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HISTOIRE

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HISTOIRE

DES

RELATIONS DE LA CHINE

AVEC

LES PUISSANCES OCCIDENTALES

1860-1 900

AUTRES OUVRAGES DU MEME AUTEUR

Catalogue of the Library of the North-China Branch of the

Royal Asiatic Society, Shanghaï, 187.1, f^'^. in 8. A Narrative of the Récent Events in Tong-King-Shanghaî, 1870,

gr. in-S. Bibliotheca Sinica. Dictionnaire Inhliographique des ouvra^^es relatifs à l'Empire Chinois. Paris, 1881-1895, 3 >ol. gr. in-8. (^Prix Stanislas Julien à l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, 1880).

Le Conflit entre la France et la Chine. Etude d histoire colo- niale et de droit international. Paris, i883, br. in-8.

La France en Chine au XVIII« siècle. Paris, i883, in 8.

Le Consulat de France à Hué sous la Restauration. Paris, i883, in-8.

Historique abrégé des relations de la Grande-Bretagne avec la Birmanie. Paris, 189^4. br. in-8.

Les origines de deux établissements français dans l'Extrême- Orient. Chang-Haï-Ning-Po. Paris, 1896, in-8.

Les Voyages en Asie au XI siècle d'Odoric de Pordenone.

Paris, 1891. gr. in-8.

Jean de Mande ville. Lcidc, 1891, in 8.

Situation de Ho-Lin en Tartarie. Lcide, 1891, in 8.

L'Extrême-Orient dans l'Atlas catalan de Charles V, roi de France.

Paris, 1891, in-8.

Le Centenaire der Marco Polo. Paris, 1896, pci. in-8.

Description d'un atlas sino-COréen. Manuscrit du Hritish Muséum.

ParL<, 1896, in -fol. La Révolution en Chine. Les origines. Lcide, 1900, in-8.

Bibliographie des Œuvres de Beaumarchais. Paris, i883, in 8.

Stendhal et ses amis. IVotes d'un Curieux. 1890, in-/4.

Molière jugé par Stendhal. Paris, 1898, in-8.

EN PRhPAKATION :

Histoire générale des relations de l'Empire Chinois avec les

Pays d'Occident depuis les temps anciens jusqu ii nos jours.

CHAKTHE8. IMPKIMEKIE UL'IiAM), KHE 1 Ul.BEKT.

: i' ^ HISTOIRE

DES

RELATFONS DE LA CHINE

AVEC

LES PUISSANCES OCCIDENTALES

1860- 1900

L'EMPEREUR T OU?iG TCHÉ

(1861-1875)

PAR

Henri CORDIER

Professeur à TÉcolo des langues orientales rivantes. Vice- Président de la Société de Géographie

PARIS

FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR

A.NCIKNNE LIBRAIRIE (.ERMER BAILLIÈRE ET C'«

108, BOULEVARD 8 A I ^ T - G K H M A I N, I08

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Toas droits réservés.

LES RELATIONS DE LA CHINE

AVEC LES PUISSANCES OCCIDENTALES

1860- 1900

CHAPITRE PREMIER LES CONVENTIONS DE PÉKIN6

SIGNATURE DE LA CONVENTION FRANÇAISE DE PÉKING

Le jeudi 20 octobre 1860, notre ambassadeur en Chine, le baron Gros*, se rendait du quartier général français, situé hors de Péking, au ministère des Rites (^Li Poii) pour ' \rncr avec le prince Koung la convention qui rétabHssait la paix avec la Chine, et procéder ensuite à l'échange des ra- fifica lions du traité de Tien-Tsin.

a Je suis sorti de la ville, à huit heures du nvatin, dit notre ambassadeur, pour me rendre au quartier général de l'armée française, et rentrer à onze heures olliciellenumt dans King avec le cortège qui devait donner à l'acte qui allait

I. Gros, Baron Jean -Baptiste- Louis ^ le 8 février 1798 à îvry-sur- Sciiic ; attaché au département en iSaS; accompagna, en juin i8'i3, Hytie «le Neuville à Lisbonne ; est envoyé en mission en Espagne en août lie la même année, au quartier-général du Dauphin ; y retourne deux mois aprrs pour une nouvelle mission ; accompagne en France Tinfant D(»m Miguel, mai 1824 ; chevalier de la Légion d'honneur, 8 juin 182/1; envoyé en Egypte, au Caire et à Alexandrie, pour le rachat des esclaves grecs (ju'il rapatrie à Égine et à Paros, juin 182/1 ; rentre en France en juillet 1828; créé baron par onioimance du i5 février 1829 ; secrétaire surnuméraire à Lisbonne. 26 avril i83o; [)remier secrétaire de légation au Mexique, i3 mai i83i ; chargé d'airaires à la Nouvelle-Grenade. iG févri(!r i838 ; mis en disponibilité, 12 février 1860; ministre pléni- |K>tentiaire, 12 février i85o; commissaire médiateur de la ilépublicpic française entre la Grande-Bretagne et la Grèce, 12 léxrier i85(); ministre

CORDIER. l. I

LES CONVFNTIONS DE IM.KïNG

s'accomplir loiile la solennilc possible. Lo général en chef, les deux généraux de brigade, Janiin el Collineau, el deux mille hommes à peu près escortaient TAmbassadeur de TKm- pereur. Le drapeau du loi'', celui du ioi>>' et celui du régi- ment d'inlauleric de marine, placés Tun auprès de l'autre, précédaient le palanquin de l'ambassadeur porlé par huit coolies en livrées de soie grise et écarlale, coilîés de bonnets .chinois recouverts de franges tricolores.

« Le traité de Tien-Tsin, relié en velours de soie bleue, auquel le sceau impérial, renfermé dans une boîte de ver meil, était fixé par des cordons d'or à glands de même métal, était porté, avec le sceau de Tambassade, par quatre sous olliciers de Tarmée, appartenant à diflérents corps. Vn esca- dron d'artillerie h cheval, mais sans pièces, venait après le palanquin, et plusieurs bataillons composaient le cortège. Dans l'intérieur de la ville, la haie était formée par Tiiifan- terie sur la plus grande partie du parcours. Les spahis eu burnous écarlale, et les chasseurs d'Afrique ouvraient la marche ; un bataillon, musique en tète, les suivait, et les trois généraux s'étaient placés, devant l'ambassadeur, entre les drapeaux, et le traité porté à découvert sur un coussin de velours pour qu'il fut renia rcpié })ar tout le monde. Sans imiforme, puisque tous les miens a> aient été i)erdus dans \r naufrage du Malabar^ î\ Geylan, je n'ai pu m'habilliM* que de noir, mais avec plaques et cordon'^. »

[liiMiipotoiitiaire pour la déniarcaiioii de la froiititTc oiiln^ la l'^raiice cl TEspa^^iic, i/| juillet 1853 ; amlKissadeur extraordinaire en (^liine. a8 avril 1857; grand ofliclcr de la (région d'honneur. () mai 1857; conuuis- saire extraordinaire en (^liine, i '1 mai 1807; sriialeur. •«(» seplend)re i858; ambassadeur extraordinaire el haut ronimis^aire en (jhine. 7 mars i8(>o; granil croix delà Légion d'honneur, 7 mars i8(»i ; amhas>ad<>ur 2i Londres, i!\ novembre i8()2 : relevé de ses fonctions. .In octobre i803 : mort à Paris, en aoiU 1870.

1. (iénéral (Cousin- Montauban.

2. lAvre jaune du liavon (ti'os, p. i65-().

CONVENTION FRANÇAISE DE P1^:KING, 35 OCTOBRE 1860 3

Le baron Gros chercha « à être aussi convenable et aussi respectueux pour son Altesse Inn>érialc que l'on avait été, dit-on, froid et sévère pour elle, la veille, dans le même lieu et dans des circonstances identiques ! * » Il ajoute : « Pendant la cérémonie et alors que le prince examinait mon costume, j*ai lui dire qu'à mon grand regret, je n'avais pu me présenter devant lui en uniforme, attendu que j'avais perdu tous mes effets dans mon naufrage, à Ceylan !... Une légère rougeur a coloré son visage ; et me montrant sa robe : eh ! moi aussi, m'a-t-il dit, je n'ai pas mis le plus beau de mes costumes, car si les vôtres ont péri dans l'eau , c'est le feu qui a détruit les miens "*!

CONVENTION FRANÇAISE DE PERING, 20 OCTOBRE 1860

Convention de paix additionnelle au traité de Tien-Tsin connlae

n Péking, le vib octobre 1860.

Sa Majesté l'Empereur des Français et Sa Majesté l'Empereur de la Chine, voulant mettre un terme au différend qui s'est élevé entre les deux Empires et rétablir et assurer à jamais les relations de paix et d'amitié qui existaient entre eux et (|ue de regrettables événements ont interrompues, ont nommé jK>ur leurs Plénipotentiaires respectifs, savoir :

S. M. TEmpereur des Français, le sieur Jean-Baptiste Louis, baron Gros, Sénateur de l'Empire, Ambassadeur et Haut Com- missaire de France en Chine, Grand-Officier de l'Ordre Impérial de la Légion d'Honneur, Chevalier Grand-Croix de |)hisienrs ordres, etc., etc., etc. ;

Et S. M. l'Empereur de la Chine, le prince de Koung, membre de la Famille Impériale et Haut Commissaire ;

Lescjuels, après avoir échangé leurs pleins j)ouvoirs, trouvés en bonne et duc forme, sont convenus des articles suivants :

Art. i'"". S. M. l'Empereur de la Chine a vu avec peine la

I. f.oc. cit., p. 168. Allusion à Lord Elgin.

a. Lac. cit.. p. 168-9. Allusion à 1 incendie du Palais d'Été.

a LES CONVENTIO.\S DE PERIXG

conduite que les autorités militaires chinoises ont tenue à l'em- bouchure de la rivière de Tien-ïsin, dans le mois de juin de Tannée dernière, au moment les Ministres Plénipotentiaires de France et d'x\ngleterre s'y présentaient pour se rendre à Péking, afin d'y procéder à l'échange des ratifications des Traités de Tien-Tsm.

Art. 2. Lorsque l'Ambassadeur, Haut Commissaire de Sa Majesté l'Empereur des Français, se trouvera dans Péking pour y procéder à l'échange des ratifications du Traité de Tien-Tsin, il sera traité pendant son séjour dans la capitale avec les hon- neurs dus à son rang, et toutes les facilités |)ossibles lui seront données par les autorités chinoises |K)ur qu'il puisse remplir sans obstacle la haute mission qui lui est conGéc.

Aux. 3. Le Traité signé à Tien-Tsin, le 37 juin i858, sera fidèlement mis à exécution dans toutes ses clauses, immé- diatement après l'échange des ratifications dont il est parlé dans l'article précédent, sauf, bien entendu, les modifications que peut y apporter la présente Convention.

Art. l\. L'article l\ du Traité de Tien-Tsin, par lequel S. M. l'Empereur de la Chine s'engage à faire payer au Gouver- nement français une indemnité de deux millions de taëls est annulé et remplacé par le présent article, qui élève à la somme de huit millions de taëls le montant de cette indemnité.

11 est con\enu que les sommes déjà pa>ées j)ar la douane de Canton à compte sur la somme de deux millions de taëls sti- pulée par le Traité de Tien-Tsin seront considérées connue avant été payées d'a>ance et à compte sur les huit millions de taëls dont il est question dans cet article.

Les dispositions prises dans l'article f\ du Traité de Tien-Tsin sur le mode de payement établi au sujet des deux millions de taëls sont annulées. Le montant de la somme qui reste à pa>er par le (iouvernement chinois sur les huit millions de taëls sti- pulés par la présente Convention, le sera en y airectanl le cin- quième des revenus bruts des douanes des ports ouverts au com- merce étranger, et de trois en trois mois : le premier terme commençant au i*"" octobre de celte année et finissant au 3i dé- cembre suivant. Celte somme, spécialement réservée pour le payement de l'indemnité due à la France, sera comptée en piastres mexicaines ou vn argent cissé' au cours du jour du

I. Sycee (soie liiio), argrni en lingot, ressemblant à un soulier.

CONVKNTION FR\NÇ%ISK l)K PKKI.NC. n') OCTOHUK I (S()0 5

|>iivemcnl» entre les mains du Ministre de France ou de ses délégués.

Une somme de cinq cent mille taels sera payée cependant h -compte d'avance, en une seule fois, et à Tien-Tsin, le ao no- vembre prochain, ou plus tôt si le Gouvernement chinois le juge convenable.

Une commission mixte, nommée par le Ministre de France et par les autorités chinoises, déterminera les règles h suixTC pour effectuer les payements de toute Tindemnité, en vériiier le mon- tant, en donner quittance et remplir enfm toutes les formalités que la comptabilité exige en pareil cas.

Aux. 5. La somme de huit millions de taëls est allouée au (iOu>ernement français pour l'indemniser des dépenses que ses armements contre la Chine Font obligé de faire, comme aussi [>our d^tlommager les Français et les protégés de la France qui ont été spoliés, lors de l'incendie des factoreries de Canton, et indemniser aussi les missionnaires catholiques qui ont souffert dans leurs personnes ou leurs propriétés. Le Gouvernement français répartira cette somme entre les parties intéressées dont les droits ont été légalement établis devant Lui et en raison de ces mêmes droits, et il est convenu, entre les Parties contrac- tantes, qu'un million de taëls sera destiné à indemniser les sujets français ou protégés par la Francedes pertes qu'ils ont éprouvéïîs ou des traitements qu'ils ont subis, et que les sept millions de taéls restant seront affectés aux dépenses occasionnées par la guerre.

Art. 6. Conformément à l'édit impérial rendu le 10 mars i8'|0. par TAuguste Empereur Tao-Rouang, les établissements religieux et de bienfaisance qui ont été con(is(jués aux chrétiens, pendant les persécutions dont ils ont été les victimes, seront rendus à leurs propriétaires |>ar l'entremise de Son Excellence le Ministre de France en Chine, auquel le Gouvernement impérial les fera délivrer avec les cimetières et les autres édifices cpii en dépendaient.

Art. 7. La ville et le port de Tien-Tsin, dans la province de Ve Tché-li. seront ouverts au commerce étranger, aux mêmes conditions que le sont les autres villes et ports de l'Empire ce commerce est déjà permis, et cela à dater du jour de la signa- ture de la présente Convention, qui sera obligatoire pour les deux nations, sans qu'il soit nécessaire d'en échanger les ratilica-

f) LES CONVKNTIONS DE I»K^I^G

lions, cl qui aura la mùinc force cl valour (juc si elle était insérée mot à mot clans le Traité de Tien-Tsin.

Les troupes françaises qui occupent celte ville pourront, après le pavement des cinq cent mille taëls dont il est question dans l'article l\ de la présente Convention, l'évacuer pour aller s'éta- blir à Ta-Kou et sur la côte nord du Clian-toung, d'où elles se retireront ensuite dans les mêmes conditions qui présideront à Tévacualion des autres points qu'elles occupent sur le littoral de l'Empire. Les commandants en chef des forces françaises auront cependant le droit de faire hiverner leurs troupes de toutes armes à Tien-Tsin, s'ils le jugent convenable, et de ne les en retirer qu'au moment les indemnités dues par le (îouvernement chinois auraient été entièrement payées, à moins cependant qu'il ne convienne aux commandants en chef de les en faire partir avant cette époque.

AuT. 8. 11 est également convenu que. dès que la présente Convention aura été signée, et que les ratifications du Traité de Tien-Tsin auront été échangées, les forces françaises qui occu- pent Chousan évacueront cette île, et que celles qui se trouvent devant Péking se retireront à Tien-Tsin, à Ta-Kou, sur la côte nord du Chan-toung, ou dans la ville de Canton, et que, dans tous ces lieux, ou dans chacun d'eux, le Gouvernement français pourra, s'il le juge convenable, y laisser des troupes juscju'au moment la somme totale de huit millions de taëls sera payée en entier.

Art. 9. 11 est convenu entre les Hautes Parties Contrac- tantes que, dès que les ratifications du Traité de Tien-Tsin auront été échangées, un édit impérial ordonnera aux autorités supérieures de toutes les provinces de l'Empire de permettre à tout Chinois qui voudrait aller dans les pays situés au delà des mers |K)ur s'y établir ou y chercher fortune, de s'embarquer, lui et sa famille, s'il le veut, sur les bâtiments français qui se trou- veront dans les ports de l'Empire ouverts au commerce étranger.

Il est convenu aussi que, dans l'intérêt de ces émigrés, pour assurer leur entière liberté d'action et sauvegarder leurs intérêts, les autorités chinoises compétentes s'entendront avec le Ministre de France en Chine pour faire les règlements (pii devront assu- rer à ces engagements, toujours volontaires, les garanties de moralité et de sûreté qui doivent y présider.

Aux. 10 ET DEiiisiEK. Il csl bien entendu, entre les Parties

CONVENTION FR\N(;\ISK DK PKKINC, 30 OCTOBUi: 1 80o "

Conl racla II les, que le droit de tonnage qui, par erreur, a été li\é dans le Traité français de Tien-Tsin, à cinq niaces' par tonneau sur les bâtiments qui jaugent cent cinquante tonneaux et au-dessus, et qui, dans les Traités signés avec l'Angleterre et les F]lats-Lnis, en i858, n*est porté qu'à la somme de (|uatre maces, ne s'élèvera qu'à cette même somme de (juatrc niaces, sans avoir à invoquer le dernier paragraphe de l'article 37 <lu Traité de Tien-Tsin, qui donne à la France le droit formel de réclamer le traitement de la nation la plus favorisée.

La présente Convention de paix a été faite à Péking, en quatre «'xpi'dilions, le 33 octobre 1860, et y a été signée par les ïMé- nip(»lentiaire^ respwtifs, qui y ont apposé le sceau de leurs armes.

Bauon Gros. Prince de Roung.

La convention de Péking est muette au sujet des 200000 ta<»ls réclames dans Tultimatum du i3 oclobre* [X)ur être répartis aux victimes du guet-apens de Toung-tcheou ; « par condescendance pour le prince Koung, il a été convenu, entre Lord Elgin et moi, dit le baron Gros, que cette indemnité imposée comme punition au gouvernement chi- nois, et qui avait déjà été payée avec exactitude, ne serait pas mentionnée dans un acte officiel qui rétablissait la paix entre la Chine et les puissances alliées^ ».

1. La dixième partie du tacl, niacc vient du malais màs, sanskrit fufisha, une fève.

2- Le i3 octobre 1860, le baron Gros, dans une dépêche an Prince de Koung. avait stipulé deux clauses :

« Par la première, le gouvernement chinois promettra de payer une indemnité de 300000 taëls aux victimes françaises de l'attentat du 18 sep- tembre dernier, et à verser de suite cette somme entre les mains du tré- sorier de l'armée française en Chine.

« Par la seconde, le gouvernement chinois s'engagera à faire rendre au ministre de France en Chine les églises, cimetières, maisons. U^rrains ef autres propriétés qui en dé|>endaient et dont parle le décret impérial de Tao-Kouang. » (Lisre jaune du Baron (iros, p. iSS-iSq.)

3. Livre jaune du Baron Gros^ p. 17/1-5.

H LES CONVENTIONS DE PÉRING

RATIFICATIONS DU TRAITÉ DE TIE>'-TSIN, 25 OCTOBRE 1860

Le jour même (25 octobre 1860) de la signature de la convention, les ratifications du traité de Tien-Tsin étaient échangées :

Le 36 octobre 1860, les Hauts Commissaires des Empires de France et de Chine, munis de pleins-pouvoirs trouvés récipro- quement en bonne et due forme, savoir :

Pour l'Empire de France, S. Exe. le Baron Gros, sénateur de l'Empire et Ambassadeur Extraordinaire de S. M. rEm|)ercur des Français en Chine, Grand-Oflicier de la Légion d'Honneur, Chevalier Grand-Croix de plusieurs ordres, etc., etc. ;

Et pour l'Empire de la Chine, le Prince de Koumj, memhre do la famille Impériale et Haut Commissaire ;

Se sont réunis au palais de Li-Pou, dans Péking, à reflet de procéder à l'échange des ratifications du Traité de paix, d'amitié et de commerce signé à Tien-Tsin le 37 juin i858. ayant avec eux les secrétaires et les interprètes des deux nations; et S. Exe. le Haut Commissaire de France a remis entre les mains de S. A. Impériale le Prince de Koung Tinslrument original du Traité de Tien-Tsin, transcrit dans les deux langues et revêtu du grand sceau de l'État de l'Empire de France, et delà signature de S. M. l'Empereur des Français, qui déclare dans cet acte que toutes les clatuses dudit*traité sont ratifiées et seront fidèlement exécutées.

S. A. L ayant reçu le traité ainsi ratifié, a remis à son tour à S. Exe. le Haut-Commissaire français l'un des exemplaires du môme traité approuvé et ratifié au pinceau vermillon par S. M. l'Empereur de la Chine, et l'échange des ratifications du traité signé h Tien-Tsin en i858 ayant eu lieu, les Hauts-Commis- saires Impériaux ont signé le présent procès-verbal , rédige par leurs secrétaires respectifs, et y ont apposé le cachet de leurs armes.

Fait en double expédition, dans le palais de Li-Pou, à Péking, le 35 octobre 1860.

Baron Gros. Koung.

La déclaration suivante a été apposée sur le texte original du traité de Tien-Tsin, que le Prince Koung a remise à l'Am-

KDIT impi^:kial 9

bassadcur de France en échange du texte ralifié par S. M. TEin- pereur des Français :

Ratification du traite signé à Tien-Tsin le 37 ^nm i858.

Moi, Prince de Koiing, membre de la Famille Impériale et Haut-Commissaire, muni de pleins-pouvoirs, je déclare et certifie c|ue le sceau de l'Empereur a été apposé sur l'ensemble des ar- ticles qui prémlent, et qui forment le traité original signé h Tien- Tsin, il y a deux ans, afin de prouver clairement que TEmpereur de la Chine ratiiie et confirme ce traité, et donner une garantie qu'il sera mis à exécution dans toutes ses clauses, sans qu'il soit nécessaire de le revêtir d'une autre ratification Impériale.

En foi de quoi, j'ai écrit la présente déclaration sur le traité lui-niéine, pour qu'elle lui serve de garantie à perpétuité.

Fait à Pé-King, le 35 octobre 18G0.

(Suit la signature du Prince et son sceau de (commissaire Im- périal).

ijc ministre Wen Siang avoua depuis à M. Wade que les trois points sur lesquels P Empereur était décidé à résister étaicnl : la résidence à Péking, le système de passeports et rouvcrture du Yang tscu au commerce étranger'.

ÉDIT IMPÉRIAL

Le Conseil intime a reçu le 38 octobre dernier un décret impérial ainsi conçu :

Le Prince Koung, Yi-Sin, nous ayant adressé un rap|w>rt sur l'échange des ratifications des traités qui a eu lieu le a/j et le 20 octobre dernier, nous avons décrété (pie les traités échangés par le Prince Koung, Yi-Sin, ainsi que les conventions nouvelles signées avec la France et l'Angleterre sont confirmés et ratifiés dans tous leurs articles et seront toujours exécutés.

A partir d'aujourd'hui les hostilités cesseront pour toujours, la paix est rétablie et pour que les uns et les autres aient une entière confiance dans cette paix, et ne se laissent pas égarer par des sentiments de défiance, nous ordonnons que ces traités soient

I. Rcnnie, Peking and the Pekingcse^ II, p. 67-8.

publias CQ cnliordans loulos les provinces, afin que les \ice-rois, les gouverneurs et les grands mandarins agissent en conséquence. Que ceci soil resjHictc.

CIRCCLAIRE DU PRINCE KOU>G ^

Moi, Prince de Koung. membre de la famille impériale, assisté du premier ministre Koueï-1/iang, et du Ministre des Finances Wen, je porte h votre connaissance que dans le mois d'octobre de c(?tte aimée, j'ai arrêté, signé et scellé avec le repré- sentant de la France, une convention de Paix, tH. écliangé aussi les ratifications du traité conclu il y a deux ans, et que je viens de recevoir, en outre, un décret imjKuial qui ordonne de publier le traité en entier dans la Gazelle de Pékiny, et de l'envoyer dans toutes les Provinces |)our qu'il soit rendu public dans clia(|ue département, dans chaque arrondissement et dans chaque district, afin que partout on s'y conforme.

Il est donc de mon devoir de vous adresser, avec cette dé|MV"h(\ 5o exenqdaires du Traité, 200 de la (lazelle, et aoo de la Pro- clamation, et j'espère que le noble gou>crneur agira en consé- quence.

C'est à cet elTet (jue j'écris cette dépêche au noble gouverneur de la Province des deux Rouang, etc.. mois de novembre 18O0.

CONVENTION ANGLAISE DE PÉKING, l!\ OCTOBRE 1 8G0

La veille (2^1 octobre) le plénipotentiaire anglais, Lord Elgin -, avait également signé à quatre heures au Li Poit^ la convention de paix et était ensuite retourné au quartier général anglais; deux mille hommes rescort<iient. Son col- lègue, le baron Gros, écrivait le même jour: « J'ai su dans

I. Adressée aux gouverneurs-généraux des provinces du Kouang- Toung, du Kiang-Sou. du Fou-Kicn, du Chan-Toung et du Tché-Kianp.

a. James, huitième comte d'Elgin et douzième comte de Kiiicardine, fils de lambassadcur à Consiantinople, dont la collection de marbres est aujourd'hui conscîrvée au British Muséum, à Londres. :i() juillet 181 1 . Avant ses missions en Chine, il avait été gouverneur de la Jamaïque et gouverneur général du Canada ; depuis il a été vice-roi do l'Inde il mourut le ao novembre i803.

CONVENTION ANGLAISE I)K PÉkIXi» 3/| OCTOBHK 1 8(>0 II

1.1 journée que le prince Koung, exact au rendez-vous donné, avait attendu pendant deux heures trois quarts Tarrivée de Fanibassadeur d\Vnglelerre. Que celui-ci avait montré une roideur qui avait effrayé le jeune prince, et que Tentrcviic avait été plus que pénible pour lui S).

Par cette cx^nvention, lord Elgin obtenait : des excuses pour Tattaque de Ta-Kou de juin 1869, le droit de résidence pour un ministre anglais à Péking, une indemnité de huit millions de taëls pour frais de guerre (six millions) et dom- mages aux résidents anglais (deux millions) au lieu de Tin - demnité de Tarticle séparé du traité de Tien-Tsin ; Ticn- Tsin ou\crtau commerce, règlement de Témigration, cession à l'Angleterre de Kao-loung (Kieou-loung) en face de Hong- kong; exécution immédiate du traité de Ticn-ïsin; éva- cuation des Chou-san, après la signature des conventif)ns ; occupation de Tien-Tsin, des forts de Ta-Kou, de la côte nord-est du Chan-toung et de Canton jusqu'au paiement de rindemnilé. Les ratifications du traite de Tien-Tsin étaient échangées le même jour.

I. l. ivre jaune du Baron Gros, j>. lOô.

CHAPI TIIK II

ANCIENNES RELATIONS DE L'ANGLETERRE ET DE LA FRANGE

AVEG LA GHINE

ANCIENNES RELATIONS 1>E i/aNGLETEHRE

1^0 comnicrco anglais avec la Chine commence en réalih' le I G juillet ijc)!), é[)0(jue à laquelle la reine Elisabelh écril à Tempereur de la Chine une lellre en faveur des deux né- gociants et citoyens de Londres, Richard Allen et Thomas Bromfield. Cietle lettre devait être portée par le caj)ilaine Benjamin \\ ood, qui commandait trois navires, the Bear, ihe liears W/ie/p et le Benjamin^ équipés aux frais de Sir l\oberl Dudley. Les trois navires disparurent en route. La première compagnie anglaise des Indes orientales obtint sa charte de la reine Elisabelh le 3i décembre 1600, sous le nom de the Governour and Company of Merc liants of Lon- don trading into the East fndies. En i6o4, Jacques I'** acc(>rda la permission de faire le commerce au « Cathay, (^hine, Japon, (iOréc et Cambodge » k Sir Edward Michel borne; les efforls des Anglais avaient d'ailleurs pour objectif les Indes et les Moluqucs. Une autre compagnie connue sous le nom de Courtens Association ou de the Assada * Mer- chants, créée en i635, fut réunie à la Couqiagnie de Londres en i65o. En i654-i655, Olivier Cromwell accorda une charte à la Company of Merchant Adventnrersy qui fusionna également avec la Compagnie de Londres en iGjo-iôôy. En

I . A Madagascar.

ANCIENNES RELATIONS DE l/ANCLETEUnE l3

1698, une concurrence formidable fut faite par the Eng- lish Company trading to the East Indies ou Eiiglish Com- pany. ,^

En Chine, nous notons quVn i634, le capitaine Weddell explora la rivière de Canton, il fut mal reçu, grâce aux agissements des Portugais, mais il obtint par son énergie pleine satisfaction. En i6Vi, les Anglais envoient à Macao le navire Hinde^ qui est obligé de payer des droils énormes ; on 1672, on donne Tordre d'établir des factoreries au Tong- king, à Tai-wan, au Japon et en Chine ; ils ne réussh-ent d'ailleurs à établir aucun commerce avec Formose. Enfin, en 1702-8-9, les compagnies rivales de Londres ai Anglaise des Indes orientales sont réunies en une seule sous le nom de the United Company of M'erchants trading to the East Indies * ; à cette époque, les Anglais avaient cherché ti établir des factoreries au Tong-king, à Poulo-Condor, à Macao, à Amoy, aux Chousan, à Tai-wan, à Canton et à \fagindanao; les deux premières seulement sont indiquées- dans Tacle de constitution des compagnies comme étant en activité. Nous avons ailleurs* marqué les difficultés des Anglais en Chine au xviii*' siècle et la manière dont le commerce était conduit dans cette ville à la même époque. Nous ne rappellerons ici que les dates principales: 17^2, arrivée à Canton du Com- modore Anson, qui obtient avec peine fautorisation de faire réparer son navire; 175/j, les Anglais, fatigués des exigences des autorités locales, veulent s'établir à Ning-po ; 1 70*2, f An- glais Flint est emprisonné pendant trois ans pour avoir essayé d'aller en ambassade à Péking ; 1773, un autre Anglais, Sc<:»tt, est exécuté par les Chinois pour un crime imaginaire; 178'!, un canonnier de la Lady Hughes, cause involontaire de la mort d'un Chinois, est également mis à mort. Enlin,

I. Désignéf» sous le nom de The Hoiwuralde East ludla Company. •À. Grande Lnc)clopédie.

l4 RELATIONS DE i/aNGLETERRE ET DE LA FR\NCE AVEC L\ ClIINE

les Anglais, espérant régulariser une situation de jour en jour plus intolérable, se décidèrent à envoyer une ambassade à Péking, sur Tavis de lord Melvillc ; l'ambassade était chargée de demander l'autorisation de faire le commerce aux (Ihousan, A Ning-po et h Tien-Tsin et d'avoir un entrepôt à Péking, Tabolilion des droits de transit entre Canton et Macao ou au moins une grande réduction ; enfin, qu'aucun droit vexa loi re ne soit prélevé en dehors de ceux prescrits par le tarif officiel. Une première ambassade envoyée avec le co- lonel Cathcart à bord de la r(p,s7^/<?a\ait péri en mer (1788).

LORD MACARTNEY

On mit à la tète de Tambassade George Macartney ; Ma- cartney, nommé le 3 mai 1792, quittait Portsmouth le •i6 septembre de la même année ; son ambassade débarqua près de Toung-tcheou, se rendit à Péking, fut obligée d'aller à la résidence d'été de l'empereur, en Mongolie, à Dje-hol, elle n'obtint d'ailleurs aucun avantage. Arrivée à Péking le 'M aoAt 1793, l'ambassade quittait cette \illc le 7 octobre suivant et reprenait la route du Sud, en partie par le (îrand Canal jusqu'à Ilang-tcheou, de aux Chousan, et enfin à Canton et à Macao. Macartney quittait la Chine le 17 mars 179^1 et débarquait à Portsmouth le 5 septembre de la même aimée. Son voyage avait coûté 80000 livres sterling et n'avait rien rapporté à son pays. Au commencement du siècle, à signaler les eflbrts malheureux des Anglais en 180a et 1808 à Macao, et la déconfiture de l'amiral Drurv. Kn 18 iG, nou\elle ambassade anglaise, sous la conduite de lord Amherst, qui s'embarqua sur VAIcesfe\o 8 février; la guerre du Népal, pays Iribuliiire de la Chine, et la maladresse des négociateurs firent de cette ambassade, à Tépoque de kia- k'iiig, un véritable désastre diplomatique. D'année en année, les difficultés surgissent à Canton entre Anglais et Chinois;

TRAÎTK DE NATSKING, 39 AOUT iS/ja l5

une niissicm spéciale de lord Napier, envoyée à Canton [)ar Guillannie H (i8.S3-i83/i), ne réussit pas et se termine par la retraite et la mort par épuisement de lord Napier (en oc- tobre i83/|) ; enfin, la destruction de 20 îî83 caisses d'opium an mois de juin 18^9 amena définitivement Tintervention armée de TAngleterre.

TRAITÉ DE NANKINC, '2Ç) AOUT l842

Inutile ici de raconter h nouveau cette guerre dite opium ; disons seulement qu'après la prise de Chang-IIaï, la flotte anglaise remontant le kiang pour attaquer Nanking, obligea les Chinois, malgré leur entêtement, à signer un traité dans cette dernière ville. Le traité de Nanking du 29 août 18^12, ratifié l\ Hongkong le 26 juin i843, signé, d'une part, par le major général, Sir Henry Pottinger, et, de Tautre, par les Hauts Commissaires Ki-Ying et Ilipou à bord du navire de guerre anglais le Corinvallis, se compose de treize ar- ticles, dont le second est le plus imporl<ant ; il marque que les cinq |)orts de Canton, Amoy, Fou-tcheou, Ning-po et Chang-Haï, sont ouverts au commerce britannicpie et que des consuls y seront installés ; par le troisième, File de Hong- kong est cédée à TAngleterre; une indenniilé totale de 21 millions de dollars, tant pour Topium saisi (pie pour les (lé[)enses de guerre, devait être payée à T Angleterre et la coqKiration des marchands hannistes^ cessait d'exister. On ne peut exagérer Timportance de ce traité, qui est le point de départ de nouvelles relations des étrangers avec la Chine. Sir John Francis Davis est le premier gouverneur de Hong- kong, mais ce port, reconnu colonie anglaise par un tordre du Con.seil, le 5 avril i843, est déclaré libre : Macao et

I. \a^ hannistos ou Hong Merchants, étaient, à Canlon, les mar- cliands ayant le privilège exclusif du commerce avec les «'Iran^'crs ; leur réunion formait le co-hong ou co-hang.

iC RELATIONS DE i/a.NGLKTERRE ET DE L\ FRANCE AVEC LA CHINE

Canton perdent ainsi beaucoup de leur innK)rlance. D'autre part, les Anglais organisent leurs autres établissements con- sulaires et particulièrement celui de Cliang-Ilaï.

A>CIENNES RELATIONS DE LA FRANCE

Les relations de la France avec la Chine ne sont pas fort anciennes. Une compagnie de Chine, créée le 9.0 sep- tembre 1660, fut réunie h la Compagnie des Indes en août i6()/| ; cette dernière céda son privilège pour la Chine à une société Jourdan, de la Coulange et C'°, le 4 janvier 1698, qui installa le commerce de la France à Canton. Une troi- sième compagnie créée par lettres patentes du 19 février 17 1 3 envoya des vaisseaux en Chine à partir de 1 7 1 4 ; lors de la réunion de toutes les compagnies en une seule, en mai 1719, notre cxDmmerce en CJiine prit un peu plus d'extension. Lors de la suspension du privilège delà Com|>agnie des Indes orientales, un consulat de France fut créé h Canton le 3 fé- vrier 1776 ; il ne dura que juscprà la fin du siècle ; j)endanl cette période, Tinfluence de la France ne s'exerce guère que par les missions catholiques, et surtout li Péking.

Le consulat de France h Canton ne fut rétabli que sous la Hestiuiration, en 189.9; il se composait en i8/|3, lorsqu'on se décida à envoyer une mission extraordinaire en Chine, d'un consul ; le comte de Ratli Menlon ; d'un élève consul, Charles-Alexandre Challaye; d'un chancelier, Aimé Uivoire , et d'un interprèle, J.-\T. ('ialler> , ancien préiredes Missions étrangères.

AMBASSADE DE LACUKNÉ.

Le titre d'envoyé extraordinaire (»t ministre pléni|)olen- tiaire fut donné à M. ïhéodose de Lagrené'; le chef de la

I. Thôodoso-Marie-Melchior-Joscph «lo La^çron*', m Picarilio. \o i.'l mars 1800, niorl le •â'J avril 18O2 ; entré en i82'-j aux .\fTaires étran

TRAITÉ DE NAN-KING, 3/| OCTOBRE t8/44 I7

mission, accompagné par sa femme et ses deux filles, M*'** Gabrielle et Olga de Lagrené, avait pour le seconder : 1** MM. de Ferrière-le-Vayer, premier secrétaire; Callery, interprète ; Bernard d'Harcourt, second secrétaire ; Xavier Reymond, historiographe ; Melchior Yvan, médecin ; de Montigny, chancelier ; Macdonald de Tarente, attaché libre ; Marey-Monge, Fernand Delahante, attachés payés ; de la Guichc et de Charlus, attachés libres ; 2** les délégués du Ministère du Commerce, désignés par les Chambres de commerce de Reims, de MuUïOuse, de Saint-Etienne, de Lyon et de Paris: MM. Auguste Ilaussmann, cotons; Natalis Rondot, laines; Isidore Hedde, soies; Renard, articles dits de Paris ; S'' les représentants du Ministère des Finances : MM. Jules Itier, inspecteur des douanes, chargé d'étudier la question des tarifs et de la navigation ; Charles La voilée, employé des finances.

TRAITÉ DE WHAMPOA, 2^ OCTOBRE \%hk

Le résultat de cette mission fut le traité signé à Tem- bouchure de la rivière de Canton, à Whampoa, à bord de la corvette française à vapeur, X Archimhde^ le i!x octobre i84/| (iS*" jour de la 9*" lune de la 2^*' année Tao-Kouang), par M. de Lagrené et Ki-ying, plénipotentiaire chinois; les ratifications furent échangées à Macao, le 25 août i8/|5. Le traité, qui a comme modèle les cx)nven lions anglaise et américaine, se compose de trente-six articles, dont Fun, Tarlicle XXll, a une importance exceptionnelle, car il est

gères sous le ministère de Mathieu de Montmorency ; successivement secrétaire d'Ambassade en Russie (où il se maria) ; ministre plénipoten- tiaire en Grèce ; chargé de sa grande mission de Chine ; à son retour créé Pair de France, juillet i846; siégea au Luxembourg jusqu'en i848 ; élu en 1849 représentant de la Somme à l'Assemblée législative ; rentré dans la vie privée après le coup d'État du a décembre, il devint l'un des mem- bres du Conseil d'Administration du Chemin de fer du Nord. M'i'** de Lagrené, née Daubensky, est morte en janvier 1901.

CORDIBR. L 2

l8 RELATIONS DE l'aNGLKTERRE ET DE LA FRANCE A\TC LA CHINE

cité fréquemment dans les documents que nous publions aujourd'hui; le voici :

« Tout Français qui, confonnémont aux stipulations de Tar- ticle II, arrivera dans l'un des cinq ports, pourra, quelle que soit la durée de son séjour, y louer des maisons et des magasins pour déposer ses marchandises, ou bien aflcrmer des terrains et y bâtir lui-même des maisons et des magasins. Les Français pour- ront, de la même manière, établir des églises, des hôpitaux, des hospices, des écoles et des cimetières. Dans ce but, l'autorité locale, après s'être concertée avec le consul, désignera les cpiar- tiers les plus convenables pour la résidence des Français, et les endroits dans lesquels |)ourront avoir lieu les constructions pré- citées. Le prix des loyers et des fermages sera librement débattu entre les parties intéressées, et réglé, autant «jue faire se f>ourra. conformément à la moyenne des prix locaux. Les autorités Chinoises empêcheront leurs nationaux de surfaire ou d'exiger des prix exorbitants, et le consul, de son côté, veillera à ce que les Français n'usent pas de violence ou de contrainte pour forcer le consentement des propriétaires. Il est bien entendu, d'ailleurs, que le nombre des maisons et l'étendue des terrains h alTcTter aux Français dans les cinq ports ne seront point limités, et qu'ils seront déterminés d'après les besoins et les convenances des ayants-droit. Si des Chinois violaient ou détruisaient des églises ou des cimetières Français, les cou|>ables seraient punis suivant toute la rigueur des lois du pays. »

Celte clause était une nouvelle confirmalitm du protectorat exercé sur les missions par la l'Vancc» et devait servir de pré- cédent au baron Gros à Péking en 1860.

NOUVELLES CAUSES DE CONFLIT.

Mais, de jour en jour, les dillicullés augmentaient ; la Chine \ oyait grandir Tinfluence de ces étrangers qu'elle mé- prisait plus qu'elle ne les redoutait ; elle ignorait, restée sla- tionnaire elle-même, les progrès faits autour d'elle, et les demandes faites par les Européens n'étaient pour elle que des suppliques respectueusement présentées au ïrone par des

NOUVELLES CAUSES DE CONFLIT ig

peuples tributaires. Cependant il devenait nécessaire aux puissances occidentales d'avoir accès aux ports du Nord et à la capitale de TEmpire ; les jours de Macartney étaient loin- tains et c'était avec le Fils du Ciel lui-même, non avec ses représentants provinciaux, dans son Palais et non dans le Yamcn d'un vice-roi, que Français et Anglais désiraient con- tinuer des relations entamées dans une capitale du centre ou du midi de TEmpire. La communauté des intérêts de la France et de rAnglelcrrc établie par la guerre de Crimée permettait et préparait une action commune de ces deux puissances contre TEmpire du Milieu. Que de prétextes n'élait-il pas facile de trouver pour intervenir soit diploma- tiquement, soit militairement !

Le 28 février i856, un prêtre du séminaire des Missions étrangères de Paris, Tabbé Auguste Cbapdelaine*, était mis à mort, après de cruelles tortures, h Si-lin Hien dans le Rouang Si ; le prétexte était bon pour la France : il fut moins bon pour PAngleterre. Le lorîcha^ Arro^v battant pavillon anglais, et conmiandé par un Irlandais, Tbouias Kennedy, était saisi à Canton le 8 octobre i856. Les Chi- nois prétendaient avec juste raison que la licence de ce navire était expirée depuis le 27 septembre et ne devait plus par suite porter le pavillon anglais. L'occasion était excellente p>ur obtenir de la Chine de nouvelles concessions, toute satisfaction étant refusée par les autorités de Canton.

La guerre fut donc déclarée et la France et TAnglcIerre firent cboix, pour diriger leurs négociations avec la Chine, du Baron Gros, et du Comte d'Elgin et de Kincardine. Sans entrer dans le détail des opérations militaires, rappelons que la barre du Pei Ho ayant été forcée à Ïa-Kou par les alliés

I. Chapdelaine, Auguste^ à La Rochelle (diocèse de Coutances), 6 janvier i8i4 ; parti pour la Chine, ag avril i85a.

a. On appelle lortcha un bâtiment à coque européenne, généralement commandé par un Européen, avec une mâture etim équipage indigènes.

30 REIATIONS DE L ANGLETERllK ET HE I.A FRANCE AVEC LA CHINE

(20 mai i858), les Chinois, ropréscnlc^s par Kouei-Liang et Houa Cha-na, se déterminèrent à signer à Tien-Tsin des traités avec l'Angleterre et la France. Le traité anglais (26 juin i858) comprend cinquante-six articles. Les prin- cipales clauses de ce traité sont : le droit pour F Angleterre d'avoir un ambassadeur ou un ministre à la cour de Péking, de même que pour la Chine d'avoir un représentant ii la cour de Saint-James; liberté du culte; Ïclien-Kiang, sur le Yang-tseu, est ouvert immédiatement au commerce; Han- Kéou le sera après le rétablissement de la paix. Outre les ports de Canton, Amoy, Fou-tchéou, >ing-po etChang Haï, ouverts j>ar le traité de Nan-King, les étrangers devront également avoir accès à : Nieou tchouang (Mandchourie), Tang-tchéou (ïche-fou, Chan-loung), Tai-wan (Formose), Tchao-tchéou (Swatow, Kouang-toung) et Kioung-tchéou (llaïnan). D'autres clauses traitent des droits de douane, de navigation, etc. Enfin les ratifications devaient être échangées à Péking, dans l'année qui suivrait la signature du trailé. Dans un article supplémentaire, il était convenu que les forces anglaises se retireraient de (]ant<^n après le paiement d'une indemnité de deux millions de taëls pour domnia- ges-et intérêts, et de deux millions de taëls pour les frais d'expédition.

TRAITÉ DE TIEN-TSIN, 27 JUIN l858

Le traité français renferme quarante-deux articles, diffé- rant peu du traité anglais. Parmi les ports ouverts, Tani- soui dans l'île de Formose, ainsi que Nan-King, dans le Kiang-sousont ajoutés (celte dernière stipulation resta lettre morte) dans le traité français; en re\anche, Nieou tchouang n'y ligure pas.

TR%ITK I)K TII:N-TSIN. Q*J JIIN 1 8r>8 2 1

Traité iVamilie^ de commerce et de navigation entre la France et la Chine, signé à Tien-Tsin, le 2*] juin i858.

Sa Majesté rEnipcrciir des Français et Sa Majesté FEmpereur de la Chine, animés l'un et l'autre du désir de mettre un terme aux diiTérends qui se sont élevés entre les deux Empires, et vou- lant rélablir et améliorer les relations d'amitié, de commerce et de navigation qui ont existé entre les deux Puissances, comme aussi en régulariser l'existence, en favoriser le développement et en perpétuer la durée, ont résolu de conclure un nouveau Traité, basé sur TinténH comnum des deux pays, et ont, en conséquence nommé pour leurs Plénipotentiaires, savoir :

Sa Majesté l'Empereur des Français, le sieur Jean-Baptiste lx>uis kiron Gros, Grand Oflicier de la Légion d'honneur. Grand Croix de l'Ordre du Sauveur de Grèce, Commandeur de l'Ordre de la Conception de Portugal, etc., etc., etc..

Et Sa Majesté l'empereur de la Chine, Kouei-Liang, Haut Commissaire impérial de la dynastie Ta-Tsing, Grand Ministre du Palais Oriental, directeur général des affaires du conseil de jus- tice, etc. ; et Iloùa Gha-na, Haut Commissaire impérial de la dy- nastie Ta-Tsing, président du conseil des fmances, général de l'armée sino-tartare de la Bannière bordée d'azur, etc., etc., etc. ;

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins-pouvoirs, qu'ils ont trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles sui- vants :

.\ht. i''. Il y aura paix constante et amitié perpétuelle entre Sa Majesté l'Empereur des Français et Sa Majesté rEmjwreur de la (ihine, ainsi qu'entre les sujets des deux Empires, sans excep- tion de personnes ni de lieux.

Ils jouiront tous également, dans les Etats respectifs des Hautes Parties (iontractantes, d'une pleine et entière protection j)our leurs personnes et leurs propriétés.

Art. 2. Pour maintenir la paix si heureusement rétablie entre les deux Empires, il a été convenu entre les ILiules Parties Contractantes qu'à l'exemple de ce qui se pratique chez les nations de l'Occident, les Agents diplomati([ues dùnuMil accrédités par S. M. l'Empereur des Français auprès de S. M. l'Empereur de la Chine pourront se rendre éventuellement dans la capitale de l'Empire, lorsque des affaires importantes les y appelleront.

Il est convenu entre les Hautes Parties Contractantes que, si

3 3 RKLATIONS DE L A>GLKTP:HIU': KT I)K I.A FUANCE AVEC LA CHINE

l'une des puissances qui ont un Traité avec la Chine obtenait, pour ses agents diplomatiques le droit de résider à poste Gxe à Péking, la France jouirait immédiatement du même droit.

Les Agents diplomatiques jouiront réciproc|uemcnt, dans le lieu de leur résidence, des privilèges et immunités que leur accorde le droit des gens ; c'est-à-dire que leur personne, leur famille, leur maison et leur correspondance seront inviolables, qu'ils pourront prendre à leur service \e^ employés, courriers, interprètes, sery-iteurs, etc., qui leur seront nécessaires.

Les dépenses de toute espi'ce qu'occasionneront les Missions diplomatiques de France en Chine seront supportées par le Gou- vernement Français. Les Agents diplomatiques qu'il plaira à S. M. l'Empereur de la Chine d'accréditer auprès de S. M. l'Em- pereur des Français seront reçus en France avec tous les hon- neurs et toutes les prérogatives dont jouissent, à rang égal, les Agents diplomatiques des autres nations accrédités h la Cour de S. M. l'Empereur des Français.

Art. 3. Les communications ofEcielles des Agents diplo- matiques et consulaires Français avec les autorités chinoises seront écrites en Français, mais seront accompagnées, pour faciliter le service, d'une traduction chinoise aussi exacte que possible, jus- qu'au moment le Gouvernement Impérial de Péking, ayant des interprèles pour parler et écrire correctement le Français, la correspondance diplomatique aura lieu dans celle langue pour les Agents Français et en chinois pour les fonctionnaires de l'Empire. Il est convenu que jusque-là, en cas de dissidence dans Tinter- prétation à donner au texte Français et au texte Chinois au sujet des clauses arrêtées d'avance dans les conventions faites de com- mun accord, ce sera le texte Français qui devra prévaloir.

Cette disposition est applicable au présent traité. Dans les communications entre les autorités des deux pays, ce sera toujours le texte original et non la traduction qui fera foi.

Art. 4. Désormais, les correspondances olliciclles entre les autorités et les fonctionnaires des deux pays seront réglées sui>ant les rangs et les positions respectives et d'après les bases de la réciprocité la plus absolue. Ces corres[x>ndaiices auront lieu entre les hauts fonctionnaires français et les hauts fonctionnaires chi- nois, dans la capitale ou ailleurs, par dépèche ou communi- cation ;

Entre les fonctionnaires français en sous-ordre et les hautes

r

TR\ITK DE TIEN-TSIX, 2^ JUIN l858 aS

autorités des provinces, pour les premiers par expose, pour les seconds par déclaration ;

Entre les officiers en sous-ordre des deux nations, comme il est dit plus haut, sur le pied d'une parfaite égalité.

Les négociants, et généralement tous les individus qui n'ont pas de caractère officiel, se serviront réciproquement de la Ibr- niule Représentation dans toutes les pièces adressées ou destinées pour renseignements aux autorités respectives.

Toutes les fois qu'un Français aura à recourir à l'autorité chinoise, sa représentation devra d'abord être soumise au consul, qui, si elle lui parait raisonnable et convenablement rédigée, lui donnera suite, et qui, s'il en est autrement, en fera modifier la teneur ou refusiîra de la transmettre. Les Chinois de leur côté, lors(|u'ils auront à s'adresser au consulat, devront suivre une marche analogue auprès de l'autorité chinoise, laquelle agira de la même manière.

Art. 5. Sa Majesté l'Empereur des Français pourra nom- mer des Consuls ou des Agents consulaires dans les porls de mer on de rivière de l'Empire chinois dénommés dans l'article 6 du présent Traité pour servir d'intermédiaires entre les autorités Chinoises et les négociants, et les sujets Français, et veiller à la stricte observation des règlements stipulés.

Ces fonctionnaires seront traités avec la considération et les égards qui leur sont dus. Leurs rapports avec les autorités du lieu de leur résidence seront établis sur le pied de la plus parfaite égalité. S'ils avaient à se plaindre des procédés de ladite autorité, ils s'adresseraient directement à l'autorité supérieure de la province, et en donneraient immédiatement avis au Mi- nistre plénipotentiaire de l'Empereur.

En cas d'absence du consul français, les capitaines et les négo- ciants français auront la faculté de recourir à l'intervention du consul d'une puissance amie, ou, s'il était impossible de le faire, ils auraient recours au chef de la douane, qui aviserait au moyen d'assurer à ces capitaines et négociants le bénéfice du présent Traité.

Art. 6. L'expérience ayant démontré que l'ouverture de nouveaux ports au commerce étranger est une des nécessités de l'époque, il a été convenu que les ports de Kioung-tchéou et Tchao-lchéou dans la province de Kouang-toung, Taï-wan et Tamsoui dans l'ile de Formose, province de Fou-kien ; Tang-tchcou

34 RKI.\TIO>S DK l'aXGLKTFRRE ET DK LA FRANCE AVEC LA CIIIxNE

dans la province de Chan-loung, et Nanking dans la province de Riang-nan, jouiront des mêmes privilèges que Canton, Chang- Haï, Ning-po, Amoy et Fou-tchcou.

Quant à Nanking, les agents français en Chine ne délivreront de passeports à leurs nationaux pour cette ville que lorsque les rebelles en auront été expulsés par les troupes impériales.

Art. 7. Les Français et leurs familles pourront se trans- porter, s'établir et se livrer au commerce ou à l'industrie en toute sécurité et sans entrave d'aucune espèce dans les [)orts et villes de l'Empire Chinois situés sur les côtes maritimes et sur les grands fleuves dont l'énumération est contenue dans l'article précédent.

Ils pourront circuler librement de l'un à l'autre, s'ils sont munis de passeports, mais il leur est formellement défendu de pratiquer, sur la côte, des ventes ou des achats clandestins, sous peine de confiscation des navires et des marchandises engagés dans ces opérations, et cette confiscation aura lieu au profit du gouvernement chinois, qui devra cependant, avant que la saisie et la confiscation soient légalement prononcées, en donner avis au Consul français du port le plus voisin.

Art. 8. Les Français qui voudront se rendre dans les villes de l'intérieur ou dans les porls ne sont pas admis les navires étrangers pourront le faire en toute sûreté, à la condition expresse d'être munis de passeports rédigés en français et en chinois, légalement délivrés |)ar les Agents diplomatiques ou les Consuls de France en Chine, et visés par les autorités chinoises.

En cas de perte de ce passeport, le Français qui ne pourra pas le présenter, lorsqu'il en sera requis légalement, devra, si l'au- torité chinoise du lieu il se trouve se refuse à lui donner un permis de séjour, jK)ur lui laisser le temps de demander un autre passeport au Consul, être reconduit au Consulat le plus voisin, sans qu'il soit permis de le maltraiter ni de l'insulter en aucune manière.

Ainsi que cela était stipulé dans les anciens Traités, les Français résidant ou de passage dans les ports ouverts au com- merce étranger pourront circuler sans passeport dans leur voisi- nage immédiat, et y vaquer à leurs occupations aussi librement que les nationaux ; mais ils ne pourront dépasser certaines limites qui seront fixées, de commun accord, entre le Consul et l'autorité locale.

Les Agents français en Chine ne délivreront de passeport à

TRAITÉ DE TIEN-TSIN, 3/ JLIX 1858 30

lours nationaux que pour les lieux les rebelles ne seront pas établis dans le moment ce passeport sera demandé.

C<*s passeports ne seront délivrés par les autorités françaises qu'aux personnes qui leur offriront toutes les garanties dési- rables.

Art. f). Tous les changements apportés d'un commun accord avec Tune des puissances signataires des Traités avec la Chine, au sujet des améliorations à introduire au tarif actuelle- ment en vigueur, ou à celui qui le serait plus tard, comme aussi aux droits de douane, de tonnage, d'importation, de transit et d'exportation, seront immédiatement applicables au commerce et aux négociants français, par le seul fait de leur mise à exécu- tion.

Art. io. Tout Français qui, conformément aux stipula- tions de l'article 6 du présent Traité, arrivera dans l'un des ports ouvrrts au commerce étranger, pourra, quelle que soit la durée de son séjour, y louer des maisons et des magasins pour déposer ses marchandises, ou bien aflermer des terrains et y bâtir lui- même des maisons et des magasins. Les Français pourront, de la même manière, établir des églises, des hôpitaux, des hospices, des écoles et des cimetières. Dans ce but, l'autorité locale, après s'être concertée avec le Consul, désignera les quartiers les plus convenables pour la résidence des Français, et les endroits dans lesquels pourront avoir lieu les constructions précitées.

Le prix des loyers et des fermages sera librement débattu entre les parties intéressées, et réglé, autant que faire se pourra, conformément à la moyenne des prix locaux.

Les autorités chinoises empêcheront leurs nationaux de sur- faire ou d'exiger des prix exorbitants, et le Consul veillera, de son c^té, à ce que les Français n'usent pas de violence ou de con- trainte pour forcer le consentement des propriétaires.

11 est bien entendu, d'ailleurs, que le nombre des maisons et l'étendue des terrains à affecter aux Français, dans les ports ou- verts au commerce étranger, ne seront point limités, et qu'ils seront déterminés d'après les besoins et les convenances des ayants- droit. Si de^ Chinois violaient ou détruisaient des églises ou des cimetières français, les coupables seraient punis suivant toute la rigueur des lois du pays.

Art. II. Les Français, dans les ports ouverts au commerce étranger, pourront choisir librement, et à prix débattu entre les

a6 HELATIONS DE l/ WGI.KTKUUK KT DE lA Fll\>CE AVEC LA CHINE

parties, ou sous la seule intervention des consuls, des compra- dors, interprètes, écrivains, ouvriers, bateliers et domestiques.

Ils auront, en oulre, la faculté d'engager des lettrés du pays pour apprendre à parler ou à écrire la langue chinoise et toute autre langue ou dialecte usités dans l'Empire, comme aussi de se faire aider par eux, soit pour leiu's écritures, soit pour des travaux scientifiques ou littéraires. Ils pourront également ensei- gner à tout sujet chinois la langue de leur pays ou des langues étrangères, et vendre sans obstacle des livres français ou acheter eux-mêmes toutes sortes de livres chinois.

Art. 13. Les propriétés de toute nature ap|iarlenant à des Français dans l'Empire chinois seront considérées par les Chinois connue inviolables et seront toujours respectées par eux. Les au- torités chinoises ne pourront, quoi qu'il arrive, mettre embargo sur les navires français, ni les frapper de réquisition pour quel- (pie service public ou privé que ce puisse être.

Aht. i3. J^a religion chrétienne ayantpour objet essentiel de porter les hommes à la vertu, les membres de toutes les conuuu- nions chrétiennes jouiront d'une entière sécurité pour leurs per- sonnes, leurs propriétés et le libre exercice de leurs pratiques re- ligieuses; et une protection eflicace sera donnée aux mission- naires qui se rendront pacifiquement dans l'intérieur du pays, munis des passeports réguliers dont il est parlé dans l'article 8. Aucune entrave ne sera apportée par les autorités de l'Empire chinois au droit qui est reconnu à tout individu en Chine d'em- brasser, s'il le veut, le christianisme et d'en suivre les prati([ues sans être passible d'aucune peine infligée pour ce fait.

Tout ce qui a été préc('*demment écrit, proclamé ou publié en Chine, par ordre du Gouvernement, contre le culte chrétien est C4)mplètement abrogé, et reste sans valeur dans toutes les pro- vinces de l'Empire.

AiiT. i4. Aucune société de commerce privilégiée ne pourra désormais s'établir en Chine, et il en sera de même de toute coali- tion organisée dans le but d'exercer un monopole sur le commerce.

En cas de contravention au présent article, les autorités chi- noises, sur les représentations du Consul ou de l'Agent consu- laire, aviseront aux moyens de dissoudre de semblables associa- tions, dont elles s'elVorceront, d'ailleurs, de prévenir l'existence par des prohibitions préalables, afin d'écarter tout ce qui pour- rait porter atteinte à la libre concurrence.

TRAITÉ DE TIKN-TSIN, 'J'] JUIN 1 858 37

Art. i5. Lorsqu'un bàliinenl français arrivera dans les eaux de l'un des |X)rls ouverts au commerce étranger, il aura la faculté d'engager tel pilote qui lui conviendra, pour se faire con- duire immédiatement dans le port; el de môme, quand, après avoir acquitté toutes les charges légales, il sera prêt à mettre à la voile, on ne pourra pas lui refuser des pilotes |X)ur le faire sortir du port sans retard ni délai.

Tout individu qui voudra exercer la profession de pilote |)Our les bâtiments français pourra, sur la présentation de trois certifi- cats de capitaines de navire, être commissionné par le Consul de France, de la même manière que cela se pratiquerait pour d'au- tres nations.

La rétribution payée aux pilotes sera réglée selon l'équité, pour chaque port en particulier, par le Consul ou Agent consu- laire, lequel la fixera convenablement en raison de la distance et des circonstances de la navigation.

Art. 16. Des que le pilote aura introduit un navire de commerce français dans le port, le chef de la douane déléguera un ou deux préposés pour surveiller le navire et em[)êcher qu'il ne se pratique aucune fraude. Ces préposés |jourront, selon leurs convenances, rester dans leurs propres bateaux, ou se tenir à bord du bâtiment.

Les frais de leur solde, de leur nourriture et de leur entrelien seront à la charge de la douane chinoise, et ils ne pourront exiger aucune indemnité ou rétribution quelconque des capitaines ou des consignataires. Toute contravention à cette disposition entraî- nera une punition proportionnelle au montant de l'exaction, la- quelle sera, en outre, intégralement restituée.

Art. 17. Dans les vingt-quatre heures qui suivront l'arrixéc d'un navire de commerce français dans l'un des ports ouverts au commerce étranger, le capitaine, s'il n'est dûment empêché, et h son défaut, le subrécargue ou le consignataire dc\ra se rendre au Consulat de France et remettre entre les mains du Consul les pa- piers de bord, les connaissements et le manifeste. Dans les vingt- quatre heures suivantes, le Consul enverra au chef de la douane une note détaillée indiquant le nom du navire, le rôle de l'équi- page, le tonnage légal du bâtiment et la nature de son charge- ment. Si, par suite de la négligence du capitaine, cette dernière formalité n'avait pas pu être accomplie dans les quarante-huit heures qui suivront l'arrivée du navire, le capitaine sera passible

a8 RELATIONS DE l/ \>r.LKTi:illlE ET DE LA EIWNCE AVEC LA CHINE

crunc amende de 5o piastres par jour de retard, au profit du Gou- vernement chinois; ladite amende, toutefois, ne pourra dépasser la somme de 300 piastres.

Aussitôt après la réception de la note transmise par le Consu- lal, le chef de la douane délivrera le permis d'ouvrir la cale. Si le capitaine, a>ant d'avoir reçu le permis précité, a>ait ouvert la cale et commencé à décharger, il pourrait être condanmé à une amende de 5oo piastres, et les marchandises débarquées pour- raient être saisies, le tout au profit du Gouvernement chinois.

AiiT. 18. Les capitaines et négociants français pourront louer telles espèces d'allégés et d'embarcations (|u*il leur plaira pour transporter des marchandises et des passagers, et la rétribution à payer pour ces allèges sera réglée de gré à gré par les parties intéressées, sans l'intervention de l'autorité chinoise et, parconsécpient, sans sa garantie en cas d'accident, de fraude ou de disparition desdites allèges. Le nombre n'en sera pas limité, et le monopole n'en pourra être concédé à qui que ce soit, non plus ([ue celui du transport, par portefaix, des marchandises à embanpier ou à débarquer.

Art. 19. Toutes les fois qu'un négociant français aura des marchandises à embarquer ou à débarquer, il devra d*abord en remettre la note détaillée au Consul ou Agent consulaire, qui chargera immédiatement un interprète rc»connudu Consulat d'en donner communication au chef de la douane. Celui-ci délivrera sur-le-champ un permis d'embarquement ou de débar([uement. Il sera alors procédé à la vérification des marchandises dans la forme la plus convenable [>our qu'il n'y ait chance de perte pour aucune des parties.

Le négociant français devra se faire représenter sur le lieu de la vérification (s'il ne préfi»re y assister lui-même) par une personne réunissant les qualités requises, a l'efTet de veiller à ses intérêts au moment il sera procédé à cette vérification pour la liqui- dation des droits; faute de quoi, toute réclamation ultérieure restera nulle et non avenue.

En ce qui concerne les marchandises taxées ad valorem, si le négociant ne peut tomber d'accord avec l'employé chinois sur la valeur h fixer, chaque partie appellera deux ou trois négociants chargés d'examiner les marchandises, et le prix le plus élevé qui sera oITert par l'un d'eux sera réputé constituer la valeur desdiles marchandises.

TRAITÉ DE TIEN-TSIN, 37 JlIN 1 858 SQ

Les droits seront prélevés sur le poids net ; on déduira, en con- séquence, le poids des emballages et contenants. Si le négociant français ne peut s'entendre avec l'employé chinois sur la fixation de la tare, chaque partie choisira un certain nombre de caisses et de ballots parmi les colis objets du litige; ils seront d'abord pe- sés bruts, puis tarés ensuite, et la tare moyenne des colis jxîsés servira de tare pour tous les autres.

Si, pendant le cours de la vérilication, il s'élève quelque dilTi- culté qui ne puisse être résolue, le négociant français pourra réclamer l'intervention du Consul, lequel portera sur-lo-champ l'objet de la contestation à la connaissance du chef des douanes, et tous deux s'elTorceronl d'arriver à un arrangement amiable; mais la réclamation devra avoir lieu dans les vingt-quatre heures, sinon il n'y sera pas donné suite. Tant que le résultat de la con- testation restera pendant, le chef de la douane n'en portera |)as l'objet sur ses livres, laissant ainsi toute latitude pour l'examen et la solution de la difficulté.

Les marchandises importées qui auraient éprouvé des avaries jouiront d'une réduction de droits proportionnée à leur, dépré- ciation. Celle-ci sera déterminée équitablement et, s'il le faut, par expertise contradictoire, ainsi qu'il a été stipulé plus haut jX)ur la fixation des droits ad valorem.

Art. 20. Tout bâtiment entré dans f un des ports de la Chine, et qui n'a point encore levé le permis de débarquement mentionné dans l'article 19, pourra, dans les deux jours de son arrivée, quitter le port et se rendre dans un autre |>orl sans avoir à payer ni droits de tonnage, ni droits de douane, attendu (ju'il les acquittera ultérieurement dans le port il effectuera la vente de ses marchandises.

Art. 21 Il est établi, de commun accord, que les droits d'im^yortation seront acquittés par les capitaines ou négo- ciants français au fur et à mesure du débarquement des mar- chandises et après leur vérification. Les droits d*ex|3ortatioii le seront de la même manière, lors de l'embarquement. Lorscjue les droits de tonnage et de douane dus par un biltiment français auront été intégralement acquittés, le chef de la douane déli- vrera une ([uittance générale, sur rexhibilion de laquelle le Consul rendra ses papiers de bord au capitaine et lui |>erinettra de mettre à la voile.

Le chef de la douane désignera une ou plusieurs maisons de

3o RELATIONS DE l/^XGLETEBUE ET DE LA FRANCE AVEC LA CHINE

change qni seront autorisées à recevoir la somme due par les négociants français au compte du Gouvernement, et les récépissés de ces maisons de change pour tous les pavements qui leur au- ront été faits seront réputés acquits du Gouvernement chinois. Ces payements pourront s'opérer soit en lingots, soit en monnaies élrang6res dont le rapport avec Targent sycé^ sera déterminé de commun accord enlre le Consul ou Agent consulaire français et le chef de la douane dans les diflerenls |)orts, suivant le temps, le lieu et les circonstances.

Art. 32. Après l'expiration des deux jours mentionnés dans l'article 20 et avant de procéder au déchargement, chaque biUi- ment de commerce; français acquittera intégralement les droits de tonnage ainsi réglés: pour les navires de i5o tonneaux, delà jauge légale et au-dessus, à raison de 5 maces (un demi-taêl) par tonneau; pour les navires jaugeant moins de i5o tonneaux, à raison de i mace (un dixième de tael)'^ par tonneau.

Toutes les rétributions et surcharges additionnelles antérieure- ment imposées à l'arrivée et au départ sont expressément suppri- mées et ne pourront être remplacées par aucune autre.

Lors du payement du droit précité, le chef de la douane déli- \reraau capitaine ou au consignataire un reçu en forme de certifi- cat constatant que le droit de tonnage a été intégralement acquitté, et, sur l'exhibition de ce certilicat au chef de la douane de tout autre port 011 il luicon>iendrait de se rendre, le capitaine sera dispensé de payer de nouveau pour son bâtiment le droit de tonnage, tout navire français ne devant être |)assiblc qu'une seule fois à chacun de ses voyages d'un pays étranger en Chine.

Sont exemptés des droits de tonnage, les barques, goélettes, bateaux caboteurs et autres embarcations françaises, pontées ou non, employées au transport des passagers, bagages, lettres, co- mestibles et généralement de tous objets non sujets aux droits. Si lesdites embarcations transjK)rtaient en outre des marchan- dises, elles resteraient dans la catégorie des navires jaugeant moins de loo tonneaux et payeraient a raison d'un dixième de tael (un mace) par tonneau.

Les négociants français jK)urront toujours affréter des jonques et autres embarcations chinoises, les([uelles ne seront soumises à aucun droit de tonnage.

1. Voir note p. 4-

2. Voir note p. 7.

TRAITÉ DE TIE.N-TSIN, 3" JUIN l858 3l

Art. 23. Toutes marchandises françaises, après avoir ac- quillé dans un des ports de la Chine les droits de douane liqui- dés d'après le tarif, pourront être transportées dans l'inlérieur sans avoir à subir aucune autre charge supplémentaire que le payement des droits de transit suivant le taux modéré actuelle- ment en vigueur, lesquels droits ne seront susceptibles d'aucune augmentation future.

Si des agents de la douane chinoise, conlrairement h la teneur du présent Traité, exigeaient des rétributions illégales ou préle- vaient des droits plus élevés, ils seraient punis suivant les lois de l'Empire.

Art. 24. Tout navire français entré dans l'un des ports ouverts au commerce étranger, et qui voudra n'y décharger qu'une partie de ses marchandises, ne payera les droits dédouane que pour la partie débarquée ; il pourra transporter le reste de sa cargaison dans un autre port et l'y vendre. Les droits seront alors acquittés.

Dans le cas des Français, après avoir acquitté dans un port les droits sur des marchandises, voudraient les réexporter et aller les vendre dans un autre port, ils en préviendraient le Consul ou Agent consulaire ; celui-ci, de son côté, en informera le chef de la douane, lef|uel, après avoir constaté l'identité de la marchandise et la parfaite intégrité des colis, remettra aux réclamants une dé- claration attestant que les droits aflerents auxdites marchandises ont étéelTectivcment acquittés.

Munis de cette déclaration, les négociants français n'auront, à leur arrivée dans l'autre port, qu'à la présenter, par rentremise du (x)nsul, au chef de la douane, qui délivrera j)our celte partie de la cargaison, sans retard et sans frais, un permis de débar- quement en franchise de droits ; mais si l'autorité découvrait de la fraude ou de la contrebande parmi ces marchandises ainsi réexportées, celles-ci seraient, après vérification, conliscjué(»s au profit du Gouvernement chinois.

Art. 35. Aucun transbordement de marchandises ne pourra a>oir lieu que sur permis spécial et dans un cas d'urgence. S'il devient indispensable d'eflecluer cette opération, il devra en être référé au Consul, qui délivrera un certificat, sur le \u duquel le transbordement sera autorisé |)ar le chef de la douane. Celui-ci pourra toujours déléguer un employé de son administration pfnir y assister.

Sa RELATIONS DE î/aNGLETEURE ET DE Li FRANCE AVEC LA CHINE

Tout transbordement non autorisé, sauf le cas de péril en la demeure, enlraînera la confiscation, au profit du Gouvernement chinois, de la totalité des marchandises illicitement transbor- dées.

/ViiT. 26. Dans chacun des ports ouverts au commerce élranger, le chef de la douane recevra pour lui-même et déposera au Consulat français des balances légales pour les marchandises et pour l'argent, ainsi que des poids et mesures exactement conformes aux poids et mesures en usage à la douane de Canton, et re>élus d'une estampille et d'un cachet constatant cette conformité. Ces étalons seront la base de toutes les liqui- dations de droits et de tous les payements à faire au Ciouverne- ment chinois. On v aura recours en cas de contestation sur le poids et la mesure des marchandises, et il sera statué d'après les résultats qu'ils auront donnés.

Art. 37. Les droits d'importation et d'exportation prélevés en Chine sur le commerce français seront réglés conformément au tarif annexé au prés<»iit Traité sous le sceau et la signature des plénipotentiaires res[)ex:tifs. Ce tarif |X)urra être revisé de sept années en sept années |)our être mis en harmonie avec les changements de valeur apportés par le temps sur les produits du sol et de l'industrie des deux empires.

Moyennant l'acquit de ces droits, dont il est expressément interdit d'augmenter le montant dans le cours des sept années susmentionnées, et que ne [X)urront aggraver aucune espèce de charge ou de surtaxe (juelconque, les Français seront libres d'im- porter en Chine des ports français ou étrangers, et d'exporter également de Chine |X)ur toute destination, toutes les marchan- dises (pii ne seraient pas, au jour de la signature du présent Traité, et d'après la classification du tarif ci-annexé, l'objet d'une prohibition formelle ou d'un monopole spécial.

Le Gouvernement chinois renonçant à la faculté d'augmenter par la suite le nombre des articles réputés Contrebande ou mono- |)ole, aucune modification ne pourra être ap[K)rtée au - tarif qu'après une entente préalable avec le Gouvernement français, et de son plein et entier consentement.

A l'égard du tarif, aussi bien que pour toute stipulation introduite ou à introduire dans les Traités existants ou qui se- raient ultérieurement conclus, il demeure bien et dûment établi que les négociants et en général tous les citoyens français en

TRAITÉ DE TIEN-TSIN, 37 JUIN l858 33

Chine, auront droit toujours et partout au traitement de la nation la plus favorisée.

Art. îi8. La publication d'un tarif convenable et régulier ôtant désormais tout prétexte à la contrebande, il n*est pas à présumer qu'aucun acte de cette nature soit commis par des bâti- ments du commerce français dans les ports de la Chine. S'il en était autrement, toute marchandise introduite en contrebande, par des navires ou par des négociants français dans ces ports, quelles que soient d'ailleurs sa valeur et sa nature, comme aussi toute denrée prohibée, débarquée frauduleusement, seront saisies par l'autorité locale et confisquées au proQt du Gouvernement chinois. En outre, celui-ci pourra, si bon lui semble, interdire l'entrée de la Chine au bâtiment surpris en contravention et le contraindre à partir aussitôt après l'apuration de ses comptes. Si quelque navire étranger se couvrait frauduleusement du pa- villon de la France, le Gouvernement français prendrait les me- sures nécessaires pour la répression de cet abus.

Art. 29. S. M. l'Empereur des Français pourra faire sta- tionner un bâtiment de guerre dans les ports principaux de l'Em- pire où sa présence serait jugée nécessaire pour maintenir le bon ordre et la discipline parmi les équipages des navires marchands et faciliter l'exercice de l'autorité consulaire. Toutes les mesures nécessaires seront prises pour que la présence de ces navires de guerre n'entraîne aucun inconvénient, et leurs commandants recevraient l'ordre de faire exécuter les dispositions stipulées dans l'article 33 par rapport aux communications avec la terre et à la police des équipages. Les bâtiments de guerre ne seront assujettis h aucun droit.

Art. 3o. Tout bâtiment de guerre français croisant pour la protection du commerce, sera reçu en ami et traité comme tel dans tous les ports de la Chine il se présentera. Ces bàli- ments pourront s'y procurer tous les objets de rechange ou de ravitaillement dont ils auraient besoin, et, s'ils ont fait des avaries, les réparer et acheter dans ce but les matériaux néces- saires ; le tout sans la moindre opposition.

II en sera de même à l'égard des navires de commerce français qui, par suite d'avaries majeures ou pour toute autre cause, seraient contraints de chercher refuge dans un port quelconque de la Chine.

Si quelqu'un de ces bâtiments venait à se perdre sur la cote,

COBDIER. I. 3

34 RELATIONS DE i/aNGLKTERRE ET DE LA FRANCE AVEC LA CHINE

l'autorilé chinoise la plus proche, dès qu'elle en serait informée, |)orlerait sur-le-champ assistance à l'équipage, pourvoirait h ses premiers besoins et prendrait les mesures d'urgence nécessaires pour le sauvetage du navire et la préservation des marchandises. Puis elle [)orterait le tout à la connaissance du Consul ou Agent consulaire le plus à portée du sinistre, pour que celui-ci, de concert avec l'autorité compétente, pût aviser aux moyens de rapatrier Téquipage et de sauver les débris du navire et de la . cargaison.

Art. 3i. Dans le cas où, par la suite des temps, la Chine entrerait en guerre avec une autre puissance, cette circonstance ne porterait aucune atteinte au libre commerce de la France avec la Chine ou avec la nation ennemie. Les navires français pour- raient toujours, sauf le cas de blocus effectif, circuler sans obstacle des ports de l'une aux ports de l'autre, y trafiquer comme à l'ordinaire, y importer et en exporter toute espèce de marchan- dises non prohibées.

Art. Sa. S'il arrive que des matelots ou autres individus désertent des bâtiments de guerre ou s'évadent des navires de commerce français, l'autorité chinoise, sur la réquisition du Consul, ou à son défaut, du capitaine, fera tous ses efforls [)our découvrir et restituer sur-le-champ, entre les mains de Tun ou de l'autre les susdits déserteurs ou fugitifs.

Pareillement, si des Chinois déserteurs ou prévenus de (|uel- que crime vont se réfugier dans des maisons françaises ou à bord des navires appartenant à des Français, l'autorité locale s'adressera au Consul, qui, sur la preuve de la culpabilité des prévenus, prendra immédiatement les mesures nécessaires pour que leur extradition soit effectuée. De part et d'autre, on évitera soigneusement tout recel et toute connivence.

Art. 33. Quand des matelots descendront h terre, ils seront soumis à des règlements de discipline spéciale qui seront arrêtés par le Consul et communiqués à l'autorité locale, de manière à prévenir, autant que possible, toute occasion de querelle entre les marins français et les gens du pays.

Art. 34. Dans le cas les navires de commerce français seraient attaqués ou pillés par des pirates, dans des parages dé- pendants de la Chine, l'autorité civile et militaire du lieu le plus rapproché, dès (ju'elle aura connaissance du fait, en poursuivra activement les auteurs, et ne négligera rien [)our qu'ils soient

TRAITÉ DE TIEN-TSUS, 2'] JUIN l858 35

arrêtes et punis conformément aux lois. Les marchandises enle- vées, en quelque lieu et dans quelque état qu'elles se trouvent, seront remises entre les mains du Consul, qiii se chargera de les restituer aux ayants droit. Si Ton ne peut s'emparer des coupa- bles ni recouvrer la totalité des objets volés, les fonctionnaires chinois subiront la |)eine infligée par la loi en pareilles circons- tances ; mais ils ne sauraient être rendus pécuniairement respon- sables.

Art. 35. Lorsqu'un sujet français aura quelque motif de plainte ou quelque réclamation à formuler contre un Chinois, il devra d'abord exposer ses griefs au Consul, qui, après avoir exa- miné l'aiTaire, s'efforcera de l'arranger à l'amiable. De même, quand un Chinois aura à se plaindre d'un Français, le Consul écoutera ses réclamations avec intérêt et cherchera à ménager un arrangement à l'amiable ; mais, si, dans l'un ou l'autre cas, la chose était impossible, le Consul requerra l'assistance du fonc- tionnaire chinois compétent, et tous deux, après avoir examiné conjointement l'affaire, statueront suivant l'équité.

.\rt. 36. Si, dorénavant des citoyens français éprouvaient quelques dommages ou s'ils étaient l'objet de quelque insulte ou vexation de la part de sujets chinois, ceux-ci seraient poursuivis par l'autorité locale, qui prendra les mesures nécessaires pour la défense et la protection des Français ; h bien plus forte raison, si des malfaiteurs ou quelque partie égarée de la population tentaient de pilier, de détruire ou d'incendier les maisons, les magasins des Français ou tout autre établissement formé par eux, la même autorité, soit à la réquisition du Consul, soit de son propre mouvement, enverrait en toute liAte la force armée pour dissiper l'émeute, s'emparer des coupables et les livrer à toute la rigueur des lois ; le tout sans préjudice des poursuites à exercer par qui de droit pour indemnisation des pertes éprouvées.

Art. 37. Si des Chinois, à l'avenir, deviennent débiteurs (le capitaines ou de négociants français et leur font éprouver des pertes par fraude ou de toute autre manière, ceux-ci n'auront plus à se prévaloir de la solidarité (jui résultait de l'ancien état de choses ; ils pourront seulement s'adresser, par l'entremise de leurs Consuls, à l'autorité locale, qui ne négligera ric^n, après avoir examiné l'affaire, pour contraindre les pré\enus à satis- faire à leurs engagements suivant la loi du pays.

Mais si le débiteur ne peut être retrouvé, s'il est mort ou en

36 RKLATIONS DE i/aNGLETERUE ET DE LA FRANCE AVEC LA CIILNE

faillite, et s'il ne reste rien pour payer, les négociants français ne pourront point appeler l'autorité chinoise en garantie.

En cas de fraude ou de non-payement de la part des négociants français, le Consul prêtera de la même manière, assistance aux réclamants, sans que toutefois, ni lui ni son Gouvernement, puissent, en aucune manière, être rendus responsables.

Art. 38. Si, malheureusement, il s'élevait quelque rixe ou quelque querelle entre des Français et des Chinois, comme aussi dans le cas où, durant le cours d'une semblable querelle, un ou plusieurs individus seraient tués ou blessés, soit par des coups de feu, soit autrement, les Chinois seront arrêtés j>ar l'autorité chinoise, qui se chargera de les faire examiner et punir, s'il y a lieu, conformément aux lois du pays. Quant aux Français, ils seront arrêtés à la diligence du Consul, et celui-ci prendra toutes les mesures nécessaires pour que les prévenus soient livrés à l'action régulière des lois françaises, dans la forme et suivant les dispositions qui seront ultérieurement déterminées par le Gouvernement français.

11 en sera de même en toute circonstance analogue et non prévue par la présente convention, le principe étant (jue, pour la répression des crimes et délits commis par eux en Chine, les Français seront constamment régis par les lois françaises.

Art. 39. Les Français en Chine dépendent également, jK)ur toutes les diflicultés ou les contestations (pii pourraient s'élever entre eux, de la juridiction française. En cas de diflerends sur- venus entre Français et étrangers, il est bien stipulé que l'auto- rité chinoise n'aura à s'en meîer en aucune manière. Elle n'aura pareillement à exercer aucune^ction sur les navires français ; ceux-ci ne relèveront que de r2^k)rité française et du capitaine.

Art. 4o. Si dorénavant le Gou^rnement de Sa Majesté l'Em- pereur des Français jugeait convenable d'apporter des modifica- tions à quelques-unes des clauses du présent Traité, il sera libre d'ouvrir, à cet eflet, des négociations avec le Gouvernement chi- nois, après un intervalle de douze années ré>olues à partir de l'échange des ratifications.

Il est d'ailleurs entendu que toute obligation non consignée expressément dans la présente convention ne saura être imposée aux Conduis ou aux Agents consulaires, non plus qu'à leurs na- tionaux, tandis que, connue il a été stipulé, les Français jouiront de tous les droits, privilèges, immunités et garanties quelconques

ARTICLES COMPLKMENTAIUES, 37 JUIN 1 858 87

qui auraient él.'î accordées par le Gouvernement chinois à d'autres puissances.

Art. 4 1 Sa Majesté TEmpereur des Français, voulant donner à Sa Majesté TEmpereur de la Chine une preuve des sentiments qui l'animent, consent à stipuler, dans des articles séparés ayant la même force et valeur que s'ils étaient insérés mot à mot au présent Traité, les arrangements convenus entre les deux Gou- vernements au sujet des questions antérieures aux événements de Canton et aux frais qu'ils ont occasionnés au Gouvernement de Sa Majesté l'Empereur des Français.

Art. ^2. Les ratifications du présent Traité d'amitié, de commerce et de navigation seront échangées à Péking, dans l'in- tervalle d'un an à partir du jour de la signature, ou plus tôt si faire se peut, par S. M. l'Empereur des Français et par S. M. l'Empereur de la Chine.

Après l'échange de ces ratifications, le Traité sera porté à la connaissance de toutes les autorités supérieures de l'Empire dans les provinces et dans la capitale, afm que sa publicité soit bien établie.

En foi de (pioi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé le présent Traité et y ont apposé leurs cachets.

Fait à Ticn-Tsin, en quatre expéditions, le vingt-septième jour du mois de juin de Tan de grâce i858, correspondant au dix-septième jour de la cinquième lune de la huitième année de Ilien-Foung.

Signé : Baron Gros. Les signatures des Plénipoten- tiaires Chinois.

ARTICLES COMPLÉMENTAIRES, 27 JUIN 1808

De plus, le même jour, six articles complémentaires furent signés, par lesquels il était stipulé que le mandarin de Si-lin Hien, avait été martyrisé Tabbé Chapdelaine, serait dégradé et qu'une indemnité de deux millions de taëls devait être versée par la Chine à la France pour les dépenses occasionnées par les armements considérables faits par ce dernier pays, et pour les propriétés des Français et protégés

38 RELATIONS l)K L* ANGLETERRE ET DE LA FRANCE AVEC LA CHINE

de la France, pillées ou incendiées à Canton, le i4 décembre i856:

Arlicles séparés servant de complément au Traité conclu entre S. M. t Empereur des Français et S. M. f Empereur de la Chiner à Tien-Tsin, dans la province de Tche-li, le 2'] juin i858.

Art. i". Le magistral de Si-lin Hien coupable du meurtre du missionnaire français Auguste Cliapdelaine sera dégradé et déclare incapable d'exercer désormais aucun emploi.

Art. 3. Une comnmnication olïicielle adressée à Son Excel- lence Monsieur le Ministre de France en Chine lui annoncera l'exwution de cette mesure, qui sera rendue publique et motivée convenablement dans la Gazette de Péking.

Art. 3. Une indemnité sera donnée aux Français et aux protégés de la France dont les propriétés ont été pillées ou incen- diées par la populace de Canton avant la prise de cette ville par les troupes alliées de la France et de l'Angleterre.

Art. l\. Les dépenses occasionnées par les armements con- sidérables qu'ont motivés les refus obstinés des autorités Chi- noises d'accorder à la France les réparations et les indemnités qu'elle a réclamées, seront payées au Gouvernement de Sa Ma- jesté l'Empereur des Français par les caisses de la douane de la ville de Canton.

Ces indemnités et ces frais d'armenient s'élevant à peu près à une somme de deux millions de taëls (aoooooo). cette somme sera versée entre les mains du Ministre de France en Chine, qui en donnera quittance.

Cette somme de deux millions de taêls sera payée à Son Excel- lence Monsieur le Ministre de France en Chine, par sixièmes payables d'année en année, et pendant six ans, par la caisse des Douanes de Canton ; elle pourra l'être soit en numéraire, soit en bons de douane, qui seront reçus par cette administration en payement des droits d'importation et d'exportation et pour un dixième seulement de la somme qu'on aurait à lui payer, c'est- à-dire que, si un négociant doit à la douane de Canton une somme de dix mille laels, par exemple, ]K)ur droits d'importa- tion ou d'exportation, il pourra en payer neuf mille en espèces et mille en bons dont il s'agit.

Le premier sixième sera payé dans le cours de l'année qui sui-

ARTICLKS COMPLÉMENTAIRES, 3/ JUIN l858 ' 89

vra la signature présent Traité, à compter du jour elle aura lieu.

La douane de Canton pourra, si elle le veut, ne recevoir cha- que année en payement de droits, que le sixième des bons émis, c*esl-îi-dire pour une somme de trois cent trente-trois mille trois cent trente-trois taéls et trente-quatre centièmes.

Une commission mixte, nommée à Canton par l'autorité chi- noise et parle Ministre de France, fixera d'avance le mode d'émis- sion de ces bons et les règlements qui en détermineront la forme, la valeur et le mode de destruction dès qu'ils auront servi.

Akt. 5. L'évacuation de Canton par les troupes françaises sVfTectuera aussitôt que possible après le payement intégral de la somme de deux millions de taëls stipulée ci-dessus ; mais pour Ihiter la retraite de ces troupes, ces bons de douane pourront être émis d'avance par série de six années et déposés dans la* chancellerie de la Légation de France en Chine.

Art. 6. Les articles ci-dessus auront même force et valeur que s'ils étaient inscrits mot à mot dans le Traité dont ils font partie, et les Plénipotentiaires respectifs les ont signés et y ont apposé leurs sceaux et leurs cachets.

Fait à Tsien-Tsin, en quatre expéditions, le 37" jour du mois de juin de l'an de grâce i858, correspondant au 17* jour de la 5' lune de la S'^ année de Hien Foung.

Baron Gros.

Signatures des Plénipotentiaires Chinois.

Aux termes de Part. 9 du traité de Ticn-Tsin, un tarif de d<juane et des règlements commerciaux furent signés à Chang-Haï, le 24 novembre i858 (19^ jour, 10" lune, 8* année Hien Foung), par le baron Gros et Kouei-Liang et Houa Cha-na, auxquels furent adjoints : Ho, second tuteur de Phéritier présomptif, secrétaire d'Etat au département de la guerre, vice-roi des deux Kiang; Min, fonctionnaire de deuxième rang, chargé des mouvements militaires ; et Touan, fonctionnaire de cinquième rang, membre du conseil général, attaché au ministère de la justice. Ce tarif, considéré comme

t\0 RKLATIONS DE L* ANGLETERRE KT DE LA FRANGE AVEC LA CHINE

complément du traite du 27 juin 1808, fut ratifié en même temps que lui, à Pé-king, le 25 octobre 1860 \

AFFAIRE DE TA-KOU, 25 JUIN l859

L'année suivante, lorsque M. de Bourboulon pour la France, et M. Frederick W. A. Bruce ^, pour TAngletcrrc, se rendirent dans le Nord pour échanger, ainsi qu'il avait été convenu, les ratifications du traité de Tien-Tsin, ils furent accueillis à coups de canon par les forts de Ta-Kou (25 juin 1859), grâce aux conseils donnés à l'Empereur par le gé- néral mongol Seng-ko-lin-sin.

Une nouvelle guerre était inévitable.

GUERRE DE 1860

Il ne rentre pas dans mon plan de raconter ici la glorieuse campagne de 1860, les exploits des généraux Cousin- Montauban et Sir Hope Grant, des amiraux Charner et James Ilope ; rappelons-en seulement les principales étapes : débarquement des alliés à l'embouchure du Pe-T'ang Ho (i*"' août 1860) ; prise des forts de Ta-Kou (21 août 1860); occupation de Tien-Tsin (24 août 1860); guet-apens de Toung-Tchéou, dans lequel 11 Français et 26 Anglais sont traîtreusement saisis par les Chinois (18 septembre 1860)* ; victoire de Pa li k'iao (21 septembre); pillage et inc<în- die du Palais d'Été ; reddition de Pc-King le i3 octobre ; enfin, signature des conventions à Péking.

I. Voir p. 8-9.

3. Plus tard .sir ; frcro de Lord Elgin; i4 avril 181^ ; mort 19 sep- tembre 1867, à Boston, États-Unis.

3. Ce guet-apens ne fut l'œuvre ni de l'Empereur ni du général Seng- ko-lin-sin, mais bien des princes de Tcbeng et de 1.

Le capitaine Brabazon et l'abbé Deluc furent décapités le 31 septembre 1860 dans la cour d'une pagode dépendant d'un petit temple à environ 6 lis de Pa-li k'iao, entre onze heures et midi ; Harry S. Parkos et H. B. Loch furent menés à Péking ; les autres furent enfermés au Youen-ming-youcn.

CHAPITRE m LES PLÉNIPOTENTIAIRES A PËKING

Le 28 octobre 1860, presque toute Tarmée, Tambassade de France, le général Ignatiev, ministre de Russie, la mis- sion ecclésiastique russe avec rarchimandrite Goury, M*^' Mouly', évcque de Péking, et M**' Anouilh*, conduisirent, au cimetière de Cha-la-eul, les corps de six des Français', victimes du guet-apens de Toung-tchéou (18 septembre 1860) : le colonel d'artillerie Foulon-Grandchamps, le sous- intendant Du but, rofficier comptable Ader, Tinlirmier Blan- quet, le soldat du train Bonicho et le chasseur à pieds Ozouf ; on n'avait pu retrouver les restes de Tabbé Deluc*.

« Le général Grant, écrit Gros, et son Etat-Major s'étaient joints à nous ; le général Ignatiev nous a reçus dans le cime- tière confié depuis longtemps à la garde de la mission ecclé- siastique russe de Péking, et Lord Elgin, souffrant et dans son lit, m'a fait témoigner les regrets qu'il éprouvait de ne pas pouvoir se joindre à nous. »

Le même jour le baron Gros recevait la visite des deux

I. Joseph-Martial Moulj, à Figeac. le a août 1807; cvcquc de Fussiilan, vice-ap. du Tchc-li septentrional ; mort à Péking, le 4 dé- cembre 1868 ; lazariste.

3. Jean-Baptiste Anouilh, le 10 novembre 181 9, dans le diocèse de Pamiers, évéque d'Abjdos, vic.-ap. du Tchc-li occidental; mort à Tching-ting fou, le 18 février 1869; lazarisle.

3. Plus tard, ils furent transférés au cimetière français.

4. Dominique Deluc, du diocèse d'Agen ; des missions étrangères de Paris ; arrivé au Kouang-Toung en i85a ; il était âgé de 34 ans.

4r? LES PLKMPOTKiNTIAlUES \ PKKINr.

évoques qui lui présentèrent une députation du clergé chi- nois et une députation des chrétiens qui résidaient dans la capitale.

Le 29, la cathédrtile du Nan T'ang ayant été déblayée par une compagnie du génie, la croix de fer avait été rét-ablie sur le sommet de Tédifice, un service funèbre y fut célébré ; une messe basse fut dite par Tabbé de Serres assisté de deux aumôniers ; le coadjuteur, M***" Anouilh, donna l'absoute ; M'*'' Mouly prononça une allocution et chanta un Te Deuni cl un Domine salvum fnc fmperatorein.

L'abbé Trégaro', aumônier, qui accompagnait le comman- dant Campcnon^ dans sa reconnaissance du Nan T'ang, faisait ainsi le récit de leur visite à cette ancienne église^ :

(( Elle a peu souflcrt à l'extérieur, mais comme la porte était murée et qu'il y avait ime foule de décombres on dut employer deux jours à la dégager au dedans et au dehors. Puis on la revêtit à l'intérieur d'immenses pièces de soie noire parsemées de croix blanches. Et un service solennel y fut célébré pour les victimes de la trahison dernière. On avait les corps de six d'entre elles ; puis eut lieu l'enterre- ment au cimetière ; deux évêques et une vingtaine d'ecclé- siastiques, soit Européens, soit Chinois, prêtres ou sémina- ,ristes, avec une longue suite de catéchistes revêtus de Thabit de chœur (plus de i5o), tout ce cortège auquel se mêlaient plusieurs personnages de l'ambassade russe était des plus imposants. »

I, François yfarie Trvgaro, h Peillac (Morbihan), 19 juin 1834 ; aumônier de !'"« classe delà marine, i«'mars i856 ; aumônier supérieur, 3.5 septembre i8()4; en chef, 33 septembre 1866 ; évèquc de Scez, 35 jan- vier 1883.

3 . Jean- Baptiste- Marie-Edouard Campcnon. à Tonnerre (Yonne), (\ mai 181 9; depuis général et ministre de la guerre; mort & .Paris, 16 mars 1891.

3. Lettres des nouvelles Missions de la Chine, III, partie, Lettre du F. Dovergne, p. 3^8.

LES PLÉNIPOTENTIAIRES A PÉKINr. 43

En «irrixant à Péking, les allies se Irouvèrenl sans empe- reur; Hien Foung ayant fui à Djehol, mais plus heureux que les étrangers, en cette année 1900, ils eurent la bonne fortune de se trouver en présence d'un prince jeune et intel- ligent, frère du souverain, le prince de Koung. Encore cette chance faillit-elle leur échapper : « J'ai su plus tard, écrit le baron Gros, que Tincendie du palais d'Eté avait été au mo- ment d'amener celte fâcheuse éventualité [la fuite de Koung], et qu'à la vue des tourbillons de fumée qui s'étendaient jusque sur Péking, le prince avait voulu partir, et qu'il avait fallu presque le retenir par force pour qu'il n'abandonnât pas la résidence il s'était caché, en proie à la plus incroyable frayeur*». Yi-Sin, prince de Koung, sixième fils de l'empereur Tao Kouang, est en i832. « Il a, dit im témoin oculaire, une expression très agréable, ses traits sont du vrai type tartare ; la joue droite est légèrement marquée de deux cicatrices, rapprochées l'une de Tautre, apparem- ment les marques de deux petits clous. Sa figure et ses mains sont petites, les doigts étant délicats et efféminés d'appa- rence... Il est d'une taille moyenne, et de forme grêle. * »

Le ministre d'Angleterre, Frederick A. Bruce, arrivé de Tien-Tsin, le 6 novembre, s'était rendu avec son frère. Lord Elgin, près du baron Gros pour demander, comme indispen- sable, l'établissement immédiat des légations d'Angleterre et de France à Péking.

Le baron Gros écrivait à ce sujet au Ministre des Affaires étrangères (17 novembre 1860) :

« Le 7 de ce mois lord Elgin installé enfin dans Péking est venu me voir et a amené chez moi monsieur Bruce son frère, que je n'attendais pas et qui venait d'arriver avec toute sa léga- tion, matériel et personnel, et si Votre Excellence veut bien me

I. Liyre jaune du Baron Gros, p. iqS. a. Renni^, Péking, I, p. 4a-

[\l\ LES PLKNIPOTENTIAIUFS A PKRING

permettre de lui dire avec cinquante caisses de verres à vitre destinés à remplacer, dans le palais qu'il comptait occuper immédiatement, les carreaux de papier en usage dans le pays. Après les compliments d'usage échangés de part et d'autre, la conversation a porté nécessairement sur les événements du jour, et avec une assurance qui m'a paru au moins singidière. M. Bruce a déclaré aux deux ambassadeurs qu'il fallait que les deux Légations des puissances alliées fussent établies immédiate- ment en permanence dans Péking, et il ajouU du ton le plus impératif c[uc se trouvant maintenant dans la ville, il n'en sor- tirait que si on l'en chassait. Ce langage peu convenable a paru froisser et embarrasser son frère qui m'ayant interpellé m'a demandé de lui faire connaître mon avis au sujet de l'établisse- ment immédiat des légations alliées dans Péking ; j'ai répondu h Lord Elgin que bien qu'il connut déjà mon opinion à cet égard, j'aurai l'honneur de la lui donner par écrit dans la journée. Les deux frères se sont retirés et le soir môme, j'ai fait parvenir à I^rd Elgin [ma] lettre ».

Dans une dépêche du même jour, 7 novembre, h Lord Elgin, le baron Gros,, en effet, leur donna * les raisons qui rempêchaicnt de partager leur manière de voir :

« Je me suis arrêté à Tidée que l'établissement immédiat des ministres étrangers dans Pé-king serait prématuré et dange- reux peut-être, car il pourrait donner au vieux parti tartare, qui entoure encore l'empereur et flatte ses goûts, ses passions et ses rancunes, une arme dont il se servirait avec succès pour renverser le prince Koung et les hommes qui lui prêtent leur appui, ce qui remettrait peut-être en question tout ce que nous avons fait ici.

« Si, comme vous me l'avez dit vous-même, l'empereur était revenu dans Pé-King, et avait voulu nous y recevoir, la présence des légations auprès de lui aurait été parfaitement simple. Elle n'eût été que la continuation des bonnes relations que nous aurions heureusement établies entre lui et nos gouvernements ; mais l'empereur a fui, il n'a pas voulu rentrer dans Pé-Ring pen- dant que nous y étions, et le voudrait-il davantage alors que nos

I. Li^'re jaune du Baron Gros, p. aoi-a.

DÉPART DE LORD ELGIN ^5

drapeaux y auraient été arbores à demeure sur les deux légations alliées ? Ne préférerait-il pas mettre à exécution Tidée qu'il a émise déjà plusieurs fois et très sérieusement, d'aller établir sa résidence impériale dans l'une des \illes de l'intérieur?

a Au contraire, lorsque nos troupes auront quitté Pé-King, et que nous n'y serons plus nous-mêmes, l'empereur pourra y re- venir, sans que son amour-propre soit froissé ; tout sera rentré dans l'étal normal, et les deux ministres pourront alors venir s'établir auprès de lui, conformément aux traités ; il les recevra au lieu de les subir, et cela ne vaudrait-il pas mieux pour lui comme pour nous ?

c Voici donc le parti que je prendrais si fêtais seul. J'établi- rais la légation de l'Empereur à Tien-tsin, en annonçant que ce n'est que pour y passer l'hiver. De là, elle corresjx)ndrait directement avec les hauts fonctionnaires de Pé-King ]X)ur les alTaires courantes, comme pour la mise à exécution des obligations qui lient la France et la Chine. Pendant ce temps, un local con- venable serait préparé dans Pé-King, et au mois d'avril et avant queTien-Tsin fut abandonné par nos troupes, la légation vien- drait s'établir dans la capitale, elle serait annoncée et atten- due depuis longtemps »...

DEPART DE LORD ELGIN.

Le baron Gros et le général Ignaticv étant du même avis, Lord Elgin se rallia à leur opinion. Le 8 novembre ce der- nier rendait visite au prince Koung « avec une imposante escorte militaire » et lui présentait son frère Bruce comme ministre plénipotentiaire. Le lendemain, les deux frères quit- taient la capitale avec les forces anglaises, laissant derrière eux Flarry S. Parkes qui les rejoignit quelques heures après. Elgin s'embarquait enfin à Ïien-Tsin le 26 novembre 18G0, appelé ensuite à de plus hautes, mais certainement pas plus im[)ortantes fonctions : celles de vice-roi de Tlndc.

Au reçu des déi>éches de Lord Elgin du 21 au3i octobre, le gouvernement de la Reine transmit à Pheurcux négocia- teur, l'expression de son entière approbation, par Tintermé-

46 LES PLÉMPOTENTIAinES A PÉKING

diairc de Lord John Russell, ministre des affaires étrangères (9 janvier 1861)* :

« La Convention que \o\ïs avez conclue avec le Prince de Kpung le 34 octobre est entièrement satisfaisante pour le Gou- vernement de Sa Majesté. Elle enregistre la réparation faite par l'EinjKîreur de Chine pour avoir méprisé Tan dernier son traité : elle libère leGou\ernement de Sa Majesté de l'engagement im- pliqué de ne pas insister en détail sur Taccomplissement de ces engagements ; elle impose à la Chine une amende sous la forme d'une augmentation de taux d'indemnité ; elle produit une ou- verture additionnelle pour le commerce britannique ; elle place sur un pied reconnu l'émigration des coolies chinois, dont les services sont si importants dans les possessions coloniales de Sa Majesté; elle délivre la Colonie de Sa Majesté, Hong Kong, d'une source d'ennuis précédents ; et elle fournit l'occasion de porter généralement à la connaissance des Chinois les engagements que l'Empereur a contractés avec la Grande Bretagne.

« Ce sont tous de solides et réels avantages, et joints aux conditions du Traité de Tien-Tsin. ils placeront, il faut l'espérer, les relations des deux pays sur un pied solide, et raffermiront la continuation de la paix |)Our une longue période à venir. Le p:i\s est principalement redevable de tous ces avantages au juge- ment et à la prudence de Votre Excellence aussi bien à Tien-Tsin qu'à Pé-King, soutenus qu'ils ont été, plus particulièrement dans cette dernière occasion, par la valeur dcîs forces de Sa Majesté, et par la vigueur et la détermination montrées par les comman- dants de terre et de mer de Sa Majesté agissant de concert avec les forces de l'Empereur des Français.

« Ces résultats satisfaisants n'ont pas été, il est vrai, peu attristés par la |)erte de nombreux sujets de Sa Majesté, tant militaires que civils, faits prisonniers par trahison, et succom- bant sous les cruautés pratiquées sur eux par les Chinois aux mains desquels ils tombèrent : cej>endant, tandis qu'elle déplore profondément la perte de tant d'existences de valeur. Sa Majesté, en commun avec toutes les classes de ses sujets, se réjouit de l'heureux élargissement de M. Parkes et de M. Loch des fatigues qu'ils ont endurées dans la prison de Pé-King.

1. LetU'i'S and Journal s of Jantes, eighth fia ri of Ely;in... ed'Ued by Théodore Walrond... London. 1872, in 8.

ORDRK DE DÉPART DU GÉNÉRAL DE MONTAUBAN /|7

« J'ai eu Toccasion d'exprimer en personne h M. Loch ma sa- tisfaction de son évasion, mais je dois prier Voire Excellence de transmettre à M. Parkes de la part de Sa Majesté la pleine expres- sion de son approbation pour la constance et le dé\ouenient qu'il a montrés dans les difficultés et épreuves d'une description si extraordinaire.

« Maintenant il ne me reste plus qu'à complimenter Votre Excellence de l'heureuse conclusion de sa mission et d'exprimer l'espoir que vous aurez un retour prospère dans ce pays, vos services sont hautement appréciés et votre dévouement à ses inté- rêts reconnu avec reconnaissance * . »

ORDRE DE DEPART DU GENERAL DE MONTAUBAN

39 Octobre 1860,

L'infanterie de Marine sera dirigée en entier sur Canton, sauf la garnison de Chusan qui restera ce qu'elle est.

Une première colonne, commandée par le colonel de Vassoigne, partira le 3o au matin. Des ordres de détail ont été donnés pour la mise en route sur Tien-Tsin.

Le convoi des vivres et des objets restant à Toang-tchéou ou à Palikiao partira le i^*" novembre au matin, sous la conduite du capitaine de vaisseau Jauréguiberry et sous l'escorte des marins de débarquement.

Le général en chef partira de Péking le 3i octobre. Le batail- lon du 101* commandé par le Commandant Blot. restera seul à Péking avec deux pièces de quatre, et il partira en même temps que l'armée anglaise.

L'ordre de marche sera donné ultérieurement.

Le Général en Chef, Signé : C. DE Monta uban. Le Chef d'État-Major, Signé : Schmitz.

Au quartier général devant Péking, le 39 octobre 18G0. i. Correspondence respecting Affairs in China iSôg-Oo, p. 352.

_-■_ ^ r ,

48 LES PLÉNIPOTENTIAIRES A PÉRING

L'occupation prolongée des Chousan aurait pu amener des complications avec l'Angleterre : « L'évacuation des Chousan, écrit Grosau Général de Montauban, Péking, 3 1 octobre 1860, est arrêtée en principe par Lord Elgin et moi pour mettre un terme aux différends qui surgissaient entre les alliés occupant l'île collectivement, et parce que, ai-je ajouté, si nos troupes y sont, ce n'est que pour empêcher les Anglais d'y être seuls et d'en faire un autre IIong-Kong devant le Yang-tseu Kiang. Le général Grant appuyait cette mesure ». Heureusement le général répondit qu'il « n'avait jamais eu l'intention de ne pas exécuter les traités et qu'il ferait évacuer Chousan de concert avec le général Grant ».

DÉPART DU HARON GROS.

Le baron Gros, ayant heureusement terminé sa mission, quitta Péking le 9 novembre, le même jour que Lord Elgin, ainsi qu'il avait été convenu entre les deux diplomates ; ar- arrivé à Tien-Tsin le i/|, il remet « officiellement à M. de Bourboulon * une copie des actes de Pé-king. Il lui donne, dit-il, les instructions que le département m'a chargé de lui laisser, et je lui annonce que je l'ai accrédité auprès du prince Koung, conmie seul désormais chargé des intérêts français en Chine" ». Gros quitte Ta-Kou le 25 novembre et arrive à

I. Bourboulon, Alphonse de, à Troycs le 1 5 décembre 1809 ; attaché à la direction politique en janvier i83i ; secrétaire de légation à Buenos- A^rrcs par ordonnance du 9 mai i84a; chevalier delà Légion d'honneur, 6 novembre i844 ; charge d'affaires par intérim, à'Buenos- Ayres, du ai avril 18^/1 au i*"" mars i845; secrétaire de légation aux Etats-Unis, le 10 avril 1847 chargé d'affaires par intérim, à Washing- ton, du 1"" avril i848 au i*''" août i848; ministre plénipotentiaire en Chine, 20 février i85i ; rappelé par décret du i5 avril i85a ; rétabli par décret du 19 octobre 1862 ; envoyé extraordinaire et ministre plénipo- tentiaire, 6 mars 1859; ministre plénipotentiaire de i""** classe, 9 octobre i8G3 ; admis à la retraite, 28 octobre 18OO.

a. Lis're jaune du Baron Gros, p. 207.

RÉSULTATS 4 9

Hong Kong le 2 décembre, il a la douleur de perdre le secrétaire de Tambassade, le comte Léon de Bastard, qui avait été frappé à Tien-Tsin d'un accès de fièvre chaude (18 novembre). 11 visite Canton, quitte définitivement Hong Kong le 18 décembre 1860 et arrive à Marseille le 26 février 1861 avec le deuxième secrétaire de l'ambassade, M. de Vernouillet*. Le général Montauban* avait quitté la Chine le 20 novembre, laissant le commandement au général Collineau. L'expédition était bien terminée et le baron Gros pouvait s'écrier: a J'avais quitté Paris le 23 avril; que de choses faites en douze mois! et que je suis heureux, à la fin d'une longue et laborieuse carrière, commencée en 1828, du succès d'une mission sans précédent dans les annales diploma- tiques, et qui, par ses résultats, est peut-être un de ces jalons placés, u de longs intervalles, dans l'histoire de l'humanité.^ »

RÉSULTATS.

Voici les résultats obtenus dont le baron Gros s'enor- gueillit à juste raison :

ft Pour la France comme pour l'Angleterre, le gouverne- ment chinois a été contraint de payer, à chacune de ces deux puissances, une indemnité de guerre de 8 millions de taëls ou de 60 millions de francs, le taël valant 7 fr. 5o.

« Pour vingt-six sujets de Sa Majesté Britannique, vic- times de l'attentat du 18 septembre à Toung-tchéou, le gou- vernement chinois a donné une indemnité de 3oo 000 taëls, ce qui fait en chiffres ronds 86000 francs pour chaque individu, et il a remis entre mes mains 200 000 taëls pour

1. Augustin- Maurice Marchant de Vernouillct. le 18 avril 1839; depuis ministre au Pérou et au Maroc.

2. Charles- Guillaume- Marie- Apollinaire- Antoine Cousin-Montau- ban, le 24 juin 179C; sénateur; comte de Palikao, 22 janvier 1862 ; mort à Paris, 8 janvier 1878.

3. Loc. cit., p. 220.

CORDIIR. I. 4

5o LES PLÉNIPOTENTIAIRES A PI^^KING

onze Français victimes du même altenlat, ou i36 ooo francs pour chacun de nos compatriotes, pris le même jour et si cruellement traités pendant leur captivité.

a Enfin, si le gouvernement chinois a cédé en toute pro- priété à l'Angleterre un territoire, non de trente lieues car- rées ou de trente lieues de côtes en terre ferme, situées en face de Hong-Kong, mais un terrain n'ayant, d'après la carte publiée par l'amirauté, que la cinquième ou la stvième partie seulement d'une hcuc carrée, petite langue de terre nommée Kao-loung, tellement indispensable à la sûreté de Hong-Kong que l'Angleterre en avait la jouissance exclusive en vertu d'un bail indéfini, et y avait élevé dos redoutes depuis longtemps, le gouvernement chinois s'est engagé à rendre au ministre de France toutes les églises catholiques, avec leurs cimetières, leurs terrains et leurs dé- pendances, qui avaient été confisqués, dans les provinces et dans la capitale de l'empire, aux chrétiens qui les possé- daient autrefois'. »

11 faut ajouter à ces avantages obtenus, l'ouverture au commerce de nouveaux ports, l'aulorisalion d'établir des agents diplomatiques à Péking, le sjstème des passeports, la confirmation des droits des chrétiens.

I. lÀs'fv jaune du Baron Gros, p. 3-/|.

CHAPITRE IV LES MISSIONS CATHOLIQUES

ORIGINES

Le vrai fondateur des missions chrétiennes en Chine fut le célèbre jKTe jésuite Matteo Ricci, mort à Péking le 1 1 mai 1610. La mission de Péking doit surtout sa célébrité aux cinq jésuites envoyés en i685 par Louis XIV: Jean de Fonlaney*, Joachim Bouvet'', Jean-François Gerbillon ^, Claude de Visdeiou*, Louis Le Comte ^, et leurs successeurs. La Compagnie de Jésus ayant été supprimée*' le 16 août lyyS par le bref Domiuiis ac redemplor de Clément XIV, les prêtres de la Mission (Lazaristes) furent substitués à Péking aux jésuites par décret de Rome du 7 décembre 1783, approuvé par Louis XVI le 25 janvier 178/1 à Versailles.

a La substitution des Lazaristes aux Jésuites, élant dé- si»riiiais un fait accompli, le supérieur général, M. Jacquier, désigna pour cette nouvelle mission de Péking : M. Nicolas- Joseph Raux", h Ohain, dans le llainaut, diocèse de

1. au diocèse de Léon, 17 février iG43; mort h la Flèche, lO jan- vier 17 10.

2. au Mans, 18 juillet iG56; mort 28 juin 1730, h Péking.

3. & Verdun, 21 janvier iC54 : mort, à Péking. le 22 mars 1707. /|. au château de Bienassis en Pléneuf (C(Mes-du Nord), 12 août

i05G; é\iôque de Claudiopolis ; mort à Pondichéry, 11 novembre 1737.

.5. Louis- Daniel Le Comte, à Bordeaux, 10 octobre iG55 ; mort dans cette ville, 19 avril 1728.

G. Le bref fut signé le 21 juillet et publié à Rome le iG aoiil 1773.

7. Mort iG novembre 1801.

5 a I-ES MISSIONS CATHOLIQUES

Cambrai, le i/i avril lyS/i; M. Jean-Joseph Ghislaine à Salles, diocèse de Cambrai, le 5 mai i75j, et le frère Charles Paris, le 8 décembre lySS à Verderonne, diocèse de Beauvais. Ils arrivèrent devant Macao le 23 août 1784, et le 29 ils débarquaient à Canton. M. de Torre, procureur de la Proj)agande, leur offrit Thospilalité. Après cinq mois d'attente, ils partirent de Canton le 7 février 1785, arrivè- rent à Péking, le 29 avril, et furent présentés à Tempe-

reur M*"" Alexandre de Gouvea, franciscain portugais,

publia le 8 mai 1785, le décret |X)ntirical avec Tordonnance royale, et le môme jour, M. Uaux fut reconnu j)ar tous comme supérieur de la mission, dont il prit possession en s'élablissant au Pé-fang- ».

Les persécutions de Kia k'ing firent péricH ter la mission de Péking jusqu'à la mort de M*^*" Gaëtan Pires, le dernier des anciens missionnaires de Péking, mort le 2 novembre 1 838 et enterré à Cha-la-eul. Après lui, le Nan T'ang était passé aux mains des lazaristes portugais ; il retourna aux lazaristes français (1860) avec M. Mouly, arrivé à Macao, le i/| juin i834.

CHARTE

On peut dire que la charte des missionnaires catholiques se compose de : la bulle de Benoit XIV, E.v (juo singniari (11 juillet 17^2) qui règle définitivement la question des Rites : en pratique les missionnaires qui vont en Chine, à quelque congrégation qu'ils appartiennent, doivent prêter le serment de regarder comme idolâtrique tout hommage rendu à Confucius et aux Ancêtres, et de n'employer qu'un seul terme, celui de Tien Tchoity pour désigner l'Être Su- prême*; 2° l'article XXII du Traité Lagrené (ï8^4) (voir

1. Mort \'à août 181 a.

2. Favier, Pvkin»^ p. aa3-^.

3. Henri Cordier, dans VHist. généra te de Lavisse et Rambaud, VI, p. 910.

CIIARTK 53

p. 17-18) ; 3" 1 article XIII du Traité de Tien-Tsin (i858) ; 4** l'arlicle VI de la convention de Péking (1860) ; et 5** la Convention Berthemy (voir p. 75).

Voici les articles VI de la Convention de Péking et XIII du Traité de Tien-Tsin consacrés aux missions catholiques :

Art. VI. « Conformément à l'Édit Impérial rendu le vingt mars, mil huit cent quarante-six, par l'Auguste Empereur Tao- Kouang. les établissements religieux et de bienfaisance qui ont été confis^piés aux Chrétiens pendant les persécutions dont ils ont été les victimes, seront rendus à leurs propriétaires par l'entre- mist» de Son Excellence le Ministre de France en Chine, auquel Je Gouvernement Impérial les fera délivrer, avec les cimetières et les autres édifices qui en dépendaient. »

Le texte chinois de la convention est différent ; en voici la traduction :

« A faire savoir le plus tôt possible à tous les Chinois par édit impérial... Art. 6. Tout Chinois de quelque condition qu'il soit, est libre d'embrasser la religion catholique, de la propager ; il est permis aux Clirétiens de se réunir pour les assemblées ; de bâtir des églises pour faire les prières. Qui osera injustement rechercher les chrétiens et les prendre subira la peine qu'il mé- rite. Les temples catholiques, collèges, cimetières, maisons, champs et toute autre possession autrefois confisquée durant la |)crsécution seront rendues à l'Ambassadeur français résidant à Péking qui en fera la restitution à qui de droit. Les Missionnaires français seront libres de louer du terrain en toutes les provinces de l'Empire, d'acheter et de construire des maisons, comme ils le trouveront bon*. »

Art. XIII. « La religion Chrétienne avant pour objet essen- tiel de porter les hommes à la vertu, les membres de toutes les communions Chrétiennes jouiront d'une entière sécurité pour leurs personnes, leurs propriétés, et le libre exercice de leurs pratiques religieuses, et une protection efficace sera donnée aux

I. Lettres des nouvelles Missions de la Chine, III, a' partie, Lettre du F. Dovergnc, p. 347.

54 LES MISSIONS CATIIOLIQIKS

missionnaires qui se rendront pacifiqueinenl dans l'intérieur du pays, munis des passeports réguliers dont il est parlé dans l'ar- licle VIll.

« Aucune entrave ne sera apportée par les autorités de l'Em- pire chinois au droit qui est reconnu à tout individu en Chine d'embrasser, s'il le veut, le Christianisme et d'en suivre les pratiques sans être passible d'aucune peine infligée pour ce fait.

« Tout ce qui a été précédemment écrit, proclamé ou publié en Chine par ordre du gouvernement contre le culte Chrétien, est complètement abrogé, et reste sans valeur dans toutes les provinces de l'Empire. »

Voici la traduction de cet article fait sur le texte chinois par les missionnaires catholiques :

Art. XIII. ce La religion catholique depuis son origine, ayant pour but propre de porter les hommes à faire le bien, ceux qui la professent doivent jouir de la sécurité pour eux-mêmes et pour tout ce qu'ils ont. Avoir la liberté de se réunir pour en faire les exercices. Les Missionnaires munis du diplôme (dont il est parlé art. 8. Espèce de passeport que tout Euro{)éen qui aura besoin de voyager, devra posséder) et faisant chacun mission, pacifiquement entrés dans l'intérieur doivent être traités tout-à- fail olîicieusement et protégés par les autorités locales. Tout Chi- nois (jui veut embrasser la religion catholique et en observer les lois ne doit être nullement inquiété toute défense étant levée. Toutes les défenses portées contre la religion calholique soit contenues dans des édits, soit imprimées dans les livres ([uelque part qu'elles soient, sont entièrement annulées*. »

ÉTABLISSEMENTS RELIGIEUX DE PEKING.

M*^ Mouly réclama et obtint^ les anciens terrains des quatre établissements catholiques de Péking avec les sépul-

1. Ihid.f p. 2. '17 -8.

a. Lettre de Mk»* Mouly à M. Etienne, snjicrieur général, Péking, 32 février 186 1 {Annales Cong. (fr la Miasion, 26, p. 234-2/i4). Avec cette lettre, Mk»* Mouly envoyait la copie authentique de la restitution de ces Établissements.

RESTITUTION DE I.A CVTnÉDUALK DE PÉMMi^A LA KHANCE 55

turcs fjni y élaient adjoinles. (les ét^iblissenients compre- naient : réglise du Nord (Pc T'ang) s'installèrent révéque, les abbés Smorcniburg el ïliierry et cinq autres missionnaires indigènes, Rho, Mong, Mu, Balthasar Tching et Franrois Lieou ; le séminaire était dirigé par M. Snio- remburg ; 2" Téglise du Midi (Nan T'ang), ancienne cathé- drale, avec M. Thierry comme curé; 3** Téglise de l'Ouest (Si T'ang) ; et 4" Téglise de l'Est (Toung T'ang) dans un étal plus déplorable que les deux premières.

Kn réalité il ne restait que le Nan T'ang ; le Si T'ang fut démoli en i8ii, après le départ de quatre missionnaires de la F^ropagande pour l'Europe ; le Toung T'ang, d'où furent renvoyés les Portugais au Nan T'ang, subit le même sort ; le T'ang, vendu à un mandarin nommé Yu pour 3 (MX) taëls, fut jeté bas en 1827; le Nan T'ang* n'échappa au sort des autres établiseements catholiques que « par la prévoyance de M**" Pires, qui se voyant seul et craignant que tout fut détruit après sa mort, avait confié ses titres de propriétc» à l'archimandrite, lequel réclama de suite et finit par obtenir un décret portant que « Téglise et la maison seront remises à M. Ouée, de la nalion russe ». Il sauva ainsi Tancienne cathédrale les scellés furent apposés ; les rimelières des missionnaires et la bibliolhèque du Nan T'ang lui doivent aussi leur conservation '^ ».

RESTITUTION DE LA CATHÉDRALE DE PÉKING A LA FRANCE.

Le 5 novembre 1860, le Prince Koung écrivait au baron Gros : « En ce qui concerne les églises du Nord et du Sud

I. Le Nan T'ang avait été incendié accidentellement en 177.^; 1 em- pereur Kien-loung, imitant l'exemple de son aïeul Kang Ili, donna 10 000 laëLs pour conlribucr aux frais de reconstruction.

a. Favier, Peking, p. a4o.

56 LES MISSIONS CATHOLIQUES

et les terrains qui en dépendent, et que je dois remettre à Votre Excellence avec un document authentique, afin qu'elle puisse à son tour les confier à M*"" Mouly, Tévêque du lieu, je vous restitue, dès aujourdliui, l'église du Sud, avec les terrains qui en dépendent, et je vous envoie un titre authen- tique qui constate cette remise, afin que vous puissiez vous- même confier cette église à Tévêque.

« Quant à celle du Nord, comme il s'est écoulé un grand nombre d'années depuis qu'elle a disparu, j'ai ordonné aux autorités locales de faire une enquête équitable et scrupu- leuse à ce sujet, et, dès qu'elle sera terminée, je remettrai à Votre Excellence cette église et ses dépendances, et avec elles un document qui constatera cette restitution. »

TITRE DE RESTITUTION.

« Le prince de Koung, membre de la famille impériale et Haut-Commissaire, etc., délivre le présent certificat.

« Ayant appris qu'il se trouvait dans l'intérieur de la ville, auprès de la porte Souen-ouj une église catholique, je la remets avec les terrains et les maisons qui en dépen- dent, au gouvernement français, pour qu'il puisse la confier à l'évêque du lieu, M'^'" Mouly, qui l'administrera.

« C'est pour constater cet acte que je délivre à M^' Mouly, l'Évêque du lieu, le présent titre qu'il conservera pour lui servir de témoignage.

« Écrit le 5 novembre 1860. « L. S. »

REMERCIEMENTS A LA RUSSIE.

Le 5 novembre 1860, le baron Gros écrit au ministre de Russie à Péking, le général Ignatiev qui avait reçu du prince Gortchakov l'ordre de lui remettre les établissements catho- liques :

lettre a mgr mouly 07

« Monsieur le général,

« Conformément à Tarticle 6 de la Convention de Pé-King, donl j*ai eu Thonncur de vous envoyer une copie, article par lequel le gouvernement chinois s'engage à remettre aux Chré- tiens et par Tentremise du ministre de France accrédite auprès de lui, tous les édifices religieux qui avaient été confisqués sur eux dans tout Tcmpire, j*ai été prévenu, par ordre du prince Koung, que la cathédrale de Pé-king m'était remise, cl que le cimetière catholique dans lequel reposent les restes des Cer- billon, Ricci, Verbiest, SchalP et autres propagateurs du chris- tianisme en Chine, cimetière confié à la garde de la mission ecclé- siastique de Sa Majesté l'Empereur de toutes les Uussies, m'était également rendu. Votre Excellence a bien voulu aller au-devant de la demande que j'aurais eu à lui adresser à ce sujet, et elle m'a fait remettre ce cimetière que la pieuse sollicitude de M**' l'archimandrite a préservé de toute profanation, et nous a livré dans un état de conservation parfaite.

« Votre Excellence sait que j'ai confié la garde cl l'adminis- tration de ce cimetière, comme de la cathédrale de Pé-King, h M^f' Mouly, évêque du ïché-li, qui devra s'entendre plus tard avec la légation de France, pour régulariser une position dans laquelle des tiers peuvent être intéressés.

« Je crois. Monsieur le Général, que quelques dépenses ont été faites pour la conservation de ce cimetière, par la mission russe de Pé-Ring, et je vous prierai de vouloir bien faire remettre à M*^"" Mouly ou à M. le Ministre de France en Chine, les comptes, documents ou autres litres formant les archives du cimetière, afin que tout soit liquidé conformément au droit et à l'équité. . . »

LETTRE A MGR MOULY.

a Monseigneur,

« L'article 6 de la convention de paix signée à Pé-King, le 25 octobre dernier, porte que: « Conformément à l'édit impérial

I. Ferdinand Verbiest, S. J., à Pitthem, près Courtrai, 9 octobre i6a3 ; mort à Pé-King, ag janvier 1688. Jean- Adam Schall von Bell, en iSgi à Cologne; mort à Pé-King, i5 août 1669.

58 I.KS MISSIONS OVTHOI.IQrKS

« rend II (mi i8'i<), par l'auguste ciiipcreur Tao-Kouang, les éta- « blissciuenls religieux et de bienfaisance qui ont été confisqués « aux (]hréliens pendant les pcrséculions dont ils ont été vic- « limes, seront rendus à leurs propriétaires par rcntreniisc du « ministre de France en Chine, auquel le gouvernement impé- « rial les fera délivrer, avec les terrains, les cimetières, les mai- « sons et autres édifices qui en dé|Kmdaient. »

« Ainsi (|ue vous le savez, Mons<Mgneur, cette clause a re^u un commencement d'exécution, [)uis(pie la cathédrale de IV'-King a été mise ii ma disposition, et que le cimetière, (jui depuis quel- (pies années se trouvait confié à la garde de la mission ecclésias- li(|ue de Sa Majesté l'Empereur de Russie, nous a aussi été rendu.

« J'ai riionneur. Monseigneur, de remettre entre a os mains ces deux établissements religieux ; et pour régulariser une position dans laquelle des tiers peuvent un jour intervenir, je vous prie de vouloir bien vous entendre avec M. le Ministre de France en Chine, auquel, d'après la convention de Pé-King, la restitution de tout établissement religieux appartenant au culte chrétien doit être faite en premier lieu.

« Je joins à cette lettre une co[)ie de celle (jue j'adresse au- jourd'hui même à M. le général Ignatiev, ministre de Sa Majesté l'Kmpereur de toutes les Kussies en Chine, afin (jue vous con- naissiez. Monseigneur, ce qu'il \ aura à faire j>our que la (X)siiion soit établie aussi clairement (|ue possible.

« Je n'ai pas besoin de vous dire. Monseigneur, combien je suis heureux d'avoir attaché mon nom au grand acte par le([uel le culte catholi(pie a été publiquement et légalement rétabli dans \i{ capitale de l'empire chinois, et que je joins mes prières à celles de tous les membres du clergé pour appeler les bénédictions du Seigneur sur l'auguste sou\erain dont je n'ai fait qu'exécuter les ordres.

« Veuillez agréer. Monseigneur, etc.

Baron Gros.

P. -S. du manli fi novembre 1860.

« Monseigneur, je suis heureux de jKKivoir ajouter un /)o,s/- srriplinn à la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 5, et (pli n'est pas partie. Le prince Koung m'envoie le document par lecpiel il me remet oniciellement la cathédrale du Sud de Pé-King,

LKTTRE AU PRINCK KO!N<; ;)()

ratlnKlralc que j'ai (K'jh confiée h votre frarde et à voire admiiiis- tration. Le prince me [Kirle d'une autre église, située au nord de la \ille, el qui nous sera rendue ou tout au moins le lerrain (ju'elle (K*cu|)ait et ses dépendances, quand on saura elle se trou>ait, car elle a été détruite, dit-on, depuis longtemps.

« Veuillez, je vous prie. Monseigneur, me renvover le dm'u - ment oiliciel que je vous conununi([ue aujourd'hui el qui doit rester dans les archives de la légation de France, |)our constater nos droits. Je vous en ferai délivrer une copie légalement cer- tifiée qui restera entre vos mains, comme témoignage de c(*lle restitution.

M'^'^ Mouly accusa réception de cette lettre le 7 novembre.

LETTRE Al PUIMCE ROINC..

* Le 5 novembre i8(x>.

Le baron Gros au prince Koung.

V Le soussigné, etc., a re(;u, ce malin la dé|)éche (jue S. A. I. le prince de Roung, lui a fait Thonneur de lui écrire pour lui en- vover un document oiliciel qui constate que l'église catholique, située au midi de la ville, a été rendue par le gouvernement chinois au représentant du goiiverncment français, qui l'a confiée à M'^'' Moulv, afm qu'il puisse en jouir ainsi (pie des terrains qui en dépendent. Son Altesse Impériale ajouti; encore (pi'une enquête se fait j)our connaître le lieu devait se trouver l'église catholique du Nord, qui doit être également restituée à la France.

« Le soussigné voit avec bonheur le gouvernement chinois tenir religieusement ses engagements, et Son Mtesse Impériale peut être assurée que le gouvernement français ne manquera jamais aux siens.

Le soussigné remercie Son Altesse Impériale des vœux qu'elle forme pour la France et pour son auguste souverain. Il se fera un devoir de les porter à la connaissance du gouvernemefil français par les premières dép<Vhes qu'il enverra en Fraiici , et il ne manquera pas de faire connaître à rKnq)ereur des Français, dès qu'il sera de retour auprès de Sa Majesté, tous les services

6o LES MISSIONS CATHOLIQUES

que Son Altesse Impériale a rendus à sa patrie, en concluant loyalement la paix avec les puissances alliées * . »

PASSEPORTS.

« Les deux évêques du Pc Tché-li et Tabbé Delamarrc, m'ont demandé des passe-ports pour vingt-buit mission- naires établis depuis longtemps, mais en secret, dans Tinté- rieur de Tempire ou qui veulent s'y rendre; voici la formule que j'ai adoptée, et le prince Koung, par condescendance pour moi, a bien voulu viser de sa main chacun des passe ports délivrés à MM. L.-C. Delamarre, Sage, Charles Re- nou, Eyraud, M'^'' Emmanuel VerroUes, Fabien Tapie, Vinçot, M^' Jacques. -L. Pérocheau, Faurie, J.-B. Arnal, Paul Perny, IIuol, M*^*" Eugène Desflèches, M*^' Joseph Ponsot, M***" Joseph Chauveau, Antoine Papin, M*^' Pin- chon, Julien Pichon, Charles Pignoux, Fage, M'^' Martial Mouly, M'^'' Jean Anouilh, M*^' Henri Baldus, Antoine Smoremburg, Thierry, Vincent-Marie Talmier, Alexandre Journiac et Julien Bertrand^ :

1. Négociations entre la France et la Chine en 1860. fAvre jaune du Baron (iros... Pari>, i864. in-.^i, p 19/1-199. ËtCol. Part.

.1. MrssioNS KTKANGKKFS DK Paris : l.ouis-Charles Delamarrc, de Uoiicn, parti le i5 m«nrs i835 ; missionnaire au Se-lch*oucn ; mort î oc- tobre i8G3. à ilan-kéou, en roule pour Péking. Ferréol Sage, du dioc. de Besançon ; parti 37 février i846; miss, au Sc-tchouen; mort à Cha-pin-))a» près de Tchoung-king, 3o novembre i865, à 48 ans. Charles-Renc-Ale,tis Renou, du dioc. d'Angers; parti le i5 mai i838; mort à Kiang-Ka (Tibet) 18 octobre i863, à 5i ans. Jean Eyraud, à Saint-Bonnet (dioc. de Gap), i5 mai i8a3; partile 34 janvier 1849 * miss, au Se-tch'ouen ; mort à la Procure de Chang-Ila!, 4 juillet 1874. Emmanuel-Jean- François VerroUes, ne à Gaen. 12 avril i8o5; parti 4 novembre i83o; cv. de Golombie ; vie. ap. de Mandchourie; mort à Ing-tse. a3 avril 1878 Fabien Tapie, du dioc. de Tarbes ; parti 9 août i848; miss, au So-tchouen occidental. Jacques Vinçot. du diocèse de Saint Brieuc ; parti le i3 mars i85i ; miss, au Se-lcbouen oriental. Jacques- Léonard Pérocheau, des Sables-d'Olonne ; parti aa février 1818; cv. do Maxula, vie. ap. du Sc-lch*ouen ; mort 6 mai

PASSEPORTS 6 1

« Le soussigné, ambassadeur cl haut commissaire de Sa Ma- jesté l'Empereur des Français en Chine, prie les autorités civiles el militaires de l'empire chinois, conformément à l'article 8 du traité de Tien-Tsin, ratifié à Pé-king le 25 octobre dernier, de laisser librement circuler dans l'empire, et de lui donner aide et protection en cas de besoin, le sieur L.-C. Delamarre, mission- naire français, se rendant dans la province de Se-tch'ouen pour y exercer son saint ministère.

« Le sieur L.-C. Delamarre étant connu à l'ambassade de France pour un homme de bien, qui ne s'occupe cjuc d'œuvres de piété el de charité dignes d'éloge, le présent passe-port, (jui devra être visé par l'autorité chinoise du lieu il a été délivré, lui est donné à Pé-king, le 29 octobre 1860, à la condition (juc le sieur Delamarre ne se rendra, sous aucun prétexte, dans les villes ou les villages occupés par les rebelles.

« Fait à Pé-king, le

L. S. Baron Gros.

L. S.

Signature du porteur de ce passe-port.

1S61 à 74 ans. Louis Faurie, i3 juin 1834 à Monsogur (dioc. de Bordeaux); |>arti i3 mars i85i ; cv. d'Apollonic; vie. ap. du Kouci- tcheou ; mort à Kouy-fou, dans le Se-tch'oucn, 18 juillet 187 1. Jean- Baptiste Arnal, du dioc. de Toulouse; parti 5 mars i855 ; miss, au Se- tchouen occidental. Paul-Hubert Perny, du dioc. de Besançon ; parti 5 juillet 1847; miss, au Kouei-tchcou ; a quille la Société en 187». Jacques- Alexandre Huol, du dioc. de Langres ; parti ai juin i843 ; miss, au Yun-nan ; mort à Tchen-foungcban, 7 mai i8G3, à !\6 ans. Jttseph' Eugène- Jean-Claude Desflèches, à Jonagc (dioc. do Gre- noble). i3 février i8i4 ; parti i5 mai i838; vie. ap. du Se-lchoucn oriental; év. de Sinite ; démissionnaire el archevêque de Claudianopolis; mort au sanatorium de Sainl-Baphacl (Monbeton), 7 novembre 1887. Joseph Ponsot. dioc. de Besançon; parti 21 janvier i83o; miss, au Sc-tck*oucn ; év. de Pbilomélie, vie. ap. du Yun nan ; mort à Longky, 17 novembre 1880. à 78 ans. Joseph- Marie Chauveau, à Luçon, 24 février i8i6; parti 6 février iWw vie. ap. du Tibet; mort à Ta Tsien lou, 31 décembre 1877. Pierre- Antoine Papin, dioc. de Char- tres, miss, et prov. au Se-tchouen ; mort à Kiong-teheou, 18 octobre 1880, à 71 ans. Jean-Théophile- Anet Pinehon, 7 janvier i8i/|, dioc. de Limoges; parti 117 février i8/|6; vie. ap. du Se-tchouen sept. ; mort 1891. Pierrc-Maric-Joseph-Julien Pichon, le 8 septembre 181O à Neuillj-Ie-Vendin (dioc. du Mans); parti 10 mars i845 ; premier vie. ap. du Se-tchouen mérid. ; mort la mars 1871, à Saint-Fraimbaull

Ca LES MISSIONS CATHOLIQUES

« Ce passe-port et les vingt-sept autres délivrés, le même jour, ont été visés par le prince Koung et revêtus de sa

signature*. »

PASSEPORT ACTUEL.

(Traduction).

« Conformément à Tarticle VIII du Traité de Tien-Tsin et à Tarticle IV de la convention de Péking, Nous avons déli- vré un passeport au S^.., prêtre enseignant la religion de T'ien Tchou. Sachant que votre compatriote est un homme connu pour sa vertu et pour son honorahililé, nous prions les grands fonctionnaires et les autorités civiles et militaires de la (^Jiine, ainsi que les commissaires imjxniaux des fron- tières de de le laisser a prêcher sa religion, y résider

dans toute localité, v louer ou acheter des terrains, v cons- truire des temples au T'^ien Tchou ou des maisons, de le traiter en ami et de le protéger en toute circonstance. Nous, ministre, avons délivré le présent passeport pour que dans tous les pays intérieurs ou extérieurs placés sous la domina-

(Jc Lassay (dioc. do Laval). C/iarlrs Pignoux. du dioe. de Poitiers; parti i(i septembre 18^7; miss, au Se tcliouen occid. : mort 13 mai 1888, à O'i ans. Jean -Charles Fage, dioc. de Tulle ; miss, au Tilx'l et au Yuii-nau ; mort 19 août 1888. à i)\ ans. Alexandre Journiac. du dioc. de Rouen; parti f»" juin i850; miss, au Se-tchoucn oriental ; mort à Hiang-pao tang, près de Ku-hien. 28 octobre 1805, à 34 ans. Pierre-Julien Bertrand, dioc. du Puy ; miss, au Se-tchoucn; mort 1:1 juillet 1805, à G a ans.

Lazakistks: M?"" Mouly, supra, p. *. Mk»" Anouilh, supra^ p. ^i. Jean-Uenri-Ma.rimiHen I)aldus. en 181 i,k Ally, près de Mauriac (dioc. de Saint-Flour) ; év. de Zoara ; vie. ap. du llo-nan, puis du Kiaiig- Si; mort !i(j septembre 18O9. hldouard Smoromburg, hollandais, arrivé en i85/| ; miss, à IVking. Jean- Baptiste ThiiTry, à Ar- thonna) (dioc. de Sens), i!\ juin i8'j3; mort «8 septembre 1880, à péking. l/ippolyte Vincent, arrivé en 18^0. Vincent-Marie Talmicr, arrivé en i8'|(); mort en i8()iî dans le Tche-li sept.

I. LiK're jaune du Baron Cros, p. 180-7.

t

CATIIKDUALR CATHOLIQIK DE CANTON 63

tlon chinoise, ce certificat soit respecté sans résistance, espé- rant qu'à l'avenir le traité sera toujours observé. »

CATHÉDRALE CATHOLIQUE DE CA^•TON

Dans le Sud nous obtenions à Canton un superbe empla- cement pour notre cathédrale par le contrat suivant :

Canton, le vingt-cinq janvier dix-huit cent soixante-un.

Contrat entre :

Son Excellence Lao, décoré d'un bouton do premier ran^'. Président du bureau de la Guerre, Censeur, (îouNcrneur Cénéral des deux Kouang.

El MM. CoiPVENT DES Bois, Commandant supérieur des forces Françaises à Canton, Capitaine de Vaisseau, Officier de la Léiijion d'honneur,

de Tanoiahx. Commissaire du Gouvernement Français à Can- ton. Capitaine de frégate. Chevalier de la Légion d'honneur. |)Our fixer clairement et définilivement les stipidations citées ci-dessous.

Le 1 5** jour du 9* mois de la 10* année de Ilien-Foung a paru l'Ordre hnpérial suivant :

« Le prince Yi-Sin nous adresse un mémorial renfermant les traités échangés a\ec la Fuance et TANCiLETERKE, et nous infor- mant que, le Onze et le Douze de ce mois il a conclu ces Iniilés qui se composent de celui conclu la huitième année de noire règne, el du traité additionnel conclu celte année, et les a échangés avec ces deux nations.

a Nous acquiesçons à tous les articles de ces traités quils soient pris dans leur ensemble ou séparément, Quils soient tous en viyueur éternellement, que dés maintenant la querre soit à jamais éteinte, que la paix soit sincère, que tous croient à la bonne harmonie et chassent le doute de leurs cœurs.

« Pour que les articles de ces traités soient mis à exécution, quon les promulgue de suite devant tout riùnpire et que les (iouverneurs (iénéraux des provinces s'j conforment dans la transaction des affaires futures. »

Tel est notre ordre impérial.

6l\ LES MISSIONS CATHOLIQUES

Cet ordre impérial auquel il faut obéir dans la conduite des affaires, est déjà consigné dans les archives.

Observant des lors que dans le lo" article du traité français, il est dit entre autres que : « dans tous les ports ouverts au com- merce, les Français pourront à volonté louer des terrains pour y bâtir des églises, des Écoles el autres établissements de ce genre, et que le prix de Tétendue du terrain loué sera discuté et fixé parles deux parties contractantes.

Observant que, dans le 6*" article du traité supplémentaire, il est dit entr'autres que : les églises, les écoles, les maisons avec leurs dépendances, et autres propriétés confisquées antérieure- ment aux Chrétiens, seront rendues au Ministre de France pour être transmises par lui aux Chrétiens des localités ces pro- priétés se trouvaient, qui, (s*il s'agit de terrains) pourront y bâtir ce qu'ils voudront.

D'une autre part. Le Commandant supérieur M. Coupvent des Bois et le Commissaire Français M. de Tanouarn, ayant fait choix en dehors de la vieille ville de Canton et dans la nou- velle ville d'un terrain vide convenable divisé en deux parties :

La première bornée :

A l'Est par le mur arrière des maisons de la rue Pae-mi-hang (rue du riz blanc) en regard duquel les Missionnaires bâtiront un mur de façon à laisser entre les deux une rue de six pieds de large = Étendue sur cette face soixante-neuf tchangs, sept tches, sept feunns (Deux cent quarante-neuf mètres soixante-dix-huit centimètres).

A l'Ouest par la rue Yu-tze-hang (rue du Jade) = Étendue sur cette face soixante-quatre tchangs, neuf tches, neuf tsounns, cinq feunns (Deux cent trente-deux mètres quatre-vingt-deux centimètres).

Au Sud, par la rue Mae Ma Kiai (rue des marchands de chan- vre ou rue de la folie). Étendue sur cette face = vingt-sept tchangs, neuf tches, neuf tsounns, trois feunns (Cent mètres vingt-un centimètres).

Au nord, par la rue Ta-sinn-Kiai (grande rue neuve ou rue Chapdelaine = Étendue sur cette face quarante-six tchangs, sept tches, deux tsounns. cinq feunns (cent soixante-sept mètres vingt-sepfcentimètres) et mesurant une superlicie de quarante ineous, deux lis, six haos. (Trois hwtares , sept ares, vingt-huit centiares) ;

CATHÉDRALE CATHOLIQUE DE CANTON 65

La deuxième :

Située au Sud de la première ci bornée au sud par le mur du Dragon encore existant Qchaopi) et mesurant sur ses quatre faces :

Au Nord : Dix tchangs, huit tches, neufs tsounns, neuf feunns (trente-neuf mètres un centimètre).

A l'ouest : Onze tchangs, deux tches, quatre tsounns, cinq feunns (Quarante mètres vingt-cinq centimètres).

Au sud : Treize tchangs, trois tches, huit tsouns, sept feunns (Quarante-sept mètres quatre-vingt-douze centimètres).

Au nord : Quinze tchangs, deux tsounns, cinq feunns (Cin- quante trois mètres soixante-dix-huit centimètres) et mesurant une superficie de deux meous cinq feunns huit lis (dix-neuf ares quatre-vingt-trois centiares) qui devra rester vide de toute construction ; le tout enfin, mesurant une superficie de qua- rante-deux meous, six feunns, six tsounns (Trois hectares vingt-sept ares, onze centiares).

Les mesures employées étant celles prescrites par le nouveau traite français.

Et le Commandant Supérieur, par l'intermédiaire du Com- missaire Français, demandant que ce terrain soit loué à per|>é- tuité à la France, pour y bâtir aux frais de son trésor une Église, une maison pour les missionnaires, un Séminaire et une Ecole pour les gens du pays, un Asile pour les pauvres, un hôpital, un hospice des enfants trouvés, en tout Cinq établissements qui, ainsi que TËglise et la maison des missionnaires, ne pourront être à l'avenir habités et desservis que par des prêtres de la Congréga- tion Française des Missions Ëtrangères.

Son Excellence Lao, Gouverneur Général des deux Kouang, après avoir délibéré avec les autorités locales et les notables, consent, en vertu de l'article lo du traité, et de l'article 6 du traité supplémentaire, à louer à perj^étuité ce terrain à la France.

Le Commandant Supérieur, après avoir reçu ce terrain par l'intermédiaire du Commissaire Français en enverra le Contrat de location au Ministre de France à Péking, Officier de la Légion d'honneur, etc., etc., etc., pour être transmise par Son Excellence aux Missionnaires de la province de Canton.

Toutefois, ce terrain restant propriété chinoise il est établi, conformément aux traités, que chaque Année il sera payé par méou un loyer de Mille cinq cents sapées, ce qui fait pour ce

CoRDIER. i. 5

6G LKS MISSIONS CATHOLIQUES

terrain qui compte quarante-deux méous, six feunns, six haos (trois hectares, vingt-sept ares, onze centiares), un loyer annuel de soixante-trois mille neuf cent sapées qui sera versé chaque année par les Autorités françaises entre les mains des autorités locales de Canton. En dehors de ce loyer, il est défendu aux Autorités chinoises, aux gens des Yamens, aux Notables et aux gens du peuple de venir sous un prélexle quelconque prélever de l'argent pour ce terrain, et toute démarche dans ce bul ne sérail qu'une fraude. Mais, pour les Rglises, que possédaient anlérieu- rement les missionnaires dans la ville et dans les faubourgs de Canton, il ne sera demandé d'autre compensation que la location de ce terrain ; et ainsi à l'avenir il ne pourra plus être éle\é de nouvelle réclamation à leur égard.

En foi de quoi, ce contrat a été conclu, dressé en trois expédi- tions revêtues des sceaux et des signatures des parties contrac- tantes, et chacune en gardera une expédition comme témoignage authentique. Dés lors, les formalités nécessaires à la conclusion d'un Contrat auront été remplies.

Canton, le vingt-cinq janvier dix-huit cent soixante-un*.

Signé : Lao.

Trois sceaux. A. Coupvent dks Bois.

de Tanouarn.

Au sujet de cette négociai ion, la note suivante fut insérée au Moniteur à\i ii janvier 1861 :

« 11 \ient d'être obteim h Canton une imjx)rlante concession conforme à l'esprit des clauses libérales qui ont été insérées dans le traité de paix signé à Péking ; le Vice-Uoi a accordé à nos missionnaires, [)our l'érection d'une église catholique, un magnifique emplacement situé dans Canton même et s'élevail, avant l'occupation de cette ville, le palais du fameux gouverneur ^é. Depuis deux ans les aulorités Françaises demandaient (ju'on rendît à Tévêque des deux Kouang une |X)rtion au moins des lerrains alfectés anciennemenl à des élablissements calholi([ues

I. Le texte chinois |>orte 15»^ jour, 12^ hine, io« année Hieiig- Foung.

Cathédrale catholique de canton 67

et dont les possesseurs avaient été chassés et spoliés à Tépoque des dernières persécutions dirigées dans le Céleste Empire contre les Chrétiens. Bien que les autorités chinoises eussent reconnu en principe la légitimité d'une restitution de cette nature, elles multipliaient les expédients pour s*y soustraire, nos succès dans le nord ont heureusement mis un terme à leur mauvais vouloir et l'église qui ne tardera pas à s'édifier témoignera bientôt d'une manière éclatante de la sollicitude du Gouvernement de l'Empereur pour les intérêts religieux placés sous la protection traditionnelle de la France dans l'Extrême-Orient. L'établisse- ment de nos missionnaires sur ce point profitera d'ailleurs à tout le monde à Canton, car il constatera et maintiendra le droit toujours refusé jusqu'ici aux étrangers d'avoir un libre accès dans l'intérieur de cette ville. »

CHAPITRE V

LES MISSIONS CATHOLIQUES

(Suite).

CONVENTION BERTHEMY

L'article VI de la convention de Péking était fort largo dans ses termes, puisqu'il dit que « les établissements reli- gieux et de bienfaisance qui ont été confisqués aux Chrétiens pendant les persécutions dont ils ont été les victimes, seront rendus à leurs propriétaires par l'entremise du Ministï'e de France en Chine, auquel le gouvernement Impérial les fera délivrer, avec les cimetières et les autres édifices qui en dé- pendaient. » Il est évident qu'exécutée à la lettre, cette clause ne causerait rien moins qu'un nouveau bouleversement du ca- dastre chinois déjà singulièrement transformé par la rébellion des T'aï P'ing; il aurait fallu remonter au temps des per- sécutions du commencement du xvm*' siècle pour retrouver les terrains jadis possédés par des Chrétiens. Tel n'était pas d'ailleurs, en pratique, le but de la convention de Péking ; il n'était nullement question d'exiger l'exécution à la lettre d'un article qui aurait eu pour résultat d'enrichir les missions au plus grand préjudice moral de leur œuvre dont le caractère et l'objet sont si élevés, de causer de véritables spoliations et d'amener une terrible perturbation dans la propriété fon- cière en Chine. Il fallait simplement rendre plus facile l'œuvre des missionnaires, et non l'édifier sur des ruines ; le terrain nécessaire pour bâtir des églises, établir des cime-

con>t:ntion beî^themy 69

lières, fonder des écoles et des orphelinats, était la seule réclamation que l'on dût formuler; la propriété des missions ne devait pas être constituée dans un but de spéculation et de lucre et au profit de prêtres étrangers; elle était créée en réalité dans l'intérêt même des Chinois, puisque le Chris- tianisme doit être une amélioration dans leur éducation mo- rale et religieuse. 11 fallait donc permettre et assurer l'achat des terrains nécessaires aux congrégations européennes, mais en même temps pour bien marquer qu'elles n'étaient en quelque sorte qu'usufruitières, la Chine conservant la nue- propriété, le nom de l'acquéreur, inutile d'ailleurs à con- naître, restait anonyme, la collectivité qu'il représentait de- vant seule être en titre. C'est ce qu'avait fort bien compris notre ministre, M. Berthemy*, successeur de M. de Bourbon- Ion, qui a laissé en Chine de si grands souvenirs, désireux, tout à la fois, de sauvegarder nos intérêts sans les exagérer el d'éviter aux Chinois d'inutiles froissements. De là, la signature de l'acte qui règle les conditions d'achat de la propriété foncière par les missionnaires dans l'intérieur du pays.

I. Bcrthcmjr, Jules -François- Gustave, fils du général de ce nom; le i«' décembre i8a6, à Paris; attaché libre à Washington, 7 juillet 18^8; à Madrid, ao janvier i85o; aspirant diplomatique t Constanti- nople, 17 février i852 ; 2" secrétaire d'ambassade au même poste, 3 mai i855 ; secrétaire de classe, 3o août i856 ; maintenu à Conslantinople, i3 septembre i856 ; désigné secrétaire à Dresde, 17 août 1867 ; mis à la disposition du département, 37 juin 1859 ; désigné pour remplir tempo- rairement les fonctions de i*»" secrétaire à Conslantinople, i3 juillet 1869; chef du cabinet et du secrétariat aux Affaires étrangères, a4 janvier 1860 ; secrétaire de i*"» classe pour prendre rang à dater du a^ janvier 1860, 27 octobre 186 1 ; ministre plénipotentiaire chargé de gérer la légation à Péking, i4 octobre i86a ; envové extraordinaire et ministre plénipoten- tiaire près l'empereur de la Chine, 9 octobre i863 ; commandeur de la Légion d'honneur, i4 août 1866; envoyé extraordinaire el ministre plé- nipotentiaire près les États-Unis, a8 octobre 1866 ; près le roi des Belges, la juin 1870.

no LES MISSIONS CATHOLIQUES

TEXTE DE LA CONVENTION, 20 FÉVRIER l865

Le 20 février i865 (26* jour de la i'® lune delà V année T'oung-lché), le Tsoung-li Yamen adressait la lettre suivante à M. Berthemy :

« Nous avons Thonneur de vous annoncer que, en ce qui concerne les biens collectifs des missions catholiques, nous avons arrêté ce qui suit : à raçenir^ si des missionnaires français çont acheter des terrains et des maisons dans antérieur du pays, le vendeur j tel ou tel (son nom), deçra spécifier, dans la rédaction de l'acte de \fente, que sa propriété a été i^endue pour faire partie des biens col^ lectifs de la mission catholique de la localité. Il sera inutile d'y inscrire les noms du missionnaire ou des chrétiens.

« Nous avons déjà écrit au gouverneur du Kiang-§ou, Li, pour qu'il se conforme à cette mesure et nous vous envoyons ci-joint copie de la lettre que nous lui avons adressée à ce sujet.

« Nous profitons de cette occasion pour vous présenter nos souhaits. »

LETTRE ANNEXÉE A LA CONVENTION BERTHEMY

Copie de la lettre adresssée au gouverneur du Kian^f-SoUy

Li, par le Tsounc-li-Yamen.

A Son Excellence Chao-tsiuan (surnom de LiIIoung-tciiang). « Éloignés à regret de votre demeure fleurie, nous tournons sans cesse, avec un ferme espoir, nos modestes pensées vers elle et les sentiments qui nous animent^ dressés que nous sommes sur la pointe des pieds pour vous chercher, s'augmentent à Tunisson du temps. Quant à présent, nous nous plaisons à croire que le bon- heur suit vos pas et va grandissant, comme la félicité attachée à votre stable personne oflrc l'image de la paix. Nous nous portons vers la contemplation de voire brillante prestance, et nos expres- sions sont, de tout point, d'accord avec nos sentiments intimes.

LETTRE \ M. BOl RÊK, 5 FKVRIKR 1 88^ 7I

« A lilre d*inrormalioii actuelle : pour ce qui concerne la question d'achats de terrains par la France pour rétablisscnicnl dVtlilices religieux, notre Yamen vient de décider, après entente, que désormais si des missionnaires français pénètrent dans Tin- térieur et y achètent des terrains ou des maisons, on devra écrire sur les contrats la stipulation que: Tel ou tel (nom et prénoms de celui qui vend la propriété), qui dresse ledit contrat, vend la propriété en question pour qu'elle devienne bien collectif de la mission catholique du lieu. II ne sera pas nécessaire d'énumérer spécialement les noms des missionnaires ou des chrétiens.

c< Tel est le but de la présente lettre, que nous vous adressons en \ous priant de prescrire à vos subordonnés de s'y conformer. F]n agissant de la sorte, les établissements religieux demeurent propriétés collectives des chrétiens, ce qui ne saurait porter pré- judice à la Chine.

« Nous profitons de cette occasion, pour vous présenter tous nos souhaits. »

INEFFICACTTÉ DE LA CONVENTION

Cette circulaire aurait donné pleine satisfaction au vœu de M. Berlhemy ; malheureusement les autorités provinciales avaient ajouté au texte officiel des instructions pour les chefs de villages de s'assurer par une sorte d'enquête de comniodo et incommoda que l'achat était vu d'un bon œil par leurs concilovens; naturellement, les fonctionnaires aidant, il était rare que la réponse fiit ftivorahle et partant que la requête du vendeur fut accordée, (^el état de choses rendait donc illusoire la convention Berlhemy, et à différentes reprises nos minis- tres à Péking essayèrent d'y remédier, d'abord M. Brenier de Montmorand, puis M. Bourée, qui, a une lettre du 3o janvier i88:x, reçut en réponse, le 5 février 1882, les éclair- cissements du Tsoung-li Ya-men :

LETTRE A M. BOURÉE, 5 FÉVRIER 1882

« Nous avons eu l'honneur de recevoir, le 3o du mois dernier (11 de la 12* lune), la lettre de V. Exe. relative aux achats de

•ja LES MISSIONS CATHOLIQUES

terrains par les missionnaires dans rinléricur [suit un résumé de cette lettre).

« Cette Convention [la Convention Berthemy] a été faite d'un commun accord, elle est conforme au Traité et son but est d'en- tourer de garanties les acquisitions faites par les missions reli- gieuses.

« Dans sa lettre, V. Exe. demande à ce qu'on agisse purement et simplement suivant les termes de la Convention, et que toute réglementation exceptionnelle soit supprimée.

« La Convention dont il s'agit s'exprime ainsi: ... <c L#e nom du vendeur devra figurer dans l'acte de vente, qui indiquera également que l'achat est fait pour devenir bien collectif de la mission religieuse. Il sera inutile que le contrat porte le nom d'un missionnaire ou d'un chrétien, etc.. » Or, si le vendeur ne présente pas le contrat de vente à l'examen de l'autorité locale, comment celle-ci pourra-t-elle voir si ce document porte le nom du vendeur et s'il établit clairement que l'acquisition est faite pour devenir bien collectif de la mission ? C'est seulement en examinant le contrat de vente que l'autorité locale peut se ren- dre compte de la manière dont on s'est conformé à la Conven- tion et s'il y a lieu d'enregistrer l'acte ainsi passé. De celte ma- nière, aucune fraude ne peut être commise et on empêche, en même temps, de revenir sur un marché déjà fait. L'accomplisse- ment de ces formalités n'est pas sans présenter de grands avan- tages pour les missions religieuses. »

« D'habitude, dans les marchés passés entre Chinois pour les achats de terrains ou de maisons, on dresse un contrat de vente qui est présenté à l'autorité pour être enregistré. Si l'on se soustrait à celte formalité, le contrat n'a aucune valeur et, dans le cas de procès, ne peut être présenté pour faire foi. Dans ces sortes de transactions, les droits doivent être payés et c'est seule- ment après examen du contrat de vente que ce document peut être enregistré. La présentation à la sous- préfecture, l'examen du contrat et le paiement des droits pour l'apposition du sceau sur ledit contrat doivent certainement avoir lieu après que le transfert de la propriété a été cflectué et nullement avant la vente. »

a Les autorités locales doivent agir en se conformant non seu- lement à la Convention, mais encore aux stipulations des traités. Aussi, lorsqu'une mission religieuse achète, soit des terrains,

REPRISE DES NÉGOCIATIONS. 3^ JUILLET 1 89/4 78

soit des maisons, ladite autorité doit examiner si TaccjniMtion a été faite suivant les règles établies et, s'il en a été ainsi, elle doit, à son tour, faire ce qui a été prescrit par les règlements. Pour- quoi suscilerail-elle des diflTicultés ou mellrail-elle des empêche- ments i^

a V. Exe. sait bien Elle-même que la Convention dont il est question ici présente des avantages. La présentation à l'autorité du contrat de vente pour être enregistré est une formalité par- faitement en conformité avec Tesprit de la Convention et, en l'exigeant, ce n'est certainement pas établir une réglementa- tion exceptionnelle. Nous espérons que V. Exe. s'en rendra compte. »)

REPRISE DES NÉGOCIATIONS, 2^ JUILLET 189^

M. Palenôtre paraît s'être désintéressé do la question : ce diplomate heureux, disaient les mauvaises langues, était imbu des principes qui ont dicté Tarlicle 7 plutôt que de ridée politique qui avait fait dire à Ganibetta que Tanticlé- ricalisme n'était pas un article d'exportation. Je n'en crois rien. 11 est probable qu'une occasion favorable ne s'était pas présentée de reprendre les négociations. En 189/1, une nou- velle aflaire avait donné au Tseung-li Yamen (16 juillet 189^) l'occasion de citer la Convention Berlheniy, ainsi que ce passage, dans une lettre à notre ministre, M. Gérard :

« Le vendeur devra an préalable aviser les autorités locales et demander leur autorisation : elles décideront si elles doivent on non l'accorder » .

Saisissant l'occasion, M. Gérard rappelant (2/1 juillet 189/1) les termes de la Convention ainsi que ceux de la lettre de réponse adressée à M . Bourée, écrivait :

a 11 résulte de cette réponse que, si le Tsong-li Ya-men con- sidère que le contrat de vente doit être présenté à l'autorité locale et enregistré avec acquittement des droits, c'est non pas an préalable, mais, ainsi qu'il est dit dans la lettre, après (jue le marché a été conclu.

■ji LKS MISSI()>S CATIlOLIQirKS

« Je n'ai aucune objection à élever contre cet acte d'enregis- trement qui est conforme à la loi chinoise et n'est pas contraire aux stipulations des traités. Mais il est bien entendu que cette formalité de la présentation et de l'enregistrement du contrat sait la vente et ne la précède pas. Il est bien entendu, de même, que cet acte ne comj)orte, de la part de l'autorité locale, aucune autorisation préalable. Ainsi est satisfaite la volonté de l'Empe- reur, qui a désiré assurer aux missions le libre usage de leur droit d'achat dans l'intérieur de l'Empire. »

Sans entrer dans le détail de négociations assez longues,

qui furent d'ailleurs facilitées par le retour du prince Koung

au pouvoir, M. (jîérard finit par obtenir Taddilion d'une

clause à la Convention. Rappelant ses lettres précédentes, il

précisait ses réclamations dans une dépêche adressée le 12

avril 1895 au Tsoung-li Yamen :

DEMANDE DE M. GERARD, 12 AVRIL iSqS

<f J'ai demandé et je demande :

Que le texte même de la Convention relative à l'adiat |)ar les missions catholiques de terrains et de maisons dans l'in- térieur de la Chine soit rédigé ainsi qu'il suit:

« A Vavenir, si des missionnaires fran<;ais vont acheter des ter- rains et des maisons dans rintériedr du pays, le vendeur (tel ou tel, son nom) devra spécifier, dans la rédaction de lacté de vente, que sa propriété a été vendue pour faire partie des biens collectifs de la mission catholique de la localité. Il sera inutile d*y inscrire les noms du missionnaire ou des chrétiens. La mission catholique, après la c(tnclusion de l*acte, acquittera la taxe d*enre(jistrement firée par la loi chinoise pour tous les actes de vente, et au même taux. Le ven- deur naura ni à aviser les autorités locales de son intention de ven- dre, ni à leur demander au préalable leur autorisation. »

« J'ai demandé et je deinande :

3" Que ce texte, ainsi compléta», de la Convention soit adressé par Vos soins aux maréchaux Tartares, vice-rois et gou- verneurs de toutes les provinces de l'Empire et publié dans toutes les provinces, non point sous le sceau des simples m^andarins locaux, înais sous le sceau des autorités supérieures ;

a J'ai demandé et je demande :

TEXTE DÉFIMTIF DK LA CONVEJîTION BERTHEMT, l4 WKIL iSqO 70

3*» Que le texte des instructions circulaires envoyées par Votre Yamen aux maréchaux Tartares, vice-rois et gou\er- neurs de toutes les provinces me soit communiqué dans son inté-

a Ces trois conditions sont toutes également indispensables pour satisfaire mon Gouvernement et pour assurer l'exécution stricte et loyale par les autorités provinciales d'une Convention trop longtemps enfreinte et méconnue, que le Gouvernement de la République est résolu à faire désormais scrupuleusement res- pecter. Il ne doit plus subsister à cet égard ni obscurité, ni équi- voque.

« J'attends de Vos Altesses et de Vos Excellences, dans le plus bref délai qui Leur sera possible, une réponse entièrement et de tout point conforme à la présente communication oflicielle. Ceci est urgent et de la plus grande importance. »

Enfin, le l^ avril 1896*, le Tsoung-li Yamen remettait à notre ministre copie des instructions circulaires qu'il avait expédiées dans toutes les provinces; ce document nous donne enfin la forme oflicielle et définitive avec la clause addition- nelle de la Convention Berthemy, conformément à la demande de M. Gérard :

TEXTE définitif DE LA CO?ÎVE.^TIO?î BERTHEMY, lf\ AVRIL iSgf)

Copie de la dépêche aux vice- rois et gouverneurs de toutes

les provinces.

LETTRE OFFICIELLE 1

a Déjà, pendant la if lune de l'année dernière, (octobre 189/1), notre Yamen a, relativement à la question des acliatsdc terrains faits par les missions religieuses dans l'intérieur du pays, adressé dans toutes les provinces, ainsi que le constatent les archives, le texte du Règlement conclu, pendant la 4*^ année T'oung-lché (i865). par le Ministre de France, S. E. M. Berthemy, avec notre Yamen.

a S. E. M. Gérard, Ministre de France, vient maintenant de

I . ao de U S** lune.

•y 6 LES MISSIO>S C\TII()Ll(,)LKS

nous adresser une communication ollicielle dans laquelle il nous dit que les autorités locales de certaines provinces, telles que le Ilou-Kouang, le Tche-li, la Mongolie et la Mandchourie, décla- rent n'avoir pas encore reçu d'ordres quant à la façon dont le llcglement primitif de M. Bertlicmy doit être appliqué, et qu'il y a aussi d'autres provinces on continue d'obliger les per- sonnes vendant leurs terrains à en donner préalablement avis aux autorités locales en demandant leurs instructions. Des ordres donnes par apostille du Gou\erneur du Kiang-si, une proclama- tion des autorités provinciales, sse et tao, du Se-tch'ouen. et une proclamation du tao-taide Lei-lchéouet Kioung-tchéou, dans le Kouang-toung, ont été envoyés en copie à notre examen (par le Ministre de France), en nous priant d'expédier de nouveau des instructions circulaires dans toutes les provinces, portant que : « A Favenir, si des missionnaires françms vont acheter des terrains et des maisons dans Vinlérieur du pays, le vendeur (Jiel ou tel, son nom^ devra spécifier^ dans la rédaction de l'acte de vente, que sa propriété a été vendue pour faire partie des biens collectifs de la mission catholique de la localité. Il sera inutile d*y inscrire les noms du missionnaire ou des chrétiens. La mission catholique, après la conclusion de Vacte, acipiittera la taore d'enregistrement fixée par la loi chinoise pour tous les actes de vente, et au même taux. Le vendeur naura ni à aviser les autorités locales de son intention de vendre, ni à demander au préalable leur autorisation. » De celle façon, le règlement conclu entre les deux nations, est-il ajouté, pourra recevoir son application.

Ayant reçu cette communication, nous croyons devoir adresser la présente lettre oHicielle à tous les Vice-Uois et Gouverneurs des provinces pour qu'ils en prennent connaissance, agissent en consé(|uence et prescrivent aux autorités locales de s'y conformer imiformément, sans (|u'il y ait lieu de s'en tenir à ce qui a été dit précédemment sur l'avis préalables doimer auxdites autorités locales, ce qui provoquerait des discussions. Ceci est très impor- tant. »

Ainsi que récrivait M. Gérard au Tsoung-li Yamen le 21 mai 1895, il restait encore : « à donner à la Convention la publicité nécessaire dans toutes les provinces, par voie de proclamations ou d'édits revêtus du sceau des autorités supérieures. » Satisfaction fut donnée à notre Ministre par

COMMUNICATION FINALE, 26 MAI iSqS 77

l'envoi du document suivant qui clôt déOnitivement ces délicates négociations :

COMMUNICATION FINALE, 26 MAI l8g5

Kouang-Siu ai* année, 5* lune, jour.

(36 mai 1895).

COMMUNICATION OFFICIELLE :

a Le 37 de la 4' lune de la ai' année Kouang-Siu (ai mai 1895), nous avons reçu la dépêche dans laquelle V. Kxc. nous dit que, jusqu'ici, 'il n*a pas été donné suilc à la demande con- tenue dans Sa communication olTiciclle du 18 de la '6*' lune (12 a^TÎl), tendante à ce que des instructions circulaires soient envoyées aux vice-rois et gouverneurs de toutes les provinces pour qu'ils fassent donner une large publicité, par voie de pro- clamations révolues du sceau des autorités supérieures la Con- \ontion relative) aux achats de propriétés dans l'inlérieur de la Chine. Vous nous priez de donner des ordres dans loules les provinces pour que ces proclamations soient lancées.

« Notre Yamen adresse des circulaires dans toutes les pro- vinces pour que, sous le sceau des vice-rois et des gouverneurs, la Convention relative aux achats de propriétés par les missions religieuses y fasse promptement Tobjet de proclamations. Nous crovons devoir, en outre, en aviser Y. Exe. par la présente ré- ponse officielle. »

78

LES MISSIONS CATHOLIQUES

TEXTE CHINOIS DKFIMTIF DE LA CONVENTION

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CHAPITRE VI RUSSES ET AMÉRICAINS

MARCHE DES RLfSSES

Deux puissances prenaient un intérêt particulier à la double lutte diplomatique et militaire des Fran(;4îis et des Anglais: les Russes et les Américains. Aussi est-il nécessaire de jeter un coup d'oeil rapide sur leurs relations antérieures avec la Chine.

C'est sous le règne d'Ivan IV, au milieu du xvi* siècle, que commence, à l'Est de l'Oural, cette marche formidable des Russes que la mer même n'arrêtera pas, puisque la puissance du tsar s'étendit jadis au delà du détroit de Behring ; ce n'est qu'en 1867, en effet, que les possessions des Russes en Améri- que, l'Alaska, furent vendues aux États-Unis. L'unité des Etats Grands-Russiens, la conquête du royaume de Kazan en i552 et d'Astrakhan en i554 étendaient les frontières de la Russie vers TEsl ; Etienne Bathory avait battu les Russes en Livonie, retardant ainsi leur marche vers la Baltique ; leurs efforts devaient donc se diriger vers l'Orient; en i558, un certain Gregori Slrogonov obtint du tsar la concession de terres désertes sur la Kama ; ses compagnons et lui s'y établirent, fondèrent des colonies et quelques-uns des leurs dépasse icnt même l'Oural. Un Cosaque du Don Ermak Timofeevitch, passait au service de Strogonov, franchissait l'Ouial à la tête de 85o hommes et s'avançait jusqu'à l'Irtych et l'Ob. Ermak fut le véritable conquérant de la Sibérie occidentale ; mais s'il lui fui donné d'ajouter un royaume nouveau aux Etats du

8o RUSSES ET AMÉRICAINS

souverain qui a été surnommé le Terrible, à ses successeurs fut réservé Thonneur de fonder la première grande ville du territoire pris aux Tartares, car Ermak se noya en i584 dans rirtych et Tobolsk ne date que de 1587. L'effort des Russes se dirigea ensuite vers le Nord de la Sibérie ; ils n'y rencontrèrent aucune résistance jusqu'à la Lena ; ils con- struisirent, en i632, le fort de Iakoutsk et poussèrent leurs explorations jusqu'à la mer d'Okhotsk. Ce n'est qu'en i636 que les Russes entendirent pour la première fois parler du fleuve Amour par des Cosaques de Tomsk qui avaient poussé leurs incursions vers le Sud ; en i638, Perviliev, chef des Cosaques d'Eniséïsk, explora la Vitim, affluent de la Lena, avec 36 hommes et rapporta des renseignements sur TAniour. Le voïévode de Iakoutsk dirigea plusieurs explora- tions vers le grand fleuve dont la plus importante fut mise sous le commandement de Vasili Poyarkov (1 643-1 646) qui est le premier Russe ayant navigué sur l'Amour depuis son confluent avec la Zéia jusqu'à son embouchure. Plus tard, Kliabarov dirige en i6/|8-i65i une nouvelle ex|>édition au cours de laquelle il bâlit plusieurs forts, entre autres Albasine sur les bords du fleuve; en i654, Stepanov remonte pour la première fois le Soungari il rencontre les Chinois qui le forcent à redescendre vers l'Amour; en i654, il con- struit le fort de kamarski à l'embouchure de la koumara. En i658, Athanase Pachkov, voïévode de Eniséïsk, fonde ISertchinsk, au confluent de la Chilka et de la Nerlcha ; sur ces entrefaites, Stepanov, avec 270 Russes, est tué par les Chinois à Tembouchure du Soungari. Cet échec force les Russes à abandonner ce fleuve temporairement. C'est en 1672 qu'Albasine reçoit son premier gouverneur : le Polonais Nicolas Czernigovski. Une première mission en Chine fui envoyée en i653 sous la direction de Féodor Isakovich Baïkov. En 1675, à son retour de Péking, il avait été envoyé en ambassade, Nicolas Spalar Milescu conseille

TRAITÉ DE NEUTCHINSK, 27 AOUT 1689 81

aux habitants d'Albasine de ne plus continuer leurs expé- ditions sur TAmour et de tâcher de s'attirer les bonnes grâces des Chinois ; ses avis d'ailleurs ne sont pas écoutés ; la ville d'Albasine, devenue un voïévodinat, continue à organiser des explorations sur le fleuve; aussi, en i684, les Chinois se préparent-ils à commencer les hostilités. A la suite de deux sièges d'Albasine, les négociations entre Chinois et Russes amènent le 27 août 1689 la signature du traité de Nertchinsk en six articles rédigés en russe, latin et mand- chou par lequel furent délimitées les frontières russo-chinoises et fut décidée la destruction d'Albasine. Il ne faut pas se dis- simuler rimjx)rtance de ce traité, le premier qui ait été conclu par la Chine non seulement avec la Russie, mais avec une puissance européenne. Les ambassadeurs qui s'étaient assem- blés à Nertchinsk avaient, aux termes du traité, la mission de « réprimer l'insolence de certaines canailles qui, faisant des courses hors des limites de leurs terres pour y chasser, pillent, tuent et excitent des troubles et des brouilleries, de déterminer clairement et distinctement des bornes entre les deux empires de la Chine et de la Moscovie et enfin d'établir une paix et une intelligence éternelles ».

TRAITÉ DE NERTCni^iSK, 27 AOUT 1689

Les Chinois avaient comme interprètes les deux jésuites Jean-François Gerbillon et Thomas Pereyra ' .

Sancti Sinarum Imperatoris mandato missi ad determinandos limites Magnâtes.

Som Go Tu Praetorianorum militum praefeclus interioris palatii Palatinus, Imperii consiliarius etc.

I. Gerbillon, voir p. 5i. Thomas Pereyra, à S.-Marlinho de Yaio, !««• novembre i645 ; arrivé en Chine en 1673; mort h. Pokinj;, a4 décembre 1708.

CORDIER. I. 6

Sa RUSSES ET AMÉRICAINS

Tum QucCam interioris palatii palatinus, primi ordinis cornes, liTiperialis vexilli dominus, Imperatoris avunculus etc.

Lam Tan vnius eliam vexilli dominus

Pain Tarclia item vnius vexilli dominus

Sap so circa Sagalien Via aliasque lerras gênerai is exercituum praefeclus

Ma La vnius vexilli praefectus

Wen Ta exlerorum tribunalis aller praeses et caeleri una cum missis.

Dei gratia inagnoruin doininalorum Tzaruin Magnoruinque Ducum loannis Alexiewicz. Pelri Alexiewicz lolius magnae ac parvae, nec non albae Russiae Monarcharum, inullorumque doininioruin ac ierrarum Orienlaliuin, Occidentaliuin ac Seplein- trionalium, Prognalorum Haereduin, ac Successorum, doinina- lorum ac possessorum

Magnis ac plenipolenlibus Suac Tzareae IVIajeslalis Legalis Proxiino Okolnilio ac locilenenle Branski Theodoro Alexiewicz Golovin dapifero ac locilenenle lélalomski, loanne Euslahievicz Wlasoph Cancellario Simone Cornitski

Anno Cam Hi 28" crocei serpenlis diclo 7** Lunae diea^ projMî oppidum Nipcliou congregali lum ad coercendam el repriineiidam insolenliam eoruin inferioris nolae venalorum hominuni, qui exlra proprios limiles, sive venabundi, sive se muluo occidenles, si\e depra^rdantes, siveperturbaliones aul tumultus quoscumque conmiovenles pro suo arbitrio excurrunl, lum ad limiles inler ulrumque Iinperium Sinicuni videlicel el Hulhenicum claré ac perspicuédelenninandosacconslituendos, lum deniquead pacem perpetuam slabiliendam aelernumque l'oedus perculiendum, sequentia puiicta ex muluo consensu staluimus ac delermina- vinnis.

I.

Ui\ulus noinine Kerbichi, qui rivo Chôma Tarlaricé Vrum diclo proximus adjacel el fluvium Sagalien Via iniluil. limites inler ulrumque Imperium consliluet. Item a verlice rupis seu montis lapidei, qui est supra dicli rivuli Kerbichi fonlem el ori- ginem el pcM- ipsa liuius montis cacumina usquead mare, ulrius- que Iinperii ditionem ita dividet, ul omnes lerrae el lluvii sive parvi si\e magniqui a meridionali huius montis parle in fluvium Sagalien Wa influunl sint sub lm|M>rii Sinici dominio, omnes

TRAITÉ DE NERTCnîNSK, 2'] AOUT îGSq 83

terrae vero et omnes rivi qui ex altéra montis parte ad Borealcm plagam vcrgunt sub Ruthcnici Imperii dominio remaneant ita tamen, ut quicunque fluvii in mare influunt et quaecumquc terrae sunt interinwliae inter fluvium Ydi et seriem montiuin prolimitibusdesignatam prointerim iudetcrminataerelinquantur. De his autem post uniuscuiusque Iinperii legatorum in proprium regnum rcditum rite cxaminatis et clare cognitis vel per legatos vel per litteras postea determinabitur. Item fluvius nomine Ergon qui etiam supra dictum fluvium Sagalien Via influit, limites ita constituct, ut omnes terrae quae sunt ex parte meridionali ad Sinicum, quae vero sunt ex parte boreali. ad Ruthenicum Impe- rium pertineant : et omnes aedes quae ex parte dicti fluminis meridionali in faucibus fluvii nomine Meyrelke extructae sunt ad liltus boréale transferentur.

a.

Arx seu fortalitia in loco nomine Yagsa a Russis extructa fun- dilus eructur ac destruetur. Omnesque illam incolentes Rutheni Imperii subditi cum omnibus suis cuiuscumque generis rébus in Russi Imperii terras deducentur.

Atque extra hos limites determinatos nullamob causam utrius- que Imperii venatores transibunt.

Quod si unus aut duo inferioris notae liomines extra hos sta- tutos limites vel venabundi, vel latrocinaturi divagabuntur, statim in vincula conieeti ad illarum terrarum constitutos in ulroque Imperio Praefectos deducentur, qui cognitam illorum culpam débita poenâ mulctabunt: Si vero ad decem aut quin- decim siniul congregati et armis instructif aut venabuntur, aut allerius Imperii homines occident, aut depraedabuntur de hoc ad uniuscuiusque Imperii Imperatores referetur, omnesque huius criminis rci capitali poenâ muictabunlur, ncc bellum propter quoscumque particularium hominum excessus suscitabitur, aut sanguinis efiusio procurabitur.

3.

Quaecumque prius acta sunt, cuiuscumque generis sinl, aeternâ oblivione sopiantur. Ab eo die quo inter utrumque Im- periumhaec aeterna pax iurata fucrit, nulli in posterum ex altero

84 RUSSES ET AMÉRICAINS

Impcrio Iransfugac in allerum Iniperiuin admiltentur : sed in vincula coniecli slalim reducenluf.

4.

Quicumque ver6 Rulhcni linjx»rii subditi in Sinicoel quicum- que Sinici Impcrii in Rulhcnico nunc sunl, in eodein statu rdinquantur.

5.

Proptcr nunc coniractam amicitiam atquc actcrnum foedus slabilituin, cuiuscumque gcneris homines litlcras patentes ileneris sui aflerenles, licite accèdent ad régna utriusquc dominii, Ibique vendent et enient quaecunique ipsis videbuntur nccessaria inutuo conunercio.

6.

Concilio inter utriusque Imperii legatos celebrato, et omnibus

utriusque Regni limitum contentionibus diremptis, paceque sla-

bilità, et aeterno ainicitiae foedere perçusse, si hae onines deler-

niinatae conditiones rite observabuntur, nullus eril amplius j>er-

turbationi locus.

Ex utraque parle hujus foederis conditiones scripto nianda- buntur, dupicxque exeniplar huic conforme sigillo munit um sibi invicem tradent magni utriusque Imperii legati.

Denmm et iuxta boc idem exemplar eaedem conditiones Sinico Ilutbenico et latino idiomate lapidibus incidenlur, qui lapides in utriusque Imperii limitibus in perpetuum ac aeternum monu- menlum erigentur.

Datum apud Nipchou anno Cam Ili 'àS*^ 7" Lunae die 2/1 .

MISSIONS DIVERSES

Si, d'une part, malgré leur demande de conserver tous les territoires au Nord de l'Amour, les Russes sont refoulés au delà de ce grand fleuve jusqu'à la chaîne de montagnes qui s'étend jusqu'à la mer, restituant aux Chinois le pays dont sont formées aujourd'hui l'Amourskaya et une partie de la

MISSIONS DIVERSES 85

Zabâïkalskaya, d'autre pari, ils obtiennent une délimitation oITicielle des frontières et, chose fort importante, la liberté de circuler et de faire le commerce en Chine pour leurs na- tionaux munis d'un passeport en règle. Nous sommes arrivés à la première étape de l'invasion qui portera Tcnvahisseur jusqu'à Tembouchure de l'Amour. Désormais plus de guerre, mais une série d'ambassades qui profileront de circonstances favorables pour obtenir pacifiquement ce que les armes n'eussent peut-être point suffi h arracher. Ce qu'il y a de plus remarquable dans cette histoire des relations des deux vastes empires asiatiques, c'est la ténacité du Moscovite aux prises avec l'astuce du Chinois et la comparaison entre le point de départ de ces relations : la Russie d'Ivan le Terrible et la Chine de Kang-Hi et leur point culminant en 1860 quand ces mêmes nations auront passé l'une entre les mains de fer de Pierre le Grand et sera devenue la Russie de Nicolas II, l'autre sous le gouvernement des empereurs Kia-K'ing et Tao-Kouang et sera devenue la Chine de leur successeur Hien-Foung. On doit reconnaître que les succes- seurs de Golovine, le signataire du traité de Nertchinsk, nVurent guère à se féliciter du résultat de leurs missions et que Pierre le Grand n'eut pas à compter parmi ses succès les ambassades qu'il envoya à la cour de Péking. C'est d'abord l'Allemand Evert Isbrand Ides qui, dans un récit peu digne de créance de son voyage (1692-4), omet de dire que la lettre du tsar son maître fut renvoyée parce que le nom de Pierre le Grand précédait celui de Kang-Hi. Il avait sans doute pour mission de faire confirmer les termes du traité de Nert- chinsk et de consolider des relations que compromettaient les brigandages et les incursions des colons nouveaux de l'Amour. Cependant une ambassade, dirigée par Tou Lichen (1712- lyio) envoyée par Kang-Hi aux Tartares Tourgoutcs sur les bords de la Caspienne passa sur le territoire russe et fut bien traitée par le gouverneur de Sibérie qui, à la demande du

86 RUSSES ET AMÉRICAINS

Fils du Ciel, envoya plus lard à Péking un médecin. Ce mé- decin était accompagné d'un Suédois nommé Lange, qui fit partie des ambassades suivantes et devint vice-gouvemeur d'Irkoutsk. Malgré le succès de celte dernière mission, Tin- conduite des négociants russes leur avait fait interdire rentrée dans la capitale. Ismaïlov fut chargé d'obtenir de nouveau de la Chine libre circulation des caravanes portant des produite russes à Péking. Ismaïlov, accompagné d'une brillante escorte, arriva à Péking le 29 novembre 1720 et séjourna dans celte capitale jusqu'au 2 mai 1721. Sa mission n'eut d'ailleurs pas d'effets durables par suite de la désertion de quelques Mongols qui passèrent aux Russes. Lange, qui était resté à Péking comme consul de Russie, fut même obligé de quitter cette ville en 1722 à la suite d'intrigues des jésuites, dit-on, plus probablement à cause de nouveaux désordres des marchands russes à Ourga. La guerre même ne fut évitée que par la mort de Kang-Hi. Cependant les Rus- ses ne perdaient pas de vue l'occupation de l'Amour ; une nou- velle ambassade, sous la conduite du comte Sara Vladislavitch, partit en 1726 pour la Chine avec la mission officielle d'an- noncer au Fils du Ciel l'accession au trône de Russie, de Catherine, la veuve de Pierre le Grand, qui venait de mou- rir. On remarquera que dans toutes les circonstances la Chine regarde la Russie comme sa vassale; le nom du monarque chinois précède dans les lettres de créance celui du Isar ; l'avènement d'un nouveau souverain à Saint-Péters- bourg est immédiatement annoncé à Péking;- les présents sont considérés comme un tribut, et les ambassadeurs sont soumis à des cérémonies humiliantes; parfois ils sont retenus à la frontière, parfois ils sont obligés de faire les neuf pros- ternations (Ao téou) en usage en Chine. Vladislavitch ne put aller à Péking, mais il conclut à Kiachta un nouveau traité (21 octobre 1727) qui est la seconde étape des Russes dans leur conquête de l'Asie orientale. Ils obtenaient que la

MISSION ECCLKSIASTIQUK RUSSE DK PRKI>G 87

frontière fût mieux déterminée, la permission de bâtir une église à Péking et que de nouveaux arrangements fussent pris pour les caravanes.

MISSION ECGLESUSTIQUE RUSSE DE PEKL>6

Lors du premier siège d' Albasine (7 juillet 1 68'i) 3 1 Russes furent faits prisonniers par les Chinois et conduits à Péking, où, pendant deux ans ils furent retenus en captivité, mais sans mauvais traitements; Isbrand Ides avait été chargé de réclamer leur mise en liberté, mais quoique l'empereur Kang Ili eût accordé cette demande, les Russes restèrent à Péking. Parmi eux se trouvait un prêtre nommé Maxime ou Dmitri Léontiev, qui, en 171 1 était déjà fort âgé.

L'empereur consentit alors à ce que la Russie envoyât quelques prêtres à Péking pour satisfaire aux besoins reli- gieux des Russes captifs. En 1716 arriva à Péking Tarchi- mandrite Hilarion, accompagné d'un prêtre et d'un diacre ; ce fut la première mission ecclésiastique russe en Chine; Farlicle 5 du traité Vladislavitch fait mention de cette mis- sion pour la première fois dans un instrument diplomatique :

V Kœn. seu domus, qua? modo est Pekiiii pro Russis, in pos- tonim quicunique \cnerint Russi. ipsi soli iiicol(Mit hancdomuin : qiiod (lutem Russiu5 Legatns Sava Vladislavich lllyriciis (Moines dixit de templo faciendo, factura est in hac ipsà doinoadiii\anti- hus magnatibus, qui curatn habent do negociis Riissoruin. In hoc hahitabit unus Lama (sacerdos) qui modo est Pekini, cl addcn- UiT très alii Lama (sacerdos) venturi, sicut deliberatum est, qiiando autem pervencrint dabuntur illis victualia, sicut dantur illi. qui prius vcnerat, et in hoc Templo coUocahuntur : Non iin- pcdicntur Russi recitarc et colère suum Dcuin suo modo. IVac- tcrca quatuor pucri Russi scholastici, et duo alii provoclioris xtatis scicntes linguam latinam, et russam, quos legatus Russi.c Sava Vladislavich Comes lllyricus vult relinquerc Pekini ad dis- cendas linguas, habitabunt ctiam in hàc domo ; ipsis ministra-

88 RUSSES ET AMERICAINS

buntur viclualia cxpensis regiis, absolulis aulem sludiis reducai cos ad libitum. »

Le traité de 1 727 a été la base des relations de la Russie avec la Chine jusqu'au xix® siècle. Bien des fois des malentendus graves s'élevèrent entre les deux pays ; mais quoique la guerre ait été en plusieurs occasions sur le point d'éclater, par suite surtout de déserteurs passant aux Russes, les difficultés furent toujours pacifiquement surmontées. Les différentes ambassades de Kropolov (1768), de Golovkine (i8o5-i8o6) et de Timkovski (1820- 182 2) n'eurent pas de résultats immé- diats. La guerre de la Chine avec l'Angleterre et la signature du traité de Nanking encouragèrent les Russes à demander des termes aussi favorables que les autres nations européennes.

MOURAVIEV

La proie que convoitait la Russie depuis 169 ans allait enfin lui appartenir. En 1847, Mouraviev, gouverneur de Toula, fut nommé gouverneur général de la Sibérie orientale ; il s'empressa de réclamer les services du capitaine Nevelsky, ancien commandant du transport le Baïkal, de la Com- pagnie russo-américaine, pour explorer la côte Sud-Est de la Sibérie. Arrivé, en mai 18^9, à Petropavlovsk, Nevelsky se dirigea vers la pointe Nord de Sakhalin, doubla les caps Elisabeth et Marie, découverts par Krusenstern, arriva dans la Baie Trompeuse, appelée depuis baie Baïkal, passa la pointe Golovatchev et pénétra enfin dans l'Amour. Il décou- vrait en même temps qu'il existait entre Sakhalin et le continent asiatique une roule permettant de se rendre de la mer du Japon à la mer d'Okhotsk, sans avoir besoin de passer par le détroit de La Pérousc. On voit immédiatement de quelle importance énorme était cette découverte et le nouveau détroit qui conduisait du golfe de Tartarie à la mer

TRAITÉ D*AÏGOUN, l6 MAI I <S58 89

d'Okhotsk reçut le nom de son explora leur : Nevclsky. A la suite de nouvelles expéditions de Nevelsky et de plusieurs autres voyageurs russes, Mouraviev se disposa à partir pour la Sibérie orientale. Le i8 mai i85^, à la tête d'une flottille, il entra dans les eaux du fleuve Amour, fermé à la naviga- tion russe depuis le traite de Nertchinsk. Dans une nouvelle expédition, Mouraviev fonda, le 9 mai i858, Blagovietchensk à Tembouchure de la Zéïa, puis, le 16 du même mois, il signa à Aïgoun un traité avec la Chine par lequel la rive gauche de TAmour appartenait aux Russes depuis l'embou- chure de ce fleuve jusqu'à TArgoun.

TRAITÉ d'aÏGOIN, i6 MAI l858

Ce traité signé par le lieutenant-général Nicolas Mouraviev et le prince I-Chan, commandant en chef sur TAmour, comprend trois articles dont le premier qui nous intéresse est ainsi conçu :

« La rive gauche du fleuve Amour, à partir de la rivière Argoun jusqu'à rembouchure de l'Amour, appartiendra à l'empire de Russie, et sa rive droite, en aval jusqu'à la rivière Ousouri, appartiendra à l'empire Ta-ïsing; les territoires et endroits situés entre la rivière Ousouri et la mer, comme jusqu'à présent, seront possédés en commun par l'empire Ta-Tsing et l'empire de Russie, en attendant que la frontière entre les deux Etats y soit réglée. La navigation de l'Amour, du Soungari et de l'Ousouri n'est permise qu'aux bâtiments des empires Ta-Tsing et de la Russie ; la navigation de ces rivières sera interdite aux bâtiments de tout autre Etat. Les habitants mantchous établis sur la rive gauche de l'Amour, depuis la rivière Zéia jusqu'au village de Hormoidzin au Sud, conserveront à perpétuité les lieux de leurs anciens domiciles sous l'administration du gouvernement mantchou,

90 RUSSES ET AMÉKICAINS

et les habitants russes ne pourront leur faire aucune offense ni vexation. »

TRAITÉ DE TIEN-TSIN, I-l3 JUIN l858

Peu de temps après, précédant de quelques jours les traités anglais et fran(,^is, un autre traite était signé à Ïien-Tsin par le vice-amiral Comte Euthymc Poutiatine avec Kouei-Lianget Houa Cha-na (i-i3 juin i858); il comprend douze articles dont nous citerons le second :

« L'ancien droit acquis à la Russie d'expédier des envoyés à Péking toutes les fois que le gouvernement russe le juge nécessaire est confirmé par le présent traité.

a Le gouvernement russe et le gouvernement chinois commu- niqueront entre eux, non plus, comme autrefois, par l'inter- médiaire du Sénat, et du Li-fan-yuen, mais par l'intermédiaire du ministre des affaires étrangères de Russie, et du premier membre du conseil suprême de l'Empire (Kioun-Ki-tchou) ou principal ministre, sur la base d'une parfaite égalité.

« La correspondance ordinaire entre les deux dignitaires sus- dits sera transmise par les autorités frontières. Mais quand il y aura nécessité d'envoyer une dépêche concernant une affaire de haute importance, un fonctionnaire spécial sera désigné pour la |X>rter dans la capitale, et pour en conférer personnellement avec le [)rincipal ministre. A son arrivée il transmettra la dépèche par l'entremise du président de la Chambre des Cérémonies Li-pou.

« Une parfaite égalité sera aussi observée dans la correspon- dance et les entrevues des envoyés ou ministres plénipotentiaires de Russie avec les membres du conseil de l'Empire, les ministres de la cour de Péking et les gouverneurs généraux des provinces limitrophes ou maritimes. C'est sur cette même base qu'auront lieu toutes les relations entre le? gouverneurs généraux et les autres autorités des localités limitrophes des deux Empires.

« Si le gouvernement russe jugeait nécessaire de désigner un ministre plénipotenliaire pour résider dans l'un des ports ouverts, il se conformera dans ses rapj)orts personnels et dans la corres- pondance avec les autorités supérieures locales, ou avec les mi-

LE GÉNÉRAL IGNATIEV QI

nistres à Pôking, aux règles générales actuellement établies j)Our tous les Ëtats étrangers.

« Les envoyés russes peuvent se rendre à Péking soit de Kiaklita par Ourga, soit de Ta-Kou k rembouchure du fleuve Pci-ho, soit pAT une voie quelconque, des autres villes ou ports ouverts de la Chine.

« Le gouvernement chinois s'engage à prendre immédiatement, sur avis préalable, les mesures nécessaires aussi bien [)our l'aclie- minement prompt et sûr de Fenvoyé et de^ jîcrsonnes qui l'ac- com|)agnent, qu'afm qu'ils soient reçus dans la capitale avec les honneurs qui leur sont dus, convenablement logés et pourvus de tout ce qui leur sera nécessaire.

«r Les frais concernant ces divers articles sont supportés par le gouvernement russe et nullement par le gouvernement cliinois.

L article III marque Touverture des ports de Chang-Ilaï, Ning-Po, Fou-tchéou, Amoy, Canton, Taï-Wan et K'ioung- tchéou dans Pile de Haï Nan.

LE GÉNÉRAL IGNATIEV

Mais voici le général Nicolas Ignatiev^ chargé des intérêts de la Russie dans PExtréme-Orient ; il suit pas à pas le banm Gros et lord Ëlgin et s'insinue d'ailleurs dans les bonnes grâces de Pun et de Pautre ; le second dit de lui :

« Nous sommes toujours très bons amis. Peut-être prend-il avantage de ma simplicité ; mais en tout cas, nouspaniissons toujours nous entendre remarquablement*. » Le général autorise Pcnsevelisscment des victimes anglaises du gnet apens de T'oung-tchéou dans le cimetière russe*. Le pre-

I. Nicolas Pavlovitch Ignatiev, à Saint- Pctersboiirg le 29 janvier i833.

a. Th. Walrond, p. 368.

3. Voici l'inscription placée au-dessus des tombes dans te cimetière russe de Péking des victimes anglaises du ^uet-apens de T oung-tchéou :

92 RISSFS KT AMKKIC\INS

mier pourra écrire le lendemain de la signature de la Con- vention de Pcking : « J'ai me servir confidentiellement du général Ignaliov, qui s'y est prêté de bonne grâce, et qui m'a rendu de véritables services. »

Le Baron Gros qui avait quitté Tché-fou le 25 juillet 1860, écrivait « A bord du Du Chai/la^ en rade devant Pétang, le 5 août 1860 », à M. ïhouvenel, Ministre des Alïiûres étrangères :

«... En arrivaiil au mouillage devant Pélang. nous \ avons trouvé lo général Ignatiev, avec quatre navires de guerre russes, et M. Ward. le ministre américain, avec deux hàtimenis portant son pavillon, ils avaient pris ce mouillage depuis plusieurs jours, et leur présence dans ces parages a nécessaireuienl l'aire comprendre aux ('chinois que Ta-Kou ne serait pas le point attaqué par les alliés, mais que tous leurs etTorls allaient être dirigés sur Pétang. Malgré cela, aucun préparalif de défense n'a été fait à l'entrée de la rivière et le général Ignatiev, comme M. Ward, croYcnt qu'il entre dans la politique du gouvernement chinois de prouver qu'en fortifiant le IVi-Ilo dont il interdit l'entrée aux navires étrangers et en leur indi([uant le Pe-Tang llo, comme une roule ouverte depuis longtemps il est consé- quent avec lui-même et ([u'il établit ainsi la sincérité de ses bonnes int en lions.

« Peu de jours avant notre arrivée doant Tang, le général lignât iev avait re^u une communication olficiellc de l'un des principaux mandarins de la «province, du gouverneur général, je crois, et celte communication était faite, évidemment, poui* être montrée aux Agents de la France et de l'Angleterre, mais sans qu'un désir formel fut exprimé à ce sujet, dans le docu- ment dont il s'agit.

« Sacred to the rncmory of Gaplain Brabazon. Royal Artiilery : Lieu- tenant II. B. .Vndcrson, Fanc's Horsc ; Privatc Phipps, isl Dragoon Guards ; W. de Norman, Esq., Attache to H. B. Majesty's Légation; T. VV. Bowlb>, Es(j., and cight Sikh soldiers, who wcre Ireachorously seized in violation of a llag of truce, on the i8lh of Septcmber. 1860, and sank under the inhuinan treatmcnt to whicli thcy were subjectcd by the (îhineso Government during their caplivity. »

Kennie, /V/i'w^', T, p. g^-

LE GÉNÉRAL IGXATIEV q3

c Celle communication est la reproduction presque littérale des réponses faites par le gouvernement chinois aux ministres de France el d'Angleterre, lorsqu'il a rejeté leur ultimatum. 11 y esl dit : « que la France est étrangère au conilit actuel, puis- » qu'aucun de ses bâtiments ne se trouvait à ralla(|ue du » Fei IIo en 18J9* ; on y rapj)elle que la navigation de cette « rivière est interdite aux navires étrangers par des motifs de « sécurité intérieure, tandis que le Pe Tang IIo est ouvert el le « sera toujours ; et que si les agents français et anglais veulent « prendre cette voie pour aller à Péking y procéder à l'échange a des raliiications des traités de Tien-Tsin, ils y seront reçus Œ avec tous les honneurs dus à leur rang et les traités seront ec mis a exécution sans arrière-pensée. Quant à des excuses à «r faire, il était impossible au gouvernement chinois de corn- et prendre qu'il put devoir en présenter, et, pour des indemnités « de guerre, il lui semblait que ce sei'ait h lui à en recevoir, « bien plus qu'à en donner puisqu'on était venu, sans motif, a détruire dans le Pei Ho les défenses qu'il y avait élevées ». Le général Ignatiev m'a dit qu'il avait cru devoir, jK)ur ne pas m'embarrasser, ne pas me faire ofQciellement une conmiunica- tion de cette nature, puisqu'on ne lui avait pas fait la demande formelle de m'en parler, mais qu'il s'empressait de m'en iiis- Iriiire confidentiellement. Il m'a dit encore que pas un barrage, pas le moindre obstacle ne se rencontrait à Tang, el le fait a prouvé qu'il était bien informé à ce sujet ».

« Je me suis empressé de communiquer celle bonne non>elle Ik M. l'amiral Charner el à M. le général de Montanban ; mais ils n'ont |>as jugé prudent de clianger les dispositions qu'ils a>aient prises, et, les canonnières anglaises, qui étaient en relard, étant arrivées, un corps de a 000 Français et de? 3 000 An-- glaîs a franchi la barre le i**" aoùt*-^. »

Cependant le général Ignatiev s'était rendu à Péking pour donner aux Chinois des conseils de prudence et il écrit au Baron Gros :

1 . C'est une erreur.

3. Collection particulière.

9^4 RUSSES ET AMÉRICAINS

Péking, le 16-18 octobre 1860.

Monsieur le Baron,

Voyant le (îouvcrnement Mandchou prôt à descendre dans rabîme que son inconcevable obstination lui a creusé, je me suis décidé à entrer à Péking, comme j'avais eu Fhonneur d*en prévenir V. Exe. , afin de m'assurersi Ton peut compter encore sur rexistence d'un gouvernement, dans l'état de désorganisation se trouve en ce moment le pouvoir central.

V. Exe. appréciera certainement l'intérêt que le Cabinet de Saint-Pétersbourg doit nécessairement attacher à cette importante question.

Arrivé à Péking, j'ai trouvé que tous les membres du Conseil Suprême, les Ministres et les plus hauts dignitaires avaient fui dans diiîérentes directions, après le départ de leur Empereur et que Ivoung Tsin-wang lui-même, le Régent de l'Empire, ainsi que les princi[)aux mandarins chargés par un ordre spécial de l'Empereur de diriger les négociations diplomatiques, se tiennent hors de la ville, par suite de la panique que leur a inspirée la présence des armées alliées aux portes de Péking.

En restant dans l'attitude que me prescrivaient mes instruc- tions, je devais tAcher de persuader au Gouvernement Chinois d'arriver à des négociations délinitives avec les ambassadeurs de France et d'Angleterre et de mener ces négociations avec plus de bonne foi qu'il ne l'avait fait jusqu'alors. Je tenais particulière- ment à lui faire coiHiaître le sentiment d'horreur que m'inspire la manière barbare avec laquelle ont été traitées les persornies que le sort avait fait tomber entre les mains des autorités chi- noises. L'occasion m'en fut bientôt oiferte. Ceux des princi|)aux mandarins qui sont restés jusqu'à présent dans la capitale, se sont présentés chez moi, et je leur ai exprimé, dans des termes énergiques, l'indignation que j'avais éprouvée à la nouvelle du traitement exécrable que les Autorités chinoises avaient fait subir aux personnes dont elles s'étaient emparées €^ Toung-tchéou. Je leur ai fait également sentir l'impression défavorable qu'un événement pareil doit produire sur le Gouvernement que j'ai l'honneur de représenter dans ce pays. En même temps je leur démontrai la nécessité de donner sur le champ une ample satis- faction à ce sujet aux Puissances alliées, de signer immédiatement

LE GÉNÉRAL IGNATIEV QO

le traité de paix, et de procéder à réchange des ratifications ; je lour montrai tous les dangers de la situation absurde dans laquelle ils s'étaient placés, et l'urgence de la rentrée à Péking du frère de l'Empereur, muni de pleins pouvoirs suHisants.

Dans la situation grave et imprévue dans laquelle se trouvent les affaires de CRine au moment actuel, je crois de mon devoir de m'adresser à V. Exe. en la priant de vouloir bien me com- muniquer, autant qu'elle le jugera }X)ssible, ses intentions concernant la crise présente et en particulier la ville de Péking, afin que je puisse prendre des arrangements en conséquence pour sauvegarder les intérêts des Russes qui s'y trouvent *.

J'ai l'honneur, etc.

N. Ignatiev.

Comme le général Ignatiev a devancé les alliés dans la capitale, il semble préparer les voies pour eux, et le baron Gros lui répond de la « Lamaserie de Kouang tseii, le 23 octobre 1 860 :

« J'ai reçu, il y a déjà quelques jours, la lettre que Voire Excellence m'a fait l'honneur dem'écrire pour me faire connaître les conseils qu'elle avait donnés, en entrant dans Pé-King, aux autorités chinoises qui n'a>aient pas abandonné, comme remjK?- reur, la capitale de l'empire, et qui constituaient, par conséquent encore, une apparence de gouvernement.

« J'ai eu l'honneur de vous faire savoir verbalement et à plu- sieurs reprises, que si nous nous trouvions réduits à prendre quelque détermination qui pût affecter les intérêts de la mission de Sa Majesté l'empereur de foules les Russies, dans Pé-Kin«;, je vous le ferais savoir assez à temps pour que Votre F^xcellence pût aviser ainsi qu'elle le jugerait convenable à sauvegarder les intérêts qu'elle est chargée de défendre.

« Dès que la convention sera signée, j'aurai l'honneur d'en envoyer confidentiellement une copie à Votre Excellence ^. »

1. Col. part.

2. Livre jaune du Baron Gros, p. 161 -2.

96 RUSSES ET AMÉRICAINS

TRAITÉ RUSSE, PÉKITS'G, 2-1 4 NOVEMBRE 1860

Mais le général Ignaticv n'a garde d'oublier les intérêts de son pays; à son tour il signe, avec le prince de.Koung, un traité additionnel le 2-1^ novembre 1860 dont le premier article est à citer :

a Pour corrohorcr cl élucider rarticlc i"" du traité conclu dans la ville d'Aïgoun, le iG mai i858 (VIIP année de Hien- Fouiig, 21" jour de la IV" lune) et en exécution de l'arlicle 9 du traité conclu le i''''juin de la même année (S*' jour de la V* lune) dans la ville de Tien-Tsin, il est établi :

« Désormais la frontière orientale entre les deux empires, à commencer du confluent des rivières Cliilka et Argoun, descen- dra le cours de la rivière Amour jusqu'au confluent de la rivière Ousouri avec cette dernière. Les terres situées sur la rive gauche (au nord) de la rivière Amour appartiennent à l'empire de Russie, et les terres situées sur la rive droite (au sud) jusqu'au confluent de la rivière Ousouri, appartiennent à l'empire de Chine. Plus loin, depuis le confluent de la rivière Ousouri jus- qu'au lac Ilin Kaï, la ligne frontière suit les rivières Ousouri et Son'gatcha. Les terres situées sur la rive orientale (droite) de ces rivières appartiennent à l'empire de Russie, et sur la rive occidentale (gauche) à l'empire de Chine. Plus loin, la ligne frontière entre les deux empires, depuis le |)oint de sortie de la ri\ière Son'gatcha, coupe le lac Hiu Kaï, et se dirige sur la rivière Bélén-ho (Tour) ; depuis l'embouchure de cette rivière elle suit lu crête des montagnes jusqu'à l'embouchure de la rivière Hou- pitou (IIouplou), et de là, les montagnes situées entre la rivière Khoun-tchoun et la mer juscju'à la rivière Thou-men kiang. Le long de cette ligne, également, les terres situées à Test appar- tiennent à l'empire de Russie et celles à l'ouest à l'empire de Chine. La ligne frontière s'appuie à la rivière Thou-men kiang, à vingt verstes chinoises (li) au dessus de son embouchure dans la mer... »

Ce traité en i5 articles ratifié à Pétersbourg le 20 déceni-

TRAITÉ AMÉRICAIN, 3 JUILLET l844 97

breet promulgué le 26 décembre 1860, marquait donc que les territoires entre TOusouri et la mer, au lieu d'être com- muns aux deux empires, appartiendraient à la Russie. Le droit de courtage était honnête.

Notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg, le duc de Mon- lebello, écrivait à la date du 28 février 1861, au sujet de ce traité :

« Le dernier traité signé entre la Russie et la Chine a suffi- samment mis en lumière les tendances de la Russie à s'établir plus solidement sur TOcéan Pacifique, en jetant dès à présent les bases de débouchés maritimes et de stations navales qui ne soient plus soumis aux rigoureuses conditions climatériqucs de ceux qu'elle possédait jusqu'ici ; les établissements entre la baie d'Okhotsk et î'embouchuredc l'Amour sont loin d'être abandonnés, el c'est dans la presqu'île comprise entre ce fleuve et l'Ousouri aux pieds des Monts Ketchcn que vont se fonder les nouveaux établissements qui mettront, dans un avenir sans doute encore éloigné, le pavillon Russe en mesure de rivaliser dans les mers (le la Chine el sur les côtes américaines de l'Océan Pacifique avec les pavillons de la France et de l'Angleterre et des États-Unis .

« L'emplacement du principal de ces établissements destiné à la marine militaire est déjà fixé et sera dans la baie de Napoléon au dessous de l'embouchure de la Suitiana : il prendra le nom de Vladivostok qui veut dire dominateur de l'Orient. »

TRAITÉ AMÉHIGAIN, 3 JUILLET l844

Les Américains suivirent de bonne heure l'exemple des Anglais ; leur premier Consul à Canton fut le major Samuel Shaw, originaire de Boston (Massachusselts), il était le 2 octobre 1704. Désireux de faire des aflaircs avec la Chine, il accepta la position de subrécargue que lui offrait son ami Daniel Parker et s'embarqua à New-York le 22 février 178^, à bord du navire Empress of China ^ commandé par John Green, pour se rendre en Chine. Deux ans plus tard, il

CoaDIER. I. 7

g8 RUSSES ET AMÉRICAINS

était nommé consul des Etats-Unis à Canton par le Congrès, fiit maintenu à son poste par le général Washington en 1790 et mourut vers le 12 avril 181/1. Depuis lors, le commerce américain n'avait cessé de croître, faisant ime concurrence redoutable à celui des Anglais; d'autre part, les mission- naires de Y American Board of Commissioners for Foreign Missions, dont le premier fut Elijah Coleman Bridgman, arrivé en Chine, le 19 février i83o sur le liomanj allaient prendre une part très active aux travaux évangéhques*.

TRAITÉ AMÉRICAIN, l8 JUIN l858

Lorsqu'après la signature du traité anglais de Nan-king, les Américains se décidèrent à envoyer un ministre plénipoten- tiaire, ils firent choix, à défaut d'Edward Everelt, de Caleb Cushing*, du Massachussetts, qui reçut sa commission le 8 mai i8/|3. La frégate Brandyivine, qui le portait ainsi queles autres membres de la mission, arriva à Macao le 2 4 février

1844. La mission comprenait, outre le ministre plénij)oten- liaire, un secrétaire, Fletcher Webster ; deux interprètes, les l\év. E. C. Bridgman (qui faisait en même temps fonc- tions d'auniûnier) et P. Parker; des attachés, John H. O'Donnell, Robert Me Intosh, S. Hernisz, T. R. West et John R. Pelers Jr. ; plus un chirurgien, le Dr E. k. kane. Ln Irailé, fait sur le modèle de celui de la Grande-Bretagne, fut signé à Wanghia, près de Macao, le 3 juillet i844 ; les ratilicalions en furent échangées à Canton, le 3i décembre

1845, par le commodore Biddle^.

Après les Français et les Anglais, le 18 juin i858, le mi-

I. Voir Henri Cordier, Américains et Français à Canton au xviiie siècle (Joani. Soc. Américanistes de Paris^ 1898).

a. à Salisbury (Massachusetts), 17 janvier 1800; mort à New-York, 2 janvier 1879.

3. Caleb Cusliing, of Massachusetts : Cominissioned envoy extraordi-

LE GÉNÉRAL WARD . gQ

nislre américain William B. Reed' signa avec Kouei-Liang ctHoua Cha-na, à Tien-Tsin un traité en 3o articles à rimita- tion des précédents. L'article XIV marque l'ouverture des sept ports de : Canton, Swatow, Amoy, Fou-tchéou, Taï- wan, Ning-Po et Chang-Haï.

LE GÉMÉHAL WARD

Pendant la campagne de 1860, le ministre américain, le général John E. Ward^, suivit les opérations des alliés franco- anglais dans le golfe du Tché-li ; ce fut lui, que, le l\ octo- bre, Heng-fou, vice-roi de la province**, chargea de remettre une note au baron Gros au sujet de laquelle ce dernier écrit au Ministre des Affaires étrangères :

narj and minisler plenipotcntiarj and commissioner May 8. i843. Edward Evcrell. of Massachusetts, was commissioncd commissioner March 3, 1843, but did nol accept. Mr. Cushing held two commissions, one as coDimissioner and the other as cnvoy cxtraordinary, and minister ploni- ftotentiary. bearing the samc date. Left Macao for the United States August 27. 1844. and arrived in Washington Januarj4» i845, with copy of treatjr with China. Resigned March i3, i845. Peter Parker was left in charge. Voir la liste des ministres américains dans le T'oit ti g Pao,

MI. p. 4i4-4i6.

I. William B. Reed. de Pennsylvanie, envoyé extraordinaire et mi- nistre plénipotentiaire, 18 avril 1867 ; quitta la Chine 8 décembre i858 ; remplacé par John E. Ward, nommé i5 décembre i858.

3. De Géorgie; retourna en congé le i5 décembre 18O0 et laissa le Commodore Stribbling comme chargé d'affaires jusqu'au 23 juillet 1861. W. Wallace Ward, de Géorgie, secrétaire de légation, 24 janvier i85y. démissionnaire à Hong Kong, 18 février 18G0, et George W. Heard Jr., de Massachussetts, secrétaire de légation 12 septembre 18G0, démission- naire ic*" janvier 1861, remplirent les fonctions diplomatiques pendant l'intérim. Burlingame fut enfin nommé ministre le i4 juin 18G1.

3. Hcn-Fou, président du ministère de la guerre, vice-président du bureau des censeurs généraux, gouverneur général civil et militaire du Tché-li, intendant général des voies fluviales et des approision- nements. . ^ .

lOO RUSSES ET AMÉRICAINS

A bord du Du Chayla, devant Polang, le 7 août 1860.

Monsieur le Ministre,

Le Gouvernemenl Chinois vient enfin de rompre le silence qu'il avait pardi^ jusqu'ici envers nous ; niais c'est par l'organe de M. Ward, le Ministre des Ëtats-Unis, qu'il a fait proposer à Loixl Elgin et à moi un projet d'arrangement pacifique qui se termine cependant par un uUimalum menaçant surtout pour les deux ambassadeurs. M. Ward ne m'a pas donne une copie de ce sin- gulier document, il n'a fait que me lire la traduction anglaise qu'il en avait, et voici, si je ne me trompe, ce qu'il contient de plus remarquable.

Le Gouvernement rappelle, à son }K)int de vue, cela va sans dire, les négociations de Tien-Tsin.- pendant lesquelles l'Empe- reur, dans son inépuisable bonté, a concédé plusieurs privilèges importants aux nations étrangères. Il parle ensuite de l'échec que les Anglais ont essuyé de\antTa-hou en voulant, contraire- ment à la raison, détruire les fortifications d'une route fermét», alors qu'on leur en indiquait une autre libre de tout obstacle. Enfin, arrivant aux événements du jour, il dit que l'Empereur a appris a\ec un ])rofond étonnement que des soldats et des matelots Français et Anglais avaient, par ordre des deux Ambas- sadeurs récemment arrivés en Chine, débarqué à Pétang le i'"'' août, chassé les habitants de la ville et occu|)é les forts des deux rives de la rivière ; mais que S. M. voulant encore donner aux nations étrangères une preuve de sa clémence, consentait à ne pas considérer la guerre comme déclarée et demandait que les troupes alliées retournassent sur leurs navires en même temps que les troupes im|5ériales s'éloigneraient dans l'intérieur du pays ; et qu'alors les deux Ambassadeurs |Knirraient s'entendre avec de hauts dignitaires, et se rendre à Péking |K)ur y procéder ù l'échange des ratifications des Traités de Tien-Tsin ; le gouver- neur ajoute qu'en agissant ainsi, de grands malheurs seraient évités et la paix assurée à jamais entre l'Empire et les deux nations alliées.

Le (iouverneur Général priait M. le Ministre des jfitats-lnis de vouloir bien communiquer ces pro|)ositions aux deux ambas- sadeurs, et l'engageait surtout à bien leur faire comprendre que leurs troupes,, assurément très habil(>s et 1res fortes sur mer, ne

LE GKOiKRAL W\RD lOI

le seraient pas sur terre en présence des innombrables armées impériales, et qu'un second échec subi par elles auraient de plus graves conséquences que le premier ; il devait aussi bien engager les deux ambassadeurs à réfléchir sur leur position et leur conseiller de ne pas rendre leur retour dans leur patrie absolument impossible ! Si. dans un délai de trois jours, les propositions du cabinet de Péking n'étaient pas acceptées, ou si M. Ward n'avait pas jugé h propos de les communiquer au baron Gros et h Lord Elgin, les troupes impériales campées non loin de Pétang agiraient conformément aux ordres qu'elles recevraient de l'Empereur.

Je n'ai pas bien compris si l'intention de M. Ward était de laisser cette communication sans réponse ou s'il voidait faire savoir au gouvernement chinois qu'il ne lui est pas possible de présenter aux ambassadeurs des propositions aussi inacceptables que celles dont il est question. M. Ward m'a paru très affecté de raveuglcment dans lequel se trouve encore le cabinet de Péking, et il ne comprend pas que le haut dignitaire qui lui a écrit, et qu'il considère comme l'un des hommes les plus éclai- rés de l'Empire, ait pu accepter la mission dont il s'est chargé. Il désespère donc de pouvoir jouer ce rôle de médiateur qu'il lui est si fortement recommandé de prendre par son gouvernement et il retourne demain à Shanghai en passant par ïché fou.

En quittant le Duchayla, M. Ward s'est dirigé sur Pétang, Lord Elgin s'est établi à bord du Granada, petit navire affecté au service du général Hope Grant. Le ministre américain m'a prié de communiquer à mon collègue d'Angleterre les ouver- tures qu'il venait de me faire de la part du Gouverneur du PéTché-li. mais dans le cas seulement il ne rencontrerait pas Lord Elgin à Pétang.

La dépèche du Gouvernement Chinois, datée du 4 de ce mois, a été reçue le 5 par M. Ward. Je dois la considérer comme non avenue, puisqu'elle ne m'a pas été adressée officiellement et qu'elle est encore bien plus inacceptable par le fond que par la forme !

Les deux corps expéditionnaires sont débarqués et ce sont eux qui, dans deux ou trois jours, répondront à l'inconcevable dépèche du Gouvernement du Tché-li ^

Agréez, etc. Baron Gros.

1. Col. part.

lOa RUSSES ET AMERICAINS

Tout ceci marque que le gouvernement chinois considé- rait alors la France comme étrangère au conflit.

Le 8 novembre 1869, le général Ward lança une procla- mation pour accompagner la publication du traite de Tien- Tsin ; Swatow dans le Kouang-ïoimg et Taïwan dans le Fou-Kien étaient ouverts au commerce américain à partir du i" janvier 1860.

ARTICLES ADDITIOÎSNELS, 28 JUILI^T 1868

Huit articles additionnels au Irailé de Tien-Tsin furent si- gnés à Washington le 28 juillet 1868 par le secrétaire d'état William H. Seward et Anson Burlingame, alors ambassa- deur de Chine, et ratifiés à Péking le 23 novembre 1869 '.

I. Voir plus loin.

CHAPITRE VII

LE GOUVERNEMENT CHINOIS

GOUVERNEMENT CHINOIS

L'Empereur dont la puissance est théoriquenieni absolue porte le litre de Houang-Ti ou Houang Chang o\\ simplement Chang \ Tappellation de Fils du Ciel, Tien Tsen, est une marque de respect. Outre son nom personnel, quand Tem- pereur monte sur le trône il donne im nom à son règne, nien hao, par exemple T'oimg-Tché, Kouang-Siu sont les noms de règne de Tsai-Tchoun et de Tsai-Tien. Après sa mort, l'Empereur reçoit un nom de temple, miaohao, ainsi K'ang Hi sera le Saint- Aïeul, Cheng Tsoung, etc. L'impé- ratrice est désignée par le titre de Houang-Heon et dans le style littéraire par celui de Tchoung-Koiing, Quand il y a deux impératrices, on les désigne sous le nom d'impératrice JeTOuest, Si-Koung, et d'impératrice de l'Est, Toung-Koung. C'était le cas des deux femmes survivantes de Tempereur llien-Foung; l'impératrice Ts'eu-ngan (morte le lo avril 1881) était rimpératrice de l'Est, tandis que l'impératrice de rOuest est la* fameuse douairière Ts'eu-Hi, qui, on peut le dire, dirige la politique chinoise depuis quarante ans et a déchaîné la tempête qui bouleverse en ce moment l'Empire du Milieu ; Kouo Mou^ Mère du Royaume, est une marque de respect; l'impératrice douairière est //o/z^/i^'^ T\n Heou.

Les conquérants mandchous ont très peu modifié les usages de la Chine et les rcfuages de l'adminislration. Le

I04 LE GOUVEHNEMOT CHINOIS

fait le plus apparent de leur domination est la mode qu'ils ont imposée aux Chinois de se raser le haut de la tête et de ne laisser qu'une touffe de cheveux, qui, tressée, forme une natte tombant le long du dos. Presque partout ils se sont contentés de doubler les fonclionnaires chinois de fonction- naires mandchous et il faut avouer que l'absorption de ces derniers par leurs collègues indigènes a été rapide. Ils ont créé en 1780 un Grand Conseil connu sous le nom de Kioun ki'tchoUy qui sans attribution spéciale, n'en est pas moins la cheville ouvrière de l'Empire, et est présidé par l'empereur. Le nombre de ses membres, qui d'ailleurs ont également d'autres fonctions, est indéterminé ; il ne dépas- sait pas le chiffre de cinq dans ces dernières années. Soixante secrétaires, Tchang-King ou Siao Kioun-Ki, sont attachés au Grand Conseil qui se réunit tous les matins au lever du soleil. Ce Conseil a diminué considérablement l'importance de la Chancellerie Impériale ou Nei-Ko. Cette dernière comprend quatre grands secrétaires Ta-Hio Che ou Tchonng Tang, dont deux mandchous et deux chinois. On choisit, pour en faire partie, des personnages considérables, comme des gouverneurs-généraux de province, Tseng Kouo-fan, Li Houng-lchang par exemple. Ils sont chargés de donner les Nien-HaOy les noms de temple, de la rédaction des inscriptions, etc.

Après ces deux grands corps viennent les six ministères Lion Pou ; chaque ministère comprend deux présidents, Chang'Chou, l'un mandchou et l'autre chinois, quatre vice présidents, CheLang, moitié mandchou, moitié chi- nois, etc. Ces ministères sont le Li^Pou, ministère de l'in- térieur, divisé en quatre bureaux, qui s'occupe des fonction- naires, etc. ; le Hou-Pou, ministère des finances, chargé des impôts, du cadastre, etc. ; le Li-Pou, ministère des rites ou des cérémonies, auquel il faut ajouter le Yo-Pou, bureau de la musique officielle, qui en est une dépendance ; le

GOUVERNEMENT CHINOIS 103

Ping^Poii, ministère de la guerre, qui dirige rarmée et la marine ; le Hing-Pouy ministère de la justice ou plutôt des châtiments, et enfin le Kong- Pou ^ ministère des travaux publics.

Il nous faut citer également la Cour des Censeurs, Tou- Tcha^Youen. Il y a 56 censeurs ou Yu-Chey répartis en i5 Tao ou juridictions comprenant les dix-huit provinces, outre celle de la capitale, King-Ki Tao.

Les dix-huit provinces (jClie-pa Cheng) de la Chine sont administrées par des gouverneurs généraux {Tsong^Toii) et des gouverneurs Fou-Tai {Sun-Foti). H y a huit Tsong- Tou : i" le Tche-Li Tsong-Tou\ 2^ \e Li'ang (deux)- Kiang Tsong'Ton, qui administre le Kiang-Sou, le Ngan-FIouoi et le Kiang-Si (les deux Kiang sont le Kiang-Siet le Kiang- Nan, dédoublé sous Kien-Loung en Kiang-Sou et en Ngan- Houei); le Min-Tche Tsong-Toii , qui administre le Fou- Kien et le Tche-Kiang (le Min est la principale rivière du Fou-Kien) ; 4" le Liang-Hou Tsong- Ton, qui administre le Hou-Pé et le Hou-Nan ; le Liang-Kotrang Tsong- Ton, qui administre le Kouang-Toung et le Kouang-Si ; 6" le Yun-Kouei Tsong-Tou, qui administre le Yun-!San et le Kouei-Tcheou ; le Chen-Kan Tsong- Ton, qui administre le Chen-Si et le Kan-Sou; 8" le Se-Tch*onen Tsong- Ton.

Le gouverneur général du Tche-Li est en même temps surintendant du commerce pour les trois ports du Nord : Tien-Tsin, Nieou-Tchouang et Tche-Fou, et porte de ce chef le titre de /^e- }a/i^' Tn-Tchen. Le gouverneur général des deux Kiang a la surintendance du commerce des ports méridionaux et est désigné, par suite, sous le nom de AV///- Ynng Ta-Tchen.

Sauf le Tché-Li, le Kan-Sou et le Se-Tclfouen, les provinces ont en outre un gouverneur ou fon-taï. Les foulai sont donc au nombre de quinze, ceux du Chan-Toung, du Chan- Siet du IIo-Nan ne relèvent d'aucun isong-ton et corrcs-

Î06 LK GOUVERNEMENT CHINOIS

pondent directement avec la capitale. Par exemple, le gou- verneur du Hou-Nan, hostile aux étrangers, dans la juridiction duquel ont été massacrés Tévéque Fantosati et les francis- cains italiens, dépend de Tchang Tchi-toung, gouverneur général des Deux-Hou; en revanche, le gouverneur du Chan-Toung, Youen Che-kai, qui avec Gheng Tao-Tai, nous inonda de télégrammes plus ou moins authentiques, est quasi-indépendant.

Naturellement, les gouverneurs -généraux sont des per- sonnages extrêmement importants.

Au-dessous de ces hauts fonctionnaires sont placés les SeTnOy quatre grands dignitaires pmvinciaux : i** le rece- veur général des finances (Po/z-rrA//!^' Che-Scy Fan-Tcii); 2** le juge provincial (^Ngcni^Tcha C/te-Se, Nié-Taï); 3** le contrôleur delà gabelle ( ie/i- K/z/i Che-Se, Tou-Tchouan) et 4** le contrôleur des grains, ou de l'impôt sur les grains (J^iang Tao),

Les provinces Cheng sont divisées en Fou (préfectures), rV/ig" (sous-préfectures indépendantes), Tche-Li Tc/iéou(aT- rondissements indépendants), Tcheou (arrondissement dé- pendant d'un Foii) et Hien ; elles ont à leur tête des Te lie- Fou y des Tang-Tchéy des Tchc-Tcheou (district); des Tchè- Hien. Un TaoTaï (J^én-Stun Tao)^ intendant de circuit, dirige deux ou plusieurs Fou ; il y en a 92. Les fonction- naires jusqu'au Tao-Taî inclusivement ont le titre de Ta- Jeriy au-dessous, 7c At»- Fow jusqu'à Tchè-Hierij ils ne sont que Ta Lao-Yé; puis simplement Lao-Yé,

On appelle les fonctionnaires chinois kouan ; le nom de mandarin est d'origine portugaise, mandar^ commander ; il y a neuf rangs de fonctionnaires qui se distinguent par le globule porté sur le chapeau officiel, la broderie pectorale et la boucle de la ceinture ; les globules sont en pierre rouge transparente ou rubis, corail, saphir, lapis-lazuli, cristal, pierre de lune, or uni, or ciselé et argent ; le pectoral des

TSOU>"r,-Ll YAME> lO'

mandarins civils représente un oiseau (grue, faisan doré, paon, oie sauvage, faisan argenté, héron, canard mandarin, caille, geai à longue queue); celui des militaires, un qua- drupède (licorne, lion, léopard, tigre, ours, chat-tigre, ours lâcheté, phoque, rhinocéros); les boucles sont en jade avec rubis, or avec rubis, or ciselé, or ciselé avec un boulon d'ar- gent, or uni avec un bouton d'argent, nacre, argent, corne translucide, corne de buffle. Nommés au concours, l'avan- cement des mandarins est néanmoins en grande partie alitant, sinon plus, aux pots-devin qu'au vrai mérite. On appelle Yamen, l'hôtel d'un mandarin ayant un sceau officiel, el Kon^Soy la résidence d'un fonctionnaire d'un rang infé- rieur n'ayant pas de sceau *.

TSOUNG-LI YAMEN.

Le Tsottng'li Yamen, ou mieux le Tsaung-U Ko-Kouo Che WoH Yameriy bureau des affaires étrangères, est une création relativement récente que la guerre de 1860 avec la France et l'Angleterre a rendue nécessaire. Jadis, les relations avec les étrangers étaient réglées par les vice-rois des pro- vinces par lesquelles ils entraient dans l'Empire, et comme pendant longtemps, les étrangers, sauf les Russes, ne débar- quaient qu'à Canton, c'était le vice-roi des deux Kouang, résidant dans cette ville, qui débattait avec eux toutes les questions. Ce haut fonctionnaire avait également dans ses attributions les affaires d'Annam, pays limitrophe de son gouvernement. Au contraire, les affaires des Russes qui pé- nétraient par le Nord, étaient réglées par le Li-Fan-Youen^ chargé du contrôle des tribus mongoles et des affaires du

I. Henri Cordier, dans la Semaine politique el littéraire, 4 août 1900.

."'.*

Io8 LE GOUVERNEMENT CHINOIS

Tibet. Ce bureau ne comprenait qu'un président et deux vice-présidents. Lorsque tout récemment deux censeurs con- seillaient de rattacher à nouveau les afiaires étrangères à ce bureau, c'était placer les nations occidentales dans la situa- tion d'états tributaires. Après la signature des conventions de Péking (octobre 1860), un Conseil spécial, présidé par le prince de Houei, adressa au Trône un rapport à la suite duquel le Tsoung-li Yamen fut créé par décret du 19 janvier i86i. Les fonctionnaires de ce nouveau ministère étaient pris dans les différentes branches de l'administration et leur nombre a varié suivant les époques.

M. de Bourboulon accusa réception au prince de Koung du décret im|)érial portant création d'un ministère des affaires étrangères à Péking :

Tien-Tsin, le la février 1861.

Le soussigné, etc., etc., a reçu la dépêche que le Prince de Koung lui a fait riionncur de lui adresser le 6 courant et par laquelle S. A. I. lui a communiqué un décret impérial rendu le a3 du mois dernier et portant la création d'un Ministère des Affaires étrangères.

Le soussigné a appris avec une grande satisfaction l'adoption de cette mesure si bien faite pour consolider et assurer désormais les bonnes relations entre la Chine et les empires étrangers, et il félicite sincèrement le noble Prince d'en avoir été le conseiller et le promoteur. Si quelque chose pouvait encore augmenter le plaisir et la satisfaction que lui a causés ce décret, c'est de voir que S. A. I. le Prince de Koung lui-même dont la haute sagesse a tant contribué au rétablissement de la paix et qui a dirigé de- puis quatre mois les affaires avec un esprit si éclairé et si conci- liant, devait continuer à en exercer la haute direction, comme placé à la tète du nouveau ministère, et secondé par des hommes d'une sagesse et d'une habileté déjà maintes fois 'éprouvées comme Kouei-Liang et Wen-Siang. Le soussigné ne doute pas que cette heureuse décision qui met dorénavant les ministres étrangers à môme de communiquer directement et personnelle-

TSOUNG-LI YAMEX IO9

ment avec les personnages les plus haut placés dans Testime et la confiance de l'Empereur de la Chine ne soit le plus sûr moyen de maintenir et de consolider à jamais des relations de sincère ami- tié et il s*ea félicite également pour la France et pour la Chine.

Le soussigné espère d'ailleurs, pouvoir avant longtemps se rendre lui-même à Péking, et manifester en personne au Prince les sentiments dont il est animé à cet égard, et le haut prix qu'il attache en particulier aux rapports qu'il est appelé à avoir l'hon- neur d'entretenir avec S. A. I.

En attendant il lui présente ses hommages et ses compliments empressés à l'occasion du renouvellement de l'année qui s'ouvre sous d'aussi heureux auspices et prie S. A. I. d'agréer l'expres- sion des vœux qu'il forme pour son bonheur.

Signé : A. Bourboulon.

On remarquera la date du décret du 23 au lieu du 19 jîxn- >ier 1861 donnée généralement comme celle qui est officielle.

A l'origine, le Tsoung-li Yamen fut composé du prince Koung, frère de renipercur IHen-Foung, président, de Koiiei- Liang, Fun des grands secrétaires cl de Wen-Siang, l'un des vice-présidents du ministère de la guerre. L'année suivante, quatre nouveaux membres furent désignés : Pao Tchun, mand- chou, président du Hou-Pou, Tsoung Loun, chinois, lettré distingué, vice-président du Hou-Pou^ surintendant de la Mon- naie, l'un des plénipotentiaires du traité belge (18C6), T'an Ting-tsiang, conseiller au Hou-Pon, l'un des plénipoten- tiaires du traité italien (1866), Tchoung Louen, président du Li'Fan Youen\ Kouei Liang étant mort, il y avait donc six membres faisant également partie du Kioun ki-lchou ; en 1869, ''* atteignaient le chiffre de dix. La mort de Wen- Siang (mai 1876) d'une part, et l'admission de deux mem- bres du Grand Conseil (décembre 1877) a porté le nombre des membres de ce ministère Ji onze. Il est depuis redescendu à neuf. Les membres du Yamen sont désignés ]Van*( To Tcheriy le prince et les ministres. Le prince Koung fut le premier président du Tsoung-li Yamen ; il a été remplacé

ÎIO LE GOUVERNEMENT CHI.VOIS

en avril i884 par le prince K'ing. Ce dernier (Yi Kouang, KUng Kioun-Wang) le prince Ch'ing des Anglais, qui a élé éj'i^alement directeur général du bureau de TAmirauté (1891) est un homme énergique qui était en mauvais termes avec rimpératrice douairière. Il commandait les 5oooo hommes de troupes de la plaine de Péking. Outre les membres titulai- res qui étaient au nombre de dix dans les derniers temps (prince K'ing, contrôleur général du bureau des Finances et de la Guerre ; Jong-Lou, contrôleur général du bureau des Finances et de la Guerre ; Wang Wen-chao, président du bureau des Finances; Liao Cheou-heng, président du bureau des Rites; Tchéong Li, président du bureau de la Justice; TchaoChou- K'iao, président du bureau de la Justice ; Siu Yong-i, prési- dent du bureau de la Guerre ; Siu King-tch'eng, premier vice- président du bureau des Affaires civiles ; Lien-Youen, direc- teur de la Gourdes Banquets ; Youen-Tch'ang, fonctionnaire)', le Ïsoung-Li Yamen comprend quatre secrétaires principaux, Tchang King, deux secrétaires adjoints et une trentaine de clercs, chargés, suivant leurs connaissances, des affaires des divers pays étrangers. C'est en se rendant au ïsoung-li ^amen, on se le rappellera, que le baron von Ketteler fut assassiné. Dans une entrevue récente avec le comte Cassini, ancien ministre de Russie à Péking, le correspondant parisien de la Rossia dit qu'à l'époque du séjour de ce diplomate dans la capitale de la Chine, le prestige de la Russie était si grand qu'il n'avait pas à se rendre au Tsoung-li \amen, dont les membres venaient au contraire le trouver à sa léga- tion.

Le corps diplomatique chinois* à l'étranger est d'origine assez récente. Le premier ministre chinois résidant en Europe

1. Au mois de mars 1899. Jong-lou ne faisait pas encore partie du Tsoung-li Yamen ; il fallait ajouter Kouei Tch'ounet Yii Kèng.

TSOUNG-Ll YAMEN I I I

fui Kouo Soung-tao, accrédité à Paris et à Londres après la conventiQn de Tche-Fou (1876) ; Lieou fut nommé à Berlin ; Tchen Lan-pin eut à représenter la Chine dans les pays d'émigration : Espagne, États-Unis, Pérou. Les autres léga- tions furent créées plus tard *.

I. Heori Cordicr, dans la Semaine politique et littéraire, 4 août 1900.

CHAPITRE VIII

DERNIERS RÉSULTATS DE LA GUERRE DE 1860

INSTALLATION DES LÉGATIONS.

Le vendredi, 22 mars 1861, M. de Bourboulon, ministre de France, M. Bruce, ministre d'Angleterre, M. VVade, in- terprète et le D*" Rennie', médecin de la légation britannique, quittaient à cheval Tien-Tsin pour Péking. Le baron de Mé- ritens, interprète de la légation de France, le lieutenant- colonel Neale, secrétaire, MM. Saint-Clair et Wyndham, attachés à la légation d'Angleterre, partis en avant avec une escorte, attendaient les ministres à T'oung-tchéou. M. de Bourboulon arriva à Péking le 25 mars et installa sa léga- tion dans le ïsing Koung fou. Trois jours plus tard, M. de Bourboulon faisait sa visite officielle au prince de Koung dans une chaise à huit porteurs, tandis que Tinterprèle M. le baron de Méritens et le comte Kleczkbwski * n'a- vaient que quatre porteurs. La légation, escortée par de rartillerie et de la gendarmerie montée fournie par le général O'Malley commandant à Tien-Tsin, fut reçue au Tsoung- li Yamen par Wen-Siang'*, Hang-ki^ et Tchoung-Louen, puis

I. Rennio, Péking and the Pekingese^ I, p. i et 2.

a. Le comte Kloczkowski, premier secrétaire de la Légation, avait été envoyé par M. de Bourboulon à Péking dès le 5 février, pour préparer l'habitation du ministre. M. Kleçzkowski était arrivé dans la capitale le 6 au soir; il fut reçu le i5 en audience par le prince Koung.

3. Wcn-Siang. mandchou, alors âgé de 44 ans, était premier vice- président du Ministère des Finances ; il fut plus lard grand secrétaire ; il est mort en 1875.

4- Ancien Hoppo de Canton.

INSTALLATION DES LÉGATIONS II 3

parle vieux Kouei-Llang, âgé de 72 ans, beau-père de Koung, et enfin par ce dernier.

Le comte Kleczkowski avait écrit de Péking, 10 février 1 861, à M. de Bourboulon :

a Notre demeure oflicieHe n*a pas, il est vrai, le caractère d*unc résidence princière que possède, incontestablement. Thôtel de la Légation anglaise; mais elle se fait remarquer par trois avantages qui ne sont pas de peu de valeur. Le premier entre tous c*est une façade d*une grande longueur donnant sur la rue et par conséquent offrant toutes les ressources d'embellissement nièihe grandiose à peu de frais. Le deuxième avantage me parait être un très beau jardin susceptible d*une foule d'améliorations, et séparant tout à fait les demeures du Ministre et du premier Secrétaire, avec facilité pour tout le personnel de la Légation d'en jouir tour à tour ou ensemble. Celui d'une distribution des bâti- ments aussi naturelle, indiquée par les lieux mêmes, que s*adaptant admirablement aux nécessités du service, n'est certes pas le moindre à tous égards. »

La légation d'Angleterre fut établie dans le Liang Koung fou*, palais situé sur le Yu liang bo, canal qui sert au trans- port du grain impérial et qui communique avec le cours d'eau qui rejoint le Pei-Ho à Toung-Tchéou. Ce palais fut donné par l'empereur Kang-Hi à l'un de ses trente -trois fils dont les descendants sont connus sous le titre de ducs de Liang ; le duc actuel avait loué à perpétuité sa résidence au gouverne- ment britannique, moyennant un loyer annuel de i 5oo laëls, aucun loyer ne devait être payé pour les deux pre- mières années, à cause des réparations et des cbangeinents à faire*. M. Bruce arriva le 26 mars 1861, à la légation accompagné du colonel Neale, de son {)ersonnel et d'une

I. En i86a, une dépense de £ 5 760 fut approuvée par le gouverne- ment anglais pour l'achat et les réparations de la légation d'Angleterre à Péking; au 3i mars 18O7, ses bâtiments avaient coût»' £ 17 890 lo 7^.

2 Rennie, Péking ^ I, p. ao.

GoRDIER. 1. 8

Il4 DERNIERS RÉSULTATS DE LA GUERRE DE 1860

escorte de cavaliers Sikh ; le 2 avril, le ministre anglais fai- sait ii cheval une visite de cgnipliments au prince de Koung auquel il avait été présenté quelques mois auparavant par son frère Lord Elgin ; sa première visite d'affaires eut lieu onze jours plus tard.

OUVERTURE DU KIANG.

w

Le 21 novembre 1860, M. Bruce*, h Tien-Tsin, donnait avis au prince de Koung, qu'en conséquence de l'article 10 du traité de i858, il serait désirable que les ports de Han- Réou et de Kieou-Kiang, sur le Fleuve Bleu, fussent ouverts au commerce britannique. Quoique la guerre des T'ai P'ing ne fût pas finie, le prince s'empressa d'accéder aux vœux du ministre anglais.

Par suite, le vice-amiral. Sir James Hope, fut invité à re- monter le Kiang pour ouvrir les ports au commerce. L'ami- ral, accompagné de M. Harry Parkes, quitta VVou-soung le 9 février 1861, installa des consuls à Tchen-Kiangeti^ Kieou- kiang et laissa comme consul provisoire à Ilan-Kéou, le commandant Harvev du Snake^. De Ilan-Kéou, l'amiral se rendit à l'entrée du lac Toung-ting, à Yo-tchéou, il laissa (pielques explorateurs qui se proposaient d'aller aux Indes par le Tibet; c'étaient le major Sarel, du 17* lanciers, le capitaine Blakiston, de l'artillerie royale, le D*" Barton et rinlerprète, M. Schereschewsky^, depuis évéque protestant a

1 . Fnrther Correspondence respecting À flairs in China (Expédit- ion up the Yang-tze-Kiang) [2777]- Correspondence respecting the Opening of the Yang-tze-Kiang Hi^'er to Foreign Trade [28^0] . London, 1861.

2. Le premier consul en litre fui William Raymond Gingell, mort août i863.

3. Joseph J. Schereschewsky. juif converti, envoyé en Chine comme missionnaire par le Bureau des Missions Étrangères de l'Église ëpiscopalc protestante, aui Etats-Unis; il arriva à Chang-Haï le 2'à décembre 1859.

y

CONVE?iTION BALLIOUZEK, 30 FéVRIER-4 MARS l86a I l5

Péking. Ils n'allèrent pas jusqu'au Tibet, mais ils firent une reconnaissance, restée célèbre, du Yang-tseu jusqu'à I-tchang. Trois délégués de la Chambre de Commerce de Chang-Haï, Rowland Hamilton, A. Michie, el T. Fredk. Ballance ac- compagnaient Tamiral et le 3o mars 1861, rédigèrent un rapport sur leur voyage jusqu'à Ilan-Kéou.

LEGATION DE RUSSIE

Le 18 mai 186 1, M. Eugène Butzov, secrétaire diploma- tique du gouverneur d'Irkoutsk, arrivait à Péking, précé- dant de peu l'arrivée du ministre de Russie, le colonel de Bal- liouzek. « Hongrois de naissance, celui-ci avait été quelque temps au service russe. C'était un officier d'artillerie, et il servit au siège de Sébastopol. Il avait accompagné le général Ignatiev dans sa mission à Péking l'année précédente, comme attaché militaire, et depuis son retour à Saint-Pétersbourg, il avait été nommé ministre résidant à la Cour de Péking *. » M. de Balliouzek arriva de Kiachta dans la capitale de la Chine le 8 juillet 1861 au matin, et le pavillon russe fut hissé immédiatement sur la légation ; trois pavillons étrangers flottaient désormais à Péking : français, anglais et russe.

CO^ÏVENTION BALLIOUZEl, 20 PÉVRIER-4 MARS 1862.

Le nouveau ministre russe ne perdit d'ailleurs pas son temps : le 20 février-/| mars 1862, il signait une convention relative au commerce par terre, qui fut complétée le i5- 27 avril 1869 à Péking, par son successeur, le général A. Vlangaly.

I. Rennie, Péking, I, p. 187.

Il6 DERNIERS RÉSULTATS DE LA GUERRE DE 1860

CONCESSION FRANÇAISE DE TIEN-TSïN

Le Règlement relatif à Vaffermage à perpétuité des ter»

rains situés dans les limites de la Concession Française à

»

Tien-Tsin débute ainsi :

Le Comte Kleczrowski, premier Secrétaire de la Légation de Sa Majesté l*Emj>ereur des Français à Pékingei Tchoung, Digni- taire de première classe comme Vice-Président honoraire de Tun des ministères de la Capitale, vice-ministre à la Cour Suprême pour les aiïaires judiciaires, surintendant du commerce dans les trois ports de Tien-Tsin, Nieou-tchouang et Teng-lchcou et Directeur général des Douanes maritimes dans les circonscrip- tions douanières des trois ports sus-nommés, etc., etc., etc., s*étant réunis en commission pour délibérer sur les meilleures mesures à prendre à fin de régler à l'avance, suivant la teneur de Tarlicle \ du Traité français de Tien-Tsin, le mode d'après lequel aura lieu l'airermage à perjKituité des terrains par les Français ou protégés de la F'rance dans les limites de la conces- sion française à T'ien-Tsin, telles qu'elles ont été fixées par la proclamation du soussigné surintendant en date du 29 du mois précédent ont arrêté de commun accord le règlement en la articles qui sui\ent et que tous. Autorités et sujets des deux nations au nom dest|uelles >ient d'être conclu, sont tenus d'observer scru- puleusement.

Tien Tsin, 2 juin 1861 (24* jour de la 4* lune de la II*' année de Hien Foung).

KLECZkOWSkl,

Tch'oung Heou,

Les limites de la concession française de Tien-Tsin avaient été établies par Tcifoung Heou de concert avec notre pre- mier consul (provisoire) le lieutenant de vaisseau Trêve, le brillant officier qui entra dans Paris tenu par la Commune en 1871.

ÉVACUATION DE CANTON, 21 OCTOBRE 1861 II

ÉVACUATION DE CANTON, 21 OCTOBHK 1861.

Les troupes alliées évacuèrent compiclement Canton le 21 octobre 1861*; les Français commandés par le capitaine de vaisseau Coupvent des Bois, les marins anglais par le capitaine Borlase, et rinfanterie anglaise par le capitaine Dowbiggin s'embarquèrent avec les commissaires des deux nations, M. de ïanouarn et Harry S. Parkes ; les pavillons français et anglais étaient hissés sur les Yamens de la Tréso- rerie et des Commissaires alliés, résidences des consuls, ba- ron de Trenqualye' et D. B. Robertson.

Comme suite à c^tte évacuation, Lord Cowley, ambassa- deur d'Angleterre à Paris, adressa la lettre suivante à notre Ministre des Affaires étrangères :

Paris, January 7, 1862. M. LrE Ministre,

In accordance with instructions froin Earl HussclL 1 hâve tlie honour lo enclose herewith, for the information of ihc Impé- rial Governinenl, an cxtract of a despalch addressed by Bri^ra - dier General Crawford lo the Major General commanding lier Majesly's Troops in China, reporting the cordial relations whicli had existed between the Brilish and French Troops during the |)eriod of the allied occùi)ation of Canton,

1 avail myself of this opportuiiity lo rtMiew lo Your Evrel- lency the assurance of my highcsl considération.

Sig.: CowLEY. His Excellency

Monsieur Thouvenel etc., etc,

1. Correspondence respecling the Evacttalion of Canton (acjnj^ 1862. Life of Sir Harry Parles, I, p. '4 55.

2. Trenqualye, Gilhert-Gahriel (baron de), à Clcrrnonl (l^uv ilo- Domc), ai décembre 1819; chancelier en Chine, avec le litre de consul honoraire do a* clauc, en remplacement de M. llaussmarni, appelé à le

Il8 DERNIERS RÉSULTATS DE LA GUERRE DE 1860

CONSULAT FRANÇAIS A CANTON

La France obtint du prince de Koung, ou mieux de Wen- Siang, que le yamen de la Trésorerie, situé dans la vieille ville de Canton, lui serait loué pour y établir son consulat ; un contrat fut signé en conséquence à Canton, le i8 mai 1861 ; mais les terrains étant trop considérables, un nouveau contrat fut signé à Canton par le vice- roi des deux Kouang, Lao Tchoung-kouang et le Comte Kleczkowski, le 6 mars 1862 (6^ jour, 2* lune, i*^*^ année T'oung-tché), en cinq articles par lequel une portion seulement du yamen était affermée à perpétuité, moyennant une rente de 100 piastres versée chaque année le 1 5" jour de la 12* lune.

Le pauvre Lao fut destitué en octobre 1862, sous le pré- texte qu'il avait envoyé dans l'intérieur du Kouang-Toung un magistrat collecteur d'impôt concussionnaire.

DEPART DES FRANÇAIS.

En mai 1861, à Pcxception d'un bataillon d'infanterie et d'une batterie d'artillerie, la Loire avait embarqué, à Ta-Kou, les troupes françaises à destination de Cochincliine. Le gé- néral O'Malley s'embarqua à Tien-Tsin le 16 novembre 1861 ; c'était la fin de l'occupation franç^iise ; il ne restait plus que quelques marins et soldats d'infanterie de marine dans le fort nord de Ta-Kou, sous le commandement du capitaine Bourgoine*.

remplacer k Hanovre (5 janvier i855); consul provisoire à Canton (fé- vrier i858) ; gérant du consulat général de Canton (2 février 1869); en disponibilité (27 novembre 1869). I. Rennie, II, p. 172.

CHAPITRE IX

MORT DE HIEN-F0UN6. AVÈNEMENT DE T'OUNG-TGHË

LE COMTE KLEGZKOWSKI

MORT DE HIEN-FOIXG, 22 AOIT 1861.

Au moment de la signature des conventions de Péking, la Chine se trouvait dans le plus triste état, menacée aussi bien à rintérieur qu'à Textérieur ; ses ennemis du dedans ne cau- saient pas moins de craintes à la dynastie mandchoue que rcnvahisseur du dehors : les T*aî-P*in^ ou Tc/iang-Mao (longs cheveux) occupaient Nan-King et dévastaient les pro- vinces du Kiang; les mahométans du Yun-Nan étaient en révolte et ceux du Kan-Sou et des T'ien-Chan donnaient des inquiétudes qui ne tardèrent pas a être justifiées; des bandits, les I\/ien-Fei, désolaient le Chan Toung; pas de flotte, une armée désorganisée, un empereur incapable, en fuite, complétaient le triste tableau d'un pays en décadence que rien ne semblait pouvoir relever. C'est dire beaucoup à la louange de ceux qui assumèrent la tc-lche coruploxe et ardue de l'administration à celte époque qu'ils réussirent au- delà de toute espérance et. dans un laps do temps relative- ment court.

Le prince de Koung, frère de Tempereur, resté à Peking, paraît au plus pressé ; il avait déjà écarté le danger de Tétran- ger par les conventions d'octobre 1860; il avait créé le Tsoung-li Yamen et il se préparait, avec l'aide de ces mêmes Bari)ares d'Occident, naguère ennemis aujourd'hui alliés, à écraser les T'aï-P'ing et à réorganiser flotte, armée, douanes.

laO MORT DE HIEN-FOUNC AVÈNEMENT DE T*OUNG-TCHÉ

Mais un retour de l'esprit de réaction qui avait dicté tous les actes de Hien-Foung était à craindre ; il fallait le com- battre pour éviter à la Chine de nouveaux désastres que ne pouvaient prévoir ni Tempereur, ni ses conseillers ancrés dans leurs idées de routine séculaire.

En réalité, le gouvernement chinois était double : dans la capitale le prince de Koung, Wen-Siang et Hang-Ki repré- sentaient la Chine devant les étrangers. Au loin, dans sa re- traite de Djehol ', Hien Foung, entouré de ses femmes et de fonctionnaires hostiles à toute idée de progrès, ignorants des conditions de la vie extérieure, partant ennemis du parti op- portuniste resté à Péking, terminait un règne néfaste à son pays et une triste vie qui n'avait à aucun moment pu don- ner rillusion qu'elle était celle d'un descendant de K'ang Hi et de K'ien Loung.

Enfin Hien Foung mourut le 22 août 1861, à trois heures du matin. La nouvelle du décès fut annoncée officiellement aux légations étrangères le 20 août par le prince de Koung.

La note suivante fut insérée dans la Gazelle de Pékinf^ du 24 août 1861 :

Un message expédié en toute hàtc de Dje-hol vient d'arriver ce matin U contient le testament de l'Empereur défunt qui s'est envolé sur un Dragon, pour devenir l'hôte d'en haut, le 17* jour de la présente lune à l'heure ynn (le 22 août 1861, entre 3 et 5 heures du matin).

KI-TSIA?iG.

Aussitôt la camarilla qui entourait Tempereur s'empara du pouvoir; le fils de Hien-Foung, Ïsai-Tchoun, montait sur

I. Djehol, ou Tching-le fou, ville mongole de la province chinoise de Tchc-li, près du Lan ho; son palais a été construit en 1708 sur le modèle de celui du Youcn Ming Youen.

KI-TSIANG. IQI

le tronc avec le nien-hao de Ki-tsiang (bonne chance) ; et un conseil de régence composé de huit personnages qui assis- taient le souverain à ses derniers moments était constitué, ou plutôt se constituait lui-même.

La Gazette de Pcking du 2 3 août 1861 renfermait les décrets impériaux suivants, datés de Djehol le 22 août, qui préparaient les événements :

« Que notre fils aine, Tsai Tchoun, soit l'héritier présomptif du trône. »

« Un décret extraordinaire. »

Et

« Notre fils aîné, Tsai Tchoim, ayant été institué l'Héritier présomptif du Trône, que Tsai Youen, Touan Houa, King Cheou, Sou Chouen, Mou Yin, Kouang Youen. Tou Han et Tftiao Yeou-ying, l'aident de toute leur force comme conseillers dans toutes tes aflaires appartenant à l'administration du Gou- vernement.

« Un décret extraordinaire. »

Voici les notes de M. Wade et celles que j'ai recueillies ailleurs sur chacun de ces personnages :

« Tsai- Youen, Prince de I, comme le montre le préfixe Tsai, est de la maison impériale, dans la même génération que le Prince Héritier; premier Commissaire à T'oung-tchéou, chef du Clan Impérial.

a Touan Houa, Prince de Tchén, Commandant-en-chef de Pcking, Général des Neuf- Portes, frère aîné de Sou Chouen.

« King Chcou, mari de la sixième tante du Prince Héritier.

« Sou-Chouen, un des deux jeunes membres du Grand Secrétariat; ministre des Finances.

« Mou Yin, collègue du Prince de I, comme deuxième com- missaire à T'oung Tchéou en 1860, maintenant en deuil.

« Kouang Youen, chinois du Chan-Toung; a fait partie du Grand Conseil, un Vice- Président du Ministère de l'Intérieur.

> ,

laa MORT DE lllEN-FÔUiNG AVÈNEMENT DE T*pU^G-TCHÉ

« Tou Han, chinois du Chan-T'oung, Vice-Président du Mi- nistère des Affaires civiles, fils de Ta Chan-tien, précepteur de l'ancien Empereur; Han-lin-Youen.

« Tsian Yeou-ying. chinois de Tien-Tsin, Vice-Président d*unc des Cours inférieures, précepteur du Prince Héritier*. »

Le Prince de Koung fit part de la mort de Pempereur aux Ministres étrangers dans les termes suivants :

J'ai riionneur de vous faire connaître, noble Ministre, que le 17* jour de la présente lune feu notre Empereur a quitté ce monde pour devenir Thôle d'en haut. Moi, Prince Koung, si proche parent de Sa Majesté, je ne puis pas en maîtriser ma douleur. Comme d'ailleurs, ce qu'il y aura à statuer concernant le deuil et les funérailles est de toute importance et exigera de nombreuses occupations, il se peut (|uc les AITaires de votre noble Empire, au sujet desquelles nous avons à délibérer de concert, subissent un retard de quelques jours. Mais je reste exclusivement chargé de la direction des Affaires Étrangères, et toute affaire que vous aurez à traiter, noble Ministre, le sera toujours, comme par le passé, sans qu'il y ait le moindre délai ou la plus petite négligence. J'ai cru de mon devoir, noble Ministre, de vous adresser la présente dépêche et je vous prie de vouloir bien la prendre en très sérieuse considération.

Le ao" jour de la 7" lune (le a5 août 1861).

Mais les conjurés avaient commis une lourde faute en lais- sant à Técart les frères de Tempercur; ils comptaient sans leur hôte, et cet hotc fort avise, était le prince de Koung qui, quelque temps après la mort de Hien-Foung, avait rendu visite à Djeliol à rimpératricc-Douairièrc et s'était en- tendu avec elle au sujet du gouvernement futur de la Chine.

COUP d'état.

Le i^*" novembre 1861, lorsque le nouvel empereur arri-

I. Henqio. Pckin^^ II, p. i5-i6; et Col. Part. Le D»* Rennie était à

COUP d'état laS

vait à Péking, malgré la défense du nouveau conseil de ré- gence, Koung se rendit au devant de Ki ïsiang, et raccom- pagna dans la capitale avec Tinipératrice-douairièrc. Immé- diatement, le conseil de régence était convoqué, et le prince de Koung lui adressait une longue mercuriale rédigée à Djehol, d'accord avec l'impératrice, qui se terminait par cet ordre (Se" jour de la 9" lune = 2 novembre) :

« ...Nous ordonnons, alors, queTsai-Youen, Touanlloua, et Sou Cliouen* soient éloignés de leurs postes et que King-Cheou. Mou-Yin. Kouang Youen, Tou-IIan cl Tsian Yeou-ying se reti- rent du Grand Conseil ; et nous donnons la mission au Prince de Koung, de concert avec les membres du Grand Secrétariat , les Six Ministères, les Neuf Hautes Cours, le Han-lin Youen, le Chan Che Fou^ et les Censeurs, de considérer d'une façon impar- tiale et de nous faire le rapport du degré de châtiment auquel ils sont chacun séparément exposés devant la loi pour leurs crimes.

« Au sujet des formes sous lesquelles Sa Majesté TlmpcTa- trice-Douairière doit administrer le Gouvernement. Nous ordon- nons que les mêmes hauts olliciers confèrent ensemble et nous fassent un rapport.

a Un décret extraordinaire^. «

Tsaï- Youen et Touan-Houa furent assez imprudents pour aller présenter leurs doléances au palais ; ordre était immé- diatement donné de les arrêter.

« Les trois indi\ idus, Tsai- Youen , ïouan-1 loua et Sou-Chouen , avant négligé leurs fonctions comme nos serviteurs, avant que nous quittâmes la Cour à Djehol, Nous donnâmes des ordres à Yi-IIouan, prince de ïch'ouen, de rédiger pour Nous un décret ordonnant que Tsai-Youen et les deux autres soient éloignés de

Péking lor» de ces événements et les renseignements qu'il donne ont par suite d'autant pfus de valeur.

1. Sou-Chouen escortait le corps de Hien-Foung ; il était donc absent.

2. Inspection impériale de renseignement. Sinécures pour récompenser le mérite littéraire.

3. Rcnnic, II, p. i3i-a.

134 MORT DE HIEN-FOUNG AVÈNEMENT DE t'oUNG-TCHÉ

leurs postes et nous avons aujourd'hui convoqué en noire pré- sence Yi-Sin, prince de Koung, avec Tordre d'amener avec lui les Grands Secrétaires Kouei-Liang et Tchan Tsou-pei et Wen-Siang, membre du Conseil et Vice-Président du Ministère des Finances. Tsai-Youen et ses collègues, cependant, prirent sur eux de s'opposer à leur admission, déclarant avec une violence outrageuse, qu'il ne convenait pas que nous appelions devant nous des ministres du dehors (ministres qui ne seraient pas du Conseil de Régence). s'arrêtera une telle audace? Par notre décret précédent, ils étaient éloignés de leurs postes, mais cette sentence n'est pas proportionnée à leur oflense.

« Nous ordonnons que Yi-Sin, prince de Koung. Kouei-Liang. ïchan Tsou-pei et Wen-Siang fassent immédiatement connaître notre volonté q«ie Tsai-Vouen, Touan-Houa et Sou-Chouen soient privés de leur rang héréditaire et jugés. Leur cas sera soumis à la Cour du Clan*, avec les membres du Grand Secrétariat, les Neuf Hautes Cours, le Han-lln Youen, le Chan Che Fou et les Censeurs qui prononceront une punition sérieuse pour leurs oflenses. Respectez ceci *. »

En même temps des mémoires étaient adressés au trône par le second Grand Secrétaire Kia-Tching et par le géné- ral Cheng-Pao^ pour supplier Timpératrice de prendre le pouvoir en mains.

« Les serviteurs de Votre Majesté, Kia-Tching » (second Grand Secrétaire) , « Tchan Tsou-pei » (quatrième Grand Secrétaire), « Chin Tchan-lin » (Président du Ministère des Finances) et « Tch'an-Kouang » (l'un des Présidents du Minis- tère des Châtiments) « présentent à genoux un mémoire sup- pliant que, puisque l'intérêt principal de l'État y est impliqué, l'autorité du Gouvernement soit tenue ferme par la main du

I . Le Tsoung Jen Fou qui s'occupe de toutes les affaires relatives à la famille imi)crialc et conserve I arbre généalogique ; son chef qui est un prince de la famille impériale porte le litre de Tsoung K'ing.

a. Rennie. II, p. iSa-S.

3. C'est lui qui avait fait décapiter l'abbé Deluc et le capitaine Bra- bazon près de Pa-li-k'iao. En octobre i863, il reçut l'ordi'e de se suicider, après cinq mois de caplivilc, à cause de son insuccès dans la lutte contre les rebelles,

COUP D*ÉTAT 125

Souverain en vue du rétablissement de la moralité et de la pré- vention des progrès du mal. »

c Considérant, que sous la dynastie présente, un saint mo- narque a succédé à un autre, de telle façon qu'il n*y avait pas eu de précédent pour l'administration du Gouvernement par une Impératrice-Douairière, quand en réponse au Mémoire du Censeur Toung Youen-lching , Votre Majesté promulgua un décret, son langage était si explicite que vos serviteurs ne purent rien exprimer de contraire. En même temps il est inopportun que l'autorité suprême descende aux mains d'un sujet, parce que descendant ainsi, elle est supplantée avec le temps. 11 est également inopportun que les limites du code des obligations » (ou rituel des cérémonies) a soient môme, quelque peu que cela soit, dépassées, car si elles le sont, il s'élèvera des abus.

« Votre Majesté, Notre Empereur, montant sur le trône à un Age tendre, Ts'ai Youen, prince de 1, et sept autres, furent, d'accord avec les volontés testamentaires de feue Sa Majesté, nommés pour aider l'administration comme conseillers. En consécjuence, ces deux derniers mois, tous les décrets se rappor- tant aux nominations des charges ou à d'autres actes du Gou- vernemenl, ont été considérés et agréés par les princes et ministres en question, et toutes les fois que ces décrets ont être publiés, ils y ont apposé un sceau Impérial d'Etat, ou le sceau de la Salle du Bon Exemple, qui étant vu et entendu par tout le monde, aussi bien dans la ciipitale qu'au dehors, a égale- ment imposé l'obéissance. Après avoir considéré soigneusement les procédés du Conseil, vos serviteurs sont satisfaits que nul progrès du mal n'a résulté de leurs actes.

« Cependant, les deux mois tsao siang d'aider comme conseil- lers, indiquent seulement l'aide de ceux qui sont en second, et non le pouvoir de celui à la première place ; et si dans toutes les questions grandes ou petites, il a été laissé entièrement a ces princes et à ces ministres de décider comme il leur plaira, et alors, après avoir soumis leurs décisions h Sa Majesté, qui ne les verrait que pour un moment, alin de leur donner de l'etlica- cité. ils seraient bien en nom (|ue des conseillers, mais en réalité, ils exerceraient le jwuvoir en chef; et quand cet état de choses se serait répété un certain laps de temps, quelque doute ou quelque appréhension ne seraient-ils pas ressentis par chacun dans ou hors la capitale?

laG MORT DE UIEN-FOUNG AVÈNEMENT DE T*OUNG-TCHÉ

« Les conseillers assistants d'aujourd'hui sont, de fait, le Grand Conseil d'autrefois. Mais les membres du Grand Conseil étaient accoutumés dans chaque cas, premièrement, d'apprendre de l'Empereur en personne si Sa Majesté approuvait ou désap- prouvait la proposition apportée devant lui, et alors, lorsqu'ils avaient reçu la décision Impériale, de rédiger et de lui soumet- tre un décret déclarant sa volonté. Ce qui ne plaisait pas à Celui qui est Sacré, était corrigé par Sa Majesté avec le pinceau de vermillon. Dans ces conditions, l'autorité était règlement au ]X)uvoir du plus haut ; il ne pouvait pas y avoir de contrefaçon de lui par d'autres.

« L'arrangement qui conviendrait exactement dans la conjonc- ture présente, serait, que Son Auguste Majesté l' Impératrice- Douairière, d'un côté répandit l'influence qui doit à vrai dire découler du palais, de l'autre, devrait posséder la dignité et manier l'autorité du gouvernement. Les établissements oflicicis auraient ainsi un centre auquel ils auraient à rapporter leurs instructions et à en recevoir et un milieu d'enquêtes et de déci- sions existerait d'où les commissions et les ordres seraient pro- mulgués. La régence ne serait pas une fiction, et son gouvernement serait eflcctif. Par une juste comparaison entre les précédents des anciennes dynasties avec ceux des dernières générations, on arriverait à une parfaite conclusion convenable, sans difficultés. » (Ici suit une liste d' Impératrices-douairières sous les dynasties des Ilan, des Soui, des Soung, et des Ming, dans la dernière desquelles), a Comme Cliin-Tsoung ' n'était âgé que de dix ans, l'administration était entièrement dirigée par les imp.»- ratrices. qui donnaient leurs ordres aux hauts ofliciers de feni- pire. Aucune, cependant, n'était appelée Régente. Votre Majesté, notre Empereur, doué par la nature de réelles capacités, aura nécessairement à se dévouer elle-même à l'étude des Clas- siques (littéralement, le Livre d'Histoire et le Livre de Poésie). « Encore quelques années, et vous gouvernerez vous-même, mais dans l'inlervalle, tandis que passeront ces quelques années, il y a en dehors des murs de la capitale des rebelles qui ne sont pas encore soumis, et parmi eux des traîtres résidant à portée de la main. Comment doit être sauvé l'empire des dangers de l'heure présente? Comment sa moralité peut-elle être rétablie?

1. Nien-hao de VVan Li, 1073- iGao.

Ml^.MORIAL DE CHENG-PAO 13*7

« Il est de toute importance que l'esprit public soit fermement tranquillisé. Il s'ensuivrait une grande et immédiate calamité, si par manque d'un représentant de la suprême autorité, il serait aflecté par des doutes et des craintes.

« Quant aux formes à être observées quand des serviteurs publics seraient reçus en audience par l'Impératrice-Douairière, et aux règles pour la conduite des affaires, doivent-elles être les mêmes depuis longtemps établies, observées jusqu'ici par les membres du Conseil en recevant les décrets de l'Empereur, ou serait-il opportun de les modifier, vos serviteurs espcîrcnt respec- tueusement que Votre Majesté donnera des ordres aux ministres de Votre Cour de les considérer ensemble et de rapporter le résul- tat, avec la demande que Votre Majesté décidera * . »

MEMORIAL DE CIIENG-PAO.

« Comme il est impossible de satisfaire l'opinion publique {)endanl que l'autorité suprême est aux mains d'un sujet, il devient de son devoir de prier l'Impératrice elle-même de l'assu- mer, et d'ajouter h ses conseillers un prince du plus haut ordre et de la proche parenté de l'Empereur, de façon que la dignité de l'État soit affirmée régulièrement de nouveau, et que l'esprit public soit concilié. 11 prétend que si un prince du sang compé- tent avait été à portée quand l'Empereur mourut, il aurait fait jiartie du Conseil ; que le Conseil présent fait ce qui devrait être fait seulement par l'Empereur, ou l' Impératrice-Douairière; et que, nonobstant les démarches faites pour donner un semblant de validité aux décrets promulgués au nom de l'Empereur, ils ne commandent pas la confiance de l'Empereur ; que leur rejet du mémorial du Censeur Toung Youen-tching était la preu\ed*uii esprit arrogant et intéressé, et a occasionné un mécontentement fîonéral. Le transfert du |K)uvoir du gouvernement à un sujet un beau matin, a produit un état de crainte qui continue encore. Le peuple dans les rues, quand il lit les proclamations de Sa Majesté, dit : « Ce ne sont pas les mots de notre Maître ; ce ne sont pas les intentions de la Mère de l'État et de la Mère de notre Souverain. » Il y a une tendance générale à ne pas obéir

1. Rcnnic, ÎI, p i3'i-i38.

laS MORT DE HIEN-FOUNG AVÈNEMENT DE t'oUNG-TCHÉ

aux ordres qui émanent du Conseil, comme rien ne fait voir s'ils sont autorisés ou non. Il n'y a pas que le peuple de l'empire qui paraisse chaque jour perdre de plus en plus courage. Il y a aussi à craindre que les nations étrangères elles-mêmes, quand elles apprendront l'état en sont les choses, seront également sen- sibles à la violence qui est faite au droit en principe et s'en émouveront en conséquence un résultat d'une importance sérieuse. Il faut écraser la rébellion, mais il faut dans le palais se garder de plus grands dangers Ghcng-Pao conclut en priant que son mémoire soit donné à lire au grand'oncle de l'Empe- reur, le Prince de Houei, et à ses oncles les Princes de Toung et Tch'ouen '. »

Par suite, d'autres décrets étalent promulgués pour Par- restation de Sou-Chouen, la prise de possession du pouvoir par rimpératrice douairière, etc.

« Nous ordonnons à Jcn Chan. prince de Joui, et à Yi-Houan, prince de Tch'ouen, d'arrêter immédiatement Sou-Chouen, et qu'ils trouvent un olUcier de confiance pour se charger de l'ame- ner h la capitale. Resj^eclez ceci.

« Nous ordonnons que les Princes et Ministres du Grand Conseil, les Grands Secrétaires, les Six Ministères, les Neuf Cours, le ilan lin Yonen, le Chan Che Fou et les Censeurs prennent en considération la note présentée aujourd'hui par Kia-Tching, Tchan Tsou-pei, Chin Tchan-lin et Tch an-Rouang, priant que toute l'autorité dans le gouvernement soit assumée par le Souverain, nous invitant à ordonner aux Ministres de la Cour de délibérer suivant les formes devant être observées aux audiences données par Son Auguste Majesté l'Impératrice- Douairière, et les méthodes essentielles jjour la conduite de toutes sortes d'af- faires ; ainsi que le mémoire de Cheng Pao (Choung Pao) priant que rimjK^ratrice-Douairière administre personnellement le gou- vernement, assistée par un ou plusieurs conseillers, devant être choisis parmi les princes de l'ordre le plus élevé et immédiatement allié au Trône ; et que, ayant décidé d'une façon impartiale dans quelle mesure le cas présent sera affecté pai; le précédent ancien.

1. Reniiio, II, p, i38-()

t'oung-tché 1^9

ils nous informeront de leurs conclusions aussitôt qu*ils y seront arrivés d'une façon satisfaisante. Respectez ceci *.

EXÉCUTION DE SOU-CHOLEN.

Sou-Chouen, qui accompagnait le corps de Tempereur, fut arrêté à peu de distance de Péking parle prince de Tch'ouen. Tsai-Voucn, Touan-Houa et lui furent aussitôt mis en juge- ment : le dernier fut condamné à être décapité ; les deux autres furent, par faveur, autorisés h se suicider. Ils se pendirent le matin du 8 novembre. C'était une commutation de peine, car ils avaient été d'abord condanmés à la morl lente. Sou- Cliouen fut exécuté le 8 novembre à deux heures comme un criminel de droit commun ; il mourut bravement, en niant la légalité de la sentence qui le frappait ; il avait environ ^7 ans. Le coup d'état fut accueilli avec joie par la popula- tion de Péking qui exécrait les favoris de Hien-Foung. Comme corollaire à ce tragique événement, il convient d'ajouter que le 3i aoAt i86/|, la Gazelle de W/»7//^' annon- çait qu'en raison des services rendus par les ancêtres de Tsai et de Touan, leur titre de prince serait ressuscité et donné à des membres éloignés de leur famille.

t'oung tché.

Le 7 novembre i86i, le prince Koung avait été nommé régent conjointement avec les impératrices -douairières et le Il novembre un décret impérial changeait le nien-han A(i Tempereur de A7 Tsiang en T'oii n^- Tchè (union dans Tordre) ; le lendemain Hang-Ki annonçait aux légations étrangères Tinstallalion officielle de Tempereur ce jour même et Touvcr- lure du nouveau Tsoung-li Vamen.

1. Rennie, H, p. i33-4-

CoRDivt. I. 9

l3o MORT DE HIEN-FOUNG AVÈNEMENT DE t'oUNG-TCHÉ

Le Prince de Koung donna avis aux légations étrangères du changement de nom du règne :

Je viens de recevoir un Décret Impérial dont voici la teneur : « Le 9* jour de la présente lune (ii novembre 1861) S. M. rEmj)ercur des Ts*ing, s'étant assise pour la première fois sur le trône, a déclaré que Tannée prochaine serait la première année du règne de T'oung-Tché, et que cet ordre devait être publié et observé dans tout l'Empire de Chine. » Eu égard aux liens d*amitié qui unissent nos deux Empires, j'ai cru de mon devoir, noble Ministre, de vous comnumiquer ce Décret pour votre information.

Le i8*- jour, de la 10'* lune de la ii'^ année de Hien-Foung (30 novembre 186 1).

L'empereur était le 27 avril i856 (28*^ jour du 3* mois de la C'^ année Hien-Foung). Une longue minorité était donc en perspective.

Le prince de Koung allait donc exercer le pouvoir sous le nom des régentes : l'impératrice- douairière et la mère de de T'oung-Tché, élevée elle-même au rang d'impératrice. Ces deux princesses étaient désignées sous les titres de, la pre- mière, Impératrice de r Est. Totm^ Koungy la seconde. Impé- ratrice de rOuest, Si Koun^.

L'impératrice de l'Est, Ts'eu-ngan, femme principale de Hien-Foung*, née en i835, morte le 8 avril 1881, a joué un rôle eflacé à côté de la concubine, mère de T'oung-Tché, devenue impératrice de l'Ouest, la fameuse ïs'eu-hi, née le 17 novembre i834, dont nous aurons maintes fois l'occasion de parler, et qui, aujourd'hui dans la vieillesse, conserve l'énergie, voire la violence de son %e mur.

I . La véritable impératrice était iiiorte en 1849. Ts'eu-ngan, delà famille Nieou-koulou, femme du harem impérial en i85a, fut élevée la même année au rang d'impératrice; à la naissance du fulur T'oung-Tché, sa mère. TsVu-lii, de la famille mandchoue Yé-Jio-na-la, obtint le rang de Kouei Fei, concubine du second rang.

LE COMTE KLECZKOWSM l3l

LE COMTE KLECZROWSKI

M. (le Bourboulon quitta Péking le i8 mai 1862, et le premier secrétaire, Comte Kleczkowski *, rentré le 3i du même mois dans celte ville prit la direction des Affaires ; M. Alphonse Pichon vint le 23 mai remplir le vide laissé à la légation par le départ de M. de Vernouillet. Le nouveau chargé d'affaires avait réglé heureusement déjà plusieurs points importants relatifs au consulat et à la cathédrale de Canton. Avant son départ, M. de Bourboulon avait pu faire part au Ministre des Affaires étrangères du règlement des questions suivantes (avril 1862) : restitution des églises c^atholiques de Tchen-Kou h'ien, ville de Han-lclfong (Chen-Si), de Tchen- ling fou (Tché-li S. 0.), de Kiang-tchéou (Chan-Si), de Sien - houa fou (Tché-li Nord). 11 laissait pendante une grosse affaire :

L'abbé Jean-Piêrre Néel, des missions étrangères, à Sainte-Catherine-sur-Riverie (llhônc) en juin i832, fut décapité le lundi 17 février 1862, avec 2 catéchistes, i néo- phyte, une jeune fdle, à Kay-tchéou (Kouei-tchéou) par le fonctionnaire Tay Lou-lche ; le vicaire apostolique, Monsei- f^neur Louis Faurle avertit immédiatement de ce meurtn» M. de Bonrboulon, par une lettre adressée de Kouei-yang, capitale du Kouei-tchéou, le 23 février 18G2. Cette affaire

I. Michel-Alexandre, comte Kleczkowski, le ^7 février 1818, au château de Kleczkow, en Gallicie ; atiaclic au consulat de Chang-Haï, 19 mars 18^7 ; naturalisé français en i85o ; allachë payé à la légation de France, Péking, i854 ; chargé d'affaires, i'^'* juin 18G2 au 11 avril 1863, puis secrétaire- interprète |)our la langue chinoise à Paris. Chargé d'un cours libre de chinois pratique, il fut nonuné professeur à l'École des I^ngu(.'s orientales vivantes à la lin de 187 1 ; il est mort le u3 mars 1886. Voir : Cours libre de chinois vulgaire et pratique. Bâtiment de la Sorbonne, rue Gcrson. Discours d'ouverture du 7 décembre 18O9, par M. lo comte Klecz- kowski, ancien chargé d^alTaîres de France à Péking, consul général, premier secrétaire-interprète de Sa Majesté l'Empereur pour les langues delà Chine. Paris, typographie de A.. Pougiii, 1870, br. in-8, p. 3u.

iSa MOUT DE HIEN-FOUNG AVf-:NEMENT DE t'oUNG-TCHÉ

fut réglée par M. Klcczkowski ainsi que d'autres difficultés religieuses au Ilou-Nan et au Kiang-Si (octobre 1862). Enfin il obtint les concessions fran(;aises de Tclic-fou et de Ta-Kou.

CONCESSIONS FRANÇAISES DE TCIIÉ-FOU ET DE TA-KOU

Le 21 janvier i863, le comte Kleczkowski annonçait au Département que la question des concessions à obtenir, en vertu des traités, à Tché-fou, celle-ci, malgré l'opposition du consul anglais, et h Ta-Kou, était réglée.

En effet, Tchong Tao-taï, conmiandant des troupes chi- noises de Teng-tchéou fou, Lai-tchéou fou et Tsin-tchéou fou, surintendant de la douane maritime de Chan-Toung, par décret, mandarin du sel, d'accord avec le lieutenant de vaisseau Comte de Montpezat, consul provisoire de France à Tché-fou, le 10*^ mois de la 1'" année T'oung-Tchc (1862) publie une proclamation par laquelle « IVxtrémité de la péninsule de Yen-taï appartiendra désormais aux Français à titre d'affermage à perpétuité. Les limites de ce terrain sont : à rOuest, au Nord et à TP^st, la mer jusqu'au coin Sud-Est de l'ancien cimetière français et, à partir de ce point, une ligne longeant la limite Sud de ce même cimetière et allant dans la direction Nord Ouest, jusqu'au point culminant au Sud du fossé de fortifications creusé par les soldats français et suivant aussi ce même fossé, en ligne djrccte, jusqu'au bord de la mer, dans le j>ort intérieur de Yen-taï. »

\ Ta Kou, l'affaire est réglée par Tch'oung Heou avec notre agent consulaire, M. Fontanier :

TciroLNG, par Ordre suprême, membre du Conseil privé de TEm- jM»reur, Ministre et surintendant des trois Ports du Nord, etc., etc., |)ubHe la présente proclamation ])0ur l'information générale.

Apres m'ètre assuré d'une manière certaine que les terrains d'alluvion de la place Nord de Ta-kou étaient clairement sp<Vifîés dans les articles du traité, connue étant au nombre des ports

COÎiCKSSIOXS FRANÇAIS>:S DK TCIIK-KOI KT DE TA-KOr 1 33

ouverts au commerce, ce qui autorise les négociants étrangers à v construire des magasins ou des résidences pour leiu* usage, le magistrat IIo, du district de Tln-ho-irien s*est en conséquence, sur Tordre que je lui ai donné réuni au consul de France Fong (Fontanier) et, après examen et délibération de leur part, sont tombés d'avis, d'un commun accord, à savoir :

I" Que rétendue de terrain occupée actuellement par le fond Nord, comprise entre le i*' cX le a" canal ne |)ouvait pas être louée, comme étant un domaine particulier de TKtat.

2" Qu'à partir du a** canal ronnnencerait la |)artie des terrains (déjà déterminés) dont la location était spécinlement et uniquement réservée à la France à l'exclusion complète de toule autre nation.

Or donc, si, à l'avenir, des négociants Français demandent à s'y établir, on se rendra sur les lieux pour fixer l'étendue des lots dont ils désireraient faire racquisition. a|)rès quoi il leur sera délivré un acte de location en règle conformément à ce qui a déjà été établi en pareille (xxasion.

La présente a pour but d'en informer tout le monde en géné- ral, mais plus particulièrement ceux d'entre vous qui avoisinent cette localité.

Que iKîrsonnc parmi vous ne se permette de transgresser les ordres que renferme cette proclamation î!

Proclamation destinée à être affichée sur les forts Nord deTa-kou.

Le a5* jour du lo** mois du règne de T'ouug-Tclié (Tien-Tsin, le 16 décembre i86a).

Pour traduction certifiée conforme. Le gérant interprète du consulat de France

> rp* rp

a lien-lsm. Signé : H. Fo.ntamek.

l. ne portion de noire concession à Ta Kou, 60 arpents, était louée moyennant 60 laëls h perpétuité aux Messageries impériales.

M. BEUTIIEMV

Le nouveau ministre de France en Chine, M. Berthcmy, arriva à Chang-Ilaï le 12 mars i863 et, sVtanI embarqué le \ avril sur le Monge, il arriva à Ta-Kou, le 10. Le 16 avril i863, il était à Péking et le lendemain, M Klcczkowski lui remettait le service.

CHAPITRE X DIVERS TRAITÉS ÉTRANGERS

TRAITÉ ALLEMAND, 2 SEPTEMBRE 1861

La Prusse était représentée au xviii° siècle dans le com- merce de la Chine par la Compagnie d'Emden*. Ce fut le royaume des Hohenzollern qui se mit à la tête des pays for- mant le Zollverein pour signer un traité avec la Chine. L'expé- dition de Chine fut décidée le i5 août iSSg et le conseiller d'ambassade, comte d'Eulenbourg, nommé envoyé extraor- dinaire et ministre plénipotentiaire aux Cours de Japon, Chine et Siam. L'escadre qui devait l'accompagner se com- posait de trois bâtiments : la corvette à vapeur Arcona^ la frégate à voiles Thétis et le schooner de guerre Frauenlob, On leur adjoignit le transport Y Elbe pour porter les cadeaux, les échantillons, le charbon et autres provisions, ainsi qu'une barque à vapeur qui devait être employée au service entre les bateaux.

Le personnel de la mission était formé de la manière suivante : le Comte d'Eulenbourg, le secrétaire d'ambassade Pieschel, MM. Von Brandt, Von Bunsen, le Comte Auguste d'Eulenbourg, lieutenant au i*"" régiment de la garde à pied, les naturalistes Wichura, conseiller du gouvernement pour

I. Quos Deus benc \oriat. Octroy accordé par Sa Majesté le Roy de Prusse pour faire commerce à Bengale, et aux côtes voisines. Du con- sentement de la Royale Compagnie de la Chine, établie à Embden. Pièce in-4, s. 1. n. d. [Berlin, 31 janvier 1703], p. lo.

TRAITÉ ALLEMAND, 3 SKPTKMBRE l86l 1 35

la botanique, le D*" von Marlens pour la zoologie, le D*" baron de Richthofen pour la géologie, le D*" Maron, expert en économie rurale, le médecin Lucius (maintenant baron Lucius de Ballbausen, ministre d'Etat en non activité), le peintre A. Berg (mort directeur du Musée provincial silésicn de Breslau), le dessinateur W. Heine, le photographe Bis- mark (plus tard interprète de la légation allemande à Péking, mort consul à Amoyen 1880), le jardinier botaniste Schottmuller, les commerçants prussiens Grube, Jakob et Ralh, le commerçant Spiess, fondé de pouvoirs de la Cham- bre de commerce saxonne.

Eulenbourg* s'embarque le 22 mai 1860 à Trieste, à bord du Lloyd Impératrice^ avec Uichthofen et Auguste d'Eu- lenbourg ; il fait successivement escale à Ancone, Molfetta, Brindisi, Corfou, qui l'enthousiasme, Alexandrie, le Consul Kœnig Temmène faire une visite au vice- roi d'Egypte Saïd Pacha ; se dirige sur le Caire en chemin de

I. Frédéric Altxîrt, comlo d'Eulonbourg, ne à Koenigsbcrg le 29 juin 1818. étudia dans ceU<> ville et à Berlin ; le i*^** décembre i835. il entra au service de l'État. Après avoir été auditeur à Francfort sur- l'Oder, référendaire à Coblenz et Munster, et assesseur à Cologne cl Oppein, il commença en i844 sa carrière dans Tadministration comme assesseur du gouvernement à Oppein, puis ù Mersebourg. En i848, il est appelé au ministère des Gnances ; en 18/^9, à celui de rintéricur. Il entre dans le service diplomatique en i853, et est nommé Consul-Général à Anvers, puis à Varsovie. Enfin, en octobre 1859, ^^ ^^^ cnvo)'é dans les eaux asia- tiques en qualité d'ambassadeur royal de Prusse, à la tète d'une expédi- tion, avec mission de conclure des traités d'amitié, de conuucrce et do navigation avec le Japon, la Chine et le Siam. Il rencontre les plus grandes difficultés, mais parvient néanmoins le 2^ janvier i8()i à signer un traité avec le Japon, et le 2 septembre 18O1, avec la Chine. Les grandes qua- lité» de circonspexîtion, d'énergie et de ténacité qu'il avait déplo^fécs pen- dant cette campagne diplomatique, l'avaient fait remarquer de Bismarck : à son retour en Prusse, le comte d'Eulenbourg est nommé ministre de l'intérieur (8 décembre 1862). Jusqu'en 1878, il s'occupa des réformes et de l'organisation des provinces annexées, soit orientales, soit occiden- tales, et donna le 3o mars sa démission au Landtag. Le comte d'Eulen- bourg est mort le 3 juin 1881 à Schonebcrg près Berlin.

l36 DIVERS TRAITÉS ÉTRANGERS

fer ; à Kafr-eg-Zaiyat, il déjeune à côté de Ferdinand de Lesseps : visite, au Caire, le Musée égyptien fondé par Mariette, il admire une parure d'or émaillé trouvée aux environs de Thèbes quelques mois auparavant sur le cadavre embaumé d'une reine morte 1800 ans avant Jésus-ChrisI, qu'on a du jeter dans le Nil, aussitôt après avoir ouvert le cercueil, à cause de l'état de décomposition. Il fait aussi visite a Émin Pacha. \ Suez, il monte h bord de la Nèmcsis^ vapeur à hélice qui va le conduire à Pointe de Galles, et il se trouve avec le fils, le petit-fils et l'arrièrc-petit-fils de ïippoo Saïb, ce der- nier revenant d'Angleterre il venait de faire ses études. Pointe de Galles, avec Candy, lui semble un paradis ; le Gange le mène à Singapore, en s'arrétant à Pinang. Là, il fait l'expérience de manger d'un genre de melon, appelé Dourian, qui exhale une telle odeur de i*ien:v fromage de Limbourg que chacun se bouche le nez et qu'il est forcé de manger une demi-douzaine de mangoustans pour enlever ce goût atroce. A Singapore, il retrouve l'escadre allemande et s'embarque sur la corvette Arcona qui le conduit à Ycddo, il arrive le 4 septembre 1860.

Pendant son séjour au Japon, il rencontre quelcpies per- sonnages dont les noms nous sont connus : Duchesne de Bellecourl, chargé d'affaires français ; Rutherford Alcock, envoyé anglais ; Gower, attaché à l'ambassade anglaise ; Vyse, consul anglais ; Loureiro, consul portugais ; von Poelsbrok, consuls hollandais ; Dorr, consul américain ; Rice, vice-consul américain ; de \A itt, consul général hollandais ; Sir llope Grant, venu de Chine pour se reposer et Lady Grant ; le contre-amiral Page, le contre-amiral Lewis Jones, le Rév. M. Brown, etc.

Après bien des pourparlers, il obtient enfin en janvier 1861 un traité qui est écrit en allemand, en japonais et en hollan- dais et dont la signature dure trois heures et demie, lui et chacun des trois gouverneurs ayant à signer 24 fois !

TRAITÉ ALLEMAND, 3 SKPTRMBRK 1 86 1 187

Parti le 29 janvier 1861 pour la Chine, h bord do VAr- cona, il touche à Nagasaki le consul américain AValsh, le consul [K)rlugais Evans, le consul anglais Morrison, et le consul hollandais Pompe de Mcerdervoort, viennent au-devant de lui. Il reçoit également la visite du major russe de llilrovo (adjudant du comte Mouraviev, gouverneur de la Sibérie orientale), envoyé par le gouvernement russe pour le féliciter de la conclusion de son Irailé avec le Japon ; du lieutenant de marine russe de Kremer; du capitaine Pouch- kine, qui lui apporte une lettre du conmiandant Likhal( ho\ mettant IVscadre russe dans les eaux japonaises et chinoisc^s à sa divSposition.

Eulenbourg arrive enfin en Chine le 7 mars 18G1 , à Chan;: Haï, d'autres difïicultés Tattendaient. Les représentants anglais et français ne semblaient pas très satisfaits de sa venue en Chine ; lord Elgin lui avait déjà écrit au Japon qu'il n'y avait plus rien à faire pour lui, Eulenbourg: do son coté (3o mai 186 1), M. de Bourboulon lui écrira que les Anglais et les Français ne veulent jras Taider ; que le gouvernement chinois est trop pris par les choses intérieures pour s'occuper des choses extérieures ; que ce dernier no pourra lui offrir que des avantages commerciaux, etc.

Néanmoins à Chang Haï, il trouve bon accueil ; Tagent consulaire prussien Overweg l'installe dans la maison du négociant Probst ; Porge, ollicier de marine français du Fvnc Ion, le Capitiune Durand Saint Arnaud, de la AVcc/v, Captain Corbett, du Scout, se mettent eux et leurs navires à la dis- p<^>sition d'Eulenbourg. Le spahi Caid Osman, ordonnance du général Montauban, conduit Eulenbourg auprès de son chef « en lequel j'apprends à connaître un honuue très aimable, sensé et avisé ». H fait une visite également à Tamiral Protêt, et reçoit celle de lloratio Nelson Lay, inter prête de Lord Elgin, et inspecteur des Douanes, qui « prié de Péking de devenir inspecteur général de toutes les

l38 DIVERS TRAITÉS ÉTRANGERS

douanes chinoises, a décliné celte offre superbe, persuadé que la dynastie actuelle ne pourra pas se maintenir et que tôt ou lard tout croulera en Chine ».

A Tien-Tsin, Eulenbourg est en rapport avec le Comte Klcczkowski, secrétaire de M. de Bourboulon, qui n'a pas eu riieur de lui plaire, avec Fane, qui commandait la cava- lerie des Sikhs, avec Tch'oung-louen commissaire impérial ; c'est pendant ce séjour qu'il a les plus grandes appréhen- sions au sujet de la réussite de ses projets. Malgré les bonnes dispositions du prince Koung pour la Prusse, il pense qu'un coup de force est nécessaire, et il envoie Von Brandt s'ins- tiiller à Péking. Ce dernier y est très mal reçu et le gouver- nement chinois lui intime Tordre de retourner à Tien-Tsin. Eulenbourg qui avait rompu les négociations, les reprend le 4 juillet.

« Les Chinois refusaient d'accepter la clause dans le traité diplomatique, permettant la résidence à Péking, à moins que le ministre prussien ne s'engage à ce qu'elle ne soit pas exécutée avant dix ans ; ce qui a l'air de vouloir gagner du temps dans Tcspérance qu'à la fin de cette période, tout séjour étranger dans la capitale sera fini. Le comte Eulen- bourg consent à déférer le droit de résidence pendant cinq ans* ».

Les Chinois se montrèrent étonnés de la venue de la mis- sion allemande ; ils ne connaissaient pas la Prusse et deman- dèrent des renseignements à notre Légation :

« Le soussigné Prince de Koung, Membre de la famille im- périale et Ministre des Affaires étrangères de Chine, s'empresse de faire savoir à V. E. que le Royaume de Prusse n*ayanl eu jusqu'à présent aucune relation avec la Chine, il ignorait entiè- rement à quelle catégorie d'Empires il appartenait, mais que le premier secrétaire de votre Légation Ko (Kleczkowski) en qui il

1. Rennic, Péking, I, p. 374.

I

TRAITÉ ALLEMAND, 2 SEPTEMBRE 1861 iSq

a toute confiance, lui ayant dit que cet Empire était un drs Grands Royaumes de TEurope et lui ayant démonlrc qu'il était des intérêts des deux partis (de la Chine comme de la Prusse) de s'allier par un traité de commerce, il a proposé à l'Empe- reur, qui y a consenti, de nommer Tciroung-louen , son pléni- potentiaire, pour suivre cette négociation '.

D^aulres raisons rendaient les négociations difficiles :

« Le Gouvernement Chinois, sans se refuser h reconnaître à la Prusse la qualité de Gronde Puissance, ne comprend pas comment il serait obligé, de lui accorder, de prime abord, tons les droits, toutes les prérogatives. encore mal acceptées, mal diji^érées par son vieil orgueil, qu'il a été contraint, par de longs antécédents, et, en dernier lieu, par deux défaites signalées. de consentir au profit d'autres Puissances Européennes, et croit qu'en offrant de bonne grâce de signer un traité commercial avec la Prusse l'admettant à tous les avantages de cette nature concédés aux autres nations qui ont déjà des traités avec la Chine, il satisfait, qunnl à présent, à tout ce qu'on peut raison- nablement exiger de lui...* »

La mort de Hien-Foung h Djehol vient encore arrêter les pourparlers, enfin le a septembre 1861 Eulenbourg arrive à ses fins. M. de Bourboulon qui lui avait cédé M. de Méri lens comme interprète, finvile à venir a Péking demeurer à la légation française. Eulenbourg accepte et il arrive dans la capitale de PEmpire du Milieu le 16 septembre.

A Péking, le Comte d'Eulenbourg est fêté par la colonie européenne; le ministre de Russie, M. de Balliouzck (qui se charge par télégraphe et par courrier jusqu'à kiachta, de prévenir le gouvernement russe de la bonne nouvelle de la conclusion du traité pour rapprendre à Berlin) et M'"^' de

1. A M. de Bourboulon, 8 mai 1861.

a. Lettre de M. de Bourboulon au Ministre des Affaires étrangères, Péking, 32 juin 1861.

ll\0 DIVKRS TRAITÉS ÉTRANGERS

Balliouzck, M. et M'"** de Bourboulon lui rendent son séjour a Péking fort agréable \

Le traittî de Tien-Tsin du 2 septembre 1861, rédigé en allemand, français et chinois, fut signé par Eulcnbourg au nom de : « Sa Majesté le Roi de Prusse, agissant tant en son nom qu'au nom des autres membres de Tassociation de douanes et de commerce Allemande, savoir :

« La Couronne de Bavière, la Couronne de Saxe, la Couronne de Hannovro, la Couronne de Wurttemberg, le (Jrand-Duché de Bade, rElectorat de liesse, le (îrand-Duché (le liesse, le Duché de Brunswick, le Grand-Duché d'Olden- bourg, le Grand-Duché de Luxembourg, le Grand-Duché de Saxe, les Duchés de Saxe Meiningen, de Saxe-Altenbourg et de Saxe-Cobourg et Gotha, le Duché de Nassau, les Prin- cipautés de Waldeck et Pyrmout, les Duchés d'Anhall- Dessau-Coethen et d'Anhall-Bernbourg, la Principauté de Lippe, les Principautés de Schwarzbourg-Roudolstadt et Scliwarzbourg-Sondershausen, de Reuss ligne aînée et de Reuss ligne cadette, la ville libre de Francfort, le Grand- Bailliage de Meisenheim du Landgraviat de Hesse et le Bailliage de Hombourg du Landgraviat de liesse, ainsi que lesGrands-DuchésdeMecklembourg-SchwerinetdeMecklem- bourg-Strélilz et les Sénats des villes Kanséatiques de Lubeck, Brème et Hambourg ». Les plénipotentiaires chinois étaient

I. OsT-AsiEN, 1860-1862, in liriefen des Grafeii Fritz zu Eulen- hurf(, Kôniglich Prcussischen Gvsandten, betraut mit ausseror- drtttlichcr .\fis.sion nach China, Jnpan und Siam. Herausgegeben yon (iraf Philipp zu EulonburgHorlcfcld, Kaisrriich Dcutschem But- schafter. Mit einem Bildnissc in Lichldruck und cineni Facsimilo dor llandschrift. Berlin, 1900, Ernst Sit'gfricd Millier und Sohn. gr. in-8, p. xxv-428.

Los lellrcs du comte d'Eulenlx)urg sont adressées k son frcre unique, \q coinlc Plnlij>pe Conrad, morl en 1889, et publiées par le fils de ce dernier, le comle Philippe, aclucllemeni uinlKissadeur impérial allemand à la Cour de Vienne.

Voir Henri Cordicr, Tonng Pao* sér. Il, vol. I. p. 87^ 38i.

TRAITÉ PORTUGAIS, l3 AOUT 1863 I^I

Tch'oung-Ioucn, membre assistant du Tsoung-li Yamen, Directeur Général des Greniers publics, et Tch'oung-lleou \ Le traité en 42 articles plus un article séparé, fut ratifié à Chang-Hâï, le i4 janvier i863, par le ministre plénipoten- tiaire de Prusse, Baron von Rehfues, accompagné du secré- taire de la Légation, le Baron Radowitz, de l'attaché Prince Wittgenslein, du consul de Hambourg J.-W. Sclnvemann, du vice-consul de Prusse, Théodore Probst, et de Tinterprète français, Gabriel Lemaire.

La Légation de France avait singulièrement facilité les démarches du diplomate allemand, aussi celui-ci écrivait - il à \J. de Bourboulon, de Tien-Tsin, à la date du 3 septembre 1861, lui annonçant la conclusion du traité signé la veille :

« Vous savez aussi bien que moi, M. le Ministre, quelles drfTicullés il y a eu à surmonter avant que j'eusse obtenu l'inser- tion dans le traité de quelques stipulations essentielles auxquelles je devais attacher le plus grand prix. Mais vous ne sentez peul- tHre pas aussi bien que moi la valeur inestimable de Tappui que vous avez bien voulu ui'accordcr dans l'accomplissenient de ma lâche. Je ne puis mieux caractériser celte valeur qu'en avouant franchement que je crois que je n'aurais pas réussi h oblenir pour la Prusse le droit d'accréditer un Agent diplomatique près la cour de Péking sans >olre concours etlicace et infatigable. »

TRAITÉ PORTUGAIS, l3 AOUT iSC'i.

La prise de Malacca par le grand Albuquenjue (11 août i5ii) avait ouvert aux Portugais la roule de rExlrême-

i. De nombreux ouvrages, en dehors de la relation officielle, nous ont fait connaît Irc l'ex|M>dilion prussienne dans TAsie Orientale en i8()u-i86u; citons ceux du D'^ Hermann Maron, du lieutenant do vqjsseau Heinhold Wemcr, du médecin C. Friedel, de l'aunK^nier J. Kreyher, de Gustav Spicss, commissaire de la corvette Avcona. Les lettres du comte d Eu- lenlxïurg sont une pr<k;ieusc addition à la littérature de cette ambassade. Voir Hibiiotheca Sinicay col. ia43-i240.

1^2 DIVERS TRAITÉS ÉTRANGERS

Orient et ils arrivèrent à Canlon dès i5i4. Après la création de deux établissements, l'un dans le Tché-Kiang, à Liampo entre Tchin-IIaï et Ning-Po, Tautre dans Fou-Kien, tous les deux détruits par les Chinois, les Portugais s'installèrent dans Tîle de lliang-chan, Tune des Ladrones, à l'entrée de la rivière de Canton, et y créèrent Macao au milieu du xvi® siècle (i553 ou lôoy). Les Portugais notaient pas propriélairos de Tîle, mais étaient vassaux des Chinois ; ces derniers ne manquèrent jamais de faire valoir leurs droits : ainsi, ils s'opposèrent au débarquement des Anglais en 1802 et en 1808, époque h laquelle l'amiral Drury fut reçu à coups de canon. En effet, depuis 1682, les Portugais payaient aux autorités chinoises une redevance de 5oo taels par an. En outre, il y avait une double douane à Macao: Tune chinoise, l'autre portugaise. Les conditions du com- merce h Macao nous sont connues par une lettre du chef j). i. de notre comptoir de Canton, le chevalier de Robien, adressée le 16 juin 1776 au ministre de la marine :

« Premièrement, aucun vaisseau étranger, à l'exception des Espagnols de Marseille, n'a droit de venir faire le com- merce de la Chine à Mac^o ; le Gouvernement chinois ne le permet pas, et les Portugais s'y opposeraient eux-mêmes, parce qu'ils ont intérêt à ne pas faire participer les autres nations aux avantages dont ils jouissent.

« Secondement, les Portugais n'ont jamais été exempts du droit d'ancrage et de mesurage. Leurs Biitimens avant que de sortir du Port reçoivent la visite du hou-pon * et payent ce droit. Leurs marchandises tant d'importation que d'ex- portation sont imposées aux douançs, et le seul avantage qu'ils ayent, c'est qu'ils ne sont taxés que comme les Chinois,

I . Le llou Pou (dont 011 a fait Hoppoi) est le nom du ministère des finances, donné par erreur par les étrangers au Haï Kouan, le fonctionnaire préposé au commerce.

TRAITÉ PORTUGAIS, l3 AOUT 1862 l^S

au lieu que les autres nations subissent des taxes plus consi- dérables *. »

La liberté du commerce proclamée par les Anglais à Hongkong après le traité de Nan-King amena le gouverneur de Macao, Joao-Maria-Ferreira do Amaral à supprimer les douanes portugaise (i846) et chinoise (1849); ^' P^)^ ^^ sa vie, cet acte d'autorité, car les Chinois Tassassinèrent (22 août 1849). Depuis cette époque Macao a cessé de payer toute redevance à la Chine, mais en revanche celle-ci refusait de reconnaître les consuls portugais. Une convention com- merciale, ou mieux un règlement, avait été signée entre le Sénat de Macao et les autorités indigènes, le i3 avril 1845, mais elle était purement locale. C'est pour remédier à cet étal de choses, autant que pour suivre l'exemple des autres puissances, qu'en 1862, les Portugais envoyèrent à Péking, le gouverneur de Macao, Isidoro Francisco Guimaraes, qui, signa avec Hang-ki à Péking le 9 août et contresigna avec Ïciroung-Heou, à Tien-Tsin le i3 août 1862 (18° jour, 7" lune, i*"* année T'oung-Tché) un traité en 54 articles qui ne fut pas ratifié, le texte chinois ne concordant pas avec le texte français dans la clause 2 relative à Macao, considéré par le premier comme restant partie de la province de Canton, par le second regardé comme libre de son ancien vasselage.

En effet, en conformité de l'article 54, M. de Coelho Amaral, gouverneur de Macao, arriva à Tien-Tsin, en mai 1864, pour procéder aux ratifications du traité conclu par M. de Guimaraes. La non-ratification du traité par les Chinois amena une protestation de M. de Amaral (Tien-Tsin, 18 juin 1 864) adressée aux Ministres de France, d'Angle- terre, de Russie et des Étals-Unis résidant à Péking ; puis le ministre portugais quitta Tien-Tsin le 21 juin i864, sans être retenu par les Chinois.

I. Henri Gordier, La France en Chine au xviii*' siècle^ p. 83.

l44 DIVERS TRAITÉS ÉTRANGERS

La lettre suivante de notre ministre à Pcking, M. Ber- iheniy, à M. Drouyn de Lhuys, Ministre des AtTaires étran- gères (Péking, 25 juillet i864), me parait expliquer claire ment le point en litige :

Le Prince de Koung « déclare cette fois en termes formels que le gouvernement Chinois n*a jamais renoncé à ses droits de souveraineté sur Macao et que la seule concession qu'il ait entendu faire consiste dans l'abandon de la rente servie annuel- lement pour l'alTermage perpétuel de ce territoire. Votre Excel- lence trouvera également ci-jointe (annexe) la traduction de l'article i\ sur l'interprétation duquel le débat semble principa- lement engagé. La fidélité de celle traduction faite avec un soin minutieux par l'interprète de la Légation, revue par M. Wade aujourd'hui chargé d'affaires de S. M. Britannique et qui pos- sède à fond la connaissance de la langue chinoise ne saurait être mise en doute : elle permet d'afïirmer que, dans leur partie la phis essenlielle et bien que la version chinoise ait été rédigée par l'interprèle même de M. de Guimarâes, la concordance des textes est loin d'être assez parfaite pour ne pas fournir à une argumentation quelque peu subtile un lerrain favorable.

Kn efîet, dans le texte portugais, le deuxième paragraphe est ainsi conçu : a Sa M. le Uoi de Portugal donne l'ordre no yover- wulor de Macnn que presle a mais dec'ulida coadjuvaçao a evilar Indit o (jue nw^ueUe ponto se passa lornav prejudicial aos interesses de Imperio Chinez. » Ici le (iouverneur de Macao est simplement invité à prêter son secours ])our empêcher que l'on ne porte préjudice sur ce point aux intérêts de la Chine ; d'après le texte Ciiinois, le Boi de Portugal lui enjoint de concourir, à l'aide de tous les moyens dont il dispose, à la défense de cette ville, si l'Empire venait à être menacé, c'est moins comme représentant du Souverain territorial qu'à titre d'allié qu'il est appelé à défendre Macao. l\ convient en outre de remarquer que gouver- neur portugais et fonctionnaire chinois sont tous deux désignés i)ar le même titre Konan-ynen , et il suffît d'ouvrir les annuaires ])our être assuré <pie cette similitude n'est pas rendue obHgaloir^ par la pau\reté du langage ofliciel.

Enfin, et c'est le point inq)ortaiil, les mots comme autrefois... intercalés à deux reprises dans le paragraphe suivant, impli-

TRAITÉ PORTUGAIS, l3 AOUT 1862 l/|5

qucnt, au3L yeux du Cabinet de Péking, le rétablissement de rautorité impériale à Macao.

Plus loin, il est vrai, les fonctionnaires chinois qui devront résider dans cette ville semblent, à certains égards, bien qu'en termes moins précis que dans le texte portugais, assimilés aux Consuls, mais d'après le Tsoung-li Yamen, ce rapprochement n'aurait d'autre objet que de constater leur complète indépen- dance de tout contrôle étranger.

Ce rapide examen de l'article ix permettra, je l'espère, à Votre Excellence d'apprécier la situation respective des deux parties. Je me bornerai à ajouter qu'en acceptant l'article vi, qui stipule, contrairement à la règle suivie jusqu'alors, que le texte portugais pour les Portugais et le texte chinois pour les Chinois, M. de Guimaràes prépara fatalement à son Gouvernement les embarras en présence desquels ce dernier se trouve aujourd'hui et qui deviendraient plus sérieux, si comme il en a manifesté l'intention, le Cabinet de Péking tentait de rétablir à Macao la douane supprimée de fait en 18^9, peu de temps a>ant l'assas- sinat du Gouverneur Ainaral.

Annexe.

Article ix (Traité Portugais du i3 août 1862).

Sa Majesté l'Empereur de la Chine et le Souverain du Royaume de Portugal désirant manifester les rapports d'amitié qui existent entre eux, sont convenus par le présent article qu'à l'avenir, dans leurs Ëtats respectifs, les sujets des deux Royaumes, quel que soit le motif qui les y aura amenés, seront traités ainsi que cela a lieu entre nations amies. Le Souverain de Portugal ordonne dès à présent aux fonctionnaires ÇKouan-yuen) de Macao de concourir avec tous les moyens dont ils disposent à la défense de ce territoire si l'on cherchait par des manœuvres s*K:rètes à nuire à la Chine ; ils auront donc à redoubler de surveillance à cet égard, sans s'écarter de celte voie un seul instant.

Ainsi que par le passé, il appartient h S. M. l'Empereur de la Chine d'établir à poste fixe à Macao, comme autrefois, des fonc- tionnaires (^Kouan-yuen) qui auront mission de s'occuper des aiîaires relatives au commerce ainsi <|ue de veiller à la fidèle exécution des règlements. Soit Chinois, soit Tartares, ces fonc-

CORDIKR. I. 10

1^6 DIVERS TRAITÉS ÉTRANGERS

tionnaircs seront de 4* ou 5" degré et, pour ce qui est de leur [X)sition et de leur autorité oflicielles. ils seront indépendants comme le sont les Consuls des autres Puissances qui résident à Macao, Hong-Kong et autres lieux ils s'occupent, chacun en ce qui le concerne, des affaires de leurs Gouvernements respec- tifs, ayant leur pavillon national hissé au haut d*un mât.

Texte Portugais.

Artigo IX.

Sua Magestade El-Rei de Portugal e Sua Magestade o Impcra- dor da China, desejando manifestar as suas amigaveis intençoès reciprocas, concordam expressamcnte no seguinte :

Todos os suhditos dos dois Estados, em qualquer parle do terrilorio |)ortuguez ou chinez, serâo sempre tratados reciproca- mente como amigos.

Sua Magestade El-Rei de Portugal ordenarâ ao Governador de IVIacau que preste a mais decidada coadjuvaçâo a evitar tudo o que, n'aquelle ponto, sa possa tornar prejudicial aos interesses do Imperio Chinez.

Sua Magestade o Imperador daChind poderd nomear pois, se Hier convier, uni agente para residir em Macau, e ali tratar dos nogocios commerciaes e vigiar pela ohservancia dos regulamentos. Esie agente jX)rem, deverii ser Mancliu ou China, e ter a gra- duaçâo de quarta ou quinta ordcm. Os seus poderes serao iguaes aos dos Consulcs de França. Inglalcrra, America, ou d'outras naçôos, que residom em Macau e Hongkong e ali tratam dos seus negocios puhlicos, arvorando a bandeira nacional *.

Par suite, les Portugais restèrent sans traité jusqu^au ,or (](;»eombre 1887.

Los négociations avaient été conduites par rinlennédiaire de M. KIoczkowski :

I. Traiado de Ainizade e Commercio entre Sua Magestade fidelissima El-Hei de Portugal e Sua Magestade o Imperador da China. Macao : Typographia de J. da Silva, i86'J, in-fol.. pp. 9 -h 9.

Le texte portugais est suivi d'une traduction anglaise.

TRAITÉS DANOIS, ESPAGNOL, HOLLANDAIS ET BELGE 1^7

Péking, 5 mai 1861.

Le soussigné Prince de Koung, Membre de la famille Impé- riale cl Ministre des Affaires étrangères de Chine, a l'honneur de vous informer que le Premier Secrétaire de votre Légation {Ko) Rleczkowski, lui ayant démontré que le Royaume de Por- tugal était une grande puissance établie depuis longtemps à Macao. que dès lors il était de Tintérét bien entendu de la Chine comme du Portugal de se lier ensemble par un traité d*amitié cl de commerce, et qu'il ne s'agissait en somme que de régula- riser les relations commerciales existantes entre ces deux nations ; le soussigné sachant par expérience que les conseils donnés par les Agents de votre noble Empire sont sincères et que Ton peut s'y confier en toute sûreté, n'a pas hésité à demander a l'Empe- reur, à titre de faveur, de donner à ce projet son approbation, ce que S. M. a bien voulu lui accorder.

Le Soussigné juge en conséquence devoir porter cette décision à la connaissance de V. £. par cette dépèche impériale.

Tel est le but de la présente.

A S. E. le Ministre plénipotentiaire du Grand Empire de France, M. de Bour boulon.

Le 26* jour de la 5* lune de la ii* année do Hien-Foung (5 mai 1861).

La clause du protectorat du christianisme en Chine no se trouve point insérée parmi les stipulations de Tacte signé par M. Guimarâes.

TRAITÉS DANOIS, ESPAGNOL, HOLLANDAIS ET BELGE.

Le traité danois, signé en anglais et en chinois, à Tien- Tsin le 1 3 juillet i863 parle Lieutenant Colonel Valdemar hudolph de Raasloff, Chargé d'alTaires cl Consul général aux ttats-Unis d'Amérique, et Ilang-Ki et Tch'oung ileou, a seni de modèle à plusieurs dos traités conclus par la suite, car son négociateur avait profité de rexpérience acquise de puis trois ans ; il a été ratifié à Chang-Haï, le 29 juillet i8G/i.

1^8 DIVERS THAITKS ÉTRANGERS

Le colonel Raasloff était parvenu à Tien-Tsin au commen- cement de décembre i8C3et il était arrivé à Péking, il était descendu chez M. Bruce, ministre d'Angleterre, sans prévenir les autorités chinoises; aussi le Prince Koung, fort irrité, écrivait-il à M. Kleczkowski :

« Toute personne envoyée en Chine par un royaume étranger pour conclure un traité, doit venir sans aucun mystère et aller tout d'abord au Yamen du Surintendant du Commerce à Changr Haï pour s'entendre avec cet oftîcier. »

On remarquera que dans le traité danois :

« Le négociateur n'a pas stipulé pour le représentant du Danemark, le droit de résidence permanente dans cette ville [Pé- king] et s'est borné à lui assurer la faculté de s'y rendre, toutes les fois qu'il le jugera nécessaire. Peut-être d'ailleurs, n'eùt-on pas réussi à triompher, sur ce point, des répugnances du gouverne- ment chinois, car. malgré tous les efforts de l'agent prussien. M. de Rchfucs, la clause du Traité conclu par le Comte Eulen- bourg, en vertu de laquelle la Prusse ne doit être représentée à Péking que cinq années après l'échange des ratifications est toujours maintenue*. »

Le traité espagnol, négocié par don Sinibaldo de Mas, à Tien-Tsin (lo octobre i86/|) a été ratifié parla reine d'Espagne le i4 mai 18G6, et les ratifications ont été échangées à Tien- Tsin le 10 mai 1867.

« Le traité, dit M. Berthemy. le 18 octobre 186^. assure à Sa Majesté Catholique le droit d'accréditer un agent diplomatique auprès de l'Empereur de la Chine ; mais il stipule dans un article séparé que l'exercice de ce droit sera revendiqué trois années seulement après la signature. M. de Mas aurait désiré, comme j'ai déjà eu l'honneur de l'écrire à V. E., que la mission Espagnole fût dès à présent admise à résider ofliciellement à

I. Lettre do M. Berthemy, P('king. 10 juillet i863, à M. Drouyn de Lhiiys, ministre des allaires étrangères

TRAITÉS DANOIS, ESPAGNOL, HOLLANDAIS ET BELGE 1^9

Péking; il a renoncer à triompher sur ce point de l'opini»^- Irelé du Gouvernement Chinois. Ce dernier conseni toutefois à tolérer sa présence dans la capitale... »

Le traite fut porté à Madrid par le second secrétaire de la Mission, don Alvarez de Toledo.

Le traite hollandais, négocié par J. des Aniorie van den Hoeven'% a été signé à Tien-Tsin le 6 octobre i863.

<c M. Van den Hoeven avait fait exprimer au Gouverne- ment chinois le désir de visiter Péking avant son départ, mais il lui a été répondu qu'il ne pourrait se rendre dans celle ville sans être uuini d'un passeport délivré par Tune des Légal ions admises à y résider. Regardant, à juste litre, comme incompatible avec la dignité de la Puissance qu'il représente de souscrire à celte exigence, M. Vaii den Hoeven a cru devoir renoncer à son projet et sVst immédiatement embarqué*. »

Un arrangement avait été conclu à Canton le 26 juillet i845 par le consul général de Belgique, Lanoy, avec Ki-Ying, gouverneur général des deux kouang, et llouang, gouver- neur du Kouang-Toung, autorisant ce royaume à faire le commerc<î avec la Chine; un traité, négocié avec Toung- Sioun et Tch'oung-Hcou au nom de la Belgique par Auguste TKinl fut signé à Péking le 2 novembre i865, et ratifié à Chang-IIaï, le 27 octobre 1866.

Au sujet du traité belge, M. de Bellonct, notre chargé d'affaires à Péking, écrivait (3o novembre 1 865) :

« Pour la première fois, et peut-être parce que la demande n'en avait pas été faite, le traité a été daté de Péking, au lieu de Tien-Tsin, les négociations étaient censées se poursuivre, et

1. M. van den Uocven, consul des Pa^s-Basà Canton, arriva à Ta-kou sur la frégate à vapeur Citadelle d'Anvers. 3. Lettre de M. Berthemy, Péking, 33 octobre i803.

lOO DIVERS TRAITES ETRANGERS

le Ministre belge a du s'arrêter pour faire apposer la signa- ture du second plénipotentiaire, le surintendant des Ports du Nord, Tch'oung Heou. »

TRAITÉ ITAUEN, 26 OCTOBRE 1866.

Le souvenir de ses voyageurs qui sillonnèrent la route d'Asie au xiii* el au xiv® siècles, tels Marco Polo et Odoric de Pordcnone, et de ses missionnaires du xvii® siècle comme les PP. Matteo Ricci et N. Longobardi, rattachait l'Italie au passé de rExtrêmc-Orient. Le nouveau royaume résolut d'imiler l'exemple des autres puissances et de signer des traités avec la Chine et le Japon, et dans ce but confia une mission spéciale au capitaine de frégate de première classe, Vittorio Arminjon, de Chanibcry, qui commandait la cor- velte à vapeur ^/rz^'^/î/^? dans son voyage autour du monde. Arminjon avait comme second le lieutenant de vaisseau de première classe, Pasquale Libella, de Naples, et il était accompagné d'une mission scientifique composée du sénateur Filippo De Filippi, de Milan, professeur de zoologie à rUniversité de Turin, qui mourut de maladie à Hongkong le 9 février 1867, du professeur Enrico Hillycr Giglioli, zoologiste, qui a écrit une relation considérable du voyage ', et un préparateur, Clémente Riassi, de Trente. Arminjon s'embarqua le 6 novembre i8()6 et sans entrer dans le détail de sa mission, disons qu'elle réussit pleinement* et que son

1. Viaggio intorno al Globo délia R. Pirocorvctta italiana Magenta,.. Rclatione... dal Doit. E. H. Giglioli... Milan, in-^. V. Arminjon, La China c la MLssionc Italiana del i8()6. Fircnze, Hassegna Nazionale, i885, in-8.

2. « La missiono diplomatica dcUa Magenta fu un coniplclo successo. mcrcè Tabililà c la fcrnicz/a dcl nostro Comandante, pure Plcnipoten- ziario di S. M. prcsso i Governi di Ycdo c di Peking. Chi scrivcrà poi la sloria dclla diplomazia curopca ncU' cstremo Oriente, farà le maraviglie quando soprà cosa costarono ail' Italia quel due traltati ; credo che nessun

TRAITÉ ITALIKN, 26 OCTOBRE 1866 l5l

succès lui valut le grade de capitaine de vaisseau ^ Notons seulement le repas pantagruélique de cent cinquante plats offert à Tien-Tsin par Tch'oung-Heou àTambassadc italienne après la conclusion du traité : « Le traitement du mandarin provincial était plus splcndideque celui du Tsoung-li Yamen et du Prince Koung*. » Le traité signé en italien et en chinois à Péking le 26 octobre 1866 par le commandant Arminjon d'une part et d'une autre par T'an Ting-tsiang, membre du Tsoung-li Yamen, et Tch'oung-Heou, se compose de 54 articles ; presque entièrement calqué sur le traité danois, il ne donne lieu à aucune remarque spéciale ; été ratifié à Chang-Haï, le 12 novembre iSôy^

L'expédition française en Corée facilita les négociations italiennes. Le représentant de Victor-Emmanuel obtint tous les droits de la nation la plus favorisée et Tarticle qui concé- dait au ministre d'Italie le droit de résidence à Péking ne souleva aucune des impossibilités qui accueillaient d'ordinaire sa présentation.

diplomaiioo sia mai stato inoltrc cosi abilc finanzicrc corne le fu il co- mandante Arminjon. »

E. H. Giglioli, p. IX, Prefazione.

1. i*»" janvier 1868.

2. Viaggio, Giglioli, p. Ogo-i.

3. Voir les recueils spéciaux Hc trailcs :

Treaties hetsveen the Empire of China and Forci gn Powers together witk Régulations for the conduct of Foreign Trade^ etc., etc., etc. Editcd by William Frederick Mayers... Shanghaï, 1877, in-8.

Treaties and Tariffs regulating the Trade between Great Bri- tain and Foreign Nations :... China. In force on the Ist January, 1877, Bjr Edwarl Herislet, c. b... Lon^lon, 1877» in-8.

CHAPITRE XI

FLOTTILLE OSBORN. DOUANES

AFFAIRE LAY-OSBOR!S*

La guerre avec l'Angleterre cl la France avait montré à la Chine la nécessité d'organiser une force navale capable de résister au débarquement d'un envahisseur ; elle était hors d'état de trouver chez elle les ressources nécessaires, aussi le prince Koung résolut- il de s'adresser à FAngleterre pour lui fournir les officiers et les vaisseaux indispensables pour la créa- tion d'une flotte de guerre. L'inspecteur général des douanes, II. N. Lay, remplacé provisoirement à la tête de son ser>icc par MM. Filz Roy * et Robert Hart, qui ne tarda pas à être ap- pelé à Péking, était en congé en Angleterre et fut chargé d'exécuter les ordres du prince. Dès le 14 mars 1862*, par l'intermédiaire de M. Hart, il recevait du gouvernement im- périal des instructions écrites pour acheter et armer une flotte à vapeur; le 2 septembre, un ordre de la Reine en ConsciP

r. Mort à Nagasaki, lo 8 juillet 1868.

a. China, n" 2 (i864). Correspond ence respecling... the Anglo- Chinese Fleei under the command of Captain Sherard Osborn and the dismissal of Mr. Lay.

3. Il avait fallu rappeler lordonnance de neutralité faite en i854 par Sir John Bowring, qui interdisait, sous peine d'amende ou d'emprison- nement, aux sujets britanniques de servir le gouvernement chinois ou les rebelles T'ai P'ing.

AFFAIRE LAY-OSBORN l53

autorisait Lay et le capitaine de vaisseau Sherard Osborn, choisi comme chef de la nouvelle marine, à engager des hom- mes et à armer des vaisseaux pour le compte de Tempereur de la Chine. Trois points importants furent marqués par le prince Koung dans ses instructions à Lay du 2/i octobre 1862:

« i" L^achat des vaisseaux, des canons, de la poudre, du charbon, et des diflerents articles à Tusage des vaisseaux.

« 2*^ L'engagement des officiers, canonnicrs, et matelots, et autres, pour le service à bord des vaisseaux ; et les termes et les conditions de toute espèce de convention.

« 3" La retenue, comme il est proposé, d'une somme d'argent pour payer les salaires et les gages qui peuvent être indiqués par les engagements, et aussi pour pourvoir au paiement des compensations et autres items dans Tavenir.

<r Ces trois points sont laissés par nous à la discrétion de rinspecteur général pour agir comme il jugera convenable de le faire. »

Ces instructions laissaient la porte largement ouverte à l'initiative de Lay; celui-ci toutefois ne parait pas s'être rendu compte du caractère des Chinois lorsqu'il signa la convention suivante avec le capitaine Sherard Osborn*. Il était absurde de penser qu'il lui serait possible d'être le seul intermédiaire entre l'empereur et le commandant de la flotte : qu'il {K)urrait se dispenser du concours des princes et des ministres. Il fallait compter aussi avec l'opposition, sinon l'hostilité des vice-rois, dont (|uelques-uns-, comme Tseng Kouo-fan qui venait de se distinguer dans la guerre des T'ai P'ing, n'auraient jamais accepté de laisser leurs navires servir sans leur sanction, sous les ordres d'un étranger.

I. Fil» du Col. Edward Osborn, de l'armée de Madras; le 25 avril 1833; contre -amiral, 39 mars 1873-, mort le G mai 1875, à Londres. .Vuteiir de The Past and Future of British Relations in China. Edinb. & Lond., Blackwood, 1860, pet. in-8.

l54 FLOTTILLE OSBORN DOUANES

CO.NVENTIOX LAY-OSnORN, l6 JANVIER l863.

Voici les termes de rarrangenient pris par H. N. Layavec le capitaine Osborn * :

Londres, i6 janvier i863.

[^es conditions suivantes constituent notre accord iniituc] :

I. Osborn accepte de prendre le commandement delà flotte européenne-chinoise pour une période de quatre ans, et stipule qu'il n'y aura pas d'autre Commandanl-en-Ghef naval euro- péen.

3. Osborn, en sa qualité de Commandant-en-Ghef, devra avoir le contrôle entier sur tous les na>ires de construction européenne, aussi bien que sur les navires indigènes montés par des Euro- péens, qui pourront être au service de l'Empereur de Gliine. ou, sous son autorité, des cor|)orations indigènes.

3. Lay obtiendra de l'Empereur toute l'autorité nécessaire pour couvrir les actes d'Osborn comme Gommandantnîn-Clief de la flotte européenne-chinoise.

/|. Osborn entreprend d'agir suivant les ordres de l'Empereur qui lui pourront être donnés directement à Lay ; et Osborn s'engage à ne pas suivre d'autres ordras qui lui viendraient par une autre voie.

5. Lay, de son côté, s'engage à refuser d'être l'intermédiaire d'ordres de la raison desquels il ne serait pas satisfait.

6. Osborn nommera tous les ofliciers et les hommes à bord des vaisseaux de la force navale, sujet, cependant, à l'approbation de Lay, comme étant le représentant de l'Empereur.

7. Les subordonnés d'Osborn ne seront pas libres d'agir sans sa permission ; et Lay n'autorisera pas ses subordonnés de lui demander d'agir sans avoir préalablement consulté Osborn et obtenu les ordres nécessaires.

8. Lay et Osborn conviennent de s'enquérir soigneusement au sujet des plaintes qui pourraient être formulées par les fonclion-

I. China, n" 2 (i864)» p. 7-

CONVENTION LAY-OSBORN, l6 JANVIER l863 l55

naires chinois contre les olïiciers et les hommes employés par la force navale.

9. La force étant européenne, il est indispensable que le dra- peau sou» lequel elle agira ait un caractère européen : d'abord pour garantir sa propre elTicacilé ; secondement, pour lui assurer le respect qui lui est aux veux des communautés étrangères.

Lay, en conséquence, convient que le drapeau sera vert, avec deux bandes diagonales jaunes, portant au centre un dragon impt'rial bleu. Le vert est choisi, parce qu'il est rarement em- ployé par les puissances européennes cl par cela même ne sera pas facilement confondu avec d'autres couleurs nationales.

10. Lay entreprend de se procurer de l'Empereur, aussitôt que possible, une somme d'argent connue fonds de garantie, pour couvrir la paie et l'entretien de la force pendant quatre années, et dans l'intervalle, il est entendu que les navires, avec leur équipement, constitueront le gage pour les justes réclanja- lions de la force,

11. Dans le cas éventuel de la mort de Lay ou d'Osborn, on ne pourra se départir dans aucun cas, il est bien entendu, de ces conditions, qui ont été convenues avec l'autorité de rEm|)ereur de Chine.

13. Les conditions de cette convention, les termes de l'agré- ment formel, et les instructions imprimées, devront être formel- lement ratifiés par l'Empereur à Péking, a>ant qu'Osborn ne soit appelé à agir avec la force qui sera sous ses ordres.

i3. Dans le cas de la mort d'Osborn par maladie pendant son rommandenient, Lay recommandera à l'Empereur de faire un don à sa femme et à ses enfants.

IL-N. Lay.

SlIERARD OSBORN.

Lay paraît avoir été, sinon frappé d'un accès de mégalo- manie, au moins complètement dépourvu de tact ; aussi lorsque le capitaine Osborn arriva en Chine, se trouva-t-il dans une position tout autre que celle qu'il avait espérée. Le prince Koung voulut le placer sous le commandement d'un Chinois, désigné par Tseng Kouo-fan et Li Houng-tchang ; Osborn proslesta. Le i3 octobre i863, le ministre Wen-

^1-:

l56 FLOTTILLK OSBOUN DOUANES

Siang déclarait à Lay que le prince refusait de ratifier ses arrangements. Osborn donna par suite sa démission, adressa ses adieux aux oiïîciers et aux marins qui devaient servir sous ses ordres (T'ien-Tsîn, 9 novembre i864), disloqua sa flotte, et le gouvernement de Péking attribuant Tinsuccès des négociations à Lay, renvoya celui-ci. On n'oubliait pas d'ail- leurs en haut lieu la façon presque brutale avec laquelle Lay, alors interprèle de Lord KIgih, traita en i858 le vieux Kouei- Liang : « Les Chinois, dit Sir Frederick A. Bruce, ministre d'Angleterre à Péking, dans une dépêche à son gouverne- ment, en renvoyant Lay se conduisirent convenablement à son égard. Ils lui allouèrent 3 000 lacis (i 000 livres) par mois, pour les dépenses de son installation pendant son séjour a Péking. Ils lui accordèrent des appointements au taux de 8000 livres par an, du i®*" mai i863 à la fin de mars 18G/1, époque à laquelle il devait rendre ses comptes, et ils lui firent cadeau de 6 000 taëls (2 000 livres) de gratification, en quit- tant leur service. » Le Tsoung-li Yamen fit choix (novembre i863) pour remplacer Lay, d'un jeune homme de 28 ans, Robert Hart, le 20 février i835, h Portadown, dans le comté d'Armagh, qui occupe encore ce jK)ste.

LE PIUNCE DE KOIISG AL' MINISTRE DE FRA^iCE

J'ai riionneur d'adresser à V. Exe. la dépêche suivante que j'ai également envoyée à tous les Ministres des autres Puissances.

L'Inspecteur Général des Douanes, M. Lay, avait reçu cer- taines instructions relatives à l'achat de bâtiments à vajx*ur, mais il ne s'y est pas conformé et il a entraîne inutilement le Gouvernement Chinois dans de très grandes dépenses. Quand le Gouvernement Chinois prend une personne à son service, il faut qu'elle le serve et prenne en tout ses intérêts, c'est à cette condition seulement ([ue l'on peut l'appeler à traiter les alTaircs. M. Lay recevait plus de dix mille tacls d'appointements par an et on le traitait avec beaucoup d'égards, cependant il

COMMUNICATION ADRESSÉE A M. HART 167

n'a pas réussi à terminer celte affaire de bateaux à vapeur d'une manière satisfaisante et il a fait dépenser inutilement à notre Gouvernement des sommes considérables. Si M. Lay était man- darin ou simple particulier chinois, on le punirait conformément aux lois, mais il est anglais de nation on doit lui enjoindre de retourner en Angleterre, attendu qu'on ne peut plus accepter ses services. Quatre mois lui sont accordés pour terminer les affaires qu'il a entre les mains, pour régler et rendre ses comptes ; pendant ce laps de temps ses appointements lui seront continués afin de montrer que nous sommes généreux à son égard. C'est M. Hart qui remplira dorénavant les fonctions d'Inspecteur Général des Douanes que je viens de lui confier.

Outre les dépédies que j'ai écrites k M. Lay, ainsi qu'à M. Hart pour nommer ce dernier Inspecteur Général des doua- nes, dépèches dont je vous envoie ci-joint copie, j'ai cru devoir vous informer. Noble Ministre, de la mesure que je viens de prendre afin que vous en donniez également connaissance aux Consuls de votre nation dans les ports.

Tel est le but de cette dépèche.

COMMUTfICATIO?i ADRESSEE A M. HART

Depuis que vous, inspecteur des douanes, traitez les affaires relatives à ce service, nous n'avons cju'«i nous louer de votre zèle. L'Inspecteur Général, M, Lay, vient d'être destitué de ses fonctions et va se rendre h Chang-Haï, nous vous nommons donc vous, M. Hart, pour lui succéder en cette qualité. Vous résiderez à Chang-Haï et vous y traiterez les affaires ; s'il se présente une question importante, il vous sera alors seulement permis de venir à Péking, pour en référer à notre Ministère et \ous entendre avec nous. Quant aux affaires ordinaires des mers du Nord et du Sud et des ports du Yang-lseu-Kiang vous en référerez au Commissaire lnq)érial Li ou au Surintendant des trois Ports Tcii'oung et vous vous conformerez à leurs ordres. Nous avons ordonné déjà à l'ex-Inspecteur Général des Douanes, M. Lay, de vous remettre dans un délai de quatre mois toutes les affaires qu'il a entre les mains, les comptes d'imjx)rtation et d'exportation, et l'argent qu'il a recevoir. Vous-même vous aurez soin aussitôt que cette dépêche vous sera parvenue de

l58 FLOTTILLE OSBORN DOUANES

presser vivcmenl M. Lay de vous remettre sans retard toutes les aiïaires inachevées et vous en prendrez acte. De l'avis des Chi- nois, des Étrangers, vous ôtes un homme loyal et expérimenté, ot vous devez redouhler d'efforts pour vous montrer digne des fonctions qui vous sont confiées. Notre ministère vous envoie ci- joint copie de la dépèche qu'il a adressée à M. Lay pour que vous en preniez connaissance et vous y conformiez pour régler les affaires.

Outre la dépêche que notre Ministère a adressée ^ux surin- tendants du commerce, nous vous adressons celle-ci à vous. Inspecteur Général des douanes, jx)ur que vous vous y con- formiez.

Tel est le hul de cette dépêche.

On peut le croire, quand Wen-Siang disflit à M. Klccz- Ivowski, parlant de MM. Lay et Hart : « Ce sont nos fonc- tionnaires ; le jour ils feront mal, ils seront renvoyés du service et voih\ tout. »

ORIGINE DES DOUANES.

L'origine du Service des Douanes Impériales Maritimes Chinoises (Impérial Maritime Custonis), date de i854*. .V celte époque, les rebelles de la Société triade du Petit Cou- teau, Sùio Tao Houeiy des loges cantonnaise et foukienoise, occupaient la ville indigène de Chang-Ilaï; les fonctionnaires chinois avaient abandonné leurs postes; personne n'avait un mandat régulier pour toucher les droits sur les marchandises importées. Les consuls eux-mêmes ne pouvaient guère rece- voir que des promesses de payer les droits et pouvaient-ils même légalement percevoir les taxes? Un arriéré énorme se produisait donc dans la perception de la douane. Le 23 no-

I. China, n" i (i865). Foreign Customs Establishment in China , i865 [3509].

ORIGINE DES DOUANES lOQ

vembre i854, d'après une note du ministre américain, Ro- bert M. Me. Lanc, les droits arriérés, dus par les citoyens des États-Unis, montaient à eux seuls à taëls ii8 i2584i. Ce{)endant « les consuls d'Amérique et de la Grande Bre- tagne, pour arrêter le désordre, décidèrent que les droits seraient acquittés entre leurs mains soit en argent, soit en simples obligations ' (/;ro/?iissorj* notes). Vou Samqua [le Tao-Taï] ne demanda pas seulement qu'on lui versât les droits perçus, mais manifesta même l'intention de rouvrir la douane dans le local qui y avait été consacré au milieu des concessions étrangères; mais il dut y renoncer devant l'op- position qu'il rencontra, fondée sur cette raison: « qu'attendu rinsuflisance de ses forces militaires pour se proléger lui- même contre les insurgés, la colonie deviendrait, par le fait de sa présence, le théâtre de sanglants conflits dans lesquels les jours et les propriétés des étrangers seraient infaillible- ment exposés. » Le Tao-Taï n'eut pas plus de succès quand il proposa d'établir une douane flottante à bord de Y Anti- lope^ navire européen qu'il avait acheté pour augmenter sa flottille : on lui opposa les mêmes objections et les mêmes arguments*. » Ln tel état de choses ne pouvait durer, aussi conclut-on un arrangement par lequel un bureau tém- éraire des douanes serait ouvert le i3 février i854, sous la présidence du Tao-Taï de Chang-Haï. Il fut ensuite décidé que la douane serait placée sous le contrôle des représen- tants des amsuls Rutherford Alcock, B. Edan cl Murphy des trois puissances ayant des traités avec la Chine, c'est-à- dire l'Angleterre, la France et les Etals-Lînis: T. V. VVade, \ice-consul d'Angleterre, le capitaine (]arl, attaché à la lé- galion des Etats-Unis et Arthur Smith, interprète du consu- lat de France; le traitement de ces inspecteurs fut fixé à ()ooo piastres (plus de 3oooo francs) pour chacun, sans

a. Arthur Millac, dans la Revue de l' Extrême-Orient, II, p. lo.

►^ -

l6o FLOTTILLE OSBORN DOUANES

compter les frais de service. La nouvelle douane commença à fonctionner le 12 juillet i854. Le système ayant donné de bons résultats, on se décida à l'appliquer aux autres ports ouverts au commerce, tout d'abord à Canton, en octobre 1859, avec l'approbation du vice-roi des deux Kouang, Lao Tsoung-kouang. Les pouvoirs du fonctionnaire si connu des étrangers au xvni® siècle, sous le nom de Hoppo^ étaient ainsi singulièrement transformés. Swalow^ fut ouvert en fé- vrier 1860; Tchen-Kiang sur le Yang-Tscu, en avril; Ning- Po, en mai 1861 ; Tien-Tsin, le même mois, reçurent des commissaires. La même année, en juillet, Fou-Tchéou, et en décembre Han-Kéou et Kieou-Kiang sont ouverts à leur tour; en avril 1862, Amoy; en mars i863, Tcbé-Fou; en mai, Tamsoui et Kiloung; puis en septembre, Takao, dans Tîle Formose, et enfin en mai i864, Nieou-Tcbouang, com- plètent le chiffre de quatorze bureaux de Douanes ouverts à la fin de i864.

On peut penser que ce service important ne resta pas sans exciter la convoitise de l'Angleterre et Ton doit croire, lors- que notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg, communiquait le 22 août 1861, les nouvelles reçues par le gouvernement russe de Péking, sous la date du 22 juin, à M. Thouvenel, qu'elles avaient un fond de vérité :

« Mais la nouvelle la plus importante qu'il transmette à son «j;ouvernenicnt est celle de l'olfre que les Anglais auraient faite au i^ouverncmcnl chinois d'alîernier moyennant cinquante mil- lions de roubles (deux cent millions de francs) les douanes des ports ouverts aux Kuropéens. Le gouvernement n'avait pas en- core répondu ; mais cette proposition paraissait le faire réfléchir sérieusement. C'est un appât puissant en effet, que deux cent millions qui seraient versés directement dans les caisses du Tré- sor de Péking qui passe pour ne recevoir que la plus minime partie de ce (pie perçoivent les mandarins dans les provinces, et peut-i^lre fera-t-il fermer les yeux à la longue clairvoyance des Chinois sur l'iniluence absolue que l'acceptation de cette

FONCTIONNAIRES DES DOUANES iGl

proposition donnerait à l'AnglctciTc sur toutes les cotes de l'Empire. »

FO>CTIO?i>AlHES DES DOUANES

A la têlc du service est placé un inspecteur général. Nous avons dit plus haut qu'à Torigine, à Chang-IIaï, en juillet 1 85.^1, les droits de douanes élaienl j>erçus par les trois con- suls. Antérieurement, depuis septembre i853, le consul d'Angleterre, Rutherford Alcock, avait servi d'intermédiaire a ses compatriotes; il s'était fait représenter dans le trium- virat par son vice-consul Thomas-Francis AVadc (jui, à son tour, céda au bout d'un an (i*'' juin i855) la place à Tin- terprétc Horalio Nelson Lay. LVxtension du système des douanes de Chang-Haï aux autres ports devait conduire à l'unité de direction et c'est ainsi que Lay, nommé par le gouverneur général des Deux-Kiang, devint inspecteur gé- néral des Douanes maritimes. LeTsoung-li Vamen, depuis. sa création en 18G1, a dans ses attributions la nomination de ce haut fonctionnaire qui lui adresse ses rapports pour être remis au Ministère des Finances (^Hou Poii) ; il est vrai qu'il n'a eu qu'une fois à exercer cette prérogative. On re marquera que revenant à l'ancienne tradition, l^ieouKouen i, gouverneur général des Deux-Kiang, avait nonuné récem ment M. F.-E. Taylor, inspecteur général j). /., lorsqu'on craignit que Sir Robert Ilart, enfenué à Péking, ne put assu rer le service des douanes.

On jugera de Timportance du service des Douanes quand on songera au chiffre énorme des affaires commerciales eu Chine. La valeur annuelle du couimerce élranger a élé (mi 1899 *'^ Uaikouan taëls /|6o333 288 (le taël valait F. .5,79). En 1887, la valeur annuelle du commerce n'élail que Je Haikouan taëls 188123877. Au sur|>lus, voici cpiel G08DIER. I. II

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était le revenu des Douanes dans les dernières années : 1887, Hk. Tls. 20541399; 1888, 23167892; 1889, 21823762; 1890,. 2T 996 226 ; 1891, 23 5i8o2i; 1892, 2268900/1; 1893, 21989300; 189/1, 22 523 6o5; 1895, 2 1 385389; 1896, 22579366; 1897, 227/12104; 1898, 22 5o3 397 ; 1899, 26 661 46o. Il faut d'ailleurs remarquer que ce revenu est la garantie des divers emprunts étrangers contractés par la Chine, et que Ton ne peut, par suite, y toucher pour l'indemnité qui sera naturellement réclamée pour la guerre actuelle.

L'administration des Douanes est confiée à trois services (^Depa riment) : P le Revenu Çlieifenue Department) ; W la Marine (^Marine Department): III" TEducation ÇEducatio- nal Department), Le service du Revenu comprend : 1" les employés de hureau (Jn-door staff). Outre Tinspecteur gé- néral, la hiérarchie se compose de commissaires, de dépu- tés-commissaires, d'assistants, de clercs de différentes classes; le recrutement est cosmopolite; sur une trenUune de commissaires, il y a quatre Français; en 1898, le nom- bre des employés était de 272 ainsi répartis : Anglais, i65; Français, 28; Allemands, 22; Américains, î4; Russes, 7; Italiens, 8; Norvégiens, 6; Portugais, 6; Autrichiens, 3 ; Espagnols, 3 ; Hollandais, 3 ; Danois, 3 ; Suédois, i ; divers, 3. 2** Les employés du service extérieur {Out-door staff), qui sont en réalité les douaniers; ils étaient 4 60 en 1898, dont 236 Anglais. 3** Le service de la côte (^Coast staff) se conq)()sc des conmiandanls des navires des douanes, leurs officiers, les mécaniciens, etc. Ce service comprenait en 1898, 42 fonctionnaires, dont 35 Anglais, 3 Allemands, 3 Norvé- giens et 1 Danois. Un personnel de plus de 3 000 indigènes est réparti dans ces trois services. II. Ce département com- prend les ingénieurs, les capitaines de port, les gardiens de phares et leur personnel, au nombre de 96 en 1898; le \\qt- sonnel indigène dépasse 4oo. IIL L'éducation comprend les

FONCTIONNAIRES DES DOUANES 1 63

deux établissements connus sous le nom de T'oung Wen Kouariy Fun à Péking, de beaucoup plus important, Tau Ire à Canton. Le T^oung Wen Kouan fut créé par le Tsoung-li Vamen la 7"^ lune de la première année T'oung Tché (juin 1862) })Our renseignement de l'anglais, du français et du russe; les étudiants étaient recrutés dans le corps des Huit Bannières parmi les enfants âgés d'environ quatorze ans. En 1867, le Tsoung-li Yamen adressa au Trône un mémoire pour obtenir qu'à renseignement des langues fût ajouté celui des sciences de TOccident, en particulier des mathématiques et de Tastronomie, de façon à constituer un collège ou uni- versité*. En 1898, il n'y avait que quatre professeurs, dont trois Anglais et un Français ; le personnel étranger des Douanes, en 1898, comprenait 870 personnes dont /179 an- glais.

Les douanes publient une série importante de documents : la série statistique, qui comprend la « (iazette des Douanes », les statistiques en anglais et en chinois ; en 1893, on a donné sous le titre de Decennial lieporls (1882-91) un énorme volume in- V, q"i contient une foule de docu- ments relatifs aux diflérents porls, avec des plans, caries, etc. 2** La série spéciale, qui comprend des rapports médicaux dus aux médecins des diflérents ports ; quelques-uns renfer- ment des monographies fort imporlanles, par exemple, sur les filaires, par le D*" Patrick Manson^ sur Tailante, par le D*" Gustave Dugat, etc.; des éludes sur la musique chinoise, des recherches sur la soie, Topium, etc. Z^ Les Mélanges, consacrés aux catalogues des Expositions, aux traités de la Corée avec les autres puissances, etc. 4** Les publications relatives au service, annuaires, instructions, circulaires, etc.

Ces publications sont faites et imprimées au département

I. Voir The New Unhersity of China, p. 596 , de The Burlin gaine Mission by Johanncs von Gumpach.

l04 FLOTTILLE OSBORX DOUANES

de la Statistique des Douanes à Cliang-IIaï, qui a à sa tcle un secrétaire ayant rang de commissaire. L'inspectorat gé- néral, dont le siège est h Péking, a une agence à Londres, dont le chef a le titre de secrétaire non résident et le rang de commissaire; le titulaire de ce poste est M. James Dun- can Campbell qui est entré dans les douanes en avril i863 et est commissaire depuis novembre 1872. M. Campbell a joué un rôle important dans nos négociations avec la Chine pour les affaires du Tongking ainsi que nous le verrons plus loin : il a été fait commandeur de la Légion d'honneur.

Les employés des douanes touchent des appointements élevés, aussi les places sont-elles excessivement recherchées, et voit-on les fds des anciens agents consulaires et diploma- tiques se lancer dans une carrière chinoise qui leur offre de grands avantages. La dépréciation de l'argent avait diminué de moitié les appointements des employés des douanes, mais il y a deux ans l'augmentalion de cent pour" cent obtenue du Tsoung-li Yamen par Sir Robert Hart rétablit Tancien équi- libre. 11 n'y a pas de règle absolue pour le recrutement des employés; souvent, un talent spécial pour le dessin, la mu- sique, la connaissance de plusieurs langues étrangères, des titres universitaires sérieux, pèseront d'un grand poids dans le choix des candidats. Naturellement la recommandation de personnages politiques est utile ; des ministres étrangers à Péking font quelquefois pencher la balance en faveur de leurs nationaux, car il est nécessaire que toutes les puissances à traités et surtout colles qui ont consenti des emprunts soient représentées dans les Douanes Impériales. Mais il ne (iiut})as oublier que Sir Hobert Hart est le maître absolu de choisir qui bon lui semble. Il n'y a pas de retraite, mais tous les sept ans, les employés ont droit h une gralihcation d'une année de traitement'.

I. Henri (ionlief, dans la Semttinp politique et littéraire, samedi i®"" septembre 1900.

ROBERT II ART

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ROBERT 11 ART

Il est temps maintenant de parler de celui qui depuis no- vembre i863, dirige, véritable autocrate, celle vaste machine administrative; Tinspecleur général, ou simplement TI. G. comme le désignent ses subordonnés, Robert Ilart fut élevé à Queen's Collège, Belfast, et obtint son diplôme de Maître- ès-Arls, M. A. Hon. Causa ^ en 1870; d'abord interprète sur- numéraire de la surintendance du commerce à Hong Kong (mai i854), près du consulat britannique à Ning po (octo- bre j85/|), assistant interprète dans le même port (juin 1855), puis second assislant à Canton (mars i858), il rem- plit les fonctions de secrétaire des commissaires alliés pour Taduiinistration de la ville de Canton (avril i858). Inter- prète du consulat anglais a Canton (mai 1869), il obtint la permission d'entrer dans les douanes chinoises il est promu d'emblée député-commissaire dans cette ville (^juin jSSq); pendant l'absence de Lay, il remplit (avril 1861- mai i8G3) avec M. Fitz-Roy comme collègue, les fonctions d'inspecteur général. Nommé conuuissaire à Chang-Ilaï avec la charge des ports du ^ang-tseu et de Ning-po (avril i863), il remplaça Il.-N. Lay, trois mois plus tard, définitivement'. L'Angleterre qui sait récompenser les bons services, en a fait un Grand-Croix de Sainl-.Michel et Saint-George, G. C. M. G. (1889) et un Raronet (1893); la Chine lui a donné le globule rouge de la première classe des fonctionnaires (i 881), l'a décoré de la première classe de la seconde division du Double Dragon, et de la Plume de Paon (i885) et a anobli trois générations de ses ancêtres avec le rang de la première classe du premier ordre.

I. ticnri Cordicr, loc, cit.

l66 FLOTTILLE OSBOHN DOUANES

L'aclivilxî (le llart ne se borna pas au développement du seul service des Douanes ; il ne fut pas indifférent aux pro- grès intellectuels de la Chine, aussi bien qu'à son bien êlre matériel ; il Ta prouvé par la création de l'Université de Pélving, T'oit ng Wen Kouan, par Tinipression spéciale des publications des Douanes, par les encouragements qu'il a donnés aux auteurs de monographies comme celle du ^un- Nan, par M. Emile Rocher : je n'oublierai pas, pour ma part, qu'il a été l'un des premiers, et non des moindres, souscrip- teurs de la Bibliotheca Sinica. On trouve Robert Hart mêlé à toutes les négociations étrangères du Tsoung li Yamen qui n\i jamais trouvé un conseiller plus dévoué. C'est lui qui a été rinspirateur de la mission Anson Burlingame ; c'est lui qui en réalité, a réglé pour les Chinois la question du Tong- King : il n'est pas une seule affaire importante depuis qua- rante ans qui n'ait été traitée avec son concours, aussi a t-il rendu son poste tellement considérable que sa succession sera le point de départ de nombreuses compétitions, non seule- ment dans son personnel, mais encore entre les puissances étrangères. N'ayant jamais eu d'r/rf latus^ quand il a voulu se retirer, il lui a été impossible de désigner son remplaçant. Nommé en effet minisire d'Angleterre à Pékingen mai i885, il donna sa démission trois mois après (août i885), pour reprendre son poste d'inspecteur général. Il s'est sans doute aperçu de la nécessité, en cas d'absence ou de retraite, d'assurer le service, car il a fait nommé député-inspecteur- général, il y a peu de temps, son beau-frère, M. Robert E. Bredon. Sir Robert Hart a épousé en j866 llester Jane, fdledu D*" Alexandre Bredon, également de Portadown, dont il a eu un fds et deux filles; Taînée est la femme de M. W. N. Beauclerk, ministre d'Angleterre à Lima.

Naturellement, un homme possesseur d'une send)lable puissance ne manque pas d'ennemis et il en eut d'acharnés, par exemple, le baron Jolianncs von Gumpach, professeur de

ROBERT IIART I 67

mathématiques au T'oung-Wen-Kouan ; mais en tenant compte de ses préjuges nationaux, il faut bien avouer qu'il sVst montré à la hauteur d'une tache que bien peu d'honmies eussent été capables d'accomplir; s'il a surtout servi les inté- rêts de la Chine et de l'Angleterre, il n'en a pas moins, dans im but général, maintenu, je dirais presque créé, le seul rr)uage administratif qui ait en Chine une véritable valeur par sa régularité et, disons-le, par son intégrité. Ce dernier a, de phis, l'extrême mérite de coûter meilleur marché que n'importe quel autre service des douanes; les frais de l'ad- ministration des douanes impériales maritimes chinoises ne dépassent pas 5 [)our loo du revenu : c'est un exemple à sui\re dans la vieille Europe, particulièrement en France.

Robert llart est un homme d'apparence plutôt timide; c( jwtit plutôt que grand, chauve, ne regarde jamais en face », dit un diplomate de Péking ; « mélange de paysan madré, d'étudiant et de clergyman », écrit un autre ; a la vérité, Ilart s'est tenu jwut-étre trop à l'écart des Européens. Je ne crois pas qu'il soit revenu en Europe depuis 1878, époque à la- quelle il était conmiissaire général de la section chinoise à TExposition Universelle de Paris; il retourna en Chine en 1879, et, sauf quelques excursions au bord de la mer pen- dant l'été, il n'a quitté Péking qu'en 188G, pour suivre, à Hong Kong et Macao, les conventions relatives à l'opium '.

I . Henri Cordier, loc. cit.

CHAPITRE XI F

RÉBELLION DES T'AI PING

IIOIJNG SIEOU-TS UiE>f

Le chol' de celle grande réliellion* fui un certain Iloung Sicou-ts'iuen, qui faisait remonter l'origine de sa famille à la dynastie des Sonng ; il était le 20 janvier i8i3, dans un |)etit village d'environ /|00 habitants, presque tous membres de sa famille, du district de lloua bien, dans la province de Kouang Toung. Il était le quatrième enfant de l'Ancien du village, Iloung Jang, qui avait eu trois fils et deux filles ; Sieou-ts'iuen eut lui-même de sa femme, appartenant à la famille Li, deux fdles et un garçon, lloung se plongea avec ardeur dans l'étude des Quatre Livres, des Grands Classi- ques, etc., et dès i83G, il commença à fréquenter les examens publics, à Canton : quoique fort intelligent, et le premier sur les listes, il ne put cependant jamais obtenir le diplôme de bacbelier (sieou-ts'aï), aussi conçut-il de son insuccès une grande animosité contre les lettrés. Kn i836 et 1887, il visite Canton, il y reçoit en don des livres qu'il

I. T. T. Moaclows, The Chinese and thrir /{ehcllions... London, i8.")0, iii-8. Tliemiorc llainbcrg, 77ir C/iittcsc RehvK^hivf,... Lcmd., 1855, |cl. in -8. CalItTv cl Y van, [.insurrection en Chine... Paris. i85.S, in- 18. Andrew \N ilson, The « exer victorious Arniy y>... EdinI). & I.und., 18O8, etc. Norlh-China Herald y etc. Voir Biblio- iheca Si ni va, col. 2 08. Mcadows est mort h Nicou-lchouang le ai novembre i8()8.

IIOU.NG SIEOU-Ts'lL'EiN 169

n'e\aminera qiie six ans plus tard ; rentré chez lui, il tombe gravement malade, et pendant quarante jours, il est en proie à des hallucinations qui vont avoir une influence décisive sur sa vie.

Précepteur dans la famille Li, il parcourt en i8^|3 les livres qui lui ont été remis jadis à Canton ; ces livres ont pour titre Kitien c/ii liang yen (bonnes Paroles pour exhorter Tépoquc), ils sont dus a un certain Liang Afah ou Liang Kong-fa, en 1789 dans la province de Canton, qui avait accompagné comme Imprimeur à Malacca le célèbre docteur William Milne* qui Tavait baptisé le 3 novembre 1816. L'ouvrage de Liang, revu par le D*" Robert Morrison, avait été imprimé l\ Canton en 1882 et se composait de neuf traités ou sermons sur des textes des Ecritures Saintes ; Liang, qui n'est mort qu'en j855, avait probablement remis lui-même à Houng ces volumes lors de la visite de ce dernier à Canton en iSS". Dans ces exhortations, Houng retrouve le sujet de ses visions et frappé de la grâce, il enlève de sa demeure la tablette de Confucius et se baptise lui-même avec son cousin Li. Deux autres amis, Foung Voun-san et Houng Jen, se joi- gnent à eux. Sieou-ts'iuen et Youn-san se rendent dans le Kouang Si, pour prêcher aux sauvages Miao-tseu (i8/|^i) : ils réussirent pleinement. Deux ans plus tard, Houng apprend qu'à Canton, un missionnaire étranger, Lt) Hiaou- ts'iuen, enseigne la vraie doctrine ; il se rend immédiatement dans cette ville et se présente au maître qu'on lui indiquait et qui n'était autre que le Uév. Issachar Jacox Hoborls", de TAmerican Board of Foreign Missions, qui refusa toutefois de le baptiser. Houng, désappointé, retourne une seconde fois

1. \\ illiam Milne. delà London Mis^ionarv Sociolv, en Kcosso (Abordeensliire) en 1780 ; arrivé à Ma<uo le \ jnill(»l 18 13 ; mort 2 juin 1833.

2. I^ Kcv. I. J. Roberis, à Sumner Gounty, Tennessee, le 17 fé- >rier 1803.

170 IIKBELLION DKS T Al P l^r;

dans le Kouang-Si (1847). ^^ nombre de ses disciples aug- mente de jour en jour, el dès la iindc 18^9, les « Adorateurs de Dieu » formèrent un groujw assez compact pour inquiéter les mandarins locaux.

COMMEKCEMENT I»E LA HEBELIJON

Les circonstances étaient d'ailleurs favorables au dévelop- pement de la nouvelle socle. Mn sept'end)re 1850, les Hakkas (colons), venus du Kiang Si et du l'ou-Kien (Houng était de leur race) entrèrent en lutte dans le district de Kouei, avec les Pounti (aborigènes). Iloung réunit autour de lui les mécontents et ils sont toujours légion en Chine ; puis vien- nent se joindre à eux les membres de la société secrète des Triades el de social le mouvement devient politique : il a pour but le renversement de la dynastie mandchoue."

Nous aurons si souvent l'occasion de parler des sociétés secrètes (pii jouent un rôle considérable en Chine que nous croyons utile de leur consacrer ici cpielques [)ages*.

SOCIETES SECRETES

L'empire chinois renferme beaucoup de sociétés secrètes, je doute même qu'aucun autre pays puisse en olTrir im nond)re aussi considérable : rien d'étonnant, d'ailleurs, si l'on songe que le chilVre tles habitants du Cléleste Enq)ire représente au maximum le tiers, au minimum le quart de la population entière du globe terrestre. Ces sociétés portent les

I. J'ai puljlic CCS not<îs dans la lid'ue d^Klhnof^raphic. Paris, Leroux,

SOCIIÊTKS SFXIIÈTKS I7I

noms les plus varies, s'adressent aux classes sociales les plus opposées, ont pour but rexéculion des projets les plus divers cl choisissent comme moyens d'action ceux qui leur parais- sent généralement les plus mystérieux. Elles sont ou mili- taires ou religieuses, commerciales ou politiques ; mais, quel que soit leur caractère, elles sont principalement des sociétés de secours mutuels : les plus importantes sont révolutionnaires. On peut chercher leur origine dans deux idées : Tune purement sociale, l'idée de Tassocialion, ayant pc»ur base Tappui réciproque des membres d'une niénïc confrérie ; Tautre, purement politique, Tidée de palriolisme, puisant sa force dans la haine du vaincu, le Chinois, contre son vainqueur, le Mandchou.

Parlons tout d'abord de la première idée.

LVmj)ire chinois, malgré son gouvernenjont central et le pouvoir despotique conféré a celui qui l'administre, le Fils du CieL présente des cas fort intéressants de parlicularismc ; tout d"abord, si la langue écrite est la méiuc pour tout l'empire, si l'un des dialectes parlés a même une influence prépondérante, un grand nombre de lieux, même de pro- >inces, ont conservé leur langue propre; ainsi, les Pavillons- Noirs originaires du Kouang-ïouang et du Kouang-Si, établis à Lao-Kaï, ne parlent pas la même langue que leurs com- patriotes de la province voisine, le Yun-.\an. Ce qui est vrai de la langue, l'est plus encore des mœurs et des coutumes ; la province, la ville, le village a sa vie personnelle. Lorsque les Ja[K>nais ont débarqué à Formose en 187/1, c'est le gouverneur général du Fou-Kien qui était chargé des frais de la guerre; le gouverneur général des deux Kouang (Kouang-Toung et Kouang-Si) est le truchement nécessaire entre la Chine et l'Annam ; les Chinois, dès qu'ils éniigrent, éprouvent la nécessité de se réunir, de s'entr'aider, non pas seulement entre gens de la même nation, mais entre natifs de la même province, voire du même endroit.

* *

1^2 KKBF.LLION DES T AI IMNC,

(jC besoin de s'associer se fait sentir chez les Chinois non seulement de pays à pays, de la Chine par exemple aux Etats-Unis, mais encore de province à province. Aussi verrez- vous les preuves de cette association se manifester sous toutes les formes : par exemple un temple aux divinités locales, un cercle dans lequel se réunissent les habitants d'une même ville ou d'une même province. Le particu- larisme qui nous pousse aujourd'hui, nous autres Fran(;ais, h fonder des dîners connue la Pomme ou la Ci^alej fait créer aux (]hinois d(îs cercles ou des corporations les gens du même cru se peuvent rencontrer. Je me rappelle avoir vu a Han Kéou le superbe local d'im de ces cercles, aux portes de bois magniiiquement sculptées, avec un janhn aux arbusies taillés en forme de bétes, ainsi que le veut l'art des (( Le Notre » de rExlréme-Orient.

De même encore un Cihinois qui consentira à émigrer sous les auspices d'une agence, stipulera- 1 il que son corps sera rapporté dans son pays natal ; pour éviter des frais trop éle\és, on attendra qu'un certain nombre de corps du même pays se trouvent réunis ; de là, la construction de ces mai- sons de cadavres d'une même province, sorte d'auberge des morts l'on attendra qu'une réduction dans les frais de transport, ime occasion favorable permettent de faire un envoi dans des conditions agréables [)our les mânes du défunt et la bourse des parents. Kt, avec le grand respect que les Chinois |)rofessent pour les morts, ils ne permettent pas que ces sépultures temporaires soient profanées impunément* C'est ainsi (juc le désir de faire passer une route nouvelle sur l'emplacement de la mais(>n de dépôt, appelée impropre- ment pdiiode de Ning-Po, a causé à (^hang-Haï l'émeute du 3 mai 187^1. Aussi ce commerce des morts est-il la cause d'une vente extrêmement ilorissante de cercueils : il repré- sente \m chiiTre inqwrtant du fret a travers l'Océan Pacifique. On rencontre dans les villes de la Chine des magasins d'objets

SOCIÉTÉS SECRÈTES I^S

apparteiiaiil aux pompes funèbres, cFun aspect non moins alléchant que ceux qu'il m'a élé donné de voir en An^deterre cl en Allemagne.

Pour en venir aux sociétés elles-mêmes, je citerai d'abord fpielques sociétés excentriques : une, (|ui répond assez bien à celle du Ruban hleu anglais, prêche l'abstinence en fait de boisson, et défend de fumer; une autre, la société de V Orchidée d'or y comprend les filles qui ont juré de ne pas se marier ou de quitter leurs maris quand elles les auront é[)OU8és ; ces sociétés, du reste, spnt prohibées par l'Ktat.

Parmi les sociétés politiques les plus importantes, je citerai celle du Nénuphar blanc (^Pei-Lien-Kiao) ; queUjues auteurs la font remonter à Tan i35odc notre ère \ mais c'est surtout au commencement de ce siècle que cette association a fait parler d'elle. Ses adeptes réussirent à occuper le palais impérial à F^éking le i8 juillet i8i3 sous l'empereur kia-K'ing, et Weï- \ouen dans son célèbre ouvrage sur les guerres de la dynastie actuelle, le C/ieng Vou /ci, a consacré les livres 1\ et \ h riiistoire de leurs rébellions.

I. A Ciossary of référence, b\ Hcrl>ort A. (îilos. p. ^7.1 : « A well- knowii Chincsc secret socicty. orlginaled as earU as llic close of Ihe Yiian dynasly (aboiil A. D. i35()) hy a nian naincd llan Un-èrli, whocollecled a large numbcr of followers and had acliially proclaimed liimselfEmperor \\heii l»is forces were rouled and lie liimsclf souglil refuge in llighl. Tlio ineinlicrs of this fralcrnity are believcd lo posscss a knowledge of Itic lilark art. » Mr Wylic (Secret Societies), au contraire, ne la fait pas remonter au delà de la dvnaslic actuelle :

« One of the latler class whicli lias sevcral limes played a conspicuous part on Ihc page of history, tlio « Pih-leen keaoït >). Wliitc %^aler-lily secl » is apparently coe>aI wilh the présent dynasiy, for wc find in t/ie Ta-lsiiif' leiih-le, « Pénal code of IJic Manchu dvnaslv, » the section on « Magicians, leaders of Secls, and Teachers of false Doctrines » gi>es the nanie of ihis. logelher with Me-lih fuh Aeaou, « Secl of Maitreya Kiiddha » Miiig-tsun keaou, « Sect of Ihe intelligent and honourable » 9l\\A Pili-run-lsungy « Whilecloud instilule » ; Ihe chicf of which scveral associations arc made liablc to Ihc penalty of strangulation and the meni- l)ers to rccei^e 100 blows and l>c transportc<l 3, 000 le. »

174 RÉBELLION DES t'aI P*ING

L'existence des sociétés secrètes est marquée dans rhisloirc de ce siècle par différents édits ou faits intéressants. Ainsi en 1 80 1 , dans le chapitre Hcbel lions du Code pénal, on note que les membres de la société, dite des Triades^ seront décapités, ceux qui les auront accompagnés seront étranglés; en 1817, le gouverneur de Canton arrête deux ou trois mille adhérents de cette société ; en 1819, le gouverneur du Hou-Nan se plaint de Taccroissement des membres des sociétés secrètes; des rapports de censeurs, Tun de 18*^.9 dans le Kiang-Si, l'autre de iSl\i dans le Hou-Kouang en marquent également le développement. Ce dernier constate que la société des Triades a cinq loges : Grande loge, Fou-Kien; Kouang-Toung ; 3'^ Yun-Nan ; 4^ IIou-Kouang; Ïche-Kiang.

Les sociétés secrètes se représentent sous différents noms et sous différentes formes, ainsi M*^*" Fontana, vicaire apostolique du Se-tch'ouen (^Let. éd., IV, p. 5o3), écrit à la date du 3 septembre i83i :

« Les Tsin-Lien-Kiao sont d'une secte assez pernicieuse. Ils ne mangent point de la chair des animaux; ils ne se nourrissent que de légumes et d'herbes. Cependant il ]X)raît que plusieurs païens, appartenant à d'autres sectes athées ou matérialistes, dont la Chine abonde plus que les autres j>ays, se sont réunis sous le nom de cette secte, afin de se révolter comme avaient fait les Pci-Lien-Kiao. Plusieurs chefs de ces sectaires ont été pris et mis à mort ; en sorte que l'on n'a pas beaucoup à craindre de la part de ces rebelles. Cependant les peuples se révoltent assez facilement ; tous les ans nous entendons parler de révoltes, tantôt d'un coté, tantôt d'un autre; et ordinairement on dit que les révoltés sont des Tsin-Lien-Kiao, les noms Tsin et Péi se rapprochent assez l'un de l'autre pour la signification : car Tsin signifie clair ou pur, et le mot Péi signifie blanc. Je ne sais pas si ces rebelles ont adopté des signes distinctifs ; mais cela parait probable. Quehpi'un m'a dit qu'ils portent sur leurs bonnets

SOClÉTI^:S SECRÈTES lyO

im petit globule de verre ou d'autre matière transparente. » Mfiis la plus importante de ces sociétés est sans contredit celle à laquelle je viens de faire plusieurs fois allusion, colle des Triades San-ho-houei^ ou du Ciel et de la Terre Tien- Ti'houeiy qui a pour objet le renversement de la dynastie actuelle ; elle a du reste failli réussir. Les fameux rebelles T'aï'P'ifig ou Tcliang-mao étaient |>our la plupart d'origine triade et Ton sait quelle fut la rapidité des succès de leur chef Ifoung Sieou-ts'iuen, qui n'appartenait d'ailleurs pas lui même à cette secte. Partis du kouang Si et du Kouang- Toung, les T'aï-P'ing, comme nous Talions voir, remon- tèrent jusqu'au Kiang, s'emparèrent de Nan-king en i853, firent une pointe dans le Nord à travers le Ho-Nan jus- qu'au Tché-li, se répandirent dans les riches provinces du kiang-Sou et du Tché-kiang et ne furent définitivement écrasés qu'en i864 (prise de Nan-king par les troupes im- périales, 9 juillet i86/|), grâce à l'appui donné aux troupes impériales chinoises par des conlingents français et anglais ". Cette société des Triades puise ses idées symboliques et sa tradition dans l'ancienne philosophie chinoise. Les Jésuites de Péking, au xvni® siècle, ont clairement formulé ces idées dans les termes suivants :

« En voulant éclairer ce que les Anciens, sur la tradition de leurs Ancêtres, avoient dit allégoriquemenl, ces Philoso- phes orgueilleux (les philosophes mod«'rnes) ont tout embrouillé, tout défiguré, tt)ut changé. Les Anciens avoient dit, qu'il y avoit un Taij-ld o\\ grand l^incipe, un Chang-ti ou Seigneur suprême, un Tien ou Ciel supérieur, qui, par

I. Le caractère wan^ ^ symlwliso l'union du Ciel, de la Terre et do rilommc. Sous le règne de liien-Fonng, les Tria<les ont frappe de la monnaie; leurs saiH.'<pies portent le caractère ho au-dessus du trou; au- desi^us Q ; et deux caractères mandchous.

a. On trouvera la hibliograpliie de la guerre des T'aï-l^'ing dans notre Btùliothecn Sinica, col. 308-281.

176 RÉBELLION DES T*AI p'iNG

la vertu de son A7 ou de son souffle loul-puissanl, avoit formé les San-Tsai ou les trois agents généraux ou puissances productrices subordonnées, qui sont le Ciel, la Terre à: rilomme; & par ces San-Tsai^ ils entendoienl tout ce cpii est purement intellectuel, comme tout ce qui tombe «ous les sens ; toute puissance qui peut être ou qui est actuellement réduite en acte. Ils rangeoient sous le premier Tsai, qui est le Ciel, tout ce qui est Tobjet de la Métaphysique «S: de la Physique céleste, & ils s'étendoient en particulier sur ce qui concerne TAstronomie, de la manière à peu près &: dans Tordre que je vous invite à examiner dans la tigiu-e qui s'offre il vous.

(( L'eau, le feu, les métiuix, les vents, le tonnerre, la pluie, la Géographie \: toutes les j)roductions naturelles, tant en général qu'en particulier, faisoient Tobjet du second Tsni^ qui est la Terre.

« Pour ce qui est du troisième Tsniy qui est Vlfomme, ils le regardoient comme le seul être visible qui fût doué d'intelligence, qui fut en état de pouvoir proiluirc des actes dignes d'éloge ou de blamc, de récompense ou de châtiment, suivant qu'il cultivoit la vertu, ou qu'il s'abandonnoit au vice. Ils étoient persuadés outre cela, cV ils ne cessoient de le dire, que Y homme étoit récompensé ou puni non-seulement j)endant cette vie, mais même après sa mort; iS: ce fut pour rengager h. mériter l'un <S{ à éviter l'autre, qu'ils s'appli- quèrent surtout à (lévelo[)per les principes de la Morale, à expliquer les différentes obligations qu'elle impose en général pour la conduite extérieure de l'homme cV pour le règlement de son cœur, ^S^ en particulier pour raccomplissemcnl de ses devoirs, comme fils, comme sujet, comme père de famille, connue membre de la société, &:c.

« Voulant s'expliquer brièvement, au moyen de quelques synd^oles, ces anciens avoient dit : Le Tay-Ki ou le grand Principe a engendré les Leang-y ou les deux etligies ; ces

SOCIÉTÉS SECRÈTES I77

deux effigies ont engendré les Sée-siang ou les quatre images, & CCS quatre images ont engendre les Pa-Koun ou les huit trigrammes, qui exposent les principes dVm toutes choses tirent leur origine, & au moyen desquels il n'est rien qu'on ne puisse expliquer ^ ;>

Le livre des Cliangemenls, Y-King^ qui renferme le système qui vient d'être développé, commence au Tai-Ki^ le grand absolu, le grand extrême. Les philosophes de la dynastie des Soung ajoutèrent au Tai-Ki\e M'o/z-AY, c'est-à-dire l'absolu rien, Tinfini. Le chef de cette école fut le célèbre Tchou-hi (ii3o-i20o après J.-G.) qui naquit dans le Fou-Kien d'un père originaire du Ngan Houei. Dans son système, l'absolu rien (^Wou-Ki^ produit le grand absolu (JFai-Ki) qui, animé par son souffle, crée le grand principe maie ( Yanff) ; ce dernier, dans son repos, donne naissance au principe femelle ()V/i). Lorsque ces deux principes mis en mouve- ment finissent par se reposer, ce qui se trouve en haut est le Ciel correspondant au Yang, ce qui reste en bas est la Terre correspondant au Yi'n. Puis, dans la suite de leur mouvement on voit se former le soleil et la lune, les étoiles et les planètes, Teau et le feu, les plantes, les minéraux, les hommes, les animaux, etc. Les lois qui régissent les mou- vements sont au nombre de quatre : i" Ki\ le souille de la nature, qui représente l'énergie ; 2" Li, les lois de la nature antérieures au A7; 3** So, qui donne les proportions numé- riques; enfin [)our rendre tangibles ces lois, les rendre matérielles, 4" Yi^^j h^ forme de la nature -.

On a représenté ce système philosophicpie par des dia- grammes. Quelquefois on s'est contenté des trois pouvoirs de la nature, San^Tsal: ciel, terre, homme, indiqués par un A.

1. Mémoires concernant les Chinois, t. II, p. 27-38.

2. Cf. Feng'shui : or, tfie Iludiments ofNatitral Science in China. By Ernest J. Eilel. M. A., Pli. D . of Ihc London Missionarv Society. Hongkong : 1878, in-8, pp. 7-9.

CORDIER. I. la

178 RÉBELLION DES t'aI P*1NG

Les deux principes primitifs sont marques, Tun par une ligne droite vh^m qui correspond au Yang^ par conséquent au principe mâle, à la lumière et au ciel ; Fautre par une ligne coupée mm ■■ qui correspond au Yin, par conséquent au j)rincipe femelle, aux ténèbres et à la lerre.

On en a déduit les quatre figures spivanles :

h

i) Tai-Yang, qui correspond au soleil, à la chaleur, à Tin tell igence, aux yeux, etc.

2) lai- YÎHy qui correspond à la lune, au froid, aux passions, auoL oreilles, etc.

3) Chao-Yarif^y qui correspond aux étoiles, à Taurore, h la forme, au nez, etc.

!x) Clwo' Yin, qui correspond aux planètes, à la nuit, à la forme humaine, à la bouche, etc.

Ces quatre figures secondaires forment les huit trigranunes ou KottOy dont l'invention est attribuée h Fou-hi, le premier des cinq souverains (2852-2738 avant J.-C). La légende raconte que ces signes étaient marqués sur un rouleau qui fut poilé ii IVmpereur par un dragon sorti du Fleuve jaune.

Ces trigrammes représentent :

8

i) Le Ciel : les lignes étant pleines, ce trigramme marque le principe mn/e pur ;

2) La \ a|)eur, les exhalaisons aqueuses, les lacs ;

3) Le Feu, la chaleur, la lumière; -4) Le Tonnerre ;

SOCIÉTÉS SECRÈTES lyQ

5) Le Vent ;

6) L'Eau;

7) Les Montagnes ;

8) La Terre ; les lignes étant brisées, ce trigramme marque le principe femelle pur.

A

^■»'

.■^

NSnOM

Fio. I. Le Sien T'ien.

Généralement, on arrange ces figures sous la forme précédente (fig. i) à laquelle on donne le nom de aien fien :

Chin-nong, le second des cinq souverains, passe pour avoir multiplié par 8 les Koua de Fou-hi pour en faire 64-

l8o RÉBELLION DES T*AÏ 1»*ING

Ces 64 figures, muhipllëes par 6, en donnent 384, chiffre maximuni'généralenient cherché, quoique l'on prétende qu'on ait poussé les conihinaisons juhqu'au nonihre fantastique de i6 777 2i6 ! ! !

Le principe niâle mi^iii^ih et le principe femelle ^■■^■m réunis forment le 7V//-Aïqui est ordinairement représenté de la manière suivante :

FiG. 2. FiG- 3.

FiG. a et 3. Formes usuelles du Tal-ki.

Sur le demi-diamètre d'un cercle donné, on décrit un demi-cercle et sur le demi-diamètre restant un autre demi- cercle en sens contraire. Les deux figures délimitées par la courbe ainsi obtenue peuvent élre semblables (fig. 2) ou bien teintées, l'une en couleur claire, l'autre en couleur foncée.

Ce sont les Tai^Ki primitifs, mais plus tard, pour mar- quer la pénétration des deux j>rincipes, on a placé un petit disque clair dans la partie foncée, et un petit disque foncé dans la partie claire do la figure (Jv^. 3).

Le Tai-Ki alToctc dnillcurs qiiciqiicroisdcs furines hi/ari-ps ; un exemple assez curieux csl celui de l'cnolicvèlrcinenl de dauphins, relevé sur des modèles de jnnipies conservés au Musée du Trocadéro el que ma très oblif^amiuenl fait con- naître M. le D' ilaniy (%. ii).

(.Muj. (TElAnoe..

Le premier de ces modèles venant de Amoy (n" ly.'ioi) a pour Uibleau d'arrière une ptanclie (leinlc, au centre de laquelle deuit dauphins, l'un noir et l'autre blanc, s'entre- lacent de façon à reproiluiro les rourlws ilii Tai-Ki (fig. 'i). Les yeux des deux animaux représentent les petits disques de i>cnétration'.

Le deuxième modèle de jonque (n" lyioo de rinvcntairc du Musée d'Ethnographie) reproduit la même figure, avec

1. Ce modèle de jonque correspond au n" ï^ga du Catalogue spécial de la collection exposée au Palais du Champ de Mars (^Exposition universelle. Paris, 187S). publié par ordre du directeur gt'nérat des Douanes, Sliang-hal. 1878, in-j, p- io3.

quelques pclîlcs variâmes, sur un disque qui occiii>c le cerilie (le la rampe découpiîc de !a passerelle d'arrière d'une jonque de commerce d'Amoy (fig. 5).

On arrive à faire une figure coniplèlc en plaçant le Taï-ki au centre du Sien-T'ien.

On peut d'ailleurs rcprcsentpr aulrcnienl la combinaison des deux principes : le Ciel est rond et la Terre est carrée Péking, par excmjile, le lemple du Ciel est rond, celui de la Terre est carré); ta monnaie, appelée sap^-que, qui esl ronde el percée au centre d'un trou carré, représenle donc le mariage du Ciel el de la Terre; elle est également le symbole de rtiommc parfait.

Les membres de la sociélé des Triades onl puisé, comme je l'ai dit plus liant, leurs idées symboliques dans le système que je viens d'expliquer; des allusions fréquentes !i la cos- mogonie ancienne sont faites dans les cérémonies cl dans les diplômes; on retrouve souvent le triangle sur ces derniers. Dans un ras même, le diplôme représente xinSien-T'ifn avec le Tal-kî au centre; c'est celui du Chan-Toung; d'ailleurs

s(k:ii-:ti-:s secrètes i83

rclte confrérie attilice aux Triades }>orle le rioni carac- téristique de Pa Koita. Le révérend D.-ll. Porter a écrit un long Mémoire sur cette secte', et le D*" Schlegel en a re[)roduit le diplôme*. On trouvera également des diplômes dans un article du lieutenant Newbold dans le Journal of ihe lioval Asiatic Society \ Le diplôme que nous reproduisons ici est tiré d'un Mémoire de M. VVylie, publié dans le North-China Herald^.

A quelle é{>oque fut constituée la société des Triades, et quelle fut son origine? Si Ton répondait à ces questions par un simple examen des symboles marqués sur les diplômes de cette association, on pourrait faire remonter sa naissiuice aux époques les plus reculées de l'histoire de la Chine ; en tenant compte du peu de st^djilité des institutions humaines et en étudiant le système du philosophe Tchou hi que nous avons déjà exposé, on pourrait faire remonter les débuts du San Ilo-IIouei jusqu'à la dynastie des Soung. Il m'a semblé toutefois que la constitution actuelle des loges de cette so ciélé, ses rites, les persomiages qu'elle honore, ne permettent pas de lui donner une origine plus ancienne que le commen- cement de la dynastie actuelle, c'est à-dire la seconde moitié du \vu* siècle. On sait, en eflet, que le premier enq)ereur de la famille mandchoue qui règne encore aujourd'hui sur le (iéleste Empire, Chouen-Tché, monta sur le trône en 16^43, quoique la date officielle de son avènement ne soit, selon la

I. Secret Socielies in Shantting. By llie Rcv. D. H. Porter, M. D. (^Chinese Becorder, Wil, i88(), pp. i-io, 64-73.)

a. The Hung League, p. Sa.

3. The Chinese Secret Triad Society of the Tienii-haih. Bv Lieutenant Newbold, A. D. C, and Major-gencral Wilson, C. B., Madras Army. (Jour. Hoy. As. Soc, VI, iS^i, p. iao-i58.)

\. Secret Societics in China. By A. Wylio. (iV. C. Herald, n*» i65, sept. a4, i853 et seq. Réimp. dana'The Shanghae Almanac for i854 and Mis cet.)

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: DlpIAma d'une Swiéli MCrcta chiDoitc. (D'Bprè> M. A. Wjlle).

SOCIÉTÉS SFXRÈTES l85

coutume du pays, qu'au commencement de l'année suivante, ce qui correspond à notre 8 février i6/i4- Les Mandchous ne s'établirent pas sans difficultés sur le trône des princes nationaux Ming, qui avaient régné depuis i368, à Nan- King, puis à Péking; aux dissensions intérieures vinrent s'ajouter les attaques de l'étranger. Ce fut au fils de Chouen- tché, le célèbre Kang-Ili, monté sur le Irône en 1662, qu'échut la lourde tâche de terminer la pacification de l'empire et de repousser définitivement les envahisseurs.

Un des premiers ennemis que Kang-hi eut a combattre, fut (îaldan, le chef de la tribu mongole des Eleuthes. Cette tribu pouvait reformer à son profit cette terrible armée mongole qui s'était |)lusieurs fois avancée vers le Midi en conquérant tout sur son passage. Dans l'embarras très grand que causait à Kang hi l'attaque de Galdan survenant au milieu de rébellions intestines, l'empereur au lieu de s'adresser à ses ministres ou à l'un de ses gouverneurs de province afin d'exterminer les Eleuthes, fit appel à la nation entière ici commence la légende par un édit impérial annonçant que ceux qui vaincraient l'ennemi recevraient une somme de dix mille laëls d'or et la noblesse héréditaire du troisième degré (comte), ce qui leur assurerait la suprématie sur dix mille familles. Cent vingt-huit prêtres du monastère de Siau-Lim-Si, dans le district de Touan-leng, au fond des montagnes Kiu-lien (province de Fou-Kien), se déclarèrent prêts à anéantir les barbares envahisseurs sans le secours d'aucune troupe ; à l'aide d'un stratagème, ils battirent les Eleuthes, refusèrent toutefois les honneurs que leur offrait le souverain à la suite de leur victoire, et munis seulement des dix mille taëls, ils se retirèrent dans leur couvent pour re- prendre leurs travaux religieux.

Cependant ce succès avait excité au plus haut point la jalousie des mandarins ; ces derniers réussirent à faire tuer les prêtres, à l'exception de dix-huit qui se sauvèrent en empor-

l86 RKHEMJON DES t'aI p'iNG

lant le sceau el l'épée magique de leur fondateur. Ln nouveau massacre réduisit à cinq le nombre de ces religieux ; un général qui leur avait été favorable fui étranglé vers la même époque. La veuve de ce général el cinq marchands de che- vaux des provinces de Tché-Kiang et de Chan-Toung, se réunirent à ces cinq prêtres pour former la société dite Tien- Ti-houei, qui recruta bientôt un grand nombre d'adhérents. Cette société, divisée en cinq bannières ou loges, avec des mots de passe qui permettaient à ses membres de se faire reconnaître, eut pour objet de venger l'assassinat des prêtres et de remplacer la dynastie mandchoue des Tsing par la dynastie chinoise des Ming*.

Le meilleur exemple que nous puissions donner de rafli- liation dans cette société est celui qui nous est fourni par les loges des Etablissements du Détroit de Malacca ÇS traits Settlements) dont le nombre officiel des membres s'élevait, en 1887, à 62 736.

En théorie, les réunions des sociétés secrètes en souvenir des persécutions exercées par les fonclionnaires mandchous, devraient se passer dans les montagnes ou dans les jungles ; en réalité, elles ont lieu sous la protection du gouvernement britannique dans des locaux ad hoc,

V la porte de la loge se tient un huissier avec un bàlon rouge; ceux qui entrent dans la loge doivent prendre le bâton à deux mains et répéter les vers suivants :

Je liens la canne rouge dans mes mains,

Sur ma route, vers la loge, je n*ai aucune crainte

Vous me demandez, frère, je vais

Vous venez de bonne heure, mais je marche lentement.

Ceux qui ne sauraient répondre devraient être, selon le règlement de la société, décapités.

I. Mr. Giles (Gtossary of Réfère nci\ p. 259) ne fait remonter l'ori- gine de cette société qu'au règne de Young-Tcheng (1723-1736), fils de Kang-Ili.

SOCIÉTÉS SECRÈTES 187

FNiis, ayant traversé la grande porte, on passe dans la salle de la sincérité et de Injustice, puis dans la Vif le des sautes, puis dans le pavillon fleuri rouge ; au-dessus du pavillon se trouve le grand autel, avec la chaire du Sien-seng ou maîlre de la loge ; je fais grâce au Iccleur de la suile, du cercle du Ciel et de la Terre-, du pont à deux planches, dont Tune est de cuivre et l'autre de fer, de la fournaise incandescente, du marché de la paix universelle et, en dernier lieu, du temple de la vertu et du bonheur.

C'est dans une pièce, à droite du marché de la pai.v uni- verselle, que les candidats purifiés par des ablutions, revchis d'habits neufs, se préparent à être reçus.

« Chaque candidat est introduit par un fonctionnaire de la loge qui se porte garant que pendant quatre mois, le nou- veau membre ne se querellera pas avec ses frères et que pendant trois ans il n'enfreindra pas les plus importants des trente-six articles du serment de la société \ »

La lecture de ce serment, écrit en trente-six articles, est faite h haute voix aux candidats agenouillés par un des aiïiiiés. Le premier de ces articles marque que la piété fdiale est la première de toutes les vertus ; nous notons dans les articles suivants quelques renseignements : Le secret est absolu : celui qui Taura trahi aura une de ses oreilles coupées et recevra cent liuit coups ; tout membre de la société consi- dérera ses collègues comme des frères, qu'ils appartiennent aux hautes classes, comme les comtes, les marquis, les généraux et les ministres ; aux classes moyennes, comme les lettrés, les agriculteurs, les artisans et les négociants ; ou aux classes inférieures, vagabonds ou mendiants ; puis viennent des préceptes de tolérance et d'honnêteté, de bienfaisance et de justice ; dans les réunions de la société, vous ne cacherez pas

1. Pickering. II, p. 6. Chinese Secret Societies and their Origin. Bjr Mr. W. A. Pickering. (Jour. Straits Rranch ofthe lioy. As. Soc.^ ri" I, 1878, pp. 63-84; n'^ 3, 1879, pp. i-i8.)

l88 RÉBELLION DES T*AÏ p'iNG

les serpents parmi les dragons, c'est-à-dire les Mandchous parmi les Chinois ; la politique montre le bout de Foreille : pour les serpents, lisez la police.

Après la lecture du serment, tout le monde se lève, verse un peu de sang, puis Ton boit du thé.

Afin de bien marquer le refus de reconnaître la dynastie mandchoue actuelle, les membres de la société défont leurs cheveux et les laissent pendre librement sur le dos ; Tépaule droite et la poitrine restent nues. Quand les candidats ont été préparés, le maître de la loge arrange les différents objets nécessaires à la cérémonie sur le grand autel : ils se com- posent d'une mesure dans laquelle on met du riz et cent huit sa|>èques renfermées dans du papier rouge et on y ajoute les différents objets, symboles de Thistoire et des traditions de la ligue :

i) Les Pavillons des Cinq Ancêtres, triangulaires : qui contiennent le nom des cinq prêtres fondateurs et le nom des provinces dans lesquelles chaque prêtre a fondé une loge :

1. Fou-Kien, Noir.

2. Kouang-Toung. Rouge.

3. Yun-Nan. Jaune.

4. IIou-Kouang, Bleu.

5. Tclie-Kiang, Vert (ou bleu d'azur).

2) Les Pavillons des cinq marchands de chevaux ou généraux « tigres », comme les précédents, correspondent aux provinces de :

1. Kan-Sou.

2. Rouang-Si.

3. Se-Tch'ouen.

4. Chan-Si.

5. Riang-Si.

3) Les Pavillons des cinq éléments : I. Eau, Noir.

2. Feu,

3. Bois. l\. Métal, 5. Terre,

SOCIÉTÉS SECRÈTES

Rouge.

Azur (vert, bleu, noir)

Blanc.

Jaune.

189

4) Les Pavillons des quatre points cardinaux :

1. Nord,

2. Sud,

3. Est, t\. Ouest,

1. Nord.

2. Sud,

3. Ksi, l\. Ouest,

]\oir. \ /^" se trouve Té-

I I toile polaire.

Rouge.i Représentant 1^" le soleil se

-- , > les quatre pôles <^,^ \ ', ., Vert. [ * * JOu le soleil se

\ delà terre. / ,^^.^

Blanc. [ le soleil se

/ V couche.

Noir. \ Représentant / Le guerrier som- I les quatre I bre.

Rouge. 'quartiers dans\L*oiseau de ver- \ lesquels sont l millon.

Vert. 1 réparties les JLe dragon d*a- j vingt-huit f zur.

Blanc, 'constellations.! Le tigre blanc.

5) Les Pavillons des saisons :

1. Printemps, Vert.

2. Été, Rouge.

3. Automne, Blanc. l\. Hiver, Noir.

6) Les Pavillons de :

1. Ciel, Azur.

2. Terre,

3. Soleil, t\. Lune,

Jaune. Rouge. Blanc.

7) Les sept étoiles :

1. Soleil.

2. Lune.

3. Vénus. [\, Jupiter.

igO RÉBELLION DES t'aI P*ING

5. Mercure.

6. Mars.

7. Saturne.

Les huit trigrammes. Les pavillons de l 'Orchidée d'or.

L'étendard de la « Confrérie victorieuse », vert, jaune, rouge et écarlate.

8) Les quatre pavillons rouges des quatre principaux fonctionnaires.

9) L'ombrelle jaune.

10) Le pavillon du Commandant en chef dos armées.

1 1) La tablette des « Cinq Ancêtres », à droite de laquelle se trouvent : l'épée précieuse, une paire de ciseaux, unsotian pan y et le miroir précieux ; à gauche de laquelle se trouvent : le fourreau de Tépéc, la mesure du pied, les petites balances et les poids, les quatre trésors du bureau (table à écrire), c'est-à-dire l'encre, le papier, le pinceau et la pierre à encre, et cinq écheveaux de soie fdéc : blanc, jaune, rouge, vert et noir.

12) Un modèle de la véritable Ang Houa Tang avec ses trois portes.

Et devant Tautel il y a cinq tasses de thé, cinq tasses de vin, cinq bols de riz, cinq paires de bâtonnets, les trois viandes de sacrifices : porc, poulet et canard, un paquet de tabac, un paquet de thé, sept lampes pour les sept étoiles et une j>aire de grosses chandelles rduges, et au-devant, un brûle-parfums précieux.

Après avoir énuméré les griefs des vrais Chinois contre la dynastie mandchoue, avoir raconté la défaite des Eleuthes par les prêtres du Fou-Kien, le maître de la loge interroge le haut fonctionnaire, chef de l'avant-garde, et lui fait réciter, opération qui dure près d'une heure, les trois cent trcnte- Irois articles du catéchisme de la Société ; à la suite de cet examen, le maître de l'avant-garde (sien-houng) est autorisé à introduire les candidats qui doivent être aOiliés.

SOCIÉTÉS SECRÈTES IQI

Théoriquement, et souvent même en pratique, la première opération de raffiliation consiste à couper la natte. On sait que la mode de se raser le sommet de la tête et de réunir les cheveux en une longue natte, ne date chez les Chinois que du xvii'^ siècle et de la conquéle de leur pays par les Mandchous.

Puis viennent les ahlutions, le dépouillement des habits, le revêtement d'un habit blanc, etc. Ensuite a lieu un nouvel interrogatoire du sien-hoting^ l'encens brûlé ; on allume les chandelles rouges, on offre le vin, etc. Après l'affiliation, chaque membre reçoit un diplôme, on leur fait visiter la loge et on leur montre les instruments, les pavillons et les drapeaux.

Les adeptes de cette association ont de nombreux signes de reconnaissance; quelques-uns, par exemple, ajoutent dans récriture un caractère spécial, à celui qui exprime le véritable sens d'un mot : la façon de tenir le parapluie ou le mouchoir, la manière de présenter la pipe d'opium, cer- tain cérémonial observé en remplissant ou en vidant les tasses de thé, sont autant de signes distinctifs qui facilitent aux afliliés de se reconnaître quelque part ils se rencontrent*.

On comprendra, étant données les pénalités sévères édic- tées par les fonctionnaires chinois* contre les membres de

1. Cf. Thian Tihwui, The Ilung-League or Heaven-Earth-League. A secret society with the Chinese in China and India. By Gustave Schlegel... Wilh an introduction and mimcrous cuts and illustrations. Batavia, Lange, 1866, gr. in-4. C'est de beaucoup l'ouvrage le plus important sur la matière.

2. « Tous les vagabonds et gens dtVéglés. qu'on saura avoir fait des r(5unions. ou avoir commis des vols à force ouverte, ou autres actes de violence, sous la dénomination particulière de Tien Ti houei^ c'est-à-dire \ Association du Ciel et de la Terre^ subiront la mort par décollement, dès qu'ils auront été pris et convaincus de leur crime ; et tous ceux qui les auront accompagnés pour les soutenir, ou qui les auront excités à commettre leurs pratiques, subiront la mort par strangulation. » (TVi- Tsing Leu-li, code pénal de la Cbinc. trad. Staunton et Renouard de Sainte-Croix. Paris, 181 a. II, pp. 4O0-1).

iga RÉBELLION DES T*AÏ p'iNG

cette société, qu'il soit difficile d'obtenir des renseignements exacts.

En Chine, être seulement en possession de livres ou d'insignes amènerait une application sévère et immédiate de la loi. Dans les Indes néerlandaises, ces sociétés sont pro- scrites; dans les colonies anglaises, elles sont absolument tolérées : d'ailleurs elles ne revêtent guère dans ces établisse- ments que le caractère de sociétés de secours mutuels. Les Anglais ont su tirer parti du principe de l'association chez les Chinois et ils ont créé un poste de fonctionnaire qui porte le titre de protecteur des Chinois. Ce poste naguère occupé par M. Pickcring, l'a été depuis par le D*" N.-B. Dennys ^; c'est à ce dernier système que je me rallierais très volontiers : une espèce de truchement entre les Chinois et le gouverne- ment me paraît de nature à empêcher les grandes révoltes, comme celle qui éclata à Batavia au milieu du dernier siècle ^.

I. D^ Dennys, Nicholas BelfUld. mort à Hong-Kong» 5 déc. 1900.

Voir T'oung-Pao. a* Sér., II, no i.

a. On trouvera la bibliographie des sociétés en Chine dans notre Bibliotheca sinîcat col. 861-864. L'ouvrage suivant est extrômement remarquable : The Chinese and their Rebellions, s'ien'ed in connection ivith their national philosophy, ethics, législation, and administra- tion, To which is added, an Essay on ci\'Hization and its présent State in the East and West^ by Thomas Taylor Meadows, Chinese In- terpréter in II. M. Civil Service, London : Smith, Eldcr & O, i856. in-8. On pourra également consulter : Associations de la Chine.

Lettres du P. Lehoucg, missionnaire au Tché-ly-Sud-Est, publiées par un de ses amis. Paris, F. Waltelier et C'", s. d., in-i6. Il est inté- ressant de noter cette plaquetteécritc par un franc- maçon : Freemasonry in China, by Herbert A. Giles, W. M lonic, 1781, E. C. and Dis- trict Grand Senior Warden, Hongkong, Amoy : 1880, in-4.

CHAPITRE XIII

RÉBELLION DES T'AI PING

(Suite).

MARCHE DES t'aÏ p'iNG

Le 27 août i85i, les rebelles* s'emparent de Yong-ngan, dans la parlie orientale du Kouang-Si et Houng Sieou-ls'iuen est déclaré empereur du Royaume Céleste de la Grande Pureté, T'nî P'ing T'ien-Kouo. Les efforts des mandarins avaient été impuissants à arrêter le mouvement ; dès les pre- mières nouvelles de la rébellion, le gouvernement impérial avait fait appel au fameux commissaire Lin de la guerre de rOpium. Lin Tsi-seu vivait retiré à Fou-tchéou, sa ville natale ; nommé commissaire impérial le i®*" novembre i85o, il mourait malheureusement en route quelques jours plus lard (lii novembre i85o). Il fut remplacé par un ancien lson*>; Ion, Li Si-youen, en même temps qu'un ex-gouver- neur général Tcheou Tien-kio, était nommé gouverneur du Kouang-Si. Efforts stériles !

I. Les rebelles étaient désignés sous le nom de T' Ping ou de Tchang mao (longs cheveux), parce que laissant pousser leurs cheveux comme les anciens Chinois, ils refusaient de suivre la mode tartaro et de se raser le sommet de la tète. On les appelait aussi Houng, rouges. « Ils sont nommés rouges, dit le P. Uabeau, parce qu'ils ont la coutume .de porter une bande d'étoffe, le plus souvent rouge, dans leurs cheveux, ou à la ceinture et môme sont quelquefois tout habillés de rouge. » (^Letlres des JVou\'elles Missions, III, partie, p. i84.)

GoRDIER. I. i3

IQ^ RÉBELLION DES T*AÏ P*ING

Le nouvel empereur T'aï Ping, désormais connu sous le nom du T'ai P'ing Wang ou ï'ien Wang *, place ses troupes sous quatre chefs, Kong Youn-san, Yang Sieou-tchin, Siao Tchao-Kouei et Wei-tching. Les rebelles quittent Yong-ngan (7 avril 1852), montent vers le Nord, assiègent pendant un mois kouei-Lin, capitale du Kouang-Si, abandonnent le blocus (19 mai i852), paraissent devant Tchang-Cha, capi- tale du Hou-Nan (11 septembre) qu'ils assiègent vainement pendant quatre-vingts jours (levée du siège, 3o novembre 1852) et par la rivière Siang traversant le grand lac Toung ting (i3 décembre), pénètrent dans le Yang-tseu. Les hordes t'aïp'ing descendent ce grand fleuve jusqu'à l'embouchure de la rivière Han, au confluent de laquelle se trouvent les villes de Han-Yang et de Han-Kéou qui sont prises le 28 décem- bre. En face de Han-Yang, sur la rive droite du Yang-tseu, s'élève la capitale du Hou-Pé, la grande ville de Wou- tch'ang: elle est prise d'assaut (12 janvier i853). Le flot des rebelles n'a qu'à suivre le cours du fleuve. Kieou-Kiang (18 février i853) dans le Kiang-Si, près du lac Poyang, et Ngan K'ing (2/4 février), capitale du Ngan-Uouei, tombent entre les mains des T'aï P'ing qui apparaissent le 8 mars devant la grande ville de Nan King.

PRISE DE NAN KING

Cette célèbre capitale renferme une forte garnison qui se

1 . Le Rév. T. Hamberg dit, note p. 87 : Houng Sieou- ts'iuen était appelé soit T P'ing Wang d'après la nouvelle dynastie commençant avec lui. ou Tien Kouo Wang d'après son autre désignation. La plupart des Hak- kas prononce le mot Kouo comme Koueli ou Kouet. et par conséquenl iloung était appelé parmi eux T'ien Koueh Wang. Les gens à quelque dislance, en entendant le nom T*icn Kouet, mais ignorant le dialecl<> et les caractères, changèrent le son T ien Koueli en T'ien Tè, « vertu céleste ».

MARCHE VERS LE NORD IqS

défend h peine, et se laisse massacrer lâchenienl lorsque la ville est prise d'assaut le 29 mars i853. La vieille capitale des Ming allait être {tendant onze ans la capitale d'un empire rebelle, qui mit la dynastie mandchoue à deux doigts de sa perte.

Des premiers chefs ï'aï Ping, deux étaient morts, tués tous les deux en 1862 : Fong Youn-san, le Nan Wang ou roi du Sud et Siao Tchao-Kouei, le Si Wang ou roi de rOuest, beau-frère de lloung. Yang Sieou-tchin, le Toung Wang, roi de TEst, après la prise de Nan King, prétendit incarner le Saint-Esprit et faire concurrence au Tien Wang; il fut tué au mois d'août i85C, par Wei-tching, le Pc Wang, roi du Nord, qui périt peu de temps après lui. Des six grands cliefs de la rébellion, il ne restait plus que Houng, le T'aï P'ing ou T'ien Wang, roi céleste, et Chi Ta-k'aï, le I Wang, roi auxiliaire, qui se retira au Se-tcirouen, h cause de la jalousie de Sieou-ts'iuen ; pris parles impérialistes, lel Wang fut exécuté par la mort lente à Tch'eng-tou, le 25 juin i863\ M. Bonin raconte qu'un lieutenant de Chi Ta-k'aï remonta vers le nord jusqu'au Kou-kou nor, échappant ainsi au massacre de ses compagnons et joignit les rebelles musul- mans du Kan-Sou.

Les ï'aï P'ing continuent à descendre le Kiang, prennent successivement ïchen Kiang (i*"" avril i853) sur la rive droite, au confluent du Canal impérial, Koua-tchéou et Yang- tchéou (2 avril) dont ils ne devaient retirer leur garnison que le 2 G décembre suivant.

MARCHE VERS LE NORD

Un mois plus tard (12 mai i853), une armée de Taï P'ing traverse le kiang, défait les troupes tartares envoyées contre

I. E. C. Babcr, Travels and Researches, p. 53, d'après les mé- moires de Lo Ping-lch'ang, gouverneur général du Se-tch'ouen.

ig6 RÉBELLION DES T*aI p'iNG

elle et arrive le 19 juin devant Kai-Founfjf, capitale du Ho- Nan, à laquelle est livré un assaut infructueux le 22. Les T'ai P'ing traversent le Fleuve Jaune et marchent sur Houei- Ring qu'ils sont obligés d'abandonner après l'avoir assiégé pendant deux mois sans succès. Ils pénètrent dans le Clian- Si et débouchent enfin dans leTchc-li le 29 septembre i853. Une de leurs avant-gardes est repoussée de Tien-Tsin le 3o octobre i853 et au commencement de novembre, ils sont bloqués au Sud de cette ville à Tsing-Haï, sur le Grand Canal par les troupes impériales qui les suivent depuis Houei king et par celles qui sont envoyées de Péking.

La nouvelle de cet échec parvient h Nan-King. Immédiate- ment une partie des troupes t'aï p'ing de Ngan King est envoyée dans le Nord h la rescousse. Elles s'emparent successivement deToung tching, de Chou tching (29 novembre i853), de Lou Icliéou (i4 janvier i85/|), de Lou ngan (17 février), mar- chent vers le Nord, traversent le Fleuve Jaune et paraissent devant Lin -Tsing dont ils s'emparent (12 avril i854) après avoir battu les impérialistes.

Cependant les T'aï P'ing restés à Tsing Haï, étaient dans l'impossibilité, faute de cavalerie, de marcher sur Péking ; ce coup hardi, s'il avait réussi, aurait certainement mis fin à la dynastie mandchoue, les circonstances étant singulière- ment modifiées depuis l'époque les Pei Lien Kiao occupè- rent le palais de K'ia K'ing. Tsing Haï fut évacué le 5 février i854, les T'aï-P'ing redescendirent vers le Sud, rejoignirent leurs compagnons à Lin-Tsing, d'où ils gagnèrent le Kiang dont la rive gauche était en mars i855 débarrassée de leurs hordes.

CAMPAGNE sua LE KIA>G

Entre temps, les T'aï P'ing s'étaient livrés dans la vallée du Kiang à des exi)éditions de maraudeurs, dans le but de

iq8 rébellion des t*aï p*iNr.

se procurer des provisions et particulièrement du riz. Après la prise de Nan-King, les TViP'ing avaient envoyé des troupes au lac Poyang, et tentèrent sans succès de s'emparer de la capitale du Riang-Si, Nan-tchang, dont ils levèrent le siège (24 septembre i853) pour se répandre dans la province qu'ils pillèrent. Au. printemps de iSS/i, ils avaient pris \o tchéou, étaient entrés dans le lac Toung-Ting, et dans la rivière Siang, et descendirent au-delà de Ïchang-Cha, capitale du Hou-Nan. Le 26 juin i85/|, ils reprenaient Wou tch'ang qu'ils évacuaient quelques mois plus lard (1 3- 1 1\ octobre i85/|) ainsi que Han-Vang et llan-Kéou, chassés par Tseng Kouo- fan. L'année suivante, nouvelle prise de Han-Kéou (20 fé- vrier i855) et troisième capture de \Vou tcb'ang (mars).

LES ETRANGERS

Les étrangers s'étaient d'ailleurs mis en rapport avec les rebelles de Nan King ; peu de temps après la prise de cette ville, le navire de guerre anglais, V Hermès, avait quitté Chang-IIaï (22 avril i853) avec le gouverneur de Hong Kong, sir George Bonbam ; plus tard le Railler rapportait un grand nombre de brochures t'aïp'ing qui furent traduites par le Rév. Dr. W. IL Medhurst ; le CassinV (3o novembre i853) se mettait également en roule pour le Riang avec le ministre de France, M. de Bourboulon, enfin le Susquehanna,

I. Le Cassini, Commandant de Plas, avait quitté Chang-Haï le 3o novembre i853, avec le ministre de France, M. de Bourboulon, M. de Gourcv, secrétaire d'ambassade, et les PP. Gotteland et Clavelin, S. J. ; il arriva en vue de Nan King le 6 décembre et il en repartit le i4. assez mal reçu par les T'aï Ping. « Quant à la partie politique, écrit le com- mandant de Plas, si elle n*a pas obtenu tout le succès qu'on attendait, elle a eu du moins pour résultat de faire mieux apprécier les tendances du mouxement insurrectionnel qui menace l'empereur de Chine, du Kouang-Si à Péking. » P. 358 : U. P. Mercier. Campagne du « Cas- sini » dans les mers de Chine, i85i-54. d après les rapports du C^ de Plas. Paris, 1889, in-8.

DIFFICULTÉS DE LA C|1INE IQQ

vapeur américain, quittait Cliang-Haï ('22 mai i8o5) et transportait M. Robert Mac La ne, ministre des Etats-L'nis, jusqu'à Nan King il ne put débarquer, menacé d'être reçu à coups de canon.

Les étrangers étaient au reste f(nt perplexes sur Tattitude à prendre vis à-vis des rebelles ; les plus compétents préco- nisaient la neutralité la plus absolue ; on annonçait même la chute prochaine de la dynastie mandchoue, prédite à l'ex- |)ulsion des Mongols de Chine lors de Tavènement des Ming en i3G8. Le D*^ W. A. P. Martin, futur président du T'oung \\en kouan, allait jusqu'à écrire (Ning Po, 26 novembre i856 ; combien a t il du depuis regretter ces lignes!): « Comme les ressources des Mandchous s'épuisent au der- nier degré, nous pouvons sûrement prédire que si les TVi P'ing ont encore la chance d'être conduits par des chefs capables comme ceux qui les ont dirigés jusqu'à présent, deux ou trois années au plus à partir d'aujourd'hui suffiront à les rendre maîtres de rEm|)ire ! »

Les événements allaient donner tort au D*" Martin, et heu- reusement pour lui-même les T'aï Ping ne devaient pas IrouNcr le grand chef capable de maintenir la victoire sous leur drapeau, lloung Sieou-ts'iuen était d'ailleurs atteint de la folie des grandeurs et son chrislianisme avait subi de singu- lières transformations. Vers la fin de iSfx), les centres prin- cipaux des rebelles, Nan King et Ngan K'ing, étaient assiégés par les Impériaux et les T'aï Ping n'occupaient plus que quelques villes du Kiang-Sou, du Ngan-Houei, comme T'ai- P'ing, Wou-Hou et du Tché Kiang, comme Hou-lchéou.

DIFFICULTES DE LA CHINE

Les difficultés de la Chine avec l'Angleterre el la France allaient prolonger la lutte des Mandchous contre les rebelles

300 HÉBELLION DES t'aÏ p'I->G

et retarder la chute définitive de ces derniers. L'affaire de Ta Kou (25 juin iSSg) rendait inévitable la guerre entre les alliés franco-anglais et la Chine. Ainsi, presque impuissante à écraser les rébellions intérieures, la dynastie mandchoue, avec une ignorance et une insouciance incroyables des dan- gers qu'elle pouvait courir, par un acte de la plus insigne mauvaise foi, attirait sur le sol chinois les armes de ces mêmes puissances étrangères qui deux ans auparavant, lui îivaient fait sentir leur force. On peut dire que c'est miracle que le trône mandchou, affaibli et ébranlé depuis K'ion Loung, n'ait pas été définitivement renversé sous les coups des rebelles et des étrangers. Il y a vraiment im dieu pour les fous, comme pour les ivrognes. Tout Teffort des troupes impériales devait être dirigé contre les Français et les Anglais et leur concen- tration ne laissait devant les hordes T'aï Ping que de laibles contingents à la merci de troupes au moins égales en bra voure et bien supérieures en nombre.

Li Sieou-tcheng, le Tchoung Wang (roi fidèle) débarrasse les environs de Nan King des Impériaux, défait et tue à Tan- Yang le général Tchang Kouo-liang avec dix mille hommes (mai 1860), prend Tchang tchéou et Wou-Si, d'où i)euvent s'enfuir les missionnaires jésuites Stanislas ClaveHn, François Giaquinto' et Maurice Sentinier^, s'empare de tout le Canal impérial entre le Ta Hou (Grand Lac) et le kiang et entre sans difficulté dans la ville considérable de Sou- tchéou le 2'i mai 1860.

Tout naturellement, il devait venir à Tidée desT'aï P'ing de rechercher l'alliance de ces « diables d'Occident » qui faisaient la guerre aux Mandchous. Beaucoup d'entre eux avaient été en relations avec les étrangers ; sans parler du T'ien Wang liii-

I. .Napolitain ; ne le 19 octobre 18 18; arrivé dans la mission, 2\ jan- vier 18/19; "lort 3o avril 186^.

3. 5 septembre i8a3; arrivé dans la mission, 11 janvier i85a; mort 39 juillet 1869.

DIFFICULTES DE LA CHINE 30I

même, le Fou Wang (lloung Jen) et le Kan Wang (Houng- Jen-kan) avaient eu recours à eux, ce dernier même avait passé quatre années à Hong Kong, et nommé généralissime (les TVi P^ing, son rcve était de se rapprocher de Chang- Haï, de se livrer aux Franco-Anglais et de leur acheter des navires pour s'assurer la possession du Kiang.

D'autre part, le Tao Taï de Chang-Haï, Wou et Ho Kouei-^ (sing. Gouverneur Général des deux Kiang, qui devait pajer plus tard son insuccès de sa tétc', implorent Taide des alliés, qui en ce moment même concentrent leurs trou- |K»s à Chang-IIaï pour aller attaquer la Chine dans le Nord. Sj)eclacle singulier que ces fonctionnaires qui demandent le secours de ceux mêmes qui font la guerre à leur gouver- nement î Choses de Chine, faites de contrastes et souvent d'incohérences! 11 eut été dangereux de diminuer nos effectifs à ce moment, aussi l'aide fut elle refusée, mais dans la crainte de scènes de pillage et de massacres semhlahles a ceux qui s'étaient passés à Hang-Tchéou, les plénipotentiaires, MM. Bruce et de Bourhoulon lancèrent une proclamation, le 'Jt6 mai 1860, pour annoncer aux habiUints de Chang-Haï que les chefs militaires recevaient Tordre de prendre des mesures pour les protéger contre tout mouvement insur- rectionnel et garantir la ville de toute attaque.

Les négociants chinois de Chang-Haï avaient d'ailleurs déjà pris des mesures en vue de la défense de leur ville-dont la richesse pouvait exciter la cu|)idilé des TVï P'ing. Le mar- chand Ta Ki (Takee), d'accord avec le tao im Wou, s'as- sura des services de deux aventuriers américains Ward et Burgevinc, qui furent chargés de recruter des hommes parmi les Européens et les Manilois pour s'emparer de Soung-Kiang sur le Houang Pou, à cinq ou six lieues de

I. Il fui décapité à Pcking en juillet i86a, surtout à cause do la prise de Sou-tcliéou par les rebelles.

a03 IIÉUELLION DKS T P INC.

Chang Haï. Frederick Ward était vers 1828 à Salem (Massachiissetts) ; (libiistier dans TAmériquc centrale sous le général William VValker, il avait surgi a Cliang-Haï vers 1859. Les rebelles occupaient Soung Kiang depuis le i*"" juil- let au grand chagrin du missionnaire Hollinat. Une première attaque avec cent étrangers contre Soung Kiang échoua ; un nouveau renfort permit à \V ard de s'emparer de la ville (16 juillet 1860). Ce premier succès encouragea Ta-Ki à faire de nouvelles offres a Taventurier pour s'emparer de Sing-pou, mais cette ville, défendue par l'anglais Savage, puis sea)urue par le Tchoung Wang, repoussa l'attaque de Ward ('2 août i86o)\

Le iG, le Tchoung Wang, accompagné du Kan Wang, marche sur Chang-Haï ; le lendemain, ses troupes passent à Tsa Ka\Aei, se trouvait un orphelinat dirigé par le père jésuite, Louis de Massa", qui est massacré avec un grand nombre de chrétiens ; les Impérialistes sont chassés et le Tchoung Wang est repoussé à son tour de Chang-Haï, dont il évacue le voisinage le 22, et se retire à Sou-tchéou, après avoir forcé le général impérial Tchang Vu-liang à lever le siège de Ka-ching.

Cependant ^igan King est fortement pressé par le général Tseng kouo-fan. Cet homme remarquable dont nous au- rons souvent à parler, est le mardi 26 novembre 1811 (i i°-jour du 10" mois de la 16* année de kia K'ing), à Siang-

I. Wilson, p. 63.

a. La famille napolilainc de Massa comprenait cinq Bis du baron Antoine-Marie Massa, mort 10 avril 184 1, tous Jësnilcs, missionnaires on Chine : Augustin, à Naplcs, le 16 mars i8i3 ; mort à Zi-ka-wci, i5 août i856 ; a** Nicolas, à Naplcs, le 3o janvier i8i5 ; mort 3 juin 1876, à Zi-ka-wei ; 3" René, ne à Naplcs, le i4 mai 1817 ; mort a8 avril i853 ; ^o (laëlan, k Sorrenle, 3i janvier i8ai ; mort du typhus à Zi- ka-wei, a8 avril i85o; Louis, à Naples, le 3 mars 1827; mort 17 août 1860. Une famille napolitaine. Notice historique sur les cinq frères Massa... ^ par le U. P. Louis- Marie Sica... Paris, V. Retaux, 189a, in-ia.

DIFFICULTÉS DE LA CHINE 3o3

Il'iang irien, prélbcUire de Tchang-Clia, dans le Hou-Nan. Il était l'aîné de neuf frères. Kn i853, il avait été chargé par décret impérial d'aider le gouverneur du IIou-Nan, à répri mer la rébellion ; il organisa une flotte qui fut placée en i853 sous les ordres de son secrétaire 1^'eng Yu-lin qui chassa les rebelles de Tchang Cha (i854).

Le Tchoung Wang, rappelé à Nanking par Houng Sieou- Is'iuen, quitte Sou-tchéou^ qu'il laisse aux mains du Hou Wang, Tclien Kouan chou. L' ne réunion de chefs t'ai p'ing a lieu à \anking, en octobre 18G0, dans laquelle il est décidé qu'une expédition sera dirigée sur Han-Kéou, pour prendre à revers l'armée impériale et délivrer cette ville. Dans ce but, quatre corps d'armée sont formés : le premier, com- mandé par le 1 Wang, suivra la rive gauche du Kiang par Lou-tchéou, Lou-ngan, jusqu'à Houang-tchéou sur le Kiang, puis marchera sur Ilan-Kéou ; le second, avec le Tou Wang, attaquera Hou Kéou, sur le lac Poyang, de re- montera le fleuve jusqu'à Han Kéou. La route du Chi Wang, troisième corps, sera la rive droite du fleuve jusqu'au lac Poyang, Nan-tcirang, capitale du Kiang-Si, et enfin Wou tc'hang, capitale du Hou ; enfin le dernier corps, commandé parle Tchoung Wang lui-même, passera au Sud du Poyang, a Yo-tchéou sur le lac Toung ting comme objectif, d'où il redescendra à Uan- Yang. Mais ces grands eflbrts des T'ai Ping échouent.

CHAPITRE \1V

RÉBELLION DES T'AI PING

(^uiie).

« EVER-VICTOUIOUS )) ARM Y

Lors du passage à Nan King en février 1861 de l'amiral Hope qui allait installer les consulats de Kicou-Kiang et de Han-Kéou, il obtient du T'ien Wang la promesse de laisser Chang-Ilaï tranquille. Malgré cette promesse, le 1 1 janvier 1862, le ïclioung Wang, reprenant sa place à Sou-lchéou, mettait ses troupes en marche sur (ihang-IIaï. Mais les étrangers sont prêts. I/armée de Ward est ofliciellement reconnue par décret impérial du iG mars 1862; elle est surnommée V « Armée toujours victorieuse », Tcli*an^ Chen^ Kittn (Ever Victorious Army). Ward, le contre- amiral lVan(;aisl^rotet,et le général anglais, Sir John Michel, s'emparent de ka Jao, le 21 février 1862. La part que prennent les alliés à la répression des T'aï P'ing est résultat des négociations du prince Koung, qui a pris définitivement les rênes du gouvernement à la mort de son frère, Tempereur Hien-Foung, le 21 août 1861. Sir John Michel, arrivé au terme de son commandement, est remplacé par le général

C. W . Staveley.

« Au mois de janvier 1862, au moment la lutte contre les T'aï Viw^ allait s'engager, les alliés comptaient d'abord les deux mille hommes de troupes de ligne qui restaient de

« EVER-VICTORIOUS » ARMY ao5

Parniée expéditionnaire ; mais ces régiments, exclusivement placés sous les ordres de l'administration de la guerre, étaient considérés connue en garnison, et les amiraux ne pouvaient les engager dans une expédition. Ils gardaient lès nuirs de la \ille, Zi-ka-wei et les concessions européennes. C'était en quelque sorte une réserve, ne pouvant donner que dans un cas déses|)éré. La véritable force active était dans les navires et les équipages qui les montaient. La station navale fran- çaise se composait de deux frégates à voiles avec des équi- •ges réduits, V Andromoqne et la Force, cette dernière por- tant le pavillon de Tamiral Protêt, des canonnières 12, i3 et i5, et de quelques petits avisos à vapeur presque sans chaudières, peu armés et montés par un petit nombre de matelots. On attendait, vers le milieu d'avril 1862, la frégate la Henoinmée^ la corvette le Monge et le bataillon de zéphyrs envoyé de France pour relever la garnison de Chang-Haï.

« La station navale anglaise, sous les ordres du vice-ami- ral Ilope, fpii avait son pavillon à bord de Vlmpériensc, était bien plus forte en gros bâtimens, et ses moyens d'ac- lion étaient encore augmentés par la présence d'un grand nombre de canonnières et les ressources inépuisables de l'ar- senal de Hong-Kong. Les Anglais attendaient aussi deux régimens des troupes de l'Inde, un régiment de ligne de Tien-ïsin, et ce qui leur manquait en artillerie, génie, am- bulances et [>ontonniers. Pour le moment toutefois, les deux amiraux ne pouvaient jeter a terre que six-cents matelots, renforcés par Parti llerie légère ; mais cet effectif était sulli- sant, si l'on ne tentait un assaut ou un coup de main qu'à peu de dislance des rives du VVhampoa ', i\ portée des canonnières qui proti'geraient la retraite et l'embarquement dans le cas d'un insuccès dillici le à prévoir^. »

I. Lire FJouang'Pou.

1. Des Varaiinos, p. 867, Re\'ue des Deux^Mondes, i5 avril i8G3.

206 RÉBELLION DBS t'aÏ P*ING

Au mois de mai 1862, les forces de Ward et anglo-fran- çaises, qui avaient pris Nazian(27 avril) et kading (i*^** mai), se composaient : Anglais, i 6^o (dont 690 Hindous) avec 7 canons; 'Français, 775 Européens, 120 Chinois et 8 ca- nons ; Ward, i 000 Chinois et 3o canons, sans compter ^127 liommes sous les ordres du capitaine IJorlase, débarqués des navires de guerre anglais. Le 4 avril 18G2, le camp rebelle de Wong-ka-dza, le 12 mai, ïsingpou, et le 17 mai, Nan-K'iao, étaient pris; malheureusement à l'assaut de cette dernière ville, le contre-amiral Protêt' tombait mortellement frappé d'une Ijalle. Une siéle a été élevée à la mémoire du regretté amiral et à celle du P. Victor Vuillaume*, S. J., qui fui tué le \ mars 1862, à Ts'ien Kia (sous-préfecture de Nan-IIouei, province du Kiang-Sou) par ordre des autorités de Chang Haï.

La Gazette de Péking du 11 juin 18C2 renfermait un message impérial relatif à la mort de l'amiral Protêt^.

1. Auguste- Léopold Protêt, le ao février 1808, à Saint-Servan. Une statue lui a clé élevée devant l'Hôtol de la Municipalité de (ihang- Haï. Voir North-Cli'uia Herald^ 617, 2/4 mai i8Ca; ibt'd,, OaS, 5 juillet i86a (décret de la Gazette de Pékiiig. du 11 juin i8Ga).

2. Victor Vùillaunie, AV*/, le 26 décembre 1818 ; arrivé en Cliine i*"" octobre 1849.

3. Décret impérial. « Li Houngtchang, gouverneur du Kiang- Sou, rapporte que les chefs étrangers, de concert avec les trou(>es toujours victorieuses, ont attaqué les campements dos rebelles à Nan-K'iao. et s'en sont emparés ; et que l'amiral français a été blessé morlcllement dans Tassant, etc., etc.

a II parait que le iG mai (18^ jour de la lune), l'amiral anglais IIopc et l'amiral français Protêt, ainsi que le général Ward, conduisirent leurs troupes à une attaque contre les défenses des rebelles à Nan-R*iao. Les rebelles s'étaient jetés eux-mêmes dans trois sortes do forts en boue et d'échauguettes, d'où les coups tombaient comme de la pluie. Héroïque- ment, l'amiral français conduisit Tavant-garde aussi loin que le fossé autour des batteries, encourageant ses soldats à avancer, et se jeta au milieu des rel>elles, qui prirent peur et s'enfuirent |MMe-méle. Dans cotte attaque, juste comme l'amiral Protêt était au plus fort du combat, il fut mortellement blessé par une l)alle de mousquet.

« Cela Nous frappe ce que cet oflîcier, qui est venu de si loin, navi- guant parmi plusieurs océans, Ht pour la destruction de ces rebelles, au

« EVER-VICTORIOUS » ARMY 2O7

C'est par erreur qu'il est mis clans cette stèle que Famiral fui lue d'un coup de lance. Dans cette affaire nous eûmes en outre deux officiers grièvement el sept hommes légère- ment blessés. Les Anglais n'eurent que six blessés.

Le conlre-aniiral Jaurès remplaça Protêt couuue Com- mandant en chef de la division navale des mers de Chine.

La folie de Houng Sieou-ts'iuen * paraît avoir grandi d'an-

ris(|uc (]e sa vie, et dans son noble zMc, mourut actuellement sur le champ de bataille, c'est un cas de sincérité qui ne ternit en rien la gloire de sa mission première ol est un signe de valeur héroïque qui est hautement à sa louange.

« En examinant les détails des rapports ci-dessus, nous avons été pro- fondément atnigés, et Nous ordonnons que Li Houng- tchang, d'acconl avec Nos v(nux, nomme un tao-tai et un préfet (sans doute ceux de Chang-tlaî) comme nos députés pour offrir un sacrifice aux mânes de cet officier mort ; et de plus Nous ordonnons qu'un présent de 100 fourrures de martre et l\ rouleaux (broderies impériales) de soie colorée soient pris dans nos magasins impériaux et par l'entremise du Prince Koung soient offerts à la famille du défunt amiral pour leur spéciale réception, comme une preuve de notre désir de montrer une digne marque de notre attention et aussi de réconforter l'âme morte du croyant *. »

I. Les deux décrets suivants donneront une idée de l'état mental des chefs rebelles :

M Nous proclamons pour 1 information de nos fils, neveux, etc., etc., et tous les ministres et le peuple, ce qui suit :

« Le Père est le Seigneur Suprême, le Frère est le Sauveur du Monde, Nous sommes le Vrai Soigneur el Notre Fils le Vrai Jeune Seigneur.

a Toung est un Professeur et un Seigneur Rédempteur de la Maladie, au neuvième étage du ciel au-dessus, assistant le Seigneur Céleste.

« Le Père est le point, étant le Seigneur Suprême du Ciel. Le Frère est la ligne supérieure, étant le Sauveur du Monde. Nous sommes la seconde ligne étant le Vrai Seigneur Céleste. Notre Fils est la ligne cen-

Norlh-China Herald, 5 juillol 1862.

508 RÉBELLION DES t'aÏ P*ING

née en année ; jaloux de ses chefs, il n'avait pas tardé à se montrer despote cruel et rien ne peut mieux nous faire cen- trale étant le Jeune Seigneur Céleste. Toung est un professeur et un Seigneur Rédempteur de la Maladie. Le Seigneur Rédempteur de la Ma- ladie assiste le Seigneur Vraiment Désigné.

« Qu'un grand nombre d*exeniplaires de ceci soient tirés et distribués dans le monde.

a Tchin-tsai *. »

Nous venons de lire un décret du T'ien Wang, en voici un de son fils :

Cette ligne est le

Y eh Céleste.

Cette ligne est le

Porc Céleste.

(]ette lifirne est mon

*

La ligne du centre est Père.

Moi même .

« Par autorité du T'ien-ych, le Père Céleste, et mon Père, Nous pro- clamons pour l'information de Nos Frères, Cousins, etc , etc., et tous les ministres, ce qui suit :

« La Volonté de Ych, Tieh et de notre Père est la doctrine du Ciel.

« Les trois s'unissent en Un Vrai Seigneur suri)assé par |>ersonne depuis le commencement.

« Chang Ti, le Christ avec Notre Père font trois. Leur union en Un nous a été transmise dans des paroles ({ui ne sont pas fausses.

« Yeh le Seigneur Suprême produisit le Vrai Seigneur T'ien Wang. Le Fils a manifesté le caractère I {wang, roi) ;

« Pour montrer que le Vrai Esprit et le Vrai Seigneur produisirent le Vrai Roi (Fils de T'ien Wang) ;

(( Combiné en un, formant une image illuminant tout l'espace.

« Le Père, les Fils, et les Petits-Fils du Père ont un sceau.

« Laissez les myriades de pays, les myriades de nations et tous venir rendre hommage.

« Nous désirons qu*un grand nombre de copies soient faites de ceci et distribuées au dehors.

« Respectez ceci ! ** »

Nortli-China H^ald, 634, septembre 20, 18G2. •• iVorlh-(^h{na Herald, 0 il 8, décembre 27, 18O2.

LETTRE DU RÉV. I. J. ROBERTS QOQ

naître son état d'esprit que la lettre suivante* du Rcv. I. J. I\oberts, qui l'avait initié le premier aux mystères du chris- tianisme. Roberts était arrivé à Chang-Haï en septembre 1860 et il était remonté a Sou-tchéou, il avait été présenté au Tchoung Wang ; de cette ville, il se rendit à Nanking il arriva le i3 octobre et son ancien élève le nomma ministre des aflaires étrangères. Au bout d'un certain temps, profon- dément écœuré, il s'échappa de la capitale t'aïp'ing le 20 jan- vier 18C2.

LETTRE DU REV. I. J. ROBERTS

Janvier 22, 186 a.

a Pour avoir été le professeur religieux de Houng Sieou-ts*iuen en 1847, ^^ espérant qu'un bien religieux, commercial et po- litique — pourrait résulter de son élévation pour le pays, j*ai été jusqu'ici un ami de son mouvement révolutionnaire, le soute- nant par la parole et par l'action, autant qu'un missionnaire peut le faire convenablement, sans altérer son caractère élevé d'am- bassadeur du Christ. Mais après avoir vécu parmi eux pendant quinze mois, et observé de près leurs procédés politiques, commerciaux et religieux j'ai tourné entièrement une nou- velle page et je leur suis maintenant aussi opposé, pour de bonnes raisons je pense, que j'avais été en leur faveur. Non que j'aie quelque chose personnellement contre Houng Sieou-ts'iuen, // a été extrêmement bon pour moi. Mais je le crois un homme timbré, entièrement incapable d'administrer un gouvernement organisé quelconque : ni lui, ni ses rois coolies, ne sont capables d'orga- niser un gouvernement d'un bienfait égal pour le peuple que ne l'est même le vieux gouvernement impérial. Il est violent de ca- ractère et laisse tomber lourdement sa colère sur son peuple, faisant d'un homme ou d'une femme « un délinquant pour un mot » et ordonnant à l'instant qu'il soit massacré sans « juge ou jury ». Il est opposé au commerce, ayant mis à mort plus d'une douzaine d'individus de son propre peuple le temps que j'y étais,

I. North'China Herald, 8 février i86a.

CORDIER. I. i4

2IO RÉBELLION DES t'aÏ p'iNG

n'étant aulrcmcnlcrimincls que d'avoir Irafiquédans laville, et ayant repoussé promptement toute tentative étrangère d'établir ici un commerce légal aussi bien en dehors qu'en dedans de la ville. Sa tolérance religieuse, et la multiplicité dos chapelles, de- viennent une farce d'aucun profit pour la propagation du Christianisme pire qu'inutile. Gela sert seulement de méca- nique pour la promotion et la propagation de sa religion politique personnelle le rendant lui-même égal à Jésus-Christ, qui avec Dieu le Père, lui et son propre lils, constituent un Seigneur sur Tous ! Aucun missionnaire, (jui ne croira pas à sa désignation divine h celte haute égalité, et ne proclamera pas en conséquence sa religion politique, ne sera, lui, ses serviteurs et ses propriétés, en surclé parmi ces rebelles. Il m'avertit aussitôt après mon arri- vée, que si je ne croyais pas en lui, je périrais, comme les Juifs qui ne crurent pas au Sauveur. Mais je ne pensais guère en ar- ri\er aussi près, dans sa propre capitale, que l'autre jour, par l'épée d'un de ses propres mécréants.

« Kan Wang agité par son frère aîné coolie (véritablement un coolie à Hong Kong) el par le diable, sans la crainte de Dieu devant ses yeux, vint Lundi dernier le i3, dans la maison dans laquelle je demeurais, et là, méchamment, malicieusement, et avec préméditation, assassina l'un de mes serviteurs en ma pré- sence avec une larg<» épée ([u'il avait en mains sans un moment d'avertissement ou quelque autre cause justifiable. Et après a\oir tué mon pauvre boy innocent et sans défense, il sauta sur sa tète avec furie et la trépigna ; quoique je l'implorasse depuis le commencement de son attaque ineurtrière d'épargner la vie de mon pauvre boy. Et non-seulement cela, mais il m'insulta de toutes les façons possible, pour m'exciter à faire ou à dire quelque chose qui put lui donner une excuse, je l'ai pensé alors el je le pense encore, [)Our me tuer, aussi bien que mon cher boy, que j'aimais comme un fils. 11 s'em|>orta contre moi, saisit le banc sur lequel j'étais assis, avec la violence d'un fou, me jeta à la figure le résidu d'une tasse de thé, me saisit personnel- lement et me secoua violemment; me soulHela la joue droite de sa main ouverte ; alors d'accord avec les instructions de mon roi dont je suis ambassadeur, je tendis l'autre et il me frappa la joue gauche de sa main droite d'un coup si sonore, que mon oreille en retentit encore : et s'apercevant alors qu'il ne pouvait pas me provo(juer à l'offenser par un mot ou un geste, il devint de plus en plus outrageant et se mit à hurler contre moi comme un chien

LETTRE DU RÉV. 1. J. ROBERtS 31 t

pour que je me relire de sa présence. S'ils font ces choses dans un arbre verl, que feront-ils dans un arbre sec? à un favorisé de ï'ien Wang, qui peut se fier parmi eux comme missionnaire ou comme marchand ? Je désespérai alors de tout succès comme missionnaire parmi eux ou de quelque bien venant du mouve- ment — religieux, commercial ou politique et je me déter- minai à les quitter, ce que je lis Lundi, 20 janvier, 1862.

I. J. R.

P. S. Kan Wang semble disposé à être non seulement un assassin, mais aussi un voleur. Il refusa de me rendre mes mar- chandises, habits, livres et journaux. Et quoique j'aie attendu dix jours, et que lui et d'autres aient correspondu à ce sujet, il re- tient tout cependant: me renvoyant si dépourvu, que je n'ai pas de vêtement nécessaire pour me tenir au chaud et pour me garantir des vents glacés d'un hiver froid. Ce qui est encore pis, c'est qu'il refusa à mes deux domestiques et à mon aide-prédicateur de sortir de la ville et de retourner dans leurs familles avec moi. Et lui et d'autres ont fait leur possible pour que je rentre en ville, dans le dessein probablement de faire de moi un prisonnier ou un cadavre et cela sans aucune juste cause d'olTense de ma part, ni de celle d'aucun de mes serviteurs ou assistant. Les plus sots des cannibales païens ne pourraient agir avec plus de cruauté et d'impropriété.

R. Steamer Renard,

Janvier 3o, 18G2.

Si la lutte était grande contre les rebelles, dans le Kiang- Sou, elle ne Tétait pas moins dans la province voisine du Telle- Kiang. Là, comme à Chang-Hai, nous avions vaine- ment tenté de garder la neutralité la plus stricte. Le ministre plénii)otenliaire anglais, Frederick W. A. Bruce, écrivait à Tamirai Sir J. IIopc, de Ticn-Tsin, 28 décembre 1860 :

a ne me considère pas moi-même autorisé à proléger la ville de Ning-Po contre les insurgés, ainsi que l'établissement conunercial situé sur la rive opposée du fleuve ; mais j'ai con- fiance que les arrangements navals admettront que protection

3 12 REBELLION DES T Al PING

sera accordée aux résidents anglais dans le cas les rebelles attaqueraient la ville.

Quoique je ne pense pas que nous puissions prendre sur nous- mêmes la protection de Ning-Po, nos intérêts dans ce port n'étant pas sufTisants pour justifier un procédé aussi exceptionnel, il est possible que l'apparence d'une force navale puisse détour- ner les insurgés d'attaquer la ville; un but qu'il serait désira- ble d'atteindre, au double point de vue de l'bumanité et de la politique, s'il peut être eflcctué sans nous compromettre nous- méme dans ce débat civil. »

Il ajoutait en post-scriptum : « La protection pourra être étendue, autant que possible, à tous les résidents étrangers*. »

Les documents suivants montrent bien quelle attitude dési- raient garder les alliés à l'égard des T'aï P'ing.

LE TCHÉ-KIANG

A la suite de Toccupation de Chao Cliing par le général re- belle Tclieou, celui-ci adressa aux européens de >iing-Po une pièce ofliciellc dont j'extrais les passages suivants :

a Moi, général, suivant l'ordre auguste du Tchoung-Wang, je réside maintenant à Ckao-Cliing, occu[h» à soutenir et à pacilier la population, et à balayer tout ce (jui est immonde. Vous, Église catliolique, commerçants, résidents européens et autres, vous liabitez Ning-Po. Je dois moi-même y accompagner bientôt mon auguste maître Tclioung-Wang, pour y anéantir tout ce qui est détestable. Je vaincrai cette ville, je la prendrai. Seulement, j'appréhende que mes millions de soldats célestes ne puissent évi- ter quelque désordre. Peut- être confondront-ils les pierres pré- cieuses avec les pierres communes : ils réduiront tout en cen- dres.

« Le jour de notre arrivée n'est pas encore déterminé. Aujour- d'hui un commerçant anglais étant >enu à Chao-Chingy je lui

1. Papers relatin g to the Rébellion in China, and Trade in the Yang-tze-kiang River. Presented . . . , 1862 [39761. pp. 1-2.

Li: TClIK-KIWr. 3l3

remets, en main propre, trois Men-pay (carte à alîicher sur les portes) pour proléger votre élablissemenl. Je lui remets égale- ment celte pièce pour que vous lous soyez bien avertis.

« Si vous et autres résidents européens craignez mes innom- brables soldats célestes, écrivez d'abord le nombre de ceux qui liabitent cbez vous, et collez le Menpay sur votre porte, afm que mes mandarins et mes soldats ne fassent pas de tumulte.

a Noire céleste dynastie embrasse dans son cœur les hommes qui sont de loin; voilà pourquoi, moi général, j*ai pris soin de vous avertir par cette pièce olïicielle.

« Du royaume céleste de Tay-Ping, 1 1** année. lo* lune, 16'' jour. »

M'''" Delaplace ', vicaire apostolique" du Tché-Kiang, qui |:)ondant toute cette campagne sVst rendu mémorable par son inépuisable charité à Tégard des indigènes, communiqua le document au commandant L. Olry, à bord du navire fran(;ais le Confucius mouillé à Ning Po, et reçut de cet offi- cier la réponse suivante (3o novembre 1861) :

1. Lettre de Mf Dclaplacc à M. Etienne, supérieur général, Ning Po, la décembre 1861 (^Ann. Cong. de la Mission^ 27, 1862, pp. '^|25-43i.

2. Louis -(iabriel Dclaptace. ne à Aiixerre, le 19 ou le 21 janvier 1820: pvt^que d'Andrinople. 27 février i852 ; vie. ap. du Tciic-Kiang, i854 ; vie. ap. (lu Tché-li sept. (Péking), septembre 1869; m^^i à i^éking, le 2 4 mai i88/|.

Dans une lettre adressée de Ctiang-llaï, !\ février i8(3i, au Maréchal Ministre de la Guerre, par le général de Montauban, celui-ci écrit :

« Mgr. de la Place est un de» hommes les plus distingués parmi les missionnaires en («hine ; jeune encore, instruit, parlant et écrivant le chinois comme un mandarin, non seulement il emploie toute sa haute intelligence à convertir les payens, mais il le fait dans un but patriotique autant que religieux en parlant souvent de la France et de sa grandeur, n

Lorsque le Tchc-Kiang fut détache en i8'i5 du Kiang-Si pour former un vicariat apostolique indépendant, Mk** Lavaissicre fut nommé vie. ap. ; il mourut le 19 décembre 1849 ; son successeur, Mi^'' Danicourt, fut transféré au Riang-Si en i855. et remplacé par M^i* Dclaplacc.

A l'arrivée des rebelles en 18G1, le P. Montagneux (Régis-Prolais, à Saint-Etienne, 5 septembre 1826 ; mort à Ning Po, 26 février 1877), fut fait prisonnier à Hang-Tchéou il était allé (octobre 1861) reprendre les anciens bâtiments de la mission, mais il se sauva, il rentra en posses- sion des établissements de llang-Tchéou, le 3i mars i804-

» .. *

3 1 4 RÉBELLION DES T P ING

a Ma mission ici est de défendre contre toute attaque les na- tionaux français ainsi que leurs propriétés, et de tout faire dans rintérôtde la mission catholique.

« Dans les circontances présentes, et suivant les ordres que j'ai reçus, les dispositions que je prends sont celles-ci : Tout national, tout protégé français doit s'abstenir de se mêler en rien aux affaires chinoises, soit d'un parti soit de l'autre.

a La neutralité des Européens a été notifiée au chef des re- belles, qui s'est engagé ù les respecter dans tous leurs intérêts. Pour que cette promesse leur soit plus facile à tenir, ils m'ont donné des sauf-conduits que je vous enverrai.

« En résumant: en cas les rebelles prendraient Ning

Po, pendant la lutte, neutralité absolue des nationaux français, et protection absolue de ma part contre toute vexation. Une fois les rebelles maîtres de la ville, toute relation officielle entre leur chef et les nationaux français devra être remise entre les mains du commandant de la marine, qui en prendra la respon- sabilité. »

La prise de Hang-Tchéou, capitale du Tché-Kiang, par le ïchoung Wang (29 décembre 1861) força les autorités euro- péennes * de Ning Po de prendre des mesures défensives. D'autre part la situation devenait de plus en plus tendue entre rebelles et étrangers. Le 22 avril 1862, des remparts de Ning Po occupés par lesT'aï P'ingdes coups de feu étaient tirés sur le navire de guerre anglais Hin^dove^ commandant Craigie. Au reçu de celte nouvelle l'amiral Sir James Uope envoyait à Ning Pôle capitaine Roderick Dew commandant r£'/ifo////^é?/* pour prendre le commandement de la station^. Arrivé le 26, Dew se mettait en rapport avec le lieutenant de vaisseau français Kenney pour adresser une demande de réparations aux chefs T'aï-P'ing Houang et Fan et leur annoncer que toute

1. Capt. Corl)clt. commandant le Scout (anglais). Willio P. Mangum, consul américain à Ning Po, Léon Olry, consul do France et commandant le navire de guerre Confticius et Frederick Harvey, consul d'Angle- terre.

2. Encounter, fiingdove, Hardy, KestreL

PROSPKR «IQUHL 3 10

attaquo contre les navires de guerre serait ronsidérée comme un cvisiis helli. Le lo mai de nouveaux coups de feu étaient tirés contre le Kestrel et les navires français Etoile et Con- fnciiis. Ces bâtiments ainsi que Y/ùtrottnter, le liin{>do^*e et le Ifardy ouvrirent le feu sur la ville. Dans Tassant qui suivit, le commandant de V Etoile, Kenney, et le premier lieutenant de VEncotinter, VV. N. Cornewall, étaient malheureusement mortellement blessés. « Le plaisir montré par les Chinois à la chute de la ville, dit le commandant l)<'\v ', et Tcxpulsion de leurs oppresseurs exécrés, était quelque chose dVxtraordi- naire. Toute la journée, la rixe du lleuve en face de la ville, étiiit une mer de têtes, et quoique les balles et les boulets pleu- vaient autour d'eux en abondance, ils ne Ixmgeaient jamais. » Dès la prise de Ning Po, les Anglais envoyèrent VVard au Tché-Kiang avec cinq cents honnnes. Il parut utile de for mer également une autre force franco-chinoise qui « avait |K)ur but de chasser les rebelles du gouvernement de Ning Po, c'est-à dire d'une étendue de territoire formant autour de cette ville une circonférence de soixante lieues environ » '. Deux ofliciers de la marine française, Le IJrethon de Caligny, commandant le Confucitts^ et Prosper Giquel, enseigne de vaisseau, furent chargés d'organiser le nouveau corps.

PROSPER GIQLEL.

Prosper Marie Giquel, le3o novembre i835, à Lorient'*

1. Further Papers relating lo the Hehellionin China. Presented... i86a |3o58]. p. 3i.

2. P. Giquel, Hes'ue des Deux -Mondes^ i5 juin i864. p. 976.

3. Giquel est mort à Cannes, io 19 février 188O, et ses obsèques ont élé Ciélébrces à Paris, ë la Madeleine, le a6 février, il était décoré de la Pelisse jaune et de l'Ordre du mérite de !•"« classe et il avait le titre de fonctionnaire du i^^ rang. Il avait épousé M"*' Ëlisa do Rufz de Lavison, fîllc du savant bien connu, qui mourut en 1877 à Fou tcbéou.

2l6 RÉBELLION DES t'aÏ p'iXG

(Morbihan), est un des Français qui ont le plus fait pour assu- rer la bonne renommée et Tinfluence de leur pays en Chine. Entré à Técole navale en i852, aspirant de classe en i85^, il fit les campagnes de la Baltique et de Crimée et fut décoré en septembre i855; aspirant de i*"" classe (i856), il partit pour la Chine; il assista à la prise de Canton (décembre 1857) et fut attaché au commandant Marlineau des Chesnez ; nommé à Canton inspecteur de Témigralion chinoise, il fut promu enseigne de vaisseau (mars i858); en septembre 1861, il entra dans le service des douanes chinoises comme commis- saire à Ning Po et c'est en cette qualité que nous le retrou- vons maintenant.

« Les deux officiers de marine qui furent chargés d'orga- niser le corps franco-chinois réussirent à lancer leur entre- prise. Il ne leur fut pas possible d'asseoir l'opération sur de larges bases; les mandarins n'avaient pas d'argent*, et il fallut « faire feu de tout bois ». On n'obtint d'abord que quatre cents hommes ; on les arma en empruntant à la douane des fusils confisqués à des commerçants européens fournisseurs des rebelles. Les chiens de ces fusils, qui étaient en fonte de fer, sautèrent les uns après les autres au nez des tireurs ; un armurier chinois les remplaça par d'autres qu'il avait forgés lui-même. On appela comme ofli- ciers des soldats français congédiés et restés à Shanghaï. Un mois après, le petit bataillon se mil en campagne pour aller recevoir le baptême du feu*. »

L'un des officiers français reçut une commission de géné- ral, l'autre de directeur général. Immédiatement les opéra- tions commencent. Successivement les villes de Yu Yao^ (2 août 1862) et deTse Ki (21 septembre 1862) sont prises,

1 . Ward réclamait l*argcnt pour ses hommes, a. P. Giquel, p. 976, Res'tte des Deux -Mondes, i5 juin i864. 3. Avec 4oo hommes de Ward, 2 000 impériaux, une canonnière fran- çaise et une anglaise.

PROSPER GIQUEL 317

mais la capture de celle dernière coiile la vie à Ward frappé d\ine balle. Son contingent fut dispersé à Texception de trois cents homnnes qui furent mis à la disposition du capi- taine Dew, commandant la slation navale anglaise.

Repoussés devant Foung-houa, les alliés revinrent à la rescousse le 8 octobre; le capilaine Dew avec Y Encounter^ le Hardy et le FInmer, le navire franç^iis le Déroiifèdey le Confncius et les troupes chinoises commandées par le colo- nel Forrester qui avait remplacé Ward, après plusieurs atta- ques, réussirent fi s'emparer delà ville (ii octobre 1862). Chang Vu fut capturé le 38 novembre 1862 par le corps franco chinois et 5oo réguliers de Dew. Giquel fut grave- ment blessé au coude droit dans cette affaire. Mais l'objec- tif des alliés élait la grande ville de Chao-Ching; attaquée le 17 janvier i863, elle repoussa Tattaque de Le Brethon, frappé mortellement par un éclat de canon chinois pris à Chang Yu qui fit accidentellement explosion. Il allait être nommé Ti-Toii, général en chef de toute la province de Tché-Kiang. Le Brethon^ fut remplacé dans le commande- ment du corps franco-chinois par le capitaine d'artillerie Tardif de Môidrey ' quoique le capitaine d'artillerie de marine Chevrillon eût été désigné pour le poste de chef; Tardif périt d'une balle tirée maladroitement par un de ses hommes (19 février i863); après sa mort le corps franco-chinois fut commandé par Paul d'Aiguebelle et l'enseigne de vaisseau Bonnefoy. Enfin Chao-Ching tomba (18 mars i863) entre les mains du corps franco-chinois. « La prise de Chao-Ching nous

I. Le Brethon avait le titre de Fou tsiang (colonel). Le Brethon de Calignv» Albert- Edouard, le 11 décembre i833, à Clermont (Calvados); aspirant de i''® classe, ao juin i855 ; enseigne de vaisseau, 9 octobre 1857; lieutenant de vaisseau de 2^' classe, 10 mai i86a.

a. Tardif de Moidrey, à Metz, le 7 octobre i8a4 ; entre à rÉcole Pol^r technique i*"" octobre i845 ; tué 19 février i863 à Chao Ching. Cf. Notice sur les campagnes et opérations militaires faites en Chine, par M. Tardif de Moidrey, par M. Legénissel. Metz, i864. br. in-4.

3l8 RÉBELLION DES T*AÏ p'iXG

donna toute la province jusqu'à la baie de Hang-tchéou, au delà de laquelle les rebelles se hâtèrent de chercher un abri, mettant ainsi entre eux et nous un fleuve large de deux milles, qui deviendra sans doute désormais contre leurs attaques une barrière infranchissable. Le gouvernement de Ning Po était donc délivré. En dix mois, notre contingent, qui, dans son plus grand développement, comptait deux mille cinq cents hommes, avait enlevé trois villes murées, amené l'évacuation de quatre autres, et dégagé soixante lieues de territoire. * »

I. P. Giquel, p. 984, Revue des Deux-Mondes, i5 juin i864.

CHAPITRE XV

RÉBELLION DES T'AI PING

(Suite),

LI HOLNG-TCIIAÎÎG

La mort de Ward (21 septembre 1862) laissait sans chef r « armée toujours victorieuse », car son second le colonel Korrester refusait le commandement. On fit alors choix de Henry Andréa Burgevine, en i836, à Newbern, dans la (iaroline du Nord, pour remplacer Ward. Sur ces entrefaites Li Houng-tchang était nommé Fou-taï du Kiang-Sou (1862) et allait exercer une influence prépondérante dans la marche des aflaires. Nous retrouverons constamment le nom de cet homme d'état, militaire par occasion, qui joue encore un rMe si considérable dans la politique de son pays.

Li Fou-taï est la deuxième année du règne de l'empe- reur Tao Kouang, c'est-à-dire en 1828, à Senchou, dans le district de Ho-fei, dans la province de Ngan-Houei. Il est arrivé aux plus hautes fonctions de son pays par son intelli- gence et ses capacités militaires. Ses débuts furent modestes. Son père, lettré pauvre et obscur, l'éleva honorablement, malgré ses cinq enfants dont Li était le second. Le jeune homme passa ses examens avec succès (18^7) et il entra à l'académie des Han-lin en i8/|8. Puis il retourna dans sa province natale, il jouait un rôle assez eflacé, lorsque la grande rébellion, qui ébranla les assises du trône des Mand-

3 20 RÉBELLION DES t'aÏ p'iNG

chous, vint le lirer de la position médiocre dans laquelle il végétait. C'est en effet pendant la rébellion des T'aï Ping que Li devait montrer ces qualités d'énergie et de finesse qui ont été, dajis des circonstances heureuses, la cause de sa fortune rapide. Lorsque les rebelles pénétrèrent dans le Ngan- Houei, Li se mît h la tête d'une petite force (i 853), et ne tarda pas à être employé comme secrétaire par le tout-puissant, Tseng Kouo-fan, gouverneur général des deux Kiang et commandant militaire des quatre provinces de Kiang-Sou, Ngan-Houei, Kiang-Si etTché-Kiang. L'appui d'un semblable personnage promettait à Li un avancement rapide; en effet, il devient juge provincial au Tché-Kiang, tout en restant officier, puis Tao Taï au Fou-Kien, enfm il est nommé, comme nous venons de le dire, gouverneur du Kiang-Sou.

Li et Burgevine défirent Tan Cheou-kouang, le Mo Wang venu de Sou-tchéou et tuèrent son fds (novembre 1862). La mésintelligence qui existait déjà entre les deux chefs aug- menta ; les troupes n'étaient plus payées depuis deux mois et un contingent désigné pour Nan-King refusa de se mettre en route. Dans l'après-midi du dimanche !\ janvier i863, arrivé de Soung Kiang à Chang-Haï, avec sa garde du corps, Bur- gevine furieux s'emporta jusqu'à frapper le banquier Ta Ki ', qui retenait, disait-on, les fonds, et s'empara de ^0000 pias- tres. Li demanda l'arrestation de Burgevine au consul amé- ricain qui la refusa, mais le général Staveley, après avoir essuyé un nouveau refus du colonel Forrester, nomma comme chef temporaire de 1' « ever victorious Army » le capitaine Holland, de l'infanterie de marine, son chef d'état-major, en attendant que le gouvernement approuve le choix du ca- pitaine Gordon comme commandant définitif (janvier i863).

I. Yang Taï-Ki était rintcrmédiaire du Tao-Taï de Chang-Haï, Wou, avec les étrangers ; il n'avait aucun caractère offîciel. Taï-Ki est mort la quatrième année du règne T'oung-tchc, vers i865. VVou est mort la onzième année, vers 1873.

PRISE DE SOU-TGUEOU 22 I

L'objectif de Li ^lail la grande ville de Sou-lchéou. Les débuts de Holland furent malheureux ; il est défait à Taï Tsan (24 février i863) tandis que son lieutenant le major Brennan est repoussé à Fou-clian ; heureusement que le jour même de Tinsuccès de Holland, une dépêche du ministre Bruce permet la nomination d'un officier anglais comme commandant de V « ever victorious army » : Gordon est définitivement désigné, la campagne va entrer dans une nouvelle phase.

GORDON

Charles George Gordon * est à Woolwich le 28 mars i833; son père était le lieutenant-général Henry William Gordon qui avait épousé Miss Elizabeth Enderby, de Blackhcath ; elle eut cinq fils et six filles. Charles entra dans le génie (cngincers). Il partit pour la Crimée en décem- bre i85/i; fut envoyé en Bessarabie (mai i856) comme assistant commissaire et enfin partit pour la Chine en 1860; il arriva après la prise des forts de Takou mais à temps pour la destruction du Palais d'Eté qu'il décrit dans ses termes : « En conséquence nous sortîmes, et après l'avoir pillée, nous brûlâmes toute la construction, détruisant, comme des Vandales, des choses de grande valeur, que quatre millions ne pourraient remplacer Vous pouvez à peine vous figu- rer la beauté et la magnificence des palais que nous avons brûlés. Cela mms faisait mal au cœur de les brûler ; en réalité, ces palais étaient si grands, et nous étions si pressés par le temps, que nous ne pouvions les piller avec soin. Des quantités d'ornements en or furent brûlés, ayant été

I . Tout le monde connaît la mort tragique de cet homme remarquable à Khartoum en i885. 11 resta « Chincse Gordon » jusqu'à la fin de sa vie.

222 RÉBELLION DBS t'aÏ p' ING

pris pour du cuivre. C'était une besogne tristement démora- lisante pour une armée. Tout le monde était fou pour le pillage \ »

Dans l'armée « toujours victorieuse » les officiers étaient tous étrangers : Anglais, Américains, Allemands, Français et Espagnols, mais les Américains étaient en majorité. Les sous-officiers étaient tous Chinois sortis du rang; jusqu'à la prise de Quinsan en mai i863, les soldats étaient principale- ment des indigènes du Kiang-Sou et du Tché-Kiang, inférieurs aux Cantonais et aux gens du Nord ; plus tard beaucoup de rebelles prisonniers joignirent l'armée dont l'eiTectif a varié de 3 ooo à 5 ooo hommes, répartis en cinq ou six régiments d'infanterie, avec quatre batteries d'artillerie de siège et deux de campagne*.

Burgevine mécontent de sa disgrâce se rend à Péking pour se plaindre aux ministres anglais et américain Bruce et Burlingame, plaintes stériles d'ailleurs, et l'aventurier avec quelques camarades passe aux rebelles le /i août i863. Li offre une récompense de 3 ooo taëls à qui le livrera mort ou vivant; les consuls étrangers protestent (20 août i863). Cependant Gordon marchait de succès en succès : Fou-chan (4 avril i863), Tai-tsan (2 mai) et enfin Quinsan (3i mai) tombent entre ses mains. D'autre part le D' Halliday Macart- ney, ancien chirurgien du 99*^ régiment d'infanterie, chargé de l'arsenal de Soung Kiang par Li Fou-taï, bat les rebelles à Foung-tching et à Si-dong (i3 et i5 août i863). Encore quelques combats et la route de Sou-tchéou est ouverte ; le danger est pressant, le Tchoung Wang accourt au secoui*s de la ville investie en septembre ; le mois suivant Burgevine se rend à Gordon '.

I. Life of General Gordon. London.W. Scott, 1887, pet. in-8, p. lij. a. Wilson, pp. 127, 128.

3. Il fut noyé le 26 juin i865, accidentellement? dans le Tché-Kiang, dans le naufrage d'un bac qui .le portait.

PRISE DE SOU-TCIIÉOU 22^

PRISE DE SOU-TCHÉOU

Cependant Gordon est défait sous les murs de Sou-tcbéou (27 novembre i863), mais la dissension éclate parmi les chefs rebelles : le Mo Wang qui refusait de se rendre est assassiné par le Koung Wang (4 décembre 1 863) dans un grand dîner ; Sou-tcbéou tombe le lendemain de ce crime ; les Wang se rendent et malgré l'engagement tacite de Gor- don qu'ils auraient la vie sauve, ils sont mis à mort par ordre de Li Houng-tchang. Ces chefs étaient au nombre de huit, quatre Wang: le Na Wang, le Koung Wang,, le Sing Wang et le Wang, et les quatre Tien-tchouang Tchang, Fan, Wan et Wong. Gordon, retenu prisonnier par les T'aï P'ing dans Sou-tcbéou, de l'après-midi du 6 au matin du 7 décem- bre, vit la mort de près ; furieux, il chercha pour lui de- mander les raisons de sa conduite, mais le prudent Fou-taï se tint prudemment hors de l'atteinte de l'oflicierirrité^ Gor- don donna sa démission de général ( Tsonf^ l^^^s) ^^ ^^ retira à Quinsan ; plus lard il refusa les présents et la somme de 10 000 taëls qui lui étaient octroyés par décret impérial (i4 décembre i863). Le major-général Brown qui avait rem- placé Staveley arriva de Chang Haï à Sou-tcbéou (11 dé- cembre) et déclara à Li que jusqu'à ce que sa conduite ait été jugée à Péking, les troupes de Gordon cesseraient de pren- dre part à la campagne.

Les raisons données par les Chinois pour excuser la con- duite de Li sont curieuses et méritent d'être signalées :

« Suivant [leur] point de vue de la question, les chefs T'aï P'ing se rendirent à la simple condition que leurs vies seraient épargnées, et à partir du moment de leur soumis-

I. Il n'est pas question de cet incident dans Events in the Taeping Rébellion.., b}* A. Egmont Hake. London, 1891, in-8.

3 24 RÉBELLION DES t'aÏ p'iNG

sion, ils devenaient des sujets de l'Empire justiciables de toutes ses lois. Mais quand ils arrivèrent devant le Fou-taï, ils n'avaient pas encore rasé leurs tt^tes : ils portaient encore leurs armes, et leur « apparence générale était marquée par une extrême férocité », étant plutôt celle d'hommes ayant à dicter des termes que d'insurgés repentants qui venaient jus- tement d'être Tobjet d'une mesure de clémence. Ils insistè- rent pour que la garde de Sou-tchéou fût laissée entre leurs mains, que tous les soldats alors sous leurs ordres fussent mis à leur disposition, et déclarèrent que si ces conditions n'é-* taient pas acceptées, ils ne feraient pas leur soumission. Ils refusèrent aussi de débander leurs troupes ; dirent que leur intention était de tenir trois portes de la ville qui étaient des positions fortement fortifiées, et demandèrent que leurs troupes fussent payées. Une attitude si menaçante et intimi- dante était entièrement inattendue, et on ne pouvait y répondre en rompant les négociations, ou en permettant aux Wang de retourner en sécurité dans la ville. Le leur |)ermettre, ou même leur donner le moindre soupçon que leurs demandes ne seraient pas acceptées, auraient eu pour résultat une ca- tastrophe immédiate. « Si les Wang, dit le prince Koung, n'avaient été promptement décapités, non seulement les soldats impériaux auraient été massacrés jusqu'au dernier dans la ville, mais les forces énormes placées sous le com- mandement de ces chefs seraient encore restées dans les rangs rebelles, et un autre et plus grand massacre aurait été inévi- table ; et violence aurait été ainsi faite au principe bienfaisant du Ciel et de la Terre, qui se plaît à créer, et est opposé à la destruction*. »

Cependant Gordon reprit les armes*, par de sérieuses

I. Wilson, p. 2oa, ao3.

a. Il rendit mômo. accompagné do M. Hari, une visite au Fou-taî à Sou-tchéou, le i*^"" f<?vrier i864- Cf. Hake. p. 4o2. Dans l'entrevue aucune allusion ne fut faite à lexécution des Wang.

PRISE DE SOU-TCHÉOU 2a5

considérations expliquées par le major général Brown dans une dép4^che adressée au comte de Grey et Ripon * : « Les raisons qui déterminèrent le major Gordon à reprendre la campagne sont nombreuses et de grand poids. En restant inactifle Fou-Taï a déjà encouru une perte de ooooo livres et le major Gordon a exprimé suffisamment son sentiment de dégoût pour la traîtreuse exécution des Wang. Si les rebelles, aussi, sont laissés h eux-mêmes ils relèveront la tête et la révolte peut être prolongée pour des années ; tandis que pre- nant avantage de leur panique présente, peu de mois sufli- ront à rétablir Tordre et la paix à ce qui était auparavant les districts les plus riches et les plus prospères en Chine et d'où Ton peut espérer un grand trafic. A côté de cela, il existe un autre danger de non moindre importance. La population tapageuse qui aurait trouvé à Chang-Hai, et dans la rébellion des T'aï P'ing un vaste champ pour ses exploits, a été retenue de se joindre aux rebelles par une crainte salutaire des forces de Gordon. Mais que cet officier ce{>endant reste inactif ou soit supplanté par un des officiers de Ward, ces hommes se joindraient immédiatement aux T'aï P'ing et la capture du vapeur « Tsatlee » et celle d'un bateau de soie dernièrement à Chang-Haï, montrerait ce cpi'on pourrait attendre d'eux. Il faut aussi envisager d'autres possibilités, l'une d'entre elles, de nature alarmante. Qu'adviendrait-il si le plan de Burgevine de former un troisième parti, distinct des T'aï-P'ing et des Im[)érialistes, trouvait sa réalisation sous un successeur américain du major (iordon ? La cause rallierait sous sa ban- nière chaque européen ou américain vagabond en Chine, recrutés par une large immigration des |)ossessions améri- caines de la côte du Pacifique. Il serait alors absolument né- cessaire de supprimer un tel lot de bandits à n'importe quel prix, mais combien ne serait-il pas préférable de prévenir

I. Hong Kong. 3i mars i864. China, 7 (i864). p- 20.

CORDIER. I. i5

Qa6 RÉBELLION DES T*aT P*ING

celte éventualité, et le major Gordon reprenant la campagne, le terrain de la sorte leur manquerait sous les pieds. Le danger était imminent, et le major Gordon refusa de marquer aucun sentiment d'hostilité contre le Fou-Taï, dans un intérêt général, par humanité, et connaissant les souffrances de la population, il surmonta sa répugnance pour renouveler sa coopération avec les autorités chinoises. ».

Gordon se rendit avec le //yso//,* par le lac ÇraHoii), de Quinsan, il laissa le colonel Murant et 200 hommes, à Wou-Si après avoir reçu le 18 février une lettre de Sir Frederick Bruce le priant de faire usage de ses forces « seu- lement j>our garder les districts conquis, mais de rester en même temps en bons termes avec les mandarins » *. Gordon s'empara successivement de Yesing, (i®'"mars) et de Yakou- pou. Le 27 avril, il fut repoussé devant Tchang-tcheou, mais il s'en empara le 1 1 mai 1860. Ce fait d'armes marqua la fin de VE{>er Victorious Armr\ les officiers anglais reprenaient du service et les rebelles n'occupaient plus que Hou-tchéou dans le Tché-Kiang et Nanking dans le Kiang-Nan.

PRISE DE NAN-KING

Enfin, le 19 juillet i864, Nanking tombait entre les mains de Tseng Kouo-tchouan \ Commandant en chef*. J'extrais d'un rapport adressé par ce dernier à Li Fou-tai, les détails de cet important fait d'armes : « Le 3 Juillet, Li Tchiang-ho et autres attaquèrent la vallée de Loung po-tseu et s'en emparèrent, ce qui leur j>ermil d'occuper une

1. Le capitaine de ce navire, Davidson, mourut de la fièvre à Cliang- Haï, le 3o novembre i$64.

2. China, 7 (i864), p. ai.

3. Le vice-roi Tseng Kouo-fan» son frère, était à Ngan-K'ing.

4- La ville entière tomba entre les mains des (finnois le a3 juillet.

PRISE DK NAN-KIXG Q27

position dominant la ville et Tattaque fut commencée et con- linuée le jour suivant, chacune des brigades qui domiait à son tour, ayant un grand nombre de morts et de blessés.

« Li Tchen-tien ayant découvert qu*il y avait assez de riz dans la ville pour pouvoir durer plusieurs mois et craignant que comme nos artilleurs avaient échoué trente ou quarante fois dans leurs essais de mines, les troup»s ne soient exciVJées et découra- gées et qu*il arrivât un désastre si Tattaque manquait, odrit ses services de construire une mine, sous un feu qui ne peut être comparé qu'à une averse de pluie. En cela il fut aidé par Il'iao Fou-seu et autres qui volontairement sortirent un nond^re de batteries à une centaine de pieds du mur et ayant coupé des roseaux, etc., construisirent un rempart et le couvrirent de terre, ce qui leur permit d*attaquer ouvertement du sommet ou secrè- tement à couvert.

« Ainsi le combat dura sans intermittence pendant la moitié d'un mois et la fleur de l'armée fut mise en pièces et mutilée sans que nous ayions pu renqx)rler la \icloire. Trois olliciers généraux distingués par leurs mérites, c'est-à-dire Tcheng Waug- chen, Wang Chao-ji et Kouei IMng-chou, avec maints autres, tombèrent malheureusement >ictimes et furent profondément regrettés.

« Le 19, à trois heures du matin environ, comme la mine était remplie, et que je parlais à son ouverture avec Li Tchen- tien, Li Sieou -tcheng connu pour être leTchoung Wang, dirigea une sortie de quelques centaines de rebelles désespérés, qui étaient velus comme des soldats impériaux et qui jetèrent des grenades et autres projectiles qui mirent feu aux batteries et au rempart de roseaux (mentionnés ci-dessus). Les troupes étaient si lati- gué(»s et l'heure si tardive (jue la tentative faillit réussir. Cepen- dant Wei Wei-choun, Li Tchen-tien et les autres généraux les conduisirent sur la gauche et abattirent un grand nombre d'ennemis, tandis que sur la droite Peng You-tchou et les autres en tuèrent et en iirent prisonniers un grand nombre éga- lement, tandis que par la plus grande chance la mine fut sauvée.

« \u matin du 19 juillet, je fis avancer toutes les brigades, et leur donnai les ordres de renforcer les lignes et de se pré[)arer à repousser toute attaque, |)endant ipie du point du jour à

22

8 RÉBELLION DES T*AÏ-P*ING

midi, j'attaquai la partie de la ville entre la colline de Loung- po-tseu et la porte de T*aï P*ing. A midi Li Tchen-tien m'annonça que la mine était prêle et le train préparé. Sur ce, je lançai un avis promettant des récompenses illimitées en cas de réussite et des menaces de mort dans le cas d'une défaite, sur quoi Lieou Lien-tche et autres amenant leurs brigades, s'assirent sur l'herbe, et volontairement firent serment de mou- rir en défendant leur pays, si cela était nécessaire. Voyant ainsi qu'ofTiciers et hommes étaient également préparés et entière- ment déterminés, j'ordonnai qu'on fit sauter la mine, et avec le grondement pareil à celui du tonnerre, quelques deux cents pieds du rempart furent lancés dans les airs. Le ciel fut rempli par la fumée, et les briques, les tuiles et le feu s'échappèrent dans toutes les directions, mais Wou Ming-liang, Li Tchen-tien et d'autres conduisirent leurs hommes à travers les ruines, et entrèrent par la brèche, les soldats abondant comme des fourmis et chaque homme égalant pleinement dix mortels ordinaires. Malheureusement un grand nombre fut tué par l'ennemi, qui des murs fit pleuvoir un feu tel que le corps princi- pal aurait lâché pied si Peng You tchou. lï'ia Fou-seu, etc., qui, demeurant avec leur épée tirée et abattant tous ceux qui recu- laient, n'avaient rallié leurs hommes |)our l'attaque.

« En même temps Wou Ming-liang avec d'autres ayant esca- ladé la colline de Loung houang, engagèrent les rebelles sur la droite et autour de la porte de T'aï-P'ing pendant près de deux heures et finalement les firent entrer de force pendant qu'en même temps Li Tchiang-ho entra dans la ville par les défenses de la même porte.

« A présent, nos forces étaient divisées en quatre colonnes, l'une sous les ordres de Wang Vouen-ho marchant sur le palais du soi-disant T'ien Wang qu'elle essaya dix fois de prendre par assaut jusqu'au moment l'ap^^roclie de la nuit la força de battre en retraite. Lieou Lien-tche abattit les rebelles sur la gauche aussi loin que la porte de Chen-tseu lorsqu'il rencontra Tchou Lan-kouei, qui avec d'autres venaient justement d'entrer par un souterrain abandonné. Réunissant leurs troupes, ils se trouvèrent assez forts pour marcher sur la colline de Lien et se rendre maîtres de la porte de 1-Fùng (Nord). Sur la gauche, Peng You-tchou, aveQsa suite, entra à travers la vieille ville et marcha sur la porte de Toung Si, tandis que toujours dans la même direction, H'ia Fou-seu se divisant, s'empara des jiortes de Tchao

PRISE DE .\AN-RI\G QSQ

Yang et de Houng Wou, cl lua tous les rebelles dans les guérites, les corps de garde, etc.. et dans tous les environs. En un mot les rebelles sur la gauche furent attaqués, entoures, abattus et détruits dans un temps incroyablement court, pendant que Licou Lien-tche était également vainqueur sur la droite. Des gardes furent placées aux portes et ceci termina les événements regardant Tattaque et la prise du 19 juillet.

« Le plus gros de mon armée était maintenant massé sur la colline de Loung houang, mais la garnison rebelle du quartier sud-ouest tenait bon jusqu'après la prise de la porte de Tchao Yang, quand Lo Fcng-Youen fit une attaque désespérée à l'ouest de la porte de Tclia pao (Sud) et escalada la muraille par une vieille brèche. Au même moment, Li Tchcn-tcheou entra par les défenses de la porte de Toung Si. Le soi-disant Tchoung Wang rassembla alors une bande de partisans désespérés et fit une furieuse tentative pour se frayer un chemin entre la colline de Tching liang à la porte de Han-tsci. Cependant, voyant cela. Tchen-ti et les autres passent par dessus les défenses de la porte de Chen-tsei et une sortie dans cette direction étant par consé- quent impossible, ils reculent sur la colline de ïchengVVang. Au même moment, Houang, Ti-tou du Kiang-Sou, avec sa flottille attaque les forts de la rivière au-dessus de Tchoung Kouan, et continue victorieusement jusqu'aux murs de la ville, Tchen- ti et ses collègues s'emparent des portes de Chen-tsei et de If an-si, tuant tous les rebelles qui s'y trouvaient. Il se faisait tard alors, et Tchen-ti voyant le Tchoung Wang et sa suite en embuscade dans le quartier sud-ouest, prit toutes ses précautions contre une sortie. Peng You-tchou se chargea des portes de Tchou-pao et de Toung si et Li Tchen-lien de la porte de T'aï P*ing, pendant que les hommes de Wang Youn-ho, qui avaient combattu toute la journée, furent rappelés dès que les premières étoiles paru- rent et campèrent en cercle autour de la colline de T'oung houang.

« Voici brièvement le résultat des opérations du côté sud- ouest et l'œuvre de la flottille.

«r Maintenant, pendant que Tchou Koung-tchang attaquait les palais du T'ien Wang, Chen Houng-ping et autres condui- saient un corps d'hommes autour sur la gauche, et formaient une embuscade à l'est de la ville soi-disant impériale en vue de capturer ou de massacrer les chefs. Mais le cheval de Tchou Koung-tchang ayant été blessé et les rebelles étant en nombre

aSo RÉBELLION DES t'aÏ p'iXG

onoriiic sur le pont de pierre, il conduisit ses troupes à Tenlour et coniuie il était très tard, il les ramena à la colline de Loung liouang, rcmbuscade cependant, pendant ce temps, s'était trop avancée pour pouvoir reculer. Il était à peu près une heure du ma- tin quand leTchoung Wang donna Tordre que le palais duT'ien Wang et les fous * occupes par les autres Wang soient incendiés et de faire sauter les magasins. La ville tout entière tout à coup parut remplie de fumée et de feu, mais au même mo- ment, Youen Ta-chang et autres virent quelque mille rebelles armés quittant le palais du T'ien Wang par la porte du Sud et sélançanl vers les maisons. L'impression de Youen ïa-cliang était que le T'ien W^ang essayait de s'enfuir, aussi intercepta-t- il ce corps et en tuant sept à huit cents hommes, il s'empara d'un sceau d'or et de deux sceaux de jade impériaux dont Houng Sieou-ts'iuen avait eu l'audace de se servir. Les femmes employées au palais, au nombre de plusieurs centaines, se pen- dirent elles-mêipes, et quelque deux mille rebelles furent noyés dans le fossé de la ville. Un grand nombre en fut aussi brûlé à mort, le feu ayant jailli dans toutes les directions avait rendu les rues impossibles. Nos troupes, cependant, dans l'ignorance des routes, furent incapables d'attaquer l'ennemi dans l'obscurité et naturellement, se retirèrent.

Ceci complète le récit des résidences des Wang et le princii>al massacre des rebelles.

« Vers quatre heures du matin, un corps de rebelles velus commedes soldats impériauxet au nombred'environ un millier, dé- boucha de la porte T'aÏ Ping, mais la brigade Rouan-lscu les atta- qua avec des grenades et autres projectiles et en tua une grande quantité. Néanmoins six h sept cents cavaliers réussirent à sor- tir, et alors s'élancèrent dans la direction de H'iao-leng et Téng- lin, ils furent poursuivis par notre cavalerie sous Wou Wei- cheou. Les prisonniers alïirmèrent que le soi-disant Tchoung Wang avait été tué dans la ville, que le jeune T'ien Wang s'était brûlé lui-même dans le palais, tandis que d'autres nous informaient que leChoun^ et le Tchoung Wang s'étaient sauvés avec le jeune T'ien- Wang, mais que Houng Sieou-ts'iuen avait avalé du poison au mois de juin au moment nos troupes

1. Palais.

2. h% Fou Wang.

PUISE DE >A\-RING 33 1

investissaient la ville et qu'il avait été biùlé dans son palais, tandis que son titre avait été repris par le jeune héritier*.

« \ussit6t que j'entendis parler de la fuite de ces rebelles dis|)ersés. j'en\ovai Tchang Ting-houei avec quelque cavalerie pour sui>rc Wou Wei-clieou et continuer avec lui la [loursuite jour et nuit. J'écri>is aussi aux garnisons de Li Choui, Tchou- Young et autres places de réunir toute la cavalerie disponible et de |)oursuivre les fugitifs, les exhortant en même temps à ne pas les laisser s'échap|>er. J'attends maintenant leur retour pour envover leurs rapports et les transmettre à Péking par l'entre- mise de Votre Kxcellence. Pendant les journées du ao et du ai, nos troupes raflèrent et tuèrent un nombre considérable de >ieu\ rebelles, natifs des deux Kouang, des deux llou et du Kiang-Si. Tseng Liang-tso et ceux qui étaient avec lui, se dis- tinguèrent spécialement en tuant un grand nombre de chefs et en tout j'imagine que le nombre des tués doit se monter à une centaine de mille. Pendant les trois journées que j'ai mention- nées, la rivière Tching houei a été bloquée par les cadavres. Dans la ville, il y avait à jhmi près trois mille Wang et chefs, dont la moitié fut tuée et le reste noyé ou tué dans le fossé de la ville.

« Le 33, il ne restait plus que quelques Gantonais qui s'étaient fortifiés eux-mêmes dans un bâtiment très haut d'où ils visaient nos hommes, mais le 33, la ville fut en notre pouvoir exclusif et les poursuites et les tueries complètement termi- nés. J'envoyai imnuKliatement des hommes pour éteindre les incendies et j)our enterrer les morts, pendant qu'en même temps, je pris des arrangements pour recevoir et soigner les blessés. Ce n'était pas une tache aisée d'avoir à s'occup<T d'une centaine de chos(>s qui demandaient toute mon attention.

« Je ne puis m'empécher de m'amiger sur les milliers d'hoMunos cpie nous avons perdus par maladie ou qui furent tué^ |MMidant le siège. Pendant ce temps, j'ai empêché trois fois cpion vint au secours de la ville, et j'en fis l'assaut plus de cent fois, mais comme par la bonne chance de Sa Majesté, ce léger succès a pu être obtenu. Leurs Excellences Pcng, Yang et llouang, dresseront une liste des olîiciers et des hommes ap()ar- lenant à la flottille, comme je ferai de mon côté en ce qui con- cerne les troupes (h? terre, lequel rapport nous espérons que vous

1 . C rst la vraie >cTsion.

a34 RÉBELLION DES T*AÏ P^ING

VOUS joindrez à nous pour le présenter au Trône. Je vous prie de vouloir bien recommander pour une marque de faveur de Sa Majesté, tous ceux qui se sont distingués et que vous réclamerez les honneurs posthumes pour ceux qui sont tombés en combattant, «c J*ai remis un rapport semblable à Son Excellence le Gouver- neur Général *, avec la prière de le remettre à Péking*. »

Le prince de Koung et les membres du Tsoung-li Yamen annoncèrent aux ministres étrangère la prise de Nan-King dans les termes suivants :

Nous avons reçu aujourd'hui dans la matinée un message que Tseng Kouo-fan nous a envoyé par un courrier faisant plus de 600 lis* par jour pour nous annoncer que le 19 de la 6* lune (33 juillet) la ville de Nan-King a été reprise en entier. Cette importante entreprise est terminée et pas un rebelle ne s*est échappé.

Sachant tout l'intérêt que vous portiez à cette alTairc, nous nous empressons de vous annoncer son heureuse issue, certains que vous partagerez notre satisfaction, et nous profitons de l'occasion qui se présente pour vous souhaiter mille prospérités.

FIN DE LA REMELLIOX

Quelque temps anparaNant (3o juin i864), le Tien Wang, Houng Sieon-ls'iuen, s'élait suicidé en avalant des feuilles d'or ; le Tch«ung Wang, qui était le meilleur des généraux rebelles, fut exécuté par les Impériaux le 7 aoiU i86/| a\ec le Fou Wang, HongJen-ta, demi -frère du T'ien Wang; Houng Fou-lien, le fils même de Houng qui avait pris le litre de T'ien Wang H périt de la même manière quelques jours après la prise de Nan-King dont il avait réussi à s'enfuir.

I. Tseng Kouo-fan.

a. NorthChiita Herald, 783, 30 août i86i.

3. Le li est d'environ 600 moires; celle expression signifie simplement marchant à toute i'itesse.

PAVILLONS Nomâ a 35

D'un autre colé, le corps franco-chinois continuait ses opé- rations: la capitale tlu Tché-Kiang, Hang-tchëou, élait prise clans la nuit du 3oau 3i mars i864 par P. dWiguebellc qui reçut en récompense la robe jaune et dix-mille taëls, et les ïVi Ping évacuèrent (28 août i86-4) Hou-lchéou, leur der- nier rempart dans cette province; au mois d'avril i865, les bandes T\iï Ping sont chassées de Tchang-Tchéou près d'Amoy et leurs débris traqués de tous cotés, se réfugiaient dans les montagnes du Fou-Kien, du Kiang-Si et duKouang- Toung, ainsi que dans le Se-tch'ouen.

PAVILLONS >OlBS

Ln des chefs T'ai Ping, Wou-tsoung, pénétra dans le Tong King, livra le pays au pillage avec une bande de 3 à 'i 000 soldats et s'avança jusqu'au Song Koï en face de Hanoï. Les Annamites eurent recours aux Chinois j)Our être débarrassés de ces bandits. Les Chinois s'empressèrent d'en- voyer au Tong King une petite armée comiX)sée, croyons- nous, d'ime dizaine de mille de soldats, qui pourchassa les reljelles et les obligea à fuir vers les montagnes qui bordent le Yun-Nan.

Wou tsoimg mourut peu de temps après en 1866 et il laissa le conmiandement de ses Iroupes à ses deux lieute- nants Lieou Yen- fou et Tiouang Tsoung->n. Les deux chefs mirent ensemble le siège devant Lao-Kay dont « la forte- resse, dit M. de Kergaradec, n'est qu'une enceinte carrée en maçonnerie formée par im mur en moellons de quarante centimètres d'épaisseur ou à peu près, et aux quatre coins de laquelle sont disposées des tours à plateforme, armées de petites pièces d'artillerie. » (]e n'est pas faire l'éloge de l'ha- bileté des rebelles de dire qu'ils ne s'emparèrent de Lao-Kay qu'au bout d'un siège de deux ans.

3.36 nKBEF.FJON DFS t'aÏ p'iNG

Les deux associés se querellèrent après la prise de LaoKay (1868). Licou Yen -fou resta dans cette ville, Houang Tsoung- yn descendit le fleuve Rouge, puis établit son quartier général à Ho-yang, sur la rivière Claire ÇTstn^^ //«), affluent de la rive gauche du Song Koï. Les anciens amis, devenus ennemis mortels, devaient se faire à l'avenir une guerre acharnée, et, leurs troupes se distinguant par la couleur de leurs inscriptions, on nomma Pavillons Noirs (en chinois //e Kiy ou dans le dialecte cantonais I/ac A7) l'armée ou plutôt la bande de Lieou Yen-fou, et Pavillons Jaunes (^Honang Ki^, les partisans de Houang Tsoung-yn.

CHAPITRE XVI

RÉBELLIONS

RÉBELLION MUSULMANE

Chose curieuse : celte rébellion commença «au Yun-nan par une querelle entre mineurs, les uns musulmans, les autres Chinois. Vers i855, des gisements de galène argen- tifère situés à Chi) ang tcirang, à cinq jours de marche de Yun- Nanfou, sur la route de ïa-li, étaient en pleine voie d'exploita- tion; ils étaient fort riches, et musulmans et Chinois, originaires de Lin-ngan, dans la même province, les travaillaient en com- mun. Cependant le Chinois, âpre au gain, chercha de bonne heure à écarter son compatriote musulman; celui-ci, d'abord peu heureux dans ses efforts, les avait vus devenir prospères, tandis que le contraire avait lieu pour son concurrent qui, lui ayant demandé du travail, éprouva un refus. Des rixes eurent lieu, quelques hommes furent tués, les Chinois furent repoussés, un mandarin incapable ne réussit pas à calmer Teffervescence, eut peur, quitta son poste, et retourna à ^ un-Nan fou, capitale de la province, il rédigea un rapport foudroyant contre les mahométans. C'est une histoire arrivée dans tous les pays du monde*.

Les musulmans, craignant une nouvelle attaque, se forti- fièrent : les Chinois revinrent en effet en nombre, battirent

I. Henri Cordier, Journal des Débats, a octobre 1880.

a38 RÉBELLIONS

leurs adversaires, les poursuivirent jusque dans les villages voisins ils massacrèrent tous ceux qu'ils purent saisir. Cependant les mandarin? réussirent h apaiser les combattants, les travaux furent repris, les troubles cessèrent, mais pour recommencer bientôt.

Un certain Houang Tchoung, ancien vice-président du ministère de la guerre et ennemi mortel des musulmans, orga- nisa un masscicre général qui eut lieu le 19 mai i85G. Mais celte Saint-Barlhélemy n'eut qu'un médiocre succès. Les musulmans prévenus se défendirent ; leur grand -prêlre Ma Tê- sing, vieillard de soixante-cinq ans, organisa la défense, et, aidé d'un jeune bachelier, Tou Wen-sieou, très considéré de ses coreligionnaires, qui se mit à la tête du mouvemcnl, il s'em- para de Ta-li fou, désormais la capitale et la forteresse des mahométans dans le Yun-Nan, et de ses environs, y compris le lac Eul Haï, défendu par les barrières inférieure et supérieure (Il'ia kouan et Chang kouan).

C'est une figure remarquable que celle de ce grand-prèlre musulman. en lygS, de commerçants établis dans un village de H'ia kouan, à 10 lis de Ta-li, Ma Tê-sing fut mis à l'école dès son enfance; après avoir obtenu une teinture suflisante de la littérature chinoise, il alla dans une mosquée suivre un cours de langue» arabe. Il compléta ensuite ses éludes de théologie dans le Chan-Si. Plus tard (1889), il se joignit aux caravanes de marchands qui font le négoce entre le Yun-nan et la Birmanie, descendit jusqu'à Kangoun il s'embarqua à bord d'un voilier chargé de pèlerins qui se rendirent avec lui h la Mecque pour y célébrer les fêtes du Ramadan. Après avoir fait quelque séjour dans la ville sainte il continua l'élude de la langue arabe, il parcourut toute l'Egypte et alla jusqu'à Constanlinople ; il s'arrêta deux ans dans cette ville. Sa double qualité de Chinois et de prêlre musulman l'y avait fait bien accueillir ; mais, ses ressources touchant à leur fin, il lui fallut relourncr dans son pays.

nÉnELLtON MUSULMANE a3l)

DWlexandrio, il s'arrêla |>eu de temps, il partit directe- ment pour Singaj)ore. « Il demeura un an dans celte colonie, afin, dit M. Rocher, de s'assurer que les jours y sont égaux toute Tannée, ainsi qu'un astronome de Constantinopic le lui avait alïirmé. Son retour eut lieu en i846 par la rivière de Canton. L'intéressant voyage de sept années qu'il venait d'accomplir, les objets qu'il avait rapjiortés de l'étranger, les connaissances qu'il avait acquises, le renom de sainteté qui s'attache aux pèlerins de la Mecque ne firent qu'accroître le prestige dont il jouissait avant son départ. »

Ln certain Ma Sien, dont le frère avait été tué dans une des premières écliauflburées de mineurs, fut le chef militaire qui seconda Ma Té-sing, son maître, dans cette guerre. Ma Sien qui, par ses connaissances, ses talents, son énergie poussée jusqu'à la témérité, avait mérité l'estime et la confiance de ses coreligionnaires, fut, par la force même des choses, appelé au commandement des troupes que la révolu- tion naissante se pro|>osait de lancer contre ses persécuteurs. Les 20 000 hommes qui suivirent sa fortune se mirent bientôt en marche, et, sans entrer dans le détail de leur campagne non plus que dans celui des opérations des trou- pes réunies sous les ordres de Ton Wen-sieou, nous j>ouvons dire qu'en 18G0 les musulmans étaient vainqueurs sur tous les points.

Les al)origènes : Pa yi, I-jen, Miao-lseu, etc., profitaient de « la faiblesse des Chinois pour revendiquer leur ancienne indépendance et descendre dans les plaines d'où ceux-ci les avaient chassés » \

Chose inexplicable ! Ma Té-sing et Ma Sien, qui auraient pu dicter aux troupes impériales les plus dures conditions, consentirent à traiter sur des bases dérisoires. Le grade de général de brigade accordé à Ma Sien, dont le nom est

I. Rocher, II, p. 55.

a4o RÉBELLIONS

changé en celui de Ma Jou-ioung, des grades correspondants dans l'armée impériale donnés aux chefs subalternes, de larges gratifications réservées aux soldats amenèrent entre les parti 5 belligérants une entente que la rébellion des T'aï- P'ing et autres luttes intestines firent approuver sans enquête par le gouvernement de Pé-king.

La soumission des deux Ma (1860) fut une faute irré- parable, car elle causa la ruine du parti musulman ; les succès temporaires de Tou Wen-sieou montrent que si les secta- teurs de Mahomet, au lieu de se diviser, étaient restés unis, rien ne leur eût été plus facile que de rétabhr à leur profit dans le sud-ouest de la Chine les deux anciens royaumes de Ta-li et de TEst. Les conséquences d'un étabUssement musul- man dans cette partie de la Chine eussent été incalculables pour rinde et la Kachgarie, et la théorie avancée il y a quel- ques années, avant que les deux grands groupes musulmans dirigés par Tou Wen-sieou et Yakoub beg eussent été écrasés l'un après l'autre, théorie d'après laquelle la prochaine dynastie chinoise serait mahométanc, pouvait être défendue avec quelque apparence de raison. La soumission des deux chefs n'amena en aucune façon la soumission de leur parti : ils entraînèrent leur armée h leur suite, mais ils ne purent obtenir que les troupes de Tou Wen-sieou imitassent leur exemple. Leur défection, en même temps qu'elle diminuait la force de leur parti, augmentait celle des Chinois : c'était prolonger la guerre avec des chances moindres de succès pour leurs frères dont ils avaient es[>éré de servir les intérêts, et qu'ils allaient se trouver obligés de traiter en ennemis. Chinois eux-mêmes. Ma Jou-loung cl Ma Tê-sing auraient savoir, malgré leur loyauté et leur désintéressement per- sonnels, que la Chine n'oublie rien, ne pardonne rien, et qu'assurer sa victoire, c'était en même temps préparer le massacre des musulmans dans le Yun-Nan.

Ma Jou-loung, dorénavant chargé par les Impériaux de

UKnEF.LION MUSULMANE 3/|l

la pacification de la province, se trouva placé dans une position fort dillicile. A la tête des troupes l'avait mis la confiance des Chinois, il allait être obligé d'a- gir contre ses propres coreligionnaires. Tou Wen-sieou, de son côté, n'avait pas perdu son temps; ses campagnes fiirent désastreuses pour ses adversaires; son ancien allié, le grand-prêtre, qui avail rempli temporairement les fonctions de vice- roi de la province, essaya, mais en vain, de lo ranicner à ses idées (i8G3). La guerre continua donc ; Ma Jou-loung fut battu ; des j>euplades autochtones, les Miao Iseu et les Man tseu, s'élant révoltées, ajoutèrent aux embarras des troupes impériales, et les musulmans se répan- dirent dans toute la province du Yun-Nan.

En 18G8, Tou Wen-sieou, qui depuis longtemps avait pris le titre de Sultan, marche sur la capitale de la province dont il fait le siège après s'être emparé des puits à sel, principale source du revenu du pays. Les deux Ma refusent de repasser aux musulmans; Ma Jou-loung même est blessé dans une sortie; mais rien n'ébranle sa loyauté. Heureusement pour les Chinois, le siège traîne en longueur; des relations s'éta- blissent entre assiégeants et assiégés; de nombreuses défec- tions onl lieu dans Tannée de Tou Wen-sieou ; le Sultan, voyant ses troupes affaiblies par la désertion et par les sorties, et ne pouxant plus occuper edicacement les environs de la ville, se décide à en lever le siège.

Sa retraite est le signal des revers ; la fortune des armes va changer; avec des alternatives de succès et de défaites, les troupes impériales gagnent graduellement du terrain jusqu'au jour elles écraseront l'aigle dans son aire, Tou Wen-sieou dans Ta-li. Il faut bien le reconnaître, l'histoire de la ré- bellion nmsulmane est lerrible pour l'honneur de la Chine. A chaque pas on retrouve chez les Chinois ces instincts sanguinaires que nous autres Occidentaux sommes toujours disposés à croire éteints : ils ne sont qu'assoupis, el, de

CoRDlER. I. lO

343 RKBELLI()>S

temps à autre, de grandes hécatombes Immaines nous rap- pellent au sentiment de la réalité.

Tantôt vous lisez le récit de scènes dignes de cannibales, voyez plutôt : Un chef reconnaît l'un de ses ennemis sur le champ de bataille, il lui ouvre la poitrine, arrache le cœur encore chaud, le fait frire dans une marmite et le mange avec ses soldats. Ailleurs, c'est un fou-laï (gouverneur de province), qui se plaint de généraux ayant rétabli l'ordre parmi leurs soldats auxquels le pillage avait été promis; il fait exécuter sous §es yeux les chefs qui Tonl menacé de mort. Ce pillage est celui de la ville de Tcheng kiang ; en voici le récit atroce :

« Les rebelles (musulmans) qui avaient pris l'ofiensive (( profitèrent du désordre pour gagner au large; mais les « femmes, les enfans et les vieillards, n'ayant pu les suivre, « furent victimes de la rage des Impériaux. L'ordre rétabli, (( le massacre recommença. Des femmes, épouvantées de se « voir livrées à la brutidilé des soldats, se suicidèrent en se « jetant dans les puits avec lem-s enfants; celles que la peur « de la mort avait retenues, furent violées et vendues ensuite « au [)lus offrant. C'est ainsi que 5 à 6000 créatures hu- » maines subirent un sort infâme. I^es vieillards furent tous « passés par les armes et leurs tètes exposées sur les remparts. <( Quatre à cinq jours après ces scènes de carnage, les rues « étant encore souillées de sang et les cadavres laissés partout « sans sépulture, le fou-laï, impatient de contempler son « anivre, entra dans la ville. »

Une autre fois ce sont deux chefs rebelles. Ma Min-koung et Ta Ton iou,qui sont attirés dans un piège. Ce dernier, qui fumait Topium dans la tente de son hôte, fut garrotté et en- voyé au fou-t^n (gouverneur), et, pour éviter (ju'il ne s'échap- pât en route, on lui coupa les jarrets. Ecoutons maintenant la suite de Thistoire contée par M. Rocher :

« Les deux chefs une fois en son pouvoir le fou-laï put

LES NlEN FEt 3^^

savourer sa vengeance à son aise. Ma Min-koung, qui était une espèce d'Hercule, cherclia à rompre ses liens; mais il n'y put parvenir, et cette tentative lui valut, à lui et à son compagnon d'infortune, de nouvelles tortures. Dé- pouillés de leurs vêtements, ils furent roulés nus sur un plancher l'on avait planté des clous très pointus d'un pouce de long, de telle sorte qu'à chaque tour qu'on les forçait de faire, leur chair se déchirait et ruisselait de sang. Ainsi mutilés, ils furent rendus au bourreau, qui les décapita ; leurs corps restèrent sans sépulture, et leurs têtes furent envoyées à Lin-ngan, leur départe- ment, pour y être exposées sur les remparts jusqu'à décom- position complète * » .

LES NIEN FEI

Aux grandes rébellions des T'aï P'ing et des musulmans, il faut ajouter le brigandage des Nien Fel, pillards armés de lances, de vieux fusils, qui désolaient la partie occidentale du Chan Toung, Test du Tché-li et le nord du Ho Nan, théâtre des exploits des « Boxeurs actuels ». Ils s'emparèrent de Fouang-Houang-tchoung en avril 1861 ; en octobre 1861, ils s'avancèrent vers Tchc-fou et massacrèrent les mission- naires américains J.-L. Holmes et H. -M. Parker à une trentaine de milles de cette ville. En i863, le capitaine Coney, du 67* régiment d'infanterie anglaise, futenvoyé de Tien-Tsin, avec des troupes chinoises pour combattre ces maraudeurs, mais ce n'est qu'après la chute de Nan King (i864) que le gouvernement impérial tenta un grand effort. Le Sen Wang, Seng-ko-lin-sin, prince mongol de la tribu des Khorsin, le

I. Pour tout ce chapitre, voir le vol. II de La Province chinoise du Yùn-nan^ par Emile Rocher. Paris, Ernest Leroux. 1880, in-8.

3/|4 RÉBELLIONS

vaincu de Pa-li k'iao, avait été envoyé contre eux avec Joui- lin, en 1861, }K)ur leur donner uneoccasion de se réhabiliter de leurs désastres dans la guerre étrangère Tannée précédente ; il annonça qu'il avait remporté le 19 janvier une grande victoire sur les rebelles dont il avait tué des milliers h Tcbeng-kia-tchi, délivré plus de deux mille i)aysans prison- niers et rétabli la tranquillité dans le dislricl de Ts'ao Ichéou, dans le (]han Toung ; toutefois ces succès furent éphémères ; il atlacjua leur chef, Tchang Tsoung yii ou Siao Yen-mang, à Ts'ao-tchéou, mais son arrière-garde étant arrivée on retard, il fut entouré par les masses ennemies et mis à mort (i865). Tseng Kouo-fan le remplaça en mai i8G5 et accourut au secours du (ils du Son Wang, le Pao Wang qui défendait Tsi Nan avec 3o 000 luiunnes ; il lutta contre les rebelles jusqu'en août 18GG, époque à laquelle il demanda im congé pour se reposera Nan King. En i865, un grand nombre de Nien Fei passèrent dans le Chan Si, le Chen Si et rejoignirent les musul- mans du Kan-Sou. L'aimée suivante, les Nien Fei pénétrèrent de force du Ho Nan dans le Hou : aussi Tseng Kouo- tchouan, gouverneur de cette dernière province et Li Houo- nien, gouverneur du iio-\an furent-ils disgrAciés (1867). Li Fou-taï continua la lutte jusqu'à sa nomination de vice- roi du Hou-Kouang, 18G7. L'audace de ces Nien Fei était si grande, qu'en 18G7 ils s'approchèrent de Tien-Tsin et faillirent s'emparer d'Anson Burlingame et de sa famille, à Ho-si-\\ou (nov.), lorsque le nouvel ambassadeur sino- américain était en route pour sa bruyante et inutile mission. Le D' Martin, de la légation de France, dit :

« Les Nien-Fëi sont des brigands qui pillent et dévastent tout ce qu'ils rencontrent. Lorsqu'on 18G8, ils menacèrent Péking, ils commirent des férocités inouïes; a quelque distance notamment de Tien Tsin le long du canal imj)érial, ils massarraiiîiit sans pitié les femmes et les enfanta ; ils ouvraient le \ (Mitre des mères el y |)loiigeaionl leur nou

f.ï:s mk\ fki !j/|5

veau-né. \ous IVimcs léiiioin de ces scènes ; des nnilliers de cadavres entraînés par les eaux du canal, venaient jusque dans rint4irieur de Tien-Tsin et, au point ce canal se jette dans le fleuve, s'arrélaienl formant un vaste tourbillon sanglant. La ville fut infectée, et le consul de France dut intervenir activement pour obtenir des autorités chinoises (juVIles ordonnassent Tinhumation de ces hécatombes Inmiaines qui menaçaient (fempoisonner la ville *. »

« Les bandes qui viennent de ravager le Pc Tchc-ly Oriental, après avoir j)arcouru les provinces limitrophes, écrit (en 1868) le W. P. Lebour/j, ne sont pas celles qui occuj)crent si longtemps le Kiang-Nan et massacrèrent ou emmenèrent en (\q)tivité presque la moitié de la population de cette dernière province. Tout en poursuivant un but poli- tique, ces bandes s'occupent principalement de brigandage.

« Elles commencèrent à s'organiser en iS.jg, dans le Ho- Nan. Depuis cette époque, elles se sont recrutées surtout parmi les sociétés secrètes. Leur nom d(» guerre est Lao-nien-tze (vieux voleurs) ou 7\'/tan^ mao (longs cheveux). On donnait aussi a ces rebelles le nom de Barbes ronges^ parce qu'ils l)ortaicnt une queue de cheval en guise de barbe pour effrayer le jKîuple.

« Leur chef, originaire du IIo-Nan, a trente ans à peine, il se fait appeler y<.v<-ir<7/;i ou prince satanique, impitoyable. Son oncle, au(juel il a succédé, était connu sous le nom de Tcham- lao-lsin ; son nom de famille à lui est Tcham-lao-iii. Il porte toujours une robe écarlate à grandes et larges manches. Il se dit descendant de la dynastie des Ming, et prétend a la couronne im[>érialc du Céleste Enipire. La chaise qui le porte est jaune et semblable à celle des empereurs ses aïeux. 11 a six mi- nistres qui ne le quittent jamais et voyagent en chaises vertes.

I. lies'ue de i Extrême -Orient, II, p. 126.

a 46 RÉBELLIONS

« Le costume des Tchang-mao se compose d'habits de femmes avec un turban rouge pour coiffure. Leurs pantalons descendent jusqu'aux genoux seulement, pour laisser voir à tout le monde le cachet qui leur a été imprimé au fer rouge sur plusieurs parties de la jambe. Les chefs s'empressent de donner cette marque à leurs nouveaux compagnons enrôlés par force, afin que la crainte d'être pris et massacrés par les Impériaux ou les mandarins, les empêche de déserter. Leurs longs cheveux tombent en désordre sur leurs visages qui prennent par un aspect encore plus effrayant *. »

I. Annales de la Propagation de la Foi^ XL, 1868, pp. 36o, 36a.

CHAPITRE XVII

RÉORGANISATION MILITAIRE. RUTHERFORD ALGOGK.

MISSION DE PIN

ESSAIS I>E HEOKCiAMS.VTION MILITAI KE

« Apr^s avoir visite Tsen^ Kouo-fan, le major Gordon resta pies de Chang llaï jusqu'à la chute de Ilou-tcheou. Il avait établi un camp d'instruction pour les troupes chinoises, gardant les hommes sous leurs officiers indigènes, traduisant en chinois, avec Taide de M. H. E. Ilohson, les diflérents livres d'exercices d'artillerie et d'infanterie, et essayant de faire prendre aux au tori les chinoises quelque intérêt et de commen- cer un noyau d'armée réguhère. Mais que le gouvernement de Péking ne regarda pas avec faveur une réorganisation faite dans une province et par suite en fut jaloux, peu d'encoura- gement, en dehors de paroles, fut donné, et quoique les trou|Xîs prissent les choses à cœur et apprenaient rapidement, le pied sur lequel se trouvait le camp n'était pas satisfaisant, et le major Gordon le quitta en novembre et retourna en Angle- terre, le major Jebb, du 67'' régiment de Sa Majesté, ayant pris le conmiandement ' ». «Le camp d'instruction à Foung Ilouang Chan, élait un sujet de considérable anxiété aux autorités britanniques, en vue de l'évacuation prochaine des troupes anglaises de Chang Haï, quand la concession étran- gère aurait à compter sur la protection chinoise. Vers le

I. llakc, pp. 473-4.

3/|8 RÉORGANISATION MILITAIRE

nou\el an, Parkcs alla voir comment manœuvraient et étaient exercées les troupes : « 8 janvier. J'ai pris un congé de quatre jours la semaine dernière, ou presque un congé. Je suis monté au camp d'instruction pour voir comment Jebb s'arrangeait, et je passai ensuite à Soung kiang à six milles de distance et inspectai une force d'environ 5 ooo Chinois* ». Dans le nord, à Takou, dès le 2/1 février 1862, le lieutenant- colonel Thomas, de ce même régiment, avait commencé h exercer les forces chinoises; en mars le lieulenant Gould fut chargé de leur instruction. Ces essais infructueux laissèrent des germes et pendant des années les (^lliinois entretinrent une double force près de Chang-Ilaï : l'une près des collines à Foung llouang Chan commandée |»ar le capitaine anglais William Winslanley qui portait le litre d'instructeur général, l'autre près de l'arsenal de Kao Tchang Miao qui avait à sa tête le français Fallu de la Barrière ; le camj) anglo-chinois fut disloqué en juin 1873 et les oOiciers étrangers furent congédiés.

ARSENAL DU KL\>'G >A>'

D'autre part, le Tao Taï de Chang-IIaï, Ting, depuis Fou Taï du Kiang Sou, commença en i865, sous les aus- pices de Tseng Kouo-fan et de Li lloung-tchang, à établir un arsenal près de la ville dont il avait le gouvernement. A la tête du nouvel établissement furent placés les deux fonc- tionnaires Foung et Choun et un ingénieur américain, F. J. Falls, qui en ont assuré la prospérité qui dure encore. Jadis l'arsenal a été dirigé par Li Foung-pao, depuis ministre a Berlin. Outre les départements de l'ingénieur et des aciéries, et celui des projectiles, avec des chefs étrangers, l'arsenal de

I. Life of Ilarry Parkes, l, p. 3o4.

ARSK>\L l>K FOL-TClIÉOi: 3^()

Kao-'lVIiang uiiai>, coiniiiecsUlésignérarscnaldii Kian^Naii, r(»in|)rcn(] un d(»i)arlcmcnl de traduction dirigé par iM. John Fryer, auteur de nond)reux travaux, et une école Tanglais et le français sont enseignés par des indigènes.

AUSENAL I)K FOIJ-TCUEOr

Autrement important fut Teflorl tenté à Fou tcliéou par le \ice-roi Tso Tsoung-tiing avec la collaboration (rofTiciers français.

(' L'arsenal de Kou-Tchcou n'est pas, coinnie cette dénomina- tion pourrait rindi(]ucr, une usine destinée à la fabrication d'arnirs. d(» munitions ou autres objets de guerre : c'est spéciale- ment im ensemble de chantiers et d'ateliers alTectés à des cons- Iruclions navales et avant, comme annexe, une usine métallur- gique construite |>our laminage du fer en barres et en tôles. Le but que l'on a eu eu vue en le créant, a été de fournir aux Chinois ime mariue de guerre et de trans|>ort, de lui instruire lies sujets capables de construire et dv conduire ces navires, et enfin de tirer parti des richesses métalli(|ues, notamment celles du fer,que|)Ossède la province dcFo-Rien*. »

Beaucoup d'autres points auraient pu être choisis [X)ur la création de Tar.senal, mais la principale raison qui fil donner la préférence à Fou-lchétni fut incontestablement Tintérêt que prenait Tso a la nou\elle entreprise et la protection (|u'ii lui accordait. Kn outre : « Les motifs qui ont fait choisir Fou-tchiMMi pour la création d'un établissement maritime milit^iire sont les suivants :

« Le |x>rt y est 1res facile a défendre ; car Tentréc du fleuve Min est garnie d'îlols et de montagnes admirablement dispo-

I. I. arsenal de FoU'ichéou, ses résultats, par Prospcr Giqucl... Sliang-llaï, février 1874, m-8, p. i.

2ÔO REORGAÎSISATION MILITAIRE

SCS pour recevoir des forts, et, à une dizaine de milles plus haut, les collines qui le bordent resserrent assez son cours pour que la pose de quelques torpilles en rende le passage absolument impossible. L'arsenal trouvait de plus Tavantagc qu'étant placé près d'une grande ville, de hauts fonction- naires, des gens de la classe supérieure étaient mis à même d'en surveiller les progrès, de s'y intéresser et que l'argent, moteur principal de toute opération industrielle, était assuré au fonctionnement de Tentreprise par la présence d'une douane importante, dont l'administration est entre les mains d'un personnel européen au service de la Chine. Le mouil- lage, aisément accessible a des navires de 22 et 23 pieds de tirant d'eau, se trouvait suflisant pour les dimensions *. »

CONTRAT DE 1866

Voici d'ailleurs les pièces officielles ' relatives à la fonda- tion de l'arsenal de Fou tchéou, qui en réalité était, comme on vient de le voir, moins un arsenal qu'un chantier de cons- truction.

Foochow, 3 septembre 1866.

De la part de :

Son Excellence Tso, sous-Gouvcrneur du Prince Impérial, Président du Ministère de la Guerre, Gouverneur Général du Tché Kianget du Fon-Kien, Noble de la i'*^ classe du degré Peh.

J'ai recula requcHe que m'ont adressée Messieurs d'AiGUERELLE et GiQUEL, par laquelle ils proposent d'organiser des chantiers et des ateliers pour la construction de navires à vapeur, des Écoles pour enseigner l'art de la construction et du commande- ment des navires. Cette requête est accompagnée de 4 docu- ments :

I. Arsenal de Fou-tchéou, supra, p. 1.

2 Ces documonts sont reproduits d'après l'original du contrat qui appartient à M. L. Dunoyer de Scgonzac.

ARSENAL DE FOL-TCHEOU 301

Un conlrat général d'exécution :

Dos propositions d'exécution ;

Un devis;

V Un contrat pour rcngagemcntdes ingénieurs et des ouvriers européens.

Ils me demandent de les examiner, de les approuver et de les leur renvoyer afin qu'on puisse les faire signer jjar M. d'Aiguc- lielle, les faire traduire par l'Interprète du Consulat de France h Sliangliae, et prier Monsieur le Consul Général de France d'v apposer sa signature et son sceau. Ils me seront ensuite remis |)our rester comme preuves des engagements contractés.

Apres avoir examiné tous les documents dont il est question» je vois qu'ils sont bien conçus dans tous leurs détails, je les approuve donc, et je les retourne à ces Messieurs. Quand Monsieur d'Ai - guebelle les aura signés, ils seront remis à l'Interprète du Con- sulat de France pour être traduits, puis soumis à Monsieur le Consul Général qui y apposera son sceau et sa signature. Ils me seroiU ensuite retournés comme il est dit ci-dessus.

A la présente dépêche sont joints :

Une requête;

Un Contrat Général d'exécution ;

Des propositions détaillées ;

Un devis;

Des règlements d'engagement;

le tout adressé à Messieurs

d'AiGUEBELLE, Lieutenant de vaisseau de la marine française,

Titou honoraire, ayant antérieurement rempli

les fonctions de Tsong-ping dans le ïché-kiang * ;

GiQUEL, Lieutenant de vaisseau de la marine française. Tsong-

ping honoraire, ayant jadis rempli temporairement

les fonctions de Tsong-ping.

I, Neveue d'Aiguebellc. Paul- Alexandre, ne le 7 janvier i83i à Paris (Seine) ; aspirant de a*" classe, i««'aoAl i848 ; de \^^ classe, i"" sep- tembre i85o ; enseigne de vaisseau, 11 juin i853; lieutenant do vais- seau de a* classe, 9 août i858 ; de i^^ classe, 16 août i86a ; admis à la retraite, sur sa demande, par décision ministérielle du 18 janvier 187a; chevalier delà Légion d'bonncur. le i g novembre 1859; officier, 37 avril i865.

a 32 HKORGAMSATIO.N MILITAIRE

|Siii\oiit los sigiinliin's de I*. (îiqiicl v\ du (lonsid Général de France, \ ''' Hrenier de Montmorand, pour la légalisation, Sliang- Iiay, le G no\enibre i8G().)

Koo-cliow, %3 septembre 18G6.

Le Titou honoraire, ancien Tsong ping du Tchékiang, Lieute- nant de vaisseau de la Marine Française, d'AiGnr.BKLLK.

Le Tsong ping honoraire, avanl jadis rempli lenijX)rairenient les fonctions de Tsong ping, Lieutenant de vaisseau de la Marine Française, (jiouel :

ont l'honneur de soumettre la présente re(|uète à Son Excel- lence Tso.

Le y mois de l'année dernière. Monsieur (jiquel a reçu do Monsieur d'Aiguebelle la lettre suivante :

« J'ai eu l'honneur d'informer verbalement Sa Alajestc l'Ein- « pereur des Français rpie nous avions reçu de Son Fxcellence « Tso, l'ordre de lui pro|)oser des règlements et devis poin* l'or- « ganisation de chantiers et d'ateliers de construction de navires « à vapeur les Chinois pussent apprendre l'art de la construc- « tion et du commandement des navires.

« Sa Majesté a daigné répondre que la Chine et les pays étran- « gers étant en termes de bon accord, Kile voyait avec plaisir que « j'étais prêt à me consacrer de nouveau au service de la Chine, « File a daigné de plus m'accorder un congé (|ui me permît de « revenir dans ce pays travailler à ces diverses entreprises, et a « fait écrire par son cabinet à la Légation de France à Péking « qu'elle eut à les appuyer.

« Sa Majesté prenant en considération les services que je >e- « nais de rendre à la Chine, a daigné m'élever d'un degré dans « la Légion d'Honneur. »

Monsi«»ur Giijuel a soumis cette lettre à Votre Excellence dans une dépêche précédente (pii répondait article [)ar article à des questions qui lui avaient été posées, et Monsieur d'Aiguebelle lui en a répété le contemi, lors de sa visite à Tchang-Tchéou.

Nous venons maintenant soumettre à votre Excellence, sui- vant les ordres (pi'Elle nous en a donnés, tous les documents re- latifs à l'organisation de chantiers et d'ateliers destinés à la cons - truction de navires à vapeur, à la création des Ecoles qui doivent s'y adjoindre. C^es documents se composent de :

Un Contrat général d'exécution ;

ARSE.WL VE FOU-TCIIÉOU 353

Des propositions détaillées d'exécution ;

Un devis ;

Un contrat en i4 articles pour rengagement des Ingénieurs et Ouvriers Européens.

Apres que Votre Excellence les aura approuvés, nous les aura retournés et nous aura l'ait remettre les premiers fonds que nous demandons, nous irons en Europe acheter le matériel néces- saire, engager un personnel de 87 Européens. Nous reviendrons ensuite à Foo-cliow, mettre en train les chantiers, les ateliers et les écoles.

Nous prions Votre Excellence de voidoir bien supplier Sa Ma- jesté l'Empereur de la Chine do désigner un Oflicier de rang élevé (pli nous sera adjoint et verra que nous remplissons a\ec exactitude les engagements que nous avons contractés.

Nous avions l'année dernière prié votre Excellence de fixer h 3 ans la durée de notre Contrat ; mais, comme ce terme nous parait trop court, nous la prions de la fixer à cinq ans qui com- menceront à compter du jour l'atelier des machines commen- cera h fonctionner. (Cependant si au bout de trois années Votre Excellence jugeait que les OITiciers et ouvriers chinois pussent construire et commander des navires a vapeur sans le secours des F^uropéens, il lui serait loisible de licencier tout, ou partie du personnel (»ngagé par nous.

Telle est la requête (pie nous avons à soumettre à Votre Ex- cellence, nous y joignons :

Un CiOntral général d'Exécution;

Des propositions d'ex(»culion au nombre de 18;

Ln dois ;

Un contrat en il\ articles jmur l'engagement des Européens.

[Suivent les signatures de (ii(|uel et d'Aiguebelle, Shanghaï, 25 octobre i8G(>, et la h'galisation.)

Enlin pour éviter toute difliculté entre les deux directeurs, Tacticle suivant fut ajouté :

Article additionnel aux propositions détaillées d* exécution.

A UT. if). Messieurs d'Aiguebelle et (jujucI, nommés par Son Excellence le Gouverneur (îéntM-al, Directeurs de l'Arsenal, ont tous deux à (''puisiT leurs clTorts pour que l'entreprise qui

q54 réorganisation militaire

leur est confiée soil menée à bonne fin. Quant à celui des deux dont la décision doit prévaloir, c'est celui cjui possède la connais- sance de la langue et des choses chinoises; et il n'y a pas lieu pour rétablissement de l'arsenal à s'arrêter, comme pour un commandement de troupes, à la considération du grade de cha- cun ; ce qu'il faut voir, c'est l'intérêt de l'entreprise en question. Kn conséquence Messieurs d'Aiguebelle et Giquel s'étant réunis en conférence chez Monsieur le Consul (iénéral et avec le Tao-Tay de Shang-haï, conformément aux ordres de Son Excellence le Gouverneur Général, il a été décidé que Monsieur Giquel, bien qu'étant ollicier étranger, sachant la langue et les coutumes de la Chine, cl pouvant pour ses conversations et ses dépêches, se passer d'interprète, il fallait que dès le commencement et pour la suite à venir, ses décisions dominassent, et que Monsieur d'Aigue- belle eût à s'y conformer. De cette façon on évitera tous les in- convénients qu'amène l'emploi des interprètes. 11 est donc établi que dans tous les détails que Son Excellence le Gouverneur Gé- néral a confiés à ces Messieurs, Monsieur d'Aiguebelle devra se conformer aux décisions de Monsieur Giquel et dans les dépê- ches ofiicielles le nom de ce dernier sera placé le premier. La responsabilité sera ainsi départie comme il convient.

[Suivent les signatures de Giquel et d'Aiguebelle, Shang-haï, a5 octobre i86(), et la légalisation.]

Dès la fin de la campagne contre les T'aï Ping en i864, Tso demanda à Prosper Giquel un devis j)our la création d'un arsenal maritime qui ne put être approuvé qu'en 1866, le vice-roi élant occupé à la paciiication des centres occupés par les rebelles.

« Le programme arrêté fut le suivant :

Création d'ateliers et de chantiers propres à construire des navires et leurs machines ;

•i" Création d'écoles destinées à former des contremaîtres [)our la construction, des capitaines et des mécaniciens pour la conduite des navires;

y Engagement d'un personnel européen suilisant pour conduire les travaux et instruire les Chinois ;

ARSENAL DE FOU-TCHÉOU 355

4** Installation crime cale de halaf^e en travers, système Labal, pareille h celle qui lonclionne à Bordeau-x pour la ré- paration des navires ;

5** Organisation d'une usine métallurgique pouvant lami- ner, en barres et en tôles, les lopins de fer brut que fournit la province et le vieux fer qu'on peut se procurer en Chine ^ »

Les engagements des Ingénieurs, Contremaîtres et Ouvriers euro|jéens, datés de Fou-Tchéou, le 3 septembre 1866, étaient faits aux noms de « Ciquel (Prospcr- Marie), Lieute- nant de \aisseau ; Tsonii^-ping (Général de Brigade) de l'Armée de Chine ; d'Aiguebelle (Paul), Lieutenant de Vais seau; Titou (Général de Division) de l'Armée de Chine, tous deux Directeurs de l'Arsenal de Fokien ». Le but de la nouvelle entreprise était ainsi défini : « Ayant la cintjuième année du règne Toung tché, reçu de son Excellence Tio (sic Tso), sous-Gouverneur du Prince Impérial, Gouverneur Général du Tchékiang et (hi Fokien, comte de l'Empire, Tordre (racheter en Europe le matériel néc<»ssaire à l'instal- lation de chantiers et d'ateliers pour la construction de navires a vajKîur, plus deux machines de 1 5o chevaux et cinq ma- chines de 80 chevaux et le f(»r nécessaire à la a)nstruclion de neuf machines de i5o chevaux, lesquelles machines seront placées à bord des onze navires pouvant |x>rter chacun 10000 |)iculs de riz de cinq canonnières, ayant de plus reçu Tordre d'enseigner aux oHiciers et ouvriers chinois à construire des navires h. vapeur et des machines d'ateliers, d'ouvrir des Ecoles, ou en outre du Français, de TAnglais, des Mathématiques, des Elèves seront instruits dans l'art de la construction et (hi commandement des navires, comme à nous deux nous ne pouvons rem[)lir une pareille t^Whe, nous avons reçu de son Excellence le Gouverneur Général, Tauto-

I. Arsenal de Fou-tchéou, supra, p. 3.

SOG I\ÉORGANISATIO^ MILITAIRE

risation d'engager en son nom 87 Ingénieurs, Contre-Maîtres et Ouvriers qui devront nous seconder dans Tenlreprise con- fiée h nos soins et de leur délivrer de sa part le contrat d'En- gagement [pour cinq ans] suivant qui comprend i/| ar- liclcs*. »

Les travaux commencèrent réellement en octobre 1867 ; en mars 1870, P. d'Aiguebelle ayant été chargé d'une mis- sion spéciale au Kan-Sou , (îiquel resta seul directeur. Se- condé par renseigne de vaisseau L. Dunoyer de Segonzac comme sous-direclcur, il remplit a la plus entière satisfaction d(»s Chinois le programme qui lui avait été tracé ainsi qu'en tc»moignèrent le rapport adressé au Trône par le commissaire impérial Chen, le 7 décembre 1873, et les récompenses qui lui furent accordées ainsi qu'a ses collaborateurs (2 février 187/1)*.

MISSIONS CHINOISES

Pour compléter l'éducation reçue h Fou-tchéou par les jeunes Chinois, des missions d'inslru(^tion furent organisées en Europe. La première mission chargée de conduire ces jeunes gens destinés k devenir des ingénieurs ou des ofliciers de marine fut dirigée par Li Foung-pao et Prosper Ciquel avec Lo Foung-lou, aujourd'hui ministre à Londres, Tcheng Ki- tong bien connu des cercles parisiens et M. Henri Cordier, comme secrétaires ; elle arriva en France en 1877. Les jeunes gens, répartis, soit sur les navires de la Hotte britannique, soit dans les usines du Crcusot et île Saint-Chamond, dans les Ecoles

I. Bihliothcquo nationale O^n 381.

a. (ji(|ucl reçut la décoration de i^*^ classe: Segonzac et R. E. Tracey, professeur de navigation prati(|uc. le litre de fonctionnaire de 3^' rang et la décoration de i'<* classe. Jouvel et Zédé, ingénieurs. Borel. secrétaire d(? la direction, le litre de fonctionnaire de 4^' rang et la décoration de !•■<' clasM». etc. . etc.

DKPART DE SIR FRED. BRUCE ^57

du génie niarilimo, de maislrance, des arts et métiers, des mines, etc., relournent instruits dans les sciences européennes, après un séjour de trois ou quatre ans en Europe. Une nou- velle mission arriva en Furope en mai 1886 sous la direction de Tamiral Tcheou Meou-k'i avec M. Dunoyer de Segonzac, second de la première mission, comme co-directeur ; elle était composée de trente-cinq élèves qui suivirent les cours de TKcole libre des Sciences politiques et de TEcole de Droit ; quatre devaient être envoyés à TÉcole navale, deux à TÉcole des Ponls-et-Cliaussées, deux à TEcole normale ; dix-neuf furent envoyés en Angleterre dont seize comme élèves- officiers de marine et trois comme étudiants en droit, etc. Une mission est actuellement dirigée à Paris par Wou Taï- clian, ancien élève de Ciquel. L'Arsenal de Fou-tcliéou bombardé jadis par Tamiral Courbet renaquit de ses cendres et il a à sa tête M. Doyère', ingénieur des constructions navales.

DÉPART DE SIR FRED. BRUCE (l 865)

L'année i8G5 marque en quelque sorle la (in de la période qui conunençait à l'expédition de i8Co; c'est en effet, cette aimée au mois de juillet, (|ue les troupes alliées sont déli- niti\ement retirées de Ta-Kou et de Cbang-Haï; il semble même que pour mieux mar(|uer le nouvel état de cboses, le ministre d'Angleterre, -Sir Frederick Bruce, nommé à Was- liington, est remplacé à Péking par son collègue du Japon, Hullierford Alcock, qui a lui-même pour successeur Sir llarrv Parkes.

I. Charles Doy^^e, le iG avril i858; élève de l'École Polytech- nique, !••■ novembre 1878; élève ingénieur du Génie maritime, !*•■ oc- tobre 1880; ingénieur de îi** classe, /| juillet 1882 ; de i""' classe, 10 juillet i884 : ingénieur en chef de ii'" classe, i»»" juillet 189a.

CoRDiËK. I. 17

a58 nÉonr.AMSATiON militaire

Sm UlTHERFORD ALCOCK

à Londres en 1809, Alcock, chirurgien clans la brigade navale en Portugal (i 833- ^i), fut envoyé dans ce pays en 1839, comme commissaire cliargé de régler les réclamations de celte brigade. II fui envoyé ensuite dans rExlreme-Orient comme consul à Fou-lchéou (3o mai i8/i4); il passa à Cliang Haï (décembre 10, i840) puis à Canton (10 aoùl i85^i); nommé consul général au Japon le 21 décembre i858, Sir Rutlierford Alcock devint, 3o novembre 1859, ministre plénipotentiaire et chargé d'affaires dans ce même pays ; il fut transféré avec le même litre à Péking le 7 avril i865. Un biographe dit : « Parmi ceux qui ont successivement repré- senté la (jrandp- Bretagne dans rExtréme-Orient, il n'y a pas de nom plus grand, un seul est aussi grand, que celui de Rutlierford Alcock, qui partage avec Sir Uarry Parkcs seul Torgueilleuse prééminence comme un homme d'action au- près duquel aucun nom sur la liste ne peut approcher'. »

Il faut en rabattre singulièrement de cet éloge. Alcock fait médiocre figure à côté de Parkes ; il fut un des moins heureux parmi les ministres d'Angleterre h Péking qui ont compté cependant dans leur nombre quelques personnalités fort ordinaires. Il a échoué dans sa ])rincipale négociation, la révision du traité de Tien-Tsin, et lorsqu'il donna sa dé- mission le 22 juillet 1871, on ne s^apercjut guère du vide qu'il laissait. Droit, brave, animé des meilleures intentions, si Alcock fut un piteux diplomate, manquant de tact et de jugement*, il fut un bon consul et, au demeiuant, le plus hunnéte homme xlu monde.

1. Sir Rutherford Alcock and the Far East (^Hlackivood s Mag.y décembre 1897, p. 83^-852).

2. The Hurlingame Mission, p. 1118.

DISr.RACK 1)1 IMUNCE KOINC T,U)

Alcock arriva à Chan{r-Haï le 2 novembre el à Péking à la (in tle l'année i8G5'.

COL H SUPHÊME imiTANNIQLE

Le f) mars iSO."), un Ordre en Conseil |X)iir Texercicc de la juridiction en (^liine et au Ja|H)n (77/p China and Japan Ortler in Conncil, 1860) établit une Cour su])reme |)our la Chine et le Ja|X)n, à Chang-Ilaï^.

On |)eut juger de rimjxirlance prise alors en Chine par le fait suivant : Sans com|)ler Péking, le budget de Tannée 186') G prévoyait rétablissement de quatorze postes consu- laires anglais en Chine : ('anton, Macao, Swalow, Amoy, Fou tch(V)u , Ning-Po, Chang-IIaï, Taï-wan, Tchen-Kiang, kieou Kiang, Ilan kéou, Teng-tchéou, Ticn-Tsin et Nieou- tchouang.

I)IS(iRACE DL PRINCE kOLNG (l865)

Le 3i mars i8G5, le prince Koung était dénoncé au TrAne connue ayant cause un grand scandale |iar son favoritisme, sa cupidité, ses prétentions extravagantes et son abus de pou- voir, et, malgré ses grands services, était dégradé (2 avril 1 8Gr>). La disgnlce du prince, causée évidennnent par la jalousie, ne dura (pie |)eu de temps. Un nouvel édit du i*"" novembre rétablissait koung dans toutes ses dignités.

I. Frrrmaii-Milfonl. lians Tho Attache at Peiing, p. i84, écrit de Péking, à ladato du \ décemlirc 186.5 : « Sir Kuthorford Alcock csl arrivé ici iiiercredi dernier uvoc sa famillo. 11 a fait un terrible voyage ; trois jours do Tien tsin dans dos chaises ù porteurs, dormant dans des auberges sans feu. et seulement des feiic^tres en |)apier plus ou moins répan'ei. »

a. Parliam. Paper, 3/197. Treaties and Tariffs... China... b\ Ed- ward Hertslel..., liOnd., 1877, in-8. p. 87.

l6o RÉORGANISATION MILITAIRE

MISSION DE PIN TA-JEN (1866)

L'ambassade d'Anson Burlingamc dont nous parlerons plus loin, a eu un précédent dans la mission confiée en 1866 à Pin Ta-jen. M. Hart, rentrant en Europe pour prendre un congé, on lui confia un mandarin de classe moyenne, nommé Pin Tchoun, qui devait dans ses voyages à travers TEurope, recueillir, sans mission officielle, des notes sur ce qu'il voyait. Le voyage de ce fonctionnaire, qui a écrit un journal de route*, n'offre donc qu'un intérêt de curiosité et c'est à ce titre seul que je le mentionne ici. Le pèlerin chinois n'occupait dans la hiérarchie chinoise qu'un rang secon- daire. Fou tsoung pcin^ sous-chef de division dans un ministère et il paraît d'ailleurs avoir été un homme médiocre ; si j'en juge par ce qu'en écrit un résident de Péking :

« M. Hart, l'Inspecteur-Général des Douanes, va chez lui en congé, et le Gouvernement Chinois a ordonné à son secrétaire chinois, à son fils, et à trois jeunes Chinois, étu- diants de langues européennes, de l'accompagner. Pin-Tchoun , le gentilhomme en question, a été élevé jusqu'au Bouton Bleu Clair, troisième degré, et nommé a cette occasion commis en chef honoraire aux Affaires Etrangères. Son fils a été fait commis aux Affaires Étrangères. C'est grand pitié que les Chinois n'aient pas choisi un homme phis intelligent et plus jeune que Pin Tchoun, qui est Agé de soixante-quatre ans, et un terrible bavard. Lui et son lils sont, d'après ce que j'ai vu et j'ai entendu d'eux, tout à fait incapables de for- mer de justes appréciations sur ce qu'ils verront. Alors, pour leur première mission en Europe, quoiqu'elle n'ait pas de

I. La traduction de quelques fragments a paru dans le Shanghai Eyening Courier, 1870, octobre 7 et 2^. décembre 5 ; 1871, mars 22, 29 et 3i.

MISSION DE PIN T\-JE>'

a6i

Cfiraclore oniciei, ils auraient du choisir un mandarin do plus d'importance que Pin, dont les rapj)orts n'auront que peu de |M)ids pour la classe lettrée des Chinois; en vérilé, ceux-ci sont jaloux de son avancement et considèrent que sa distinc- tion est récoltée à trop l)on marché. La raison pour laquelle Pin a 6ié choisi est qu'il est parent par mariage de Tun des ministres des Affaires Etrangères chinoises. On dit qu'il est 1res populaire dans la société pékinoise, de façon que quoi qu'il arrive, quand il reviendra, on parlera de ce qu'il aura vu dans les « plus hauts milieux )),et il est connu personnel- lement du Prince de Koung, qui lui proposa la mission dans un déjeuner de mariage. Pin n'a pas de caractère olli- ciel comme envoyé. Il est chargé de voyager et d'écrire sur toutes les « collines et les lleuves » des pays qu'il visite, et il sera conduit à chaque objet intéressant. J'espère seulement qu'il ne sera pas trop lionisé. Ce serait mal interprété ici, le peuple dirait d'al)ord : « Regardez quel grand peuple nous sommes; quand un voyageur particulier parmi nous, va dans votre pays, il est reçu avec le respect que vous savez du à une intelligence supérieure, mais vos ministres barbares même ne sont pas reçus ici naturellement notre Empereur est grand et puissant, et ici on ne fait que vous supjjorter. »

« Peut-être ai-je parlé plutôt assez légèrement de la mission de Pin-Tchoun. C'est une petite chose en elle-même, mais nous la regardons comme le premier pas vers des missions permanentes en Europe et de meilleures relations ici*. »

Pin, dit le baron \on Gumpach*, avait l'habitude de fré- quenter les cuisines des résidents étrangers à Péking, dans le double but d'espionner et de souper.

1. The Attaché at Peking by A. B. Frccman-Mitford. London, 1900, pp. aa6-8.

2. Burlingame Mission, p. lo.

CHAPITRE WIII

M. BERTHEMT. AFFAIRES DE CORÉE LE COMTE

DE LALLEMAND

M. BERTflEMY

Vers la fin de î863, M. Bcrlhcmy, niinislro de France à Péking, demanda à prendre un congé pour raison de sanlé ; il lui fut répondu, le 1 8 avril 1 86.^, quVm lui accordait Tauto- risation de rentrer temporairement en France si TéUit de sa santé l'exigeait. M. Berthemy ne quitta Péking que le f\ juin i865, accréditant M. Henry de Bellonet comme chargé d'aflaires auprès du gouvernement chinois. M. Ber- themy a attaché son nom au règlement de plusieurs affaires religieuses, particulièrement celles de l'assassinat du P. Néel*, et de la restitution des hiens des missionnaires du Chan-Si. Il a négocié la convention qui porte son nom*. C'était un homme pondéré, qui avait su étahlir la légation de France sur un excellent pied, et il avait par son tact et sa modéra- tion, évité des complicalions que son successeur, par son c<iractère violent, ne sut prévenir ni aplanir.

La première pierre de la cathédrale du Pe ï'ang fut posée le i"' mai i865, en présence des ministres de France, d'Espagne et de Russie, des Chargés d'affaires d'Angleterre et des Etats-Unis et de trois membres du Tsoung-li Yamen.

1. Voir p. i3i.

2. Voir p. 68-78.

CONCESSION DE IIAN-KÉOL' 2^3

MISSIONS ni: CHAN-SI

La mission du Clian-Si fui (lélaclioo do celle du Chen-Si du diocèse de Pékirifi: eu 1C98 pour former uu vicarial apos lolique auquel fut alUiclié le IIou-Kouang en 1762; le nou- \eau \icariat fui dédoublé en i838 en Chen-Si el Chan-Si, d'une part, el IIou-Kouang, de Taulre; enfin par décret du 3 février i8V^i. le Chen-Si et le Chan-Si formèrenl des vicariats dislincls. Voici Tacle de restitution aux frères mi- neurs, qui desservent le Clian Si, de leurs anciennes ^»roprié- lés de Kaï-lchéou.

Moi ÇFou Afjnnn-chniKj) Kélicum, remplissant provisoirement par ordre du (irand Empire de France, les fonctions d'évéque du (llian Si, ai délivré le présent reçu des maisons cl dépendances de l'église calliolique de Kaï-tcliéou.

Le Ministre plénipotentiaire de France m'ayant écrit qu'aus- sitôt que les terrains et les maisons dépendant de rancienne éj^lisc; de Kaï-lchéou auraient été restitués, le missionnaire qui réside dans cette ville devrait donner un reçu pour servir de preuve, j'ai délégué le missionnaire Tcliang Wou-léang qui s'est rendu à Kaï-tcliéou où, accompagné du préfet Tchang Kié-wen et du Telle h'ien Tchang Clieou-song, il est allé examiner les hàliments et dépendances de l'ancienne église catholique ainsi que les propriétés particulières ayant appartenu aux familles chré- tiennes. Le tout ayant été remis entre ses mains, j'ai délivré le présent reçu {>our servir de preuve.

Je joins ici la liste des maisons et terrains dépendant de l'église catholique et celle des propriétés particulières qui viennent d'être restitués.

Le 3 de la 10^ lune de la a^ année de T'oung-tché (i3 no- vembre i863).

CONCESSION DE HAN-kÉOC

\L l)abr\, consul de France à llan-Kéou, eut à faire choix de la concession dans ce grand port, situé sur le Yang-

264 AFFAIRES DE CORÉK

tscu, à son confluent avec la ri\ièrc Han. La concession an- glaise s'étendail sur une longueur de 900 mètres sur le bord du fleuve, à Han-Kéou; en aval, les terrains avaient élc achetés par les Anglais et les Américains jusqu'à une dis- tance de trois milles environ. Sur la rive droite du Han, à son confluent avecleYang tseu, c'est-à-dire à Han-Yang, des terrains avaient été également achetés par des Anglais et des Américains. On ofl\'it aux Français des terrains situés en arrière de ceux-ci, sur les bords du Han, mais éloignés du Yang-tseu. M. Dabry refusa cette ofl're (juin i863) et réclama remplacement (renviron 900 mètres de long sur les bords du •grand fleuve, en amont de la concession anglaise au confluent du Yang-tseu et du Han, emplacement connu sous le nom de Loung {van^ niiao. On refusa de nous accorder le Lou ng Wang miao et finalement, nous dûmes installer notre conces- sion dans un endroit moins fiivorable, à TEst des Anglais.

M. 1>E REHFLES

M. de Rehfues, ministre de Prusse, était arrivé à Ta Kou, sur la corvette à vapeur Gazelle ; il traversa Ïien-Tsin pour se rendre à Péking sans rendre visite au surintendant des trois ports : les Chinois ne pouvaient interdire à M. de Reh- fues l'accès de la capitale, mais ils refusèrent de lui recon- naître sa qualité oflîcielle aussi longtemps qu'il n'aurait pas donné pleine et entière satisfaction.

« Le gouvernement chinois, écrit M. Borthomv, le 6 juin 1864. ne laisse guère échapper l'occasion de donner des preuves de son mauvais vouloir lorsqu'il se trouve en rapports avec TEnvoyé d'une Puissance dont il croit n'avoir rien à redouter, considé- rant sans doute le peu d't^ards qu'il témoigne en pareil cas comme une légitime compensation aux ménagements qu'il con- serve encore pour les ministres admis à résider à Péking. C'est seulement après plus d'un mois d'elTorts et non sans avoir sous-

MISSION CVTIIOLIQUK DE COUKE 265

cril à ilo re^retlablcs cxig(Mices cjiic M. de Rclilucs a ëlc reçu par Son Vllessc Impériale. »

Sur ces onirefailos, la Gazelle, pour occuper ses loisirs dans le froll'e du Pc Tché li, s'était emparée d'un bAlinient danois. On élait en pleine fj:uerrc des Duchés; les Chinois protestèrent contre celte capture, le golfe du Pc Tchc-li étant considéré par eux comme « mer fermée » (jnarc clans itfn). Dans ces circonstances, M. de Rehfues renon(;a à soulever la question du droit de résidence permanente a Péking. Par un article séparé, du traité allemand de Tien-Tsin, du i sep- tend)re 1861, il avait été c^mvcnii « qu'en raison des trou- bles qui désolent actuellement la (Ihine, Sa Majesté le Roi de ih'usse attendra qu'un la|)s de cinq (5) années se soit écoulé à partir de l'échange des ratific^Uions du présent traité pour accréditer à demeure fixe un agent diplomatique a Péking. »

Le bâtiment danois fut relâché sous caution, et la (lazelle rentra en Europe. M. de Rehfues quitUi Péking le i5juin 186^, sans que le Prince de Koung lui eut rendu ses deux >isites.

MISSION CATHOMQIK DE COKKE ^

Le 7 juillet i8(>(), une barque coréenne jetait dans le port de Tché-fou un prêtre du séminaire des Missions Étrangères de Paris, l'abbé Félix Ridel, qui se hâtait de gagner Tien- Tsin pour faire part au contre-amiral Roze, commandant l'escadre française, successeur de l'amiral Jaurès, des tristes nouvelles dont il était porteur.

L'amiral Roze, qui revenait de Péking, prévenait immé- diatement la légation (10 juillet).

I. Histoire de l'Église de Corée..., par Ch. Daitct. Paris, 187^. a vol. in- 8.

266 AKKAIRKS DE COUÉE

La Corée, Tchao-Sien, le pays de la « Fraîcheur mati- nale », la nation « ermite », était encore une terre presque inconnue ; la dynastie qui y règne actuellement fut fondée en 1392 par [Itai tjo. L'introduction officielle du chrislia- nisme dans ce pays date de Tarrivée du P. Jacques" Tsieou, chinois de Sou-tchéou du Kiang sou, qui partit le 'i février 179^1, de Péking, c'est-à-dire sous le règne de Tjyeng Tjong, et fut mis à mort le 3i mai 1801 après un fructueux apos- tolat. Ce ne fut toutefois que lorsque le Saint-Siège eut, par une lettre du i""" septemhre nS'jy, oflert au Séminaire des -Missions Etrangères de Paris de se charger d'un nouveau vicariat apostolique en Corée que des résultats furent ohtenus dans le pays. Erigée en vicariat apostolique en i83i, la Corée eut comme premier vic^iire apostolique Barthélémy Bruguière, du diocèse de Carcassonne, ancien missionnaire au Siam, évéque de Capse, qui mourut en route, le 20 oc- tobre i835, à Sivang, en Tartarie, en allant rejoindre son nouveau champ d'action.

MASSACRES DE l839 ET DE 1 866

Laurent Marie-Joseph Imhert, dWix, ancien missionnaire au Se Icirouon, qui fut décapité à Saï-nam to, le 21 septembre 1839, lui succéda. Jacques- Honoré Chast^m et Pierre-Phili- bert Maubanl furent exécutés la même année : c'était sous le règne de lien Tjong. Le \icariat de Jean-Jose[)h Ferréol, évéque de Belline, qui dura jusqu'en i853, fut marqué parle martyre de ^)lusieurs prêtres indigènes, et en particulier par celui d'André Kim. M*''" Ferréol étant mort le i3 février i853, fut remplacé comme vicaire apostolique par Siméon-Fran- çois Bcrneux, évéque de Capse. Des troubles avaient seule- ment menacé la mission, lorsque la mort de Tchyel tjong (18/191 863) amena une régence; d'autre part les manifes-

MASS\CRES DK l83() ET DE 18O6 2G7

talions des Russes sur le Tou-nien Kiang cl vers la province de llani Kyeng indisposaient le gouvernement coréen contre les étrangers.

Le 8 mars i8G(), M*"" Berneux* fut décapité prés du village de Sai nam to avec MM. de Brel<?nicres ^, Beaulieu'* et Dorie^; le ii mars, ce fut le tour de MM. Pourthié* et Petilnicoias**. Knfin, le Vendredi-Saint, 3o mars, trois autres missionnaires, MM. Aimiaitrc', Iluin*', et à leur tête le coadjutein-, M*"" l)a>eluv^, furent misa mort. Seuls MM. Bidel "*, Féron** et (Valais "avaient la vie sauve.

(iCtte catastrophe était compléleuïent imprévue, comme en témoigne la lettre sui\antc de M. Berlhemy, écrite le 10 juillet 186^1 au ministre des affaires étrangères, M. Drouvn de Lhuvs :

« M'^'' BeriuMix, vicaire apostolicpie de la (jorée. a fait faire auprès de moi plnsioursdéinardies pour nie déterminer à entrer en relations a\ec le (îouvenienient do ce pa>s dans le but d*assurer ofliciellenient aux indigènes le libre exercice du culte catlioli- ([ue... M*^'"" Berneux aurait également désiré que M. l'amiral Jau-

I . Du diocèse «lu Mans ; mort à 53 ans.

3. Simon- Marie- Antoine- Just Ranfcr de Brclcnièrcs, du diocèse d Auluii ; mort ù 38 ans.

3. fsOnis- Bernard Beaulieu. IcSoclolirc i8/|oà liangon ((iirondc), du diocèse de Bordeaux ; mort à r»0 ans.

'1. Pierre- Henri Dorio, du diocèse de lançon ; morl à 37 ans.

5. (Charles- Antoine Pourlhic. du diocèse d'AIbi ; mort à 30 ans.

6. Afichel- Alexandre l^eliinicolas. au village de Coiiichcs, près Saint-!)ic, 3i août 1838.

7. Pierre Aumailre, du diocè^e d Angoulèmc ; mort à 39 ans.

8. Martin-Luc lluin, du dioci'se de Langres ; morl à 39 ans.

9. Marie-yicoias-Antoinc Daveluy, ê^cquc d Acônes, du diocèse d Amiens ; mort à .'|8 ans.

10. Fëltx-Clnir Ridel. à Chanlenav (dioc. de iSanlcs). 7 juillet i83o; évèque de PhiiipjKipoiis, vio. ap. de Corée. 35 juin 1869 ; mort 30 juin i88-''i. à Vannes.

II. Stanislas Féron. du diocèse do Séez.

13. Adolphe-iXirolas Calais, du diocèse de Nancv ; a quitté les Mis- sions étrangères en 1870.

a68 AFFAIRES DK CORÉE

rcs se portât sur la coic pour appuyer de sa présence les démar- ches de la Légation.

Si les deux évoques et les huit prêtres français qui évangélisent la Corée avaient été en péril, si une persécution imminente avait menacé de détruire encore une fois le fruil de leurs travaux, je n'aurais sans doute pas hésité... à prendre sur moi de donner suite à ces ouvertures. Mais, comme de l'aveu de M*^*" Berneux lui-même, cette mission jouit aujourd'hui d'une entière sécurité, et comme le Gouvernement Coréen craignant d'attirer sm* lui l'attention de la France, ferme les yeux sur les progrès de la propagande catholique, j'ai |x>nsé que je ne devais pas m'engager sans instructions spéciales dans une entreprise qui. si elle n'était pas suivie de succès, pourrait avoir pour résultat de donner un nouvel aliment aux sentiments de défiance et danimosité aux- quels les missionnaires, précurseurs aux yeux de tout Gouverne- ment asiatique de l'ingérence étrangère, sont d'autant plus en butte qu'ils font plus ouvertement appel h notre intervention. »

M. de Bellonnet, notre Charge d'affaires, télégraphiait de Péking, le i3 juillet, au Département :

Massacre général des missionnaire et des chrétiens en Corée ; deux évéques et neuf missionnaires français martyrs. Amiral Hoze va en Corée, probablement pas de résistance.

Signé : de Bellonet.

Le niériie jour, M. de Bellonet écrivait, sotis sa responsa- hilitèy rétcmnantc lettre suivante :

« Des liens de suzeraineté d'une part, de vassalité de l'aulre, ont longtemps réuni l'Empire de la Chine et le Royaume de Corée. Il était de mon devoir de m'assurer de leur existence et de savoir jusqu'à quel point la puissance suzeraine entendait prendre la responsabilité de l'outrage qui nous était fait, mais les explications échangées avec le Gouvernement chinois m'ayant appris qu'il renonçait à réclamer ses droits, j'ai adressé au Prince de Roung [une note) dans laquelle j'ai déclaré ofliciellemenl rou\erture des hostilités, la séparalion définitive de In Corée, la déchéance de son Roi, et le droit exclusif de r Empereur, notre

KXPÉDITION FRANÇAISE . l8C6 269

Auguste Souverain, à disposer suivant son bon plaisir du pays et du trône vacant. »

11 est à peine croyable que noire représentant, sans prendre Tavis de son gouvernement, ait encore ajouté :

Que le Prince auquel seront conliées les destinées de la Corée, sous le protectorat de Sa Majesté TEuipercur, fasse profession de la foi chrétienne.

On comprendra facilement que Tamiral lloze en ail référé à ses chefs et qu'une sévère admonestation fut adressée de Paris a M. de Bellonet le lo novembre 1866.

M. Ridel venait demander vengeance de ces massacres, et sa voix fut entendue par notre chargé d'affaires à Péking, M. de Bellonet et Tamiral Uoze. Une expédition fut décidée. En voici le récit olîiciel d'après le Moniteur du 27 décem- bre 1866':

EXPÉDITION FRANÇAISE, 1866

« Le ministre de la Marine et des Colonies a reçu du contre amiral lloze, commandant en chef la division navale des mers de (^hine, des dé[>éches annonçant la prise de Kang-hoa, \ille fortifiée située au nord de Tîle de ce nom, et à reml)onchure du fleuve sur les bords duquel se trouve Séoul, capitale de la (^orée.

« Parti de Tche fou le 1 1 octobre, avec la fix^gate la ^w/éT/'/Vw, les corvettes à hélice le La place et le Primau- gitety les avisos le Dèronlêde et le Kien-charty les canon- nières le Tardif Qi le Lebretlion, le contre-amiral Roze mouillait le i3, avec sa division, devant Tîle Boisée, à i8 milles de Kang boa. Le lendemain, les canonnières remon-

I. Cité par Dallet.

370 AFFAIRES DE CORÉE

liTcnt la rivière Salée (détroit tle Kang-lioa), remorquant les cm ha rca tiens qui {X)rtaient les compagnies de débarque- ment de la (Miierrière et des corvettes, ainsi qu'un détache- ment des marins-fusiliers du Yokohama . A peine déharqués, nos marins occupèrent les hauteurs sans rencontrer la moin- dre résistance et campèrent h 5 kilomètres de Kang-hoa. Le 10, une reconnaissance fut exécutée par une colonne (M)mmandée par M. le capitaine de frégate comte d^'Osery ; arri>ée près d'un fort qui domine la ville, elle fut accueillie par un feu bien nourri de mousqueterie et par celui de deux canons de jMîlit calibre. Après un engagement de quelques minutes, le fort fut occu|)é, et les Coréens s'enfuirent, lais- sant im drapeau entre nos mains.

<( Le iG, dès huit heures du matin, le contre-amiral Roze, il la tète de toutes ses forces, se présentait devant la ville, qu'entourait une muraille crénelée de l\ mètres de hauteur. Parvenues à une centiiine de mètres de la porte principale, nos troupes furent reçues par une fusillade assez vive : mais la muraille fut bientôt escaladée au cri de : Vive l'Empe- reur ! et l'ennemi nous laissa maîtres de la place.

« Un grand nombre de canons, plus de dix mille fusils, des munitions de toute sorte ont été trouvés dans d'im- menses magasins et démontrent l'importiince de la place de Kang-hoa, au point de vue de la défense de la capitale de la Corée. Le contre amiral Roze a fait inventorier avec soin les magasins, dont il a pris possession au nom de l'Etat, et qui contenaient également dix-huit caisses renjplies de lin- gots d'argent et des archives olTicielles.

« Une proclamalion adressée aux habitants leur a fait connaître le but que l'amiral s'était proposé en venant châ- tier le gouvernement coréen, et leur a assuré la protection la plus complète.

« Le blocus du fleuve de Séoul, qui a été notifié aux consuls des puissances européennes en Chine, et la prise de

FAPKDITION Fn\NÇAlSE, l86C 3-I

Kanp lioa, devaionl produire une profonde impression sur le gouvernemeni roréeii. Va\ effet, la ville de kanjç hoa étant, eonime on vient de le rappeler, située à renibouchurc du fleuve de Séoul, commande ainsi la principale voie que le commerce de la capitale est obligé de prendre, particulière- ment jMUir assurer ses appnnisionnements de riz. Aussi, dés le 19, le contre amiral Hoze recevait une lettre du roi, à laquelle il s'est empn»ssé de répondre, en faisant connaître les satisfactions qu'il réclame au nom du gouvernement de r<»mpereur.

« La dépêche qui renferme ces détails est datée du '22 oc- tobre ; à cette-date, le contre-amiral Koze était encore dans la ville de Kang-boa, il attendait les interprètes (chinois) (pf il a>ail fait demander à notre consul de Chang-llaï. »

D'autres renseignements donnés dans Jes dépêches du 17 novembre 186G, étaient insérés dans le Moniteur du 7 janvier 18G7 * :

« Le contre-amiral Roze avant voulu s'assurer de l'état du pays, un détachement, conmiandé par le capitaine de \aisseau Ollivier, sortit de Kang-hoa et rencontra, & quelques kilomètres de la ville, des Coréens en grand nombre, retran- (Jiés dans une pagode fortifiée: l'ennemi, qui avait d'abord fait une sortie, fut re|M)ussé et se hAta de rentrer dans ses retranchements en abandonnant ses morts. Après une fusil- lade très vive, dans laquelle nous n'avons eu aucun homme tué, mais cpii malheureusement nous a coûté quel(|ues bles- sés, la colonne rentra \v soir même à Kang-hoa.

(( Quelques jours après, le contre-amiral Roze, voyant (pie le gouverncMuent coréen ne donnait pas suite aux ouver- tures auxquelles il avait du croire en recevant une lettre du roi, se décida à quitter Rang hoa ; les approches de l'hiver SI? faisaient d'ailh'urs déjà sentir, et il était à craindre que

1 . i'Aiv par Daltel.

372 AFFAinES DE COREE

toute navigation de la rivière Salée ne fut bientôt interrompue ; alors 11 ordonna la destruction de tous les établissements du gouvernement, ainsi que celle du palais du roi, et nos ma- telots retournèrent à bord des bâtiments mouillés devant Tîle Boisée.

« Les caisses renfermant des lingots d'argent, représentant une valeur de cent quatre-vingt-dix-sept mille francs, des manuscrits et des livres qui peuvent offrir quelque intérêt pour la science, ont été dirigées sur Chang-haï, d'où elles seront transportées en France.

« Le contre- amiral Roze annonce également que les deux missionnaires qui étaient restés en Corée sont venus le rejoindre, après avoir réussi à se faire débarquer à Tche-fou.

« La destruction de Kang-boa, place de guerre impor- tante, des poudrières et des établissements publics que cette ville renfermait, a prouver au gouvernement coréen que le meurtre des missionnaires français ne restait pas impuni. »

RÉSULTATS

La narration officielle et le récit fait par Tabbé Ridel ne laissent pas, pour qui sait lire entre les lignes, de doutes sur Teflet désastreux de Texpédition. La destruction de Kang- boa avait été le seul fait iuïportant, mais il n'avait produit aucun effet sur les Coréens dont Tinsolence s'accrut de la retraite des Français, considérée comme ime victoire par les indigènes. Quelque temps plus tard, les Américains ne furent pas plus beureux que nous, et il fallut Tintervention japo- naise pour mettre les Coréens a la raison.

LE COMTE LALLEMAND

M, Berthemy avait du repartir pour la Cbine en septem-

LE COMTE i/aLLKMAND 378

l)rc 1866 ; il fut désigné pour un autre poste et le comte Lal- Icmand partit à sa place. Il arriva h Hong Kong le i*" avril 1867 et à Chang-Hai le 17. De cette ville, il envoya une cir- culaire aux chefs des missions religieuses en Chine « pleine de sympathie, mais aussi pleine d'avertissements ». M. de Lallomand se rendit ensuite à Nanki ng sur le Priniauguet pour conférer des affaires avec le consul de France, M. Da- brv, venu à sa rencontre de llan-Kéou sur \e Le B rethon. Le ministre de France arriva à Péking le 10 mai 1867 et M. de Bellonel lui remettait le service de la légation.

M. de Bellonel, d'un caractère trop vif, s'était trouvé en Chine dans des a)nditions particulièrement défavorables ; les traités n'étaient pas res[)ectés en province, les fonctionnaires se montraient arrogants, et le 16 juillet 1866, le Chargé d'affaires avait envoyé au Tsoung-li Yamen un véritable ultimatum sous forme de mémorandum. C'était un coup d'épée dans l'eau et Téchec de la France en Corée soulignait encore l'insuccès de la démarche. M. de Bellonet quitta Péking le 25 mai 1867, retournant par Kiacli ta en Europe, oi'i il était nonmié au poste de Stockholm.

Le 17 mai 1867, le second secrétaire de la légation d'An- gleterre a Péking, Sir Eric U. ï. Farquhar, qui remplissait les fonctions de chargé d'affaires pendant un voyage de Sir il. Alcock dans le Sud, mourait de la Oèvre typhoïde. Alcock rentra à Péking au milieu de juillet 1867.

Le comte Lallemand vil son zèle singulièrement refroidi par le télégramme suivant qui lui fut envoyé de Paris le 10 septembre 1867 :

Je ne vois pas la nécessité d'engager pour le moment l'affaire des Lettres de créance. En ce qui regarde la Corée, renfermez- vous dans une attitude d'abstention complète. Quant à la pro- tection de nos nationaux, é>itez a\ec soin tout ce qui pourrait créer des complications.

C0RDI£R. I. 18

2 7 4 AFFAIRES DE CORÉE

EXPÉDITION OPPERT-JKNKINS, l868

Comme corollaire h Texpédilion de Corée, ajoutons qu'en i868, M. Ernest Oppert * ayant affrété le vapeur China, bat- tant pavillon allemand, capitaine Henry Millier, quitta Chang- IlaY le 3o avril pour Nagasaki d'où il se rendit aux golfes du Prince Impérial et Jérôme en Corée avec l'abbé Féron et un Américain, F.-B. Jenkins. La nature de ce voyage fit accueillir les étrangers h coups de fusil : il en résulta pour le missionnaire son transfert à Pondichéry et pour les deux autres des démêlés avec la justice. L'acte d'accusation (8 juillet i868) contre Jenkins devant la cour consulaire américaine de Chang-Haï portait : « Que le prisonnier, de concert avec d'autres non justiciables du Consulat américain, s'était engagé sur le steamer China dans une expédition scandaleuse et illégale en Corée, avec le but d'exhumer, à son seul profil, le corps d'un souverain décédé de Corée, pour le mauvais exemple des autres et contre la paix et la dignité du peuple des États-Unis ; 2^ d'avoir engagé une expédition en vue d'exhumer, à son seul profit, le corps d'une personne en- terrée-lc'i, inconnue; avec l'intention d'exhumer le corps d'un souverain décédé au profit de quelques personnes incon- nues ; 4" avec l'intention d'exhumer le corps de quelques per- sonnes inconnues au profit de quelques personnes inconnues; et en aidant et en préparant une expédition dans l'un des buts ci-dessus*. » Ajoutons que les tombes dont il s'a- gissait d'exhumer les corps renfermaient, disait-on, des tré- sors. Jenkins fut acquitté.

« L'abbé Féron croyait que l'enlèvement du corps d'un

1. A Forhidden Lnnd : Voyages to the Corea... By Emesl Oppert. Londoii, i88o. in-8.

2. Aotth-Chifia Daily Ne-.vs. 8 et 9 juillet 18G8.

EXPKDITION OPPERt-JENKlNâ 375

des derniers princes de la famille royale de Corée enseveli à peu de dislance de la mer, enlèvement aisé à faire, disait-il, serait un bon moyen d'amener les Coréens à composition et à accorder aux missions religieuses et au commerce l'accès de leur pays. Je pensai, écrit M. de Lallemand, 2 août 1868, que l'auteur de cette confidence n'élait pas sain d'esprit et que ses supérieurs s'opposeraient à l'exéculion de son des- sein s'il s'offrait jamais une occasion de le tenter. Mais il a agi à l'insu de ses supérieurs et s'est dérobé à l'action qu'ils n'auraient pas manqué d'exercer sur lui ».

L'abbé Féron fut embarqué iK)ur France par ordre des autorités françaises ; il a depuis été attaché à la mission de Pondicbéry.

CHAPITRE XIX

MISSIONS PROTESTANTES. AFFAIRE DE TAN6-TCHÉ0U

LA CHINA I^iLAND MISSION

Les missions protestantes en Chine ne remontent qu'au commencement du siècle. En 1807, la London Missionary Society envoya à Canton Robert Morrison*, aussi célèbre comme sinologue que comme missionnaire, qui créa dans celte ville la première station protestante en Chine ; Texemple de la Société de Londres fut suivi en 1827 par la Neder- landsche Zendeling^enootschapy avec K. F. Gutzlaff; en i83o, par Y American Board of Commissioners for Foreign Missions, avec E. C. Bridgnian ; en i836, la BriUsh and Foreign Bible Society^ avec G. ïradescant Lay ; en 1887, la Church of Fngland Missionary Society, avec Edward B. Squire*: la China Inland Mission ne commença ses opéra- tions quVn 1862, avec James iMeadows; il avait été précédé par le Kév. James Iludson Taylor arrivé à Chang-Haï le i"*" mars i85i4, mais qui, malade, était rentré en Euro|)e en 1859. Il retourna, sur le Lammermiiir, en Chine, il arriva le 3o septembre 1866, avec sa femme, Mr. et Mrs Nicol, George Duncan, J. VVilliamson, VV. D. Rudland, J. A. Jackson, J. R. Sell, Misses Faulding, Bowyer, J. Me

I. Robert Morrison, nc^ à BuUer*s fîrcen, Morpelh, Northumberland, 5 janvier 178:1 : arrivé à Macao !\ septembre 1807 ; mori à Canton, dans lo Hong danois, le i'''"a(nit i834.

a. Voir la liste de ces sociétés dans la Hibliothcca Sinica, col. 091 -4.

AFFAIRE DE YANG-TCHEOU 2'!

Lean, Barnes, Dcsgraz, Miss Rose (Mrs Meadf)\vs), Miss Blalrhley, Mary Bell (Mrs. Rudland). Sous la direction du Rév. J. H. Taylor, celte société avait pris un grand déve- lo[)j)oment et, à Pépoque qui nous occupe (aortl 1898), elle avait déjà ouvert les stations suivantes : Ning Po (ouvert juin 1807) ; Foung lioua (février 1866); Chao-ching (septembre 1866) ; Hang tchéou (novembre 1866); Siao clian (janvier 1867); TVi-tcliéou (juillet 1867); Nan-King (septembre 18G7); Wen tchéou (décembre 1867); Ning-Haï (janvier 1868); Sou-tchéou (mars i868)et Yang-tchéou (juin 1868)*.

AFFAIRE DE YANG-TCHÉOU, 22 AOl T 1868*

Le 2 2 aoiit 1868, TéUiblissement de la China Inland Mis- sion à Yang-tchéou était pillé et incendié. Depuis plusieurs jours des placards incendiaires étaient apposés sur les mu- railles ; on accusait le directeur de la mission, le Rév. J. lludson Taylor, d'avoir ouvert un hôpital d'enfants trouvés ; ceux-ci étaient rôtis et mangés, vingt-quatre d'entre eux manquaient déjà, etc. Le 22 août, la foule s'amassait devant la mission et commen(;<'iit à jeter des pierres ; le Rév. Hudson Taylor se rendit au yamen du préfet Soun pour le prévenir de ce qui se passait; Soun, après être allé à la mission, re- vint avertir M. Taylor, qu'il avait prié de ne pas se montrer, que l'ordre était rétabli. A minuit, lorsque M. Taylor rega-

1. Thi* Story of ihe China Inland Mission... By M. Géraldine (iuinness... Wilh an Introduction by J. lludson Taylor. . Lond., Morgan & Scott, 1898, 2 vol. in -8.

a. China, 2 fiSfig). Corrospondence respecting the Attack on British Protestant Missionaries at Yang-chow-foo, August 1868. Prcsented..., 1869, Lond., in-fol.

China, n" 10 (1869). Fnrther Correspondence respecting the Attack on British Protestant Missionaries at Yang-choiv-foo, August 1868. Presented..., 1869, Lond., in-fol.

278 MISSIONS PUOTESTANTES

gnail la mission, celle-ci était déiruile et ses habitants avaient eu toutes les peines du monde à échapper aux flammes. Yang tchéou est une grande ville du Kiang-Sou sur le Grand Canal, au nord du Kiang, à une petite distance de Tchen- Kiang ; Marco Polo en fut pendant trois ans le gouverneur ; il était facile d'v ameuter une foule considérable et il est sur- prenant que les missionnaires ne furent pas massacrés ; les membres de la mission présents lors de cet attentat étaient le directeur J. lludson Taylor, George Duncan, William Rud- land, Henry Reid, qui perdit un œil; M"""* Taylor et Rud- land ; M*'*^* Degraz, Blatchley et Annie Bohannon ; quatre enfants: Herbert Taylor, Sans, Frederick Taylor, 6, Samuel Taylor, /j, et Maria Taylor, 2 ; il y avait en outre dix-neuf indigènes, professeurs ou domestiques, et un enfant ; les Européens étaient habillés à la chinoise; depuis rétablisse- ment de la mission, au mois de juin de la même année, il n'avait été fait aucime prédication publique ou commis aucun acte qni put servir de prétexte à Tatlaque. Le consul de Chang-Haï, W. II. Medhurst, se rendit à Yang-tchéou le 8 septembre avec une escorte du vaisseau de guerre le Hi- naldo, qui était arrivé trois jours auparavant à Tchen-Kiang s'étaient réfugiés les missionnaires persécutés; il remit une lettre au préfet et réclama une indemnité de 2000 taels* ; son enquête prouva que la destruction de la mission était Tfouvrc des lettrés, qui croyaient agir contre des catholiques venus de Tien-Tsin. Une première visite de M. Medhurst à Nan-King au vice-roi Tseng Kouo-fan n'ayant pas amené une solution satisfaisante de l'aflaire, il y retourna en novembre avec les navires de guerre Hodncijy lUnaldo^ Slaney et IcartiSy annonçant sa venue par une lettre adressée le 8 novembre à Tseng Kouo-fan. L'indemnité fut payée et l'ordre fut donné

I . Le chiffre réclame par les missionnaires pour leurs perles du samedi et du dimanche aa et a3 août 1868 était de 1 ia8 taels 4o mace.

\FF\IRES I)K TCIIK-FOU ET DE TVÏ-WAX 379

de placer une tablette sur la maison de M. Taylor pour qu'elle fut à Fabri ; ces négociations, facilitées par la présence du Rodney devant Nan-King, conduites avec tact et fermeté par M. Medhurst, méritèrent à ce dernier les félicitations du Foreign Office. Le problème de Tachât de terrains par des missionnaires protestants s'était posé à Vang-tchéou et, faute d'une convention semblable à celle conclue par M . Berthemy, il fivait été moins facile de le résoudre.

AFFAIRES DE TCHE-FOU ET DE TAI-WAN

A Tchéfou *, le Rév. R. F. Laughton', ayant voulu prendre |K:>ssession d'une maison qu'il avait achetée, on fut violemment om|)cché par la population, qui enleva le toit de l'immeuble et en nuira la porte (mars 1868). Mais c'est à Tai-wan, Formose, que les troubles furent les plus considérables : au commencement d'avril 1868, les chapelles catholiques et protestantes de la Presbyterian Mission Church étaient dé- truites; vers la même époque, la maison Ellis & Co., ayant acheté pour six mille piastres de camphre, se voyait conQs- quer sa marchandise sous prétexte qu'elle était propriété inq)ériale ; les réclamations des consuls furent vaines ; au mois de juin, M. Hardie, agent de Tait & Co., était poi- gnardé; on essayait en aortt de faire subir le même sort à M. Pickering, agent d'Ellis vS{ Co. Le Tao-Taï, Liang, devenait de plus en plus insolent et, en octobre, il annonçait aux consuls que le vice-roi trouvant trop douce sa manière d'être à l'égard des étrangers, il allait être obligé d'user de plus de rigueur.

1. China, n" 3 (1869). Correspondence respectiag Missionary Disturbanccs at Chefoo, and Taiwan (^Formosa). Prcsenled..., 1869. Lond., in -fol.

a. Richard Frederick I^ugliton, de la Baptist Missionarj Society d'Angleterre, arrivé à Chang-Haï le i3 mars i863 d'où il so rendit à Tché-fou (Yen taï).

a8o MISSiOxNS PROTESTANTES

Sans plus tarder, le consul j). i. John Gibson se rendait, avec les batinnents de guerre Algerinë^ commandant Thornhaugh P. Gurdon, et le Hustardj et faisait occuper le Fort Zelandia et la ville d'Amping, port de Tai-wan fou (21 novembre 1868). L'effet fut inmiédiat et les Anglais obtin- rent: 1° l'abolition du monopole du camphre, avec des pro- clamations déclarant le droit des étrangers et de leurs employés d'aller et de faire le commerce librement. L'émission de passeports par le Tao-taï aux marchands et autres pour voya- ger, pour affaires ou pour leur plaisir, dans Tinlérieur de l'île de Tai-wan. 3" Le paiement de 6000 dollars, indemnité pour perte de camphre par Ellis et C**'. 4^ Le paiement de I 167 dollars, indenmité pour perte de biens par la mission protestante. Le paiement de 2 000 dollars, indemnité pour perte de biens par la mission catholique. 6** Le paiement de toutes les réclamations du comprador d'Ellis et C''^, pour pertes pendant le pillage de sa maison. La punition des divers coupables de connivence dans ces divers outrages, à la satisfaction du consul britannique. La publicité de procla- mations, partout, reconnaissant l'injustice des calomnies répandues contre le christianisme et les chrétiens, et les pro- tégeant dorénavant entièrement contre de nouvelles attaques. Le droit de résidence et de travail aux missionnaires dans File. 10° Des proclamations reconnaissant les cours mixtes propres aux cas embrouillés et les considérant comme telles dans Tavenir. 11° L'éloignemenl du tao taï Liang, du magis- tral du district de Pi-Teou et du Ting de Lo Kang.

Cependant, on n'était pas au bout des didicultés * : En i864, ime maison avait été conslruile à Banca (Formose) par un riche marchand nommé Lok-tow, jadis possesseur du mono- pole du camphre, à la mort duquel MM. Dodd & Go. loue-

î. China, n" 6 (1869). Correspond encc respecling Outrage on British Merchants at Banca, in Formosa. Présentée! ... , 1869. Lond., in-fol.

AFFAIRE DE FOt-TCHÉOU I181

rent la pn»priéto do sa vcu\e (1867). La veuve fut j)erséculée par les fonclionnaires et le 1 octobre 1868 les représentants de Dodd, en voulant prendre possession de rinimeuhle, lurent attaqués par la populace armée de couteaux, de lances, de bambous, etc., et s'échappèrent à grand'peine au yamen du Ting de Tam-soui. Le vice-consul par intérim de Taru- soui, Henry F. IIoll, obtint, par son énergie, des excuses, la punition des coupables et la mise en possession de leur propriété de MM. Dodd.

Le 20 janvier 1869 ', des canots du navire de guerre Cock- chtifer reçurent, sans les avoir provmpiés, des coups de fusil des habitants de Ou Tang-pai, à deux lieues environ de Swatow, qui blessèrent dix hommes, dont sept sérieusement. Immédiatement le commodore Oliver J. Jones arriva à Swatow a\ec le Hinaldo et d'autres navires de guerre et, débarquant des troupes, infligea un châtiment exemplaire aux habitants de Ou-Tang-pai, non sans avoir trois ofliciers et trois hommes blessés.

AFFAIRE DE FOl-TCHÉOU

Un incident semblable- il ceux de ïchc-fou et de Yang- tchéou se passa à Fou-lchéou par suite de Tachât d'un terrain par le missionnaire Wolfe * à Sharp Peak Island, dans la ri- vière Min. Sur la demande du consul de Fou-tchéou, Charles Sinclair, Tinéxi table gun-boat, le Jauusy commandant Lci- cester Keppel, dut inler\enir.

I. China., n" 7 (i8()()). Corroapondence respecting Attack on hoats of lier Majesty's Sliip « Cockctiafer » by ViHagvrs near Swa» ton: Prrsenird..., iHluj. Lond., in -fol.

a. China, n" 9 (18O9). Papevs respecting the Proceedings of lier Majesty's Ship « Janus » at Sharp Peak Island y near Foo-chow-foo. Presented..., 18G9. Lond., in -fol.

3. John Richard VVolfe, do la Chiirch of England Missionary Sociolj, arrivé à Fou-tchéou, avril 1863.

CHAPITRE XX

MISSION BURLIN6AME

ANSON BlBLINGAiME

La mission de M. Anson Uurlingainc est une aventure imprévue dans l'histoire des relations de PEmpire du Milieu avec les pays étrangers, et les pérégrinations de ce commis- voyageur de la diplomatie chinoise auraient Tair d\me plai- santerie faite aux cours d'Occident, si de graves personnages ne les avaient organisées. Anson Burlingamc *, originaire du Massachusetts, avait été nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire des Etats-Unis le i4 juin 1861 ; il s'était établi à Péking en août 1862. C'était un homme de quarante ans, de manières agréables, plein d'une faconde que ne gênait d'ailleurs pas la profondeur des pensées ; en un mot, habile dans l'art de bien dire des choses vides de sens.

On ne fut pas peu surpris à Washington de recevoir un lélégranmie dalé du 21 novembre 18C7 '\ annonçant au Secré- taire d'État, qu'Anson Burlingame, « dans l'intérêt de son

I. on 1822.

a. Les Etats-Unis firent choix pour le remplacer en Chine de William A. Howard, de Michigan. le 11 mars 1868; celui-ci ayant décliné cet honneur, on nomma k la même date, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, J. Uoss Brovvne, de Californie, qui se rôtira le 5 juillet 1869 et fut remplacé le 38 septembre 1869 par Frederick F. Low, de cette môme province.

ORlGI^K DE l.\ MISSIO.N 283

pays et do h civilisation », reinottait sa démission dVnvoyc extraordinaire et de ministre plénipotentiaire des Étals-Unis en Chine ; deux jours plus tard, autre télégramme, signé Anson Burlingame », court et topique : « L'Empire Chi- nois m'a nommé son envoyé vers les puissances ayant des traités. Accepté. Quitte innuédiatement pour San Francisco. » J'imagine la stupéfaction du Secrétaire d'Etat, Thonorable William II. Seward, en lisant ces dépêches.

OHUilNE DK L\ MISSION ^

D'ailleurs une lettre datée de Chang-llai, du i^j décembre i8()7, donnait l'explication de ces lélégranmies :

a Les faits cpii ont rapport à la nomination sont comme il suit : JV'tais sur le point de partir |)our les ports à traité de Chine, pour m'assurer des changements que nos citoyens dési- raient être faits dans les tmités, dans le cas une révision au- rait été décidée, après quoi mon intention était de donner ma démission et de rentrer. La connaissance de cette intention étant venue aux Chinois, le prince de Koung donna un dîner d'adieu, au cours duquel fui exprimé un grand regret de ma résolution de quitter la Chine, et me fut faite une urgente requête que je veuille, comme Sir Frederick Bruce, expliquer les dilTicultés de la Chine et informer les pays à traités de son sincère désir d*êlre ami- cale et progressive. Je promis gaiment de le faire. Pendant la con- versation Wen Siang. un homme dirigeant de l'Empire, me dit : <f Pourquoi ne voulez-vous pas nous représenter odiciellement ? »

I . Consulter sur cette mission :

Papers relati/ig io Foreign A/ptirs.. Washington, 1869, in-8.

China, i (1869). Correspond once respecting ihe Relations between Great Britain and China. Prcscnled..., 1869. Lond., in fol.

Officiai Papers of thc Chinese Légation. Berlin, Printod for S. Calvary. br. in 8, s. d.

Thc Hurlingamc Mission : A Political Disclosure... By Johanncs von Gumpach .. London and New- York, 1873, in-8.

Bibliotheca Sinica, col. ia58-ia59.

a84 MISSION BURLINGAME

Je repoussai celle insimialion en badinant et la conversation passa à d'autres sujets. Je fus informé ensuite que les Chinois étaient très sérieux, et une demande me fut faite par M. Brown. secrétaire chinois de la Légation britannique, pourque je recule mon départ dequelques jours, jusqu'à ce qu'une propo- sition me fut soumise. »

La genèse de la mission, confiée intrr pocnla à M. Anson Burlingame, telle que la raconte Tex-ministre américain, paraît quelque peu fantaisiste. 11 est probable, au contraire, que les hauts fonctionnaires chinois, conseilles par Robert llart, peut-être aussi par le D"" W. A. P. Martin*, Président (lu T'oung Wen Kouan, avaient discuté le beau projet dVn- vo>er un représentant en Europe assez longtemps auparavant, peut-être même depuis le départ de Sir Frederick Bruce. Dans tous les cas, la lettre suivante adressée par le D' S. VV. Williams, chargé d'affaires des Ktats-Unis à M. Seward, à la date du 23 décembre 18C7, semblerait justifier c^tte ma- nière de voir :

a Les arrangements au sujet de la nomination furent tous faits dans les dix jours avant que M. Burlingame quittât Péking le 25 dernier, et après qu'il eût fait et reçu les visites d'adieu avec le Prince de Koung comme ministre des Elats-LInis, se préparant à aller dans le Sud pour l'hiver ; mais il est probable que le Prince et d'autres hauts fonctionnaires avaient longtemps débattu la con- venance de cette démarche, et que le départ de M. Burlingame les avait engagés à mettre la chose au jKiinl en le choisissant comme leur représentant. Cela marque, d'une manière sensible, le progrès fait par ce gouvernement en comprenant et en sou- tenant les devoirs réciproques des nations avec lesquelles il a des obligations de traités. C'est également une preuve de haute es- lime pour lui personnellement, qu'après des rapports officiels pendant près de six ans, les olhciers dirigeant du Gouvernement

I. Il débuta en i85o à Ning-Po comme agent du Bureau des Missions étrangères de l'Église presbytérienne des États-Unis. Voir p. 199 son opinion sur l'avenir de la dynastie actuelle.

'lettre du prince de koung a85

lui confient la défense de leurs plus hauts intérêts auprès des cours étrangères. Les pouvoirs étendus qui lui sont donnés prou- >cnt rimportancc qu'ils attachent à cette ambassade. »

D'autre part, Wen-Siang a dit plus tard : « M. Burlin- game s'est offert et on a tant insisté que nous avons céder; tout a été décidé en huit jours. La seule instruction que nous ayons donnée à notre envoyé, c'est d'empêcher rOccident de nous forcer à faire des télégraphes et des chemins de fer dont nous ne voulons qu'autant qu'ils seront dus à notre initiative. »

LETTRE DU PRINCE DE kOUNG

Voici la lettre du prince de Koung au D*" Williams*, chargé d'affaires des Etats- Unis depuis la démission de son ministre, annonçant la nomination de Burlingame comme envoyé chinois :

Le Prince Koung, principal secrétaire d'Ltat pour les relations étrangères, envoie ici * une communication :

Depuis le temps les traités entre les pays étrangers et la Chine furent ratifiés, les relations amicales entre les deux par- ties se sont fortifiées chacpie jour. Chaque sujet qui est venu en discussion entre les représentants de ces nations vivant actuelle- ment dans la capitale et moi a été examiné avec tant de sincérité et de droiture, qu'en aucun cas il n*a pas manqué d'être ar-

I. Au Dr. S. Wells Williams, charge d'aflaires des États-Unis. Le célèbre sinologue et missionnaire Samuel Wells Williams, à Utica (New-York), aa septembre 1813, est mort à Newhaven, Gonnecticut, le lO février i884- Il a été nommé socrélairo et interprète de la légation américaine, 27 juin i855 ; chargé d'atfaires/ï^ intérim, du li^^* novembre i855 au 19 janvier i856: du a5 aoiît au iG novembre 1857; ^" ^ ^^~ ccmbre i858 au 18 mai 1859 > ^'* i*''au a 4 octobre 18O1 ; du 6 mai i865 au 19 septembre i8(>() ; du ai novembre 1867 au 39 septembre 1868; du 5 juillet 1809 au ao avril 1870 ; et enBn à partir du a4 juillet 1878.

386 MISSION BURLI>GAME

rangé à notre mutuel avantage. Mais tous ces pays sont séparés de celui-ci par de larges océans, et aucun ministre n'a été en- xoyé d*ici dans CQS contres et ainsi il n*y a pas eu d'intermé- diaire par lequel legouvernement chinois pouvait personnellement faire connaître ses vues à leurs gou>erncments ou expliquer sa politique. Mais maintenant, voyant que Son Excellence, Anson Hurlingame, le dernier ministre résidant ici de votre honorable contrée, a une telle connaissance des relations intérieures et extérieures de ce pays, et moi-même j'ai une confiance et une connaissance si entière de lui, qu'il m*a semblé faisable pour ce gouvernement luainlenant d'adopter les coutumes de ces pays (pii ont envoyé des ministres résidents à celui-ci, et il me sera, de plus, excessivement agréable, de le déléguer comme l'envoyé du gouvernement de Sa Majesté imjK»riale à toutes les puissances (jui ont des traités pour s'occu|>er et arranger n'importe quelles aiTaires qui pourraient surgir entre elles.

J'ai déjà réglé ce sujet dans un mémoire au trône, et hier je fus honoré de recevoir le rescrit suivant :

« L'envoyé Anson Burlingame traite les affaires d'une façon amicale et pacifique, et est pleinement familier avec les relations générales entre ce pays et les autres contrées ; qu'il soit donc, h cause de cela, envoyé maintenant h toutes les puissances à traités, comme haut ministre, avec le pouvoir de s'occuper de chaque question s'élevant entre la Chine et ces pays. Ceci de l'empereur. »

Une copie de ce rescrit a été portée à la connaissance de M. Bur- lingame, et cette copie a été aussi faite maintenant pour être connnuniquéc à Votre Excellence jx)ur votre information cl Aotre action.

22 novembre, i8G7(T'oungTché, G" année, lo'' lune, 27" jour)*.

La même lettre fut envoyée aux autres ministres avec de

»

légèrt^s variantes :

LE PKI>CE DE KOlX; AU MIMSTHE DE FRANCE

Depuis la conclusion des traités existant, la Chine a vu s'amé- liorer chacjue jour ses bons rapports avec les nations occidentales

1. Officiât Papers of tlie Cliincse Lt'^aiion. Berlin, S. Calvary et C", pièce in -8.

LE PRINCE DE KOUNG AU MINISTRE DE FRANCE 38"

el dans toutes les aflaircs qui se sont présentées, moi, Prince, j'ai pu m 'entendre avec les représentants des puissances étran- gères et, grâce aux elTorls de chacun, elles ont pu s'arranger à la satisfaction générale.

Les pays étrangers étant séparés du notre par de vastes océans, nous n'y avons pas jus<|u'à ce jour envoyé d'agent diplomatique pour nous représenter et nous avons été sans communication directe avec eux.

L'ancien représentant des Ktats-Unis, Burlingamc, connait bien les règles qui conduisent les Etats européens et la Chine el la franchise et la confiance ont caractérisé les rapports que nous avons eus ensemble. J'ai pensé qu'il seraitdésirablc et satisfaisant qu'il représentât la Chine auprès des Puissances qui ont traité avec nous d'après le principe de la représentation réciproque.

Séduit par cette idée, j'en ai fait la proposition à S. M. qui, le 26* jour de la présente lune, a daigné rendre le décret suivant :

« L'envoyé Pou Ngan-tchenn (Burlingame), qui a montré son « caractère conciliant dans la conduite des Affaires et qui connaît « les grande.s règles d'après lesquelles se conduisent les rapports a internationaux de la Chine et des pays étrangers, est nommé (f notre Envoyé spécial auprès des Cours ayant des Conventions « a\ec nous pour y traiter des aifaires ayant un caractère d'in- « lérèt commun entre les Puissances et la Chine. »

J'ai fait connaître cette nomination à M, Burlingame et je m'empresse de vous donner communication du Décret ci-dessus, vous priant d'agiéer, etc., etc.

Le 26* jour de la lo*" lune (21 novembre 1867).

Le premier sentiment des étrangers habitunt les ports de Chine en apprenant la nouvelle de la nomination de Burlin- game fut celui de la [)lus complète surprise qui fil place à celui de Tincrédulité. Il fallut néanmoins se rendre à Pévi- dence et Ton {>ensa que la révision prochaine du Traité de Tien-Tsin jjouvait expliquer celte étrange nomination qui transformait un diplomate américain en un mandarin chinois aux ap[)ointements de 8000 livres sterling par an.

288 MISSION BURLINGAME

LETTRE DE CRÉAIVCE DE M. BURLOGAME

Sa Majesté TEmpcreur de Chine salue Sa Majesté TEmpereur ou le roi, etc. En vertu de la mission qu'il a reçue du Très Haut avec révérence.

Comme la Chine et les nations étrangères sont les membres d'une même famille, nous désirons cordialement établir sur une large et ferme base les relations d'amitié et de l>oniie intelligence qui existent entre nous et les nations en paix avec la Chine.

Et comme marque de ce sincère désir, nous avons fait choix d'un officier de mérite, talent, sagesse Aiison Burlingame. en dernier lieu représentant des États-Unis dans notre capitale, qui est versé dans la connaissance des relations entre la Chine et les peuples étrangers et en qui nous avons mis notre pleine confiance tant pour la négociation des affaires d'intérêt commun entre les deux Empires que pour la représentation et l'exposi- tion de nos idées.

Nous avons aussi commissionné Tchi-Kang et SouenKia-Kou, olFiciers pourvus du rang honoraire de la seconde classe, pour accompagner Anson Burlingame à et l'assister dans les fonc- tions qu'il remplira comme notre haut ministre plénipotentiaire et Envoyé extraordinaire.

Nous avons pleine confiance dans la loyauté, le zèle et le discernement de ces trois ministres et sommes assuré qu'ils s'acquitteront de leurs devoirs d'une manière satisfaisante, aussi nous vous prions d'ajouter foi et pleine créance à leurs paroles, afm que par nos relations d'amitié doienneiit permanentes et (jue les deux nations jouissent des bienfaits de la paix et de la tran(|uillité, résultai qui, nous en sommes certain, sera extrêmement heureux.

Daté du G** jour de la la*" lune de la 6'' année de notre règne (3i décembre 1867).

T'oUNG-TCHÉ.

PERSONINEL

La mission fut composée de T Honorable Anson Burlin- game ÇP*ou N^nn-tcli*en) désigné par décret impérial du

DISCOLIIS DE SAN FIIANCISCO 28(J

21 novembre iSOy (!>>G" jour, lo* lune, ()•* année T'oun^ Trlié), (le deux connnissaires cliinois : Tché kan^, Tao taï en expeclalive, et Souen Kiao kou, Tao I titulaire ; d'un premier secrétaire (secrétaire de la îuain •^^luche), Tirlandais J. Me Leav) Broun*, inlerprete de» la légation britannique, et d'un second secrétaire (secrétaire de la main droite), le francjais, Emile de Champs", fonctionnaire des douanes chi- noises à Kieou Kiang ; enfin de si\ étudiants du T'oung Wen- Kouan comme attachés et de cinq autres fonctionnaires chi- nois. Ihirlingame partit de FVking le '20 novend)re 18C7. L'ambassade s'embarqua à (^hang-naï pour San Francisco le '20 lévrier 18G8.

DISCOURS DE SAN FRANCISCO

Un banquet fut olTert, en mai 18G8, à San Francisco à l'ambassade chinoise, et le gouverneur de Californie, Haight, a\ant porté le toast : « Notre Uote le (ils du plus jeune, et le représentant du [)lus vieux Couvernement », Anson Bur- lingame profila de la circonstance pour prononcer le pre- mier, le plus brillant, mais aussi le plus déclamatoire et le plus creux des disc(»urs qu'il improvisa au cours de ses péré^ grinations :

V Monsieur le Président, Messieurs : Kn me levant pour ré- |)ondre au toast cpie vous m'avez fait riiomieur de proposer. Je sens un poids de responsabilité connue jamais auparavant ne m'a incombé. Je me trouve |)Our la première fois entre deux ci-

I. Tcho Po-ngan, àU'Yc inicTiïThick Pékîiig. a6 juillet 18G1 ; assis- tant, 9 avril i803; premier iiiterprMo-adjoiiit (AsAÎstanl Cliincsc Sccre- tary). 8 février i8G'i ; il a (le|)uis quitté le service diplomatique (a8 mai 187a) pour entrer dans les douanes cliinoises; sou ancienneté dans ce dernier service date d'avril 1870. Il est aujourd'hui directeur-général des douanes coréenne* et conseiller financier du gouvernement coréen.

j. To-chan.

CORDIER. 1. 19

Q()û MISSION DUULTNGAME

vilîsaiions face à face, par leurs représcnlanls. Appartenant à Tune, je suis appelé à répondre pour Tautre. C'est une noble situation et mon désir sincère est d'être capable de la traiter de telle façon que les grands intérêts qui m'ont été confiés ne soient pas laissés au basard. Je dois demander votre indulgence et, pour cela, votre généreuse interprétation, du langage que je dois te- nir. Ce n'est pas ici le temps ni le lieu d'entrer dans une expo- sition du but de ma mission. Jusqu'à ce qu'elle ait été reçue à Washington, il me semble que les convenances diplomatiques demandent qu'elle doive se limiter seulement à l'échange desoHi- cielles politesses quand elle en trouve sur son chemin. Dans ce sens, alors, je réponds au sentiment qui m'a été exprimé. Dans ce sens alors, je réponds h votre élocjuent langage, et à cette bril- lante et imposante réception. Je dis que ce n'est ici ni le temps ni le lieu d'entrer dans aucun ex[X)sé de l'objet de ma mission, non pas parce qu'il y a peu à en dire, non qu'il y ait quelque mystère au- tour de cette mission. Non I 11 n'y a rien dans son origine que je ne serais heureux de déclarer. 11 n'y a pas de but que je serais honteux de cacher. Elle vint h moi sans que je Taie sol- licitée; elle fut acceptée dans le grand intérêt de la civilisation. Vous l'avez démontré véritablement quand vous avez dit que je n'en ferais pas usage dans un sens partial. Si je me connais moi- même, elle sera conduite dans les intérêts de tous. Cette mission n'est le résultat d'aucun accident ni d'une intention spéciale. C'est le résultat, la conséquence logique des événements qui eurent lieu h Péking, la Capitale de la Chine. Ce n'est que récem- ment que l'Occident est en relations particulières avec cet Em- pire. Les alTaires marchaient suivant un système de malentendus résultant en mutuel désastre jusqu'à iSOo, quand les représen- tants des puissances à traités se rencontrèrent avec les grands hommes (jui gouvernent les alTaires de l'Empire chinois. Se met- tant en relations personnelles avec eux, ils eurent l'occasion de modifier leurs vues quant à la capacité et aux intentions de ces homnjes. Et ils furent amenés directement à considérer la ques- tion : Comment pourraient-ils substituer une action diploma- tique avantageuse au vieux et faux système des alTaires, Ils s'atte- lèrent résolument eux-mêmes à la discussion de la question, et de celte discussion résulta l'adoption de ce cpii est apj)elé la « po- liticpie coo[H»rative ». Bref, cette |)oliti(pie est ceci : \Jn engage- ment de la part des puissances à traités d'agir ensemble pour toutes les questions matérielles ; de maintenir ensemble la défense

DISCOLHS DE SV.N FllANClSCO 29 1

dos droits confm's par les traites, mais détermines en même temps à donner à ces traités nne interprétation généreuse; dé- terminés à maintenir le système étranj^^er des Douanes, et de le soutenir connue une pure administration et sur une base cosnio- j)olite : un enga*rcment de ne pas prendre de territoire dans les ports à traités et de ne jamais menacer l'intégrité territoriale de la Chine. Ces engagements sont le fondenient de la jK>litique co- opérative. »

Après un éloge de Sir Frederick Bruce, « ce grand homme », avoir déclaré que sa mission veut dire Progrès, Burlingame lance celle phrase restée céléhiT, dans laquelle il fait ime étrange salade de missionnaires catholiques et protestants :

« Hicci, Verbiest *, Morrison, Milnc, Bridgnian -, Culbertson' et ime armée d'autres qui ont vécu et qui sont morts dans cette terre lointaine, espérant que le jour arri>erail bientôt, quand ce grand peuple étendrait son bras vers les bannières éclatantes de la Civilisation Occidentale. »

Il termine enfin sa harangue :

« (]ette heure a sonné : voici le jour!

« Je ne poursuivrai pas mes forces ne me le pcrmellraienl pas je ne poursuivrai pas ce thème séduisant ; mais je retour- nerai plutôt au premier objet qui m'a fait lever; qui était de vous offrir pour moi et mes compagnons, nos sincères et recon- naissants remerciements pour cet accueil cordial et magnifique. Cela fait honneur à la Californie; cela me rend fier pour mon Klat d'adoption. Non parce que c'est la réception de quelques individus. Non ! mais parce que c'est une chaude bienvenue à une grande cause. Je >ous assure que dans toutes mes pérégri- nations, parmi les plus doux souvenirs qui me reviendront, avec

1. Ferdinand Vcrbiest, S. J., voir p. 5" ; Ricci, p. 5i ; Morrison, |>. 376; Mihîc, p. 1G9.

2. Elijah Coleman Britlgnian, le 22 avril 1801, à Rc'Ichortown, Massarhiisselts ; mort 2 novembre i8(3i.

3. Michael Simpsr)n (^ulbertson. à Cliambcrsburg, Pcnn., 18 jan- vier i8i(); Boanl of Foreign Missions of Ihe Prcsbylerian (iliiirch ; arriva à Macao, 11 m octobre iS'i'i ; mort à (^hang Haï, a 5 août i8()a.

liQa MISSION Bt'RM\GA>fK

les réminiscences de voire ciel si beau, de vos champs dorés et de votre hospilalilé sans bornes, les plus agréables et les plus chers seront ceux de cette nuit. Quand la Californie, parlant par les lèvres de son éloquent premier magistrat et de ces autres hom- mes éloquents qui ont parlé ici ce soir, parlant par la bouche de ces hommes représentatifs et solides, sans distinction de parti, a ac- cordé une courageuse et généreuse réception à la première mis- sion envoyée par un tiers de la race humaine aux autres nations du monde. El maintenant en vous remerciant encore une fois pour cet accueil généreux, je vous dis un alTeclueux adieu*. »

WASHINGTON

L'ambassade cliinoise fut reçue officiellement à Washing- ton par le président Johnson, grâce à l'honorable William H. Scward ; le président du Congrès, Colfax, accueillit éga- lement la mission cl le gouverneur de Télal de New- York, Fenton, offrit un banquet, le mardi 23 juin 1868, auquel tout le corps diplomatique, sauf le représentant de la Tur- quie, Blacque Bey, refusa d'assister. INéanmoins, un traité fiil signé ou plutôt huit articles furent ajoutés, à Washington, le 28 juillet 18G8, au traité de Tien-ïsin, du 18 juin i858. 11 était signé au nom des Etals-Unis par William H. Seward et [30ur la Chine par Anson Burlingame, Tché-Kanget Souen Kia-kou.

Nous donnons les quatre principaux articles de cette nou- velle convention, dans laquelle les Etals-Unis prennent des engagements vis-à-vis des Chinois, qu'il lui sera d'ailleurs impossible de tenir, témoin le traitement des Chinois à San Francisco :

TRAITÉ ADDITIONNEL (28 JUILLET 1868)

Akt. 111. L'Empereur de Chine aura le droit de nommer I. Officiai Papersy pp. 8-7.

TR4ITÉ ADDITIONNEL agS

des Consuls dans les ports des Etats-Unis, qui jouiront des mê- mes privilèges et immunités que ceux dont jouissent aux États- Unis les Consuls de Grande-Bretagne et de Russie ou chacun d'eux par loi publique et traité.

Art. IV. Le 3<)* Article du Traité du i8 juin i858. ayant stipidé l'exemption des citoyens chrétiens des Ktats-Unis et des convertis chinois de tonte persécution en Chine à cause de leur foi; il est con>enu en outre (|uc les citoyens des États-Unis en Chine de toute croyance religieuse, et que les sujets chinois dans les Étals-Unis, jouiront d'une entière liberté de conscience, et seront exempts de toute incapacité ou persécution en raison de leur foi ou culte dans chaque pays. Les cimetières pour la sépul- ture des morts, quelle que soit leur naissance ou nationalité, de- vront être tenus avec respect et libres de tout trouble ou profa- nation.

Art. V. Les Ltats-Unis d'Amérique cl TEmpcreur de Chine, reconnaissent sincèrement le droit essentiel et inaliénable de l'homme de changer son foyer et son >assclage, ainsi que l'avantage mutuel de la libre migration et émigration de leurs citoyens et sujets respectivement d'un pays à l'autre, dans un but de curiosité, de commerce, ou connne résidents [Kirmanents. C'est |)ourquoi les Hautes Parties (Contractantes sont d'accord |)our réprouver toute autre qu'une émigration entièrement vo- lontaire dans ces buts. Kn conséquence, elles sont d'accord pour faire des lois, déclarant crime pénal pour un citoyen des Etats- Unis, ou un sujet Chinois, d'amener des sujets Chinois, soit aux États-Unis ou dans quelque autre piiys étranger; ou [K)ur un sujet Chinois ou un citoyen des États-Unis d'amener des ci- toyens des Etats-Unis en Chine, ou dans quelque autre pays étranger, sans leur libre consentement volontaire respectivement.

Art. \ I. l^es citoyens des Etals-Unis visitant la Chine ou y résidant, devront jouir des mêmes ])rivilègcs, immunités, ou exemptions à l'égard du voyage ou delà résidence dont jouissent les citoyens ou sujets de la nation la plus favorisée. Et, récipro- quement, les Chinois \isitant les Etats-Unis ou y résidant, joui- ront des mômes privilèges, immunités, et exemptions à l'égard du voyage ou de la résidence conune devront en jouir les citoyens ou sujets de la nation la plus favorisée. Mais rien de ce qui est contenu ici ne sera considéré comme conférant la naturalisation des citoyens des États Unis en Chine, ni aux sujets Chinois aux États-Lnis.

3^4 MISSION BURLIXGAME

AuT. Vil. Les cilovcns des Ktals-lnis jouiront de lous les privilèi^es des élahlissemenls publics d'éducation sous le con- tnMc du (louvernement chinois; et réciproquement, les sujets Chinois jouiront de tous les privilèges des établissements publics d'éducation sous le contrôle du Gouvernement des Etats-Unis, dont jouissent dans ces contrées respectives les citoyens ou sujets de la nation la plus favorisée. Les citoyens des Etats-Unis pour- ront établir et entretenir librement des écoles dans l'empire Chinois dans les endroits les étrangers sont autorisés par traité à résider; et réciproquement, les sujets Chinois jouiront des niémes privilèges et immunités dans les Étals-Unis.

L'article M de ce traité, écrit un diplomate, « a pour but de jeter un blanie sur la politique suivie par les Gouverne- ments IVan<;ais et anglais dans la question de TEmigration et la rédaction en est d'un goût douteux. Primitivement, M. Hurlinganie avait reconnu au\ Chinois le droit de devenir citoyens américains par un séjour au\ Etats-Unis. Le Gou- vernement Chinois a vu un très grand danger et le dernier paragraphe de rartlclc VI a pour but d'y obvier. »

Le baron von Gumpach' ajoute les commentaires sui- vants : « Ce traite supplémentaire fut immédiatement ratllié par le Président des Etals-Unis. H n'en fut pas ainsi par le (iouvernement Chinois. Dans son Message au Congrès, du 9 décembre 1868, le premier Magistrat de la République Nord- Américaine marque : « Nous ne sommes pas avisés de Tac- lion du Gouvernement Chinois sur le traité libéral et de bon augure qui a été récemment célébré [sic] dans cette capitale avec ses plénipotentiaires. » Ce fut seulement par la mission spéciale de Mr. Brovvn à Péking et une grande pression exercée sur le Tsoung-li Yamen, que le consentement chinois fut obtenu finalement et Técliange des ratifications eflectué, le

I. L. c, p. 327. Joseph von G II m pach, ancien professeur d'astrouomio au T'ounp Wen Kouan, est arrivé à Péking en 1866; il se brouilla avec Sir Robert llart cl mourut à Chang-Haï le 3i juillet 1875.

LONDKKS 290

23 novonihre 1869, lorif^^lemps après que Ir Irrine exlrénio, autorisé d'habitude pour les ratifications, était passe. Tout autre (iouvernemcnt, sauf rAnicricain, aurait considéré ce délai ronnne ofl'ensant ; quoique, en réalité, sa raison prin- cipale, sinon la seule, était que nul pouvoir de négocier un traité avait été accordé à la mission Burlinganie; qu'une telle chose, contraire aux princij^es d'Htat chinois, n'était jamais entrée dans les [)ensées du Tsoung-li Yamen ; et qu'il se sentait end)arrassé de prendre sur soi inie responsabilité qu'il était sur que le (îouvernement chinois déclinerait. De quelle ma- nièn», ou par quel expédient, la dit'lîculU'^ a été surmontée, nous l'ignorons. »

LONDKES

1/andjassade Hurlingame s'embarqua à New-York le 9 septembre 1868 pour l'Europe; descendue à Londres, au (irosvenor Hôtel, Hurlingamc attendit de longues semaines pour être reçu par le riouNernement. Les Conservateurs étaient alors au pouvoir, et le Ministre des Affaires Etran- gères, lord Stanley, consentit enfin h lui accorder une au- dience et à le présenter à la Reine au château de Windsor. Quelques jours plus tard (/j décembre), M. fJladstone prenait le pouvoir et lord Clarendon rem[)laçait lord Stanley.

Clarendon, endoctriné par Alcock, alla plus loin que ne le désirait son conseiller qui fut le premier à regretter amère- ment une ambassade dont il avait été, au début, l'un des [)lus ardents promoteurs. La réception de Burlingame en Euro[)e eut son contre-coup en Chine, le Tsoung-li ^ amen redoubla d'arrogance. Jamais pour les agents euro- péens à Péking, la situation ne fut plus pénible que pendant les mois qui suivirent l'arrivée de Burlingame à Londres. Même le pacifique russe \ langaly se fâchait, le prussien von Rehfues fulminait, Alcock, mélancolique, constatait

396 MISSION BLRLINGAME

(ju'il a\.ul préparé sa piuprc ruine cl qu'une révision fa\ora- hle du Irai (le 1(858 devenait une chimère en présence de Tallitude des hauts dignitaires chinois.

Reçu en audience le 2G décembre i(S68 par le ministre des Afl'aires étrangères, lord Clarendon, M. lîurlingame était deux jours plus tard en possession de la lettre suivante qui exposait les vues du gouvernement anglais :

LETTUE DE CLAUENDO

Foreign-Ortice, 28 décembre 1868.

MoXSIEI.R,

J'ai recueilli de la conversation que j'ai eu l'honneur d'avoir a>ec vous le aG dernier, que le but du Gouvernement Chinois en erivovanl une Mission Diplomatique en Europe était double : l'un, que par le moyen d'une telle Mission les Puissances Kuro- péennes soient désabusées d'une impression qu'on suppose à Pé- king qu'elles entretiennent, que le (îouvernemcnl Chinois est entré dans une polilique rétrograde et qu'il projette non seule- ment le refus d'élargir ses relations avec les nations chréliennes. mais même la restriction dans des limites plus étroites des rap- [)orts, que, par trailé, ces nations étaient maintenant en droit d'avoir avec les états chinois : l'aulre. de ro[)ousser toute inten- tion de la pari des Puissances européemiesd'apjjorler une pression désobligeante pour encourager ses gouvernants à entrer précipi- tamment dans une nouvelle voie de polilique qui alfecterait sé- rieusement son indépendance.

J'ai compris, |)ar vous, que le (îouvernement Chinois était pleinement sensible à ro|)[K)rlunité, ou même à la nécessité, pour ses propres intérêts, de faciliter et d'encourager des rap|)orls avec les nations étrangères, qu'il serait sensible aux avantages qui résulteraient d'une plus grande assimilation de ses cou- tumes et usages avec ceux des autres nations et de l'adoption des progrès par lesquels l'industrie d'Europe a été tant développée et le bonheur de son peuple tant augmenté ; mais que avec tout ceci il pense que toute tentative brusque pour introduire de nou-

LKTTRE DK CLAUKNDON SQ-J

Yoanx sysloinos ou de noinelles idées parmi un peuple dont la coiniaissauee des nations étrangères élail de date rcccnle, et qui a été élevé sous un système traditionnel, auquel il a été accou- tumé et il est attaché, non seulement produirait une confusion et même une révolution dans le pa>s, mais tendrait à retarder le progrés au lieu de ra>ancer, nécessité (pie leCiOU>erncment Chi- nois admet pleinement et serait désireux d'encourager, quoiqu'il désirerait qu'il lui soit permis d'agir ainsi par degrés et sans au- cune secousse soudaine et violente aux sentiments, passions, et même préjugés de son peuple.

Le (iouvernementde Sa Majesté, je vous informai en réponse, admet pleinement (pie le (îouvernement Chinois a droit de comp- ter sur l'indulgence des nations étrangères ; et je vous assure, (pi'en ce qui concerne son pa\s, il n'y a eu ni désir ni intention d'opérer une pression désobligeante pour encourager son Gou- vernement à avancer plus rapidement dans ses rap|K>rts avec les nations étrangères qu'il n'était conforme à sa sûreté, et en con- sidération due et raisonnable des sentiments de ses sujets.

Mais, le (iouvernement de Sa Majc^sté, disais-je, attend de la Chine la loyale observation des stipulations des Traités existants, et se réserve à lui-même le droit d'employer d'amicales repré- sentations jKiur |)ersuader le (jouvernement chinois d'avancer dans la carrière oinerte |)ar ces Trailt's, et de procurer de plus grandes facilités et encouragement et protection aux sujets des Puissances KlrangiTCs cherchant à étendre leurs rapjx^rts com- merciaux avec le |>eu|)le Chinois.

Le (îouvernement de Sa Majesté sent (ju'il peut faire appel honnêtement au (îomernement Chinois, quoi(pie toujours dans des lerm(»s (ramitié, pour agir dans cet esprit vis-à-vis de lui et les autres nations étrangères ; et il agirait ainsi avec d'autant plus de confiance (pi'il serait (»xcusé de croire que les intérêts de la Chine avanceraient dans une plus grande mesure que ceux des nations étrangères, en pn^litant régulièrement des occasions qui sont à sa |)ortée en appli(]uant à son Kinpire l'habileté et l'expé- rience des nations d'Europe.

Mais le (iouvernem(Mit de Sa Majesté est. en outre, en droit d'attendre de la Chine, conuneune condition indispensable de son bon vouloir, la pleine et entière protection des sujets Britanni- (jues se rendant dans ses poss(»ssions. 11 se rend compte que les (iouverneurs Provinciaux ont trop souvent l'habitude de mépri- ser les droits des étrangers, confiants dans l'impunité en ce qui

298 MISSION BrHLINGAME

concerne le Gouvernement Central de Péking et la répugnance de Pouvoirs Etrangers d'afTirmer les droits de leurs sujets par une pression locale.

Le Gouvernement de Sa Majesté sent qu'il agit dans rintérèt de TEmpire Cliinois, quand il annonce sa préférence pour un appel au Gouvernement Central plulôt (pi'aux autorités locales pour le redressement de torts faits aux sujets Britanniques. C'est avec le Gouvernement Central et non avec les autorités Provin- ciales que les Puissances Etrangères ont conclu des Traités et c'est dans Tintérèt du Gouvernement Central que les Puissances Étrangères reconnaissent son autorité suprême sur les Gouver- neurs Provinciaux et que le (louvernement Central doit assumer, et dans toutes les occasions il serait appelé à rcîdresser des torts locaux, être prêt à exercer cette autorité.

Ces observations vous permettront, j'en ai la confiance, de rassurer le Gouvernement de Péking quant aux sentiments ami- caux entretenus à son égard par le Gouvernement Britannique. Il reste au Gouvernement Central de régler ses rapports avec la Grande-Bretagne et les sujets de la Reine de façon à éviter toute cause de différends, et de conserver intacte l'amitié de ce pays.

J'ai seulement à ajouter que tous les Agents de Sa Majesté en Chine ont reçu l'ordre d'agir dans cet esprit et avec les vues que je vous ai expliquées : et généralement de prévenir les sujets Bri- tanniques de respecter fidèlement non seidement les lois de l'Em- pire, mais autant que possible, les usages et les sentiments du peuple Chinois *. »

La réponse de M. Burlinganie à cette dépêche marque les résultats plutôt négatifs de son séjour à Londres.

LETTRE DE BL RLINGAME

Légation Chinoise, Londres, i*"*" janvier 1869.

Mylohd,

J'ai l'honneur d'accuser réception de la Dépèche de Votre Sei- gneurie du 38 décembre, et en réponse, de vous informer que

I. China, 11" 1 (1869). Correspotidence respecting thr Relations heiiveen Greal Britain and China. Prcsfiiled..., 18G9. Lond., in- fol.

LKTTRE DE BURMNGAME a()()

je suis d'accord avec >o!is (inant à rexacliliidc générale de vos dédiidloris de noire conversation à celte date.

i" Que c'élail le hul de la Mission de désabuser les Puissances Kl ran«;ères d'une im|)r4»ssion([u'elles étaient censées enlrelenir, que leCiouNernenienl Chinois était entré dans une [)olilique rétrograde; et 'à'* de décourager une tentative |)réci[)itée et inamicale « un- IViendlv » de leur part d'entrer dans une politique qui pourrait ren- dre tout progrès ini))ossible par son ton menaçant et une « secousse violente aux sentiments, et même aux préjugés du peuple ».

J'ai aussi riionneur de vous exprimer ma satisfaction de la ré- |>onse de Votre Seigneurie de la part du (Jouvernement de Sa Ma- jesté ; [)remièrement, (ju'une |)ression peu inamicale « unfriendly » ne sera pas exercée contre l'indépendance et la sûreté de la Chine: et secondement, (pie le (iouvernement de Sa Mîijcsté désire de traiter directement avec le (jouverncmcntCcntral plutôt qu'avec les autorités locales, cl que les Agents de Sa Majesté en Chine ont reçu des instructions « pour agir dans l'esprit de ces vues, cl d'aNcrtir les sujets britanniques de respecter fidèlement, non seu- lement les lois de l'Knqûre, mais autant que possible, les usages et les sentiments du peuple Chinois ».

Je suis d'accord aussi avec votre Seigneurie (]uant à l'impor- tance de la stricte observation des stipulations du Traité existant. D'accord, alors, comme nous le sonunes. pour ces principes d'ac- tion, il est également satisfaisant de savoir que nous ne dilTérons pas quant à la manière de leur application, particulièrement quant à l'emploi delà force ; c'est à -dire, qu'elle devrait ôtreem- plovée pour proléger la vie et les propriétés immédiatement expo- sées. (Celles-ci étant sau>es, la question devient Diplomatique, pour en être référé en premier à IVking, et avant que guerre s'ensuive, au (iouvernement intéressé.

La manière explicite avec laquelle Votre Seigneurie s'exprime elle-mèuie sur ce point, non seidement dans la conversation du at3, mais dans celle d'aujourd'hui, donnera une grande satisfac- tion au Gouvernement Chinois. Cette |K)litique, ainsi conduite, rendra les guerres avec la Cliine impossibles ou elles n'arriveront [)as sans cause suflisante et seulement après mûre délibération.

Je ne reviens pas dans cette dépêche à d'autres sujets de notre conversati(m, mais je me borne à l'exposé des |K)ints sur lesquels nous sommes d'accord •. »

I. China, ii" i (iStîy).

3oo

MISSION BUKLINGAME

PARIS

De Londres, M. Biirlingamc se rendit à Paris, précodé par la lettre que lui avait écrite lord Clarendon, remise con- fidenlicUenient par lord Lyons au marquis de Lavalette. Le Grand Uotel résonne encore des échos joyeux de Tambassade, qu'attristèrent, au lendemain du (irand Carnaval de 1867, les sombres préoccupations de Tavenir et qu'assourdit le glas funèbre de Tatlentat de Yang-lchéou.

LE MIMSTRE DES AFFAIRES ETRANGERES A M. A>SON BIRUNGAME

3 1 janvier 1869.

MoNSIEl u,

J'ai reçu traduction des lettres de créance chinoises qui vous accréditent, ainsi que Tché-Kang et Souen Kia-kou, lonclion- naires de second rang, en qualité d'envoyés extraordinaires et plénipotentiaires de l'Empereur de Chine h Paris. Je vous remercie de cet envoi, et je serai heureux qu'à l'avenir pour accélérer rex|>édition des alTaircs, nous voulussiez bien suivant l'usage joindre à vos communications ime traduction française puisque vous avez auprès de vous un secrétaire français.

Sa Majesté Impériale est instruite de votre arrivée à Paris et vous recevra dès que j'aurai eu riionnciu' de vous voir. Je vous recevrai moi-même demain avec vos collègues h l'Hôtel des Affaires étrangères à 3 heures. En votre qualité d'ancien agent diplomatique, vous savez aussi bien que personne, Monsieur, que la forme de réception d'agents f)oliti([ues se règle suivant la réciprocité. C'est à raison de la minorité du Souverain du Céleste Empire que le (iahinet français n'a point insisté pour que les lettres du Souverain de la France, fussent remises aux propres mains de JEnq^ereur de la Chine, et que Sa Majesté ]\a|X)léon IH recevra directement aujourd'hui vos lettres de créance, bien que la même étiquette n'ait pas été suivie jusqu'ici pour le5

LK MINISTRE DES AFFAlIlKS KTIlANGÈllKS A M. ANSOX BURLIXCAME 3o I

Envoyt's français h Péking. Je vous prie de vouloir bien Irans- ineltre celle observation préjudicielle à votre Gouvernement. Son Kxcellence M. le (îrand Maître des Cérémonies de France sera cbargé de vous faire connaître le jour, Tlieure. et la forme de l'audience Impériale, et si vous Mes dans l'intention d'adresser à rKmpereur une allocution en remettant >os lettres, je vous serai obligé de m'en donner suivant l'usage communication à l'avance.

Il est certain que M. Burlinganic no fui reçu en audience solennelle par les Souverains d'Europe qu'en cachant les conditions dans lesquelles il avait été nommé ; on ne les connut que lorsque les ministres accrédités à Péking récla- mèrent i leur tour Thonncur d'être reçu par le Fils du Ciel. Le Prince de Koung écrivait (19 septembre 1869) au Comte de Rocliechouarl :

Avant le départ de M. Burlingame, nous demandâmes res- pectueusement (à l'Empereur) des instructions que nous reçû- mes (ainsi conçues) :

« Lors de l'arrivée de M. Burlingame dans un pays, les lettres de créance dont il est porteur devront être confiées à l'intermédiaire des Ministres comp<Henls sans qu'il soit besoin de se mettre en instance pour les remettre en mains propres.

« Si un pays (un souverain) considérant M. Burlingame comme occidental désire le traiter conformément aux coutumes d'Occident avec de plus grands égards, M. Burlingame devra déclarer préalablement, afin qu'il ne soit pas sup[)osé dans la suite (pie la Chine ne sait pas reconnaître de tels procédés, que le cérémonial chinois n'est jws le même que celui d'Occident. »

Apres Paris, Stockholm (7 octobre 1869), puis Copenha- gue (3o octobre 18G9), ^^ '^s Pays-Bas que Burlingame quitta le 18 novembre 1869 après un séjour de trois semai- nes, enfin Berlin Q'anvier 1870) reçurent la visite de la mis- sion. Le ministre des Affaires étrangères de Hollande avait espéré que l'ambassade chinoise lui servirait de prétexte pour obtenir des Étals-Généraux des fonds {)our établir une légation en Chine ; il essuya un refus. La dernière étape fut

302 MISSION BURLINGAME

Saiiil-Pétersbourg. Aiison Burlingamo y moiirul le 1 1 février 1870.

« Le 2 de la prcniierc lune de celle année, écrivirent Tclié et Souen au Prince de Koung, nous arrivions en Russie. M. Bur- lingame se senlant alleint d'une maladie de poitrine fit appeler un médecin. Son mal empira et dans la matinée du 24 du même mois, M. Burlingame succomba. »

La nouvelle de la mort imprévue de Burlingame no pro- duisit aucune sensation et le Tsoung-li Vanien « a manifesté la plus complète, je dirai même la plus inconvenante » indifférence, écrit un diplomate, cependant peu favorable à Tambassadeur. x\ un interprète qui lui demandait la cause de la mort de Burlingame, un membre du Tsoung-li Yamen répondit : « Je ne sais pas, il mangeait beaucoup. » 11 est vrai qu'on donna 10 000 taëls à la famille du diplomate défunt. La Chine payait en argent, non en regrets.

Malgré les intrigues de TAngleterre, Tcbe-Kang prit la direction de la mission, M. Me Lea\y Brown restant premier secrétaire.

LA FIN

La mission, décapitée de son chef, repassa par Rome, et elle était de retour à Péki ng a la lin de novembre 1870.

La mort prématurée de son chef évitait à celui-ci le san- glant démenti que de terribles événements allaient donner à toutes les promesses déclamatoires d'un rhéteur ambulant, sans tact, sans préparation, engageant des affaires qu'il n'étiiit [)as autorisé à traiter, compromettant ses patrons qui s'aper- çurent trop tard de la faute conunise en acccpl^inl ou de- mandant les services de ce hanneton de la diplomatie: le mas- sacre de Tien-Tsin (juin 1870) était la lugubre réponse aux

NOUVELLE MISSION CHINOISE 3o3

discours tle San Francisco et aux fêles du Grand IIôlol. La voix du politicien élait submergée par le sang des victimes.

Celte bruyante et encombrante mission n'a laissé qu'un souvenir semblable à celui qui reste de certaines ambassades burlesques, envoyées aux siècles passés par quelques poten- tats d'Extrême Asie aux souverains d'Occident.

En novembre 1870, le célèbre homme d'Étal américain, William H. Sc>\ard, qui avait signé le traité Burlingame à Washington, ne fut reçu ni par le prince Koung, ni même par \\ en-Siang î

NOI VELLE MISSION CHINOISE

L'ambassade Burlingame, entreprise sans l'avis préalable de loutes les légations de Péking, avait placé M. Robert Ilart dans une position difficile dont l'Inspecteur général des Douanes s'efTorça de sortir. Voici quel est le projet dont il entretint le chargé d'.VfTaires de France, en août 1869 :

(c Le projet consiste à envoyer un ou plusieurs Chinois revêtus d'un caractère ofTiciel, probablement avec le litre de Consul Général, afin de bien écarter rélénient politique de la question. Os Chinois conduits par M. Porter, Commissaire des Douanes, et accompagnés par une suite de jeunes gens destinés à s'ins- truire, visiteront les divers pays d'Europe cl s'occupanl avec soin d'étudier le détail de nos Administrations et de nos usines ; ils resteront plusieurs mois à étudier chacune des branches de nos connaissances sous la direction d'agents qu'ils comptent demander aux divers (iouverneinenls. La mission est également chargée d*ap|)orter. d'exposer les échantillons des différents produits de la (^iliine et en même temps d'expliquer les méthodes employées par l'industrie chinoise.

« Le chef chinois désigné est un nommé Yang. bien connu des légations par son intelligence et sa sym[)athie pour l'Europe, et il a derrière lui la (iOur et les Im|MTatrices qui fournissent les fonds de l'expédition ; f\ millions de francs, mais désirent, pour le moment du moins, ne pas paraître oUiciellement.

SoA MISSION BL'IILIXGAME

« Je suis forcé (l*avouer, si cos projets se réalisent, que la Chine aura fait un véritable pas, aussi, suis-je] disposé ainsi que mes collègues à souhaiter la réussite de cetle négociation.

« On dit tout bas que Yang serait porteur d'une lettre de Wen-Siang pour les dilTérents Ministres des AITaires Etrangères indiquant la limite des pouvoirs de M. Burlingame, démentant certaines promesses de ce diplomate et désignant ceux de ses actes qui seront approuvés par le Gouvernement chinois. »

La rédaction par M. Hart d'un mémoire* sur les aiïaires de Chine (Péking, 3o juin 1869) semblerait prouver qu'il avait le désir de montrer que TEmpire du Milieu était vrai- ment entré dans la voie du progrès. Peine j>erdue ! Les faits étaient là, démentant son plaidoyer.

I. Note on Chinese Matters, publiée avec des annotations par J. Ross Browne. Voir Giimpach. Burlingame Mission, p. 871.

nilAPlTKE \\1 REVISION DU TRAITÉ DE TIEN-TSIN <

L'article WMl du Irailé anglais de Tien-Tsin était ainsi conçu : « Il est convenu que Tune ou Taulrc des Hautes l\irties Contractantes peut demander une nouvelle revision du Tarif et des Articles (Commerciaux de ce Traité au lx)ul de dix ans ; mais si aucune demande n'est faite d'une part ou de l'autre dans les six mois«iprès la fin des dix premières années, alors le tarif restera en force pendant dix années de plus, comptées de la fin des dix années précédentes; cl il en sera ainsi, à la fin de (^haque période de dix années. »

Sir llulherford Alcock, voulant s'entourer de toutes les fraranlies possibles, demanda aux résidents anglais, voire étrangers, des porls ouverts au commerce, quelles observa lions pouvait leur suggérer le traité de Tien-Tsin et quelles améfiorations il leur semblait désirable d'obtenir. Des ré- |)onses, quelques-unes remanpiables par leur teneur, vinrent des Chambres de commerce ou des missionnaires de Cliang-

I. Memorials addrvssed by Chamhers of Commerce in China io îhe Brilish Minister at Pek'mg. on the subject of the Revision of the Trealy of Tien Isin. Présent, to the House of Commons... fcb a4. i8()8, in- fol.

China, 8 (18G9). Correspondence svith Sir Rutherford Alcock respecting Missionaries at Hankosv, and State of Affairs at varions Ports in China. Presented..., 18G9. Loiid., in-fol.

China, n" la (1869). Correspondence with the Chamber of Commerce at Shanghae respecting the Revision of the Treaty of Tien-lsin. Presented..., 1869. bond. ; in-fol.

CoRDiER. I. ao

3o0 REVISION DU TIIAITK DE TIE\-TSI>

Haï, Fou le Iléon, Amoy, Hong-Kong, Tion-Tsin, Swatow, Ning-Po. Le principal point signalé à rallontion du ministre par la (Chambre de Ojninierce de Chang-IIaï est l'esprit rétrograde avec lequel le traite de Tien-Tsin est interprété par le gouvernement chinois depuis la suj)pression de la révolte des T'aï P'ing et en particulier son article \ïl relatif à la résidence dîms Tintérieur du pavs ; mais en résume toute revision du traité devait tendre moins à l'acquisition de nou- veaux privilèges qu'à une confirmation et à une extension de ceux déjà accordés. La Chambre de commerce de Fou-tchéou considère la levée illégale ou arbitraire de la taxe likin comme une infraction systématique à Tart. WVHI du traité et comme le principal grief cprelle soumet à Texamen du mi- nistre. Hong-Kong réclame» Touverlure efTeclive du port de Kioung-lchéou, dans Tîle de Haï-Nan. Tien-Tsin déclare que rétablissement de chenuiis de fer et de télégraphes est ime des mesures les plus imporlanles, sinon la plus importante de celles qu'on espère être à la veille de voir prendre.

Le 28 octobre 18G9, Sir H. Alcock adressait au comte de Clarendon * la nouvelle convention signée après de longues et difliciles négociations dans lesquelles il avait été particuliè- rement aidé par les secrétaires de sa légation, Frater et Adkins. Au texte du traité était joint un commentaire expli- catif de M. Robert Hart.

COXVE?iTION ALCOCK, 23 OCTOBRE iSCg^

Sa Majesté la Reine du Royaume Uni de Grandc-Rrclagne et Irlande, et Sa Majesté l'Empereur de Chine, désirant assurer la

1. China y i (1870). Despatch froni Sir Riitherford Alcock res- pecting a Supplementary Convention lo the Treaty of Tientsin, signed hy him on October 28, 1869. Présentée!..., 1870. Lond., in-fol.

2. Convention supplémentaire au Traité de Commerce et de Na- vigation du 26 juin i858, entre la Grande-Bretagne et la Chine. Voir Ilansard's De bâtes ^ vol. 202, p. 1O2/1.

r.ONVKNTION ALCOCK 30"

nicilleurc cxociilioii du Trailti de (iOiiiinerce conclu cnlro eux le 36 juin i858, ont résolu, suivant la clause de Tari. WVIII à relTel « que l'une ou l'autre des Hautes Parties (^oulraclanles peut demander une nouvelle revision du Tarif et des Articles (commerciaux de ce Traité au bout de dix ans » de négcxrier un arrangement complémentaire, et dans ce but ils ont nonuné comme leurs Plénipotentiaires, c'est-«vdire :

Sa Majesté la Reine du Uoyaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande, Sir llutberford Alcock, (^bevalier Commandeur du Très-Honorable Ordre du Bain, Knvoyé Kxtraordiuaire et Mi- nistre Plénipotentiaire de Sa Majesté auprès de Sa Majesté l'Km- pereur de Cliine.

Kt Sa Majesté l'Kmpereur de (lliine, Son Altesse Impériale (Ho-cbouo) le Prince de Koung ; AVen-Siang, Président du Mi- nistère de l'Intérieur; Pao Tclioun. l^résident du Ministère des Finances; Toung Siun, Président du Ministère des Finances; Tan Ting-siang, Président du Ministère des (illiAtiments ; et Tcboung Liun, Président de rOllice colonial ;

Qui, après avoir conununiqué les uns aux autres leurs pleins pouvoirs respectifs, trouvés en bonne et du forme, se sont mise d'accord sur les articles suivants :

AllTK.LK 1

La Cbine ayant consenti cpie les sujets britanniques |)artici- |K»nt à tous les avantages accordés par Traité aux sujets d'autres Puissances, il est en outre convenu (jue les sujets britanni([ues désireux de [)artici|)er aux a>antages accordés jwr le Traité aux sujets des autres Puissances, participeront aux mêmes avantages dans des conditions semblables à celles qui ont été accordées aux sujets des mômes autres i^iissances (|ui y participent.

Aktici.k II

La Cbine ayant consenti à ce que l'Angleterre nonunc des (^«onsuls pour résider dans cbacpie port ouvert au commerce, il est en outre converui que la Cbine pourra nommer des Consuls pour résider dans tous les |)orls des possessions britanniques.

Les Consuls ainsi nommés auront droit rcsjwcti\ement au traitement accordé à la nation la plus favorisée.

3o8 REVISION DU TRAITÉ DE TIEN-TSIN

Article III

Il est conNcnu ([ue les marchandises des classes et dénomi- nations suivantes, c'est-à-dire les cotons, les toiles, les laines, les mélanges de laine et coton, etc., etc., importés par les négociants anglais devront payer simultanément les deux droits d'importa- tion et de transit au moment de l'importation.

D'autre part, la Chine accepte que les marchandises sus-nien- tionnées importées par les marchands anglais et ayant acquitté simultanément les droits d'importation et les frais de transit, au moment de l'importation, seront exemptes de toutes autres taxes et charges quelconques, dans les provinces des ports à traité.

Article IV

Il est con\euu que les produits indigènes achetés à l'intérieur par des négociants britanniques munis des documents prescrits par les Règlements supplémentaires, devront payer les droits intérieurs et les frais sur leur parcours au port h traité.

D'autre part, la Chine consent à ce que tel produit indig^ne ayant payé tous les droits intérieurs et les frais sur son parcours du lieu de l'achat au port, aura droit au remboursement de telle somme qui aurait été ainsi pa\ée en excès et au-dessus des droits de transit suivant le Traité (demi-droit d'exportation), pourvu que l'exportation des négociants britanniques dans un port étranger soit faite dans l'intervalle de douze mois.

11 est en outre convenu que les produits indigènes embarqués pour un autre port à traité n'aura pas droit au môme rembour- sement.

Article V

Il est convenu que les produits chinois embarqués de Hong Kong pour un port à traité ne seront pas transportés à l'intérieur sous le régime de transit, mais devront payer les droits, impôts et redevances intérieures comme tout autre produit indigène à tout passage de barrières.

D'autre part, la Chine consent ù accorder aux produits indi- gènes embarqués des ports à traité pour Hong Kong par les né- gociants britanniques les preuves de droits ordinaires d'exporta- tion, et de recueillir sur ces mômes produits, à l'arrivée dans un

CONVENTION ALCOCK SoQ

second port à Irailo, le droit ordinaire du commerce c6tier (moi- tié d'importation).

Article VI

11 est convenu que le port de Wen-tchéou dans le Tché-Kiang sera ouvert au commerce britannique, et que Rioung-tcliéou, nommé dans le traité de Tien-Tsin, sera rave de la liste des ports à traité.

Article \i\

Il est convenu ([ue les vaisseaux marchands britanniques ne seront appelés à payer les droits de tonnage qu*une fois en quatre mois.

D'un autre coté, l'Angleterre consent à ce que les vaisseaux marchands britanniques de tout genre, qu'ils soient employés au transport ou à l'emmagasinage de marchandises, au trans- |)ort des voyageurs, ou comme demeures (navires de commerce, pontons, chops, etc.) aussi bien que toute embarcation de type chinois, appartenant à des sujets britanniques, paieront les droits de tonnage suivant leur tonnage, s'ils font le commerce de port à port, à l'expiration de leurs certificats spéciaux, et s'ils servent de pontons dans le porl, à l'expiration du terme de qua- tre mois, suivant le cas.

Article VIIl

Il est convenu que tous les \ aisseaux-marchands britanniques avertiront les Douanes de leur port de destination, et lui remet- tront les manifestes d'exportation au moment d'appareiller.

D'autre part, la Chine consent à ce que le montant de toute amende pour des manifestes falsifiés dans lesquels des sujets bri- tanniques sont intéressés devra être déterminé suivant les cir- constances particulières, et n'excédera en aucun cas la somme de 5oo taêls.

Article IX

Il est convenu que dans tous les cas d'amendes résultant d'in- fractions aux règlements des Douanes, le Surintendant, ou le Commissaire des Douanes, peut avoir un siège au tribunal, et prendre part à l'enquête avec le Consul britannique.

Et dans tous les cas de confiscation résultant d'infractions aux

3l() IIKYISION Dr TIIAITK DK TIEN-TSIN

rt'glcnicnls des Douanes, le Consul britannique peut avoir un siège au tribunal avec le Surintendant ou le Commissaire des Douanes, et prendre part à Tenquôte.

Il est convenu en plus que l'Angleterre et la Chine rédigeront de concert un Code commercial.

Article X

D'une part la Chine convient d'accorder des licences aux pi- lotes.

D'autre part, l'Angleterre consent à punir les sujets britanni- ques pilotant, ou qui emploieraient des personnes pour piloter, n'ayant pas de licences.

11 est convenu en outre que la stipulation du Traité de Tien- Tsin aura son eiïet « que pour la juste contrainte des équipages de navires, des règlements seront rédigés par les Consuls et les au- torités locales.

Article XI

Il est con\enu que les drawbacks accordés aux marchandises étrangères, réexj)ortées par les commerçants britanniques à l'étranger, dans un délai de trois mois de la date d'importation, seront convertibles la banque Ilai-Kouan) en argent comp- tant.

D'autre part l'Angleterre consent à ce que les marchandises étrangères, réexportées par des négociants britanniques à Télran- ger après l'expiration de trois ans à partir de la date d'impor- tation, n'auront pas droit au drawback du droit d'importation.

Article XII

11 est convenu que l'opium paiera un droit d'importation à un taux surélevé.

D'autre part, la Chine convient :

I. Que les sujets britanniques porteurs de passeports peuvent se ser\irde leurs propres bal«'aux, semblables aux embarcations chinoises, et marchant à rames ou à voiles, quand ils visite- ront des ports sans traité, ou des lieux dans l'intérieur.

:«. ()ue des entrepôts (bonded ware bouses) seront installés pour les sujets brilanni(jues dans tels ports à traité qu'il peut être utile.

3. Que le Surintendant des Douanes de Kieou kiang fournira

COVEXTIO.N ALCOCR 3ll

un remorqueur à l'usage des bateaux genre chinois appartenant à des sujets britanniques sur le Po vang, et dans le voisinage de Hou kéou.

l\. Les engagements (bonds) pris par des négociants britanni- ques |>our la ré-exporlation des thés embarqués des ports du Yang-tseu seront supprimés, à titre d'expérience.

5. Que le Commissaire Impérial dans le Sud ouvrira des mines de charbon dans deux ou trois endroits; et

f). Que les droits sur le cliarbon indigène exjiorté par les commerçants britanniques des ports du Sud, seront réduits.

Article XIIl

II est convenu que la soie paiera un droit d'exportation à un taux surélevé.

D'autre part, la Chine convient :

I . Que Wou-Hou dans le Ngan-llouei sera ouvert au commerce britannique.

Q. Que le grain étranger peut être réexporté et sans payer de droits par les négociants anglais.

3. Que les matériaux employés par les sujets britanniques dans les docks pour la réparation des vaisseaux britanniques se- ront exempts de droits.

l\. Que la liste des marchandises exemptes de droits à l'usage domestique des sujets britanniques et des stores pour na\ires soit re>isée.

5. ()ue le charbon étranger et le guano importés par les né- gociants britanniques seront exempts de droits; et :

(». Que les droits d'importation, sur les montres, le |)oi>re, blanc et noir, les lames d'étain, et les bois de charpente, impor- tés par des sujets britanniques, seront réduits.

Article \IV

Il est convenu cpie chaque Douane rédigera des règlements fixant la touche du Sycee devant être reçu en paiement des droits par la banque à chacpie port.

Il est en outre convenu que les di\ers documents octroyés aux sujets britanniques (papiers de transit, passe|x>rts, etc.) seront retournes a l'expiration d'une année à partir de la date de leur émission.

3ia HEMSION DU ÏKAlTl': DK TIEN-TSIN

AUTICLE XV

11 esl convenu des deux côtés que les Articles non touchés par la présente revision seront ici déclarés pour être renouvelés et confirmés, et que la version revisée décidera dans le cas de tels articles que la présente revision intéresse.

Ahticle XVl

La convention présente sera ratifiée; et la ratification sera éclian«|^ée à IVking aussitôt que possible. En témoin de quoi les Plénipotentiaires respectifs ont signé la Convention présente, le» Règlements Supplémentaires qui s*y rattachent et le Tarif con- cernant les marchandises à propos desquelles les droits ont été ainsi changés ; et y ont apposé leurs sceaux.

Fait à Péking en quadruplicala, ce 2 3'" jour d'octobre, dans Taimée de N. S. iSOq.

Sig. Kutherford Alcock. Signatures des Plénipotentiaires chinois.

Suixentdix règlements et le tarif, que je crois inutile de reproduire, puisque la convention n'a pas été ratifiée.

On remarquera que danslepréand>ule de cette convention, seule la première partie de l'article XXVII du traité de Tien- Isin est citée ; M. llartdans son commentaire dit: « Ce qui est omis aurait une portée à Pépoque de la prochaine revision et c'est omis afin que la que^tion puisse recevoir sa propre solution en son temps, et non, en devenant une question vexatoire maintenant, troubler indéfiniment le travail de la présente revision. »

Nous voyons (art. II) que la Clhinc obtient l'autorisation de nommer des consuls dans tous les ports des possessions britanniques, concession cause, comme nous l'indiquons plus loin, de réclamations des négociants anglais ; Wen-lchcou, dans le Tché-Kiang, est ouvert au commerce anglais au lien de Kioung-tchéou, d?ms l'île de Haï-Nan (art. VI), autre cause de récrimination ; il esl vrai que \A ou Hou, dans le

CONVENTION ALCOCk 3l3

Ngan llouei, est aussi ouvert au coninicrcc. L'aiiiclc III relatif aux droits d'entrée et de transit est avantageux. 11 semble que de part et d'autre les plénipotentiaires se soient elTorcés de tenir la part égale dans les concessions réci- proques, et de maintenir en équilibreintérêts anglais et chinois, mais tel n'était pas le désir des sujets anglais ; Sir Rutlierford Alcock n'avait pas Umiu un compte suflQsant des réclamations de ses compatriotes ; il avait à défendre d'ûpres intérêts com- merciaux, non à établir une juste répartition d'avantages consentis de part et d'autre. 11 avait alTaire a forte partie : le « merchanl prince » en Chine, son associé et son représentant à Londres, étaient de puissants personnages, créant facilement une opinion publique, maîtres plutôt que conseilleurs. Le Ministre de Sa Gracieuse Majesté était un mince personnage il côté de ces puissants potentats, avec lesquels devait compter le Cabinet de la Reine. On le lui fit bien voir.

In mémoire ^ en vingt articles fut adressé (lo février 1870) par M. Hugh M. Matheson, président du Comité des négo- ciants intéressés dans les affaires de Chine, à Lord Clarendon, marquant que la convention présente n'offrait aucune amé- lioration du Traité de Ïien-Tsin et qu'à moins qu'elle ne fut profondément modifiée, il valait mieux laisser les choses en l'état. Je note en particulier le j)aragraphe 18 : « Accorder a la Chine la nomination réci[)r()quc de Consuls est simple- ment suivre un principe évident d'usage international et a, par conséquent, beaucoup d'apparence de justice ; mais l'idée de faire de telles nominations n'est guère de celles qui se- raient venues spontanément à l'idée d'un indigène, et sa réali- sation peut être la source de maux sérieux. Les seuls]endroits dans lesquels le Gouvernement chinois se prévaudra probable- ment de ce privilège, sont ceux dans lesquels réside une

i. China, n" \ (1870). Memorials respect ing the China Trcaty Revision Convention. Prescnted...^ 1870. Lond., in-fol.

3l/| HKVISK» DU TIWITÉ DE TIKN-TSIN

population cliinoise, tels que Hong-Kong, les Établissements du Détroit, Melbourne, et il est possible, Calcutta. Un consul chiriois sera à j>eine acceptable jK)ur nos autorités coloniales et, à Hong-Kong plus particulièrement, les auteurs de ce mémoire peuvent à j>eine douter que ceux qui sont respon- sables du gouvernement et du bien-être de la Colonie pourront montrer péremptoirement combien cette mesure pourra affecter sa prospérité. In mandarin cbinois établi à Hong- Kong, ou dans les autres Colonies comme Consul, doit proba- blement moins proléger et aider, que taquiner ses compatriotes et leur faire payer des droits, servi, comme il le serait, par le fait que leurs parents et leurs relations sont sur le conti- nent, et à portée des fonctionnaires chinois. Si, comme on Ta annoncé, la nomination d'un Consul est pro[X)sée dans le but de prévenir des embarquements illégaux de cargaison par les Chinois de Hong-Kong à des ports sans traité, les auteurs de ce Mémoire sont anxieux que Ton comprenne clairement qu'ils ne sont hostiles à aucune mesure adoptée dans ce but. Mais ils pensent qu'il pourrait être atteint, si c'était néces- saire, par une méthode moins sujette à controverse; et que exécuter ce que propose la Convention serait permettre au Gouvernement Chinois de contrôler indûment celle portion du commerce de» Hong-Kong, qui est entre les mains de la population indigène. »

Dans son rapport' lu le 28 février 1870 par Lord Claren- don à une délégation des négociants, il avait commis à la fois une faute et une erreur en disant : « Vu sujet de la reconnaissance de consuls chinois dans les possessions bri- tanniques... il semble au Gouvernement de Sa Majesté que

I. China, n" G (1870). Fuvlher Memorials respecliii}; the China Treaty lirs'ision Con\'cntiori. Presenied..., 1870. Loiid., in- fol.

China, n" 10(1870). Lcitrr io Chamhers of Commerce, etc., respcclingthe China Ti eaty Itcs'ision Cons'cntion, Presented,.., 1870. hmid., in- fol.

co^vE^Tlo^ alcock 3i5

la nomination d'un Consul chinois à IIong-Kong, qui csl le seul endroit la clause aura acluellemenl un coté pratique, apparaît comme un corollaire nécessaire à sa constitution comme un port à traité. » M. Malheson lui répondit avec juste raison (i 4 mars 1870): « Nous ne pouvons comprendre connuent IIong-Kong peut être appelé un port à traité. C'est un iK)rt libre sur territoire britannique. Nous gardons la comiction exprimée dans notre Mémoire, que celte concession à la Chine est des moins sages et en même temps qu'elle sera taquine et fatigante pour la population chinoise dans la Colonie, nous croyons qu'elle tendra à envenimer plutôt qu'à rendre plus amicales les relations entre le (lOiiverne- ment de Sa Majesté et celui de la Chine. » Nous avons fait la même erreur de suggérer la nomination de consuls chinois dans nos jiossessions dlndo-Chine en i885 et phis loin, je fais remarquer quels auraient été les inconvénients d'avoir de semblables fonctionnaires dans nos colonies ; ils diflerent de ceux qui sont signalés par M. Matheson et ses confrères.

Le 25 juillet 1870, le comte Granville, ministre desaflaires étrangères, annonçait aux négociants qu'à la suite de la désapprobation générale témoignée par eux, la convention du •i3 octobre 1869 ne serait |)as ràtiliéeparle gouvernement de la Reine et il en donnait avis à Sir 11. Alcock, à la même date, par ime lettre qui se terminait ainsi : « Je désire, tou- tefois, que vous compreniez clairement (|ue quoi qu'il en soit de la décision du Gouvernement de Sa Majesté, rien n'est plus éloigné de son intention que de vous imputer aucun blâme pour la [mrt (|ue >ous avez prise à la conclusion de la (Convention. Au contraire, le (iouvernement de Sa Majesté apprécie très hautement et approuve vos efforts zélés et infa- tigables pendant la durée des négociations longues et diffi- ciles qui [)récédèrent la signature de la Convention ; et le Couvernement de Sa Majesté regrette beaucoup que le point de vue adopté par les Associations Mercantiles dans ce pays

3lG REVISION DU TRAITÉ DE TIEN-TSIN

et en Chine du bénéfice probable de cette Convention, si elle avait été ratifiée, pour les relations commerciales entre les deux pays, n'a pas concordé avec celui que le Gouvernement de Sa Majesté avait espéré qu'il en serait pris\ »

La pilule, quoique dorée, était amère à avaler et, malgré les louanges du gouvernement britannique, le crédit de Sir K. Alcock ne se releva jamais de cet échec.

I. China, ii (1870). Further Correspondence wilh Chambers of Commerce y etc., respect ing the China Trealy Revision Convention. Présentée..., 1870. Lond., in-fol.

CHAPITRE XXII

NOUVELLE EXPLORATION DU TANG-TSEU. TRAITÉ AUTRICHIEN. J.-R. BROWNE - LE GÉNÉRAL VLANGALT

NOUVELLE EXPLOnATION DU YANG-TSEU, 18G9

En 18G9, '^ consul Robert Swinboe* fut cbargc d'une nouvelle explorai ion du Haut Yang-lseu. L*ainiral Sir Henry Keppel mit à sa disposition le navire de guerre Salamis sur lequel il s'embarqua le 8 mars àCliang Haï; trois jours plus tard deux délégués de la cbambre de conmierce*, Alexandre .Micbie, de Cbang Haï, et Robert Francis, de Kieou Kiang, partirent à leur tour pour rejoindre le consul. Les voyageurs (piittèrent Han kéou le 23 mars 1869, et arrivèrent le 26 à Yo-tcbéou, à rentrée du lac Toung Ting, 011 ils eurent quelques diflicul tés ; dès le i*'' avril le Salamis abandonnait le voyage à cause de son trop fort tirant d'eau et était rem- placé par V Opossum, commandé par le lieutenant J. E. Stokes ; Swinboe^ passait à Cba-si (3 avril) et arrivait à I-lchang le 9 avril. L'Opossum, faute d'un pilote indigène, ne continua [)as la route : Swinboi», Micbie, Francis, accompagnés de

1. China, 11» 2 (1870). Reports hy Consul Swinhoe of his spécial Mission up the River Yang-isze kiang, etc. Prescntccl.., 1870. Lond., in-fol. (C. 28.1

2. China, 11° 8 (1870). Report of the Delegales of the Shanghae General Chamber of Commerce on the Trade of the Upper Yang- Isze Ris'er. Presented..., 1870. in-fol. [175. ]

3. Swinhoc fut un naturaliste remarquable ; il est à Calcutta, le l'^f septembre i83G; mort à F^ondres, 28 octobre 1877.

3l8 XOUVELLK K\l»LOnATION DU YANG-TSEL*

clf'ux olliciors L. S. Dawson et F. I. Palmcr chargés des relevés, romontèrcnl le fleuve dans un baleau indigène jus- qu'à Tchoung King ils débarquèrent le 12 niai; le 27, ils étaient de retour à I-tcliang ils reprenaient YOpossnm pour rentrer à Ilan-Kéou (3i mai). Ils n'avaient éprouvé aucuno dilliculté dans leur exploration.

Le retard apporté à Touverture du Haut Yang-tseu rendit inutile cette exploration commandée par Sir Rutherford Alcock ; toutefois une manifestation fut faite par les négociant-s pour Touverture du Po-yang au commerce ainsi que de IIou Kéou, la pelite ville située à remlx)uchure de ce lac. 11 ne fut pas donné de suite au vœu exprimé; déjà en 1861, la délégation de la chambre de commerce de Chang Haï, qui avait accompagné Tamiral Ho})e et Harry Parkes dans le \ang tseu ', avait désigné Kieou Kiang comme port à ouvrir de préférence à Hou Kéou qui manquait d'abri naturel, et n'avait qu'un petit port artificiel utilisé par les canonnières ; les collines sur lesquelles était construite cette dernière ville étaient trop raides j)Our qu'on puisse y donner un dévelop- pement sullisant à im entrepôt commercial.

TUAITK ALTRlCniEN, 2 SEPTEMnilE 1869

Imitant l'exemple des autres puissances, le 2 septem- bre 18G9, r Autriche-Hongrie signait a Péking, en allemand et en chinois, un traité en 43 articles, calqués pour la plupart sur les conventions conclues avec les diverses puissances étrangères particulièrement l'Angleterre, la F'rance, le Dane- mark et la Belgique. Elle était représentée par le contre- amiral baron von Petz, l'un des combattants de Lissa, descendu à la légation d'Angleterre ; les i)lénipotentiaires chinois étaient

1 . Voir j). I i^-iiT).

TU\ITl': AITUICIIIK.N '^\()

Toiuig Siiin, iiieinbiocluTs()un«f li Yaiiioii etTcli'oung-JIoou. Le chevalier Karl von Srherzer, prolestaiil, aujourtriuii consul f^énéral a Gènes, fui \r principal conseiller de Taniiral Von Pelz clans ces né^mcialions. Le principal point litigieux fut la lil)erlé de conscience. « Le haron de Pelz demandait le droit de prédication pour les religions pratiquées en Autriche; le gouvernement chinois s'y refusa parce qu'il crut qu'il s'agissait d'introduire de nouvelles religions. Le baron de Petz insista inopportunément [)uis(pi'il pouvait à cet égard user de la clause de la nation la plus favorisée ; il essuya donc un refus et par conséquent un désavantage moral, car les (Ihinois ne cédèrent pas^ »

D'autre part, le baron von Petz demandait à choisir les consuls autrichiens parmi les négociants établis dans les j)orts: il fut obligé de prendre l'engagement de ne donner de juridiction judiciaire i\nl\ des consuls fonctionnaires. Il ne voulait pas com[)rendre que la clause de la nation la plus favorisée s'adf*essc aux avantages futurs et n'a pas d'clTet rétroactif. Lnfin il eut toutes les peines du monde à obtenir (pie les Chinois donnassent le litre d'empereur, 7'a l/onang- n\ à son souverain.

Le traité fut raliiié à la (]our mixte de Chang-Haï le 27 novembre 1871, par le Fan taï et par le chevalier II. de Calice, ministre à Péking et à To Kio et consul général à Chang-IIaï, qui s'él<iit rendu en Chine à bord de la cor- vette autrichienne Fasana^ capitaine Funk. Il était accom- pagné du célèbre diplomate, le baron de Iliibner, ancien ambassadeur (rAulricrhe à Paris, qui a laissé une relation agréable de son voyage". L'expédition autrichienne qui avait déjà visité la Chine dix années auparavant, lors de la circunmavigation de la frégate Xovani (3o avril 1857-

1. D"" Martin, liev. Extr. -Orient, II, p. 127.

a. Promenade autour du monde. Paris, llaclicllc, 187,3, 2 vol. iii-ij.

3aO NOUVELLE EXPLORATION DU YANG-TSEU

26 aoiU 1859), oi*g«'^nisa à Cliang-Haï une exposilion des produits de Tempirc ausiro-hongrois. Un consulat fut créé dans coite ville, dont le premier titulaire fut M. Rudolph Sclilirk puis M. Joseph llaas, plus tard consul général*.

Au siècle dernier, TAutriche était représentée dans le coni- nierce de Canton par deu\ compagnies impériales, celle d'Oslende, incorporée le 19 décembre 1722, dont la charte fut suspendue en 1727, pour 7 ans et aux dépens de laquelle s'établit en partie la compagnie de Suède ; celte compagnie d'Ostende éprouva d'ailleurs toutes sortes de malheurs, fit faillite en 178^ et termina son existence accidentée en 1793. L'autre compagnie impériale était celle de ïrieste, créée le 5 juin 1775, qui suspendit ses paiements en 1784.

J. KOSS BROWNE

Les Etats-Unis avaient donné, a Péking, comme succes- seur à Anson Burlingame, William A. Howard, de Michi- gan (11 mars 18G8), mais celui-ci refusa le poste et Ton nonmia envoyé exlraordinaire et ministre plénipotentiaire en Chine (11 mars 18G8) un vieux Californien', John Ross Browne, qui avait rempli dans son pays les fonctions d'agent spécial pour examiner la situation des Indiens, du Territoire de AVashinglon, et celles de commissaire des mines sur les- quelles il publia un méipoire remarquable. Je ne crois pas me tromper en disant que c'est lui qui avait engagé les ser- vices du baron F. de Uichthofon' comme géologue en Cali-

1. en 18^173 Pilson ; mort accidcnl<?llcraenl aux Tchousan, à l'île de Pon-lou, le 26 juillet 189G.

j. En vérilc. il était en 181 7 en Irlande.

3. Le baron Ferdinand von Hiclilhofcn, à Karlsruhe (Silésie), le 5 mai i833, avait fait partie de l'expédilion prussienne scientifique en Asie. Voir p. i35.

J. noSS UHOWKE 3^1

loriiic cl que ce fui sur ses indicalions que la Chambre de Coniuicrcc de (^liang-Haï, présidée par Edward Cunningliani, chargea ce savanl dislingué d'examiner pour son comple les dislricls miniers el en particuUer les gisements de charbon de la Chine. C'est dans les voyages entrepris dans ce but pendant les années 1869- 1870 que le baron de Kichthofen a écrit à la Chambre de Commerce de Chang Haï ses sept lettres * remarquables sur les provinces de Hou-Nan, Ilou-Pé, Ho- Nan el Chan Si, Tché-Kiang el Ngan-Ilouei, sur les régions de Nan-King el de Ïchen-Kiang, sur la rébellion du Kan- Sou et du Chen-Si, et sur les provinces de Tché-li, Chan- Si, Chen-Si, Se-lch'ouen, avec des notes sur la Mongolie, le Kan-Sou, le Yun-nan et le kouei-lchéou, et a réuni les maté- riaux originaux de son ouvrage sur la ChinCy vaste entreprise dont on ne verra peul-c^lre jamais la fin.

Mais Iloss BroxMie fui surtout journaliste* et il le resta pendant son séjour en Chine il laissa d'excellents souve- nirs et sa popularité fut grande. Sa mission diplomatique fui brève, il donna sa démission le 5 juillet 1869 ^^ ^^ ^^^ biographes* dit que comme ministre des filais Unis en Chine, sa position fut sans |)rofil |K»cuniaire, presque ruineuse. Je crois qu'il avait des idées trop indépendantes |x)ur sougou- Ncrnement el que son dé[>iul de Chine ne fut pas volontaire.

M. Ilochechouarl écrivait le i5 no>embre 18G8 : '

« Le ministre d'Amérique lui-méinc ne cache pas son désap- pointemeiil et parle de quitter Pékiiig, tant il trouve la situation insouteiiuble ; il est vrai de dire que M. Burlingainc avait |)eint lu Chine sous des couleurs tcllenienl favorables que la déception

I. Shaiig Haï, 1870-1872. 7 br. in fol.

a. Il a public un grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels je citerai : Etchings of a Whaling Cruise^ iSfJC ; Yusef, or the Journey of the Frangi, a Crusade ni the East ; An American Family in Germany : The Land of Thor, etc.

3. .Ilta Californîa, cilce par le North-China Daily News, aa jan- vier 187(3.

COUDIBR. I. ai

332 NOU\^LLE EXPLORATION DU YANG-TSEU

a été plus amère. M. Brownc croyait voir s'ouvrir devant lui et sans cITort toutes les barrières que jusqu'à présent personne n*a pu franchir ; il ne rivait qu'ouverture de mines, construction de chemins de fer, établissement de télégraphes et, en vrai Yankee, il avait amené avec lui parents et amis alîn de les faire profiter des premières aubaines. »

Il fut remplacé par un autre Californien, Frederick F. Lovv (nommé 28 septembre 1869), qui occupa le poste de ministre américain à Péking avec beaucoup de dignité et de courtoisie pendant la pério<le difticile 1869- 1874*.

LE GENERAL VLANGALY

L'année 1869 marqua également le départ de deux autres diplomates : Don Garcia de Quevedo, qui avait été nommé ministre d'Espagne à Péking en remplacement de Don Sini- baldo de Mas par la reine Isabelle, donna sa démission à la chute de sa souveraine (29 septembre 1868) et il remit ?i la légation de France les intérêts de ses nationaux. Il eut pour successeur M. Patxot.

Le ministre de Russie, Vlangaly, représentait avec Burlin- game Télénient pacifique du corps dijtlomatique de Péking :

« M. le (iénéral Vlangaly, écrit un diplomate, Péking, 10 mai 1869, nous a également quittés, remettant les affaires à M. But- zow, précédemment Consul de Russie à Ilakodadi. M. Vlangaly laisse un >ide à Péking : son caractère conciliant etjsa bienveil- lance naturelle lui avaient acquis restime et l'affection des Chi- nois et des Européens. Avant son départ fenvové de Russie a fait avec le Tsoung-li Yamen deux ou trois règlements impor- tants : deux, je crois, relatifs à des délimitations de frontières au ^(ord de la Mandchourie et an Nord-Ouest du Kho-Ko-noor et un relatif au transit des marchaiiflises par la Mongolie et s'oc-

1. 11 donna sa démission le jS mars i^y^-

ARR1YKES

333

cupaiit spécialement du thé dont le commerce menaçait de quitter la Sibérie par suite des charges énormes occasionnées par les droits de douane et les frais de transport. Ces règlements ont été tenus secrets, et jusqu'à présent nous n'avons pu nous en procurer le texte. »

ARRIVEES

Les nouveaux ministres d'Espafii^ne, M. Palxot, et d'Italie, le comte d'Ostiani, arrivèrent à Péking au milieu de 1870; ce dernier otlrit vainement son appui aux franciscains italiens. M. l'kint de Rodenbeek, l'ancien ministre de Belgique, re- vint à la même époque, comme représentant de Tindustrie liclge, pour offrir aux Chinois des chemins de fer, des ba- teaux, etc. M. Burlinganie avait fait miroiter aux yeux des petites puissances, Belgique, Danemark, Hollande, le désir de la Chine de faire des commandes de préférence aux nations ipii ne lui portaient pas ombrage. Le roi Léopold, avec son grand sens pratic[ue des affaires, n'eut garde de ne pas pro- titer de l'avis.

CHAPITRE XXIII

LE MASSACRE DE TIEN-TSIN

NOUVELLE DU MASSACRE DE TIE!\'-TSIN

Dans l'après-midi du lundi 27 juin 1870, à 2 heures, le vapeur Dragon ^ appartenant à la maison Jardine, Mathe- son & Co., jetait Tancrc dans la rivière de Chang-Haï et apportait de terribles nouvelles de Tien-Tsin : une popula- tion furieuse avait massacré le consul de France, les sœurs de charité, plusieurs Français et incendié le consulat, la cathédrale ainsi que la maison des sœurs. Le massacre avait ou lieu après le départ du Dragon qui avait été rejoint a Takou par un cavalier envoyé en toute hâte ; le vapeur s'élait à peine arrêté à Tché-Fou, ayant continué son voy.ige inmiédiatement sur la demande du consul anglais W. F. Mayors. Inutile de rappeler que le télégraphe n'existait pas encore entre les |)orls du Nord et Chang-Haï.

Los résidents étrangers convoqués aussitôt, formèrent deux corps de volontaires : Tun cosmopolite, Tautrc français"; in- fanterie, cavalerie, artillerie, toutes les armes furent repré- sontées. On retrouva dans les magasins de la municipalité française trois pièces de canon hors d'usage qui avaient fait la ciunpagne de 1860 ou la guerre dos T'aï P'ing ; elles ne firent du mal qu'à ceux qui les servirent et l'un des jeunes artilleurs ' improvisés eut la main fracassée par une explosion

I. M. Léon Hougclot, inspecteur des Messageries impériales.

NOUVELLE Df M\SS\r.RE DE TIEN-TSIN 3:i5

préinahiréc; nous étions armés de chassc|X)ls do rebul, et rVst miracle que quelqu'un dVnlre nous n'ait pas été tué pendant Texercice par \m camarade maladroit ; les Anglais étaient armés de fusils Snider.

Le Dragon porluit une lettre du lieutenant May, com- mandant V Opossum à Tclié-fou. au commandant Charles J. AA'alker du Dwarfh, Chang-llaï ; ce dernier reçut du consul anglais W. II. Medluirst Tordre d'appareiller immédiatement pour Tien-Tsin. Pareil ordre était donné à la Flamme par le comte Méjan, consul général de France» * ; d'autre part, la maison américaine Russell & Co. mettait à la disposition des consuls le vapem- S/ianiung |KHir porter à Tien-Tsin des hommes de la police: dix anglais et cinq françtiis. Avis était donné également aux commandants de la station na- vale du Japon se trouvait le chef de l'escadre française, le contre-amiral Dupré.

On imagine aisément les nouvelles alarmantes qui circu- laient en >ille : les Chinois étaient en roule pour détruire les légations étrangères de Pé-king ; le chargé d'aflaires de l^ance, comte de Ilochechouarl*, avait été assassiné à Ilo-si- >vou ; le mardi 12 juillet, on annonçait que dans la nuit la

I. Méjan, fùigcne Auguste, comte, n6 le i*"" janvier 181 '1 à Milan; v\i'\c consul, 3/1 septembre 1837; attaché à la mission du baron (:vros à Bogota, la mai i838 ; au consulat général do Barcelone, a novembre 1843 ; gérant du consulat de l*alma, 19 avril i8V» ; de Moscou, i*'"" oc- tobre 18^5 ; consul de a*' classe à Stettin, 11 décembre 18^6; à Manille (mais n'occu|)c pas ce poste), 3 mars 18^9; à Leipzig, i5 juin 18/19; consul de i»*"' classe, aa novembre i85ii ; k la Nouvelle-Orléans, aa juin 1806; consul général et chargé d'aflaires à Port au- Prince, l'i janvier i865; consul général à Chang-llaï. 3 avril 1809; ^ 1^ Havane, aa mai 187a; mort à la Havane, le a3 novembre 1874 ; chevalier do la Légion d'honneur, l'j mai i85o; oITicier. aa juin 186a.

a. Outre M. de Rochechouart. il v avait à Péking au moment du mas- sacre, MM. Fourierde Bacourt, secrétaire (arrivé à Péking le 10 août 1869), G. Devéria et P. Kistelhuelier, interprètes, le médecin de la légation, \y Martin, Anatole Billequin, professeur au T'oung Wen Kouan, et le vicomte d'Arnoux, employé dos Douanes.

Sa 6 MASSACRE DE TIEN-TSIN

concession française sérail brûlée et IVglise Saint- Joseph du Yang-king-pang détruite, aussi les volontaires patrouillè- rent-ils jusqu'à cinq heures du matin ; une fêle indigène ayant lieu le i8, on devait se préparer à repousser une at- taque des Chinois qui seraient si'i renient surexcités, mais le i5 les bâtiments de guerre commenraient à arriver: VAshiielot (américain) et le Barrosa renforçant le Zchra (anglais) ; le 17 paraissait le Coctlogon,

On racontait que les sœurs de charité avaient été massa- crées à Canton, el le consul américain aurait été assassiné à Tchen-Kiang en revenant de Chang-IIaï; le l.evcn (anglais) était envoyé pour protéger Ning-Po; les soldats chinois campés aux collines marchaient sur Chang-llaï ! Du bruit ! du bruit ! et encore du bruit î heureusement.

Le Shantung vQ,n{\Q à Chang-IIaï le samedi 1 6 juillet ap- portait la nouvelle que le vice-roi Tseng Kouofan était arrivé à Tien-Tsin et allait commencer une enquête.

COIP n'oKlL RÉTROSPECTIF

Avant de parler du massacre de Tien-Tsin qui eut lieu le 21 juin 1870, jetons d'abord im coup d'œil en arrière.

Depuis longtemps les passions po|)ulaires étaient surex- citées contre les étrangers en général el les missionnaires en particulier. Toute tentative de réforme était considérée comme sacrilège ; les efforts mêmes |)()ur améliorer l'édu- cation chinoise si arriérée, et faire pénétrer dans la nation quelques-unes des notions scientifiques qui lui manquent complètement étaient dénoncés connue des innovations dan- gereuses, témoin cette supplique adressée au Trône par un Ministre de la Cour pour que F empereur éloigne du T'oung Wen Kouan les professeurs européens chargés d'enseigner

SUPPLIQUE A L*EMPEREIK 3^7

les mathénialiqucs, Tannée même (1867) * des réformes proposées dans ce collège :

SUPPLIQUE A l'eMPEUEUR, 20 MARS 1867

T*oung-tché, 6* année, a* lune, 1 5*' jour (aomars 1867).

Ce discours, cette supplique révérentieuse en la sainte présence de Votre Majesté, a été dicléc par la crainte que l'admission des Européens à enseigner les mathématiques et Tastronomie ne de- vienne pour nous, avec le temps, la source de grands maux. J'ai >u l'adresse envoyée à l'Empereur par Tchang Clieu-tsao. écri- >ain du palais ; il dissuadait d'établir des cours de mathématiques. L'Em|KTeur avait déjà ordonné de préparer le palais T'oung-Wen- Kouan pour l'école d'astronomie. On a toujours regardé, en elTet, comme étant du devoir de nos philosophes de connaître les sciences mathématiques ; mais il ne faudrait pas croire que ces sciences font partie des arts libéraux et de l'industrie. Elles sont, il est vrai, comprises dans les six arts libéraux ; de fait, cependant, elles sont du domaine des philosophes et sont bien au- dessus des autres sciences, comme le remarque très bien le décret sacré.

Selon ma vile opinion, ces sciences, pour le moment, n'ont aucune utilité pour nous : elles nous sont au contraire très nui- sibles. Qu'il me soit donc permis d'ex|)oser ce que, après un long examen, j'ai cru nécessaire de dire.

J'avais toujours pensé qu'un bon gouvernement était basé sur l'ordre et la justice et non sur la puissance et la fraude, (|ue le point principal pour la conservation de l'Empire consistait dans l'amour du peuple et non dans les arts; et voilà que maintenant, pour perfectionner un seul art. on invite des maîtres barbares ! Je neveux pas aflirmer (|ue ces barbares si fourbes ne livreront pas entièrement leurs secrets. Supposé qu'ils enseignent tout parfai- tement et que leurs disciples mêmes parviennent au sommet de la science, nous n'aurons jamais que d'habiles calculateurs ; mais depuis le commencement du monde, il est inouï qu'un homme, ne se confiant que dans l'art du calcul, ait jamais pu

I. Voir supra, p. i63.

SaS MASSACRE DE TIEN-TSIN

donner du courage aux faibles cl éclairer les ignorants. D'ailleurs sous la voiile immense du ciel, il n'est pas croyable qu'il ne se trouve aucun liomme capable dans cette science. Si donc la con- naissance de l'astronomie est absolument nécessaire, qu'on cher- cbe partout et on trouvera des gens capables de perfectionner cette science. Qu*est-il besoin des Barbares? Pourquoi les pren- dre pour maîtres? Ce sont nos plus grands ennemis.

En effet, la lo' année de l'Empereur Ilien Foung ils ont viole notre ville capitale, envabi les domaines impériaux, ruiné les temples de nos ancêtres, brûlé nos palais, pillé les habitations des grands et du peuple •. ^otre dynastie, depuis plus de deux cents ans,avait-elle jamais reçu un tel affront? Aussi, parmi les docteurs et les grands, il n'en est aucun qui, dans son cœur, ne soit animé contre eux de la haine la plus violente. Cependant notre gouver- nement a fait un traité avec eux ^ î C^ommenl une telle honte, de telles inimitiés ont-elles pu s'oublier en un seul jour? Le traité conclu, la religion de Jésus a pris un accroissement im- mense dans tout l'univers^. Une partie du peuple ignorant a été séduite; parmi eux il y a même des lettrés et des docteurs qui sont maintenant les soutiens de la sexrte, eux qui devraient sou- tenir et défendre la saine raison, rectifier les jugements des hommes et ramener au sentier de la vérité les gens corrompus. Bien plus, cette secte a gagné aux Barbares ceux mêmes qui par leurs talents, leur intelligence, leur élégance d'esprit avaient mé- rité d'être instruits aux frais du gouvernement, et en qui repo- saient toutes les es|M»rances de l'empire. Voilà pourquoi la vérité opprimée disparaît, tandis que l'erreur va toujours croissant. El c'est |5ourquoi je crains fort que. si dans (pielques années, tous les habitants de la Chine ne sont pas chassés de leur pays, ils nesoient au moins sous la domination des Européens. J'ai lu avec un reli- gieux respect les paroles que le très-clément Empereur, votre très- sacré prédécesseur, adressait aux neufgraiidsdocteursde l'empire*: « La Chine, disait-il, avant peu d'années, sou IVr ira certainement de graves douunages des royaumes d'Europe ». J'ai lu, dis-je, et j'ai compris que l'Empereur, dans sa sainte sollicitude pour l'avenir, bien qu'il ait mis à profit les arts des Eurojiéens, les détestait cependant et les haïssait en réalité profondément. Il y a

1. Expédition de i8(>o.

2. Péking, af) octobre 1860. 8. Dans toute la Chine.

AFFAIRES DU ROl\NG TOUNG 33(^

si lonp:lenips déjà que lo inonde est tombé dans la corruplionî Poiirra-t-il jamais se relever ?

On dit que les Barbares ont de la haine contre les lettrés parce que ceux-ci repoussent leur religion. Je crois donc qu'ils ne pour- ront jq^prendre parfailement les mathématiques sous les maîtres qu'on a choisis, probablement ils seront induits en erreur et deviendront dupes des Barbares.

« Proslerné devant Votre Majesté, je la supplie de donner aussitôt un édit qui annule le décret précédent et conjure de la sorle tous les malheurs qui nous menacent : alors, sans aucun doute, la prospérité reviendra dans l'empire et la félicité dans le monde * . »

Mais les grosses difliciiltés furent suscitées par le règle- ment des multiples affaires religieuses qui surgissaient dans presque (ouïes les provinces de la Chine. Elles ne contri- buèrent pas peu à récœurement du ministre de France, le comle de Lallemand.

AFFAIHES nr KOI ANG TOI Xi

Dans le Kouang-Toung, M. Verchèrc " était arrêté h Tayong (octobre 18G7) ; en août 1868, M. Dejean' faillit être vi( lime d'une émeute populaire ; le 2/1 décembre 1868, dans le district de Loneitchéou, Tabbé Delavay * est blessé, sa chapelle détruite, une centaine de chrétiens sont plus ou moins blessés et sept ou huit tués. Au mois de juillet 1869

I. Missions catholiques, IV, p. ii5; la supplique est datée a iriV par erreur au lieu de mars.

•2. Verchère. Philippe-Jean- Marie, miss. élr. de Paris, du diocèse d'Aulun ; parti pour la Chine le 16 mars i863.

3. Dejean, Jean- François-Joseph , miss. élr. de Paris, du diocèse do I^yon, parti pour la Chine le i5 mai 1867.

'i. Dolavay. Jean-yfarie, miss. étr. de Paris, du diocèse d'Annecy, parti j>our la Chine, i5 juillet 18O7; mort à Yun-nan fou, 3i décembre i8()5. Ce fut un botaniste distingue.

33o MASSACRE DE TIEN-TSIN

une accusation, semblable à celle qui sera dirigée contre le^ sœurs de la charité à Tien-Tsin Tannée suivante, est portée contre une chrétienne qui est arrêtée et torturée « sous prétexte qu'elle exerçait la magie sur déjeunes enfants, leur arrachant les yeux, la moelle des os, même Vdme pour en faire des remèdes. » *

LE COMTE DE LALLEMAND

« Le ministre de France a Péking, cbmtede Lallemand, * é(Tit le D*^ Martin ', qui fut le médecin de la légation à répoque de ce diplomate, arriva à son poste au mois de mai 1867 ^^ '^ quitta le G* novembre 18G8, laissant la gérance au phis ancien secrétaire, M. de Rochechouart, et lui conseil- lant la modération vis-à-vis du Tsoung-li Yamen.

« Bien que ses relations personnelles avec les ministres chinois eussent toujours été courtoises, il s'en allait, fortf>eu satisfait de leur attitude et de leurs procédés. Depuis l'échec de Corée, leur hostilité éclatait en toute circonstance ; M. de Lallemand eut beau presser son département de ne pas lais-

I. Missions catholiques^ 11, p. Saa.

a. Lallemand, Marie-Charles- Henri- Albert (comte de), m; à Besan- çon le 1 1 mars i8aa ; entre au Département au commencement do i8^5; attaché à rambassado de Constantinople. 17 février i8.'i5 ; à la mission de M. Eugène Bore, dans lo Liban, septembre 18^7 ; second secrétaire à Saint-Pétersbourg, 26 janvier i8/|(j ; sccréluirc de légation à Dresde, 20 février i85i : à Bruxelles. 3 mai i855 ; secrétaire de i""^* classe, 3o août i856 ; maintenu secrétaire à Bruxelles, i3 septembre i856; !<*•' se- crétaire à Constantinople, i3 mars 1867 ; chargé d'affaires spécial à Rome, à la fin de 18Ô2 ; y reste six semaines; ministre plcni])olentiaire, i3 oc- tobre i863; envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire en Chine, 28 novembre 1866; chevalier de la Légion d'honneur, décembre i85i ; commandeur, 7 novembre 1866.

3. Revue de V Extrême-Orient, H, p. 89.

!\. Lire le 7 novembre; il remit le 5, le service à M. de Rochechouart; il s'embanjue à Tien-Tsin pour Chang-Ilaï, sur V Aspic.

AFFAIRES DU SE-TCll'oLEN 33 1

sor ralTairc dv Corée : il clail décide à Paris qu'on ne s'en occuj3erail plus.

« Il eut aussi à lutter contre la mission Burlinganic ; niais de ce côté il ne trouva pas un appui efTicace de la part de ses collègues. La mission fut reçue à Londres par lord Cla- rendon, et le ministre de France vit dans ce résultat des conseils de sir Rutherford Alcock un coup fatal pour les légations. »

A ces causes de mécontentement du comte de Lallemand, il faut ajouter la non remise de ses lettres de créance, Tin solence à son égard du prince de Koung, sa mésintelligence avec l'Amiral Hoze; le ministre de France eut de meilleures relations avec le successeur de ce dernier, l'amiral Ohier. M. de Lallemand avait demandé son congé, dès le 3 avril 1868, pour des raisons de santé, à cause de sa mauvaise vue et[)our le règlement de ses affaires, disait-il.

AFFAIRES DL SE-TCH OtE>

Dans le Se-tch'ouen oriental, l'abbé Rigaud * fut massacré h Yeou-jang-tchéou le 2 janvier 1869 et sa résidence pillée et incendiée ; cette mission avait été créée quelques années auparavant par l'abbé Mabileau* (successeur de M. Eyraud), qui y avait également trouvé la mort trois mois après son arrivée (29 aoiH i865). Le vicaire apostolique, Mgr Des- llèclies ', écrivait aux directeurs du Séminaire des Missions

I. lUgaud. Je(in-François,,nà à Arc ct-Scnans (Franche- Comté), du diocèse de Bcsanvon ; miss. ctr. de l'aris ; parti pour la Chine, 3i mars 1862.

fi. Mahilcau, François, le i^*" mars 1829, à Paimbœuf, diocèse de .Nantes; miss. étr. de Paris; parti pour la (]hine, ai mars i858.

3. Destlèches, /oseph-Eugène-Jean-Ciaude, à Jonage, dioc. de Grenoble. i3 février iSii, miss. étr. de Paris, 1837; parti i5 mai i838

33a MASSACRE DE TIEX-TSIN

cirangères le i3 février 1869 : « Les désastres de Yeou-yang- tdiéoii sont dus à la connivence des mandarins et de leur entourage, car il était facile à ceux-ci de prévenir ou d'arrê- ter ces désordres qui heureusement n'ont pu s'étendre hors du département '.

Le D*" Martin donne les documents suivants * relatifs à ces affaires du Se-tch'ouen :

Dépêche adressée par le inarcclial Tsoung envoyé par le gouver- nement au So-lch'ouen au sujet des affaires religieuses : cette dépèche a été communic|uéc à la légation de France en décembre 1869:

« Après les scènes d'incendie et de massacre cpii eurent lieu à Tche-fan-tsi entre la population et les chrétiens, la situation ayant empiré, le gouverneur du Se-tch'ouen délégua le préfet surnumtv raire de deuxième classe Tseng Chouan-tao. Le Tao-tai délégué, Chi, lui transmit des instructions verbales. Accompagné d\mc suite nombreuse d'officiers civils et militaires et de soldats, Tseng Chouan-tao pénétra dans la chrétienté fortifiée de Tche-fan-tsi il rencontra le prêtre chinois Tann.

« Ce dernier, sur les représentations qui lui furent faites, fit désarmer et détruire les fortifications et licencier les défenseurs. Sur ces entrefaites, le Tao-tai, Chi, dont le caractère conciliant est connu de toute la population de Yeou-yang-tchéou, arrivait dans le district et y rétablissait l'ordre.

« On distribua des secours sans distinction de religion à tous ceux qui avaient souffert et on prit des mesures pour prévenir de nouvelles incursions des brigands.

« L'évêque Desilèches montre en vérité une grande partialité envers les chrétiens qu'il protège: le Tao-tai, qui l'a vu à son retour, prétend que ce missionnaire a fait avec lui preuve de plus d'éloquence que de raison ; en un mot cet évêque accuse de men- songes les rapports des autorités locales et s'acharne à impliquer dans les affaires le notable Tchang Pe-tcho.

pour le Sc-tch'oucn ; évoque de Sinite; vie ap. du Se-tch'oucn oriental, i85G ; archevêque de Glau<lianopolis ; mort au sanalorium de Montbelon, près Montauban, 7 novembre 1887.

I. Missions catholiques, il. p. 139.

3. Ue\'uc de L'Exlième-Oricnt, 11. p. 127.

AFFAIRES DU SE-TCn'oUEN 333

a Si rcvéquo pouvait nous aider h arrêter ceux des siens qui sont les instigateurs du meurtre des miliciens el autres, tandis que de notre côté, nous nous appliquons à arrêter les instigateurs du meurtre des chrétiens, nous jx)urrions aisément trouver leurs complices, faire justice et aplanir les dillicultés ; mais il est loin d'en être ainsi et quand l'évéque écrit à la légation, il raconte l'histoire à sa façon.

« Les étals des pertes supportées des deux côtés par les popu- lations de Yeou-yang sont les suivants :

« Procês-verbal n" i (Janvier 1869). Le cadavre de l'abbé Higaud a été trouvé dans l'Rglise. Le crâne était fracturé et cal- ciné ainsi que les cpiatre membres : la femme lïoang-çan-ko dé- clare a\oir ouï dire que la tête a été jetée au feu après décollation. Dans les décombres on a trouvé 39 corps de l'un et l'autre sexe et on sup|)ose que ce sont ceux de clirétiens chinois venus h l'ofïice ; ils [)ortenl des traces de coups de sabre ; quelques-uns n'ont pu être recomius.

« Procès-verbal n" 3 (Janvier 18C9). 34 miliciens et. autres non chrétiens ont été trouvés morts après une cérémonie du culte chinois ; /|/| |x»rsonnes ont été blessées.

« Procès-Ncrbal ii*^ 3 (Avril 1869). Il comprcnd'la liste des gens tués par les chréiiens sous la conduite d'un prêtre indigène appelé Tann. Il \ a 1 13 hommes et iG femmes ; quelques corps ont été enlevés en cachette.

« Procès-verbal n" 4. - H comprend la liste des gens tués par les chrétiens conmiandés par le prêtre Tann : il \ a i() cadavres dont huit mis en j)ièces : 3 fenunes violées et une brûlée dans riiuile.

V Prmvs-verbal n** 5 (T** mars et r3 avril). Il mentionne le nombre des maisons incendiées par les chrétiens commandés par Tann : ce chilîre s'élève à loô formant 800 chambres : il > a 700 |K*rsonnes lésées à divers (h^grés. »

Adresse des notables et des popiuntions de Yeou-Yany.

« Depuis la conclusion des traités entre la Chine et la France, la religion catholique a pénétré dans toutes les provinces et la tranquillité pul)li(]ue n'a f)as été troublée, sauf auSc-tch'ouen l'éxêque Desllèches fait des prosélytes sans discerner les bons des mau>ais: ces derniers commettent des exactions et ce que Tévê- que souhaite par-dessus tout, c'est de les voir devenir l'occasion

334 MASSACRE DE TIEN-TSIX

d'affaires lucratives. Ainsi |X)ur Téglise de Tchoung-kîng, il a été pavé une indemnité de i5oooo taêls (près de 2 millions de francs) : A Yeou-tchung, au sujet du meurtre de l'abbc Mabileau par Lao-ou, ce dernier a été condamné à mort et on ne se tiendra satisfait chez les chrétiens que quand ils. auront reçu une indemnité de 80 Oûo taëls !

« Ce qui est le plus révoltant, c'est que le riche notable Tchang Pe-tcho qui ferme Foreille et sa porte aux propos malveillants, est accusé par Tévéque Desiléches cherchant à l'impliquer dans le procès alîri d'en tirer de l'argent ; c'est un système de chan- tage que nous payons de notre sang et de nos sueurs. Ainsi, les chrétiens nous suscitent partout des embarras à son instigation en vue d'un gain.

« L'an dernier à Yeou-yang-tchéou, s'éleva une rixe entre les chrétiens et nous : il y eut des morts de part et d'autre ; la famille chrétienne Lung-siou-yuan était sur le point de s'allier à la famille des (]hou-yong-laï par un mariage ; mais ce projet fut brisé d'une manière humiliante pour cette dernière qui fut dépouillée de ses biens et vit ses maisons incendiées.

a Le peuple s'indigna, les milices se soulevèrent ; des deux cotés il y eut des morts et des blessés. Les notables voulurent s'interposer pour calmer les partis; ils allaient réussir quand un chrétien, Tann, se mit à la tète d'une troupe de bandits, nous altaqua h deux reprises en féxrier et en août ; nous nous étions dispersés sans armes, lors(|ue nous apprhnes la nouvelle d'une tuerie de plus de deux cents honnnes et d'actes horribles de cruauté. Si nos doléances ne sont pas prises en considération, il iw nous reste plus qu'à prier le Ciel de nous venir en aide.

AFFAIHES DU IIOU-PE

M'^'* Zanoli *, franciscain, vicaire-apostolique du Hou-Pé, écrivait * :

« Dès le premier mois de 1869, le vice-roi, déjà connu pour ses sentimonls hostiles au christianisme, a porté un édit contre

I. Zanoli, Eustache Vite Modeste, à Morbirazzo, de rEmilie, 19 mai i83i ; mineur réformé ; é>t^quc tl Eleuthoropolis. a. Missions catholiques, ÏIÏ. 1870. pp. 3o3-;4.

AFFAIRES DU KOUEI-TCHÉOU 335

toutes les sectes et religions mauvaises, et surtout contre celles <|ui corrompent le peuple et enlèvent les enfants. Peu de temps après, le bruit s'est répandu rjue les Européens avaient envoyé ici des personnes qui rendaient les enfants hébétés par des procédés magiques, s'en emparaient et les leur remettaient. Les Euro- péens, ajoutait-on, se nourrissaient de la chair de ces enfants et se servaient de leurs crAnes pour des expériences physiques et de leurs veux pour faire des lunettes. Ces bruits prirent une telle importance que, dans le voisinage, la populace se rua sur une maison quelques Anglais s'étaient réunis pour un repas, les accusant de manger des petits enfants : heureusement que les convives, assez nombreux, purent faire bonne contenance. »

Nous verrons de semblables accusations être portées con- tre les Européens à Tien-Tsin, Tannée suivante \

AFFAIRES DU KOIEI-TCHEOU

Dans le Kouoi-tchéou, le 1 4 juin 1869, les églises et les élablissenienls chrétiens étaient saccagés à Tsen-y fou et Tabbé (jilles* battu fut arrêté; le 1 3 août suivant, il suc- combait à la suite des mauvais traitements qu'il avait subis. Ln plan de destruclion des chrétiens de Tsen-y, rédigé en dix articles, était formé par les habitants de celle ville et de la campagne environnante, et au mois de mars 1870, le P. Lebrun *, se rendant de Toung-tseu à Kouei-Yang, fut attaqué le 5 dans le village de Sin-tchan et affreusement maltraité, mais il put néanmoins atteindre le but de son

I. Voir Médical Superstitions an IncentiK'e to Anti-Foreign Riots in China. By D. ,1. Macgowan. (^NorthChina Herald^ July 8, 1893, pp. Oo-a.)

3. Pierve-Étienne-Amédée Gilles, le i*" avril 1839 à Valréas (diocèse cr Avi^mon) ; entré au séminaire des Missions étrangères. 20 sep- tembre 186^1; parti pour le Se tcirouen 1 5 septembre i865; passa au Kouei-tcliéou en 18G8.

3. Lebrun, Jean, du diocèse d«* Tulle; miss. élr. de Paris; parti pour la Chine le i5 mars i864.

336 MASSACRE DE TIEN-TSIN

voyage. D'autre part le prince Koung se plaignait à M. de Rochechouart, que le vicaire apostolique de la province, M*"* Faurie\ outrepassait ses droits en corresj)ondant di- rectement avec le Tsoung li yainen, en demandant la grâce d'un tao-taï destitué, etc. ; il est incontestable que ce prélat par ses exigences et ses imprudences causa, dans son ardeur inconsidérée, à diflerentes reprises de grands soucis à la lé- gation de France, et il est fort heureux, dans TinUWt même des missionnaires, que M*"" Fauric» n'ait pas eu beaucoup d'imitateurs parmi ses collègues.

PLACAUD DU nOl-!SAN, 1 8G9

En septembre 18C9, ""^ placard incendiaire était mis en circulation dans la province de Ilou-Nan ; en voici quelques passages caractoristi(|ues * :

« Fïélas ! dos discours dépravés gagnent jonrnellenienl du ter- rain, et les principes justes gradnellonienl s'évanouissent ; les doctrines étranges progressent avec [)er\ersité et les esprits di*s gens sont tous en agitation.

V (^uant à ces chiens d'Anglais insubordonnés qui vivent sur un misérable banc de houe dans l'Océan, et sont gouvernés tantôt par une femelle, tantôt par un niAle, leur caractère propre est moitié humain, moitié animal, décrit dans les annales des îles comme le « Reptile nu » et appelé en Chine Têjln^.

« Sous le gouvernement des Ming*, ils firent peu de progrès.

1. Faurie, Louis ^ \o 1 3 juin 1824, «'ans lo diocèse do Bordeaux, à Monséjrur ; rvt^jjuc d'Apollonio ; vie. ap. du Kouei-lcliëou ; mort 18 juilhît 1871 à Kon)-fou dans le Sc-tcl»'oucîn orionlal.

2. NorthChiiia Herald. 2() soplembro i80r).

3. Sorte d'/chthyanthropos^ un monsln? do la trihu des Silurien». (Nolo du X. C. Herald.)

!\. Dynastie chinoise unloriouro aux Mandchous, qui a régné de i368 à iGV».

I»LAC\RD Dl" IlOU-NAN 31^7

Dans la piTiotlo Siien Tv (i4îj0-i/|35) Mallco Ricci *, Jules Alcni ^ v\ d*autrcs introduisirent les premiers leur religion nationale de J«''su8. le Seijj;neur du (]iel, induisant en erreur le peuple. Dans ce temps-là, il > avait quehpies hommes intelligents cpii secrète- ment prirent part à leurs agissements, jusqu'à ce que IVmpe- reur ayant reçu un mémoire [K>ur expulser les intrus, ils furent forcés de retourner dans leur propre pavs.

a Notre dynastie poussant à l'extrême sa bien\eillance pourles gens \enus de loin, leur permit d'ouvrir le commerce à Canton c»n 1775. Maintenant notre souverain sacré n'entretient pas de ])ensé(?s au delà, ni n'en attend aucun avantage. Qui aurait ]ni s'imaginer le caractère insondable de leurs cœurs de loups : l'a - bîme de leur nature cupide est dillicile à remplir : ils ne font pas attention à la surabondance des faveurs qu'on leur octroie, mais au contraire, donnent un libre cours à leur imagination sauvage et insensée.

« Ceux qui sont >enus pour [)ropager la religion, trompant et égarant les masses ignorantes, impriment et font circuler des compositions dépra\ées, osant par leurs extravagances décevantes de relâcher les liens établis de la société, complètement sans regard de toute modestie. Tout d'abord, quand ils craignaient que le peuple les attaquât, ils répandaient leurs principes en privé; mais maintenant en tous lieux, ils avancent leurs idées, prati(juant délibérément leurs perversions en plein jour; le trouble et le désordre pénètrent de toute part et les sentiments du peuple sont dans une agitation incessante. ()uand la conflagration a com- mencé, où finira la calamité? Si le jeune serpent n'est pas écrasé, (pie pourrfi-t-on faire a\ec le reptile entièrement développé? Pour- (|Uoi hésiter ou retarder |)onr l'écraser mortellement? Nous mar- <pions ici quelques-uns des principes réprouvés de ces individus.

« Premièrement. Le Ciel est un et indivisible, gouverné par Dieu *, un nom qu'ils ont changé en Seigneur du Ciel* dont

I. Li Ma-teou, à Macerata le 0 octobre i5.")3 ; arrivé en Chine en i583; mort à Péking h^ ii mai i()io; fondateur do la mission des Jésuites dans celle vilK;.

a. ygai Jou lioy S. J., à Brescia en lôSa ; arrivé en Chine en iGi3 ; mort à Fou-lcliéou en août i0'i9.

11 y a donc erreur dans la pério<le citée.

3. Chang Ti.

!\. T'ien Te lion.

CoRDiER. I. aa

338 MASSACRE DE TIEN-TSIX

ils font Jésus la personnification. Si nous examinons Thistoirc de Jésus, nous trouvons (|u'il naquit la deuxième année de Youen clieou, |)endant le règne de l'empereur Ngai de la dynastie Ilan. Mais avant Youen clieou, le Ciel était-il réellement un trône va- cant, attendant un occupant? ou était-il gouverné par une autre |>ersonne; comme les générations successives des six dynasties P ^

A cette proclamation, furent ajoutées des notes marquant « les coutumes les plus pernicieuses des étrangers ' » :

« I . Les sectaires de cette religion n'honorent pas leurs ancêtres ni les pouvoirs spirituels, le seul esprit qu'ils adorent étant Joss ^. Ceux qui officient dans le culte sont les jièrcs de la secte et sont ap[)elés les messieurs noirs. Quand quelqu'un em- brasse la foi, ils le font jurer que son corps vient de Joss; et ii doit en premier détruire les tablettes de ses ancêtres pour mon- trer la sincérité de son cœur. Hélas I ils coupent leur propre ra- cine. Quand la racine est arrachée, les branches et les feuilles doivent inévitablement périr.

3. Le baptême est une loi de cette religion. Pour Taccom- plissement de ce rite, ils prennent les cadavres des prêtres* et des supérieurs, cpiisont bouillis pour en faire un onguent ; celui-ci étant mélangé avec un médicament stupéfiant de malsaine in- fluence, l'application en est accompagnée par un charme, sous la direction du père spirituel. Quand le néophyte a terminé son serment, le liquide est versé sur sa tête. Un peu de ce dernier est aussi versé dans de l'eau et on le lui donne à boire, ceci étant appelé de l'eau purifiant le cœur. De cet instant, il a un petit enfant dans la poitrine, qui s'attache au cœur ; et quoi qu'il puisse être sévèrement puni et amèrement exhorté, il tient à sa l'olie dépravée d'une fa^on tenace prêt à souffrir la mort plutôt que de changer. Donnant à ceci un joli nom, ils l'appellent le cœur de Boddhisatva ■'. En vérité, la chose est inexplicable. C'est

I. Wci, Ts'i. Liang, Tch'cn, Tchoou, Soui.

3. y. C. Herald, octobre 6, i806.

3. Pid^in En^lish pour Dieu.

(\. Pa-li, Padre.

5. Bu(l(lli.i pn'dcsliné.

PLACARD DU IIOU-NAN SSq

comme un homme mordu par un chien enragé, dont l'esprit ani- mal étant complètement transformé, un plus petit chien se pro- duit en lui ; la chose est analogue dans le cas en question.

3. Les adhérents de cette religion, quoique originairement sains d*esprit, devieiment certainement fous, après avoir prêté serment et bu de IVau. Premièrement, ils prennent alors la ta- blette des ancêtres et la brisent en mille pièces ; ensuite, ils atta- ({uent toutes les idoles : après quoi, ils rasent jusqu'au sol chaque temple (jui est en leur pouvoir. Mais ce qui est le plus extraordi- naire, c'est que la rapidité avec laquelle la folie fait son effet, dépend de la distance à laquelle un homme se trouve de chez lui. S'il est en vovage d'un ou deux jours, la folie apparaît au bout d'un jour ou deux. S'il est seulement à un jour de vovage, la folie prend place après un jour. Cela est sur d'arriver quelques heures après qu'il arrive à domicile : c'est une méthode ingé- nieuse pour détourner le peiq)le.

(Les /|*, f)* et G* articles sont trop obscènes pour être imprimés).

7. --- Quand un membre de cette religion est sur son lit de mort, plusieurs de ses coreligionnaires viennent et éloignent ses parents pendant qu'ils lisent des prières jK>ur son salut. Le fait est, (pie tandis que le corps respire encore, ils enlèvent les veux et arrachent son cœur, cpi'ils emploient dans leur pays pour fabriquer de l'argent faux. Après cela, ils enveloppent le cadavre dans lïn drap et laissent les membres de la famille rem- plir 1^ rites funèbres. Car, ils disent que le principe de l'intel- ligence humaine est dans le cœur, et l'elîicacité subtile des vis- cères dans l'œil ; tant que l'hounne est encore vivant, ils lisent des prières pour lui, ce qui lui assure son admission dans le ciel ; et quant à son corps, ce n'est plus qu'un tabernacle brisé. Com- ment peut-on no pas déplorer cette profanation d'un lit de mort. (|ui devient une injure personnelle pour soî-ménie !

8. - En attirantes gens dans cette religion, ils comptent en jiremier sur de l'argent ; la victime ne sachant pas cela, qu'en recevant leurs richesses, elle accepte leurs injures. (îela lui im- porto [>eu (|u'en étant vendue dans la création des brutes, elle soit volontairement classée ainsi, si elle peut ainsi obtenir quel- (|ue argent comptant ; en sorte qu'en convoitant un peu de leurs richesses, elle crée, sans scrupule, des dilTicultés cent fois plus lourdes, dans l'avenir. C'est ce que l'on appelle recevoir dans le dépôt intérieur et emmagasintT dans l'extérieur. Les gens de ce temps ne jKMivent-ils pas distinguer entre le profit et le mal.

3/iO MASSACRE l>E TIEN-TSI.V

(j. Les proinolcurs de cette religion engagent de nombreux diseurs de Ixnine aventure et de physionomistes, hommes et fem- mes, |)our se rendre dans toutes les directions, aûn de tirer des horoscopes et de révéler le sort, vantant et flattant outre mesure, attirant complaisannnent le peuple avec leurs paroles douces. Ils ont aussi des gens ([ui cherchent à attirer, et qui emploient des acteurs, des charlatans et toutes sortes d'individus afin de s'em- parer des imprudents et ils détournent honmies et femmes et les vendent aux harhares pervers. Dans les cas extrêmes, ils sont amenés sur la cote les pécheurs de hiche-de-mer ' emploient les honnnes connue amorces ; ])ar <vs moyens ils s'assurent une pèche ahondante. (]eci est tout à l'ait méprisable.

lo. Les barbares pervers, xagabonds religieux, faisant du commerce sous la prol<'clion des traités, s'échappent par fraude aux autorités impériales. Us ne peuvent pas être examinés aux passes et aux barrières, ni arrêtés par les mandarins, quoicpic. au fond de hMu*s misérables cœurs, ils soient vraiment en principe a\ec lc»s bandits sans loi. Ceux (pii sont engagés |>our répandre la religion dans toutes les directions, .sont seulement les espions de ces volems. Maintenant, pendant (pie nous sup|)ortons leur j)er- Acrsité hautaine, le poison s'échappera un beau matin, cpiand il sera trop tard pour nous sauver nous-mêmes. On dit aussi que les vagabonds religieux barbares jXTvers allèrent a Kinhcou dans le Ohan-Toung, ils détruisirent la tondre et le temple du Sage*. Les descendants du Sage étant très chagrinés, l'un d'eux sur- nommé Maon, prit le commandement d'un corps de IroujXîs volontaires, les expulsa et les tua ; depuis lors ils n'ont pas osé entrer dans la région. Hélas ! si les discours de Jésus sont répan- dus, et les doctrines du Sage Confucius ne sont pas pratiquées, quel genre de monde doiendra celui-ci P Que chacun de nous, lettrés, fermiers, artisans et marchands, tire l'épée pour la ven- geance connnune. Si (juelques-ims refusent cordialement de se coaliser, ils sont alors pareils à ces êtres étranges. »

voya(;e de m. de nocuEciioi akt, cii.\n-si Préludant à son voyage dans le Yang-tseu, M. de lloche-

I. Haï sa n, Biclio de inar, holothurie a. Confucius.

AFFAIUKS 1)1 RlVXi-NAN ^f\l

cbouarl', accompagne de M. (j. Dcvéria, inlerprotc, de plusieurs personnes appartenant a la Ijégalion de France et de M. Lépissier, professeur au T'ounf< ^V'en Rouan, quittait Pélving le 17 juin 1869, pour se rendre dans le Chan-Si parSuen-Houa lou, kalgan, Si-wan-tze, visiter la mission des franciscains italiens; il laillil être assassiné à Taï-vouen-fou, capitale de la province. Il rentra à lV»king par le Tclié-li.

« Ce petit Yova<i;e, écrivait M. di» Kochechouart , de iVking, le i() avril i8G(), avait plusieurs huis: de pouvoir renseigner exactement Votre Excellence sur la véritable situation de nos missionnaires dans rintérieur; a'* de >oir quel degré de foi on devait ajoutera leurs plaintes qu'on pourrait croire exagérées, si elles n'étaient aussi générales; 3** prendre sur l'état commercial tous les renseignements capables d'intéresser notre commerce; 4" de faire tomber par ma présence les bruits absurdes que les mandarins de bas étage font courir sur l'époque prochaine de notre expulsion de la (Ihine; 5** eidîn. terminer toutes les alTaires pendantes dans ces provinces car je savais par expérience qu'il sulïisait de demander mou passeport pour cette excursion pour <[ue (leN ordres partis de Pékiug ordonnent de satisfaire à toutes h's réclamations des missionnaires se trouvant sur mon passage, (le vovage n'a été ni sans fati«»ue ni même sans danger.

AFFVUIKS ni- KIA>0->A>

Les Pérès Seckinger" et lleudc^ malgré de grandes dilli-

I. Hochechouart. conilc «le?, Louis-Jules-Emilfen^ dit Julien, al- laclK* libre à T(*h(!Tan (5 avril i8fio); scrnUairc <lo 3= classe à Tchcraii, ao oclohro i8()u; à Pckinpr, 3 cléc. i8fi6; de classe?, k Pckiiig, 3i di'c. 1867; chevalier delà Léjjion d'honneur, i5 août 18G8; secrétaire de I" classe ù l'ékiiip:, 13 déc. 187a; placé hors cadre et nommé agent et consul général à Belgrade, 30 avril 1877; niinislre [)léni{)olenliairc do 3** classe à lliiïti, lO novembre 1877; mort de la fièvre jaune à Port-au- Prince, le i3 mai 1879. k Tùge «le .'»8 ans.

3. Seckinger. Joseph, à La (]ha|)ellc (Haut-Hhin), 9 septembre 1839 ; entré dans lar4«>mpagnie de Jésus. I9a\ril i853 ; arri\c en Chine, ao juillet 1861 ; mort à Wou llou, 11 novembre 1890

3. lleude. Pierre, le 30 juin i836; entré dans la Compagnie de JéMis, !x novembre i850 ; arrivé en Chine, 9 janvier 1868.

34a MASSACUK DK TIKN-TSIN

cultes, avaient réussi à établir on septembre 1869 une mis- sion dans le Ngan-houei, a Ngan-king, capitale de la province, lorsque le mercredi 3 novembre 1869, leur résidence fut pillée ainsi que celle, voisine, de Kien-téc*.

Le chargé d'affaires de France, le comte de Rochcchouart, prévenu, accompagné de M. de Bacourt, secrétaire de la léga- tion, le comte M(»jan, consul général à Chang-Haï et de M. Dillon, interprète, remonta le Kiang avec la frégate Vénus, commandant Maudet, battant pavillon de Tamiral de (iornulier, la corvette Dupleis^ le Coctlngon et la canonnière Scorpion ; le 29 décembre, il obtenait satisfaction des auto- rilés de Nanking et une proclamation du vice-roi devait être alîichée dans les villes principales (Fo/i Tchéon et Hien) du Ngan-IIouoi et du Kiang-Sou :

« Le grand cn>OYé, superinlendant du coiimicrcc avec les Eu- ropéens, vice-roi des deux Kiang, Ma, jjour le faire savoir à lous !

D'après le Ireizièine article du traité conclu avec la France, la religion du Seigneur du (iiel a j)our rondement d'exhorter les hoinnics à ce (jui est hien. Tout chrétien doit obtenir protection et jx)ur sa personne et }X)ur sa famille (c'est-h-dire a le droit de >ivre en paix). Ils peuvent se réunir pour adorer Dieu, pour prier, etc., comme il leur plaît. Les mandarins des différentes villes doivent traiter avec hien\eillancc et protéger efficacement les prédicateurs de la religion. Tout Chinois qui veut croire et pratiquer la religion du Seigneur du Ciel et qui observe les lois de l'Kmpire, ne peut en aucune manière en être empêché, ni pour cela subir des dommages.

Tous les édits, qui jusqu'à ce jour, ont été publiés, attenta- toires à la liberté d<' la religion, doi\ent être détruits quelque part qu'ils se trouvent.

Dans le sixième paragraphe du second traité, il est déclaré que les missionnaires fraisais peuvent, dans toutes les provinces, louer et acheter des terrains pour y hàlir des églises, etc. Il est

1. Kien-tée irien, au S. Je Ngaii-Kinj,', (icpciul de Tchéou tclicbu fou, près du Kiang-Si. Voir les Missions cnth., III, p. 265.

AFFAIRES DV KIANG-NAN 3^3

prouvé, après d'exactes recherches, que les chrétiens qui suivent la religion du Seigneur du Ciel, demeurent bons citoyens, et la doctrine que cette religion professe enseigne expressément aux hommes h respecter l'Enipereur et à observer les lois. C'est pour- quoi il faut aimer et protéger les chrétiens comme les autres sujels de l'Empire, et montrer à tous les mêmes sentiments d*af- feclion.

Déjà le Tsoung-li Yamen avait demandé à l'Empereur d'or- donner à tous les vice-ruis et à tous les fou-taï de veiller à ce que tous les mandarins locaux de leur juridiction traitassent avec justice et expédiassent avec promptitude toutes les causes concer- nant les chrétiens, leur recommandant bien de ne pas les négli- f^er ni faire traîner en longueur, dans le but de les opprimer et de leur causer des torts. Tout ceci est connu dans les tribunaux : c'est ainsi que l'on doit régler ces affaires.

Mais voilà que depuis quelque temps, des lettrés, des gens du peuple, font parfois op[)osition ou excitent des troubles, afin d'empêcher les missionnaires de disposer des terrains nécessaires à la construction des temples, etc. ; ils soulèvent la multitude et ronnnettent des désordres, (^e sont des faits. Quoique, à plusieurs reprises, les vice-rois et les fou-taï aient sévèrement impose aux mandarins des villes de faire rechercher, saisir et punir les cou- pables, on n'a pas toujours pu le faire de la même manière et avec la diligence convenable. C'est ce dont se plaint l'illustre mi- nistre de PVarice, Lou ', et ce qu'il demande à régler.

A l'avenir donc, il faut (|ue chrétiens et paiens virent toujours en bonne intelligence ; animés de bons sentiments les uns >is-à- >is des autres. (Test ce que nous notifions à tous par cet édit. C'est |)ourquoi, nous ordonnons à tous ceux, (|uels(prils soient, (|ui sont soumis à notre autorité, militaires ou civils, de ne pas l'oublier. Sachez tous que les traités p<»rmettent de propager et d'embrasser la religion du Ciel ; et ceux qui ne veulent pas, on les force pas. il est par conséquent absolument défendu d\ mettre obstacle sans raison et d'exciter des troubles.

Les missionnaires >iennent d'Europe a>ec la volonté intime d'exhorter les hommes à la vertu : c'est un motif de les recevoir a>ec une bienveillance d'autant plus grande.

A partir de ce présent édit, observez le traité, et n'osez pas,

1. fiochcciiouart.

3/l4 MASSACKE DE TIEN-TSIN

on disant oui cxtcricuremenl. dire non en secret. Que si des désordres de ce genre se rej)résenlenl encore, la sé>x»rilé des lois de TEnipire sera appliquée aux Iransgresseurs qui s'y soustrai- ront diflicilement. Craignez dVn faire l'épreuve ! Que tous et chacun obéissent avec respect à cet ordre! Qu'ils le connaissent!

C'est l'édit.

I^a 8* année de T'oung-tché, le 26* jour de la 1 1* lune *.

\0\A(;K de m. OE ROCIIECIIOLART, 187O

Afin (le régler lonlos Icîs questions en litige, le chargé cPairaircs de France se «lécida à se rendre lui-inônie sur les lieux; il prévint le prince Koung de sa résolution par une lettre du 29 octobre i8C() ; il était à Chang-llaï le i*' décembre.

Le 3i décembre, M. de Rocbecbouart partait de Nan- king, avec le Covllogon et le Scorpion, commandant de la Jaille, pour Ngan-king, Kieou-kiang et llan-kéou; là, il reçut une dépêche de Li Iloung-tchang, vice- roi des deux Hou, adirmant que les aflaires du Se-lch\)uen (Yeou-yang cl Tseri-)) étaient réglées grâce à nos agents, M. Dillon cl M. Cniéneau (Ilan-Kéou), et le chargé d'à lia ires renonçant à ])oursuivre plus loin surleKiang, repartit le 29 janvier 1870, pour J^éking par la voie du (]han Si. A son arrivée à Péking (9 mars 1870) M. de Kochechouart proposa la création d'un poste consulaire à Tchoung-King. On a j)rétendu que le vovage du chargé (Tairain^s de France dans le Yang-tseu avait surexcité les esprits et (pril n'avait [)as été étranger au soulèvement de juin 1870. Dans tous les cas, les fonction- naires mirent la i)lus mauvaise grâce à exécuter leurs pro- messes. La corvetle française le Cncilogon, commandant Uégnaultde JMvmesnil, mouilla à \gan-kingle 19 mars 1870, el lit cesser leurs hésitations.

I. Missions Cfilholif/ues, 111, p. 9/».

AFFAIUKS VI TCIIK-U 3^5

AFFAIRES DU TCIIK-Ll

Dans le Pc Tchc-li oriontal, à Hien-Ilieii, le V. Lcboucq * faillit être lue en février 1868 par les rebelles, en mai par les soldats impériaux, et enfin au mois d'août [mr la fièvre typhoïde ! A la suite de Tal laque dont ce missionnaire fut l'objet, Tch'oung Heou publia la proclamation suivante :

« Dans le district de Ilien-Uicn. pendant la quatrième lune, Wanfj[ Tai-chcnf<, et autres gardes mobiles de Tarmée Tché. arrêtèrent et pillèrent plusieurs >oiturcs. De une rixe et s<»s consécpiences. Le» P. Leboucq, missionnaire catholique, fut blessé, ainsi cpic deux de ses suivants. Dès lors, je fis amener à Tien-Tsin, pour v être jugés par le tribunal de préfecture, les auteurs du brigandage et de l'attentat, savoir: Wang Tai-cheng, Wang Tuei-eul, et roilicier Wang Wain-cheng coufjable de n'avoir pas arrêté le désordre d(? ses soldats.

« Wang Tai-cheng a été condamné à la j)cine capitale, con- formément à la loi concernant le \ol à main armée. Mais alors, le P. Lebouc(j et ses collègues, ont prié Son Kxc. le ministre de France, résidant à Péking, d'intercéder auprès du Tsoung-li \anien, alin (pTune comnnitation de peine soit accordée. J'ai donc très humblement soumis ces circonstances à l'KnqMTeur ([ui a jugé à projM)s de les renvover à l'examen du ministre de la justice; il en résidte que» Wang Tai-cheng sera déporté au plus loin et (pie l'ollicier \\ang \\ ain-cheng sera dégradé. Tel est l'arrèl qu'a daigné ratifier l'KnqHTem'.

Le P. Leboucq, missionnaire français, prêche sa religion en Chine depuis longues années. Sa droiture, sa sollicitude pour chacun sont en grande réputation. Il nous a prêté ses bons ollices, lors d'une expi»dilion contre les brigands qui infestaient les provinces du Tclié-li et du Clian-Toung, p^idant la pre- mière année du règne actuel, et souvent il a donné des preuves de son courage et de ses mérites, .\ussi. l'Kmpereur, |»our lui

I. Loboucq. Prosper, à La Bollièrc (Orno). i**" janvier 1828; miré dans la (Compagnie de Jésus. 9 août 1857; arrivé en Chine, a'i juin i85(j; rentré en Europe; curé près de Lvon.

340 MASSACHE DE TIEX-TSIN

iiiaiiifcslcr sa satisfaction, lui accorda-t-il la décoration de l'É- toile et de la Perle. Les chrétiens chinois et étrangers, qui pra- ti(|i]ent lidèlement leur religion, font le bien.

Je m'empresse de publier tout ce qui précède, afin que vous tous, gens du peuple et soldats, etc., sachiez à quoi vous en tenir.

Vous devez en paix faire votre devoir, et si quelqu'un d'entre vous >eul suivre la religion catholique du Maître du Ciel, vous devez avec lui, vous donner muluellement de bons conseils ; vous de\cz volontiers vous entendre et vous prêter mutuellement assistance ; enfin, n'avoir qu'un même cœur pour faire le bien.

Tel est le but de cet le proclamation (pii sera afïichée à Ilien- Jlien, devant le tribunal, dans le faubourg Sud, et à Tchang- Kia-tchouang.

Obéissez en tremblant !

Malgré la proclanialioii de Tciroung Heou, l'établissement de Kouang ping fou fut saccagé le i8 mai 1869 ; la légation de France prévenue, avertit Tseng Kouo-fan qui envoya à Kouang ping fou un fonctionnaire chargé de punir les cou- pables dont le principal, un bachelier militaire, Wei Tcliang- king hit arrêté, dégradé, obligé de rc[)lacer une croix à la place (le celle qu'il avait abattue et de payer cent taëls d'ar- gent de donnnagcs-intéréls.

I. Missions catholitjues. II, p. lO'».

CIlAPITKt; WIV

LE MASSACRE DE TIEN-TSIN

(Suite)

L.V VILLE DE TIEN-TSIN

Tien-Tsin, Tune dos villes les plus considérables de la Chine, est située sur la rive druile du Pei-ho, à son confluent avec le Grand-Canal ou Yun-ho. On peut considérer Tien-Tsin comme le |>orl de Pékingr, et Ta kou, à rembonchure du Pei-ho, comuie le port de Tien-Tsin.

Jusqu'en 1782, Tien-Tsin n'était qu'une station milit<iire, destinée à proléger le trafic de la rivière, mais depuis cell3 époque, elle a été élevée au rang de préfecture (/ô//). La ville forme un quadrilatère, entouré de murailles ; sur la même rive du Pei-ho, au-dessous de Tenceinte murée se trouve Tseu Tchou Lin, le quartier étranger, qui comj)renait deux concessions, Tune française, plus rapprochée de la ville, Faulre anglaise : depuis, une concession allemande s'est juxtaposée à la concession anglaise.

De l'autre côté du Pei-ho, se trouvaient d'immenses mon- tagnes de sel et c'est qu'aujourd'hui, aboutit le chemin de fer. Le consulat de France, reconstruit depuis à Tseu Tchou Lin, était installé dans un ancien pavillon impérial sur la rive droite du Pei-ho, au delà du Grand-Canal. A côté, on avait commencé à construire au printemps de 1869 une église ogivale à trois nefs, qui, quoique inachevée, avait clé livrée

3/|8 MASS\CUE DE TIKN-T8I.N

an culte le 8 décembre de la même année sous le vocable de N.-D. des Victoires. C'est cette église qui commandait en quelque sorte le Pci-ho, lequel après une courbe très prononcée, reçoit le Grand Canal et descend en droite ligne devant le monument, qui fut détruite l'année suivante.

Tien-Tsin, comme nous Pavons dit plus haut, avait été ouvert au commerce étranger, en 1861. Sa j)opulalion indi- gène est estimée à i 000000 (riiabitants (1899).

IMIOOROMES

Dès le commencement du mois de juin, de sinistres rumeurs couraient la ville et excitaient les esprits déjà aigris par une longue sécheresse. On parlait de nombreux enlève- ments d'enfants, on disait que trente à quarante corps de nouveau-iiés avaient été trouvés dans les cimetières de la rive orientale du fleuve ; et que les pauvres petits êtres ayant été tués, leurs yeux et leur cœur avaient été arrachés |>our en fabriquer des médicaments, ('os dernières imputations étaient naturellement fausses, ainsi que le reconnut plus tard Tseng Kouo-fan, mais il y avait malheureusement quelque chose de vrai dans renlèvement dVnfants '.

Le G juin, on avait arrêté deux Chinois, Tchang ïchouen et kouo Kouei, qui avaient enlevé le jeune Li Ta-yang, après lui avoir administré dos drogues. Doux autres Kouei-lseii

I. Voir sur lo massacre :

ClûiKi, n'» I (1871). Pape/s rclating to the Massacre of Euro- peans ai Tientsin on the îiisl Jiine, 1870. Presenied...^ 1871. I^oiuJori, in-fol. [C. 1^'«8.]

Sûtes sur le massacre de Tientsin, par le D*" Ch. E. Martin. (liew de l'Extrême-Orient, II, pp. 8<) cl scq.)

Le I)'' Martin élait médecin de la Irgalion de France depuis l'arrivée à iV-king du comte Lalleinaiid.

Bibliotheca Sinica, col. laÔQ-iaôo, 2o3o.

l'UODUOMKS 3^9

(voleurs d'eiifanls) avaient été également pris par le ti-pao * (le Yang feng-l'oun et exécutés sans jugement. Enfin le saniedi 18 juin, un Wou Lan-lrhen, jeune homme de dix- neuf ans, à Nini^: rcbiii hien, fils de AVou ïsoun, ayant Nolé un enl'anl nommé Li So, fut arrêté à Fao houa Kéou et envové au magistral de Tien-Tsin, auquel il expliqua qu'il élait en rapport avec NN ang San, portier de la cathédrale et aulres catholiques auxquels il vendait les enfants.

Il est malheureusement assez probable que le zèle de subal- ternes slimulé Irop souvent par TappAt de petites sommes de monnaies faisait rechercher, à Tinsu des Sœurs, des enfants pour TAsile de la Sainle-Enfance. Le but humanitaire pour- sui\i avec un grand désinléressemeni par les Sœurs de Saint- A incent de i\'iul sous Tem pire d'une foi ardente ne [>cut être facilement compris par des gens peu cullivés, prévenus déjà conire les étrangers par les fonctionnaires. Les Sœurs d'ailleurs ne voyaient pas le danger et quelques jours avant la catastrophe, se déclarèrent pleinement rassurées malgré les bruits alarmants qui circulaient dans la ville.

O uiéme jour (18 juin), il y avait réunion des lettrés dans le \amen du temple de Confucius, à la suite de laquelle les écoles indigènes étaient fermées et le tché fou, nonmié par Tseng Kouo fan et arrivé depuis peu de temps, lançait une proclamation qui, par ses allusions à Tenlèvement des enfants, excitait, au lieu de la calmer, Tagitation populaire. La foule, en témoignage de gratitude de celle manifestation, offrit au magistrat une ombrelle de « dix mille noms » («'/?« min son) et une tablette du « Buddha vivant de Dix mille Familles. » Le massacre des étrangers qui devait avoir lieu le jour même, était retardé.

Si Ton songe que les corporations de pompiers ainsi que

I. Ctief de la population, choisi tantôt par les fonctionnaires locaux, tantôt par les habita ni».

35o MASSA en F. DE TIEN-TSIN

les volontaires Çf-mi/t) jadis organisés pour repousser les ï'aï Ping, qui prirent une [)art active aux événements, avaient il leur léte des lellrés, on ne peut douter de la complicité des magistrats de Tien-Tsin. et en particulier du Iché-fou et du tcbé-hien.

Le 19, le surintendant du commerce, TcJroung Heou, faisait un rapport dans lequel il rappelait que le /| du mois, il avait dojii dénoncé les voleurs d'enfants et il annonçait l'arrestation de Wou Lan-tchen; le même jour, le médecin anglais, le D"" Frazer, était attaqué dans la ville indigène par la populace et n'échappait que grâce h la rapidité de son cheval.

La situation était donc fort alarmante. Aucune canonnière ne se trouvait dans le port, et le mardi matin, 31, le dernier vapeur de commerce, le Dragon ^ levait Tancre pour Chang-Haï. Le consul intérimaire anglais, W. II. Lay *, écrivait à rofficier supérieur de la marine anglaise à Tché- fou et à M. Wade \\ Péking pour réclamer Tenvoi d'un bateau de guerre. Quelques heures plus tard, Lay écrivait à Wade pour armoncer que ses pires craintes étaient réalisées, et dans son trouble, il oublia d'expédier la lellre.

D'un autre coté, notre consul, \L Henri Fontanier^, écri- vait au comte de l\ochechouart, notre chargé d'affaires à Pelving, la lettre suivante pour exposer la situation :

I. Lav, IV'illiam Ifydc, mort G août i87(); it avait été nommé élcvc inlcTprcte, aa février 1854; et consut à Tclié-fon, 2 janvier 187a.

a. Fontanicr, Hcuri-Victor. nt' à Paris en septembre i83o ; accom- pagna eu i8/|() son père, consul à Singapore. et en i85a à Sainte-Martlic; cliargé provisoirement de la chancellerie de Sainte Marthe;. correspondant du Muséum d'histoire naturelle ; clèvo-interprètc en Chine, a8 juillet 1855; cliargc des fonctions d'interprète de la commission franco-an- glaise à Canton, en 1860; premier interprète intérimaire de la légation de Péking, a juin i8(33 ; interprèle-chancelier de la légation de Péking. 8 mars i8C5; chargé de la gérance du consulat de Tien-Tsin, 11 janvier i8rK) ; consul de a*' classe, 3 février 1869.

LETTRE DE M. FONTAMER 35 1

LETTRE DE M. FONTAMER, '21 JllN 187O

Tiori-Tsin, le 21 juin 1870.

M. LE (loMTE,

Noire petite Aiïle deTien-Tsin, (rordinairc si tranquille, vient d*êlrc troublée depuis (pielques jours par des cris et des attrou- pements aux environs de rétablissement des Sœurs de Charité et du Consulat. On accusait les Sœurs d'arracher les veux aux en- fants ; de plus hardis déterraient les morts provenant de leur hôpital. Enfin le Tao-taï Nint me présenter la déposition de plu- sieurs témoins déclarant avoir été victimes des recruteurs de petits enfants emplo>és par nos missionnaires. Je n'eus pas de peine à lui démontrer (pie tous ces bruits étaient l'œuvre de la malveillance ; mais le Tao-taï s'étanl présenté ofïicieusement, je lui promis, sur sa demande réitérée, de veiller à ce que nos Sœurs de Charité n'emplovassent désormais que des individus d'une moralité éprouvée.

Quelques heures après (le 19) le Tché-h'ien se présentait au Consulat accompagné d'un délégué de Tch'oung-Ileou dans l'in- tention de provoquer, séance tenante, une enquête officielle au domicile des Sœurs et des Missionnaires Lazaristes. Mais comme il conunit la maladresse de s'emporter, et même de me menacer du ressentiment de la population, en paraissant >ouloir exiger de moi ce que ses Supérieurs avaient laissé (piehpies heures au- paravant entièrement à mon appréciation, j'en profitai j)our rompre l'entretien, en rappelant au Tché-h'ien tpie c'était seu- lement avec l'Intendant des trois Ports du nord que j'entendais contiimer cette airaire, mais que je ne le rendais pas moins res- |)onsable des consé(juenccs des troubles dont il semblait m(» me- nacer, car j'étais persuadé qu'il en était seul l'instigateur.

Je priais le délégué de Tch'oung lleou d'informer son Excel- lence du résultat de mon entrevue avec le Tché-h'ien, en attendant que j'allasse moi-même lui porter une plainte contre la conduite peu convenable de ce Magistrat. J'eus le plaisir de recevoir la visite de Tch'oung Ileou \o lendemain. Il me parla en fort mauvais termes du Tché-h'ien, tout en essavant de l'excu- ser. Il se plaignit du j)en de cas (pie les aulorité's locales avaient

S53 MASSACRE DE TIEN-TSIX

fait de ses observations quand il avait essayé de démentir les faux bruits répandus contre nos missionnaires, s'élanl finalement trouvé dans l'oblij^ation de les laisser faire une démarche à laquelle il avait refus<; de se joindre, ce qui lui valut de nou- veau l'épithète de « bras droit des Kuropéens ».

(le petit incident, (pii aurait pu prendre une mauvaise tour- nure sans l'intervention de Tclioun^^ Ileou, parait aujourd'hui à peu près terminé ; Tch'oungllcou nrayanl en outre promis d*ici a quelques jours de publier une petite proclamation pour apaiser les esprits. »

Incident à peu près terminé î Quelle illusion, quand les minutes de la vie de Tinforlunc consul sont comptées ot que dans peu d'instants aura lieu une des i)lus terribles tragédies qui aient laissé leur marque sanglante dans rhisloirc do nos relations avec rExlréme-Orient.

WASSACUE DE TIEN-TSIN, 2 1 JlIN 187O

A riicure mémo à laquelle M. Fontanier écrivait sa lettre (dix heures du matin), les gongs retentissaient et le tché-fou se présentait à la porte de la cathédrale pour réclamer Wang San '. Il était accompagné du tao-taï et d'un autre fonction- naire; à trois reprises, les fonctionnaires réclamèrent vaine- ment le portier ; « la foule devient turbulente, enfin les enfants jettent des pierres dans la porte et finissent par casser une fenêtre, (^inq Chinois vont chez le consul, la porte à côté, pour se plaindre; et celui-ci ctnisidère imméxliatement les circonstances comme étant de la i)lus dangereuse nature. C'est [KHirquoi le consul, M. Fontanier, se rendit au yamen du gouverneur, accompagné par son chancelier, M. Simon et bientôt suivi par M. A. Coulris. Tch'oung Hcou promit

I. Wang San n'avait que ao ans, ce qui parait diminuer sa rosi)onsa- bililé.

MASSACRE DE TIEN-TSIN, 31 JUIN iSyO 353

d'envoyer inimédialcment des mandarins pour calmer la foule, mais il devait envoyer chercher d'abord les mandarins. Le consul, devenant de plus en plus impatient, de gros mots furent dits; M. Fontanier tira son épée et en frappa la table. Tciroung Heou essaya de le cahner; mais le consul de France dit qu'il avait déjà entendu la foule demander sa vie et que sûrement Tch'oung Heou mourrait le premier. Après avoir parlé, il tira deux balles de revolver sur Tch'oung Heou, mais elles passèrent près du bras droit du gouverneur sans le blesser. Plusieurs petits mandarins s'interposèrent et poussèrent le consul jusqu'à la porte, mais le premier de ceux qui le suivaient, reçut un grand coup de sabre à travers la figure. A la fin M. Fontanier désira quitter le yamen, M. Simon brandissant son épée, pour faire place devant lui. Juste sur le seuil, ils rencontrèrent le magistrat de Tien-Tsin, qui entrait. De grands mots furent encore dits et M. F'on- tanier reçut de nouveau le conseil de ne pas se mettre en colère; mais en réponse, M. Fontanier lui tira un coup de revolver, le manqua, frappant le domestique du magistrat à la lète, et le tuant instantanément. M. Simon tira immédiatement deux fois dans la foule, et fui alors attaqué furieusemenl par la |>opulacc, et sous les yeux du consul, fut tué d'une manière atroce ; son ventre étant ouvert, etc. Le moment après, le consul lui-même était renversé et assassiné. Les deux cadavres furent jetés dans le Heuve*. »

Ce qui n'empêcha pas Tch'oung Heou de déclarer à M. Lay que le corps de M. Fontanier était resté dans son yamen; le négociant Coutris ayant réussi à se cacher chez Tciroung Heou, put sortir le lendemain sain et sauf. Pendant ce temps, la mission des Lazaristes était pillée et brûlée ; le P. Chevrier - et le prêtre cantonais Vincent Hou étaient

I. Version chinoise. A comparer avec la dé|x>sition do M. Coutris (Ae* Progrès t Shangliaï, i8 avril 1871).

a. Claude Marie Chevrier, ntS à Sainl-Symphorieu-dc Lay (diocèse de

CORDIKR. I. a3

354 MASSACRE DE TIEN-TSIN

assassinés ainsi que rinlerprète Thomassin et sa femme. Le pauvre M. Thomassin rentrait du congé qu'il avait pris en France pour se marier et allait rejoindre son po»te à Péking*. Sa mauvaise chance l'avait fait descendre au consulat de Tien-Tsin le jour môme du massacre ; son compagnon de voyage depuis Marseille, M. FernandScherzer', avait échappé au même sort en s'altardant à Chang-Haï. Ce- pendant, de la paille était entassée dans la cathédrale; de nomhreux chrétiens y étaient enfermés, et en peu de minutes, on vit de longues flammes s'élever vers le ciel, anéantissant un des plus beaux édifices chrétiens de l'Extrême-Orient. La foule passa alors le pont aux cris de : « Tuez d'abord les Français et ensuite les autres étrangers. » Le tocsin reten- tissait, les gongs résoimaient, la populace hurlait, bientôt les malheureuses Sœurs étaient la proie de ces hordes de bêtes féroces \

Lyon), 19 aoiH 1820; servit dans ta marine militaire; entra en i85o au séminaire de Lyon ; curé de Laml)essa ([>rovince de Constantinc) ; entra au séminaire de Saint-Lazare en novembre i858 ; partit pour ta Mongolie, août 1869 ; puis passa à Tien-Tsin.

1. Thomassin, Ed. y élève interprète en Chine, aS juillet i86a ; inter- prète-chancelier du consulat de France à Ning-Po, 8 mars i865; inter- prète-chancelier de la légation de France à Péking, aO février 1870.

2. Scherzer, Fernand-Gcorges- Francis y élève interprète k Péking, 10 mars 1870: interprète-chancelier, 1878; du consulat de Han Kéou, \\ septembre 187G; chargé de la gérance du consulat de Canton, mars 1879; interprète-chancelier du consulat de Tien-Tsin, 19 avril 1879; interprète du consulat de Chang-Haï, G mars 1880; vice-consul de i^*' classe à Han Kéou, ai février i88a ; consul de a *^ classe à Canton, i'-*'' mai i88'i ; membre de la délégation française à la Commission de déli- mitation franco-chinoise, i^aoïU i885 ; chevalier de la Légion d'honneur, a8 déœmbre r885 ; mort le i5 mars 1886, dans la mer Rouge, à bord du Djeinnah, à l'âge de 3G ans.

3. L'établissement des Sœurs était dans les faubourgs, juste en dehors de la porte do l'Est ; on prétend que |30ur préserver de l'incendie les maisons indigène» environnantes, leurs toits avaient été recouverts de feutre mouillé ; la veille du massacre, les rues voisines avaient été barri- cadées pour que nul étranger ne put échapper.

MASSACRE DE TIEN-TSIN. 21 JUIN 187O 355

Un négociant français, M. Challemaison, qui demeurait près du consulat, fut également tué et quand son corps fut retrouvé, les veux avaient été arrachés et les restes étaient méconnaissables. Sa femme, qui avait réussi à s'échapper, avait été cachée dans une petite maison par les femmes; le soir, la pauvre créature, voulant rentrer dans sa maison et la trouvant abandonnée, essaya de regagner son refuge, mais se trompant de porte, fut reconnue comme Française et mise à mort.

L'abbé Lemonnier, procureur des Missions étrangères, écrit de Chang-Haï, h la date du 6 juillet 1870 :

« Plus horribles encore sont les détails : Le consul de France a eu la léte et le visage littéralement labourés de blessures, et la poitrine transpercée à coups de lances ; M. Simon a été nmtilé au point d'être méconnaissable ; M. Thomassin, afîrousemenl entaillé à la tète, au visage, et par tout le corps, a eu le ventre entr'ouvert; sa femme a été assommée à coups de massue ; M. Tabbé Chevrier a eu le crâne fracassé, la poitrine et le ventre ouverts. Des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, cinq ont été mises h mort de la manière la plus barbare qu'il soit possible d'imaginer : vivantes, on leur a arraché les yeux, on leur a coupé les seins, on leur a fait subir les derniers outrages; les (piatre autres ont été brûlées vives, et leurs restes, retrouvés dans les cendres, n'étaient plus qu'un hideux amas de chairs carbonisées. Les cadavres de toutes les victimes portent les mêmes traces de barbarie \ »

De l'autre coté du Pei ho, les négociants russes, Bassov et Protopopov et la femme de celui ci, sœur de M. Startzov, furent assassinés.

A cinq heures, on battait les gongs, les pompiers ralliaient leurs chefs, regagnaient leurs demeures, détruisant en route

I. Âfisaions ciitholiqups^ III, 281.

356 MASSACRE DE TIEN-TSIN

huit cha[x^lles ' anglaises et américaines, et prenaient tran- quillement le repos que prend généralement le bon ouvrier après une journée de grand travail. La nuit tombait sur les dernières lueurs de Tincendie ; les vingt cadavres que charriait le fleuve criaient vengeance.

Ils ne l'obtinrent jamais.

Deux jours plus tard (28 juin), on retrouvait sur le bord du fleuve, M. et M'"'" Proto|X)pov, complètement dépouillés de leurs vêtements; M. Fontanier, abominablement mutilé, n'ayant plus que ses bottines et ses bas, fut repéché ensuite. Un peu plus lard, Tclfoung lleou envoyait encore cinq corps : M. (le seul cadavre intact) et M""' Thomassin, la pauvre fcnunc semblait dormir ; elle portait une terrible bles- sure derrière la lète qui avait amener la mort instantané- ment ; M. Simon à peine reconnaissable, le P. Chevrier, dont la figure était intacte et le préire chinois. Les corps furent placés dans des cercueils numérotés. Des malheureuses Sœurs, on ne recueillit que des ossements calcinés.

H y eut en réalité dis religieuses de Saint- Vincent-de- Paul massacrées le 21 juin :

\oiri leurs noms : la sœur su|)érieure Marie-Thérèse Marquel, née en Belgique, âgée de quarante-six ans; les sdMUs Marie-Séraphine Clavclin *, née en France, âgée de (piaranle huit ans ; Marie-Pauline Viollel, née en France, âgée de trente-neuf ans ; Marie Anne Pavillon, née en France, âgée de quarante- sept ans; Amélie-Caroline Legras, née en France, âgée de trente-six ans; Adélaïde-Marie-Angélique Lenu, née en France, âgée de trente-huit ans; Marie-Clorinde Andreoni, née en Toscane, âgée de trente-quatre ans; Alice

1. Los plus importantes étaient : TEast (ialc Chapel of thc London Missionary Society cl celle de rAmerican Board, dans l'intérieur de la ville, le plus vaste des établissements protestants.

2. Sœur du P Stanislas Clavelin, S. J.. mort à Chaug-Uaï» 9 juin 1862.

RLINKS ET TO\IIlEAl'\ 357

O'SuUivan*, née en Irlande, âgée de trente-quatre ans ; Marie- Joseph Adam, née en Belgique, âgée de trente-quatre ans; et Marie-Anne-Noénii Tillet, née en France, âgée de quarante- quatre ans^. »

11 est probable que les concessions étrangères, Tseu tcliou Lin, eussent été attaquées à leur tour, si les Chinois n'avaient su que les Européens étaient armés et prêts a les recevoir. La pluie ne larda pas aussi à calmer Tardeur des massacreurs.

Seuls de tous les Français de Tien-Tsin, le négociant A. Coutris, et MM. Lefebvre et Imbcrt, des Douanes, et les deux frères Borel, associés de M. Sandri (alors dans le Chan toung), échappèrent au massacre. L'agitation fut d'ail- leurs soigneusement entretenue par de fausses nouvelles, la mise en vente d'éventails représentant l'incendie de la calliédrale et les massacres, etc.

RLINES ET TOMBEAUX

Je suis passé a Tien-Tsin en octobre 1872 et en septembre 1875, me rendant a Péking; les ruines de la cathédrale pré- sentaient toujours leur aspect lugubre, et Tenclosdans lequel étaient renfermés les restes des victimes, était envahi par les herbes. Un voyageur anonyme qui visita Tien-Tsin cinq mois

I . Elle clait populaire sous le nom de sœur Louise.

« De nouvelles informations, rapporlros par le IVew-York Fioeman s Journ(it «lu 37 août, nous apprenons que la s(Biir Louise O'Sullivan... au moment du massacre, avait pu se réfugier chez im riche marchand de la ville. Quatre heures ajirrs, étant sortie \touT se rendre à 1 établissement de la mission, elle fut reconnue à ses souhcrs européens et arrêtée. Elle soulTrit les mêmes tortures et subit les mêmes outrages que ses compagnes. Son corps fut trouvé, deux jours après, dans la rivière. » (^Missio/is en- tholiquesy III, p. 3o3.) Elle était née à Clonmcl, Irlande, le i**»* décembre i830.

a. Hiibner, Promenade autour du monde. II, p. 349-35o; les noms donnés dans les Missions catholiques^ IH» p- 3oi-a, oITront des variantes dans les prénoms.

358 MASSACRE DE TIEN-TSIN

après le massacre nous décrit ainsi l'apparence des mines * :

a Celte construction [la cathédrale] venait d'ôtreréceinincnHinie, bâlie de solides briques et dans le style durable habituel des Ca- tholiques romains. Les Chinois ont été très peines que celte impo- sante construction soit encore debout, reproche continuel de leur barbarie et de leurs futiles efforts |)our la détruire. La croix qui reposait sur un globe doré sur Tentrée, étant facile à atteindre, disparut rapidement, mais la croix dorée sur le sonnnet de la tour reste encore debout comme emblème du christianisme que ses ennemis cherchent à effacer. Les portes d'entrée portent les marques de la grande violence qui a été employée. La cathédrale et le Consulat sont situés était autrefois une résidence im- [>ériale, à la jonction du (irand Canal avec le Pei ho. Ici tous les deux tournent à angles droits vers l'est, donnant la forme de la lettre ï, la cathédrale au coté Nord et regardant le fleuve du côté du pont de bateaux et conmiandant aussi, à droite et à gauche, le Pei ho et le canal. La situation est la plus belle de Tienr.Tsin, et dans n'importe quelle direction et de chaque point de vue, le panorama est grandiose. Les Chinois ont du voir longtemps avec envie sur ce site impérial s'élever un témoignage des succès et de la puissance des armes françaises. Partie du bâti- ment impérial, à la gauche de l'entrée, est demeurée intacte à travers cette épreuve. Mais aucun vestige de construction reli- gieuse ou politique qui pouvait être détruit, n'est resté debout. Deux superbes tablettes de marbre couvertes par des pavillons ont été aussi la proie de l'embrasement. Je ramassai quelques feuilles calcinées d'une Bible française et latine, avec des notes en latin, que j'aime h garder conmie souvenirs de cette affreuse calamité. Deux ou trois des piliers calcinés sur lesquels repose le toit existent encore, entourés de solives cerclées de fer. L'inté- rieur de la cathédrale est rempli des décombres du toit tombé. Le père Chevrier et un prêtre chinois furent massacrés ici, ter- riblement hachés et jetés ensuite dans la rivière. Les trois étages et le toit de la principale tour et des deux de côté ont été aussi incendiés, et la belle cloche en bronze fondue en France gît avec sa suspension, brisée, ayant eu probablement son parcours changé dans sa chute par quelques chorons non hrniés, quoiqu'il y ait évidence qu'on ait éprouve la qualité du métal. Il y avait trois fonctionnaires en activité qui aimablement nous montrèrent le

I. The Shanghai Evening Courier, 26 novembre 1870.

RUNES ET TOMBEAUX SÔQ

Consulat, qui est voisin et nous indiquèrent les tombes des vic- times. Ils s'enquirenl ensuite de nos noms avec l'intention de relater notre visite aux mandarins. Ici l'idée de désolation est mo- diliéc. l'enclos avant été dégagé pour les funérailles des victimes. Le Consulat est un amas de ruines, et la magnifique verandah et le pavillon qui dominent le Ileuve et qui lui donnaient le nom très approprié de WarKj liai leou ont aussi disparu. Ici sont les grands monticules de briques, sous lesquels dorment les mar- tyrs, circulaires en haut et plairés par dessus avec de la chaux bleue et dans Tordre suivant :

OUEST NORD

EST

Pcre Chevricr Prclrc indigène

Cin'i s«i'ur« quelqu(>9 off moments.

(loiisul Fontanier M. Thomassin.

Madame ThomaRNin M. et Madame Ctiallemaisou.

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Ruine» du Consulat. ^

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M. Simon.

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hédralf. '

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PKEMKDITATIOX

Que raffaire fut préméditée et que Tattentat n'était pas uniquement (lirifj^é contre les Français et les catholiques, il ne saurait y avoir do doute après les dépositions des missionnaires i)roteslants William N. Hall, Jonathan Lces, C. A. Stanley. Dès le i3 mai, le Rév. J. Lees revenant de Pé-King constatait Tattilude hostile des habitants de Tien-

36o MASSACRE DE TIEN-TSIN

Tsin ; plus tard il se plaignait à M . Lay de la proclamation du Fou, et le consul anglais lui donnait l'avis de déposer une réclamation officielle, ce qui fut fait le samedi i8 juin. Le dimanche 19 juin, une démonstration élait dirigée contre la chapelle de la London Mission, située à la porte orientale de la ville ; le Rév. Mr. Turnock et sa femme étaient, ailleurs, assaillis à coups de pierres ; et dans une autre direction , comme nous Tavons dit plus haut, le D*" Frazer ne devait le salut qu'à la rapidité de son cheval. On pcul même ajouter que les Chi- nois à ce moment désiraient la guerre.

Les vrais invesligaleurs du massacre et, partant les vrais coupables, furent le Tché-fou, Tchang Kouang-tsao, et le Tché-h'ien, Licou Tié, de Tien-Tsin, ainsi qu'un certain Tch'én Kouo-jouei, originaire de Young- tch'éng dans le Hou-Pé. Tch'ên, enrôlé par Houang K'ai pang, depuis commandant les troupes du Kiang-Si, avait servi sous les ordres de Sêng- ko-lin-sin contre les rebelles du Chan-tounget il élait général de brigade. « C'était, dit le D*" Martin^, un homme intelligent et énergique. Mahomélan ' d'origine, il avait eu la pensée d'embrasser la carrière monastique ; la doctrine bouddhique l'attirait, il se fit bouddhiste, puis il déserta la secte et se fit taoiste ; mais bientôt, fatigué du spectacle des rivalités et des luttes perpétuelles entre les sectateurs de ces deux religions, il abandonna la carrière et se jeta dans la politique. » Il avait été disgracié lors du voyage de M. de Rochechouart dans le Yang-tseu. On prétend qu'il avait ourdi une vaste conspiration contre les étrangers qui devait s'étendre de Tien-Tsin à Nan- King ; il avait tout préparc pour qu'un soulèvement éclatât dans cette ville en 1870, à l'époque des examens. On put craindre aussi des troubles à Ngan-King, Yang-tchéou et Tchen-Kiang; l'énergie du vice-roi Ma avait fait sans aucun doute avorter ses projets à Nan-King.

I. Hevue de V Extrême-Orient , II, p. 99. a. Ceci doit être inexact. H. G.

ARRIVÊK DES SECOURS 36 1

ARRIVEE DES SECOURS

Le consul anglais, M. W.H. Lay, montra la plus louable activité clans ces circonstances difficiles et à la demande de notre chargé d'affaires, il fut nommé consul de France y>. /'. (26 juin). Les deux vapeurs de commerce le Sluinttin*;, capitaine Steele, et YAppin^ capitaine Russell, qui étaient remontés à Tien-Tsin, furent armés et reçurent les femmes et les enfants; les deux commandants montrèrent la plus grande énergie ainsi que M. C. G. Beebe, agent de la maison américaine Russell à laquelle appartenait le premier de ces bâtiments. Enfin, le matin du 29 juin, arrivait le navire de guerre anglais 1\4po/i, armé de quatre canons, qui avait été précédé le 27 par V Opossum qui fut renvoyé à Takou lorsque le Z)K'<7/y' arriva le 2 juillet ; comme nous l'avons vu, ce dernier avait quitté Chang-Haïlc 27 ; plus tard enfin, grâce à rinfériorité de sa marche, paraissait la Flamme^ battant pavillon français, commandant Méquet. La communauté étrangère de Tien-Tsin n'avait désormais plus rien à craindre des Chinois.

CHAPITRE XXIV

LE MASSACRE DE TIEN-TSIN

(Suite).

LETTRE DU CORPS DIPLOMATIQUE AU PRINCE KOUNG

2/4 JUIN 1870

Le 24 juin, les représentants à Péking des puissances étrangères adressèrent au Prince Koung la note collective suivante :

Péking, le 24 juin 1870.

Monseigneur,

C'est avec la plus profondcdouleur cl indignation que les sous- signés, Représentants des Gouvcrncmcnls étrangers accrédités en Chine, ont appris la nouvelle du crime atroce (pii vient d'être commis à Tien-Tsin, à une des portes même de la capitale de l'Empire. Lv CiOnsul de France, les missionnaires et Sœurs de la (Charité, ainsi cpie les nationaux Français résidant à Tien-Tsin, ont été massacrés et leurs établissements incendiés. D'après les renseignements, peu précis il est vrai, cpii jusqu'ici sont parvenus à Péking, il est h craindre que la populace fanatisée ne se soit portée à d'autres excès envers les résidents étrangers à Tien- Ism.

Les soussignés ne doutent point que le Gouvernement de Sa Majesté l'Empereur de la Chine, dans sa haute sagesse, ne par-

LKTTRE DU CORPS DIPLOMATÎQUK AU PRINCE KOUNG 363

ia^e l'indignation générale ressentie à la suite des atrocités com- mises, et qu'il n'ait la conscience de la responsabilité grave qui pèse sur lui, ainsi que de son devoir de prendre les mesures indispensables pour empêcher le renouvellement de pareils actes, qui dans le cas ils se reproduiraient, ne saurait cpie sérieuse- ment compromettre la position du Gouvernement Impérial vis-à- vis du monde entier.

Or, les événements de Tien-Tsin prouvent que les étrangers ne sont pas partout suiFisamment protégés par les autorités lo- cales en Chine. Il est donc de l'intérêt du Gouvernement Impé- rial même de démontrer, par des actes irrécusables, sa ferme volonté d'assurer dans toute l'étendue du territoire Chinois la sûreté des résidents étrangers qui sont confiés à sa loyauté. Si une pareille catastrophe peut éclater à quatre-vingt milles de la capitale de l'Empire, les Soussignés ne peuvent s'empêcher de craindre que dans les cas les coupables ne seraient promple- ment punis, de nouveaux attentats ne se produisent sur des points plus éloignés de la caj>itale l'action de l'autorité cen- trale est encore moins eflicace. Il est indispensable que le inonde entier, en apprenant la nouvelle du crime, soit en même temps informé que justice est faite, et qu'il puisse être rassuré sur le sort des citoyens coniiés à la protection de la Chine.

Les Soussignés, etc.

{Si(jné^ : Keiifuks. F. Low.

KiNT DE ROODENBEEK.

Patxot.

De Hochechouart.

BUTZOW.

T. F. Wade'.

Le 27 juin, le Prince Koung accusait réception de cette note collective à laquelle il répondait que Tclf oung Heou à la suite des réclamations des consuls, avait pris des mesures pour assurer la sécurité des étrangers et que le \amen avait donné des instructions aux autorités provinciales pour pro-

I. Aiicmagiic. Ktats-Uniis, Belgique, Espajrnc, France, Russie, («rande- Brctagnc.

364 MASSACRE DE TIEN'-TSl.N

léger les Européens résidant dans leur juridiction et pour punir avec toute la rigueur des lois les fauteurs de désordre. Comme suite à la note collective des Légations, M. de Rochechouart envoya le 26 une lettre au prince Koung qui y réîpondit le 26 juin en donnant avis des instructions données aux gouverneurs-généraux et aux gouverneurs de provinces, de la désignation de Tch'oung Heou comme commissaire chargé de se rendre en France ; le prince déplorait la mort des victimes du 21 juin et annonçait qu'un décret avait donné l'ordre à Tseng Rouo-fan, gouverneur-général du Tché-li, d'aller à Tien-Tsin il ne manquerait pas de châ- tier les coupables et de faire reconstruire les églises et les édifices détruits ; le sort des sœurs de la Charité était digne de pitié et M. de Rochechouart voudrait bien donner leurs noms, pour qu'il soit accordé des compensations ; le gou- vernement craignait de voir souffrir ses relations amicales avec la France et c'est pour cela qu'il a désigné ïch'oung lleou pour se rendre en France ; l'affaire de Tien-Tsin n'a été qu'un mouvement du peuple surexcité pendant 'une journée ; il sera calmé en peu de temps et les relations seront plus amicales que jamais.

ÉDIT IMPERIAL, 28 JUIN 187O

En effet un décret impérial paraissait le 28 juin ' déplorant les événements qui s'étaient passés à Tien-Tsin, donnant l'ordre à Tseng Kouo-fan de faire une enquête, et envoyant des instructions en province pour assurer la tranquillité.

<c Tchoung-lleou a adressé au trône un mémoire relatif aux troubles qui ont eu lieu à Tien-Tsin, entre le peuple et les ca- tholiques romains, demandant de fixer la punition qu'il a méri-

1 . 3o<^ jour de ta 5* June de la 9* année T'oung-tché.

KDIT IMPÉRIAL 365

lée pour avoir permis qu'un toi désordre prît naissance dans sa juridiction, et que la conduite des autres officiers soit stricte- ment compulsée, alin que les coupables soient révoqués de leurs fonctions. Le désordre est provenu en partie du soupçon, qui existait dans l'esprit du peuple, que les canailles, qui emploient des artifices pour dérober les curants, sont en relation directe avec les catholiques romains, et en partie aussi de la conduite du consul français. M. Fonlanier. qui a tiré un coup de pistolet dans le yanicn de Tch'omig Ileou. et a tiré sur le tché-hien, ce qui a excité la furie de la foule et a causé la mort du consul et l'incendie des églises.

Tch'oungHeou. comme surintendant du commerce, n'ayant pas su maintenir la paix dans le district, le tao tai Ilia yuin n'ayant pas, comme premier odicier de la localité, adopté des me- sures de précaution nécessaires, le Tché-Fou Tcliang Kouang- tsao et le Tché-H'ien Lieou-tié, par leur négligence, ayant pro- voqué une telle catastrophe, sont coupables, et sans excuse. Ils ont été livrés au Conseil (de punition) pour qu'il soit prononcé à leur égard suivant leur culpabilité réciproque.

a De plus, Tseng Kouo-fan a reçu l'ordre de se rendre à Tien Tsin pour y faire une enquête minutieuse sur tous les événements et en adresser un rapport au trône, et aussi de faire rechercher et punir les canailles de voleurs d'enfants et les chefs de l'é- meute. Il a en outre reçu des instructions pour de concert avec Tch'oung Heou, découvrir la véritable et première cause, et agir avec stricte impartialité et justice (envers tous les partis).

Res|Kîctez c(»ci '. »

Le même jour QiH juin) un autre décret envoyé au Grand Secrétariat marquait que Tcirouiig Ileou, un des vice-prési- dents du Ministère de la Guerre, et Ministre Surintendant des trois Ports (du Nord) devait se rendre en France comme En- voyé. Ce décret en avait un autre pour complément désignant Tcheng Lin comme successeur de Tclroung Heou dans le poste de Surintendant.

I. Afissions caiftoliqttes, 111, p. aSS.

366 MASSACRE DE TIEN-TSIN

TCirOU!«G HEOU

Nous avons déjà vu la part importante prise à la rédac- tion des traités étrangers par Tclfoung Heou. \ l'époque du massacre de Tien-Tsin, il était non seulement l'un des vice- présidents du Ministère de la Guerre et Surintendant du commerce de Tché-fou, ïien-tsin et \ieou-tchouang, mais il était aussi premier précepteur ÇT'nï Pao) de Théritier pré- somptif, portait les insignes du premier grade et la plume de paon à deux veux; il élait également lieutenant-général de la division Han-Kiun de la Bannière bordée de rouge '.

« Ce personnage portail en chinois les noms deWing-yen Tch'oung lleou, ce (pii indique suflisamment qu'il ét«iit un descendant de la dynastie des Kinou \iu-Tchen. Il élait en 1824 et mourut au mois d'avril iSqS. Il avait 69 ans. A l'Age de 22 ans, il avait acquis ses grades littéraires, grâce à une excellente éducation transmise par plusieurs générations d'honmies d'État que comptait sa famille. En i8/|(S, il fut nommé magistrat à Kie-tchéou, dans la province du Ran- Sou, il acquit la sympathie de ses administrés par sa bien- veillance et son intégrité. Nonuné Tao-taï de la province de Tché-li, en i854, il fui plus tard adjoint au prince mongol Séng-lvo liii-sin, pour comballre Pinsurrection desTVi 1^'ing, qui avait en 1867 poussé une pointe dans le nord de la Chine.

(( Pendant les deux expéditions anglo-françaises en i858 et 1860, Tch'oung Heou se trouvait à coté du prince mongol sus-dit, en qualité de Commissaire Inq)érial et Vice-Roi du Tché-li par intérim. 11 prit une part très active aux négo- ciations du Traité de 18G0. Devenu conseiller intime du

I. La sixième des huit bannières diinoiscs.

LETTRE DES MISSIONNAIRES PROTESTANTS 867

prince Koung, il fut nommé Commissaire Impérial des trois ports maritimes du Nord de la Chine, avec résidence à Tien-Tsin. C'est h cette résidence qu'il avait été chargé de signer huit traités avec les puissances qui étaient venues a la suite de la France et de T Angleterre*. »

A la nouvelle du massacre, Tseng Kouo-fan, gouverneur- général du Tché-li, avait bien reçu l'ordre de se rendre de Pao-ting fou à Tien-Tsin ; il ne donna aucun signe de vie pendant trois jours, puis il se prétendit malade, et finale- ment n'arriva à Tien-Tsin que dix-sept jours (8 juillet) après la catastrophe. TchengLin, le successeur de Tch'oung Heou montra aussi peu de hâte de quitter la capitale [X)ur rejoin- dre son poste. Tch'oung Heou redoutait fort Tarrivée de Tseng, et il suppliait M. Lay de lui laisser reconstruire immédiatement les chaf)elles ; il essuja un refus. Dès son arrivée, le gouverneur-général suspendit de leurs fonctions le Tao-taï, le Tché-fou, et le Tché-h'ien, et commença son enquête.

LETTKE DES MISSIONNAIRES PROTESTANTS. CIIANG HAÏ, 5 JUILLET 187O

« \ous, soussignés, pasteurs et missionnaires résidant à Cliang- Hai, nous nous empressons do vous assurer de notre profonde et sincère svnipathie dans les circonstances présentes. En ce moment tous nos cœurs éprouvent un sentiment unanime do tristesse. La perte de tant de personnes dévouées, qui ont été si cruellement massacrées à Tien-Tsin, est une perte pour toute la chrétienté. 0[)endant, dans cette» épreuve terrible, qu'une inf;\me perfidie nous a fait subir, nous espérons en la parole de Notre Seigneur Jésus-Christ (pii nous a promis d'être avec nous jusqu'à la fm du monde. Nous nous sentons aussi encouragés par les enseigne- ments do l'bistoiro de l'Égliso ; ils nous apprennent que « le sang

I. Tctiing-lchang (K'ing-tctiang). ministre de Chine à Paris, dans te T'oufig Pao. IV, p. 380.

368 MASSACRE DE TIEN-TS!X

des martyrs est une semence de nouveaux chrétiens ». Nous prions; afmquc les faits que nous déplorons obtiennent une répa- ration complète, etqu*à l'avenir il y ait protection et sûreté pour tous les prédicateurs de la religion dans Tempire chinois. »

Suivent douze signatures. Chang-Haï, 5 juillet 1870 ^

REPONSE DES MISSIONNAIRES CATHOLIQUES

« Messieurs, eu réponse à la lettre collective que vous avez bien voulu nous adresser hier, nous avons l'honneur de vous dire combien nous avons été touchés de cette marque de sympathie, et combien nous avons apprécié les nobles sentiments qui l'ont dictée.

« (jette marque de sympathie nous a été d'autant plus agréa- ble, que nous avions été péniblement affectés de certaines corres- pondances livré<?s au public, et dont le caractère n'est pas moins regrettable par la Fausseté des récits que par la malveillance des insinuations qu'elles contiennent.

« Nous aurions pu, sur le champ, rétablir la vérité des faits dénaturés, et justifier l'innocence calomniée ; mais conliants dans le bon sens public, et assurés que la vérité saura se faire jour quand même, nous avons préféré garder le silence.

« Quelle que soit l'amertume de notre douleur, ce n'est pas pour nous une faible consolation de penser que Dieu, qui sait toujours tirer le bien du mal, fera tourner à sa plus grande gloire les lamentables événements cpii attristent en ce moment tous les cœurs honnêtes.

« Nul doute que le sang de tant d'innocenles victimes, si inhumainement répandu, s'élevant de l'autel de l'Agneau, ne crie pour nous et n'obtienne la seule vengeance que nous ambi- tionnons : une plus grande diffusion de la vraie lumière sur ce peuple assis à l'ombre de la mort, et un plus libre exercice des œuvres de charité à l'égard de tous les malheureux, et surtout de

1. Missions catholiques, III, p. 290, d'après le North-China Herald du 7 juillet.

ARRIVÉE DE l'amiral TT DU MINISTRE 869

Tenfance qui fut pour notre divin Sauveur l'objet d'une prédi- lection si marquée. »

A. Aymeri *, H. Basuiau» S. J. ^,

Prelre lazariste.

E. Lemonnier ^, Procureur des Missions Étrangères.

Les missionnaires protestants de plusieurs ports de Chine, il Ming-Po enlre autres, suivirent Tcxemple de leurs con- frères de Chang-Haï et adressèrent leurs condoléances aux prêtres catholiques.

ARRIVÉE DE L* AMIRAL ET DU MINISTRE

Le 1 4 juillet le croiseur Linois et les canonnières Scor- jnnji et Aspic arrivèrent à Takou ; le lendemain, ces derniers bâtiments remontaient à Tien-Tsin. L^amiral Dupré* avait quitté Yokohama le 9 juillet et arriva le 23 à Tien-Tsin ; en- fin M. de Rochechouart se rendit de Péking h Tien-Tsin (19 juillet) oii il s'installa h bord de la Flamme, comman- dant Méquet; accompagné de M. Lay, consul de France p. i.y il fit une visite à Tciroung Heou qui la rendit le len- demain. Le chargé d*affaires envoya aussitôt (19 juillet) une

1. Aymeri» Michel- Ange^ ti décembre iSao* à Carmagnole (diocè^ de Turin) ; entré dans la Congrégalion de la Mission, 29 septembre i8^5 ; [larli pour la Chine en i848; mort à Chang-Hai, 6 mars 1880. «

2. Basuiau, Hippolyley S. J., à Douai, 10 janvier i8a4: arrivé dans la Mission, a septembre i8()5 ; mort à Chang-Haï» ai août 188G.

3. Letuonnier, Eugène, du diocèse de Coutances; parti le 0 juillet i855; directeur au collège général de Pinang; procureur à Chang-Haî en 1866; procureur général à Hong-Kong en 1876.

4. Dupré, Marie-Jules y à Strasbourg le i3 novembre i8i3; aspirant en i83i ; contre-amiral, août 1867; nommé en février 1870, commandant en chef de la division des mers de Chine et du Japon en remplacement de Famiral de Cornulier-Lucinière; gouverneur de la Cochinchine, la janxier 1871 ; vice-amiral, 3 août 1875; mort à Paris, 8 février i88i.

CoRDiER. I. -^ a4

SyO MASSiCRE DE TIF.N-T31N

lettre à Tseng Kouo-fan lui dénonçant la conduite du Tché- fou et du Tclic-h'icn ; dans une autre lettre du 3 août, le jour inMio des obsv<jucs des victimes, en lui accusant récep- tion d'une dépêche du 3i juillet, il reprochait au vice-roi son manque d'énergie, et demandait l'arrestation des coupables.

IIÉCHKT I

23 .

-I.ET lf<70

Dans un déci-pl publié à l'éking le a3 juillet 1870, il est ditijue dans le mémoire adressé au Tn'me (Kir Tseng Kouo- fan el Tcli'oung llrou, les iTio enraiils, garçons el filles, trouvés à l'Asile de in Sainte Enfanc- (J,-ri Taeii Tang) avaient dédaii- qu'ils y avaient été envoyés par leurs familles

ASSASSINAT DE MA TSONG-TOU S'jl

cl qu'ils n'avaient été nullement enlevés ; aucun cas d'yeux ou de cœurs arrachés ne furent découverts ; en outre, aucune plainte pour enlèvement d*enfant n'avait été adressée aux magistrats de Tien-Tsln ; les habitants de c^tte ville avaient été induits en erreur par les placards affichés dans les pro- vinces de IIou-Nan et de Kiang-Si, à Yang-tchéou, Tien Men, ainsi qu'à Ta-ming et Kouang-Pingdans le Tché-li. Les racon- tars au sujet de ces nuitilations ne reposent sur ciucu ne preuve. La publication du mémoire de Tseng et de Tch'oung Heou tendra a dissiper les soupçons de la population. Un autre décret de la même date rendu à la demande de Tseng Kouo- fan dégradait et renvoyait devant le Hlng Pou (Ministère des Châtiments) le préfet de Tien-Tsin, Tchang Kouang-tsao, et Lieou Tié, autre fonctionnaire de cette ville, pour leur fai- blesse et leur négligence avant et pendant le massacre.

ASSASSITïAT DE MA TSONG-TOU, JUILLET 187O

Au mois de juillet, le vice-roi des Deux Kiang, Ma Sin-yi, fut assassiné, lors des examens militaires, à Nan-King, par un individu qui lui plongea un poignard dans le corps. Ma était un mahométan de grande énergie, jadis gouverneur de llang tchéou, à qui l'on reprochait d'avoir en maintes occa- sions pris la défense des missionnaires. Il fut certainement la victime de sociétés secrètes et peut-être du complot orga- nisé par Tcirên Kouo-jouei. On lui donna pour successeur (septembre) Tseng Kouo fan (|ui, comme vice-roi du Tché- li, n'avait pas, comme on le verra plus loin, donné entière satisfaction aux minisires étrangers et en particulier au chargé d'affaires de France dans le règlement des affaires de Tien- Tsin. Li Houng-tchang, vice-roi des Deux Hou depuis 1867, qui n'aurait peut-être pas mieux réussi que Tseng mais qui avait eu la bonne fortune d'être loin du lieu du massacre, recueillil dans le Tché-li la succx^ssion de son ancien chef.

372 MASSACRE DE TIEN-TSIN

La proclanialion suivante coula peul-êlre la vie à Ma :

L'article i3 du traité français porte cpie la religion chrétienne mène leslionnnes au bien. (Suit la partie relative à la liberté de conscience et du culte, aux égards dus aux missionnaires, à Ta- bolilion des anciennes lois prohibitives contre le christianisme ').

Il y a une clause additionnelle au sujet du droit qu*onl les missionnaires d'acheter des terrains et d'y bàlir des églises ; les chrétiens n'en restent pas moins sujets chinois : leur religion conunande le resjx»ct et l'obéissance envers rEm|)ereur et les lois de la nation, et dès lors ils doivent être traités avec égards comme tout Chinois.

Le Tsoung-li yamen a ordonné de régler avec équité leurs aflaires, ce qui fait l'objet, ainsi que l'attestent les archives, de comnumications officielles répandues dans tout l'Empire.

Cependant dans ces derniers tenq)s les lettrés et le peuple entravent les acquisitions de terrain, les constructions d'églises ; les coupables ne sont pas encore arrêtés et c'est |)Ourquoi le chargé d'aifaires de France veut faire appliquer le traité, il im- ])orte que- l'entente se fasse entre les deux parties; par cette pro- clamation on doit savoir (pie les traités autorisent la propagation de la religion sans qu'on use de violence pour la faire embrasser.

Les missionnaires exhortent à la vertu.

Après cette proclamation, il faut se soumettre au traité ; on punira les transgresseurs : obéissez en tremblant *.

FUNÉRAILLES, 3 AOUT 187O

Le mercredi, 3 août, à cinq heures du matin, à cause de la chaleur, eurent lieu les funérailles solennelles des victimes : Tciroung lleou recevait la procession com[)renant les chargés d'afl'aires de h'rance et d'Angleterre, le Comte de Roche- cliouart et M. Wade, le contre-amiral Dupré, le vice-amiral Sir II. Kelletl, les consuls, les commandants et les ofliciers des navires de guerre, cl presque tous les étrangers des con-

I. L'idôo d'abolilion est ici substituée h c(?llc do pardon qui ressort du texte chinois du traité.

•2 D' iMartin, Jies'. de l Ext. -Orient, 11, p. i3o.

^OUVKI.LK Dl MVSSACBK 3*3

cessions. L'absoute fut donnée par M. Thierry, supérieur des Lazaristes de Péking, puis des discours furent prononcés par ^L de Rochechouart, faniiral Dupré, Tabbé Thierry et M. Wade:

Le premier de M. Rochechouart est conçu en ces termes :

a Ma langue refuse de retracer les horreurs commises. Le con- sul est mort courageuseuient ; les sœurs sont tombées eu mar- tyres. Merci pour les sympathies qui sont aujourd'hui mani- festées. L'empressement des antorités chinoises à assister à la cérémonie est imc garantie de la sincérité du prince Roung cpii punira les coupables. Le gouvernement de la Chine ne s'ex|)o- sera pas au ressentiment de la France. »

Ce discours fut suivi de celui de l'amiral Dupré qui le prononça avec énergie, ce qui contrasta avec raccenl avec lequel fut débité le précédent :

« Je suis aflligé au spectacle de ces cercueils reposent de nobles victimes si lâchement assassinées ; ces sentiments sont parta- gés par les braves marins anglais et américains qui se sont joints à nous. 11 faut que justice se fasse. L'empressement des autorités chinoises témoigne qu'elles se n;ndront à la raison et à la justice pour châtier les massacreurs. La France a pour devoir de pimir ceux qui ont tué le consul, les prêtres, les saintes sœurs et ses nationaux : nous agirons sans cruauté mais aussi sans fai- blesse. »

Le ministre d'Angleterre, M. Wade, s'exprima en ces termes :

a Ma svmpathie est grande pour le sort fatal de ceux qui sont morts et surtout pour les pauvres sœurs de charité dont une était ma compatriote. Pourquoi ont-elles été victimes de tant de bru- talités, elles qui ne sont venues ici cpie pour faire le bien ? Il faut une punition sans vengeance : ces événements porteront un jour leurs fruits '. »

I. D"* C. E. Martin, liev. de l Ext. -Orient, 11. p. 129.

374 MASSACRE DK TIEN-TSIN

Les troupes du Prince Koung et de Tseng Kouo-fan assu- raient Tordre qui ne fut pas trouble.

NOUVELLE DU MASSACRE EN EUROPE

Les premières nouvelles du massacre arrivèrent en Euro{)c le 25 juillet par un télégramme du lieutenant-gouverneur de Hong Kong, Whitfield, en date du 6 juillet, adressé au comte de Kimberley, ministre des Colonies, de Pointc-de-Galle, le 23 juillet ; la ligne télégraphique n'allait pas au delà de Ceylan. La guerre était déjà déclarée entre la France et FAl- lemagne, et naturellement les alTaires d'Extrême-Orient, malgré leur importance, ne pouvaient recevoir l'attention qu'elles auraient méritée à toute autre époque et dans toute autre circonstance. Qui sait ce qui serait advenu de la poli- tique de Tempereur Napoléon III si, alors comme aujour- d'hui, le télégraphe avait fonctionné du Nord de la Chine avec l'Europe !

Néanmoins, notre ambassadeur à Londres, le marquis de La Valette se mettait en rapport avec le Comte Granville, ministre des Affaires étrangères, pour mettre sa politique d'accord avec la sienne en Chine. Lord Granville lui répon- dit favorablement et envoya des instructions à Péking pour que M. Wade coopère avec la légation de France, au châti- ment des coupables.

LETTRE DE M. DE LA VALETTE AU COMTE GRANVILLE

Ijondres, le 18 août 1870. M. LE Comte,

Les premières dépêches télégraphiques que le Gouvernement de rEmpcrour a reçues de son Chargé d*Afl*aires à Péking, à la suite du niassacrede nos nationaux, avaient permis d'espérer que le Gouvernement Chinois comprenait la nécessité de faire

LETTRE DU COMTK GRAWILLK A M. DE L\ VALETTE ^^Ô

prompte et se vcre justice d'actes aussi odieux. L'envoi qui nous était annoncé d'un Ambassadeur Chinois charge d'une mission spéciale se rattachant à ces événements était un indice de dispo- sitions en elïet satisfaisantes ; et le Gouvernement Français se plaisait à croirequeles réparai ions qui lui seraient olFcTtes répon- draient à ce qu'il étail fondé à exiger, il résulte d'un nouveau télégramme de M. le Comte de Hochcchouart qu'un revirement semblerait s'être efleclué dans les intentions du Gouvernement Chinois, et que notre Chargé d'Affaires a réclamé en vain jus- qu'ici la poursuite des misérables qui ont pris part aux crimes commis à Tien-Tsin. Hien (pio les victimes de ces attentats soient presque exclusivement des Français, on ne saurait contester que des faits pareils ré\Ment l'existence de dangers (jui menacent indistinctement tous les étrangers résidant en Clhine. C'est en considérant leurs intérêts comme solidaires dans ces contrées de TExtréme Orient que les Puissances Eurojwennes peuvent arriver à assurer à leurs nationaux les garanties et la sécurité stipulées dans les Traités.

Le Gouvernement de TF^mpereur ne doute pas que tel ne soit le sentiment du Cabinet de Londres. M. le Ministre des Affaires Étrangères me charge, en conséquence, de faire savoir h votre Excellence que nous attacherions un grand intérêt à voir le Heprésenlant de la Reine à Péking joindre ses efforts à ceux de notre Chargé d'Affaires pour obtenir le châtiment des individus coupables. Je serais tout particulièrement reconnaissant à Votre Excellence de vouloir bien me mettre à môme, le plus tôt qu'il lui sera possible, de répondre au désir (|ui m'est exprimé par M. le Prince de la Tour d'Auvergne, et je saisis, etc.

LETTRE * DU COMTE GRA?IVILLE A M. DE LA VALETTE,

25 AOUT 1870

Foreign Olïice, 35 août 1870.

Mo%SIEUR l'AmIUSSADEUR,

J'ai l'honneur d'accu.ser réception de la lettre de Votre Excel- lence du 18 courant se rapportant au récent malheureux massa-

I. Traduction.

876 MASSACRE DE TIEN-TSIN

cre de sujets français à Tien-Tsin, et demandant que l'appui du Représentant de Sa Majesté soit accordé à M. de Rochechouart dans ses demandes pour la punition des malfaiteurs.

En réponse, j'ai l'honneur d'informer Votre Excellence que le Gouvernement de Sa Majesté n'a encore reçu aucun détail des événements en Chine auxquels Votre Excellence se réfère ; mais qu'il ne peut hésiter à donner des instructions au Représentant de Sa Majesté en Chine pour coopérer avec la Légation de l'Em- pereur afin d'obtenir la punition de ceux qui ont pris part aux attentats dont les sujets français ont été les victimes.

Je suis, etc.

(Signé) Granville.

LETTRE* DU COMTE GRANVILLE A M. WADE, ' 3o AOUT 187O

Foreign Office, 3o août 1870. Monsieur,

Je vous transmets, pour volrc information, une copie d'une communication de l'Ambassadeur Français à Londres relative au massacre de sujets français à Tien-Tsin, et demandant que le Représentant de Sa Majesté en Chine reçoive des instructions pour appuyer les demandes de M. de Rochechouart pour la puni- tion des malfaiteurs.

Je remets aussi ci-inclus copie de ma réponse, et j'ai à vous donner instruction de coopérer avec la Légation de l'Empereur afin d'obtenir la punition de ceux qui ont pris part à cet attentat .

Je suis, etc.

(Signé) Granville.

1. Traduction.

CHAPITRE XXVI

LE MASSACRE DE TIEN-TSIN

{Fin).

M. de Rochcchouart, rentré à Péking, après les funérailles des victimes, remettait au Tsoung-li Yamen un ultimatum déclarant que si le 3i août, les têtes des trois fonctionnaires coupables ne sont pas tombées, il amènera son pavillon. Vaine menace ! à laquelle le Prince Koung répond par une dépêche renfermant des propositions inacceptables.

Sur la demande de M. de Rochechouart, les représentants des Puissances se réunirent le i!\ septembre à la Légation des Etats-Unis pour prendre connaissance de la communi- cation peu satisfaisante qu'il avait reçue du Prince Koung. A la suite de la réunion une note collective fut adressée au prince par les diplomates étrangers :

>OTE COLLECTIVE, PÉKl?ïG, l[\ SEPTEMBRE 187O.

Péking, ce 34 septembre 1870.

Les Soussignés, Représentants des États-Unis de l'Amérique, de la Grande Bretagne, de la Prusse cl de la Russie, ont l'hon- neur d'informer Son Altesse Impériale le Prince de Koung que le Chargé d'Aflaires de France, ainsi qu'il en avait prévenu hier les membres du Yamen, a provoqué une réunion des Soussignés |K)ur leur faire part des résolutions du Gouvernement Chinois à

*^7^ MASSACRE DE TIEN-TSllS

l'égard des Mandarins et autres prévenus compromis dans les massacres de Tion-Tsin.

Les Soussignés croient de leur devoir de faire sans retard savoir à Son Altesse Impériale que cette décision, prise après une attente de trois mois, n'est nullement satisfaisante, tant au point de vue spécial des atrocités commises le ai juin qu'à celui de la sécurité générale, h laquelle tous les étrangers établis en Chine sont également intéressés.

Les Soussignés, etc.

(Signé) Hehfues

Frederick F. Low

Kug. BuTZOW

Thomas Francis Wade.

LE PRl>CE l>E KOl.\G A M. DE ROCHECHOl'ART,

l5 OCTOBRE 1870

Enfin après ces longues, humiliantes et pénibles négocia- tions, voici les conditions médiocres qu'obtient enfin la France :

Fé-king, le 10 octobre 1870.

Le massacre des étrangers à Tien-Tsin le 2 1 juin dernier a été la conséquence d'enlèvements de personnes que l'on mettait sur le compte des Chrétiens. La suspicion se changea en haine, et les circonstances qui se produisirent de part et d'autre amenèrent un soulèvement, puis bientôt une catastrophe.

Le jour même que furent rapportés ces faits à l'Empereur, un Décret ordonna expressément à Tseng, Vice-Iloi du Tché-li, Grand Conseiller Militaire de l'Empire, Tuteur Impérial Hono- raire de deuxième classe, décoré de la plume de paon à double œil, Noble de première classe. Marquis de Yi-yong, de se rendre à Tien-Tsin pour procéder aux enquêtes et régler cette affaire.

Parut ensuite un Décret ordonnant aux Vice-Hoi et Gouver- neur de la Province du Tché-li d'exiger que les autorités sous leur juridiction, protègent, suivant les circonstances, tous lieux de commerce étrangers et de propagation de doctrines.

LE PRINCE DE ROI' Xi \ M. DE ROCIIECIIOIART 879

L'Empereur daigna apri's cela désigner Tchoung, Tnleur Ini- IxTial Honoraire de troisième classe. Globule de premier degré, décoré de la plume de paon h double œil, Lieutenant Général de la [bannière bordée de Rouge, Vice-Président du Ministère de la Guerre, Surintendant du Commerce des Trois Porlsdu Nord, pour se rendre olFicicllement auprès de votre noble Gouvernement et donner ainsi une noble marque de la sincère amitié dont sont animées les deux nations.

Celle catastrophe se produisit pour nous. Prince et Ministre, d'une manière tout inattendue. \ou» déplorons profondément f[ue des fonctionnaires et des sujets de votre noble F^mpire aient été les malheureuses victimes d'un pareil attentat.

I^a Chine étant depuis beaucoup d'années en relations d'ami- tié avec votre noble Empire, nous ne pensions pas que les popu- lations pussent jamais commettre un acte aussi inimaginable et incompréhensible.

A de nombreuses reprises nous vous avons communiqué oHi- ciellemenl, noble Chargi» d'Affaires, les Décrets ayant trait à ces événements. En môme temps nous vous envoyions des déj^éclies vous donnant l'assurance que les malfaiteurs compromis dans cette affaire devaient étrearréléset sévèrement interrogés ; que les meurtriers, à quelque rang qu'ils appartiennent, seraient con- damnés suivant la loi, et que les autorités locales fautives seraient traduites devant le Tribunal du Mandarinat ; que les établisse- ments religieux, l'hôtel Consulaire, et autres immeubles détruits seraient remis en état à l'aide d'une indemnité ; que nous regret- tions encore plus, s'il était [)ossible, la mort des Sœurs de Charité ; et finalement nous vous prions de nous donner une liste des victimes afm d'avoir une base de calcul pour les indemnités pécuniaires.

Tel était le sujet des dépèches que nous avons successivement fait parvenir.

Conformément à ce que nous avions l'honneur de vous annon- cer, Tseng, membre du Conseil de l'Empire, Vice-Roi du Tché-li, et autres, rapportaient qu'ils avaient procédé à une enquête des circonstances au milieu descpielles eut lieu le soulèvement ; ils ont nettement déclaré qu'en fait d'extractions d'yeux et de cœurs il ne s'agissait que de fables, et de pareille chose n'avait pas eu lieu; ils ont prié l'Empereur de faire paraître un Décret dissipant tous les doutes qu'on pouvait encore conserver à cet

38o

M\$SACRE l>K TIE^-TSI^

égard, cl ordonnant avec sévérité aux autorités territoriales, civiles et militairet», de poursuivre aciivcmcnt les meurtriers. I^s mêmes hauts fonctionnaires priaient en même temps FEmpereur de dé- grader et de l'aire traduire devant le lIing-|K)u (Tribunal des Châtiments) le Préfet de Tien-tsin, Tcliang kouang-tsao, et le Sous-Préfet Lieou-Tié, tous deux coupables de n'avoir su main- tenir l'ordre, et de n'a\oir pas immédiatement après les événe- ments fait arrêter les coupables.

Le 5 octobre parut un Décret par lequel l'Empereur, consi- dérant que le Préfet et le Sous-Préfet de Tien-Tsin n'avaient pris aucune mesure capable de prévenir ce ([ui survint entre le peuple et les Chrétiens, et ensuite n'avaient su mettre de suite la main sur les coupables, donnait son approbation aux mesures qui lui étaient soumises.

En conséquence, Tseng Kouo-fan et autres tirent le procès de ces deux fonctionnaires déa:radés et les envovèrenl sous bonne garde au Hing-|X)U, qui proposa à l'Enqx^reur d'appliquer la peine prévue par l'Article, « Soulèvement criminel de la po- pulace, incapacité des autorités civiles et militaires territoriales à réprimer le désordre (»t à protéger », c'est-îWire, destitution; |)eine qui, vu la gravité des faits, s'augmente de l'exil et d'un concours obligatoire aux travaux des armées de frontière.

L'Enq)ereur était prié, vu l'extrême gra\ité des circonstances, de désigner lui-même le lieu d'exil.

Le Préfet et Sous-Préfet sus-nommés étaient responsables dans leur arrondissement respectif; ils n'ont, ce|XMHlant, |>as su aviser au moyen d'empêcher les popidations de Tien-Tsin de se le\er en masse et de commettre les faits qui eurent lieu. C'est ainsi que des malfaiteurs eurent l'occasion de mettre tout à feu et h sang, et de tuer beaucoup de inonde, et comme circons- tance aggravante ils n'arrêtèrent pas les coupables aussi vite (jue les circonstances l'exigeaient : Tchang Kouang-tsao et Lieou Tié sont, en consé([ueuce, condamnés à être dé[K)rtés au fleuve Amour |X)ur expier leur crime par des travaux pénibles. Par une pareille punition rEnq)ereur a voulu donner un avertisse- ment à tous :

« La populace de Tien-Tsin, mue par le doute et la colère, ne tenant pas compte de ce que faisaient les autorités locales pour le rétablissement de l'ordre, poussa l'audace jusqu'à faire plus de vingt victimes, parmi lesquelles se trouvèrent les Sœurs de

LE PRINCE DE KOUNG A M. DE ROCHECUOUART 38 1

Charité cruellement massacrées. Ce fait accuse davantage la lâ- cheté des meurtriers.

« Tseng Kouo fan et autres viennent de juger les individus arrêtés et compromis dans c^lle affaire : le châtiment a été pro- portionné à la gravité des crimes de chacun. Fcung, dit « le î^oiteux », et quinze autres coupahles ont été condamnés à mort: Wang-ou, dit « le Poinçon » et \ingt-et-un autres individus sont condamnés au bannissement (décennal) aux frontières les plus éloignées. Les châtiments se trouvant mérités, rEmpereur a approuvé les sentences rendues, et a ordonné jx)ur Fcunget ses complices l'application sans sursis de la peine de mort, pour Wang et autres Tenvoi au lieu fixé pour l'exil.

« Après ces actes de sévérité les autorités locales de la Province du Tché-li devront adresser des proclamations aux habitants afin cpi'iis fassent leur devoir et respectent les lois et que de pareils événements ne se renouvellent plus.

« Toutes les fois (pi'il se ])résentera une aiïaire intéressant les étrangers, on devra, conformément aux Traités, la régler a>ec justice et d'une manière satisfaisante.

ce Notre espérance est de voir l'ordre régner en tous lieux, et par conséquent la paix entre les négociants indigènes et étran-

i'ers.

« Res[x*ctez ceci. »

A ce Décret succéda un autre qui parut le 9 octobre, et fut rendu sur un rapport supplémentaire de Tseng Kouo fan. Voici les termes de ce Décret :

a Les coupables dont Tseng Kouo-fan et autres donnent la liste après jugement doivent être condamnés ainsi que l'a décidé le N ice-Uoi.

« Leou-eul et quatre autres individus subiront la peine capi- tale.

« Tang-lao et trois autres individus subiront un exil propor- tionné à la gra>ilé de leurs crimes.

c< Uespectez ceci. »

Tous les Décrets cités ci-dessus vous ont été communiqués oiïiciellement.

Dès le début, vous avez j)arlé, noble Chargé d'AlTaires, de la mise à mort du Préfet et du Sous-Préfet de Tien-Tsin et du Gé-

38a MASSACRE DE TIEN-TSIN

nt'ral Tch'en Kouo-jouei. Notre solution d'aujourd'hui ne satis- fait pas tout a fait votre Excellence.

Notre acquiescement à vos désirs avait de graves inconvénients jjour la Chine, et l'explication de ceci pourra naturellement être donnée de vive voix par Son Excellence Tchoung à votre nohle (jouvernement.

Je vous rappellerai à ce sujet qu'il a été constaté après enquête du Vice-Roi Tseng et autres que les événements de Tien-Tsin doivent leur origine au crédit (ju'ajoutait le jKîuple de Tien-Tsin à certaines fables et ne sont pas le résultat de l'instigation des autorités locales.

Les meurtriers sont punis de mort, et les Préfet et Sous-Préfet sont envoyés dégradés au fleuve Amour pour expier leurs crimes en concourant aux travaux pénibles des armées occu|)ant la fron- tière.

Cette condamnation est déjà des plus sévères et sera une leçon pour l'avenir. C'est par hasard que le Général Tch'en Rouo- jouei se trouvait à Tien-Tsin ; cet olïicier était malade et en voyage : il n'est pour rien dans ce qui s'est passé. Il n'est donc pas besoin de s'étendre davantage sur ce sujet.

Quant à la mise à mort des condamnés à cette peine, la Chine a déjà fidèlement agi et n'a montré aucune partialité.

Une dépêche de votre Excellence admet le remboursement des pertes subies |)ar les établissements religieux et autres soit aïo ooo taëls.

■Votre Souverain déplorant profondément que des fonction- naires, des négociants et leurs femmes, des Sœurs de Charité, aient été victimes des événements de Tien-Tsin, a fixé à a.") ckk) taëls le chiirre d'une indemnité |^»cuniairc dont nous vous avons déjà envoyé oiliciellement un compte de répartition.

Quoique l'alTairede Tien-Tsin soit terminée nous devons encore nous occuper des mesures à prendre contre toute fâcheuse éven- tualité ; aussi le nouveau Vice-Hoi du Tché-li, Tuteur Impérial Honoraire de deuxième classe, membre sup|>léanl du Grand Con- seil de l'Empire, décoré de la plume de paon à double œil. Noble de première classe. Comte de Sou-y, demeure-l-il à Tien-Tsin dans le but d'exercer une protection eflicace.

Vqici déjà bien des années que la Chine est liée d'amitié avec votre noble (îouvernemenl C'est inopinément que se sont pro- duits de la part du peuple les é\énements de Tien-Tsin, ainsi

CONDAMNATIONS 383

donc ils ne peuvent en rien diminuer la confiance et porter atteinte à Thonneur national. La question qui nous a occupés jusc|U*ici sc;trouve éclairée et résolue.

Son Excellence Tch'oung a reçu de TEnipereur Tordre d'aller en personne remettre une lettre du Gouvernement Chinois au vôtre en témoignage de son désir de voir le bon accord régner perpétuellement entre les deux Etats. Son Excellence Tchoung a exposé à TEmpereur qu'il emmènerait avec lui comme Secrétaires MM. Novion et Imbert. tous deux sujets Français.

Tel est le but de la présente communication. J'en adresse une autre au minisire des Affaires Étrangères de votre noble Gouver- nement. Je prie votre Excellence de vouloir bien la prendre en considération.

CONDAMNATIONS

Liste des (Chinois condamnés.

CONDAMNAS A LA PEINK CAPITALK

1. Feung, dit « le Boiteux », a reconnu avoir tué M. Fon- tanier à coups d'épieu.

2. Leou-eul a reconnu a>oir tué M. l'abbé (Jievrier à coup de bàlon ferré.

3. Kianî2:-ou a reconnu avoir tué des Russes à coups de lance.

/|. kien-eul a reconnu a>oir tué un Russe h coups de sabre.

5. Lo Tcheng kouo-tan-lse a reconnu a>oir tué h coups de bâton une Sœur deOharité.

6. Tclieou San a reconnu avoir tué à coups de bAlon M. de Challemaison.

7. Tchang Li a n»connu avoir tué d'un coup d'éj)ée M. de Challemaison.

8. A\ei-lao a reconnu avoir tué d'un coup de barre de ferme- ture de |K)rte un des Euro|K*ens du Wang Hai-leou.

9. Ma Iloung- leang a reconnu avoir tué d'un coup d'épéc un des Europ<»ens du Wang llai-leou.

10. Ou-la a reconnu avoir tué d'un coup de coutelas une des Sœurs de Charité.

384 MASSACRE DE TIEN-TSIN

1 1 . Toann-ta a reconnu avoir tué un Russe et avoir jeté son corps dans la rivière.

la. Fan Young-teu a reconnu avoir tué d'un coup de planche un des employés de la Mission Catholique.

i3. Leou-eul a arraché le sabre d'un Européen et l'en a tué.

14. Tcliang-eul a reconnu avoir tué à coups de sabre une des personnes employées chez les Sœurs.

i5. ïsoeui Tou-lse a reconnu avoir tué à coups de sabre une Sœur de Charité.

16. Tchang Kouo-tchouen, dit « la Tête de Mort », a reconnu avoir tué à coups de sabre une Européenne, et a ajouté avoir tué ensuite une dame russe.

17. Siao-oul a reconnu avoir tué une Sœur de Charité.

18. Tcheng Ma-ly, d'après le témoignage de Leou-eul, Tsao- ta de la femme Kao-ou, a tué un Euro|>éen de la Mission Catho- lique.

19. Wang*leou, d'après les témoignages du pré|X)sé à la po- lice, Wang Ting-y, de Leang Wen tchc, garde du tribunal du Tché-hien, a tué des Sœurs de Charité à coups de lance.

20. Ko-san, d'après les témoignages dcLi Wan-yeou, Li VVan- tcheng. du garde Tchao Tchou-tang et autres, a tué des Sœurs de Charité à coups de galle.

tXILÉS POUR VOL ET BLESSURES (lO ANs).

Wang-ou, dit « le Poinçon. » Yu-Ki. Pan-eul. Mao-san.

Teng-lao a blessé d'un coup de bâton une personne employée chez les Sœurs. Yang-eul.

EXILKS POUR VOL ET BLESSURES (3 ANS).

Nie Tchong-san.

Li-ta.

Souen-eul.

Li-ta.

Mou Tchao-ou.

Yang-eul.

LETTRE DU PRINCE DE KOI NT. \ M. DE ROCIIECnOUART 385

KouQ-san .

Li-ssc.

VVaiig-You.

Tsoiiei-lchao.

kou ïcliang-ho.

Tong-ssc.

Ma Tcliaiig-lchoucn.

(^Iiang-leii.

Leou Tou-Koiioi.

Tciing-yong.

Souon-oul.

Koan-san.

Ho-ssp.

LETTRE 1)1 PHINCE DE KOUNG \ M. DE ROCIIECHOl'ART.

I>DEM.MTÉS

Voici maintenant le prix du sang :

Le i8 octobre 1870.

J'ai eu riionneur de recevoir de votre Excellence et relative- ment aux événements de Tien-Tsin une dépèche exprimant l'in- dignation et la douleur (ju'ils avaient produites. A cetle pièco était jointe la liste des victimes.

I^a nouvelle de malheurs aussi inathMidus lui pour nous une cause de bien grande allliction.

Voici bien des années (pie la (Ihine et la France sont en rela- tion d'amitié, personne ne s'attendait à une pareille catastrophe. Encore maintenant nous en sommes couverts de confusion et émus.

Il a été décidé qu'il serait payé une somme de 26000 taëls à litre d'indemnité, cpie suivant les décisions du Ministère des Fi- nances votre Excellence pourra toucher de l'Administration des Douanes du Kiang-\an et du Kouang Toung pour répartir ensuite coid'ormément au compte ci-annexé entre les familles du (lonsul Fontanier, des autres fonctionnaires, et des négociants. L'Église touchera ce qui lui re\ient.

Le 13 courant m'est par>enu votre déjnVhe m'inforuumt que

CoKDIBK. 1. 25

38C MASSACRE DE TIEN-TSIX

les pertes matérielles subies par les établissements religieux et autres montaient à la somme de aïoooo taëls ; le Hou-pouadéjà décidé (pie le versement de ce remboursement sera effectué pttrla douane maritime de Tien-Tsin.

Tel est le but de la présente conununicatlon.

Répartition des Indemnités accordées.

TAEL8

Le Consul Fonlanier 3o ooo

Le Cliancelier S. Simon ao ooo

Le Cliancelier J. et M. Tliomassin. . 5o ooo

M. de Cballemaison, négociant. loooo

de Cliallemaison lOOOO

TAELS

laoooo Pour l'Kglise i3oooo

n^

Folal a5o ooo

CIKCLLAIHE DE M. DE ROCHECUOl ART Al X CONSULS DE FRANCE

K.\' CHINE, 22 OCTOBRE 187O.

Le chargé d'affaires fait part des conditions cju'il a enfin obtenues aux consuls de France en Chine.

Légation de France en Chine, le 22 octobre 1870.

J'ai l'honneur, |X)ur votre information particulière, de vous faire connaître la liste des satisfactions cpie le Gouvernement Chinois s'est décidé à offrir au (jouvernement l'^rançais au sujet des massacres de Tien-Tsin. Je n'ai ni à approuver, ni à désap- prouver ce programme, qui n'était pas le mien et qui d'ailleurs est exécuté à l'heure actuelle. Le Gouvernement Chinois a sur ma demande envové Son Excellence Tchoum^-Heou comme Am- bassadeur en France pour expliquer sa conduite et la faire agréer s'il le peut ; je ne saurais donc jusqu'à l'issue de cette mission préjuger la décision déliuitive de mon (îouvernement, mais ce que je puis et que je dois porter à votre connaissance dès aujour-

CIRCULAIRE DE M. DE HOCHECIIOIART AUV CONSULS DE FRANCE 887

d*hiii c*csl ma conviction qu'il n'y a pour le moment du moins aucun danger de voir se renouveler sur d'autres ]K)ints de la Chine les douloureux cvénemenls de Tien-Tsin : et je vous prie, M. , de vouloir bien rassurer les personnes qui vien-

draient vous consulter sur ce sujet, elles peuvent sans crainte vaquer à leurs aflaires et à leur commerce comme par le passé conformémenl aux droits inscrits dans les Traités.

Le Gouvernement Chinois s'est eni^agé à prendre les mesures nécessaires |X)ur assurer |)artout cette sécurité, et dans le cas je ne serais pas suffisamment convaincu de relîicacilé de cette pro- messe j'aurais soin de prendre les précautions nécessaires pour ga- rantir la vie et les propriétés de mes compatriotes contre toutes les éventualités fâcheuses.

Je profite également de cette occasion, M. , jx)ur rec-

tifier quelques inexactitudes qui se sont glissées dans l'opinion publique et qu'il importe de faire disparaître :

I . Je n'avais jamais entendu prononcer le nom de Tch'en Kouo-jouei avant les événements de Tien-Tsin, et ce p^'sonnage ne s'était jamais trouvé mêlé à aucune des affaires que j*a\ais eues à traiter jusqu'à ce jour.

a. Il est parfaitement faux que j'aie adressé au Gouvernement Chinois plusieurs ultimatums |X)ur exiger telles ou telles satis- factions. J'ai, il est vrai, insisté sur certains points, mais je n'ai jamais formulé d'exigences sine tjud non.

3. Je* ne crois pas qu'il ait existé de complot à Péking dans le but de massacrer les Européens établis dans cette ville. Il se peut (|ue dans les premiers jours qui ont suivi les événements de Tien-Tsin nous ayons eu à craindre le contre-coup de cette lugubre tragédie, mais ces appréhensions se sont heureusement \ite dissipées en songeant à la composition de la jwpulation de Péking, l'élément Tartare domine et ferait par conséquent obstacle à toute émeute» à moins d'y être poussé par le Gouver- nement Central, qui dansées circonstances n'avait aucun intérêt à aggraver la situation.

4. Il est parfaitement vrai qu'une lettre écrite par M. Fonta- nier le jour môme de son massacre a fourni le plus fort argu- ment en faveur de l'innocence de son Excellence Tch'oung ïleou. mais il est faux que |)endant mon séjour à Tien-Tsin ce per- soimage ait déjeuné chez moi ou que j'aie déjeuné chez lui. Lorsque ce haut fonctionnaire est venu me voir à bord de la

388 MASSACRE DE TIE.N-TSI\

« Flamme », il n'a mc^me pas roçii les honneurs militaires dus à son rang.

5. Le plus |)arrait accord n*a cessé de régner entre les différents Chefs de Mission résidant à Péking, et chaque fois que j'ai eu recours à mes collègues, je les ai toujours trouvés, tous sans exception, prêts à seconder mes efforts. (^>uelques-uns d'entre eux mémo se lrou>ant plus particulièrement intéressés à la question par suite de la nationalité un peu cosmopolite des Sœurs de la Charité, n'ont cessé d'insister de la fayon la plus énergique auprès du Couvernement (Chinois pour obtenir le châtiment des meur- triers de leurs compatriotes.

N ous \oudrez bien, M. , saisir toutes les occasions pour

remercier, au nom du (îouvernement Français, \os collègues et les diirérentes connnunautés des ])orts de la svmpathie qu'ils nous ont constamment témoignée dans ces pénibles circons- tances.

CfACM SIONS

Le Chinois a\ait payé le sang des victimes avec do l'argent que refusa M**' l)ela[)laco' et la vie de coni[)arses qui avaient exécuté les ordres rc(;us. Les grands coupables écliap|)aienl alors à un châtiment bien mérité connue leurs imitateurs de 1900 réfugiés à fabri du trône inipérial. Les principaux instigateurs du massacre, le Tché-Fuu et le Tché-Hien furent tenjporairement suspendus (le leurs fonctions et T'chen Kouo- jouei, qui mourut paisiblement plus tard, fut honore à Fégal d'un héros et des temples furent élevés à sa mémoire*.

l'cli'oung-lleou envoyé en Europe |)our présenter les

I. 11 0^1 juste (l'ajoiilor que les i3o()()o laëls refusés par Mp"" Delà- place le [\ janvier 1871, îi son rclour de liouie, niaient été encaissés par M. Avmeri, procureur à (^liang-llaï, qui refusa de les rendre sans ordre do M. Etienne, sup<*rieur général do la (Congrégation de la Mission.

3. Kn juillet 187 1, il fut dégradé et envo>é au service en Mongolie : celte disgrâce fut considérée comme un succès <le Koung contre Tseng : mais comme rcli en était fort riche, la disgrâce fut ])Ius apparente que réelle.

CONCLUSIONS 38()

excuses du gouvernement chinois, n'avait pas Irempé direc- tement dans l'assassinat des étrangers, mais il est impossible qu'il ait ignoré ce qui se tramait, surtout après la procla- mation du Fou du 1 8 juin ; un mot de lui aurait tout arrêté; comme Ponce Pilate, il se la^a les mains de ce qui pouvait arriver. Les complications européennes auraient pu faire excuser le choix d'un tel agent s'il avait été fait après que la nouvelle de la guerre entre la France el TAIIemagne fut parvenue en Chine ; il est inexplicable au lendemain du crime.

L'attitude insolente de Li lloung tchang\is à vis de notre consul à Tien-Tsin. AL Cli. Dillon, en a\ril 187 1, souligne encore la mauvaise volonté des (chinois au courant de nos revers. Nous eûmes loules les peines du monde à obtenir rachévement du cimelière qui devait recevoir les cor))s des victimes.

J'avais donc raison de dire que les victimes du massacre de Tien-Tsin n'ont jamais été vengées.

La politique française en Chine a toujours manqué de suite ; elle a élé faite d'à-coups. Vucun progranmie ))réparé d'civance soigneusement. Tantôt le Parlement à la remorque du Gouvernement, plus souvent le (iouvernement à la re- morque du Parlement, ont donné la i)lus grande instabilité aux divers projets qui demandaient une longue durée dVxé- cution. En outre, la majorité des Français, quoi qu'on en dise, e-l hostile à une action s'exerçant dans un pays loin- tain ; le bien-être présent empêche la moyenne des citoyens de voir le danger devant lequel ils s'endorment dans une trompeuse sécurité. Jamais le passé ne sert d'exemple au présent. Pour en revenir à la Chine, il est un fait, brutal, il est vrai, mais c'est un fait : que la force seule nous a fait pénétrer et nous maintient dans l'Kmpire du Milieu; toute longaninûté de la part du vainqueur est considérée, non comme une marque de générosité, mais comme un indice

890 MVSSACHK DE TIEN-TSIN

de faiblesse. Les vrais coupables du guet-apens de T'oung- Ichéou en 1860, échappèrent à un châtiment bien mérita?; de même que les assassins de 1870. Pareille impunité est assurée aux massacreurs de 1900. Les Chinois ne compren- nent pas les théories de nos néo-philanthropes et les chimères généreuses de la Ligue pour la paix. La triste maxime : « La force prime le droit » doit être appHquée dans toute sa ri« gueur en Chine : sinon, plions bagages.

CHAPITRE WVII

AMÉRICAINS EN CORÉE. T.-F. WADE. - TRAITÉ JAPONAIS

>AVIHES AMERICAINS ATTAQUES EN COREE

Le 24 juin 1866, le schooner américain. Surprise^ échoua sur la côte de Corée ; le capitaine M*^ Casiin, Téquipage et le cuisinier chinois furent bien traités par le Taï Wcn Koun*, et purent regagner Nieoutchouang. En revanche un autre na- vire, le General Sherman^ qui avait quitté Tien-Tsin le 29 juillet 1866 pour se rendre en Corée, par la voie de Tché- fou, dispanit et son équipage fut sans aucun doute massa- cré. Le vaisseau de guerre américain Wachussett, comman- dant Shufeldt, envoyé parle contre-amiral Rowan pour ob- tenir des renseignements sur le General Sherwan^ quitta) Tché-fou le 21 janvier 1867 et jeta Tancre deux jours plus tard sur la côte coréenne ; il lui fut impossible d'obtenir le moindre renseignement. En mai 1867, Tamiral Rowan en- voya de nouveau en Corée un navire de guerre le S/tenan- doaft, commandant Febiger, qui eut confirmation du mas- sacre près de Ping-Yang.

Le Ministre des États-Unis avait insisté auprès de M. Rer- themy, ministre de France, pour une action comnmne en Corée.

A la suite de la dernière affaire et d'un rapport (i \ octobre

3()'J AMÉUICAINS EN COUKE TIUITÉ JAPONAIS

1868) (lu consul gênerai à Chang-Haï, Geo. F. Se>Yartr, les Élals-Unis résolurenl crouvrir la Corée au commerce américain. Le ministre à Péking, Frederick F. Low, fut chargé de se rendre à la capitale de la Corée avec le contre- amiral John Rodgers, commandant en chef de Tesc^dre asiatique, en remplacement de Tamiral Rowan. Entre temps le ministre allemand au Japon, M. von Brandt allait avec le na>ire de guerre, la Herlha^ à Fousan, j)our se mettre en rap- port avec les Coréens (i*''" juin 1868) ; il n'y réussit pas.

VwQ autre attaque dirigée contre les Russes par les (Coréens à IVndroit 011 avait cond)attu Tarn irai Roze fut cîichée et nous est connue seulement par une correspondance de Péking, du 20 mai 18G9 :

« Lnc caiionniiTc russe fut envoyée de Nicolaïevsk avec une mission Indrograpliique sur les côtes de Corée ; le commandant de ce hiilimcnt essaya d'entrer en relation avec les indigènes et croyant les >oir animés de bonnes intentions, il descendit à terre avec un seul marin, mais à peine débarqué, il . fut ac- cueilli par une fusillade des plus \ives et eut toutes les peines du monde à rejoindre son bord ; il lit feu lui-même sur un petit fort placé au bord de la rivière, mais se trouvant trop faible pour prolonger le combat, il se relira sans savoir quel avait été le résultat de son tir. »

AMÉRICAINS EN COKÉE. M AI- JUIN 187I

Le 16 mai 1871, fescadrc américaine composée du vais- seau amiral Colorndoy des corvettes Alaska et Benivia^ des canonnières Monocary et Pa/os, quitta Nagasaki et arriva le •i3 à File Lugénie ; le 3o, elle jetait Tancrc entre les îles Boisée et Guerrière. Trois fonctionnaires (Coréens vinrent

I. Depuis ministre à Péking; neveu de William H. Seward, le célèbre homme (l'Etat.

NAVIRES AMÉRICAINS ATTAQUÉS E>' CORÉE ^C)3

s'enquérir auprès de M. Low du but de la visite de cette flotte et remirent au ministre américain la note suivante:

Pendant Tannée 1868, un liominc de votre pays nommé Fe- biger vint ici, eut des relations avec nous et partit ensuite. Pour- quoi n'agisscz-vous pas de môme? En l'an i8()5, des gens appelés Français débarquèrent ici, et vous pouvez leur demander com- ment ils furent reçus. Les babitants de ce pays et le pays lui- môme sont depuis /i 000 ans satisfaits de la ci>ilisation dont ils jouissent, et n'en désirent pas d'autre. Nous n'importunons au- cune autre nation. Pourquoi viendraient-elles nous importuner? Notre pays est situé à l'Extrême-Orient, le votre aux contins de l'Occident. Pour quel molif avez-vousdonc traversé tant de mers? Est-ce pour vous enquérir des faits concernant votre bâtiment détruit (/^ général Sherman ?). Son équipage avait commis des actes de piraterie et des assassinats, ils ont été punis de mort. Voulez-vous notre sol ? C'est impossible. Voulez-vous commer- cer avec nous? C'est impossible.

Il leur fut répondu que la mission était pacilique, que les Américains désiraient Tenvoi d'un plénipotentiaire coréen et qu'ils allaient remonter la rivière j)our exécuter des travaux hvdrograpbiques. En effet, le i^'*" juin, le Monocncy et le Pa/os, et quatre cbaloupes à vapeur remontèrent la rivière ; ils furent accueillis a coups de canon. Dix jours plus tard, ces bâiimenls avec vingt embarcations portant G5i bonmies, débarquaient, malgré le feu de l'île de Kang-boa. Dans Talta- que de la citadelle coréenne, le lieutenant M^* Kee fut blessé mortellement h la tète de ses bommes dont deux furent tués et dix blessés. Cinq forts furent pris ainsi que cinquante drapeaux et /|8i pièces d'artillerie (11 juin).

Il n'y avait donc aucune cbance d'obtenir un traité ; Tamiral Ilodgers quitta le mouillage de l'île Boisée, le 3 juillet et arriva à Tcbé-fou le 5. Sa retraite, comme jadis celle de l'amiral Roze, fut, par les Coréens, considérée comme une reculade.

Il fut de nouveau question d'une action commune de la

394 AMÉRICAINS EN CORÉE TRAITÉ JAPONAIS

France et des Ktals-Unis. M. Low, ministre américain, et le comte de Rochechouart y étaient favorables ; les ressources devaient être tirées de la Cochinchine, sans avoir recours à la métmpolc. Mais un vent de prudence soufflait en France depuis la guerre allemande; d'ailleurs le nouvea^u gouverne- ment se souvenait avec inquiétude de la campagne du Me\iq!ie, de l'expédition malheureuse de l'amiral Roze en Corée, de l'annexion, j>ourlant si facile et si utile, des trois provinces de l'Ouest de la Basse-Cocbinchine (1867) par Tamiral de la Grandiére, aussi M. Jules Favre, ministre des Affaires étrangères, télégraphiait-il de Versailles, 18 juillet 1871, au chargé d'affaires de France :

Le gouverneinenl entend que nous restions dans la plus grande neutralité. Notre amiral devra donc se borner à obser- ver ; il s'abstiendra d*agir.

La France perdait une boiuie occasion de rétablir son prestige compromis dans rExtrème-Orienl, et l'amiral Gi- zolme, successeur de Tamiral Dupré, la chance de venger l'in- succès de son prédécesseur Roze.

Ce que n'avaient pu faire ni les Fran(;ais, ni les Américains, les Japonais l'entreprirent avec succès en 1876.

T. -F. WAUK

Celte même année 1871, sir Rutherford Alcock avant donné sa démission \ il fut rem[)lacé comme ministre d'An- gleterre à Péking juillet 1871) par Thomas Francis Wade, alors Chargé d'Affaires. M. AVade', lils aîné du colonel Tho- mas Wade, C. B., est vers 181 8 ; après avoir suivi les cours

I. \o'\r supra, p. 258.

'j. Henri Cordicr, dans le Jouvn. Roval Asiafic Society et le T'oitns Pao, VL |). '407-4 12.

T. F. WADE 395

à Harro\v,il entra dans rarinéc comme enseigne au 81'' régi- ment (2 novembre i838) qu'il cjuitta l'année siiivante pour le Vi*' Highianders (23 août 1839). Envoyé en Chine, il fut promu lieutenant (16 novembre 1 8/i i) et il changea encore une fois de régiment pour le 98*^(17 novembre i84i); il fit cam- pagne à Tchen-Kiang et à Nan-King. 11 quitta Tarmée le 22 juin 1847. Entre temps ijfut nommé interprète (i8/i3) de la garnison de Hong-Kong qui venait d'être cédé à TAnglelerre par le traité de NanKing ; puis en 18^16, interprète pour le dialecte de Canton a la Cour suprême du même port. 11 fut successivement assistant-secrétaire chinois (3o mars i8'i7)et vice-consul à Chang-llaï (i852). Nous Tavons vu dans ce dernier poste remplir les fonctions de commissaire des doua- nes (185/4 0* Promu secrétaire chinois à Hong- Kong le 6 juil- let i835, il accompagnait le mois suivant Sir John Bowring en mission spéciale en Cochinchine ; il rendit également les plus grands services à Lord Elgin lors de ses deux missions auxquelles il fut attaché. Le 20 janvier 1862, Wade fut nommé secrétaire chinois (premier interprèle) et traducteur de la Légation d'Angleterre à Péking. Au départ de Sir Fre- derick Bruce et de Sir Kutherford Alcock, il fut Chargé d'Affaires du 23 juin 186^ à novembre 186;"), et de novembre 1869 à juillet 1871, époque à kquelle il fut nonmié envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire et surintendant en chef du commerce en (^hine '.

La communauté anglaise en (ihiiie n'a pas toujours rendu justice aux efforts de ce diplomate distingué. Dans l'Extrême- Orient, les étrangers sont portés à croire que l'attention du

1. \oïr supra, p. 109 et iGi.

2. Wade a été nommé Compagnon du Bain. G. B., le i4 mai 1861 ; chevalier Commandeur du Bain, K. C. B., qui lui donnait droit h l'ap- pellalion de Sir, en novembre 1870, et G. il. M. G. grand croix de Sainl-Micliel cl Saint George en i88<) ; il se relira en i883 cl mourut le 5 juillet iSy."), 5 Salisbury \ illas, Cand:)ridgc.

396 AMÉUICAI.NS EN CORÉE TUAITÉ JAPONAIS

monde entier est fixée sur eux et que leurs intérêts priment tous les autres ; ils ne semblent pas se douter que les pro- blèmes, môme les plus imporUinls, de la politique chinoise, ne sont souvent que des facteurs secondaires dans la jx)litique générale à laquelle ils sont parfois subordonnés.

\lcock, VVade et Parkes forment le triumvirat des diplo- mates anglo-chinois ; ils étaient diiïérenls d'aptitudes et de caractères, tous nms par Tintérét supérieur de leur pays, mais employant des moyens différents d'action. Je ne repar- lerai pas d'Alcock \ qui fui comme ministre en Chine ce que les Anglais appellent une fa Hure. W ade, quoique soldat, fut surtout un honmie d'étude ; Parkes, dans une carrière civile, fut un homme d'action ; le premier, homme de cabi- net ; le second, honmie de plein air. Wade était un tempo- risateur et Parkes un autoritaire, mais tous les deux ont bien mérité de leur pays et leur disparition a coïncidé avec la décadence de l'influence anglaise dans l'Extrême-Orient.

HK>OLlTIO> Al JAPON, 1 868

Un facteur nouveau allait se mêler au concert des puissan- ces étrangères en Chine : le Japon, en 18O8, avait transformé son gouvernement par une révolution, qui détruisit l'orga- nisation du Shogounat qu'Iyeyajs lui avait donnée en i6o3. Le shogoun, qui était un véritable maire du palais, désigné aussi sous l'appellation de tai-konn, d'origine chinoise, exerçait le pou\oir à Yedo, tandis que le véritable empereur, le ten/w ou mikado^ menait une >ie elfacéc à Miaco (Kioto). Nous n'avons pas ici la place de raconter la révolution du Japon. Rappelons seulement que le mikado komei Tennô étant mort, son fils Mutsu-hilo, à Kioto le 3 novembre

2. Voir supra, p. 258.

RÉVOLUTION AU JAPON 897

i852, le remplaça. Le nouveau souverain prit le nom de r^gne (^nengo^de Mei-dji (1868) ; la révolution ayant éclate, le shogounat fut aboli ; les Tokugawa (descendants d'I- yeyas) furent écrasés par les Impériaux qui triomphèrent de leurs dernières résistances à Hakodate en 1869. Mutsu-liito traita avec les étrangers, ouvrit les ports de Kobé, Osaka (1868), iNii-gatxi, Yedo (1869) au commerce et transféra sa capitale de Kiolo à Yedo, dont le nom changea en Tokyo (cour de FEst ; équivalent do Tong-king). Une transforma- tion complète de Tempire du Soleil Levant allait s'opérer.

Celle soudaineté et celte rapidilé du Japon dans le désir de se transformer et surtout de singer les puissances euro- péennes me paraît avoir été justement expliquée dans le pa- rallèle suivanl en Ire Chinois el Japonais.

« C'est la mode de louer le Japon pour Tesprit de progrès (pi'il a montré, aux dépens de la (^hine, qui resie fidèle aux vieilles méthodes et aux coutumes passées. Quelque admira- tion que nous puissions avoir pour le merveilleux progrès que le Japon a fait, ceci est à peine juste. On doit se souve- nir que le Japon n'a jamais rien créé. Tout ce qu'il a su, jusqu'au moment de ses premiers vrais rapports avec les étrangers il y a quarante ans, il le devait à la Chine. Le Bouddhisme, qui a remplacé el en quelque sorte prospéré la main dans la main avec le vieux culte des ancêtres, le Shinto, la lecture et l'écriture, chaque art et chaque talent, depuis la musique et la danse jusqu'au jeu du foot-ball, tout a iiltré a travers la Corée de la Chine au Japon, et les dates de leur arrivée ont été notées solennellement comme faits importants dans le 0 Dai Ichi Han, « Un Vperçu sur la génération des Rois », l'histoire indigène. Emprunteurs depuis le commence- ment des temps, il importait peu aux Japonais s'ils emprun- taient une fois de plus ou de moins et lorsqu'ils virent que s'ils désiraient tenir une place parmi les nations, leur seule chance était de se séparer des anciennes formes chinoises el

398 AMÉRICAINS EN COUKE TBAITÉ JAPONAIS

d'adopter la civilisation de TOccident, ils n'hésitèrent pas ils firent un saut dans la lumière et quittèrent le treizième pour le dix-neuvième siècle. A entendre parler quelques en- thousiastes, on serait presque amené à croire que les Japonais ont inventé le dix-neuvième siècle. Ils l'ont trouvé tout prêt et sur leur mesure. Il était impossible de traverser les siècles interm(kliaires. Ils avaient à faire un saut, et ils le firent avec \olonté. La scène de la transformation fut aussi soudaine qu'elle fut complète. Mais elle ne coûtait aux Japonais aucun sacrifice d'orgueil national. Ce c[u'ils abandonnaient n'était nullement de leur propre invention.

(( De l'autre coté, les Chinois ont une civilisation autochtone dont ils sont justement fiers. Cinq cents ans avant que le Christ ne vint sur terre, (piand les indigènes de ces îles [britanniques] étaient des sauvages sans espoir vêtus de peaux ou teints de gaude suivant les saisons, si les vieilles légendes sont vraies Confucius enseignait le respect de coutumes qui étaient déjà anciennes. Depuis son époque, il y a eu treize change- ments de capitale et pas moins de trente dynasties, mais même lorsque les empereurs tartares s'assirent sur le trône du Dragon, ils furent obligés de suivre les règles de ce Chinois et la civilisation est restée ce qu'elle était « à l'ombre » du Grand Maître. Il n'est pas étonnant que les fils de Han réfléchissent longtemps avant de jeter aux quatre vents du ciel leur passé, ainsi que les Japonais l'ont fait sans un soupir * » î

Trois ans après la Révolution, en 1871, le Japon allait se mettre à l'unisson des autres puissances, et lui, aussi, signer un traité avec la Chine.

I. The Attaché ot Peking by A. B. Frecman Mitford. Lond., 1900, in-8. pp. VIII- 10.

TRAIT!-: AVEC LE JAPON 899

TRAITÉ AVEC LE JAPON, l3 SEPTEMBRE 187I

Le traité entre la Chine et le Japon a été signé en chinois et en japonais à Tien-Tsin, le i3 seplemhre 1871 *, par Li Houng-tchang et Ito ■, ministre plénipotentiaire ; il comprend dix-huit articles dont nous indiquons celui-ci quia un carac- tère spécial :

Art. VI. Les deux états correspondront dorénavant, la Chine en caractères chinois, et le Japon en caractères japonais, ou seulenient en chinois comme il conviendra au gouvernement japonais.

In traité ou plutôt des règlements commerciaux au nombre de 3î?, furent ajoutés en exécution de Tarlicle VF! du traité du i3 septembre ainsi conçu :

Les deux gouvernements s'indiqueront réciproquement les jx)rts ouverts au commerce étranger dans les deux états, et les sujets de chacun pourront s'y établir, et seront soumis aux lois (jui seront convenues.

Voici le premier article des règles du commerce :

Après ratification du traité d'alliance les négociants des deux

I. 39* jour, lune, 10* année T'oung-lché = 4" année Mei-dji.

a. Ito Hirobumi, en i84o. est un samuraï du clan de Choshu. Il s'échappa tout jeune sur un vaisseau étranger et Gnil ses études en Eu- rope. Vers 1867, on le nomma gouverneur de Kobé ; en 1868, on l'en- voja en Amérique pour y étudier le système des monnaies. Ministre des travaux publics. Ito décida la construction du chemin de fer de Tokyo à Yokohama; il fit ensuite partie de la grande ambassade de 1871-1872, reprit en 1878 son siège dans le Cabinet, entra en 1870 dans la commission des réformes constitutionnelles. Resté seul membre de cette commission après la mort ou la retraite de ses collègues, il rédigea la constitution. Premier ministre de i885 à 1888. président du Conseil d*État de 1888 à 189a, puis premier ministre de 1892 à 189G et do 1897 à 1898. (Marquis de la ^îazelière. Essai sur V Histoire du Japon, 1899, pp. 388-9.)

l\00 AMÉRICAINS EX COIlÉF TRAITK JAPONAIS

pays établis dans les ports dosigiiés dans le présent traité pour- ront commercer librement entre en\.

L'article H désigne les ports :

Art. II. Les ports désignés par la CUinc pour les relations commerciales sont : Chnng-Uaî, Province de Kiang-Sou, Dépar- tement de Soung-Kiang, District de Chang-Haï : Tchen-Kiang, Province de Riang-Sou, Département de Tchen-Kiang..., Ning- Po. . . ; Kieoa-K'mng. . . ; Han-Kàou.. . ; Tien- Tsin.. . ; !\ieou-tchouang. . . ; Tchè'fou... ; Canton... ; Stvahiv... : Kioiing-tchéou ... : Fou- tcheou...: Amoy...; Tnî-wan...; Tam-soui...

Les ports désignés par le Japon pour les relations commerciales sont Yokohama, dans le Département de Eocudo, Province de Moroaclii,sQus le Gouvernement de Kanagawa; liakodadi. Dépar- tement de Hokkaïdo, Province Atictori, Gouvernement Carla- conchi ; Osaka, Déparlement Kinnai« Province Setschan, Gou- vernement Osaka ; Hiogo, Département Kalikinai, Province Setschan, Gouvernement Hiogo : iMigala, Département Hokaim- kando, Gouxernement .Migata ; Pezo, Dé|>artcmenl Hokaim- kando, Province Sadochan, Gouvernement Sago, sous INiigata.

Notons encore :

Art. XllL Le propriétaire (Chinois de marchandises impor- tées de Chine au Japon ne sera pas autorisé môme après avoir acquitté les droits d'usage, à pénétrer dans l'intérieur du Japon pour les vendre, et réciproquement, après que les droits de douane auront été payés, les marchandises japonaises importées en Chine ne pourront être vendues dans l'intérieur que par des Chinois. Elles seront soumises aux droits de transit à chaque barrière.

Les négociants japonais transportant des marchandises dans l'intérieur de la Chine seront arrêtés et traduits devant leur Consul pour être punis.

Art. \ÏV. Les négociants Chinois et Japonais sont autori- sés dans les ports ouverts des deux pays, à acheter les marchan- dises qu'ils trouveront sur la place y compris les objets de pro- venance étrangère, à la condition d'en informer le Consul de leur nation et d'acquitter les droits. Ils peuvent également les

TRAITÉ AVEC LE JAPON 4oi

exporter après avoir acquitte les droits de douane mais il ne leur est pas |)erinis d'aller les acheter dans l'intérieur.

Les marchandises achetées par les Japonais dans l'intérieur de la Chine, ou par des Chinois dans l'intérieur du Japon, seront confisquées et l'acheteur sera remis entre les mains de son Con- sul pour être poursuivi.

Les articles ci-<lessus ont été faits dans le but qu'il soit bien compris que les transactions commerciales entre les deux pays ne peuvent avoir lieu ([ue dans les seules places désignées par le présent traité.

Ce dernier paragr«nphe est caractéristique. Les articles suivants ont également un intérêt particulier aux deux pays :

Art. XXI. L'exportation du riz est prohibée dans les deux pays ; le transport du riz d'un |X)rt à un autre du même pays est seul autorisé. La quantité de riz nécessaire à la nourriture de l'équipage des bâtiments s'obtiendra au moyen d'un permis dé- li\ré par la douane.

Art. XXU. Les bâtiments Japonais faisant le commerce avec l(»s |K)rts de Poaiigchan et Nieou-tchonang ne pourront en exporter des tourteaux de haricots. L'exportation de cette denrée leur sera permise dans les autres [X)rls.

Art. XXllL Le nitre, le soufre et le salpêtre étant dos ar- ticles d'utilité nationale, les autorités auront seules le droit d'en disposer en Chine. Les négociants Ja|X)nais qui voudraient faire le commerce de ces articles, de>ront au préalable obtenir une permission spéciale des autorités chinoises. Ceux qui se livre- raient h ce commerce sans être [X)rteurs de l'autorisation requise seraient punis de la confiscation de leur marchandise. Les négo- ciants chinois qui dans les ports japonais se livreraient sans auto- risation légale à rex|)ortation du nitre, soufre et cuivre blanc se- ront également punis de la confiscation de leur marchandise.

Art. XXIV. La poudre, les boulets, les balles, les canons, les pistolets et généralement toutes les armes de guerre ainsi que les chevaux chinois et les nouveaux engins de guerre seront consi- dérés comme marchandise de contrebande dont les négociants des deux pays ne jKîuvent faire commerce entre eux à partir des détroits : ces articles seront saisis à bord des bAtiments qui les auraient à leur bord et les coupabh^s seront [)ris et remis aux autorités de leur nation |)our être jugés par elles selon les lois.

CoRDiFR. L a6

402 AMÉRICAINS EN CORÉE TRAITÉ JAPONAIS

Art. XXV. Les sapèquesde cuivre peuvent en Chine et au Japon être transportées d'un port ouvert à l'autre dans le même pays, mais il est défendu de les exporter d'un pays dans l'autre. Les négociants qui seraient reconnus coupables de se livrer en secret à ce commerce seront arrêtés. Les Japonais ne pourront pas exporter le sel chinois, et le sel du Japon ne pourra pas da- vantage être exporté en Chine. Les contrevenants seront punis conformément aux lois de leur pays.

Le traité ralifié par TEmpereur de Chine en septembre 1871, le fut avec des niodifica tiens le T'^ novembre 1871, par le mikado.

CHAPITRE XXVIII

MISSION DE TCH'OUNG HEOU

TCh'oUNG HEOU EN EUROPE

Nous savons * que Tcli'oung Heou avait été chargé de porter en France les excuses du gouvernement chinois pour le massacre de Tien-Tsin; il quitta le 28 octobre 1870, accompagné de deux fonctionnaires des Douanes chinoises : MM. Novion' et Imbert ^. Il était impossible au plénipoten- tiaire chinois d'arriver dans notre pays à un plus mauvais moment. Lorsqu'il débarqua à Marseille, la France était en- vahie et le Gouvernement de la Défense Nationale avait d'autre souci que celui des victimes du Massacre de Ïien-Tsin. Tciroung Heou fut promené à Bordeaux, a Tours, à la recherche d'un minisire insaisissable ; du haut de la terrasse de Saint-Germain, le (ils de Han dut faire de singulières ré- flexions en voyant les incendies allumés par la Commune. AlTolé, Tch'oung Heou s'enfuit jusqu'à New- York, d'où une dépèche le rappela en France. M. G. Lemaire arrivait de PéLing avec des renseignements qui permettaient de mener à bonne fin les négociations qui n'étaient pas aussi faciles que

I. Voir p. 366.

a. Novion, Alfred, entré dans les douanes en janvier i863 ; commis- saire en avril 1875.

3. Imbert. Albert, entré dans les douanes en janvier 1867, confi^wo employé de fx" classe ; se relira en mars 1877 comme assistant- secrétaire chinois de Tlnspectorat général avec rang de député-commissaire.

/|04 MISSION DE TCh'oUNG IIEOU

le disait le prince Koung h noire chargé d'affaires : « Oh ! sa mission fdc Tch'oung Heou] est toute simple : il n'a pas d'affaires k traiter et seulement des compliments à faire. » M. Louis de Geofroy, sous-directeur à la division politique, l'un des plus actifs collaborateurs de M. de Chaudordy, avait été nommé ministre plénipotentiaire auprès de l'Empe- reur de Chine, le 6 juillet 1870, en remplacement du Comte de Lallemand ; il fut désigné comme Commissaire pour conférer avec Tch'oung Heou *.

LETTRE DE M. DE REMUSAT AV PRINCE KOl'NG,

6 NOVEMBRE 187I

Le ministre des Affaires Étrangères, M. de Rémusat, exposa les vues du gouvernement français dans la lettre suivante :

Versailles, le G novembre 1871.

Prince,

J'ai riionn(»ur de réjx)ndre à la lettre de Votre Altesse relative aux événements de Ticn-ïsin, et qui a été remise à mon prédé-

I. Cîeofroy, François-Louis-//onride, néà Avignon. le 270clobre 1822 ; attaché surnuméraire aux Archives. i«-'" décembre i848 ; aspirant diplo- matique. aUaché à la mission de la Plata, 28 décembre i85i ; détacl>é à Uio, juin-novembre i852 ; intérim de secrétaire de légation à Rio, mai-novembre i854; secrétaire de légation à Bogota. /i décembre i854 ; secrétaire de 2*= classe, 3i août i850; cha,rgé d'aflaires à Bogota, mars 1857-avril i858; secrétaire de i*"** classe, 1 3 octobre i863; chargé d'af- faires à AVashinglon. février iSG^-mai i8l)5; sous directeur à la division politique, 28 octobre 1806; ministre plénipotentiaire de 2' classe. 12 avril 1870; envoyé extraordinaire et ministre plénijwtentiaire aupros de l'Empereur de (Ihine. 6 juillet 1870; détaché à la Délégation de Tours et de Bordeaux, septembre 1870- février 1871; chargé à Versailles et à Paris de négociations avec l'ambassadeur chinois, mars -décembre 1871 ; envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Tokyo, 80 avril 1876;

LETTRE DE M. DE RÉMI'S^T AU PIUNCE KOI .\G 4o5

cesseur, dans le courant du mois de mars, par l'Ambassadeur Tch*oung Heou.

Lorsque la nouvelle de ces horribles événements parvint en France l'année dernière, et qu'on apprit qu'un Consul du Gou- vernement, des prêtres vénérables, des sœurs de charité unique- ment dévouées aux bonnes œuvres et dignes de tous les respects avaient été massacrés par une populace aveuglée, sans que les Autorités du lieu eussent fait ce qu'elles auraient du pour arrêter ces malheurs, une indignation générale s'empara des esprits, et l'on put croire que les relations des deux (ïouvernemenls allaient é(re sérieusement troublées. Mais notre Chargé d'AITaires de France à Péking, M. de Rochechouart, ayant fait savoir que le Gouvernement Chinois avait sponlanément ordonné certaines me- sures de réparation, et décidé l'envoi d'un Ambassadeur près de nous, toutes déterminations furent suspendues jusqu'à l'arrivée d(» cet agent.

L'Ambassadeur Tch'oung Heou arriva en effet à la fm de l'hiver à Bordeaux. De il vint à Versailles, il fut reçu par le Mi- nistre des Affaires Llrangères d'alors, et conformément à la lettre de Votre Altesse, il lit connaître onici(?llement que le Gouverne- ment Impérial avait puni de mort une vingtaine des coupables de Tien-Tsin, exilé un nombre égal, dégradé et déporté le Préfet et le Sous-Préfet, convaincus d'avoir trempé dans l'émeute ; qu'une indemnité était destinée aux familles des victimes et à la recons- truction des édifices détruits, et qu'enfin il était |>orteur d'une lettre de l'Empereur exprimant ses regrets de ce déplorable at- tentat, ainsi que sa ferme intention d'aviser à ce que de sembla- bles crimes ne se renouvellent plus à l'avenir.

Un (commissaire fut désigné pour examiner ces divers )x>ints et en conférer avec votre Ambassadeur.

Le choix du Gou\ernement s'arrêta sur M. de Geofroy, haut fonctionnaireduDépartementdesAflaires Étrangères, déjà nommé |)récédemment pour remplir les fonctions de Ministre Pléni- potentiaire en Chine, en remplacement du Comte de Lallemand.

ministre plénipotentiaire de i""*-' classe, 3i octobre 1876; commissaire du gouvernement prrs la commission mixte chargée du règlement de certaines réclamations motivées par des dommages de guerre à Washington. ;i8 juillet 1880; admis à la retraite. 36 décembre i883. Chevalier delà Légion d'honneur, i*^""" août 1867; otficier, 9 aoiH i864 ; commandeur. <) mai 187/1.

4o6 MISSION DV. TCh'oUIVG HEOU

Plusieurs conférences furent tenues successivement au Palais de Trianon et ensuite à Paris.

Tout d'abord il parut au Commissaire Français, de même que le Comte de Rochechouart l'avait déjà représenté à V. A., qu'en ce qui concernait les deux magistrats coupables de connivence, l'action de la justice n'avait pas été assez sévère, et il invita votre Envoyé à rechercher avec lui les moyens de compléter ce que l'ensemble de ces réparations présentait d'insufïisant, en stipu- lant au moins certaines garanties pour l'avenir.

L'Ambassadeur ayant allégué qu'il était sans pouvoirs à cet égard, il en fut référé à Péking.

Dans l'intervalle, et en attendant les instructions de V. A., votre Envoyé ne fit pas dilliculté de s'entretenir de plusieurs questions qui se rapportaient à l'objet limité de sa mission. Il examina, notanunent, avec M. de GeolVoy, le projet de règle- ment en huit articles*, relatif à l'exercice de la religion Chré- tienne en Chine. Les deux négociateurs échangèrent aussi leurs idées au sujet de l'Audience Impériale.

En ce qui concerne le projet de règlement en huit articles, il a été facile à notre Commissaire de montrer le peu de fondement des allégations sur lesquelles on a prétendu appu)er cette inno- vation, et l'impossibilité d'y donner suite sans violer manifeste- ment les traités. Il n'a pas hésité, du reste, à admettre la jus- tesse de quelques-unes des observations de votre Ambassadeur. Procès-verbal a été dressé de ces conférences, relu et reconnu exact par les deux parties.

Nous avons appris plus tard que le projet, réfuté victorieuse- ment par les principales Légations Etrangères à Péking, aussi bien que par nous, venait d'être retiré. Nous ne pouvons que louer le Tsoung-li Yamen, de la prudence qu'il a montrée dans cette circonstance.

Un autre point d'une haute importance a été abordé ainsi que je l'ai dit plus haut : c'est celui de l'audience Impériale et de la réciprocité que s'accordent en pareil cas tous les gouvernements suivant les usages internationaux. Après avoir rappelé les précé- dents et les réserves formelles faites h l'occasion de la mission de M. Burlingame, le Commissaire Français a fait ressortir la né- cessité de régler enfin cette affaire conformément au droit et à la

I. Voir plus loin, p. 4i8.

LETTHE DE M. DE RÉMLSAT AU PRINCE KOING ^07

difînité des deux Gouvcrnemcnls en établissant leurs relations olliciellcs sur le pied d'une parfaite égalité et d'une considcralion nViproquc. Votre Ambassadeur a reconnu que ce rèf^lemenl ne j)ouvait, en effet, élre plus longtemps relardé, et qu'il en résul- terait un grand bien pour les rapports mutuels et pour l'expédi- tion des affaires .

Cependant M. Lemaire* était venu de Cbine porteur des ins- truclions supplémentaires de V. A. pour l'Ambassadeur Tcb'oung, et il nous fit en même temps connaître les décisions prises par le Gouvernement Impérial au sujet du cimetière de Tien-Tsin. Nous avons vu, dans ces nouvelles mesures, qui ne pourront manquer de faire impression sur l'esprit du [>euple. une preuve de bonne volonté et d'un sincère désir de nous satisfaire ; d'au- tre part, l'Ambassadeur Tcli'oung nous avant dwlaré par écrit, c|u*aussitc)t après son retour à Péking, il saisirait l'Empereur lui- même de toutes les difïicultés pendantes, et en presserait respec- tueusement la solution, le Président de la République Française |)renant acte de ces assurances, et voulant donner une marque de son esprit de conciliation et de la considération particulière qu'il professe pour rEm[)ereur, a décidé qu'il recevrait en audience solennelle, des mains de votre Ambassadeur, la lettre Impériale dont il était porteur.

V . A. aura déjà eu comiaissance des détails de cette cérémo- nie et des paroles qui y ont été prononcées par le Président. Elle aura vu que le (Gouvernement Français ne soubaite pas moins que vous de \oir s'effacer toute trace de la mésintelligence créée par les déplorables événements de Tien-tsin.

Le Président pense (pie les supplices et les indemnités ne sont des réparations efficaces qu'autant que des garanties morales les accompagnent, et il croit cpie le plus sur moyen de protéger les Missionnaires Français, et en général les Étrangers, c'est que le (jouvernement Chinois leur donne, par ses édits, des marques publicpies de l'estime à laquelle ont droit des hommes honnêtes ([ui font le bien et qui respectent les lois. De la sorte s'évanoui- ront promptement les préjugés populaires et les accusations malveillantes. Car nous savons que le peuple Chinois est do- cile et écoute avec soumission la voix de ses magistrats.

Le Président de la République Française veut aussi (pie les

I. Gabriel Lemairc, interprète.

4o8 MISSIOX DE TCIl'oU>G IIEOU

agents de son Gouvernement en Chine s'appliquent par une cor- diale entente avec les Autorités Chinoises à prévenir et à dénouer pacifiquement toutes les complications qui pourraient survenir. Il désire que vous ne doutiez pas de Tesprit d'équité qui l'anime, aussi bien que de ses intentions amicales.

Le séjour prolongé de l'Ambassadeur Tch'oung en France aura eu pour elVet de le convaincre pleinement de nos disposi- tions, et il sera en mesure de vous en |K)rler l'assurance. Nous espérons que sa mission, h ce point de vue. produira les meil- leurs résultats, et nous aimons à espTer qu'elle sera le prélude de rapports plus intimes entre nous, auxquels contribueraient puis- samment l'établissement d'une Légation Chinoise j>ermanente en France, et l'envoi d'un certain nombre de jeunes Chinois qui viendraient étudier chez nous notre langue, nos arts et notre industrie.

Du reste, au moment votre Ambassadeur va nous quitter, je mo plais à dire à Votre Altesse que nous avons pleinement apprécié ses qualités, son entente des allaires, la modération de son esprit et sa parfaite courtoisie. Nous souhaitons que tous ceux qui lui succéderont lui ressemblent. Je dois aussi rendre un bon témoignage de l'intelligence et du zèle des deux Secré- taires Français que V. A. lui a adjoints. MM. Novion etlmbort. Kn ser\anl lovalement vos intérêts, comme c'était leur devoir, ils ont par cela même servi ceux de leur pays, qui ne diflerent pas des vôtres.

De notre côté, notre Envoyé Extraordinaire et Ministre pléni- potentiaire. M. de/jleofroy, ne tardera pas à se rendre à Péking. pour y suivre et y terminer avec \ . A. les négociations qu'il a commencées ici. Il sera muni également des pleins pouvoirs né- cessaires pour procéder à la révision des traités. F^niin, outre seJi lettres de créance ordinaires, il sera chargé [>ar le Président de la Républi(|ue d'une lettre spéciale; j)0ur l'Empereur en réponse à celle que l'Ambassadeur Tch'ounga apportée. Je ne doute pas que \. A. et le (louvernement Lnpérial n'aient pleinement à se louer de notre nouvel Envoyé.

H ÉMU s AT.

Nous verrons plus loin quelle a été la nature du règlement , en huit articles auquel M. de Réniusat fait allusion.

Enfin, Tcli'oung Heou, descendu à rilôtel des Uéservoirs,

DISCOURS 1)K TCIl'oUNG HEOU ^OQ

à Versailles, fut reçu le 23 novembre 1871, en audience publique, par le Président de la République, M. Thiers, ayant auprès de lui les Ministres des AITaires Etrangères, de la Guerre et de la Marine, ainsi que M. Louis de Geofroy. Le pléni[)otentiaire chinois prononça le discours suivant :

niSCOl'KS DE TCh'oL :>(J-HEOr

Mo.NSlKlR LE rUÉSn)E.NT,

Moi/rdroun^Heou. anibassadenr dn grand empire desTsing. ai rorn Tordre de mon auguste Empereur de venir ici pour sa- luer à sa place l'illustre Président de la grande nation française et lui présenler respectueusement une lettre impériale.

Le '2\ juin de l'année dernière, des malfaiteurs ayant volé des enfanls àTien-Tsin, y donnèrent lieu à une émeute. L'Empereur envova Tseng Rouo-fan, l'uîi des ministres secrétaires d'Etat, vice-roi, gouverneur général duTcliéli, e( autres olïiciers, pour tout examiner avec équité et justice. H promulgua en même temps un décret aux vice-rois, gouverneurs de provinces et auto- rités locales pour assurer [>artoul la sécurité à cpii de droit. Tseng Rouo-fan et .ses assistants, après avoir destitué les deux magis- trats Tcliang et Lieu, pour avoir manqué à leurs devoirs, les re- mirent au déj)artement de la justice, qui les condamna au ban- nissement dans la Tartarie. (^)uant aux émeutiers, vingt cou|>a- bles furent décapités, vingt-cinq autres déportés. Un nouveau décret enjoignit aux autorités locales de provinces de faire des proclamations au peuple pour (pi'il n'> ait plus d'émeutes, l'Empereur déclarant sa fermiMolonté que les Français en Chine jouissent de la paix et de lalrancpiillité.

L'Empereur, mon maître, en regrettant cette atTaire, espiTe qu'après son règlement satisfaisant et définitif, elle n'apjwrtera absolument aucun préjudice aux relations des deux pays. Pre- nant donc pour base ce qui avait été convenu entre le chargé d'affaires de France, de HoclnThouarl, et le ministre des affaires étrangères h Péking, j'en ai délibéré ici aveclepléni|>otentiaire de France, de Geofroy. El connue j'ai rencontré en lui l'esprit d'équité, de justice et de libéralité, cette affaire est terminée d'une manière satisfaisante.

tl\0 MISSION DE TCIl'oUNG HEOU

J'ai donc riionncur, moi ainbassadenr, de remettre à l'illus- iro Président la lellre impériale dont je suis porteur. Je lui offre en im^me leinps au lieu et place de mon auguste maître, les re- merciements pour l'accueil libéral qui m'a été fait. I^'amitié entre les deux nations n'en sera que plus ferme, plus durable.

Si l'illustre Président a une lettre nationale à transmettre ou tles paroles à communiquer à mon auguste maître, moi ambas- sadeur, suis prêt à m'en charger.

DISCOIRS DU PRESIDENT

Le Président de la République répondit :

M<)>SIEL'll l'AmBASSADEUH,

Je reçois avec satisfaction la lettre que vous me présentez de la |)arl de votre souverain. Elle est pour moi un gage du regret (|u'il a éprouvé des déplorables événements de Ïien-Tsin, et de son sincère désir d'en prévenir a jamais le retour. Vous me par- lez des nombreux supplices infligés aux coupables. La nation française est trop humaine pour se complaire dans l'elTusion du sang. Elle ne réclame que les sévérités nécessaires pour contenir les méchants, et elle croit qu'aux moyens de rigueur il faut en îijouter d'autres. Le devoir des gouvernements, en même temps qu'ils répriment les excès de la foule, est de calmer ses passions, de dissiper ses préjugés, de lui faire entendre la voix de la rai- son et de l'humanité.

Notre gou>ernement est trop éclairé pour ne pas apprécier le mérite de ces missionnaires, parfaits hommes de bien, s'expa- trianl pour porter dans le monde les principes de la civilisation, contre qui des malintentionnés n'ont pas craint dernièrement d'ameuter la haine populaire. Qu'il le proclame dans ses dwrets, qu'il saisisse toutes les occasions d'en rendre un solennel témoi- gnage; le peuple resj)ectera les étrangers quand il les verra hono- rés par ses propres magistrats.

Nous voulons supposer aussi que le peuple chinois n'a pas compris l'énormilé du crime qu'il commettait lorsqu'il a porté la main sur la personne d'un consul de France. 11 appartient en- core au gouvernement chinois de donner, par son attitude et

DISCOIUS DU PRÉSIDENT 4ll

ses procèdes à l'égard des ageiils diploiiialiques et consulaires, la mesure de la considéralion toule particulière qui est due à leur caraclèrc public, eu verlu des règles universellement admises chez toutes les nations.

Ce n'est qu'à ces conditions, et lorscpie >olre gouvernement

sera entré franchement dans cette voie, que nous pourrons arri-

>er à une application sincère des traités, et que nous éviterons

de nouveaux incidents qui comj)romettraient gravement les rap-

jxîrts de l'Occident avec l'Orient.

Je répondrai à l'Empereur, et je lui ferai parvenir ma lettre par le ministre delà Uépublitpie à Péking. Assurez-le, en atten- dant, de notre vif désir de vi\re en bonne intelligence, de multi- |)lier nos relations et par suite d'accroître notre confiance et notre estime nuituelles. Jeconsidéreraiscommeutile, h cet elTel, qu'une légation chinoise résidât en France d'une manière permanente, de même qu'une légation française réside à Péking. Si ce projet se réalisait, nous ne pourrions que souhaiter de voir à la tète de la future mission un haut fonctionnaire qui vous ressemblât. Monsieur l'Ambassadeur, et (pii v aj)|)orlàt le nu'Mue esprit de justice, les mêmes dis|x>silions synq)athiques dont >ous avez fait [)reuve et que je me plais à recomiaîtreici.

^ euillez saluer l'Empereur de ma part.

L'ambassadeur a répliqué :

A mon retour en Chine, je conununicpierai à l'EnqiSï^^^es paroles de Monsieur le Président de la République*.

Cette réception n'aviiit pas été obtenue sans peine et sans délicates négociations. M. Tliiers avait tout d'abord refusé de recevoir Tch'oung lleou, parce qu'à la suite de la réception de M. Burlinganie, une audience inqiériale n'avait pas été accordée au ministre de France à Péking.

Les tribulations du ])auvrc mandarin étaient finies ; un de nos écrivains les plus spirituels les a jadis contées.

I. Journal o/ficiel, 24 novembre 187 1

4ia MISSION DE TCII*OU.\G HEOU

LETTRE DE M. THIERS A I^EMPEKErR DE LA. CHI>E

Le Président de la République Française salue I'Empereur de la Chine.

T/ainbassadeur Tch*oung Ileoii m*a présenté la lettre dont V. M. I. Tavait chargé. J'y ai trouvé le témoignage de vos dis- positions amicales envers la France, et de votre sincère désir de maintenir en les affermissant les bonnes relations entre les deux pays. Ces sentiments répondent à ceux que j'éprouve, et j'ai été heureux d'en recueillir l'expression.

Le soulèvement populaire qui s'était produit à Tien-Tsin au mois de juin 1870, et les attentats dont un Consul Français et plusieurs de ses nationaux avaient été victimes étaient de nature à nous alTecter d'autant plus péniblement que ces déplorables événements pouvaient devenir une cause de mésintelligence entre nous. Mais la sévérité déployée contre les principaux auteurs du massacre, et les décrets de V. M. L ordonnant aux grands officiers des provinces d'assurer la sécurité des Français résidant dans ses vastes domaines nous montrèrent bientôt que \^ M. I. n'entendait ])as laisser compromettre par la foule ignorante ou par des gens mal intentionnés l'amitié déjà ancienne qui nous lie, qu'Elle voulait i'ermemenl que nos bons rapports ne fussent j)lus troublés, et que les deux peuples pussent désormais jouir, a l'abri de toute inquiétude, des avantages garantis réciproque- ment par nos traités d'amitié et de commerce. '

Votre Ambassadeur, Tch'oung Heou, nous ayant donné de sou coté l'assurance, en votre nom. et nous ayant fait part des décla- rations satisfaisantes pour l'avenir, nous résolûmes de le recevoir en audience solennelle, et avec les honneurs dus au Ueprésentant d'un (îrand Prince et d'un ami. Tch'oung Ileou aura rendu compte à Y. M. I. de la réception que je lui ai faite. Il lui aura également présenté son rapport sur les diverses questions dont il s'est entretenu avec nous.

Depuis de longues années, un Ministre et des officiers diplo- matiques français résident dans la capitale de votre illustre Fmpire, leur présence est pour V. M. I. un témoignage j)erma- iient de l'estime et du bon vouloir de la France ; ils s'attachent à entretenir des relations amicales et courtoises avec les fonc-

RETOUR DE TCh'oUNG HEOU l\\^

tionnaircs Chinois, et sont charges a veiller, en ce qui nous concerne, à Texéculion des traités. Ils s^appliquent à connaître les lois, h\s mœurs et les coutumes de la Chine, et l'expérience qu'ils acquièrent peut nous suggérer à l'occasion les moyens de resserrer et de rendre plus solides les liens qui unissent les deux pays. Pour que de votre côté vous puissiez concourir plus direc- tement à ce résultat, il serait désirable qu'une mission chinoise résidât aussi d'une manière permanente dans notre capitale, et si V. M. 1. jugea propos d'en envoyer une, je serais charmé que son chorx tombât sur un Ibnctionnaire d'un caractère aussi élevé que l'ambassadeur ïch'oung lleou, car j'ai pu reconnaître combien est méritée l'estime flatteuse dont V. M. 1. l'honore.

L'éjKKjue de la révision des traités étant arrivée, j'ai choisi pour en conférer a>ec les hauts dignitaires qui seront délégués |>ar V. M. I., M. deCeofro), Ministre plénipotentiaire, à qui je donne pour cette occasion des pouvoirs extraordinaires, qui l'accréditent auprès de Y. M. l. en qualité de ministre ordinaire et permanent. Investi de toute ma confiance, M. de (leofrov sera le meilleur interprète des sentiments amicaux qui nous servent de règle de conduite dans nos relations avec l'Empire , Chinois, et j'attends de la mission que je lui ai conliée des résultats à la fois conformes aux intértMs mutuels des deux nations, et aux vcrux sincères que je lais pour la prospérité et la gloire de V. M. I.

Rcrit à Versailles, le 118 mars icSy-j.

RETOIR DK TCIl'oC.NG HEOl', iSyiî

Tdroun<i: lleou rentra on Chine avec le Mékong ; il arri- vait à Hong kong le 18 janvier 187*^ et quittait tlhang-IIaï le 2G, après avoir fait visite au Consul (lénéral de France. « Au (lire de la (tnzelte de Pèking, h son passage à Tien- Tsin, le i*'' mars reinpressement était tel pour )e voir que plusieui's nillliers de j)ersonnes étaient sorties de la ville pour aller à sa rencontre, et à son départ après un si^our de deux heures seulement chez un ami de son père, la niènie

4 [4 MISSION DE TCH*OUNG HEOU

%

afllnence de curieux Taccompagna encore pendant Pespace d'un mille*. »

Tch'oung Hcou, rentré à Péking le 5 mars, déjà vice- président du ministère de la Guerre, fut nommé membre assistant du Tsoung-li-Yamcn (G mars 1872), après une audience de TEmpereur qui se déclara fort satisfait de la manière dont il avait dirigé sa mission.

M. DE GEOFROY

Le nouveau ministre de France en Chine, M. Louis de Geofro)^ arriva à Hong Kong le 9 mai 1872 en route pour Péking, il y trouva le nou\eau commandant en chef de Fes- cadre de Chine, Tamiral Garnault, remplaçant Famiral Gi- zohiio, parvenu au tenue de son commandement, et les mem- bres de sa légation arrivés par un paquebot avant lui ; il visitîi (Canton, Swatow, Fou-tchéou, les Chou-san et Nîng-Po; il quitta Chang-IIaï, le 3o juin, sur le navire de guerre Linois, avec une escorte de neuf gendarmes à cheval. 11 avait avec lui conmie secrétaire de Légation, M. Guillaume de Roquette, coumie attaché, M. de Kergariou, et comme attaché militaire, M. Guy de Contenson ; M. de Bezaure, débutait comme élève-interprète. M. de Geofroy arriva à Pé- king, le 3 aoAt 1872. M. de Rochechouarl |)renail un congé bien mérité, après cinq années de résidence à Péking, dont trois à la tête de la légation.

LETTRE DE M. DE ROCHECnOl AIIT, lO JUIN 1872

Notre chargé d'aiïaires, le Comte de Rochechouart qui avait rendu les plus grands services aux missionnaires,

1. \ou\'rlUste de Shang-Uat, 18 mars 187a.

2. Voir p. ^o^. noie.

LETTRE DE M. DE ROCHECHOUART 4l5

adressa la lettre suivante aux éveques de Cliine en quittant son poste qu'il devait retrouver plus tard :

Péking, lojuin 1872. Monseigneur,

Avant de quiltcr la Chine, apros y avoir fait un long et pénible séjour, je tiens à vous exprimer tous mes remerciements pour le concours que j'ai toujours trouvé auprès de vous. Nous avons traversé des circonstances douloureuses (pii m*ont permis d*aj>- précier h leur juste valeur le dévouement, la charité et l'énergie des missionnaires ; aussi, j'emporte de vos œuvres l'admiration et la sympathie la plus sincère.

Recevez, Monseigneur, l'assurance de ma plus respectueuse considération .

ROCIIECIIOUART.

CHAPITRE XXIX

LE MEMORANDUM CHINOIS

Vers le milieu de 1871, la Chine crut le moment favo- rable pour se faire rétrocéder par les étrangers quelques-uns des avantages qu'ils avaient si péniblement acquis depuis dix ans. Il est bien certain que le cliAlimentdes principaux cou- j)ables du massacre de Tien-Tsin n'ayant pas été exigé, le gouvernement de Péking devait être singulièrement enhardi par cette marque de faiblesse apparente ; d^autre part, les revers de la l^Vance, principale protectrice des intérêts des missionnaires en Chine, avaient pu faire croire que ce grand pays accepterait bénévolement le mémorandum ou circu- laire que le Tsoung-li Yamen adressa aux Légations étran- gères au sujet des missions et un projet de règlement en huit articles relatifs aux missionnaires chrétiens.

Voici ce document important, signé par Wen-Siang et Cheun Kouei-feun, avec des extraits des considérants qui le précèdent ' :

I. Le Mémorandum a été publié dans la plupart des journaux de Ctiine, dans la brochure de P. Giquel, citée plus loin, etc., ainsi que dans le livre bleu suivant :

67i///fl, no 3 (1871). Circular of thc Chinvse Ctovemment com- municated hy the French Chargé d'affaires. Presenled.... 1871. Lond.. in-fol. r:. 36() ]

Voir aussi :

China, iv* i (1872). Carres pondence respecting ihe Circular of the Chinese (iovernment of February 9, 1871, relatin g ta Mission- aries. Presenled..., 1872. Lond., in fol. [C. /4()8.J

LK MEMOUANDLM CHINOIS /| I ^

« Le commerce n'a donné lieu à aucun diircTeiid enlre l'Klal central el les Etats oflérienrs ; il n'en est pas ainsi des missions qui sont une source d'abus incessants ; elles ont pour but d'exhorter à la vertu et elles produisent un elTet inverse. Partout paraissent les missionnaires, ils s'atlircnt l'animadversion du peuple. Les premiers (pii >inrent dans l'Ëlat central étaient dé- signés sous le nom de « Lettrés de rOccident ». La plupart des con>ersions se faisaient parmi des gens respectables, tandis que depuis la conclusion des traités, en iHGo, la plupart des convertis sont des gens sans vertu ; aussi celle religion reste-t -elle sans considération ; aussi les consciences sont doenues la |)roie du iHîsoin. A l'ombre de rinlluence des missionnaires, les chrétiens ont continué à opprimer le [)euple et à le trom|)er ; de des (jue- rclles et ilnalement des luttes incessantes entre les chrétiens et les non-chrétiens. Les missionnaires se liguent et s'insubordon- nent avec les chrétiens contre les autorités légitimes... D'anciens rebelles mis hors la loi, cherchent im reluire danS l'éi'lise et abritent leurs désordres sous sa protection... Le peuple ignore la différence enlre le catholicisme el le j)rolestantisnïe el il confond les deux religions sous la première appellation. Il confond aussi tous les Européens sous le \ocable d'hommes du dehors: aussi quand des troubles éclatent, tous sont exposés aux mêmes dan- gers. Le prince Koung el les mend)res du vamen ont été de|)uis dix ans en proie à une incessante anxiété ; leurs craintes ont été justifiées |)ar les événements de Tien Tsin dont la soudaineté a été accablante... dette affaire est aujourd'hui arrangé**, mais le |>rince el le vamen restent sons le coup d'im malaisi' incessant...

En fait, si celle politique est la seule à laquelle on puisse re- courir |K)ur régler lesdillérends entre chrétiens et non-<*hrétiens, elle doiendra de plus en plus précaire si le besoin de l'inxoquer se répète et alors de nouveaux désordres sendilables à ceux de Tien-Tsin éclateront plus terribles encore.

Le prince el le >amen ont apj)ris que les prêtres d'Europe res- pectent les lois et les coutumes des pays (pTils habitent sous peine d'être sé\èrement punis. Si les missionnaires, a>antde construire leurs églises, ne se rendaient ])as (wlieux aux mandarins et au |K»uple, si leurs actes étaient en accord avec leurs enseignements, s'ils é>itaient en se récusant loule inter\ention locale, ils |)Our- raient vivre en bomie harmonie avec nos indigènes et nos fonc- tioimaires. Mais ils constituent un n.>nd)n* indéterminé d'Etats

CoHDiKK. I. 27

4l8 LK MKMOUVNDIM CHINOIS

dans l'Étal. Coinmenl alors eni|>èchcr que les gouverneurs cl les gouvernés s*unisscnl contre eux î

En vue de protéger les intérêts de tous el d'arrêter les abus sus-mentionnés, le prince et le \anien onl riionneur dcsoumeltrc à rexanien de Votre Flxcellence, un reglenienl en huit articles, lequel a été communiqué aux représentants des autres puissances.

PROJET Dl" (ÎOLVEU.VEMENT CHINOIS

t

Art. premier. Les chrétiens, lorsqu'ils fondenl un orphe- linat, n'en donnent pas avis aux autorités, et paraissent agir avec mvstère. De les soupçons et la haine du peuple. En ces- sant de recevoir des enfants, les mauvaises rumeurs, qui sont maintenant en circulation, disparaîtraient en même temps. Si cependant ©n désire conliimer l'œuvre, on ne doit recevoir que les enfants des chrétiens nécessiteux, et alors les autorités doivent être informées, pour prendre note de la date de l'entrée, du nom des parenls, et du jour de la sortie. Il serait aussi nécessaire que pouvoir fut donné aux étrangers d'ado|>ter ces enfants, el Ton arriverait alors à un hon résultat. En dernier lieu, lorsqu'il est (juestion d'enfants non cliréliens, les hauts mandarini devront (lonner des ordres aux autorités locales, qui choisiront des agents convenables pour prendre loules les mesures qui leur paraîtront convenables.

En (lliine, les lois qui régissent les orphelins sont : qu'à l'en- trée et au départ des enfants, il est pris note de la personne qui les laisse ou de la personne (pii les adopte, de la déclaration faite aux autorités, et de la permission donnée aux parenls de \isiter leurs enfants. Lorsque ceux-ci sont devenus plus grands, ils peuvent être adoptés par une personne sans enfant, ou repris par les parents eux-mêmes, et alors, qut^lle (pie soit la religion dans laquelle ils ont été élevés, ils retournent à la religion de leurs pères.

En toutes choses les enfants doivent aussi être bien traités. L'exercice de cette œuvre de charité devient un acte très recom- mandable.

Nous avons entendu dire que dans chacjue pays les affaires se conduisent à cet égard à peu [)rés comme en Chine. Coinnieiit se fait-il qu'une fois arri>és dans notre pavs, les étrangers ne

PROJET DU GOlVEnNKMENT CHINOIS /iIQ

suivent plus CCS coutumes? Ils ne prennent «aucune noie de la famille à laquelle appartient Tenlant, et ne donnent aucun avis aux autorités? Une fois que l'enfant est entré dans la mai- son, il n'est pas loisible à d'autres personnes de radoj)ter, et les parents n'ont pas la permission de le reprendre ni niAme de le \isiler. Tout ceci entrelient les soupçons et excite la liainc du peuple, et c'est ainsi que par déparés se pnxluil un cas comme celui deTien-Tsin. Quoique nous avons démenti dans un rapport toutes ces rumeurs d'yeux et de cclmus arrachés, le [leuplc^ ce- pendant conserve encore des doutes à cet égard, et quand menu» nous parviendrions à lui fermer la bouche, nous ne saurions chasser ces doutes de son esprit. Ci'est ce genre de malaise qui donne lieu à de terribles événements. Ce serait une bonne chose d'abolir les orphelinats él rangers, et de les trans|)orter en Eu- rope, où il» |K)urraient pratiquer leur charité h leur aise. Il ap- partiendrait alors aux (Ihinois devenir au secours de ces enfants, ^ous avons d'ailleurs dans chacpie pro\ince de nond:)reux orphe- linats, ce qui n'enqxVhe pas les étrangers de vouloir nous prêter à tout prix une assistance dont nous n'avons pas le plus léger besoin. C'est cerlainemenl a>ec de boimes intentions qu'ils agis- sent ainsi ; mais il n'en est pas moins >rai que leur conduite |)roduit le souj>çon et excite la colère. Il serait de beaucoup pré- férable que chacun exerçât sa charité dans son pavs, et alors au- cun é>éneinent lamentable ne |)ourrail surgir.

Art. 1. Les femmes ne doraient pas plus longtenq)s en- trer dans les églises, et les sd'urs de charité ne devraient plus vi>re en (^hine [)our enseigner la religion. Cette mesure ne fera (jue rendre les chrétiens plus resj)ectables, et aura pour résultat d'imposer silence aux mauvaises rumeurs.

En Chine une bonne réputation et la modestie sont des points très inq>ortants. Les honnnes et les fenunes n'ont pas même la permission de se donner la main, ni de >ivre ensemble. 11 de- \rail y avoir une ligne de démarcation infranchissable. Après le traité, liberté pleine et entière a été domiée aux chrétiens, et alors les honnnes et les fenunes sont allés ensend)le à l'église. De des rumeurs parmi le public. Il y a (piehpies endroits même honnnes et femmes se troment ensemble non seule- nienl à l'église, mais «Micore dans l'intérieur de la maison. Le public, qui voit cela à la légère, élè>e des soupçons, et pense qu'il se passe des choses peu comenables.

Art. ,'L L<»s missionnaires résidant en CJiine doi>ent se

l\20 L\: MEMOnAXDLM CHINOIS

confonncr aux lois et usages de la (Uiiiie. Ils n'oiil pas la jx*r- mission de se placer dans une sorte d'indépendance exceplioii- nelle, de se montrer récalcitrants à Tautorilé du gouvernenienl et des mandarins, de s'attribuer des pouvoirs cpii ne leur appar- tiennent pas, de porter atteinte à la réjuitation des gens, d'oj)- primer le peuple, de médire de la doctrine de Coni'ucius, toutes choses ])ar les([uelles ils donnent prise aux soupçons, au ressen- timent et à l'indignation des masses.

Les missionnaires doivent se soumettre, conmie tout le monde, à l'autorité des mandarins locaux ; et les Chinois chrétiens doi- vent, en tout cas, être traités selon la loi commune. A l'excep- tion des dépenses des solennités théAtrales et du culte des divi- nités protectrices du lieu, aux(pielles ils sont dispensés de contribuer, les chrétiens ne peu>enl échapper aux récpiisitions et aux cor>ées, et sont tenus d'accepter, comme tout le monde, les charges imposées par l'administration locale. A [)Jus forte raison ne peuAcnt-ils rel'user de pa\er, intégralement, les taxes territoriales et les rentes, et les missionnaires ne peuxent ni leur conseiller une iniractiou à la loi conunune ni les y aider. Les cas de litiy:e entre les chrétiens et non-chrétiens sont soumis l\ l'écpiitable juridiction des autorités, et ne peuvent être laissés au patronage des missionnaires, (les derniers ne peuvent écarter des tribunaux les chrétiens, demandeurs ou défendeurs, ce qui dans un jugement conduit à des délais et lèse les parties inté- ressées. Dans le cas des missionnaires se permettent de s'im- miscer dans des affaires qui ne sont pas de leur domaine, les autorités locales doivent envoyer leurs connnunicalions verbales ou écrites aux hauts fonctionnaires provinciaux, qui en référe- ront à leur tour au Tsoung Li \amen, afm qu'une décision puisse, le cas échéant, être [)rise ])()ur le rapatriement desdits missionnaires. Au cas des chrétiens engagés dans des procès relatifs à des alliances matrimoniales ou à des propriétés immo- bilières s(î pré>audraient de leur condition de chrétiens pour invocjuer l'intervention des missionnaires, ils seront sévèrement punis par les autorités.

La Chine honore la religion de Confucius. Le culte de Boud- dha et du Tao. aussi bien (jue la doctrine des Lamas, v sont également professés. 11 est contraire à l'usage que les derniers, bien qu'ils puissent ne pas être Chinois, puissent ignorer les dé- cisions des autorités chinoises, et les approu>er ou les blâmer. Nous entendons dire que les missionnaires, dans les pays étran-

PnOJET Dl r.OLVEHNKMENT CHINOIS l\2l

gors, sont soumis à la législation du pavs ils vi>ent, et (|u*il leur est défendu de se rendre indépendants, de contrevenir aux lois, d'usurper Tautorilé, d'attaquer le caractère des gens, de leur nuire, de susciter les soupçons ou le ressentiinenl du peu- ple. De même les missionnaires, qui enseignent leur religion en C.hine, devraient se soumettre h l'autorité des magistrats de ce pavs ; tandis (pi'ils se vantent d'être indépendants et de ne pas reconnaître l'autorité des mandarins. \e se placent-ils pas ainsi en dehors du giron de la loi !* Les chrétiens en Chine restent sujets chinois, et n'en sont que plus astreints à demeurer fidèles à leurs devoirs. En aucun cas, il ne peut être étahli de diffé- rence entre eux et le reste de la nation. Les chrétiens dans les villes et à la campagne doivent vivre en honne harmonie avec leurs compatriotes, dépendant, dans les questions (pii alîectent le puhlic, lorsque des souscriptions j)opulaires s'ouvrent et que des corvées sont requises, ils mettent en avant leur position d(î chrétiens pour échappi'r à ces charges. Us créent, eux-mêmes, une exception en leur laveur, (lomment éviter que le reste de la nation ne s'empare de cette exception contre eux? Hien plus, ils refusent les taxes et les corvées, ils intimident les mandarins, ils oppriment ceux (jui n'appartiennent pas à leur religion. Les missionnaires étrangers ne conq)rennenl pas complètement la situation. Non seulement ils donnent un asile aux chrétiens criminels, et refusent de les livrer à la justice ; mais encore ils consentent à |)rotéger injustement ceux qui ne se sont convertis que parce cpi'ils avaient coimnis (piehpie crime. Dans les pro- vinces, les missionnaires se font les a\ocats, doant les autorités locales, des clirétitMis (jui ont des procès. Témoin cette fennne chrétienne du Se-tch'ouen, (pii exigeait de ses tenanciers des paiements d'unj* nature qui ne lui étaient pas dus, et qui linit par commettre un meurtre, l n évéque français prit sur lui d'adresser aux autorités une déj)èc*he, il plaidait j)our cette femme, et ohtint son ac(|uittement. (]e fait excita l'animosilé des |)opulations du Se-tch'ouen, latpielle a duré jusqu'à ce jour. Dans h' Kouei-tchéou, les chrétiens (pii comparaissent devant les tri- hunaux se qualifient eux-mêmes de chrétiens dans l'acte d'accu- sation, dans le seul hul de gagn<»r leur cause. Ceci est un abus bien connu. Il arrixe aussi (jue de deux familles, unies par des liens matrimoniaux, l'une se convertit au christianisme, et force l'autre, (jui n'est pas convertie, à rompre l'alliance. Parmi des gens de même sang, on a xu des pères et des frères aînés, une

^32 LK ME\IOR\M>UM CHINOIS

fois convertis, iiilcnlcr une accusation pour non-acconiplisscmont des devoirs de famille à leurs enfants et à leurs plus jeunes frè- res, par l'unique raison que ceux-ci avaient refusé de se con- \ertir. Cqs actes sont encouragés par les missionnaires. De pa- reilles pratiques ne sont-elles ])asdc nature à exciter au plus haut dcfné l'indignation populaire ?

Art. /|. Les Chinois et les étrangers vivant ensemble de- \ raient être gouvernés par les mêmes lois. Par exemple, si un homme en tue un autre, il doit être puni, s'il est Chinois, selon la loi chinoise, et s'il est étranger, selon la loi de son ])ays. Kn agissant ainsi, l'ordre régnera. Peu importe la manière dont les Chinois et les étrangers traitent la cause. Un châtiment est nécessaire. Mais ce châtiment une fois infligé, on ne doit [)as venir réclamer des indenmités, et surtout chercher le soi-disant instigateur du crime pom* exiger de lui une certaine sonmie. Il aj)partient aux autorités locales de prononcer sur les dinérends qui peuvent s'élever entre les chrétiens et le peuple. Si c'est un païen qui a eu des torts envers un chrétien, il doit être puni plus ou moins sévèrement, selon la gravité de la faute ; et de même s'il est question d'un chrétien accusé par un païen. Le magistrat doit prononcer avec la plus parfaite justice et la j)lus grande impartialité. Si un chrétien se conduit contrairement aux lois, l'autorité locale fait une enquête, et si l'on accuse ce chrétien, celui-ci est arrêté et jugé. Mais les missionnaires ne doivent pas alors se présenter pour le défendre et le disculper. S'il arrive qu'un missioimaire empêche un chrétien de déférer aux ordres de r(uil<)rité, non seulement le chrétien sera puni ; mais encore le missiomiaire ; ou tout au moins celui-ci sera ren- vové dans son pa\s.

Dans la sixième amiée du reloue T'ounij-Tché, un mission- naire, M. Mahileau, fut tué d«ms le Se-tch'ouen. Le meurtrier, nommé \atuj-l(io-xutm(j, fut arrêté et condanmé à mort. Mais en outre, M. Mihières accusa un homme qui faisait partie de la classe des lettrés, d'avoir été l'instigateur de ce meurtre, afin d'exiger de lui une iudenmité de 80 ooo taëls.

Les individus (jui conuneltent des désordres appartiennent d'ordinaire aux ])lus hasses classes de la société. Lorsqu'ils sont coupahles de quelques crimes, ils sont arrêtés et punis; mais des accusations ne doivent pas être portées contre les lettrés, pour exiger d'eux de larges indemnités, l ne pareille conduite excite la haine.

puojETDi g<)i:vehm:me>t chinois 4a3

Dans la huitième année du règne T'oung-ïché. un mission- naire. M. Rigaud. fut tue dans le Se-tcli*ouen. La cause du meurtre était la rupture d'une alliance entre deux familles. Tchong Tyang-tum et Li Tchoungtang jugèrent ce cas. Us firent arrèler le meurtrier de M. Rigaud et celui d*un chrétien, les nommés Iloo-tsaé et Liong-fou, appartenant tous deux aux plus basses classes. 1/un fut condamné à la déca|>ilation et Fautrc à la pendaison. Les chrétiens tuèrent plus tard quelques jjersonnes. Tous les ans il y a>ait des conllits entre les créanciers et les dé- biteurs, des rapts et des incendies.

Les instigateurs de tout ceci étaient WangChoue-ting, Tchaiig Tien-chen et autres. On >oulul les arrèteret les punir; mais ils ne se rendirent pas au\ ordres de Taulorilé. Plus tard, les chré- tiens sous la conduite d*un ])rèlre nommé Tan Fou-lchouen. tuèrent Tchao Vong-Iui et deux cents personnes. On demanda de livrer ce missionnaire à la justice chinoise ; mais Tabbé Millières* dit qu'il était |)arti pour l'Europe, et qu'il n'y avait aucun moyen d'arranger l'an'aire. De une grande colère parmi les habitants du Se-lch'ouen,

Art. 5. Les passeports déli\rés aux missionnaires français qui pénètrent dans l'intérieur, doivent clairement mentionner la province et la préfecture ils ont l'intention de se rendre. Les noms et litres du porteur, et les cimditions qu'il ne doit pas se trans[)orter clandestinement dans une autre province et que le passejK)rt est personnel, seront également com])ris dans ce docMi- ment. Le missionnaire ne doit point passer en contrebande par la douane et les barrières des articles soumis aux droits. \ son arrivée à une destination autre que celle indiquée sur le passe- port, ou si cette dernière pièce a été remise à un Chinois chrétien dans le but de le faire passer connue missionnaire, ledit passeport sera annulé. Si d'un autre côté on est assuré (jue le porteur se lest procuré à prix d'argent ou qu'il a connnis quelque autre infraction sérieuse à la loi, l'individu (pii aura faussement as- sumé la position de missionnaire, sera puni, et le vrai mission- naire sera renvoyé dans son pavs.

Afin que le contrôle puisse s'exercer partout, le nom du mis- sionnaire sera inséré dans le passe])ort. en caractères chinois, qui feront preuve. Le |)asseport sera annulé, au cas le titulaire

1. Minières, Simon Jude- Alphonse, du diocèse d'Aix ; ne le la février iSai ; mort lO octobre 1871, à Kouci-Yang (Kouei-tchéoii).

ll^ill LK MEMOUANDIM CHINOIS

retournerait dans son pays, viendrait à mourir ou abandonnerait l'œuvre des missions. On n'accordera point de passe|K)rts |X)ur les prc)>inces il y a des rebelles, ni pour celles opère Tar- mée impériale. Celte dis[)osition ayant évidemment pour objet d'assurer loyalement la sauve":arde des missionnaires.

A l'appui du précédent projet, le yamen rappellera le cas d'un missionnaire qui s'est présenté dans le Kouei-tcbéou, un cer- tain Tcliao lit le missionnaire, cpioique son nom ne titrât pas dans le registre des passeports. Le Yamen reçut une lettre à ce sujet de M. Tinterprèle Devéria, celui-ci montrait comment, d'après un vieux reiçistre français, le missionnaire assassin Tcbao, avait reçu un passeport, daté du 'a de la 6* lune de la 4'' année de T'oung-Tclié, il était appelé Joné Losse; que ce nom de Tcbao était erroné; (pie la viotiuïe était réellement le dit Jonc Losse, était inscrit sous le n** !^a5, comme allant au Se-tcb'oucn et de au Kouei-lcliéou. Cependant le yamen était à même de se con- >aincre que ni le nom de Tcbao ni celui de Joné Lo.sse ne tif^u- rait sur le registre des passeports. 11 y avait donc une double erreur sur le nom du missiormaire, et sur celui de sa résidence. Conunent alors j>ou>ait-on établir l'identité et assurer à la partie intéressée une protection ellicace ?

Il y eut aussi une allai re de meurtre, connu is par le mission- naire Splingaert sur la personne d'un Russe. Ce Splingaert était d'abord missionnaire, j)uis il entra a la légation de Prusse comme constable. Il n'en conser>a pas moins son j)asseporl, en sorte (pie s'il l'avait donné à un autre ou l'avait perdu, non seule- ment il y aurait eu abus de la part de celui (jui aurait passé pour missionnaire; mais de graves inconvénients dans les aU'aircs pu- bliques pouvaient en résulter, si ledit passeport était tombé dans les mains des reb(îll(\s. D'un autre ciSté la dia^nité des mission- naires nous seiidjle sérieusement compromise par de pareilles irrégularités.

Art. (). Le but d(»s missionnaires étant d'exborter les boni- mes à la vertu, il (?sl convenable (jue. avant d'admettre un indi- vidu aux privilèges de la religion, on examine s'il a été frappe de (|uel(pie sentenc(» judiciaire ou s'il a conunis quebpie crime. Si l'examen est en sa faveur, il peut devenir cbrétien : sinon, cette faculté lui sera refus('*e. On devra de plus agir connue les mi- nistres de notre religion, (jui donnent avis aux dé'ceniers ou ins- pecteurs de dix familles, et font inscrire dans ce but ie nom du néoplivle sur un registre spécial. De même les missionnaires de-

PROJET ni r.ovvEUNKMENT CHINOIS 4a5

vront avertir les autorités, qui prendront note du jour, du mois, et de Tannée de l'admission d'un converti, de son lieu de nais- sance, de sa position sociale, et s'assureront s'il a subi une con- damnation, ou s'il a changé de nom. En agissant ainsi, toule confusion sera écartée. Si lui chrétien est envoyé en mission et meurt en route, avis sera donné à l'autorité compétente. Si après sa conversion, quehju'un commet un crime, il sera exclu de la connnunion des fidèles, et regardé comme n'appartenant plus à la religion chrétienne, (lluupie mois ou au moins chacjue trimestre, les autorités doivent être informées du nombre des conxersions. Les autorités agiront aussi comme elles le font à l'égard de nos temples, c'est-à-dire elles inspecteront les missions tous les mois ou au moins tous les trois mois, dette méthode, loin de nuire à la religion, assurera au contraire sa tranquillité.

Dans la neuvième année du règne T'oung-Tché. le gouverne- ment du Kouei-tchéou informa le \amen qu'à Kouei-ting h'ien quelques personnes, qui précédemment n'étaient rien autre chose que des voleurs, formaient une partie de la milice, dont les chrétiens Yen ^u-ching et Lia Tchang-chin étaient les chefs. Se faisant eux-mêmes passer |K)ur chrétiens, ces hommes inspiraient une haute idée : cependant ils provoquèrent toutes sortes de troubles, tuèrent Wang-Tiang pao et Tsouo \ing-ho, blessèrent grièvement trois autres personnes, et emj)ortèrent de leurs mai- sons non seulement l'argent, mais encore tr)us les objets qu'elles contenaient, jusqu'au bétail.

Dans la huitième année du règne T'oung-Tché le gou>erneur du Kouei-tchéou informa de nouveau notre vamen qu'à Tsoun ^i-h'ièn, une pétition a\ait été adressée aux autorités pour dé- clarer (pie (piehpies rebelles, dont les chefs étaient Soung Yu-i*han, Tang (Iheua-liii'n, Tang ^cn-choui, Tien ^ouen-souen, axaient embrassé la religion calhorK|ue. et (pi'ils continuaient, dans la ville connue au dehors, de caus<M* des troubles et des émeutes sans nombre. Dans la même j)lace encore, quehpies gens nom- més Yang C.hi -pouo, Leou Kai-wen. Tchang Sio-ming, llouo Uen-tieou, Tchao Wen-ngan axaient embrassé la religion catho- lique, et étaient même enq)lovés à l'intérieur de la mission, (cependant an dehors ils prati(piaient toutes sortes d'exactions sur les orphelins, et intimidaient les pauvres d'esprit. Ils xenaienl perjwtuelleinent au yamen, et entreprenaient de redresser les jugements. Dans une alfaire entre un chrétien et un paysan, si le mandarin se prononçait en faveur du dernier, ils ameutaient

/|26 LE MKMonANDlM CHINOIS

les cliréliens, onvaliissaieiit le yaineii et iorçaieiii le j»ge à re- venir sur sa sentence. Si nonobstant le mandarin ne voulait pas leur remettre le cbrélien, ils revenaient avec la carte d'un mis- sionnaire, et réclamaient en son nom la mise en liberté de leur ami.

En outre ils commettaient toutes sortes d'attentats contre k»s personnes et les propriétés. S'ils rencontraient de la résistance, ils prodiguaient les coups et ne reculaient pas devant un meur- tre, et se rendaient coupables de plusieurs autres crimes.

Art. 7. Les missionnaires doivent observer les coutumes cbinoises, et ne s'en écarter en aucun point. Par exemple, ils ne doixent pas faire usa«i:e de sceaux, dont l'emploi est réservé aux seuls lonctionnaires. il ne leur est pas permis d'adresser des dépécbes à un vamen, (juelle que soit leur importance. Si ce- (XMuiant, pour un cas pressant, il était absolument nécessaire d'écrire, ils peuvent le l'aire, mais en ])renant bien soin de ne pas parler de cboses étrangères à la ([uestion, et en employant, comme les gens appartenant à la classe des lettrés, l'expression Pin-t'ié (pétition). Lorsque les missionnaires visitent un grand mandarin, ils doixent obs<»rver les mêmes cérémonies que celles exigées des lettrés. S'ils visitent un mandarin de rang inférieur, ils doixent aussi se conformer aux cérémonies d'usage. Ils ne doivent j)as entrer dans les yamens sans les prescriptions réglementaires, et amener le désordre et le trouble dans les a fia ires.

Dans la sixième année du règne T'oung-Tclié, le gouverneur du Se-tcb'ouen nous écrixit (pie l'éxètpie français, M»^'"" Pincbon, avait, dans ime lettre envoyée aux autorités, fait usage d'un sceau olliciel fabriqué par lui. Dans la se])tième année du règne Ï'oung-Trbé. M*''' Taurie, évèque du Kouei-tcbéou, remit à l'of- licier cliargé de la transmission des lettres au gouvernement, une dépècbe à l'adresse du yamen pour demander (pie des mar- (pies de distinction fussiMil accordées à un tao-taï nommé Touivxxen, et à d'autres personnes.

Dans le Cban-Toung, un missionnaire se lit passer comme siun- fou (gouverneur provincial).

Dans le Se-tcb'ouen et le Kouei-tcbéou, des missionnaires prirent sur eux de demander le rapp(*l de mandarins qui n'avaient pas arrangé leurs affaires à leur satisfaction. Ainsi ce n'est pas seulement l'autorité dv simples fonctionnaires qu'ils assument ; ils n*clament en outre les pri>ilèges que le souverain

PnOJET Dl GOLVEUNEMENT CHINOIS l\2'J

soiil possi'dc. Apres de tels actes, commenl rindignation géné- rale pourrait-elle ne pas se manifester ?

Art. 8. Les missionnaires ne doivent pas être autorisés à réclamer, comme aj)partenant h l'église, les propriétés qu'il leur plaît de désigner. De cette manière, il ne s'élèvera aucune difïi- culté. Si les missionnaires désirent acheter un lot de terrain pour y biVtir une église, ou louer une maison pour y lixer leur résidence, ils doivent avant de conclure le marché, aller avec le propriétaire vrai, et faire une déclaration à l'autorité locale, qui examinera si le Foung-choui^ présente quelques obstacles. Si le mandarin décide qu'aucun inconvénient n'existe sous le rapport du Fonng-choui, il sera alors nécessaire de demander le consen- tement des habitants du lieu. Ces deux formalités remplies, il sera encore nécessaire, dans le texte du contrai, de suivre les règles publiées dans la quatrième année du règne de Toung- Tché, c'est-à-dire de déclarer que la terre appartient en pleine propriété à des chrétiens chinois. II ne sera pas permis, dans l'achat des propriétés, d'employer un nom autre que celui du véritable acheteur. 11 sera également défendu d'elfectuer des transferts contraires à la loi, selon les conseils de gens déshonnètes.

Les missionnaires résidant constamment en Chine doivent s'elforcer d'inspirer la coiiliance, et de ne pas exciter le mécon- tentement et ra>ersion du peuple, mais au contraire de vivre en bons termes avec tout le monde, sans même exciter les soup- çons. En ce moment il y a presque toujours désaccord entre les deux partis, et la cause est la conduite des chrétiens. Ainsi, en ce qui regarde les projiriétés de l'église, il v a eu des réclama- tions durant ces dernières années dans toutes les pro>inces, et les missionnaires en exigent la restitution, sans s'inquiéter s'ils blessent la susceptibilité du peuple, ou s'ils nuisent à ses inté- rêts. Il y a en outre de belles maisons appartenant à des lettrés, sur lesquelles ils élèvent des réclamations et dont ils expulsent le propriétaire dans le plus court délai. Mais ce qui est pis, et ce qui blesse la dignité du peuj)Ie, c'est qu'ils réclament souxeiit comme leur propriété des yamens, des lieux de réunion, des tem-

i. Liltéralonirnt Vent et Pluie: c'est un mélange île suj-erslilions fprossières, dont une élude incomplète des phénomènes de la nature est la source, et des praticpies dénuées de sens commun le résultat. (]*est le Foung Choui (pii guide le Chinois dans les actes de la vie : achat ^l'une maisrjn ; heure de départ du vo\age; etc.

/|a8 UK MEMORANDUM CHINOIS

j)lo8 tonus en grande vénémlion par les lettres et les liabîtanls du voisinage.

Certainement dans cliaqne j)rovince se trouvent des maisons qui appartenaient jadis à l'Flglise; mais on doit tenir compte du nombn» d'années qui se sont écoulées depuis et songer que des chrétiens ont vendu ces maisons et qu'elles sont peut-être pas- sées entre les mains de j)lusicurs propriétaires. II faut aussi con- sidérer que la maison a pu (Mre vendue vieille et délabrée, et ipie l'accpiéreur a peut-être fait de grosses dépenses pour la ré- ])arer ou même en a construit une nouvelle. Les missionnaires nv considèrent rien de tout cela. Ils exigent la restitution et n'olTrent pas même la moindre indemnité. Quelquefois même, ils demandent à ce (pion fasse des ré})arations, ou, sinon. »me certaine somme d'argent, l ne telle conduite excite l'indignation du peuple qui voit les missionnaires d'un mauvais œil; partant il ne peut exister d'amitié.

Les faits qui sont consignés dans ce mémorandum ont été choisis comme exemples parmi bien d'autres pour montrer ce (pi'il V a d'irrégulier dans les actes des missionnaires, et prou- ver l'impossibilité pour les chrétiens et non-chrétiens de \ivre en bonne harmonie.

Il est donc urgent de chercher à remédier au mal ; les uns et les autres y trouveront leur avantage, et l'on évitera que cette seule (juestion des missions de\ienne fatah» aux grands intérêts entre la Chine et l'Occident. Nous renonçons à énumérer les nombreuses alTaires qui surgissent dans les provinces. Il importe de séparer l'ivraie du bon grain, de sévir contre les mécliants dans l'intéiêt des bons. Pour ce qui est du commerce, j)ar exem- ple, on punit sévèrement les négociants coupables de délits afin de sauvegarder l'honneur du commerce en général. Du moment que les missionnaires admettent tout le monde sans prendre soin de distinguer entre les bons et les mauvais, ces derniers af- lluenl dans la communauté chrétieime et s'appuient sur les missionnaires pour molester les gens de bien et mépriser l'auto- rité des magistrats. Dans ces conditions le ressentiment de la multitude (le>ient profond. Si le [XMq^le chinois tout entier en arri\e, comme les gens de Tien-Tsin, à délester les étrangers, l'autorité suprême (»lle-même \w pourra plus s'interposer elli- cacement. Tels sont les dangers que la situation présente im- pli([ue.

Les règlements que nous proposons aujourd'hui sont la der-

PROJKT DL (iOUVEHNEMRiNT CHINOIS l\2g

nièrc expression de notre ferme ^olonlé de proléger les mission- naires et ne com|)orlent rien de malveillanl [)our eux. S*ils s'ef- forcent sincèrement de s'y conformer, la bonne liarmonie pourra i^lre maintenue ; si, d'un autre coté, les missionnaires consi- dèrent ces mêmes repliements comme attentatoires à leur indé- [)endance ou contraires à leurs rites, ils peuvent renoncer à prêcher leur religion en Chine. Le gouvernement chinois traite ses sujets chrétiens ou non-chrétiens sur un pied d'égalité par- faite ; c'est la preu\e évidente qu'il n'est pas contraire à l'œuvre des missions. En revanche, les missionnaires, se laissant duper par les chrétiens, ne restent pas fidèles à leurs devoirs. De cet état de choses doi>ent résulter une haine des masses cx)ntrc laquelle il sera bien dillicile de lutter, et un ébranlement géné- ral du bon ordre qui rendra toute protection impossible. Mieux vaut, dès h préseni, dire franchement la vérité. »

Il faut avouer que dans POuesl de la Chine, quelques Tuissionnaires, par un zèle exagéré ou des prétentions exces- sives, ont suscité beaucoup de diflicultés à la légation de France. M*^*" Faurie, dans le kouei Irhécni, et M**" Desllèches, dans le Se-tcirouen, <>n(, par leur attitude et lcursexigenc4?s, rendu fort délicat le règlement de certaines afl'aires.

Notre ministre à Péking, M. Ikrthenïv, adressait en jan- vier i864, la lettre suivante à M^'*" Pinchon, vicaire aposto- lique du Se-tch'ouen septenUional, qui en dit long sur les prétentions de certains évoques de Chine :

« J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 29 novembre dernier pour m'exprimer le désir d'être autorise à intervenir officiellement auprès des autorités locales dans les affaires qui concernent les Chrétiens de votre vicariat ; je regrette de me trouver dans rim[)ossibilité de satisfaire à cette demande.

« Les jKJuvoirs dont V. G. voudrait être investie ne peuvent lui être conférés (pie par le (iouvernement de l'Empereur ou par le Gouvernement Chinois ; or Elle comprendra sans peine que le premier ne saurait déléguer à une j>ersonne irresponsable et placée en dehors de son contrôle un protectorat dont l'exercice peut dans certains ois engager sa |K)litique. tandis que le second, déterminé à atténuer autant qu'il est en son jK)uvoir les effets

/\[\o LK MEMORANDUM CHINOIS

d'une propagande dont il n'est déjà que trop porte k prendre ombrage, se refusera toujours ù reconnaître aux missionnaires le droit d'ingérence dans les affaires qui concernent ses propres sujels. (le sont précisément ces considérations qui ont engagé la Légation à demander qu'en l'absence d'un agent consulaire dans le Se-tcli'ouen, Tcli'oung Ta-jen fut chargé des alîaires qui inté- ressent la comnmnauté chrétienne de cette province.

« L'intervention officieuse est, à mon a>is, la seule à laquelle les missionnaires puissent avoir recours lorsqu'il leur semble préférable d'agir directement sur les autorités locales que de faire appel aux bons offices de la Légation et j'ai des motifs de penser que leurs démarches seraient plus souvent couronnées de succès, s'ils é\itaient de leur donner un caractère propre à blesser des susceptibilités, dont je n'examinerai pas la valeur, mais qu'il importe de ménager dans l'intérêt des (Chrétiens eux- mêmes. »

M*^' Pinchon appartenait aux Missions étrangères de Paris ; copie de la loltro qui lui ét^îit adressée fut envoyée eu février i86/| h M^^ Baldus, vicaire apostolique du Ho-IVan, lazariste, qui émettait des prétentions semblables ; notre ministre écrivait en outre à ce dernier : « Je ne puis oublier qu'une question d'étiquette a été Toriginc de la persécution qui a coûté la vie au regrettable abbé Néel'. »

' Néanmoins le gouvernement français, protecteur des mis- sions, ne pouvait pas accepter les propositions de la Chine, faites au lendemain du massacre de Ïien-Tsin, et son Chargé d'affaires prit le soin de les réfuter dans une dépêche au Tsoung-li yamen du i/i novembre 1871.

UEPONSE DE M. DE ROCHECHOIART AU MEMORANDUM

« Le gouvernement français, après avoir étudié le projet de règlement en huit articles proposé par le gouvernement chinois

1. Voir p. i3i.

nÉPONSE DE M. DK UOCIIECIIOUART \U MEMORANDUM i3l

au sujet des missionnaires, vient de formuler une répgnse ; mais il a cru devoir en suspendre Tenvoi à S. E. Tch*oung-Heou jusqu'au moment il aura })u s Vn tendre avec les autres pays et notanunent avec l'Angleterre à ce sujet.

Comme l'envoi de ce document par ^ os Excellences était en quelque sorte ollicieux, je crois également pouvoir oITicieu sèment vous donner le sens de la réponse qui vous sera faite.

L'émotion que le projet de Vos Excellences a fait naître en France se justifie d'elle-môme. Si la pensée qui l'a dicté pré- valait, nos rap|)orls avec le Céleste Empire seraient profondé- ment troublés, peut-être rompus. 11 accuse d'ailleurs un état de choses qui appelle notre plus sérieux examen, et nous met en demeure de nous tracer une ligne de conduite nette et raison- née. C'est [>ourquoi il ne sulTit pas d*aj)précier le projet cliinois, de l'admettre ou de le repousser ; il faut se rendre compte de ses causes et se demander quelle situation leur constatation nous révèle.

La réponse du ministre des Etals-Unis [>eut déjà être consi- dérée connue un élément de décision parfaitement acceptable. Elle est empreinte d'un esprit libéral, ferme, modéré, qui cer- tainement aura produit une salutaire impression.

Les accusations du gouvernement chinois contre les missions catholiques sont fort anciennes, elles ont été bien des fois exa- minées et réfutées. Elles se résument à l'heure actuelle dans les propositions soumises à la France par les huit articles si heu- reusement commentés par la note américaine.

Article premier. UehiliJ aux orphelinats. Le gouvernement français pense avec M. Low, qu'il n'y a aucune raison de res- treindre la liberté laissée à nos missionnaires. Ils ont rendu de grands services en recueillant de pauvres créatures abandonnées, et l'on peut avoir coniiance en leur inépuisable charité. 11 im- jx)rte néanmoins que cette charité soit toujours tempérée par une exlrôme prudence. Les missionnaires iront dVux-mémes au-devant de toutes les mesures de précaution qui pourraient être réclamées ; du reste, ils ne s'y sont jamais refusés.

L'article V'^ suppose que les enfants élevés dans les orphe- linats y sont l'objet dune séquestration véritable, soustraits ainsi à toute surveillance de leurs parents, et il en tire cette consé- quence que les missionnaires doivent exercer leurs bonnes œu- vres chez eux en ne s'imposant pas aux Chinois qui ne les de- mandent pas.

li^2 LE MEMOnANDlM CHINOIS '

La réponse à ces récritiiinations est Lien simple. Si les mis- sionnaires méconnaissent les règlemenls ijui protègent raulorilé paternelle et l'enfance, il Tant signaler lenr conduite à la léga- tion, qui la fera cesser. Mais détruire rinstitution parce que ([uehjnes abus [)eu\ent s'y être glissés, supprimer une liberté consacrée par les traités de 18G0 sous le prétexte qu'elle peut dé>ier en actes arbitraires, c'est une atteinte directe porté»e aux droits que la convention de Tien-Tsin a reconnus. Nous devons donc nous y opposer nettement tout en reconnnandant aux mis- sionnaires d'établir des règles qui écarteront de leurs maisons des plaintes ou même des soupçons mal fondés.

Ahticlk 11. Inlerdir.tion de rentrée des l'Jglises aux femmes. \[ n'y a pas un mot à ajouter aux réflexions si justes, si sensées, si morales de la note américaine. On conqwend qu'une fois en- trés dans la voie des exigences, les rédacteurs de la circulaire aient voulu imposer leurs mœurs; peut-être même onl-ils com- pris quelle action favorable à l'établissement du culte clirélien la présence des femmes dans les églises pouvait exercer en ga- rantissant aux cbrétiens la libre pratique de leur religion. Le traité de Tien-Tsin a diplomatiquement tranché la question en faveur de celles qui, dans nos traditions, ont |>our protectrice la Mère même du Sauveur.

Vhticle III. Immixtion des missionnaires dans les affaires intérieures de V Empire. Cet article ne peut faire l'objet d'une disposition réglementaire par la raison que le droit du gouver- nement chinois qu'il a pour but d'établir n'est pas contesté. Si des missionnaires s'immiscent dans l'administration civile et politique, ils se rendent coupables d'un abus que nos agents réprimeront. Leur liberté religieuse est garantie par le5 traités; tout ce (pii la blesse est interdit aux fonctionnairt^s chinois, mais par contre, tout fait des missionnaires qui usurperaient dans une mesure quelconque le pouvoir des magistrats ne saurait être toléré.. Le gouvernement français a constamment proclame cette doctrine, elle est la base de toutes ses instructions. 11 a la ferme résolution de les faire accepter.

L'article III est donc une récrimination inutile. Il se borne à condamner ce que nous condamnons nous-mêmes, et ce que notre action comnnme enq>êchera.

AnxicLE IV, Patronage accordé par les missionnaires aux chrétiens devant les tribunaux. Les mêmes réflexions s'appliquent à cet article. 11 est excessif s'il signifie (jue nos missionnaires

RÉPONSE DE M. DE nOCHECIIOt ART \V MEMORANDUM l\X\

devront s*abslcnir de loiilc dcniarche en faveur d'un chrétien. U est naturel, au contraire, qu'ils s'emploient pour lui, et nul ne peut le trouver mauvais. Mais il y aurait abus el, par \h même, sujet de plainte et de répression si les missionnaires cherchaient k soustraire un coupable ou un condamné à la jus- lice. Ce (pie demande à cet égard le gouvernement chinois résulte du droit commun el n'a pas besoin d'être stipulé.

Article V. Spécialité des passeports délivrés aux miision- naires. Cet objet de pure police n'en a pas moins une extrême importance. II a été prévu el réglé par l'article ï3 du traité du 20 octobre 1860, dans lequel on lit : « Une protection elïicace sera donnée aux missionnaires ([ui se rendront pacifiquement dans l'intérieur du pays, munis de passeports réguliers dont il est question dans l'article 8. » L'article cite des irrégularités dans l'exécution de ces dispositions. Sans les examiner, il faut répondre qu'elles ne changent rien à la règle qui repose sur ces traités, et que le gouvernement français ne s'est jamais refusé h appliquer.

Article VI. Examen préalable des néophytes, exclusion de ceux qui auraient été condamnés ou qui auraient commis quelque crime. Les raisons sur lesquelles s'appuie cette prétention ne sont pas un instant discutables. Le gouvernement chinois sem- ble ici confondre la police et la croyance. Le christianisme n'est pas une association, c'est une religion. Il ne rejx)usse aucune créature humaine. Il appelle celles qui sont déchues à se re- |M*ntir et à se réhabiliter. C'est en restant toujours pur, mais miséricordieux qu'il al lire les pécheurs et les sanclilie. Les mis- sionnaires chargés de les prêcher ne se laisseront pas prendre à de fausses apparences. Ils n'encourageront pas l'hypocrisie, ils auront grand soin de maintenir dans leurs communautés l'or- dre, la probité et la régularité des mœurs. Ils sauront éloigtier d'eux ceux qui ne se corrigent [)as ; mais on ne j>eut leur inter- dire telle ou telle conversion, et surtout les soumettre à un examen préalable. C'est encore l'arlicle i3 du traité du a5 oc- lobre 18G0 qui repousse celte exigence en disant : a Aucune entrave ne sera apportée par les autorités de Tenq^ire chinois au droit qui est reconim à tout individu en Chine d'embrasser, s'il le veut, le christianisme et d'en suivre les prali(pies sans être passible d'aucune peine inlligée pour ce fait.

L'Article Vil, qui demande que les missionnaires observent les usages locaux et s'abstiennent d^ employer les sceaux réservés aux

COHDIEK. L 'j8

/|34 LE MEMOHANDLM CHINOIS

fonctionnaires, no mérilc pas qu'on s*y arrt^lc. Les missionnaires ne sont pas des fonctionnaires, ils ne peuvent en réclamer les prérogatives.

L'Article VIII émet une prétention absolument condamnée par l'article (i du traité du 20 octobre 18G0. En eflet, il vou- drait interdire aux missionnaires la recherche et la revendica- tion des immeubles dont ils ont été dépouillés par des faits vio- lents.

C^'est précisément pour leur assurer ce droit qu'il a été con- venu, dans rarticle 6, ce qui suit : « Conformément à l'édit imjKTial qui a été rendu, le ao mai i8/|6, par l'auguste empe- reur Tao-kouaug, les établissements religieux et de bienfaisance qui ont été confisqués aux chrétiens pendant les persécutions dont ils ont été victimes, seront rendus à leurs propriétaires par l'entremise de S. Kxc. le ministre de France en (^hine auquel le gou>ernement im|MM-ial les fera déli\rer avec les cimetières elles autres édifices qui en dépendaient. »

Les missionnaires ne sont donc |)as libres, et ils n'ont jamais émis la prétention de se faire délivrer les immeubles qui leur plaisent le mieux. Ils ne peuvent réclamer que ceux qui leur ont appartenu, vi ils sont tenus de prouver leur droit. Les usurpa- teurs dépossédés n'ont pas de» prétexte pour se plaindre et s'ils ont amélioré ce qu'ils ont ainsi enle\é à la mission catholique, il Y aura lieu d'examiner leur plus ou moins réelle bonne foi et la valeur des améliorations, (le sont des questions de détail. IVous ne saurions trop insister cependant |X)ur qu'elles soient toujours tranchées de la manière la plus équitable. C'est dans la vie pri\ée une manière certaine d'attirer l'estime et d'éloigner les embarras que de toujours décider contre soi quand on. est dans le doute. Cette règle morale a une eHicacité particulière quand elle s'applique à des populations dis|X)sées à la défiance ; elle les désarme en les désintéressant. Que sur cela les mission- naires consentent h avoir souvent tort, et ils feront une plus ample moisson qu'en se montrant les défenseurs acharnes du moindre de leurs droits.

Cet examen des huit articles conduit le gouvernement français à cette conclusion qu'aucun n'est acceptable, qu'aucun même ne lui paraît sérieusement proj>osé. La circulaire est une escar- mouche destinée à éclairer le terrain, à le sonder. Le gouverne- ment français croit que les chrétiens causent des soucis au gou- vernement chinois : il croit encore plus fort qu'on se sert d'eux

RÉPONSE DE M. DE ROCIIECIIOUART AU MEMORANDUM /l35

comme d'un prétexte. Les adversaires systématiques des étran- gers font grand bruit des dangers que fait courir la secte occi- dentale, les habiles créent par une agitation dont ils profitent. Au fond, néanmoins, le danger existe, il s*est accru depuis quel- (|ues années ; il pourrait devenir irrémédiable à moins d'une entente entre les deux gouverneuienis.

Il est certain que si le nieinoraiuluni avait été envoyé sous forme do dépêche, le Chargé d'aiTaircs de France n'aurait eu qu'à demander ses passeports ; c'était un ballon d'essai et le prince de Koung disait à M. de Rochechouart : « Vous savez bien que ce mémorandum n'avait rien de comminatoire; c'est une simple étude de la question à notre point de vue et dont la discussion trouvera sa place à l'époque de la revision des traités. »

La China Mfiil disait : « La dépêche du comte de Ro- chechouart au Tsoung-li Yamen en réponse à la fameuse circulaire concernant les missionnaires est sans aucun doute le meilleur document diplomatique traité de main de maître (pii ail jamais été adressé a nos astucieux amis de Péking. »

Le ministre plénipotentiaire américain avait répliqué le 20 mars 1872, en se ])la(;ant au point de vue des missions en général ' .

I. Il fît celle observation pleine de l)on sens :

« Aux Etats-Unis, chaque infJividu jouit de la liberté la plus illiiniléo dans les discussions de toutes sortes ayant rapport soit au gouvernement, soit à la religion. Le peuple écoulant de la sorlo toutes les opinions linit par discerner aisc'mcnt la vérité du mensonge. Si les religions des lioud- dliistes. des Taoïstes, des disciples de Confucius et la religion clirétienne pouvaient être toutes expliquées sans qu'on y mit obstacle, chacun pourrait juger des mérites de chacune d'elles et embrasser celle qui lui paraîtrait la plus raisonnable et la plus vraie. Chacune de ces religious trouvera des parlis:ms et d(>s disciples, mais ce n'est nullement une raison pour faire preuve à ce pro|)os de mauvais vouloir, de jalousie ou de haine conlrc les partisans des autres religions. Le gouvernement chinois ferait sagement, je crois, en s'initiant davantage aux coutumes des nations étrangères, et en examinant si une meilleure entente entre les indigènes et les étrangers (entente qui, n'affaiblirait en rien l'autorité du gouvernement ni le respect

436 LE MEMORANDUM CHINOIS

Les prctenlions de la Chine étaient si hors de propos que le ministre d'Angleterre, M. Wade, indiflcrent, après un assez long retard néanmoins, répondit au Mémorandum par une lettre adressée au vieux ministre Won Siang.

LETTRE DE M. WADE

Péking, 8 juin 1871. Monsieur.

Selon la promesse (jue je fis à Votre Excellence quand j*eus le plaisir de >ous rencontrer au Yainon des alTaires étrangères, il y a quelques jours, je demande à vous soiuneltre quelques ob- servations sur le iu(Muorauduiu concernant la question des mis- sionnaires, qui me fut en\oyé par \ous-mômc et le président (^lien le 9 février dernier.

\ ous (levez vous rappeler ([ue lorsque ce mémorandum me Cul envoyé, je m'elTorçai {Von faire retarder la publication jus- C|u*à ce que certaines parties, qui semblaient sujettes à la criti- que, [)ussent être roues: et, dans ma note du 11 février, je proposai de vous faire coimaîire par écrit mes vues sur ce sujet.

J'allais vous soumettre un mémoire, quand je reçus votre |)ressante note du i3, m'annonçant (pie vous adressiez au luème moment le mémorandum à toutes l(»s légations. Je me rendis au Yamen l'après-midi suivant, avec l'intention de m'expliquer en personne ; mais je ne fus pas assez heureux pour voir Votre Excellen(re, et, après mes informations prises, j'appris que le mémorandum avait été mis en circulation la soirtkî prtk'é- dente.

Deux raisons en particulier m'avaient fait craindre cette pu- blication précipitée. La première était de mettre trop en avant le nom de la Pitance et celui de la religion catholique romaine, ce cpii pouvait être injurieux, non seulement à la France, mais

du peuple pour ses magistrats) ne serait pas le résultat probable de plus de liberté accordée à Texercice du culte de toutes les religions, et de la faculté laissée aux citoyens d'embrasser le culte de leur choix sans avoir à craindre Tingérence du gouvernement. »

LRTTIlK DE M. WVDE f^^r

aux autres gouvernements dont les nationaux sont mission- naires en Chine. L'autre raison, c'était que l'examen de la question des missionnaires semblait lendrc spécialement à ex- cuser le massacre de Tien-Tsin. Or, ce massacre ne peut, par aucun moyen, assurer au gouvernement cliinois cette svmpatliic el cet appui que le mémorandum recherche évidemment. Ce fut alors à mon grand regret (pie je trouvai le mémorandum en circulation, et le silence ([ue j'ai gardé jusqu'à présent doit être attribué, entre autres raisons, en grande partie au décourage- ment que je sentis à celte décou>erte. En cette occasion, comme en tant d'autres circonstances, je reconnais que mes avis ont j)cu de chance d'être écoutés.

Cej>endant, conmie Votre Evcellence m'a une fois de plus exprimé le désir d'entendre ce (pie j'ai h dire, je m'inq)Ose moi- même cette tache.

L'article I*''" concerne les asiles d'enfants. Les missionnaires protestants n'ont pas, à ma connaissance, établi de tels asiles, mais je suis assuré que, dans ceux des catholi(pies romains, ja- mais aucune opposition n'est faite à la visite des parents et des amis. Plusieurs de ces enfants n'ont ni parent ni ami ; ce sont des enfants abandonnés de tous. Il serait ditlicile d'en trouver un qui n'ait été laissé sur le chemin prêt à mourir.

Comme j'ai déclaré ci-dessus qu'il n'y a pas d'asiles pro- testants en Chine, il est certain (pi'il est délicat pour moi d'ex- primer ime opinion touchant l'utilité d'établissements (bndés et soutenus par des personnes qui ne [)artagenl pas mes croyances.

J'accorderai cependant que, comme ces enfants sont sujets chinois sans aucun doute, il n'est pas déraisonnable d'exiger qu'un registre d'admission soit tenu sous l'inspection des auto- rit<'s chinoises ; que ces mêmes autorités soient libres de visiter les asiles de temps en tenq)s, et que les décès des enfants soient dans tous l(»s cas d('clar(»s aux autorités.

L'article a dispose qu'aucune femme chinoise ne sera admise dans les chapelles et (pu* les Sœurs de charité ne jmiuTont de- meurer en Chine.

L'usage maintenant en \igueur. produit, assure-t-on, une impression défavorable à la réputation des femmes chrétiennes et consé(pienmient discnklile entièrement les cluTtiens.

Je ne puis croire (pi'aucun gouvernement protestant ou ca- tholique, consente à l'expulsion de ses sujettes de l'empire chi-

438 LE MËMOUAM)LM Cil 1> OIS

nois, OU que, eu présence des difTérents traités qui assurent la liberté de prêcher et de pratiquer le christianisme aux natifs et aux étrangers, ils essaient d'interdire à leurs sujettes plus qu'à leurs sujets Tenseifi^nemenl des vérités chrétiennes.

Confucius enseigne que, tant que nous ne manquons pas nous-mêmes h la pratique de la \ertu, nous ne devons pas nous lasser de corriger les autres, et cela est certainement le devoir de la femme aussi bien que de riionime.

Pour ce qui concerne la question de décorum. Votre Excel- lence n'est éxidcmment ])as avertie (|ue, durant les exercices du culte chrétien, les chapelles catholiques ou protestantes, sont ouvertes à tous, non chrétiens ou chrétiens, qui se conduisent de manière à ne pas troubler le ser>ice divin; que tout ce qui se passe à l'iiitérieur ou à l'extérieur peut être observé, et que, dans les églises catholiques en Chine, les sexes sont générale- ment séparés, pendant les cérémonies du culte, par respect pour le sentiment chinois sur ce sujet. Je l'ai vu de mes pro- pres veux à Chang-hai, et je crois (pie c'est la règle générale.

L'article 3 se [)laint de la position (pie se sont arrogée les missionnaires en Chine dans leurs relations avec les autorités du pays, de k^urs procécK's (pii irritent l(\s autorités et le peu- ple, pour leur manière d'intervenir entre l(»s chrétiens chinois et la loi.

Les preuves des gricîfs ci-dessus mentionnés ne sont pas nom- breuses, et se réfèrent aux provinces éloigmVs du Kouei-tchéou et du Se tch'ouen. Les cas dénoncés afleclent seulement encore les catholi(pies romains. Je suis assuré j)ar le repn^sentant de la France, que, (pioi([u'il iTgarde comme très désirable que It^s é\équi\s catholi([nes et leurs missionnaires aient accès auprès d<»s autorités en chef de la juridiction, pour repr(*senter le mal qui j)eut être fait à leurs congrégations en ce qui concerne la liberté religieuse, la h'galion française ne reconnaît pas la réclamation de ces mêmes ecclésiasti(pies pour inter>enir entre l(*s Chinois chrétiens dans les (piestions qui ne concernent pas le libre exer- cice de la religion.

Si, comme on le prétend, les missionnaires étrangers ont l'habitude de s'interposer (lans les procès civils ou criminels, ou de jx^ser, soit en persorme. soit par corresjiondance, sur les au- torités d'une manière peu respectueuse ou offensive, le remède me paraît être dans les mains des autoritc's elles-mêmes. L(*s autorités outragées n'ont qu'à se plaindre au plus proche consul

LKTTIIK DE M. WADK /jSl)

OU, par le yamcn, à la léf^ation du pays auquel le missionnaire apj>arlient. Je ne puis sûrement répondre que pour mon propre ^gouvernement, mais je suis convaincu que le gouvernement de Sa Majesté ne soutiendrait aucun missionnaire anglais, soit en intervenant dans les procès, soit en appuyant un Chinois dans son opposition aux lois de la Chine.

Quant aux souscriptions ouNcrtes dans un intérêt puhlic, il me semhle y a\oir ici cpielque confusion entre les diverses caté- gories de conlrihutions. Dans ro[)inion des gouvernements étrangers, la conversion d'un Chinois au christianisme ne l'exempte pas d'ohéir aux magistrats et aux lois de son pavs, ni d'acquitter les impôts dus à la Chine.

Mais au sujet de certaines conlrihutions que ses conq)atriotes s'imposent d'eux-mêmes, le (Chinois chrétien peut en être exempté, et le gouvernement chinois est lié avec les pouvoirs étrangers pour assurer cette exemption parce qu'il s'est engagé par traité à garantir à toute personne la liherté d'enseigner et deprati(pier le christianisme dans toute l'étendue de l'empire. Les Chinois ont une loi qui n'est pas admise par les chrétiens; lorsqu'ils ohligenl un chrétien à prendre part à des cérémonies condamnées par la religion, ou à souscrire de l'argent pour venir en aide à ces uiêmes cérémonies, les Chinois alors inter- viennent dans le lihre exercice de la religion d'un chrétien et le gouvernement du pavs doit protection h ce dernier.

Prenons, j)ar exenq)le, le cas de la prière pour la pluie ; la différence des us et coutumes a été plus d'une fois le sujet de mésintelligence entre les Chinois chrétiens et les non-chrétiens. Prier pour la pluie, pour d'autres hienfaits, pour la cessation de la sécheresse ou d'autres calamités n'est pas particulier à la (]hine. Mais en Angleterre, nous avons protestants, catholi- (pies, juifs et autres crovances, aucune de ces crovances ne peut ohliger les autres à offrir des prières contraires à leur rite pro- pre, ni les forcer à souscrire des fonds autrement que pour hj\tir leurs propres églises ou pour acquitter les dépenses de leur culte. La même tolérance est stipulée en faveur des chrétiens chinois dans les traités avec les gouvernements étrangers, qu'ils soient grecs, catholiques ou j)rotestanls.

L'article \ repose sur ce principe (pie, les Chinois et les étrangers vivent ensemhle, la loi doit être impartialement appliquée. Cela est hors de doute. Mais il semhle impli- quer en outre (pie. en cas d'homicide, le sentiment popu-

f\f\0 LK MI•:MOUA^DLM CHINOIS

lairc n'esl pas satisfait jusqu'à ce qu'on ait donne* une vie pour une vie.

Sons la loi anglaise cela n'est pas possible comme sous la loi cliinoiso. L'expérience a démontre que, dans beaucoup de cas, cette dernière condamnerait un coupable à mort, la loi an*;laise serait satisfaite j)ar une piMne moins sévère. 11 est vrai- ment regrettable (jue des malentendus puissent provenir de la différence de nos codes ; mais je ne vois aucun remède jusqu'à ce que la Cbine juge convenable de reviser le mode d'instruction criminelle en usage maintenant dans ses cours. Aussi longtemps que les aveux seront arracliés par la torture, aussi longtemps il sera didicile aux autorités des gouvernements étrangers de s'as- socier a\ec la Cbine dans les procès d'un cas criminel ; et, à moins que les autorités des deux nations ne soient présentes, il existera toujours un doute d'un côté ou d'un autre.

Cette diiTicultc surmontée, il n'v en aura plus pour rédiger un code de lois concernant les didérents cas criminels ; aucune diiliculté certainement de la j)arl de l'Angleterre ; aucune, à mon avis, de la part d'aucun autre gouvernement.

Quant à la complicité des personnes autres que celles qui sont directement accusées, et par la<(uelle il peut être démontré que le coupable fut poussé à conmiettre le crime, je ne vois pas pourquoi il leur serait permis d'écbapper à la peine ou à l'in- denmité. Mais l'instruction criminelle est bien difTéremment comprise par les Cbinois et les étrangers, et sut ce |K>int, je désespère d'une meilleure entente, jusqu'à ce que le code inter- national qui a déjà été suggéré ait été agréé.

L'article se termine avec cette remarquable proposition, que si un missionnaire protège contre les autorités un Cbinois cou- pable, le missionnaire doit être puni connue la loi punirait ou exilerait le Chinois.

Je me perds à comprendre comment un missionnaire piîut prévenir l'arrestation d'un Chinois accusé d'une olîense contre la loi. Un missionnaire essayerait-il une telle intervention, le meilleur moyen, comme je l'ai indiqué, serait un appel immé- diat au consul ou au ministre de sa nationalité.

Art. 5. Le passeport dont il est question dans cet article ne me semble pas avoir besoin d'aucune remarque particulière. Les exemples cités de l'échange des passeports ou de la confusion des noms des porteurs, ne sont au nombre que de deux ou trois. Je ne peux pas penser que, quand des erreurs de la sorte

LETTHE DE M. >\ADE V'i I

arri\enl, la légation qui s'en trouve cliargée soit incapable de fournir une explication satisfaisante ; ou que, si un passeport était délivré d'une manière douteuse, ou transféré à une autre |)ersonne, missionnaire ou non, les autorités de sa nation refu- sassent d'en prendre note. Je serais bien aise que chaque ques- tion que la (Ihine a à résoudre avec les autres gouvernements, fut aussi facile à résoudre que celle-ci.

Dans l'article G, il est proposé que pas un (lliinois de mauvaise réputation n'obtienne la permission d'embrasser le christia- nisme; et des exemples sont donnés de personnes venant des pro\inces occidentales éloignées qui. après avoir embrassé le christianisme, continuèrent à connnettre de graves offenses. S'il en est ainsi. |>our([uoi les coupables ne sont-ils pas saisis et ju- gés par les autorités du district ? 11 est vain de faire tomber le blâme de leur inaction sur les quelques missionnaires de leurs juridictions. Us n'ont pas hésité, à l'occasion, de mettre violem- ment la main sur les missionnaires eux-mêmes. Dans le Kouei- tchéou, l'a vaut-dernière amiée. trois missionnaires catholiques furent saisis par les autorités et un d'eux mourut des mauvais traitements qu'il reçut. Je ne conqwends pas conunont le |)ou- voir des mandarins puit être moindre sur leurs propres com- piitriotes. Quant à empêcher les hommes qui ne sont pas ver- tueux de de\enir chrétiens ce n'est pas |K>ssible, puis(pie la religion chrétienne a pour but d'enseigner aux honnnes à de- venir vertueux, puiscpie le devoir des missionnaires est. comme le dit le philosophe Mencius, de ne renvoyer aucun de ceux qui désirent être con\ertis. « Il ne faut pas examiner le passé, ni rejeter ceux <pii faiblissent eux-mêmes. »

Si les (chinois violent de nouveau la loi, leur titre de chré- tiens ne |)eul les mettre à l'abri de la pénalité de la loi. Pour ce qui regarde l'enregistrement, si le gouvernement chinois oblige tous ses sujets chrétiens à se faire enregistrer d'une cer- taine manière, il a, c'est certain, le pouvoir de le faire. Mais je ne vois pis jwurquoi il soumettrait à cette formalité les mis- sionnaires étrangers. Je ne vois pas non plus que ce soit un acte de bonne administration ; c'est exposer le gouvernement au soupçon de maheillance contre les chrétiens, et jeter ainsi l'alarme chez les gou\ernenienls étrangers en relations avec la Chine.

La population de la Chine était estimée, avant la révolte des T'aï Ping, à environ /ioo millions. Quelques-uns |)ensent que ce

l\f\2 LE MEMORANDUM CUINOIS

total doit ùlrc réduit de moitié. bien ! sur ces 200 millions de Chinois il y a peut-i^tre 5ooooo chrétiens, lesquels certaine- ment ne sont ni moins commandés, ni moins imposés que les autres Chinois. Je me jxîrds à comprendre pourquoi le gouver- nement chinois met de l'insistance à démontrer le retour pro- bable de vexations qui, si elles se réalisaient, provocjueraient le» remontrances des gouvernements étrangers.

1/article 7 prescrit les formes de communications, entre les missionnaires et les autorités. Pour nos missionnaires, je n*y vois pas d'objection. Le gouvernement anglais n'établit aucune diflerence entre le missionnaire et tout autre sujet britannique non olTiciel, car l'article 11 du traité de Nanking détermine la l'orme dans laquelle les sujets n'ayant pas de position ollicielle doivent s'adresser aux autorités chinoises.

L'article 8 et dernier traite de la restauration des bùtiments appartenant autrefois aux chrétiens.

Cette question, née des engagements contractés par le gou- vernement chinois, dans l'article 6 de la convention française du 35 octobre 1860, concerne seulement les catholiques, et sa solution regarde exclusivement le gouvernement français ; il ne m'appartient point de la discuter. J'ajouterai seulement que, si le gouvernement chinois trouve ses engagements difficiles à remplir, il devrait profiter de la présence de son ministre en France, pour obtenir un adoucissement aux conditions acceptées par lui en 1860.

Cela m'amène à ce que j'ai si fréquemment répété au Yamen, sur le moyen d'échap|)er aux difïicultés, quand il s'élève un conflit entre le gouvernement chinois et un gouvernement étranger. Il est tout à fait impossible que la Chine arrive à une juste appréciation de ce que 1rs étrangers attendent d'elle, et à persuader ces gouvernements de ce qu'elle attend d'eux, avant qu'elle ait elle-même arrêté avec eux les conditions de relations ofTici elles, seules garanties contre des malentendus internatio- naux. La première de ces conditions est un échange de repré- sentants. Je ne dis pas que ce soit une panacée pour tous les maux; mais il est incontestable que sans cela les guerres seront plus fréfpienles. et jusqu'à ce que la Chine soit représentée dans rOccident, je n'espère pas voir finir les incessantes récrimina- lions et disputes les agents diplomatiques h Péking usent leur vie. Si la Chine est lésée, elle doit se faire entendre, et d'un autre côté, si elle ne veut pas s'exposer à blesser les gou-

L£TTU£ DE M. \SkDE 4^3

\orncinenls étrangers, cJlc doit apprendre ce qui se fait dans le nionde loin d'elle.

Les gouvernements étrangers ne seront pas disposés à ad- mettre que leurs relations commerciales avec la Chine soient toutes actuellement telles qu'ils les désirent.

Revenant encore au massacre de Tien-Tsin. Votre Excellence explique que c'était le résultat de l'exaspération du peuple contre les catholiques ; et vous exprimez la crainte qu'après la sévère punition infligée aux coupables, et les larges indemnités accor- dées, les chrétiens oseront plus qu'auparavant persévérer dans leur voie impopulaire.

J'ai communiqué au prince Koung l'expression du mécon- tentement de mon gouvernement pour la lâcheté avec laquelle ce crime horrible fut préparé. Je suis persuadé qu'aucun gou- vernement étranger ne juge dilTéremment l'action du gouver- nement chinois, et que, loin d'enhardir les chrétiens, le faible chAliment infligé aux coupables ne peut que provoquer des évé- nements contraires aux prévisions de Votre Excellence.

S'il est inutile ici de retracer le tableau du mal accompli, il ne l'est point de rechercher qui commença le soulèvement contre les catholiques. Pas un enfant n'a disparu ; pourquoi donc cette atroce calomnie accusant les catholiques de dérober les enfants dans d'abominables desseins. Il me suffit pour le moment de répéter ce que j'eus l'honneur de faire remarquer au prince Roung, dans ma déj)éche du 9 juillet dernier. Le gou\ernement est rcsjK)nsable de l'ignorance du peuple, laquelle seule peut rendre possible un acte si barbare pour un prétexte si ridicule. Et le fait est que la continuation de l'ignorance le peuple est plongé est due au manque de lumières que le gouvernement devrait assurer au peuple. Cette ignorance ne saurait donc être une excuse auprès des gouvernements étrangers, qui voient les biens et la \ie de leurs nationaux exposés au milieu d'un peuple que son gouvernement néglige d'instruire*.

Thomas-Francis Wade.

I. Missions catholiques, IV. p. i3i-4, d'après la London Gazette du 13 décembre 1871.

/|'|4 LE MEMOUANDLM CHINOIS

LORD GRA?r\lLLE

Dès le 21 août 1871, Lord Granville, minisire des af- faires étrangères, avant m(^me d'avoir eu connaissance de la lettre adressée à Wen Siang par M, Wade, exposait à ce der- nier les idées du gouvernement britannique sur la question des Missions ; voici la conclusion de sa dépêche :

« Le gouvernement de S. M. espère que le gouvernement chinois ne siipjx)sera pas qu'en refusant son approbation aux articles du mémorandum, le gouvernement anglais veut agir dans un autre motif que celui d'éviter une question embarras- sante, s'ajoutant à d'autres dilTicultés, augmentées elles-mêmes par des règlements impraticables.

Le moyen de limiter l'action des missionnaires sur les chré- tiens chinois qu'ils protègent, autre grief invoqué par l'accusa- tion, ce moyen parait au gouvernement de S. M. sufTisamment assuré par les traités.

Si les missionnaires anglais se conduisent d'une manière blâ- mable, qu'on s'adresse au plus proche consul pour les punir comme les autres sujets anglais, ainsi que cela est prévu par l'ar- ticle 9 du traité de Tien-Tsin. Si les autorités du pays trouvent que les consuFs de S. M. ne font pas de réprimandes assez énergiques, ils peuvent en appeler, par l'intermédiaire du gouvernement de Péking, au ministre de S. M., en suivant la voie ordinaire des usages internationaux. Tous, le ministre et les consuls de S. M.. ont des [)ouvoir8 étendus pour maintenir la paix, l'ordre et le bon gouvernement des sujets de S. M. en Chine. S'il était prouvé que ces pouvoirs fussent insudisants, le gouvernement de S. M. est prêt à les accroître ; mais, jusqu'à ce qu'il soit prouvé que le ministre et les consuls sont incapables de siurveiller leurs nationaux en Chine, par l'exercice des pouvoirs qui leur sont con- fiés, le gouvernement de S. M. doit se refuser à l'addition d'arti- cles supplémentaires, quand même ces articles ne devraient at- teindre qu'une certaine classe de sujets anglais. Ce serait exposer la société anglaise qui réside en Chine à de perpétuels conflits avec les indigènes, et créer une situation des plus vexatoires*. »

I. Missions catholiques, IN, p. i4G, d'après la Lonâon Gazelle,

CONCLUSION V^Ô

CONCLUSION

Les missionnaires Irouvèrcnl également parmi eux en Tabbé Gennevoise * un éloquent défenseur^ dans une brochure anonyme * qui eut à Tépoque un grand retentissement dans le monde religieux. D'ailleurs, il était difficile à une cause gagnée d'avance, de trouver de meilleurs avocats que MM. de Rochechouart et Wade, et que Lord Gran ville. Le mé- morandum fut donc un coup d'épée dans Feau, mais il est important en ce qu'il nous montre Tétat d'esprit des Chinois: il était un moyen détourné de revenir sur les avantages ob- tenus précédemment par les étrangers et pas autre chose. Le missionnaire paraissait plus facilement attaquable que le marchand ou le consul : c'est pour cela qu'il fut visé dans le mémorandum ^.

1. L'abbé Félix Gcnnevoisc, du diocèse de Cambrai, est entré chez les Chartreux, après avoir quille les Missions étrangères.

2. Le Mémorandum chinois ou violation du Traité de Peking, Exposé et réfutation, par un missionnaire de Chine. Rome, Imp. de la Propagande, 1872, pet. in-8. pp. 74.

3. Voir aussi sur le Mémorandum : La Politique française en Chine depuis les traités de i858 et de 1860. par Prosper Giquel... Paris, Guillaumin, décembre 1872. br. in-8. Les Ministres de Russie et d'Alle- magne répondirent au Mémorandum, le 3 et le 27 mars 1871.

CHVPITRE X\X

MORT DE TSENG KOUO-FAN. MÉMOIRE DU PRINCE K0UN6

MORT DE TSE?iG KOUO-FAN, 12 MARS 1872

Le 12 mars 1872, le grand vice-roi des deux Kiang, Tseng Kouo-Fan, mourait à Nan King. « Le 26® jour de la i" lune (5 mars) il fui tout à coup saisi d'un tremblement des membres, et sa langue était lellement paralysée qu'il ne pouvait plus rien articuler. Les médecins furent appelé* immédiatement. Le jour suivant il paraissait mieux.* » Le D'' Macartney, alors directeur de Tarsenal de Nan-King, m'a raconté qu'il était en visite au Yamen du vice-roi lors de cette première attaque, ainsi que Sié, secrétaire de Tseng, depuis ministre à Paris, et qu'il avait recommandé au malade le repos le plus absolu ; son conseil ne fut pas écouté.

« il paraîtrait que, huit jours environ avant sa mort, il avait ressenti quelques symptômes inquiétants. Pendant qu'il conversait avec des mandarins qui l'étaient venu visiter, ses idées se troublèrent tout à coup, et il lui devint impos- sible pendant quelques minutes d'articuler aucun son. Il ne voulut cependant rien changer a ses habitudes et continua de vaquera ses affaires comme par le passé. Il paraissait com- plètement remis, lorsque, le 12 de ce mois (mars), vers

I. Gazette de Péking, Iraduitc par Miss L. M. Fav {The Phoenix, 29 novembre 1872.)

MORT DE TSENG KOUO-FAN /i^-J

sept heures du soir, une attaque d'apoplexie foudroyante vint IVn lever à sa famille \ »

Tseng, vice-roi du Tché-li à l'époque du massacre de Tien- Tsin, avait eu une attitude douteuse qui fut critiquée par les étrangers, aussi en septembre 1870, ful-il pour la seconde fois transféré h Nan-King. 11 était cependant un homme digne de confiance et de relations infiniment plus sûres que Li Houng-tchang.

« Tseng Kouo-fan était de taille moyenne, d'une consti- tution vigoureuse et pâle de visage. Ses yeux petits mais perçants, vifs et investigateurs, étaient voilés par des cils et des sourcils épais. 11 élait dans sa 65® année et avait toute rapj)arence d'un vieil habitant de la campagne. Tous ses traits indiquaient un caractère résolu. Il a toujours eu parmi les Chinois une grande réputation d'équité tant comme chef civil que comme chef militaire. Le seul reproche qu'il ait jamais encouru dans le public, a été la protection qu'il a toujours accordée aux gens de sa province. Son entourage était presque exclusivement composé de gens du Hou-Nan dont un grand nombre avait partagé les dangers et la gloire de ses campagnes ^ »

On a remarqué que les prédécesseurs de Tseng à Nan- King, sont morts occupant leur poste de vice-roi : Ta chou, Tchen nuan (suicide), Li Kien-yin, tué par les rebelles, I-liang, Ho Kouei-tsing, décapité à Péking ^, Ma assassiné*.

1. Nous'cUiste de Shanghaï, i8 mars 1872.

2. Nouvelliste de Shanghaï, 26 mars 187a.

3. « Bien des personnages, écrit M. Kicczkowski, le 21 janvier i863^ avaient essavc de le sauver, depuis 6 à 7 mois qu'il élait arrivé à Péking, comptant sur les richesses que ce condamné élait censé posséder, mais Tï=cng kouo-fan, Sêng-ko-lin-sin et d'autres personnages, acquérant de jour en jour plus d'importance, s'y sont vivement opposés et lo Princo do Koung a décidé de faire exécuter la sentence. » Voir p. 201.

4. Voir p. 870.

l\f\S MORT DE TSENG KOUO-F\>î MÉMOIRE DU PRINCE KOUNG

MÉMOIRE DU PRINCE KOL'NG, I7 MARS 1872

Nous avons à enregislror le mémoire dans lequel le Prince Koung, a la suite d'une réclamaliôn du minisire d'Angle- terre, commente les traités et indique la manière de les appliquer exactement :

Les très humbles serviteurs de V. M., Yi Sin (Prince koung) et ses collègues, lui présentent à genoux un mémoire dans le but d'expliquer de quelle façon les clauses des traités conclus avec les F]uropéens doivent être interprétées, et ils supplient \. M. qu'il lui plaise d'ordonner qu'on s'y conforme.

Ils font humblement remarquer que dans la lo* année du règne de Hien Foung (1860), un traité a été signé entre le Ta Tsing Kouo (Kmpire Chinois) et le Ta Ying Kouo (Royaume d'Angleterre). Ce traité renferme un article qui dit que les Mi- nistres Anglais doivent élrc traités avec la plus grande considé- ration.

Quiconque sera convaincu de manque de respect, d'insolence ou de tout autre attentat à la dignité de ces personnages, devra être sévèrement puni par les autorités locales.

Le même traité établit en même tenqis des règles pour la per- ception des droits et le recouvrement des dettes.

Pendant les dix années qui se sont écoulées depuis la ratifica- tion des traités de commerce conclus entre la Chine et les divers états de l'Europe, et malgré les modifications qu'ils ont subies, aucune tendance hostile à ces conventions n'a été remarquée parmi les personnes bien pensantes et d'un esprit pacifique ; et les étrangers bien pensants ont fait preu>e aussi de toute l'amé- nité désirable dans leurs rapports avec les autorités de Chine.

Quant aux droits sur les produits étrangers perçus par les diflérentes douanes, bien que les traités n'aient pas été violés, des surtaxes ont eu lieu sur divers ]X)ints de l'intérieur. Dans leur commerce entre eux il est arrivé d'autre part que des sommes dues depuis longtemps par des négociants étrangers à des négociants Chinois restaient impayées ; mais il est juste d'ajouter que le chiiTre des dettes contractées par les comiiier-

MEMOTRE DE KOUNG 4^9

çaiits Chinois cl non encore payées aux Européens s'élève à une somme importante. Des instructions ont du reste été données aux jifouverneurs des provinces afin que ces alTaires soient réglées le plus promptement possible et avec impartialité, sans favoriser les Chinois aux dépens des étrangers.

\ oici le passage relatif aux relations étrangères :

Le ministre d'Angleterre est venu néanmoins se plaindre aux Ministres de V. M. du peu de res|wct que les sujets chinois témoignent aux autorités et aux résidents étrangers. 11 a ajouté : i" que les autorités chinoises, loin de prendre les mesures néces- saires pour faire cesser cet état de choses, permettent au contraire qu'il continue d'exister, et que la basse classe chinoise, sous l'in- fluence de ce qui se passe constamment sous ses yeux, témoigne d'une animosité de plus en plus inquiétante contre les étran- gers; 2° que les Conunerçants sont surtaxés par les Douanes Chinoises; 3" que la surveillance de ceux qui doivent IVxercer n'est pas assez active d'une part, et que de l'autre les Euro- péens, souvent victimes de la mauvaise foi des banques du gou- vernement ou de celle des négociants, voient frétjuemment leurs débiteurs échapper h Taclion do la justice, grâce à la protection que ceux-ci reçoivent de leurs magistrats dont le devoir serait de les obliger à payer leurs dettes. Un grand nombre d'allaires de- puis nombre d'années n'ont pu être réglées pour ce motif.

Il demande en conséquence (pie \ . M. veuille bien donner les ordres nécessaires pour (|ue les Gouverneurs des provinces veil- lent à l'exécution de ses ordres.

Nos ministres ont en outre reçu du ministre anglais une réclamation ollicielle dans la(pielle il est dit que dernièrement, à l'occasion d'une discussion pour affaires dans le district du Kouang-si (llou Pé), les autorités locales ont répondu ([u'elles n'avaient jamais lu le traité.

Vos ministres sont d'avis que les autorités et les particuliers des nations étrangères (pii viennent en Chine, soit, revélus d'un caractère olîiciel. soit, avec l'inteiilion de faire le commerce, doivent être (conformément aux conventions) traités avec con- venance, d'autant plus (pie les étrang(Ts venant en Chine avec d(»s intentions pacifiques, les autorités ni le peuple chinois n'ont aucune raison pour les maltraiter.

CoRuiER. I. 29

l\bo MORT DE TSENG KOUO-FAN MÉMOIRE DU PRINCE KOUNG

Quant à la perceplion des droits de douane, elle doit se faire conformément aux traites sans aucune surtaxe et pour les dettes contractées entre les étrangers et les Chinois, il nous pa- raît dillicilc si le gouvernement chinois ne se hâte pas de statuer sur les réclamations des étrangers contre leurs débiteurs chinois, de faire droit aux négociants chinois qui demandent le rembour- sement des sommes qui leur sont dues par les étrangers.

Le Gouvernement chinois agissant toujours avec équité dans la direction de ses affaires, nous parait être d'autant plus obligé à agir avec impartialité dans les questions les Chinois et les étrangers se trouvent avoir leurs intérêts confondus.

Il est en conséquence du devoir de vos ministres, de prier V. M. de vouloir bien donner aux gouverneurs des provinces les instructions nécessaires pour la stricte observance du (ou des) traités consentis dans la lo* année du règne de Hien-Foung : leur rappelant en outre qu'il est de leur devoir de se comporter avec convenance envers les autorités et les particuliers étrangers, et de le faire savoir au peuple qui peut ne pas avoir connaissance des traités ; de leur donner l'ordre de se conformer à ces pres- criptions, leur rappelant particulièrement que les ministres étran- gers résidant dans la capitale, ont droit au môme respect que celui accordé aux dignitaires chinois, et que les insultes ou les outrages envers ces personnages ne manqueraient pas dVtre punis avec la plus grande sévérité.

Les (louverneurs des Provinces devront également r(»c<»voir l'ordre de veiller à ce que les autorités locales ressortant de leur juridiction prennent connaissance des traités.

Quant à la ([uestion des surtaxes perçues par les douanes ou aux barrières au préjudice tles négociants étrangers, lorscjue les réclamations à ce sujet seront reconnues être fondées, il convien- drait de les soumettre au Ministre du Commerce, aussi bien que les dillicullés relatives aux dettes contractées par des Chinois envers les étrangers.

Le y amen de V. M. a fré(|uemmenl invité ces Ministres à exa- miner quelles sont les réclamations auxquelles il est juste de faire droit et celles (pii doivent être rejetées, afin de donner une prompte solution aux causes pendantes.

Si à l'avenir (pieh|ue affaire de celte nature venait à être soumise à ce ministère elle devrait être jugé<* par lui avec assez d'inq>artialité pour prouv(»r les intentions pacifiques du gouver- nement, et son désir de prévenir toute dilllculté.

MÉMOIRE DE KOUNG 45l

Les propositions que vos humbles serviteurs sont convenus do présenter à l'approbation de V. M. ont pour but de mieux faire comprendre les traites. Us les lui soumettent humblement et à genoux, espérant que Votre Majesté sacrée daignera les accueillir favorablement.

Mémoire respectueux sur lequel ils demandent le bon plaisir do V. M.

Les Ministres du Grand Conseil ont reçu de l'Empereur, l'ordre qui suit.

Qu'il soit ainsi qu'il a été proposé.

Respectez ceci.

CHAPITRE XXXI

M. DE 6E0FR0T. LE MARIAGE IMPÉRIAL

M. DE GEOFROY

Lorsque M. de Geofroy arriva à Péking, il était porteur de deux lettres : sa lettre de créance et celle qui était adressée à TEmpereur par M. Thiers et destinée à être remise en main propre ; l'absence de cette formalité laisserait ouverte la question du massacre de Ïien-Tsin ; une audience impé- riale était urgente et allait à nouveau faire revivre un des grands griefs des nnnistres étrangers. M. Berthemy n'avait pas parlé d'audience; il écrivait de Péking le 20 mars i864, à M. Drouyn de Lhuys, alors ministre des Affaires Étrangères :

« (iOininc je Tavais fait moi-m^me, le nouvel Envoyé de Russie s'est abstenu soit de solliciler de l'Impératrice Régente une audience qu'il n'eut pas obtenue, soit de remettre au Prince de Roung des lettres de créance auxquelles il eût été répondu en ternies incompatibles avec la dignité de son souverain. Je ne pense pas d'ailleurs, qu'à moins d'événements inq^révus il y ail un intérêt réel à soulever cette question avant l'époque de la majorité. Alors sans doute, il deviendrait nécessaire de la résou- dre ; mais, quelque part que l'on accorde aux progrès éven- tuels de l'influence étrangère, il est vraisemblable que ce résultat ne sera pas atteint sans une lutte des ])lus vives. En efTel. à en croire des informations qui semblent fondées, bien qu'il soit difllcile d'en contrôler l'exactitude, les efforts des personnages auxquels est confiée l'éducation du jeune Empereur seraient loin d'avoir pour objet de le familiariser dès à présent avec un ordre d'idéos conforme à la situation actuelle de la Chine, et il \

•choix d'une IMPKRAIRKE '|Ô3

aurait lieu d'appréhender que les préjugés aveugles de son entourage immédiat n'exercent sur les débuts de son règne une action regrettable. »

Le Comte de Lallemand écrivait en 1867 :

« Le renouvellement du Traité est le dernier terme, k mon avis, auquel on pût ajourner l'ouverture des rapports diploma- tiques réguliers avec la Chine par la remise en audience im|)é- riale, des lettres de créance des ministres des diverses puissances accréditées à Péking. »

M. de Hoclicchquart, à la suite de la réception de Burlin- f(ame à Paris, avait le 27 août 1869, «l^niandé à être reçu en audience impériale pour remettre ses lettres de créance ; Taudience lui fut refusée. M. de Geofroy dut attendre la majorité de l'Empereur.

Le nouveau ministre, M. de Geofroy, était muni de pleins |>ouvoirs pour la révision du traité de i858, ratifié en 1860 ; deux ans auparavant, M. de llochecliouarl, avant l'expiration du délai, 20 octobre 1870, avait fait savoir au Tsoung-li Yamen que le gouvernement français était disposé à examiner les mmlifications qui pourraient lui être soumises. M. de^Geo- froy, étant données les mauvaises dispositions des Chinois, ne se faisait aucune ilhision ; tout ce qu'il pourrait obtenir serait le maintien pur et simple du traité ; il ne fallait pas songer à obtenir une extension de privilèges.

Audience et revision du Traité, tel était donc le programme de M. de Geofroy. Toute l'attention du gouvernement im- |)érial é[mi d'ailleurs occupée par l'annonce et les préparatifs du mariage du jeune Empereur.

CHOIX d'une impératrice* En 1872 l'Empereur T'oung-tché allait entrer dans sa dix-

I. The Marriage of the Emperor of China at Peking on the i6th

454 M. DE GEOFROY LE MARIAGE IMPÉRIAL

septième année et des le 21 décembre 1870, le décret sui- vant était promulgué :

« Le 29 de la dixième lune intercalaire de la neuvième année du règne de l'Empereur T*oung-lché (ai décembre 1870), le Mi- nistère des Rites et l'Intendance de la Cour ont reçu de l'Impé- ratrice Tscu-nfçan et de l'Impératrice Tseu-lii l'ordre verbal :

I** De consulter l'Encyclopédie administrative dv l'Empire (Houei-tien) afin de savoir quel est le cérémonial usité pour le mariage des souverains :

De se conformer à ce qui a été fait la quatrième année du règne de rEm|)ereur Kang-hi (i665) quant au mode de remise d'un livre d'investiture et d'un sceau à une impératrice.

3** D'envoyer des gardes du corps fermer la porte Kien- tsing mcn' lorsque la nouvelle Impératrice l'aura franchie et y sera descendue de palanquin pour se rendre au palais Kien-tsing Kong' le jour de son installation. »

Enfin, un décret fixait le choix de la nouvelle Impéra- trice :

« Le troisième jour de la deuxième lune de la onzième année de T'oung-tché (10 mars 1873), les Impératrices Tseu-ngan et Tseu-hi ont décrété ce qui suit :

« L'Empereur était très jeune lors de son avènement, il v a 1 1 ans. Il importe aujourd'hui qu'il ait une compagne légitime capable de l'aider à pratiquer la vertu et k gouverner l'empire : aussi avons-nous choisi pour être Impératrice de Chine, la fille de Ha-lou-t'o che Tch'ouiig ki, docteur de l'Institut Impérial (Ilan lin yucn). Elle est douce de caractère, diligente, instruite et sérieuse. »

Le père de rimpératrice, Tch'oung Ki était un mandchou,

October, 1872. From the Chincse by L. M. F. Shanghaï, a Ching- foong » Printing ofTice, 1872. in-i6. pp. 37. L. M. F. = Lydia Mary Fay.

Un Mariage impérial chinois. Cérémonial traduit par G. Dcv^ria... Paris, Ernest Leroux, 1887. in -18.

1. Porto de la Pureté céleste.

2. Palais de la Pureté céleste.

CHOIX D UNE IMPÉRATRICK l\ÔÔ

frère cadet de Tch'oung Heou. C'est le seul Mandchou qui, aux examens littéraires, ait jamais obtenu le premier grade de doctorat, tchouanff-} ouen (^iS65i),Par suite du mariage de sa fille, Tch'oung Ki fut nommé duc de 3* classe.

La China Mail donnait les renseignements suivants sur la famille de Timpératrice :

« Son grand-père était un nommé Tsai-chang-a, porte- drapeau descendant des Mongols. Il fut dégradé à la suile de défaites éprouvées en 1 853 par un corps d'armée com- battant contre les rebelles T'ai P'ing. Les succès obte- nus par les troupes disciplinées commandées par des Euro- péens lui inspirèrent, dit-on, contre les étrangers une haine à laquelle il n'était déjà que trop porté par esprit de famille. 11 avait en effet épousé une fille de feu Touan Houa, prince de Tcheng, l'un des chefs du parti anti-étranger qui après avoir joui d'une grande influence sous le règne de Hien Foung, fut renversé en novembre i86i par le prince Koung aidé de rimpéralrice. Les chefs du parti vaincu furent jugés et exé- cutés. Touan Houa seul obtint la faveur de se suicider V »

Le 8 octobre 1872, lorsque j'arrivai à Péking, on remet- tait en état les chaussées des grandes rues, dont quelques- unes étaient barrées par des cordes : on préparait la route du cortège impérial. Le jeudi matin, 1 1, je me levai dès cinq heures du matin pour voir les meubles de la future Impéra- trice que Ton devait transporter au palais impérial ; ce mo- bilier se composait d'un lit, d'un miroir, de deux armoires, de chaises et de huit boites en bois noir sculpté de Canton. Il m'arriva une aventure qui montre bien la bonne humeur des Chinois lorsqu'ils ne sont pas excités d'avance : mon inspection était sans doute trop indiscrète, car les agents de police, pour m'écarter, m'invitèrent à prendre une tasse de thé à leur poste, puis ils me conduisirent à une autre rue, en

I. Voir p. lag.

/|56 M. DE GEOFROY LE MARIAGE IMPÉRIAL

mo priant (réviler la procession. Ma curiosité eut été sans doute, dans une ville d'Europe, punie pour le moins, d'un vigoureux passage à tabac ; a Péking, les soldats indigènes s'amusèrent beaucoup de voir un Irm^^ Koiiei-tscu fourvoyé parmi les meubles impériaux.

LfC treize octobre, deux mendjres du Tsoung-li Yanien, TchViung-Ileou et Tcbon-Lin, se présentèrent dans les diverses légations pour prier les ministres étrangers de s'abs- tenir de se trouver sur le {>assage du cortège impérial. Cette singulière démarche suggéra au Ministre, de France la réflexion suivante :

Dans tous les pays du monde généralement lorsqu'il \ a une Côte de cour les Ambassadeurs sont les premiers invités. Ici on les enferme. 11 y a trois jours, deux membres du Tsoung-li Yamen LL. EE. Tcli'oung-Heou et Tclienn-Lin envoyé» par le Prince Koung sont \emis me dire que l'Empereur se mariait le i5 et (jue S. A. I. me priait de ne point sortir ce jour-là ci de ne pas me trouver sur le passage du cortège.

D'ailleurs les collègues de M. de Geofroy se montrèrent encore plus froissés que lui du procédé des Chinois :

J'ai trouvé, dit-il, ceux-ci le soir très montés, beaucoup plus montés que moi. Ils avaient successivement reçu le même com- pliment, l'avaient tous fort mal pris et y avaient répondu chacun à sa manière.

Le fait est que la mission confiée anx deux membres du Tsoung-li Yamen ne fut rien moins (pi'agréable pour eux ; ils furent reçus par « M. Wade avec emportement, car chose singulière, M. Wade qui en fait cède tout aux Chinois, est celui qui en paroles les maltraite le plus. » Us furent accueillis par le Ministre de Russie avec une verte semonce, par M. Low d'une façon gouailleuse qui dut leur être infiniment désagréable; à la légation d^Espagne, ils essuyèrent une

MARIAC.K IMPERIAL f\fi-J

véritable tcnipôlo : \o minislro allonitind élail absent ; le ministre italien était au Japon.

Tcben-Lin était inconscient du rôle qu'on lui faisait jouer ; Tciroung-Heou, trop expérimenté pour ne pas se rendre compte de l'impression causée par sa visite intempestive, maudissait intérieurement \Aen-Sian*r qui, jaloux de lui, lui avait fait confier cette désa«:réable corvée.

Néanmoins, les ministres étrangers, tout au moins ceux de France et (PAngleterre, tirent passer les circidaires siii- v^ntes i>armi leurs nationaux :

CIRCI MIRE FR\>ÇAISE

A la rocpiélc du Tsoung-li Vainen \v Ministre do France à Péking in vile ses nationaux h é>iter de se trouver sur le passage du cortège impérial le i5 et le i6 du mois courant.

Péking, le i/j octobre 187a.

Le Ministre de Franco, Signé : de Geofkoy.

CIRCILAIRE A>(;L.\1SE

Tlie Prince of Kung having represented lo H. B. M. Minister that certain cérémonies connecled >vilh tlie marriagc of the Kmperor of China >vliicli »ill occup\ tlie i5"' and 16"' days of the month oblige iho anthorities lo keep clear varions ihorough- fares in the City, ail British Subjt»cts now in Pcking are retjuired lo lake notice that Ihey rnusl be careful nol lo altenipt lo pass along any street closed by a barricade or in whicli guards niay be stationcd for llic purposcof sk>j)ping ihc way.

MARIAGE IMPÉRIAL, l6 OCTOBRE 1S72

La future Impératrice devait être transportée au Palais Impérial dans la nuit du iT) au i() octobre; malgré la cir-

/i-jS m. de r.EOFROY LE \fARIAGE IMPÉRIAL

nilaire des Ministres étrangers, qui, sur la demande du Tsoung-li \aincn, avaient invité leurs nationaux à ne pas se trouver sur le passage du Cortège impérial, je me rendis avec -M. Charles Vapereau, professeur au ï'oung Wen Rouan, à Téglise catholique de TEst, le T\)ung Tang, je retrouvai l'abbé Humblot, lazariste, et M. Gabriel Devéria, ])remier interprète de la Légation de h'rance. Voici le récit que donne ce dernier du spectacle qui nous fut offert * :

« A partir de quatre heures du soir, les postes de police avaient été doublés, les soldats des huit bannières se fonnaïenl on haie dans les rues devait passer l'Impératrice, chassaient les passants et faisaient fermer les volets, contre\ents, et |)orles de toutes les boutiques ou maisons. Toutes les ruelles délîou- cliant sur le parcours du cortège étaient masquées par des ten- tures de toile bleue et gardées.

Aux volets de cha({ue boutique étaient accrochées deux lan- ternes rouges qui, jointes à celles fichées en terre le long de la chaussée centrale, éclairaient la veste écarlatc bordée de blanc des tact ion iiaires immobiles.

\ ers neuf heures, deux cavaliers passèrent au grand galop sur la chaussée ; l'un d'eux tenait, dans un long étui de soie jaune, un h(\ton (sorte de fanion) qu'il portait au poste le plus voisin connue premier avertissement de l'approche du cortège.

Ces avertissements qui se transmettaient de poste en poste juscpi'au palais impérial se renouvelèrent trois fois. Bientôt pas- sèrent à choal, avec leur suite, les deux principaux médiateurs du mariage, le prince Kong et S. Exe. Pao-Kiun, ministre des linances. Ils ne précédaient l'Impératrice que de quelques mi- nutes. La musique impériale arriva silencieuse et marchant en masse compacte. Les musiciens étaient vêtus de longues robes de couleur sombre et coiffés d'une sorte de to([ue surmontée d'une aigrette de j>l urnes jaunes.

Derrière euv se pressaient sans ordre des centaines de valets et porteurs de pahuKjuin. en robes rouges à rosaces blanches : les uns portaient suspendues au bout de longues perches recour- bées des lanternes rondes faites de corne fondue et décorées de

I. Un Maria f^e impérial chinois, pp. ii-i5.

MARIAGE IMPKHIAL 4^9

dessins rouges ; les autres» tout aussi nombreux, portaient les attributs de Tlnipératrice et tous les objets faisant partie de son train olTiciel : trois immenses parasols k triple volant de soie jaune ornés de phénix brodés d*or, des brùle-parfums, des cas solettes, des bassins d'or, des fauteuils portatifs, trois autres grands ()arasols dont deux jaunes et un autre rouge de forme carrée, deux hauts éventails dont l'un en plume de paon, un sceptre d*or, deux grands étendards ornés d'un dragon et d'un phénix enlacés, une grande cpiantité de bannières de toutes sortes.

Des chevaux tenus en mains et couverts de liousses jaunes suivaient tous ces attributs dont le délilé ollVait un coup d'œil des plus pittoresques et pres(|ue imposant dans les nuages de poussière (pie soulevait le pas des chevaux et cpie rougissait la lueur des lanternes.

De nombreux olFiciers, à pied, précédaient et gardaient les deux chAsses portant le sceau et le livre d'or de la nouvelle sou- veraine.

Enfin parut un palancpiin jaune de grande dimension avec des broderies d'or; c'était celui de l'Impératrice. Il était fermé et entouré d'eunuques vêtus de robes jaunes richement brodées, d'ofTiciers à pied et à cheval recouverts de leur long pardessus noir à plastrons d'or sur la poitrine et dans le dos.

Immédiatement derrière le palanquin se tenaient huit cava- liers armés de lances orné(»s de queues de léopard ; leur robe était brodée de rosaces d'or ; quatre cents gardes du Corps ou Grands de la Cour, tous à cheval et en costume de cérémonie, fermaient ce cortège d'environ deux mille personnes qui déiila au milieu du silence le plus morne. Aussitôt qu'il était passé, les gardes se repliaient et les bouli(jues se rouvraient pour rendre à la rue des flots bourdonnants de curieux qui s'y étaient ca- chés. »

J'ai remarqué que le palanquin de soie jaune de Tlmpéra- trice avait lO porteurs. Il y avait trente chevaux conduits à la main avec un harnachement jaune ; une centaine d'hom- mes avec des bannières portant des dragons noirs ou jaunes, suspendus à des bâtons rouges ; il y avait trois hérauts por- tant un bâton de soie jaune, se succédant à quinze minutes

/460 M. DE GEOFROY LE M\R1AGE IMPÉRIAL

(rinlervalle, mais ce qu'il y avait de plus curieux, c'était le l)rofond silence qui régnait : n'était la gaieté des accoutre- rncnls, on se serait plutôt cru à un enterrement qu'à un mariage.

Voici d'après le cérémonial, ce qui se passait olïicielle- mcnt * ; les employés du Tribunal des Mathématiques avaient marqué le moment favorable pour que Tlmpératrice montât en palanquin, c'est-à-dire le i5 octobre vers onze heures et demie dii soir, de manière à ce qu'elle entre au palais à minuit et quelques minutes le iG, jour fixé pour le mariage :

« Les Médiateurs porteurs du mandat impérial et leurs adjoints, tous à cheval, ouvriront la marche.

Le grand-père, le père et les frères de rimp(»ratrice iront les reconduire jusqu'à la grande porte extérieure, ils s'y agenouille- ront.

La nuisique marchera en avant et silencieuse, puis ensuite viendront les emblèmes de l'Impératrice, les palanquins conte- nant le livre d'investiture et le sceau de l'Impératrice, et enfin son palanquin. A sa sortie de la grande porte de la rue, les eu- nuques accompagneront à pied en maintenant le palan(|uin à droite et à gauche.

Les Grands ayant charge à la Cour et les gardes du corps seront à cheval derrière le palanquin et lui serviront d'es- corte. •

Ce cortège ira |)ar l'ouverture centrale de la porte Taï-tsing men au pont de l'Onde d'Or-. Là, les Médiateurs mettront pied à terre et enlroronl avec le mandat.

Lors([ue le palanquin de l'Impératrice sera arrivé à la porte du Midi, la cloche et le tambour se feront entendre et les por- teurs d'endjlôines s'arrêteront.

Le parasol jaune aux neuf dragons brodés d'or '^ et au manche courbé ouvrira la marche; les Grands ayant charge à la Cour et

I. Un Mfiriage impérial chinois, p. 83.

•i. Ce pont sur le canal des fosses entourant le j>alais est situe entre la porto Taï-lsinfç men et la |»orlo Tieu-ngan mon.

3. Sur celui de riinpéralricc, les dragons sont remplacés par des phénix.

MARIAGE IMPÉRIAL ^6ï

les gardes du corps nietlronl pied à terre au pont de l'Onde d'Or el suivront à pied.

Us passeront par la porte du Midi, l'ouverture centrale de la porte Taï-ho men, l'ouverture centrale de la jK)rte Heou-tso- nien ; arrivés à la porte Kien-tsing nien, les palanquins à dra- gons s'arrêteront ; les Médiateurs iront rendre compte de leur mission et les Grands de la Cour ainsi que les gardes du corps se retireront.

Les Ministres des Rites et leurs employés porteront respec- tueusement le livre d'investiture et le sceau de l'Impératrice. Le surintendant général du palais les conduira au palais Kiao-taï tien, pour qu'ils y déposent les objets dont ils sont porteurs sur les tables de droite et de gauclie disposées à cet eflet. (le après quoi ils se retireront.

Le palanquin de l'InqM^ratrice entrera dans le palais kien- tsing Kong en passant par la porte centrale. Les gens de service se retinTonl tous. Les gardes du corps de faction h la |X)rte Kien-tsing men en fermeront les ballants.

Les grandes dames, |)ersonnification du bonbeurdela famille, et les dames d'honneur inviteront respectueusement l'Impéra- trice à quitter son palancpjin jxiur passer de la salle Kiao-taï tien dans le palais central.

Les eunuques remettront le livre d'imestiture et le sceau à celui d'entre eux chargé de leur garde, puis ils se retireront.

L'Intendance générale du palais est chargée de nnliger (»t de présenter les statuts rituels, d'après lescpiels rKnq)ereur et l'Im- pératrice de>ronl mutuellement s'olTrir le \in : elle précisera le moment fa>orable au(|uel dexra a>oir lieu, dans le palais cen- tral, la collation des époux et déterminera le costume de IV^te (|ue |)ortera rKnq)enMir durant celte cérénionie. »

Pauvre et jeune impératrice î elle ne devait survivre que peu de jours h son mari et les deux époux reposent dans le cimetière de rilst, louna lin^.

Ku iSGi, VL de Mérilens, Tinterprète de notre légation, avait été moins heureux que nous car il avait demandé à l'abbé Snnjrendjurg de lui trouver une maison de chrétien jKuir >oir passer Temperenr T'oung-Tché qui revenait de Djehol à Péking. (le missionnaire lui répondit que la chose

4G3 . M. DE GEOFROY LE MARIAGE IMPÉRIAL

n'était pas possible, car un chrétien qui consentirait à le cacher pour voir le défilé impérial, serait dénoncé par ses voi- sins, aurait sa maison détruite, et serait banni, si même il n'était pas puni plus sévèrement, la loi étant des plus rigou- reuses pour ceux qui se permettaient de regarder dehors lors du passage de Tempereur. Cette défense était justifiée par le fait que des assassins [xmrraient se glisser parmi les habitants de Péking venus des dix-huit provinces de TEnipire*.

ANNO>'CE OFFICIELLE DU MARIAGE

Ce qui racheta, peut-être, un peu, la démarche discour- toise de Tch'oung-lléou et de Tchen-Lin qui n'était après lout qu'un détail dans un ensemble de la situation faite aux diplomates étrangers, fut l'annonce olFicielle du mariage de TEmpereur aux ministres par le Prince de Koung :

Péking, le 19 octobre 1872.

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que je viens de recevoir du Ministère des Rites la déptVhe suivante :

« Nous avons reçu avec respect de THnipcreur le faire-part ci-dessous :

« Devant mettre tous mes soins h régner de manière à mériter les faveurs du Ciel, je me suis appliqué dans l'intérêt^ de ma maison, à distinguer la sagesse et la vertu en investissant du litre d'Impératrice de Chine, la (ille de Tch'oung Ki de la famille A-lo-lo, Docteur de l'Institut Impérial.

« Respectez ceci. »

Le iG de ce mois, ont eu lieu les diflerentes cérémonies du mariage. Nous devons en faire part comme de raison, aux Puissances funies et la présente communication est adressée à V. Exe. ainsi qu'à ses collègues.

I. Rennie, Péking y II, p. 109.

RÉCOMPENSE DE KOUNG l\C}3

On reninrquerti rexpression « Puissances amies ».

L'occasion était bonne de soulever la qiieslion de Tau- dicnce et, sur la proposition de M. Low, quelques-uns des ministres, en accusant réce|)tion de la dépêche du prince de koung, intercalèrent la phrase suivante dans leurs réponses :

a Votre Altesse a très justement jiensé que cette communication devait intéresser les Puissances amies de la Chine, je l'en remercie et je vais m'empresser de la transmettre à mon Gouvernement qui proQtera, je n*en doute pas, de la plus prochaine occasiou qui lui sera fournie pour présenter à Sa Majesté Impériale ses félicitations d'une manière conforme à l'importance de l'événe- ment et h la dignité des deux gouvernements ».

RÉCOMPENSE DE KOING

Le 20 paraissait dans la (>azette de Pêking le décret suivant :

u Le Prince de deuxième rang, Koung. depuis longtemps apporte son concours au gouvernement de l'État. Il a exception- nellement bien mérité. Déjà, la 10'" lune de la il* année de Ilicn-Fonng, on lui avait expressément conféré l'hérédité de son litre de Prince de deuxième rang, mais il avait remercié à trois reprises alléguant (|u'il attendrait l'époque l'Empereur* régne- rait par lui-même et cpj'alors il pourrait être donné suite à cette alVaire. »

« Maintenant que le mariage de l'Empereur est un fait accompli et que le moment (»st proche pu rEnq)erenr va régner par lui-même, il ajoute à ses bienfaits envers le Prince Kouniç l'hérédité de son titre de Prince de deuxième classe. »

Le Prince de Toun, frère aîné de koung, recevait l'auto- risation d'entrer au Palais en chaise à quatre porteurs et son lils Tsaï-Lien était fait Duc. Toun était président du Tribunal des Mathématiques ; c'était un famélique quelque peu ivro- gne, dont ou avait été obligé de sortir les vêtements du Mont- de-Piété pour le mariage de son impérial neveu.

CHAPITRE XXXII

REVISION DU TRAITÉ FRANÇAIS. - MAJORITÉ DE L'EMPE- REUR. — L'AUDIENCE IMPÉRIALE. M. BLANCHETON. - W. F. MAYERS.

KEVISION DU TRAITE FHANÇAIS

Nous avons vu que M. do Geofroy était muni de pleins ])<>uvoirs pour la révision du traité de Tien-Tsin ; il en donna avis le 1 8 septembre 1872 au Prince Koung qui lui (il la réjKHise suivante :

Péking. ce 10 octobre 187a.

J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre dépêche en date du 18 septembre par laquelle >ous urannoncez qu'au moment e\|)irait le délai prescrit pour laroision des règlements commer- ciaux, il > a deux ans, M. le comte de Kochecliouart nous avant a>erti (jue le (jouvernemenl (Vanvais était disposé à examiner les dis|)osilions à aj)porler à ces règlements, V. Fixe, avait reçu, à son départ, des pou\oirs spéciaux à cet elTet, l'autorisant égale- ment à reviser s'il > a lieu le traité général dont le délai expire le 35 octobre prcnrliain. \. Vj\c. ajoute qu' El le espère que d'ici à celle date, je lui ferai connaître, en retour de cette communica- tion, les intentir>ns du gouvernement chinois, etc., etc., etc.

J'avais reçu au mois de novembre 1870 une dépêche de M. de Hochechouarl me notifiant que d'après le traité de Ïien-Tsin, le délai prescrit pour sa revision allait expirer. Nous avons envoyé une réjKMise à cette dépêche quehjues jours après sa réception et, vu la teneur de celle que vous venez de me faire parvenir

1>I^:CHET Dl 30 OCTOBRE iSy'j /l()5

nous devons procéder de part et d'autre de telle manière que le lien d'amitié qui unit les deux Etats ne soit jamais brisé. Agréez, etc., etc., etc.

En effet, un mois après le inarla<^e impérial, la lecture des différents articles par les délé*i^ués de la léfijation de France et les Secrétaires du Yanien commençait ; il fut bientôt clair que les Chinois espéraient introduire le mémorandum dans Tarticlc \11I de notre traité, relatif au libre exercice de la relifrion chrétienne ; nous leur annonçâmes notre ferme intention de conserver le texte intégral de cet article qui, h dire vrai, est notre véritiible force en Chine. L'article II, relatif au traitement des a^^ents diplomatiques, ne p>uvait guère être traité avant la déclaration de la majorité de PEm- l)ereur. On ne ])ressa tlonc j)as les négociations et Ton remit par un accord tacite, la revision à une date ultérieure.

MAJOKITK DE l/EMI»ERErR

Le mariage de TEmpereur devait forcément amener à bref délai la déclaration de la majorité de T'oung-Tché et la lin de la régence des impératrices ; en effet, cinq jours après la cérémonie nuptiale, les deux décrets suivants étaient pronud- gués :

I)É<:ilET nt *,>(> OE LA ()" IJ ?!E (:U OCTOHUE 1872)

Les Impératrices ont ordonné ceci :

L'Empereur était tout jeune lorsqu'il s'est trouvé sur le trùne ; au milieu des circonstances dilTiciles que nous traversions alors, ni les Princes ni les Ministres ne jK)uvaient cependant se passer de conseils et de directions. Nous dimiesdonc accepter la llégencc de l'Empire, ne recourant à cette mesure extraordinaire, qu'a- près avoir annoncé notre intention de rendre à l'Empereur son gouvernement aussi ttM (pi 'il aurait terminé ses études.

CoRDiEK. I. 3o

/|()(i REVISION DU THAITK mANÇVIS MAJOUITH DE l/CMPEnEl'R

Voici onze ans que l'Empereur étudie sans relâche, son assi- duité a porté ses fruits et sa jeunesse ainsi employée constitue la base la meilleure de l'avenir qu'il a devant lui. Il convient donc que réunissant de telles conditions, l'Empereur prenne en main le (iou\ernemoiil général de l'Etat et qu'il s'efforce de concert avec ses ministres et ses fonctionnaires provinciaux de tout diriger sagement alin de remédier à nos malheurs dans la plus large proportion possible.

(^est ainsi que la tète haute, S. M. pourra s'acquitter des lourdes charges que lui imj)osent les dernières volontés de son père.

Le Tribunal des Mathématiques devra choisir dans le premier mois de l'année prochaine les jours propices à la célébration des cérémonies de l'entrée en majorité de l'Empereur conformément à nos anciennes coutumes.

Le (lonseil l'rivé, le (irand Conseil de l'Empire, de concert avec les six Ministères el les neuf administrations delà Couronne, devront s'entendre h ce sujet, et nous adresser un rapport.

DÉCHET DE T.\ MÊME DATE

Aujourd'hui nous rendons un décret ordonnant au Tribunal des Matliémati(|ues de choisir un jour propice dans le i'*" mois de l'année prochaine, jx>ur procéder à la cérémonie d'entrée en majorité de rF]nq)ereur. Nous pensons que l'adoration aux diffé- rents temples est une chose très importante, et qu'en signe de vénération pour cette coutuuje, l'Enipereur doit y procéder en personne; aussi cette année au début de l'hiver (ai de la 1 1*^ lune) l'Empereur ira en personne au Temple du Ciel pour y remplir ses devoirs. Les différents Vamens. chacun en ce qui le concerne, devront en conséquence, disposer avec une crainte respectueuse, tout ce (|ui est nécessaire pour l'accomplissement de cette cérémonie.

Par suite de ces décrets, la (ttizetle de Pékin fr du 6 novembre 187:^ piiblic un rapport du Prince Toun, Président du Tribunal des inathémalicjues, en conformité avec Tordre (les Impératrices, qui se termine ainsi :

DÉCRETS Di: 33 FKVniER 1873 /1O7

J'ai reçu ce décret avec rcspecl cl parmi les jours de la i'''^ lune de Tannée prochaine, nous avons choisi comme jours exception- nellement propices, le i, le 4, h^ 26. Ces jours favorables ont fait Tobjel d'une lisle que je \ous ai présentée avec respect et dans laquelle vous avez désigné le aG" jour.

Le 26** jour de la i''*'hino correspondait au u3 février 1873.

Le jour môme de la majorité de 1 empereur, les trois décrets suivants paraissaient dans la Gazette de Pèkin*:;, les deux premiers peuvent être considérés comme les testaments des deux imjw'ratrices douairières, le troisième comme une prise de possession du pouvoir par T'ouuf^-Tché :

l

Nous avons reçu des Impératrices Tseu-\f^an Touan-Vu et Tseu-Hi Touan-\eou le décret suivant :

Lorsque V. M. était encore enfant. Nous l'exhortions à étudier avez zèle, nous lui avions donné des maîtres pour vous enseigner matin et soir. ^ oici bientôt 12 ans de cela et maintenant que vous touchez au jour de ^otre majorité, il faut moins que jamais oublier les conseils qui vous ont été donnés ; souvenez- vous que ce n'est (|u'avec le savoir qu'on peut avec succès s'oc- cuper des alTaires. L'histoire des périodes de grandeur et de décadence de l'Empire dans les temps anciens et modernes doit vous servir de guide. Les talents littéraires et militaires des Empereurs vos aïeux, sont pour vous ser>ir d'exemples ainsi qu'à ceux que vous enq)loierez dans votre gouvernement. \ ous devez vous appliquer à l'étude du mandchou, notre langue nationale. Après vous être acquitté des devoirs qu'exige votre cour, vous devez encore suivre les leçons de vos maîtres au lloung Te Rien (Ecole des Princes dans le Palais) et les écouter, vous (le souverain) comme si votre savoir était nul et comme s'ils n'étaient pas vos sujets. Vos maîtres Li lloung-tsao, Sin- Tong, Ling Rien-lin, Rouei-Tsing, Rouan-Tchéou, continue- ront leurs fonctions connue par le passé, en épuisant leur savoir en explications |X)ur vous ; leur lumière >ous est indispensable. \ ous ne devrez pas négliger les exercices militaires qui malgré leurs fatigues doivent cMre familiers à un souverain ; un Prince

408 KE VISION DU TUAIÏÉ FRANÇAIS MAJORITÉ DE l'eMPEREUR

doit savoir monter à cheval et tirer de l'arc. J'ai déjà fait des recommandations dans ce sens aux deux hauts fonctionnaires que cela concerne. Décret impérial.

H

Nous avons re^u des Impératrices le décret suivant :

Voici l'J ans que le Trône a été remis à Votre Majesté et à partir du 36 de la i"*'" lune. Elle remplit les conditions d'âge et d'instruction jK)ur prendre en mains le (îouvernement. Nous nous en réjouissons et ceptMidant nous sommes inquiètes à la pensée que vous ne vous ellorciez pas autant que Font fait vos prédécesseurs au Tronc d'administrer et d'aimer le peuple en respectant le Ciel et les traditions, (les dernières années, les provinces de l'Est et du Sud, quoique paciliées maintenant, voient encore leurs habitants inquiets; les frontières du \un- Nan, celles du Nord-Ouest et du Kan-Sou, sont encore trou- blées. Les ressources de l'Etat sont insuflisantes et la situation actuelle est diflicile. Ln souverain doit le même jour s'occuper des dix mille ressorts de son p^ouvernemenl, car c'est du Ciel et de ses Ancêtres qu'il tient son Trône et il est seul à l'occuper. L'intérêt de votre Maiscm >ous commande de vous en préoccuptT dès le malin et de repasser le soir votre conduite. Votre atten- tion devra se porter aussi bien sur les affaires que vous aurez à diri<:^cr que sur le plus ou moins de mérite de ceux que vous enq>loierez. Vous devez fuir l'oisiveté et lorsque les alTaires de l'État vous laisseront du loisir vous devez encore l'emplover à l'étude des Classi([ues et de l'Histoire afin d'apprendre les causes de la grandeur et de la ruine de cluupie dynastie et de régner ensuite avec une sage économie en ap{K)rtant aux affaires toute l'autorité qu'elles réclament, ainsi que nous avons fait durant le temps que nous avons été les Régentes de l'Empire ; bien que nous ne le soyons plus, nous souhaitons voir Votre Majesté animée des sentiments qui nous ont guidées. Les Princes et les fonctionnaires devront avec vous passer avec aussi peu d'indéci- sion ([u'une llèchc à travers toute considération d'intérêt de personne ou de parti. Telles sont les reconnuandations que nous leur avons faites aujourd'hui. Les fonctionnaires de tous rangs, grands ou petits, devront faire chacun leur devoir, se

UKCUETS 1)1 3.'^ FKVRIER iSy^ 46()

corripor de leurs défauts et assister TEmpereur dans les temps dilliciles. Telle est notre plus sincère espérance.

m

L'Enn>creur llien Koung m'a chargé du fardeau de l'Empire alors (|ue j'étais bien jeune et ([ue les aflaires étaient bien dilli- ciles. J'ai élever les yeux >ers les Impératrices et m'appuyer sur elles. Elles ont pris en mains les alTaires (en abaissant le rideau). Elles ont choisi avec un soin tout particulier les fonc- tionnaires et ont attiré les honunes sujx'rieurs. d'est avec une sage persistance (pi'elles se sont elTorcées de con<luire les alTaires. Il y a de cela lo ans et plus, les deux rébellions des « Brigands aux longs cheveux » et des a Nien Fei » ont été peu à peu éteintes; (piant aux allaires des fi*ontièresdu Yun-Nan, Kan-Sou et (]hen-Si, elles vont bientôt être réiflées. En vérité ces faits ne suffisent-ils pas jmur faire voir (pi'elles ont entretenu les fondations de paix laissées par les Empereurs, nos prédécesseurs. Elles sont arrivées au dernier degré de la \ertu; leurs mérites sont en nombre considérable. Elles ont sur|)assé les modèles fournis par l'histoire ancienne. Pour moi, j'ai élevé les yeux \ers les Impératrices et. couvert de leur égide, j'ai pu travailler à mon éducation cpii est sur le point d'être c<)m|)létée. J'ai reçu d'elles Tordre de prendre en mains le (îouvernemenl et la recommandation de res|H'cter le Ciel, de marcher sur la trace de mes aïeux, de m'occuper activement de l'administration et d'aimer le peuple, reconunandation à ne pas perdre de vue. Le fardeau qu'Elles m'ont imposé est très lourd et j'ai bien peur de ne pouvoir le supporter. Aussi m'atlacherai-je à suivre leurs conseils: ma vigilance ne se relâchera pas un seul instant. N'ai- je pas au-<lessus de moi l'exemple de mes aïeux (pii ont réussi à cette tâche dilïicile, et au-dessous les fonctionnaires et sujets de la Capitale et des Provinces cpii attendent de moi le bonheur; je uje servirai donc des méthodes (de gouvernement) qui m'ont été léguées (par mes ancêtres). Il me faut ici remercier mes Mères vénérables de leurs bienfaits.

Aussi, Princes et hauts Fonctionnaires de la Cour et hautes Autorités provinciales, devrez-vous, conjointement avec moi, apporter resj>ectueusement un cœur droit dans le règlement des affaires et venir à mon aide mes forces me trahiront. Quant h vous autres fonctionnaires, jx^tits ou grands, vous devrez

fi'JO REVISION DU TRAITK FRANÇAIS MAJOaiTK DE L*EMPEREt'R

avoir hussi un esprit juste, accomplir votre devoir avec con- science et remplir avec soin vos fonctions dans le but d'assurer la tranquillité du peuple, enfin vous appliquer assidûmenl et sans relùchc à professer les bons principes.

C'est ainsi que nous jx)urrons répondre aux vœux des deux Impératrices.

Uespectez ceci.

PUKIJMINAIRES DE L AUDIENCE

Depuis les conventions de Péking et les traités signés par diverses puissances, jamais les ministres étrangers accrédités près de la Cour impériale n'avaient été admis à présenter leurs lettres de créance en audience solennelle. L'éloignement de Hien-Foung d'abord, la minorité de T'oung-tché ensuite, avaient été les prétextes choisis pour relarder une cérémonie particulièrement désagréable aux Chinois. Mais le mariage de Tempereur marquait la fin d'une minorité, et le corps di- [)lomatiquc sVmprcssa de réclamer Taudience si longtemps retardée.

Enfin le 23 février 1873, T'oung-tché ayant pris en mains les rênes du gouvernement, il fut impossible de re- mettre plus longtemps la présentation des lettres de créance.

Le Prince Koung annonçait officiellement aux ministres étrangers la majorité do rompereur, le jour même de sa déclaration :

Péking. le a3 février 1873.

Le Prince Koung, Président du Conseil des Affaires Étran- gères, etc., etc., etc., j)our :

Aviser cpi'il a reçu du Ministère des Rites la dépèche suivante : Le Ministère des Rites a reçu avec respect le décret Impérial suivant :

Nous (J Empereur), avons reçu avec respect des Impératrices de Fun et de l'autre Palais un ordre nous enjoignant, vu notre arHvée à

NOTE COLLKCTIVK /|7 I

un âge convenable, de diriger nous-méme les dix mille ressorts el de concourir avec les fonctionnaires du dedans et du dehors à la bonne administration (du pays). I\ous nous sommes empressé d'obéir à cet ordre et le Ç^iy de la i^^ lune^ 23 février 1873 nous prenons en mains le Gouvernement. Ordre Impérial.

Le Ministère des Rites a o[)éi.

Le Prince en faisant cette communication aux Puissances amies, remplit un devoir (dicté) par la raison et, outre cette dépêche adressée à S. Excel. M il en est expédié d'identi- ques il tous SCS collègues.

L'occasion ét<iit trop bonne pour ne pas soulever la ques- tion de Paudience; il fallait à tout prix éviter une action isolée; dans Pintérêt mémo de la réussite, il était nécessaire que le corps diplomatique agît collectivement ; Penlente ne fut obtenue qu'avec difliculté.

Le ministre de Prusse, M. von Rebfues, revenu à l'entrée de l'hiver après un assez lon*^' congé, avait rapporté de nou- velles lettres de ciéance de son souxerain el dans sa première visita, le 4 d(M:embre, il les avait annoncées au prince de Koung; plus tard, il en avait laissé la copie. Les Chinois, voyant l'occasion bonne pour désunir les étrangers, avaient fait dire à M. von Rebfues qu'on lui donnerait la réponse de l'empereur. 11 était indispensable que le ministre de Prusse refusât de recevoir cette réponse. On y réussit. Aussi le lendemain de la majorité de l'Kmpereur, et en réponse à la communication du Prince de K(mng, le corps diplomatique signait à cinq heures du soir la note collective suivante :

>OTE COLLECTIVE

Péking, le 2 A février 1873.

Les Soussignés envovés extraordinaires el Ministres Plénipo- tentiaires de Russie, d'Allemagne, des Ktats-Unis de l'Amérique

fl']'2 REYISIOS DU TRAITK FRANÇAIS MAJORITÉ DE L*EMPEREUR

(lu Nord, (le la Grande Bretagne et de France, ont reçu, chacun res|>ectivenient, la noie idenlique par la((uellc S. A. I. le Prince Koung leur a fait savoir que S. M. TEmpereur de la Cliine était entré dans sa majorité et qu*à partir du aS février (•jG* de la i"^ lune du rogne T*oung-tché) Il a pris en mains l'administration de ses Rtals.

Les Soussignés ne peuvent que se réjouir d'un événement aussi important pour la pros|XTité de la Cliine. Ils manqueraient à leur devoir si, en cette occasion, ils ne demandaient pas à présenter au nom de leurs gouvernements leurs respects et leurs félicitations à S. M. C'est pour(|uoi ils prient S. A. I. de vouloir bien faire parvenir au Trône l'expression de leur désir et prendre les ordres de S. M. n^lativement à leur réception.

Les Soussignés prient S. A. I. d'agréer les assurances de leur haute considération.

Suivent les signatures.

Lno maladie de Wen-Siang, ayant fait ajourner les négo- ciations, une seconde note collective fut adressée an Tsoung- li Yanien par le corps diplomatique.

Si:CO>DE >OTE COLLECTHE

Péking, le 5 mars i863.

Les Soussignés, Envoyés extraordinaires et Ministres plénipo- tentiaires de Russie, d'Allemagne, des États-Unis de l'Amérique du Nord, de la Grande Bretagne et de la France, ont l'honneur de rappeler à S. A. I. leur note collective du 24 février dans laquelle ils ont exprimé le désir de présenter h S. M. l'Empereur de la Chine leurs félicitations et ont prié S. A. I. de vouloir bien prendre les ordres de S. M. relativement à leur réception. Ayant appris des Ministres du Tsoung-li Yamen que leurs Excellences s'étaient pi'oposé de se rendre chez les soussignés pour s'entretenir sur l'objet de la note collective, mais que l'indisposition du Grand Secrétaire Wen-Siang les avaient engagées à différer leur visite, les soussignés s'empressent de témoigner le vif regret que leur occasioime la maladie prolongée du Grand Secrétaire.

SECONDE NOTE COLLECTIVE 4 73

La question soumise à S. A. I. étant néanmoins de la plus haute importance ainsi que l'indiquait la forme collective de leur note, les soussignés, en vue d'arriver prochainement à une solution, s'adressent derechef h S. A. I. et la prient de vouloir bien leur accorder im entretien à l'heure et h l'endroit qu'elle jugera convenable.

Les soussignés prient S. A. L d'agréer l'assurance de leur haute considération.

Signé : Vlangalv, Reufiies, Low, Wadk, Geofroy.

Le départ de M. von Rehfues pour raison de santé faillit réduire h néant toutes les démarches faites jusqu'alors. Ileureusenient que ses collègues réussirent à lui faire insérer, dans la note qu'il remit au Tsoung-li Yamcn le 5 avril 1873, la phrase suivante, relative à l'audience :

Le soussigné ne manque pas de |X)rter leur attention au fait (|ue son éloignement de Péking n'est causé que par une indispo- sition continuelle et ne se rapporte point à la question de l'audience laquelle comme il l'infère des dernières comnumi- cations parvenues à lui et à ses collègues s'approche de sa solution.

M. von Rehfues fit ses adieux au Tsoung-li Yainen le 7 avril.

On n'était pas au bout des difficultés. L'arrivée de deux nouveaux ministres à Péking modifiait la composition du corps diplomatique. Le premier était Soyésima, envoyé par le Japon avec le rang d'ambassadeur pour ratifier le traité de 1871 ; il était accompagné d'un ancien capitaine de Tarmée française, C.-W. Legendre, naturalisé américain; devenu général pendant la guerre de Sécession, il avait été nommé consul a Aniov. Avant été nonuné ministre a Buenos- Avres

^74 UEVISION DU THAITÊ FRANÇAIS» MAJOUITÊ DE L*EMPEREt'R

par le général Grant, mais sa nomination n'ayant pas été ratifiée par le Sénat, Logendre passa au service du Japon qui en fil un conseiller d'ambassade. Le second ministre était celui de Hollande, M. Ferguson, porteur de lettres de créance.

Les difiicultés étaient donc grandes encore ; il fallait les aplanir : on ne pouvait songer, comme au xvui° siècle, à exiger des diplomates, le ko-teou, c'est-à-dire les neuf pros- ternations en trois génuflexions on les remplaça par des saluts. Quel serait le lieu choisi pour Taudience? Les mi- nistres se contentèrent d'un pavillon situé dans la ville impé- riale, non dans la ville interdite, le Tsc Kouang Ko.

LE TSE KOUANG KO

Le Tse Kouang Ko est situé dans la ville impériale à l'ouest du lac central (Tchoiing Haï) près de l'ancienne cathédrale T'ang ; il s'est « appelé aussi Lce-inn-ko ; c'est que se font les examens militaires, comme les examens civils se font au Pao-ho-tien. On y reçoit aussi les princes et ambas- sadeurs tributaires, et on y donne les grands repas aux j)riuccs mongols ; enfin l'empereur y a reçu les ambassadeurs euro- j)éens en 1874. Le palais est fort beau, les murs sont dé- corés de peintures représentant les exploits de K'ien-loung ; un trône d'or occupe le milieu. A Tétage supérieur sont re- présentés tous les hommes célèbres qui ont illustré l'empire ; on appelle cette salle Koung-tthen-siang \ on y voit aussi les anciennes armures , cuirasses , casques , armes diverses dos premiers temps. Derrière le Tse-kouang-koy se trouve un autre pavillon qui contient divers cadeaux faits à l'empereur par les étrangers, principalement des selles et des chaises à porteurs de toute espèce. De on a une vue superbe sur le pont Vu-ho-k'lao et sur la montagne K*iouong-hoa-

DÉCHET IMPÉRIAL 47^

tao^ ». Un témoin oculaire décrit ainsi la salle d'audience : « La salle mesurait environ cinquante pieds de long sur quarante de large ; les murs et le plafond étaient couverts d'élégantes boiseries, et les grands piliers avec leurs couleurs voyantes ; le sol , dallé de marbre et les arrangements en général de bon goût, étaient justement calculés pour dépasser les espérances des ministres, et ajouter a la solennité de la

cérémonie*. »

Après quatre mois de négociations fastidieuses, un Décret impérial par lequel l'Audience était accordée parut dans l'édi- tion manuscrite de la Gazette de Péking du i4 juin, et fut communiqué le lendemain aux légations par le prince koung dans la lettre sui>ante :

DÉCRET IMPERIAL, l5 JllN iSyS

Lo Prince de koung l'ait une communication^.

Le Yamen ayant présenté un Mémoire au trône» montrant que les Ministres étrangers résidant à Péking ont demandé* une Audience pour présenter des lettres de leurs Gouvernements, a eu riiouneur de recevoir» le ao" jour de la lune de la \i*^ année du règne T'oungj-tché, le décret suivant :

« Le Tsoun«?-li Yamen ayant présenté un Mémoire à l'eiret que les Ministres étrangers résidant à Péking [nous] ont imploré [d'accorderj une Audience alin qu'ils puissent reniettre des lettres de leurs Gouvernenients, nous ordonnons qu*il soit accordé Audience aux Ministres étrangers résidant à Péking, qui ont apporté des lettres de leurs Gouvernements.

« Respectez ceci î »

1. Péking, Histoire et Description, par Alph. Favicr. pp. 346-7.

2. Norddeutsche Attgemeine Zeitung.

3. China, i (1874). Correspondence respecting the Audience granted to lier Majesty's Minister and the other Foreign Repré- sentatives at Pékin by the Emperor of China. Prcsenlcd..., 1874. London, infol. [(]. 90a. ^

4 Yù, implorer.

^7^ REVISION DU THAITÉ FRANÇAIS MAJORITÉ DE L*EMPEREt'R

C'est le devoir du Prince de communiquer une copie du Décret Impérial, faite respectueusement, aux Ministres de Russie, des Etats-Unis, d'Anglet(îrrc et de France (nommés comme de cou- tume et les titres donnés en entier).

ï'oung-tclié. 12** année, 5* lune, ai*" jour (i5 juin 1873)*.

Certains termes du Décret, par exemple implorer , parurent déplacés ; différentes conférences eurent lieu et enfin le prince Koung accepta le 26 juin le mémorandum suivant qui ré- glait réliquctle devant être suivie dans l'audience im[)ériale :

MEMORANDVM

Les Ministres étrangers amèneront avec eux M. Bismark comme leur commun interprète. M. de Ceofroy amènera M. De- \éria, comme son interprèle particulier.

Les Ministres descendront de leurs chaises, ou de leurs clie- >aux à la porte Foulloua-^, et ils seront reçus par les Ministres du Yamen qui les accompagneront, d'abord au Che YingKoung^, ils se reposeront pendant un petit momenl. S'il plaît à Sa Majesté de leur accorder dos rafraîchissements ^, c'est ici qu'ils seront servis.

Leur escorte •* restera dans une tente en dehors de la porte Fou lïoua, il v aura pour eux des personnes en atlendance. Leur suite ^ restera aux environs. Ni escorte, ni suite, n'entrera j)ar la porte Fou Iloua.

Aussitôt que Sa Majesté, venant de la partie orientale du hâlimeiit, arrivera à la salle la plus éloignée duTseRouang Ko. les Ministres du Yamen accompagneront les Ministres étrangers et les Interprètes à une lente' à l'ouest du Tse Kouang Ko,

I . Trarluil de l'anglais.

'À. Porte dans le mur nord des jardins impériaux, à l'ouesl de la pièce

d'eau connue sous le nom de y an -haï.

3. Temple du Roi Dragon.

!x. Du thé cl des gâteaux.

5. L'escorle étrangère.

(). Les indigènes.

7. Une tente plus grande «pic la précédente.

MEMORANDUM ^77

ils aliendroiit un pelil moment, jusqu'à ce que Sa Majesté soit entrée clans le Tse Kouang Ko*. Les Ministres du Yamen accom- pagneront les Ministres étrangers et l'Interprète, M. Bismark, en haut de l'escalier ouest dans le Tse kouang Ko par l'endroit ouest * [on suppose, de l'endroit central].

hv discours (ou les discours) des Ministres étrangers terminé, ils déposeront chacun leur Lettre de Créance ^ sur la Table Jaune.

Sa Majesté l'Empereur, faisant quelque signe spécial d'alFabi- lité (probablement un salut) dira (/i^. répondra) que les Lettres de Créance ont été maintenant reçues, et fera de gracieuses remarques et posera des questions avec bonté.

Celles-ci seront interprétées avec un respect solennel par le Prince de Koung.

[Les Ministres étrangers] quand ils arri>eront a la porte [de la salle], quand ils parleroiil, ou diront leurs noms, ainsi que lorsque des questions leur seront adressées, ou qu'ils ré|X)ndront, aussi quand ils se retireront, en signe de res|)ect extraordinaire, feront des saluts, ainsi cpi'il a été conveini [ou proposé] au début.

Le cérémonial sera réglé dans une répétition avant l'Audience. Quand la cérémonie sera fixée, les autres quatre Ministres étran- gers et l'interprète, M. Bismark, se relireront par l'escalier ouest. Les Ministres du Vamen les accompagneront au Che Ying Koung. ils attendront un petit moment, M. Devéria étant jxîndant ce temps conduit par les Ministres du Yamen dans le Tse Kouang Ko.

M. de Geofroy parlera et déposera sur la Table Jaune la réjxmse à la lettre du Gouvernement chinois *.

Sa Majesté, comme avant, accusera réception [de cette lettre].

L'Audience (/t7. l'alTaire) ainsi terminée, M. de Geofro) et M. Devéria, l'interprète, se retireront, les Ministres du Yamen les accompagnant au Che Ying Koung. De là, tout le monde étant réuni, ils conduiront les Ministres étrangers et leurs inter- prètes dehors la porte Fou Houa.

Les arrangeuicnls marqués ci-dessus soiit faits parce que l'Em-

I. La partie du palais sera place le trône.

'j. lia façade formant trois ou cinq divisions. La division indiquée est celle (le 1 ouest, ou à gauche de la division centrale.

3. Kouo chou.

4. La lettre portt'o en France par Tch'oung Heou.

478 UFAISION DU TRAITÉ FR\NÇA1S MAJORITÉ DE l'eMPEREIR

percur ayant h recevoir des Lellres de Créance, un Décret a été reçu de Sa Majesté accordant une audience. De la libéralité du cérénioniaP '^.

Enfin, on reçut le 27 juin la dépêche fixant la date de raudience, qui devait civoir lieu le surlendemain, de bonne heure.

NOTE OFFICIELLE DU PRCICE KOLNG AIX CINQ MINISTRES

Péking, le 37 juin 1873.

Relativement à la réception par l'Empereur des Ministres résidant à Péking, ^ous, Prince et Ministres [du Tsoung-li Yamen], avons reçu les instructions verbales suivantes :

« L* audience aura lieu le y jour de cette lune au Tse Koaang Ko.

« Respectez ceci. »

Nous sommes chargés par S. M. de vous faire cette commu- nication .

LETTRE DES MEMBRES DU YAMEN Al X MPIISTRES

Péking, le 27 juin 1873.

Nous vous avons déjà annoncé officiellement que, d'après les instructions verbales que nous avons reçues de S. M., votre réception en audience aura lieu le 5 de cette lune au Tse Kouang Ko.

11 nous faut espérer qu'au jour fixé vous voudrez bien vous trouver tous réunis au T'ang, lieu que vous avez choisi j)our y attendre que des membres de notre Yamen viennent vous prendre pour vous conduire à la jK)rte Fou Houa Men vous serez reçus par nous autres et accompagnés jusqu'au moment de l'Audience.

I. Olle plirasc implique que sans lettre de créance, ou sans une lettre d'un Souverain, aucune audience ne sera accordée. ^. Traduit de l'anglais.

i/aidience /i79

IIKPONSE DES MI!«ISTRKS

Péking, le a8 juin 1878.

Les Soussignés ont l'iionncur (l*accuser réception do la noie cjue S. A. I. le Prince Koung leur a adressée le 27 de ce mois.

Ils s*erapressent de présenter leurs remerciements pour la communication du Décret Impérial auquel ils se conformeront et saisissent cette occasion pour renouveler, etc.

Signé : Vlangaly, Low. Wadk, Geofroy, Fergi'son.

i/aIDIENCE, 29 JMN 1873

L'audience fut fixée au dimanche 29 juin, jour des saints Pierre et Paul. A cinq heures et demicdu malin, les ministres se réunirent au Pe T*an^ (mission catholique), dans la ville inipcrialc, à Pouest du Tse Konan^ Ko, le pavillon devait avoir lieu Paudience. M. Bismark, comme étant le plus ancien des interprètes à Péking et aussi à cause de Pabscncc du ministre d'Allemagne, fut choisi pour accompagner les ministres et il s'acquitta de sa lâche avec un tact qui lui valut le 8 juillet une lettre de remerciements du corps diploma- tique. A six heures, ïch'oung-IIeou vint chercher les mi- nistres et les conduisit à la porte Fou-Houa ils furent reçus par Wcn-Siang; ils entrèrent dans un pavillon une colla- tion leur fut servie et ils trouvèrent Ptimbassadeur japonais et son interprète.

Seul le délégué japonais, Soyesima Panéomi, avait rang d'ambassadeur, aussi les autres membres du corps diploma- tique lui avaient il cédé la préséance. « Je puis ajouter, dit

/|8o REVISION DU TnAlTK FRANÇAIS MAJORITÉ DE l'eMPEREUR

M. Wadc* que Soyésiiua avait eu ses propres diflicultés à surmonter. Ses conférences avec les Ministres chinois avaient été séparées, mais par ses rapports fréquents avec nous, nous avions été tenus au courant de ce qui se passait. Je me sens obligé de dire que le Gouverpement du Japon a toute raison d'être satisfait du rôle joué par son Ambassadeur pendant les négociations. La connaissance que, comme Japonais, il possédait naturellement de la littérature chinoise et des usages de la Chine, Ta empêché d'être d'une exigence indue sur des points de forme, mais il montra, en même temps, beaucoup de fermeté el de dignité dans le maintien de ses droits. »

Au bout d'une heure et demie d'attente, on annonça que TEmpereur s'avançait vers le Tse Kouang Ko et les ministres se rendirent à la tenle préparée pour eux ils furent reçus par le prince Koung. Eniin, à 9 heures, l'Empereur étant arrivé, le ministre japonais fut d*abord reçu, puis ensuite les ministres étrangers.

Dans le fond de la salle d'audience, une plate-forme en bois d'environ 3 mètres carrés, élevée de près d'un mètre, avait été construite ; elle était entourée d'une balustrade éga- lement en l)ois, peinte de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, « sur cette plate-forme s'élevait une chaise plutôt large, faite de simple bois noir et dépourvue d'aucun ornement ; et sur cette chaise, avec les jambes croisées (ou « accroupi » s'il est permis d'appliquer cette expression populaire aux faits et gestes d'un Empereur) était assis l'Empereur de Chine, le chef suprême de ^oo 000 000 d'ames. L'Empereur est âge d'environ 18 ans, mais son apparence extérieure justifierait à peine une estimation phis élevée que i4. Pâle el d'une ligure blafarde, ses traits ont une expression, s'il en a une, enfantine et inoffensive ; et ses yeux semblent regarder cette cérémonie sans précédent dont il est le principal objet, avec

1. China, i (1876), p. a.

l'audience ^8i

une curiosité mêlée d'anxiété. Son costume, autant que nous pouvons l'assurer, était simple au plus haut degré ; une tu- nique de gaze lilas fona*, sans ornement, était le seul vête- ment visible, et la tête était couverte d'un bonnet de jolie paille tressée jaune, couronné d'un gland rouge, et d'un petit bouton de soie rouge, le seul insigne distinctif de la maison Impériale. »

Los ministres se rangèrent devant la Table Jaune en ligne, par ordre d'ancienneté, en commençant par la droite : le général Vlangaly, pour la Russie, F. F. Low, pour les États-Unis, dont l'habit noir faisait contraste avec les brillants uniformes de ses collègues, Wade, pour la Grande-Bretagne, L. de Geofroy, pour la France, et J. H. Ferguson*, chargé d'affaires des Pays-Bas, le dernier; l'interprète, M. Bismark, se tenait à droite et un peu en arrière du général Vlangaly. Deux membres du Tsoung-li Yamen se tenaient de chaque coté du corps diplomatique.

Le doyen du corps diplomatique, général Vlangaly, prit alors la |>axole en ces termes :

Sire,

Les Représentants de la Russie, Vlangaly: des États-Unis d'Amérique, Low ; de la Grande-Bretagne, Wade ; de la France, GeofroY ; ot des Pavs-Bas, Feriçiison, ont Thonneur d'offrir au nom de leurs Gou>ernements à Votre Majesté Impériale leurs félicitations à l'occasion de sa majorité et font des vœux pour la durée de son règne et la prospérité de son peuple.

Ils espèrent voir dans le règne de Votre Majesté la continua- tion du règne de son illustre aïeul, rEm|>ereur k'ang-hi, qui.

1. Forguson, /a// Ifelenus, à Curaçao, le 17 mai i8a6.; il a été nommé consul général et chargé d'aiïaires cn-Gliinc, par décret royal du 37 juin 1873. 10; il élail auparavant gouverneur sur la côlc de Guinée : il fui nommé ministre résident par décret royal du 3o juin 1876, n" a8 ; il fut mis à la re Irai te sur sa demande le a a janvier 1896 par décret royal ao et remplacé en Chine par M. knohel.

CORDIER. I. 3i

^Sa RF.VISION DU TRAITÉ FRANÇAIS MAJORITÉ DE i/eMPEREUR

OU élevant la Chine au sommet de sa gloire et de sa puissance, V donna accès aux sciences et aux arts de TOccidcnt.

La Chine, Sire, retrouvera sous le Gouvernement de Votre Majesté ces heureux jours, et les Puissances étrangères, qui ont des Traités conclus avec Votre Majesté Impériale, verront avec plaisir le développement des relations et le raffermissement du hon accord qui existent avec votre vaste Empire.

Nous avons l'honneur. Sire, de déposer les lettres qui nous accréditent en qualité d'Envoyés Extraordinaires et de Ministres Plénipotentiaires auprès de Votre Majesté Impériale.

M. Bismark traduisit ce discours, puis chaque ministi-e déposa tour à tour sa lettre de créance sur la Table Jaune, TEmpcreur faisant une inclination de la tète ; ensuite le prince de koung, h. genoux, reçut les ordres du Souverain, et se relevant, descendit de Pestrade et s'approcliant de Pin- terprète lui dit :

« Sa Majesté accuse réception des lettres de ci*éance des Ministres. »

Le Prince remonlail sur Peslrade, recevait de nouveaux ordres impériaux, et revenant à Pinterprète ajoutait:

« Sa Majesté espère que les Empereurs, les Rois et les Présidents d'Etat représentés ici, sont en bonne santé; et Sa Majesté a confiance (jue les négociations qu'ils poursuivent avec le ministère chinois des Affaires étrangères, seront menées d'une manière amicale à une fin mutuellement satis- faisante. »

Les ministres saluèrent et se retirèrent sauf M. de Geofrov auprès duquel deux minisires du ^amen conduisirent im- médiatement M. Devéria'; celle seconde audience dans

I. novdria, (iahriel, ii(^ le 7 t'évrior i844; fiU d'Achille et neveu d'Eu^oiio Devéria; élèvo-inter|>rète pourla langue chinoise (6 fév. 18O0); chargé de la frestion du consulat à Tien-Tsin, du !•'•' septembre i863 au 9 aoiH i865 et du îiu mars i8()G au i*''' avril 1869; inlerprèle-chancelier à Fou-lVhéon (aO février 1870); premier interprète de la Légation à Pi'lwing (3(> ocl. 187!^); chevalier de la Légion d'honnçur (10 fév. 1875);

i/aidif>ciî 483

laquelle fut remise la réponse du gouvernement français Ji la lettre d'excuses pour le massacre de Tien-Tsin portée à Versailles par Tciroung-Heou dura à peine quelques mi- nutes*.

Voici le discours de M. de Geofrov :

Sire,

Outre la lettre qui m'accrédite près de V. M., j'ai l'honneur de déposer entre ses mains la réponse de mon Gouvernement au sujet de la regrettable aflairc qui a motivé la mission de S. E. Tch'oung-IIeou en France. Mon gouvernement a reçu les décla- rations qui lui ont été porU»es par cet Ambassadeur de la part do V. M., et confiant dans la parole de l'Empereur, il espère (pie désormais aucune mésintelligence ne viendra plus troubler les bons rapports des deux Empires.

H était neuf heures et demie quand les ministres étran- gers quittèrent la porte du palais ils avaient été accom- pagnés par VVen-Siang et les membres du Tsoung-li ^amen ^

Ces audiences qui devaient être le jyoint de départ de rela- tions nouvelles, n'eurent de lendemain que pour les minis- tres de Belgique, Serruys, de Russie, E. de Butzov, et pour

rentré en Franco en 187G; inscrit dans la première classe des interprètes (18 sept. 1880); consul de seconde classe, hors cadre (18 déc. 1880), so- cn' taire de seconde classe, hors cadre (i»"* seclion) (u5 février 1881); socrélairc-inlorprète à Paris (20 fév. 1882) en remplacement du comte, Kleczkowski, admis à faire valoir ses droits à la retraite; professeur à l'Ecole des langues orienlal(>s à la mort île Maurice Jametel (17 mai i889); secrétaire de i'^' classe (12 sept. i883); consul général (22 mars f888); olficier de la Légion d'honneur (3i déc. i8()()); membre de l'hislilut (iodée. 1897); mort au Mont-Dore, le 12 juillet 1899.

i. Voir p. 412.

2. Il a paru dans la Xorddoittsche AUgemeine Zeitung un excellent compte rendu de l'audience, auquel j'ai fait de nombreux emprunts ; je ne crois pas me tromper en Tuttrihuant à rinterprèle allemand. M. Bis- mark. — lin rnruple rendu a élé aussi donné dans le Journal de Sninl- Pétersboiirg, 3o juin-.i2 juillet.

f\St\ REVISION DU TRAITÉ FRANÇAIS MAJORITÉ DE L*EMPEREUR

le remplaçant de M. Low, démissionnaire le 28 mars 1874, M. Benjamin P. Avery, de Californie, nommé ministre des États-Unis le 10 avril 1874, qui rejoignit son poste le 28 octobre 187/1, et présenta ses lettres de créance le 29 no- vembre suivant. M. Avery mourut à son poste le 8 novembre 1875 et eut pour successeur, M. George F. Seward.

Les fonctionnaires chinois se montrèrent enchantés de l'attitude des ministres étrangers et dans un moment de bonne humeur, le vieux Wen-Siang ne put s'empêcher de s'écrier qu'avec quelques années de fréquentation chez les Chinois, les étrangers deviendraient civilisés !

Si toutefois on désire connaître le sentiment intime des Chinois, qu'on lise le document suivant.

VERSION CHINOISE

Voici comment le supplément de la Gazette de Pèkbtg ra- conta l'audience accordée aux ministres étrangers:

« Depuis que rempcrcur a pris les r(^nes du gouvernement, la pluie et le soleil n*ont pas manqué de se succéder au temps voulu, et les hoinines vivent en bonne harmonie.

« Les ambassadeurs de plusieurs royaumes, ayant sollicité une audience impériale, voulaient entrer en palanquin jjar la porte Taï ho mën, monter au palais avec l'épce, et demandaient même (jue l'Empereur descendit de son trône pour recevoir de ses pro- pres mains les lettres qu'ils avaient à lui remettre de la part de leurs souverains. Wen-Siang, entendant cela, jette sa tasse à terre et la .brise en mille morceaux, et, d'un air sévère, s'oppose à de telles prétentions. On convient enfin (|ue le G delà sixième lune ils |)ourronl voir l'Empereur dans la salle dite Tse Kouang Ko. Ils allèrent, la veille, au Tsoung li Yainen pour s'y exercer aux aTcmonies ; mais ils le firent avec un dédain arrogant, au milieu des rires et des plaisanteries, sans attention, et n'y mettant aucune bonne volonté.

« Le jour fixé étant arrivé, la garde cheu ki, revêtue de ses

VKKSION CHINOISE 485

plus beaux insignes, se tenait à la porte du Si-wan, le sabre dé- gainé. Alors, les représentants des six royaumes de France, Amérique, Angleterre, Russie, Prusse, Hollande, en tout douze liommes, à qui Ton permit de porter l'épée, étant conduits par les grands mandarins du Tsoung li Yamen, entrèrent par la porte Si-wan ; mais à mesure qu'ils avaient franchi une [K>rte, elle était aussitôt fermée au cadenas. Lorsqu'ils furent parvenus au bas de la salle, les grands mandarins leur en firent monter les degrés, et les introduisirent devant l'Empereur, assis sur son trône, qu'ils saluèrent non à genoux, mais seulement par une inclination de tête.

« A côté des marches du trône était placée une table jaune, près de laquelle les ambassadeurs, se tenant debout, devaient chacun à son tour, lire les lettres de leurs souverains. Le minis- tre d'Angleterre commença le premier; mais à peine avait-il lu quelques mots, qu'il se mit à trembler de tous ses membres, tellement qu'il ne put terminer sa lecture. Vainement l'Kmpe- reur l'interroge et lui demande si son souverain se porte bien ; pas de réjX)nse. L'Enipereur ajouta : « Souvent vous avez de- mandé à me >oir; qu'avez-vous à me dire? » De nouveau, pas un mot de réponse ne put sortir de la bouche du ministre. Les autres ambassadeurs viennent aussi, à leur tour, lire les lettres de leurs souverains ; mais ils sont saisis d'une telle crainte qu'ils laissent plusieurs fois les lettres tomber à terre, ne |X)u- vant ni lire ni prononcer une parole. Alors le prince Koung, riant et se moquant d'eux, les appelle des poules qui couvent, c'est- à-dire terribles et fanfarons de loin, mais sans force devant ceux qui ne les craignent pas. Puis il ordonna aux gens du palais de les prendre par le bras |)Our les aider à descendre les marches. \Liis les ministres étaient tellement effrayés qu'ils ne purent rennier le pied, el, haletants, couverts de sueur, ils s'assirent par terre. Invités au festin, ils n'osèrent s'v rendre ; ahuris et hors d'eux, ils retournèrent chacun à leur logis. Le prince Roung leur dit alors : « \e vous avais-je pas dit que ce n'est pas une bagatelle de voir l'Empereur ? vous ne vouliez pas me croire ; aujourd'hui vous savez ce qu'il en est. Nous, Chinois, nous appelons de tels hommes des plumes de poules qui couvent, mot de raillerie qui a cours dans tout l'empire pour désigner les hommes futiles.

a II faut noter pourtant que, pendant l'audience, le trône im- périal n'était entouré d'aucune pompe ; quelques gardes seulement

/|86 REVISION DU TKAITK FKANÇAIS MAJOHITÉ DE lV.MPEREL'R

se tenaient auprès. Les ambassadeurs ont avoué qu'il y avait certainement dans l'Empereur une vertu divine ; de cette crainte et ce tremblement qu'ils ont éprouvés alors même qu'ils ne regardaient pas Sa Majesté*. »

On peut juger de reflet d'un tel récit sur les populations provinciales parmi lesquelles il circulait.

MISSION DE M. BLANCIIETON

Les missions du Se-lch'ouen continuaient à causer beaucoup de soucis à la Légation de France ; le règlement de Tafliaire Rigaud^ n'avait pas satisfait Pinlassable M*^** Desflcches qui s'était rendu à Péking et avait essayé de traiter directement avec le gouvernement chinois. « il s'agissait de laver les Chrétiens de son vicariat des présomptions défavorables que laissaient planer sur eux les jugements rendus en 1869 par le commissaire Li iioung-tchang, de la bonne foi duquel auraient abusé les fonctionnaires chargés de diriger les enquêtes. »

M. Blanchelon, gérant du Consulat de Han-kéou, fut charge le 6 décembre 1872, d'une mission au Se-tch'ouen, mission A^ information pour étudier les griefs de M**" Des- flèches. M. Blancheton^ do retour à Han-kéou adressa le 3i mars 1878 un rapport remarquable à la Légation de France à Péking.

1. Missions catholir/ttes, V, p. 620.

2. Voir p. 33 1.

3. Blanchelon, Krnest- Jules, ne en 18/42; élèvc-inlerprèle pour le Chinois, 6 février 1860; attaché à Pé-kinp, !\ avril 1860 ; à (Canton, 1862; à Péking, septembre i86/i; interprète-chancelier à ilan-Kéou, i**»* sep- teml)re i865; à Péking, juin 1867; à Ghang-Haï. janvier 1869; consul de classe à Han-kcou, 19 février 1878; à Bangkok, 25 février 1880; mort (lu choléra dans ce poste le 18 juillet 1881.

MIMSTKES liLSSK KT BRLGE '187

W. F. MAYERS A ?iAN-TCH'A?îG, OCTOBRE 1878

Le i5 octobre 1878, M. Mayers*, premier interprète (Chinese secrelary), accompagné de M. Brcnan ', partit de Kieon-kiang sur le navire de guerre HingdfH*t% remonta le lac Po-Yang et eut une entrevue avec le gouverneur du Kiang-Si, Lieou Kouen-i^, à Nan Icirang au sujet des droits sur les thés et des empêchements mis au commerce d'im- portation avec les passes de transit. L'année précédente, y\. K. C. Baher avait été accueilli à coups de pierres à Nan- tclfang, au mois de mai \

MIMSTRKS RI SSE ET RELC.E

M. de Butzov, nouveau ministre fie Russie en remplace mont du général Vlangaly, arriva à Péking dans les premiers jours de mars 187/1 et demanda aussitôt une audience pour remettre ses lettres de créance ; il fut reçu par rEmperem*

I. Maycrs, William S. Frederick, élève inlcrprètc, 7 février i85(); (Jiiiicsc Sccrclarj, 28 novembre 1871 ; ce sinologue remarqiiahle e>»l mort le 34 mars 1878.

3. Brenan, Hyron, élève interprète, a8 juillet 1866; assistant, 8 décembre 1868; interprète/^. 1. à Canton. i4 août 1871-30 mai 1873; 2'* assistant. 7 décembre 187a; interprète p. i. à Chang-Haï. 37 jiiin- 33 septembre 1878; assistant de i'"'^ classe, 3/1 octobre 1874; interprèle /;. i. à Han kéoii, 37 février-19 octobre 1876; acting assistant Cbinese secrelary à Péking, 6 novembre 1875-28 février 1877 ; 39 juillet 1877- i5 mars 1878 ; Cbinese secrelary /;. i., lOmars 1878-30 septembre 1880; 4 oclobre-8 novembre 1880; consul à Wou llou, 35 février 1880; aujourd'bui consul général à (^liang-Haï, i3 mai 1899.

3. Lieou Kouen-1, aujourd'hui gouverneur général des deux Kiang.

4. China, n" 4 (1874). Report of Expédition to San-chang-foo. By Mr. Mayers, Cbinese secrelary lo the Légation al Péking. Prescnted... 1874 Lond., in-fol. [C. ioi3.]

488 REVISION DU TR\ITÉ FRANÇAIS MAJORITÉ DE L*EMPEREUR

le 20 mai ; la cérémonie fut semblable à celle de 1878, mais M. de Bulzov attendit deux heures au lieu de trois : c'était un progrès !

Le ministre belge, M. Serruys, arriva à Péking le i5 mai 1874 ; comme il représentait un petit pays, pendant trois mois, on lui fit attendre son audience qui eut lieu le 3i août 1874.

CHAPITRE XXXin

CHANG-HAI

HISTOIRE

l'n grave événement qui se passa le 3 mai 187/1 ^^^^ '«^ concession française de Chang-IIaï nous amène à parler de celte ville, le plus considérable des ports ouverts au com- merce étranger.

Au dernier siècle, lors des difficultés des Anglais fivcc les autorités de Canton, il avait été question de transporter le commerce britannique dans un autre port; outre Amo> et les Chousan, Chang-Hai fut un des points désignés; c'est une ville du Kiang-Sou, par 3i«i4'33" lat. N. et ii9"8'5/|'' long. E. Le rap[)ort de Frederick Pigou, chef de la factorerie anglaise à Canton, qui concluait à Tadoplion de ce dernier point, resta dans les cartons.

Le pays dans lequel se troine cette ville, devenue le centre le plus important du commerce de l'Extrême-Orient, a subi de très grands changements. Sous les premières dynasties chinoises, il faisait partie de Yang-tchéou, l'une des neuf provinces établies par Vu le Crand ; sous la dynastie Soung, au commencement du viii° siècle, la ville de Soung-kiang se nommait Houa-ting et son port Houa-ting Haï est le mo- derne (]hang-Haï. Le pays était autrefois appelé Hoii-tu, et c'était que la rivière dite de Wou-soung, d*a[)rès le nom du village qu'elle baigne à sa barre, se jetait à la mer. Jadis,

fH)0 niIAXG-HAÏ

ro qu'on appelle aujoiircrhiii la rivière de Wou- sou ng remon- tait jusqu'à Sou-lchéou et portait le nom de rivière de Sou- Irhéou ; ce dernier nom n'est plus donne au cours d'eau que depuis Chang-Haï jusqu'à Sou-tchéou. Le lïouang Pou, comme on désigne généralement la rivière qui passe à Chang- Haï, coulait à peu près depuis Soung-kiang jusqu'au Kao- tchang miao, se trouve l'arsenal actuel, puis se jetait directement dans la mer; un canal ancien, élargi en i/|o3, sous l'empereur ^ong lo, de la dynastie des Ming, nommé le Fan kia Pang ou Van-kia Pang (Wan kia Pang) réunit le llouang-pou, depuis Kao-tchang miao, à la rivière de Wou- soung : c'est ce canal, désormais désigné sous le nom de llouang-pou, qui baigne la ville actuelle de Chang-Haï et les concessions française et anglaise. D'ailleurs, le terrain d'allu- \ion sur lequel est construite cette ville s'est l>eaucoup mo- difié; ainsi la grande ile de ïsoung-ming ne date que de 7o5 de notre ère et elle fut envahie par les Japonais dès le \iv*" siècle. Kn \'M\o, Chang-Haï fut éle\é au rang de li'ien, c'est- à dire de \ille de troisième classe; en 1070, les mu- lailles furent construites pour servir de remparts contre les pirates japonais.

Mais la grande prospérité de Chang-Haï ne date que de l'arrivée des étrangers.

Les environs de Chang-Haï furent le théâtre des efforts des premiers jésuites. Le célèbre Uicci trouva un appui des plus puissants en Siu Kouang-ki qui éUit Co-I.ao ou Tclwiing- T*(ing (grand secrétaire), ministre, pendant la période Wan- li', auteur d'un grand nombre d'ouvrages scientifiques esti- més. Le village de Siii Kia-houei Ç/i Ka-ive/j dans le dialecte local), à () kilomètres au sud-ouest de Chang-Haï, ainsi nommé à cause de la sépulture de cet homme d'Etat célèbre, est le siège d'un grand ét^iblissement de mission-

I. i5()3-i633.

iiisroiiiE: V)!

naires, créé en i85o, qui C()ni])rend avec sa dépendance de Tou-si'-^\'è un observatoire fondé en 1872, une imprimerie, im orphelinat, etc. Ce fut à Zi Ka-wei que l'on construisit, dans la province de Kiang-Nan, la première église d'archi- tecture européenne.

Près de la porte méridionale de la ville chinoise, le P. Bran- cali avait acheté un terrain en 16/19, \^^^^ }' établir le cimetière de la mission qui fut désigné sous le nom de C/ieng-Mott T'an^ h cause de sa chapelle dédiée à la Sainte Vierge. Le corps du P. Brancali', mort à Péking, y fut rapporté par les PP. Gahiani et Couplet; les PP. le Favre* et E. de Ferreira* prirent place près de lui avec deux mis- sionnaires chinois*.

Ce ne fut que beaucoup plus tard, que, par suite d'un inlérél de propagande à la fois évangélique et conmierciale, Chang-Haï fut visité, le 20 «Wit i83i, [Kir le missionnaire protestant Ciut/latT^, qui y reloiu'ua Tannée suivante (juin) à bord du vaisseau Lord-Amiiersl, en compagnie de Ilugh llamilton Lindsav, ollicier au service de TEast-India Com- pany. Son exemple fut suivi, en i835, par deux autres missionnaires protestants, Mcdhurst^ et Edwin Slevens", qui visitèrent Chang-Haï, à bord du I luron.

I. François Brancati, Pan Koiiokonang. en 1007 en Sicile; mort !i5 avril 167 1.

a. Jacques le Favre. Lieou Tiriffo, ne en i()io; mort 38 janvier 1676.

3. Emmanuel do Fercira. Kin Pc-lien, en i(i3H; mort 18 mai 1O81.

i. Les Origines de deux Etahlissements français dans i Extrême- Orient, Chang-Haï-Ming-Po. Docunienls inédits publics avec une intro- duction et des notes ])ar Henri Cordier... Paris, 1896, in-8, pp. xxxix-7().

5. Karl tViedrich Vupusl (lulzlair. à lNTilz(Pomcranie prussienne), 8 juillet i8o3; mort à Honp-konj; le () août i85i.

0. Waller Henry Mcdhurst, à I-.ondres. ay avril 1796; mort :i^ janvier 1857 à Londres.

7. Ëdwin Stevens, à New Canaan, Conneclicut, en 1803 ; mort 5 janvier 1837, à Singaporc.

'iga ciîANfi-iiAï

Lors de la guerre (ropium, après la prise de Mng-po, la floUe anglaise arriva, le i3 juin i842, devant Wou-soung, dont elle s'empara le i6. La ville même de Chang-Haï tomba entre les mains des Anglais Irois jours plus tard. Les troupes de terre étaient commandées [)ar le lieutenant-général Sir Hugh Gough, et la flotte par le vice-amiral William Parker.

CONCESSIONS ETRANGERES

Sir Henry Pottinger, qui avait négocié le traité de Nan- King, fit choix d'une concession (settlement) à Chang-Haï, sur les bords du Houang-pou, entre- la crique de Sou-tchéou et le Yang-king Pang. L n capitaine de Tartillerie de Madras, (J. Ballbur, fut nommé consul anglais à Chang-Haï, il arriva le 5 novembre i843. Le i^ du même mois, il lançait une proclamation dans laquelle il déclarait que le port serait ouvert au commerce dès le 17 courant; les premiers règle- ments relatifs au territoire occupé furent signés par le tao-taï Koung et le capitaine Balfour, et traduits par Walter Henry- Medhurst, le premier jour de la ii*' lune de la 25® année Tao-Kouang, c'est-à-dire le 29 novembre i845; on verra plus loin qu'il y eut de nouveaux règlements le i!\ septembre i8/|6, et le 27 novembre i8/|8.

A la suite du traité signé par notre envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, M. Théodose de Lagrené\ nous imitâmes l'exemple des Anglais et nous envoyâmes comme agent consulaire h Chang-Haï, M. de Montigny *. Déjà, nos

I. Lagrené, Théodose- Marie- Melchior Joseph de, en Picardie, le i^ mars 1800. Voir p. 16-17.

3. Monligny. I.ouis-Charles Nicolas' Maximilien de, à Ham- bourg le 4 août i8o5 ; chancelier do Tambassadc T. de Lagrené; agent consulaire à Chang-Haï le ao janvier 1847; consul de i*"*^ classe le a'i oc- tobre 1855 ; chargé do mission au Siam do i855 à 1867 ; consul général le 5 juillet i858 ; à (janton le a février 1859 : en disponibilité le 16 août

CONCESSIONS ÉTUANGÈUES l^^'i

missionnaires jésuites avaient repris possession de leur an- cienne province de Kiang-Nan ; le P. Claude (jotteland*, de Savoie, fut le premier supérieur de la nouvelle mission ; mais celui qui lui donna la vie, fut é\idemment le P. Mathu- rin Lemaitre', mort à Chang-Haï le 3 oiai i863. L'admi- nistrateur du diocèse de Nan-king, M^"^ L. de Bési*, de Vérone, et son successeur, M^*" Maresca, qui appartenaient à la Propagande et servaient d'intermédiaires pour la prise de possession par les Jésuites, avaient trouvé chez les étran- gers beaucoup de bonne volonté. Le premier rencontra, avant l'arrivée de notre agent, beaucoup d'appui auprès du consul anglais, le capitaine Balfour et Tagent consulaire danois, M. Calder*. Le choix de M. de Montigny, qui avait fait partie de la mission de Lagrené, en qualité de chance- lier, était excellent.

Montigny se trouva avoir comme collègues anglais, M. Al- cock, qui avait remplacé le capitaine Balfour; américain, M. (iriswold. Alcock, depuis lors ministre d'Angleterre h Yeddo puis à Péking, ainsi que son collègue de Ning-po, M. Sullivan, entretenaient les meilleures relations avec notre agent.

Nous fîmes choix j)our établir notre concession du terrain

1862; mort i4 septembre 1868; commandeur de la Légion d'honneur le II août 1862. Auteur de : Manuel du négociant français en Chine ou Commerce de la Chine considéré au . point de s'ue français. Paris, 1840, in-8.

I. (îotleland. Claude, le i:j juin i8o3, arriva à Chang-Haï le 12 juin i8l'|2 avec le P. François Estève (né à Paris le 20 mars 1807) ; le P. Benjamin Bruejre (né le 20 mai 1810) était reste aux Tchou san, alors aux mains des Anglais, et il n'arri\a à Chang-Haï qu'au mois d'oc- lobre 1842.

3. !Né le !••»* janvier 181G.

3. 11 était auparavant vicaire apostolique du Chan-tounget du flo-nan, évêque de Canope.

4. Le pavillon danois llottait sur la maison anglaise Jardine. Matheson And G".

/|Ç)4 CUANG-HAÏ

si lue sur les bords du Ilouang-Pou entre le Yang-king Pang et les murailles de la ville chinoise.

Le premier document chinois que notre interprète consi- dérait « comme devant constituer le premier acte public concernant la concession française de terrains à Chang-Haï » est daté de la ii° lune de la 28'' année Tao-Kouang, qui a conunencé le mercredi 8 décembre 18^7 ('i?** année Tao- Kouang) et a fini le lundi 25 décembre i848 (28*^ année Tao-Kouang); mais, en réalité, Lin Tao-taï a signé la con venlion oflicielle avec M. de Monligny, le vendredi 6 avril 18^19, qui corres|)ond au i.'i*' jour de la 3" lune de la 29* an- née Tao Kouang. I^a convention de M. de Montigny fut depuis approuvée par le ministre de France, M. Forth- Kouen, et le (ilonmiissaire impérial à Canton, Seu.

Les Anglais avaient signé la leur le jeudi, 2-5 septembre i8'lG, qui correspond au jour de la lune de la 26^ an- née Tao-Kouang; M. Uutherford Alcock, qui remplaça le capitaine Ballour comme consul britannique, reprit l'œuvre de son prédécesseur le lundi 27 novembre 18^8, qui réjxmd au 2'' jour de la 11*' lune de la 28® année Tao-Kouang.

C'est de i8/|8 que date rétablissement par Tévéquc protes- tant lioone\ de la concession américaine sur la rive gauche de la crique de Sou-lchéou, sur la route de Wou-soung. On iiouuna cette portion de la ville Honi^ quCy parce qu'elle se» trouvait à rembouchure keoii de la petite rivière J/on^ ; depuis l'usage a translormé /Jonii que en J/on^ iav; pour être logiipie, il aurait fallu écrire en anglais ce fîeiv : kmv^ connue ll^ni kowy embouchure du Ilan.

Les consuls des trois puissances ayant des traités avec la Chine : Kutherl'ord Mcock ((jraiide Bretagne), Robert C.

I. B(x>no (^ll'en). If'illiam-Joseph, riô tlans la Caroline du Sud; «'>L'quf' en 18V4 .«rrivé h (lliang-Haï le 16 juin i845; mort 17 juillet

CONCESSIONS itTRANGÈRES ^9^

Murphy (États-Unîs d'Amérique) cl B. Edan (France, p. /.) donnent en juillet i854 leur approbation aux New Land Begulations ; toutefois le gouvernement français ne les a pas ratifiées. (Voir meeting du lo mars 1866, North-CInna Herald, supp. 17 mars 1866; et extrait d'une lettre de M. de Bourboulon, ministre de France, à M. Edan, consul de France p. L ù Chang-Haï, insérée par M. le vicomte Brenier de Montmorand, dans le Nortli-CInna Herald, 19 mai 1866 *.)

Ajoutons que Tarrivée des rebelles dans la ville chinoise, en i853, amena une légère intervention des Français en faveur des trou|x^s impériales, et, pendant une des luttes, une partie du faubourg entre les remparts et la rivière ayant été briMée, la concession française fut augmentée à la suite de ce désastre. En i863, Tagent-voyer Lagacé dressa un plan de la concession française, qui est déposé dans les Archives du Consulat général. Cette même année, i863, les conces- sions anglaise el américaine se réunirent sous la même administration municipale; mais, dés i86'J!, un conseil mu nicipal franç^iis, comprenant d'ailleurs im certain nombre de propriétaires fonciers étrangers, était constitué sous la prési- dence de M. Eugène Buissonnet, négociant, et conservait son autonomie.

Chang-Ilaï se compose aujourd'hui de cinq parties dis- tinctes : sur la rive gauche du llouang-[)OU.

!*• La \nll(* clnufusc, entourée de remparts, avec son ad- ministration spéciale, enserrée en amont })ar le faul)Ourg de Ton Ka-don (Tong-kia iou)^ au delà duquel s'étend l'arse- nal impérial de kao tchang-miao ;

2" Puis la (\)ncessi<)n française, administrée par son conseil municipal, séparée par le Vang-King-pang ;

3" Du Britisli Settlenient. Ce quartier anglais est le plus

I. Cf. Bibliotheca Sinica. col. 10A9.

/iqC ciiang-iiaï

beau de la ville. Le British-Setllemenl est séparé du Setlle- iiietil américain par la crique de Sou-lchéou ;

Le Seulement amèricainy IIong-Ken'. C'est de cet endroit que partait le chemin de fer qui reliait Chang-Haï à \V ou-soung par une ligne d'environ quatre lieues. Ce chemin de fer, que les Anglais ont été obligés de céder aux Chinois, a été trans])orté à Formose. Ces concessions étrangères sont bordées par un large quai (|ue l'on nomme Bund; deux grandes belles rues conduisent de ce quai hors de la ville ; Tune, française, appelée dans la concession rue du Consulat, conduit au village de Siu kia-wei; l'autre, anglaise, le Ma-lou, roule des chevaux, dans le SettlemenI, jadis Park-lane, au- jourd'hui Nan-king road, forme une agréable promenade jusqu'au Bubbling-Well ; là, elle se divise en deux roules, dont Tune à droite conduit à la ferme de Jesslield, l'autre à Siu Kia-wei ;

5" De Tautre côté de la rivière, en face de la ville chi- noise et des concessions étrangères, se trouve la presqu'île de Poit'toNN^, occupée par des chantiers, des docks, des refuges pour les marins, elc.

LA PAGODE DE Ml>iG-PO

Lors de la création de la concession française, il y avait, en dehors des questions personnelles, des diilicultés reli- gieuses provenant des scrupules qui rendaient hasardeux Tenlèvement de nombreuses sépultures existant sur le terrain destiné h la concession française. 11 \ avait en particulier deux dépots mortuaires, W'ei-kouei, des gens du Fou-Kien et de Ning-Po; le premier a été remplacé par Thôtel actuel de la municipalité française; le second* a causé une émeute populaire parmi les Chinois, le 3 mai 187^1.

I. .Se Mifi^ Kon^-so, d'aprèî» les Se Ming Chan, collines près (ie Ning-Po.

^qS CIIA\G-1IAÏ

Ce wei-koiici ou pagode de Ning-Po se trouvait à l'angle des rues de Miïg-Po et de Saigon, près du canal qui entoure la ville indigène; le conseil municipal voidut, en 1874, à la suile d"enipièleinet!ts des Administrateurs de cette Pagode « maintenir le trace ancien des rues de SaYgon et de Ning- Po. Elles avaient élé cédées en i8G3 à la Municipalité par le propriétaire des terrains, de même que toutes les voies de communicalion qui desservent actuellement la Conces- sion, par une décision des Propriétaires Fonciers prise en comnmn par eux à colle époque. »

Les Admlnisl râleurs de la i^agode, pour qu'il ne fût pas donné suile au projet d'ouverlure d'une route à travers le cimelière aliénant à la P.igode, adressèrent une supplique l\ M. Ernest (iodeaux, consul général de France à Chang-Haï', le 27 janvier 187^1, sui\ie d'une seconde, en mars 187^1, que voici :

« L'élablisscnionl cl le ciinelicro on (pieslion siiué en dehors do la vioillo porto du Nord ot dosliné à recevoir les cercueils des gens do Ningpo fjui. docédés à (Ihaiighaï, no laissent pas do quoi subvenir aux frais do lraiis|)ort do leurs restes mortels jus<(uc dans l(*ur pays natal, doixont être considérés comme le sont dans votre iioblo pays les élablisseinents religieux et les cimetières.

I. Godcaux, Ernest-Xapoiéon-Marie, le 11 juin i833, i Paris; clèvc-consul à prendre rang le 6 janvier i852 ; élève-consul, a4 octobre i855; attaché en cette qualité à la mission de M. de Monligny, à Siam. i5 novembre i855 ; au consulat général à Londres, 11 mai 1869 ; chargé de la gestion du consulat de I^orl-Louis, 9 août 1861 ; consul de 2*' classe, af) août i8()i ; à Zanzihar, aa janvier i8l)2 ; à Hong Kong. 28 juillet i8():< ; chevalier de la Légion d honneur, 9 août i864 ; consul à la Nou- velle-Orléans. 18 novembre i8C4 ; consul de i'"'^' classe, 8 novembre 1866 , chargé de la gestion du consulat général de France à Chang Haî. 22 mai 1872 ; consul général à celte résidence. i4 juin 1878 ; oflicier de la Légion d'honneur, 9 janvier 1877 ; agent consul général en Egypte. 5 novembre 1878 ; consul général à Naples, i3 décembre 1879 ; mis en disponibilité, 12 octobre 1881 ; minisire plénipotentiaire de 2^ classe, 3i août i884 ; admis à la retraite, 3i décembre i88/|.

LA PAGODE DE MNG-PO /jgQ

« Les Ambassadeurs de France, à la demande de MM. les Consuls-Généraux, vos prédécesseurs, oui, à plusieurs reprises, déclaré qu'il ne serait jamais touché au\ terrains dont il s*agit ; cette propriété a môme été exemplée de Tlmpôl foncier par M. Brenier de Montmorand, et un titre h cet elTet a clé déli>ré par le Conseil d'Administration Municipale.

a Ce terrain, aulrefois clos par une enceinte, cpii depuis a élé détruile par les soldats anglais à l'épocpie de la rébellion, et (pie le man([ue de fonds n'a pas j)erniis de reconstruire, n'est délimité aujourd'hui (pie par des bornes. L'ouverture d'une route passant au-dessus des cercueils et auraient accès che- vaux, voitures et piétons, troublerait les débris humains dans leur repos. Si l'on nous dit d'enlever ces cercueils et de les transporter ailleurs, nous répondrons : « Notre cimetière diffère essentiellement de celui de la Société Pou-jen-tanf< qui louche au nôtre et sont enterrés des morts ramassés sur la voie publique, péle-méle sans distinction de province, et que per- .sonne ne viendra réclamer; de notre côté, au contraire, ce ne sont que des cercueils de gens de \ing-Po, nos amis ou nos parents, les transporter ailleurs amènerait une très grande con- fusion le jour l'on viendrait nous les réclamer car ils sont très nombreux et prescpie détruits par la vétusté.

« La création d'une route sur notre cimetière n'est pas d'ailleurs, de première nécessité, puisque d'un côté se trouve une route carrossable et de l'autre le canal qui longe l'enceinte de la Cité. Les soussignés viennent, en cons(Vjuence, prier M. le Con- sul (iénéral, de vouloir bien, en empêchant l'ouverlure de cette voie de communication, leur épargner le désagrément de toutes ces exhumations, l^es habitants des six districts de Ning-IN) et leurs morts lui en seront éternellement reconnaissans ».

Signé : Tciiaxc-tciik-tsvx,

Sll!\0-TI-TSANG,

Ki-\VA>«;-siiiAo. LKor-siiiK\-u>,

LlKN-LIN-IIOl A,

U AXG-TCIIKX-TCIUX;,

Tr.iioi \\-Liex-Jk\, T(:iior\N-TA-i»iN,

HoUXG-TSI>-LIX.

;>00 CIIANG-IUÏ

(( Le Conseil municipal exposait qu'il « avait donc à rê- pondre à la fois à deux suppliques des Admlnislraleurs de la Pagode de Ning-Po, et il est important de faire remarquer combien les prétentions posées nettement dans la première requéle, parvenue le 'jy janvier, se sont modifiées dans c<?l le transmise deux mois plus tard par le Consulat Général. Dans la nouvelle recpiéte les signataires ne prétendaient rien moins (jue ceci « c'est que le droit de passage finit aux limites de la Con(^ession et qu'au delà les propriétaires ont le droit d'intercepter la route selon leur bon plaisir. » C'était simple- ment la reprise de la route de Sicawey décrétée. Mais dans la seconde requête les Administrateurs sont moins exigeants. Cette fois, entrevoyant sans doute l'obligation morale d'une exhumation, ils cherchent, allant au devant de cette idée, à la combattre, et concluent en exprimant l'espérance que par l'intermédiaire du Consulat Général le désagrément de toutes ces exhmnations leur sera (c épargné en empêchant l'ouver- tiu'cs des rues ».

(( Malgré tout ston désir dv respecter les sentiments pieux des Aduunistrateurs de la O)rporalion de Ning-Po et d'éviter tout désagrément, l'Administiatlon Municipale ne crut pas, pour des motifs énoncés plus loin, faire droit à leur requête, ainsi qu'il (*st exposé dans la délibération suivante extraite des minutes de la séance du Conseil du 7 Avril 187^ : »

(f Coninuniication est donnée (Fune lettre do M. le Consul (iénéral de France, Iransnicttaiil. en traduction, inie supplique (pie les Administrateurs de la Pagode de Ning-po lui ont adressée, à l'elfet (renipèclier rou>erlure des rues do Ning-|K> et de Saigon qui cou|)eiït les cimetières constituant la propriété attenante à celte pagode, et demandant à connaître raccueil dont le Conseil l'aura ju^j^ée susceptible.

« Conununicatioii est également donnée d'une même supplique adressée directement au Secrétariat, et les ar<^umenls contenus dans CCS diMix documents consistant à dire que Touverlure des rues passant au-dessus des cercueils et auraient accès,

LK P\GODE DE MNÔ-PO OO I

clirvaux, voilures et piétons, troublerait les débris humains dans leur repos, et que, les transporter ailleurs amènerait une grande confusion le jour l'on viendrait les réclamer sont soumis à Tappréciation du Conseil.

« Appelé donc à se prononcer sur celte question, le Conseil, lout en res|x?ctanl el en appréciant les sentimenls (pji ont dicté les argmnens mis en avanl par les Administrateurs de la Pajxode de Ninj^-po, ne saurait cej)endant les admettre, el serait disjx)sé, au contraire, h faire ses elTorts pour que les débris bumains des Cbinois soient transportés en dehors des limites de la Concession, ainsi qu'il a été fait pour ceux des marins français qui rej)oseut actuellement dans le cimetière numicipal sis hors de la Conces- sion. ^

c( En présence même des ell'orts que l'Administration a faits et des sacrifices (pi'elle s'est imposés pour transférer hors des limites de la Concession les cimetières européens qui s'v trouvaient, le Conseil ne peut que souhaiter et demander qu'il en soit de même pour les cimetières chinois.

« Considérant que l'ouverture des rues dont il s'agit n'est pas récente, puisqu'elle date de i863, et que, depuis cette éjK)que. le tracé en a toujours iiguré. tant sur le plan de la Concession que sur le terrain :

« Considérant, en outre, qu'on ne pourrait restituer des voies de comnumication reconnues d'utilité publique et livrées au domaine public depuis la création de la Concession, sans se >oir obligé de détruire toutes celles cpii ont été établies sur des ter- rains employés au même usage que ceux de la (Corporation de Ning-po, le Conseil décide qu'il n'v a [)as lieu d'accueillir la récla- mation des Administrateurs de la Pagode de Ning-po et déclare les rues de Ning-po et de Saigon être voies publi(pies et inali(> nables. »

A Tcippui do leurs revendications, les Administrateurs de la Pagode de Ning-Po citaient des textes :

I

T'oung-tché, première année, troisième lune (a\ril i8()a), avis \erbal est donné par S. K. le Consul de France Edan, d'une lettre dans hujuelle il est dit qu'en réjx)nse à sa dépèche

J02 CIIA>G -HAÏ

à rAnibassadeur, ce dernier a accordé rauiorisation de considé- rer le terrain de la Pagode de Ningpo (Se-ming Kong-so) comme délinilivement sacré et de n*v porter ni atteinte, ni trouble.

Il

ï'oung-lché, troisième Lune, huitième jour, septième année (3i mars 1868) :

Le Président du (iOnseil Municipal, en réponse a une com- munication adressée aux Autorités supérieures, a reçu l'autorisa- tion d'accéder à la requête du Tao-tai tendant à ce que la pro- priété de la Pagode de Ningpo soit exonérée d'impôts. En conséquence il a été décidé que le dit terrain, aussi longtemps qu'il conservera le caractère sacré qu'il possède, est, par le pré- sent, exonéré d'impôts.

Le conseil municipal rétorquait que les Chinois n'avaient pas le droit de propriété sur la concession française :

ce Avant d'aller plus loin, il est essentiel de déterminer en vertu de quels actes et de quels documents ce droit de voirie sur les rues de Ningpo et de Saigon est acquis à la Municipalité.

« En 18G1, il existait sur la Concession française deux Wei- kouei ou Pagodes de réunion et de sépulture, l'un était celui du Fou-kien qui occupait l'emplacement de l'Hôtel Municipal et du quartier coupé par les rues adjacentes dans tout le prolongement de la rue actuelle dite du Wei-kouei, et enfm l'autre était celui de Ningpo entouré de ses cimelières.

a Var le fait de la cession consentie par le Gouvernement chinois au Gouvernement français de tout le territoire connu aujourd'hui sous le nom de Concession française, en vertu du traité de 18C0, tous les Chinois possesseurs originaires du ter- rain se trouvaient forcément expropriés, aucun Chinois ne pou- >aut être reconnu comme propriétaire.

« C'est ainsi que les terrains formant l'ancien Weikouei du Fou-kien devinrent la propriété de divers étrangers.

« Ceux du Wei-kouei ou Pagode de Ningpo devinrent la pro- priété exchisi>e d'un seul étranger, M. Victor Edan, par acte de cession du la décend)re 1861 consenti par la Corporation de ^iingpo déclarant M. Victou Edax propriétaire de la Pagode,

KMKITE, 3 M\l 187^ 5o3

(les terrains et ciiiielieres sis tant dans TiiitiTieur qu'à l'extérieur fie la Concession, et il est à remarquer que M. Victor Edan fut reconnu, par acle léfj^al, propriétaire des dits terrains avant toute occupation militaire de la Paj^ode

« Le 16 septembre i863, M. Edan, Consul de France à Tien- Tsin, transmit à M. Mai boi ssn. Consul Général à Cliaufç-HaY, une lettre par laquelle M. \ icTon Kdan, son frère, renonçait à tous ses droits de propriétaire des terrains du Wei-kouei de Ningpoen déclarant qu'il n'avait pas payé la somme stipulée dans l'acte primitif. M. Mauboussin ne voulut pas, toutefois, reconnaître connue propriétaire des dits terrains la Cor])orat ion deNingpo, par la raison jm>u connue du ])ublic, qu'aucun sujet cliinois ne peut, aux yeu\ de l'Autorité française, être reconnu légalement pro- priétaire-foncier sur la Concession,

« La supplique des Administrateurs de la Corporation de Ningpo insinue donc à tort que leur possession existe en vertu d'actes authentiques. Le fait de leur possession n'existe, au contraire, qu'en vertu d'une tolérance, et il ne peut être pro- duit par eux aucun acle de propriété. »

KMEITE, 3 MAI 18"^

Le dimanche, 3 mai 187^4, la populace chinoise s'assem- blait près de la pagode de Ning-Po ; excitée par les adminis- trateurs, elle attaqua la maison de l'agent voycr, M. Perce- bois, maltraita celui-ci ainsi que sa famille ; une demoiselle Mac Lean, missionnaire protestante, qui demeurait à coté de l'agent voyer, fut traînée par les cheveux ; les écuries d'un marchand de chevaux, M. Charrier, cl quebpies mai- sons chinoises du voisinage furent incendié<?s, huit Chinois furent tués. Les volontaires sortirent, les navires de guerre Couleuvre (français) et Ashnelot (américain) débarquèrent des marins, et Tordre fut rétabli après que dans la soirée, de nouveaux troubles eurent éclaté.

11 est bien regrettable que notre Consul Général crût devoir céder devant les clameurs de la foule cl Fémeulc dans la nie,

bof\ CHANG-HAÏ

et crannuler la délibération du Conseil Municipal relative aux rues de >iing-po et de Saigon, jusqu'à ce qu'il eût reçu des instructions du Ministre de France à Péking. Je me souviens que cette faiblesse causa la plus fâcheuse impression dans la colonie étrangère et que notre agent fut l'objet de sarcasmes, dont quelques-uns d'ailleurs étaient d'un goût douteux. Le (lonsul-Général eut aussi la fficheuse idée de proposer comme solution du conflit qui existait entre lui et la Muni- cipalité de réunir la concession française au « settlement » international.

Il est incontestable également que le Conseil Municipal, impré>r>yant et obstiné, a montré trop d'énergie dans ses récla- mations et qu'un peu de diplomatie de sa part cul évité l'émeute du 3 mai ; ce fut l'avis du ministre de France à Péking, M. L. de Ceofroy, dans une lettre au Président du Conseil Municipal ' :

LETTKES Dl MINISTRE DE FUANCE

iVking, le a a mai 1874

M ON 51 FAR LE PnÊSU>ENT.

J'ai reçu la lettre (pie vous iu'a>oz fait rhonneur de in'écriir le lii de ce mois pour me prier de suspendre ma décision sur raiTaire de la Pagode de Ning-po jusqu'à ce qu'un^mémoire explicatif et justificatif ail pu être mis sous mes yeux.

Après les déplorables événements du 3 de ce 'mois et au point en sont les choses, ce inéinoire n'aura plus guère, ce me

1. liapport du Conseil d administration municipale sur l'affaire des rues de yin^po et de Saigon, adressé à Messieurs les Elec- tours de la concession française. Br. in 8. pp. 16.

Bulletin d'administration municipale de la concession fran- çaise à Shanghaï. Compte rendu de l'affaire des rues de Ning-po et de Saigon, et correspondance échangée à ce sujet. Shanghaï, 187^, br. in-8. pp. iii-85.

LETTRE DU MINISTRE DE FRANCE ÔOO

semble, que la valeur d\in docuuient rétrospecUf, utile loul au plus pour faire ressortir le prix de la [concession ^que nous avons faite.

Quant à retirer celle- ci vous en reconnaissez vous-même l'impossibilité lorsque que vous dites que cela entraînerait la nécessité d'une nouvelle répression. S'il est fâcheux d'avoir eu à céder devant l'émeute, qui conseillerait d'en provocpier une seconde [X)ur se réliabiliter ?Ce que la prévoyance et la sagesse commandaient, c'eût été d'accueillir en temps opportun la péti- tion si raisonnable et si convenable dans sa forme des Adminis- trateurs de la Pagode de Ning-po. Je m'étonne que le Conseil, sachant combien ces questions de tombeaux passionnent les Chi- nois, n'ait pas craint (Ven susciter une et ensuite de s'y obstiner pour un intérêt secondaire et même contestable.

Mais ce cpii ne m'étonne pas moins et qui est infmiment déplorable c'est la lettre que le Conseil s'est j)ermis d'écrire au Consul-Général de France et de faire imprimer dans les jour- naux, et je ne doute pas. Monsieur, que la première émotion passée, vous n'ayez été vous et vos collègues, les premiers à la regretter.

Kecevez, etc.

Le Ministre de France,

Signé : L. DL Ceofrot.

Ayant reçu le rapport du Président du Conseil municipal, M. de Gcofrov lui écrivait encore :

Péking. le 17 juin 187/i. Monsieur,

J'ai reçu par l'en I remise de M. Godeaux, le rapport détaillé que vous m'avez adresse à la date du i**" juin, ainsi que la lettre du même jour par laquelle vous vous plaignez de ce que j'aie rendu une sentence en refusant de connaître toutes les pièces du procès.

Permettez-moi, Monsieur, de vous faire remarquer que je n'ai point « rendu de senlence », que je n'ai jugé aucun procès. Je ne suis point entré dans la question de droit, je ne [)Ou>ais

5o6

CIIANG-I1\1

Y entrer n*ayant pas, en elTel, les documents; j'ajouterai mùmc (juc je n'ai pas voulu \ entrer, du moment les événements ne donnaient plus à cette étude qu'un intérêt spéculatif; à priori, j'étais porte à croire que les droits de la Municipalité étaient bien établis. F^a lecture des pièces que vous avez bien voidu m'envoyer, n'a point changé mon opinion; mais, mon devoir étant de me placer au point de vue de nos intérêts gi*né- raux en Chine, je ne pouvais et je n'ai voulu marquer que deux points; d'abord que la mesure que présentait le Conseil était inopportune. Il est arrixé tous les jours qu'on se désiste d'un droit incontestable, ou qu'on en sus|x^nd l'exercice, en considération d'inconvénients majeurs; en second lieu, que votre lettre au Consul Général et son impression dans les journaux étaient regrettables. J'ai une trop brtnne opinion de votre jugement et de celui de vos collègues pour ne pas être assuré que vous l'avez reconnu avec moi.

Vous comprendrez également, je me plais à le croire, qu'au dessus des questions personnelles s'élève avant tout, l'intérêt de notre Concession et combien il est désirable que d'accord avec le Consulat Général, vous continuiez à vous consacrer à l'œuvre (|ue vous avez entreprise en tâchant de remédier aux difficultés actuelles. Laissez-moi espérer que je n'aurai point, en vain, fait appel a votre patriotisme et à votre dévouement.

Recevez, etc..

Signé: L. de Geofrov.

M\>OUE DE CONCLUSION

Le ministre de France avait raison de couvrir son Consul Général et peut-être la mesure du Conseil municipal était-elle inopportune et prématurée; dans tous les cas, nous avions perdu, sans doute, une excellente occ^ision de régler une fois pour toutes la question de la Pagode de Ning-Po ; elle était enterrée, mais nous la verrons renaître en 1898.

Il ne faut pas oublier que nous étions engagés au Tong- King cl que Paris télégraphiait d'éviter toute diflîcullé avec la Chine (29 mai 187/i). M. de Geofroy aurait voulu profiter

MANQUE DE CO.NCLISION DO"]

(le la circonslance pour siibslituer à l'article XIII du Traité do Tien-Tsin relatif à la religion chrétienne un règlement en sept articles ; les Chinois lui opposèrent leur propre mémo- randum de 1871 en huit articles qu'ils lui proposèrent de prendre comme bases de nouvelles négociations. Preuve, disqient-ils, de leur désir d'arriver à une entente ! En réalité, pure ironie ! Pour comble d'impertinence, le Prince Koung introduisait une demande reconventionnellc :

« Six Chinois ont été tués à coups d*armes à feu de la main des Étrangers. Si on ne recherche ni n'arrête les assassins jx)ur les juger el les condamner à mort, il est très à craindre qu'on ne puisse satisfaire le cœur des gens et calmer l'indignation de la foule. Le meurtrier est puni de mort. Cette loi doit être commune à la Chine et k l'Étranger pour que la justice soit manifeste » (ai mai 187/1).

M. de Geofroy ne pouvait que répondre que les Chinois étaient les agresseurs et que les « assassins » étaient des gens en état de légitime défense. Le Prince Koung ne voulut pas reprendre sa note et le ministre de France ne put que la considérer comme non avenue et la laisser sans réponse.

CHAPITRE XXXIV

L'ÉMIGRATION CHINOISE (1874)

CAL5E5 DE L EMIGRATION

L'émigration chinoise comprend ce grand flot de |x>pula- lion, cette grande masse de travailleurs qui, sous le nom de coolies, se sont répandus plus particulièrement en Californie, aux Antilles, au Pérou, en Australie.

Le nom de coolie n'a rien de chinois; nous l'avons pris à l'anglais qui lui-même l'a emprunté au mol culiy lequel, nous disent les dictionnaires, en hindoustani veut dire un laboureur loué a la journée, en turc un esclave ou simple- ment un serviteur. Le coolie est pour les Chinois un (qlwn tsaï, l'équivalent « de petit cochon ».

L'ne population trop nombreuse dans certaines provinces, ' produisant un excédant de travailleurs et par suite une main- d'œuvre trop bon marché et une rétribution trop faible pour permettre au coolie de subsister, est la cause première de l'émigration, à laquelle viennent s'ajouter d'autres motifs d'intérêt moindre quoique fort importants, \mv exemple une industrie encore dans l'enfance qui n'emploie qu'un nombre limité de bras, un petit commerce encombré, la facilité des moyens de communication avec l'étranger, etc. >i'oubiions pas en outre le besoin de travailleurs pour de grands travaux comme le chemin de fer transcanadien, l'exploitation des plantations de sucre, etc.

CONVENTION d'ÉMIGUATION. 1 86C bOQ

CONVENTION 1/ ÉMIGRATION, 186G

Quoique rémigralion se produise sur une grande échelle depuis fort longtemps, c'est seulement depuis iSôg qu'elle a reçu la sanction légale des autorités chinoises du Kouang- toung, agissant à l'instigation des Anglais et des Français qui occupaient alors miHlairement Canton, la capitale de cette pro- vince. Plus tard, cette sanction, de locale qu'elle était devint générale à la suite des traités de 1860; mais ce n'est que le 5 mars 186G qu'une convention en 22 articles arrêtée entre Sir Hutherford Alcock, ministre d'Angleterre à Péking, M. de Bellonet *, chargé d'affaires de France, et le prince koung, établit des règlements suivant lesquels était autorisée rémigration des coolies. Il est juste de dire que cette con- vention n'a été ratifiée ni par le gouvernement anglais, ni par le gouvernement français.

Néanmoins quelques-uns des articles de cette convention méritent d'être signalés. L'article IX limite la durée des engagements par contrats à 5 ans, et à l'expiration de ce laps de temps le maître est tenu de fournir la somme spécifiée dans le contrat pour le prix du passage de retour en Chine. Celte clause déclare aussi que dans le cas l'immigrant

I. Bellonetf Claude- Henri- Marie ^ attaclic autorisé aux Archives, 25 juin ]85o; altachc libre à Naples, ai septembre i85a ; à Bruxelles, 3 aoiil i853 ; attaché au département, 3i août i856; désigné à Bruxelles, i3 septembre i856; secrétaire de classe à Cassel, a^ juin 1857 ; dési- gné pour remplir les fonctions de a<^ secrétaire à Rio de- Janeiro, 17 août 1857; ^^^ ^"^ ^^ demande en disponibilité, a6 octobre 1867 ; secrétaire de a<* classe à Téhéran, a/» janvier 1860; chevalier de la Légion d'hon- neur, II août 18G2 ; secrétaire de a* classe à Péking, ao octobre i8Ca ; à Stockholm, a 4 janvier 1867 ; secrétaire de i"**^ classe à Washington, 16 juin 1870; ministre plénipotentiaire à Lima, a8 octobre 187a ; admis au traitement d'inactivité de son grade, a3 août 1874; décédé à Paris le 33 ou le a 4 avril 1881.

r)io i/kmigratiox chinoise (1874)

préférorail fcsUt, et si les autorités Ty autorisent, il recevra la moitié du prix de passage s'il fait un nouveau contrat avec le même maître, celui-ci devant s'engager encore dans ce contrat à lui fournir la somme entière sj)écifiée à la fin du second terme de 5 ans. D'un autre côté si le Chinois ne se rengage pas ayec le même maître, celui-ci doit lui remettre immédialement celte somme. L'immigrant a de plus le droit de demander cette concession s'il devient incapable de tra- vailler par suite de maladie avant la fin de son contrat, et de requérir l'assistance des autorités si cela lui est refusé.

L'article X stipule que sur sept jours il doit y en avoir un de repos et que le coolie ne pourra êlre forcé à travailler plus de 9 heures et denne sur 2^, tout travail obligatoire en plus étant défendu.

L'arlicle XI déclare que les Chinois au-dessous de 20 ans ne pourront pas émigrer à moins de produire une autorisa- tion écrite de leurs parents scellée par l'autorité locale de l'endroit ils habitent ou s'il est impossible de produire ce document, une autorisation écrite de l'autorité locale seu- lement.

DHAMES DE l'ÉMIGR\TIO>'

Les engagements de cooHcs étaient pour la plupart du lemps, loin d'être volontaires; par la ruse ou par la force, on les arrachait de leur pays ; avant les règlements qui ont adouci la barbarie d'un commerce qui rappelle à beaucoup d'égards celui des esclaves de la côte d'Afrique, beaucoup de Chinois étaient enlevés brutalement ; vis-à-vis d'un grand nombre on usait de violence morale pour les faire partir ; d'autres cédaient à des promesses trompeuses : ces malheu- reux, exaspérés par de mauvais Iraitements, souvent excités par leurs compalrioles, bandils ou pirates qui s'étaient glis- sés parmi eux [>our échapper aux lois de leur pays ou dans

DRAMES DE i/ÉMIGRATION 5 1 I

l'espérance de faire un mauvais coup, se révoltaient. 11 se passait alors en mer de sombres tragédies qui égalaient en horreur celles qui eurent jadis les négriers pour théiitre.

Le navire français La Nouvelle Pénélope^ capitaine Le Vigoureux, quitta Macao le i®*" octobre 1870 pour le Callao, aNec un chargement do 3 10 émigrants chinois; le /|, ceux- ci se révoltèrent : le capitaine et six européens furent massa- crés; le second et sept matelots survivants eurent la vie sauve pour conduire le bâtiment qui fut échoué et pillé près de la baie de Tien-pak. D'après l'enquête qui fut faite par M. P. Dabry', consul de France à Canton, il paraîtrait que c'était la troisième aflairc à laquelle était mêlée le chef des révoltés; après avoir pillé le navire étranger, ils retournaient à Macao dans les baraquements de coolies, puis se faisaient embarquer à nouveau pour recommencer de plus belle ; c'était donc moins un drame de l'émigration qu'un acte de piraterie facilité, d'ailleurs , par le connnerce des coolies de Macao qui n'était en sonmie que la traite déguisée des esclaves. (Tétait bien en esclaves que furent traités ou mieux mal- traités les G08 coolies embarqués à la fin de 1870 à Macao pour Honolulu à bord du navire Dolores Ugarte^ du San Salvador ; le récit des souffrances des malheureux est révol- tant. Ce même bâtiment rebaptisé le Don Juan remit à la voile de Macao le l\ mai 1871 avec 65o émigrants à desti- nation du Pérou dont plus de 5oo furent brûlés avec le

I . Dabry de Thiersanl, Claude-Phitibert^ le 5 avril i8a6 ; élève de Sainl-Cyr, lO décembre i845 ; sous-lieutenant, i***" octobre 18^7 ; licutenanl, 19 février i853 ; capitaine au 5i<* de ligne. 16 septembre 1850 ; commissaire du gouvernement français àTchousan et à Ticn-Tsin; chevalier de la Légion d honneur, 'j6 mars 18G3 ; chargé de la gestion du consulat de Han-kéou. 28 juillet i86a ; du consulat général de Ghang- Haï. 9 décembre 18G8 ; consul de a'' classe ù Canton. 37 novembre 1869 *• consul de i""*^ classe, 2 août 1871 ; consul général et charge d'affaires au Guatemala, 3O janvier 1878; ministre plénipotentiaire de 2^ classe, et mis en disponibilité. 3o avril i884 ; admis à ta retraite, !<''* janvier ]885 ; mort à Lyon, il était de passage, en 1898.

512 i/kmigratio\ ciiiNoisn (iSyi)

navire deux jours plus lard'. Le 28 mai 1872, la Marin Lnz, navire péruvien, partit pour le Callao, mais à son arri- vée an Japon, le gouvernement du Mikado remit les coolies en liberté el les renvoya dans leur pays.

Le va|)eur /^'/7/r//r)j-, jadis le Viren (anglais), fut vendu à liong-Kong en juillet 1872, acheté par une maison alle- mande, Paul Ehlers et Co., transféré par elle au pavillon espagnol et envoyé le i" août à Macao après avoir fait de Teau et du charbon. Là, il embarqua ioq5 cooUes avec les- quels il leva Fancre le 26 août ; le même jour, une révolte éclala à bord et fut cruellement châliée ; le Fatchoy passa à Anger, Batavia (9 septembre) puis à Maurice, au c^p de Bonne-Espérance, et arriva enfin à la Havane: quatre-vingts co(»lies moururent pendant la traversée; la saleté et Todeur étaient horribles; jamais les salles de malades n'étuient net- toyées. Quand le Fatchoy reparut à Hong-Kong le i*^*" mai 1873, le capitaine du port voulut faire une enquête à bord, mais le vapeur repartit pour Macao avant qu'il ait pu accom- plir sa mission*.

Bien de plus instructif que la liste dressée le 3i mars 1874 par M. D. B. Bobertson, consul d'Angleterre à Canton, des navires de coolies sur lesquels éclatèrent des révoltes ou qui subirent des désastres de i8/|5 à 1872^; depuis la Lady A/on- /^^^^//^ (anglais), 1 852, jusqu'à la Maria Luz ({)éruvien), je ne

I . Correspondance respecting the Emigration of Chinese Coolies from Macao. Présentée/..., 187 1. Lond., infoi. [C. iJo3.]

Correspondence respecting the Emigration of Chinese Coolies from Macao (In continuation of Papcrs prescnled on Iho i^ilh Julv, 1871). Presented..., 1872. Lond., in-fol. |C. 5o4.]

a. Correspondence respecting the Macao Coolie Trade^ and the Steamer « Fatchoy Presented..., 1878. Lond., in-foL |C. 797-]

China, n" 2 (187^). Correspondence respecting the Macao Coolie Trade. Presented... 187/1. Lond., in-fol. |. 90^.)

China, n" 3 (1875). Correspondence respecting the Macao Coolie Trade: 1874-75. Presented..., 1875. Lond . in foL [C. 1212.]

3. [C. 1212). p. O-7.

LK COOIJE 5l3

compte pas moins de 34 navires qui laissent leurs noms déslionorés dans les annales de la traite des coolies ; je re- grette de compter six français dans le nombre.

Les grands paquebots qui transportent à travers le Paci- fique les Chinois par milliers en Californie ne sont à compa- rer en rien à ces bâtiments trafiquant de Thomme qui étaient la honte naguère des mers de Chine.

Le 2*i août 1873, au reçu de Londres d'une ordonnance relative aux navires étrangers d'émigrants, le gouverneur de Hong Kong donna Tordre à sept bâtiments faisant la traite de quitter la colonie : un battait pavillon italien (le vapeur (ilensannojc)^ un belge (le vapeur Neluskoi)^ un portugais (jOecili(i) et quatre étaient péruviens (JLuisa CanevarOy Colti/nbia, Agustinhay Vsabef), L'accusation portée contre la colonie britannique de servir déport d'équipement aux navires qui se rendaient ensuite à Macao, pour embarquer les coolies tijmbait par suite de cette mesure radicale'. Macao restait le grand marché du bétail humain destiné à Tapprovisionne- ment de l'Amérique. Une proclamation du gouverneur, le vicomte de S. Januario, du 27 décembre 1873, a mis fin h ce honteux trafic; mais Macao a perdu la principale, on pourrait presque dire Tunique source de ses revenus, et cette antique métropole est aujourd'hui plongée dans une ruine qu'un grand typhon a rendue plus complète encore il y a quelques années (22-23 septembre 187/4).

LE COOLIE

Le Chinois est sobre, travailleur, économe; ses besoins étant restreints, il se contente de gains minimes; il est doué

I. Hongkong Coolie Trade. Papers relative to the Measures takeu to présent the fitting out ofships at Hong Kong for the Macao Coolie Trade. Presented... Jiil\ 1878. London, 1873. in-fol. (G.

839]

CORDIER. 1. 33

j

5r/| l'émigration chinoise (1874)

d'une constitution extraordinaire qui s'adapte assez facile- ment h presque tous les climats : travail, santé, épargne, ont toujours été des auxiliaires précieux pour celui qui les pos- sède. Le Chinois arrivait en Californie, travaillait à la terre, exécutait les travaux que ses rivaux plus avides abandonnaient pour se livrer à la recherche de Tor ; c'est le laborieux Chi- nois qui a permis au mineur de vivre ; plus lard il s'est em- paré d'une partie du petit commerce et il a été employé h construire ce grand chemin de fer qui étend sa ligne gigan- tesque de IVst à l'ouest des Etats-Unis, de l'Atlantique au Pacifique; c'est lui aussi qui a fourni à l'Irlandais, à TAlle- mand, à l'Américain, plus habiles, plus instruits, plus forts que lui, un prétexte pour réclamer des gages plus élevés. Et que lui reproche- 1- on? Il reste Chinois, c'est-à-dire qu'il ne s'attache pas au sol il a vécu, qu'il retourne dans ses foyers après avoir amassé une petite aisance qui ne suffirait pas à six mois de Texistence de ceux qui le veulent chasser; ou si la fortune adverse l'empêche de revoir son pays natal, il y fait transporter son cercueil pour reposer prés de ses ancêtres. Mais s'il emporte un peu de cet or dont il a fait gagner une si grande quantité à ses patrons, ne laisse-t-il [)as derrière lui un travail équivalent ? Depuis quand et pour (|uelle nation l'or serait-il la richesse même au lieu de n'en étrecjue le signe? Et puis ce Chinois qui part est remplacé par dix autres ; il ne fait donc pas le vide. On lui reproche aussi de vivre en communauté, de ne pas se mêler aux autres races, de conserver ses habitudes, ses mœurs, ses coutumes, ses lois, en un mot de former un État dans TÉtat. Mais s'est- il jamais montré rebelle? Il n'oppose à ceux qui veulent le dominer qu'une force d'inertie qu'il est facile de combattre en assimilant les Chinois aux autres habitants du pays et en leur apphquant les lois et les règlements. Et franchement, si on prend la question de plus haut, n'est-il pas dans l'intérêt de la civilisation que ces vastes territoires encore déserts de

LE COOLIE

5i5

TAmérique du Nord soient peuplés par une race laborieuse, active, intelligente?

^ D'ailleurs, cette antipathie pour la race chinoise n'est pas universelle. Si aux Philippines et en Australie, par exemple, le Chinois est détesté, il est recherché au Pérou et à Cuba. L'antipathie dont il est l'objet dans un pays ne se retrouve même pas toujours chez toutes les classes de la population : ainsi en Californie, si le travailleur blanc repousse le travail- leur jaune comme un redoutable concurrent, le riche le re- cherche comme domestique. On remarquera que cette anti- pathie qui varie non seulement suivant les pays, mais encore suivant les classes, a des origines diverses : la crainte d'un rival dangereux dans certains cas, la répulsion pour des ha- bitudes et des mœurs bizxarres dans d'autres.

Cette haine s'explique mieux en Californie qu'ailleurs, car ce pays, étant en communication directe avec le Céleste Empire et offrant de grandes ressources, se sent le plus me- nacé par cette invasion. La Californie a un commerce dos plus im[)ortants avec rExtrême-Orient elle ex[3orte ses produits en grande quantité ; mais, le jour elle expul- sera les Chinois, ceux-ci useront de représailles : ils défen- dront rentrée de leurs ports à rim|K)rt<ation californienne et fermeront les nombreuses maisons américaines établies chez eux. Aussi, lorsque la loi contre l'émigration chinoise fut vo- lée par le Congrès, le Président llayes, invoquant les clauses du traité qui he les États-Unis à la Chine, lit ressortir les inconvénients qui résulteraient de sa rupture et opposa son veto ' .

Dansime lettre adressée de Tien-Tsin, le i/| novembre 1860, par le baron Gros à M. de Bourboulon, il est dit :

« LVniij^ration des coolies clanl jîormisc dans tous les ports ouverts au conimerce étranger, il y aura encore à établir, de

l. Henri Cnrdier, Journal des /JéhatSy u juin 1879.

5lG L*ÉMIGRATION CHINOISE (1874)

concert avec les autorités chinoises, les règles indispensables pour donner à ce genre de spéculation, qui a amené trop souvent d'abominables abus, toute la moralité possible, et toutes les garanties nécessaires au maintien de la plus entière liberté d'action à laisser aux émigrants * . »

MISSION CHINOISE A CLBA, iSyS-^

En 1873, une Commission composée de Tchen Lan-pin ', directeur d'une mission d'instruction aux Etats-Unis, et de deux directeurs des Douanes Imi^ériales Chinoises, MM. A. Macpherson^ (Anglais) et Alfred Huber* (Français), fut en- voyée à Cuba pour se rendre compte de la condition des coolies, qui, dans les Antilles et dans l'Amérique du Sud rap- pelle celle des anciens esclaves. Les résultats de cette mis- sion sont renfermés dans le rapport suivant :

RAPPORT DE LA MISSION CHINOISE

« L'ollicier délégué Tchen et les Directeurs des Douanes Macphkuson et Huber ayant lenniné leur enquête (sur les con- ditions des travailleurs Chinois à Cuba) adressent cette ré- |X)nse :

Le 10" jour de la i6"^ lune de la 12* année de T'oung tché fut reçue la communication suivante : « Attendu qu'une en- quête doit élre faite sur les conditions des Émigrants Chinois dans la Colonie Espagnole de Cuba, le Tsoung-Ii Yamen vient

I. Col. pari.

a. Du Kouang Toung; avait été attaché à Tétat-major de Lieou Tch'ang-veou, [>cndant la campagne des Nien-fei (1867).

3. Entré dans les douanes impériales comme 4*^ clerc, octobre iSbg ; commissaire (directeur), mars i865; mort à Paris, janvier 1878.

f^. A quitté l'interprétariat pour entrer comme clerc de i""* classe dans les douanes impc'rialcs, avril 18G9; commissaire, avril 1878; a do^né sa démission, mars i885.

KAPPOIIT DE L\ MISSION CHINOISE Ôl"]

de désigner le mandarin Tchen Lanpin, oflicier chargé de la mission d'éducation à l'Étranger pour aller faire cette enquête et a aussi désigné le Directeur des Douanes à Han-kéou Mac- PUEHSON et le Directeur des Douanes à Ticn-Tsin Huber pour l'accompagner, et cette mesure a été approuvée par un Décret Im[R*rial en date du So** jour de la 7" lune de la la" année (le ai septembre 1878) de T'oung tché. En conséquence ce man- darin attendra l'arrivée de MM. Macpherson et IIubeh aux États-Unis et ils se rendront ensemble à la Colonie Espagnole ils feront une enquête exacte et complète ; ils adresseront ensuite un rapport minutieux qui servira de base pour traiter l'afliiire, etc. »

Il fut tout d'abord accusé réception de cette communication le ta** jour de la 10* lune (le i*''" décembre).

Le Directeur des Douanes IIuber arriva aux États-Unis le 36** de la la*" lune (le la février 1874). et le mandarin Ïch'en Lanpin partit avec lui pour la Colonie Espagnole de Cuba le S'^ jour de la i'*"' lune (le 19). Us arrivèrent à la Havane le ag'-jour de la i*^*" lune (le 17 mars) et prirent leurs logements à riiùtel élait le Directeur des Douanes Macpherson.

Le a' jour de la a** lune (le 19) une visite fut faite au Capi- tiiine Général de Cuba, au Gouverneur de la Havane, aux prin- cipaux membres de la Commission de Colonisation, et ensuite aux Consuls d'Angleterre, de France, des États-Unis, d'Alle- magne, de Suède et Norvège, de Danemark, de Hollande, d'Au- triche, de Belgique et d'Italie.

Le y jour (le 20) l'enquéli? fut commencée dans le barracon de Mr. Ibanez.

Le 4*^ jour (le ai) elle fut commencée dans le dépôt.

Le 5'' jour (le a a) elle fut continuée dans le barracon.

Du 6'' au I r- jour (du a3 au a8) elle fut continuée dans le dépôt.

Le i^**, le i4'' et le 15" jours (le 3o et 3i mars et le i" avril) elle fut continuée dans la prison.

Le 17" et le 18*^ jours (le 3 et 4 avril) furent employés à vi- siter la plantation à sucre des Las Cailas.

Le a a*" jour (le 8) nous nous rendîmes à Matanzas et peu- - dant les jours suivants nous y procédâmes à l'enquête dans le dépôt et la prison et dans les plantations à sucre des environs San Cayetano, Concepcion et Armonia.

5i8 l'émigration ghiivoise (1874)

Le 38'^ jour (le i4) nous nous rendîmes à Cardcnas et pen- dant les jours suivants nous y procédâmes à l'enquête dans le dépôt et la prison et dans les plantations des environs Espe- ranza, Uecreo et San Antonio. La ville voisine de Cimmarones fut aussi l'objet d'une visite.

Le 3'' jour de la 3*^ lune (le 18) nous nous rendîmes à Colon et pendant les jours suivants nous y procédâmes à l'enquête dans le .dépôt et la prison et dans les [)lantations des alentours Espana et Flor de Cuba.

Le 6^ jour (le ai) nous nous rendîmes à Sagua-la-Grande et pendant les jours suivants nous y procédâmes à l'enquête dans le dépôt, la prison et les plantations Santa Anna, Santa Isabella et Capitolis.

Le 9'' jour (le 34) nous nous rendîmes à Cienfuegos pen- dant les jours suivants nous procédâmes h l'enquête dans le déjxNt et la prison et dans les plantations Juniata et Cande- laria.

Le ï^ jour (le a8) nous nous rendîmes à Guanajay pen- dant les jours suivants nous procédâmes à l'enquête dans le dé- pôt et la prison, retournant à la Havane par la ville de San Antonio.

Le 17*^ jour (a mai) nous allâmes à Guanabacoa et le même jour procédâmes à l'enquête dans les dépôts à sucre de Régla et Santa Catalina.

Les autorités locales fixaient toujours l'heure à laquelle nous pouvions aller procéder à l'enquête dans les dépôts et les pri- sons, et c'était aussi après avoir obtenu au préalable leur assen- timent que nous allions visiter les plantations, mais en chemin et dans les hôtels nous descendions nous prenions sans cesse des informations.

Tous les interrogatoires des Chinois étaient conduits verbale- ment par nous-mêmes en personne.

H ressort des dépositions et pétitions que les 8/10 du nombre total (les travailleurs Chinois ont déclaré qu'ils avaient été en- levés de vive force ou amenés par la ruse, que pendant la traversée la mortalité provenant soit de blessures causées par des coups, soit de maladie ou de suicide, a atteint plus de 10 pour 100. qu'à l'arrivée à la Havane on les vendait en escla- vage, une petite proportion étant vendus aux familles ou dans les bouli(ju('s ils sont maltraités, pendant que la très grande

RAPPORT DK LA MISSION CimOlSE 5 1 f)

majorité devenaient la propriété des planteurs de canne à sucre et avaient à endurer les plus grandes cruautés, que le travail est par trop pénible et la nourriture trop insuffisante, que les heures de travail sont trop prolongées et que les verges, le fouet, les chaînes, les stocks et autres châtiments occasionnent toutes sortes de soulTrances et de blessures. Pendant les années passées quantité de Chinois ont été tués sous les coups, ou sont morts des blessures qu'ils avaient reçues, ou bien se sont pendus, se sont coupé la gorge, se sont empoisonnés avec de l'opium ou se sont jelés dans les chaudrons remplis de sucre bouillant. Nous avons pu voir nous-mêmes un assez grand nombre de Chinois avec les bras ou les jambes cassées, les yeux aveuglés, la tète couverte de plaies et d'autres à qui on avait cassé les dents, mutilé les oreilles, lacéré la peau et la chair, preuves évidentes de cruauté que tous pouvaient voir.

V l'expiration des contrats, les maîtres dans la plupart des cas relu sent de donner les certificats de libération et insistent pour (ju'on signe de nouveaux engagements de plusieurs années, quelquefois de plus de lo ans, pendant lesquels les gens sont maltraités comme auparavant. S'ils ne veulent pas accepter ces nouveaux contrats, on les envoie au dépôt ils sont employés à réparer les routes enchaînés et surveillés et sans aucun salaire, traitement qui ne diflere en rien de celui des criminels dans les prisons. Ensuite on les force à entrer de nouveau au service d'un maître et à signer un nouveau contrat, à l'expiration du- (|uel ils sont encore conduits au dépôt. C'est ainsi qu'on pro- cède à leur égard chaque fois (ju'ils ont terminé leur contrat, de sorte que non seulement ils ne peuvent jamais retourner en Chine, mais ils ne peuvent même pas gagner leur vie en liberté.

En outre, depuis la 2^ lune de la 1 1'^ année (mars-avril 1861) de Ilien Foung on a cessé tout à fait de délivrer des lettres de domicile et des cedulas, de sorte que tous les Chinois sont su- jets a être arrêl(îs. Ceux qui étaient déjà possesseurs de ces do- cuments ont constamment à les exhiber, tant dans les rues ou routes que dans leur propre maison, aux Agents de police qui demandent à les examiner, et il arrive constamment qu'on les en dépouille et qu'on les déchire et qu'on les emmène au dépôt ils ont à endurer toutes sortes de mauvais traitements.

Depuis le 39* de la i'"'' lune (17 février), époque de notre arrivée à Cuba, jusqu'au 28 de la 3'' lune (8 mai), jour de notre

5ao l'émigration chinoise (1874)

départ, les Iravailleurs Chinois que nous vîmes étaient presque tous maltraités, et nous n'entendîmes guère que des paroles de soufTrancc. Tout cela nous Tavons vu de nos propres yeux ou entendu de nos propres oreilles, tous trois.

I 176 dépositions ont été prises et 85 pétitions portant i 665 signatures ont été reçues, et copies de ces documents avec leur traduction en langue Européenne sont annexées ci-joint.

Nous transmettons également ci-joint nos réponses aux 5i questions contenues dans le mémorandum (du Yamen) reçu dans la la'' lune (janvier-février 1874) de l'année dernière des tables do statistique des Chinois embarqués pour Cuba et arrivés à Cuba, qui nous ont été fournies par le Consul Général d'Angleterre et par la Commission de Colonisation une co- pie des règlements applicables aux Chinois à Cuba actuelle- ment — une copie des instructions données par les marchands de Cuba aux Capitaines des na\ires d'Emigrants Chinois 8 formes de contrats anciens et nouveaux, et les tables de sta- tistique de la population Chinoise à Cuba qui nous ont été fournies par la Commission de Colonisation. Tous ces docu- ments sont accompagnés de leur traduction.

Le 11*^ jour de la lune de la i3® année (30 octobre 1874) de T'oung-tché*.

II est utile de noter quelques-uns des renseignements re- cueillis par la mission de Tch'en Lan-pin.

REKSEIGNEMEIHTS DE LA MISSION CHINOISE

« La plus grande partie des Chinois à Cuba sont Canton- nais. Après eux les hommes du Fou-Kien, du Hou-Kouang, du Kiang-Sou et du Tché-Kiang sont les plus nombreux. Il y a en outre des hommes de toutes les proviaces et même des gens appartenant aux Bannières. Pendant le cours de Ten-

I. Chinese Emigration. The Cuba Commission. Report of the Commission sent hy China to ascertain the condition of Chinese Coolies in Cuba. Shanghai : Printcd ad tho Impérial Maritime Customs Prc^s, 1876 in-4. pp. a36.

RENSEIGNEMENTS DE LA MISSION CHINOISE 03 1

quclc la commission a rencontré des officiers militaires et civils et des gradués littéraires (^Sieou-ts'ai^ mêlés à la masse des travailleurs ordinaires. Ils avaient été amenés par la ruse

et vendus comme les autres Ils sont tous traités de la

même façon, comme des esclaves, et il ne leur sert à rien d'êlre capables \ »

La population chinoise de Cuba au momenl de Tenquéte de Tclfen Lan pin était oslimée à 68826 hommes. Quatre- vingt-dix pour 100 sont employés dans les plantations de sucre ; la mortalité est énorme, elle est causée par les mala- dies engendrées par un climat malsain, un travail excessif, une nourriture insuffisante, et surtout, les mauvais traite- ments. Les suicides entrent aussi pour une part importante dans la mortalité.

« Le recensement effectué par les soins de la Commission Centrale de Colonisation embrasse une période s'étendant de la 6** lune de la 27® année de Tao Kolang à la 7'' lune de la II® année de Tolng tché et les statistiques montrent que pendant cinq de ces années, depuis la 28® année de Tao Kouang jusqu'à la 2" année de IIien Foi ng inclusivement, il n'est arrivé dans l'île aucun navire transportant des Chinois, et que pendant les vingt autres années, ii4o8i ont été dé- barqués, sur lesquels il ne restait à ce recensement que 58 /joo hommes.

« Un autre tableau préparé également par la Commission Centrale montre que les départs en 1872 et dans les premiers neuf mois de 187^ ont été de 235 Chinois, ce qui ferait une moyenne de i3/| partants par année. Si, pour aider les calculs, nous supposons que les 571 hommes arrivés en tout sous le règne de Tao Koi ang ont tous pu quitter Tîle, et si nous con- sidérons que les hommes arrivés immédiatement après eux, c'est-à-dire dans la année de Hien Foung, n'ont pas

I. The Cuba Commission, p. 2o3.

^ 4

.13 3 l'émigration chinoise (iSyi)

pu commencer à partir a^ant la ii*" année de Hien Folng, nous voyons (en prenant la moyenne annuelle de partants admise plus haut) que pendant celte onzième année de Hien FoLNG et les suivantes, i 608 Chinois ont quitté l'île, ce qui donne un chilTre total de 2 179 iwrtanls. En retranchant ce chiffre du nombre de Chinois actuellement vivants à Cuba, nous trouvons que les morts se sont élevés à 53 5o2, et à ce chiffre doit s'ajouter celui des morts pendant les traversées qui s'élève pour le mémo os{)ace de temps à t5 000, jusqu'à la 7* lune de la 11® année de T'oung Iché V »

Énorme aussi était la mortalité sur les bateaux de trans- port; sur i/ioooo Chinois émigrants, on a compté 16000 décès à bord des bâtiments, Tentassement, la malpro- preté, le manque de nourriture faisaient autant de victimes que les mauvais traitements, voire les cruautés, que d'abo- minables mécréants, qui ont déshonoré la marine de toutes les nations, infligeaient à leurs malheureux passagers.

Les grands ports d'émigration étaient Amoy, Swalow, (.anton et surtout Macao. « D'après le mémoire préparé par le consul général d'Angleterre à la Havane, 1^2/122 coolies Chinois ont été embarqués pour Cuba depuis la 27* année de Tao Kouang jusqu'à la lune de la i3* année de T'oung- Iché. Sur ce nombre /|3 273 sont partis de Amoy, Swalow, Hong kong, Canton, Whampoa, Annam et Manille, tandis qu'il en est parti de Macao 63 455 entre la 27° année de Tao Kouang et la fin de la 5' année de T'oung-tché, et 35 69^ de- puis cette époquejusqu'à la lune de la 1 3'' année de T'oung- tché*. »

« L'embarquement de ces derniers 35 694 coolies consti- tue une violation des stipulations de la Convention d'Emi- gration de la 5'' année de T'oung-tché qui exclut Macao des

I. The Cuba Commission, pp. i85-6. 3. The Cuba Commission^ p. ii5.

t

REVENDICATIONS 533

endroits rengagement des travailleurs est autorisé, et de plus la manière dont la plus grande partie des coolies ont été introduits à Cuba, constitue une violation de l'article \ du Traité Espagnol * signé dans la 3* année de T'oung-lché qui déclare que l'Espagne s'engage à ne pas donner protec- tion aux criminels chinois, et à ne pas tromper ou vendre les sujets de la Chine ^. »

Les règlements les plus anciens relativement à Timporta- lion des Chinois à Cuba sont renfermés dans le décret roval en date du 22 mars i854, promulgué à la Havane le 10 mai de la même année ; il fut annulé par un décret du 7 juillet, publié le ^1 août 1860; ce décret, combiné avec des règle- ments du i/| septembre 1872 et du 7 mai 1873, était encore applicable aux émigrants chinois au moment de Tenquêle de Tch'en Lan-pin.

REVENDlCATlOiNS

Il faut bien avouer que cette commission rapporta des documents qui montraient la manière cruelle dont les mal- heureux étaient traités, et elle rédigea un rapport détaillé aussi concluant dans sa simplicité que le plus terrible réqui- sitoire. Un exemplaire de ce rapport en trois langues, chi- nois, français et anglais, est déposé au bureau des douanes

1. Art. X. Las autoridadcs Impériales permitiràn que los sûbditos Chinos que desccn ir à trabajar a las poscsiones Espafiolas de Ultramar cclebrcn conlratos al cfocto con los sùbdiios Ëspafioles y se embarquen solos ô con sus familias en ciialquiera de los pucrtos abicrtos de China, }' las autoridades locales estableceran las reglamentos necesarios en cada pucrto. de acuerdo con los Représentantes de S. M. Catôlica para la pro- teccion de los mencionados trabajadorcs.

No podràn admitirse los dcscrtores ni los que havan sido cogidos contra su voluntad ; si llegase tal caso, le autoridad local ofîciarâ al Consul Espaf&ol para que los devuclva. »

a. The Cuba Commission, p. 11 5.

534 l'émigration chinoise (187/1)

dans chaque port ouvert au commerce européen. Un mis- sionnaire prolosl-ant, le révérend Daniel Vrooman*, a fait des extraits des interrogatoires des coolies et il en a composé un Recueil qui a paru en chinois à Canton en 1876, avec des gravures sur bois, sous le tilre de Cheng ti yii tôu chouo que Ton peut traduire par Aperçu de l'enfer illustré. Nous avons un exemplaire de cet ouvrage ; une gravure représente un coolie qui pour échapper aux mauvais traitements s'est enfui dans les bois il est poursuivi par les chiens ; ailleurs, un malheureux est traîné à la queue d'un cheval ; im troi- sième est pendu par les pieds, etc. L'elTet de cette dernière publication ne peut, du reste, qu'être déplorable en attisant la haine des Chinois contre l'étranger.

Ce n'est pas à Cuba seulement que le sort des coolies était lamentable ; il en était de même au Pérou et jusque dans la Guyane anglaise. M. Edward Jenkins', jadis l'un des mem- bres du parti ultra-libéral du Parlement, l'auteur bien connu des romans sociaux Ginx's Babt/y Little Hodge, etc., a publié à la suite d'une enquête un ouvrage fort intéressant intitulé The Coolie, dans lequel il examine la condition de ce tra- vailleur, en droit libre, en fait presque esclave.

Ce coolie que certains peuples chassent, que d'autres mar- tyrisent, est réclamé ailleurs à grands cris. C'est lui qui exécutera les grands travaux projetés à la Réunion ; c'est lui aussi sans doute qui tracera le canal inter-océanique, car les nègres ne seront pas en nombre suffisant pour mener ce tra- vail à bonne fin ; et probablement le temps n'est pas éloigné nous le verrons appelé en Algérie et aux Antilles fran- çaises. Le Brésil envoya, comme nous le verrons plus loin, une expédition chargée de conclure avec la Chine un traité

I . FoU'wen ; American Board of Gommissioners for Foreign Missions, arrivé en Chine le 6 mars i85a et à Canton, le i5 mars i85a. a. à Mvsorc, Inde, i838.

REVENDICATIONS 520

pour assurer rémigration des coolies dans le grand empire l)orlugais de T Amérique du Sud.

On peut dire que la vaste émigration des peuples venus de TAsie au Moyen Age recommence ; mais, au lieu des hordes dévastatrices de Tchinguis Khan el de ses successeurs, nous avons affaire à des troupeaux paisibles de cooUes, et cette conquête pacifique sera plus durable et produira plus de fruits que l'invasion guerrière qui ébranla un instant les grandes puissances de l'Occident. Il est possible de diriger cet exode et de le ralentir, mais non pas de le combattre. Toute force humaine est impuissante à changer la loi naturelle de Toffre et de la demande, el l'emploi des coolies n'est qu'une application de celte loi. L'industrie et l'agriculture réclament la main-d'œuvre, le coolie répond à celle demande, et l'on est obHgé d'accepter son travail puisqu'on n'en trouve pas d'autre.

CHAPITRE XXXV

TRAITÉ PÉRUVIEN. PRINCE KOUNG EN DISGRACE. DÉPART DE H. DE 6E0FR0Y. MISSION DE M. DE RO- QUETTE. — JAPONAIS A FORHOSE

TRAITÉ PÉRUVIEN, 20 JUIN iSyi

Le capitaine de vaisseau péruvien Aurelio Garcia y Garcia, accompagné de MM. J.-F. Elmore, secrétaire de légation, et Freyre, Garland et Benavides, attachés, arriva h Tien-Tsin le 23 octobre 1878 pour conclure un traité avec la Chine; il choisit M. John A. T. Meadows, comme interprète. Le traité fut signé, après huit mois de laborieux débats, le 2G juin 187^ à Tien-Tsin, dans le Tang-hang Kong-so par Li Houng-tchang. Le traité est accompfigné d'une convention spéciale par lacpielle il est entendu qu'une commission chi- noise sera envoyée dans ce pays pour faire une enquête sur la situation dos émigranls dans ce pays. Le traité lui-même comprend dix-neuf articles ; il a été ratifié à Tien-Tsin le 7 août 1870. L'article VI relatif à Témigration doit être cité :

« La Repùblica dol Pori'i v cl Iinpcrio de la Cliina reconoceii cori lodo franqueza cl dcrccho inaliénable é inhérente «i todo lionibrc para canibiar de pais. Sus rcspeclivos ciudadanos y si'ibditos puedcn, m conscîcuoncia, ir libremcnte de un pais al otro con los objelos de paseo, conicrcio, trabajo 6 como résidentes cslabics. Las Allas Parles Contratantes conviencn, por lo tanio, en que los ciudadanos y si'ibditos de anibos Kstados eniigraran

DÉGRADATION DU PRINCE KOUNG, lO SEPTEMBRE 1874 53 y

unicamcnle de su libre y volunlario consentimienlo ; y de comun acuerdo reprueban loda olra craigracion para los mcncionados objetos que non sea enteramente voluntaria, asi como todo aclo de violencia ô engano que para exlracr sûbditos Chinos pudiera praclicarsc en Macao ô en los puerlos de China. Asi inisnio se compromelen las Allas Partes Gonlratantes â casiigar sevcra- menle» con arreglo à sus leyes, «4 sus respectivos ciudadanos 6 siîbdilos que infringiesen las présentes estipulaciones, y adeinas a procoder judicialmente contra sus respectivos buques que se dedicasen a esas operacioncs ilegales, iniponiendoles las multas (|ue para taies casos se hallan establecidas en sus leyes. »

DÉGRADATION DU PRINCE KOUNG, lO SEPTEMBRE 187^

La Gazette de Péking An lo septembre 187 4 renfermait un décret impérial destituant le Prince Koung ; le prétexte choisi, langage empreint de plusieurs mampiements à In bienséance^ masquait des intrigues de palais dont le prince devait être la victime; peut-être aussi la question du'Pé- l'ang* et sa brouille avec son ancien ami Wen-Siang n'é- taicnt-elles pas étrangères à cette disgrâce :

a Un décret [au pinceau de vermillon). Que tous les princes et ministres de la Cour sachent que, depuis que nous avons pris en nos mains le gouvernement, soit le aG" jour de la première lune de Tannée dernière (^3 février 1873), jusqu'aujourd'hui, toutes les fois que nous avons eu à conférer avec le prince Koung, le langage de celui-ci a été empreint de plusieurs manquements à la bienséance.

« Nous ordonnons, par un acte s[)écial de grâce, qu'il sera pour toujours, et dans sa succession héréditaire, destitué de sa princi- pauté impériale ; qu'il sera abaissé au rang de second prince (Kiun-AVang), et en le maintenant au Conseil Privé; que, eu outrQ, comme punition et avertissement, Tsaï-Tchéng (lils aîné du prince Koung), est privé de son titre de Beilé Kiun-Wang^.

I. Voir vol. II.

a. Prince du 3* rang.

528 TRAITÉ PÉRUVIEN

RÉINTÉGRATION DU PRINCE KOUNG, Il SEPTEMBRE iSy^

Le lendemain, 1 1 septembre, la Gazette de PeXi/ig^ publiait un autre décret rétablissant le prince dans ses fonctions :

« Nous avons reçu avec respect la demande en grâce qui nous a été adressée par Leurs Majestés l'Impératrice douairière et Flin- pératrice more, et l'accueillons de la manière suivante :

« Hier, l'Empereur a promulgué un décret par lequel le prince Koung était dé(X)uiHé [K)ur toujours et dans sa succession hén'^ (litaire, de sa principauté impériale et réduit au rang de second |)rincc, et par lequel Tsaï-Tchéng, son fils, était dépouillé en même temps de son titre de Beilé Kiun-wang .

a H est vrai que le prince Koung méritait une punition pour son manque de respect lorsqu'on conférait avec lui : mais en souvenir des services que le prince Koung a rendus, et de la manière dont il s'est acquitté des emplois qui lui ont été confiés depuis qu'il a commencé à s'occuper des alfaires publiques, il lui sera laissé, comme grâce spéciale, son rang de prince impé- rial avec succession héréditaire, et le titre de Beilé Kiun-wang sera également rendu à Tsaï-Tclièng.

a 11 convient que le prince se soumette à la réprimande de son souverain et que, à l'avenir, il soit de plus en plus dévoué, e! contribue de tout son |)ouvoir à écarter les difficultés et les embarras en remplissant dignement sa charge. »

La disgrâce, comme on le voit, fut courte ; elle élait la seconde, et elle ne fut pas la dernière qu'essuya le prince Koung.

DÉPART DE M. DE GEOPROY

M. de G eofroy quitta Péking le 2^ octobre 1874 remet- tant le service an Comte de Rochechouart qui pour la seconde fois remplissait les fonctions de Chargé d'Affaires de France dans la capitale de la Chine. Malgré la réputation

MISSION DE V. I>E ROQUETTE SsQ

qui Tavall précédé comme collaborateur de M. deChaudordy, M. de Geofroy n'avait pas réussi à Péking et il laissait à son successeur un grand nombre d'affaires en suspens dont trois particulièrement graves : le déplacement du Pé-t'ang que réclamaient les Chinois et qui ne fut évité que par la mort de rEm[^reur; l'affaire de la pagode de Ning-Po ; enfin le meurtre de l'abbé Hue au Se-tch'ouen. On allait en outre recevoir la nouvelle de l'assassinat de Tabbé Bapti- faud* au Yun-Nan.

MISSION DE M. DE ROQUETTE

L'abbé Jean Hue"*, des Missions étrangères, avait été martyrisé le 5 septembre 1878 à Kien-kiang dans le Se- tch'ouen dont les missions causaient les plus vives anxiétés. L'affaire de la pagode de Ning-Po avait servi aux Chinois de prétexte pour retarder toute réparation. D'autre part, l'attitude de M*'' Desflèches qui terrorisait les fonctionnaires de la province y compris le gouverneur général, rendait difficile tout règlement. D'accord avec le Tsoung-li Yamen, M. de Rochechouart chargea le premier secrétaire de la légation, M. Guillaume de Roquette, de se rendre accom- pagné de M. de Bezaure comme interprèle, dans cette pro- vince, muni d'un passeport chinois ; il devait examiner l'état des affaires de concert avec un fonctionnaire local, le tao-taï Lo désigné par les ministres de Péking (novembre 1874). Cette mission était analogue à celle qui avait été confiée à M. Blancheton^.

I. BB^iiïdLud, Jean-Joseph yfario, le i»»" Juin i845, à Nébouzal (diocèse de Clermonl) ; massacré ë Pien-kio dans le Yun-Nan dans la nuit du 16 au 17 septembre 1874.

a. Hue, Jean, à Fiers (Orne). 21 janvier 1887.

3. Voir p. /|8(3.

CoRDiBR. L 34

53o TRAITÉ PÉRUVIEN

SAUVAGES DE FORMOSE

La côte orientale de la grande île Formose, qui s'étend le long de la côte du Fou-Kien, est habitée par des peuplades sauvages qui échappaient à la domination chinoise. Ces sauvages se sont toujours montrés peu hospitaliers à Tégard des étrangers. Le 9 mars 1867, le trois-mâts américain, Roçer^ ayant quitté Swatow, fut pris dans un typhon, son équipage débarqua sur le territoire de la tribu sauvage des Koalut et fut massacré. Au mois de juin « en conformité d'instructions qu'il avait reçues du cabinet de Washington, l'amiral Bell se dirigea vers Formose avec deux bâtiments, le Hartford et le Wyoming pour exercer des représailles. Le 19 du même mois, un corps de cent quatre-vingts marins débarqua sur la côte Est, et après un vif engagement avec les sauvages, au cours duquel un officier fut tué et plusieurs hommes blessés, se vit obligé de se rembarquer. Les difficultés d'une entreprise de ce genre étaient beaucoup plus grandes qu'on ne l'avait d'abord pensé. On renonça dès lors à toute tenta- tive de représailles » *.

LES JAPO?IAlS

En décembre 1871, une grande barque de pèche des îles Lieou-kieou, dépendant du Japon, fit naufrage sur la côte habitée par les Boutan et quarante-quatre matelots furent massacrés. Le gouvernement japonais qui venait de remettre en liberté les coolies arrivés par le navire péruvien Maria- Lhz (parti de Macao, le 28 mai 1872) et avait reçu les

I. laibauU-lIuart. p. ia5.

LES JAPONAIS 53 1

remerciements delà Chine pour cet acte d'humanité, réclama à Péking contre le traitement infligé aux sujets japonais à Formose. Les ministres chinois se déclarèrent irresponsables ; entre temps, le ministre des affaires étrangères japonais, Soyesima ïaneomi, était reçu à l'audience impériale de 1878 et le Tsoung-li Yamen lui déclara qu'il ne désirait pas in- tervenir à Formose.

Soyesima sut interroger habilement les membres du Tsoung-li Yamen sur les questions intéressant le Japon et voici le résultat de son enquête (juillet 1878) :

a Sur Macao, les Chinois ont affirmé leur souveraineté, mais en dégageant leur responsabilité des faits d'administration inté- rieure, c'est-à-dire de rémigration, dans lesquels le Japon pourrait se trouver intéressé.

« Au sujet de Formose, M. Soyesima a dit que le Japon avait certains comptes à régler avec les aborigènes de la côte orien- tale ; que cette partie étant limitrophe de celle qui est occupée par les Chinois et qu'on pourrait peut-être avoir à traverser, il était convenable que son gouvernement en donnât avis au gou- vernement chinois. Les ministres chinois lui ont répondu qu'ils étaient sensibles à cette marque d'égards et en même temps lui ont demandé, comme en passant, si ce serait par hasard au sujet des gens de Licou Kiéou, massacrés par les Aborigènes de For- mose. que le Japon songerait h une expédition contre ces derniers. Sur sa réponse affirmative. « mais vous n'avez pas besoin, ont- ils répliqué, de prendre cette peine, attendu que c'est notre devoir de protéger les habitants de Lieou Riéou. » La question de Lieou Kiéou ainsi obliquement abordée, chacun a fait valoir longuement ses arguments et ses preuves. La conclusion a été (|ue personne n'a cédé, mais que les Chinois ont admis la coexistence de deux souverainetés, la leur nominale, telle par exemple que celle qu'ils revendiquent encore sur Siam et l'Annam, quelque chose comme le royaume de Chypre ou de Jérusalem, et la domination elTective des Japonais. [Cette solu- tion] pour des Orientaux, n'a rien d'illogique et d'inacceptable.

« Sur la Corée, les Ministres chinois,... paraissent avoir décliné complètement toute responsabilité et toute intention

532 THAITÉ PÉRUVIEN

d'ingérence. Au total ils ont peur des Japonais et M. Sojesimaa en aura emporté la certitude.

Malgré la chute de Soyesima, une expédition était organi- sée par les Japonais et le général Saigo Yoriniiti fut nommé commandant' en chef (iSyiJ). Le gouvernement japonais annonçait officiellement les molifs qui le poussaient à une expédition contre Formosc par la notification suivante, datée du 19 mai 1874 et signée du premier ministre d'État * :

« Durant le onzième mois de la quatrième année de Meidji (novembre 1871), cinquante Kiou-Rians (gens de Lieou-Kieou), jetés sur le rivage de la partie sauvage de Formose, furent mas- sacrés par les indigènes, et, dans le troisième mois de la sixième année de Meidji (mars 1873), quatre hommes de la préfecture d*Oda (Japon) y firent également naufrage et se virent traités d'une manière inhumaine. Ces attentats furent Tobjet de repré- sentations faites par notre ministre plénipotentiaire au gouver- nement chinois.

Formose n'étant pas éloignée du Japon, il est probable qu'il y aura de temps en temps d'autres cas de jonques japonaises jetées sur le rivage de cetle île, et en raison des progrès accomplis |>eu à peu par la navigation, on peut s'attendre à ce que les Japo- nais aillent, dans un avenir prochain, visiter cette contrée.

Dans de telles circonstances, le retour de semblables outrages est grandement à redouter, et. en vue de le prévenir. Sa Majesté vient de nommer Saigo Yorimili, général de second ordre, com- mandant d'une expédition contre cette île. Il devra, première- ment, rechercher les gens qui ont été coupables d'attentats sur nos sujets et les obliger à rendre compte de leur conduite, et deuxièmement, prendre les mesures qui lui paraîtront néces-

I. The Jfipanese Expédition to For m osa by Edward H. Housc. Tokio, 1875, in-8.

I/He Formose. Histoire et description , par C. Imbault-Huart. Paris, E. Leroux, 1893, in- 4-

China, n^ 2 (1875). Correspondetice respectinf; ihe Settlement ofthe Difficiilty betiveen China and Japan in regard to the hland of Formosa. Presented ..,, 1875. Lond., in-foi. [G. ii64 ]

China, n"' 6 (1875). Further Correspondence... (In continuation of « China, n" 2 »...) Presented.. . 1875. Lond.. in-foi. [C. 1289.]

C0NVE!ST10.\, 3l OCTOBRE 187^ 533

saires pour assurer à l'avenir la sécurité de la navigation de nos concitoyens.

Ainsi notifié par les présentes*.

(^Signé) : Sandjo Saneyochi. Daidjo Daidjen.

Le général Saigo débarqua le 29 mai dans la baie de Liang-Kiao au Sud-Ouest de Forniose.

Le débarquement des troupes japonaises provoqua la plus grande émotion à Péking et le gouvernement chinois expédia immédiatement des troupes dans le Nord et à TOuest de rîlc; une commission spéciale composée de Chen Pao-tchen et Pan-Wcï, commissaires impériaux et Yu Hcn-lin, tao-taï de Formose, assistés de MM. Giquel et de Segonzac, directeurs de Tarsenal de Fou-tchéou, fut envoyée auprès du commandant en chef des troupes japonaises pour prévenir une rupture. D'autre part, Okoubo menait les négociations à Péking; grâce aux bons offices de M. Wade, une convention fut signée le 3i octobre 1874, qui évitait entre les deux empires la guerre qui avait failli éclater.

CONVENTION, 3l OCTOBRE 1874

Okoubo ^, Haut Commissaire Plénipotentiaire, Conseiller d*Ktat. et Ministre de Tlntérieur. pour le Japon : et

Le Prince de Rouing, et les Ministres du Yamen des AITaires Étrangères, pour la Chine,

Se sont entendus ensemble sur les Articles suivants, et rédi- gent ici le présent document en témoignage de Tarrangcment convenu, c'est-à-dire :

Comme les sujets de chaque gouvernement ont droit à sa protection contre tout préjudice, chaque gouvernement est obligé d'adopter des mesures par lesquelles leur sécurité doit

I. Irobault-Huart, pp. i34-5.

a. « Okubo (1839-1878). d'une ancienne famille do samurai do Sal- suma, était l'un des hommes les plus instruits du Japon. Sa naissance lui donnait le droit de siéger dans les conseils de son clan ; ce fut lui princi- palement qui Ht adopter à Satsuma une politique hostile au shogunat.

534 TRAITÉ PÉRUVIEN

être assurée, el si quelque trouble arrive aux dépens des sujets de quelque gouvernement particulier, il incombe à ce gouverne- ment le soin d'instruire une enquête et d*agir.

Certains sujets Japonais ayant été méchamment massacrés par les sauvages insoumis de Formose, le gouvernement du Japon, regardant ces sauvages comme responsables, envoya une armée contre eux j)our obtenir satisfaction. Un accord est actuellement intervenu avec le gouvernement de Chine que cette armée se retirerait, et certaines mesures seraient prises; toutes sont con- tenues dans les trois articles suivants :

Art. I. Les négociations présentes ayant été entreprises par le gouvernement du Japon dans le but humain d'assurer la sé- curité de ses propres sujets, le Gouvernement de la Chine ne peut pas les blâmer par conséquent.

Art. II. Le gouvernement chinois donnera une certaine somme comme compensation aux familles des Japonais naufra- gés qui ont été massacrés Formose). Le Gouvernement de Chine est décidé à garder pour son propre usage les routes construites et les bâtiments érigés sur ce sol par les Japonais et convient de faire un paiement à ce sujet. Les détails de cet accord sur ces points seront déterminés ailleurs.

Art. 111. Toute la correspondance occasionnée par cette question entre les deux Gouvernements, sera annulée, et les dis- cussions terminées pour toujours. Ce sera le devoir du Gouver- nement Chinois de prendre les mesures nécessaires au contrôle sérieux des tribus sauvages dans la région mentionnée pour assurer pour toujours la navigation [le long des côtes] contre aucune nouvelle atrocité de leur part.

io« mois, annco Mei-dji. mois, i3* année T'oung-tché.

(^Signè^ : Oroubo.

(^Signè) : Les Ministres Chinois.

Contresigné : Yànagiwara,

Ministre plénipotentiaire japonais.

Bien que de vieille noblesse, il haïssait le régime féodal. Conseiller de gouvernement en 1868, ministre des finances en 1871, membre de la grande ambassade en 1872-73. ambassadeur à Pékin en 1874. puis ministre de l'intérieur, Okubo fut assassiné en mai 1878 par des samurai du clan de Koga. On lui fit des funérailles nationales. » (Marquis de la Mazclièrc, Essai sur i Histoire (ht Japon. I*aris, 1899, in-13, p. 371.)

NOTE ADDITIONNELLE 535

NOTE ADDITIONNELLE (Certificat)

Dans Taflaire des sauvages de Formose, se référant à l'arran- gement intervenu avec les deux gouvernements [de Chine et du Japon] par le Ministre Anglais, M. Wade, et au document signé aujourd'hui rappelant Taclion qui doit être prise respectivement par les deux parties contractantes, le Gouvernement Chinois donnera une somme de cent mille taëls immédiatement comme compensation aux familles des Japonais naufragés qui ont été tués. Comme addition à cela, le Gouvernement Chinois ne man- quera pas de payer une somme en plus de 4oo ooo taëls h cause de la dépense occasionnée par la construction de routes et l'érection de bâtiments, que le Gouvernement Chinois gardera pour son propre usage, quand les troupes japonaises se seront retirées. H est de plus convenu qu'au ao" jour du 12" mois de la 7*^ année du règne Moi dji (style japonais) et au la* jour de la II" lune de la i3* année du règne de T'oung tché (20 dé- cembre i874)t le Gouvernement du Japon retirera la totalité de ses troupes, et le Gouvernement de Chine paiera la totalité de l'argent: aucune des deux parties ne devant être en retard à l'époque fixée maintenant : le paiement de la somme garantie ne sera pas complété par le Gouvernement Chinois tant qu'une partie des troupes du Gouvernement du Japon ne serait pas retirée.

Cet instrument est rédigé en garantie de l'accord. Il est fait en double ; chaque partie en gardera un.

loe mois, année Mci-dji. gc mois, i3« année T'oung-tché.

(^Signe) : Oiloubo.

(^Signé) : Les Ministres Chinois.

Contresigné : Yanagiwara.

CHAPITRE XXXVI

L'AFFAIRE MÂR6ÂRT

LA BIRMAINIE*

L'année 1874 marque de terribles complications qui fail- lirent amener la guerre entre TAnglelerre et la Chine. Une mission anglaise venant de Birmanie au Yun-Nan avec Tau- lorisation du gouvernement impérial avait été attaquée h la frontière chinoise et son interprète, Margary, assassiné.

Il est temps de parler des routes Sud-Ouest de la Chine. Nous laisserons en ce moment la route française ou du Tong- King pour ne nous occuper que de la route anglaise ou de Birmanie.

Le conquérant birman Alompra (Alaunghprâ) avait réuni en 1753 toute la partie occidentale de la péninsule indo-chi- noise sous son sceptre, après avoir soumis les Pégouans dont il avait envahi le territoire, et rebâti dans l'estuaire de rirawadi, sur la rive gauche de la rivière Hlaing, la ville à laquelle il donna le nom devenu célèbre de Rangoun qui veut dire fin de la guerre. Après la mort d' Alompra arrivée le i5 mai 1760, le trône resta dans sa famille sans interrup- tion jusqu'en i885-86, époque de la conquête de ce qui res- tait de la Birmanie indépendante. La dynastie d' Alompra

1. Histoire abrégée des relations de la Grande-Bretagne avec la Birmanie, par Henri Cordicr. Paris, Ernest Leroux. 1894, br. in 8.

PREMIÈRES RELATIO?ï3 ANGLAISES 537

comprend dix princes depuis son fondateur : Naungdoagyî (1760), Hsenghpyusheng (1768), Singgu Meng (1775), Maung Maung, Badoun Meng, Bodoahprâ (1781), Sagaing Meng ou Phagyîdoa (1819), Tharâwadi Meng (1887), Pugân Meng (18/I6), Mengdoun Meng (i853), Thibau

(1878)-

La France avait laissé le champ libre sUr la côte birmane à TAnglelerre ; quoiqu'ils fussent désormais sans concurrents, les Anglais devaient lutter un siècle pour amener l'annexion complète à la couronne britannique de la partie occidentale de rindo-Chine.

PREMIÈRES RELATIONS ANGLAISES

Malgré une lettre adressée par Alompra au roi d'Angleterre en 1767, et remise à un certain Dyer, à Rangoun, malgré un traité signé la même année au mois de juin par le lieute- nant Newton ou plutôt Tenseigne Lister, traité qui n'eut aucune suite, les Anglais eurent beaucoup de désagrément : en 1709, les agents de Negraïs se retirèrent et ceux qui restèrent furent massacrés en octobre par les Birmans. L'année suivante, le gouverneur de Madras envo\a le capi- taine Alvcs pour obtenir satisfaction de cet attentat et porter en même temps des présents qui devaient faciliter les négo- ciations. Mais Alompra était mort dans sa campagne de Siam, son fils Naimgdoagyî assiégeait Ava qui était en révolte et Alvesdut s'en retourner, maltraité, mécontent, sans bagages, car tout avait été pillé.

D'ailleurs les Birmans continuaient leurs conquêtes : une nouvelle guerre contre les Siamois en 1771 fut suivie d'une autre en 1786 et la paix qui fut signée en. 1798 laissa entre les mains des Birmans toute la côte de Tenasserim et les ports de Mergui et de Tavoy. Auparavant, ils axaient conquis en 1783 l'Arakan : la chose était assez grave, car de TArakan,

538 l'affaire margart

ils. pénétrèrent dans le Chittagong qui appartenait aux An- glais depuis 1760, ce qui motiva l'envoi d'une mission s|)é- ciale en Birmanie.

Michael Symes, capitaine, puis major au 76" régiment de Sa Majesté Britannique, fut nommé par Sii: John Shore, gouverneur général des Indes, agent plénipotentiaire pour, d'une part traiter avec le roi d'Ava, alors Badoun-Meng, lils d' VIompra, fondateur d'Amarapoura, de l'autre se rendre compte de la situation des sujets anglais dans les contrées qu'il devait visiter. Il s'embarqua le 21 février 1795, à Cal- cutta, à bord du Sea-IInrse, croiseur armé appartenant a FEast-India Company, commandé par le capitaine Thomas, secondé par im secrétaire, VVood, et un chirurgien, le doc- tour Buchanan. Une escorte de quatorze cipayes, avec un sergent et un ca|X)ral indigènes, un Pandit et quelques su- balternes composaient une mission de plus* de soixante-dix |)ersonnes. Sans entrer dans le détail de la mission de Symes, dont le récit est extrêmement intéressant, nous pou- vons dire que l'envoyé anglais, reçu avec une politesse plus ou moins sincère, signa ou crut signer, avec le roi d'Ava, un traité en septembre 1790, qui devait procurer à la Com- pagnie des Indes plusieurs avantages commerciaux.

Cependant le gouverneur général, Sir John Shore, ne vou- lant pas perdre les avantages du voyage de Symes, s'em- j)ressa en 1796, d'envoyer comme résident à Rangoun, le capitaine Iliram Cox, de l'infanterie indigène du Bengale. Cox était arrivé à Rangoun le 8 octobre 1796, et fut bien reçu par le roi Badoun-Meng au mois de février 1797. Le voyage de Cox est curieux, et comme il le dit lui-même dans son récit, il était resté absent onze mois moins quatre jours en se rendant de Rangoun à Amarapoura. En 1798, le comte de Mornington (marquis de Wellesley), avait rem- placé Sir John Shore, comme gouverneur général des Indes: Cox, revenu de Rangoun, fut chargé d'une seconde

PREMIERES RELATIONS ANGLAISES O09

mission par le nouveau gouverneur généra) : il devait se rendre à Chitlagong pour secourir le§ nombreux réfugies chassés de TArakan par la tyrannie des Birmans. Cox mourut à trente-neuf ans, à la suite des fatigues de cette se- conde mission.

D'année en année, les difTicultés continuent avec le gou- vernement birman, Wellesley envoie Symes, devenu colonel, une seconde fois en 1802 à la cour de Badoun-Meng. Malgré une escorte de cent cipayes, la mission du colonel Symes échoua piteusement el il est probable que c'est la raison pour laquelle on n'en a pas écrit la relation. Les guerres des Anglais avec la France et surtout leurs inquié- tudes en Asie, les entraînèrent à des démarches qui dans celte période, n'obtinrent aucun succès tant en Chine qu'en Birmanie. En 1802 et en 1808, les Chinois les empêchèrent de débarquer à Maeao ; en mai i8o5 et en 1809, Canning, lieutenant, puis capitaine, agent a Rangoun, fut obligé la première fois de quitter son poste six mois après son arrivée, la seconde, il fut reçu à Amarapoura, ce qui ne Tempêcha pas d'être chargé pour le gouverneur général des Indes de deux lettres fort impertinentes.

Mais ce sont les diOicultés avec l'Arakan, difTicultés com- mencées en 18 II, qui déterminèrent un conflit direct entre la Birmanie et TAngleterre. Le gouvernement du comte de Minto (1807-1813) avait été marqué par des ambassades en Perse et dans TAfghanistan ; celui de son successeur, le mar- quis de Hastings, le fut par la conquête du Nepaul (i8ï4- i8i5) et par la dernière guerre des Mahratles(i8i7-i8i8). La fin des guerres de l'Empire avait permis a l'Angleterre de reprendre sa politique indienne. Elle envoya en 1816 une ambassade à Péking dirigée par William Pitt, lord Amhcrst. Cette ambassade échoua entièrement, mais Amherst eut sa revanche, car ce fut lui qui remplaça Hastings comme gouverneur général des Indes (1823-1828), et ce fut lui qui

54o L*AFF41RE MARGART

eut la chance de faire la première guerre birmane. Lord Amherst qui mourut le 18 mars iSBy, fut, à la suite de cette expédition heureuse que nous allons raconter, créé comte Amherst de Arakan : c'est un précédent pour le titre de marquis de Dufferin et A va.

PREMIERE G VERRE BIRMANE, iSs^

L'attaque du gouverneur birm&n d* Arakan, sur la fron- tière sud-est du Bengale, amena Tinlervention anglaise. Au commencement de 182^, il fut décidé qu'une armée de 5 à 6000 hommes, tirés des présidences de Fort- William (Ben- gale) et de Fort Saint-George (Madras) se réuniraient h Port Cornvvallis dans la grande Andaman, sous les ordres (lu major général Sir Archibald Campbell, pour s'emparer de Rangoun, la ville la plus importante de l'estuaire de rirawadi, dans l'ancien royaume de Pégou. La guerre fut déclarée le 5 mai 182^. Du 2 au f\ mai, la plus grosse partie des troupes de l'expédition était réunie à Port Corn- wallis, et le 10 mai, sans que la cour d'Ava s'y attendît, la flotte anglaise, h. la tête de laquelle marchait le Lif/vy Com- modore Grant, franchissait la barre delà rivière de Rangoun. Rien ne pouvait empêcher l'occupation de la ville, qui eut lieu le 1 1 mai.

Naturellement, les Birmans s'étaient donné beaucoup de mal pour rassembler toutes leurs forces militaires, et leur premier contact avec leurs adversaires eut lieu le 28 mai. Deux envoyés birmans arrivèrent a Rangoun, mais ne purent s'en- tendre avec les Anglais, aussi après une attaque des Birmans le i*"" juillet, leurs ennemis s'emparèrent-ils le 8, du fort de Kameroot.

Au lieu de rester stationnaires, les Anglais envoyèrent vers le Sud un petit corps composé du 89® régiment de Sa Ma-

PREMIÈRE GUERRE BIRMANE, iSltl 5/| I

jesté et du 7" régiment d'infanterie indigène de Madras, sous les ordres du lieutenant-colonel Miles: Tavoy capitula et Mergui fut emporté d^assaut.

Pendant trois mois, les Birmans étaient défaits. Mahâ Bandoula, qui commandait dans TArakan, fut rappelé avec son contingent. Les voisins des Birmans, les Siamois, sui- vaient d'im œil intéressé les opérations anglaises; c'était pour eux une excellente occasion de reconquérir le Tenasserim. Sans compter sur le succès des Anglais, ils espéraient, à la faveur des difficultés que rencontreraient les Birmans, pouvoir reprendre possession de leur territoire perdu. Aussi s'agitaient-ils, tout en assurant les Anglais de leur bonne volonté.

Les Anglais ne furent pas dupes de ces protestations ; pour couper court aux projets futurs des Siamois, ils envoyèrent de Rangoun, le i3 octobre, pour Martaban, sous les ordres du lieutenant-colonel Godwin, une troupe composée d'une partie du /|i'' régiment de la Reine et du 3** régiment d'in- fanterie légère indigène de Madras. Malgré des vents con- traires, et la résistance du gouverneur Malia Oudnah, Yeh, qui est à l'Est de Martaban et de Tavoy, tomba entre leurs mains. Cependant la saison des pluies avait cessé : Mahà Bandoula s'avançait avec toute son armée contre Rangoun, et du i*"" au 7 décembre, une lutte terrible s'engagea, qui amena le i5 l'attaque du fort de Kokien et la retraite des troupes de Bandoula à Donoobew.

L'expéililion, organisée à nouveau \youT faire campagne, remonta à Tonglioo et établit ses quartiers d'hiver sur l'Ira- wadi, à Prome. A la suite de négociations restées infruc- tueuses, la campagne reprit ; l'attaque des Birmans dont l'armée était composée de trois divisions, fut repoussée de- vant cette ville le 10 novembre; ils furent obligés de se retirer à Mellonne. Le 29 décembre, les Anglais arrivaient sur l'fravvadi, en face de Mellone, et un traité de paix prélimi-

5/|3 l'affaire margart

naîre était signé. Le roi refusa de le ratifier, et le feu recom- mença. Le 18 janvier, les Birmans étaient repoussés de Mellonne, et le 25, les Anglais continuaient leur route sur la capitale, A va.

Une dernière défaite à Prahangniou força le roi d'Ava, à envoyer il Yandabou, à une quinzaine de lieues de la capi- tale, de nouveaux plénipotentiaires. Ils étaient accompagnés d'Adoniram Judson *, missionnaire américain, et de sa femme, d'un négociant anglais Gouger, et de quelques autres qui avaient été faits prisonniers pendant la guerre.

TRAITÉ DE YANDABOi;, 2 4 FÉVRIER 1826

Le traité de Yandabou se compose de onze articles ; il fut signé le 24 février 1826 au nom de Phonourable East-India Company, par le Major (ieneral Sir Arcliibald Campbell, K. C. B., and K. C. T. S., commandant l'expédition, prin- cipal commissaire au Pégou et à Ava ; Thomas Campbell Koberlson, commissaire civil au Pégou et à Ava, et Henry Ducie Chads, capitaine commandant les forces navales de Sa Majesté Britannique et de THonourable Company sur la rivière de Tlrawadi ; au nom du roi d'Ava, j)ar Mengyee- Maha-Men-hlab kyan ten Wongyee, seigneur de Lay-Kaing, et Mengyee-Maha-men-hlah thu-hab thoo Atwen-woon, Tun des ministres de rintérieur chargé des finances. Il se com- pose de onze articles, dont les principales clauses sont la cession l\ la Grande-Bretagne de TAssam, de TArakan, de \q\\, de Tavoy, xMergui, Tenasserim, avec les îles qui en dé- pendent ; les Birmans devaient s'abstenir de toute ingérence dans le Manipour, le Kachar, le Jyntia ; la clause 10 concerne le roi de Siam qui comme allié fidèle de TAngleterre, est

I. à Maiden. Massachussells, 9 août 1788; mort la avril i85o en mer, fairsani roule pour l'île de France.

DIFFICULTÉS 543

considéré partie au présent traité. Un article additionnel marque qu'après exécution du traité et le paiement de 25 lakh de roupies, c'est-à-dire un quart de l'indemnité totale, les troupes anglaises se retireraient à Rangoun ; le paiement du second quart de l'indemnité devait amener le retrait de toutes les troupes britanniques ; enfin, la dernière moitié devait être payée en deux versements annuels à partir de la date du traité. Comme on le voit, le traité de Yandabou isolait complète- ment la Birmanie du Nord-Est de l'Inde et de l'embouchure de la Salouen ; la côte occidentale de l'Indo-Chine, c'est-à- dire TArakan, leur étant également enlevée, les rois d'Ava restaient établis sur les deux rives de l'Irawadi, ils pouvaient étendre leur influence, discutée d'ailleurs, sur les principautés de la haute Salouen et de la rive droite du Me-Kong ; leur seul littoral était celui de l'ancien royaume de Pégou, c'est- à-dire l'estuaire de l'Irawadi avec Rangoun, dont la conquête lors de la seconde guerre anglaise, devait priver la Birmanie de toute communication directe avec la mer.

DIFFICULTÉS

John Crawfurd écrit lui-même à la date du i®*^ septembre 1826 qu'il était depuis six mois commissaire civil du gou Ycrnement britannique à Rangoun lorsqu'il reçut l'ordre de se rendre en mission spéciale à Ava. Il devait être accompa- gné comme second par le lieutenant Chcster ; d'un médecin, le D*" Steward, d'une escorte commandée par le lieutenant Cox ; du lieutenant de Montmorency et enfin d'un interprète,

*

le missionnaire américain Judson. En outre, un naturaUste, le D' Wallich, directeur du Jardin Botanique de Calcutta, devait étudier les essences forestières de la Salouen et de rirawadi. Un petit vapeur VIndiana, accompagné de cinq bâtiments birmans, devait porter les membres de la mission,

5/^4 L AFFAIRE MARGART

vingt-huit grenadiers anglais et quinze cipayes. Le secrétaire (lu gouvernement des Indues, George Swinton, avait adressé à Crawfurd de Fort William, à la date du 3o juin 1826, les instructions relatives à sa mission, qui avait en réalité pour but de conclure un traité de commerce avec la cour d'Ava et d'adoucir certaines questions irritantes, par exemple, celles de la frontière orientale de TAssani, de rétablissement d'un fonctionnaire anglais principal à Rangoun, des affaires du Manipour, de l'acquisition de l'île de Negrais à l'entrée de la rivière de Hussein, de la frontière de Martaban, etc. Dans une lettre officielle adressée au même secrétaire, de Saugor, le 22 février 1827, Cra^vfurd écrivait qu'il avait conclu avec le gouvernement birman un traité de commerce le 23 no- vembre précédent. Le roi d'Ava était le même Sagaing Meng ou Phagyidoa qui avait signé le traité de Yandabou. La promesse faite par ce traité commercial, que les négociants anglais de Rangoun ne pourraient être l'objet de mesures spéciales, fiscales ou tyranniques, ne fut pas plus observée en Birmanie qu'en Chine avant le traité de Nanking de 18^2.

Dans l'Extrême-Orient, la force seule a fait obtenir et

observer les traités. Un commissaire anglais, le Major Burney, s'était installé à la cour d'Ava en i83o ; sept ans plus tard, le roi Sagaing-Meng fut, après dix-huit années de règne, détrôné en mai 1837 par son frère Tharâwadi-Meng. Ava ou AvvA, en pâli Ratanapoura ou ville des pierres précieuses, avait été fondée en i3G/l sur Tlrawadi, près de l'embouchure de la Mytnge, par Tliado-menge-bya. La chute de Sagaing Meng fit transférer la capitale en i838 à Amarapoura. Ama- rapoura était d'origine plus récente ; elle avait été bâtie sur la rive gauche de l'Irawadi, h environ une lieue et demie au N.-E. d'Vva par Badoun-Meng (Bodoahprâ), fils d'Alompra, le sixième roi de la dynastie fondée par ce conquérant. Ce prince occupa le palais de la nouvelle ville le 10 mai 1783. Depuis i838 jusqu'en 1860, époque du transfert du gouver-

\l'^ LEOD ET RTCIIARD90N 5^5

nement à Mandalay, par Mcngdoun-Meng, Amarapoura resta la capitale birmane.

Le Major Henry Burney qui s'était installé ainsi que nous Pavons dit plus haut, comme résident anglais à Ava en avril i83o, fut, après un séjour extrêmement pénible, obligé, grâce h la révolution de iSSy, de se retirer à Rangoun, puis à Calcutta et enfin en Angleterre. En i838, Lord Auckland envoya le colonel Banson, comme nouveau rési- dent à la cour d'Ava, mais il échoua comme son prédécesseur et repartit en mars iSSg pour le Bengale. Son second, le capitaine Mac-Leod se retirai Rangoun, il resta jusqu'en janvier i84o, époque à laquelle les Anglais se retirèrent de cette ville pour n'y reparaître qu'à la guerre de i852.

M*" LEOD ET RICHARDSON

Le i3 décembre i836, le cap. W. C. M*" Leod, assistant du commissaire de la province de Tenasserim, E. A. Blun- dell, quittait Maulmcin et se rendait à Zimmé, ou Xieng- Mai, sur la rive droite du Me-ping, il arriva le 23 janvier. Ce petit royaume chnn, protégé du Siam, s'étendait du Me Kong à la Salouen ; au Nord, il était limité par les territoires de Kiang [\ieng] Tsen et de Kiang [Xieng] Toung ; au Sud, par les territoires de Muang Kam peng, appartenant au Siam ; de Zimmé, M*^^ Leod repartit (29 janvier 1837) pour Kiang Toung nominalement tributaire des Birmans, jx)ur lesquels les habitants ne paraissaient pas avoir beaucoup d'affection. Arrivé le 20 février, il en repartit le i*^*" mars pour Kiang [Xleng] Houng, sur le Me-Kong, il parvint le 9, et les Birmans lui donnèrent l'ordre de revenir sur ses pas. Il quitta Kiang Houng le 26 mars, repassant à Kiang ïoung le 3i, et Zimmé le 18 avril ; il était enfin de retour à Maulmein le 27 mai.

CoKOlER. I. 35

5/4G l'affaire mahgaky

Le Dr Richartlson dans un qualrième voyage, suite d'ex- péditions Tailos en iS3o, i83/i et i835, dans rintérieur de ïenasscrim au pays des Karens Rouges, ne parait pas avoir eu une idée aussi favorable du pays que M^ Leod. Il quitta Maulniein le même jour que M*' Leod, arriva à Moné, ville birmane des Ktils Chans, et enfin parvint à A va le 28 mai, qu'il quilta le 17 juin 1837. Je ne vois pas Irace dans le journal de M'' Leod de traité qu'il aurait conclu avec un des chefs du Laos birman ; tout au contraire, le premier fonc- tionnaire de Zimmé refusa d'accéder à la demande de M** Leod, qui demandait pour les commerçants le passage libre de Zimmé à kiang Toung. Il déclara même que le roi de Siam avait interdit loule comnumication entre les deux États, car, quoique le kiang Toung ne fût pas birman, il était soumis à Ava, et que la haine entre les Siamois et les Birmans ne serait jamais éteinte. Somme toute, le résultat de M'' Leod, fui de montrer que l'unique route pratic-able pour les Chinois désireux de faire le conunerce avec Maulmein était par la voie de kiang Toung et de Zinuné, mais qu'elle était fermée par la jalousie des cours do Bangkok et (^Ava^

SECONDE Gl'EKUE BIRMANE, l85u

Des dilîicultés de toute sorte, soulevées par le gouverne- ment birman, des entraves mises au commerce britannique, les mauvais traitements subis par les marchands anglais, amenèrent le gouvernement des Indes à écrire une lettre de remontrances à la cour d'Ava pour obtenir satisfaction. La guerre n'en éclata pas moins ; les liirmans ouvrirent le feu à Hangoun, le 10 janvier 1852 ; un vigoureux combat, à l'entrée de rirawadi, le 12 et le i4 avril i852, amena la prise de

I. Easl-India Ci1/« l.eod and Hicliavdsons Journeys). Ordered by the Ifouse of Communs, to be Printed. 10 Augusl 1869 [42o]. In-fol.,

pp. 1^7

SECONDE GUERRE BIRMANE, l85a 5^7

Rangoun ; le 19 mai suivant, Bassein tombait également au pouvoir des Anglais. En juin 1862, une première attaque eut lieu sous les ordres du Major Cotlon et du Commandant Tarlelon, contre la ville de Pégou, enfin le 20 décembre 1862, Lord Dalhousie lançait une proclamation par laquelle il dé- clarait le royaume de Pégou annexé aux autres possessions anglaises. Ce qui de la Birmanie restait indépendant était complètement isolé du reste du monde. Sur ces entrefaites, le roi Pugan-Mcng, qui régnait depuis i846, était détrôné à Amarapoura par son demi-frère M engdoun-Meng, en février i853. Dalhousie eut la sagesse de ne pas vouloir imposer un traité à ce nouveau prince cjue ses sujets auraient certaine- ment chassé s'il avait reconnu la nouvelle conquête anglaise. L'occuj)ation du Pégou et sa prise de possession ipso fado est im des précédents en Asie qu'on aurait pu faire valoir dans des circonstances plus récentes, lorsqu'on montrait une trop grande hâte pour signer des traités. Il ne faut pas ou- blier qu'en Asie, les Occidentaux n'y sont que par la force du canon ; il faut prendre d'abord, traiter ensuite ; si c'est im- possible, ne pas traiter, mais continuer l'occupation. Je ne défends pas la ihéorie, mais la pratique. On ne fait pas un empire colonial comme celui de l'Angleterre avec de la théo- rie, mais avec beaucoup de pratique.

Mengdoun abandonna Amarapoura définitivement en 1860, pour transférer la capitale à Mandalay qu'il îwail fait cons- truire. Ce prince s'aperçut de quelle grande imiK)rlance était pour lui le maintien de l)onncs relations avec les cx)nquérants étrangers de l'Inde. Il comprit qu'il n'y avait rien à faire contre le fait acquis et les Anglais se rendirent compte qu'exiger la signature d'un traité pouvait amener des compli- cations graves, un soulèvement populaire, |M;ut-être une guerre nationale comme celle d'Alompra : ils tenaient le gag<», il leur suflisail, et un gouverneur de Pégou fut nonmié, le Major Arthur Phayre.

548 l'aFFAIHE MAIIGARY

Montrant sa faiblesse en même temps que sa bonne volonté, au commencement de i855, Mengcloun-Meng envoya une mission particulière à Lord Dalhousie, pour présenter ses compliments au gouverneur général des Indes. Aussi, dès le i**' août i855, une ambassade spéciale quittait-elle Rangoun pour rendre au roi d'Ava la jKjlilesse qu'il avait faite à Lord Dalhousie. Le chef de la mission était Sir Arthur Phayre, le secrétaire qui en fut aussi l'historien, Henry Yule, alors capitaine.

RICHA.HD SPHYE

La prise de possession du royaume de Pégou et de l'em- bouchure d'un grand fleuve comme Tlrawadi devait néces- sairement amener les Anglais a chercher des débouchés commerciaux vers les provinces sud-ouest de la Chine, et en particulier vers le Yun-Nan. Ce fut le capitaine Richard Sprye, oflicicr en retraite de l'armée de Madras, qui émit le premier l'idée, en i858, d'une ligne de chemin de fer qui se rendrait de Rangoun au Yun-Nan avec des embranchements sur le Siam, le Cambodge, le Tong-King et l'Annam. En juillet 1860, la Chambre de Conmierce de Manchester s'était adressée au vicomte Palmerslon pour demander qu'on obtienne du roi de l^irmanie l'aulorisalion de passer à travers ses Etals pour se rendre en Chine, de façon h créer une route commer- ciale directe de Rangoun à l'empire du Milieu. F^e capitaine Sprye avait suggéré trois projets distincts de chemin de fer qui sont analysés de la manière suivante dans le mémoran- dum du capitaine J. M. Williams, de l'armée indienne* :

« I" Sa route ontièreineiit do terre, approuvée maintenant, à coinincncer à Rangoun, et telle qu'elle est indiquée par un

I. linngoon and Western China. -- CopY of Mémorandum by Cap- tain Williams, fnspector of Public Works, Rangoon Division^ British

RICHARD SPRYE 5/49

trait rouge dans la carie annexée, suivre un cours aussi droit que praticable à travers la frontière nord-est de la Birmanie anglaise, à Kiang Toung, et de à Kiang Houng sur le Mei- kong ou haut fleuve Cambodge ;

a'' Une route de terre et fluviale, partant par la rivière de Hangoun, et poursuivant alors à Magwé. sur la rive gauche de rirrawadi, dans la Birmanie propre ; le chemin de fer devra commencer là, et prenant une direction nord-est, comme il est indiqué par la ligne verte, marquée A. sur la carte annexée, à travers Yemethen et Myoung Yuwé, pour couper le bac de ïa- kou sur la Salouen, et ensuite suivre la première route à l'est à Riang Toung et Riang-Houng ;.

Une autre roule combinée de lerre et d'eau de Rangoun, par la rivière Irrawadi à Mandalay et de par chemin de fer, voir la ligne verte marquée B. à travers Bamo à ïa-li fou, au nord-ouest de la province chinoise de Yun-Nan.

On peut voir que la première route embrasse un chemin de fer continu de Rangoun à Riang-Houng, sur le Meikong ou rivière du Cambodge, il sort de la frontière sud-ouest de la Chine, et l'actuel Major-Général Me Leod. en 1887, rapporta (|ue ce torrent (nommé Lan-tsang Riang en deçà de la frontière chinoise) est dans la saison sèche large de o^o pieds et dépas- sant la profondeur de 16 pieds, et [Mandant les crues large de I 600 et profond de 60 pieds. Ce fleuve, après un cours méri- dional d'à peu près i 300 milles depuis Riang-Houng, à travers les États du Laos et le rovaume récemment restauré du Cam- botlgc, se jette dans l'Océan dans la Cochinchine française.

La distance, en ligne droite, entre Rangoun et Riang Houng, est sur les caries d'environ ^80 milles ; la première et la plus im|)orlanle moitié de lacjuelle ayant son terminus sur le bord

Burmah, upon Uailway Communication beUveen Hanfjoon and Western China, with Map relating tUcreto. Ordered..., i5junci865, 873, in -fol.

China, 5 (i864). Meniorials, etc., on the subject of opening up a direct Commerce with the West of China from the Port of Rangoon. Presented..., i864. Lond., in-fol. |33i5].

China, n" 3 (i865). Correspondence respecting direct com- merce ivith the n'est of China from Rangoon. Presented to the Ilouse of ï.ords by Command of lier Majesty, i865. London, in-fol.

(3579].

55o L*AFFA1RE MAR6ART

de la mer, est sur territoire britannique, et les autres portions principalement dans les deux Ëtats très amis Birman Chan de Kiang-Toung et de Kiang-Houng.

La seconde route implique une navigation fluviale de Han- goun à Magwc, dans la Birmanie propre au 30**5' de lat. N. et 95° long. Est, à 460 milles environ par eau de Rangoun, et 60 milles au delà de la frontière anglaise ; et la construction d*un chemin de for à partir de ce point, entièrement sur terri- toire birman, à traders Yemethen et Myoung Yuwc au bac de Takou, sur la Salouen, une distance directe d'environ 330 milles sur la carte, pour suivre, de Takou, à Test, la route de la pre- mière ligne de 190 milles, par Kiang-Toung à Kiang-FIoung ; faisant en tout, environ 460 milles de transport par eau, et 460 milles, par voie ferrée directe, faisant une distance totale de 870 milles.

La troisième route implique la navigation fluviale la plus longue d'environ 670 milles, de Rangoun à Mandalay, la capi- tale birmane ; avec un chemin de fer de là, aussi entièrement dans la Birmanie propre, à Bamo, à 160 milles au Nord direct de Mandalay. pour être continué au Nord-Est à 330 milles plus loin à travers la chaîne de la Montagne Noire, à la ville chinoise de Ta-li fou, dans le Nord-Est du Yun-Nan ; en tout, une dis- tance de 675 milles par eau et 38o par voie ferrée, faisant un total de I o55 milles ' . »

Le capitaine Williams concluait, comme ingénieur de la division de Rangoun, que la route directe de terre, suggérée par le capitaine Sprye, de Rangoun à Kiang Houng sur le Me Kong via le bac de Ta-Kou paraissait pratique^. De nombreux livres parlementaires montrent le vif intérêt que l'Angleterre prenait à la question.

MISSION SLADEN, 1868

La nouvelle de Texploralion du Me Kong par les Français

I. Mémorandum^ by Cap. J. M. Williams, p. 3. a. /A., p. 21.

MISSION SLADE.V, 1 868 55 1

iillail stimuler lo zèle des Anglais. Le 25 octobre 1867, un traité de commerce fut signé entre la Birmanie et l'Angle- terre et, dès Tannée suivante, une exploration organisée sous les ordres du major E.-Iî. Sladen, agent politique à Mandalav *. Le principal objet de la mission ét^iit de découvrir la cause de Tarrét du commerce existant jadis par les trois routes qui, partant de Blianio sur Tlrawadi, se réunissent à Nan-ticn pour fornïer la grande voie à Moinein et à Tali, et quel était le pays occupé par les Kakbyens, les Cbans et les Pantbays (musulmans). Sladen était accompagné du docteur Jobn Anderson, du capitaine A. Bowers, de MM. ï. Stevvarl et F. .\. liurn, agents commerciaux, d'un docteur indigène, d'un inspecteur de police et de 5o boumies de police armés ; Tingénieur, capitaine J. M. Williams, n'alla pas au bout du voyage. On remarquera que la Commission d'exploration du Me Kong, dirigée par Doudart de Lagrée(5 juin 1866), était depuis longtemps partie de Saigon. Sladen quittait Mandalav le i3 janvier 1868, il était à trois cents milles plus loin, à Bbamo, le 21 janvier, qu'il laissait le 26 février, lin séjour de sept semaines à Momein, une visite à Ta li, il précé- dait Francis Garnier, le second de Doudart de Lagrée, ne l'empêcbèrentpas d'être de retour à Mandalay le 20 septembre de la même année *.

La révolte nmsulmane du Yun-Nan rendait tout com- merce impossible entre cette provincx;, partant avec le reste de la Chine, et la Birmanie.

I. Le major- général A. Fylchc était alors commissaire en chef de la Birmanie anglaise.

a. East India (^/7Vi.ç/r Rtirmah). Ordered hy the Ilouse of Com- mons, to he Printrd, 8 June 1869 [25 i], in-fol, p. 98.

East India (^ri//*/* ^Mrm«/i). Copy of Major Sladen' s Report on the Bluuno route. (In continuation of Parliamentary Paper, n" a5i, of Session 1868-9.) Ordered, by the If ou se of Gommons ^ to be Printed, 17 april 1871 (i65]. in-fol., pp. 161.

FIN DE LA RÉBELLION MUSULMANE, JANVIER 1878 553

FIN DE LA RÉBELLION MUSULMANE, JANVIER 1878

Nous avons vu' que les Musulmans, après leur grande rébellion, s'étaient réunis dans la ville forte de Ta li et les places environnantes, formant ainsi une sorte de royaume que gouvernail Tou Wen sieou avec le titre de Sultan ; mais les Chinois avec la patience qui les caractérise, avaient attendu une occasion favorable pour reprendre la lutte. Tali, protégé par un lac et des collines et par deux petits forts, était quasi imprenable de vive force. La famine et l'espion- nage devaient avoir raison de la résistance des derniers défenseurs de T Islam.

Le drame touche à sa fin, et le dernier épisode en sera en même temps le plus horrible. Le Sultan Tou Wen-sieou, battu, enfermé dans sa capitale Ta li, voyait s'évanouir ses dernières espérances ; il eut au moins la sagesse de se soustraire aux tortures que lui réservaient sans aucun doute ses ennemis.

« Ses femmes et plusieurs de ses enfants, ne voulant pas « lui survivre, s'empoisonnèrent sous ses yeux, et, un jour (( avant de quitter son palais, il fit détruire les objets de « valeur qu'il [)ossédait et jeter dans le lac ceux qu'on ne « put briser.

« Le i5 janvier 1873, Tou Wen-sieou revêtit ses plus « beaux habits de cérémonie cl, agissant jusqu'au bout de sa « carrière en souverain, fit préparer son palanquin jaune, « couleur dont l'empereur de la Chine a seul le droit de se « servir. . . Avant de sortir de ses appartements, il avala une « boule d'opium et de la fiente de paon. . .

« Le parcours que devait suivre le cortège pour se rendre « à la porte du Sud était encombré de gens du peuple qui <( venaient se prosterner une dernière fois sur le passage du

I. Voir p. 238.

554 l'affaire makgart

« Sultan déchu ; ce défilé avait un caractère solennel, et « beaucoup de personnes, bien que n'ayant pas eu toujours « a se louer de Tadministration du Sultan déchu, ne purent « cacher leur émotion. Tou Wen-sieou, dont les sens coni- « mencaient à élre paralysés par le i>oison, semblait peu (( inquiet de ce; qui se passait autour de lui ; en arrivant aux (( portes de la ville, il fit un grand elTort pour sortir de son « palanquin alin de remercier la foule et les chefs qui Tavaicnt « accompagné, et recommanda ses enfants à Yang-VVei. l'ne « escorte de soldats impériaux, envoyée |)ar ^ang Yu-ho, le « conduisit dans le village occupé par ce général... 11 rendit « le dernier soupir vers sept lieures. Le lendemain, le fou-laï (( fit couper la tète du cadavre, et un courrier s|îécial, chargé « de ce fardeau, fut ex|>édié en toute hâte pour la capitale, « elle fut mise dans du miel avant son envoi à Pé-king '. »

Quatre jours après la mort du malheureux Sultan et la capitulation de Ta h, le fou-taï, sous prétexte de fêter ladéli- Nrance de la ville, invita tous les chefs musulmans à un grand dîner. \u moment de passer dans la salle du festin, des soldats postés a cet cllel s'emparèrent des invités qui leur furent signalés, et dix-sept tètes roulèrent à terre. Ensuite, le fou-taï donna Tordre de tirer six coups de canon, signal convenu pour conmiencer le massacre en ville :

« Ce qui suivit est indescriptible : les soldats se ruaient « sans pitié sur ceux même qui leur avaient donné Thospi- « lalité ; de sorte que la population, qui croyait tout ter- « miné, prise au dépourvu, ne songea pas à se défendre...

« Après trois jours de cette boucherie humaine, Ta-li et « ses environs présentaient un spectacle navrant : sur 5o ooo « hommes qu'il comptait alors, 3o ooo avaient péri dans cxîs « journées néfastes, et le reste fut dispersé.

I. Rocher. La province chinoise du Yun-nnn. Paris, 1880. vol. II. Henri Cordicr, Journal des Déhats, a octobre i88o.

FIN DE LA RÉVOLUTION MUSULMANE, JANVIER 1878 535

« A la suite de ce massacre, le fou-taï, pour mieux con- « vaincre les habitants de Yun-nan-fou qu'ils n'avaient plus (( rien à craindre de la rébellion, expédia à la capitale vingt- « quatre grands paniers, formant la charge de douze bêles « de somme et contenant des oreilles humaines cousues par « paire. Ce trophée de la prise de Ta-li fut exposé au pilori « de Vun-nan fou avec les dix-sept tètes des chefs. »

Et ceci se passait il n'y a pas plus de vingt-huit ans, le 19 janvier 187^ !

C'est rendre service aux Chinois que de dénoncer la ma- nière dont ils conduisent leurs guerres. Quand ils auront appris que la loyauté envers un adversaire, le respect de la parole donnée à un ennemi, la clémence à Tégard du vaincu sont des vertus et non des fautes, que leur conduite invaria- blement cruelle après un siège ou une bataille soulève l'indi- gnation dans les pays qu'ils traitent de barbares, ils auront droit à cette sympathie que de tout temps on a été disposé a leur accorder en Europe, souvent trop légèrement, car on ne les juge qu'à travers le prisme trompeur d'une philoso- phie éclairée, et non d'après la pratique de maximes politi- ques dignes d'âges heureusement loin de nous. En quarante ans, le guet-apens de Toung tchéou, des Français et des Anglais pris contre tout droit des gens furent horriblement torturés, l'exécution des chefs T'aï-P'ing par Li Houng-lchang après la prise de Sou-lchéou, malgré la promesse que leur avait donnée Gordon qu'ils auraient la vie sauve, les atro- cités commises dans le Yun-nan sur les populations musul- manes et en particulier le massacre de Ta-li, le carnage des habitants de Manas dans la Kachgaric, les derniers événe- ments du nord de la Chine, montrent qu'en fait d'usages de la guerre la Chine n'a pas fait de progrès depuis l'époque les hordes venues du fond de l'Asie marquèrent leur route depuis les déserts de la Mongolie jusqu'au cœur de l'Europe par un vaste fleuve de sang dont la source ne fut tarie que

556 l'affaire margart

par la lassitude de ceux-là même qui en avaient tracé le cours. Civilisation théorique et partant fausse que celle qui n'offre que des préceptes et dos maximes de morale qu'elle ne met pas en pratique ; civilisation puérile que celle qui invoque la sagesse dans les livres et commande les massacres sur les champs de bataille et les tortures dans les Cours de justice.

Après Ta-li, les villes fortes de Chouen-ning fou et de Yun-tchéou furent prises, la première le i*"" mai iSyS, pillée et les chefs exécutés. Teng-yué, la dernière place forte musul- mane, tomba entre les mains des Impériaux le lo juin iSyS : C'éUit la fin de la grande rébellion musulmane.

REPRISE DES PROJETS DE ROUTES VERS LA CHINE

Le gouvernement indien, tenu au courant des événements par ses agents et en particulier par son agent politique à Bhamo, le capitaine Lowndes, ne perdit pas de temps pour reprendre ses projets de route à travers le Yun-Man. Il était probable que vers le mois d'octobre 1873, la population du Yun-Nan, pacifiée, aurait repris ses habitudes : « Au Sud, dit Rocher', sur la Hsièrc de la province, c'est-à-dire entre les frontières mal définies des Chans, des Chinois et dos Birmans, il restait encore quelques cantons la jwpulation, plus sauvage que rebelle, refusa de se ranger sous la bannière des mandarins chinois ; mais afin qu'on la laissât en paix, elle consentit h payer un léger tribut en nature aux autorités des districts les plus proches. »

Le gouvernement anglais, et en particulier son représentant en Birmanie, déployait la plus grande activité, préparait la réussite de ses projets en négociant auprès des rois de Siani et de Birmanie.

I. II, p. 190.

MISSION HORACE BROWNE, 1 874-5 557

Le gouvernement siamois ayant donné son consentement, le gouvernement indien proposait (Simla, 22 septembre 1873) la nomination d'un agent anglais àZim-mé. En conséquence, au mois de septembre de Tannée suivante, le premier assis- tant du consulat anglais à Bangkok, M. Edwards, fut chargé d'une mission spéciale à Zim-mé. Déjà le Commissaire en chef de la Birmanie avait émis ^ les vœux suivants soumis à la considération du gouvernement de Tlnde : L'établisse- ment d'un officier anglais comme Aide (assistant) Agent politique à Zim-mé; 2** l'envoi d'une mission mixte anglo- birmane à Ta-li fou, accompagnée d'un ofCcier devant être délégué par le Ministre d'Angleterre à Péking dans le but de faire un rapport sur le commerce, et d'essayer d'ouvrir des communications par la route de Bhamo, et établir des sta- tions de garde pour la sécurité des voyageurs ; 3** l'établisse- ment d'un Consul à Ta-li fou, subordonné au Ministre à Péking ; l\^ l'envoi d'un officier à Kiang Houng vid Manda- lay, pour faire un rapport sur le commerce par cette route*.

MISSION HORACE BROWNE , l874-5

Les rapports du Commissaire en chef de la Birmanie, THon. Ashley Edcn^, convainquirent le Foreign office de

1. Rangoon, 17 juillet 1873.

2. Papers connecled with the De^'elopment of Trade beUveen Brilish Burmali and Western China and with the Mission to Yiinnan of 1874-5. London, 1876, in -fol. [G. i456.J

China, n" i (1876). Correspondence respecting the Attack on the Indian Expédition to Western China, and the Murder of M. Margary. Presenled..., 1876. Lond., in-fol. (G. i423.]

China, (\ (1876). Further Correspondence respecting the Attack on the Indian Expédition to Western China, and the ^farder of M. Margary. (In continuation of G. i432» presented April 1876.) Presenled..., 1876. Lond., in-fol. [G. i6o5.]

3. Depuis Sir ; en i83i ; troisième Gis du troisième lord Auckland ;

558 L AVFATRE MAHOART

rutllilé d'une exploration de la route de Chine par le Yun- Nan et le gouvernement do Tlnde fut prié de se mettre en rapport avec le minisire d'Angleterre à Péking pour assurer le succès de la mission projetée : M. Wade fut prévenu et chargé de procurer un interprète. 11 fît choix d'un des meilleurs agents placés sous ses ordres, Margary, qui devait se rendre en Birmanie par terre; dans le cas le voyage de ce dernier durerait trop longtemps ou qu'un incident empêcherait l'arrivée de l'interprète à Bliamo en t^mps utile, M. Wade envoya par mer à Rangoun un collègue de Margary, C. F. R. Allen*, dont les services n'eurent pas à être utilisés.

Le 3o juillet 187/», M. Wade télégraphiait de Péking au vice-roi de l'Inde que des passeports étaient signés du Tsoung- li ^ amen et de la légation britannique à Péking pour quatre personnes se rendant de Birmanie en Chine et un pour une personne se rendant de Chine en Birmanie.

Le jour suivant (,'k juillet 1874), le Tsoung-li Vamen envoyait des dépêches oflicielles au gouverneur du Yun-\an, aux gouverneurs-généraux du Yun-Nan et du Kouei-tchéou, (lu Se IcITouen, du Hou-Kouang, et au gouverneur du Hou-Pé, |)our les prévenir du voyage de Margary et leur demander de donner des ordres pour qu'il obtienne assistance des au- torités locales.

Les instructions furent envoyées de Péking à Margary le 7 août 1874. Tout était donc en règle du côté chinois.

(''Iev6 à Hughy. Winchester ot fîaileyiniry ; arrivé aux Indes, avril i852; (Commissaire en chef de la Birmanie anglaise, 187 1- 1877 ; lieutenant- gouverneur du Bengale, 1877-188^ ; à la retraite, 1882 ; mort à Londres, (j juillet 1887.

I. Allen. Ch'monl' Francis- /((HtiillY, élève interprète en Chine. i4 février i8()3; assistant de 3»* classe, !«•" avril 1867 : a *^ classe, 8 décembre 1868; i""*^ classe, 2G janvier 187a. Interprète (faisant fonction) à Amoy du 19 juin 1872 au 25 octobre 1873 ; interprète, 7 septembre 1878 ; en charge du consulat de Tchen-Riang du 8 décembre 1878 au 18 novembre 1874.

MISSION HORACE BROWVE, iS'jl^-b 559

Auguslus Raymond Margary, troisième fils du major- général Margary, était h Belgaum, dans la présidence de Bombay, le 2G mai i846. Après avoir suivi les cours de University Collège h Londres, il passa les examens de Tinler- prétariat et partit pour la Chine le 20 mars 1867. Elève interprète (2 février 1867), puis allachc à la légation de Péking, il fut envoyé en 1870 pour gérer le consulat de Formose tantôt à ïamsoui, tantôt à Ki-loung ; dans ce dernier port, avec Taide du négociant Dodd, son ami, le 9 août 1871, il sauva quarante-deux personnes qui allaient |>erdre la vie dans un typhon. Après une visite en Angleterre, il retourna a Chang -Haï (septembre 1873) dVni il fut envoyé à Tché-fou; de \h il fut transféré à nouveau en avril 1874 à Chang-Haï. C'est qu'il reçut le 9 août 1874, par l'intermé- diaire du consul général, W. H. Medhurst, la nouvelle de la mission (pii lui était confiée, et le i5 et le 21 les instruc- tions de M. VVade.

Le 22 août 1874, Margary s'embarquait à Chang-Haï pour remonter le Yang-tseu jusqu'à Han kéou, il arrivait le 28; le f\ septembre, il quittait Han Kéou, remontait le Kiang à Lochan, quittait le kiang à Yo tchéou, traversait le lac Toung ting, remontait la rivière ^ ouen, et passait à Tch'ang te, Kouei-yang, > un-nan fou, Ta-li fou, Teng-yué (sous-pré- fecture, ////^^ dépendant de Young-tch'ang fou) ou Momeih, (|ui avait été repris par les Chinois sur les rebelles maho- métans en juin 187^, et résidaient un sous- préfet et un tson^'IJing (général) .

Ce voyage remarquable assure à Margary une grande place parmi les voyageurs en Cihine; son sort funeste complète l'auréole scientifique de l'explorateur, tombé vic- time en service commandé '.

I. The Journey af Au»ustus Haymond Mar»ary from Shanghae to hhanio, and back to Mam^'vne. From his Jounials and Letteis,

56o l'affatbc margart

Arrivé à Momein, Margary trouva des lettres de Tagcnt politique à Bhamo, le capitaine Cooke, le prévenant que le départ de la mission était retardé jusqu^au milieu de janvier et le laissant libre soit d'attendre son arrivée, soit d'aller au-devant. Margary choisit le dernier parti, continua sa route à Nan-tien et à Manwyne il fut extrêmement bien reçu par Li Se-taï : « Le fameux Li Tchen-kouo (alias Li Se ou Li Sieh-taï), écrit-il Ji M. Wade (Bhamo, iSjanvier 1875), (|ui attaqua rex|>édition Sladen, et a été appelé brigand et autres noms durs, s'est montré un homme excessivement courtois, intelligent et droit. Il a fait lout pour faciliter la marche de l'expédition , et m'a traité avec une poKtesse inattendue. » Li, qui se trouvait à Manwyne comme com- missaire spécial chargé de faire un traité avec les sauvages Kakhyens et d'établir des droits réguliers au lieu de laisser les caravanes livrées au bon plaisir des habitants qui les rançonnaient, endormait sa proie que son affabilité imprévue avait complètement rassurée. Margary arriva à Bhamo, le 17 janvier 1870.

DÉPART DE LA MISSION

La mission se comj)osait du colonel* Horace A. Browne, chef de l'expédition, de Ney EHas, topographe, qui devait remplacer le colonel en cas de l)esoin, du D*" John Anderson, médecin et naturaliste, et d'un interprète, de domestiques et d'une escorte. Dans la lettre adressée (Fort William, 1 4 octobre 1874) par le gouvernement indien au commissaire en chef de la Birmanie anglaise, il était marqué, entre autres choses, que l'expédition était envoyée simplement dans un but d'exploration et de renseignement, qu'elle devait éviter

w'ith a Brief Biographical Préface : lo which is added a conclud- ing Chapter by Sir Rutherford Alcock... London, 1876, in-8. I. Depuis major général.

NEY ELIAS 56 1

(le se mettre en rapport avec les rebelles, consulter l'interprète pour les relations avec les Chinois, etc. Le colonel Browne avait quatre domestiques (trois Indiens et un Chinois, en Birmanie anfi:laise) ; le l)"" Anderson avait quatre domestiques (trois Indiens et un Birman parlant le chinois) ainsi que trois assistants indiens pour recueillir des sj)écimens de plantes et de minéraux ; il y avait en outre un Chinois nommé Li, parent de Li Sieh-taï, et deux grooms; M. Ney Elias avait deux domestiques ; M. Allen avait amené avec lui de Chang- Haï à Rangoun, deux Chinois; enfin M. Margary avait avec lui son lettré et cinq domestiques chinois pris à Chang-llaï, h Ilan-kéou et au \un-Man. l ne garde de dix-sept Sikhs appartenant au 28'' régiment d'infanterie indigc^ne du l^mjab, et d'environ cent cinquante Birmans formaient IVscorte.

NEY ELIAS

En réalité, Ney Elias n'avait pas jusqu'alors de titre ofii- ciel. M. \N ade, tcmjours prudent, disait dans une dépêche a Margary, de Péking, i3 août iSy'i : « Il est très possible qu'on ait conféré une |)osition oUicielIc ad hoc, sinon perma- nenle, à M. Ney Elias, autrement il vaudrait mieux qu'il ne fut pas décrit connue un négociant, mais connue un touriste ; il vaudrait mieux désigner le colonel Bro>vne connue un fonctionnaire militaire du troisième rang'. » (^'ependanl Ney Elias était entn»au ser\i(U» indien le 20 mars 187^1 ; il avait débuté dans counuerce à Chang-Haï. Il était déjà fort C(uum i)ar son voyage au lleuve Jaune a\ec H. G. llolling- \>orlli lorsqu'il entreprit sa grande traversée de TXsie cen- trale (1872-187.'^). dans le kent en i8V'|, il fut nonuné agent politique à Bhanio (20 a\ril 187;")) et conuuissaire à

I. [C. i'i5(î]. p. 38.

CORDIKK. I. 36

56a l'affaire margary

Ladakh (i 5 octobre 1877); il fut ensuite employé pendant Texpédition du Sikkim du 7 novembre 1888 au 12 février 1889. Agent politique de première classe le ^sept^îmbre 1889, il fut ensuite consul général à Meslied du if\ décembre 1891 h septembre 1896. Il est mort h Londres le 3i mai 1897.

JOHN ANDERSON

Le Dr. Jobn Anderson avait déjà fait partie de la mission du Major K. B. Sladen. Fils de Thomas Anderson, secrétaire de la National Bank of Scotland, il ét<ait à Edimbourg en i833. En 188 1, il fut chargé par les Trustées de ITndian Muséum, Calculla, d'étudier la zoologie marine de rarchipel Mergui, sur la cote de Tenasserim. Il prit sa retraite du ser- vice indien en 1887 ; il est mort en août 1900 à Buxton. Il a écrit le récit des deux expéditions auxquelles il a pris part *.

Margary se mit immédiatement en rapport avec le colonel Browne et enlin, après quelques jours de retard, l'expédition se mit en roule.

\ey Elias partit de Bliamo par la route dite du Sud, j)ar Sawadi, accompagné du Chinois Wang Sieou-chang, de llan >ang et du capitaine Cooke. Il arriva à Maingman le iT) février, il trouva Li Sieli,-tai avec trois cents hommes, qui lui donna le conseil, ou plutAt le força de prendre un antre chemin, celui-ci étant barré par un des chefs sauvages et par lui même. Elias quitta donc Maingmaw le 18 et re- tourna à Kou tloung pour attendre des nouvelles qui ne lardèrent pas à lui arriver du colonel Browne ; tristes nou- velles venues de Bhamo, la mission était rentrée. Elias se hâta de revenir dans cette dernière ville le 2 mars.

I. Mandalay to Momcin : A Nnrratis'e of the two Expéditions to Western China of iSijS and 1875, under Coi. E. B. Sladen and Coi. II. biowne. I^ondon, 187O. in-8.

ATTAQUE DE LA ItlSSlON 563

. ATTAQUE DE LA MISSION

Le 6 février, le colonel Brownc s'était mis en marche, prenant la roule de Manwyne; le i8, il alleignail le cours dVau Nam Phoun^;^ Khyoung, qui est considéré comme la frontière entre les tribus soumises a la Birmanie el celles qui relèvent de la Chine. Là, un Birman venu de Manwvne annon(;ail au colonel que Li Sieh-taï et le chef d'une Iribu sauvage préparaient un guet-apens [K)ur rem[)écher de pé- nétrer en Chine. Le lendemain, 19 février, quoique j>eu d'inijMDrlance fût attachée à la nouvelle, Margary, sur de la loyauté de son hAte de quelques jours auparavant, partait en avant avec son lettré, ses domestiques et le parent de Li. Immédiatement après son départ, un montagnard vint pré- venir Browne que des troupes chinoises réunies à Manwyne sous les ordres d'un fonctionnaire, Vang Ta-jen, et du chef sauvage d(nit nous avons parlé plus haut, allaient attaquer la mission.

Le 20 février, lettres de Margary qui marquent que la route est sure ; le '.?!i, à l'aube, les Anglais se trouvent en- tourés par les Chinois au nord, au sud et à l'est, avant- garde, commandes |>ar Shoukgoon, neveu de Li, destrou|K»s de Momein (|ui, au dire d'un chef ami accouru en toute hâte pour ap|)orter la iiouv(»lle du meurtre de Margar> et de ses doniesli(jues, la \eille, à Man\\>ne, vont exterminer les étrangers*.

Les Sikhs ouvrent le feu sur les Chinois ; les Birmans de l'escorte les imitent, mais, mal armés, ne font pas grand donunage à l'eimemi. (^ette résistance permit toutefois au colonel Brou ne d'effectuer sa retraite et de rentrer à Bhamo

I. Cliinu, \v* I, 187O.

56/i l'affaire margary

(26 février) Tagenl anglais lui apprit qu'il lui avait écrit le iG février pour le prévenir de Taltaque qui menaçait la mission *.

ASSASSINAT DE MARGAHY, 21 FÉVRIER l8-5

L'infortuné iVlargary avait été en effet massacré le 21 par les gens de Moinein, à Manwyne, avec ses Chinois, sauf VN ang qui réussit à s'échapper.

Une lettre du capitaine C. B. Cooke, faisant fonction d'agent politique à Bhamo, raconte ainsi la mort de Margary dans une lettre (7 mars 1875) adressée au capit<ainc G. A. Strovcr, résident britannique à Mandalay : « ...Il paraît qu'on engagea M. Margary d'accompagner quelques Chinois qui disaient qu'ils allaient lui montrer quelques sources chaudes et également un endroit proj)rc à prendre un bain, ainsi (pj'il en avait exprimé le désir. Il n'était allé cju'à envi- ron un mille de la ville lorsque les Chinois l'arrachèrent de son poney et le percèrent de lances dans le dos. Ils retour- nèrent alors a la ville avec la tête de M. Margary et firent irruption dans le Kyoung ou monastère C/ian, dans lequel M. Margary avait logé, et ils tuèrent quatre de ses domes- tiques chinois. Le seul homme qui restait fut épargné parce qu'il appartenait au Se-tcirouen ou au Yun-Nan, timdis que tons les autres venaient du Ilou-Pé, près de Han Kéou. Cette information fut fournie par deux Birmans qui étaient à ce moment a Manwyne et qui assurèrent avoir fui de Fendroil parce (|ue les Chinois les avaient menacés.

« Le meurtre parait avoir eu lieu dans l'après-midi du 21 février 1870 ou le i'"'' Labyeegyaw de ïabodway -. »

Pauvre Margary ! J'avais diné avec lui quelques jours avant

I. Voir le rapport du col. lîroAviu\ p. Go. de G. i456. a. C. I \^)(). p 71

MOHT DE l'kmpereur t'oung-tchk 565

son départ et je ne me doutais guère, à voir ce robuste et sympathique garçon plein d'espoir dans un avenir brillant, que si peu de temps le séparait de la tombe.

L'attaque de la mission du colonel Brou ne et Tassassinat de Margary furent incontestablement le résultat d'un complot local dont les gens de Momein étaient entièrement respon- sables. 11 n'y avait pas connivence des autorités provinciales du Yun-Nan, encore moins du pouvoir central. Dès lors, il sembhîrait que les choses auraient du s'arranger facilement entre le Tsoung-li Yamen et la légation d'Angleterre à Pé- king. Nous verrons au contraire que cette affaire, qui aboutit à la signature de la Convention de Tché-fou, fut, par ses négociations, la plus épineuse du début du règne de l'empe- reur Kouang Siu, par ses résultats l'une des plus importantes de l'histoire des relations de la Grande-Bretagne avec l'Em- pire du Milieu.

MOUT DE i/eMPEHELII t'oiNG-TCUÉ

Le cinquième jour de la douzième lune de la treizième année de son règne, entre cinq et sept heures du soir, l'empereur T'oimg-tché, porté par un dragon, est monté parmi les hôtes célestes.

Kn termes moins fleuris, T'oung-tché mourut le 12 jan- vier 1870 ; il était tombé malade un mois auparavant (9 décembre) ; la petite vérole se déclara et l'emporta rapidement.

La marche de la maladie fulfoudroNante, a en juger par le décret sui\ant qui remet le pouvoir aux deux Impératrices (18 décembre) :

Décret,

Attendu le bonheur qui nous est arrivé de fleurir (c'est-à-dire d'avoir la petite vérole), vu le rapport présenté par le Prince ïoun et autres dans lequel on me prie de me soigner et de me

566 l'affaire margart

rcposcM', Moi, l'Empereur, j>our ne pas faire souffrir un seul instant les affaires si importantes et si nombreuses qui se pré- sentent chaque jour, je dois, ou égard à Tétat dans lequel je me trouve et qui ne me permet pas la moindre fatigue, me rendre aux avis qui me sont donnes. Aussi « dans la crainte de laisser en 5US|K»ns les affaires de l'Etal , je prie les deux Imjwratrices d'avoir compassion de mon élal et de nie permet Ire de me soi- gner. C'(»sl donc à Elles que les différentes administrations de la ("iOur et de la Province devront adresser leurs rapports soumis autrefois h mon approbation. En s'occupant provisoirement des affaires, les Impératrices mettront le comble à leurs bontés pour moi et je leur en serai reconnaissant au plus haut degré. Le présent décret s'adresse à la Cour comme aux Provinces. Respectez ceci '.

Quelques jours auparavant (i/| décembre), Yi-houan, prince de Tcirouen, fut chargé troffrir le 22 le grand sacri- fice au teni[îlc du (iicl à la place de rEmpereur.

(]c jeune souverain, qui était le 27 avril i856, ne ré- gnait par lui mémo que depuis deux ans; pendant sa mino- rité, le pouvoir avait été exercé, non sans habileté, par le prince de koung sous le nom des im[)ératrices douairières. On ne peut guère, par suite, so former une opinion sérieuse sur T'oung-lclié, qu'on a représenté sous des aspects étranges qui, aux uns, faisaient prévoir un Néron, aux autres un K'ang-lli.

Peu de temps a>ant la maladie de T'oung-tché un diplo- mate écrivait (8 décembre 187^1) :

Sa Majesté conunet chaque jour des énormités contre l'éti- quette que les vieux (Chinois considèrent comme le fondement de l'édifice social chinois. Ellejouc la coinédie, fréquente, dit-on. la nuit, les mau>ais lieux de la ville chinoise, monte à cheval sans suite, dé|)ense l'argent h pleines mains pour le moindre caprice, et. chose qui passerait inaperçue en Europe, mais qui.

I. Gazette de Péking^ éd. manuscrite, 18 dcc. 1J74. Traduction de F. Schcrzcr.

MORT DE L*KMPEREUn t'oOG-TCBÉ 667

on Chine, est une grave atteinte à la bienséance, la table de rEmpereiir n'est plus approvisionnée des mets odiciels.

L'Empereur était peu aimé ; la population semble être restée parfaitement indiflérente à la nouvelle de sa mort que la superstition fit attribuer au passage récent de la planète Vénus sur le Soleil (8-9 décembre iSy'i); la tranquillité |)ublique n'en fut mdiement troublée.

T'oung-Tché léguait à son successeur une grosse affaire à régler : l'attaque de la mission du colonel Horace Brovvne. On voyait aussi poindre à Phorizon les graves ques- tions de TAsie centrale et de TAnnam, qui allaient mettre r Empire du Milieu en face de la Russie et de la France, et grandir Tétoile du Jeune Japon, ambitieux de mesurer ses forces avec le vieil empire auquel il avait jadis emprunté sa civilisation. Les mains expertes qui axaient conduit les ])remiers pas de T'oung-tché allaient de nouveau reprendre les rênes du gouvernement et guider Tenfance de kouang-Siu.

1

s. .

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[-. *. ,

TABLE DES MATIERES

ClIAPITRK I.

Chapitre II.

ClIAÏMTRK III. GlIAIMTRK IV.

Chapitre V. Chapitre VI. Chapitre VII. Chapitre VIII. Chapitre I\.

Chapitre Chapitre Chapitre Chapitre (!!hapitre Chapitre cîhapitre Chapitre

X.

XI.

XII.

\III.

XIV. XV. XVI. XVII

CIhapitre XVIII.

Chaimtrk XIX.

(Chapitre XX. (Chapitre XXI. - Chapitre XXII

Les conventions de Péking i

Anciennes relations de TAngleterre et de

la France avec la Chine la

Les plilinipotcntiaires à Péking /|i

Les missions catholiques 5i

Les missions catholiques Çsuite). ... 08

Russes et Américains 79

Le gouvernement chinois ic)3

Derniers résultats de la guerre de i8()0. lia Mort de Ilien-Foung. Avènement de

T'oung-Tché. Le comte Kleczkowski. 119

Divers traités étrangers iS.'i

Flottille Osborne. Douanes iSa

Réhellion des T'aï-P'ing 168

Hébellion des T'aï-P'ing (suite). 198

Rébellion des T'aï-P'ing (suite). . . ao4

Rébellion des T'aï-P'ing (suite). ... a 19

Rébellions diverses a37

Réorganisation militaire. Rutherford Al-

cock. Mission de Pin 3.47

M. Berthemy. Affaires de Corée. Le

comte de Lallemand a6a

Missions protestantes. Affaire de Vang-

Ichéou 376

Mission Burlingame a8a

Revision du traité de TieiiTsin 3o5

Nouvelle e^iploration du Yang-Tseu.

Traité autrichien. .l.-R. Browne.

Le général Vlangal) Si"

5^0 TABLE DES MATIÈRES

Chapitre XXII!. Le massacre de Tien-Tsin 824

Chapitre XXIV. Le massacre de Tien-Tsin (s/ii/e). . . 3^7

Chapitre XXV. I^ massacre do Tien-Tsin (suite). . . 302

Chapitre XXVI. Le massacre de Tien-Tsin (fin). . . 377

Chapitre XXVII. Américains en Cor<kj. T. -F. Wade.

Traité japonais 391

Chapitre XXVIII. Mission de Tch'oung-Heou 4o3

(]ii.vpiTRE XXIX. Le mémorandum chinois 4 16

Chapitre XXX. Mort de Tseng Kouô-fan. Mémoire du

prince Koung 446

Chapitre XXXI. M. de Gcofroy. Le mariage impérial. . 4^2 C.IAPITRE XXXII. Revision du traité français. Majorité de

l'empereur . L'audience impériale.

M. Blancheton. W. F. Maycrs. . 4^4

(ÎHAPiTRE XXXIII. Chang-Hai 489

Chapitre XXXIV. L'émigration chinoise (1874) 5c)8

Chapitre XXXV. Traité péruvien. Prince Koung en dis- grâce. — Départ de M. do Geofroy. Mission de M. de Roquette. Japonais

à Formose 52G

Chapitre XXXVI. L'affaire Margary. Mort deT'oung-tché. 53G

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AUERBA(.iII. professeur à la Faculté des b^ttres de Nanev. Les races et les nationa-

litès en Autriche- Hongrie, in-S, \Hm. 5 fr.

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et de leur littérature politique, de 179<) a 1815, l vol. in-12. 3 fr. 50

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GAFFA REL (P.), professeur à la Faculté des lettres de Dijon. Bonaparte et les Rèpu>

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de 1811 à 1X71. traduit de l'anglais, introduction de M. Yves Guvot, lUOO. 15 fr.

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CHINE (.01 RANT (.M.). iuaUr<' de conférenees à l'Université de Lyon. En Chine. Mtrars et inslilntions. Hommes et faits. 1 vol. in-12 [sous presse i. 3 fr. 5<)

MONNIER (.M.). Le drame chinois (jnillel-aoùt OHM),. 1 vol. in-12. 2 Ir. ^

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