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HISTOIRE

DE TOURAINE.

TOME III. DÏÏBeSSS LÎBRAÎRE

y (T IMPRiMERlE DE H. POURNIER, i

RUE liK SElWt, M" 14.

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HISTOIRE

DE

TOURAINE,

DEPUIS LA CONQUÊTE DES GAULES PAR LES ROMAINS,

jusqu'à l'année 1790

DU DICTIONNAIRE BIOGRAPHIQUE

BE TOUS L£S HOMMES CÉlÈBRES WÉS DAWS CETTE PROVINCE.

Par J.-L. CHALMEL.

TOME m.

^Q-HOmitm

PARIS,

CHKZ H. FOURNIER Je, LIBRAIRE, RUE DE SEIiNE, N*» 14.

A TOURS,

CHEZ A. MAME, IMPRIMEUR-LIBKAIRE; KT CHEZ MOIST, UBRAïHE.

Jincnnxxvin.

WîA^SSE LIBRAIRE

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HISTOIRE

DE TOURAINE.

SECONDE PARTIE

CONTENANT

LES ANTIQUITÉS DES VILLES, TERRES ET LIEUX TITRES DE LA PROVINCE, PAR ORDRE ALPHABETIQUE.

AMBOISE, BARONNIE.

La ville d'Amboise est située à six lieues au levant de celle de Tours, au pied d'un coteau baigné par la Ijoire. Son château , qui a été long-temps le séjour de plusieurs de nos rois , est sans contredit le plus ancien de ceux de la province. On y voyait encore du temps de saint Martin des traces de son antiquité. Sulpicc-Sévère rapporte qu'il y avait alors un temple magnifique se trouvait une idole qui maintenait les liabitans dans leurs anciennes superstitions. Ceux- ci s'étant opposés à ce que Marcellus , curé d'Amboise, la fît abattre , saint Martin fut obligé d'aller lui-même sur les lic^ix pour la détruire. Cependant l'existence 3. I

1 HISTOIRE DE TOURAINE.

(le ce temple ne serait pas la preuve qu'il y eût alors un château. Ceux qui ont parlé de son antiquité se sont principalement appuyés sur le traité qui a pour titre : « de Compositione castri Ambasiœ , etc. , » par le moine Jean , dit l'anonyme de Marmoutier ; mais cet ouvrage , rempli de fables et d'anaclironismes, ne peut mériter aucune confiance. Les faits y sont presque toujours ou inventés, ou altérés par l'igno- rance ou la crédulité. Selon cet auteur, dont le récit a prévalu jusqu'à certain point , ce château devrait sa première fondation à Jules César, qui, après avoir pris Bourges, serait venu camper à dix lieues d'Am- boise, pour de se porter sur la ville de Tours. Ces détails à la rigueur pourraient être vrais; mais ils ne sont appuyés de l'autorité d'aucun autre écrivain, aucun auteur avant Sulpice-Sévère n'ayant parlé de la ville d'Amboise , dont César à coup sûr n'eût pas manqué de faire mention dans ses Commentaires. A 1^ vérité on y voit qu'il laissa deux légions en Tou- raine mais il est probable que ces treize mille hommes furent répartis sur différens points de la province, puisque leur séjour n'avait d'autre but que de tenir le pays en respect.

Malgré toutes ces incertitudes on ne peut se refu- sai' à croire qu'il existait un fort ou une espèce de camp retranché pour la sûreté de quelques cohortes, que César aura placer sur les hauteurs d'Amboise. Ce n'est pourtant que par la tradition qu'on a pu avancer que ce fort , détruit par les Ba-caudes , fut reconstruit vers l'an 35o par Anicien, que nous savons

AMBOISE. 3

avoir été en ce temps comte ou gouverneur pour les Romains du pays des Turones. Effectivement cette éminence avait conservé depuis le nom de Motte- Anicien ; mais on doit ranger au nombre des fables la donation qu'une prétendue Lupa aurait faite à Clovis du domaine d'Amboise, et cela parce qu'il y avait, dit-on, une porte appelée la Porte de Louve. Ainsi, tout en convenant de l'antiquité du fort Anicien, on peut assurer sans crainte que nous ne savons rien de positif sur l'origine du château d'Amboise , qui ne s'est agrandi que successivement.

Ce qu'il y a de plus certain, c'est que, vers l'an 54o, saint Baud , sixième évêque de Tours et grand réfé- rendaire du roi Clotaire I", était seigneur du château qui existait alors : son fils eut des enfâns qui conti- nuèrent sa postérité. Adalard, archevêque de Tours, et Raymond son frère, évêque d'Angers, le possé- daient au commencement du neuvième siècle ; mais lorsqu'ils étaient encore en bas âge, Cliarles-le-Chauve leur en avait oté le gouvernement et y avait mis gar- nison. Ce n'était probablement qu'un acte conserva- toire; car le roi Eudes, à la prière de ces deux pré- lats, le rendit à Ingelger I", qui avait épousé leur nièce Adelinde. A Ingelger succéda FouIques-le-Roux son fils, comte d'Anjou, père de Foulques-le-Bon, et à celui-ci Geoffroy -Grisegonn elle. Après lui vint Foulques -Nerra, dont le fils Geoffroy, qui n'avait ^ft point d'enfans, laissa se^ états à Geoffroy-le-Barbu et à Foulques-Réchin ses neveux.

Amboise se trouvait partagé entre trois seigneurs.

I.

4 HISTOIRE DE TOURA.INE.

Le comte d'Anjou possédait le principal château, avec cette partie de la vilk, jusqu'à l'Amasse, qu'on nom- mait autrefois la maison consulaire. Sulpice d'Amboise avait l'autre moitié qu'on appela depuis La Tour. Elle s'étendait jusqu'à l'église de Saint-Denis, excepté un petit canton qui formait la baronnie de la Maison- Fort. Le domaine dépendant de La Tour, en deçà de l'Amasse, avait été donné à Hémon, premier seigneur de Buzançais, par Charles-le-Chauve. Archambault de Buzançais, son petit-fîls, y avait élevé une tour en bois que Sulpice de Buzançais, trésorier de Saint- Martin , fit reconstruire en pierre. C'est ce qu'on ap- pelait la Tour-Fondue. Il y avait une autre forteresse au-dessus du château, au lieu nommé autrefois la Motte-Anicien, puis la Motte-aux-Conins , ensuite la Motte -Fourcroy. Les seigneurs de ces trois places, dans la même enceinte, se firent long-temps la guerre, jusqu'à ce que ceux de la Tour , ayant détruit la Motte- Fourcroy, se rendissent maîtres de l'ancien château, et donnassent naissance à l'illustre maison d'Amboise, qui réunit les trois seigneuries dans un seul et unique château.

Lysois ou Lizoye , seigneur de Bazougers , sénéchal d'Anjou , est celui qu'on reconnaît pour le chef de cette famille. Il était fils de Hugues , seigneur de La- vardin, et d'Adeline de Sainte- S usanne. Son nom, célèbre parmi tous ceux du pays , fut d'un heureux présage pour la grandeur de la maison d'Amboise, que nos anciens poètes français ont depuis surnommée la race de Mars» Il rendit d'importaus services à

ÂMfiOISË. 5

Foulques-Ncrra, qui l'en récompensa par la seigneu- rie de Cicogné, et lui procura l'alliance d'Hersinde ou Elindc de Buzançais, qui lui apporta en dot la tour d'Amboise, d'où cette famille a pris son nom, ainsi que les seigneuries de Mouzay et de Verneuil. De ce mariage sortirent quatre garçons et trois filles, savoir: Sulpice, seigneur d'Amboise ; Lysois, seigneur de Verneuil; Hugues et Albëric. Les filles furent Euphéf mie, femme de Bouchard de Montrésor; Sibylle, épouse de Thibault des Roches, seigneur de Roche- Gorbon , et Elisabeth mariée a Fourcroy de Thorigny, seigneur de la Motte-Fourcroy.

Sulpice, premier du nom, se rendit maître de la Motte-Fourcroy, fit raser cette forteresse jusqu'aux fondemens, défendit la tour d'Amboise pendant cinq semaines contre toules les forces de Foulques-Réchin, et parvint ainsi h lui en faire lever le siège. Il fit depuis sa paix avec le comte à condition que la tour serait mise en séquestre , et donna son fils pour otage. Il épousa Denise de Fougères, qui lui apporta de grands biens en mariage, avec les terres de Ghau- mont, de Saint-Gyr et la Voirie de Ghâteauneuf à Tours , qu'elle avait héritée de son oncle maternel , Geoffroy de Ghaumont, fils de Gelduin II, seigneur de Saumur. Sulpice mourut au château de Roche- Gorbon le i*' juin 1080 , laissant un fils et deux filles, dont l'une, nommée Adenorde ou Honneur, épousa le seigneur de Limeray; l'autre, du nom de Hermen- sande, fut mariée à Archand)aud seigneur de Bray, aujourd'hui Reignac.

6 HISTOIRE DE TOURAINE.

Hugues , premier du nom , fils de Sulpice , qui avait été donné en otage au comte d'Anjou , ne fut mis en liberté qu'en io85 à la sollicitation de Lysois son oncle paternel. Mathieu Paris rapporte qu'il fut fait prisonnier par les Anglais dans un combat , et con- duit à Bonneval d'où il trouva moyen de se sauver en corrompant son gardien Guillaume de l'Espi- nay. Il se croisa en 1096 dans l'église de Mar- moutier, en présence du pape Urbain II, et fît le voyage de la Terre- Sainte. A son retour Geoffroy- Martel, fils aîné de Foulques -Réchin, lui donna sa sœur utérine en mariage, avec promesse de lui laisser le château d'Amboise après la mort du comte son père; mais Huguéis n'attendit pas que Foulques-Ré- chin eût cessé de vivre; car Geoffroy -Martel étant mort auparavant, il commença par s'en rendre maître dans la crainte que le vieux comte ne voulut pas ratifier la promesse de son fils. Il réunit aussi à son domaine le château de Montrichard , que les comtes d'Anjou avaient usurpé sur Gelduin de Saumur et de Ghaumont, son bisaïeul maternel. Ce fut à lui qu'on dut la construction d'un pont de pierre sur la Loire en face du château d'Amboise, ainsi que celle de l'église de Saint-Thomas , et surtout la fondation de treize pauvres, en mémoire des treize apôtres, nour- ris pendant tout le carême aux frais des seigneurs d'Amboise, et habillés complètement le jour de Pâques, et non , comme quehjues-uns l'ont dit , le jour de la Fête-Dieu, qui ne fut instituée qu'en 1264 par le pape Urbain IV, Il mourut en 1128 au retour du

AMBOISE. 7

second voyage qu'il avait fait à la Teire-Sainte avec Foulqiies-le-Jcunc, comte d'Anjou, depuis roi de Jé- rusalem. D'Elisabeth, fille de Guillaume do Jaligny et d'Ermengarde de Bourbon, il laissa trois enfans : 1** Sulpice, son successeur; 2* Hugues, qui épousa Lisoye, fille unique de Geoffroi-le-Roux , seigneur de Colombiers, dont il n'eut point d'enfans; 3" Denise, mariée a Oldin de Bourbon, morts aussi sans lignée. Sulpice II, seigneur d'Amboise et de Chaumont, naquit en iio5, et fut souvent heureux dans les guerres fréquentes qu'il eut avec ses voisins. Il défit Bouchard de Saint -Amand, sénéchal de Vendôme ? auprès de Cangy, a deux lieues d'Amboise, et le fit prisonnier avec sept chevaliers, battit Geoffroy-Gri- segonnelle, comte de Vendôme, et le fit de même prisonnier; enfin dans une autre rencontre auprès de Ville-Chauve, il remporta un pareil avantage sur Jean de Vendôme, fils du comle, et l'emmena prisonnier dans son château de Chaumont. Enflé de tant de suc- cès, il osa s'attaquer à Geoffroy- le -Bel, comte de Touraine, son seigneur, et enleva des bourgeois de Châteauneuf , qui , suivant la coutume, allaient rendre hommage à leur comte au nom des autres habitans, afin d'être maintenus dans leurs privilèges pendant la guerre. Il fit cependant la paix avec lui ; mais il ne fut pas aussi heureux dans la guerre qu'il eut à sou- tenir contre ïhibaut-le-Bon , comte de Blois, guerre .dont nous avons donné les détails au quatrième livre de notre histoire sur l'année 1 1/(3. Il mourut en 1 153, ayant épousé Agnès , fille de Hervé de Donzy, seigneur

8 HISTOIRE DE TOURAINE.

de Saint-Aignan. De ce mariage naquirent deux fils et deux filles , Hugues et Hervé , Denise et Elisabeth. Denise épousa Ebbon , seigneur de Déols en Berri , et Elisabeth André T' d' Aluye , seigneur de Châteaux et de Saint-Christophe en Touraine.

Hugues II, seigneur d'Amboise, de Chaumont et deMontricliard, avait été fait priso«nier ainsi qu'Hervé son frère par Thibaut comte de Blois. Tous les deux ne furent mis en liberté qu'en 1 1 54 au mois de sep- tembre par le traité de paix fait entre ce comte et Henri duc de Normandie, depuis roi d'Angleterre, à la condition que le château de Chaumont serait démoli. Quelque temps après Thibaut surprit le châ- teau d'Amboise. Mais en décembre i iSy il fut obligé de le rendre au roi d'Angleterre, qui le fit fortifier et y mit une bonne garnison. Dans le même temps Louis-le-Jeune ayant déclaré la guerre à ce même roi d'Angleterre Henri II, les trois frères, Henri comte de Champagne , Thibaut comte de Blois , et Etienne de Sancerre, beau-frère du roi Louis, s'emparèrent de Chaumont, et y bâtirent une nouvelle forteresse ; mais Henri, étant promptement accouru avec tout ce qu'il avait de troupes en Touraine, l'emporta d'assaut et le remit entre les mains de Hugues d'Amboise, qui ^ pour venger la mort de son père , ne cessa de faire la guerre au comte de Blois jusqu'à la paix, qu'amena enfin le mariage de Sulpice , son fils aîné , avec Isabelle , fille aînée de Thibaut. Hugues II avait épousé Mahaud, fille de Jean I" de Vendôme et de Richilde de Lavar- din , dont il eut : Sulpice; Jean ; 3** Guillaume,

AMBOISE. 9

chanoine de Chartres; 4"* Isahelle, comtesse d'An- goulême ; 5" Agnès , femme du comte d'Evreux ; Denise. On y ajoute une Marguerite mariée à Re- naud , seigneur de Berrie dans le Loudunois.

Sulpice III , seigneur d'Amboise , de Chaumonl et deMontrichard , fut un des premiers qui quittèrent le service du roi d'Angleterre , comte de Touraine , pour suivre le parti de Philippe-Auguste. En i ioi il se jeta dans Châteauneuf par ordre du roi , empêcha par cette démarche les courses de la garnison anglaise qui tenait le château de Tours, et conserva le pays sous l'obéissance du roi de France. D'IsabeMe de Blois, comtesse de Chartres, son épouse, il eut deux enfans, Hugues, mort jeune, et Mathilde qui suit.

Mathilde, dame d'Amboise, de Montrichard et de Chaumont, comtesse de Chartres, fut mariée deux fois. La première à Richard , vicomte de Beaumont , et la seconde à Jean, comte de Soissons; mais elle n'eut point d'enfans de ses deux maris , et mourut en 1256, laissant sa succession paternelle à Jean de Berrie, son cousin-germain.

Jean de Berrie, premier du nom, chevalier, devint seigneur d'Amboise, de Chaumont, de Montrichard, de Lirtieray, par la mort de Mathilde d'Amboise. Nous avons dit qu'une Marguerite d'Amboise avait épousé un Jean de Berrie. L'abbé de Marolles prétend au contraire que ce fut Jean d'Amboise qui épousa Marguerite de Berrie. D'après lui la ligne directe n'aurait pas été interrompue. Mais comme il n'ap- porte point de preuves, la question reste au moins

lO HISTOIRE DE TOUR AINE.

indécise. Jean, devenu seigneur d'x4mboise, affran- chit les habitans de Limeray de la taille et de quelques autres droits onéreux moyennant quarante livres de rente, et il en donna ses lettres au mois de décembre 1 256. Il mourut dans son château de Berrie le 6 juillet j 274, laissant d'Agnès sa femme , entre autres enfans, Jean qui suit.

Jean de Berrie , deuxième du nom , seigneur d'Am- boise , de Chaumont , de Montrichard, de Bléré et de Berrie, prit en 1296 qualité d'héritier ah intestat à^i Sulpice III d'Amboise. Il eut de Jeanne de Charost son épouse trois fils, Pierre P% Hugues, qui a fait la tige des seigneurs de Chaumont, et Gilbert, grand- archidiacre de Tours en i3o4-i3i2.

Pierre T', seigneur d'Amboise, de Montrichard et de Bléré, prit alliance avec Jeanne dame deChevreuse et de Maurepas , qui était veuve en i?>ii. Il en eut cinq fils : Jean , mort au berceau , auquel on donna ce prénom en l'absence du père , qui avait prescrit qu'on le nommât Ingelger, en mémoire de celui qui avait rapporté d'Auxerre les reliques de Saint-Martin. Cette faute fut réparée à la naissance du second fils, Ingelger qui suit; Anceau, seigneur de Civray et de Bléré; 4" Guy; César, chanoine et chantre de l'église de Tours , mort le 4 mai 1 36 1 .

Ingelger, seigneur d'Amboise, de Montrichard, de Bléré, de Civi-ay, de Gamaches, de Berrie et de Che- vreuse, surnommé le Grand, fut fait prisonnier à h bataille de Poitiers en 1 356. Depuis ayant été déli- vré, il fut au nombre des cautions du roi Jean en

AMBOISE. 1*1

i36o pour faire rendre TAngoumois au roi d'Angle- terre. Les frères Sainte-Marthe disent qu'il fut marié deux fois, la première avec Marie de Flandre, dame de Nesle, de Mondoubleau, de Ruremonde, etc., et la seconde avec Isabeau , fille de Louis II , vicomte de Thouars, avec laquelle il acheta une partie de la terre de la Fertë-Bernard , de Jean comte d'Anjou et du Maine, vente confirmée par Philippe de Valois, qui, en i344? céda à Ingelgerle reste de la seigneurie. De sa première femme il n'eut que deux filles, Jeanne, femme de Charles de Trie comte de Dammartin , et Marguerite, mariée à Pierre de Sainte-Maure. De la seconde il eut Pierre II qui suit , Ingelger, seigneur de Roche - Corbon , et- deux filles. Ingelger épousa Jeanne, fille de Pierre de Graon, dont il eut Louis d'Amboise, que l'on verra après le suivant.

Pierre II, vicomte de Thouars, comte de Bonon, seigneur de Mauléon , de Renais, du Brandon, de Châ- teau-Gonthier, d'Olonne, de Talmont , de l'Ile-de- Rhé, de Rléré et de Montrichard , servit utilement Charles VII dans les guerres que ce prince eut à sou- tenir contre les Anglais. Il fonda les cordeliers d'Am- boise et mourut en i4i6. Il avait épousé en premières noces Jeanne, fille de Jean II, vicomte de Rohan , dont il n'eut point d'enfans , non plus que de sa seconde femme Isabeau, fille de Bertrand Goyon de Matignon et de Marie de Rochefort.

Louis d'Amboise, unique de ce nom, fils aîné d'In- gelger et de Jeanne de Graon , hérita de tous les biens de Pierre II, son oncle paternel. Nous avons parlé au

12 HISTOIRE DE TOURAINE.

huitième livre fie ses intrigues , de ses complols à la cour de Charles VII, ainsi que de la peine de mort prononcée contre lui. Ses biens furent confisqués par suite de cette condamnation, mais ils lui furent ren- dus quelque temps après , à l'exception cependant des villes d'Amboise et de Château-Gonthier, qui demeu- rèrent annexées à la couronne par lettres du mois de septembre i434. Louis fut ainsi le dernier seigneur d'Amboise. Il fut marié deux fois : la première à Jeanne , fille de Jean III sire de Rieux , et la seconde avec Nicole, fille de Jean de Chambre et de Jeanne Chabot, dont il n'eut point d'enfans ; mais la pre- mière lui donna trois filles : i" Françoise, mariée le 21 juillet i43i à Pierre duc de Bretagne; Jeanne, première femme de Guillaume d'Harcourt , comte de Tancarville; 3** Marguerite, épouse de Louis, fils de ce même Georges de La Trémouille que son père , Louis d'Amboise , avait enlevé à Chinon sous les yeux du roi. Elle eut en dot la principauté de Taimont, avec les seigneuries de Berrie, de l'île de Rhé, d'Olonne, de Marennes, etc. Après la mort de son père elle recueillit tout l'héritage, ses deux autres sœurs n'ayant point laissé d'enfans.

Il y a eu trois autres branches de la maison d'Am- boise dont il n'entre point dans notre plan de faire mention. Ce sont celles de Chaumont, d'Ambijouxet de Bussy, toutes les trois du nom d'Amboise. Cette maison portait d'or à trois pals de gueules.

La ville d'Amboise, peu considérable dans son principe, commença a prendre quelque accroissement

AMBOISE. l3

SOUS le gouvernement des comtes d'Anjou. Les sei- gneurs du nom d'Amboise l'agrandirent encore; mais ce fut principalement sous les règnes de Charles VII , de Louis XI et de Charles VIII, qu'elle parvint au degré de population oii elle est aujourd'hui. Ce der- nier roi, qui y était en 1470, avait intérieurement le désir d'y établir son séjour. Aussi, voulant rendre le château d'Amboise le plus magnifique de ceux qui existaient alors, il avait appelé près de lui les meil- leurs artistes de l'Italie; mais sa mort prématurée fit évanouir ce projet. Il n'y eut d'achevé que la chapelle et les deux tours qui s'élèvent depuis le pied du roc jusqu'au corps -de -logis nommé les Sept -Vertus. Louis XII, son successeur, fit faire la grande galerie et le balcon qui regarde du côté de l'ancien couvent des Minimes. On dut ensuite à François P^ l'appar- tement du roi et de la reine. Enfin , la superstitieuse Catherine de Médicis , veuve de Henri II, fît construire à côté une chambre soutenue par quatre piliers de pierre, et qui n'avait qu'une simple ouverture sans plancher , ce qu'elle fit pour éviter la prédiction d'un astrologue qui l'avait avertie de craindre la chute d'un grand édifice.

L'institution de l'ordre de Saint-Michel à Amboise par Louis XI, le i^^ août 1469, et la conjuration qui y éclata en 1 56o , ont trouvé leur place dans le cours de notre histoire.

Depuis la réunion de la ville d'Amboise h la cou- ronne, le château eut des gouverneurs particuliers qu'on nomma d'abord cliâtclains, et ensuite capi-

l4 HISTOIRE DE TOTJRAINE.

laines ; mais leur nomenclature n'offre pas assez d'in- térêt pour trouver place ici. Nous dirons seulement que Gaston de France, duc d'Orléans, frère unique de Louis XIII, ayant eu la ville et le château d'Amboise en augmentation d'apanage , sur la fin de l'année 1629, il y mit pour gouverneur le marquis de Puy-Laurens; mais Gaston s'élant brouillé avec son frère, au mois de février i63i, le château fut assiégé le 3o mars par ordre du roi, pris, et remis le 5 avril suivant entre les mains du maréchal de Chatillon, qui en donna le commandement au sieur de Saint-Règle.

Le gouvernement d'Amboise avait aussi un lieu- tenant de roi, place qui fut créée le 1" avril 1639 en faveur de Laurent Le Blanc de La Vallière, troi- sième du nom, et dont fut également pourvu son fils, Laurent IV, père de la célèbre duchesse de La Vallière.

Amboise, baronnie., avait deux chatellenies, deux prévotés, et cent quarante-six fiefs qui en relevaient. Son bailli de robe-courte a subsisté depuis la réunion de la ville à la couronne jusqu'en i5i6 que le roi y établit un bailli de robe-longue. Nous avons déjà dit comment ce bailliage fut supprimé en 1764 lors de l'érection d'Amboise en duché-pairie. On y comptait une élection , un grenier à sel , et une maîtrise des eaux et forêts.

La ville, à l'exception des faubourgs, 'jouissait de l'exemption de tailles, en vewti de lettres patentes données par Loufis XI au mois d'octobre 1482. Les

AMBOISE. l5

fonctions de maire, d'abord électives annuellement, avaient subi toutes les variations qui depuis Tan- née 1692 avaient dénaturé le régime municipal.

Le collège pour l'instruction de la jeunesse y fut fondé par Henri III en 1 678.

Quant au spirituel, il se composait d'une collé- giale, de deux paroisses, indépendamment de la succursale de Notre-Dame, à Textrémité nord des ponts, fondée en i358, de deux chapelles, d'un hôtel-Dieu et de trois monastères.

La collégiale placée dans l'intérieur du château, et dédiée d'abord à Notre-Dame, le fut ensuite à saint Florentin , après que le corps de ce saint y eut été apporté par Foulques-Nerra. Elle était, dans le prin- cipe, desservie par six chanoines et un chevecier, fondés par ce même comte d'Anjou , et par Sulpice de Buzançais, seigneur de la tomMl'Amboise. Dans ces derniers temps le nombre en était de dix a la col- lation du roi, ainsi que le doyenné institué en 1390 par le pape Boniface IX, à la prière d'Ingelger; mais depuis l'érection d'Amboise en duché-pairie, la colla- lion de tous les bénéfices avait été dévolue au titu- laire de ce duché, qui n'en a compté que deux, le duc de Choiseul et le duc de Penthièvre.

L'église paroissiale de Saint-Denis fut bâtie par saint Martin , oui y plaça pour euro un prêtre nommé Marcellus. C'e^ ce que nous apprend le testament de saint Perpète,.qui légua à cette église un calice d'ar- gent, et une croix dariSs tequelle il y avait des reliques

.^

l6 HISTOIRE DE TOURAIJNE.

de saint Denis. Il en dépendait une chapelle dédiée à saint Simon.

Le duc de Choiseul avait donné à l'église de Saint- Denis un cimetière dans lequel il s'était réservé une place particulière, séparée de l'enceinte commune. Un monument en marbre y avait d'avance été érigé par ses soins, sans beaucoup de faste, sinon dans les inscrip- tions. Ses restes y avaient été déposés ; mais à cette époque, l'asile même de la mort n'était pas res- pecté, ce tombeau fut détruit ainsi que tant d'autres beaucoup plus respectables. Cependant, en 1802, ses débris ayant été retrouvés , il fut rétabli aux frais d'un habitant d'Amboise, le sieur Perrault, reconnaissant des bienfaits de l'ex-ministre , cause première de sa fortune.

La chapelle de Saint-Florentin , dans l'intérieur de la ville, fut érigée en paroisse l'an io44î ^n faveur seulement des nobles et de leur suite , et en outre pour tous les étrangers pendant l'espace d'une année à l'é- gard de ces derniers.

Cette église renferme un monument assez curieux, surtout quand on en connaît l'allégorie. Placé d'abord dans l'église du prieuré de Bon-Désir près le château de la Bourdaisièrc, construit par Francjois 1" pour la famille Babou , il en fut retiré lors de la suppression de ce prieuré et transféré dans la collégiale du châ- teau d'Amboise, d'où il est passé en 1 802 dans l'église paroissiale de Saint -Florentin, on le voit encore aujourd'hui dans la nef en face de^k porte.

C'est un

AMBOISE. l'y

sarcophage ouvert par le devant , laissant voir le Christ étendu mort. Sur le derrière sont sept figures debout, en costume oriental, au nombre desquelles sont quatre femmes. Elles représentent Nicodême à la tête du tombeau ; au pied Joseph d'Arimathie ; à gauche on remarque la Vierge, saint Jean-Baptiste et une des saintes femmes. A la gauche de saint Jean sont les deux autres saintes femmes, en tout huit figures, y compris celle du Christ. Les quatre figures de femmes sont les portraits fort ressemblans de Marie Gaudin, épouse de Philbert Babou de La Bourdaisière , et de ses trois filles, qui furent successivement maîtresses de François 1*'. Celui-ci à sa haute stature est parfai- tement reconnaissable dans le Joseph d'Arimathie, et le Christ est le portrait non moins ressemblant de Philbert Babou, pour lequel ce tombeau fut exécuté. Il est en terre cuite et peinte, ainsi que les autres figures, qui sont de grandeur un peu plus que natu- relle. Peut-être dans le Nicodême et le saint Jean a-t- on voulu représenter les deux fils de Babou , Jacques et Philbert, qui furent l'un après fautreévêques d'An- goulême et doyens de Saint-Martin. Il esta croire que ce monument fut l'ouvrage de quelques-uns de ces artistes italiens que ramenèrent avec eux Charles VIII et François I", et qui furent les meilleurs fruits de leurs désastreuses guerres d'Italie.

Auprès de ce tombeau est une autre figure prove- nant également de Bon -Désir, et qu'on dit être celle d'Agnès, épouse de Victor Gaudin, père de l'épouse de Philbert Babou. D'autres pensent, ce qui est plus 3. 2

ï8 ' HISTOIRE DE TOURAINE.

probable , que c'est celle de la dame Babou elle-même. Cette figure en marbre blanc représente une femme nue près de rendre le dernier soupir; elle tient de la main gauche un linceul, qui, se repliant sous son cou , vient en passant sous le coude cacher le ventre et une partie des cuisses, laissant les jambes à décou- vert. L'humidité du roc dans l'origine ce marbre était placé l'a empreint d'une teinte verdâtre qu'il conserve toujours, mais qu'on pourrait peut-être faire disparaître.

Il y avait dans cette même église de Bon-Désir, au dessus du tabernacle, une Vierge de bronze en ronde- bosse du poids de sept cents Uvres, ouvrage précieux coulé à Florence. Cette Vierge tient l'Enfant Jésus et n'est vue qu'à hauteur de ceinture. Elle est portée sur un nuage soutenu par des têtes de chérubins. Les bords de la draperie sont dorés : mais le reste de la figure conserve la couleur du métal. Depuis la sup- pression de Bon-Désir, ce monument avait été placé au haut du rond-point de l'église de Saint-Florentin, et on lisait au bas cette inscription : « Henricus II, « religionis christianœ protector piantissimus, in me- V moriam suse devotœ visitationis , hue me apportari « curavit anno i555 die 22" martis. »

L'Hôtel-Dieu d'Amboise est peut-être le premier en France qui ait été gouverné par des sœurs hospita- lières. Mathilde, dame d'Amboise, par ses lettres du 12 juillet 1243, leur accorda le droit d'usage et de chauffage dans sa forêt, ainsi que le droit de pêche dans la Loire et l'Amasse, avec exemption de dîmes et

I

AMBOISE. 19

faculté d'acquérir toutes sortes d'héritages dans ses fîefs sans payer aucuns droits.

Les Cordeliers furent fondés en i4t2 par Pierre d'Amboise, deuxième du nom, qui leur accorda de même le droit d'usage et de chauffage dans sa forêt. Plusieurs seigneurs de la même famille y ont eu leur sépulture. On voyait dans le choeur, derrière le grand autel , le tombeau de Charles d'Amboise , seigneur de Chaumont, mort à Tours le 22 février i48i. A côté du chœur, dans la chapelle de Saint-Jean, était celui de Charles II d'Amboise, grand-maître, maréchal et amiral de France.

Dans la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié était le tombeau de Guillaume Gouffier, père du trop célèbre amiral Bonnivet. Sa base en pierre était couverte d'une table de marbre noir, sur laquelle était éten- due la figure en marbre blanc d'un chevalier revêtu de son armure, ayant derrière lui son casque posé sur un carreau , et à ses pieds un griffon ailé. On y lisait cette épitaphe :

« Cy gist feu messire Guillaume Gouffier, seigneur « de Boisy, de Bonnivet et d'Oyron, premier cham- « bellan du roy Charles VII , et depuis gouverneur du «fils du roy Charles YIII, lequel trespassa en cette «ville d'Amboise le vingt- troisième jour de may « 1495. »

A la tête de ce tombeau s'élevait une pyramide de marbre noir posée sur une base de pierre et couron- née d'un cœur de bronze doré. Ce monument plus récent avait été érigé à la mémoire de Henri de Gouf-

2.

no HISTOIRE DE TOURAINE.

fier, marquis de Boisy, tué au combat de Saint-Iber- querque le 24 août i63g. On y lisait une longue ëpi- taphe de quarante-trois lignes en style lapidaire, et eu outre deux autres épitaphes en vers, dont nous ne rapporterons que la dernière et la meilleure, signée Coslardeau , que nous croyons être le même que Julien Coîardeau , assez bon poète du temps , auteur d'une description en vers du château de Richelieu.

Je compte dans ma race uue suite d'aïeux Du vieux sang de Gouffier, souverains d'Aquitaine. Ma vertu me donnait une preuve certaine D'être d'une tige illustre en demi-dieux.

Mon épée a gravé ma gloire en mille lieux : Tous les peuples du Rhin, de Flandres, de Lorraine, Savent bien si je fus soldat et capitaine , Dign c du lit d'honneur je dors glorieux.

La valeur et l'adresse, à mon sang naturelles, N'ont jamais soutenu ni combats ni querelles , Ni choc des ennemis que mon bras n'ait vaincu.

J'ai bravé la fortune et surmonté l'envie. Passant, que veux-tu plus? Vois comme j'ai vécu. Et juge par ma mort de l'éclat de ma vie.

Dans le caveau de la chapelle de Saint-Jean était le tombeau d'une Charlotte de Rostaing , qui , selon son épitaphe , était fille d'honneur de Louise de Lor- raine , reine de France ; ses armes sont une roue d'or en champ d'azur écartelé d'or.

On a vu dans le corps de notre Histoire l'époque de la fondation des minimes d'Amboise, faite par le roi Charles VIII à la recommandation de Louis XI son père. C'est ici le lieu de parler d'un ancien monument

AMBOISE. I

auquel on a donné le nom de Greniers de César, parce que tout ce qui porte quelque caractère d'ancienneté est attribué sans examen au siècle de ce conquérant des Gaules : mais tout ce que Ton raconte au sujet de ces greniers n'est fondé que sur la tradition populaire, toujours fort suspecte. Une seule chose , très-douteuse encore , pourrait donner quelque vraisemblance à cette tradition. Ce sont les traces d'un ancien camp romain, qu'on a prétendu reconnaître sur la plate- forme où ces greniers ont été creusés. Mais le camp lui-même est chose assez problématique. En admet- tant son existence, ce serait de qu'on serait des- cendu dans ces Greniers, dont nous allons essayer de donner la description.

Ce sont deux édifices taillés dans le roc , ayant chacun quatre étages , au miheu desquels est un es- calier en pierre de cent vingt marches communiquant de l'un a l'autre. Dans le premier se trouve une cave qui a deux cent dix pieds de long sur cinquante-huit de large , et au-dessus trois greniers l'un sur l'autre voûtés en pierre, carrelés, et renduits non pas en ciment, mais avec une couche de mortier fin tel que celui dont on se servait autrefois pour appliquer les peintures à fresque. Au plus haut étage sont quatre cuves taiUées dans le roc, revêtues de briques cimen- tées en dedans , ayant environ quarante pieds de pro- fondeur sur neuf de largeur, et se terminant en une voûte qui se ferme avec une pierre de deux pieds et demi de diamètre. Le second édifice est pareil au pre- mier^ excepté qu'on n'y trouve point de cuves. A

0

22 HISTOIRE DE TOURAINE.

l'extrémité de ces deux greniers , au midi , on voit deux tours rondes également creusées dans le roc en forme de puits. Elles sont partagées dans leur éléva- tion par des divisions qui font que le faux ciel de la première sert de plancher à la seconde, et ainsi des autres. Quelques personnes ont imaginé que ces tours, enduites du même mortier que les caves , étaient des espèces de foudres propres à contenir des approvi- sionnemens de vin : mais il resterait à savoir par oîi on aurait pu introduire et sortir des vaisseaux pour en extraire le vin. Ces tours n'étaient donc que des entonnoirs ou conduits , par lesquels on jetait le blé déposé sur la plate-forme pour l'emmagasiner dans les greniers, et l'ouverture qui se trouve au milieu des planchers ou étages de chacune de ces deux tours vient à l'appui de cette opinion et détruit victorieu- sement la première.

Quoi qu'il en soit , un pareil travail a être long et dispendieux , et la conception en est encore plus ingénieuse que l'exécution n'en est hardie. C'est ce qui l'aura fait attribuer aux Romains ; et quoique pourtant rien n'y porte le caractère distinctif de leurs ouvrages, il serait possible qu'ils eussent entrepris celui-ci , non pas du temps de César, mais à l'époque leur puissance, déjà chancelante dans les Gaules, leur faisait craindre de s'en voir expulsés , ce qui arriva en effet en ^So. Malgré la vraisemblance de ces conjectures, on pourrait sans inconvénient se ranger au nombre de ceux qui ont pensé que ces tra- vaux étaient dus aux premiers comtes d'Anjou , pos-

ARTAKNES. 23

sesseurs du domaine d'Amboise , et que c'était le lieu ils déposaient ies provisions du château et de la garnison. I^es nombreuses forteresses élevées par Foulques -Nerra prouvent qu'il était capable de pa- reilles entreprises.

Le monastère des Ursulines ne datait que de Tan- née 1626.

Nous avons parlé des monnaies que Clovis fit frap- per à Amboise lors de son entrevue avec Alaric en 5o4. On assure qu'elles étaient d'or pur, et qu'elles portaient sa tête d'un côté avec une croix ancrée sur le revers. Mais ces monnaies ne sont pas venues jus- qu'à nous. Nous ne connaissons que celles qui furent fi'appées par les monétaires du règne de Charles-Ie- Chauve. Ce sont des oboles d'argent on lit du côté de la tête, soit Amhacia vic^ soit Ambacia castrum, soit tout simplement Ambacia. Le revers offre l'em- preinte d'une croix, et autour le nom du monétaire. On y on distingue trois, savoir: Reicisilus , Dom^ macliarus et Sabellicus.

ARÏANNES, BARONNÎE.

Artannes (^Artannœ) est un bourg situé à quatre lieues de Tours au midi , à la gauche de l'Indre. C'était une dépendance de l'archevêché de Tours. Le château anciennement bâti par les archevêques était pour eux un lieu de plaisance ilsaimaicnt à se retirer. Il avait le titre de baronnie ainsi que toutes les grandes seigneu- ries dépendantes de l'archevêché qui relevaient immc-

24 HISTOIRE DE TOURAINE.

diatement du roi. Ce fut Henri II , roi d'Angleterre , comte d'Anjou et de Touraine, qui établit que les ar- chevêques, évêques et autres seigneurs relevant de lui tiendraient leurs terres à titre de baronnie, titre qui leur donnait plusieurs privilèges particuliers, entre autres celui de pouvoir accorder la grâce à ceux qui avaient été condamnés au simple bannissement. Ce privilège fut aboli lors de la réformation de la cou- tume de Touraine en iSSg. Quoique nous ne con- naissions d'autres seigneurs*^\ç.^tte baronnie que les archevêques de Tours, il paraît ejj^endant qu'il y avait en Touraine une famille qui en portait le nom ; car nous voyons que, vers i43o ou i436, un Jean d'Ar- tannes épousa Imblette, fille de Jean de Voyer, pre- mier du nom, seigneur de Paulmy.

Il dépendait de la baronnie d'Artannes une châtel- lenie et trente seigneuriëisou fiefs rendant hommage à l'archevêque, qui y avait sa justice exercée par un bailli, un procureur fiscal et un greffier.

AZAY, VICOMTE.

Le nom d'Azay est propre à quatre communes de la Touraine : i ** Azay-le-Vicomte ou le Cliétif , Azia- cum-Captivum ; 2" Azay-le-Rideau , Aziacum ' Ri- delli; Azay - sur - Cher , Aziacumsuprà-Carum ; Azay-le-Féron , AziacurmFjirronu, Ces deux der- niers étaient des terres non titrées sur lesquelles nous n'avons rien à dire. Nous ne nous occuperons que des deux premiers.

AZAY-LE-HIDEAU. Îi5

Azay-le-Chëtif ou le Chadieu est situe sur la rive gauche de l'Indre à deux lieues et demie nord-ouest de la ville de Loches. Il avait le titre de vicomte ; mais nous ignorons à quelle époque en remonte l'érection. Cette terre a long-temps appartenu à la famille, de Carreleu , et nous voyons qu'en i3i2 un Hervé de Carreleu en était seigneur. Si nous remontons plus haut, un titre de l'abbaye de Marmoulier nous prouve qu'en I2i3 un Guillaume d'Azay fut le premier des baillis de Touraine institués par Philippe-Auguste. Il est assez probable que ce Guillaume était seigneur d'Azay-le-Chétif , puisqu'à la même époque Hugues Ridel l'était d'Azay-le-Rideau.

AZAY-LE-RIDEAU.

Azay-le-Rideau est une petite ville également située sur l'Indre à cinq lieues au-dessous de Tours, sur la route de Chinon. Ce n'était qu'une simple châtellenie, mais qui datait d'une époque assez reculée. Cepen- dant la première connaissance que nous ayons de ses seigneurs châtelains ne remonte qu'à Hugues Ridel ou Rideau, que nous voyons figurer en iai3 au nombre des chevaliers bannerets de la Touraine institués par Philippe- Auguste, ce qui indique une famille déjà ancienne à cette époque, et qui paraît avoir donné à cette ville le nom qu'elle porte encore. Autrefois en- tourée de murs et fortifiée, elle devait être plus im- porlante si nous en jugeons par les différens sièges

26 HISTOIRE DE TOURAINE.

qu elle a soutenus. Les Bourguignons s'en emparèrent sous Charles VI, et elle fut reprise par le dauphin en i4i8, ainsi qu'on l'a vu dans le cours de notre His- toire.

' Jean Berthelot, conseiller du roi, maître de la chambre aux deniers , était seigneur d'Azay-le-Rideau sous le règne de Louis XI. Il épousa Perrinelle Tho- reau, dont il eut entre autres enfans Gilles qui suit.

Gilles Berthelot , seigneur d'Azay-le-Rideau , con- seiller secrétaire du roi et maître de la chambre des comptes de Paris à la place de son père , fut maire de Tours en iS^o après Guillaume de Beaune. Ceux de sa famille avaient leur sépulture dans la paroisse de Saint-Denis , et dans une chapelle particulière qu'on nommait la chapelle des Berthelot. Ce fut lui qui fît démolir le vieux château d'Azay et en fît reconstruire un plus vaste et plus beau. Ce château, bâti au milieu d'une île formée par l'Indre, est, par son site et sur- tout par son architecture , l'un des plus pittoresques et des plus remarquables de ceux qu'offre encore la province.

Antoine Raffin, dit Potton, seigneur d'Azay-le-Ri- deau , de Beaueaire , etc. , capitaine de cent archers de la garde du roi, gouverneur de Cherbourg, servit avec distinction sous François I". Il fut nommé de- puis gouverneur du dauphin François à la place de d'Urfé , qui avait été envoyé ambassadeur à Rome.

François Raffin, seigneur d'Azay-le-Rideau, épousa Nicole Leroy de Chavigny, dont il n'eut qu'une fille qui fut mariée à Guy de Lesignem , dit de Saint-^

BAUÇA.T. a 7

Gelais , seigneur de Lan sac , auquel elle porta en dot la seigneurie d'Azay-le-Rideau.

Guy de Lesignem fut seigneur d'Azay du chef de sa femme, dont il eut Artus qui suit.

Artus de Lesignem, seigneur de Lansac, seigneur d'Azay-le-Rideau, épousa Françoise, fille de Gilles de Souvré marquis de Courtenvaux , gouverneur de Tou- raine et du dauphin depuis Louis XIII. De ce mariage naquit une fille qui épousa le marquis de Vassé.

......... marquis de Vassé fut seigneur d'Azay- le-Rideau du chef de sa femme, qui lui apporta cette terre en dot.

Elle est passée depuis dans les maisons de Cosse , de Courdemanchc et de Biencourt, qui la possède actuellement.

BAUÇAY, BARONNIE.

Bauçay ou Baucé {Baucœum)^ commune située à une lieue et demie de Loudun , a donné son nom à une famille assez illustre d'où sont sortis quelques guerriers qui ont signalé leur bravoure en différentes occasions. Hugues I" fut chevalier banneret de Tou- raine sous Philippe-Auguste. Hugues III , dit le Grand, accompagna Charles de France, frère de saint Louis, comte d'Anjou , roi de Naples, de Sicile et de Jéru- salem, dans son voyage d'Italie , et se trouva à la jour- née de Bénévent Mainfroy, prince de Tarente, qui avait usurpé la couronne de Naples, fut battu et tué le 26 février 1 1^^, On trouve le récit de cette

H^^-

HS HISTOIRE DE TOURAINi:.

bataille dans une lettre que Hugues III écrivit en ce temps aux chevaliers et gentilshommes de Touraine et d'Anjou. Il se croisa depuis avec Guy son frère en 1268, lors de la seconde expédition de saint Louis. Après la mort de ce monarque , tous les deux furent tués en 1270 dans un combat contre les Sarrasins, leur valeur les ayant emportés trop avant dans les rangs ennemis. Guillaume Guyart en parle ainsi dans son Roumans de la branche aux réaux lignages.

Hue et Guy de Baucé deux frères , Avec eulx ly filz et ly père De Préciguy qui les suy virent , Entre Sarrasins s'embattirent Bruyans comme foudre et acerres.

Hugues IV, fils de Hugues-le-Grand, assista au sacre de Guillaume Lemaire, évêque d'Angers en 1290. Il n'eut qu'une fille , mariée à Charles d'Artois , prince du sang royal , qui fut fait prisonnier à la bataille de Poitiers en i356. Mais après la mort de Louis d'Ar- tois , fils de Charles , cette baronnie retourna à la famille du nom de Bauçay, éteinte dans le seizième siècle. Elle était passée depuis, pour les deux tiers seulement , dans la maison de Richelieu.

BEAULIEU, BARONNIE.

Beaulieu (^Bellilocus) est une petite ville qui n est séparée de celle de Loches que par un petit bras de l'Indre qu'on traverse sur un pont au milieu duquel était une porte fortifiée formant la limite des deux

BEA.ULIEU. ag

territoires. Cette proximité eût en opérer la ré- union, si l'antipathie qui de tout temps a régné entre les habitans des deux communes n'y eût pas apporté des obstacles qu'on n'a pas assez pris soin de surmon- ter; car si , en 1 790 , on eût fermé l'oreille à de vaines clameurs, la fusion serait probablement faite depuis long-temps , et peut-être de deux villes sans impor- tance fût-on parvenu à en faire une seule plus digne de ce nom.

Cette baronnie ayant de tout temps été possédée par les religieux bénédictins de Beaulieu, nous ren- verrons à la quatrième partie pour ce qui concerne cette abbaye.

C'est à elle que le Beaulieu d^aujourd'hui doit son origine et son accroissement. On sait qu'elle fut fon- dée vers l'an 1010 par Foulques-Nerra. Cependant, et sans se perdre dans les ténèbres des temps celti- ques , on peut croire que même avant cette fondation il existait déjà dans ce lieu une réunion d'habitations, puisque Foulques-Nerra dans sa charte le désigne sous le nom de Burgum, On croit même que c'était en cet endroit que le duel s'exécutait toutes les fois qu'il était ordonné , ce qui l'avait fait appeler Belli locus , lieu du duel, et non Bellus locusj ce lieu ne pouvant être renommé pour la beauté de son site. Mais ceci n'est qu'une simple conjecture, et l'on n'en est pas moins fondé à croire que sans l'abbaye et sans les pri- vilèges particuliers qu'en sa considération Foulques- Nerra accorda aux habitans, BeauHeu fût resté comme

3o HISTOIRE DE TOURAINE.

tant d'autres un village sans aucune importance. De serfs qu'ils étaient, les habitans de Beaulieu ayant été affranchis par le comte d'Anjou, ils purent se livrer à l'agriculture et au commerce avec la certitude que leur héritage passerait à leurs enfans. Telle fut la cause première de leur prospérité. Ils éprouvèrent peu de vicissitudes jusqu'au commencement du quinzième siècle. A cette époque de la faction des Armagnacs et des Bourguignons , les Anglais étaient entrés en France, appelés par des princes français, assez aveuglés par l'esprit de parti pour invoquer les secours de l'étranger ; mais ces mêmes princes, les ducs d'Orléans et de Berri, ayant fait leur paix avec le roi , l'inter- vention des Anglais leur devenait inutile. Ceux-ci, furieux de manquer une si belle occasion de déchirer le royaume, s'en vengèrent par le pillage de tout le pays qui se trouvait sur leur passage. Beaulieu sans défense se vit en proie à l'excès de leur brigandage. Vainement les moines tentèrent de se fortifier dans leur abbaye, elle fut prise et incendiée. La ville éprouva le même sort. L'église fut à peine sauvée de la destruction : mais le trésor, les vases sacrés, les ornemens , tout fut pillé comme en pays ennemi , et l'abbé fut emmené prisonnier en Angleterre , il était encore détenu plus de quinze ans après. Tels étaient pourtant les auxiliaires que les factions cher- chaient à se donner tour à tour.

Ce désastre fit sentir, mais un peu tard, la néces- sité de mettre à l'avenir Beaulieu à l'abri d'un coup de

BEà.ULIEU. 3l

main; en conséquence on Fentoura d'une forte mu- raille, qui fut en outre défendue par trois portes gar- nies chacune de leur boulevard.

Agnès Sorel avait son hôtel àBeaulieu, oîi elle sé- journait assez habituellement lorsque Charles VII n'habitait pas le château de Loches. Il n'y était connu que sous le nom de maison de la reine. Il devint par la suite la demeure des capitaines de la ville de Beau- lieu, et lorsqu'ils fuirent supprimés en 1764 on en fît une caserne de cavalerie.

En 1 44o Charles VII mit à Beaulieu une garnison chargée de s'opposer aux courses que faisaient dans tous les environs les troupes qui occupaient le châ- teau de Loches, que Chaumont, gouverneur de la province, avait livré aux partisans du dauphin Louis, alors en rébellion ouverte contre son père. Cette gar- nison était commandée par Jean I" de Voyer, vicomte de Paulmy.

Ce fut aussi à Beaulieu que se tinrent les confé- rences d'après lesquelles la reine-mère, en 1^76, ramena François duc d'Alençon dans le parti du roi son frère, et que la paix fut signée entre eux le 10 mai de la même année.

Les murailles de Beaulieu furent détruites vers l'an 1660.

Cette ville avait anciennement son maire et ses quatre échevins particuliers. Indépendamment de son abbaye, on y comptait trois paroisses : Saint-André, Saint -Laurent et Saint -Pierre, dont la population pouvait s'élever de deux mille à deux mille deux cents

37. HISTOIRE DE TOURAINE.

ames. Il y avait de plus quatre chapelles , un monas- tère de religieuses chanoinesses de Saint -Augustin, fondé par Catherine Boursaut de Viantais, d'où ces religieuses étaient connues vulgairement sous le nom de Viantaises.

Les bénédictins étant, comme nous l'avons dit, barons de Beaulieu, leur justice seigneuriale était exercée par un bailli, un lieutenant, un procureur de cour et un greffier.

Nous avons désigné Beaulieu par le nom latin de Belliiocus, mais nous devons dire qu'on trouve éga- lement dans les chartes et dans les anciens titres Belluslocus et Bellilochia.

BERRIE, BARONNIE.

La baronnie de Berrie {Beria ) , située sur la Dive, commune de Nueil, dans le duché de ïouraine, est une des plus anciennes seigneuries du Loudunois. Elle a pris son nom de sa situation dans une grande plaine ; car suivant Adrien de Yalois dans sa notice des Gaules , beria signifie plate campagne. La famille du nom de Berrie a paru long-temps avec éclat dans notre province.

Béranger I" vivait avant le dixième siècle, du temps de Corbon des Roches.

Béranger II lui succéda dans le cours du même siècle. Il est probable qu'il était son fils.

Gauthier de Berrie vivait vers l'an loio, à l'époque de la mort d'Effroy de Preuilly.

BERRIE. 33

Robert de Berrie est cité clans l'histoire du Maine comme contemporain de Herbert , surnommé Eveille- Chien, qui fut comte du Maine de ici 5 à io36.

Centurien de Berrie servit dans les guerres d'outre- mer vers l'an 1090.

Normand de Berrie était chevalier du temps de Mathiide , abbesse de Fontevrault.

Pierre de Berrie vivait en iioo, ainsi que son épouse nommée Sarrasine ; il en eut un fds nommé Etienne.

Etienne de Berrie fut marié deux fois sans que nous connaissions les noms de ses deux femmes. Du pre- mier lit il eut Renaud et Guyot, ce dernier mort sans lignée, et en outre Marie, femme d'Emery de Brienne. Du second mariage il n'eut que deux filles , dont Tune, Madeleine, fut religieuse à Fontevrault.

Renaud de Berrie eut également deux femmes. La première fut Marguerite d'Amboise qui le fit père de Gilbert seigneur de Berrie , de Jean qui hérita de la seigneurie d'Amboise, de Guillaume qui fut chanoine de Saint-Martin de Tours , et de Guy dont la destinée ne nous est pas connue. Du second lit il eut une fille mariée à Jean de Sazilly. Nous avons vu précédem- ment de quelle manière ce Jean de Berrie hérita par sa femme Marguerite des biens de Mathiide sa cousine.

Gilbert eut en partage la seigneurie de Berrie; mais étant mort sans enfans , elle passa dans la maison d'Amboise.

Jean de Berrie, deuxième du nom , seigneur d'Am- boise, etc.

3. 3

34 HfSTOmÉ BK TOUR AINE.

Pierre I*', seigneur de Berrie, d'Amboise, etc.

ïngelger, dit le Grand, seigneur deBerrie, d'Am- boise, etc.

Pierre II, seigneur de Berrie, d'Amboise, etc.

Louis d'Amboise, seigneur de Berrie , etc. On peut consulter sur ces cinq derniers leur article à celui de la ville d'Amboise.

Louis de La Tremouille devint seigneur de Berrie par son mariage avec Marguerite , qui en hérita après la mort de son père Louis d'Amboise.

Louis de La Tremouille, deuxième du nom, succéda à son père dans la seigneurie de Berrie.

François de La Tremouille, fils du précédent sei- gneur de Berrie , etc.

Louis de La Tremouille , troisième du nom , sei- gneur de Berrie, premier duc de Thouars, prince de Tarente et de Talmont.

Cette terre, étant sortie de la maison de La Tre- mouille, passa ensuite à un conseiller au parlement de Paris, du nom de Thomas Dreux.

BLÉRÉ, VILLE.

Bléré {Blireius) est une petite ville assez ancienne située sur le Cher à six lieues sud de Tours et à deux lieues d'Amboise. Elle avait titre de château et était renfermée de murs aujourd'hui détruits, qui avaient été élevés par les soins de Jean Gonsalve d'Ars, alors gouverneur de son château. On a vu long- temps sa tombe et ses armes dans la chapelle de Saint - Jean

BLÉRÉ. 35

fondée par lui dans Tëglise paroissiale de la ville dédiée à saint Christophe.

L'auteur du Traité de la construction du château d'Amboise n'a point paru embarrassé relativement à l'origine de la ville de Bléré. Selon lui ce n'était d'a- bord qu'une forteresse bâtie par un certain Blireius, qui la donna en dot à Fausta, nièce du comte Ani- cien par sa fille Placida. De celle-ci serait issue cette Lupa, dont nous avons déjà parlé, épouse (^Eudoxe, gouverneur de Tours pour les Romains. Mais il est facile de voir que tous ces personnages inconnus dans l'histoire ne sont que de pures inventions de l'auteur, ou peut-être des fables puisées dans quelque chronique encore plus ancienne.

Quelle que soit l'antiquité de Bléré, rarement notre histoire en fait mention. Il en est parlé dans les Ta- blettes du voyage de Philippe-le-Bel en i3oi ; mais elles ne nous en apprennent rien , sinon que la reine et lui couchèrent à Bléré le aS août.

Le pont de Bléré est antérieur à ce voyage d'envi- ron cent quarante ans. Il était difficile d'en établir sur la Loire : mais le Cher ayant moins de largeur et surtout moins de profondeur, Henri II, simultané- ment roi d'Angleterre et comte de Touraine, en fit construire plusieurs sur cette rivière; celui de Bléré fut de ce nombre, et date par conséquent du milieu du douzième siècle.

Les seigneurs d'Amboise l'ont toujours été de la ville de Bléré jusqu'à l'époque de la condamnation de Louis d'Amboise, dont tous les biens furent confis-

3.

36 HISTOIRE DE TOtIRAINE.

quës et acquis à la couronne en i43i. Alors il serait plus que superflu de rcpc'ter ici ce que nous en avons dit.

Jean de Sainte-Maure, seigneur de Mongauger et de Nesle, fils de Pierre de Sainte-Maure et de Mar- guerite d'Amboise , eut la seigneurie de Blërë pour son partage dans la succession de Pierre d'Amboise; mais il la vendit en i446.

Pierre Bérard, chevalier, maître - d'hôtel du roi Louis XI , acheta d'abord de Jean de Sainte-Maure la seigneurie de Chissay, et ensuite celle de Bléré par contrat du i4 juillet i446. Depuis ce temps elle rele- vait du roi à cause de son château de Tours. Il fonda dans l'église de Blërë une chapelle et quatre chape- lains j conjointement avec son épouse Jeanne Chëritëe, de laquelle il eut trois enfans : Jean, François et Mar- tine. Celle-ci fut mariëe à Pierre Marques, seigneur de Chenonceaux, qui, le 3t janvier i46i , fît hom- mage au roi de cette terre, ainsi que de celles des Odets, du Coudray et du bourg de Saint-Martin -le- Beau.

François Bërard, premier du nom, seigneur de Blërë, de Chissay et de la Croix-de-Blërë , ëpousa Charlotte de Lahaye déjà veuve, dont il eut Jacques qui suit, et Jeanne, femme de Charles-le-Breton , sei- gneur de Chanceaux. Elle ëtait sans doute veuve une seconde fois en iSo^; car elle comparut à la première rëformation des coutumes de Touraine comme tutrice de ses enfans mineurs.

Jacques Bërard, chevalier, seigneur de Blërë, Chis-

BLÉR^. 37

say, les Roches- Saint-George et la Croix-de-Blëré , s'allia Madeleine, fille de Guy Cliasteignier, seigneur de la Roche-Posay , d'où sortirent François qui suit , et Reno,qui eut en partage la Croix-de-Blérë , sei- gneurie particulière voisine, mais indépendante do celle de Bléré.

François Bërard, deuxième du nom, seigneur de Blëré, vendit cette terre, en iS^a, à François Chas- leignier, seigneur de la Roche - Posay , son cousin - germain, qui la revendit depuis à Gaspard de Schom- berg son beau-frère. II avait épousé Anne de Ronsard. Il n'en eut que deux filles, dont l'aînée Louise fut mariée deux fois , la première à Gilles de Faverolles, et la seconde à Joseph d'Esparbès.

François Chasteignier, seigneur de la Roche-Posay et de Bléré, ne posséda pas long -temps celte der- nière, qui lui fut retirée par son beau-frère Gaspard de Schomberg.

Gaspard de Schomberg fut à son tour dépossédé de la même manière par Louise Bérard -, fille aînée de François II , qui avait épousé Gilles de Faverolles.

Gilles de Faverolles, premier du nom , seigneur de Faverolles, lieutenant de la vénerie du roi, gouver- neur du château d'Amboise , devint seigneur de Bléré du chef de sa femme Louise Bérard. Il en eut Gilles qui suit, Jeanne, mariée à Charles de Vaumin, et Philippe, femme du seigneur de la Borde - d'Anet. Gilles P^ étant mort, sa veuve, comme on l'a dit , se remaria à Joseph d'Esparbès.

Gilles de Faverolles, deuxième du nom, seigneur de

38 HISTOIRE DE TOURAINE.

Bléré , mestre-de-camp du régiment de Picardie , fut tué à Pontoise en 1S89, âgé de vingt-quatre ans. Il avait épousé à dix-neuf ans Péronne, fille de Charles Kairvel, seigneur de Méré, et de Guyonne de Grève- cœur. Il en eut Joseph, qui suit, François, mort jeune, et Charles de Faverolles.

Joseph de Faverolles, seigneur de Bléré, gentil- homme ordinaire de la chambre du roi, épousa Claude, fille de Jacques de Rigné. De ce mariage vinrent plu- sieurs enfans, sur lesquels, pour acquitter les dettes de la succession, la terre de Bléré fut vendue par dé- cret. Elle passa depuis ce moment dans la maison de Bercy, et à l'époque de la suppression des titres et des droits féodaux, Charles-François de Malon de Bercy en était propriétaire.

Le conventionnel Tallien est à Bléré dans le château de M. de Bercy. Envoyé en mission dans le département d'Indre-et-Loire, il n'oublia point qu'il y avait vu le jour. Il y fit preuve de beaucoup de dou- ceur et de modération, et y fit beaucoup de bien, parce qu'il y fit le moins de mal possible.

A la source du ruisseau de Fontenai, auprès de Bléré, commence un canal voûté qui se prolonge dans une étendue d'environ quatre lieues, puisqu'on en retrouve encore des vestiges jusque dans la com- mune de Larçay. Cette voûte, très-élevée dans son principe, va s'abaissanl jusqu'à la hauteur de deux à trois pieds, et règne le long du coteau qui domine la rive gauche du Cher. Quels sont les auteurs, quel put être le but d'un pareil ouvrage ? C'est ce qu'il

BUzA?fÇAis. 3gi

serait difficile aujourd'hui de déterminer, puisqu'il n'en est pas même fait mention dans nos auteurs du moyen âge ni dans les chartriers de la province. Un canal construit à grands frais, et suivant le cours d'une rivière, ne pourrait s'expliquer que par l'at- tention qu'avaient toujours les Romains de se pro- cui^r des eaux de fontaine, même dans le voisinage des grands fleuves. Mais celui-ci portait-il ses eaux ? rien ne nous annonce que les Romains eussent un camp ou une station dans les environs de Saint- Avôrtin. 11 est encore moins prësumable que ce canal traversât le Cher pour apportera Tours, de six lieues, des eaux de source qu'on eût facilement trouvées sur des points bien moins éloignés.

Si Ton eût découvert le lieu se terminait ce canal, on eût pu obtenir quelques notions historiques propres à mettre sur la voie; mais dans l'absence de ces renseigneraens, le plus sage est sans doute de s'abstenir de toute espèce de conjectures.

BUZANÇAIS, COMTÉ.

Buzançais (^Buzenciacum) , petite ville située sur l'Indre à vingt -deux lieues sud de Tours et à cinq lieues de Châtcauroux. Elle participait à la circon- scription vicieuse qu'on remarquait anciennement dans plusieurs provinces de France; ainsi elle ressor- tissait du duché de Touraine pour le temporel et la justice : mais elle était du diocèse et de la généralité Bourges pour le spirituel et les finances. C*cst donc

40 HISTOIRE DK TOURAINE.

seulement comme comté dépendant du duché de Tou- raine que nous l'envisageons ici.

Charles-le-Chauve donna le château de Buzançais à un seigneur de sa cour nommé Hémon , ainsi que les domaines de la Mothe, de Châtillon et d'une partie d'Amboise , comme récompense des services qu'il avait rendus à l'état. Cette place ayant été mise entre les mains de Henri II, roi d'Angleterre et comte de Touraine, pendant la guerre qui avait lieu entre l'Angleterre et la France, Philippe-Auguste s'en em- para en II 73 au nom de Louis VII son père. Les Anglais , appelés en France lorsque ce royaume était divisé entre les Armagnacs et les Bourguignons, brû- lèrent Buzançais et démolirent ses fortifications à la même époque ils firent subir un sort pareil aux villes de Loches et de Beaulieu, ainsi que nous l'avons dit à l'article de cette dernière.

Buzançais fut érigé en comté , avec union des châ- tellenies d'Écueillé et de Brion , par lettres patentes vérifiées au parlement le 1 7 décembre 1 533, en faveur de Philippe Chabot , comte de Charny , grand-amiral de France , et depuis ce temps il fut érigé en gran- desse par Philippe V, roi d'Espagne, en faveur du duc de Beauvilliers , qui avait été son gouverneur lorsqu'il était duc d'Anjou.

Hémon fut donc , comme on vient de le voir , le premier seigneur de Buzançais.

Sulpice , surnommé Mille-Boucliers , seigneur de Buzançais, de Châtillon-sur-Indre, de Verneuil et de la tour d'Amboise, fut père de Robert P'^ et d'Hervé,

BDZANÇAIS. ' 4l

célèbre trésorier de l'église de Saint-Martin de Tours, dont nous avons eu occasion de parler dans notre histoire.

Robert , premier du nom , donna, en 989, son con- sentement à la fondation de l'abbaye de Miseray. Il eut deux fils , Archambaud , et Sulpice seigneur de Verneuil et de la tour d'Amboise, qui succéda vers l'an ioi4 à son oncle Hervé dans la dignité de tré- sorier de Saint-Martin. Ce fut ce même Sulpice qui fit reconstruire en pierre la tour d'Amboise , qui alors n'était qu'en bois.

Archambaud de Buzançais épousa la fille de Roger, dit le Diable, seigneur de Montrésor, dont il eut Robert, qui continua la postérité, et deux filles, sa- voir : Hersende , dame de Verneuil , mariée à Lysois, chef de la maison d'Amboise, et Hcrmensande, femme de Foulques, seigneur de Villantrais.

Robert, deuxième du nom, dont nous ne savons rien, non plus que des deux suivans, eut pour fils :

Geoffroy I", qui fut père de

Robert III, comme eux seigneur de Buzançais.

Robert IV, fils du précédent, se croisa pour la Terre-Sainte eu 12 23. A son retour il assista à un tournoi il trouva la mort , ayant été, dit-on , étouffé par l'excès de la chaleur. L'auteur de la Chronique d'Anjou , qui rapporte cette circonstance, dit que cette même année le soleil fut si ardent pendant tout l'été, que les blés et les prés furent entièrement brûlés par la trop grande sécheresse , et que l'on ne recueillit aucuns fruits honnis des pommes et des noix.

/|1 HISTOIRE DE TOURAINE.

Raôiil de Buzançais paraît avoir été le dernier de cette branche. Après lui la seigneurie passa dans la maison de Prie.

Jean de Prie , premier du nom , seigneur de Buzan- Çais, l'était également de Moulins en Berri. En I265 il donna soixante sous de rente au prieuré de Brouil- lemont, de l'ordre de Grandmont. Ce n'est souvent que par ces sortes de donations et de chartes monas- tiques que beaucoup de dates nous sont connues. Il eut deux fîls, Jean qui suit, et Robert.

Jean de Prie, deuxième du nom, assista les roisPhi- lippe-le-Bel et Pliilippe-le-Long contre les Flamands. Il eut de son épouse , nommée Gillette , Philippe et Jean , qui fut seigneur de Châteauclos.

Philippe de Prie , seigneur de Buzançais , sénéchal de Beaucaire et de Nîmes , servit au siège d'Ypres au mois de septembre i3a8, et fut marié avec Isabea» de Sainte-Maure, qui en était veuve en i347- De ce mariage sortirent Jean qui suit y Philippe ;, chevalier, seigneur de Moulins en Berri, et André, chevalier.

Jean de Prie , troisième du nom , capitaine de la Rochelle, rendit hommage au roi de la ville et châ- telleniede Buzançais le lo juillet 1389. Il avait épousé philippine Gourant , dont il eut Jean IV, Guillaume et une fille nommée Sarrasine, qui fut mariée a Es- chivard VI, baron de Preuilly.

Jean de Prie, quatrième du nom , rendit hommage au roi le 25 mars j/^ii, D'Isabeau de Chenac il eut Jean et Antoine, ainsi que trois filles.

Jean de Prie^ cinquième du nom, seigneur de Bu-

BUZAirÇA-IS. 4^

zançais , grand-pan e lier de France et capitaine de la grosse tour de Bourges, fut tué l'an 1427 en défen- dant cette place contre les Anglais, qui à cette époque avaient envahi une grande partie de la France. N'ayant point laissé d'enfans de Marguerite de I^imeray sou épouse, son frère Antoine lui succéda.

Antoine de Prie, grand-queux de France, seigneur deBuzançais, de Montpépon et de la Mothe de Prie, épousa Madeleine , fille de Hugues d'Amboise , sei- gneur de Chaumont. Sainte-Marthe s'est trompé en disant qu'elle se nommait Marguerite de Joinville. De ce mariage naquirent Louis, qui suit; René, cardi- nal; Ayniard, grand-maître des arbalétriers, et trois filles.

Louis de Prie, chevalier, chambellan du roi , grand- queux de France, rendit hommage au roi pour Bu- zançais le 7 mars i484' Nous ne lui connaissons qu'un fils de Jeanne de Salezart son épouse.

Emon ou Edmond de Prie, fils d'Antoine et de Madeleine d'Amboise , fut marié deux fois ; la pre- mière avec Jeanne, fille de Charles de Beauveau, sei- gneur de Tigny, et la seconde avec Anne de Cha- bannes, comtesse de Dammartin, dont il n'eut point d'enfans. Du premier lit vinrent Gabriel et René, successivement seigneurs de Buzançais.

Gabriel de Prie, chevalier, seigneur de Buzançais, Prie, Ferrière- l'Arçon, Prcssigny, fut marié à Jac- queline de Marans, dont il n'eut point d'enfans.

René de Prie , baron de Buzançais , succéda à son

44 HISTOIRE DE tOURAINE.

frère; mais, étant également mort sans lignée, sa succession passa à son oncle.

Aymard de Prie, chevalier, seigneur de Montpé- pon, grand-maître des arbalétriers de France , vendit à l'amiral Chabot la seigneurie de Buzançais , qui faisait partie de la succession de René de Prie , son neveu.

Philippe Chabot, comte de Charny et de Buzan* çais , amiral de France , était fils de Jacques Chabot, baron de Jarnac et de* Madeleine de Luxembourg. Nous avon5 dit que c'était en sa faveur que la baron- nie de Buzançais avait été érigée en comté l'an i533. Il en avait rendu hommage au roi deux ans aupara- vant, d'où on peut conclure qu'il en était devenu pro- priétaire vers i53o ou i53i. Il épousa Françoise de Longwy, dame de Laigny et de Mirebeau, dont il eut : Léonore; a" François, comte de Charny; 3" Françoise , femme de François de la Rochefoucauld, baron de Barbezieux ; 4" Antoinette , mariée à Jean d'Aumont , maréchal de France ; Anne , épouse de Charles, duc d'Alençon; 6" une autre Anne, abbesse du Paraclet.

Léonore Chabot, comte de Buzançais, puis de Charny, grand-écuyer de France, lieutenant-général au gouvernement de Bourgogne, fut marié deux fois; la première avec Claude, fille de Claude Gouffier duc de Roannais et marquis de Boisy ; la seconde avec Françoise , fille de Joachim de Longwy. Il eut du premier lit Catherine Chabot qui suit , et Charlotte,

BUZANÇAIS. 45

épouse de Jacques-le- Veneur, comte de Tillières. Il n'eut de son second mariage que Marguerite Chabot, femme de Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf.

Catherine Chabot, comtesse deBuzançais,à défaut d'héritiers mâles , épousa en premières noces Guil- laume de Saulx-Ta vannes, fils du maréchal de ce nom, et en secondes noces Aimé de Rochechouart, puîné de la maison de Mortemar, dont elle n'eut point d'en- fans. Il lui naquit du premier mariage trois filles et deux fils , Claude et Joachim ^ baron d'Arc-sur-Til.

Claude de Saulx, comte de Buzançais, vicomte de Ta vannes, épousa Françoise, fille de Nicolas Brulart, premier président au parlement de Bourgogne, dont il eut : 1** Gaspard, abbé de Sainte -Marguerite de Troyes ; Jacques, qui suit ; 3** Noël , comte de Beau- mont ; 4" Nicolas , chevalier de Malte; Louis, comte de Saulx, et quatre filles.

Jacques de Saulx, dit le comte de Tavannes, épousa Louise-Henriette Pottier, dont il eut René, marquis de Tavannes, tué au siège de Candie en 1668, Charles qui suit , Henri , chevalier de Malte , et une fille reli- gieuse à Dijon. Aucun d'eux n'ayant laissé de posté- rité, le comté de Buzançais échut à Charles de Lor- raine,

Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf, troisième du nom, était fils de Charles H et de Catherine-Henriette légitimée de France. Il hérita de ce comté à cause de Marguerite Chabot son aïeule maternelle; mais il le vendit peu de temps après à Jean Phelipeaux.

Jean Phelipeaux , seigneur de Villesavin , secrétaire

46 HISTOIRE DE TOURAINE.

du roi, n'eut de sa femme N. Blondeau de Villesavin, qui lui succéda, qu'une fille unique.

Léon Bouthillier , comte de Cliavigny, en épousant Anne Phelipeaux de Villesavin , en reçut en dot le comté de Buzançais. De ce mariage sortirent sept garçons et cinq filles. Léon mourut en 1694 grand- trésorier des ordres du roi et secrétaire d'état.

Armand- Jean , fils aîné de Léon , fut le dernier de cette famille qui posséda le comté de Buzançais, qui a passé aux ducs de Beauvilliers.

Charles-Paul de Beauvilliers a été en 1790 le der- nier comte de Buzançais.

CHAMPIGNY.

Champigny ( Campiniacum ) est une petite ville située sur les ruisseaux de Vende et d'Amable, aux confins de la Touraine et du Poitou du coté du midi. Quoique simple châtellenie , son château , sa Sainte- Chapelle , et surtout les princes dont cette terre était le patrimoine , pouvaient la faire figurer parmi les plus titrées de la province. Mais malgré sa splendeur, ce château n'eut pas une longue durée. Construit dans les premières années du seizième siècle , il n'existait déjà plus vers la fin du dix-septième. Les immenses communs et la Sainte-Chapelle , qui seuls sont restés debout, témoignent encore quelle devait être sa ma- gnificence , cause de sa destruction par le cardinal de Richelieu , jaloux pour son château d'un pareil voisi- nage.

CHAMPIG!?T. ' 4?

La ville de Champigny fut assiégée en 1667 par les protestans et prise par capitulation. Le duc de Montpensier,qui en était seigneur , «ayant pas voulu, de peur d'affaiblir l'armée royale , que le duc d'Anjou, frère du roi, qui la commandait, y jetât des troupes pour la défendre.

II y avait un chapitre composé de cinq dignitaires et onze chanoines. Le nom de Sainte-Chapelle avait été donné à son église, parce qu'on y conservait, dit- on , Tune des épines de la couronnes de Jésus-Christ, et l'un des trente deniers au prix desquels il fut vendu. On y comptait en outre un couvent de minimes, un autre de religieuses de Saint-François , une aumône- rie et un collège.

Le plus ancien seigneur de Champigny qui soit venu à notre connaissance est un certain Bemier qui, au commencement du douzième siècle , fut témoin à une donation faite à l'abbaye de Fontevrault par Pe- loquin de l'Ile-Bouchard. Il n'eut qu'une fille , qui porta cette seigneurie dans la famille de Blo ou de Blé.

Gosselin de Blo, premier du nom. On présume qu'il fut père de celui qui suit.

Robert de Blo suivit le parti de Henri-le-Jeune , qui s'était révolté ainsi que ses frères contre leur père Henri II , i»oi d'Angleterre, et s'était retiré en France auprès de I^uis-leJeune son beau-père. MaisHenri II, ayant passé la mer en 1173, mena son armée en Touraine, et après avoir pris les châteaux de La Haye et de Preuilly, assiégea Champigny, ou Émery de Blo,

48 HISTOIRE DE TOTTRAINE.

frère de Robert , s'était jetë avec plusieurs chevaliers et une partie des gentilshommes voisins. Le château fut emporté d'assaut, et six chevaliers y furent faits prisonniers, savoir: Émery de Blo, Baudouin de Bri- zay, Hugues de La Mothe, Gaultier de Pons, Orry de Blo et Simon de Brénezay ; mais le château fut rendu à Robert l'année suivante par le traité de paix fait entre le roi d'Angleterre et ses fils au mois de septembre 1 1 74* Robert eut de sa femme Hermen- sande Josselin . Robert et Adenorde.

Josselin, deuxième du nom, fils aîné de Robert, était un des bannerets qui accompagnèrent Philippe-Au- guste dans la guerre contre l'empereur Othon , le roi d'Angleterre et le comte de Flandre.

Emery succéda à Josselin II son père. Il se trouva à Chinon en 1242 avec plusieurs autres chevaliers que le roi y avait mandés pour aller réduire le comte de La Marche. Il est probable qu'il mourut sans en- fans; car nous voyons par un compte d'Émery de Gennes, bailli de Touraine, daté de l'an 1254? qu'il était cent quatre-vingts livres pour le rachat de la terre d'Émery de Blo.

Hugues, seigneur de Bauçay, hérita des seigneuries de Blo et de Champigny. Il assista au sacre de Guil- laume Lemaire, évêque d'Angers, en 1291. Jeanne de Bauçay, sa fille, épousa en secondes noces Charles d'Artois, auquel elle porta en dot la seigneurie de Champigny.

Charles d'Artois, comte de Longueville et de Pé- zénas , prince du sang , était le troisième fils de Robert

CHAMPIGNT. 4^

d'Artois , troisième du nom , comte de Beaumont-le- Roger, et de Jeanne de Valois, sœur consanguine de Philippe de Valois , roi de France. Il fut fait prison- nier à la bataille de Poitiers en i356, selon le Labou- reur : Louis , duc d'Anjou , lui ayant imputé plusieurs crimes, le contraignit à lui abandonner les châteaux de Champigny et du Goudray.

Louis de France , premier du nom , duc de Tou- raine et d'Anjou, lils du roi Jean et de Bonne de Luxembourg , mourut le ^o septembre 1 384, laissant de sa femme Marie de Bretagne Louis et Charles, prince de Tarente.

Louis, second du nom, roi de Naples, de Sicile, de Jérusalem et d'Aragon , duc d'Anjou , mourut au château d'Angers le 29 avril 1417- H engagea la sei- gneurie de Champigny à Pierre de Beauveau , seigneur de la Roche-su r-Yoïi et sénéchal d'Anjou, pour la somme de quinze mille livres, et lui en fit depuis le transport viager à charge de rachat. Enfin il lui en vendit la propriété d'accord avec son fils aîné moyen- nant dix-sept mille ducats d'or , six cents livres de rente et quatre cents écus d'or de pension.

Pierre de Beauveau, seigneur de Champigny et de la Roche-sur- Yon , gouverneur d'Anjou et du Maine, était fils de Jean II de Beauveau et de Jeanne de Ri- gny. Il épousa Jeanne, fille de Pierre de Craon, qui était veuve d'Ingelger, seigneur d'Amboise et de Ro- chc-Corhon, et dont il eut deux enfans, Louis, qui suit, et Jean III, seigneur de Beauveau.

Louis de Beauveau, premier chambellan de René,

i

5o HlSTOIRt: DE TOlIRAIJyE.

duc d'Anjou, roi de Sicile et de Naples, sénéchal d'Anjou , n'eut qu'une fille , Isabelle de Beauveau , mariée le 9 novembre i454 à Jean, comte de Ven- dôme et de Chartres. C'est ainsi que cette terre passa pour la seconde fois à des princes de la famille royale.

Jean de Bourbon, deuxième du nom, comte de Ven- dôme et de Chartrfes , de Montoire et d^ Lavardin , seigneur de Champigny, eut d'Isabelle de Beauveau, entre autres enfans, François de Bourbon, d'où sont sortis nos sept derniers rois et Louis de Bourbon , prince de la Pvoche-sur-Yon , qui fît la suite des sei- gneurs de Champigny.

Louis T"" de Bourbon , prince de la Roche-sur-Yon, épousa Louise, fille de Gilbert de Bourbon, comte de Montpensier. Ce fut lui qui jeta les premiers fonde- mens du château de Champigny et de sa Sainte-Cha- pelle, remarquable surtout par les beaux vitraux dont elle est décorée , et sont représentéeis en dix grands tableaux les principales actions de la vie de saint Louis. Ces vitraux ont été réduits et destinés par M. Marseuvre avec autant de talent que d'exactitude. Louis I" n'eut pas la satisfaction de voir s'achever l'ouvrage qu'il avait commencé. Il mourut en iSao et eut son tombeau dans cette Sainte-Chapelle , déjà en grande partie construite. Il eut deux fils et une fille : Louis II, Charles, prince de la Roche-sur-Yon, et Susanne, seconde femme de Claude I", sire de Rieux.

Louis II de Bourbon , duc de Montpensier , souve-

CHAMPIGNT. 5t

rain de Bombes, dauphin d'Auvergne et gouverneur de Tourainc, fît achever le château et la Sainte-Cha- pelle de Chanipigny. Nous parlons plus amplement de lui dans le cours de notre histoire et à l'article des gouverneurs. Il mourut le 2 3 septembre i582 , et fut enterré comme son père dans la Sainte-Chapelle. Ca- therine de Longwy, sa première femme, fut la seule qui lui donna des enfans.

François de Bourbon , fds aîné du précédent , duc de Montpensier, prince de la Roche-sur-Yon ^ dau- phin d'Auvergne , eut également le gouvernement de Touraine. Il mourut le 4 juin i ^92 , âgé de cinquante ans , laissant de Renée d'Anjou , marquise de Mézières, son épouse,

Henri de Bourbon, duc de Montpensier, etic. , à' Mézières en Touraine le 12 mai i573; il mourut à Paris le 27 février 1608, et eut sa sépulture dans la Sainte-Chapelle. Il avait épousé Henriette-Catherine, fille et unique héritière de Henri de Joyeuse , maré- chal de France, d'oîi sortit

Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, de Châtcllerault , de Saint-Fargeau , souveraine de Bom- bes , dauphine d'Auvergne , marquise de Mézières et dame de Champigny, mariée à Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Be cette alliance naquit

Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Mont- pensier, etc., princesse célèbre par son esprit, ses écrits et surtout par son union avec le duc de Lauzun. Elle mourut à Paris sans enfans le 16 avril 1693, lais- sant son héritage à la maison d'Orléans,

4-

52 HISTOIRE DE TOURAINE.

CHATEAUNEUF, baronnie.

La baronnie de Ghâteauneuf ( Castrum Novum^ MartinopoUs) était renfermée dans l'enceinte de la ville de Tours et possédée de tout temps par les tré- soriers de Saint-Martin. Deux châtellenies et dix fiefs en dépendaient. Il y avait une justice exercée par les juges ordinaires. Nous avons souvent, dans le cours de notre histoire , parlé de l'origine du bourg de Ghâ- teauneuf, de son agrandissement et de son agglomé- ration à la ville de Tours ; ainsi nous ne répéterons point ce que nous en avons déjà dit.

CHATEAU-REGNAULT, marquisat.

La ville de Château - Regnault ( Castrum - Regi^ naldi) est située à six lieues nord de Tours , au pen- chant d'une colline dont ie vallon est arrosé par la petite rivière de Bransle. La grosse tour du château, communément appelée le donjon , était le principal manoir de ses anciens seigneurs qu'on appelait autre- fois seigneurs du château, mais dont le nom fut en- suite changé en celui de Château-Renaud ou Regnault, en considération de R.egnault, petit-fils de Guicher, premier du nom , qui fit bâtir le premier château. Cette place parut d'une telle importance pendant les guerres de la Ligue, que le roi Henri IV y établit un gouverneur particulier pour défendre le pays. Du temps même de Charles VII, il y avait une garnison

CHATKAU-RKCNAULT. 53

qui incommodait fort la ville de Tours, au point que SCS habitans furent obliges d'envoyer, en ifiiG, des députés à la reine de Sicile, ducliesse de Tourainc, pour se plaindre des courses que faisait cette gar- nison.

Le domaine était d'une assez grande étendue, et la justice une des plus considérables de la province. Dix- sept paroisses en relevaient, dont dix en première instance et sept par appel. Baronnie dans le principe, en [620 Louis XIII l'érigea en marquisat en faveur d'Albert de Rousselet.

Quoique ses seigneurs rendissent bommage à Blois, la justice relevait du bailliage de Touraine. A la vérité les anciens comtes de Blois, qui étaient seigneurs de Cbâteau-Rcgnault, ont souvent tenté d'attirer cette justice dans leur capitale ; mais le roi Jean termina ce différend en ordonnant que le bailli des exemptions mettrait au ressort de Tours la terre et la cbâtellenie de Cbateau-Regnault.

Guiclier, troisième du nom, fut le premier qui voulut se soustraire a l'obéissance de Geoffroy-Martel en se mettant sous la protection de Tbibaut, comte de Blois , à qui Geoffroy venait d'enlever la Touraine; mais Henri II , roi d'Angleterre et comte de Touraine, s'opposa à cette usurpation. A la vérité son fils aîné, révolté contre lui, abandonna h Tbibaut, dans l'as- semblée des états de France, tous les droits que son père avait sur Cbàteau-Regnaull ; mais cet abandon illégal fut révoqué par le traité de paix liiit à Mont- Louis le 3o septembre 1 1 74 entre le père et les enfans.

54 HISTOIRE DE TOIJUAINE.

Guicber est le plus ancien des seigneurs de Châ- teau-Regnault dont nous ayons connaissance. Il vivait dans le dixième siècle. Son nom nous a été transmis par Regnault son petit-fils, dans un titre qui se trou- vait à l'abbaye de Marmoutier.

Geoffroy, fils de Guicber, fut enterré à Marmou- tier, où les seigneurs de Cbâteau-Regnault avaient droit de sépulture.

Regnault ou Renaud, premier du nom, fils de Geoffroy, succéda à son père. Ce fut de lui , comme le rapporte la cbronique de Tours , que le cbâteau prit le nom de Cbâteau-Regnault. Il mourut vers l'an 1020, laissant Guicber, son fils, béritier de ses domaines.

Guicber II eut plusieurs enfans , entre autres Guicber III, qui continua la postérité, et Regnault, mentionné dans une cbarte de 1066 avec Pétronille sa sœur, femme de Foulques-Loyson , comte de Vendôme , laquelle mourut à Cbâteau - Regnault en 1078.

Guicber III ne fut pas plus tôt en possession de Cbâteau-Regnault qu'il prit les armes en faveur de Tbibaut II, comte de Tours et deBlois ; mais Tbibaut ayant été contraint, en 1044? ^^ céder la Touraine à Geoffroy-Martel, Guicber refusa de reconnaître celui-ci pour son nouveau soigneur, et de lui rendre bommage, ce qui obligea Geoffroy de se saisir de Cbâteau-Regnault, qu'il donna à Regnault de Cbâteau- Gontbier, qui en eut le gouvernement pendant dix- buit ou dix-neuf ans.

L^ conformité du nom de Regnault dans ces deux

CHA.TEAU-IltG]VAULT. 55

familles a fait croire à quelques historiens que Châ- teau-Regnault devait son nom à Regnault de Chaleau- Gonthier : mais c'est une erreur; car même Guicher ne cessa point de jouir des revenus de sa terre, quoique Regnault de Château-Gonthier en eut pris possession , et nous voyons qu'étant à Blois au mois de septembre 1062 , il prétendit que les habitans de Saint-Laurent-en-Gatines devaient lui apporter à Blois les redevances qu'ils avaient coutume de lui payer à Château-Regnault. Guicher rentra enfin dans la jouissance de son château. La guerre s'étant déclarée quelques années après entre Geoffroy de Preuilly, comte de Vendôme , et Lisoys d'Amboise au sujet des dîmes de Saint-Cyr-sur-Loire , dont le comte de Touraine prétendait l'hommage, Guicher s'engagea dans le parti du comte de Vondôme, son oncle ; mais Lisoys , secondé par Robert des Roches , seigneur de Roche-Corbon , et par Jean d'Aluys, sei- gneur de Châteaux et de. Saint-Christophe, leur résista courageusement, et les contraignit de se reti- rer en désordre. Guicher fut pris par Jean d'Aluys et conduit à Châteaux ou il mourut prisonnier.

Regnault II, voulant venger la mort de son père, se mit à faire des courses sur les terres du seigneur d^Amboise; mais Hugues de Chaumont, accompagné de ses vassaux et d'Hélie de La Flèche, comte du Maine, son cousin, prit le château de Moran, appar- tenant à Regnault, et le détruisit de fond en comble.

Quelque temps après, Regnault ayant eu avec Geoffroy son frère un démêlé relativement à leurs

56 IIISTOIRTi: DE TOURAINE.

partages, Sulpice d'Amboise, qui avait succédé à Hugues, prit la défense de Geoffroy, et força Re- gnault de céder à Geoffroy une partie de sa terre ^ contre la coutume de la province qui ne permettait pas de démembrer les baronnies, les cadets n'ayant droit qu'à des rentes en argent. Regnault, mécontent de ce traité forcé , eut recours au comte de Vendôme son cousin , et afin de le lier plus étroitement à sa défense, il lui fit hommage de sa terre de Château- Regnault, imitant en cela l'usage des anciens Gaulois qui se mettaient sous la protection de quelque grand pour se soustraire à l'oppression de leurs ennemis. Le comte de Vendôme se mit donc en campagne pour soutenir les droits de son nouveau vassal. Sulpice d'Amboise s'étant avancé jusqu'à Ville-Chauve entre Moran et Château-Regnault , le comte , sans attendre le reste de ses troupeè conduites par Regnault , atta- qua brusquement Sulpice, qui soutint vaillamment ce premier effort , mit en déroute les troupes du comte, le prit lui-même et l'emmena prisonnier au château de Chaumont.

Ce Regnault fui un des principaux bienfaiteurs de l'abbaye de Fontaine-les-Blanches , à laquelle il donna en I [4o le droit d'usage, de chauffage et de pacage dans sa forêt. Il mourut peu de temps après , ne lais^ sant qu'une fille,

Sibylle de Château-Regnault. Elle fut d'abord fian- cée à Hugues, fils aîné de Sulpice II d'Amboise, qui la fît élever auprès de son fils jusqu'à ce qu'elle eût atteint l'âge de puberté : mais l'archevêque de Tours

CHATEAU-REGNAULT. IJ']

l'ayant menacé des censures ecclésiastiques s'il accom- plissait ce mariage entre parens au degré prohibé, Sulpice fut oblige de la renvoyer à Cbâteau-Regiiault, ou elle épousa Josselin, seigneur d'Auneau ou des Aunelles. Sulpice, irrité de ce mariage, fit la guerre à Josselin , et ayant mis le siège devant Château-Re- gnault, l'emporta d'assaut et brûla tout hormis l'église. Josselin étant mort peu de temps après, Sibylle se re- maria à Thibaut de Champagne, comte de Blois et de Chartres, auquel elle porta en dot la seigneurie de Château-Regnault. Ce mariage, omis par tous les his- toriens, a été prouvé par la charte de fondation de l'abbaye de Boullay.

Thibaut de Champagne, comte de Blois, sénéchal de France, était fils de Thibaut-le-Grand, comte de Champagne , de Blois et de Chartres. La chronique de Tours rapporte qu'en i\^i il voulut enlever Alié- nor de Guienne que le roi Louis VII venait de répu- dier , mais qu'elle réussit à échapper à sa poursuite. Thibaut mourut en 1 191 au siège d'Acre, autrement Ptoiçmaïde. En 11 64 il avait épousé en secondes noces Alix de France, fille de Louis-le-Jeune et d'A- liénor de Poitou. Il eut pour enfans , sans qu'on sache précisément de quels lits, Thibaut, Henri et Philippe, morts en bas âge, Louis, qui continua la postérité, Marguerite , comtesse de Blois , Elisabeth , comtesse de Chartres et de Chateau-Regnault, et Alix, abbesse.

Louis de Champagne succéda à son père l'an 1 191, et fut tué à la bataille d'Andrinople le i4 avril i2o5, laissant de Catherine, comtesse de Clermont, Thi-

58 HISTOIRE DE TOITRAINE.

haut dit le Jeune, Raoul et Jeanne, tous deux morts en bas âge.

Thibaut, dit le Jeune, comte de Blois , de Chartres et de Clermont, épousa en premières noces Mahaut, fille de Robert V comte d'Alençon et de Jeanne de la Guerche. Il eut pour seconde femme Clémence, fille puînée de Guillaume des Roches, sénéchal de Tpu- raine ; mais étant mort sans enfans, tous ses biens pas- sèrent à ses deux tantes Marguerite et Elisabeth de Champagne. La première eut en partage le comté de Blois ; l'autre eut le comté de Chartres et la seigneurie de Château-Regnault. Marguerite épousa en troisiènies noces Gauthier d'Avesne, père de Marie, femme de Hugues de Châtillon, par qui la terre de Château- Regnault passa dans cette maison.

Elisabeth de Champagne, comtesse de Chartres, eut pour premier mari Sulpice IIÏ, seigneur d'Am- boise, Chaumont, Bléré et Montrichard. De ce ma- riage sortirent Hugues, mort jeune, et Mathilde, qui, mpurant sans postérité , laissa sa succession aux enfans de Hugues de Châtillon et de Marie d'Avesne sa coa-» sine-germaine.

Hugues de Châtillon, comte de Saint-Paul, fils puîqé de Gaucher de Châtillon et d'Elisabeth de Saint- faul , eut le comté de Blois à cause de Marie d'Avesqe son épouse. Alors Hugues de Montmirail et Elisabeth de Champagne leur cédèrent à perpétuité la châtel- leoie de Château-Regnault avec toutes ses dépen- dances, ainsi que la forêt de Blémars, à la charge seulement du douaiie d'Elisabeth affecté sur cette

CHATFAU-REGNA.ULT. 5^

terre. Hugues eut pour fils Jean , Guy, comte de Saint- Paul , et Hugues de Chatillon.

Jean, comte de Blois et de Chartres, seigneur de Château-Regnault, épousa Alix de Bretagne, dont il eut une fille unique.

Jeanne de Chatillon, comtesse de Blois et de Char- tres , fut accordée dès l'âge de neuf ans à Pierre de France, comte d'Alençon, fils du roi saint Louis; et, en faveur de ce mariage, Alix leur donna la seigneurie de Château-Regnault, ainsi que les autres places que son mari lui avait assignées pour douaire, se réser- vant seulement cinq cents livres de rente pendant sa vie. Elle en donna ses lettres au mois de mars 1277. Jeanne, devenue veuve en 1283, mourut le 17 jan- vier 1292 sans laisser de postérité. Par son testament, daté du dimanche, jour de la fête de Saint- Julien lagi, elle donna douze mille livres en legs pieux, dont trois cent cinquante livres à ses pauvres ména- gers de Château-Regnault; deux cents livres aux pauvres filles du même lieu afin de les marier ou de les mettre en religion ; pareille somme aux pauvres femmes nobles; vingt livres à l'Hôtel -Dieu et qua- rante sous de rente sur le festage de Château-Re- gnault.

Hugues de Chatillon, fils aîné de Guy, comte de Saint-Paul et de Mahaut de Brabant, hérita le comté de Blois et la seigneurie de Château-Regnault par le dc'cès de Jeanne de Chatillon , sa cousine- germaine. Il avait épousé Béatrix de Flandre , dont il eut deux enfans, Guy et Jean. Hugues fit son testament en 1 3,99,

HISTOIRE DE TOUR AINE.

par lequel il fît plusieurs dons aux pauvres, aux hô- pitaux et à la maladrerie de Cliâteau-Regnault.

Jean de Châtillon , dit de Blois , eut en partage les seigneuries de Cliâteau-Regnault et de Milaçay, à condition de les tenir à foi et hommage du comte de Blois. Il mourut sans enfaus, et sa succession échut à son frère aîné.

Guy de Châtillon, comte de Blois et de Dunois, fut fiancé dès l'âge de dix ans avec Marguerite de Valois, fille de Charles de France, comte de Valois, d'Aleii- çon et de Chartres, par contrat passé à Saint-Ger- main-en-Laye au mois d'octobre 1 298. De ce mariage naquirent trois enfans, Louis, Charles et Marie.

Il paraît que les rois de France avaient conservé quelques droits. utiles dans la terre de Château-Re- gnault ; car nous voyons par le registre de la chambre des comptes intitulé : Tabula major dividens, etc., année 3325, que le dimanche après Pâques iSaa, « Ot grant conseil à Pontoise en l'abbaye, ly rois « reprent et remet arrières son domaine toute la terre a qui fust baillée à Pierre de Machauz au prix de (c 2 55 hvres i4 sous parisis de rente en la chastelle- « nie de Chastel-Regnaut par ly rois Philippe et le a frère du roy Monsieur, laquelle terre il ot en ré- « compensation de la ville de Lisi et de Villan- « trais, etc. ))

Louis de Châtillon , premier du nom , comte de Blois, de Dunois et de Soissons, épousa Jeanne de Hainaut, dame de Chimay, qui , étant devenue veuve, fit avec Bouchard , comte de Vendôme , le 8 novembre

CHATEAU-REGNAULT.

i347? ^" accord par lequel il fut convenu que tous les fiefs, arrière-fiefs et dépendances de Ghâteau-Re- gnault enclavés dans le comté de Vendôme demeure- raient au comte de Blois. Il laissa trois fils, Louis, Jean et Guy, tous les trois successivement seigneurs de Chateau-Regnault.

Louis, deuxième du nom, comte de Blois, de Du- nois et de Soissons, ne fut point marié.

Jean, troisième du nom, comte de Blois, épousa Marguerite de Gueldres, dont il n'eut point d'enfans.

Guy, comte de Soissons, puis de Blois, épousa Marie de Namur, dont il n'eut qu'un fils qui mourut sans postérité en iSgi. Cet événement donna sujet à Charles VI , qui était alors à Tours , d'aller trouver le comte à Château-Regnault pour l'engager à vendre cetle seigneurie ainsi que le comté de Blois à Louis , duc de Touraine , son frère , qui avait eu de très- grands biens de Valentine de Milan sa femme. Le comte y consentit , et le contrat fut passé à Paris au mois d'octobre iSqi moyennant deux cent mille francs d'or et six mille livres annuellement pour le douaire de Marie de Berri, veuve de Louis de Châ- tillon.

Louis de France , duc de Touraine et depuis duc d'Orléans, comte de Blois, fils de Charles V, roi de France, fut assassiné le 9.3 novembre 1407. Sa mort, ainsi que son mariage avec Valentine de Milan^ furent deux sources de calamités pour la France, l'une en faisant naître les factions des Bourguignons et des Armagnacs, et l'autre en devenant la cause des désas-

62 HISTOIRE DE TOURAINE.

treuses guerres d'Italie, qui avaient pour objet la conquête du Milanais. Louis eut de Valentine Charles duc d'Orléans, Philippe comte de Vertus, Jean comte d'Angoulême , et Marguerite, femme de Richard d'Étampes. Il eut encore un fils naturel, Jean comte de Dunois , célèbre dans l'histoire sous le nom du bâtard d'Orléans, chef de la branche de Longueville.

Charles, duc d'Orléans et de Milan, comte de Va- lois, de Beaumont et de Blois, fut pris à la bataille d'Azincourt et conduit en Angleterre, il resta pri- sonnier pendant vingt-cinq ans. Il en sortit en i44o par l'entremise de Philippe -le -Bon, duc de Bour- gogne , moyennant une grosse rançon , pour le paie- ment de laquelle il vendit, en 144^? la seigneurie de Château-Regnault à Jean de Daillon, comte du Lude, par contrat de réméré ; mais l'ayant retirée , il la revendit au comté de Dunois au prix de vingt mille écus d'or, par lettres du 29 mars i449'

Jean, bâtard d'Orléans, comte de Dunois et de Longueville, grand - chambellan de France, épousa eh premières noces Marie, ou, selon d'autres, Jeanne, fille du président Louvet, dont il n'eut point d'enfans. Sa seconde femme fut Marie, fille de Jacques d'Har- court, comte de Tancarville, et de Marguerite de Melun. Il mourut en 1470 âgé de soixante ans, com- blé d'honneurs, de gloire et de richesses, laissant de son dernier mariage François ; Marie, épouse de Louis, seigneur de La Haye et de Passavant, et Catherine, femme de Jean de Sarrebruck.

François d'Orléans, premier du nom, comte de

CHATEAU-ftEGÎ^AULT. 63

Dunois , de Longueville et de Tancarville , etc. , fut marié avec Agnès de Savoie , dont il eut François qui suit, Louis duc de Ixjngue ville, et Jean, cardinal.

François d'Orléans , deuxième du nom , comte de Dunois, etc., grand-chambellan de France, mourut eil 13 12, laissant de Françoise d'Alençon, son épouse,

Renée d'Orléans , comtesse de Dunois, qui mourut 1(B îi mai i5i5, âgée de sept ans.

Louis d'Orléans, duc de Longueville, souverain de Néufchâtel , marquis de Rothelin , comte de Du- nois, etc., grand-chambellan de France, succéda à Renée d'Orléans , âà nièce, dans tous ses domaines. Il épousa Jeanne Hochberg , marquise de Rothelin. De cette alliance naquirent Claude qui fut tué devant Pavie en 15^5; Louis, qui suit; François, marquis de Ro- thelin ^ {>ère de J^éonor d'Orléans qui continua la pos- térité, et Charlotte, épouse de Philippe de Savoie, duc de Nemours.

Louis d'Orléans , deuxième du nom , comte de Du- nois, souverain de Neufchâtel, etc., grand-chambellah de France, prit alliance avec Marie, fille aînéfe de Claude de Lorraine , duc de Guise , qui la laissa Veuve et mère de deux enfans , François , et Louis ^ posthume.

François d'Orléans, troisième du nom , duc de Lon- gueville, mourut le 2^ septembre i55l, âgé de sei^ô ans, sans avoir été marié.

Léonor d'Orléans , marquis de Rothelin , comte de Dunois, etc., fils de François d'Orléans, marquis de Rothelin , recueillit la succession de Fi-ançois , son

64 HISTOIRE DE TOURAINE.

cousin - germain. Il épousa Marie, fille unique de François de Bourbon comte de Saint-Paul , dont il eut Henri d'Orléans, duc de Longueville; François, comte de Saint - Paul et de Fronsac , gouverneur de Touraine; Catherine; Antoinette, épouse de Charles deGondy, marquis deBelle-Isle, auquel elle porta en dot la seigneurie de Ghâteau-Regnault ; et enfin Éléo- nore, mariée à Charles de Matignon comte de Tho- rigny.

Charles de Gondy, marquis de Belle-Isle, général des galères de France, était fils d'Albert de Gondy, duc de Retz, pair et maréchal de France. Il fut tué au Mont-Saint -Michel Tan i5i6, laissant d'Antoinette d'Orléans sa femme un fils unique qui continua la postérité.

Henri de Gondy, duc de Retz et de Beaupreau, marquis de Belle-Isle. Ce fut lui qui céda la seigneurie de Château-Regnault à Albert, fils de François de Rousselet , seigneur de la Pardieu , et d'Emérence de Gondy, fille naturelle du maréchal de Retz.

Albert de Rousselet, chevalier, seigneur de la Par- dieu, baron de Lilly, Noyers et la Blanchardaye , capitaine de cinquante hommes d'armes, gouverneur de l'île et des forts de Belle-Isle , fit preuve de tant de valeur et de conduite dans son gouvernement pen- dant les guerres de la Ligue, qu'il excita la jalousie de tous les seigneurs de Bretagne, qui essayèrent de le noircir auprès de Henri IV ; mais ce sage monarque se contenta de répondre qu'il reconnaissait son cousin de la Pardieu pour gentilhomme d'honneur et de mé-

CHATEAU-REGNAULT. 65

rite, auquel il n'eût pas confié la principale force de son état s'il ne l'eût tenu pour tel. Il épousa en 1 545 Madeleine, fille deN. le maréchal, baron de Noyers, «t de Cécile de Croixmare , dont il eut un fils unique.

Albert de Rousselet, deuxième du nom. Ce fut en sa faveur que la terre de Château-Regnault fut érigée en marquisat en 1 620 par Louis XllI , en considéra- tion des services de son père.

François de Rousselet fut le premier qui porta le titre de marquis de Château-Regnault. En 1622 il épousa Louise , fille de Noël Compans , seigneur d'Arcy , maître en la chambre des comptes , et de Louise de Dreux. De cette alliance sortirent François, qui continua la postérité, Balthasar, abbé commen- dataire des abbayes de Pornic en Bretagne et de Fon- taines-les-Blanches en Touraine, et François-Louis j comte de Château-Regnault, maréchal de France et vice-amiral, célèbre par ses exploits maritimes sous le règne de Louis XIV. Ce dernier mourut en 17 16 âgé de quatre-vingts ans.

François de Rousselet, deuxième du nom, marquis de Château-Regnault, épousa en j658 Marie, fille de Jean Leguy , seigneur de la Giraudière. De ce ma- riage est

Albert-François de Rousselet , marquis de Château- Regnault, dont le fils François n'eut que des filles. L'aînée fut mariée à

Estaing (Jean-Baptiste-Charles-Henri comte d'), marquis de Saillans et de Château-Regnault, vicomte 3. :>

66 msTorwK di tottraïne.

de Ravel , connu par ses services sur terre et sur mêr sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, et sur- tout par sa fin tragique en 1793. Nous parlerons de lui à l'article des gouverneurs de Touraine.

CHATILLON-SUR-INDRE.

Châtillon ( Castillio ) , ville royale à seize ligues de Tours, sur les confins de la Touraine et du Berri, est située sur un coteau qui s'aplanit doucement jusqu'aux belles et riches prairies qu'on trouve à ses pieds. Elle d<^pendait au temporel du duché de Touraine et était régie par ses coutumes ; mais pour le spirituel et pour la taille, elle était du diocèse et de la généralité de Bourges, amalgame bizarre qu'a fait disparaître le nouvel ordre de choses, d'après lequel Châtillon n'ap- partient plus à la Touraine. Il y avait un présidial créé en i63i , une pré voté et une maréchaussée. Son château placé sur une hauteur avait une ancienne tour fort élevée qu'on nommait la tour de l'Aigle.

En parlant de Buzançais, nous avons dit que Gharles-le-Chauve donna également Châtillon à l'un de ses favoris nommé Hémon. On présume que Ro- bert, petit-fils de ce Hémon, épousa la fille de Bou- chard , comte de Montrésor, dont il eut Archambaud, seigneur de Buzançais, Sulpice, trésorier de Saint- Martin , seigneur de Verneuil, et une fille qui eut en partage la seigneurie de Châtillon qu'elle apporta en dot à son mari , dont le nom est inconnu.

Son fils Ganillon fit la guerre à Albéric de Mon-

CHATILLON-SUR-INDRE. 67

trésor, son oncle maternel, et s'empara de ses états; mais Hugues d'Amboise, ayant pris le parti d'Albéric, trouva Ganillon qui pillait la campagne sur les rives du Cher, lui livra bataille, le défît et le retint en pri- son jusqu'à ce qu'il lui eût rendu hommage pour Châ- tillon , qu'il lui eût abandonné ses prétentions sur Montrichard, et enfin qu'il eût restitué Montrésor à son oncle. Depuis ce temps nous ne trouvons plus aucune trace des seigneurs de Châ tillon jusqu'au dou- zième siècle.

Les comtes de Touraine ayant uni cette place à leur domaine, Jean-sans-Terre , frère de Richard Cœur- de-Lion , la céda au roi de France au mois de janvier I î 93 avec quelques autres terres pour garantie du traité fait entre eux , à condition que le roi pourrait y mettre en garnison quatre chevaliers et quarante vassaux entretenus aux dépens du prince anglais, qui serait en conséquence obligé de lui donner tous les mois deux mille livres monnaie d'Anjou , et d'y mettre des provisions pour au moins deux ou trois mois. Mais ce traité resta sans exécution, et la Touraine ayant été réunie à la couronne en i ao4 , Philippe- Auguste assiégea Châtillon , qui ne tarda pas à se rendre. C'est depuis cette réunion que nous voyons reparaître les seigneurs de cette ville.

Dreux de Mello, connétable de France, pour prix des services qu'il avait rendus à Philippe - Auguste dans ses guerres contre les Anglais, reçut de lui les seigneuries de Loches et de Chatillon , par lettres de

5.

68 HISTOrRE DE TOURAINE.

Tan i2o4» à la charge de foi et hommage- lige, se réservant seulement le droit de régale sur les abbayes qui en dépendaient. Il mourut le 3 mars 121 8, lais- sant de sa femme Ermentrude de Moucy, Dreux et Agnès mariée en 1209 à Garnier Dutraisnel.

Dreux de Mello II succéda à son père aux seigneu- ries de Châlillon et de Loches, qui furent rachetées par le roi saint Louis moyennant six cents livres de rente, par lettres données au camp d'Egypte près le Nil en décembre 1249. Il mourut l'année suivante sans laisser d'enfans.

Pierre de Brosse , seigneur de Langeais et de Dam- ville, avait probablement obtenu la seigneurie de Châtillon pendant sa faveur auprès de Philippe- le- Hardi. On trouvera son article dans notre quatrième volume. Après son supplice , en 1 278, ses biens furent confisques et acquis à la couronne. Il n'y eut plus de seigneurs de Châtillon jusqu'au suivant.

Tanneguy Duchâtel, chevalier, seigneur de Rénac et du Bois-Raoul , grand-écuyer de France , gouver- neur de Roussillon, obtint de Louis XI, en 1472, à titre d'engagement, les seigneuries de Châtillon , de Passy et de Nonancourt, pour l'indemniser des grosses avances qu'il avait faites , tant pour le service que pour les funérailles de Charles VII , que lui seul n'a- bandonna point. Ce dévouement parut si beau, que même cent ans après, quand le corps de Henri II fut conduit sans pompe à Saint-Denis , on trouva sur le corps ces mots écrits' en grosses lettres : Oîi est main."

CHATILLON-SUR-INDRE. 69

tenant Tanne guj Duchastel? 11 fut tue au siège de Bouchain en 1479? et fut enterré h Cléry par ordre de Louis XI.

Jeanne de Raguenel , vicomtesse de Bëlière , etc. , veuve de Tanneguy Duchâtel , jouit du domaine de Châtillon comme ayant la garde noble de Gillette, Jeanne et Françoise ses filles.

Anne de Bretagne, reine de France, femme de Charles YIII , eut quelque temps la seigneurie de Châtillon, par lettres données aux Montils-les-Tours le 4 octobre i493. Mais sur les représentations qu'on fit au roi que ce château convenait peu »i la grandeur d'une reine de France, il lui donna en échange, le i8 mai i494> le château de Meun-sur-Yeurre.

Jeanne de France , première femme de Louis XII, après la dissolution de son mariage, en 1498, obtint pareillement Châtillon et son domaine pendant sa vie. Le roi y ajouta le duché de Berri et Châteauneuf-sur- Loire. Elle mourut le 4 février i5o4.

Charles Solar, communément appelé du Solier ou de Soliers, comte de Moret, seigneur de la Carte, gentilhomme de la chambre du roi, fut seigneur de Châtillon après Jeanne de France. Il mourut le i^^ février i55is, et eut sa sépulture aux Minimes du Plessis.

Florent Guyot de Lessart , dont nous avons fait mention au dixième livre de notre Histoire, ayant été obligé, en i589, de remettre son gouvernement de Saumur entre les maitis du roi de Navarre par ordre de Henri IH , reçut de lui comme indemnité à titre

^O HISTOIRE I>E TOURAINE.

d'engagiste, la seigneurie et le domaine de Châtillon.

George Isorë, marquis d'Hervaut, lieutenant-gé- néral pour le roi en Touraine, a pareillement joui de Châtillon par engagement.

Le président de Barillon Ta depuis obtenu au même titre , ainsi que son gendre

Jean-Baptiste Amelot, maître des requêtes. Cette terre est ainsi restée dans la même famille jusqu'à Antoine-Jean Amelot de Chaillou , ancien ministre- d'état, qui la possédait encore en 1789.

Lorsqu'il n'y avait point à Châtillon de seigneur engagiste, le roi y plaçait des gouverneurs particu-? liers ; ainsi quand les princes et les principaux sei- gneurs se retirèrent de la cour, en 1616, le seigneur de la Mardelle, gentilhomme de Touraine, reçut du maréchal de Souvré, gouverneur de la province, l'ordre d'aller prendre le commandement de Châtil- lon , et il fut porté en cette qualité sur l'état du roi à raison de cent livres par mois pour ses gages, et de deux cent trente-trois livres pour un sergent et dix- neuf soldats.

Châtillon avait une collégiale desservie par un prieur et douze chanoines. On tient que son église fut bâtie vers l'an gSg par l'un des principaux habi- tans qui y mit des reliques de saint Oustille, dont p.ichard I", archevêque de Bourges, lui avait fait pré- sent. Il y avait en outre un couvent d'Augustins et un de religieuses Ursulines.

CHENONCEAUX. 7I

CHENONCEAUX, chatelleiîie.

Chenonceaux n'est qu'un très-petit bourg situe sur sur la rive droite du Cher, à huit Heues de Tours, et à une heue et demie au-dessus de Bléré. Quoique son château n'eût que le titre de chatellenie qui lui fut donne en i5i3 par lettres patentes de Louis XIÎ, son architecture et les personnages qui l'ont succes- sivement habité ont rendu ce lieu assez célèbre pour qu'il ne nous fût pas permis de le passer sous silence. Heureusement pour la Touraine, dont il est aujourd'hui l'édifice le plus remarquable en ce genre, il n'a point souffert les atteintes de la révolution, dont il paraît avoir été préservé par le respect qu'im- primaient à tout ce qui l'environnait l'âge, les vertus et la bienfaisance de celle qui la possédait alors , madame Dupin , qui y a doucement terminé sa longue et brillante carrière en 1799, dans sa quatre-vingt- treizième année.

IjB terre de Chenonceaux, avant d'avoir acquis la célébrité dont elle jouit encore, avait appartenu à une famille du nom de Marques, originaire d'Au- vergne, famille qui n'était pas sans illustration puis- qu'on assure qu'elle était alliée à la maison de France. Nous voyons, par des titres originaux, qu'en 1274 un Guillaume Marques fît don aux religieux de Montoussan des fiefs de Bléré, Franciieil et Chisseau.

Jean Marques, premier du nom, seigneur de Che- nonceaux , prit parti , sous le règne de Charles VI ,

Hîi HISTOIRTî DE TOTJKAIKE.

contre le dauphin , que la faction de Bourgogne venait de faire déclarer déchu de ses droits à la couronne , et reçut garnison anglaise dans son château. Mais il ne tarda pas à subir la peine de sa félonie, car le maréchal Laval de Bois-Dauphin ayant battu les Anglais dans les prairies de Vintin , auprès de Che- nonceaux , rasa les fortifications du château , et en fit couper les bois à hauteur d'infamie. Il paraît qu il mourut en i43o.

Jean Marques, deuxième du nom, seigneur des Odets, de Bléré, du Couldray, fit hommage au roi, le 12 mai i43i, pour la terre de Chenonceaux. En 1432 il obtint des lettres patentes qui l'autori- saient à relever les fortifications de son château, à raison des services qu'il avait rendus à l'état, et en considération de sa parenté avec la maison de France. Il mourut en 1460.

Pierre Marques, fils du précédent, rendit au roi, le 3i janvier i46i, un pareil hommage pour les terres de Chenonceaux, les Odets , le Couldray et le bourg de Saint- Martin-le-Beau. Il fît construire au milieu du Cher un moulin dont nous aurons bientôt occasion de parler. Ce fut lui qui, en 1496, vendit Chenonceaux à Thomas Bohier , l'un de ses créan- ciers. Il avait épousé Martine, fille de Pierre Bérard, seigneur de Bléré et de Chissay.

Thomas Bohier, baron de Saint-Cyergue, seigneur de Chenonceaux, la Tour-Boyer, JNazelles, Chissay, Saint-Martin-le-Beau , général des finances de Nor- mandie, lieutenant-général des armées, vice-roi de

CHENOTN'CEAtJX. 7 3

Naples, etc., était fils d'Astremoine Boîiier, ou le Boiiyer, originaire d'Auvergne, et de Béraulde Du- prat, tante du fameux chancelier de ce nom, cir- constance qui n'aura pas nui à Faccroissement de sa fortune sous François I". Elle avait été commencée par son mariage avec Catherine, fille de Guillaume Briçonnet, qui, veuf, embrassa l'état ecclésiastique, et fut connu sous le nom de cardinal de Saint-Malo. Bohier, en i5i5, jeta, sur les fondemens du moulin que Pierre Marques avait fait établir sur la rivière , ceux du nouveau château qu'il fît élever, au lieu de celui qui existait anciennement. L'église du bourg se trouvant au milieu de ses avenues, on assure qu'il la fit incendier, et qu'il la rebâtit à ses frais au lieu elle est encore. Elle fut consacrée par son beau-père le cardinal de Saint-Malo, en vertu d'une bulle de Léon X; mais chargé avec Lautrec de poursuivre la conquête du Milanais, Bohier ne put, pendant son long séjour çn Italie, s'occuper que passagèrement de cette importante construction. Le soin d'en diriger les travaux fut laissé à son épouse , et elle ne montra pas moins de goût que son mari dans l'exécution de leurs plans. En examinant bien les détails d'archi- tecture du château, on y prend comme sur le fait la révolution la plus importante dans les arts, c'est-à- dire le passage du style gothique au style grec, ou plutôt au style italien des Bramante et des Michel- Ange. En effet, jamais le style gothique ne fut si parfait qu'au moment il fut abandonné pour l'italien , qui de son côté ne fut jamais plus pur qu'à

^4 HISTOIRE DE TOUR AINE.

Fepoque il fut adopté. Partout on voit le chiffre de Bohier ainsi que sa devise : S'il vient à point m'en souviendra. François I", par lettres patentes de 1 5 1 7, lui accorda la permission de construire un pont sur le Cher ; mais trop occupé de l'achèvement de l'édi- fice principal, il ne put profiter de cette faveur. Il mourut dans le Milanais le i4 mars i^iZ ou i5?4 nouv. style. Son corps fut rapporté d'Italie à Tours et inhumé dans l'église paroissiale de Saint-Saturnin, il s'était fait construire une chapelle enrichie d'or et d'azur. Il y avait son tombeau en marbre blanc. Les restes de son épouse , morte deux ans après lui , y furent également déposés, et on y lisait leurs épita- phes. Ce monument n'a été détruit qu'à l'époque de la révolution. De son mariage avec Catherine Briçon- net naquirent cinq fils : Antoine, qui suit ; a* Fran- çois , évêque de Saint-Malo ; 3** Guillaume , bailli du Cotentin; 4** Gilles, évêque d'Agde; 5** un autre An- toine, gouverneur de Touraine.

Antoine Bohier , baron de Saint-Cyergue , la Tour- Bohier, la Chesnaye, Saint-Martin-le-Beau , Augy, est encore traité de seigneur de Chenonceaux dans le testament de Guillaume Briçonnet, évêque deMeaux, daté du Ji janvier i533. Ce ne fut effectivement qu'en 1 535 qu'il s'en dessaisit en faveur de François I". Guy Bretonneau , p. 38 de son Histoire généalogique de la maison Briçonnet , nous apprend que « Bohier «ayant, en son voyage d'Italie, fait de grandes dé- cc penses pour le service de Sa Majesté , se trouva re- ff devable de grand nombre de deniers après sa mort. »

CHENONCEAUX. 7?

Ce qui est exact. Mais il ajoute : « Sa veuve donna ce « beau château tle Chenonceaux au roi Henri II pour « ia somme de cent mille livres. Catherine de Médieis, « veuve de Henri , qui première le posséda , l'aug- t< menta de plusieurs édifices fort magnifiques. » Et ici il commet un double anachronisme; car comment la veuve de Bohier, morte en iSaô, aurait- elle pu vendre son château à Henri II, qui ne régna qu'en 1 547 ? Ensuite on va voir que Catherine ne le posséda pas avant Diane de Poitiers. Thomas Bohier s'étant en effet trouvé redevoir au roi cent quatre-vingt-dix mille livres, son fils Antoine fut obhgé d'en tenir compte , et la terre de Chenonceaux fit partie de cette restitution, ou plutôt en fut le prétexte. Anne de Mont- morenci en vint prendre possession pour le roi en 1 535. Diane de Poitiers était fille de Jean de Poitiers , comte de Saint-Vallier,et descendait ainsi de Marie, fille naturelle de Louis XI, qui épousa Aymar de Poi- tiers, comte de Saint -Vallier. Aussitôt la mort de François I", en 1 547, Henri II, son successeur, donna à Diane sa maîtresse le château de Chenonceaux et le duché de Valentinois. Les héritiers d'Antoine Bohier ayant élevé des réclamations , et voulant revenir sur la cession faite à François r% Diane, en i555, ra- cheta Chenonceaux. Ainsi de Thou n'a pas été bien informé quand il a dit au XXIIP livre de son histoire, tome III, page 374 : « Astremoine (i) Bohier et Ca- « therine Briçonnet avaient bâti cette maison de plai-

(i) De Tbou s'est encore trompé en ceci; c'est Thomas qu'il faut lire.

76 HISTOIRE DE TOtJRA.lîN'E.

« sance, que le baron de Saint-Cyergue leur fils avait « donnée, par une folle vanité, à la duchesse, etc. » Aussitôt que Diane fut en posssesion paisible de Che- nonceaux, elle fît abattre et reconstruire la façade du bâtiment au midi due à Th. Bohier. Elle fit également exécuter les neuf arches du pont projeté trente-huit ans auparavant, et qui du corps-de-logis conduit sur la rive gauche du Cher. C'est dans les premières piles de ce pont , qui sont creuses , que sont pratiquées les cuisines du château; mais elle n'eut pas le temps de donner k ce séjour autant d'éclat et de magnificence qu'elle l'aurait désiré, et que lui permettaient son goût et sa fortune, puisque peu d'années après elle s'en vit dépouillée par la violence autant que par la frayeur que lui inspirait le ressentiment d'une rivale, jalouse, vindicative et toute-puissante.

Catherine de Médicis , veuve de Henri II , était mère de François II, de Charles IX et de Henri III. En i55o elle avait acheté de Charles de La Roche- foucauld et de sa femme Antoinette d'Amboise la terre de Chaumont- sur -Loire pour le prix de cent vingt mille livres. Henri 11 étant mort en i559, elle put alors sans contrainte faire éclater sa haine long- temps comprimée contre celle qui avait été l'objet constant des affections de son époux. Maîtresse ab- solue sous le règne momentané de son fils François II, comme elle le fut sous les deux règnes suivans, elle contraignit la duchesse de Valenlinois de lui céder Chenonceaux en retour de Chaumont. La ratification de cet échange forcé ne fut fait à Chinon que le 10

CHENONCEA.UX. 77

mai i56o, quoique la duchesse eût déjà fait prendre possession de Chaumont, dès le 27 avril précédent, par son secrétaire Canette, tant elle redoutait la ven- geance de l'Italienne Catherine. Le 1 7 mai de Tannée suivante, elle obtint les lettres de reconnaissance de sa foi et hommage. Dès le moment que Catherine fut en possession de Chenonceaux, elle en fit l'objet d'une prédilection toute particulière. Elle imagina de faire couvrir le pont que Diane avait fait construire, et de former ainsi une belle et longue galerie, à l'aide de laquelle on est porté sans s'en apercevoir sur la rive opposée. C'est à elle qu'on doit le grand bâtiment qui est au levant de l'avant-cour, les douves et les ter- rasses. Ce fut aussi par elle que les jardins furent agrandis et embellis. On admirait surtout ce parc ma- jestueux qui régnait le long du Cher, avant que l'ac- cumulation des années eût fait sentir la nécessité d'en renouveler les arbres séculaires , auxquels les années à leur tour ne tarderont pas à rendre leur première beauté. Userait sans intérêt de relater ici toutes les cir- constances où la cour vint visiter ces beaux lieux, plus faits pour des âmes douces et vertueuses que pour celle qui avait été froidement l'auteur et le témoin de l'horrible journée de Saint- Barthélemi. Nous dirons cependant qu'en 1577 Henri III conçut le projet d'imposer un autre nom à Chenonceaux. Il était venu y passer quelques jours , lorsqu'il y apprit que ses troupes s'étaient emparées de la ville d'Issoire et de quelques autres places occupées par les protestans. Dans l'effusion de sa joie, il voulut que dorénavant

J$ HISTOIRE DE TOTJRAINE.

Chenonceaux fût appelé le château de Bonnes-Nou- velles ; mais ce caprice de moment ne put l'emporter sur la force de l'habitude, et le château conserva son nom* Catherine termina ses jours à Blois le 5 janvier 1 589, ayant avant sa mort légué Chenonceaux à Louise de Vaudemont, femme de son fils Henri III.

Louise de Lorraine était fille aînée de Nicolas duc de Mercœur , comte de Vaudemont , et de Marguerite d'Egmont sa première femme. Pendant la grande fa- veur des Guise, elle épousa Henri HI le i5 février 1575. Aussitôt la mort de Catherine, elle entra en possession de Chenonceaux , et s'occupa de la con- servation de cette belle propriété au milieu de la guerre qui désolait l'intérieur de la France ; car nous voyons que dès le i"' février iSSq elle écrivit à Gilles de Faverolles, capitaine de deux cents hommes de guerre à pied, de veiller à ce qu'il n'y fût fait aucune violence. Ce fut qu'elle se retira lorsque, six mois après, son époux fut tombé sous le fer de l'infâme Jacques Clément. Les malheurs du temps l'empêchè- rent sans doute de suivre l'exécution des plans d'em- bellissemens tracés par Catherine et consignés par Androuet Ducerceau dans son ouvrage intitulé : Les plus excellens bâtimens de France. Elle mourut à Moulins le 29 février 1601. Après elle Chenonceaux passa dans la maison de Vendôme.

César, duc de Yendôme, fils naturel de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées , en 1 594 , fut légitimé l'année suivante. En 1 609 , à l'âge de seize ans , il épousa Françoise , fille de Philippe - Emmanuel de

CHKWOîTCEATIX. 7^

Lorraine, duc de Mercœur, nièce de Louise de Vau- dcmont qui Henri IV alla lui-même à Chenonceaux porter la nouvelle de ce mariage. Celle-ci ^ n'ayant point eu d'enfans, fît à Tëgard de sa nièce ce que Catherine de Médicis avait fait pour elle, c'est-à-dire qu elle lui donna sa terre de Chenonceaux pour en jouir après sa mort, qui ne tarda pas à l'en mettre ea possession; car, en 1612 , elle avait cessé de vivre. César, qui mourut en i665, eut de ce mariage Louis, mort cardinal en 1669; François, duc de Beaufort, et Elisabeth , femme de Charles- Amédée de Savoie.

Louis- Joseph , duc de Vendôme , généralissime des armées de France et d'Espagne, était fils de Louis, dont il est parlé ci- dessus. Son père étant devenu veuf, avait embrassé l'état ecclésiastique, et fut créé cardinal de Vendôme en 1667. Louis-Joseph et Phi- lippe son frère , grand-prieur de France , lui ayant succédé, l'aîné eut en partage la terre de Chenon- ceaux. Quoique en" i654, il ne se maria qu'en 1710a Marie- Anne de Bourbon-Condé , à laquelle, par son contrat de mariage, il fît don de Chenon-» ceaux. 11 mourut sans enfans le 10 juin 1712, et la duchesse son épouse en 1718. La princesse de Condë sa mère hérita d'elle Chenonceaux, et le vendit, en 1720, au duc de Bourbon , qui n'y vint qu'une seule fois en allant conduire mademoiselle de Vermandois sa sœur à l'abbaye de Beaumont-lcs-Tours, dont elle fut depuis abbesse. Le duc revendit Chenonceaux à M. Dupin en 1733.

Claude Dupin , issu d'une ancienne famille noble

I

8o HISTOIRE DE TOURAINE.

du Berri , avait commencé par être capitaine au régi- ment de Noailles, cavalerie; mais une affaire d'honneur l'ayant obligé de quitter le service , il obtint un bon de fermier-général , après avoir épousé mademoiselle Louise - Marie - Madeleine - Guillaume Defontaine. M. Dupin est connu dans la littérature par ses obser- vations sur l'Esprit des Lois , réfutation la meilleure sans contredit de toutes celles qu'a fait naître cet ouvrage justement célèbre. Montesquieu en fut telle- ment alarmé , qu'il interposa le crédit de la marquise de Pompadour pour amener M. Dupin à la suppres- sion de l'édition tout entière. Cinq ou six exemplaires seulement ont échappé à cet acte de déférence envers le grand homme dont il était l'ami , et sont par con- séquent très-rares aujourd'hui. L'ouvrage a pour titre : Observations sur un livre intitulé : de V Esprit des Lois^ Paris (1753), 3 vol. in-8.

Il est digne de remarque que chaque siècle, depuis le quinzième , offre à Chenonceaux sa physionomie particulière. Manoir d'une famille factieuse pendant les guerres que l'Anglais faisait à la France ; sous François 1", monument de la protection que ce prince accordait aux arts, ainsi que de son goût pour les plaisirs ; témoin de la magnificence et des intrigues de Catherine de Médicis , et peu de temps après du gé- néreux pardon accordé par le grand Henri aux fana- tiques qui osaient lui disputer un trône dont il fit la gloire et les délices ; retraite au seizième siècle de la pieuse veuve de Henri III , et au dix-septième de l'un des plus grands capitaines du règne de Louis XIV;

CHENONCEA.UX. 8 1

il était réservé à M. et à madame Dupin de marquer à leur tour l'époque brillante du diK-huitième siècle, en réunissant dans leur riant asile les personnages les plus illustres ou les plus aimables de cette période si féconde en grands hommes, parmi lesquels se faisaient encore remarquer M. Dupin par son goût et son éru- dition , madame Dupin par sa beauté , ses grâces et son esprit. J.-J. Rousseau , qui leur fut attaché quelque temps en qualité de secrétaire , composa plu- sieurs' pièces pour le théâtre du château , sur lequel fut joué pour la première fois le Devin de Village. On connaît ces vers empreints d'une douce mélancolie, qu'il a intitulés l'Allée de Silvie , du nom d'une des allées du parc :

Qu'à m'égarer dans ces bocages Mon cœur goûte de voluptés! Que je me plais sous ces ombrages! Que j'aime ces flots argentés ! etc.

Chenonceaux réunissait habituellement dans la belle saison l'élite de ce que les lettres, les sciences et les arts, offraient de plus distingué, tels que Fontenelle, Mairan, Buffon, le comte de Tressan, Montesquieu, le marquis de Saint-Aulaire , l'abbé de Saint-Pierre , Mably, Condillac son frère, MM. de Sainte-Palaye, lord Bollnghrocke et Voltaire lui-même. Au mi- lieu de tant de célèbres personnages brillaient aussi mesdames de Boufflers, de Luxembourg, de Rohan- Chabot, de Forcalquicr, de Mlrepoix, de Tencin et la marquise du DcffaiU, tons attirés, moins peut-être 3. G

89. HISTOIRK DE TOimAlNE.

par le charme des lieux que par celui de la société de leurs maitres.

A l'époque de la révolution , madame Dupia se re- tira à ChenoneeauXyOÙ, comme nous l'a vous dit, elle mourut âgée de quatre-vingt-treize ans.

Le c^mte René de Villeneuve , son petit-ruevieu , a eu en partage la terre de Cliewonceaux , qui semble n*avoir pas changé de possesseur , grâce à l'affabilité et aux prévenances dont sont l'objet les étrangers , l^s savans, les artistes, enfin tous ceux auxquels tant d'intéressans souvenirs inspirent le désir de visiter ce romantique séjour.

CHmON, COMTÉ.

La ville de Chinon ( Cai'no, Chinones) est située sur la droite de la Vienne au nord - est de Tours , dont elle est éloignée de dix lieues. Le château est sur la hauteur qui commande la ville et la campagne. Quoique le temps de sa fondation soit fort incertain, il n'en est pas moins vrai qu'elle était déjà une ville assez considérable dans le cinquième siècle, lorsque les Francs commencèrent à s'établir dans les Gaules. Dès Tan 462 elle fut assiégée par ^Egidius-Afranius, gouverneur des Gaules pour les Romains , siège dont nous avons donné les détails dans le premier livre de notre Histoire, et qui indique suffisamment qu'il de- vait alors y avoir un château ou du moins un fort pour la défense de la ville. Ainsi ce château n'avait pu être l'ouvrage que des Romains, puisque les Francs

CHINON. 83

n'avaient pas encore pénétré dans ces contrées. Mais il était sans doute peu considérable et devait être à peu près ruiné , lorsque , suivant d'Argenlré, Thibaut le-Tricheur, premier comte héréditaire de Touraine, le fît reconstruire à l'aide des grands biens dont il avait hérité, en 953 , de son petit-fîls Drogon,'duc de Bretagne. Henri II , roi d'Angleterre et comte de Tou- raine, le fît fortifier pour y déposer ses trésors. Phi- lippe-Auguste, l'ayant repris sur les Anglais en 1 204, y ajouta de nouvelles fortifications. Enfin le roi Char- les YII y fit bâtir la grosse tour du château appelée d'Argenton, ainsi que celle qui était auprès de la porte des Prés. Il fit aussi renfermer la ville de murailles gar- nies de tours , dans le temps c'était presque la seule place un peu forte qui lui restât. Il y ajouta les portes de la Barre , du Vieux-Marché , de Verdun et la Bas- tille du pont.

Après la mort de Thibaut, Cliinon tomba dans le partage d'Emme ou Emmeline sa fille , mariée à Guil- laume III , duc de Guienne et comte de Poitou. La Chroiîique de Maillezais rapporte qu'Emmeline ayant conçu de la jalousie contre la vicomtesse de Thogars, à laquelle le comte faisait une cour trop assidue, la rencontra un jour dans la campagne, et après l'avoir accablée d'outrages , la livra à la discrétion de ses palefreniers. Craignant la colère de son niari, elle se tiiU ensuite soigneusement renfermée dans son châ- teau de Chinon : mais le faible Guillaume ne songea point à venger l'affront fait à la vicomtesse.

Son neveu Eudes II, comte de Touraine , fut depuis

6.

{54 HISTOIRK DE TOURAIJVK.

mis en possession de cette place , que Thibaut III donna pour sa rançon à Geoffroy-Martel , ainsi qu'on l'a vu dans le cours de notre Histoire sur l'année io44-

Geoffroy-le-Bel , comte d'Anjou , donna par sou testament à Geoffroy Plantagenet, son second fils, la ville et le château de Chinon avec Loudun et Mire- beau, en attendant qu'il fût en possession des trois provinces de Touraine , d'Anjoia et du Maine, qui de- vaient lui appartenir lorsque son frère Henri serait paisible possesseur du trône d'Angleterre; mais Henri II, qui ne voulait point de partage , passa la mer en 1 1 56 , assiégea et prit la ville et le château de Chi- non. Philippe- Auguste les réunit depuis à la cou- ronne.

Chinon fut pris en i4i^ par Jean duc de Bour- gogne pendant les guerres des Bourguignons et des Armagnacs. La paix s'étanl faite entre les deux mai- sons , le duc Jean s'obligea , par le traité d'Arras du mois de septembre r4i45 ^^^ rendre Chinon au roi de France. Cependant on fut obligé d'en venir à la force ouverte pour la retirer de ses mains. Raoul de Gau- court rassembla des troupes à ses frais, l'assiégea et la réduisit sous l'obéissance du roi , ayant employé à cette entreprise plus de douze mille écus d'or, dont Louis XI donna depuis ses lettres de reconnaissance a Charles de Gaucourt son fils.

Après la mort de Charles VII , Louis XI donna Chinon et les émolumens du grenier à sel à la reine sa mère pour surcroît de douaire. Les lettres en furent expédiées à Maillé le 6 octobre i46t.

CHINON. 85

Ce fut en ce lieu que François T', duc de Bretagne, rendit foi et hommage à Charles VI pour le duché de Bretagne et le comté de Montfort, le i4 mars i445. I^ domaine fut engagé à Henri de Lorraine, duc de Guise, avec Issoudun et Vierzon , par lettres du 4 juillet i58i, pour treize mille trois cent trente-trois écus un tiers, ou quarante mille livres, qui furent remhoursés au prince de Join ville en 1616 par le duc de Bourbon, des mains duquel il repassa en 1629 dans celles du roi.

Le cardinal de Richelieu , qui convoitait ce do- maine pour composer le duché qu'il avait le projet de faire créer en son nom, et qui ne voulait pas en devenir possesseur à titre d'engagiste, comme l'avaient été les précédens seigneurs, en fît opérer par le roi l'échange avec Louise-Marguerite de Lorraine , prin- cesse de Conti , contre d'autres terres , au nombre desquelles figure une principauté de Chateau-Regnault qui nous est inconnue. Ainsi, quoique peu timoré de son naturel, n'osant pas cependant faire person- nellement l'acquisition d'un domaine royal, il la fit faire par un prête- nom, qui la lui rétrocéda dès le jour suivant- au même prix de cent dix -neuf mille trois cent vingt livres. Ce domaine et celui de l'Ile-Bouchard , que le cardinal avait acheté du duc de La ïrémouille, formèrent la portion la plus con- sidérable du duché qui fut érigé, dans le cours de la même année, sous l'appellation de Richelieu. Jusque-là le château de Chinon n'avait pas cessé de faire partie du domaine de la couronne.

86 HISTOIRE DE TOUR4JTfE.

François, duc d'Anjou, en 1576, obtint en aug- mentation d'apanage le duché de Touraine, dont on privait ainsi Marie Stuart, veuve de François II, re- tirée dans son royaume d'Ecosse. Ce prince ayant été abusivement autorisé à aliéner certaines parties du domaine de son apanage, vendit ou plutôt engagea, le 4 juillet i58i, différentes terres qui dépendaient du château de Chinon.

Henri I" de Lorraine, duc de Guise, prince de Joinville , fils de François~le-Balafré , se rendit acqué- reur de ces aliénations.

Henri II de Lorraine , duc de Chevreuse , succéda à son père en i588 dans la seigneurie de Chinon, et la vendit, en 161 6, au duc de Bourbon.

Louis m, duc de Bourbon, la posséda jusqu'en 1629, époque où, à l'instigation du cardinal, Louis XIII la lui retira pour la donner, en échange d'autres pro- priétés , à la princesse de Conti.

Louise-Marguerite de Lorraine, princesse de Conti, vendit , le 20 février i63i, à Guillaume Millet, prête- nom du cardinal de Richelieu, le château de Chinon et ses dépendances.

Armand-Jean Duplessis, cardinal de Richelieu, de- vint propriétaire du château et du domaine de Chi- non, en vertu de la déclaration de command faite à son profit par Guillaume Millet, qui les lui rétrocéda, ainsi que nous l'avons dit plus haut.

Armand -Jean Wignerod fut substitué au nom et aux armes de Duplessis-Richelieu par le cardinal son grand-oncle , et devint, en sa qualité de duc de Ri-

CHINON. *^' 87

chelieu, seigneur de Chinon. Il mourut en 1715, âgé fie quatre-vingt-six ans.

Louis-Fran roi s- Armand Duplcssis, duc de Riche- lieu, maréchal de France, en 1696, mourut le 8 août 1788, âgé de quatre-vingt-douze ans.

Louis-Sophie-Antoine Duplessis-Richelieu , fut d'a- bord connu sous le nom de duc de Fronsac, et devint duc de Richelieu après la mort du maréchal. Son fils 0Îné porta le nom de comte de Chinon. Celui-ci , de* venu à son tour dac de Richelieu, passa au service de Russie, il se fît connaître sous les rapports les plus favorables comme gouverneur de la province d^Astracan. Rentré en France après la restauration, il y est mort président du conseil des ministres , ne lais- sant point d'enfans de son épouse N. de Rochechouart. En lui s'est éteinte la branche masculine des Duples* sis-Richelieu.

Nous trouvons, pour gouverneurs des ville et chA- teau de Chinon ,

Etienne de Tours, qui y fut placé en cette quâhté l'an 1 167 par Henri II, roi d'Angleterre.

Robert de Turnham , seigneur anglais , sénéchal des trois provinces.

Aimery, vicomte de Thouars, sénéchal des mêmes provinces, nommé par Jean-sans-Terre en 1 1 99 j mais contraint de se retirer au mois d'octobre de l'année suivante.

Roger de Lascy, Anglais, fait prisonnier quand Philippe-Auguste prit la ville.

Guillaume des Roches, sénéchal héréditaire des

88 HISTOIBE DE TOURAINE.

trois provinces en 1 204. Tous les autres sénéchaux héréditaires eurent ce même gouvernement.

Jean Pastoureau , dit Tailloche, par nomination du duc de Bourgogne en i4i3.

Guillaume de Remeneuil , bailli des ressorts et exemptions de Touraine, nommé par le roi en i4i4? contraignit par la force Jean Pastoureau de lui re- mettre ce gouvernement.

Louis de France , duc de Guienne , l'obtint par lettres du mois d'avril i4i5. Il mourut la même an- née le ) 8 décembre. La ville ayant été donnée en otage l'an i433 à Artus III, comte de Richemont, connétable de France , il y mit pour gouverneur Guil- laume Bellier ; mais celui-ci , manquant à la foi qu'il avait jurée au connétable, fît, le i3 mars i4^6, une ouverture dans les murs de la ville , dont il donna l'entrée aux troupes du roi , qui s'en emparèrent mal- gré la présence de Marguerite de Bourgogne, femme du connétable, qui s'y était retirée.

Raoul de Gaucourt , premier chambellan de Char- les VII, était gouverneur de Chinon en i43î2. Ce fut son lieutenant , Olivier Frétard , qui pendant la nuit facilita l'entrée du château au sire de Bueil et autres conjurés pour enlever le sire de La Trémouille, mi- nistre d''état et favori du roi qui se trouvait alors au château.

Charles de Gaucourt , maréchal de France , gou ver- neur de Paris et de Chinon , par lettres de Louis XI du 10 décembre i463.

Philippe de Commines , chevalier , seigneur d'Ar-

CHINON. 89

genton, assez connu par ses mémoires, obtint ce gou- vernement en 1477 > ayant sous son commandement quatre-vingts liommes d'armes et quarante hommes de trait. Il mourut le 17 octobre 1319.

Jean Tiercelin, seigneur dea Brosses. En i485 il fut nommé avec l'archevêque de Tours, le sire de Beaujeu et le comte de Dunois , exécuteur testamen- taire de Charlotte de Savoie , veuve de Louis XI.

Adrien de Monberon, seigneur d'Archiac, cham- bellan du roi Charles VIII.

N. Tiercelin, seigneur de la Roche -du -Maine. Brantôme dit qu'en son absence les protestans enle- vèrent Chinon par surprise , mais qu'il les en chassa bientôt après.

François Leroy, seigneur de Chavigny , comte de Clinchamp , lieutenant-de-roi en Touraine, nommé par Henri III gouverneur de Chinon. Il mourut en 1606.

Jacques de Rouville succéda au précédent, son oncle maternel, et mourut en 1628.

Chinon ayant été accordé au prince de Condé pour sûreté du traité de paix fait à Loudun au mois d'avril 161 6, ce prince en donna le commandement à Ro^ chefort, gentilhomme de sa maison , qui, lorsqu'il eut été arrêté , se jeta dedans pour le défendre.

Charles Tiercelin , seigneur de Ballon , maréchal- de-camp, fut pourvu du gouvernement de Chinon en 1616, lorsque le prince de Condé eut prescrit à Ro- chefort d'évacuer la place.

90 HISTOIRE DE TOURA.INE.

Charles ïiercelin j deuxième du nom , nommé aux mêmes fonctions le i5 octobre 1619.

Louis de Bascle, capitaine de cent arquebusiers à cheval, eut les gouvernemens de Chinon, Loudun, Mirebeau et Faye-la-Vineuse. Il mourut à Chinon , il eut sa sépulture dans l'église de Saint-Maurice.

On remarque dans la commune de Cinais, voisine de Chinon, les traces d'un ancien camp que, suivant l'usage, on attribue aux Romains; mais, pouf peu qu'on ait l'habitude de leurs divers genres de con- struction et de la méthode de leur castramétation , on voit facilement que ce travail ne remonte pas plus haut que nos anciens comtes de Touraine , et que c'est encore un ouvrage de Henri II , roi d'Angle- terre , qui avait fait de Chinon la principale place d'armes.

Il nous reste quelques monnaies d'argent frappées à Chinon sous la seconde race, quoique, dans son ti^ailé, Leblanc n'en ait pas fait mention. Nous en possédons deux, dont l'une est une obole qui nous semble appartenir au règne de Charles -le -Chauve, époque presque toutes les villes de France avaient leur coin particulier. D'un côté on y voit une croix, avec ces mots dans le cercle qui l'entoure : CAINONI CASTRO, et au revers TVRON; ce qui ne permet pas de la confondre avec les pièces émanées des mo- nétaires.

La seconde est un denier d'argent que nous attri- buons à Louis IV, fils de Louis-le-Bègue , les mon-

CHINON. 91

naies de ce dernier étant faciles à reconnaître au mo- nogramme. Celle-ci a d'un côté la figure du roi , avec ces mots à l'entour : LVDOVICYS REX , et au re- vers une croix dans un cercle , autour duquel on lit également : CAINONI CASTRO. Leblanc nous offre Tempreinte d'un denier de ce même Louis IV, frappé à Arras , tout-à-fait semblable au notre du coté de la figure ; ce qui ne peut que nous confirmer dans notre opinion.

L'église collégiale de Chinon, Saint-Mesme, Sanc- tus-Maximus^ était une des plus anciennes de la pro- vince quant à sa fondation , mais non quant à la con- struction qui a être renouvelée, plusieurs fois. C'était dans le principe un monastère situé hors la ville , qui fut sécularisé vers le milieu du onzième siècle. L'église de Saint-Martin , qui datait du sixième, n'était alors qu'une petite chapelle , qui fut depuis agrandie et convertie en paroisse. La ville s'élant suc- cessivement accrue, les habitans, pour leur commo- dité, firent bâtir la paroisse de Saint-Etienne, dont le clocher fut fait aux frais de Charles VII, qui voulut en cela seconder leur zèle. Ce fut également à lui qu'on dut la construction de l'église de Saint-Jacques dans le faubourg de ce nom. On croit que les églises de Saint- Melaine et de Saint- Georges, qui étaient dans l'intérieur du château , étaient l'ouvrage de Henri II , roi d'Angleterre et comte de Touraine. On y comptait en outre , indépendamment de l'hospice, gouverné par des sœurs hospitalières, un couvent

9^ HISTOIRE DE TOURAINE.

d'Augustins et trois monastères de filles capucines , ursulines et calvairiennes.

Ce fut le même Henri II qui y établit la justice, et qui l'ërigea en châtellenie royale , avec union des villes de Candes, Champigny, La Haye, l'Ile-Bouchard, Saint-Epain, Azay, Sainte-Maure et Bourgueil. Elle était composée d'un lieutenant-général, un lieutenant particulier, un lieutenant-criminel, un assesseur, huit conseillers, un procureur et un avocat du roi, avec un greffier. H y avait grenier à sel , maîtrise des eaux et forêts , maréchaussée et mairie en titre d'office de- puis la déclaration du roi de 1692.

Par l'étendue qu'occupent encore les ruines du châ- teau de Chinon , on peut juger facilement quelle de- vait être son importance. Quoique ces ruines semblent aujourd'hui n'avoir formé qu'un tout , il n'en est pas moins certain que leur ensemble se composait de trois châteaux différens réunis dans la même enceinte , mais construits à trois diverses époques : la première vers 950 , sous Thibaut-le-Tricheur ; la deuxième sous Henri H, vers 11 60, et la dernière sous Philippe - Auguste , sans compter les fortifications qui y furent ajoutées sous le règne de Charles VH. Mais, ainsi que tous les châteaux forts situés dans l'intérieur de la France , celui-ci a été livré à la destruction rapide du temps, lorsque le royaume n'a plus eu à craindre d'être troublé par des guerres intestines. Telle est la masse imposante de ces ruines, que peut-être plu- sieurs siècles encore n'en auront pu faire disparaître

CINQ-MAARS- qS

les traces, s'ils ne sont secondés par la main des hommes.

CINQ-MAARS, marquisat.

C'inq'Maars^SanctuS'Ikfedardiis) est une ancienne baronnie qui fut érigée en marquisat vers i63o par Louis Xin en faveur de Henri Ruzé , grand-écuyer, fils du maréchal d'Effiat. Le bourg est situé à quatre lieues ouest de la ville de Tours, entre le coteau et la rive droite de la Loire. Grégoire de Tours, dans la Vie de sainte Monégonde, nous apprend que de son temps il se nommait Fi^ena , et que son église était sous l'invocation de saint Médard , dont ce bourg lui- même a fini par prendre le nom , qui depuis a été dénaturé en celui de Saint -Mars, et enfin de Cinq- Maars ou Cinq-Maars-la-Pile , à raison d'un monu- ment dont nous parlerons après avoir dit un mot sur les seigneurs de cette baronnie, dont plusieurs le furent en même temps de la Guerche et de Maillé.

Hardouin est le premier dont nos anciens titres fassent mention. On le voit présent avec Geoffroy son frère et Jean-le-Pauvre, seigneur de Saint-Antoine- du -Rocher, à une donation faite par Hardouin de Maillé, premier du nom, à l'abbaye de Marmoutier l'année que Philippe P*^ prit à femme Bertrade, épouse de Foulques-Réchin , c'est-à-dire en 1092.

Hardouin H, fils du précédent, était un des prin- cipaux favoris de Geoffroy-Planta genêt , comte de Touraine, et fut un des cinq chevaliers qui l'accom-

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94 HISTOIRE DE TOUIIAINE.

pagnèi'eiit, en iiay, lorsqu'il alla «\ Roqen épouser Matlîilde, fille de Henri I", roi d'Angleterre.

Barthélemi était très -probablement fils de Har- douin II. Il eut un procès avec le chapitre de Saint- Martin, qui fut juge en 1178, en présence de Guil- laume de Montsoreau , par le sénéchal du roi d'An- gleterre et le prévôt de Tours, qui lui donnèrent gain de cause. S.es enfans furent André, Pierre et Guil- laume de Saint-Maars, chevaliers.

André épousa Marguerite , dont il eut Barthélemi. Au mois de juillet 12.Q2, sur le point de partir pour la Terre-Sainte, il se désista des droits de corvée qu'il avait sur les habitans de Saint-Maars , sujets du cha- pitre de Saint-Martin, qui avaient été adjugés à son père par la sentence dont nous venons de parler. Bar- thélemi son fils et Pierre son frère ratifièrent ensuite cet abandon.

Barthélemi, deuxième du nom , nommé dans le titre dont nous venons de parler , n'eut qu'une fille mariée à Jean de l'Ile, fils de Barthélejni , troisième seigneur de rile-Bouchard.

Jeai^ de l'Ile, chevalier, seigneur de Saint-Maars et de ï-^ Guerche , du chef de sa fem^ie, n'eut que deux es : Jeanae qui suit , et Eustache , épouse de Jean de Maillé , seigneur de Clairvaux. Au mois d'avril 1 336 il coi^^titua une rente de quatre muids de fro- ment -au chapitre de l'église de Tours , au profit de l'Hotel-Dieu, moyennant cent dix livres tournois.

C'est ce Jean de l'Ile , mal à propos nommé sei- gneur de l'Ile-Bouchard, qui, pour en abuser, poursui-

CINQ-MAABS. 1^5

vit, en 1 337, une jeune fille dont il causa la mort; «ar pour échapper à sa brutalité , elle se précipita dans la rivière. Cependant on n'osa pas l'inhumer à raison de son suicide sans consulter le pape, dont l'histoire ne nous a pas transmis la réponse.

Jeanne de l'Ile fut mariée à Bonabes de Rougé, quatrième du nom. Par des lettres du 1 8 septembre 1^73, il donna pouvoir à deux chanoines de Saint- Martin de terminer un différend qu'il avait avec le <;hapitre. H mourut l'an 1377 , laissant Jean et Galiot de Rougé, ainsi que deux filles. D'Argentré dit qu'il combattit à la bataille de Poitiers et qu'il fut un des otages du roi Jean.

Jean de Rougé, dievalier, baron de Saint-Maars et de la Guerche , mourut sans enfans , laissant sa succession à son frère.

Galiot de Rougé épousa Marguerite de Beauma- noir, dont il eut Jean et Jeanne 4e Rougé, femme d'Armet de Château-Giron, d'où vinrent Patry et une filie nommée Valence , qui épousa Geoffroy d/e Châ- teau-Giron.

Jean de Rougé, deuxième iiu nom, mourut le 8 février i4 1 ^ sans laisser d'enfaijsde Béatrix de Rieu|t «on épouse.

Patry de Château-Giron , fils aîné d'Armet et de Jeanne de Rougé, succéda à son oncle en i4i5. II avait épousé Louise de Rohan dont il n'eut point d'enfans. Ainsi la succession passa a Valence , dont nous venons de parler.

Geoffroy de Château -Giron, Alias de Malétroil,

96 HISTOIRE DE TOURAINE.

mourut en i463. Il eut de Valence de Château-Giron sa cousine, Jean, Gillette et Marguerite.

Jean de Chateau-Giron , dit de Malétroit, succéda à son père en i463, et Tan i474 il échangea la ba- ronnie de Saint-Maars av€c Louis de La Trémouille et Marguerite d'Aniboise contre la seigneurie de Fou- gerai en Bretagne.

Louis j fils de George de La Trémouille, dont nous avons parlé à l'article des seigneurs d'Amboise.

Louis II de La Trémouille , dit le chevalier sans reproche, tué à la bataille de Pavie en 15^5. Après lui cette seigneurie passa à

François Dufor , chevalier, qui comparut en idSq au procès-verbal de la seconde réformation de la cou- tume de Touraine en qualité de Seigneur de Cinq- Maars-la-Pile , auquel succéda "*

Mathurin de Broc , dont nous ne connaissons que le nom. Celui-ci paraît l'avoir vendue à Martin Ruzé, grand-maître des mines de France , qui , étant mort sans enfans, laissa tous ses biens à Antoine Coëffier d'Effiat son petit-neveu , à la condition de prendre le nom et les armes de Ruzé. Cette famille l'a possédée jusqu'en 1 768 , époque cil elle la vendit au duc de Choiseul, qui l'échangea ensuite avec le duc de Luynes contre la terre de la Bourdaisière .

Il nous reste maintenant à parler du monument connu sous le nom de Pile-Cinq-Maars ou Saint-Mars , qui a été l'objet des recherches de plusieurs antiquai- res, et qui l'est encore de la curiosité de tous ceux qui le voient.

CINQ-MAARS. 97

Nous dirons d'abord que c'est une pyramide qua- drangulaire de quatre-vingt-six pieds six pouces de hauteur, et de douze pieds six pouces de largeur sur chacune de ses quatre faces. Cette largeur est égale depuis la base jusqu'au sommet, qui est surmonté de cinq piliers de dix pieds de haut , assez semblables à ceux qu'on remarque sur les mosquées. Celui du mi- lieu a été renversé par quelque ouragan, et ceux des quatre angles sont seuls restés debout. Cette pile est un massif plein entièrement composé de briques de treize pouces trois lignes de longueur sur huit pouces neuf lignes de largeur et un pouce et demi d'épais- seur, séparées par des couches de mortier à chaux et à ciment dans l'épaisseur d'un pouce.

La pile est placée sur le penchant du coteau , et l'on remarque sur la face qui regarde le midi ou la Loire onze carreaux ou tableaux figurés avec des briques saillantes d'une couleur un peu plus pâle , que l'on a pris pour des armoiries, quoiqu'il n'y ait aucun signe de blason, mais seulement des comparlimens en forme de mosaïque , disposés deux par deux , excepté celui du quatrième rang , qui est seul et semblable aux deux qui le précèdent.

Ce qui doit étonner, c'est qu'aucun auteur un peu ancien n'ait parlé de cette pyramide. De l'incerti- tude oii l'on est encore et sur l'époque et sur l'objet de sa construction. Le titre le plus ancien nous voyons qu'il en soit fait mention en ces mots : in parochiâ Sancti Medardi de Pila , ne date que de l'an 1218. Ainsi il est évident que le monument exis- 3. n

g8 HISTOIRE DE TOUR AINE.

tait avant cette époque. Les uns ont cru qu'il n'était pas de beaucoup antérieur; d'autres, au contraire, toujours tentés de voir partout l'ouvrage des Romains , lors de la conquête des Gaules, ont prétendu y re- connaître leur manière de bâtir. Ainsi, au lieu de Saint-Médard, nom primitif, on a fait Saint-Mars et ensuite Cinq-Maars. Il n'en a pas fallu davantage pour assigner au monument des origines analogues à ces nouveaux noms. Selon les uns cette pyramide fut élevée par César en mémoire d'une victoire éclatante qu'il aurait remportée sur ces bords. Malheureuse- ment l'histoire ne nous offre aucun événement âe cette espèce dans l'étendue de notre province, évé- nement sur lequel César lui-même n'aurait pas gardé le silence. Selon d'autres , ce fut le tombeau de cinq généraux tués en combattant, et dont César aurait voulu consacrer la mémoire par un monument du- rable. Mais malheureusement encore on n'a vu nulle part dans l'empire romain des tombeaux d'une pa- reille construction et surtout des tombeaux sans in- scription. Enfin , raisonnant toujours d'après la base vicieuse des mots cin^ mars ou quinque martes ^ on a dit que la pile avait été construite en Thonneur du consul Quintus Marcius , compagnon de César, et mort dans les Gaules. Mais d'abord il faudrait qu'il y fût venu et qu'il fût mort en Touraine. Or il n'en est point fait mention dans les Commentaires. Nous voyons au contraire que ce Quintus Marcius Rex n'a jamais rien fait de remarquable, et n'est connu que pour avoir été consul l'an 68 avant Jésus-Christ, dix ans

CINQ-MAA.RS. gg

avant que César eût paru sur les rives de la Loire. On doit donc rauger toutes ces suppositions au nombre des fables , puisqu'elles ne se rattachent à aucun fait avoué par l'histoire. Quelques médailles d'Antonin trouvées aux environs ne sont pas une preuve plus concluante : car en quels lieux de nos contrées n'en a-t'On pas trouvé de semblables ?

Quoi qu'en ait dit La Sauvagère, nous croyons, comme le comte de Caylus , assez bonne autorité en ce genre, que rien ici n'annonce un travail des Ro- mains, ni la forme, ni les ornemens , ni l'absence de toute inscription. On verrait bien plutôt le cachet sarrasin dans les mosaïques ou arabesques et dans les piliers , que nous avons dit ressembler aux minarets qui couronnent les mosquées : mais les Sarrasins ne s'étant jamais établis sur les bords de la Loire , d'où ils furent chassés en 7 3 2 par Charles-Martel , il est certain qu'ils n'ont pu entreprendre ni exécuter un pareil travail. S'il nous est permis d'émettre une opi- nion , ou si l'on veut une conjecture , nous serons tentés de croire que la Pile-Saint-Mars fut élevée par les Visigoths , qui s'emparèrent enfin de la Touraine après avoir expulsé les Romains en 480. Ils l'auront fait pour célébrer leur conquête autant que pour in- diquer les limites de leur royaume d'Aquitaine , de même qu'ils l'avaient fait sur les bords de la Creuse, oii ce royaume finissait avant qu'ils fussent maîtres de la Touraine. De est venue la dénomination de Port-de-Piles , Portas de Pilis , parce qu'il y avait également deux pyramides qui formaient la ligne de

7-

lOO ' HISTOIRE DE TOUR AINE.

démarcation des deux états. Qu'on y observe quelque chose de la manière de construire des Romains, cela ne surprendra pas en réfléchissant que les ouvriers que ceux-ci employaient habituellement n'avaient pas abandonné le pays avec les armées romaines, et que si les dessins et le goût étaient gothiques , la main- d'œuvre pouvait et devait être romaine. C'est peut- être une distinction à laquelle on n'a pas fait jusqu'ici assez d'attention. Ces monumens n'ayant donc d'autre objet que celui de déterminer des limites, on ne doit pas s'étonner si les auteurs contemporains ont dédai- gné d'en parler. C'est l'origine la plus probable que nous ayons cru pouvoir assigner à ce monument. On n'élève pas de pareilles masses pour couvrir une sé- pulture, et l'on ne construit pas des phares il est impossible de monter, puisque, comme nous l'avons dit, celte pile est un massif plein qui n'a ni escalier ni fenêtres. Les pyramides de Saint-Mars et du Port- de-Pi'es n'ont pu être construites que dans un but quelconque. Masses de briques , elles ne pouvaient être d'aucune utilité, si ce n'est de servir de bornes irré- cusables et inamovibles à deux états voisins et rivaux.

La tradition populaire veut qu'il y ait un souterrain sous la Pile-Saint-Mars. Mais il est difficile de se prê- ter à cette idée ; car on n'eût sûrement pas bâti une pareille masse sur le vide , et on eût encore moins entrepris d'y creuser après coup.

Quoique notre conjecture puisse rentrer dans la catégorie de toutes celles qui ont été faites à ce sujet, nous n'en conviendrons pas moins que ce monument.

L I LK-BOIJ CH ARD. I O l

à quelque siècle qu'il se reporte, mërîle d*êtrc con- servé, et qu'il conviendrait que le gouvernement fît acte de propriété; car les terrains- adjacens ayant été aliénés, il serait possible qu'un beau jour leur posses- seur élevât la prétention de l'être également de la pyra- mide, quoiqu'elle n'ait été nominativement désignée dans aucune adjudication.

Il paraît que vers le milieu du siècle dernier on a voulu s'assurer si la pile était véritablement massive; car on y a fait du côté du nord une excavation à quatre pieds de terre, qui, poussée plus avant, aurait pu en compromettre la solidité.

L'ILE-BOUCHARD, baronnie.

La ville de l'Ile-Bouchard {Insula Buccardi) a pris son nom du lieu de son assiette dans une île qui est au milieu de la Vienne, et de Bouchard, l'un de ses premiers seigneurs. Elle est située sur les confins de la ïouraine et du Poitou. Elle renferme deux paroisses , Saint-Gilles et Saint-Maurice , qui forment deux communes distinctes. Elle avait précédemment un couvent de religieux de Saint-François de la petite observance et un couvent d'ursulines. Sa justice, qui s'étendait sur quinze paroisses, était exercée par un sénéchal, un lieutenant, un procureur du roi el. un greffier.

Le château, placé au milieu de la Vienne, avait été construit vers le neuvième ou le dixième siècle par les barons de TIle-Bouchard pour leur demeure et pour

103 HISTOIRE DE TOURAINE.

leur sûreté. La chronique de Tours nous apprend qu'un de ces barons accompagna Ingelger dans son expédition d'Auxerre, en 887, pour réclamer les restes de saint Martin, et que les chanoines, par reconnais- sance, lui donnèrent l'île de Bréhémont avec la sei- gneurie de Rivarennes dont ses descendans ont joui pendant plus de quatre cents ans.

Les comtes d'Anjou tentèrent à différentes reprises de s'emparer de cette place , qui était fort à leur bien- séance ; mais n'ayant pu y réussir , ils s'en vengèrent en faisant des courses sur les habitans de la campagne, auxquels ils enlevaient leurs grains et leur bétail , se retirant ensuite avec leur butin dans leurs châteaux de Loudun et de Mirebeau. Nous indiquerons dans la série des seigneurs comment les comtes d'Anjou fini- rent par s'en rendre maîtres, et comment elle fut réunie à la couronne.

Les Anglais la surprirent sous le règne du roi Jean ; mais ils furent contraints de la rendre par le traité de Brétigny, ainsi que nous le voyons par les lettres du roi Edouard, données à Calais le 24 octobre i36o. Sa situation l'ayant rendue une place importante, surtout pendant les guerres de la religion , on a sou- vent été obligé d'y mettre un gouverneur particulier avec une garnison pour empêcher les protestans de s'y établir. François Lebascley était en cette qualité en 1498 ; Henri de Craon, seigneur deCoulaines, en i SSy; et Charles Durosel, en i65o, eut ordre de la garder pendant le voyage que le roi fît en Guienne à cette épo- que. Elle fut cependant prise en 1662 au mois de mai

L ILE-BOUCHARD. Io3

par les religioniiaires, qui s'y firent détester par leurs cruautés : mais ayant été instruits de l'arrivée du duc de Montpensier, gouverneur de la province, qui ve- nait pour les chasser de ce poste, ils en sortirent au mois de juillet. En i568 les princes, ayant assiégé les châteaux de Champigny et de Savigny, firent tous leurs efforts pour s'emparer de File -Bouchard en y envoyant leurs régimens de Monhrun et de Mireheau ; mais ils furent obligés de renoncer à leur entreprise.

Le prince de Condé, en i6i5, s'étant retiré mé- content de la cour avec quelques seigneurs de son parti , eut permission de loger cent hommes d'armes dans le château de l'Ile-Bouchard pour sûreté de sa personne et de ceux qui devaient assister à la confé- rence de Loudun indiquée au mois de juillet i6i6.

Depuis ce temps les murs , les fortifications et le château sont tombés en ruines , et il en reste à peine quelques traces.

Nous avons dit que l'origine di# château de l'Ile- Bouchard pouvait remonter au neuvième ou au dixième siècle. Cependant , à l'exception de celui qui accom- pagna Ingélger, et dont le nom ne nous a pas été transmis , ses seigneurs ne nous sont connus que de- puis le commencement du onzième siècle.

Bouchard , le plus ancien d'entre eux , vivait vers Tan ioi5. Il épousa Adenorde dame de Bivière, dont il eut Hugues, Émery de l'Ile, religieux à Marmou- tier, Geoffroy, surnommé Fuel, seigneur de Nuzay, et Machilde ou Mathilde.

Hugues laissa deux cnfiins : Bouchard qui lui suc-

I04 HISTOIRE DE TOURAIISK.

céda, et N. de l'Ile, femme d'Archambaud Borel, d'où sortirent Peloquin , Thomas et Barthélemi.

Bouchard , deuxième du nom , était en bas âge lorsque son père mourut; ce qui obligea Thibaut II, comte de Touraine, d'aller lui-même sur les lieux pour y établir un gouverneur pendant la minorité. Mais les chevaliers qui gardaient le château ne vou- lurent recevoir le comte qu'à la condition qu'il don- nerait des otages, et promettrait de ne rien entre- prendre sans leur avis ; ce qui leur fut accordé. Le comte y laissa pour gouverneur Emery de l'Ile , oncle de Bouchard , qui fut depuis religieux à Marmoutier, ayant auparavant remis le château à Geoffroy Fuel , son frère, pour le rendre à Bouchard à sa majorité. Cependant Geoffroy-Martel , ayant conquis la Tou- raine en io44» donna l'investiture de l'Ile-Bouchard à Geoffroy Fuel, qui lui céda à ce prix la seigneurie de Rivière, dont le comte fit don à la Trinité de Ven- dôme ; mais GeoffjjSDy la reprit après la mort du comte, et en chassa les moines.

Lorsque Bouchard eut atteint l'âge de sa majorité, il reprit l'Ile-Bouchard sur son oncle, qui s'empara du prieuré de Tavant , il se fortifia à la hâte et se mit à faire des courses dans la campagne. Mais Bou- chard , ayant rassemblé un grand nombre de gens de guerre, fit le siège de Tavant, qu'il emporta d'assaut. Il en fit abattre les tours et les murs , emmena son oncle prisonnier, et donna depuis la seigneurie de Rivière à l'abbaye de Marmoutier pour la dédomma- ger de la perte des bâtimens de Tavant. Il mourut

l'ile-bouciia-rd. io5

peu de temps après, c'est-à-dire vers Tan 1070 o\u 1 07 1 , sans avoir été marie , ayant pris trois jours avant sa mort l'iiabit de Saint-Benoît, suivant la dé- votion de ces temps. Il eut sa sépulture dans l'église deTavant, assistèrent Foulques-Récliin , Josselin de Blo, seigneur de Ghampigny, Guillaume de Mont- soreau, Hugues de Sainte-Maure, Guy de Nevers et plusieurs autres.

Geoffroy de l'Ile hérita de la baronnie de l'Ile- Bouchard après la mort de son neveu, et reprit la seigneurie de Rivière sur l'abbaye de Marmoutier.

Archambaud Borel fut après Geoffroy seigneur de rile-Boucbard. Sa femme, dont nous ignorons le nom, lui donna Peloquin , qui suit.

Peioquin, premier du nom , mourut jeune, laissant deux fils, Peloquin et Barihélemi. Eustacbie sa veuve épousa en secondes noces Robert de Blo, qui fut nommé tuteur du jeune Peloquin et de sa baronnie.

Peloquin de l'Ile, deuxième du nom, succéda à son père. Mais étant tombé dans la disgrâce de Foulques- le- Jeune, comte de Touraine , il perdit son château, qui fut emporté par le comte. Cependant, s'étant depuis réconcilié avec lui , il lui fut fort utile à la bataille de Séez et à la. prise du château d'Alençon. Geoffroy-le- Bel ayant succédé à son père Foulques-le-Jeune , les principaux barons de ses états d'Anjou et de Tou- raine se révoltèrent contre lui. De ce nombre était Peloquin, dont le château, ainsi que ceux de ïhouars et de Mirebeau , fut assiégé et pris. Mais la paix s'étant faite, le comte le rendit à Peloquin, à condition qu'à

I06 HISTOIRE DE TOURAIÎÎE.

l'avenir il lui serait plus fidèle. Il mourut en ij4o, n'ayant point eu d'enfans d'Hersende, sa femme.

Barthélemi, premier du nom, frère de Peloquin, lui succéda dans tous ses biens. Il donna plusieurs droits et privilèges au prieure de ïavant , du consen- tement de Gerberge son épouse.

Bouchard , troisième du nom , légua à l'abbaye de Marmoutier , au profit du prieuré de Tavant, un droit de pêche, dont il donna ses lettres en 1184, du con- sentement de sa femme Pétronille et de ses enfans Bouchard , Barthélemi , et Béatrix.

Bouchard IV succéda à son père. Avant que de faire le voyage de la Terre-Sainte, il donna à l'abbaye de Cormeri quelques droits dont le produit devait être pmployé à la nourriture et à l'habillement des moines. Dans ses lettres , qui sont du ^3 avril 1 1 89 , il se dit : Par la grâce de Dieu , seigneur de Vile-Bouchard.

Barthélemi II confirma , en 1207 , le don que Bou- chard ÏII avait au prieuré de ïavant. Il accompagna Philippe-Auguste à la bataille de Bovines le 27 juillet 12x4? en qualité de seigneur châtelain et de chevalier banneret. Il avait épousé Elisabeth, fille d'Olivas, seigneur de Rochefort , qui lui porta cette terre en mariage. Il en eut Bouchard et Eustache.

Bouchard V épousa Almodie , autrement nommée Alicie, qui était veuve dès l'an laSo. Elle vivait en- core au mois de novembre 1275. De ce mariage na- quirent deux fils et deux filles : Barthélemi, Olivier, Almurine , abbesse du Ronceray d'Angers en 1 3o4 , et Alix, qu'André Duchesne donne pour femme à

l'ile-bocchard. 107

Pierre de Brion , frère de Simon de Brion, pape sous le nom de Martin IV.

Barthélemi III abandonna, en i sSs, au chapitre de Saint-Martin ses droits de cens et de foi et hommage sur Saint-Épain , pour compensation de six livres de rente qu'il devait à cette église. Il mourut en 1288, et fut enterré, comme Bouchard son père, aux cor- deliers de Tours, près la sacristie. Nous voyons par le rôle des usages de Touraine , qu'il avait épousé la fille de Jodon de Doue. Cette famille était fort ancienne et alliée aux seigneurs de Montreuil-Berlay ou Beslay. Un Jodon et Grécia , sa femme , sont nommés dans un titre de Saint-Florent de Tan 1096. Les enfans de Barthélemi furent Bouchard , Barthélemi dit le Jeune, Jean , seigneur de Cinq -Maars- la -Pile, Almurine, femme de Hugues de Bauçay , et Agnès , morte en i362.

Bouchard VI épousa Agnès de Vendôme, dont il eut Barthélemi et Eustache de llle , femme de Renaud de Pressigny.

Barthélemi IV épousa, selon André Duchesnc, Jeanne de Saint-Palais, qui était veuve en i336. Il en eut trois enfans : Bouchard , Barthélemi et N. de

nie.

Bouchard VII eut la garde noble, jusqu'en i336, de son frère et de sa sœur encore mineurs. Il s'en remit en i34S au comte d'Angoulrmc , connétable de France, au sujet d'un procès qu'il avait avec le roi Jean, et fut un des principaux barons portant ban- nière qui accompagnèrent le brave Saintré dans son

Io8 HISTOIRE DE TOURAINE.

expédition contre les Sarrasins. On le compte aussi au nombre des otages du roi Jean. Il avait épouse Agathe de Bauçay, veuve de Jean de la Porte, che- valier, dont il eut Jean, Bouchard et Jeanne, femme de Pierre d'Avoir, bailli de Touraine, morte en rSgS.

Jean de l'Ile fut tué à la bataille d'Azincourt en i4i5, laissant une fille unique de Jeanne de Bueil, son épouse.

Catherine de l'Ile, fille du précédent], fut mariée quatre fois : la première à Jean des Roches ; la seconde à Hugues de Challon ; la troisième à Pierre de Giac, surintendant des finances et ministre d'état sous Charles YIÏ. On sait qu'il fut accusé d'avoir empoi- sonné sa femme pour épouser cette Catherine de l'Ile. Ce fut un des prétextes dont se servit le connétable de Richemont , qui , lui ayant fait faire son procès , le fit coudre dans un sac et jeter dans la rivière. Veuve ainsi pour la troisième fois , Catherine se remaria à George de La Trémouille par contrat du 2 juillet jl[i5. Elle mourut le 1" juillet i474- Son mari, qui était mort dès l'année 144^? avait eu sa sépulture à rUe-Bouchard. Leurs enfans furent Louis, George et Louise, épouse de Bertrand de La Tour d'Auvergne.

Louis de La Trémouille hérita de la seigneurie de rile-Bouchard par la mort de George son frère puîné. Il épousa, le 2a août i44^7 Marguerite d'Amboise, dont il eut Louis II, Jean, archevêque d'Auch et de- puis cardinal, George et quatre filles.

Louis II de La Trémouille , surnommé le chevalier sans reproche, en i46o, a vécu sous cinq rois, et

109

se signala dans toutes les batailles il commanda presque toujours en chef. Nous avons ses mémoires au quatorzième volume de la collection de ceux rela- tifs à l'Histoire de France. Il termina glorieusement sa carrière à la bataille de Pavie le 9.4 février iS-iS. Il avait épousé Gabrielle , fille de Louis de Bourbon , premier comte de Montpensier, dont il eut Louis, prince de Talmont, mort de ses blessures le lendemain de la bataille de Marignan, le i4 septembre i5i5.

François de La Trémouille épousa Anne de Laval, et mourut en i54t. H en eut Louis III, qui suit.

Louis , troisième du nom, premier duc de Thouars, prince de Tarente et de Talmont , mourut le 26 mars 1577.

Claude de La Trémouille, mort en 1604. Ce fut son fils qui vendit la terre de l'Ile-Bouchard au car- dinal de Richelieu, et depuis ce temps elle était restée unie au duché de ce nom.

LA BOURD Aïs 1ÈRE.

La fiourdaisière n'était qu'une simple châtellenie située à trois lieues de Tours, au levant, sur la rive droite du Cher, entre Azay et Yerets qui sont sur la rive gauche. Le château , qui avait peu d'importance dans son origine , en acquit davantage lorsqu'il eut été reconstruit avec certaine magnificence aux frais de François P% en faveur de la famille Babou, qui le possédait alors. Il avait d'ailleurs été la propriété du célèbre maréchal de Boucicant , et devint ensuite le

IIO HISTOIRE DE TOURAINE.

berceau cle Gabrielle d'Estrees. A ces litres il avait droit de figurer dans cette partie de notre Histoire.

Jean le Meingre, dit Boucicaut, deuxième du nom, était seigneur de Commacre et de la Bourdaisière. Nous ne répéterons point ce que nous avons déjà dit de lui , ni ce que nous en dirons dans notre quatrième volume. Son fils Jean III ayant été tué, en i4i5, à la bataille d'Azincourt, lui-même fut fait prison- nier, sa succession, en il^Q^iy époque de sa mort en Angleterre, passa au fils aîné de son frère Geoffroy.

Jean le Meingre de Bouci'caut, quatrième du nom, fils de Geoffroy, seigneur de la Bourdaisière et de Commacre, mourut à Tours en i484- Il eut sa sépul- ture dans l'église de Saint-Martin, à laquelle il avait fait par son testament plusieurs dons, qui furent ac- ceptés par acte du chapitre du 19 mars i484»

Jean le Meingre de Boucicaut, cinquième du nom, fils du précédent, ne survécut pas long-temps à son père, étant mort à Avignon en 1490- H paraît que ce fut à cette époque que la Bourdaisière passa dans la famille Babou.

Philbert Babou , seigneur du Soulier , est le pre- mier en qui ait commencé l'illustration de cette mai- son, originaire du Berri. Selon les uns il descendait d'un des commis de Jacques Cœur, et, suivant Bran- tôme , son père Laurent Babou était notaire à Bourges.

Philbert Babou épousa à Tours, il fut élu maire

eu i52o, Marie Gaudin, dame de la Bourdaisière,

Wt célèbre par sa beauté, qui en fit une des maîtresses

^ de François V\ De les faveurs sans nx)mbre que le

LA BOURDAISIKRE. 1 1 I

monarque répandit sur cette famille. Quand il eut créé, en i52 2 , la place de trésorier de l'épargne, ce fut Philbert qui le premier en fut gratuitement pourvu. Sa femme lui donna quatre garçons et trois filles. Si l'on en croit la chronique scandaleuse, ces trois filles partagèrent comme leur mère les bonnes grâces du roi. L'uQ de leurs fils, Jacques Babou, fut doyen de Saint-Martin à douze ans , et à vingt évêque d'An- goulême. Nommé l'an i532 en qualité de chargé d'af- faires à Rome, il mourut à la Bourdaisière comme il se disposait à partir , âgé seulement de vingt-un ans. Son frère Philbert lui succéda dans son doyenné , son évêché et son ambassade à Rome, il mourut car- dinal en iSyo.

Jean Babou, seigneur de la Bourdaisière et de Sa- gonne, chevalier des ordres du roi, gouverneur de Brest et grand-maître de l'artillerie de France. Il fut, en 1 532 , le premier des grands-baillis d'épée de Tou- raine institués par François F'', et il en exerça les fonctions jusqu'à sa mort en iSôg. Il avait épousé Françoise , fille de Florimond Robertet , ministre d'état, dont il eut quatre garçons et six filles : i" George qui suit ; 2" Jean comte de Sagonne, tué à la bataille d'Arqués en i SSg ; S"" Philbert ; Fabrice , morts jeunes tous les deux. Des six filles, Marie épousa Claude de Beauvilliers , duc de Saint- Aignan. Françoise fut mariée à Antoine d'Estrécs , et fut mère de la célèbre Gabrielie , née à la Bourdaisière en 1 565. Isabelle prit alliance avec François d'Fscoubleau , seigneur d'Al- luye, et Madeleine avec Honoré Isoré d'Hervaut. I^s

112 HISTOIRE DE TOURA.INE.

deux autres furent religieuses à Beaumont-les-Tours.

George Babou , seigneur de la Bourdaisière , grand- maître de rartillerie. Tandis que son frère Jean com- battait sous les bannières de Henri IV, celui-ci s'était jetë dans la faction de la Ligue , digne pourtant par sa bravoure d'une cause plus belle et plus juste. C'est par elle qu'il avait été nommé grand-maître de l'ar- tillerie et gouverneur de la ville de Chartres , que , avec une poignée de troupes, il défendit vaillamment, depuis le 9 février 1691 jusqu'au 19 avril suivant, contre toute l'armée royale. Il y soutint deux assauts mais enfin Châtillon ayant fait jeter un pont sur la rivière, il fit une capitulation honorable. Sa nièce, iGabrielle d'Estrées, lui procura par la suite une place de capitaine de cent hommes d'armes de la maison du roi , et le collier de l'ordre à la troisième promo- tion de chevaliers le 5 janvier lo^S.

U eut pour femme Marie, fille de René II Dubel- lay et de Marie Dubellay, princesse d'Yvetot. De ce mariage naquirent un fils et deux filles : 1" George, qui fut tué en duel , ayant eu de Marie Hennequin son épouse une fille morte jeune. Les filles furent Marie, épouse de Charles Saladin de Savigny , dit d'Anglure, et Anne, abbesse de Beaumont.

Le nom de Babou s'étant éteint , la Bourdaisière passa à Hercule de Rohan , duc de Montbazon , et ensuite à Charles d'Albert, duc de Luines, par son mariage avec Marie , fille de ce même Hercule. Depuis ce moment les seigneurs de la Bourdaisière ne furent plus autres que ceux de Luines.

LA. BOTJKDAISIÈRE. Il3

Lorsque le duc de Choiseul fut exile h Chanteloup, il acheta du marquis d'EfTiat la terre de Cinq-Mars , et la donna au duc de Luines en échange de celle de la Bourdaisière ; mais cet échange cachait, assure- t-on , un sentiment de vengeance assez puéril contre son rival et son ennemi, alors en faveur, puisqu'il avait pour but de priver le château de Verets, situé sur la rive opposée , de l'agréable point de vue que lui offrait celui de la Bourdaisière. Or on sait que Verets appartenait au duc d'Aiguillon. Ce fut des débris de la Bourdaisière que l'architecte Le Camus construisit la belle pagode de Chanteloup. Mais d'autres matériaux auraient causé moins de regrets, et la feraient trouver encore plus belle.

Il y a eu après l'aliénation de la Bourdaisière , par le domaine national, une circonstance que nous ne devons pas omettre ici. L'acquéreur, M. Dubernade, négociant de Morlaix , ayant voulu faire faire quel- ques changemens, en chargea M. Guyot, expert- géomètre à Tours, qui trouva pratiqué dans l'épais- seur d'un mur un petit cabinet éclairé seulement par une espèce de meurtrière, et dont la porte était murée avec beaucoup de soin. Son intérieur ne contenait qu'une simple table de bois sur laquelle était posée une cassette dont l'ouverture mit au jour une grande quantité de lettres bien conservées et très-lisiblement écrites. C'était la correspondance de François P^ avec madaine Babou; mais tombées entre les mains de deux jeunes demoiselles, qui n'en con- nurent pas le prix, ces lettres furent détruites succes- 3. 8

Il4 HISTOIRE BE TOURAINE.

sivement, et malgré les recherches que l'on fît faire peu de temps après , on ne put en recouvrer aucune. Cette perte est d'autant plus regrettable qu'il n'était pas impossible que beaucoup de ces lettres contins- sent des détails confidentiels qui auraient pu jeter quelques lumières sur certains faits historiques, ou ignorés ou mal connus.

On a vu à l'article de Saint-Florentin d'Amboise les détails dans lesquels nous sommes entrés au sujet du tombeau de Philbert Babou.

LA GUIERCHE, vicomte.

La Guierche ou la Guerche ( Guerchium , Guir-^ cia), située sur la rive droite de la Creuse, h dix-sept lieues de Tours , n'était autrefois qu'une simple châ- teilenie, érigée depuis en vicomte en faveur d'André de Villequier par le roi Charles VII , qui en racheta l'hommage ainsi que tous les droits de Pierre Frottier, seigneur de Prèuilly, en mai il\5i, ce qui fut ratifié en octobre 1467 par Prégent Frottier son fils, lors- qu'il eut atteint sa majorité. L'ancien château, peu considérable, fut reconstruit à neuf par Charles VII pour la célèbre Agnès Sorel , qui avait coutume d^ l'habiter lorsque le monarque faisait son séjour à Lo- ches. Il devenait ainsi le rendez-vous de ses chasses dans la forêt de la Guierche. C'est ce qu'indiquent encore des restes de sujets peints h fresque sur les murs. Ce château, qui pour l'époque ne manquait pas d'une certaine magnificence, n'offre plus qu'une image très- imparfaite de ce qu'il était au quinzième siècle.

LA GUIERCHE. Il5

L'aile droite et les coinmims ont disparu. Le corps-de- logis a été baissé d'un étage et les tours mises à ce niveau. Les douves ont été comblées. Le pont de pierre qui communiquait de la rive droite à la gauclie de la Creuse , fut rompu en 1698. Enfin les murs dont elle était entourée ont été depuis long-temps démolis. Son église, dédiée à Saint-Marcellin, existait bien avant la fin du douzième siècle, ainsi qu'on le voit par une cbarte de Barthélemi de Vendôme, archevêque de Tours, datée de l'an J f g/h

Nous n'avons point trouvé de seigneurs de la Guierche antérieurement au quatorzième siècle, quoi- que probablement il y en ait eu avant cette époque , suivant l'ancien axiome féodal : JSulle terre sans seigneur.

Jean de l'Ile , seigneur de Cinq-Maars , second fils de Barthélemi III, seigneur de l'Ile-Bouchard, était châtelain de la Guierche en i336. Il n'eut que deux filles, dont l'aînée Jeanne porta cette seigneurie en dot à son mari , du nom de Rougé.

Bonabes de Rougé, quatrième du nom, chevalier, seigneuc d'Erval et de Neuville , alla s'établir en Bre- tagne, où il avait des terres. S'étant mis au service du roi de France , il assista à la bataille de Poitiers , il fut fait prisonnier et conduit en Angleterre; il en sortit en payant rançon , et mourut en 1377 , laissant de Jeanne de l'Ile, son épouse. Jean et Galiot de Rougé, successivement seigneurs ;de la Guierche , ainsi que deux filles.

8.

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H6 HISTOIRE DE TOURAINE.

Jean de Rouge étant mort sans enfans, sa succes- sion échut à son frère.

Galiot de Rouge épousa Marguerite de Beaumanoir, dont il eut Jean, qui suit, et Jeanne, mariée à Armel de Château-Giron , d'où naquirent Patry et Valence de Château-Giron , dont il va être parlé.

Jean II de Rougé , sire de Derval , de Cinq-Maars- la-Pile , etc. , prit alliance avec Béatrix de Dreux , et mourut sans postérité le 8 février i4i5.

Patry, fils aîné d'Armel de Château-Giron et de Jeanne de Rougé, hérita de Jean II, son oncle ma- ternel, les seigneuries de Derval, Rougé, Guémené, la Guierche et Cinq-Maars-la-Pile. Il épousa Louise de Rohan , dont il n'eut point d'enfans.

Valence de Château-Giron, sœur de Palry, succéda à son frère, mort en 14^7. Elle s'était mariée à son parent Geoffroy de Château-Giron , dit de Malétroit, sire de Combout. De ce mariage naquirent trois en- fans , Jean , Gillette et Marguerite. Valence mourut le 7 septembre i435, et son mari en i463.

Jean de Château-Giron , dit de Malétroit , leur fils aîné, succéda à sa mère en i435. Ce fut lui proba- blement qui vendit à Charles VII le domaine de la Guierche , relevant de la baronnie de Preuilly , que possédait alors Pierre Frottier, de qui, comme nous l'avons dit, le roi racheta tous les droits seigneu- riaux.

Agnès Sorel , dame de la Guierche , par concession de Charles VII, consentit sans doute à s'en démettre

LA. GUIERCHE. I r 7

en faveur de sa cousine, Antoinette de Maignelais, lors de son mariage avec le seigneur de Villequier.

André de Villequier, seigneur de Montrësor et des îles d'Oleron , gentilhomme de la chambre du roi , reçut en dot, lors de son mariage avec Antoinette de Maignelais, la châtellenie de la Guierche, qui fut érigée pour lui en vicomte. Il fit son testament le 1 5 juin 1454 î et laissa en mourant un fils nommé Artus. Il y avait dans ce même temps une Marguerite de Maignelais, dame de Cholet , maîtresse de François II, duc de Bretagne , d'où sont sortis les comtes de Vertus.

Artus de Villequier , comte de Montrésor, vicomte de la Guierche , épousa Marie de Monbrun , dont il eut :

Baptiste de Villequier , marié d'abord avec Jacque- line de Miolans, et par contrat du iS mai iSiq avec Anne de Rochechouart , dame d'Etableau, dont il eut Claude, René et Jaqueline de Villequier. Il comparut en 1559 à la deuxième réforraation de la coutume de Touraine.

Claude I" de Villequier, chevalier de Tordre du Saint-Esprit, capitaine de cinquante hommes d'armes, fut marié à Renée d'Appelvoisin , dont il eut :

George de Villequier, chevalier de l'ordre, qui , en i58i , accompagna le duc d'Anjou dans son expédi- tion de Flandre. Il épousa Louise Lejay, dont il n'eut point d'cnfans.

Claude II, baron de Villequier, comte deClervaux, avait pour père René, fds do Baptiste et de Louise

Il8 niSTOlIlE DE TOURAINE.

de Savonnièree/ Il mourut erv 1607 à dix-neuf ans, sans avoir été marié.

Charlotte-Catherine de Villequier, fille également de René et de Françoise de La Marck, sa première femme, fut mariée deux fois; la première à François d'O, surintendant des finances, et la deuxième à Jacques d'Aumont en 1607. Ils eurent entre autres enfans César et Antoine d'Aumont, maréchal de France.

César d'Aumont, gouverneur de Touraine, dit le marquis d'Aumont, épousa en premières noces Renée- aux -Epaules, dite de Laval, et en secondes noces Marie Amelot de Cornetin ; ce dernier mariage lui donna pour enfans Jacques , mort sans alliance en 1657 ; Anne F% religieuse ; Anne II , femme de Gilles Fouquet, marquis de Mézières; Marie, religieuse; N. d'Aumont, dite mademoiselle de la Guierche, et N. dite mademoiselle de Clairvaux.

François-Hélie de Roger d'Argenson, archevêque de Bordeaux, ayant acquis, après la mort de César d'Aumont, en 1661 , la vicomte de la Guierche, la laissa en mourant à son neveu.

Marie -Pierre de Voyer d'Argenson, baron des Ormes, etc., ministre de la guerre et intendant de Tours en 172 1.

Marc- René de Voyer d'Argenson, baron des Or- mes, etc., grand-bailli de Touraine, lui succéda. Celte terre est encore dans la même famille en la personne de M. Marc -René d'Argenson , plusieurs fois membre de la chambre des députés , oîi il s'est constamment

I

LA HATE. I 1 9

signale par son courage civique, l'une des vertus les plus rares en France , et par son zèle pour la défense des droits qu'un monarque législateur a garantis à la nation française.

LA HAYE, BARONNIE.

La Haye {Haïa ou Haga), ville située sur la rive droite de la Creuse , est éloignée de Tours de dix lieues du côté du midi. Dans le principe elle était possédée par les seigneurs de Loches, au nombre des- quels un certain Garnier , fils d'Adeland, eut une fille nommée Roscille, qui fut mariée à Foulques-le-Roux, comte d'Anjou. L'auteur de l'Histoire d'Anjou rap- porte que Foulques se rendit maître de La Haye par des voies violentes et injustes ; ce qui pourrait donner à penser que Roscille aurait eu un frère sur lequel le comte d'Anjou aurait usurpé la seigneurie de La Haye, qui, peu après cependant, retourna dans la même famille.

Le seigneur de La Haye était l'un des huit barons de Touraine qui devaient porter l'archevêque de Tours le jour de son entrée, et comme au dîner il faisait les fonctions d'échanson , il avait la coupe du prélat, ainsi que les restes des vins et des viandes qui avaient été servis.

La ville de La Haye était assez passablement for- tifiée pour que le roi Jean, en t356, y rassemblât l'armée qui poursuivait le prince de Galles, et qui,

120 HISTOIRE DE TOURAINE.

l'atteignant près de Poitiers , y perdit cette bataille si funeste à la France.

Le maréchal de Sancerre la défendit contre les An- glais en 1369, et Ton y entretint bonne garnison tout le temps que durèrent les guerres de religion. Le roi de Navarre , en iSSy , tenta vainement de l'enlever à Lavardin , qui y tenait pour la Ligue. Mais lorsque le royaume fut pacifié , ses fortifications furent démo- lies, et son château tomba en ruines.

Depuis Adeland , dont nous avons parlé plus haut, et qui devait vivre vers l'an 900, voici quels sont ceux que nous trouvons pour seigneurs de La Haye.

Sanson , ou plutôt Sanction. Il accompagna EudesP', comte de Touraine , au siège de Langeais , en 995 , et assista à la fondation de l'abbaye de Beaulieu en 10 10. Il restitua, en io5o , quelques domaines à l'église de Tours , du consentement de ses enfans Renaud , As- selin et Hervé , qu'il avait eus d'Hameiine son épouse.

Renaud, premier du nom, fut présent, en io59, à la donation des bois de Gâtines faite par Geoffroy- Martel en faveur de l'abbaye de Marmoutier.

André était probablement fils de ce Renaud. Nous le voyons, en 11 Ov^, assister à un acte de ratification faite par Berlay de Montreuil au profit de Saint-Ni- colas d'Angers.

Cassinotle , dame de La Haye , obtint par héritage, mais nous ignorons comment, non-seulement la ba- ronnie de La Haye , mais encore la vicomte de Tours. Elle fut mariée à Gosselin II , seigneur de Sainte- Maure, qui fut assassiné avec son frère dans une ré-

LA. HAYE. lïil

volte de la garnison de La Haye. Cassinotte , devenue veuve , se remaria très - vraisemblablement à Jean de Montbazon , et lui porta en dot la baronnie de La Haye; car nous voyons par un titre de l'abbaye de Marmoutier que Hugues , fils de ce Jean de Montba- zon et Renaud, petit-fils de Cassinotte, furent sei- gneurs de La Haye. Ces deux époux vivaient encore en 1126, temps auquel ils ratifièrent, avec leurs en- fans Hugues et Renaud, une donation faite à l'abbaye de Fontevrault. Il y avait aussi un Barthélemi de La Haye , qui est nommé avec son frère Renaud dans une charte de l'abbaye de Marmoutier.

Renaud, deuxième du nom, épousa Hersende de Colombiers. Ils donnèrent à l'Hotel-Dieu de Tours , en II 59, conjointement avec Hamelin leur fils, une dîme qu'ils avaient près le Ruau d'Epeigné, du con- sentement de l'archevêque Joscion.

Hamelin fut élevé par Cassinotte son aïeule. Il fut marié ; mais nous ne connaissons que le nom de son fils Geoffroy.

Geoffroy, premier du nom, suivit le parti des fils de Henri II, révoltés contre leur père. Mais Henri étant passé en France au printemps de l'année 1 1 78, Geoffroy alla le trouver à Angers, et lui remit son château, oii le monarque anglais mit garnison. Ce- pendant la paix s'étant faite entre le père et les enfans, La Haye fut rendue à Geoffroy.

Hugues vivait en i2o5, selon André Duchesne. On présume qu'il fut père de celui qui suit.

122 HISTOIRE DE TOURAINE.

Philippe est, suivant toute apparence, celui qui figure sur la liste des chevaliers bannerets de Tou- raine , il est dit seulement : Dominus Hajœ. Il épousa Isabelle de Passavant, qui lui porta cette terre en mariage. Elle en était veuve en 1255, ainsi qu'on le voit par ses lettres du mois de mars de la même année , scellées de son sceau , qui est le même que celui des seigneurs de Montbazon ; ce qui confirme que Renaud II descendait de Jean de Montbazon. De ce mariage sortit Barthélemi , et Geoffroy , qui fut archevêque de Tours.

Barthélemi , seigneur de La Haye et de Passavant, assista à l'arrière-ban de France en x3o4. H avait, selon les frères Sainte-Marthe , épousé Édeline de Lu- signan , fille de Geoffroy II , dont il eut Geoffroy et Isabelle , femme de Philippe Isoré.

Geoffroy, deuxième du nom, épousa Marie de Maillé, dame de la Croix-de-Bléré, qui, en iSyo, fît aveu à l'archevêque de Tours pour la seigneurie de La Haye , en l'absence de son mari. Il ne laissa qu'une fille héritière de tous ses biens.

Isabelle, dame de La Haye, prit alliance avec Pierre, seigneur de Marmande, dont elle n'eut pareillement qu'une fille.

Marguerite de Marmande , dame de La Haye, Marmande et Saint-Michel , épousa Jean III , comte de Sancerre, qui^ comme baron de La Haye et de Saint -Michel -sur -Loire, assista, en i385, à l'en- trée de Séguin d'Antou, archevêque de Tours, et

LA HATE. 123

y fît les doubles fonctions d'écuyer tranchant et d'é- chanson. Deux filles, Marguerite et Jeanne , furent les seuls fruits de ce mariage.

Marguerite de Sanccrre fut mariée trois fois ; la première à Girard, seigneur de Retz ; la seconde à Béraud, dauphin d'Auvergne, comte de Clermont et de Mercœur, et la troisième à Jacques, seigneur de Monberon et de Maulévrier. Par le second contrat de mariage , son père et sa mère l'instituèrent héri- tière de tous leurs biens, à l'exception de Marmande, Faye-la-Vincuse et Saint-Michel-sur-J^oire, qu'ils se réservèrent. De ce second mariage Marguerite eut un fils avec lequel elle fit, le 22 novembre 1^09 ? "^e transaction eu vertu de laquelle les terres de La Haye et d'Azay devaient rester au seigneur de Monberon, son troisième mari.

Jean de Torsay , chambellan du roi Charles VI et grand-maître des arbalétriers de France, paraît avoir acquis de Jacques de Monberon la seigneurie de La Haye. Il avait épousé Marie d'Argenton, veuve de Bertrand de Cazelas, chevalier de Béarn , dont il eut une fille unique. Il mourut en 14^3.

Jeanne de Torsay, sa fille, fut également mariée trois fois , l'une à André de Beaumont, en i4*^4 ? ^^^^^ elle eut Jacques de Beaumont; l'autre à Jean de Ro- chechouart, seigneur de Mortemart, qualifié de baron de La Haye dans un titre de i432 ; et la dernière h Philippe de Molun, qui vivait encore en i444-

Jacques de Beaumont, cbambellan du roi, seigneur de La Haye, la Roche-Raffîn, Bressuire, etc. , épousa

124 HISTOIRE DE TOTTRAINE.

Louise, fille de Jean de Rochechouart , son beau-père, et de Jeanne Turpin , sa première femme , par con- trat du 9 janvier i45i. Il fut fait sénéchal de Poitou par lettres de Charles VIII du 2 3 mars i49i- H eut de ce mariage trois filles, dont l'aînée, Jeanne j fut dame de Bressuire. Philippe , la seconde, eut La Haye, et la troisième la seigneurie de Beaumont.

Philippe de Beaumont fut alliée avec Pierre de La- val , seigneur de Loué et de Benais , fils de Guy Laval et de Charlotte de Sainte-Maure. De ce mariage na- quirent Gilles et Guy de Laval, qui fut seigneur de Lezay.

Gilles de Laval , baron de La Haye , de Loué , de Bressuire, épousa Françoise de Maillé.

Pierre de Laval comparut l'an i5o7 au premier procès-verbal de réformation des coutumes de Tou- raine en qualité de seigneur de Ija Haye. Il paraît que ce fut lui qui vendit cette baronnie à Guillaume de Morenne , qui la rétrocéda à Louis de Rohan , sei- gneur de Guémené.

Louis de Rohan- Guémené eut procès contre les officiers de la reine Éléonore , veuve de François P' et duchesse de Touraine, qui avaient fait saisir la seigneurie de La Haye, faute par lui d'avoir exhibé son contrat d'acquêt, payé les droits seigneuriaux et rendu la foi et hommage. Il comparut , en 1 659, à la seconde réformation des coutumes de Touraine. Mais en 1 588 cette terre fut annexée à celle de Montba- zon, qui fut alors érigée en duché -pairie en faveur de Louis de Rohan , septième du nom. Celui-ci étant

LANGEAIS. Il5

mort sans enfans , le duché passa à Hercule son frère, et depuis ce temps il est resté dans la même famille, branche dite de Montbazon.

La ville de La Haye avait deux paroisses : Saint- George et Noire-Dame.

La justice y était exercée par un bailli, un procu- reur de cour et un greffier. Six paroisses en relevaient en première instance , et deux autres en appel. Le maire avait été créé par l'édit de 1692.

Ce fut à La Haye que naquit l'illustre René Des- cartes le 3i mars iSgô. On y conserve encore reli- gieusement la maison reçut le jour le père de la philosophie moderne, et la chambre qui fut son ber- ceau est décorée d'un buste en terre cuite envoyé au propriétaire de cette maison par le ministre de l'in- térieur, et solennellement inauguré par le général Pommereul, préfet d'Indre-et-Loire, le samedi 2 oc- tobre j 802. Depuis ce moment la ville a pris le nom de La Haye-Descartes. On se rappelle à ce sujet une plaisanterie de Voltaire. Il raconte qu'étant à La Haye en Hollande, on lui adressa une lettre qui fut dirigée sur La Haye en Touraine , mais que le directeur de la poste écrivit au dos : Inconnu dans le pays.

LANGEAIS, BARONNiE.

Langeais, autrefois Langez [Jlinga^^ia)^ ville située à la droite de la Loire , entre le fleuve et le coteau, à six lieues de Tours, fut un des premiers lieux de la province saint Martin prêcha l'évangile; ce

ia6 HISTOIRE DE TOUR AINE.

qui prouve sa haute antiquité. Il y fit bâtir une église il plaça des reliques de saint Jean , et qu'il mit sous son invocation. C'était en dernier lieu simultanément une paroisse et un chapitre composé de quatre cano- nicats , dont l'un était uni à la cure. La seconde pa- roisse était dédiée à saint Laurent.

Le château fut bâti par Foulques-Nerra sur la fin du dixième siècle. Eudes I", comte de Touraine, irrité d'une pareille entreprise de la part du comte d'Anjou, en fît le siège en 994 , ainsi que ce fait nous est con- firmé par la charte de fondation de l'abbaye de Bour- gueil, datée de cette même année. Quoique nous ne sachions pas précisément quel en fut le succès , nous devons croire qu'il se rendit maître de la place, puis- que ses successeurs la possédèrent depuis jusqu'à Thi- baut II, comte de Touraine, son petit -fils, qui la donna pour sa rançon à Geoffroy-Martel, comte d'An- jou, en io44-

On tient pour constant que le château fut rebâti en son dernier état sous le règne de Philippe -le- Hardi par son ministre Pierre de la Brosse , dont nous avons déjà rapporté la fin tragique. Les Anglais s'emparè- rent de Langeais sous le roi Jean ; mais ils furent obligés de le rendre en i36o par le traité de Bréti- gny. Ils le reprirent encore en 14^8. Comme les troupes de leur garnison faisaient des courses fré- quentes jusqu'aux portes de Tours , les habitans com- posèrent avec le commandant, et achetèrent leur tran- quiUité moyennant une somme de deux mille cinq cents écus d'or.

LANGEAIS. 127

Sous Jean de Montsoreau , archevêque de Tours , il y eut, en 1270, un concile provincial tenu à Lan- geais, où assistèrent tous les cvêques suffragans.

Ce fut pareillement le lieu on rédigea pour la première fois par écrit les coutumes de Touraine dans l'assemblée qui s'y tint le i4 mars 1460, par ordre de Charles VII, et fut célébré, le 26 décembre 1491, le mariage de Charles YIII avec Anne, du- chesse de Bretagne.

Hubert est le premier des seigneurs de Langeais qui soit venu à notre connaissance. Il est probable, ainsi qu'on le verra à l'article de son fils , qu'il vivait vers l'an 980. Il eut trois enfans : Hubert II ; Foul- croy, père de Raoul, archevêque de Tours, et Robert de Langeais, qui se trouve présent à la donation du bourg et de l'église de Semblançay par Hubert, son frère.

Hubert , deuxième du nom , surnommé le Gros- Chevalier, accorda aux religieux de Marmoutier l'exemption des droits de péage, tant par eau que par terre , pour toutes celles de leurs provisions qui pas- seraient dans l'étendue de ses domaines. Cette dona- tion eut lieu sous Ébrard , qui fut abbé de Marmou- tier de ioi5 à io32, et il la confirma depuis, du consentement de Geoffroy son fils, sous Albert, qui gouverna cette abbaye de 1082 à 1064. Hubert II eut plusieurs enfans : i** Hamelin., seigneur de Lan- geais; 2° Geoffroy, doyen de Saint-Martin de Tours ; Hugues qui donna plusieurs domaines à l'abbaye de Bourgueil, en loSg; 4* Gautier, qui ratifia, en

128 HISTOIRE DE TOTTRAmE.

To65, la donation de quelques propriétés situées au Sentier , faites à l'abbaye de Marmoutier par Hamelin et Hugues , ses frères.

Hameîiu de Langeais succéda à son père, et con- firma l'exemption de péage, dont nous avons parlé, par lettres de l'année 1106, sous l'abbé Guillaume de Comborn.

Ingelger de Langeais ratifia la même exemption, du consentement d'Hermensande , son épouse, de Ricliilde, femme de Marcellus, et de ses autres en- fans.

Léonin donna le lieu de Chaufournais , paroisse de Neuillé-Pont-Pierre , à Robert d'Arbrissel , du con- sentement de Barbotte sa femme , de Dreux son frère et de Guy , fils de Dreux. Cette donation eut lieu né- cessairement avant l'année 11 1 7 , époque de la mort de Robert d'Arbrissel.

Depuis ce temps Langeais appartient aux comtes de Touraine, et en 1204 il fut réuni à la couronne de France ; ce qui donna lieu aux seigneurs enga- gistes.

Robert de Vitré, premier baron de Bretagne, fut un des principaux partisans du jeune comte Artus , dont il était parent. Il l'enleva Rennes, en 1 196, par ordre de Constance sa mère , pour le soustraire à Richard, roi d'Angleterre. Artus, devenu comte de Touraine, lui donna le château et le domaine de Lan- geais par lettres du mois de juin 11 99 ; mais après la mort de ce prince. Vitré les rendit à Philippe- Au- guste, qui lui donna en échange Saînt-Sever, avec

LANGEAIS. 129

quelques terres en Nonnaiulic par lettres de Tan 1206.

Guiliaunie des Roches, sénéchal de Touraine, oh- tint de Philippe-Auguste la ville de Langeais, à con- dition de la garder à ses frais tant qu'elle ne sérail pas assiégée par le roi d'Angleterre en personne. 11 la remit depuis entre les mains du roi, s'étant seulement réservé les droits de sénéchaussée.

Hugues de Lézignan , deuxième du nom , comte de La Marche et d'Angoulême, avait épousé Isabeau, veuve de Jean-sans-ïerre. Pour dédommager le comte du douaire qu'Isabeau avait en Angleterre , Louis VIII lui donna la ville de Langeais, à condition qu'il ne pourrait la fortifier sans son consentement. Il la ren- dit depuis à saint Louis moyennant dix mille six cents livres, que le roi s'obligea de lui payer chaque année pendant dix ans. Par le traité fait à Clisson en i23o, Louis la lui donna de nouveau avec quelques autres places, comme garantie du mariage de Hugues, fds aîné du comte, avec Isabeau de France. Mais la ré- bellion du père empêcha le mariage du fils. Obligé de prendre les armes contre lui, saint Louis le défit à Taillebourg, et reprit sur lui Langeais, ainsi que les autres places qui furent confisquées et de nouveau réunies à la couronne.

Alphonse de France, frère de saint Louis, comte de Poitiers et de Toulouse , fut mis en possession des terres du comte de La Marche, par lettres données au camp près la ville de Pons au mois d'août 1242.

3. 9

j3o histoire de touraixe.

Il mourut sans postérité en Italie, le ii août 1271.

Pierre cle Brosse ou de la Brosse, chambellan de France, second fils de Pierre de la Brosse, sergent à masse de saint Louis, acquit d'Alphonse de France la seigneurie de Langeais. Peu de temps après il racheta de Maurice de Graon , sénéchal des trois provinces , les droits qu'en cette qualité il avait sur Langeais. Il avait tellement capté la faveur de Philippe-le-Hardi, qu'il eut seul l'administration de l'état; ce qui excita contre lui la jalousie des ducs de Bourgogne , de Bra- bant et d'Artois, qui parvinrent à lui faire faire son procès et à le faire condamner à mort en 1278. Tous ses biens furent confisqués et réunis à la couronne. Il avait épousé Philippe, fille de Mathieu de Saint- Yenant , dont il eut : Pierre de la Brosse , qui suit ; Jeanne, femme de Simon de Beaugenci; Isabeau, alliée à Mathieu de Vatebois; et Perrenelle, mariée à Etienne II de Jaulnay. Pierre son fils avait été fiancé en 1274 avec Jeanne, sœur de Guillaume Larche- vêque , seigneur de Parthenay ; mais la fin funeste de son père le priva de cette alliance ainsi que de la sei- gneurie de Langeais.

Depuis ce moment jusqu'en i466, il n'y eut plus à Langeais que des gouverneurs qu'on nommait châ- telains.

François d'Orléans , comte de Dunois et de Lon- gueville, fils du célèbre bâtard d'Orléans, obtint de Louis XI, par lettres données h Montargis le 2 juillet 1466, la ville et le domaine de Langeais en assigna-

LANGEAIS. l3li

lion de dot et pour garantie de quarante mille ëcus d'or que le roi promit en mariage h Agnès de Savoie, sa belle- sœur.

Jean-Bernardin de Saint-Severin , duc de Somma au- royaume de Naples , gentilhomme ordinaire de la maison du roi , fut gratifié de la seigneurie de Lan- geais par lettres de Henri II du 16 septembre i547'. Cette famille était établie en France depuis le traité de mariage projeté entre Charles d'Anjou, prince de Tarente , et Polyxène de Saint-Severin ; mais on sait que ce traité n'eut pas d'exécution.

Marie, dame de Belleville, veuve de François de Balzac d'Entraigues, eut la chàtellenie de Langeais à titre d'engagement pour neuf années , par contrat définitif du 1 3 février 1 63 1 .

Louise-Marguerite de Lorraine , fille de Henri P% duc de Guise et veuve de François de Bourbon, prince de Conti, eut cette même chàtellenie à titre d'échange, par lettres de Louis XIII du 1 février r63i, dont nous avons déjà parlé à l'article de Chinon. Mais dix- huit jours après elle la revendit au maréchal Antoine d'Effiat.

Antoine Coeffier, dit Ruzé, marquis d'Effiat, baron de Cinq-Maars, maréchal de France, acquit de la princesse de Conti la terre de Langeais, qui, au moyen de l'échange , cessa de faire partie du domaine en- gagé. Elle est restée dans la même famille jusqu'à l'année 1768, que le marquis d'P^ffiat la vendit au duc de Luines, qui la réunit à son duché. Elle avait pré- cédemment été possédée par Armand-Charles de La,

9-

l3l HISTOIRE DE TOURAINE.

Porte, (lue de Mazarin et de la Meilleraie, du clief de Marie Ruzé d'Effîat , sa première femme , et ensuite par l'une de leurs filles , qui avait épousé le marquis de Bellefons.

Il y avait à Langeais un siège royal dont la juri- diction était de très-peu d'étendue. Il était composé d'un lieutenant-général et criminel , de deux conseil- lers et d'un greffier.

LA VALLIERE, duché-pairie.

Châteaux, aujourd'hui Château- la- Vallière, était autrefois la première baronnie d'Anjou, et fait main- tenant partie du département d'Indre-et-Loire. Plu- sieurs barons de Saint-Christophe avaient en même temps, ainsi que nous le verrons à leur article, été seigneurs de Châteaux, et la réunion de ces deux terres pour en former un duché avait fini par en placer le siège en Touraine.

Pierre Trousseau, seigneur de Vérets, l'était aussi de Châteaux en 1 394.

Hardouin de Bueil, évêque d'Angers, en était éga- lement seigneur en i/joy et même en i4^4î i^^lis nous ne savons comment il possédait ces deux baron- nies. Il fallait qu'il n'en eût qu'une portion, puisqu'il est certain qu'a celte même époque Jean Larchevêque en prenait le titre. Mais sans nous arrêter a la baron- nie de Châteaux , qui dans le principe ne faisait pas partie de notre province, nous ne nous occuperons ici que du duché de La Vallière.

LA VALLlèRE. l33

Louise-Françoise de La Baume-le-Blanc do La Val- lière, née à Ambolsc le samedi 6 août i644> ^"^ de Louis XIV, entre antres enfans , Marie-Anne de Bour- bon, née le 17 octobre 1666 et légitimée de France le t4 mai 1667. Le roi, par ses lettres patentes du même mois, érigea en duché-pairie, en faveur de la mère et de la fîUe, avec clause de réversion à défaut d'héritiers directs , les baronnies de Châteaux , de Saint-Christophe et de Vaujour , sous l'appellation de La Vallière.

La Vallière est une terre située en Touraine dans la commune de Reugny, d'où la famille de La Baume- le-Blanc avait pris celui de La Vallière.

Marie-Anne de Bourbon épousa, le 16 janvier 1680, Louis -Armand de Bourbon, fds aîné d'Armand de Bourbon, prince de Conti, qui mourut sans postérité le 9 novembre 1686, à l'âge de vingt- cinq ans.

La duchesse de La Vallière étant retirée aux Car- mélites, la princesse de Conti, douairière, resta en possession du duché : mais n'ayant point eu d'enfans, d'après la clause de retour, le duché devait s'éteindre, et les domaines qui l'avaient formé retourner à la couronne. En 1698 elle obtint du roi son père des lettres patentes qui l'autorisaient à disposer de ces domaines en faveur de son neveu le marquis de La Vallière. Ces lettres patentes furent enregistrées au siège de Tours le 12 août 1698.

Charles-François de La Baume-le-Blanc, marquis de La Vallière, fils de Jean -François, frère de la du- chesse, épousa Marie-Thérèse, fille du maréchal de.

l34 HISTOIRE DE TOURAINE.

Noailles. Ce fut en faveur de ce mariage qu'on songea à faire revivre le duché de La Vallière. Des lettres patentes du 7 février 1723 rétablirent l'union des baronnies de Saint-Christophe, Châteaux, Courcelles et autres pour n'en composer, y est-il dit, qu'un seul et même corps de terre sous l'appellation de duché- pairie de La Vallière. C'est peut-être le seul qui offre cette double érection. Les lettres patentes furent en- registrées au parlement le 22 février 1723, et le 28 mai suivant à la chambre des comptes. Quoique la princesse de Conti ait encore vécu jusqu'en 1739, le nouveau duc entra pourtant en possession du do- maine dont il ne devait jouir qu'après la mort de la princesse douairière. Il eut de son mariage Louis- César, qui suit, et Louis-François, mort sans posté- rité.

Louis-César de La Baume-le-Blanc, duc de La Val- lière, né le 9 octobre 1 708 , est connu dans le monde savant par la riche et curieuse bibliothèque qu'il avait rassemblée à très-grands frais , et dont les parties les plus précieuses furent dispersées par la vente qui en fut faite après sa mort, arrivée le 16 novembre 1780. Nous avons de lui la bibliothèque du Théâtre-Fran- çais en 3 vol. in-i2. Il na laissé qu'une fille.

Louis Gaucher, duc de Châtillon, etc., épousa la fille unique de Louis-César, qui lui porta en dot le ducbé de La Vallière.

Adrienne-Emilie-Elisabeth de La Baume-le-Blanc de La Vallière, duchesse de Châtillon, était veuve, en 1790, de Louis Gaucher, duc de Châtillon, lors-

LIGUEIL. IÎ5

qu'elle vit finir en elle le titre de duché de La Vaî- Hère , dont elle a conserve le domaine utile que depuis elle a alie^né. C'est en elle qu'a fini également la pos- térité de La Baume-le-Blanc.

Nous avons parlé dans notre introduction des forges de Chateau-la-Vallière , nom qui a prévalu aujour- d'hui , lorsque l'on devrait dire plus correctement : Chateaux-la-Vallière.

La commune de Courcelles-la-Suse, qui concourait à former le second duché de La Vallière, offre du minerai dans lequel se trouvent quelques parties d'é- taiu et d'argent, mais en très-petite quantité.

LIGUEIL , BARONWIE.

Ligueil {Ligolium ou Liiggogalus) est un gros bourg à quatre lieues de Loches, sur la rive droite du Lestrigneul. C'était autrefois une petite ville ayant son château avec titre de baronnie , et renfermée de murailles. Nous aurons peu de choses à en dire, parce que nous ne lui connaissons d'autres seigneurs que les doyens du chapitre de Sainl-Martin de Tours. Ce fut Eudes Clément, vingt-sixième doyen , qui, en 1 2 1 3, l'acheta de Barthélemi Payen pour rester à perpétuité affectée au revenu du doyenné. Il est certain cepen- dant que l'église de Saint-Martin avait déjà joui de ce domaine plusieurs siècles auparavant ; car nous voyons par une charte de Charlemagne de l'année 770, qu'Aulland , prédécesseur d'Ithicr, abbé de Saint-Martin , avait consacré à la mense annuelle des

l36 HfSTOIRE DE TOURAINE.

frères plusieurs domaines, au nombre desquels était celui de Ligueil qu'ils perdirent ensuite, et que leur restitua Cbarles-le-Ghauve par un diplôme donné à Tours en 862. Dépouillés de nouveau , ils furent remis en possession l'an 899 par Charles-le-Simple. Enfin Hugues Capet les y maintint par une charte de l'an 987. Malgré cela il paraît que le domaine de Ligueil était encore passé en d'autres mains, et ce fut pro- bablement pour mettre un terme à ces alternatives de jouissance et de dépossession , que le doyen Eudes Clé- ment se détermina à consolider irrévocablement par une acquisition authentique une propriété si souvent disputée à féglise, dont il était le premier dignitaire.

On voit par les différentes dates que nous venons de citer que Ligueil est une ville déjà assez ancienne. La fertilité des plaines au milieu desquelles elle se trouve située explique et justifie la persistance de l'église de Saint-Martin à se maintenir dans une pa- reille propriété.

Nous n'avons eu que trop souvent occasion de si- gnaler les désastres qui affligèrent la Touraine pen- dant le cours des guerres de religion , principalement en i562. Les protestans , dans celte même année, s'emparèrent de Ligueil, que ne purent défendre ses faibles murailles et d'assez mauvaises fortifications. Ils y commirent les mêmes excès que dans toutes les autres villes qui étaient tombées en leur pouvoir , en pillant et dévastant les églises, profanations qui exas- péraient le peuple au plus haut degré. Aussi lorsque la chance commença à tourner, les catholiques ne

LOCHES. 187

restèrent pas en arrière, et se livrèrent même à des actes de cruauté dignes des nations les plus barbares. La populace, peu contente d'avoir massacre tous les protestans qui tombèrent sous ses mains, se saisit du ministre, lui creva les yeux, et le fit brûler à petit feu sur la place publique, sans songer qu'elle autorisait par des représailles aussi cruelles. Mais la vengeance ne raisonne ni ne réflécbit. On doit croire pourtant que le souvenir de ces excès s'était affaibli par le temps ; car on ne dit point qu'ils se soient renouvelés, quand, sept ans après, les réformés se saisirent de nouveau deLigueil, commandait Claude de Gouf- fîer , et dont ils furent à leur tour cbassés par Jean III de Voyer, vicomte de Paulmy, que le duc d'Anjou avait cbargé de cette expédition.

Ligueil, comme nous l'avons dit, n'est plus qu'un gros bourg non fermé depuis que ses murs et son cbaleau ont disparu sans qu'il reste de tiaccs de ses anciennes fortifications, si ce n'est celles des larges fossés qui entouraient la ville. On croit que ce cb«iteau fut bâti par Foulques- Nerra, qui en effet en hérissa la province au nord et au midi , puisqu'il est certain que ce fut lui qui fît construire ceux de Chaumont, Longeais, Monlrésor, Sainte-Maure, Faye-la-Vineuse et plusieurs autres encore.

LOCHES, VILLE ROYALE ET COMTJÎ.

La ville de Loches {^Lochia, Lucca, etc.), di- stante de celle de Tours de dix lieues au sud-est, est

t38 histoire de touraine.

située sur la rive gauche de l'Indre , au bas du coteau sur lequel son château est assis. Il serait difficile d'in- diquer, même approximativement, l'époque de sa fondation. Le moine Jean , connu sous le nom de l'anonyme deMarmoutier, qui n'est jamais embarrassé pour trouver des origines , dans son histoire passa- blement fabuleuse de la construction d'Amboise, at- tribue celle de Loches à un personnage probablement de son invention, qu'il nomme Tursiomod us Lochiùs, et qu'il fait tout à la fois fils de Théodoric , roi des Visigoths de Toulouse et frère d'Alaric, avec lequel il partage les états de son père. Cet anachronisme joint à d'autres prouve quel degré de confiance peut inspi- rer cet auteur et combien on doit se mettre en garde contre tout ce qu'il avance. Ce que nous pouvons dire de plus positif, c'est que Loches existait déjà au milieu du cinquième siècle, puisque, selon le témoignage de Grégoire de Tours , l'évêque saint Eustoche y fit construire une église vers l'an 45o ou 4^5 , ce qui supposait un bourg ou une réunion d'habitations déjà assez considérable, et qui par conséquent devait re- monter à une époque beaucoup plus éloignée. D'après le même historien , on serait également fondé à croire que le château ne datait que des commencemens du sixième siècle ; c'est du moins , en se pénétrant bien de ses expressions, ce qu'on peut entendre de ce pas- sage de la vie de saint Ours , il est dit que ce so- litaire, qui vivait vers l'an ^So, fit bâtir un autre monastère appelé Loches, et situé sur l'Indre au pied d'un coteau dominé maintenant par le château qui

LOCHES. 1^9

porte le même nom , cm nunc castrum supereminet. D'où Ton doit naturellement conclure que dans l'opi- nion de Grégoire, ce château n'existait pas encore du t«mps de saint Ours ; autrement il n'eût pas dit : cui nunc castrum , mais simplement cui catirum super^- eminet. On voit effectivement, par la portion la plus ancienne qui reste de cet édifice , la tour carrée, que c'est un ouvrage du moyen âge.Cette tour à quatre étages peut avoir cent vingt à cent vingt-quatre piedâ de haut, et pouvait contenir environ douze cents hommes de guerre.

Les traces d'une voie romaine que l'on distingue encore dans quelques endroits du voisinage de Loches nous portent à croire que César la fit exécuter par ses légions , lorsque , après s'être emparé de la ville de Bourges, il se disposa à marcher sur le pays des Tu-» rones ; et comme cet habile conquérant ne s'avançait jamais sans les plus sages précautions, il est à pré- sumer que , indépendamment de cette voie , il aura profité de la situation avantageuse que lui offrait le coteau de Loches pour y établir une mansion , ainsi qu'il avait l'habitude d'en placer de distance en dis- tance à mesure qu'il s'avançait dans le pays.

Loches était sans doute un de ces nombreux ha- meaux qui couvraient le sol des Gaules, mais dont les noms ne nous ont pas plus été conservés que ceux des cités principales. Ainsi les mots Leuccœ, Lochiœ ^ ne sont que des noms latins ou au moins latinisés, qui auront été substitués au nom primitif, dont il serait plus qu'inutile de prétendre aujourd'hui trou-

l4o HÎSTOmt DE TOUR AINE.

ver la racine ou re'tymologie dans le mot Loches, qui n'a probablement rien de commun avec le nom gau- lois.

Quoique dans l'origine le territoire de Loches fût incontestablement compris dans celui des Tiirones , il fut long-temps par la suite sans faire partie inté- grante de la Touraine. D'abord soumise comme tout le reste à la domination des Romains, lors de leur ex- pulsion àes Gaules en l\^o^ la ville de Loches passa sous celle des Visigoths. Elle en dépendait encore en 742 , lorsque Hunald , duc d'Aquitaine, refusant pour ce duché la foi et hommage à Pépin et à Carloman, prit les armes contre ces deux Ç\\s de Charles- Martel. Ceux-ci, marchant à sa poursuite, assiégèrent, pri- rent et ruinèrent la ville de Loches, dont ils firent les habitans prisonniers, et qu'ils traînèrent à leur suite jusqu'au vieux Poitiers, ils les relâchèrent après avoir partagé le butin qu'ils avaient fait dans cette expédition. Il est évident , d'après cela , que Loches était alors étrangère à la France. Les comtes d'Anjou la possédèrent ensuite, avant même qu'ils eussent réuni la Touraine à leurs autres possessions; et voici comment cette ville passa sous leur autorité.

Sous Charles-le*Chauve le midi de la Touraine ne faisait plus partie du royaume d'Aquitaine. Ce mo- narque donna Loches et son domaine à Adeland, l'un des principaux seigneurs de sa cour , comme récom- pense des services signalés qu'il avait rendus à l'état. Adeland eut pour fils et héritier Garnier, que quel- ques-uns nomment Gautier, qui fut seigneur de Lo-

LOCHES. l4l

ches, de Villantrais et de La Haye. Celui-ci eut une fille nommée Roscillc, qui c'pousa Foulques 1% dit le Roux , auquel elle porta en dot la ville de Loches : mais il paraît que La Haye et Villantrais ne firent point partie de cette dot , puisque Foulques s'en em- para dans la suite par ruse ou par violence.

Foulques-le-Roux avait succédé à son pèreingelger dans une partie de l'Anjou, qui, en ce temps, était partagé en deux portions égales portant chacune le titre de comté. Celle au-delà de la Mayenne appar- tenait à Robert-le-Fort , qui résidait à Châteauneuf, et l'autre, en-deçà, était possédée par Foulques, qui faisait sa demeure à Angers. Ce fut lui qui , sous l'es- pèce d'anarchie du règne de Charles-le-Simple , réunit en sa personne les deux portions de ce riche comté, dont il fut probablement redevable à Hugues -le- Grand ; car nous voyons que Geoffroy Grisegonnelle, son petit-fils, se disait comte d'Anjou par la grâce de Dieu, et par la faveur de Hugues son seigneur, ainsi que par celle de sa mère Gerberge : gratiâ Dei et senioris mei largitione Andegavensis cornes , matris quoque meœ Gerbergœ ; voulant sans doute faire connaître par ces mots gratid Dei qu'il ne devait qu'à sa naissance et à ses ancêtres le comté d'Anjou en-deçà de la Mayenne, et par les autres expressions qu'il était redevable de l'autre partie à Hugues -le -Grand son oncle, ainsi qu'à sa mère.

Les successeurs de Foulques dans le comté d'Anjou possédèrent donc comme lui la ville de Loches et celle de Beaulieu , qui n'étaient pas les seuls dotnaines

\^Ql histoire de TOURAmE.

qu'ils eussent en Touraine. De le désir qu'ils mani- festèrent toujours d'envahir cette province, désir que montra plus que tout autre Foulques-Nerra , quand il l'entoura d'une ceinture de châteaux et de forte- resses qu'il fît bâtir à grands frais et avec une promp- titude qui pourrait étonner si l'on ne savait que ces cpmtes disposaient à leur gré des bras de leurs sujets, qui presque tous, surtout dans les campagnes, n'é- taient alors que des serfs attachés à la glèbe.

Richard Cœur-de-Lion ayant été retenu prisonnier par l'empereur Henri VI, lorsqu'il revenait de la T^rre-Sainte , Jean-sans-Terre , son frère , se mit en devoir de s'emparer de ses états. Il fallait pour cela mettre Philippe-Auguste dans ses intérêts. Pour mieux l'y décider , il lui abandonna plusieurs places , entre autres celle de Loches. Par le traité fait entre eux au mpis de janvier iiqS, il fut stipulé que la garnison serait entretenue aux dépens du prince anglais, qui serait obligé d'y tenir toujours des provisions pour deux mois et d'y maintenir onze chevaliers avec cent quarante écuyers. Mais le roi Richard , de retour en Angleterre , passa en France en 1 194? reprit la ville de Loches, et y fît prisonniers quatre-vingts écuyers et Sioixante-quatre chevaliers, au nombre desquels était Guy de Laval , gouverneur de la place pour le roi de France. Philippe- Auguste à son tour l'assiégea, en 1204, aussitôt qu'il eut réuni la Touraine à sa cou- ronne ; mais cette fois elle fît une plus longue et une plus vigoureuse défense , et elle ne se rendit que par composition au commencement de l'année isto5, après

LOCHES. 143

avoir soutenu un siège de près d'un an. C'est de cette époque seulement qu'elle peut être considérée comme appartenant à la Touraine.

Le roi la donna comme récompense à Dreux de Mello, connétable de France, qui s'était rendu cé- lèbre par un grand nombre d'exploits militaires , tant dans l'intérieur du royaume qu'à la Terre-Sainte, il avait accompagné le monarque en 1 1 9 1 . Loches appartenait alors à la reine Berengaire, veuve de Ri- chard , et elle en jouissait comme faisant partie de son douaire , ce qui lui fit intenter un procès à Dreux de Mello; mais Philippe-Auguste étant intervenu dans la cause, Berengaire, au mois de janvier 12145 donna sa déclaration portant qu'elle n'entendait point con- tester au roi l'hommage et la souveraineté, mais seu- lement le domaine utile contre qui que ce fût. Cepen- dant Dreux continua d'en jouir jusqu'à sa mort, qui eut lieu en 1218. Il était âgé de quatre-vingts ans, laissant d'Ermentrude de Moucy, son épouse, deux fils et une fille. Il paraît que Guillaume^ l'aîné des deux, était mort avant son père.

Dreux de Mello., deuxième du nom , fils puîné du précédent, lui succéda dans les seigneuries de Loches et de Châtillon-sur-Indre , dont son père, en 1206, avait promis au roi 4e lui remettre les châteaux, toutes les fois qu'il l'exigerait. Il épousa Isabelle, dame de Mayenne , dont il n'eut point d'enfans, et mourut dans nie de Chyprele 8 janvier 1 249. Un mois aupa- ravant il avait vendu ses deux seigneuries au roi saint Louis moyennant six cents livres de rente, dont il

l44 HISTOIRE DE TOUR AINE.

donna ses lettres datées du mois de décembre 1249, au camp d'Egypte proche du fleuve du Nil, la vingt- quatrième année du règne de saint Louis.

Le domaine de Loches fut engage le 26 juin i5g4 h Gaillard de Saint-Pastour pour la somme de quatre mille cinq cents livres. Il le fut depuis à un seigneur de Braque, qui prit le titre de comte de Loches. En 1790 le marquis de Verneuil prenait ce même titre en qualité d'engagiste.

Depuis sa réunion à la couronne , Loches eut des gouverneurs particuliers. Tous ne nous sont pas con- nus. Voici ceux dont l'histoire ou les archives nous ont transmis les noms.

Pierre de la Brosse ^ sergent d'armes du roi saint Louis , est un des premiers. II paraît d'après cela que son fils, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, n'était pas d'une si basse extraction qu'on le croit communément. Le roi Philippe de Valois, en i345, lui accorda trente livres de rente pour lui et ses hé- ritiers en ligne directe.

Enguerrand Dubin , chevalier, était gouverneur de Loches lorsque, le 5 septembre i36o, il fit un traité avec les habitans de Tours.

Philippon de Voyer, sire de Paulmy, fils de Guil- laume et de Nicole de Pressigny, eut également le gouvernement de Loches.

Pierre de Voyer, sire de Paulmy, fils de Jean, pre- mier du nom , et d'Alix de Cluys , figure au rang des gouverneurs de Loches.

Pierre d'Amboise, seigneur de Chaumont, remit,

LOCHES. 145

en 144O7 Itî château de Loches, que le roi lui avait confié , entre les mains du duc de Bourbon et des autres seigneurs mécontens qui avaient suivi le parti du die d'Alençon. Mais, par le traité fait à Cassel dans le cours do la même année, il s'obhgea de le rendre 'au roi.

Olivier Dain , barbier du roi Louis XI, fut placé par lui moins comme gouverneur que comme geôlier du château de Loches.

François de Ponbrillan , chambellan du même roi, obtint de lui, en 1479? ^i^ mille arpens de terres et bois dans la forêt de Loches et aux environs pour y construire places fortes , maisons et métairies, projet qui, comme on croit bien, ne fut point exécuté. Ce même Ponbrian fut enlevé par la garnison de Beau- genci au mois de septembre i485, tandis qu'il se rendait à Tours.

Louis Brossin, chevalier de Tordre du roi, gentil- homme ordinaire de sa chambre et capitaine de cent hommes d'armes, gouverneur de Loches, était beau -frère de Jean de Taix, colonel de l'infanterie française.

Honorât de Savoie, marquis de Villars, baron de Pressigny, maréchal de France, gouverneur de Lo- ches , y mourut en 1 58o.

Gaillard de Saint-Pastour, seigneur de Salerne. Nous avons vu plus haut qu'il avait obtenu le do- maine de Loches, à titre d'engagiste, en 1594.

Jean-Louis Nogaret de La Valette, duc d'Epernon, mourut daiis son gouvernement de Loches, le i3 3. 10

l46- HISTOIRE BE TOURAINE.

janvier 1642. II est trop connu dans l'histoire pour que l'on entre ici clans aucuns détails sur ce qui le concerne. ^

Bernard de La Valette et de Foix , duc d'Éperaon ^ succéda à son père, et mourut à Paris le 2 5 juillet 1661.

François de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, pair de France, chevalier des ordres du roi, premier gentilhomme de sa chamhre, réunit au gouverne- ment de la Touraine celui des ville et château de Loches. Il mourut en 1687, membre de l'académie française.

Paul de Beauvilliers^ duc de Saint-Aignan , pair de France, chevalier des ordres, fut créé chef du conseil des finances et gouverneur du duc de Bourgogne. Il mourut en 1714? %^ ^e soixante ans.

Paul-Hippolyte de Beauvilliers , fils puîné du pré- cédent, chevalier des ordres du roi. Comme son aïeul, il fut admis à l'académie française, et mourut en 1776.

Le château de Loches avait en outre un lieutenant de roi, et une compagnie d'invalides en formait la garnison.

L'église collégiale de Notre-Dame, située dans l'intérieur du château, a été bâtie vers Tan 98^ par Geoffroy -Grisegonnelle, qui y était représenté à genoux sur un pilastre derrière l'autel, du coté gauche. A droite était une autre statue également en pierre que quelques-uns ont cru être celle du roi Lothaire, qui permit à Geoffroy de bâtir cette église

LOCHES. 14-7

par lettres patentes données à Laon le i3 août 984 ; mais comme on nV distinguait aucun signe de royauté, d'autres ont pensé que ce pouvait être la figure de Foulques-Nerra , qui aura voulu être placé auprès de son père , fondateur de cette église. Quoi qu'il en soit , ces deux statues méritaient d'être con- servées comme monumens des arts du moyen âge. On nous assure cependant qu'elles ont échappé à la destruction par les soins d'un habitant de Loches qui les a recueillies et placées dans son jardin.

Cette église n'était auparavant qu'une simple cha- pelle dédiée à sainte Madeleine, et l'opinion commune est qu'elle avait été bâtie par saint Eusloche, cin- quième évêque de Tours, vers l'an 45o. Geoffroy, en la faisant reconstruire , y avait fondé douze chanoines. Ses lettres , sans date , furent données en présence de ses deux fils Foulques et Maurice, de Hardouin, archevêque de Tours, et de plusieurs autres. L'église, située au plus haut du château , est couverte en pierre, et offre à son sommet deux pyramides (i) hautes d'en- viron vingt-cinq toises, accompagnées de deux clo- chers qu'on tient avoir été bâtis aux frais de Thomas Paccius ou.Pascius, prieur de Loches et auteur d'une chronique d'Anjou dont nous parlerons dans notre Biographie. Entre ces deux tours est la nef surmontée dans toute sa longueur de deux voûtes pyramidales

(i) Et non pas trois, ainsi que nous ravuns dit, toro. I, pag. 3i5. La tour la plus voisine du portail a Bq"», fi5<' ou 119 pieds métriques de hauteur perpendiculaire; et celle plus rapprochée du sanctuaire, dont la base n'a pu étro mesurée , peut avoir 4^5 pieds de plus.

10.

I/J8 HISTOIRE DE TOURMNE.

en pierre, de forme octaèdre, recouvertes en ardoises, et dont les sommets sont élevés au-dessus du pavé de l'église de 80 pieds 9 pouces métriques, ou 26"", Ç)'y. Au milieu du chœur se voyait le tombeau d'Agnès Sorel. Nous ne placerons point ici ce que nous avons à dire de cette femme célèbre dans notre quatrième volume. Nous dirons seulement que ce tombeau, qui remonte à la renaissance des beaux arls en France, était relégué dans une chapelle où, tout-à-fait dé- gradé , il était menacé d'une destruction totale. L'ad- ministrateur qui était alors à la tête du département, le général Pommereul, consacra à sa restauration une somme de 1 865 fr. La statue d'Agnès, envoyée à Paris, en revint aussi parfaite que dans son état primitif, et le monument fut placé dans une tour dont l'entrée, donnant sur la terrasse du château , est décorée de quatre colonnes et de leur entablement surmonté d'un fronton. On lit sur une des faces du sarcophage cette nouvelle inscription :

Les chanoines de Loches , enrichis de ses dons ,

Demandèrent à Louis XI

D'éloigner son tombeau de leur chœur.

J'y consens, dit-il , mais rendez la dot.

Le tombeau y resta.

Un archevêque de Tours moins juste

Le fit reléguer dans une chapelle.

A la révolution il y fut détruit.

Des hommes sensibles recueillirent les restes d'Agnès,

Et le général Pommereul, préfet d'Indre-et-Loire,

Releva le mausolée de la seule maîtresse de nos rois

Qui ait bien mérité de sa patrie ,

LOCHES. 149

En mettant pour prix à ses faveurs L'expiiîsion des An;,'Iaîs hors de la France. Sa restauration eut lieu l'an M. DCGC . VI.

Les anciennes inscriptions y ont été conservées.

Sous le Jubé se voyait un autre tombeau que Ton disait être celui du duc de Sforce, quoique rien ne pût autoriser cette opinion. Dans le mur de la nef à gauche était celui de Raoul de Préaux et de sa femme. Leurs figures y étaient sculptées en bas- relief, ainsi que celles des chanoines qui avaient assisté à leurs obsèques l'aumusse sur la tête ; maison n'y remarquait ni date ni inscription.

Les tapisseries qui décoraient le chœur de cette église, et qui étaient un don d'Agnès Sorel, passaient pour être d'un fort beau travail , mais relativement au temps elles avaient été faites ; car quant au dessin et à la vérité du costume, on peut en juger par une Susanne qui était représentée avec des manchettes de dentelles, dont pourtant on ne pouvait s'empêcher d'admirer la finesse et la beauté.

Mais un monument auquel on n'a pas apporté assez d'attention est un autel antique d'un seul bloc de pierre de forme circulaire, qui a été renversé, et dont on a creusé le dessous pour en faire un bénitier. Il est orné dans son pourtour de diverses sculptures l'on peut distinguer un guerrier nu dans l'attitude de combattre, un vase, une tête casquée; le surplus est enclavé dans le mur, et peut-être y est-il encore in- tact. Il serait facile de remplacer par un bénitier plus élégant et pUis conforme a sa destination ce monu-

l5o HISTOIRE DE TOURIINE.

ment antique, qui pourrait ainsi enrichir un musée ou tout autre édifice public.

Au bas de la porte du chçsur se trouvait unb tombe garnie de lames de cuivre sur lesquelles était gravée répitaphe suivante :

Sous ce piteulx édifice dolent Se gist le corps de messlre Roland De TEscoûel, trèz léal chevalier, En son vivant chambellan , conseiller Du roi des Francs , et grand veneur de France : De Montargis baillif de granî prudence. Maître des eaux et forêts de Touraine , De Loches fust général capitaine , Et de Bourgouiu; moult vaillant el expert. Seigneur aussi estoil deKéripert , Et de Kemblec, voire de Grillemonl, Qui trcspassa, comme tous vivans font, Le jour mortel dixiesrae de décembre Mil et cinq cents , de ce suis-je remembre : Et puis luy mort fust mis soubs cette lame. Priez à Dieu qu'il veuille avoir son amc.

L'église paroissiale sous l'invocation de saint Ours est dans l'intérieur de la ville, avec une succursale sous le nom de Saint- Antoine.

Le couvent des Cordeliers était situé au dehors; fondé vers l'an 1229, il fut consacré, en laS^, par Farchovêque de Tours, Juhel de Mayenne : mais il avait été supprimé dès l'année 1774- H y avait éga- lement un couvent de capucins fondé en 161 9 et une maison de religieuses ursulines établie en 1627; de plus un hôpital qui ne datait que de 1629, et un col- lège sous la direction de rehgieux barnabites. La

LOCHES. I^f

chartreuse du Ligct élait située dans la foret de Lo- ches. Nous avons rapporté son origine en parlant de Henri II, roi d'Angleterre et comte de Touraine, au sujet du meurtre de Thomas de Cantorbéry.

La justice consistait en un siège royal relevant par appel du présidial de Tours et compose d'un lieute- nant-général, mi lieutenant particulier, un lieutenant- criminel, un assesseur, huit conseillers, un procureur et un avocat du roi. Il y avait élection^ grenier à sel, maîtrise des eaux et forêts. La pohce se faisait jadis par deux élus assistés du procureur de la commune, qui ne pouvaient juger les causes que jusqu'à la con- currence de cent sous. Lorsque la somme excédait , ils devaient en référer a l'assemblée des habitans, qui était présidée par le lieutenant-général. Ceci s'observa jusqu'en i56o, époque le roi Charles IX permit aux habitans de se choisir un maire, un procureur de ville, trois échevins, deux élus et un greffier. Ces élections se faisaient tous les ans en présence du lieu- tenant-général. Mais ce corps de ville subit, comme tous les autres , les fréquens changemens qui eurent lieu sur la fin du règne de Louis XIV et sous celui de son successeur.

On trouve à une lieue de Loches , dans la com- mune de Perrière , les restes d'un aqueduc dont quatre arcades assez bien conservées existent encore. On a prétendu, suivant la coutume, que c'était un ouvrage des Romains destiné à porter les eaux du ruisseau d'Orfon à la ninnsio ^ qu'on croit avoir été établie par eux à Cornillé. Mais d'a])ord rien n'y porte le carac-

iS^ HISTOIRE DE TOI]RAI?ÎE.

tère des constructions romaines. En second lieu com- ment supposer qu'on eût à grands frais entrepris un pareil travail pour porter de l'eau au-delà de la ri- vière de rindre, et dans un lieu surtout se trouve un ruisseau abondant dont les eaux sont les plus sa- lubres et les plus limpides de toutes celles des alen- tours? On peut avancer avec plus de raison que cet aqueduc n'est qu'un ouvrage moderne destiné à quel- que établissement qui a disparu , et qu'il doit êlre pos- térieur au commencement du onzième siècle, époque de la fondation de l'abbaye de Beaulieu , puisque dans le titre de cette fondation il est parlé de ce ruisseau d'Orfon, sans qu'il y soit fait aucune mention de cet aqueduc. Mais , ainsi que nous l'avons déjà remarqué, il n'est ni ruines ni monumens anciens qu'on ne soit tenté d'attribuer aux conquérans des Gaules.

LOUDUN, DUCHÉ-PAIRIE.

La ville de Loudun (^Lauscluniwi) a appartenu autrefois aux comtes de Poitou, puis à ceux d'Anjou et ensuite aux ducs de Touraine , si bien que chacune de ces trois provinces se croyait également fondée à la revendiquer, principalement le Poitou, puisqu'elle se trouvait comprise dans son diocèse , et que la cir- conscription ecclésiastique déterminait presque tou- jours l'état civil. D'un autre coté elle dépendait du duché de Touraine pour le temporel, du présidial de Tours pour la justice, et du bureau de la généralité de Tours pour les finances. Cest sous ce triple rap-

LOUDUN. l53

port que nous on faisons mention, la partie ecclé- siastique étant étrangère aux objets que nous traitons ici. Cependant nous n'avons pas cru devoir donner place dans notre biographie aux hommes célèbres nés dans le Loudunois.

Loudun est à quatorze lieues de Tours du coté du midi , sur les confins du Poitou et de l'Anjou. Cette ville est située sur une hauteur; aussi l'on prétend qu'elle a pris son nom du mot celtique dun^ d'où l'on a fait Loudun d'après l'usage du pays, l'article le se prononce lou. Mais cette étymologie pourrait bien être controuvée, puisque le mot latin Lausdunuin était connu bien long-temps avant qu'il fût question du dialecte loudunois. Quant au mot Juliodunuin ^ ce ne fut qu'au seizième siècle que le poète Salmon Macrin s'avisa de l'imposer au lieu de sa naissance.

Les comtes de Poitou ont toujours été les seigneurs de Loudun jusqu'en 986. A cette époque Guillaume- Fier-à-Bras , duc d'Aquitaine et comte de Poitiers , étant en guerre avec Geoffroy-Grisegonnelle, comte d'Anjou , il s'ensuivit un traité de paix d'après lequel Guillaume céda à Geoffroy le Loudunois, soit que Geoffroy eût battu le duc de Guienne, comme le prétendent les historiens d'Anjou, soit qu'il eût été vaincu par lui; ce qui est bien moins probable, puisqu'il agrandit ses domaines aux dépens de ceux de son ennemi.

Environ deux siècles après , Gcoffroy-le-Bel , par son testament en forme de partage , donna Loudun à Geoffroy-Plantagenet, son second fils, par provision

l54 HISTOIRE DE TOURAIiyE.

et jusqu'à ce que Henri, son aîné, fût reconnu roi d'Angleterre ; mais Geoffroy n'en fut pas moins dé- pouillé par son frère et contraint de l'abandonner, par le traité fait en ii56, moyennant mille livres sterling et deux mille livres monnaie d'Anjou.

Loudun , devenu partie intégrante de la Touraine, fut avec elle réuni à la couronne , en 1 2o4 , et Phi- lippe-Auguste le donna, pour le récompenser de ses services, à Aimery, vicomte de Thouars, qui lui en fit hommage.

Au mois de février 1 366, Charles V en fit don, à l'exception de l'hommage , de la souveraineté et du ressoit, à Louis duc d'Anjou, son frère, pour le dé- dommager de Chantoceauxj qui venait d'être cédé au duc de Bretagne. 11 lui accorda depuis la Touraine en augmentation d'apanage, l'an 1370, sa vie durant seulement, à la condition que Loudun et le Loudu- nois seraient réunis au duché de Touraine après sa mort et celle de son fils aîné. Ils en donnèrent le même jour leur reconnaissance par lettres datées de Vin- cennes le 17 mai 1376. Cependant René, roi de Si- cile, ne laissa pas d'en jouir. Mais étant mort en 1480, sans laisser d'enfans, Louis XI, pour éviter les difficultés qui pouvaient s'élever à ce sujet, donna à Charles d'Anjou , neveu du roi de Sicile , tant pour lui que pour ses héritiers mâles, les comtés de Beau- fort en Vallée, de Mirebeau , de Sablé et de la Roche- Guyon, à la charge par lui de renoncer aux droits qu'il pouvait avoir sur le duché d'Anjou, sur Baugé, Saumur et Loudun.

LOUDUÎf. ï55

Louis XI, ayant ainsi réuni Loudun à la couronne, y érigea la même année un siège royal dont les appels allaient au présidial de Tours.

Loudun fut érigé en duché, l'an 1 579, par Henri ïïl, en faveur de Françoise de Rohan, dame de la Gar- nache , pour en jouir pendant sa vie ; ce qui lui fut confirmé par Henri IV en avril iSqi. Mais le duché fut éteint après sa mort. Ce domaine fut depuis en- gagé à Charles Bellegigue de La Trémouille , duc de Thouars, prince de Tarente, qui en a joui, ainsi que ses descendans , à titre de duché-pairie.

Cette ville possédait deux chapitres, trois paroisses, une maison de jésuites, trois couvens de religieux ,^ autant de religieuses, une communauté de filles de l'Union chrétienne et une de sœurs hospitalières.

L'un de ces couvens, celui des Ursulines, a acquis une bien triste célébrité par le procès de l'infortuné Urbain Grandier, curé et chanoine de Saint-Pierre de Loudun , procès dans lequel on ne sait ce qui doit affliger et révolter le plus, ou la condescendance cou- pable des religieuses, ou la fourberie des exorcistes, ou la perversité des juges assez scélérats ou assez stupides pour entendre et rejcevoir comme preuves le témoignage des diables.

Loudun avait un temple de protestans que Louis XIV fit raser. Cependant le nombre de religionnaires y fut toujours assez considérable relativement à sa po- pulation. /

La justice y était exercée par un bailli, un prési- dent, un heutenant-civil , un lieutenant-criminel, un

l56 HISTOIRE DE TOUR AINE.

assesseur, dix conseillers, deux conseillers vérifica- teurs des criées , un avocat et un procureur du roi , un substitut et un greffier. Il y avait aussi une élection et un hotel-de-ville.

Le Loudunois avait sa coutume particulière , qui fut rédigée séparément en i5i8. Elle était restée, à peu de chose près, la même que l'ancienne coutume de Touraine avant la réformation de iSSg.

MAILLÉ, coMTi, ou

LUINES, DUCHÉ-PAIRIE.

Maillé (Malliacurn) , aujourd'hui Luines,est une petite ville située à trois lieues au-dessous de Tours, sur la rive droite de la Loire et entre deux coteaux couverts de vignobles. Ce lieu avait donné son nom à une des plus anciennes familles du royaume alliée à la maison royale de France et aux maisons d'Amboise, de Bauçay, de Chateaubriant , de Champchevrier, de Laval, de Roban, de Sainte-Maure et de plusieurs autres non moins illustres. Nous trouvons des preuves irrécusables de l'ancienneté de Maillé dans le testa- ment de saint Perpète, qui date de Tan 47^1 et par lequel il recommande a son successeur de ne jamais rétablir dans ses fonctions le prêtre curé de Maillé. On en trouve de même dans Grégoire de Tours , qui nous dit que de son temps on y voyait encore les ves- tiges d'un ancien monastère qui était placé sur le haut

MAILLÉ. l57

du coteau. Or ce monastère devait déjà remonter à une époque assez reculée, puisque alors on n'en voyait plus que les ruines. Il est assez probable que ce fut sur ce même emplacement que l'on construisit depuis le château de Maillé, puisqu'il était également sur le point le plus élevé du coteau. Quant à l'église de Saint-Venant , elle fut bâtie par les anciens seigneurs et donnée avec le monastère de Saint -Solenne, en 1084, à Fabbaye de Marmoutier par Hardouin II de Maillé.

Cette baronnie. Tune des plus anciennes de la Tou- raine , fut érigée en comté en faveur de Jean de Laval, baron de Roche-Corbon , Bressuire , etc. , par lettres de Charles IX données à Boulogne au mois de juin iS'jCLy à la charge qu'à défaut d'hoirs mâles elle re- prendrait son premier litre de baronnie. Mais il n'y eut pas lieu à la clause de retour. Elle fut même érigée depuis en duché-pairie en faveur de Charles d'Albert sous l'appellation de Luines , par lettres patentes de Louis XIII données à Amboise au mois d'août 161 g. On y avait postérieurement uni la baronnie de Sem- blançay , la vicomte de Thouars et la châtellenie de Neuvy, par lettres du mois de février i663.

Quoique Maillé , ainsi que nous venons de le dire, nous soit connu dès le cinquième siècle, les noms des seigneurs qui l'ont possédé ne se trouvent <lans aucun titre antérieur au dixième siècle.

Gelduin de Saumur, premier du nom, était sei- gneur de Maillé, d'Ussé, de Pont-le-Voy et de plu- sieurs autres grandes terres. II prit alliance avec Ger-

l58 niSTOIIlÈ DE TOURAINE.

berge, fille de Bérenger et sœur d'Hiîdegarde, femme d'Airaery , vicomte de Thouars. Il eut pour fils Gel- duin et une fille nommée Âdelaïs, femme de Ber- lay 1% seigneur de Mon treuil, aujourd'hui Montreuil- Beslay.

Gelduin de Saumur, deuxième du nom, fut un des principaux partisans d'Eudes II , comte de Touraine. Il l'accompagna dans toutes ses expéditions , et se trouva l'an 1016 à la bataille de Montrichard, ainsi qu'au siège de Montboyau en 1026. Il perdit dans cette circonstance le château et la ville de Saumur , qui lui furent enlevés par Foulques - Nerra , comte d'Anjou. Pour l'en dédommager, Eudes lui donna le château de Chaumont-sur-Loire. Gelduin fonda l'ab- baye de Pont-le-Voy en io35 , et donna la seigneurie de Maillé à Gosbert à la charge de foi et hommage , clause qui fut la cause première des guerres qui eurent lieu entre les seigneurs d'Amboise et de Maillé, ceux- ci, comme héritiers de Gelduin, prétendant avoir droit à l'hommage de Maillé. Gelduin épousa Adenorde, autrement Honneur, dont il eut Geoffroy-le-Bel, sei- gneur de Chaumont,qui fut fait prisonnier, en io44> à la bataille de Saint-Martin-lc-Beau et conduit au château de Baugé, d'où il ne sortit qu'à condition qu'il rendrait hommage à Geoffroy- Martel pour toutes les terres qu'il possédait en Touraine. On dit qu'il mou- rut âgé de cent ans.

Gosbert de Maillé a été le premier et le chef de la maison de Maillé. En io3o il eut un différend avec les religieux de Marmoutier relativement au droit de

MAILLÉ. 1 59

péage , qu'il voulait exiger sur toutes leurs denrées passant par eau et par terre dans toute l'étendue de sa seigneurie : mais il se désista de ses prétentions en pré- sence d'Eudes, comte de Touraine, et de Gelduiud« qui il tenait Maillé. Ses enfans furent Hardouin; Gel- duin, seigneur de Maillé après son frère; Sancelin ou Sanzo, clerc; Geoffroy; et Milesende, femme de Ro- bert de Blo.

Hardouin, premier du nom, vivait en 1062, et mourut quelque temps après ses enfans , laissant son frère héritier de ses domaines. Il donna la terre de Martigny à l'abbaye de Marmoutier, à la charge par Gelduin son frère d'indemniser de ce qu'ils y possé- daient ses trois chevaliers , Alfroy, Geoffroy et Gar- nier. Ces chevaliers étaient proprement des vassaux qui étaient obligés d'accompagner leur seigneur à la guerre et do faire la garde dans son château. Cette donation fut depuis ratifiée par ce Geoffroy de Chau- mont, que nous venons de voir prisonnier à Baugé, duquel Maillé relevait à foi et hommage.

Gelduin , qui succéda à son frère , épousa en pre- mières noces Agnès, dont il eut Hardouin, Hugues, Josbert ou Gosbert, Ammeline et Marguerite.

Hardouin H fit bâtir à Maillé l'église de Saint- Vei- nant, qu'il donna à l'abbaye de Marmoutier en 1084, avec l'église de Saint-Solenne , en présence d'Agnès sa mère. C'est de lui que parle., dans une de ses let- tres, Geoffroy, abbé de Vendôme, en se plaignant à Raoul, archevêque de Tours, des vexations qu'il exer- çait contre son abbaye de la Trinité, ce qui le fit ex-

l6o HISTOIRE DE TOUR UNE.

communier par ce prëiat. Ge fut aussi sur ce même prétexte que Foulques-Rëcliin , lui ayant déclaré ia guerre, assiégea et prit le château de Maillé en 1096,

y après avoir désolé toute la contrée. Il avait épousé

Béatrix , dont il eut cinq fils et deux filles : Jacquelin, Barthélemi , Clérembault , Adaôe et Agnès. Les deux autres garçons nous sont inconnus.

Jacquelin de Maillé se rendit fameux ainsi que ses quatre frères dans les guerres des comtes d'Anjou contre Henri, roi d'Angleterre. 11 accompagna Foul- ques-le-Jeune dans toutes ses expéditions militaires , et assista à la bataille de Séez en 1118. On le choisit entre les capitaines les plus vaillans et les plus habiles pour attaquer l'avant-garde de l'ennemi. Ce fut un des principaux barons qui accompagnèrent Geoffroy d'Anjou, fils de Foulques-le-Jeune , lorsqu'il alla à B-Ouen épouser Mathilde , fille de Henri T', roi d'An- gleterre, en II 27. L'an ii5i , par l'ordre du comte d'Anjou, il fit la guerre à Sulpice d'Amboise, auquel cependant il rendit par la suite des services impor-

;^ tans. De sa femme Adeline il eut Hardouin, qui

suit.

Hardouin HI fut père d'un autre Hardouin , sei- gneur de Maillé, et de Jacquelin de Maillé , chevalier de l'ordre des Templiers , qui se signala à la bataille ^ de Tibériade, oii il mourut glorieusement l'an 1 187. Hardouin IV, sénéchal de Poitou, s'était réuni à Amaury I" de Graon pour secourir les barons de Bre- tagne , qui s'étaient révoltés contre leur duc Pierre , fils de Robert de Dreux; mais le 3 mars 1222 il fut,

MAILLÉ. l6l

ainsi qu Amaiiry, fait prisonnier auprès de Château- briant. Depuis il fut caution de Louis IX pour le traité de paix fait avec le comte de Foix le i6 des calendes de juin 1229. Il eut de sa femme Emme, autrement nommée Ammette, Hardouin V et Catherine, dame de Saint-Brice et de Cliahaigne.

Hardouin V fît le voyage de la Terre-Sainte avec saint Louis. Il fut marié deux fois : la première avec N. de Cliampchévrier , dont il n'eut point d'cnfans, et la seconde avec Jeanne de Bauçay, de laquelle il eut Hardouin et Jean, seigneur de Clervaux. Quel- ques-uns ajoutent un autre Jean de Maillé, seigneur de Brézé, d'où seraient descendus les marquis de Brézé. Hardouin V et Jeanne , sa femme, eurent leur sépulture dans la nef de l'église des Cordeliers de Tours, sous une tombe placée auprès de la chaire du prédicateur.

Hardouin VI , dit le Jeune Chevalier, accompagna Philippe-le-Bel dans les guerres de Flandre en i3o3. Il mourut le 24 février i336, et fut de même inhumé aux Cordeliers de Tours dans la chapelle de Maillé, qui depuis était devenue la sacristie. Il avait épousé Jeanne, fille de Barthélemi de Montbason , qui lui apporta en dot les seigneuries d'Isernay, de Bois- Robert et de l'Archeraye avec trente livres de rente sur le péage de Colombiers. De cette alliance sortirent Hardouin , Jeanne, Marie (^J lias) de Maillé, mariée à Robert de Silly, morte en odeur de sainteté, et Isabelle, femme de Jean de Beaumont, seigneur deBressuire.

Hardouin YIl , chevalier, se trouva , en i34o, à la 3. n

iGîl HfSTOIRE DE TOURAINE.

bataille Eudes IV, duc de Bourgogne, hattit Tar- mée d'Edouard III, et il y fut fait prisonnier avec le comte d'Harcourt et le vicomte de Melun. On le compte au nombre des cautions du roi Jean. 11 mou- rut le 27 mai i38i, et fut, comme les précédens, en- terré aux Cordeliers de Tours. Il avait épousé M ahaud, fille de Jean Levayer, chevalier, seigneur de la Clarté, qui après sa mort se remaria à Jean de Laval. Du premier lit était Hardouin , qui suit.

Hardouin VIII , baron de Maillé et de Roche-Cor* bon , seigneur de Bauçay et des Montils-les-Tours , vicomte de Tours , assista au sacre de Charles VII à Reims le 8 juillet 14^9, et y fit les fonctions de duc et pair de France à la place du comte de Cham- pagne qui porta l'étendard de France à cette céré- monie. Il épousa à Angers, le 1 3 juin i4i2, Perre- nelle, fille d'Ingelger d'Amboise et Jeanne de Craon, qui lui porta en mariage la baronnie de Roche-Cor- bon , la vicomte de Tours et la terre des Montils. Elle mourut le i3 juillet i44i- Son mari était mort le 2 mai 1432, et tous deux eurent leur sépulture dans l'église des Cordeliers de Tours. De ce mariage na- quirent Hardouin-Juhez et Mahaud. Quelques généa- logistes prétendent que les marquis de Carman , sei- gneurs de la Guéritaude , descendaient de Juhez de Maillé. Cependant nous voyons cent ans auparavant un Guy de Maillé, seigneur de la Guéritaude, dont la veuve Jeanne de Sillé donna les dîmes de Veigné à l'abbaye de Cormeri , le mercredi après la Saint- Denis, l'an 1372.

( ,^

MAILLÉ. l63

Hardoiiin IX, baron de Maillé, etc., sënëchal de Saintonge. Ce fut lui qui vendit à Louis XI, pour le prix de cinq mille cinq cents écus d'or, la baronnie des Monlils-les-Tours, à la condition de l'union des trois seigneuries do Maillé , de Roche-Corbon et de la vicomte de Tours sous une même foi et bommage. L'acte en fut reçu sous le sceau royal de Tours par Pons Jean de Bire le i5 février t463, époque des premiers travaux faits au cbâteaii du Plessis. Il fonda, en i486, le chapitre de Maillé. De sa première femme Antoinette, fille de Guy III, seigneur de Chavigny, morte le 20 février 147^, il eut Jacques, mort sans postérité; François, qui suit; Hardouin, qui épousa Françoise de Latour-Landry à condition d'en prendre le nom et les armes ; et Françoise, mariée à François de Beaujeu, seigneur de Linières. Après la mort d'Antoinette, Hardouin épousa Marguerite de La Rochefoucauld, dame de Barbezieux, d'où Louis de Maillé et Claude , femme de Jean sire de Rieux.

François, baron de Maillé et dernier de cette fa- mille, épousa Marguerite, fille de Louis de Rohan, seigneur de Guémené, dont il n'eut que deux filles du nom de Françoise. L'aînée fut mariée à Gilles de Laval , auquel elle porta en dot la baronnie de Maillé, et la cadette à François de Bastarnay.

Gilles de Laval, premier du nom, chevalier, sei- gneur de Loué et de Benais , baron de Maillé , de Roche-Corbon, de Bressuire et de J^a Haye, vicomte de Tours, fils aîné de Pierre de Laval, eut de Fran- çoise de Maillé , son épouse, René, mort sans cnfans;

II.

l64 HISTOIRIÎ DE TOURAINE.

Gilles, qui suit, et Anne, mariée à Philippe de la Chambre, baron de Montsoreau.

René de Laval , seigneur de Maille et de Roche- Corbon , signa en cette qualité le second procès-verbal de réformation de la coutume de Touraine en 1569. 11 n'eut point dfe postérité, et son héritage passa à Gilles son puîné.

Gilles II de Laval épousa Louise , fille de Jean de Sainte-Maure , comt^î de Nesle et de Joigny. De ce mariage naquirent Jean, qui suit, et René, marié à Renée de Rohan.

Jean de Laval , capitaine de cent gentilshommes de la maison du roi, qui érigea en sa faveur la baronnie de Maillé en comté , par lettres données à Roulogne au mois de juin 1572. Il épousa en premières noces Renée de Rohan, veuve de René son frère, dont il eut Guy, qui suit, et en secondes noces Françoise, fille de René de Birague , chancelier de France.

Guy de Laval, chevalier, etc., prit pour femme Marguerite, fille du chancelier Philippe Huraut de Chiverny. Il fut tué à la bataille d'Ivry en combat- tant sous la bannière de Henri IV , et sans laisser d'enfans. Après sa mort sa veuve se remaria à Anne d'Anglure, seigneur de Givry et de Narbonne, et en troisièmes noces à Arnaud-le-Daijgereux, dont elle eut un fils unique du même nom.

Arnaud-le-Dangereux, seigneur de Beaupuy, comte de Maillé.

Charles d'Albert , seigneur de Luynes , ayant ac- quis par décret le comté de Maillé, la baronnie de

MAILLÉ. l65

Roche-Corbon et la vicomte de Tours, obtint des lettres de Louis XIII données à Amboisc au mois d'août 1619, portant création de Maillé en duché- pairie sous le nom de Luynes. Il en prêta serment au parlement le i4 novembre de la même année. On sait comment il devint favori du roi , qui le fit conseiller d'État, chevalier de ses ordres, premier gentilhomme de sa chambre, grand -fauconnier, gouverneur de Picardie, etc., gardé des sceaux et enfin connétable de France. On a dit que cette famille était issue des comtes d'Alberti en Italie , quoique pourtant son nom patronimique fût Cadenet. Celui-ci épousa, le 11 sep- tembre 16 17, Marie, fille d'Hercule de Rohan, duc de Montbason , et de Madeleine de Lénoncourt. Il mourut en Languedoc le i5 décembre 1621, d'où son corps fut apporté à Luynes et enterré dans l'église du ^château. De son mariage vint Louis-Charles d'Al- bert, qui suit. Sa veuve se remaria, en 1622 , avec Claude de Lorraine, duc de Chevreuse, pair et grand chambellan de France.

Louis-Charles d'Albert , duc de Luynes , etc. , fut marié trois fois : la première, en i65i , avec Marie, fille et héritière de Louis Séguier, marquis de Nesle; la seconde, le i4 décembre 1661, avec Anne de Rohan, sa filleule, morte en 1684? et la troisième en i685, avec Marguerite, fille d'Etienne d'Aligre, chanceher de France , qui elle-même était veuve du marquis de Vaneville. Il eut du premier lit Charles-Honoré , qui suit, et Paule-Charlotte-Françoise , épouse de Henri- Charles de Reaumanoir, marquis de Lavardin.

i66 HISTOIRE BE TOURAINE.

Charles-Honorë d'Albert, chevalier des ordres du roi , duc de Chevreuse, fut reçu duc de Luynes, au mois de décembre 1688, sur la démission de son père. Il avait épousé, le i^' février 1667, Jeanne- Marie, fille de Jean-Baptiste Golbert, ministre et secrétaire d'Etat, dont il eut cinq enfans, Honoré- Charles qui suit; Louis- Auguste, vidame d'Amiens; Marie-Anne , épouse du duc de Montmorenci ; Thé- rèse, mariée au comte de Mortain, et Marie -Fran- çoise, nommée mademoiselle de Chevreuse.

Honoré - Charles d'Albert, duc de Chevreuse, nommé ordinairement le duc de Montfort , ne jouit d'abord que du domaine du duché de Luynes , son père s'en étant réservé la nue-propriété pour avoir toujours l'entrée au parlement. Il épousa, en février 1694 , Anne-Marie , fille de Philippe de Coursillon , marquis de Dangeau , gouverneur de Touraine.

Charles-Philippe d'Albert, duc de Luynes et de Chevreuse , pair de France , comte de Monfort et de Tours, le 20 juillet 1695.

Marie-Charles-Louis d'Albert , duc de Luynes et de Chevreuse , pair de France , etc. , le 24 avril 1617.

Louis d'Albert, duc de Luynes et de Chevreuse, etc., colonel - général des dragons, épousa en pre- mières noces, le 28 janvier 1735, Thérèse- Pélagie d*Albert de Grimberghem. Étant devenu veuf, il se remaria, le 27 avril 1738, à Henriette-Nicole d'Eg- mont-Pignatelli , dont il eut

Louis-Joseph- Charles -Amable d'Albert, duc de

MAILLlé. 167

Luynes, le l\ novembie 174B. Il avait épousé, le 19 avril 1768, Giiyonne-Élisabeth-Josephe de Laval Montmorenci. Il est mort le ai mai 1807, après avoir aliéné la plus grande partie du domaine qui constituait son ancien duché de Ijuynes.

Le chapitre que nous avons dit avoir été fondé en i486, par Hardouin, neuvième du nom de Maillé, était composé d'un doyen avec six cha- noines, sept prcbendiers, un marguillier, et deux enfans choriaux.

Louis -Charles, duc de Luynes , fît démoHr , en i658, la tour du château, dont les matériaux ser- virent à bâtir l'enclos des religieuses chanoiaesses du Saint- Sépulchre, ordre de Saint -Augustin , qui furent par lui établies le 21 octobre 1662, à la charge d'y avoir deux prêtres, une messe tous les jours, école et caléchisme.

Ce fut de même à lui , que Luynes fut redevable d'un hospice qu'il fonda le 22 novembre 1664. Il eut sa sépulture le 10 octobre 1690, «ayant voulu» dit son épitaphe, qu'on y lisait en lettres d'or sur un marbre noir, «être enseveli avec les pauvres qu'il avait tendrement aimés et généreusement secou- rus.» Sa seconde femme Anne de Rohau, eut sa sépul- ture dans le même tombeau.

On lisait également dans l'église des chanoinesses une longue épitaphe apologétique du connétable de Luynes, surmontée de ses armes, au bas desquelles étaient ces mots : Pacc micat ^ belloque furit.

Les restes d*un aqueduc et quelques ruines

l68 HISTOIRE DE TOURAINE.

éparses sur les hauteurs de l'ancien Maillé, ont été l'objet (les recherches d'un de nos compatriotes, le chevalier de la Sauvagèrc, qui y a vu l'ouvrage des Romains , ainsi que dans tous les monumens qu'il a eu occasion d'examiner. Ces ruines l'ont con- duit à imaginer que la ville de Tours devait autre- fois avoir été bâtie sur ces hauteurs, et que ce n'est qu'à une époque qu'il ne peut indiquer qu'elle a été reportée au lieu nous la voyons aujourd'hui. Il s'appuie pour cela du nom de Cœsarodunum , parce que, dit-il, la terminaison celtique Dun ne s'applique qu'aux villes situées sur des éminences : mais il n'a pas fait réflexion que le nom de Cœsarodunum , comme nous l'avons dit ailleurs , n'avait été imposé à la capitale des Turones, que plus de deux siècles après la conquête , et dans un temps la ville de Tours était incontestablement sur le bord de la Loire. Ce n'est pas le tout; il forme sa conviction sur deux vers de Paulin de Périgueux , dans sa Vie de saint Martin , qu'il cite de cette manière :

Gallorum quondam valde florebat in oris ,

Urbs Tnromim distans ab agris , populisque referla.

Ce qui n'offre aucun sens; car, qui pourrait ex- pliquer urbs Turonwn distans ab agris Pl\ y trouve cependant celui-ci, que long-temps avant lui elle florissait dans les Gaules^ quelle était très-peu- plée , et qu'elle était distante de la ville de Tours d^ son temps. Il n'y a à tout cela qu'une légère ob-

MAILLÉ. 169

servalion h faire , c'est que saint Paulin n'a point dit, en faisant l'éloge de Tours, distans ab agris, mais bien distenta agris^ ce qui est fort différent, et ce qui s'entend à merveille. Nous nous bornerons à relever ces deux erreurs , bien convaincu que le paradoxe de la Sauvagère , ne mérite pas une plus longue réfutation.

D'après la conjecture de notre compatriote sur la situation de son ancien Cœsarodunum , il est évi- dent que Taquéduc dont il s'agit ici ne pouvait être qu'un ouvrage de Jules-César. Quoique nous ne puissions pas réfuter cette seconde assertion aussi victorieusement que la première, ni déterminer l'é- poque de la construction de cet aqueduc, nous allons à notre tour exposer notre opinion particulière. S'il n'y a eu sur les hauteurs de Maillé, ni ville de Tours, ni camp romain , notre aqueduc a avoir une destination quelconque, et voici ce que nous avons recueilli à cet égard.

Grégoire de Tours (chapitre xxi, de la gloire des confesseurs) nous apprend qu'il découvrit le corps de saint Solemne ou Solenne, évêque de Chartres , mort vers 5 1 1 , dans le monastère de Maillé, situé sur le haut d'un coteau oii l'on distin- guait quelques ruines : mais il ne dit pas que ces ruines appartinssent à l'ancien Cœsarodunum , cir- constance qu'à coup sûr il n'eût point oubliée. Or , ce monastère ne pouvait ctre que l'église que nous avons vu saint Eustoche fonder à Maillé vers 45o. 11 ne fit que s'accroître par la suite , et il existait

lyO HISTOIRE DE TOURAINE.

encore en 1084, puisque Hardouin deuxième de Maillé, en fît don, ainsi que du prieuré de Saint- Venant qu'il venait de fonder, à l'abbaye de Mar- moutier. Placé sur un lieu aussi élevé , le premier soin de ses moines devenus plus nombreux et plus riches , dût être de se procurer de l'eau plus abon- damment et avec moins de peines. N'en pouvant trouver qu'à une certaine distance , c'est-à-dire , à l'étang des Arènes et à la fontaine , dite aujourd'hui de la Pie -Noire, ils songèrent à rapprocher cette distance au moyen d'un aqueduc , procédé alors plus connu que celui des canaux souterrains. La citerne profonde qu'on remarque encore au lieu était le monastère, indique assezun réservoir pour les besoins les plus communs. Si l'on opposait la dépense qu'a pu occasioner la construction d'un pareil édifice, il nous serait facile de fournir des preuves de travaux beaucoup plus considérables exécutés dans ces temps par des maisons religieuses. Quant au chemin qu'on a baptisé du nom de César, et que la Sauvagère attribue en effet à ce conquérant , nous en trouvons l'origine dans la Charte de fondation de Hardouin II, par laquelle il permet , en 1084? aux moines, d'ou- vrir un grand chemin au milieu de ses terres , ce que probablement il n'eût pas fait s'il y en eût déjà existé un autre de la façon des Romains.

Au reste , quelle que soit l'époque de la construc- tion de cet aqueduc qui ne peut être que fort ancien par rapport à nous, nous dirons qu'indépendamment de ses piliers plus ou moins ruinés , et dont les voûtes

MAR MANDE. I7I

sont tombées , il en reste encore huit arcades entières au moyen desquelles on peut juger de son élévation. Elle est de vingt-quatre pieds du cintre à la base, qui repose sur un mur de fondation ou espèce de chaussée pratiquée dans toute l'étendue que parcou- rait Taquéduc, et dont on retrouve encore des ves- tiges dans les vigjies et dans les champs voisins, mur que la Sauva gère a pris pour des restes de celui de l'enceinte de son Cœsarodunum . Les piliers ont cinq pieds six pouces sur chacune de leurs quatre faces , à six pieds de terre seulement : mais ils diminuent progessivement d'environ six pouces par toise. Tous sont construits en moellon dur, de pierre calcaire de six pouces de parement , posés sur un lit de mortier à ciment, d'un pouce , d'épaisseur. L'ou- verture de chaque arcade est de dix pieds par la base, et de douze pieds six pouces vers le cintre , au moyen de la diminution progressive des piliers dont nous avons parlé.

Si l'on nous accorde que la ville de Tours n'a jamais existé primitivement sur les hauteurs de Luynes , on pourra croire également que cet aque- duc n'a jamais eu d'autre origine et d'autre destina- tion que celles que nous lui assignons.

MARMANDE, barootie.

La baronnic de Marmande ( Mirmanda ) , au- jourd'hui commune de Marigny-Marmande, située au midi de la Touraine, faisait autrefois partie de l'élec-

iqi HISTOIRE DE TOtîRAlNE.

tion de Loudun et du duché de Tours. Elle a donné son nom à une ancienne famille qui s'est fondue dans celle de Sancerre , mais qui devait être bien antérieure au onzième siècle, temps nous la voyons figurer pour la première fois dans un titre de l'abbaye de Marmoutier.

Bouchard I", seigneur de Marmande, et son épouse Elisabeth , vivaient, d'après ce même titre , l'an 1 080. C'est tout ce que nous en savons , et pendant l'espace d'un siècle nous ne trouvons qu'un seul nom entre ceux qui ont lui succéder.

Acharie, seigneur de Marmande, pouvait être petit-fils de Bouchard r""; il nous est connu par la guerre qu'il eut à soutenir, vers l'an 1 148 ou 11 5o, contre le vicomte de Chatellerault, le seigneur de Faye et celui de l'Ile-Bouchard , à la suite de laquelle son château fut rasé de fond en comble, et lui-niême fait prisonnier et renfermé au château de Nouâtre : mais par la suite il recouvra sa liberté , grâce aux bons offices de Bernier, abbé de Noyers.

Guillaume , seigneur de Marmande , accompagna, en iai4, Philippe- Auguste, en qualité de chevalier banneret, à la célèbre bataille de Bovines, contre l'empereur Othon, le roi d'Angleterre et le comte de Flandres. Il avait épousé Béatrix, seconde fille de Gautier de Montsoreau et de Marguerite de Loudun , dont il eut Bouchard qui suit.

Bouchard , deuxième du nom , seigneur de Mar- mande, ratifia, au mois d'août 1276, la vente des bois de laChateigneraie, faite quelques années aupa-

MA.RMANDE. I yS

ravant par Thomas do la Roche-Clermau, à Vincent de Pilmil , archevêque de Tours.

Guillaume , deuxième du nom , seigneur de Mar- mande , était probablement fils du précédent; car, par un compte du bailliage de Touraine, rendu en 1278 par Denis de Paray , bailU, nous voyons que Guillaume II vivait dans cette même année, ce qui indique que Bouchard II serait mort dans l'in- tervalle de 1276 à 1278.

Pierre, chevalier, seigneur de Marmande, de La Haye , de Faye-la-Vineuse , et de la Roche-Clermau, institua , le 1 1 juillet 1 343, avec Isabelle de La Haye , son épouse , quatre chapelains à Chinon , du consen- tement de Pierre de Frctaud , archevêque de Tours. Il n'eut qu'une fille unique qui hérita des baronnies de Marmande et de La Haye.

Marguerite , dame de Marmande , fut mariée à Jean III, comte de Sancerre, fils aîné de Louis II, connétable de France , et de Béatrix de Roucy. De cette alliance sortirent Marguerite et Jeanne.

Marguerite , deuxième du nom , comtesse de Sancerre , baronne de Marmande , de Saint-Michel sur Loire, de La Haye , et de Faye» fut mariée quatre fois. La première à N., seigneur de Retz; la deuxième à Béraud II , comte de Clermont , dauphin d'Auvergne; la troisième à Jacques dcMonberon, et la quatrième à Jean III de Bueil , comte de San- cerre. Elle eut deux enfans de son second ma- riage , Marguerite de Clermont , et Béraud III , comte de Clermont et dauphin d'Auvergne, avec

1^4 HISTOIRE DE TOUR AINE.

lequel la mère transigea , le 11 novembre i4o9i à la condition qu'elle conserverait en toute propriété la seigneurie de Marmande et les autres terres situées en Touraine et en Anjou. Béraud III étant mort sans enfans , Marguerite, sa sœur, hérita de tous ses biens , qu'elle porta par mariage dans la mai- son de Bueil.

Jean , troisième du nom , sire de Bueil , grand- maître des arbalétriers de France, eut de Margue- rite, son épouse, Jean de Bueil qui suit; Pierre, seigneur de la Motthe-Sonzay ; Louis, mort sans postérité ; Guillaume-Hardouin , évêque d'Angers , et trois fdles.

Jean , cinquième du non! , sire de Bueil , comte de Sancerre, baron de Marmande , amiral de France, épousa en premières noces Jeanne de Montejan , dont il eut Antoine de Bueil , comte de Sancerre. Il épousa en secondes noces Marguerite , fille d'An- toine Turpin-Crissé qui donna naissance à Edmond qui suit.

Edmond de Bueil , baron de Marmande , seigneur de Faye-la-Vineuse , fut marié à Françoise de Laval. Il fallait que son mari fut mort en 1 507 , car elle figure comme tutrice de ses enfans mineurs à la réformation de la coutume de Touraine, faite en cette même année. De cette alliance sortirent Louis , Isabelle et Françoise qui donna sa procuration en 15^9 pour assister à la réformation de la coutume de Touraine;, comme dame en partie de la baroimie de Marmande. Elle mourut depuis sans avoir été mariée.

j

MÉSIÈRES. 175

Louis de Buell, baron de Marraaude, mourut sans alliance , laissant sa succession à ses sœurs, dont Taînée Isabelle avait épousé Joachim Gillier.

Joachim GilUer, seigneur de Puy-Garreau , baron de Marmande et de Faye , eut de son mariage avec Isabelle de Bueil un fils unique.

Bonaventure Gillier épousa Marie , fille de Phil- bert Babou , seigneur de la Bourdaisière. De ce ma* riage sont issus René qui suit , et Anne , épouse de René de Larochefoucauld , seigneur de Neuilly-le- Noble , en Touraine.

René Gillier , baron de Puy-Garreau et de Mar- mande, eut pour femme Claude, fille de Pierre de Laval , baron de Lezay , d'où sont sortis Urbain , et Magdeleine , épouse de Balthazar le Breton , seigneur de Villandry , baron de Mondoucet.

Urbain Gillier, marquis de Puy-Garreau, baron de Marmande , eut d'une épouse dont nous ignorons le nom, Urbain et Gabriel Gillier, comte de Clé- rembault.

Urbain, deuxième du nom, marquis de Puy-Gar- reau , baron de Marmande, mourut sans postérité.

Louis Gillier, marquis de Puy-Garreau, baron de Marmande , laissa plusieurs enfans sur lesquels la baronnie de Marmande fut décrétée et adjugée à Gabriel Gillier, comte de Clérembault, leur oncle paternel , dans la famille duquel elle est restée.

MÉZIÊRES , MARQUISAT.

Le château de Mézièrcs { Maceria)^ ancienne-

1^6 HISTOIRE DE TOUR AINE.

ment nommé Mazère , du mot latin macéra , était seulement du duché de Touraine, et situé sur la Claîse, dans la paroisse de Subiray. Il y avait dans le château une chapelle desservie par les chanoines du heu. On donne à ce pays le nom de Brenne ; ainsi Tondit Villiers en Brenne ; Saint-Siran en Brenne, etc. On croit, mais nous ne l'affirmerions pas, que cette dénomination lui vient de Geoffroy de Brenne, pre- mier mari de Jeanne de Mézières , pour distinguer ce Mézières de plusieurs autres lieux de Touraine et d'Anjou qui portent le même nom. Cette seigneurie fut érigée en marquisat en faveur de Nicolas d'Anjou , seigneur de Saint-Fargeau , fils de Nicolas d'Anjou et d'Antoinette de Chabannes , par lettres patentes de Charles IX du i6 juillet i566.

Jeanne de Mézières , épousa Hervé, troisième du nom, seigneur de Vierzon , fils de Guillaume IL De ce mariage naquit une fille unique.

Jeanne de Vierzon , dame de Mézières , fut mariée deux fois : la première à Geoffroy de Brenne, que Ton suppose avoir donné son nom au pays de Brenne. Il était fils aîné de Robert de Brenne, comte de Dreux et seigneur de Rochecorbon ; et la seconde à Geoffroy de Brabant, sire d'Arschot, frère puîné de Jean , duc de Brabant. Jeanne n'eut point d'enfans de Geoffroy de Brenne. Elle eut sa sépulture dans l'église des cordeliers de Vierzon qu'elle avait fait bâtir , on lisait cette épitaphe :

Johanne , dame de Yierz9n, De Maizière et Rochecorbon ,

BJEZIERES. 177

Cy fist l'iune et l'autre maison. Dieu li face à lanue pardon.

Nous aurons lieu de parler plus amplement de Geoffroy de Brenne, à l'article des seigneurs de Roclie- corbon.

Geoffroy de Braban , sire d'Arschot, fils de Henri, duc de Brabant, et d'Alix de Bourgogne, fut sei- gneur de Mézières et de Rociiecorbon , du chef de Jeanne , son épouse. Il en eut Jean de Brabant , qui suit, et Alix, dame de Mézières , après la mort de son frère , laquelle fut mariée à Jean , baron d'Har- court.

Jean de Brabant , seigneur de Mézières et de Ro- checorbon, épousa Marie , dame de Mortagne , dont il n'eut point d'enfans. Il fut tué à la bataille de Coutras, l'an 1 3o2 , laissant sa succession à son beau- frère, ou plutôt à Alix, sa sœur.

Jean d'Harcourt , troisième du nom , dit le Boi- teux , vicomte de Chatellerault , fils de Jean II , dit le Pieux, maréchal et amiral de France, posséda les seigneuries de Vierzon et de Mézières, qui, comme nous l'avons dit, échurent à Alix sa femme. Il mou- rut le 9 novembre iSaô, laissant quatre fils et quatre filles.

Jean d'Harcourt , quatrième du nom , fils aîné du précédent , seigneur de Mézières , se trouva engagé dans les intérêts de Charles d'Évreux, roi de Na- varre, dit le Mauvais. Arrêté le 6 avril i355 , son procès lui fut fail , et , ayant été condamné à avoir la tête tranchée, il fut exécuté au mois d'avril i357, 3. 1^

rjS HISTOIRE DE TOCRAINE.

SOUS le règne du roi Jean : mais Charles V , parvenu a la couronne, reconnut que le jugement avait été rendu avec trop de précipitation, et que les formalités judiciaires n'avaient pas ctë observées. En consé- quence, il rétablit sa mémoire par une déclaration de l'année 1 374. Il avait été marié avec Blanche , fille aînée de Jean de Ponthieu , comte d'Aumale, et de Catherine d'Artois. De ce mariage sortirent onze enfanis.

Jean d'Harcourt , sixième du nom, fils de Jean V, seigneur de Mézières, fut marié a Catherine, fille de Pierre de Bourbon, premier du nom, comte deClei^- mont et de la Marche. Il mourut le 29 février i388, laissant plusieurs enfans.

Jean d'Harcourt, septième du nom, vicomte deClia- tellerault, seigneur de Mézières , fils aîné de Jean VI, épousa , le 1 7 mai 1 389 , Marie , fille de Charles de Yalois , comt€ d'Alencon. Il eut avec son frère Louis d'Harcourt, archevêque de Rouen , un différend re- liatif à la succession de leur mère. Par un accord fait entre eux le 18 février i4o4? Louis renonça à toutes ses prétentions , moyennant la vicomte de Chatellerault , les seigneuries de Mézières et de l'île Savary , dont il jouirait pendant sa vie seulement. Jean , après la mort de Louis, étant rentré en posses- sion de ses domaines, vendit, en i44o? sa seigneurie de Mézières et la vicomte de Chatellerault à Charles d'Anjou.

Charles d'Anjou , comte du Maine , troisième fils <le Louis d'Anjou , deuxième du nom , roi de Sicile

MÉZièRES. 179

et d'Yoland d'Aragoa , était au cliàteau des Mon- tils-les-Tours,en i4i4- Il rendit aveu à Charles VII pour la seigneurie de Mézières, au château de Chinon, le i4 janvier 144^5 ^t mourut le 16 avril 1472. De sa seconde femme, Isabelle de Luxembourg, il eut Charles IV, roi de Naples , et Louise, femme de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours. Il eut aussi deux fils et une fille naturels. Louis, qui fut la souche des marquis de Mézières, Jean, mort sans postérité, et Jeanne, mariée à N. d'Autriche.

Louis d'Anjou , bâtard du Maine , fut légitime à Amboise au mois de mai 1468. Son père, de son vivant , lui avait donné la baronnie de Mézières, par lettres expédiées à Poitiers, le 10 mars i465. Cette donation fut confirmée le 10 août suivant, par Charles IV , roi de Sicile. Cent ans après cette ba- ronnie fut érigée en marquisat par le roi Charles IX , le 16 juillet i566. Louis d'Anjou fut marié à Anne, fille de Louis de J^a Trémouille, premier du nom , et de Marguerite d' Amboise. De cette alliance vinrent Louis, mort jeune; René qui suit; Anne, et Renée femme de François , vicomte de Rochechouart , tous les quatre nés à Mézières.

René d'Anjou, marquis de Mézières, seigneur de Saint-Fargeau , à Mézières, le 5 octobre i483, servit dans la marine et participa à la prise de la ville de Gènes , en 1507. l\ épousa Antoinette, fille aînée de Jean de Chabannes , comte de Dammartin , et de Susanne de Bourbon -Roiissillon , dont il eut Nicolas, Louis abbé de Pont -le- Voy, et trois filles.

l8o HISTOIIIE DE TOUR AINE.

Ce fut en sa faveur que Charles IX , en 1 567 , érigea la terre de Mézières en marquisat.

Nicolas d'Anjou , marquis de Mézières , comte de Saint - Fargeau , eut pour femme Gabrielle , fille imique de Guy d'e Mareuil, et de Catherine de Cler- mont. Il mourut en î 568, ne laissant de ses cinq enfans qu'une fille née à Mézières, le 21 octobre i55o , et mariée en 1 566 à François de Bourbon , duc de Montpensier.

François de Bourbon , dauphin d'Auvergne , duc de Montpensier, gouverneur, lieutenant - général de Touraine, fut marquis de Mézières, en i567, ^ cause de sa femme Renée d'Anjou, de laquelle il n'eut qu'un fils.

Henri de Bourbon, dernier duc de Montpensier, prince de Dombes , marquis de Mézières , épousa Henriette-Catherine de Joyeuse, fille unique de Henri , comte du Bouchage , maréchal de France. De ce mariage est sortie une fille unique.

Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, première femme de Gaston Jean-Baptiste de France, duc d'Orléans. Elle mourut au Louvre, le 4 juin 1627.

Anne-Marie-Louise d'Orléans , duchesse de Mont- pensier, de Chatellerault, de Saint - Fargeau , mar- quise de Mézières , souveraine de Dombes , princesse de la Roche-sur- Yon et dauphine d'Auvergne, née à Paris, le 29 mai 1627 , et morte au Luxembourg, le 5 avril 1693, sans avoir été mariée. Avant sa mort elle avait vendu le marquisat de Mézières à N. , du-

MIRÉ. l8l

chesse de Mortemart , qui Ta transmis aux ducs de son nom.

MIRE, BARONNIE,

Miré ( Miriacus Ficus ) , est un bourg de très- peu d'importance , situe à environ trois lieues sud- sud-ouest de Tours, entre les communes de Ballan et d'Artanne : mais ses landes, connues sous le nom de landes de Gliarlemagne, ont droit à quelque renommée puisqu'il paraît certain que c'est sur ce ter- rain aride et découvert que se donna, en 7 32, la cé- lèbre bataille dans laquelle Charles-Martel défît les Sarrasins, commandés par Abdérame, qui y perdit la vie ainsi que la plus grande partie de son armée. Nous renvoyons à ce sujet à ce que nous avons dit de cette bataille dans notre troisième livre , année 782.

Les anciens barons de Miré ne nous sont connus que parce qu'ils étaient au nombre des huit qui avaient le droit de porter l'archevêque de Tours , le jour de son entrée solennelle dans sa cathédrale. Nous avons déjà dit que, dans cette cérémonie, le baron de Miré, faisant l'office d'écuyer-tranchant , pouvait s'approprier les couteaux et les fourchettes qui avaient servi au dîné. Depuis que cette baronnie avait cessé d'exister, c'était l'église de Tours qui fai- sait remplir par l'un de ses membres les fonctions d'écuyer-tranchant. C'est en cette seule circonstance que nous voyons qu*il soit fait mention des barons

i8a histoire.de touba.ine,

(le Miré , qu'on ne voit point figurer ailleurs clans notre histoire , au point qu'il nous serait impossible d'indiquer l'origine de cette baronnie, ainsi que l'é- poque oii elle s'est éteinte.

Parmi les chevaliers bannerets, dont nous avons donné la liste d'après André Duchesne , se trouve un Guillelmus de Meriaco que nous n'oserions pas assu- rer être un baron de Miré , parce qu'il y a également eu Touraine une commune de Méré. Cependant les noms chez Duchesne sont écrits d'une manière si incorrecte , et la seigneurie de Méré était si peu im- portante , qu'il ne serait pas impossible que ce ban- neret eût été réellement un baron de Miré.

MONTBAZON, duché-p/Virie.

Le château et la ville de Montbazon ( Mons Baso- nis ) sont situés sur l'Indre , à trois lieues de Tours, sur la route qui conduit à Poitiers. Le château fut bâti à la fin du dixième siècle par Foulques Nerra, comte d'Anjou, seigneur de Loches , qui s'emparait volontiers et sans titres des situations les plus avan- tageuses pour y construire des citadelles. Les reli- gieux de Cormery prétendirent toujours que la pro- priété du fond du château de Montbazon leur appartenait , et que c'était pour cela que ces sei- gneurs leurs devaient cinq sous de rente payables tous les ans dans une bourse neuve, le jour de la conversion de saint Paul, jour auquel ils avaient

MOIVTBAZON. l83

coutume d'appeler le seigneur de Montbazon à l'of- fertoire de la messe.

Ce château ne fut pas plus tôt bâti que, malgré la distance , l'abbaye de Cormery en sentit toute l'in-* commodité , les soldats de la garnison faisant des courses sur ses terres et jusqu'à ses portes. Ils s'en plaignirent à Foulques, qui leur accorda des lettres de sauve-garde pour tous leurs biens, lettres dont la confirmation par le roi Robert était soigneusement conservée dans les archives du monastère.

Eudes II, comte de Touraine, s'étant emparé de Montbazon , Foulques Nerra vint l'assiéger dans le dessein de le reprendre; mais Eudes étant accouru au secours avec de bonnes troupes, le comte d'Anjou fut obligé de se retirer.

Ce fut en ce château que Pierre , <luc de Bretagne , qui avait succédé à François , son frère aîné , vint rendre foi et hommage au roi Charles VII, le 3 no- vembre i45o, pour son duché de Bretagne, ainsi que nous l'avons détaillé dans notre histoire.

Cette seigneurie fut érigée en comté par Charles IX , au mois de décembre 1 669 , en faveur de Louis de Rohan , sixième du nom , prince de Guémené, et depuis, en duché-pairie en faveur de Louis VII, de Rohan, par lettres données à Paris au mois de mai i588, et enregistrées au parlement, séant à Tours , le ^7 avril iSSg. lia justice y était exercée par un bailli, un procureur de cour et un greffier. Douze paroisses en relevaient , et les appels allaient au présidial de Tours.

l84 HISTOIRE DE TOURAIKE.

Le château n'offre plus que des ruines au milieu desquelles reste encore debout une grosse tour dé- gradée seulement vers sa sommité, sur laquelle on a récemment établi un télégraphe.

On distingue deux familles de Montbazon. La pre- mière n'a subsisté que pendant un siècle. La seconde s'est fondue dans la maison de Rohan. Un titre de l'abbaye de Cormery , sous le roi Robert II , fait men- tion d'un Godefroy de Montbazon. Un autre titre parle d'Aldegaire de Montbazon ; enfin , dans un in- ventaire des titres deMarmoutier, nous avons trouvé un Hugues de Pocens, seigneur de Montbazon, cité, ainsi que sa femme Adenarde, à la date du 28 février 1095 : mais, selon toute apparence, ils n'en furent que gouverneurs, l'usage d'alors étant que ces sortes d'officiers portassent le titre de seigneurs des lieux oîi ils commandaient.

Payen de Mirebeau , autrement nommé Hémery Payen, seigneur de Colombiers, est reconnu pour le chef de la première famille de Montbazon. Il était fils de Guillaume de Mirebeau, auquel Foulques Nerra avait donné le gouvernement de Montbazon. Il épousa Bélutea de Sainte-Maure , dont il eut trois enfans, Jean, Geoffroy et Archambaud , du consen- tement desquels il fit quelques dons à l'abbaye de Fontevraut sous le règne de Philippe T'.

Jean, seigneur de Montbazon, épousa, comme nous l'avons dit à l'article de La Haye, Cassinotte, dame de La Haye, et vicomtesse de Tours, du con- sentement de laquelle il ratifia le don fait par son

3IONTBAZOÎÎ. l85

père à Tabbaye de Fon levraut. On présume qu'il fut père de Pierre qui suit.

Pierre, seigneur de Montbazon , eut un fils nommé Jean, qui vendit, en iii5, la seigneurie de Mont- bazon à FouIques-le-Jeune , comte de Touraine, entre les mains duquel et de ses successeurs elle demeura jusqu'à Tannée i2o4, époque de la ré- union de la Touraine à la couronne. En effet, Mont- bazon fut donné en douaire à Eléonore de Poitou , veuve de Henri II, roi d'Angleterre, et Ricbard Cœur-de-Lion, son fils, l'assigna pareillement pour douaire avec la ville de Loches à la reine Berengaire, son épouse. C'est ici que finit la première branche des seigneurs de Montbazon.

Philibert Savary, seigneurs de Colombiers , reçut Montbazon de la générosité de Philippe- Auguste. Il mourut peu de temps après en avoir pris possession , c'est-à-dire vers i2o4ou i2o5.

Pierre Savary, deuxième du nom, seigneur de Montbazon et de Colombiers, s'obligea, l'an 1206, envers Philippe-Auguste, de remettre Montbazon entre ses mains toute les fois qu'il en serait requis ; promettant de ne le point fortifier sans son agrément. Ce même roi le choisit, en iii/^, avec Guy Turpin , l'abbé de Marmoutier, et l'archidiacre de Tours, pour traiter de la paix avec le roi d'Angleterre. Il assista la même année à la bataille de Bovines, et donna, au mois de juillet 1220, à l'Hotel-Dieu de Tours tout ce qu'il possédait au heu de Bois-Robert, dans la paroisse de Savonnières, excepté le droit de

l86 HISTOIRE DE TOURAINE.

chasse. Il épousa la fille de Gautier, seigneur de Montsoreau. Un titre de l'abbaye de Marmoutier BOUS apprend qu'elle se nommait Féno, son fils Emepy et ses filles Mabille , Mathilde et Tiphaine. Il paraît qu'il y eut encore un autre fils nommé Pierre.

Hëmery ou Emery Savary, seigneur de Montbazon, épousa Alix. De cette alliance vinrent Philippe et Pierre qui, en laSa et I233, étaient sous la tutelle d'André de Chavigny. Celui-ci étant mort, ils eurent pour tuteur, en 1^38 et 1^39, Pierre, leur oncle paternel , qui , suivant l'usage, prenait le titre de sei- gneur de Montbazon. Alix était morte au mois de juin 1232.

Philippe ou Philbert Savary , fils aîné d'Emery , promit au roi saint Louis , Tan 124^, de lui remettre son château de Montbazon quand il l'exigerait. Il mourut en i2 5o sans postérité.

Pierre Savary , troisième du nom , frère d'Emery , s'obligea en ia5o de payer au roi 70 liv. pour le rachat de la terre de Montbazon qui lui était échue par la mort de Philippe, son neveu. Ses enfans furent Geoffroy, et Renaud archevêque de Tours. Nous trouvons aussi un Jean de Montbazon qui fit, avec Hugues de Ghâtillon , une transaction que Geoffroy s'obligea, en 1271 , ainsi que Guillaimie de Sainte- Maure, de faire ratifier par ses enfans.

Geoffroy Savary , autrement nommé Payen Valet, assis^ta Philippe-le-Hardi, l'an 1 27 1 , contre le comte de Fôix, accompagné d'un chevalier et de cinq écuyers.

MONTBAZON. 187

Il fut fait chevalier Fan 1287 , et donna quittance de 22 liv. qu'il avait reçues propallio novœmilitiœ. Il épousa Jeanne , fille de Bouchard VI , comte de Vendôme, morte le 2 5 décembre i3o2 , et enterrée dans l'église des cordeliers de Tours. Il paraît qu'il n'en eut qu'un fils.

Barthélemi , premier du nom , seigneur de Mont- bazon , de Colombiers , d'Isernay et de Bois-Robert. Il fut marié deux fois ; la première avec Marie , fille de Robert II , de Dreux , et la seconde avec Jeanne Barbe, dame de Grillemont. Il mourut en i347, ^^ sa veuve se remaria à Hugues de Villaines. Les enfans du premier lit furent Barthélemi, et Jeanne, femme de Hardouin VI de Maillé. Jean de Mont- bazon fut le seul fruit du second mariage.

Barthélemi II , nommé ordinairement Berthelon ou Berthin , eut trois enfans , Barthélemi qui mou- rut en 1349, ^^"^ enfans de Jeanne de Maulevrier, son épouse ; Renaud , et Jean avec lesquels leur père se déclara héritier de Barthélemi , son fils aîné , par acte du 5 avril i35o. En i35i , il assigna une rente de trois muids de froment à l'Hotel-Dieu de Tours , sur les dîmes de Savonnières, moyennant 100 florins d'or, nouvellement faits à VÉcu. Il fut une des cau- tions du roi Jean , et vivait encore en i362.

Renaud, seigneur de Montbazon, fonda dans son château une chapelle, d'accord avec Eustache d'An- thenaise, son épouse. De leur mariage, fait en i35o, sortit Aine fille unique.

Jeanne, dame de Montbazon, Colombiers, Mont-

l88 HISTOIRE DE TOUR AINE.

soreau , etc. , fut mariée deux fois ; la première avec Simon , fîls puîné de Bouchard VII , comte de Ven- dôme , et la seconde à Guillaume II de Craon , vicomte de Ghâteaudun , auquel elle porta en mariage les seigneuries de Montbazon , Colombiers , Savon- nières , Montsoreau , la Perrière , Moncontour , le Brandon, et plusieurs autres grandes terres. Elle fit son testament en 1 894 , et eut sa sépulture dans l'église des Cordeliers de Tours.

Guillaume de Craon , troisième du nom, seigneur de Montbazon , vicomte de Ghâteaudun , baron de Sainte-Maure , Pressigny , la Ferté - Bernard , eut de son alHance avec Jeanne de Montbazon : Guil- laume IV; 2** Jean ; Marguerite, épouse de Guy de La Rochefoucauld; Marie, femme de Louis Cha- bot; 5" Isabelle, qui épousa Guillaume Oudart, sei- gneur de Verrières; 6" Louise, femme de Milez de Hangest , dit Rabâche ; 7'* enfin , Jeanne , femme de Pierre de Tournemine , seigneur de la Hunaudaye.

Guillaume de Craon, quatrième du nom , cheva- lier, seigneur de Montbazon, etc., rendit hommage au roi Charles VI , en 1 392 , pour les seigneuries de Montbazon et de Sainte-Maure. Il mourut en 1396. D'après son testament fait en cette année, son corps fut apporté aux Cordeliers de Tours , il eut , selon sa volonté , sa sépulture auprès de sa mère.

Jean de Craon, chevalier, second fils de Guil- laume III, succéda à son frère, mort sans postérité. Il fut tué à la bataille d'Azincourt, l'an i4i5 , sans

MONTBAZON. 189

avoir eu d'enfans de Jacqueline de Montagu , son épouse : sa succession échut ainsi à ses deux sœurs Marguerite et Marie qui la partagèrent en i4i9-

Guy de La Rochefoucauld hérita , du chef de Mar- guerite de Craon , son épouse , les seigneuries de Montbazon , Sainte-Maure , Nouâtre et le Brandon. Marguerite ayant survécu à son mari, elle rendit foi et hommage à Charles VII, pour les terres qu elle possédait. De leur alliance naquirent cinq enfans, 1" Foucauld III; Aymard; 3" Hector, mort jeune; 4** Catherine-Agnès; Létice.

Aymard de La Rochefoucauld eut en partage les seigneuries de Montbazon , de Sainte-Maure et de Nouâtre , ce qui fut le sujet d'un procès entre sa mère et lui ; mais ils transigèrent le i8 août i453. De son mariage avec Jeanne de Martreuil, il eut Jean qui suit; Françoise, mariéeà Jean d'Estoute ville chevalier, seigneur de Torcy; Jeanne, épouse de Jean Dufou ; et Guillemette.

Jean de La Rochefoucauld mourut sans avoir été marié , vers Tan i465.

Françoise de La Rochefoucauld fut dame de Mont- bazon , de Sainte-Maure et de Nouâtre , par le décès de Jean , son frère. De son mari Jean d'Estouteville , prévôt de Paris , et grand-maître des arbalétriers de France, elle eut Louis, mort sans postérité, laissant sa sœur Jeanne, épouse de Jean Dufou , héritière de tous ses biens.

Jean Dufou, chevalier, chambellan du roi Louis XI, et son premier échanson , bailli et gouverneur de

\

igO HISTOIRE DE TOURAINE.

Touraine , fut , du chef de sa femme , seigneur de Montbazon , Sainte-Maure et Nouâtre. Il eut d'elle une fille unique.

Renée Dufou fut mariée deux fois : la première avec Louis de Rohan , seigneur de Guémené , troi- sième du nom, mort le 29 août 149B, et la seconde avec Guillaume de La Marche. Du premier lit elle eut un fils du nom de son père.

Louis IV de Rohan , seigneur de Guémené , Montbazon, etc., bailli et gouverneur de Touraine, fut marié avec Marie , fille puînée de Jean II, vicomte de Rohan , qui le rendit père de Louis V et de Renée. Louis V de Rohan , seigneur de Guémené , Montauban , Montbazon , Sainte-Maure et Nouâtre , épousa Marguerite de Laval - Montmorenci, dont Louis VI de Rohan.

Louis VI de Rohan, prince de Guémené , comte de Montbazon, etc., sénéchal d'Anjou, épousa Eléonore, fille de François de Rohan , seigneur de Gié, dont il eut quatre fils et six filles : Louis qui suit ; Pierre prince de Guémené; Hercule; Alexandre; Renée, Lucrèce , Isabelle , Eléonore , Sylvie et Marguerite.

Louis VII de Rohan, premier duc de Montbazon, pair de France , prêta serment en cette qualité , le ^7 avril 1689, et mourut le 1*' novembre de la même année sans avoir été marié, de sorte que le duché de Montbazon retourna à Louis, pi^ince de Guémené , son père, qui en disposa en faveur d'Her- cule de Rohan, son troisième fils, du consentement de Pierre qui se trouvait son aîné.

MONTÉ AZON. 19 1

Hercule de Rohan , duc de Montbazon , comte de Rochefort, grand- veneur ch France, gouvei^neur de Paris et de l'Ile-de-France, fut confirmé dans le duché ck Montbazon que lui avait cède son père, par lettres de Henri IV données à Chartres, au mois de mars 1 594- Il mourut à Couziers , près Montbazon , le 1 6 octobre 1654, âgé de quatre-vingt-six ans, ayant été marié deux fois. La première à Madeleine de Lénoncourt, morte le 28 août i6o3 , et la deuxième avec Marie de Bretagne , fdle du comte de Vertus. Du premier lit il eut Louis VIII qui suit , et Marie , femme du connétable de Luines. Il eut du second lit François, prince de Soubise; Marie-Éléonore, abbesse de Male- noûe , et Anne , seconde femme de Louis-Charles , duc de Luines.

Louis VIII de Rohan , prince de Guémené, due de Montbazon, grand- veneur, chevalier des ordres du roi. Il mourut à Paris le 19 février 1667, à soixante- huit ans. Il avait épousé Anne de Rohan , princesse de Guémené, sa cousine-germaine. De ce mariage sont venus Louis, nommé M. de Rohan et Charles qui suit.

Charles de Rohan , duc de Montbazon , prince de Gi;émené, etc. , épousa Jeanne-Armande fille de Henri de Schomberg , maréchal de France , de laquelle il a eu trois fils et trois filles , Charles , Jean-Baptiste dit l'abbé de Rohan , et Jean dit le prince de Montau- ban; Thérèse, Elisabeth et Charlotte.

Charles II de Rohan, duc de Montbazon, etc., fut marié deux fois. La première ea août 1678, a Marie-

iga HISTOIRE DE TOURAINE.

Anne , fille du duc de Luines , et la seconde en dé- cembre 1679, à Charlotte - Elisabeth de Cochefilet. De ce mariage sont issus François-Armand , nommé le prince de Rohan; Louis -Henri -Casimir, nomme le comte de Rochefort ; le chevalier Charles de Rohan et cinq filles, Charlotte, Thérèse, N. nommée mademoiselle de Rochefort , Marie-Anne et Eléonore- Angélique, dont aucune ne fut mariée.

François-Armand , prince de Guémené , duc de Montbazon , succéda à Charles II , son père. Son fils, le duc de Montbazon , est mort à Cousiers, il était dans une espèce d'exil pour parvenir à l'extinc- tion de ses dettes.

Ainsi que nous l'avons vu , plusieurs terres impor- tantes, telles que celles de Nouâtre, de Colombiers, autrement Villandry, et surtout de Sainte-Maure , étaient tombées par alliance dans la maison de Rohan, et avaient concouru à faire ériger Montba- zon en duché -pairie. Ce fut, si l'on en excepte Loudun, le premier duché -pairie qui fut érigé dans la Tou- raine proprement dite , dans les derniers temps ils étaient au nombre de cinq, sans compter celui de la province.

MONGOGER, duché-pairie.

Mongoger, Mongauger, ou Mongogier (^ Mon- gaugerius ) , est un château situé à environ huit lieues sud-ouest de Tours dans une commune du même nom réunie depuis à celle de Saint-Epain. Il avait

3I0NG0GER. igS

autrefois donné son nom à une famille de Mongogier, fondue dans la maison de Sainte-Maure , par le ma- riage d'une fille de Philippe de Mongogier avec Hugues II , seigneur de Sainte-Maure. Depuis elle passa à un puîné de cette maison , d'où sont venus les Sainte-Maure-Mongogier , héritiers du nom et des armes de Sainte-Maure. Cette terre fut par la suite érigée «n marquisat, et enfin en duché-pairie, ainsi que nous allons le voir.

Philippe de Mongogier est le seul de ce nom dont nous ayons connaissance; il maria, comme nous venons de le dire, sa fille à Hugues II, seigneur de Sainte-Maure , dont il eut

Pierre de Sainte-Maure, seigneur de Mongogier, qui épousa Mahaud dont le nom de famille n'est pas venu jusqu'à nous. De ce mariage naquirent quatre garçons et deux filles, savoir : Pierre qui suit , Guil- laume, chancelier de France en l'^ig, Guy et Hugues , Jeanne et Iseult , mariée à Geoffroy de Pal- luau. On tient que la branche de Sainte-Maure, ducs de Montausier et marquis de Jonsac, tirait son origine de ce Guy de Sainte-Maure.

Pierre de Sainte-Maure , deuxième du nom , sei- gneur de Mongogier , fut marié à Marguerite d'Am- boise , dame de Blo , dont il eut :

Jean de Sainte-Maure, seigneur de Mongogier, qui épousa Jeaime , dame Des Roches en Anjou , et de La Haye-Jouslin. De ce mariage vinrent Jean II et Charlotte de Sainte-Maure , femme de Guy de Laval, seigneur de Loué.

3 i3

1^4 HISTOIRE DE TODRAIPfE.

Jean de Sainte -Maure , deuxième du nom, sei- gneur de PvTongogier, de Nesle, de La Haye et Des Roches, prit alliance avec Jacquette de Puysieux, nièce de Renaud de Chartres , archevêque de Reims et chancelier de France. Il en eut un fils unique nommé Charles. Devenu veuf, il se remaria avec Louise de Rochechouart , dont il eut un autre fils du même nom de Charles.

Charles de Sainte-Maure, fils aîné de Jean, sei- gneur de Mongogier et de Nesle, fut marié à Cathe- rine de Tourville , dont il n'eut qu'une fille.

Antoinette de Sainte-Maure , dame de Mongogier et de Rivarennes , fut mariée à Louis de Barathon. De leur mariage naquit

Guyonne de Barathon , qui porta en dot la sei- gneurie de Mongogier à Jacques de Brillouet, son mari , dont elle n'eut également qu'une fille.

Charlotte de Brillouet fut femme de Louis do Boauveau, seigneur des Aurais et de Rivarennes. Nous ignorons s'ils eurent des enfans , mais la terre de Mongogier passa en d'autres mains.

Louis de Burgensis fut seigneur de Mongogier par l'acquisition qu'il en fit. Premier médecin de Henri H, il l'avait été précédemment de François P"*, et con- trihua beaucoup , dit-on , à abréger la captivité de ce monarque, en persuadant à Charles-Quint que l'air de Madrid serait mortel à son prisonnier , qui pour- tant n'était malade que d'ennui; ce qui fit craindre à l'empereur de perdre les dix-neuf cent mille écus d'or qu'il espérait pour la rançon du roi. Ce médecin

MONÛOGER. 195

était a Bîois, vers i494) ^t? suivant la coutume de SCS confrères , il latinisa son nom de Bourgeois en celui de Burgensis , sous lequel il est plus particu- lièrement connu.

Claude de Burgensis, fds du précédent, secrétaire des finances du roi, seigneur de Mongogier et de Saint-Épain , terres que ses héritiers vendirent après sa mort.

Michel Duguast, chevalier de l'ordre du roi, dont nous avons parlé à l'article des gouverneurs de la ville et château d'Amboise. De cent mille écus qu'il avait reçus pour l'indemniser des fortifications qu'il avait ajoutées à ce château , il acquit la seigneurie de Mongogier, qui pour lui fut érigée en marquisat, et , après sa mort , vendue par décret sur ses héri- tiers. Elle rentra alors dans la maison de Beauveau, qui l'avait déjà possédée quelque temps. Un autre Louis de Beauveau en était possesseur au commen- cement du dix-huitième siècle. De lui elle est entrée dans la maison de Choiseul. C'est en faveur de César- Gabriel, comte de Choiseul-Chevigny, qu'en 1762 ce marquisat fut érigé en duché-pairie sous l'appel- lation de Praslin , pendant le ministère de son parent le duc de Choiscul-Stain ville.

Regnault-César-Louis de Choiseul fut, en 1790, le dernier qui ait porté le titre de duc de Praslin. La terre de Mongogier est encore possédée par une dame du nom de Chois^iul , madame de Gorlier- Choiseul.

iq6 histoire de tour xVine.

MONTRÉSOR, comté.

Montrcsor ( Mojis Thesauri ) est situé à treize lieues sud-est de la ville de Tours, sur la rive gauche de rindrois, et à quatre lieues de Loches. C'était sans contredit le plus ancien comté de la province, puisque Balderic ou Baudry , abbé de Bourgueil et évêque de Dol , donne déjà, vers j Ii5, le titre de comte à Bouchard I". A la vérité , on ne voit pas comment est venu aux seigneurs de Mon trésor ce titre qui n'appartenait alors qu'aux plus grands sei- gneurs, espèce de souverains dans leurs possessions. Une tradition populaire existe encore dans le pays au sujet de l'origine du château de Montrésor, qu'on prétend avoir été bâti par le roi Contran qui lui imposa ce nom à cause d'un trésor qu'il trouva dans ce lieu. Voici la fable que racontent Aimoin , Sigebert et Paul Diacre. Ils disent que Contran, roi d'Orléans et de Bourgogne , s'étant endormi près d'un ruisseau swr les genoux de son écuyer, rêva qu'il était entré dans une grotte il avait trouvé un trésor inestimable. A son réveil, son écuyer lui rapporta qu'il avait vu sortir de sa bouche une espèce de petit lézard qui s'était dirigé vers le coteau voi- sin , d'où il était revenu reluisant comme l'or, et était rentré dans sa bouche. Le roi fît alors fouiller dans le lieu , et y trouva des richesses immenses. Beaucoup d'étymologies reçues ne sont guère moins

MONTRESOR. ig'J

absurdes. D'un autre coté, le fragment de l'histoire d'Anjou, écrite par Foulques-Réchin , nous dit que ce fut Foulques-Nerra, son aïeul, qui fît bâtir Mon- trésor : mais rien n'est encore moins certain si, comme le dit la chronique de Tours, le seigneur de Montrésor était du nombre de ceux qui , en 887 , accompagnèrent Ingelger dans son expédi- tion d'Auxerre pour reprendre les reliques de saint Martin. Maan prétend au contraire , dans son his* toire de la cathédrale de Tours , que Montrésor fut ainsi nommé parce qu'il dépendait de la trésorerie de cette église. Nous voyons en effet que Tarche- vêque Hugues refusa de consacrer l'église de Beau- lieu qu'avait fait bâtir Foulques-Nerra , parce que ce comte s'était emparé du terrain sur lequel était construit le château de Montrésor, terrain qui était la propriété de son église. 11 résulte de ces diverses opinions que Montrésor était peut-être, même avant le huitième ou neuvième siècle, un simple castel que Foulques-Nerra, grand constructeur de châ- teaux , aura fait agrandir et fortifier en s'emparant pour cela, selon sa coutume, des terrains qui pou- vaient lui convenir.

Il dut y avoir des seigneurs de Montrésor depuis celui qui accompagna Ingelger; cependant, l'histoire de ces temps ne nous en indique aucun.

Roger, surnommé le Diable, est le premier que nous voyons prendre le titre de seigneur de Mon- trésor. Il paraît assez probable qu'il n'était que gou- verneur de ce château, mais que, suivant l'usage

iqS histoire de touraine.

observé dans ce temps , il s'en fit et en devint sei- gneur. Il eut deux fils : Bouchard qui continua la postérité , et Guillaume , mort en 1 07 1 .

Bouchard, premier du nom. Balderic, qui en fait un des héros de son siècle, dit de lui dans ses car* mina heroica.

Si quis Achilleos roirando recensuit actus, Actùs Bucardi pluris habens recolat.

Il fut marié deux fois. La première avecEupliémie d'Amboise, fille de Lysois et d'Elinde de Buzançais. La seconde à Agnès, veuve d'un marquis de Lom- bardie, dont l'histoire ne nous a pas conservé le nom. Avant ce mariage , il s'était fait moine et avait été relevé de ses vœux par le pape. Nous croyons qu'il ne revint pas en ïouraine et qu'il fit l'abandon de tous ses biens au fils qu'il eut d'Eu- phémie d'Amboise, ainsi qu'une fille, épouse de Robçrt II, seigneur de Buzançais. C'est à ce Bou- chard I" que Balderic, qui était son contemporain, donne le titre de comte.

Albéric de Montrésor fut père de Villaine, autre- ment nommée Wille, qui fit plusieurs donations à l'abbaye de Baugerais. L'abbé de Marolles croit que cette Wille fut mariée dans la maison de Vendôme, et que d'elle vint Mathilde, mariée à Geoffroy de Fallu au.

Geoffroy de Palluau, premier du nom , seigneur de Montrésor et de Palluau , fit plusieurs donations a

MOXTRÉSOR. 199

l'abbaye de Baugcrais , du consentement de Mabaud ou MatbJlde, nièce de Bartbëlemi de Vendôme, arcbevêque de Tours en 1 1 74. H prêta serment de fidélité à Pbilippe-Auguste , en 1 2o5 , avec promesse de lui remettre à sa volonté la forteresse de Mon- trésor, sous la caution de Robert de Buzançais. L'an 1209, s'étant croisé pour la Terre-Sainte, Guy Séné- baud renouvela en son nom la même promesse. Son frère Roger de Palluau était un des cbevaliers ban- nerets créés, en 1210, par Pbilippe-Auguste. Geof- froy était fils de Haraud de Palluau. Il eut de Ma- llîilde, son épouse : Boucbard qui suit, Guy de Palluau, seigneur de Langé en i23i et i236, Jean, Isabelle , Pierre , seigneur d'Oigniez dans la paroisse de Préaux en 1 2^5 , et Eglantine de Palluau , femme de Renaud de Pressigny. Matbilde testa en 1235, et donna dix sous de renie a l'abbaye de Baugerais pour célébrer son anniversaire.

Boucbard de Palluau, seigneur de Montrésor, deuxième du nom, fît, en 1239, une fondation à l'abbaye de Baugerais, du consentement de Marie, son épouse. De celte alliance sortirent Geoffroy et Adenorde, ou Honneur , religieuse h l'abbaye de la Vir- ginité. Son frère Geoffroy et son oncle Pierre de Palluau lui assurèrent sa vie durant 21 liv. de rente, et deux muids et demi de méteil, racbelables moyen- nant quarante sous de rente. Ils en donnèrent leurs lettres au mois de décembre 1254.

Geoffroy de Palluau , deuxième du nom , dit Payen, cbevalier, fît, en I255, le voyage de Jéru-

200 IlISTOIRB DE TOURAINE.

salem. En 127 1 , il donna à l'abbaye de Bau gérais les forges qu'il avait dans le bois de Chédon. Il eut de sa femme, dont le nom n'est pas venu jusqu'à nous , Geoffroy, Marguerite et Perrenelle , religieuses à l'abbaye de la Virginité.

Geoffroy de Palluau, troisième du nom, était sei- gneur de Montrésor, en 1276; il l'était encore en 1297, comme on le voit par la donation de six livres de rente à prendre sur la taille de Montrésor , qu'il fit à l'abbaye de la Virginité, en considération de ce que ses deux sœurs y avaient été i^ecues religieuses. Il eut de Marguerite, son épouse, Bouchard et Geoffroy.

, Bouchard de Palluau , troisième du nom , seigneur de Montrésor, de Luçay-le-Mal et de la Motthe, donna , en iv3io, dix livres de rente à l'abbaye de Villeloin, il eut sa sépulture. Il était mort avant i3f9; car, en cette année, Hélie de Brosse, cheva- lier , qui probablement était tuteur de son fils , rendit hommage en son nom à Philippe-le-Long pour la seigneurie de Montrésor. L'aveu, qui est daté du lundi avant la Toussaint , porte qu'il est quarante jours de service au roi, dans son ost. Ce fils mineur étant mort jeune, l'héritage échut à Geoffroy, son oncle.

Geoffroy de Palluau, quatrième du nom, seigneur de Montrésor, etc., succéda à son neveu. Nous avons de lui deux titres de i325 et i335, relativement à cinq sous de rente qu'il reconnaît devoir ^ l'abbaye de Baugerais à cause de son château de Montrésor. Il épousa Iseult de Sainte-Maure, sœur de Guillaume,

MONTRKSOR. 201

chancelier de France, et il en eut Pierre, et Isabelle de Palluaii, à laquelle cet oncle Guillaume laissa par son testament du 17 janvier i334 mille liv. qu'il lui avait promises en mariage , et mille autres liv. qu'il ordonna lui être payées par Pierre de Pal- luau, son frère. L'abbé de Marolles a cru qu'Iseult était femme de Pierre de Palluau ; mais il s'est trompé, puisqu'il est certain qu'elle était sa mère.

Pierre de Palluau, chevalier, seigneur de Mon- trésor, etc., donna à l'abbaye de Baugerais, en 1371, une rente de quatre septiers de seigle, à la charge de deux messes solennelles par an, et en iSqt il ratifia la donation faite par son aïeul à l'ab- baye de Villeloin , en i3io. Il eut un fils d'une femme qui ne nous est pas connue.

Jean de Palluau , seigneur de Montrésor , etc. , fils du précédent , mourut sans alliance, de sorte que sa succession échut à son cousin Jean deBueil qui suit.

Jean de Bueil, chevalier, grand-maître des arba- létriers de France , petit-fils de Jean II de Bueil et de N. de Palluau, fit hommage au roi, à cause de sa seigneurie de Montrésor, le 2 octobre 1398. Il fut marié à Marguerite, fille de Beraud II, comte de Clermont, dauphin d'Auvergne, et de Marguerite Sancerre. De ce mariage vinrent Jean , Pierre , Louis et Anne.

Jean de Bueil, deuxième du nom, chevalier, sire de Bueil, amiral de France, comte de Sancerre et de Montrésor , vendit cette dernière terre le 5 mars

202 HISTOIRE DE TOURAINE.

i45i, à André de Villequier, fils de Colas et de Marie de Gamaclie.

André, baron de Villequier, vicomte de la Gnierche , capitaine de cinquante hommes d'ar- mes, et premier gentilhomme de la maison du roi Charles VI, eut d'Antoinette de Maignelais , son épouse , Artus de Villequier , vicomte de la Guierche, et Antoine qui suit. Artus se disait seigneur de Mon- trésor en i483 : mais il est certain que cette sei- gneurie passa ensuite à son puîné.

Antoine de Villequier , seigneur de Montrésor , vicomte de Saint-Sauveur-le-Vicomte, épousa Char- lotte de Bretagne, sur lesquels la seigneurie de Mon- trésor fut vendue par décret en 1491 ^ Imbert de Bastarnay, second fils d'Artaud de Bastarnay et de Catherine Gastonne.

Imbert de Bastarnay , chevalier, baron du Bou- chage et d'Auton , seigneur de Montrésor et de Bridoré, chambellan de Louis XI, rendit foi et hom- mage-lige, en 1495, au roi Charles VIII, pour la seigneurie de Montrésor. Il y fonda, le 16 mars 1 5^ i , une collégiale dont le chapitre était composé d'un doyen , un chantre et six autres chanoines. Mort le î'j. mai iDi3, il eut sa sépulture dans l'église de cette collégiale. Il avait épousé Georgette , fille de Falco de Monchenu, qui mourut le 2 août i5ii , et fut enterrée auprès de son mari. De cette alliance naquirent Jean, mort sans lignée, François , mort de même avant son père, mais ayant épousé, le 99

4

]MO!STPÉSOR. 203

mai i5oa, Françoise de Maillé , dont il eut un fils qui continua la postérité, et deux filles, l'une mariée à Jean de Dailloii, comte du Lude, et l'autre à Jean de Poitiers de Saint-Vallier.

René de Bastarnay , chevalier, seigneur du Bou- chage, d'Auton, de Montrésor, de Bridoré, de Saint-Michel , etc. , fils de François , dont nous venons de parler, rendit foi et hommage au roi en i53q, pour son château de Montrésor. De son alliance avec Isaheau , fille de René , bâtard de Savoie , comte de Villars, vinrent Claude, tué à la bataille de Saint- Denis en 1567, âgé de vingt-deux ans, sans laisser de postérité de sa femme Jacqueline, comtesse do Montbel; René, mort jeune; Françoise, épouse de François d'Ailly, vidame d'Amiens, qui suit; Marie, femme de Guillaume II de Joyeuse , maréchal de France ; Anne, morte sans enfans de l'amiral Bernard de La Valette ; Henriette , morte sans alliance , et Gabrielle, mariée à Gaspard de la Châtre. René de Bastarnay et Isaheau , son épouse , furent inhumés dans l'église de Montrésor, l'on voyait leur tombeau. Ce céno- taphe se composait d'un de marbre blanc, posé sur un socle de marbre noir et surmonté d'une table de même marbre sur laquelle étaient couchées trois figures de marbre blanc, représentant au milieu Isaheau, à droite René, son mari, et à gauche Claude, son fils. Dans les quatre niches des angles, on avait sculpté les quatre évangélistes, et dans douze autres niches les douze apôtres , le tout en marbre blanc. Claude avait eu sa sépulture particu-

204 HISTOIRE DE TOURAINE.

lière dans chapelle du château , sur laquelle on avait élevé un piédestal de pierre surmonté d'un bloc de marbre noir. Les quatre faces de ce pilier étaient revêtues de panneaux de marbre blanc sur l'un desquels on lisait :

a Cy gist enclos le cœur de feu haut et puissant « seigneur messire Claude de Bastarnay, chevalier, « baron d'Auton , capitaine de cinquante hommes « d'armes des ordonnances du roi , gentilhomme « ordinaire de la chambre de Sa Majesté , capitaine ce et gouverneur du Mont-Saint-Michel , lequel décéda a à Paris le dix-huitième jour de novembre 1667 , « estant au vingt-deuxième an de son âge. »

Ces monumens ont été impitoyablement détruits aux époques désastreuses de la révolution.

François d'Ailly , vidame d'Amiens , fut seigneur de Montrésor, du chef de Françoise de Bastarnay, son épouse : mais il n'en eut point d'enfans. Elle mourut en grande réputation de sainteté, le 17 octobre 161 7, âgée de quatre-vingts ans, et fut enterrée dans l'église de Montrésor.

Henriette - Catherine de Joyeuse , fille unique de Henri , second fils de Guillaume de Joyeuse et de Marie de Bastarnay , hérita la seigneurie de Mon- trésor, en 1617, par la mort de Françoise, sa grand' tante maternelle; mais elle ne la garda pas long- temps, et la vendit en 1620 à Henri de Bourdeilles, son cousin, du consentement de Charles de Lorraine, duc de GuiseJ, sou second mari. Elle avait été mariée en premières noces à Henri de Bourbon , duc de

MONTRKSOR. ao5

Montpensier, dont elle eut Marie de Bourbon, épouse de Gaston d'Orléans, frère unique de Louis XIÏI.

Henri de Bourdeilles, vicomte et baron de Bour- deilles , chevalier des ordres du roi , s'allia avec Madeleine, fille de Gaspard de la Châtre, et de Gabrielle de Bastarnay, dont il eut François -Sicaire de Bourdeilles, marquis d'Orchiac, et Claude qui suit.

Claude de Bourdeilles, comte de Montrésor, abbé de Launay .11 mourut sans postérité en 1 663. Ainsi que son grand-oncle Brantôme , ila laissé desmémoires curieux en deux volumes, connus sous le nom de Mémoires de Montrésor. On a dit que c'était en sa faveur que cette terre avait été érigée en comté , mais il serait difficile d'en produire la preuve. Nous avons indique au commencement de cet article que Mon- trésor jouissait de ce titre plus de cinq cents ans auparavant.

Paul de Beauvilliers , duc de Saint-Aignan , pair de France, gouverneur des ducs de Bourgogne, d'Anjou et de Berry, ministre d'État, fut comte de Montrésor par l'acquisition qu'il fit de cette terre après la mort de Claude de Bourdeilles.

On peut voir à l'article de Loches la suite des ducs de Saint-Aignan , qui furent en même temps comtes de Montrésor , jusqu'en ces derniers temps, c'est-à-dire jusqu'en 1790, que cette terre était pos- sédée par indivis entre Paul-Marie-Vicloire de Beau- villiers, duc de Saint-Aignan, Charles-Paul-Fran- çois de Beauvilliers, comte de Buzançais, et leur

206 HISTOIRE DE TOURAINE.

sœur Colette - Marie - Paul - Hortense - Bernardine , épouse d'Antoine -Charles -Guillaume, marquis de La Roche-Aymon, qui en est resté propriétaire.

La petite ville de Montrésor n'est pas très-ancienne et paraît n'avoir son existence qu'au cliateau d'où elle a tiré son nom. Ce château , autrefois flanqué de tours , et entouré de douves profondes , est aujour- d'hui tout-à-fait ruiné.

L'église fondée par Imbert de Bastarnay en i5ai , fondation ratifiée en iSiS par Fournier de Beaune , archevêque de Tours, ne fut construite qu'en i5/|4? par René de Bastarnay.

MONTRICHARD , ville.

Cette ville, nommée en latin Mons Ricardi o\x Mons Tricardi et située sur le Cher à neuf lieues de Tours du côté du levant, avait toujours fait partie de la Touraine, et n'en a été distraite que depuis la nouvelle division du territoire de la France. Son château fut bâti par Foulques-Nerra, au retour de son premier voyage à la Terre-Sainte, environ l'an loio, pour réprimer les courses des seigneurs de Pont-le-Voy et de Saint-Aignan, qui incommodaient les habitans d'Amboise et de Loches. Rigord , histo- rien presque contemporain, dit qu'il fut nommé Montrichard , c'est-à-dire Montrlcheur, ou trom- peur , parce qu'il fallait y monter par un chemin fort étroit et presque impraticable. Mais cette éty- mologie ressemble beaucoup à celles dont nous avons

MONTRICHARD. 207

eu lieu de parler. La propriété du fonds fut bâti ce château appartenait à Gelduin , premier du nom, seigneur de Saumur et de Pont-le-Voy, qui se plai- gnit de celte entreprise à Eudes II, comte de Tou- raine et de Blois. Le comte aussitôt manda ses vas- saux pour l'aider à venger Gelduin. Ayant donc rassemblé ses troupes , il leur donna rendez-vous à Pont-le-Voy, il ne tarda pas à les rejoindre : mais Foulques-Nerra , s'étant mis en mesure de dé- fendre sa conquête, alla au-devant du comte de Blois, et gagna la bataille de Montricbard ou de Pont-le- Voy, qui se donna le i6 juillet 1016, et dont nous avons fait le récit dans le quatrième livre de notre Histoire.

Le château étant tombé au pouvoir des seigneurs d'Amboise , héritiers de Gelduin, Hugues I"', sei- gneur d'Amboise , fît bâtir la grosse tour de Montri- cbard, avec la grande salle à coté. Il fut depuis for- tifié de nouveau par les rois d'Angleterre, comtes de Touraine , qui étaient obligés d'y entretenir une garnison de cinq cents hommes pendant la guerre. La ville et le château furent pris d'assaut, en 1 188, par Philippe- Aiigusle : mais deux ans après ils furent rendus au roi d'Angleterre par le traité fait à Colom- biers, près Tours, le 5 juillet 1190, et Richard Cœur-de-Lionfît alors rétabhr le château et renfermer la ville de murs. Ce château, étant retourné entre les mains des seigneurs d'Amboise qui y entretenaient garnison , fut pris par Foulques-Guidas, capitaine d'Amboise, et Jamet Dutillay, capitaine de Blois,

ao8 HISTOIRE DE TOURAINE.

qui y entrèrent par Fentremise d'un maçon occupé à réparer une brèche.

Montrichard fut pris au mois de septembre iSSg, par Claude de Marolles , l'un des plus fameux ligueurs. Ayant fortifié le château à la hâte ; il fit des courses jusqu'aux portes de Tours : mais La Trémouille ayant été désigné pour marcher contre lui , et le roi étant alors près de se rendre à Tours , Marolles n'attendit pas son arrivée, et rendit la place.

Roger, que nous avons vu premier seigneur de Montrésor , le fut aussi de Montrichard ; il n'avait d'abord été établi que gouverneur de ces places, dont il finit par se rendre tout-à-fait propriétaire.

Bouchard , fds de Roger. ( Voj. son article aux seigneurs de Montrésor. )

Albéric , fils de Bouchard, seigneur de Montrésor, eut un démêlé pour la propriété de Montrichard avec Sulpice d'Amboise , premier du nom, son oncle maternel , qui avait épousé Denise de Fougère, petite-fille de Gelduin de Pont-le-Voy. Sulpice pré- tendait que le château de Montrichard avait été bâti sur un fonds appartenant à Gelduin, dont il était héritier universel. Le différend fut terminé à l'amiable par leurs amis communs , a condition qu'Alberic et ses successeurs tiendraient la ville et le château de Montrichard à foi et hommage des seigneurs d'Am- boise. Mais après la mort de Sulpice, Albéric ayant refusé de rendre hommage à Hugues , son fils amé , ce seigneur assembla ses sujets et ses vassaux pour le ramener à son devoir. Ceux de Sainte-Maure et

MONTRICHARD. aOQ

de La Haye vinrent au secours d'Albéric , de sorte qu'il y eut de part et d'autre plusieurs combats dont eurent a souffrir les campagnes voisines d'Amboise , de Loches , de La Haye , de Sainte-Maure , de Mon- trésor et de Montrichard. Epfin^ Hugues ayant invo- qué l'appui de Raoul de Beaugency, de Piobert de Rocliecorbon et de plusieurs autres, rencontra x\lbé- ric dans cette partie de la Touraine qu'on appelle Champagne, et après un assez long combat le défit complètement, prit douze chevaliers, fit une cen- taine d'autres prisonniers, et alla mettre le siège de- vant Montrichard : mais il se hâta de le lever sur l'avis qu'il reçut que le comte d'Anjou venait au secours des assiégés. Il y retourna quelque temps après, et attaqua la place avec tant de valeur qu'elle fut obligée de capituler. Montrichard alors fut mis en dépôt entre les mains du comte d'Anjou , qui le rendit à Hugues, en iiio, après s'être fait rem- bourser de ce qu'il avait dépensé pour les nouvelles fortifications.

Louis , dernier seigneur d'Amboise et de Montri- chard, vit, comme nous l'avons dit ailleurs, tous ses biens confisqués et réunis à la couronne. Mais Mon- trichard se trouvant au nombre de ceux qui lui furent rendus, il le vendit , le 18 mars i448 ? ^ Guil- laume d'Harcourt et à Perrenelle d'Amboise, sa femme , moyennant la somme de onze mille ëcus.

Guillaume d'Harcourt, comte de ïancarville, vicomte de Meulan , baron de Mongommeri , après la mort dePerrcnelle d'Amboise, sa première femme,

3. i4

aïO HISTOIRE DE TOURAINE.

épousa, au mois de juillet t454 , Yolaiid de Laval, et échangea avec Louis XI la seigneurie de Moutri- chard , contre la vicomte de Gournay en Normandie et La Ferté en Bray, par contrat passé à Tours, le 5 novembre i46i . Depuis, sous le règne de Louis XII, la ville et le château de Montrichard furent aliénés à faculté de rachat perpétuel au seigneur de Gri- gnault , pour la somme de 7000 liv. qui fut rem- boursée à ses héritiers.

Jacques de Génouillac, dit Galiot, sénéchal d'Ar- magnac, chevalier de l'ordre du roi, grand-écuyer de France et général d'artillerie , obtint, en i5i6, de François I" , la terre et seigneurie de Montrichard avec tous les droits de justice pour la somme de ao,ooo ducats que ce roi lui avait accordés pour récompense de ses services, à la charge de rem- bourser les héritiers Grignault. Ce fut lui qui fit bâtir le palais , le minage et la boucherie. Il mourut en 1 546 , et fut enterré aux Célestins de Paris. Mon- trichard étant depuis rentré à la couronne , la reine Eléonore d'Autriche , veuve de François I" , Marie Stuart, veuve de François II, et François de France, duc de Touraine , en jouirent à titre d'apanage.

Scipion de Piovenne, chevalier, seigneur de Fou- chant en Touraine , eut aussi la jouissance de Mon- trichard, qui lui fut donné par François II, en i55g, avec la charge de grand-écuyer.

Philippe Huraut , chevalier, comte de Chiverny, chancelier de France, acheta Montrichard de HenrillI, le 23 octobre i585 , pour la somme de 6,1 34 écus,

MONTRICHARD. » 211

à faculté de rachat perpétuel , et il en jouit tant qu'il vécut. Il mourut le 29 juillet 1699, ayant épousé Anne, fille du premier-président Christophe de Thou, dont il eut Henri, comte d'Esclimont; Henri, comte de Chiverny; Louis qui suit; Margue- rite, Anne et Catherine.

Louis Huraut, comte de Limours , baron de Vriel, fut seigneur de Montrichard après son père. Il épousa Isabelle d'Escoubleau , dont il n'eut point d'enfans, ce qui le décida à vendre Montrichard à la marquise de Sourdis, sa belle-sœur.

Jeanne de Monluc , épouse de Charles d'Escou- bleau , marquis de Sourdis et d'Alluye , dame de Montrichard, laissa pour enfaus Paul, marquis d'Al- luye; Henri, comte de Monluc; l'abbé et le cheva- lier de Sourdis , et Isabelle, femme d'Antoine Rusé, marquis d'Effiat , père d'Antoine qui suit :

Antoine Rusé, marquis d'Effiat, premier écuyer du duc d'Orléans, eut Montrichard dans son partage. , Il avait épousé Marie-Anne , fille de Louis' Olivier , marquis de Leuville , dont il n'eut point d'enfans.

La terre de Montrichard est tombée ensuite à la princesse de Chabanais , puis à son fils le marquis deChabanais, en son nom Colbert de Saint-Pouange, et est enfin rentrée au domaine royal.

La paroisse de Notre-Dame est située dans le faubourg de Nanteuil ; mais il y a dans l'intérieur de la ville une succursale sous l'invocation de sainte Croix.

Un hôpital fut fondé à Montrichard , vers la fin

14.

212 HISTOIRE DE TOIl RAINE.

du dix-seplième siècle, par le marquis d'Effiat , sei- gneur engagiste, pour y recevoir six pauvres in- firmes , savoir : deux de la ville , deux de Ghissay , et deux de Cinq-Mars-îa-Pile. Il y avait en outre un couvent de religieuses ursulines.

NOUATRE,BARONNIE.

La baronnie de Nouâtre ( Noastrum) , située sur la Vienne au-dessus de l'île Bouchard , peu considé- rable d'ailleurs , ne figure ici que sous le rapport de son ancienneté. Il y a eu autrefois une famille du nom de Nouâtre, mais dont il serait impossible au- jourd'hui de retrouver la filiation. Nous nous borne- rons donc à indiquer ce que nous avons pu recueillir dans quelques anciens litres.

Marray, baron de Nouâtre , vivait en 1027. C'est ce qu'on voit par un titre du monastère de Cormery , dont Bouchard était alors abbé. Il eut un fils du même nom.

Marray II , baron de Nouâtre , fils et héritier du précédent. Nous ignorons de même avec qui il prit alliance de laquelle sortit celui qui suit.

Gueunon ou Ganillon, baron de Nouâtre, était un des principaux partisans de Foulques-Nerra , comte d'Anjou et seigneur de Loches.

Clerpas, baron de Nouâtre. Nous ne pourrions pas dire de qui il était fils; mais il vivait vers la fin du onzième siècle, du temps de Guy, deuxième du nom, abbé de Cormery.

FALLU AU. 21 3

L'histoire ne nous a point conservé le nom du seigneur de Nouâtre qui reçut Acarie prisonnier dans son château, vers l'an 1 148, ainsi que nous l'avons dit à l'article des seigneurs de Marmande.

Dans le treizième siècle , Nouâtre était possédé par les seigneurs de Pressigny et de Sainte-Maure, d'où il passa dans la maison de La Rochefoucauld, et de dans celle deMontbazon, ainsi qu'on peut le voir aux articles Montbazon , Pressigny et Sainte-Maure.

Le château de Nouâtre était très-ancien , puisque nous avons vu qu'en gij il existait déjà , et que ce fut que se jugea, par l'épreuve du feu , un procès survenu entre les curés d'Antogny et de Pussigny. Sa position au sein de la Vienne le rendait très-fort : mais il n'en reste plus que la roche sur laquelle il était assis.

Cette baronnie fut réunie, en i588, au duché de Montbazon , la maison de Rohan possédant déjà depuis long-temps la terre de Nouâtre.

PALLUAU, BARONNIE.

VsiWiiau (Paludellus) , baronnie du duché de Tou- raine, dépendait de la généralité de Bourges, tant pour le spirituel que pour les finances; situé sur la rivière de l'Indre , à quinze lieues de Tours , le châ- teau est sur une hauteur et la ville est au-dessous. 11 paraît qu'elle était anciennement fortifiée, car nous voyons qu'en iiSB Philippe-Auguste la reprit sur les Anglais , ainsi que Montluçon. Il y avait une

2l4 HISTOIRE DE TOUR AINE.

collégiale. La paroisse nommée Onzay est au-delà tle la rivière. Palluau fut érigé en comté vers les com- mencemens du dix-septième siècle , en faveur de Henri de Buade , vice-roi du Canada.

Jean de Palluau, qui vivait vers 107 5, est le pre- mier des seigneurs de Palluau dont nos anciens titres fassent mention. On le voit figurer dans une donation faite par Foulques-Réchin.

Geoffroy, premier du nom , était seigneur de Palluau , en Ii55 , selon des titres de l'abbaye du Landais. Il pouvait être fils, ou petit-fils de Jean.

Guillaume de Palluau eut plusieurs enfans de Béatrix , sa femme , savoir : Geoffroy qui suit , Har- raud , seigneur de Montrésor , et Hervé , chanoine de Saint-Martin de Tours.

Geoffroy de Palluau , deuxième du nom , sur le- quel nous ne savons rien.

Pierre de Palluau, dont la femme se nommait Létice.

Geoffroy de Palluau, troisième du nom, vivait encore en i236. On a parlé de lui sous le nom de Geoffroy I", seigneur de Montrésor. Nous ne pour- rions dire comment la seigneurie de Palluau passa entre les mains de la maison d'Argy et de celle-ci dans la famille de Tranchelion.

Archarabaud d'Argy , chevalier , fils de Guillaume et de Philippe de Mœuvres , était seigneur d'Argy et de Palluau, en 1249. Il fonda en 1260 un anniver- saire dans l'abbaye du Landais, pour Guillaume d'Argy , son fils ; ce fut sans doute à défaut de pos-

PALLUAIJ. 2l5

tëritë que la terre de Palluau changea de proprié- taire.

Charles de Tranchelion , seigneur de Palluau et de Ville-Savin , épousa Anne de Silly.

Guillaume de Tranchelion , seigneur des Roches , près rile-Bouchard , fît hommage de la seigneurie de Palluau au roi Charles VI, en i4oo, et à Charles Ml, le i8 juillet i438. Il fut marié deux fois. La première avec Isabeau de Menou , dame de Sennevières, dont il eut Jean qui suit , et Jeannet, seigneur de Senne- vières. Sa seconde femme fut Guillaume d'Orcy.

Jean de Tranchelion , seigneur de Palluau , épousa Jeanne de Roucy, dont il eut une fille unique nom- mée Charlotte , qui porta son héritage dans la maison de Brachet.

Gilles Brachet, chevalier, baron de Maignac, de Palluau et de la Péruse , eut de sa femme Charlotte de Tranchelion , entre autres enfans ,

Jean Brachet, chevalier, seigneur de Palluau, qui eut pour femme Jeanne , fille de Jean de Blanchefort, seigneur de Saint-Janvrin. De ce mariage sortit

Claude Brachet , chevalier , seigneur de Palluau. Il épousa Anne , fille de Pierre de Conighan , sei- gneur de Cangé près Tours. Il n'en eut qu'un fils.

Claude Brachet, deuxième du nom, chevalier, seigneur de Palluau et de Villegouin , fut marié à Françoise , fille d'Edme de Prie. Il vivait en iSSq, et assista à la seconde réformation de la coutume de Touraine.

Antoine de Buade, seigneur de Frontenac, cheva-

2l6 HISTOIRE DE TOUIIAÎNE.

lier de l'ordre du Saint-Esprit , fut seigneur de Pal- luau par acquêt. Il on rendit hommage le 17 sep- tembre 1606, entre les mains du garde-des-sceaux Brulard de Sillery. De sa femme Jeanne de Secondât, il eut Henri qui suit et Roger , abbé d'Obasine. , Henri de Buade , comte de Palluau et de Frontenac, premier-maître-d'hôtel du roi , fut nommé vice-roi du Canada. Nous avons dit que ce fut pour lui que Palluau fut érigé en comté. Il eut d'Anne Pheli- peaux, son épouse, Louis qui suit, Anne et Hen- riette.

Louis de Buade , comte de Frontenac et de Pal- luau , seigneur de l'Ile-Savary, n'eut d'Anne de La- grange de Trianon, son épouse, qu'un fils nommé François, tué dans une campagne d'Allemagne sans avoir été marié.

Roger de Buade, fils puîné d'Antoine, abbé d'Obasine et d'Angle , reçut son prénom de Roger , duc de Bellegarde , qui fut son parrain. Il joignit à sa terre de Palluau celle de l'Ile-Savary qu'il acquit de Louis de Couhé, seigneur de Betz. Mais à sa mort sa succession fut vendue.

Jacques Clérembault, chevalier, comte de Pal- luau par acquêt. Il avait épousé Louise de Villepied dont il eut

Louis-Philippe Clérembault , chevalier , comte de Palluau, seigneur de l'Ile-Bouin , maréchal de France , célèbre par son esprit et sa bravoure, dont les enfans sont morts sans postérité. La baronnie de Palluau fut alors unie au comté de Montrésor.

PAULMY. 217

PAULMY, VICOMTE.

Le château de Paulmy ( Palmariutn ) est situé à dix lieues de la ville de Tours , du coté du midi , sur la petite rivière du Brignon, qui se jette dans la Glaise à quatre lieues de sa source. 11 fut bâti en \[\l\\ par Pierre de Voyer , seigneur du lieu. Etienne Jodelle , meilleur poète latin que français, prétend que ce château fut appelé Paulmy, à cause des palmes et des lauriers qui ont honoré les victoires des seigneurs de cette maison. C'est ce qu'il donne à entendre dans l'épitaphe de Jean II de Voyer.

Ex titulis tibi jure tuis facit inclyta nomcn Palma, diîi palmas Musis ac Marte tulisti. Vivere rite, mori quoque rite, fit imica genti Palma piae : reliquas terris fas quaerere palmas, Hsc tibi siiprema est quœsita in œthere palma.

Cette étymologie poétique se fonde sur ce que Paulmy se nomme en latin Palmarium.

Il y avait autrefois dans le château une chapelle pour la sépulture des seigneurs, consacrée en 1476 par l'archevêque de Tours, sous l'invocation de saint Nicolas. Jean II y fut enterré. Elle était des- servie par un doyen et quatre chapelains : mais en 161 5 Louis de Voyer la fit détruire et remplacer par un couvent qu'il fît bâtir dans l'intérieur de son parc. Ainsi, en 1622 , les cinq anciens desservans ou cha-

2l8 HISTOIRE DE TOURAINE.

pelains furent changes en Augustins réformés de la province de Bourges.

Paulmy, dans Forigine, n'était qu'un hameau dépendant de la paroisse de Ferrière -l'Arçon , mais , par lettres patentes du i septembre lySy, on en fit une paroisse particulière formée du démembrement de quatre autres , et desservie par le prieur de ces Augustins.

Le château et le beau parc de Paulmy, qui avait alors deux lieues d'étendue , eurent d'autant plus à souffrir des excès commis par les protestans dans la province, depuis 1 662 jusqu'en i575, que le vicomte de Paulmy, Jean , troisième du nom , fut un des chefs de l'armée royale qui les poursuivirent avec le plus de vigueur. Aussi son château fut-il pillé et dévasté en 1569, époque le vicomte se rendait person- nellement caution des cinquante mille livres que Charles IX empruntait à la ville de Tours , pour la solde de ses troupes. La famille de Voyer, dans laquelle cette terre se trouve encore , est aujourd'hui , ainsi qu'on va le voir , l'une des plus anciennes de la Touraine.

Mathieu de Voyer , chevalier , seigneur du Breuil dans la paroisse de Saint- Aubin-le-Dépeint , vivait en \ioi, Robert III, comte d'Alençon, qui mourut en 1217, lui donna pour ses bois du Breuil une exemption de toute espèce de droits , excepté le ser- vice pendant huit jours dans son château d'Essé. Il y eut procès entre ses héritiers et ceux de Robert qui prétendaient le tiers des bois; mais un arrêt du par-

PAULMY. 2T9

lement de la Pentecôte 1 269 déclara qu'il n'était rien dû. Nous ignorons quels furent ses successeurs immédiats jusqu'au suivant.

Etienne de Voyer est le premier que nous voyons faire souche. L'abbé de Marolles , dans ses mémoires , nous apprend qu'un titre de son abbaye de Bauge- rais, parle d'une rente de blé que lui donna Agathe, femme de cet Etienne , à prendre sur sa dîme de Fer- rière-l'Arçon. On pourrait conclure de qu'elle lui avait apporté en dot cette seigneurie, ou du moins la portion se trouvait Paulmy, dont ses descen- daus auront porté le nom. Etienne , dans les titres , est nommé Stephanus Vigerii.

Renaud de Voyer, chevalier, par un acte du jeudi avant la Saint-George (19 avril) 1285, obtint pour lui et ses héritiers , de Berthelemy , seigneur de La Haye et de Passavant , la remise de plusieurs droits qui lui étaient dus comme baron de La Haye.

Guillaume de Voyer , qualifié de varlet , rendit aveu du lieu de la Touche des Ferreaux, situé dans la paroisse de Mouzé ou Mouzay, le mardi avant l'Epiphanie i333. Ce même lieu de Mouzé fut, l'an 1680 , érigé en vicomte en faveur de Pierre de Voyer.

PhelippinouPhelipponde Voyer , écuyer , seigneur de Paulmy, est relaté dans des actes de i374 et 1378. Il se maria deux fois : la première a Jeanne de Ver- neuil, et la seconde à Marguerite Sigoignc. Il vivait encore le 2 février i[\\\. On ne hii connaît qu'un fils.

220 HISTOIRE DE TOU INE,

Jean de Voyer , premier du nom , seigneur de Paulmy , épousa en i4o8 Alix , fille de Mouton de Cluys, qui ^n était veuve en i443. De ce mariage naquirent : Pierre 1"; Jeanne, épouse du seigneur de Preuilly; Jeanne II et Marie, vivantes en i443; Imblette, mariée la même année à Jean d'Artannes, et enfin Josseline , qui épousa, en i458 , Hélion de la Motlhe, dit Bouchardon.

Pierre de Voyer, premier du nom, seigneur de Paulmy et de La Roche de Gennes, épousa, en i434 j Marguerite de Betz. Il mourut vers i48i ou 1482; car sa veuve transigea avec Jean, l'un de ses fils, en i483. Les enfans furent : Pierre H; Bertrand, grand-prieur de France; Jean; Jeanne, mariée en 1482 , à Mathurin de Gannes; et Jacquette , mariée en i485 à Victor de l'Espinay.

Pierre II de Voyer, seigneur de Paulmy, de La Roche de Gennes, etc. , s'allia par contrat passé à Chinon , en il^'ji <, à Jeanne des Aubuys dont il eut Jean II , Nicolas , Pierre , Renée , mariée en 1 5o5 à Jacques de Saint- Jouy , et Marie , femme de Bertrand le Gay , chevalier.

Jean de Voyer, deuxième du nom , seigneur de Paulmy, rendit hommage de ce fief, le 2 3 avril i532, à Jean de Laval , seigneur de La Haye, et de La Roche de Gennes le 10 mars i547- ^^ mourut à La Haye, âgé d'environ quatre-vingts ans, fet fut enterré dans la chapelle de Paulmy , on lisait son épitaphe faite par Jodelle. Il fut marié deux fois ; la première à Louise , fille de Guillaume Dupuy , sei-

PAULMY. 221

gneur de Baigneux, et la seconde à Françoise de Haulbuys. Il eut du premier lit seulement, Jean III, qui suit ; François ; Renée, femme de Jacques Herpin, seigneur de Guindray ; Anne, épouse de François An- celon , seigneur de Fonbaudry , près Preuilly , en 1 53o ; Catherine , mariée en 1 536 à Isaac de Mons , écuyer; et Jeanne, qui, en i542, épousa René Persil, écuyer, seigneur des Genêts.

Jean III de Voyer , seigneur de Paulmy , Argenson , Rippon , Balême et La Roche de Gennes j chevalier de l'ordre du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre , épousa , le c) novembre 1 538 , Jeanne de Gueffaut, dame d' Argenson, dont il eut : René de Voyer de Paulmy ; Pierre , qui fît la branche d' Argen- son ; Yolande , mariée en 1 563 avec Pierre Frottier ; Anne; Louise, femme de Louis Fumée; et Margue- rite, mariée en i573, à Robert Robin, écuyer* Jean III, mourut en 1571. La même année Jean Bien publia son Tombeau, vol. in-4, qui contient en plusieurs langues les pièces composées en son hon- neur par Antoine Valet et autres.

René-Victor de Voyer, vicomte de Paulmy, de La Roche de Gennes, etc., grand-bailli deTouraine, en 1 57 1 , mourut en i586. Il avait épousé Claude de Turpin-Crissé, avec laquelle il fonda à Paulmy un collège pour douze élèves : il n'en eut qu'un fils.

Louis de Voyer, vicomte de Paulmy, etc., che- valier de l'ordre du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre , capitaine de cinquante hommes d'armes

22 2 HISTOIRE DE TOURAmE.

et conseiller d'ëtat, en iS'jS. En i6o5 ,il épousa Françoise de Larçay, dont il eut : Jacques qui suit ; François , seigneur de Boizé; Gabriel , évoque de Rhodez ; René , comte de Dorée ; Hardouin , cheva- lier de Malte; et Léonor, mariée en 1629 à Léo- nor Barjot , comte de Ronce.

Jacques de Voyer , vicomte de Paulmy , etc., che- valier de l'ordre du roi , gentilhomme de sa chambre , mort en 1674* H avait épousé, en i638, Françoise deBeauveau, dont il eut Jean-Armand, Gabriel, Marc- Antoine , Louis-Basile - Alexandre , Jacques , René , Marie et Françoise , religieuses.

Jean-Armand de Voyer, vicomte de Paulmy, etc., épousa en premières noces Anne-Radegonde de Mau- roy , et après sa mort, arrivée en 1674? elle se re- maria à François de Crussol-d'Uzès. Il eut pour enfans Séraphin- Jean- Armand , mort sans alliance au combat de Senef, en 1674, et Marie-Françoise-Cé- leste, héritière de sa branche par la mort de son frère. Elle épousa , le 3o août r 689 , le comte de La Rivière, auquel elle porta en dot la vicomte de Paulmy, etc.

Charles-Yves-Jacques du Plessis, comte de la Rivière et de Ploeuc , vicomte de Paulmy et de La Roche de Gennes, du chef de sa femme Marie- Françoise-Céleste de Voyer qui mourut en 1732 , et dont il eut

Charles-Yves-ïhibaud, comte de La Rivière, de Mur, de Ploeuc, marquis de Paulmy, qui épousa Louise-Julie de Barberin de Reignac. Il revendit les

PRESsiGNT. aaS

biens qu'avait apportés sa mère à Marc-Pierre de Voyer , comte d' Argenson , baron des Ormes , alors ministre de la guerre.

Marc-Pierre de Voyer , comte d'Argenson , mar- quis de Paulmy , ministre de la guerre, sur-intendant des postes , etc. , racheta , comme nous l'avons dit , les terres de Paulmy, de La Roche de Gennes et de Mouzé. Le 24 mai 1719, il avait épousé Anne Lar- cher , dont il eut

Marc-René de Voyer , deuxième du nom , baron des Ormes , connu sous le nom de marquis de Voyer, grand-bailli, lieutenant-général pour le roi en Tou- raine , directeur-général des haras , le 2 a sep- tembre 1772, mort en 1781 ; il avait épousé Constance de Mailli, dont il eut Marc-René qui suit.

Marc René de Voyer, troisième du nom, actuel- lement vivant, en 1771 , a épousé Sophie de Ro- sen , veuve de Victor prince de Rroglie , dont il a eu René et quatre filles, dont l'une morte en bas âge.

PRESSIGNY, BARONNE.

Précigny , ou le grand Pressigny ( Prisciniacum^ Preciniacum)^ est nommé dans les anciens titres Précigny-le-Souverain. On l'a depuis appelé le Grand, pour le distinguer d'une autre paroisse qui en est distante de deux lieues, nommé le Petit-Pressigny. Le Grand, qui avait le titre de haronnie, est à sept lieues sud-ouest de Loches , et à dix-sept lieues sud-est de

2^4 HISTOIRE DE TOURAINE.

Tours, non loin des bords de la Glaise. Grégoire de Tours, dans la vie de saint Nizier, § 1 1, nous apprend qu'il y avait une église bâtie depuis long-temps à Pressigny , lorsqu'il y plaça des reliques de cet évêque de Lyon. Ainsi, l'on ne peut révoquer en doute l'an- cienneté de ce lieu, dont il est également fait men- tion dans une charte de Gharles-le-Ghauve , de l'an 862, relative à la mense des chanoines de Saint- Martin de Tours. Il serait difficile d'après cela d'in- diquer l'époque son château fut construit. Ge fut Guillaume I" qui, vers 11 90, y fonda un chapitre composé de sept chanoines.

Pressigny avait donné son nom à une famille dont la souche doit remonter à des temps assez reculés. Gependant nous n'en trouvons de traces que vers la fin du onzième siècle , lorsque cette famille se confondit avec celle de Sainte-Maure.

Guillaume de Pressigny, chevalier, est le plus ancien dont nous ayons connaissance. Il épousa vers II 60, Avoise ou Avoy, dame de Sainte-Maure, qui lui porta en dot to;is les biens de son père Guil- laume F'^, seigneur de Sainte-Maure. Il en eut entre autres enfans Guillaume II , qui continua la posté- rité. Il portait tantôt le nom de Pressigny , tantôt celui de Sainte-Maure, selon les actes qu'il faisait dans l'une ou dans l'autre de ces deux seigneuries : quelquefois aussi il prenait le titre de Pressiguy- Sainte-Maure, mais il scellait toujours du sceau de Pressigny.

On trouvera à l'article des seigneurs de Sainte-

PRESSIGNY. !225

Maure les détails relatifs aux six noms suivans, distingués par des italiques.

Guillaume II, seigneur dePressigny et de Sainte- Maure.

Guillaume III , idem, chevalier banneret eu

1214.

Josbert, seigneur de Pressigny et de Sainte-Maure.

Guillaume IV, seigneur de Pressigny, de Sainte- Maure et de Nouâtre, en iiiSo.

Guillaume V, idem , en 1271.

Isabeau, idem, en i3io. Celle-ci, fille unique de Guillaume V, porta tous les biens de la maison de Craon , par son mariage avec Guillaume I".

Guillaume de Craon , deuxième du nom , cheva- lier , seigneur de Montbazon , de Sainte-Maure , de Nouâtre , fit hommage au roi à cause de sa baronnie dePressigny, le 6 septembre iSqî. Il épousa, le i3 avril 1 396 , Jeanne de Montbazon , dont il eut : Guil- laume III; Jean de Craon; Marguerite, alliée à Guy de La Rochefoucauld; Marie de Craon qui suit; Isa- belle et Louise.

Marie de Craon épousa Louis Chabot, seigneur du Petit-Château et de la Grève en Poitou, fils de Thibaut Chabot , et d'Amicie de Sainte-Maure. Elle lui porta en mariage les seigneuries de Pressigny, de Colombiers, Monconlour , Montsoreau et Jarnac; leurs enfans furent Thibaut Chabot qui suit, et Renaud qui fit la souche des seigneurs de Jarnac.

Thibaut Chabot, seigneur de la Grève et de Mont- soreau, fit hommage au roi, le 17 mars il\i'2. , pour 3. i5

2l6 HISTOIRE Dt TOUR AINE.

les seigneuries de Pressigny , de Colombiers et de la Ferrière. Il épousa Bonnissarde , autrement Brinis- sant, fille de Guillaume, seigneur d'Argenton, en Poitou, qui, étant veuve de lui, fit hommage au roi des terres de Pressigny et de la Ferrière, le 8 juin 1433. Ses enfans furent : Louis qui suit; Catherine, femme de Charles de Chatillon; et Jeanne, dame de Montsoreau.

Louis Chabot , baron de Pressigny , demeura en la garde noble de sa mère , et eut depuis pour tuteur Guillaume d'Argenton , son aïeul maternel , qui vendit la baronnie de Pressigny à Bertrand de Beau- veau , et à Françoise de Brézé , sa seconde femme.

Bertrand de Beauveau était fils puîné de Jean II de Beauveau , et de Jeanne de Rigny , chevalier, bailli- gouverneur de Touraine , baron de Pressigny et de Briançon. Il fut marié quatre fois : k première à Jeanne de La Tour Landry ; la deuxième à Françoise de Brézé-Maulevrier ; la troisième à Ide du Châte- îet , et la quatrième à Blanche , fille naturelle de René, roi de Sicile, par contrat du 20 novembre 14(37. Du premier lit il eut Louis, mort jeune, et Antoine qui continua la postérité; Jean, évêque d'Angers ; Catherine , femme de Philippe de Lénon- court; Charlotte, femme de Yves de Scépeaux,et Marguerite , mariée à N. de Maigneville. Du second lit vinrent Jean et Jacques de Beauveau-Tigny; Charles, depuis baron de Pressigny, Bertrand, Pierre et trois filles. Enfin, du treizième lit, il eut René, Jean et Guyonne qui épousa Jean-Juvénal des Ursins.

PRESSIGNY. a a 7

La baronnie de Pressigny ayant été acquise par lui conjointement avec sa seconde femme , dont les enfans, suivant leurs conventions matrimoniales, devaient succéder aux acquêts , le père ordonna par son testament, le lo février 1468, que cette baronnie appartiendrait à Antoine , fils aîné de cette seconde femme.

Antoine de Beauveau , comte de Policaste , baron de Pressigny et de Sillé-le-Guillaume , prit, du vivant de son père, le titre de baron dePressigny.il assista, le 10 novembre i449> ^ l'entrée de Charles VII dans la ville de Rouen, et moui'ut au mois de mai 1489 , laissant d'Anne dlnterville , son épouse, Louis , Bertrand , Jean , Artus , et deux filles.

Louis de Beauveau , chevalier , baron de Pressigny, de Sillé , etc. , épousa Renaude Huré , dont il n'eut qu'un fils. Aussitôt la mort de son père, il rendit hommage au roi pour les seigneuries de Pressigny et de Ferrière -l'Arçon , par acte du 1 1 juin iSSg; mais il fut obligé de rendre la première à son oncle.

Charles de Beauveau , seigneur de Passavant , de Tigny et de Ternay , troisième fils de Bertrand de Beauveau, et de Françoise de Brézé, sa seconde femme, après la mort de Jean et Jacques , ses frères aînés, succéda à la baronnie de Pressigny, qui lui appartenait suivant les conventions matrimoniales de sa mère. Il épousa Barbe de Lange, et mourut en i5o8.

R^né , bâtard de Savoie , fut reconnu par Phi- lippe II, duc de Savoie, son père , qui lui donna, en

i5.

a a 8 HISTOIRE DE TOUR AINE.

1457, le comté de Villars. Il acheta Presslgny et Ferrière-l'Arçon dont il fit hommage à François P', le 18 juillet i523. Il mourut peu de temps après la bataille de Pavie, des blessures qu'il y avait reçues. Il eut d'Anne de Lascaris , comtesse de Tende, Claude , comte de Tende , Honorât qui suit; Made- leine, mariée à Anne de Montmorenci , connétable de France ; Marguerite, épouse d'Antoine de Luxem- bourg , comte de Brienne , et Isabelle, mariée à René de Bastarnay, comte du Bouchage.

Honorât de Savoie , marquis de Villars , comte de Tende , maréchal et amiral de France , fît hommage au roi de la baronnie de Pressigny , le ^5 novembre 1 546. Il avait épousé Françoise de Foix , dont il eut Henriette, mariée en premières noces à Melchior Des Prés , seigneur de Monpezat, et en deuxièmes à Charles de Lorraine, duc de Mayenne.

Macé Bertrand , premier du nom , seigneur de la Basinière , trésorier de l'épargne , fit l'acquisition de la baronnie de Pressigny. Il épousa Marguerite de Yertamont, dont il eut un fils qui suit.

Macé Bertrand, deuxième du nom, seigneur de la Basinière, de Clichy, de la Garenne, baron de Vouvant et de Pressigny, trésorier de l'épargne, épousa, en i645, Françoise de Barbezieux, fille d'honneur de la reine -mère, dont il eut Louis, mort en 1686, N. Bertrand; N. abbé, tué en duel dans la place des Victoires ; Marguerite, femme de Jean-Jacques de Mesme , comte d' A vaux , et Marie- Anne qui suit.

PREITILLT. a 39

Marie- Anne Bertrand de la Basinière fut mariée à Claude Dreux , marquis de Nancré , capitaine aux gardes , gouverneur d'Arras , lieutenant-général des armées , mort en i68g.

La baronnie de Pressigny a été possédée depuis , et jusqu'en nos derniers teinps, par la famille Gilbert de Voisins.

Pierre Gilbert de Voisins, président à mortier au parlement de Paris, en était propriétaire, en

1789-

Le château de Pressigny était très-fort autrefois ,

et même encore dans le cours du quinzième siècle, car l'histoire nous apprend qu'après s'en être emparé en 1417, le duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, y mit une garnison qui en fut délogée par Charles VII, en i4i8. Ce château est aujourd'hui entièrement détruit , et son parc, qui était très-vaste et très-bien planté, a été converti en terres labourables. La collé- giale dont nous avons parlé au commencement fut supprimée, en 178a , par l'archevêque de Tours.

PREUTLLY , BARONNIE.

Preuilly ( Prulliacum ) est une petite ville sur la Claise , à dix-neuf lieues sud-sud-est de Tours, et «1 neuf lieues sud-sud-ouest de Loches. Elle avait le titre de première baronnie de Touraine. Nous jugeons en effet de son ancienneté par le testament de saint Perpète, fait en 47^, par lequel il donne à l'église de Preuilly un calice et doux burettes d'argent. Elle

23o HISTOIRE DE TOURAINE.

a donné son nom au château et à une des plus an- dîëïïnes familles du royaume d'où sont sortis les comtes de Vendôme. Ce château fut bâti au commen- cement du dixième siècle, par le vicomte Atton , qui, peu de temps après, c'est-à-dire vers 9 3 5, acquit soixante-deux arpens de terre auprès de son manoir, par échange avec Hugues -le -Grand, pour d'autres terres que le vicomte possédait dans la voirie de Dolus. Ils en donnèrent leurs lettres au mois d'avril 936 , la première année du règne de Louis d'Outre- mer. La seigneurie de Preuilly était dans son prin- cipe beaucoup plus considérable. Pressigny et la Guierche en relevaient il y a plus de quatre cents ans. On y comptait encore cinq châtellenies et cent fiefs qui lui devaient foi et hommage. Sa justice était une des plus grandes de la Touraine, et s'éten- dait sur vingt-sept paroisses , dont sept en première instance et vingt par appel. Les barons de Preuilly étaient avoués de l'église de Saint-Martin , et avaient seuls le privilège de porter son étendard en l'absence des comtes d'Anjou.

Les Anglais se saisirent du château , sous le règne du roi Jean, et s'y retranchèrent si bien qu'ils purent faire des courses dans toute la Touraine, et jusque dans l'Anjou. Le pillage qui en était la suite obligea les seigneurs voisins de se réunir pour les chasser de ce poste. Jean de Bueil , depuis grand - maître des arbalétriers de France , fut le chef de cette entre- prise , et le célèbre Duguesclin voulut en cette occa- sion combattre sous sa bannière. Les Anglais en

PREUILLY. a3l

furent chassés, et le seigneur de Preuilly rentra dans son château qu'il mit en état de résister à une nouvelle attaque.

On croit que ce fut en ce temps que les barons de Preuilly ordonnèrent à leurs principaux \assaux de fortifier leurs châteaux , soit pour y recevoir gar- nison , soit pour y renfermer les prisonniers de guerre. Nous observerons à ce sujet que , pendant toute la durée des hostilités , le seigneur de Preuilly était maître absolu du château de son vassal , dont il devait user en bon père de famille, et le rendre dans le même état qu'il l'avait pris. Au nombre des châteaux qui relevaient à ce titre de la baronnie de Preuilly, nous voyons Doiré , près Châtelleraull, Rouvray, la Gâtelinière , Launay-sur-Fourche, Tour- neau, Monéor, la tour de la Gharlottière et le Roul- let, nommé depuis Verneuil-le-Château.

La ville et le château de Preuilly furent pris pendant les guerres de la religion par un enseigne du capitaine Belon. Ses intelligences avec quelques- uns des habitans lui en facilitèrent l'entrée , le 2 juin i562 , et il s'y maintint avec sa troupe jusqu'au 16 octobre suivant. Sans attendre qu'il en fût chassé, il prit le chemin de la Charilé-sur-Loire.

Le vicomte Atton, quoiqu'il eût fait bâtir le châ- teau de Preuilly , pouvait bien n'en pas être le pre- mier seigneur , de même qu'il est assez probable que ce ne fut pas lui qui, en 888, accompagna Ingelgcr dans son expédition d'Auxerre ; car , en ne lui sup- posant que vingt-cinq ans à cette époque, comme

aSîJk HISTOIRE DE TOUR AINE,

nous avons vu plus haut qu'il traita, en 936, avec Hugues-le-Grand , il aurait alors été âgé de soixante- douze ans. Nous observerons que dans cet acte d'é- change il est qualifié di illustre , titre qui ne se donnait qu'aux plus grands seigneurs et aux princi- paux officiers de la couronne. Nous savons que sa femme se nommait Emme; mais nous ignorons s'il en eut des enfans , et de quelle manière la baronnie de Preuilly passa dans la famille de ce nom. Au reste , s'il y a une lacune entre lui et le suivant , elle ne peut être tout au plus que d'une génération.

Effroy ou Euffroy est le premier que l'on voit pa- raître sous le nom de Preuilly, vers l'an 965. Ce fut lui qui , en l'an 1 001 , fonda dans la ville l'abbaye de Saint-Pierre, il eut sa sépulture. On y lisait cette épitaphe en vers rimes et léonins , suivant l'usage et le goût du temps un peu récent elle fut composée :

Inter mortales quos Gallia nobilitavit , Quondam regales geuus et probitas decoravit, Tutor eram patrise, pax jnris et emoluraentum , Dux quoque militise , subvertens castra furenttim. Sic cum vidèrent mihi facta , meiqiie valerent Sensus et mores, in Christo splendidiores, Fanum fundavi , cuUuque sacro decoravi , Iq quo nunc jaceo sublimis honore trophaeo. Effredus nomen, plebs, clerus funeris omen Supplens, subveniat prece, veto munere fiât.

Effroy, qui était aussi seigneur de la Roche-Posay, avait épousé Béatrix d'Issoudun , dont il eut Geof-

PREUILLY. 233

froy, Robert et Gosbcrt, ou Gaudebert qui fonda l'église de Bossay, Fan ioa4, ou, suivant la tradi- tion du pays, en io8o, ainsi qu'on l'a consacré par cette inscription. «L'an mille quatre-vingts de grâce, « monsieur de Preuilly Godebert, fils d'Effroy , fonda « cette place. » Mais cette date ne saurait s'accorder avec le temps vivait son successeur.

Geoffroy , premier du nom , baron de Preuilly , seigneur de la Rocbe-Posay, épousa Almodie , avec laquelle il vivait encore en io3o, car ils cédèrent en- semble à cette époque à l'abbaye de Marmoutier un droit de forage qu'ils avaient sur la terre de Mar- ligny. C'est ce titre qui nous a transmis le nom de ses enfans , savoir : Geoffroy, Guy , Gosbert, Hilde- garde et Adenorde ou Honneur, dont quelques-uns ont été omis par André Duchêne. Notre Geoffroy est mentionné dans plusieurs cbartes de Geoffroy Mar- tel, et notamment dans celle de io5o , par laquelle il soumet au saint-siège l'abbaye de Vendôme.

Geoffroy II, baron de Preuilly et de la Roche-Po- say j fut tué le jeudi-saint 1 066 avec quelques autres barons qui tenaient le parti de Foulques-Réchin , contre Geoffroy-le-Barbu , son frère , comte de Tou- raine. La chronique de Tours et celle de Saint-Mar- tin le font l'inventeur des tournois : mais il ne fit que les renouveler et en dresser les réglemens , car on sait qu'ils étaient en usage dès le règne de Charles- le-Chauve. Il eut d'Ameline, son épouse, deux fils : Geoffroy, comlo de Vendôme, surnommé Jourdain , qui épousa Euphrosine , fille de Foulques Loyson ,

234 HISTOIRE DE TOURAIT^E.

comte de Vendôme , souche des comtes de Vendôme de la première branche , et Eschivard qui suit.

Eschivard , premier du nom , baron de Preuilly et de la Roche-Posay , se révolta contre Foulques-le- Jeune, comte de Touraine , qui se vit ainsi forcé de lui faire la guerre; il l'assiégea vainement dans son château ; mais l'ayant rencontré en campagne , il le battit et le fit prisonnier. Cependant il lui pardonna depuis sa rébellion. Les enfans d'Eschivard furent Pierre; Joubert ou Gosbert , chevalier, qualifié de seigneur de la Guierche dans un titre du Cartulaire de Saint-Martin, de l'an ii 68; Jourdain et Gautier. Pierre, ditMon trabel ou Montrabut, baron dePreuilly et delà Roche-Posay. Il accompagna le comte d'Anjou dans les guerres qu'il eut avec Henri P', roi d'An- gleterre , et se trouva à la bataille de Séez, en ii 1 5. Il fut enterré dans l'abbaye de la Mercy-Dieu qu'il avait fondée. Il n'eut qu'un fils d'une femme dont le nom est inconnu.

Pierre II de Mon trabel , baron de Preuilly , etc. , suivit le parti de Henri II , qui s'était révolté contre son père. Celui-ci , étant venu en Touraine, assiégea et prit le château de Preuilly, l'an i lyS : mais il le rendit l'année suivante, par le traité de paix fait entre le roi d'Angleterre et ses enfans. Ce prince le choisit depuis, avec Maurice de Graon et Guillaume Meingot, pour traiter de la paix avec Louis VII , dit le Jeune , l'an T177. Il eut un fils unique qui lui succéda.

Eschivard II , baron de Preuilly , etc. , se trouva à la Roche-Martel au Loudunois, l'an 11 83, aux

PREIILLT. 2 35

obsèques de Henri au Courl-Mantel , fils aîné du roi d'Angleterre, qui y mourut le samedi 5 juin. Après l'assassinat d'Artus, comte de Touraine, il rentra dans le parti de la France, et, en 1206, jura la trêve conclue entre Philippe-Auguste et Jean-sans-Terre. La même année, il entreprit le voyage de la Terre- Sainte , et étant prêt à partir , il donna à l'église de Saint-Martin cinq sous de rente (i), à prendre sur les droits qui lui étaient dus par la Monnaie de Tours. Ce fut en considération de ce don que le chapitre le nomma chanoine honoraire. Il mourut vers 1260, et fut enterré dans l'abbaye dePreuilly. De sa femme Marille il eut Geoffroy lïl , Josbert qui épousa N. de La Trémouille , d'où vint Guy ou Gace de Preuilly, seigneur de la Roche-Posay. C'est depuis notre Eschivard II qu'on commença à dire, par alté- ration, Preuilly-l'Eschoart, parce qu'alorson écrivait Eschiuard.

Geoffroy III , baron de Preuilly, fut caution envers le roi Louis VIII , en juillet 1 2 1 8 , que Guillaume de Paye ne ferait la guerre ni à lui ni à ses sujets. Il eut quatre enfans , dont Eschivard qui continua la branche ; Jourdain , marié à Guy-de-Leste de Mon- treuil, avec laquelle, au mois de novembre ï23i , il engagea les dîmes d'Autrêche à l'église de Tours, pour la somme de quatre cents livres; et Isabelle, femme de Geoffroy Payen , seigneur de Bossay , en 1223. Le roi saint Louis, en 1229, lui confia la

(t) On sait qu'en ce cas il faut toujours entendre des sous d'or.

236 HISTOIRE DE TOURAINE.

garde de sa maison du Bouchet qu'il promit de lui rendre à sa volonté.

Eschivard III , baron de Preuilly et de la Rocbe- Posay, accompagna Louis IX, en 12^1, contre Hugues de Lézignhem , seigneur de La Marche , et par lettres du mois de septembre 1256, il accorda à son beau-frère Geoffroy Payen le droit de chasse dans les bois de Bossay et de Chambon; la même année il composa avec les habitans de Preuilly pour la taille qu'ils payaient à ses prédécesseurs , moyen- nant cinquante livres de rente. Il laissa d'Alix , sa femme, deux fils, Geoffroy qui suit, et Eschivard, qui servit Philippe - le - Bel dans les guerres de Flandres , en i3o2 et i3o3.

Geoffroy IV succéda à son père aux seigneuries de Preuilly et de la Roche-Posay , et fit hommage en 1274 ? 3^1 célèbre Pierre de Brosse, seigneur de Lan- geais et de Ghâtillon-sur-Indre , des terres qu'il tenait de lui, à cause de la terre de Châtillon. Par son testament fait en 1^85 , il voulut avoir sa sépul- ture dans l'abbaye de Preuilly , auprès d'Eschivard , son père. Il avait épousé Marguerite , dont il eut Eschivard IV , et Jeanne , femme de Guillaume Meingot, seigneur de Surgères.

Eschivard IV , baron de Preuilly et de la Roche- Posay, contracta mariage avec Marguerite Turpin, dame de Cingé et d'Azay-le-Féron , fille de Guy Tur- pin de Crissé. De ce mariage naquirent trois fils et trois filles, i" Eschivard; André, seigneur d'Azay- le-Féron; Grisel; 4" Marguerite, mariée à Jean,

PREUILLT. l'd'J

chevalier, seigneur de Pierre Buffîer, et de Château- Neuf en Timerais; Jeanne, femme de Bernard Robert, chevaher, seigneur de Saint-Jal; 6* Isabeau, reHgieuse.

Eschivard V, baron de Preuilly, etc. , fut fait che- vaher en i34ij et mourut en i348 ou 1349- ^^ épousa Isabeau de Mongeron, dont il n'eut qu'un fils.

Eschivard VI, baron de Preuilly, etc., eut procès avec Bernard Robert et Jeanne de Preuilly, sa tante maternelle, pour la succession de Marguerite Turpin, son aïeule, sur lequel il y eut un arrêt de rendu en i363; mais il fut depuis terminé par une transac- tion de 1 369. Il fut marié trois fois : la première, avec Blanche, fille de Guillaume de Montendre, seigneur de Gié et de Mauléon, dont il n'eut point d'enfans; la deuxième, avec Isabeau, fille de Guy, seigneur de Brizay; et la troisième, avec Sarrasine de Prie, fille de Jean de Prie, seigneur de Buzançais. Du second lit seulement il eut Orable de Preuilly, femme de Renaud de Mauléon, seigneur de Toufou. Il mourut le a 3 avril 1409? ^t fut enterré dans l'abbaye de la Mercy-Dieu , laissant de son troisième mariage deux fils et deux filles : savoir, Gilles; Antoine, seigneur de la Roche-Posay ; Louise , mariée à Geoffroy Cha- teigner, auquel elle porta en dot la seigneurie de la Roche-Posay, après la mort de Pierre de Preuilly, son neveu; enfin Jeanne, premièrement mariée à Nicolas Braque, seigneur du Laz et de Coucy en Gatinois, ensuite à Gaucher Aubin, seigneur de Malicorne , maître-d'hotel du roi Charles VI.

238 HISTOIRE DE TOURA.11VE.

Gilles, unique du nom et le dernier de cette famille, baron de Preuilly , rendit hommage à Charles VI pour la baronnie de Preuilly, le 28 juin 1409. Il s'allia avec Françoise, fille de Guillaume de Naillac, vicomte de Bridieu , seigneur du Blanc en Berry. Il fut tué au combat du pont de Saint-Cloud, Tan 1412, dans le parti du duc d'Orléans contre le duc de Bourgogne, et ne laissa que quatre filles : i** Marie de Preuilly, femme de Jacques Pot, dont elle n'eut point d'en- fans; 2^ Marguerite, qui suit; S"* Isabeau, religieuse; 4** Jeanne, mariée à Raoul de Gaucourt, grand- maître de France. Aussitôt après la mort de Gilles de Preuilly, Gaucher Aubin, son beau-frère, fit hommage au roi de la baronnie de Preuilly, au nom de ses nièces, le 18 décembre i4i2.

Marguerite de Preuilly, seconde fille de Gilles, devint héritière de la baronnie et du Blanc en Berri par la mort de Marie, sa sœur aînée. Elle fut mariée le 6 août 14^1 à Pierre Frottier, seigneur de Mel- zéart , grand-écuyer de France, auquel elle porta en dot sa terre de Preuilly. Elle mourut le 12 août i445, et son mari en 14^9, laissant deux enfans, George et Prégent Frottier. George fut fiancé fort jeune avec Marguerite d'Amboise, par contrat du 27 janvier i435; mais il mourut du vivant de son père avant la conclusion du mariage.

Prégent Frottier , deuxième du nom , succéda à sa mère dans la baronnie de Preuilly et la seigneurie du Blanc. Il se saisit du château de la Roche-Posay en vertu d'une lettre de cachet qu'il avait obtenue par

PREUILLY. 239

surprise du roî Louis XI , et s'empara de tout 1 argent et des meubles de Louise de Preuilly, sa grand' tante maternelle , veuve de Geoffroy de Chateigner. Cette veuve rendit plainte au parlement , qui permit d'in- former; mais elle se désista et transigea avec lui. Il épousa Isabeau de JBilly. De ce mariage sortirent Grisegonnelle Frottier; Pierre, seigneur d'Azay-le- Féron; Charles, seigneur de la Messelière; Isabelle, femme de Guillaume d'Avarie ou de Varie , seigneur de rile-Savary, et Jeanne , femme de Léon Taveau , seigneur de Mortemar.

Grisegonnelle Frottier , baron de Preuilly et sei- gneur du Blanc, épousa Françoise, fille de Jean d'Amboise, seigneur de Bussy, par contrat du 3i mai 1664. De ce mariage sortit Jean Frottier qui suit.

Jean Frottier, baron de Preuilly, seigneur du Blanc, reçut , en 1 5^3, l'aveu de la terre de Fombaudry rele- vant de Preuilly. Il épousa Louise de Reillac, et n'en ayant point d'enfans, il transporta ses terres de Preuilly et du Blanc à Louis de Clermont d'Anjou, son oncle maternel.

Louis de Clermont d'Anjou , baron de Preuilly , seigneur de Gallerande, d'Azay-le-Féron et du Blanc, reçut l'hommage de ses vassaux le 8 octobre iSag, et le 2 1 du même mois il confirma à René de Menou plusieurs privilèges pour sa terre de Boussay. Il épousa Renée d'Amboise , dame de Bussy, et en eut plusieurs enfans qui prirent le nom et les armes d'Amboise.

François de Vendôme, prince de Chabannaig,

0,4o HISTOIRE DE TOURAINE.

vidame de Chartres , était baron de Preailly en 1 544. Il mourut à trente-huit ans, le i6 décembre i56o, sans enfans de Jeanne d'Estissac. Après sa mort le roi donna les rachats, lots et ventes qui lui appar- tenaient sur la terre de Preuill}^, en qualité de comte de Poitiers, à Claude Gouffier, seigneur de Boisy, grand-écuyer de France, par lettres patentes du 19 juillet i56i. ,

Antoine de La Rochefoucauld, baron de Barbe- zieux, ayant acquis, comme nous l'avons dit, avec sa femme Antoinette d'Amboise, les droits d'Antoine Frottier, héritier en partie de Jean Frottier, s'em- para de toute la terre de Preuilly ; mais il y fut trou- blé par les époux de Madelaine et Renée Frottier, cousines - germaines de Jean. Ils s'accommodèrent depuis et vendirent leurs droits. Peu de temps après Jean Chateigner, seigneur de la Roche-Posay, s'étant fait relever de la transaction faite par Louise de Preuilly sa mère, avec Prégent Frottier, obtint, le II mars i552, un arrêt définitif par lequel le tiers de la baronnie de Preuilly lui fut adjugé contre Louis de Luxembourg et Antoinette d'Amboise, qu'il avait épousée après la mort d'Antoine de La Rochefou- cauld son premier mari.

François Chateigner, chevalier de l'ordre du roi, seigneur de la Roche-Posay, et de Preuilly en partie, épousa Louise de Laval, dont il eut un fils unique, mort à l'âge de treize ans, de manière que toute sa succession échut à Louis d'Abain, son oncle, qui réunit toute la baronnie de Preuilly.

PREUILLT. ll\ I

Charles de La Rochefoucauld, seigneur de Barbe- zieux, etc., fils aîné d'Antoine et d'Antoinette d'Am- boise, succéda à son père dans la baronnie de Preuilly. Il mourut eu i583; mais après sa mort sa veuve et ses enfans vendirent cette terre, le a4 avril i586, à Charles d'Escars, évêque et duc de Langres, sur lequel elle fut retirée féodalement par Louis Chasteigner, seigneur d'Abain en i588, le i8 dé- cembre.

Louis Chasteigner, baron de Preuilly, seigneur de la Roche-Posay et d'Abain , épousa Claude Du Puy. Après sa mort , sa veuve et ses enfans vendirent la terre de Preuilly à César , duc de Vendôme , le 26 janvier 1607.

César, duc de Vendôme , comte de Buzançais, etc., fils naturel de Henri IV et de Gabrielle d'Estrée, jouit de la baronnie de Preuilly depuis 1607 jus- qu'à 1660 qu'il la vendit à Louis de Crevant, moyen- nant 200,000 livres et 6000 de pot-de-vin.

Louis de Crevant d'Humières, chevalier des ordres du roi , vicomte de Brigueil , seigneur d'Argy, d'Azay- le-Féron , etc. , baron de Preuilly , fut marié avec Jacqueline, fille de Jacques, marquis d'Humières, dont il eut Hercule, tué au siège de Royan , et Louis, mari d'Isabelle Phelipeaux, d'où sont issus Louis qui suit, cinq autres fils et trois filles religieuses.

Louis de Crevant d'Humières , maréchal de France,

grand-maître de l'artillerie, duc d'Humières, baron

de Preuilly, etc., épousa Louise-Antoinette de La

Châtre, dont il eut Henri-Louis, tué au siège de

3. 16

242 HISTOIRE DE TOUR AINE.

Luxembourg en i634y Marie-Thérèse, épouse du prince de Senghien ; Marie-Louise, religieuse; Anne- Louise et Julie.

I^uis-Nicolas Le Tonnelier, baron de Breteuil, Fomhaudry, Tournon, etc., acheta la baronnie de Preuilly 378,000 livres, d'Anne-Louise de Crevant, héritière de feu le maréchal d'Humières , par contrat du 1 1 avril 1699. Il avait épousé Anne-Gabrielle de Froullay, et eut d'elle Louis-Alexandre, François- César et une fille.

Louis-François , marquis de Gallifet , baron d'Ho- non, acquit, en l'jl^i^la. baronnie dePreuilly de Louise- Micolas de Breteuil. Il fut le dernier de ces barons qui se soient fait installer à Saint-Martin en qualité de chanoine honoraire.

Hyacinthe-Marie Du Tertre, baron de Sancé, a été le dernier des barons de Preuilly en 1789.

La ville de Preuilly, indépendamment de son abbaye, comptait trois paroisses, Notre-Dame, Saint- Pierre et Saint-Melaine. On ne sait comment le corps de ee dernier, qui était évêque de Redon, fut trans- porté à Preuilly, on en fit la reconnaissance, l'an 1224, le dimanche avant l'Ascension. La justice était exercée par un bailli, un avocat, un procureur fispal et un greffier. Il y avait un maire en titre d'office, et six échevins ou conseillers, un grenier à $d, un bureau de contrôle et un des fermes.

REiGNAC. a43

REIGNAC, MARQUISAT.

Reignac, situé à trois lieues nord-ouest de Loches, et à sept lieues de Tours, se nommait dans l'origine Bray oXi Brays. On Tappela depuis Le Fau, et enfin Reignac, nom qu'il porte exclusivement aujourd'hui.

Grégoire de Tours, liv. X, ch. xxxi, § 4, nous apprend que saint Brice , évéque de Tours, fit con- struire pendant son épiscopat cinq églises au nombre desquelles était celle du lieu nommé Bricca^ que l'on croit être notre Bray, ce qui placerait cette commune au rang des plus anciennes de notre province. Cepen- dant son nom ne se trouve plus prononcé dans notre Histoire jusqu'au douzième siècle il est question ^ en II 20, d'un Archambaud, seigneur de Bray, qui épousa Ermensaude, fille de Sulpice I" d'Araboise. Un siècle plus tard, en I2i3, Pierre de Brosse ou de La Brosse, premier du nom, en était probablement seigneur, puisqu'il fit don des dîmes qu'il y possédait à l'église de cette paroisse. Il eut pour successeur son fils Pierre II, sergent à masse du roi saint Louis. Celui - ci fut père de Pierre III de La Brosse , chambellan , puis principal ministre du roi Philippe- le-Hardi, sous le règne duquel il fut pendu, ainsi que nous l'avons dit dans notre septième livre, à l'année 1278. Ses biens ayant été confisqués et réunis à la couronne , nous ignorons en quelles mains passa alors la seigneurie de Bray.

La famille Du Fau en était propriétaire dès les

244 HISTOIRE lîE TOUR AINE.

commencemens du quinzième siècle, et ce fut elle qui lui imposa le nom Du Fau, substitué à celui de Bray.

Jean, seigneur Du Fau, maître- d'hôtel du roi Louis XJ, épousa, en 1472? Jeanne de Bourbon, fille naturelle de Charles V% duc de Bourbon, et de Jeanne Souldet, légitimée en 146:2. ,

Ce fut en faveur de son fils Louis, seigneur Du Fau, que cette ten-e fut érigée en baronnie. Har- douin Du Fau vivait dans le seizième siècle, et com- parut en i559 à la deuxième réformation des cou- tumes de Touraine. Adrien Du Fau, son fils, seigneur Du Fau et d'Espinay, lui succéda. La branche mas- culine s'étant éteinte , la terre passa dans la famille Gillis, vers l'an i58o, par le mariage de Marthe Du Fau avec Alexandre Gillis.

Louis Barberin , comte de Reignac , marquis de Vartigny et lieutenant pour le roi de la Haute-Tou- raine , ayant acquis la baronnie Du Fau , lui fit à son tour changer de nom en obtenant, en 17 10, des lettres patentes qui l'érigèrent en titre de marquisat sous l'appellation de Reignac. Louis Barberin n'ayant laissé que deux filles de son mariage avec Marie- Marguerite de la Vallée de Pimodan, le marquisat de Reignac passa par l'une d'elles dans la maison de Laval, et de aux marquis de Lafayette et de Lusi^ gnem , qui en jouissaient encore par indivis en 1 789 ; mais cette terre a été dépecée par l'injuste inscription sur la liste des émigrés de l'illustre général Lafayette, dans le temps même qu'il gémissait dans les cachots d'Olmutz.

ROCHE-CORBON. 2l[3

On n'aperçoit plus de traces de l'ancien château de Bray qui était situé sur le coteau qui domine le vil- lage, autrefois fermé par des ponts-levis. Le nouveau château a été reconstruit entre le hourg et la rivière de l'Indre. Le comte de Reignac s'était plu à l'agran- dir et à remhellir. Il y mourut en 17 19, et eut sa sépulture dans la chapelle qu'il y avait fait bâtir. On y lisait son épitaphe sur un mausolée érigé par son épouse et par ses deux filles, la comtesse de La Ri- vière et la comtesse de Laval-Montmorenci.

Lorsque le roi venait pour la première fois au château de Loches, le seigneur de Bray devait l'at- tendre à la porte de la ville, lui tenir l'étrier pour descendre de cheval, et le conduire à l'éghse ou au château , en menant par la bride le cheval dont il était alors libre de disposer à son gré. Le même cérémonial s'observait à l'entrée de la reine, et son cheval, ou son carrosse, ou sa litière devenait éga- lement la propriété du seigneur de Bray.

ROCHE-CORBON, raroiynii:.

Roche-Corbon [Rupes Corbonis) est un village situé à une lieue est de la ville de Tours, sur le coteau qui règne le long de la rive droite de la Loire. Il se nommait anciennement Les Roches, du nom de l'une des plus anciennes familles de la province, dont sortait le célèbre Guillaume Des Roches , sénéchal de Touraine, d'Anjou et du Maine, sous Philippe- Auguste. Le château qui existait dans l'origine fut

a46 HISTOIRE DE TOURAI]\E.

rebâti par Robert Des Roches, petit-fils de Corbon, et depuis ce temps on le nomma toujours Roche- Corbon pour ie distinguer de plusieurs autres châ- teaux qui s'appelaient également Les Roches. Ce Robert était cousin de Hugues d'Aniboise , premier du nom. Celui-ci s'étant croisé pour la Terre-Sainte , en 1095, lui laissa le gouvernement de la tour d'Am- boise. Or, Robert craignant que Foulques-R.échin , comte de Tourame et d'Anjou, ne fît quelque entre- prise sur le château de Roche-Corbon tandis qu'il garderait la tour d'Amboise, le fit fortifier, et y fit élever une tour carrée dans un des angles du château qui regarde la Loire. Par ce moyen les soldats de la garnison pouvaient instruire ceux de la tour d'Am- boise de ce qui se passait, et réciproquement, ce qui s'exécutait au moyen d'un certain nombre de flam- beaux allumés qu'on élevait au haut de ces deux tours correspondantes, et qu'on abaissait selon les signes dont on était convenu. La tradition lui a conservé le nom de Lanterne de Roche-Corbon. Elle est encore entière, et c'est, avec quelques fragmens de murs, tout ce qui reste de l'ancien château. La tour elle- même n'a pas plus de trente pieds de haut ; mais elle est construite sur le point le plus élevé du rocher qui n'a souffert aucune altération, quoiqu'il y ait eu des éboulemens fréquens dans les autres parties du roc.

Ingelger, seigneur d'Amboise, surnommé le Grand, fit reconstruire encore, vers 1 35o, le château de Roche- Corbon qui lui avait été porté en dot par Jeanne de

ROCHE-CORBON. 247

Thouars sa seconde femme. Cette baronnie fut depuis unie, ainsi que la vicomte de Tours, à celle de Maillé par lettres de Louis XI, données en 1462 en faveur de Hardouin IX de Maillé. Cette union fut confirmée par Charles IX lors de l'érection de Maillé en comté, et enfin par Louis XIII, au mois de no- vembre 1619, lorsque Maillé fut érigé en duché de Luines. C'est depuis cette époque qu'on a laissé smi château tomber en ruines.

Les Anglais s'emparèrent de cette place au com- mencement de l'année i4^8; et comme ils occupaient également celle de Maillé, c'est-à-dire, au-dessus et au-dessous de la ville de Tours, les habitans, fort incommodés de leurs courses, furent obligés de les faire cesser au prix de cinq cents écus d'or qu'ils payèrent au commandant.

Corbon, chevalier, seigneur Des Roches, neveu de Hardouin, archevêque de Tours, vivait sur la fin du dixième siècle. C'était un des plus riches seigneurs de la Touraine. En 999 il donna le métairie de Sully à l'abbaye de Bourgueil , du consentement d'Aldesende sa femme. Il était alors vassal d'Archambaud de Sully, archevêque de Tours. Ce vassal était un officier que le roi donnait a l'archevêque pour prendre soin de ses revenus, maintenir la paix dans sa maison, et rendre les honneurs aux commissaires qui venaient dans la province de la part du roi. Corbon fut en- suite vassal royal , et assista en cette qualité à plu- sieurs jugcmcns rendus à Tours, ainsi que nous l'ap- prennent plusieurs titres de l'abbaye de Marmoutier,

248 histothe de touraine.

commençant par ces mots ; In nomine Sahatoris Dei , ego Corbo gratia Dei vasus dominicus et indominicatus : ces mots vasus dominicus signifient vassal royal. Il y avait plusieurs sortes de vassaux royaux distingués par la nature de leurs emplois. Les uns étaient occupés au service du roi , ainsi que le sont encore les officiers commensaux; d'au- tres l'étaient à garder les frontières du royaume, tels que nos gouverneurs de provinces; il y en avait d'autres qui faisaient valoir les domaines et les fiefs qu'ils tenaient du roi à titre de bénéfice, ou qu'ils possédaient en propre. Ces fiefs se donnaient ordi- nairement aux militaires pour leur entretien tant qu'ils étaient au service du prince, ou même pendant leur vie pour les récompenser de leurs services; c'est pourquoi on appelait ces domaines des bénéfices. Il y en avait aussi d'autres qui se tenaient auprès des comtes pour les aider dans l'administration de la jus- tice. Corbon était au nombre de ces derniers. Il assis- tait le comte de ïouraine au jugement des causes; et comme les comtes et vicomtes avaient déjà de son temps négligé leurs plus belles fonctions, qui étaient de rendre la justice, il était devenu par ce moyen le principal juge de la province. Cette dignité de vassal royal avait été déjà, avant lui, possédée par un autre Corvon, ainsi que nous le voyous par un juge- ment que rendit Tbibaut, vicomte de Tours, le 8 des calendes de juillet 908, car Corbon ou Corvon n'é- taient qu'un même nom par le cbangement très- fréquent du V en B. Ce Corvon nous semble donc

I\0CHE-CORBON. ^49

devoir être le père de notre Corbon, parce que l'un et l'autre se trouvent dans le même siècle revêtus de la même dignité au même lieu. Corbon Des Ro- cbes voulant témoigner qu'il ne tenait pas sa dignité à titre de bénéfice, comme les autres vassaux, mais à titre héréditaire et successif, se sert du mot latin indominicatus qui répond au mot propriétaire, 11 eut d'Aldésende, son épouse, Corbon, probablement mort jeune; Thibaut qui suit; Handouin; Guillaume et Hervé. On Croit que Guillaume Des Roches, qui fut sénéchal héréditaire des trois provinces, était issu d'un petit-fils de Hardouin.

Thibaut Des Roches, premier du nom, seigneur de Roche-Corbon , épousa Sibylle d'Amboise, fille de Lysois, dont il eut Robert et N. Des Roches.

Robert Des Roches, soigneur de Roche-Corbon, assista, en ioqG, à la dédicace de l'église de Mar- moutier, faite par !e pape Urbain II. Il vivait encore en 1127, car dans cette même année il accompagna Hugues d'Amboise au siège de Montrichard, et fut présent à la donation que fit Renaud, seigneur de Château -Regnault, à l'abbaye de Fontaines-les- Rlanches. Il fut marié deux fois : la première , selon toute apparence, avec Ammcline, fille de Gelduin, seigneur de Maillé; la seconde, avecMaycnce, dont la famille nous est inconnue. Il eut plusieurs enfans : savoir, i** Thibaut, qui continua la postérité; Ro- bert; 3" Sulpice, moine à Marmoutier ; Ganelon , doyen de l'église de Tours en 1 1 4 ^ et 1 1 49 ; ^'^ Lucie ;

aSo HISTOIRE DE TOUR AINE.

6' Sibyile, qui fut mariée avec Renaud II, seigneur de Château-Regnault.

Thibaut Des Roches , deuxième du nom , seigneur de Roche-Gorbon , accompagna sulpice d'Amboise dans la guerre qu'il eut à soutenir contre Thibaut , comte de Blois ; mais Sulpice ayant été pris dans une embuscade avec deux de ses enfans, Thibaut Des Roches eut le temps de se sauver dans le château de Chaumont, près duquel l'action se passait. Il eut pour enfans Geoffroy, Hugues, Hervé et Robert; mais on ignore quelle fut sa femme.

Geoffroy Des Roches succéda à son père , comme on le voit par une enquête faite sur un différend entre le seigneur de Roche-Corbon et le chapitre de l'église de Tours ; mais nous n'avons pu apprendre de même comment cette baronnie passa dans la maison de Dreux. Nous trouvons en ce même temps un Geof- froy Des Roches, gouverneur de la ville et du château de Tours qu'il rendit assez lâchement au roi d'An- gleterre, et il pourrait bien se faire que ce fût le notre, si, comme il est plus que probable, il n'y en avait pas alors deux du même nom.

Robert de Brenne, chevalier, seigneur de Roche- Corbon. On croit, mais sans certitude, qu'il était fils de Robert de France , comte de Dreux et de Brenne. Il fit plusieurs transactions avec Téglise de Tours en r2oV, i2o4, 1214 et 12x8. Il y a deux choses à remarquer dans celle de ïii/\; c'est qu'il avait un fils du nom de Geoffroy , dont les généalogistes

ROCHE-CORBON. iBl

parlent point, et en second lieu , c'est que sur son sceau est une colice chargée de six fleurs de lis, ce qui fait voir que Robert n'avait ni quitté les armes de France, ni pris celles de Dreux, comme le pré- tendent tous les généalogistes. Il fut marié deux fois : la première, avec Mahaut de Bourgogne, dont il fut séparé pour cause de parenté; la seconde, avec Yoland, fille de Raoul I", sire de Coucy. Ses enfans furent: Geoffroy de Brenne qui suit; Robert; Pierre de Dreux ou de Brenne, duc de Bretagne; Henri, archevêque de Reims; Jean, et six filles.

Geoffroy de Brenne, chevalier, seigneur de Roche- Corbon , fils aîné de Robert , fut aussi seigneur de Mézières, du chef de sa femme. Nous avons de lui un sceau l'on voit un cavalier tenant une épée nue de la main droite, et sur le bras gauche un écu chargé d'un lion rampant , entouré de ces mots : Sigillum Gauffredi de Brenna, et au contre-sceau, une biche courante , autour de laquelle on lit : Ru- pium Corhonis. En i23o, à la prière de Louis IX, il fit remise au chapitre de Saint-Martui , de Tours , de l'hommage qui lui était pour les dîmes de Saint-Pater. Il épousa Jeanne de Vierzon; mais ils ne vécurent pas long-temps ensemble, Geoffroy étant mort jeune.

Jeanne de Vierzon. Nous en avons déjà parlé à l'article des seigneurs de Mézières. Elle jouit à titre de douaire de la baronnie , et prit , suivant l'usage du temps, le titre de dame de Roche-Corbon. Elle se remaria à Geoffroy de Brabant. On lit autour de son

aSct HISTOIRE DE TOURAINE.

sceau : Johanna de Vierzon et de Rupihus Corh.

Jean , deuxième du nom , surnommé le Bon , fils de Robert IV , comte de Dreux , et de Bëatrix de Montfort , hérita la seigneurie de Roche-Corbon, après la mort de Jeanne de Vierzon. Sa première femme fut Jeanne , fille unique de Humbert de Beaujeu , sei- gneur de Montpensier et connétable de France , et la seconde fut Perrenelle, fille de Henri III, de Sully, dont il eut pour fille unique , Jeanne de Dreux, première femme de Louis, vicomte de Thouars. Jean était mort en i338.

Louis, vicomte de Thouars, seigneur de Roche- Corbon , eut , de son mariage avec Jeanne de Dreux , deux fils et trois filles : Jean , mort du vivant de sa mère; Simon, qui mourut en i363, sans enfans de Jeanne d'Artois ;Perrenelle,femmed'Amaury deCraon; Isabeau dont nous parlerons tout à l'heure , et Mar- guerite , femme de Guy Turpin , seigneur de Crissé.

Amaury de Craon , quatrième du nom , seigneur de Sainte-Maure, etc. , était fils de Maurice de Craon et de Marguerite de Mello. H y a apparence que Perrenelle Thouars, son épouse, fut dotée de la baronnie de Roche-Corbon , car il la possédait déjà en i348. Il fut fait prisonnier «\ la bataille de Poi- tiers, en 1 356, et conduit prisonnier en Angleterre, d'où il eut permission de revenir en France, pour travaillera sa rançon. Lorsqu'il fut libre, le roi le nomma avec le maréchal Boucicaut pour traiter de la paix avec le duc de Bretagne. Il mourut le 3o mai 1379, sans avoir eu d'cnfans. Après sa mort, sa

ROCHE-CORBON. ^53

veuve se remaria à Clément Rouault , dit Tristan , chevalier, seigneur à cause d'elle de la baronnie de Roche-Corbon. Us ne lais^^t n^nt également aucune postérité.

Isabelle de Thouars , seconde fdle de Louis , et de Jeanne de Dreux, dont nous avons déjà parlé, fut héritière , après la mort de sa sœur , de la baronnie de Roche-Gorbon. Elle eut trois maris : Guy de Nesle, maréchal de France; îi° Ingelger, fils de Pierre d'Amboise; Guillaume d'Harcourt. Du deuxième lit, naquit Pierre , seigneur d'Amboise; Ingelger, et quelques autres dont nous avons fait mention dans la série des seigneurs d'Amboise.

Ingelger ou Ingerger d'Amboise, deuxième du nom,fds d'Ingelger ¥^ et d'Isabelle de Thouars, eut en partage la seigneurie de Roche-Gorbon, celle de La Ferrière et la vicomte de Tours. Il s'acquit beaucoup de réputation dans les armes , et fît la guerre d'Afrique, en iSgo , avec le duc de Bourbon. Il mourut vers l'an i4io, et laissa de sa femme Jeanne de Graon deux fils et quatre filles : i*" Louis; Jean; Perrenelle; 4**Isabeau, alliée au seigneur de Montigny-Griant ; 5" Jacqueline, femme de Jean deLaTrémouille; Marie. Les deux fils moururent jeunes , ou du moins sans avoir été mariés.

Perrenelle d'Amboise, épousa, le i3 juin i^ii Hardouin VIII , baron de Maillé , auquel elle apporta en mariage la baronnie de Roche-Corbon , la vicomte des ponts de Tours et la terre des Montils. Son fils, Hardouin IX de Maillé, vendit cette dernière à

254 HISTOIRE DE TOURAlNE.

Louis XI, qui y bâtit son château du Plessis-les- ïours dont elle prit le nom. Par l'une des clauses de la vente , Roche-Corbon et les ponts de Tours furent réunis à Maille , et depuis ce moment n'eurent pas d'autres seigneurs que ceux de Maillé et de Luines, auxquels nous renvoyons.

Il dépendait de la baronnie de Roche-Corbon trois châtellenies et vingt-deux fiefs, au nombre de ceux- ci était le château de Saint-George, dans la commune de ce nom , distante de Roche-Corbon d'une demi- lieue. Il était situé sur le penchant du coteau qui domine et termine la vallée qui le partage , à quel- ques toises de distance de la Loire. Ce château ne joue aucun rôle dans notre histoire, et il n'en existe plus de traces depuis long-temps, si ce n'est un escalier Àe cent vingt-deux marches et cinq paliers, taillé dans le roc , espèce de chemin couvert, con- duisant sur le sommet du coteau , et dont l'issue déguisée avec soin , d'ailleurs très-facile à défendre , permettait la sortie et la rentrée des troupes , ainsi que l'introduction sans danger des approvisionnemens du château.

ROCHE-POSAY (la), baronnie.

La Roche-Posay ( Rupes Pusiaca ) , nommée an- ciennement la Roche de Pouzay, située sur la Gar- tempe, à dix-neuf lieues sud de Tours, était du du- ché de Tour aine pour le temporel , mais du diocèse de Poitiers quant au spirituel , quoique sa cure fût

I

ROCHE-POSAY. 255

à la collation de l'archevêque de Tours. Sa position entre deux coteaux élevés donne naissance à un ruisseau qui disparaît pendant l'été , et a une source d'eau minérale très-limpide et sans aucune saveur. Ces eaux ont quelque réputation dans le pays , mais en général , elles sont peu fréquentées.

Cette source ne fut découverte qu'en iS^S. Millon, premier médecin du roi, en donna l'analyse dans une brochure intitulée : Description des fontaines médicinales de Roche-Posay ^ en Touralne; Paris, 1617, in-8.

Les barons de Preuilly sont les plus anciens sei- gneurs de la Roche-Posay que nous offre notre his- toire; peut-être en existait-il avant eux ; mais ce serait en vain qu'on en chercherait quelques traces anté- rieurement à Euffroy , qui vivait en 965. Trois familles principalement ont composé la série des sei- gneurs de la Roche-Posay. Ce sont celles de Preuilly, de Chasteignier, et d'Isoré d'Hervaut. Nous ne ré- péterons donc pas ici les détails que nous avons déjà donnés sur les quinze premiers seigneurs de Preuilly, qui l'étaient en même temps de la Roche- Posay, Nous nous bornerons seulement à rappeler leurs noms en cette dernière qualité.

Effroy ou Euffroy de Preuilly, seigneur de la Ro- che-Posay, vivait en 965.

Geoffroy de Preuilly vivait encore en io3o.

Geoffroy de Preuilly , deuxième du nom , mort en 1068.

Eschivard I*', 'vivait en i iio.

Q.56 HISTOIRE DE TOURAINE.

Pierre , son fils , dit Montrabel , premier du nom , était à la bataille de Se'ez, en 1 1 15.

Pierre , dit aussi Montrabel , deuxième du nom , assiégé par Henri II , en ii yS.

Eschivard II , assista^ en ii 80, aux funérailles de Henri au Gourt-Mantel.

Geoffroy ITI, cité dans un titre de 12 18.

Eschivard III. On a de lui des lettres datées de 1256.

Geoffroy IV, fît hommage à Pierre de Brosse, en 1274.

Eschivard IV, de laSi à i3i8.

Eschivard V, de i3i8 à i349.

Eschivard VI, mort en 1409, âgé de quatre-vingts ans.

Gilles de Preuilly, tué en i^i^, eut pour fille Marguerite , qui épousa Prégent Frottier.

Antoine de Preuilly , frère de Gilles, fut tué en 14^3, laissant Pierre et Louise de Preuilly.

Pierre de Preuilly , étant mort sans alliance , la seigneurie de la Roche-Posay , passa à sa sœun Louise, qui fut mariée à Geoffroy Chasteignier.

Geoffroy Chasteignier , devint baron de la Roche- Posay , du chef de Louise de Preuilly, sa femme, de laquelle il eut Guy Chasteignier.

Prégent Frottier était fils de Pierre Frottier, et de Marguerite de Preuilly , dont nous avons parlé plus haut. Mécontent sans doute de ce que la baronnie de la Roche-Posay avait été distraite de celle de Preuilly, et quelle était passée à Guy Chasteignier, du chef

ROCHK-POSA.T. I^J

diî Louise, alors veuve de Geoffroy Chasteignier, il obtint de Louis XI, en 1471 > "°6 lettre de cachet, en vertu de laquelle il se mit en possession du châ- teau de la Roche-Posay , d'où il chassa violemment sa grand'tante maternelle. Il y eut entre eux un procès à ce sujet ; mais il se termina par une transac- tion dont le résultat fut que la Roche-Posay demeura dans la famille Chasteignier.

Guy Chasteignier , épousa , en 1 480 , Catherine du Puy, dont il eut

Jean Chasteignier , premier du nom , baron de la Roche-Posay , qui fut père de

Jean Chasteignier, deuxième du nom , baron de la Roche-Posay.

Jean Chasteignier, troisième du nom, comparut à Langeais, en iSSg, lors de sa seconde réformation des coutumes de Touraine. Il avait épousé Claude de Montléon, dont il eut Roch - François , qui suit, et Jeanne , qui épousa , le 1 5 juillet 1 573 , Henri Clufîn.

Roch-François Chasteignier, baron de la Roche- Posay , de Touffou , de Talmont , chevalier de Tordre du roi, se distingua , en i555, dansla guerre d'Italie, au siège de San-Balcgno , il tailla en pièces les six cents mousquetaires que commandait Emmanuel de Luna , qui n'entra dans la place assiégée qu'avec quatre-vingts de ses hommes , le reste ayant été tué ou pris. Il avait épousé, le 27 septembre t566, Louise de Laval.

Louis Chasteignier, seigneur d'Abain et de la Roche-Posay, ambassadeur en Suisse, prit alliance 3. . ly

258 HISTOIRE DE TOUR AINE.

le i5 de janvier 1667, avec Claude Dupuy, dont ^ entre autres enfans , il eut Jean qui suit.

Jean Chasteignier , quatrième du nom , seigneur de la Roche-Posay , lieutenant-gënéral au gouverne- ment de la Haute et Basse Marche , eut pour femme Diane , fille de Charles de Fonsèque , baron de Sur- gère, dont il eut

Charles Chasteignier, baron d'Abain et de la Roche-Posay, comte de Chinssé. Il avait épousé Charlotte de Jousseran. Des enfans nés de ce mariage, il ne resta qu'une fille , Marie - Gabrielle . qui , en 1662, épousa René Isoré d'Hervault.

René Isoré d'Hervault, troisième du nom, mar- quis de Pleumartin , baron de la Roche-Posay, lieu- tenant-général pour le roi , dans le Haut Poitou , et ensuite dans la Touraine. Ce fut en sa faveur que la terre de Pleumartin fut érigée en marquisat par lettres patentes du mois de janvier i652. Depuis ce temps , la terre de la Roche-Posay est constamment restée dans la même famille.

Armand-Louis-François Isoré d'Hervault , marquis de Pleumartin , fut , en 1790 , le dernier baron de la Roche-Posay.

SACHE, BARONNIE.

La commune de Sache {Sacciacum)^ située sur la rive gauche de l'Indre , dans le canton d'Azay-le- Rideau , avait donné son nom à une ancienne famille, dont la descendance nous est totalement inconnue.

SACHE. 269

Nous savons seulement qu'en 1260, le mardi après l'octave de la Trinité, un Guillaume de Sache tran- sigea avec le chapitre de l'église de Tours, et s'ohli- gea de lui payer, conjointement avec le prieur de Sache, quinze septiers de seigle pour les dîmes et novales. Depuis ce temps , il s'écoule un assez long espace sans que nous voyions aucun seigneur de Sache reparaître sur la scène.

François Savary , seigneur de Sache et du Pont- de-Ruan, épousa Marguerite, fille de N. Bérard, sei- gneur de Bléré, dont il eut François qui suit, et Jeanne , mariée à Louis d'Aloigny.

François Savary , deuxième du nom , seigneur de Sache et du Pont-de-Ruan , eut une fille unique nommée Renée, qui porta son héritage dans la famille de Rouxelley.

François de Rouxelley, seigneur de La Treille en Anjou, le devint de Sache et du Pont-de-Ruan, par son mariage avec Renée Savary , d'où naquit

René de Rouxelley , soigneur de Sache , du Pont- de-Ruan et de La Treille , chevalier des ordres du roi. Il épousa Marguerite de Montmorenci-Bouteville, dame de Roche-Millet et de Corbeil-le-Cerf , par con- trat du 23 juin 1589. De ce mariage vinrent plu- sieurs enfans, entre autres René qui suit, et une fdle nommée Marguerite , comme sa mère ; elle voulut se faire carmélite; mais ses parens s'y étant con- stamment opposés, elle persista à vouloir en suivre le règle au sein même de la maison paternelle , et- mourut en 1628, victime des austérités qu'elle s'im-

'7-

^Qo HISTOIRE DE TOURAINE.

posait. Nous en parlons plus en détail dans le qua- trième volume. On lui donna, après sa mort, la qua- lification de Bienheureuse.

René de Rouxelley , deuxième du nom . fils du précédent, seigneur de Sache , du Pont- de- Ruan et de La Treille , eut entre autres enfans François qui suit.

François de Rouxelley, deuxième du nom, sei- gneur de Sache , du Pont-de-Ruan et de La Treille, épousa Henriette - Antoinette , fille de Hyacinthe de Quatreharbes , chevalier d'honneur de Madame , charge dont il obtint la survivance. Il mourut en 1692. On le nommait le marquis de Sache, quoique cette terre n'eût que le titre de baronnie.

Au commencement du dix-huitième siècle, N. de Villiers était propriétaire de la baronnie de Sache, qui se composait alors des seigneuries de Sache, Vil- laines , Thilouze , Pont-de-Ruan , Méré dans la com- mune d'Artannes, et Vallesne dans celle de Sache. Etant célibataire, il démembra sa baronnie en ven- dant la terre de Villaine au seigneur d'Azay-le-Rideau,

celle de Thilouse à N , et le surplus , c'est-à-dire ,

Sache, Vallesne, Pont-de-Ruan et Méré à celui qui suit.

N. Péan, chef d'escadre , après avoir été amputé d'une jambe, obtint sa retraite, et se maria à la dame veuve de Blois , avec laquelle il acquit ce qui restait de la baronnie de Sache. Après sa mort, sa veuve, qui avait eu une fille de son premier mariage, la dota de la seigneurie de Méré , que celle-ci vendit

SA.INT-ANTOINE-DU-ROCHER. 'aGi

à la dame veuve Landriève. De son côte , la mère vendit Sache, Vallesne et le Pont-de-Ruan à

Jean Butet, ancien négociant à Tours qui, lors de l'assemblée de la noblesse, en 1789, prit encore la qualité de seigneur de Sache. Depuis, cette propriété à été partagée entre ses deux filles, mesdames de Savary et de Margonne.

SAINT-ANTOINE-DU-ROCHER.

Saint-Antoine-du-Rocher n'est qu'un simple vil- lage non titré , situé à environ trois lieues nord-ouest de la ville de Tours. Nous n'en eussions pas fait men- tion s'il ne se trouvait sur son territoire un monu- ment celtique le plus grand et le mieux conservé de ceux, en petit nombre, que renferme la province. C'est un de ces édifices grossiers connus sous le nom de dolmen ou dolmein , mot qui signifie en breton tal?/e de pierre, et formé de taol , table , contracté en dol , et de inen , pierre , au pluriel mein.

Trois pierres, dont deux debout et une placée horizontalement au-dessus , composent assez ordinai- ment ces dolmen que l'on considère comme des autels druidiques. Celui-ci , connu dans le pays sous le nom de grotte de fées , est formé de douze pierres, savoir : deux à l'ouverture, i , 2; trois du côté gauche , 3 , 4 y 5; une au fond , 6 ; trois du côté droit , 7,8,9; et trois placées horizontalement au-dessus , 10, 11 et 1 2 . Les pierres numéros i et 2 sont rentrantes de cinq pieds, de manière à former une espèce de vestibule; des

262 HISTOIRE DE TOL'IIAJNE.

trois pierres posées aplat, celle du milieu , numéro 10^ domine les deux autres d'environ deux pieds, et l'on pourrait croire que c'était véritablement la table ou l'autel , dans la supposition ce monument eût été destiné aux sacrifices. Ces trois pierres sont beau- coup plus grossesque lesautres , qui toutes sont brutes et du même grain que celles qui se trouvent dans le voisinage. On serait volontiers tenté de croire que le nombre trois, si respecté dans l'antiquité, a pré- sidé à la distribution de ce dolmen. Il est à remar- quer aussi que les trois pierres horizontales sont pla- cées de manière que chacune d'elle ne porte que sur trois pierres, savoir : le numéro 10 sur 5 , 6, 7 ; le numéro 1 1 sur 4,5,7, et le numéro 12 sur 3, /j, 9 ; et qu'ainsi il reste trois pierres i , 2,8, qui ne portent rien : aussi le numéro 8 est-il un peu incliné. On retrouve encore le nombre trois dans cette sorte d'arrangement.

Ce monument est placé a mi-cote à environ cin- quante toises de la petite rivière de la Choisdle. Sa direction est du levant au couchant; ainsi, l'entrée se trouve au levant, contrairement h l'usage observé pour les temples du christianisme. A quelque dis- tance de l'entrée on aperçoit une treizième pierre en- terrée, dont on ne découvre que la surface; mais, selon toute apparence, ce n'est qu'une prolongation de la roche sur laquelle le monument est assis.

Sa longueur totale est de trente-quatre pieds sur onze pieds de haut , et sa largeur est de neuf pieds dans œuvre.Le bloc numéro 1 1 adix-huit pieds de long.

SAINT- A.NTOINE DU ROCHER. .i63

Le bloc numéro i o , qui forme le milieu de la couverture, cubant environ quarante pieds, et la pesanteur spécifique de cette sorte de pierre étant de 170 liv. par pied cube , il en résulte que son poids doit être de 4o,8oo liv.

Le bloc numéro 1 1 cubant , à très-peu de chose près , trois cents pieds , son poids doit être de 5 1,000 liv.

Enfin 5 le bloc numéro 1 1 , étant de cinq cents pieds cubes , pèsera 85,ooo liv.

Total pour les trois pierres de la couverture , 1 76,800 liv.

Nous avons dit qu'il se trouvait dans notre pro- vince peu de monumens de cette espèce , et l'on devrait même s'étonner qu'il y en existât encore d'après les arrêts sévères qui les proscrivirent dès les premiers siècles du christianisme. Nous voyons en effet dans les Capitulai res un édit du roi Chil- debert, publié en 554 , qui ordonne d'abattre les statues et les monumens des dieux du paganisme, portant en outre que quiconque ne rejetterait pas de son champ les simulacres qui s'y trouvaient , et em- pêcherait les prêtres de les détruire , serait consi- déré comme sacrilège. Quelques années après , Chil- péric renouvela cette ordonnance, et prescrivit de même de détruire toutes les pierres qui couvraient les champs xle la Gaule. Nous ne devons pas être sur- pris maintenant si les monumens druidiques sont devenus si rares dans un pays voisin des lieux les rois faisaient leur résidence, et même ils fai-

264 HISTOIRE DE TOlTRAINE.

saient d'assez fréquens voyages. Peut-être les anciens monumens que l'on rencontre encore n'ont-ils leur conservation qu'aux bois épais dont les cam- pagnes étaient alors couvertes, et surtout a rattache- ment secret que les habitans portaient toujours au culte de leurs aïeux , puisque nous avons vu , au troisième livre de notre Histoire , que le vingt-et- unième canon du concile de Nantes, en 658, en- joignit aux évêques de faire abattre et brûler les arbres que le peuple révérait encore.

En consacrant cet article au dolmen de Saint- Antoine-du-Rocber, nous avons cru qu'il serait in- utile de parler de quelques autres monumens de la même nature, mais beaucoup moins considérables, qui se trouvent disséminés sur quelques points de notre territoire. Si l'on nous objectait qu'ils se ren- contrent en très-grand nombre dans la Basse-Bre- tagne, nous répondrions que l'Armorique, dans tout le moyen âge, fut gouvernée par des princes particu- liers , et n'était point soumise aux lois françaises.

SAINT-CHRISTOPHE, baronnie.

Saint - Christophe , ou Christophle , ainsi qu'on écrivait autrefois , est un gros bourg , distant de Tours de six lieues du coté du nord, sur le penchant du coteau, dont le vallon est arrosé par le Gavot, ruisseau qui tombe dans le Loir. C'était la première baronnie de Touraine, et le Sergent bailliager de la province : mais depuis l'érection de Châteaux en

SAINT-CHRISTOPHE. 265

duché pairie, sous le nom de La Vallière , avec l'u- nion de la baronnie de Saint-Christophe, elle ne reconnaissait plus le bailli de Touraine pour la jus- tice, et ses appels allaient droit à Château -La Vallière , et de au parlement de Paris. 11 reste encore à Saint-Christophe quelques traces du châ- teau qui était sur la hauteur du côté de l'orient. On voit sur les registres de la maison-de-ville de Tours, de l'année il[i6y que les habitans de Tours étaient fort incommodés par les courses de la garnison de Saint-Christophe, et qu'ils furent obligés de recourir à la reine de Sicile, duchesse de Touraine, pour l'inviter à y faire mettre un terme. On pourrait pré- sumer de , que cette place était alors plus impor- tante qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Nous voyons dès le dixième siècle paraître sur la scène des })arons de Saint-Christophe.

Hugues d'Aluys est le premier qui se présente. C'était un des favoris et des plus zélés partisans de Foulques-Nerra , il l'accompagna dans toutes ses guerres , et le reçut dans son château lorsqu'il tra- versait la Touraine pour aller d'Angers à Aniboise. Il laissa deux enfans de Richilde , son épouse : Jean et Hugues.

Jean d'Aluys, premier du nom, baron de Saint- Christophe et de Châteaux, accompagna Foulques-le- Jeune, comte d'Anjou , à la bataille de Séez, en 1 1 1 5 , avec Hugues, son frère , et seconda utilement le seigneur d'Amboise dans la guerre qu'il eut contre Geoffroy de Preuilly , comme nous l'avons dit précé-

266 HISTOIRE 1)K TOUR. UNE.

déminent. Il épousa une fille de Robert II , seigneur de Semblançay , dont il eut Hugues qui suit.

Hugues d'Aluys, quatrième du nom, baron de Saint-Christophe et de Châteaux , était un des plus considérables barons du royaume. Il passa en Angle- terre avec les troupes que le roi Louis-le-Jeune envoyait au secours des fils de Henri II, révoltés contre lui : mais l'armée conduite par Robert, comte de Leicester , fut défaite en j 1^3 , et Hugues d'Aluys fut comme lui fait prisonnier. Conduit au château de Falaise , il en sortit bientôt moyennant une légère rançon, S'étant croisé pour la Terre-Sainte , avant que de partir, il restitua à l'église de Tours tout ce qu'il avait pris injustement sur ses sujets. Il en donna ses lettres sans date, du consentement de Guiburge de Charocé , sa femme , et d'André , son fils unique.

André d'Aluys , baron de Saint-Christophe et de Châteaux, épousa Elisabeth, fille de Sulpicell d'Am- boise, qui mourut à la fleur de son âge, et fut en- terrée dans l'abbaye de Ponl-le-Voy, laissant un fils et une fille, Hugues et Agnès.

Hugues d'Aluys, cinquième du nom, baron de Saint-Christophe et de Châteaux , succéda à son père. Sa femme nous est inconnue. Il n'en eut qu'un fils.

Jean d'Aluys , deuxième du nom , baron de Saint-Christophe et de Châteaux , est nommé entre les principaux seigneurs du royaume qui portaient bannière, sous Philippe-Auguste, en 1214. En laSg, il fit plusieurs donations à l'abbaye de la

SAIKT-CHRISTOPUE. 'iCj

Clarté-Dieu , il eut sa sépulture à Tentrée des galeries. Sur son tombeau , élevé de deux pieds, il était représenté armé de sa cotte-d'armes, l'épée au côté, et son écu sur le bras sans aucunes armoiries. Il eut pour fils *

Hugues d'Aluys, sixième du nom , baron de Saint- Cliristoplie et de Châteaux. Il ratifia les dons faits par son père, en lîiSg, à l'abbaye de la Clarté- Dieu, et lui-même lui abandonna toute la justice, au mois de juillet 1248, du consentement d'Alix, sa femme, et de ses quatre filles, Catlierine, Margue- rite , Constance et Isabelle ; l'aînée mourut jeune. Les deux autres furent dotées de cent livres de rente, et la seconde lui succéda.

Marguerite d'Aluys , devenue unique héritière de Hugues , fut mariée à Rotrou de Montfort , seigneur de Semblançay , de Pernay et de la Motthe-de-Son- zay, auquel elle porta en dot les baronnies de Saint- Christophe et de Châteaux. Ils échangèrent, en laSy, avec les religieux de la Clarté, le bourg que leur avait donné Hugues IV, contre quelques terres, et trente livres de rente sur le péage de Saint-Chris- tophe; et, en 1267, ils payèrent la somme de trois cents livres qu'ils devaient à l'abbaye de La Boissière, pour l'exécution du testament de Hugues, leur aïeul maternel. Jeanne fut le seul fruit de ce mariage.

Jeanne de Montfort , fdle de Rotrou et de Mar- guerite d'Aluys, fut mariée, en 1276, à Guillaume l'Archevêque , deuxième du nom , seigneui' de Par- thenay, Mervant, Vouvent et Taillebourg, en h

*l6S HISTOIRE DE TOURAINE.

famille duquel elle porta les baronnies de Saint- Christophe, Châteaux, Semblançay , Montfort, et plusieurs autres belles terres et seigneuries. On tient que cette famille descendait d'un archevêque de Bordeaux qui quitta son archevêché pour se marier, et qu'en raison de cela , les garçons prirent le nom d'Archevêque, et les filles celui de Parthenay. Mais ce récit ressemble fort à un conte fait à plaisir; car cet archevêque avait sans doute un nom que ses en- fans n'auraient pas répudié.

Notre Guillaume eut de Jeanne de Montfort trois fils et trois filles, i" Hugues, seigneur de Saint-Christophe; Jean qui continua la postérité; 3*" Guy, baron de Soubise et de Taillebourg; 4** Ma- rie de Parthenay , femme de Girard Chabot; Isa- beau , dame d'Apremont, mariée en 12 56, à Jacques d'Harcourt; 6** Létice , mariée en 12 83 , à Maurice d'Harpedane , seigneur de Belleville.

Hugues Larchevêque , cinquième du nom , sei- gneur de Parthenay, de Saint-Christophe, de Châ- teaux et de Semblançay , épousa Isabeau de Nesle , dont il n'eut point d'enfans , de sorte que sa succes- sion passa à son puîné.

Jean Larchevêque , seigneur de Parthenay, Saint- Christophe , etc. , prit alliance avec Marie , fille de Guichard V , comte de Beaujeu , dont il n'eut qu'un fils.

Guillaume Larchevêque , seigneur de Parthenay , Saint-Christophe, Semblançay, Châteaux, les Ponts- de-Tours, Secoudigny, Fontenay, Vouvant, Chas-

SAINT-CHRISTOPHE. l6c)

telaillon et Bczay, épousa, en i34o, Jeanne deMa- thefelon , fille de Thibaut et de Béatrix de Dreux. Il mourut le mardi 17 mai i4o7- Ses enfans furent Jean qui suit, Jeanne de Parthenay , femme de Guil- laume vicomte de Melun et de Tancarvillc , et Marie , épouse de Louis de Cliallon , comte de Tonnerre.

Jean Larchevê^ue, deuxième du nom , succéda à son père aux baronnies de Saint-Christophe et de Châteaux. 11 fut marié à Brunissant, vicomtesse de JJmoges , dont il n'eut point d'enfans. Il suivit le parti de Philippe-le-llardi, duc de Bourgogne, contre le roi Charles VI, l'an i4j5. Il fut condamné pour ce sujet , et ses biens confisqués à la couronne furent donnés à Charles dauphin de France, duc de Touraine , qui s'en dessaisit en faveur du comte de Richemont, connétable de France. Mais il se vit remis en grâce Tannée suivante , et fut rétabli dans tous ses biens. Il était encore baron de Saint-Chris- tophe en 1445.

Nous venons de dire, d'après les généalogistes, que Jean Larchevêque n'avait point eu d'enfans. Ce- pendant nous trouvons à Tours, en 14^7 > "^^ Guil- laume Larchevêque qui ne pouvait être que son fils. Il y a à ce sujet une anecdote qui mérite d'être rap- portée. Maittaire, dans ses annales typographiques, a cru que la ville de Tours avait été la première en France l'imprimerie avait été introduite dès l'année 1^6'], se fondant pour cela sur la souscrip- tion de l'ouvrage de Florius , de Amore Camilli et

110 HISTOIRE ïiE TOlIRAINfi.

jE milice, à la fin duquel on lit : Francisci Florii Florentini liber félicite?^ exp Ictus est Turonis , et éditas in domo dorn. Guillermi archiepiscopi ^ Turonensis ^ pridie kalendas januarii, anno Do- mini 1467. Il est claii' qu'il s'agit ici de Guillaume Larchevêque Tourangeau , et non de l'archevêque de Tours qui était alors Gérard de Crussol. Quant au mot editus , on a fort bien prouvé par plusieurs exemples que libri editi ne signifie autre chose que livres publiés, quoique manuscrits; et celui-ci ne pouvait être autrement qu'écrit à la main , puisqu'il n'y eut d'imprimerie en France que trois ans plus tard.

Les baronnies de Saint-Christophe et de Châ- teaux furent , comme nous l'avons dit, réunies pour former le duché de La Vallière.

SAmT-MICHEL, baronnie.

Saint-Michel-sur-Loire est situé à une lieue au- dessus de Langeais. C'est un bourg qui n'est consi- dérable ni par son titre , ni par sa population ; cette baronnie est cependant l'une des plus anciennes de la province. Elle a été possédée , il y a plus de neuf cents ans , par une famille qui n'avait point d'autre nom, mais qui a fini par être fondue dans celle de Marmande On ne doit pas confondre cette terre avec celle de Saint-Michel-des-Bois , dans l'arrondis- sement de Loches, qui n'était qu'une simple chatel- lenie.

SAÏNTE-MAURÉ. U7I

Ëbbon est !e premier baron de Sainl-Micbel dont nous ayons connaissance. Il signa les lettres que Foulques-Rëcbin donna , le 3 des ides de mars 1073, en faveur de labbaye de Marmoutier.

Depuis ce temps , les seigneurs de Saint-Michel ne figurent que très-rarement dans l'histoire de la province. Cependant nous trouvons, en 12 14, parmi les chevaliers bannerets créés par Philippe- Auguste, un seigneur de Saint-Michel qui n'est désigné par aucun prénom , ainsi que quelques autres qui sont venus après lui.

Yers iSgo, Marguerite, fille aînée de Jean III, comte de Sancerre, et de Béatrix de Roucy , est indiquée comme baronne de Marmande et de Saint- Michel.

Dans les commencemens du seizième siècle, et même sur la fin du quinzième, cette baronnie était possédée par la famille d'Espinay.

En 1 507 , nous voyons assister à la première ré- formation des coutumes de Touraine Jacques d'Es- pinay , premier du nom ; et, en i oSg , un autre Jac- ques d'Espinay comparaît également à la seconde formation.

Il est probable que ce fut quelque temps après que cette baronnie fut fondue dans celle de Mar- mande.

SAINTE-MAURE, baronnie. La ville de Sainte-Maure, située à neuf lieues de

O.'J'l IIISTOirxE DE ÏOURA.IJfE.

Tours , du coté du Poitou , doit son nom et son ori- gine à une sainte du même nom , qui avait ëtë en- terrée dans ce lieu avec sa sœur nommée Britte. Grégoire de Tours rapporte qu'un des principaux habitans du pays y bâtit une église qui fut consacrée par saint Eufrone , évêque de Tours, en 570. La dévotion y ayant attiré plusieurs personnes , il s'y forma en peu de temps un bourg Foulques-Nerra, comte d'Anjou, profitant de sa situation élevée, fit bâtir un cliâteau au commencement du onzième siècle. Ce cliâteau a donné son nom à une famille long-temps célèbre , mais dont l'existence connue ne peut guère remonter qu'à la construction de ce châ- teau, oïl, selon sa coutume, Foulques-Nerra aura mis des gouverneurs qui en sont devenus propriétaires.

Geoffroy de Sainte-Maure, fils d'Amaury, était seigneur de Sainte-Maure dès le commencement du onzième siècle.

Gosselin, autrement Josselin, qu'on reconnaît pour le chef de la famille de Sainte-Maure, fut surnommé le Poitevin. C'était un des chevaliers les plus consi- dérables de son temps , qui prit part aux actions les plus célèbres de cette époque. On le voit présenta la fondation de l'abbaye de Beaulieu , en 1012 , et en- core en io4o , à celle de la Trinité de Vendôme. Il eut plusieurs enfans de sa femme Aremburge, savoir: Hugues qui lui succéda , Guillaume, Gosbert, Clerc, et Geoffroy. Il est probable qu'il eut aussi une fille du nom de Bélutia , qui fut mariée à Emery , dit Payen , seigneur de Colombiers.

S.UNTt-MAURE. l'-J^

Hugues , premier du nom , chevalier , baron de Sainte-Maure, eut plusieurs démêlés avec les princi- paux seigneurs de Touraine, particulièrement avec l'archevêque de Tours , et Tabbé de Marmoutier. Le pape Grégoire VII, irrité de ses procédés, le somma de comparaître au premier synode qu'il tiendrait à Rome pour donner ses moyens de défense , le mena- , çant des censures ecclésiastiques, s'il n'obéissait à ses ordres. Nous ignorons s'il fut docile à l'injonction de l'impérieux Hildebrand. Il fonda à Sainte-Maure, vers l'an 1060, le prieuré de Saint-Même. Le titre de cette fondation est remarquable en ce qu'il s'y dit': par la grâce de Dieu, seigneur et propriétaire à titre héréditaire du château de Sainte-Maure. Un titre de donation faite à l'abbaye de Fontevraud , par Bélutia , sa sœur, et approuvée par lui, vient à Tappui de ce que nous avons dit des enfans de Gos- selin. Il épousa Adénorde , autrement Aénor ou Hon- neur , fille de Berlay , premier seigneur de Montreuil et d'Adelaïs de Saumur , dont il eut trois garçons et une fille, Gosselin, Hugues, Geoffroy et Denise, mariée à Gosbert , qui fit le voyage de la Terre- Sainte.

Gosselin ou Josselin , deuxième du nom , baron de Sainte-Maure, jouissait ainsi que ses frères d'une grande réputation de bravoure et de puissance , for- tifiée de l'appui de Foulqucs-Réciiin, qui les rendait redoutables à leurs ennemis. Ils déclarèrent la guerre à Hugues , premier seigneur d'Amboise , à l'instiga- tion du comte qui cherchait l'occasion de se venger 3. j8

2^4 HISTOIRE DE TOUR AINE.

de la prise du château d'Amboise , dont Hugues s'ëfait emparé. Ils prirent le prétexte de réclamer le par- tage de leur aïeule, tante de Geoffroy-le-Bel. Après la mort de Foulques-Réchin , ils s'attachèrent à Foulques , son fils aîné , dit le Jeune , et le secon- dèrent à la bataille de Séez, en iii5. Gosselin épousa Cassinotte, dame de La Haye, dont il n'eut point d'enfans. L'auteur du traité de la construction d'Amboise, assure que les deux frères de Gosselin furent massacrés par les soldats de la garnison de La Haye, révoltés de leur cruauté.

Hugues , deuxième du nom , chevalier , était fils , ou de Hugues ou de Geoffroy, fils de Hugues I", et d'Adenorde deBerlay, et succéda à son oncle Gos- selin. Il eut un démêlé avec le chapitre de Saint-Martin de Tours , au sujet des exactions et des mauvais traite- mens qu'il avait exercés envers les habitans de Saint- Epain, sujets de cette église. Il en fit satisfaction, en Il 55, en présence de l'archevêque Engebaud , et du consentement de ses deux fils Guillaume et Gosselin. Les lettres portent que , par l'ordre de l'archevêque , ayant l'habit de pénitent, il alla nu-pieds depuis l'archevêché jusqu'au tombeau de saint - Martin , tenant en main une poignée de verges , dont il se donna plusieurs fois la discipline. Ces sortes de péni- tences publiques étaient alors assez en usage à l'égard des grands , et s'exécutaient avec beaucoup de sévé- rité , par le soin des évêques qui , sous prétexte de religion , voulaient s'acquérir une sorte de supré- matie sur les grands seigneurs. La chronique de

SAINTE-MAURE. 275

Tours rapporte que lîugues II fut, avec Raoul de Faye , un des principaux moteurs de la rébellion des enfans de Henri II, roi d'Angleterre. L'an 1172, il les accompagna dans cette guerre, et remit son châ- teau entre leurs mains. Selon toute apparence, il épousa la fille de Philippe, seigneur de Mongoger, qui lui apporta cette terre en mariage. Il en eut Guillaume, Gosselin et Josbert, doyen de l'église de Tours , qui donna à son chapitre plusieurs maisons dans le cloître que son père lui avait léguées avec la terre de Charentilly.

Guillaume , premier du nom, seigneur de Sainte- Maure , avait été présent, en i t55 , «\ la satisfaction faite par son père à l'église de Saint-Marlin. On ne sait pas le nom de sa femme, dont il n'eut qu'une fille nommée Avoyse.

Guillaume , deuxième du nom , seigneur de Sainte- Maure et de Pressigny , reçut en dot d'Avoyse , sa femme , la baronnie de Sainte-Maure. Il fonda avec elle, dans l'église de Tours, la chapelle de Saint- Jacques, leurs armes sont peintes sur les vitraux. Leurs enfans furent i** Guillaume qui suit; 2** Jos- bert, seigneur de Sainte-Maure, après son frère; 3" Hugues, doyen de Saint-Gatien , en 1 29.2-129,9; 4* Garcie; Aremburge, femme de Renaud de Su- blaines; 6" Pétronille; 7" Domite.

Guillaume , troisième du nom , seigneur de Sainte- Maure et de Pressigny, laissa tout-à-fait le nom de Pressigny pour prendre celui de Sainte-Maure. Il promit au roi que Guillaume de Faye ne prendrait

18.

276 HISTOIRE DE TOURAINE.

les armes, ni contre lui, ni contre ses sujets, sous peine de deux cents marcs d'argent, qu'il s'obligea de payer en cas contraire. Il en donna acte au mois de juillet iai8. C'était souvent par de pareilles pré- cautions que le souverain était obligé de s'assurer de la fidélité de ces grands seigneurs. Ou il ne fut pas marié , ou il n'eut pas d'enfans.

Josbert , seigneur de Sainte-Maure et de Pressi- gny, succéda au précédent , son frère aîné. Il ratifia , au mois de janvier I2a8, la fondation de la chapelle de Saint- Jacques dont nous avons parlé , et fut une des cautions du roi saint Louis , pour son traité de paix avec le comte de Foix, en 1229. Il épousa Agnès, fille de Bouchard V, comte de Vendôme, dont

Guillaume , quatrième du nom, seigneur de Sainte- Maure, de Pressigny, de la Croix-de-Bléré , le Plessis, Nouâtre et Ghissay , fut présent en i25o, à une or- donnance rendue au château de Saumur, par Gharles, comte d'Anjou et de Provence, touchant le salaire des avocats en cour laye. Il épousa Jeanne de Rançon, dont il eut plusieurs enfans qui héritèrent en partie de Geoffroy , seigneur de Rançon et de Taillebourg , mort sans postérité. Gette succession fut la source d'un procès contre Hugues Larchevêque, qui fut jugé par Alphonse de France , frère de saint Louis , le vendredi i5 août 1269. Ses enfans furent Guil- laume qui suit, et Pierre, seigneur de Mongoger, père de Guillaume , chancelier de France.

Guillaume , cinquième du nom , seigneur de Sainte- Maure , de Pressigny et de M^sillac , vivait en 1271.

SAINTE-MACRE. 277

Il n'eut qu'une fille, Isabeau, héritière universelle de tous ses biens.

Isabeau de Sainte-Maure, dame de Sainte-Maure, de Pressigny et de Marsillac, prit alliance avec Amaury de Craon. Elle mourut le 16 décembre i3io, et fut inbumée aux Cordeliers d'Angers , dans la chapelle de Craon , ayant eu de son mari Maurice, seigneur de Craon et de Sablé, et Guillaume, sur- nommé le Grand , qui continua la postérité.

Guillaume de Craon, seigneur de Sainte-Maure, de Pressigny et de La Ferté-Bernard , épousa Mar- guerite de Flandre , vicomtesse de Cbâteaudun , fille puînée de Jean de Flandre , seigneur de Nesle , vicomte de Cbâteaudun. Il en eut sept enfans : Guillaume qui suit; Pierre , seigneur de Sablé, qui assassina le connétable de Clisson , le 1 4 juin iSgi. Ses biens furent confisqués, ses châteaux dé- molis, et son hôtel converti en cimetière. On sait que le connétable ne mourut pas de ses blessures. Jean , seigneur de Montsoreau et de Nouâtre ; 4" Guy, seigneur de Sainte -Julitte en Touraine; Marie , femme en premières noces de Marie d'An- ton, et en secondes de Hervé, seigneur de Mauny ; ô'^Béatrix , mariée à Renaud de Maulévrier; Jeanne, épouse de Pierre de Tourneminc, seigneur de la Hunaudaye.

Guillaume II de Craon , vicomte de Cbâteaudun, seigneur de Sainte-Maure , de Pressigny , Maulé- vrier , etc. , chambellan du roi Charles VII , épousa Jeanne do Montbazon, dont nous avons déjà indiqué

27 B HISTOIRE DE TOUR AINE.

la descendance à larticle des seigneurs de Montbazon.

Cette baronnie fut unie à Montbazon , par lettres d'érection en duché, du mois de mai i588. Sa jus- tice, exercée par un sénéchal, un procureur de cour et un greffier , comprenait trois paroisses qui en rele- vaient en première instance , et deux autres en appel. Le corps de ville était composé d'un maire, un éche- vin , un conseiller , un greffier et un receveur. Il y avait grenier à sel , contrôle et maréchaussée.

L'hôpital, qui n'avait été établi qu'en i75o, était desservi par des religieuses de la Providence. L'église paroissiale n'avait rien de remarquable. Les ducs de Montbazon l'avaient choisie pour le lieu de leur sépulture. On voyait précédemment un tombeau en pierre dure du pays sur lequel étaient sculptées trois figures en marbre blanc, ayant chacune la tête ap- puyée sur un carreau de marbre pareil. Celle du milieu représentait une femme; les deux autres aussi de grandeur naturelle étaient celles de deux hommes revêtus de leurs habits de cour , et décorés du cor- don de Saint-Michel. On lisait sur une des faces du tombeau :

« Cy gist messire Loys de Rohan, en son vivant « conseiller , chamberlandu Roy, nostre sire, seigneur a de Montbazon , Sainte-Maure et Nouastre , lequel a décéda le vingt-neuvième jour d'aoust, l'an de u grâce 1498. Priez Dieu pour son ame. »

Ce tombeau était celui de Louis de Rohan , qua- trième du nom, auquel son épouse Renée Dufou apporta la terre de Montbazon en mariage. Dans

SAINTE-MAURE. 1']^

l epitaphe , les deux femmes n'étaient pas nommées ; mais il est probable que l'une était cette Renée Du- fou , épouse de Louis , et l'autre Louise de Rieux , sa mère.

Dans la chapelle à gauche , près celle de Notre- Dame-des-Vertus , on lisait les vers suivans , gravés sur une table de marbre noir, adossée au mur et surmontée d'un cœur doré.

Ici repose un cœur nul vice du monde Ne sçut oncq acquérir la force de germer , Non plus qu'on dit qu'en Crète, isle riche et féconde, Rien qui soit venimeux ne sçauroit se former.

Les plus rares vertus dont on prise l'exemple Logeaient dedans ce cœur en un corps jeune et beau : Mais ainsi que vivant il leur servoit de temple, Maintenant qu'il est mort il leur sert de tombeau ;

Car alors qu'il mourut, aussi moururent-elles, Et dans lui pour jamais s'enterrèrent en deuil, Ne pouvant vivre ailleurs en ces plaines mortelles, Et ne se voulant pas choisir d'autre cercueil.

Non, je faux : les vertus d'une ame si parfaite N'ont point senti le coup que donne le trépas; Ains vivent d'une vie à la mort non sujette. Et la font elle-mesme encor vivre ici-bas.

Pour le moins leur mémoire incessamment vivante La maintient immortelle au cœur de son époux , A qui, bien que la perte en soit triste et cuisante, Le nom ne laisse pas d'en estre cher et doux.

Aussi , portant en l'ame une juste tristesse De voir que cette tombe enferme tout son bien , Il donne ses soupirs au regret qui le blesse , Et grave sur ce cœur les paroles du sien ;

Paroles qui font voir que rien ne le contente ; Sinon le souvenir de leurs aimables feux , Et que dedans le vase où, trompant son attente, La mort n'a mis qu'un cœur , l'amour en loge deux.

280 HISTOIRE DE TOUR AINE.

On lisait sur un marbre placé au-dessous : «Haulle « et puissante dame Magdelaine de Lénoncourt, femme a de hault et puissant seigneur messire Hercule de (( Rohan , duc de Montbazon , pair et grand-veneur « de France , lieutenant-général au gouvernement de ce Bretagne, laquelle décéda en sa maison de Coupuray « en-Brie, le 28 août i6o3. »

SEMBLANÇAY, barownie.

Le château de Semblançay {Semhlancœuin) ^ situé à quatre lieues nord de la ville de Tours , n'était pas moins considérable par son ancienneté que par sa position au milieu d'un étang rempli d'eaux vives , que sa largeur et sa profondeur rendaient autrefois impraticable ; de même que par le château deve- nait en quelque façon inaccessible. La chronique de Tours nous apprend qu'un seigneur du lieu, en 888, accompagna Ingelger lorsqu'il rapporta d'Auxerre le corps de saint Martin , et que les chanoines , vou- lant reconnaître ce service , lui donnèrent l'église et le bourg de Semblançay avec les vinages d'outre- Loire. Le même auteur nous dit encore que Foul« ques-Nerra , s'en étant rendu maître , y fit bâtir et fortifier cet ancien château, dont il ne reste plus

rien maintenant.

Semblançay et la Roche-Posay étaient les deux

seuls endroits de la province se trouvassent des

eaux minérales : mais ni les unes ni les autres n'ont

encore pu acquérir aucune célébrité.

SK M blanc: A Y. -281

Pendant l'espace de deux siècles, c'est-à-dire depuis l'expédition d'Ingclger jusque vers Tan 1060, nous ne connaissons aucun de ceux qui ont possédé Semblançay.

Alleaume, chevalier, est le premier qui soit men- tionné dans les anciens titres. On y voit qu'en 1064 il donna le bourg et Tégli'je de Semblançay à l'abbaye de Marmoutier , du consentement de Rostalde ou Rohaide , sa femme , en présence de Robert de Langeais, son frère. 11 mourut en io83.

Robert , premier du nom , succéda à son père dans la seigneurie de Semblançay. Il se désista, en 1091 , des prétentions qu'il pouvait avoir sur un clos de vigne qui avait appartenu à l'abbaye de Mar- moutier du temps de son abbé Bernard , c'est-à-dire sept à huit ans seulement auparavant. Il vivait en- core fort vieux, en iio5, temps auquel il se fit moine à Marmoutier, du consentement de sa femme Ammeline , dont il avait eu deux enfans : Alleaurae qui suit, et Robert de Semblançay, moine dans la même abbaye , vers i i4o ou ï 1 5o.

Alleaume , deuxième du nom , chevalier , seigneur de Semblançay, assistait Foulques-le-Jeune , en i j 1 5, à la bataille de Séez ou d'Alençon. Sa femme Bos- chère le fit père de deux enfans, Robert et Philippe. Nous voyons ce dernier témoin dans un acte de Ikigues d'Aluys , seigneur de Saint-Christophe , en 1174.

Robert , deuxième du nom , seigneur de Semblan-

282 HISTOIRE DE TOUR AINE.

çay , fut un des chevaliers qui accompagnèrent Geof- froy-Ie-Bel , comte d'Anjou , dans la ville de Rouen , en II 28, lorsqu'il alla épouser Mathilde, fille de Henri P', roi d'Angleterre et duc de Normandie. Il eut deux enfans , Guillaume et N. qui épousa Hugues ni d'Aluys , baron de Saint-Christophe.

Guillaume, premier du nom, seigneur de Sem- blançay et de la Carte , prétendit à une indemnité des dîmes des Ruaux , dans la paroisse de Balan , qui avaient été données à l'Hôtel- Dieu de Tours, par Renaud , seigneur de La Haye , et par Hamelin , son fils : mais il s'en désista depuis en faveur des pauvres , par un titre daté de 11 5g. Il n'eut qu'une fille nommée Edeline.

Edeline ou Asceline , dame de Semblançay , fut mariée deux fois ; la première à Guillaume Hostile qui était bailli du Maine. Il fut un des principaux officiers de Henri II , et l'un de ceux à qui ce mo- narque adressa ses lettres pour la fondation de la Chartreuse du Liget; il y est nommé immédiatement après le sénéchal d'Anjou. Il fit aussi plusieurs dons à l'Hôtel-Dieu de Tours, en ratifiant ceux que Ro- bert et Guillaume lui avaient faits précédemment. Il mourut sans enfans, et sa veuve se remaria à Robert de Perrenay , aujourd'hui Pernay. De ce second ma- riage sortirent Robert , Gautier et Geoffroy. Gautier, chevalier et seigneur de la Motthe- Sonzay donna , en 1228, à l'église de Tours ce qui lui était pour les dîmes de Sonzay. Quant à Geoffroy , il fut

SEMBLANCAY. 283

chanoine de la même église , et fît son testament en 1253, ce qui doit être à peu près l'époque de sa mort.

Robert de Perrenay, deuxième du nom, seigneur de Semblançay , assista, en J2i4, à la convocation du ban et de Tarrière-ban de France, et accorda au prieur de Semblançay le droit de moyenne justice , ainsi que plusieurs autres droits. De son alliance avec Persois vinrent deux filles, Isabelle et N. de Perrenay , femme de Guy Turpin.

Isabelle de Perrenay , dame de Semblançay , fille aînée du précédent, fut mariée deux fois; la pre- mière à Rotrou de Montfort , premier du nom , dont elle était déjà veuve en 1 200 ; en secondes noces , elle épousa Herbert Turpin , frère de Guy, qui avait épousé sa sœur puînée. Cet Herbert, en I223, pre- nait le titre de seigneur de Semblançay. Du premier lit seulement vinrent Geoffroy et Rotrou de Mont- fort qui suivent.

Geoffroy de Montfort, seigneur de Semblançay. On ne sait s'il fut marié : mais n'ayant point laissé d'enfans , sa succession passa à son frère.

Rotrou de Montfort , seigneur de Monfort et de Semblançay , s'allia avec Marguerite d'Aluys , fille de Hugues, seigneur de Châteaux et de Saint-Chris- tophe , dont elle eut Jeanne , fille unique.

, Jeanne de Montfort épousa Guillaume Larche- vêque, seigneur de Parthenay, Mer vaut. Vouant et Taillebourg, auquel elle porta en mariage les baron- nies de Semblançay, Montfort, Châteaux et Saint-

V'

284 HISTOIRE DE TOUR AINE.

Christophe. D'après un titre de l'abbaye de Mar- moutier, tous les deux vivaient encore en 1291. De ce mariage sortirent trois fils : Hugues et Jean, suc- cessivement barons de Semblançay, et Guy, baron de Soubise.

Hugues Larchevêque , seigneur de Semblançay et de Montfort, etc., prit alliance avec Isabeau, fille de Raoul de Clermont , seigneur de Nesle , conné- table deFrance , laquelle, après la mort de son mari , prit le titre de dame de Semblançay , dont elle n'é- tait que douairière, mais dont les dispositions entre- vifs avaient été approuvées par lettres patentes du roi Louis-Hutin, du i" décembre i3i4. Elle signa en cette qualité le contrat de mariage d'Alix de Flandre, sa petite-nièce, avec Jean de Luxembourg, au mois de juillet , et donna en même temps à l'ab- baye de Marmoutier huit livres de rente, sept sommes de vins et deux muids de froment , à la me- sure des Ponts-de-Tours. Elle mourut en 1334, sans enfans , et eut sa sépulture au milieu du chœur de l'église des Cordeliers.

Jean Larchevêque , frère de Hugues , hérita de lui la seigneurie de Semblançay , dont il était en posses- sion dès l'année i348; car nous voyons qu'en cette même année il fit faire le procès au prieur de Sem- blançay, au sujet de quelques crimes qu'il avait commis. Il n'eut qu'un fils, du nom de Guillaume.

Guillaume Larchevêque, troisième du nom, sei- gneur de Semblançay , de Parthenay , de Saint-Chris- tophe, de Bézay et des Ponts-de-Tours, épousa

SEMELANÇAY. 285

Jeanne de Matliefeion , dont il eut Jean , qui fut sei- gneur de Parthenay et de Saint-Christophe ; Jeanne qui suit , et Marie, aUiée , en iSyo, avec Louis de Ghallon , comte de Tonnerre et de Saint-Aignan.

Jeanne de Parthenay fut dotée par son père et par Jean , son frère , de la seigneurie de Semblançav. Elle épousa Guillaume , vicomte de Melun , comte de Tancarville. De ce mariage sortit Marguerite.

Marguerite de Melun épousa Jacques d'Harcourt, seigneur de Montgommery, auquel elle porta en dot la seigneurie de Semblançay. Elle n'eut également qu'une fille unique.

Marie d'Harcourt fit de même passer la barounic de Semblançay dans une nouvelle famille , par son mariage avec Jean de Beaumont , mariage d'où ne sortit qu'une fille.

Marie de Beaumont , fut mariée à Guillaume Gha- maillard, chevalier, seigneur d'Anthenaise , auquel elle porta la vicomte de Beaumont , et les seigneuries de Semblançay et des Ponts-de-Tours , comme seule héritière de Louis , vicomte de Beaumont, son oncle maternel. Ils eurent pour enfans Simon , mort sans postérité , et Marie qui suit.

Marie Ghamaillard , fut mariée le 20 octobre 1371 à Pierre II , comte d'Alençon et du Perche, surnommé le Noble , qui , par ce mariage, reçut les seigneuries de Semblançay et des Ponts-de-Tours, dont il rendit hommage le 10 février iSqS, en déclarant qu'il les tenait à cause de sa très-chère et amée compagne, comtesse et vicomtesse. H mourut le 20 septembre

286 HISTOIRE DE TOURiUNE.

i4o4, et sa femme le 18 novembre 1/425 , ayant eu six enfans , Pierre, qui mourut jeune, Jean qui con- tinua la postérité , et quatre filles.

Jean , premier du nom, duc d'Alençon, comte du Perche et vicomte de Beaumont , fut seigneur des Ponts-de-Tours et de Semblançay. Gilles Bry s'est trompé en disant dans son histoire du Perche que Jean avait acheté la terre de Semblançay , puisqu'il est évident qu'il la tenait du chef de sa mère. Il fut tué à la bataille d'Azincourt , en i4i5, ayant eu de son mariage avec Marie de Bretagne deux fils et trois filles.

Jean II, duc d'Alençon, pair de France, comte du Perche , seigneur de Semblançay et des Ponts-de- Tours, fils aîné de Jean P% fut convaincu d'intelli- gence avec les Anglais , condamné à mort au châ- teau de Vendôme, le 10 octobre i458 , et toutes ses terres confisquées au profit du roi. L'arrêt porte que le roi a retenu et retient à lui le châtel et châtellenie, terre et seigneurie de Semblançay, en Touraine, en- semble les péages que ledit d'Alençon prenait en la ville et châtellenie de Tours.

Antoine d'Aubusson, seigneur de Monteil, cham- bellan du roi, bailli de Touraine, jouit pendant quelque temps de la seigneurie de Semblançay , que le roi Charles VII lui donna par lettres du 20 no- vembre i458. Louis XI, parvenu à la couronne, par lettres données à Tours, le 10 octobre i46i, rendit la liberté au duc d'Alençon , et le rétablit dans tous ses biens : mais , étant retombé dans son pre-

SEMBLANÇAY. 287

mier crime, il fut de nouveau arrêté , condamné à mort le i4 juillet i474 > ^t ses biens furent confis- qués à la couronne. Il mourut depuis, à Paris, de sa mort naturelle, laissant de Marie d'Armagnac, sa seconde femme , René, et Catherine , femme de Fran- çois, appelé communément Guy, comte de Laval.

René , duc d'Alençon , comte du Perche , etc. , fut remis en possession de tous les biens de son père. Le roi lui avait donné, par provision , les revenus du comté du Perche, avec les seigneuries de Semblan- çay , des Ponts - de - Tours , et de quelques autres terres ; mais , ayant été calomnié auprès du roi , il fut arrêté , enfermé au château de Chinon , et con- damné par une commission, le 11 mars \[\%'i. Louis XI étant mort l'année suivante, il fut reconnu et déclaré innocent. Il vécut encore jusqu'au i" no- vembre 1492 t laissant un fils et deux filles : Charles qui suit; Françoise, femme de François II d'Orléans, duc de Longueville, puis de Charles de Bourbon, duc de Vendôme ; et Anne , mariée à Guillaume Paléologue , marquis de Montferrat.

Charles , dernier duc d'Alençon , etc. , seigneur de Semblançay et des Ponts-de-Tours, relira, le 3o avril i5i6, la seigneurie de Baugé, avec quelques autres terres et châteaux , que François I" avait engagés à Louis de Rohan , seigneur de Montbazon , auquel il donna en échange Semblançay et les Ponts-de-Tours.

Louis de Rohan , cinquième du nom ^ seigneur de Guémené , Montbazon, Sainte-Maure , vendit la même année, par acte du 21 octobre i5i6, les seigneuries

a 88 HISTOIRE DE TOURAINE.

de Neuvy , de Semblancay , et des Ponts-de-Tours , à Jacques de Beaune , surintendant des finances , qui depuis ne fut connu que sous le nom de Sem- blançay.

Jacques de Beaune, chevalier, fils aîné de Jean de Beaune , argentier de Charles VIII , alors Dau- phin de France , baron de Semblançay , vicomte de Tours , seigneur de Neuvy , de la Carte , près Balan , et de Bezay , chambellan du roi François V^ , surin- tendant des finances , bailli et gouverneur de Tou- raine, épousa Jeanne Rusé, dont il eut trois fils et deux filles : Guillaume, qui continua la postérité; Jacques, évêque de Vannes; Martin, arche- vêque de Tours ; Marie , femme de Raoul Huraut II de Chiverny , général de France ; et Anne , épouse de René Duchesnel , bailli et gouverneur de Touraine , de i5ioà i5i2. On connaît sa catastrophe, dont on trouvera les détails à son article dans notre qua- trième volume.

Guillaume de Beaune , baron de Semblançay , vi- comte de Tours, etc., général des finances en la généralité de Languedoc , fut pourvu , en survivance de son père , de la charge de gouverneur de Tou- raine, le 22 décembre i522. Il épousa Bonne Cote- reau , dame de Vauperreux et de Maintenon , dont il eut : i" Jacques qui suit; 2** Jean, seigneur de la tour d'Argy et de Vauperreux, premier maître-d'hô- tel de Catherine de Médicis; 3" Martin, évêque du Puy ; 4** Renaud , archevêque de Bourges ; 5** Claude , femme en premières noces de Louis Burgensis , sei-

SEMBLANÇAY. 289

gneur de Mongoger et premier médecin du roi, et en secondes noces de Claude Gouffîer , duc de Roan- nais; et Bonne , morte en bas âge.

Jacques de Beaune , deuxième du nom , chevalier , baron de Semblançay , vicomte de Tours, seigneur delà Carte , de Neuvy, ambassadeur en Suisse , épousa Gabrielle de Sade, dont il eut i*" Jean; 2" Claude, Marie j toutes deux mortes au berceau; 4" Char- lotte qui succéda à Jean.

Jean de Beaune, baron de Semblançay, etc., favori du duc d'Alençon , frère du roi Henri III , mourut sans avoir été marié.

Charlotte de Beaune fut héritière de tous les biens de son frère. Elle eut la réputation d'être la plus belle femme de son temps. Elle fut mariée deux fois; la première avec Simon de Fizes, seigneur de Saumur et secrétaire d'état ; la seconde avec François de la Trémouille , marquis de Noirmoutier. De ce dernier mariage vinrent deux fils, Louis qui suit, et François.

Louis de la Trémouille , premier du nom , marquis de Noirmoutier, baron de Semblançay , vicomte de Tours, etc. , épousa Lucrèce , fille de Vincent Rahier, trésorier de l'épargne , dont il eut

Louis de la Trémouille , deuxième du nom , duc de Montmirail, marquis de Noirmoutier, etc.; il vendit, en 1648, la baronnie de Semblançay et la vicomte de Tours , avec la terre de Neuvy, à N. Mal- lier, sieur du Housset, qui la revendit a

Louis - Charles d'Albert, duc de Luines, grand- * 3. 19

I

aQO HISTOIRE DE TOURAINE.

fauconnier de France. On peut voir la suite de la descendance à l'article de Luines.

SENNEVÏERES, baronnie.

Sennevières est situé à deux lieues est-sud-est de Loches, à Tentrée de la forêt, et à douze lieues sud- sud-est de la ville de Tours. Hadrien de Valois , dans sa Notice des Gaules, croit que son nom latin de Sinapariœ lui vient de ce qu'il croissait beaucoup de sénevé dans ses environs. Quoi qu'il en soit , ce bourg peut être mis au rang des plus anciens de la province. Ce fut en ce lieu que saint Ours fit bâtir un monastère au commencement du cinquième siècle. Plusieurs personnes attirées par sa piété et par son exemple , se rangèrent sous sa discipline. Saint-Leu- baste ayant succédé à saint Ours, ce monastère se rendit célèbre jusqu'au temps oii il fut tellement ruiné par les guerres, qu'il n'en resta plus aucun vestige. On tient même que l'église , mise sous l'in- vocation de saint Leubaste, qu'on nomme mainte- nant saint Libesse , ne fut bâtie que long-temps après la mort de saint Ours.

Les barons de Sennevières y avaient une justice exercée par un bailli , un procureur fiscal et un gref- fier. Le bourg ni le château n'offraient rien de remar- quable.

Malgré l'ancienneté de Sennevières , ses seigneurs ainsi que ceux de beaucoup d'autres lieux ne remou-

SENNEVIERES. -29 1

tent pas, du moins à notre connaissance, au-delà dtr onzième siècle.

Renaud de Sennevièrcs fut un des seigneurs do Touraine qui se croisèrent en 1 146. On présume que celui qui vient après fut sou fils.

Renaud II de Sennevières fut témoin à une dona- tion faite en faveur de l'abbaye de Villeloin, par Henri II, roi d'Angleterre et comte de Touraine, Tan 1178. Il est probable que ce Renaud eut une fille qui porta la seigneurie de Sennevières dans la famille Péan , ou plutôt Payen , alors fort considé- rable en Touraine.

Geoffroy Payen, surnommé le Chien, seigneur de Sennevières et de Boussay , était frère de Barthélemi Payen , l'un des chevaliers banneiets de la Touraine en 12 14.

Jean Payen, seigneur de Sennevières, eut d'une femme inconnue une fille nommée Jeanne , qui fut mariée à Nicolas de Menou , deuxième du nom , com- munément nommé Colas.

Nicolas de Menou, seigneur de Boussay, le fut aussi de Sennevières , du chef de sa femme Jeanne Péan , qui lui apporta cette terre en mariage. Jeanne étant morte , il se remaria avec Marguerite de Cler- mont. Il eut du premier lit, Amaury qui suit; Jean, seigneur de Boussay, Perrinet, Admains et Alix, mariée à Véron-le-Vert , mais morte sans postérité , ainsi que son frère Perrinet.

Jean de Menou, chevalier, seigneur de Senne- vières, de Boussay , Dumée et de Cougny, capitaine

^9-

292 HISTOIRE DE TOUR.A.INE.

de cinquante hommes d'armes des ordonnances du roi. Il fut fait prisonnier à la bataille de Poitiers, et conduit en Angleterre il resta cinq ans, jusqu'à son échange. De retour en France , il épousa en 1 369 Agnès de Galardon , qui le fit père de quatre enfans. Jean mort sans postérité, Perrinet, seigneur de Boussay , amiral de France ; Collinet , qui a fait la branche des seigneurs Dumée , et Isabelle qui suit. Jean fit partage à ses enfans en i4oi, et vivait encore en 1^02.

Isabelle de Menou fut apanagée de la seigneurie de Sennevières, qu'elle porta dans la maison de Tranche-Lion , par son mariage avec Guillaume de Tranche-Lion , chevalier, seigneur de Marteau , puis de Palluau , auquel Geoffroy de Fougères rendit par aveu la moitié de la grande dîme de Bridoré , l'an 1419, à cause de sa seigneurie de Sennevières. Ses enfans furent Jean de Tranche-Lion, seigneur de Palluau, et Jeannet qui suit.

La famille de Menou , l'une des plus anciennes de la province, s'est maintenue jusqu'à nous en Touraine, dans les branches de Boussay et Dumée, ainsi qu'en Nivernois et Auxerrois , par la branche de Charnisay et du Chiron.

Jeannet de Tranche-Lion, seigneur de Sennevières , puîné de Jean , qui eut en partage la baronnie do Palluau , épousa N. de Chévrières de la maison de Pody. De ce mariage sortit un fils unique.

Antoine de Tranche-Lion , seigneur de Senne- vières. Le chapitre de l'église de Tours lui rendit

SENNEVIÈRES. 298

aveu pour la Tour Ysoré, en iS/jS. Il n'eut qu'un fils de son mariage avec Antoinette de Siry.

Gabriel de Tranche-Lion, chevalier, seigneur de Senncvièrcs, gentilhomme; ordinaire de la chambre du roi Henri III. Il épousa Renée, fille de René de Marray, seigneur de la Roche-Chargé, auprès d'Arn- boise , dont il eut Charles qui continua la postérité; François , Antoinette , mariée à Charles Guénant , seigneur du Breuil Guénant, et N. de Tranche-Lion, épouse d'Émery Dupuy , seigneur de la Roche-Pelo- quin.

Charles de Tranche-Lion , seigneur de Rochefort, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, gou- verneur de Châtillon-sur-Indre. Ce fut en sa faveur que Louis XIII érigea en baronnie la terre de Scn- nevières. Il épousa en 1098 Jeanne, fille d'Honorat Ysoré, baron d'Hervaut, seigneur de Pleumartin, de Coiron et du grand Bossay. Sa mère était Marguerite Babou. De ce mariage vinrent plusieurs enfans, entre autres René, seigneur de Bussy en Bourbonnais; Charles, destiné à l'église, et Charlotte. La seigneu- rie de Sennevières, ayant été saisie sur eux, fut ven- due par décret à

Bertrand de Grateloup, écuycr, sieur Dufay , ca- pitaine au régiment de Piémont et sous-lieutenant du duc d'Épernon à Metz. Il épousa N. dont, entre autres enfans, il eut celui qui suit.

Gabriel de Grateloup, chevalier, baron de Senne- vières , lieutenant-général pour le roi , et gouverneur des ville et château de Loches.

!294 HISTOIRE DE TOURAINE.

TOURS, VILLE, VICOMTE.

Tours est une de ces anciennes villes gauloises dont on chercherait en vain l'origine, et dont le nom primitif n'est pas venu jusqu'à nous. César, qui parle en plusieurs endroits des peuples appelés Turones, ne nomme point leur ville capitale, non plus que beaucoup d'autres, et la désigne toujours sous le nom de cité des Turones. Le géographe Ptolémée nous apprend que sous l'empereur Hadrien Tours se nom- mait Cœsarodunum , ce qui prouverait , selon Sca- liger, que dunum ou dun^ vieux mot celtique, signifie ville ou fort, aussi bien que montagne ou lieu élevé, puisque Tours est situé dans un vallon. C'est probablement cette terminaison en dunum qui a fait croire à quelques-uns que le Tours des Gaulois existait ou sur les hauteurs de Saint-Symphorien ou même sur celles de Luines, et qu'il n'a été transporté sur son assiette acluelle que du temps de César; mais ils n'ont pas réfléchi, d'après leur système étymolo- gique , que s'il en eût été ainsi , on n'eût pas alors terminé en dunum le nom d'une ville bâtie en plat pays. Ce fut seulement vers le quatrième siècle qu'on commença à donner aux cités le nom de leurs peuples; ce qui arriva surtout lorsque les Francs eurent chassé les Romains de la Gaule.

Les étymologistes trouvent l'origine du nom de Tours dans le mot celtique Tur , et en construction

TOURS. 2^5

Turon , qui tourne , qui change , ce qui , selon eux , aurait fait dire à Lucaiu , liv. I", vers 436:

Nec uUra Instabiles Turones circumsita castra coercent.

Mais il est bien reconnu que ces vers et les trois suivans ne sont point de l'auteur de la Pharsale, et qu'ils ont été interpoles dans son poëme on a soin de les mettre en italiques pour indiquer la supposition. Les villes des Gaulois étaient en ge'neral peu consi- dérables. Ce n'étaient que des espèces de boiu^gades, à l'exception des cités ou capitales des différens peuples, qui étaient défendues par des bastions et des murs faits de poutres entrelacées de pierres et de terre délayée en guise de mortier, ce qui pouvait leur suffire entre Gaulois, mais non contre des troupes munies de machines de guerre dont ils ignoraient l'usage. Tours devait être ainsi construit dans le prin- cipe en sa qualité de capitale. Il fallait cependant qu'il l'emportât sur la plupart des autres villes, si nous en croyons le témoignage d'Ammien MarccUin , contemporain de l'empereur Julien. Cet historien nous dit que Tours et Rouen faisaient Fornement de la Seconde Lyonnaise. Paulin de Périgueux , qui vivait dans le cinquième siècle, assure de même que Tours était autrefois l'une des villes les plus florissantes des Gaules par sa richesse et sa population.

Gallorum quondam valdc florebat in oris

Urbs Turonum, distenta agris, populisquc referla.

1(^6 mSTOIRE DE TOURAII^E.

De la Gaule autrefois Tours effaçait les villes Par ses peuples nombreux, et ses plaines fertiles.

Elle jouissait encore de cette réputation de pro- spérité au commencement du treizième siècle , sous le règne de Philippe- Auguste , quoiqu'elle fût alors bien loin d'avoir l'étendue que nous lui voyons aujour- d'hui. Ce fait est constaté par ces vers de Guillaume- le-Breton , au troisième livre de sa Philippide ;

Inde iter accélérât Turonis festinus in urbem Quam geminum nitidâ flumen circumfluit undâ. Hinc Liger, iude Carus : medio sedet inter utrumque Clara situ, speciosa solo, jucunda fluentis , Fertilis arborîbus, uberrima fruge , superba Cive, potens clero, populis numerosa, referta Divitiis, lucis et vitibus ubique lucens; Quam sacro saneti praesentia corporis ornât Prœsulis eximii Martini, gloria cnjus Omnibus ecclesiis summum decus accuraulavit.

Il dirige ses pas vers les remparts de Tours ,

Que deux fleuves voisins embrassent dans leur cours.

Assis entre les bords du Cher et de la Loire,

Tours , d'un peuple nombreux et l'amour et la gloire.

Dans un site enchanteur offre aux yeux étonnés

Ses fertiles coteaux de vignes couronnés.

Ses vergers, ses jardins , ses eaux délicieuses.

Et d'un brillant clergé les cohortes pieuses.

C'est peu que tant de biens , et Tours possède encor

Dans son temple célèbre un plus rare trésor,

Le corps de saint Martin , de ce prélat illustre ,

Qui sur l'Église entière a répandu son lustre.

On ne peut disconvenir en effet que l'accroissement de

TOURS. 297

la ville de Tours, dans les siècles qui suivirent la mort de saint Martin , ne soil en grande partie aux fré- quens pèlerinages des chrétiens qui venaient de toutes parts visiter son tombeau. Le séjour de plusieurs de nos rois acheva dans la suite ce que la dévotion des premiers temps avait commencé. A la vérité l'assiette de cette ville est aussi riante qu'avantageuse, grâce au large vallon dans lequel elle est placée entre la Loire ^ qui baigne ses murs au nord, et le Cher qui n'en est éloigné que d'un quart de lieue du coté du midi.

Son enceinte actuelle ne date que de la fin du seizième siècle ,. époque l'on résolut de l'entourer de nouvelles fortifications; mais ce projet ne reçut qu'un commencement d'exécution. Elle avait alors douze portes, sans y comprendre celles de l'intérieur qui fermaient les cloîtres de Saint-Gatien et de Saint- Martin. Il n'en reste plus aujourd'hui, si ce n'est celle de Saint-Eloi qui a été conservée dans sa forme primitive, à l'exception de son pont-levis devenu un pont solide.

On peut diviser la ville en quatre parties : la cité ou ancienne ville; 2" Château-Neuf ou Martino- polis; la ville neuve; 4*^ les faubourgs; division que nous allons rendre plus claire.

1^ La cité s'étendait au levant, depuis la Ruelle et la tour du Cupidon jusqu'à la tour feu Hugon , du côté de la Loire; au nord, le long des murs du château; au couchant, jusqu'à la rue des Amandiers; et du côté du midi, le long de la rue des Ursulines

298 HISTOIRE DE TOURA.INE.

jusqu'au point de départ. Les terrains qui l'environ- naient étaient fermés par de larges fossés coulaient les eaux de la Loire , et en outre par un chemin cou- vert destiné à empêcher l'approche de l'ennemi. On assure que les murs du cloître qui s'avancent en forme de ravelin du côté des Ursulines, n'ont été bâtis que pour soutenir les terres qu'on avait tirét\s en jetant les fondemens de la cathédrale, et qu'en- suite ou les fortifia d'un bastion pour ajouter à la défense de la ville. En ce cas cette partie ne daterait que du douzième siècle.

Il y avait près de la cité , au nord et au nord-ouest, un faubourg qui prenait depuis une des tours de Tar- chevêché jusqu'à celle nommée autrefois la tour de Saint-Vincent, aujourd'hui le portail de la chancel- lerie, et qui de là, passant au milieu de la paroisse de Saint-Pierre du Boile, finissait à une tour paral- lèle. Entre ces deux tours était la principale porte de la cité. Le corps de ville ayant depuis obtenu de Charles VII la permission d'abattre la tour de Saint- Vincent , et d'y faire bâtir une porte pour aller direc- tement de la cathédrale à Saint-Martin, le roi donna la propriété des murs et des fossés au chancelier Guillaume Juvénal des Ursins qui fit bâtir la porte , que de on nomma portail de la Chancellerie. De même la rue qu'on perça prit le nom de la Scelleric ouScellerie. On pourrait retrouver encore dans quel- ques anciennes maisons voisines des restes de murs à créneaux qui avaient formé la clôture de ce faubourg appelé faubourg de la Trésorerie.

TOURS. îi99

Quant aux anciens murs de la cite, dont il ne reste plus que quelques fragmens, on peut se con- vaincre encore qu'ils avaient été construits sur le modèle indiqué par Vitruve. Ce sont de petites pierres de trois pouces en carré, taillées seulement on dehors, et dont les liaisons sont faites de deux tiers de chaux et d'un tiers de sable mêlé de ciment. On y remarque plusieurs rangs de grandes briques placées en forme de cordons à distances inégales. Il y avait des tours éloignées de quatre-vingts pieds les unes des autres, selon la règle observée par les anciens architectes, excepté pourtantdu côté de la Loire, parce que la ville y était assez bien défendue par le fleuve qui baignait ces murs dont les fondemens se composaient de très -grandes pierres superposées sans aucune espèce de liaison, ainsi qu'on a pu le voir par les fouilles qui ont été faites.

Chateau-Neuf, dont nous avons souvent parlé dans notre histoire, se composait des maisons qui s'étaient successivement agglomérées autour de l'é- glise de Saint-Martin. Ce bourg décrivait un carré assez régulier qui traversait le cloître au sud, passait le long des maisons du grand-marché, parcourait la rue de la Rôtisserie jusqu'au porlail Saint-Denis, qui formait une des portes de Chateau-Neuf nommée la porte Pctnicienne, parce que par elle on entrait dans le faubourg de Sainl-Pierre-le-Puellier; traversait ensuite la rue du Petit-Soleil jusqu'au portail de l'Ecrignole, abattu en 16G0, et continuant par la rue de Jérusalem, allait finir à une tour placée à l'extrë-

3oO HISTOIRE DE TOURAINE.

mite de la rue Quincangrogne, et détruite tout ré- cemment.

La ville neuve n'était proprement composée que de tout ce qui avait été bâti entre la cité et Château- Neuf, et qui avait fini par les lier ensemble. Elle con- serva cette dénomination long-temps encore après la réunion qui fut opérée de ces trois parties en une seule et même ville par lettres patentes du roi Jean, données à Beauvais le 3o mars i354.

4* Les faubourgs de la Ville perdue , de Saint-Éloi , de Saint-Etienne , de Saint-Pierre-des-Corps et de Saint-Symphorien, ne faisaient point alors partie in- tégrante de la ville. Le faubourg Saint-Père, ou Saint-Pierre-le-Puellier , était , comme Château-Neuf, sous la dépendance du chapitre de Saint-Martin. Mais tous se trouvèrent enveloppés dans son enceinte au moyen des fortifications dont elle fut entourée, et qui furent détruites en 1724, époque les fossés furent comblés.

L'intérieur de la ville n'offre aucun monument d'antiquité. Son château, presque entièrement détruit et converti en caserne de cavalerie, ne pouvait être considéré que comme datant du onzième siècle, ayant été rebâti par Henri II, roi d'Angleterre et comte de Touraine. Il fut agrandi un siècle après , par Phi- lippe-le-Hardi. La Tour Hugon, nommée dans les an- ciens titres la Tour du Comte, était auparavant le seul manoir des comtes de Touraine.

Ce château formait un carré irrégulier, flanqué de quatre tours, dont une seule est encore debout;

TOURS. 3oi

c'est celle qui a pris et conserve le nom de Tour de Guise , depuis la prison du prince de Joinville , dont nous avons rapporté l'évasion dans notre dixième livre, année iSgr. Il n'occupait qu'une partie de l'enceinte de l'ancien palais que, dit-on, les empe- reurs romains avaient à Tours : mais , si ce palais a réellement existé, l'époque de sa construction et celle il fut détruit sont des faits absolument in- connus. Du reste, il n'offrait rien qui fût digne de fixer l'attention : seulement on remarquait au-dessus de la porte principale trois figures en relief, dont les connaisseurs faisaient assez de cas ^ l'une repré- sentait un architecte, vêtu à la romaine, tenant à la main une équerre à angle obtus, sans doute pour désigner l'irrégularité des angles du château; les deux autres étaient des figures de femme , dont l'une était nue, et l'autre en costume romain : mais elles n'avaient aucun attribut qui indiquât l'emblème que nécessairement elles devaient offrir.

Au-dessus d'une fausse porte, pratiquée au nord dans la muraille de ce château , pour aller à la ri- vière qui coulait immédiatement au bas , se trouvait une pierre que l'ignorance offrit long-temps à la cré- dulité comme étant le tombeau de Turnus , pré- tendu fondateur de la ville de Tours. On y voit, car on la conserve encore , une coupe sculptée en bas- reliefs , d'où sort à droite et à gauche un fleuron en forme d'arabesque dans les contours duquel se trouve de chaque coté un oiseau ressemblant à une colombe. Cette pierre, haute de deux pieds et demi, et longue

3oa HISTOIRE DE TOURAINE.

de quatre pieds quatre pouces, avait sûrement fait partie de quelque édifice d'ordre corinthien avant que d'être employée dans la construction du mur. Tel était ce fameux tombeau , dont les historiens du sei- zième siècle , et même des écrivains plus modernes , s'autorisaient pour faire remonter à Turnus la fon- dation de la ville de Tours.

Il ne se trouve aujourd'hui aucunes traces des édifices que les Romains pouvaient avoir construits à Tours pendant un séjour de près de cinq cents ans, si ce n'est quelques ruines informes ensevelies dans les caves et dans les fondations de plusieurs maisons situées dans le voisinage de la cathédrale. Les siècles plus rapprochés n'ont pas été plus féconds en con- structions dignes de remarque. Les temples même n'offraient rien qui fût au-dessus du médiocre, à l'exception pourtant de la cathédrale, d'une archi- tecture assez élégante , et dont on admire le portail , orné d'une belle rosace , entre ses deux tours jumelles de deux cent seize pieds de haut , dont les nom- breuses sculptures étaient garanties par des verres que le temps a détruits, mais dont on aperçoit en- core des vestiges. L'église de Saint-Martin était beaucoup plus ancienne , quoique toutes ses parties ne fussent pas du même âge. Le chevet , ou rond-point , était la seule qui méritât quelque attention. Le reste n'était qu'une vaste carrière le goût était aussi oublié que la matière y était prodiguée : mais nous renvoyons^ la quatrième partie, nous traitons des établissemens ecclésiastiques. Nous nous bornerons

TOURS. 3o3

à dire ici qu'en tout temps ils furent très-nombreux à Tours. En 1777, on y comptait encore, outre ces deux chapitres , seize paroisses , dont deux étaient en même temps collégiales; deux séminaires, trois hospices , deux prieurés, six chapelles , onze couvens d'hommes et neuf de filles , dont nous ne présente- rons ici que la simple énumération.

Paroisses :

Saint-Clément, place du marché, aujourd'hui la halle au blé.

Sainte-Croix, rue de la Longue Echelle , supprimée le i" janvier 1782.

Saint-Denis, rue du Change, supprimée à la même époque.

Saint-Etienne , place de l'Archevêché , détruite.

Saint- Hilaire, rue de l'Intendance, détruite.

Notre-Dame de l'Ecrignole , place Saint-Martin, détruite.

Notre-Dame-La-Riche, conservée comme paroisse.

Saint-Pierre-des-Corps , conservée comme paroisse.

Sai^Pierre-du-Boile, Grande Rue, détruite.

Saint-Pierre-le-Puellier , carroi de Saint-Pierre, détruite.

Saint-Pierre du Chardonnet, rue du Chardonnel, supprimée le 1*' janvier 1782.

Saint-Saturnin , Grande Rue , détruite.

Saint-Simple, au nord de la place d'Aumont, sup- primée le 17 juin 1777.

Saint-Symphorieu , faubourg du même nom , con- servée comme paroisse.

3o4 HISTOIRE DE TOURAINE.

Saint-Vincent, rue de la Scellerie, détruite.

Il y avait en outre une succursale dans l'île Saint- Jacques qui a été détruite lors de la construction du nouveau pont.

Saint-Gatien , autrefois Saint-Maurice, cathédrale, a été conservée. La paroisse Saint-Martin y a été réunie.

Saint-Martin , collégiale détruite. La rue Saint- Martin a été percée sur son emplacement.

Le grand et le petit séminaire , rue Chaude. Le collège en occupe les bâtimens.

L'Hôtel-Dieu , en face de la cathédrale , détruit.

L'Hospice des enfans trouvés, à l'extrémité du fau- bourg Saint-Pierre-des-Corps , détruit.

L'Hôpital - général de la Charité réunit aujour- d'hui les deux précédens.

Le prieuré de Saint-Eloi , à l'extrémité occidentale du Mail j détruit.

Le prieuré de Saint- Jean-des-Coups forme le ci- metière de l'Est.

La chapelle de Saint-André , à l'extrémité nord de la rue Rapin , détruite.

La chapelle de Tous les Saints , place du Grand Marché, supprimée vers 1770.

La chapelle de Saint-Sébastien, faubourg Saint- Étienne , supprimée dans le siècle dernier.

La chapelle de Saint-Protais et Saint-Gervais, sur les murs de la ville , supprimée.

La chapelle du Petit-Saint-Martin , fossés Saint- Martin , détruite.

TOURS. 3o5

La chapelle de Sainte-Anne, à l'extréinité de la Ville perdue , détruite.

Le couvent des Augustins , à l'angle des rues de l'Intendance et de la Galère , détruit.

Le couvent des Bénédictins de Saint-Julien , rue Traversaine, aujourd'hui rue Royale , détruit.

Le couvent des Capucins , sur le coteau de Saint- Symphorien , détruit.

Le couvent des Carmes. Son église forme la pa- roisse de Saint-Saturnin , succursale.

Le couvent des Cordeliers , rue de la Scellerie , aujourd'hui salle de spectacle.

Le couvent des Feuillans , près la place de l'Arche- vêché , détruit.

Le couvent des Jacobins, place de la Foire-le-Roi , aujourd'hui magasins du munitionnaire.

Le couvent des Jésuites, aujourd'hui Saint-Fran- çois-de-Paule , paroisse succursale.

Le couvent des Minimes , rue Chaude , bâtimens détruits, église conservée, formant chapelle à l'usage du collège.

J^e couvent des Oratoriens, rue de la Guerche, détruit.

Le couvent des Récollets, rue des Récollets, au- jourd'hui caserne d'infanterie.

Le couvent des Annonciades, ou Bleues, place de l'Archevêché, supprimé en 1777.

Le couvent des Calvairiennes , faubourg Saint-Sym- phorien , détruit.

3. ao -

3o6 HISTOIRE DE TOURAINE.

Le couvent des Capucines, place d'Aumont, dé- truit.

Le couvent des Carmélites, rue de Mont-Fumier, rétabli.

Le couvent des Repenties, faubourg La Riche, rétabli.

Le couvent des Sœurs-Grises , rue des Récollets, rétabli.

Le couvent des sœurs de l'Union-Chrétienne , rue Chaude, détruit.

Le couvent des Ursulines, rue du même nom, détruit.

Le couvent des Visitandines , rue Chaude, détruit. On y a reconstruit depuis le vaste hôtel de la Pré- fecture. Cet édifice et celui de rArchevêché sont les seuls de la ville qui aient quelque importance.

Tous ces établissemens ecclésiastiques pouvaient être en rapport avec l'ancienne population; mais dès 1^77 on en avait déjà senti l'exubérance, en sup- primant cinq paroisses qui en laissaient encore trop de onze.

On croit que vers la fin du seizième siècle la popu- lation de Tours ne s'élevait pas à moins de quatre-vingt mille âmes; en 1672 on y comptait de même soixante mille communians , dont trente mille, dit-on, en état de porter les armes. On se demande comment la ville, avec cent trente-huit rues et quatre mille cinq cents maisons, pouvait contenir autant d'habitans : mais on ne fait pas attention que de quarante mille

f

TOURS. 3o7

individus, alors employés aux travaux de la soie, plus de la moitié logeait dans des chambres , dans des greniers , et même dans des caves la plupart des métiers étaient établis. En 1698, après la révo- cation de l edit de Nantes , la population était tombée à six mille six cent soixante-dix-huit feux , non com- pris environ mille deux cents ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers; la consommation des bœufs, qui précédemment était d'environ quatre-vingt-dix par semaine, fut réduite à vingt-six. En 1763, on comptait encore quarante mille âmes ; mais ce re- censement fut fait sans doute d'une manière fort in- exacte, puisque celui qui eut lieu quatre ans après, et qui repose sur des détails plus circonstanciés , ne s'élève qu'à vingt-sept mille âmes. Quoi qu'il en soit , en 1 790 il n'en restait pas plus de vingt et un mille qui forment la population actuelle.

L'industrie et le commerce étant déchus en pro- portion, et ne s'étant pas encore relevés , les capitaux ont cherché une autre direction en se portant vers les reconstructions. Ainsi disparaissent journellement les masures et les antiques maisons bâties en colom- bage et recouvertes d'ardoises depuis le haut jusques en bas, pour faire place a des habitations qui, en élargissant les rues, reçoivent plus d'élégance et de commodité, et donnent à la ville un aspect moins sombre. Les habitans semblent s'être dit : ne pou- vant la faire riche ^faisons-la belle. Ce goût paraît avoir pris naissance lors de la construction du nou- veau pont et de la rue qui la traverse dans sa moyenne

20.

3o8 HISTOIRE DE TOURAINE.

largeur qui n*est que de quatre cents toises du pont au Mail, sur mille trois cents toises de longueur. Ce Mail, planté de quatre rangs d'ormeaux (i), est }3ordé dans toute son étendue , du coté du midi , par une terrasse ou rempart long de neuf cent quatre- vingt-dix-huit toises, sur vingt-quatre pieds de large , formant une double promenade d'où la vue s'étend d'abord sur les riantes campagnes que le Cher arrose , et ensuite sur le riche coteau que baigne la Loire.

Ce sont les sources des coteaux du Cher qui ali- mentent les sept fontaines de la ville, commencées en 1 507. Les quatre premières furent terminées en i5 1 1 , et deux autres en i5 ig. Une seule est remar- quable par sa belle pyramide de marbre blanc de Gênes, ornée de sculptures, présent du surinten- dant de Beau ne de Semblançay : mais elle est défi- gurée par un bassin en pierre commune , qu'avec l'amour du beau le corps de ville d'alors eût pu faire exécuter en marbre pareil. Les cinq autres sont de la simplicité la plus mesquine. Quant à celle exé- cutée dernièrement pour remplacer l'ancien réser- voir appelé la Belle Fontaine , elle ne se distingue que par un excès de mauvais goût qui la fait ressem- bler à ces anciens tombeaux qu'on trouvait sur les voies romaines.

Il en est une septième placée à l'extrémité sud de la rue Royale. Celle-ci plus moderne, et construite

(i) 1374 ormeaux, sur deux rangs de chaque côté, espacés de trois toises chacun.

TOURS. 3o9

en même temps que la rue par les soins de l'inten- dant Ducluzel ( et non De Cluzel comme le porte l'inscription), est d'une élégante simplicité qui se lie à l'ordre d'architecture de cette partie de la rue.

Depuis l'année i347) ^^ commune était adminis- trée par six, et ensuite par quatre élus, expression du vœu des habiîans. Mais Louis XI, en 1462, leur substitua un corps de ville, composé d'un maire, de vingt-cinq échevins perpétuels , et de soixante- quinze pairs à vie, auxquels il accorda le privilège de noblesse. Nous ne retracerons point les nom- breuses modiGcations que ce régime éprouva jus- qu'en 1771 , époque l'office de maire fut de nou- veau rendu vénal, et les échevins étaient réduits à quatre. Nous dirons seulement que de Jean Bri- çonnet , en 1462 , à Etienne Benoît de la Grandière , en 1 790 , la ville de Tours a compté deux cents maires dans une période de trois cent vingt-neuf ans.

Quoique Tours fût une ville royale depuis la ré- union de la Touraine à la couronne, elle avait dans son sein , outre la baronnie de Château-Neuf, dont nous avons parlé, une autre seigneurie connue sous le nom de vicomte des Ponts-de-Tours , qui datait du temps les comtes de Touraine abandonnèrent l'administration de la province à des suppléans nom- més pour cela vicomtes. Adralde en fut le premier , en 889. Cette vicomte passa successivement de famille en famille, jusques à celle de Maillé. Louis XI, en i463, ayant acheté de Hardouin de Maillé la terre

3X0 HISTOIRE DE TOURAINE.

des Montils , consentit à l'union de la vicomte de Tours aux baronnies de Maillé et de Roche-Corbon. C'est ainsi qu'en dernier lieu elle fit partie du ducbé de Luines, avec lequel elle s'est éteinte.

Nous ne parlerons point des événemens dont la ville de Tours a été le théâtre , parce qu'on les a trouvés répandus dans tout le cours de notre histoire, et qu'il en sera encore fait mention dans ce qui nous reste à dire.

VÉRETS, BARONNIE.

Le château de Vérets ( Pagus de Viretis ) , situé auprès du bourg de ce nom , sur le coteau que baigne la rivière du Cher, à trois lieues sud de Tours, fut bâti, il y a environ trois cent cinquante ans, par Jean de La Barre , premier gentilhomme de la chambre de Charles VIII , qui fit placer au-dessus du grand esca- lier la statue équestre en pierre de ce prince. Il y était représenté à l'âge de vingt-cinq ans , tel qu'il était à la bataille de Fornoue^ selon la description qu'en a donnée Sala , son pannetier, qui l'avait suivi au voyage d'Italie. L'opinion vulgaire des habitans du pays était que cette figure représentait le fils aîné de Jean de La Barre , également seigneur de Vérets ; mais on peut croire qu'ils n'avaient pas lu l'ouvragé de Sala , il est dit en parlant de cette bataille et de Charles VIII : <.< Il estoit petit decorps, mais fort bel « homme, et avoit alors vingt-cinq ans. Ainsy que le tf roy estoit parmy les rangs combattant , un escadron

VtRETS. 3ll

« d'environ vingt-cinq hommes bien armés et bardés, « cogneurent de loin leroy au garnement de ses armes « qui estoit tout semé de croix de Hiérusalem , et « à son cheval , qui estoit par adventure le plus beau (f et le meilleur qu'on eut sçeu choisir. Le duc Charles ff de Savoye , qui son cousin-germain estoit, le lui « avoit donné , et pour ce le nommoit Savoye, etc. » Il ne fallait donc pas beaucoup de discernement pour voir qu'on n'aurait pas mis sur la statue d'un simple seigneur de Vérets, une cotte d'armes semée de croix de Jérusalem qui n'appartenaient qu'à la maison royale de France, car on sait que Charles VIII écar- telait de France et de Jérusalem.

Les Anglais s'emparèrent de ce château pendant leurs guerres avec le roi Jean , et furent obligés de le rendre en i36o, par le traité de Brétigny.

En 1730, le poète Ducerceau fut trouvé mort dans le parc de Vércfs. Ce jésuite faisait alors l'éduca- tion du fds du duc d'Aiguillon. On prétendit qu'il avait été tué par son élève. Sa sépulture précipitée dans le cimetière de Vérets , on ne lui donna pas même une pierre sépulcrale , sembla confirmer cette opi- nion, qui d'ailleurs ne reposait sur aucune conjec- ture raisonnable.

L'archevêque de Tours de Chapt de Rastignac mourut de même subitement, dit-on , au château de Vérets, en i-ySo. Son mandement contre le père Pichon fit accuser les jésuites de sa mort. Cette ac- cusation a été accueillie par l'auteur des Jésuitiques, qui a dit, ode 2, strophe 5 :

3 12 HISTOIRE DE TOURAINE.

Sous leurs coups Rastignac succombe , Et je vois entrer dans la tombe Maillard et La Rochefoucauld.

Mais cette mort subite est plus qu'apocryphe, puisqu'il fut ordonné des prières de quarante heures dans tout le diocèse , pour la conservation de ses jours.

Voici ce que nous avons pu recueillir sur les dif- férens seigneurs de Vërets.

Pierre Trousseau , chevalier, seigneur de Vérets, de Launay , de Trousseau et de Châteaux , aujourd'hui Château-la-Vallière, était chambellan de Philippe de Valois, au mois de janvier i 3do. Il fut nommé en 1 369 gouverneur du château de Tours, et en 1 370, par lettres patentes de Charles V, du 12 février, il fut retenu au nombre de dix hommes d'armes. Il eut plusieurs en fan s.

Guillaume Trousseau , chevalier , seigneur de Vérets, vicomte de Bourges , etc. , fils aîné de Pierre , fut au nombre des cautions pour le traité de paix de Brétigny, en i36o.

Catherine de l'Isle , dame de Vérets, lui succéda vers i388.

Catherine de La Trémouille était dame de Craon et de Vérets , en i43o.

Jean de La Barre , premier gentilhomme de la chambre du roi Charles VIII, prévôt de Paris, comte d'Etampes, vicomte de Bridieu et baron de Vérets , épousa Marie de la Primaudaye, dont il eut Margue- rite, mariée le 10 mai 152^ à François de Cour- tenay.

VÉRETS. 3l3

François de Courtenay fut seigneur de Vérels du chef de sa femme.

Jean d'Estouteville , chevalier, seigneur châtelain de Vérets, comparut en cette qualité à la deuxième réformation des coutumes de Touraine , en i559.

Pierre Forget Dufresne , secrétaire d'état.

Denis Le Bouthillier, seigneur de Rancé, baron de Vérets et de Larcé , eut deux fds. François , cha- noine de Notre-Dame de Paris, mort en 1640 , et le célèbre abbé de Rancé, qui suit :

Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé , abbé de la Trappe. Son frère aîné François étant mort, il se trouva héritier de la terre de Vérets, On prétend qu'au retour d'un voyage il vint à sa terre, d'où il se hâta de se rendre à Couziers , pour y voir sa maî- tresse, la belle duchesse de Montbazon, dont il ignorait la mort toute récente. Etant monté par un escalier dérobé qui conduisait à la chambre de la duchesse, il fut frappé de terreur en voyant dans un bassin d'argent la tête séparée du corps, parce que l'on avait fait le cercueil de plomb beaucoup trop court. Tel est le motif que l'on donne h sa conver- sion; mais ce récit a bien l'air d'une fable : car com- ment supposer que Rancé eût pu entrer dans le' châ- teau sans rencontrer au moins quelque domestique qui n'eût pas manqué de lui annoncer la mort de la duchesse? Quoi qu'il en soit, avant que de se rendre à la Trappe , Rancé, en 1 660 , vendit à l'abbé d'Effîat sa terre de Vérels, moyennant la somme de 3oo,ooo liv. qu'il donna à l'Hôtel-Dieu de Paris.

3î4 HISTOIRE DE TOUR \INE.

Jean Riizé d'Effiat , abbé de Saint-Sorlin de Tou- louse, et de Trois-Fonlaines, mort le 19 octobre 1698, avait revendu la terre de Vërets au duc de Mazarin , qui suit :

Armand-Charles de La Porte , fils du maréchal de La Meilleraye , duc de Richelieu-Mazarin , pair de France, etc., épousa Hortense Mancini, nièce du cardinal Mazarin, à condition d'en prendre le nom et les armes. Il en eut un fils unique.

Armand de La Porte , duc de Mazarin , etc. , baron de Vérets, n'eut qu'une fille qui fut mariée au mar- quis de Richelieu.

Louis Duplessis, marquis de Richelieu, neveu de Marie-Madelaine , duchesse d'Aiguillon, qui n'avait point d'enfans , fut substitué par elle dans son duché et dans tous ses autres biens. En conséquence, il fut institué duc d'Aiguillon, par arrêt du parlement de Paris, en r-ySi.

Emmanuel-Armand Duplessis-Richelieu , duc d'Ai- guillon , connu par son ministère, sous le règne de Louis XV, après avoir fait exiler à Ghanteloup le duc de Ghoiseul, fut exilé lui-même, en 1775, dans le château de Vérets qu'il avait fait reconstruire dans un goût plus moderne. En 17.60, quelques cailloux agatisés trouvés par hasard engagèrent le duc à faire faire des fouilles auprès de son château, et l'on y trouva beaucoup de pétrifications et de fossiles , dont à la vérité la Touraine abonde, des cailloux sus- ceptibles de recevoir le plus beau poli, mais surtout des agates de diverses couleurs. Il ne paraît pas que

VERNOU. 3l5

Ton ait donné plus de suite à ces recherches. Il eut une fille mariée au comte de Chabrillant , et un fils qui suit :

Armand-Désiré Duplessis -Richelieu, duc d'Ai- guillon , fut le dernier des seigneurs de Vérels. Il s'est fait connaître dans le parti de la minorité de la noblesse de l'assemblée constituante , et est mort à Hambourg , le 4 i^i^i ^ ^oc>.

Le château de Vérets a été entièrement détruit de- puis cette époque.

VERNOU , BARONWIE.

Vernou {Vernotum\ suivant la Notitia Galliarum, fol. 594? est un nom commun à plusieurs bourgs de France , placés dans le voisinage des forêts. On lient en effet que notre Vernou était autrefois couvert do bois , et que la forêt de Reugny s'étendait jusques-là : mais ces bois en très-grande partie ont fait place à de riches vignobles, principalement sur les coteaux. Le village est situé sur la Eransle, à quatre lieues nord-est de la ville de Tours.

De tout temps cette baronnie a été dans le tem- porel des archevêques de Tours , qui en ont été les premiers et les derniers seigneurs; ainsi nous n'avons à cet égard à offrir aucuns détails particuliers; ils y avaient leur justice, dont relevaient trois châtelle- nies et dix fiefs. L'archevêque Victor Le Bouthiilier avait obtenu en faveur de Vernou rétablissement d'un marché qui s'y tenait tous les lundis.

3l6 HISTOIRE DE TOURAINE.

VILLANDRY, marquisat.

Villandry ( Filla Andriaca)^ situe vers l'embou- chure du Cher, îi trois lieues au-dessous de Tours, n'était autrefois qu'un petit château connu sous le nom de Colombiers , dont nous avons eu occasion de parler dans notre Histoire au sujet de la paix qui y fut conclue en 1 189, au mois de juillet, entre Philippe- Auguste et Henri H , roi d'Angleterre et comte de Touraine.Il fut rebâti par Jean Le Breton, secrétaire- d'ëtat,qui en devint acquéreur, en i532, ainsi que de la châtellenie de Savonnières , et ce fut son petit- fils, Balthasar Le Breton, qui obtint la réunion de ces deux seigneuries et leur érection en marquisat, sous l'appellation de Villandry , par lettres patentes de Louis XHI de 16 19, qui ne furent vérifiées au parlement que le 26 novembre 1639.

Le bourg de Savonnières dont il est ici question , nommé en latin Saponaria , ainsi que nous le voyons par le testament de saint Perpète, fait le i^' mars 47 5 , était à cette époque déjà renommé par les savons blancs qu'on y fabriquait. Comme l'usage en était fréquent parmi les Romains , et qu'ils estimaient beau- coup les savons blancs qui venaient de la Gaule , il s'en faisait un très-grand commerce; c'est pourquoi il y avait toujours non loin des grandes villes un lieu nommé Savonnerie ou Savonnières.

Nous avons parlé dans notre introduction des sou-

VILLANDRY. 3 1 7

terrains , ou grottes de Savonnières , connus sous le nom de Caves Gouttières.

Ces deux chatellenies, avant le treizième siècle , avaient chacune leurs seigneurs particuliers, dont ceux qui suivent étaient mentionne's au cliartrier de Marmoutier.

Geoffroy , dit Le Roux , ainsi que nous l'avons vu précédemment à l'article de Hugues I" d'Amboise , était seigneur de Colombiers , vers la fin du onzième siècle, et avait épousé Lisoye, fille de ce même Hugues d'Amboise, dont il n'eut point d'enfans.

Emcry Payen était seigneur de Colombiers et de Montbazon , en io83.

Auger, seigneur de Colombiers , vivait en 1094.

Lélice, dame de Savonnières en 11 85, fut ma- riée à Philippe, seigneur de Montoire, d'où est sortie une branche des seigneurs de Vendôme.

Philbert Savary, seigneur de Colombiers, étant devenu seigneur de Savonnières, et Philippe-Auguste lui ayant donné le château de Montbazon, au com- mencement du treizième siècle, les seigneuries de Colombiers et de Savonnières furent unies à celle de Montbazon , ce qui dura environ deux cents ans , jusqu'à Guillaume de Craon, troisième du nom. Jean de Craon, son frère puîné, étant comme lui mort sans enfans , leur succession fut partagée entre leurs sœurs.

Marie de Craon , seconde fille de Guillaume de Craon et de Jeanne de Montbazon , eut en partage les seigneuries de Montsoreau , Jarnac , Pressigny ,

3l8 HISTOIRE DE TOURAINE.

Colombiers et Savonnières qu'elle porta en dot à Louis Chabot.

Louis Chabot , seigneur du Petit-Château et de la Grève, était fils de Thibaut Chabot, sixième du nom. De sa femme, Marie de Graon, il eut Thibaut et Renaud.

Thibaut Chabot , septième du nom , fit hommage a Charles VII, le 17 mars 14^7 , des seigneuries de Colombiers et de Savonnières. Il prit pour femme Brunissant d'Argenton , dont il eut trois enfans , Louis qui suit et deux filles.

Louis Chabot, baron de Pressigny, seigneur de La Grève, de Colombiers et de Savonnières rendit par aveu la seigneurie de Savonnières, à Philippe de Coëtquis , archevêque de Tours, le i" juin i436. Il épousa Jeanne, fille de Guillaume de Coursillon, dont il eut une fille unique.

Marie Chabot, fille du précédent, dame de Savon- nières et de Colombiers , fut mariée deux fois; la pre- mière à Joaclîim Rouault, et la seconde à Navarret d'Anglade. Celui-ci , pendant la minorité d'Adolphe Rouault, du premier mariage, vendit les biens de la succession de son père Joachim. Il y eut procès à ce sujet, et en i5o5 intervint un arrêt du parle- ment d'après lequel les biens furent revendus au profit du mineur. Henri Bohier s'en rendit acqué- reur.

Henri Bohier , chevalier , sénéchal de Lyon , sei- gneur de Chesnaye , deuxième fils d'Astremoine Bo- hier, devint seigneur des terres de Colombiers et de

VILLANDRY. 3ig

Savonnières, par l'achat qu'il en fit en i5o5 : mais elles furent revendues sur lui par décret forcé.

Jean Le Breton, chevalier , baron de Mondoucet, seigneur de Villesquin , conseiller du roi et secré- taire d'état , acquit les cliâtellenies de Colombiers et de Savonnières , en* vertu de l'arrêt rendu par les juges des finances, le 4 mars i532, moyennant la somme de 35,ooo liv. , formant 132,290 liv. de notre monnaie, le marc d'argent étant alors à i3 liv. 5 sous. Il épousa Anne Gédouin , dont il eut deux enfans , Claude et Balthasar. Lui-même était fils de Charles Le Breton, seigneur de Chanceaux, et de Jeanne, fille de François Bérard , premier du nom , seigneur de Bléré.

Claude Le Breton , seigneur de Villandry, de Co- lombiers et de Savonnières, épousa Claude, fille de Florimond Robertet, secrétaire d'état sous les rois Louis XII , François I" et Henri IL II mourut sans enfans, en i556. Il reste de lui des lettres écrites en i536 et 1537, relatives au règne de F'rançois L^ : elles étaient conservées parmi les manuscrits de Pierre Dupuy , numéro i65.

Balthasar Le Breton , premier du nom, succéda à Claude, son frère, et fut , ainsi que nous l'avons dit en commençant, le premier marquis de Villandry. Il avait épousé Madelaine , fille de René Gillier, baron de Marmande et de Puy Carreaux, dont il eut, entre autres enfans , Balthasar qui suit.

Balthasar Le Breton, deuxième du nom, seigneur de Villandry, épousa N. de Coulas, dont il eut un fils.

3aO HISTOIRE DE TOURAINE.

Ballhasar-Leonor Le Breton-Gouias, seigneur de Villandry, prit alliance avec Marie-Claude Bonneau de Rubellez. Cette union ne leur donna qu'une fille, Henriette-Marguerite, qui porta la terre de Villandry dans une autre famille.

Louis-François , comte d'AÛbigny , seigneur de La Touche, épousa en 171 3 Henriette-Marguerite Le Breton-Goulas, et devint par seigneur de Vil- landry. Sa femme mourut en 1721 , âgée de trente- deux ans.

Esprit-François- Henri , marquis de Castellane , maréchal-de-camp, ayant acquis la terre de Villandry, en fit reconstruire entièrement le château tel qu'il existe aujourd'hui; il en fut aussi le dernier seigneur, et depuis sa mort cette terre est passée successive- ment en différentes mains.

USSÉ, CHA.TELLENIE.

Le château d'Ussé ( Ussœum ) se trouve dans la commune de Rigny , canton d'Azay-le-Rideau , sur la rive gauche de la Loire, au point l'Indre vient terminer sa course dans ce fleuve. Il ne pouvait être remarquable autrefois que par ses eaux , ses bois , et son site heureux sur le penchant d'une colline , d'où l'œil découvre à travers le bassin de la Loire les riches coteaux de la rive opposée : mais depuis sa reconstruction , ses vastes bâtimens sa belle et noble architecture en ont fait l'un des édifices de ce genre dont le sol de la Touraine ait le plus à s'enorgueillir.

ussÉ. 32 r

Il est vrai qu'il est eu partie l'ouvrage du célèbre Vaubaii, qui venait quelquefois dans cette agréable retraite passer chez son gendre les courts instans de loisir que lui permettaient les innombrables occu- pations qui remplirent le cours de sa vie. Ce fut sur ses plans et ses dessins que les travaux en furent exécutés.

Gelduin de Saumur est le premier que, dans l'his- toire de notre province, nous voyons paraître comme seigneur d'Ussé, en même temps qu'il l'était de Maillé et de Pont-le-Voy, vers la fin du onzième siècle.

Gelduin, deuxième du nom, son fils, le fut égale- ment après lui : mais depuis eux il s'écoule un assez long espace de temps sans que nous ayons connais- sance d'aucun des seigneurs d'Ussé,

Jacques d'Espinay possédait cette terre vers i48o. Il comparut à ce titre au procès-verbal de réforma- tion des coutumes de Touraine, en i Soy. Ce fut lui qui fit construire la chapelle du château que consacra le cardinal André d'Espinay, son frère, archevêque de Lyon, mort en i5oo.

Jacques d'Espinay, deuxième du nom, seigneur d'Ussé, y fonda, en i538, une collégiale de huit chanoines, tous à la collation du châtelain. François d'Espinay, surnommé le Brave-Saint-Luc, était de cette même famille. Ce fut lui qui fut envoyé à Senlis , en 1^94, vers Henri IV , pour traiter de la reddition de Paris.

Claude I", sire de Rieux , seigneur de Rochefort , d'Ancenis et d'Ussé , avait probablement acheté cette 3. 21

3^2 HISTOIRE DE TOUR AINE.

terre de la famille d'Épinay, ou plutôt ce fut sa femme Suzanne de Bourbon , fille de Louis prince de La Roche-sur- Yon , qu'il épousa en secondes noces, en 15^9, car il était mort en i533. Il n'eut de ce second mariage qu'un fils, nommé Claude, comme lui, qui mourut sans avoir été marié, en i548.

Suzanne de Bourbon , après la mort de son époux et de son fils, devint dame d'Ussé, et comparut en cette qualité à la seconde réformation des coutumes de Touraine , en iSSg. Elle mourut en 1570. Claude II, en mourant, avait laissé héritière de tous ses biens Louise de Rieux, sa sœur paternelle du premier lit. Celle-ci fut mariée à René de Lorraine, marquis d'Elbeuf, auquel elle porta en dot toute cette succession.

Louis Bernin de Valentinay, premier du nom, contrôleur-général de la maison du roi , fut acquéreur de la terre d'Ussé. Il épousa Catherine, fille d'André Coudreau , seigneur de Planchouri en Touraine , et maire de Tours en i65i. Il eut de ce mariage Louis qui suit.

Louis Bernin de Valentinay , deuxième du nom , contrôleur-général de la maison du roi , épousa Jeanne-Françoise, fille aînée du maréchal de Vauban, qui, comme nous l'avons dit, donna ses soins à la reconstruction du château d'Ussé , l'on reconnaît facilement la main de ce grand homme.

Louis de Bernin de Valentinay, troisième du nom, seigneur d'Ussé , contrôleur-général de la maison du

ussK. 3a 3

roi , était fils de Louis II , et de Jeanne-Françoise de Vauban. Il prit alliance, en 1708, avec Anne-Tlieo- dore de Carvoisin.

Louis-Vincent Roger , marquis de Chalabre, était seigneur d'Ussë , lorsqu'il quitta la France à l'époque de la révolution. Cette terre était déjà sous le séquestre lorsqu'un fils légitimé en réclama et en obtint la res- titution ; elle a passé depuis à M. le duc de Duras , premier gentilhomme de la chambre du roi , qui en est aujourd'hui propriétaire.

On a cru voir dans la chronique du petit Jehan de Saintré, long et ennuyeux roman d'Antoine de La Salle, rajeuni, raccourci et rendu supportable par le comte de Tressan, quelque analogie entre Ussé et les li^ux le romancier place le théâtre des aven- tures de la dame aux belles cousines. Quoique Saintré fût effectivement sur la rive opposée de la Loire, nous ignorons comment on prétendrait chercher quelque air de vérité dans des faits entièrement fabu- leux.

On remarquait à Ussé deux caisses de momies , l'une en marbre blanc, l'autre en basalte, ou plutôt en pierre de touche, toutes deux couvertes d'inscrip- tions hiéroglyphiques, que tenta vainement d'expli- quer Court de Gébelin , trop peu versé dans ce genre d'études, dont les étonnans progrès semblent être réservés aux travaux et à la sagacité de M. Cham- pollion. Ces caisses, venues de la Haute-Egypte, furent débarquées à Marseille en i63i ; plus de vingt ans après, elles furent achetées par le surintendant Fou-

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324 HISTOIRE DE TOURAINE.

quet , et revendues après sa mort, en 1680. Le célèbre Lenostre , qui en fut acquéreur, en fît présent à Louis II de Valentinay , qui les fît placer dans son château d'Ussé. Enfin , pendant le séquestre momen- tané dont nous avons parlé, ces deux monumens précieux ont été transportés à Paris, et réunis à tous ceux que renferme le Musée des Arts.

FIN DE LA SECONDE PARTIE.

HISTOIRE

DE TOURAINE.

TROISIÈME PARTIE,

CONTENANT

LE TABLEAU HISTORIQUE DES SENECHAUX, GOUVER- NEURS, LIEUTEir ANS-GÉNÉRAUX, GRANDS-BAILLIS, INTENDANS, ETC., DE LA PROVINCE.

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CHAPITRE I.

SÉNÉCHAUX.

La dignité de sënëclial de ïourainc a pris nais- sance sous les comtes héréditaires. Les fonctions de ces officiers comprenaient l'intendance de la maison du prince, l'administration de la justice, la dispo- sition des charges de judicature, la direction des troupes, enfin le gouvernement des places fortes. Le sénéchal de Touraine l'était en même temps de TAnjou et du Maine; mais généralement on ne le

3^6 HISTOIRE DE TOURAINE.

désignait que. sous le nom de sénéchal d'Anjou. C'était, après le comte, le personnage le plus important, et les évêques même, soit par écrit, soit en parlant de lui, se servaient toujours de l'expression de seigneur, titre qui ne se donnait alors qu'aux princes et aux grands-officiers de la couronne.

Ces places furent amovibles jusqu'à la fin du dou- zième siècle; mais, en 1204, Philippe- Auguste, ayant réuni ces trois provinces à sa couronne, conféra la dignité de sénéchal à titre héréditaire à Guillaume Des Roches, qu'Artus, duc de Bretagne, avait déjà institué, en iigS, sénéchal héréditaire et feudataire d'Anjou. La sénéchaussée passa après lui à la maison de Craon , qui la posséda jusqu'à ce que le titre en eût élé supprimé, ce qui eut lieu pour la Touraine en i323, et en i33o pour les deux autres provinces, au moyen des arrangemens faits avec les titulaires dont il sera parlé à leur article.

Ce n'a été qu'à force de recherches que nous avons pu former une nomenclature exacte des sénéchaux amovibles; mais il ne nous a pas été possible de déterminer aussi bien la durée exacte de leurs fonc- tions. Il en est même quelques-uns dont nous n'avons pu connaître que les noms.

La série des sénéchaux héréditaires ne se compo- sant que de sept individus, il nous a été plus aisé de la donner plus complète.

Lorsque cette dernière dignité eut été abolie, une partie de ses attributions passa aux grands- baillis, qui, dès ce moment, furent institués gou-

SÉNÉCHACX. 3^7

verneurs des provinces. Auparavant ces baillis avaient l'administration de la justice ainsi que la conduite des nobles et des autres militaires lorsque la guerre survenait. Quelquefois les rois envoyaient en outre des lieutenans qui souvent n'avaient que le titre de capitaines, et auxquels on donnait la direction des gens de guerre de trois ou quatre provinces contiguës. C'est ce qui s'observa assez régulièrement jusqu'au règne du roi Jean, c'est-à-dire, tant que la Touraine se trouva exposée aux courses continuelles des Anglais qui étaient maîtres de la Guienne et d'une partie du Poitou; mais après le trop célèbre traité de Brétigny, en i36o, les baillis reprirent la plénitude de leur autorité, et firent rentrer dans leurs attributions toutes les parties qui en avaient été distraites par la force des circonstances.

Indépendamment des grands-baillis-gouverneurs, il y avait dans chaque province un lieutenant-général pour le roi, qui pouvait être considéré comme un vice-gouverneur. Les fonctions de gouverneur et de grand-bailli commencèrent à être désunies et distinctes en i543. Alors il s'en forma trois, différentes de dé- nomination et d'attributions, savoir : gouverneurs, lieutenans-généraux et grands-baillis d'épée. Ceux-ci avaient leurs lieutenans chargés exclusivement de l'administration de la justice , et connus depuis sous le nom de lieutenans-gcnéraux du bailliage.

En i532 les gouverneurs des provinces furent au- torisés à prendre le titre de gouverneurs lieutenans- généraux; mais les lieutenans-généraux pour le roi

3lS HISTOIRE DE TOURAINE.

n'en subsistèrent pas moins, et leurs attributions n'en éprouvèrent aucun changement.

Ces ëclaircissemens préliminaires nous ont paru indispensables pour mettre à même de bien connaître la nature des fonctions des divers officiers dont nous avons à parler. Les sénéchaux amovibles étant les plus anciens, ce sera "par eux que nous commen- cerons.

§1-

SENECHAUX AMOVIBLES.

Lysois, chef de l'ancienne famille du nom d'Am- boise, était fils aîné de Hugues de Lavardin. Après que Geoffroy-Martel eut réuni la Touraine à son comté d'Anjou, il créa Lysois de Bazogers sénéchal des trois provinces pour le récompenser des services signalés qu'il lui avait rendus, principalement à la bataille de Nouy qui l'avait rendu possesseur de la Touraine. Lysois fut revêtu de la dignité de séné- chal, vers l'an 1046 ou 1047. L'époque de sa mort n'est pas bien connue : on pense qu'elle eut lieu peu de temps après celle de Geoffroy-Martel , c'est-à-dire vers 1060 ou ro6i.

Algérius ou Auger de Bazogers , frère de Lysois , lui succéda dans l'office de sénéchal, sous Geoffroy- le-Barbu et Foulques-Réchin. On croit communément qu'il mourut vers 1080.

Pierre. On ne lui connaît pas d'autre nom. Il suc- céda à Auger, en jo8o. Il est fait mention de lui,

SÉNÉCHAUX. 329

comme sénéchal des trois provinces , dans un titre de Téglise de Saint-Aubin d'Angers, daté de jo83.

Giroye, ou Giroir. Claude Ménard le nomme Gi- rard dans son histoire d'Anjou. Un titre de l'abbaye de Marmoutier de to85 l'indique comme sénéchal des trois provinces, fonctions que, d'après l'article suivant, il paraît avoir exercées seulement jusqu'en 1088.

Payen de Maugé prend la même qualification en 1089, dans une charte de l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers.

Durand Broquet. On ne sait rien de lui.

Etienne Bautan. Il est fait mention de lui dans un titre de l'abPjaye de Marmoutier, de \iii.

Geoffroy, sans autre dénomination. Il pourrait se faire que ce fût Geoffroy Fuel, seigneur de l'Ile-Bou- chard, qui vivait en ce temps. Ce sénéchal fut pré- sent à un jugement rendu à l'audience , dans la salle du comte Geoffroy, au profit de l'abbaye de Mar- moutier, le 3 août, jour de l'invention de saint Clé- ment, sans indication d'année. Le comte Geoffroy, dont il est parlé dans ce jugement, ne pouvait être que Geoffroy-le-Bel , mort en 1 1 5 1 .

Blo ou Blé ( Robert de ) , fils de Gosselin de Blo , seigneur de Champigny et grand-père de Josselin, qui fut l'un des chevaliers bannerets , sous Philippe- Auguste. Il a été fait mention de lui h l'article des seigneurs de Champigny.

Jean Jouslain de Tours , autrement nommé Josselin et même Gosselin , seigneur de Fontaine-Milon en

33o HISTOIRE DE TOURiVINE.

Anjou. Ce fat Geoffroy- le-Bel qui le nomma séné- chal, dignité qu'il conserva depuis ii58 jusqu'en ji63, ayant été maintenu par Henri lî, roi d'An- gleterre. Il signa, en i iGq , le privilège que le prince avait accordé à l'abbaye de Saint-Florent, portant exemption du droit de péage sur le pont de Saumur. De Barvine , sa femme , il eut un fils nommé Geof- froy, qui épousa Hilarie.

Guy Des Moulins paraît comme sénéchal , en 1 1 64 , dans le cartulaire de l'abbaye de Ronceray , d'Angiers.

Guillaume , fils d'Hémon , fut premièrement séné- chal de Bretagne, sous le duc Geoffroy, puis séné- chal d'Anjou, sous Henri H, en ii-yo. C'est de lui que Guillaume, évêque d'Angers, se plaignit au roi, prétendant qu'il l'avait empêché de juger une cause que le pape avait renvoyée devant lui au sujet d'un bénéfice de l'église de Saint-Martin de Tours. Les deux parties étaient Hugues de Marson et Olivier , neveu du sénéchal. Le prélat l'accusait d'avoir inti- midé les témoins de Hugues , et de les avoir détour- nés par menaces d'aller déposer à Tours. Il paraît en effet qu'il avait une telle autorité, que Barthélemi, doyen de Saint^Martin , pria un jour le roi Louis VII de lui recommander une affaire pendante devant lui.

Etienne de Marçay , ou plutôt de Marchay. Il est indiqué comme sénéchal dans des titres de ii-ya et 1 1 80, époque il fonda l'hôpital de Saint-Jean d'An- gers. Il mourut en 1 190 : mais, quelques années aupara- vant, il avait remis la dignité de sénéchal entre les m^iqs de Henri II. Ce fut probablement en 1 18/4 ou

SJÉNÉCHAUX. 33 1

II 85, puisque, comme on le verra à l'article sui- vant, nous avons une sentence rendue par son suc- cesseur , en 1 185.

Etienne. Il est nommé en latin Stephanus de Turonis ^ cFoù nous avions pensé qu'il fallait tra- duire Etienne de Tours; mais il paraît certain qu'il était anglais. Matthieu Paris l'appelle Stephanus de Tournliam. Quant à nous , nous croyons que son véritable nom était Etienne de Tournon. C'est ainsi qu'il est désigné dans la charte de Henri II qui donne les Ponts-de-Cé à l'abbaye de Fontevraud , il est dit : Teslibus Stephano de Turon , senescalco andegavensi ^ etc. C'était un des principaux confîdens de Henri II qui , en 1 1 69 , lui confia la garde de son trésor en lui donnant le gouvernement de la ville et du château de Chinon. Lorsque ce roi fonda la Char- treuse du Liget , ce fut lui qu'il choisit pour l'exécu- tion de ses lettres , conjointement avec Guillaume , chancelier d'Angleterre, et Guillaume de Hostile. Etienne commandait dans la ville du Mans, lors- qu'elle fut assiégée, en 1 189, par Philippe-Auguste: mais après la mort de Henri II, son fils Richard Cœur- de-Lion le fit emprisonner, le destitua de sa charge, et le dépouilla de tous ses biens. On ota même à son fils, sous prétexte de sa basse extraction, la femme qu'il avait épousée pendant la fortune de son père, parce que les lois du royaume ne permettaient pas aux femmes nobles de se mésallier.

Peau , ou Payen de Rochefort , favori du roi Ri- chard, profita de soa crédit pour obtenir la dignité

33î2 HISTOIRE DE TOURAINE.

de scnëclial des trois provinces , après la disgrâce d'Etienne. Il fut témoin , avec l'archevêque de Tours etlevêque d'Angers,à la confirmation du droit d'usage dans la forêt de Chinon , que Richard donna à l'ab- baye de Turpenay, le 19 avril 11 90. Mais sa faveur n'ayant pas été de longue durée, avec elle il perdit, en 1 192, sa dignité de sénéchal.

Robert de Turneham était anglais, d'une famille illustre , et shérif de Wiltshire , selon Dugdale dans son Baronnage. Il eut beaucoup de part à la faveur du roi Richard , qu'il accompagna dans son voyage de Palestine , il commanda l'aile gauche de son armée navale à l'attaque de l'île de Chypre, en 1 191 , et après qu'elle eut été prise, il en fut nommé vice- roi, conjointement avec Robert de Chamwrill. Celui- ci étant mort , il en eut seul le gouvernement. De retour en France , il fut nommé sénéchal des trois provinces; mais, en 11 99, Jean-sans-ïerre ayant succédé à Richard, il lui remit la dignité de séné- chal et ses autres gouvernemens, ainsi que le trésor du feu roi. Jean cependant, ne voulant pas le laisser sans récompense, lui donna la sénéchaussée du Poi- tou , il alla réprimer quelques désordres et con- tenir la noblesse dans les bornes de son devoir.

Aimery, vicomle de ïhouars. Vers la fin d'avril 1 199, le roi Jean l'investit delà dignité de sénéchal, ainsi que du gouvernement de la ville et du château de Chinon : mais sa conduite l'ayant fait soupçonner d'intelligence avec les Français, il fut contraint ;, au mois d'octobre suivant , de remettre entre les mains

SlêNÉCHAUX. 333

du roi sa dignité et son gouvernement. Aimery était frère aîné de Guy de Tliouars , qui , en 1 199 , épousa Constance, duchesse de Bretagne, veuve de Geof- froy II , et mère d'Artus , comte de ïouraine.

§11.

SÉNÉCHAUX HÉRÉDITAIRES.

Guillaume Des Roches, seigneur du Chateau-du- Loir, de Sablé, de Baugé, de Mouliherne, de Sau- mur, de Précigné, et de plusieurs autres grandes terres, fut nommé sénéchal amovible des trois pro- vinces , par lettres d'Artus de Bretagne, du mois ,de mai 1 J99, confirmées par Philippe-Auguste; d'où il résulte qu'il y eut alors deux sénéchaux , l'un nommé par le roi Jean , qui se prétendait comte de Touraine , et l'autre par Artus , son neveu , qui l'était plus légi- timement, comme représentant Geoffroy., son père, qui était l'aîné de Jean-sans-Terre. Philippe-Auguste, en vertu de l'arrêt de confiscation prononcé contre ce dernier, ayant réuni ces trois comtés à sa couronne de France, continua Guillaume Des Roches dans ses fonctions de sénéchal , (ju'il rendit même héréditaires en sa faveur par ses lettres du mois d'août 1 204.

Il mourut en ia'25i , et eut sa sépulture dans l'ab- baye de Bonlieu, auprès du Chateau-du-Loir. On y voyait son tombeau et celui de sa femme Marguerite de Sablé. Il en eut un fils et deux filles : Robert,

334 HISTOIRE DE TOURAINE.

mort en bas âge , Jeanne et Clëmence. Celle-ci fut mariée premièrement à Thibaut VI comte de Blois , puis à Geoffroy vicomte de Châteaudun. Jeanne l'aînée épousa Amaury de Craon. Ce fut par ce ma- riage que la dignité de sénéchal passa dans l'illustre maison de Craon.

Voici ce qu'on lit à ce sujet dans l'enquête sur les usages d'Anjou , de Touraine et du Maine : « et en- ce sèment ot missires Guillaume Des Roches deux « filles , desquelles missires Amorris de Craon ot a l'aisnée, et porceot lidiz Amorris toutes lesappar- « tenances au D. Guillaume , sans que l'autre fille « qui fut comtesse de Blois, et puis vicomtesse de « Châteaudun, ot rien en l'héritage, ne ez con- « quesles , oultre son mariage que son père lui donna, « sans que missire Jeufroy Marciau qui ot l'autre à « femme en eust ne tenist rien oultre cinquante livres a de rente que li diz Robert li avoit donné en ma- « riage. » En effet, les dots des plus grandes dames n'excédaient jamais, en ce temps, cinquante ou soixante livres de rente.

Amaury de Craon , premier du nom, de 1222 à 1226. Il était seigneur de Durtal et de Sablé , et fils de Maurice II de Craon. On vient de voir comment il se trouvait possesseur de la dignité de sénéchal des trois provinces. Il fit la guerre en 1222 à Pierre Mauclerc , duc de Bretagne , et prit sur lui la Guerche et Châteaubriant ; mais dans le combat du mois de mars, il fut battu et fait prisonnier avec quelques seigneurs de Touraine et d'Anjou. Guillaume-le-Bre-

SIENÉCHAUX. 335

ton parle de lui en ces termes, au douzième livre de sa Philippide :

Hinc sub Aitialrico Cenomanensis, et omnis Andcgavensis eques, Turonique,et quisquis ab iisque Carnuto laudis aliquid « vel honoris habebat.

Il mourut en Anjou, au mois de mai 1226, et fut enterré dans l'abbaye de La Roë. Après sa mort , sa veuve exerça la charge de sénéchal qu'elle avait ap- portée en dot à son mari , et dont elle fît hommage^ lige, en 1226, au roi saint Louis, qui dit à ce sujet dans ses lettres : « Notum sit omnibus quod nos di- (f lectam et fidelem nostram Johannam de Credona « recepimus in feminam ligiam nostram de sene- « caltiâ Andegaviae, Turoniœ et Ccnomanioe tenenda « de nobis et habenda; sicut bonae memoriœ Guillel- « mus de Rupibus pater ejus eam tenuit et habuit. » Jeanne, par cet hommage , s'engagea envers le roi de s'en rapporter au jugement de ses pairs s'il s'éle- vait entre lui et elle quelque contestation au sujet de cette sénéchaussée. Elle eut de son mariage avec Amaury deux filles et Maurice qui suit.

On lit dans les preuves de l'histoire de Bretagne, tom i", page 847 , qu'un Thierri de Galardon était sénéchal de Touraine en 1 220 , et qu'il fit, par ordre de Philippe-Auguste, une enquête à Nantes au sujet dos droits du duc de Bretagne sur les sels ; mais il y a erreur, et ce sénéchal de Poitou ne pouvait l'être

336 HISTOIRE DE TOURAINE.

de la Touraine , puisqu'à cette époque la sénéchaussée était déjà devenue héréditaire.

Maurice de Craon, quatrième du nom, seigneur de Sablé, de Briolé , de Chantocé, d'Ingrande, etc. A la mort de sa mère , en 1 2 36, il hérita de la dignité de sénéchal. Il avait épousé Jeanne, dont le nom de famille n'est pas plus connu que l'époque de la mort de son mari. Elle en eut Amaury II et Maurice que quelques-uns ont confondu avec son père.

Amaury de Craon, deuxième du nom, seigneur de Sablé, etc., succéda à son père Maurice IV, dans la dignité de sénéchal. Il avait épousé Yolande, fdle de Jean de Dreux , premier du nom , et de Marie de Bourbon-l'Archambault ; étant mort sans postérité, en 1 268 , l'office de sénéchal passa sur la tête de son frère puîné Maurice V.

Maurice de Craon , cinquième du nom , succéda à son frère , en 1 268 , non-seulement dans la dignité de sénéchal, mais encore dans les seigneuries de Craon et de Sablé. Par un compte que rendit à la chambre Gaultier de Villette, bailli de Touraine, pour le ternie de l'Ascension 1269, on voit qu'en cette année Maurice était sénéchal. Il épousa Isa- belle de Lusignhem , fille de Hugues X , comte de La Marche, et d'Isabelle, comtesse d'Angoulême, dont il eut Maurice qui suit, et mourut en 1282.

Maurice de Craon , sixième du nom , succéda à son père en 1282, et mourut lui-même en 1292, le II février, qui devait alors être I283. Il avait

SÉNÉCHAUX. 337

épouse, en 1277, Maliaut de Malines, fille de Gau- tier Berthouletde Marie d'Auvergne. Les enfans nës de ce mariage furent : Amaury qui suit ; Marie , femme de Robert de Brienne , vicomte de Beaumont ; Isa- belle , mariée a Olivier de Clisson ; et Jeanne , morte sans alliance.

Amaury de Craon, troisième du nom, seigneur de Sablé et de Briolé, fut, en T292 , le dernier sénéchal héréditaire des trois provinces. Charles-le-Bel , ayant conçu le dessein d'éteindre cette dignité , traita d'a- bord de la sénéchaussée de Touraine avec notre Amaury qui la lui céda au mois de juin i323j avec tous les droits et émolumens qui en dépendaient, du consentement de Béatrix de Roucy , dame de la Suze, son épouse, qui en donna ses lettres le 4 juin. Il traita de même avec le roi Philippe de Valois , au mois de mars j33o, pour celles de l'Anjou et du Maine, qu'il lui abandonna moyennant mille cinq cents livres de rente.

Ce fut ainsi que s'éteignit cette dignité, qui s'était maintenue pendant cent trente ans. Amaury mourut le 26 janvier i332. Il avait épousé Isabelle, dame de Sainte-Maure , fille et unique héritière de Guil- laume IV, seigneur de Sainte-Maure; et en secondes noces Béatrix, fille de Jean IV de Roucy et de Jeanne de Dreux. Du premier lit il eut Maurice VIT et Guillaume de Craon, surnommé le Grand, qui devint seigneur de Sainte-Maure, comme on l'a vu à son article.

21

338 HISTOIRE DE TOURAINE.

CHAPITRE II.

GOUVERNEURS DE TOURAINE.

Les baillis, dont les fonctions étaient subordonnées à celles du sénéclial , devinrent, lors de l'abolition de cette dignité , les premiers officiers de la province , parce que, comme nous Tavons dit, on réunit à ce titre celui de gouverneur , et celui de bailli n'en fut distrait que quand les gouverneurs furent créés lieu- tenans-généraux,

s I-

GRAIfDS-BAILLIS-GOUVERNEURS.

Davoir (Pierre), chevalier, sire de Château-Four- mont, est le premier bailli de Touraine que nous trouvons avoir été revêtu du titre de gouverneur. Il existe à la maison-de-ville de Tours des titres des 29 août i385, 18 août 1 386 et 6 novembre 1387, il est nommé gouverneur au bailliage de Touraine. Il était chambellan de Louis V d'Anjou , duc de Touraine et roi de Sicile. H y a de lui des lettres données au Mans, le a3 octobre 1 383 , dans lesquelles il prend la qualité de lieutenant-général au pajs de

GOUVERNEURS. 33^

Touraine pour mondit seigneur le duc d'Anjou, Elles sont adressées au sénéchal de Tours.

Il paraît qu'il eut le titre de gouverneur vers Tan i38o. Il mourut sans enfans, en iSgo.

Prunelé (Jean de ), chevalier , sire d'Herhaut, de Marchainville et de Beauverger, de l'une des plus anciennes maisons de la Beauce. Il était chambellan du roi Charles VI et du duc de Touraine. Celui-ci le nomma bailli et gouverneur de la province après la mort du sire de Cliateau-Fourmont. Il mourut, en 1 4 1 7, dans un âge fort avancé. Il avait épousé Mabille, fille de Guy-le-Baveux et de Marie d'Amboise.

Remeneuil (Guillaume de), ouRiveneuil , e tmême Remenel , suivant Froissard , chambellan du roi Charles VI et duc de Bourgogne , fut pourvu de la charge de bailli - gouverneur de Touraine, par la reine Isabeau de Bavière, par lettres du 18 no- vembre 14 17. Il était fils de Guyon de Remeneuil et de Jeanne de Brenezay. De Marguerite d'Azay , son épouse , il eut un fils qui, comme lui, fut obligé de sortir de France pour avoir pris le parti du duc de Bourgogne contre le roi Charles VII. Leurs biens furent confisqués et acquis a la couronne; mais après leur mort on les rendit à leurs héritiers.

Avaugour ( Guillaume d' ) , seigneur de Roche- Mabillc , chambellan du roi Charles VII , issu d'une des plus illustres maisons de Bretagne , fondue par la suite dans celle de Rohan - Soubise. Après la dis- grâce des Remeneuil, en i4?3, il fut nommé bailli- gouverneur de Touraine , et il assista en cette qualité

22.

34o HISTOIRE DE TOURÂINE.

à l'entrée de Charles VIÏ dans la ville d'Angers , le jg octobre i424- On assure qu'il fut un de ceux qui donnèrent au dauphin le mauvais conseil de faire assassiner le duc de Bourgogne à Montereau, et que ce fut le motif de sa disgrâce, en i4^5. Il fut en effet à cette époque privé de son emploi, qui fut donné au sire de Tassé.

Baudouin de Champagne , seigneur de Tassé ou Tucé, et de La Bourdaisière, chevalier, conseiller et premier chambellan du roi Louis XI , grand-cham- bellan de René , roi de Sicile , fut bailli-gouverneur de Touraine, en î/^q^S, Il avait assisté à la bataille du Petit-Baugé, les Anglais furent défaits le sa- medi 22 mars 14^1? et fut nommé, en i436, par Charles VII , pour demander à l'archevêque de Tours dispense d'âge en faveur du dauphin Louis, fiancé à Marguerite d'Ecosse.

Il était le second fils de Pierre de Champagne, premier du nom, et de Marie de Laval. Il épousa Jeanne , fille et unique héritière du sire de Tusse ^ à la charge d'en prendre le nom et les armes.

Avaugour (Guillaume d'), de i44o à i/^lfi. Étant rentré en grâce auprès du roi Charles VII, il fut réintégré dans son gouvernement , et en donna avis au parlement par une lettre du 11 avril 144^? il est dit : « qu'il plaise à la cour commettre et ordonner « aucun notable homme , pour être son juge et lieu- ce tenant à Tours. » Il ne conserva ce gouvernement que jusqu'en i446' H paraît qu'il n'en avait pas moins fixé sa résidence à Tours , car y il mourut en

GOUVERNEURS. 34 1

1472 , et fut inhumé le 8 mai aux Cordeliers , dans la chapelle de Saint-Lidoire, oîi l'on voyait ses armes dans les vitraux. Sa femme, Blanche de La Tour', mourut à Angers , le 1 mars de Tannée suivante. Son corps fut apporté à Tours et enterré auprès de celui de son mari , ainsi qu'elle l'avait ordonné par sou testaments

Beauveau ( Bertrand de), de i446 ^ i45o, baron de Pressigny et de Briançon , chambellan du roi , président des comptes, grand-conservateur des do- maines du roi, gouverneur-bailli de Touraine, capi- taine des châteaux de Tours et d'Angers , suivant des titres de i446 et i447- ^ ^^^ envoyé en Ecosse, en 1448 7 avec l'éveque de Maillezais et Guillaume Cou- sinot 5 maître des requêtes , pour renouveler l'alliance avec Jacques II. Disgracié par Louis XI, il mourut à Angers , le 3o septembre i474- I^ avait eu quatre femmes ; Jeanne de La Tour-Laudry ; Françoise de Brézé; Ide Duchastelet; Blanche d'Anjou, dame de Mirebeau. Il fut auteur de la branche de Beauveau-Pressigny , en Touraine.

Il est peint aux premiers vitraux de la cathédrale de Tours , à genoux , avec cinq de ses fils ; en regard , dans la même vitre , est sa seconde femme Françoise de Brézé , avec leurs quatre filles , et au-dessous des armes qui sont d'azur , à un ccusson d'or vidé et rem- pli d'argent, en cœur à l'orle de huit croisettes d'or, trois au chef, deux en fasce et trois en pointe. De ses trois premières femmes , il eut dix-sept enfans, dont l'aîné, Antoine, continua la brandie.

34^ HISTOIRE DE TOURAINE.

Aubusson (Antoine d') de i45o à 1460, seigneur de Monteil-au- Vicomte et de Semblançay, cham- bellan du roi, bailli-gouverneur de Tou raine, jus- qu'à la fin de l'année i459, car en i458, il rendit encore une sentence en faveur de l'abbaye de Mar- moutier. Il servit fidèlement Charles VII contre les Anglais, se trouva, en i453 , à la prise de Castillon en Périgord, le général Talbot fut tué. Accom- pagné de plusieurs gentilshommes français, il con- duisit mille hommes de pied à Pierre d' Aubusson , son frère, grand-maître de l'ordre de Saint-Jean-de- Jérusalem , si célèbre par le siège de Rhodes , qui le fît général de ses troupes.

Il était fils aîné de Renaud d'Aubusson et de Mar- guerite de Combornc. Il épousa en premières noces Marguerite de Villequier,^ et en deuxièmes, Louise de Peyre.

Rar (Jean de), de 1460 à 1466, seigneur de Raugy, de la Guerche, de Savigny et d'Estrechy, chambellan des rois Charles VII et Louis XI, général des finances, bailli et gouverneur de Touraine jus- qu'en 1 465 , capitaine des villes et châteaux de Tours et d'Amboise. Il se rendit utile à Charles VII , tant de ses biens que de sa personne, et contribua beau- coup à la réduction de îa Normandie. Il fut fait che- valier le 20 juillet 1449 > aupî'ès du château d'Har- court, par le célèbre comte de Dunois, à la tête de l'armée qui était en bataille pour combattre le géné- ral anglais Talbot. Il mourut le jour de Pâques 1469, et fut enterré dans l'église des Jacobins de Rourges,

GOUVERNEURS. 343

Ton voyait sur son tombeau son effigie et son épitaphe.

Il était fils de Jean de Bar, seigneur de Villemart, premier valet-de-chambre du roi. On ignore le nom de sa femme, mais on voit par ses armoiries qu'elle portait d'azur au cygne d'argent, à la bande de gueule brochant sur le tout. Il en eut six enfans , dont Robert, seigneur de la Guerche et de Chan- teloup, fut député de la noblesse de Touraine aux États tenus à Tours , en 1 484.

La Trémouille (George de) , de 1466 à i479j sei- gneur de Craon , de l'Ile-Bouchard, chevalier de l'ordre , premier chambellan du roi , bailli-gouver- neur de Touraine , et bailli des exemptions d'Anjou et du Maine. Il résulte d'un compte de la ville de Tours pour i466, que, par délibération du 3o mai, il futarrêtéparlecorpsde ville qu'illui serait f ait pré-- sent de deux cents écus d' or neuf s ^ pour reconnais- sance de bailli- nouvel^ et à ce quileût les affaires de la ville en plus grande considération. Il assista, en 1 467, aux états-généraux de Tours sous le nom de sire de Craon , et se trouva à l'affaire de Liège, eu 1468. Chevalier de l'ordre de Saint-Michel , en 1469, lieutenant-général au gouvernement de Champagne et de Brie, en i474? il mourut en ï479- ^^ avait épousé Marie de Montauban , dont il n'eut point d'enfans.

Il était le second fils de (îeorge P* de La Tré- mouille, et de Catherine de l'Ile, dame de l'Ile-Bou-

I

344 HISTOIRE DE TOURAI^VE.

cliard , qui porta cette terre dans la maison de La Trémouille.

George II fut le premier gouverneur de Tou- raine qui annexa à son gouvernement celui de la ville et du cliâteau de Tours.

Daillon (Jean de ), de i479 à i48o, seigneur du Lude , chambellan de Louis XI , et l'un de ses favoris; capitaine de sa porte et de cent hommes d'armes de ses ordonnances; gouverneur d'Alençon, du Perche et du Dauphiné, en i474 î ^^ ^^ ^'i^^^- d'Arras et du comté d'Artois, en 1477; lieutenant-général enRous- sillon, et depuis en Picardie, gouverneur, bailli de Toui'aine , des ressorts et exemptions de l'Anjou et du Maine, en i479' Il fallait, dit Brantôme, que ce fût quelque chose de poids , car le roi se connaissait en gens de bien.

Fils de Gilles de Daillon et de Marguerite de Mon- beron, il épousa d'abord Renée, dame de Fontaine, fille de René et de Jeanne de Vendôme, et en deuxièmes noces Marie , fille de Guy de Laval et de Charlotte de Sainte-Maure.

Dufbu (Jean), de 1480 à i48.3, seigneur de Ros- tenay ou Roslrenen , et de Nouâtre, chambellan de Louis XI, et son premier échanson. Il entra en exer- cice des fonctions de bailli-gouverneur le 9 novembre 1480 ; mais trois ans après il se vit disgracié et des- titué de ces deux charges qui furent momentanément séparées. Celle de grand-bailli fut donnée à Yves Du- fou, son frère, également chambellan du roi, grand-

GOrVERNEURS. 34$

veneur de France , gouverneur d'Angoulême , et celle de gouverneur de la ïouraine , à Guy Pot.

Dufou avait épousé Jeanne de La Rochefoucauld , fille d'Aj^mar, seigneur de Montbazon et de Sainte- Maure. De cette alliance sortit Renée Dufou, qui fut mariée à Louis II de Rohan, auquel elle porta en dot ces deux seigneuries ainsi que celle de Nouâtre.

Pot (Guy), comte de Saint-Pol, seigneur de La Roche-Pot, de Château-Neuf, de Damville, de la Prugne et de Toiré, chambellan du roi Louis XI, bailh du Vendômois, fut établi gouverneur de la Touraine après la disgrâce de Jean Dufou; mais il ne jouit pas long-temps de cet emploi , car nous trou- vons qu'il eut un successeur dans le courant de la même année. Il était le second fils de Renier Pot et de Radegonde Guénant, auparavant veuve do Guy V , sire de La Trémouille.

Il épousa Marie de Villiers de l'Ile-Adam , sœur de Philippe, grand-maître de Rhodes. De cette alliance naquirent deux enfans : Renier , mort sans posté- rité; 2" Anne, dame de Damville, héritière univer- selle de son frère. Elle fut mariée, le 17 juillet i484> à Guillaume, sire de Montmorenci , fils de Jean, grand-chambellan de France.

Laval (Louis de), de i483 à 1489, seigneur de Châtillon en Bretagne, chevalier de l'ordre de Saint- Michel, fut nommé gouverneur de Touraine après Guy Pot, et le fut aussi du Dauphiné, de Paris, de Gênes, de Champagne et de Brie. Il était en même

346 HISTOIRE DE TOURAINE.

temps grand-maître des eaux et forêts de France.

Son père , Jean de Montfort , prit le nom et les armes de Laval h cause d'Anne de Laval , son épouse , fille et unique héritière de Guy XII , sire de Laval et de Vitré, et de Jeanne de Laval, veuve de Ber- trand Duguesclin , connétable de France.

On l'appelait ordinairement le seigneur de Châ- tillon , et c'est sous ce titre ce qu'il est désigné dans plusieurs lettres patentes des rois Charles VII et Louis XI, ainsi que dans l'histoire de Charles VII, composée par le hérault d'armes du Berri , et publiée sous le nom d'Alain Cliartier. Il mourut sans laisser d'enfans, le 21 août 14B9.

Dufou ( Jean ). Après la mort de Louis de Laval , Charles VIII le rétablit dans les deux charges dont il avait été dépouillé. 11 ne les conserva que trois ans environ , et s'en démit en faveur de Louis de Rohan au commencement de l'année 1492-

Rohan (Louis IV de ), de 1492 à i5o2, seigneur de Guémené, de Montbazon, de Nouâtre, de Sainte- Maure et de Montauban , fils aîné de Louis III, et de Renée Dufou. Sur la démission de Jean Dufou, son aïeul maternel, il fut, par Charles VIII, pourvu de la charge de bailli-gouverneur de la Touraine , et reçu au parlement , le 5 juin 149^ ? ^^ présence de Pierre de Rohan, maréchal de France, son grand- oncle, et de Louis de Rohan, son père, du consen- tement de Raoul Dufou, évêqued'Évreux, son grand- oncle maternel , qui présenta au parlement la procu- ration eUle consentement de son frère Jean.

GOUVERNEURS. 347

11 avait épouse Marie de Rohan, fille de Jean III, vicomte de Rohan , et de Marie de Bretagne.

Duchesnel (René), écuyer, seigneur d'Ange, conseiller et chambellan du roi , succéda à Louis de Rohan, en iBoi. Nous voyons qu'en 1 5 lo, con- jointement avec le maire Victor Blondelet , il donlïa , le 28 octobre, les provisions de procureur de l'hotel- de-ville de Tours. Il exerça les fonctions de bailli- gouverneur jusqu'en i^iQ.

De Beaune ( Jacques ) , vicomte de Tours, seigneur de Semblançay et de la Carte près Ballan , surin- tendant des finances, fils de Jean de Beaune et de Jeanne Binet. Il fut bailli -gouverneur de Touraine depuis 1 5 19 jusqu'en iSay, époque de son supplice, dont nous donnons les détails dans notre quatrième volume. Il avait obtenu , pour Guillaume , son fils aîné, la survivance de cette charge qui fut enregistrée à la cour de parlement le ïi décembre iSaa; mais la condamnation du père priva le fils des avantages que lui promettaient ces dispositions.

C'est à tort que quelques-uns ont mis Jean de Beaune, père de Semblançay, au rang des gouver- neurs de Touraine, en i5i i et iSis; à cette époque, il avait été exilé à Montpellier par Louis XI, et il est certain qu'il y mourut de chagrin de sa disgrâce, en 1480.

La Marthonie (Robert de), chevalier, seigneur de Bonne en Périgord, province il était d'une très-ancienne famille. Il était maîtrc-d'hotel du roi François I", sous le règne duquel il eut la direction

348 HISTOIRE DE TOURAINE.

des vivres de toutes les armées de France , conjoin- tement avec Charles Duplessis , seigneur de Savon- nières, et Pliilbert Babou de La Bourdaisière. Nommé bailli-gouverneur en 1527 , il en exerça les fonctions jusqu'en i53o. Il était le quatrième fils d'Etienne de La Marthonie , conseiller au parlement de Bordeaux, et d'Isabeau de Pompadour. Son oncle , Pierre Mon- dot de La Marthonie , premier-président au parle- ment de Bordeaux , fut appelé par François I" pour occuper le même poste au parlement de Paris.

Villemart (Jean de), écuyer, conseiller du roi, seigneur de La Motthe et de l'Ile-Barbe , fut le der- nier pourvu du titre de bailli-gouverneur de Touraine. Il n'exerça ces deux fonctions que pendant les années i53o et i53i. Alors, elles furent désunies lorsque les gouverneurs furent érigés en lieutenans-géné- raux.

§11.

GOUVERNEURS-LIEUTEN ANS-GÉNÉRAUX.

Clermont (Jacques de) , gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Ce n'est que par les provisions de son successeur que nous voyons que dès la création il avait été nommé gouverneur -lieutenant -général du roi au pays et duché de Touraine , emploi dont , est-il dit dans ces provisions , il donna sa démission en faveur d'Antoine Bohier. Du reste, aucun acte

I

GOUVERNEURS. 349

n'indique qu'il en ait jamais exercé les fonctions, que Ton peut en conséquence considérer comme ayant été vacantes depuis i53i jusqu'à i543.

Ce Jacques était fils de Louis de Clermont , maître- d'hotel de François I" et de Renée d'Amboise , sœur du cardinal George. Il fut la tige des barons de Bussi au moyen dei la donation du cardinal, son oncle , qui lui imposa l'obligation de prendre le nom et les armes de la maison d'Amboise, qui portait d'or à trois pals de gueule.

Bohier ( Antoine , deuxième du nom) , de i543 à i56o, chevalier, baron de Saint -Cyergue, de La Tour-Bolîier , de Chenonceaux ,Saint-Martin-le-Beau, Nazelle et Berri, conseiller du roi en ses conseils d'état etprivé, et général de ses finances. Il fut pourvu de la charge de lieutenant-général au pays et duché de Touraine, par lettres patentes du roi François I", données à la Ferté-sur-Oise le il\ octobre i543, et enregistrées au parlement le i3 novembre suivant, avec la clause ordinaire , « pour en jouir et user sui- « vant les ordonnances royaux, et comme avaient « accoutumé ses prédécesseurs. » Mais ayant fait re- montrer au parlement par Gilles Le Maître , avocat du roi , qu'il était le premier gouverneur-lieutenant- général qui eût été reçu à la cour, il y eut, le 20 no- vembre , arrêt portant que la clause, « comme « avaient accoutumé ses prédécesseurs , » serait rayée. Il alla le lendemain remercier la cour , et prit séance au-dessus des conseillers , au rang des lieutenans- généraux des provinces, usage abrogé depuis, le

35o HISTOIRE DE TOUR AINE.

gouverneur de Paris ayant seul conservé ce privilège.

Antoine était fils de Thomas Boliier , chambellan des rois Louis XI, Charles VIII et Louis XII, géné- ral des finances, lieutenant-général des années , mort au camp de Yigelli, en i524. H avait épousé Anne de Poncher, dame de Villemenon, dont il n'eut qu'une fille nommée Anne, mariée à Nicolas de Céri- zay , baron de La Rivière.

Bourbon ( Louis de ) , surnommé le Bon , duc de Montpensier , pair de France , souverain de Dombes, prince de La Roche-sur-Yon , dauphin d'Auvergne , comte de Castres et de Morlain , seigneur de Cham- pigny , fils aîné de Louis de Bourbon , prince de La Roche-sur-Yon , et de Louise de Bourbon , comtesse de Montpensier et dauphine d'Auvergne , gouverneur- lieutenant-général au pays et duché de Touraine , d'Anjou et du Maine , par lettres patentes du roi François II , données au mois d'août 1 56o.

Il se rendit aussitôt dans son gouvernement , visita toutes les places et forteresses, et arrêta la révolte de la ville d'Angers, alors remplie de religionnaires étrangers , dont il ramena plusieurs à son parti , entre autres Gaspard de Schomberg , seigneur allemand , qui fut depuis colonel des reitres , et qui servit uti- lement les rois Charles IX , Henri III et Henri IV , pendant les guerres des protestans.

La guerre civile ayant recommencé en i ^62 , le duc de Montpensier se rendit à Angers , au mois de juin, et s'étant jeté dans le château qui tenait pour le roi , il attaqua les rebelles dans la ville même ,

GOUVERNEURS. 35 1

força les retrancheniens, et fît exécuter les principaux de ceux qui furent pris. Il reprit ensuite Saumur et tous les autres châteaux de la province, dont les rc- ligionnaires s'étaient empares. En Tourainc , ceux-ci n'attendirent pas son arrivée , et abandonnèrent Tours, Chinon, Loches, Cormery, Ligueil, l'Ile- Bouchard , en un mot toutes les places qui , depuis deux mois , étaient en leur pouvoir.

Ce fut lui qui fit bâtir le château de Champigny on Touraine. Il en acheva la Sainte-Chapelle, qui fut dédiée à saint Louis. Il fonda aussi au même lieu un couvent de religieuses de l'ordre de saint François : enfin , en 1 565 , il se démit de son gouvernement en faveur de son fils , pour passer b celui du Dauphiné. Il mourut à Champigny, le ^3 septembre i582. Il fut marié deux fois , la première à Jacqueline de Longwy, comtesse de Bar-sur- Aube , fille de Jean, et de Jeanne bâtarde d'Angouleme. Sa seconde femme fut Catherine de Lorraine, fille de François, duc de Guise; il n'eut point d'enfans de ce dernier mariage, du premier il eut cinq filles et François de Bourbon qui suit. ,

Sous lui le gouvernement- général comprenait la Touraine, l'Anjou, le Maine, le comté de Laval, le grand et le petit Perche, le Vendomois, le comté de Blois, les bailliages d'Amboise et du Loudunois, division qui, comme on va le voir, reçut quelques restrictions sous son successeur.

Bourbon (François de), duc de Monlpensier, de Châtcllerault et de Saint-Fargeau , pair de France ,

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3^5a HISTOIRE DE TOURAINE.

souverain de Dombes , prince de La Roche-sur- Yon , dauphin d'Auvergne, marquis de Mëzières , comte de Mortain et seigneur de Champigny, ne en i542. On l'appelait le prince dauphin d'Auvergne, du vivant de son père, auquel il succéda en i565 jusqu'en iS^o dans le gouvernement de Touraine, suivant les provisions qui lui en furent données par Charles IX à Champigny , le 3o septembre. Peu de temps après il se démit du gouvernement d'Anjou, entre les mains du roi , qui l'en dédommagea par celui d'Orléans et d'Étampes. Les lettres lui en furent délivrées à Mou- lins le premier mars 1 566, et vérifiées au parlement avec les provisions de celui de Touraine le 1 1 mai suivant ; « aux conditions de garder les ordonnances « royaux , de ne rien entreprendre contre l'autorité a de la cour , et de n'avoir qu'un lieutenant en cha- -Jc^çun de ses gouvernemens. » On voit par qu'ils se réduisaient à deux. Son père étant passé depuis au gouvernement de Bretagne, il le remplaça dans celui du Dauphiné , par provisions données au camp cle Thonne-Boutonne le lo septembre 1069. Il s'en démit en if)^5, et obtint le gouvernement-général de Normandie , sur la démission du duc d'Epernon , par lettres du 1 5 juillet i488. Il y commanda jusqu'à sa mort, arrivée à Lisieux, le 4 j^^*^ 1^9^? ^ l'^g^ de cinquante ans. De Renée d'Anjou , marquise de Mézières, en Touraine, il eut un fils unique nommé Henri , à Mézières le 12 mai i573, et mort en 1608.

Cossé ( Artus de ) , seigneur de Gonnor , comte de

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GOUVERNEURS. i^SS

Secôndigny, chevalier des ordres du roi , grand-pan- noticr, marécha^ de France, et surintendant des finances, fut pourvu de la charge de gouverneur, lieutenant-général en Touraine , par lettres patentes de Charles IX , vérifiées au parlement le 1 7 avril iSyo. Il eut part aux affaires sous la régence de Ca- therine de Médicis, mais n'ayant pas gardé assez de mesure dans sa conduite et dans ses paroles , il se rendit suspect d'intelligence avec le duc d'Alençon , et fut enfermé avec le duc de Montmorenci. Cette disgrâce ne fit que l'attacher davantage aux intérêts du prince , dont la protection parvint à lui procurer la liberté. Il acquit beaucoup de gloire au siège de Metz, dont il était gouverneur, lorsque cette place fut vainement attaquée par Charles-Quint, avec une armée de cent mille hommes. 11 se signala également aux affaires de Saint-Denis et de Moncontour. Il était de petite taille , mais bien fliit, et si brave que le duc de Montmorenci, en mourant, le désigna au roi comme l'un des plus capables de lui succéder au commandement des armées. Il obtint le bâton de maréchal, en 1^6'j , et le collier de l'ordre du Saint- Esprit, en décembre i5i8. On l'appelait ordinaire- ment le maréchal de Cossé , pour le distinguer de son frère qu'on nommait le maréchal de Brissac. On l'avait surnommé le Maréchal des Bouteilles, parce que, aimant la bonne chère, il ne marchait jamais sans une grande quantité de provisions de toute es- pèce. Il quitta le gouvernement de la Touraine en l'année 1 676 , et mourut dans son château de Gonnor 3. . a3

354 HISTOIRE DE TOURA-INE.

en Anjou , le 1 5 janvier 1 582. Il eut pour père René (le Cosse, grand -pannetier et grand - fauconnier de France , et pour mère Charlotte de Gouffîer. Devenu veuf de Française DuBouchet, dont il eut trois filles, il épousa en secondes noces Anne-Charlotte Le Roi , dont il n'eut point d'enfans.

La Tour ( Henri de ) , duc de Bouillon , prince de Sedan , vicomte de Turenne et maréchal de France , de 1576 à ifï83. Le gouvernement de Touraine et d'Anjou lui fut donné le i4 mai 1576, par lettres de François de France , duc d'Alençon , qui avait en apanage l'Anjou et la Touraine. Castelnau rapporte dans ses Mémoires que Charles IX, ayant eu quelque soupçon qu'il favorisait secrètement le parti protes- tant en Normandie, lui fit permuter ce gouvernement avec le duc de Montpensier pour celui de Touraine : cependant, nous n'avons trouvé cette particularité dans aucun autre historien. Il eut une très-grande part aux événemens les plus mémorables , tant dans la paix que dans la guerre, sous les rois Charles IX, Henri III , Henri IV et Louis XIII , commanda une compagnie de trente lanciers au siège de La Rochelle, en 1 573 , combattit pour le roi de Navarre à la ba- taille de Coutras , en i586, le suivit au siège de Paris, en 1690, et fut envoyé par lui, en i5gi, vers Elisabeth, reine d'Angleterre. Il fut également député vers les princes protestans pour leur deman- der du secours, défit en i5g^ les troupes du duc de Lorraine ; enfin , Henri IV le choisit une seconde fois pour aller conclure un traité d'alliance contre les

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GOUVERNEURS. 355

Espagnols avec les états de Hollande et la reine Eli- sabeth. On l'accusa d'être un des principaux moteurs des troubles qui agitèrent la France sous la régence de Marie de Médicis , jusqu'à la mort du maréchal d'Ancre.

Il termina sa carrière à Sedan, le aS mars i6^3. Son père était François de La Tour, vicomte de Tu- renne , gouverneur de Bresse , et sa mère Eléonore de Montmorenci , fille du connétable. Jacques VI , roi d'Ecosse, en parlant de cette famille, disait qu'elle était une des premières de la chrétienté.

En premières noces , il épousa Charlotte de La Mark , duchesse de Bouillon et princesse de Sedan , morte sans postérité. Malgré cela, il conserva la prin- cipauté de Sedan pour ses enfans du second lit, sans avoir égard à la revendication du comte deMau- levrier qui s'en prétendait légitime héritier. De sa seconde femme, Isabelle de Nassau, fille de Guil- laume, prince d'Orange, i 1 ewt, indépendamment de six filles , Frédéric-Maurice , duc de Bouillon , et Henri de La Tour, devenu depuis si célèbre sous le nom de maréchal de Turenne , l'un des plus grands hommes de guerre que la France eût produits.

Aurilly ( Jacques d' ) , conseiller de François de France, duc d'Alençon et duc apanagiste de Tou- raine, grand-maître de sa garde-robe, fut nommé par lui, en i583, au gouvernement de Touraine : mais le duc étant mort en i584 , le roi lui retira ce gouvernement dans la même année.

Joyeuse (Henri de), comte du Bouchage, puis

23.

356 HISTOIRE DE TOURAINE.

duc (le Joyeuse , pair et maréchal de France, chevalier des ordres du roi , grand-maître de sa garde-robe , de i584 à i585. Après la mort du duc d'Aîençon , Joyeuse fut pourvu par le roi du gouvernement-général de Touraine, d'Anjou, du Maine et du Perche: mais il ne le conserva que peu de temps , ayant été nommé, vers le commencement de i585, au gouver- nement de Languedoc qu'il quitta au mois de sep- tembre 1587 pour entrer aux Capucins, il fit profession sous le nom de père Ange. Il sortit de son couvent en i ^gi , à la sollicitation des seigneurs du Languedoc, pour reprendre le gouvernement d-e cette province pendant les guerres de la Ligue. Il fut fait maréchal de France, en 1696 : mais trois ans après il rentra aux Capucins, oii il mourut le o.'j septembre 1608, âgé de quarante-six ans. C'est de lui que Vol- taire a dit dans la Henriade :

Il prit , quitta , reprit la cuirasse et la haire.

Son père Guillaume II, vicomte de Joyeuse, avait eu trois garçons de son mariage avec Marie de Bas- tarnay, héritière du comté du Bouchage. Lui-même avait épousé Catherine de La Valette, dont il eut Henriette-Catherine, femme en premières noces de Henri de Bourbon, duc de Montpensier, et en secondes, de Charles de Lorraine, duc de Guise.

Dubois (Louis), seigneur des Arpentis, chevalier des ordres du roi , maître de sa garde-robe et capi- taine de cinquante hommes d'armes de ses ordon-

GOUVERNEURS. SSy

nances, fut (Uabord lieutenant général au gouverne- ment de ïouraine , par lettres du 17 janvier iSyS, puis gouverneur lieutenant- général vers la fin de i585. La guerre civile s'étant alors déclarée dans les provinces, il eut ordre de se rendre de suite dans son gouvernement pour apaiser les troubles suscités par les querelles des catholiques et des protestans. Il fit plusieurs réglemens utiles à la discipline militaire dans ces temps de désordre et d'anarchie , et fut dé- coré du collier du Saint-Esprit , au huitième chapitre tenu par Henri 111, le 3i décembre i585, il est qualifié de gouverneur lieutenant -général de ïou- raine.

Il était fds de Louis Dubois, deuxième du nom, chevalier, seigneur des Arpcntis, Montreuil , Au- trêche, etc., et de Louise, fdle de Jacques de Sur- gères, et avait épousé Claudine, fille de Claude de Robertet , seigneur d'Alluye, et d'Anne Briçonnet. Il mourut en i588.

Souvré ( Gilles de ), marquis de Courlenvaux, conseiller du roi en ses conseils d'état et privé , pre- mier gentilhomme de sa chambre, capitaine de cent hommes d'armes de ses ordonnances, fut pourvu de la charge de gouverneur lieutenant-général au duché de Touraine, par Henri III, après la mort de Louis Dubois , avec lequel il avait été reçu chevalier de l'ordre, en i585. Il se signala h la bataille de Con- tras, en 1587, et conserva la ville de Tours sous l'obéissance du roi , pendant les troubles de la Ligue. Il y reçut Henri III avec toute sa cour au mois de

358 HISTOIRE DE TOUR AINE.

janvier i ^89 , et fut choisi par Henri IV pour être gouverneur du dauphin Louis. Crée maréchal de France en i6i5, il mourut en 1626, âge de quatre- vingt-quatre ans. Dès l'année t6jo, il s'était démis de son gouvernement en faveur de son fils.

Il avait suivi en Pologne Henri III, qui eut tou- jours pour lui beaucoup d'affection. Ce prince avait résolu de perdre le maréchal de Montmorenci. o L'exécution de ce projet , dit de Thou, fut commise « à Gilles de Souvré , grand-maître de la garde-robe : « mais Souvré était trop honnête homme et trop en- « nemi de la violence pour obéir aveuglément. 11 sut a habilement traîner l'affaire en longueur. Il donna « au repentir le temps de succéder à la haine , et aux a faux bruits de la mort de Damville, frère du maré- « chai , celui de s'évanouir. Ce fut ainsi que le roi , à a qui la reine sa mère avait persuadé que celt,e mort « était nécessaire, fut malgré lui redevable a Souvré « de la vie de ce grand homme. »

Gilles de Souvré était fils de Jean , seigneur de Courtenvaux , et de Françoise Martel. Il avait épousé Françoise de Bailleul , dont il eut Jean qui suit , et Jacques de Souvré , grand-prieur de France. Ce fut en faveur de Gilles que la terre de Courtenvaux fut érigée en marquisat par lettres patentes du mois de mars 1609.

Souvré (Jean de), marquis de Courtenvaux, con- seiller du roi en ses conseils d'état et privé , chevalier de ses ordres, premier gentilhomme de sa chambre, capitaine de Fontainebleau et de cent hommes d'armes

GOUVERNEURS. Sog

des ordonnances, fut nommé au gouvernement de Touraine, sur la démission de son père, datée du mois de mai i6to.

Le 26 mai 1616, il rendit une ordonnance pour Tembeliissement de la ville de Tours , et pour les for- tifications que Henri IV avait prescrit d'y faire dès Tannée 1 59 1 . Cette ordonnance est signée par le père et par le fils, quoique le premier ne fût plus gouverneur depuis 16 10. Le fils à son tour se démit de cet em- ploi entre les mains du roi , dès l'année 1627.

Il avait épousé Catherine , fille de Charles de Neu- ville , marquis de Villeroi , baron d'Allincourt , dont il eut Louis de Souvré lue à l'attaque des lignes d'Arras, le a juin 1640, et Charles^ marquis de Courtcnvaux, qui n'eut que trois filles dont l'une fut mariée au marquis de Louvois.

Coëffier, dit Ruzé (Antoine ), marquis d'Effiat, de Ghilly et de Longjumeau, baron de Massy et de Cinq-Mars, chevalier des ordres du roi, conseiller en ses conseils d'état et privé, surintendant des finances, grand- maître des mines et minières de France, et grand-bailli de Touraine.

Le marquis de Courtenvaux s'étant, comme nous l'avons dit, démis du gouvernement de Touraine, celui- ci en fut pourvu par lettres patentes de Louis XIII, données à Villeroi, le 27 juillet 1627. Il s'en démit en i63o pour passer à celui d'Anjou , ensuite à ceux d'Auvergne et du Bourbonnais. Il fut fait maréchal

de France, en iG3i

Le 3o septembre 16x0, il épousa Marie, fille de

36o HISTOIRE DE TOURAINE.

Jean de Fourcy, surintendant des bâtimens, dont il eut Martin, marquis d'Effiat , Henri, marquis de Cinq-Mars, Jean, abbé de Saint-Sorlin, et Marie première femme de Charles , duc de La Meilleraye , pair et maréchal de France. Le roi l'avait envoyé prendre le commandement de l'armée en Allemagne, lorsqu'il mourut en chemin à Luzzelstein, près Trêves, le 27 juillet i632.

On peut consulter son article au tome iv de cette Histoire.

Orléans (François d'), comte de Saint-Pol, duc de Fronsac et de Château-Thierri , pair de France et chevalier des ordres du roi. Les provisions en vertu desquelles il fut nommé gouverneur de Touraine sont datées de Paris, le 3i janvier i63o, enregis- trées au parlement le 1 mars suivant. Il avait aupa- ravant le gouvernement-général de l'Orléanais, Blai- sois, Vendomois et pays Charlrain, dont le roi dis- posa au mois de février de la même année en faveur de son frère le duc d'Orléans.

Nous voyons qu'il prit possession de son gouver- nement de ToîU'aine, et fit son entrée solennelle dans sa capitale, le i3 août i63o : mais il n'en jouit pas long-temps, étant mort à Château-Neuf-sur-Loire, le 7 octobre i63i , ne laissant d'Anne de Caumont, marquise de Fronsac, son épouse, auparavant veuve de Claude d'Escars, seigneur de Carency, ([u'un fils nommé Eléonor, tué au siège de Montpellier, le 3 septembre 1611.

Il était le deuxième fils de Léonor d'Orléans, duc

GOUVERNEURS. 36 1

de Longueville et d'Estouteville , souverain de Neuf- Châtel, marquis de Rothelin , et de Marie de Bour- bon, fille uiiiquc <h François de Bourbon, comte de Saiut-Pol, et d'Adrienne d'Estouteville.

Aubépine (Charles de F), chevalier, marquis de Château- Neuf, abbé de Préaux, conseiller du roi en ses conseils d'état et privé, commandeur de ses ordres, le 23 février i58o. D'abord conseiller au parle- ment de Paris, en i6o3, il fut envoyé ambassadeur en Hollande, en 1609. II négocia en 161 7 le retour des princes , fut chancelier des ordres du roi , en survivance de son père, l'an 1620; envoyé en 1621 et 1622 vers l'empereur Ferdinand, et vers Bethlem Gabor , prince de Transylvanie , pour réconcilier ces deux souverains dont la mésintelligence mettait l'Al- lemagne en feu; ambassadeur à Venise, en 1626, puis en Angleterre, en 1629 et i63o, au retour il reçut les sceaux de la main du roi , le 4 novembre , et fut nommé gouverneur lieutenant-général de Tou- raine par lettres patentes données à Saint-Michel , le 22 juin i632. Malgré tant d'importans services, de- venu suspect au cardinal de Richelieu , le roi lui or- donna de remettre les sceaux entre les mains de La Vrillièro , secrétaire d'état , ce qu'il fît à Saint-Ger- main-cn-Laye, le soir du 25 février i633.Lemême jour il fut arrêté et conduit prisonnier au château d'Angoulême, oîi il demeura jusqu'au mois de janvier 1643. Il fut, du moment de son arrestation, privé de fait de son gouvernement de Touraine. Cependant ce ne fut qu'en 1637 que le roi lui donna un successeur.

362 HISTOIRE DE TOÙRAINE.

Henri II de Bourbon , prince de Condé , fut établi par Louis XIII lieutenant- général, commandant pour les provinces de Nivernais , Berri, Bourbonnais , Touraine, Poitou, Aunis , Saintonge, Angoumois, Haute et Basse-Marche, Limousin, et Haute et Basse- Auvergne. Cette commission est datée de Paris , le 12 août i63i. Il paraît en effet que , déjà en 1682, le prince de Condé commandait à Tours , puisque ce fut lui qui, au moyen de lettres de cachet dont il les menaça , contraignit les membres du corps-de-ville à admettre les jésuites repoussés par eux et par la gé- néralité des habitans.

Lorraine ( Henri de ), comte d'Harcourt et d'Ar- magnac , chevalier des ordres du roi , grand -écuyer de France et sénéchal de Bourgogne.

te ne fut, comme nous l'avons dit, qu'en 1637 que le roi se décida à retirer définitivement les pro- visions du marquis de Château-Neuf, qui furent transmises à Henri de Lorraine par lettres patentes données à Saint-Germain-en-Laye , le i5 décembre de la même année. Il y est dit : « qu'il avait com- te mandé l'armée navale avec autant de conduite que « de valeur, fait descente dans les pays ennemis, et « remporté tous les avantages qu'on pouvait attendre « pour la gloire et la réputation des armes de Sa « Majesté; qu'il avait donné des preuves signalées de « son courage dans l'action des îles de Sainte - Mar- « guérite et de Saint -Honorât en Provence, que « quoique les ennemis eussent fortifié ces îles avec « tant de soin , de peine et de travail , qu'on croyait

GOUVERNEURS. 363

a cette entreprise une des plus difficiles et hasardeuses a qui se fussent trouvées depuis un fort long temps , « néanmoins il avait attaqué les retranchemens des « ennemis avec tant de conduite et de courage qu'il « les avait chassés. »

Le 4 janvier i638, il prêta serment de fidélité entre les mains du roi à Saint-Germain-en-Laye, et ses lettres furent enregistrées au parlement le 27 avril suivant. En lô/p , il se démit de ce gouverne- ment pour ceiui de Guienne; en i643, il obtint la charge de grand-écuyer, et fut envoyé dans la même année ambassadeur en Angleterre. De il passa avec le titre de vice-roi en Catalogne , et eut ensuite le gouvernement d'Alsace, dont il se démit pour celui d'Anjou. H mourut subitement le iS juillet 1666.

Il était le second fils de Charles de Lorraine , duc d'Elbeuf , grand-écuyer de France , et de Marguerite Chabot.

De son mariage avec Marguerite de Combout , veuve d'Antoine Delage, duc de Puy-Laurens, sor- tirent cinq garçons et une fille : i* Louis de Lorraine, comte d'Armagnac , grand-écuyer de France ; 2* Phi- lippe , dit le chevalier de Lorraine ; Alphonse- Louis , chevalier de Malte , général des galères de la religion ; 4" Raymond-Bcranger,abbé de Saint-Faron; 5** Charles, comte de Marsan; 6" Armande- Hen- riette, abbesse de Notre-Dame de Soissons.

Pottier (Louis), marquis de Gesvres, maréchal- de-camp, bailli de Caen et de Valois, de 1642 à

364 HISTOIRE DE TOUKAINE.

1643. Le roi lui donna le gouvernement de Touraine aussitôt que le comte d'Harcourt fut nommé à celui de Guyenne ; mais il n'en jouit que pendant à peu près l'espace de dix mois , car il fut tué le 6 août de l'année suivante , au siège de Tbionville , n'étant âgé que de trente-trois ans , sans avoir été marié , et fort regretté à cause de sa bravoure et de ses autres qua- lités. Il était fils de René Potier , duc de Tresmes , pair de France , capitaine des gardes-du-corps du roi, et de Marguerite de Luxembourg.

Aubépine ( Charles del'), de i643 à j65o. Louis XIV étant monté sur le trône, le marquis de Château-Neuf sortit enfin de sa prison après dix an- nées d'une injuste captivité. Le roi lui rendit son gou- vernement de Touraine, le 29 décembre de cette même année, immédiatement après la mort du mar- quis de Gesvres. Le mercredi 2 mars i65o, il reçut une seconde fois les sceaux des mains du même La Vrillière à qui il les avait remis en i633. Ce fut alors qu'il donna sa démission du gouvernement de Touraine ; mais l'âge et la prison ayant affaibli sa santé, il rendit les sceaux au président MoIé, le 3 avril i65i , et mourut à Leuville, près Montlhéri , le 26 septembre i653, âgé de soixante-treize ans et demi. Son corps fut porté à Bourges, oîi il eut un tombeau sur lequel on lisait son épitaphe.

Son père était Guillaume de l'Aubépine , seigneur de Château-Neuf-sur-Gher , chancelier des ordres du roi, et sa mère Jeanne Bochetel.

Aumont (César d') , marquis d'Aumont et de Clair-

GOUVERNEURS. 365

vaux , vicomte de I^ Guerclie en Touraine, seigneur d'Ivry-les-Châteaux, conseiller du roi en ses con- seils d'état et privé, chevalier de ses ordres et capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances. Après la démission du marquis de Château-Neuf, il fut pourvu du gouvernement de Touraine, au mois de juin i65o. Ce fut de son temps que l'on déblaya et que l'on forma à Tours la place qui porte encore son nom , quoique depuis quelque temps on lui ait imposé celui de place du Cirque. Comme il n'y avait point alors d'issue pour aller au Mail , on en prati- qua une au moyen dim terrain qu'on acheta de la famille Chaloineau dont cette rue a pris et conserve le nom. Il mourut le 20 avril 1661.

Il était fils aîné de Jacques d'Aumont , baron de Chappes , gentilhomme de la chambre du roi , prévôt de Paris , et de Charlotte-Catherine de Villequier , et par conséquent petit-fils du maréchal d'Aumont, qui avait servi les rois Henri III et Henri IV avec un égal succès à la guerre et dans les négociations.

Sa première femme fut Renée de Laval , fille de René aux Épaules, dit Laval, et sa seconde fut Marie Amelot de Carnetin , de laquelle il eut cinq filles et un garçon mort en bas âge.

Beauvilliers (François de), dnc de Saint-Aignan, pair de France , comte de Séry, vicomte de Jalongnes, baron de La Ferté-Hubert, de La Salle et de Ché- mery , seigneur de Montigny-la-Grange , chevalier des ordres du roi, premier gentilhomme de sa chambre, enfin gouverneur de ville et citadelle du Ilayre.

366 HISTOIRE DE TOUKAINE.

La charge de gou ver neur-iieutenant- général de Tou- raine, vacante par la mort du marquis d'Aumont , lui fat accordée par lettres patentes données à Fon- tainebleau, le i" mai 1661. Il s'en démit en 1664.

Il commença par servir pendant les années i634 et i635, en qualité de capitaine d'une compagnie de chevau-légers , dans l'armée que le cardinal de La Valette commandait en Allemagne. Il se distingua surtout au combat de Steinbruck en Alsace, sous le duc de Rohan, ainsi qu'à la retraite de Mayence où, avec quatre cents chevaux, il soutint par sa valeur et sa prudence l'effort de plus de quatre mille cava- liers ennemis , étant resté seul de tous les comman- dans à la tête de son escadron. En i636 , il se trouva au siège de Dole, il fut blessé à la cuisse, ensuite à ceux de Corbie , de Landrécies , de Chimay , de Barlemont , deMaubeuge et d'Yroi. Il était au passage de Colme , en i645, et à la prise du fort de Lincke, en 1649- I^O'^s de la première guerre civile, il rendit au roi un service important en lui amenant à Saint- Germain quatre cents gentilshommes qu'il avait levés à ses frais, et en i6v^o eu remettant sous son obéis- sance la grosse tour de Bourges, et plusieurs châ- teaux en Berri. Chevalier de l'ordre en 1661 , il fut créé duc et pair en i663 , et mourut le 16 juin 1687. Il aimait et cultivait les lettres. On a de lui quelques poésies éparses dans différens recueils et qui l'avaient fait admettre à l'académie française.

Il était fils aîné d'Honorat de Beauvilliers , comte de Saint-Aignan , mestre-de-carap de la cavalerie

GOUVERNEURS. 367

légère de France, et de Jacqueline, fille du maréclial de Montigny. En premières noces il avait épousé An- toinette Servien , dont il eut douze enfans , cinq garçons et sept filles. Il eut encore deux garçons et une fille de sa seconde femme, Françoise Géré de Rancé.

Son fils Paul, duc de Saint- Aignan , fut gouver- neur du duc de Bourgogne , père de Louis XV , et mérita que l'académie française proposât son éloge pour sujet de l'un de ses prix.

Courcillon (Philippe de), marquis de Dangeau , comte de Mesle et de Givray , baron de Sainte-Her- mine , de Saint-Amand et de Bressuire , seigneur de La Bourdaisière et de Chausseraye , fut pourvu du gouvernement de Touraine par lettres patentes don- nées à Saint-Germain en Laye, le 4 niars 1664, sur la démission du duc de Saint-Aignan.

Après avoir été colonel du régiment du Roi , il fut nommé aide-de-camp de Sa Majesté, en lô'ji, et continua toujours de servir en cette qualité dans toutes les campagnes que le roi fît depuis. En 1679, il fut choisi pour être placé auprès du dauphin, et en i685, pour être chevalier d'honneur de la dauphine, sur la démission du duc de Richelieu que le roi ve- nait de nommer pour exercer le même emploi auprès de la duchesse de Bourgogne , et d'envoyer au-devant de cette princesse pour la recevoir aux frontières de France et de Savoie. Le 3o décembre 1688, il reçut le collier de l'ordre du Saint-Esprit, et en 1691 ,

368 HISTOIRE DE TOURAmE.

après la mort de Louvois qui était grand-vicaire de l'ordre de Notre-Dame du Mout-Garmel et de Saint- Lazare, il en fut nommé grand-maître au spirituel et au temporel , tant de ça que de les mers. L'an- née suivante, le roi le fît conseiller-d'état d'épée. L'académie française l'admit au nombre de ses membres, en 1667, et celle de Padoue en 1680. Le roi le désigna en 1687 , après la mort du duc de Saint-Aignan , pour être le protecteur de l'académie d'Arles. Il fut aussi employé dans plusieurs ambas- sades.

Il tenait son nom du château de Courcillon sur les confins du Maine et de la Touraine. Sa famille, l'une des plus anciennes de France , était alliée à celles de Craon , Perrenay , Montfort , Chabot , Saintré , Tais , Liancourt, en un mot à ce qu'il y avait de plus illustre. Le roi les avait toujours traités de cousins, jusqu'à l'époque ils changèrent de religion.

Le marquis de Dangeau, en i638, mourut à Paris, en r720, âgé de quatre-vingt-deux ans. Ses mémoires, long-temps connus manuscrits, n'ont été imprimés par extrait qu'en 181 7.

Il avait fait recevoir en survivance du gouverne- ment de Touraine le marquis de Courcillon , son fils, qui mourut avant lui. Celui-ci avait pour mère Sophie de Bavière, comtesse de Loevensteln , sœur du car- dinal prince de Furstemberg, seconde femme du mar- quis de Dangeau , qui, de son premier mariage avec Françoise Morin , sœur de la maréchale d'Estrées ,

GOTJVERPnEURS. ^69

n'eut qu'une fille marie'e à Honore-Charles Dalbert , duc de Chevreuse, auquel elle porta en dot tous les biens de la maison de Courcillon.

BourLon-Gondé ( Charles de ), comte de Cliaro- lais, pair de France, chevalier des ordres du roi, le 19 juin 1700. Il partit secrètement de Chantilly, en 1717 , pour aller faire la campagne de Hongrie, en qualité de volontaire dans l'armée impériale contre les Turcs. Après cette campagne il voyagea en Italie, et de se rendit en Bavière, et fit un assez long séjour à la cour électorale de Munich. Il revint en France , en 1720, et le 16 juin, fut admis au con- seil de régence. Le o septembre suivant il succéda au marquis de Dangeau dans le gouvernement de Touraine. Il représenta le comte de Toulouse à la cérémonie du sacre de Louis XV, le 2 5 octobre 1722, fut fait chevalier des ordres dans l'église de Reims, le 27 du même mois, et mourut sans alliance en 1760.

Il était fils de Louis III de Bourbon-Condé , et de Louise-Françoise de Bourbon, légitimée de France, appelée auparavant mademoiselle de Nantes, fille de. Louis XIV.

Choiseul f Etienne-François), d'abord duc de Choi- seul-Stainville , ensuite duc de Choiseul - Amboise , pair de France, grand-bailli des Vosges et de Mire- court, fut colonel du régiment de Navarre, en 1745; brigadier des armées, en 17/iG; maréchal-de-camp, en 1748; ambassadeur à Rome, en 1753, et à Vienne, en 17^9; chevalier des ordres du roi et de 3. ^ 24

#r

370 HISTOIRE DE TOUR AINE.

la Toison-d'Or, en 1761 ; ministre de la guerre la même année jusqu'à la paix; colonel - général des Suisses et Grisons, en 1762; ministre des affaii*es étrangères , en 1 768 ; enfin ministre de la marinie , et pour la seconde fois , des affaires étrangères.

Après la mort du comte de Cliarolais , en 1 760 , il obtint le gouvernement de la Touraine , il s'é- tait établi par l'acquisition de la terre de Chanteloup, dont il fit rebâtir le cbâteau avec beaucoup de ma- gnificence.

Le duc de Cboiseul , sacrifié dans des intriguer de cour au parti des ducs d'Aiguillon et de Richelieu, appuyés par la favorite Dubarri, se vit exiler à Chan- teïoup , en 1770. Ce fut qu'il composa et qu'il im- prima lui-même sa comédie intitulée : «Le Royaume (( d'Arlequinerie , ou Arlequin prince héréditaire , de- « venii homme d'esprit par amour , y> satire fort mé- diocre contre Louis XV . dont il n'aurait pas ou- .blier les bienfaits. Malgré sa disgrâce, il ne fut pas ^i- ! pi^i^e de son gouvernement de Touraine, qu'il con- " vj^% serva tant qu'il vécut. Il était en 1719, et mourut à Paris en 1785.

Il était fils de François - Joseph de Cboiseul , deuxième du nom , baron de Stainville , et de Beau- pré, que le comte de Stainville son oncle maternel . avait institué son héritier universel, à la charge de prendre son nom et ses armes. Sa mère était Fran- çoise-Louise de Bassompierre.

Le 12 décembre 1760, il épousa Louise -Hono- rine Crozat du Châtel , de laquelle il n'eut point d'en-

i

É

GOTVER NEUR S . 3^1

fans. Nous avons déjà parlé de lui a Tarlicle d'Ani- boise.

Estaing ( Jean-Bapliste-Charles-Henri, comte d'), marquis do Saillans et de Cliateau-RÊgnault , vicomte de Ravel , lieutenant-général des ^^f^s , vice-amiral de France, chevalier des ordres du roi, grand d'Espagne de premiète classe, citoyen de l'état de Géorgie , fut d'abord colonel d'un régiment d'infan- terie , passa dans l'Inde en qualité de brigadier, et fut fait prisonnier en 17^9, au siège de Madras. Relâché sur parole, il n'en porta pas moins les armes; il équipa deux bâtimens , détruisit le comptoir de Gomron dans le golfe Persique, et s'empara de tous les établissemens anglais dans l'île de Sumatra : mais pris une seconde, il fut envoyé en Angleterre, et jeté dans un cachot à Portsmouth. En 1763, il fut fait lieutenant-général des armées navales y'tîhe- vaîier des ordres du roi et gouverneur de Saint-Do- mingue, en 1764, jusqu'en 1766. La France, en 1778 , ayant envoyé des forces de terre et de mer au secours de la nouvelle Angleterre, il y commanda une escadre de douze vaisseaux , et prit l'île de la Grenade, après avoir échoué devant celle de Sainte-'" Lucie. Blessé deux fois au siège de Savanah , qu'il manqua de prendre par un délai de vingt-quatre heures imprudemment accordé à l'ennemi, il fut contraint de repasser en France, en 1780. L'année suivante il eut le commandement d'une flotte qu'il ramena heureusement de Cadix à /Brest, et il était

24.

toTtr

3n'2 iiisTorRi: de iôura.ine.

encore à la tête des flottes combinées de France et d'Espagne, lorsque la paix se fît en 1783, entre la France et l'Angleterre.

La mort du duc de Clioiseul , en 17 85, lui pro- cura le gouveaBnent de Touraine, où, comme son prédécesseur , il avait ses principales possessions. Ce fut à ce titre, qu'en 1787, il fut nommé à l'assem- blée des notables. Dans les crises de la révolution il crut pouvoir ménager les deux partis , et se rendit suspect a la cour, comme il le fut ensuite aux comi- tés de la Convention, qui le firent périr sous la hache révolutionnaire, le 29 avril 1793 , à l'âge de soixante- cinq ans. Il était en 1729, de Charles-François d'Estaing, marquis de Saillans , et de Marie-Henriette, fille de François-Edouard Colbert, marquis de Man- ié vrier.

En 1746, il avait épousé Marie de Rousselet de Château-Regnault , fille du maréchal de ce nom , de laquelle il eut, en 1768, un fils mort à l'âge de dix ans , en qui s'éteignit la famille d'Estaing qui datait au moins du douzième siècle.

Il portait de France au chef d'or. On rapporte à ce sujet, qu'un d'Estaing combattant, en 12 14, à la bataille de Bovines auprès de Philippe-Auguste, et lui ayant sauvé la vie, obtint de ce monarque le pri- vilège de porter sur son écu les armes de France. , Le comte d'Estaing aimait et cultivait les lettres. 11 est auteur d'un petit poëme intitulé le Rêve., Paris , 1755, in-i 2 , et des Thermopjles, tragédie de

GOUVERJSEURS. 373

circonstance , Paris, 1792, in-8. Il fut le dernier des gouverneurs de Tourainc, dont les fonctions et le titre furent abolis en 1790.

s ni-

LTEUTENAKS- GÉNÉRAUX DU ROI AU GOUVERNEMENT DE TOUR UNE.

Les lieutenans -généraux , avant que François V^ eût institué des gouverneurs , avaient dans les pro- vinces le même emploi et la même autorité que ceux- ci eurent depuis. Ils étaient chargés de maintenir les sujets dans l'obéissance due au souverain, de rassem- bler la noblesse en cas de guerre, en un mot, de faire tout ce qu'eût fait le monarque lui-même , s'il eût été présent. Cependant leurs fonctions embrassaient plus particulièrement tout ce qui concernait les armes; ils avaient en conséquence la direction des gens de guerre dans leur département qui , par rap- port à nous, ne se bornait pas toujours à la ïouraine, mais qui souvent comprenait aussi l'Anjou , le MaiiTè, le PoTOu, l'Aunis, et quelquefois aussi le Limousin et la Saintonge.

Dans le principe, la commission qu'ils recevaient du roi n'était que pour une année. Lorsqu'elle était expirée, il leur fallait de nouvelles lettres s'ils n'é- taient pas remplacés. Par la suite la durée de leurs fonctions fut indéterminée.

Louis de Bourbon et François , son fils , tous les

3^4 HISTOIRE DE TOURAINE.

deux princes du sang, avaient eu sous Charles IX le gouvernement de la Touraino : mais étant obligés d'être presque toujours à la cour, il s'attribuèrent le droit de se choisir des lieutenans pour les remplacer pendant leur absence, ce qui mit le roi dans la né- cessité d'y établir aussi un lieutenant de sa part , afin de balancer l'autorité du gouverneur, et c'est pour cela qu'il prii le titre de lieutenant-général du roi. Cette double autorité ayant beaucoup plus d'incon- vénient que d'avantage , on ota bientôt aux gouver- neurs le droit usurpé de nommer leurs lieutenans , et les rois se le réservèrent à eux seuls.

Guy, septième du nom, comte de Forêt, est le premier que nous trouvions avoir été revêtu , en i347 1 ^" ^^^^'^ ^^ lieutenant-général du roi es par- ties de Poictou , Sainctonge , Touraine , Limousin et autres pays circouvoisins. 11 était fils aîné de Jean , comte de Forêt. Il épousa Jeanne , fille de Louis 1", duc de Bourbon et de Clermont , surnommé le Grand, et de Marie de Hainaut. De cette alliance sortit Jeanne de Forêt, dame d'Ussel, femme de Béraud II, comte de Clermont et dauphi© d'Au- vergne. '0

Saintré (Jean de), connu dans l'histoire sous le nom du Petit Jehan de Saintré, chambellan du roi Jean , sénéchal d'Anjou et du Maine, fut établi, vers l'an i35i, lieutenant -général du roi dans les pro- vinces de Touraine, Poitou, et autres lieux circon- voisins. Il était en Touraine et fut amené à la cour de Philippe de Valois, à l'âge de treize ans, par le

GOUVERNEURS. '^']0

seigneur de Pouiliy , son parent. Ce fut un des plus vaillans chevaliers de sou temps ; il resta toute sa vie incommodé des blessures qu'il avait reçues, en i356 , à la bataille de Poitiers, et mourut au Pont- Saint-Esprit sur le Rlione , le i3 octobre i368, âgé de cinquante-cinq ans. ( P oj: son article dans notre Biographie, toineiv.)

Clermont ( Jean de ) , dit de Nesle, chevalier , sei- gneur de Chantilly, vicomte d'Aunay, maréchal de France, fit les fonctions de lieutenant-général de Touraine, au mois de mai t356, visita les fortifica- tions de la ville et du château de Tours, accompagné des principaux de la noblesse de la province qui étaient venus pour le compHmenter , et y ordonna quelques ouvrages : mais il fut tué quatre mois après la bataille de Poitiers.

Fioissard rapporte que la veille du combat , pen- dant une suspension d'armes, il eut un démêlé avec Jean Chandos, l'un des plus vaillans chevaliers d'An- gleterre , et il en décrit ainsi le sujet. Pendant la suspension d'armes obtenue par l'entremise du car- dinal de Périgord qui voulait faire la paix entre les deux couronnes, Chandos vint visiter le camp fran- çais. Clermont de son coté voulut aller voir celui des Anglais , il remarqua que la bannière de Chandos portait sa devise, c'est-à-dire u/ie dame bleue ou- vrée de bordures à rais de soleil. Il s'arrêta devant Chandos, et lui demanda fièrement depuis quand il portait sa devise. L'Anglais lui répondit sur le même ton : Depuis quand portez-vous la mienne? car elle

376 HISTOIRE DE TOURAINE.

€sl aussi bien à moi qu'à vous. Clermont repartit : Je >vous ferai voir demain que vous n'avez pas droit de la prendre. Et vous me trouverez prêt à la défendre, répliqua Chandos. Clermont ajouta en en se retirant , que c'étaient les manières ordi^ naires des Anglais, qui prennent des Français ce qui leur semble beau, sans rien inventer d'eux-mêmes. Ces paroles furent cause de sa mort; car le lende- main, jour de la, bataille, son cheval ayant été tué sous lui , les Anglais ne voulurent pas le recevoir à rançon, et lui ôtèrent la vie, pour se venger de ce qu'il avait dit de leur nation.

Il avait été lieutenant du roi en Picardie, eu i,353,\avant que de l'être en Touraine. Il était le I , r: Second fil^de Raoul de Clermont , seigneur de Mon- «^j^^* gobert, etficïë Jeanne de Chambly. Son épouse, Mar- guerite de Mortagne , vicomtesse d'Aunay , le fit pcre de Jean de Clermont, marié à Claire de Lezay de Boëslec.

Louis , (ils de France , comte d'Anjou et du Maine,

et depuis duc de Touraine, second fils du roi Jean

et de Bonne de Luxembourg, succéda, en i356, à

M Jean de Clermont dans la lieutenance- générale de

;' Touraine, dont il fut pourvu par Charles, duc de

Normandie , son frère aîné, qui prit le gouvernement

&t^^ du royaume pendant lu prison du roi, son père. On

HB trouve dans les archives de la maison -de- ville de

W^ ^ Tours, qu'il ordonna divers ouvrages pour la défense

de cette ville, dont il donna ses lettres le mercredi

avant la Toussaint de l'an 1359.

V

GOUVERNEURS. 377

, Craon ( Guillaume de ) surnommé le Grand , vi- comte de ClKiteaiidiin , chambellan de Philippe de Valois et du roi Jean , remplaça le duc d'Anjou vers la fin de l'année i357, et tut nommé lieutenant-gé- néral des parties de ïouraine , d'Anjou, du Maine et de Bretagne. Il porta depuis le titre de lieutenant de M. le duc de Normandie, dauphin de Viennois pour ces mêmes provinces.

C'était le troisième fils d'Amaury de Craon , troi- sième du nom , dernier sénéchal héréditaire de Tou- raine, et d'Isabeau de Sainte-Maure. Il épousa Mar- gueiite de Flandre , vicomtesse de Châteaudun , dont il eut sept enfans. Il mourut vers i384.

Larchevêquc (Guillaume), seigneur de Parthenay, de Semblançay , de Saint-Christophe, de Bezay et des Ponts < de-ïours ; lieutenant- général pour le roi ès- parties de Touraine, Poitou et Saintonge , entre les rivières de Loire et de Charente, par nomination du mois de décembre i358.

Il était fils unique de Jean Larchevêquc, premier du nom , seigneur de Semblançay , et avait épousé Jeanne de Mathefelon.

Boucicaut (Jean Le Meingre de ), premier du nom, maréchal de France, donna, le lo février i36i , ses lettres en qualité de lieutenant-général du roi en Touraiué, par lesquelles il accorda aux habitans (Je la ville de Tours un certain droit de péage pour h s mettre à même de faire face à une sonnne-de dix-» huit mille moutons d'or qu'ils étaient obligés de

378 ÏILSTOIIIE DE TOUR AIR E.

payer (i) à la ciiarge qu'il eu serait enipioyë quatre mille à la clôture et fortillcations de la ville. Il y a un autre titre de l'an iSôy, il prend seulement la qualité de capitaine pour le roi es-parties de Poitou, deTouraine, Limousin et autres pays circoiivoisins.

Nous parierons plus amplement de lui dans notre biographie.

Bueil (Jean de), seigneur de Montrésor, conseil- ler et chambellan du roi, grand -maître des arbalé- triers de France. Il fut envoyé, l'an iSôg, en qualité de lieutenant-général , pour commander les gens de guerre en Touraine , Anjou et Poitou. Froissard dit qu'ils se montaient à vingt mille combattans, dont Jean de Bueil était capitaine avec Louis de Saint- Julien et Guillaume Des Bordes. Saint - Julien était capitaine et gouverneur de La Roche-Pozay, et Des Bordes l'était de La Haye. De Bueil et Duguesclin chassèrent, en loGg , les Anglais qui occupaient ces différentes places , ainsi que le château de Preuilly.

Il avait épousé Marguerite de Clermont, dame de Marmande , dauphine d'Auvergne, dont il eut Jean, sire de Bueil, qui fut amiral de France.

Monberon (Jacques de), seigneur d'Avoir, con- seiller et chambellan du roi , fils de Robert et d'Yo- lande de Mathas , était un des plus zélés partisans du duc de Bourgogne. Il fut nommé, vers la fin de

(i) Le mouton d'oi- fin, de 5i au marc, pesait deniers 6 grains, et valait 2 5 sous d'alors, ou a 4 fr. 5o cent, d'aujomd'liui.

GOUVERNEURS. 879

i4i6, lieulenant-géneral pour le roi eu ïouraine, il fit, en il[iS, quelques réglemeiis clans lesquels il s'intitule lieutenant-général pour le roi ès-parties de ïouraine, d'Anjou, du Maine, de Poitou, Saintonge et La Rochelle. On voit aux archives de Tours une lettre de Jean II, duc de Bourgogne , dont l'adresse est â notre cher et hien-aimé cousin^ le sieur Mon- beron , maréchal de France et gouuerneur de Ïou- raine : mais dans tous les autres actes il est^seule- ment qualifié de lieutenant-général.

Il fut fait maréchal de France à la place de Pierre de Rieux, seigneur de Rochefort, qui avait suivi le parti du dauphin Charles, régent du royaume pen- dant la maladie de- Charles VI , son père , et qui fut destitué le 22 janvier i4''iï.

De sa première femme Marie ;, fille de Renaud de Maulévrier , et de Béatrix de Craon , il eut deux enfans, savoir : François, haron de Monheron , et Yoland, femme de Michel-Juvénal des Ursins. Sa seconde femme fut Marguerite, comtesse de Ton- nerre.

Nous sommes fondé à croire qu'entre Jean de Bueil et lui il existe une lacune que toutes nos re- cherches n'ont pu nous mettre à même de remphr; car, comme nous l'avons dit, ces sortes de commis- sions n'étant que pour un an , sauf renouvellement , il ne doit pas paraître probable qu'il n'y ait eu aucun autre lieutenant -général dans/ un espace de plus de quarante ans, c'est à-dire depuis iSÔg, époque de la nomination de Jean de Bueil,jusqu'à celui-ci, en i4i6.

38o HISTOIRE DE TOURAINK.

Harcourt (Jean ci' ). comte d'Aumale et de Mor- tain , seigneur d'Anvers et de Quatre-Mare , en 1396 , lieutenant et capitaine-général de Normandie, capitaine de la ville et château de Rouen , ainsi que de la forteresse de Sainte-Catherine-du-Mont, par provisions du il[ avril 1/117, fut nommé lieutenant- général pour le roi , dans les provinces de ïouraine , d'Anjou et du Maine, et il y en exerça les fonctions en 1422 et i4?3. Il défît les Anglais sur les fron- tières du Maine et de la Bretagne , vers le commen- cement de 14^4) tandis qu'ils s'en retournaient char- gés de butin, et emmenaient avec eux beaucoup de prisonniers. Il leur tua quatorze cents hommes sur la place, et plus de trois cents dans leur retraite,, leur reprit tout leur butin , et fit prisonnier leur chef Alexandre, frère du comte de Suffolk. Il fut tué le J'y août de la même année, à la bataille de Verneuil- au-Perche. Il était fds de Jean VII, comte d'Har- court et d'Aumale , et de Marie d'Alençon.

Il avait épousé Marguerite de Preullay, vicomtesse de Dreux. On assure cependant qu'elle ne fut point sa femme, et que leur fils, Louis d'Harcourt, arche- vêque de Narbonne , fut légitimé par lettres du roi données à Ruffec, au mois d'avril jâl\i.

Orléans ( François d'), premier du nom , comte de Dunois et de Longueville, grand -chambellan de France, gouverneur du dauphin de Viennois, fils de Louis XI.

On ne voit point qu'après la mort de Jean d'Har- court, il ait été nommé d'autres lieutenans-généraux

GOUVKRNr.URS. 38 1

pour le roi , jusqu'à celui-ci , qui en eut les provisions pour les pays deïouraine, Anjou, Maine et Poitou, par lettres patentes du grand-sceau, données à Paris, par Louis XI, le 29. avril if\']/\. Sa commission expi- rant, il en reçut une nouvelle, également pour un an, datée du Plessis, le ai janvier i^'jS.

Il était de Jean d'Orléans, comte de Dunois et de Longueville, connu dans l'histoire sous le nom de bâtard d'Orléans. Il épousa Agnès de Savoie, sœur de la reine Charlotte, femme de Louis XI, dont il eut François II, duc deLopgucville.

Beaumont (Jacques de), seigneur de Bressuire, de La Haye, de Lamothe Saint-Héraye , de Beaumont- la-Ronce, de Lezay, clc. , capitaine de cent arque- busiers, sénéchal de Poitou et d'Angoumois, et chambellan du roi Louis XI, qui le choisit, en i479> pour commander ses troupes dans les provinces de Touraine et d'Anjou, avec le titre de lieutenant- général. Il était fils d'André de Beaumont, seigneur de Lezay, et de Jeanne deTorsay. Sa femme, Jeanne de Rochechouart-Mortemar, ne lui donna que trois filles.

On remarque encore ici une interruption dans les lieutenans-généraux. Il est probable qu'il n'en fut point nommé sous Charles VIII, Louis XII et Fran- çois I" : du moins n'en trouve-t-on aucunes traces.

Champagne (Jean de), sire de Pescheseul, Parce, Avoisé, Ravaudun, Vallon, Clervaux , Bailleul, le Plcssis-Fourmantière, le Plessis-Tacé, Crénon , la Réaulté, Martigny, Beaumont, Duretal, Lézigné,

38a ' HISTOIRE DE TOUR AINE. *

Saint-Bernard, Magne, Béni, Longcharaps, Briant, Bessé et la Vauvrille, premier baron du Maine, che- valier de l'ordre du roi , gentilhomme ordinaire de sa chambre, capitaine de cent hommes d'armes de ses ordonnances, fut créé, en i542, par le roi Henri II, lieutenant-général des provinces deTouraine, d'An- jou et du Maine. 11 était connu sous le nom de Grand-Jean , à cause de sa taille élevée. Sa haine contre les protestans dégénérant en cruauté réflé- chie , il en fît noyer un grand nombre dans le vivier de sa terre de Pescheseul , qu'il appelait le grand Gobelet. Son fanatisme allait si loin que peu s'en fallut, dit-on, qu'il ne fît subir le même sort à sa femme, sur le simple soupçon qu'elle inclinait vers la réforme. Il sauva la vie à Charles IX, qui avait pensé périr dans la Sarthe , en 1 5^ i , et mourut à Pescheseul le 3 juillet 1576.

Il était fils de Pierre III , sire de Champagne , et d'Anne de Fourmantière. Sa femme , anne de Laval , lui donna deux fils et deux filles.

Brichanteau (Nicolas de ) , seigneur de Beauvais et de Nangis , chevalier des ordres du roi , et capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances. Ce fut le duc de Montpensier, gouverneur en chef de la Touraine, qui l'en créa lieutenant-général en i562. Il fît preuve de beaucoup de bravoure à la bataille de Dreux, oîi il reçut plusieurs blessures graves, des suites desquelles il mourut dans son château de Nangis , en i564j laissant de sa femme Jeanne Da- guerre, Antoine de Brichanteau, marquis de Nangis,

'iip

GOUVERNEURS. 383

grând-aiTiîral de France, mort en 1617. Il était fils de Louis de Brichanteau et de Marie de Veres.

Chabot (Paul de), seigneur de Glairvaux, cheva- lier de l'ordre du roi , capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances. 11 fut lieutenant-général de Toiiraine , également par nominalion , en i563, de Louis, duc de Montpensier. Quoiqu'il prît le ûtre de lieutenant -général du roi, en la ville de Tours et pays de Touraine, en l'absence de moaséï» gneur le duc de Montpensier , il n'en est pas moins vrai qu'il n'était que l'un de ces lieutenans que les gouverneurs se choisissaient eux-mêmes.. Celui qui précède était dans le même cas. On trouve nne or- donnance de Paul de Chabot, du 21 août i563, interprétative d'un règlement fait la veille par le duc de Montpensier pour la police de la ville de Tours.

11 était fils de Robert de Chabot , seigneur d*As- premoat, et d'Antoinette d'illiers. Il avait épousé Jacqueline, fîUe de Jacques de Montigny, de laquelle il n'eut point d'enfans. «

Le Roi ( François ) . comte de Clinchamp , sei- gneur de Chavigny et de La Baussonnière, capitaine de cinquante hommes d'armes, des ordonnances et de cent gentilshommes de la maison du roi , fut créé chevalier de ses ordres, le 3i décembre 15^8, et pourvu de la charge de lieutenant -général des pro- vinces d'Anjou, de Touraine et du Maine, par la faveur du duc de Guise, et pour partager l'autorité du duc de Montpensier , gouverneur en chef. Il reste plusieurs réglemens qu'il fit à Tours pour la disci-

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384 HISTOIRE DE TOUR AINE.

pline militaire , pour la garde et la défense de la ville , pendant les années i56i, i563, i564 et i565, ce qui prouve qu'il exerçait concurremment avec les deux précédens. Le roi le nomma depuis gouver- neur du château de Cliinon.

Ce fut en sa faveur que la terre de Clinchamp fut érigée en comté par lettres patentes du mois de décembre i565. Il mourut aveugle, le i8 février 1606, âgé de quatre-vingt-sept ans, ne laissant point d'enfans de ses deux femmes Antoinette de ïurenne , et Renée d'Avaugour , dite de Bretagne. Son père était Louis Le Roi, seigneur de Chavigny, capitaine des gardes du roi.

Tripier (Innocent), seigneur de Monterud et de Pleumartin , chevalier de l'ordre du roi , gouverneur et lieutenant -général des pays et duchés d'Orléans et d'Etampes, et aux pays de Touraine, Maine, comtés de Laval, grand et petit Perche, Blois, Dunois, bailliages d'Amboise et de Loudunois pour le prince dauphin, ^près lui les lieutenans-généraux au gou- "vernement de Touraine furent nommés indépendam- ment et sans le concours du gouverneur en chef.

Prie (René de), baron de Toucy, seigneur de Monpépon , chevalier des ordres du roi , conseiller en son conseil privé, capitaine de cinquante hommes d'armes, lieutenant - général aux pays et duché de Touraine, depuis i568 jusqu'à i^'j'j.

C'est un des hommes qui aient le mieux mérité de la province par sa conduite pleine de sagesse et de modération , pendant les guerres intestines suscitées

GOUVERNEURS. 385

par la différence des opinions religieuses. Après les déplorables excès auxquels les deux partis s étaient portés en Touraine, il sut si bien se concilier l'es- time et Taffection de Tun et de l'autre qu'il eut le talent, sinon de les réunir, ce qui était impossible, du moins de les maintenir en paix et de les empêcher de faire aucune entreprise de la nature de celles qui avaient déjà fait répandre tant de sang. Ce fut sur- tout dans l'horrible journée de Saint-Earthélemi que la province recueillit le fruit de sa prudence et de son humanité. La Touraine resta calme et dut se trouver heureuse de n'avoir pas un gouverneur du caractère de Jean de Champagne, car à coup sûr des flots de sang auraient inondé cette province, ou les protestans étaient en grand nombre. Nous avons déjà rendu hommage à la noble résistance qu'il opposa à des ordres sanguinaires.

Il était fils d'Edme de Prie , baron de Toucy , et de Charlotte de Rochefort-Pleuvant, et avait épousé, le 19 novembre iSoq, Jossine de La Selle, fille d'An- toine , seigneur de Beusville.

Dubois (Louis), seigneur desArpentis, fut pourvu de la charge de lieutenant-général au gouvernement de Touraine, par lettres patentes du roi Henri III, du mois de novembre 1577, vérifiées au parlement, le 17 janvier 1578. Il fut depuis nommé au gouver- nement en chef la Province, ainsi qu'on l'a vu au paragraphe précédent, auquel nous renvoyons.

La Châtre (Claude de), chevalier, baron de la Maison-Fort, chevalier des ordres du roi , capitaine 3. 25

386 HISTOIRE DE TOURAINE.

de cent hommes de ses ordonnances et gentilhomme ordinaire de sa chambre, fut d'abord page du con- nétable de Montmorenci, qui contribua beaucoup à son avancement pendant ses premières campagnes. S'étant ensuite attache au duc de Guise, il se jeta dans le parti de la Ligue, pour lequel il s'empara du Berri, ce qui lui valut d'être nommé par ce même parti maréchal de France, en i585. Il avait été nommé lieutenant-général ail gouvernement de Tou- raine et des villes d'Amboise, Loches, Châtillon- sur-Indre, Buzançais, Loudun et pays Loudunois. Ce fut lui qui , eii i Sg i , facilita l'évasion du prince de Joinviile , détenu au château de Tours.

S'étant réconcilié avec Henri IV , il lui remit les villes d'Orléans et de Bourges, et fut confirmé par lui dans la charge de maréchal de Ft-ance. Il fit les fonctions de connétable de France, aU sacre de Louis XIII , qui lui donna , la même année , le com- mandement de l'armée qu'il envoyait dans le pays de Juliers. Il mourut le i8 décembre i6i4j âgé de soixante-dix-huit ans.

Il était fils aîné de Claude de La Châtre , baron de la Maison-Fort, et de Catherine de Menou, fille de Jean de Menou. De Jeanne Chabot, son épouse, il eut Louis de La Châtre, comme lui maréchal de France.

Ruzé (Henri d'Effiat, dit) , marquis de Cinq-Mars, grand-écuyer de France, en 1612. Son père, ayant été nommé gouverneur de Touraine, lui fit obtenir, en 1628, quoique âgé seulement de seize

GOUVERNEURS. 387

ans , les provisions de lieutenant-général pour le roi, clans la même province. Il en exerça les fonc- tions jusqu'en i632, époque il s'en démit en faveur du marquis de Ruffec.

C'était le second fils du maréchal d'Effîat , dont nous avons parlé à l'article des gouverneurs , et de Marie de Fourcy. Par la faveur du cardinal de Riche- lieu, il fut nommé capitaine des gardes et grand- maître de la garde-robe, en j 537 ' P"*^ grand-écuyer de France, en lôSg. Le grand crédit dont il jouis- sait auprès de Louis XIII ayant donné de l'ombrage au cardinal, celui-ci le traita fort durement, et lui défendit de se trouver dorénavant , en tiers , dans les conseils secrets du roi. Le cardinal cependant allait être disgracié lorsqu'il découvrit le traité que Gaston d'Orléans, le duc de Bouillon et Cinq-Mars avaient fait avec l'Espagne. Il en donna avis au roi, et Cinq- Mars eut la tête tranchée à Lyon, le 12 septembre 1642. ( Voj. notre Biographie, tome iv.) Il n'avait pas été marié.

Aubépine ( François de 1' ), chevalier, seigneur de Haute-Rive, marquis de Ruffec , maréchal des camps et armées du roi, colonel d'un régiment d'infanterie française entretenu en Hollande, frère de Charles de l'Aubépine , marquis de Château-Neuf, gouver- neur de Touraine, en i632 et i645 , fut nommé lieutenant -général de cette province, par lettres du 2 '2 juin i632 , et prêta serment entre les mains du roi , le 21 juillet suivant : mais son frère ayant été arrêté, ainsi que nous l'avons dit précédemment, il

25.

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388 HISTOIRE DE TOURAINE.

se retira à Sedan , et de à Leyde , il entra au service du prince d'Orange. Il passa seul le fossé à Bréda , et contribua pour beaucoup à la prise de cette ville, dont il fut établi gouverneur. Il mourut à Paris, le i'^ mars 1670, âgé de quatre-vingt-quatre ans. Il avait épousé, le 17 novembre 1637 , Eléonore de Yolvire , marquise de Ruffec, fille unique de Phi- lippe de Vol vire, marquis de Ruffec, et d'Aymerie de Rochecbouart - Mortemar, dont il eut deux gar- çons et deux filles.

Gassion (Jean de) avait déjà acquis une grande réputation militaire, lorsqu'il obtint la charge de lieutenant-général au gouvernement de Touraine, par lettres de Louis XIII, du 4 septembre i64o, dont il prêta serment de fidélité entre les mains du roi, le 6 mars 164 1. Nommé maréchal de France, le 17 novembre i643, il reçut un brevet du roi, qui lui , ?rmeltait de traiter de l'emploi de lieutc- iiant-gcnéral , dont il se démit, en 1644? en faveur du marquis d'Hervaut.

Gassion , l'un des plus grands capitaines de son tem'J)», commença à servir dès l'âge de seize ans, dans la compagnie des gendarmes du prince de Pié- mont, suivit le parti du duc deRohan,dans la guerre des religionnaires, se signala au siège de Pignerol , aux combats de Veillane, de Carignan et de Gazai. Il passa ensuite au service de Gustave, roi de Suède, sous lequel il fit des prodiges de valeur qui lui méri- tèrent d'être nommé capitaine de ses gardes. Ce prince ayant été tué à Lutzen, en i632, Gassion repassa

I

GOUVERIVEURS. 389

en France avec son régiment, et continua de se dis- tinguer dans toutes les occasions par une intrépidité quelquefois imprudente , mais toujours heureuse. Il ne trouvait rien d'impossible , et lorsqu'on objec- tait quelques difficultés au cardinal de Richelieu, il répondait : Gassion les lèvera. En butte aux tracas- series du cardinal Mazarin , il s'exposa en simple soldat au siège de Lens, il fut blessé d'un coup de mousquet, le iS septembre 1647. Il en mourut à Arras, le 2 octobre suivant, n'ayant jamais été marié, parce que, disait-il, il voulait mourir soldat et gar- çon.

Il était à Pau , le 20 août 1 609 , de Jacques Gassion, président au parlement de Béarn, et de Marie d'Esclaux.

Isoré (George), chevalier, seigneur de Pleumar- tin , marquis d'Hervaut , conseiller du roi en ses conseils d'Étal et privé, capitaine de cent Iv^mes de ses ordonnances , obtint les provisions de lieStenant- général pour le roi en Touraine, le 1 août 16/^4 > a" moyen de la cession que lui en avait faite le maré- chal de Gassion , et prêta serment de fidélité entrél;^. les mains de Louis XIV , le 1 y du même mois. Sé'l^*" .lettres portent que « Sa Majesté n'avait pas pu faire « un meilleur choix que celui de sa personne, tant à « cause de ses louables et recommandables qualités , a que pour les témoignages particuliers qu'il avait « donnés , de longue main , de sa grande fidélité et « affection à Sa Majesté et à son Etat , que pour la « prudence et conduite qu'il avait fait paraître dans les

390 HISTOIRE DE TOURAINE.

a emplois honorables qu'il avait eus dans les années t( dedans et dehors le royaume , dans lesquels il s'était « signalé en sa valeur et générosité. » Le roi , vou- lant récompenser plus particulièrement son mérite , augmenta ses gages de trois mille livres , ce qui les porta à neuf au lieu de six qu'ils étaient auparavant , et l'on y ajouta l'entretien de douze gardes et d'un capitaine.

Aubépine ( François de 1' ). Le marquis de Châ- teau-Neuf, son frère, ayant été rétabli dans son gou- vernement de Touraine, celui-ci, rentré en France, sollicita et obtint également de rentrer dans l'em- ploi de lieutenant-général , ce qui ne lui fut pas très- difficile , ce même frère ayant été de nouveau nommé garde-des-sceaux ; il fut donc réintégré en vertu de deux arrêts du conseil des 12 juin et 2 septembre i65o. ( F'oj'. plus haut son premier article.)

Isoré ( George ) , marquis d'Hervaut , obtint à son tour, le 3 juin i65i , un arrêt du conseil qui le ré- tablissait dans les fonctions de lieutenant-général. Il ne les reprit cependant qu'à la suite d'un arrange- ment fait avec le marquis de Ruffec. Il était fils aîné de René Isoré, deuxième du nom , baron d'Hervaut, et de Marguerite de Chambéraud. Son aïeul , Hono- rât Isoré , avait épousé Madelaine Babou de La Rour- daisière.

De sa femme Marie de Roncherolles de Pont- Saint-Pierre il n'eut qu'un fils qui fait l'objet de l'article suivant.

Isoré (René, troisième du nom), chevalier, mar-

GOUVERNEUBS. SqI

quis d'Hervaut et de Pleumartiii , licutcnant-général pour le roi dans le Haut-Poilou, obtint, en 1661, la survivance de son père , pour en jouir conjointe- ment avec lui , et à la charge d'en faire les fonctions pendant son absence. Ce fut pour lui que la terre de Pleumartin fut érigée en marquisat par lettres pa- tentes du mois de janvier i652.

Il e'pousa Marie-Gabrielle Chasteignier de La Roçlie-Posay , fille de Charles et de Charlotte Jous- seran de Londigny.

Mathieu Isoré d'Hervaut, *de cette même famille de Touraine, fut nommé archevêque de Tours, en

1694.

Razilly (Gabriel de Launay de), chevalier, mar- quis de Razilly, seigneur de Beaumont en Véron, Vélort, Fontenay et les Aumêles , conseiller du roi, en ses conseils d'Etat et privé. Après la mort du marquis de Pleumartin , il lui succéda dans l'emploi de lieutenant-général au gouvernement de Touraine , par lettres patentes données à Versailles , au mois d'avril 1676, et prêta serment de fidélité entre les mains du roi , au mois de mai suivant.

En 1690, il fut nommé sous-gouverneur des ducs de Bourgogne , d'Anjou et de Berri , petits-fils de France et fils du grand dauphin , choix qui doit don- ner une haute opinion de son mérite et de sa probité, puisque par il se trouvait associé à deux hommes tels que Bossuet et le duc de Montausier.

Il était dans cette contrée de l'arrondissement de Chinon qu'on nomme le Véron , au château de

3C)1 HISTOIRE DE TOURAÏNE.

de Razilly, qui a donné son nom à cette ancienne- famille de Touraine. Son père était Claude Delaunay de Razilly , gouverneur des îles de Rhé et d'Oleron, vice-amiral de France , ensuite vice-roi de la Nou- velle-France. Nous en parlons dans notre quatrième volume. Sa femme le fit père de cinq garçons et de sept filles. Le second de ses fils lui succéda.

Razilly ( Armand - Gabriel Delaunay de ) , cheva- lier , marquis de Razilly, par le décès de son frère aîné, mort colonel du régiment de son nom. D'abord guidon de la gendarmerie , lorsque son père eut cessé de vivre , en 1726, le roi , dans la même année , le pourvut de l'emploi de lieutenant-général au gou- vernement de Touraine, qu'il conserva jusqu'à sa mort, arrivée au château de Razilly, dans le cours de l'année 1769. Ainsi, depuis 1676, la charge de lieutenant-général avait été occupée par le père et le fils pendant l'espace de quatre-vingt-treize ans consécutifs.

Argenson (Marc-René de Voyer d' ), deuxième du du nom , marquis d' Argenson , vicomte de La Guerche et de La Roche de Gennes, baron des Ormes, com- mandeur des ordres du roi, ministre d'État, direc- teur-général .des haras de France , etc. , fut pourvu de la charge de lieutenant-général pour le roi au gouvernement de Touraine , après la mort du mar- quis de Razilly, en 1769, et la conserva jusqu'à sa mort, en 1782. Son fils, âgé seulement alors de onze ans, lui fut donné pour successeur; mais son extrême jeunesse ne lui permit pas d'en exercer les fonctions.

GOUVERNELRS. SqS

Il était de Marc-Pierre , comte d'Argenson , intendant de Tours , en 1721 , et ensuite ministre de la guerre, en 174'^? et avait épousé Constance de Mailli, dont il eut Marc-René, troisième du nom , et N. épouse du comte de Murât.

394 HISTOIRE DE TOURAINE.

CHAPITRE IIL

BAILLIS, GRANDS-BAILLIS D'ÉPÉE, ET BAILLIS DES RESSORTS.

L'ÉTABLISSEMENT dcsbaillis se trouve dans le testa- ment que fit le roi Philippe- Auguste , en 1 191 , avant que d'entreprendre le voyage de la Terre-Sainte. Par leur institution , ces officiers avaient dans leurs attributions les armes, la justice et la finance. Ils faisaient la recette du domaine dans leur bailliage, dont ils rendaient compte à la chambre de six mois en six mois. Quelquefois aussi on les nommait séné- chaux, usage qui s'était assez généralement conservé en France dans les provinces qui avaient appartenu aux Anglais, à l'exception pourtant de la Touraine, le titre de bailli avait prévalu; mais en général , on appelait sénéchaux ceux qui appartenaient à des seigneurs particuliers , et baillis ceux des provinces qui étaient immédiatement sous l'autorité du roi.

Les baillis de Touraine, dans l'origine, rendaient eux-mêmes la justice et prononçaient les jugcmens ; mais ce droit leur fut oté dans la suite, lorsque le titre de bailli fut annexé à celui de gouverneur , et ils n'eurent plus que la voix honoraire ou consulta- tive, sans pouvoir participer aux délibérations. Fran-

BAILLIS. 395

cois I" sembla vouloir les en dédommager par sa déclaration du mois de mars 1628, portant que les sentences , appointemens , contrats et tous autres actes de justice seraient intitulés de leurs noms et qualités. Ce fut alors qu'ils furent connus sous la dénomination de grands-baillis, ou baillis d'épée; institution illusoire, sans but et sans utilité, qui pla- çait à la tête des tribunaux des hommes qui n'avaient rien de commun avec la magistrature , pas même voix délibéralive dans les actes inscrits de leur nom. Il est vrai qu'ils avaient des lieutenans par qui la justice s'exerçait. Anciennement ces lieutenans étaient à la nomination des baillis qui disposaient de ces charges à leur volonté ; mais Charles VII les priva de cette prérogative , en ordonnant qu'à l'avenir les lieutenans ne pourraient être choisis que sur l'avis des cours souveraines , ce qui commença à s'exécuter, pour la Touraine , en i440' Louis XII modifia en- core cet ordre de choses, par son édit de 1498, qui prescrivit que l'élection des lieutenans-généraux et particuliers se ferait à l'audience des sièges locaux, en présence des baillis ou sénéchaux , des avocats et procureurs du roi , ainsi que des autres officiers du bailliage qui seraient convoqués quinze jours après la vacance des offices, si les baillis étaient présens, ou un mois après , en cas d'absence. Mais le même roi changea encore ces dispositions par la déclaration de i5i'2, portant qu'en chaque siège on nommerait trois personnes des plus capables, l'une desquelles serait choisie par Sa Majesté. C'est ce qui eut liçu

396 HISTOIRE DE TOI] RAINE.

pour la première fois à Tours, en i566, après la mort du lieutenant particulier Gervais Goyet.

On sait que depuis ces mêmes charges furent créées en titre d'office , moyennant finance , ainsi que tous les autres emplois de la magistrature. Il fallait, il est vrai, l'attache de la cour souveraine du ressort; mais il était bien rare qu'on ne l'obtînt pas.

Les gages des baillis n'étaient autrefois que de cent vingt-quatre livres par an, non compris vingt-sept •livres pour la nourriture d'un palefroi et d'un som- mier, c'est-à-dire d'un cheval de main et d'un cheval de charge : vingt livres pour deux robes et vingt autres livres pour un clerc ou écrivain, en tout cent quatre- vingt-onze livres. Ce traitement fut augmenté depuis à diverses époques. Déjà en 1269, les baillis avaient trente sous par jour et cent livres par an pour toute espèce de frais.

Il y eut pendant quelque temps une autre sorte de baillis qui étaient également à la nomination du roi: c'étaient ceux des ressorts et exemptions de Tou- raine , d'Anjou et du Maine.

Philippe-le-Bel , ayant donné l'Anjou et le Maine en apanage à Charles de Valois , son frère établit le bailli de Touraine pour connaître des causes des exempts ou privilégiés de ces deux provinces, ce qui s'exécuta tant qu'elles furent l'apanage du duc d'Anjou; mais quand la Touraine devint apanage à son tour, les rois établirent un juge spécial pour connaître des causes des privilégiés des trois pro- vinces, sous le titre de bailli des exemptions des res-

BAILLIS. 397

sorts de Toiiraine, d'Anjou et du Maine : c'est pour- quoi, dans toutes les lettres d'apanage données pour le duché de Touraine, il y a toujours eu réserve d'é- tablir un bailli des ressorts pour Tours , Château- Neuf, Chinon et autres lieux exempts. Dans les in- struclions données à ces officiers, il est dit que le bailli aura son siège à Tours ou à Château-Neuf, et qu'il placera dans les autres lieux un lieutenant avec des notaires et des sergens.

Peu de temps après que la Touraine eut été réunie à la couronne, ce fut le bailli de Touraine qui fut en même temps bailli des exemptions, même après la réunion de l'Anjou et du Maine; mais alors les séné- chaux de ces deux provinces revendiquèrent leurs droits. Il s'éleva à ce sujet une contestation portée au conseil du roi Charles VIII, qui, par une déclara- tion du 5 février 1489, ordonna que, nonobstant la réunion des comtés d'Anjou et du Maine à la cou- ronne , les privilégiés de ces deux provinces conti- nueraient de plaider devant le bailli de Touraine. C'est pour cela que lors de la première rédaction des coutumes de Touraine, faite à Langeais, en i453, elle fut intitulée : Coutumes de Touraine et des res- sorts et exemptions d'Anjou et du Maine.

Cependant , les réclamations s'étant reproduites avec plus de force et avec autant de fondement , Charles IX ôta au bailli de Touraine la juridiction des exempts d'Anjou et du Maine, et l'attribua aux sénéchaux respectifs des deux provinces, par lettres du 28 juillet i568, enregistrées au parlement le 4

398 HISTOIRE DE TOURiVlNE.

août suivant, nonobstant l'opposition des maires et échevins de Tours qui avaient employé tout ce qu'ils avaient de crédit pour faire maintenir le bailli de Touraine dans ses précédentes attributions.

On conhut encore une autre espèce de baillis qui étaient nommés par les ducs apanagistes, mais comme ils formaient une juridiction particulière, distincte de la juridiction royale, nous nous abstiendrons d'en parler. Il nous a suffi de faire connaître dans cet exposé l'origine des baillis, leurs diverses attribu- tions , et les modifications que leur régime a éprou- vées.

§1-

BAILLIS DE TOURAINE.

Gliillàume d'Azay, de 11 93 à 19.14. Ce fut le pre- mier bailli établi par Philippe-Auguste. On lui trouve cette qualité dans un titre de l'abbaye de Marmou- tier, daté de 12 13. Ridel ou Rideau étant alors sei- gneur d'Azay-le-Rideau, celui-ci l'était sans doute, ou d'Azay-le-Vicomte , dit aussi le Chétif , ou d'Azay- le-Féron.

Crespière ( Robert de ) , de 1 2 1 4 à 1 2 1 6. Il pre- nait le titre de bailli du roi en Touraine et en Poi- tou, pour se distinguer du bailli des trois provinces, qui n'était proprement que son lieutenant. Il donna, en I2i4, des lettres en faveur du prévôt d'Oé, de l'église de Saint-Martin de Tours.

Des Loges (Robert), de 1216 à 12 19. On l'appe-

BAILLIS. 399

lait le éënëchal , parce que , en effet , il l'était du Poitou. Il jouissait encore de ces deux emplois en 12 18. Nous avons de lui des lettres en faVeur des chanoines de Saint-Martin pour l'ensaisinement de l'abbayfe de Corthety , 011 il promet de leur dontler main-forte cdntre ceux qui Voudraient les troubler dans leur possession. Ces lettres sont date'es du ven- dredi après la chaire Saint-Pierre, l'an 12 17.

Gallardon (Geoffroy de), de 12 19 à 1227. Il se disait pareillement sénéchal de Touraine et de Poitou. On voit de lui une sentence, rendue en 12^9, au profit de l'abbaye de Marmoutier.

Leclerc ( Richard ), de Ï227 à 1280, bailli d'An- jou , de Touraine et du Maine.

Fougères (Guillaume de), de 1280 à 1240. May- nard l'appelle improprement Fougère, bailli du roi en Touraine, il l'était également dans l'Anjou et le Mairie, ainsi qu'on le voit par un titré daté de Toiirs, le lendemain de la fête de la Madelaine, Tàh 1280.

De Bonnes (Josse) , de 1240 a 1249, bailli de Touraine, il rendit compte à la chambre, en cette qualité, de la recette du domaine du roi, en 1248, semestre de l'Ascension. Dans le mémorial de la chambre des comptes, il est nommé Jodocus de Bonnis. Il existe un titre de la même année , souscrit de Richard , bailli de Jeanne de Craon , sénéchale des trois provinces , ce qui confirme encore que les sénéchaux avaient leurs baillis particuliers.

Bruère (Geoffroy), de 1249a 12 54- Nous voyons que, à la Chandeleur 1249, *^ rendit compte de la re-

400 HISTOIRE DE TOURAINE.

cette du bailliage de Touraine. Il y prend la qualité de chevalier.

Gans (Hémery de), chevalier, de 12^4 «^ iiS6. Il rendit compte à la chambre de la recette du bail- liage de Touraine, pour les termes de la Toussaint 1254, et de l'Ascension 1^55. Par le premier de ces comptes , on voit qu'il était du , par Hugues de Bau- çay, cent quatre-vingts livres , pour le rachat de la terre de Champigny, dont il avait hérité d'Hëmery de Blo , mort sans enfans.

Magny (Raoul de), de I256à 1260. Cette famille était très -ancienne. Il y eut un Renaud de Magny, chevalier, tué au siège de Saint-Jean-d'Acre, en 1 191. Raoul rendit compte, pour le terme de l'As- cension 1260, et la même année, il fut nommé par le parlement de Pâques , avec Jean de Quarrois , chevalier, pour informer, s'il était vrai que les gens du comte d'Anjou se fussent portés en armes sur la ville de Tro. Son procès-verbal à ce sujet se trouve dans le registre Olim.

Sancerre (Gervais de), de 1260 à 1261. On le voit assister, en qualité de bailli de Touraine, à un juge- ment qui fut rendu , en 1 260 , au parlement de Pâques, au profit de l'abbaye de Fleury, contre son abbé.

Yilletle (Geoffroy de), de 1161 à 1266. Il était maître des requêtes du roi saint Louis, et son am- bassadeur vers la république de Venise , bailli de Touraine, et châtelain de la ville et du château de Tours. C'était un des hommes en qui saint Louis avait le plus de confiance dans les affaires impor-

BAILLIS. 4oi

tantes. Il se tenait souvent auprès du monarque, qui, dans ce cas, dit Joinville , appelait monseigneur Villette, et monseigneur Pierre de Fontaine, en leur disant : Délivrez-moi les parties. Personne n'était alors revêtu de la dignité de bailli sans avoir acquis par l'étude et l'expérience une parfaite connaissance des affaires.

Ville tte (Gaultier, ou Guitier de), chevalier, de 1266 à 1273, succéda à scn frère Geoffroy dans l'office de bailli de Touraine. En cette qualité , il fit , l'an ia66, une enquête, par ordre de saint Louis, pour savoir si la garde des chemins appartenait au roi dans la voirie de Cormeri.

Le comte d'Angouleme ayant été accusé par le clergé et parle peuple d'avoir altéré ses monnaies, le roi nomma Gaultier de Villette et Guy de Neaufle, doyen de Saint - Martin de Tours , pour aller faire une enquête à Angoulême. Sur leur rapport , il fut jugé au parlement de la Chandeleur, que le comte serait tenu de faire réformer sa monnaie, et d'en faire frapper une autre de bon aloi.

Lhuissier (Robert), de 1273 à 1274? rendit compte pour ces deux années de la recette du bail- liage de Touraine. Ou le retrouve bailli du Berri en 1289.

Saint-Soulange (Renaud de), de 1274 à 1276'. Il mourut quelque temps après avoir rendu à la chambre des comptes celui de la recette du domaine , pour le terme de la Toussaint 1275. Le jeudi après la Saint-Denis, 1 274 , les chanoines de Saint-Martin , 3. 26

4o^ HISTOIRE DE TOURAINE.

par une déclaration faite à Jean Picard , serviteur et alloué du bailli , menacèrent d'interdiction la cour séculière, pour avoir saisi dix-neuf muids de vin et cent livres des cens d'Émery d'Avoir , chevalier. Celui- ci en appela au roi ; mais il fut décidé que l'appel devait être porté devant le bailli de Touraine.

Ydré (Philippe d'), de 1275 à 1277. ^^" compte de la Recette du domaine date depuis la mort de son prédécesseur jusqu'à l'Ascension 1276. Après être sorti de sa charge , il fut choisi avec Guillaume Dupuy^ pour être juge d'un différend entrfe le roi Philippe-le-Hardi et l'archevêque de Tours, Jean de Montsoreau, au sujet du domaine de la forêt de Teillay , autrement de Chinon ^ dont l'archevêché possédait une partie.

Humbaut de Châteaux, de 1277 à 1278. Il était probablement seigneur de Châteaux, aujourd'hui Château-la- Vallière. Soû compte pour la recette du domaine, en l'année 1277, se trouve encore à la chambre des comptes.

Herbert Turpin , chevalier, de 1278 à 1279. Il était fils de Herbert Turpin-Crissé , premier du nom, chevalier banneret de Touraine, en 12 14, et fut un de ceux que le roi manda à Chinon, le lendemain de l'octave de Pâques 1241 , pour marcher contre le comte de La Marche. Il rendit son compte à l'As- cension 1278, et en 128 1 , il fut caution pour cin- quante livres de rente, que Jean Potin, chambellan du roi , avait sur les péages de Tours et de Semblan- çay, dont il était baron.

BAILLIS. 4o^

Parroy , ou plutôt Paroyc ( Denis de ) , chevalier du roi, de i^ygà i:tS5f fils de Simon , sixième du nom, d'une ancienne famille de Lorraine, qui des- cendait en ligne directe des comtes de Metz et de Lunëville. On trouve ses comptes rendus pour les six années pendant lesquelles il fut bailli de Tou- raine.

Barbou (René), de i285 à 1289. Après avoir eu la garde de la prévôté de Paris en 1270, il obtint l'office de bailli de Touraine, et fut nommé en cette qualité pour évaluer le revenu de la ville d'Ingrande, que Charles, comte d'Anjou , roi de Sicile et de Jé- rusalem avait donné à Maurice, S*" du nom deCraon, le lundi après le dimanche que Von chante oculi , Van de grâce ia88. H rendit son dernier compte à la chambre en 1289.

Fontenay ( Pierre de ), de 1289 à 1291.

Bcaumanoir (Philippe de) , chevalier , est nommé au compte de l'année 1 292 , et dans un titre de l'ab- baye de Marmoutier, du mois d'août de la même année. Il fut aussi bailli de Clermont , et conseiller de Robert de Clermont , fils de saint Louis. C'est lui qui le premier écrivit les coutumes de Bcauvoisis, dont le manuscrit a été imprimé en 1690.

Maugés, ou Mauger ( Robert ), de 1293 à 1295.

Pannetier (Jean ), de 1295 à 1298, suivant son dernier compte rendu à l'Ascension.

Trousseau, ou Troussel (Jacques), de 1298 à i3o2. 11 était frère de Pierre Trousseau, dont nous avons parlé à l'article des seigneurs de Vérets.

26.

4o4 HISTOIRE DE TOI] RAINE.

Saimel (Pierre de), de i3o2 à i3o3. Fontenay (Pierre de), de i3o3 à i3o4. H prenait , comme Denis de Paroye, le titre de chevalier du Toi. Cependant , nous croyons que c'est le même que celui dont il est parlé un peu plus haut. C'est à tort que la Thaumassière , dans son histoire de Berri, lui donne le titre de gouverneur de Touraine, dont il n'était que bailli.

Guyart de La Porte , de i3o4 à i3o6. Vaucelles (Jean de) chevalier, de i3o6 à i3i3. Nous voyons par les archives de la ville de Tours , que le bailli Jean de Vaucelles , en 1 3 1 1 , fît couper les ponts du Cher, c'est-à-dire ceux de Vançay et de Saint-Sauveur, pour fermer le passage à un parti d'Anglais qui, venu du Poitou, se dirigeait sur la ville de Tours.

Chévrier (Guy), de i3i3 h i3i6. Vaudrighen ( Jean de ), de j3i6 à i3i8. -f^^'Chaillox (Raoul de), chevalier, de i3i8 à i32i. Benchivilliers (Renaud de), de i3sii à i324. On a de lui une sentence , rendue la veille de Notre- Dame d'août, au profit de l'abbaye de la Clarté- Dieu.

Récuchon (Robert), de i325 à i328. Il fut un des commissaires nommés par le roi Charles-le-Bel , en juillet 1 326, pour la recherche des francs-fîefs et nouveaux acquêts, et désigné de nouveau en la même qualité, l'an i328.

Puymar (Ithier de j , écuyer, de iSiS à j336. Il est nommé Puy à Mar, dans une sentence qu'il ren-

BAILLIS. 4o5

dit en septembre i332, pour la justice et grande voirie de Marmoutier , et Pnymar , dans une autre sentence rendue à Loudun au profit de la même abbaye.

Crève-Cœur (Alexandre de), de i336 à i338. Il était frère d'Antoine de Crève-Cœur, qui fut prévôt de Paris, depuis i348 jusqu'à i353.

Bigot (Jean), de i338 à i347. ^^ ^"^ anobli, ainsi que toute sa postérité , par lettres du roi Phi- lippe de Valois, données au mois de février i437, avec pouvoir de recevoir l'ordre de chevalerie. Ou voit par son compte de i343, que les gages du gou- verneur des ville et château de Tours étaient, à cette époque, de cent vingt-cinq livres par an, y compris une robe évaluée six livres. De son temps , le bailliage comprenait les villes royales de Tours , Langeais, Loches , Châtillon-sur-Indre, Chinon et Ijoudun.

Guichard d'Ars, chevalier de l'ordre du roi, de i348 à i35i. Il tint ses premières assises du bail- liage, au château de Tours ,*rah de grâce i348 , sui- vant un titre de l'abbaye de Marmoutier.

Maillé ( Jean de ) , chevalier , seigneur de Chan- çay, de i35i à i353. Selon toute apparence, ce Jean de Maillé était le seigneur de Clervaux , fils de Jean I" de JVIaillé , et de Jeanne de Parlhenay, Il testa en i386 , et mourut peu de temps après.

Gayen (Etienne), de i353 à i354.

Mauvinet (Guillaume), chevalier de l'ordre du roi, de i354 à i356.

4o6 HISTOIRE DE TOURAINE.

Mauvinet (Maurice), chevalier de l'ordre du roi, de i356 à iSSg. Il était frère du précédent, et avait épousé Florie de Linière , qui , devenue veuve , se remaria au maréchal de Boucicaul, le père.

Bernier (Jean), chevaher, de iSog à i36i , fut installé bailli le i^' juin 1 36o , et prêta serment à la cour le 27 du même mois. Fait chevalier par le duc d'Anjou, il fut depuis prévôt de Paris, en i362, et bailli de Beaucaire en 1373.

Brion ( Jean de) , chevalier, de i36i à 1370. Il prend le titre de sénéchal de Touraine dans des titres de i36i , 1367 , et 1369. Il fut nommé , en i364, l'un des commissaires du roi pour la recher- che des nouveaux acquêts et indemnités dues par les gens d'église de Touraine. Il eut la même com- mission le 21 janvier i366. Il prenait aussi quelque- fois le titre de gouverneur au bailliage de Touraine, titre qui n'était autre chose que celui de bailli. On voit même par d'anciens actes qu'il avait distincte- ment la qualité de bailli du roi , et de sénéchal du duc de Touraine. Il ^taî\, selon toute apparence, de la famille de Simon de Brion, pape , en 1261 , sous le nom de Martin IV , dont nous parlons au quatrième volume.

Avoir (Pierre d') , de 1370 à i38o. Il était bailli royal , et en même temps sénéchal du duc de Tou- raine; mais, en i38o, ayant été établi gouverneur de la province, il fut le premier en qui la qualité de bailli fut unie à celle de gouverneur. C'est donc dans la liste de ceux-ci qu'il faut chercher la suite

BAILLIS. 4^

des baillis , jusqu'à l'année i53!2 , époque où, comme on va le voir, ils prirent une forme et une dénomi- nation nouvelles. Nous ne pouvons cependant nous dispenser de mentionner celui qui suit.

Baudouin de Crénon , chevalier, est indiqué comme bailli deTouraine, par le Laboureur, page 511 de ses additions aux Mémoires de Castelnau. Ce Bau- douin, qui avait époust^ Marie, sœur de Jean de Bueil, comte de Sancerre , aura pu être pourvu de la charge de bailli de Touraine, vers i38o, lorsque Pierre d'Avoir fut nommé gouverneur, et révoqué bientôt par suite de cette nouvelle création. Dans ce cas, ce serait lui, et non le précédent, qui aurait été le der- nier des baillis de Touraine.

Nous ignorons l'époque de sa mort ; mais il servait encore, en iSga et iSgS, avec un bacheher et quatre écuyers. Il eut sa sépulture dans l'église de Mansi- gné, diocèse du Mans, il avait un tombeau en pierre , sur lequel on voyait sa statue , ayant un trou au genou , sans doute pour indiquer la blessure dont il mourut.

§ "•

GRANDS-BAILLIS , OU BAILLIS d'ÉP^E.

Nous ne comptons que douze grands-baillis d'épée dans l'espace de deux cent cinquante ans, c'est-h- dire depuis i5'32 jusqu'à 1782.

Babou (Jean ) , chevalier , seigneur de La Bour- daisièrc et de Sagonne , conseiller du roi , chevalier

4o8 HISTOIRE DE TOURAINE.

de ses ordres, gouverneur de Brest et grand-maître de Fartillerie de France, grand-bailli de Touraine, de i532 à i56g.

Nous avons vu précédemment que Jean de Ville- mart avait été le dernier des gouverneurs qui eût porté le titre de bailli en i532. Le roi François P' créa pour lors des grands-baillis, ou baillis d'épée, et celui-ci fut le premier qui fut revêtu de cette dignité dans la même année. Il était fils de Pbilbert Babou , et fut aïeul de Gabrielle d'Estrée , par Fran- çoise Babou sa fille.

Voyer (René-Victor de), vicomte de Paulmy , chevalier de l'ordre du roi et du Saint-Sépulcre, fut nommé gentilhomme du duc d'Orléans, depuis duc d'Anjou, le i6 juillet i565, et gentilhomme ordi- naire de la chambre du roi, le i8 septembre 1567. Marie, reine d'Ecosse, duchesse de Touraine^ le pourvut de la charge de grand-bailli , par lettres du 12 février 1571. Gouverneur du château de Loches, en 157.5 , il fut choisi pour être gouverneur de Henri de Bourbon, prince de Bombes, le 19 juin 1579. Il mourut au mois d'avril i586, après avoir fondé un collège à Paulmy. Il était fils de Jean, troisième du nom, et de Jeanne de Gueffaut, dame d'Argen- son , et avait épousé Claude de Turpin-Crissé.

Voyer d'Argenson ( Pierre de ) , troisième du nom , frère puîné du précédent, fut pourvu après sa mort de la charge de grand-bailli , par lettres du a6 avril i586, enregistrées au parlement le 6 juin suivant, chevalier des ordres du roi , en i6o5, et gentilhomme

BAILLIS. --^'r^rr 4^9

ordinaire de sa chambre. Il assembla les états de la province en i6i4, et mourut le 22 décembre 1616. Il avait épousé Elisabeth Huraut de Chiverni, dont il eut trois garçons et deux filles , et fut le premier de la branche d'Argenson , terre que sa mère avait portée dans la famille.

Voyer d'Argenson ( René de ) , premier du nom , seigneur d'Argenson, de la BailloUière , de Châtre en Touraine, et de Weil-le-Mesnil en Berri, conseiller d'état, et ambassadeur auprès de la république de Venise , fut pourvu de la charge de grand-bailli en 161 6, après la mort de son père, et s'en démit en 1627. Le roi le nomma, en i63i , intendant-général des provinces de Berri, Touraine, Limousin, An- goumois, Haute et Basse - Marche , Haute et Basse- Auvergne , pour en faire les fonctions sous le prince de Condé, gouverneur - général de ces mêmes pro- vinces. Après avoir été intendant d'Auvergne et intendant des armées, il fut nommé, le 24 juin i65o, à l'ambassade de Venise. Ce fut à cette époque que, étant veuf, il embrassa l'état ecclésiastique , et reçut la prêtrise le 24 février i65i. Il se rendit de suite à Venise, il mourut, le i4 juillet de la même année , âgé de cinquante-quatre ans et demi. Il eut sa sépulture dans l'église du grand couvent des Cordeliers , oii son fds aîné , René II , qui lui succéda dans cette ambassade , lui fit ériger un très- beau mausolée.

Sa femme Hélène de La Fon, morte en i638, lui donna quatre garçons et une fille.

4 10 HISTOIRE DE TOUR AINE.

Coèffîer (Antoine, dit Ruzé), de 1627 à i633i. Lorsque René de Voyer eut donné sa démission, celui-ci obtint la charge de grand-bailli, par lettres du roi Louis XIII, données à Villeroi le 27 juillet 1627. On a vu ce qui le concerne d'ailleurs au cha- pitre des gouverneurs , § I.

Ruzé (Henri ), marquis de Cinq-Mars et de Lan- geais, fils du précédent. Son père étant mort en i632, il lui succéda dans la charge de grand-bailli de ïouraine. (Voyez son article parmi les lieutenans- généraux, chap. II, § I, et tome 4-)

Voyer d'Argenson ( Pierre de ) , second fils de René 1", vicomte d'Argenson, seigneur de Châtres et de Mousay , conseiller du roi en tous ses conseils , gentilhomme ordinaire de sa chambre. Après le sup- plice du marquis de Cinq -Mars, il rentra, le i4 juin 1643, dans la charge de grand-bailli, que sa famille avait déjà possédée trois fois ; mais il s'en démit en 1662 , ayant été nommé gouverneur de la Nouvelle-France , ou Canada.

Dubois ( Louis ) , marquis de Givry et de Vende- nesse, etc., lieutenant- général des armées du roi. D'après la démission du vicomte d'Argenson, il fut pourvu de la charge de grand-baiUi de Touraine , par lettre du 11 avril 1662, et reçu au parlement le 18 du même mois. Il était fils de Pierre Dubois, et de Françoise Olivier de Leuville, et avait épousé Marie, fille de Thomas de Morant, intendant de Tours, dont il eut le fils qui suit. Il mourut, en 1699, âgé de quatre-vingt-trois ans.

BAILLIS. 4lY

Dubois (Louis-Thomas, dit Olivier), marquis de Leuville, de Vendenesse et de Givry , lieuteuant-gë- neral des armées, et gouverneur de Charlemont, succéda à son père, en i6()9, dans la charge de grand-bailli de Touraine, et mourut, en 1742, de- vant Égra en Bohême , il commandait. De sa se- conde femme Marie de Voisin , fille du chancelier de France, il n'eut qu'une fille, mariée au marquis de Poyanne.

Baylens (Charles-Léonard de), Olivier de Leuville, marquis de Poyanne , lieutenant-général des armées du roi , chevalier de ses ordres , colonel des carabi- niers, succéda à son beau-père, en 174^^? dans la charge de grand-bailli de Touraine , qu'il exerça jus- qu'en 1759. De son épouse, Antoinette - Madelaine Olivier de Leuville , il n'eut qu'une fille , qui a épousé le duc de Sully. Elle descendait du célèbre chance- lier de France François Olivier de Leuville, mort à Amboise en i56o.

Voyer d'Argenson (Marc-René de), deuxième du nom. C'est le même que celui dont nous avons déjà parlé , et qui termine la liste des lieutenans-généraux pour le roi en Touraine. La charge de grand-bailli rentra encore une fois dans la famille, en 17 5g, par ia cession que lui en fît le marquis de Poyanne. Il la conserva jusqu'à sa mort en 1782.

Voyer d'Argenson (Marc-René de), troisième du nom, comte d'Argenson , marquis de Paulmy.^ vicomte de la Guerche, etc. Son père étant mort en 1782, le roi lui donna pour successeur le marquis de La

4l2 HISTOIRE DE TOUR AINE.

Vaiipaiière; mais celui-ci eut la générosité de re- fuser cette place, en exprimant le désir qu'elle ne sortît pas de la famille d'Argenson , et qu'elle fût conservée au fils du marquis de Voyer, qui n'était alors âgé que de onze ans, étant en 1771. H en fut en effet pourvu malgré son extrême jeunesse; mais, quoiqu'il eût déjà été reçu au parlement, son âge et la révolution , qui bientôt amena un autre ordre de choses , l'empêchèrent d'en exercer les fonc- tions. C'est lui qui, en 181 5, éleva à la chambre une voix courageuse pour dénoncer l'assassinat des protestans du Midi , voix qui fut étouffée par les clameurs d'un parti nombreux et violent qui ne res- pirait qu'exils, proscriptions, et plus encore, si on eût secondé ses désirs.

Nous avons parlé dans, le préambule de ce chapitre, des lieutenans-généraux de bailliage, institués pour siéger et rendre la justice au nom des baillis d'épée : mais nous croyons inutile d'en donner la nomen- clature. Nous dirons seulement qu'on en a compté cinquante-sept depuis Guillaume Travaillard, qui en fut le premier en i3i2, jusqu'à M. Valleteau de Chabrefis, qui en a été le dernier en 1790.

Nous remarquons que Guillaume Travaillard, dans un titre daté de i3i2, prend la qualité de sous- bailli , ce qui répondait à celle de lieutenant.

BAILLIS. <■ 4^3

SI".

BAILLIS DES RESSORTS ET EXEMPTIONS.

Nous avons expliqué la différence qu'il y avait entre ces officiers et ceux du bailliage. Comme ils sont en petit nombre , nous allons en donner la suite pour compléter l'histoire de nos baillis.

La Treille (Jean de ) , de 1370 à 1376. Il est le premier qui ait été spécialement commis, en 1370, pour connaître des causes des privilégiés des trois provinces. On lui donna depuis les exemptions du Poitou, ainsi qu'on le remarque par un titre de 1372. En quittant ces fonctions, il passa bailli d'Arras, dont il prêta serment à la cour en 1376. Il fut ensuite bailli d'Amiens, en 1379, ^^ Rouen en i383, et de Gisors, en iSgi.

Armeville (Thomas d'), écuyer, fut bailli des ressorts des quatre mêmes provinces que son prédé- cesseur en 1375, 1376 et 1377.

Négron ( Pierre de ) , chevalier , conseiller du roi , seigneur de Négron près Amboise , bailli des ressorts de Chartres , fut commis par le roi aux mêmes fonc- tions pour la Touraine , l'Anjou , le Maine et le Poi- tou. C'est ce qu'on voit par un titre du 25 septembre 1379.

Ailgembourse ( Pierre d' ). Celui-ci n'eut dans ses attributions que les trois provinces , depuis l'année 1377 jusqu'en 1391.

4ê^ histoire de touraine.

Bueil (Pierre de), chevalier, chambellan du roi, se trouve avec la qualité de bailli des exemptions de Touraine , Anjou , Maine et Poitou , dans des titres des années 1407, i4o8 et i4i3. Il exerça , en effet, depuis 1391 , jusqu'à i4i6. Il était frère de Jean de 1 Bueil , quatrième du nom , grand-maître des arbalé- triers de France, et , comme lui , se rendit célèbre par sa bravoure et ses faits d'armes contre les Anglais. Tous les deux étaient nés au château de Bueil en Touraine.

Montejean ( Renaud de), chevalier, chambellan du roi , fut nommé par la cour de parlement , le 11 janvier ï4i6j bailli des exemptions de Touraine, d'Anjou, du Maine et du Poitou. Il fut père de Jean P' de Montejean, qui épousa Marie, fille de Hardouin VIII de Maillé, et de Perrenelle d'Am- boise.

Remeneuil (Guillaume de) , chevalier , conseiller et chambellan du roi , fut bailli des exemptions de Touraine, en 1417 ? et dans la même année, il fut nommé gouverneur-bailli de Touraine, comme on l'a vu au § I du chap. II. Depuis lui , nous ne trou- vons plus de baillis spéciaux pour les exemptions. Il paraît que les baillis -gouverneurs en firent les fonctions jusqu'en i568, époque où, comme nous l'avons dit , Charles IX en donna les attributions aux baillis et sénéchaux des trois provinces , chacun en ce qui le concernait.

.VI:

IICTENDANS. 4^5

JQ, iij'

CHAPITRE IV.

INTENDANS DE ÏOURAINE.

Les rois des deux premières races se reposaient ^ pour l'administration intérieure de leurs provinces, sur des commissaires que l'histoire nous fait con- naître sous le nom de missi dominici. Il y en avait ordinairement deux pour chaque province ^ un comte et un ecclésiastique qui était presque toujours ua évêque. L'un avait dans son département les affaires civiles, et l'autre, celles du clergé, qui n'étaient pas alors les moins importantes, eu égard à Ja grande influence que ce corps avait dans l'état. Cet ordr* de chose se maintint en Touraine jusqu'au règne de Louis-le-Bègue; mais il ne fut plus question de ces commissaires sous le gouvernement des comtes hé- réditaires qui , fixant habituellement leur résidence dans leurs provinces, y avaient leurs officiers parti- culiers , et souvent rendaient eux-mêmes la jus- tice à leurs sujets. Ces comtes, à la vérité, étaient les grands vassaux de la couronne ; mais ils étaient réellement les souverains de leurs états, et plus d'une fois on les a vus faire la guerre au monarque. On ne parla donc plus de ces missi dominici^ pendant près de sept cents ans , lorsque enfin les troubles violens

I

4f 6 HISTOIRE DE TOURAINE.

suscites par la différence des opinions religieuses firent sentir à Charles IX , vers 1 564 •> ^^ nécessité d'avoir dans chaque province un commissaire dé- parti, revêtu de grands pouvoirs, pour maintenir l'ordre, et surtout pour faire exécuter les nombreux édits que faisaient naître, abroger, et renaître les vicissitudes d'une guerre intestine, et des pacifica- tions toujours méconnues dans les succès , mais invo- quées dans les défaites.

Henri III , quoique son royaume ne fût pas moins en proie aux fureurs des factions, mais vivement pressé par les remontrances de trois ordres, dans les états tenus àBlois en 1676, abolit ces commissaires par un édit de i58o. Cette révocation, qui fut géné- rale, dura trente-huit ans, c'est-à-dire depuis i58o jusqu'à 161 8, époque, ils furent rétablis et maintenus pendant trente ans , sans aucune innova- tion.

Louis XIV, par une déclaration donnée à Saint- Germain-en-Laye , le î^o. octobre 1648 , les abolit de nouveau , mais non pas entièrement , car il les con- serva dans les provinces de Bourgogne , Languedoc, Provence , Lyonnais , Picardie et Champagne. Cette suppression, selon toute apparence, ne fut pas de longue durée , car à peine aperçoit-on un léger in- tervalle dans la série de nos intendans.

Ces magistrats n'eurent d'abord dans leurs attribu- tions que la justice et la police, ce qui les mettait dans l'obligation de faire enregistrer leurs commis- sions aux présidiaux , ils avaient séance. Depuis

INTENDANS. 4^7

le cardinal de Richelieu , vers 1 687, on y ajouta le droit de connaître de toutes les affaires qui concernaient les impôts et l'administration des fonds publics. Dès ce moment, ils prirent le titre d'intendans de justice, police et finances , qualité qui leur était donnée par leurs provisions.

Nous allons présenter le tableau de tous ceux qui ont exercé les fonctions d'intendant , d'abord dans la Touraine , ensuite dans la généralité de Tours.

1 565-1 566. Viole (Jacques), seigneur d'Andresel et d'Aigremont , conseiller au parlement de Paris , est le premier que nous voyons revêtu de la qualité d'intendant, pour la province de Touraine seule- ment. Les lettres patentes de Charles IX, données à Blois, le 4 décembre i565, lui conféraient le pou- voir « de connaître de toutes causes civiles et cri- « minelles, malversations des juges, port d'armes, « assemblées illicites, séditions et autres cas sembla- « blés; présider en toutes les justices du bailliage, ce évoquer devaai lui les causes des juges inférieurs, if juger en dernier ressort avec dix conseillers du bail- ce liage ou avocats tels qu'il voudrait choisir; convo- cc quer et assembler les officiers et habitans , voir ce les départemens des élus, leur faire administrer la «justice, écouter leurs plaintes, et en cas d'abus, ce malversations ou négligence , en donner avis à Sa ce Majesté. »

Nous avons cité ce passage , pour faire voir quelles étaient dans ces premiers temps les attributions de 3. ' ay

4l8 HISTOIRE DE TOURAINE.

ces magistrats. Ces lettres furent enregistrées au prë- sidial (le Tours le 19 décembre id65.

Jacques Viole n'exerça ses fonctions d'intendant que pendant environ six mois. Il paraît qu'il s'en dé- mit en faveur de son neveu Bruslart. Il revint a Tours en iSôg, mais seulement comme commissaire du roi pour faire exécuter un arrêt du conseil qui rétablissait le corps-de-ville sur le même pied quil était par l'édit de création , arrêt contre lequel il exis- tait une opposition très-prononcée de la part des habitans , qui ne voyaient pas sans humeur un corps composé de cent privilégiés.

Déjà, en i559, il avait été nommé par le roi, avec Christophe de Thou et Barthélemi Faye , pour la réformation des coutumes de Touraine. en 1617, de Jacques Viole et d'Isabeau Caille, il mourut à Paris, le 3o juillet i584. Son fils, Jacques Viole, fut premier président aux requêtes du palais.

' 1 566-1 58o. Bruslart (Pierre, troisième du nom), succéda a son oncle Jacques Viole, par lettres pa- tentes du 16 juillet i566, et ne fut pourvu comme lui que de l'intendance de la Touraine. Il monta sur le siège et y tint l'audience le i^' août suivant. Ses fonctions cessèrent au moyen de l'édit de i58o, qui révoquait tous les intendans, ou plutôt les com- missaires départis; car alors ils n'avaient pas d'autre qualité.

Il mourut en i584 j étant président des enquêtes. Il avait épousé Marie Cauchon , qui lui porta les terres de Puisieux et de Sillery. Cette dernière ayant

INTENDANS. 419

été érigée en marquisat en 1 619, ce fut son fils aîné, Nicolas , qui le premier prit la qualité de mar- quis de Sillery.

( Intervalle de trente-huit ans. )

i6i8-i63o. Aubery l'aîné (Jean), conseiller d'état et du conseil privé du roi , maître des requêtes , fut le premier qui fut pourvu de la commission d'inten- dant de justice et police dans les provinces de Tou- raine, Anjou et le Maine, par lettres patentes de Louis XIII du 3o juillet 1618, époque les in- tendances furent rétablies , et quelques-unes , au nombre desquelles était la Touraine , érigées en gé- néralités. Il était fds de Jacques Aubery, lieutenant civil de Paris , qui fut envoyé par Henri II en An- gleterre, en i555, pour y traiter de la paix.

« Jean Aubery, disent Ancillon et Du Maurier « dans leurs Mémoires , était un homme habile , es- te timé des savans, et en commerce de lettres avec le « célèbre Duplessis-Mornay. Il épousa en premières (c noces Catherine de Bellièvre , dont il eut une seule « fille qui fut très-estimée à la cour, elle était « ordinairement avec Marguerite de Montmorenci , « princesse de Condé. M'"" Aubery a été célébrée par « Voiture , qui a fait plusieurs vers à sa louange. » Son père mourut en i636, doyen des conseillers d'état.

i63o-i637. Ktampes (Jeand'), chevalier, sei-

27.

/|!iO HISTOIRE DE TOURAINE.

gneur de Valençay, conseiller d'état et du conseil privé , conseiller au parlement de Paris , maître des requêtes , et président du grand conseil , fut nommé intendant de la généralité de Tours par lettres pa- tentes données à Fontainebleau le 5 juin i63o, vé- rifiées au parlement le i4 septembre i63i.

Il fut envoyé ambassadeur auprès des Grisons lorsqu'il quitta son intendance, en lôSy, et ensuite vers les États de Hollande. Il était fils de Jean d'É- tampes , chevalier des ordres du roi , et de Sara d'Aplincourt , et h Tours ainsi que le cardinal de Valençay son frère. Il mourut le 4 février 167 1 , âgé de soixante- dix-sept ans.

1637-1641. Martin (Pierre), seigneur de Lau- bardemont, conseiller du roi en ses conseils d'état et privé, maître des requêtes, fut le premier inten- dant qui ait eu les finances dans ses attributions. Son mot affreusement célèbre Donnez-moi une ligne de l'écriture d'un homme, et j'y trouverai de quoi le faire pendre», fut sans doute ce qui lui mérita la préférence , de la part du cardinal de Richelieu , pour présider la commission chargée d'instruire le procès d'Urbain Grandier. Le dévouement servile qu'il mon- tra au cardinal dans cette horrible affaire lui valut l'intendance de la généralité de Tours , qu'il conserva jusqu'à la fin de 1640. En 1642, il fut encore choisi par le cardinal pour assurer la condamnation de Cinq-Mars et de François-Auguste De Thou. Ainsi sa conduite iustifîait ses maximes. Il laissa en mou- rant une mémoire abhorrée et un nom devenu

IjSTENDANS. 4^1

injure. On fît sur lui ce quatrain, au sujet du procès de Grandier :

Vous tous qui voyez la misère De ce corps qu'où brûle aujourd'hui , Appreuez que son commissaire Mérite mieux la mort que lui.

Il eut d'Éléonore Fourre de Dampierre , son épouse, un fils nommé comme lui Pierre Martin de Lau- bardemont qui, quoique marié à la veuve de Jean de Bragelogne , s'associa, dit-on, à une troupe de voleurs dans laquelle il fut tué. Si le fait est vrai, ce fils n'avait pas dégénéré.

164 1- 1642. Renouard (Jean- Jacques), seigneur de Yillayer, conseiller du roi, maître des requêtes ordinaire de son liotel , fut nommé intendant de jus- tice, police et finances de la généralité de Tours, par lettres patentes données à Saint-Germain-en- Laye le j6 janvier 1641 , et enregistrées au prési- dial de Tours le i5 mai suivant. Il avait été reçu conseiller au parlement le i4 jî^iin i632, et conseiller d'état en 1674- H en mourut le doyen en mars 169Î , âgé de quatre-vingt-sept ans.

L'académie française, en i658, l'avait admis au nombre de ses membres; mais il n'est pas à notre connaissance qu'il ait publié aucun ouvrage. Ce fut en considération des services qu*il avait rendus dans j. ses divers emplois, disent les lettres patentes d'érec- tion, que la terre de Villayer, en 1749? f"t érigée en comté pour Claude-François de Kenouard , l'un

4^2 HISTOIRE DE TOUR^\mE.

de ses descendans. Ce comté était passé dans la fa- mille de Rosmadec.

1642-1643. Besançon (Charles de), chevalier, seigneur de Jaligny et du Plessis, baron de Bazoches, conseiller d'état, maître des requêtes, obtint l'inten- dance de la généralité de Tours par lettres patentes données à Saint-Germain-en-Laye en 1642. Mais il ne la conserva que jusqu'au commencement de l'année i643, ayant été à cette époque appelé au conseil d'état.

1643-1647. Héere (Denis de), seigneur de Vau- doy , de Poncelet, de Rademont, du Four, du Grès , du Colombier, du fort de Presle, etc., conseiller du roi en ses conseils d'état et privé. Il fut reçu con- seiller au parlement le 28 mai 1627, maître des re- quêtes le 12 septembre i636, intendant de }a géné- ralité de Bourges en i638, et de celle de Tours par lettres patentes données à Saint-Germain-en- Laye le 29 avril i643, enregistrées au présidial de Tours le jeudi 28 mai suivant. 11 y fut maintenu jusques en 1648, époque les intendans furent de nouveau supprimés, mais presque immédiatement rétablis.

En 1644 on lui avait adjoint le comte de Serrent, et en 1647 le président Paget. C'est, relativem.ent à notre province, le seul exemple que nous ayons de ces sortes d'adjonctions. Cependant ces deux colla- borateurs aj^ant eu comme lui le titre et la commis- sion d'intendant de la généralité , nous les placerons ici dans Tordre de leurs nominations.

IJVTENDAWS. 4^^

1644-1647. Bautru ( Guillaume de ) , troisième du nom, comte de Serrent, conseiller d'état, et du conseil prive du roi, fut adjoint en i644 *^ Denis de Héere, avec le titre d'intendant pour la partie de l'Anjou, province dont sa famille était originaire. En 1647 , il quitta ces fonctions pour être garde des sceaux et chef du conseil de Monsieur, frère unique du roi.

Il était fils de Guillaume de Bautru, comte de Serrent , ambassadeur à Vienne , en Espagne et en Savoie, qui fut l'un des premiers membres de l'aca- démie française. C'était ainsi que son père un homme h bons mots. Il mourut en t 7 1 1 , âgé de quatre-vingt-treize ans. L'une de ses deux filles avait épousé le frère aîné du grand Colbert.

1647-1648. Paget ( Jacques ) , seigneur de Ville- nomble , président de la chambre des comptes de Montpellier, et maître des requêtes en i644- En 1647, on le donna pour successeur au comte de Ser- rent, et quoique adjoint il reçut commue lui par sa commission le titre d'intendant de justice, police et finances de la généralité de Tours. Il exerça donc conjointement avec Denis de Héere , et se retira en même temps que lui , d'après la déclaration du roi du 22 octobre 164B qui révoquait les intcndans, à l'exception des six provinces dont nous avons parlé.

Son fils, Jacques Puget, fut exempt dans les gardes- du-corps du roi.

1 649- 1 656. De Héere (jDcnis ). Lorsque Louis XIV

I

4^4 HISTOIRE DE TOURAINE,

eut rétabli les intendans , huit mois environ après les avoir révoques, celui-ci fut pourvu d'une nouvelle commission pour la généralité de Tours, que cette fois il administra seul jusqu'à sa mort, en i556. De Tours , son corps fut transféré à Paris, et inhumé à Saint-Christophe. Il était arrière-petit-fîls de ce Denis de Héere, conseiller au parlement, d'abord ligueur outré, mais qui, ayant changé de principes, fut arrêté par les ligueurs eux-mêmes , et conduit à la bastille avec plusieurs autres conseillers au parle- ment, d'après ce que dit le P. Maimbourg. Cepen- dant on lit à la fin du tome II de la Satyre Ménippée qu'il se trouvait le sixième sur la liste de ceux qui, en i5ç)^, devaient sortir de Paris.

1656-1657. Hotman (Vincent), chevalier, sei- gneur de Fontenay, Nancel, Marcigny , reçu le 3o mai i65o conseiller au grand-conseil, maître des requêtes le ^'5 août i656, fut en cette même année nommé à l'intendance de la généralité de Tours, qu'il quitta en lôS-y pour passer à celle de Bordeaux, et à celle de Paris en i663. Il remplaça dans la chambre de justice le procureur -général Talon : enfin, en 1669, il fut fait conseiller d'état et inten- dant des finances. Le i4 mars i683, il mourut sans enfans de son mariage avec Marguerite Golbert. Il était fils de François Hotman de Morfontaine , mort ambassadeur en Suisse, et de la même famille que François , Antoine et Jean Hotman , connus par divers ouvrages. François, jurisconsulte célèbre, professait le droit à Bourges lorsque ses écoliers, dont il était

INTEND ANS. ^'l5

chéri , l'arrachèrent aux assassins de la Saint-Bar- thélemi.

1 657-1659. Bochard (Jean, septième du nom), seigneur de Noray et de Champigny, conseiller au grand conseil et maître des requêtes , succéda à Vin- cent Hotman dans rintendancc de la généralité de Tours , d'où il passa en 1659 à celle de Normandie.

Fils de Jean Bochard, conseiller d'état, et petit- fîls de Jean Bochard, premier président au parle- ment de Paris, il mourut le 9 août 1691. Le savant et vertueux Bochard de Sarron , premier président de ce même parlement , et mort révolutionnaire- ment le 20 avril 1794? descendait de Jean, père de celui dont il s'agit ici.

1 659- 1 66 1 . Morant (Thomas de) , chevalier , mar- quis de Mesnil-Garnier, comte de Penzés, etc., con- seiller au grand-conseil le 18 septembre i636, maître des requêtes le 6 août i643, successivement intendant de Bordeaux et de Montauhan en i65o; de Bourgogne en i65i; de Caen en i653; de Rouen en 1 655, obtint l'intendance delà généra- lité de Tours en 1659. Après deux années de fonc- tions dans cette place , il se retira, et fut nommé, le 3o août 1 663 , maître des requêtes honoraire et conseiller d'état. Il mourut à Paris, le 16 octobre 1692 , âgé de soixante-seize ans , et fut inhumé dans leglisc de Saint-Jacques du Haut-Pas. Ce fut en sa faveur, que la terre de Mesnil-Garnier, auparavant baronnie, fut érigée en marquisat sous l'appella-

426 HISTOIHE DE TOUR.UNE.

tion de Morant, en 1672. Son père, Thomas de Mo- rant , maître des requêtes , avait été trésorier de l'é- pargne en 16 17, et grand- trésorier des ordres du roi.

166 1-1663. Lejay ( Charles J, chevalier, baron de Tilly, marquis de la Maison Rouge, seigneur de Saint-Fargeau , de Villiers-sur-Seine, conseiller au grand -conseil le 20 août i638; maître des requêtes le 28 février 1642; intendant de Limoges en i6547 fut nommé en 1661 à l'intendance de la généralité de Tours , d'où il passa à celle de Bordeaux, et enfin à celle de Lorraine. Il mourut à Paris en novembre 167 1 , et eut sa sépulture aux Minimes.

Il était fils de Jacques Lejay ^ conseiller d'état , gentilhomme ordinaire de la chambre du roi , et neveu du premier président Nicolas Lejay.

1 663- 1666. Colbert (Charles) , marquis de Croissy et de Torcy , conseiller d'état , grand-trésorier des ordres du roi , maître des requêtes , commença par avoir en i663 l'intendance de la généralité de Tours, qu'il conserva jusques en 1666, époque oîi il fut nommé président du conseil souverain d'Alsace. Il fut depuis ambassadeur en Angleterre, plénipo- tentiaire au congrès de Nimègue pour la paix géné- rale , et en dernier lieu ministre secrétaire d'état au département des affaires étrangères, en 1689.

Second fils de Nicolas Colbert , il était par consé- quent frère du grand Colbert. De Françoise , fîUe de Joachim Béraud, grand-audiencier de France, il eut trois fils qui formèrent la branche des Colbert-

INTENDAîfS. 4ï^7

Croissy. Il mourut le 28 juillet 1696, âgé de soixante- sept ans.

1666-167 1. Voisin ( Jean -Baptiste ), seigneur de la Noiraye , conseiller du roi en tous ses conseils et maître des requêtes, fut nommé en 1666 à l'inten- dance de la généralité de Tours , il mourut le 26 septembre 1671. Il eut sa sépulture dans l'église de Saint-Vincent , sa paroisse , on lisait son épitaphe.

Son fils Daniel-François Voisin fut chancelier de France le i5 juillet 17 14- On assure que Louis XIV, déjà très-affaibli par l'âge, ayant accordé la grâce à un fameux scélérat , Voisin refusa d'en sceller les lettres. Le roi fît demander les sceaux, et les ren- voya au chancelier après en avoir fait l'usage au- quel ce magistrat s'était refusé : mais Voisin les re- fusa, en disant : Ils sont pollués, Je n en veux plus. Le roi se contenta de dire : Quel homme ! Les lettres furent brûlées, et le chancelier reprit les sceaux en ajoutant : Le feu purifie tout.

1672 -1674. Ribeyre (Antoine de), seigneur d'Ompne, conseiller' au parlement de Paris le 26 mai 1667, maître des requêtes le 27 mai 1667 , in- tendant de Limoges en 1671, et de Touraine en 1672. Il quitta son intendance, le 3o avril 1674? pour aller occuper la place de lieutenant-civil au nouveau châtelet de Paris. Il rentra cependant dans la carrière administrative, et obtint en 1689 l'inten- dance de Poitiers , ayant auparavant été fait conseil- ler d'état, en i68v3. Le 7 octobre 17 12, il mourut conseiller d'honneur au parlement.

4^8 HISïOIllE DE TOURAINE.

Il était de la province d'Auvergne , et fils d'Antoine de Ribejre, lieutenant-général au présidial de Cler- mont , ensuite conseiller à la cour des aides d'Au- vergne. Sa sœur Jeanne épousa Charles Tubeuf , père de celui qui suit.

1674-1680. Tubeuf (Charles), seigneur de Blan- sac, de Vert et de Mondesir, maître des requêtes, succéda en 1674 ^ son oncle dans l'intendance de la généralité de Tours, emploi qu'il occupa jusqu'au 3 septembre 1680, époque de sa mort au chef-lieu de sa résidence. Son cœur fut porté à Saint-Pierre- du-Boiie, sa paroisse, et son corps aux Minimes du Plessis-les-Tours , suivant ses dernières volontés.

Par le lieu de sa sépulture et celle de son prédé- cesseur Voisin , on voit que les intendans n'avaient point alors d'hôtel spécial , et choisissaient à leur gré le lieu de leur domicile.

Ce fut lui qui le premier, en 1678, commença à donner quelque embellissement à la ville de Tours en faisant percer une rue qui la traversait du nord au midi, et que de on nomma rue Traversine. C'est la même que plus tard nous verrons une seconde fois recon- struite régulièrement et former la rue Royale.

Son père, Jacques Tubeuf, conseiller d'état, était président en la chambre des comptes de Paris , in- tendant des finances, et surintendant de la maison de la reine Anne d'Autriche.

1680- 1689. Béchameil (Louis de), marquis de Nointel , conseiller au parlement, maître des requêtes au mois d'avril 1674, et intendant de la généralité

INTEND ANS. 4^9

(le Tours en tG8o, jusques en 1G89. En 1700, il fut fait conseiller d'état, et mourut le 3 mars 1703. Il avait épousé Marie Colbert, dont il eut une fille qui fut mariée à Artus-Timoléon-Louis de Cossé, duc de Brissac.

Le marquis de Nointel avait été comme son père , et après lui, surintendant des maisons, domaines et finances de Philippe d'Orléans, Monsieur, frère unique du roi.

Ce fut lui qui, en 1688 , fît élever à l'extrémité nord de la rue Traversine, dont nous venons de parler, un arc de triomphe à la gloire de Louis XIV. Ce monument, qui portait pour seule inscription LUDOVICO MAGNO , fut détruit en 1777. La con- struction d'une nouvelle rue l'avait fait ériger ; la reconstruction de la même rue l'a fait disparaître.

1689-1704. Hue (Thomas), chevalier, marquis de Miroménil, seigneur de La Roque et de Latingy, conseiller au grand-conseil le 29 mai 1609, maître des requêtes le 10 décembre 1668, président au grand- conseil le 9 mars 167 1 , eut l'intendance de Poitou en 1672, d'où il passa à celle de Champagne en 1673, et enfin à celle de la généralité de Tours en 1689. Président honoraire en 1690, il obtint l'a- grément d'en démembrer son office de maître des re- quêtes. H mourut on août 17T2. Il était fils de Michel Hue de Miroménil, conseiller au parlement de Rouen, et de Marie Duval de Bonneval.

1704-17 10. Turgot (Jacques-Etienne), chevalier, seigneur de Sousmont, Bons, Ussy, Brucourt, etc.,

43o HISTOIRE DE TOUR AINE.

maître des requêtes \e ^i mai 1690; intendant de Metz en 1697 ; de la généralité de Tours en 1704, et depuis de celle de Moulins en 1710, mort le a8 mai 1722. 11 était fîis posthume de Dominique Tur- got, maître des requêtes, et père de Michel-Etienne Turgot , prévôt des marchands, à qui Paris fut rede- vable de ces grands égouts par s'écoulent les im- mondices de cette capitale.

1711-1717. Chauvelin (Bernard de), conseiller au parlement, maître des requêtes le 23 février 1703; intendant de la généralité de Tours en 17 1 1 , de Bordeaux en 17 17 , et enfin d'Amiens en 1740» Nommé conseiller d'état ordinaire, il mourut le 16 octobre 1755, âgé de quatre-vingt-trois ans. Il avait épousé en 1700 Catherine, fille de Louis Martin, seigneur d'Auzielles.

17 17-1721. Legendre (Gaspard-François) , cheva- lier, vicomte de Montclar, baron de Salvagnac, conseiller du roi en tous ses conseils et au parle- ment de Paris, maître des requêtes, en 171 4 inten- dant de Montauban , et de la généralité de Tours en 1717 , mort conseiller d'état. Il avait épousé Marie- Anne Pajot.

J721-1722. Voyer (Marc -Pierre de), comte d'Ar- genson , seigneur de Villantrais , de Lys , baron des Ormes, le 16 août 1696, de Marc- René, garde des sceaux de France , et de Marguerite Lefebvre de Caumartin. Avocat du roi au châtelet en 17 18 , con- seiller au parlement de Paris le 29 août 17 19, maître des requêtes le 1 7 septembre de la même année , et

irrTENDANs. 43 1

lieutenant de police le 26 janvier 1720, place dont il donna sa démission le i" juillet suivant. Il fut nommé intendant de Tours le 18 février 172 1 , et grand cToix, chancelier, garde des sceaux de Tordre de Saint-Louis , par la démission de René Louis , son frère aîné ; mais il ne conserva que très-peu de temps son intendance , ayant é(é rappelé le 16 avril 17 2*2 aux fonctions de lieutenant de police de Paris, dont il se démit de nouveau, en 1724, pour être conseiller d'état. Le régent l'avait nommé, en 17^3, son chancelier garde des sceaux, et surintendant de ses finances, fonctions qu'il continua de remplir, quand ce prince fut mort, auprès du duc d'Orléans son fils. Maître des requêtes honoraire le 27 fé- vrier 1724, il fut reçu membre honoraire de l'aca- démie des sciences : enfin il obtint la surintendance des postes et le ministère de la guerre, qu'il perdit l'un et l'autre, en 1757, par les intrigues de la favo- rite Pompadour, qui le fit exiler à sa terre des Ormes , il est mort, en 1764? avec la réputation d'un homme de beaucoup d'esprit, de savoir et d'ha- bileté dans les affaires.

Il avait épousé, le 24 mai 17 19, Anne Larcher, qui le fit père de Marc-René, deuxième du nom, dont nous avons |>arlc à l'article des lieutenans-géné- raux du roi , ainsi qu'aux grands baillis.

1722-1725. Hérault (René), seigneur de Fon- taine-l'Abbé et de Vaucresson , avocat du roi au châtclet de Paris, le i4 septembre 1712, procu- reur-général au grand-conseil le iG février 1718,

432 HISTOIRE DE TOURAINE.

et maître des requêtes le 28 novembre 1719, avec des lettres de compatibilité. Le 4 mars , il fut pourvu de la commission d'intendant de la généralité de Tours, et le 28 du même mois nommé conseiller d'honneur au grand - conseil. Son administration comme intendant fut, heureusement pour la Tou- raine,de très-courte durée. Le genre de talens dont il avait déjà fait preuve le fît appeler en 1725 à îa place de lieutenant de police de Paris , il eut oc- casion de développer son caractère inquiet et violent. Ce fut à lui surtout qu'on dut de voir ériger l'espion- nage en moyen administratif, invention immorale, signe infaillible d'un gouvernement faible ou oppres- seur, et portée depuis à un point de perfection ef- frayante pour la société.

Après s'être rendu justement odieux dans cet em- ploi , dont il pervertit les attributions pendant qua- torze ans , il fut récompensé de ses services , le 20 décembre J739, par l'intendance de Paris : mais il n'en jouit pas long-temps , éiant mort le 2 août 1740? âgé seulement de quarante-neuf ans. Il avait épousé en secondes noces Marie-Hélène , fille de Jean Moreau de Séchelles , contrôleur - général des finances , en 1756.

1725-1726. Ravot ( Jean- Baptiste ), seigneur d'Ombreval, avocat-général à la cour des aides de Paris, maître des requêtes en 1722, fut nommé en 1725 à l'intendance de la généralité de Tours, qu'il quitta l'année suivante. Après avoir administré plu- sieurs autres provinces, il fut choisi en 1739 pour

INTENDANS. 4^^^

remplacer René Hérault dans les fonctions de lieute- nant-général de police de Paris.

Il était fils de Jean-Baptiste Ravot d'Ombreval, également avocat-général à la cour des aides de Pa- ris , et de Geneviève Berlhelot.

1 7 26- 1 7 3 1 . Pomraereu (Michel-Gervais-Robert de), marquis de Rizeys, conseiller au parlement de Paris le 17 mars 1706; maître des requêtes le 17 janvier 1713, sur la démission de son père Jean-Baptiste ; intendant d'Alençon en 1720, et de la généralité de Tours en 17^6. Il passa en mars à l'intendance de Pau, il mourut le 17 février 1749-

en i685 , il avait épousé en 1724 Catherine, fille de Jean Oursin , receveur-général des finances à Gaen.

1731-1743. Le Clerc de Lesseville (Charles-Nico- las ) , seigneur de Saint-Leu et de Saint-Prix , baron d'Authon, conseiller au parlement de Paris le i5 avril 1702 ; maître des requêtes le 3 mai 171 1 ; in- tendant de Limoges en 17 16, d'Auch en 17 18, et de Tours en 1731 jusqu'à 1743 : mort le 17 février 1749*

Son père Charles Le Clerc de Lesseville, second de la branche de Saillancourt, était conseillera la cour des aides de Paris, et le fils avait épousé en 1708 Charlotte-Françoise Le Clerc de Lesseville , sa cou- sine germaine , morte en 1 765 à l'âge de quatre- vingts ans.

1743- 1745. Pineau de Lucé (Jacques), seigneur de Yiennay, la Pèchellerie, conseiller au parlement 3. 28

434 HISTOIRE DE TOURAINE.

de Paris le i5 février l'j^o, maître des requêtes le ai juillet 1737, président au grand conseil le 18 avril 1739, fut nommé intendant de Tours en 1743. De il passa à l'intendance du Hainaut en 174^? et à celle d'Alsace en 1753. Il fut conseiller d'état au mois d'octobre 1761 , et mourut en 1764.

Il avait épousé en I743 Marie -Charlotte -Fran- çoise de La Live de Bellegarde.

Ce fut sous sa courte administration que l'on perça et que l'on construisit la rue à laquelle on imposa son nom.

1 745-1 756. Sa Valette de Magnanville ( Charles- Pierre de), maître des requêtes en 1738; il fut nommé en 174^ à l'intendance de la généralité de Tours , qu'il ne quitta, en 1756, que pour passer à l'emploi de garde du trésor royal.

Ce ne fut guère que depuis cette époque que les intendans prirent un peu de fixité, et ne passèrent plus rapidement d'une province à une autre plus importante, après avoir à peine acquis quelques notions sur le pays ils ne faisaient qu'apparaître.

1 766-1 766. Lescalopier (Gaspard-César-Charles) fat d'abord conseiller au parlement de Paris , puis maître des requêtes ; intendant de Montauban en i'74o, et de la généralité de Tours en 1756.

Il descendait en neuvième ligne de Pietro de l'Es- eale, mort en i44^î ^^h ^^ premier, changea son nom , et le francisa en celui de l'Escalopier. Ainsi que les Scaliger , il prétendait , et peut-être avec plus de fondement , être issu des princes de Vérone.

INTEWDANS. 4^5

Ce fut sous lui que furent conçus les premiers projets d'embellissement de la ville de Tours, et sur- tout la construction du nouveau pont, l'un des plus beaux de la France. Au nombre des grands travaux exécutes ou commencés sous son administration , on doit compter l'ouverture de la nouvelle route de Tours à Bayonne , la confection de la belle digue plantée de quatre rangs d'ormeaux , dans une étendue de trois quarts de lieue , pour joindre le coteau de Grand- mont , et enfin un fort beau pont en pierres établi sur le Cher , vers l'extrémité de cette chaussée.

1 766- 1 783. Ducluzel (François-Pierre) , chevalier, marquis de Montpipeau , baron du Chezay, seigneur de Blan ville, etc., d'une ancienne famille du Périgord. Maître des requêtes en 1759, il fut nommé en 1766 à l'intendance de Tours, qu'il ne voulut plus quitter , quoiqu'on lui en eût offert de plus impor- tantes.

Il ne négligea rien pour porter à leur perfection les grands travaux commencés sous son prédécesseur , et ne profita guère de son crédit et de ses liaisons avec le duc de Choiseul, alors gouverneur de la Touraine , que pour l'avantage de la province.

On ne pourrait lui reprocher qu'une mauvaise opération faite , dit-on , par égard pour son épouse , femme d'ailleurs très-respectable. Comme elle ne pas- sait qu'en tremblant sur le mauvais pont de bois du canal de Sainte-Anne pour aller à sa maison de Saint- Côme , au lieu d'en faire construire un plus solide , soit en bois , soit en pierre , on le supprima tout-à-

a8.

435 HISTOIRE DE TOURAINE.

fait, et avec lui la communication du Cher à la Loire, opération non-seulement nuisible au com- merce, mais encore à la salubrité de ce canton, se trouve placé l'hôpilal général, parce que ce canal, interrompu dans son cours, s'était converti en un vaste marais qui commence pourtant à se combler.

Cet intendant est mort à Tours en 178^, géné- ralement regretté. Il n'était âgé que de quarante- quatre ans. Son corps fut transporté à sa terre de Montpipeau , pour laquelle il avait une prédilection toute particulière. Il n'est point d'intendant qui ait laissé à Tours une mémoire aussi révérée.

1783- 1789. Daine (Marius-Jean-Baptiste-Nicolas), membre de l'académie royale de Berlin , et maître des requêtes en 1 757. Il fut d'abord nommé à l'intendance de Pau en 1767 ; à celle de Limoges en 1774? et enfin à celle de la généralité de Tours en 1783. Il la conserva jusqu'à l'époque des premiers troubles de la révolution naissante , qui le déterminèrent à quitter précipitamment la ville de Tours et à se re- tirer à Paris , le nom seul d'intendant suffisant à cette époque pour devenir une cause de proscription.

Quelque temps après il s'éloigna de la France, il revint cependant en des temps plus calmes, et mourut à Paris en i8o4, âgé de soixante- treize ans.

Il était beau-frère du célèbre baron d'Holbach, dont il paraît qu'il n'avait pas adopté les principes philosophiques , quoique lui-même cultivât les lettres. On a de lui une traduction en prose des quatre

INTENDANS. 4^7

églogues de Pope. 11 a traduit également de Robert Dodsiey, t Économie de la vie humaine, lon^-tem^s attribuée au comte de Chesterfieid. Il avait la réputa- tion d'être fort instruit ; mais surtout très-grand par- leur. On assure que c'est à lui que la maligne mar- quise Du Deffant dit un jour, après l'avoir écouté long- temps : « Mon cher monsieur Daine, si vous pre- niez un autre livre , celui-ci est un peu ennuyeux. » On sait que la marquise était aveugle.

Ce fut le trente-troisième et dernier intendant de Tours.

FIN DE LA TROISIÈME PARTIE,

HISTOIRE

DE TOURAINE.

QUATRIÈME PARTIE

HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE

I

Le diocèse de Tours avait moins d'étendue que la province; il ne contenait que 3o3 paroisses, y com- pris les seize de la ville de Tours , et renfermait en outre i6 chapitres, 17 abbayes, 4 commanderies de Tordre de Malte , 98 prieurés simples , 4^0 chapelles fondées, 4^ monastères d'hommes et 29 couvens de filles, en tout 943 établissemens ecclésiastiques; mais nous n'entrerons dans quelques détails que relative- ment aux plus anciens et aux plus importans de ces établissemens , nous bornant à indiquer l'époque de la fondation et de la destruction des autres.

La province ecclésiastique de Tours comprenait les diocèses du Mans, d'Angers, de Nantes, de Rennes, de Dol , de Saint-Malo , de Vannes , de Quimper, de

44o HISTOIRE DE TOTJRAIINE.

Léon, de Trëguier et de Saint-Brieuc; mais ces onze suffragans sont étrangers à notre travail.

Le diocèse était divisé en trois archidiaconés , six archiprêtrés , et subdivisé en vingt-trois doyennés

ruraux.

CHAPITRE I.

COLLÉGIALES. SI-

SAINT-GATIEN, CATHÉDRALE.

La première église de Tours les chrétiens com- mencèrent à s'assembler, fut bâtie par saint Lidoire , successeur de saint Catien, vers le milieu du qua- trième siècle, au moyen de l'abandonnement de sa maison que fit un centurion nommé Cornélius, suivant le témoignage de saint Jérôme , dans sa 44*" épître à Marcellus. Crégoire de Tours, liv. x, ch. 3i , dit que ce fut dans la maison d'un sénateur dont il ne nous transmet pas le nom. Quoi qu'il en soit, c'est que furent sacrés saint Martin et tous les évêques ses suc- cesseurs. Dès son origine, saint Martin la mit sous l'invocation de saint Maurice, et elle y resta jusqu'à la fin du treizième siècle, elle porta indistincte- ment le nom de Saint-Maurice ou de Saint-Catien ; mais ce dernier a prévalu, et ce changement fut opéré h l'occasion d'une confrérie que les chanoines

SAINT-GATIEN. 44 1

avaient établie en Thonneur de leur premier ëvêque.

Il est probable que cette église commença à jouir du droit de métropole du moment que les Romains eurent établi la ville de Tours métropole de la troi- sième province lyonnaise. Telle est l'opinion de beau- coup de savans, contraire à celle de la cour de Rome, qui a toujours prétendu que le droit de métropolitain ne dérive point de l'état civil, mais de l'autorité des apôtres et des papes.

Grégoire, en parlant d'elle, ne la nomme jamais que l'église sainte , l'église de Touis. Adrien I" , Urbain II, Alexandre III, s'expriment à son égard dans les mêmes termes. Adrien II, écrivant à Charles- le-Chauve en 871, la cite comme la seconde ou troi- sième église de France. Nos rois l'ont toujours honorée de leur bienveillance et d'une protection toute parti- culière. Philippe-Auguste écrivit au pape Luce III qu'il la considérait comme un des plus beaux fleurons de sa couronne , et que quiconque attaquerait l'église de Tours, s'attaquerait à sa propre personne. Ce prince, ainsi que son prédécesseur, la défendit constamment contre les entreprises de Henri II et de Richard- Cœur-de-Lion, comtes de Touraine, lorsqu'ils ten- tèrent de diminuer ses attributions. De même les rois Jean, Charles V, Charles YI, Charles VII et Henri IH ne permirent jamais que l'archevêché de Tours fût distrait de la couronne toutes les fois qu'ils donnèrent la Touraine en apanage.

Cette église fut brûlée deux fois. La première dans un incendie général de la ville en l'année 56 1 , sous

44^ HISTOIRE DE TOURAINE.

l'ëpiscopat de saint Euphrône , et la seconde en ii 66 par un ëvënement dont nous avons donne les détails au 6" livre de notre Histoire. Elle fut rétablie en premier lieu par Grégoire de Tours , qui l'orna de plusieurs peintures , ainsi qu'il le rapporte lui-même. Mais la seconde basilique, celle qui existe encore aujourd'hui, ne s'acheva pas aussi promptement. G)mmencée vers 1170, son chœur ne fut terminé que sous le règne de saint Louis , c'est-à-dire environ un siècle après, ainsi qu'on le voit aux vitraux qui sont bordés des armes de Blanche de Castille sa mère (1). Les travaux se continuèrent à l'aide des indulgences que les papes Eugène IV, Sixte IV et Innocent VIH accordèrent à ceux qui contribueraient à l'achèvement de cet édifice. Malgré cela , il ne fut porté à sa perfection qu'en i5o7 et en i5io, époque ses deux tours jumelles furent achevées aux frais de l'un de ses chanoines nommé Gavé.

L^ chapitre de Saint-Gatien était un des plus anciens de France et le premier dont il soit fait men- tion dans l'histoire. Grégoire de Tours nous apprend qu'il fut établi par saint Baud , seizième évêque, qui sépara la mense des chanoines d'avec le revenu de l'évêque. Il était composé de huit dignités, sa- voir : le doyen , le grand archidiacre , le trésorier , le chantre, le chancelier, l'archidiacre d'outre Loire, l'ar- chidiacre d'outre Vienne et le grand archiprêtre. On

(i) Dans l'un des vitraux du chœur on remarque les armes de la ville, qui dans ce temps étaient une tour surmontée de trois autres petites tours , et ornées des bannières de France.

SAINT-GATIEN. 44^

donnait autrefois le titre d'abbés aux cinq premiers dignitaires qu'on nommait aussi les cinq prieurs; ils étaient appelés, mais seulement pour la forme, lorsque l'archevcque voulait conférer une dignité ou une prébende de son église. Ce fut l'archevêque Barthélemi II qui , à la prière de son chapitre, sup- prima, en 1187, l'office d'écolâtre, dont le revenu fut annexé à la dignité de chancelier. Des quarante- neuf prébendes , l'une était affectée à l'Hotel-Dieu^ la seconde au collège de Tours, et deux autres à l'entretien de la psallette. On y comptait en outre huit personnats, l'archiprêtre de Loches, ceux de rile-Bouchard , de Sainte-Maure et d'outre Vienne , le sous-pelletier, le sous-chantre, le grand pénitencier, créé en 148 5 par une bulle d'Innocent VIII, et le secrétaire. Il y avait de plus un maître et un sous- maître de psallette, deux diacres, seize vicaires, deux marguilliers , dix enfans de chœur et plus de cent chapelains. Le grand sceau du chapitre était un saint Maurice , et le petit était un écu d'argent à la croix pattée de gueules.

Le doyen, élu par le chapitre, était confirmé par l'archevêque. Nous en comptons soixante-trois depuis Frandebertus en SSq jusqu'à N* Ducluzel qui en fut le dernier en 1782, époque de sa mort.

Dans le 1" volume de notre Histoire, nous avons donné quelques détails sur les premiers cvêques de Tours. Il nous reste îi en offrir ici la liste complète dégagée des erreurs de chronologie qu'on remarque dans celles qui avaient été publiées précédemment.

444 HISTOIRE DR TOURAINE.

I. Saint Catien est généralement reconnu pour avoir été le premier évêque de Tours en ^Si , jus- ques en 3o4. Après sa mort, le siège resta vacant environ trente-sept ans.

1, Saint Lidoire, ou Litoire, lui succéda en 34i , et mourut en 374*

3. Saint Martin, célèbre dans toutes les Gaules, fut appelé au siège de Tours en 375 , ou même vers la fin de 374. Ceux qui placent sa mort en 397 font remonter son ordination en 37 1 ; mais nous démon- trerons ailleurs qu'il mourut véritablement l'an 400.

4. Saint Brice avait été le disciple chéri de saint Martin, auquel il succéda en 4oo. Après avoir quitté et repris son siège, il mourut en 447*

5. Saint Eustoche fut élu immédiatement après la mort de saint Brice. Le premier concile qui ait eu lieu dans la province ecclésiastique de Touraine fut tenu par lui à Angers le 4 octobre 453. Il mourut en 4^4? ou en 461 suivant ceux qui font mourir saint Martin en 397.

6. Saint Perpète , ou Perpétue. Crégoire de Tours nous apprend qu'il fut ordonné soixante-quatre ans après la mort de saint Martin. D'après notre suppu- tation , ce dut être en 464' Premier concile tenu à Tours en 461 , suivant les uns, et selon nous en 482. Saint Perpète mourut le 8 avril 494»

7. Saint Volusien, de 494 à 498 ou 499? ^poq"^ il fut exilé et mis à mort par les Visigoths.

8. Vérus. L'incertitude qui règne sur la date de l'exil et de la mort de son prédécesseur, ne permet

I

SAINT-GATIEN. 44^

pas de préciser celle de l'ordination de celui-ci. On présume que ce dut être vers l'an 5oo. Envoyé de même en exil par les Visigolhs, il y mourut vers l'an 507.

9. Licinius tint le siège depuis 607 jusqu'en 5 19.

10. Procule et Théodore siègent simultanément en 519. On assure qu'ils moururent à peu de jours d'intervalle, en 62 1.

11. Dinifîus. Quelques-uns placent entre lui et les précédens un saint Arnoux , qui n'a jamais été évêque de Tours. Dinifîus n'occupa le siège que jus- qu'en t)2a ou 523 au plus tard.

12. Ommatius, de 5ii à 526.

i3. Léon, abbé de Sain l-Martin , est promu au siège épiscopal en 52 5, et meurt en 527. 14. Francilion, de 527 à 529. t5. Injuriosus, de 529 à 546.

16. Saint Bauld, de 546 à 552.

17. Contran P% ou Gonthaire, de 552 à 555. Il y eut après sa mort une vacance de dix mois.

i8. Euphrône, de 556 à 573. Sous lui eut lieu, en 566, le 17 novembre, le deuxième concile de Tours.

19. Grégoire, dit de Tours. Il nous apprend qu'il fut élu en 573. 11 occupa glorieusement ce siège jus- qu'à sa mort en 595.

20. Pelage P% Pallade, ou Pelade, car dans les manuscrits ce nom s'offre sous ces trois variantes. Il succéda à Grégoire , et mourut en 602.

44^ HISTOIRE DE TOUR AINE.

2 1 . Luparius , Leuparius , ou Leopacharius , de 602 à 614.

22. Algérie ou Agiric, de 6i4 à 617.

23. Ginaldus ne siégea qu'environ quinze mois, et mourut en 618.

24. Valatus ou Yalarius, de 618 à 619. 2 5. Sigelaïcus, de 619 à 622.

26. Leobald ou Liébaud, de 622 à 625.

27. Modégisile, de 625 à 638.

28. Latinus, de 638 à 65o.

29. Carigisile, de 65o à 652.

30. Rigobert , de 652 à 654-

3i. Papolène, de 654 à 660. L'année même de sa mort , il assembla à Nantes un concile , qui fut le premier de cette ville.

32. Chrotbert, de 660 à 695. Son nom a retenti long-temps dans l'église de Saint-Martin , relative- ment au privilège d'exemption qu'il lui avait accordé. Nous ne plaçons pas après lui un évêque du nom de Bert, ainsi que quelques-uns l'ont fait, parce qu'il est démontré que ce Bert est le même que son pré- décesseur.

33. Pelage ou Pelade , deuxième du nom , de 69$ à 700.

34. Evartius ou Ebartius, de 700 à 709.

35. Ibbon, de 709 à 724. H confirma le privilège que Chrotbert avait accordé à l'église de Saint- Martin.

36. Contran, deuxième du nom, était abbé de

SAINT-CATIEN. 44?

Saint-Martin , dont a son tour il confirma les privi- lèges quand il eut succédé à Ibbon en 724. H mourut en 73-2.

37. Didon ou Vidon, de 73^ à 733.

38. Raimbert ou Rigambert, de 733 à 752.

39. Aubert, de 762 à 754.

40. Ostald, de 754 à 760.

41. Gavien, de 760 à 765.

42. Eusèbe,de 76^ à 771.

43. Herling, de 771 à 792.

44- Josepli, premier du nom, de 792 à 81 5. En 796 , il tint à Tours un concile qui en est le troi- sième.

45. Landran, premier du nom, de 81 5 à 836. Il est le premier de nos évêques qui ait été décoré du pallîum , et qui par conséquent ait été revêtu du titre d'archevêque, que tous ses successeurs ont porté depuis.

46. Ursmarus , second archevêque , succéda à Landran en 836. En 843, il assembla un concile à Loire en Anjou ; et dans la même année , un autre à Colaines en Touraine. 11 mourut en 846.

47. Landran, deuxième du nom, de 846 à 852. L'archevêque de Gonzié , dans son rituel de 1785, ne l'a point compris dans la série de nos archevêques , probablement parce qu'il aura cru qu'il était le même que Landran i*^**; mais c'est une erreur qui se dé- montre par les deux conciles que Ursmarus présida en 843. Landran 2** fut élu en 846, et siégea jus- qu'en 852. Il présida eu 849 le concile de Paris , ce

44^ ' HISTOIRE DE TOURAINE.

qui le fit appeler également concile de Tours , ou des quatre provinces.

48. Amalricus ou Amaury , de 85^ à 856. Il fut, en 853 , l'un de ceux qui présidèrent le concile tenu à Soissons le 10 avril, en présence du roi Charles-le- Chauve. Il mourut au commencement de l'année 856.

49. Herard fut élu au mois d'avril 856. Le 16 mai suivant, il assembla à Tours un concile, ou plutôt un synode de tous les curés de son diocèse , l'on arrêta cent quarante canons de pure discipline. Il présida le concile tenu à Soissons le 18 août 866 par ordre du pape Nicolas F"", et mourut fort avancé en âge, sur la fin de l'année 871.

50. Actard , de 87 1 à 874. H avait été précédem- ment évêque de Nantes, et deux fois violemment chassé de son siège; la première par les Normands, et la seconde par le duc de Bretagne. Il mourut au mois d'octobre 873.

Entre lui et le suivant , Maan et Leclerc de Bois- rideau placent un Ragenelmus ou Rageneaume; mais c'est une méprise de leur part. Ragenelmus était évêque de Tournay et non de Tours.

5i. Adalardus ou Adalandus,de 874 à 891. Il fut excommunié en 882 , ainsi que les archevêques de Rouen et de Bourges , pour avoir communiqué avec Formose , évêque d'Ostie ; mais ils furent ensuite absous par le pape Marin. Ce fut lui qui reçut à Tours la châsse de saint Martin, rapportée d'Auxerre en 887 par les soins du comte Ingelger. Il mourut en 890.

SAINT-GAÏIEN. 449

52. Héberne, de 890 à y 16. Il était Yun des moines de Marmoutier qui avaient accompagné en Bourgogne les reliques de saint Martin. A son retour, il fut choisi pour succéder à Adaland. Il mourut sur la fin de 916, âgé de quatre-vingt-quatorze ans.

53. Robert, deuxième du nom, de 916 à ySa. Ce fut lui qui, le i3 mai 917, consacra la nouvelle église de Saint-Martin , dans laquelle il fît transférer le corps du saint. Ayant fait un voyage à Rome, à son retour il fut assassiné au passage des Alpes , en 93 1 , par des brigands qui, la nuit, le surprirent dans sa tente ainsi que ceux de sa suite , qui presque tous éprouvèrent le même sort.

54. Théotolon, de 93^ à 945. Il avait été doyen de Saint-Martin, et s'était ensuite retiré à l'abbaye de Gluny, il apprit son élection. Il s'y refusa d'a- bord avec assez d'opiniâtreté ; mais saint Odon , son abbé et son ami, le força d'accepter. Ce fut lui qui fît reconstruire l'église et l'abbaye de Saint-Julien de Tours , qui avaient été ruinées par les Normands.

55. Joseph , deuxième du nom , de 945 à 967 , époque de sa mort le 18 juin.

56. Frotaire, de 957 à 960. La Chronique de Tours le fait mourir en 966; mais ou ne doit pas avoir grande confiance dans sa chronologie, qui se trouve ici en contradiction avec des auteurs contem- porains qui sont des guides plus sûrs.

57. Uardouin , de 960 à 980. L'an 985, il consa- cra l'égUse de Notre -Dame- de -Loches, bâtie par Geoffroy Grisegonnelle, comte d'Anjou et seigneur

3. 29

45o. HISTOIRK DK TOURAINE.

de Loclies. Il mourut peu de temps après celte céré- monie, ayant tenu le siège, suivant le cartulaire de Saint- Julien, dix-neuf ans onze mois et neuf jours.

58. Archambaud, de 981 à ioo5. Il était fils d'Arcanaldus , seigneur de Sully ; il est en effet nommé Arcenaldus, dans un titre de l'abbaye de Marmoutier ; mais le nom d'Arcbambaud a prévalu. Nous avons eu occasion de parler de lui au iv^ livre de notre Histoire. Ce fut lui qui le premier attaqua , mais vainement , les privilèges d'exemption de l'église de Saint-Martiii.

5c). Hugues, premier du nom, de ioo5 à 102 3. Son père était Hugues de Châteaudun, et sa mère Hildegîarde du Perche. Il excommunia Hubert, évêque d'Angers, pour être entré à main armée dans la Touraine, il avait commis des excès indignes d'un évêque. En ioi4j il consacra l'église de Saint- Martin qu'avait fait reconstruire le trésorier Hervé, et mourut le 1 2 mars , ou , selon d'autres , le i o juin I023.

60. Arnoul, neveu du précédent, fut élu en loaS, à la place de son oncle. En io3o, il consacra l'église abbatiale de Noyers, et mourut en io52, ayant tenu le siège environ vingt-neuf ans.

6ï. Barthélemi j premier du nom, de io53 à 1068. En io55, il présida le cinquième concile de Tours, convoqué relativement à l'hérésie de Bérenger, qui Setnbla l'abjurer de bonne foi, mais qui ne tarda pas à se rétracter. La même année , Barthélemi ouvrit à Angers un autre concile, dont le but était le même,

s AIN T-G À TIEN. 4^1

et qui eut un pareil résultat. Enfin, le i*'inars 1060, il présida le sixième concile de Tours. Il mourut le 11 avril 1066, la quinzième année de son épiscopat. Après sa mort, le siège éprouva une vacance de quatre ans.

62. Rodolphe, autrement Raoul I", de 1072 à io85, fils de Foulcroy, seigneur de Langeais. Son épiscopat s'ouvrit par un événement fort simple en lui-même, mais dont pourtant on tira un mauvais au- gure; il fut effectivement très-orageux. Comme il était sur le parvis de l'église pour aller se faire instal- ler, l'archidiacre, lui demandant, suivant l'usage, si son entrée était pacifique, une pierre se détacha du clocher, et tua auprès de lui un de ses officiers. Nous renvoyons à ce que nous avons dit de ses différens démêlés , au v^ livre de notre Histoire.

63. Rodolphe ou Raoul II , surnommé d'Orléans , pour le distinguer de son prédécesseur, auquel il succéda en 1086. Son épiscopat est surtout remar- quable par le concile que le pape Urbain II tint à Tours en 1096, pour engager les chrétiens à se croi- ser. Ce concile est le septième de Tours, et le trei- zième de la province ecclésiastique. Raoul II mourut le 26 août II 1 7 , selon le cartulaire de Pont-le-Voy. La Chronique de Tours le fait mourir en 11 19.

64. Gilbert, neveu du précédent, deiiiBà iisS. La noblesse, en opposition au clergé et au peuple, avait élu de son côté Gautier, grand-chantre de Saint- Martin ; mais, à la recommandation du roi, le premier fut choisi par le pape. Étant allé à Rome pour y

^9-

452 HISTOIRE DE TOIIRAÏNE.

suivre le procès contre les évêques deDol, il y mourut en iisS, suivant le témoignage d'Orderic Yilalis, qui était contemporain. L'auteur de la Chronique de Tours, et Guillaume de Nangis, qui n'écrivirent que dans le siècle suivant, reculent sa mort de deux ans.

65. Hildebert, de ii25 à ii34. H était évêque du Mans , lorsqu'il fut promu à l'archevêché de Tours. Ainsi que Grégoire, il se signala par ses écrits qui l'ont fait mettre au rang des pères de l'Église du douzième siècle. Nous avons plus amplement parlé de lui à la fin de notre v^ livre. Nous ajouterons qu'il assembla à Nantes , au mois d'octobre ii 27 , un con- cile composé de tous ses suffragans, dans lequel Conan , duc de Bretagne , renonça au droit de sau- vetage, en vertu duquel étaient inhumainement dé- pouillés tous ceux qui faisaient naufrage. Hildebert mourut le 18 décembre ii34 , âgé de plus de quatre- vingts ans.

66. Hugues a*" , surnommé d'Étampes ou de Char- tres, de II 34 à 1148. La Chronique de Tours, et Guillaume de Nangis se sont également trompés en le faisant mourir, l'une en 1 149? et l'autre en 1 1 5o.

67. Engebaud, de ii48 à 11 57. Il était fils de Geoffroy de Preuilly , dit Jourdain , et d'Euphrosine de Vendôme ; ainsi il avait pour frère Geoffroy-Grise- gonnelle II, comte de Vendôme. Les auteurs varient sur la date de sa mort ; mais la pancarte noire de saint Martin lui donnant neuf ans d'épiscopat, il est clair qu'il dut mourir en 11 57.

68. Joscius , Josse ou Joscion , de 11 57 à 1174»

SATIVT-GVnii.X. 453

Deux circonstances ont rendu son ëplscopat remar- quable. La première est le concile assemblé à Tours par le pape Alexandre III, le 10 mai 1 163. Ce concile fut si célèbre, qu'il fit donner à la ville de Tours le nom de seconde Rome. On y compta dix-sept cardinaux, cent vingt-quatre éveques et quatre cent quatorze abbés. Le second événement est l'embrasement de la catliédrale de Tours, en 1166, à la suite d'une émeute occasionée par le conseil que Joscion avait donné au roi de remettre entre les mains seules de ses commissaires les sommes que Henri II , roi d'An- gleterre , avait fait lever dans ses états pour la Terre- Sainte, et qui avaient été déposées dans cette cathé- drale. Joscion mourut le i3 février 1174? si pauvre par suite de son amour pour les procès, qu'il laissa à peine de quoi faire face aux frais de ses funérailles.

69. Barthélemi II, de 11 74 à 1206. Il était fils de Geoffroy Grisegonnelle , comte de Vendôme , et de Mathilde de Châteaudun , par conséquent neveu d'Engebaud, prédécesseur de Joscion. Ce fut lui qui, en 1 189, fit à Foutevrauld les obsèques de Henri II, roi d'Angleterre , et comte de Tourainc , en présence de Richard-Cœur-de-Lion , son fils et son successeur. Barthélemi avait pour frère Hugues de Vendôme,' doyen de sa cathédrale , et pour neveu Jean de Faye , qui succéda à celui qui suit.

70. Geoffroy de La Lande, et non du Lude, comme quelques-uns l'ont écrit, de 1207 à 1208. On voit qu'il ne tint le siège que fort peu de temps, étant mort à Tours le ig avril 1208, après Pâques.

454 HISTOIRE DE TOURAINE.

On croit que sa mort ne fut pas naturelle , et Guil- laume de Nangis fait entendre qu'il aurait été em- poisonné.

71. Jean de Faye, de 1208 à 1228. Lors de l'élec- tion , les voix furent partagées également entre lui et Robert de Vitré; mais Robert étant mort en allant à Rome pour tâcher de faire valider son élection , celle de Jean de Faye fut confirmée par le pape. Le mar- tyrologe de la cathédrale place sa mort au 2 3 avril 1226; mais la chronique latine de l'abbaye de Saint- Julien de Tours l'indique d'une manière bien plus exacte, et qui ne peut laisser aucun doute. Elle dit qu'il mourut en Tannée 1228, cycle de la lune xiii, indiction i, épacte xii, circonstances qui ne peuvent en effet s'appliquer qu'à l'année 1228 et non à 1226.

72. François Cassard, de 1228 à 1229. Maan l'a omis dans sa liste des archevêques; mais les frères Sainte-Marthe et André Duchesne prouvent qu'il le fut véritablement, ce qui est en outre confirmé par son épitaphe qu'on lisait dans l'église des Jacobins de Lyon , il mourut en 1237. Il avait été nommé cardinal du titre de Saint-Martin-du-Mont.

73. JuheJ de Mayenne^ fils de Juhel, deuxième du nom, de 1229 à i244- Nous trouvons trois con- ciles tenus sous son épiscopat ; l'un à Château-Gon- tier en I2 3i ; l'autre à Tours en 1236, et le dernier encore à Tours en 1239. Maan parle de deux autres qçijciles qui, selon lui, auraient eu lieu àSaumuren 15^4^ ^t 1243; mais ni l'un ni l'autre ne se trouvent d^ns les recaeiU des coaciles. Juhel quitta au mois

SàïNT-GATIEN. 455

d'août 1244 l'archevêché de Tours , pour passer à celui de Reims.

74. Geoffroy Marcel ou Marceau, de \il^S à laSl. Il était fils de Geoffroy-Marceau et de Philippe de Sablé , seconde fille de Robert d^ Sablé et de Clé" mence de Mayenne. Il ne fut sacré qu'en ia45> après la Pentecôte. On croit qu'il était neveu de Juhel de Mayenne. Il mourut le 12 juillet I25i.

Maan a fait deux archevêques de ce Geoffroy Marceau , en mettant l'un sous le seul nom de Geof- froy , et l'autre sous celui de Martel.

75. Pierre de Lamballe, de I25i à I256. Ce sur- nom lui venait du Ueu de sa naissance. En I253, il tint un concile à Saumur, et un autre à Château- Gontier en 1254-

76. PhiUppeF^de i256à 1257. Le peu de durée de sou épiscopat Ta fait omettre par quelques auteurs ; mais son existence a été prouvée et rétablie par les auteurs de la Gallia Christiana^ d'après des titres de l'abbaye de Baugerais , de l'année 1257.

77. Vincent de Pirmil, ou suivant d'auti-es de Pinellis, de 1267 à 1270. Il ouvrit à Nantes, le mardi après la Saint-Pierre 1 264 , un concile com- posé de ses dix suffragans, et en 1268, le lundi gprès la Madelaiue , il en tint un autre à Chateau- Gontier. Sa mort est indiquée au [9 septembre 1270.

78. Jean de Monsoreau, de 1271 à i285. Il fut élu le jeudi i(3 janvier, après la fête de Saint-Hilaire 1270, c'est-à-dire 1271, nouv^^au style. On compte cinq conciles sons sou épiscopat. Il tint le premier à

4^6 HISTOIRE DE TOURAINE.

Rennes, le 22 mai layS ; le deuxième à Saumur, le 3i août 10, -76; le troisième à Langeais, en 1278; le quatrième à Angers, le 11 octobre 1279; et le cin- quième à Tours, en 1282. Il mourut le 26 janvier 1284. Il avait été pendant quelque temps expulse do son siège , et privé de son temporel , par ordre de Philippe-le-Hardi , fils de saint Louis , dont il finit par recouvrer les bonnes grâces.

79. Olivier de Craon , fils de Maurice IV de Craon. Élu par la voie du compromis, dont il fut fait usage pour la première fois le 24 mai i285 , il mou- rut à Rome dans la même année, sans avoir été sa- cré, en sorte qu'on pourrait, à la rigueur, ne pas le compter au nombre de nos archevêques.

80. Bouchard Daye , Dain , ou plutôt Daën , de 1285 à 1290. On se servit encore de la voie du com- promis pour cette élection, qui fut confiée à Lui Bou- chard, trésorier, et à Renaud de Montbazon, doyen du chapitre de la cathédrale. Celui-ci désigna son collègue, qui fut en conséquence proclamé le jeudi 20 décembre 1285. Il mourut au mois d'octobre 1290.

81. Philippe de Candé. Il paraît que la méthode du compromis était alors en faveur, car on en fit de nouveau usage pour donner un successeur au précé- dent. L'élection ayant été remise à trois chanoines, Philippe fut élu le 3 janvier 1291 ; mais il mourut le i5 février suivant, quarante jours après son élection, sans avoir pu prendre possession du siège ; ainsi il se trouve dans la même catégorie que Olivier de Craon.

82. Renaud de Montbazon, de 1291 à i3i2.Il

SAllNT-GATIEN. 4^7

était fils de Geoffroy de Montbazon et de Jeanne de Vendôme. Ce fut encore par la voie du compromis que celui-ci fut élu; mais cette fois, le choix fut confié à dix membres du chapitre, tant dignitaires que chanoines , qui nommèrent leur doyen Renaud le 29 avril 1291. Il alla à Rome la même année, et obtint ses bulles au mois de décembre suivant. Il mourut à Tours le 23 août i3i2. Il eut sa sépulture dans la cathédrale, entre les deux piliers du sanc- tuaire, oïl on lui érigea un grand monument qui fut détruit en 1684 pour faire place h une balustrade qui découvrait le grand autel.

83. Geoffroy de La Haye, de i3i2 à i'5i3 , fils de Philippe, seigneur de La Haye, et d'Isabelle de Passavant. Deux conciles eurent lieu sous son épisco- pat; le premier à Saumur, le 3 octobre i3i5, et le deuxième à Château-Gontier, en 1 320. Il mourut le i3 avril 13^3.

84. Etienne de Bourgueil , lieu de sa naissance, de 13^3 à i335. Le pape Jean XXIl ayant nommé, de piano Jure, un jeune homme qui n'était pas encore dans les ordres, le chapitre s'en plaignit au roi, et un arrêt du parlement du 2 mai i323 ordonna au chapitre de s'assembler pour procéder suivant les formes accoutumées h l'élection d'un nouvel arche- vêque , et les suffrages se réunirent en faveur d'Etienne , quoique de parens obscurs. Peu de temps avant son décès, il fonda à Paris, en i334, un collège pour les pauvres écoliers de son diocèse. Il mourut le 6 mars j33'>.

458 HISTOIRE DE TOCRAINE.

65. Pierre de Fretaud, de i335 à 1357. I^ ^^^ principalement son élection à la recommandation du pape Benoît XII. Le 20 novembre i336, il tint un concile à Château-Gontier, et un autre à Saumur, en 3.34^; mais ce dernier n'est pas mentionné dans les recuieijs généraux, quoiqu'il soit composé de trente-* fleux. jçai>ons. Pierre Frétaud, ou, suivant d'autres, de Fritof;, m(>urut le 21 mai i357.

B6. Pliijippe Blanche, de 135^ à i363. Ce fut le premier qui se fit porter par les barrons le jour de son lentrée. Il était si libéral envers les pauvres , qu'il ne laissa pas de quoi se faira enterrer.

S'j, Simon de Pe^pul, 4^ i363 à iSyQ. H ne fut sacre qu'en i364. H tint un concile à Angers, en .i36l5 9 et obtint de Charles V, au mois de septembre ^372^ que dorénavant les archevêques de Tours §çr|iieqt ppnseillers-nés au parlemeut de Paris.

88. Séguin d'Anton, de 1379 à i38o. Il fiit pomwé direçtemjent par Charles V, en vertu l'in- duit accordé k Sa Majesté par Clément VII, pape d'Avignon , qui avait transmis au roi la faculté de npmmer au^ premières dignités de toutes les églises 4e son royaume. Séguin d'Anton abdiqua son arche- vêchié en 1 38o , et fut nommé patriarche d'Antioche.

8q. Aleaume Boistel, de i3SiQ à i383. Il fut utilement employé dans diverses négociations par Cliarles YI; mais il mourut en i383, n'ayant, dans cours de ces trois années, résidé que peu de temps d^us spn diocèse.

90. Guy de Roye, de i383 à i384. H ne con-

SAINT-GATIEN. 4^9

serva qu'un an rarchevêché de Tours , d'où il passa à l'archevêché de Sens , et ensuite à cohii de Reims. En se rendant au concile de Pisc, il fut tué à Vollri près Gènes, dans une sédition suscitée par l'un de ses gens qui avait tué un homme du peuple avec lequel il avait eu querelle.

91. 5éguin d'Anton, pour la seconde fois, de i385 à 1395. Malgré son abdication pour le patriar- cat d'Antioche, le pape Clément VII lui accorda, au mois d'avril i385, de nouvelles bulles qui l'auto- risaient à réunir l'admimstration spirituelle et tem- porelle de l'archevêché de Tours, au spirituel et temporel du patriarcat d'Antioche; mais au lieu du titre d'archevêque, il ne voulut prendre que celui d'administrateur perpétuel. Il mourut à Candes le a5 mai 1895, et eut sa sépulture dans l'église collégiale du lieu.

92. Ameil Dubreuil, de i395 à i6i4' Son élec- tion eut lieu le 26 juillet. Ce fut lui qui conseilla d'ei^ agir avec Benoît XIII par la voie de la douceur ^ préférable à celle des armes. Il fut en conséquenc.e député vers lui en 14^7? pour l'amener à renoncer au saint- siège; mais ses démarches furent vaines. Il mourut à Tours le i*'' septembre 14^4-

93. Jacques Gélu, de i4i4 ^ ^^^'J- Sa nomina- tion par le pape Jean XXIII eut lieu en vertu du droit de résiervation. Il fit son entrée solennelle le 8 avril i4i5, et partit aussitôt pour le concile de Constance, le pape Benoît fut déposé. Le concile ayant statué qu'il serait adjoint aux cardinaux , po^r

46o HISTOIRE DE TOURAÎNE.

l'élection du nouveau pape, cinq dcpulës de chaque nation, Jacques Gélu fut du nombre des cinq prélats français, et il eut même des voix au conclave. Au mois de juillet 14^6, il permuta avec Philippe de Coëtquis pour l'archevêché d'Embrun , il mourut le 7 septembre i[\Si.

94. Philippe de Coëtquis ou Coëtkis, de 1427 à i44i- Il 116 fwt installé que le 29 mai 1428; il ou- vrit à Nantes, le liS avril i43i , un concile synodal de tous les évêques , abbés ^t chapitres de la province ecclésiastique. Choisi pour être ambassadeur du roi auprès du concile de Baie, il y fut créé cardinal le 12 novembre i44o> P^ï* l'anti-pape Félix; mais il ne jouit pas long-temps de la pourpre , étant mort à Tours huit mois après, le 12 juillet i44i*

gS. Jean Bernard, de i44i *^ i466. Charles VII le nomma son ambassadeur à Rome, et il fut envoyé dans la même qualité, en \t\^l\^ auprès de Henri IV, roi de Castille. Il avait tenu à Angers, en i44^5 ^^^ concile qu'on ne trouve point dans les recueils. Tours, qui était le lieu de sa naissance, fut témoin de sa mort le 28 avril 1466. Il était âgé de quatre-vingts ans.

96. Giraud Bastet de Crussol, de 1466 a 1468. Sa nomination fut l'ouvrage du pape Paul II , et eut lieu en vertu du privilège des grâces expectatives. Sacré le i3 octobre 1466, il se démit de son archevêché en 1468, pour l'évêché de Valence, en Dauphiné, et fut ensuite nommé patriarche d'Antioche. Il mou- rut à Valence en 1472.

SAINT-GATIEN. ^6 S

97. Hëlie de Bourdeilles, de 1468 à 1484. De l'évêchë de Përigueux il passa à rarchevêché de Tours. Aucun de ses prédécesseurs ne s'était encore signalé par un zèle aussi ultramontain. 11 avait beau- coup d'empire sur l'esprit de Louis XI , et ne con- tribua pas peu à lui faire abolir la pragmatique sanction, monument de sagesse et de politique de Cbarles VIL Ce dévouement servile lui mérita le chapeau que lui donna Sixte IV, en i483, sous le titre de Sainte-Lucie. Il mourut l'année suivante au château épiscopal d'Artannes, le 5 juillet, âgé seu- lement de soixante-un ans.

98. Robert de Lénoncourt, de i484 à 1509. Le chapitre s'étant assemblé plusieurs fois, sans avoir pu s'accorder pour donner un successeur à Hélle de Bourdeilles , le pape Sixte IV , à la demande du roi , nomma Robert de Lénoncourt, qui n'était âgé que de vingt-cinq ans, avec la clause qu'il n'aurait l'ad- ministration du siège que lorsqu'il aurait atteint sa vingt-septième année. Cinq ans après, il permuta son archevêché de Tours contre celui de Reims, dont il fut pourvu le 7 avril 1 509.

99. Charles -Dominique de Carette, ou plutôt Caretto, de i5o9 à i5i4. H était frère de Fabrice Caretto, grand-maître de Rhodes. Il fut employé par Charles VIII dans plusieurs négociations importantes auprès du pape Pie II, de Ferdinand, roi d'Espagne, et de Maximilien , roi des Romains. Le pape Jules II le créa cardinal du titre de Saint-Vital, puis de Saint- Nicolas, et enfin de Sainte-Cécile. Il avait échangé

46'^ HISTOIRE DE TOURAINE.

avec le précédent, contre rarchevêché de Tours celui de Reims , qui est réputé le premier siège de la Fï'ance. Il se démit de nouveau de celui de Tours pour l'évêché de Gahors. Il est vrai qu'il était en même temps archevêque de Thèbes. En iSio, il avait présidé le douzième concile de Tours. Tl mourut à Rome, au mois de juillet iSiy.

loo. Christophe deBrillac, de i5i4 à i520. Il était fils de Jean de Brillac , chevalier, seigneur d'Argy, de Monts en Touraine, et d'Anne de Tran- chelion. Sous son épiscopat furent consacrées , par lui l'église de Chenonceaux, reconstruite par Thomas Bohier eu i5i5 ; et par Odarl , évêque de Troyes, le àvt novembre iSig; celle de Vérets, bâtie par Jean de La Barre , seigneur du lieu.

loi. Martin de Beaune, de jSso à i^a^jfilsdu surintendant Jacques de Beaune de Semblançay. Ce fut le premier qui fut nommé par le roi, en vertu d\i concordat de Léon X. Il mourut à Tours le i juillet 1527, du chagrin que lui causa le procès de son père , dont il ne vit pas du moins le supplice qui eut lieu six semaines plus tard.

lOa. Antoine de La Barre, de iSay à i547. Le 6 février i533, il consacra l'éghse de Vosnes, au- jourd'hui Rochecorbon , qui , du coteau elle était au*]f>àrcivant placée à côté du château , avait été trans- férée dans le vallon ou on la vait encore à présent.

11 était au château de Vérets, dont son père Jean de La Barre était seigneur. Son diocèse le perdit le

12 janvier i547.

SAI^T'ÔAÏIEK. /f^â

to3. George d'Armagnac , de i547 ^ '55i , car- dinal du titre de Saint-Jean et Saint-Paul, ndtnmé par le roi François I". Il était fils de Pierre d'Anna^ gnac , comte de l'Ile-Jourdan , et de Yoland de Haye-Passavant. Il se démit de cet arehev^clié éhtre les mains du roi en 1 55 1 , et fut successivement arche- vêque de Toulouse et d'Avignon , il motiif'Ut le ^ juin i585.

104. Étieiine Poncher, de i55i à i553. De l'évêché de Bayonne , Henri H l'appela à rarclieVêché de Tours, lieu de sa naissance, en vertu de btilles du pape Jules HI du 6 avril i55ï. Il mourut à Paris le ï5 mars l553, à l'âge de quaraute-tjuatre ans.

!o5. Alexandre Farnèse, cardinal, de i553 à l65^, fils de Pierre- Louis Farnèse, duc de Parme et de Plaisance. En i554, il remit son archevêché entre les mains du roi , et reçut en échange l'abbaye de Bonport , diocèse de Saint-Brieuc. Il mottrut à Rome le 3 mars 1589.

106. Simon de Maillé de Bréiié, de i554 à t5gf. Il était déjà évêque de Viviers , lorsque la fateùr de Diane de Poitiers , sa parente , lui procura l'archevê- ché de Tours. De retour du coBfcile de Constance, en i583, il assembla à Tours, au mois de: mai , un con- cile qui fut obligé , h cause de la peste qui venait de 5e déclarer dans cette ville , de se transférer à Angers. Son penchant pour la ligue hii attira des désagi*é- mens qui le forcèrent de quitter la ville de Tours, et de se reléguer dans son château de Brézé , il mourut le 1 1 janviet» 1 5g7 , Agé de quatre-vingt-

464 HISTOIRE DE TOURAIHE.

deux ans. Quelques années auparavant, il avait failli d'y être écrasé par la chute du plancher de la chambre dans laquelle il couchait , chute qui causa la mort de plusieurs des siens.

107. François de La Guesle, de 1^97 à 161 4- H était fils de Jean de La Guesle, premier président au parlement de Paris , et n'en perdit pas moins le pro- cès qu'il intenta au chapitre de Saint-Martin , dont il voulait faire abolir le privilège d'exemption. Ce fut son père qui perça de son épée Jacques Clément, au moment oii il venait d'assassiner Henri IIL

1 08. Sébastien Dori-Galigaï , abbé de Marmoutier, frère de la maréchale d'Ancre, de 1616 à 1617. Il n'avait pas encore pris possession de son siège, lors- que le maréchal , son beau-frère , fut tué sur le pont du Louvre le 24 avril 16 17. Craignant la fureur populaire qui se manifestait dans tout Paris, il se réfugia au collège de Marmoutier, rue Saint-Jacques , d'oii il partit secrètement pour l'Italie, laissant vacans son siège et son abbaye.

1 09. Bertrand d'Eschaux ,dei6i7ài64i. Nommé à l'évêché de Eayonne, en 1598, il fut appelé au siège de Tours le 20 juin 1617. Ce fut lui qui admit dans l'intérieur de la ville de Tours les minimes, les prêtres de l'Oratoire, les religieuses ursulines, les fdles de la Visitation et celles du Calvaire. Il mourut à quatre-vingt-cinq ans, le 2J mai 1641.

iio. Victor Le Bouthillier, de 1641 à 1670. Ayant cédé son évêché de Boulogne à un neveu de l'archevêque Bertrand d'Eschaux, il fut nommé

SAINT-GATIEN. 4^5

coadjuteur de ce dernier, et lui succéda de plein droit après sa mort. Ce fut lui qui établit un séminaire à Tours, et qui y appela les religieuses capucines ainsi que celles de l'Annonciation appelées les Bleues. 11 termina sa carrière à soixante-treize ans , le 1 2 sep- tembre 1670. Il était oncle du célèbre abbé de Rancë. m. Charles de Rosmadec, de 1671 à 167a. Le roi le fît passer, ainsi que quelques autres de ses prédécesseurs, du siège deBayonne à celui de Tours, cil sa cathédrale le reçut solennellement le 12 jan- vier 1672. Mais le mauvais état de sa santé lui fit sentir le besoin de prendre les eaux thermales. Il se rendit h celles de Bourbon, il languit encore quelques mois, et finit par y mourir le 12 juillet de la même année. Ses restes furent rapportés à Tours, et inhumés à Saint-Gatien.

112. Michel Amelot de Gournay, de 1673 à 1687. Il avait été nommé évêque de Lavaur l'année qui précéda sa translation à l'archevêché de Tours, dont il prit possession le 16 novembre 1673. 11 confia aux prêtres de la Mission la direction du séminaire créé par Victor Le Bouthillier, et établit à Tours, en 1670, les filles de l'Union chrétienne. Sa carrière ne fut pas longue. Il la termina le 17 février 1687, à l'âge de soixante-trois ans.

11 3. Claude de Saint-Georges, de 1687 à 1693. Il avait successivement occupé le siège de Maçon , en 1682, et celui de Clermont, en 1684, lorsqu'il fut appelé à l'archevêché de Tours; mais d'après la mésintelligence qui régnait alors entre les cours de

3. 3o

466 HISTOIRE Di: TOURA.INE.

Rome et de Versailles, il ne put parvenir à obtenir ses bulles: c'est pourquoi, dans l'assemblée générale du clergé de 1690, il ne prend que la qualité cVar- chevêque désigné. Cependant, les difficultés ayant été aplanies, il fut nommé, le 5 septembre 1693, à l'archevêclié de Lyon, il mourut en 1714»

ï ï/j. Matthieu Jsoré d'Hervaut, de 1698 à 1719. Ji n'avait pas encore reçu ses bulles pour l'évêché dje Condom, que le roi le transféra au siège archiépisco- pal de Tours, le 17 novembre de la même année 1693. Plusieurs de ses successeurs avaient tenté vainement de soumettre à leur juridiction le chapitre de Saint- Martin , et de faire abolir ses privilèges d'exemption. Ce fut lui qui les attaqua avec le plus de chaleur et de ténacité, et ses efforts furent couronnés du succès que lui procurèrent deux arrêts du parlement dics 20 novembre 1700 et i3 avril 1709. Le chapitre de sa cathédrale fut compris dans cette abolition. Il jouit encore dix ans de son triomphe, étant mort à Paris, en 17 19» dans sa soixante-neuvième année.

Il 5, Armand-Pierre de La Croix-Castries. Il fut sacré à Paris le 29 octobre 1719; mais il n'avait pas encore pris possession quand , dans le cours de cette même année, au mois de novembre, il fut transféré à l'archevêché d'Alby, oii il est mort le i5 avril 1747» âgé de quatre-vingt-huit ans.

116. Henri-Osvald de La Tour d'Auvergne, de 17 19 à 17^1. Quoiqu'ayant été sacré dans l'année de sa nomination, il ne vint point prendre possession -de son siège, d'où il fut transféré à celui de Vienne

en Daupliiné, le 4 janvier 17^1. Il se démit de cet archevêché lorsqu'il eut été créé cardinal, et mourut à Paris le i3 avril 1747-

117. François Blouet de Camiily, de 1721 à 1723. De révêché de ïulle, qu'il possédait depuis le 1 1 mai 1704, il passa à rarchevêché de Tours, oii il fit son entrée le i" mai 1723. Après quelques mois de séjour à Tours, ayant entrepris une tournée dans son diocèse, il tomba malade à Ligueil, et il y mou- rut le 17 octobre de la même année.

118. Louis-Jacques de Chapt de Rastignac, de 1 7 23 à 1750. Nommé à l'évêché de Tulle en 172 j , il passa au mois d'octobre 1723 à rarchevêché de Tours. La manière brillante dont il parut à l'assemblée géné- rale du clergé, en 1726, donna une si haute idée de ses talens, qu'il fut ensuite choisi pour présider celles de 1745, 1747 ^t T748. Il avait été nommé en 1746 commandeur de l'ordre du Saint-Esprit. Ce fut lui qui, en 174^, ht réunir pour toujours à l'arche- vêché de Tours la mense abbatiale de Marmoutier. On lui dut la fondation et la dotation du collège de Chinon, ainsi que l'établissement de l'hospice de la Madelaine pour les enfans trouvés, qui auparavant étaient placés à l'hôpital. Il mourut au château de Verets, en 1760, âgé de soixante-cinq ans.

1 iQ. Henri-Marie-Bernardin de Rosset de Fleury, de X75oà i774' Gilles de Coëtlosquet, évêque de Limoges, ayant refusé l'archevêché de Tours, le car- dinal de Fleury le fit obtenir à son neveu, qui n'était âgé que de trente-deux ans. Il fut sacré à Saint-Cyr,

3o.

/|()8 HrsToiiu- ni: iodlune.

le -jj) juin 1751 , CM présence du roi et de la famille royale. En 1774? il ^1*^ appelé à rarcheVêché de Cam- bray, qu'il n'accepta qu'après des refus réitérés et sur l'ordre exprès du roi. 11 y est mort le 2 3 janvier 178 J , aussi chéri et aussi vénéré qu'il l'avait été dans son ancien diocèse.

19.0. Joachim-François-Mamert de Conzié, de 1774 à 1790. Son frère aîné, Louis-François-Marc Hilaire, évêque d'Arras, ayant refusé rarclievêché de Tours après la promotion de M. de Fleury, celui-ci y fut nommé à sa place. Il était député du clergé de Touraine aux Etats généraux lorsque la constitution civile du clergé , décrétée par l'assemblée consti- tuante, le détermina à quitter la France et à passer en Angleterre avec son frère, qui, comme lui, y termina sa carrière.

î-21. Pierre Suzor, évêque constitutionnel. Il était curé de la paroisse d'É cueille^ qui depuis a été distraite de la Touraine, lorsqu'il fut nommé éi^éque par rassemblée électorale du département d' Indre-et-Loire ^ conformément aux dispositions de la constitution civile du clergé. Il reçut à Châ" teauroux V institution canonique par V évêque du département de V Indre, et fut sacré à Paris ^ en 1 791 ? dans le mois qui suivit son élection.

Il n'occupa le siège que jusqu'en 1793, époque oit toute espèce de culte fut abolie par la conven- tion nationale; mais ^ en 1797, ^^ culte ayant été rétabli., il assista au concile qui fut convoqué au mois de fructidor. Bientôt une attaque d'apoplexie

S\i:VT-CATlEN. 4^9

Tobligea de renoncer à ses fonctions épiscopales. Il se retira dans le sein de sa famille , à PreuHljr^ il est mort le 1 3 ai'ril 1 80 1 , âgé de soixante- huit ans.

11%, Jean de Dieu-Raymond de Boisgelin de Cicé, ancien archevêque d'Aix, de 1802 à i8o5. D'après le concordat conclu le i5 juillet entre la France et le pape Pie VII, les difficultés qui s'étaient élevées relativement aux institutions canoniques furent en- tièrement aplanies, les archevêchés furent rétablis, et les ëvêques purent aller administrer leurs dio- cèses. M. de Boisgelin fut mis à la tête de celui de Tours, en 1802, et bientôt après nommé cardinal. Ses talens, plus que son nom et ses dignités, l'avaient fait admettre à l'ancienne académie française. Il est mort «î Angervilliers, près Paris, le 'in août i8o5.

123. Louis-Matthias de Barrai, de i8o5 à 1816. En 1788, il avait été sacré évêque de Troyes, et n'avait occupé que très-peu de temps ce siège, dont il fut expulsé par la révolution. Rentré en France sous le consulat, nommé ensuite premier aumônier de l'impératrice Joséphine, il fut donné pour succes- seur au cardinal de Boisgelin. Il est mort à Paris dans l'année 18 16.

\i[[. Jean-Baptiste Duchillau, de 1817 à ï^^4' Evêque de Châlons-sur-Saone en 1 781 , il fut nommé par le diocèse de Langrcs l'un de ses quatre députes aux étals généraux. Comme presque tous les prélats de France, obligé de s'expatrier pour fuir la persé- cution, il quitta sa patrie et n'y rentra qu'avec la

470 HISTOIRE DE TOURAmE.

famille royale. Désigné à rarchevêché de Tours, les obstacles survenus à l'occasion du concordat de 181 7 Tempêchèrent de venir prendre possession de son siège; mais enfin ces obstacles ayant été levés, il se rendit dans son diocèse, oii il fit son entrée le 6 no- vembre 1819. Il y termina sa longue carrière le 26 novembre 1824, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans.

12 5. Augustin-Louis Dumontblanc fut nommé en 1817a l'évêcbé de Saint-Diez , et le 1 2 août 1 82 1 , sacré en qualité d'archevêque de Cartilage et de coad- juteur à l'archevêché de Tours, dont il a pris pos- session en vertu de ce titre successif, le jour même de la mort de son prédécesseur. Ainsi que lui, il a été appelé par le roi h siéger dans la chambre des pairs.

Sn.

SAINT-MARTIN DE TOURS.

Quelque illustre qu'ait été la cathédrale de Tours, on peut assurer que l'église de Saint-Mai^tin fut plus célèbre encore par l'immense réputation que son patron eut dans toutes les Gaules, sa mémoire était en telle vénération , que des contrées les plus éloignées on venait prier à son tombeau, et que le voyage de Tours était assimilé à celui de Jérusalem.

L'église dédiée à saint Martin par saint Brice, son successeur, ne fut autre d'abord que l'oratoire de Saint-Etienne, situé à cinq cent cinquante pas de dis-

SAIiVT-MARTïN. 471

tance de la ville, dans le cimetière des chrétiens. Saint Perpète en fit élever une beaucoup plus vaste sur le même emplacement, vers l'an 469. Elle se vit considérablement endommagée par un premier in- cendie quelle éprouva en 56o, à l'occasion de l'asile que Chramne y avait reçu. Le roi Clotaire, causé première de ce désastre , se chargea de la faire réta-' blir. On croit qu'elle n'eut pas moins à souffrir en 801 d'un second embrasement; mais en 853 , elle fut en grande partie ruinée par les Normands, qui, en Tannée goS , l'incendièrent de nouveau, ainsi qu'une grande partie de la ville de Tours. Robert, second fils de Robert-le-Fort , comme lui abbé de Saint-Martin, la reconstruisit presque entièrement. Elle fut de même enveloppée dans le désastre qui consuma, en 994, le bourg de Châteauneuf. Cette fois, ce fut son: trésorier Hervé qui la fit sortir de ses ruines plus vaste et plus belle qu'elle n'avait été jusque-là. Elle fut terminée en ioi4; niais en 1096 et en ii23, elle eut encore à souffrir des ravages du feu, la première fois par un accident à une imprudence, et la seconde à la suite d'une guerre intestine entre les chanoines et les habitans de Châteauneuf, Enfin le commencement du treizième siècle fut pour la der- nière fois témoin d'une pareille catastrophe. Jean- sans-Terre s'étant emparé de Châteauneuf le 3 1 août iao3, y fit mettre le feu, et l'église de Saint-Martin ne put échapper entièrement aux ravages des flammes. Des temps plus calmes permirent de réparer toutes les parties que le feu avait altérées, et depuis ce mo-

47 2 HISTOIRE DE TOUR AINE.

ment , aucun événement fâcheux ne vint troubler la paix de cette église, jusqu'à l'époque elle eut à déplorer la perte, non-seulement de son riche trésor entièrement pillé par les protestans en i5ô?. , mais encore celle de toutes ses reliques , et surtout du corps de son patron, cause première de son opulence et de tout Téciat qu elle avait répandu.

Tout ce qui tient a l'histoire et aux antiquités de l'église de Saint-Martin, se compose de faits assez nombreux et assez intéressans pour avoir été de notre part l'objet d'un ouvrage spécial qui deviendra une suite nécessaire , et en quelque façon indispensable de notre Histoire. Nous nous bornerons donc ici à indiquer sommairement , ainsi que nous le ferons pour les autres établissemens ecclésiastiques , ce qu'il im- porte le plus de ne pas ignorer.

L'église de Saint-Martin fut d'abord un monastère desservi par des moines sous la conduite d'un abbé régulier. En vertu d'un privilège de l'évêque Chrot- bert et d'une bulle du pape Adéodat, il fut soustrait à la juridiction du métropolitain, et eut ou s'attribua le droit d'avoir son évêque spécial. Ces religieux, devenus opulens et sans doute las de l'uniformité de la vie monastique, se transformèrent , vers l'an 848, en chanoines séculiers. Cependant ils continuèrent d'avoir des abbés, mais séculiers comme eux, parce qu'aucune charte n'avait encore légalisé leur collé- giale. Le dernier de ces abbés fut Hugues le Grand , père de Hugues Capet. Celui-ci ayant été élu roi par la nation, annexa pour toujours à la couronne la

SAINT-MARTIl^r DE TOURS. 47 ^

dignité d'abbé de Saint-Martin, ainsi que le pape Urbain II, en 1096, réunit au Saint-Siège le titre d'évêque de Saint-Martin, d'où cette collégiale s'in- titulait dans tous ses actes au Saint-Siège apostO' lique sujette sans moyen. Les moines, qui étaient précédemment en nombre indéterminé, devenus chanoines, furent fixés à deux cents par Charles-le- Chauve, ensuite à cent cinquante, et enfin à cin- quante, en 1^37, moyennant l'établissement de cinquante-six vicaires.

Quoique la Touraine ait été long-temps soumise \ des comtes héréditaires, l'église de Saint-Martin n'en resta pas moins constamment annexée à la couronne de France, soit avant, soit après que la province y eut été réunie. Les rois, chanoines-nés de toutes les cathédrales, étaient, indépendamment de cela, cha- noines de l'église de Saint-Martin.

Peu de chapitres avaient un clergé aussi nombreux. Sans y comprendre vingt-huit chanoines honoraires, dont quatorze ecclésiastiques et quatorze laïques, il comptait d'abord onze dignitaires, savoir: le doyen, le trésorier, le chantre, l'écolâtre, le sous-doyen, le cellerier, le granger, le chambrier, l'aumonier, l'abbé de Cormery et le prieur de Saint-Come. Après eux venaient les quinze prévôts, savoir : de Mahyet, de Saint-Épain, d'Oé, de Chablis, de Léré, de Milccy, de La Varenne , de Suèvre , de Courçay, de Chalautrc, de Blasiay, de Restigny, d'Antogny, d'Anjou et de Vallières.De plus cinquante-un canonicats, dont huit

474 HISTOIRE DE TOUR AINE.

prébendes étaient distraites pour des services parti- culiers, ce qui les réduisait à quarante-trois chanoines effectif. Les sous-dignités étaient au nombre cinq : le sous-chantre, le sous-pelletier ou supplétier, le sous-écolâtre , le sénéchal et le chefvccier. Il faut y ajouter les trois personnats ou prestimonies de Mo- rîgnaii , de Châtillon , et de Milan en Italie; cinquante- six vicaires, six aumôniers, trois clercs d'aumône, quatre marguilliers , quatre incepteurs, deux péni- tenciers, deux sacristains, un oblatier et quatre- vingts chapelains , au total deux cent soixante-trois bénéfîciers, auxquels il faut ajouter les emplois sui- vans : dix enfans de chœur, un maître de chapelle, un maître de latin, un organiste, huit musiciens semi- prébendës, un pauvre de Saint-Martin fondé par IjOuis XI, quatre bâtonniers, un maître de sonnerie , et trente sonneurs à gages.

Indépendamment des chanoines d'honneur, le chapitre avait établi des associations de confraternité avec les églises les plus célèbres de l'Europe, au nombre de douze cathédrales et d'autant d'abbayes. Enfin il comptait vingt-neuf églises sous sa dépen- dance, tant au dedans qu'au dehors de la province. C'est ce qui lui composa long-temps une espèce de diocèse pour lequel il avait son contingent particulier dans la répartition des décimes.

Nous renvoyons pour tous les autres détails à l'ou- vrage dont nous venons de parler.

Les autres collégiales du diocèse, beaucoup moins

SAINT-VKNANT. 475

considérables, offrant par ce\sL même bien moins d'intérêt, nous aurons peu de chose à dire sur ce qui les concerne.

s in-

SAlNT-VENANT.

Dans l'origine Saint -Venant était un monastère d'hommes placé dans l'intérieur du cloître de Saint- Martin , et fondé vers l'an 460 par saint Silvin, qui fut son premier abbé; mais après la mort de saint Venant, son successeur, l'église fut mise sous l'invo- cation de ce secohd abbé, qui y fut inhumé, et dont les restes furent transférés à Paris, en 856, pour le soustraire aux ravages des Normands. Quand la châsse de saint Martin revint d'Auxerre, on l'avait mise à l'abri de ces barbares, ce fut dans l'église de Saint- Venant, à raison de sa proximité, qu'elle resta dé- posée, jusqu'à la reconstruction de la basilique de Saint-Martin qu'ils avaient détruite.

Les moines de Saint -Venant furent sécularisés dans le neuvième siècle, probablement en même temps que ceux de Saint-Martin. Nous parlons dans notre 4' vol. , p. 174 , de saint Guillaume Firmat, qui, au onzième siècle, était chanoine de Saint- Venant.

Le chapitre était composé de dix chanoines, tous à la nomination de celui de Saint-Martin. Ils étaient reçus dans le choeur ils partageaient les honneurs

47^ HISTOIRE DE TOURAINE.

et les prérogatives des autres chanoines. Il y avait même une prébende qui leur était spécialement affectée et dont ils partageaient entre eux le revenu. Une église paroissiale fut, vers le quatorzième siècle, établie dans son sein pour la commodité des particuliers qui habitaient le cloître ou son voisinage. La cure était à la présentation du chapitre de Saint- Venant, et à la collation du chapitre de Saint-Martin qui était en possession de conférer tous les bénéfices des églises qui dépendaient de la sienne. Cette pa- roisse a disparu en même temps que le chapitre.

s IV.

SA.INT-PIERRE-LE-PUELLIER.

Cette église fut bâtie par saint Perpète, sixième évêque de Tours, vers Tan 670, sous l'invocation de saint Pierre et saint Paul. Grégoire de Tours la dé- signe suffisamment en disant qu'elle était dans le voisinage de Saint-Martin (i). A la vérité il fait men- tion d'une autre église qu'il indique sous le nom de Saint-Pierre seulement ; mais comme il la place vers la cathédrale , il n'est pas possible de les confondre.

(i) L'auteur de la vie de sainle Clotilde s'est trompé en disant que ce fut celte reine qui fit bâtir l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul, qui était devant la porte de Châteauneuf. Mais ceux qui ont prétendu que cette vie avait été écrite dans le sixième ou le septième siècle, se sont trompés également, puisqu'il y est fait mention de Châteauneuf qui ne fut connu qu'au commencement du dixième.

SAINT-PIERRK-LJ-PIIELLIER. /|77

Sainte Clotide , femme de Clovis 1", s'étant retirée à Tours, vers l'an 5i2, y établit une communauté de filles (i), qu'elle plaça auprès de cette église, ce qui lui fît donner le nom do Saint-Pierre-le-Puellier, S. Petrus puellarum , ou a Puellis. Philippe PF en fit don, ainsi que du faubourg Saint-Père dans lequel elle était située, au chapitre de Saint-Martin, parce que les rois de France en étaient seigneurs comme héritiers de la reine Clotilde, qui, lors de sa mort, en avait la possession. Cette donation fut con- firmée par lettres patentes de Louis-le-Gros et de Louis-le-Jeune , ainsi que par une bulle du pape Calixtc II, du consentement de Gilbert, soixante- quatrième archevêque de Tours, sous la réserve de tous ses droits épiscopaux.

Les papes Honoré II et Innocent II confirmèrent de nouveau cette première bulle , mais sans aucune réserve; et ce fut l'origine du différend qui s'éleva dans le douzième siècle entre le litigieux archevêque Joscion et le chapitre de Saint-Martin. La cause portée à Rome fut jugée en faveur de larchevêque; mais le chapitre lui ayant fait fermer les portes du faubourg, Joscion s'en plaignit à Louis VII, par une lettre qu'on lit au 4" vol. des historiens de France.

Ce monastère de filles existait encore au temps de Charlemagne. 11 en est fait mention dans le testa- ment de l'abbé Ithier, en 780, sous le nom de mo^ nasterium puellarum , et il n'y a pas à s'y méprendre

(i) Quelques-uns pensent que ci' nionastèie ne fut établi que par sainte Menegoude après la mort de sainte Clotilde. '

47^ HISTOIRE DE TOUR AINE.

puisqu'il n'existait alors clans toute la province au- cune autre communauté de filles. Il fut depuis con- verti en un monastère d'hommes, et enfin, dans le dixième siècle , érigé eu chapitre et en paroisse simul- tanément.

Le nombre des chanoines avait sans doute été plus grand dans le principe que dans les derniers temps, puisque nous apprenons par une bulle d'Alexandre 111, qu'en 1176 il fut réduit à dix pour les rappeler, y est-il dit, à leur première institution. Ce chapitre et sa paroisse reconnaissaient toujours la juridiction de Saint-Martin. C'était tout ce qui restait à celui-ci de son ancienne propriété.

§ V.

LA BASOCHE.

Nous avons rapporté dans notre m* liv. , p. i[\^% , l'événement qui donna naissance à l'église de La Basoche, ou Notre-Dame-de-la-Consolation. Quoique cet événement datât de l'an 838, elle ne fut cepen- dant construite qu'en 885. Dans cette année , Charles- le-Gros voulant faciliter l'exécution du vœu des habi- tans de Tours, leur accorda, par ses lettres patentes, l'emplacement du palais des Plaids , connu alors sous le nom de Salle maudite^ avec quatre-vingt-seize perches de terrain, y compris le mur et le chemin de ronde.

Ce ne fut long-temps qu'une simple chapelle placée

LE PLESSIS-LES-TOURS. 479

sur les murs de la cité, auprès de la tour du Cupidon; mais, en 1171, elle fut érigée en chapitre par une huile du pape Alexandre III, donnée à Tusculum 20 juin. Ce chapitre, à raison de son origine, était alor§ sous la dépendance de celui dp Saint-Martin; mais environ deux cents ans après, c'est-à-dire verp le milieu du treizième siècle, il en fut distrait pour êjLre agrégé à celui de la cathédrale dans le cloîtrp de laquelle il se trouvait placé. Cette mutation se fît au ipoyen d un accord par lequel le chapitre de Saint- Pierre-le-Puellier rentra sous la juridictioa de celw de Saint-Martin.

L'église collégiale de La Basoche n'était composée que de quatre chanoipes, dont le revenu devait ê^ce assez médiocre, car lors de l'échapge, ceux de Saintr Gatien se dessaisirent d'une de leurs préhendes çf» feveur des premiers auxquels ils accordèrent eq outrç Mpe part dans les distributions manuelles et journar lières.

Ce chapitre a été supprimé au commencement du siècle dernier.

§ VI.

LE PLESSIS-LES-TOURS.

Louis XI, en montant sur le trône, ayant établi sa résidence au Plcssis-les-Tours, dont il fît recou- istruire le château nommé auparavant les Montils, fît consacrer dans l'intérieur une cliapelle royale,

48o HISTOIRK DE ÏOURAINE.

dont il donna ses lettres au mois de novembre 1462. Il n'y plaça d'abord que quatre chapelains dotés de 400 liv. de renie à prendre sur le greffe de la pré- vôté de Chinon, et le tabellionnage dudit lieu. Il paraît que le monarque, dans le choix des quatre premiers titulaires, ne fut point dirigé par l'éclat des noms; car nous voyons qu'il tomba sur les personnes de Nicolas Caudevant, Jean Thuseau, Jean Barbeau et Guillaume Jacob.

Par la suite j voulant donner plus de lustre à cette fondation , il se décida à y établir un collège de cha- noines auquel ces quatre vicaires seraient unis; et, à cet effet, il assigna 4ooo liv. de rente, y compris les 400 liv. des vicaireries ; et pour rendre cette fon- dation stable, perpétuelle et irrévocable, o le bon plaisir vouloir et consentement de notre saint-père le pape, il créa, i** douze chanoines prébendes, qui tous seront de l'âge de cinquante-cinq ans, en ce compris lesdits quatre chapelains; huit vicaires, aussi de l'âge de cinquante-cinq dns, et quatre enfans de l'âge de douze à treize ans, au lieu de l'un desdits chanoines, avec un do^^en et un chantre; la collation des canonicats à lui réservée ainsi que le doyenné; la collation de la chanterie, simple office, ainsi que des huit vicaires réservée au chapitre ; sans que les- dits doyen, chapitre et liabitués dudit collège soient ores et pour le temps à advenir subjects à aucun ordinaire, sinon de notre saint-père le pape seule- ment, sans aucun moyen , le tout selon le bon plaisir, vouloir et consentement du saint-père.

SAINT-FLORENTIN d'aMBOISE. 4^1

Et pour parfaire la fondation de 4,000 liv. , le roi donne le greffe de la prévoté de Chinon, les péages, les deffais diidit lieu ; le greffe du bailliage de Chinon pour la somme de 4oo liv. , et le péage par eau de Langeais, la ferme des bouchages de Saumur, la ferme des nomblages dudit lieu, les exploits de jus- tice, les foires de may et niy-aoust, les deux étaux à boucher, 1 etau h poisson, la ferme du maire, des re- gistres, etc., le tout donné en franchise, aumosne, amorty et indemne. Donné à Tours, au Plessis du Parc-lez-Tours , en novembre 1482.

Ces lettres, enregistrées a la chambre des comptes le 18 juillet t483 et le 29 du même mois en la cour de parlement, ne reçurent l'approbation de Rome qu'au mois de septembre i485, après la mort du fondateur. Ce fut Guy Vigier, abbé de Marmoutier, qui installa le chapitre le 16 août i486. Dans les der- niers temps il n'était plus composé que d'un doyen et de sept chanoines.

§VII.

SAINT-FLORENTIN d'aMBOISE.

Sous Foulques-Nerra , comte d'Anjou et seigneur du château d'Amboise , il y avait dans l'intérieur do ce château une église dédiée à Notre-Dame, bâtie, à ce qu'on croit, par Foulques II dit le Bon, aïeul de Foulques Norra. Celui-ci ayant rapporté , on ne dit pas d'où, le corps de saint Florentin, évêque d'Arles, 3. 3i

482 HISTOIRE DE TOURAINE.

martyriçp en I^o6 , érigea, de concert avec Sulpice P', seigneyr de J^ tour d'Anjboise, la chapelle du cjiâ- teau en collégiale qu'il mit sous l'invocation de saint Florentin , et en même temps il dota le chapitre, qui fut compose d'un chefvecier et de sï%. chanoines. 11 y eut par la suite im doyen qui ne fut institué qu'en iSqp par le pape Boniface IX , à la prière d'Ingelger dit le Qrand.

Ce fMt dans l'église de S^int-Florentin que se fit 1^ cérémonie de l'institution de l'ordre de $aint-Micl^el, créé par Louis XI en j469, ordre que Henri III rem- plaça? en 1^79, par celui du Saint-Esprit.

Depuis ce temps le chapitre n'avait éprouvé aucun changement jusqu'à l'époque ou le duc de Chpiseid, jpendant son ministère, fît ériger en sa faveur la ville 4'AKiï^oJse en duché-pairie, d'après l'échange qu'il avait fait de plusieurs de ces terres contre ce domine de la couronne. Alors le nombre des chanoines fut porté à neuf, non compris le doyen et le sous-doyen qui devinrent tous à la collation du seigneur, sans que pourtant le collège perdît son titre de chapitre royal. Le duc de Penthièvre, acquéreur du duché d'Amboise après la mort du duc de CJioiseul, était prieur et chanoine d'honneur du chapitre.

§ VIII.

BUEIL.

La collégiale de Bueil fut fondép en 1476? spi^is

SAINT-MARTIN DE CANDES. 4^3

l'invocation des saints Innocens, par Jean sire de Bucil, chevalier, haron de Châteaux et de Mar- mande, comte de Sancerre. C'est de cette famille de Touraine quêtait issu notre poète Honorât deBueil, marquis de Racan.

Le chapitre était composé d'un doyen et de six chanoines, et le droit de patronage appartenait au seigneur, ou, en cas d'extinction, au seigneur q,ui le représenterait.

§ IX.

SAINT-MARTIN DE CANDES.

On sait que saint Martin mourut à Candes, village de §on diocèse situé au hord de la Loire, à l'embou- chure de la Vienne. Il y était venu pour y rétablir la concorde parmi des clercs divisés entre eux. Il paraît, par cette circonstance que rapporte Sulpice Sévère, qu'il y avait déjà une église que saint Martin lui- même avait fait construire; mais ni lui ni Grégoire de Tours ne nous ont dit sous quelle invocation. Quoi qu'il en soit, ce fut probablement dans cette même église que s'établit à Candes le culte qu'on ne tarda pas à y rendre à saint Martin. Il en résulta d'abord un monastère qui devint ensuite yne collé- giale dont la sécularisation remonte à la même t^poque que celle de l'abbaye de Saint -Martin, c'est-à-dire vers Van 848. On y comptait douze chanoines, dont le preniier avait le titre de chefvecicr. L'archevêque de Tours nommait à tous ces canonicats.

3i.

484 HISTOIRE DE TOURAINE.

§x.

SAINT-MEXME DE CHlîfON.

Cette église remonte aux premiers temps le christianisme commença à se répandre en Touraine, quoique précédemment il y en eût une que saint Brice avait fait construire dans le cours de son épis- copat. Celle dont il s'agit ici doit son origine à saint Mexme ou saint Maxime (sanctus Maximus). Il passe pour avoir été l'un des disciples de saint Martin, ce qui pourrait être a la rigueur, quoiqu'on prétende qu'en /^6i ou 4 6^ il était renfermé dans le château de Chinon , assiégé par le général romain ^gidius Afranius, et que ce fut à ses prières que les assiégés durent une pluie abondante au moment où, à défaut d'eau, ils étaient sur le point de se rendre. Quoi qu'il en soit , suivant l'opinion commune, ce fut vers 44^? qu'en sortant de l'île Barbe , près Lyon , il vint s'éta- blir en Touraine il fonda un monastère. Ces reli- gieux assistaient à l'office de l'église paroissiale bâtie par saint Brice, parce qu'alors les monastères en général n'avaient que des oratoires.

On ne pourrait pas dire précisément en quel temps ces moines furent sécularisés. Si, comme on l'a dit, ce fut en 1 145 , ce ne put être que par Luce II, qui fut tué le 9.5 février de cette même année, ou par son successeur Eugène III. Ce qu'il j a de plus cer- tain, c'est qu'en loii nous vovons un Robert, abbé

SAINT- JEAN DK LANGEAIS. 4 85

de Saint-Florent, enterré dans i'églisc de Vabbaye de Saint-Mexme, et qu'en iioi le chapitre existait déjà, comme le témoigne une lettre de Tarchevêque de Tours, Hugues d'Etampcs. Ainsi la sécularisation de 1145 doit être reléguée au nombre de ces dates controuvées par certaines chroniques peu scrupu- leuses a cet égard. Hugues , dans cette lettre , parle de la dignité de chefvecier qui avait été substituée à celle d'abbé , circonstance qui indiquerait que la sé- cularisation n'aurait eu lieu que depuis peu de temps.

Ce chapitre avait un chefvecier à la tête de onze autres chanoines.

Malgré les marques d'antiquité qu'offraient encore l'église de Saint-Mexme ainsi que ses caveaux, il est certain qu'elle ne remontait pas au-delà du neuvième siècle, parce qu'on connaissait en France le peu d'é- glises qui étaient antérieures à cette époque.

§ XI.

SAINT-JEAN DE LANGEAIS.

En 1/186 Hardouin IX de Maillé fonda dans le bourg de ce nom un chapitre composé d'un doyen, six chanoines, un marguillier et deux enfans choriaux. Ce chapitre a subsisté jusqu'en 166*2 que Charles d'Albert, duc de Luynes, y substitua des chanoinesses religieuses de Saint- Augustin ; mais la ville de Lan- geais faisant partie de son duché de Luynes, il y transféra le chapitre de Maillé, qui ne se composa

486 HISTOIRE DE TOTJRAINE.

plus que de quatre chanoines, dont l'un était en même temps curé de la paroisse de Saint-Jean. Ces canonicals étaient à l'entière collation du seigneur.

. §XII.

NOTRE-DAME-DE-LOCHES.

D*après les détails que nous avons donnés précé- demment, pâg. 145, ainsi qu'au premier volume de notre Histoire, liv. iv, pag. 3i5, il nous reste peu de choses à dire sur la collégiale de Loches, dont nous avons placé la fondation en 963; mais elle ne put avoir lieu qu'en 966 ou au plus tôt à la fin de 960 , après le voyage que Geoffroy Grisegonnelle fît à Rome, et non, comme nous l'avons dit, à Jérusalem, il pai*aît certain qu'il n'est jamais allé. Lui-même nous donne ces indications dans sa charte de fonda- tion , quoiqu'elle ne soit point datée. Il y dit en effet : «Romam petii, ibidemque postquam adveni, magni- «ficandi Johannis papœ prœsentiâ honorifîce sus- ce ceptus cxtiti. J'allai à Rome , et après y être arrivé «je fils honorablement admrs en la présence du très- « vénérable pape Jean. » Or, le pape Jean XIII, dont il s^agit ici, n'ayant été intronisé que le 1" octo- bre 965, la fondation du chapitre de Loches, au retour de Geoffroy, ne peut guère dater que de l'année 966.

Ses chanoines, au nombre de douze, éhsaient eux- mêmes leur prieur qui était installé sous le portique

]>rOTRK-D AME- DE-LOCHES. 4^7

de l'église; mais Vers Tan i44^î Agnès Sorcl obtint de Charles Vil la suppression d'une de ces pré- bendes, dont le revenu fut affecté à l'entretien de quatre enfans de cbœur et d'un maître de chapelle; en sorte qOe le chapitre re^ta composé d'un doyen , un gt'and-chantre et neuf chanoines, ce qui fut ratifié par une bulle du pape Nicolas V, la deuxième année de son pontificat. L'église de Loclies avait le droit de haute, moyenne et basse justice, et Tofficialité de Tours n'avait sur elle aucune juridiction.

En faisant mention du tombeau d'Agnès Sorel, placé dans le chœur de cette église, nous n'avons point rapporté les différentes inscriptions et épitaphes dont il était accompagné* Nous allons suppléer à ce silence, renvoyant, pour ce qu'on ne trouvera pas ici, à l'article Sorel du iv'' vol. Sur Tune des faces du tombeau étaient gravés les vers suivans: -

Fulgor apoUineus , rutilantis luxqiie Diana:

Quam jubaris radii clarificare sol«nt , Nunc tegilops, et opem negat atrox Iridis arcus,

Dum furiœ prima tela supcrveniunt. Nunc elcgis diclare decet , planctuque sonora,

L,ietitiam pcllal Uirtureus geniitus. Libéra dlim quondam qiiae subveuiebat egeuis

Ecclesiisqne , modo cogitur »gra niori. O morss.Tva niniis, qua» jam juvcuilibus annis

Abstulit a terris mcotbra serena suis. Manibus ad tuniulum cinicti celebretis bonorcs ,

Effundendo preces, quas nisi parca sinit. Qua; titulis decorata fuit, decoratur amiclu ,

lu laudis tituluui picta ducissa jacet. Occubuere simul sensus, spccics et bouestas

488 HISTOIRE DE TOURAINE.

Solas virlutes, nicritum , famamque relinquens ,

Corpus ciim specie mors rniseranda rapit. Prœmia sunt mortis liictus , quaerimonia , tellus :

Huic ergo célèbres fundite, qiueso, preces.

Sur une plaque de cuivre attachée à un pilier du sanctuaire, du côté de l'épître, on lisait l'acrostiche que nous rapportons au tom. iv, pag. 467 , et celle-ci également en vers léonins, rimes seulement h la fin de chaque hémistiche :

Hac jacel in tumba simplex milisqiie columba , Candidior cycnis , flammâ rubicimdior ignis ; Agnès pulchra nimis terrae latitatur in irais. Ut flores veris faciès hiijiis mulieris. Belaltaeque domum nemus astans Vinceniainim Rexit, et a specie nomen suscepit utrumque, Severiamque Roquam , Vernonis et ulique genîem Acissoldiinum regimen dédit omnibus unum. AUoquiis mitis, compescens scandala litis; Ecclesiisque dabat, et egenos sponte fovebat. Illi Scurellte cognomen erat Domicellœ ; Et non mirelur quis si species decoretur Ipsius , est ipsa per quam depicta Ducissa. Hoc factura sponte, certâ ratione movente, Pro laudum titulis , meritorum sive libellis. Hic corpus ; reliqua sunt gemeticis inhumata Illam cura sanctis comitetur vita perennis. Mille quadringentis quadraginta novera tulil annis Nona dies mensis hanc abstulit inde secundi, Palmis extcnsis Iransivit ab ordine mundi.

§ XIII.

MOjNTRÉSOR.

Le chapitre de Montrésor dut son existence à

PRESSIGNY. 4^9

îmbert de Bastarnay, baron du Bouchage, seigneur de Montrésor, qui, le 26 mars id^i, y fonda une collégiale confirmée en i523 par Martin de Beanc, archevêque de Tours. Elle se composait d'un doyen, un chantre et six chanoines, dont la nomination appartenait aux seigneurs qui de droit y avaient leur sépulture. Nous avons parlé à la pag. 204 du tom- beau de Claude de Bastarnay : à Tépitaphe en prose nous allons ajouter celle en vers qui la précédait.

Arrête ici passant , arrête ici tes yeux ; Contemple ce pilier, si tu es curieux De sçavoir ce qui est en iceluy compris. Sache que c'est le cœur d'un seigneur de hault prix. Qui vivant a monstre , par brave expérience , Quelle estoit de ce cœur l'honneur et l'excellence : Mais mort qui a toujours envy sur la vertu , L'a en ses jeunes ans, de son corps devestu , L'épiant, pour ce faire, en belliqueux arroy, Combattant vaillamment pour Dieu et pour son roy ; Délaissant à sa mort à son roi la victoire, Et à ce gentil cœur immortelle mémoire. Veux-tu sçavoir, amy, par avai:! fon départ. Quel estoit ce seigneur? voi-le de l'autre part.

Ce dernier vers se rapporte à Tépitaphe en prose dont nous venons de parler.

§ XIV.

PRESSIGNY.

Rien ne nous indique, même indirectement, à quelle époque prit naissance la collégiale du grand

490 HISTOIRE DE TOURAINE.

Pressigny, ni par conséquent quel fat celui des sei- gneurs de ce lieu auquel elle fut redevable de sa fondation. Nous ne serions pas éloigné de croire qu'elle a pris son origine dans le monastère que Guillaume, baroii de Pressigny et de Sainte-Maure, institua en 1190, à la prière de Renaud, abbé de Pont-Ie-Voy, monastère que quelque autre seigneur ixurû converti en collégiale, d'autant plus que par la suite nous n'en trouvons plus traces.

Le chapitre, dont tous les membres étaient à la no- mination du seigneur, se composait d'un doyen et de six chanoines, dont l'un était de droit curé de la paroisse. Dès l'année 1-782 îl avait été supprimé par l'archevêque de Tours.

CHAPITRE IL

ABBAYES.

Parmi les dix-sept abbayes que contenait le diocèse de Tours, il n'en était qu'une seule, celle de Mar- moutier, qui eût acquis de la célébrité. Ce sera aussi la seule, comme la plus ancienne de la France, à laquelle nous consacrerons un article de quelque étendue, en lui donnant même le pas sur les autres, que nous rangerons ensuite dans leur ordre alpha- bétique.

J

MAHMOUTIER. 491

SI-

MARMOUTIER.

L'abbaye de Marmouticr était plus ancienne que la monarcbie française, car son origine remonte au quatrième siècle, tandis que l'autre ne date que du cinquième. Saint Martin ayant été appelé au siège de Tours, en l'année 87 5, s'occupa presque aussitôt de se cboisir un lieu de retraite il pût réunir ith certain nombre de disciples et se livrer avec eux à la méditation et à la prière. Le vallon qui règne ati bas du coteau de Marmouticr, lieu alors inculte et solitaire , lui parut favorable à son projet. En peu de temps il y rassembla environ quatre-vingts disciples, nombre considérable pour cette époque, et qui rie fit que s'augmenter par la suite, ce qui fit donner à ce monastère le nom de Majtis Monasterium , Mait*e Môuslier, et depuis Marmouticr.

Les ravages causés par les Not*mands nous ont privés de tous les documens qui auraient pu nom écldirer sur l'histoire de cette abbaye pendant les septième et huitième siècles , et même sur les pré- cédens; mais nous savons que dans le neuvième, Louis-le-Débonnaire, à l'exemple de Charicmagne , jjon père , prit Marmouticr sous sa protection , dé- fendit à tous les officiers de son empire de le troubler dans aucune de ses possessions, et l'exempta do tous les droits du fisc. Charles-le-Chauve en fit autant

492t HrSTOIRE DE TOIJRAINE.

en 849. Les détails qui nous sont parvenus sur les dévastations exercées par les hordes du Nord , témoi- gnent qu'il y avait alors à Marmoutier cent quarante religieux, dont cent quinze furent massacrés par ces barbares. Les vingt-cinq autres, après s'être cachés dans les grottes profondes du coteau, se réfugièrent auprès des chanoines de Saint-Martin, et furent choisis pour accompagner la châsse qui renfermait les restes de leur patron qu'on transportait en Bourgogne. Ainsi le monastère ruiné resta long-temps vide et abandonné ; mais enfin , pour que le service divin n'y fût pas tout-a-fait interrompu, le chapitre de Saint- Martin y plaça des chanoines réguliers vers l'an 958. Ceux-ci n'y restèrent que jusqu'en 987 , époque l'abbaye reprit sa première forme. Le rétablissement de la règle y fut opéré par saint Mayeul et par treize autres religieux de l'abbaye de Cluni, après un in- tervalle de cent quarante-deux ans. Cette restauration fut principalement l'ouvrage de Robert, comte de Tours, et de Berthe, son épouse. Ce prince y eut sa sépulture, ainsi que son fils, Eudes IL Thibaut, fils de ce dernier, obligé de céder la Touraine au comte d'Anjou , Geoffroy-Martel , se réserva expres- sément l'abbaye de Marmoutier, ce que son vain- queur lui accorda. Elle jouissait alors d'une si grande réputation que les seigneurs venaient y demander des sujets pour les abbayes qu'ils fondaient. Foulqucs- Nerra en obtint, en 1020, pour l'abbaye de Saint- Nicolas d'Angers. Geoffroy Martel y eut également recours pour celle de la Trinité de Vendôme; Hubert,

MATiMOUTIEK. 49^

pour celle de Noyers, en io3o, et Guillaume-le- Conquérant, en 1066, pour celle de la Bataille en Angleterre. Enfin, les religieux de Marmoutier, vers la même époque, furent aussi les restaurateurs des abbayes de Saint-Florent de Saumur, de Saint-Julien de Tours, de Saint-Serge et de Saint- Aubin d'Angers.

On peut juger du rôle important que jouaient dans l'Église et dans l'État les abbés de Marmoutier, par le choix qu'on fit d'eux, en 1 196 et en i2o4, pour être les négociateurs entre les couronnes de France et d'Angleterre.

Pour soustraire l'abbave aux vexations des nou- veaux comtes de Blois, saint Louis la mit sous la protection du trône. Charles VII, en donnant la Tou- raine en apanage au duc d'Anjou, son frère, ne se réserva que l'abbaye de Marmoutier.

Elle fut mise en commende en i539. Ce fut chez elle que commença la congrégation gallicane or- donnée par le concile de Trente et par les états gé- néraux de Blois, en 1^79. Environ vingt-cinq années après elle vit naître en son sein la réforme dite de Bretagne, qui depuis a été fondue dans l'illustre congrégation de Saint-Maur.

On sait que cette abbaye était dépositaire d'une relique nommée sainte ampoule, devenue célèbre dans notre histoire par le sacre de Henri IV. Nous voyons par le second concile de Châlons, en S-yg, qu'un très-grand nombre de chrétiens, et que les rois même venaient visiter cette relique, principa- lement aux deux fêtes qui suivaient celle de Pâques.

494 IIISTOTJIE DE TOURAINE.

I^Oi|is XI, dans la maladie dont il mourut , avait obtenu un/3 bulle du pape pour se faire apporter la sainte ampoule de Marmoutier, ainsi que celle de Il^im3.

Quoique Marmoulier eût beaucoup perdu par 1^ distraction des biens qu'il possédait en Angleterre avant le schisme, et par le pillage des protestans ep i562, ce monastère était encore Tun des plus considérables de la congrégation de Saint-?tlaur. S'il n'était plus le premier par ses richesses, il l'était toujours par sa splendeur et son antiquité. Sa bibho- thèque, assez nombreuse, renfermait beaucoup d'édi- tio|îg. du quinzième siècle^ et surtout de manuscrits (Jpnt plusieurs n'ont pas été inutiles à la république des lettres par l'usage qu'en ont fait les savans béné- dictins, auxquels nous devons les excellentes éditions de$ saints pères. Ces manuscrits formaient trois cent soixante volumes contenant huit cent vingt ouvrages différens, suivant le catalogue raisonné que nous en avons rédigé.

L'église était une des plus belles de royaume. Ce fi^t Hugues de Roche-Corbon , son quatre-vingt-nçu- vième abbé, qui, en 12:20, entreprit sa reconstruc- tion. Continuée par Etienne P^, Robert IV, et Eudes )i^ : I}i:accolis , elle fqt enfin terminée sous Je^n de Monthelon, vers i3ao.On avait récemment construit dans l'intérieur de la maison conventuelle un escalier qui, par sa hardiesse, sa hauteur, sa largeur et la beauté de son exécution , attirait sans cesse les curieux.

MAHMOLlTIEH. 49^

C'était à Marmoutier que se tenaient ordinairement les chapitres généraux de la congrégation de Saint- Maur depuis l'année 1661. D. Ambroise-Augustin Clievreux a été le dernier supérieur de l'ordre en 1783, et continué en 1788. Depuis sa création, lyi^rs l'an 378, ou y a pûmpté<ient yingt-trois abbés, .(tpnt les treize derniei's étaient dps ^bbés commpiîi- Jataires, sayojr: Jean et Charles, cardinaux deLoi> raine; Jeap de fjaJ!pçhefoucauld ; François, cardinal de Joyeuse; Gli^iies, cardin^il de BoMrbop; S41?,astii^^ DoriGaligai, frère de la maréchale d'Ancre; Alex^n^ dre de Bourbon-Vendôme, fils naturel ïje^ri IV et de Gabnelle d'Estrées; Pierre, ç^r^inaldeBérulle; Arn?and-Jean du .Plessi3, cardinal de liigheLieu; Emmanuel-Joseph, comte de Richelieu; Jules-Paul de J^ionne, enfin Louis de Bourbon-Condé , comte de Çlermont.

En 1740, la mense abbatiale ayant été réunie po^' toujours à rarchevêché de Tours , en faveur de M. de Rastignac, le comte de Çlermont fut dans la néces- sité de donner sa démission. Il fut aiu^i le dernii^ abbé de cet antique monastère, le plus anciew ^i^s ceat quatre-vingt-treize établi^^eraens ^e çp genre qui existaiçpt çn Fi^nçp,

L'église et les vastçs bâtimeas di^ mon«astère, re- construits à i^euf dans le dernier siècle, ont été aliénés en 1 797 , et si co^i^pLètewent livré? ji }q, dé- molition , qu'il n'en reste pas aujourd'hui la moindre trace, si ce n'est le vieux portique qui formait la principale çntrée au midi.

49^ HISTOIRE DK TOURAINE.

§11.

AIGUË 'VIVE.

Aiguc-Yive ou Aigues-Vives (Sancta-Maria de Aqua-Viva), de l'ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin, congrégation de France, était située au milieu des bois , dans la paroisse de Faverolles , à une lieue sud-ouest de Montricliard. Elie fut nommée Aigues-Vives à cause de la quantité de fontaines et d'eaux vives qui se trouvaient dans son voisinage.

Pérégrin , auteur d'une histoire de l'abbaye deFon- taines-les-Blanches, dont nous parlerons à cet article, nous apprend que Geoffroy, premier ermite qui ait habité ce lieu de fontaines, n'ayant pas voulu suivre la règle de Cîteaux que la plupart de ses confrères avaient embrassée, se retira à Aigues-Vives en 1 127. Depuis, étant mort à Montricliard, son corps fut rapporté à Aigues-Vives , oîi il eut sa sépulture dans le cimetière, probablement dans celui de la paroisse.

Garlet de Mont richard , l'un des principaux che- valiers du seigneur d'Amboise, fit don aux solitaires d'Aiguës -Vives de bois et autres domaines qu'il pos- sédait auprès du prieuré deBelvau,du consentement de Payenne , sa femme , et de ses enfans , et y fonda ainsi , en 1x47? une abbaye oiJi furent placés des chanoines réguliers. Elle fut confirmée en 1 177, par lettres de Henri II , roi d'Angleterre , comte de ïou-

BACGERAIS. 497

raine, et ratifiée depuis, en 121 5, parSulpice troi- sième , seigneur d'Amboise et de Montrichard.

§ m.

BAUGERAIS.

Baugerais (Baugeriacum ou Baugeretum), de l'ordre de Citeaux , paroisse de Loche , à trois lieues de Châ- rillon-sur-Indre, et à pareille distance de Loches.

Les titres de cette abbaye portent que le domaine en fut donné par quelques personnes pieuses de ce voisinage, en 1 1 53 , à un certain Serlon et à quelques autres solitaires qui s'étaient réunis à lui. Henri II confirma cette donation par lettres données à Châ- tillon-sur-Indre , à condition qu'ils vivraient selon la règle observée dans l'abbaye de Sainte-Barbe : mais quelques jours après, ce prince ayant changé de des- sein, donna ce même lieu à l'abbaye du Loroux, en Anjou, h la charge d'y établir une abbaye de l'ordre de Citeaux; ce qui fut exécuté en ii^S. Plusieurs gentilshommes de Touraine, qui s'étaient croisés pour la Terre-Sainte, s'empressèrent d'enrichir de leurs dons ce nouveau monastère. Nous trouvons dans ce nombre Geoffroy de Palluau , seigneur de Mon- trésor ; Robert de Buzançais ; Jean Savary , seigneur de l'île; Sulpice d'Amboise ; Hélie de Grillemont; Archambaut et Renoul d'Argy ; Guillaume et Robert de Sainte-Maure; Jean d'Appclvoisin et plusieurs autres.

3. 3a

49^ HISTOIRE DE TOURAINE.

Nous ne croyons pas que celte abbaye ait jamais été bien considérable. Depuis le commencement du siècle dernier on n'y comptait que trois religieux.

§ IV.

BEAULIEU.

L'abbaye de la Trinité de Beaulieu ( Bellilocus , Bellilochia), de l'ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, n'était séparée de la ville de Lockes que par la rivièrje de l'Indre. Raoul-Glaber, historien à peu près contemporain , rapporte qu'après son se- cond voyage à la TeiTc-Sainte, Foulques-Nerra fît bâtir à Beaulieu, dont il était seigneur, une église en l'honneur de la Sainte-ïrinité, dans laquelle il mit un fragment de la vraie Croix , et un morceau du saint Sépulcre, qu'il avait rapportés de Jérusalem , morceau que, suivant quelques-uns de nos crédules chroniqueurs, il avait détaché avec ses dents. Pour la desservir, il fit venir des r^Jigieux de Saint-Genouph , au diocèse de Bourges. Nous avons rendu compte dans notre iv^ liv. , pag. 829 du démêlé qui s'éJeva entre lui et Hugues, archevêque de Tours, au sujet du refus de ce prélat de consacrer la nouvelle église. Les historiens varient sur l'époque de sa construc- tion : mais Foulques-Nerra n'étant revenu pour la seconde fois de la Terre-Sainte qu'en 1 008 , on doit enci'oire les auteurs de la Gallia Christiana ^ quand

BFAULIF.TT. , 499

ils fixent à l'an 1012 , la consccratioH de l'église de Beaulieu.

Foulques-Nerra , par son testament, fit don à l'ab- baye de tous les domaines qu'il possédait en ce lieu, ainsi que de la justice, des cens, rentes , coutumes et généralement tout ce qui pouvait lui appartenir, sans réserve aucune. Il ota même à la ville de Loches le droit de frapper sa monnaie , qu'il transféra aux re- ligieux de Beaulieu ; il accorda aussi plusieurs privi- lèges aux habitans, qu'il affranchit de tous droits de servitude. Parmi les signataires de ce testament , on remarque , après celles du comte et de Hildegarde sa femme, celles de Geoffroy de Preuilly, de Lysoisd'Am- boise, de Sanction de Lahaye et de Gosselin de Sainte- Maure.

Foulques-Nerra avait son tombeau dans l'église de cette abbaye, auprès de la sacristie.

llaoul-Glaber , aux récits duquel on ne doit pas toujours ajouter foi , donne pour cause de la fondation de Beauheu , une circonstance assez apocryphe. Il prétend que Constance, épouse du roi Robert, femme d'ailleurs bien capable de commander un assassinat, pria Foulques-Nerra, son oncle, de la débarrasser de Hugues de Beauvais, favori du roi, qui mettait la division entre elle et son époux, et que Foulques confia cette mission à douze de ses chevaliers qui poignardèrent Hugues de Beauvais, sous les yeux même de Robert. Foulques ensuite alla confesser ce crime au pape qui, pour expiation, lui enjoignit d'aller à la Ïerrc-Sainte , et de fonder une abbaye à

Sa.

i

5oO HISTOIRE DE TOl]RAII<îE.

son retour. De son côté , le moine anonyme de Mar- moutier, assure qu'étant à Jérusalem , le comte touché de repentir de tout le sang qu'il avait fait répandre, fit vœu de faire construire une église à son retour, et que telle fut l'origine de celle de Beaulieu. Il est juste cependant de dire qu'il existe une lettre at- tribuée à Fulbert, évêque de Chartres, dans laquelle ce prélat lui reproche le crime dont parle Glaber.

§ V.

BE AUMONT-LES-TOURS.

"^^^îl n'y a eu long-temps, dans le diocèse de Tours, d'autre abbaye de filles que celle de Beaumont-les- Tours, de Tordre de Saint-Benoît (Bellus-Mons) , située à la porte de la ville , du côté du sud-ouest.

p.nqYers le milieu du sixième siècle, Ingeltrude, veuve d'un prince de la famille royale , ayant fondé auprès de l'église de Saint-Martin , un monastère qu'on nomma Notre-Dame-de-l'Ecrignole (Sancla-Maria de Scriniolo), plusieurs filles de qualité se rangèrent sous sa discipline, entre autres Berteflède ou Berthoflède, fille du roi Caribert. Elle y attira aussi sa propre fille Bertegonde, qu'elle excita à quitter son mari dans l'espoir qu'elle dirigerait le monastère après elle. Dans le neuvième siècle ce monastère éprouva le même sort que celui de Saint-Martin , et fut réduit eu cendres par les Normands : mais il se releva bientôt de ses ruines , et ceux qui ont écrit que ces religieuses

BEAUMO:VT-LES-TOCRS. 5oi'

avaient été réduites à faire leur office dans l'église do Saint-Martin, se sont étrangement Irouipés. Ce- pendant vers la fin de ce même siècle , Hervé de Bu- zançais, trésorier de Saint-Martin, homme aussi pieux qu'opulent, entreprit de leur faire construire des bâtimens plus vastes et plus commodément placés. Il choisit à cet effet la paroisse de Beaumont, qui lui pei-mit d'exécuter son projet au moyen de l'échange qu'il fit avec Ebbon, l'un de ses vassaux, de cet em- placement , contre un autre fonds de terre égal en revenu. Les religieuses y furent transférées en 1002 , et Hervé les dota de ses propres fonds , à la condition seulement qu'elles paieraient tous les ans vingt sous de cens au chapitre de Saint-Martin, qui ne contribua à la dotation que par vingt arpens de vignes, situées près le bourg de Chîkeau-Neuf, entre la Loire et le Cher; car à cette époque la Loire tournait et cou- lait au midi de la ville. A ces dons étaient joints deux autres domaines: i" celui nommé CurteiU'Liutzam^ que nous croyons être Lièze , avec toutes ses dépen- dances ; 2" celui qui y est désigné sous le nom de Quiacuni Villa , Cussay. Le comte Eudes el Landry son frère, sire de l'île Bouchard y donnèrent leur con- sentement le i5 des calendes d'octobre ou 17 sep- tembre 1007, et le roi Robert approuva le tout par SCS lettres patentes , données au bois de Boulogne le 26 du même mois.

Les fastes de celte abbaye royale offrent trente- sept abbesses d(^puis Ersendis ou Théophanio en 1007, jusqu'à Marie-Agnès de Viricu, dont les fonc-

i

5o2 HISTOIRE DE TOURAIKE.

tions ont cesse avec l'abbaye , en 1 790. Il y avait soixante religieuses.

§ VI.

BOIS-AUBRY.

Bois-Aubry (Boscus Alberici) , de Tordre de Saint- Benoît , était situé à trois lieues au sud de l'Ile-Bou- chard, sur les confins du Poitou. Ce n'était dans l'origine qu'un prieuré nommé Luzé ou Luzeray (mo- nasterium Liicisense). Un gentilhomme nommé Brice , seigneur de Clieillé , y mit le prêtre Robert : celui-ci y fît bâtir une chapelle dédiée à saint Michel , qu'il donna depuis à l'abbaye de ïyron , diocèse de Char- tres, du consentement de ce même Brice de Cheillé, qui y joignit en même temps d'autres domaines, dont vingt bouées de terre , c'est-à-dire autant que vingt bœufs pouvaient en labourer dans un jour, avec pro- messe du double si les moines de Tyron y érigeaient une abbaye. Cette condition ayant été exécutée, le prieuré converti en abbaye reçut sa consécration de Hugues, archevêque de Tours, en 1 138.

La suppression eut pu s'en effectuer, même avant l'année 1790, car à cette époque, et depuis long- temps, on n'y comptait plus que deux religieux.

s VII.

CORMERY.

L'abbaye de Gormery (S. Paulusde Gormeriaco),

COR MER Y. 5o3

de l'ordre de Saint-Bcnoîl, congrégation de Saint- Maur, était située dans la petite ville du même nom, à quatre lieues et demie sud-est de Tours, sur la gauche de l'Indre. Elle fut fondée en 791 par Ithier, abbé de Saint-Martin, qui en fit bâtir l'église du con- sentement de SCS religieux, et la dota de plusieurs domaines qu'il possédait en ïouraine et en Poitou , ainsi que de quelques autres propriétés dépendantes de Saint-Martin.

AlcliTvin lui ayant succédé, obtint de Charlemagne la permission d'établir des moines à Cormery, pour y faire le service divin de la manière dont il était cé- lèbre dans Féglise de Saint-Martin. L'empereur en donna ses lettres datées de Tours , au mois de juin de l'an 800, premier de son empire, à condition que le monastère de G:)rmery serait sous la puissance de celui de Saint-Martin. Louis-le-Débonnaire confirma ces dispositions à Aix-la-Chapelle, Van 820, en y ajoutant la permission d'élire eux-mêmes leur abbc qui cependant ne pourrait recevoir son investiture que de l'église-mère.

Les comtes d'Anjou étaient les avoués, c'est-à-dire les défenseurs et les protecteurs de l'abbaye de Cor- mery , probablement comme seigneurs de Loches.

L'église ayant été détruite^ par les Normands dans te dixième siècle, fut rebâtie par le roi Robert, et consacrée en io54, par Barthélemi I", archevêque de Tours.

L'abbé, qui portait la mitre et la crosse, était cha- noine et dignitaire de l'église de Saint- Martin ,

5o4 HISTOIRE DE TOURAIINK.

ayant séance au chœur après le trésorier. Il jouis- sait en outre d'une maison canoniale dans l'intérieur du cloître.

s VIII.

FONTAmES-LES-EL àNCHES .

Dans la paroisse d'Autrèche, entre Ambolse et Ghâteau-Regnault , se trouvait l'abbaye de Fontaines- les-Blanches ( Fontanae albœ , ou Beata Maria de Fon- tanis), ordre de Citeaux, filiation de Clairvaux. Pé- régrin son septième abbé, qui en a écrit l'histoire jusqu'à l'an 1200, nous a transmis les détails de son origine et de sa fondation. Cette histoire se trouve dans le Spicilegium de Dachéry, tom. 11, in-fol. , pag. 573, ou tom. x,in-4°, pag. 367. Son nom de. Fontaines-les-Blanches lui fut donné par rapport aux sources qui arrosent le lieu elle était placée , ainsi qu'à la couleur de l'habit de ses religieux.

Un solitaire, nommé Geoffroy, fut le premier ermite qui se retira dans un lieu inculte , auprès du pont de Rune; il s'associa bieutôt d'autres hommes pieux , entre autres Geoffroy de Bouillon , Girard de Lomenie, Hervé de Galardon , etc. , etc. Sept d'entre eux embrassèrent la vie monastique, mais leur re- traite étant trop resserrée, et surtout trop incom- mode, ils se transportèrent à Fontaines, ils bâtirent auprès de leur nouvelle demeure, une chapelle sous l'invocation de sainte Maric-Madclaine, Leur nombre

FONTA.INES-LES-BLANCEIES. 5o5

s'étant accru , ils résolurent d'adopter la règle de quel- que ordre monastique, et se décidèrent pour celle de Citeaux. Alors ils députèrent vers Geoffroy , abbé de Savigny , qui leur envoya un de ses religieux nommé Eudes, pour les instruire dans la règle qu'ils venaient d'embrasser. Ayant choisi ce même Eudes pour leur abbé, ils le firent sacrer par l'archevêque Hilde- bert, le jour de la Saint-Martin 1126. Pérégrin dit, en 11 54; mais ce doit être une erreur, Hildebert étant mort dans cette même année. Renaud II , sei- gneur de Château-Regnault, leur accorda la justice du lieu de Fontaines avec usages, chauffage, droit de pacage et de glandée dans la forêt de Blémars. Quelques autres seigneurs leur firent don de divers domaines dans le voisinage de l'abbaye, donation que Hildebert ratifia par ses lettres du 7 août i 127.

Quelques années après, Serlon, abbé de Savigny, ayant adopté la réforme de saint Bernard , abbé de Clairvaux, les religieux de Fontaines suivirent son exemple vers l'an 1 1 5o , et le pape Alexandre 111 , venu à Tours, en 1162, confirma les dotations de. cette abbaye par une bulle du 19 octobre, indiction xi, la quatrième année de son pontifical.

Pérégrin, chap. iv, rapporte qu'un des solitaires de Fontaines s'étant trouvé à Jérusalem le samedi- saint I i3o, jour s'opère le prétendu miracle du fou descendu ciel, le cierge que portait Guillaume, allumé spontanément, fut aperçu resplendissant de lumière, cl qu'aussitôt il fut proclamé patriarche à la place de celui qui était mort peu de temps aupa-

5o6 HISTOIRE DE TOURAINÊ.

ravaiit. Il est bien vrai qu'en ii 3o , Guillaume suc- céda à Etienne dans le>^ patriarcat de Jérusalem ; mais il est également certain qu'il était déjà depuis long-temps prieur du Saint-Sépulcre, et que par conséquent ï\ «'arrivait pas de la Touraine.

r'

§. IX.

i GATINES.

Gâtrnes (Gastinac, ow Beata Maria de Gastinetis), abbaye de l'ordre de Saint-Augustin, était située dans la paroisse de Villedomer, à six lieues nord-est de Tours. Ce nom lui vint du sol de ce canton commu- nément nommé les Gâtines, Dans son principe elle ne fut, comme beaucoup d'autres, qu'un simple ermi- tage habité par des anachorètes. Mais en ii 38 , Hu- gues, archevêque de Tours, y fonda une abbaye du consentement des chanoines de sa cathédrale , sei- gneurs du fief,- qui se réservèrent la nomination des abbés. Mais ils ne jouirent pas long-t^mps de ce pri- vilège ; car il fut bientôt changé en celui de confir- mation, qu'ils perdirent enfin par l'effet du concordat de François P^.

En concourant à cette fondation par le don de plusieurs domaines, le chapitre de la cathédrale de Tours imposa à l'abbé et aux moines de Gâtines l'obligation de recevoir tous ceux de ses membres qui, relevant de maladie, auraient besoin d'aller res- pirer l'air de la campagne, et de les défrayer jusqu'à

LA CLARTE-DIEU. ^07

la fîadeleurconTalescence; mais les chanoines usèrent bien rarement de cette faculté.

L'abbaye de Gâtines, mise sous l'invocation de Notre-DaiTMi , fut brûlée par accident sur la fin du douzième siècle, et rétablie vers Tau laoi ou 1202, par Thibaut de Champagne , dit le jeune , comte de Blois, de Chartres, de Clermont, et seigneur de Châ- teau-Regnault. L'église ayant de même été recon- struite, fut sacrée par l'archevêque de Tours, Geoffroy de Lalande, le 29 avril laon. Elle fut long-temps desservie par les chanoines réguliers du même ordre. Les religieux n'y étaient qu'au nombre de cinq.

§x.

LA CLARTÉ-DIEU.

L'ordre de Citeaux avait dans la commune de Saint-Pater , à six lieues nord de la ville de Tours , l'abbaye de la Clarté-Dieu (Bcala Maria de Claritatc Dei), qui fut fondée vers l'an 1240, sous le règne de saint Louis. Guillaume, abbé général de Citeaux, avait reçu de Pierre, évêque de Winton en Angleterre, une somme d'argent à la condition de l'employer à la fondation d'une abbaye de son ordre; il chargea donc de celte commission Jean , abbé Lepau-au-Maine , et celui-ci, en I239,acheta le fief de Belvet d'Ebbon de la Chaîne, chevalier, et y fit balir un monastère du consentement de Juhel de Mayenne, archevêque do Tours. Cette fondation fut approuvée et confirmée par

5o8 HISTOIRE DE TOURAlîfE.

lettres patentes du roi saint Louis , du mois de juin 1248, quoique l'église et les bâtimens eussent été achevés dès l'an 1240.

L'abbé de Giteaux y avait envoyé douze religieux avec trois frères convers , accompagnés de Renaud , qu'il leur donna pour abbé, et tous prirent possession de l'abbaye le dimanche, jour de la Madelaine, 22 juillet de cette même année 1 240. y Ebbon de laXhaîne leur vendit en outre tous les domaines qu'il possédait dans la baronnie de Saint- Christophe, vente qui fut ratifiée par Jean d'Aluys, baron de Saint-Christophe, en 1248, ainsi que par Hugues d'Aluys , son fils aîné.

On voyait dans l'église de la Clarté un monument en pierre assez élevé, avec un tombeau haut de deux pieds, sur lequel était représenté un Geoffroy de Courcillon, seigneur de Mairolles, près Beaugency. On y remarquait onze écussons portés par des hérauts d'armes. Le premier était celui de ce même Courcil- lon , portant d'or à la bande de gueules fuselée de six pièces, avec un lion d'azur au canton gauche. Dans le fond du monument étaient deux personnes à genoux, dont l'une était Amaury de Fromentières, chevalier et seigneur de Chambon. Quant à l'autre ce pouvait être ou Ebbon de La Chaîne ou Jean d'Aluys. Même après l'aliénation de l'abbaye, ce monu- ment avait été conservé par le premier acquéreur ; mais depuis les mutations nous ignorons s'il existe encore.

MONCÉ. 609

§ XI.

MONCÉ.

Moncë, ou Moncey (Monceyum, Mons Cœlestis), abbaye desservie par des religieuses de Tordre de Ci- teaux, située dans la paroisse de Limeray , à deux lieues d'Amboise, et sur le penchant d*un coteau non loin duquel passe la Cissc.

Les circonstances de la fondation de cette abbaye nous ont été transmises par Fauteur de la Chro- nique de Tours , qui sur cela est d'autant plus digne de foi que non-seulement il était contemporain , mais encore qu'il habitait le monastère de Mar- mouticr , qui n'est qu'à sept lieues de distance de Mon ce.

Yers l'an 1212, deux religieuses de Beaumont-les- Tours,Hermengarde Duplessis etPerrenelle deMëré, ainsi que deux autres religieuses du monastère de Saint- Avit , diocèse de Chartres, nommées l'une Pèle- rine et l'autre Agnès de Linières, résolurent de suivre la règle de Citcaux, qui était alors en grande faveur. A cet effet, elles se réunirent dans une maison située à Moncé, maison tout simplement en bois, et qu'elles firent construire elles-mêmes sur le sommet du coteau. Elles y demeuraient depuis trois ans, lorsqu'un bour- geois de Tours , nommé Hcrmenard , leur fit bâtir un monastère en pierre, avec des offices et une église. Il acheta ensuite des rentes et des domaines en quantité

5 10 HISTOIRE DE TOURAINE.

suffisante pour fournir à l'entretien de vingt reli- i gieuses. Ce nombre fut bientôt rempli , et ayant élu pour leur prieure Hermengarde Duplessis, elles pri- rent solennellement possession de leur monastère le 27 décembre 1216. Leur église fut consacrée le 7 juin iQ.i3 ^Y^SLV Maurice, cvêque du Mans.

Quelques auteurs ont pensé que ce fut Sulpice d'Amboise qui leur fit construire ce monastère à <îondition qu'elles s'engageraient par vœu à garder la clôture. Sulpice IIP du nom vivait en effet à cette époque : mais peut-être la version de la Chronique de Tours est -elle plus sûre, d'autant plus que le même Payen Hermenard est celui qui, en 1224? fit bâtir une église aux Cordeliers de Tours.

La supérieure de Moncé ne prit d'abord que le titre de prieure. Elle était élective par la commu- nauté, qui n'était également qualifiée que de prieuré. Cet ordre de choses fut maintenu jusqu'en i652 que le pape Innocent VIII, à la demande du roi, érigea Moncé en abbaye, en faveur de madame d'Epinoy,qui en fut ainsi la première abbesse.

§ XII.

NOYERS.

L'abbaye de Noyers (Nuceria , ou Beata Maria de Nucbariis), de l'ordre de Saint-Benoît , congrégation de Saint-Maur, était située dans le village du même nom , sur le bord septentrional de la Creuse , à la

PREUILLT. 5 II

droite de la Vienne, et à une lieue du Port-de-Piles. On tient par tradition quelle fut fondée par le roi Robert , et consacrée en io3o par Arnoul, acdaevêcpie de Tours, sous l'invocation de Notre-Dame. L'auteui' de la Chronique de Maillezais prétend que la Suda- tion ne date que de l'an ïo46,sous le roi Henri il*'., mais cette opinion est contredite par les titres .même de l'abbaye qui portent pour abbé , en iq3o , Evrard , .mort le 6 noveoibre io56.

§ XIII.

PREUILLI.

Saint-Paul de Preuilli (Pruliacum ou Proillium), était une abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, dans l'intérieur de la ville qui est située sur la rive droite de la Glaise, à neuf lieues sud-sud-ouest de Loches, et à dix-neuf sud-sud-est de Tours. Effroy, baron de Preuilli ainsi que de La Roche -Posay, et Béatrix ^'Issoudun , sa femme, la fondèrent en Tan rooi. Hervé, trésorier de Saint-Martin, n'en fît pas con- s-lruire lesbâtimens comme le dit l'auteur de la Chro- nique de Saint-Maixent ; il fut seulement invité par Effroy à y mettre des religieux, qu'effectivement il fît venir de l'abbaye de Massé en Berri. Ces bâtimens furent achevés en 1009. Cependant l'église fut con- sacrée sous l'invocation de Saint-Paul, par l'arche- vêque de Tours, Archambaud de Sully, qui était mort 'Cn ioo5. Eifroy dota l'abbaye de domaines et de rentes pour l'entretien de sept religieux.

5l2 HISTOIRE DE TOUR AINE.

Sur la fin du dix-septième siècle on voyait encore dans l'église son tombeau avec son épitaphe , ainsi que ceux de quelques seigneurs de Preuilli. ^Voy, p. a 32.)

-?:f)ILes religieux, dans les derniers temps, étaient en- core au nombre de sept , conformément au titre de leur fondation; mais on y en avait compté jusqu'à trente-trois au commencement du douzième siècle.

L'abbaye de Preuilli fut au nombre de celles que les protestans pillèrent en i562.

§XIV.

SAINT-JULIEN.

Tours ne renfermait dans son intérieur qu'une seule abbaye, celle de Saint-Julien (Sanctus Julianus de Scalarlâ), de Tordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur. On la nommait Saint-Julien-des- Echelles, non qu'il fallût y monter ou descendre , mais parce qu'elle était située sur le bord de la Loire , au lieu oîi arrivaient les bateaux, ce qu'on nommait alors Eclielles,commeon dit encore aujourd'hui les échelles du Levant.

Grégoire de Tours rapporte que son église fut bâtie avant qu'il eût été appelé à l'épiscopat, par des religieux qui étaient venus d'Auvergne, et la Chronique de Tours ajoute qu'elle avait été dédiée à saint Maurice. Ces religieux ayant appris que Grégoire , en revenant de Clermont, en avait rapporté des reliques de saint

SAINT- JULIEN. 5l3

Julien, le prièrent d'en gratifier leur église, ce qu'il leur accorda : alors elle fut mise sous l'invocation de ce saint, et il la consacra le 29 juin 576.

En io3o, un certain Geoffroy, fils d'Othon, et Guilburge son épouse, firent don à l'abbaye de Saint-Julien de l'église de Saint-Médard, avec toutes ses dépendances , lieu connu depuis sous le nom de Saint-Mars ou Cinq-Mai's-la-Pile.

L'abbaye fut détruite en 856 par les Normands, ïhéotolon, arcbevêque de Tours, la fît reconstruire en 938 , et la dota , d'accord avec sa sœur Ger- sinde, de plusieurs domaines de leur patrimoine. En 942 il y fit venir Odon , abbé de Cluni, son ami et son compatriote , pour y faire revivre la règle.

Le 24 février i .224, un orage épouvantable ébranla tellement la voûte de l'église qu'elle tomba avec une partie des murs qui la soutenaient. Elle ne fut bien rétablie que sous le règne de saint Louis. Robert , prieur de Rhédon, contribua à la reconstruction de la voûte, ainsi que l'indiquait l'inscription qui y était placée.

On a prétendu que les comtes d'Anjou avaient été autrefois les avoués de l'abbaye de Saint-Julien , et l'on en donne pour raison une lettre de Henri II, roi d'Angleterre, par laquelle il assure que le roi de France lui-même avait reconnu , aux états-généraux d'Orléans, que ce droit appartenait aux comtes d'An- jou, comme sénéchaux héréditaires de France : mais cette lettre est d'autant plus suspecte , que les rois d'Angleterre, comtes d'Anjou, n'ont jamais eu cette 3. 33

5l4 HISTOIRE DE TOTJRÂINE.

qualité. Les véiûtables avoués ot protecteurs de Saint- Julien ont toujours été les archevêques de Toui's, ainsi que l'écrivait k Louis VII l'archevêque Joscion , x[m vivait ^u fcempfe de ce même Henri II. dI Ijq pâfxe Jean XXIÏI -exempta Fahbaye ide Saint- Jwlien de la juridiction de Tordinaire, parti^n^ bulle du i6 septembre 14115 mais rarchevêque Jacques Gélu obtint du pape Martin V la révocation de cette bulle au concile de CoûstancC) en 1417. u. George, Pierre, Clément et Louis de Catinat, neveu du célèbre maréchal de ce nom , furent sans interruption abbés commendataires de Saint-Julien , depuis i6a5 jusqu'en 17 14'

§ XV.

SEUILLY.

Seuilly s'est dit également Seuillé ( Sulliacum , ou B. Maria de Sulleyo). C'était une abbaye de Tordre de Saint-Benoît , congrégation de Saint-Maur, située à une lieue de l'Ile-Bouchard , an nord-ouest de la Vienne; elle avait commencé par n'être qu'un simple prieuré, dont jouissaient autrefois les seigneurs de Monsoreau , suivant les usages des onzième et dou- zième siècles.

Guillaiume II, chevalier, seigneur de Monsoreau, fit don du prieuré de Seuilly à l'abbé de Saint- Etienne-de-Va«x , en Limousin, du consentement de Mâbille sa mère , qui joignit à cette dotation la moitié

SEUILLY. 5

du nioulin de Virelay. Raoul I", archevêque de Tours, s'opposa d'abord à cette institution, mais il finit par y donner son consentement.

Gautier, ayant succédé à Guillaume son père, obtint de labbé de Saint-Elienne-de-Vaux Tagré- ment d'ériger Seuilly en abbaye, sous le titre du Saint-Sépulcre, à la condition d'une redevance an- nuelle de 20 sous.

En considération de cette érecti on, Qauticr donna a la nouvelle abbaye plusieurs domaines ^ entre autres le bois de Bort , nommé depuis le bois de Fonte- vrauld, à la condition de l'essarter et de le mettre en culture. Ce bois fut , entre l'abbé et Robert d'Arbris- sel , le sujet d'un procès qui fut terminé par le j)ar- tage de l'objet litigieux entre les deux parties, accord que sanctionna Giraud, légat du saint-siège, et auquel souscrivirent Raoul, archevêque de Tour3, et Pierre , évêque de Poitiers.

Les religieux de Seuilly voulant se soustraire à la juridiction de l'abbé de Saint-Etienne-de-Vau3(, élurent d'eux-mêmes leur abbé, et refusèrent de payer les 20 sou3 de rente. Godin, abbé de Saint- Maixent, à qui celui de Vaux en avait référé, offrit à celui-ci de se charger de la rente , s'il voulait lui céder ses droits. La proposition ayant été acceptée, l'abfcaye de Seuilly depuis ce moment releva de celle de $aint-Maixent,ce changement ayant été approuvé par Engebaud, archevêque de Tours, qui J'en mit 09 possession en i j 5o.

Ce fut dans l'abbaye de Seuilly , dont était voisine

33.

5l6 HISTOIRE DE TOUR AINE.

la maison de la Devinière , que Rabelais commença ses premières études.

§ XVI.

TURPENAY.

L'abbaye de Turpenay (Turpiniacum) , de l'ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, se trouvait sur la paroisse de Saint-Benoît de Lac-Mort, entre le Cher et l'Indre, près la forêt de Chinon. Elle fut fondée en 1107, par Foulques-le-Jeune , comte de Touraine, d'Anjou et du Maine, qui donna aux religieux quatre bouées de terre, avec le droit d'usages, chauffage, pacage et glandée dans la forêt de Teillay, aujourd'hui forêt de Chinon. Cette dona- tion fut confirmée depuis par lettres patentes de Richard-Cœur-de-Lion , données à Chinon, le 19 avril 1 1 89. Les seigneurs de l'Ile-Bouchard ac- crurent , par leurs libéralités , les possessions de ces religieux.

Henri Clément, maréchal de France, appelé com- munément le Petit-Maréchal, eut sa sépulture dans cette abbaye. 11 était fils de Robert Clément, ministre d'état et gouverneur du roi Philippe-Auguste. Son frère, Albéric Clément, fut aussi maréchal, et l'on sait qu'il n'y en avait qu'un seul à cette époque; Henri, qui mourut en Poitou, l'an iii4? avait de- mandé à avoir sa sépulture à Turpenay.

VILLELOIN. 017

§ XVII.

VILLELOIN.

Villeloin (Villalupa, ou Sanctus-Salvator Villalu- pcnsis) : cette abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, était située sur l'Indrois, à trois quarts de lieue de Montrésor, et à cinq lieues de Loches. Elle dut sa fondation à un gentilhomme de Touraine , nomme Maynard , fondation qui re- monte à l'année 85o. Charles-le-Chauve autorisa Au- ducher, abbé de Cormeri, à accepter les domaines donnés à cet effet par Maynard. Sa charte est datée de Vermerach, le 6 des calendes de juin, ou 27 mai 85o. En conséquence, il soumit ce monastère à celui de Cormeri, conformément aux intentions du fon- dateur ; ainsi , x\udacher gouverna simultanément les deux monastères. Cette cumulation eut lieu jusqu'à Hubert , quatrième abbé qui, en 960, fut nommé par les moines de Villeloin, au moyen du droit d'élection qui venait de leur être accordé. Depuis ce moment ils eurent leur abbé distinct de celui de Cormeri.

L'église de Villeloin ne fut construite , ou du moins achevée, qu'environ neuf ans après la fonda- tion; car nous trouvons quelle fut consacrée le 8 mai 859, par Hérard, archevêque de Tours. Le nombre des religieux fut fixé a vingt.

Cette abbaye ne fut pas épargnée lors des ravages commis dans ces contrées, en 1^12 , par les troupes

5l8 HISTOIRE DE TOURAINE.

anglaises : aussi son abbé fut-il dispensé par le roi (lu subside qui était demandé au clergé. Micbel de MaroUes, qui obtint ce bénéfice le 5 décembre 1626, en fit réparer labbatiàle, qui fut reconstruite à neuf en 1772. La maison conventuelle le fut en 1782, époque très-voisine de celle elle devait cesser d'exister. Elle ne comptait alors que quatre religieux. On s'étonne que le laborieux Marolles n'ait pas écrit î'histoirê de âes deux abbayes de Rangerais et de Vil- leioin j et qu'il se soit borné à donner une liste exacte de leurs abbés.

CHAPITRE m.

PRIEURÉS EN COMMENDE. §1-

ifl PRIEURÉ DE SAÎNT-COME.

La Loire forme différentes îles dont quelques-unes ont certaine étendue» Celle de Saint-Gôme se trou- vait à une demi-lieue au-dessous de la ville de Tours ; mtiis depuis à peu près un siècle on l'avait réunie au continent , dont elle n'était séparée que par un faible cours d'eau. <i;> C'est dans cette île qu'était situé le prieuré de

SAINl>COME. 619

Saint-Come, desservi pendant un long espace de temps par des chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin.

Le domaine de cette île appartenait à Féglise de Saint-Martin. Hervé, son trésorier, en ayant obtenu la jouissance pour s'y retirer et y vivre avec plus de recueillement, y fît bâtir une chapelle sous l'invoca- tion de Saint-Côme , d'où l'île avait pris son nom : mais forcé en quelque sorte par les instances de ses confrères de reprendre ses fonctions, il donna de leur consentement cette île aux religieux deMarmou- tier pour y venir prendre leur récréation , à condition qu'ils reconnaîtraient les chanoines de Saint-Martin pour leurs premiers seigneurs , et qu'ils en paieraient le cens au cellerier du chapitre. Hervé abandonna en même temps la chapelle qu'il avait faitconstruire,vou- lant que douze moines y fussent entretenus pour ne pas y interrompre le service divin. Ces dispositions fbrent ratifiées par GelduinH, deSaumur, qui tenait nie à foi et hommage de Eudes, comte deïouraine.

Les moines de Marmoutier avaient à peine un siècle de jouissance qu'ils refusèrent de reconnaître la suprématie du chapitre et de payer le cens con- venu. Ce fut la matière d'un procès qui fut jugé par les nobles du pays. En vertu de leur sentence les moines se virent expulsés de l'île et le chapitre rentra dans sa propriété.

Ce fut que l'archidiacre Bérenger se retira, après sa dernière rétractation. Il y mourut le 1" janvier 1088, suivant l'épitaphe que lui fit Hildobcrt qui avait

020 HISTOIRE DE TOUR AINE.

été son disciple. Cette date est indiquée par le qua- trième vers il est dit :

Jani prima dies abstulit, ausa nefas.

Après la mortdeBérenger, quelques chanoines de Saint-Martin, ayant résolu d'abandonner leurs béné- fices pour embrasser la vie religieuse selon l'ordre des chanoines réguliers de Saint- Augustin, obtinrent du chapitre l'île de Saint-Come, à la charge d'ob- server effectivement la vie religieuse, de ne point changer d'ordre , d'assister aux obsèques des chanoi- nes , aux processions des rogations , et de présenter à la confirmation du chapitre le prieur qu'ils auraient élu, dans le cas ils excéderaient le nombre de douze. En conséquence de cette cession, ils firent construire les bâtimens qui leur étaient nécessaires, et ils en prirent possession la veille de Noël de l'année 1092. D'abord ils n'étaient que cinq; mais plusieurs chanoines de Saint-Martin ayant suivi leur exemple , ils se trouvèrent, en iioi, au nombre de quinze ou seize , ce qui leur permit d'élire un prieur. Ces prieurs étaient installés au chœur de Saint-Martin au rang des dignitaires, quoique , depuis le concordat, ils ne pris- sent plus l'investiture du chapitre.

Ce prieuré fiit supprimé en i y 4^, et ses revenus retournèrent à leur origine , c'est-à-dire au chapitre de Saint-Martin. Il en dépendait trente bénéfices.

Le poète Ronsard, clerc tonsuré du diocèse du Mans , conseiller et aumônier du roi Charles IX , fut

lîOIS-I\Ai:iER. 521

reçu prieur commendatairc de Saint-Come le ven- dredi 1 5 mars 1 564 > P^*' permutation , et par la même voie fut fait chanoine de Saint-Martin et installé le 1 6 janvier i565. Quoique prieur il ne lui fut pas permis de siéger au ehapitre au rang des dignitaires, mais seulement à son rang de chanoine. Le i5 mai 1570 il permuta son canonicat pour le prieuré de Guingalais au châleau du Loir, avec M. Florentin Regnard , conseiller au parlement de Paris et prési- dent aux enquêtes.

Ronsard mourut à Sain l -Corne, le mardi au soir 27 décembre i585. Sur son tombeau se lisait cette épitaphe qu'à coup sûr on ne lui eût pas faite un siècle plus tard.

Cave, viator, cave : sacra haec humus est.

Abi néfaste , quam calcas humum sacra est.

Ronsardiis jacet hic ,

Quo oriente oriri musse , et occideote commori

Ac secum inhumari voluerunt.

Hoc non invideant qui sunt superstites.

Nec parem sortem sperent nepotes.

Obiit

VI. Kal. Jan. no. lo. lxxxv.

En 1742, époque de la suppression du prieuré, le chapitre de Saint-Martin fit enlever le cénotaphe de Ronsard, qu'il fit placer dans sa salle capitulairc.

2 2 HISTOIRE DE TOURAINE.

§ II.

Ce n'était guère que sous le nom de prieure de Grandmont qu'était connu celui de Bois Rahier ( de Bosco Raberii), de Tordre de Grandmont en Limou- sin: il était situé à une lieue sud de la ville de Tours, sur le coteau qui est à la gauche du Cher . Ce fut une fondation faite en 1177 pâl* Henri II, roi d'Angle- terre et comte de ïouraine.

Il paraît par les lettres de fondation , qui sont sans date, que Henri y affecta le lieu de Bois Rahier avec les terrains , bois, prés et généralement tout ce qui en dépendait, francs de toute espèce de droits. Il y ajouta les bois et boires depuis les ponts de Vançay, aujourd'hui Saint-Avertin , avec usages dans les fo- rêts de Loches, de Chinon et de Bréchesnay ( nemus Brusennium). Il donna de plus 3oo livres de rente, monnaie d'Anjou, à prendre sur les afforages de Loches, et quelques autres rentes qui lui étaient dues au Château du Loir. Ces lettres furent données à Nort- hampton, en présence de Richard, archevêque de Cantorbéry et autres. Depuis elles furent confirmées en France par Charles YH, au mois d'avril i433; par Louis XI, en 146 1 ; par Louis XÏU et Louis XIV, en 161 1 eta645.

L'éghse était desservie par six religieux. Le prieur de cette maison était l'un des deux supérieurs de

viLLiEr.s. 623

l'ordre qui avaient le droit de confirmer lo gênerai, après son élection. Ce privilège leur avait été con- firmé par une bulle du pape Jean XXII.

Le prieuré ayant été supprimé en 17 , les reve- nus en furent affectt's au séminaire de Tours, et les bâtimens étaient devenus une maison de plaisance pour les archevêques.

§ ni.

PRIEURE DE POMMIERS-AIGRES.

Le prieuré de Pommiers-Aigres ( de Pomerio acri), communément nommé Grandmont, près Chinon, de l'ordre des religieux de Grandmont , était situé dans la paroisse de Lac-Mort. Il avait la même ori- gine que le précédent, et était de même une fonda- tion faite par Henri II , en 1 177 ou 1 178. Ce prieuré de peu d'importanoe n'était desservi que par deux religieux» L'abbé Régnier Desmarcts, de l'académie française, en a été prieur jusqu'en l'année 1713.

PRIEURS DE VILLIERS.

On a prétendu rjuc le prieuré de Villiers { Ville- rias ) pareillement de l'ordre de Grandmont , et situé dans la commune deCoulange, canton de Montré^ «or, était une troisième fondation de cette espèce.

524 HISTOIRE DE ÏOU RAINE.

faite on 1 170 par Henri II. D'après des lettres pa- tentes de Richard-Cœur-de-Lion , datées de 1196, quelques-uns ont cru que la fondation de Villiers ne pouvait pas être antérieure à 1192. Mais il est bien plus probable que ces trois prieurés datent de la même époque, et qu'ils furent, de la part de Henri II , une expiation du meurtre de Thomas de Cantorbéry dont ce monarque avait, sinon ordonné, du moins provoqué la mort.

Ce prieuré fut compris dans la suppression qui atteignit les deux précédens.

§ V.

PRIEURÉ DE SAINT-JEAN-DU-GRÈS.

Saint-Jean-du-Grès ou du Gréez , situe entre Truye et Azay-sur-Cher, paraît avoir été fondé vers l'an 1017 par Foulques-Nerra , qui fît don de l'église et de ses dépendances au chapitre de Saint-Martin.

En 1 163 , ce chapitre en fît l'abandon à quelques ermites qui s'étaient retirés dans les bois dont ces lieux étaient couverts. La charte d'abandon , signée par le doyen Barthelemi, le trésorier Geoffroy et autres chanoines, porte pour clause expresse, que cette église restera a toujours sous la protection et dépendance du chapitre de Saint-Martin.

En i6o3 , le prieuré passa à l'ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin qui s'affranchirent bien- tôt de leurs obligations envers l'église fondatrice, à

LA. BOURDILLIKRE. 5^5

laquelle ils ne payaient plus que deux sous de cens. C'est auprès du prieuré du Grès qu'était située la Tour des Brandons, bâtie par Foulques-Nerra , et dont nous avons parlé au tom. 1", pag. 3 14.

§ VI.

PRIEURÉ DE LA BOURDILLIÈRE.

La Bourdillière , prieuré de filles de l'ordre de Cîteaux, était située dans la paroisse de Génillé, à deux lieues et demie nord de Montrésor, et à onze lieues sud-est de Tours.

Louis de Menou , seigneur de Génillé , ayant ac- quis le château de la Bourdillière, y fonda, en 1661, en prieuré perpétuel , une communauté de filles de l'ordre de Cîteaux, destinée selon toute apparence à procurer un établissement aux filles nombreuses qui se trouvaient dans sa famille : c'est pourquoi sans doute il se réserva la nomination de la supérieure. Sept de ses sœurs, dont la plupart étaient engagées dans d'autres couvens , obtinrent la permission de se réunir à la Bourdillière, et l'aînée en fut nommée supérieure. Quatre des filles du fondateur vinrent accroître ce nom])re, qui bientôt après fut encore augmenté par l'admission de treize de ses nièces, en sorte que l'établissement, porté ainsi à vingt-quatre, se trouva entièrement composé des membres de la même famille.

Louis de Menou , en 1668, obtint de Louis XIV

526 HISTOrRE DE TOURAINE.

des lettres de confirmation de ce prieuré, sous le nom de Notre-Dame de la Bourdillière , et comme il avait renoncé à son droit de nomination, le roi donna pour çoa<ljutrice à Claude de Menou , sœur du fondateur, Catherine de Menou sa fille : dès ce moment, le prieuré de la Bourdillière fut mis au rang des monastères de fondation royale.

Il existait encore quatre-vingt-treize prieurés simples, trente monastères d'hommes et vingt-sept couvens de filles; mais on conçoit aisément que nous n'entreprendrons point l'énuméralion fastidieuse de tant d'établissemens qui ne pourraient offrir au- cun intérêt historique. Nous croyons seulement devoir terminer cette quatrième partie par quelques détails sur les églises paroissiales de la ville de Tours.

CHAPITRE IV.

ÉGLISES PAROISSIALES DE TOURS. §1-

JSA.IWT-CLÉMENT.

Daiys l'origine, Saint -Clément était un hospice destiné à recevoir les pauvres gentilshommes qui venaient visiter le tombeau de Saint-Martin. Il y en

SAJ^T-CLÉMENT. 5*7

avait un autre à côte , nommé l'hospice de Saint- André, pour les personnes d'une moindre condition. Ces sortes d'élablissemens avaient été recommandés aux chapitres et aux grands monastères , par le con- cile tenu en 816 à Aix-la-Chapeïle , confirmant le 7* canon du concile général de Nice.

Le comte Eudes, alors «bbé de Sainte Martin, donna à titre de bénéfice à Tua de ses chanoines riiospioe de Saint-Clément avec les revenus qui en dépendaient; mais Robert son frère, et son successeur dans cette abbaye, restitua cet hospice aux pauvres, en 896. Cependant les voyages au tombeau de Saint* Martin étaient devenus moins frequens, et, n'étant plus entrepris que par des personnes opulentes , cet établissement devint sans utilité, et ne tarda pas à recevoir une autre destination. La populaûon du bourg de Ciiâteauneuf s'étant accrue, il fut érigé en paroisse sous k même vocable de Saint -Clément. Mais comme l'église était peu spacieuse, elle fut re- construite vers le milieu du quinzième siècle , par les soins et en partie aux frais de Jean Briçonnet l'aîné , premier maire de Tours, qui était , at qui demeu- rait sur cette pai^oisse.

La cure était à la présentation de l'aumônerie de Saint-Martin. La paroisse a été supprimée à la ré- volution et le bâtiment forme aujourd'hui, provi- soirement sans doute, la halle aux blés.

5^8 HISTOIRE DE TOUR AINE.

SAINTE-CROIX.

Baudonivie qui a écrit la vie de sainte Radegonde dont elle avait été la compagne , nous apprend que cette reine, avant que de se retirer à Poitiers, avait demeuré pendant quelques années à Tours, auprès de i'église de Saint-Martin, elle allait prier tous les jours. Durant son séjour, elle y fît construire un monastère qui fut occupé par des hommes; mais avant son départ elle en fit don, ainsi que de lat maison qu'elle occupait, à l'église de Saint-Martin. Grégoire de Tours parle de cet oratoire ou couvent, et dit qu'il était situé auprès de la basilique de Saint- Martin. L'église de Sainte-Croix en était en effet très-rapprochée. Il est même probable qu'alors elle se trouvait dans l'enceinte du cloître. L'empereur Justin ayant envoyé à sainte Radegonde un mor- ceau de la vraie croix, cette relique resta déposée dans l'oratoire de ce monastère jusqu'à ce qu'elle eût été transférée à Poitiers; mais la reine y laissa un morceau du voile qui l'avait enveloppée. C'est à ce sujet que Grégoire de Tours mit sous l'invocation de la sainte croix l'église qu'il fît ensuite bâtir pour ce monastère , qui paraît avoir subsisté jusqu'à la fîn du douzième siècle. Il n'existait plus en 1200, car à cette époque son église fut érigée en cure, dont la

SAINT-DENIS. 5^9

présentation appartenait à l'abbé de Bourgueil, ce qui fut confirmé, en i2o3,parunebuile du pape In- nocent III.

Cette paroisse devenue ifttitiW, attendu la dimi- nution de la population de la ville, avait été sup- primée des le ï*' jiiri^ief i'jQl.

§ ttî-

SAIïn'-DETflS.

Ce fut Renaud , abbé de Pont-le-Voy, qui , vers Fân 1 187 ou I ï88, fit construire à Toxtrs une église qui fut mise sous l'invocation de saint Denis. Mais cette construction se trouvait placée dans la voirie de Châteauneuf , qui appartenait au cbapitre de Saint- Martin , dont Renaud aurait pt'endre le consen- tement avant que de rien cntreprcndi^e. Il è^hsuivit un procès dans lequel l'abbé eût nécéssâireftierit suc- combé s'il ne l'eût pas terminé par une transaction passée en 1 189, d'après laquelle le cbapitre consentit que les murs et la voûte de l'église , ({uï étaient déjà achevés, fussent conservés. L'abbé en doima ses let- tres, où il est dit : « Cum gratiâ capituli obtinuiftitis quod prescfiptae ecclesiae parrete.^ et volta, sictit erant exaltati, remanercnt.»

La présentation de la cure appartenait à l'abbé de Pont-le-Voy et la collation à l'archevêque de Tours. Ainsi que la précédente, elle fut supprimée au mois de janvier 178a.

3. M

53o HISTOIRE DE TOUR AINE.

§ IV.

«AINT-toENNE.

Il est certain que , dès les premiers temps le christianisme eut à Tours un culte public , il y avait im oratoire placé auprès d'un cimetière des chrétiens. Grégoire de Tours en parle au chap. 34 du livre de la Gloire des Martyrs, en disant qu'il avait été an- ciennement érigé par les liabitans en l'honneur de saint Etienne ; mais que le trouvant beaucoup trop resserré, il l'avait fait agrandir sous son épiscopat, c'est-à-dire vers les commencemens du septième siè- cle. Les anciens historiens ne nous ont rien appris de l'usage auquel il fut postérieurement destiné. Nous voyons seulement qu'il était placé dans le bourg de la trésorerie, voisin de la cathédrale; ainsi il n'y a pas de doute que ce fut ce même oratoire qui fut converti en une église paroissiale dont la population se composait en grande partie des liabitans de la cam- pagne , ainsi que cela existait encore à l'époque de sa suppression , et c'est ce qu'on appelait Saint-Etienne extra muros.

L'oratoire érigé en paroisse étant devenu par la suite trop peu spacieux, les liabitans, vers l'an i35o, ré- solurent d'en faire construire un plus commode; mais le terrain leur manquant , ils y suppléèrent en y ajou- tant celui du cimetière , qui fut remplacé par une portion de celui de Saint-Sébastien , que l'Hotel-Dieu

SAINT-HILAIRE. 53 1

de Tours consentit à leur céder pour y enterrer leurs morts.

La cure était à la présentation du trésorier de la cathédrale qui , en cette qualité , était seigneur d'une partie de la paroisse.

§v.

SAINT-HILAIRE.

Nous pouvons mettre cette église au nombre des plus anciennes de la ville de Tours , puisqu'elle date d'environ l'an Goo. C'est ce qu'on pouvait reconnaître à la construction de ses murs dont une partie était bâtie en petites pierres carrées de même nature que les anciens murs de la cité.

Ce n'était dans le principe qu'une simple chapelle qu'un certain Gautier donna à l'église de Saint-Mar- tin, à condition que le revenu en serait employé au soulagement de ceux de ses bénéficiers qui seraient malades. Le chapitre en fit don à son tour à un diacre nommé Geoffroy, pour lui et pour ses héritiers. Tom- bée entre les mains d'un gentilhomme que le titre désigne sous le nom de Simon de Marchille, celui-ci la donna, vers 1 1 3o, à Hildebert, archevêque de Tours, qui l'érigea en cure dont la présentation appartenait à l'abbé de Toussaints, d'Angers, de Tordre des cha- noines réguliers de Sainl-Augustin , congrégation de France , dite de Sainte-Geneviève. Aussi le curé avait- il le titre de prieur.

34.

5^9^ HISTOIRE DÏ3 TOUR AINE.

A cette époque, le lieu l'ëglise de Saint-Hilaite était située ne faisait pas encore partie de la ville de Totïts j àiiîsî qu'on le voit par laf charte d'Hildebert: « Je teiix , dit-il , qu'on sache que l'un ilos ba^-dtts « nommé Simon , mais surnommé Matôhille, est VëBîtt « vers nous, et a remis en nos mains l'église de Saint- ce Hilaire, située entre la ville de Tours et celle de Châ- « teauneuf. Notum fieri volo quemdam de baronibus « nostris, Simonem nomirie, sed cognomento Marchil- «lum, ad nos venisse et ecclesiam B. Hilarii inler ci- « vitatem Turotiis, et castellum È.Maftini sitam, quam «defetido nostro tenebat, iri tnanunostra dimisisse» »

§ VI.

W0TRE-DAME-L4-RICIÏÏ?.

11 pass^ pour conâtâitt qiië l'église de Nôtré-Damê- la-Riche à été bâtie sut l'un des cimetières des chfé- tj^fts 011 Saint-Gatien avait eu sa sé^ilture. Sainf- Lidoire ^ sOU successeur, fît construire à côté une chapelle dans laquelle il fut enterré ; mais Saint-Maf- ti*i iît transférer ses restes, ainsi que ceux de Saint*- Oâtièô,' dttus mti aùti^ chapelle dédiée à Saint-Mé- dârd , et presque attenante à celle de Notre-Dame-laf- Riehe. Grégoire de Tours , au livre de la Gloire àés Martyrs , dit qu'elle fut consacrée sous le nom de la Vierge et de Saint-Jean-Baptiste. Jusqu'au douzième siècle , elle fut connue sous le nom de Notre-Dame- la-Pauvre, pour la distinguer de Notre-Dame-de-l'É-

notre-dame-de-l'écrignole. 533

crignole. Mais vers ce même temps, les reliques de Saint-Gatien y ayant été déposées , elle prit de la deBomination de Notre-Dame-la-Riche qu'elle con- serve encore aujourd'hui , étant une des paroisses qui ont été maintenues.

Elle fut démolie en i562, probablement par suite de sa vétusté et des ravages commis à cette époque par les protestans. L'ancien édifice devait être plus grand et plus élevé que celui qu'on voit aujourd'hui, si l'on en juge par le haut pilier qui était resté de- bout et qui n'a été détruit qu'en 1789 , sans qu'on aperçoive le motif qui jusque-là l'avait fait res- pecter.

Louis XI y avait annexé l'une des prébendes du Plessis , qui se trouvait sur le territoire extra muros,

La cure était à la présentation de l'abbé de Vil- Icloin.

§ VII.

N OTRE-D AME-DE-Ii'ÉCRIGBTOLE .

Il Hôus reste peu de choses à dire sur l'église de i'Éçrignole , dont nous avons rapporté l'origine à l'ar- ticle de l'abbaye de Beaumont qui, en 1002, fut for- mée de ses débris.

Les incursions des Normands ayant tout-à-fait cessé , l'église que ces reHgieuses avaient abandonnée pour leur nouvel asile fut reconstruite sur de nou- veaux fondemens et érigée en paroisse, dont la cure

534 HISTOIRE DE TOURAINE.

était à la présentation de l'abbesse de Beaumont, et à la collation de l'archevêque.

Quand on eut reconnu l'opportunité de restreindre le nombre des paroisses de la ville de Tours , Notre- Dame-de-l'Ecrignole fut une de celles mises en pre- mière ligne, et sa suppression fut effectuée le 7 juin 1777.

§ VIII.

SAINT-PIERRE-DU-BOILLE.

Quoique Grégoire de Tours ne nous apprenne point à quelle époque remontait la construction de l'église de Saint-Pierre-du-Boille , il n'en paraît pas moins constant qu'elle a été la plus ancienne des églises paroissiales de la ville. Ce fait nous est dé- montré par un passage du testament de saint Per- pète, huitième évêque de Tours, qui avait déjà pres- crit qu'on célébrât la fête de Saint-Pierre et Saint- Paul dans l'église qui leur était dédiée. Il y est dit : « Je donne et lègue à l'église de Saint-Pierre les ta- » pisseries que je lui ai souvent prêtées pour la fête de » son patron. Ecclesiœ Sacti-Petri peristromata quae » ei ad utendum in natali ejusdem sœpe concessi, om- » nino et absolute do , lego. » Or sous l'épiscopat de saint Perpète les trois autres églises, que nous allons voir sous l'invocation de saint Pierre, n'existaient pas encore.

Celle-ci fut bâtie sur les remparts du Bourg de la

SAINT-PIERRE-DES-CORPS. 535

Trésorerie qui sVtcnclait depuis la tour de Saint- Vincent, ou portail de la Chancellerie , en tournant par la rue du Cygne, jusqu'à la porte de la cite étaient anciennement les prisons. A.ussi fut-elle nom- mée Sanctus-Petrus de Ballo; ballum étant un mot de la basse latinité employé au lieu de vallum qui si- gnifie rempart.

Probablement elle avait été reconstruite , et peut- être plusieurs fois depuis sa fondation ; mais elle le fut en dernier lieu vers la fin du quinzième siècle, et terminée en 1 5^0 par les soins de Guillaume Gal- loclieau , qui contribua à l'achèvement de la voûte, comme on le voyait par l'inscription qui se trouvait à la clef. La cure était à la présentation du chapitre de la cathédrale , en conséquence de la cession faite par l'archevêque Barthélemi II , approuvée par une bulle d'Innocent III , eu date du i5 mai 1 198. Cette paroisse n'existe plus.

§ IX.

SAINT-PIERRE-LE-PUELLIER.

Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons déjà dit de cette église, considérée comme collé- giale, f^oj, le ch. l*"', §

§ X.

SAINT-PIERRE-DES-CORPS.

L'église de Saint-Pierre-des-Corps peut aussi être

536 HISTOIRE DE TOURAINE.

citée pour son antiquité. Quelques-uns ont pensé qu elle était l'ouvrage des premiers chrétiens de la ville de Tours, qui, ayant un cimetière hors des piurs^yava^ent construit une chapelle, suivant l'usage observé dans ces temps ; et comme on y déposait les corps avant que de les enterrer, ils prétendent que de elle aurait pris le nom de Saint -Pierre- des- (Corps; mais, s'il jcn était ainsi, les chapelles des au- tres cimetières auraient recevoir la même déno- mination. D'ai4tres au contraire y ont trouvé une origine historique heaucoup plus vraisemblable , en disant que cette chapelle avait été ainsi nommée 9près que les Normands, en 838, eurent été défoits sous les murs de Tours, en assiégeant cette ville. Comme l'action principale se passa au levant de la cité, précisément tout près du lieu oii l'église est située , ce fiit , disent-ils , qu'on rassembla et qu'on enterra tous ceux des ennemis qui étaient tombés en grand nombre sous les coups des assiégés. C'est pour- quoi on appela ce lieu Saint-Pierre-des-Corps , ainsi qu'on nomma Saint-Jean-des-Coups le prieuré qui fut construit non loin de , en commémoration de cette victoire attribuée à l'exposition des reliques de saint Martin.

C'est après cet événement qu'elle fut érigée en paroisse , dont la cure était à la présentation du doyen de la cathédrale , et à la nomination de l'archevêque; mais les chanoines s'en prétendaient toujours les curés primitifs. Elle a été conservée comme paroisse du faubourg qui en porte le nom.

SAINT-SATURNIÎÎ. 537

§ XL

SAINT-PIERRE-DU-CHARDONNET.

Cette église est bien moins ancienne que la pré- cédente. Ce n'était dans l'origine que la chapelle af- fectée au cimetière du Bourg de Chateauneuf, et celle-ci servait véritablement à y déposer les corps avant leur inhumation. Aussi était-elle connue sous le nom de Saint-Pierre-du-Cimetière. On a prétendu que les chardons qui y croissaient l'avaient fait ap- peler Saint-Pie rre-<Ju-Chardonnet , Sanctus-Petrus de Cardoneto ; mais comme il y a eu à Paris et ailleurs des églises portant cette même dénomination , nous pensons qu'on doit y chercher une autre étymologie.

Ce cimetière et sa chapelle étaient en dehors des murs : mais la ville s'étant accrue de ce côté , tous les deux se trouvèrent alors compris dans son enceinte , et l'église fut érigée en paroisse pour ces i?ouvelles habitations , placées au-delà des fossés qui furent comblés. La cure était à la collation du chapitre de Saint-Martin. L'église était de la plus petite dimen- sion , et les paroissiens très-peu nombreux : aussi fut-elle comprise dans la réduction qui eut lieu en 1782.

SA^IJTT-SATURWIN.

La paroisse de Saint-Saturnin était considérée

538 HISTOIRE DE TOURAINE.

comme la principale de la ville. C'en était effective- ment et la plus spacieuse et la plus peuplée. Gré- goire nous apprend qu'il avait fait bâtir à Tours une chapelle dans laquelle il avait mis des reliques de saint Saturnin. Cette chapelle étant tombée entre les mains de Théotolon, cinquante-quatrième archevêque de Tours , il la donna à perpétuité au monastère de Saint-Julien qu'il venait de faire reconstruire, les Normands l'ayant entièrement détruit en 856. Les lettres qu'il donna à ce sujet , en 945 , portent qu'il la leur abandonne avec les terres et vignes adjacentes, prés, pacages, jardins, cours d'eau, meubles et im- meubles , et généralement tout ce qui en dépend. On voit par que son emplacement, et tout ce qui l'en- tourait, ne faisaient point encore partie de la ville. Les lettres de Théotolon ont cela de particulier que son nom , et ceux des personnes en présence desquelles elles furent données, sont signées en caractères grecs sur l'original.

Ce fut le cardinal Briçonnet , à Tours , qui, vers l'an 1 5oo , lit bâtir la haute et belle tour qui soute- nait le clocher. Nous avons parlé du monument qui y avait été érigé à Thomas Boliier et à son épouse. La cure était à la présentation de l'abbé de Saint-Julien. Cette église a été aliénée et convertie en habitations.

§ XIII.

SAINT-SIMPLE.

Nous ne pourrions dire à quelle époque remonte

SAIMT-STMPnOBIEW. SSq

Texistence de rëgliso de Saint-Simple , puisque Fau- teur, ou plutôt le continuateur de la Chronique de Tours, est le pi-emier, ou peut-être le seul, que nous trouvions en avoir fait mention au sujet d'un miracle qui s'y opéra, dit-il, le lendemain de la Saint-Bar- thélemi 12^4 sur une femme privée de l'usage de ses membres. Il nous apprend également que cette église fut presque entièrement brûlée un vendredi, à mi- nuit, jour de Saint-Luc , c'est-à-dire le i8 octobre de la même année. Elle était située dans le bourg de Châteauneuf pour lequel elle fut érigée en paroisse , vers l'an i36o. Mais comme elle était de très-peu d'importance , elle fut comprise dans la première ré- duction opérée le 17 juin 1777.

s XIV.

SAINT-SYMPHORIEN.

On ne peut révoquer en doute l'ancienneté de cette église, qui fut construite pour l'usage des habi- tans du faubourg de ce nom, parce qu'alors il n'y avait point de ponts qui le joignissent «1 la ville, et que le passage de la Loire était souvent difficile et périlleux. On a cru qu'elle avait été bâtie par l'évêque Perpète; mais nous estimons qu'elle fut l'ouvrage du prêtre Eu frosne, son ami, et qu'à cet égard on a mal interprété le ch. xiv du liv. 11 de Grégoire de Tours, chapitre qui n'est que la suite du précédent. En effet, après avoir parlé au ch. xiii de la reconstruction de

54Ô HISTOIRE lîE TOURAllîE.

la basilique de Saint-BIartin , il continue, et dit, sans aucune transition : « Eo tempore et basilica beati pSymphoriani, Augustodunensis martyris, ab Eu- fffronio prœsbytero aedificata est. Et ipse Eufronius, « hujus deinceps urbis episcopatum sortitus est. En ff ce même temps l'église deSaint-Symphorien, martyr ff d'Autun, fut bâtie par le prêtre Eufrosne , qui, dans « la suite, fut nommé évêque de la même ville. » Il est donc évident que Grégoire n'a ici en vue que saint Sympborien de Tours, autrement il n'eût pas manqué de dire ; Le prêtre Eufrasne bâtit à Autun , ^iont il fut ensuite évêque, etc. Ce qui vient à l'appui de notre opinion, ce sont les mots eo tempore; car Eufrosne était notoirement à Tours lorsqu'on rebâ^ tissait Saint-Martin. Dans le même temps il faisait élever celle de Saint-Symphorien ; or ce ne pouvait être que celui de Tours.

Le faubourg <Je Saint-Symphorien a conservé sa cure dont auparavant la nomination appartenait à l'abbé de Marmoutier.

§ XV.

SAINT-VEWANT^

Nous renvoyons pour jcette paroisse a ce que nous en avons dit en sa qualité de collégiale au § 3 du

SAINT- VINCENT. 54 1

§ XVI.

s A TNT- VINCENT.

Grégoire de Tours, à la fin de son dixième livre, nous donne indirectement l'époque de la construction de Téglise de Saint-Vincent. Après avoir rapporté l'incendie de la basilique de Saint-Martin par Willa- caire , en 56o , il ajoute que dans le même temps fut bâtie l'église de Saint-Vincent, ce qui ne put avoir lieu que par l'évêque Euphrone, qui occupa le siège de Tours depuis 5 Sa jusqu'à 573.

Le curé de Saint-Vincent était en possession de faire porter une croix double aux processions. Ce privilège lui venait de ce que le palais archiépiscopal se trouvait dans la circonscription de celte paroisse- Mal gré cela il n'avait aucune espèce de prééminence sur les autres curés. Il avait le titre de prieur, parce que la cure avait été autrefois desservie par des chanoines réguliers de Saint-Augustin de l'abbaye de Saint-George-des-Bois , au diocèse du Mans, dont elle dépendait, et dont l'abbé avait la présentation.

Le curé portait toujours le titre de prieur, de l'ordre des génovéfains, comme celui de Saint-Hilaire, et ainsi que lui était vêtu de blanc.

FIN DU TROISIKME VOLUME.

ERRATA

Page».

Lignes.

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217

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24

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7

TOME I".

iÇ^âcez : de Blérë.

3oi ; lisez: 3o4.

Baudomine; lisez : Baudonivie.

du Clain; lisez : de l'Auzance.

1367; lisez: 1637.

6^5; lisez : 61 5.

avait ; lisez : avaient.

sa fîUe ; lisez : sa femme.

Nous attribuons à Robert-le-Fort un gros tournois que, mieux informés, nous croyons appartenir à Robert H, duc de Bourgogne.

388

3

repnetir ; lisez : repentir.

392

10

Tarchevêque ; lisez : Tévêque. TOME II.

27

6

Effacez : et.

43

7

La Châtre; lisez : La Cbartre.

265

i3

mios ; lisez : mois.

326

18

Carroir ; lisez : Carroy.

359

i3

d'un des; lisez: lun des.

371

^9

1669; ^'•^^2* 1569.

45o

i3

Courtevanes; lisez : Courtenvaux. TOME m.

14

la possédait ; lisez : le possédait.

79

8

1G12; lisez: 1601.

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DC Chalmel, Jean Louis 611 Histoire de Touraine

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