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HISTOIRE

DES PROTESTANTS

DU DAUPHINE.

HISTOIRE

DES

PROTESTANTS

DU DAUPHINÉ

AUX XVIe, XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES

VOLÇniL T-li()lSII: Pitl

QUATRIÈME PÉRIODE LE DÉSERT.

l685 -I 791

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i'ir L ARNAUD ïJa$h

Membre de diverses Académies et Sociétés savantes

P ■/■/{/ S

GRASSART, LIBR AI RE - ÉDITEUR

RUE DE LA PAIX , 2

M. 1>( ( 1 .1 XX\

VALENCE, IMPRIMERIE DE CHENEVIER. 1876.

AVANT-PROPOS

<DU VOLUéME VKQISIÈtME.

Les faits rapportés dans ce troisième et dernier volume sont particulièrement douloureux. Louis XIV a détruit d'un trait de plume l'oeuvre d'Henri IV, et , bien que son édit de révocation conserve aux protestants la liberté du for intérieur, ceux-ci vont bientôt s'apercevoir que cette faible garantie n'est qu'un leurre décevant. . Le grand roi ne veut tolérer désormais qu'une seule religion en France.

Pour parvenir à ce but, tous les moyens seront mis en usage : les lettres de cachet , les édits et les déclarations du chef de l'État , les arrêts des cours souveraines, les ordonnances des intendants, les missions bottées des com- mandants militaires, les catéchismes forcés des curés , les maisons de propagation de la foi et les hôpitaux des évêques. De la sorte les malheureux persécutés verront se dresser contre eux toutes les forces de l'État : le pouvoir royal, la justice, l'administration, l'armée et la religion, qui , conspirant à l'envi et tour à tour contre leur argent, leur liberté, leur vie, leur honneur, leur foi religieuse et jusqu'à leur qualité d'homme, ne leur laisseront d'autre

VI

alternative qu'un changement de religion, que réprouve leur conscience , ou la fuite, qui entraîne pour eux, s'ils sont arrêtés , les galères ou la mort.

Le Dauphiné, entre toutes les provinces de France , a été spécialement persécuté pendant la période du Désert , ce qu'il dut sans doute à sa position de pays frontière , aux souvenirs relativement récents, peut-être même aux rancunes, non encore éteintes, des guerres de religion, qui y semèrent tant de ruines, à sa nombreuse population protestante et surtout à cette mâle énergie qui caractérise les habitants des pays de montagnes et explique les résis- tances opiniâtres.

Avant de retracer, d'après des documents en partie inédits , dont un grand nombre sont d'origine protestante, l'histoire du long martyre des réformés dauphinois pen- dant la période qui nous occupe , il nous parait nécessaire, pour prévenir les objections que l'on pourrait élever contre l'authenticité des faits , souvent extraordinaires, il faut en convenir, qui font l'objet de notre récit , de poser cette question : Les documents protestants de cette époque mé- ritent-ils une entière confiance?

Un éminent historien , che\ qui le cœur est à la hauteur de l'intelligence et l'intuition aussi sûre que l'érudition , M. Michelet, a répondu à cette question dans une page remarquable , que nous prenons la liberté de reproduire. « N'est-il pas imprudent, dit-il*, de croire les victimes dans leur propre cause? Non. Ces documents sont haute- ment confirmés par la meilleure autorité , celle de leurs ennemis. Les persécutions.... sont constatées par l'exù gence des assemblées du clergé, qui n'accordait au roi de

* Histoire de France au dix-septième siècle; Louis XIV et la révocation de ledit de Nantes; Paris, 1860, in-8°, note iv.

VII

l'argent qu'à ce prix. Elles sont établies par la série des ordonnances et par la correspondance administrative. Ce ne sont pas des lois simplement écrites, comme on en voit tant sous ce règne. Ici l'exécution est sérieuse... Les ordonnances sont non-seulement exécutées, niais aggravées en fait. Les récits protestants, loin d'être exagérés, taisent souvent des circonstances odieuses, que nous savons d'ailleurs ; ils épargnent aux victimes qui avaient survécu, et qui lisaient leur propre histoire, le supplice d'y re- trouver des détails trop amers , de désespérants souvenirs. Avec une modération véritablement admirable, ils four- nissent des circonstances atténuantes pour Louis XIV. Ils établissent très-bien qu'il fut trompé, et qu'indépen- damment de sa bigoterie et de l'expiation qu'il cherchait dans cette bonne œuvre, il fut le jouet de son entourage... Ils relèvent aussi avec soin les efforts que firent certains catholiques charitables de toutes classes, des daines, des paysans , des soldats même , pour faire échapper les pro- testants ou diminuer les sévices qu exerçait sur eux le clergé.

» Voilà les quatre choses, conclut M. Michel et , qui garantissent l'authenticité de leurs récits. Ajoutez-y une candeur visible. Les pièces insérées dans Jurieu, employées dans Élie Benoit, ne sont nullement littéraires , mais de simples procès-verbaux, des exposés naïfs, trempés de larmes ; c'est plus que la parole , c'est le fait tout chaud et sanglant , qui tombe là, qui saisit et qui trouble. »

Les remarques de l'éloquent historien sont particulière- ment applicables aux annales du protestantisme dauphinois pendant la période du Désert. On verra, en effet , par les nombreuses citations que nous empruntons aux documents, soit manuscrits , soit imprimés , qui émanent des évêques, des intendants, des commandants militaires et des officiers du parlement du Dauphiné, que les témoignages de ces

VIII

graves personnages concordent de tous points avec les récits des protestants. Ce n'est pas assurément pour triompher des persécuteurs après un siècle que nous fai- sons cette remarque : nous voulons seulement constater la parfaite bonne foi des récits laissés par les persécutés.

SOURCES PRINCIPALES

?>U VOLUéME T^OISIÈéME.

I. IMPRIMES.

/. Histoire protestante générale.

Armand de La Chapelle, La nécessité du culte public parmi les chrétiens; Francfort, 1747 (2e éd.), 2 vol. in-12.

[Antoine Court] , Le Patriote françois et impartial ou réponse à la lettre de M. l'évêque d'Agen ; Villefranche (Genève), 1753 (2e éd.), 2 vol. in-12.

[Le Chevalier de Beaumont] , L'accord parfait de la nature , de la raison , de la révélation et de la politique; Cologne, 1753, in-8°.

Jurieu , Lettres pastorales aux fidèles de France qui gémissent sous la captivité de Babylone; Rotterdam, 1688 (3e édit.), 3 vol. in-12.

X

Lettres de M.1' Fléchier, évêque de Nîmes, avec une relation des fanatiques du Vivarez ; Paris, 1752, 2 vol. in- 12.

Louvreleuil , Le fanatisme renouvelé ou Histoire des sacri- lèges, etc.; Avignon, 1668 (3e éd.), 4 vol. in-8°.

De Brueys , Histoire du fanatisme et le dessein que l'on avait en France de soulever les mécontents des calvinistes ; Paris , iÔ92,in-i2. Suite de l'Histoire du fanatisme de notre temps, l'on voit les derniers troubles des Cévennes, joint à l'Histoire du fanatisme; Paris, 1709, in-12; 2e et 3e vol., Montpellier, 171 3 , in-12.

[Rulhière] , Éclaircissemens historiques sur les causes de la révocation de l'édit de Nantes ; 1788 (nouv. édit.), in-8°.

Rabaut le jeune , Annuaire ou répertoire ecclésiastique à l'usage des églises réformées et protestantes de l'empire français ; Paris, 1807, in-8°.

Ch. Coquerel, Histoire des églises du Désert ; Paris, 1842 , 2 vol. in-8°.

Napoléon Peyrat , Histoire des pasteurs du Désert ; Paris , 1842, 2 vol. in-8°.

Edmond Hugues, Antoine Court. Histoire de la restauration du protestantisme en France au XVIIIe siècle; Paris, 1872. (ire éd.), 2 vol in-8°.

Michelet, Histoire de France au dix-septième siècle. Louis XIV et la révocation de l'édit de Nantes; Paris, 1860, in-8°.

L. Anquez, De l'état civil des réformés de France; Paris, 1868, in-8°.

Athanase Coquerel , Les forçats pour la foi; Paris, 1866, in-12.

Alfred Dubois, Les prophètes cévenols ; Strasbourg, 1861, in-8°.

A. -M. de Boislile, Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces; Paris, 1874, in-40; tome 1, 1683-1699.

XI

2. Sur les réfugiés français.

Ch. Weiss, Histoire des réfugiés protestants de France ; Paris, i853, 2 vol. in-8°.

Erman et Roclam, Mémoires pour servir à l'histoire des ré- fugiés français dans les États du roi ; Berlin, 1782-1799, 9 vol. in-8°.

J.-A. Galiffe , Notices généalogiques sur les familles gene- voises ; Genève, 1 829-1 836, 3 vol. in-8°. Suite par. J.-B. Galiffe, 1857, in-8°.

Jules Chavannes, Les réfugiés français dans le pays de Vaud et particulièrement à Vevey; Lausanne, 1874, in-12.

A. Crottet, Histoire et annales de la ville d'Yverdon ; Yver- don, Lausanne et Genève, 1859, in-8°.

Guillebert, Le refuge dans le pays de Neuchâtel {Bulletin de la Soc. de l'hist. du protestantisme français , t. ix , p. 465 et suiv.).

F. Godet, Histoire de la réformation et du refuge dans le pays de Neufchâtel ; Neufchâtel, 1859, in-12.

Samuel Smile, The Huguenots : their Settlements. churcher, and Industries in England and Ireland. Fourth édition. Lon- don , 1870, in-12.

David C. A. Agnew, Protestant Exiles from France in the Reign of Louis XIV; or, the Huguenot Refugees and their des- cendants in Great-Britain and Ireland ; London et Edimburg, 1871, 2 vol. in-40.

Tollin, Prediger licentiat, Geschichte der Franzœsischen Colonie in Frankfurt an der Oder (Mittheilungen des historisch- statistischen Vereins \u Frankfurt A. O. Achtes Heft. 1868).

XII

3. TJauphiné.

Benedictus Imbertus, Societatis Jesu, Sectae calvinianae in Gallia jam tota catholica tumulus ; Valentiae, 1686, in-40.

Panégyrique du Roy prononcé dans l'église de Valence en Dauphiné le 6 aoust 1690 ; Paris, 1693 (2e éd.), in-12.

Les larmes de Jacques Pineton de Chambrun ; La Haye, 1726, in-12.

Lettre de Monseigneur le cardinal Le Camus , évêque et prince de Grenoble, aux curés de son diocèse, touchant la conduite qu'ils doivent tenir à l'égard des nouveaux convertis ; Grenoble, 28 avril 1687, in-8°.

Lettre pastorale de Monseigneur I'Evesque de Gap aux nou- veaux catholiques de son diocèse ; Grenoble, 1700, in-12.

Jean de Catellan, Lettre pastorale de Monseigneur l'illustris- sime et révérendissime évêque et comte de Valence aux nou- veaux réunis de son diocèse au sujet des derniers troubles arrivés dans le Vivarez; Valence, 1709, in-40. Mandement de Monseigneur l'illustrissime et révérendissime évêque et comte de Valence qui ordonne des prières publiques pour la prospérité des armes du Roy et l'heureuse conclusion de la paix; ier juillet 1709; placard in-40. Instruction pastorale de Monseigneur l'évêque et comte de Valence en réponse à un ouvrage intitulé : « Réflexions sur la réponse de M. l'évêque de Valence à l'ins- truction pastorale de M. Basnage; » Valence, 1723, in-40. Instruction pastorale de Monseigneur l'évêque et comte de Va- lence au sujet des mariages des nouveaux réunis faits à Genève ou ailleurs devant les ministres de la R. P. R. ; (1717 ?), in-40.

De Fontanieu, Mémoire sur les religionnaires du Dauphiné (1726), dans la Revue du Dauphiné, t. ni. Mémoire sur l'éta- blissement d'une mission dans le diocèse de Die (1729), Revue du Dauphiné , t. vu.

Très-humbles et très-respectueuses représentations des protes- tants de la province de Dauphiné au Roi (1758) , in-40.

XIII

Discours de M. Servan, avocat général au parlement de Gre- noble, dans la cause d'une femme protestante; Genève et Gre- noble, 1767, in-12.

Recueil intéressant de plaidoyers dans la cause d'une femme protestante ; Genève , 1778, in-8°.

Discours sur les devoirs que nous devons au Roi et aux magis- trats qui le représentent. Prononcé dans le bas Dauphiné par un ministre du saint Évangile; 1787, in-12.

[J.-P. Astier], Discours intéressant sur la nouvelle consti- tution en France et la religion ; Valence (1791), in-8°.

J.-L. Meynadier, Pierre Durand, pasteur du Désert et martyr; Valence, 1864, in- 18.

Th. Claparède, Une héroïne protestante. Récit des persé- cutions que Blanche Gamond, de Saint-Paul-trois-Châteaux... a endurées; Paris , 1867, in-12.

[André Blanc] , Statistique. Lettre à Lucie sur le canton de Mens; Mens, Paris et Grenoble, 1844, in-18.

A. Bost, Visite dans la portion des Hautes- Alpes de France qui fut le champ des travaux de Félix Neff; Genève et Paris, 1841, in-8°.

Daniel Benoit, Un martyr de vingt-six ans. Louis Ranc, ministre sous la croix dans le Dauphiné (171 9-1745) ; Paris et Nîmes, 1873, in-8°. Un martyr du désert. Jacques Roger, restaurateur du protestantisme dans le Dauphiné, au dix-hui- tième siècle, et ses compagnons d'oeuvre (1675-1745); Toulouse, 1875 , in-12.

XIV

II. MANUSCRITS.

Collection des manuscrits d'Antoine Court (Bibliothèque publique de Genève).

Recueil des actes des synodes de la province du Vivarais (Ar- chives du consistoire de Lavoulte).

Livre de bourgeoisie de Çenève (Arch. d'État à l'hôtel de ville de Genève).

Registres d'habitants de Genève (Idem).

J. -César Auquier , Liste des assistés de la bourse française de Genève, de 1680 à 1710 (Archives de M. Henri Bordier, à Paris).

Liste des français réfugiés dans les Etats de l'électeur de Brandebourg (Mns. Dieterici, à la biblioth. de la Soc. de l'hist. du protest, franc, de Paris).

Lettres de divers pasteurs du Dauphiné pendant la période du Désert (Archiv. de la famille Sérusclat, d'Etoile).

[Daniel Armand], Quelques documents depuis la révocation de l'édit de Nantes sur l'état pénible des chrétiens évangéliques du Dauphiné (Arch. de M. Eug. Chaper, de Grenoble).

Recueil de pièces relatives aux églises réformées du Vivarais, du Languedoc et du Dauphiné pendant la période du Désert (Arch. de M. Paul de Magnin, de Vernoux).

Actes du synode provincial du Dauphiné assemblé le 6 et le 7 avril 1764; Idem, assemblé les 17 et 18 août 1774; Idem, assemblé les 6 et 7 septembre 1775; Idem, assemblé les g, 10 et 11 septembre 1777 ; Idem, assemblé le 3o septembre et le ier novembre 1783 (Archives diverses).

Livre des délibérations du consistoire de l'église réformée de Nions. Commencé le 3ie juillet 1778 (Arch. du conseil presbyt. de Nyons).

XV

Lettres écrites par M. Dangervilliers et les réponses de M. le comte de Cambis, commandant en chef en Dauphiné depuis 1733 jusqu'en 1736; 3 vol. in-fol. (Biblioth. nation., 11e partie des fonds français, N.os 8346-8348).

Mémoire de Berger de Moydieu, 175 1 (Arch. de M. Joseph Roman , de Gap).

Pièces diverses des archives de la famille Sérusclat, d'Étoile ; de M. Germain Fazende, de Rosans; de M. Joseph Roman, de Gap; de M. Ch. Sagnier, de Nîmes; de M. Benoît, pasteur à Montmeyran ; de M. E. Arnaud, pasteur à Crest ; etc., etc.

HISTOIRE

DES PROTESTANTS

DU DAUPHINÉ.

QUATRIÈME PÉRIODE.

LE "DÉSERT,

1 685- iygi .

I. - ÉMIGRATION. SUPPLICES. ILLUiMINISME. I685-IJOI.

Protestants dauphinois qui fuient à l'é- tranger a la mite de la révocation de l'édit de Nantes. D' H élis, La Baume, Anne Durand , Galéan , Marguerite Pelât et autres. Leurs supplices.

OUR obtenir de Louis XIV la révocation de i685. 0 Pédit de Nantes, ses conseillers lui avaient per- /qi r a|| suade que le nombre des protestants convertis 'MMvCIP^ était considérable et qu'il ne restait çà et dans le royaume que quelques esprits opiniâtres, qu'un édit

,3

i685.de révocation ramènerait bientôt au catholicisme l. Il put être facilement désabusé lorsqu'il vit des centaines de milliers de religionnaires prendre le chemin de l'exil à la suite de leurs pasteurs expulsés en masse du royaume. C'est en vain que les lois les plus sévères furent édictées contre les fugitifs; que les hommes étaient condamnés aux galères perpétuelles, les femmes à la réclusion à vie, les uns et les autres à la confiscation de leurs biens-, ceux qui favorisaient leur évasion aux mêmes peines et plus tard à la peine de morf, ce fut en vain que Ton promit aux délateurs une part des dépouilles' des fugitifs 2 , l'émigration s'étendit à toutes les provinces , et le Dauphiné, grâce à sa proximité de la Suisse et aux chemins détournés de ses montagnes, lui fournit à lui seul un contingent considérable.

« Les choses prenaient un assez bon train, dit l'évêque Le Camus, de Grenoble, en parlant de ses travaux mission- naires parmi les protestants de son diocèse, quand Ledit portant la révocation de celui de Nantes changea entière- ment la disposition de leurs esprits. L'article qui permet de demeurer dans leur religion affligea ceux qui s'étaient con- vertis, en affermissant ceux qui ne l'étaient pas-, de sorte qu'ils commencèrent à cesser d'aller à l'église, ne voulurent plus entendre parler de sacrements ni en santé ni en maladie ; ils prirent le chemin de Genève , des Suisses et du Brande- bourg, et, à l'exemple de ceux de Montauban et de Lan-

(i) Cette idée, répéte'e par les bouches officielles, finit par être admise de tous, et nous voyons un curé du Dauphiné écrire, en tête d'une liste de nouveaux convertis, que toute la France avait embrassé la religion catho- lique, apostolique et romaine en l'année it>85. (Registre des baptêmes d'Allex, p. 356. Archives municipales.)

(2) Ordonnances des 5 et 20 novembre i685, du 26 avril et du 7 mai 1686, du 12 octobre 1687; Ordonnance spéciale de Cardin Le Bref, in- tendant du Dauphiné, du icr octobre i685.

guedoc, ils passèrent au-dessus des Alpes et par des lieux k qui paraissaient inaccessibles I. »

Le Camus décrit aussi les dispositions d1esprit des reli- gionnaires qui restèrent dans leur pays. « Les femmes, dit- il, ont paru beaucoup plus attachées à leur religion. Dans les lieux les catholiques sont en plus grand nombre, ils viennent à l'église avec édification ; mais dans les lieux ils sont seuls ou les plus forts, ils ne font aucun exercice de catholiques-, et quand on croit les avoir calmés, les lettres qu'ils reçoivent de Genève les raniment ; ils espèrent ou qu'une guerre étrangère ou que la fuite dans le printemps 2 les mettra en liberté. Leurs Psaumes, les gloses de leurs bibles et les livres de leurs ministres les fortifient, et Ton ne voit pas le moyen de les leur ôter. On nous en a promis ici, mais on ne nous en a point envoyé pour substituer en la place des leurs. Ils font de petites assemblées secrètes, ils lisent quelques chapitres de leurs bibles, leurs prières, et ensuite le plus habile leur fait quelque entretien , en un mot, comme ils faisaient à la naissance de l'hérésie. Ils ont un éloignement insupportable du service en langue inconnue de nos cérémonies. »

Tous les fugitifs ne réussissaient pas à gagner la terre étrangère*, ils étaient souvent arrêtés aux frontières et traduits devant le parlement de Grenoble , qui les traitait suivant la rigueur des ordonnances. Tel fut le cas de M. d'Hélis, fils du pasteur André d'Hélis, de Saint-Jean- d'Hérans, et de ses compagnons, dont la fuite et l'arrestation nous sont racontées à la fois par Jurieu et par Antoine

(i) Lettres de Le Camus à de Barillon, évêque de Luçon, dans le Bulletin de la Société de l'hist. du protest, franc., t. m , p. 58o.

(2) De l'année suivante (1686).

4 [685. Court 1. Ce gentilhomme ayant vu, par l'édit de révocation, qu'il était permis à ceux qui professaient la religion réformée de demeurer en France, pourvu qu'ils n'en fissent aucun exercice public, ne voulut sortir du royaume qu'après avoir pourvu aux moyens de subsister à l'étranger. Mais le mar- quis de La Trousse, qui commandait les troupes du Dau- phiné, lui ayant envoyé une compagnie de dragons dans le même temps que le parlement de Grenoble publiait l'édit de révocation , il vit bien qu'il ne fallait pas prendre cette per- mission au pied de la lettre. Il forma donc le dessein de sortir du royaume en novembre i685, et le communiqua à plu- sieurs personnes qui gémissaient dans l'esclavage, en leur promettant de se mettre à leur tête. Quarante ou quarante- cinq personnes de tout sexe et de toute condition adoptèrent son projet et lui donnèrent leur parole. De ce nombre étaient une de ses filles, Lucrèce, un fils de M. de Villette, nommé Jacques La Baume, de la maison Vulson de La Colombière, âgé d'environ 24 ans; Anne Durand de La Châtre, personne de qualité, âgée de 19 à 20 ans, du hameau de Villar-Julien-, le sieur Perrachon -, un jeune homme nommé Jacques Galéan, et Marguerite Pelât, du lieu de Combes, hameau de la terre de Lavars , fermière du château du Collet et âgée d'environ 60 ans. Un gentilhomme, ami de M. d'Hélis, lui représenta qu'il était impossible de sortir du royaume comme il le pensait, la frontière étant gardée par des gens de guerre. Il se rendit d'abord à cette raison , mais M."e de La Châtre, étant survenue quelques instants après , le sollicita si fort qu'il partit avec ses compagnons.

La troupe, sous la conduite du guide Pierre Blanc, se

(1) Jurieu, Lettres, t. n, lettre vu; Mns. Court, N.° 3g. Nous fondons en un seul les deux récits, en leur laissant autant que possible la couleur de l'époque.

mit en chemin et marcha heureusement toute la première l685- nuit; mais, lorsqu'il fut jour, elle rencontra près du lieu de Saint-Barthélémy, petit hameau de la terre de Séchilienne, enOisans, un grand nombre de paysans armés, qui vou- lurent l'empêcher de passer. M.IIe de La Châtre, habillée en amazone et armée, se mit, avec M.lle Lucrèce d'Hélis, à la tête de la troupe, releva le courage de ceux qui paraissaient abattus et étendit d'un coup de pistolet le paysan qui osa prendre son cheval par la bride. Au bruit de ce coup le tocsin est sonné, les paroisses s'assemblent et de tous côtés les paysans se jettent sur la troupe. L'héroïne qui la com- mande fait des prodiges de valeur, mais enfin elle est mise hors de combat, et ceux qui l'accompagnent, à l'exception de dix, qui réussissent à s'échapper, sont roués de coups, tués ou faits prisonniers.

M. d'Hélis, La Baume, Marguerite Pelât, Jacques Ga- léan, dont la vie avait été préservée, furent remis le lende- main entre les mains du prévôt, qui les conduisit à Grenoble, escorté de ses archers et d'un nombre considérable de gens de guerre , que le marquis de La Trousse avait mis à sa disposition. M."e de La Châtre, très-affaiblie par ses bles- sures, fut confiée au seigneur du lieu l. SaTemme, M.nic du Mottet, en prit des soins si particuliers que dans trois mois elle fut en état d'être traduite devant le parlement de Gre- noble.

Quand les captifs furent arrivés dans cette ville, on les jeta dans les prisons, ils furent si étroitement enfermés qu'on ne leur permit de recevoir la moindre consolation ni de leurs parents, ni de leurs amis. Pendant leur captivité ils eurent de grandes tentations à surmonter. Ils étaient incessamment obsédés par une foule de moines et d'autres

(i) Pierre du Mottet, seigneur de Séchilienne et de Saint-Barthélémy.

6

i685. convertisseurs, qui ne leur laissaient aucun repos et em- ployaient auprès d'eux pour les vaincre tantôt les pro- messes, tantôt les menaces. Ils mettaient tour à tour devant leurs yeux les charmes de la liberté et d'une vie paisible , qu'ils obtiendraient par leur conversion, et la rigueur des tourments qu'ils s'attireraient par leur opiniâtreté. Dieu leur fit la grâce de résister à toutes ces tentations et de se disposer à tout souffrir plutôt que de manquer de fidélité. Ce fut surtout M. d'Hélis qui eut le plus de combats à soutenir. Il était d'une des principales maisons du Dauphiné et avait plusieurs de ses proches parmi les premiers officiers du parlement. Ces messieurs le sollicitaient de changer de reli- gion pour éviter la mort, à laquelle on était résolu de le condamner, à moins qu'il ne rachetât sa vie par une apos- tasie. Le premier président lui-même, M. Nicolas Prunier de Saint-André, y fit tous ses efforts et y employa les plus habiles moines de Grenoble. Des demoiselles * de la pre- mière qualité, qui étaient de ses parentes, M.lle de Feyssins, femme d'un président, M.lle de Francon et M.lle du Bou- chage, femme d'un conseiller au parlement, et plusieurs autres personnes à qui il appartenait de fort près, le visi- tèrent et le pressèrent de toutes leurs forces de changer de religion, mais ce fut en vain. Il répondit à tous ces tentateurs avec beaucoup de fermeté, aux moines surtout, à qui il ferma la bouche. Sa femme, nommée Jeanne de Chypre, qui avait abjuré sitôt après la Révocation avec ses enfants, vint à Grenoble pour le servir et lui proposa de signer un acte d'abjuration. Il en fut extrêmement affligé et dit à ce propos : « J'aime bien ma femme et mes enfants, mais j'aime mon Dieu plus encore , et jamais je ne commettrai cette lâcheté. » Enfin, après avoir mis tout en œuvre pour

(i) Ce titre était autrefois réservé aux grandes dames.

rébranler, le parlement, voyant qu'il n'avançait à rien, i685. prononça son jugement (21 décembre). M. d'Hélis fut con- damné à avoir la tête tranchée à Grenoble; sa fille à être enfermée pendant un an dans le couvent de Sainte-Ursule, Marguerite Pelât à être pendue à Grenoble, La Baume et Galéan à Mens. Les autres prisonniers furent condamnés aux galères à temps et à vie. On trouvera leurs noms dans la Liste générale des condamnations l. Pour ce qui est des filles, on les enferma dans la prison de la tour Dauphine.

Les dames parentes de M. d'Hélis , ayant eu connaissance de son jugement, allèrent le voir. Dès qu'elles furent entrées dans sa chambre, il leur dit : « Je vois bien que je suis jugé. Je vous ai de l'obligation, Mesdames, de ce que vous venez m'annoncer ma délivrance. Vous voulez bien que j'en aille rendre grâce à mon Dieu » \ et en même temps il se retira vers son lit et y fit sa prière \ après quoi il retourna auprès de ces dames, en les priant de ne lui rien cacher. Lorsqu'elles lui eurent fait connaître sa sentence, il les en remercia et s'entretint avec elles avec tant de piété et de constance qu'elles se retirèrent en fondant en larmes , résolues à tout tenter pour lui sauver la vie. Elles se rendirent donc auprès du premier président, qui leur déclara que si M. d'Hélis voulait se faire catholique, il promettait d'obtenir sa grâce du roi. Un gentilhomme de ses parents lui porta le message, mais il le repoussa avec indignation. Un Jésuite qu'on lui détacha ne fut pas plus heureux, et lorsqu'on lui commu- niqua son arrêt de mort, il en écouta la lecture avec une grande fermeté.

M. d'Hélis souhaita alors de s'entretenir avec Marguerite Pelât, qui devait souffrir le martyre avec lui à Grenoble. Il lui demanda d'abord si elle n'avait pas changé de religion.

(1) Pièces justificatives, N." II.

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[685. « Non, Monsieur, répondit-elle d'un air à faire comprendre que sa condamnation ne Pavait pas étonnée, Dieu m'a fait la grâce de résister jusqu'ici, et j'espère qu'il me continuera son secours jusqu'à la fin. Je m'estime bien heureuse de ce qu'il lui a plu de m'appeler à souffrir la mort pour son nom, et je suis toute disposée à aller au supplice sans aucune ré- pugnance. » M. d'Hélis lui répliqua qu'il était bien heureux de la voir dans ces sentiments *, que c'étaient ceux d'une véri- table chrétienne, et qu'il priait Dieu de tout son cœur de la fortifier dans ces saintes dispositions. « Nous ne devons pas craindre, lui dit-il, ceux qui ne peuvent tuer que le corps et qui n'ont point de puissance sur l'âme, mais celui-là seul qui peut jeter et le corps et l'âme dans la géhenne du feu qui ne s'éteint point. C'est un grand honneur que Dieu nous a fait de nous choisir parmi un si grand nombre de personnes pour nous appeler au martyre. C'est la plus belle et la plus glorieuse porte par l'on peut sortir de ce misérable monde. Cette vie, que nous allons perdre pour Jésus-Christ, sera bientôt suivie d'une autre infiniment plus glorieuse et que nous ne perdrons jamais. Soyons-lui fidèles jusques à la mort, selon son commandement, et il ne manquera pas de nous donner la vie éternelle, selon sa promesse. »

C'est ainsi que les deux bienheureux martyrs se fortifiaient l'un l'autre à mesure qu'ils se disposaient à souffrir avec constance la mort à laquelle ils avaient été condamnés. Ils s'adressèrent encore diverses paroles d'encouragement en la présence du geôlier et de plusieurs autres personnes, qui fondaient en larmes, et ils auraient même continué leur entretien si on ne les eût obligés de se séparer pour soutenir chacun en particulier de nouvelles attaques des Jésuites. Ces cruels consolateurs, au lieu de leur annoncer la grâce de Jésus-Christ, pour les affermir contre les frayeurs de la mort, firent au contraire tous leurs efforts pour leur per- suader qu'ils seraient damnés s'ils ne renonçaient pas à leur

9 religion. C'est ce qu'ils ne cessèrent de leur prêcher et dans i685. la prison et par la ville, et au lieu même du supplice, ils voulurent les accompagner. Mais ces martyrs, que l'Esprit de Dieu remplissait du sentiment de sa grâce et de l'espérance de sa gloire, se moquèrent de ces vaines terreurs qu'on tâchait de jeter dans leurs esprits.

Quand M. d'Hélis fut sur l'échafaud, il s'écria, comme saint Etienne, qu'il voyait les deux ouverts et les anges de Dieu qui venaient prendre son âme •, et s'adressant à ceux de la religion qui étaient près de lui, il les exhorta à y per- sévérer. Le Jésuite lui mit aussitôt la main sur la bouche et l'obligea ainsi à se tourner entièrement vers Dieu. Se mettant alors à genoux , il fit sa prière à voix basse, ôta lui- même son habit et plaça sa tête sur le billot. Au moment de recevoir le coup mortel, on l'entendit prononcer à haute voix ces paroles du Psaume XXXI , selon l'ancienne version :

Mon âme en tes mains je viens rendre , Car tu m'as racheté , O Dieu de vérité ;

et celles que saint Etienne avait prononcées dans une cir- constance semblable : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis le bourreau lui trancha la tête d'un seul coup de hache. Tous ceux qui furent témoins de son supplice admirèrent sa résignation et sa constance , et la plupart le regardèrent comme un saint et un martyr. Il n'y eut que le Jésuite, dont il fut suivi jusqu'à l'échafaud, qui, après avoir eu la cruauté de se repaître les yeux du triste spectacle de son martyre, eut encore celle de prononcer une nouvelle con- damnation contre lui après sa mort, en s'écriant qu'il était damné.

Marguerite Pelât, qui fut pendue en même temps que M. d'Hélis, témoigna aussi par ses discours etsa contenance qu'elle mourait joyeuse et espérait une meilleure vie.

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[685. M. d'Hélis était âgé d'environ 60 ans. Il avait mené une vie des plus édifiantes, comme tous ceux qui le connaissaient en rendaient témoignage. Il n'avait opposé aucune résistance à ceux qui l'arrêtèrent, bien qu'ils l'eussent cruellement maltraité, ainsi que sa fille, qu'ils faillirent assommer. Dès le commencement de la dernière persécution, il avait déclaré plusieurs fois, comme par une espèce de pressentiment, que pour lui il était résolu à souffrir le martyre plutôt que d'aban- donner sa religion. Marguerite Pelât était aussi une femme d'une grande piété et qui avait bien profité de l'exemple de son maître, M. du Collet, qui, ayant abandonné ses châteaux et ses terres, sa femme, sur le point d'accoucher et malade, et quatre petits enfants, sortit de France, lui quinzième, à travers plusieurs corps de garde et sous le feu des mous- quets.

On conduisit à Mens, conformément à l'arrêt du parle- ment, La Baume et Galéan. Comme ils passaient à Saint- Jean-d'Hérans, toutes les femmes les suivirent en pleurant, et La Baume, se tournant vers elles, leur dit : « Pourquoi pleurez-vous? Réjouissez-vous plutôt de ce que Dieu nous fait la grâce de mourir pour son nom pleurez plutôt sur vos malheurs. » Ils furent ensuite livrés à des Capucins, aussi grands persécuteurs que les Jésuites de Grenoble, qui les tourmentèrent jusqu'à leur dernier soupir. Ils ne manquèrent pas de leur représenter toutes les horreurs et les ignominies de la mort qu'ils allaient recevoir sur le gibet, et les assu- rèrent de leur grâce et de plusieurs autres avantages s'ils voulaient changer de religion. Mais ces saints martyrs reje- tèrent toutes leurs offres et demeurèrent inébranlables dans la profession de la vérité. Ils s'exhortèrent l'un l'autre à souffrir courageusement le martyre, et ils le souffrirent avec une constance digne des premiers chrétiens. Arrivés au pied du gibet, ils voulurent se mettre à genoux pour prier Dieu, mais ils en furent empêchés par les Capucins. Ils ne lais-

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sèrent pas cependant que d'élever leurs cœurs à Dieu par de i685. saintes méditations, comme il paraissait au mouvement de leurs yeux et de leurs visages. Ils déclarèrent hautement sur Téchafaud qu'ils souffraient la mort pour F Évangile, et ils rendirent grâce à Jésus-Christ de ce qu'il les jugeait dignes de mourir pour lui. L'un d'eux prononça, comme d'Hélis, ces paroles de saint Etienne : « Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'Homme assis à la droite de Dieu. Seigneur Jésus, reçois mon esprit. »

Quant à M.IIe de La Châtre, condamnée à être enfermée dans un couvent (3i janvier 1686), « on lui dit tant de bien d'elle-même, écrit Benoît ', on lui fit paraître tant de pitié de voir périr une personne qui avait fait une si belle action et à qui rien ne manquait pour faire une parfaite héroïne et pour mériter l'estime de son roi que d'être bonne catholique, qu'elle se laissa séduire. Elle avait affronté la mort avec un courage sans peur , mais elle fut vaincue par des flatteries. Mais ce n'est qu'une fausse grandeur d'âme que de mépriser le danger et d'être en même temps sensible aux caresses. Il ne sert de rien d'avoir quelque chose qui tienne du héros quand on ne l'est qu'à demi -, et on est mal gardé par le courage quand on a un autre faible par on se peut laisser surprendre ».

Après avoir été enfermée une année dans le couvent de la Visitation-Sainte-Marie de Grenoble, M.lle de La Châtre embrassa la religion romaine et reçut le voile de religieuse. Son biographe dit qu'elle eut des visions qui l'obligèrent de renoncer aux erreurs de Calvin. « Bientôt le couvent, ajoute- t-il , lui parut un paradis et son cœur nageait dans des flots ineffables. Elle disait : Ma supérieure sera mon œil, ma main et mon pied -, mon œil pour l'assujétissement de mon

(1) Hist. de l'édit de Nantes, t. v, p. g56.

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S5. esprit ; ma mafn pour ma fidélité à m'employer à tout ce qu'elle m'ordonnera, et mon pied pour n'aller et n'avoir de mouvement que celui qu'elle m'ordonnera, sans jamais dis- poser de moi-même. » L'Évangile parle bien différemment. « est l'Esprit du Seigneur, dit-il, est la liberté. »

'Bande nombreuse de réfugiés arrêtée en Savoie. Statistique des réfugiés dauphinois. Mémoires de l'intendant Bouchu. Poème du Jésuite Imbert en l'honneur de la ré- vocation de ledit de Nantes.

Pendant les années i685 , 1686 et 1687 un nombre con- sidérable de protestants dauphinois émigrèrent à l'étranger, pour demeurer fidèles à leur foi. Mais beaucoup d'entre eux furent arrêtés sur les frontières de Savoie. On trouvera dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français l une liste contenant les noms de 900 fugitifs qui, partis du Dauphiné et des provinces environnantes, mais surtout du Dauphiné, furent faits prisonniers par les troupes du roi et jugés par le parlement de Grenoble de i685 à 1687. Les uns furent reconduits à leurs dépens dans leurs foyers, d'autres renfermés dans la maison de la Propagation de la foi de Grenoble ou dans des couvents, d'autres envoyés aux galères ou au gibet. Les guides, en grande partie savoyards, qui les conduisirent à travers les sentiers perdus des mon- tagnes, les receveurs des douanes qui fermèrent les yeux sur leur passage, les personnes qui favorisèrent leur départ en achetant leurs meubles , celles qui leur fournirent des

(1) Tomes vu, p. r 35 - r 3S , et vin, p. 297-310.

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passeports furent aussi sévèrement châtiés \ Des colonnes i685. nombreuses, des communautés presque entières quittèrent leurs foyers. Ce fut le cas de Freissinières, Besse en Oisans, Villaret en Pragela, etc.

Nous devons raconter, à ce propos, le triste sort d'une bande considérable partie de Mizoën, Besse et Clavans en Oisans. « Le 29 avril 1686, dit le réfugié Jean Giraud 2, il partit de Mizoën, Besse et Clavans, en deux bandes, 240 personnes et 28 mulets chargés de hardes ou petits enfants, pour se retirer de France en Suisse. Les curés desdits villages, étant surveillants et voyant quelques jours auparavant de l'extraordinaire, soit pour vente de bestiaux ou meubles à vil prix aux étrangers, et ayant même appris qu'il était venu huit ou dix personnes de Suisse pour aider à leurs parents à leur sortie..., envoyèrent secrètement à Saint- Jean-de-Maurienne de les arrêter...; ce qui fut fait. On sonna le tocsin audit Saint- Jean-de-Maurienne, tout fut enveloppé et dans le malheur. Et les ayant gardés avec leurs hardes pendant huit jours, jusqu'à ce qu'ils eussent nouvelles de leur prince de quelle manière il en devait agir, ils eurent ordre de livrer le tout en diverses troupes sur les limitrophes de France, à l'ordre de M. l'intendant de la pro- vince de Dauphiné ou à Messieurs du parlement :, ce qui fut fait entre Chapareillan et Montmeillan, et tous traduits aux prisons à Grenoble , les hommes au cachot et les femmes en une prison particulière, et les jeunes enfants, hors ceux de

(1) On trouvera les noms de toutes ces victimes dans la Liste générale des condamnations, années 1685-1687, insérée aux Pièces justificatives, N.° II.

(2) Fragment du journal d'un réfugié dauphinois à Vevey, dans le Bul- letin de la Société de l'hist. du protest, français , t. xiv, p. 252, 253; Correspondance des contrôleurs généraux des finances. (Lettre de l'inten- dant Bouchu du 5 mai 1686, N.° 270.)

14 [685-i686. la mamelle, à l'hôpital. Qui n'a vu cette séparation des pères et mères avec leurs enfants : ce fut un deuil et cris que les plus endurcis papistes ne pouvaient s'empêcher à jeter des larmes... Les puissances [les membres du parlement] don- nèrent un arrêt, au bout d'un mois et demi environ, que les hommes seraient relâchés , les femmes mises à l'hôpital encore pour quelque temps, et à l'égard des six hommes qui étaient venus hors de France pour les quérir, Paul Coing, Daniel Bouillet, de La Grave , et Ogier, de Besse, tous trois condamnés aux galères pour leur vie, et Pierre-Bernard Camus, Masson et Etienne Heustachy, tous trois de Besse, seraient pendus et leurs têtes mises sur des poteaux, avec grandes amendes à ceux qui les auraient.

» Le 26 juin, jour de mercredi, le pauvre Etienne Heus- tachy, âgé de 2 3 années, fut défait et sa tête exposée sur un poteau sur le pavé hors le faubourg Trois-Cloîtres, et les autres deux conduits par les archers et le grand prévôt à Mizoen, ledit Masson fut exécuté et sa tête mise sur un poteau à vingt pas au delà de mon jardin allant en Besse , ledit Masson âgé de 24 années. Et Pierre- Bernard Camus, âgé d'environ 38 années, fut défait en Besse, étaient encore sa femme et sa famille, et sa tête a été mise sur un poteau en entrant dans ledit village, et son corps fut traîné au- dessous dudit village, jeté dans le précipice, pour n'avoir pas voulu entendre à la religion romaine.

» On laissa aussi sur le pavé à Grenoble le pauvre Heus- tachy vingt -quatre heures, qu'on croyait de le jeter sans l'enterrer, parce qu'il n'avait voulu rien faire des marques de la religion romaine. Ainsi, au contraire, il fit sa prière tout haut au bas de la potence, le lui ayant été permis. Le bon Dieu console les pauvres affligés, et le tout fait à cause de notre religion ! Et les pauvres femmes, partie sont mortes à l'hôpital, et celles qui se sont retirées chez elles y sont

i5 mortes quelque temps après, toutes d'une même maladie, i685. ayant mangé d'un même pain. »

Une autre bande de réfugiés dauphinois, qui se dirigeaient vers la Suisse, fut attaquée en traversant l'Isère au port de Voreppe par les catholiques du lieu, qui, se jetant sur eux au son du tocsin, en tuèrent plusieurs, entre autres le nommé David Boyer, d'Establet en Diois \

Le manuscrit de Flournoy, conservé à la bibliothèque publique de Genève, confirme la grande émigration dauphi- noise. A l'année 1687 il s'exprime ainsi : « Il arrive tous les jours un nombre surprenant de Français , qui sortent du royaume pour la religion. On a remarqué qu'il n'y a presque pas de semaine il n'en arrive jusqu'à 3oo, et cela, a duré dès la fin de l'hiver. Il y a des jours il en arrive jusqu'à 120 en plusieurs troupes. La plupart sont des jeunes gens de métier. Il y a aussi des gens de qualité... la plupart du Dauphiné... Les 16, 17 et 18 août il en est entré 800 de compte fait... L'on dit que dans les cinq se- maines, finissant le icr septembre, il en est arrivé plus de 8,000; de sorte que, quoiqu'il en parte tous les jours par le lac, il y en a toujours ordinairement près de 3, 000 dans Genève. »

Antoine Court 2 raconte de son côté que les prisons de Grenoble regorgeaient de fugitifs en 1686. Elles étaient « si remplies , dit-il , que les malheureux qui y étaient renfermés étaient entassés les uns sur les autres. Dans une seule basse fosse il y avait 80 femmes ou filles et dans une autre 70 hommes. Ces prisons étaient si humides, à cause de l'Isère, qui en baignait les murailles, que les habits se pourrissaient

(1) Mns. Court, B. N.° 17.

(2) Hist. des églises réformées , t. 1, p. 23 1 (Mns. Court, N.° ii

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i685. sur le corps des prisonniers l. Presque tous y contractaient des maladies dangereuses, et il leur sortait sur la peau des espèces de clous qui les faisaient extrêmement souffrir et qui ressemblaient si fort aux boutons de la peste que le parle- ment en fut si alarmé qu'il résolut une fois de faire sortir de Grenoble tous les prisonniers. Ceux-ci ne cessaient de glo- rifier Dieu dans leur martyre. Ils étaient tous les jours en prière et chantaient sans cesse à haute voix les louanges du Seigneur. Le parlement souffrait ces choses avec une peine infinie et le faisait défendre avec menaces aux prisonniers -, mais ceux-ci répondaient qu'ils ne pouvaient taire la vérité; qu'ils étaient pour la témoigner, et que s'ils avaient voulu cesser de prier Dieu et de le louer à leur manière, ils ne seraient point dans ces tristes lieux. Ils se faisaient même une gloire de s'occuper de ces religieux exercices à la vue du parlement. »

Un des prisonniers, Jacques Bouillanne, de Château- double, nouveau converti, qui, au moment d'avaler une hostie que lui offrait le prêtre, fut saisi d'un remords de conscience et la rejeta dans son chapeau, fut condamné par le parlement (28 septembre 1686) à être mené par le bour- reau en chemise, pieds nus, un cierge de deux livres à la main , devant l'église cathédrale de Grenoble, pour demander pardon à Dieu, au roi et au parlement, puis être étranglé sur la place du Breuil, jeté au feu et ses cendres dispersées au vent.

Aussi longtemps que les lieux habités par les protestants étaient occupés par des troupes ou visités par des mission- naires catholiques , la désertion cessait -, mais elle recom-

(1) « Le froid et l'humidité y sont si horribles que plusieurs personnes qu'on a contraintes d'y demeurer quelques semaines ont perdu les cheveux et les dents. » (Hist. de ledit de Nantes, t. v, p. 895. )

i7 mençait aussitôt après leur départ. « L'expérience m'a k appris, écrivait à ce propos l'intendant Bouchu *, qu'il déserte peu de nouveaux catholiques des lieux il y a des troupes ou des missionnaires, les unes les retenant par k crainte, les autres les amusant par des prédications , des visites et autres choses semblables-, car, quant à la persuasion, l'exem- ple du passé fait bien voir que l'extérieur de ceux qui pa- raissent se porter avec moins de répugnance à faire ce qu'on pouvait désirer, n'était que pure hypocrisie. »

L'intendant du Dauphiné Bouchu dressa à la fin de 1687 une statistique des réfugiés dauphinois, qu'il inséra dans un « Mémoire du Dauphiné, 1699 2 ». Voici comment d'après lui se décomposaient par Élection le chiffre de la population réformée et le nombre des fugitifs :

Protestants en janvier. En novembre. Fugitifs3.

Grenoble 6071 4046 2025

Vienne 147 74 73

Romans 721 348 373

Valence 4846 4229 617

Gap : Recette cle Briançon . . 11296 7^44 3752

Recette de Gap 1200 456 744

Montélimar i558o 12864 2716

Total 39861 29561 io3oo

(1) Lettre du 3i août 1686. (Correspondance des contrôleurs généraux, t. 1, p. 81, N.° 3i2, note.)

(2) Biblioth. nationale. Deux autres copies : l'une à Genève (bibl. publ.), avec ce titre : Mémoire sur la province de Dauphiné , année 1699; l'autre à Valence (biblioth. publ.), avec celui-ci : Mémoire concernant la généralité de Grenoble... année 1698. Les trois copies ne concordant pas toujours entre elles, ni pour les chiffres ni autrement, nous avons les corriger ^es unes par les autres.

(3) Nous donnons aux Pièces justificatives , N." I , les noms d'un grand nombre de ces derniers.

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i685. Le nombre des protestants qui restèrent en Dauphiné à la fin de 1687 s'éleva-t-il seulement à 29,561 ? Ce même nombre, avant les émigrations de 1 683 à 1687, comprenait- il seulement les 29,661 non émigrés susdits, plus les io,3oo fugitifs 5e 1687, auxquels on peut joindre 5, 000 autres fugitifs environ pour les années i683 à 1686, soit en tout 44,861 protestants pour les derniers temps du régime de Tédit de Nantes? C'est ce qu'il est malaisé de dire.

Un recensement, quiparaitdater.de 1744, compte 76,000 protestants en Dauphiné (voy. Pièces justificatives N.° VIT). Le pasteur Vouland en signale 60,000 en 1747. Les pas- teurs du Dauphiné en accusent 36, 000 en 1765, « non com- pris quelques endroits du diocèse de Gap, d'Embrun et de Grenoble, » soit 40,000 environ. Enfin, dans une pétition de 1 774, adressée à Marie- Antoinette, on porte leur nombre à 40,000. En prenant la moyenne de ces quatre évaluations et de celle de Bouchu , on arrive au chiffre de 49,1 12 pro- testants dauphinois pour la période du Désert après les émigrations, soit 5o,ooo en nombre rond, ce qui paraît conforme à la réalité.

En ajoutant maintenant les i5,ooo fugitifs de i683 à 1687, on obtient le chiffre de 65, 000 protestants * pour la période prospère de Tédit de Nantes-, ce qui ne nous semble plus exact, vu le nombre considérable de pasteurs, d'an- nexés et d'églises que le Dauphiné renfermait à cette époque (voy. les Notices particulières de notre volume II). Nous serions donc porté à croire que 20,000 protestants environ quittèrent le Dauphiné.

Loin d'être indifférent à ces désertions, le roi les voyait au contraire avec la plus grande peine. Ayant fait demander

(1) Bouchu dit « près de 60,000 » dans sa lettre d'octobre i685 au con- trôleur général des finances. (Correspondance des contrôleurs généraux.}

i9 à Bouchu, par son contrôleur général des finances, s'il i< n'aurait pas quelque « vue » à proposer pour en arrêter le cours, l'intendant répondit par deux mémoires, dont le dernier se termine par cette conclusion : « Mon sentiment est qu'on ne doit point presser les nouveaux convertis de s'acquitter des devoirs de la religion et d'envoyer leurs en- fants à l'école d'une manière qui puisse augmenter le pen- chant qu'ils ont à la désertion. Que cela ne doit pas empêcher d'établir des maîtres d'école dans les lieux portés par l'état qui sera ci-joint. Qu'il serait à propos d'inviter MM. les évêques de soutenir autant qu'il se pourra ces missions par leur présence -, non que je voulusse faire en- tendre par qu'il y eût du relâchement dans la conduite que leur zèle doit leur inspirer sur cette matière, mais parce que je crois la chose de telle conséquence, qu'il ne doit rien être négligé de tout ce qui la peut maintenir en cet état. Qu'un traitement plus rigoureux à l'égard des nouveaux convertis ne peut être mis en usage sans le rétablissement de la garde des frontières, dont les inconvénients faisant douter que Sa Majesté prenne la résolution, je crois qu'on doit gêner la liberté des désertions en arrêtant , par le mi- nistère des gardes de la douane, les meubles et hardes, l'argent dont les déserteurs se trouveront saisis et les enfants au-dessous de quatorze ans, à l'effet de quoi, pour prévenir toute violence contre les brigades des fermes, M. le comte de Tessé pourra, par une ordonnance, défendre à toutes personnes de marcher attroupées, ordonner la disposition définitive et irrévocable de la propriété des biens des déser- teurs et en commencer incessamment les préliminaires pour exciter au retour ceux qui sont sortis, et retenir ceux qui restent dans le royaume par la crainte de la perte certaine de leurs biens. Prendre les mêmes mesures pour disposer des biens des consistoires. Ne donner aucune part dans cette distribution à d'autres nouveaux convertis qu'aux

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i685. enfants, à l'exception des lieux Ton ne s'en pourra passer par quelqu'une des causes qui ont été marquées, et leur cacher toutefois cette résolution. Me faire savoir, s'il est possible, avant la fin du mois de décembre les instructions de S. M., pour que, depuis le jour de la publication de l'arrêt qu'il plaira au roi d'ordonner pour parvenir à cette disposition, duquel je joins ici un projet, jusques à la fin du mois de mars les nouveaux convertis puissent avoir les trois mois de délai que je crois devoir leur être accordés pour rentrer dans le royaume, et que les deux mois destinés pour recevoir les déclarations des créanciers et prétendants droit sur les biens des déserteurs puissent être écoulés à la fin du mois de mai, auquel temps le mouvement de cette distribution peut être de quelque conséquence pour arrêter les désertions, qui sont le plus à craindre dans cette saison. Dresser, de mon côté, pendant ces délais, les mémoires pour servir aux instructions qu'il est indispensable que je reçoive pour me conduire dans la disposition de ces biens, en régler les principales difficultés , distinguer les choses qui doivent être laissées au cours de la justice ordinaire et celles qui devront passer par mon canal, à quoi je travaillerai, après avoir remarqué, pendant les premiers mois, les mou- vements que la publication de l'arrêt du conseil aura causés dans les esprits et les propositions qu'elle m'attirera, et assez à temps pour pouvoir recevoir les ordres du roi avant l'expiration du dernier délai. Enfin , apporter quelque restriction à la liberté dont ont joui jusqu'ici les nouveaux convertis touchant la disposition de leurs biens, soit par les voies que j'ai proposées ou par d'autres mesures plus rigou- reuses, si elles paraissaient plus convenables à Sa Majesté. » Les propositions de Bouchu furent agréées , et l'intendant prit les mesures nécessaires pour procéder aux adjudications. Le délai d'un an , qui fut accordé aux créanciers des reli- gionnaires fugitifs pour produire leurs titres, ne fut pas

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même observé, et dès le 24 mai le contrôleur général écrivit i685. de passer outre et de procéder aux adjudications l.

C'est au moment la France et tout particulièrement le Dauphiné se dépeuplaient de leurs enfants et que le roi perdait ses meilleurs sujets2, qu'un Jésuite, nommé Benoît Imbert, publiait à Valence un poème latin pour célébrer la révocation de Tédit de Nantes et la ruine de l'hérésie 3. Cette adulation du reste était générale. « On représentait sous les pieds du roi, dit Rulhières 4, l'hydre expirante. Les places publiques offraient à tous les yeux ces monuments d'une éternelle flatterie. Partout on le comparait à Constantin, à Théodose. Les chaires, les académies, les collèges retentissaient de ces panégyriques infidèles 5. »

(1) Mémoires de Bouchu du 27 septembre et du 26 novembre 1687. (Correspondance des contrôleurs généraux , t. 1, p. 120, N.° 464.)

(2) Dans un mémoire adressé par Vauban à Louvois, cet habile général déplore la désertion de 100,000 Français, la ruine du commerce, les flottes ennemies grossies de 9,000 matelots (les meilleurs du royaume), l'armée des réfugiés composée de 600 officiers et de 12,000 soldats, plus aguerris que les soldats catholiques (Rulhières, Ir0 part., p. 38o).

(3) Sectœ calvinianœ in Gallia jam tota catholica tumulus ; Valentije, 1686, in-40.

(4) IIe part., p. i38.

(5) On trouve dans les Mémoires de Trévoux (nov. 17 16, p. 1,976-2,085) les extraits d'une foule d'oraisons funèbres de Louis XIV, prononcées par les prédicateurs les plus distingués de l'époque, qui louent le grand roi de la révocation de l'édit de Nantes. Massillon se distingue par une violence excessive. Les termes de chaires de séduction, de prophètes de mensonge , de scandale, de contagion, de doctrine impie et ridicule, de blasphèmes, appliqués soit aux pasteurs protestants, soit au protestantisme, reviennent plusieurs fois sous sa plume. Bossuet, dans son oraison funèbre de Michel Le Tellier, est plus modéré, mais non moins adulateur.

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Coup d'œil sur les destinées des réfugiés dauphinois dans les pays étrangers.

Il Centre pas dans notre plan de suivre les fugitifs de la province dans les divers États ils s'établirent après la révocation-, nous ne pouvons cependant ne pas en dire quelques mots, ne serait-ce que pour montrer que, comme leurs coreligionnaires des autres provinces de France, ils apportèrent aux peuples qui les accueillirent le tribut de leur intelligence et de leur savoir.

C'est ainsi que les principales manufactures de chapeaux de laine établies à Magdebourg par les réfugiés le furent par Antoine Peloux, de Romans, et celles de Berlin et de Francfort par Grimandet , de Montélimar, et que les culti- vateurs dauphinois, fixés dans le Brandebourg et dans la Hesse, imprimèrent à l'agriculture de ces deux pays un essor nouveau. Des émigrés de Valence reçurent un subside con- sidérable du gouvernement de Berne pour fonder dans cette ville une fabrique de draps, et François Fleureton , de Grenoble, créa à Burg, puis à Prenzlow, une papeterie, qui devint prospère avec le secours de rélecteur de Brandebourg. Hérard Dan, de Grenoble, Arbalétrier , du Dauphiné, David Gabain et Claude Béchier, de Valence, importèrent l'industrie de la ganterie, les deux premiers à Halle, les derniers à Halberstadt", et Roland, du Dauphiné, à Magde- bourg.

Grand, de Grenoble, fonda un atelier de teinture à Berlin. Antoine Jercelat , de la même ville, d'abord établi à Ge- nève, introduisit l'horlogerie à Berlin en 1688. Charles et Jean Jordan, fils de Guy Jourdan, pasteur à La Motte- Chalancon, créèrent un commerce de quincaillerie à Berlin, qui prospéra beaucoup. Un autre Grand, de Grenoble, y

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établit un grand commerce de vins; et Pierre Barnouin, u du Dauphiné, Charles Richer, de Montélimar, et Antoine Barraud, de Volvent, s'y firent une réputation, le premier comme maître tailleur, les seconds comme maîtres perru- quiers. André de Rouvillasc de Vejmes planta des mûriers à Peilz, qui existaient encore en 1787 et avaient à cette époque la grosseur d'un chêne.

Dans des contrées plus rapprochées de nous, signalons les Vasserot et les Fa%j, du Queyras , qui introduisirent la fabrication des indiennes à Genève, et Chabanel , Pierre Cheissiere et Jacques Daudé, du Dauphiné , qui établirent celle du drap à Yverdon (Vaud).

Dans un autre ordre d'idées, Antoine Achard, qui rem- plaça David Ancillon comme pasteur à Berlin, et l'habile Jean-Guillaume Lombard, qui fut successivement ministre des rois Frédéric II, Frédéric-Guillaume II et Frédéric- Guillaume III, descendaient de familles dauphinoises ré- fugiées. La famille Eynard, qui a fourni plusieurs hommes distingués à la Suisse et à la Grande-Bretagne, notamment Jean-Gabriel Eynard, le célèbre philhellène, était sortie de La Baume-Cornillane. Nous en dirons autant des familles Fazy et Odier, de Genève, issues la première du Queyras, la seconde de Pont-en-Royans. François Baratier, pasteur et inspecteur des églises françaises de la province de Mag- debourg, dont le fils, mort à 19 ans, était un prodige de science, naquit à Romans en 1682. Jacques-André Porte, pasteur et savant professeur de littérature française à Rinteln, dans la Hesse Électorale, était fils du joailler Antoine Porte, de Die. Le célèbre Abraham Patras, gouverneur général des possessions hollandaises, vit le jour à Grenoble d'une famille protestante r, ainsi que François Roux, professeur

(1) M. Gustave Vallier, habile numismate de Grenoble, lui a consacré un

24 i685. de langue française à léna. Son fils, Henri -Frédéric, marcha sur ses traces. Jean-Lonis- Antoine Reynier , à Lausanne, qui était un savant économiste et un agronome distingué, et Jean-Louis-Ebéné\er Reynier, également à Lausanne et de la même famille , qui fut un des meilleurs généraux de la République française et de l'Empire, descen- daient d'une famille dauphinoise, réfugiée en Suisse à la Révocation. Jean-Pierre Terras , savant chirurgien, reçu bourgeois de Genève le 29 septembre 1 769, sortait du Valen- tinois. Charles de Colignon, savant professeur d'anatomie et de médecine à Cambridge, descendait d'Abraham de Colignon , pasteur à Mens avant la révocation de l'édit de Nantes. Jean Borrel , professeur de médecine à l'université de Marbourg, était à Fénestrelles en 1684-, le pasteur Gabriel Dnmont, un des orateurs sacrés les plus distingués de la Hollande, à Crest en 1680. Pierre Portefais, mé- decin et apothicaire, auteur de plusieurs livres de piété, et fixé à Yverdon en 1 72 1 , était à Die. Les savants pasteurs Jacques Bernard et Élie Saurin, qui se réfugièrent en Hollande, ils acquirent une grande célébrité, virent le jour le premier à Nyons en i658, le second à Usseaux en 1639. Jean et Elie Bertrand, pasteurs et naturalistes de l'État de Berne, étaient les petits-fils d'Henri Bertrand, de Nyons, confiseur et pharmacien, établi à Orbe (Vaud).

Nous citerons encore Pierre Royer, de Grenoble, qui devint capitaine des ingénieurs de Brandebourg; Daniel du Thau, seigneur de Bénirent, conseiller d'ambassade dans le même pays \ Jean de Maffey, de la famille du marquis de Maffey, de Veynes, lieutenant général dans l'armée du roi Auguste de Pologne-, André de Rouvillasc de Veynes,

article et a décrit la médaille qui fut frappée en son honneur dans la Revue belge de numismatique.

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également lieutenant général dans celle de Frédéric I , roi 1685-1686. de Prusse (1688-1713)*, René-Guillaume de L'Homme de Corbières, en 173 3, en Hollande, d'un père dauphinois, général d'infanterie en Prusse en 1758 I.

Pour les autres protestants dauphinois réfugiés à Tétran- ger, voyez la liste générale que nous en donnons aux Pièces justificatives, N.° I.

Confiscation des biens des consistoires et des religionnaires fugitifs. Demande d'une -partie de ces biens par le clergé. Leur emploi. Procès auxquels donna lieu leur prise de possession.

Aussitôt après la révocation de redit de Nantes, la cour manifesta l'intention de se saisir des biens délaissés par les consistoires et bientôt après de ceux des religionnaires fugitifs. Les intendants des provinces reçurent des instruc- tions dans ce but, et celui du Dauphiné ordonna, le 29 dé- cembre [685, qu'il serait procédé à une recherche exacte des biens des consistoires de sa province, ordonnance renou- velée le 28 janvier 1690 2.

Autrement les églises réformées, à part les temples et les cimetières, qui ne rapportaient rien, possédaient fort peu

(1) Voy. Haag, La France protestante, passitn et t. ix, p. 268; Rochas, Biographie du Dauphiné, passim; Ch. Weiss, Hist. 'des réfugiés pro- testants, t. 1, p. 161, 172, 176, 217; t. 11, p. 216, 217, 269; Samuel Smiles,. The huguenots; Erman et Reclam, passim; etc.

(2) Voy. aussi la lettre de Bouchu , conforme à l'édit du roi du 24 avril 1688 et prescrivant l'affichage des noms des religionnaires fugitifs, en vue de la recherche exacte de leurs biens.

20

!Ô86. d'immeubles. « Ce qui les sauvait, ditCharronnet1, c'étaient non pas les cotisations , mais les dons et les legs qu'elles recevaient et qui se seraient multipliés de manière à donner un jour à ces communautés une brillante et splendide exis- tence. Que ne font pas les associations protestantes, avec leur intelligence sérieuse et pratique, avec leur esprit actif et entreprenant, quand elles disposent de capitaux importants! Beaucoup de personnes riches dans la noblesse et la bour- geoisie avaient embrassé la religion réformée et tenaient à laisser à l'église nouvelle un témoignage de leur zèle et de leur attachement. »

Comme on pouvait s'y attendre, le clergé réclama une part des biens des consistoires et des protestants fugitifs confisqués par le gouvernement. L'évêque de Gap, Hervé, adressa à ce propos à la cour, en 1686, un « Mémoire des emplois utiles auxquels on pourrait destiner ces biens ».

« Il paraît utile, dit-il dans cette pièce, de s'attacher à instruire les enfants des nouveaux convertis, et pour cet effet :

» Il sera fort utile de continuer par des missions l'ins- truction des nouveaux convertis et de pourvoir qu'il y eût des fonds suffisants pour trois ou quatre années consé- cutives -,

» 20 Pour rendre ces instructions permanentes, d'établir dans les paroisses remplies de nouveaux convertis des sermons pour les carêmes dans les lieux ils n'étaient pas établis, parce que tout le monde y était de la R. P. R., attendu que les prédicateurs qui y ont été envoyés ces der- nières années n'ont pu être payés, sinon par Mgr l'évêque; à moins qu'on ne jugeât que les évêques dussent faire dans ces lieux ces sortes d'établissements de prédicateurs.

(1) Les guerres de religion, p. 426-43 1.

27

» Et comme l'instruction des enfants est chose impor- 1686. tante, il est nécessaire de pourvoir à ce qu'il y ait des maîtres et des maîtresses d'école, du moins dans les grosses pa- roisses, et obliger les communautés à recevoir les maîtres qui leur seront choisis et envoyés par les évêques, et attendu qu'on a refusé en quelques lieux de les payer.

)> 40 Comme il y a quelquefois des parents si mal con- vertis qu'ils pervertissent leurs enfants, il serait utile qu'il y eût dans chaque évêché ou province des académies, collèges, couvents ou communautés, les évêques pussent faire mettre les enfants de ces obstinés, ils fussent entretenus gratuitement, ceux dont les pères n'auraient pas de quoi fournir à la nourriture; et comme on n'y tiendrait ces enfants que le temps nécessaire pour les établir ou les rétablir dans de bons sentiments , le nombre n'en serait pas trop excessif.

» Les nouveaux convertis pauvres étaient tous se- courus par de petites pensions de leurs consistoires et se plaignent qu'il n'en est pas de même dans la religion catho- lique qu'ils ont embrassée : le "remède serait prompt en faisant donner pendant quelques années des aumônes ou réglées ou interrompues à tous les pauvres convertis dans chaque paroisse, qu'on pourrait leur faire distribuer en denrées, crainte qu'ils ne fissent un mauvais usage de l'ar- gent, ne leur en donnant que ce qui serait nécessaire pour faire leurs tailles.

» On pourrait encore à ces charités ajouter celle de faire apprendre des métiers aux enfants des nouveaux con- vertis, et, pour qu'ils profitassent en même temps pour le spirituel, avoir des académies pour ces sortes de métiers et apprentis, les unes pour les filles, les autres pour les gar- çons, où ils seraient reçus sur les ordres des intendants-, ce qui pourrait introduire en divers endroits l'usage des manu- factures et y apporter l'abondance. Ces dépenses seraient considérables à la vérité, mais pourraient ne durer qu'autant

i686. qu'on les croirait nécessaires à raffermissement suffisant des choses. Et d'ailleurs ces sortes d'institutions publiques pa- raissent toutes devoir contribuer à la gloire du roi.

» 70 II y a encore des églises qui ont besoin de réparations dans le diocèse de Gap : celles de Serres, Orpierre, Rosans, etc., mais surtout la cathédrale, démolie par les hérétiques, qui est comme une grange, ni voûtée, ni lambrissée et où, quelque soin qu'on prenne du couvert, il pleut partout lors- que le vent se joint à la neige, chose journalière en ce pays-, outre qu'il n'y a point d'église paroissiale en cette ville, ce qui oblige le chapitre de se retirer presque tout l'hiver dans la sacristie pour faire l'office.

» Dieu étant si mal logé à Gap , il n'est pas étonnant que la maison de l'évêque, qui fut démolie avec l'église, ne soit pas non plus en bon état ; on y a commencé un bâtiment à la gloire du roi, qui avait donné, il y a six années , vingt mille livres pour tirer l'évêque d'une maison de louage. Ce bâtiment commencé et pitoyable à voir attend une seconde libéralité de Sa Majesté, sans laquelle l'évêque, qui n'a que six à sept mille livres de revenus, n'est pas en pouvoir de l'achever. Les marchés à prix fait qui ont été passés par- devant M. le procureur général de Grenoble se montent à plus de 5o,ooo livres. Il y a aussi plusieurs cures toute la dîme, ramassée et abandonnée par les prieurs, n'est pas suffisante pour l'entretien honnête du prêtre , ce qui les rend abandonnées pour le service l. »

L'évêque de Gap envoya son mémoire à Colbert deCroissy, en y joignant une lettre, il lui recommandait son palais inachevé. Le ministre comprit que c'était ce qui intéres- sait le plus le prélat et lui répondit de Versailles, le 22 dé- cembre 1686 : « J'ai rendu compte au roi de ce que vous

(1) Charronnet, p. 441-445.

29 m'avez écrit au sujet du bâtiment de votre palais épiscopal. 1686. Sa Majesté m'a ordonné de vous écrire qu'elle ne se souvient pas de vous avoir fait savoir qu'elle eût fait aucune desti- nation des biens des fugitifs pour contribuer à ce qui vous manque pour l'achever; mais, pour vous parler sincère- ment, je n'ai pas trouvé Sa Majesté fort disposée à vous donner le surplus des vingt mille livres que vous me marquez qui vous est nécessaire pour la perfection de cet ouvrage. Si cependant vous continuez à demander à Sa Majesté ce secours, comme c'est une affaire de finances, vous vous adresserez, s'il vous plaît, à M. le contrôleur général. Je suis , Monsieur, votre très-humble et très-obéissant servi- teur. De Croissy. »

L'évêque ne se tint pas pour battu et au mois de juillet de l'année suivante, dans une nouvelle lettre adressée au ministre, il glissa ces lignes modestes : « Je n'ose pas vous importuner de mes bâtiments ; cependant si , par le moyen des biens confisqués, vous trouviez le moyen de loger un évêque sur le pavé , je vous en aurais , Monsieur, beaucoup d'obligation. » Croissy, pour en finir, répondit assez sèche- ment à l'évêque : « Pour ce qui regarde le rétablissement de votre palais épiscopal, je vous ai déjà écrit que Sa Majesté avait destiné la confiscation des biens de ceux qui se sont retirés du royaume à cause de la religion à d'.autres usages, et qu'il fallait vous adresser au Père La Chaise ou à M. le contrôleur général pour avoir un autre fonds. »

Déjà, avant la révocation de l'édit de Nantes et par des déclarations de i683 et de 1684, le roi avait accordé aux hôpitaux la plus grosse part des biens des consistoires dont les églises avaient été interdites x. Pour conserver à l'avenir

(1) En 1686 il ordonna que ce seraient les hôpitaux les plus rapprochés des consistoires dépouillés qui hériteraient de leurs biens.

3o

1686. toute sa liberté d'action , il promulgua, en janvier 1688, un édit qui réunissait purement et simplement au domaine ro}ral à la fois les biens des consistoires et ceux des protes- tants fugitifs. Le parlement de Grenoble en ordonna l'enre- gistrement, et, pour en faciliter l'exécution en Dauphiné , l'intendant Bouchu publia son arrêté du 26 septembre de la même année, qui obligeait les châtelains, consuls et autres officiers des communautés d'avertir tous les mois dix délé- gués, répartis entre les divers bailliages, judicatures mages et sénéchaussées de la province, des désertions des religion- naires et des nouveaux convertis, et du rôle de leurs biens meubles et immeubles, à peine de 5o livres d'amende pour chaque contravention. Un arrêt du conseil du roi, du 8 jan- vier de l'année suivante (1689), nous montre qu'une partie de ces biens fut employée au paiement des pensions faites aux nouveaux convertis, et un édit de décembre même année porte que « les biens des consistoires seront em- ployés à des hôpitaux et autres œuvres pies ». Comme les hôpitaux étaient nombreux en Dauphiné, il s'établit entre eux une grande rivalité, accrue des demandes également rivales des évêques et autres personnages, qui n'entendaient point qu'on oubliât qu'ils s'adonnaient aussi aux « œuvres pies ». Chacun voulut avoir sa part de la curée; « sera le corps mort, s'assembleront les aigles; » et il fallut que le conseil d'État intervînt, par son arrêt du 29 août 1693 et par un second, rendu l'année suivante (22 juin 1694), qui attribuaient la moitié des biens des consistoires du Dauphiné à l'hôpital de Grenoble et les deux autres quarts aux hôpi- taux d'Embrun et de Gap. Les députés de ces trois établis- sements se transportèrent à Grenoble et procédèrent, le 17 août 1694, à un règlement de partage. L'hôpital d'Embrun eut les biens des consistoires ressortissant aux bailliages d'Embrun et de Briançon, plus ceux des consistoires de Corps en Champsaur et Tréminis en Trièves; l'hôpital gé-

3i

néral de Gap, les biens des consistoires ressortissant au 1686. bailliage de Gap, du Ghampsaur (Corps excepté) et de la partie du Diois située entre la Drôme et le Gapençais-, Thôpital général de Grenoble, les biens des consistoires de tout le reste du Dauphiné, sauf ceux du consistoire de Loriol, qui restèrent indivis. « Les hôpitaux de toutes les autres villes, dit Charronnet, furent exclus du partage peut- être parce que les réformés étaient dans ces villes en trop grand nombre. L'hôpital de Briançon montra beaucoup de mauvaise humeur:, il réclama, en disant qu'il avait fait abattre quantité de temples et qu'il ne serait que juste de l'indemniser de ses travaux. Sa colère était excusable, parce que, tout d'abord, les biens des consistoires de la vallée du Queyras lui avaient été attribués [en 1686], et que le gou- vernement était revenu plus tard sur cette décision. » Néanmoins il n'eut aucune part à la répartition. Il en fut de même de l'hôpital général de Valence, malgré l'avis con- traire^de l'intendant Bouchu x.

La prise de possession des biens des consistoires par les hôpitaux était faite, en ce qui concernait les immeubles, les pensions et les constitutions de rentes, sans destination spé- ciale; mais il en était tout autrement des sommes souscrites en faveur des consistoires et dont les intérêts tenaient lieu des cotisations annuelles que les fidèles s'imposaient pour l'entretien des pasteurs. Ces fondations ou donations, dont les rentes seules étaient exigibles de père en fils, avaient l'avantage d'assurer chaque année une certaine somme pour l'entretien des ministres et étaient préférables aux cotisations annuelles, qui avaient toujours un caractère précaire. Les titres de ces donations avaient été cachés avec soin par les protestants pour que les catholiques n'en profitassent pas*,

(1) Correspondance des contrôleurs généraux, t. 1 , p. 337, N.° 1374.

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i686. et lorsque ceux-ci parvenaient à les découvrir, il s'ensuivait la plupart du temps des procès , les donataires refusant de payer des rentes exclusivement réservées à l'entretien des ministres. Nous ajouterons que les tribunaux ne craignaient point de condamner les donataires ou leurs héritiers à payer, lors même que la plupart des premiers eussent inséré dans leurs fondations la clause formelle que s'ils venaient à changer de religion, ou si la religion réformée était sup- primée , il demeurait entendu que la rente ne serait plus servie.

Les hôpitaux héritèrent ainsi des biens des consistoires, à l'exclusion du clergé , qui aurait bien désiré d'en avoir sa part. On peut cependant citer des cas il fut dérogé à cette loi. Ainsi, les chanoines de la cathédrale de Gap ayant demandé, pour le convertir en cimetière, l'emplacement de l'ancien temple des réformés, le roi accéda à leur vœu (17 février 1692) *. Celui du temple d'Aouste fut également cédé par le roi, en 1687, aux catholiques pour y construire une église.

Obligation imposée aux parents protestants

d'envoyer leurs enfants aux écoles et aux

catéchismes catholiques.

Les protestants eurent à^subir des vexations plus graves. Si l'édit révocatoire proscrivait la liberté de leur culte, il leur garantissait du moins la liberté de conscience et le repos. « Pourront, au surplus, lesdits de la R. P. R., porte l'article xi , en attendant qu'il plaise à Dieu les éclairer comme les autres, demeurer dans les villes et lieux de notre royaume,

(1) Charronnet, p. 441-449; 463-480.

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pays et terres de notre obéissance, et y continuer leur com- 1686. merce et jouir de leurs biens, sans pouvoir être troublés ni empêchés sous prétexte de ladite R. P. R. » Cet article si net et si explicite n'était qu'un leurre, comme les protestants ne tardèrent pas à s'en apercevoir. Le roi entendait que, de gré ou de force, ils embrassassent le catholicisme eux et leurs enfants.

Avec son approbation et celle de ses intendants , les évê- ques s'occupèrent d'abord de remplacer tous les maîtres d'école protestants par des catholiques. Hervé, évêque de Gap, reçut à ce propos les instructions suivantes de l'admi- nistration provinciale : « Monseigneur, en réponse à votre lettre du 7 de ce mois, je vous dirai que pour changer les maîtres d'école déjà établis, ou pour en établir aux lieux il n'y en a point, vous devez faire une ordonnance, à la requête de votre promoteur, portant que les consuls de la paroisse vous présenteront dans huitaine un maître d'école capable de l'instruction de la jeunesse; lequel lesdits consuls seront tenus de payer par imposition sur tous les contri- buables de la paroisse, jusques à' la somme de ..., confor- mément aux arrêts du conseil , et à faute par eux de faire ladite nomination dans ledit temps de huitaine, et icelui passé, vous établirez dans ladite paroisse un maître d'école, qui sera payé par lesdits consuls de ladite somme de ..., et, en cas de refus, ils y seront contraints par toutes les voies-, à l'effet de quoi votre promoteur se pourvoira devant le par- lement pour obtenir l'exécution de votre contrainte. Vous pouvez mettre la somme qu'il vous plaira pour le maître d'école, pourvu qu'elle n'excède pas cent ou cent vingt livres par an -, vous pouvez causer votre ordonnance sur les con- versions des hérétiques et sur la nécessité de l'établissement desdits maîtres d'école, et pour le temps que vous jugerez nécessaire à faire ces établissements, dans les lieux il sera nécessaire seulement. Demichel. »

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34 iG86. Les pleins pouvoirs donnés à l'évêque de Gap se heur- tèrent contre la ferme attitude des protestants de son dio- cèse, qui refusèrent de payer de leurs deniers les maîtres d'école catholiques et de faire connaître les gages qu'ils allouaient à leurs anciens régents. Il importait beaucoup aux évêques d'être renseignés sur ce dernier point, car ils risquaient d'offrir à leurs maîtres d'école des honoraires infé- rieurs à ceux que recevaient les anciens régents réformés et d'attirer sur eux le mépris des populations. Les protestants allèrent encore plus loin, et dans quelques localités, ils étaient en nombre , ils entretinrent des maîtres de leur communion, qui payaient cher leur courage lorsqu'ils étaient surpris. « Sur ce que nous avons été informé, dit l'intendant Bouchu, dans une ordonnance du 26 février 1686, que le nommé Masseron, nouveau converti, tient école publique dans la paroisse de Veynes, sans en avoir obtenu la permis- sion de M. l'évêque de Gap et au préjudice des défenses qui lui ont été faites plusieurs fois de s'ingérer dans cette fonction, il est ordonné au prévôt des maréchaux de la province de Dauphiné, ses lieutenants et archers ou autre huissier sur ce requis, de conduire ledit Masseron dans les prisons de la ville de Gap, pour y demeurer jusqu'à ce qu'il en ait été autrement par nous ordonné l. »

Ces mesures atteignirent très -imparfaitement leur but. Le roi avait beau se charger d'une partie de l'entretien des maîtres d'école catholiques pour dégrever les paroisses ré- calcitrantes 2 -, il avait beau ordonner aux nouveaux convertis d'envoyer leurs enfants et domestiques aux écoles , instruc- tions et catéchismes de la paroisse, sous peine de voir leurs enfants élevés loin d'eux et à leurs frais, les fils dans des

(1) Charronnet, p. 43 1, 432, 445-449.

(2) Lettre de l'évêque de Gap aux consuls des paroisses, du 9 juin 1687.

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collèges, les filles dans des couvents et les pauvres dans les 168G. hôpitaux r, les pères de famille payaient les amendes portées par les ordonnances et n'obéissaient pas davantage, comme le prouvent les nombreuses ordonnances de rappel de Bouchu sur ce point2. Il faut reconnaître aussi que les juges et châtelains des communautés, quoique catholiques, ne se montraient pas fort empressés à tenir la main à l'accomplis- sement de ces mesures vexatoires, qui révoltaient la cons- cience de plusieurs.

Séjour du pasteur d'Orange Pineton

de Chambrun dans le Dauphiné. Ses

souffrances.

C'est à cette époque (1686) que se rattache le séjour tem- poraire en Dauphiné du pasteur d'Orange Jacques Pineton de Chambrun, si célèbre par sa chute et son relèvement. Arrêté à Orange par le comte de Tessé à la fin de l'année i685 et dirigé sur le château de Pierre-Scize, à Lyon, étaient déjà emprisonnés ses collègues, il fut, avec l'autori- sation de l'intendant du Dauphiné, retenu à Valence par Daniel de Cosnac, évêque convertisseur, qui ne craignait pas de se mettre à cheval, « à la tête des dragons, pour aller tourmenter dans son diocèse ceux qui n'avaient point abjuré ou ne voulaient point aller à la messe ».

Cosnac mit tout en œuvre, promesses et menaces, pour

(1) Lettres de cachet des 10 et 23 mai 1686; Déclaration du 16 octobre 1700; Ordonnance du 8 novembre 171 3 ; Déclaration du 18 février 1698.

(2) Des 27 mai et 6 juin 1686, 10 janvier 1689, 4 décembre 1695. Il y a aussi une ordonnance relative à cet objet du comte de Tessé, comman- dant des troupes de la province, datée de Dieulefit, 14 juin 1687.

36 i686. séduire Pineton-, mais, n'ayant pu y parvenir, ses agents recoururent à un autre moyen. Ils le menacèrent d'éloigner de lui non-seulement sa femme et son neveu , qui le soi- gnaient, mais encore ses deux domestiques, et de l'envoyer dans cet'état à Pierre-Scize. Or, c'était lui donner le coup de mort, car depuis plusieurs mois il était cloué sur son lit, ayant une cuisse cassée et souffrant à la fois de la goutte et de la pierre. Désespéré par cette menace, il s'écria : « Je me réunirai-, » mais sur l'heure même il s'en repentit amèrement et refusa de signer l'abjuration que Cosnac lui présenta.

Après deux mois et demi de séjour à Valence, le com- missaire des guerres du Dauphiné essaya de l'acheter, Pineton fut interné à Romeyer, près de Die. Il y arriva le 2 mars 1686 et y reçut la visite d'un grand nombre de ses coreligionnaires. « Tous m'assuraient, raconte-t-il , que, bien loin que ma chute eût donné du scandale, on n'en avait eu que de la compassion, sachant les termes Ton m'avait réduit -, qu'ils priaient et qu'ils espéraient que l'exemple que je donnais à l'église lui serait d'une grande édification. » Vers Pâques, Pineton fut visité par l'évêque de Valence, et à Pentecôte par le curé de Romeyer, accom- pagné de deux ou trois chanoines de Die. Ils l'invitèrent de nouveau à se réunir à l'église romaine-, mais ce fut en vain. Au mois de juillet, Cosnac reparut dans le Diois. « Mais avant que cet évêque vînt chez moi pour me tourmenter, dit Pineton, il fit le tour de son diocèse, il exerça mille violences pour faire communier et confesser. Les peuples se retiraient dans les bois et dans les montagnes. On les y poursuivait comme s'ils eussent été des bêtes farouches. On assommait de coups, on garrottait, on jetait dans de basses fosses tous ceux qui y étaient attrapés. Enfin on n'entendait parler que de désolation et de misère... L'inten- dant du Dauphiné vint à Die environ ce même temps pour assister l'évêque en cette belle mission. Ce dernier prêchait

- 37-

par la bouche des dragons, et le premier faisait le procès à 1686. qui ne voulait pas obéir. Tous les jours j'entendais dire qu'on envoyait des troupes de femmes et de filles chez le malheureux Rapine *, qui avait exercé mille cruautés contre tant de pauvres innocents qui avaient passé par ses mains lorsque j'étais à Valence. »

Quand Cosnac eut fait le tour de son diocèse, il alla visiter Pineton et le pressa de nouveau, mais sans succès, de signer un acte d'abjuration. Un Jésuite habile, qu'il lui dépêcha peu après, dut aussi renoncer à le convaincre, et ce fut le terme des attaques que le pieux confesseur eut à subir. Ayant demandé à Cosnac l'autorisation de se rendre à Lyon pour se faire opérer de la pierre, l'évêque la lui accorda sans difficulté, dans la pensée que l'opération entraînerait sa mort et qu'il serait ainsi délivré d'un religionnaire opiniâtre, qu'il avait fait passer à la cour pour converti. Pineton arriva sans entraves à Lyon le 5 août 1686, et là, aidé de quel- ques amis sûrs , il parvint à gagner Genève, à la faveur d'un déguisement d'officier supérieur.

Lorsqu'il était encore à Valence, il reçut la visite du pas- teur Alexandre Vigne, de Grenoble, qui avait abjuré depuis quelques mois. « Cet apostat, dit Pineton, étant venu à Valence pour se faire recevoir conseiller au présidial, il fut conduit chez moi par deux valets de l'évêque de Valence. Il entra dans ma chambre tout tremblant et tout blême ; je le reçus fort froidement, et, après un petit discours de civilité qu'il me fit, je lui parlai en latin, à cause de quelques per- sonnes qui nous pouvaient écouter. Je le priai de me dire en quel état était sa conscience; il fut extrêmement surpris de ce discours et me parut fort interdit. Néanmoins, après avoir demeuré quelque temps dans le silence, il me dit que

(1) Il va bientôt en être parlé.

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i686. sa conscience était en repos ; et moi, lui dis-je, je suis dans les enfers, quoique je n'aie pas fait ce que vous avez fait... Je me suis réuni, me répondit-il, à l'église romaine pour éviter le schisme, que j'estime préjudiciable au salut-, je me suis réuni positivement, mais j'en suis séparé négativement- Si vous parliez, lui dis-je , à quelque paysan, vous pour- riez lui jeter de la poudre aux yeux par cette distinction-, mais me croyez-vous si ignorant que je n'entende pas votre jargon ! Pouvez-vous dire que vous êtes séparé de l'église négativement en rejetant ses dogmes et son culte, que nous désapprouvons? Ne venez -vous pas tout fraîchement de donner au public une lettre adressante à vos prétendus nou- veaux convertis , en laquelle vous soutenez ce que vous me dites à présent n'être point l'objet de votre foi? Prenez garde qu'en mentant aux hommes vous ne mentiez à Dieu l. »

{Missions bottées et autres. Travaux plus apostoliques de Le Camus , évêque de Gre- noble. Dispositions des nouveaux convertis.

Les dragonnades ou missions bottées continuèrent en Dauphiné après comme avant la révocation de l'édit de Nantes.

Dans les années i685 et 1686 les dragons pillèrent plu- sieurs maisons de marchands et autres particuliers de Dieu-

(1) Les larmes de Jacques Pineton de Chambrun, La Haye , 1726, in-12; passim. Cosnac, dans ses Mémoires (t. 11, p. 121-123), raconte la chute de Pineton d'une manière différente. Il ne craint point de le traiter de fourbe et prétend que sa femme se convertit tout comme lui-même, et qu'ils communièrent plusieurs fois à Romeyer. L'accent de sincérité que respirent les Larmes du pasteur repentant nous fait préférer son récit à celui de son convertisseur.

- 39 - lefit et vendirent leur butin à vil prix, comme un écu la balle 1686. de laine et quatre sols un mouton. « Plusieurs qui s'étaient enrichis de ce pillage, dit un mémoire du temps *, ont été réduits, avant que de mourir, à la mendicité, au lieu que ceux qu'ils pillèrent, étant sortis pour la plupart du royaume, ont été dans peu de temps beaucoup plus florissants qu'ils n'étaient alors. »

Vers le même temps, un marchand de la même localité, nommé Mouchand, mourut sans avoir voulu recevoir les sacrements de l'église. Les dragons traînèrent son corps dans les rues et en dehors des murs de la ville, puis le pré- cipitèrent du haut d'un rocher.

A Saillans les dragons suspendirent des jeunes filles, qui ne voulaient pas aller à la messe, aux crémaillères des che- minées et faisaient une fumée épaisse' sous elles pour les obliger à abjurer 2.

A côté de ces missions horribles les autorités ecclésias- tiques en instituèrent de plus conformes à l'esprit de l'Évan- gile. L'évêque de Grenoble Le Camus donna aux prêtres de son église des instructions empreintes de sagesse et de douceur, et ne voulut employer à l'égard des nouveaux convertis d'autres armes que celles de la persuasion. Il re- commanda à ses curés : d'expliquer tous les dimanches l'évangile ou l'épître du jour* 20 de faire également tous les dimanches le petit catéchisme par demandes et par ré- ponses -, de ne pas affaiblir par condescendance la doctrine de l'église-, 40 de désabuser les protestants des fausses pré- ventions qu'ils avaient touchant le respect accordé par l'église aux images et aux reliques. « C'est dans les seuls mérites

(1) Mémoire sur le Dauphiné (de i685 à 1736); Mns. Court, N.° 17, B.

(2) Ibid.

4o 1686-16S7.de Jésus-Christ, disait-il, qu'elle met sa confiance1; » d'empêcher qu'on ne prêchât des miracles fabuleux et qu'on ne parlât des indulgences autrement que le concile de Trente n'en avait parlé ; de faire en sorte que les nouveaux convertis fissent leur devoir, mais sans contrainte et sans violence; 70 de les disposer à assister au sacrifice de la messe; de ne leur administrer les sacrements que s'ils étaient bien disposés ; 90 d'user de retenue dans les confes- sions touchant le péché d'impureté; io° de diminuer au début la sévérité des pénitences ; 1 de ne jamais contraindre les nouveaux convertis d'approcher des sacrements; 120 s'ils étaient morts sans avoir reçu les sacrements , de ne pas les enterrer en terre sainte et de laisser aux magistrats le soin de leur ensevelissement; i3° s'ils n'envoyaient pas leurs enfants aux écoles et aux catéchismes et qu'ils mangeassent de la viande aux jours défendus , de les avertir en secret et . de ne pas les dénoncer à la justice; 140 de prier beaucoup en public et en particulier pour eux; i5° et 160 de s'oc- cuper d'eux avec sollicitude 2.

Ces instructions furent vivement combattues par les par- tisans des voies de violence et dénoncées jusques en cour de Rome ; mais le pape ne les condamna point et loua Le Camus de son zèle, en l'assurant de sa confiance par un bref en date du 18 octobre 1687 3.

L'évêque de Grenoble ne s'était pas borné à envoyer des

(1) Le Camus n'affaiblissait-il pas ici par condescendance la doctrine de l'église catholique ? Est-il exact qu'elle mette sa confiance dans les seuls mérites de Jésus-Christ?

(2) Lettre de Mgr le cardinal Le Camus , évéque et prince de Grenoble , aux curés de son diocèse, etc.; Grenoble, 28 avril 1687. Voy. aussi Benoit, Hist. de l'édit de Nantes, t. v, p. 983.

(3) Bref de N. S. P. le Pape Innocent XI à MT le cardinal Le Camus... touchant la lettre que cette Éminence avait écrite à ses curés sur la conduite qu'ils doivent tenir à l'égard des nouveaux convertis.

4i instructions à ses curés, il avait mis lui-même la main à i685-i086. l'œuvre. Il a raconté ses travaux dans une série de lettres adressées à de Barillon, son ami, évêque de Luçon L. « J'ai envoyé, dit-il, des missionnaires*, les nouveaux convertis ne peuvent goûter les religieux -, les autres ont fait très-peu de fruit et j'ai été obligé d'aller partout pour remettre leur esprit et les radoucir... J'ai résolu de faire des conférences pour eux dans ma salle, sans dispute, sans air de contes- tation, mais l'exposition de la foi et l'éloignement des pro- positions qu'on nous impute injustement et dont ils ont de l'éloignement... J'y joindrai des prières publiques pour leur conversion sincère... Après avoir tenté, avec assez peu de succès, le moyen des missions, j'ai cru que le meilleur était d'envoyer des missionnaires dans chaque paroisse, et que peut-être avec moins d'éclat, par des conférences familières et par les visites, on en ferait plus que par les missions nom- breuses et éclatantes. J'ai cru être obligé dans Grenoble de faire deux fois la semaine des conférences publiques sur les points controversés. Nos présidents et conseillers con- vertis 2 avaient demandé cela avec grande instance. Il y vient une foule de monde incroyable. Les nouveaux convertis témoignent y prendre un très-grand plaisir et en être con- tents... J'avais commencé dans ma salle, mais ce concours de peuple m'a obligé de les faire dans la cathédrale. Dans tous les cantons de mon diocèse ils témoignent n'avoir de créance qu'en moi et de faire ce que je leur dirai-, mais je ne puis abandonner la ville pour aller à la campagne. » (16 janvier 1686.)

(1) Bulletin de la Soc. de l'hist. du prot. franc., t. m, p. 581-584.

(2) Laurent de Périssol-Alleman, Isaac de Chabrières, Alexandre de Bardonnenche, Jacques d'Yze et Alexandre de Pascal. Voy. notre vol. II, Pièces justificatives, N.° III.

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1686-1687. Le Camus se décida pourtant à aller à la campagne pen- dant la belle saison. Il écrit à son ami : « Je reçois, Mon- seigneur, votre lettre dans les montagnes, j'ai été cher- cher de nouveaux convertis... Très-peu se sont confessés et à la ville et à la campagne*, ils ont les zélés parmi eux en chaque lieu qui les observent et qui détournent ceux qui vou- draient fréquenter les sacrements. Notre application prin- cipale a été de les instruire et de ne les point effaroucher, parce qu'ils se peuvent sauver de ce diocèse, sans que les troupes du roi en puissent empêcher. Je ne leur ai pas permis d'être un dimanche sans aller à la messe; mais j'ai empêché qu'on ne les forçât à prendre les sacrements par des loge- ments de gens de guerre ; j'ai vu le mauvais effet que cela a fait en Languedoc et dans les diocèses voisins. Le roi a approuvé ma conduite. » (2 mai 1686.)

L'intendant du Dauphiné Bouchu ayant mis des troupes dans Grenoble, « j'en ai obtenu le délogement, dit Le Camus dans une autre lettre, et j'ai représenté qu'il fallait laisser aux évêques le soin de faire prendre les sacrements, sans y forcer par des logements de guerre. L'exemple de Valence m'a fait peur. A Châteaudouble on a craché l'hostie dans un chapeau, après l'avoir prise par contrainte1. Je trouve que les exhortations que je leur fais et que je leur fais faire en divers lieux les portent et les engagent doucement à approcher des sacrements et à fréquenter nos exercices , et j'espère que ce qu'on fera par ce moyen sera plus solide, bien qu'il ne soit ni prompt ni éclatant. » (7 août 1686.)

« Les dragons de Grenoble sont sortis, et depuis leur départ les choses vont assez bien •, les nouveaux convertis fréquentent les exercices et s'approchent des sacrements. Ces messieurs les gens de guerre veulent faire leur cour par

(1) Il s'agit du fait de Jacques Bouillanne, dont il a été parlé à la page 16.

4-3 ces sortes de violences, mais je suis persuadé que cela 1686-1687. n'agrée point au roi et qu'au fond rien n'est plus contraire au dessein qu'on a de les affermir dans notre religion. » (14 août 1686.)

« Je viens présentement de visiter tous mes nouveaux convertis des montagnes. Je les ai prêches, j'ai répondu à leurs doutes:, j'y ai mené des missionnaires-, ils vont à la messe, ils mènent leurs familles au catéchisme et la plupart se sont présentés au confessionnal; ils paraissent tranquilles et n'avoir plus d'envie de se sauver avec des maîtres et des maîtresses d'école. Des missions et de la douceur et beau- coup de patience, et j'espère qu'on en viendra à bout. » (20 novembre 1686.)

« Nos missions réussissent très-bien dans ce diocèse, sur- tout celles des prêtres du clergé. J'en entretiens deux cette année. . . Les mouvements de nos religionnaires sont inégaux : la maladie du roi, les lettres des ministres, les nouveaux livres de Jurieu les avaient ébranlés*, ils se rassurent. Je trouve que les prédications suivies, les prières du soir en français, la douceur, ne les point forcer aux sacrements, sont les seuls moyens pour les accoutumer, et je m'en sers de mon mieux. Ils m'ont obligé de les prêcher jusques à Pâques. » (8 janvier 1687.)

Toutes les pièces du temps ne témoignent pas de l'opti- misme de Le Camus au sujet des nouveaux convertis. Le major Leclerc, de Grenoble, dans le Mémoire qu'il adressa à l'intendant Bouchu le 20 février 1686 ', disait d'eux: « Pour ce qui est du devoir catholique , il y en a très-peu qui le fassent, et l'on ne peut pas même être assuré de ce peu, parce qu'après avoir longtemps paru tels et fréquenté les sacrements ils ont ensuite relâché du tout au tout, en

(1) Petite revue des bibliophiles dauphinois, p. 144 et 145.

44 i686. sorte qu'ils ne vont plus à l'église, et si par hasard Ton y en voit paraître quelques-uns, ce ne sont que de ceux qui espè- rent de conserver par leur emploi ou office et les pensions qu'ils ont du roi, et d'autres pour tâcher d'attraper quelque don sur les biens de ceux qui ont quitté le royaume, et en- core n'y vont-ils que par grimace et très-peu souvent •, il y en a même qui , lorsqu'ils sont à la messe et que le saint- sacrement se doit montrer, ils mettent leur visage dans leur chapeau , de crainte de le voir, et regardent d'autre côté et jamais l'autel. Et comme les personnes de condition ont d'abord relâché de ce zèle apparent qu'ils faisaient paraître après leur abjuration, le petit peuple de parmi eux a aussi- tôt suivi leur exemple. » Dans V Estât qui accompagne son Mémoire et qui donne les noms de près de deux cents chefs de famille protestants de Grenoble, le major Leclerc cons- tate que la plupart d'entre eux ne fréquentent pas la messe et sont de « méchants huguenots ».

Les autres évêques du Dauphiné instituèrent aussi des missions, qui furent du reste continuées pendant une grande partie du XVIIIe siècle dans tous les diocèses et réussirent jusqu'à un certain point, car beaucoup d'églises, florissantes au XVIIe siècle, n'existent plus aujourd'hui, et leur com- plète disparition ne peut s'expliquer uniquement par des émigrations en masse. Dans le diocèse de Gap il ne se passa pas d'année qui ne fût témoin d'une dizaine de missions *.

(i) Charronnet, p. 424-426; Albert, Hist. géogr., etc., du diocèse d'Embrun, p. i65.

45

L'évêque de Valence "Daniel de Cosnac et son protégé La Rapine. Victimes de ce dernier. Blanche Gamond, Madame veuve Reymond , Menuret , Mesdemoiselles de Castelfranc et autres.

Tous les convertisseurs n'étaient pas animés de l'esprit 1687. de Le Camus. Son collègue l'évêque de Valence, Daniel de Cosnac , protégeait ouvertement le barbare La Rapine , directeur de l'hôpital général de Valence, et le laissait mar- tyriser à son gré les malheureux religionnaires confiés à son zèle diabolique.

Ce La Rapine l était fils d'un cuisinier des filles de la reine et s'appelait proprement Henri Guichard. Il fut tour à tour valet d'un Jésuite, solliciteur pour les prisonniers du Grand- Châtelet, gendre de l'architecte Lavau, architecte lui-même, directeur d'une manufacture de ferblanc, musicien, dessi- nateur d'opéra, inventeur des feux publics, directeur des spectacles. Dans plusieurs de ces emplois il se montra indé- licat et larron. Il vola son beau-père, déroba des ornements d'église, en dépensa le prix dans des lieux de débauche et tenta d'empoisonner le grand musicien Lulli, dont il avait séduit la femme. Pour le vol commis chez Lavau il fut en- fermé quelque temps à la Bastille, mais il sut arrêter les poursuites qui lui furent intentées pour le rapt des orne- ments d'église. Quant à la tentative d'empoisonnement sur Lulli, il en évita les suites en fuyant à l'étranger. Après avoir erré dans diverses cours, il revint en France sous le

(1) Nommé encore d'Hérapine et d'Herpine.

46 1687. pseudonyme aristocratique d'Hérapine, et l'évêque de Va- lence, qui avait entretenu avec lui des rapports étroits lors- qu'il était à Paris, le nomma directeur de l'hôpital de Valence et l'érigea en convertisseur. Le comte Jules de Cosnac, qui a édité les Mémoires de Daniel de Cosnac, est donc bien mal informé lorsqu'il dit de ce dernier : « Les mesures de violence n'étaient point dans son caractère; bien au con- traire, il s'est signalé par une conduite tout opposée. Il combattit corps à corps le protestantisme, mais la croix et l'Évangile à la maïh1. » Élie Benoît, son contemporain, porte un tout autre jugement sur lui 2. « Cet évêque du nom de Cosnac, dit-il, d'une humeur cruelle, fourbe et superbe, avait été aumônier du duc d'Orléans; et ce prince avait eu le malheur de voir quelquefois auprès de lui dans cette charge des gens très-peu dignes de l'occuper... De même l'évêque de Valence avait pris d'Hérapine en amitié et la lui avait conservée après de noires actions, qui le devaient rendre l'horreur de tous les honnêtes gens. Cela faisait soupçonner qu'il y avait peut-être entre eux quelque confor- mité de mœurs ou d'aventures qui faisait le lien de leur secrète sympathie3. » Le duc de Saint-Simon confirme le jugement de Benoît sur Cosnac et le traite d'homme in- trigant, ambitieux, peu scrupuleux et hautain4. C'était d'autre part un homme peu sérieux, car dans ses contro- verses avec les religionnaires, « ayant commencé» avec peu de fruit par de bonnes raisons, dont il était fort capable, dit

(1) Mémoires de Daniel de Cosnac, t. 1, p. lxxvi.

(2) Hist. de ledit de Nantes, t. v, p. 969.

(3) Pour plus de détails sur La Rapine, voy. Jurieu, Lettres pastor., t. 1, let. xx; etc.; Hist. de l'édit de Nantes, t. v, p. 969-973; Michelet, Louis XIV et la Révocation de l'édit de Nantes (Paris, 1860), p. 3kj-323; Mns. Court, N.° 17, F.

(4) Mémoires de Daniel de Cosnac, t. 11, p. 249.

47 l'abbé Millet dans les Mémoires de Noailles l, il en donnait 1687. à ses auditeurs de proportionnées à leur intelligence, qu'on ne pouvait entendre sans rire, mais qui convertissaient ces sortes de gens. On se trompait sur ce point, ajoute le judi- cieux abbé , la religion est trop grave pour que des discours risibles puissent la faire véritablement triompher. Il n'en reste bientôt que l'impression du ridicule , et les gens simples eux - mêmes s'aperçoivent qu'on ne peut se convertir en riant, non plus qu'en cédant à la force ou à l'intérêt. Aussi combien de conversions, vantées au moment de la scène, ont-elles disparu avec les convertisseurs. »

Protégé par Cosnac, La Rapine ne tarda pas à passer pour un convertisseur hors ligne au près et au loin, et on prit l'habitude de lui envoyer les religionnaires qui avaient résisté à tous les autres convertisseurs.

Au commencement de l'année 1687 le parlement de Gre- noble lui adressa deux filles de M. Ducros, avocat, quatre filles de M. Audemard, marchand, et M.me veuve Claude de La Farelle, née Graverol, livrée par son propre fils, devenu catholique, toutes habitantes de la ville de Nîmes et arrêtées aux frontières de Savoie. Un auteur contemporain 2 raconte ainsi le traitement que La Rapine leur fit subir : « Quand ces dames et demoiselles sont arrivées et qu'elles ont été livrées entre ses mains , il les sépare et les met en différents cachots, remplis de boue et d'ordure. Il leurôte leurs habits et leur linge et leur envoie quérir à l'hôpital des chemises qui ont été plusieurs semaines et quelquefois plusieurs mois sur des corps couverts de gale, d'ulcères et charbons, pleins

(1) Mém. polit, et milit. composés sur les pièces origin. recueillies par le duc de Noailles (Paris, 1778), t. 1, p. 52.

(2) Jurieu, Lettres pastorales, t. 1, let. xx; Voy. aussi Bullet. de la Société de Vhist. du prot. franc., t. xi, p. 386, 387.

-48 - 1687. de pus, de rancle et de poux. Ce fut de cette manière qu'on habilla M.lle Ducros. Ce malheureux ne leur faisait donner pour nourriture que du pain que les chiens n'auraient pas voulu manger et un peu d'eau. Plusieurs fois le jour La Rapine leur rendait visite avec ses estafiers , par lesquels il les faisait dépouiller et leur faisait donner des coups de nerf de bœuf, et lui-même leur donnait cent coups de canne par tout le corps et même sur le visage, de sorte qu'elles n'avaient plus de figure humaine. Il les fit rouer de tant de coups qu'elles ne pouvaient ni mettre un pied devant l'autre, ni remuer les bras. Outre cela, il les faisait plonger plusieurs fois par jour dans un bourbier profond, détrempé avec une eau puante, et il ne les tirait de que quand elles y avaient perdu la connaissance et le sentiment. Elles ont enfin suc- combé sous ces tourments, qui n'ont point d'exemple dans la barbarie du paganisme. Après quoi on les a transportées dans un couvent, elles sont, n'ayant ni force ni figure, couvertes de plaies depuis la tête jusqu'aux pieds. Nous tenons cela d'un honnête homme, qui les a vues dans cei affreux état. »

La plus jeune des filles de M. Ducros ne put supporter de si cruels tourments et mourut bientôt après.

Quant à M.me de La Farelle, elle reçut un coup de bâton à la figure qui lui cassa toutes les dents et elle devint paraly- tique à la suite des abstinences et des rigueurs auxquelles La Rapine la soumit. Son fils, poussé par de tardifs re- mords, demanda et obtint qu'elle sortît de l'hôpital, et ils purent quitter ensemble la France. C'est elle qui fit cette réponse, sublime de résignation et de constance, à son bour- reau, qui lui disait : « Mademoiselle, je m'étonne que vous puissiez souffrir tant de maux-, Moi, je ne souffre rien. Jésus-Christ a bien plus souffert pour moi. »

Blanche Gamond , de Saint -Paul -trois -Châteaux, fut aussi cruellement martyrisée par le directeur de l'hôpital de

49 Valence. Cette jeune fille avait quitté en septembre i685 sa 1687. ville natale, occupée par six compagnies de soldats du régi- ment de Vendôme, et s'était d'abord réfugiée à Orange. Mais cette ville ayant été envahie à son tour par le comte de Grignan (2.3 octobre i685), lieutenant général au gouver- nement de Provence, et le comte de Tessé, escorté de deux compagnies de dragons, elle ne s'y sentit pas en sûreté et résolut de gagner Genève. Elle se rendit d'abord à Grenoble par la vallée de Romeyer , près Die , nous avons vu que Pineton de Chambrun avait été exilé, et de Grenoble se dirigea sur Genève par la rive gauche de l'Isère. Surprise dans une île, près de Goncelin, par des gardes du régiment d'Arnoldfini, qui étaient venus y chasser, elle fut empri- sonnée à Grenoble et condamnée par le parlement de cette ville, le 16 juillet 1686, à être « rasée et recluse à toujours ». On essaya de mille manières de lui faire renier sa foi, et, comme on ne put y parvenir, on la mit entre les mains de La Rapine. « J'arrivai le 23 du mois de mai 1687, à midi, raconte-t-elle elle-même *. Le soir, La Rapine étant venu , on me traîna et on me battit à coups de pied, à coups de bâton et avec des soufflets. Et, voyant que je souffrais tout, on ne laissa pas de me traîner dans leur chapelle, et les coups ne m'étaient rien au prix de cela. Le 9 de mai, à 2 heures après-midi, on m'ôta mes habits et ma chemise depuis la ceinture en haut , on m'attacha par les mains au plancher, et six personnes, chacune avec une poignée de verges d'une aune de long et à pleines mains , se lassèrent toutes six sur moi et me mirent noire comme le charbon. Puis on me détacha du plancher, on me fît mettre à genoux au milieu de la cuisine et on continua à me battre jusqu'à ce que le sang coulât de mes épaules. Le grand apôtre ne

(,1) Jurieu, Lettres pastor., t. 11, let. xv.

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1687. me reprochera pas que je n'aie pas résisté jusqu'au sang, puisque Dieu m'a fait la grâce de surmonter ce sang et toute autre chose. Le 19 de juillet on me traîna par toute la chambre et on me battit de coups de bâton jusqu'à ce que le bâton fut rompu sur moi. Dieu nous avait délivrées de La Rapine et d'une dame Marie, qui était une meurtrière. Les gros bourreaux sont sortis et les petits sont demeurés. On peut dire que je suis ici comme dans l'enfer. Dieu veuille m'en tirer par son bras puissant ! J'ai été jusqu'à trois fois au bord du sépulcre. Je voulais suivre ma compagne, qui se sauvait par une fenêtre du plus haut étage de l'hôpital-, je tombai et je me brisai depuis la ceinture en bas. On me reprit et l'on me mit dans une peau de mouton. Et il fallut me faire une grande incision à la cuisse. J'ai souffert les plus grandes douleurs du monde*, je puis bien dire : « En mes soupirs cuisants j'ai passé tous mes ans. » Je dis avec l'homme selon le cœur de Dieu, au Psaume cxix : « N'eût été ta loi qui me console, je fusse péri dans mon affliction. Je mets le doigt sur la bouche, parce que c'est Dieu qui l'a fait. « Je vous prie de redoubler vos prières pour moi, car j'en ai grand besoin. J'ai une grosse fièvre et une grande plaie, dont je serai estropiée, puisque Dieu le veut. Mais il vaut mieux entrer dans le ciel boiteuse et meurtrie que d'être jetée tout entière dans l'enfer. » Le roi ayant incliné vers les mesures de douceur, grâce à l'influence momen- tanée des Jansénistes à la cour, Blanche Gamond put sortir de l'hôpital (26 novembre 1686), moyennant une forte ran- çon que paya sa mère, et elle se réfugia à Genève, elle composa, à la demande de quelques amies, un récit émou- vant de sa captivité et de ses souffrances. Il a été publié ces dernières années par M. le pasteur Claparède, de Genève I.

(1) Une héroïne protestante...; Paris, 1867, in-18.

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Blanche Gamond avait pour compagne à l'hôpital de 1687. Valence M.me Jeanne Reymond, née Terrasson , de Die. Cette femme courageuse, ayant réussi à s'échapper de la main des dragons et s'étant tenue cachée une année, voulut gagner Genève, déguisée en homme ; mais elle fut prise sur les frontières de Savoie (fin septembre 1686) et, après six mois de détention, condamnée par le parlement de Gre- noble à être enfermée dans l'hôpital de Valence. Elle a laissé également une relation de ses souffrances l. « En arrivant, dit-elle, La Rapine nous sépara en deux bandes et, nous fixant les unes après les autres, il nous dit : « Il me semble qu'il y en a ici de bien obstinées, mais je les rangerai. » En- suite il nous enferma treize dans trois cachots, et les neuf res- tantes il les mit dans une grande salle , il y avait trente- cinq femmes ou filles , ses satellites -, et il mit les hommes dans une autre chambre. Il ne cessait de nous visiter, tou- jours accompagné de trois ou quatre estafiers et de cinq ou six malvivantes, dont il se servait pour l'aider à nous battre et à nous torturer. Ces satellites avaient toujours leurs mains pleines de paquets de verges, dont ils donnaient les étrivières sur le corps nu à tous ceux que leur barbare maître livrait à leur fureur. Ils ne cessaient de frapper que lorsque le sang ruisselait de tous côtés.

» Un jour que nous nous consolions quelques - unes de mes compagnes et moi dans nos cachots par le chant du Psaume cxxxe, notre voix fut entendue par Sœur Marie, l'adjointe de La Rapine, qui sortit en fureur de l'église, elle était, et il n'est point d'outrage qu'elle ne nous dit. « Oser ainsi, nous dit-elle, chanter ces insolences devant le saint sacrement de l'autel ! Vous le payerez. » Elle nous tint parole*, car, étant revenue une demi-heure après avec

(1) Insérée dans VHist. des églises réf. d'Ant. Court (Mns. Court, N.° 28).

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1687. La Rapine et toute la bande des satellites, elle montra nos cachots à ce barbare, qui, en ayant ouvert la porte avec une émotion démesurée, nous demanda pourquoi nous chan- tions les Psaumes. Parce que, lui dîmes-nous, ce sont les louanges de Dieu. Et moi je veux vous apprendre, répliqua-t-il, qu'on ne chante point ces sortes de choses dans cette maison. Allons donc! dit-il à ses satellites, que Ton me sorte ces chiennes Tune après l'autre, et que je les roue de coups! L'on commença par Tune de mes chères compagnes, qu'on fit mettre à genoux dans une petite allée qui régnait le long de nos cachots, et elle fut frappée jusqu'à ce qu'elle tomba presque morte sur les carreaux. En la remettant dans le cachot, on m'en fit sortir pour exercer sur moi le même traitement-, ce qui étant fait, on en fit de même aux autres deux qui restaient encore. Je fus ensuite accusée d'avoir dit quelques paroles d'encouragement à l'une de celles qui étaient dans les autres cachots, ce qui fit que La Rapine, ranimant sa fureur, me fit sortir de nouveau du cachot et recommença à me frapper derechef avec un bâton, jusqu'à ce que, n'en pouvant plus, il ordonna à deux de ses "satellites de continuer à me battre chacune avec un bâton •, ce qu'elles continuèrent à faire jusques aussi qu'elles en furent lasses et qu'elles eurent mis mon corps aussi noir qu'un charbon.

» Un jour que la Sœur Marie nous avait fait sortir de nos cachots pour nous traîner à l'église, elle commença par nous battre et nous fit rouler la tête la première cinq ou six degrés à coups de pied et à coups de bâton. Ne pouvant rien ob- tenir sur nous, elle nous faisait charrier de l'eau, qu'elle répandait ensuite, et nous disait : « Vous voyez bien que c'est pour épuiser votre patience. » Pour en venir plus tôt à bout, elle nous faisait faire un si grand nombre de voyages, nous surchargeait avec tant d'excès et nous faisait aller si vite qu'il était impossible de ne pas succomber à ce travail.

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Le dimanche n'était pas un jour de repos pour nous-, on 1687. nous occupait au même travail des autres jours, à l'excep- tion de coudre et de filer; et si nous voulions nous en plaindre et dire que le Seigneur s'était réservé ce jour-là, on se moquait de nous et l'on disait que les Pères religieux leur avaient donné dispense. Quelque temps après, étant accusée de nouveau d'avoir parlé à quelqu'une de nos compagnes pour l'encourager (ce qui ne nous était pas permis , pas même de nous regarder, par la raison qu'ils disaient qu'en nous regardant nous nous fortifiions les unes les autres et nous empêchions de changer celles qui le feraient sans cela ; et que, pour cet effet, on avait donné à chacune de nous une garde pour observer tout ce que nous faisions, jusqu'au roulement des yeux), quelque temps après, dis-je, étant accusée d'avoir parlé à quelqu'une de mes compagnes, la Sœur Marie, qui faisait l'office de bourreau, vint contre moi, me prit par derrière, me frappa de tant de coups de bâton, surtout à la tête, me donna tant de soufflets et de coups de poing au visage qu'il enfla prodigieusement, et, dans ce pitoyable état, il n'est point de menaces qu'elle ne fît. Après quoi elle m'ordonna de m'asseoir, la face tournée vers la muraille, et me défendit de bouger et de changer mon atti- tude, à peine d'être assommée, et, pour que ses ordres fussent mieux exécutés, elle mit une garde à mes côtés.

» Mais , comme tous ces mauvais traitements n'opéraient rien , La Rapine me dit que j'irais de nouveau dans le cachot et que j'y crèverais dans moins de six semaines; et aussitôt j'y fus conduite par son ordre. En y entrant on m'obligea d'en nettoyer deux autres, qui étaient attenants à celui-ci. Je m'aperçus, en les nettoyant, que les clous de l'une des portes étaient fort gros, posés les uns tout près des autres et que leurs pointes n'étaient point redoublées. J'en demandai la raison, et Ton me dit que La Rapine s'en servait pour tourmenter ceux que bon lui semblait, en les mettant entre

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1687. les murailles et la porte et en les serrant contre ces clous. Je faillis à être dévorée par la vermine dans mon cachot-, je n'y avais aucun repos ni le jour ni la nuit et pour en rendre le séjour plus fâcheux et plus épouvantable, et pour le rendre plus semblable à celui de l'enfer, ils plaçaient à côté des chiens qui, par leurs aboiements importuns, achevaient d'y ôter tout le repos qu'on y aurait pu prendre. Non-seule- ment on plaçait ces chiens à côté des cachots, mais on les logeait quelquefois dans les cachots mêmes des prisonniers, ce qui causait à ces infortunés des terreurs mortelles', car ces chiens, surtout deux d'entre eux, du poil et de la gros- seur d'un vieux loup, étaient si furieux que peu d'étrangers échappaient à leurs dents. »

M.mo Raymond avait cherché à s'évader en même temps que Blanche Gamond-, mais, comme sa compagne, elle s'était toute meurtrie les jambes et avait été reprise. Elle obtint néanmoins de sortir de prison avec de l'argent vers le même temps que Blanche. Dans sa relation elle parle d'un malheureux jeune homme de vingt-un ans , que le directeur de l'hôpital de Valence fit mourir littéralement de faim. « La Rapine, dit-elle, le tint longtemps dans le cachot je fus mise après lui, et il l'y fit mourir à petit feu-, il ne lui donnait que très-peu de pain et point du tout à la fin. Une des satellites de l'hôpital, nommée Suzanne Pourchillon , ayant été un jour visiter ce prisonnier, par ordre de La Rapine , le trouva mort dans son cachot et aida elle-même à l'enterrer dans le jardin. »

Le plus illustre des martyrs du directeur de l'hôpital de Valence est sans contredit l'avocat Menuret, de Montélimar. « Il s'était toujours distingué, dit Jurieu l, par une vie et

(1) Lettres pastorales , t. 1, let. xx; Voy. aussi Benoit, Hist. de Védit de Nantes, t. v, p. 972, 973.

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une doctrine exemplaires. Quand les dragons missionnaires 1687. furent envoyés en Dauphiné et à Montélimar, il fortifiait tout le monde par ses exhortations et par ses exemples. Le gouverneur de Montélimar le fit arrêter. On le laissa dans une chambre trois mois avec un méchant matelas. Après ces trois mois on le conduisit dans un affreux cachot. Il y alla plein de joie, en consolant ses amis qui pleuraient en raccompagnant jusque-là. Il leur dit qu'ils devaient se ré- jouir de ce que Dieu lui faisait la grâce de souffrir pour son nom. Il fut six mois dans ce cachot humide et il devint enflé. On le tira de lànour le conduire à Valence et le mettre entre les mains de La Rapine, qui est la dernière épreuve Ton met la foi des martyrs de ce pays-là. La Rapine l'aborda avec un air de lion et des paroles de rugissement, en concluant : « Nous verrons si tu seras aussi opiniâtre entre mes mains. » Il le mit dans un trou de chambre, sous laquelle passaient tous les égouts de l'hôpital et même ceux du retrait. Pour lit, on lui donna une planche de bois. Cet espace répondait par un trou à la chapelle de l'hôpital , l'on disait tous les jours la messe. On voulut obliger notre martyr à assister à la messe par ce trou , mais on ne put jamais en venir à bout. Tous ces mauvais traitements ne pouvant vaincre cet illustre confesseur, La Rapine vint aux derniers remèdes. Il fit descendre M. Menuret dans une basse-cour, il y a un mûrier. On l'y attacha les bras en haut, ses pieds ne touchant qu'un peu à terre-, il lui déchira son justaucorps , sa culotte et sa chemise, et il lui fit donner une infinité de coups de nerf de bœuf. Ce traitement fut continué pendant quinze jours avec tant de violence que le martyr rendit le sang par les urines et par toutes les parties de son corps. Au milieu de ses tourments horribles il de- mandait sans cesse grâce et miséricorde à Dieu pour lui et pour ses persécuteurs , et implorait la compassion de ses bourreaux d'une manière si touchante que deux Capucins

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1687. qui entendirent ses cris exhortèrent La Rapine à faire cesser ce cruel supplice. « Laissez cet homme, lui dirent-ils, c'est une créature de Dieu comme nous s. » Il le fit et se contenta d'occuper notre martyr durant quelques mois à charrier des pierres pour un bâtiment qu'on faisait à l'hô- pital. Le premier jour du mois d'avril dernier (1687), l'évêque de Valence l'alla visiter dans ce puant égout et ne gagna rien cette fois non plus que tous les autres. Enfin, La Rapine, enragé de cette longue résistance, entre comme un démon dans la prison de ce saint homme, accompagné de deux estafiers, et lui fit donner tant de coups de nerf de bœuf et un si long temps que les cris du martyr fendaient les airs tout alentour. Ce monstre, deux heures après, délassé de la peine qu'il s'était donnée à martyriser ce saint, retourna avec ses estafiers pour recommencer le supplice; mais il trouva notre martyr qui était expiré au milieu de ces cruels tourments. Il fut mis entre les mains de La Rapine au mois de juin de l'année 1686 et est mort au commencement d'avril 1687. »

Les trois demoiselles de Castelfranc furent aussi marty- risées par La Rapine. C'étaient par leur grand -mère des petites-filles du célèbre Charnier, pasteur à Montélimar. Leur père', Adrien Le Nautonnier, seigneur de Castelfranc, ancien de l'église de Montredon dans le Castrais, avait dix enfants : sept filles et trois fils2. A la révocation de redit de Nantes il quitta son pays et, après avoir erré longtemps en France, il parvint , après beaucoup de dangers, à gagner l'Angleterre. Ayant voulu passer en Hollande, il fut pris par les pirates et conduit à Alger , il ne tarda pas à succomber à ses infortunes. Dès 1686 ses quatre filles aînées

(1) Mns. Court, N.° 3g.

(2) Dans Charles Read, Daniel Charnier, p. io3.

- 57 - avaient été enfermées « dans une prison très-dure »; mais 1687. elles demeurèrent fermes dans leur foi. Quelques mois après trois autres filles et deux fils furent également arrêtés, sous l'accusation d'avoir mis le feu à une meule de gerbes appar- tenant à leur père. Ce n'était qu'un accident -, mais l'occasion parut excellente pour torturer ces malheureux jeunes gens. Transférés à l'hôpital de Toulon l'année suivante, ils y endurèrent les plus durs traitements, qui ne parvinrent pas à ébranler leur constance. De guerre lasse, leurs persécu- teurs firent transporter en Amérique les quatre filles aînées, avec leurs deux frères, et livrèrent à La Rapine les trois plus jeunes filles, Charlotte, Jeanne et Isabeau, âgées de 16, 14 et 12 ans. Le directeur de l'hôpital de Valence les sépara les unes des autres et les mit entre les mains de ses bigotes, « qui les tourmentaient jour et nuit et qui leur faisaient mille peines ». Malgré leur jeune âge, elles sup- portèrent les mauvais traitements avec une constance admi- rable, et Dieu, prenant pitié de leur malheur, fit sonner pour elles l'heure de la délivrance. Le garde du gouverneur du Languedoc, qui conduisait à Genève le sieur du Puy, un autre confesseur de cette époque, eut ordre de les prendre à Valence et de les conduire également à Genève. Elles y furent recueillies par des parentes, « qui les reçurent chez elles fort honnêtement et en prirent tout le soin possible. Deux jours après ces pauvres filles apprirent la mort de leur père, qu'elles reçurent fort chrétiennement en se résignant à la volonté de Dieu *. »

Nous citerons encore comme victime du directeur de l'hôpital de Valence Joachim, d'Annonay, qu'il soumit à un jeûne si cruel que ce malheureux, dans l'exaspération

(1) La juste reconnaissance que rend à Dieu le sieur du Puy, etc.; nouv. éd., Toulouse, 1862, p. 166-171; John Quick, dans Ch. Read, Daniel Charnier, p. io3; La France protestante , au mot le nautonnier.

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1687. de sa douleur, se rongea les doigts et mourut deux jours après dans les tortures de la faim r.

Sur ces entrefaites, La Rapine fut accusé de graves mal- versations, et plusieurs notables de Valence, qui faisaient sans doute partie du conseil d'administration de l'hôpital, demandèrent son remplacement comme directeur. Une accusation en forme fut même déposée contre lui au greffe du parlement de Grenoble, et Ton a le regret d'ajouter que Daniel de Cosnac, devenu archevêque d'Aix, mit tout en œuvre pour le sauver, au grand scandale de ses anciens diocésains, et réussit à faire évoquer son procès au parle- ment de Dijon (1688). Depuis cette époque on le perd com- plètement de vue : ce qui donnerait à entendre qu'il réussit à se soustraire par la fuite au juste châtiment qui l'atten- dait 2.

Souffrances endurées par M.me de Bardon-

nenche , les conseillers au parlement de

La Pierre et de Lalo, de Sainte-Croix y

Lambert de Beaur égard.

Nous ajouterons aux récits déchirants qui précèdent celui des divers emprisonnements de M.me de Bardonnenche , vi- comtesse du Trièves et femme d'un ancien conseiller de la

(1) Benoit, Hist. de l'édit de Nantes, t. v, p. 972. Voy. aux Pièces justificatives , N.° m, la liste de tous les prisonniers de La Rapine, dont nous avons retrouvé les noms.

(2) Voy. Une héroïne protestante, p. i8-23; Bidlet. de la Soc. de l'hist. du prot. franc., t. xi, p. 388; Hist. des égl. réf.; Mns. Court, N.° 28; Mns. Court, N.° 17, F.

5g chambre de l'édit \ « Cette dame, dit Jurieu 2, qui était 1687. déjà plus distinguée par ses grandes lumières, surtout en la piété, et par ses grandes vertus que par sa grande qualité, s'était distinguée d'une tout autre manière dans les dernières épreuves. Elle a vu, il y a environ quatre années, la révolte de son mari et en a témoigné une douleur mortelle. Depuis on lui enleva une de ses filles pour l'élever en la nouvelle religion de son père; elle en fut encore plus navrée que de la perte de son mari. Enfin, elle a vu venir la grande et la dernière désolation de nos églises. Mais tout cela ne l'a jamais ébranlée ni intimidée en aucune manière. Lorsque les dragons mettaient tout au désespoir dans ses terres et dans le reste de la province, elle exhortait hautement chacun à faire ferme, et comme un pasteur de sa connaissance (c'est celui qui écrit son histoire) lui eut mandé qu'il pensait à sortir du royaume, puisqu'il s'y voyait inutile (l'édit de Nantes n'était pas encore révoqué), elle lui écrivit qu'il ne fallait pas être de ces mercenaires qui, voyant venir le loup, s'enfuient, et, alléguant son exemple, elle disait qu'elle ne sortirait point de l'État, à moins que le roi ne le lui or- donnât, et qu'elle espérait que Dieu lui ferait la grâce de surmonter tout et de demeurer ferme. Après que l'on eut renversé toutes les églises de son pays, l'intendant Le Bret, M. Le Camus, évêque de Grenoble et à cette heure car- dinal, le marquis de La Trousse, commandant des troupes en Dauphiné, l'allèrent voir dans son château du Monestier- de-Clermonf, ils disputèrent contre elle, ils lui firent des prières, des offres et des menaces; elle se défendit vigou- reusement contre leurs attaques -, enfin ils se retirèrent. A quelques jours de ils l'envoyèrent enlever par des

(1) Alexandre de Bardonnenche, qui apostasia en i683.

(2) Lettres pastorales , t. i, lett. xxn.

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[687. dragons, la firent renfermer dans un couvent à Grenoble. Voyant qu'elle était toujours la même, on la menaça de l'envoyer à Valence et de la mettre entre les mains de La Rapine. Elle répondit qu'elle irait partout Ton voudrait, même au feu, mais non pas à la messe. Enfin, on en vint à une partie de l'exécution de cette menace ; on la traduisit à Valence, mais non pas à la boucherie de La Rapine. On la mit dans un couvent de religieuses, avec défense de lui permettre de parler à aucuns de ceux qu'on appelle nou- veaux convertis. Cette dame souffrit sa traduction et son emprisonnement dans ce cloître avec tant de patience et de douceur que Ton eût dit qu'elle savait bon gré à ses persé- cuteurs de leur dureté. Elle s'entretenait avec les religieuses avec tant d'honnêteté et leur disait de si belles choses sur la religion qu'elle gagnait d'abord leur cœur et leur persuadait à peu près d'être chrétiennes. L'intendant et l'évêque de Valence, apprenant que cette prisonnière triomphait de ses geôliers, donnèrent ordre qu'on la tirât du couvent on l'avait mise et qu'on la traduisît dans un autre. Cela fut fait, et M.me de Bardonnenche, s'y conduisant de la même manière, y fit aussi les mêmes progrès sur l'esprit de ses nouvelles hôtesses. On la tira encore de ce couvent et on l'enferma dans un autre au même lieu, avec ordre de ne lui parler point et de ne la laisser parler à personne. Depuis nous apprenons par un de nos frères digne de foi, qui vient tout fraîchement de cette province-là, qu'il y a un nouvel ordre de la traduire dans un autre couvent à Vif, bourg qui n'est qu'à deux lieues de Grenoble. »

Nous citerons encore parmi les protestants de marque du Dauphiné qui eurent à souffrir pour la foi Marc - Conrad Sarrazin, marquis de La Pierre, ancien conseiller de la chambre de l'édit, homme pieux, instruit et considéré, que la cour manda à Paris par lettre de cachet , fit arrêter à Landrecy et conduire à Cambrai , il fut menacé des

61 galères, parce qu'il avait quitté Paris avec le projet de fuir 1687. à Tétranger l *, Alexandre de Vesc, seigneur de Lalo, de la maison d'Espeluche, également conseiller de l'ancienne chambre de l'édit, mis en état d'arrestation à Paris, relégué avec sa femme dans un méchant village, il ne trouvait pas seulement à se faire servir avec de l'argent, puis enfermé entre quatre murailles au château Trompette, « sans lui laisser autre commerce que celui d'un moine qui Fallait tourmenter en mille manières tous les jours et qui, ne pou- vant rien avancer, le quitta en lui disant de se tenir prêt pour aller aux Pyrénées2 » -, de Sainte-Croix, fils d'un conseiller au parlement de Grenoble, qui, n'ayant pas voulu changer de religion, fut enfermé au château de Pierre-Scize, à Lyon:, Pierre-Lambert de Beauregard, de Saint-Antoine en Viennois, « qui, après avoir vu manger tout son bien, qui était grand , et souffert de très-cruels tourments en son corps jusque-là qu'on lui a fait durcir et retirer les nerfs des jambes à force de l'approcher du feu et qu'on l'a conduit sur un bûcher, lui disant qu'on le voulait faire brûler tout vif, en un mot qu'on a tourmenté j'usques à lui faire perdre la connaissance, et qui, ayant été relâché, s'est heureusement retiré du royaume en Suisse, à Yverdoh, avec' toute sa famille ». A la suite de ce cruel traitement, Lambert perdit pendant quatre mois l'usage de ses jambes 3. Il a laissé une relation de ses souffrances 4.

(1) Il parvint à gagner l'Angleterre, il s'établit. Un de ses fils fut pasteur de l'église française de Spring Gardens en 1724, et un autre membre de sa famille, Pierre, fut directeur de l'hôpital français de Lon- dres en 1740 (Smiles , The Huguenots).

(2) Il paraît s'être réfugié en Angleterre. Un de ses descendants du moins, brigadier dans l'armée anglaise, fut tué à la bataille de Malplaquet (Smiles, The Huguenots).

(3) Jurieu, Lettres pastor., t. 1, let. xxn; Benoit, Hist. de ledit de Nantes t. v, p. 873-889.

(4) Imprimée dans le Bulletin hist. et littér., t. vin, p. 452-469.

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^Assemblées du désert. Condamnation à

mort ou aux galères de ceux qui y assistent.

Bouniol , Richard, Louise Moulin, Gal-

land , Marcel et autres.

1687. Quoique l'exercice du culte réformé fût formellement interdit par redit de révocation, les assemblées, comme le constate la lettre de l'évêque Le Camus citée plus haut % ne cessèrent pas un moment \ mais elles furent d'abord secrètes et peu nombreuses. Les fidèles, privés de leurs pasteurs, qui avaient tous été bannis de France, s'exhortaient les uns les autres à la persévérance, adressant en commun leurs prières au Seigneur, chantant ses louanges et lisant sa Parole avec une sainte ardeur. Les maisons retirées, les bois, les cavernes, les lieux déserts devinrent leurs lieux de culte. Telle fut l'origine des assemblées dites du désert, si célèbres dans l'histoire du protestantisme et auxquelles ce dernier doit, après Dieu, d'avoir subsisté jusqu'à ce jour.

La cour, n'ayant pas tardé à être informée de cet état de choses, édicta, dès le ier juillet 1686, une déclaration, renou- velée le 12 mars 1687, condamnant aux galères ou à la mort tous ceux qui seraient surpris dans une assemblée. Le comte de Tessé, commandant les troupes du roi en Dauphiné, publia, le 4 juin de l'année suivante, un arrêté pour la rendre exécutoire. Il mandait « à tous les officiers des troupes du roi, prévôts, archers, châtelains et consuls des lieux de veiller à l'exécution desdites déclarations de Sa Majesté, et, ce faisant, empêcher lesdites assemblées des nouveaux convertis , arrêter tous ceux et celles qu'ils trouveront

(1) Page 3.

63 attroupés en des lieux, temps et nombre suspects, avec 1687. promesse de faire donner cinq cents pistoles à quiconque... livrera ou fera livrer un ministre et cinq cents livres pour tous autres prédicants, qui seront déclarés perturbateurs du repos public et punis comme tels selon la rigueur des lois ». Il enjoignait encore aux mêmes officiers d'informer contre toutes les personnes qui auraient assisté auxdites assemblées et aux consuls d'en dresser des procès-verbaux, sous peine, en cas de négligence, d'en répondre « en leur propre et privé nom ».

A dater de cette heure on traqua les assemblées du désert, et de nombreuses peines capitales et autres furent pro- noncées contre les malheureux convaincus d'y avoir assisté. Voici quelques exemples :

« L'an 1686 ou environ, dit une relation du temps ', plusieurs protestants du lieu de Chalancon , mauvais village proche de La Motte, à six lieues de la ville de Die, après que leur pasteur se fut retiré, voulurent aller s'assembler dans leur temple pour prier Dieu et furent attaqués par les papistes de l'endroit , qui vinrent contre eux armés et tuèrent l'un d'eux avec un coup de fusil, au moment il courait en grimpant contre un rocher. »

Le 2 5 septembre 1686, Jean Bouniol, de Salavas en Vi- varais, fut condamné par le parlement à l'amende honorable et aux galères perpétuelles pour avoir présidé deux assem- blées de nuit de 7 à 800 personnes, l'une près de Château- double, l'autre dans la forêt de Saou.

En 1687, Richard, de Montmeyran.' rentier de la mé- tairie du grand Chiron , et ses deux fils furent pendus sur la place de Beaumont, près Valence, pour avoir permis qu'on tînt une assemblée dans leur maison.

Dans le mois de novembre de la même année, Louise '

(1) Mns. Court, B; N.° 17.

64 1687. Moulin, de Beaufort, dite la Maréchale, fut condamnée, après un emprisonnement de i5 jours à la tour de Crest, â être pendue, pour avoir assisté à une assemblée de 5 à 6,000 personnes tenue à Lozeron, hameau de la commune du Plan-de-Baix , et présidée par le prédicant Magnat, qui récita un sermon de Claude sur Matthieu xn, 4. Elle fit preuve d'une force d'âme extraordinaire. Ayant de monter sur Téchafaud, dressé devant sa maison à Beaufort, elle demanda comme une grâce de pouvoir embrasser une der- nière fois son enfant, qui était à la mamelle, et eut le courage de l'allaiter. Après quoi elle monta l'échelle avec une joie céleste et mourut en louant Dieu. Une nièce de la Maréchale fut conduite au pied de la potence la corde au cou, et elle était prête à mourir avec la même constance*, mais on ne l'avait fait assister à ce déchirant spectacle que pour obtenir une abjuration, et l'on ne put y réussir.

Louis Galland, de Beaufort, soupçonné d'avoir assisté à la même assemblée, fut conduit à la tour de Crest, puis remis aux mains de La Rapine, de Valence, et ramené de nouveau à la tour, on le mit à la torture pour lui faire avouer sa participation à l'assemblée de Lozeron. On voulait aussi qu'il dénonçât ses complices et reniât sa foi. Mais Dieu le soutint puissamment et on ne put lui arracher un aveu. Il fut condamné par la sénéchaussée de Crest aux galères perpétuelles (9 novembre). Après y être demeuré une année, M. de Beaufort, dont il était le rentier, fit le voyage de Paris pour demander sa grâce et l'obtint.

Pierre Marcel, de Beaufort, et Fournier, de Montclar, emprisonnés à la tour de Crest, furent condamnés à la même peine, pour le même objet et par le même tribunal. Le pre- mier, après un an de fers, mourut en confessant Jésus- Christ ».

(1) Armand de La Chapelle, Pièces, justificatives , p. 283; Mns. Court, N.os 17, B; 28, 3q.

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On trouvera dans la Liste générale des condamnations 1688. (Pièces justificatives , N.° II) les noms de 282 personnes condamnées à la prison , aux galères ou à mort , ou ren- fermées dans des couvents, des hôpitaux ou des maisons dites de Propagation de la foi, pendant les années 1686 et 1687.

Trédicants. Petits prophètes. La pré- tendue école de du Serre. Isabeau Vincent, dite la Bergère de Crest. M.me de Baix.

Aux mois de mars et d'avril 1688 on rendit la liberté aux prisonniers protestants de France, grâce au crédit momen- tané des Jansénistes à la cour. Mais beaucoup d'entre eux durent prendre le chemin de l'exil , accompagnés jusqu'à la frontière par des archers ou hoquetons, qui leur lisaient en les quittant la sentence de leur bannissement perpétuel. Un grand nombre de religionnaires dauphinois de noble origine sortirent à cette époque des prisons de Valence et de Grenoble, et furent conduits aux frais de l'État jusqu'aux limites du canton de Genève, où, par un reste de pudeur, on leur donnait quelques pistoles pour les dédommager de la confiscation de leurs biens I.

Les protestants qui restèrent dans la province continuèrent leurs assemblées du désert; mais comme elles furent pré- sidées par des hommes sans culture, que la persécution, les jeûnes, la lecture presque exclusive des livres prophétiques, les Lettres pastorales du célèbre Jurieu, qui faisait aussi

(1) Recueil de Flournoy (Bibl. publ. de Genève).

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i688. des prophéties * , et le manque cTécoles et de pasteurs avaient conduits à la plus grande exaltation religieuse, elles engendrèrent dans les troupeaux une piété maladive qui, à son tour, donna naissance à l'illuminisme et à l'extase. Dépourvus de tout appui terrestre, les malheureux persé- cutés se persuadèrent aisément qu'ils recevraient des com- munications du ciel, et ils eurent des visions, entendirent des voix et se crurent prophètes. Ces symptômes morbides se manifestèrent surtout chez les enfants et les jeunes gens. De le nom de petits proplûtes, qui leur fut donné. La fraude se glissa certainement parmi eux, comme dans toutes les choses humaines mais l'illumination de la plupart, quoi- que sans fondement surnaturel et véritable, fut exempte de fourberie. Le célèbre Antoine Court, qui a combattu avec force les prophètes du désert, dit à leur sujet2 : « J'ai vu un grand nombre de personnes, qui se disaient inspirées, de l'un et l'autre sexe*, je les ai examinées avec soin, mais je n'en ai vu aucune qui pût passer à la rigueur pour vérita- blement inspirée. Ils disaient des choses assez surprenantes-, ils en prédisaient qui arrivaient quelquefois, mais ils en prédisaient aussi que l'événement ne vérifiait point. Je les ai toujours renfermés dans deux classes : les uns m'ont paru à dessein contrefaire l'inspiration, et ce pouvait être en eux ou désir de gain, ou orgueil , ou fraude pie ; les autres étaient dans la bonne foi et on ne pouvait tout au plus les taxer que d'être la dupe de leur zèle et d'une imagination échauffée par la piété, par le jeûne, par l'ouïe ou la lecture des pro- phètes et par l'état se trouvait l'église de France. »

(i) L'accomplissement des prophéties ou la délivrance prochaine de l'église; Rotterdam, 1686, 2 vol. in-12; Apologie pour l'accomplisse- ment des prophéties ; Rotterdam, 1687, in-12; Suite de l'accomplissement des prophéties, Rotterdam, 1687, in-12.

(2) Hist. des agi. réf. de France, t. 11, p. 886 (Mns. Court, N.° 28).

_67-

Telle est l'origine véritable des petits prophètes du Dau- 1688. phiné, du Vivarais et des Cévennes. On ne peut donc com- prendre comment Fléchier, l'évêque de Nîmes, qui était leur contemporain, a pu dire dans sa Lettre pastorale du 6 septembre 1703 I : « Ils [les religionnaires] apprirent à leurs enfants l'art de trembler et de prédire des choses vaines ; » et dans une autre pièce : « Quoique l'origine de ces mouvements prophétiques, qui commencèrent dans le Vivarais vers le i5 du mois de janvier 1689, n'ait pas été précisément connue, on ne doute pas qu'ils n'aient été inspirés et concertés à Genève. Le sieur du Serre, gentil- homme verrier du Dauphiné, étant de retour de cette ville, il avait fait quelque séjour, apporta ce don de prophétie à sa famille, qui était nombreuse*, et, après avoir donné le Saint-Esprit, comme il le prétendait, à sa femme et à ses enfants, il assembla autant qu'il put de jeunes garçons et de jeunes filles, qu'il envoya depuis en divers lieux, sous le nom de prophètes et de prophétesses, pour prêcher en dor- mant contre la messe et contre les prêtres. Il leur apprit une manière de sommeil extatique; il les dressa à toutes les postures qui pouvaient attirer le respect et l'admiration du peuple et leur donna surtout certaines formules de prêcher, qui contenaient quelques exhortations évangéliques et beau- coup d'invectives contre l'église catholique romaine ».

De Brueys, controversiste apostat, puis prêtre et auteur comique, copiant Fléchier, mais renchérissant sur son récit, dit 2 que le lieu du Serre avait établi son école de pro- phètes était la montagne de Peyra, près Dieulefit, et il ajoute : « Du Serre choisit donc quinze garçons et quinze

(1) Voy. aussi le Mémoire du même auteur inséré dans ses Lettres choisies, t. i, p. 283-397.

(2) Hist. du fanatisme de notre temps; 1709, t. 1, p. 78.

68 i688. filles et leur fît entendre que Dieu lui avait donné son Saint- Esprit, qu'il avait la puissance de le communiquer à qui bon lui semblait, et qu'il les avait choisis pour les rendre prophètes etprophétesses. Il leur imposa des jeûnes de trois jours, leur faisait apprendre des passages de l'Apocalypse il est parlé de l'Antéchrist et de la délivrance de l'église, leur apprit à battre des mains sur la tête, à se jeter par terre à la renverse, à fermer les yeux, à enfler l'estomac et le gosier, à demeurer assoupis en cet état, à se réveiller en sursaut et à parler ensuite... Du Serre baisait son élève, lui soufflait dans la bouche et lui déclarait qu'il avait reçu l'esprit de prophétie. Il les congédiait ensuite et leur recommandait de communiquer leur don à tous ceux qui en seraient dignes, en les préparant comme il les avait préparés. »

Brueys, pas plus que Fléchier, ne donne des preuves de ce qu'il avance, et il ne parle évidemment que d'après des témoignages ennemis et de seconde main. Il est possible que du Serre, qui était un homme très-pieux, ait réuni quelques jeunes gens de sa religion pour les instruire dans la foi (quoique cela ne soit nullement établi); mais de à une école de prophètes il y a un abîme. Antoine Court, qui a vécu au milieu des illuminés du désert et s'était tout d'abord déclaré leur ennemi, n'a laissé, dans le nombre immense de lettres et de mémoires qu'il avait réunis, aucun document qui puisse établir la réalité du rôle attribué à du Serre, et il s'écrie lui-même avec indignation, après avoir rapporté le récit de Brueys l : « Telle est l'infâme descrip- tion que l'historien Brueys fait du collège de du Serre. Une seule chose manque à ce collège, c'est d'avoir existé. Ce qu'il y a au moins d'incontestable, c'est que Brueys n'en donne aucune preuve et que toutes mes recherches à ce sujet

(i) Hist. des égl. réf., t. ir, p. 864 (Mns. Court, N.°

-.69-

n'ont abouti qu'à me convaincre que c'est un pur men- k songe. La témérité de cet historien ne s'arrête pas là. Il donne pour certain que Jurieu a été l'oracle qu'on a consulté pour l'érection de cette école, et que plusieurs ministres réfugiés entrèrent dans la fourberie, et le tout dans le dessein de soulever les peuples et d'exciter en France une guerre civile pour relever la religion réformée sur la ruine de la monarchie. » Bayle, qui n'aimait pas Jurieu, dit, de son côté ' : « Un tel dessein est si horrible qu'il ne faut jamais ni déclarer, ni insinuer sans de bonnes preuves, qu'un ministre ait l'âme assez noire pour en suggérer le plan. » Plus haut il dit encore : « Examinez bien les pa- roles de M. Brueys ; vous y rencontrerez une rhétorique artificieuse qui vous doit être suspecte. » Il est à remarquer aussi que Merlat, pasteur et professeur de théologie à Lausanne, qui était très-animé contre les petits prophètes du Dauphiné, les accusa d'être inspirés par le démon et se livra à d'activés recherches pour découvrir leur origine et les mobiles qui les faisaient agir , ne dit pas un mot de la prétendue école de du Serre. Quel triomphe n'eût-ce pas été pour lui si elle avait réellement existé2! Jurieu enfin, qui avait eu vent des calomnies que l'on répandait sur l'origine des petits prophètes et sur du Serre, leur soi- disant professeur, dit avec raison 3 : « On ne se persuadera pas aisément qu'un paysan ait d'abord conçu le dessein de faire parler des enfants endormis. Il est moralement im- possible qu'on apprenne en si peu de temps à des enfants à parler correctement une langue qu'ils n'entendent pas. Il ne se peut faire non plus qu'on ait instruit des enfants si jeunes

(i) Dict. hist. et critique, au mot Kotterus, Note i.

(2) Ant. Court, Hist. des troubles des Cévennes, t. 11, p. 5, Note B.

(3) Lettres pastorales , t. m, let. xvn.

i688. à réciter des pièces de sermons. Il ne paraît pas même que les discours de la bergère l aient été des pièces de sermons. 11 n'est pas possible non plus qu'un fourbe enseigne en si peu de temps des enfants à chanter tous les Psaumes , exac- tement dans leur vrai chant et avec mélodie, et qu'une jeune fille fasse cela en dormant 2. » Il est enfin une preuve de fait qui renverse de fond en comble l'échafaudage de Fléchier et de Brueys, c'est que la bergère de Crest commença à tomber dans son sommeil extatique et prophétique le 3 fé- vrier 1688, tandis que du Serre, au dire même de ces deux auteurs, n'aurait apporté de Genève que l'année suivante le don de prophétie.

Les seuls petits prophètes du Dauphiné dont les noms soient parvenus jusqu'à nous sont : Bompar , Mazel , Pascalin, Gabriel Astier et Isabeau Vincent, nommée à tort la bergère de Crest et la belle Isabeau, car elle n'était ni native de Crest, ni remarquable par sa beauté. Bompar, Mazel et Pascalin ne tardèrent pas à être incarcérés et dis-

(ij Isabeau Vincent, dont nous allons parler.

(2) Un célèbre historien moderne, Michelet, dans son Louis XIV et la révocation de ledit de Nantes (p. 396), porte le même jugement sur les petits prophètes. « Fléchier, dit-il, et les autres peuvent rire de ce désolant phénomène, en faire de fades plaisanteries, supposer que tout cela est artificiel et appris. Ils vont chercher bien loin. La vraie cause, aisée à trouver, c'est celle même dont ils sont coupables. Le désespoir fît ce mi- racle affreux. Ils content qu'un M. du Serre, gentilhomme verrier, avait rapporté cet esprit de Genève, qu'il le communiqua aux enfants des mon- tagnes, tint école de prophétie, fit par centaines des héros, des martyrs, des gens qui riaient aux supplices. La belle explication! Est-ce qu'on en- seigne l'héroïsme? En fait, d'ailleurs, le contraire est exact. Fléchier et ceux qui répètent ce conte se démentent, étant obligés d'avouer que la raisonneuse Genève fut contraire à nos inspirés, les maudit, les chassa. Les ministres, comme prêtres, détestaient ce sacerdoce populaire. A Lon- dres ils prêchaient contre. Nos pauvres fanatiques y auraient été lapidés si l'excellent Misson , avec un Anglais charitable, n'avait écrit pour eux son Théâtre sacré des Cévennes. »

7i parurent de la scène. Quant à la bergère et à Astier, ils 1688. occupèrent plus longtemps les esprits.

Née à Saou, d'un père protestant, qui renia sa religion par intérêt bien avant la révocation de l'édit de Nantes, Isabeau Vincent fut visitée, dès le début de ses inspirations, par le moine converti Blanchet, qui en rapporta ce qui suit * : « La personne est de 16 à 17 ans, basse de taille, les yeux un peu enfoncés, le nez un peu aplati, couleur brune, le front un peu relevé en bosse médiocre et grand et assez garni de chevelure sur la partie il finit-, les yeux sont animés de quelque vivacité-, ayant l'action prompte comme la langue-, aux mœurs agréables et joviales, n'ayant de volonté que celle des autres, parlant toujours avec une grande simplicité naturelle et ne proférant jamais rien contre l'honneur de Dieu et la charité du prochain ; étant au service d'un bon homme [son oncle et parrain], qui lui a donné pour principal emploi la garde de ses brebis et de ses co- chons- au surplus, si pauvre qu'elle n'a pas de chemise à se mettre sur le corps. On dit que cette personne a quelque rapport à une demoiselle qu'on nomme La Roq , qui était à la Charité de Lyon, du moins quant à la taille, promp- titude d'esprit et décision, et vivacité des yeux, mais fort éloignée de son savoir, car elle n'a jamais su une lettre de l'alphabet , ne sachant que quelques versets de Psaumes et une prière du soir et du matin qu'on lui a apprise depuis peu. Sa généalogie est fort obscure. Son père et sa mère étaient protestants. La mère est morte depuis huit ans. Elle était fort honnête femme et pieuse. Le père, qui vit encore, cherche de l'occupation à la terre et il en trouve. Il est assez indifférent sur les affaires du ciel et vendit sa fille pour de l'argent malgré elle ; et un jour elle fut poursuivie

(1) Mns. Court, N.° 17, D.

72 [688. par son père le long d'un grand chemin pour l'obliger d'aller à la messe. Et comme le père fut tombé à terre en courant après sa fille, elle se retourna et lui dit en son langage vul- gaire : « Païré , Nostré Seigné prin pas plasé à ço que faïsé faïré l -, » et le père la laissa.

» Il faut remarquer que, depuis le 3 de février [1688], cette personne a commencé de parler la nuit. Et comme elle était couchée dans la même chambre que ses maîtres, on l'entendit crier et parler, et à l'instant s'étant levés, on la porta près du feu, la croyant morte. Et après l'avoir frottée d'eau-de-vie, de vinaigre et d'autres choses, étant immobile, soudain elle revint et n'eut plus de mal. Depuis ce temps-là, la fille a parlé la nuit en dormant. Il est vrai qu'elle a parlé le langage vulgaire environ deux mois et demi, et depuis elle a parlé bon français et bon accent- et l'on observe qu'elle ne parle point quand elle dort seule dans une chambre et qu'il y a des personnes de la foi desquelles elle doute. Elle dort facilement et le jour et la nuit, et un moment après elle parle, lorsqu'il y a des personnes dignes de l'en- tendre. Elle parle la tête couchée sur son chevet, et, dans le fort de son exhortation, elle dit les choses du monde les plus touchantes avec autant d'éloquence et d'énergie qu'on puisse imaginer et en aussi bons termes. Il est vrai que quelquefois vous diriez que les termes et les pensées lui manquent-, mais, tant peu de temps ou d'intervalle, elle reprend le mot et la pensée avec une suite admirable; et, dans ce feu d'exhortations, elle se tourne tantôt du côté droit et tantôt du côté gauche, gesticulant tantôt d'un bras, tantôt de l'autre, suivant le côté elle se trouve, remuant la main droite lorsqu'elle est couchée sur le côté gauche, et la main

(i) Père, Notre-Seigneur ne prend pas plaisir à ce que vous me faites faire.

-73- gauche lorsqu'elle est couchée sur le côté droit ; et son i< poignet est si fort agité que vous diriez .qu'il n'est point attaché au bras. Sa langue ne cède en rien à la main pour le mouvement, car c'est un torrent de paroles que l'esprit a peine à suivre, et on ne peut les recueillir toutes. On n'a écrit que l'essentiel. Dans cet état, le feu de la prédication enflamme un peu son visage-, le pouls est tranquille, le corps comme insensible, qu'on tourne de tous côtés sans l'éveiller, même par des pinçades I. Et quand on voulut la réveiller, il fallut autant de mouvement et de voix comme si le corps eût été apoplectique. Et enfin elle se trouva aussi rafraîchie comme si elle avait dormi toute la nuit en repos , ne faisant point de réflexion à rien, bien qu'elle voie du monde étranger devant elle. On ne lui dit point ce qu'elle dit la nuit et elle ne s'en informe pas. Quelquefois, et même souvent, on lui demande si elle ne se souvient pas d'avoir songé ou parlé la nuit; elle répond que non. Elle n'ouvre point les yeux en parlant, remue un peu la lèvre de dessous, sans branler presque point le menton, et parle d'une voix plus éclatante que d'ordinaire.

» Paroles rapportées par ceux qui les ont ouïes : » Il y aura une année que le sac vaudra plus que le blé, et la seconde année sera suivie de famine, et la troisième de peste, qui commencera de Rome le premier vendredi avant Pâques. Puisque vous ne pouvez participer à Pâques , vous devez jeûner. C'est le jour Jésus a mangé l'agneau -, et si vous ne pouvez participer en public , faites-le en particulier :, et ce que vous aurez fait en secret se rendra à découvert. Il y a une racine qui augmente peu à peu. Notre délivrance

(i) « On la tire, dit Jurieu, on la pousse, on l'appelle, on la pique jusqu'au sang, on la pince, on la brûle; rien ne la réveille. Aussi elle est dans une entière privation de l'usage de ses sens, ce qui est le vrai carac- tère de l'extase. En cet état, elle parle et dit des choses excellentes. »

- 74 - i688. viendra aussi peu à peu comme cette petite racine. Que viennent faire ici ceux qui ne sont pas fidèles ? Je les attra- perai bien, car je ne dirai rien. Gardez-vous bien de venir ici par curiosité ; Dieu n'y prend pas plaisir. Que les mé- chants ne viennent point pour se moquer, car il vaudrait mieux passer un brasier sur leurs bouches que de se railler de la Parole de Dieu. Il vaudrait mieux avaler un serpent avec son venin, car un serpent ne blesse que le corps -, mais le venin de Satan blesse le corps et l'âme. Si Ton écrivait tout ce que je dirai, il contiendrait autant que trois Bibles d'une coudée de hauteur. La messe est semblable à deux assiettes d'argent-, quand on les a jointes ensemble, les dehors en sont beaux et le dedans vide. Ce n1est point moi qui parle, c'est l'Esprit qui est en moi. « Es derniers temps, vos jeunes gens prophétiseront et vos anciens songe- ront des songes. » Si vous priez, vous gagnerez la miséri- corde, car un serviteur ne peut recevoir son salaire s'il n'a servi fidèlement. Ne faites pas comme les folles vierges. Tenez vos lampes prêtes et prenez garde que, la mesure étant comble, le faix ne vous tombe dessus. Mais que vos prières ardentes le fassent tomber sur vos ennemis. Notre-Seigneur a donné quarante-deux mois de persécution. Il n'y a pas plus longtemps à souffrir, et notre délivrance sera à ven- dange, le jour que Notre-Seigneur a été crucifié, qui était un vendredi. Au commencement du mois il y aura une grande persécution , mais elle ne durera pas. Il y aura de la miséricorde pour tous ceux qui ont changé:, mais on n'en a pas pour ceux qui ont pris de l'argent. » On trouvera aux Pièces justificatives, N.° IV, une déposition, également inédite, de l'avocat Gerlan, de Grenoble, qui fit exprès le voyage de Saou pour visiter Isabeau Vincent.

La renommée de la jeune prophétesse se répandit rapide- ment et de toutes parts on venait l'entendre. Jurieu, qui croyait si facilement aux prophéties et en fit lui-même,

-75 - comme nous l'avons fait remarquer plus haut, chercha à 1688. démontrer qu'Isabeau et tous les petits prophètes étaient inspirés d'une manière surnaturelle \ Les magistrats, comme on devait s'y attendre, ne tardèrent pas à intervenir. Bou- dra, lieutenant du juge de Crest, accompagné de Chastre, procureur du roi de la même ville, et d'un archer se ren- dirent le 8 juin auprès de la bergère, qu'ils trouvèrent gar- dant ses troupeaux. Ils lui rirent subir un premier interro- gatoire de trois heures et la conduisirent dans la prison de Crest, ils l'interrogèrent de nouveau. Elle leur dit que la peine qu'ils se donnaient était inutile-, qu'on pouvait la faire mourir, mais que Dieu susciterait d'autres enfants qui parleraient mieux qu'elle. Elle répondit du reste à toutes les questions avec tant de netteté que Chastre, tout surpris, s'écria : « Je défie les plus rusés du palais, lors même qu'ils étudieraient quinze jours les questions qui lui ont été posées, de répondre avec tant de justesse. » 11 ajouta qu'on voulut disputer avec elle sur des points de controverse très-délicats et que ses adversaires n'en éprouvèrent que de la honte , jusque-là que le curé Combes, qui estimait que la bergère était possédée du démon , lui donna à boire de l'eau bénite, mais n'en obtint pas davantage-, ce qui fit dire à quelqu'un : « Il y a des diables délicats qui ne craignent pas l'eau bénite; elle n"est redoutée que des diables grossiers. »

La réputation de la bergère vola de la province à la cour, et les gazettes de France du 2 août 1688 lui consacrèrent une notice dans l'article de Paris2. De Crest elle fut conduite

(1) Voy. Lettres pastorales , t. m, let. m, iv, xiv et xvn. Jurieu publia un traité spécial sur la bergère de Saou, dont la traduction anglaise seule est connue. En voici le titre : Reflections apon the miracle which happo- ned in the person of Isabcl Vincent shepherdess of Dauphine; London, 1689, in-40.

(2) Ant. Court, Hist. des égl. réf., t. 11, p. 833 (Mns. Court, N.c 28).

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1688. à l'hôpital de Grenoble, puis mise dans un couvent de filles, près de cette ville, « et partout, dit Jurieu l, elle a continué de tomber en extase et de parler dans son extase. On Ta rasée, on lui a ôté tout ce qu'elle avait d'habits et de linge, prétendant qu'elle pouvait avoir un charme caché quelque part... Mais rien n'y a fait ; elle est toujours la même. On a bien permis quelquefois à des nouveaux convertis de l'ap- procher durant le jour, pendant qu'elle était en prison ou dans l'hôpital de Grenoble -, mais jamais on n'a voulu per- mettre à aucun d'eux de passer la nuit auprès d'elle et d'être témoin de ce qu'elle dit quand elle tombe en extase. Les dernières lettres disent que l'irritation des faux dévots contre elle est si grande qu'on ne la croirait pas en sûreté de sa vie si des personnes du premier caractère de ce pays-là n'y donnaient ordre ». Jurieu veut parler de M.me de Perrissol, nouvelle convertie et femme de Tex-président de la chambre de redit Laurent de Perrissol- Alleman, seigneur d'Allières. Les catholiques répandirent le bruit que Le Camus, évêque de Grenoble , avait fait dresser un procès - verbal des faits et gestes de la bergère , et que c'était une bonne et simple créature, qui allait très-dévotement à la messe et n'avait jamais songé à prophétiser ou à faire l'inspirée. Mais cette dernière allégation fut contredite par le témoignage des mé- decins, des avocats, des gentilshommes et même des liber- tins qui visitèrent la bergère et qui furent tous frappés de ses discours et de sa parfaite sincérité 2. Brueys raconte 3, en 1592, qu'Isabeau s'était convertie au catholicisme. La vérité est qu'elle fut soigneusement gardée dans un couvent, et que le silence le plus complet se fit autour d'elle-, d'où

(1) Lettres pastorales, t. m, let. m.

(2) Jurieu, Lettres pastorales , ' t. ni, lett. m el xvn.

(3) Histoire du fanatisme de notre temps, t. 1, p. 1 23-125.

77 nous concluons qu'on reconnut sa bonne foi et qu'elle ne 1688. se montra jamais bien zélée catholique, car on eût fait grand bruit de sa fourberie, si elle avait été prouvée, et de sa conversion, si elle eût été sincère.

Pendant qu'Isabeau Vincent était à Grenoble, M.me de Baix , veuve d'Isaac de Chabrières, ancien conseiller à la chambre de redit de Grenoble, femme bonne et fort zélée, mais simple, qui avait été persécutée par l'intendant Bouchu en 1686 et mise en prison à Valence, se jeta dans l'illumi- nisme, ainsi que sa fille, qui avait sa même nature. Voyant que les magistrats sévissaient contre les petits prophètes, elle quitta secrètement Grenoble, elle était sans doute surveillée, et se réfugia a/ec sa fille dans une maison de campagne qu'elle possédait Drès de Livron. Elle réunit aussitôt ses enfants et ses domestiques, leur parla des mer- veilles que Dieu accomplissait en faveur de ses élus, eut des extases et communiqua son esprit à tout son entourage, de telle sorte que ses enfants et ses domestiques se mirent à prophétiser. L'intendant Bouchu , « qui avait été averti de sa fuite, dit Brueys *, et l'avait suivie à la trace des fana- tiques qui étaient nés sous ses pas et qu'il envoyait prophé- tiser dans les prisons de Grenoble, la surprit dans ses occu- pations, la fit arrêter et conduire à Tournon, elle fut enfermée avec sa fille. Peu' s'en fut que le lieu ... elle célébrait ses mystères ne fût rasé. On avait déjà commencé la démolition; mais, à la prière de M. de La Roche et de quelques autres personnes de qualité, on cessa ».

L'exemple de la bergère de Saou fut contagieux, car au commencement de 1689 on comptait en Dauphiné deux à trois cents enfants qui tombaient dans un sommeil extatique, annonçaient les merveilles de Dieu, priaient d'une manière

(1) Hist. du fanatisme , t. i, p. 118.

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1688. remarquable, chantaient les Psaumes de David, exhor- taient, menaçaient et prédisaient l'avenir. Dès qu'ils étaient sortis de leur sommeil, ils reprenaient leur première sim- plicité \

Gabriel Astier, de Cliousclat, le petit prophète qui acquit le plus de célébrité après la bergère, exerça son ministère en Vivarais. Son histoire, par suite, ne rentre pas dans notre cadre. On la trouvera dans La France protestante des frères Haag.

Pour ce qui est du gentilhomme verrier du Serre, qu'on avait accusé d'avoir formé les petits prophètes , les auteurs catholiques disent qu'on lui fit son procès:, mais nos sources se taisent complètement sur ce fait.

Pendant que ces événements s'accomplissaient, les arres- tations des religionnaires fugitifs suivaient leur cours -, mais le parlement craignait à la fois de les condamner et de les relâcher, parce qu'il manquait le plus souvent de preuves authentiques de leur fuite. L'intendant Bouchu pensait que « cet embarras pourrair cesser s'il plaisait au roi de per- mettre qu'on mît ces personnes en liberté ». « Il me paraît même, ajoutait-il, que c'est en quelque manière une suite de l'ordre que S. M. a jugé à propos de donner de chasser du royaume ceux qui y étaient encore sans avoir fait abju- ration. Régulièrement parlant, après une condamnation par un arrêt, il faudrait une grâce*, mais on n'a pas gardé jusques ici scrupuleusement les formes ordinaires dans cette affaire, qui n'en était point susceptible, et qu'il me semble du bien du service de S. M. défaire finir absolument, autant qu'on le peut 2. »

(1) Jurieu, Lettres pastorales , t. m, lett. xiv.

(2) Lettre de Bouchu du 20 mai 1688 (Correspondance des contrôleurs généraux, t. 1, p, i5o, N.° 573).

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[AÇpjnbreuses condamnations aux galères et à mort. Désarmement des protestants. Contribution de guerre imposée sur eux. Panégyrique de la révocation de ledit de Nantes dans la cathédrale de Valence.

L'année 1689 fut témoin du martyre de plusieurs reli- 1687. gionnaires dauphinois. Le 12 mars, Louis XIV, revenant aux moyens de rigueur, édicta une ordonnance, renouvelée le 12 mai, qui condamnait de nouveau aux galères ou à mort quiconque serait convaincu d'avoir assisté à une assemblée du désert.

Daniel Arnaud, de La Motte-Chalancon, et Marie Morin, de Chalancon, se virent pour ce fait condamnés à mort. Arnaud fut pendu à un peuplier dans la première localité. Il avait présidé une assemblée dans le domaine d'un gentil- homme nommé deCheilas, dont il était le rentier, et qui aurait pu sauver sa tête, s'il eût consenti à ce qu'on démolît la ferme s'était tenue l'assemblée •, mais il s'y refusa avec dureté. Quant à Marie Morin , elle expira au pied de la potence.

Marguerite Latty, d'Arnayon, après avoir séjourné quel- que temps dans les prisons de Grenoble, fut pendue à Cha- lancon. Pendant qu'on la conduisait à Grenoble, un cavalier de la compagnie qui lui servait d'escorte , touché de sa rési- gnation et de ses malheurs, la demanda en mariage. On la lui aurait accordée, mais à la condition qu'elle abjurât sa foi. La noble jeune fille refusa cette offre en s'écriant qu'elle allait célébrer dans le ciel des noces plus belles que celles de cette terre , et elle marcha à la mort en chantant des can- tiques. Son intrépidité remplit d'admiration les témoins de

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1688. son supplice, et en 1740 on en parlait encore avec ravis- sement.

Alexandre Sambuc, de Villeperdrix, fut pendu dans son lieu de naissance, de même que Simon Barnavon, de Bou- vières, qu'on exécuta devant les fenêtres de sa maison.

Borély, de Suze, près Beaufort, qui avait présidé une assemblée chez lui, fut pendu à Suze même, ainsi qu'un jeune homme de Barsac, qui avait pris la parole dans la réunion. Sa maison fut rasée.

Vincent Maillet , du même lieu, qui assistait à la même assemblée, avec Jean-Pierre Chastel, de Montclar, Jean- Vincent Lambrois , de Suze , et trois autres personnes furent condamnés aux galères.

Monier, de Dieulefit, et un aveugle de Bourdeaux su- birent également le dernier supplice à Valence pour s'être trouvés dans une assemblée.

La femme Colongine, de Livron, sur la simple déposition d'une de ses filles, âgée de cinq ou six ans, fut pendue à Valence pour un fait semblable, de même que le valet de ville de Livron.

Un protestant du même lieu, dont le nom n'a pas été conservé et qui jeta une hostie qu'on l'avait forcé de prendre, paya cet acte de sa tête sur la place de sa ville natale. Le curé, son dénonciateur, le voyant puni avec tant de sévérité, s'arracha les cheveux de désespoir.

Deux hommes de Beaumont et quatre personnes de la même famille, à Loriol, furent pendus pour s'être rendus à des assemblées.

Jean Ferrier fut envoyé aux galères et Clairant, de Poyols, exécuté à Valence, parce qu'ils avaient chanté des Psaumes ou lu la Parole de Dieu dans des assemblées.

Baussan, de Dieulefit, une fille Dumas, du Poet-Laval, une Reynier, fille d'un aubergiste de Dieulefit, et une Piguet, fille d'un bourgeois du même lieu , subirent le dernier sup-

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plice pour le fait d'assemblées. Ces deux dernières avaient i< abjuré à une époque antérieure. Lorsqu'on leur demanda pourquoi elles étaient retournées dans les assemblées, elles répondirent : Par curiosité. Vous irez aussi à la potence par curiosité, leur répartit le juge avec une ironie cruelle.

Dufour, de Dieulefit, rentier d'un domaine du seigneur du lieu, dénoncé au châtelain par deux méchants sujets comme ayant tenu une assemblée sous un noyer, tandis qu'il prenait seulement quelque repos avec les moissonneurs, fut condamné à être pendu. « Ces deux mauvais garne- ments, disent nos sources, ont fait une fin tragique par le faux serment qu'ils donnèrent pour faire pendre ce fidèle. »

Faure, de La Motte-Chalancon, mourut dans la tour de Crest, après deux ou trois années de détention. Son fils, qui venait le voir souvent, le pressait de changer de religion, pour que la régie, qui avait confisqué ses biens, les lui rendît-, mais il aima mieux mourir que de renier sa foi.

Vingt personnes furent encore condamnées aux galères , à la suite d'une assemblée qui s'était tenue près de Dieulefit. On pendit celui qui la présidait ; mais les femmes recouvrèrent leur liberté. La reine d'Angleterre obtint plus tard la déli- vrance des galériens l. On trouvera dans la Liste générale des condamnations (Pièces justificatives, N.° II) les noms de 121 personnes condamnées aux galères et de 23 con- damnées à mort pendant l'année 1689 , y compris les noms des personnes mentionnées précédemment.

La plupart des assemblées du désert étaient présidées à cette époque dans le Dauphiné par des prédicants igno- rants et exaltés, et même par des femmes et par des filles,

(1) Mns. Court, N.° 17, B. et Q.; Ant. Court, Hist. des églises réform. t. 11, p. 971, 1238; Armand de La Chapelle, Pièces justificatives, t. n p. 283; Haag , La France protestante , p. 41 5, 416, 443; Bullet. de la Société de Vhist. du protest, franc, t. v, p. 8.

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1689. dont les sentiments religieux étaient vivement surexcités par la vue des supplices. Leur zèle, quoique maladif, l'esprit prophétique de quelques-uns d'eux, quoique erroné et nullement surnaturel, procédaient d'un sincère principe de foi et contribuèrent puissamment , en l'absence de pasteurs réguliers, à entretenir chez leurs coreligionnaires un vif attachement pour les doctrines réformées.

« Décimés par les séductions , l'exil et les tortures , dit . excellemment Dubois ', privés de leurs pasteurs , découragés par le vain mais imposant simulacre des conversions en masse , alors universelles , ignorants à un point que l'on a peine à décrire, les protestants épars du midi de la France n'auraient pu tenir tête aux assauts de tous genres qu'on leur livrait tous les jours. L'indifférence aurait bientôt achevé l'œuvre commencée par l'ignorance et la terreur, et les bienfaits réparateurs de la fin du siècle n'auraient plus trouvé personne pour en profiter. »

Les enlèvements d'enfants marchaient de pair avec les condamnations pour fait d'assemblées. La maison de Pro- pagation de la foi de Grenoble regorgeait de ces petits êtres arrachés de vive force des bras de leurs familles. Le prix de leur pension était payé pour l'heure avec les revenus des biens des religionnaires fugitifs, à raison de 75 liv. pour les garçons et de 5o liv. pour les filles 2. Plus tard on obligea les parents eux-mêmes à payer cette pension.

L'intendant Bouchu, craignant, bien gratuitement, que les protestants du haut Dauphiné ne prissent fait et cause pour le duc de Savoie , alors en guerre avec la France , édicta, le 18 mai 1689, une ordonnance enjoignant aux

(1) Les prophètes cévenols, Strasbourg, 1861, p. 154.

(2) Lettre de Bouchu du 16 sept. 1689 (Corresp. des contrôleurs génér., t. 1, p. 178, N.» 683).

83 nouveaux convertis de cette partie de la province de rendre 1689- 1690. toutes les armes qu'ils pouvaient avoir et de les apporter au château de Briançon I. Une seconde ordonnance, du 24 juillet, imposait sur eux une contribution de guerre destinée à subvenir à l'entretien, pendant six mois, des troupes royales qui étaient en quartier à Gap. L'ordonnance s'étendit aux nouveaux convertis de soixante communautés2 .

C'est au moment les protestants périssaient sur les échafauds ou gémissaient sur les galères du grand roi,

(1) Le roi, par une ordonnance générale du 16 oct. 1688 (renouvelée le 24 sept. 1690), avait déjà enjoint aux nouveaux convertis de rendre toutes les armes dont ils étaient détenteurs. Le marquis de Larrey, Louis Lenet, prescrivit l'affichage de cette ordonnance le 2 nov. 1690.

(2) Pilot (Arch. dép. de l'Isère, Invent, sommaire, C.) rattache à l'histoire protestante du Dauphiné de l'année 1689 un événement qui ne s'y rapporte que d'une façon très-indirecte. Prenant la rentrée glorieuse des Vaudois du Piémont dans leur pays natal pour une tentative faite par « des religion-- naires nouveaux convertis réfugiés en Suisse et des gens du pays » pour se rendre en France et y tenter un soulèvement, il raconte que ceux-ci rencontrèrent le 3 septembre les troupes de France à Salbertrand, au delà du mont Genèvre, furent repoussés par elles et laissèrent entre leurs mains quelques prisonniers , notamment leur chef, Antoine Turel , de Châtillon (voy. Muston, t. m, p. 101). La vérité est que les Vaudois, auxquels s'étaient joints, il est vrai , bon nombre de religionnaires dau- phinois et autres, et même- des Suisses, battirent complètement les troupes royales qui s'opposaient à leur passage sur terre française , et que les 98 prisonniers faits par ces dernières étaient des retardataires, accablés de lassitude et de sommeil , qui ne purent suivre leurs compagnons de route après la victoire. L'intendant Bouchu , par ses ordonnances du 12 octobre et du 10 décembre, condamna ces malheureux : 1 à être roué (c'était Turel), g5 à être pendus, 1 aux galères perpétuelles, le dernier à être présent au pied de la potence le jour de l'exécution. Le roi commua la peine de la hart en celle des galères à vie pour plusieurs d'entre eux. Sur les 98 con- damnés, 75 étaient Français, et, sur ces 75 Français, 45 appartenaient au Dauphiné. Turel fut mis à mort à Grenoble avec l'appareil suivant : six potences furent dressées à sa droite, six à sa gauche , et l'on y pendit 12 de ses compagnons; lui, couché au milieu d'eux sur la roue, fut rompu vif {La France prot., 20 édit., t. 1, p. 370).

84 1690. qu'un Capucin de Tournon, le Père André- François, exal- tait en termes pompeux la gloire du Roi -Soleil dans un panégyrique prononcé à Valence, et célébrait avec pathé- tique la révocation de redit de Nantes *. « Toute l'Europe, attentive sur l'auguste Louis, s'écrie-t-il, admire également la fermeté de sa foi, l'ardeur de son zèle et la prudence avec laquelle il a suivi ces nobles mouvements que la religion inspire; tantôt il condamne les relaps, tantôt il ordonne que les enfants des calvinistes soient baptisés dans nos églises, et tantôt il veut que nos pasteurs visitent leurs ma- lades et leur montrent la voie du salut dans ces derniers moments , d'ordinaire, l'esprit n'est plus sujet à l'illusion, ni le cœur en danger d'être séduit. Ici, les temples bâtis pendant les guerres civiles sont renversés -, , on supprime les chambres mi-partie, l'hérésie déshonorait les fleurs de lis. Partout l'hérétique est exclu des charges et des em- plois, et, quelque mérite ou naissance qu'il ait, il ne trouve à la cour ni la protection , ni les bonnes grâces du prince.

» C'est ainsi, ô grand roi ! qu'en forçant tous les retran- chements de l'hérésie par des armes également douces et innocentes vous nous avez accoutumés peu à peu à voir périr devant vos yeux ce funeste mélange de religion. Si cette secte a paru quelque temps sous votre règne, elle a toujours paru sans honneur, et elle meurt aujourd'hui sans nul espoir de ressusciter jamais...

» Vous n'avez eu qu'à parler, ô grand roi ! et en même temps le calvinisme est rentré dans le néant, il a été tant de siècles. Vous cassez un édit, vous en publiez un autre: en voilà assez pour opérer un changement inouï et ne voir plus en France ni chaires d'erreur, ni loups dans la bergerie,

(1) Panégyrique du roy prononcé à Valence en Dauphiné le G aoust 1690; Paris, 1693, 2e édit.

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ni pasteurs sans mission, ni membres sans chefs, ni religion 1691-1696. sans sacrifice, ni enfin toutes sortes de crimes sous le voile trompeur d'une réforme prétendue.

» Le bannissement des Maures par un roi d'Espagne éclata beaucoup moins, tout exagéré qu'il est par ceux de sa nation. Louis convertit et ne chasse point ses sujets*, il change les cœurs et conserve les personnes , comme cet in- dustrieux et tendre père dont l'habile main, sans blesser son fils , tua le serpent qui l'entourait. Prier, exhorter, com- mander enfin sont les seules armes qui ont vaincu tant de Français. »

C'est ainsi que le Père François écrivait l'histoire. La confiscation des biens, la torture, les galères, les exécutions capitales, les enlèvements d'enfants étaient-ce donc des prières et des exhortations? Les Maures purent au moins choisir entre la conversion ou l'exil, tandis que les protes- tants de France n'eurent pas le droit de sortir de leur pays , et lorsque, impuissants à refouler leurs sentiments religieux, ils y cherchaient une satisfaction dans le culte public, ils étaient punis de mort ou des galères. Le Père François n'en dit pas moins : « Ici on n'a répandu ni larmes ni sang : c'est la conquête des cœurs , les vaincus triomphent avec les vainqueurs , ce que la victoire a de plus doux est éga- lement à tous les deux ! »

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'Ralentissement de la persécution pendant la guerre de la France avec le duc de Savoie. Nouvelles rigueurs après la paix de Ryswick. Massacres des réfugiés d'O- range. Travaux missionnaires de ïévêaue de Gap.

1691-1696. La guerre que Louis XIV eut avec le duc de Savoie, allié de F Espagne et de l'empereur d'Allemagne, et la crainte que ce prince , qui s'empara d'Embrun et brûla Gap (1692) et qui permettait dans son armée le libre exercice de la religion protestante, ne cherchât à s'appuyer sur les reli- gionnaires du Dauphiné, ralentirent le cours des persé- cutions dans cette province. Plusieurs de ces derniers, néanmoins, subirent des condamnations soit à mort, soit aux galères.

En avril 1694, à la suite d'une réunion de 20 à 3o per- sonnes, tenue à Espenel et surprise par les catholiques de Saillans, on arrêta plusieurs des religionnaires qui y avaient assisté. La plupart d'entre eux furent conduits à la tour de Crest, puis à Valence, d'où quelques - uns réussirent à s'évader. Les autres subirent divers supplices. Tardieu , Jean Faure et Jean Rey, tous les trois de Saillans, furent condamnés aux galères (le second mourut en s'y rendant). David Henry, d' Espenel, et sa sœur, rentiers de la ferme avait eu lieu l'assemblée, subirent le dernier supplice à Valence. Forêts, d'Espenel, et M. rac Couteau de Rochebonne furent pendus à Die. Cette dernière, veuve de M. Couteau de Rochebonne, exécuté en i683, à la suite de l'affaire de

- 87- Bourdeaux *, était fort zélée pour les assemblées, et, sans 1691-1696. courir au-devant de la mort, elle désirait de pouvoir bientôt suivre son mari. Elle quitta ce monde avec joie et en confes- sant le nom de Jésus-Christ. Le prédicant qui avait présidé l'assemblée fut aussi pris et pendu et la maison rasée 2. Treize personnes furent également condamnées à être pen- dues pour avoir tenu une assemblée à Chastel-Arnaud, dans la grange du sieur Ruel 3.

On trouvera dans la Liste générale des condamnations (Pièces justificatives, N.° II) les noms de ces derniers et de sept autres protestants dauphinois condamnés aux galères à cette époque (1690-1695).

Une lettre de d'Herbigny, intendant du Lyonnais, au contrôleur général des finances nous apprend que Tannée suivante (1696) on arrêta à Marseille un ballot de livres protestants, et nous ne relèverions pas ce fait, qui se repro- duisit fréquemment dans tout le cours du XVIIIe siècle, si d'Herbigny ne nous révélait cette circonstance curieuse que la ville de Romans était à cette époque l'entrepôt général des livres envoyés de Genève aux protestants du midi de la France. Le contrôleur général croyait que ces livres pas- saient par Lyon, et il recommandait à ce propos une plus grande vigilance à son intendant, qui lui répondit : « Je dois avoir l'honneur de vous observer que Lyon n'a point eu de part à l'abus des livres découverts à Marseille. Ils n'y ont point passé et, tant qu'on veut, on en fait aller en droiture

(1) Vol. 11, p. 124.

(2) Mns. Court, N.° 17, B. ; Armand de La Chapelle, Pièces justifica- tives , t. 11, p. 283; Bullet. de la Société de l'histoire du protestantisme français, t. v, p. 8.

(3) Archives départ, de l'Isère , C. 2 (Inventaire).

1697-17°°- de Genève à Romans, d'où ils se répandent sans difficulté en Provence, Dauphiné et Languedoc *. »

Une année après la paix signée à Ryswick, le 20 septembre 1697, qui mit fin à la guerre de la ligue d'Augsbourg et laissa Louis XIV libre de toute préoccupation extérieure, la persécution recommença. Des religionnaires de Vinsobres, Venterol , Nyons et autres lieux, qui s'étaient réfugiés à Orange au nombre de 40, voulurent rentrer dans leur pays. « Craignant de tomber entre les mains de ceux du Comtat, dit une relation du temps2, ils tâchèrent d'éviter tous les villages. A cet effet, ils passèrent la rivière d'Aiguës à gué, dans un endroit du territoire d'Orange appelé Porte-Claire, laissant Sérignan à leur gauche près de demi-lieue et Ca- maret à leur droite à pareille distance. Mais le sieur Taveau, homme de crédit dans Sérignan, épiant l'occasion de faire à son tour des captures et sachant d'ailleurs que ce jour-là il devait passer de ces gens, monta à une des tours du château et , avec des lunettes d'approche , observa toutes les avenues d'Orange. Il n'eut pas plus tôt découvert cette troupe qu'il fit sonner le tocsin, mettre sous les armes une cent cinquantaine de paysans et leur ordonna d'aller tirer sur ces huguenots, avec promesse que tout ce qu'ils pille- raient serait pour eux. Ces gens - partirent à cet ordre, et, ayant investi ces pauvres malheureux peu de temps après, ils tirèrent sur eux impitoyablement, avec des cris et des hurlements horribles. Outre que la partie n'était pas égale , les réformés n'avaient pour toutes armes que cinq ou six bâtons en tout. Ainsi ils furent traités cruellement et

(1) Lettre du 23 août 1696 (Correspondance des contrôleurs généraux , t. 1, p. 43i,N.° i,558).

(2) Mns. Court, N.° 3g; N.° 17, B.

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avec beaucoup de brutalité. Quelques-uns restèrent sur la 1697- 1700. place et d'autres furent dangereusement blessés. Une partie se sauvèrent. Quatre des blessés furent amenés avec les femmes, lesquelles on déshabilla jusqu'à la chemise.

» On les amena en cet état au sieur Taveau, qui les fit mettre d'abord en prison; mais comme la fureur des paysans n'était pas encore satisfaite, ils coururent après ceux qui leur avaient échappé. Ils en atteignirent un dans un bois , sur lequel ils exercèrent une cruauté sans exemple et digne du seul zèle catholique. Ils le mirent tout nu , lui lièrent avec des cordes les pieds et les mains et rattachèrent ensuite à un arbre. Le 16 du mois, un Irlandais, qui venait de Die, trouva sur son chemin ce malheureux en cet état, qui lui cria d'avoir compassion de lui. L'Irlandais, qui n'avait point de couteau, tira son sabre et se mettait en état de couper les cordes-, mais tout à coup il sortit quatre hommes d'un endroit du bois ils étaient cachés, qui lui dirent que c'était un huguenot, qu'il fallait qu'il mourût ; qu'on l'avait condamné à ce supplice et que s'il leur résistait plus long- temps, ils l'attacheraient malgré lui à un autre arbre. Ainsi l'Irlandais se vit malgré lui dans l'impuissance de le secourir.

» La plupart de ceux qui s'étaient échappés moururent de leurs blessures. Il en mourut deux à Vinsobres; on en trouva un troisième mort le long d'une haie. Entre les pri- sonniers qui furent conduits à Sérignan, il y avait trois jeunes filles, dont l'une avec le nez emporté, l'autre avec un oeil crevé et la troisième avec une partie de la joue em- portée. La veuve d'un de ceux qui étaient restés sur la place étant venue pour faire enterrer son mari, qui était à la voirie depuis trois jours, fut assommée elle-même à coups de bâton par les habitants de Sérignan. » Les prisonniers, hommes et femmes, furent conduits dans la tour de Crest, quelques-uns d'eux envoyés aux galères, deux autres,

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1697-17°°- Daniel Faure et Jean Archimbaud, pendus, et les autres relâchés quelques années après x.

Les évêques, de leur côté, faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour affermir les nouveaux convertis dans la foi catholique. L'évêque de Gap se distingua entre tous par son zèle. Il demanda pour l'entretien de ses missionnaires un secours pécuniaire au roi , qui accéda à son vœu , à la condition qu'il ferait préalablement connaître ses vues en détail. L'évêque répondit aussitôt2 : « Mon dessein serait, non pas de faire de ces grandes missions, nombreuses et dispendieuses..., mais d'envoyer en différents lieux quatre bandes de missionnaires bien choisis, savants, doux et pru- dents, deux à deux, lesquels iraient et viendraient dans les paroisses les plus huguenotes passer tantôt huit jours, tantôt quinze, plus ou moins, selon qu'ils y trouveraient les esprits disposés , et ne feraient autre exercice que la prière publique, soir et matin, à la fin de laquelle ils liraient un chapitre du Nouveau-Testament en français, et que les reli- gionnaires aiment extrêmement, et, en lisant ce chapitre, qu'ils auraient prévu et choisi, ils l'expliqueraient et sur- tout les passages qui prouvent notre religion*, d'où ils pren- draient occasion, sans que cela parût affecté, d'instruire des points controversés et d'y faire proposer des objections, pour les aplanir, et le reste du jour serait employé par eux à visiter les nouveaux convertis , pour entrer en conversation dans le fond des matières qui feraient de la peine à chacun en particulier. Il y a déjà du temps que j'ai deux bandes en campagne, je ne demande rien pour le passé-, il n'est

(1) Voyez leurs noms dans la Liste générale des condamnations (Pièces justificatives , N." II).

(2) Lettre de l'évêque de Gap du 12 janvier 1698 {Correspondance des contrôleurs généraux , t. 1, p. 470, N.° 1,684).

9i pas juste que le roi fasse tout. Je voudrais que S. M. me 1701-1707. donnât 180 livres par mois, à commencer le 20 janvier, afin d'entretenir ainsi huit missionnaires à i5 sols chacun par jour, compris leur voyage. Ils auront besoin de distribuer quelques feuilles et livres instructifs. Ainsi il serait bon d'aller jusqu'à 200 liv. Cela ferait pour six mois 1,200 livres. Après quoi S. M., qui verrait l'état, l'emploi et le fruit qu'ont produit ses charités, jugera de la suite, et nous lui exposerons alors nos pensées... Le R. P. Polla, Jésuite, que j'ai envoyé dans le fort des religionnaires, m'écrit qu'ils ont fait courir le bruit qu'il y avait dans les traités de paix des articles secrets de ne les point contraindre à l'exercice de la religion catholique, ce qui empêchait le fruit de ses discours. Depuis ma lettre écrite , nos missionnaires m'ont dit que, la guerre ayant renchéri les denrées et n'allant que deux ensemble, il leur serait difficile de dépenser par jour moins de 20 sols chacun. Sur ce pied, il faudrait un ordre, non de 1,200 livres, mais de 1,600 livres. »

En dépit des travaux des missionnaires, la plupart des nouveaux convertis du diocèse de Gap avaient des doutes, pour ne pas dire des remords, au sujet de leur changement de religion; c'est pourquoi l'évêque de cette ville jugea oppor- tun de leur adresser une lettre pastorale pour lever leurs scrupules et résoudre leurs objections. Cette lettre, qui a été conservée *, nous initie aux angoisses morales de ces mal- heureux, que la crainte des supplices avait conduits à l'abjuration. « Un grand nombre de personnes, dit Mgr de Gap, des plus distinguées de mon diocèse, se sentant vive- ment touchées de Dieu, m'ont fait savoir que, quoiqu'ils eussent embrassé de bon cœur depuis quelques années la

(1) Lettre pastorale de Mgr l'évêque de Gap aux nouveaux catholiques de son diocèse; Grenoble, 1700, no p.

92 1701-1707. religion catholique, persuadés des vérités principales, il leur était néanmoins toujours resté certains doutes involon- taires dans l'esprit... Les uns m'ont témoigné qu'ils avaient toujours ressenti une vraie peine de ne communier que sous une espèce; les autres qu'ils ne pouvaient s'accoutumer à invoquer les saints, ni assister au sacrifice de la messe en latin , ou qu'ils souffraient encore de la difficulté sur le pur- gatoire, sur la réalité et sur plusieurs autres points. » Si les nouveaux convertis du diocèse de Gap avaient des doutes sur tous ces points, qui sont fondamentaux dans la doctrine catholique, ils n'étaient donc pas « persuadés des vérités principales ».

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II. - RALENTISSEMENT DE LA PERSECUTION PENDANT

LA GUERRE DE LA SUCCESSION D'ESPAGNE.

JACQUES ROGER.

^Assemblées dispersées. Quelques condam- ' nations.

La longue guerre de la succession d'Espagne (i 701-17 1 3), 1701-1707. qui conduisit les Français en Italie et ouvrit à un certain moment (1708) les portes du Dauphiné au duc de Savoie, jointe aux troubles des Cévennes, dits guerre des Camisards (1702- 1703), qui occupèrent pendant un certain temps les troupes royales, firent cesser en partie les persécutions en Dauphiné. Louis XIV craignait sans doute que les religion- naires de cette province ne profitassent des embarras de la France pour se soulever contre leurs oppresseurs. Mais ils n'y étaient nullement portés et se firent remarquer par leur soumission. « Le caractère de ces religionnaires, disait plus tard (1726) l'intendant du Dauphiné Fontanieu *, est d'être extrêmement entêtés de leurs erreurs. Ils ne paraissent pas disposés à faire des mouvements -, et , en effet , ils sont de- meurés tranquilles dans deux circonstances critiques. La première a été en 1692, lorsque le roi de Sardaigne, duc de Savoie pour lors, prit Embrun et vint brûler Gap. Il avait permis le libre exercice de la religion dans son armée ; ce- pendant personne ne parut en sa faveur. La deuxième a été la dernière révolte de ceux des Cévennes, circonstance plus

(1) Mémoire sur les religionnaires du Dauphiné, dans la Revue du Dau- phiné, t. ni, p. 36o.

94 1 701 -1707. dangereuse encore par la facilité de la communication du Dauphiné avec le Languedoc, en traversant le Rhône. »

S'il faut en croire Louvreleuil 1, trois fameux prédicants du Vivarais, Jolicceur, Jean Pol et Esparon, dit Saint-Jean, auraient tenté en 1704 de soulever à la fois le Vivarais et le Dauphiné, « assurant que ceux des Cévennes avaient promis de faire leurs efforts pour se rendre maîtres du Vivarais, tandis que les Barbets [ou Vaudois] feraient un gros déta- chement de leurs troupes pour se joindre à ceux du Dau- phiné, qui se préparaient à la rébellion... D'autre part, on sut à Valence que les religionnaires des environs de Crest s'étaient assemblés dans un bois, Ton prêchait et chantait des Psaumes. Aussitôt le prévôt de la maréchaussée monta à cheval avec tous ses archers et y fut au plus vite. Il les trouva au nombre de plus de 400 armés, écoutant un pré- dicant, qui était élevé sur le bout d'un rocher. Comme il s'approchait d'eux, quand il fut à portée, ils firent une décharge, qui tua trois de ses archers à ses côtés*, en sorte que, ne se voyant pas assez fort pour les dissiper, il se retira pour aller ramasser toutes les milices du voisinage. Cet expédient lui réussit, car, étant revenu avec 3oo hommes de bonne volonté, il mit en fuite toute cette assemblée, qui se dispersa et se sauva dans le bois, à la réserve de quel- ques-uns qu'il tua et d'une vingtaine qu'il fit prisonniers, du nombre desquels il y avait 4 prédicants ou prophètes.

» Dans le même temps, continue Louvreleuil, M. le marquis de Chabrillan, l'un des lieutenants du roi de la province de Dauphiné, découvrit en détail le dessein du soulèvement. Ainsi il parcourut, à la tête d'un détachement de 5o hommes de la bourgeoisie de Crest, tous les lieux il avait été averti qu'on tenait des assemblées. Il fut en une

(1) Le fanatisme renouvelé, t. m, p. 1 14-116.

- 95 - grange il s'en faisait-, on prit le rentier, sa fille, son 1701-1707. neveu, et on les conduisit à la tour de Crest. Il fut aussi à Livron et dans toutes les granges du mandement se ren- daient les gens du complot avec les prédicants; et, pour éteindre entièrement les étincelles du feu qu'on voulait allumer, il fit venir à Crest un bataillon d'infanterie. Ensuite il s'en servit pour arrêter toutes les personnes suspectes, dont plusieurs étaient de Livron, de Loriol, de la forêt de Saou et d'autres lieux. Il n'épargna pas même un de ses gardes, nouveau converti, qu'on avait trouvé coupable. On le mit en prison et on instruisit son procès. Cette conduite si vigoureuse étouffa la source de la sédition. »

Nos sources manuscrites , qui sont très - complètes , ne parlent point de ce mouvement, et l'on a vu que Fontanieu, bien placé pour connaître les dispositions des religionnaires de sa province, déclare qu^ils ne se soulevèrent point à l'oc- casion de la guerre des Camisards. Il est donc vraisemblable que les divers rassemblements séditieux de Louvreleuil ne sont autres que des assemblées du désert proprement dites.

Les protestants dauphinois condamnés aux galères pen- dant cette période (170 1 -1705) sont, d'après nos sources, au nombre de dix. On retrouvera leurs noms dans la Liste générale des condamnations ( Pièces justificatives, N.° II). Vingt -sept autres protestants furent aussi emprisonnés à la tour de Crest à cette époque. Voyez Pièces justificatives, N.° V.

Ce n'est toutefois qu'en 17 19 que les persécutions re- prirent une certaine intensité dans la province. Les protes- tants dauphinois profitèrent de cette tolérance relative pour se réorganiser. Le pasteur Roger, qui fut l'Antoine Court du Dauphiné, eut la gloire d'entreprendre et de conduire à bonne fin cette œuvre difficile à travers le double écueil de l'illuminisme, qui régnait encore en maître dans les trou- peaux, et de la surveillance jalouse des autorités civiles et ecclésiastiques.

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Tremiers travaux de Roger, le restau- rateur des églises du Dauphiné. Intrigues de Riffier. Mariages clandestins mal vus de la cour.

1708-1711. Jacques Roger était à Boissières en Languedoc \ Il sortit de France fort jeune et passa douze années en Suisse ou en Allemagne. Ses études en partie terminées (il n'était pas encore consacré au saint ministère) , il forma le projet de venir évangéliser les églises sous la croix, et ayant obtenu l'assentiment du célèbre pasteur et professeur Bénédict Pictet, qu'il consulta sur son dessein, il s'établit dans le Dauphiné en 1708. Il trouva le pays rempli d'illuminés et de prophètes des deux sexes, et dut user d'une grande pru- dence avec eux, rendant, d'une part, pleinement justice à leur courage et à leur zèle, mais démontrant, d'autre part, par les raisons les plus solides qu'ils n'étaient nullement inspirés d'en haut, comme ils le disaient et croyaient. Malgré ces ménagements, comme il était le premier qui s'opposait à eux, il se vit fermer beaucoup de portes. Ayant appris à ce moment qu'une assemblée présidée à Grane par un prêtre déguisé en prédicant , qu'on crut être un Jésuite, avait été surprise sur la dénonciation de ce dernier, il fut obligé de se tenir sur ses gardes. Quatre-vingts per- sonnes en effet se virent arrêtées à la suite de cette réunion, qui comptait sept ou huit prédicants, et conduites à la tour de Crest. Le pieux apôtre ne se découragea point pour cela

(1) En 1675, d'après Dan. Benoit, Un martyr du désert , Jacques Roger, page 17.

97 et continua à donner ses soins à quatre ou cinq églises qui I708"1?11- Pavaient bien accueilli.

Désireux de revoir son pays natal , qu'il avait quitté de- puis longtemps, il partit pour le Languedoc, après un an de travaux ; mais, arrivé à Nîmes, il fut obligé, pour éviter d'être pris, de s'engager dans les troupes du duc de Roque- laure. On ne laissa pas toutefois que de le consigner au corps de garde, et, après qu'il eut subi un interrogatoire devant le duc, on l'incorpora au régiment de l'Isle-de- France, il resta quelques mois. Ayant trouvé à Saint-Jean-de- Maurienne une occasion propice pour quitter son régiment , il revint dans les églises du Dauphiné et y fut reçu avec de grandes démonstrations de joie. Il eut encore à lutter contre des illuminés, notamment contre Pierre Bosméan et Joli- cœur, et sept ou huit filles ou femmes de même acabit. En revanche, il fit la connaissance des prédicants Pierre Meffre, de Bourdeaux, qui le présenta à plusieurs églises qui ne le connaissaient point encore, et Jean Martel. Ce dernier était le seul de la contrée qui n'eût pas donné dans l'illuminisme. Roger ne tarda pas à reconnaître que c'était la soif de la Parole de Dieu qui était en grande partie la cause du crédit des inspirés. Il déploya donc la plus grande activité, et, autant par ses prédications multipliées que par ses entretiens pleins de sagesse et de tact, il réussit à éteindre complète- ment l'illuminisme (1709).

Cette même année une sourde agitation régnait parmi les protestants du Vivarais et amena la révolte de 1709 et 1 710. Les protestants du Dauphiné , riverains du Rhône , en subirent le contre-coup et s'agitaient aussi x, mais à un

(1) Voyez Mandement de Mgr l'illustrissime et révérendissime évêque et comte de Valence, qui ordonne des prières publiques pour la prospérité des armes du roy et l'heureuse conclusion de la paix, 1 er juillet 1 709 (Placard);

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1708-1711. faible degré, et, dans tous les cas, ils ne prirent point les armes. Il est vrai que Brueys * raconte qu'en 17 10, « de- puis cinq ou six mois, on se préparait dans le Dauphiné à un grand soulèvement -, que le duc de Savoie et les Hollan- dais y avaient envoyé beaucoup d'argent; que Riffier, Freau, Déjeans, Chapon, Boiscalade et quelques autres religion- naires de la ville de Die et des environs conduisaient cette entreprise; qu'ils avaient déjà secrètement engagé dans leur parti trois ou quatre mille hommes , expédié des commis- sions pour lever des compagnies , et que le duc de Savoie devait envoyer un corps de troupes, commandé par le comte de La Barre, au col de Cabre, les révoltés de- vaient l'aller joindre » ; mais ce complot, dont Brueys exagère beaucoup l'importance, était tout entier le fruit des menées d'un certain Riffier, fils d'un procureur de Die, intrigant de bas étage, qui l'avait ourdi pour retirer de l'argent à la fois de ceux contre lesquels il était dirigé et de ceux qu'il devait servir. « Riffier, dit Antoine Court 2, avait servi dans la guerre de 1689 en qualité de capitaine dans les régiments religionnaires au service de son Altesse royale le duc de Savoie. A la paix il fut du nombre des officiers pensionnés en Hollande; mais, par légèreté, il quitta sa pension et re- tourna en France, il entra au service. Au commencement de la guerre de 1702 il abandonna de nouveau sa patrie et passa en Suisse. Il s'y joignit à une troupe de gens de son espèce , qui couraient en partie tant sur le lac Léman que sur la terre du côté de Versoix, faisant partout plusieurs

Lettre pastorale de Mgr Vilhistr. et révérend, évêque et comte de Valence aux nouveaux réunis de son diocèse au sujet des derniers troubles arrive^ dans le Vi vare\ ; Valence , 1709, 23 p. in-40.

(1) Hist. du fanatisme, t. iv, p. 343.

(2) Hist. des troubles des Cévennes, t. ni, p. 3y3.

99 prises. L'ambassadeur de France s'étant plaint à Leurs i; Excellences de Berne de ce que de telles gens trouvaient retraite dans leur pays, et Leurs Excellences ayant fait des poursuites contre ces gens-là , Rimer se retira en Saxe et de en Angleterre.

» C'est que, pour se procurer du pain, dont il man- quait, il forma le projet d'un soulèvement dans sa province; il sut l'assaisonner de raisons si spécieuses que milord Go- dolphin s'y laissa surprendre. Rimer, décoré d'un brevet de colonel, eut l'ordre de se rendre auprès des ministres extraordinaires des puissances maritimes à la cour du duc de Savoie. » Il serait trop long de raconter les menées aux- quelles se livra Rimer pour faire accroire, soit aux puissances, soit au duc de Savoie, qu'il recrutait des conjurés, nouait des intelligences en divers lieux , faisait des amas d'armes et des provisions de toute espèce et mettait tout en œuvre pour réussir dans son entreprise. Nous dirons seulement qu'à bout de mensonges et ne pouvant plus reculer, il ré- véla la prétendue conjuration à l'évêque de Die et à plusieurs autres catholiques du Dauphiné, et, comme preuve de son dire, indiqua une maison on trouverait des armes. D'au- tre part, l'un des agents de Rimer, nommé Deglise, qui croyait à la réalité du complot et en redoutait les suites pour sa personne, fit aussi des révélations. Rimer, pendant ce temps, pressait le duc de Savoie de faire avancer les alliés du côté d'Embrun; mais au moment d'agir on apprit que le complot était découvert. Tel fut le dénouement de cette intrigue, qui avait l'argent pour seul mobile et que Brueys a voulu rattacher à tort à la descente- des Anglais à Cette (25 juillet). Ajoutons que les armes dont l'existence fut révélée par Rimer avaient été cachées par ses propres soins chez le granger du sieur Paccius, elles furent dé- couvertes, et que le malheureux granger, qui ignorait tout, fut condamné à mort sans pitié, quoique catholique.

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1 708-171 x. En 17 10, Roger visita le Trièves, il trouva beaucoup de fidèles animés d'un zèle ardent pour la religion, et réussit à ramener à des sentiments plus sages diverses personnes égarées par l'aventurier Chapon, nommé plus haut, qui voulait exciter dans le pays un soulèvement analogue à celui du Vivarais, et qui, finalement, se sauva en emportant beaucoup d'argent. Roger présida des assemblées de quatre à cinq mille personnes en juin et juillet, et fut bientôt obligé de fuir, car les intrigues de Chapon avaient fait du bruit, et on confondait les assemblées paisibles du ministre avec les conciliabules du conspirateur. Des troupes envahirent le Trièves , et Roger faillit être tué dans une assemblée par le prieur de Mens, qui s'y était rendu avec quatre ou cinq acolytes dans le but de le mettre à mort. Il réussit toute- fois à s'échapper et revint dans le bas Dauphiné par le Diois, mais non sans courir des dangers d'un nouveau genre, car il voyagea toute une nuit par une pluie battante dans des chemins affreux et traversa un torrent débordé, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture.

Le roi, ayant été informé des assemblées du Trièves, dont il reconnut pourtant le caractère exclusivement reli- gieux, publia le 3i octobre 1710 une ordonnance par laquelle, rappelant celle qu'il avait édictée vingt-un ans auparavant (3i mai 1689), il condamnait à mort les prédi- cants, les prédicantes et les simples particuliers pris en flagrant délit de participation aux assemblées , aux galères perpétuelles les personnes convaincues d'y avoir assisté, et aux galères à temps celles qui auraient donné asile aux pré- dicants. Les maisons de ces derniers devaient être rasées, tout comme celles se seraient tenues des assemblées1.

(1) Une ordonnance du 10 novembre de la même année de Prosper Bavyn, seigneur d'Angervilliers, intendant du Dauphiné, prescrivait l'exécution de celle du roi.

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A la suite de cette sévère ordonnance contre les assem- 1708-171 blées un grand nombre de protestants dauphinois prirent la résolution de quitter l'ingrate patrie qui leur refusait le droit d'adorer Dieu selon leur conscience. Quatre-vingt-dix d'entre eux s'établirent à Neuchâtel et s'y firent naturaliser. On trouvera leurs noms aux Pièces justificatives , N.° T.

La cour voyait d'un aussi mauvais œil les mariages clan- destins des protestants. Les curés des paroisses ne voulant célébrer ces mariages qu'à la condition que les deux parties donneraient des gages réels de catholicité en fréquentant avec assiduité la messe et les sacrements, celles-ci préfé- raient user de ruse en recourant au ministère de prêtres étrangers, qu'elles gagnaient à prix d'argent et qui n'exi- geaient aucune garantie. La cour en fut fort mécontente, comme le montre la lettre suivante du chancelier Voisin à l'évêque de Gap : « A Marly , le 10 septembre 1710. Mon- sieur, j'ai lu au roi la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le 28e du mois passé sur les avis que vous avez eus que beaucoup de religionnaires se font marier clandestine- ment par des aumôniers des régiments et autres prêtres. Gomme vous me marquez en même temps qu'il y a trente de ces mêmes mariages dans une seule paroisse, vous pou- vez m'envoyer les noms de ceux de ces gens-là qui causent plus de scandale et sur qui l'exemple puisse tomber-, Sa Majesté donnera des ordres pour les faire enfermer dans la tour de Crest , ainsi que vous le proposez. Je suis, etc. Voisin. » Assurément cette lettre du chancelier était fort étrange, car si quelqu'un devait être recherché dans l'affaire des mariages clandestins, c'étaient non les religionnaires, mais les aumôniers des régiments et autres prêtres qui con- sentaient à bénir leurs mariages.

L'année suivante (171 1) deux catholiques de Beaufort, armés chacun d'un fusil, poursuivirent Roger pendant quatre mois , bien décidés à le mettre à mort s'ils ne réus-

102

i685-i7i3. sissaient à s'emparer autrement de sa personne. Un matin ils furent sur le point de l'atteindre et il ne leur échappa que grâce à la vitesse de ses jambes ".

Les protestants de Pragela de i685 à iji3.

Nous n'avancerons pas davantage dans notre récit sans raconter en peu de mots l'histoire des vallées vaudoises de Valcluson et de Pragela, depuis la révocation de l'édit de Nantes jusqu'au traité d'Utrecht (171 3), qui les céda à la France en échange de la vallée de Barcelonnette.

Le premier effet de l'édit de révocation fut de les dépeu- pler en partie. De la seule vallée de Pragela 600 réformés émigrèrent à la fin de i685, 600 autres au printemps de 1686, et 800 encore en août 1687 2. Ceux qui restèrent dans le pays allaient aux exercices religieux de leurs frères des vallées du Piémont, notamment à Pomaret et à Massel, dans la vallée de Saint-Martin. Cela les obligeait à des courses considérables, qui leur prenaient du samedi au lundi; mais leur zèle était bien au-dessus de ces sacrifices.

Louis XIV, irrité de ces courses, écrivit le 7 décembre i685 à son ambassadeur près le duc de Savoie : « C'est la présence des Vaudois de Piémont sur les frontières de mes états qui motive la désertion de mes sujets, et vous devez

(1) Mns. Court, N.° 17, B. ; Charronnet, p. 492.

(2) « Le roi vient d'être informé de la désertion presque universelle des nouveaux convertis de la vallée de Pragela. » (Lettre du contrôleur général des finances à l'intendant Bouchu du 17 sept. 1687, dans la Correspon- dance des contrôleurs généraux, t. 1, p. 81, N.° 3 12.) Il en revint une partie l'année suivante. (Lettre de Bouchu du 9 mai 1688, dans la même Correspondance , t. 1, p. 149, N.° 570.)

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représenter à leur prince que je suis décidé à ne plus le i685-i7i3. souffrir. » Le duc de Savoie comprit et expulsa en masse ses sujets vaudois pour complaire au roi de France.

Les biens des Vaudois fugitifs de la vallée de Pragela furent adjugés par un arrêt du 24 novembre 1687 aux dames religieuses de Sainte-Marie de Pignerol, à l'hôpital de Saint-Jacques, au chapitre des églises de Saint- Donat et Saint-Maurice, à rétablissement de divers vicaires destinés à l'instruction des nouveaux convertis, au collège des Jésuites de Pignerol. On créa aussi de nouvelles cures en Pragela et on y bâtit de nouvelles églises. On tenait tant, du reste, à la conversion de ses habitants qu'en 1687 on leur envoya jus- qu'à cinq docteurs de Sorbonne. Les choses en restèrent jusqu'en l'année 1692, alors que le duc de Savoie Victor- Amédée envahit le Dauphiné. A la suite d'une incursion , ses troupes incendièrent la vallée de Pragela jusqu'à Fénes- trelles (2 5 juillet i5o,3). Les habitants en masse se réfugiè- rent en Savoie, dans le Briançonnais et dans les vallées vaudoises piémontaises de Luzerne et de Saint-Martin. Les réfugiés de ces dernières vallées purent y pratiquer librement leur culte. Ainsi l'avait ordonné le duc de Savoie, pour se ménager l'appui des protestants de ses états et du Dauphiné.

Mais, par le traité de Turin (18 août 1696), qui détacha le duc de Savoie de la ligue armée contre Louis XIV, ce dernier exigea que Victor-Amédée cessât de donner asile et protection aux Vaudois du Dauphiné. Ceux de Pragela qui s'étaient réfugiés dans les états du duc furent donc obligés de les quitter, mais, plutôt que de rentrer dans leur pays, ils préférèrent s'expatrier et s'établirent en Suisse. L'émigration fut si considérable que sur 62 familles de Bourcet il n'en resta que 7 ou 8.

Louis XIV n'en continua pas moins à travailler à la con- version des Vaudois qui étaient demeurés dans leur pays. En 1698 il fit bâtir deux églises et assura le traitement de

104 i685-i7i3. huit curés. On s'occupa également de réparer les anciens presbytères et d'en construire de nouveaux. En 1703 l'ar- chevêque de Turin, auquel ressortissaient spirituellement les églises de Pragela, visita cette vallée, ainsi que celle de la haute Doire, qui appartenait également à la France, trouva encore beaucoup de protestants et constata de nombreuses conversions, vraies ou simulées. Les protestants continu- èrent àémigrer, et ceux qui demeurèrent dans le pays étaient obligés d'envoyer leurs enfants aux écoles catholiques , car on les menaçait sans cesse de les leur enlever.

Cette même année la guerre éclata de nouveau entre le Piémont et la France. Victor-Amédée II adressa aux Vau- dois de ses états une proclamation qui les invitait à prendre les armes contre Louis XIV et engageait les Vaudois fran- çais de Pragela et de la vallée de la Doire à faire de même. Il promit en même temps à l'Angleterre, son alliée, par le traité secret du 4 août 1704, de faire en sorte « que tous ceux de la religion protestante qui avaient émigré des vallées de Pragela puissent y rentrer réhabilités et jouir des biens qu'ils y acquerraient désormais, avec le libre exercice de la religion, ainsi qu'ils l'exerçaient à leur sortie ». Les Vaudois répondirent à l'appel du duc de Savoie et conquirent la vallée de Pragela sur la France. Ils relevèrent leurs autels et rétablirent leur culte. A partir de cette époque (1703) Pragela cessa de fait d'appartenir à la France et fut défini- tivement cédé en 1713 aux ducs de Savoie par le traité d'Utrecht, en échange de la vallée de Barcelonnette. Nous n'avons pas à suivre les destinées des Vaudois de Pragela depuis ce moment, puisque leur territoire ne fit plus partie de la France. Disons seulement que les ducs de Savoie ne tinrent pas la promesse qu'ils avaient faite à l'Angleterre, et qu'à la suite de persécutions de toutes sortes et de nom-

io5 breuses émigrations le protestantisme disparut presque 1712-1713. entièrement de la vallée de Pragela vers 17301.

Réputation de Roger auprès de MM. de Berne, à l'occasion des conférences du traité d'Utrecht. La cour stimule le ^èle des évêques et rappelle ses anciennes ordonnances. Tolérance de quelques com- munautés catholiques.

La longue guerre de la succession d'Espagne touchait à sa fin et les ouvertures des conférences pour la paix générale commençaient à Utrecht le 29 janvier 1712. Les protestants notables du Dauphiné, notamment M. de Génac de Beau- lieu, gentilhomme de Crest, voulurent en profiter pour faire plaider leur cause devant les puissances et chargèrent Roger de se rendre en Suisse pour prier les seigneurs de Berne de demander au roi de Suède de leur faire obtenir une liberté pleine et entière de conscience et de culte. Arrivé à Genève, le professeur Bénédict Pictet engagea Roger à ne pas continuer sa route et à retourner en France. Néan- moins il alla jusqu'à Berne. Le consistoire de l'église fran- çaise de cette ville le recommanda aux seigneurs de Berne , qui le reçurent avec bonté et lui apprirent qu'ils s'occupaient précisément à cette heure d'écrire aux divers consistoires d'Allemagne, pour les prier de défendre les intérêts des protestants de France auprès de leurs souverains respectifs-, et comme la commission de Roger n'avait pas été signée des

(1) Pour plus de détails, voyez Muston, L'Israël des Alpes, t. m, p. 467-561.

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1 712- 1 7 15. gentilshommes et autres notables qui l'avaient député en Suisse, le consistoire de Berne lui représenta la nécessité d'obtenir une commission en règle. Il en écrivit à ces der- niers , qui se hâtèrent de rédiger, à l'adresse du consistoire français de Berne, un mémoire étendu, ils faisaient le dénombrement exact des protestants du Dauphiné et du Languedoc, d'où Ton pouvait inférer, en tenant compte de la population approximative des autres provinces, que la France renfermait à cette heure près d'un million de protes- tants. Ils demandaient aussi que, dans l'intérêt de la religion, un ministre étranger envoyât tous les mois une lettre pasto- rale aux protestants de France, comme l'avait fait précé- demment Jurieu, et ils chargeaient Roger de lui servir d'intermédiaire. Jacques Basnage , pasteur à La Haye, accepta cette mission, et le jeune prédicateur dauphinois créa aussitôt un commerce de lettres entre les protestants de France et ceux du dehors, et noua même des relations avec la société anglaise de la Propagation de la foi dans les Indes. Pour faciliter sa tâche, les notables protestants du Dauphiné le recommandèrent chaudement aux seigneurs de Berne et rédigèrent même, pour le ministre d'État de ce canton , un placet spécial , qui ne lui fut cependant pas remis , des personnes pieuses de Berne , mais trop circons- pectes, ne l'ayant pas conseillé. La correspondance de Roger éclaira les étrangers sur le nombre et la qualité des protestants de France, et prouva à l'Europe que ceux-ci étaient bien loin d'avoir tous embrassé le catholicisme, comme Louis XIV avait voulu le leur faire accroire I.

(i) Les démarches des puissances protestantes auprès de Louis XIV n'aboutirent point. S'il faut même en croire les auteurs catholiques, ce monarque préféra accepter de dures conditions de paix plutôt que de per- mettre aux protestants le libre exercice de leur culte. On lit dans une lettre des fidèles de Crest du 20 juin 171 3 : « Nous avons vu tout fraîchement

107

Les préoccupations de la cour à la veille des conférences 17 12- 171 5. d'Utrecht ne la détournaient pas de son ardeur mission- naire. Ayant appris que plusieurs évêques négligeaient l'ins- truction religieuse des enfants des nouveaux convertis, le chancelier Voisin leur écrivit pour stimuler leur zèle. L'é- vêque de Gap était, paraît- il, fort tiède-, il reçut la lettre suivante : « Marly, le 3i janvier 17 12. Monsieur, le roi a appris avec peine que l'exécution de ses ordonnances touchant les religionnaires est fort négligée depuis quelque temps dans plusieurs diocèses du royaume, surtout pour ce qui concerne l'éducation et l'instruction des enfants. Sa Majesté m'a ordonné de vous en écrire, en vous marquant qu'elle attend de votre piété que vous aurez plus d'attention que jamais à remplir à cet égard tous les devoirs de votre ministère dans votre diocèse-, d'autant plus que vous devez savoir quel a été toujours son zèle pour tout ce qui a rapport à la religion. Je vous prie de vouloir bien m'informer de tout ce que vous ferez en conséquence, et de me croire tou- jours, Monsieur, etc. Voisin. »

La proximité de la Suisse ayant porté quelques religion- naires à envoyer leurs enfants à Genève, pour y recevoir une éducation protestante, l'intendant du Dauphiné Bavyn ordonna aux parents de faire revenir sans délai leurs enfants et de les envoyer « aux offices divins, aux écoles et aux catéchismes catholiques », et aux instituteurs de tenir la main à l'exécution de cette ordonnance, « à peine de la pri- vation de leurs gages » (171 3) x.

l'extrait imprimé d'un sermon fait par un Cordelier, nommé Poisson , dans lequel ce moine, avec une éloquence de déclamateur, élève la piété du roi jusqu'aux nues d'avoir consenti à de dures privations, dit-il, dans le traité de paix plutôt que de laisser réouvrir les temples de l'hérésie dans son État. » (Mns. Court, N.° 17, H.) (1) Charronnet, p. 449-451.

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1712-1715. Le roi, d'autre part, délivré des soins de la longue guerre de la succession d'Espagne, qui avait ébranlé la monarchie, n'entendait point que les religionnaires crussent que ses ordonnances étaient tombées en désuétude. L'une d'elles prescrivait aux nouveaux convertis d'avertir les curés quand l'un de leurs parents tombait dangereusement malade. Dans le diocèse de Gap plusieurs protestants , au mépris de cette défense, laissèrent mourir leurs parents en paix et les ense- velirent clandestinement. L'évêque de Gap en avertit le chan- celier Voisin, qui lui répondit : « A Versailles, le 25 octobre 171 3. Monsieur, je vois par la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le 6 de ce mois que les nouveaux convertis de votre diocèse croient que le roi s'est relâché par la paix à leur laisser plus de liberté sur l'exercice de leur ancienne religion. Il est bon de les détromper, et Sa Majesté veut que l'on tienne plus exactement que jamais la main à l'exécution de tous les ordres qu'elle a ci-devant donnés au sujet de ces nouveaux convertis et des religionnaires. Elle aurait fait punir fort sévèrement les habitants des villages de Serres et d'Orpierre, qui ont enterré deux morts dans leurs anciens cimetières, si elle n'avait appris en même temps que, sur vos premières remontrances , ils sont rentrés dans le devoir avec soumission et docilité. Le roi veut bien en cette consi- dération leur pardonner et oublier ce qu'ils ont fait... r. »

Les populations catholiques , quand elles ne subissaient aucune influence étrangère, étaient loin de partager tou- jours l'intolérance du roi et de ses ministres. Ainsi, en dépit des ordonnances qui défendaient aux localités de nommer des consuls protestants , plusieurs de celles-ci s'obstinaient à le faire. Un des curés du bourg de Serres, cette cou- tume s'était maintenue, malgré les ordres de l'intendant

(1) Charronnet, p. 5o2-5o3.

109 Lebret, remontant au 16 janvier 1686, « finit, dit Char- 17.1-2.-17.15. ronnet l, par se plaindre vivement de cette désobéissance aux ordres du roi, et, le 21 décembre 17 14, M. Tournu , subdélégué de l'intendant de la province, s'adressa directe- ment au sieur Girard, curé, pour lui demander si les nou- veaux convertis pourvus de quelque charge soit par Sa Majesté , soit par les seigneurs, soit autrement , s'acquittaient de leurs devoirs religieux. Muni de cette pièce, Girard parut le icr janvier 171 5 au conseil général, au moment Ton allait procéder aux élections consulaires. Il montre la lettre qu'il a reçue et déclare que, suivant les intentions de Sa Majesté, qui ne veut pas souffrir dans les charges et emplois des nouveaux convertis ne faisant pas leur devoir, il pré- vient que, dans le cas l'assemblée, suivant sa coutume, nommerait consul un nouveau converti, il en donnerait avis à qui de droit, en certifiant des mœurs et de la catholicité de celui qui serait pourvu. Les nouveaux convertis deman- dent alors qu'on ajourne l'élection à un mois , pour qu'ils aient le temps de connaître les intentions de l'intendant ». Informé de tout, celui-ci se plaignit à l'évêque de Gap, le 7 janvier 171 5, de la « comparution indiscrète » du curé de Serres et le pria de représenter à cet ecclésiastique « l'irré- gularité » qu'il avait commise. Il ordonna en même temps à l'assemblée générale de Serres d'élire deux consuls « à la pluralité du suffrage des habitants, sans aucune différence des anciens catholiques et des nouveaux convertis ».

« Ce qui avait lieu à Serres, dit encore Charronnet, au sujet des élections, se reproduisait en partie à Veynes. Le 24 janvier 1707, disent les registres des délibérations de cette importante communauté, certains habitants se plai- gnirent que, contrairement aux édits et déclarations du roi,

(1) Charronnet, p. 481-483.

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1712-1715. dans toutes les assemblées qui se convoquaient à la maison commune du bourg de Veynes, il ne fût jamais nommé aucun ancien catholique soit pour les impositions des tailles et capitation que pour autres impôts, sauf quelques habi- tants forains, qui étaient bien anciens catholiques, mais illettrés. Les officiers de la communauté, ajoutaient-ils, étaient tous nouveaux convertis, à l'exception du premier consul ; cependant la population de Veynes était composée pour plus de moitié d'anciens catholiques, et, sans aucune hésitation , quand il s'agissait de nommer les officiers pour les impositions, les anciens catholiques étaient exclus, ce qui était contraire aux intentions de Sa Majesté. En consé- quence de ces faits, lesdits habitants menaçaient de se pour- voir devant qui de droit. » C'est ainsi que le suffrage popu- laire, en confiant les fonctions municipales à des protestants, malgré les ordres formels du roi et de ses intendants, don- nait à ces derniers une leçon de tolérance, en même temps qu'il rendait hommage à l'intelligence et à l'intégrité de ces hommes frappés du plus dur ostracisme l.

T^oger, dissuadé de revenir en Dauphiné ' , étudie la théologie à Berne, se fait recevoir ministre en Wurtemberg et rentre en France à la mort de Louis XIV. Aventure d'Antoine Court.

Au printemps de 1 7 1 3 et sa commission en Suisse rem- plie, Roger voulut reprendre ses travaux dans le Dauphiné; mais les pasteurs Hollard et de Saussure, de Berne, qui

(1) Mns. Court, N.° 17, B.

III

s'étaient fort attachés à sa personne, désirèrent savoir au- 1712-1715. paravant si son retour n'offrait aucun danger. Ils écrivirent en France , et on leur répondit de conseiller à leur protégé de retarder quelque temps encore son départ. Il partit alors comme aumônier des réfugiés français dans le corps expé- ditionnaire que le canton de Berne envoya à cette époque au secours des protestants du comté de Tockenbourg, qui s'étaient soulevés contre l'abbé de Saint-Gall , leur seigneur territorial et leur oppresseur. Au retour de la campagne, qui fut victorieuse, et comme il avait été pour beaucoup dans l'enrôlement des réfugiés français, les seigneurs de Berne lui témoignèrent une grande bienveillance et lui firent quelques présents. Ils auraient même pourvu à son entretien comme élève en théologie, s'ils n'avaient craint de s'attirer des difficultés de la part de la France, en conférant l'ordi- nation à un ministre destiné à y prêcher. Roger, du reste , ne connaissait pas les langues originales et n'aurait pu pro- fiter complètement des cours des professeurs. Il n'en resta pas moins dix-huit mois à Berne, gagnant sa vie à faire des bas au métier et consacrant, en son particulier, la majeure partie de son temps à l'étude de la théologie.

Sur ces entrefaites arrivèrent de France des lettres qui l'engageaient à retarder encore son départ. Il se décida alors à aller dans le Wurtemberg , se trouvait son compatriote Jean Villeveyre , de Fontanieu , qui devint son ami et plus tard son collaborateur. Y ayant subi des examens et rendu une proposition devant le synode des églises françaises du duché réuni à Wircken, il obtint de ce vénérable corps l'autorisation de prêcher dans les églises françaises du pays. Mais, comme il ne connaissait pas les langues originales, ainsi qu'il a été dit, et que ses certificats portaient qu'il était ouvrier en bas, on trouva fort mauvais en haut lieu que le synode lui eût accordé cette autorisation , et un arrêt lui interdit de monter dans les chaires du Wurtemberg.

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1712-1715. Appuyé par les pasteurs français, Roger en appela à la cour suprême de justice, qui lui permit de proposer dans toutes les paroisses du Wurtemberg, sauf dans celle de Stuttgard, la ville ducale. Il se mit aussitôt à l'œuvre et prêcha presque tous les dimanches pendant dix à douze mois. Au bout de ce temps, il reçut une vocation de l'église française de Mariendorf, dans la principauté de Hesse-Cassel, et, avant de quitter le Wurtemberg, il se fit consacrer au saint ministère par les pasteurs français Arnaud père et fils , Giraud et Ollivier, réunis en colloque à Thiernheim.

Au moment de partir pour son poste, il apprit la mort de Louis XIV (ier septembre 171 5), et résolut de rentrer en France. Le landgrave de Hesse-Cassel, Charles Ier, qui avait approuvé sa nomination à Mariendorf, bien loin d'être irrité de son changement de détermination , l'en estima davantage et ne fit aucune opposition, à son départ. Roger écrivit de son côté à l'église de Mariendorf « qu'elle ne devait pas trouver mauvais qu'il préférât venir prêcher sous la croix à la vocation qu'elle lui avait adressée-, qu'elle ne serait pas longtemps sans pasteur ; au lieu qu'il n'y avait point d'espérance qu'il s'en trouvât quelqu'un qui voulût aller dans des églises persécutées, et qu'il la priait de vou- loir bien lui pardonner ». Roger, ayant pris congé de ses collègues, quitta le Wurtemberg et vint en Dauphiné. Il y arriva à la fin de l'année 171 5 x.

Une année auparavant, le jeune Antoine Court, de Ville- neuve-de-Berg en Vivarais, qui est devenu si célèbre par la suite, visita une partie du Dauphiné, en compagnie du prédicant Pierre Chabrières, du Vivarais, dit Brunel. « Il le parcourut, dit Edmond Hugues 2, le sac sur le dos, tou-

(1) Mns. Court, N.° 17, B.

(2) Antoine Court, t. 1, p. 14.

u3 jours sous le coup d'une surprise, évitant les soldats, les nï2-n^- espions et les bourgeois, malgré tout, plein d'ardeur, de courage et de zèle. » Il eut un jour une vive alerte. S'étant arrêté dans un village pour copier le catéchisme de Dre- lincourt, « il vit tout à coup, raconte le même auteur x, entrer dans la maison il travaillait un grand personnage chamarré d'argent, l'épée au côté et le fusil sur l'épaule. Le personnage ouvrit le livre avec autorité , parut mécon- tent. Deux autres gentilshommes arrivèrent bientôt. Court s'effraya. Il pensa que c'étaient des officiers venus pour l'arrêter, et, se rapprochant peu à peu de la porte, il allait s'enfuir, lorsqu'il vit le canon du fusil braqué sur lui. Il s'arrêta. Le mystérieux personnage, s'approchant alors avec ses deux amis : « N'ayez point de peur, lui dit-il, nous ne sommes point ici pour vous faire du mal. Nous savons qui vous êtes, et nous avons trouvé le maître du logis, qui allait sans doute donner avis de quelque assemblée que vous devez convoquer chez les protestants d'un tel lieu. Mais vous ne faites pas sagement de vous tenir dans cette maison , qui est suspecte... Croyez-nous, ne faites pas ici un plus long séjour. » Et il partit. L'auteur de cette terrible plaisanterie était un M. de Montrond, qui revenait de la chasse avec deux jeunes gens de ses amis. Il appartenait à la religion réformée et il lui avait paru curieux de mettre à l'épreuve le courage d'un prédicant. »

Quelques mois avant la mort de Louis XIV, survenue le ier septembre 17 1 5 , le Jésuite Le Tellier lui avait arraché la déclaration du 8 mars iji5, dont le seul titre faisait frissonner le baron de Breteuil : « Loi qui ordonne que ceux qui auront déclaré qu'ils veulent persister et mourir dans la religion prétendue réformée, soit qu'ils aient fait abjuration

(1) Antoine Court, t. n, p. 4, 5.

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171:5-1716. ou non, soient réputés relaps. » Le roi posait comme un fait que tous les protestants étaient devenus catholiques, afin de pouvoir leur appliquer les effroyables peines pro- noncées contre les relaps s'ils refusaient de donner des preuves de leur catholicisme. Le parlement de Paris fit bien observer qu\m homme qui ne paraissait point s'être jamais converti au catholicisme ne pouvait être retombé dans l'hérésie et encourir une condamnation, comme s'il avait réellement abjuré la religion réformée, il n'en fut pas moins obligé d'enregistrer l'arrêt.

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III. - RETOUR AUX ERREMENTS DE LOUIS XIV SOUS LES DUCS D'ORLÉANS ET DE BOURBON.

iyi6 1725

Serment de fidélité des protestants dau- phinois au régent. Voyage de Roger dans le Languedoc. Son entrevue avec Court.

Le duc d'Orléans, qui succéda comme régent à Louis XIV !7l6- (171 5), n'avait aucune conviction religieuse et était disposé par nature à la tolérance. Il manifesta toutefois son intention de maintenir les édits contre les religionnaires, mais en ajoutant qu'il espérait trouver dans leur bonne conduite l'occasion d'user envers eux de ménagements conformes à sa clémence. Ces paroles ravivèrent leurs espérances, et les religionnaires du Dauphiné en particulier s'empressèrent de lui adresser un serment d'obéissance. « Monseigneur, lui disaient-ils *, quatre ou cinq personnes 2 du nombre des religionnaires du Dauphiné osent prendre la liberté d'écrire à Votre Altesse royale, sans oser cependant signer leur lettre, pour l'assurer premièrement de leur soumission pro- fonde et leur fidélité inviolable, et lui donner avis en même temps que quelques-uns des leurs, qui habitent dans des

(1) Edmond Hugues, Antoine Court, t. i, p. i3o.

(2) Au nombre de ces « quatre ou cinq personnes » devaient se trouver Roger et les prédicants Meure et Martel, nommés plus haut.

u6 1 716. hameaux et villages de la campagne, se sont émancipés depuis quelques semaines de faire des assemblées dans la seule vue toutefois de prier Dieu et de se consoler ensemble, sans le moindre port d'armes, quelque ce puisse être, en secret, autant qu'il leur a été possible et sans aucun tumulte, désordre ni sédition. Dès que nous avons été in- formés de la chose, nous pouvons, Monseigneur, assurer Votre Altesse royale, avec la dernière sincérité, que nous n'avons rien négligé de ce qui peut être en notre pouvoir pour l'empêcher et pour réprimer ce zèle hors de saison. Comme la prudence ne nous a pas permis de nous trans- porter dans les endroits ces assemblées peuvent se for- mer, de peur que quelques catholiques, d'un zèle outré et trop ardent, n'eussent pu imputer nos démarches à un motif directement opposé à celui qui nous les aurait fait entre- prendre, nous n'avons cessé d'être aux aguets les jours de^ marché pour avertir les paysans de notre connaissance d'être sages, de demeurer tranquilles, de discontinuer ces sortes d'assemblées et de se contenter de prier Dieu chacun chez soi et dans sa famille. Nous leur avons recommandé forte- ment de donner le même avis, de main en main, à tous leurs voisins , en un mot d'être fidèles au roi et de ne rien faire contre les lois d'un gouvernement aussi équitable que celui de Votre Altesse royale, sous lequel nous avons tous le bonheur de vivre. » (Avril 17 16.)

Les bonnes dispositions du régent furent paralysées par son entourage, et deux documents de cette même année (1716) établissent qu'il s'apprêtait à reprendre les errements du feu roi et à faire exécuter ses édits.

Le premier est relatif à l'instruction des enfants réformés. C'est une lettre adressée par les membres du conseil de conscience, siégeant à Paris, à l'évêque de Gap. Voici sa teneur : « A Paris, le 29 août 17 16. Monsieur le régent, persuadé, Monsieur, que l'instruction des enfants et parti-

ii7 culièrement des nouveaux réunis est le moyen le plus sûr et 1716. le plus efficace pour leur inspirer les principes de la religion catholique et pour déraciner dans leur cœur les semences d'erreur que des parents prévenus auraient pu y répandre, a résolu de soutenir et de perfectionner autant qu'il sera possible les établissements d'écoles catholiques que la piété du feu roi avait commencés. Son Altesse royale, convaincue de votre zèle pour concourir à raffermissement d'une œuvre si importante, désire avoir un état de tous les lieux de votre diocèse il y a déjà des maîtres et des maîtresses d'école, de ceux il serait à propos d'en établir de nouveaux et de la dépense qu'il faudrait faire pour engager les maîtres à s'acquitter exactement de leurs devoirs, etc. Le cardinal de Noailles, archevêque de Bordeaux. »

L'évêque de Gap, qui s'était signalé par son zèle pour la conversion des protestants, reçut bientôt après (7 sept. 17 16) une lettre de félicitations du régent lui-même. Ce prince lui annonçait que pour le moment il n'avait aucun ordre parti- culier à lui donner touchant les religionnaires, parce qu'il allait publier incessamment un édit qui réglerait d'une ma- nière générale tout ce qui avait trait à la matière. Cet édit ne paraît pas avoir vu le jour.

' Le second document qui fait connaître les pensées du régent, est une lettre de la même époque, adressée par Médavy, commandant des troupes royales en Dauphiné, au même évêque de Gap. « L'intention de Son Altesse royale, Monseigneur, étant que les religionnaires, de quelque qualité et condition qu'ils puissent être, fassent leur abjuration solennelle avant de pouvoir se rétablir en France, de quel- que manière que ce soit, et qu'après leur abjuration on les reçoive à redemander les biens sur lesquels ils ont des droits par des voies que les édits et les ordonnances ont établies à cet égard, je vous supplie, Monseigneur, de donner ordre à Messieurs les curés de votre diocèse de vous envoyer un état

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i7i6. exact de ceux qui sont revenus dans leurs paroisses, qui n1ont pas fait abjuration, et de vouloir bien m'en informer, afin qu'en y envoyant des troupes je puisse la leur faire faire ou les faire sortir de la province. J'ai l'honneur d'être, etc. Le commandant de Médavy. » Cette lettre prouve que plusieurs réfugiés, s'abandonnant à l'espoir, depuis la mort de Louis XIV, de pouvoir vivre libres dans leur patrie, y étaient revenus. Leur espoir, on le voit, dut être de courte durée *.

La première visite de Roger, à son retour dans la pro- vince, à la fin de 171 5, fut pour les notables protestants qui l'avaient député en Suisse. Il leur donna à entendre que ses désirs et ses soins n'avaient pas été encouragés par leur attitude et que, si cela n'eût dépendu que d'eux, il ne serait pas encore rentré en France, puisqu'ils l'en avaient tou- jours dissuadé. Ils répondirent qu'ils avaient agi ainsi pour ne pas l'exposer au danger. Sans s'arrêter à d'autres expli- cations, Roger se mit à visiter, pendant le reste de l'hiver, les troupeaux qu'il avait évangélisés quelques années aupa- ravant. Tous le reçurent avec une vive satisfaction, et il les combla de joie en leur apprenant qu'il avait été reçu ministre. C'était, en effet, le premier pasteur qu'ils avaient le bonheur de posséder depuis la révocation de l'édit de Nantes, c'est- à-dire depuis 3o ans !

Au printemps il résolut de faire une visite à son pays natal, qu'il n'avait pas revu depuis son jeune âge, et pria le prédicant Pierre Chabrières, dit Brunel, du Vivarais, de l'accompagner. Arrivé à Saint- Pons, près Villeneuve-de- Berg, il fut reconnu par une ancienne illuminée, qui se hâta de dénoncer sa présence au curé du lieu. Se doutant d'une trahison , il se sauva sur-le-champ avec son compagnon de

(1) Charronnet, p. 45i, 5o5, 5o6.

iig voyage et avait à peine quitté le village que la maison qui 1716. les avait recueillis était cernée par 40 hommes armés de fusils. Il traversa Villeneuve-de-Berg sans encombre et ne dut qu'à son sang-froid de ne pas être arrêté à Lagorce et à Vallon, qui étaient remplis de soldats. A Lussan il courut un risque semblable, car il se trouva face à face, dans l'hô- tellerie où il était logé, avec rofficier qui allait se mettre à la tête des troupes de Vallon, destinées, au dire de ce dernier , à arrêter sept ou huit prédicants qui étaient montés du Languedoc en Vivarais et devaient sans doute bientôt en redescendre. De Lussan il se rendit à Uzès, puis à Nîmes, il vit pour la première fois Antoine Court, au sujet duquel il conçut les plus vives espérances. Il est vrai- semblable que Court éprouva la même impression en voyant son collègue plus âgé du Dauphiné. On n'a, du reste, que peu de détails sur l'entrevue de ces deux hommes, remar- quables à tant de titres, qui devaient jouer un rôle si impor- tant dans l'œuvre de la restauration du protestantisme en France. Ils ne s'étaient jamais vus-, peut-être même Court, dit Edmond Hugues x, « ne connaissait-il pas de nom son intrépide interlocuteur. Ils eurent toutefois plusieurs confé- rences. Le jeune prédicant, avec abandon, avec chaleur, raconta ce qu'il avait fait et ce qu'il espérait faire. Il montra- la nécessité de réveiller les protestants et de les discipliner ; il parla du synode qu'il avait convoqué récemment, des règlements qu'il avait proposés et qu'on avait admis, et il supplia Roger de suivre les mêmes règles de conduite en Dauphiné. Roger depuis longtemps était convaincu. A son tour il communiqua ses pensées, fit part de son programme, raconta sa vie... Mais il fallut s'arracher aux douceurs de

(1) Antoine Court, t. 1 , p. 3g.

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7i6. cette amitié naissante. L'église réclamait les soins des deux apôtres ».

Roger ne prêcha que deux fois en Languedoc, car, l'ayant quitté depuis vingt ans, il n'y connaissait presque plus per- sonne. Il était du reste peu utile dans le pays, attendu que les prédicants Pierre Carrière, dit Corteiz, Montbounoux (ou Bonbounoux), l'ancien Camisard, et Jean Rouvière, dit Crotte, les deux premiers du Languedoc et le dernier du Vivarais, devaient s'y établir un peu plus tard pour tra- vailler avec Court. Il avait promis de plus d'assister à un synode qui devait avoir lieu dans sa province à la fin de l'été. Il prit donc congé de sa famille et, accompagné de nouveau de Brunel, il se remit en route, tenant le grand chemin pour plus de sûreté et marchant à la suite des kvoituriers. Au Pouzin il courut un grand péril, car il passa une demi- heure au moins avec les gardiens du bac du Rhône , à qui onavait remis son signalement avec ordre de l'arrêter, parce qu'il'avait présidé une assemblée' dans les environs en se rendant en Languedoc *.

Tremier synode provincial du désert en Dauphiné. Dangers courus par Roger et ses collaborateurs. Traîtres. Courses de soldats. Emprisonnements . Instruction pas- torale de Vévêque de Valence. Dénoncia- tions de celui de Gap.

Peu après le retour de Roger dans le Dauphiné, Corteiz y arriva aussi, revenant de visiter sa femme, qui était en

(i) Mns. Court, N.° 17, B.

121

Suisse, et accompagné de Montbounoux, qui avait fait 1716. également le voyage de Suisse. Le premier raconte ainsi son entrevue avec Roger : « Nous fîmes avantageusement rencontre de Monsieur Roger, qui était nouvellement de retour en Dauphiné. Nous lui proposâmes la nécessité d'un ordre dans nos églises opprimées; nous lui montrâmes quel- ques articles de règlements que nous avions déjà dressés en Languedoc *. M. Jacques Roger approuva fort ce procédé et dit que, avant de se séparer, il fallait ajouter quelques articles aux règlements de la discipline selon l'occurrence du temps aux règlements précédents; ce que nous fîmes heureusement le 22e d'août de l'année 17 16 2... Après avoir embrassé M. Roger, nous nous rendîmes en Languedoc et nous montrâmes à Messieurs nos collègues et aux anciens , dans un synode qui se tint, les articles dressés en Dau- phiné furent reçus 3. »

Ce synode provincial du Dauphiné, le premier tenu dans la province depuis la révocation de l'édit de Nantes, se ré- unit le 20 août et se termina le 22. Il était composé d'un seul pasteur, Roger; de six prédicateurs : Corteiz et Mont- bounoux, du Languedoc, Brunel et Rouvière, du Vivarais, Bouteau, du Dauphiné, et d'un autre4, et d'un certain nombre d'anciens. Il arrêta les i3 articles suivants :

(1) Au premier synode provincial du de'sert de cette province, tenu le 21 août 1715. Ces règlements ne sont pas parvenus jusqu'à nous.

(2) La France protestante (art. Court) et Combet (Additions à l'histoire de Mè\eray, t. m, p. 73c) se trompent donc quand ils disent qu'Antoine Court convoqua le synode du Dauphiné. Ils paraissent du reste l'un et l'autre confondre ledit synode avec celui qui se tint en Languedoc le 2 mars 1717, et auquel fait plus bas allusion Corteiz dans le fragment de ses mé- moires que nous citons.

(3) Edmond Hugues, Antoine Court, t. 1, p. 453.

(4) Vraisemblablement Meffre. Martel était pour lors en Suisse.

122

i7l6- I. On lira, à l'exemple de l'église réformée de Genève, les commandements de Dieu avant la prédication ;

II. On fera réciter le catéchisme après la prédication, en expliquant ce qui peut s'y trouver de moins clair -,

III. Les pères de famille seront exhortés à faire trois fois par jour la prière en commun avec leurs enfants et leurs domestiques , et à la faire réciter tour à tour par les per- sonnes de la maison , afin de les porter à ce saint exercice avec plus de diligence -,

IV. On doit destiner au moins deux heures à la dévotion du dimanche, à laquelle tous ceux de la maison doivent se rendre •,

V. On doit reprendre en public, après la première, la deuxième et la troisième admonition, tous ceux qui com- mettent des crimes noirs et scandaleux -,

VI. On ne doit pas appeler les fidèles d'un mandement dans les assemblées qui sont convoquées dans un autre mandement -,

VII. On doit écouter la Parole de Dieu comme la seule règle de notre foi et en même temps refuser toute prétendue révélation dans laquelle nous n'avons rien qui puisse sou- tenir notre foi; et, à cause des grands scandales qui sont arrivés de notre temps, les pasteurs sont obligés d'y veiller avec soin -,

VIII. Les pasteurs, ayant l'approbation des anciens, doivent faire toutes les fonctions de leur charge, prêcher, administrer les sacrements et bénir les mariages -,

IX. On doit veiller sur la conduite des pasteurs, et, s'ils commettent quelque crime qui soit en scandale à leurs frères ou à l'église, ils doivent être démis de leur charge pour quelque temps, à moins que celui qui serait tombé dans quelque faute n'en témoignât un repentir sincère •,

X. Les pasteurs, étant arrivés à un lieu, doivent s'in- former des vices les plus communs et les plus éminents pour

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y apporter toutes sortes de remèdes, afin d'en interrompre 1717. le cours -,

XL Les pasteurs doivent se rassembler de six mois en six mois, pour voir si tous ont soin de visiter les malades, d'ordonner les collectes pour les secourir, en un mot s'ils ont rempli le devoir de leur charge sans reproche •,

XII. S'il arrive quelque cas qui demande une assemblée avant les six mois pour décider quelque chose, comme pour appliquer quelque censure à quelque pasteur ou à quelque troupeau, ou pour quelque autre cas survenu, trois pasteurs avec quelques anciens se pourront assembler en quelque colloque pour cela -,

XIII. Enfin, les anciens exhorteront les fidèles d'avoir soin de tous les pasteurs que la divine Providence leur en- verra, tant pour leur sûreté que pour leur entretien *.

Ces articles furent communiqués aux églises du Vivarais. Celles du Languedoc en eurent également connaissance par l'intermédiaire de Corteiz, comme on l'a vu plus haut, et y ajoutèrent six nouveaux articles dans leur synode provincial du 2 mars 1717.

Un traître, qui avait participé à la sainte cène célébrée avant le synode du Dauphiné, invita Roger, Corteiz et ses collègues à dîner dans sa maison pour les livrer à l'autorité, « mais ces Messieurs, dit la relation contemporaine, que nous suivons pas à pas 2, n'étant pas attachés à la bonne chère, ne voulurent pas aller chez lui et ils échappèrent à ses embûches ».

Roger alla ensuite, en compagnie de Rouvière, présider

(1) Ch. Coquerel, Hist. des églises du désert, t. i, p. 32-36. Les canons du synode du Dauphiné sont les plus anciens documents synodaux de l'époque du désert que l'on connaisse. C'est à ce titre que nous les avons reproduits en entier.

(2) Mns. Court, N.° 17, B.

124 i7i7- une assemblée à Sainte-Croix, du côté de Die. Le prieur du lieu, en ayant eu avis, s'y transporta avec dix ou douze catholiques en armes. Arrivé en vue de rassemblée, il aperçut Roger qui prêchait sous un arbre , et, désireux de l'entendre quelques instants, empêcha un de ses valets de lui tirer un coup de fusil -, mais il fit arrêter quelques assistants. On en informa aussitôt Roger, qui, décidant qu'on ne devait pas les laisser emmener, ordonna sur-le-champ aux hommes les plus forts de le suivre et aux autres de garder les femmes. Effrayés de cette résolution , le prieur et ses acolytes s'en- fuirent à toutes jambes dans leurs maisons et en fermèrent soigneusement les portes, ce qui permit à l'assemblée de se séparer sans trouble.

Roger et Rouvière allèrent ensuite dans le Trièves, ils ne purent s'arrêter longtemps , car Meffre par un zèle indiscret y avait précédemment compromis la cause. Ils revinrent par Châtillon, ils ne s'arrêtèrent pas, le pays étant occupé par une compagnie de grenadiers, logés chez les protestants. Ils y apprirent qu'une partie de ces soldats s'apprêtaient à arrêter Meffre à Bourdeaux , et ils s'y ren- dirent sur-le-champ pour l'avertir. Les grenadiers arrivèrent en effet dès le lendemain et , ne rencontrant pas Meffre , démolirent sa maison.

Dans tous les lieux ils passaient, Roger et Rouvière exhortaient les chefs de famille les plus pieux à établir des consistoires et à se soumettre aux décisions du synode du 22 août. Sur la fin d'octobre ils étaient aux environs de Valence, ils trouvèrent le prédicateur Jean Villeveyre, que Roger avait connu dans le Wurtemberg et qu'il avait même engagé à cette époque à s'établir dans le Dauphiné. Il venait rejoindre son ami et l'aider dans sa tâche, car Corteiz et Montbounoux étaient retournés en Languedoc et Brunel en Vivarais. Roger reçut aussi la visite de Martel, qui revenait de la Suisse , et de Pierre Durand , du Vivarais,

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qui fut consacré au saint ministère en 1726. Roger et Durand 1711. conférèrent plusieurs jours ensemble sur les moyens de ré- tablir Tordre dans les églises de leur province respective et entretinrent depuis cette époque de fréquentes relations.

Le premier service que Durand rendit à Roger fut de l'avertir, dans le mois de novembre 17 16, des menées du traître Lapise. Ce malheureux disait avoir assisté à la com- munion célébrée le 20 août et avait déjà fait arrêter le pré- dicateur Bernard et un nommé Meissonnier. Établi depuis quelques semaines aux environs de Chabeuil, pour sur- prendre Roger, il apprit que ce pasteur venait d'arriver dans la contrée et se fit conduire auprès de lui par une jeune fille. Dès qu'il fut en sa présence, Roger lui reprocha sévè- rement ses trames criminelles et le menaça du jugement de Dieu. Lapise fond aussitôt en larmes, se répand en regrets et en protestations, et demande à Roger de lui permettre de l'accompagner. Mais Roger, qui avait à un haut degré le discernement des esprits, le repoussa, en recommandant à ses amis de ne pas ajouter foi à ses semblants de repen- tance.

Les personnes qui payaient ce misérable , voyant qu'il avait échoué dans son entreprise, s'adressèrent au comte de Médavy, commandant des troupes de la province, qui envoya au mois de janvier de l'année suivante trois com- pagnies du régiment dauphin, qui s'établirent à Valence, Die et Bourdeaux et furent logées chez les protestants. Elles faisaient des courses continuelles de jour et de nuit pour obliger Roger et ses collaborateurs à sortir de France, et le traître Lapise s'était porté aux Echelles, sur les fron- tières de Savoie, pour les reconnaître. Mais aucun d'eux ne quitta le Dauphiné, quoique l'épouvante fût dans le pays et qu'il restât fort peu de maisons sûres. Aussi prirent-ils le sage parti de s'établir dans les localités que les soldats venaient de quitter, au lieu de fuir devant eux. Ils n'en furent

126

i7T7- pas moins obligés de demeurer trois semaines dans les bois, au cœur de l'hiver et par des pluies continuelles. Accablés de privations, Villeveyre eut un moment de défaillance et dit à Roger : « Avouons que notre condition est bien misé- rable » ! Mais son compagnon lui rendit bientôt le courage, et ces deux serviteurs de Dieu se consolèrent mutuellement par la prière et la lecture de F Écriture sainte.

Médavy, ne se laissant pas rebuter par son premier in- succès, donna ordre à ses soldats de suivre une à une toutes les maisons des protestants et de ne les quitter que lorsque leurs propriétaires auraient promis par écrit de ne plus re- tourner aux assemblées. Tous eurent la faiblesse de signer, sauf un seul, qui cependant ne fut pas inquiété, comme si les soldats avaient voulu honorer son courage. Roger et ses collaborateurs furent profondément affligés de ces dé- faillances, qui détruisaient leur œuvre, mais ils n'en conti- nuèrent pas moins leurs travaux. Les soldats de Médavy s1 étant retirés à la fin du printemps , ils recommencèrent à présider de petites assemblées et furent suivis par une malheureuse fille, déguisée en homme, qui cherchait à les livrer. Elle s'attacha d'abord à Martel, dont elle gagna la confiance, mais ne put tromper Roger, qui acquit la certitude, par une question qu'il lui adressa sur son lieu de naissance, qu'elle n'était qu'un traître déguisé. Martel, pour avoir persisté à ajouter foi à ses discours, faillit être arrêté dans une maison et jugea prudent de quitter le royaume. Quant à la jeune fille, ayant commis un vol peu de temps après, elle fut jetée en prison, mais bientôt relâchée, quand on apprit qu'elle était commissionnée pour vendre les ministres. Rouvière ne tarda pas à suivre l'exemple de Martel et retourna dans le Languedoc, comme l'avaient déjà fait Corteiz et Montbounoux. Roger resta donc seul en Dauphiné avec Villeveyre, car le prédicateur Meffre, s'étant adonné à l'ivrognerie, malgré les sévères remontrances de ses col-

127 lègues, fut déposé de ses fonctions de prédicateur. Villeveyre 1717. ne prêchait pas encore et se bornait à lire la Parole de Dieu dans les assemblées, à enseigner le catéchisme et à conduire le chant des Psaumes. Roger et lui visitèrent à cette époque presque toutes les églises du Dauphiné, depuis l'embouchure de l'Isère jusqu'au Comtat, et depuis Valence jusqu'à Die.

Cette année 17 17 on emprisonna 8 protestants, 5 de Valence, de Combovin ou de Châteaudouble, qui s'étaient mariés à Genève, et 3 de Montclar, près Beaufort, dont les mariages avaient été bénis à Crest par Roger. De ces 8 prisonniers, 2, l'un de Valence et l'autre de Montclar, firent réhabiliter leur mariage dans l'église romaine pour obtenir leur élargissement , et les autres promirent de suivre leur exemple; mais quand on les eut relâchés ils n'en voulurent rien faire. Cette sévérité effraya les religionnaires du pays et, à partir de cette époque, fort peu d'entre eux firent le voyage de Genève pour se marier *.

C'est vraisemblablement à cette époque que l'évêque de Valence publia une instruction pastorale sans date touchant les mariages des protestants contractés à Genève et ailleurs2. Il s'y plaint amèrement d'abord des nouveaux réunis, « qui semblent vouloir faire voir par leur conduite, dit-il, que leur réunion à l'église catholique n'est purement qu'exté- rieure; qui, nés pour la plupart, baptisés et élevés dans le sein de cette sainte mère, paraissent refuser dans toutes les occasions de la reconnaître pour telle;... qui ne participent point à ses sacrements, qui n'écoutent que bien rarement sa parole, qui n'assistent presque jamais à l'exercice de son

(1) Mns. Court, N.° 17 B.

(2) Instruction pastorale de Mgr l'évêque et comte de Valence au sujet des mariages des nouveaux réunis faits à Genève ou ailleurs devant les ministres de la R. P. R.\ Jean.

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i7!7- culte et au sacrifice que Jésus lui a laissé ». Quelle critique de la voie de la contrainte en matière de foi ! Quelle preuve de l'inanité de la fiction, propagée par la cour, que tous les protestants avaient embrassé le catholicisme! « Mais rien, continue l'évêque, ne peut nous affliger davantage dans la conduite de ces enfants indociles que les mariages que nous apprenons que quelques-uns d'eux vont faire de propos dé- libéré à Genève et ailleurs, devant les ministres de la R. P. R., avec des fiancées qu'ils y amènent exprès pour cela. »

L'évêque de Gap ne s'arrêtait pas à rédiger des instruc- tions pastorales pour essayer de prouver aux nouveaux convertis de son diocèse que leurs mariages, célébrés en dehors de l'église romaine, n'étaient point valides : il dénon- çait les nouveaux époux à Médavy, soldat cruel, toujours prêt à sévir contre les malheureux religionnaires. « Je vois, Monseigneur, mande ce dernier à l'évêque précité, par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 25 de ce mois (juillet 1717), que quelques nouveaux convertis de votre diocèse vont impunément se faire marier à Genève, ou subornent pour cela des prêtres des diocèses voisins à prix d'argent. Comme il est à propos de faire cesser ces désordres, si contraires aux lois de l'église et de l'État, je vous prie, Monseigneur, de me désigner les plus coupables, c'est-à-dire ceux qui se sont mariés à Genève et le lieu de leur demeure : je les enverrai arrêter et traduire dans les prisons les plus voisines, jusqu'à ce qu'ils aient fait rédiger leur mariage aux formes ordinaires. J'ai l'honneur, etc. Le comte de Médavy *. » (29 juillet.)

(1) Charronnet, p. 493-495. Cet auteur cite deux autres lettres sem- blables du même commandant adressées au même évêque le 9 février 1719 et le io juillet 1720.

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Expédition militaire contre les protestants

de la vallée de Bourdeaux. Maisons rasées.

Lettres pastorales de l'évêque de Valence.

Disette de pasteurs.

L'année suivante (1718) le proposant Corteiz, qui venait 1718-1719. d'être consacré au saint ministère à Zurich , s'arrêta quelque temps en Dauphiné (septembre) pour visiter ses connais- sances. Après avoir présidé quelques assemblées, il passa en Vivarais, il donna aussi quelques prédications avant de se rendre en Languedoc, son champ d'action l.

Villeveyre fut nommé prédicateur, et Martel , qui s'était expatrié l'année précédente, revint en France et s'établit dans la vallée de Bourdeaux. Les protestants de ces quar- tiers, qui étaient plus nombreux de beaucoup que les catho- liques, crurent qu'ils n'avaient pas besoin d'user de pru- dence, et ils se rendaient aux assemblées de jour comme de nuit, disant à tous ceux qu'ils rencontraient : « Veux -tu venir au prêche ? » Plusieurs catholiques même les accom- pagnaient, les uns pour s'édifier, les autres pour espionner. Ces assemblées comptèrent jusqu'à 5,ooo personnes, et l'on y venait de Saou, Celas, Mornans, Poët-Célard, Bezaudun, Les Tonils , Crupies , Bourdeaux, Vesc, Mont- joux, Dieulefit et Poët-Laval. C'est ce qui les perdit.

Au commencement de l'année 17 19 un fort méchant homme, avocat au parlement de Grenoble, nommé de Reynier, les dénonça à Grenoble et, pour donner plus de

(1) Edmond Hugues, Antoine Court, t. 1, p. 456.

93

i3o

i?1^ poids à son accusation, rédigea cinq lettres différentes, qu'il fît signer à divers seigneurs, notamment au marquis de Vachères, gouverneur de la tour de Crest, et au vice-légat du pape à Avignon, et il signa la cinquième. Il disait dans toutes que la vallée de Bourdeaux était le rendez - vous d'attroupements considérables de gens armés, qui, sous ombre de religion, voulaient exciter un soulèvement, et il faisait écrire en particulier par le vice-légat qu'on avait ex- pédié 600 fusils et plusieurs quintaux de poudre du Comtat à destination de la vallée de Bourdeaux. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que ces allégations étaient mensongères. Les cinq lettres passèrent par les mains de Médavy, qui les communiqua à un seigneur du Dauphiné très au courant des affaires de la province. Celui-ci reconnut le style de l'avocat dans toutes et en fit la remarque à Médavy. Mais le châtelain de Bourdeaux , d'accord avec Reynier et mandé à Grenoble par le parlement, grossit encore les faits, et un hoqueton de la cour, qui se transporta sur les lieux, fut si bien entouré par l'avocat qu'il ne puisa ses renseignements qu'auprès de lui. Médavy n'hésita plus et envoya huit compagnies (un bataillon) de soldats du régiment de Navarre dans la vallée de Bourdeaux, qui furent bientôt suivies d'une foule de paysans catholiques , qui comptaient se gorger de butin (i3 janvier).

A la vue du bourg, le bataillon se forma en colonne serrée et mit la baïonnette au bout du fusil, comme s'il se fût agi d'enlever une place forte. Le lieutenant-colonel du Métrai, qui le commandait, fut donc très-surpris en voyant les prin- cipaux habitants de Bourdeaux, au nombre desquels M. de La Condamine, riche bourgeois du lieu, venir au-devant de lui d'un air affable et gracieux. Mais sa surprise fut bien plus grande encore quand il aperçut, plein de vie au milieu d'eux , un prêtre qu'on disait avoir été écorché vif par les protestants, et dont la peau, suivant le même récit, avait

i3i

été clouée à la porte de l'église de Bourdeaux. Les soldats 17 '9- n'en furent pas moins logés à discrétion chez les protestants, qui durent leur servir quatre repas par jour et supporter de leur part tous les dommages possibles. Le lieutenant-colonel du Métrai, touché de leur soumission, écrivit au parlement que le roi n'avait pas de sujets plus soumis et plus fidèles qu'eux-, et, comme c'était un homme honnête et charitable, il prit sur lui d'adoucir le mandat qu'on lui avait donné. Au lieu donc de démolir 72 maisons dans la vallée de Bourdeaux, comme il en avait reçu Tordre, dans le cas il aurait été avéré qu'il y eût eu tentative de soulèvement, il se borna à en faire abattre 8. Ce furent, à Crupies, celles de David Noyer, Daniel Borne, Alexandre Maillet, Abraham Barnier, Antoine Marcel et Pierre Marré-, à Orcinas, celle de Jean Bosméan ; à Vesc, celle de Brunet. On démolit ces maisons sans avertissement préalable, de telle sorte que leurs pro- priétaires perdirent beaucoup d'effets et se virent de plus enlever leurs bestiaux. Par un raffinement de barbarie, leurs voisins et leurs coreligionnaires furent obligés par les soldats, sous peine d'être pendus, de procéder eux-mêmes à cette démolition, qui eut lieu le dimanche i3 janvier 1719. Un auteur contemporain affirme, comme un fait bien connu des protestants et des catholiques eux-mêmes de la vallée de Bourdeaux, que le curé de Crupies, qui avait poussé l'avocat Reynier, répondit, en mettant sa main sur la joue, aux protestants qui lui reprochaient d'avoir attiré sur eux ces malheurs : « Je souhaite que tout le mal que j'ai fait retombe sur ma tête ! » et qu'aussitôt il sentit sous sa main un mal sourd, qui dégénéra bientôt en cancer et le conduisit au tombeau deux ou trois années après, au milieu d'atroces souffrances. Quant au commandant Médavy, tout fier de ses triomphes, il s'écria avec un sourire : « J'espère que le châtiment que je viens d'infliger à ceux de la vallée de Bour- deaux servira d'exemple à ceux de la province , et qu'ils se

l32

1719. comporteront de manière à ne pas attirer chez eux mes missionnaires » (février 1719) I.

La plupart des protestants valides de la vallée s'étaient sauvés à l'approche des soldats de Médavy et furent mer- veilleusement protégés dans leur fuite par un épais brouillard qui couvrait tout le pays. On ne put en prendre que trois : Alexandre Maillet et Antoine Marcel, de Crupies, et la veuve Bouchet, du Poët-Célard. Les troupes séjournèrent trois semaines dans la vallée et furent logées à Bour- deaux, Mornans, Le Poët-Célard, Bezaudun, Crupies, Les Tonils et Orcinas. Elles y firent pour soixante et dix à quatre- vingt mille francs de frais. « Mais alors, dit le Mé- moire contemporain auquel -nous empruntons ces détails, comme du temps des premiers chrétiens, ceux qui avaient de l'argent en offraient à ceux qui n'en avaient point, de sorte que personne ne fut dans la disette. On avait même fait une collecte de trois ou quatre mille livres pour l'offrir au commandant du bataillon , en reconnaissance de ce qu'il avait préservé le pays du pillage et du massacre. Mais il les refusa généreusement, parla d'eux avantageusement à la cour, qui le récompensa d'avoir conservé ce pays. Dans une année les habitants de cet endroit ne se sentirent presque pas du dégât occasionné par les troupes. La cherté du blé était fort grande aux environs, et eux eurent une récolte de moitié plus abondante qu'à l'ordinaire, à cause d'une pluie, accompagnée de la bénédiction de Dieu, dont les autres furent frustrés. J'ai entendu dire moi-même à des personnes de cet endroit qu'un homme qui percevait ordinairement 5o sétiers de blé , cette année en eut plus de 100. J'ai avancé cela pour faire voir combien Dieu prend soin de ses fidèles, et que si nous perdons quelque chose pour l'amour de lui,

(1) Gharronnet, p. 494.

i33

il ne manque pas de nous en dédommager abondamment. » Une autre relation ajoute que la cour, ayant reconnu l'in- justice des accusations portées contre les religionnaires de Bourdeaux, leur accorda une indemnité, qui resta malheu- reusement entre les mains des officiers du parlement. Le résultat de l'occupation militaire fut à peu près nul au point de vue missionnaire. Trois ou quatre des habitants de la vallée, appartenant à la classe des indifférents, consentirent seuls à aller à la messe. Par contre, un pareil nombre de catholiques, qui avaient embrassé le protestantisme, l'aban- donnèrent.

Roger et Villeveyre étaient à l'extrémité de la vallée de Bourdeaux quand les troupes l'envahirent. Avertis à temps, ils purent s'échapper en franchissant une montagne, ils eurent de la neige jusqu'aux genoux. Us craignirent un mo- ment qu'on ne les poursuivît à outrance , comme on l'avait fait dix-huit mois auparavant-, mais il n'en fut rien. Par prudence toutefois ils ne tinrent des assemblées que dans des lieux reculés. Ils songèrent aussi à venir en aide à leurs coreligionnaires de Bourdeaux dont les maisons avaient été rasées et firent des collectes , dont ils apportèrent eux- mêmes le montant après le départ des soldats. Mais, par précaution, ils ne présidèrent aucune assemblée dans le pays. Les habitants étaient sous le coup de la terreur et ils ne s'y fussent point prêtés à cette heure.

Cette même année (17 19) l'évêque de Valence et de Die répondit à Y Instruction pastorale sur la persévérance en la foi et la fidélité pour le souverain (19 avril 17 19) de Jacques Basnage, pasteur à La Haye, adressée aux fidèles sous la croix ', par une Lettre pastorale aux nouveaux

(1) Elle fut composée à l'instigation du Gouvernement français, qui crai- gnait que les protestants du Midi n'entendissent aux propositions de soulè- vement que leur fit l'Espagne, alors ennemie de la France.

1719.

1 34

i7iç)-i720- réunis, datée du icr oct. 17 19. Mais il s'attira une double réplique : Tune du pasteur et professeur Bénédict Pictet, de Genève, intitulée Réflexions sur la réponse de M. l'évêqne de Valence à l'Instruction pastorale de M. Basnage, l'autre de Basnage lui-même, ayant pour titre : Troisième instruction pastorale pour servir de réponse à la lettre pastorale de M. de Catellan, évéque de Valence , aux nou- veaux réunis de son diocèse. Nous n'avons pu retrouver ces trois dernières pièces- mais, à en juger par la première et une cinquième * , qui est une réponse de Catellan aux Réflexions de Pictet et que nous avons eue entre les mains, ces traités ne sortaient pas du domaine de la discussion et ne nous auraient révélé aucun fait historique particulier.

L'année suivante (1720) Roger s'adjoignit le jeune Paul Faure, âgé de i5 ans, pour lui donner des leçons et le former peu à peu à la lecture publique de la Bible et au chant des Psaumes. Il fit avec lui le tour des églises il était connu et tint des assemblées.

On emprisonna dans le même temps à la tour de Crest les deux Raffin, de Mirabel près Crest, qui avaient fait bénir leur mariage par des ministres. L'aîné mourut pen- dant sa détention, et le second fut relâché en consentant à faire réhabiliter son mariage dans l'église romaine. Quant aux prisonniers de la vallée de Bourdeaux, Alexandre Maillet et Antoine Marcel, de Crupies, et la veuve Bouchet, du Poè't-Célard , on les remit en liberté sans condition 2.

Nous n'avons rien retrouvé de particulier pour les années

(1) Instruction pastorale de Mgr l'évêqne et comte de Valence, en réponse à un ouvrage intitulé : Réflexions sur la réponse de M. l'évêqne de Valence à l'instruction pastorale de M. Basnage; Valence, 1723, i5o p. in-40.

(2) Mns. Court, N.° 17, B. ; Armand de La Chapelle, Pièces justifica- tives, p. 295; Fontanieu, Mémoire sur les religionnaires du Dauphiné, dans la Revue du Dauphiné, t. m, p. 36o.

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172 i à 1723; ce qui donnerait à croire que les protestants 1721-17*3. du Dauphiné jouirent pendant ce temps d'une tolérance relative. Seulement ils souffraient beaucoup de la disette de pasteurs. M.lle de Sinart, de Loriol, écrivait à Antoine Court, le 17 mai 1721 : « Nous n'avons plus personne qui console comme autrefois; il n'y a plus que des femmes et des filles inspirées, qui disent de très-bonnes choses sans doute, mais qui alarment les esprits. Il y a des fois que nous sommes fort effrayés et d'une tristesse qui nous ôte l'envie de rien faire, parce que bien souvent elles prononcent des choses si fortes et avec tant de pénétration qu'il nous semble que le jugement de Dieu pend sur nos têtes. Il y a des fois que celle que vous connaissez, qui est chez nous, nous met dans des alarmes terribles ; elle fait de grands cris des douleurs qu'elle souffre dans le temps que cela la prend-, d'autres fois il lui semble voir du sang répandu par les rues. Elle laisse mourir entre ses mains un charbon ardent. » Cette illuminée était une domestique de M.Ue de Sinart et une ancienne catholique. Antoine Court, effrayé du mal que sa contagion pouvait occasionner, écrivit aussitôt une longue lettre contre les inspirés et, pour frapper un plus grand coup, fit aussi écrire Bénédict Pictet de Genève *.

(1) Edmond Hugues, Antoine Court, t. i , p. ii

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Le duc de Bourbon succède au duc d'Or- léans. Déclaration du 14 mai 1724, qui frappe de mort civile les protestants. Ces derniers ne se laissent point effrayer et tiennent leur premier synode national du désert.

! 724- 1725. La mort du duc d'Orléans, survenue le 2 novembre 1723, changea la face des choses. Le duc de Bourbon, qui lui succéda comme premier ministre de Louis XV, était un jeune homme farouche, brutal et déréglé, qui n'édicta que des lois barbares. Il publia en particulier contre les protestants la fameuse déclaration du 14 mai 1724, qui les frappait de mort civile, car elle portait qu'il n'y aurait désormais de mariages légitimes que ceux qui seraient cé- lébrés selon les canons de l'église. Tous les mariages bénis par les pasteurs devenaient ainsi illégaux, et les enfants qui en provenaient étaient déclarés bâtards et inhabiles à hériter de leurs parents. Cet édit rendit la position des protestants d'autant plus affreuse que si jusque-là les curés s'étaient contentés de quelques actes extérieurs de catholicisme pour leur délivrer des certificats de catholicité, sans lesquels ils se voyaient exclus d'une foule de charges et ne pouvaient obtenir la bénédiction de leurs mariages, ils se montraient maintenant plus sévères et exigeaient des noviciats plus ou moins longs-, de telle sorte qu'il ne restait aux malheureux religionnaires d'autre alternative que de se convertir au ca- tholicisme ou de cesser d'exister civilement. Ils ne reculèrent pas devant ce nouveau sacrifice, quelque cruel qu'il fût, et y gagnèrent même de se montrer désormais plus sincères en s'abstenant complètement de participer à des actes reli-

- i37 - gieux auxquels ils n'ajoutaient pas foi et ne se soumettaient 1724-1725. que par intérêt. Plusieurs d'entre eux préférèrent même s'expatrier. Ce fut le cas de plusieurs familles dauphinoises l.

L'année même parut ce barbare édit, l'avocat Reynier, qui avait joué un si triste rôle dans l'affaire de Bourdeaux, se vanta de faire prendre Roger. Celui-ci en fut informé et apprit de plus qu'un corps de troupes de 1,400 hommes s'apprêtait à fouiller tous les bois et toutes les granges il pouvait se retirer. Roger ordonna aux églises de se tenir en repos , de s'abstenir de toute assemblée grande ou petite et de s'entourer de toutes sortes de précautions. Les troupes cependant ne se mirent pas en marche. Les officiers, hon- teux du rôle qu'on voulait leur faire jouer, exigèrent qu'on leur montrât des ordres positifs de la cour, et comme on ne le put, ils se refusèrent à marcher.

Le jeune Faure, qui étudiait sous Roger depuis 1720, fut reçu prédicateur l'année suivante (1725). Il avait vingt ans2. Quant à Roger, il représenta cette année. même les protestants du Dauphiné au synode provincial du Vivarais, qui eut lieu le 21 juin près de Valence, sur la rive droite du Rhône, et auquel assista également Rouvière, du Lan- guedoc, qui avait reçu la mission spéciale de travailler à l'union étroite des églises du Dauphiné, du Vivarais, des Cévennes et du Languedoc. Sa cause était gagnée d'avance. Sur la proposition de Roger, la vénérable compagnie reçut d'un commun consentement la sommation synodale des églises du Languedoc et des Cévennes du Ier mai 1725, « comme un effet de leur charité, sans y reconnaître aucune prééminence d'église ». Elle signa de plus leurs règlements, « pour marque d'approbation, » et exigea que le député du

(1) Edmond Hugues, Antoine Court, t. ir, p. 77.

(2) Mns. Court, N.° 17, B.

i38

1725. Languedoc et des Cévennes, « pour marque d'union, » signerait de son côté les règlements des églises du Vivarais et du Dauphiné. Le synode décida, par contre, en oppo- sition aux idées particulières d'Antoine Court, qu'aucune « formule de serment » ne serait ni rédigée ni admise ten- dant à faire jurer aux églises l'observation de la confession de foi et de la discipline ecclésiastique, et cela « pour éviter le parjure et l'obstacle qu'elle pourrait apporter à l'union des protestants »•, toutefois, « pour lier les schismatiques et les hérétiques, » le synode décida qu'on aurait le droit d'exiger des « promesses particulières, et que, si on jugeait à propos d'établir une formule, elle se ferait d'un commun consentement, en tâchant d'éviter toutes sortes d'incon- vénients » x.

Deux mois après (9 août), à la demande de Benjamin Duplan , député général des églises du Languedoc et des Cévennes près les puissances protestantes, ces églises, jointes à celles du Vivarais et du Dauphiné, tentèrent de tenir leur premier synode général du désert-, mais, soit que les députés n'eussent pas été en nombre suffisant à la réunion, soit qu'on y eût résolu de se réunir une seconde fois, le synode général n'aboutit point cette année. Roger et Court s'y étaient rendus-, mais nous savons, par une lettre du premier2, que Court fut « trop prompt à partir », et que Roger était pressé de rentrer dans sa province. Cette lettre nous apprend en outre que les pasteurs touchaient leurs gages d'une façon irrégulière, qu'on parlait même de

(1) Recueil des actes des synodes de la province du Vivarais (Mns.). Voy. aussi: Ed. Hugues, Antoine Court, t. 1, p. 295, 474; Lettre du bureau du synode du Vivarais à Antoine Court, du 3o juin 1725 (Mns. Court, N.° 1, t. m).

(2) Lettre de Roger à Court, du ic' nov. 1725 (Mns. Court, N.° 1, t. ni).

i3o, les diminuer, et que Roger s'éleva avec une grande force 1725- 1726. contre cette ingratitude des églises.

L'année suivante (1726) Roger écrivit une lettre aux églises du Languedoc et des Cévennes , réunies en synode l, au sujet de Benjamin Duplan, qui avait été nommé député général par le synode de cette province Tannée précédente (ier mai 1725) et qui, malgré cette nomination régulière, était tenu pour suspect par quelques-uns, à cause de ses sentiments sur les inspirés et de ses relations avec eux ; on allait jusqu'à parler de lui retirer les 5oo livres qui lui avaient été allouées comme honoraires. Roger, qui connais- sait Duplan et l'estimait, s'en émut et pressa vivement le synode de ne pas revenir sur la décision du synode précé- dent. « Quoi ! s'écriait-il, parce que M. Duplan reconnaît, avec tous les savants, qu'il faut que Dieu seconde extraordi- nairement les faibles instruments dont il se sert pour con- server la pureté chrétienne dans son royaume, faut-il le traiter de fanatique? Parce que, selon les exemples et les principes de Jésus-Christ et des apôtres, il soutient qu'on doit ramener les égarés par la douceur, ce dont tous les savants conviennent, qu'on doit éprouver toutes choses et retenir ce qui est bon, faut-il l'accuser de favoriser le fana- tisme ? Il faudrait pour cela renverser entièrement l'essentiel et trahir la conscience, étant certain que ces maximes se trouvent gravées dans le cœur de tout homme de bien, aussi bien que clairement enseignées par Jésus-Christ et les apôtres. »

C'est le 16 mai de la même année (1626) que les églises du Languedoc, des Cévennes, du Vivarais et du Dauphiné tinrent, dans une vallée reculée du Vivarais, leur premier

(1) Lettre de Roger, du 3o mars 1726, au synode des e'glises du Languedoc et des Cévennes (Mns. Court, N.° 1, t. m).

140

1726. synode national, qui n'avait pu aboutir l'année précédente. Roger y assista comme député des églises de sa province et en fut élu modérateur. Ce synode peut être comparé au premier synode national du XVIe siècle. « Les églises, dit avec raison de Félice x, y reprirent conscience d'elles-mêmes. Elles sentirent qu'elles faisaient corps , avec un esprit com- mun , une vie commune. C'était la même foi, la même discipline, le même souci de la piété et des mœurs que dans les anciennes générations. »

D'après la discipline des églises réformées, le synode national devait se réunir une fois l'année ; mais comme dans ces temps de réorganisation ecclésiastique des questions de la plus haute importance pouvaient surgir, qui réclamaient une solution immédiate, le synode provincial du Languedoc et des Cévennes, réuni le 26 avril 1726, avait décidé la création d'un conseil extraordinaire , qui pourrait con- naître des mêmes matières que les synodes nationaux , sauf ensuite à ceux-ci à sanctionner les décisions du conseil. Roger n'approuva pas sans réserve cette institution. Dans une lettre du 4 avril 1727 il la trouvait « contraire au droit des synodes », et dans une autre du 3 juillet il se plaignait avec raison « de ce qu'on n'avait pas consulté et recueilli les voix dans un cas de cette nature », c'est-à-dire pris l'avis des églises du Vivarais et du Dauphiné 2. La position du conseil extraordinaire fut régularisée au second synode national du désert, du 1 1 octobre 1727, comme on le verra plus loin.

Autrement Roger se multipliait pour répondre aux be- soins de toutes sortes de sa province. Mais il ne pouvait suffire à tout. Le ier janvier 1726 il adressa à Genève le

(1) Hist. des synodes nationaux , p. 264.

(2) Bulletin de la Société de l'hist. du prot. franc., t. 11, p. 239-241.

141 dénombrement des protestants du Dauphiné et déclarait que i726- douze prédicateurs lui seraient nécessaires. « Nos affaires ne vont pas mal, écrivait-il aussi à Court, en Languedoc *, et nous pourrions tous les jours nous étendre ; mais nous aurions besoin du secours de quelques-uns de vos habiles et éclairés proposants, et ils seraient aussi chéris que qui que ce fût de nous-mêmes. Sur l'état que j'ai envoyé à notre avocat, j'ai fait voir que nous aurions besoin d'être dix ou douze*, et si nous étions une fois en pareil nombre, nous aurions encore besoin de redoubler, tant la moisson est grande. »

Roger annonçait six mois plus tard (6 août) que les églises jeûnaient fréquemment en signe d'humiliation et de deuil.

(1) Lettre du Ier janvier 1726 (Mns. Court, N.° 1, t. m).

142

IV. SEPT ANS DE TOLÉRANCE SOUS LE CARDINAL FLEURY. IJ2Ô Ij32

{Mémoire de l'intendant Fontanieu. Lettre de Roger au marquis de Vachères.

1726. Le duc de Bourbon fut remplacé, au bout de deux ans et demi, par le cardinal Fleury (1726), prélat prudent et mo- déré , qui laissa les protestants en repos. Un mémoire fort important de Fontanieu, intendant du Dauphiné 1, nous trace le tableau suivant des religionnaires de la province à cette époque (1726). « Les religionnaires du Dauphiné, dit-il , sous le nom de nouveaux convertis , ne font aucun exercice de catholicité, et, quelque soin qu'on y prenne, il est presque impossible de les obliger à envoyer leurs enfants aux instructions , ce qui cependant est le plus grand et le plus utile objet des déclarations du roi à leur égard ; on en a fait plusieurs exemples par des amendes pécuniaires, qu'ils ont payées sans changer de conduite. Il faut convenir ce- pendant que les juges royaux se sont extrêmement ralentis sur l'exécution de cet article de la déclaration, qu'on leur recommande incessamment comme méritant plus particu- lièrement leur attention.

» A l'égard des peines contre les relaps, il y a des ins- tructions secrètes de ne s'y porter que dans le cas de scandale public. Cette instruction a été en effet très-sage, parce

(1) Revue du Dauphiné, t. m, p. 35g et suiv.

143 qu'on a vu plusieurs fois que la sévérité les portait à la 1726. sédition, et qu'il y aurait autant d'exemples à faire qu'il y a de gens infectés de l'erreur en Dauphiné.

» Il y a cependant une circonstance dans laquelle presque tous promettent de faire abjuration , c'est celle de leur mariage; mais loin de profiter d'une promesse qui, quoique fausse presque toujours, pourrait néanmoins avoir quelque- fois des suites heureuses, le zèle des curés, presque toujours excessif, les rebute : ils les font languir des années entières, sous prétexte de les instruire ; ils veulent les obliger de jurer qu'ils croient que leurs pères et leurs mères sont damnés et de renoncer à leur baptême. Rien ne les révolte, tant que cette longueur et ce serment, auxquels les gens les plus persuadés ne penseraient qu'avec soumission, mais avec une répugnance inséparable des sentiments de la nature et qui paraît absolument inutile à exiger -, et l'effet de ce zèle, que l'on peut dire immodéré, est de causer des concubi- nages entre les moins scrupuleux ou d'obliger les autres, par un principe de conscience pernicieux , d'aller se marier devant les ministres.

)> Par il naît une infinité d'enfants sans autre état que celui de la bâtardise. Le sort de ces familles est incertain et fournira dans la suite autant de procès qu'il y aura de suc- cessions ouvertes; et de on peut juger du danger qu'il y a du désespoir auquel leur situation peut les réduire.

» Quant à la renonciation au baptême, elle prouve com- bien le zèle des curés est peu éclairé ; il y en a qui le portent jusqu'à obliger les religionnaires à communier en se mariant, et de naissent autant de sacrilèges. Les religionnaires du Dauphiné qui en ont les moyens envoient, autant qu'ils le peuvent (car on les en empêche), leurs enfants à Genève pour les faire instruire, et ces enfants revenus répandent ensuite le poison dont ils ont été nourris. La plupart de ceux qui sont sortis lors de la révocation de l'édit de Nantes

144 1726. ont encore leurs parents dans le pays, et c'est à eux que ces enfants sont envoyés pour prendre soin de leur édu- cation ; et ce sont eux en même temps qui envoient les livres détestables qui servent à entretenir Terreur. On a une atten- tion singulière pour empêcher le transport de ces malheu- reux livres ; on en a saisi plusieurs fois, qui ont été brûlés publiquement; mais quelque soin qu'on y apporte, le Dau- phiné étant un pays ouvert de toutes parts par les cols des montagnes, il en passe toujours.

» Mais ce qui contribue davantage à entretenir Terreur dans le Dauphiné et à favoriser Tinstruction des protestants, ce sont les prédicants qui y viennent de temps en temps... x. C'est pour lors qu'il se fait des assemblées... Ces assemblées se tiennent dans des lieux écartés des bois et dans les ca- vernes des rochers, et le temps en est ordinairement les fêtes de Pâques et de la Pentecôte ou le mois de septembre, temps les religionnaires prennent la cène. Les prédicants mènent ordinairement avec eux des hommes qu'ils nomment diacres et des femmes qu'ils nomment prédicantes, qui les assistent et auxquels ils donnent une prétendue mission 2.

» Quoique dans les cantons du Dauphiné sont établis les religionnaires il y ait bien au moins la moitié de la no- blesse infectée de Terreur, et que cette partie soit celle dont on puisse le moins espérer le retour à la vérité, parce qu'elle

(1) Nous omettons quelques paroles injurieuses à l'adresse de ceux-ci, parmi lesquels se glissaient certainement de faux frères, mais qui étaient loin d'être tous « des fainéants et des libertins », comme le prétend Fon- tanieu.

(2) Fontanieu écrit ceci d'après des renseignements un peu anciens, car en 1726 il n'y avait plus ni prédicants ni prédicantes en Dauphiné. Il y avait des prédicateurs ou proposants, régulièrement nommés par les sy- nodes, et des pasteurs. Les premiers conduisaient le chant, prêchaient et catéchisaient; les seconds de même, mais administraient en sus les sacre- ments (baptême et sainte cène) et bénissaient les mariages.

~ 145 se croit plus instruite, néanmoins ni la noblesse, ni même 1726. les gens d'un état au-dessus du commun n'assistent aux assemblées : ils savent que les ministres de la religion pré- tendue réformée n'approuvent point la mission prétendue des prédicants, qui, par conséquent, ne sont suivies que par le menu peuple... *. Il faut même rendre cette justice à la noblesse, qu'elle est extrêmement attachée au roi, que presque tous ceux qui la composent en ont donné des preuves par leurs services, et que, loin de favoriser leurs vassaux et de les entretenir dans leurs funestes préventions, ils affectent au contraire de les obliger d'envoyer leurs enfants au catéchisme-, ils condamnent très -hautement la désobéissance aux ordres du roi et les assemblées, qu'ils empêchent autant que possible.

» Le secret pour les assemblées est gardé par les religion- naires avec une fidélité qu'on aurait peine à croire de la part de la lie du peuple. On ne s'en aperçoit que par la multi- tude que l'on trouve sur les chemins, soit en allant, soit en revenant, et pour lors il n'est plus temps d'y remédier-, ils ne peuvent être trahis que par de faux frères, et ils sont rares parmi eux. Tel est l'état présent et général des religion- naires. »

Fontanieu raconte ensuite que tout dernièrement il y avait eu des assemblées de quatre à cinq cents personnes dans la vallée de Bourdeaux, à Étoile et à Loriol, présidées par un des prédicants les plus réputés du pays, nommé Jacques (qui n'est autre que Jacques Roger) -, que ce dernier

(1) Fontanieu ajoute que ce menu peuple était attiré aux assemblées par « la curiosité et le libertinage ». C'est inadmissible. On ne pourra jamais faire entendre que des milliers de personnes aient pu s'exposer aux galères et à la mort par curiosité ou amour du libertinage. L'intendant du Dau- phiné vante plus bas la discrétion et la fidélité de ceux qui se rendaient à ces réunions. Or, ces vertus ne sont pas celles des curieux et des libertins.

3 IOa

146

1726. « s'était longtemps tenu caché dans des lieux presque inac- cessibles ; que de Dauphiné il avait passé en Vivarais, en promettant de revenir dans le mois de septembre; qu'il avait tenu dans le Vivarais des assemblées de mille à douze cents religionnaires du côté de Lavoulte, Privas et le Pouzin ; qu'il y avait administré la cène et qu'il était parti promet- tant d'y revenir encore et d'y envoyer des livres ; que ces livres avaient été en effet saisis au bureau de Serrières, et que réellement il avait reparu au commencement de sep- tembre en Vivarais -, que les assemblées y avaient recom- mencé et continuaient encore, et qu'on y chantait les Psaumes ouvertement dans les bois et les grands chemins ».

Pour arrêter le mouvement des assemblées, Fontanieu conseillait d'envoyer des troupes à Châteaudouble, Alixan, Chabeuil, Étoile, Saint-Jean-en-Royans , Puy-Saint-Martin et Dieulefit. Les villes de Romans, Valence, Montélimar, Crest et Die avaient déjà des garnisons. Les propositions de l'intendant ne paraissent pas avoir été agréées de la cour.

Roger adressa à cette époque au marquis de Vachères , Philippe de Grammont, ex - commandant de la tour de Crest, une lettre remarquable, qu'il ne signa pas par me- sure de prudence et dans laquelle il démontrait à cet officier l'injustice et l'inutilité de la déclaration du 14 mai 1724. Nous la rapportons en entier à cause de son importance.

« Monsieur, lui dit -il, l'estime que l'on a pour votre personne et que la douceur de votre précédent gouverne- ment a attirée de presque tous ceux qui ont l'honneur de connaître votre haute naissance, engage celui qui vous con- sidère sincèrement de vous représenter respectueusement qu'après tout ce que les réformés ont souffert, il n'y a pas apparence qu'ils changent de religion, et que la différence des deux religions étant essentielle, il semble que personne ne devrait ignorer qu'il est impossible de contraindre les religionnaires à faire bénir leurs mariages par les prêtres,

147 sans les forcer en même temps, contre leur conscience, à 1726. commettre ce qu'ils regardent comme un grand crime, et même sans que ceux qui emploient leur autorité pour les y porter ne s'en rendent en quelque façon responsables devant Dieu. Il est vrai que personne ne doit en aucune manière favoriser le concubinage :, mais si les réformés observent de faire solenniser leurs mariages par des ministres de leur religion, on ne peut pas les traiter comme méprisant les lois du mariage, et tout ce qu'on devrait leur dire à cet égard, c'est que si leurs consciences ne leur permettent pas d'aller vers les prêtres pour épouser, ils doivent du moins montrer quelque témoignage de quelque ministre qui ait solennisé leurs mariages. En effet, les catholiques regardent le mariage comme un sacrement, et les réformés comme une simple cérémonie, instituée pour le bon ordre et l'union des personnes dans la société et dans l'église. Les uns et les autres regardant le mariage comme un acte public de reli- gion, il est évident que l'on ne peut forcer les réformés à faire solenniser leurs mariages par les curés sans profaner la sainteté que l'on reconnaît être inséparable à un sacrement et sans les forcer à faire un acte public de religion contre leur conscience. Car, supposé que les catholiques se trou- vassent réduits au même état que les réformés dans ce royaume, on ne pourrait regarder cela que comme une chose extrêmement dure. Mais il y a plus encore-, car si l'on ne demandait qu'une simple solennisation publique, sans y faire entrer la religion, ni sans faire engager la conscience de ceux que l'on marie, l'un et l'autre parti pourraient s'y accommoder sans craindre d'offenser Dieu, selon l'état se trouvent leurs églises dans les divers pays qu'ils habite- raient ; au lieu que ce que les curés exigent en solennisant les mariages des réformés porte tous les caractères de la cruauté et ne peut que mortellement blesser leur conscience, en rendant en quelque façon responsables devant Dieu ceux

148 1726. qui prêtent leur autorité pour cela, comme quand ils de- mandent de faire abjuration, de renoncer à leur baptême, de regarder leur père et leur mère comme damnés, d'assister à la messe; que, quand même le roi donnerait le libre exer- cice de la religion, de ne jamais y retourner. Tout le monde voit bien qu'ils ne peuvent rien tenir de tout cela et que c'est une chose horrible d'attendre les gens au pas du mariage pour les faire devenir parjures et pour se rendre soi-même responsable devant Dieu du péché qu'on leur fait com- mettre; car, pour n'en dire qu'un mot, sur l'article de la messe, les catholiques la regardent comme le plus saint, le plus haut et le plus sublime de tous les mystères, et les réformés en ayant horreur, comme si elle était contraire à la Parole de Dieu et à la mort de Jésus-Christ , il semble que si d'un côté le réformé témoigne de la répugnance d'y assister, de l'autre côté il semble que l'intérêt du salut des prêtres et même de tous les catholiques et encore l'honneur de l'église devraient les engager indispensablement à ne pas souffrir que les réformés y vinssent , sous quelque prétexte que ce fût, crainte qu'ils ne profanassent ce mystère, hor- mis qu'ils ne parussent auparavant en être très-persuadés. Et, par la même raison, il semble qu'il serait beaucoup meilleur et pour les uns et pour les autres, ou que les curés solennisassent les mariages des réformés, sans les faire aller à la messe et sans rien exiger d'eux, ou qu'ils les leur laissassent solenniser comme bon leur semblerait, selon le mouvement de leur conscience, puisque par ni les réfor- més, ni les curés, ni les personnes catholiques qui ont de l'autorité ne pourraient pas se rendre responsables devant Dieu d'aucun péché.

» D'ailleurs il ne paraît pas par les arrêts que le roi prétende en aucune manière autoriser quelque violence de conscience que ce soit, la bénigne clémence du roi semblant vouloir laisser vivre chacun sous sa royale domination selon

149 le mouvement de la conscience -, de plus, d'étroites alliances 1726. que le roi a traitées avec plusieurs puissances protestantes, et le mouvement que Ton voit que ces puissances se donnent pour procurer du soulagement à ceux de leur communion qui se trouvent en quelque façon opprimés, doivent leur faire appréhender que si ces puissances étaient informées qu'on agît en quelque façon d'une manière rude avec les réformés, soit pour les faits de mariage, soit autrement, il est, dis-je, à appréhender que ces puissances n'en fissent des représentations au roi, qui pourraient attirer des re- proches de la cour envers ceux qui sont établis pour tenir et les curés et les peuples dans une juste obéissance. Et comme il s'est vu des prisonniers pour les faits de mariage et de religion, et que même quelques-uns sont morts en prison, celui qui vous aime et chérit tendrement votre illustre maison a pris cette liberté de vous écrire, pour que Monsieur ait la bonté de représenter à M. son digne fils le gouverneur ', en sorte que ces nobles qualités de bonté et de zèle qui lui sont aussi naturelles et qu'il possède à un si haut degré que celles de justice, d'équité et de prévoyance, ne soient pas surprises par les sollicitations des ecclésiasti- ques, et surtout dans les circonstances présentes, il est très-apparent que bien des personnes ne demanderaient que quelque occasion favorable pour pouvoir faire des repré- sentations au roi.

» Monsieur reconnaîtra, sans doute beaucoup mieux que moi, que tout ce que je dis mérite quelque attention, et en le priant d'excuser la liberté que je prends, quoique pour des raisons je ne mette pas mon nom au bas de la lettre, Monsieur, dis-je, doit être persuadé que je demeure, avec

(1) Paul-François de Grammont, qui avait succédé à son père dans le gouvernement de la tour de Crest.

i5o

1726- 1727. un profond respect, de Monsieur le très - affectionné et obéissant serviteur. »

Le Mémoire précédent de Fontanieu , auquel était an- nexée la lettre de Roger, donne en terminant les quelques renseignements qui suivent : « Du 22 décembre 1726. Une infinité de religionnaires du Dauphiné passent à Genève pour s'aller marier, sur le refus des curés de leur administrer le sacrement du mariage. M. Le Blanc a décidé qu'il en fallait arrêter de temps en temps quelques-uns pour servir d'exemple et choisir de préférence les plus apparents des paroisses. M. de Fontanieu a donné ordre, en dernier lieu, d'en arrêter deux. A leur retour cet ordre a été exécuté , et dans les prisons ils ont demandé à se faire instruire. Le subdélégué de Valence a averti M. de Fontanieu qu'il y en avait encore une douzaine dans le même cas, mais M. de Fontanieu n'a pas cru devoir les faire arrêter sans un ordre supérieur. »

La réserve et la circonspection de l'intendant prouvent que, grâce à l'influence du cardinal Fleury, la cour inclinait à cette époque à la clémence. Nous savons du reste, par une lettre de Roger, d'août 1727, que les troupes destinées à opérer contre les religionnaires du Dauphiné quittèrent cette province cette même année 1727.

Embarras des curés au sujet des mariages

protestants. Second synode national du

désert tenu en Dauphiné.

Les mariages des nouveaux convertis jetaient souvent les curés dans d'étranges perplexités. Ces derniers étaient quel- quefois les obligés de ceux à qui il fallait appliquer les édits. Cette considération les disposait à être faciles sur l'article

i5i des actes de catholicité; mais, d'autre part, leur conscience 1727-1728. de catholique et les évêques les pressaient d'agir sévère- ment. De leur embarras. « Monseigneur, écrit le curé de Saint-Léger à l'évêque de Gap, le 2 avril 1728, je me trouve dans une situation la plus triste du monde. M.lle de Beau- regard, nouvelle convertie, fiança, il y aura bientôt trois mois, avec un nouveau converti d'un hameau appelé Coignet , du diocèse de Grenoble. M. le curé publia aussitôt, comptant que ce mariage serait béni pour lors; quelques prières qu'on ait pu faire, j'ai résisté jusques à présent; mais maintenant je suis vivement persécuté de le bénir. Je vois d'un côté que vos ordonnances, pour qui j'ai un pro- fond respect, y sont très-opposées; d'un autre côté, j'ai de grandes obligations à cette maison, encore plus à celle de M. Vial, qui s'intéresse pour eux et qu'on va, à ce qu'on m'a dit, employer auprès de Votre Grandeur. Je supplie très-humblement Votre Grandeur de m'accorder sur ce sujet quelques consolations , pour que je ne tombe pas dans la disgrâce de ces Messieurs et que je puisse sauver ma cons- cience. Jusques à présent je suis content de M.llc de Beau- regard, et suis, en attendant, avec un profond respect, etc. Meyère, curé. »

D'autres fois, les nouveaux convertis mariés à Genève ré- sistaient ouvertement aux obsessions des curés, qui deman- daient alors à leurs évêques de les faire châtier d'une manière exemplaire par le parlement. Tel fut le cas de Jacques Pelle- grin, de Corps, marié à AnneSeimat, de Forêt-Saint-Julien enChampsaur. Le procès- verbal dressé par le curé de Corps et envoyé à l'évêque de Gap constatait que ledit curé s'était transporté à la maison de Jacques Pellegrin « pour lui de- mander en vertu de quoi il cohabitait comme mari et femme, au grand scandale du public, avec la nommée Anne Seimat; lequel nous a répondu, conjointement avec sa prétendue femme, qu'ils étaient légitimement mariés, et, à cet effet,

l52

1727-1728. nous a exhibé l'original de leur prétendu mariage, qui a été béni à Genève, dont copie est ci -jointe. Et comme nous avons voulu lui représenter qu'un tel mariage était contraire aux lois de l'État et à celles de l'église, lesdits prétendus mariés nous ont répondu que le roi approuvait tels mariages et qu'il y avait même des arrêts à ce sujet, et qu'ils croyaient être légitimement mariés, ainsi qu'un grand nombre d'au- tres qui avaient été épousés avec eux et de la même ma- nière qu'eux. Nous avons insisté à leur représenter, par toutes les raisons possibles, que leur union et toutes les autres de la même espèce étaient illicites, invalides et con- traires à toutes les lois; nous les sommions de se séparer pour éviter le scandale qu'ils causaient *, à quoi ils nous ont répondu avec arrogance qu'ils ne se sépareraient qu'à la mort et qu'ils étaient légitimement mariés. Mais comme de pareils attentats doivent être réprimés par mille raisons de la dernière conséquence , et surtout parce que le bourg de Corps est -un lieu d'un très-grand passage et les princi- paux habitants sont nouveaux convertis, nous supplions Mgr l'évêque de Gap d'implorer le secours de la cour, pour qu'elle ait la bonté d'y apporter un remède efficace et pro- portionné au mal. En foi de quoi avons fait le présent à Corps, le 22 avril 1728, etc. » Suivent les signatures et la copie de l'acte de mariage I.

Il ne paraît pas avoir été donné de suite à ces diverses lettres, grâce aux dispositions pacifiques du cardinal Fleury, qui permirent aux protestants de réunir un second synode national en Dauphiné, le n octobre 1727, sous la prési- dence de Roger et auquel assistèrent des députés du Viva- rais et un député général du haut et bas Languedoc , des Cévennes et de la Guyenne. Ce synode prit des décisions

(1) Charronnet, p. 496-500.

i53 importantes. Il défendit à toute personne, de quelle condition 1728-1729. qu'elle fût, de porter des armes dans les assemblées reli- gieuses ; il régularisa la position du conseil extraordinaire créé Tannée précédente par un simple synode provincial et le chargea de pourvoir, dans l'intervalle des synodes géné- raux, aux affaires urgentes-, il arrêta que le député général des églises réformées ne tiendrait son mandat que des sy- nodes nationaux, et, considérant les services que le gentil- homme Duplan avait déjà rendus en cette qualité, le confirma dans sa charge. Ce député avait pour mission de procurer des subsides aux églises sous la croix et de réclamer en leur faveur l'appui des gouvernements amis de la France, « se contentant seulement, dit le vme canon, de représenter ou faire représenter respectueusement , et toujours d'une manière humble et soumise, la justice et l'équité qu'il y au- rait de nous accorder, faire accorder ou procurer à l'amiable le libre exercice de notre communion selon la Parole de Dieu et les mouvements de nos consciences ».

{Mémoire de l'intendant Fontanieu sur le projet d'une mission dans le Diois.

De tous les diocèses du Dauphiné , celui de Die était un de ceux les protestants résistaient avec le plus de cons- tance aux divers moyens mis en œuvre pour les ramener au catholicisme. Le Jésuite Garnier offrit en 1727 au cardinal Fleury d'y faire une mission. Avant de prendre un parti, le cardinal voulut consulter Fontanieu et lui ordonna de con- férer avec Garnier. Dans un mémoire curieux ', du 3 mai

(1) Mémoire sur l'établissement d'une mission dans le diocèse de Die , dans la Revue du Dauphiné, t. vu, p. 29.

i b4

1725. 1729, l'intendant raconte ce qu'il a fait. « M. de Fontanieu, dit-il en parlant de lui-même, a exécuté les ordres, et il répondit qu'il n'y avait rien de plus utile que la proposition -, qu'il était informé par les subdélégués que les circonstances ne pourraient être plus favorables-, qu'une infinité de familles entières n'attendaient que l'instruction pour sortir de leurs erreurs*, que ce qui les rebutait davantage était l'ignorance, quelquefois même le mauvais exemple de leurs propres curés, qui, en effet, dans les montagnes ne sont que trop souvent différents de ce qu'ils devraient être; qu'on devait espérer toute sorte de fruits du zèle du Père Garnier, et qu'il était convenu avec lui de tous les arrangements qu'il y aurait à prendre pour le mettre en état, par le moyen des subdélégués, de pouvoir réussir dans une entreprise aussi nécessaire qu'édifiante.

» Quant aux moyens de pourvoir à la subsistance du Père Garnier et d'un compagnon de sa mission, M. de Fontanieu proposa de leur faire fournir pareillement des chevaux pour aller d'un lieu à un autre et de leur accorder à chacun 5oo livres par an à prendre sur la régie des biens des religion- naires fugitifs. Il paraît raisonnable que ce qui provient de la punition de l'erreur obstinée serve au rétablissement de la vérité, et il est très- difficile d'en imaginer un meilleur emploi. Cet arrangement fut approuvé par son Eminence. Le Père Garnier a passé en conséquence de Chambéry dans la maison de Die, par ordre de ses supérieurs, mais il n'a pu encore commencer son ouvrage, parce qu'il est survenu quelques difficultés de la part de M. l'archevêque de Rouen pour le paiement des mille livres par an. Ces difficultés sont:

» Que les missions n'ont pas produit, du temps du feu roi , les effets avantageux dont on s'était flatté ; qu'il est à craindre que le clergé du diocèse de Die, étant aussi déréglé qu'on le dit être, ne détourne plutôt le peuple des exhorta-

i55 tions que de l'y porter, et qu'il pense qu'une mission pour- 1729- rait être infiniment plus utile pour la réforme du clergé -,

» Que la demande de prendre le paiement des mission- naires sur le produit de la régie a des inconvénients en ce qu'elle prive de nouveaux convertis de bonne foi d'une partie des pensions assignées sur cette régie-, qu'on n'a donné jusqu'à présent aucune atteinte à cette destination, et que l'exemple en sera dangereux, parce que tous les évêques en feront la même demande -,

» Que l'avis de M. l'archevêque de Rouen serait plutôt d'établir des maîtres et des maîtresses d'école, parce que les missions ne sont qu'une instruction passagère.

» Réponses : Si ces missions n'ont pas produit de grands biens du temps du feu roi, M. de Fontanieu s'est fait rendre compte exactement par ses subdélégués, et jamais il n'y en eut de plus favorable. C'est un objet digne de pitié que des malheureux qui ne persistent dans l'erreur que parce qu'ils attendent la vérité, qu'ils ne peuvent trouver en eux- mêmes. A l'égard du clergé de Die, on convient qu'il aurait besoin d'une exacte réformation \ mais il faut convenir aussi qu'il est difficile que cette réformation produise des effets utiles : la principale cause du désordre provient de la mo- dicité des revenus des curés dans un pays affreux, il est presque impossible de fixer de bons sujets. La réformation du clergé ne remédiera pas à cet inconvénient, et quand elle le pourrait faire, serait-ce une raison pour laisser périr, en l'attendant, une infinité d'âmes qui n'attendent que la voie du salut. A l'égard de l'objection de dire que les curés dé- tourneront eux-mêmes leurs paroissiens des exhortations, c'est les présumer bien méchants, et, s'ils le faisaient, on saurait bien y remédier.

» M. de Fontanieu persiste à croire que le produit de la punition de l'erreur ne peut être mieux employé qu'au rétablissement de la vérité. Il croit de plus que cet emploi,

i56

1729. qui tend au salut d'une infinité d'âmes, est préférable à la subsistance temporelle de quelques particuliers, qui peuvent trouver d'autres ressources dans leur travail; que mille livres sur le total des pensions ne peuvent produire un effet sen- sible, et que l'exemple ne peut être d'aucune conséquence pour les autres diocèses, parce qu'il est certain qu'il y en a très-peu dans le royaume il y ait autant de religionnaires que dans celui de Die, et que cette raison doit fermer la bouche à tous ceux de MM. les prélats qui demanderaient la même chose.

» On ne peut espérer des maîtres et des maîtresses d'école le fruit dont se flatte M. l'archevêque de Rouen. La réponse est sans réplique : il y en a partout. M. de Fontanieu y tient la main et ils ne produisent aucun bien. Première- ment parce que, Ton ne peut trouver de bons curés, il est sensible qu'on ne peut trouver de bons maîtres d'école*, se- condement parce que, pour faire changer des huguenots obstinés par des préjugés de famille et par éducation, il faut des exhortations plus fortes que celles de simples maîtres d'école de campagne, qui en seront infiniment plus utiles après que la mission aura disposé les cœurs à recevoir les impressions de la vérité.

» Par ces raisons, M. de Fontanieu supplie très-hum- blement Son Éminence d'achever un établissement dont on espère tant de bien et que M. l'évêque de Die désire lui- même avec empressement. »

Fontanieu ne convainquit pas le cardinal Fleury, et dans un second mémoire du 3i mars iy3o, daté de Paris, il proposa d'imposer annuellement la province du Dauphiné d'une somme de i,5oo livres en faveur de la mission du Père Garnier. Cette proposition, paraît-il, ne fut pas plus agréée que la première et la mission n'eut pas lieu, faute d'argent.

î5j

T^oger défend contre Antoine Court les

droits des provinces. Consécration de Faure

au saint ministère. Récit de sa rentrée en

France.

Revenons au vénérable Roger. Il eut à lutter cette année !729- contre rinfluence quelque peu envahissante de Court et à défendre les droits de sa province contre les empiétements du Languedoc. Court lui demandait d'approuver l'ordi- nation que les proposants languedociens Roux et Boyer avaient reçue à Zurich, contrairement à l'article xv du pre- mier synode national du désert de 1726, portant que les proposants ne pouvaient être consacrés au saint ministère que par les synodes nationaux et après avoir subi « un examen grave sur la doctrine et les mœurs ». Roger lui représenta (14 mai) que cet article ne pouvait être abrogé que par un nouveau synode national. « Vous me permettrez au reste, ajoutait-il, que je vous avoue, malgré le respect que je vous dois, que vous faites paraître un peu trop de supériorité pour l'union des parties d'un corps qui ont cha- cune en particulier un droit. » Roger céda cependant par amour de la paix, et, ne pouvant convoquer un synode pro- vincial dans le Dauphiné , à cause des travaux de la saison , il se contenta de soumettre l'ordination de Roux et de Boyer à un colloque, qui la confirma purement et simplement (9 juillet). Dans la lettre d'envoi il jugea de nouveau néces- saire d'adresser des observations à Court sur sa façon un peu autoritaire de conduire les affaires de l'église. « Vous me permettrez encore, lui dit-il, que nous vous représentions que, M. votre député ayant obtenu des places pour tous [les prédicateurs] en général, il serait nécessaire, quand

i58 1729-1730. vous envoyez des prédicateurs l'étranger], que vous fissiez paraître plus d'égards aux droits des autres provinces que vous n'avez fait paraître par le passé , ou bien que cela fût réglé de manière que personne ne puisse se plaindre. Si on ne règle pas cela , et si Ton n'observe pas les égards que nous indiquons, nous prévoyons qu'il n'y aura que trop lieu à la division, nonobstant les résolutions des [synodes] nationaux- au lieu que, si tout ce que nous disons dans nos deux derniers articles se faisait, Ton pourrait vivre en bonne intelligence, encore qu'on ne pût tous les ans s'assembler en national x, »

L'année suivante Roger eut une joie bien douce en im- posant les mains, dans le synode du Dauphiné du 11 no- vembre 1730, au jeune Faure, qui l'accompagnait depuis 1720 et venait de terminer ses études théologiques au sémi- naire de Lausanne, il était demeuré de juillet 1729 à août [730. Ce dernier était alors âgé de 25 années et avait été reçu prédicateur cinq ans auparavant. Ce dut être une scène bien émouvante pour les églises sous la croix que cette consécration au désert ! Depuis près d'un demi-siècle elles n'avaient été témoins d'aucune cérémonie de ce genre , et en saluant ce jeune ministre, qu'elles avaient vu grandir sous leurs yeux et qui s'était presqu'entièrement formé au désert, elles reprenaient conscience d'elles-mêmes et renaissaient à l'espérance. Le diplôme de consécration délivré aux pasteurs était, selon l'expression du temps, « un brevet de potence » : raison de plus pour les églises d'entourer d'un attachement et d'un respect exceptionnels leurs conducteurs spirituels, qui, soutenus par les sentiments qui leur étaient voués, accomplissaient leur tâche avec un renoncement sans limite.

Le récit du voyage de Faure de Lausanne en Dauphiné

(1) Voy. encore Charles Coquerel, t. 1, p. 202, 2o3.

i59 a été conservé. Il offre de curieuses particularités, et nous 1730. le reproduisons pour donner une idée des difficultés de tout genre que rencontraient les jeunes proposants, obligés de passer la frontière sous des noms empruntés, avec de faux passeports et sous des allures de marchands. Faure quitta Lausanne en compagnie de Lassagne , de Combes et d'un troisième proposant, qui est Fauteur du récit, mais ne se nomme pas. « Le premier jour de marche, dit-il, fut celui d'épreuve pour la fatigue. Ces Messieurs , qui s'étaient amollis par le peu de travail qu'ils avaient fait depuis quel- que temps, du moins de travail de cette nature, sur le soir semblaient n'avoir de bouche que pour se plaindre. M. Las [sagne] avait toujours les mains à ses reins, et, sans com- pliment, lorsqu'il s'approchait de quelque lit, il en mesurait d'abord la longueur. M. Faure était fatigué du chemin. Ce n'était pas le tout. Il était chagrin d'avoir en partage un cheval à qui on ne pouvait disputer le titre de rosse et qui ne tarda pas bien à mériter le nom de flanquine. Messieurs Com[bes] et Fau[re]' étaient fatigués; mais leurs chevaux n'ayant donné aucune marque de rébellion , ils étaient un peu plus tranquilles. Le lendemain au matin nous passâmes à Pont[arlier] , sans entendre dire de nous que ces deux mots à un garçon de boutique : Voilà quatre Suisses qui passent. Le soir nous arrivâmes àArbois, un peu moins fatigués que le jour précédent. Le samedi, à Montfort, encore mieux portants, à la réserve de M. Faure, qui, quoique moins fatigué du chemin, était plus chagrin qu'à l'ordinaire de voir son Flan... lui refuser ses services. Le dimanche matin, Flan..., qui s'était opiniâtre tout de bon à ne vouloir plus rien faire, nous fit aviser de nous servir du vin et de la verge. Ainsi, par le moyen d'une bonne ration d'avoine, bien trempée dans le vin, et par le secours de nos fouets, cette bête lâche porta nos cavaliers jusqu'à Saint- Amour, se trouvait par hasard une chaise vide

i6o

1730. qui allait à Bourg-en- Bresse. Nous la chargeâmes de notre chagrin , et lui ayant attaché notre écharde par derrière et bien recommandée à un cocher, qui avait le soin de lui bailler les étrivières de temps en temps, nous arrivâmes à cette dernière ville dans un assez peu de temps. Ce soulagement de Flan... nous procura le moyen d'aller coucher le soir à Saint-Paul et le lendemain à Lyon. Heureuse arrivée ! Lieu particulièrement désiré de M. Fa[ure], qui trouvait des adoucissements à ses chagrins dans l'espérance de prendre dans cette ville un bateau pour voiture et d'embarquer avec lui son ingrat serviteur. Mais, malheureusement, notre compagnon de voyage se trouva trompé dans son espérance. Il n'y eut point de bateaux prêts à partir, et il fallut se re- mettre ou se résoudre à monter un cheval qui, quoique bien pansé, avait l'indiscrétion de voir. marcher son maître sans s'en mettre en peine. Les choses étant ainsi, nous lui con- seillâmes de. faire de petites journées, et, après l'avoir em- brassé et recommandé à la protection divine, nous prîmes le chemin de Saint- Etienne. »

« Malgré les périls, on le voit, dit Edmond Hugues ', qui a retrouvé ce pittoresque récit dans les papiers d'Antoine Court, nulle crainte, nulle terreur. Tout servait de pré- texte à exciter leur gaîté et soutenir leur courage. Ils aimaient jouer leur nouveau rôle, vrais Français qu'ils étaient, en bravant le danger le rire aux lèvres, sans bravade ni forfan- terie. Combien, cependant, qui parcouraient cette route avec tant d'insouciance, devaient, à peine arrivés au but, mourir misérablement sur le gibet ! »

[1) Antoine Court, t. 11, p. 53-55.

r6i

T^oger crée une école ambulante. Assem- blées dans les bourgs et les villes. Troisième synode national du désert. Martyre du pasteur Durand.

Le vénérable Roger organisa cette année quatre nou- i73o. velles églises , en particulier celle de Die \ ce qui porta leur nombre à quatorze. Dix avaient été créées par lui en 1726. On le supplia à ce moment de se rendre en Provence ; mais les ouvriers étaient trop rares dans le Dauphiné pour qu'il pût accéder à ces vœux, et il renvoya à un autre temps le soin de « réveiller » les protestants de ce pays \ Nous pen- sons même qu'il n'alla jamais en Provence.

Roger institua aussi une école ambulante, qui se trans- portait dans les lieux les moins exposés de la province et se formèrent des jeunes gens, qu'on envoyait ensuite au séminaire de Lausanne pour continuer leurs études théolo- giques. Ce fut une véritable école préparatoire de théologie, qui, à raison de son utilité, obtint une subvention du comité de Lausanne. A la date du 9 mai 1 73 1 elle comptait trois élèves et allait en recevoir deux autres. On y suivait la Logique de Crouzat et la Théologie de Pégorier 2.

Profitant de la tolérance dont ils étaient l'objet à cette époque, les protestants dauphinois se mirent à s'assembler en petit nombre dans les bourgs et les villes pour célébrer leur culte. Un verbal du vicaire Gimet, de Nyons, que nous

(1) Edmond Hugues, Antoine Court, t. 11, p. 118.

(2) Mns. Court, N.° I, t. v; Mézeray, édition Combet, t. in, pages 740» 74»»

II3

IÔ2

i73o. reproduisons aux Pièces justificatives , N.° VI, nous signale un certain nombre de ces assemblées tenues dans cette ville en 1729 et 1780, chez Hector Boutàn, qui avait été enfermé quelque temps à la tour de Crest , David Chambaud , un des principaux religionnaires de Nyons, et Joseph Dupuy. Pendant ce temps, les églises du Vivarais, du Languedoc et du Dauphiné tinrent leur 3e synode national dans la première province, les 26 et 27 septembre 1730. Roger n'y assista point -, mais il fît tenir au synode une lettre de sa province, qui se plaignait des tendances absorbantes des églises du Languedoc, dirigées par Court. « A certains endroits, dit-il, on a voulu paraître en maître et s'attirer les bénéfices sans avoir égard aux droits des autres. » Il observait que les fruits devraient être communs et ajoutait : « Il n'est pas juste d'envoyer à l'étranger prédicateur sur pré- dicateur pour s'y perfectionner, tandis que d'autres y ont les mêmes droits -, c'est en vain que le Languedoc prétend faire des lois de son propre mouvement-, il faut que les affaires soient communiquées à tous. » Roger' faisait sans doute allusion à la décision qu'avaient prise les églises du Lan- guedoc d'ériger le synode de cette province en synode national , quand les circonstances ne permettraient pas la réunion de celui-ci. Le but était louable , mais la prétention inadmissible.

Roger proposa aussi au synode national de créer dans toutes les provinces des écoles ambulantes destinées à pré- parer des jeunes gens pieux au saint ministère. L'idée ne fut pas adoptée*, mais le Dauphiné l'avait déjà réalisée pour sa part, comme on l'a vu. Le synode national de 1758 finit par^l'accepter. Jugeant par expérience qu'il était téméraire d'envoyer au séminaire de Lausanne des jeunes gens dont on n'aurait pas éprouvé suffisamment la capacité et la piété, il décida qu'à l'avenir on les garderait pendant quelque temps dans le sein des églises et auprès des pasteurs, pour

i63 que Ton pût s'assurer de leurs dispositions morales et de 1731-173' leurs aptitudes.

Les églises du Dauphiné étaient prospères à cette heure, •. mais elles manquaient de prédicateurs. Le Trièves , centre réformé important , n'avait pas été visité depuis vingt ans par Roger, et il fallut prier le Vivarais de céder un de ses prédicateurs à la province du Dauphiné. Roger avait alors pour collaborateurs le pasteur Faure et les prédicateurs ou proposants Matthieu Allard, de Die, Etienne Roland, de Quint, Jean-David Bouvier, dit Lachaud, des environs de Vernoux, Jean Martel, Villeveyre, Chambon, Redon et Badon. Ce dernier, qui avait été déposé pour une raison que nous ne connaissons point, fut rétabli en 173 1 par les deux colloques que comptait alors le Dauphiné : celui de la plaine et celui de la montagne.

Les années 1 73 1 et 1732 furent paisibles. Une lettre de Rog^r à Court, du 9 mai 1731, nous apprend que deux ballots des Lettres écrites à un protestant de France au sujet des mariages réformés et du baptême de leurs enfants dans l'église romaine (1730), venaient d'arriver dans le Dauphiné, avec une grande quantité de Nouveaux-Testa- ments. Ces Lettres avaient surtout pour but de représenter leurs torts aux protestants qui « dissimulaient », c'est-à- dire qui se soumettaient à des actes de catholicité pour obtenir des prêtres la bénédiction de leurs mariages et leur faisaient baptiser leurs enfants. En accusant réception de cet envoi, Roger demandait des livres de prières, des caté- , chismes et des Psaumes en grand nombre *.

Pendant que le Dauphiné était paisible , le Vivarais comp- tait un martyr de plus. Le pasteur Pierre Durand, l'émule

(1) Mns. Court, N.° V; C. Coquerel, Histoire des églises du désert, t. 1, p. 203.

164 1731-1732. de Roger et de Court, le restaurateur des églises du Viva- rais, fut exécuté à Montpellier, le 2 3 avril 1732, après douze années de travaux persévérants et dévoués. Il avait embrassé le saint ministère sur les conseils de Roger, et traversait fréquemment le Rhône soit pour visiter son collaborateur et ami, soit pour évangéliser ses coreligionnaires du Dau- phiné. « Il allait souvent, dit le subdélégué Chaix, de Va- lence au lieu de Beaumont, près Valence, et on croit qu'il logeait chez la veuve du nommé Fuzier de Moraye, on a trouvé, en 1728 , des lettres adressées à ce prédicant. On croit aussi qu'il logeait chez les nommés Gensel, rentiers au domaine de Chirac. Il a marié Louis Fuzier, fils de cette veuve, et plusieurs autres-, il a baptisé, dans le mois de septembre 173 1, un enfant du nommé Bert, fermier du sieur de Beaulieu. Le nommé Pouchoulin, aussi du même lieu de Beaumont, est soupçonné d'avoir été son mandeur et de ramasser des contributions qu'on lui servait tant audit Beaumont que dans les lieux circonvoisins, tels que Clious- clat , Livron , Loriol , Barcelonne , Combovin et en le ha- meau des Faucons, mandement de Chabeuil. Tous ces endroits sont autour de la ville de Valence. On n'a point découvert il logeait. On le soupçonne aussi d'avoir été souvent aux lieux de Gigors, Beaufort, Bourdeaux, Espenel et Pontaix, diocèse de Die l, »

(1) Pierre Durand , pasteur du désert et martyr, p. i3, 70, 71.

i65

V. - NOUVELLES PERSÉCUTIONS. iyJ3-iy4o

Lettre de Maillebois. Capture des propo- sants Chambon , Al lard , Villeveyre et Lachaud. Leur condamnation aux galères.

Les sept années de tolérance et de paix (1726-1732) dont 1733-1735. avaient joui les protestants dauphinois depuis ravénement du cardinal Fleury, furent suivies de plusieurs années de persécution, par suite des remontrances du clergé, qui se plaignait amèrement de ce que les édits n'étaient pas exé- cutés.

Le marquis de Maillebois , commandant les troupes royales en Dauphiné, reçut à cet égard les ordres les plus sévères -, mais avant de les mettre à exécution il voulut user des voies de douceur et prévenir les protestants des dangers qui les menaçaient. Il adressa en conséquence la lettre sui- vante à tous les curés des lieux habités par des religion- naires : « A Grenoble, le 3i août 1733. La sévérité des ordres que j'ai reçus de la cour pour travailler à réprimer les désordres qui peuvent naître des assemblées des nou- veaux convertis, qui se sont tenues en plus grand nombre et avec plus de scandale depuis quelques mois, ne me per- met pas de différer plus longtemps à y apporter les remèdes convenables. Cependant, Monsieur, comme la voie de re- présentation et de clémence peut avoir son utilité avant que d'employer celle de la rigueur, j'ai pris sur moi de suspendre

i66

1733-1735. pendant quelque temps l'exécution desdits ordres et de tenter le succès que pourraient avoir les soins et les atten- tions, auxquels le zèle que vous avez pour le service du roi et le bien de la religion catholique doivent vous engager. Je me persuade que si vous voulez les employer avec la vigi- lance et la fermeté qu'un tel cas requiert, j'en éprouverai journellement le bon effet, et que par votre conduite per- sonnelle, votre exactitude à bien instruire vos paroissiens dans les offices divins et à m'informer sans aucune partialité du nom de ceux qui refuseront d'y assister, votre bon exemple opérera plus utilement que les effets de la rigueur qui m'est prescrite. Je vous charge, aussitôt la présente reçue, de la publier à toute votre paroisse assemblée et de la faire dé- poser à votre greffe, afin que personne n'en prétende cause d'ignorance, et que je sois fidèlement informé par vous du jour de la publication, delà forme dans laquelle elle aura été faite et du nombre d'habitants qui y aura assisté. Je jugerai par de la disposition avec laquelle les esprits l'auront reçue, et vous les préviendrez en même temps sur la rigueur avec laquelle je punirai tous ceux qui ne se con- formeront pas à la présente lettre ou qui donneront asile à de misérables prédicants, qui, malgré leur ignorance crasse, nourrissent l'erreur des habitants grossiers et mal instruits qui se trouvent dans l'étendue de votre territoire I. »

La mesure inspirée à Mailiebois par son humanité de- meura vraisemblablement sans résultat appréciable , car pas plus la douceur que la contrainte ne pouvait dissuader les protestants d'assister à des assemblées qu'ils regardaient comme le plus impérieux des devoirs , et les engager à fré- quenter un culte qui répugnait à leur conscience religieuse.

Au moment même Mailiebois écrivait sa lettre, le

(1) Arch. municip. d'Aouste, BB. 26 et GG. 4, fol. 100.

167 seigneur de Volvent, étant à la chasse avec le fils du seigneur 1733-1735. de Miscon, appelé Dupuy La Marne, et Barrai, curé de Lesches, découvrit, à la pointe du jour, sur la montagne de Brette, située entre Volvent et Aucelon, deux jeunes pro- posants, Chambon et Allard, qui venaient de présider une assemblée et avaient été vendus par un traître. Emprisonnés au château de Volvent, puis à Die et à la tour de Grest, ils furent conduits à la conciergerie du palais, sur Tordre du parlement, qui obéissait aux injonctions de la cour, et y subirent un long interrogatoire, dont leurs amis eurent connaissance et qui fut envoyé à Genève, mais que nous Savons pas retrouvé.

Aussitôt après leur arrestation, tous les consuls et châte- lains du diocèse de Die, au nombre de deux cents, furent convoqués au palais épiscopal par un envoyé du marquis de Maillebois, qui les interrogea longuement sur les assemblées des religionnaires et leur ordonna d'obliger ces derniers à assister à la messe et aux autres offices de l'église, sous la menace des peines les plus sévères. Quelques religionnaires eurent la faiblesse de céder, mais le plus grand nombre refusèrent d'obéir. Le parlement envoya ensuite à Die de Treviol, un de ses conseillers, pour instruire le procès d' Allard et de Chambon (janvier 1734). A la suite de l'in- formation, i5o témoins furent cités devant la chambre criminelle du parlement et 28 religionnaires décrétés d'arres- tation. Les archers ne purent toutefois s'emparer que de 14 de ces derniers et les conduisirent dans les prisons de Grenoble ', 3 d'entre eux, qui étaient fort âgés, mou- rurent. Le parlement ouït jusqu'à trois fois les témoins et

(1) Lettres écrites par M. Dangervilliers et les réponses de M. le comte de Cambis, commandant en chef en Dauphiné (Bibl. nationale, fonds franc., 2e part., N.° 8346-8348). Prosper Baûyn, seigneur d'Angervilliers, ancien intendant du Dauphiné, était secrétaire d'État depuis 1728.

i68

1735. prononça son arrêt le 16 février 1735. Matthieu Allard fut condamné aux galères perpétuelles, quoiqu'il n'eût guère que 18 ans; Jean Latard, de Chalancon, qui lui avait servi de guide, à 10 ans de galères, bien qu'il se fût converti depuis sa détention :, les prédicants contumaces Jacques Rougier et Blache, de Quint (désignant les pasteurs Roger et Faure) à mort; 5 aux galères à temps-, une femme à la réclusion perpétuelle et une autre à la réclusion à temps I. La première, nommée Marie Brachet, de La Motte-Cha- lancon, parvint à se sauver des prisons de Grenoble, en obtenant de se faire soigner dans une hôtellerie. Elle put se réfugier à Genève. Son seul crime était d'avoir chanté des Psaumes.

De tous les prisonniers, Jean Latard seul abjura, comme on l'a vu, mais il ne réussit pas pour cela à recouvrer sa liberté. Quant à Allard, il résista à tous les assauts des Jésuites et des chanoines de Grenoble, qui n'avaient cessé de lui dire pendant son procès qu'il ne sauverait sa tête qu'en se convertissant. Leurs menaces, pas plus que leurs promesses, ne réussirent à l'ébranler, et il leur répondit qu'il était disposé à souffrir tout ce que Dieu jugerait à pro- pos de lui envoyer.

De son côté, le commandant en chef du Diois, de Cambis, privé de soldats pour le moment et impuissant dès lors à faire exécuter les ordres du roi relatifs à la fréquentation du culte catholique par les nouveaux convertis, se bornait à mander devant lui les principaux d'entre eux de chaque paroisse et à leur représenter les ordres du roi. La peur leur faisait tout promettre*, mais de retour chez eux ils ne re- prenaient pas davantage le chemin de la messe (7 mars 1 734).

(1) Voyez leurs noms dans la Liste générale des condamnations (Pièces justificatives , N.° II).

169

Vers la fin de l'année, l'évêque de Die écrivit à de Cambis i735- que les religionnaires Barbène et de Borée, habitants de la ville de Die, avaient réuni des armes dans leurs maisons. Le commandant y envoya aussitôt le prévôt des maréchaux La Rochette, qui, ayant fait de minutieuses perquisitions chez les inculpés, ne trouva rien-, de sorte que le rapport de Tévêque fut reconnu mensonger l.

Quelques mois après, le proposant Jean-Louis Cheyssière, dit La Blache, offrit à Tévêque de Die de lui livrer ses maîtres et ses collègues moyennant une bonne somme d'ar- gent. Comme il possédait la liste des « loges » les pasteurs et prédicateurs du désert avaient l'habitude de se cacher, il réussit en partie dans son œuvre criminelle. Le i5 juin 1735 il fit prendre dans la vallée de Quint, par les cavaliers de la maréchaussée , les prédicateurs Villeveyre et Jean Bouvier, dit Lachaud, qui furent immédiatement conduits dans les prisons épiscopales de Die et interrogés. Nous don- nons le procès-verbal des questions qu'on leur adressa et de leurs réponses, cette pièce, curieuse du reste, étant la seule de ce genre que nous possédions sur le Dauphiné.

« Die, i5e juin 1735, par devant nous Etienne-Daniel Izoard, avocat au parlement, lieutenant en la judicature mage de Die et son ressort, faisant les fonctions de subdé- légué de Mgr l'intendant dans les prisons épiscopales de cette ville, nous nous sommes transporté, avec notre greffier, à quatre heures de relevée, et fait amener par devant nous le nommé Jean Villeveyre, l'un des deux hommes qui ont été arrêtés cejourd'hui par ordre de Mgr l'évêque et comte de Die, par la brigade de maréchaussée de résidence en cette ville dans la vallée de Quint , pour procéder à son

(1) Lettres écrites par M. Dangervilliers , etc.

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1735. interrogatoire, lequel, au moyen du serment que nous lui avons fait prêter à la manière accoutumée , a dit :

Qu'il s'appelle Jean Villeveyre, natif de Fontanieu, près de Cévennes, diocèse d'Alais, âgé d'environ 55 ans.

Interrogé depuis quel temps il a quitté son pays? Ré- pond qu'il y a environ 35 ans.

D. Dans quels endroits il a demeuré du depuis et quelle profession il a fait? R. qu'il a resté environ quinze ou seize ans en Suisse ou en Allemagne, et depuis lors dans la province de Dauphiné, il est venu pour gagner sa vie en travaillant de son métier de cardeur de laine et de mois- sonneur.

D. Quelle religion il professe ? R. qu'il est dans la re- ligion protestante et qu'il la professe en particulier, puisqu'il n'est pas permis de la professer publiquement.

D. De quelle religion étaient ses père et mère et s'ils sont décédés? R. qu'ils étaient de la même religion que lui et qu'ils sont décédés depuis longtemps.

D. Dans quel endroit il a été arrêté et par qui ? R. qu'il a été arrêté dans la vallée de Quint, ne sachant le nom du hameau, par les cavaliers de la maréchaussée de résidence en cette ville, accompagnés de quatre sergents de quartier.

D. A qui appartient la maison il a été arrêté ? R. que c'est au nommé Planel.

D. Depuis quel temps il était dans ladite vallée de Quint? R. qu'il ne peut pas nous le dire.

D. A quoi il s'occupait dans ladite vallée? R. qu'il cherchait de l'ouvrage et qu'il n'y était qu'en passant.

D. Si, dans le séjour qu'il y a fait, il a catéchisé, prêché ou fait quelque exercice de la R. P. R. ? R. que pour le faire il faudrait le savoir.

D. S'il ne connaît le nommé Jean, qui a été arrêté avec lui dans ladite vallée de Quint ? R. qu'il se pourrait qu'il l'eût vu et connu, mais qu'il ne s'en souvient pas.

171

D. S'il a assisté plusieurs fois aux assemblées qui ont été i?35. convoquées par ledit Jean, tant dans ladite vallée de Quint qu'ailleurs ? R. qu'il n'y a jamais entendu prêcher.

D. Si non-seulement il ne l'a entendu prêcher, mais plu- sieurs autres de ses camarades ? R. qu'il ne peut tout dire.

D. Si dans les assemblées il a assisté il y avait beau- coup de monde ? R. qu'il ne dit ni oui , ni non.

D. Si ceux qui assistaient avec lui aux assemblées étaient armés ? R. qu'il n'a point vu d'armes et qu'il ne croit pas qu'il s'en porte dans les assemblées.

D. S'il n'a résidé pendant quelque temps auK Petites Vachères ? R. qu'il ne peut pas dire les endroits il a passé.

D. S'il connaît beaucoup de gens dans la vallée de Quint et villages circonvoisins ? R. qu'il ne veut rien dire.

D. S'il n'a assisté aux assemblées du lieu de La Motte, et s'il y connaît beaucoup de monde? R. qu'il ne peut pas tout dire et qu'il n'y a jamais été.

D. S'il connaît depuis longtemps ledit Jean, et s'ils n'ont discouru sur la religion protestante plusieurs fois ensemble ?

R. qu'il ne veut rien dire.

D. Si, lorsqu'il a été arrêté, on lui a trouvé des livres?

R. que non.

D. S'il y en avait dans la maison il était logé? R. qu'il ne peut pas le dire.

D. Si, les assemblées il assistait étant finies, il ne faisait lui-même la cueillette ? R. qu'il ne peut pas le dire.

D. Si , la cueillette faite, ils ne partageaient avec le prédi- cant, et s'ils n'ont pas rassemblé dans une seule assemblée plus de i5o livres ? R. qu'il ne sait pas que dans aucune assemblée il se soit ramassé une aussi grosse somme, et que tout ce qu'on pouvait ramasser était pour les pauvres.

D. Quelle somme on ramassait ordinairement ? R. qu'il ne le sait pas.

172

i735- D. Si, dans les différentes tournées qu'il a faites, il n'a été présent à quelque mariage fait hors de l'église romaine soit par ledit Jean , soit par d'autres prédicants? R. qu'il n'a rien à dire là-dessus.

D. S'il n'a vu baptiser plusieurs enfants hors de l'église romaine ? R. qu'il n'en dit rien.

D. Si ledit Jean ou autres prédicants prêchaient dans les villages ou autres lieux écartés. R. qu'il ne veut rien dire.

D. S'il y a longtemps qu'il est revenu de Suisse et s'il y a des correspondants? R. qu'il y a environ 16 ans*, qu'il y a des parents, mais qu'il ne reçoit pas de lettres de leur part.

D. Si, dans les endroits il a passé, on l'a défrayé de sa dépense, en considération de ses sermons? R. qu'il a prêché quelquefois. Que tantôt on l'a défrayé , tantôt il a payé lui-même la dépense.

D. Dans quels endroits il a prêché? R. Partout il a trouvé des fidèles assemblés au nom de Jésus-Christ.

D. Dans quel village il a prêché ? R. qu'il est inutile de le lui demander, parce qu'il ne veut pas le dire.

D. S'il ne sait être mal fait de prêcher la religion protes- tante contre les ordres du roi ? R. que si les hommes le défendent, Dieu le permet.

D. Dans quel endroit il a fait sa principale demeure? R. qu'il n'a pas de domicile nulle part.

D. Quelle somme on lui donne pour l'ordinaire pour chaque sermon ? R. qu'il ne dit rien de cela.

D. Si, dans les assemblées qu'il a convoquées, il n'a convoqué jusques à deux cents personnes de différents villages, et si la plupart ne vont à ces assemblées armés ? R. qu'il ne les a pas comptés et qu'ils n'y vont armés que de la foi.

D. Qui lui a donné la mission pour prêcher? R. que ce sont les ministres du désert.

- i73 -

D. sont ces ministres du désert ? R. qu'il n'en dit 1735. rien.

D. Si on lui envoie très-souvent des livres de Genève? R. qu'il ne veut rien dire là-dessus.

D. Quel nombre de prédicants il y a dans la province de Dauphiné avec lui ? R. qu'il ne veut rien répondre.

D. Avec quelles personnes il commerce ordinairement ? R. avec tout le monde également.

D. S'il n'a jamais été à la messe? R. qu'il y a été dans son jeune âge, parce qu'il y était forcé, et que c'est ce qui l'a obligé à quitter son pays.

D. Si des rétributions qu'il tirait de ses sermons il en envoie une partie, de même que ses camarades, aux mi- nistres de Genève et de Suisse? R. que non.

D. Quel usage il en fait ? R. qu'il en garde pour vivre et s'entretenir, et donne le reste aux pauvres.

D. S'il a du bien de chez lui? R. que non, et que les dettes l'ont tout emporté.

D. S'il avait quelque argent lorsqu'on l'a arrêté? R. qu'on ne lui a pas demandé l'argent qu'il avait, et qu'il n'a d'autre argent que celui qu'il a remis tout présentement sur la table, consistant en 4 écus de 6 livres, 2 de 3 livres, 5 pièces de 12 sols et 26 pièces de 2 sols. Le tout qui a été remis à notre greffier, dans une bourse de peau.

D. S'il a ses sermons par écrit? R. qu'il ne veut pas le dire.

D. Dans quel endroit il les tient, et s'il n'a d'autres hardes que celles qu'il porte sur lui? R. qu'il ne veut rien dire.

D. S'il n'a quelque linge et quelque habit dans la maison de Planel, il a été arrêté? R. qu'il ne le sait pas-, qu'il le laisse tantôt ici, tantôt là.

D. Dans quel endroit il les a laissés ? R. qu'il ne veut pas le dire.

174 1735. D. S'il y a longtemps qu'il n'a pas prêché ? R. qu'il y a environ une quinzaine de jours.

D. En quel endroit il a fait son dernier sermon ? R. qu'il ne veut pas nous le dire, et qu'il a prêché partout il a trouvé des fidèles assemblés au nom de Jésus-Christ.

D. S'il ne sollicitait lui-même les habitants pour se trouver aux assemblées, et s'il ne prêchait de nuit et dans les lieux écartés? R. qu'il ne veut plus rien dire.

D. S'il faisait le catéchisme aux enfants ? R. qu'il l'a fait partout il s'est trouvé.

Lecture , etc. »

Izoard adressa à peu près les mêmes questions à Bouvier, dit Lachaud , qui refusa de dire son véritable nom , son lieu d'origine et sa parenté. Il déclara seulement qu'il s'ap- pelait Jean, était âgé de 24 ans et avait été arrêté aux Bournats, hameau de Saint-Julien-en^Quint. On le trouva nanti du tome Ier de la célèbre Théologie chrétienne de Bénédict Pictet, d'un Nouveau- Testament de Genève et des Sermons de Gérieux. Il avait assez d'instruction.

Le subdélégué de Die fit une information secrète dans la vallée de Quint pour s'assurer de l'état des esprits. Il trouva ceux-ci fort calmes et nullement disposés à la révolte. Il voulut aussi interroger Villeveyre et Bouvier, mais il n'ob- tint pas d'eux des réponses plus précises qu' Izoard. Les deux prisonniers furent conduits à Grenoble pour être jugés par le parlement, qui reçut l'ordre de la cour de faire leur procès le plus tôt possible I. Il les condamna , le 9 juin 1736 : Villeveyre aux galères perpétuelles et Bouvier à dix années de la même peine. Les galères furent également prononcées contre deux autres prisonniers, et la réclusion perpétuelle contre deux femmes 2. Les deux prédicateurs furent con-

(1) Lettres écrites par M. Dangervilliers , etc.

(2) Voy. la Liste générale des condamnations (Pièces justificat., N.° II).

175 duits en septembre à Toulon, Bouvier mourut peu après 1735. (novembre).

Dès le moment de leur arrestation , un homme pieux de Valence, Chatelan, dont la sœur était mariée à Etienne Chiron, d'abord tondeur de draps à Genève, puis professeur d'histoire et de géographie et catéchiste, s'était beaucoup intéressé à leur sort et avait écrit en leur faveur à ce dernier pour qu'il examinât si, par l'intermédiaire de Jacques Vial- de-Beaumont, également établi à Genève, on ne pourrait prier le roi de Prusse de demander leur grâce. Après leur condamnation, Chatelan leur continua ses soins et écrivit ces lignes à son beau-frère : « Il y a un gentilhomme, qui est bien intentionné, qui se fait fort de faire délivrer cinq galériens moyennant 5oo livres pour le chacun, que l'on consignera en mains sûres jusqu'à ce qu'ils soient élargis. L'on a déjà trouvé environ i,5oo livres dans les collectes que l'on a faites en divers endroits. L'on pourra, à ce que l'on espère, trouver encore 5oo livres ; mais il manquerait encore 5oo livres pour accomplir la somme nécessaire. Supposé qu'il faille approuver ce projet, je suis très-per- suadé que mondit sieur Vial aurait la charité, en cette occasion , d'engager les églises de Hollande ou d'ailleurs de donner lesdites 5oo livres qui manqueront x. »

Au passage de Villeveyre et de Bouvier à Valence, Cha- telan les visita et les secourut. « J'ai eu la triste affliction , dit-il 2, de les voir pendant deux jours qu'ils ont demeuré dans les prisons de cette ville, je leur ai rendu tous les petits services qui ont dépendu de moi ; ce qui a même été

(1) Lettre de Chatelan à Et. Chiron, du 7 février 1737 (Archives Sérusclat).

(2) Lettre de Chatelan à Et. Chiron, du 7 février 1737 (Archives Sérusclat).

176

1735. une faveur particulière qu'on m'a faite, et j'ai eu la douce consolation de les voir souffrir non-seulement avec patience, mais même avec beaucoup de joie et une entière résignation aux ordres de la Providence. Il est impossible de n'être pas touché, quand on aurait un cœur de rocher, des choses que ces bienheureux serviteurs de Dieu endurent et des louanges et actions de grâces qu'ils rendent au Tout-Puis- sant de les avoir rendus dignes de souffrir pour son nom. Je t'assure que ce sont des personnes d'un grand mérite, et que la grâce de Dieu se manifeste abondamment et visible- ment l. »

Le traître La Blache continue ses menées.

Faure et Vouland se réfugient en Suisse.

Prêt d'un prédicateur par le Vivarais.

Encouragé par ses succès, le traître La Blache continua ses poursuites. Accompagné d'un archer et d'un brigadier, il faillit se saisir du pasteur Faure et du proposant Daniel Vouland, dit Roche, le lendemain du jour il fit prendre Villeveyre et Bouvier. Vouland, qui était natif du Poë't- Laval, s'était mis en 1734 sous la direction des pasteurs et prédicateurs du Dauphiné et avait 21 ans. Il accompagna successivement Bouvier, Villeveyre et en dernier lieu le ministre Faure, qui lui donnait des leçons, ainsi qu'au proposant Rolland. La Blache serra de si près Faure et Vouland, que ces derniers n'eurent sur lui, dans la circons- tance présente, qu'une avance de deux cents pas, qui leur

(1) Mns. Court, N.° 17 B.; N.° 1, t. x; Ant. Court, t. 11, p. 12; Bullet. de la Soc. de l'hist. du prot. franc., t. xii, p. 87-96.

i77 permit de se réfugier dans un bois, ils restèrent cachés 1735-1736. toute la journée. Ils gagnèrent de une autre « loge », ils eussent été surpris sans l'heureuse inspiration d'une dame pieuse, qui conjectura qu'ils étaient les victimes de quel- que trahison et leur persuada de fuir. La Blache connaissait en effet toutes les « loges » des pasteurs, et il les fouilla les unes après les autres, à la tête des maréchaussées de Die et de Valence, pendant une grande partie de l'été de 1736. Ses efforts, néanmoins, ne furent pas couronnés de succès*, mais ils avaient obligé Faure et Vouland à se réfugier en Suisse. Ce dernier entra au séminaire de Lausanne en oc- tobre 1735 et rentra en Dauphiné en avril 1736.

Le premier se trouvait à Berne, le 4 juillet 1736, malade et sans ressources, et demanda un secours à Antoine Court, directeur du séminaire de Lausanne depuis 1730. Il lui énumérait en quelques lignes les titres qu'il avait à sa sym- pathie chrétienne en lui apprenant qu'il avait exercé le saint ministère pendant seize années (6 ans comme proposant et 10 ans comme pasteur)*, qu'il avait été vendu deux fois, dépouillé de ses effets et de 40 sermons, condamné enfin à être pendu le 16 février 1735. Court en écrivit à Berne, au doyen Dachs , et Faure reçut un secours qui lui permit de vivre à Lausanne, en attendant son retour dans le Dauphiné. Quant à Vouland, il entra au séminaire de Lausanne, comme nous l'avons dit, pour continuer ses études et s'y fit consacrer au saint ministère en 1736.

Au mois d'avril de cette même année , le synode du Viva- rais prêta, sur leur prière, un prédicateur aux églises du Dauphiné. « Nos chers frères des églises du Dauphiné, lit- on dans les actes de ce synode *, nous ayant demandé un pasteur et deux prédicateurs, mais ne pouvant, pour le

(0 Recueil des actes des synodes de la province du Vwarais (Mns.)-

'3 12

178 1736-1737. présent, leur envoyer qu'un prédicateur, la compagnie a prié notre très-cher et bien aimé frère M. Blachon d'aller exercer son ministère dans lesdites églises du Dauphiné, jusqu'à ce que le synode le rappellera ou qu'il aura d'autres raisons suffisantes pour revenir parmi nous. »

Enlèvements d'enfants. Deux mémoires de

l'évêque de Cap sur les mariages des reli-

gionnaires et les charges municipales qui

leur étaient confiées.

Désespérant de convertir les parents, on s'attachait sur- tout à cette époque à arracher aux religionnaires leurs enfants pour les faire instruire dans le catholicisme. Ainsi, en 1737, un jeune enfant de quatorze ans, nommé Gaspard Clavel, natif de Trescléoux, fut renfermé dans la maison de la Propagation de la foi de Grenoble, parce que ses parents, très-attachés à leur religion, relevaient dans leur foi , bien qu'au dire du curé de son village il manifestât de la propension pour le catholicisme. Quatre enfants protes- tants, filles ou garçons, étaient déjà à ce moment empri- sonnés dans cet établissement. A Gap il y avait aussi une maison de charité, fondée en faveur des orphelins pauvres de la ville, qui fut convertie, en vertu de lettres patentes du roi, en une maison de propagation pour les filles des reli- gionnaires. Le roi payait annuellement des gratifications pour chacune d'elles, et, renfermées depuis l'âge de dix ans, on les gardait jusqu'à ce qu'elles se mariassent ou fussent suffisamment instruites pour qu'on les pût rendre à leurs parents sans danger d'un retour à la religion de leur enfance. Sur ce point la règle était fort sévère, et nous voyons l'évêque de Gap François Berger de Malissolles prendre

!79 l'arrêté suçant en 1737 : « Nous François, évêque de Gap..., i737- après avoir parlé aux Sœurs directrices de la maison de charité de cette ville, nous leur avons notifié et déclaré, spécialement à la très-chère Mère supérieure, qu'il leur était défendu de laisser sortir ni remettre aucune des filles nou- vellement converties que le roi a la bonté de faire élever et entretenir en ladite maison de charité , sans la permission expresse qui sera donnée de la part de Sa Majesté, à peine d'en répondre ; la volonté du roi à cet égard nous ayant été signifiée à nous-même par M. le comte du Muy, par la lettre dont il nous a honoré à la date du 7 août présente année. Et pour éviter toute surprise et avoir de quoi parer aux ins- tances ou artifices des parents des susdites filles, nous avons remis à la révérende Mère, en présence des autres direc- trices, par cet écrit, la copie de la signification et de la dé- fense que nous venons de lui faire, dont nous requérons la plus exacte exécution. Fait à Gap, le 20 août 1737. -f Fran- çois, évêque de Gap x. » C'est ainsi que, sous ombre de religion, on méconnaissait les droits les plus sacrés de la nature.

L' évêque de Gap ne s'arrêta pas et ne voulut laisser inexécuté dans son diocèse aucun des sévères édits portés contre les religionnaires. La même année 1737, « il envoya au commandant militaire du Dauphiné, dit Charronnet 2, deux mémoires 3, l'un sur les mariages clandestins accom- plis dans son diocèse, l'autre sur les nouveaux convertis investis de charges municipales. Il avait noté les mariages de plusieurs habitants de Serres, et en marge des noms

(1) Charronnet, p. 453-455, 460.

(2) Pag. 5o8-5i2.

(3) Voy. le Bulletin de la Société de l'histoire dit protestantisme français, t. v, p. 3 1 5-3 1 9.

180 i737. Tintendant écrivit : « Leur ordonner, de ma part, de se rendre à Grenoble dans huit jours... » A Orpierre, parmi les calvinistes obstinés, l'évêque cite le maire, un consul, un notaire, un chirurgien secrétaire de la communauté, un distributeur et une distributrice de tabac. L'intendant a écrit, en marge, vis-à-vis le nom du maire : « Le destituer*, » à côté du nom du notaire royal : « Faire examiner les certi- ficats qu'il doit avoir fournis en se faisant recevoir. » Le secrétaire de la communauté et les distributeurs de tabac sont notés pour la destitution. Quant au consul, il n'est l'objet d'aucune observation , probablement parce qu'il est l'élu du peuple. La paroisse de Chabottes avait un châtelain et un consul calvinistes; La Baume-des-Arnauds, deux consuls calvinistes et un lieutenant de châtelain, que l'in- tendant recommande d'ôter. Les communautés de Lagrand, Rosans, Serres ont chacune un consul calviniste. A Sigoyer et à Montmaur l'intendant ordonne la destitution des châ- telains, parce qu'ils sont de la religion. L'un des consuls de Trescléoux est calviniste; Sainte- Euphémie a deux consuls religionnaires et le secrétaire de la communauté. Comme celui-ci est un notaire, l'intendant a mis en regard de son nom : « Voir ses certificats-, -qu'il les apporte. » A Saint- Auban le mémoire signale comme hérétiques un consul, un greffier, le châtelain, qui est en même temps notaire, contrôleur des actes et distributeur du sel, et un médecin- chirurgien. Les noms de ces personnes ne sont accompagnés d'aucune note marginale ; mais l'intendant recommande d'écrire à M. de Saint-Auban, seigneur du lieu, pour faire destituer un procureur d'office et un trésorier, également religionnaires. A Cornillon le châtelain est calviniste*, on le destituera. A Montbrand un des consuls et le secrétaire de la communauté sont aussi.de la religion. »

Le marquis de Maillebois, avant de prendre les résolu- tions consignées en marge des mémoires de l'évêque, avait

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un peu hésité. Au moment de passer de la parole à Faction , 1737. Tévêque hésita à son tour et fut d'avis d'attendre les réponses des ministres, auxquels Maillebois en avait référé. Les mi- nistres ne se prononcèrent pas d'une manière formelle, car Maillebois écrivit à l'évêque : « Comme les réponses de nos ministres me paraissent conformes aux vues que nous avons concertées, je crois que vous pourrez faire aller en avant le sieur Céas, quand vous le jugerez à propos, ne pouvant me persuader, par le contenu des réponses, que l'on ait des reproches à essuyer sur les destitutions qui sont mentionnées dans mes apostilles. Au surplus, si vous jugez convenable d'en différer quelques-unes, vous en serez bien le maître, et je ne peux mieux faire que de m'en rapporter à ce que vous jugerez nécessaire. » Ces hésitations ne sont-elles pas un hommage involontaire rendu à la justice de la cause des victimes? On peut frapper, et l'on n'ose, tant on se sent faible devant la conscience et devant Dieu.

Depuis le départ de Faure et de Vouland pour la Suisse, Roger et Roland étant chargés de tout le fardeau du mi- nistère, les églises du Dauphiné demandèrent un aide au synode du Vivarais, qui leur prêta Duvernet', mais, au der- nier moment, une cause imprévue empêcha son départ. « La retraite de notre cher frère M. Dubos, lit-on dans les actes du synode du Vivarais du 25 avril 1737, mettant les églises dans l'impuissance d'envoyer notre très-cher frère Monsieur Duvernet aux églises du Dauphiné, comme on le leur avait promis, la compagnie a arrêté qu'on Récrira en son nom là- dessus aux pasteurs de ladite province, pour leur apprendre qu'on ne pourra pas, pour le présent, satisfaire à leur prière et pour leur en dire les raisons. » Blachon lui-même, prêté le 2 5 avril de l'année précédente, ne demeura qu'un an et demi dans le Dauphiné. Il assistait au synode provincial du Vivarais du 7 octobre 1737 et montrait à la compagnie « les

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1738-1740. bons témoignages de sa doctrine et de sa sage conduite 1 », qui lui avaient été délivrés par ses frères du Dauphiné.

Continuation des enlèvements d'enfants.

Scènes déchirantes. Mauvais traitements

infligés à ces derniers dans l'hôpital de

Die.

Les enlèvements d'enfants continuèrent pendant les an- nées 1738 à 1740, à la suggestion des évêques, auxquels les subdélégués donnaient plein pouvoir pour tout ce qui avait trait à la religion. Voici la manière dont on procédait. Chaque curé , sur Tordre de l'évêque ou du grand vicaire , dressait la liste des enfants des religionnaires de sa paroisse et notait ceux qui, à son jugement, devaient être enlevés à leurs père et mère. La liste était remise au subdélégué, qui faisait dire ceci aux parents par les châtelains ou le leur écrivait lui-même : « Vous ne ferez faute de m'amener un tel, votre fils, une telle, votre fille, que je veux voir, sous peine d'être traités comme rebelles aux ordres du roi. » Sur cette invitation, plusieurs parents amenaient leurs enfants chez le subdélégué, qui mandait aussitôt le grand vicaire, et celui-ci, que les parents y consentissent ou non, condui- sait les enfants au couvent, sans autre forme de procès.

C'est ainsi qu'en usa Chaix, subdélégué de Valence. Sibeud, subdélégué de Die, payait de la même audace, et, pour se mettre à couvert vis-à-vis de la cour, il faisait signer les listes d'enlèvement par les consuls réformés, en leur promettant d'effacer de ces listes les noms de leurs enfants

(1) Recueil des actes des synodes de la province du Vivarais (Mns.)-

i83 et ceux de leurs parents les plus rapprochés. Ayant ordonné 1738-1740 un jour (en 1738) à un grand nombre de parents réformés de se trouver à tel jour et à telle heure en un certain endroit qu'il leur désignait , il dit à chacun d'eux : « Le roi réclame votre fils un tel, votre fille une telle. » Les parents deman- dent avec instance à voir les ordres du roi , et le subdélégué, dans Timpossibilité de les montrer, s'écrie : « Croyez-vous que je vous demande vos enfants sans ordre ? Obéissez seule- ment et je vous les montrerai. » Les parents éperdus résistent. Sibeud les comble alors de protestations d'amitié et de ca- resses, leur offre ses services, et, voyant qu'il ne gagne rien, entre dans une violente colère, menace, rugit et leur montre ses archers prêts à les jeter en prison. Les malheureux pa- rents effrayés cèdent et lui promettent leurs enfants. Tous cependant ne tenaient pas parole. Les uns attendaient que les archers vinssent arracher leurs enfants de leurs bras, d'autres les cachaient, d'autres fuyaient avec eux.

Les enlèvements de vive force donnaient souvent lieu à des scènes déchirantes. C'est ainsi que le chirurgien Durand, de La Motte-Chalancon , se voyant ôter son enfant par les archers , ne put survivre à sa douleur et se donna un coup de lancette, dont il mourut sur l'heure. La fille de M. Rodet des Granges, de Beaumont, fut arrachée de vive force par les archers des mains de sa mère et de sa belle-sœur, accou- chée depuis quatre jours. Ces deux malheureuses furent traînées à demi-vêtues. La belle-sœur s'affaissa sur elle- même au pied du portail de la maison , et la mère fit un quart de lieue de chemin, en tenant toujours son enfant dans ses bras. A bout de forces, elle finit par céder, et la pauvre enfant eut un tel effroi de cette scène que son visage en conserva depuis une pâleur mortelle (Noël 1739). Quelque temps après , le subdélégué Chaix fit emprisonner M. Rodet à Valence, parce qu'il avait refusé de payer les vêtements que les archers achetèrent pour sa fille chez le

184 1738- 1740. premier marchand qui leur tomba sous la main au moment de son enlèvement. Quoique parent de ce même subdélégué, il fut traité par lui avec la plus grande inhumanité et se vit refuser jusqu'à un matelas pour son lit.

M. Dumont, de Crest, sachant que les archers, sur Tordre de Sibeud, s'apprêtaient à lui enlever sa fille, quitta sa maison avec elle et erra longtemps en fugitif. Pour l'obliger à la rendre, Sibeud fit saccager sa maison par les archers et emprisonner à la tour de Crest sa femme, qui était grosse et fit une fausse couche après un long évanouissement. Abîmé de chagrin, M. Dumont livra sa fille en pleurant.

D'autres fois les subdélégués tenaient les parents en prison ou logeaient chez eux des archers jusqu'à ce qu'ils leur eussent amené leurs enfants. Ils agissaient de même pour leur faire payer les frais d'entretien et d'éducation de ces derniers.

Tel fut le cas de MM. Poulat frères, Rodet le cadet et la veuve Jomas, de Beaumont ; Roland et Poudrel, de Ma- rignac (1739)', Didier, de Saint- Andéol-en-Quint; Borrel et Jean Dumas, de Laval-d'Aix (Pâques 1740)-, Pierre Faure , d'Espenel (1738)', Goutiol et Rossain frères, de Livron-, Bérard, de Pont-en-Royans-, Besson, apothicaire à Loriol; Tourte, de Chabeuil; Bouillane, des Bailles du haut de Quint -, deux veuves de Saint - Roman , dans la baronnie d'Aix. Sibeud s'acquittait de sa tâche avec un tel acharnement qu'il envoya jusqu'à sept fois les archers chez Richaud, à Saint-Etienne dans le bas Quint, pour se saisir soit de sa fille, soit de sa femme, soit de lui-même. Toutes ces courses étaient taxées à des prix exorbitants, sans parler des frais particuliers que les victimes devaient payer pour leur séjour en prison. Que si les filles enlevées se fai- saient religieuses, les parents étaient encore forcés de payer une dot, souvent considérable, pour leur entrée au couvent. Dans les Baronnies on agit de même, et Ton vit passer

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plusieurs fois dans la plaine du Rhône des archers emme- 1738- 1740. nant des enfants de Nyons. Toutes les villes épiscopales du Dauphiné, surtout Grenoble et Die, se remplirent de ces malheureux enfants, qui étaient renfermés dans des cou- vents ou des hôpitaux. Roger estime qu'à la date du 4 sep- tembre 1740 la maison de la Propagation de la foi de Gre- noble comptait de cinq à six cents enfants protestants, et Thôpital de Die de cent à cent vingt.

Dans ce dernier établissement les enfants étaient fort mal- traités. « A cet hôpital de Die, raconte une relation contem- poraine, on exerce des cruautés inouïes, comme cet exemple le montre. Une fille d'un quartier qu'on appelle Ausson , dans la paroisse de Die, ayant fait chauffer une petite pierre pour mettre à une autre fort malade, à cause de la rigueur du froid, pour réchauffer, avait caché cette pierre dans sa manche et l'apportait donc à cette malade. On lui demanda ce qu'elle portait là. Voyant qu'elle ne pouvait le cacher, elle avoua que c'était une pierre qu'elle portait à telle malade pour la soulager, à cause du grand froid. A cause de cela, on la rossa tellement de coups de bâton qu'on lui meurtrit tout son corps. Sa mère arriva un moment après, qui la trouva toutéplorée. Lui ayant demandé ce qu'elle avait, elle le lui déclara et lui montra son corps tout noir de coups de bâton. Cette femme s'en fut trouver le grand vicaire, qu'elle pria de venir voir sa fille. Elle la fit dépouiller devant lui , lequel, voyant les meurtrissures que ces inhumaines et plus que barbares créatures avaient faites à cette pauvre enfant, les menaça de les faire mettre en prison; mais ce n'a été que des menaces. Ces pauvres enfants sont presque tous malades, sans qu'il soit permis à ceux qui pourraient le faire de leur donner le moindre secours, ni non plus à leurs parents. »

L'évêque de Die avait aussi créé des écoles de filles et de garçons, dirigées par des Frères et des Sœurs qu'il avait fait venir de Paris. Les enfants protestants étaient obligés de s'y

i86

1 738-1 740. rendre, et on leur apprenait, dit Roger, « de regarder leurs parents réformés comme des hérétiques destinés aux enfers. . . Ces enfants sont la croix de leurs parents, puisque la moindre chose qu'ils leur voient faire ou entendent dire contre la pratique romaine, ils les outragent, ils les injurient, sans que ces pauvres pères et mères osent leur rien dire , crainte que leurs propres enfants ne leur fassent arriver de fâcheuses affaires-, et tous les pères et mères qui ont paru faire quel- que difficulté d'envoyer leurs enfants à ces écoles , ont été enfermés dans l'hôpital ou dans le couvent et conduits à Grenoble 1 ».

Condamnations pour fait d'assemblées. Connivence du peuple dans la persécution. Effroi des religionnaires . Arrivée de quel- ques compagnies de housards.

Quoiqu'on s'attachât surtout à cette époque à l'enlève- ment et à l'instruction des enfants des religionnaires , on ne cessait point pour cela de surveiller les assemblées et d'ap- pliquer avec sévérité les édits à ceux qui s'y rendaient. C'est ainsi qu'un arrêt du parlement de Grenoble, du 9 avril 1740, condamna à mort par contumace Duron (ou Verduron), marchand d'Aubenas et prédicant, qui avait présidé une assemblée dans le Gapençais. Trois personnes, convaincues d'y avoir assisté, furent condamnées aux galères ou au ban- nissement} un livre de Psaumes, imprimé à Genève, à être brûlé.

(1) Mns. Court, N.° 17, B. et R. ; Armand, Quelques documents depuis la révocation de ledit de Nantes (Mns.).

187

Le 21 mai 1740, le même parlement condamna également 1 738-1740. à mort par contumace les prédicants Dupré, Dupuy et Garcin, et un simple fidèle, Jean Besson Miserat, de Men- glas , et neuf hommes ou femmes aux galères ou au bannis- sement. La grange de Jean Baud, aux Sarrons, dans le Trièves , s'étaient tenues les assemblées, fut rasée, et sur ses fondements on plaça cette inscription : « Cette croix a été construite ensuite de l'arrêt de la cour du vingt -un mai mil sept cent quarante, qui a ordonné la démolition d'une grange qui y était ci - dessus située, dans laquelle ceux de la religion prétendue réformée avaient tenu diffé- rentes assemblées. » Les trois prédicants condamnés à mort furent pendus en effigie sur la place de Mens.

Quelques mois après, un édit, du 3 sept. 1740, frappait encore diverses personnes pour fait d'assemblées. Jacques Pellissier Tanon, châtelain royal de Mens, atteint et con- vaincu de prévarications dans les fonctions de sa charge (c'est-à-dire d'attachement à sa religion) et d'avoir favorisé l'évasion des prédicants, fut condamné aux galères perpé- tuelles, à la confiscation de son office de châtelain, à 1,000 livres d'amende envers le roi et aux dépens. Onze autres, hommes ou femmes, furent condamnés aux galères, au bannissement ou à la réclusion l.

Cette même année le parlement publia un autre arrêt, dont nous ne connaissons pas la date exacte, qui interdisait toutes les charges publiques aux religionnaires, notammen : les fonctions de secrétaire et consul des communautés , im posait de grosses amendes aux seigneurs qui avaient ou se permettraient d'avoir des châtelains réformés dans leurs terres.

Le peuple lui-même faisait quelquefois cause commune

(1) Voy. la Liste générale des condamnations (Pièces justificat., N.°1I) .

1738-1740- avec les persécuteurs. C'est ainsi que trente paysans de Charpey, vers la fin de février 1740, sur le bruit que les protestants tenaient une assemblée, s'ameutèrent pour la surprendre et ne trouvèrent personne. Ayant toutefois ren- contré quelques jeunes filles, qui rentraient dans leurs maisons, et JeanGrimaud, de Sainte-Croix, domestique de M. Jacques Romieu, qui revenait chez son maître, ils se saisirent d'eux. M. Romieu lui-même, qui était malade depuis plusieurs années, fut arrêté dans son lit par le sub- délégué Chaix en personne, qui le traita avec une extrême dureté. Depuis sa maison jusques à la tour de Crest il ne cessa de vomir du sang. Chaix ne lui fit pas moins subir à Crest un interrogatoire de sept heures et défendit à per- sonne de l'approcher, sous les peines les plus sévères. Le malheureux., atteint de pulmonie, languit encore trois ou quatre mois et fut trouvé mort, tenant entre ses mains les Entretiens solitaires d'une âme dévote avec son Dieu. On retint son domestique de longs mois dans les prisons de Valence, quoiqu'on n'eût absolument aucune preuve de sa participation à l'assemblée de Charpey. Le nouvel intendant du Dauphiné, L. J. Berthier de Sauvigny, le fit sortir de prison l'année suivante, quelques jours avant Noël. Les deux sœurs de M. Romieu, craignant de subir le sort de leur frère, restèrent longtemps fugitives.

A Saillans il s'en fallut de peu que les catholiques, excités par les prédications des missionnaires, ne levassent « l'éten- dard du sang », comme dit si tragiquement la relation de Roger, d'où nous extrayons ces détails. Ayant fait courir le bruit, la semaine avant Pâques, que les religionnaires du lieu voulaient les massacrer au moment de la dernière pro- cession qu'ils devaient faire à l'entrée de la nuit, ils pous- sèrent leurs enfants à jeter des pierres contre les portes et les fenêtres de leurs maisons : ce que les religionnaires souffrirent en silence. « Les réformés, dit du reste Roger,

- i89 - ont remarqué que depuis quelques années, que les missions 1738-1740. sont devenues plus fréquentes et presque générales, les catholiques du vulgaire, après ces missions, prennent un air féroce et pendant plusieurs semaines ne regardent les réformés qu'avec beaucoup de dédain, quoique les religion- naires observent un silence religieux sur les bassesses et les choses honteuses que les missionnaires avancent dans leurs prônes, au rapport des catholiques, et qu'ils évitent avec Nsoin tout ce qui pourrait leur attirer les reproches et de fâcheuses affaires au sujet de pratiques entièrement étran- gères à l'Évangile. »

Cette animosité des catholiques, jointe aux menaces que firent les curés pendant tout l'hiver et le printemps de l'année 1 740 de faire enlever de vive force tous les enfants que leurs parents n'enverraient pas au catéchisme et à la messe, remplirent tellement d'effroi ces derniers qu'ils se regar- daient comme perdus et n'avaient pas le courage de vaquer à leurs occupations. Plusieurs d'entre eux quittèrent le Dauphiné et un grand nombre d'autres auraient suivi leur exemple si le temps ou leurs moyens d'existence le leur eussent permis. La tristesse était telle que des communautés entières d'au-dessus de Die prirent des habits de deuil et les faisaient également porter aux personnes qu'elles char- geaient de quelque message pour les affaires publiques.

Cinq ou six compagnies de housards, qui arrivèrent en Dauphiné au commencement de l'été et furent envoyées dans les quartiers les protestants avaient montré le plus d'ardeur pour les assemblées, augmentèrent les inquiétudes de ces derniers et leur firent craindre un moment que les dragonnades ne recommençassent. Il n'en fut rien heureu- sement, par le fait de l'excellent esprit des officiers housards et des ordres qu'ils avaient reçus. En effet, au lieu de loger exclusivement leurs troupes chez les réformés, comme les catholiques auraient voulu les y obliger, ils s'établirent in-

igo

1738-1740. différemment chez les uns et chez les autres. « L'on peut dire, écrivait Roger, que leur conduite honnête, sans grever personne, a rassuré les réformés et comme mortifié les ca- tholiques passionnés l. »

Ces alertes perpétuelles décidèrent les pasteurs du Dau- phiné à renoncer à leurs écoles ambulantes et à ne plus s'adjoindre d'étudiants. « Obligés, écrit Vouland au pasteur Peirot, du Vivarais2, à cause des malheurs qui nous sont arrivés, de changer souvent de demeure, de courir d'un côté et d'autre, un jeune homme n'aurait guère pu profiter avec nous. Il nous aurait exposés et aurait été à charge à l'église... Une raison encore, c'est la difficulté de trouver de bons sujets, des sujets propres à exercer le ministère. Je dis de bons sujets, car, pour en trouver, nous en trouvons plus que nous n'en voulons; mais il y en a peu qui aient des dispositions convenables. L'un n'a point de mémoire , encore moins de jugement-, un autre est un volage, un étourdi, un turbulent ; un troisième n'a point d'application , point de santé, point de bien-, il n'a pas demeuré quatre mois au désert qu'il est à charge à l'église. »

(1) Mns. Court, N.° 17, R. et B.

(2) Lettre du 3i mai 1742 (Recueil de pièces relatives aux églises réform. du Vivarais, du Languedoc et du Dauphiné (Mns.).

I91

VI. - ADOUCISSEMENT DE LA PERSÉCUTION AU DÉBUT DE LA

GUERRE DE LA SUCCESSION DAUTRICHE. ASSEMBLÉES DE

JOUR. CONDAMNATIONS NOMBREUSES.

ij4i iy5o

Statistique des protestants et des églises du Dauphiné. Assemblées.

En 1740 éclata la longue guerre de la succession d'Au- 1741-1743. triche contre Marie-Thérèse, et le sort des protestants en reçut par contre -coup quelques adoucissements. « Nos affaires vont toujours leur train, écrivait-on du Dauphiné le 3i mars 1742. Il y a peu de personnes qui fassent bénir leurs mariages [par les prêtres] , encore moins qui fassent baptiser. A l'égard des prisonniers qui étaient détenus dans les prisons de Grenoble, il n'y en a plus qu'un à Grenoble, excepté ceux qui sont condamnés par arrêt de la cour. J. Grimaud [le domestique de M. Romieu, dont il a été parlé ci-dessus] sortit des prisons de Valence quelques jours avant Noël. Il en est aussi sorti trois de ceux de Nyons de la tour de Crest, savoir les trois Gourjons, avec un autre. Il y en a encore deux, une femme et un homme, qu'on espère qu'ils sortiront aussi dans peu. On ne les a fait sortir que les uns après les autres. Il y en a aussi de Fourcinet ou Beaurières, qu'on ne parle pas de sortir encore. Ils avaient été libres tandis que le gouverneur n'y était pas*, on pouvait les aller voir facilement-, mais, depuis qu'il est revenu, on n'a plus cette liberté. Il y a déjà quelque temps qu'on n'a pas pris des enfants pour le couvent, quoique Ton en

192

1 74i-i743- eût menacé douze ou quinze du côté de Die, dont il y en avait une des Lantheaume, de Sainte-Croix -, mais elles ont eu contre-ordre, à ce que dirent quelques-unes de ces gou- vernantes qui ont la direction de ces enfants -, disant même qu'elles avaient ordre de laisser les portes ouvertes : ce que je ne puis pourtant pas me persuader. Il s'en est sauvé pourtant plusieurs de ceux de Grenoble I. »

Cet adoucissement dans le sort des protestants n'empêcha pas le parlement de Grenoble de prononcer quelques arrêts contre eux. Ainsi, le 17 mai 1741, il condamna quatre per- sonnes aux galères ou au bannissement, et la grange de David Faure, elles s'étaient assemblées avec d'autres de leurs coreligionnaires, à être démolie et rasée; et, le 9 dé- cembre de la même année , il ordonna à Jacques Oddoux Marcel de faire réhabiliter son mariage avec Louise Girard par devant le curé de Cordéac, sous peine d'être traité comme concubinaire public et de voir ses enfants déclarés illégitimes. Le 5 juin 1742 on arrêta, dans la maison du sieur Baux, du lieu de Bouteux, paroisse de Saint-Pancrace en Trièves, le prédicateur Pierre Combe, dit Dubuisson, natif de Combovin, âgé de 34 à 35 ans. Il fut trahi par un voisin de Baux, appelé Luya. Le prêtre de Saint-Pancrace, nommé du Billet, ayant ameuté les paysans de l'endroit, fit investir la maison de Baux et se saisit de Combe, qui fut aussitôt conduit à Saint-Pancrace, les gardes de Mens vinrent le prendre. Le même jour, Baux, qui aurait pu prendre la fuite, fut aussi arrêté. On les conduisit tous les deux à Grenoble, en compagnie de quatre voleurs; mais ils furent relâchés peu après 2.

Le pasteur Vouland profita de cette époque de tolérance

(1) Mns. Court, N.° 17, R.

(2) Mns. Court, N.° 17, R.

193

relative pour dresser, en janvier 1744, une statistique des 1744. protestants du Dauphiné. Il trouva, pour le quartier de la plaine, depuis le Pont-en-Royans jusqu'à Saint-Paul-trois- Châteaux : 2,200 familles et 1 1,000 âmes ; pour le quartier s'étendant de Bourdeaux à Tulette : 2,700 familles et 14,000 âmes; pour le quartier de la montagne, depuis Le Buis jusqu'à Montbrand : 4,000 familles et 20,000 âmes; pour le quartier d'au-dessus de Die, le val de Trièves, le Champ- saur jusqu'à la vallée de Freissinières : 3, 000 familles et 1 5,ooo âmes; enfin, pour le quartier depuis Die jusqu'à Crest, y compris la vallée de Quint et de Beaufort : 2,3oo familles et 16,000 âmes; en tout 14,200 familles et 76,000 âmes l. Vouland ajoute, dans la lettre qui contient ces ren- seignements, qu'il y a plusieurs autres localités qu'il ne connaît pas bien et qui doivent compter encore quelques protestants, comme Grenoble, le Bourg-d'Oisans, L'Albenc, Roybon , etc. Il pense que le nombre de 76,000 n'est pas exagéré et que , si l'on se donnait la peine de compter plus exactement, on arriverait à un chiffre plus élevé. « Nos affaires, ajoute-t-il , vont assez bien ; nous ne nous assemblons pas en plein jour, mais nous espérons le faire bientôt avec le secours du Seigneur. Nous sommes fort tranquilles , quoi- que nous ayons quelques bataillons de soldats en quartiers à Die, à Crest, à Romans, à Valence. Ils ne nous inquiètent pas plus que s'il n'y en avait point. Nous ne faisons pas difficulté d'aller dans les villes , et nous nous faisons même raser aux soldats2. » A cette époque le Dauphiné comptait 60 églises constituées , possédant chacune un consistoire

(1) On trouvera aux Pièces justificatives , N.° VII, la statistique complète de Vouland. Voyez aussi les réflexions de la page 18.

(2) Mns. Court, N.° 1, t. xv.

i33

194 1744- en exercice *. Dans toute la France il y en avait 3oo, des- servies par 28 pasteurs 2.

Peu de temps après, les protestants dauphinois, appre- nant que dans plusieurs provinces du royaume leurs coreli- gionnaires tenaient leurs assemblées religieuses en plein jour, près des villes, des bourgs et des villages, au vu et au su de tout le monde, sans être inquiétés, prirent aussi la réso- lution, dans leur synode provincial du 7 mai 1744, de se réunir de jour et publiquement. Ils s'assemblèrent d'abord sans pasteur, pour chanter des cantiques et lire la Parole de Dieu, et comme ils ne furent troublés en rien dans ces pieux exercices, les ministres se joignirent à eux et les as- semblées devinrent fréquentes. Ce ne fut pas seulement l'exemple qui les détermina à agir ainsi : comme leurs core- ligionnaires des autres provinces, ils étaient bien aises de montrer à la cour et à tous que leur culte était aussi simple qu'honnête, et de se laver des fausses imputations dont leurs assemblées de nuit au désert étaient l'objet. Ils furent donc heureux que des catholiques se rendissent quelquefois à leurs assemblées, afin qu'au besoin ceux-ci pussent té- moigner de l'innocence de leurs mœurs.

Leurs deux premières assemblées de jour et publiques, mais sans ministre, se tinrent à Nyons et à Beaumont, et celle les ministres assistèrent pour la première fois , eut lieu à la Baume-Cornillane, le 24 mai, jour de Pentecôte. Huit mille personnes au moins y étaient présentes. Le véné- rable Roger fit la prédication et administra la cène , aidé de Vouland. La seconde assemblée présidée par un ministre se réunit à Beaufort le dimanche suivant, 3i mai. Vouland, à

(1) Mns. Court, N.° 17, Q. Nous en donnons la liste aux Pièces justi- ficatives , N.° VIII.

(2) Mns. Court, N.° 5.

ig5

son tour, occupa la chaire. Des catholiques assistèrent à 1744- Tune et à l'autre réunion, et elles firent beaucoup de bruit dans la province. D'autres assemblées eurent encore lieu, Ton compta jusqu'à dix et douze mille protestants et huit cents catholiques. Des prêtres même y assistèrent. Tel fut le cas de Jean Guibert, de Luc, curé de Saint- Dizier-, Antoine Penin, de Die, curé de Valdrôme*, Louis Brunel, curé de Poyols, et Charles Désandré, de La Motte-Cha- lancon, prieur et curé de Charens, qui se rendirent à une assemblée convoquée par Vouland et prirent des rafraîchis- sements avec lui. Ces honorables ecclésiastiques payèrent cher cette témérité. L'évêque de Die les fit enfermer dans son séminaire pendant six mois, et le parlement de Gre- noble, les ayant fait comparaître au mois de janvier de l'année suivante (1 745), condamna Guibert, Penin et Brunel à 66 livres d'amende chacun, et Désandré à 20 livres. Le procureur général leur dit même qu'il leur accordait une grande grâce, car ils méritaient d'être envoyés aux galères \ De nombreux baptêmes et mariages furent administrés et bénis par les pasteurs dans ces assemblées. Une lettre du pasteur Faure estime le nombre des premiers à 100 et celui des seconds à 4 ou 5oo, du mois d'avril au mois de no- vembre.

(1) Archives départ, de l'Isère, B, 2iq3 (Inventaire).

i96

Dénonciation de Roger à Voyer d'Ar- genson. Sa lettre justificative. Mémoire des protestants dauphinois à de Marcieu. Synode national de IJ44. Nouvelles dé- nonciations.

1744. Témoins de si nombreuses assemblées, les catholiques craignirent un moment que les protestants ne s'apprêtassent à les massacrer, en retour des maux sans nombre qu'ils leur avaient fait subir depuis la révocation de l'édit de Nantes- mais ils furent bientôt rassurés en voyant le caractère pai- sible et purement religieux de leurs réunions. Des calomnies toutefois ne tardèrent pas à se produire. « Au mois de juin 1744, dit Antoine Court *, on assura positivement la cour que le ministre Roger, dans une assemblée tenue le 7 dudit mois, avait lu tout haut à son auditoire une pièce en forme d'édit de tolérance , qu'il disait être du roi et signée de sa main; ce qui donna lieu à la lettre suivante, que le roi, qui était alors à son camp devant Ypres, fit écrire par M. d'Ar- genson à M. de Piolenc, premier président de Grenoble :

« Le roi est informé, Monsieur, que le 7 de ce mois le nommé Roger, prédicant, ayant assemblé plusieurs religion- naires du lieu de Poyols dans le Diois, y avait fait une lecture d'un prétendu édit ou induit, daté du 7 mai et scellé du sceau qu'il assurait être celui de Sa Majesté, par lequel il parais- sait qu'elle donnait à ses sujets la liberté de conscience et celle de s'assembler. Gomme cette pièce est absolument fausse et

(1) Le Patriote françois et impartial, Mémoire historique, p. 19 (nou- velle édition).

i97 ~ supposée, et que le roi n'a jamais eu l'intention de déroger 1744. aux lois établies sur ces matières par le feu roi son bisaïeul et par elle, l'intention de S. M. est que vous désabusiez les peuples de l'impression que cette pièce aurait pu faire sur eux; et qu'en démasquant l'imposture du prédicant vous leur fassiez sentir les risques qu'ils courraient en se livrant à la conduite de pareils pasteurs.

» S. M. vous permet, pour cet effet, de faire imprimer cette lettre et d'en répandre les exemplaires partout vous le jugerez nécessaire. Elle désire au surplus que vous fassiez contre ledit Roger toutes les poursuites convenables pour parvenir à l'exemple qu'exige la gravité du cas. »

« Le président obéit , fit imprimer et publier sa lettre x, cita, informa, se donna mille mouvements pour vérifier l'accusation et ne trouva rien qui ne fût à la décharge des accusés. Le ministre Roger écrivit lui-même à M. d'Ar- genson :

» Monseigneur, je suis fermement persuadé que la pro- cédure qu'on a faite contre moi à Grenoble, en conséquence de vos ordres, me justifie pleinement de ce qu'on m'a im- puté, d'être l'auteur et d'avoir fait la lecture d'un prétendu édit de S. M., daté du 7 de mai et scellé, par lequel il paraissait qu'elle donnait à ses sujets la liberté de conscience et celle de s'assembler. Cependant j'ai cru qu'une calomnie aussi énorme demandait que je déclare à Votre Grandeur, de la manière la plus expresse, que si cette pièce supposée a existé (ce que je ne crois pas), je n'en suis pas l'auteur; que je ne l'ai lue ni en particulier, ni dans les assemblées -, que je ne l'ai pas même vue et que je n'en ai rien su que par la

(1) Sous la forme de placard in-folio, portant en tête les armoiries royales. Voy. le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, t. m, p. 3i2, 3i3.

K)8

1744. lettre que Votre Grandeur a écrite à ce sujet et qui a été rendue publique. Je sais, Monseigneur, que toute falsifi- cation est un crime qui mérite un châtiment sévère-, mais qu'une falsification qui a pour objet le sceau du prince est un crime de lèse -majesté au second chef. En qualité de chrétien, j'ai de l'horreur pour le mensonge, je respecte tout ce qui émane de l'autorité de mon souverain, et, en qualité de pasteur, j'inspire à mes ouailles la même horreur pour tout ce qui blesse la vérité et le même respect pour l'autorité royale. Quelque ardent que soit le désir que nous avons en général pour la liberté de nos consciences , quel- que naturel et légitime que ce dernier nous paraisse, nous pouvons assurer Votre Grandeur qu'il ne nous portera jamais à donner aucune atteinte à la fidélité que nous de- vons à notre auguste monarque. Nous attendons cette liberté précieuse avec une entière résignation-, nous ne la demandons que par nos prières et par nos larmes, et nous n'espérons l'obtenir qu'en récompense d'une entière rési- gnation à ses ordres, en tout ce qui relève de son empire, et en sacrifiant nos biens et nos vies pour son service. Nous lui devons cette soumission et ce sacrifice par un principe de religion- mais sa qualité de père de ses sujets, qu'il s'est acquise à si juste titre, lui assure dans nos cœurs un hom- mage volontaire d'autant plus glorieux pour lui qu'il ne le doit qu'à lui-même. Que si l'on nous attribue quelque pièce ou quelque démarche qui ne soit pas marquée à ce coin , comme on ne Ta déjà que trop fait, Sa Majesté peut en conclure que c'est l'ouvrage de la calomnie. Les auteurs de ces impostures les noircissent pour les rendre odieux et in- dignes du support de S. M. Mais ce n'est pas le seul motif de celui qui l'a accusé d'avoir supposé un édit de liberté de conscience : sa malignité l'a porté à vouloir dé- couvrir, par cette indigne voie, la façon de penser de Sa Majesté sur nos exercices de religion. Si sa maligne joie a

i99 été satisfaite à ce dernier égard, j'ose espérer qu'il ne triom- 1744. phera pas longtemps de l'opprobre dont son imposture Ta couvert aux yeux de Sa Grandeur, et qu'en voyant éclater son innocence dans la procédure même qui a été faite pour prouver le crime affreux dont on le charge, Votre Grandeur rendra à l'accusateur et à l'accusé la justice qui leur est due. Je suis, etc. »

Les ouailles de Roger jugèrent bon d'adresser de leur côté un mémoire à de Marcieux, le lieutenant général de la province, pour justifier leur pasteur et généralement tous les protestants dauphinois des fausses imputations dont ils étaient l'objet. Nous le reproduisons intégralement, vu son importance :

« Monseigneur, ce qui engage les protestants de cette province du Dauphiné à vous adresser la présente lettre, c'est que quelques personnes ignorantes et mal intentionnées ont inventé plusieurs faussetés pour les noircir, à cause des exercices de piété que leur conscience et la loi de Dieu, le souverain maître de nos âmes et de notre destinée éternelle , les engagent à pratiquer.

» Vous n'ignorez sans doute pas, Monseigneur, que Mon- seigneur le comte d'Argenson, ministre de la guerre et secrétaire d'État, a envoyé une lettre à M. de Piolenc, premier président, qui lui ordonne de faire imprimer et afficher, partout il jugerait nécessaire, ce qui a été fait dans les paroisses du Diois. Cette lettre porte en substance que, le 7e juin dernier, le nommé Roger, prédicant, ayant assemblé plusieurs religionnaires du lieu de Poyols en Diois, y avait fait lecture d'un prétendu édit ou induit, daté du 70 mai précédent et scellé d'un sceau qu'il assurait être celui de Sa Majesté, par lequel il paraissait que Sa Majesté donnait à ses sujets la liberté de conscience et celle de s'as- sembler-, et le but de cette lettre est de faire voir la fausseté d'un tel édit et désabuser le public.

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1744- » Soyez persuadé, Monsieur, qu'il n'y a rien de plus faux que cette accusation dont on veut noircir M. Roger, car, premièrement, il y a plus de dix ans qu'il n'a pas été à Poyols, et ce jour-là il prêchait à Pontaix, entre Die et Saillans, et celui qui prêchait à Poyols était un jeune prédi- cateur-, mais ni l'un ni l'autre n'ont rien fait de semblable. Il est vrai qu'on a lu des articles de discipline dressés dans le synode provincial de cette province assemblé le 7e mai dernier, dont on joint ici la copie, afin que Votre Excellence juge si l'on y a parlé d'aucune liberté supposée. Plût à Dieu que Sa Majesté voulût nous accorder tant de grâces ! Mais qui serait si hardi que de le supposer faussement ?

» Au rapport d'un gentilhomme, le curé d'Arnayon avait aussi écrit à Votre Excellence une lettre pleine d'impostures ; mais ce gentilhomme assure l'avoir pleinement convaincue du contraire.

» D'autres personnes, qu'on peut appeler véritablement des perturbateurs du repos public, ont répandu une espèce de manifeste, comme s'il venait de la part des protestants, rempli d'impertinences et de faussetés contraires à leurs sentiments.

» Mais, malgré le grand nombre de faux accusateurs qui voudraient noircir les protestants auprès de Votre Excel- lence, ils sont persuadés qu'il y a assez de personnes équi- tables et pacifiques qui l'auront informée de leur conduite , puisqu'il ne se fait presque point d'exercices de piété il n'assiste des catholiques romains, entre lesquels il y en a qui sont assez judicieux pour rendre justice à la vérité et à l'innocence, et qui rendront aux protestants ce juste témoi- gnage que, dans leurs assemblées religieuses, bien loin d'y porter des armes ou d'y faire la moindre démarche qui puisse les faire soupçonner de rébellion contre l'autorité souveraine de notre auguste monarque Louis XV, ni contre son légitime gouvernement, ils y font des vœux et des prières pour sa

201

personne sacrée, pour toute la famille royale, pour la pros- 1744. périté de ses armes et pour tous ceux qui sont élevés en autorité sur nous, comme aussi pour vous, Monseigneur, ainsi que vous le verrez par la susdite copie. Ce n'est point, Monseigneur, par affectation que les protestants en agissent de la sorte, car la doctrine et la morale de l'Évangile, qu'ils prennent pour la règle de leur foi , de leur culte et de leurs mœurs, les y engagent nécessairement, et, s'ils agissaient autrement, ils agiraient contre les principes de leur religion, quelque idée contraire qu'on tâche d'en donner-, et la m€me chose avait été ordonnée par les règlements généraux de toutes les églises protestantes de, ce royaume, dressés l'an 1725, qui furent trouvés dans une maison par M. Chaix, subdélégué de Valence.

» Les protestants faisaient autrefois la nuit ce qu'ils font à présent en plein jour, savoir de s'assembler pour prier Dieu ; mais , comme on ne manquait pas de les calomnier, ils sont charmés que tout le monde soit informé de ce qu'ils font. Et quatre curés, qui ont assisté à deux assemblées % ont déclaré être très-édifiés de la morale qu'on y prêche.

» La conscience des protestants les engage aussi à faire bénir leurs mariages et baptiser leurs enfants par leurs pasteurs, et à ne pas le faire faire aux prêtres, que leur conscience devrait même empêcher de le faire, puisqu'ils profanent, selon eux, le sacrement de mariage en l'admi- nistrant à ceux qui ne le croient pas un sacrement, et en exigeant des abjurations qu'ils n'ignoraient pas qu'ils viole- raient bientôt; et si les pasteurs les bénissent sur de simples conventions privées, c'est à cause des refus des notaires, qui ne veulent pas recevoir leurs contrats : ce qui porte cependant un préjudice considérable aux droits du roi, par

(1) Voyez leurs noms ci-dessus.

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[744- rapport au contrôle, non point par la faute des protestants, qui ne demanderaient pas mieux que de trouver le moyen de les faire écrire.

» Les protestants espèrent, Monseigneur, de la bonté et de l'équité de Votre Excellence qu'elle voudra bien faire attention à leurs représentations, à leurs supplications et aux assurances qu'ils ont l'honneur de lui faire de leur sou- mission, de leur fidélité et de leur zèle au service de notre grand roi •, étant disposés à sacrifier leurs biens et leurs vies pour sa juste défense-, car ils savent qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu , c'est-à-dire d'obéir au roi dans tout ce qui regarde son service , et à Dieu l'adoration , le culte et l'obéissance qui lui sont dus comme étant notre souverain Maître.

» Enfin, Monseigneur, que votre clémence daigne écouter les très-humbles requêtes que les protestants adressent à Votre Excellence en faveur des pauvres prisonniers qui n'ont point commis d'autre crime que de ne pas vouloir agir contre les sentiments de leur conscience. Vous pouvez juger, Monseigneur, d'une pauvre veuve, chargée de quatre petits enfants, n'ayant qu'une fille en état de la servir, qu'on a fait enfermer dans un couvent, et elle, resserrée dans les prisons de Grenoble comme une criminelle pour avoir refusé de la livrer.

» Les protestants sont très-persuadés , Monseigneur, que cela ne vient pas de vous : vous êtes trop pacifique et trop équitable ; aussi ils osent se flatter que vous voudrez bien employer votre autorité pour délivrer leurs pauvres prison- niers et les enfants qui sont détenus contre le gré de leurs parents, qui se trouvent presque tous être paysans ou négo- ciants, qu'ils avaient [dessein] de les faire [occuper] au travail ou au commerce. Ils espèrent cette grâce de vous, et ils font les vœux les plus sincères pour votre conservation et prospérité, et qu'après que Dieu vous aura comblé de fa-

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veurs et de gloire sur la terre, il vous élève à cette gloire 1744. éternelle dans le ciel. »

Les protestants du Dauphiné continuèrent leurs assem- blées, leurs baptêmes et leurs mariages sans plus s'inquiéter du sort de la lettre de d'Argenson et de leur propre mé- moire. Ils députèrent Roger, accompagné du proposant Louis Ranc, son élève, et de trois anciens, au célèbre sy- node national qui se réunit dans le bas Languedoc du 18 au 21 août 1744, et compta pour la première fois des dé- putés des provinces de Normandie, haut et bas Poitou , Aunis, Angoumois, Saintonge et Périgord. Un seul de ses articles intéresse spécialement le Dauphiné : c'est celui qui prescrit à cette province et au bas Languedoc de prêter alternativement pour six mois un pasteur à la ville d'Orange et à la Provence. La présence de Roger dans le Languedoc fut très-utile pour mettre fin au schisme de Boyer, qui fit tant de bruit à l'époque en France, en Suisse et jusqu'en Allemagne.

Les églises avaient hésité plusieurs années avant de tenir ce synode national. Elles craignaient d'éveiller la suscep- tibilité de la cour et d'aggraver leur sort. Il leur était même arrivé quelques affaires fâcheuses à ce propos. Des lettres du Languedoc, envoyées aux pasteurs du Dauphiné et traitant la question synodale, avaient été interceptées en 1742, et des poursuites étaient à redouter, à ce moment, à l'égard des personnes du Languedoc dont les adresses étaient in- diquées dans les lettres et auxquelles les réponses du Dau- phiné devaient être adressées. Aussi Roger supplia-t-il que de quelque temps on ne lui écrivît sous aucun prétexte. L'année suivante Roger et Vouland nous apprennent que les pasteurs du Dauphiné étaient vus du plus mauvais œil, à cause desdites lettres, et qu'on avait fait dans le Lan- guedoc la recherche des adresses. Il y a plus, les agents du pouvoir, dans la première province, s'étaient émus et

204 1744- priaient les curés de les tenir au courant des agissements des religionnaires. L'un d'eux, qui était subdélégué de l'in- tendant, écrivit à ce sujet à un curé de village la curieuse lettre qui suit : « Monsieur, j'apprends que les religionnaires du Languedoc font certaines assemblées; qu'un ministre ou prédicant, qui se dit dépêché à l'instigation des Anglais, a passé dans ladite province. Il se pourrait être que ce bruit est débité parmi les religionnaires de vos cantons, qu'il y causât quelque mouvement, et se pourrait même que ledit prédicant y passe I. »

Si les assemblées publiques ne discontinuèrent pas en Dauphiné, les dénonciations ne cessèrent pas davantage. On accusa derechef les protestants d'avoir fabriqué de nou- veaux édits du roi, une nouvelle lettre de Voyer d'Argenson et un cantique en faveur de la Grande-Bretagne. Les curés, qui étaient les rédacteurs de ces pièces apocryphes 2, les faisaient circuler dans le public. On y disait que le roi, malade à Metz, avait remis le gouvernement du royaume au dauphin ; que celui-ci avait reçu les députés protestants, et que, sur leur recommandation, il avait publié un édit qui leur garantissait le libre exercice de leur religion 3.

(i) Lettres du 26 oct. 1742 et du 2 août 1743 (Recueil de pièces diverses relatives aux églises réform. du Vivarais, du Languedoc et du Dauphiné).

(2) On trouvera ces pièces dans Ant. Court, Le Patriote françois et impartial, Mémoire historique, p. 25-3o.

(3) Mns. Court, N.° 17, P, Q, R; Armand de La Chapelle, La né- cessité du culte public; Pièces justificatives , p. 244.

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5\pmbreuses assignations de témoins ca- tholiques et protestants . Continuation des assemblées , mariages et baptêmes. Un synode provincial et une triple consé- cration.

Les imputations mensongères dont les protestants furent 1744. l'objet ne tardèrent pas à porter leurs fruits. Dans les mois d'août, d'octobre et de novembre 1744, le parlement de Grenoble, à la suggestion de Ch. Aubert de La Bâtie, avocat général très-passionné, assigna plus de 2 5o témoins, soit protestants, soit catholiques. Les premiers cités ne furent appelés à témoigner que sur les faits criminels im- putés aux pasteurs et nullement sur les assemblées présidées par eux. Mais laissons la parole à l'un d'eux, le sieur Aubert, de Gumiane : « La cause que l'on fait entendre des témoins est ensuite d'une grande quantité de lettres que MM. les curés et autres ont écrites à M. le procureur général, qui a porté plainte au parlement, qui a nommé quatre commis- saires pour entendre les témoins. L'on ne nous interroge point sur les assemblées. L'on nous a demandé si les mi- nistres ne nous ont pas fait la lecture d'une lettre comme ils avaient permission de prêcher publiquement, et s'ils ne nous sollicitent pas d'user de violence pour enlever les en- fants qui sont détenus dans les couvents et d'égorger les dames religieuses-, de plus, l'on nous demande si les mi- nistres ne font pas prier Dieu pour la reine de Hongrie et pour le roi d'Angleterre, et savoir à dire est l'asile des ministres après qu'ils ont fait leurs prédications. Ils nous ont interrogés si M. Li vache, de La Motte, n'exige pas le contrôle des mariages des protestants qui se font dans le

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1744- désert. J'aurai, Monsieur, l'honneur de vous assurer que MM. les commissaires sont très-étonnés quand ils ne trou- vent point de témoins à confirmer les lettres qui se sont écrites et qui s'écrivent tous les jours. L'on nous demande si Ton baptise et si Ton épouse. Nous leur avons avoué la vérité et nous avons avoué que nous avions été aux assemblées. L'on ne nous a point défendu d'y aller. Notre voyage a été taxé 12 livres. Celui qui nous a payés nous a dit qu'il souhaiterait que nous le fussions de 24 livres. Nous avons trouvé les MM. de Ghâtillon et de Poyols qui allaient faire le même voyage que nous avons fait. Nous apercevons que les affaires ne vont pas tant mal, grâce à Dieu. Notre devoir nous oblige, tous tant que nous sommes, de suivre le flambeau de Christ. » (Août.)

Les protestants assignés dans les derniers mois de 1744 furent interrogés sur les assemblées et les mariages. Voici un spécimen des questions qui leur furent adressées et des réponses qu'ils firent :

« Demande. Avez-vous été à l'assemblée du 2 août tenue à La Motte-Chalancon ?

)> Réponse. Oui, Monsieur.

» D. N'avez-vous été qu'à celle-là?

» R. A toutes celles que j'ai sues. J'ai été à Poyols, à Valdrôme, à Fourcinet.

» D. Y avez-vous mené vos enfants?

» R. Non; mais ils m'ont suivi, et personne n'a resté dans ma maison.

» D. Mais, en vous mariant, n'aviez -vous pas promis de vivre en catholique ?

» R. Quand je me mariai je ne savais guère ce que je promettais. Un jeune homme et une jeune fille, pleins d'ar- deur pour le mariage, ne pensent guère à autre chose et promettent tout ce qu'on leur demande.

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» D. Vous aviez donc grande envie de vous marier? 1744.

» R. Oui, Monsieur.

» D. Mais n'avez-vous pas assisté quelquefois à la messe depuis votre mariage ?

» R. Quelquefois, mais très-peu.

» D. Mais ne voulez-vous pas être catholique ?

» R. Non, Monsieur-, je crois ma religion bonne et je n'en changerai jamais.

» D. N'avez-vous pas lu aux assemblées?

» R. Non, Monsieur, et ma vue ne le permettait pas.

» D. N'avez-vous pas logé le ministre chez vous?

» R. Non, Monsieur.

» D. Quel ministre avez-vous entendu prêcher ?

» R. J'ai entendu M. Rolland.

» D. Savez-vous il est ?

» R. Non, Monsieur. »

Quand les témoins protestants eurent tous été entendus, on rendit à l'égard de 80 d'entre eux des jugements inter- locutoires, qui les o'bligèrent à présenter au parlement des requêtes coûteuses pour obtenir la permission de retourner chez eux. On leur fit de plus signer des soumissions, par lesquelles ils s'engagèrent à se présenter devant le parlement, quand ils en seraient requis, et consigner au greffe des sommes importantes en garantie de leur engagement. On leur refusa cette fois les indemnités allouées d'ordinaire aux témoins, et le secrétaire de M. de Tréviol, conseiller chargé de les interroger, exigea même d'eux des étrennes. Deux témoins seulement furent décrétés d'arrestation, les me- nuisiers Antoine Julien et Jacques Gontard, de Trescléoux, accusés d'avoir fait un couvert à une vieille masure, les protestants se réunissaient pour prier en temps de pluie.

Le parlement fit encore arrêter les sieurs Jacques Vieux et de Raugier, qui avaient fait bénir leurs mariages à un ministre (2 5 mars). M.llc de Routière, de Volvent, âgée de

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1744- 22 ans, ayant eu une controverse religieuse avec le prieur du lieu, fut mandée à Grenoble et renfermée dans un cou- vent. M.n,e Bouvat, de Sainte-Croix, qui n'avait pas voulu livrer sa fille pour être mise au couvent, se vit enfermer dans les prisons de Grenoble^ et sa fille fut conduite à la maison de la Propagation de la foi de cette ville (2 3 avril). Jacques Guillot, du hameau des Galands, fut condamné à io ans de galères pour avoir porté et introduit dans le royaume des livres protestants. Les 169 volumes qui com- posaient le ballot furent brûlés sur la place du Breuil, à Grenoble (26 août). MM. Armand frères, de Nyons, qui avaient rempli l'office de lecteur dans les assemblées, et un gentilhomme de Die, nommé de Laton, se virent aussi ap- préhendés au corps (août). Paul Marin, consul de Fourcinet, accusé d'avoir assisté à des assemblées et d'en avoir présidé une dans la maison consulaire, fut arrêté le 16 octobre et mourut dans les prisons de Die Tannée suivante au mois de janvier. Jean Plumel, de la même paroisse, pour avoir fait bénir le mariage de sa fille à un ministre, et Antoine Royer, également de Fourcinet, pour avoir fait baptiser son enfant, furent arrêtés l'un et l'autre le 24 octobre, détenus trois mois dans les prisons de Die, puis conduits dans celles de Grenoble. Etienne Arnaud, de La Charce, fut traité plus sévèrement. Il avait donné quelques leçons de musique sur les Psaumes à Dieulefit, au mois de février. Arrêté en sep- tembre pour ce fait, le parlement de Grenoble le condamna, le 17 février de l'année suivante, à servir sur les galères du roi sa vie durant et à être flétri sur la place publique de Dieu- lefit. Le Nouveau-Testament et le livre des Psaumes dont on le trouva nanti furent attachés avec lui au carcan il était exposé. Une personne de la foule lui ayant dit, pour le railler : « Chante des Psaumes maintenant, » il en chanta plusieurs avec une grande assurance et aussi longtemps que dura sa peine.

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Ces condamnations présageaient, pour un avenir peu 1744- éloigné , des mesures sévères ; mais les protestants n'en continuèrent pas moins leurs assemblées pendant toute Tannée 1744 et jusqu'au mois de mars de Tannée suivante, alors que la persécution prit un caractère d'une gravité ex- trême. « Les affaires vont toujours leur train, écrivait le pasteur Faure, à la date du 3o novembre; les assemblées sont également nombreuses ; les protestants font bénir leurs mariages et baptiser leurs enfants. »

Les pasteurs convoquèrent un synode provincial pour le 18 octobre à Gigors, près Beaufort. On devait y consacrer trois proposants. Il y fut aussi décidé :

« Quelle conduite on devait tenir au cas qu'on arrêtât un ministre. Les avis allaient tous à l'enlever de force ; mais les ministres ne voulurent pas qu'on statuât rien là-dessus;

» 20 D'envoyer un député en Languedoc pour avoir un placet, et un au parlement de Grenoble pour savoir du parlement pour quelle raison on avait arrêté les prisonniers ; mais on ne trouva personne qui voulût se charger de cette commission. Il est vrai qu'on en chargea M. de Calon, gen- tilhomme de Salles ; mais il ne s'en est pas acquitté; d'autant mieux qu'il dit au synode que cela attirerait des affaires ;

» De faire des collectes pour assister les prisonniers ou plutôt pour suivre leur cause; et les membres du synode, voulant donner l'exemple, donnèrent chacun un écu de 6 francs ; mais la chose en demeura , et la somme d'en- viron 100 écus qui fut levée au synode, est entre les mains de M.^Secom de Vinbocon.

» 40 On procéda à l'examen des trois jeunes candidats qui devaient être reçus. Cet examen roula sur un discours que chacun prononça sur un texte qui lui avait été donné et sur des questions qui lui furent faites sur les principales ma- tières de la théologie et de la morale. »

Les trois candidats étaient : Pierre Rozan, dit Dunoyer

143

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1744-1745. (ou Desnoyers), puis La Place, natif de Combovin, âgé de 28 ans, qui avait suivi les leçons des pasteurs de 1738 à 1740:, Louis Ranc, à Ajoux près Privas, âgé de 2 5 ans, élève de Roger de 1706 à 1740-, Etienne Roland, de Quint, âgé de 42 ans, proposant depuis 1729. Rozan rendit une proposition sur Jean XIII, 36; Ranc sur 1 Pierre II, 17 ', Roland sur Jacques IV, 8. Les pasteurs consacrants étaient Roger, Faure et Vouland, les seuls pasteurs qu'il y eût alors en Dauphiné. Cette triple consécration fut très-solen- nelle et eut lieu en présence de 12,000 personnes. 20,000 même y eussent assisté, s'il n'avait plu toute la matinée du dimanche. Le temps s'éleva heureusement à l'heure de la cérémonie. Le parlement de Grenoble, comme pour faire la cruelle contre-partie de cette touchante consécration, mit à prix la tête de Rozan ' .

Expéditions militaires de d'Audiffret et de Bernard de Volvent.

L'année 1745 fut particulièrement néfaste pour les pro- testants du Dauphiné. Les prisons de Grenoble, de Crest, de Valence, de Die et de Montélimar regorgèrent de ces malheureux 2, et, dans ses condamnations, le parlement de Grenoble se montra à leur égard d'une sévérité excessive. « Il est possible, dit Charles Coquerel 3, que l'esprit des juges et du premier président de Piolenc eût exercé quel-

(1) Mns. Court, N.° i, t. xvi; N.° 17, P, Q, R. ; Le Patriote françois et impartial, p. 82, 93, 118; Armand de La Chapelle, Mémoire histor., p. 249, 25o, 257.

(2) Rulhières, 2e part., p. 340.

(3) Histoire des églises du désert, t. 1, p. 33 1.

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que influence sur cette jurisprudence sévère-, mais il est 1745. plus vraisemblable que cette cour se laissa effrayer par la gravité des événements de la guerre de 1745 et 1746, par suite desquels les armées piémontaise et autrichienne avaient occupé les lignes du Var et de la Durance, pendant que de formidables escadres anglaises menaçaient de bom- barder Marseille et Toulon. Puisque Louis XV envoyait Edouard Stuart en Angleterre, avec une armée catholique, on put craindre que les Anglais, par droit de talion, ne jetassent des soldats protestants sur les côtes françaises de la Méditerranée pour rallumer la guerre civile et rallier les mécontents. »

Sous le coup de cette terreur, que rien ne justifiait, car les protestants, depuis de longues années, étaient revenus à la doctrine de l'obéissance passive, que Calvin leur avait recommandée dès le commencement de la Réforme, le Dau- phiné devint le théâtre d'une affreuse persécution. Le parle- ment de Grenoble, irrité des assemblées aussi nombreuses que fréquentes des religionnaires, mit en campagne une quantité de maréchaussées, escortées de détachements de grenadiers ou d'autres troupes royales, qui arrêtaient jusqu'à i5 pri- sonniers à la fois et les conduisaient dans les cachots de Grenoble, Die ou Valence, sans parler des déprédations de toutes sortes qu'elles commettaient, surtout quand elles arrivaient de nuit dans les localités. C'étaient les curés qui , pour la plupart, provoquaient par leurs dénonciations ces expéditions iniques. Les pièces du temps signalent, comme s'étant particulièrement distingués dans ce triste ouvrage, les curés de Beaufort, Plan-de-Baix, Gigors, Châtillon et Mens. « Il n'est point de curés, disent-elles, qui, désolés de perdre leur casuel et en haine de la religion , n'aient écrit contre les protestants. »

Le sieur d'Audiffret, commandant dans le Diois, persé- cutait non-seulement les protestants de son ressort, mais

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1745. encore ceux des Baronnies. La vallée de Die, celle de Quint, les villages de Marignac, Chamaloc et Romeyer furent par- ticulièrement l'objet de ses violences.

A Marignac, la femme de Jean Girard, ayant mis au monde un enfant mort, fut accusée d'avoir négligé de le faire baptiser et condamnée à 12 louis d'or d'amende, dont 4 pour le commandant du Diois, 4 pour le curé et 4 pour l'évêque de Die. Dans le même village, Jean Bouvat, pour avoir fait baptiser un enfant à un ministre, fut décrété d'arrestation. Il offrit, pour se racheter, 3o louis d'or à d'AudirTret, qui refusa, parce qu'il en attendait davantage. Bouvat se vit réduit à prendre la fuite et ne rentra dans sa maison que quand l'orage fut un peu calmé. A Pontaix, le consul catholique, sous prétexte qu'il n'était pas en sûreté, demanda des archers à d'Auditfret, qui lui en envoya quatre. Ils logèrent à l'auberge de M. Lombard, leur dépense étant fixée à 4 livres par jour et par homme aux frais des protes- tants. Après un mois de séjour, ils furent remplacés par une compagnie de grenadiers du régiment de Marmande, qui entrèrent dans le village la baïonnette au fusil , d'Au- diffret leur ayant fait entendre que les gens du lieu étaient hardis et résolus et qu'ils allaient à la boucherie.

Au Plan-de-Baix, dans une terre dépendant de M. Paul- Alexandre de Montrond , sieur de La Bâtie , du Plan-de- Baix, de Villermas, etc. *, se trouvait une caverne, les protestants se réunirent un jour pour célébrer leur culte. Le parlement en fut informé et cita à sa barre M. de Montrond, quoique ce seigneur, protestant fort tiède, n'eût pas assisté à l'assemblée et n'eût contrevenu du reste à aucun des édits du roi. Il n'en fut pas moins déclaré déchu, au profit du roi,

(1) Fils d'Alexandre, sieur de Montrond et autres lieux, et de Catherine de La Pise.

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de la justice de son fief et condamné à 3,ooo livres d'amende 1745. et aux frais du procès (2 3 février). Quant à la caverne, le parlement ordonna que ce « prétendu temple » , comme il l'appelait, serait flétri par la main de l'exécuteur de la haute justice, et que les religionnaires des communautés voisines seraient contraints, même par corps, de le remplir de pierres et de le combler entièrement. Le bourreau y jeta la première pierre et les paysans, sous ses yeux et par son ordre, firent le reste*, tandis que trois compagnies de soldats étaient logées chez les protestants du Plan - de - Baix , de Gigors et de Beaufort. M. de Montrond paya l'amende sans se plaindre et crut être quitte de tout à ce prix-, mais au dernier moment on lui montra une lettre de cachet de la cour qui le condamnait à une détention perpétuelle. La maréchaussée le ramena de Grenoble à la tour de Crest, on le retint prisonnier une année entière, quelque empresse- ment qu'il mît du reste à suivre la messe.

Le 19 ou 20 janvier, le curé de Châtillon, apprenant que le pasteur Roland était dans une maison du bourg, auprès d'un malade, ameuta les paysans contre lui et le fit saisir au collet. Mais le cordonnier Paul Achard l'arracha de leurs mains. Aussitôt trois ou quatre brigades d'archers, accom- pagnées d'un détachement de soldats , se rendirent- à Châ- tillon et s'emparèrent d' Achard , que le parlement condamna peu après (9 février) aux galères perpétuelles et qui fut flétri à Die. Les archers arrêtèrent plusieurs autres personnes de Châtillon, notamment Jean - Jacques Eymerie, et de allèrent à Vinsobres, ils se saisirent de beaucoup de pro- testants qui revenaient d'une assemblée.

Dans la nuit du 6 au 7 février, Bernard de Vol vent, qui se disait gentilhomme , mais n'était qu'un contrebandier et un larron, se mit à la tête d'une compagnie de soldats qui se trouvait à Saint-Nazaire-le-Désert, et de 5o à 60 paysans, et les conduisit aux Tonils, village exclusivement habité

214 i7-p- par des religionnaires, on lui avait signalé La présence de deux ministres. Il arrive, se précipite dans la maison étaient couchés ces derniers, trouve leur lit encore chaud et leurs deux places marquées, et, furieux de n'avoir pu saisir sa proie, ordonne le pillage de la localité. Bernard, qui agissait avec l'assentiment de d'Audiffret, et à qui une somme de 20,000 livres avait été promise pour capturer tous les ministres de la province, avait eu soin de barbouiller son visage avec de la poudre pour ne pas être reconnu.

Quelque temps après, accompagné de la même troupe, il envahit la maison de Jean Meffre, d'Arnayon, et la bou- leversa de fond en comble dans l'espérance d'y trouver de l'argent, car Meffre passait pour en avoir beaucoup. Il ramena ensuite ses hommes à Volvent, pour continuer ses pillages, et ravagea tout particulièrement le territoire de Chalancon, jusqu'à ce que M.me de Vence, qui en avait la seigneurie, lui fit défendre de commettre de pareilles exac- tions dans ses terres. Nous ajouterons, pour faire connaître entièrement ce personnage, qu'il fut surpris volant des mou- tons dans la grange de M.me de Belonne et dans celle des La Malette, comme le prouvent les procès qui lui furent intentés-, et que, l'année précédente, au moment les pro- testants tenaient leurs premières assemblées publiques , il assista, avec son fils et ses deux filles, à celle qui eut lieu dans les environs de Chalancon et à plusieurs autres, et qu'il engagea même un prédicateur à tenir des assemblées dans ses terres, et le reçut à sa table et dans son château.

(arrestation de Ranc et son martyre.

L'arrestation de Louis Ranc vint mettre le comble à la douleur des protestants du Dauphiné, déjà si éprouvés. On avait assigné pour champ d'action à ce jeune ministre le

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quartier de la plaine , c'est-à-dire les églises comprises entre 1745. le Pont -en- Royans et Saint- Paul- trois -Châteaux-, et le dimanche 14 février 1645 il se rendait à une assemblée con- voquée par son frère, le proposant Alexandre Ranc, entre Loriol etCliousclat. Arrivé au port de la Drôme, rive droite, en société d'un Monsieur dont le nom n'a pas été conservé, il ne put franchir la rivière, qui avait beaucoup grossi, et dut revenir à Livron. Logé à l'hôtellerie de la Croix blanche, tenue par le protestant Jacques Claissac, il s'apprêtait, le lendemain lundi, à partir, quand on le pria de demeurer encore la journée pour baptiser l'enfant d'une femme qui venait de s'accoucher, cérémonie qu'il accomplit le soir du même jour. Le curé de Livron, M. de Montresse, qui avait entouré cette femme d'espions pour tâcher de surprendre le ministre à qui elle ferait baptiser son enfant, apprend à minuit la présence de Ranc à Livron et envoie en hâte son vicaire à Valence pour quérir la maréchaussée et des sol- dats. Ceux-ci, commandés par M. de La Tuilière, arrivent sans retard et se saisissent de Ranc à 6 heures du matin, le mardi. Ils prennent aussi son cheval, qu'il avait logé par précaution dans une autre hôtellerie, à l'enseigne de la Croix d'or-, mais ils ne purent découvrir son porte-manteau, qui renfermait ses papiers et ses livres.

Ranc fut aussitôt conduit dans les prisons de Valence , en compagnie de Claissac et de l'hôtelier de la Croix d'or. Ce dernier, toutefois , fut mis hors de cour et de procès moyen- nant 2,000 écus , qu'il versa entre les mains de deux per- sonnages de Valence , dont nous ne connaissons pas les noms, mais qui, sans doute, tenaient de près au subdélégué de l'intendant du Dauphiné. Quant à Claissac, il fut retenu quelque temps en prison, puis élargi, et enfin condamné par contumace à dix ans de galères (23 sept. 1746).

Les protestants de Valence comprirent tout de suite que Ranc était perdu et ne purent en le voyant retenir leurs larmes.

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1745. Lors à Valence arrivé ,

Le monde fait que pleurer.

Voyant son beau personnage ,

Le monde dit en pleurant :

Ah ! grand Dieu ! le grand dommage

De ce jeune Monsieur Ranc.

Le subdélégué Chaix interrogea sur l'heure son prison- nier, qui reconnut sans détour qu'il était ministre et en avait rempli les fonctions, non-seulement en Dauphiné, mais encore en Provence. Plusieurs protestants, assignés comme témoins, déclarèrent avoir assisté à ses prédications. Il confessa lui-même qu'il avait béni le mariage d'une femme qui était présente devant lui, et ajouta qu'il avait omis de lui délivrer un certificat de bénédiction. Pour le perdre plus sûrement , le subdélégué en fit rédiger un séance tenante par son secrétaire et le donna à signer au ministre, qui ne s'y refusa point. Au mépris de l'honneur de sa charge, Chaix se laissa aller à injurier Ranc, lui im- puta diverses calomnies et le fit mettre dans une basse fosse, avec de gros fers aux pieds et aux mains, après lui avoir fait faire préalablement le tour de la ville.

Pour le bien déshonorer On lui mit que son bonnet , Faisant le tour de la ville , Les fers aux mains et aux pieds , Conduit par la maréchaussée Et Messieurs les grenadiers.

Chaix aggrava du reste les procédures autant qu'il put. Les témoins dirent que jamais ils n'avaient vu un homme plus passionné. Il les accusait, les injuriait, les menaçait, pour leur faire dire ce qui lui faisait plaisir, et, lorsqu'ils ne répondaient pas selon ses vœux , il disait à son secrétaire :

217 « Ecrivez cela, » quoiqu'ils eussent affirmé le contraire. i745- Les moines et les prêtres assaillirent Ranc à leur tour-, mais il leur répondit avec beaucoup d'à -propos, bien qu'ils eussent répandu le bruit qu'ils lui avaient fermé la bouche. Un abbé, natif de Charpey, en parla d'une manière bien différente, car il écrivit à ses parents que « Ranc était un homme d'esprit et qu'il était impossible qu'il fut devenu si savant au désert ».

Les témoins ayant été entendus le 26 février, le subdé- légué fit partir Ranc dès le lendemain pour Grenoble, le jeune ministre arriva le Ier mars, escorté de cinq ou six archers et d'une trentaine de grenadiers. Le 2 il comparut devant le parlement. Le conseiller Alexandre Roux de Gau- bert, comte de Lorie, chargé d'instruire son procès, dit aux juges que l'accusé reconnaissait ingénument qu'il avait prêché, administré les sacrements, béni des mariages et croyait avoir bien agi en cela. Se fondant donc sur la jeu- nesse de Ranc, qui pouvait lui faire ignorer les ordonnances du roi, le rapporteur conclut aux simples galères et parut gagner les juges à son avis, car l'un des présidents déclara que, s'il s'agissait de condamnera mort un jeune homme de 26 ans, il refusait sa voix et se retirait-, ce qu'il fit peu après. Mais le premier président de Piolenc, qui était fort animé contre les religionnaires, insista pour que l'accusé fût condamné à mort et prit l'arrêt sous sa responsabilité. Il essaya néanmoins de lui sauver la vie en lui proposant une abjuration-, mais le fidèle ministre dédaigna de répondre à une pareille offre et fut condamné à être pendu à Die. L'arrêt portait en outre que sa tête serait tranchée après l'exécution et exposée sur un poteau devant la porte de l'hôtellerie de Claissac, à Livron.

Ranc n'entendit point la lecture de son arrêt, qui fut rendu le 2 mars, et voulut savoir du concierge de la prison quelle en était la teneur ; mais ce dernier ne répondit point,

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i745- et le jeune ministre comprit qu'il devait faire le sacrifice de sa vie. Cependant il ne se laissa pas abattre et manifesta non-seulement une grande résignation à la volonté de Dieu, mais encore la joie qu'il éprouvait de souffrir pour l'amour de son Sauveur et de suivre ses traces et celles des apôtres, qui avaient scellé leur foi de leur sang.

Ranc partit de Grenoble accompagné de deux autres condamnés aux galères, Antoine Riaille , d'Aouste, et Etienne Arnaud , de La Charce. Il a été question de ce dernier précédemment. On les plaça tous les trois sur un charriot infect, tandis que, par une dernière injustice, le cheval de Ranc servait à un cavalier de la maréchaussée. Le jeune ministre revint par Valence et en trois ou quatre jours fut à Die. Il était escorté de plusieurs brigades de maréchaussée et d'une centaine de grenadiers. Quelques amis lui firent savoir qu'ils se préparaient à l'enlever, mais « il leur fit répondre, dit Court, qu'ils se gardassent bien de commettre aucune violence, ni de recourir à aucune voie de fait -, qu'il était tranquille et résigné , bien résolu de rester fidèle à sa religion et à son ministère jusqu'à son der- nier soupir ». Roger, qui connaissait sa constance, démentit de son côté le bruit que quelques jeunes imprudents avaient fait courir touchant un ordre d'enlèvement attribué par eux à Vouland : enlèvement bien aisé, sans doute, mais de nature à faire regarder par la cour les ministres du Dau- phiné comme des « chefs de sédition » l.

A Crest, Ranc fut visité par un Cordelier Capucin, qui déclara que, « quoique Ranc ne sût pas les langues, il possédait fort bien la théologie ». La sentinelle qui le gar-

(i) Lettre de Court à Paul Rabaut, du 19 mars 1745 (Mns. Court, N.° 7, t. vi); Recueil de pièces diverses relatives aux églises réf. du Vivarais , du Languedoc et du Dauphiné (Mns.)-

219 dait et qui assista à l'entretien, ajouta qu'il avait confondu 1745. le moine ; et deux religionnaires qui virent sortir ce dernier, dirent qu'en se retirant il s'essuyait le visage, et qu'interrogé par Thôtesse s'il avait réussi à convertir le ministre, il ne répondit point.

En partant de Crest, Ranc se fit raser et peigner pour montrer qu'il allait à la mort avec joie et comme à un festin. Il ne cessa du reste de chanter des Psaumes tout le long de la route. Des cavaliers et 100 grenadiers du bataillon rési- dant à Crest l'escortèrent jusqu'à moitié chemin de Die, le bataillon de cette dernière ville vint les relever. Durant la halte il prit son repas comme d'habitude et manifesta une grande sérénité. Quand il se fut remis en chemin, il com- mença de nouveau à chanter des Psaumes et ne mit fin à ses chants pieux que lorsqu'il fut à Die, où, le lendemain de son arrivée, on lui lut sa sentence de mort pour la pre- mière fois. Des soldats de son escorte, demeurés en arrière, marchaient , ivres de fanatisme et sans doute aussi de dé- bauche, disant : « Nous voudrions bien trouver un hugue- not pour le tuer. » Une occasion de réaliser leur désir criminel vint malheureusement s'offrir à eux. Ayant ren- contré deux passants, dont l'un était protestant et qui fut sans doute dénoncé par son compagnon, ils lui tirèrent un coup de fusil qui le transperça de parf en part et retendit raide mort. Il était natif de Livron et se nommait Goujon.

On logea Ranc dans une hôtellerie, les Jésuites, les moines et les prêtres du lieu ne manquèrent pas de venir le harceler. Il leur répondit qu'il avait bien d'autres choses à faire qu'à disputer avec eux, qu'il voulait employer le temps qui lui restait à prier Dieu*, et lorsque, revenant à la charge, ils le pressaient de renoncer à sa foi , il se borna à leur dire : « J'ai choisi la bonne part qui ne me sera point ôtée. »

Sa dernière heure étant venue, il chanta les sept pre- miers versets du Psaume cxvme et répéta deux fois le verset 12e :

220

i745- La voici l'heureuse journée

Qui répond à notre désir...

Le sieur d'Audiffret, commandant du Diois, le fit sortir la corde au cou, vers les 3 heures de l'après-midi, et passer par toutes les rues de la ville, accompagné de presque tout le bataillon en garnison à Die et de neuf tambours, qui battirent la mascarade jusqu'au lieu de son supplice. Un homme sûr, qui lui avait été envoyé par ses collègues dès le commencement du procès, pour en suivre les diverses péripéties, raconta que Ranc, durant le trajet, n'avait cessé d'avoir les yeux levés au ciel. Un Jésuite était à ses côtés, l'exhortant à l'abjuration ; mais il le repoussait du coude et de la tête. Arrivé au pied de l'échafaud, il se mit à genoux pour faire sa prière, et encore le Jésuite le poursuivit de ses obsessions, qu'il repoussa avec la même énergie. Il monta l'échelle avec assurance, au bruit des neuf tambours qui battaient avec forcepour l'empêcher de parler au peuple, dans le cas il en aurait eu l'intention. Ses yeux, jus- qu'au dernier moment, ne quittèrent pas le ciel, qui s'ou- vrit bientôt pour le recevoir. C'était le 12 mars 1745.

Quand le bourreau l'eut étranglé, il jeta son corps à terre et lui coupa la tête, qui, selon l'arrêt du parlement, devait être portée à Livron et exposée sur un poteau devant la porte de l'hôtellerie de Claissac. Son corps fat traîné dans les rues de la ville de Die, au mépris de l'arrêt du parle- ment, qui ne l'ordonnait point-, et d'Audifïret , poussant encore plus loin la barbarie, obligea un jeune garçon pro- testant , qui n'avait pu contenir ses larmes en assistant à l'exécution du pieux pasteur, d'aider le bourreau à traîner son cadavre, qui fut jeté dans un égout. Une dame catho- lique, émue de compassion, l'en fît retirer et lui donna une sépulture honorable.

Dès le moment de l'arrestation du jeune pasteur, son

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collègue Vouland avait demandé à Antoine Court, de Lau- 1745. sanne, d'intéresser à son sort Ostervald, de Neuchâtel. Le célèbre pasteur aurait, de son côté, prié le roi de Prusse, allié de la France, de demander à Louis XV la grâce du prisonnier. Il eût pu en outre faire des instances en sa faveur auprès du comte de Saxe, qui commandait en chef les armées françaises. Mais le procès de Ranc fut conduit avec une telle rapidité que les démarches de Court, si elles eurent lieu , ne purent aboutir. Le vénérable Roger, sitôt qu'il eut appris l'arrestation de son jeune collègue, lui avait écrit une lettre pour le fortifier et ne cessait de répéter ces mots : « Pauvre enfant, que je voudrais être à ta place! » Ses vœux ne devaient pas tarder à se réaliser.

Ranc était doué de qualités solides. Il avait de la mé- moire, du jugement, une grande douceur, beaucoup de délicatesse et une piété profonde. Il était de plus instruit, eu égard aux études incomplètes qu'il avait faites au désert. « Tous ceux qui l'ont connu , disent les mémoires du temps, lui rendront le témoignage d'avoir toujours tenu une con- duite véritablement chrétienne et sortable au saint minis- tère. » Il était à Ajoux, près Privas, comme on l'a dit plus haut. Ses parents , propriétaires aisés , jouissaient d'une réputation d'honnêteté incontestable. Il était l'aîné de la famille et, selon la loi du temps, il pouvait prétendre seul à l'héritage paternel , sans parler des biens considé- rables qu'un oncle devait lui laisser. Mais il préféra des biens plus excellents et se plaça de fort bonne heure sous la direction de Roger. Bien que simple proposant, il fut député par les églises du Dauphiné, en même temps que ce der- nier, au célèbre synode national de 1 744 , et s'y fit remar- quer par ses qualités précoces, si bien que les églises du Languedoc le sollicitèrent vivement de demeurer à leur service. Elles lui offrirent des avantages plus considérables que ceux dont il jouissait en Dauphiné ; mais il ne voulut

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1745. point quitter sa province et trouvait même déplacé qu'on cherchât ainsi à détacher des églises les ministres ou prédi- cateurs qui s'étaient voués à leur service.

Il existe deux complaintes manuscrites sur Ranc. Nous ne les reproduisons point, parce qu'elles renferment peu de faits et sont rédigées en mauvais vers. Nous donnons seu- lement l'acrostiche que le courageux martyr paraît avoir composé pendant sa détention à Valence ou à Grenoble :

Ce crime est le bourreau que le sage redoute.

On veut trancher mes jours , ils ne sont plus à moi.

Cn prince veut mon sang, qui coule goutte à goutte;

•— 1 ne le voudrait point si je suivais sa loi.

c/)on serment fait mon sort ; mais toi , Dieu qui m'écoute ,

Prends justice à mon zèle et soutiens mon bon droit.

>mis , je vais tracer une terrible route ;

!^e vous écartez pas , mais soyons sans effroi ;

Ooûte mon sang pour vous beaucoup plus que pour moi.

Les pièces du temps disent que le subdélégué Chaix , de Valence, qui avait si fort maltraité Ranc, fut frappé peu de temps après d'une attaque d'apoplexie, qui lui ôta en partie l'usage de la raison. Il battait ses domestiques et tous ceux qui l'approchaient, vomissant mille blasphèmes contre Dieu et injuriant ceux qui l'exhortaient à la patience. Les contemporains y virent un jugement de Dieu.

Quant au curé^ de Livron, M. de Montresse, qui. avait dénoncé Ranc, il jouit pendant plusieurs années d'une pen- sion de 400 livres, qui lui avait été allouée en récompense de ses services ' .

(1) Mns. Court, N.° 1, t. x et xvi ; N. 17, P, Z.; Le Patriote françois, Mém. historiq., p. 127; Ch. Coquerel, Histoire des églises du désert, 1. 1, p. 33g; Bulletin de la Société de l'hist. du protest, français, t. xm, p. 334; Peyrat, Hist. des pasteurs du désert, t. 11, p. 404; Armand, Quelques documents depuis la Révocation (Mns.); Benoit, Un martyr de vingt-six ans.

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Les ministres cessent d'assister aux assem- blées. Martyre de Roger. Les ministres quittent momentanément la province. Courses et logements militaires de d'Au- diffret.

Peu après l'arrestation de Ranc, Roger etVouland eurent 1745. une conférence (5 mars) pour examiner la situation. Ils décidèrent que les assemblées ne discontinueraient point, mais que les pasteurs, pour l'heure, s'abstiendraient de les présider, soit par mesure de prudence, soit par égard pour les détenus de Grenoble, qui estimaient que la continuation des assemblées aggraverait leur sort. Une assemblée de plus de 2,000 personnes eut lieu le 7 mars entre La Baume- Cornillane et Montmeyran. Vouland aurait voulu la pré- sider ; mais Roger l'en dissuada, craignant avec raison que le parlement n'en prît prétexte pour ordonner une recherche générale des ministres et proposants de la province. Vou- land, qui était à La Baume, se borna donc à baptiser quel- ques enfants, et, apprenant qu'un détachement du régiment d'Anjou, en garnison à Crest, se dirigeait sur La Baume, il se réfugia en lieu sûr. Quant à l'assemblée, elle fut pré- sidée par M. Antoine Bérard, dit le Cadet, de Château- double, qui y lut un sermon, et pour ce fait fut condamné aux galères perpétuelles (17 mars).

Vouland se rendit ensuite à Nîmes pour faire rédiger un placet en faveur des protestants dauphinois* mais, après y avoir passé quinze ou vingt jours et prêché plusieurs fois , il n'obtint que des promesses. Un M. Valette, à qui il s'était adressé, « avait sans doute, dit le pasteur Faure dans

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i745- une lettre, des raisons pour ne pas agir ». Ce placet ne paraît avoir été rédigé et envoyé qu'en 1748 '.

Peu après la condamnation de Ranc, le parlement de Grenoble ordonna (20 mars) que les articles 1, 11, ni, vm, x et xi de la cruelle ordonnance royale du 14 mai 1724 et le surplus de cette ordonnance, ensemble les précédentes or- donnances, édits, déclarations et arrêts concernant la R. P. R. continueraient d'être exécutés selon leur forme et teneur. L'arrêt du parlement fut rendu à la requête du pro- cureur général Vidau de La Bâtie, qui disait dans sa re- quête : « Il a été tenu, depuis environ une année et en plusieurs endroits de la province, des assemblées nombreuses de nouveaux convertis peu sincèrement réunis à l'église catholique, apostolique et romaine, dans lesquelles les pré- dicants ou ministres de la R. P. R. prêchent et répandent leurs erreurs, osant même faire des baptêmes, et autorisent, sous le nom de mariage, les conjonctions illicites de ceux qui se présentent à eux pour les épouser. »

Le vénérable Roger, qui s'était écrié , comme on l'a dit plus haut, en apprenant l'arrestation de Ranc : « Pauvre enfant, que je voudrais être à ta place! » ne tarda pas à suivre celui dont il enviait le sort. Tout récemment, dans une maladie dangereuse qui avait failli lui coûter la vie, il n'était tourmenté que d'une pensée, celle que Dieu ne lui fît pas « l'honneur, dit Paul Rabaut 2, de l'appeler à signer de son sang la sainte doctrine qu'il avait prêchée ».

Condamné à mort par contumace au commencement de l'année, à l'occasion d'une assemblée qu'il avait présidée à Establet, il fut pris aux Petites-Vachères près Sainte-Croix, le 29 avril 1745, trahi par un protestant de Sainte-Croix,

(1) Voyez plus loin à cette date.

(2) Lettre à Court, du 23 juin 1745 (Mns. Court, N.° 1, t. xvi).

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nommé Audra, dit le Fum, et deux catholiques, dont l'un 1745. s'appelait Pierre Arbod. Des cavaliers de la maréchaussée et quatre ou cinq compagnies de soldats en garnison à Die, prévenus par ces malheureux, se trouvèrent de fort grand matin au lieu de sa retraite et se saisirent de lui, non loin de la petite caverne qui lui servait d'asile pendant la nuit en compagnie d'un jeune garçon. Ils n'auraient pas réussi sans doute à le prendre, si les traîtres n'avaient été avec eux, car Roger portait de vieux habits qui le rendaient mécon- naissable, et les soldats le virent passer dans un champ sans savoir que c'était lui; mais, avertis, ils purent l'arrêter et se saisirent en même temps de plusieurs registres de bap- têmes et de mariages dont il était détenteur, de ses économies particulières et d'une certaine somme qu'il avait recueillie pour les besoins de la cause. Le tout s'élevait à 20 ou 23 louis d'or.

Roger fut immédiatement conduit à la tour de Crest. Il n'eût tenu sans doute qu'à ses coreligionnaires de l'enlever sur la route; mais il leur avait recommandé « très-exacte- ment, lorsque M. Ranc fut arrêté, le 16 février dernier, qu'au cas qu'il vînt à l'être lui-même , on ne formât aucun projet pour l'enlever, qu'il en saurait très-mauvais gré , et que, s'il pouvait le voir ou le soupçonner, il ne manquerait pas lui-même d'en avertir les troupes qui le conduiraient pour leur faire suivre une route opposée » I. De Crest, Roger fut mené à Valence , il eut à subir mille injures de la part du peuple, et de à Grenoble, en compagnie de neuf ou dix autres religionnaires. Dès le lendemain de son arrivée, à six heures du matin, on l'introduisit dans la chambre crimi- nelle du parlement. Presque toute la cour y était réunie. On

(1) Lettre de Vouland à Court (dans D. Benoit, Un martyr du désert ,

i5:

Jacques Roger , p. 220). «

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1745. l'interrogea de huit heures à midi et de deux heures à six heures, et le lendemain encore de huit heures à midi. A ce moment il dit à un homme sûr, qui lui avait été envoyé par ses collègues pour s'enquérir de ses besoins et le fortifier : « On vient de m'imputer, au sujet des synodes, des choses affreuses, qui n'ont jamais été et qui ne seront, et non- seulement à moi, mais encore à tous les pasteurs*, il faut que vous alliez trouver mes collègues et qu'ils m'envoient les actes des synodes provinciaux , l'un du 7 mai et l'autre du 18 octobre 1744, pour me justifier des fausses imputations dont on m'a chargé et s'épargner à eux-mêmes des peines rigoureuses. » Le curé Chapon, d'Espenel, avait fabriqué de faux actes du synode du 18 octobre, d'après lesquels cette compagnie aurait pris des décisions séditieuses. L'exprès partit aussitôt et Vouland se hâta d'envoyer à Roger les actes demandés et une lettre adressée à MM. du parlement, pour justifier Roger et ses collègues des crimes dont on les avait noircis. Nos sources ne nous disent point si l'accusé put présenter ces pièces aux juges ; mais elles nous ap- prennent que le parlement ne s'arrêta pas aux imputations mensongères dont elles démontraient la fausseté. « La cour, dit l'arrêt, a déclaré ledit Roger dûment atteint et convaincu d'avoir fait les fonctions de prédicant dans diverses assem- blées des religionnaires et en divers lieux de la province } pour réparation de quoi l'a condamné d'être livré à l'exé- cuteur... et être pendu et étranglé... jusqu'à ce que mort naturelle s'ensuive. »

Son arrêt de mort, rendu le 21 mai, lui fut notifié le même jour, à 1 1 heures du matin. Il remercia ceux qui s'ac- quittèrent de cette pénible mission et se mit à chanter les louanges de Dieu avec une telle ferveur qu'on ne vit jamais de martyr plus serein. Un quart d'heure après, deux Jésuites vinrent le visiter et l'exhortèrent à penser à son âme et à sa fin prochaine. Il les remercia et leur dit que depuis long-

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temps il désirait sceller de son sang sa foi en Jésus-Christ. 1745. ' « La grâce que je vous demande, ajouta-t-il, c'est de me laisser en repos pendant le temps qui me reste pour prier et de faire que personne ne m'incommode. » On accéda à sa demande et il se retira dans un cabinet, il resta quatre heures en méditations et en prières. Quelques libertins, du nombre des prisonniers, s'étant mis à la fenêtre pour l'in- terrompre, le geôlier les menaça de les jeter dans une basse fosse.

Ayant pris des forces dans la communion de son Dieu , Roger traversa deux fois la cour de la prison pour faire ses adieux à ses coreligionnaires, et les exhorta vivement à demeurer fermes dans la foi, en dépit de toutes les souf- frances. Ils versèrent d'abondantes larmes, étant surtout touchés de le voir marcher à la mort avec tant de confiance. Ayant éprouvé à cette heure une grande altération, il de- manda à boire au geôlier, qui lui offrit du vin \ mais il n'accepta qu'un verre d'eau froide, en disant qu'il allait boire bientôt du vin nouveau dans le royaume de son Père céleste. Le geôlier, qui avait de l'humanité, ne put con- tenir ses larmes.

Cependant ses derniers moments approchaient. A quatre heures de l'après-midi, le jour même de son jugement, le bourreau entra dans sa prison et le fit descendre dans la cour pour passer à son cou la corde fatale. Les deux Jésuites qui l'avaient déjà visité se trouvèrent encore pour lui de- mander s'il ne voulait pas s'occuper de sa conscience. Il les repoussa avec énergie, en disant qu'il avait à penser à son Dieu; puis, levant les yeux au ciel, il s'écria : « La voici l'heureuse journée et l'heureux moment ! Réjouis-toi, mon âme ! Ma pauvre âme , tu vas maintenant comparaître devant ton Dieu. » Il dit ensuite aux Jésuites : « Je vous supplie en grâce de me laisser aller libre et de ne point m'in-

22»

i74^. terrompre; » ce qu'ils ne firent qu'un moment. Il se mit alors en marche et entonna d'une voix forte le Psaume li :

Miséricorde et grâce , ô Dieu des cieux , Un grand pécheur implore ta clémence...

Deux tambours et un fifre ne tardèrent pas à couvrir sa voix. Cinquante soldats l'escortaient et se rangèrent en cercle autour du gibet, dressé sur la place Grenette, au milieu d'un immense concours de peuple, parmi lequel étaient des gens de qualité, qui ne pouvaient contenir leurs larmes en voyant un vieillard plus que septuagénaire mourir avec tant de sérénité. Arrivé au pied de l'échafaud, il se mit à genoux et, les yeux fixés au ciel, il prononça tout bas une prière; puis il monta l'échelle avec fermeté, faisant paraître sur tout son visage une joie céleste. Les deux Jésuites voulurent encore s'approcher de lui, mais il les repoussa du geste. Quelques instants après son corps était jeté dans l'espace et son âme montait vers les cieux. Plusieurs des catholiques qui assistaient à ce spectacle s'écrièrent : « Que cet homme est heureux ! » Les Jésuites eux-mêmes, qui entrèrent dans une maison particulière pour se désaltérer après cette heure d'émotion violente, déclarèrent que leur religion ne leur permettait pas de juger un tel homme, et que de leur vie ils n'avaient vu personne faire une aussi belle mort.

Le corps de Roger demeura 24 heures sur le gibet, sans qu'on aperçût un changement notable dans les traits de sa figure. Il fut ensuite traîné jusqu'au pont de pierre de Gre- noble et jeté dans l'Isère. Trois jours après on le trouva échoué sur le rivage. Son visage portait encore l'empreinte d'un calme céleste. « Voilà la fin de cet illustre serviteur de Dieu , disent les prisonniers religionnaires de Grenoble dans la relation qu'ils dressèrent de sa mort; il a combattu, il a vaincu; il jouit des fruits de sa victoire. » Les protestants

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du Dauphiné, écrit à son tour le célèbre Antoine Court *, 1745. « viennent de perdre encore celui qui, par de longs services, sa piété si distinguée, ses travaux et son zèle, ses exemples, avait été un instrument dont Dieu s'était servi pour relever les débris des églises de cette province,, le digne et illustre Roger, que tous ces peuples regardaient avec la plus grande vénération, qu'ils considéraient comme leur patriarche, qui, sans s'alarmer des dangers continuels qu'il courait, des fatigues au-dessus des forces humaines qu'il éprouvait, après avoir été trahi, arrêté et conduit dans les prisons de Grenoble, vient de finir sa glorieuse carrière sur un gibet. Il était parvenu dans un âge avancé, sans que son zèle se fût jamais refroidi. »

Le traître Audra, qui avait révélé la cachette de Roger à la maréchaussée de Die, faillit être pendu au printemps de l'année 1747 pour avoir favorisé la désertion de quelques soldats du régiment de Navarre. Il ne dut la vie qu'à la trahison qui rendit son nom si tristement célèbre.

Un mois après le martyre de Roger , Judith de Pont- charra, veuve de noble César de Rigot, sieur de Montjoux, fut condamnée par le parlement de Grenoble (2 3 juin) « à être détenue pendant sa vie dans le premier monastère de la Visitation Sainte-Marie de la ville de Grenoble » , pour avoir dîné avec un proposant dans l'auberge d'Élie Sambuc, de La Paillette. Par arrêt du 3 décembre 1746, la maison de Sambuc fut condamnée à être rasée.

L'exécution de Roger terrifia les protestants du Dauphiné, et un certain nombre d'entre eux , réunis à Livron , puis à Cliousclat, décidèrent d'interrompre les assemblées. Quel- ques-uns d'eux toutefois ne voulurent point signer le ma- nifeste qui faisait connaître cette détermination aux églises.

(1) Lettre de Court à Gervais, du ierjuin 1745 (Mns. Court, N.° 7, t, vi).

23o

1745. Il n'y eut plus ni mariages, ni baptêmes. Les pasteurs et proposants, sur le conseil que leur avait fait donner Roger, quittèrent pour le moment le Dauphiné. Faure, Rozan et Rolland se réfugièrent en Suisse, le premier mourut en 1747, et Vouland, condamné à mort par contumace à l'occasion d'une assemblée qu'il avait tenue dans le Trièves, se rendit dans le bas Languedoc par le Vivarais, puis en Suisse, il conduisit sa femme. Le subdélégué Chaix avait fait emprisonner et mourir de douleur son frère à la tour de Crest, et cherchait à se saisir de lui par tous les moyens. Quant aux proposants François Descours (dit Delacour), de Chalancon en Vivarais, Alexandre Ranc (dit Lacombe), d'Ajoux près Privas, frère du martyr, et Arnaud (dit Du- perron, en Suisse La Plaine), natif du Vivarais, ils allèrent d'abord dans cette dernière province, puis au séminaire de Lausanne, ils continuèrent leurs études de théologie (icr juin). Arnaud avait été condamné à mort par contumace quelques mois auparavant (17 mars) par le parlement de Grenoble, pour avoir présidé des assemblées.

Privés de leurs pasteurs, les protestants dauphinois rive- rains du Rhône se rendirent régulièrement aux assemblées du Vivarais, qui n'étaient pas inquiétées à cette heure.

Le martyre de Ranc et de Roger n'apaisa pas la soif per- sécutrice du commandant du Diois. Il continua ses expédi- tions et logements militaires. Il « avait toujours quelque régiment de soldats à sa disposition, disent les mémoires contemporains, non-seulement pour accompagner les maré- chaussées dans les courses qu'il faisait sur les protestants, mais aussi pour les loger sur lesdits protestants ». C'est ainsi que plusieurs compagnies furent établies pendant de longs mois à Mens, Quint, Beaufort, Gigors, Plan-de-Baix , Bourdeaux, Poët-Laval, Nyons, Vinsobres, etc., et que d'autres ravagèrent et pillèrent Châteaudouble, Gharpey, Combovin, Montmeyran, Saint - Dizier, La Motte -Gha-

23l

lançon, Alençon et autres lieux. A l'ombre de ces troupes 1745. les curés purent se livrer à leur prosélytisme violent. Le curé de Bourdeaux, par exemple, voulant rebaptiser tous les enfants de sa paroisse qui avaient reçu le baptême des ministres, fit imposer sur leurs parents des logements mili- taires d'une livre par jour et par soldat jusqu'à ce qu'ils lui eussent amené leurs enfants. Ceux d'entre eux qui résis- tèrent furent décrétés d'arrestation. Tel fut le cas de David Plêche, qui avait été déjà emprisonné pour avoir fait bap- tiser son enfant à un ministre. Quelquefois on logea jusqu'à quatre soldats chez les récalcitrants, ce qui leur occasion- nait une dépense journalière de 4 livres, sans parler d'une autre livre destinée au curé. On suivit les mêmes errements pour les obliger à envoyer leurs enfants à la messe et pour leur faire remettre des armes, que le plus souvent ils ne possédaient point, car plusieurs d'entre eux durent en ache- ter pour satisfaire aux demandes de leurs persécuteurs. Ailleurs, les curés ne craignaient pas de recourir à la ca- lomnie pour avoir un prétexte de faire occuper militairement les lieux qui renfermaient beaucoup de religionnaires. C'est ainsi que, le curé de Mens ayant faussement accusé ceux de sa paroisse d'avoir miné son église pour la faire sauter au moment il dirait la messe, cinq compagnies de soldats du régiment de Marmande y furent envoyées, qui gardèrent l'église jour et nuit.

A Gigors, Dieulefit, Poê't-Laval, Bourdeaux, La Motte - Chalancon , Nyons et ailleurs on fit diverses arrestations, et dans la vallée de Quint on bâtit une prison pour y en- fermer ceux qui refuseraient d'aller à la messe. A Saint- Paul-trois-Châteaux on fit le procès à la mémoire d'un défunt. « Il est mort un de nos frères protestants à Saint- Paul-trois-Châteaux, dit une lettre écrite de Salles *. Le

(O Le 16 juin 1745 (Mns. Court, N.° i, t. xvi ).

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174^-1746. bailli a été chez lui, en présence de deux témoins, pour lui dire s'il voulait mourir dans sa religion -, lequel a répondu oui. Quand il a été mort, il lui a fait un procès à sa mé- moire. On a annoté ses biens , fait la vérification de sa mai- son, dans laquelle on a trouvé 800 livres, qu'on a enlevées à la veuve. Outre ce, on a obtenu un provisoire de 3oo livres sur ses biens immeubles pour poursuivre ledit procès1. »

On trouvera aux Pièces justificatives , N.° II, la liste des nombreuses condamnations de l'année 1745.

Lettre pastorale de ïévêque de Valence. Condamnations diverses. Reprise des as- semblées. Colère du parlement. Expédition de Sallières. Seconde arrestation de M. de Montrond.

L'évêque de Valence vint mêler sa voix à ce concert de condamnations et ne craignit pas de renouveler les calomnies répandues contre les protestants en 1744, touchant les édits et lettres qu'on les accusait d'avoir fabriqués pour donner un caractère légal à leurs assemblées religieuses. Dans sa lettre pastorale du 10 février 1746, il disait de ces assem- blées et des ministres qui les présidaient : « D'abord , ces hommes de ténèbres s'introduisent sans bruit dans les mai- sons... Mais bientôt la circonstance d'une guerre (dont les glorieux succès auraient cependant leur ouvrir les yeux) les flattant de l'impunité, leur audace est montée à son

(1) Mns. Court, N.° 1, t. xvi, xvii; N.° 17, P, Z; Le Patriote françois et impartial, Mémoire historique, p. 128; Armand, Quelques documents , etc.;— Ch. Coquerel, t. 1, p. 332-336, 33g-348; Peyrat, t. 11, p. 404-407.

233 comble. Ce qu'ils ne disaient qu'à l'oreille, ils l'ont publié 1746- sur les toits,... et, au mépris des lois divines et humaines, se sont formées ces assemblées tumultueuses d'hommes, d'enfants, de femmes, ces faux apôtres, assis dans la chaire de pestilence, ont osé sans honte prêcher publique- ment leurs dogmes affreux ». Affreux, des dogmes qui ins- pirèrent des morts comme celles de Ranc et de Roger !

Un mois auparavant (14 janv.), le parlement condamnait au feu un écrit paru l'année précédente à La Haye et inti- tulé : Mémoire apologétique en faveur des protestants sujets de Sa Majesté tr es-chrétienne. Cet opuscule, ré- pandu en Dauphiné, donnait des détails sur la manière dont les assemblées étaient convoquées et tenues et expli- quait les motifs qui avaient déterminé les protestants à les reprendre.

Le 2 avril 1746 le parlement de Grenoble publia un autre arrêt qui condamnait 8 personnes à mort, savoir : Pierre Rolland, de Saint-Julien-en-Quint, frère du pasteur de ce nom, et les ministres ou proposants Vouland, Rolland, Descours , Dunoyer (Rozan), Dubuisson (Combe), Ranc et Faure. Tous étaient contumaces et furent exécutés en effigie sur la place du Breuil à Grenoble. L'arrêt prononçait en- core la peine des galères contre 4 personnes, celle du ban- nissement contre 5, celle de la réclusion contre 2, cassait 9 mariages et révoquait 4 notaires et une accoucheuse. Le 10 mai il prononçait encore la dissolution de 18 ma- riages 1, et le 18 juin condamnait au feu un certain nombre d'ouvrages protestants qui avaient été cachés à Sillans. L'arrêt donne des détails curieux sur la manière dont ils furent découverts. « Le 16 du mois de juin, dit-il, le nommé

(1) Voy. les noms dans la Liste générale des condamnations (Pièces justi- ficatives, N.° II).

234 i746- Joseph Michel trouva dans un tas de pierres qui est sur le territoire et mandement de Sillans, du côté de Saint- Etienne-de-Saint-Geoirs , des livres , qu'il apporta audit lieu de Sillans, dans la maison d'Humbert Michel, son père, et fut prier maître Guillaume Perronet, prêtre et curé dudit Sillans, de se transporter dans ladite maison, à quoi il déféra et examina lesdits livres, qu'il trouva tous dangereux et à l'usage des religionnaires ce qui engagea ledit curé à requérir Pierre Repiton , châtelain dudit Sillans , de se rendre dans ladite maison pour y dresser procès- verbal et procéder à la description desdits livres- et ledit Repiton s'étant transporté dans ladite maison, il ordonna à Hugues Colin et François Romain de se transporter dans l'endroit lesdits livres avaient été trouvés, pour voir s'il ne paraî- trait personne qui vînt chercher lesdits livres; ce qu'ayant fait, ils en trouvèrent encore dans le même endroit... Les- dits curé et châtelain ont fait toutes les recherches possibles pour découvrir ceux qui étaient porteurs desdits livres et qui les avaient cachés dans ledit tas de pierres, sans avoir pu y parvenir. »

Le premier moment d'effroi passé , les pasteurs protestants dauphinois reprirent leurs assemblées (c'était au printemps), à l'exemple de leurs frères du Vivarais. Rozan, qui était rentré dans la province depuis le mois d'octobre de l'année précédente et avait fait une tournée dans les montagnes du Diois, il y avait du zèle (ier févr.), convoqua trois assem- blées de nuit, se rendirent chaque fois environ 800 per- sonnes, et plusieurs de jour. L'une d'elles, tenue la fête de Pentecôte, réunit 2,5oo personnes. Comme elles ne furent pas inquiétées, il les continua et en présida une à Dieulefit qui compta 7,000 personnes.

Le parlement, qui avait gardé le silence jusque-là, mani- festa tout à coup une grande irritation et ordonna en juillet le voyage d'une commission composée du sieur Comte,

235

commissaire, d'un greffier, d'un procureur et d'un huissier. 1746. On lui adjoignit une maréchaussée et un détachement de 200 hommes d'infanterie pour faire la chasse aux ministres. . Elle avait pour mission de recueillir des dénonciations contre tous ceux qui avaient assisté aux assemblées. Le détache- ment se rendit d'abord à Lozeron, près Beaufort, pour se saisir du pasteur Rolland, mais ne put y parvenir, et se rabattit sur dix ou douze protestants dénoncés par des ca- tholiques stipendiés par le curé de Die pour remplir l'office d'espions. Ils furent conduits dans les prisons de cette der- nière ville et de à Grenoble.

Peu après, le curé de Gigors écrivit au commissaire Comte, qui se trouvait pour lors à Die, une lettre dans laquelle il accusait le sieur Moïse Bénistan, bourgeois de sa paroisse , d'avoir voulu assassiner un nommé Pierre Lallemand. Ce dernier avait été précisément chargé par le curé de porter la lettre, mais il en ignorait le contenu, de telle sorte que Lallemand, interrogé sur Bénistan par le commissaire, lui rendit le meilleur témoignage et déclara que c'était le plus honnête homme de la commune et qu'il n'en avait reçu que du bien.

Pendant que le commissaire du parlement recueillait des dénonciations contre les malheureux protestants, le parle- ment lui-même envoyait des assignations à tous ceux d'entre eux qui avaient été impliqués dans les procédures anté- rieures, et rendait un arrêt, le 2 3 septembre, qui condam- nait 18 réformés aux galères, 4 au bannissement, 4 à la réclusion, cassait un mariage et ordonnait la démolition d'une maison *.

Le peuple catholique, fanatisé par ces mesures, se livrait

(1) Voy. les noms dans la Liste générale des condamnations (Pièces justi- ficatives, N.* II).

236

i746- de son côté à des actes de violence, qu'on ne prit nul soin de réprimer. C'est ainsi que vers la Noël la jeunesse de Volvent, à l'instigation du seigneur du lieu, alla se saisir sur le territoire de Chalancon d'un granger de M. de Vence, qui s'était marié au désert depuis plus de trois ans. Il avait un père fort âgé , une femme estropiée et deux petits en- fants. Ses ravisseurs n'en voulurent pas moins l'enrôler comme milicien. Informée de cet enlèvement, la jeunesse de Chalancon se porta aussitôt à Volvent et délivra le granger. Ce fait , joint au bruit que fit une assemblée reli- gieuse qui s'était tenue entre La Motte et Chalancon, sous la présidence de Rozan, porta le seigneur de Volvent à demander main-forte à de Sallières, qui avait un comman- dement dans le Diois et qui se rendit en toute hâte à Cha- lancon , accompagné de cavaliers de la maréchaussée et d'un bataillon de soldats. Quand sa troupe eut commis dans ce village toutes les dévastations possibles, il vint à La Motte, il dit à quelques bourgeois protestants qu'il rencontra: « Hé! Messieurs, malgré les arrêts rigoureux qui ont été rendus contre vous, vous ne laissez pas que de faire des assemblées -, mais si cette fois je suis venu simple- ment avec des archers et des soldats, une autre fois, si vous y retournez, j'amènerai avec moi un bourreau et lui dirai : Pends-moi celui-ci, pends-moi celui-là. » De Sallières n'eut pas cette peine, car il mourut peu après. Sa troupe avait arrêté un grand nombre de protestants à Chalancon et à La Motte, mais elle mit en liberté plusieurs d'entre eux. Les autres furent conduits dans les prisons de Grenoble, on les retint prisonniers jusqu'à Pâques de l'année sui- vante.

M. de Montrond se vit aussi arrêté pour la seconde fois à Noël. Pendant l'année qui s'était écoulée depuis sa sortie de la tour de Crest , il avait accompli tous les actes d'un bon catholique-, mais d'Audiffret n'en investit pas moins son

237 château, sous prétexte que M. de Montrond y avait amassé 1746. des armes et des munitions de guerre, et qu'il avait des intelligences avec la reine de Hongrie et les autres ennemis de la France. Les recherches les plus minutieuses ne firent découvrir que 7 ou 8 fusils de chasse et 3 ou 4 livres de poudre, ce qui ne pouvait étonner de la part d'un gentil- homme qui chassait beaucoup. D'Audiffret se saisit de tous ses papiers et de sa personne et aurait aussi arrêté son fils, M. de La Bâtie, s'il n'avait été absent. Sur la promesse qu'il ne le ferait point prisonnier, M.me de La Bâtie manda son mari, et d'Audiffret , trahissant sa parole, l'arrêta, aussi bien qu'elle-même. M.me de La Bâtie devint presque folle de désespoir en voyant qu'elle était la cause involontaire de l'arrestation de son mari. Les trois prisonniers, divisés en deux bandes escortées de cent hommes chacune, furent conduits à Grenoble par deux routes différentes : le père par Chabeuil, le fils et la belle -fille par Valence. Arrivés à Grenoble, M. de Montrond fut enfermé à l'arsenal, M. de La Bâtie à l'évêché et sa jeune femme à la conciergerie du palais. Leurs papiers furent examinés avec soin et démon- trèrent leur innocence. On ne laissa pourtant pas de les traiter fort durement. M.me de La Bâtie, qui relevait à peine de couches, fit une grave maladie qui mit ses jours en danger, et son mari, ayant enduré des souffrances qui rou- vrirent une blessure qu'il avait reçue en Corse à la jambe au service du roi, se vit obligé de la faire amputer à Gre- noble. Pour achever l'histoire de cette famille infortunée, « sacrifiée, dit le Patriote françoi s et impartial , à la po- litique qui voulait effrayer les peuples par des exemples notables, r> nous ajouterons que les procédures iniques et violentes dont elle fut l'objet lui occasionnèrent plus de 3o,ooo livres de frais. Le pasteur Vouland raconte dans une lettre (i3 janv. 1747) que M. de La Bâtie avait beau- coup blâmé son père d'avoir changé de religion pour sortir

238 i746- de la tour de Crest, et que ce pouvait bien être la cause des violences que toute la famille eut à subir. Quoi qu'il en soit, M. de La Bâtie et sa femme ne se laissèrent pas ébranler par les revers et demeurèrent fidèles à leur religion.

Une assemblée tenue dans les environs de Dieulefit par le pasteur Rozan amena l'arrestation de deux protestants de Montjoux. Elle fut dénoncée par un catholique qui s'était déguisé en femme pour y assister. Reconnu de la foule, on lui couvrit la tête avec la jupe dont il s'était affublé et on Tattacha à un arbre jusqu'à la fin du service. Rozan lui demanda alors qui l'avait envoyé, mais il ne voulut point le dire, et le pasteur le congédia, en lui faisant promettre de garder le silence sur ce qu'il avait vu. Il recommanda en même temps à la foule de ne pas le maltraiter*, mais, comme il revenait chez lui, deux jeunes gens lui donnèrent quelques coups de bâton. Les deux personnes qu'il avait dénoncées furent congédiées, parce qu'on reconnut leur innocence.

Le pasteur Vouland, qui s'était rendu dans le Vivarais après le double martyre de Ranc et de Roger, puis dans le Languedoc et en dernier lieu en Suisse, on l'avait dis- suadé de revenir en France, rentra néanmoins dans la pro- vince en août 1746. Sa femme s'était accouchée à Lausanne et Antoine Court avait promis d'être le parrain de son en- fant. Au moment de rentrer en Dauphiné, il pria son ami Et. Ghiron * de le recommander au professeur Lullin, « au cas, disait -il, que je fusse obligé, pour le service des églises, auquel je suis actuellement appelé par une lettre de M. Rozan, dit La Place, de perdre la vie, comme cela serait immanquable , venant à être pris, puisque j'ai été déjà deux fois condamné à mort par arrêts du parlement de Grenoble. Cependant mon devoir, le besoin des églises , les fortes solli-

(1) Lettre du 3 mai 1746 (Arch. Sérusclat).

- 239 - citations de mon collègue ne me permettent point de refuser, I74g. au péril d'une vie, de m'y rendre ».

Tous les religionnaires arrêtés par ordre du parlement de Grenoble n'étaient pas condamnés à des peines afflictives ou infamantes, mais tous avaient à payer des amendes, des aumônes et des frais de justice considérables. Il existe un jugement exécutoire, du 4 octobre 1746, portant contrainte, pour dépens de divers jugements rendus du 6 février 1745 au 2b mai 1746, du paiement d'une somme de 62,761 liv. 2 sols 6 deniers contre 324 protestants de 58 communes différentes. Ceux qui refusèrent de payer eurent leurs biens saisis.

Vouland, aussitôt rentré en Dauphiné, se mit, comme son collègue Rozan, à présider des assemblées de nuit, mais non sans être entouré d'un grand nombre de traîtres achar- nés à sa perte *.

'Ralentissement des persécutions. Enlève- . ments d'enfants par ïévêque de Die. P lacet au roi. Apostasie de Duperron.

L'hiver de 1746 à 1747 amena un ralentissement sensible dans les sévérités du parlement. L'arrêt du 2 3 septembre de l'année précédente ne s'exécuta point, et, à la date du i3 janvier, les condamnés demeuraient tranquillement chez eux sans être inquiétés. Le subdélégué de Valence et quel- ques conseillers au parlement disaient même que ceux-ci ne

(1) Mns. Court, N.° 1, t. xvm, xix, xx; N.° 5; N.° 17, P; Le Patriote françois, etc., Mémoire histor., p. 35 1, 416; Armand de La Chapelle, Nécessité, etc., Pièces justificatives , p. 273, 335, 343, 346, 35i, 416; Armand, Quelques documents (Mns.).

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1746-1747- couraient aucun danger. Le parlement n'en condamna pas moins au (eu, le 6 février, un livre que Ton venait d'intro- duire en Dauphiné et qui avait pour but de justifier les assemblées des protestants. Il portait pour titre : Apo- logie des protestants du royaume de France sur leurs assemblées religieuses.

En présence de la tolérance tacite du parlement, Vouland et Rolland célébrèrent quelques mariages et quelques bap- têmes et présidèrent plusieurs assemblées. Mais ils furent aussitôt épiés et ils faillirent même être pris par le fait de la trahison d'un protestant, qui les invita à administrer un baptême chez lui , tandis qu'il allait en hâte avertir la maré- chaussée de Barcelonne de venir les surprendre. C'est peut- être ce qui engagea Rolland à passer au service des églises de Provence vers cette époque. Il y fit beaucoup de bien et ne desservit plus le Dauphiné, qu'il visita néanmoins de temps à autre, notamment en 1750.

Vers ce même temps (20 février 1747) quelques femmes catholiques, d'accord avec le curé de Crupies, ayant fait courir le bruit qu'on avait arrêté le ministre Vouland à Dieulefit, les protestants de la première localité envoyèrent des messagers de côté et d'autre pour s'informer du fait. A l'entrée de la nuit un certain nombre de jeunes gens se réunirent près de Bourdeaux dans Pintention d'enlever le ministre des mains de la maréchaussée; mais, sur la nouvelle de la fausseté de l'arrestation, ils se retirèrent tranquille- ment chez eux. Les ennemis des protestants n'en dirent pas- moins qu'il y avait eu des rassemblements de 10 et 20,000 personnes dans la vallée de Bourdeaux.

Le 25 du même mois la femme d'un nommé Combe fut arrêtée à Livron, de l'autorité propre du curé. Les cavaliers de la maréchaussée avaient reçu l'ordre de se saisir du mari et voulaient laisser la femme, n'ayant pas reçu d'ordre à son sujet; mais le curé les obligea à l'emmener, parce que,

241 s'étant accouchée chez un de ses parents dans le Vivarais, 1747. elle y avait fait baptiser son enfant par un ministre et l'y avait même laissé en nourrice. Cette pauvre femme fut con- duite à la tour de Crest, puis à Grenoble, elle demeura de longs mois détenue.

Le curé de Saint-Dizier ayant fait venir des troupes dans sa paroisse, celles-ci ravagèrent toutes les habitations des protestants mais lui-même trouva dans une fin tragique le châtiment de sa dureté.

L'évêque de Die se signalait de son côté par des enlève- ments d'enfants. Les couvents et l'hôpital de cette ville étaient remplis de ces derniers. Dans le seul village d'Aouste, il en fit enlever sept ou huit, et lorsque ces malheureux parve- naient à s'échapper, il emprisonnait leurs parents.

A part ces enlèvements, qui ne discontinuèrent point pen- dant un demi-siècle, leDauphiné jouissait d'une tranquillité relative. « Les affaires ont bien changé de face, écrivait le pasteur Rozan. Il n'y a plus aucun soldat qui puisse nous incommoder. Le régiment de Normandie, qui a tant fait de mal aux pauvres réformés, est enfin parti pour Nice. On ne parle plus d'ajournements ni de prises de corps. On espère que le reste des prisonniers sortira bientôt. Les fugitifs de- meurent tranquillement dans leurs maisons sans qu'on leur dise un mot. J'ai béni trois mariages ces jours passés. J'ai tout visité, excepté au-dessus de Die, et j'ai trouvé partout des honnêtes gens. Tout ce qui nous afflige, c'est la prise de jeunes gens pour la propagation ces jours passés. On a pris six filles à Saillans et deux garçons à Châteauneuf-de- Mazenc. Plusieurs autres craignent le même sort. » Le parlement prononça néanmoins quelques condamnations. Béranger, de Gigors, fut banni pour un an et dut payer 5oo livres d'amende, et un nommé Évêque, dont nous ignorons le lieu de naissance, fut envoyé aux galères.

Le ralentissement de la persécution engagea Vouland à

163

242

1747-1748- prier Antoine Court, en juillet, de renvoyer au plus tôt dans leurs foyers les trois proposants dauphinois Alexandre Ranc, François Descours et Arnaud, dit Duperron ou La Plaine, qui faisaient leurs études au séminaire de Lausanne. Les deux premiers rentrèrent en octobre et le troisième seulement Tannée suivante. Aidé de ses collègues, Vouland entreprit à cette époque le recensement des protestants du Dauphiné, dont le nombre s'éleva à 60,000 I.

Si les persécutions générales avaient cessé', les persécutions de détail continuèrent, et elles venaient presque toujours de la part du clergé. Ainsi, en 1748, le curé de Beaumont, au rapport d'Antoine Court 2, « accusa les protestants de sa paroisse d'avoir voulu l'assassiner et empêcher qu'il ne cé- lébrât la messe, et il adressa lui-même là-dessus un procès- verbal qu'il eut l'audace de produire. Ses paroissiens de- mandèrent qu'il fût pris à ce sujet de plus amples infor- mations. Le juge criminel de Valence voulut bien se rendre à leurs pressantes sollicitations. Il prit connaissance du fait, et le procès- verbal du prêtre fut encore convaincu d'im- posture. Le prêtre fut obligé d'en convenir. Il fit son apo- logie en chargeant de sa faute le prieur de Monteléger, qui , à ce qu'il dit, l'avait sollicité à cela. Cette apologie fut reçue pour valable et l'infâme calomnie, qui aurait attiré aux pro- testants de Beaumont des peines si sévères, si elle n'avait été démontrée, n'eut d'autre suite pour le curé que l'humi- liant aveu qu'il fut obligé d'en faire ».

La même année, l'évêque de Die fit arrêter Morand, marchand de Die, Rey, deChâtillon, et André, de Saillans, parce que leurs enfants s'étaient évadés de la maison de la Propagation de la foi. Ils furent longtemps détenus à la

(1) Sur ce chiffre, voyez les réflexions de la page 18.

(2) Le Patriote françois et impartial, etc., Mémoire hislor., p. 5.

243

tour de Grest. Le 22 avril, Mitifiot et Abraham Merle, de 1748. Livron, furent arrêtés et conduits aux prisons de Grenoble, pour avoir fait bénir leurs mariages dans une assemblée du désert.

Gependant la longue guerre de la succession d'Autriche touchait à sa fin. Les préliminaires de paix furent signés le 3o avril à Aix-la-Chapelle, et les protestants du Dauphiné jugèrent le moment opportun d'adresser un placet au roi. Quand Vouland passa en Vivarais, après la mort de Roger, il s'était déjà entretenu avec ses collègues de cette province de l'opportunité de ce placet ; mais la rédaction en avait été ajournée jusqu'à ce moment. Ne pensant pas qu'ils dussent différer davantage, ils le composèrent et en firent quatre copies, qu'ils adressèrent à de Malhoul, contrôleur général des finances , au comte de Saint-Florentin , secrétaire d'Etat, à Voyer d'Argenson, chancelier et garde des sceaux de France, et au duc de Chartres, gouverneur du Dauphiné. « Nous osons, disaient-ils au bas du placet, prendre la liberté de présenter un placet au roi; nous vous supplions de l'appuyer de tout votre crédit; vous rendrez un service mémorable à des sujets qui, par leur fidélité, ne méritent pas d'être traités aussi durement qu'ils le sont ; de plus vous ferez une œuvre agréable au Seigneur, qui vous méritera un bonheur plus solide que celui de cette vie. » Le placet lui- même, que nous reproduisons en entier, à cause de son importance , portait :

« Les pauvres religionnaires de la province de Dauphiné osent prendre la liberté de se prosterner aux pieds de Votre Majesté avec le plus profond respect dont ils sont capables, espérant qu'elle aura la bonté d'écouter favorablement leurs très-humbles remontrances.

» Si nous n'étions pas, Sire, aussi persuadés que nous le sommes que Votre Majesté met toute sa gloire à ne s'écarter jamais des règles de la justice , nous n'aurions point d'autre

244 1748- parti à prendre que celui de souffrir, sans oser nous justifier. Mais nous avons cette confiance en rextrême bonté de Votre Majesté qu'elle ne désapprouvera pas que nous lui repré- sentions, avec toute la soumission possible, que les arrêts rendus par votre parlement de Grenoble, en 174b et 1746, contre plus de 600 d'entre nous ont été obtenus sans que la plupart des condamnés aient été entendus : arrêts fondés sur des requêtes qui ne nous ont point été communiquées, sur des plaintes, sur de fausses dénonciations, toutes éma- nées de la ruse de nos ennemis , qui , par des artifices odieux, ont trouvé le secret de surprendre la religion de votre pro- cureur général et des autres magistrats qui composent votre cour souveraine de Dauphiné. Tout le monde sait que Votre Majesté est infiniment éloignée de vouloir opprimer des personnes innocentes. C'est pourquoi on met tout en usage pour nous rendre criminels à vos yeux. On ne se contente pas d'attaquer nos biens et nos personnes, on attaque encore la pureté de notre soumission à vos ordres. C'est dans cette même vue que les mêmes ennemis nous ont représentés comme des sujets rebelles et factieux qui, se flattant de l'impunité, ont voulu profiter des circonstances d'une guerre dont les succès ont été si glorieux à Votre Majesté.

» Cette conduite, Sire, nous met dans la triste nécessité de rompre le silence que nous voudrions garder toute notre vie et qui jusqu'ici a fait notre plus douce consolation.

« Nous pouvons, Sire, protestera Votre Majesté, avec toute la sincérité respectueuse que nous lui devons", qu'on ne saurait nous convaincre d'aucune sédition. Ces reproches empoisonnés de nos ennemis n'ont rien qui les soutienne, et si, dans l'an 1746, il s'est élevé quelques troubles dans le Vivarais, suscités par le sieur Boulhat, curé de Boffres, actuellement détenu à ..., il est certain, Sire, que vos sujets religionnaires de votre province de Dauphiné étaient à cette époque, comme ils ont été dans tous les temps, entièrement

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soumis aux ordres de Votre Majesté, pour laquelle ils sont 1748 prêts de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang.

» Il est vrai, Sire, que nous avons assisté à des assem- blées pieuses , qui se sont faites dans votre province de Dauphiné , dans un temps ils avaient tout lieu de croire qu'elles étaient permises. C'était un bruit public qui nous assurait que l'intention de Votre Majesté était de permettre le paisible exercice de notre religion, en un mot de faire revivre l'édit de Nantes.

» Nous avouons, Sire, que nous avons vécu quelque temps dans cette confiance •, la bonne foi dictait nos dé- marches et nous étions bien éloignés de croire que ce fût une conduite opposée aux lois de Votre Majesté.

» Mais bientôt le tonnerre s'est fait entendre; nos ministres ont été frappés et ont subi la peine à la dernière rigueur, de même que nous. De cette multitude d'arrêts foudroyants : galères à temps et à perpétuité, bannissements, flétrissures, nos femmes rasées et condamnées à languir le reste de leur vie dans l'obscurité des cachots, des enfants enlevés d'entre les bras de leurs pères, des maisons rasées, des amendes qui se porteront à plus de 60,000 livres, des dépens qui excéderont la somme de 100,000 livres; qui plus est, 200 saisies existant sur nos meubles et immeubles. Nos maisons abandonnées, nos familles errantes, dépourvues de toutes ressources, réduites à l'indigence : quel terrible spectacle! Le cœur de Votre Majesté en est attendri. Ce cœur, dilaté par la charité, renferme tous vos peuples; pourrions-nous ne pas y trouver place, nous qui sommes nés vos sujets, nous qui sommes vos enfants , qui n'avons cessé de lever nos mains vers le ciel, de lui adresser des vœux pour la prospérité des armes victorieuses de Votre Majesté , pour la conservation de Louis le Bien- Aimé, le plus grand de tous les princes ?

» Ces châtiments, ces peines, ces effrayantes images que

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i748- présentent les arrêts rendus par le parlement de Grenoble en 1745 et 1746, renaissent tous les jours par de nouveaux, arrêts encore plus terribles, dont les dépens, qui ne sont pas encore liquidés, se porteront à plus de 80,000 livres. Une pareille persécution, constamment soutenue, ne fut jamais l'ouvrage de Votre Majesté, qui ne se propose que le bonheur de ses sujets.

» Le Dauphiné , dont le commerce consiste en manufac- tures de draperies de toutes les espèces, que les protestants faisaient valoir, fleurissait avant les arrêts. Plus de 1,000 catholiques tiraient de leur subsistance. Maintenant tout est détruit. Le malheur des uns a fait celui des autres, et cette perte commune serait sans ressource si votre bonté paternelle ne jetait sur tous des regards bienfaisants.

» C'est donc ici le cas de faire grâce, d'oublier le passé. La paix que vous avez donnée à toute l'Europe serait-elle troublée par les gémissements de vos sujets ? Et que ne devons-nous pas attendre de la clémence et de la justice de Votre Majesté, dont la conservation nous est plus précieuse que nos vies et pour laquelle nous faisons sans cesse des vœux , que notre religion et notre amour nous font regarder comme les plus importants de nos devoirs et soins ! »

Ce touchant placet parvint -il au pied du trône de Louis XV ? C'est peu vraisemblable , tant il est difficile aux rois de connaître la vérité.

Vouland fit un voyage en Suisse cette année et s'y ren- contra avec les pasteurs du Languedoc Clans, Blachon , Roux et Chalon, dit Latour. Il agita avec eux la question de la convocation d'un synode national, et il fut décidé qu'on s'aboucherait avec les autres pasteurs du Languedoc pour s'entendre. Grâce au zèle de Vouland, qui avait hérité de la considération et de l'influence du vénérable Roger, le synode se réunit dans les Cévennes du 1 1 au 18 septembre,

247 et y assistèrent, comme députés du Dauphiné, Vouland, 1748- Rozan et un ancien *.

Cette année fut témoin d'un événement qui affligea pro- fondément les églises du Dauphiné. Le proposant Arnaud, appelé Duperron en France et La Plaine eh Suisse, qui avait été condamné à mort par contumace le 17 mars 1745 et qui venait de rentrer en Dauphiné (juin), fut arrêté le 17 juillet, dans une cabane ou sous un noyer, près de La Baume- Cornillane, au hameau des Pialoux, sur la dénon- ciation d'Antoine Faure, de Barcelonne, et de Louis Bou- teille, qui, en retour, reçurent chacun 3oo livres de gratifi- cation. Arnaud apostasia en face de l'échafaud. Le glorieux martyre de Ranc et de Roger ne put soutenir son courage, et il renia sa foi par crainte du trépas.

En apprenant la capture de Duperron, Antoine Court, dont ce dernier avait pris récemment congé au séminaire de Lausanne, se refusa à y croire. « Attendons de meilleures choses , écrit-il à Et. Chiron , à Genève 2 ,• de la prudence , de la sagesse et de la piété de ce digne garçon , qui a fait ici le sujet de mes larmes. Quelle perte pour l'église ! » Il fallut pourtant se rendre à la triste réalité. « Votre conjecture est vraie, écrit-il au même ami 3. La lettre que vous me fîtes parvenir par le courrier d'hier est de notre-cher ami M. Vou- land, et elle contient diverses circonstances touchant M. La Plaine. Ce digne garçon donna dans une embuscade qui n'avait pas été faite pour lui. Elle était destinée à se saisir de M. Dunoyer (Rozan). Le traître qui avait dénoncé celui- ci s'offrit de servir de guide à M. La Plaine, et le livra

(1) Mns. Court, N.° i, t. xix-xxm; N.° 17, P; Le Patriote françois , Mém. histor., p. 5, 48, 84; Armand, Quelques documents (Mns.).

(2) Lettre du Ier août 1748 (Archives Sérusclat).

(3) Lettre du 9 août 1748 (Arch. Sérusclat).

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i748- à ses satellites. Il fut conduit dans les prisons de Valence, où, après avoir fait quelques réponses équivoques au sub- délégué de l'intendant, il lui avoua qui il était, lui dit son nom , lui dit aussi qu'il avait prêché dans la province dans le temps qu'on y faisait des assemblées de jour; mais que, lorsqu'elles avaient cessé , il s'était retiré dans le pays étran- ger, où il avait resté jusqu'à présent. Il fut traduit des prisons de Valence le 24 du mois passé à celles de Grenoble. Un exprès, qui fut dépêché pour le suivre et pour lui porter quelque argent, a rapporté qu'il n'avait pas encore été in- terrogé au parlement. Il a rapporté aussi, de la part des prisonniers, qu'on devait se tranquilliser sur son compte*, de prier Dieu pour lui •, qu'il était content et tout résolu à la volonté de Dieu *, qu'il ne s'attendait pas d'être traité plus doucement que ses frères qui ont passé avant lui. » L'esprit est prompt, mais la chair est faible, dit l'Évangile, et le malheureux jeune homme, qui , pressé par les Jésuites, leur avait répondu : « Si je n'ai pas la gloire de résoudre toutes les objections qu'on peut me faire avec autant de netteté que je le souhaiterais, j'aurai du moins celle, avec le secours de Dieu, de ne perdre jamais mon salut , » n'eut pas la force de résister à la vue du supplice. Antoine Court raconte ainsi son apostasie dans une lettre adressée à Paul Rabaut (ier nov. 1748) : « La chute de l'ami que vous avez apprise nous a pénétré de la plus amère douleur. Elle se fit avec grande pompe et en présence de plus de cent cinquante per- sonnes de distinction, après plus de 5o conférences sur les matières controversées. C'est la crainte de la mort et l'espé- rance d'une vie trop chère qui a produit un événement de tant de triomphe pour les uns et de tant d'affliction pour les autres, qui fait maintenant le supplice de celui qui y est plus essentiellement intéressé \ les gémissements et les sou- pirs qu'on lui entend pousser en sont des indices bien cer- tains. Il s'était flatté qu'on le délivrerait après avoir fait ce

249 qu'on exigeait de lui; mais il s'est étrangement trompé, et 1748. chaque jour va lui apprendre combien son mécompte a été grand et combien il aurait été plus heureux pour lui de se confier à celui qui ne trompe point et qui récompense ma- gnifiquement ceux qui le servent, de lui être fidèle et souffrir mille morts plutôt que de manquer à la foi qu'il avait pro- mise. Puisse son exemple, en rappelant à notre esprit de quoi notre faible humanité est capable, nous affermir de plus en plus dans nos devoirs et nous empêcher de les perdre jamais de vue ! »

On publia Tannée suivante à Grenoble, sous le nom de Duperron, les Motifs de son abjuration. « Rien de plus mince, dit Antoine Court % et en même temps de plus sophistique que les prétendus motifs de son changement de religion qu'on a imprimés à Grenoble et que nous avons vus ici. » Les lettres de grâce de Duperron étant arrivées de la cour à la fin de 1749, le parlement de Grenoble les enté- rina, et on pensait que le prisonnier serait aussitôt relâché-, mais il n'en fut rien. « On m'apprend aussi qu'à l'égard de M. La Plaine, écrit Vouland à Et. Chiron 2, ses lettres de grâce, que nous avions déjà appris être revenues de la cour, furent entérinées le 18 décembre dernier-, qu'on croyait qu'on le sortirait tout d'abord, mais qu'il a été renvoyé après les Rois-, qu'on le doit traduire au séminaire de Viviers pour un an \ que de on doit le conduire à Paris, pour lui donner le choix d'un emploi ou d'être ecclésiastique. On lui a accordé une pension de 400 liv. 'Donc il est fort à craindre que ces indignes récompenses ne l'endorment de plus en plus. On me marque aussi qu'ayant reçu une lettre, qu'on lui envoyait d'ici , sur l'avis qu'il avait donné de la publi-

(1) Lettre à Et. Chiron, du 16 juillet 1750 (Arch. Sérusclat).

(2) Lettre du 6 janvier 1750 (Arch. Sérusclat).

25o

1748-1749. cation des prétendus motifs de sa conversion, dans laquelle lettre on l'exhortait fortement à donner gloire à Dieu , il ne finit pas de la lire*, qu'il se prit à se maudire, disant qu'il ne pouvait pas faire ce qu'on lui demandait, que cela était impossible à lui, c'est-à-dire donner gloire à Dieu. Dieu veuille le relever de sa chute, s'il est son bon plaisir, et sou- tenir ceux qui sont encore debout ! » On garda Duperron sous les verrous jusqu'au 4 avril 1750. Alors «.il alla se jeter, dit un livre du temps *, entre les bras de ses anciens frères, avec des marques de sa repentance qui perçaient le cœur. Sa douleur l'épuisa si promptement qu'il mourut le 26 mai de la même année, plein d'horreur pour son apos- tasie et pour les cruelles mains qui la lui avaient arrachée ».

[Mandement de l'évêque de Valence.

Assemblées fréquentes. Recouvrement des

frais de justice. Condamnations diverses.

Enlèvements d'enfants.

Au commencement de l'année 1749 (i5 fév.) l'évêque de Valence publia un mandement à l'occasion de la paix d'Aix- la-Chapelle, et engagea à ce propos les protestants de son diocèse à obéir aux édits du roi. « Et vous, mes frères, leur disait-il, qui, toujours attachés à l'erreur et trop dociles à la voix trompeuse de vos ministres sur les frivoles espérances d'une fausse liberté, tandis que la discorde agitait l'Europe^ avez eu le malheur de profiter de ces troubles pour vous éloigner davantage de nos solennités, ne vous dispensez

(1) Réponse au sieur Jean Molines, dit Fléchier, ou examen des motijs qu'il a publiés de son changement de religion' Villefranche, 1 753, in-S*, p. xxiv. L'auteur réfute occasionnellement l'écrit signé par Duperron-

25l

plus aujourd'hui d'un devoir si légitime. Rougissez de ces 1749. emportements scandaleux qui vous ont entraînés dans des assemblées profanes, et, prenant de plus salutaires réso- lutions, revenez plus tranquilles au milieu de nous glorifier de concert le Seigneur, qui a banni la guerre et qui, par un prodige de sa puissance, en a éteint entièrement le feu dans le temps que vous pensiez peut-être qu'il allait s'allu- mer davantage.

» Nous vous en conjurons de tout notre cœur par les entrailles de Jésus-Christ, qui est venu sur la terre pour rompre le mur de division et ne faire qu'un corps de tous ses membres.

» Notre auguste monarque ne vous y convie pas d'une manière moins pressante, également prêt à vous pardonner, si vous le méritez par votre retour, ou à venger l'honneur des autels, si vous persistez dans votre séparation. Délivré de ses ennemis , il ne lui reste que ceux de la religion ; mais il en coûterait trop à son cœur s'il fallait armer son zèle contre des sujets dont il a éprouvé la fidélité et qui, malgré leur obstination, lui seront toujours chers.

» Rendez-vous donc aux tendres invitations d'un pasteur qui vous porte dans son cœur. Vous savez que nous y avons renfermé jusques à présent l'amertume que vous y avez ré- pandue. Témoin de vos prévarications, nous avons tâché d'excuser vos fautes -, votre conduite a armé les lois contre vous, et Dieu nous est témoin qu'il n'a pas tenu à nous d'en arrêter le glaive. Que votre réconciliation à l'Église mette donc le sceau au grand ouvrage de la paix de l'État. C'est sur Tune et sur l'autre que le roi veut établir la gloire de son règne, persuadé que l'uniformité dans la vraie foi n'est pas moins la base des empires que le gage assuré de la fidélité des peuples. »

La paix fut loin d'être favorable aux protestants dauphi- nois. Le parlement détenait en prison M. me Vouland, son père

252

1749- et ses deux frères, dont tout le crime était d'être les parents du pieux pasteur. On tracassait particulièrement le beau- père de Vouland, qui était un peu dans l'enfance, en lui disant qu'on ne le relâcherait que lorsqu'on aurait pris son fils. On mit cependant un terme aux souffrances de ces mal- heureux, et au mois de juin ils purent gagner la Suisse. L'évêque de Die continuait de son côté à obliger les parents à envoyer leurs enfants à la messe et à enlever ces derniers en cas de désobéissance, et le parlement prononçait des dissolutions de mariage. Par son arrêt du 7 juin 1749 il en cassa neuf à la fois *.

Ces rigueurs n'arrêtaient pas les assemblées , les mariages et les baptêmes mais l'autorité voyait de fort mauvais œil ces hardiesses, et ses agents se livrèrent, à l'égard d'une assemblée tenue par Vouland et Rozan entre Montmeyran et La Baume-Cornillane, à des voies de fait inqualifiables (9 juin). Au moment l'assemblée se séparait, deux com- pagnies de dragons en garnison à Chabeuil arrivent inopiné- ment, tirent 60 coups de feu environ sur la foule inoffensive, cassent le bras d'une malheureuse femme, s'emparent des bijoux, des coiffures en dentelles et de l'argent qui leur tombent sous la main , arrêtent cinq ou six filles et revêtent de la robe du pasteur un nommé Imbert, qu'ils traînent dans cet accoutrement jusqu'à Valence, pour faire croire qu'ils s'étaient emparés d'un ministre.

Au mois de septembre on assigna à Dieulefit 22 personnes qui avaient assisté à une assemblée présidée par Rozan au Poët-Laval. On arrêta aussi plusieurs protestants pour fait de baptêmes et de mariages, et, pour empêcher ces derniers, le parlement condamna à 5oo livres d'amende les notaires qui les recevaient. Deux filles de M. Ladret de Lacondamine,

(1) Voy. la Liste générale des condamnations (Pièces justificat., N.° II).

253 de Bourdeaux, furent enlevées, et on fit le recouvrement à i749-I75o. Nyons, Vinsobres, Salles et Dieulefit des amendes infligées aux réformés dans les divers jugements rendus contre eux les années précédentes. Les mêmes quartiers furent occupés par les soldats du régiment de Bretagne, pour s'opposer à la réunion des assemblées. Mais ces mesures étaient impuis- santes à arrêter le mouvement. Comprimées sur un point, les assemblées se reformaient sur un autre , et il eût fallu cent mille hommes pour les empêcher. Les protestants dau- phinois savaient joindre à ce zèle pieux une ardente charité pour leurs coreligionnaires prisonniers et recueillirent, en dépit de tous les frais de justice et amendes dont ils furent chargés, une somme de 85o livres pour ceux de leurs frères qui gémissaient dans les galères.

C'est pendant cette année 1749 que le proposant Des- cours, qui avait quitté Lausanne en août 1747, fut, après avoir subi un double examen en Dauphiné et en Vivarais, consacré au saint ministère dans cette dernière province, et que le jeune Pierre Béranger, dit Colombe, des Férands, hameau de Montvendre près Chabeuil, se mit à étudier sous la direction des pasteurs. Il fit avec eux de rapides progrès, car il avait de l'intelligence et une mémoire prodigieuse.

Les assemblées continuèrent en 1750, ainsi que les ri- gueurs. Le 17 juin, le parlement de Grenoble condamna Joseph Barnier, de Nyons, à 5 ans de galères, pour avoir assisté à une assemblée présidée par Vouland, dans la nuit du 4 au 5 février. Celui qui l'avait dénoncé en éprouva de tels re- mords qu'il se donna trois coups de couteau, dont il mourut bientôt après. Le 3 juillet, trois ministres furent brûlés en effigie sur la principale place de Grenoble. C'étaient vrai- semblablement Vouland, Rozan et Descours, les seuls pas- teurs qu'il y eût alors en Dauphiné. Cinq nouveaux mariés détenus dans les prisons de Grenoble furent conduits de force à cet horrible spectacle et condamnés le même jour à

254 i75o-i751- ^ ans de galères. Le 16 avril précédent la peine des galères avait été également prononcée contre un autre protestant l. Les occupations militaires continuèrent aussi, et, entre toutes, celle de la vallée de Bourdeaux se signala par ses excès. C'est au régiment de Mailly que la malheureuse vallée en fut redevable.

Découragé par ces rigueurs, qui depuis 1744 se succé- daient sans interruption, Rozan eut un moment la pensée d'émigrer, avec un certain nombre de Dauphinois, en Ha- novre, où le roi d'Angleterre offrait aux protestants de France tout le territoire nécessaire à la fondation d'une ville. Mais Rozan ne donna pas suite à ce projet, dont la pensée était née d'autant plus facilement dans son esprit que les protestants dauphinois se voyaient condamnés non-seule- ment à des peines infamantes, mais encore à des amendes et des frais de justice considérables -, si bien que ces derniers seuls s'élevaient au mois de novembre, pour les arrêts rendus ces dernières années, à plus de 200,000 livres. « Ils entendaient, comme ils le disaient eux-mêmes dans une re- quête qu'ils adressèrent au roi à cette époque, ils entendaient du fond de leurs prisons vendre leurs effets à l'enchère et distribuer leurs héritages pour satisfaire à l'un ou à l'autre de ces deux articles. »

Alexandre Ranc, qui s'était fixé avec peine dans le Dau- phiné après son retour de Lausanne, parce que la con- dition matérielle des pasteurs et des proposants y était fort précaire (les premiers touchaient seulement i5 louis neufs ou 2 3o fr. par année), accepta une vocation des églises de la Charente, qui lui avait été adressée dès l'année précédente. Il partit vers le mois de janvier 1751, et trouvant ces églises divisées, raison qui avait déjà retardé son départ, il résolut,

(1) Voy. la Liste générale des condamnations (Pièces justificat., N." H).

255 dès le mois de mars, de partir comme chantre pour la i?5i. Nouvelle-Angleterre. Il en écrivit à Descours, son condis- ciple, qui vraisemblablement l'en dissuada, car il était de retour dans le Vivarais en 1752, et, après quelques mois d'inactivité passés dans sa famille, il reprenait son ministère en Dauphiné. Il n'avait ni l'intelligence ni l'application de son frère le martyr, et ses progrès furent lents à Lausanne, il s'était occupé beaucoup plus de musique que de théo- logie et de prédication. Il fut consacré au saint ministère le 25 octobre 1752 dans le Vivarais par le vénérable Peyrot. Vouland avait envoyé son fils l'année précédente au sémi- naire de Lausanne, sous la conduite de sa pieuse mère.

Les réformés du Diois s'acquittant avec peine du paie- ment des amendes et des frais de justice exorbitants aux- quels ils avaient été condamnés en diverses fois par le par- lement de^ Grenoble, celui-ci résolut d'employer la force pour les y contraindre. Des commissaires, envoyés de sa part et escortés de cavaliers de la maréchaussée de Die, firent des rondes dans le pays et arrachèrent aux malheu- reux protestants des sommes considérables , qui dépassèrent de 10,000 livres celles qui avaient été fixées par le par- lement.

De son côté, Tévêque de Die, qui, pendant les quarante- cinq ans que dura son long épiscopat, ne renonça pas un seul instant à son rôle de persécuteur , défendit à ses curés de bénir, sous aucun prétexte, les mariages protestants et poursuivit à outrance ceux que firent les ministres. C'est pourquoi les fiancés prirent désormais le parti d'aller se marier en Suisse. Pour ce qui est des enfants réformés, à l'enlèvement desquels l'évêque s'attachait de préférence, Vouland en dit cequi suit,dansune lettredu 22 mars 1751 : « Rien de plus affligeant que les maximes de cet évêque touchant les enfants des pauvres religionnaires et la cruauté qu'il exerce contre leurs parents lorsqu'il ne peut l'exercer

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i75 1. contre les pauvres enfants; car, dans cet hôpital et cette maison de propagation à Die, outre les mauvais principes qu'on leur inspire, ils sont traités pire que si c'étaient des enfants supposés, et quoiqu'on les traite inhumainement, s'ils s'évadent on prend leurs pères. Cet évêque a pris à présent le parti de faire tirer au sort toutes les filles d'une paroisse, et quand le sort est tombé à une , on fait contribuer les autres pour la faire entretenir : ce qui est déjà arrivé à un endroit nommé Pontaix, où, en ayant tiré une, il fallut que les autres lui fissent 400 livres. »

« Entre un grand nombre d'enfants , ajoute Antoine Court x, que l'évêque de Die a fait enlever, il y en eut un âgé de douze ans qui trouva moyen de s'évader au com- mencement de cette année (175 1) de la maison de la propa- gation, où il les fait instruire. Le père, nommé Empeytaz (de Laval-d'Aix), eut aussitôt ordre de le reproduire. Il se met en campagne et se donne de grands mouvements pour retrouver son fils. Partout il passe, il a soin de se munir d'actes qui fassent foi de ses perquisitions et de sa diligence. Tout devient inutile, il ne retrouve point son fils. Aux actes qui en font foi le gouverneur de Crest joint une lettre pour l'officier qui commande à Die. L'homme arrive avec tous ces actes, il les délivre, on en fait la lecture et, sans y avoir égard, il est envoyé en prison 2. »

A la même date, le jeune Jean-Pierre Roux, de Laval- d'Aix, âgé de 12 ans, que l'évêque de Die voulut également arracher à sa famille, se cacha dans un marais, il passa trois jours et trois nuits ayant de l'eau jusqu'au cou. Ses parents profitèrent des moments de répit que leur laissaient

(1) Le Patriote françois et impartial.

(2) Mns. Court, N.° i, t. xxii-xxiv; N.° 46; Le Patriote, etc., p. 98, 99, 1 15 ; Armand, Quelques documents (Mns).

2Ô7

les battues accomplies en divers sens par la maréchaussée 173 1. pour lui porter quelque nourriture, et quand celle-ci eut définitivement renoncé à capturer le jeune fugitif, ils cou- sirent des pièces de monnaie en guise de boutons à ses vête- ments et le conduisirent de nuit aussi loin qu'ils le purent dans la direction de Genève, le courageux enfant arriva sain et sauf. De il gagna le pays de Vaud , ses descen- dants subsistent encore l.

(1) Communiqué par M. Fréd. Roux, pharmacien à Nyon (Vaud), petit- fils du jeune J.-P. Roux.

ïf

258

VII. DIMINUTION DES RIGUEURS.

ij5i 1767

{Mémoire de de Moydieu.

i75r< A part les enlèvements d'enfants, les affaires des protes- tants s'améliorèrent sensiblement en Dauphiné en 175 1. Vouland écrivait le 26 septembre de la même année I : « Nos affaires se rétablissent un peu par la bénédiction du ciel. La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Depuis 1745 nous n'avions pas été plus calmes. » Le 2 janvier 1752 il ajoutait 2 : « Pour ce qui concerne nos affaires, je vous dirai que nous jouissons , par la grâce de Dieu , d'une grande tranquillité ; que depuis près de deux ans on n'a chagriné personne dans notre province pour cause de religion. » Le parlement de Grenoble se borna en effet à condamner le livre intitulé L' Asiatique tolérant3, à être lacéré et brûlé, comme scandaleux, séditieux et tendant à renverser la religion ca- tholique, apostolique et romaine et les puissances établies de Dieu , et à troubler le repos et la tranquillité publiques.

(1) Lettre à Et. Chiron (Arch. Sérusclat).

(2) Lettre à Et. Chiron (Arch. Sérusclat).

(3) Voici le titre complet de cet opuscule rare, déjà condamné par le conseil du roi cette même année : L'Asiatique tolérant. Traité à l'usage de Zéokiniful , roi des Kqfirans, surnommé le chéri . Ouvrage traduit de l'arabe du voyageur Bekrinoll, par M\ de ***** ; J'excuse les erreurs et non les cruautés. A Paris, chez Durand, rue S'. Jacques, à S'. Landry et au Griffon. L'an xxiv. du Traducteur, xix et 128 pages.

25g Cet ouvrage, qui paraît avoir été écrit par un catholique, i75i. n'eut point l'entière approbation des pasteurs du Dauphiné. « Lorsque j'eus l'honneur de vous adresser l'arrêt rendu contre L'Asiatique tolérant, écrit Vouland à Et. Chiron % je vous promis de vous écrire bientôt. . . Je vous dirai d'abord, touchant le susdit arrêt et l'ouvrage qui y a donné lieu, qu'un de mes amis et confrères, qui n'approuve pas ledit ouvrage, me conseillait d'en écrire au parlement, et cela, selon ses idées, pour réfuter ledit ouvrage et désapprouver des principes qu'il nous impute et que nous n'avons pas. Mais nos noms sont trop odieux à ce parlement pour les exposer -, nous ne nous flattons pas d'avoir assez d'habileté pour exposer une critique du livre et de l'arrêt; enfin, la critique ou le désaveu de ce livre viendrait après coup. Il me paraîtrait beaucoup mieux que quelque bonne plume Voulût faire une bonne et solide critique tant du livre que de l'arrêt qui le condamne , et la faire ensuite courir dans le Mercure suisse. »

Autrement le parti de la tolérance commençait à gagner du terrain en Dauphiné. Si le comte de Marcieu, lieutenant général du roi, de Saint-Ferréol, gouverneur général de Die, des Augiers, évêque de cette ville, et autres étaient très-animés contre les protestants et voulaient sévir sans relâche contre eux, le parlement, au contraire, soit qu'il suivît une inclination qui lui était propre, soit qu'il eût reçu des ordres de la cour 2, se montrait disposé à la clémence. Le conseiller de Gumin fut bien chargé de faire une instruc- tion relative à une assemblée tenue à Bourdeaux en juillet

(i) Lettre du 26 sept. 175 1 (Arch. Sérusclat).

(2) « M. de Saint-Ferréol a dit à quelqu'un digne de foi que M. d'Ar- genson avait mandé de laisser agir le parlement. » (Lettre de de Moydieu , du 29 sept. 175 1; Arch. de M. J. Roman, de Gap.)

260

1 75 1. 175 1, et le sieur Lagier de Vaugelas fit également, nous ne savons à quel titre, une procédure au lieu de Beaumont-en- Diois concernant sans doute le même objet ; mais le parle- ment ne donna pas suite à leur enquête. Comme preuve de cette nouvelle disposition des esprits , nous transcrivons presque en entier un mémoire curieux et instructif de l'avo- cat Berger de Moydieu , qui devint plus tard conseiller, puis avocat général au parlement. Son travail semble adressé au président du parlement, qui le lui avait sans doute demandé, et destiné à contrebalancer l'influence du comte de Mar- cieu.

« Il est vrai, dit-il, qu'il y a quelques assemblées de reli- gionnaires dans cette province, mais elles sont peu nom- breuses et ne sont composées que de gens du peuple; les gentilshommes et les bourgeois s'en abstiennent totalement.

» On n'y a jamais porté aucune arme. Le mal n'est pas assez considérable pour employer les remèdes extrêmes, qui doivent être réservés pour des cas plus pressants.

» Il est vrai aussi que nombre de religionnaires qui sont sans biens passent au pays étranger.

» On n'a pas ouï dire que les transfuges viennent en cette province pour chercher à y faire des recrues, et on met en fait que de vingt religionnaires qui sortent du royaume , il n'y en a pas deux emmenés par ces transfuges, qui sont en si petit nombre qu'on ne doit y faire que très -peu d'attention.

» Le donneur d'avis à cette occasion est le sieur Barrai , prieur-curé de Lesches x. Son témoignage est très-suspect. Il est homme de mauvaises mœurs... Il est néanmoins archiprêtre de son canton. Les curés, ses confrères, l'ap- pellent entre eux par dérision Yarchipère 2...

(iMl avait sans doute dénoncé une assemblée. (2) Nous supprimons les détails.

26l

» Voilà cependant le donneur d'avis à qui M. de Marcieu 1751.- prétend qu'on peut s'en rapporter en toute sûreté *.

» Les troupes qu'on répandra dans les villages arrêteront bien les assemblées pendant qu'elles y seront à demeure •, mais que d'inconvénients se présentent dans cet objet :

» Ces troupes ruineront les villages on les mettra. On a obligé en pareil cas ceux chez qui on les établissait à fournir à chaque soldat une livre de viande et une pinte de vin, mesure de Paris-, le soldat se regardait comme en pays ennemi. Combien de vexations seront la suite de cette exécution militaire ! Une seule compagnie placée au village de Bourdeaux, il y a quelque temps, pendant un mois causa à la commune une somme au delà de douze cents livres. Les communautés villageoises de cette province , ruinées par la mortalité des bestiaux et par les mauvaises récoltes, sont hors d'état de supporter ces exécutions militaires.

» 20 On fera supporter ce logement aux seuls religion- naires, suivant le projet de M. de Marcieu. Or, je le de- mande , ou on le fera supporter à tous les religionnaires de la communauté en général ou en particulier. Au premier cas, les bourgeois, les riches paysans qui s'abstiennent des assemblées, et qui par méritent d'être ménagés, seront précisément ceux qui seront punis. Au second cas, les curés feront loger chez qui ils voudront. Ce sont eux qui sont les donneurs d'avis-, ils exempteront leurs amis et ceux qui leur

(1) Une tradition sûre, qui s'est conservée à Lesches, rapporte que le curé Barrai fit appeler à son lit de mort un protestant notable de sa paroisse du nom de Bermond, qu'il déplora devant lui le mal qu'il avait fait à ses coreligionnaires et le conjura, se sentant profondément troublé en sa cons- cience, de demeurer à son chevet et de prier Dieu pour lui jusqu'à son dernier soupir. La tradition ajoute que le curé repentant ouvrit son cœur à la foi et mourut en paix. (Communiqué par M. Liotard, instituteur à Lesches.)

2b2

i75i. donneront de l'argent , et ils vexeront ceux contre lesquels ils auront une inimitié particulière ou qui oseront résister à leur avarice. Ce n'est pas inconsidérément que j'avance le fait ci-dessus. Je suis informé que plusieurs curés tirent des sommes des religionnaires de leurs paroissiens. Si un enfant manque d'assister au catéchisme, le curé se fait donner 12 ou 24 livres par le père. On menace les chefs de famille de les dénoncer, et ils font taire le zèle de leurs curés avec de l'argent. Il y en a dont on a tiré des sommes considérables. Un autre curé a proposé de mettre une fille de sa paroisse à la Propagation de Die, pour être élevée dans la religion catholique et romaine, en disant que cela était absolument nécessaire, et qu'il fallait qu'il y en eût une par village. Pour cela, il propose de l'habiller et fait une imposition de son autorité sur les autres filles protestantes de sa paroisse. La fille destinée à la Propagation fut vêtue à la vérité, mais le curé se prévalut de plus des trois quarts de l'argent destiné à cette bonne œuvre. En un mot, bien d'autres traits in- diquent qu'il est extrêmement dangereux de s'en rapporter aux curés dans cette occasion, et il est connu que nombre de ceux qui n'extorquent pas l'argent des religionnaires par de mauvaises voies en reçoivent des présents considérables. » On ne peut tenir des troupes pendant un long terme dans lesdites communautés villageoises. Leur misère rend la chose impossible. Or, je demande quel avantage y a-t-il d'arrêter le cours desdites assemblées pendant un mois ou six semaines ? On les verra recommencer après le départ des troupes tout comme auparavant, et les religionnaires qui auront été ruinés et pillés par les soldats garderont moins de mesure parce qu'ils auront moins à perdre.

)> Il faut en venir au principe et à la cause desdites assem- blées. Elles ne sont occasionnées que parles difficultés qu'on fait aux religionnaires de les épouser. Pendant la vie de MM. de Gomat, oncle et neveu, les curés mariaient les re-

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ligionnaires après une épreuve de six mois. Ce terme parais- i751- sait suffisant pour les éprouver-, on les instruisait, on les admettait aux sacrements de pénitence et de l'eucharistie. Cela fait, on les mariait. Il est vrai que plusieurs d'entre eux retournaient à la religion protestante après avoir été mariés; mais d'autres aussi ont persisté dans la religion catholique, et sur le tout le ministre du Seigneur croyait être en sûreté de conscience quand il avait éprouvé lesdits religionnaires pendant six mois, et jugeait de leurs cœurs par leurs actions extérieures.

» Dans ce temps-là il n'y avait presque point d'assemblées, parce que les religionnaires se mariaient après avoir été éprouvés, et ils étaient sûrs d'être admis à ce sacrement en faisant profession de la religion catholique pendant un terme qu'on leur préfigeait (sic). Aujourd'hui rien de tout cela. Il suffit d'être protestant pour n'être plus marié. Plusieurs d'entre eux ont été admis au sacrement de l'eucharistie sans avoir été admis à celui du mariage. On refuse de les épouser après des épreuves de deux ans. Plusieurs religionnaires ont fait signifier des actes à leurs curés pour demander d'être instruits des vérités de la religion catholique, dans laquelle ils voulaient vivre et mourir. Les difficultés mettent ces gens-là au désespoir. Ils veulent être mariés. Ils voient qu'aujourd'hui la chose est presque impossible, malgré toutes les épreuves auxquelles ils se soumettent. Ils prennent donc le parti de se marier aux assemblées...

» La même raison occasionne l'évasion des sujets du roi hors du royaume , et il n'est pas douteux que les villages de la province composés de religionnaires se dépeupleront tous les jours davantage.

» M. de Saint-Ferréol n'a jamais fourni aucune preuve pour faire le procès aux religionnaires qui ont assisté aux assemblées dont il s'agit. Il a écrit, au contraire, qu'il est impossible d'en avoir des preuves juridiques. Comment donc

264 r y5 1 . aurait pu faire le procureur général? Il a au moins 20 lettres on lui répond qu'on n'a rien pu découvrir à cet égard. Deux seuls témoins ont été indiqués comme sachant quelque chose d1une assemblée tenue auprès de Bourdeaux...

» Il est encore impossible de proposer de faire mettre à la tour de Crest les parents de ceux qui sortent du royaume. Le remède n'a pas réussi dans bien des occasions, et des misérables pères ont été détenus pendant des années en- tières sans que leurs enfants soient revenus en France. Quelle espérance y aurait-il que des parents plus éloignés pussent, par leur détention, occasionner de semblables re- tours? Ce remède trop violent révoltera encore les hugue- nots. Il est contre les règles de la justice de punir quelqu'un qui peut être innocent parce qu'il est parent d'un coupable.

» Ce mémoire, fait à la hâte, contiendrait bien d'autres réflexions si on avait eu le temps de les faire I. » (29 sept. i75i.)

Dans une lettre écrite quelques jours après (5 octob.), de Moydieu disait au même personnage à qui il avait envoyé son mémoire : « J'oubliai, dans le mémoire que je vous adressai la semaine dernière, de faire mention des actes qu'on fait passer aux religionnaires avant que de les épouser, par ils se soumettent à payer telle ou telle somme dans le cas ils viendraient à ne pas persévérer dans l'exercice de la religion catholique. J'ai des preuves par écrit de ce fait, et que le procureur fiscal de M.r de Die (l'évêque) a fait des poursuites en justice pour en obtenir le paiement. »

(1) Archives de M. J. Roman, de Gap.

265

Condamnations diverses. Rebaptisations

et enlèvements d'enfants. Requête éloquente

des protestants dauphinois au roi.

L'année 1752 fut paisible comme la précédente pour les 1752-1754. protestants du Dauphiné, tandis que, au contraire, ceux du Languedoc, exaspérés par la rebaptisation en masse de leurs enfants, tirèrent des coups de feu sur quelques prêtres qui avaient inspiré ces mesures violentes, et recommencèrent à s'expatrier.

Gaspard Marcel, dit Ollivier, de Crupies, et Jean Bé- ranger, dit Colombe, des Férands, hameau de Barcelonne, qui étudiaient au séminaire de Lausanne, le premier depuis juillet 1749, le second depuis mai 1750, profitèrent de la tranquillité exceptionnelle dont jouissait le Dauphiné pour y rentrer. Béranger arriva au mois de juin et Marcel au mois d'octobre.

Pendant l'été de 1753 Vouland fit une tournée dans le Diois et y trouva une grande faim et soif d'assemblées. Etienne Chiron, dont nous avons eu déjà l'occasion de parler, vint, depuis Genève, visiter le Dauphiné, dont sa famille était originaire et il avait encore des parents. Accompagné d'Ollivier, il présida quelques assemblées, qui ne furent nullement poursuivies \ mais les deux amis eurent soin d'éviter l'éclat et de mettre à profit les occasions favo- rables.

A la fin de l'année, le ier septembre, le parlement con- damna Antoine Béranger, du Plan-de-Baix, « aux galères perpétuelles, convaincu de s'être marié et d'avoir fait bap- tiser son enfant par devant un ministre de la R. P. R., et, au surplus, d'avoir refusé opiniâtrement de faire porter ledit

266

i754- enfant à l'église pour lui faire suppléer les cérémonies du baptême. » Quant à l'évêque de Die , dont le nom est revenu si souvent dans le cours de ce volume, toujours ardent et le plus passionné des évêques de France pour l'enlèvement et la rebaptisation des enfants, il envoya la maréchaussée à Bourdeaux pour procéder à ces tristes violences. Il paraît toutefois que la cour commençait à trouver son zèle excessif, car Vouland écrivait le 3 avril 1754 : « L'évêque de Die prend toujours des enfants pour le couvent ou l'hôpital , mais il agit de sa propre autorité, car il ne peut rien sur ceux qui refusent. »

Les 22, 23 et 24 février et les 11 et 12 mars 1754, le visénéchal de Crest, à l'instigation du curé de La Baume- Cornillane, qui était un homme sans moralité, fit assigner à la chambre criminelle de Crest 26 ou 27 pères de famille, qui avaient fait baptiser leurs enfants au désert depuis 1744. Mais ces assignations ne paraissent pas avoir eu de suites. La même année, le 28 août, le procureur général de Gre- noble demanda au parlement que le livre L'accord parfait de la nature , de la raison , de la révélation et de la poli- tique , dans lequel on établit que les vojes de rigueur, en matière de religion, blessent les droits de V humanité1, etc., fût livré aux flammes, comme un « libelle scandaleux qui ne pouvait être flétri trop promptement, qui contenait des maximes séditieuses , tendantes à mettre le trouble dans la religion et dans l'État, et n'ayant d'autre objet que d'intro- duire le tolérantisme ». Le parlement accéda à ses vœux en faisant lacérer et brûler un livre dont les ecclésiastiques catholiques de Paris faisaient l'éloge, auquel les prélats dé- siraient que le gouvernement eût égard et qui, selon l'un des

(1) Par un gentilhomme de Normandie, ancien capitaine de cavalerie au service de S. M. (le chevalier de Beaumont) ; à Cologne, chez Pierre Mar- teau, 1753 , in-8°.

267 premiers magistrats de la capitale, n'avait d'autre défaut 1754- 1756. que celui d'être mal imprimé *.

C'est à ce moment que cesse la longue correspondance de Vouland avec Antoine Court et autres, et que nous perdons toute trace de ce vénérable et courageux pasteur. Mourut-il subitement? Quitta-t-il la France? C'est ce que nous ne saurions dire 2. Quoi qu'il en soit, M.me Vouland était à Lausanne en 177 1, touchant une pension du comité des réfugiés français.

En 1755 et 1756 les assemblées continuèrent d'être to- lérées par les autorités locales, en dépit des circulaires du comte de Marcieu, commandant de la province 3. Mais les rebaptisations et les enlèvements d'enfants persistèrent, quoi- que moins nombreux. Quant aux mariages, comme les no- taires de la province ne voulaient plus les recevoir, par suite des défenses réitérées du parlement , les fiancés étaient obligés d'aller en Provence ou en Vivarais, l'on jouissait de plus de tolérance. Mais tous ne pouvaient supporter cette dépense. Autrement les troupeaux avaient le plus vif désir d'entendre la prédication de la Parole de Dieu. « J'ai trouvé, écrit Descours à Et. Chiron 4, le peuple si affamé, non de la viande qui périt, mais de celle qui est permanente à vie

(1) Liturgie pour les protestants de France, p. 12 ef i3, Note (Amsterd., 1769).

(2) Un arrêt du parlement de Grenoble de 1758 condamne à être pendu et étranglé en effigie le nommé Roche, ministre, sur la place du Breuil, à Grenoble. Roche était le surnom de Vouland. Si le parlement n'a pas fait de méprise (ce qui lui est arrivé quelquefois , car il ne connaissait pas exactement les noms et surnoms des ministres), Vouland aurait encore vécu en 1758 et habité le Dauphiné.

(3) Lettres circulaires des 3o nov. 1754, 22 mars 1755, ordonnance du 22 mars 1755.

(4) Lettre du 11 juin 1756 (Arch. Sérusclat).

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1756-1757. éternelle; la joie du peuple, à ce qu'il m'a paru, a été si grande que quand un ange leur aurait apparu il ne leur aurait sans doute fait pas plus de plaisir, et cela sans doute à cause de mon arrivée inespérée ou de ce qu'ils ressentaient déjà (si j'ose le dire) de mon absence... Les églises de cette province sont assez tranquilles jusqu'à présent. Nos assem- blées ne font que très -peu de bruit. J'en ai fait déjà au nombre de dix -huit de communion, qui, quoique assez nombreuses, n'ont point fait d'éclat. Il est vrai qu'on parle encore de faire prendre des enfants pour les faire mettre dans les cpuvents ou dans les propagations; mais on n'a encore rien exécuté sur ce sujet. Il est vrai aussi qu'on a fait assigner un grand nombre de personnes pour avoir fait baptiser de se rendre à la chambre criminelle, à Grenoble, pour répondre à ce dont ils seront interrogés, et plusieurs, en conséquence, s'y sont rendus, on les a condamnés à une petite amende, en leur faisant promettre de faire re- baptiser leurs enfants. »

Les curés qui avaient quelques complaisances pour les religionnaires n'étaient pas épargnés par le parlement. C'est ainsi que François Jacquet, curé de La Baume-Cornillane, fut condamné en 1755 à une amende de 10 livres, payable entre les mains du procureur des pauvres , avec défense de pactiser ou d'exiger aucune somme d'argent des nouveaux convertis, sous quelque prétexte que ce fût, pour leur ad- ministrer le sacrement du mariage, autre que les droits légitimement dus, le tout à peine de saisie du temporel du- dit Jacquet.

Les protestants profitèrent du ralentissement des rigueurs à l'endroit des assemblées, qui était général dans toute la France, pour tenir leur sixième synode national dans les hautes Cévennes. Les députés du Dauphiné furent Rozan et Ranc, avec deux anciens (4-10 mai 1756).

Cependant le comte de Marcieu , qui s'était toujours

269 montré fort rigoureux envers les protestants de sa province, I757-I758- ne pouvait prendre son parti de voir leurs assemblées reli- gieuses se réunir sur tous les points du Dauphiné sans aucune entrave et malgré ses ordres souvent réitérés. Aussi adressa-t-il une lettre plus sévère que les précédentes aux consuls des diverses communautés qui renfermaient des re- ligionnaires, pour leur ordonner de lui dénoncer ces assem- blées toutes les fois qu'elles auraient lieu. « Le silence que vous avez gardé sur ces objets importants, leur disait-il le 28 mars 1757, semble annoncer de votre part une indiffé- rence trop marquée à remplir les devoirs de vos charges et autoriser tacitement ces assemblées défendues, ce qui vous rend très-punissables. Cependant je veux bien, avant d'en venir aux voies de rigueur, vous avertir que si vous n'infor- mez pas sur-le-champ, ou tbut au plus tard dans les vingt- quatre heures, les commandants des villes, places et des troupes les plus à portée de vous, en même temps que moi, des assemblées de religionnaires qui pourront se tenir à l'a- venir sur le territoire de votre communauté et des environs , avec tous les détails circonstanciés , je ne pourrai me dis- penser de sévir contre vous comme désobéissants-, faites sur cela les attentions les plus sérieuses et ne me mettez pas dans le cas de vous traiter à la rigueur. »

Le 12 mai de la même année {ij5j) nous trouvons deux condamnations du parlement de Grenoble : l'une de Pierre Toures, de Saint-Laurent-du-Cros, à 3 années de galères-, l'autre de Jacques Vachier, de La Plaine , paroisse de Cha- botte en Ghampsaur, à la même peine, pour s'être mariés l'un et l'autre par devant un ministre.

Cette tolérance précaire, qui n'excluait pas, on le voit, les condamnations isolées et les violences à l'égard des en- fants *, n'offrait aucune garantie sérieuse aux protestants du

(1) Un arrêt du parlement de Grenoble, rendu cette même année 1757,

270 1758. Dauphiné. Aussi tentèrent-ils en 1758 d'adresser une nou- velle requête au roi. Il serait difficile de trouver une lettre plus émouvante et mieux écrite. Elle touche au sublime en plusieurs endroits.

« Sire , lui disaient-ils , les infortunés protestants de votre province de Dauphiné, représentent avec le plus profond respect à Votre Majesté qu'il est des douleurs si pres- santes qu'elles ne peuvent se contenir dans le silence , et qu'auprès d'un bon roi les gémissements et les larmes sont toujours permis aux malheureux.

» Non, Sire, ce ne sont plus des peines passées, des appréhensions funestes sur l'avenir qui nous amènent au pied de votre trône : tous nos maux sont présents, toutes nos craintes sont réalisées.

» Dans le temps même qu'occupés à verser nos douleurs dans le sein de Votre Majesté x, nous osions espérer que la peinture de nos maux émouvrait vos compassions, notre sort, Sire, s'accomplissait, et nous avons connu de nou- veaux malheurs, quand nous croyions les nôtres venus à leur comble.

» Hélas ! Sire, que les coups qu'on frappe sur nous sont affreux ! Ce sont nos enfants arrachés de nos bras , ce sont nos mariages dissous, ce sont les liens qui nous détenaient le plus fortement au monde rompus, c'est la nature même poursuivie dans les asiles les plus sacrés et violentée dans ses sentiments les plus tendres, qui jettent tour à tour l'hor- reur dans nos âmes et nous forcent à faire monter à votre trône la voix de nos sanglots.

enjoignit à plusieurs religionnaires de Bourdeaux de faire suppléer les céré- monies du baptême à leurs enfants par le curé du lieu dans la huitaine, après l'intimation de l'arrêt, à peine d'être poursuivis extraordinairement (Arch. dép. de l'Isère, B. 2199. Inventaire).

(1) Allusion au placet de 1748, cité plus haut.

271

» Nous sommes, Sire, si persuadés de toute l'étendue de 1758. vos bontés que nous n'avons pas craint de vous présenter de si tristes objets : les baptêmes de nos enfants , nos ma- riages illégitimés, sujet perpétuel de nos frayeurs. Nous en avions déjà porté l'affligeant tableau aux pieds de Votre Majesté avec nos larmes, et nous avions osé nous flatter que si on nous regardait comme coupables, on nous trou- verait cependant encore dignes de pitié.

» Mais, Sire, votre parlement de Grenoble n'en connaît point pour nous. Reprenant ses premiers principes de ri- gueur, il nous poursuit à ces deux égards avec une effrayante sévérité, et dans l'abîme de nos jnaux, nous ôtant jusqu'à l'espoir, il ne présente à notre choix que des alternatives également cruelles. Que Votre Majesté juge elle-même de l'horreur de notre situation ; qu'elle décide si dans la nature on pourrait en imaginer même de plus douloureuse et de plus touchante! Il faut que nous fassions rebaptiser nos enfants ou que nous nous perdions avec eux en nous sou- mettant aux peines des ordonnances-, il faut que nous fas- sions bénir une seconde fois nos mariages ou que nous en rompions pour jamais les nœuds. Mais, Sire, entre ces deux extrémités nos âmes flottantes s'étonnent et ne savent à quel parti se résoudre. La conscience nous défend le pre- mier:, le second soulève la nature. Si nous sommes rebelles à ce que nous croyons les ordres de Dieu , nous voilà pour jamais livrés aux remords vengeurs-, si nous sommes sourds à la voix du sang , nous perdons sans espoir les seuls êtres pour qui nous chérissons la vie. Que ces extrémités, Sire, sont déplorables, et que notre situation aussi violente est bien digne de toucher votre cœur !

)> Aussi nous ne dissimulons pas à Votre Majesté que votre parlement de Grenoble ne nous a pas tous enveloppés à la fois dans la même calamité. Dans les lieux mêmes ces mariages et ces baptêmes sont les plus nombreux, il n'en

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1758. poursuit qu'un petit nombre. Mais, Sire, à quels excès affreux nos maux nous ont-ils réduits ? Cette clémence même n'est pour nous qu'un sinistre présage et de la qualité et de la durée des peines qu'on nous prépare. Oui, si nous som- mes également coupables , nous sentons bien que nous mé- ritons un traitement égal, et, ne sachant à quoi imputer cette distinction, elle ne nous permet que les conjectures les plus désolantes. Voudrait-on, Sire, par éterniser les ri- gueurs pour rendre la sévérité plus formidable? Voudrait- on dérober à la connaissance de Votre Majesté une partie des coupables, de crainte qu'un trop grand nombre de mal- heureux n'émût trop sensiblement sa pitié ? Ou voudrait-on enfin, par un genre de supplice nouveau, faire languir nos âmes abattues dans cet état ténébreux , morts à toute espérance qui nous fuit, nous ne sommes réveillés de notre douleur profonde que par l'exemple continuel des maux qui nous attendent? Hélas! Sire, notre sort n'a pas besoin d'être aggravé : il est assez cruel ! Nos cœurs brisés par la douleur ne luttent pas même contre le sentiment de leurs maux. Ils sont au-dessus des nouveaux coups qui pourraient les atteindre -, nous sommes dans le dernier désespoir. Nous le disons sans crainte à Votre Majesté , car le désespoir de la vertu n'est jamais un crime. Oui, Sire, on a beau nous tourmenter, nous persécuter, on peut nous lasser, nous fati- guer même, nous exciterons la pitié, jamais l'horreur-, et toujours malheureux, sans être un instant criminels, si nous cherchons encore des consolations, ce ne sera que dans le sentiment de notre innocence.

» Si nous pouvons même nous persuader une fois que c'est en vertu des ordres de Votre Majesté qu'on nous fait essuyer ces traitements étranges, notre parti sera bientôt pris: nous nous interdirons alors jusqu'à la plainte, et, con- tents de déplorer dans le silence le sort des meilleurs rois, toujours exposés à méconnaître leurs plus fidèles sujets,

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nous nous regarderons comme des victimes infortunées que i758- le ciel appelle à souffrir, et, nous raidissant contre des peines administrées par une main si sacrée et si chère, le souvenir de vos bienfaits en adoucira le sentiment; l'espérance d'un retour de grâce nous soutiendra , et notre fidélité sera le seul bien qu'on ne pourra pas nous ravir.

» Mais si c'est à l'insu de Votre Majesté qu'on nous persécute et qu'on nous violente (et nous aimons, Sire, à nous le persuader, car si vous nous abandonnez, quel sera notre asile?) souffrez que nous vous fassions connaître nos malheurs-, souffrez que par vos sacrés genoux que nous tenons embrassés, que par votre caractère bienfaisant, qui ne s'est jamais démenti, surtout que par votre cœur pa- ternel, d'autant plus capable de sentir l'amertume de nos douleurs que les tendresses du sang ont sur lui plus d'em- pire, nous vous conjurions d'arrêter enfin le cours de nos misères. Non, Sire, le désespoir d'un peuple entier ne peut être méprisable pour un bon roi-, non, la confiance des malheureux, cette confiance qui honore la divinité même, ne saurait lui déplaire !

» Au fond, quand même nous serions dans l'erreur, nous n'en sommes pas moins des hommes, des chrétiens, vos sujets, vos enfants, des enfants soumis, des sujets fidèles; vous n'en êtes pas moins notre roi, notre père, le meilleur des pères, le plus religieux des rois. Hélas! Sire, malgré tant de titres respectables , nous sommes malheureux J ! »

Cette admirable requête n'eut pas un meilleur sort que les précédentes, et si les protestants virent leur situation

(1) Très humbles et très respectueuses représentations des protestants de la province de Dauphiné au roi, in-40 (s. 1. n. d.); M- Th. Claparède, qui a publié cette pièce dans le Bulletin de la Société de l'histoire du pro- testantisme français (t. xi, p. 486), d'après un livre allemand paru en 1759, incline à tort à penser qu'elle n'avait pas vu le jour auparavant.

l8J

274 1758- 1759. s'améliorer peu à peu depuis les dernières persécutions qui nous occupent, c'est bien plutôt aux progrès des lumières qu'ils le durent qu'à la mansuétude du monarque, à la tolérance des parlements et à la bienveillance du clergé.

Au milieu de toutes leurs angoisses les pasteurs du Dau- phiné eurent la joie de donner la main d'association à deux jeunes proposants : Jean Béranger, dit Colombe, et Gas- pard Marcel, dit Ollivier, qu'ils consacrèrent en avril 1758 au saint ministère. Ils étaient revenus du séminaire de Lau- sanne depuis 1752. Les pasteurs dauphinois députèrent aussi Ranc et un ancien au 7e synode national du désert, qui se réunit dans les basses Cévennes du 1e1' au 9 septembre 1758. Un article de ce synode prescrivit aux provinces du Vivarais et du Dauphiné de prêter des pasteurs à l'église de Lyon et à ses annexes.

T^eprise des assemblées de jour , suivies de poursuites et de condamnations. Ouver- ture d'écoles. Continuation des enlèvements d'enfants.

Forts de la tolérance temporaire dont ils étaient l'objet, les protestants dauphinois se mirent à faire des assemblées de jour, comme toutes les autres provinces, mais ils eurent bientôt lieu de s'en repentir. « Il faut vous dire auparavant, écrit Rozan à Et. Chiron % que depuis plus de deux ans nous avons mis nos églises , du moins celles qui sont le moins mêlées avec les papistes, sur le pied de former entre elles de petites assemblées les jours de dimanche. Nous leur

(1) Lettre du 29 juin 1759 (Archives Sérusclat).

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avions donné des directions pour cela Mens était sur 17.S9.

ce pied -là depuis quelque temps, sans qu'on parût s'en formaliser. Lorsque le bruit se répandit dans cette province, peut-être plus que dans aucune autre, que nous étions à la veille d'avoir notre liberté de conscience , l'assemblée se grossit considérablement. Cela fit du bruit. Le commandant de la province écrivit aux officiers du lieu de faire cesser les assemblées. Les protestants voulurent continuer. On écrivit mille faussetés contre eux : qu'on avait voulu assassiner le curé et miner l'église, pour le faire sauter lorsqu'il célébrerait le service divin. Le parlement envoya un commissaire sur les lieux pour prendre des informations. Il fut précédé par deux compagnies de soldats, comme si on avait craint quelque chose pour sa personne. Dans les interrogats, il avait, à ce qu'on m'a assuré, les pistolets sur la table pour faire dire aux témoins ce qu'il voulait. Un grand nombre ont été dé- crétés de prise de corps ; dix-neuf ou vingt de tout sexe ont été arrêtés, traduits dans les prisons de Grenoble*, le plus grand nombre ont été mis en liberté. Il n'en reste plus que cinq ou six. Je ne sais si on les destine à quelque peine ou amende. Tout avait pris la fuite. Mens était devenu un désert. M. le commandant a écrit de nouveau que chacun pouvait se retirer chez soi. » Les assemblées de Mens avaient été présidées par le pasteur Béranger.

» Dans le Valentinois, continue Rozan, M. François [Descours] y fit trois assemblées de jour, à la sollicitation d'un grand nombre de personnes. Elles n'ont pas, à la vé- rité, été faites avec toute la circonspection nécessaire. M. le vice-sénéchal de Crest a eu commission de procéder dans ce pays-là. Il s'est fait accompagner ou précéder, comme celui qui a été à Mens, d'une soixantaine de soldats. Il fut d'a- bord à Montmeyran. » Là, en vertu des pleins pouvoirs qui lui furent conférés par le parlement les 2 et 12 mai, il fit assigner 73 témoins tant protestants que catholiques, et,

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i759- après leur audition, il décréta de prise de corps Jacques Coupier et Charles Faure, de Montmeyrarr, Charles Ducros, de La Baume-Cornillane; Pierre Chanas, de Beaumont, et Charles Gensel, de Monteléger. Les quatre premiers furent seuls trouvés chez eux et conduits dans les prisons du pré- sidial de Valence et de à Grenoble. Quant au dernier, l'huissier Pétrement se présenta chez lui, et, n'ayant pu l'appréhender au corps, saisit tous ses biens meubles et nomma pour garde du séquestre le sieur Roman, avec pou- voir, en cas de besoin, de requérir une compagnie de vingt- cinq soldats.

« Ledit vice-sénéchal, ajoute Rozan, est présentement à Beaufort, accompagné de la troupe, il prend des infor- mations. On vient de me dire que de il doit aller à Livron. J'omettais de vous marquer que les soldats n'ont pas fait le moindre dégât. On les a logés indifféremment sur les papistes et sur les protestants. »

De son côté, le parlement de Grenoble, à la suite des in- formations que son commissaire Choin de Montgay avait faites dans le Trièves, condamna, le 7 septembre, 17 per- sonnes à diverses peines, savoir : Colombe (le pasteur Bé- ranger) à mort et 16 habitants de Mens ou des environs au bannissement ou à la réclusion. Béranger fut pendu en effigie sur la place même de Mens, et, s'il faut en croire la tradition, il se vit exécuter lui-même de derrière les volets d'une fenêtre. Le 26 septembre, la chambre des vacations du même parlement condamna deux religionnaires de Nyons à un bannissement d'une année l.

Les protestants renfermés dans les prisons de Grenoble trouvèrent parmi les dames de la haute société de la ville

(1) Voyez les noms dans la Liste générale des condamnations (Pièces justificatives , N.° II J.

277 quelques âmes pieuses qui compatirent à leurs maux et 1759. cherchèrent à les adoucir. Charles Ducros , de La Baume- Cornillane, dont il a été question plus haut, parlait, dans une des lettres qu'il adressait à sa famille (septembre), d'une marquise d'Agoult, qui, dès qu'il fut incarcéré, s'informa de lui, se rendit à la prison, le recommanda au concierge, M. Bussillion, et promit d'agir en sa faveur. « Il y a M.lle de La Chau, continue-t-il, qu'elle est venue deux fois dans la prison pour s'informer de ce qu'elle pourra faire pour me rendre service. C'est une demoiselle de charité, qui s'inté- resse fortement pour les pauvres captifs, et qu'elle est beau- coup estimée de tous les juges et présidents. »

Les religionnaires avaient profité de la tolérance relative dont ils jouissaient depuis quelques années, non-seulement pour reprendre leurs assemblées de jour, mais encore pour ouvrir des écoles dans les contrées ils dominaient. Ainsi, un arrêt du parlement de Grenoble, rendu cette année 1759, défendit à Jean-Jacques Plan, dit Le Meunier, religionnaire du lieu desTonils, d'y tenir école sans l'approbation de l'évêque de Die I.

Les protestants dauphinois usèrent également de la tolé- rance pour faire venir de Genève des livres de leur religion. Ceux-ci ne parvinrent malheureusement pas à leur desti- nation. Enveloppés « avec du faux tabac et des pièces d'in- diennes en un ballot laissé dans un bois , sur la paroisse de Saint-Jean-d'Avellanne », ils furent retenus par le « receveur du bureau des traites » du Pont-de-Beauvoisin , qui reçut l'ordre du parlement de les « rapporter au greffe de la cour, sous peine d'y être contraint par toutes voies ».

(1) Un autre arrêt du parlement de 1768 de'crète des informations contre Delisle, dit La Jeunesse, qui « tenait des écoles dans plusieurs endroits de la province, principalement à Saint - Roman , Châtillon et Menglon, il apprenait les principes de la R. P. R. aux enfants qui y assistaient ».

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1759-1760. Pour ce qui est des enlèvements d'enfants, ils n'avaient pas complètement cessé. Ainsi, Claudine Faure, de La Forêt, fut enlevée en plein jour à Valence, le 4 septembre 1759, par Bergeron, procureur du roi au présidial de cette ville, et conduite dans un couvent. Son père, Jean-Louis Faure, de La Forêt, qui réclama avec succès la restitution de sa fille auprès du maréchal duc de Bellile, disait * avec beaucoup de sens à ce ministre d'État : « Ces sortes d'enlèvements d'enfants ont fait des plaies énormes à l'État, surtout en Dauphiné. Oui, Monseigneur, il est constant que, pour quelques enfants qu'on fit ainsi prendre en Dauphiné de- puis 1740 jusqu'en 1752 et 1753, il en-est sorti de crainte dans ce temps-là plus de 2,000, surtout des fils et des filles des plus riches bourgeois et des plus riches négociants. Genève, la Suisse, peut-être aussi le Brandebourg en sont peuplés ; il y a surtout à Genève un grand nombre de ces garçons, qui sont déjà aujourd'hui de fort habiles négociants et dont l'industrie aurait enrichi leur patrie- et on y voit également grand nombre de ces filles , qui font des mères de famille les plus propres à seconder les travaux de leurs maris et à élever leurs enfants ». Dans le Gapençais les enlève- ments persistèrent jusqu'en i56i 2.

L'année suivante (1760) cinq protestants de communes différentes furent condamnés , par un arrêt du parlement de Grenoble du i3 février 1760, à être retenus en prison jus- qu'à ce qu'ils eussent payé les adjudications prononcées contre eux. Deux, qui étaient contumaces, furent con- damnés aux galères pour cinq ans. Par le même arrêt , le mariage de Pierre Chanas, de Beaumont, avec la Sayn fut déclaré nul. Nous ne parlons pas des amendes exorbitantes

(1) Mémoire pour Jean-Louis Faure, de la Forest (Archives de famille;.

(2) Voy. ClIARRONNET, p. 456-46 1.

279 infligées à tous ces condamnés et à d'autres, qui furent em- 1761-1763. prisonnés seulement d'une manière préventive, puis re- lâchés l.

Temps d'arrêt dans la persécution. Nou- velles poursuites. Danger couru par Des- cours. Modération du comte de Clermont- Tonnerre. Arrêt du parlement.

De 1761 à 1763 nous ne trouvons aucune condamnation prononcée contre les protestants du Dauphiné. Il régnait même en 1762 une assez grande liberté de culte dans la province. On ne faisait plus de prisonniers, on n'inquiétait plus les assemblées, non plus que les mariages et les bap- têmes. « Il est vrai, disait le pasteur Rozan dans une lettre du Ier avril 1762, que nous faisons toujours nos assemblées de nuit, à l'exception de quelques-unes dans les endroits écartés il y a peu de papistes \ mais elles n'en sont pas moins au su de tout le monde. » A la fin de cette même année, lorsque le marquis de Menil, nouveau commandant du Dauphiné, fit sa tournée générale dans la province, plu- sieurs villages presque exclusivement protestants le compli- mentèrent, sans lui cacher leur religion et leur participation aux assemblées. Il s'informa avec intérêt de leur position et leur promit de les protéger pourvu qu'ils fussent sages : assurance fort vague, qui était tout ce qu'un magistrat gé- néreux osait se permettre à cette époque, l'intolérance régnait encore en maître 2.

(1) Mns. Court, N.° i, t. xxv, xxvi; N.° 46; Armand, Quelques docu- ments (Mns.); Bulletin de la Société de l'histoire du protest, français, t. x, p. 337, 339; t. x, p. l52.

(2) Lettre de Rozan, du 25 sept. 1762.

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1763 -1764. Le Dauphiné, qui comptait à cette époque cinq pasteurs en exercice : Rozan, Descours, Ranc, Béranger et Marcel, put en prêter un à la province de Normandie, qui en était dépourvue. Ranc, qui ne craignait pas les déplacements, puisqu'il avait desservi quelques mois la Charente et avait eu même la pensée d'émigrer en Amérique, accepta cette mission et partit à la fin de 176 1. Deux ans après (1763) les protestants de France tinrent leur huitième et dernier synode national. Le Dauphiné y députa les pasteurs Rozan et Béranger, avec deux anciens.

En 1764 les protestants de Nyons furent sérieusement inquiétés. « M. le procureur général, disait Court de Gébelin à Et. Chiron r, écrit à leur châtelain pour lui ordonner de les poursuivre et surtout de faire porter leurs enfants à Téglise pour leur faire suppléer les cérémonies du baptême. Il se sert de termes durs. « Ce sont des coupables... qui méritent les plus grandes peines..., dont la punition est né- cessaire pour servir d'exemple..., sur les désordres de qui on ne peut plus garder le silence. . . , à qui il faut apprendre. . . à se contenir dans de justes bornes... : le service du roi exigeant en cela tout le zèle dont on peut être capable. » Et déjà M. de Chalon, doyen de la première chambre, est à Die, décrétant et prenant des informations : ce qui fait trembler nombre de personnes. J'ai déjà tout prêt à ce sujet un mémoire pour M. de Saint-Florentin, et un autre, plus étendu, pour M. de Bérulle, premier président du parle- ment de Grenoble, qui est ici et auquel je dois être présenté. » Les informations de Chalon avaient trait à une assemblée considérable, présidée à La Roche-de-Marignac, près Die, par le pasteur Rozan. Elle avait duré depuis 11 heures du matin jusqu'à 4 heures de l'après-midi; Rozan y avait fait

(1) Lettre du 8 sept. 1764 (Arch. Sérusclat).

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trois baptêmes et béni deux mariages, et une centaine de 1764- catholiques y avaient assisté I.

Les actes manuscrits du synode provincial du Dauphiné de 1764 2 nous apprennent que les églises de ce pays étaient desservies à cette date par six pasteurs : Rozan, Descours, Ranc, Marcel, Béranger et Reboul, et avaient deux propo- sants au séminaire de Lausanne: Vouland le fils, dit Roche, et Pierre Lombard, dit Lachaux (ou de Lachaux). Le synode rappela Lombard, qui était le mieux préparé, et envoya à sa place l'étudiant Daniel Armand. Il répartit ensuite de la manière suivante la correspondance du Dau- phiné avec les autres provinces du royaume (cette corres- pondance avait été ordonnée par le synode national de 1763) : « M. Rozan aura la Suisse, Paris et La Rochelle; M. Descours, haut Languedoc, basses Cévennes, Sain- tonge, comté de Foix -, M. Marcel, Poitou et Béarn-, M. Ranc, bas Languedoc, Provence, Vivarais et Nor- mandie. » L'assemblée décida aussi de présenter un compli- ment au parlement, au nom de tous les protestants de la province , soit pour le féliciter de son heureux retour 3, soit pour le prier de se montrer favorable aux protestants. « Messeigneurs, dit cette pièce, les protestants de la pro- vince, animés du même zèle que les autres habitants, ont senti une vive douleur de l'exil de la cour et de la surprise faite à la religion de notre roi. Guidés par les mêmes senti- ments, ils osent prendre la liberté de mettre sous les yeux de la cour la joie que leur cause le triomphe qu'ils ont rem- porté sur les Mardocé; heureux s'ils étaient assurés que l'on

(1) Bulletin de la Société du protestantisme français , t. v, p. 263.

(2) Archives de M. Vallentin, juge à Montélimar.

(3) Il avait été mandé à Versailles pour rendre compte de son opposition persistante à l'édit fiscal de 1760.

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1 764-1 765. verra de bon œil les assurances de leur soumission, de leur zèle pour le bien de l'Etat, malgré toutes les fausses impu- tations que leur font des esprits faibles et mal intentionnés. Ils osent se flatter que le monarque n'a pas de sujets plus fidèles et les illustres magistrats de peuple plus empressé à leur témoigner ce qu'ils ont ressenti de félicité quand ils ont su l'accueil gracieux que le meilleur des princes a fait à des magistrats dignes de toute sa protection et bienveillance. Ils ne cesseront de faire des vœux au Tout-Puissant pour la prospérité et conservation de cet illustre corps. »

En 1765 les assemblées des protestants dauphinois por- tèrent tout à coup ombrage à la cour. Le secrétaire de l'in- tendant de la province écrivit à ce propos à l'évêque de Gap, et vraisemblablement aussi aux autres évêques dauphinois, la lettre suivante : « Grenoble, le 18 février 1765. Le roi étant informé, Monsieur, que, contre la disposition précise de ses ordonnances , les religionnaires du Dauphiné ne cessent de s'assembler publiquement, à l'instigation des diffé- rents prédicants répandus actuellement dans cette province, Sa Majesté charge M. l'intendant de faire prévenir les prin- cipaux religionnaires du danger qu'ils courent tous en con- trevenant aussi ouvertement à ses ordres- qu'elle avait lieu d'attendre de leur obéissance que, se conformant à ses in- tentions, ils écarteraient les prédicants et ne donneraient retraite à aucun , et qu'enfin elle ne pourra se dispenser de réprimer une aussi grande licence s'ils continuent à contre- venir à ses volontés. En l'absence de M. l'intendant, je vous prie, Monsieur, de vouloir bien instruire les principaux religionnaires des intentions du roi, et de ne rien négliger pour les déterminer à contenir les autres et les engager à ne point tenir des assemblées. J'ai l'honneur, etc. Martin I. »

(1) Charronnet, p. 5-2:

283

Les procédures que de Chalon, doyen de la première 1765. chambre du parlement, avait faites Tannée précédente à Die, restèrent dans les cartons du parlement pendant plu- sieurs mois. En août 1 y65 la chambre criminelle y donna suite. « Depuis les procédures faites à Die, écrit Ranc à Et. Chiron l , on ne nous avait rien dit jusques au mois passé, qu'on fit aller les témoins à Grenoble pour les récoler, d'où Ton peut conclure qu'on veut rendre quelque jugement:, secondement, par ordre du commandant de la province, on a ordonné un dénombrement. Crainte qu'on ne le donnât pas juste, nous avons trouvé à propos d'en faire un des protestants, car il est bon de vous dire qu'on le demandait des protestants à part et des catholiques de même. Celui que nous avons donné ne se porte qu'à 36, 000 2, non com- pris quelques endroits du diocèse de Gap, d'Embrun et de Grenoble, nous n'allons pas; mais nous avons indiqué cela dans la lettre que nous avons adressée à M. le com- mandant pour accompagner notre dénombrement.

» Depuis que le notre est arrivé à Grenoble, on a donné de nouveaux ordres aux châtelains et consuls de faire un autre dénombrement , savoir combien de cotes et de protes- tants dans chaque paroisse, combien de baptêmes et de mariages faits au désert; comment les catholiques et les protestants vivent ensemble -, le nom , le nombre et la de- meure des ministres. On leur enjoint de faire signer cela par les curés, et, s'ils s'y refusent, d'en faire mention. Dans les endroits le consul et le châtelain seront catholiques et qui feront leur certificat selon le désir du curé , il le signera -, mais dans mon quartier, le châtelain et les consuls sont tous de la religion, il n'y a aucun curé qui ait voulu signer

(1) Lettre du 18 sept. 1765 (Archives Sérusclat).

(2) Sur ce chiffre, voyez les réflexions de la page 18.

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1765. leur certificat; d'où je conclus que nos craintes n'étaient pas mal fondées lorsque nous craignîmes qu'on ne fît pas un dénombrement juste...

» Voici une autre chose qui vient de nous arriver. Le 8e de ce mois, M. Descours faisait une assemblée du côté de Trescléoux, et il avait fini la prière d'après le sermon, lorsqu'il vit paraître, à cinq pas de lui, les cavaliers de la maréchaussée de Gap, qui lui demandèrent ce qu'il faisait là. Je prie Dieu, répondit-il, et j'exhorte les fidèles à bien vivre ou s'acquitter de leurs devoirs, etc. N'ayez point de peur, dirent les cavaliers à l'assemblée-, mais vous, M. le prédicant, sortez, ou nous brûlerons la tête à quiconque voudra s'opposer à nous. Alors ils enfoncèrent avec leurs chevaux dans rassemblée, qui se rompit, prit la fuite, lais- sant M. Lacour (Descours) seul. Il n'y eut que trois ou quatre qui ne l'abandonnèrent pas. On déchargea sur M. Lacour deux coups de pistolet-, les balles ne firent que labourer la terre vers ses pieds. L'un d'entre eux lui portait un coup de sabre à la tête, mais étant reculé par un de ceux qui défendaient M. Descours, on lui fit manquer son coup. Il n'y eut que la pointe du sabre qui lui blessa un peu la main. Enfin, ceux qui défendaient M. Lacour s'armèrent de pierres, qu'ils firent voler contre la tête des cavaliers, qu'ils mirent en fuite, laissant un sabre et le fourreau d'un pistolet sur le champ de bataille-, on m'a même dit un de leurs mousquets. Mais M. Lacour ne parle pas du fusil dans une lettre qu'il a écrite à sa femme. Je souhaite que cela n'ait pas d'autres mauvaises suites. »

Le procès-verbal qui fut dressé de ces faits et les menaces proférées contre les habitants réformés de Trescléoux les remplirent d'alarmes. « La plupart quittent leurs maisons , dit le mémoire l qu'ils adressèrent à l'intendant de Dau-

(1) Communiqué par M. Roman, de Gap.

285 phiné Christophe de Pajot de Marcheval, laissent leur 1765-1766. bien en friche et sans semence , ce qui les met hors d'état d'acquitter leurs charges. D'autres veulent déserter le royau- me avec leurs enfants et abandonnent leurs biens, ce qui met ce village dans la plus grande désolation ». Nous ne savons quelle suite l'autorité donna à ses informations.

Pour faire cesser les assemblées dans la province, l'auto- rité recourut au système des expéditions militaires, mais en l'adoucissant. Les soldats n'étaient plus logés chez les pro- testants, et ils devaient plutôt les contenir et gêner leurs assemblées qu'user de violence à leur égard. Le comman- dant militaire du Dauphiné, le maréchal comte de Glermont- Tonnerre, donna à ce propos aux capitaines des deux com- pagnies du régiment de dragons de Beauffremont détachées à Nyons des instructions fort modérées. Il leur recom- manda d'observer une étroite discipline , de ne se mêler en rien de la police bourgeoise, d'être circonspects dans leurs propos contre les religionnaires , de détourner ceux-ci de faire des assemblées seulement par la voix du raisonnement, et de ne chercher à arrêter leurs pasteurs et les notables du parti qu'à la dernière extrémité. « Messieurs les curés, leur dit-il en terminant, conduits par un zèle trop ardent et souvent mal entendu, ne connaissent que la violence et le châtiment pour réprimer le scandale du protestant, tandis qu'ils ne devraient employer que les moyens de douceur et de persuasion pour les ramener au devoir I. »

Le parlement, toutefois, ne restait point inactif. Le 3i mai 1766 il condamna les pasteurs Rozan et Béranger (sous les noms de Desnoyers et Colombe) à être pendus en effigie

(1) Instruction (28 octobre 1765) pour le capitaine commandant les deux compagnies du régiment des dragons de Beaufremont détachées à Nions (Bulletin, etc., t. vi, p. 436-439).

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1766- 1767. sur la place du Breuil, à Grenoble, et François Girard, lecteur, à 3 ans de galères, et il annula le mariage de Jean-Antoine Délègue. Tous étaient contumaces. Ce sont, croyons- nous, les dernières condamnations de ce genre prononcées par le parlement de Grenoble.

^Affaire de Marie Robequin. Discours de l'avocat général Servan.

L'année 1767 fut célèbre par l'arrêt que le parlement de Grenoble, rompant avec ses traditions sévères, rendit en faveur de la Robequin, sur les conclusions de l'avocat gé- néral Servan de Gerbay. Voici le fait, d'après le propre exposé que cet homme de cœur fit à la cour I :

« Jacques Roux [meunier à Mens] et Marie Robequin professaient tous deux la religion protestante, lorsque, le 23 avril 1764, ils passèrent un contrat de mariage en pré- sence de leurs parents. Marie Robequin n'était âgée que d'environ vingt ans et Jacques Roux en avait trente. La bé- nédiction leur fut donnée par un ministre de leur religion. Cette union, sacrée dans d'autres temps, mais proscrite dans celui-ci, dura sans altération près de deux années. Le 11 avril 1765 un premier enfant en fut le fruit -, mais bientôt la division se fit sentir. Roux , qui a depuis longtemps aban- donné la Robequin avec éclat, lui faisait alors des infidélités. Une servante, nommée Louise Faure, fit contre lui, le 26 septembre 1765, une déclaration de grossesse. Depuis ce moment on ne voit plus entre Roux et la Robequin que des

(1) Discours de M. Servan, avocat général au parlement de Grenoble, dans la cause d'une femme protestante.

257 marques de discorde-, elle fit même éclater ses plaintes 1767. contre un homme sur lequel elle se croyait des droits. Elle accusa, dans un acte public, la débauche et les emporte- ments de son mari et demanda à en être séparée-, elle ne prévoyait pas la fatale réponse qui pouvait la condamner au silence. Roux, sans s'occuper de se justifier, répondit en ces propres termes : que la Robequin pouvait se dispenser de chercher des prétextes pour obtenir sa séparation; qu'il lui a dit depuis plusieurs années qu'elle pouvait se marier avec qui bon lui semblait; que, le contrat passé entre eux le 2 3 avril 1764 n'ayant pas été suivi de la bénédiction nuptiale, il n'existait point de mariage.

» Dans le temps que Roux brisait tous ces liens, la Robe- quin portait dans son sein une preuve bien triste de leur durée. Le 3 mai 1766 elle fut obligée de faire une déclaration de grossesse , et bientôt après , ayant obtenu l'évocation de sa cause par pauvreté, elle porta ses plaintes devant vous.

» Après avoir exposé l'erreur funeste Roux l'avait en- gagée et les malheurs qui l'avaient suivie, elle forma une demande de 1,200 livres en dommages et intérêts, outre la restitution inévitable de sa dot et le paiement des frais de couche.

» Ce fut alors que Jacques Roux, pour première réponse, obtint de l'évêque de Die des dispenses pour se marier avec cette même fille, qui n'avait pas attendu l'ordre de la religion pour s'abandonner à lui; et, après avoir consacré, si je puis ainsi dire, son infidélité, il est venu la justifier aux yeux de la justice, offrant, dit-il, par excès d'équité, trois cents livres de dommages et intérêts. » Ajoutons que Roux, pour mieux couvrir son crime et s'en assurer l'impunité , s'était converti au catholicisme.

Servan établit que, bien que le mariage de Roux avec la Robequin fût nul au point de vue des lois existantes, il était valide au point de vue du droit naturel. « Je me crois, dit-il,

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1767. en droit de poser maintenant comme un principe incontes- table qu'à ne considérer que les lois naturelles, un homme et une femme qui se promettent formellement de vivre dans l'union du mariage, forment un contrat légitime en lui- même, et de je conclus d'abord que J. Roux et la Robe- quin, en se choisissant pour époux devant un notaire, en présence de leurs familles, ont contracté un engagement qui serait respectable dans Tordre naturel. »

Marie Robequin aurait pu faire valoir cette juste consi- dération auprès de son infidèle époux, mais elle se contenta de lui réclamer une compensation pécuniaire. C'est pourquoi Servan s'écrie : « Louons donc ici la modération de cette femme, ou plutôt plaignons sa timidité, qui a mis à si bas prix des biens inestimables. » Et comme Roux , pour prou- ver sa bonne foi, prétextait de son ignorance des lois du royaume qui défendaient les mariages selon les formes pro- testantes (ce qui ne se pouvait admettre, parce qu'il avait une certaine instruction), l'avocat général démontre, par des arguments péremptoires, que tout homme doit réparer le dommage qu'il a causé, même par erreur, et il insiste avec force pour que le parlement accorde à la Robequin l'indemnité qu'elle réclame. « A peine votre arrêt sera pro- noncé dans ces murs, s'écrie-t-il éloquemment , qu'il re- tentira jusques aux rochers des Cévennes, et les bouches les plus grossières le répéteront comme un cantique de paix ou comme un ordre de proscription. »

Le parlement retarda jusqu'au 6 avril de prononcer sa sentence ( l'affaire avait été portée devant lui le 9 mars ) et condamna Jacques Roux à restituer à la Robequin « la somme de 800 livres , par elle reçue en exécution du contrat de mariage du 23 avril 1764, celle de 5o livres pour le prix des meubles et nippes portés dans ledit contrat, comme aussi à lui payer la somme de 85o livres pour lui tenir lieu de dommages et intérêts. » Cette indemnité était mesquine,

- 289 - mais elle impliquait la reconnaissance indirecte des mariages 1767. contractés au désert. Les préjugés, du reste, étaient encore si grands à cette époque que la Robequin n'osa pas de- mander au parlement autre chose qu'une compensation pécuniaire, et que l'avocat général lui-même, après avoir établi la validité des mariages protestants dans Tordre na- turel, n'eut pas la hardiesse de tirer les conséquences de ses prémisses et de demander au parlement de reconnaître directement lui-même cette validité en cassant le second mariage de Roux, en poursuivant ce misérable comme con- cubinaire public et, dans le cas la Robequin aurait formulé une demande de séparation contre son mari adul- tère, en obligeant ce dernier à lui payer une pension annuelle. Dans tous les cas, l'arrêt de la cour était loin de satisfaire la conscience publique, car, en dépit de la compensation pécu- niaire donnée et reçue, on voyait, en droit, un mari infidèle et pourtant justifié, une femme vertueuse et pourtant dés- honorée *.

(1) Ch. Coquerel (t. n, p. 454-457) dit que Servan , dans son discours, « attacha l'opprobre aux lois criminelles de son temps,... dénonça les abus législatifs et pressentit toutes les réformes qui ont été conquises depuis ». Ce n'est pas exact. Le point de vue auquel se plaça Servan est celui que nous lui avons attribué. Il reconnaît lui - même que le mariage de la Robequin. « est dépourvu des formalités que nos lois civiles ont droit de prescrire, et que ce défaut rend le contrat sans effet dans notre société politique ».

Ï93

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VIII. - PROGRES CROISSANTS DE LA TOLERANCE. BIOGRAPHIE

DES DERNIERS PASTEURS DU DÉSERT. PROCLAMATION DU

PRINCIPE DE LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE ET DE CULTE.

1768-Ijgi

Tlacet des protestants dauphinois à Marie- Antoinette. Délivrance des deux derniers galériens protestants.

1768-1774. Dans les dernières années de Louis XV (1768-10 mai 1774) les mesures de violence cessèrent presque partout, grâce aux progrès de l'esprit public, et nous ne trouvons aucune trace de persécution en Dauphiné. La seule con- damnation qui soit parvenue à notre connaissance est celle, non d'un homme, mais d'un article de journal. Le 8 mai 176g, le parlement de Grenoble supprima le N.° xxvi (22 mars) du Courrier d'Avignon , à la requête de l'avocat général Charles Aubert de La Bâtie, qui dénonçait cette feuille comme téméraire et tendant à troubler la tranquillité de l'État. Elle « a pour objet, disait-il, d'affermir dans la R. P. R. ceux que leur opiniâtreté ou leur mauvaise foi y retient encore, et de surprendre la simplicité de ceux qui auraient pu penser à en sortir, en persuadant faussement aux uns et aux autres que le roi leur accorde une espèce de liberté pour l'exercice de leur religion. L'auteur a, dans cet écrit, la témérité d'annoncer « que Sa Majesté a ordonné que tous ceux qui étaient arrêtés dans les différentes pro- vinces fussent mis en liberté, sous la condition de remplir

291 leur vocation avec tranquillité et de ne point passer les 1768- 1774. bornes qui leur sont prescrites par rapport à l'exercice de leur religion ».

Le synode de la province des 17 et 18 août 1774 décida qu'on adresserait un placet au roi Louis XVI et à la reine « tendant à détruire, disent ses actes, dans l'esprit de Leurs Majestés les imputations calomnieuses que font contre nous nos ennemis-, faisant foi de notre nombre, de notre inno- cence et contenant la plus humble requête de notre part de nous continuer leur protection royale ».

On a retrouvé un de ces placets, celui qui était adressé à Marie- Antoinette. Il porte ce qui suit : « Quarante mille protestants ' de la province de Dauphiné osent déposer aux pieds de Votre Majesté leurs assurances de la soumission la plus entière et la plus fidèle.

» Instruits par la renommée, ils savent que votre auguste personnage est l'ornement de son sexe par sa figure et qu'elle en est une exception par ses lumières. Ils savent qu'au mo- ment qu'elle étonne par la noblesse dont elle remplit toute la majesté de son rang, elle rassure par la majesté de ses discours.

» Parce qu'ils n'attachaient pas à certains mots les mêmes idées que les docteurs de Rome, ils essuyèrent un siècle d'infortune. On fit frémir chez eux la nature dans ses liens les plus doux, en enlevant leurs enfants et en dissolvant leurs mariages. On s'empara de leurs biens, on les priva de la liberté , on leur ôta la vie même. Plusieurs , pour s'é- chapper à de pareilles violences, tombèrent sous le fer des assassins qui les attendaient sur la route pour s'emparer de leurs dépouilles. Un grand nombre ne trouva qu'un salut pire que le sujet de leur fuite, sous des climats âpres et rigoureux et parmi des peuples de mauvaise humeur.

(1) Sur ce chiffre, voyez les réflexions de la page 18.

292

1768-1774- » Un petit nombre seulement réussit, mais ce ne fut qu'en dévoilant aux autres États les secrets de leurs manu- factures et de leur industrie, ou en y apportant des richesses. Tous jetaient également de tristes regards sur leur patrie , en regrettant le foyer de leurs pères, les mœurs de leurs compatriotes et la domination de leur prince. Quel était le crime de ces infortunés? Ce n'était, Madame, qu'une croyance, qui ne diffère pas essentiellement de celle de Votre Majesté. Persuadés qu'on sert bien Dieu lorsqu'on l'adore en esprit et en vérité, ils protestaient contre quelques dog- mes , qu'ils ne pouvaient croire sans disconvenir cependant sur les plus essentiels de la religion et de la morale. Le Traité de la religion chrétienne du ministre Abbadie est complètement reçu chez ceux de l'église romaine, tout comme La religion prouvée par les faits de l'abbé d'Hou- teville, est admis chez les protestants. Aussi, ni le Sauveur du monde, ni Votre Majesté n'eussent approuvé les rigueurs dont on usa envers eux. Ce Rédempteur, ami des hommes, répondit à ses disciples, lorsqu'ils voulaient disposer du feu du ciel : Vous ne save\ de quel esprit vous êtes; je ne suis pas venu pour perdre les hommes , mais pour les sauver.

» En effet, emploiera-t-on le fer et le feu?... On frémit d'horreur... Cette nuit affreuse commence à se dissiper-, la vertueuse Antoinette est sur le trône; un mot de sa bouche divine dissoudra les nuages qui interceptent les rayons du soleil de justice , et ce soleil pénétrera enfin. Les rigueurs de l'intolérance ont déjà cessé, il est vrai, depuis quelques années*, mais l'état des protestants n'est pas avoué. Cet état bizarre ne leur permet pas de produire la somme d'utilité qu'ils donneraient si leur existence était reconnue ; les pères et les mères sont incertains si leurs enfants hériteront, parce que ces innocentes créatures sont déclarées illégitimes -, cette incertitude arrête leur activité en les obligeant à prendre des précautions. Que Votre Majesté daigne donc représenter

2g3 ces choses à son auguste époux. Leurs supplications, déjà 1768-1774. si intéressantes pour l'humanité, auront un succès assuré présentées par les mains des Grâces. En attendant, ils ne cesseront d'adresser au ciel les vœux les plus ardents pour la conservation de votre sacrée personne et la prospérité de son règne " . »

Un des premiers actes du jeune roi fut de délivrer les deux derniers galériens protestants, qui étaient en résidence à Marseille et appartenaient au Dauphiné : le tailleur Antoine Riaille, d'Aouste, et le cordonnier Paul Achard, de Châ- tilloh, condamnés aux galères perpétuelles par le parlement de Grenoble, le premier le 9 février, le second le 26 février de Tannée 1745. L'histoire de leur libération est trop inté- ressante pour que nous ne la rapportions pas en détail. Elle a été écrite par Claude Eymar, fils d'un riche négociant de Marseille, qui eut la plus large part à la délivrance des pri- sonniers.

Grand admirateur de Rousseau, Eymar lui avait écrit à Paris pour qu'il voulût bien « s'intéresser au malheur de deux vieillards protestants qui, pour fait de leur religion, gémissaient encore sur les galères , et il le priait d'employer son crédit auprès des grands pour obtenir leur liberté »; mais cette lettre était restée sans réponse. Son admiration pour le grand philosophe n'en demeura pas moins tout entière , et, ayant entrepris le voyage de Paris pour le voir, il profita de son séjour dans la capitale pour s'occuper du sort des deux galériens. « Le temps, dit-il, que j'avais alors de libre me parut ne pouvoir être mieux employé qu'à mettre à fin cette louable entreprise , que je regardais d'ail- leurs propre à me rendre moins indigne de communiquer avec l'éloquent apôtre de la bienfaisance et de la vertu, chez

(1) Archives de M. Ch. Frossard, de Paris.

294 1768-1774- qui je devais me montrer dans peu de jours. Ce projet n'était pas nouveau dans ma tête ; je Pavais formé avant de partir de Marseille, je m'étais muni de toutes les notes et de tous les documents qui pouvaient le faire réussir. Dès mon arrivée à Paris je m'en étais ouvert à M. Court de Gébelin, et je n'avais pas eu de peine à faire passer dans son âme toute l'ardeur dont la mienne était embrasée. A la propo- sition de rompre les fers de deux protestants , je le vis s'épa- nouir, s'attendrir et me demander la faveur d'associer ses travaux aux miens. « Mon ami, me dit-il, quel beau jour pour nous si le ciel couronne nos efforts et nos espérances ! Je suis à vos ordres la nuit et le jour-, nous irons à Versailles quand vous voudrez. » Il en est temps, vins-je lui dire un matin (c'était le 4 ou 5 de mai), partons demain pour Versailles.

» Il y avait dans ce temps-là à Paris un homme très- considéré et avec qui M. Court, membre et coryphée, ainsi que lui, de la secte des économistes, était en liaison étroite. Cet homme était M. Hurson, ancien intendant de la marine à Toulon, et qui, dans ce poste, s'était acquis une haute réputation de droiture et d'humanité. Comme les galères étaient du ressort de son administration , il avait eu de fré- quentes occasions de connaître les protestants qui y avaient été condamnés pour cause de religion, et d'observer leur honnêteté et leur conduite toujours irréprochable. Il s'était intéressé à leur sort , et , en tout ce qui dépendait de lui , il en avait sensiblement adouci la rigueur. Bien plus, indigné des excès d"une barbarie intolérante, dont il avait un si déplo- rable exemple sous les yeux , et prenant à tâche de les répa- rer, ce magistrat respectable avait employé son crédit auprès du ministre pour obtenir la grâce de ces pauvres gens, et chaque année de son intendance il était parvenu à en faire sortir au moins deux des galères. Malheureusement il en restait encore deux lorsqu'il quitta sa place, qui probable-

295 ment avaient été oubliés par son successeur. C'était de ceux- 1768- 1774. qu'il s'agissait.

)> Nous n'eûmes rien de plus pressé, M. Court et moi, que de nous rendre chez M. Hurson. Il nous reçut fort bien, nous applaudit et nous encouragea. Il nous traça la marche que nous avions à suivre, et il joignit à ses directions une lettre pour Versailles, qui fut remise le soir même et qui nous fit obtenir de M. de Boyne, alors ministre de la marine, une audience pour le lendemain.

» Je portai la parole, et à peine eus-je dit un mot que M. de Boyne s'écria : « Quoi, des protestants encore aux galères ! Cela n'est pas possible ; vous vous trompez, Mon- sieur, et je suis certain qu'il n'y en a plus. » Je l'étais bien plus qu'il y en avait-, les notes dont j'étais porteur étaient extraites du registre des chiourmes de Marseille*, je connais- sais personnellement les deux hommes pour qui j'intercé- dais, et il n'y avait pas trois semaines que j'avais parlé à l'un d'eux , dont mon père était la caution. Je ressentis néanmoins une secrète joie de la dénégation du ministre , et, dès ce moment, je ne doutai plus du triomphe de ma cause, puisque ma tâche n'était plus que d'administrer la preuve facile de la présence aux galères de mes clients. Monseigneur, dis-je à M. de Boyne, d'un ton ferme et respectueux, je ne me trompe point -, non-seulement j'ai la preuve écrite, mais encore je suis témoin oculaire de ce que j'avance. Il n'y a pas un mois que j'ai quitté les deux forçats à l'existence desquels Votre Grandeur a peine à croire* ils se nomment l'un Riaille et l'autre Achard; ils ont tel âge; ils sont depuis tel temps aux galères -, ils y ont été envoyés ensemble et par un même arrêt du parlement de Grenoble, pour contraven- tion aux ordonnances du roi sur les assemblées religieuses. Au surplus, ajoutai-je, tous ces faits sont faciles à vérifier. Le ministre, étonné, nous proposa sur-le-champ de passer aux bureaux de la marine*, nous l'y suivîmes, et l'inspecteur

296

1768-1774- des registres ne tarda pas à le convaincre que je ne lui en avais point imposé. Une honnête rétractation de son dé- menti et les assurances les plus positives de sa volonté de tout réparer furent l'agréable effet de cette découverte. Il prit en main ma requête, il promit d'y faire droit sans délai et nous donna rendez-vous chez lui dans trois ou quatre jours. Si jamais j'ai cru tenir une affaire par le bon bout, c'est sans doute en cette rencontre. Nous nous livrâmes , M. Court et moi, à la plus pure joie, et nous retournâmes à Paris, enchantés de M. de Boyne et de nos succès. Mais, ô fatalité imprévue! le 10 de mai 1774 Louis XV meurt! Versailles est sans dessus dessous, et notre protecteur tombe et fuit disgracié, ainsi que tous les autres ministres.

» Ce coup de foudre nous fit ajourner et non perdre de vue notre projet. En partant, je léguai à mon digne ami le soin de s'en occuper et de renouer, quand il en serait temps, avec le nouveau ministre la négociation que nous avions commencée sous de si heureux auspices avec l'ancien. Nous ne perdîmes rien à attendre. Ce nouveau ministre fut M. Turgot, et le succès de M. de Gébelin fut complet. Peu de temps après mon retour, il m'annonça que la grâce était accordée et signée, et que le brevet en serait expédié à Mar- seille dans trois ou quatre jours. Je courus sur-le-champ porter cette bonne nouvelle à mes deux vieillards. Mais, quelle fut ma surprise ! ils l'accueillirent avec la plus froide indifférence. Le dirai - je ? Je les vis regretter leurs fers et pleurer sur leur liberté. Ce phénomène paraîtra inconce- vable ; en voici l'explication. Depuis plusieurs années, les galériens de cette classe, ces honnêtes criminels, jouissaient des plus grandes faveurs ; la bienveillance de l'intendant s'était étendue de proche en proche jusqu'au dernier subal- terne ; on ne les confondait point avec les autres forçats ils exerçaient une profession lucrative, et, au moyen d'un cau- tionnement fourni par chacun d'eux, ils pouvaient, sans

297 chaîne et sans garde, aller et venir librement dans la ville et 1768- 1774. même y avoir un logement-, en un mot, ils ne portaient des galériens que le titre et la livrée. D'un autre côté , ils avaient perdu de vue, durant leur long esclavage, leur famille et leur pays*, leurs biens avaient été confisqués, dilapidés ou vendus-, et désormais, sans état, sans amis et sans foyers, à quel sort devaient-ils s'attendre dans leur infirme vieillesse ? Que retrouveraient-ils, en échange de leur aisance assurée qu'ils allaient perdre, si ce n'est l'abandon, peut-être la mendicité ? Tel était leur raisonnement. Tout en en sentant la justesse, je ne laissai pas de le combattre et de leur donner du courage. Peu de jours après, munis de leur congé, ils vinrent chez moi pour me remercier et me faire leurs adieux. Ils venaient de recevoir chacun un équipement complet et mille francs en argent d'une caisse de bienfaisance établie depuis longtemps à Marseille par des réfugiés français et pour ces sortes de cas. Ce don généreux leur avait fait oublier un peu le sujet de leurs doléances , et ils partirent moins affligés du malheur, dont ils s'étaient montrés d'abord inconsolables, de se voir forcés d'être libres *. »

Eymar et Court de Gébelin n'avaient pas été les seuls à travailler à l'élargissement des prisonniers. Lombard-La- chaux s'était aussi occupé d'eux. Il avait rédigé, à la date du 7 février 1774, un mémoire éloquent en faveur d'Achard à l'adresse de Voltaire, et avait écrit lui-même au célèbre phi- losophe. Il existe encore une lettre non signée adressée à une dame qui était la protégée du duc de La Vrillière, et qui avait déjà, moyennant quelques présents, procuré la liberté à plusieurs autres galériens protestants a. Riaille était

(1) Bulletin de la Société de l'histoire du protest, franc., 1. 1, p. 176-183; Ath. Coquerel, Les forçats pour la foi , p. 93, 94.

(2} Ces trois pièces manuscrites font partie des archives Sérusclat.

-298- 1774- âgé de 64 ans et Achard de 76 lorsqu'ils sortirent du bagne. Ils y avaient passé 29 ans !

Il existe encore à Ghâtillon des lettres d' Achard, adressées à son frère Antoine en 1756 et 1757, qui ont trait à quel- ques démarches tentées à cette époque par cet infortuné pour obtenir sa délivrance. Dans celle du 29 septembre 1756, après avoir prié son frère de faire parler en sa faveur au procureur général de Grenoble, il lui écrit ces paroles tou- chantes : « A cette occasion vous me ferez connaître que vous avez des sentiments aussi tendres comme ceux que j'ai pour vous et pour tout ce qui vous est cher-, et si vous aviez eu le malheur d'être exposé à de telles épreuves comme moi je suis , j'aurais marché nuit et jour pour vous tirer d'em- barras. J'espère de votre amitié fraternelle que vous eu ferez de même pour moi; et toutes les dépenses que vous et M. votre beau-frère [Lombard, aubergiste au Gât de Ver- chenyj aurez faites à ce sujet , ayez la bonté d'en tenir un compte exact, afin que je vous en puisse satisfaire; et, du reste, vous en aurez la récompense dans le ciel par le Ré- dempteur du monde, qui regarde le bien que l'on fait à ceux qui souffrent pour son nom comme fait à lui-même. »

Evangélisation du Queyras. Dangers cou- rus par Reboul- Chanron et Béranger. Arrestation d'Armand et son évasion.

Les pasteurs du Dauphiné virent s'étendre leur champ d'action pendant cette même année 1774. Les églises du Queyras et autres lieux de TEmbrunais et du Briançonnais, qui avaient vécu jusque-là dans l'isolement le plus complet, au fond de leurs vallées solitaires et à demi-sauvages, sen- tirent le besoin de se mettre en relation avec leurs autres frères du Dauphiné et de leur demander des secours reli-

299 gieux. Ils prièrent le synode provincial du 17 et 18 août 1774. 1774 de leur accorder un pasteur en titre, ou tout au moins de les faire évangéliser avec régularité. La vénérable assem- blée décida que Reboul-Chanron les visiterait en septembre, Béranger en octobre, Armand en avril 1775, Grangeron- Dusserre en mai, Lachaud en juillet et Vouland en octobre.

Reboul-Chanron trouva dans le Queyras et les lieux cir- convoisins 5 ou 600 familles protestantes qui gémissaient de leur abandon presque séculaire et le reçurent avec de grandes démonstrations de joie. Elles étaient avides de pré- dications, et Reboul promit que leurs frères ne les oublie- raient point. « Ils se réveillent aujourd'hui d'une longue léthargie, dit une pièce du temps ', demandent des mi- nistres, font baptiser par eux leurs enfants et bénir leurs mariages. Un grand nombre sont en balance s'ils continue- ront d'aller à la messe ou à l'assemblée. Ils sont fort à leur aise; il n'y a point de pauvres. »

En revenant de sa tournée, au mois d'octobre, Reboul s'arrêtaà la Maison du Roi, non loin de Mont-Dauphin, avec les personnes qui l'accompagnaient. Pendant que celles- ci se reposaient, le pasteur voulut visiter le fort de Mont- Dauphin, et il ne fut pas plus tôt loin qu'une troupe de gens, conduite par des curés, s'approcha pour se saisir de lui. Averti à temps, il put se mettre en lieu sûr, et la troupe s'empara seulement de son cheval -, mais le commandant du fort le lui fit restituer2. Irrités de la résurrection des protes- tants du Queyras, qu'ils croyaient ralliés pour toujours à

(1) Lettre de J.Abraham Chiron , p.r à Annonay, à son père Et. Chiron, du 3 juillet 177b (Arch. Sérusclat).

(2) D'après la lettre citée précédemment, Reboul aurait été arrêté par les curés , mais délivré par le commandant , qui lui aurait même donné une escorte pour le mettre à l'abri d'un nouveau coup de main. C'est moins vraisemblable.

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1774. leur église, les curés se plaignirent à la cour, mais ce fut en vain. Le maréchal de Muy, secrétaire d'État, écrivit au comte de Clermont-Tonnerre , lieutenant général pour le roi en Dauphiné, que l'intention du nouveau roi « était de traiter les protestants avec douceur et de ne punir ni le délit ni les délinquants ».

Quelques mois après, en décembre, Béranger fit à son tour une visite aux protestants du Queyras. Arrivé à Saint- Véran, à la tombée de la nuit, on lui apprend que la maré- chaussée de Briançon , renforcée de gardes forestiers , est à ses trousses. « Il se hâte d'achever son frugal repas pour fuir en lieu sûr -, mais la gendarmerie est , la maison est cernée-, le chef entre et demande le pasteur -, tout le monde est consterné. M. Béranger se nomme lui-même. Aussitôt l'archer lui ordonne de le suivre. Le vénérable pasteur, s'ap- puyant sur l'inviolabilité du domicile à des heures indues, répond qu'il attendra le jour pour répondre à la sommation. L'agent de la force publique veut employer la violence en portant les mains sur le serviteur du Christ -, alors chacun prend fait et cause pour le pasteur, et un jeune catholique s'élance entre l'archer et M. Béranger et parvient à lui faire lâcher prise*, mais il faut le sauver. L'aubergiste, catho- lique aussi, a conçu ce projet. Il souffle dans l'oreille de quelques-uns d'éteindre les chandelles dès qu'on entendra un grand vacarme dans la cuisine. Alors cet homme, aidé des siens, à un signal donné, renverse toute sa vaisselle et ses vases en métal; en même temps les lampes sont éteintes; les gardes postées au portail accourent à la fenêtre pour voir ce qui se passe; M. Béranger, devinant le but de son hôte généreux, s'élance au milieu de l'obscurité vers la porte ; il est dans la cour, dans les champs et s'enfuit à la faveur de la nuit, au milieu de l'hiver1. » On le chercha partout,

(1) Clavel dans Bost, Visite dans la portion des Hautes-Alpes de France qui fut le champ des travaux de Fél. Neff; Genève, 1841; p. 170, 171.

3oi mais ce fut en vain. La maréchaussée désappointée se rendit 1774- chez le curé du lieu pour prendre un parti. Le maître du logis fut appelé , ainsi que les nommés Bertrand et Martin , qui avaient soupe avec le pasteur. On les arrêta sur l'heure, et, le même jour, ils furent conduits dans les prisons de Briançon. On relâcha les deux premiers au bout de quel- que temps ; mais Martin, après avoir été retenu sous les verrous jusqu'au Ier juin de Tannée suivante (1775), fut mené à Grenoble, et ne sortit de prison que pour succomber aux atteintes de la maladie qu'il avait contractée dans sa longue détention. Pour ce qui est de Béranger, il se rendit à Mens, en évitant les sentiers battus. Obligé de traverser des glaciers, il dut plusieurs fois quitter sa chaussure, et conserva pendant longtemps comme trophée les bas qu'il avait déchirés dans cette course précipitée.

Les actes du synode provincial du Vivarais, du icr no- vembre de cette même année (1774), nous apprennent que cette province avait prié les églises du Dauphiné de lui prêter un pasteur, et que celles-ci lui avaient envoyé Armand pour une année. Le témoignage qui lui fut délivré à son départ est trop flatteur pour que nous ne le transcrivions pas ici. « Le synode du Dauphiné, est-il dit dans ses actes *, rappe- lant M. Armand, qu'il avait eu la bonté de nous prêter pour un an , la compagnie , pénétrée de reconnaissance pour cette faveur, lui a accordé son congé pour ce terme expiré et lui témoigne les vifs regrets qu'elle ressent de son départ, regrets fondés sur la manière distinguée dont il a rempli les fonctions de son ministère , dans l'exercice duquel il a ma- nifesté des talents supérieurs, une piété exemplaire et des sentiments qui lui ont concilié l'affection de tous les membres de l'église qu'il quitte. »

(1) Recueil des actes des synodes de la province du Vivarais (Mns.).

302

i775. En mai 1775 ce même pasteur Armand se rendit dans le Queyras, comme Pavait décidé le synode provincial. Accom- pagné de deux guides, il prit le chemin des hautes mon- tagnes et arriva le 2 chez Faure, à Brunissard, hameau de la commune d'Arvieux. Dès le lendemain, et avant de pré- sider aucun culte, il partit pour Château-Queyras. Ayant été rejoint sur la route par quatre ou cinq personnes qui se disaient de sa religion, il accepta leur compagnie. Mais il avait affaire à des espions , et lorsqu'il fut arrivé devant la maison du curé de Château-Queyras, des invalides en sor- tent tout à coup. L'un lui met la bouche de son fusil sur la poitrine, les autres le couchent en joue, puis on le fait entrer seul dans la cuisine du curé, et, après qu'on a fouillé ses poches, on lui lie les mains derrière le dos. Le curé examine les divers objets trouvés en sa possession et ordonne aux in- valides de ne pas le délier. Ainsi garrotté , on le conduisit au fort Queyras. Il portait un passeport au nom de Pontaix, maquignon*, mais il fit connaître son vrai nom au comman- dant, qui lui témoigna, assura-t-on, toute la peine que lui causait son arrestation. Trois ou quatre curés ne tardèrent pas à survenir, ayant à leur tête le curé de Molines, qui avait déjà cherché à faire prendre Reboul-Chanron et Bé- ranger l'année précédente. Ils se rendirent en hâte dans le cabinet du commandant, ils demeurèrent deux heures en conférence. Le surlendemain, la maréchaussée de Briançon vint prendre Armand au corps de garde et, l'ayant enchaîné comme un malfaiteur, l'emmena dans cette dernière ville. Le procureur du roi le reçut avec des égards et lui laissa toute liberté dans sa prison. Plusieurs personnes distinguées du lieu lui donnèrent aussi des marques de sympathie. Dès que ses collègues eurent appris son arrestation, ils se réu- nirent en conférence à Bourdeaux et décidèrent d'intercéder en sa faveur auprès de leurs amis. Sur leurs instances, M. de Végobre, de Genève, qui s'occupait avec le plus vif

3o3

intérêt des protestants de France, écrivit à une dame haut 1775. placée; Paul Rabaut, pasteur à Nîmes, à Court de Gébelin, qui était l'agent officieux des églises réformées auprès du gouvernement, et à « un seigneur humain et généreux de Paris », et fit parler à « un homme à Pâme grande et noble », également de Paris. On agit aussi à Grenoble et auprès de Voltaire, le grand apôtre de la tolérance, qui plaida avec chaleur la cause du prisonnier. Court de Gébelin, qui prit surtout l'affaire en main , obtint du gouvernement qu'Ar- mand ne perdrait pas la vie et en serait quitte pour quel- ques mois de prison. Nous ne savons quels ordres furent donnés à Briançon ensuite de la résolution de la cour; ce qui est certain, c'est que le 26 août Armand s'évadait sans trop de difficulté de sa prison. L'exempt de la ville intenta aussitôt un procès au geôlier , qui informa le pasteur de sa situation. « Celui-ci, écrivait à ce moment Lombard- Lachaux, vient d'être avisé par le geôlier lui-même, qui pleure et se désespère, dans la crainte des suites que cette affaire aura. Je crois qu'il joue la comédie à merveille. Il a été, il est vrai, l'instrument de cette évasion, mais un ins- trument manié par une main étrangère et cachée. Tout ce qui a précédé , accompagné , suivi cet événement prouve que cet événement même, tout petit qu'il est, avait été con- certé à Versailles, ou tout au moins à Grenoble. Je pense donc que M. le geôlier s'annonce dans un embarras prétendu pour s'approprier réellement quelques louis. Au reste, si mes conjectures portaient à faux, il serait juste de dédom- mager cet homme, alors vraiment à plaindre *. »

Les églises du Dauphiné voulurent donner au pasteur Armand une preuve de leur sympathie, en se chargeant

(1) Lettre à J. -Abraham Chiron, du 3o nov. 1775 (Arch. Sérusclat).

304 1775. entièrement des frais de sa détention et de sa délivrance, qui s'élevèrent à la somme de 620 livres I.

T^anc persécuté par Vévêque de Valence. Procès intenté à Madeleine Marin. Plai- doyer éloquent de l'avocat Savoye.

Le procès-verbal du synode du Dauphiné des 6 et 7 sep- tembre 1775 nous apprend que les églises de cette province contribuaient, comme plusieurs autres églises, à l'entretien d'un ami à Paris , qui s'occupait activement de leurs inté- rêts et qui n'est autre que le célèbre Court de Gébelin, dont il a été précédemment question. Le prix qu'on attachait à ses services est attesté par cet article du synode : « En exé- cution d'un arrêté du synode de l'année dernière, M. Lom- bard a fait compter à notre ami de Paris la petite somme (200 liv. ) que divers quartiers lui ont fait passer et dont il a justifié le paiement par reçu ; et comme plusieurs arron- dissements ne sont entrés pour rien dans cette contribution, l'assemblée les censure de leur négligence et de leur ingra- titude, où il paraît qu'il y en a beaucoup, et les exhorte d'éviter à l'avenir de telles censures en fournissant diligem- ment leur quote-part , attendu que ces contributions sont d'une utilité absolue. »

L'évêque de Valence, ligué avec le curé de Beaumont, le prieur, le curé et le vicaire de Monteléger, voulut obliger à cette époque le pasteur Ranc de quitter Beaumont, il venait de fixer sa résidence. « Ils avaient même obtenu,

(2) Armand, Quelques documents, etc. (Mns.); Act. du syn. prov. des 6 et 7 sept. 1775 (Mns.); Rabaut le jeune, Répertoire ecclésiast., p. 23.

3o5

écrit Ranc *, un ordre de me faire arrêter-, mais M. le pro- 1775 -1778. cureur général de Grenoble ne voulut point l'autoriser. Sans cet honnête homme, il y a toute apparence que je ne serais plus à Beaumont. » L'évêque ne se tint pas pour battu et finit par arriver à ses fins. « Il y a environ trois ans, dit une lettre de Beaumont, du 10 juin 1777 2, que M. Ranc avait établi son domicile en ce lieu et que M. l'évêque avait fait plusieurs menaces pour l'en faire sortir. Il n'en est que trop venu à bout dans un voyage qu'il vient de faire à Paris, d'où il n'est de retour que depuis la semaine passée. Il y a obtenu un ordre du roi, expédié du bureau de M. de Saint-Germain, qui l'a adressé au commandant de la province, qui l'a fait signifier hier par un exempt de la maréchaussée au pauvre M. Ranc, par lequel il lui est ordonné de sortir du diocèse de Valence dans l'espace de quinze jours , sous peine de désobéissance. Jugez dans quelle consternation cela met tout son troupeau, et les suites que l'on a sujet d'en craindre. » « Le 24 du mois dernier, dit le même correspondant 3, jour de l'expiration du terme prescrit, nous eûmes le dé- plaisir de voir partir ce digne pasteur de ce lieu avec un regret qu'il n'est pas possible d'exprimer. Depuis ce temps- nous n'avons eu ici aucune nouvelle de sa part directe- ment. Son troupeau en est dans la consternation, quoique des gens d'ici l'ont rencontré dans une montagne du Diois, il n'y a pas huit jours , et qui ont assuré qu'il était en santé. . . Deux ou trois jours après son départ , un cavalier de la ma- réchaussée arriva ici et se rendit , accompagné de trois ou quatre témoins, dans la maison qu'il avait occupée et y

(1) Lettre à Et. Chiron, du i5 sept. 1775 (Arch. Sérusclat).

(2) Lettre de Chatelan à J.-Abr. Chiron (Arch. Sérusclat).

(3) Lettre de Chatelan à Et. Chiron, datée de Beaumont 3o juillet 1777 (Arch. Sérusclat).

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3o6 1775-1778. dressa son procès-verbal de perquisition, en certifiant qu'il ne Pavait point trouvé et, seulement après par la majeure partie des habitants de ce lieu , 'qu'il en était parti depuis trois ou quatre jours pour aller habiter ailleurs. »

Pendant que le clergé persévérait jusqu'à la fin dans la voie de l'intolérance, diverses personnes considérables, ani- mées d'un esprit bien différent, travaillaient à réunir des matériaux pour composer des mémoires en faveur des pro- testants. « Dans le courant de mai, lit-on dans la lettre du 3o juillet 1777 citée plus haut, une personne de ce lieu (Beaumont) reçut une lettre de Montélimar, par laquelle on lui mandait qu'un magistrat de ladite ville, qui ne voulait pas être nommé, désirait d'avoir des certificats des officiers municipaux de toutes les communautés de cette province il habite des protestants , pour justifier de quelle manière ils se comportent à l'égard de la société et même dans leurs assemblées religieuses; et qu'il demandait ces certificats de la part d'un seigneur de la cour, qui ne voulait pas non plus être nommé et qui était cependant bien intentionné. Un de ces certificats fut fourni par les officiers municipaux de ce lieu et par ceux d'un autre village voisin. Ces deux certifi- cats, qui ne contenaient que la vérité, étaient favorables aux protestants. Ils furent envoyés, sans perte de temps, aux gens qui les avaient requis-, ce qui étant venu à la con- naissance du curé , il en fit des reproches très-vifs aux offi- ciers qui les avaient signés et les menaça de les faire dégrader des postes qu'ils occupaient et de l'indignation de Tévêque. Cependant il n'en est rien résulté jusqu'à présent. La com- munauté de Livron en a délivré un autre, qui a été égale- ment envoyé , qui porte tant seulement que les protestants sont de bonnes vie et mœurs, qu'ils se comportent en vrais et bons citoyens, vivant en bonne intelligence avec les ca- tholiques romains. »

Depuis quelques années le nombre 'des pasteurs dauphi-

307 nois s'était beaucoup accru, grâce aux progrès de la tolé- i775-!778- rance, qui, permettant la tenue plus générale et plus fré- quente des assemblées, exigeait un contingent plus considé- rable de .ministres pour les présider. Ainsi, les actes du synode provincial de 1777 nous apprennent qu'il y avait à ce moment douze pasteurs dans le Dauphiné : Rozan , Des- cours père, Rancpère, Béranger, Reboul-Duvivier, Lom- bard-Lachaux, Grangeron, dit Dusserre, Voulandflls, dit Roche, Armand, Ranc fils, Descours fils et Glauzel. Deux proposants dauphinois étudiaient au séminaire de Lausanne: Bertrand et Reboul le jeune.

L'année suivante (1778) le parlement de Grenoble jugea un procès qui eut autant de retentissement et plus que celui de la Robequin. Le jeune avocat Savoye-Rollin y défendit les intérêts protestants avec une rare éloquence. Voici le fait. Claude Ytier, cordonnier, de Montclus dans le Gapençais, élevé par ses parents dans la religion protestante, passa, le 28 décembre 1755, des conventions matrimoniales avec Madeleine Marin, professant le même culte que lui. Les parents des deux parties donnèrent leur consentement à cette union, qui fut bénie au désert le i5 août 1756. Vingt ans après Ytier, étant mort sans enfant, laissa par testament à sa femme la jouissance de ses épargnes. A la mort de celle- ci le bien devait retourner aux enfants de son frère André. Ce testament, qui était fort sage, puisque la Marin, par son esprit d'ordre et d'économie, avait certainement contribué pour une large part à la prospérité du ménage, déplut à sa belle-mère, Marie Roman, qui adressa une requête au par- lement de Grenoble, tendant à obtenir la nullité du testa- ment de son fils. Pour se rendre les juges plus favorables, elle prétendit qu'elle était catholique, ainsi que ses enfants, et que son fils Claude n'avait embrassé le protestantisme que pour complaire à la Marin, qui en avait fait la condition de son mariage. L'avocat de Marie Roman soutint donc

3o8 1 775-1 778. que l'union d'Ytier, contractée au désert, contrairement aux lois du royaume, était nulle, et demanda comme consé- quence l'exclusion de la Marin de la jouissance des biens de son mari.

L'avocat Savoye établit au contraire que le testament d'Ytier devait être maintenu dans sa forme et teneur, que son mariage avec Madeleine Marin était parfaitement légi- time et que , l'envisagerait-on comme illégitime , la femme ne pourrait être rangée dans la classe des concubines et jugée inhabile à hériter. « Messieurs, s'écria-t-il en termi- nant, je trahirais les devoirs de mon ministère si je vous déguisais que, depuis le moment cette cause est soumise à votre décision , un peuple immense attend dans le silence de la terreur un arrêt qui va lui apprendre si nous honore- rons ses membres du nom de citoyens; si, déposant cette haine farouche qui corrompt la religion même, nous em- brasserons ces infortunés comme nos frères ou si nous les immolerons sous le glaive de l'inimitié... Refuseriez-vous de jeter un regard de pitié sur les suites funestes qu'entraînerait l'incertitude des unions protestantes ? Voyez des hommes , épouvantés par la rigueur de nos lois, forcés à combattre le plus doux penchant de la nature; voyez-les, s'ils ne peuvent résister à son impulsion , ne s'y livrer qu'en tremblant , mêler les larmes de la douleur aux plaisirs d'un chaste amour, suspendre d'innocentes caresses par des réflexions sinistres ; et quand leurs bouches ont nommé l'épouse que le cœur a choisie, ne trouver ni des autels ni des lois qui veuillent accepter leurs serments. Voyez cette femme éplorée maudire le jour qui la rendit féconde, attendre dans les an- goisses de l'effroi celui qui la rendra mère, repousser de son sein avec horreur l'enfant qui vient d'y puiser la vie, le reprendre , l'accabler des noms les plus touchants dans les illusions d'une tendresse ardente, retomber sur l'effroyable réalité et frémir d'avoir donné l'être à celui qui n'héritera

3og que de son opprobre... Le cœur saigne et se partage à ce 1775-1778. tableau déchirant des malheurs de l'espèce humaine. Mais il en est encore d'aussi affreux dont nous la rendrions la déplorable victime. Combien de maris infidèles laisseront leurs femmes gémir inutilement sous l'oppression de la loi ! Lâche déserteur d'un lien que le seul amour aura contracté, l'époux insultera dans les bras d'une autre femme à la dou- leur de la première. La mère trahie lui présentera le gage d'une tendresse qui n'est plus; il sourira dédaigneusement à tous les deux et leur dira : « Si je suis parjure envers vous, je suis protégé par des lois qui applaudissent à ma perfidie ; j'ai prononcé le serment de vous aimer toujours; mais igno- rez-vous qu'il est frivole et que mon cœur volage en a perdu le souvenir; vous, que j'appelais quelque temps mon fils, sachez que je me trompais en vous accordant ce titre, et c'est encore les lois qui m'ont révélé mon erreur. » Qui tiendra ce langage horrible ? Un homme fatigué de ses pre- miers nœuds, qui, dans le coupable désir de les rompre, se précipitera vers notre église, la souillera par l'imposture, n'aura d'autre zèle que son incontinence et n'offrira à notre religion qu'une foi mercenaire, avec toutes les scélératesses d'une âme corrompue. Qu'on ne m'interrompe pas pour me dire que je cherche à vous effrayer par des dangers chi- mériques ! Faut-il répéter que tous les tribunaux ont retenti des réclamations scandaleuses de ces hommes audacieux, qui nous forçaient à croire leurs abjurations sincères et à briser des liens qui ne leur convenaient plus ? Quel déborde- ment hideux dans les mœurs, si nous ne cessons point de les accueillir ! Tous ces mariages dissous aussitôt que for- més, les promesses rendues incertaines, l'existence devenue précaire, des enfants sans noms et sans états, des mères déshonorées, la débauche impunie, la vertu opprimée, les successions bouleversées, l'ordre des familles interrompu, tous ces désordres inouïs se propageant, s'affermissant dans

3io [778-1791. une classe nombreuse d'hommes, qui, la plupart, abuseront de la complaisance fatale de nos lois et seront plus odieuse- ment criminels que les scélérats qui pourrissent dans. nos cachots ". »

L'avocat général de Sayve opina dans le même sens que Savoye, et le parlement, par son arrêt du 16 février 1778, maintint le testament de Claude Ytier et condamna sa partie adverse aux dépens. L'éloquent plaidoyer de Savoye avait produit une impression profonde sur le parlement, et le public le jugea si remarquable qu'il ne voulut point croire que cet avocat, qui était fort jeune, en fût l'auteur. Il justifia depuis sa réputation naissante 2.

A dater de cette époque le parlement de Grenoble se montra de plus en plus tolérant, et, à la veille de la Révo- lution, nous le voyons rendre un arrêt permettant aux « non catholiques » du Villard-Saint-Pancrace en Briançonnais de faire l'acquisition d'un terrain pour servir à leurs inhuma- tions 3.

Tasteurs du Dauphiné à la fin du XVIIIe siècle et leurs destinées.

Le nombre des pasteurs du Dauphiné s'accrut beaucoup à la fin du XVIIIe siècle, à cause des progrès toujours crois- sants de la tolérance. En 1777, on l'a vu plus haut, ils étaient douze; en 179 1 , à la veille de la Terreur, qui amena la suppression momentanée de tous les cultes, ils étaient

(1) Recueil intéressant de plaidoyers dans la cause d'une femme protes- tante; Genève, 1778, in-8°; p. 239-242.

(2) Voy. Rochas, Biogr. du Dauphiné , à ce nom.

(3) Arch. dép. de l'Isère, B. 1981 (Inventaire).

3u

vingt-cinq. Nous donnons ici leurs noms, selon Tordre des 1778-1791. temps , en faisant également connaître leurs destinées ulté- rieures *.

1. Pierre Ro^an (dit Dunoyer ou Desnoyers, puis La Place), consacré en Dauphiné en 1744, le seul des pasteurs de la fin du XVIIIe siècle qui eût connu les mauvais jours de 1745 et 1746 et les deux martyrs Ranc et Roger. Il mourut vers 1795 à Bourdeaux, en gémissant sur les nou- velles persécutions que les cultes eurent à subir pendant les orages de la Révolution. Rozan avait de l'intelligence et du jugement et prêchait avec beaucoup de simplicité. Peu de pasteurs déployèrent autant de zèle et d'activité que lui , et l'histoire rapporte que dans une seule nuit il bénit 40 ma- riages et baptisa 90 enfants. En 17 70 le chiffre de ses baptêmes et de ses mariages s'élève déjà, d'après ses propres registres, conservés à la mairie de Bourdeaux, à 5,075. Il ne cessa ses fonctions que lorsque les infirmités ne lui permirent plus de les remplir. Il était devenu sourd et aveugle. Pendant long- temps son champ d'action s'étendit atout le Dauphiné-, mais, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, il desservit spécialement les quartiers de Bourdeaux et de Dieulefit, et en dernier lieu celui de Bourdeaux seulement. Pendant la Révolution (1790), il fit partie du conseil général de cette commune comme notable et contribua pour la somme de 200 francs à la sous- cription patriotique décrétée le 6 octobre 1789 par l'Assem- blée nationale.

2. François Desconrs le père (dit Delacour ou Lacour), à Chalancon en Vivarais et consacré dans cette province

(1) Si l'on ajoute à cette liste les noms des pasteurs Jacques Roger (1708- 1745), Paul Faure (1720-1747), Etienne Rolland (1729- 1747), Daniel Vouland (1734-1754) et Louis Ranc (1736-1745), dont il a été question dans le cours du volume, on aura la liste complète des pasteurs du Dauphiné pendant la période du désert.

3l2

1778-1791. en 1749, desservit exclusivement, à partir de 1774, le quartier de Bourdeaux. Il habitait habituellement aux Tonils, au pied de la montagne de Couspeau , et, lorsqu'il redoutait quelque danger, il se réfugiait à la ferme du Bru- chet, située non loin de là, d'où Ton dominait tous les alen- tours. Sur la fin de sa vie, alors que les infirmités lui inter- dirent l'exercice de ses fonctions, il touchait une pension des églises du Dauphiné. Il mourut après 1784. Descours avait une capacité médiocre. Il étudia deux ans au séminaire de Lausanne sans faire de grands progrès, quoiqu'il fût très-appliqué. Il était marié à Jeanne-Elisabeth Morin, de Poyols.

3. Alexandre Ranc l le père (dit Lacombe), frère du martyr, à Ajoux en Vivarais et consacré dans cette pro- vince en 1752, exerça son ministère pendant un demi-siècle. Un grand nombre de protestants du Dauphiné l'appelaient notre parrain, parce qu'il les avait tous baptisés. Lors- que le nombre des pasteurs se fut accru dans la province, il desservit le quartier de la Plaine, c'est-à-dire les églises s' étendant du Pont-en-Royans à Saint-Paul-trois-Châteaux, et à partir de 1775 le quartier de Beaufort, y compris Crest et Aouste. Il mourut probablement en 1792. Ranc était in- telligent, mais il avait fait ses études avec peu d'application et s'était surtout occupé de musique sacrée pendant qu'il était au séminaire de Lausanne. Il existe au greffe du tri- bunal civil de Valence 2 5 registres de ses baptêmes et mariages, qui vont de 1752 à 1792.

4. Jean Béranger (dit Colombe), aux Férands, com- mune de Barcelonne, et consacré en Dauphiné en 1758, fut placé dès le début de son ministère dans le quartier du Trièves par le synode provincial et ne le quitta plus. Peu

(1) Vers la fin de son ministère il signait Rang.

3i3 de ministres coururent autant de dangers que lui. Nous 1778-1791. avons raconté plusieurs de ses aventures; en voici deux autres : « Le pasteur Béranger, dit André Blanc ', arrivant fatigué dans une ferme isolée du bas Dauphiné, rencontra sur la porte un enfant d'une dizaine d'années et lui dit : Mon petit ami , est-ce qu'il y a des étrangers dans la maison ? Non, Monsieur. Est-ce que ton père y est ? Non. est-il? Il est allé chercher les gendarmes, parce que le ministre doit venir loger chez nous ce soir. » Dans une autre circonstance, Béranger fut préservé de la maréchaussée d'une façon plus remarquable encore. Se trouvant dans une maison envahie tout à coup par elle, le maître du logis n'eut que le temps de le cacher dans son pétrin. Les gendarmes, l'ayant cherché dans tous les appartements, finirent par se mettre à table autour de ce meuble, sans se douter qu'il renfermait celui qu'ils venaient arrêter. Béranger était un esprit distingué, possédait une mémoire admirable et jouis- sait de beaucoup de considération auprès de ses coreligion- naires. Avec Rozan, Ranc et Lombard- Lachaux, il présida souvent les synodes de la province. Après la réorganisation des cultes , il fut nommé pasteur à Mens par le consistoire de cette ville, le i5 brumaire an XII (7 nov. i8o3). Démis- sionnaire en 1806, il se rendit à Paris auprès de son fils, le comte Béranger, conseiller d'État -, mais, n'ayant pu s'ha- bituer au bruit de la grande ville, il revint à Mens, il mourut en 1 8 1 3 , dans un âge fort avancé.

5. Gaspard Marcel (dit Ollivier), àCrupies et consacré au saint ministère en 1758, fut d'abord placé dans le quar- tier de Châtillon ; mais, vers 1777, le synode provincial lui assigna le quartier plus facile à desservir de la Plaine. Il avait fixé sa résidence à La Baume-Cornillane , il mourut aux environs de 1793.

(1) Statistique. Lettres à Lucie, p. i3.

3 14 ' I778-I791- 6. Pierre Lombard (dit Lombard de Lachaux, puis Lombard- Lachaux), à Beaufort le 4 juin 1744, avait fait ses premières études pour être prêtre. S1étant converti au protestantisme, il passa plusieurs années au séminaire de Lausanne, revint en Dauphiné vers 1772 et fut placé par le synode de la province à Nyons, d'où il rayonnait jusqu'à Orange. En 1786 il accepta vocation de l'église d'Orléans , il embrassa les idées de la Révolution, fut nommé en 1792 maire de la ville, en récompense de sa belle conduite, puis envoyé comme député à la Convention , il vota non sur la question : « Le jugement qui sera rendu sur Louis sera-t-il soumis à la ratification du peuple, réuni dans ses assemblées primaires Le 20 brumaire an II (10 novemb. 1793), il déposa à la tribune sa charge de pasteur. « J'ai été ministre protestant, dit-il, pendant dix-sept ans. Lors- que je fus député à la Convention nationale, je renonçai aux fonctions de prêtre-, aujourd'hui je renouvelle ma décla- ration d'une manière plus solennelle. Je n'ai jamais prêché que l'amour de la liberté , de l'égalité et de mes semblables. Mon unique désir est de continuer à concourir de cette ma- nière au bien des sans-culottes. » (On applaudit) '. Après la Convention (n'ayant pas été réélu à la Législative), il fut successivement commissaire du Directoire et fournisseur des hôpitaux de la République. Éclairé peu à peu par l'expé- rience, il revint à ses premiers sentiments et reprit ses an- ciennes fonctions de pasteur en acceptant le poste de Crest , il fut nommé par le consistoire de cette ville le 3o vendé- miaire an XI (22 octobre 1802). Delacroix, qui l'avait connu personnellement, dit 2 qu'il a possédait l'éloquence de la

(1) Réimpression de l'ancien Moniteur; Paris, 1857; t. xvm, p. 377.

(2) Statistique du département de la Drôme, p. 429; Voyez aussi la Notice consacrée à Lombard-Lachaux dans le Journal de la Drôme du 26 août 1807 et reproduite dans VAlmanach des protestants de l'empire fran- çais pour l'an de grâce 18 10, p. io3.

3i5 chaire à un degré très-remarquable ». Lombard -Lachaux 1778-1791. fonda à Grest une « école secondaire », qui acquit bientôt une grande réputation et eut des élèves non- seulement de la Drôme, mais encore de l'Ardèehe, de Vaucluse et du Gard. Il mourut le i5 août 1807. Les registres du consis- toire de Crest lui rendent le meilleur témoignage. « Il a desservi, disent-ils, l'église chef-lieu pendant cinq ans avec un zèle pur et éclairé ; il a déployé dans sa prédication les talents qui l'ont fait connaître si avantageusement à Nyons et à Orléans, et qui lui ont donné la réputation d'orateur distingué -, il a fait preuve d'une charité vraie et étendue dans ses visites aux malades et aux affligés -, il s'est constamment montré officieux pour tout le monde. Tous ceux qui ont eu besoin de son crédit auprès des autorités supérieures de l'Etat ne l'ont jamais demandé en vain, et à cet égard il n'a jamais fait acception de personne, de rang, de fortune, d'opinion, et toujours avec le même désintéres- sement. Enfin, son esprit conciliateur a ramené la paix et la tranquillité dans une multitude de familles *. » Lombard - Lachaux a écrit une dédicace en tête des Sermons d'E. L. Reybaz (Paris, an X), son ami, ci-devant représentant de la République de Genève près la République française. Il signe : « Ministre du saint Evangile, ex-député et membre du lycée des arts. » C'est tout ce que nous avons retrouvé de lui.

7. C. Reboul (dit Reboul-Duvivier), à Saint-Étienne- en-Quint, pasteur des quartiers de Beaufort et de Quint, puis, à partir de 1 777, de Quint seulement, avec les annexes de Montmaur, Barnave, etc. Il fut nommé pasteur titulaire à Saint- Julien-en-Quint après la réorganisation des cultes. Il est mort en 1825 et était marié à M.1Ie Adélaïde Bonnet de Beaumont.

(1) Registre des délib. du consist. de l'égl. réform. de Crest, N.° 1.

3i6

1778-1791. 8. Michel-André Grangeron (dit Dusserre), consacré à Lausanne en 1772 , desservait en 1773 l'église de Valdrôme et ses annexes, et visitait de temps à autre Trescléoux, Serres et Orpierre, qui comptaient beaucoup de protestants. En 1777 le synode provincial lui assigna le quartier de Châ- tillon, avec les annexes de Menglon, Poyols, Aix, etc. Il résidait habituellement à Perdyer, sur la commune de Men- glon, et fut nommé pasteur titulaire de Châtillon à l'époque de la réorganisation des cultes. îl est mort à un âge avancé.

9. Paul Serre , proposant à la date du 29 juin 1772 et se disposant à cette époque à aller poursuivre ses études au séminaire de Lausanne , recevait des anciens des églises de Vercheny, Barsac, Aurel et Pontaix un certificat attestant « qu'il n'y a rien eu dans sa prédication , disent-ils, de con- traire à la saine doctrine de Jésus-Christ, qui s'enseigne dans nos églises ». Le synode provincial de 1772, jugeant sans doute l'instruction de Serre suffisante, le chargea de rédiger un mémoire sur les devoirs des anciens, qui fut lu au synode de l'année suivante (i5 sept. 1773). La compagnie, satisfaite de ce travail, confia à Serre la desserte des églises d'Or- pierre, Trescléoux et Lagrand, dont les anciens deman- dèrent au synode de 1774 d'autoriser le jeune proposant à demeurer au milieu d'eux et de prier Grangeron, pasteur à Valdrôme, de venir leur administrer les sacrements de trois mois en trois mois. Il paraît résulter de que Serre n'alla pas à Lausanne, du moins pour le moment. Il reste de lui les manuscrits suivants : Vingt - un sermons , un Abrégé des devoirs des anciens (19 pages) et une Consola- tion pour un malade Im

10. Vonland le fils (dit Roche) desservit d'abord le Vi va- rais, puis Orange en 1772 , alors qu'on lui assigna le quar-

(1) Arch. de MM. J. Sagnier fils et Gi0, de Nîmes.

- 3i7- tier de la Plaine, pour y remplacer Armand, que le synode 1778-1791, provincial venait de prêter au Vivarais pour un an. En 1774 il eut à desservir le quartier de Beaufort, plus Crest, Mon- télimar et Saint-Paul-trois-Châteaux. En 1775 il reçut un congé définitif du synode provincial et accepta vocation de Téglise de Marseille. Il essaya en 1779 de rentrer au service des églises du Dauphiné par l'intermédiaire du synode du Vivarais (12 mai), qui se refusa à le servir *. Alla-t-il à cette époque à La Rochelle ? C'est ce que nous serions porté à croire, attendu que cette église avait un pasteur du nom de Voulait en 1780 2. Quoi qu'il en soit, il exerçait de nouveau son ministère en Dauphiné dans les dernières années du XVIIIe siècle et fut recueilli sur la fin de ses jours par une personne pieuse des environs de Valence. Vouland était un homme d'infiniment d'esprit et un bon prédicateur mais il avait l'humeur inquiète et manquait de tenue. Il poussait d'ailleurs le désintéressement jusqu'aux dernières limites.

1 1. Daniel Armand , en 1745, fut placé en 1773 par le synode provincial dans le quartier de la Drôme, qui com- prenait les églises de Saillans, Sainte-Croix, Aucelon, etc. C'était un prédicateur distingué. A l'époque de la Révolution il renonça au saint ministère, fut nommé commissaire des vivres à Valence et s'occupa beaucoup d'agriculture. Vers 179 1 il publia des Notes sur l'éducation des vers à soie, que nous n'avons pu retrouver, et, après de nouvelles et longues observations, un Traité sur les vers à soie, Nyons, 1828, 102 pages in-12. Il a laissé en manuscrit un Mémoire sur la nécessité de favoriser la multiplication des oiseaux à bec fin, et Quelques documents depuis la révocation de ledit de Nantes sur l'état pénible des chrétiens évangé-

(1) Recueil des actes des syn. de la prov. du Vivarais (Mns.).

(2) L. Delmas, L'église de La Rochelle, p. 443.

3i8

1778-1791. Uques du Dauphinê l. Nous avons utilisé ce dernier travail. Armand, sous le Consulat, fut nommé juge de paix du canton de Nyons. La Restauration le révoqua après 181 5. Il mourut en i83i. Il est le père d'Armand-Delille (1784- 181 5), pasteur de Valence et de Nîmes, mort jeune et ora- teur distingué. Nous sommes disposé à croire que le discours suivant a été composé par Armand, qui Pavait vraisembla- blement prononcé à Nyons après redit de 1787 : Discours sur les devoirs que nous devons au roi et aux magistrats qui le représentent , prononcé dans le bas Dauphinê , 1787, 22 p. in- 12. L'orateur, s'adressant à Louis XVI, s'écrie : « Grand prince,... c'est dans vos mains que réside toute la puissance royale; vous avez sur notre existence civile une autorité souveraine et un pouvoir absolu. Illustre maison de Bourbon, que les liaisons du sang unissent à notre mo- narque, vous êtes aussi nos souverains légitimes-, nous reconnaissons votre autorité sur nos personnes et l'obliga- tion où nous sommes de vous obéir. » Le prédicateur mar- que ensuite les limites de l'obéissance due au souverain légitime : « Il ne doit pas être obéi, dit-il, lorsqu'il demande de ses sujets des choses injustes et qui sont en opposition avec les devoirs sacrés et inviolables que tout vrai chrétien doit remplir envers son Dieu. Le Roi des rois veut régner seul sur nos cœurs et a seul droit sur nos âmes*, le souve- rain qui veut régler à son gré les sentiments de ses sujets et forcer leur conscience, les oblige à lui être rebelles, et, malgré leur soumission filiale, il les contraint d'enfreindre ses ordres, dont ils croient fermement que l'exécution les rendrait coupables aux yeux de Dieu. Mais en désobéissant nous devons respecter la main qui nous frappe..., souffrir la mort même sans nous rebeller contre celui qui nous

(1) Arch. de M. Vallentin, à Montélimar.

3ig

y condamne Mais, grâces à Dieu , cette restriction 1778-179 I-

devient inutile -, les tortures ont fait place à la tolérance ; le fanatisme furieux a fui devant une philosophie douce et chrétienne; la sagesse, la clémence, la bonté de notre illustre monarque semblent nous assurer la paix religieuse et bannir nos craintes sur la triste nécessité de désobéir aux ordres civils pour suivre le dictamen de nos consciences et obéir aux ordres de Dieu ! »

12. François Reboul (dit Reboul-Chanron), frère puîné de Reboul-Duvivier, en 1744 à Saint- Étienne-en-Quint et consacré en 1775, fut nommé à cette dernière date pas- teur du quartier de La Motte-Chalancon et garda ce poste jusqu'à Tépoque de la réorganisation des cultes, alors qu'il y fut confirmé par le Gouvernement. Il mourut en 1829, à l'âge de 85 ans.

i3. Jean- Alexandre Ranc le fils fut nommé suffragant ou adjoint de son père en 1775 dans le quartier de Beau- fort. En 1783 il semble qu'il n'était déjà plus en Dauphiné, et passa, croyons-nous, au service de l'église de La Ro- chelle. Quoi qu'il en soit, il y était le 12 brumaire an II (2 nov. 1795) et mourut dans cette dernière ville, le 24 sep- tembre 1824, président du consistoire. Les registres de ce corps lui rendent un excellent témoignage. « Les vertus reli- gieuses de M. Ranc, disent-ils, et ses talents comme pas- teur lui avaient mérité l'estime des fidèles confiés à sa di- rection. Les églises pleureront longtemps un pasteur aussi respectable \ »

14. Jean-François Descours le fils, en 1758 et con- sacré à Lausanne en 1779, avait été adjoint à son père comme proposant en 1775. Il lui succéda à Bourdeaux vers 1785 et fut confirmé dans ce poste par l'État le 20 frimaire an XII

(1) L. Delmas, L'église de La Rochelle , p. 443.

320

1778-1791- (12 déc. i8o3). Napoléon lui confia de plus les fonctions de juge de paix, qui lui furent retirées par le Gouvernement de la Restauration. Il est mort le 3 janvier 1840. Il avait rempli les fonctions de maire à Bourdeaux en 1791 et 1792, et, le 25 pluviôse an II (i3 févr. 1794), il eut la faiblesse de faire « abdication de sa qualité et fonction de ministre du culte protestant », tandis que le curé renonçait, de son côté, à celle de prêtre, entre les mains de la municipalité de Bour- deaux. Étaient « présents : Larivière, maire; Vigne, Ar- naud, Marcel, Tavan, officiers municipaux ». Descours fils était marié à Jeanne-Marie-Thérèse Vigne, de Bourdeaux.

i5. Frédéric-David Bertrand, natif de Nyons, desservait en 1775 les églises d'Orange, Saint-Paul-trois-Châteaux et Montélimar. Quelques années après il était à Valdrôme (1777 et 1778); en 1783 à Nyons, et de 1784 à 1793 à Orange. A l'époque de la réorganisation des cultes il devint pasteur titulaire de Trescléoux et Orpierre, il était en- core en 18 18. Quelques années après il tomba dans l'enfance et se retira à Nyons, il mourut peu d'années après.

16. Jean- Abraham Chiron (dit Chiron de Ghâteauneuf, ou de Ghâteauneuf tout court), natif de Genève, était fils d'Etienne Chiron, maître d'histoire et de géographie et ca- téchiste dans cette ville, dont le père, Abraham, fils de Moïse et à Ghâteauneuf-d' Isère en Dauphiné, avait ob- tenu, le 16 novembre 1706, des seigneurs syndics et conseil de la république de Genève l'autorisation de s'établir dans cette dernière ville, il exerçait le métier de tondeur de draps et friseur. ;Jean- Abraham Chiron, qui étudia la théo- logie, fut consacré au saint ministère en 1768 dans la cathé- drale de Saint-Pierre, à Genève, après avoir été pendant quelques années professeur à Rolle, puis remplit diverses suffragances en Suisse et accepta en 1773 le poste de pasteur à Annonay, il fonda une pension de jeunes gens. En 1778 il s'adjoignit l'église de Roybon en Dauphiné, qu'il visita à

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cette date pour la première fois. Ayant été l'objet de diverses 1778-1791. vexations de la part des catholiques d'Annonay, au point d'être pris à coups de pierres dans les rues, il accepta en 1787 le poste de Beaumont près Valence, il exerça les fonctions de maire à l'époque de la Révolution. Il y mourut regretté de tous le 18 mai 1812. Chiron était un homme instruit, sensé et laborieux. Il a laissé plusieurs centaines de Sermons manuscrits et un catéchisme, devenu fort rare, dont le titre suit : Nouveau formulaire pour recevoir les catéchumènes à la sainte cène; Valence, J.-J. Viret, l'an VII républicain, 46 p. in-8°.

17. Constantin Claudel , qui paraît être dans le Vi va- rais, exerça son ministère en 1777 et 1778 dans le quar- tier de Valdrôme , puis dans les églises d'Orange , Saint- Paul-trois-Châteaux et Montélimar de 1779 à 1784. Nous ne savons ce qu'il devint après la Révolution.

18. L. -Antoine Fine (dit d'Alizet), à Molines en Queyras en 1745 et consacré à Lausanne en 1779, semble avoir desservi Poyols et ses annexes dès 1 783 ^ il fut du moins confirmé dans ce poste par l'État après la réorgani- sation des cultes. Il est mort à un âge avancé.

19. Louis Reboul, frère cadet de Reboul-Duvivier et de Reboul-Chanron , à Saint- Etienne-en-Quint et consacré à Lausanne en 1779, avait en 1780 un poste dont nous n'avons pu découvrir le nom. Il mourut pasteur à Pontaix, le 19 août 1802 , à la fleur de l'âge.

20. Sabatier de La Bâtie, natif du Vivarais, exerça d'abord les fonctions de pasteur à Sedan dans les Ardennes, il était en 1781, puis il offrit ses services au synode du Dauphiné, qui les accepta avec reconnaissance. En 1783 on lui assigna le quartier de la Plaine, qu'il dut desservir de concert avec Marcel , dit Ollivier, qui était déjà âgé. Il

21 s

322

I778-I791- mourut pasteur à Valence en 1801, à l'âge de 46 ans. C'était un excellent prédicateur I.

21. Jean Morel , en 1765 à Arvieux en Queyras, élève de Reboul-Chanron et consacré à Lausanne en 1784, exerça d'abord son ministère à Valdrôme. Pendant les orages de la Révolution, qui entraînèrent la suppression momen- tanée de tous les cultes, il entra dans l'armée et parvint jusqu'au grade de capitaine. Bientôt démissionnaire, il se voua au commerce et reprit ses fonctions de pasteur à Val- drôme après la Révolution. Appelé à desservir l'église de Mens par le consistoire de cette ville, le i5 prairial an XI (4 juin i8o3), il donna sa démission à la fin de i8i3 et re- tourna à Valdrôme, il demeura comme pasteur jusqu'en 1829. A cette époque il se retira dans son domaine La Villette, près Mens, et y vécut encore dix ans. Morel fut emprisonné à Gap pendant six mois sous la Terreur.

22. Claude- Jean Lombard , à Valdrôme ou dans les environs et consacré à Lausanne en 1786, desservit d'abord l'église de Nyons et ses annexes (Venterol, Aubres, Ghà- teauneuf et Sainte-Euphémie), avec un traitement de 600 1. Succédant à Lombard-Lachaux, qui avait des dons remar- quables pour la chaire, il eut à souffrir de la comparaison. Un certain nombre de ses ouailles se plaignirent à Lausanne de ce que Lombard n'était pas doué de talents supérieurs et n'avait ni l'esprit, ni l'usage du monde, nécessaires, selon eux, dans une église composée de gens de robe, de militaires distingués et généralement de personnes riches. Le comité de Lausanne dut adresser à ce sujet une lettre pastorale à l'église, qu'il renouvela plus tard, après avoir reçu un mé- moire de la part des mécontents. Il lui exprimait sa douleur

(1) Ne pas le confondre avec son frère Pierre, pasteur à Lyon et mort également jeune.

323 de ce qu'elle n'estimait point comme il le méritait un pas- I778-I791' teur remarquable par son zèle, sa conduite, son assiduité à ses devoirs , et il condamnait vivement une cabale destinée à désunir l'église. Les cinq ou six familles qui avaient formé le schisme persistèrent dans leur opposition et s'adressèrent à Genève pour obtenir un autre pasteur, qui leur fut refusé. Lombard quitta Nyons en 1 791 et s'établit à Vinsobres, il exerça les doubles fonctions de pasteur et de juge de paix. Il desservait en même temps l'église d'Orange. Vinsobres était alors chef-lieu de canton. Il mourut en chaire le 21 avril 18 10, à l'âge de 48 ans.

23. Pierre Maarin, consacré à Lausanne le 5 octobre 1791 ', succéda à Claude- Jean Lombard. Le consistoire de Nyons lui adressa vocation le 4 mars 1 792 et lui assura un traitement de 800 livres, en même temps que la commune lui confiait les fonctions de secrétaire municipal. La signa- ture de ce pasteur est au bas d'une délibération du consis- toire du 26 frimaire an II (16 déc. 1793), par laquelle « le consistoire et les adjoints, assemblés aux formes ordinaires et animés par des principes vraiment républicains » , font hommage à la Nation des coupes de communion en argent de l'église de Nyons. Dès le 25 germinal an II (12 avril 1794) Maurin ne signe plus les registres ; mais nous savons d'autre part qu'il reprit son poste après les jours néfastes de la Révolution et y fut confirmé par le Gouvernement en l'an XI (i8o3). En [817 il quitta Nyons et fut nommé à Ghâtillon , il succomba à une attaque d'apoplexie le 29 juillet i832. Maurin n'était pas dénué de talent comme pré- dicateur.

24. Louis Borrel desservit l'église de Dieulefit après le

(1) Voy. aux Pièces justificatives, N.° IX, son acte de consécration, le seul document de ce genre que nous ayons rencontré.

324 I778-I791* vénérable Rozan aux environs de 1784. Il fut confirmé dans ce poste par le Gouvernement en Tan XI (i8o3), peu après la réorganisation des cultes, et remplit également les fonc- tions de juge de paix, dont il fut dépossédé par les Bour- bons en 1816. Il avait été nommé à ces fonctions en Tan VI (1798). Il est mort en 1824.

25. Gourjon , fils d'un ouvrier en soie de ce nom, de Salles, établi à Bourdeaux en 1779, et natif lui-même de Salles, fit ses études avec succès au séminaire de Lau- sanne et fut pasteur àCrupies et aux Tonilsde 1786 à 1787. C'était un prédicateur de talent. Nous n'avons pu découvrir ce qu'il devint par la suite. Il a publié, assure-t-on, un volume de sermons.

Reconnaissance du principe de la liberté

de conscience et de culte par l'Assemblée

nationale.

Cette augmentation considérable du nombre des pasteurs dauphinois est un indice de la large tolérance dont jouis- saient les protestants français dans le dernier quart du XVIIIe siècle. Cependant aucune des anciennes lois n'avait été abrogée, et ils étaient encore privés d'état civil. D'après la teneur des édits, leurs mariages étaient frappés de nullité et leurs enfants illégitimes. Louis XVI, vaincu par les ins- tances du baron de Breteuil, ministre de sa maison, de Rulhières, de Malesherbes et du général Lafayette, qui revenait d'Amérique, il avait vu comment les protestants savent fonder les républiques, signa enfin l'édit de tolérance de 1787, qui accordait un état civil aux protestants. C'était peu, sans doute, car cet édit ne concédait aux dissidents que le droit de vivre, et le roi avait soin de dire, dans Par-

325

ticle 1er : « La religion catholique, apostolique et romaine 1778-1701, continuera de jouir seule dans notre royaume du culte public. » Les protestants n'en ressentirent pas moins une grande joie et virent dans redit de tolérance le gage de l'avènement prochain de la liberté de conscience et de culte.

Mais, comme si la vieille monarchie était fatalement con- damnée à l'impuissance, et que Dieu ne voulût point lui laisser la gloire d'accomplir la plus grande réforme des temps modernes, Louis XVI, le petit-fils de Fauteur des dragonnades et de la révocation de l'édit de Nantes, ne rendit pas aux protestants français la liberté à laquelle ils étaient en droit de prétendre comme hommes , comme chré- tiens et comme Français. Cet honneur fut réservé à l'Assem- blée nationale, qui, les 21 et 2 3 août 1789, proclama, dans sa déclaration des droits de l'homme, les principes sui- vants :

« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux , sont également admis- sibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents (art. vi).

» Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même reli- gieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble point l'ordre public établi par la loi » (art. x) l.

Ce dernier article, qui donnait indirectement au pouvoir civil le droit de supprimer l'exercice d'un culte, avait été d'abord rédigé comme suit : « Nul homme ne doit être in-

(1) J.-P. Rabaut, Précis historique de la Révolution française , 2e édition; Paris et Strasbourg, p. 5 et 6.

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I778-I791- quiété pour ses opinions religieuses, ni troublé dans l'exer- cice de sa religion; » mais, sur les représentations malen- contreuses d'un curé, il fut modifié comme dessus.

Le 24 décembre 1789, l'Assemblée déclara les non catho- liques aptes à remplir toutes les fonctions civiles , politiques et militaires. Le i3 avril 1790, après les discours de Lameth et de Mirabeau, elle passa à Tordre du jour sur la motion suivante du Chartreux Dom Guérie : « La religion catho- lique, apostolique et romaine est et demeurera toujours la religion de la Nation , et son culte sera le seul public et au- torisé. » Continuant son œuvre réparatrice, elle ordonna, le 10 juillet de la même année, la restitution «des biens des religionnaires fugitifs. Enfin, la constitution du 3 septembre 1791 proclama en ces termes la liberté la plus complète des cultes : « La constitution garantit... la liberté à tout hom- me... d'exercer le culte religieux auquel il est attaché l. »

Un pasteur du Vivarais , P. Astier, qui prêchait souvent dans le Dauphiné, publia à Valence, à cette occasion, deux remarquables discours, intitulés, le premier : La France s élevant par la justice, le second : La vocation et les de- voirs des pasteurs 2. « La Révolution à jamais mémorable, dit l'orateur, qui illustre actuellement notre chère patrie ; ces éclats de lumière qui y brillent de toute part; ce que nous avons encore à espérer d'une Assemblée dont les tra- vaux méritent si bien l'admiration de tous les peuples; tout cela doit nous porter à méditer : sur les vrais principes d'une grandeur nationale, 20 et sur ce que chaque particulier doit faire pour y maintenir sa nation lorsqu'elle a eu le bon- heur de les trouver. »

(1) J.-P. Rabaut, Précis historique de la Révolution française , 2e édition ; Paris et Strasbourg, p. 10 et 11.

(2) Discours intéressant sur la nouvelle constitution en France et la reli- gion, etc. A Valence, chez P. Aurel, imprimeur-libraire, 46 p. in»8°.

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Après avoir montré que la justice élève une nation en lui 1778-179: assurant la liberté, le prédicateur s'écrie : « Cette douce liberté, désirée depuis si longtemps, nous avons le bonheur de la voir maintenant s'établir parmi nous. La nation fran- çaise, justement admirée par les éclats de lumière et de sagesse qu'elle fait briller aux yeux de l'univers étonné, ne veut pas qu'il y ait dans son sein aucune sorte d'oppression : elle vient de déclarer expressément qu'elle permet à tous ses membres d'aspirer à tous les emplois dont ils peuvent être dignes. Elle veut qu'on secoue les liens de l'ignorance et qu'il y ait même des fonds destinés pour leur entretien et leur éducation, afin que chacun, selon l'ordre de saint Paul, puisse connaître la Parole de vérité et juger par elle de ce qu'on lui dit concernant son salut1. Elle reconnaît l'injustice qu'il y a à attaquer la conscience d'autrui et permet à cha- cun d'exercer librement le culte qu'il croit devoir rendre à Dieu -, tellement que cette même nation, autrefois altérée du sang des martyrs, va devenir l'asile des persécutés, la force des faibles et la consolation des malheureux- on dira en abordant ses contrées : O nation bienheureuse , peuple favo- risé , nos pieds s'arrêteront chez toi ! »

Plus de quatre - vingts ans se sont écoulés depuis que cette noble espérance a été exprimée , et la liberté religieuse n'est pas encore acclimatée en France. Les églises réformées ne peuvent ouvrir de nouveaux lieux de culte ou tenir des assemblées religieuses en dehors de leurs temples sans une autorisation préalable, qui, dans les départements en grande majorité catholiques, leur est le plus souvent refusée. On permet , il est vrai, aux anciens protestants de se réunir en public pour adorer Dieu selon leur conscience, encore faut-il que leur nombre ne soit pas trop restreint dans les lieux

(1) Col. m, 16; Act. xvia, 11.

328

1778- 1792- qu'ils habitent; mais les nouveaux protestants, sortis du catholicisme (et ils sont assez nombreux dans le nord de la France), ont à surmonter des obstacles fréquents, quelque- fois infranchissables, avant d'obtenir le droit de posséder des lieux de culte, des cimetières et des écoles. Le prosélytisme, en un mot, est interdit aux protestants français, et cette interdiction est assurément la négation de la liberté religieuse dans ce qu'elle a de plus essentiel et de plus sacré. Puissent nos législateurs le comprendre et, revenant aux saines doc- trines de la Révolution française , proclamer la plus entière liberté de croyance et de culte, sous la seule réserve de la reconnaissance des droits naturels de l'Etat et des exigences de la morale publique! La nation en sera honorée, et de nombreux citoyens n'auront plus à gémir sur l'oubli de l'un des droits qui peuvent leur être le moins contestés et leur tiennent le plus à cœur.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

N.° I. (Page 17, note 3, et page 25.)

Liste générale des protestants dauphinois

réfugiés à l'étranger depuis la révocation

de ïédit de Nantes.

I. REFUGIES DU BRANDEBOURG '.

(Liste dressée le 3i décembre 1698.)

"BERLIN.

Le sieur Louis Arnaud, marchand de la prov. de Dauphiné, sa femme et deux enfants.

Pierre Aimeras, chapelier, de Tribaux en Dauphiné, sa femme et deux enfans.

Le sieur Charles (ou Jean) Jourdan , marchand quincaillier,

(1) Mns. Dieterici. (Biblioth. de la Société de l'histoire du protestantisme français.)

33o

de La Motte Charançon en Dauphiné , sa femme et quatre enfans.

Le sieur Jacob Hugo, de Montelon, manufacturier de bas, sa femme, deux enfans et un apprentif.

Daniel Mayna , compagnon perruquier.

'BERLIN (quartier de Cologne).

Jean Roux , du Dauphiné, cordonnier, sa fe et sa fille.

La veuve de Mr Perouvas, advocat au parlement de Grenoble, et sa fille.

Le sieur Jean Jourdan, de La Motte en Dauphiné, sa femme et un garçon.

Le sr François Chyon , de Dye en Dauphiné , apothiquaire , sa fe, deux enfans et sa belle sœur.

Le s1' Jacques Piscis , de Montelimar, marchand , et sa sœur.

M1' Bouchet du Plaissia, gentilhomme du Dauphiné.

Demlle Anne Gros, de Die.

Pierre Garcin , mercier, de la Vall. du Pragelas.

François Boulette, de St Paul trois Châteaux en Dauphiné.

Pierre Barnouin , de Sahune en Dauphiné, tailleur, et sa fille.

Daniel Gau , émouleur, de Volvan en Dauphiné, sa fe, trois enfans et sa mère.

Dlle Marie Falque, de Grenoble.

Le s1' Jean Rouvière, de Valence en Dauphiné, facturier de bas, sa femme , sa mère et deux ouvriers.

David Gau, de Volvan en Dauphiné, marchand de tabac, sa femme et deux enfans.

Marie Jeanne Chaterine et Élizabeth Gourdant , sœurs , de Valence du Dauphiné.

Jean Lombard , de Die en Dauphiné , cardeur de laine , sa femme et deux enfans.

David Arnauld, de Vouvan en Dauphiné, cordonnier, sa fe, un enfant et un garçon.

33i

La dame veuve de Mr Hector de Bonneval , gentilhomme du Dauphiné, ses deux fils et une servante.

Le sr Charles Richer, mtre perruquier, de Montélimar, sa fe et trois enfans.

Anthoine Barnaud, du Dauphiné, tapissier, un enfant et un apprentif.

Jean Marat, du Dauphiné , cordonnier, sa fe, deux enfans et sa sœur.

Charles Couriol, ouvrier en bas, de Beaufort en Dauphiné.

Elie James, cardeur de laine, sa feme, un enfant, sa belle sœur et une fileuse (de Veine en Dauphiné).

Pierre Tardif, d'Espenelle, drapier (Dauphiné).

La femme d'Estienne Girard, de Montélimar, cabaretier, sa mère et un enfant.

Marc Sennebier, de Die en D., tailleur, et sa femme.

Le sr René Gerselat , de Grenoble, maître de langue, sa femme, trois enfans et sa belle mère.

Le s1' Alexandre Gontard , de Grenoble , marchand , la Demlle sa fe, trois enfans et une servante.

Michel Barnaud , facturier de bas , du Dauphiné , et sa femme.

Le sr Salomon Roux , du Dauphiné , tailleur, sa femme et trois apprentifs, et un jeune enf1.

Isaac Bouchet , de Montelon, jalonnier, trois enfans et son frère, aussi jalonnier.

Le sr Jacques Hugo , de Montelon , manufacturier de bas , et sa fe, deux enfans et un garçon.

'BERLIN (quartier de Cologne, bisj.

Estienne Naquin, chapelier, de Châtillon. Pierre Barnouile (en Dauphiné), tailleur. Jean Berthelot , porteur de chaize , sa femme et trois enfans (de Pragelas). Anthoine Bercaut , du Dauphiné. Demoiselle Marguerite Grumas , de Dauphiné. Pierre Bastié, de Grenoble, tanneur, et sa femme.

332

La veuve du sieur Mussel, du Dauphiné, et une nièce. Charles Abraham , estammier, de Livron en Dauphiné , sa fe et deux enfans. Jacques Girard , aprentif de bas, du Dauphiné.

'BERLIN (quartier de Friedrischstadt).

Mademelle de Montbrun et trois domestiques.

Anthoine Florac, peigneur, sa femme, de Valdrôme (Dau- phiné).

Bourguier, jardinier (d'Uzès), sa femme Jeanne Aurelle, de Dieulefit.

Mad110 Albert et la ve Gérard , de Montélimar et de Triefves en Dauphiné.

Le sieur Laurent Lattel , orfèvre , de Gap en Dauphiné , sa femme, de Sedan.

Paul Arnaud , le père , sa femme et deux compagnons. (Sa femme Marie Jeanne Arnaud , de La Motte en Dauphiné.)

Paul Cavallier, sa femme , quatre enfans et une servante , peigneur, de Valence en Dauphiné.

Jean Chaste , passementier, sa femme (de Paris), six enfants et un compagnon, de Die, Dauphiné.

Pierre Cordier, manouvrier, de Spenel en Dauphiné , sa femme Magdel. Rine, de Die en Dauphiné, et trois enfants.

David le Combe, march. de serges (des Cevennes), sa femme Jeanne Archimbault , de Monneaud, Dauphiné.

'BERLIN (quartier de Werder).

M. Bayle, ministre de la vallée de Pragelas.

La Demlle veuve de M1' Jacques Bayle, ministre, son fils, une nièce et une servante.

La Demoiselle fe du sr Mathieu Luya, de Grenoble, en con- dition.

Le sr Pierre Arthaud , de Grenoble , procureur et notaire im- périal.

333

Daniel Talon, porteur de chaize (ou faiseur de bas), du Dau- phiné , et sa femme.

Le s1- Charles Galbert , de Grenoble , dessineur, sa femme et trois enf.

André Lautier, peigneur de laine, de Valdrôme en Dauphiné, sa fe et un enfant.

Hugues Vezin , de Grenoble , cordonnier, sa femme , deux enfants.

Pierre Plinse, ouvrier en bas, de Nyon en Dauphiné.

La veuve d'Alexandre Chauvin , de la ville d'Àmbrun.

Françoise Anselle (veuve de Pierre Blanchet), de Dieulefit, et sa fille.

Alexandre Guillaume, Mtre de langue, deChastillon en Dau- phiné, sa femme et ses deux enfans.

Daniel Lombard, du Dauphiné, porteur de chaize.

Diane Livache, du Dauphiné.

La femme de Jean Roze, de Baisse en Dauphiné.

Le s1' Baltazar Régis, du Dauphiné.

Etienne Royer, peigneur de laine , de Die en Dauphiné.

Jean Dumien , du Dauphiné, garçon estaminier.

Antoine Bougnet, peigneur de laine, de Drevet en Dauphiné.

BERLIN (quartier de Neustadt ou Dorothée stadt).

La demoiselle épouse de s1' Jean Patonnier, officier de Bor- deaux en Dauphiné, et deux enfants.

Jean Baret, coupeur de bois, de Merindol, sa femme et sa fille (Dauphiné).

David Hérault , muletier, du Dauphiné.

Marie Baridon , du Dauphiné.

Ozée Morin, cardeur de laine, du Dauphiné, sa femme et quatre enfans.

Louis Reboul, estaminier, de Loriol en D., sa femme et sa fille.

La dame Ve de Noble Louis de Charon, capitaine, du Dau- phiné.

334 André Garsin , de Grenoble, menuisier, sa femme, sa fille et un compagnon.

Le sv Laurent Galbert , de Grenoble , apotiquaire , sa femme et deux enfants.

Jean Jeoffroy, de Missoire en Dauphiné, manœuvre, et sa femme.

Pierre Nival , cordonnier, du Dauphiné. François Molar, confiseur, de Roman en D., et sa femme. M1' Javin , ministre du Dauphiné, la delle sa femme et deux enfans.

Jaques Siège , de Dieulefit en Dauph., et sa femme. Barthélémy Carton, facturier de bas, du Dauphiné, sa femme et deux enfans. Jean Maurié, serger, d'Ost en Dauphiné. Antoine Rouza , du Dauphiné , et sa femme. La veuve Jaques Guyot , mtre maçon , de Pragelas , et son beau frère , aussi maçon.

La veuve de Jean Bernhard , de Pragelas, et son fils. Jean Chancel , mtre d'escolle , de Castillon en Dauphiné , sa femme et son fils.

Jean Louis Borrel, tisserand, de Die en Dauphiné, sa femme et sa fille.

Mr de Serre , ministre de cette église du Dauphiné , et la de- moiselle sa femme , un neveu et une servante.

La veuve de Paul Gondrin, marchand, de Mizoire en Dau- phiné.

Jaques Julien, manœuvre, de Chastillon en Dauphiné, sa femme et trois enfans.

David Gontier, drapier, de Die en D.

François L'hermite, tanneur, de Grenoble, sa femme et deux enfans.

La veuve de Pierre Monard, porteur de chaize, de Merindol, et son fils (Dauphiné).

Bastien André et sa femme , peigneur, et un enfant , de Beau- rières en D. André Breton , manœuvre, de Dieulefit , sa fe et deux enfans.

335

Jérémie Vial, facturier de bas, du Dauphiné, sa femme et trois compagnons.

Demlles Elisabeth, Jeanne Grégoire et Judith de Beaufort , filles nobles du Dauphiné.

Suzanne Bonjour, de L'Arbre, près de Grenoble.

La veuve de Salomon Roland , de Mens, et une fille.

Paul Blanc, manœuvre, de Cors en Dauphiné, sa fe et sa fille.

Françoise Janin , veuve, de Bressieu en Dauphiné.

Jaques Bouillet , maçon , de La Grave (ou Grenoble) en Dau- phiné, et sa fille.

Jean le Brun, peigneur de laine, de Beaumont en Dauphiné, et sa fe.

BERLIN (quartier de Neustadt).

Paul Salecru, faiseur de peignes, de Dieulefit en Dauphiné, sa femme et son fils.

Pierre Dorriol, facteur de bas et cloutier, de Lamure en Dauphiné , et sa fe.

La veuve d'Isaac Joures, de Venne en Dauphiné, et deux enfans.

Henri Latelle, de Gap, et sa fe.

La veuve Hierôme d'Olieure, du Dauphiné.

Christine Frau, du Dauphiné.

Pierre Mesin, de Die, sa fe et trois enfans.

La veuve de Claude Reviolle, de la vallée de Pragelas.

Alexandre Aurelle, du Dauphiné, vigneron, et sa femme.

La veuve de Pierre Chenevière, de Dauphiné.

Jean Bartelot , de Pragelas.

Jaques Pastre, faiseur de bas, du Dauph.

Salomon Fouquet (ou Friquet), de Pragelas, lapidaire.

Le s1' Pierre Alibert, marchand , de Grenoble, sa femme et sa fille.

Antoine Rosan (ou Roland), manœuvre, du Dauphiné, sa fe et un enfant.

336

La veuve Michelet , du Dauphiné.

Marguerite Mille, de Merindol (Dauph.).

Claude Gros, peigneur de laine, du Dauphiné, et sa femme.

Pierre Porret, peigneur, de St Etienne (en Quint) en Dau- phiné.

Claude Roussel, peigneur de laine, du Dauphiné.

François La Motte, du Dauphiné, faiseur d'aiguilles , et sa femme.

Magdelaine Bélanger, du Dauphiné.

Jaques Eponse, cordonnier, d'Ambrun en Dauphiné.

Paul Creux, faiseur de peignes, du Dauphiné, sa fe et quatre enfans.

Demoiselle Marie Brochier, de la ville de Grenoble.

Philippe Bernot, ouvrier en soye, du Dauphiné, sa fe et deux enfans.

Pierre Demasse, du Dauphiné.

Gaspard Coubet, de Grenoble.

Isaac André, cordonnier, de Châtillon en Dauphiné. Il y a aussi sa femme.

Henri Giraut, de Dauphiné, faiseur de bas.

Etienne Le Vieux, manœuvre, du Dauphiné, et sa femme.

Jeanne Miralier, fille, de Dauphiné.

Louis Trapenou , étaminier, de Montélimar.

Q4NGERMÙNDE.

Mr Pierre Pelorce, pasteur de ladite colonie, d'Elan en Dau- phiné, et une cousine.

Daniel (ou David) Escoffier, laboureur, de St Vincent en Dauphiné, sa femme et deux enfans.

Jean Salem, lecteur, de la vallée de Pragelas, et trois enfans.

'BUSCHOLTZ. Salomon Rey, du Dauphiné , sa femme et deux filles.

337 "BURG.

Simon Bérard, de Misoin en Dauphiné, sa fe et deux enfans.

Jean Coing, de Misoin en Dauphiné, sa femme, deux enfans et une nièce.

Théophile Ginier, de St Marcellin en Dauphiné, sa femme et trois enfans.

Jean Pelorce, cordonnier, de Clavan en Dauphiné, deux sœurs et une autre fille.

Daniel Delort, de Misoin en Dauph. , sa femme et deux enfans.

Daniel Gros, maçon, de Poujols en Dauph., sa femme et son fils.

Daniel Bérard, tisseran , de Misoin en Dauph., sa fe et trois enfans.

La veuve Bérard, belle mèredudit Daniel, de Misoin.

La veuve de Jean Bérard-Cotte , de Misoin en Dauph., et sa fille.

Marc Bérard, de Misoin, sa femme et un enfant.

Jacques de Coset (?), dudit Misoin, et sa femme.

Jean Garcin , de Beaumont en Dauphiné, sa femme et trois enf. et sa sœur.

Etienne de Baud, de Villeperdrix en Dauphiné, et sa femme.

Samuel Légat, de Lameure en Dauphiné, et sa femme.

Isaac Debaud, de Villeperdrix en Dauph., sa femme et quatre enfans.

Simon Horard, de Misoin en Dauphiné, et sa femme.

Laurens de Lorme, de Traverse en Dauphiné, sa femme et un enfant.

Jean Pelorce, de Misoin en Dauphiné, et sa femme.

La veuve de César de Lorme et son fils.

Jean Payan, de Bad.... en Dauph., sa femme et trois enfans.

Daniel Bonin, de la vallée de Pragelas.

Pierre Beauchet, de Poujols en la vallée de Pragelas.

David Bournat , de Marignac en Dauphiné.

22 3

338

Gédéon Blanchet, de Cézanne en Dauphiné, sa femme et deux enfans.

"BRANDEBOURG.

Antoine Doneirot , maître boutonnier, sa femme et trois en- fans (Dauph.).

Loïse et Marguerite Roland (Dauph.).

"BAILLIAGE DE CH AVINE.

à Grossen\itte.

M. Isaac Reboul, pasteur de Bois en Dauphiné, la demoiselle sa femme et sa sœur.

CLÈVES.

Jean Josserand, marchand, de Montélimar, sa P et deux enfans.

Moyse Coulorgne , peigneur de lain , du Dauphiné, sa f* et 4 enf.

CŒPENICK.

Jean Lagier, planteur de mûriers de S. Al. E., sa fe et deux enfans , de Val de Rome en Dauphiné.

Pierre Guirement et son fils, de Chasteaudoube en Dauphiné. Charles Gourde , de la ville de Valence en Dauphiné. Isaac Favier, sa femme et un enf., du Dauphiné. David Giérard, de Mens en Dauphiné.

FRANCFORT SUR L'ODER.

Jean Audon, du Dauphiné, maître perruquier, sa femme et deux filles.

'33g

Louis Touset (ou Jouset) , de Die , cordonnier, sa femme , deux filles et un apprentif.

Daniel Falipon, boutonnier, du Dauphiné, sa fe et deux enfans.

Demlle Constance Calvier, de Montélimar.

TUISBOURG.

Antoine Barnaud, perruquier, du Dauphiné, sa fe, deux en- fans et un garçon.

Marguette Thibaud et sa fille, du Dauphiné.

Jean Marcellot, chapellier, du Dauphiné, et sa femme.

Elisée Prin, manufacturier de bas, de Grenoble, et deux enfans.

EMMERICH.

Etienne Boulanger, de Montélimar.

Jacob Caulx, tailleur, de Die en Dauphiné, et deux garçons.

HALLE.

Julien Railhon, de Marignac en Dauphiné, drapier, sa fe et deux enfans.

Jean Railhon, de Marignac, drapier, sa femme et un enfant.

La veuve de Guillaume Pradié, de Dauphiné, et deux filles.

Le s1' Jean Batié (ou Bathie), de Mizoin en Dauph., sa femme, marchand , et quatre enfants et une servante.

Abel Arbalétrier, de Beaufort en Dauphiné, drapier, sa femme et quatre ouvriers.

Abraham Béranger, de Valence en Dauphiné, cardeur de laine , sa fe et un enfant.

André Cardeau , cardeur de laine , de Saillant en Dauphiné , sa fe et un enfant.

Pierre Luya, de Mains en Dauphiné, ouvrier en bas, et sa femme.

340

Matthieu Chautard , de Montélimar, drapier, sa fe et un en- fant.

Etienne Romanets, de Beaurepaire en Dauphiné, ouvrier en laine , sa fe et un enfant.

Le sr Hérard Dan, marchand gantier, de Grenoble, sa femme, un enfant et 2 domestiques (Dauphiné).

Le sr Jaques Richer, de Montélimar en Dauphiné, mtre per- ruquier, sa femme et quatre enfants.

Jean Antoine Bertrand , de Die en Dauphiné, cordonnier, sa femme et son enfant.

La veuve de Charles Dusserres, de Montélimar en Dauphiné, manœuvre, et un enfant.

Antoine Cherfys, de Saillans en Dauphiné, ouvrier de bas aux métiers , sa femme et une fille.

Dominique Bronzeau, de Die en Dauphiné, laboureur, et deux enfants.

Marie Archer, de Grenoble, et sa fille.

KAGER (annexe de Vittstok).

Jacob Le Roux, de la vallée de Quezen en Dauphiné, et sa femme.

Connexe de RHEINSBERG.

Demoiselle Judith de Beaufort, noble, de St Jean Déran en Dauphiné.

KŒNIGSBERG.

Pierre Roland, tailleur, de Pont à Royans en Dauphiné, sa fe et deux enfans.

Le s1' Jaques Gombaud (ou Goubaud), faiseur de ouates, de Varse, proche d'Ambrun en Dauphiné, sa fe et un enfant.

341

Le s1' Jaques Servant , faiseur de ouates , du susdit lieu , sa fe et un enfant.

La demoiselle veuve de JVT Ferrier, médecin, de la vallée de Pragelas en Dauphiné , et sa fille.

La femme de Jean Robert, boulangère, de Die en Dauphiné, et sa fille.

Le s1' Anthoine Berrard , peigneur de laine , de Romans en Dauphiné, sa femme, 4 enf. et 2 garçons.

Alexandre Piffard, faiseur de bas, de la vallée de Pragelas, sa femme et servante.

Demoiselle Magdelaine Constant, de Saint Vincent , près de Grenoble.

Suzanne du Pré , du Dauphiné.

Demoiselle Marie Borel, de Grenoble.

Jeanne Rissoant, de Dauphiné.

La demoiselle Martinon , de Pont à Royans en Dauphiné.

G RI M M (annexe de Lœkenit^).

Pierre Reboul, sa femme et un enfant (Dauphiné), la- boureur.

éMAGDEBOURG.

Jean Maquaire, manufacturier en laine, du Pont Royan en Dauphin., sa femme, 3 enf. et un compagnon.

Jean Toutaud , manufacturier de bas, de Roman en Dauph., son frère , sa sœur et cinq apprentifs.

Antoine Pelous, mtre chapellier, dud. Roman, sa femme, deux enfants, six compagnons et une servante.

Le s1' Antoine Mucel , manufacturier, du Pont Royan en Dauph., sa femme, deux enfants, deux apprentifs et une ser- vante.

Pierre de Lâtre (de Larbre?), planteur de tabac, du Dau- phiné, sa fe et une servante.

342

Jaques Pascal1, manufacturier en serge, du Dauphiné, sa fe et deux enfans.

Jacob Pascal, de Roisbon en Dauph., et sa femme.

Isaac et Antoine Pournay frères, ouvriers en bas, du Pont Royan en Dauph., deux apprentifs et un compagnon.

Le sr Pierre Marcel, procureur fiscal, sa mère, son frère, un neveu , une nièce , un valet et une servante , de Roman en Dauph.

Pierre Meynard, peigneur de laine, de Merindol, sa femme, un enfant et une parente (Dauphiné).

Jaques Mallin (ou Jacob Malin), manufacturier en bas, du Dauphiné, sa fe, son frère et deux apprentifs.

Antoine Barnier, ouvrier en serge, de Dye en Dauph., et sa femme.

La veuve Motton, de Roman en Dauph., trois fils, ouvriers en bas ; elle a aussi deux apprentifs et une servante.

Antoine Couteau, ouvrier en bas, de Roman en Dauphiné, et un apprentif.

Le sr Pierre Clairand, marchand, de La Motte Chalencon en Dauphiné, sa fe, sa sœur, sa nièce et une servante.

Charles Sauvet (ou Seuvet), teinturier en laine, de Dieulefit en Dauphiné, sa femme et deux enfans.

David Coutaud, mre chirurgien, de Roman en Dauphiné, sa fe, deux enfants et deux domestiques.

Pierre Couteau , teinturier en soiye, de Roman en Dauphiné, et un apprentif.

Léon Borel, manufacturier, de Dieulefit en Dauph., sa fc et deux enfants.

La veuve Blanchard, de Briançon , et sa belle fille. Pierre Aubissar, cardeur de laine, de Roman en Dauph., sa fe et un enfant.

Pierre Couriol, mtre boulanger, de St Vincent en Dauphiné, sa ftf, deux enfants et une cousine.

(i) Porté sur la liste de 1700 comme venant de Calais.

34'3

Etienne Couriol, boulanger, de St Vincent en Dauphiné, sa tv, deux enfans et une autre fille.

Pierre Brena, ouvrier en serge , de Chabeuil en Dauph., sa fe et 3 enfans.

Jean Martin, mtre maçon, de Nyon en Dauphiné, sa fe et cinq enfans.

Michel Ogeron, de Roisbon en Dauphiné, sa fe, trois enfans et sa belle sœur, aussi dud. lieu.

Jaques Roland, mtre chapelier, de Livron en Dauph., sa fc, six enfans et deux compagnons.

Moyse Pépin, de Grenoble, tailleur, sa fe et trois enfans.

La veuve Antoine Béranger, de Roman en Dauphiné.

Magdelaine Bouliane, veuve, de Valance en Dauphiné.

Jean Pacard (ou Pascau), manufacturier en laine, du Dau- phiné.

David Barne, manufacturier en laine, de proche de Monté- limar, Dauph., sa femme et un enfant.

François Barne, ouvrier en laine, près de Montélimar, sa femme et un jeune enfant.

La dem. Chiron, ve, de Roman en Dauphiné , et sa fille.

Paul Faurette, ouvrier en laine, de Crête en Dauphiné, et un enfant.

Daniel Clairand, manufacturier en laine, de La Motte-Cha- lencon en Dauph., sa fe, deux enfans, sa sœur et son neveu.

Pierre Béranger, de Pontese en Dauph., manufact., sa fe et un enfant.

Pierre Courtois, serger, de Roman en Dauphiné, sa fe et un enfant.

Simon Vieux , marchand, de Misouin en Dauphiné, sa fe et trois enfans.

Magdelaine Galand, veuve, de Chastillon en Dauphiné, et trois enfans.

David Arnauld, serger, de Valence en Dauphiné, sa femme et deux enfans.

Le sr Bérard, mtre chirurgien, de Misouin en Dauph., sa fe et un enfant.

Marie Bony, veuve, de la vallée de Pragelas.

344

Margueritte Lantelme, de lad. vallée.

Magdelaine Beck , veuve, de Queyenans en Dauph., et un enfant.

David Albertin, laboureur, du Dauph., et sa femme.

Jaques Martin, laboureur, de Queiras en Dauph., sa fe et deux enfants.

Guillaume Hugues, laboureur, d'Abriès en Queiras, et sa femme.

Antoine Escoffier, serger, près de Valence en Dauph., sa fe, un enfant et une fille chez luy.

Salomon Aubert, mtre perruquier, d'Ambrun, sa mère, sa sœur, sa tante et un apprentif.

Geoffré (ou Daniel) Chaliot, laboureur, de Queiras en Dau- phiné, et sa femme.

Pierre Guay, de Queiras, laboureur, sa femme et un enfant.

Abraham Bonin , laboureur, de la vallée de Pragelas , et sa femme.

David Martin , de Queyras , laboureur, sa femme et un enfant.

Jean Martin, de Queiras, laboureur, sa femme et deux en- fans.

François Marquet, planteur de tabac, de Queiras en D., sa fe, un enfant, sa mère et sa sœur.

Jean Guay, de Queiras en D., laboureur, et sa fe.

Susanne Guay, veuve, de Queiras.

Pierre Martin, laboureur, de Queiras en D., et sa sœur.

Marie Guay, fille, de Queiras en D.

Louis Martin, jardinier, de Queiras.

Claude Allier, ouvrier en laine, de Barcelone en Dauph-., sa fe et un enf.

Jean-Pierre Charpinel , bonnetier, de Besse en Dauph., sa fe et un enfant.

André Moutier, mtre tailleur, de Châtillon en Dauph., sa fe et un enf.

Jaques Bounel, ouvrier en laine, de Gap en D., sa fe et deux enfans.

Pierre Mesin , mtre menuisier, de Dye en D., sa fe et deux enfans.

345

Pierre Arnoud, laboureur, de Ste Croix en D., et une fille.

Jean Guay, laboureur, de Queiras en D., sa femme et sa belle sœur.

La nommée Ageron, fille, du Dauphiné.

Le sr Claude Auger, mtre chirurgien , du Dauphiné, sa femme, deux enfants et un apprentif.

Jean Coulionne, ouvrier en laine , de Dye en Dauphiné.

Etienne Ogier, marchand, de Clavand en Dauph., sa fe et un enfant, sa mère, sa sœur et deux cousines.

TRENZLAU.

François Fleureton, de Grenoble, papetier, sa femme, deux enfants et quatre domestiques.

Jean Brison, du Dauphiné, ouvrier en papier, sa fe et un enfant.

Abraham Barnaud , peigneur, de Die en Dauphiné, sa fe et un enfant.

SCHWEDT.

André Giraud, marchand de tabac, du Dauphiné, sa fe et un enfant.

Jean Boulau, planteur de tabac, du Dauphiné, sa femme et trois enfans.

Pierre Sinar, planteur de tabac, du Dauphiné, sa fe et trois enfans.

Jaques Girard, ouvrier en bas , du Dauphiné et sa femme.

François Arman , cordonnier, de Mens.

SŒTZ.

François Beaux, marchandée Loriolen Dauphiné, sa femme et un enfant.

346

SPANDAU.

Villion Didier, de Beaurepaire en Dauphiné, drappier. Claude Pellat , du Dauphiné, apprentif serrurier (ou serger). David Dagat, de St Didier en Dauphiné, faiseur de serges.

STARGARDT.

Barthélémy Carton, manufacturier de bas, de La Motte en Dauphiné, sa femme, deux enfans et sa belle sœur.

Alexandre Guillaume, lecteur et chantre, du Dauphiné, sa fe et deux enfans.

M. Paul Jordan, de La Motte Chalençon , ministre de la colonie (Dauphiné).

STENDAL.

Jean Guyot, cultiveur de tabac, de Travers en Pragelas, sa femme, trois enfans et deux de ses frères.

Jean Papon, cultiveur de tabac, de Pragelas, sa femme, quatre enfans et un orphelin.

Daniel Bernard, cultiveur de tabac, de la vallée de Pragelas en Dauphiné, sa femme et quatre enfans.

Thomas Bonnin, de la Tronchée en Pragelas, cultivateur de tabac , sa femme et sa fille.

Thomas Paster, de Souchière en Pragelas, et sa femme.

VCKERMARCK (quartier de Strasbourg).

Mons1' Fonds, du Dauphiné, gentilhomme.

Noéde La Noix, manœuvre, et sa femme (Dauphiné).

WEZEL.

Louis Guyon, manufacturier, de Dieulefit en Dauphiné, son frère, sa sœur et une servante.

- 347-

Abel Molliere, chamoiseur, de La Meure en Dauph., et sa femme.

Etienne Bermond , mercier, de Vars en Dauphiné, sa fe, sa sœur et sa nièce.

Mathieu Bermond, mercier, de Vars, sa fe, trois enfans et un valet.

Jean Isaac, de Grenoble, fourbisseur, sa femme et deux enfans.

Jaques Barnaud, de Volvent en Dauphiné, sa et une fille.

Antoine Josserant , tailleur, de Montélimar, et deux enfs.

Louis Pouyet, de Dieulefit en Dauph., sa femme et deux enfans.

La dame épouse de M1' le major de. , gentilhomme du

Dauphiné , un enfant et deux domestiques.

Isaac Massane, maçon, du Dauphiné, sa femme et un enfant.

Daniel Ratte, mercier, du Dauphiné.

Antonin Faugière, mercier, de Vaudrôme en Dauphiné, et sa femme.

Le sr Daniel Didier, conducteur aux fortifications, de Pra- gelas.

Justine Marie Francillon , de Grenoble.

Marie Maurin, de Die en Dauphiné.

Judith Arnauld, de Montmairan en Dauphiné, et sa fille.

Daniel Pastor, mercier, des vallées de Pragelas.

(Liste du 3i décembre 1700.)

'BERLIN.

Delle Suzanne du Bouchet, de Venne en Dauphiné. Anthoine Avienne, du Dauphiné.

'BERLIN (quartier de Cologne).

Le s' Hector de Bonneval, de Grenoble, gentilhomme, et son frère.

348

Jeanne Roland, de Die.

Etienne Girard, de Montélimar, porteur de chaize, et deux en fans.

Pierre Rostan, du Dauphiné, porteur de chaize, sa femme et trois enfans.

Le sr André Breton, de Ponte en Dauphiné, sa femme, son fils et Thomas Samuel, dudit lieu de Ponte.

Pierre Arcout, Jaques Tavanos, de Roure en Dauphiné, domestiques de M. de Decllen.

Noël Grand, de Grenoble, sa femme et deux jeunes enfans.

Anthoine Grand, de Grenoble, tapissier, et sa femme.

Charles Teras, porteur de chaize, de Valence.

Louis Bastier, de Grenoble, tanneur, sa fe et un compagnon.

André Lautier, du Dauphiné, porteur de chaize, sa fe et un enfant.

Pierre Houlon, du Dauphiné, lapidaire.

^BERLIN (quartier de FriedrichstadtJ.

Suzanne Charleron (?), de Larben en Dauphiné.

Isaac Fripier, de St Paul en Dauphiné, cardeur, sa fe et un enfant.

Pierre Sourdi , de St Paul en Dauphiné , estaminier, sa fe et quatre enfans.

Paul Richard, du Dauphiné.

La veuve Bertrand, de en Dauphiné, et sa fille.

Claude Pelaut, du Dauphiné, estaminier.

La veuve Daniel Allemand , de Die, et deux fils.

Isaac Odry, de Chastillon en Dauphiné, cordonnier, et sa femme.

Claude Gros, de Die, fossoyeur, sa femme, trois enfans et sa mère.

Jean Semaine, de Die, chapelier, sa femme et deux enfans.

Claude Gautier, de Grenoble, lapidaire, sa femme et un garçon.

Jaques Dufrey, de Milois en Dauphiné, garçon cordonnier.

349 BERLIN (dans la maison de refuge).

La delle veuve de M. Bourset , ministre de La Triève en Dauphiné , et quatre enfans.

La dellc veuve de M1' Lambert, ministre du Dauphiné, et son fils.

Le sv François Bacatier, étudiant , de Roman en Dauphiné.

Veuve d'André Soyon, du Dauphiné, et ses deux enfans.

'BERLIN (quartier de Verder).

La veuve d'Élie Jamin, du Dauphiné, parfumeur, et sa fille. Jean Giraut, du Dauphiné, cordonnier, et sa femme. Salomon Bassi , de Nyon en Dauphiné , chamoiseur , sa femme, un enfant, deux compagnons. Moyse Boucleau, du Dauphiné, mercier.

'BERLIN (quartier de Villeneuve, Neusdat).

Anne Nivet, du Dauphiné.

François Roux, du Dauphiné, lapidaire.

Melchior Gaillard, du Dauphiné, matelassier, sa fe et une fille.

Marie Laurence, du Dauphiné.

Jacques Bérard, du Dauphiné, peigneur de laine, sa fe et un enfant.

Philippe Bressieu, du Dauphiné, ouvrier en soye.

Abraham Barnauve , du Dauphiné.

Louis Richard, du Dauphiné, sa fe et trois enfans.

La veuve du s1' Grimaut, du Dauphiné.

DeIle Françoise de La Place, de Grenoble.

Françoise Empeita , du Dauphiné.

Anthoine Renaut, du Dauphiné.

Jean Ronay, de Die , sa fe_et un enfant.

Jean Cardi, de Grenoble.

35o

La femme du sr Le Cler (?), du Dauphiné, et sa fille. Isabeau Savanes, de Grenoble. Jean Marion, de Grenoble , sa fe et un enfant. La veuve de Jean Grisard , de la prov. du Dauphiné , et une fille.

'BERLIN (dans la maison de charité).

Pierre Mourier, de Crest en Dauphiné. Geneviève Bélanger, du D. Madelaine Bélanger, du D.

'BUSCHHOLTZ (annexe de Panckow).

Jacques Siège, jardinier, du Dauphiné, sa femme et une servante.

CBURG.

Claude Ginier, de St Marcellin en Dauphiné, et sa fe.

Pierre Blanchet, de Briançon, sa fe et sa belle mère.

Marc Munier, de St Marcellin en Dauphiné, sa fe, sa mère et son frère.

André Moutier, de Châtillon en Dauphiné, tailleur, sa fe, 3 enfans.

La veuve Gondrain, de Mizoin en Dauphiné, sa f. (!), un enf. et une parente.

"BRANDEBOURG.

Le sr Rolland, perruquier, de Mens en D.

Le s1' Gautier, manufacturier de bas , de Gap en Dauphiné.

FRANCFORT (sur l'Oder).

La veuve du sieur de Perroyat , de Grenoble, et sa fille. Marguerite Biezarde, de Dauphiné, fileuse de tabac.

35i

Jean Matthieu, du Dauphiné, tabatier, sa fe et un enfant. La veuve de Jaques Matthieu , du Dauphiné.

"DUISBURG.

Pierre Arthaud, parfumeur, de Grenoble.

EMMERICH.

Jean Caux et Pierre Caux , de Die. Christophe Bravay, cordonnier, du Dauphiné.

HALLE.

Charles Vieux, du Dauphiné, aubergiste, et un valet.

Jean Anthoine Bertrand, de Die en Dauphiné, cordonnier, sa fe et deux enf.

Claude Salaignan, de Valence, cardeur de laine.

Pierre Rozan, de Pragelas, serrurier.

Pierre Metifiot , de Valence en Dauph., cardeur, et deux enfans.

Anthoine Metifiot, dudit Valence, cardeur, et sa femme.

Isaac Peloux, garçon, de Romans vers Grenoble, marchand chapelier.

David Petit, de Montélimar, garçon perruquier.

Paul Creitz, de Valence en Dauphiné, drapier.

Mr Anthoine Coing , cy devant mynistreà Altona, de Mizoin en Dauphiné.

Demoiselle Marie Coing, sa cousine et sa fille.

Michel Sauvan, de Crest en Dauphiné, cardeur de laine.

Daniel Bonin, garçon, de la vallée de Pragelas, ouvrier en bas.

Louyse Audin , de Livron en Dauphiné.

Demoiselle Olimpe Chiron, de Montélimar en Dauphiné.

Jean Mazar, de Dauphiné , parfumeur, et sa femme.

352

KAGER (annexe de Nolbeck).

Jean Imbert , de Gap en Dauphiné, laboureur.

KAGER (annexe de Preiswald).

Jean Delprat, de Vienne en Dauphiné, sa femme et quatre enfans.

KŒNIGSBERG.

Jean Goubaud , estaminier, du Dauphiné , sa fe, un enf. et 3 ouvriers.

Ami Borel et Jacques Roland , perruquier, de Mens en Dau- phiné.

Magdelaine Roland, de Mens en D.

éMAGDEBOURG.

Isaac Bourray, faiseur de bas , du Dauphiné.

Alexandre Arbalétrier, facturier en laine, du Dauphiné, sa fe, deux enf. et une servante.

Daniel Bermond, planteur de tabac, de Pragelas, sa fe et un enfant.

La veuve d' Isaac Clavel, du Dauphiné, cardeur, et un en- fant.

La veuve de Jean Ducorbier, du Dauphiné.

Marguerite Barre, du Dauphiné.

David Barre, d'Audefred en Dauphiné, ouvrier en laine, sa fe, un enfant.

Sentille Roland, du Dauphiné.

Anthoine Roux, chapelier, de Veine en Dauphiné, sa femme et deux enfans.

Anthoine Voisin, maître chirurgien, du lieu de Roman en Dauphiné, et cinq enf.

353

Jean Blanchet , perruquier, de Briançon en Dauphiné.

Pierre Allian , du Dauphiné, sa fe et un apprentif.

David Rolland , de St Julien en Quint en Dauphiné.

Jaques Tavernet, de Roman en Dauphiné.

Anthoine Cardon, de Serres en D.

Isabeau Pasquet , du Dauphiné, et un enf.

Louis Maurin , de Montélimar, et sa fe.

Élie Roux, de N... en Dauphiné.

Luxe Troffi, de Grenoble en D.

François Savary, du Dauphiné, sa fe et un enf.

Susanne Galbert, de La Grave en D. , et trois enfans.

Anne Austache, du Dauph., son frère et sa sœur.

Claudine de Bourdeaux, de Grenoble, et son fils.

Pierre Makaire, du Dauphiné, cardeur, sa femme, six enfans et un apprentif.

Isabeau Jouson, du Dauphiné.

Jacob Bonnet , de la vallée de Pragelas.

Marguerite R..., de la vallée de Pragelas, et un enfant.

Marie Stache, de Bèse en Dauphiné.

Isaac Maurel , maçon, de Veine en D., sa fe et un enfant.

Suzanne Talon , de Die en Dauphiné.

Judith Armand, d'Ollignan en D., et trois enfans.

Jean Julien, cordonnier, de Die , et sa f.

Jean le More, du Dauphiné, et une fille.

Marie Derière, de Divray en Dauph., et un enfant.

Jean Bûché, du Dauphiné, sa fe et un enfant.

Susanne Chabran, de Vandrôme en D., un enfant et sa sœur.

Anthoine Francillon , de Grenoble.

Jean Talement, de Pragelas.

Jacques Leblanc, du Dauphiné, sa fe et un enfant.

Catherine Coriol, fille, de Valence en Dauphiné.

Claudine Molan, de Grenoble.

Jeanne Alix , de Nonnière en Dauphiné.

Claude Liconade, de Livron en D., sa fe, deux enf.

Marguerite Jubie, de La Motte en D.

233

3b4 Etienne Sayet, de Lauriol en D. Jean Rapin , maçon , de Die, sa fe, un enfant.

V£E UHALDENSLEBEN.

M. du Fare, s1' de Beaupré, gentilhomme verrier du Dauphiné, sa dame, sa femme et trois enfans.

Alexandre Imbert, laboureur, de La Motte en Dauphiné, sa fe, 5 enfans.

Jean Arnaud, laboureur, de La Motte Chalençon en Dauphiné, sa fe, 3 enf.

Michel Couriol, laboureur, du Dauphiné, sa f. et 5 enf.

La veuve d'Estienne Couriol, laboureur, du Dauphiné, et 4 enf.

ORANGEBOURG.

Jaques Suret, du Dauphiné, charpentier, sa fe et un enfant.

SCHWEDT.

Jacques Bertrand, du Dauphiné, marchand, et sa femme. François Armand , du Dauphiné , cordonnier. Madelaine Leblanc, jeune fille, id. Benjamin Leblanc, jeune garçon , id.

SOEST.

Demoiselle Judith Louis , de Montélimar.

SPANDAU. Bastien Aude, peigneur de laine , sa femme et une fille.

STENDAL. Veuve Guidon , du Dauphiné, et sa fille.

355 -

Jean Burlat, laboureur, de Fenestrelles en Pragelas, sa fe et un enf.

UCKERMARK (quartier de Strasbourg).

Jean d'Ourdi, de Mens, marchand de tabac, et un enfant.

WIRADEN.

Philippe Ménard, du Dauphiné, sa femme et quatre enfans.

WEZEL.

Jérémie Cornu, marchand mercier, du lieu de Windsor en Dauphiné , sa fe et 2 enf. Jacques Moulin, du lieu de La Mure, province du Dauphiné.

II. REFUGIES DU BRANDEBOURG [suite) \

De Fontjuliane. Deux officiers de ce nom sont portés sur les listes de M1' Meriau comme ayant passé par Francfort sur le Mein en 1686 pour venir à Berlin; ils étaient l'un et l'autre de Montélimar en Dauphiné. Ils servirent dans les grands mous- quetaires (t. 11, p. 25o et t. ix).

D'Hélix. Benoit, dans son Histoire de ledit de Nantes, place cette famille au nombre des familles les plus distinguées du Languedoc; elle fut cruellement persécutée. La veuve de M. d'Hélix, Judith de Thau , de Benivin en Dauphiné, a vécu jusqu'en 1752; elle est morte à Berlin à quatre-vingts ans (t. 11, p. 253).

Jean de Valentin, de Die en Dauphiné; il épousa à Berlin ,

(1) Erman et Reclam, Mémoires pour servir à l'histoire des réfugiés français dans les États du roi; Berlin, 1782- 1799, 9 vol. in-8°.

356

en 1690, Marie d'Armand de Chateauvieux, de Provence. Les Valentin établis à Mûnchenberg appartiennent à la même fa- mille (t. 11, p. 258 et t. ix).

Mrd'Agoust de Bonneval, qui se réfugia à Berlin et mourut en 1690, appartenait à la branche des d'Agoust, qui s'étaient établis dans le Dauphiné. Son fils , Hector de Bonneval , entra dans le service militaire, qu'il quitta, ayant reçu une blessure à la tête, qui le mit dans la nécessité de se faire trépaner et de porter constamment une calotte d'argent. Il entra dans le civil et rem- plit des postes de magistrature. La fille unique qu'il a laissée s'est mariée avec Mr le lieutenant général de Zaremba (t. m , p. 84).

M1' Daniel de Thau, seigneur de Benivins, réfugié du Dau- phiné, fut nommé conseiller d'ambassade en 1687 et mourut en 1697. Sa première femme, Claudine de Durand, qui avait été compagne de sa suite, mourut en 1693, et la seconde, Geneviève Rigot de Montjoux, en 1696. Sa fille unique, que nous avons vue mourir à Berlin en 1762, à quatre-vingt-dix ans, avait épousé Mr d'Hélix , de la famille de celui dont parle Benoit, qui endura des traitements si barbares pendant les fureurs de la dragonnade (t. 11, p. 100; t. ni, p. 86).

Françoise de Maffey, du Dauphiné, de la famille des marquis de Maffey, à Vérone, dont une branche s'établit après la ré- formation dans le Dauphiné, elle possédait la petite ville de Veynes et la terre des Forêts , sœur du lieutenant général de ce nom (t. v, p. 217).

Daniel Gau, de Volvan en Dauphiné, émouleur à Berlin, reçut des avances de la cour (t. v, p. 2 56).

Pierre Houlon, du Dauphiné, lapidaire, en 1700, à Berlin (t. v, p. 3oi).

Julien, avocat au parlement de Grenoble , Jean Papon, ancien de Pragela, Plante, ancien pasteur de Clelles, faisaient partie en 1698 de la chambre de la direction des Français réfugiés à Berlin (t. vin, p. 44).

D'Allons, du Dauphiné , devint major dans l'armée de Bran- debourg, avec 200 écus de pension , en 1729 ; de Durand, grand mousquetaire; Joseph de Bardel, lieutenant en 1744 (t. ix).

357

Sixte Alexandre de Beauregard, natif de Gap, lieutenant au régiment de Normandie, réfugié en i685 (t. ix).

Alexandre de Bragard , Cyrus de Bragard et Alexandre de La Faye, du Dauphiné, furent capitaines de trois compagnies de cadets (t. ix, p. 307).

D'Achard. Famille noble du Dauphiné, dont un descendant était major au régiment de Czekuli et a laissé un fils dans le service militaire.

Charles René d'Albon , de Montauban en Dauphiné , sur les rôles de 1686.

L'homme de Courbière. Famille originaire du Dauphiné, divisée en quatre branches : L'homme de La Fare; 20 L'homme de La Clavelière (alliés aux Dohna); L'homme de Fondfrede, et 40 L'homme de Courbière. D'abord , après la révocation, cette famille se réfugia en Hollande. Le général d'infanterie René Guillaume de l'Homme de Corbières, appartenait à cette fa- mille.

Jean Jalavel de Forsinet , ancien capitaine au service de Pologne, natif de Fornaut, mort à Berlin en 1733. Sa femme était Frédérique de La Feuillade, née à Hambourg.

Gontard , famille ancienne et noble du Dauphiné , réfugiée à Manheim et à Francfort sur le Main, d'où l'une des branches passa dans le Brandebourg.

Grimaudet (Jean de), de Montélimar, avait été grand mous- quetaire et fut placé comme capitaine dans les grenadiers à cheval, que l'électeur avait composés de jeunes gens de familles honorables, mais qui ne pouvaient pas, comme nobles, se qua- lifier pour les grands mousquetaires. Il épousa une fille du général d'Auge, qui, après sa mort, se remaria avec M1' de Kerveno, major au service de Cassel. Cette famille, distinguée parmi les réformés dans les premiers temps de la Réforme , pré- tendait descendre des Grimaldi d'Italie.

Daniel Guichard de Perosat, avocat, natif de La Marche en Dauphiné, mort à Berlin en 1691.

Jonquière (demoiselle de La) vint dans le temps de la Révo- cation avec Monsieur de Villefranche-Montbrun et ses sœurs.

358

Labelane (David Plèche de), gentilhomme, natif de Monté- limar, moit en 1739.

Lachaux (le marquis de), lieutenant de la ire compagnie des grands mousquetaires , sortait d'une famille illustre par la bra- voure, avec laquelle le comte de La Chaux combattit au siège de Metz, sous le règne d'Henri IL Le lieutenant marquis de La Chaux était neveu du marquis de Montbrun. Dans la guerre de 1690 il servit comme lieutenant-colonel en Piémont. Il quitta le service de Brandebourg pour entrer à celui de la république de Venise, il fut nommé colonel et chef d'un régiment de dragons.

Mazars de Camarest, famille noble du Dauphiné. Deux frères Mazars de Camarest, dont la famille s'était d'abord ré- fugiée en Suisse , sont entrés comme officiers dans le corps des chasseurs. Ils sont neveux du général de Granges (t. ix, depuis d' Allons).

Montbrun (le marquis de) l, premier capitaine des grands mousquetaires sous le grand électeur, parvint , sous Frédéric I , au grade de colonel, fit les campagnes d'Italie et fut tué à la bataille de Marsaille.

Macel (Isaac de), à Pont en Royans, lieutenant d'infan- terie, mort en 171 6.

Patonnier. Famille originaire du Dauphiné. On trouve dans les registres des officiers de ce nom.

Pluviane (noble Louis Didier, écuyer, seigneur de), réfugié du Dauphiné , mort en 1 697. Capitaine au service de Sa Sérénité électorale, il avait épousé une Massa de Chauvet. On trouve des Pluviane parmi les gentilshommes attachés à Henri IV dans la guerre de la Ligue.

Saint Simon (Claude de), ancien major au service du roi, natif de la Côte Saint André en Dauphiné, mourut à Berlin en 1765 , âgé de 98 ans. Le nom de St Simon paraît dans les mé- moires du temps parmi les nobles du parti protestant.

(1) De la branche de Montbrun - Villefranche (La France protestante, t. iv, p. 472).

359

Lucrèce Vulson , fille de Monsieur Jean de Vulson , seigneur de Chateaupui , réfugié de Grenoble, âgé de 5o ans, morte à Berlin en T768. Elle était parente du général André de Rou- villasc de Veynes.

Jacques de Vulson, écuyer, natif du Trièves en Dauphiné , capitaine au régiment de Schwerin.

III. REFUGIES DE GENEVE.

1{éfugiés reçus bourgeois '.

Claude Boses, de Barreaux, 1601.

Michel de Gravières, graveur, de La Grave, 3 nov. 1602.

Jean Patac , de Montélimar, architecte, 5 mai 1621.

Honoré Abel, de Veines en Dauphiné, chirurgien, 1 janvier 1642.

Jean Murât (fils de Pierre Murât, pasteur), 14 février i665.

François Charnier, fils de Daniel , de Montélimar, 24 nov. i665.

Abraham Agiron , fils de Charles , de Roybon , et son fils Gabriel, 5 nov. 1666.

Daniel de Lamande, fils de Jean , de Crest, 8 mai 1667.

Pierre du Port, de Pontcharra, ier juin 1668.

André Macaire, fils d'André, de Pont en Royans, i5 août 1668.

André Bonnard, de Die, fils de feu David, cordonnier, 26 octobre 1668.

François Héraud (fils de feu Daniel), de Veines, avec Pierre et Marc, ses fils, 23 nov. 1668.

Pierre Rose, de Grenoble, fils de feu Pierre, 29 déc. 1668.

Jacques Guy , fils de feu Louis , de Montélimar, 5 février 1677.

(1) Livre de bourgeoisie (Archives d'État de Genève,» à l'hôtel de ville).

36o

Antoine du Port, de La Mure, 2 février 1684.

Jacques Eynard , de La Baume (Cornillane), en Dauphiné, 6 mars 1686.

Sébastien Tardieu, de Dieulefit, avec ses quatre fils, Pierre, Charles , Jaques et François, 3o avril 1689.

Abel Ferrier, de La Mure, 28 mai 1689.

Jaques Calvet, de Montélimar, 17 nov. 1690.

Matthieu Marin , fils de feu Louis , de St Paul trois Châteaux, 24 février 1692.

Eymard Simon, fils de feu Samuel, de La Côte Saint André , 1 avril 1692.

Claude Lagier, dit La Motte , de La Motte Chalancon , 1 1 déc. 1694.

Pierre Faure, de Loriol, avec son fils Pierre, 14 déc. 1694.

Isaac Fine, fils de Jaques, d'Arvieux en Queyras , 7 sept. 1694.

JeanAutran, mtr0 vitrier, fils de feu Pierre, de Die, 4 déc. 1694.

Charles Barnouin , fils d'Ozias, avocat , de Dieulefit , avec David , son fils , 16 août 1695.

Jean François Achard, fils de feu Timothée, de Die, 21 août 1697.

Noble Philippe Perachon, sieur de Sainte Croix, de Grenoble, fils de feu noble Perachon, seigneur de Pontaix, conseiller au parlement et chambre de l'édit de Grenoble, i3 juin 1699.

Abraham Achard, fils de feu Abraham, de Die, 17 juil. 1699.

Daniel Vasserot , fils de feu Antoine, de Queyras, 12 sept. 1699.

Pierre Matthieu, fils de Damian, de Queyras, 22 sept. 1699.

Abraham Borrel, fils de feu Jean, de Fenestrelles , 19 jartv. 1700.

Pierre Taxil , de Laragne, avec ses quatre fils, André, Daniel, Etienne et Jean , 6 avril 1700.

Robert Cuchet , fils de Jacques, du Petit Oriol i3 août 1700.

Jean Michelet , fils de feu Michel, de Molières, 28 juin 1701.

36i

Antoine Liotard , de Montélimar, 1701, avec ses 4 enfans , dont Pierre , l'aîné.

Jacques Giraud, de La Grave, 10 oct. 1701.

André Archinard, de Pont en Royans, cordonnier, 4 fév. 1702.

Pierre Malvesin, de Grenoble, fils de Moïse, 5 avril 1702.

Gabriel Aubert, de Crest, fils de feu Vincent, 25 nov. 1702 *.

François Jandin , de Crest, fils de feu Etienne, 16 janv. 1703.

Jean Perron, fils de feu M0 Claude, de La Rua en Pragela, 21 mars 1703.

Pierre Audéoud , fils de feu Pierre, avec ses fils, Frédéric et David, i3 février 1704.

Antoine Aubert , fils de Louis , de Crest , 2 sept. 1704.

Abraham Bonnet , fils de feu Abraham , muletier, de Pragela, 12 sept. 1704.

Lyonnet Serre, maréchal, de Dauphiné, 3i janv. 1705.

Paul Serre, maréchal, frère du précédent, 3i janv. 1705.

Jean Sauvage, fils de feu Pierre, de Valence, 1 1 février 1705.

Pierre Delor, fils de feu Jacques, de Mizoën, 7 août 1706.

Daniel Blache, fils de Matthieu, de Die, corroyeur, 12 nov. 1706.

David Voullaire, dArzelliers, manufacturier en fleuret, avec son fils, François, 22 janv. 1708.

Jacques Aubert, fils de Vincent, de Crest , 4 déc. 1708.

Jean Lombard , fils de Jean, de Vercheny, négociant , 17 juin 1710.

Abel Félix, fils d Alexandre, de Mens, 22 sept. 171 1.

Moïse Buchon, fils de feu Pierre, de La Mure, avec ses trois fils, Pierre, Gabriel, Jean Pierre, 1 déc. 171 1.

(1) Armes de la famille : D'or à 3 têtes de chiens braques coupe'es de sable.

362

Louis Boutillier, dit Beaumont , fils de feu Théophile, de L'Albenc , 4 déc. 1 7 1 1 , avec ses deux fils , Nicolas et Pierre * .

Jaques Porte, fils de feu Jean, charpentier, 5 fév. 171 2.

Jacques Lombard, fils de feu Jean, de Vercheny, 20 juin 1713.

Henri Dumont , de Crest, fils de Louis, réfugié à Vevey, 10 juillet 171 3.

Pierre Aubert , fils de feu Louis, de Crest, 16 mars 1714.

Elie Macaire, du Pont en Royans, 11 déc. 1714, avec son neveu , Antoine Odier, du même lieu.

David Piffard , fils de feu François , notaire , de Cordéac en Trièves, 5 mars 171 5.

André de La Chau, fils de Pierre, de Saint Auban, 2 5 avril 171 5.

Antoine Faure, de Loriol, 26 juin 171 5.

Alexandre de Maffé, fils de feu Nathanaèl, marchand , de Veynes, i3 déc. 171 5.

Jean Pierre Derodon , fils de feu Jacques, avocat au parle- ment de Grenoble, 17 déc. 1717.

Les frères François et André Lamande, fils de François, de Crest, 1 3 déc. 1719.

Abraham Cellier, de la Côte Saint André, avec ses deux fils, Jean et Jacob, 24 avril 1720.

Henri Lanthelme , fils de Ennemond, de Saint Marcellin , 8 mai 1720.

Louis Faure, fils de feu Louis, de Loriol, 29 juillet 1720.

Jean Raoulx , fils de feu René, de Loriol, 29 juillet 1720.

Jean Joly, fils de feu Daniel, de la vallée de Pragelas , 10 fé- vrier 1722.

Jean Aillaud , fils de François, de Pragelas, 10 février 1722.

Moïse Delor, de Mizoën , habitant depuis 35 ans , et ses trois fils, Daniel, Jaques et Joseph, 2 3 sept. 1722.

(1) Armes de la famille : D'azur à la fasce d'or, accompagné en chef de 3 losanges d'or et en pointe d'une montagne d'argent, éclairée d'un soleil à dextre.

363

Daniel Lamande, fils de feu Louis, de Crest , 17 mai 1723.

Jean Bérard, fils de Simon, de Châteaudouble, 1 1 déc. 1723.

Pierre Raoulx, fils de René, de Loriol, et son fils, Jean Pierre, 17 déc. 1723.

René Bertrand, fils de feu Laurens, du Buis, 14 mars 1724.

Etienne Jandin l'aîné, à Lyon, fils de feu Etienne Jandin, de Crest, avec son fils, Pierre Etienne Jandin, 2 février 1725.

Henri Chancel, fils de feu Jacob, de Châtillon, i5 juin 1725.

Dominique Vial, écuyer et étudiant en théologie, natif de Grenoble, 16 déc. 1729.

Etienne Ghapuis , de Crest, fils d'André, 24 déc. 1725.

Gaspard Villard , fils de feu Henri, de Gap, 21 janv. 1726.

Jacques Mergerie, fils de feu Jacques , de Montélimar, 9 mars 1726.

Jean Perron , fils de Claude, marchand toilier, de Pragelas, 23 mars 1726.

Jacques François Collet, à Genève, fils de Aimé Collet, de Livron, i3 avril 1726.

Pierre Béranger, fils de feu Moïse, de St Vincent (lès Char- pey) en Dauphiné, et son fils, Pierre Alexandre, i5 juin 1726 (il avait été reçu habitant en 1699).

Jean Archer, fils de feu Jacques, de Mens, 29 mai 1730.

Joseph Lamande, fils de François, de Romans, 29 mai 1730.

Jean Louis Masseron, de Genève, fils de feu Simon Pierre, de Die, 6 sept. 1730.

Daniel Guiot, fils de Jean, chirurgien, de Pragela, 6 sept. 1730.

Jaques Roux, me faiseur déboîtes de montre, de Genève, fils de feu David, de St Marcellin, 3 sept. 1730.

Louis Marquis , fils de Jean Louis, de La Bâtie Vieille, dio- cèse de Gap, 3i mars 1731.

François Barde, fils de Pierre, de Valence, 22 août 173 1.

Charles Lombard, fils de feu Etienne, marchand, 22 août 173 1 .

Jacques Benoit , me chamoiseur, fils de feu Etienne , de Lamotte, 28 déc. 173 1 .

364

Louis Breusse, dit Lamotte, traiteur, fils de feu Jean, de Loriol , et ses fils, Jacques et Nicolas, 29 fév. 1732.

Jacob Robert, mc chapelier, de Die, et ses fils, Théodore et Etienne, 8 mars 1732.

Benjamin Macaire, à Coppet, horloger, fils de François, du Pont en Royans , 27 janv. 1735.

Jaques Janin , de Genève , marchand épicier, fils de Jean , à Fraisse en Pragela, vinaigrier, 8 août 1733.

Etienne Roujat , écuyer, conseiller du petit conseil de Vevey, natif de Beaurepaire , fils de feu André, écuyer dudit lieu, 5 avril 1734.

Jean Salomon Fazi, m,re fabricant d'indiennes, de Genève, fils de feu Antoine, de St Véran en Queyras , et ses deux fils, Jean Louis et Jean, 14 janv. 1735.

Jean Jacques Clavières, de Serres, fils de feu Antoine, et Etienne, son fils, i5 mars 1735.

Jacques Laurent, de Genève, fils de Claude, de L'Albenc, 18 avril 1736.

Alexandre Malvesin, de Mens, fils de Salomon, 28 août 1742.

Pierre Lagier, de Lafaurie, fils de Jacques, 3o nov. 1743.

Philippe Terrot , fils de feu Antoine, du Pont en Royans, 16 déc. 1743.

Pierre Bérard , de Châteaudouble, fils de feu Antoine, mar- chand drapier, et ses fils, Simon et Alexandre, 16 déc. 1743.

Jean Thurin, de Pragelas, fils de feu Jean, tailleur d'habits, et ses fils, Jean, François, Pierre, 17 déc. 1743.

Daniel Guiot, fils de Daniel, de Pragelas, 17 déc. 1743.

Jean Duseigneur, fils de Jean, de Chichillane, marchand dé- tailleur, et ses deux fils, Jaques François et Jean Emmanuel, 23 déc. 1743.

Antoine Michel, d'Orpierre, fils d'Henry, négociant, 27 déc. i743.

Jean Martin, fils de Joseph, deTalleten Dauphiné, 17 janv. 1744.

Antoine Rolland, fils de feu Adam, natif des Nonnières, né-

365

godant, et ses quatre fils, Jean, Antoine, Jacques et François, i5 sept. 1747.

Antoine Eymar, fils de feu Jacques, du Queyras, 3 mars 1750.

Etienne Antoine Martin, fils de feu Jacques, de Montélimar, 10 février 1755.

Etienne Morin, de Dieulefit, négociant, fils de Jean Charles, 6 juin 1756.

Jean Pierre Achard, de Grest , fils de Pierre, 18 août 1764.

Charles Gabriel Lombard, négociant, de Pontaix, fils d An- dré ,,et son fils , Aimé , 20 avril 1770.

François Gros, à Serre, négociant, fils de feu Jean , et son . fils, Bernard Gros, 9 juillet 1770.

Etienne Roux, de St Paul trois Châteaux, fils de Gabriel, 9 juillet 1770.

Jean Jacques Martin Chastain, du Buis, fils de feu Jean Jac- ques, et ses deux fils, Jean Gédéon et Henri, 25 juin 1771.

Jean deLamorte, de Die, négociant, fils de feu François, 25 juin 1771.

Jaques Eymar, du Queyras, négociant, 25 juin 1771.

Horace Bénédict Payan, de Mens, fils de feu Jacques, 28 août 1772.

Claude Rey, fils de feu Claude, faiseur de limes, de Châtillon, 28 août 1772, et ses fils, George André, Jean Lazare, Etienne, Samuel et François.

Claude Eymar, négociant, fils de feu Laurent, dArvieux en Queyras, 10 sept. 1773.

Jean Pierre Morand, négociant, de Die, fils de feu Jean, 29 sept. 1775.

Laurent Eymar, du diocèse d'Embrun, ministre, fils de feu Laurent, 6 mai 1775.

Abraham Barrai, mtre horloger, de Dieulefit, fils de feu Jean, 12 sept. 1777.

366

IV. RÉFUGIÉS D'AIGLE (Vaud)

T^ecus bourgeois*.

Mr Claude Balcet, docteur en médecine, de Traverses en Pragellaz, sa femme, ses enfans, un domestique.

Le sieur Henry Albertin , marchand , de Cézanne en Dau- phiné, avec ses fils Pierre et Jean, aussi marchands, sa fille Marie et sa belle fille Marie, née Blanc, femme d'Henry.

Le sieur Etienne Martin , marchand et cordonnier, de la vallée de Pragellaz, sa femme, sa fille Suzanne, son fils Pierre, aussi marchand , et la femme de celui-ci.

Le sieur Pierre, fils du capitaine Martin, aussi marchand, sa femme et une fille de trois mois.

Le sieur Gabriel Ourset , de L'Arbre en Dauphiné, maitre chapelier, sa femme et quatre enfants de 12 ans et au dessous.

Fleurie Champer, belle sœur dudit Ourset.

Le sieur Jean Friquet, marchand et cordonnier, et sa femme, du val Pragellaz.

Le sieur Etienne Ronchard, marchand et cordonnier, sa femme et 3 filles de 10 ans et au dessous, de la vallée de Pra- gellaz.

Paul Giroin , tailleur, et sa femme, de Die en Dauphiné.

Le sieur Etienne Jourdan, Catherine Roux, sa femme, 2 filles de 2 ans et au dessous, de Pragellaz.

Jean Roux, négotian, du Prajellaz en Dauphiné, et Suzanne Martin , sa femme.

Etienne Bouquet, maître tailleur, du val Prajellaz, sa femme Jeanne Veillon, de Beix en Suisse, et un enfant de 2 ans.

Suzanne Bouquet, tailleuse, du Prajellaz.

(1) Extrait du registre du conseil de la bourgeoisie d'Aigle, de i683 à 1689 (communiqué par M. le pasteur Bauty).

367

Jean Besson , laboureur, sa femme Marie Cézard , 2 garçons et 1 fille de sa ire femme, de la vallée du Queyraz.

Samuel Jourdan, laboureur, sa femme, de Rougemont en Suisse, du Pragellaz.

Pierre Roux, ouvrier aux sauneries de Béviaux, sa femme, un fils d'environ 9 ou 10 ans et 1 tille de i3, du Villaret en Pragellaz.

Jeanne Challeron, veuve de Jean Mayeh son fils Jean, tailleur, du Prajellaz.

Jean Rivian , laboureur, sa femme Anne Jourdan et 1 fille d'un an, de Villaret en Prajellaz.

Antoine Jordan, tisserand , sa femme et 2 filles de 5 ans et au dessous.

Etienne Jourdan , laboureur, et Marie Lantelmé, sa femme, du Prajellaz.

Marguerite Bourret ; gagne sa vie par son industrie, femme de Jean Blanc, encore en France; assiste sa femme.

Boniface Ronzil , laboureur, de Chaumont en Dauphiné , Pierre Ronzil, son frère, marchand tailleur, leur mère, veuve, et leur tante Remolini.

Alexandre Rouland, forgeron, sa femme et une fille de 6 mois, de Mandes en Dauphiné.

Jean Lantelmé, teinturier et peigneur de chanvre, du Pra- gellaz.

Jean Gay, de Villaret en Prajellas , maître boucher à Bex, sa femme et 1 fille d'une année (venu depuis la paix).

Jeanne Comte, veuve d'Anthoine Roy , et une fille de 1 2 ans, toutes deux travaillans à la terre, du Pragellaz.

Le sieur Pierre Meyer, marchand , sa femme , originaire de Morges en Suisse, 3 garçons de 10 ans et au dessous, et une fille nommée Madelaine et un valet de boutique , tous du Queyras.

Jean Allard, tanneur, sa femme et une sœur, tailleuse , de Champsaur en Dauphiné.

Pierre Gay, boucher à Aigle, sa femme enceinte, un enfant de 5 ans, de Prajellaz, venus du Piémont depuis la paix.

368

Anthoine Jaquet, sa femme, leur garçon , maître tanneur, de Pragellaz, venu du Piémont depuis la paix.

Elie Buttin * et son neveu Matthieu Marcel, tisserand et laboureur.

Jean Anastaze, de Briançonnais en Dauphiné, et sa femme.

Claude de Bonrepos, sa femme enceinte, un petit garçon d'un an, de Champsaur en Dauphiné.

Etienne Pastre, cordonnier et laboureur, soldat en Piémont, venu en Suisse depuis la paix.

Pierre Guichard, des Tonils en Dauphiné, apprentif dudit de Bonrepos , soldat en Piémont , venu depuis la paix.

Pierre et Jean Rigot frères , laboureurs et peigneurs de chan vre, de Prajellaz.

Suzanne Papon et Mad.ne Lantelme, tailleuses, de Pragellaz en Dauphiné, venues depuis la paix de Piémont.

Jean Mayet, de Prajellaz, peigneur de chanvre et laboureur, et sa femme.

Noë et Pierre Anastaze, contreporteurs de marchandises, du Bailliage de Briançon.

Les susnomés vivent de leurs rentes ou de leur négoce, travail et industrie. Les plus nécessiteux, quelques-uns assistés par l'État de Berne , sont :

Catherine Jordan, veuve Anastaze, et sa fille, du Briançon- nais en Dauphiné.

Lesieu Moïse.

Perron , sa femme et ses 8 enfants , chirurgien et régent d'es- cole pour le latin, françois et arithmétique.

Thomas Didier, de Baurière, travaillant au tabac, avec sa femme et 2 enfans en bas âge.

Barthélémy Juvenal, de Villaret en Prajellas, ayant 4 enfans avec lui.

Pierre Chiollard , de la communauté de Sau en Prajellaz.

(1) Proprement Bautin, puis Bauty, d'Aurel en Diois, trisaïeul de M. le pasteur Bauty, retiré à Gantenaz sur Lutry (Vaud) , à qui nous devons ce rôle des réfugiés d'Aigle.

- 369 -

Susanne Roux , de Villaret en Prajellaz.

Marguerite Juvenal, veuve de Daniel, dudit lieu.

Anne Juvenal, de Pragellaz.

Anne et Jeanne Martin , du même lieu.

Marie Bouquet, veuve de Jean Roux, idem.

Catherine, veuve de Jacob Comte, de Chambon en Pra- gellaz.

Julie Girard, veuve de Pierre Parandier, du Villaret en Pra- gellaz.

Jean Rigau, de Bal.... en Pragellaz.

Susanne Gay, dudit lieu.

Catherine Bouquet, veuve de Jacques Riviol, du Pragellaz.

Pierre Conte, orphelin, de Chamb... en Pragellaz.

Pierre Juvenal , du Villaret.

Marie Queyrelle, de la communauté de Roure en Pragellaz.

Sara Anastase, du Briançonnais en Dauphiné.

Charles Garnier, de Servières en Dauphiné.

Madelaine Bellon, veuve, d'Abrièz de Queyras.

Anne Gautier, veuve de Jean Juvenal, du Villaret.

Guillaume Jourdan, veuve de Jean Queyrel, du Villaret en Prajellaz.

Catherine Conte, veuve d'Etienne Guillaume, du Pragellaz.

Jacob Anastase , orphelin , du Briançonnais.

V. REFUGIES DE VEVEY ».

Pierre Provençal , originaire de Bourdeaux en Dauphiné , reçu bourgeois le 8 janv. 1 674. Etienne Planchon, du Dauphiné, R. B. le 5 fév. 1 683- Antoine Mollard, du Dauphiné, R. B. le 29 mars i683.

(1) Jules Chavannes, Les réfugiés français dans le pays de Vaud et particulièrement à Vevey ; Lausanne, 1874, in-ii.

243

370

Michel Aggeron, de St Marcellin, drapier, reçoit six mois du conseil pour qu'il se fixe à Vevey, 28 déc. 1 685.

Aggeron , sergier, reçoit dans le même but un an de louage (14 janv. 1686).

Jean Grisais, de Die, chapelier, s'établit le 7 juillet 1686 à Vevey.

Melle Macaire, de Pont en Royans, de même.

« Ordonné à six réfugiés de Die en Dauphiné, de charité à chacun 4 batz » (3o mai 1687).

« Octroyé au sieur Jean Marcel, de Poyols, réfugié, sur les attestations avantageuses qu'il a produites , comme il a travaillé dans la persécution à ramener et affermir ses frères en la reli- gion , lui est octroyé deux écus blancs » (5 déc. 1700).

Henry de Montauban , sieur de Jarjayes , réfugié à Vevey plu- sieurs années avant la révocation; mort en 1695.

Brunet, originaire de Montélimar, 22 nov. 1790.

Aimard, d'Arvieux, 18 avril 1791.

Reymond, de Saillans, 18 avril 1791.

Blanc, de Mens, 11 juin 1792.

Léotard, de Die, 27 août 1792.

La Conche, du Dauphiné, réfugie à Coppet (Vaud), 23 juil. 1698.

Catherine Belugne et Antoine Belugne, son frère, Pierre Roustan et Marie Siniatte, de Vars en Dauphiné.

Judith Favier, fille de feu Pierre, marchand, de Montélimar, 17 nov. 1690.

Esther Herwart , femme de Charles de Latour du Pin , mar- quis de Gouvernet , réfugiée d'abord dans le pays de Vaud, passa ensuite en Angleterre, 1 685.

Marie de Maleval , veuve de Salomon Piffard , pasteur, réfugié à Nion, 1698.

Henry Albertin, de Césanne, réfugié à Bex, 1698.

- 37i - VI. RÉFUGIÉS DTVERDON

Marc Clavière, de Grenoble, reçu habitant le 9 janv. 1675.

Un réfugié dauphinois qui' a 10 enfans reçoit un secours le 22 nov. 1684.

Samuel Rey, faiseur de bas, du Dauphiné, reçoit quelque avance et un logement pour exercer son art, 18 oct. 1 685 .

Pierre Chabrand , marchand quincaillier, d'Embrun, et Pierre Maillet, de Die, reçoivent chacun un demi écu blanc, 27 oct. i685.

Jacques Long, Pierre Malviers, Pierre Lambert de Beaure- gard et ses frères, originaires de St Antoine en Viennois, de- mandent et reçoivent l'habitation (28 nov. i685). Leur père , Pierre, arriva avec un fils le 9 octobre de l'année suivante. Il était âgé de 80 ans et reçut 20 florins.

Jean Flot et sa femme , de Misoën , reçoivent l'habitation , 3 sept. 1786.

Salomon Bonnet, de La Mure, reçoit un écu blanc (26 févr. 1687).

François Barbe , de Corps , avec sa femme , est reçu habitant (5 mars 1687).

Henri Bertrand , de Nyons, confiseur et pharmacien, reçu habitant le 2 avril 1688.

Henri Arnaud , seigneur de Chamblon , venu de La Motte Chalencon , reçu bourgeois en 1694.

Les frères Jérémie et Pierre Lambert de Beauregard (cités plus haut), reçus bourgeois le 27 déc. 1701. « Ils ont avec eux leur mère, nommée Marguerite Barnouy, âgée d'environ 81 ans, 4 sœurs : Marthe, Susanne , Isabeau, Marguerite, et deux nièces : Isabeau Corrier et Françoise Azeron. Quant à leurs

(1) A. Crottet, Histoire et annales de la ville d'Yverdon; Lausanne et Genève, 1859, in-8°.

372

moyens, ils consistent en leur travail de draperie et une boutique de mercier sous le fonds de 4,000 fr. »

Jean Louis Gauteron , des environs de Valence , reçoit l'auto- risation d'exercer son métier de chapelier.

Jaques Vincent, de Cobonne, reçoit la jouissance d'une partie de maison (3i juillet 1687).

Jeanne Oran, de Misoën, reçue habitante, 3i juillet 1687.

Arrivée énorme de réfugiés à Yverdon en 1 699. Six cents s'y arrêtent.

VII. RÉFUGIÉS DU PAYS DE NEUGHATEL1.

Jean Aubert, teinturier, d'Embrun. David Robert, cordonnier, de Poney. Jean Blanc et Jacques Matthieu, de Corps. Joseph Matthieu, Auguste Marron, marchand, Barthélémy Bonnet, marchand, de Molines. Henri Bertrand, de Nyons (avait été d'abord à Yverdon). Jean Borel, de La Mure. Jacques Perrin , peigneur de laine, de Vars. Daniel Monard, cardeur de laine, de Charens. Suzanne Bouvier, de Valence. André de Lachaux, de Saint Auban. Anne Blanc , de Fénestrelles. Etienne Guyot , marchand , des Granges. Jean Joly, de La Rua. Pierre Boyer, de Saint Véran. David Borrel, marchand, de Serre Chabrand.

(1) T. Godet, Histoire de la réformation et du refuge dans le pays de Neuchdtel; Neuchâtel, i85g, in-1'2; Guillebert, Le refuge dans le pays de Neuchdtel , dans le Bulletin de la Société de l'histoire du prot. franc., t. ix, p. 465 et suiv.

373

Jean Garcin, marchand gantier, de Molines.

Jacques Grojean , de Gap.

Michel Faure , de Valdrôme , avec sa femme et ses trois en- fans, l'aîné âgé de 8 ans (1687). La Bible qu'il emporta dans sa fuite est encore dans les mains de la famille.

Jacques Sauven, de Mizoën, agriculteur, compagnon du fameux chef des Camisards Cavalier. »

Pierre Reynier, de Dieulefit, fabricant de laine, avec sa femme et un enfant. Celui-ci, tout jeune alors, fut caché par sa mère dans un panier à bras et recouvert de citrons. Me Reynier en- ferma de même dans des cassettes l'argenterie et autres objets de prix de sa maison et les disposa autour de sa taille de manière à imiter les paniers d'osier que les dames portaient à cette épo- que l.

Demoiselles Françoise et Marie de Philibert, filles de messire Jean de Philibert , chevalier, seigneur de Venterol.

Moïse Marcel, de Crupies, tailleur d'habits.

Anne Blanc , de Fénestrelles.

Daniel Segond, de Mens, tailleur d'habits.

Jaques Porte, de Lancey, vallée de Gévaudan.

André de La Chaux , de St Auban.

Denys Long, de Montélimar.

François Chaband, de Valence, marchand.

Jaques Matthieu , de Corps.

Moïse Montoison, de Chabeuil, marchand.

Henry Bertrand, de Nyons , apothicaire droguiste.

Jean Joly, de La Rua.

Salomon Payan, de Clavans, marchand.

Jean Blanc , de Corps.

André Franchaud, de Taulignan.

Jean Vernet, de Dieulefit, manufacturier en soie.

(1) Tous les noms qui suivent sont ceux des réfugiés dauphinois qui s'établirent à Neuchâtel dans les années 17 10 et 1711, et y furent naturalisés sur leur demande et d'après un rescrit du roi de Prusse du 14 décembre 1709.

374 Jaques Bonnet, de Molines, marchand. David Seyma (ou Seyana), de St Auban , marchand. Charles René Lauzon, de Dieulefit, cuisinier. Jean Olivier, de la vallée de Queyras. Antoine Fazy, de St Véran. Pierre Falgues , de Molines. Pierre Bayer, de St Véran. Pierre Clément, de Guillestre, marchand. Jean Garcin , de Molines. Matthieu Malude, de Grave. Joseph Matthieu , de Molines, marchand. Auguste Marron, de Molines, marchand. Jaques Vieux, de Saillans, fabricant d'indiennes. Daniel Chabanel, de Valence 3 marchand. Henri Dos, de Mens, cordonnier. André Poudrel, de Die. Gratian Imbert, de Corps. Jaques Faucon, de Remollon. Jeanne Gras, de Dieulefit. Jeanne et Marguerite Callandre, de Guillestre. Pierre Borrel, de Lamure. Antoine André, d'Aspres. Pierre André, son frère. Paul Tolozan, de Vars, marchand. Pierre Drogue, des Bergers , diocèse de Die. Jaques Perrin, de Vais, peigneur de laines. Louis Genevois, de Mure, marchand. François Raviol , de Fénestrelles. Etienne Marchier, de Dieulefit. Jean Turrel, de Châtillon, marchand. Louis Goy, de Bourdeaux. Justine Gros, de Jerres. Suzanne Aymar, de Die. Pierre Lyons, d'Embrun, marchand. Jaques Boisserand, de Laragne.

Jean Louis Gotteron, de Bayanne, mandement de Valence, chapelier.

375 -

David Rozan , de Guillestre , marchand.

Daniel Monard, de Chavin, cardeur de laine.

Etienne Guyot , des Granges , vallée de. Pragela.

François Passet, à La Rua, marchand.

Antoine Dubois, son frère, perruquier.

Marianne Dubois, sa sœur.

Jean Louis Poyas, de Valence, marchand.

Pierre Gueille, de Vesc en Dauphiné, marchand.

Jean Gueille , son frère.

Bernard Bessonnant, de Loriol, facturier en laine.

Jean Aubert, d'Embrun, teinturier en soie.

Barthélémy David, de La Rua, marchand.

David Borrel , de Serre Chabran en Queyras.

Jaques Blanc, de Briançon, marchand.

Jean Planchûte, de Die, ouvrier en bas.

Jean Simon Gay, de Die, ouvrier en bas.

Henri Baridon, d'Embrun, marchand.

Jean Durand, de Nyons , marchand.

François Armand, deTaulignan.

Jean André Armand , son frère.

Jean Salomon, d'Entraigues, tailleur.

Suzanne Bouvier, de Montmeyran.

Jaques Fusier, de Beaumont, foulandier.

François Astier, de Beaumont, manufacturier.

Isaac Tholozan , de Vars, marchand.

Batholomée Bonnet, de Molines, quincailler.

Jaques Garcin, de Molines , gantier.

Jean Maron, de Molines, marchand.

Ésaïe Garais, d'Arnayon, cordonnier.

Antoine Fine , de Molines.

Claude Belonne, d'Abriès.

Jean P. Bardonnex, de Pont en Royans , graveur.

César Hugo, de Valdrôme , laboureur.

Paul des Tempes , de Serres , cordonnier.

Daniel Grimaudet, de Montélimar, marchand.

David Robert , de Poney, cordonnier.

Samson Charbonnier, de Montélimar, drapier.

376

VIII. RÉFUGIÉS DE BERNE

Marie et Judith Eustache. Pierre Eustache, de Besse. Jean et André Eustache.

IX. REFUGIES DE LAUSANNE2.

Le sieur Bouisson , cy devant lecteur de l'église d Ambrun , accablé de vieillesse ; on luy donne à la chambre 8 sols par se- maine ; on estime qu'il doit encore estre assisté de 7 sols par semaine.

M. Gros, advocat de la ville de Dye en Dauphiné, avec sa famille, extrêmement pauvres; on luy donne à la chambre 20 sols par semaine ; on estime qu'on doit encore l'assiter de i5 sols par semaine.

M. Jourdan , de Saint Paul trois Châteaux en Dauphiné, avec sa famille; on l'assiste à la chambre de 10 sols par semaine ; on estime qu'on doit encore l'assister de 5 sols par semaine

Le sieur Senebier et sa femme , de la ville de Grenoble , te vis deux incommodés ; on leur donne à la chambre douze sols .. semaine; on estime qu'on doit encore les assister d'autant.

M. Giraud, marchand du Dauphiné, sa femme et trois en- fants incommodés; on estime qu'ils ont besoin d'être assistés de 40 sols la semaine.

(1) Extrait des registres de la direction française de Berne (communiqué par M. le pasteur Bauty).

(2) Mémoire sur les secours qu'on croit qu'il est nécessaire de donner à plusieurs pauvres familles honteuzes reffugiées à Lausanne, pour les soulager dans leur misère, 29 sept. 1690 (Bulletin de la Société de l'hist. du prot. franc., t. xnr, p. i5o et suiv.).

377 M. Augier, cy devant régent dans l'académie de Dye, avec sa famille; on estime qu'on doit les assiter de 10 sols par semaine.

X. REFUGIES DIVERS l

Établis à Genève.

Louis Rivail , de St Marcellin.

Garcin Fazy (ou Fagy), consul de St Véran, marié à Judith Vasserol, du Queyras.

Daniel Fazy, frère du précédent, marié à Marguerite Vas- serol.

Antoine Fazy, fils du précédent, marié en premières noces à Priscille du Pouy, réfugiée deGuienne; en secondes, à Suzanne Bouverol, réfugiée du Pont de Veyle ; en troisièmes, à Clermonde Rousseau , tante de Jean Jacques ; reçu habitant le 1 3 février 1702.

Matthieu Fagis , de Gap, mort en 1689, à l'âge de 25 ans.

Fasi-Fasi , de Saint Véran , mort en 1687, à l'âge de 5o ans.

Jeanne Fazy, morte en 1696.

Damien Fazy, du Queyras, mort en 1688.

Jean Vasserol, son frère, marié à Isabeau Vasserol, reçu ha- bitant.

Judith Vasserol, leur sœur, mariée à Garcin Fazy, nommé ci- dessus.

Marie Vasserol, leur sœur, mariée à Jacques Méard , réfugié.

Suzanne Vasserol, sœur de la précédente, mariée à Pancrace Molinié, réfugié.

Élie Vasserol , du Queyras, réfugié en 1694.

Daniel Vasserol , dit le jeune , fils de Pierre , de Saint Véran , marié à Antoinette Payton, de Taulignan, fabricant d'indiennes aux Eaux-Vives.

(1) D'après les Notices généalogiques des deux Galiffes et les lettres reçues par l'auteur en réponse à l'avis du Journal de Genève (mars 1874).

378

Jacques Pons , fils de feu Chaffrey, du Queyras.

Daniel Pons , id.

Madeleine Pons, id.

Antoine Brunel, fils de feu Marcellin, du Queyras, fabricant d'indiennes.

Jean Dalmas, fils de feu Abraham, id.

Jean Pierre Labon, id.

Alexandre Joanin, de Châtillon.

Jean Joanin et sa femme, id.

Claudine Turril et David , Jean et Jean Jacques , ses fils.

Jean Martin, fils de Joseph et de Françoise de Guillermin, de Tulette, vint à Genève en bas âge et se maria plus tard à Marianne de Ferre, fille de François et de Justine du Normand, de Châteauneuf de Mazenc.

Jean de Guillermin , frère de la précédente , de Tulette, s'éta- blit d'abord à Neuchâtel, puis à Genève.

Théophile Boutillier de Beaumont , de L'Albenc , marié à Mlle Piffard , fille du pasteur de L'Albenc.

Jullien , de Trescléoux, réfugié à Genève vers iy3o.

Charles Pierre , Pierre Frédéric et Charles Audéoud , de St Bonnet, fils de Pierre, émigrèrent en Suisse vers i685. Charles Pierre revint en Dauphiné et obtint du parlement de Grenoble, le i3 mai 17 17, l'autorisation de rentrer dans la pro- priété des biens de son père. Pierre Frédéric , qui émigra le 26 septemb. i685, habita successivement Lausanne, Mondon , Payerne (où il fut reçu bourgeois le 12 mars 1 701, avec Charles. son frère), Cudrefin (où il fut reçu bourgeois le 22 mars 1701), enfin Genève, qui l'admit à la bourgeoisie le i3 février 1704.

Demoiselle Justine Matthieu , fille de feu noble François Matthieu et de feue Marguerite de Perrachon, demeurant à Grenoble , passe une promesse de mariage à Genève , le 2 1 août 1695, avec noble Marie de Gassand, sieur de Beaurepaire, fils de noble Louis de Gassand, sieur de Beaurepaire, et de Françoise de Perrachon , demeurant à Forcalquier.

Françoise de Velhieux, dame de Buffiers, Maisonblanche et Grandchamp en Viennois, mariée à noble Jean Henri de Bercoffiers , lieutenant au gouvernement d'Orange , réfugié en i665.

379

Établis dans des contrées diverses.

Anthoyne Brun, fils de feu Barthélémy, et Henri son fils, de La Baume des Arnauds, établis à Vevey (Vaud), ils ache- tèrent la bourgeoisie en 1764.

Jean Pierre Roux , fils de Pierre et de Catherine Lagier, de Laval d'Aix, le 16 janvier 1738, vint aux Abesses, près Morges , en 1 j5 1 , à lage de 1 2 ans.

Pierre Manuel, de Crest, marié à Louise Bénistan, de Crest, se réfugia avec sa famille à Berne , à Rolle et à Nyon.

Quatre fils et une fille de Bonnard Joseph, procureur au par- lement de Grenoble, marié en premières noces avec Mlle d'Au- bigné et en secondes noces avec Marguerite de Bardel, de Beau- rières, réfugiés à Rolle en 1730.

Le major Bardel de La Plaine, de Beaurières, frère de la précédente, établi à Rolle.

Daniel Gros, de Charens , réfugié à La Neuville en 1689.

Louis Noir, de Chàtillon, réfugié à Lausanne vers 1744, fut rejoint quelque temps après par Marthe Rey, sa femme , et ses enfans.

Jean Vernet, de Dieulefit , fils de feu Jacques, d'abord réfugié à Berne, puis reçu bourgeois de Prilly (Vaud) le 20 novembre 1730.

Jean André de La Faye, du Dauphiné, réfugié à Leipzig, il s'adonna au commerce.

David Simon , du Buis, réfugié en 1689.

38o

XI. REFUGIES DAUPHINOIS ASSISTÉS PAR LA BOURSE FRANÇAISE DE GENÈVE, de 1680-1710 *.

Nous avons relevé les noms de plus de 2,000 de ces réfugiés dans le manuscrit que nous citons en note, et nous les aurions volontiers rapportés, si notre troisième volume n'en eût pris de trop grandes proportions. L'importance de cette lacune se trouve du reste considérablement amoindrie par la circonstance que, les registres de la bourse française de Genève ne mention- nant que rarement le pays vers lequel se dirigeaient les réfugiés, la recherche de leur destination dernière, qui est le point le plus intéressant , en devient impossible.

(1) J. César Auquier, Liste des assistés de la bourse française de Genève de 1680 à 1710 (Archives de M. Henry Bordier, de Paris).

- 38i N.° II.

Liste générale des condamnations prononcées

contre des protestants dauphinois pendant

la période du Désert '.

i685

6 décembre (Parlement). Chauvin, pasteur à Uzès. Bannissement.

12 décembre (Parlemen Forel. Verges.

22 décembre (Parlement).

D'Hélis. Mort.

M"e Lucrèce d'Hélis , sa fille, i an couvent.

Marguerite Pelât. Mort.

Jacques La Baume. Mort.

Jacques Galéan. Mort.

(i) Hist. des églises réf. de France, t. ri, p. 971 (Mns. Court, N.° 28); Elie Benoit, Hist. de ledit de Nantes , t. m, 3e part., à la fin du texte; Ant. Court, Le Patriote françois et impartial, Mémoire historique, p. 107 et suiv.; Armand de La Chapelle, Nécessité du culte public, 2e éd., î. 11, p. 255 et 349; La France protestante , Pièces justificatives , p. 407 et suiv.; Ch. Coquerel, Hist, des églises du désert, t. r, p. 5o2 et 5 12 ; Archives département, de l'Isère, B. C. (Inventaire); Ath. Coquerel, Les forçats pour la foi, p. 262 et suiv.; Giroud, Recueil des édits et dé- clarations du roy; etc., etc.

382

Pierre Blanc. Galères perpétuelles \

Jean Baptiste Nicolas. Gai. perp.

Moïse Pelât , dit La Fontaine. Gai. perp.

Pierre Royer. Gai. perp.

Daniel Rolland. Gai. perp.

David Raillane. Gai. perp.

David Combe. Gai. perp.

Antoine Buis. Gai. perp.

Joseph Borrel. Gai. perp.

Pierre Chevalier. Gai. perp.

Jean Jacques Bard. Gai. perp.

Moïse Jouguet. 5 ans gai.

Pierre Boucheyer. 5 ans gai.

Jean Clément. 5 ans gai.

David Chion. 5 ans gai.

Antoine Faure. 5 ans gai.

Jacob Luya. 5 ans gai.

Alexandre Debourdeaux. 5 ans gai.

David Isaac. 5 ans gai.

Pierre Prim. 5 ans gai 2.

Jour et mois inconnus (Parlement).

Jean François Carra. Gai. François Sauvebois. Gai. J. Villard. Gai.

1686 3i janvier (Parlement).

Anne Durand delà Chastre, du Trièves. Couvent. Judith Pelât, du Trièves. Couvent. Ve Brigaud. Prison.

(i) Sur L'Heureuse , à Dunkerque en 1708. (2) Tous ces condamnés étaient du Trièves.

383

23 mars (Parlement). Antoine Boissy, de Grimaudier en Vivarais. 5 ans gai.

27 mars (Parlement). Pierre Fay. 5 ans gai.

3o mars (Parlement).

Vachery, de Marnège en Gévaudan. 5 ans gai. Pinet, de Marnège en Gévaudan. 5 ans gai.

6 avril (Parlement). Isabeau Rouvière. 3 mois prison.

1 1 avril (Parlement). Talin , de Goncelin. 5 ans gai.

18 mai (Parlement). Antoine de Riou. 10 ans gai.

24 mai (Parlement).

David Serre. Gai. perp. Jean La Duye. Gai. perp. Élie Maurin. Gai. perp. Jean Serre. 10 ans gai. Pierre Serre. 10 ans gai.

>8 mai (Parlement).

Jean Ginac. Gai. perp. Guillaume Ginac. Gai. perp. Jacques Gras, Gai. perp. Matthieu Arnaud. Gai. perp. Jean Lamie. Gai. perp.

384

3i mai (Parlement).

Clément Fradin, de Mirbaud en Anjou. 10 ans gai.

21 juin (Parlement).

Pierre Vinatier. Gai. perp. Daniel Berdon. Gai. perp. Anne Lagier. Couvent à vie. Renée Vinatier. 3 ans couvent.

22 juin.

Pierre Bernard Camus , de Besse. Mort. André Bernard , de Besse. Mort. Masson, de Besse. Mort. Etienne Eustache, de Besse. Mort. Ogier, de Besse. Gai. Paul Coing, de La Grave. Gai. Daniel Bouillet, de La Grave. Gai. Soixante et quatorze femmes. Hôpital. Vingt-cinq femmes. Propagation de la foi.

26 juin (Parlement).

Jacob Coudray, de Bourgogne. Gai. perp. Marthe de Camp. Prison perp. Marie de Camp. Prison perp.

28 juin (Parlement).

Barbune. Gai. perp.

3 juillet (Parlement).

Henri Orillon. Gai. perp. Gaspard Orillon. Gai. perp. Pierre Richard. Gai. perp. Jean Rouveure. Gai. perp.

385

6 juillet (Parlement).

Madeleine Callot. Prison perp. Jeanne Gelas. Propagation. Louis Raffin. Gai. perp. P. Cottin. Gai. perp.

9 juillet (Parlement).

Jeanne Barbeisan , de Montauban. Prison perp.

16 juillet (Parlement).

Marthe Cassagne. Prison perp. Blanche Gamond. Prison perp.

3o août (Parlement).

Seize femmes de Freissinières. i5 jours de Propagation.

20 septembre (Parlement).

Monet , de Chambéry. Fouet et marque.

25 septembre (Parlement).

Clément Patonnier. io ans gai. 1. Jean Bouniol, de Sala vas. Gai. perp.

26 septembre (Parlement). Susanne Mel, femme Strand. Prison perp.

28 septembre (Parlement). Jacques Bouillane, de Châteaudouble. Mort.

(1) Sur L'Éclatante ou Triomphante , passée en Ponent.

253

386

5 octobre (Parlement).

Louis Rolland. Prison perp.

Marie Salomon de Longefan. Prison perp.

12 octobre (Parlement).

Pierre Béranger. Gai. David Audra, Gai.

26 octobre (Parlement).

Barthélémy Gasquel. Gai. perp. Isaac Gasquel. Gai. perp. Salomon Clavel. Gai. perp. Pierre Etienne. Gai. perp.

4 novembre (Parlement).

Judith Roivy. Prison perp.

29 novembre (Parlement).

Jean Guichard. Gai. perp. Louise Voisin. Prison perp. Anne Voisin. Prison perp.

1 1 décembre (Parlement).

Jeanne Garcin. Prison perp. J. Prim. Gai. perp.

12 décembre (Parlement).

Capieu, pasteur, de St Laurent de La Vernède, près Uzès. Gai. perp. Catherine Jacquet , de Pignan. Prison perp. Lyron , de Lyon. Mort.

387

19 décembre (Parlement).

Suzanne Alix. Prison perp.

Jour et mois inconnus (Parlement).

Antoine Achard. Gai. François Bridon 1. Gai. Claude Filliol. Gai. Jean Baptiste Frier. Gai. Antoine Millet. Gai. Louis Béranger. Gai.

Jean et Matthieu Villose frères., marchands colporteurs. Gai. perp. Antoine Bergillac. Gai. Jean Thomas Fagot. Carcan et 5 ans bannissement.

1687 27 janvier (Parlement).

André Colombier. Prison. Jean Ferrand, de Montvendre. Prison. Pierre Galand, de Beaufort. Prison. Pierre Claron, de Montclar. Prison.

i3 février (Parlement).

Femme Dambes. 6 mois de Propagation.

Son fils, jeune. Hôpital.

Romain. Gai. perp.

Antoine Richard, du Poët Laval. Gai.

(1) Sur La Ferme ou La Palme, à Saint-Malo.

388 -

19 février (Parlement).

Souverain Martel , de Puylaurens. Prison perp. Jeanneton Martel, de Puylaurens. Propagation. Sébastien Peyrol, de Mens. Gai.

22 février (Parlement).

Nicolas Vachon. Gai.

Ier mars (Parlement).

Marguerite Rayer. Prison perp. Françoise Roux. Prison perp. Marguerite Desjours. Prison perp. Femme Durand , de Béziers. Prison perp.

5 mars (Parlement). Madeleine Ladrouille. Prison perp.

8 mars (Parlement). Jeanne Garcin. Prison perp.

14 mars (Parlement).

Claude Millon, des Échelles. Gai. Marie Françon. Propagation.

24 mars (Parlement).

Lacroix, de St Genix en Savoie. Fouet et marque. Françoise Monchaut. 1 an de Propagation. Claudine Monchaut. 1 an de Propagation. Marie Monchaut. 1 an de Propagation.

- 389-

26 mars (Parlement).

Claude Lagier. 6 mois de Propagation. David 'Arthaud , de Quint. 6 mois d'hôpital.

3o avril (Parlement).

Pierre Gautier. Gai. perp.

Veuve Gautier. Prison perp.

Madeleine Don. Prison perp.

Anne Ayasse. Prison perp.

Anne Jourdan. Prison perp.

Marie Allais. Prison perp.

Susanne Gautier. Prison perp.

Jeanne Jourdan. Prison perp.

Madeleine Gautier, de Villaret. 2 mois de Propagation.

Jeanne Gautier, id. 2 mois de Prop.

Jean Berger, id. 2 mois de Prop.

Marie Berger, id. 2 mois de Prop.

Madeleine Berger, id. 2 mois de Prop.

5 mai (Parlement).

Louis Pelet. Mort.

7 mai (Parlement).

Jean Blanc, de Pragela. 5 ans gai. Pierre Vinassier, de Gap. Gai.

14 mai (Parlement). Bouvier, de Genève. 5 ans de gai.

17 mai (Parlement). Fille Prim. 3 ans de Propagation.

3go

28 mai (Parlement). Jean Andrevet. 10 ans de bannissement.

14 juin (Parlement). Jean Pierre Estève, de Nyons. Gai.

11 juin (Parlement). Moïse Cerce, de Montmeyran. Gai.

19 juin (Parlement). Nicolas Monnet. Gai.

2 3 juin (Parlement).

Henri Soyon. Gai.

5 juillet (Parlement).

Bonnet. 10 ans gai.

Estève. 10 ans gai.

Françoise Galland. 3 mois Propagation.

Françoise Achard. 3 mois Propag.

8 juillet (Parlement).

Brechon. Gai. perp. Plantamour jeune. Propagation.

9 juillet (Parlement). Cariât , de St Genix en Savoie. 5 ans gai.

1 1 juillet (Parlement). Sébastien Bargui , du Faucigny. 5 ans gai.

391

12 juillet (Parlement).

Marie Serre. Propagation. François Desjours. Propag. Madeleine Desjours. Propag.

19 août (Parlement).

Paul Avond, d'Aurel. Gai.

23 août (Parlement).

Joseph Clallié, de St Genix en Savoie. Fouet. Claude Perret , id. Fouet.

26 septembre (Parlement).

David La Place. 5 ans gai.

1 1 octobre (Parlement).

Daniel Jourdan, jeune. Propagation.

5 novembre (Présidial de Valence).

Abraham Raspail, de Bourdeaux. Gai. Louis Bonnet , de Bourdeaux. Gai. Zacharie Marcel , de Crupies. Gai.

g novembre (Sénéchaussée de Crest).

Louis Galland,de Beaufort. Gai. perp. Jean Marcel de Montclar. Gai.

Jour et mois inconnus.

Pierre Alexis, de Crupies. Mort. Daniel Plan, de Crupies. Mort. Louis Flotte, de Crupies. Mort. Pierre Bonnet, de Crupies. Mort.

3g2

Rostain Barton, dit Mazel, du Rastel. Mort.

Apostoly Isaac. Gai. *.

Jean Bernard. Gai. 2.

Louis Bouverin. Gai.

Guillaume Brochon. Gai.

Fr. Chevalier. Gai.

Jean Fayan. Gai. 3.

David Grimaudet. Gai.

Jacques Jonquet. Gai.

Henri Joyeux. Gai.

Richard, de Montmeyran. Mort.

Ses deux fils. Mort.

Louise Moulin, de Beaufort. Mort.

Pierre Marcel, de Beaufort. Gai. perp.

Fournier, de Montclar. Gai. perp.

Jeanne Sillol , des Cévennes, femme d'André Dambois. 6 mois de Propagation.

Jacques Dambois , son fils. Hôpital.

Pierre Romain, de Charroux en Bourbonnais, marchand colporteur. Gai. perp.

Claude Million , de St Jean de Coux en Savoie. Question or- dinaire et extraordinaire.

Isabeau Robin, femme de Guillaume Durand, de Saint Félix, diocèse de Béziers. Prison perp.

1688

J. Gontard. Gai. Alexandre Julien. Gai. Jacques Vigne. Gai. 4.

(i) Sur L 'Emeraude , à Dunkerque en 1708.

(2) Sur La Madame , à Marseille en 1708. Sur La Ferme ou La Palme , à Saint-Malo.

(3) Prosélyte. Détenu au Château-d'If.

(4) Sur La Superbe, à Marseille en 1708.

- 393 - 1689

9 janvier (De Larrey, lieut. gén.).

Jean Goulard , de Grenoble. Gai.

29 janvier (De Larrey).

Armand Gras, de Dieulefit. Gai. Etienne Bertrand, de Mornans. Gai. Jacques Vigne, de Mens. Gai. Pierre Vial , de Montélimar. Gai.

28 février (Ordre du roi).

Jean Turc, de Dieulefit. Gai. Charles Rochebois, de Livron. Gai. Jean Prunier, de Livron. Gai. Pierre Reynaud , de Vinsobres. Gai. Claude Reynaud, de Vinsobres. Gai. Henri de Lacombe, de Vinsobres. Gai. . Pierre Sauzet , de Vinsobres. Gai. Antoine Roselas, dArnayon. Gai. Jean Julien, de Bourdeaux. Gai. *. Fortunat Breton, de Bourdeaux. Gai. Philippe Tardieu , de Teyssières. Gai. Thomas Piguet, de Teyssières. Gai. Esprit Turc, de Dieulefit. Gai. Claude Fanchon, de Dieulefit. Gai. Etienne Munier, de Baurière. Gai. Etienne Barnavon , de Baurière. Gai. Philippe Turc, de Montjoux. Gai. Marc Gresse, du Poët Célard. Gai. Paul Gueyle, du Poët Célard. Gai. Jean Caudy, de Vesc. Gai.

(1) En 1708 sur La Vieille Réale, à Marseille. Sur La Souveraine.

3q4

3o mars (De Larrey).

Antoine Buisson , de St Ange. Gai. David Buisson , son fils. Gai.

4 avril (Ordre du roi).

Jean Bouvier, de St André. Gai. Jean Begon, de St Dizier. Gai. Fortunat St Ange, du Poèt Laval. Gai. Jean Bouvier, d'Establet. Gai. Barthélémy Bouvier, d'Establet. Gai. Pierre Bouvier, d'Establet. Gai.

23 mai (Intendant).

Jean Lambert, de Lesches. Gai. Pierre Liotard , de Marignac. Gai. Jean Vignon, de Marignac. Gai. Pierre Martin, de Marignac. Gai. Matthieu Poudrel, de Marignac. Gai.

21 juillet (De Larrey).

Jean Rostan, de Pamier. (?) Jean Antoine Penail, id. (?)

22 juillet (Bouchu, intendant).

Jean Vincent Maillet, de Suze. Gai. Jean Vincent Lambrois, de Suze. Gai.

27 juillet (Parlement).

Jean Pierre Chastel, de Montclar.

3o août (De Larrey). I

Alexandre Gaillard, de Gap. Gai.

Bertrand Ouït, de Loriol. Gai.

- 395 -

Isaac Fouchaire, de Loriol. Gai. Félix Chabrières, d'Ourches. Gai.

12 octobre (Bouchu).

Philippe Michel, d'Orpierre. Gai.

Alexandre Vacher, de La Motte Chalancon. Gai.

Pierre Roux, de Die. Gai.

Antoine Perrier, de Poyols. Gai.

Jean Saimème, de Bourdeaux. Gai.

Oddes, de Montmaur. Gai.

César Gros , de Serres. Gai.

Jean Laurent , de La Croix Haute. Gai.

Pierre Laurent , de La Croix Haute. Gai.

Antoine Mercier, de Pragela. Gai.

Jean Marcellin, de Queyras. Gai. \

i5 novembre (Ordre du roi).

Antoine Bregnard, de Dieulefit. Gai.

Daniel Pugnet, de La Baume les Arnauds. Gai.

Denis Talon, de Livron. Gai.

Pierre Pagot, de Valence. Gai.

Jean Marin, de Fourcinet. Gai.

2 3 novembre (Bouchu).

Jean Archinard , de Nyons. Gai. Hector Escoffier, de Nyons. Gai. Alexandre Gleize , de Nyons. Gai. Etienne Tardieu, de Venterol. Gai. Jean Garnier, de Bourdeaux. Gai. Pierre Turrel , de Châtillon. Gai. Etienne Fert , de Vesc. Gai. 2.

(i) En 1708, sur L'Invincible , à Marseille. (2) En 1708, sur La Fleur de Lys, à Marseille.

- 396 -

Pierre Didier, de St Moirans. Gai. David Jean Henton, de St Julien. Gai. François Augier, de Savasse. Gai. 4. Antoine Bovène , de Loriol. Gai. Marc Oddon, de Valdrôme. Gai. Jean Commerc, de Livron. Gai. 2.

Jour et mois inconnus.

J. Archimbaud. Gai. Blanc Jacques. Gai. Blanc Pierre 3. Gai. Daniel Borrel 4. Gai. J. Bousqueynaud. Gai. Théophile Bouvier. Gai. Pierre Boyer 5. Gai. Alexandre Brunel 6. Gai. David Buisson. Gai. Jean Jacques Calme. Gai. Henri Chambon. Gai. David Corbière. Gai. Fortunat Coursange. Gai. Jean Pierre Douchon. Gai. Jacques Duvaux. Gai. Jacques Martin. Gai. François Augier. Gai. Matthieu Pelissier. Gai. Matthieu Ribery. Gai. J. Rogeron. Apostat. Gai.

(i) En 1708, sur La Perle, à Marseille. (2_) Sur L Ambitieuse , à Bordeaux.

(3) Sur La Victoire.

(4) Sur La Madame.

(5) Sur La Hardie. En 1708, sur La Vieille Réale , à Marseille.

(6) En 1708, sur La Perle, à Marseille.

397 Jean Rougeron (ou Rousseron) '. Gai. André Thiers 2. Gai. Jean Jacques Versil. Gai. Jean Ferrier. Gai.

Faure, de La Motte Chalancon. Prison perp. Vingt personnes de Dieulefit. Gai. Arnaud, de La Motte Chalancon. Mort. Marie Morin , de Chalancon. Mort. Marguerite Latty, d'Arnayon. Mort. Alexandre Sambuc, de Villeperdrix. Mort. Simon Barnavon, de Bouvières. Mort. Borély, de Suze. Mort. Monier, de Dieulefit. Mort. Un aveugle , de Bourdeaux. Mort. Femme Colongin, de Livron. Mort. Un homme de Livron. Mort. Le valet de ville de Livron. Mort. Deux hommes de Beaumont. Mort. Quatre personnes de la même famille , à Loriol. Mort. Clairant , de Poyols. Mort. Baussan , de Dieulefit. Mort. Fille Dumas, du Poët Laval. Mort. Fille Reynier, de Dieulefit. Mort. Fille Piguet , de Dieulefit. Mort. Dufour, de Dieulefit. Mort.

1690

Claude Allamand. Gai. Aurèle Bertrand. Gai. Jean Pierre Sivart. Gai. Jean Veirrier. Gai.

(1) Sur La Madame, à Marseille.

(2) En 1708, sur La Fière.

Pierre Baraqua. Gai. Jacques Dufour. Gai.

- 398 - 1691

1694

Tardieu, de Saillans. Gai.

Jean Faure, de Saillans. Gai.

Jean Rey, de Saillans. Gai.

David Henry, d'Espenel. Mort.

Sa sœur. Mort.

Forest, d'Espenel. Mort.

Me Couteau, de Rochebonne. Mort.

(Bouchu, intendant.)

David Sauvion. Mort. Antoine Gros. Mort. Marguerite Chaix. Mort. Marie Albanel. Mort. Jacques Faure. Mort. Jean Deub. Mort. Isabeau Deub. Mort. Pierre Beyler. Mort. Louis Tardieu. Mort. Isabeau Allard. Mort. François Arnaud. Mort. Anne Gros. Mort Madeleine Sauvion. Mort.

1695 (Bouchu.)

Judith Michel, femme de Pierre Tourtel, de Dieulefit. Mort. Jean Galien , de Taulignan. Mort. Susanne Béranger, de Taulignan. Mort.

399

1697 (Bouchu.)

Jean Vigne, de Nyons. Gai. perp. David Pellat , de Vinsobres. Gai perp. David Luya, de Vinsobres. Gai. perp. Daniel Faure , cardeur de laine. Mort. Jean Archambaud. Mort.

Suzanne Brochier, de Vinsobres. 5 ans de prison. Pernette Luya, de Vinsobres. 5 ans de prison. Marguerite Sauvan , de Menglon. 5 ans de prison. Abel Pascal , de Loriol. Gai. perp. Claude Barre , de Rosans. Gai. perp. Daniel Barre, de Rosans. Gai. perp. Jean Jacques Barre, de Sainte Euphémie. Gai. perp. Pierre Reynier, de Loriol. Gai. perp. Jean Marnasson , cardeur, de Crest. Gai. perp. Claude Loubatier, de Guillestre. Gai. perp. Jacques Rebier. Gai. perp. André Lespinat, de Livron. Gai. perp. Antoine Lioutier, cardeur de laine, de Saint Sauveur. Gai. perp.

1698 Plusieurs Dauphinois réfugiés à Orange. Mort.

1701

Jacques Fauché. Gai. David Serres (le puîné). Gai.

1704

Pierre Courtois. Gai. Alexandre Floret. Gai.

400

Antoine Dauphin. Gai. David Garcin. Gai.

170b (avant)

Pierre Richard. Gai. J. Vial. Gai. J. Vincent. Gai.

Liorac. Gai.

1705

i735

16 février (Parlement).

Matthieu Allard , des Petites Vachères. Gai. perp.

Jean Latard, de Chalencon. 10 ans gai.

Jean André Émerie. 10 ans gai.

Jean Marie Cheyron, sa femme. 10 ans prison.

Etienne Combel , de La Charce. 5 ans gai.

Daniel Boyer. 5 ans gai.

Paul Magnan. Gai. perp.

Marie Brachet, de La Motte Chalancon. Prison perp.

Jacques Rougier, prédicant (Roger, pasteur). Mort.

Blache, prédicant (Faure, pasteur). Mort.

Pierre Arnaud , de Poyols. Gai. perp.

Alexandre Barbeyer, de La Motte Chalancon. Gai. perp.

Louis Monnard, d'Establet. Gai. perp.

Jean Magnan , d'Establet. Gai. perp.

Jacques Onguent, d'Establet. Gai. perp.

Adam Portes, d'Establet. Gai. perp.

Antoine Vêlais, d'Establet. Gai. perp.

Etienne Roger, d'Establet. Gai. perp.

401

17 36

9 juin (Parlement).

Jean David Bouvier, de St Julien en Quint, hameau des Bournes. io ans gai.

Jean Villevaire , de Fontanieu , aux Cévennes. Gai. perp.

Georges Gaud, dit l'aîné, de Barsac. io ans gai.

David Combel, de La Charce. Gai. perp.

Elisabeth Verdier, ve de Daniel Mancy, de Bellegarde, ha- meau de Montlahud. Prison perp.

Marguerite Bermond, femme de Louis Brun, de Bellegarde, hameau de Montlahud. Prison perp.

1740

9 avril (Parlement).

Jean Baridon, fils de Daniel. 10 ans bannissement. Jacques Baridon, fils de feu Jacques. 3 ans bann. Duron (ou Verduron), marchand, d'Aubenas, prédicant. Mort. Jean Bonnabel, d'Orcières. Gai. perp.

21 mai (Parlement).

Dupré, prédicant. Mort. Dupuy, prédicant. Mort. Garcin, prédicant. Mort. Pierre Bâchasse, de Menglas. Gai. perp. André Gérard, marchand de vin à Saint Sébastien. Gai. perp. Sa femme. Prison perp.

263

402 Sa fille Marianne. Prison perp.

Jean Baud, des Sarrons, paroisse de Mens. Gai. perp. Pierre Guérin, de Consagne, diocèse de Nîmes, habitant Mens. Gai. perp. Jean Besson-Miserat, de Menglas. Mort. Nathanaël Figard , à Baumel. Bannissement perp. Marie Senebier, de Mens. Prison perp. Grange de Jean Baud. Démolition.

3 septembre (Parlement).

Vilette-Colombière. Gai. perp.

Pierre Arabin , du Roure. Gai. perp.

Jean Arnaud. Gai. perp.

Claude Gay. 10 ans gai.

Jacques Pélissier-Tanon, châtelain royal de Mens. Gai. perp.

Isaac Durand. 5 ans bannissement.

Louise Fazende. 10 ans prison.

Jean Pélissier, neveu de Jacques Pélissier. Gai. perp.

Catherine Gachet. 10 ans prison.

Pierre Richaud. 5 ans bannissement.

Jacques Richaud. 5 ans bann.

Charles Richaud. 5 ans bann.

Mois et jour inconnus (Parlement).

Jean Rolland , dit Bourget , du lieu de Longueville. 5 ans gai. Pierre Borrel. 5 ans gai. Jacques Content , de Menglas. 5 ans gai. Jean, de Bourdeaux. 5 ans gai. Pierre Roussin, du Villard de Touage. 5 ans gai. André Gras. 5 ans gai. Antoine Davin. 5 ans gai.

Pierre de Magnin de la Seigne, de St Pancrace. 5 ans ban- nissement.

Etienne Nain , de St Baudille et Pipet. 5 ans bannissem.

4°3

1741

17 mai (Parlement).

David Faure. Bannissement perpétuel. Antoine Faure. ro ans gai. Marianne Bertrand. Bann. perp. Jean Chauffer. Gai. perp. Grange de David Faure. Démolition.

1744

26 août (Parlement).-

Jacques Guillot, voiturier, du hameau des Gallands, commune de Menglon. 10 ans gai.

Cent soixante-neuf volumes introduits par Guillot. Feu.

1745

6 février (Parlement).

Jacques Bognard, de St Fortunat en Vivarais , habitant Genève. Carcan , fouet, bannissem. perp.

9 février (Parlement). Paul Achard, cordonnier, de Châtillon. Gai. perp.

17 février (Parlement). Etienne Arnaud, de La Charce. Gai. perp.

23 février (Parlement).

Paul Alexandre de Montrond, s1' de La Bâtie et de Baix. Déchéance de son fief.

404

26 février 1745 (Parlement).

Antoine Riaille , d'Aoste. Gai. perp.

2 mars 1745 (Parlement).

Louis Ranc, prédicant. Mort.

17 mars (Parlement).

Arnaud (dit Duperron ou La Plaine), du Vivarais, prédi- cant. Mort.

Pierre Bérard , dit l'aîné, de Châteaudouble. Gai. perp. Antoine Bérard, dit le cadet, de Châteaudouble. Gai. perp. Jean Faure, fils de Louis, de Combovin. Gai. perp. Paul Bérard, de Châteaudouble. 5 ans gai.

4 mai (Parlement).

Alexandre Porte. Carcan, fouet, bannissem. perp., ses livres brûlés.

5 mai (Parlement).

Antoine Julien, maçon, de Trescléoux. 5 ans gai.

Jean Allier, tonnelier, de Trescléoux. Gai. perp., maison rasée.

Joseph Maigre , de Boissetes, notaire royal. Destitué.

7 mai (Parlement).

Antoine Rouvier, de Lesches. 5 ans gai.

Jean Plumel, de Fourcinet. 5 ans de bannissement.

1 1 mai (Parlement).

Jean Antoine Lagier, de Mirabel. Ses livres brûlés.

4o5

12 mai (Parlement).

Barthélémy Faure, d'Orpierre. 5 ans gai. Susanne Monier, ve d'Antoine Galland , de Nyons. Rasée, verges , maison démolie. Jean Louis Bertrand , maréchal, de Vinsobres. 5 ans banniss.

22 mai (Parlement).

Jacques Roger, de Boissières, diocèse de Nîmes, prédicant. Mort.

23 juin (Parlement).

Judith de Pontcharra, ve de noble César de Rigot, sr de Montjoux. Couvent à vie. Élie Sambuc. Maison rasée.

28 septembre (Parlement).

Louis Bérard, de Châteaudouble. Gai. Jean Bérard , de Châteaudouble. Gai. Paul Bérard , de Châteaudouble. Gai. Pierre Bérard , de Châteaudouble. Gai. perp. Vingt-sept mariages cassés.

i5 octobre (Parlement).

Pierre Amie, de St Dizier. 10 ans gai.

Jean Buis, dit La Forquette, de St Dizier. Gai. perp.1

Pierre Rolland , dit le Grenadier, de St Dizier. 10 ans gai.

Jean Louis Cartier, dit Séchillon, de St Dizier. 5 ans gai.

Etienne Tortel, dit La Condamine, de St Dizier. 10 ans gai.

Madeleine Calvet , femme de Tortel, de St Dizier. Verges.

Jacques Amie, de St Dizier. Gai. perp.

Grange de Daniel Payen. Démolition.

Grange de Jean Isnard. Démolition.

Mariage de Jean Beaumont , fils de Pierre, cassé.

4°6

Mariage de Jean Beaumont , de Pialat, et d'Elisabeth Amie, cassé.

Mariage de Pierre Blanc, de Chalancon, et de Madeleine Reynaud , cassé.

6 novembre (Parlement).

Matthieu Bouillane. Dégradation.

Jean de Bouillane, de St Julien en Quint. Dégradation.

Jean de Richaud , de Quint. Déchéance.

"Jean Pierre de Bouillane , du hameau des Bonnets. Gai. perp., déchéance.

Jean Matthieu Morin, de St Julien en Quint: Gai. perp., dé- chéance.

Pierre de Richaud , dit La Buse, de St Julien en Quint. Dé- chéance.

André de Richaud, de St Julien. Gai. perp.

François David de Bouillane , du hameau de Villeneuve. Déchéance.

Jean Antoine de Richaud, dit La Buse. Déchéance.

Pierre de Richaud Breyton. Déchéance.

Jean Pierre de Richaud, dit La Buse, fils de Pierre, du hameau des Tourtres. Déchéance.

André de Richaud, du hameau des Bergers. Déchéance.

David Jean de Bouillane, fils de feu Antoine, du hameau des Bergers. Déchéance.

Paul de Bouillane, du hameau des Bailles. Déchéance.

Jean Antoine de Richaud , du hameau de Bournat. Déchéance.

Noël de Bouillane. Déchéance.

Antoine de Richaud, fils de Jean Antoine, dit Berthelon,du hameau des Richauds. Déchéance.

Moïse de Richaud , fils de feu David , du hameau de La Cime. Déchéance.

Louis de Richaud, dit Bleu, du hameau des Merlans. Dé- chéance.

François de Richaud, dit La Buse. Déchéance.

Paul de Bouillane, du hameau des Bonnets. Déchéance.

407

Jean Antoine de Richaud, fils de feu Jean Pierre. Déchéance.

Jean Pierre de Richaud, fils de feu Pierre, du hameau des Juliens. Déchéance.

Pierre de Richaud , dit Verdeyer. Déchéance.

Claude de Bouillane, fils de Jacques. Déchéance.

Jean de Richaud, laboureur, de St Julien. Déchéance.

Jean de Richaud, cordonnier, du hameau de Villeneuve. Dé- chéance.

Jean Pierre de Bouillane, dit Cousin , du hameau des Tour- tres. Déchéance.

Just de Richaud, du Moulin Vieux. Déchéance.

Antoine de Richaud , son fils. Déchéance.

Etienne de Richaud , fermier de Lantheaume. Déchéance.

Mois et jour inconnus (Parlement).

Faure Jean. Gai. perp. Tortel Etienne. 10 ans gai.

1746 2 avril (Parlement).

Vouland, ministre. Mort.

Etienne Rolland , ministre. Mort.

Delacour (François Descours), ministre. Mort.

Desnoyers (Rozan), ministre. Mort.

Dubuisson (Pierre Combe), prédicateur. Mort.

Ranc Alexandre, ministre. Mort.

Paul Faure, ministre. Mort.

Pierre Rolland, de St Julien en Quint, ministre. Mort.

Berlin, ouvrier en petites étoffes, de Dieulefit. Gai. perp.

Louis Noir, maréchal, de Châtillon. Gai. perp.

J. Jacques Galland, deNyons. 5 ans gai.

Jean Jacques Eymerie, de Châtillon. 5 ans gai.

Jean Bouvat, de Marignac. Banniss. perp.

Matthieu Boutan , fils d'Hector, de Nyons. 10 ans banniss.

408

Abraham Thomas , de Condillac. 5 ans bann.

Jean Chirol, drapier, de Bourdeaux. 5 ans bann.

Jean Ferrier, de Jonchères. 5 ans bann.

Femme Perminjat. ioans de prison.

Marthe Martin, io ans de prison.

Grange d'Abraham Thomas, de Condillac, rasée.

Grange de Claude Piallat, de Vinsobres, rasée.

Maison de Jean Chirol, de Bourdeaux, rasée.

Maison de Jacques Galland, de Nyons , rasée.

Mariage de Jean Crozat , de Livron , et de Marguerite Per- minjat, cassé.

Mariage d Armand, de Nyons, et d'Anne Garagnon , de Nyons, cassé.

Mariage de Jean Jacques Ravoux , de Nyons, cassé.

Mariage de Joseph Monnier, de Nyons , cassé.

Mariage de Guillaume Rousset, de Nyons, cassé.

Mariage de Louis Escoffier, de Vinsobres, cassé.

Mariage de David Robin, de Savasse, cassé.

Mariage de François Bergeron , de Livron , cassé.

Mariage de Madeleine Monnier, de Vinsobres, cassé. Inter- diction des fonctions d'accoucheuse.

Joseph Villet , notaire à Vinsobres. Interdit.

J. B. Lachaud, notaire à St Auban. Interdit.

Joseph Vian, notaire à Ste Euphémie. Interdit.

io mai (Parlement).

Mariage de Jacques Granet , de St Jean d'Hérans , avec Marie Peyraud, cassé.

Mariage de Joseph Paturel , charpentier, de Mens, avec Fran- çoise Girard, de Tréminis, cassé.

Mariage de Jean Bonet, maréchal, de Mens, avec Marguerite Payan, cassé.

Mariage de Jean Bonniot , tisserand , de Mens , avec Marie Fazende, cassé.

Mariage de Pierre Jamiel , maréchal, de Mens, avec Françoise Freau , cassé.

409

Mariage d'Achille Luya, de Mens, maçon, avec Elisabeth Raillianne, cassé.

Mariage d'Alexandre Guichard, tisserand, de Mens, avec Elisabeth Matthieu , cassé.

Mariage d'Antoine Magnan, voiturier, de Mens, avec Louise Bonnet , cassé.

Mariage de Pierre Gaston, cloutier, de Mens, avec Susanne Martin, cassé.

Mariage de Jean Poncet, laboureur, de Sébastien, avec Jeanne Rolland , cassé.

Mariage de Paul Bonniot, tisserand , de Tréminis, habitant Mens , avec Marie Richard , cassé.

Mariage de Pierre Allouard, du Périer, avec Marie Malvezin, cassé.

Mariage de Pierre Debourdeaux, de Goirans . habitant St Baudille, avec Suzanne Miard, cassé.

Mariage de Louis Pugnet , voiturier, de Tréminis, avec Mar- guerite Besson , cassé.

Mariage de François Baup, voiturier, de Mens , avec Marie Borrel, cassé.

Mariage de Jean Béranger, de St Pancrace, habitant Mens, avec Marguerite Brun , cassé.

Mariage d'Oddon, tisserand, de St Jean d'Hérans, avec Clau- dine Silvestre , cassé.

23 septembre (Parlement).

Marc Antoine Busat , ouvrier en petites étoffes, de Beaumont. Gai. perp.

Pierre Chanat, de Beaumont. 10 ans gai.

Jacques Gensel, laboureur et drapier, de Beaumont. Gai. perp.

Pierre Sayn , dit You , de Montmeyran, Gai. perp.

Louis Ducros, le cadet, de Montmeyran. 5 ans de bannisse- ment.

Pierre Cheyssière , de La Baume Cornillane. 5 ans gai.

410 Jean Jourdan, travailleur de terre, de La Baume Cornillane. Gai. perp. Jacques Ducros, maréchal, de La Baume Cornillane. 5 ans

gai.

Simon Combe Durond, dit Toulipan, de Combovin. 5 ans gai.

Moïse Bérard , hôte au logis de La Madeline, de Livron. Gai. perp.

Marie Clayssac, fille d'Abraham, de Livron. Prison perp.

Jacques Clayssac, fils d'Abraham, de Livron. 10 ans gai.

Françoise Clayssac, fille d'Abraham, de Livron. 5 ans prison.

Jean Louis Souchon, de Livron. Gai. perp.

Jacques Tromparent, ouvrier en petites étoffes, de Livron. io ans gai.

Jacques Rostain , dit La Grandeur, de Livron. 5 ans de ban- nissement.

André Poulat , cabaretier, père , de Beaumont. 5 ans de ban- nissem.

Barthélémy Baud, granger, de Beaumont. Gai. perp.

Jean Forest, de Beaumont, drapier. 5 ans bannissem.

Paul Premier, ouvrier en petites étoffes, de Beaumont. 5 ans gai.

André Poulat fils, de Beaumont. 5 ans gai.

Jean Baud, de Beaumont. 5 ans gai.

Justine Rodet , ve de Louis Metifiot , drapier, de Chabeuil. Prison perp.

Marguerite Metifiot, de Chabeuil. 5 ans pris.

Jean Louis Faure, à la Forêt de Chabeuil. 5 ans de gai.

Jean Bouvet, granger, d'Étoile. Gai. perp.

Mariage de Colin Crozat et de Marianne Soûlas, de Mont- meyran, cassé.

Maison de Pierre Chanas, de Beaumont, rasée.

Jour et mois inconnus.

Raillon , de Gigors. Gai. Jacques Tromparen. Gai.

411

I747-I748 (Parlement).

Mariagede Pierre Faure et d'Antoinette Gravier, cassé.

Mariage de Jean Rey et Elisabeth Lamagne , cassé.

Mariage de plusieurs autres religionnaires de Vinsobres, cassé.

!749

.7 juin (Parlement).

Mariage d'Antoine Joubert , des Gallands , avec Susanne Amie, fille de Jacques, de St Dizier, cassé.

Mariage d'Antoine Boyer, fils de feu Alexandre, avec Anne Joubert, fille de feu Daniel, de Chalancon , cassé.

Mariage de Jean Geney, fils de Jean Félix, et de Marguerite Vacher, de Valdrôme, cassé.

Mariage de Jean Basset, fils de Daniel, de Valdrôme, et Jeanne Évêque, de La Baume des Arnauds, cassé.

Mariage d'Antoine Begond , fils à feu Antoine, de Valdrôme, et Louise Brunel , de St Dizier, cassé.

Mariagede Jean Montbrand et Jeanne Ponçon, de Valdrôme, cassé.

Mariage de Jean Gayte, fils de David, et Marie Daube , fille d'Hector le cadet, de Valdrôme, cassé.

Mariage d'Antoine Marin, fils de Paul, avec Marguerite Basset, fille d'Etienne , de Valdrôme, cassé.

Mariage de Joseph Gary avec Jeanne Lagier, de Bas Charens, cassé.

1760

16 avril (Parlement).

François Rougier, de St Paul trois Châteaux. Gai. perp.

17 juin (Parlement).

Joseph Barnier, fabricant, de Nyons. 5 ans gai.

412

2 juillet (Parlement) (?).

Trois ministres (Vouland, Rozan et Descours). Mort.

3 juillet (Parlement).

Gros Jean, de Romeyer, laboureur. 5 ans gai. Maillefaud Pierre , de Laval d'Aix, laboureur. 5 ans gai. Muletier Jacques , de Gigors, laboureur. 5 ans gai. Pinet Pierre, de Luzeran , laboureur. 5 ans gai. Raillon Jean Antoine, de Vercheny. laboureur. 5 ans gai.

i753 i" septembre (Parlement).

Antoine Béranger. 5 ans de gai. Son mariage avec Jeanne Reynier, cassé.

1757

12 mai (Parlement).

Jacques Vachier, de La Plaine, paroisse de Chabotte en Champsaur. 3 ans gai.

Pierre Toures, de St Laurent du Cros. 3 ans gai.

1759

7 septembre (Parlement).

Henri Luya. 10 ans de bannissement. Jean Peyrol. 10 ans de banniss. Jean Figard. 1 an de bann. Colomb (Béranger), prédicant. Mort. Pierre Segond La Roche. 10 ans bann.

4i3 Achille Luya. 10 ans bann. Guillaume, le boucher. 5 ans bann. Pierre Bâchasse. 5 ans bann. Gaston Dupont. 5 ans bann. Matthieu, orfèvre, i an bann. Alexandre de Maffey. i an bann. François de Maffey. i an bann. Louis Malveysin. i an bann. Jean Bermond. i an bann. Jean Figard, de Beaumel. i an bann. Luya, le férailler. i an bann. César Chevalier, i an de Propagation.

26 septembre (Parlement).

Louis Giraud , de Nyons. 1 an bann.

Jean Baud, fils de Jacques, de Nyons. 1 an bann.

Ozéas Calvel. 1 an bann.

I760 (Parlement).

Deux religionnaires des environs de Beaumont. Gai. Mariage de Pierre Chanas avec la Sayn, cassé.

1766 3i mai (Parlement).

Desnoyers (Rozan), prédicant. Mort. Colombe (Béranger), prédicant. Mort. François Girard, lecteur. 3 ans gai. Mariage de J. Antoine Délègue, cassé.

4H

N.° III (Page 58).

^\\)ms de quelques prisonniers de La Rapine '

HOMMES.

Daniel Avond. Clair, de Beaumont. Joachim , d'Annonay.

Pierre Lambert, dit de Beauregard, de St Antoine, près St Marcellin. Jean Menuret , de Montélimar. Royer ou Rozier. Louis Galland, de Beaufort. Trois fils de Castelfranc , de Castres.

FEMMES.

Quatre demoiselles Audemar, de Nîmes.

Antoinette Bësson, de St Auban.

Charlotte de Castelfranc, de Montredon en Castrais.

Jeanne de Castelfranc , id.

Isabeau de Castelfranc, id.

Marie Clôt , d'Annonay.

Jeanne Deleuze , de Montpellier.

Deux demoiselles Ducros, de Nîmes.

Anne Dumas, de La Salle.

Blanche Gamond , de St Paul trois Châteaux.

(i) Ant. Court, Hist. des égl. réf. de France , t. i, p. 255 (Mns. Court, N.° 28); Bulletin de la Soc. de l'hist. du prot. franc. , t. vu, p. 1 36 , t. vin, p. 298, 3o3.

4i5

Veuve Jaquin, des Nonnières.

Mad. Claude de La Farelle, née Graverol, de Nîmes.

Trois demoiselles Lambert , filles de Pierre Lambert , sus- mentionné.

Mademoiselle de Monstardié (ou Mostardie), d'Aimargues.

Suzanne Peloux, du Dauphiné.

Mademoiselle Rançont (ou Rancourt), d'Annonay.

Veuve Reymond , née Terrasson , de Die.

Judith Roiry (ou Riory), de Montmeyran.

Anne Voisin , de Livron.

Suzanne , de Montélimar.

Anne Ducros, dame de Baix, veuve d'Isaac de Chabrières , seigneur de Baix, ancien conseiller à la chambre de l'édit de Grenoble (?).

416

N.° IV (Page 74).

Déposition de l'avocat Gerlan concernant habeau Vincent '.

« Relation sincère de ce qui a été prononcé la nuit du 20 au 21 mai 1688.

» Notez que devant que de se mettre au lit elle avait dit qu'il fallait faire sortir quelques jeunes fous qui lui étaient inconnus; et on croit que cela donna lieu à faire, dire à l'Esprit qu'il fallait faire sortir ceux qui n'étaient pas capables de comprendre la ' Parole.

» Après avoir chanté le psaume : Ainsi qu'on oyt le cerf bruire , etc., jusqu'à la pause, d'une voix claire, sans manquer [une note] du chant , il se fit une petite surséance , et après elle parla de la nécessité de chercher la Parole de Dieu, disant qu'il ne fallait point la proposer à ceux qui ne pouvaient la com- prendre, même qu'il fallait les faire sortir; et , continuant, elle exalta fort les persécutions et les injustices faites contre les fidèles et que c'étaient les péchés qui les avaient causées , et qu'il fallait éviter les occasions de pécher, disant : « Si vous connaissiez la laideur du péché, vous seriez plus sensibles à le commettre, et nobnostant les maux qu'on vous fait souffrir, il vous faut toujours dire : Je louerai le Seigneur, car Dieu châtie celui qu'il aime ; mais Dieu domptera toutes les bêtes farouches qui vous persécutent ; » qu'il fallait se préparer d'approcher de la table du Seigneur, en disant à tous : « Goûtez de cet agneau pascal , prenez, mangez ce corps qui a été crucifié pour vous, et ne

(1) Mns. Court, N.° 17, D.

4i7 croyez pas que Jésus y soit en corps et en âme, car il est au ciel. C'est par la foi qu'il faut pénétrer ce mystère. Il faudrait bien des corps pour en donner à tout le monde ». Et, continuant sur les persécutions faites aux fidèles , elle les exhorta à tenir ferme et à se repentir. « Et quand Dieu viendra , il dira aux fidèles : Venez, les bénis de mon Père, etc. » Et, continuant de parler de l'assurance que nous avons de ses promesses, elle dit : « Le ciel et la terre passeront, mais la Parole de Dieu demeurera. Le méchant sera séché comme l'herbe qui est fauchée. C'est pour- quoi , Chrétiens , tenez ferme , et que votre foi soit toujours fondée en Jésus, qui a versé son sang pour vos péchés, car qui persévérera jusqu'à la fin recevra la vie éternelle ; il faut souffrir pour la Parole, car il dit : Qui m'aimera portera ma croix. C'est à Jésus qu'il faut donner tout son amour; c'est lui qui a dit : Qui aimera un autre plus que moi n'est pas digne de moi. Les anges et les saints gémissent quand ils vous voient dans la per- sécution ; mais, Chrétiens, ayez bon courage et amendez-vous de vos péchés ; cherchez la Parole et vous la trouverez par la repentance. Obéissez aux commandements de Dieu , non point à ceux des hommes, car qui suivra les commandements des hommes mourra de mort. Soyez persuadés, Chrétiens, que s'il n'aimait point son peuple, il ne le châtierait point. Le peuple d'Israël a toujours été persécuté ; mais qui persévérera jusqu'à la fin obtiendra la vie éternelle. »

» Après cela, il y eut un silence de demi-heure; puis, se re- prenant, elle dit : «Ne soyez point surpris, mes frères, si vous avez senti la colère de Dieu , car nous avons foulé sa Parole et l'avons mise sous nos pieds ; mais faites repentance , cherchez Dieu , et il sera au milieu de vous. Les méchants périront ; ils auront le courage de vous faire du mal , mais ils n'auront point de force à l'heure de la mort. Aie pitié de nous, ô Dieu ! nous sommes de pauvres brebis égarées. Tu nous a recueillis selon ton bon plaisir ; aie pitié de nous ! »

» Surséance d'environ deux heures, et après elle chanta deux ou trois versets des commandements de Dieu en rime , et , con- tinuant ses menaces contre les méchants qui persécutent les fidèles, elle dit que leurs efforts et leur malignité sont comme

27

4i8

la plume qu'on jette au vent. « Les méchants périront avec leurs méchancetés et seront fauchés comme l'herbe des champs qui est séchée. C'est pourquoi, Chrétiens, il faut se remettre en Dieu, et Dieu se remettra en vous, car sa miséricorde n'est pas épuisée. O Seigneur, merveilleux sont tes hauts faits ! Les mé- chants auront beau crier , Dieu ne les écoutera plus , il les exterminera sous sa main; mais aux bons il leur dira : Venez, les bénis de mon Père, etc. Allons donc chercher la Parole de Dieu, et nous la trouverons. Et persévérant jusqu'à la fin, vous obtiendrez la vie éternelle ; car quand nous cherchons la Parole nous cherchons Dieu" même. Ce sont les biens de la terre qui ont fait notre purgatoire et notre perdition. Voyez qu'il n'y a que deux chemins : celui de l'enfer et celui du paradis ; celui- est une voie large et spacieuse, dans laquelle les méchants marchent à grandes troupes ; mais le chemin du paradis est étroit ; ceux qui sont chargés de péchés n'y peuvent pas passer, parce qu'il est tout raboteux et tortu. Il faut passer par les per- sécutions pour y parvenir. Mais à vous, fidèles, Dieu vous dira un jour : Venez, les bénis de mon Père, etc. ; et aux méchants il leur dira : Allez, maudits, au feu éternel, etc. Les méchants vous ont persécutés; mais, ô fidèle, tu dois être assuré qu'en- core que tu sois mort, tu vivras. Repentez-vous et ne péchez plus, car un jour viendra l'heure qu'il faudra [se] présenter devant Dieu. Nous devons donc craindre de l'offenser et ne suivre pas le train des méchants, car ils périront. Il faut cher- cher la Parole et la cacher dans vos cœurs, et Dieu, par grâce, fera luire sur vous sa clarté. Par ainsi, les méchants ne vous pourront point nuire , leurs flèches seront fléchies. La Parole de Dieu doit être notre forteresse. Ainsi Dieu vous bénira et vous garantira de tous les maux qu'on vous pourrait faire. Il est tou- jours le même Dieu. Ses bras ne sont point raccourcis. Il a tou- jours les mêmes forces. Vous devez être persuadés que si les méchants avaient le même pouvoir sur Dieu qu'ils ont sur vous,

ils lui en feraient de même

» Surséance de quelques moments. Mettant le nez sous le drap, elle fit trois petits sourires d'une voix féminine : ! ! ! chanta le Pater noster qu'on dit à la grand messe jusqu'à

419 la fin agréablement; et après elle dit : « Qu'entendez-vous là? Cela ressemble à des chansons profanes. C'est ainsi que les mé- chants l'ont mis en une autre langue. Mais quand notre Sei- gneur apprit à ses apôtres à prier, il leur dit : Notre Père, qui es aux deux, etc. Priez donc votre Père; gardez bien d'adorer les saints et ne souillez point vos âmes, car nous sommes le temple de Dieu , et nos cœurs sont ce temple. Nous te prions, ô Dieu , que tu aies pitié de ces pauvres brebis égarées ; nous espérons en ta bonté que tu recueilles ton troupeau par ta grande miséricorde; et si nous sommes dans la captivité, tu nous re- tireras »

420

N.° V (Page 95 et passim).

^Protestants dauphinois enfermés à la tour de Crest1.

1687

Louise Moulin, de Beaufort.

1689 Faure, de La Motte Chalancon.

1694 Plusieurs personnes d'Espenel.

1698 Plusieurs hommes et femmes qui s'étaient réfugiés à Orange.

1699

Moïse Arnaud , y5 ans. Apostat en 1700. Marguerite Fauchier, 23 ans. Lucrèce Grimolle, 52 ans. Anne Mazel, de Mornans, 5o ans. Jacques Mazel, de Mornans, y 5 ans. Madeleine Mazel, de Mornans, 18 ans.

{1) La France protestante (Pièces justificatives, p. 443) et autres sources.

421 Marie Mazel, de Mornans, 23 ans. Jeanne Pialoux, de Montmeyran, 3o ans. Philippe de Saulce , de Bourdeaux , 78 ans.

1700

Barthélémy Beaumont, de La Baume Cornillane, 68 ans. Olympe Rippert, de Mens, 5o ans. Pierre Rodet, de Bezaudun, 55 ans. Judith Vigne, de Nyons, 69 ans.

1701

Matthieu Achard, d'Aoste, 40 ans.

Marguerite Evesques , de La Roche des Arnauds , 80 ans.

Pierre Raillon , de Montclar, 40 ans.

Marguerite Sauvan, de Menglon, 80 ans.

1702

Jeanne Bonfils, de Sisteron, 33 ans. Jean Granon, d'Orange, 36 ans. Catherine Rodet, de Bezaudun, 36 ans.

1703

Louise Athenol, de Saou, 21 ans. Jean Colongin, d'Espenel, 65 ans. Jacques Guitton, de Mornans, 25 ans.

1704 Un rentier, sa fille et son neveu.

1720 Les deux Raffin, de Mirabel.

422 i733 Chambon et Allard , prédicateurs.

i738 Mad. Dumont, de Crest.

1740 Mr Jacques Romieu, de Charpey.

1742

Les trois Gourjons, de Nyons. Un protestant , de Nyons.

1745 et 1746.

Jacques Roger, pasteur. Mr de Montrond , du Plan de Baix. Mr de La Bâtie, du Plan de Baix. Me de La Bâtie / du Plan de Baix.

1747 La femme Combe, de Livron.

1748

Morand, marchand, de Die. Rey, de Châtillon, André, de Saillans.

423

N.° VI (Page 162).

Uerbal du sieur Gimet, vicaire de Nions

en Dauphiné , sur la déposition de

Demoiselle Jacomin \

8 octobre 1729.

Assemblées religieuses chez Hector Boutan tous les di- manches :

Ve Jean Saussat et Jean, son fils.

Isabeau St Marc, femme de Guillaume Baude.

Marie Escoffier, ve de Matthieu Gerbaud.

Antoinette Allier.

Virginie Martinel, femme de François Goudard.

Isabeau Martinel, femme de Joseph Dupuy.

Marianne Bordel , élève à la maison de la Propagation de la foi à Avignon.

Matthieu Boutan fils.

Françoise Boutan , sa sœur.

18 décembre 172g.

Assemblées chez David Chambaud, un des principaux reli- gionnaires.

26 décembre 1729.

Assemblées dans plusieurs maisons. Dans la maison de Bou- tan :

(1) Mns. Court, N.° 17, F.

424 Marie Escoffier, ve de Matthieu Gerbaud. Ve Jean Saussat.

Virginie Martinel, femme de François Goudard. Isabeau Martinel , femme de Joseph Dupuy. Marianne Bordel, instruite à la maison de la Propagation d'Avignon.

3 février 1730.

Assemblées chez Joseph Dupuy : *

Judith Armand, femme de feu David Bordel, notaire.

Catherine Gras, ve de Jean Saussat.

3 mars 1730.

Assemblées chez Boutan :

Judith Armand, femme de feu David Bordel.

Femme de Joseph Dupuy.

Femme de Guillaume Gérond.

Virginie Martinel.

Madeleine Abon.

Louise Villet.

Marianne Bordel.

Ve Saussat.

Jean Saussat.

Claude Gresse.

Etienne Monnier, beau-frère de Boutan.

10 mars 1730.

Assemblées chez Boutan :

Veuve Bordel.

Marianne, sa fille.

Ve de David Boutan.

Catherine et Hélène Boutan , ses deux filles.

La Calvet, femme de Jean Rebout.

Fille de Jacques Donis.

Madeleine Teste.

425 Louise Villet.

La Martinel, femme de Joseph Dupuy. Ve Jean Saussat.

h avril 1730.

Assemblées chez Chambaud David :

Madeleine Bonnardel.

Françoise Allemand, femme de Pierre Calvet.

Françoise Boutan.

Charlotte Gachet.

Isabeau Combecrosse, femme de Pierre Martin.

Jeanne Combecrosse, femme de Louis Vigne.

426

N.° VII (Page x93).

Dénombrement des protestants du Dauphiné au 21 janvier IJ441.

« ier quartier de la Plaine, depuis le Pont en Royans jusqu'à St Paul trois Châteaux. Paroisses :

» St Jean [en Royans] , Charpey, Chabeuil, La Reyaune ou bourg de Valence , Beaumont , Montmeyran , Montvendre , Barcelone, Chàteaudouble, Combovin , La Baume Cornillane, Ourche , Eurre, Allex, Livron, Loriol, Grane, Cliousclat , Auriple, Manas, St Gervais, Condillac, Savasse, Sauzet, Mon- télimar, Allan, St Paul trois Châteaux, etc.; 2,200 familles, 1 1,000 âmes.

» 2e quartier, de Bourdeaux jusqu'à Tulette. Paroisses :

Bourdeaux , Crupies , Les Tonils , Bezaudun , Mornans , Celas ou Saou , Le Poët Célard , Soyans, Truinas , Comps , Orcinas, Vesc, Montjoux, Teyssières, Dieulefit, Poët Laval , Châteauneuf de Mazenc, Aleyrac, Salles, Chamaret, Le Pègue, Taulignan, Noveysan, Venterol, Aubres, Nions, Vinsobres . Tulette, etc.; 2,700 familles, 14,000 âmes.

» 3e quartier de la Montagne , depuis Le Buis jusqu'à Mont- brand. Paroisses :

» Le Buis, Châteauneuf de Bordette, Montbrun, St Auban, Ste Euphémie , Sahune , Villeperdrix , Arnayon , Bouvières , Brette , Aucelon , Volvent , Chalancon , La Motte Chalancon , La Charce, Establet, St Dizier, Beaumont (de Luc), Charens, Beaurière, Lesches , Les Prés, Valdrôme, Rozans, Orpierre,

(1) Mns. Court, N.° 1, t. xv.

427 Laragne, Trescléoux , Serres, Aspres, La Baume d'Argenson , La Faurie et Montbrand, etc.; 4,000 familles, 20,000 âmes.

» 4e quartier d'au-dessus de Die, le Val de Trièves, le Champsaur jusqu'à la vallée de Freissinières. Paroisses :

» Montmaur, Barnave, Poyols , Luzeran, Menglon, Aix , St Roman, Châtillon, Ravel , Les Nonnières, Le Val de Trièves, Lalley, Tréminis, Le Grand et Petit Oriol, Le Grand et Le Petit Villard , Mens et ses dépendances, St Pancrace, St Sé- bastien, La Croix de La Pigne , St Jean d'Hérans , Le Beau- mont, La Mure, Corps, St Laurent [du Cros] , La Plaine, Orcières, Freissinières, etc.; 3, 000 familles, i5,ooo âmes.

» 5e quartier, depuis Die jusqu'à Crest, la vallée de Quint et de Beaufort. Paroisses :

» Die, Romeyer, Chamaloc, Marignac, Ponet , St Julien en Quint, St Andéol [en Quint] , Vachères, Sainte Croix, Pontaix, Barsac , Aurel , Vercheny, Le Cheylard , Plan de Baix , Gigors, Suze, Beaufort, Aoste et Crest, etc.; 2,3oo familles, 16,000 âmes. »

En tout : 14,200 familles, 76,000 âmes '.

(1) Sur ce chiffre voyez les réflexions de la page 17.

428

N.° VIII (Page 194).

Etat des églises et des anciens de la province de Dauphiné l (vers 1744).

« 1. Nions. Anciens : Fréd. Barnier, M1' Jean Barnier, Bon- fils, Barnouin le cadet, Vigne, Arnaud, M. Arnaud l'aîné, Fauvin, Peix, Orange, Plaine, Gourjon, deux MM. Neyons; au nombre de 14.

» 2. Vinsobres. Deux MM. Niel, M. Decleisse, Grandgaud, Jacq. Autran, Faure, Jacques Cornus, Jean Piala, Loubeau; 9.

» 3. Tanlignan , Chamaret et Salles. Caton , Gourjon, Poulin, Colombe, Marcel; 5.

» 4. Venterol. Borrel, Reinaud, Brun, Tardieu ; 4.

» 5. Le Poët Laval. Sieur de La Motte, Grégoire, les deux Vernet.

» 6. Dieulefit. Morin , de Bonnefoi, Borrel, Piguet, De- faysse, La Place, Barrai, Vouland, Junot Grimolo, Boisset; 10.

» 7. Montjoux. Sambuc, Piguet Fortuné, Noyer, Gavois , Turc, Corbin ; 6.

» 8. Vesc. Jean Blanc, Noyer, Brunel Paul , Jean Espagne; 4.

» 9. Cru-pies. Marcel, Mailhet , Plèche, etc. Les Tonils. Piolet , Gresse.

» 10. Be\audun. Arnaud , Cordeil, Liénard , J. Faucher, etc.

» 11. Mornans. Guiton , Mazel, Poulet, Estran, Cordeil, Valent ; 6.

» 12. Bourdeaux. Chirol, Faucon, les deux Liénard, Mou- rier, Reynier, Blanc, Berton , Lombard; 9.

(1) Mns. Court, N.° 17, Q.

429

» i3. St Auban et Ste Euphémie. Jean Court, Mourénas, Aisautier, Brichet, A. Dupont; 5.

» 14. Trescléoux. Jean Caillet, Clavel, Alexandre Julian, Faure.

» i5. Orpierre. Jean Maigre, dit Deboisette , Maigre, dit Fondeluquin, Maigre, Armand, Marchand, Ant. Bernard et Michel ; 7.

» 16. Lesches, Fourcinet , La Bâtie Creme^in et Baurières. Armand , Plumel.

» 17. Charens. Baux, Faure, Monseigneur; 3.

» 18. St Didier. Les deux ....

» 19. La Charce , Establet. Etienne et David Combel, Isaac Arnaud, Gachet.

» 20. La Motte Chalancon. Rochas, Claude Brès, Antoine Giraud, .... ; 4.

» 21. Chalencon. Gavois, Jacq. Roux, Barnavon , Gresse, Roman, Blanc; 6.

» 22. Volvent. Faure, Cheyron , A. Valentin.

» 23. Arnayon , Gumiane et Bouvières. Meffre , Rozan , Aubert, Gresse, Jean Vacher, Le Cavalier; 6.

» 24. Poyols. Ferrier François , Odon Pierre , Empeytaz , Julien , Jean Vial, Barnier ; 6.

» 25. Menglon. David Bonnard, Arnaud, Paul Francou , Fourchain, Broulard.

» 26. Châtillon. David Ménécieu, Lantheaume, etc.

» 27. Laval d'Aix. Jérémie Empeytaz , Borrel, Picard, Jean Blayon, Chambrier.

» 28. St Roman. Breyton, etc.

» 29. Montmaur et Barnave

» 3o. Aucelon. Le Baron, La Ramée.

» 3i. Die. Faure, Des Chapelets, Noël, Brunet.

» 32. Marignac. Girard, Lantheaume, Simpoint, André, De Lacroix, Vincent; 6.

» 33. Quint. Bouillane, Richaud des Courtus, Boyer le rouge, Pierre Rolland , Richaud de ..., Etienne Cherfils, Jean Pierre Cherfils, Cherfils de Collet, etc. . » 34. St Etienne [en Quint] , St Andéol et Les Petites Va-

4-3o

chères. Galand, Reboul, Tivolet, Mailhet Moïse, Moulin, Jacques Moulin, Allard , Morin , Pierre Labrélis; 9.

» 35. Ste Croix. Grimaud, Mailhet, Granger, Grangeron Matthieu, Des Bourgs, Jossaud; 6.

y> 36. Pontaix. Mailhet, Béranger , Jean Audra, Jacques Audra, Moïse Audra, Jean Géranton , Grimaud, Gabriel Bes- son ; 8 .

» 37. Vercheny. Raillon, Rapine, Faure, Rostain.

» 38. Espenel. Les deux Motton, Cordier Etienne, Chouet, Léger, Blaïn, Faure; 6.

» 39. Saillans. Guichavel, Jean Faure, Blancheville, Jau- bert, Flaichaire, Riorin ; 6.

» 40. Mirabel. Achard , Lagier, Le Vignon, Achard de Séraupier, Bernard; 5.

» 41. Aoste. Antoine Achard , Riaille , etc.

» 42. Montclar. Châtel de Sauzet, Châtel des Marais, Raillon, de même lieu, Raillon , dit Vinson.

» 43. Beaufort et Vaugelas. Moïse Mourard, Menut, Hen- ton , Vignard , Moulin.

» 44. Lo\eron. Mailhet, Chaleuil.

» 45. Plan de Baix. Matthieu de Grosjean, Savoye, Jacques Cherfils.

» 46. Gigord. Peyrol, Châtel, Blaïn, Béranger, Jaquon.

» 47. Combovin et Barcelone. Bertrand Combe, Rozan , Rozan de Boutares , Bochon , Souchard de Liéval, Reynaud Jean , Couriol ; 7.

» 48. Chabeuil , Chdteaudouble et St Vincent. Breynat , Simon Bérard , Jean Bérard , Jean Bérard de Charpey ; 4.

» 49. Beaumont. Chanat, Ponta le fils, Jeanhel de Laye, Jacques Jeanhel, Forêts, Beaux des Mottes, Fuzier de Mo- raye; 7.

» 5o. Montmeyran. Ducros le cadet, Pierre Sain, prosélyte, Roux, Faure Matthieu, Comte, Jean Cheyssière; 6.

» 5i. La Baume Cornillane. De Bouillane, Pierre Cheys- sière, Ducros, Crozat , Béranger, Siméon Béranger; 6.

» 52. Eurre. Batare, Faure, Sain, Bellier, Chiron; 5.

4-3 1

» 53. Livron. Paget, Pomier, du Périer, Mazade, Roure , Sabatier, Corner, Lacroix ; 8.

» 54. Loriol, Cliousclat et Grane. Brès, Guillon, La Forêts, Barnaud, Valentin, Godin, Mazade, Dumas, Faure ; 9.

» 55. Montélimar, Sau^et, Condillac et Savasse. Franjon, Alançon, Laurie, Giraud , Blache , Constantin, Rifier, Étuis- son (?) Abraham.

» 56. Allan. Bérard, Flachère.

» 57. StPaul trois Châteaux. André Favier, Marcel, Laurie.

» 58. Tréminis. Bonniot , Valentin, Giraud.

» 59. Mens et Meuglas. De Magnin, Bâchasse.

» 60. Morges, Le Villard et Jean d'Hérans

» 61. Chamaret. Maigre.

432

N.° IX (Page 323).

z4cte de consécration de Pierre Maurin

5 novembre 1 791 .

Nous, soussignés, déclarons a qui i4 appartiendra, que Mon- sieur Pierre Maurin a séjourné trois ans et demi dans le Sémi- naire français de la ville de Lausanne pour y perfectionner ses études de Philosophie et de Théologie. Nous déclarons qu'il a constamment donné pendant son séjour ici des preuves d'appli- cation, de talens, de bonnes mœurs et de piété éclairée; qu'après l'avoir, sur la demande de sa province , appelle aux épreuves préliminaires à la consécration au Saint Ministère, il a pleine- ment satisfait ses Examinateurs et reçu par un délibéré una- nime l'imposition des mains le 5 8.bre 179 1 . Nous le recom- mandons avec un vif interest à nos chers frères en Christ et aux Eglises qui pourront être confiées à ses soins ; implorans sur sa personne et sur son ministère les bénédictions de Dieu notre Père et de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

Lausanne, 6 8.bre 1791.

De Bons , présid.1.

E. L. Chavannes , doyen. D. Levade, sec.e.

F. J. Durand , avec le plus grand plaisir.

Ch. Bugnion, past.r. Fréd. Bugnion, p.r.

RECTIFICATIONS.

VOLUME PREMIER.

Page XXI, ligne 32, Cellisieux, îise{ Gollisieux.

P. 49, /. 20, enguoué, lise^ enquoué.

P. 8o, /. 16, des, lise\ de.

P. 89, /. 10, Montjou , liseï Montjeu.

P. 104, note , l. 14, le sang, lise\ le champ.

P. 125, /. 6, Guillaume, lise{ François.

P. 125, /. 24, Jacques, lise^ Antoine.

P. 1 3 1 , /. 2 , Honorât de Savoie, lise\ Claude de Savoie.

P. 137, /. 26, ier mars, lise\ 2 mai.

-P. 140, /. 14, par le comte de Tende, lise^ par le comte de Sommerive , Honorât de Savoie , fils du comte de Tende [de même L io\etp. 143, /. 18; p. 148, /. 21).

P. 1 55, /. 27, ajoute\: Le pasteur de Vienne, Christophe Fabri, et deux de ses collègues, Antoine Héraud et Pierre Paris, leurs femmes et leurs enfants, après avoir été retenus quelque temps prisonniers à Vienne, reçurent un sauf- conduit de Nemours, qui leur permit de se rendre à Neu- châtel en passant par Lyon. Fabri demeura dans cette der- nière ville comme pasteur.

P. i83, /. 7, Gondelin , lise^ plutôt Gandelin.

P. 190, /. 17, ajoute^ : Ils n'étaient pas du reste nom-

283

4-H

breux, et le pasteur Fabri, qui les visitait depuis Lyon, gémissait sur les mauvaises dispositions de leurs cœurs. « Pensez, écrivait-il à ce propos à Farel x, en quelle sueur je suis pour ma profane et maudite Vienne, Dieu est plus blasphémé qu'il ne fut oncques Sodome. » Le seul lieu du reste de tout le bailliage du Viennois Vieilleville permit l'exercice de la religion réformée fut La Côte-Saint- André.

P. 191, /. 6, ajoute^ : Mais il permit aux protestants de se réunir en dehors des murailles de la ville. Ces derniers du reste étaient pleins de zèle et fort nombreux. Fabri, pasteur à Vienne, écrivait à ce propos à Farel2 : « Votre Gap, quoi qu'on vous ait écrit, triomphe. Mais on y prêche hors de la ville... le dimanche , mercredi et vendredi, ayant la fleur de la ville, bien souvent plus de 2,000 personnes. Vrai est qu'il y eut quelque bruit le jour de Toussaint, mais ce n'est rien. Ils ont grand cœur et y a grande édification, grâces à Dieu... Ils ont deux ou trois ministres, » notam- ment Pierre L'Hostelier et Jean Blanchard.

P. 197, /. i5, Saint-Martin, de la maison de Morges- Ventavon, lise% plutôt, suivant M. J. Roman, Jean de Moustiers, sieur de Saint-Martin.

P. 2o5, /. 5 , ajoute^ à la ligne : A La Mure les protes- tants étaient aussi inquiétés. « Satan et ses ministres, dit à ce propos Eynard Pichon, pasteur de l'église 3, ne sont soûls de nous molester comme ils ont fait jusqu'à présent. Nous avons prêché en la ville jusques à maintenant-, mais

(1) Lettre du 24 décembre 1 563 (communiqué par M. Gagnebin, pasteur à Amsterdam).

(2) Lettre du 24 décembre 1 563. (Idem.)

(3) Lettre au pasteur Fabri du 6 juillet i565. (Idem.)

4-35 on nous a tellement imputé envers Mons.r le gouverneur qu'on nous a commandé de sortir hors la ville pour tout le mois de juillet nous sommes , et nous contraint-on de faire un temple hors la ville, lequel par la grâce de Dieu nous avons commencé... Quant aux autres lieux circonvoi- sins, on tâche tant qu'on peut d'ôter l'exercice de tous les lieux qui ne le peuvent exercer selon redit; tellement qu'au- près de Grenoble, en quatre ou cinq lieux, on a fait défense d'y prêcher, desquels entre les autres il y a un de mes fils qui était à Varces, auquel lieu, par l'importante sollicitation du seigneur du lieu, qui est Varces, défense lui a été faite et au peuple de ne prêcher ni faire exercice. Le Seigneur aie pitié de ses pauvres églises et en soit le protecteur ! »

P. 2o5, /. 17, Sessins, lise\ plutôt Leyssin, suivant M. J . Roman.

P. 2i3, /. 25, après Pierre de Paris ajoute^ : Guillaume Perrot.

P. 214, /. 4, après Taumarin lise\ Varces, Pichon le fils, i565.

P. 214, /. 28, après Blanchard, i56i-i562, ajoute^ : Pierre L'Hostelier, i563-i567.

P. 214, /. 3o, après Pragela ajoute^ : Martin Tachart, 3 juin 1 558.

P. 222, /. 24, Cissé, lise% Chissé.

P. 23o, /. 3, Orose, lise\ Balthazard Flotte d'Orouse.

P. 246, /. 14 et 25, Saint-Montaut, lise\ Saint-Montant [de mime p. 248, /. 11).

P. 256,1. i3, Charles de Moustiers, seigneur de Venta - von , lise\ plutôt , suivant M. J. Roman , Balthazard de Combourcier, sieur de Moustiers.

P. 288, note, t. ix, lise^ t. iv.

P. 335, note, Joachim de Monron, Hse\ Georges de Bardel, sieur de Montrond ; Pierre Ferrier, lise^ noble Etienne Ferrier de Bojoux, au Comtaf, Claude de Baile

4^6

de Sauret, supprime^ de Baile ; Annibal d'Oraison, lise\ Antoine d'Oraison, sieur de L' Aiguës, vicomte deCadenet; Achenne, lise\ Thienne; Roussens, lise\ Rousset, suivant M. J. Roman.

P. 343, /. 17, Péligny, lise% Poligny.

P. 386, à la place de la note, lise^ Georges de Bardel, sieur de Montrond , Pierre de Bardel , sieur de Chenevières, et Pierre, son fils. L'un de ces derniers fut tué pendant le siège.

P. 396,/. 5, du Briançonnais , lise\ gouverneur d'Em- brun.

P. 411, /. i5, de Briançon, lise\ de l'Embrunais et du Briançonnais.

P. 41 5, /. 8, Doriat, lise% d'Auriac.

P. 419, /. 10 , La Couche, lise% La Gonche.

P. 421, /. 7, le juge , lise{ le gouverneur.

P. 422, /.11, Châteauvieux, lise\ Châteauroux.

P. 425, /. 23. Suivant M. J. Roman, d'Auriac vivait encore en 1627 ; il aurait donc été seulement blessé.

P. 449, /. 10, Gap, lise\ Briançon.

P. 483, /. 20, Falques, lise\ Falquet.

P. 490, /. 2 , Darben, liseï Darbon.

P. 490, /. 23, Goursage, lise\ plutôt , suivant M. de' C os ton, Coursas.

P. 5 1 0 , /. 28 , ajoute^ à la ligne :

Jacob Valier (Valesius), prêtre et maître d'école à Brian- çon, ami de Farel, réfugié en Suisse.

Pierre de Brissieu, docteur es lois, avocat au parlement de Grenoble, réfugié à Genève le 7 novembre 1 568.

Noble Georges-Benoît de Champrond, fils de feu noble Jacques, demeurant au Genevrai, mandement de Vif , ré- fugié à Genève en décembre 1596, âgé de 23 ans*, rejoint- plusieurs années après par son frère Guillaume.

Claude Senebier, de Celles, fils de feu Alexis, reçu ha-

437 bitant de Genève le 3o mars 1 556 et bourgeois le 2 no- vembre 1557.

Eymard Simond, fils de Samuel, de La Côte-Saint-André, reçu bourgeois de Genève le icr avril 1592.

Guigues Maillet, dit Guido, de Tencin, fils de Valentin, reçu bourgeois de Genève le 15/20 septembre i53o.

P. 5i 1, /. 18 , Guihen, lise^ Guilhen.

P. 527, /. 24, épouse en 1547, à Gap, Françoise, lise\ époux en 1 547, à Gap, de Françoise.

P. 528, /. 14, épouse en 1547, à Gap, Françoise de Beauvais, sœur de Louise, lise% époux en 1547, à Gap, de Louise de Beauvais, sœur de Françoise.

VOLUME DEUXIEME.

Page 1, ligne 6, 1 562 -1598, lise\ 1 598-1685.

P. 69, /. 28, 1612 , lise{ 1626.

P. 78, /. 3r, ajoute^ à la ligne : Dans un grand cahier de plaintes, rédigé en 1659 par les députés généraux en cour, on signalait d'autres faits de ce genre. « Chablidre , habitant de Valence, y disait-on , ayant obtenu les provisions de trésorier et receveur du domaine et payé le marc d'or, ne put faire passer ses lettres au sceau. Pascal, fils d'un auditeur de la chambre des comptes de Grenoble, fut en- core plus malheureux et n'en put jamais obtenir les provi- sions. A Crest, il y avait un règlement des premiers com- missaires exécuteurs de l'édit qui adjugeait aux réformés le quart de toutes les charges municipales. Depuis cela on avait créé dans la ville quatre charges d'auditeurs des comptes des deniers publics et d'assesseurs des tailles, et on les avait partagées suivant l'ancien règlement $ mais ensuite

438

on avait fait donner arrêt au conseil qui supprimait la qua- trième place , parce qu'en matière d'offices trois n'ayant point de quart , on privait ainsi les réformés de la part qui leur appartenait dans ces charges l. »

P. 1 54, /. 25, ajoute^: A peine Gautier, qui avait été incarcéré à Grenoble pendant l'instruction de son procès , fut -il mis hors de prison qu'il dut y rentrer de nouveau, sous prétexte que, vers la fin de 1672, il avait prié Dieu pour les Hollandais depuis que le roi leur avait déclaré la guerre. « L'unique témoin, dit l'historien de redit de Nantes, qu'on avait voulu faire parler contre lui, le justifia haute- ment à la confrontation et déclara qu'il se ferait plutôt pendre que d'accuser Gautier d'avoir prié Dieu pour les ennemis de l'Etat, parce qu'il ne lui avait jamais entendu faire de telles prières. Après cela, néanmoins, Gautier fut condamné aux dépens du procès , et il fut permis au procureur général d'en informer plus amplement 2. »

P. 169, /. 2, après œuvre ajoute^ : Charnier finit par émettre un avis défavorable et, sur son rapport, le synode national de La Rochelle de 1607 condamna YElenchus à être supprimé.

P. 227,-/. 21, ajoute^ à la ligne : Saint- Simphorien- d'0\on, Beaurepaire , etc. : Jacques Perrachey , Jean Figon, Pierre de Paris, Guillaume Perrot, David Chaillet, Pierre Chaillet, i5Ô2.

P. 227, /. 12, i56i, lise\ i562.

P. 227, /. i3 , après i566 ajoute^ : Aimar vers i63 1 .

P. 241, /. 21, supprime^ Antoine d'Orbet (par intérim) 1660. Nous avons été induit en erreur par Haag, IV, 3o3, qui a suivi Guy Allard dans sa Bibliothèque du Dauphiné.

(1) Benoit, t. m, p. 298.

(2) Benoit, t. m, 2e partie, p. 279.

4-39 Ce personnage , qui s'appelait Dobert, était, non pas mi- nistre, mais religieux Minime.

P. 245 , /. 20, ajoute^ : II y avait à Varces , en i565, un pasteur, Pichon le fils, à qui le seigneur du lieu interdit le prêche.

P. 249, /. 6, ajoute^, après Pasteurs : Eynard Pichon i565.

P. 261, /. 25, ajoute^ à la ligne: Il y avait aussi des protestants à Roche- sur -Gr ane , tout au moins Jeanne de Gardon, veuve de Paul La Roche de Grane, seigneur du lieu, y jouissait du droit d'exercice. Les commissaires exé- cuteurs de 1664 se divisèrent au sujet de ce droit et en- voyèrent au conseil du roi leur procès-verbal de partage. Nous ne savons ce qui fut statué par le conseil.

P. 291, /. 9. C'est, suivant M. Lacroix {Notice sur Don{ère, Montélimar, 1874, in-8°), que « la maison qui servait de temple à Donzère devint accidentellement la proie des flammes en i63o ». Benoît ' parle différemment du fait. « La Donzère, dit-il, est une seigneurie du Vivarais appar- tenant, comme plusieurs autres, à l'évêque de Viviers. Celui qui possédait cet évêché en i65o fit de son autorité brûler le temple, briser les bancs et la chaire et plusieurs autres violences. La chambre de Grenoble en fit informer, et parce que l'évêque faisait des menaces contre le ministre qui sentaient plus le soldat que l'homme d'église, la chambre mit ce ministre sous la protection du roi et de la cour et en la garde de l'évêque. Cela n'empêcha pas que trois ans après ce prélat ne renouvelât ses violences , dont la chambre ayant encore informé, il voulut évoquer le procès au parlement ; mais la chambre n'eut point d'égard à la demande qu'il fit de son renvoi. Elle ordonna qu'il procéderait devant elle, et

(1) T. in, p. 178.

44° par un autre arrêt elle maintint les réformés dans le droit de leurs exercices et commit deux conseillers pour l'exécuter. Environ ce temps l'évêque vint à mourir, et son successeur présenta requête au conseil , il obtint arrêt cette année le vingt-huitième de janvier (1654), qui ordonna que les réformés y seraient assignés et cependant leur défendit de bâtir un temple, parce que l'évêque avait énoncé qu'ils voulaient bâtir un temple dans sa seigneurie, au préjudice des édits, qui défendaient, disait-il, d'avoir des temples dans les seigneuries de cette qualité. Après que l'affaire fut liée au conseil, il la laissa traîner sans la faire juger et même sans la poursuivre. »

P. 3i3, /. 8, ajoute^ : Séderon, qui faisait partie des terres adjacentes de la Provence, avait un pasteur en propre en 1626, J. Bernard.

P. 333, /. 11, Boc, lise\ Bec.

P. 33g, /. 25, ajoute^ : André Bernard 1626, D. de La Planche 1660.

P. 33g, /. 17, ajoute^ : Lemps.

P. 344, /. 7, 1567, lise\ i563-i567.

P. 35 1, /. 24, 1, lise^ 2.

P. 362, /. 26, après Pasteurs ajoute^ : Valléri 1608.

P. 366, /. 9, après Pasteurs ajou\e\ : Martin Tachart 3 juin 1 558.

P. 366, /. 10, 1620, liseï 1617.

P. 370, /. 12, ajoute^ à la ligne : Aymar. Pasteur à Vienne vers i63i. Ayant abusé d'un congé que lui avait donné son église, il alla exercer le saint ministère dans le haut Languedoc , sur quoi le synode national de Charenton de i63i lui enjoignit de se présenter devant le synode du Dauphiné de l'année suivante.

P. 377, /. 6 , ajoute^ : Il y avait un pasteur Bourcet dans le Trièves avant i685, dont la femme était réfugiée à Berlin en 1698.

44i

P. 384, /. 3, mais nous ne connaissons pas son jugement, lisez : en décidant que la procédure criminelle faite contre Chion lui serait incessamment envoyée, et qu'en attendant les choses demeureraient en l'état. « Cétait là, dit Benoît *, le style du conseil, quand on ne voulait pas faire justice entière. On. ne justifiait pas les accusés, mais on arrêtait les poursuites et l'instance demeurait peu à peu prescrite. »

P. 385, après la ligne 22, ajout e\ à la ligne : Coing (Antoine). Ancien pasteur de Mizoè'n, pasteur à Altona, puis réfugié à Berlin en 1698.

P. 386, /. 7, ajoutez : Pour le reste voy. Haag.

P. 392,/. 26, Lanci en Chablais (i563), Lyon (i565), lise{ Lyon (1 562- 1 565).

P. 398 , /. 3, après 1659 ajoutez : Le synode de Veynes ayant déchargé ce pasteur du ministère pour le Dauphiné et les autres provinces du royaume , ledit pasteur en appela au synode général de Loudun de 1659, qui, tout en con- firmant la sentence du synode du Dauphiné , recommanda Genoyer à cette province, pour qu'elle le pourvût d'une, église, « suivant les règles de la prudence en cela ».

P. 398, /. 5, ajoute^ : Pour le reste voy. Haag.

P. 402, /. 18, ajoutez : à Lanci dans le Chablais le 12 août 1 563.

P. 404, /. i3, Nous ne connaissons pas l'issue du procès, lise\ : Janvier était proprement accusé d'avoir parlé irrévé- remment de l'église romaine; mais il fallait bien que les preuves fussent légères;, puisque, au lieu de juger le fait in- criminé, la chambre mi-partie se prononça sur un autre. Les conseillers catholiques furent d'avis de lui défendre de prêcher ailleurs qu'à Beaurepaire et les réformés de lui per- mettre d'exercer son ministère dans tous les lieux autorisés

(1) T. m, p. 255.

442 par Tédit de Nantes. Les juges étant ainsi partagés, le conseil du roi évoqua l'affaire et décida qu'en attendant les choses demeureraient en l'état. « C'était le style du conseil, dit Benoît ', quand on ne voulait pas faire justice entière. On ne justifiait pas les accusés, mais on arrêtait les poursuites, et l'instance demeurait à peu près prescrite. »

P. 404, /. 29, ajoutez à la ligne : Javin. Pasteur dans le Dauphiné en i685 , réfugié à Berlin en 1698.

P. 405, /. 24, ajoutez : Il y avait un Paul Jordan, de La Motte-Chalancon, pasteur de Stargardt (Brandebourg! en 1698.

P. 409, /. 20, ajoutez : Benoît 2 parle d'un La Planche, pasteur du Dauphiné, qui au synode d'Alais de 1620 « fit un grand discours des bruits qui couraient sur les affaires de religion qui se passaient dans la Valteline ». Nous ne saurions dire s'il faut identifier les deux personnages.

P. 416, l, 27, ajoutez : Pastor avait rempli les fonctions de précepteur dans la maison palatine.

P. 417,/. §,ajoutez'- Pelorceétait pasteur à Angermi'tnde en Brandebourg en 1698.

P. 422, /. 24, ajoute^ : Il y avait encore un Reboul (Isaac), pasteur du Dauphiné , réfugié à Chavine (^Bran- debourg) en 1698.

P. 430, /. 17, ajoute^ •' Serre (proprement de Serre' était pasteur à Berlin en 1698.

P. 43 1, /. 29, après 1626 ajoutez •* A cette dernière date il passa au service de l'église de Marvejols, dans les Cé- vennes.

P. 43 1 , /. 9, avant Taumarin ajoutez •' Tachart ^Mar- tin). Pasteur à Pragela le 3 juin i558.

(1) T. in, p. 255.

(2) T. 11, p. 3oi.

443

P. 437, /. 5, Bonage (de), lise^ plutôt Jonage (de), sui- vant M. de C os ton.

P. 438, /. i3, Peroy, lise^ plutôt Percy, suivant M. de Coston.

P. 445, /. 22, 1 585, liseï i685.

VOLUME TROISIÈME.

Page 93 , ligne 4 , ajout e^ : 1 70 1 - 1 7 1 5 .

P. 3i2, /. 28, Béranger, lise^ Bérenger, ici et partout.

TABLE.

AVANT-PROPOS DU VOLUME TROISIEME . . SOURCES PRINCIPALES DU VOLUME TROISIÈME

V

IX

QUATRIÈME PERIODE.

Le Désert.

1685-1791.

I. Émigration. Supplices. Illuminisme (1685-1700). . . 1

II. Ralentissement de la persécution pendant la guerre de

la succession d'Espagne. Jacques Roger (1701-1715). . 93

III. Retour aux errements de Louis XIV sous les ducs d'Orléans et de Bourbon (1716-1725) ii5

IV. Sept ans de tolérance sous le cardinal Fleury (1726- 1732) 142

V. Nouvelles persécutions (173 3- 1740) i65

VI. Adoucissement de la persécution au début de la guerre de lat succession d'Autriche. Assemblées de jour. Con- damnations nombreuses (1741-1750) 191

VII. Diminution des rigueurs (175 1-1 767) ..... 258

VIII. Progrès croissants de la tolérance. Biographie des derniers pasteurs du Désert. Proclamation du principe

de la liberté de conscience et de culte (1 768-1 791) . . 290

446 PIÈCES JUSTIFICATIVES.

N.° I. Liste générale des protestants dauphinois réfugiés à l'étranger depuis la révocation de l'édit de Nantes. . . 329

N.° IL Liste générale des condamnations prononcées contre les protestants dauphinois pendant la période du Désert. 38 1

N.° III. Noms de quelques prisonniers de La Rapine . . 414

N.° IV. Déposition de l'avocat Gerlan concernant Isabeau Vincent 416

N.° V. Protestants dauphinois enfermés à la tour de Crest 420

N.° VI. Verbal du sieur Gimet , vicaire de Nions en Dau- phiné, sur la déposition de demoiselle Jacomin . . . 423

N.° VII. Dénombrement des protestants du Dauphiné au 21 janvier 1744 426

N.° VIII. Etat des églises et des anciens de la province de Dauphiné (vers 1744) 428

N.° IX. Acte de consécration au saint ministère de Pierre Maurin . . . . . 432

Rectifications 443

Qdchevé d'imprimer le 6 mai 18 j6.

DATE DUE

HH1

.

CAYLORO

PRINTtO IN OSA.

BW5936 .A74 v.3

Histoire des protestants du Dauphine aux

Princeton Theological Seminary-Speer Library

1 1012 00018 1240

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