faites par le nouvel empereur. Mort du généralissime fiayan. Paix avec le Ngan-nan. Tribut du roi de Mian-tian. Révolution dans le Mian-tian. Intervention armée de Temour. Conduite de ses généraux. Leur punition. Expédition contre le pays de Papésifou. Révolte de plusieurs peuples sur la frontière de la Chine. Revers des troupes impériales sous Lioutchin. Victoires de lieou-koué- kié. Soumission des peuples révoltés. Opéra- tions militaires contre Doua. Campagne et défeiite de Caldou. Sa mort Soumission de Tchébar, son fils et de Doua. Reconnaissance de Temour par tous les princes Tchinguiziens. Guerre entre Doua et TcHébar. Réunion des domaines de Tché- bar à ceux de Doua. Mort de Doua. Ses suc- cesseurs. — Mort de Temour 5o5

Chapitre vi. Régence de l'impératrice douairière Bou- lougan. Ses mesures pour l'élévation au trône d'A- iianda. Parti pour Khaîschan. Arrestation d'A- nanda et de ses partisans. Régence de Batra. Inauguration de Khaîschan. Exécution des che£i du parti d'Ananda, de ce prince même et de Boulou- gan. Khaîschan. Ayour-bali-batra. Schoudi- bala. Yissoun-temour. Assonkéba. Tob- temour. Rintchenpal. Avènement au trône de Togan-temour 5i5

Chapitre vu. Ministère de Peyen. Conspiration. Disgrâce de Peyen. Ministères de Matchartaî;

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65o TABLE,

de Toktagba. Ouvrages historiques. Ministère» d'Aloutou; de Pierkié Bouca^ de Tourtchi; de Taïping. Second ministère de Toktagha. Ré- j i voltes dans plusieurs provinces de la Chine. Siu*- | cheou-hoei, empereur dans le Hou-kouang. Fang- koué-tchin, chef de pirates. Disgrâce de Tokta- * gha. Ministère de Hama. Han-lin-eulh , empereur 1

' Soung. Guerre entre les rebelles Tchou-youan- l tchang et Tchang-ssé-tching. Succès des Soung; prise de Kaî-fong-fou; expédition dans le Leao-^toung; sac de Leao-yang et de Khang-tou. Conquêtes de Tchou-youan-tchang. Captivité et assassinat de l'em- pereur Siu-cheou-hoei. Tchin-yeou-léang empereur. f Reprise de Ka!-fong-fou par les Mongols. ^ Retraite du premier ministre Taï-ping. Ministère de Kho- ssé-kien. Querelle entre les généraux mongpls Tcha- gan-temour et Polo-temour. Révolte du prince jnongol Alou-hoei-temour. Succès de Tchagan-tcmour sur les révoltés du Schan-toung. Son assassinat. Empereur dans le Su-tchouan. Guerre entre Tchou- youan-tchang et Tchin-yeou-léang. Défaite et mort de ce dernier. Tchou-youan-tchang maître du Hou^ kouang et du Kiang-si. Révolte de Polo-temour. Il est nommé premier ministre et généralissime. Hostilités entre le prince héritier et Polo-4emour. Défection des ofBciers de Polo-temour. Il est assas- siné. — Ministère de Konkou-temoiu*. Sa dis- grâce. — Tchang-ssé-tching vaincu par Tchou-youan- tchang. Mort de l'empereur Hia. Mort de l'em- pereur Soung. Soumission de Fang^koué-tchin à Tchou-youan-tchang. Conquête des provinces mé- ridionales de la Chine par les généraux de Tchou- youan-tchang. Ses conquêtes dans le nord de la

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TABLE. 65l

Chine. Soumission du Schan-toung. Élévation de Tchou à la dignité impériale. Sa marche sur Ta-tou. Progrès de son général Su-ta dans le Pe- tche-li. Bataille près de Tong-tcheou. Départ de Togan-temour et de sa famille pour la Tarlarie. Occupation de Ta-tou par les Ming. Marche d*une armée chinoise sur Yng-tchang-fou. Mort de Togan- temour. Retraite du prince héritier à Cara-cou- roum. Son avènement au trône. Ses succes- seurs. — Division des Mongols sous plusieurs prin- ces. — Passage successif de la plupart des peuples mongols sous la domination des Mandchous. Ca- tholicisme en Chine 567

FIN DE LA TABLE DES MATllÏRES DU SECOND VOLUME.

CORRECTIONS.

Page 3o, note (i), 1. 3; dans la note YIII, à la fin du volume; Usez : dans la note I.

Page i58, note (a), 1. 2. Voyez la note XI, à la fin du volume ; Usez : la note II.

Pag. 35o, 1. 9; elle fut attaquée, entre Caracouroum et Kan-tcheou, par Coutan et les deux autres généraux de Coubilaï ; Usez : elle fut attaquée par Coutan , qui s'était posté sur sa route.

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