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HISTOIRE ET Ol^GflflISflTIOH jVIIIilTfllI^ES
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CMEMIKS DE KER
DROITS DE REPRODUCTION ET DE TRADUCTION RESERVES
Histoire et Organisation militaires
DES
Chemins de f ep
par le D' JOESTKN
CONSEILLER DE RÉGENCE
CAPITAINE DE LA LANDWEHR, EX-MEMBRE DE LA DIRECTION ROYALE
DES CHEMINS DE FER DE COLOGNE
Traduit de l'allemand
Par le Iiieutenaiit-Colonel B***
AVEC l'autorisation DE l'aUTEUR
PARIS
Henri GHARLES-LAVAUZELLE
Éditeur militaire 10, Rue Danton, Boulevard Saint-Germain, 118
(MÊME MAISON A I.IMOGE.S)
â85
Le présent ouvrage a valu à son auteur un autographe du célèbre maréchal, comte Mollke, ainsi conçu :
Monsieur le Conseiller de Régence,
C'est avec le plus grand intérêt que j'ai lu votre opuscule si documenté, malgré son faible volume, sur les rapports des chemins de fer avec la stratégie; je vous suis très obligé de votre gracieux envoi et vous en remercie.
Creisau, le 22 juillet 1890.
Maréchal, Comte MOLTKE.
316864
AVANT-PROPOS
ir existe, de par le monde, quantité d'ouvrages, petits et grands, qui contiennent les renseignements les plus détaillés sur l'organisation des chemins de fer en général et, en particulier, sur leur fonctionnement en temps de guerre. Mais, pour une époque de paix armée comme la nôtre, nous ne possédons pas, à pro- prement parler, de traités historiques et méthodiques faisant ressortir le rôle que les chemins de fer sont appelés à jouer désormais dans la conduite des opé- rations militaires. Ce n'est qu'en nous basant sur une connaissance approfondie de la technique des chemins de fer et en tenant compte de toutes les connaissances acquises au point de vue expérimental et théorique que nous pourrons apprécier avec exactitude l'ensem- ble des services qu'ils sont destinés à rendre en cam- pagne et leur action réciproque sur la conduite des armées modernes. Tout ce qui a été dit et écrit jus- qu'ici sur cet important sujet permet surtout de cons- tater que les écrivains se sont placés, tantôt à un point de vue organique, tantôt à un point de vue purement militaire, pour traiter les questions scientifiques qui se rattachent à ce nouvel organisme. Remettre les choses au point de part et d'autre, tel a été mon but. Dans les développements historiques et méthodiques qui vont suivre, je me propose de montrer combien l'utilisation des voies ferrées, avant et pendant les
8 AVANT-PROPOS
hostilités, a pris d'extension et comment leur réseau, lorsque son tracé et son exploitation ne laissent rien à, désirer, est à même de satisfaire, aujourd'hui, à toutes les exigences d'un conflit armé éventuel. Puisse ce travail rassurer les esprits quelque peu inquiets, en nous voyant occupés, en temps de paix, à l'achèvement de notre réseau ferré, et je me déclarerai pleinement récompensé de mes efforts.
Bonn-sur-le-Rhin, janvier 1904.
L'Auteur.
PREMIERE PARTIE
EMPLOI DES CHEMINS DE FER EN TEMPS DE GUERRE
Introduction.
rrédéric Harkoi't, cette gloire de la Westplialie, connu plus communément sous le nom du « vieil Har- kort », a eu, le premier en Allemagne (1), le mérite de prédire la révolution que les chemins de fer devaient amener dans la stratégie. Au mois de mars 1833, dans son ouvrage Les CJiemins de fer de Minden à Colo- gne (2), il s'exprimait ainsi sur l'importance des voies ferrées :
« L'art militaire moderne consiste à porter rapide- ment, sur un point donné, des forces imposantes. Dans le laps de temps qu'un corps prussien emploierait pour se rendre de Magdebourg à Minden ou à Cassel, une
(1) Dans une déclaration faite à la Chambre des députés en 1832, le général français Lamarque estimait déjà que (( l'emploi des chemins de fer était susceptible d'amener dans l'art militaire une révolution aussi complète que l'invention de la poudre à canon », et le général comte Rumigny, aide de camp du roi Louis- Philippe, avec un pressentiment prophétique, entrevoyait, à la même époque, les armées allemandes envahissant la France sur- prise, après s'être rassemblées à la frontière en utilisant les che- mins de fer.
(2) Hagen, chez A. Brune.
iO HISTOIRE ET ORGANISATIOX
armée française partant de Strasbourg, de Metz ou de Bruxelles, peut gagner respectivement Mayence, Co- blentz ou Aix-la-Chapelle; nous subissons, en consé- quence, un retard de six journées de marche qui auront souvent une influence décisive sur l'issue d'une campa- gne. Grâce aux chemins de fer, ce désavantage disparaît, attendu qu'en vingt-quatre heures 150 wagons trans- porteront une brigade entière de Minden à Cologne, où elle arrivera sans fatigue, avec ses approvisionnements et ses bagages au complet. Imaginons une ligne ferrée, pourvue d'un télégraphe, longeant la rive droite du Khin, de Mayence à A'esel. Du coup, il devient presque impossible aux Français de franchir le fleuve, car, avant que leur attaque se soit prononcée, ils se heurteraient à une défense établie, à l'endroit voulu, avec des forces supérieures en nombre. Pareilles choses semblent encore étranges; mais, dans le sein de l'avenir, sommeille en germe un développement des chemins de fer dont les conséquences sont incalculables. »
Les prédictions du vieil Harkort, qui rencontrèrent alors beaucoup d'incrédules ■ — rappelons-nous seule- ment le directeur général des postes Nagler, bien connu pour son hostilité prononcée contre les chemins de fer — furent pleinement confirmées dans le courant du siècle et personne ne le comprit mieux que de Moltke, dont le coup d'œil perspicace sut discerner, en temps utile, combien les voies ferrées allaient révolutionner profon- dément les règles de la stratégie.
En 1868, dans un mémoire, devenu fameux, sur le rassemblement de toutes les forces allemandes en pré- vision d'une lutte avec la France et sur la formation et la composition des différentes armées, il s'exprimait ainsi :
« C'est à l'état-major général qu'il appartient, dès le temps de paix, de préparer de la façon la plus détaillée
DES CHEMINS DE FER 11
le groupement et le transport des troupes et d'avoir des projets élaborés à l'avance. Les considérations politi- ques et géographiques les plus variées doivent entrer en ligne de compte, avec les considérations stratégiques, pour la concentration d'une armée. Une erreur com- mise dans le rassemblement initial est presque irrépa- rable dans tout le cours d'une campagne. Toutes ces dispositions peuvent être étudiées longtemps à l'avance et doivent, une fois la mobilisation des troupes et le plan de transport arrêtés, conduire au but que l'on s'est proposé. »
Un simple coup d'oeil d'ensemble sur l'histoire mili- taire nous montre avec quelle lenteur s'effectuaient la concentration et les mouvements des armées avant l'in- vention des chemins de fer. C'est ainsi que, dans la campagne de 1806, les têtes des colonnes russes péné- traient à peine en Pologne, que déjà l'armée prussienne confédérée essuyait une défaite sur la Saale. De même, en 1830, alors que l'insurrection polonaise avait éclaté le 29 novembre, ce ne fut qu'au commencement de fé- vrier de l'année suivante que les troupes russes se trou- vèrent rassemblées, à Brest-Litowski, en forces suffi- santes pour pouvoir franchir la frontière du royaume de Pologne.
Si, au début d'une guerre, les chemins de fer ont pour premier devoir de satisfaire aux exigences de la mobilisation et de la concentration, ils servent aussi, pendant le cours des opérations, à maintenir, avant tout, les armées en communication avec les sources de pro- duction du territoire national, c'est-à-dire à assurer les ravitaillements en vivres et en munitions, le transport des hommes de complément et du matériel de siège, l'enlèvement des malades, des blessés, des prisonniers et des prises faites sur l'ennemi.
Sur le champ de bataille même, l'importance des che-
i2 HISTOIRE ET ORGANISATION DES CHEMINS DE FER
mins de fer s'explique par la nécessité oii l'on peut se trouver, dans une situation tactique donnée, de procéder à des déplacements de troupes. Tel sera principalement le cas lorsqu'on voudra rassembler des détachements «loignés et opérant isolément, pour les transporter sur un autre théâtre de guerre, — qu'il s'agisse de la défen- sive ou d'une attaque par surprise, de faciliter une re- traite, de renforcer des garnisons menacées, de soutenir un corps de siège, de faire échouer une tentative de i'ennemi pour débloquer une place forte, enfin de défen- dre des côtes ou des lignes fluviales.
II
Application des chemins de fer à la stratégie. Concentration des armées par voies ferrées.
L'invention des clieniins de fer n'a pas tardé à dé- montrer que celui des deuj: partis qui aura terminé sa concentration avant l'autre aura cet avantage, sur son adversaire, de prévenir ses mouvements et, par suite, de- lui imposer sa volonté. Même avec des forces égales, il remportera les premiers succès, relèvera le moral et af- fermira la confiance de ses troupes. Il aura pour lui- l'initiative des mouvements au lieu de la subir. Ainsi s'explique la course au clocher entreprise par les prin- cipaux Etats pour se présenter, dans le plus bref délai, à la frontière menacée, avec la supériorité du nombre. En vertu des lois de la stratégie moderne, la durée de cette course s'évalue déjà en heures et non plus, comme au- trefois, en jours et en semaines. La concentration des armées des grandes puissances offre aujourd'hui l'image imposante des plus grandioses déplacements de peuples. Chacun mettra en mouvement plus d'un million d'hom- mes et plusieurs centaines de mille de chevaux. Cette opération ne sera possible que si les nations possèdent des chemins de fer et des moyens de transport suffisants pour embarquer simultanément toutes les unités de leurs armées d'opération, dans les mêmes conditions de vi- tesse, de force et de régularité. Leurs réseaux ferrés n'ont donc pas seulement à satisfaire aux besoins écono- miques : ils doivent aussi, dès le temps de paix, répondre aux nécessités de la guerre et, par le perfectionnement
14 HISTOIRE ET ORGANISATION
de leurs voies et de leur matériel roulant, progresser en raison de l'augmentation des masses armées et de l'im- portance des armements modernes. En fait, notre siècle, si fertile en inventions, a mis, entre les mains des chefs d'armée surtout, un instrument des plus puissants, en même temps qu'il leur donnait le moyen de supprimer les distances — obstacle principal à l'action combinée des forces — et de débarrasser ces dernières du souci des besoins matériels, grâce à une utilisation judicieuse et méthodique des transports militaires par voies ferrées.
Dans quelle mesure peut-on compter sur celles-ci pour mener à bien la mobilisation et en poursuivre les résul- tats? Quel est le parti à en tirer au point de vue straté- gique ? On répondra à ces questions en déterminant le genre et l'étendue des services que les chemins de fer sont susceptibles de rendre pendant la période de pré- paration à la guerre et dans le cours même de la cam- pagne. Les calculs basés sur la capacité et la solidité des voitures, le temps nécessaire à l'embarquement et au débarquement, la contenance des wagons en hommes et en chevaux, la quantité des approvisionnements à enle- ver, etc., etc., forment les éléments de ce que l'on appelle aujourd'hui le plan de transport.
En Allemagne, les matières qui ont trait à ce sujet sont contenues dans des règlements spéciaux que nous analyserons plus loin.
On admet, en principe, qu'un train de 100 à 110 es- sieux et de 500 mètres de long suffit à l'enlèvement de chacune des unités ci-après :
1 bataillon et 1 état-major de régiment ou de bri- gade;
1 bataillon de chasseurs à pied ;
1 escadron avec les états-majors d'un régiment et d'une brigade, ou bien :
1 escadron et demi ;
DES CHEMINS DE FER 15
1 batterie de campagne, plus 1 état-major de régi- ment ou de groupe ;
2/3 de batterie à clieval;
1 compagnie et demie de pionniers et un équipage de ponts divisionnaire;
1 colonne de munitions ou de vivres ;
1 dépôt de remonte mobile;
1 détachement sanitaire.
Le transport d'un corps d'armée avec tous ses impedi- menta exige 110 trains, dont 66 pour les troupes et 44 pour les convois et les équipages.
Celui d'une division d'infanterie nécessite 39 trains à raison de 24 pour les combattants et de 15 pour les co- lonnes de munitions et de vivres.
Enfin, il faut 22 trains pour transporter une division de cavalerie au complet (1).
A l'aide de ces données, on peut calculer le temps né- cessaire à une unité quelconque pour effectuer son mou- vement par voie de fer.
(1) Ton WcdcVft Offizicr Toschenhush (lo* édition, page 75. — Berlin 1898. Librairie militaire de Eisenschmidt.)
4G
HISTOIRE ET ORGANISATION
Si l'on estime à 18 trains le rendement
journalier d'une ligne à double voie et à
12 celui d'une ligne à voie unique, on en
conclut que la mise en marche d'un corps
d'armée demandera, dans le premier cas:
lOG . ^ 1 T j 106 .
— - jours et dans le second — - jours,
soit en nombres ronds
En ajoutant à ces ckiffres la durée du trajet et le temps nécessaire à l'embar- quement et au débarquement d'un train considéré isolément, on obtiendra le temps total nécessaire pour transporter le coi-ps d'armée d'un point à un autre.
La vitesse d'un train militaire étant de 22 kil. 1/2 à l'heure, il en résulte que, pour une distance de 150 kilomètres, par exemple, à parcourir sur une ligne à double voie, la durée du trajet sera de
sept heures environ
et, pour un parcours de 225 kilomètres, sur une ligne à voie unique, de dix heu- res '.
Quant au temps employé, au départ, pour l'embarquement et, à l'arrivée à destination, pour le débarqiiement, on admet que l'ensemble de ces deux opéra- tions, lorsqu'elles sont effectuées à quai., exige, savoir (1) ;
A reporter
TR.VJET
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2 voies.
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1 voie.
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10
(1; M m tiii -T I a nsport-0 idnung , chap. IV, § 44.
DES CHEMINS DE FER
17
Report
Pour im train d'infanterie... 1 h. 30
Pour un train de cavalerie ou d'artillerie de campagne.... 2 li. 50
Pour un train comprenant des colonnes de munitions, des convois ou de l'artillerie lourde. 3 11. 50
C'est évidemment ce dernier chiiïre qu'il convient d'ajouter aux précédents, soit
Additionnant ces diverses quantités, on voit que la durée totale du transport d'un coi^s d'armée sera respectivement de
Ou, en nombres arrondis, de sept et dix jours (1).
TRAJET
SIR UNE LIGNE.
voies.
Il
1 voie.
10
14
Or, pendant ce laps de temps, le corps d'armée aurait franchi, par voie de terre, dans le premier cas, 7 étapes ou 140 à 150 kilomètres et, dans le second, 10 étapes ou 200 à 220 kilomètres. Il n'y a donc pas intérêt, dans les conditions de rendement et de vitesse où nous nous sommes placés, à transporter le corps d'armée en che- min de fer, lorsque le trajet à parcourir est inférieur à 7 ou 10 étapes (2).
(1) Ces chiffres sont des maxima.
(2) Si, allégeant le corps d'armée de tous ses impedimenta, on se borne à embarquer les troupes seulement, il n'y aura économie
Organ. chem. do fer. 2
18 HISTOIRE ET ORGANISATION
Enfin, l'avantage que présente l'arrivée simultanée d'une grande unité entrera souvent en ligne de compte dans la détermination du choix à faire entre la marche par étapes et le transport en chemin de fer.
En ce qui concerne le transport des approvisionne-
de temps que pour un parcours dépassant 3 et 4 journées de marche.
Afin d'utiliser les chemins de fer jusqu'à leur limite inférieure d'emploi, on peut encore adopter une troisième méthode qui consiste à transporter l'infanterie seule en chemin de fer, tandis que les troupes montées et les équipages suivent les routes ordi- naires, en doublant au besoin les étapes.
Quels que soient les avantages que présentent les voies fer- rées, d'une manière générale, il ne faut pas perdre de vue qu'ils n'existent que dans certaines conditions de distance, qui varient elles-mêmes suivant la nature et le rendement de la voie, enfin suivant la vitesse moyenne de marche admise dans la partie du réseau utilisé.
La durée totale T d'un transport peut être représentée par la formule :
(1) T = f+Oi — 1) e
<= étant la durée d'un trajet, n le nombre de trains nécessaire
pour l'unité considérée et c l'intervalle entre deiix trains consé- cutifs, qui est donné par le rendement quotidien.
Pour transporter un corps d'armée à 1.300 kilomètres de son point de départ avec une vitesse de 25 kilomètres à l'heure (c'est la vitesse admise en France) et à raison de 12 trains par jour, on aura :
1/100
(2) T= —j- +(106 — 1)2=52+210=262 h. = 11 jours.
Mais cette formule, oii nous n'avons pas fait entrer la durée des opérations de l'embarquement et du débarquement, puis- qu'elle peut être considérée comme une quantité constante, ne présente pas seulement l'avantage, très secondaire du reste, de donner, dans tous les cas, la solution du problème ci-dessus. Son examen montre, en effet, que les variations de e auront beaucoup plus d'influence sur la valeur de T que celles de t. Ainsi, en dou- blant la vitesse, dans l'exemple précédent, sans faire varier l'in- tervalle entre les trains, on aura :
(3) T= -^ +210=26 + 210 = 236 h. = 10 jours
En doublant le nombre des trains, et en conservant à f sa pre- mière valeur, on a :
(4) T=52+ (106 — 1) = 52+105 = 157 h. = 6 jours 1/2. Dans l'hypothèse (3), on a gagné 1 jour; dans l'hypothèse (4),
on a gagné 4 jours 1/2 sur l'exemple (2).
DES CHEMINS DE FEE. 19
ments à destination des armées, on estime qu'en général un train du poids brut de 700 tonnes peut contenir et transporter, quand les communications par chemin de fer sont faciles, les quantités devant suffire, pendant un jour, à 90.000 hommes et 30.000 chevaux. A distance égale, et par voie de terre, il faudrait, pour un pareil chargement, employer 1.000 voitures pendant vingt jours.
On évalue, le plus souvent, à 4.000 tonnes le poids moyen des subsistances nécessaires à la consommation journalière d'une armée d'un million d'hommes, et de 250.000 chevaiix. La seule exploitation des ressources locales ne pouvant suffire à une pareille multitude, il s'ensuit qu'à raison de 8 tonnes par wagon il faudra journellement M trains du poids brut de 500 tonnes chaque. Toutefois, le nombre de ces trains s'accroîtra notablement, par suite de l'obligation de transporter simultanément des troupes, des munitions, enfin du matériel de toute sorte.
III
Conditions à remplir par les lignes et le matériel roulant d'un réseau ferré répondant aux nécessités ds la guerre moderne.
Quel est le parti que la stratégie est en droit d'atten- dre de l'emploi d'un réseau ferré, répondant aux néees- eités de la guerre moderne?
Un tel réseau ne peut satisfaire aux besoins de la stratégie que s'il offre, dans tous les cas, les plus grandes facilités, aussi bien pour une guerre défensive que pour une guerre offensive. Partout et toujours, le problème consistera à procéder, avec une rapidité foudroyante, à la concentration des armées; à leur expédier, avec mé- thode et promptitude, les troupes de renfort, les muni- tions et les subsistances; enfin à assurer l'évacuation rapide des malades, des blessés et des prisonniers. En d'autres termes, on concentrera des troupes d'une im- portance majeure en utilisant, dans les mêmes condi- tions de simultanéité, de vitesse, de force, de régularité et de continuité, toutes les lignes ferrées qui aboutissent dans la zone du rassemblement considéré.
L'axiome en honneur, avant l'invention des chemins
La solution (4) est d'autant meilleure que l'emploi d'une vi- tesse très faible permet de réduire l'intervalle entre deux trains sans accroître les chances d'accidents dans des proportions inad- missibles.
C'est donc dans le sens de la succession rapide des trains, et non dans le sens de leur vitesse do marche, qu'il y a lieu à& chercher toutes les améliorations relatives à la concentration des armées. (J^ote du traducteur.)
HISTOIRE ET ORGANISATION DES CHEMINS DE FER 21
de fer, en vertu duquel les meilleures voies commer- ciales étaient considérées aussi comme les meilleures au point de vue militaire, n'est plus vrai aujourd'hui; l'expérience l'a prouvé. En effet, si, d'une façon géné- rale, les meilleures routes commerciales constituent d'excellentes lignes de communication pour les armées, par contre, les bonnes ou très bonnes routes stratégi- ques peuvent ne pas être, et ne doivent pas, dans tous les cas, constituer de bonnes voies commerciales. A l'appui de cette assertion, on peut citer les immenses étendues de lignes ferrées- des côtes de la Poméranie ; ces lignes, qui ont une importance capitale au point de vue stratégique, n'ont cependant qu'une valeur mé- diocre au point de vue commercial, attendu qu'elles ne relient l'intérieur à aucune contrée susceptible d'échan- ges ou de trafic et ne mettent en rapport que des loca- lités dont les besoins sont identiques.
Les conditions auxquelles doit satisfaire théorique- ment et pratiquement un réseau ferré, pour répondre aux nécessités de la guerre, peuvent se résumer briève- ment comme il suit :
1° Sur chacun des fronts stratégiques du territoire national, on disposera du plus grand nombre possible de voies ferrées, indépendantes les unes des autres ;
2° Les lignes convergentes qui aboutissent sur les bases de concentration et, en particulier, sur les côtes et les grandes lignes fluviales, seront coupées par de nom- breuses transversales, afin de permettre le transport ra- pide des troupes, de l'une quelconque des lignes de con- centration sur une autre ;
3° Les positions -et les localités d'une valeur straté- gique reconnue doivent être choisies comme points de croisement des voies, et ces nœuds ferrés, eux-mêmes, lorsqu'ils se trouvent à proximité de la frontière, doi- vent, à leur tour, être couverts par des ouvrages de
â2 HISTOIRE ET ORGANISATION
fortification (1) destinés à servir de points d'appui aux mouvements offensifs ou rétrogrades;
4° Il faut, dès le temps de paix, s'appliquer le plus possible à organiser et à perfectionner les procédés d'exploitation, à accroître la puissance de transport des voitures, à pourvoir les gares de rései-^'oirs d'alimenta- tion, do rampes et de quais d'embarquement; enfin, tenir le plus grand compte des exigences de la guerre, de la masse énorme des armées, de l'action des diffé- rentes armes (infanterie, artillerie, cavalerie), du poids et du calibre des pièces d'artillerie. Par ce moyen seu- lement, on parviendra à transporter les grandes armées de campagne modernes dans des conditions identiques, de temps, de vitesse, de force, de régularité et de con- tinuité.
Les mailles du réseau seront aussi étroites qwe pos- sible ; on augmentera sa capacité de rendement par la création de nombreuses sections à double voie, par le soin apporté au tracé, à la construction et à l'entretien des lignes, à la diminution des pentes et des courbes; on veillera aussi à ce que les stations soient convena-
(1) En France, on a appliqué ce principe dans toute sa rigueur, en élevant sur la frontière de l'Est les forteresses de Belfort, Epinal, Toul, Verdun, Long^vy et Montmédy, ainsi que les fort-g d'arrêt qui relient ces places entre elles ; en fortifiant les nœuds ferrés importants de Langres, Reims, Laon, La Fère et Paris, point de réunion de toutes les grandes lignes; en construisant les ouvrages défensifs de la frontière du Sud-Est, et, plus réeeni- nieut, ceux de la frontière >yord-Est.
En Russie, les noeuds de communication sont : Xovo-Geor- gievsk, Varsovie, Ivangorod, Brest-Lito^ski, Byelostock, Grod- no, Konio. Luzk, Dubno, etc.
Dans le but de couvrir la nouvelle ligne stratégique Byelos- tock - Lomza - Ostrolenka - Zegrze ou Mlawa, dont la construc- tion est projetée en arrière de la coupure formée par le Bug et la Narew, on a élevé une série de forts d'arrêt sur les points de Lomza, Ostrolenka, Pultusk et Zegrze ; à l'est, cette ligne de défense englobera le fort de Grouioudz, sur le canal d'Augustowo, et celui de Grodno, sur le Niémen.
DES CHEMIXS DE FER 23
W^meiit espacées et bien installées, et à ce que le personnel et le matériel d'exploitation ne laissent rien à désirer sons le rapport de la qualité et de la quantité. Les grands trains militaires de 100 à 110 essieux, ayant une longueur d'environ 500 mètres, oni besoin de beau- coup de place pour se garer; en vue de faciliter et d'ac- célérer les opérations de l'embarquement et du débar- quement, il est nécessaire qu'on puisse mettre à quai des trains entiers et tout d'une pièce, de façon à pouvoir les charger ou les décharger simultanément et d'un seul côté. A cet effet, tous les points importants de notre réseau seront dotés de rampes militaires d'une solidité éprouvée. Etant donné que quelques stations seulement disposent d'emplacements aussi vastes, on peut, néan- moins, y remédier par ce fait que plusieurs stations si- tuées les unes derrière les autres, mais à des distances suffisamment rapprochées, sont susceptibles de se prêter un mutuel appui. De ce que, en 1870, par exemple, les gares terminus de Herny, Remilly et Courcelles, situées sur les derrières de la IP armée, ne permirent pas le déchargement et le retour réguliers des trains de trans- port, les lignes se trouvèrent bientôt encombrées et même complètement obstruées.
Aussi, à la date du 5 septembre, y avait-il encore un total de 2.322 wagons (dont 600 sur la Rhein-Nahe- Bahn, 560 sur la ligne du Palatinat, 155 sur celle du Rhin, 650 sur la Ludwigsbahn et 357 sur la section Saint-Jean - Courcelles) qui attendaient leur tour pour être déchargés et dont le contenu en approvisionne- ments dut être abandonné. Ce ne furent évidemment pas là les seules causes de ce désordre, mais l'exemple ci-dessus prouve qu'il ne faut pas recevoir d'une section donnée plus de trains qu'on ne peut en expédier sur la section suivante. Le rendement des lignes étant fonction de circonstances qui varient de l'une à l'autre, il y a
24 HISTOIRE ET ORGANISATIOX DES CHEMINS DE FER
lieu de faire une étude spéciale de eliacune d'entre elles ;
5" Les Etats dont les limites territoriales présentent plusieurs fronts stratégiques auront à exiger davantage de leurs chemins de fer et de leur rendement (1).
6° D'autre part, l'autorité militaire ne doit pas de- mander à ceux-ci plus qu'ils ne sont en état de lui don- ner, car les exigences commerciales, imposées aux che- mins de fer en temps de paix ne sauraient concorder exactement avec celles qu'une campagne ferait sur- gir (2).
(1) Voir : Œuvres complètes et Mémoires du maréchal de Molt- ke (Berlin 1891 et 1892, 2 vol.) ; Mélanges, Rapport XII, rédigé en 1843 : (( Quelles sont les considérations qui doivent entrer en ligne de compte dans la direction à imprimer au service des che- mins de fer ? »
(2) Si l'on fait le décompte de ce que coûte l'entretien des for- ces militaires en Europe, on arrive, rien que pour l'année 1896-97, à la somme terrifiante de 5 milliards 312 millions 500.000 francs, savoir :
Russie Fr. 1.290.881.750
Angleterre (y compris une augmentation de 137
millions 500.000 fr. pour l'exercice 1897-98) 1.095.850.000
France (armées de terre et de mer) 925.000.000
Allemagne 663.397.500
Antriche-Hongrie 445.425.000
Italie 329.232.500
Divers 562.713.250
Total pour l'Europe Fr. 5.312.500.000
IV Du rendement des voies ferrées.
Examinons maintenant les services réels que les transports en chemin de fer sont à même de rendre. Tout d'abord, apparaît un fait capital, à savoir qu'après 7 heures de marche une troupe n'est plus disponible pour le restant de la journée, tandis qu'en 24 heures la même troupe transportée en chemin de fer parcourra, sans grande fatigue, une distance de 540 kilomètres. Le bataillon, à effectif de guerre, qui emploierait 7 heures pour faire une étape de 28 kilomètres pourra, dans le même laps de temps, être transporté en chemin de fer à 175 kilomètres de son point de départ.
On admet, dans l'espèce, qu'un train de 50 à 55 voi- tures se meut à la vitesse de 22 kil. 1/2 à l'heure.
On compte comme durée d'embarquement : 1 heure pour l'infanterie, 2 heures pour la cavalerie et l'artil- lerie de campagne. Quand on peut charger ou déchar- ger 4 ou 5 wagons à la fois, la cavalerie n'a plus besoin que de trois quarts d'heure pour embarquer et d'une demi-heure pour débarquer.
Dans chaque groupe de wagons susceptibles d'être déchargés simultanément, le débarquement des chevaux exige de 10 à 20 minutes, celui des voitures, de 20 à 30 minutes. De plus, pour reconstituer la troupe et atteler les voitures, il faut de 10 à 20 minutes.
Lorsqu'on dispose d'une paire de rails pour les trains vides, on peut expédier une moyenne journalière de 30 trains (exceptionnellement 60) sur une ligne à dou-
26 HISTOIRE ET ORGANISATION
ble voie et de 15 sur une ligne à voie unique (exception- nellement 25).
En général, cependant, la rapidité du transport dé- pend d'éléments locaux très nombreux, tels que la qua- lité et la quantité du matériel roulant, le mode de su- perstructure, l'établissement du corps de la voie, les pentes, courbes, etc., etc. C'est pourquoi le rendement d'une ligne ferrée ne saurait être évalué, sous ce rap- port, que d'uno façon approximative.
Ce rendement dépend, en outre, du nombre des trains qu'il est possible de charger dans un temps donné, de celui des rampes d'embarquement disponibles, et de la vitesse avec laquelle s'effectue l'embarquement lui- même. Il faut tenir compte aussi de la rapidité du dé- barquement en fin de transport et, par suite, de la fa- cilité plus ou moins grande d'utiliser à nouveau les trains de retour, et, en dernier lieu, de la distance à laquelle les trains peuvent se succéder, sans danger et sans enfreindre les prescriptions réglementaires.
D'après le paragraphe 7 du Hèglement allemand de 1887 sur les transports en temps de guerre, la vitesse de marche des trains normaux ne doit pas, en principe, dépasser 2 minutes 40 secondes par kilomètre (22 kil. ]/2 à l'heure). ,
En Erance, un intervalle d'au moins dix minutes est prescrit entre deux trains consécutifs ; de la sorte, l'in- tervalle entre deux trains est basé, non pas sur une dis- tance en mètres, mais &ur un espace de temps d'au moins dix minutes. La vitesse movenne est fixée à 25 ou 30 kilomètres à l'heure et le nombre des voitures d'un train militaire, à 50. Au dire des spécialistes français, le rendement journalier d'une ligne française à double voie est évalué à 40 et même à 50 trains et celui d'une ligne à voie unique à 18 ou 20 (1).
(1) Commandant Rovel, Manuel des Chemins de fer.
DES CHEMINS DE FER 27
Sur une ligne à voie unique, avec des stations très espacées et entre lesquelles il n'existe pas de voie d'évi- tement, le rendement subira naturellement une diminu- tion correspondante ; par contre, lorsque plusieurs lignes pourront être utilisées simultanément, il bénéficiera d'une augmentation très appréciable. Pendant la cam- pagne de Bohême, on avait prévu 8 trains par jour seu- lement sur les lignes à simple voie, et 12 sur celles à. double voie ; ces cbiffres furent portés respectivement à 12 et à 18 dans la campagne de 1870-1871 (22 kil. 5 à l'heure). Les perfectionnements apportés aux réseaux ferrés dans le cours des vingt dernières années, la large dotation des gares en rampes de chargement, en voies de garage et en réservoirs, laissent présumer que, dans- une guerre future, ces chiffres seront sensiblement dépassés. L'établissement des plans de transport qui, déjà, dès le temps de paix, occupe d'une façon ininter- rompue un nombre considérable d'officiers supérieurs et de hauts fonctionnaires de l'administration des che- mins de fer, exige donc des préparatifs sérieux, entourés de soins minutieux et méthodiques.
Emploi des chemins de fer dans les guerres contemporaines.
Campagnes de Hongrie, de Crimée et d'Italie. — Les avantages obtenus, en 1848 et en 1849, par l'emploi des chemins de fer attirèrent, pour la première fois, l'atten- tion publique. Ce fut, en particulier, le transport, de Cracovie à Hradisch, d'un corps de troupes russes de 13.000 hommes, avec 48 pièces de canon, sous les ordres du général Paniutin, qui fit ressortir l'utilité des che- mins de fer. Exécutée par étapes, cette opération eût nécessité 16 jours ; elle en exigea 5 seulement et évita, en outre, le déchet de 700 à 800 hommes que les mar- ches eussent produit, si l'on s'en rapporte aux données de l'expérience à ce sujet. Pour les Autrichiens, occu- pés à soutenir une lutte acharnée contre les Hongrois, l'arrivée de leurs alliés, avec une avance de onze jours, fut un précieux élément de succès. Quelques années plus tard, la guerre de Crimée permit de constater les avantages des chemins de fer en faisant ressortir les inconvénients de leur absence. Ces avantages furent mis en pleine lumière par le rassemblement des troupes françaises sur la frontière de Lombardie, dans la cam- pagne de 1859. Le désordre et le manque de direction qui se produisirent alors furent oubliés dans l'enivre- ment des victoires de Magenta et de Solférino.
Guerre de Sécession. — Les enseignements recueillis dans la guerre civile de l'Amérique du Xord, principa- lement du côté des Etats du Xord, ouvrirent définitive-
HISTOIRE ET ORGANISATION DES CHEMINS DE FER 29
ment la voie. Ici, les chemins de fer jouèrent un rôlie ca- pital dans la conduite des opérations. Pour leur utilisa- tion, on créa un corps de troupe spécial, doté d'un ma- tériel considérable qui servit à la construction et à la destruction des voies ferrées, à leur exploitation et à leur réparation. L'Etat du Nord eut le libre emploi de toutes les lignes situées dans la zone des armées, au moyen d'un Department of military railroad, habitué à résou- dre toutes les questions se rattachant à ce service.
Le général Daniel Mac-Clellan, qu'on avait placé à la tête de ce Départvient en 18G2, est le véritable précur- seur de l'emploi des chemins de fer à la guerre.
Son coi-ps des chemins de fer de campagne se compo- sait d'employés de chemins de fer expérimentés et en- treprenants, recrutés dans toutes les classes et toutes les spécialités, et disposait de nombreuses équipes compo- sées d'ouvriers d'une habileté et d'une adresse consom- mées. Organisé militairement, soumis à une discipline sévère, il suivait le mouvement des armées, réparait ou détruisait les voies, les exploitait lorsque les employés s'étaient enfuis ou avaient dû être éloignés comme peu sûrs ; enfin, construisait de nouvelles lignes.
Il comprenait 18.000 hommes, avec 419 locomotives, 6.330 wagons et exploitait 12.000 milles en pays en- nemi. En 45 minutes, il mina et fit sauter, près de Brid- geport, le pont sur le Tennesse, long de 1.800 pieds, et, en 3 jours, jeta un pont, d'une hauteur de 80 pieds, au- dessus de Potomac.
Campagne de 1866 en Allemagne. — Toutefois, l'em- ploi des chemins de fer prit une importance encore plus grande pendant la campagne de 1866. On n'eut pas, il est vrai, à demander aux voies ferrées des services par trop considérables, attendu que la mobilisation s'était -effectuée très lentement et que la concentration des trois armées n'avait été que partiellement réalisée. Le
30 HISTOIRE ET ORGAXISATIOX
débarquement des trois armées prussiennes, réunies à proximité des frontières de la Saxe et de la Silésie, eut lieu sur des points différents et leur base de concentra^ tion avait été choisie de façon à leur permettre d'opérer leur jonction, soit en territoire ennemi, si l'on prévoyait la possibilité de prendre l'offensive, soit à la frontière même, si l'on était contraint de rester sur la défensive. Durant la troisième période des transports, c'est-à-dire du 23 mai au 5 juin 1866, on expédia, vers la zone de débarquement, une moyenne journalière de 40 trains de troupes; à cette dernière date, on avait transporté 197.000 hommes, 55-000 chevaux et 5.300 voitures.
En Autriche, les préparatifs avaient été commencés de meilleure heure; néanmoins, la concentration n'était pas encore terminée que déjà les troupes prussiennes étaient prêtes à entrer en campagne. Ce retard des Au- trichiens provenait surtout de ce qu'ils ne disposaient que d'une seule ligne ferrée conduisant de Bohême en Moravie, alors que nous en avions cinq à notre dispo- sition.
La concentration de l'armée prussienne, en 1866, ap- partient aux meilleures du genre (1). Après son achè- vement, qui fut couronné d'un plein succès, elle parut toute naturelle, irréprochable et il sembla qu'elle n'au- rait pu s'exécuter autrement. Mais, quand on se rap- pelle ses débuts, on ne peut s'empêcher de reconnaître combien étaient anormales les circonstances dans les- quelles elle s'accomplit. A l'ouest, au sud-ouest et au sud, trois groupes d'Etats hostiles étaient opposés à la Trusse, tandis que, au milieu d'eux, ce royaume mor- celé et pourvu de frontières mal organisées avait une partie de ses forces occupées dans le Schleswig. L'uti- lisation judicieuse et intégrale des cinq lignes aboutis-
(1) Von der Goltz, La nation armée.
DES CHEMINS DE FER 31
sant sur le théâtre de la guerre, ainsi que le rassemble- ment des troupes en trois armées distinctes, rendirent seuls possible l'offensive prussienne.
Il sera intéressant pour le lecteur de connaître l'opi- nion personnelle de Moltke sur cette concentration dans la Prusse occidentale; cela vaudra mieux que tout ce que nous pourrions dire à ce sujet. C'est pourquoi nous reproduisons ci-après une lettre qu'il écrivait, le 1" juin 1866, au général Steinmetz, qui jouissait alors d'une haute considération.
Le 28 mai, à Breslau, ce dernier avait eu, avec le prince royal Frédéric-Guillaume, un entretien dans lequel la situation politique et militaire avait été exa- minée à fond. Le lendemain^ à la suite de cette conver- sation, le général, alors à Kœppelbof, se crut autorisé à envoyer son avis par écrit au maréchal. Nous passe- rons sous silence cette lettre, dont le contenu ressort d'ailleurs, d'une façon suffisamment claire, de la réponse de Moltke, ainsi coaçue :
« Berlin, 1°' juin 1866.
» Excellence, par votre lettre de ce jour, vous me faites connaître les conclusions que vous avez tirées des déclarations de Son Altesse Royale le Kronprinz et les vues personnelles dont vous lui avez donné communi- cation. Comme j'ai eu ma part dans les dispositions adoptées, je ne veux pas laisser passer l'occasion de vous exprimer, aussi, ma manière de voir, pour en faire tel usage que vous jugerez convenable. Nous sommes en présence d'un ennemi puissant et dangereux qui est la cause première de tous les armements actuels de l'Allemagne. Cet ennemi est complètement prêt ; ce serait une faute de laisser, dans la province rhénane, tout un corps d'armée inactif en face d'un adversaire qui ne s'y trouve pas encore.
32 HISTOIRE ET ORGANISATION
j> Xous avons besoin de toutes nos forces vis-à-vis des 240.000 hommes de l'Autriclie, auxquels il a fallu opposer les neuf corps d'armée prussiens, à l'exception d'une seule division, maintenue provisoirement aux en- virons de Minden.
)) L'Autriclie a sur nous une avance de six semaines. Il s'agissait de se préparer à lui tenir tête, dans le plus bref délai; ce résultat ne pouvait être obtenu que par l'utilisation simultanée de toutes nos voies ferrées. Mais il n'était ni possible ni prudent de transporter plus d'un corps d'armée sur la même ligne et, sur aucune d'elles, la frontière ne pouvait être franchie. Dans ces condi- tions, les différents points de débarquement devaient former un cordon le long de la frontière. Nulle autre disposition n'était capable de modifier cet état de choses ou de tourner les difficultés géographiques qui procu- raient aux Autrichiens l'avantage d'opérer sur des li- gnes intérieures, entre la Silésie et la Marche. Pour nous, le danger était dans une marche offensive sur Berlin, attendu que la capitale n'est couverte, de ce côté, ni par des forteresses, ni par des obstacles naturels, et que c'est, de tous nos théâtres d'opérations, celui qui offre, en arrière des armées prussiennes, le moins de profon- deur et de ressources. Quatre corps d'armée sont déjà installés en Lusace, sur la rive droite de l'Elbe ; avec le temps dont on disposait, on ne pouvait en réunir que deux en Silésie.
» Ce n'est pas en Silésie qu'il faut défendre la Silésie, mais en Bohême. Il n'était pas logique de réunir une armée dans la Haute-Silésie, et si, à l'heure actuelle, toutes les troupes de première ligne s'y trouvent déjà rassemblées, on a agi, à mon avis, d'une façon anti- rationnelle et peu conforme à la situation.
» La neutralité de la Saxe ne doit pas être négociée avec la Saxe, mais seulement avec l'Autriche. Elle est
DES CHEMINS DE FER 33
loin d'être à notre avantage et n'a pas encore donné lieu à des pourparlers. Comme correctif à la dissémi- nation de nos points de débarquements — qui ne cons- tituent pas la base de concentration — ■ il importe de se concentrer en avant. Malgré notre éparpillement, nous pouvons rassembler, en cinq jours de marclie, 190.000 hommes à Dresde et, en neuf jours, 200,000 à Schluckenau. Il n'est pas juste d'affirmer que nos trou- pes restent inactives; elles ne forment pas encore un tout. Jusqu'à présent, nous avons expédié quotidienne- ment 40 trains militaires. Nos transports ne seront achevés que le 5 juin; à cette date seulement, on aura la faculté d'entreprendre, par voie de terre, ce qui n'a pu être accompli par voie de fer, c'est-à-dire la con- centration stratégique. Les derniers ordres sont donnés dans ce but. Le 1'^'' corps est à son poste. Devons-nous nous heurter aux masses autrichiennes, en Saxe ou dans la Bohême septentrionale? il se joint à la pre- mière armée; au contraire, la Saxe devient-elle l'ob- jectif principal de l'offensive ennemie ? il se trouve, alors, à portée (1) de renforcer la deuxième armée,
» Il n'y a pas de motifs pour adopter des cantonne- ments resserrés qui gênent sans nécessité les troupes et les populations.
» Malgré le peu de temps dont on dispose, un avis télégraphique envoyé aux différents corps permettra néanmoins d'opérer la . concentration dans les délais voulus.
» Les places fortes du Hhin sont pourvues de tout ce qui leur est nécessaire.
» Toutes les unités de remplacement de la landwehr ont reçu leur destination et, de ce côté, il n'y a aucune faute à réparer.
(l) En français dans le texte. (Note du traducteur.) Organ. chom. Ce fer.
34 HISTOIRE ET ORGANISATION
» Il demeure entendu qiie toutes nos traditions mili- taires prêchent l'initiative; toutes les autres considéra- tions qui peuvent entrer ici en ligne de compte ne sau- raient modifier ma manière de voir. »
En raison de sa longueur, nous ne reproduisons pas la lettre de Steinmetz, à laquelle répond de Moltke. Ceux qui connaissent la langue, les adversaires du ma- réchal, les fervents de l'art peuvent la lire. La clarté et la concision du maréchal éclatent comme un orage qui purifie l'atmosphère. C'est pour les psychologues surtout que cette correspondance est pleine d'intérêt. La réponse à Steinmetz se renferme strictement dans les formes du service. La froideur des explications de Moltke démontre qu'il n'était pas insensible au ton pé- dantesque de l'illustre général. A ce moment, la situa- tion modeste de Moltke n'avait pas encore pour elle la puissance du fait accompli. Le grand homme avait alors besoin de frayer sa voie et de se faire jour à force de travail. Cela ne lui fut pas toujours facile. Il était affecté profondément, et d'une façon toute personnelle, par la présomption de ceux qu'on appelait les généraux subtils (forschcn gcncralcn). Sa correspondance avec Blumenthal, Gœben et Manteuffel est incomparablement plus chaleureuse et plus cordiale qu'avec Steinmetz et Falckenstein, qui, tous deux, incarnaient le type du gé- néral savant. Chacun de ses mots est empreint de la sympathie qu'il éprouvait pour les trois premiers, tandis que, vis-à-vis des deux autres, il prenait toujours la raideur et le ton officiel du commandement. C'est un fait connu, qu'en 1870 de Moltke ne voulait pas de Steinmetz comme commandant d'armée. Il n'eut pas gain de cause, mais les événements lui donnèrent raison.
L'année dernière, lorsque Hœnigj dans son ouvrage : Les batailles décisives sur la Saalc franconienne, ra-
DES CHEMIXS DE FEU 33
mena à ses modestes, mais réelles proportions, 3ts talents militaires de Falckenstein, il fit jeter les hauts cris à tons les admirateurs du général. Hœnig avait manifestement puisé à d'excellentes sources ; du moins ses conclusions furent pleinement confirmées par la cor- respondance de Moltke, bien que, sur ce point, il sem- ble, de prime abord, avoir été incomplet. Si l'armée hanovrienne n'est pas parvenue à se retirer dans l'Allé- magne du Sud et si, par surcroît, elle a été contrainte de capituler, c'est là un résultat qui, d'après la corres- pondance de Moltke et malgré l'opposition de Falckeiis- tein, est tout à l'honneur du maréchal.
En lisant cette correspondance, on ne peut s'empê- cher de constater chez ce dernier une grande fineste, qualité que lui reconnaissent du reste fort bien ses ad- versaires. Yoici maintenant de nouveaux renseigne- ments sur cet événement capital.
Le 2-3 juin 1866, à 8 heures du matin, Falckenstein recevait de Moltke le télégramme suivant :
« Sa Majesté ordonne à Votre Excellence d'envoyer, sans retard, par le chemin de fer Cassel - Eisenach, un détachement de toutes armes, aussi fort que possible, pour couper la retraite aux Hanovriens. Rendez compte dès que les premiers échelons seront arrivés. Les deux batteries à cheval de Dresde seront rendues, ce soir, vers 7 heures, à Gotha. Occupez gare de Hertzfeld, »
A midi, Falckenstein répondait de Xortheim :
« Gœben s'étend de Gœttingen à Nœrten ; Manteufïel, de ISTœrten à Northeim inclusivement. Ligne Gœttin- gen - IS^ortheim sera prête aujourd'hui midi; ligne Cas- sel prête, au plus tôt, demain matin. Donc, impossible de harrer chemin ou rattrajjer troujjcs lianovriennes. Bayer est si éparpillé dans la montagne et sur la Terra,
36 HISTOIRE ET ORGANISATION
qu'il n'y a pas à compter sur lui, avant demain soir, pour agir contre Hanovriens. En conséquence, j'estime détachement d'Oher-DorJa et Gotha très composé. De- main, je marche sur Cassel, avec objectif Francfort; je rappellerai Bayer de ce côté dès que situation avec troupes hanovriennes tirée au clair. Destruction totale chemin de fer Main - Weser, indispensable. Demande autorisation de la faire exécuter par détachement sus- dit. Lettre suit. »
Malheureusement, cette lettre ne fut pas communi- quée. Au-dessous de la dépêche, de Moltke écrivait au crayon :
« Il ne s'agit pas du chemin de fer de Cassel. Celui de Gœttingen est praticable. La division Groeben se trouve près de Gœttingen, pourquoi ne pas la transporter par voie ferrée à Eisenach ? »
A 5 heures du soir, Falckeusteiu expédiait, de Xortheim, le télégramme ci-dessous :
« Ligne Xortheim - Cassel rendue entièrement im- praticable, par suite obstruction des tunnels et rupture des ponts. En conséquence, expédition sur Eisenach im- possible, sans quoi elle eût été exécutée dans tous les cas, comme, c'était déjà prévu. »
Dans le même après-midi, Moltke adressa ces deux dépêches au roi, après avoir écrit en marge, de sa propre main :
« Etant donné que Falckenstein fait demi-tour, les Hanovriens nous échappent! Colonel von Fabeck, rap- porteur à Gotha, doit rappeler Bayer que Falckenstein veut emmener à Francfort-sur-le-Main. Dans ces con- ditious, que doit-il faire ? »
Le 23 juin, de Moltke ne vit plus d'autre solution que d'envoyer, à 7 h. 40 soir, le télégramme suivant
DES CHEMINS DE FER 37
aux colonels von Fabeck et von der Osten qui se trou- vaient respectivement à Gotha et à Eisenack :
« Sa Majesté lîoyale prescrit de réunir, entre Gotha et Eisenach, un détachement aussi fort que possible pour l'opposer aux Ilanovriens. Le présent ordre sera expédié, pour exécution immédiate, à toutes les troupes prussiennes à portée de le recevoir et, en particulier, à celles du général Bayer stationnées, à l'heure actuelle, à Waldkappel et à Eschwege. A cet effet, on utilisera également le bataillon de landwehr de Weimar, où on laissera une compagnie seulement. »
On voit combien la situation était désespérée; le gé- néral en chef Falckenstein était absolument dérouté et il en fut de même tant qu'il exerça un commandement. Cependant, par ordre de Moltke, les négociations avec les Hanovriens étaient traînées en longueur, dans le but de gagner du temps.
Le 24 juin, à 8 heures du matin, le télégramme ci- après parvenait à Falckenstein :
« Armée hanovrienne entrée en pourparlers depuis minuit, pour capitulation, demande à connaître la force des détachements qui lui coupent la retraite. Nouvel ordre de Sa Majesté de renforcer ces derniers, comme permet encore de le faire le chemin de fer de Magde- bourg. Situation du général Glûmer, inconnue. »
Ce même jour, à 8 h. 30 matin, Moltke était informé par Falckenstein que la division Bayer était rassemblée à Œtmannshausen. A l'heure susdite, le colonel von Osten recevait à Eisenach la mission d'envoyer à cette division, de la part du roi, l'ordre « de se mettre immé- diatement en marche sur Eisenach, en passant par Kreuzburg ».
Moltke intervenait également d'un autre côté en fai- sant transporter, par Magdebourg, sur Gotha - Eisenach,
38 HISTOIRE ET ORGANISATION
les troupes de Manteuffel. Le général de Falckenstein fut informé de ces dispositions, à 4 h. 30 de l'après- midi, par une dépêche qui se terminait ainsi :
« Les négociations pour la capitulation de l'armée hanovrienue se poursuivent, mais ne seront sans doute pas terminées aujourd'hui; demain elles seront suspen- dues. Il est de la plus grande importance de renforcer les faibles fractions qui, jusqu'ici, ont empêché les Ha- novriens de faire une trouée on masse ; général Gltimer introuvable de ce côté. Quelles modifications Votre Ex- cellence a-t-elle opérées ? »
Avant midi (24 juin), Moltke recevait la lettre sui- vante, écrite de la main du loi :
(( Je ne comprends pas Falckenstein ! Il laisse l'armée hanovrienne, évaluée par lui à 20.000 hommes, station- ner tranquillement en face des nôtres dont l'effectif s'élève tout au plus à G. 000 hommes, en sorte qu'elle est libre de se mettre en mouvement pour aller ren- forcer les masses ennemies qui opèrent sur les derrières de la 13* division ! Vite, en deux mots, votre avis, par écrit ou verbalement. »
La réponse de Moltke est contenue dans deux lettres datées du 24 juin :
« 1° J'ai l'honneur de rendre compte très respectueu- sement à Yotre Majesté qu'aujourd'hui, à 5 heures de l'après-midi, en exécution d'ordres télégraphiques réité- rés, 5 bataillons et 1 batterie de la division Manteuffel sont expédiés par le chemin de fer de Magdebourg sur Eisenach c-t Gotha, où ils arriveront demain, vers 8 heures du matin. J'ai télégraphié au général Alvens- leben (qui, sur ces entrefaites, avait été envoyé à Gotha comme négociateur) de fixer les clauses de la capitu- lation, en tenant compte de cette situation. »
« 2° Dans le transport, par Magdebourg, d'une brigade
DES CHEMINS DE FER 39
de la division Manteuiïel, il y a eu, semble-t-il, des retards considérables. Par contre, aujourd'hui, à 4 heu- res du soir, le général de Gœben a dirigé sur Eisenach 4 bataillons qui doivent actuellement être rendus à des- tination et seront suivis de 5 autres bataillons, G esca- drons et 46 pièces.
» Nous disposerons demain de forces suffisantes pour appuyer toutes les prétentions de Votre Majesté. J'ai télégraphié au général de Falckenstein de ne pas dé- garnir davantage les environs de Gœttingen, afin de pouvoir éventuellement s'opposer à un retour offensif de l'ennemi dans cette direction. »
Ajoutons, comme renseignement, que, le 24, la divi- sion de Gœben était transportée en chemin de fer de Northeim à Mùnden. En ce point, elle trouva un télé- gramme de Falckenstein lui enjoignant « de se porter sans retard sur Cassel, avec toutes les troupes dont elle disposait et d'en expédier, de là, une partie à Eisenach, par voie ferrée ». La chose ne parut pas claire à Gœben, qui, de Cassel, demanda à de Moltke des explications par le télégraphe. La réponse de celui-ci (11 h. 17 soir) se terminait ainsi :
« Hâtez donc l'envoi de vos 9 bataillons, 6 escadrons et 46 pièces. »
Guerre de 1870-71. — Passons maintenant à l'histo- rique des chemins de fer dans la campagne de 1870-71.
Les enseignements dé la campagne de 1866 avaient clairement démontré qu'on pouvait exiger davantage des chemins de fer; aussi parvînmes-nous, en 1870-71, à imprimer aux transports des armées une rapidité supérieure à celle obtenue en 1866. Tandis que, précé- demment, on ne comptait que sur 8 trains par jour pour les lignes à voie unique, et sur 12 pour les lignes à double voie, ces chiffres furent portés respectivement
40 HISTOIRE ET ORGANISATION
à 12 et à 18, en sorte que la durée du transport d'un corps d'armée, sur les lignes à deux voies, n'atteignit plus que 3 jours 1/2 et 5 jours 1/2 avec les convois ; en 18GG, il aurait fallu près de S jours pour obtenir le même rendement.
En 1870, les Allemands disposaient d'un total de neuf lignes de concentration, savoir :
Pour les corps d'armée du Nord :
Ligue A. Berlin - Hanovre - Cologne - Binger- brùck - Neunkirclien.
^ l Leipzig ) - Kreiensen - Moshach (près de ' / Ilarburg ^ Biebricli).
— C. Berlin - Halle - Cassel - Francfort - Man-
nheim - Homhourg.
— D. S ^^'P^'^ } Bebra - Fulda - Kastel.
i Dresde \
— E. Posen - Gœrlitz - Leipzig - Yurtzbourg -
Mayence - Landau.
— F. Munster- - Dusseldorf - Cologne - Call (Ei-
fel).
Pour les corps d'armée du Sud : Ligne 1. Augsbourg - TJlm - Biuchsal.
— 2. N^œrdlingen - Crailsbeim - Meckesheim.
— 3. Wurtzboug - Mosbach - Heidelherg. —
En outre, quatre lignes auxiliaires amenèrent les troupes du nord de la Prusse jusqu'aux lignes princi- pales, dont quatre seulement avaient des points de pas- sage sur le lihin.
Les statistiques montrent que, du 24 juillet au 3 août, 1.200 trains débarquèrent, en cbiiïre rond, 350.000 bom- mes, 87.000 chevaux, 8.400 pièces ou voitures et que, sur chaque ligne, on mit journellement en circulation
DES CHEMINS DE FEE
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une moyenne de 12 à 18 trains composés de GO à 100 es- sieux. De l'avis des spécialistes tant civils que mili- tiiires, il eût été impossible d'obtenir un pareil résultat si la mobilisation ne s'était pas accomplie dans des con-
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Lignes de coacentration allemandes en 1870.
ditions de régularité absolue. Toutefois, pour porter un jugement sur la façon dont les transports furent exé- cutés à cette époque, il faut non seulement tenir compte des chiffres, mais encore des innombrables difficultés d'ordre technique et administratif qui résultèrent fata- lement de l'enchevêtrement et de la confusion des lignes
42 HISTOIRE ET ORGANISATION
empiiuitées aux divers réseaux des compagnies privées et de l'Etat (1).
L'ordre avait été donné que, dès le 3 août, les trois armées devaient être rendues sur les points de concen- tration qui leur avaient été assignés, savoir : la pre- mière (aile droite) à Saarelouis, la deuxième (centre) à Vœlklingen et Sarrbrùck, la troisième (aile gauche; à Landau. Pour le cas où les Français franchiraient la frontière et chercheraient à troubler le fonctionnement régulier de nos transports stratégiques, on avait pro- jeté d'eiîectuer les débarquements de ce côté-ci du Rhin. Le mémoire du maréchal de Moltke contenait, à ce sujet, les propositions suivantes :
« Dans l'hypothèse oîi une armée française ainsi im- provisée, et largement pourvue de cavalerie et d'artil- lerie, se trouverait rassemblée autour de Metz le cin- quième jour, pour franchir la frontière vers Sarielouis le huitième jour, il faudrait prendre la précaution d'ar- rêter aussitôt nos transports et de débarquer nos troupes sur le lihin. L'ennemi aura six étapes à faire pour y arriver et nous l'y attendrons avec des forces très supé- rieures. Maîtres de tous les points de passage, nous prendrons l'oiïensive, quelques jours après, avec des effectifs doubles des siens (2).
L'ouvrage du grand état-major, à la page 87, s'ex- prime ainsi :
« On disposait, pour les transports en chemins de fer, d'un matériel considérable ; le transport des dix pre- miers corps d'armée n'exigea que les 3/5 des voitures et les 2/5 des locomotives, en supposant que chacun de ces véhicules n'ait été utilisé qu'une fois. »
(1) Voir : Organisation administrative et Thirection des Che- mins de fri\ par Weber, dans la Augsburgcr allgemeinen Zeitung, année 1877, n» 266.
(2) Ln (jucrrc francn-aUcmondr de 1870-71, rédigée par la sec- tion historique du grand é'^at-major, l'"^ partie, pages 72 et 77.
DES CHEMINS DE FER 43
Et plus loin :
a Grâce à l'activité et au dévouement des directions de chemins de fer, tous les préparatifs suivirent leur cours l'égulier. Le 23 juillet, les premières troupes ache- vaient de se mobiliser et, le lendemain, l'embarque- ment en grand pouvait commencer. »
Suivons de plus près le détail des mouvements et leurs relations avec l'emploi des chemins de fer; à cet efEet, nous prendrons comme guide la substance même des communications officieuses si remarquables qui ont été recueillies, en 189G, dans le Militaincochcnhîaft.
Aux termes du Règlement sur VOrganisation des transports par voies ferrées des grandes masses de trou- ycs, la préparation de ceux-ci était confiée à une com- mission centrale composée d'officiers de l'état-major et du ministère de la Guerre, ainsi que de hauts fonction- naires des ministères du Commerce et de l'Intérieur. Son siège était à Berlin. Deux de ses membres, c'est- à-dire un officier d'état-major et un représentant du ministre du Commerce, formaient une commission exe- cutive à part, qui exerçait la haute direction et la sur- veillance des transports de troupes. Même après l'achè- vement de la concentration, elle conservait dans ses attributions l'exploitation militaire des lignes natio- nales et de la portion du réseau ennemi tombé entre nos mains.
Elle siégeait alors au grand quartier général. Quand ce dernier quitta Berlin, elle y fut remplacée par une commission executive auxiliaire qui prit en main la direction et la surveillance des chemins de fer de l'in- térieur, utilisés pour les besoins de l'armée. Comme organes d'exécution, la commission centrale disposait des com,missions de lignes et des covirnandements d'éta- pes. Ces organes étaient en même temps sous les ordres
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de Vinspection des étajjcs de leur corps d'armée res- pectif ou de Vinsjjection générale des étapes de rarmée dont ils dépendaient. Parmi le personnel de chaque ins- pectio7i générale des étapes, se trouvait un directeur des chevilns de fer chargé de l'exploitation des lignes et de l'emploi des sections de chemins de fc? de campagne mises à sa disposition. Celles-ci étaient employées à la réparation ou à la destruction des voies, ainsi qu'à la construction de raccordements de peu d'étendue. Elles exploitaient les sections nouvellement rétablies, jus- qu'au moment où des comviissions d^ exploitation, ins- tituées par le ministre du Commerce, venaient les rem- placer dans ce service.
Le 15 juillet 1870, vers 10 heures du soir, l'état- major fut informé que la mobilisation allait être dé- crétée. On n'eut besoin, à ce moment, que de sortir de leurs cartons les plans qui avaient été élaborés sous la responsabilité du major von Brandenstein, alors chef de la section des chemins de fer, de fixer le premier jour de la mobilisation et de prescrire, en outre, les mesures complémentaires dont la nécessité fut reconnue à la dernière heure. Le décret de la mobilisation suffit pour mettre en marche l'immense machine aux rouages in- nombrables qui devait faire passer l'armée du pied de paix au pied de guerre et bientôt la transporter à la frontière occidentale.
Les premiers jours qui suivirent la réception de l'or- dre de mobilisation furent utilisés par les administra- tions de chemins de fer à préparer les transports mili- taires attendus. C'est à cette tâche que le ministre du Commerce de Prusse les convia dans la proclamation suivante :
DES CHEMINS DE FER 45
« Berlin, le 19 juillet 1870.
» A toutes les administrations des chemins de fer prussiens.
» Dans quelques jours, vont commencer les trans- ports qui doivent conduire les armées allemandes contre l'ennemi héréditaire de la patrie. La commission exé^ cutive et les coviimssions de lignes sont déjà réunies pour organiser et régler ces transports. Il importe, au plus liant point, que ces derniers s'exécutent avec une rapidité foudroj^ante. Chaque jour, chaque heure que nous gagnerons dans l'arrivée des troupes sur le théâtre de la guerre aura des conséquences incalculables. Cha- que pas qui rapproche notre armée de la frontière di- minue pour nous le danger de voir la terre allemande foulée par nos adversaires.
» Une grande mission incombe aux chemins de fer; pour l'accomplir, il faut que toutes nos énergies soient tendues jusqu'à leur extrême limite. On devra exiger partout le rendement maximum. Pendant la campagne de 1866, on a pu, à côté des trains militaires, maintenir, sur certaines lignes, le trafic des voyageurs et celui des marchandises, ce dernier en partie seulement ; au cours des transports qui vont avoir lieu, il ne devra plus en être ainsi sur aucune ligne. Dès qu'ils seront commencés et même quelques jours auparavant, la circulation des marchandises sera totalement suspendue; en principe, la même interdiction s'applique aux voyageurs. A l'ex- piration des deux premiers jours de transports, la com- viission exéeutive et les coviTiiissions de lignes, chacune en ce qui les concerne, pourront autoriser le transport des particuliers, concurremment avec celui des troupes, sur les voies où, par suite de l'abondance simultanée des wagons et des locomotives, la chose sera possible, sans
46 HISTOIRE ET ORGANISATION
compromettre la marche régulière des trains militaires. Tout le matériel roulant — autant que cela sera néces- saire — doit être exclusivement réservé pour ceux-ci.
» Lorsque, sur des lignes qui ne sont pas directement utilisées pour les besoins de l'armée, il se trouvera du matériel en excédent, on le fera diriger sur les lignes de transport qui en manquent, dans la mesure des réqui- sitions prononcées par les commissions de lignes et par la commission executive qui a qualité pour décider, en dernier ressort, de l'emploi de ce matériel. J'ai déjà in- vité les administrations à procéder rapidement à l'amé- nagement des voitures; partout où cette opération n'est 'pas terminée, on y travaillera activement; on veillera, en particulier, à ce que tous les wagons de marchandises couverts soient pourvus de supports pour les sacs et les fusils et de banquettes pour les homnic>«, enfin de ram- pes mobiles pour les chevaux. Ces installations sont indispensables, si l'on veut tirer du matériel roulant tout le parti désirable.
» Aux stations d'embarquement et de débarquement, il y a lieu d'établir ou de préparer, suivant le cas, des rampes d'une longueur suffisante, des ponts volants, des escabeaux pour les voitures sans marchepieds, etc. En outre, dans toutes les gares et les haltes, on prendra les dispositions nécessaires pour l'éclairage, ainsi que pour la fourniture de l'eau de boisson.
» Placé depuis plusieurs années à la tête des chemins de fer, j'ai pu apprécier la grandeur des devoirs que la guerre leur impose; mais je sais aussi que le patrio- tisme des agents est prêt à tous les sacrifices. Les cam- pagnes de 1864 et de 1866 en sont une preuve éclatante.
» Puissent ces lourds, mais inévitables sacrifices être féconds en résultats ; puisse, pour la troisième fois en dix ans, se réaliser le vœu que je forme pour que les che-
DES CHEMIXS DE FER 47
mins (le fer, €ux aussi, aient une large part dans le triomphe et la gloire de la patrie.
» Le ministre du Commerce, de l' Industrie et des Travaux publics,
» Comte von Itzenplitz. »
Tandis que, en A'ue de l'exécution des grands trans- ports stratégiques, elles se livraient de toutes parts aux préparatifs énumérés précédemment, les directions de chemins de fer s'occupaient en même temps à organiser les transports de mobilisation. A cet effet, dès le 16 juin, le trafic commercial ordinaire fut tout d'abord inter- rompu, en totalité ou en partie, sur les lignes de Stettin, de la Basse-Silésie et de la Marche; la même mesure fut bientôt étendue à toutes les autres lignes.
L'organisation des trains de mobilisation ne s'effec- tua pas sans encombre. Des retards et des difficultés surgirent dans les détails d'exécution, sans parvenir toutefois à déranger les lignes générales du plan d'en- semble ; aussi l'embarquement des troupes pour la frontière piit-il commencer exactement à la date prévue par l'état-major général, c'est-à-dire le 8^ jour de la mobilisation (23 juillet).
Pour procéder à l'aménagement des gares d'embar- quement et assurer la direction militaire des débar- quements en fin de transport, des officiers d'état-major furent envoyés respectivement sur les sections Binger- brûck - Neunkirchen (ligne A) et Mannheim - Hom- bourg, dans le Palatinat (ligne C). On leur adjoignit, pour la construction des rampes d'accès, des compagnies de pionniers de forteresse, à raison, de deux par section. Le 22 juillet, on rendait compte, de la première, qlie « tout était prêt » et, de Mannheim, que « les prépa- ratifs pour les transports des troupes prussiennes se
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DES CHEMINS DE FER 49
poursuivaient avec la plus grande activité sur les che- mins de fer du Palatinat... ».
Toutefois, avant d'entreprendre les tiansports stra- tégiques, il fallut changer les dispositions prises en vue du débarquement à î^eunkirclien et à Homhourg, et reporter plus en arrière, à Bingerbrûck et à Man- nheim, les points de débarquement primitivement choi- sis. Par ce moyen, on était mieux assuré que le ras- semblement des armées ne serait pas troublé par les Français, qui, d'après les derniers renseignements reçus, se concentraient en toute hâte à la frontière. Ce ne fut qu'après les premières marches que les points de débar- quement furent reportés en avant.
Onze jours après le commencement des transports en chemin de fer, les troupes allemandes étaient réunies à la frontière, prêtes à entrer en campagne avec : 334 ba- taillons, 282 escadrons, 201 batteries, les convois et équipages strictement indispensables.
Effectifs auxquels chacun des ponts du Rhin a donné passage
DÉSIGNATION DES POINTS. |
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Les passâmes les plus importants eu- rent lieu par le pont tle Mannheim. |
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Il résulte des données ci-dessus que, sur certains par- cours, les grandes lignes furent utilisées simultanément par plusieurs transports; sans cela leur rendement n'eût pas atteint le nombre de trains fixé par le plan de trans^ ports.
La concentration terminée, on commença à expédier aux armées tout ce dont elles avaient besoin comme
Organ. clieni. de fer. 4
50 HISTOIRE ET ORGANISATION
vivres, munitions, effets d'habillement et d'équipement; de même, après les premières batailles, il fallut ren- voyer vers l'intérieur les blessés, les malades, les prison- niers et le matériel pris sur l'ennemi. Il ne fut pas possible de préparer ces mouvements en détail, ni même de les demander la veille. Toujours exigés à l'impro- viste et par à-coups, leur exécution présenta de grosses difficultés. Pour faire droit à ces demandes, les em- ployés de chemins de fer eurent à satisfaire couram- ment à des exigences considérables qui s'accrurent en- core lorsque, après les victoires du mois d'août, les armées allemandes ayant pénétré en France, on dut, à leur suite, poursuivre activement l'exploitation des voies ferrées et faire parvenir, jusque dans leur voisi- nage immédiat, tout ce qui leur était nécessaire.
C'est alors que les sections de chemins de fer de cam-, pagne eurent comme premier devoir le rétablissement des lignes occupées par nous et maintes fois détruites. Dans ce but, nous disposâmes, au cours des opérations, de six sections de chemins de fer de campagne.
E.enforcées, à certains moments, par des compagnies de pionniers, elles recevaient généralement leurs ins- tructions (le la commission executive qui fonctionnait au grand quartier général, attendu que, de là seule- ment, on pouvait donner une impulsion uniforme à l'exploitation du réseau français par toutes les armées.
Les travaux accomplis par lesdites sections, pour le rétablissement des voies et particulièrement des ponts, viaducs et tunnels ruinés, sont absolument remarqua- bles. Il suffira de citer la reconstruction des tunnels do Yierzy, Armentières, Nanteuil, Montmédy et des viaducs d'Epinal et de Xertigny.
Le nombre des ponts restaurés sur la Marne, la Seine, l'Oise, l'Eure, l'Armançon et autres cours d'eau est très élevé.
DES CHEMIXS DE FER 51
Souvent les voies se trouvaient interceptées par les forteresses ennemies, en sorte qu'il fallait recourir à des expédients pour les contourner. C'est ainsi que, en août et septembre, on construisit, pour éviter Metz, le raccord militaire Remilly - Pont-à-Mousson et que, plus tard, aux environs de Toul, on organisa, au moyen de locomotives routières, un système de traction sur le tronçon ïoul - Lagny.
Il y eut des coups de main à Yillers-Cotterets et Kam; à Brienon, la Eoclie et Buffon, des ponts furent détruits. L'incident le plus fâcheux fut la destruction du pont de Fontenoy, sur lequel la grande ligne Frouard - Lagny franchit la Moselle (22 janvier 1871). Gfrâce à l'énergie et à l'activité de la section de che- mins de fer de campagne n° 5, puissamment secondée par la commission d'exploitation de Xancy, la commis- sion de ligne d'Epernay, le commandant d'armes de Toul et le gouverneur général de la Lorraine, on réus- sit, en très peu de temps, à rétablir la circulation sur la voie interrompue au moyen de dispositions provi- soires et par une prompte restauration du pont.
C'est au prix de difficultés de ce genre que, petit à petit, le réseau français fut mis au service de l'état- major allemand, sur des parcours très étendus (environ 3.800 kilomètres). Pendant la campagne, ce réseau com- prenait trois lignes principales se dirigeant sur Paris, avec des embranchements vers le nord, le sud-ouest et le sud-est du théâtre de la guerre. Le 21 novembre, à l'aide de prolongements successifs, on était arrivé à rendre praticable dans toute sa longueur la ligne mé- diane Wissembourg (Sarrbrùck) - Frouard - Epernay - Lagny. Au nord, celle de Metz - Mézières -Reims - Mi- try ne fut entièrement livrée à l'exploitation qu'au com- mencement de la nouvelle année; toutefois, dès la fin de l'automne, on pouvait déjà l'utiliser à partir de
52 HISTOIRE ET ORGANISATION
Reims, en passant par Cliâlons et Epernay. Avec l'em- branclienient Reims - Amiens - Eonen, les deux grandes lignes ci-dessus servirent encore de lignes de commu- nication à la I'"'' armée. La trois^'ème ligne, au sud, était alïectée à la II" armée; à Noël, elle était prati- cable entre Blesmes et Nuits-sous-Eavière, mais ce n'est qu'en janvier que son prolongement atteignit Blois, en empruntant la ligue sinueuse qui par Montereau, Mon- targis, Juvisy et Orléans, sillonne la région au sud de Paris. A^ers la fin de la' guerre, la IP armée disposait également, mais sur un parcours restreint, de la section Versailles - Le Mans. Le cbemin de fer Frouard - Epi- nal, ouvert à l'exploitation au milieu de décembre, et celui de Strasbourg à Dannemarie, venant d'Alsace, ser- virent de ligne de ravitaillement à l'armée du Sud, tandis que le rétablissement du tronçon Xuits-sur-Ea- vière - Dijon ne fut terminé qu'au moment de la signa- ture de l'armistice.
Pour l'utilisation militaire de ces lignes, la commis- sion executive avait comme organes d'exécution quatre commissions mobiles de lignes, installées respective- ment :
A Sarrbriick (puis à Eeims), à IS^ancy (Epernay), à Chaumont (Corbeil) et à Versailles.
Dès que les sections de chemins de fer de campagne avaient remis en état les portions de lignes détruites, l'exploitation de ces dernières passait entre les mains des comviissions d' exploitation de chemins de fer ins- tituées par le ministre du Commerce prussien dont elles relevaient. La direction des chemins de fer de Saar- brûck n'eut à exploiter que les prolongements du cbe- min de fer Eliin - Nabe.
Immédiatement après la bataille de Wœrtb, la corn,- viission d'crploitation n° 1 s'établit à Wissembourg en premier lieu, puis à Strasbourg, lorsque cette place
DES CHEMINS DE FER o3
tomba entre nos mains. Elle eut dans ses attributions le prolongement de la grande ligne C, par Wissem- bourg - iSaverue - Lunéville - Nancy et, plus tard, les li- gnes de la Haute-Alsace.
Après les victoires sous Metz, la commission d'ex- ploitation n° 2 s'installa à Nancy, une 3® à Epernay (ultérieurement lleims), enfin une 4" à Chaumont (puis Corbeil), pour assurer le service du réseau ferré au nord et au sud.
Suivant les besoins, on mit à la disposition de ces commissions des employés de cbemins de fer tirés de l'intérieur et même des corps de troupe. A la fin de janvier, le cliiffre de ceux venus d'Allemagne s'élevait à près de o.COO; malgré cela, l'insuffisance numérique du personnel se fit toujours très vivement sentir, à caus-e de l'extension continuelle du réseau occupé. Il en fut de même pour le matériel de traction, bien qu'on eût emprunté successivement 280 locomotives aux lignes nationales, qu'on en eiit construit 75 nouvelles et utilisé plus de 50, trouvées en territoire ennemi. En sus des 4.000 wagons fraui^ais capturés, il y avait en France, fin janvier, 15.000 wagons allemands. De tels prélève- ments — cela va de soi — rendirent excessivement pé- nibles les conditions du trafic sur les chemins de fer allemands et imposèrent aux agents nationaux des efforts inusités.
Quant au fonctionnement du service sur les lignes
.françaises, il présenta également de grandes difficultés;
néanmoins, avec la seule main-d'œuvre militaire, nous
parvînmes à maintenir, en arrière des armées, un trafic
capable de satisfaire à tous leurs besoins.
Tout d'abord se présenta la question des transports à destination de l'armée, ayant pour but de la ravitailler en bommes, cbevaux, armes, munitions, effets d'habil- lement, etc. Les renforts expédiés en France s'élevè-
54 HISTOIRE ET ORGANISATION
rent, sans compter le reste, à 2.200 officiers, 222.600 hommes, 22.000 chevaux et 116 pièces de canon; comme approvisionnements en vivres, la seule armée de Metz eut besoin journellement de 40.000 quintaux.
Du 15 octobre au 8 décembre, rien que l'expédition des colis postaux militaires exigeait l'emploi de 560 wa- gons sur les lignes en pays ennemi.
Enfin, un des plus graves problèmes fut le transport du lourd matériel de siège et des munitions destinés au bombardement de Paris.
Le trafic avec l'Allemagne eut également à satisfaire à de nombreuses exigences. L'évacuation des malades et des blessés atteignit des proportions énormes et né- cessita des efforts prodigieux. A la fin de la campagne, il y avait en circulation 36 trains sanitaires qui, en 210 voyages environ, rapatrièrent 40.000 hommes. Ce ne fut pas une mince besogne non plus que d'embar- quer 384.000 prisonniers de guerre, à destination de l'Allemagne; leur prompte évacuation, après la bataille de Sedan et la reddition de Metz, eut à surmonter de sérieux obstacles.
Dans l'accomplissement de ces différentes tâches, il fallut transporter des masses de troupes sur des lignes ne permettant qu'un trafic lent et modéré, conduit avec prudence et, le plus souvent encore, nécessairement irré- gulier. Presque toujours, l'embarquement et le débar- quement avaient lieu dans des gares qui n'étaient nul- lement outillées pour des mouvements de cette impor- tance et ne disposaient d'aucun abri pour les marchan- dises dont la livraison ail destinataire ne pouvait se faire aussitôt après l'arrivée.
La conclusion de l'armistice marqua pour l'armée le commencement d'un repos bien mérité. Tel ne fut pas le cas, cependant, pour les employés de chemins de fer. Sans doute, la phase la plus critique de leur mission
DES CHEMINS DE FER 55
était terminée, car l'accord du 30 janvier qui, dans les limites du transit ordinaire, concédait aux Français l'exploitation en commun de quelques-unes des grandes lignes se dirigeant du nord, du sud et de l'ouest vers Paris, assurait comme compensation à l'administration allemande le prêt, à charge de remboursement, de 200 locomotives et de 5.000 wagons. Cette mesure eut pour eiïet d'apporter un remède définitif à l'insuffisance du matériel roulant dont les Allemands avaient souffert jusqu'alors. En outre, à partir de ce moment, amis et ennemis s'employèrent de toutes leurs forces à réparer les sections endommagées, ce qui permit bientôt d'amé- liorer nos lignes d'étapes. Nous eûmes aussi l'avantage de profiter, pour nos transports, de l'utilisation mixte du chemin de fer de ceinture de la capitale. Au mois de mars, on vit également, sur certaines voies exploitées par les Allemands, circuler des trains militaires fran- çais transportant, sans armes, la garde mobile et la garde nationale dont le gouvernement de la E^épublique avait décidé la concentration à Versailles, en vue de réprimer l'insurrection de la Commune. Vers la même époque, on procéda au rapatriement des prisonniers de guerre français, internés en Allemagne.
VI
Application des chemins de fer à la tactique pure.
L'importance de l'emploi des voies ferrées pour le mouvement général des forces militaires occupe aujour- d'hui le même rang dans les préoccupations de toutes les puissances, tant en ce qui concerne la formation de leurs armées et l'établissement de leurs plans straté- giques, qu'en ce qui est relatif au perfectionnement de leur réseau et de leurs moyens de transports. C'est au point que, à notre avis, les chemins de fer peuvent être considérés comme un instrument de guerre de premier ordre, sinon comme une arme proprement dite.
Examinons maintenant si, à ce titre, ils sont exclu- sivement destinés à être utilisés en vue d'un objectif stratégique et s'ils ne se prêtent pas également bien à un emploi pratique et rationnel dans le domaine de la tactique pure. L'écrivain distingué auquel nous devons les Leçons générales de conduite des troupes (1), le général-major Meckel, écrit ce qui suit :
« On distingue la grande et la petite tactique. La première est du ressort des chefs qui commandent un ou plusieurs corps d'armée mixtes (2), c'est-à-dire orga- nisés pour opérer isolément. C'est dans l'intérieur des unités isolées plus petites, la division par exemple, que s'exerce la seconde. Les conceptions de la « tactique »
(1) Allgemeine Lehre von Jer Truppenfiihrung im Kriege.
(2) En langage militaire, on appelle unité mixte une unité qui comprend des troupes de toutes armes.
HISTOIRE ET ORGANISATION DES CHEMINS DE FER 57
ne concordent pas toujours avec celles de la « conduite
des troupes ».
» L'enseignement de la tactique se rapporte, en effet, à l'emploi des troupes dans le combat et en vue du combat, abstraction faite des effectifs engagés. »
C'est en ce sens que, dans les développements qui vont suivre, nous allons chercher à établir le principe de l'emploi tactique des chemins de fer.
La question relative à la mission des voies ferrées considérées comme instruments de guerre a déjà été traitée par le major von Broizem, de l'état-major saxon, dans une étude intitulée : Une bataille de V avenir. (Srhlacht der Zukunft) (1).
L'auteur arrive à cette conclusion que les transports de troupe — d'une aile à l'autre, par exemple — doivent être évités, en principe, même si l'on dispose de com- munications par voies ferrées. D'après ce qui précède, il faudrait admettre que les progrès et les elïorts accom- plis par les grandes puissances pour doter leurs armées de troupes de chemins de fer nombreuses, aptes à être employées sur le théâtre de la guerre, n'auraient d'autre but que de faciliter les communications avec l'arrière; quant à l'utilisation de ces troupes sur le terrain même du combat, on n'en ferait aucun cas.
Le général Meckel arrive à des conclusions essentiel- lement différentes; il estime aiissi que l'utilisation tac- tique des chemins de fer, c'est-à-dire leur emploi sur le champ de bataille sera rarement possible. A l'appui de cette assertion, il montre que l'embarquement et le débarquement des troupes en un point déterminé occa- sionnent une perte de temps et la rupture des liens tac- tiques; enfin que le danger auquel sont exposées let» •voies ferrées, dans le voisinage immédiat de l'ennemi,
(1) Dresde, 1890; Guillaume Baensch, éditeur,
58 HISTOIRE ET ORGANISATION
constitue un obstacle difficile à éviter. Il pense qu'au contact de l'adversaire et sur le champ de bataille elles seraient d'ordinaire mises hors de service. Cependant, il admet l'éventualité où les lignes ferrées pourront con- courir tactiquement à la défense de positions étendues, situées en pays de montagne, sur les grands cours d'eau ou sur les côtes. Dans la guerre de siège, en particulier, comme le fait s'est présenté pendant la défense de Paris, il serait possible d'employer les voies ferrées dans un but tactique, à l'occasion d'un combat livré autour d'un grand camp retranché pourvu d'un chemin do fer de ceinture.
D'autre part, dans ses considérations relatives aux marches de nuit et à l'accélération de la marche, l'écri- vain ci-dessus estime que le transport de l'infanterie qui, jadis, ne pouvait s'effectuer en grandes masses qu'à l'aide de voitures et en pays sûr, devient praticable aujourd'hui avec les chemins de fer, lorsqu'on change de théâtre d'opérations.
On voit, par ce qui précède, combien ces profession- nels de l'art militaire, ainsi que beaucoup d'autres encore, diffèrent d'opinion sur la question qui nous occupe. Aussi l'étude pratique complète des enseigne- ments recueillis à ce sujet s'impose-t-elle.
A l'heure actuelle, on juge encore des opérations et des combats d'après les faits constatés dans les cam- pagnes de 186G et de 1870-1871, attendu que la guerre turco-russe de 1877-1878 a eu lieu dans des circons- tances tout à fait particulières (1); comme l'a dit un au- teur militaire, le stationnement prolongé sur des positions fortifiées, combiné avec des entreprises contre les com- munications de l'adversaire (tel fut le cas dans cette cam-
(1) Anton Springer, La Guerre twrco-russe de 1877-78 en Evr rope (Vienne, 1891).
DES CHEMIXS DE FER 59
pagne), nous reporte plutôt aux souvenirs de la guerre de Sept ans. En 186G, il est vrai, les voies ferrées ne furent pas, à proprement parler, utilisées sur le terrain même du combat; néanmoins on pourra toujours consi- dérer comme un fait d'ordre à la fois tactique et stra- tégique les transports en cliemins de fer qui eurent lieu la veille de la défaite des Hanovriens à Langensalza.
En employant les sections de voies partout où elles avaient été rétablies et en eiïectuant des détours consi- dérables, deux brigades appartenant aux divisions Man- teuffel et Gœben, qui, jusque-là, avaient opéré dans le Nord, furent transportées par le cbemin de fer du Sud, de Gœttingen, par Magdebourg et Halle d'une part, par Cassel de l'autre, et vinrent renforcer de 5 ou 6.000 kommes les brigades Kummer et Flies, en position, la première à Eisenacli et la deuxième à Gotba (1). Grâce à l'intervention opportune de ces renforts, la veille de la bataille, on fut en mesure d'opposer à l'attaque de l'ennemi des forces supérieures en nombre, de cerner l'armée hanovrienne et de l'empêcher de faire une trouée dans la direction de l'Allemagne du Sud (2).
Passons maintenant aux leçons tirées de la campagne de 1870-1871.
L'ouvrage du grand état-major (3) contient, à ce pro- pos, les remarques suivantes :
« Les chemins de fer rendirent les services les plus précieux. Ils durent servir aux transports des subsis- tances, des troupes de remplacement, des munitions et de quantités prodigieuses de matériel de siège ; enfin à l'évacuation des blessés, des malades et des prison- niers. En outre, dans le cours de la campagne, on fut,
(1) Ouvrage du grand état-major, pages 60, 66 et suivantes.
(2) Annexe 2, page 7 de l'ouvrage cité.
(3) Guerre de 1870-71, rédigée par la section historique, 2® par- tie, page 1341.
CO HISTOIRE ET ORGANISATION
à maintes reprises, dans la nécessité d'amener de grandes unités d'un bout à l'autre du théâtre des opé- rations. Avec cela, le rendement des lignes se trouva sans cesse restreint parce c^ue certaines de leurs sections n'avaient pu être rétablies qu'à une seule voie. » ^ Les rédacteurs de cet ouvrage constatent donc qu'on s'est vu, plus d'une fois, dans la nécessité de transporter des effectifs considérables d'un théâtre d'opérations sur un autre.
Il y a lieu, en conséquence, d'examiner encore de plus près les incidents <le la dernière guerre.
Dès le début, on eut l'occasion d'utiliser les chemins de fer dans un but tactique. Le 6 août, en effet, pendant la bataille de Spicheren, -3 bataillons du 12® régiment et 1 bataillon du 20'^ furent embarqués en chemin de fer à Neunkirchen et Saint-Wendel et amenés directement sur le terrain du combat. Au dire des historiens de la campagne, le 12® régiment put, aussitôt après sa des- cente de wagons, être conduit sur le champ de bataillé oti il prit une part active au succès de nos armes (J).
Pareil fait s'était déjà produit pendant la guerre entre l'Italie et l'Autriche, lors de la bataille de Solférino, livrée le 24 juin 1859.
La batterie légère n° 4 du P'' corps d'armée, qui, au début de la campagne, devait être transportée par voie ferrée de Kœnigsberg à Neunkirchen, résolut, en attei- gnant cette dernière station, de continuer sa route et arriva sur le champ de bataille vers 6 h. 1/4. A la fin de juillet, dans le but d'assurer la protection des côtes allemandes, on avait concentré la 12® division d'infan- terie à Hambourg, la 2° division de landwehr à Brème, la division de landwehr de la Garde à Hanovre, puis.
(1) Ouvrage du grand état-major, l'"^ partie, tome P'", pages 215, 306 et 332.
DES CHEMIXS DE FER 61
quelque temps après, la l""" division de landwelir à Wis mar et à Lùbeck. D'après l'ouvrage précité (1" partie, page 119), la dislocation de ces unités s'opéra avec une telle célérité que, douze lieures au plus après l'ordre de mouvement, les dernières fractions se trouvèrent em- barquées en cKemin de fer^
Mais, où les chemins de fer eurent, surtout, une in- fluence décisive sur l'issue de la campagne de 1870-1871, ce fut au cours des opérations exécutées dans le Nord, pendant la période comprise entre l'occupation de Rouen et la fin de décembre.
A cette époque, la P® armée avait pour mission de couvrir l'investissement de Paris, aussi bien contre les forces françaises rassemblées à Cherbourg que contre celles qui occupaient les places fortes du Nord, et de garder avec ses faibles ressources Rouen, Amiens et la ligne de la Somme. Grâce à la mise en service des lignes ferrées Roiien - Amiens et Amiens - Creil - Gonesse, les ailes de la P^ armée, jusque-là séparées, purent, en temps opportun, se prêter un mutuel appui et rendre effective la liaison entre cette armée et celle de la Meuse (1).
Le succès de la campagne dans le Nord reposait entiè- rement sur l'aile gauche de la V^ armée; l'approche im- minente du dénouement sous les murs de Paris faisait présumer que Eaidherbe, auquel des renforts considé- rables venaient d'être e?cpédiés par mer, allait sous peu reprendre l'offensive avec la coopération de toutes ses forces.
Cette prévision justifiait la résolution prise par nous de prélever jusqu'à une forte division sur le corps d'occu- pation de Rouen, oii les opérations n'avaient qu'une
(1) Comte Vartensleben, Opérations de la Première Armée, pages 76 et suivantes.
62 HISTOIEE ET ORGANISATION
importance secondaire, et de diriger sur la Somme les troupes devenues ainsi disponibles, au risque d'aban- donner momentanément la position de Rouen (1).
Quant à la marche d'approche de la I""* armée, l'en- nemi ne paraît pas même l'avoir soupçonnée; les jour- naux français rattachaient ce départ inopiné aux événe- ments du siège de Paris et le croyaient destiné à secou- rir l'armée d'investissement. En fait, l'apparition de la I""® armée fut une surprise complète pour nos adver- saires (2).
La ligne Rouen - Amiens, longue de 15 milles, sur laquelle l'insuffisance du matériel roulant se fit vive- ment sentir, ne put amener sur le point menacé que trois trains par jour, aller et retour compris. Malgré cette situation précaire, les opérations projetées dans le Nord réussirent pleinement et l'investissement de la capitale n'eut désormais plus rien à craindre des forces françaises rassemblées dans le Nord.
La I" armée et celle de la Meuse disposèrent donc simultanément de tout le réseau septentrional, tandis que la IIP armée continuait, comme auparavant, à uti- liser la grande ligne Nancy - Epernay jusqu'à Nanteuil d'abord, puis, à partir du 23 septembre, jusqu'à Ligny et Chelles.
Les chemins de fer eurent un rôle moins heureux, au point de vue tactique, lorsqu'il s'agit de renforcer l'ar^ mée du Nord, en prévision de la bataille de Saint-Quen- tin (19 janvier 1871).
Informé par le grand quartier général que le XIIP corps pourrait être envoyé d'Alençon sur Rouen, ce qui lui permettrait de diriger de ce point de nouveaux
(1) Ouvrage du grand état-major, 1" partie, page 1005.
(2) Von W. Bluine, major aii grand état-major général, Opé^ rations des Années aUcinnndrs drptiis la bataille de Sedan jusqu'à la fin de la guerre, pages 98 et 206.
DES CHEMINS DE FER 63
renforts sur la Somme (1), le général von Gœben donna aussitôt l'ordre d'expédier par voiç ferrée 3 bataillons et 1 batterie de Rouen sur Amiens, pendant que la garnison de cette dernière ville se portait sur Ham à marches forcées. L'armée de la Meuse reçut du grand quartier général l'ordre de mettre une brigade et une batterie à la disposition du général von Gœben; le transport de cette brigade à Tergnier, près de la Fère, devait commencer le 19 janvier, de bonne heure. Mais le manque de matériel roulant, joint aux difficultés mêmes de l'embarquement, produisit de tels retards que le l""" bataillon s'embarquait seulement le 18 janvier, à 10 heures du matin, au lieu du 17, et que le 19, jour de la bataille, le dernier bataillon ne parvenait pas à quitter Gonesse avant midi. En réalité, un bataillon de la IG'' brigade prit part à l'action décisive ; le 85^ régi- ment seul fut utilisé pendant le combat; il n'y eut que 4 bataillons qui se trouvèrent rendus à Tergnier; quant aux autres fractions, leur mouvement fut suspendu dans la matinée du 20 et on dut leur faire reprendre le che- min de Gonesse (2).
Après avoir énuméré en détail les exemples histori- ques de l'emploi des chemins de fer sur le champ de bataille, du côté des Allemands, il nous reste à mention- ner succinctement les enseignements pratiques qui, dans le même ordre d'idées, ont été recueillis dans le camp opposé.
Pendant la campagne de la Loire, 28.000 hommes d'infanterie appartenant au 15® corps français furent, en deux jours (27 et 28 octobre 1870), transportés de Salbris en Sologne ,par Yierzon et Tours, à Mer (près
(l) Comte de Moltke, Histoire de la guerre fi-anco-allcmande de 1S70-71, III, pages 313, 317 et suivantes.
(2^ Schell, Opéraiions de la Première Armée, sous les ordres du général von Gœben, pages 106 et 153.
G4 HISTOIRE ET ORGANISATION
de Blois) et à Yendôme, c'est-à-dire de la rive gauche sur la rive droite de la Loire, sans que les Allemanis aient eu le moindre soupçon de ce déplacement de troupes.
Les troupes à transporter comprenaient 25.000 hom- mes d'infanterie, 2 régiments de cavalerie, 23 batteries, un parc d'artilerie et un équipage de ponts. La distance à parcourir par voie de terre était de 65 à 100 kilom., tandis que la ligne ferrée destinée au transport avait une longueur de 200 kilom. Le corps d'armée pouvait donc, sans trop de fatigue, être rendu en trois jours à destination. Bien qu'une partie de la ligne utilisée fût à une voie, on comptait que la durée du mouvement en chemin de fer ne dépasserait pas deux jours.
Le 25 octobre au soir, arrivait l'ordre de commencer les transports le 27, à la première heure. La chose était d'autant plus difficile qu'on n'avait pris aucune dispo- sition pour l'aménagement des gares d'embarquement. On espérait pouvoir, entre 6 et 8 h. 1/2 du matin, for- mer toutes les demi-heures, dans la petite station de Salbris, 7 trains qui devaient emmener 8 bataillons, 1 batterie et 3.000 hommes non endivisionnés. Mais les préparatifs étaient tellement insuffisants que le pre- mier bataillon, parti du camp de Salbris le 27 à 11 heures du matin, ne parvenait à s'embarquer que 24 heures après (le 28), quittait la gare à midi et arrivait à Blois dans la soirée. C'est le 30 seulement, au lieu du 28, que le parc d'artillerie et le matériel de ponts purent être chargés. Tous les trains subirent des retards considérables. On n'avait rien prévu pour l'alimentation des hommes; aussi, en arrivant à destination, mou- raient-ils littéralement de faim. L'administration des chemins de fer n'avait reçu aucune instruction concer- nant la destination à donner aux unités embarquées, dont les unes devaient être dirigées sur Vendôme et les
DES CHEMINS DE FER 65
autres sur Mer, Pour tromper les Allemands, on était allé jusqu'à lancer une partie des trains dans la direc- tion du Mans. Une fois débarquées, les troupes ne se trouvèrent pas encore en mesure de marcher à l'ennemi. Les bagages, les caissons de munitions d'infanterie, les munitions d'artillerie destinées aux calibres les plus divers, ayant été déchargés dans des stations isolées, au hasard et sans égard à leur emploi ultérieur, il s'écoula plus de cinq jours avant que l'artillerie pût rendre compte qu'elle était en état de combattre. La cavalerie devait débarquer à Blois ; mais, faute de quais et de rampes mobiles, les cavaliers durent rester une demi- journée dans les wagons. Par suite de ce manque de préparation, le transport exigea dix jours, alors qu'en trois étapes on eût pu accomplir le même trajet.
Au mois de novembre, en trois jours, 40.000 hommes de troupe de toutes armes, sous lès ordres du général Crouzat, furent amenés, à l'aide de 88 trains, de Besan- çon à Gien sur la Loire. Dans la campagne de la Loire, les trains militaires se succédaient avec des intervalles de dix minutes.
La tentative faite, à la fin de décembre, pour trans- poi'ter par chemin de fer l'armée du général Bourbaki de la Haute-Loire dans la vallée du Doubs, échoua cependant par suite de l'accumulation des troupes, des munitions et des vivres.
Cet échec a été dii souvent à ce fait, que les petites stations situées sur la voie unique qui longeait le Doubs supérieur se prêtaient mal aux débarquements; en outre, l'établissement de voies de circonstance et de voies latérales, qu'il aurait fallu construire à la hâte, n'était pas possible à cause de l'étroitesse de la vallée.
L'énorme matériel roulant des deux grandes compa- gnies (Paris-Lyon-Méditerranée et Paris-Orléans), qui, sur l'ordre de Bourbaki, devaient transporter les 18*
Organ. cl.cm. de fer. 5
66 HISTOIRE ET ORGANISATION
et 20'' corps, fut utilisé comme a magasins volants » (1). Entre Moulins et I^evers, il y avait, à la fin de décembre, 1.800 voitures affectées à ce service; au commencement de février 1871, leur nombre atteignit 7.500. Les gares de Dôle, Clialon-sur-Saône, Besançon, avaient toutes leurs voies littéralement couvertes de trains cbargés d'approvisionnements. Les lignes se trouvèrent par suite obstruées, sans que les 250 locomotives employées à cette fin eussent été d'aucune utilité.
Le 20 décembre, on s'était imaginé que le transport des 18^ et 20^ corps s'effectuerait en 24 heures ; mais, en fait, il n'était pas encore entièrement terminé le 29 décembre (2).
En résumant succinctement les leçons tirées de l'his- toire militaire, on arrive à la conclusion suivante : le transport de G bataillons de Rouen à Amiens, en prévi- sion de la bataille de l'Hallue (23 décembre); de trois bataillons d'Amiens à Eouen, destinés à renforcer la r^ armée, démontre d'une façon évidente l'étendue des services que l'emploi rationnel et intégral d'un réseau ferré est susceptible de rendre, surtout dans la défensive tactique, en multipliant, en quelque sorte, les forces du défenseur et en lui donnant la faculté d'étendre son action sur des espaces hors de proportion avec la fai- blesse de ses ressources. Sur ce point, l'état-major alle- mand a su tirer parti, avec un bonheur inespéré, des moyens mis à sa disposition; par là, il a posé les pré- misses d'un succès qui eût été irréalisable sans le se- cours et la coopération des chemins de icr (o).
(1) En français dans le texte.
(2) Baron Ernouf, Histoire des Chemins de fer français pen- dant la guerre franco-allemande. (Paris 1874, Librairie géné- rale.)
(3) Schell, Opérations de la Première Armée, sous les ordres du général de Gœhrn, pa^es 106 et 153. — Ouvrage du grand état- major, 1''^ partie, page 119.
DES CHEMINS DE FER G7
D'autre part, le transport de la 16^ brigade d'iniau- terie de Gonesse à Tergnier, à l'occasion de la bataille de Saint-Quentin, et celui de l'armée de Bourbalii, de la Haute-Loire dans la vallée du Doubs, prouvent suffi- samment les dangers que présente, dans des circons- tances défavorables, l'emploi tactique des voies ferrées, au cours même des opérations.
De ces divers incidents de la guerre de 1870-1871 ciue nous venons d'examiner, il résulte, tout d'abord, que si l'on veut, à l'aide des cKemins de fer, renforcer, en temps utile, les ailes d'une armée lorsqu'elles sont iso- lées, afin d'obtenir un plus grand déploiement de forces en vue d'un effort décisif, il faut, avant tout, que le transport des troupes puisse s'effectuer avec une sécurité absolue.
En second lieu, il ressort également de l'iiistoire de cette campagne qu'il ne faut songer à employer les chemins de fer, dans le sens envisagé ici, que si les sections utilisées sont, avant toutes cboses, pourvues, en quantité suffisante, de matériel roulant de voies de garage, de quais d'embarquement, de rampes de cbarge- ment, de réservoirs, etc.; sans quoi il serait désastreux de chercber à en tirer parti, soit en pays conquis, soit même en territoire national.
Ces conditions particulières de l'emploi des chemins de fer et les mesures à prévoir dans chaque cas ne peuvent, bien entendu, être déterminées qu'à la suite d'un examen personnel et approfondi des chefs présents sur les lieux; aussi, selon toute vraisemblance, les cir- constances où l'on pourra désormais recourir à cet em- ploi seront-elles toujours plus rares. Malgré la perte de temps occasionnée souvent par l'embarquement et le débarquement, qui ne peuvent avoir lieu qu'en un point déterminé, malgré la rupture momentanée des liens tac- tiques qui en résulte, l'utilisation des chemins de fer
68 HISTOIRE ET OEGAXISATIOX DES CIIEMIXS DE FER
en vue du combat rendra, dans tous les cas, de réels services dans la guerre de siège, dans les engagements livrés autour des grands camps retranchés pourvus d'un chemin de fer de ceinture, ou encore, pour la défense de positions étendues situées en pays de montagne, sur de grands fleuves ou sur les côtes.
Quoi qu'il en soit, comme nous le verrons plus loin, l'emploi tactique des chemins de fer de ceinture dans les places fortes, qu'il s'agisse de faciliter une sortie ou de repousser un assaut, jouera un rôle important dans les guerres futures.
YII
Emploi tactique des chemins de fer de forteresses.
Nous allons passer maintenant à l'étude de la ques- tion suivante :
Est-il possible, et dans quelle mesure, de faire inter- venir sur le terrain de la lutte les chemins de fer de ceinture ou ceux construits pour contourner les places fortes ?
Cette question nous amène à parler de la guerre de siège, dans laquelle ces deux catégories de voies ferrées ont été, jusqu'ici, presque exclusivement utilisées.
L'importance des forteresses, comme places de dépôt en temps de guerre, ressort avec une telle netteté de l'histoire de la dernière campagne qu'il est inutile d'entrer à ce sujet dans de plus amples développe- ments (1). A l'appui de cette constatation vient encore s'ajouter le rôle capital dévolu à la protection des lignes ferrées.
Aujourd'hui, on fortifie les grandes villes surtout parce qu'elles constituent des nœuds ferrés; enfin, on construit des forts d'arrêt précisément aux points de passage les plus importants des chemins de fer. D'après le général-major Meckel, auteur des Leçons générales
(1) Leer, Mémoire siw la Stratégie, page 137. — Clausewitz, De la Guerre, II, 210. — Von Scherff, Leçons sur l'emploi des troupes, etc., 91. — Blume, Stratégie, page 244.
70 HISTOIRE ET ORGANISATION
de conduite des troupes (1), la guerre de siège est appe- lée à tenir une place de premier ordre dans les cam- pagnes futures, étant donné que l'envahisseur sera obligé de rassembler de puissants moyens d'action pour venir à bout de pareils obstacles.
Les grandes places d'armes de notre système de forti- fication moderne ont besoin, par-dessus tout, de lignes ferrées en nombre suffisant, de telle sorte que, dans le laps de temps souvent très court qui s'écoulera entre la menace de l'investissement et l'investissement lui-même, il soit possible de pourvoir à l'augmentation des res- sources de ces forteresses en hommes, en munitions et en vivres; enfin, d'évacuer en lieu sûr, dès qu'il en est besoin, l'armement destiné aux réserves, qui y est déposé.
En ce qui concerne les quelques dépôts d'armes cons- titués à Strasbourg et à Metz, les Français — chose incroyable —^ omirent d'en évacuer le contenu en temps opportun. On peut, sans crainte de se tromper, faire remonter la cause de cette omission au défaut d'orga- nisation des chemins de fer qui desservaient ces deux places.
Les proportions gigantesques de la guerre moderne, la précision et la puissance du nouvel armement de l'infanterie et de l'artillerie ont exercé une influence parallèle sur le tracé et la construction des camps re- tranchés et ont permis de donner à ceux-ci un déve- loppement beaucoup plus considérable qu'autrefois. Ce développement s'impose partout où l'on a reconnu la nécessité de se soustraire aux effets d'un bombardement ou du tir à revers et de rendre plus difficiles l'investis- sement et l'attaque proprement dite. TJne pareille exten-
(1) Voir aussi Place forte et Armée de campagne, étude parue dans le 2« fascicule du Militair Wochenhlatt, 1878.
DES CHEMINS DE FEE. 71
sion des fortei^esses devait avoir pour conséquence natu- relle l'établissement de voies provisoires extérieures et intérieures (1) destinées à relier les ouvrages détacliés et l'enceinte avec les gares, les magasins et les dépôts, mis eux-mêmes en communication par une voie spéciale avec les forts et les bastions de la place. Ce réseau inté- rieur, couvert par l'enceinte, peut en même temps servir au transport de batteries à tir indirect et sera remplacé, là où il fait défaut, par des installations provisoires ou des locomotives routières.
Le chemin de fer de Ceinture de Paris, qui a joué un si grand rôle dans la défense de la capitale en 1870, devait, à coup sûr, servir de modèle pour toutes les places fortes. A ce propos, il ne sera pas sans intérêt de pénétrer un peu plus avant dans l'étude des ensei- gnements que nous offre l'histoire militaire.
« Dans la nuit du 20 au 21 décembre 1870, les che- mins de fer de Ceinture, de l'Ouest et de l'Est effec- tuèrent dans Paris un transport de 20.000 hommes. On avait prescrit de supprimer tout éclairage sur les sec- tions utilisées et même dans les voitures; malgré cela, l'opération s'accomplit avec un ordre et une précision absolus. 10.000 hommes partirent de la presqu'île de Grennevilliers et furent répartis en 8 trains, de 6 à 9 heures du soir. Entre minuit et 6 heures du matin, 8 trains amenèrent également, de Nogent-sur-Marne à Noisy-le-Sec, 10.000 hommes (2) de renfort au corps chargé de l'attaque dû Bourget et du Drancy (2^ corps, Ducrot).
(1) Le chemin de fer de ceinture (Eiicircling, Circuler Bailway, Gûrtdbahn ou Ringhahn) est celui qui entoure le territoire d'une forteresse ou d'une ville ouverte; suivant qu'il est tracé dans l'enceinte de la place ou en dehors de celle-ci, il est dit intérieur ou extérieur.
(2) Les Chemins de fer pendant la guerre de 1870-1871, par Jacquemin (Paris, librairie Hachette, 1872).
72 HISTOIRE ET ORGAXISATIOX
Ce fait montre clairement le rôle important qu'un cL.emin de fer de ceinture, dont le tracé est compris dans le périmètre des ouvrages extérieurs, est appelé à jouer dans la défense des grands camps retranchés; il prouve également la nécessité de pourvoir ceux-ci d'installa- tions de ce genre, afin de leur permettre d'en tirer tout le profit désirable.
Dans cette même campagne, l'occasion s'est présentée, pour l'envaliisseur, de renforcer rapidement les garni- sons de certaines places en ayant recours aux chemins de fer. Tel fut le cas lorsque, prenant l'offensive dans la direction de la forteresse de la Fère, l'armée fran- çaise vint menacer nos communications avec la I''* armée allemande; deux bataillons et deux batteries du corps du général Manteuftel, après avoir été transportés en chemin de fer, furent mis à la disposition du gouver- neur général de Heims pour renforcer les garnisons de Soissons et de Laon.
Les événements de la dernière campagne nous four- nissent des éléments suffisants pour pouvoir conclure que, dans la prochaine guerre, il faudra user largement de la fortification pour protéger les principales gares ainsi que les ateliers et les dépôts des chemins de fer. Afin d'empêcher la destruction de ces établissements par le tir de l'artillerie ennemie, les grandes puissances ont admis, dans leur plan de défense, le principe de la construction d'épaulements de batteries sur des points appropriés, c'est-à-dire situés à des distances convena- bles et couverts par des tranchées pour tireurs d'infan- terie. Celles-ci serviront principalement à assurer la protection de batteries à tir indirect et la prompte arri- vée des réserves d'infanterie (1).
A l'heure actuelle, l'Allemagne possède des chemins
'(1) La Fortification aujourd'hui et demain, par le colonel von Giese.
DES CHEMINS DE FEE 73
de fer militaires à Metz, Strasbourg, JJlm, Posea et Magdeboiirg; la France à Paris, Langres, Reims, Lyon, Yei'dun, Toul et Epinal ; la Russie à Kiew. Paris, en particulier, est doté d'un réseau très complet de lignes à voie étroite qui, en reliant entre eux les ouvrages isolés, facilite beaucoup la mise en place de l'armement.
Des considérations qui précèdent il résulte qu'étant donnée la difficulté de réaliser les conditions indispen- sables de sécurité que réclame l'utilisation des chemins de fer dans une bataille en rase campagne, on aura rare- ment l'occasion de s'en servir pour ou pendant le com- bat; par contre, il en sera tout autrement dans la dé- fense de nos camps retrancbés actuels. Ici, en effet, les cbemins constituent, au point de vue tactique, un des plus puissants moyens d'action, vu que leur exploita- tion trouve, dans les ouvrages de la place ou les forts d'arrêt, toutes les garanties de sécurité désirables.
Grâce à leur organisation tecbnique perfectionnée, les chemins de fer militaires seront donc, à toutes les phases d'un siège, une aide réelle et efficace, tant pour donner à la défense proprement dite le moyen d'exé- cuter des sorties ou de repousser des attaques, que pour faciliter l'évacuation des approvisionnements de réserve contenus dans les arsenaux.
Nous croyons nous être suffisamment étendu sur le mode d'installation et d'emploi des chemins de fer cir- culaires dans la défense des places; il nous reste, à pré- sent, à faire une étude analogue sur les chemins de fer que les armées d'opérations auront à construire pour contourner les forteresses.
C'est la campagne de 1870-71 qui, la première, a in- troduit dans l'art militaire moderne la construction de ce genre de voies ferrées. A notre avis, leur application à la tactique dans les guerres à venir aura vraisembla- blement une importance d'autant plus grande que leur
74 HISTOIRE ET ORGANISATION
établissement et leur utilisation seront imposés davan- tage par le nombre, la puissance et l'étendue des ou- vrages fortifiés qui commandent les principales lignes de chemins de fer.
Le fait que, chez la plupart des grandes puissances, les troupes de campagne sont pourvues de chemins de fer de campagne transportables, appelés aussi chemins de fer volants, et de ponts démontables, dénote bien l'intention arrêtée de mettre ce matériel en service partout où la nécessité s'en fera sentir. On est encore allé plus loin en France, où, dès le temps de paix, on a fortifié certains points de la frontière de l'Est pour interdire à l'envahisseur la construction de lignes d'évi- tement; tel est, à n'en pas douter, le rôle assigné à l'ouvrage des Paroches, que l'on a intercalé dans la ligne des forts de la Meuse, en face du confluent du ruisseau de Rupt avec cette rivière; tel est aussi celui du fort de Pagny-la-Blanche-Côte, à 15 kilom. au sud de Toul, qui s'oppose à l'établissement d'une voie pou- vant contourner cette place par Vézelise, Colombey et Gondrecourt.
Le 17 août 1870, à Remilly, l'avant- dernière station avant d'arriver à Metz, on entreprit la construction d'un chemin de fer qui devait passer au sud de cette place. Partant de Remilly, il avait pour but d'établir une com- munication, à l'abri de toute tentative de l'ennemi, entre les lignes ferrées aboutissant à l'est et à l'ouest de Metz, dont il devait en même temps faciliter l'investissement. Ce chemin de fer passait par Remilly, Luppy, Pont-à- Mousson et rejoigniait ensuite celui de Frouard à Paris. Un millier de terrassiers allemands furent occupés à l'achèvement de ce tronçon d'une longueur de 5 milles, qui devait être terminé en vingt jours et dans lequel on avait évité tout travail pouvant occasionner une perte de temps. Malheureusement, en raison des diffi-
DES CHEMINS DE FEE. 75
cultes presque insurmontables du terrain, la voie ne put être livrée à l'exploitation en grand que le 26 sep- tembre. Toutefois, comme certaines portions de lignes, situées dans le voisinage immédiat de la place, se trou- vaient dans le rayon d'action des forts et étaient, par suite, demeurées au pouvoir de l'assiégé, ce dernier les utilisa dans sa sortie du 27 septembre. C'est ainsi qu'un train venu de Metz à toute vapeur s'avança jus- qu'à Peltre, où il surprit nos troupes.
Mais examinons ce fait avec plus d'attention. Ce même jour, après avoir poursuivi nos avant-postes, la brigade Duplessis s'empara de Mercy-le-Haut. Après quelques coups de canon tirés par l'artillerie française, la brigade Lapasset prend sa formation de combat et dirige le 14^ bataillon de cliasseurs à pied, ainsi que le 97® régiment d'infanterie, contre Peltre, et le 84® contre Crépy. Au même moment, débouche d'une trancbée du cbemin de fer, située à l'ouest de Peltre, le 12® bataillon de chasseurs, qui se porte à l'attaque de la lisière sud de Crépy et des points de passage du ruisseau de Saint- Pierre. Ce bataillon, qui faisait partie du 2® corps fran- çais, avait été amené en chemin de fer, tandis qu'un détachement poussé au sud, dans la direction de Magny, couvrait son mouvement (1).
Cet exemple, aussi clair que significatif, montre que les Français avaient, eux aussi, compris tout le parti qu'ils pouvaient tirer des chemins de fer avoisinant la forteresse.
L'état-major allemand avait eu le pressentiment — justifié du reste par les événements — que, malgré les succès d'une campagne victorieuse, il lui faudrait des semaines, peut-être même des mois, pour se rendre maî- tre d'une place douée, comme Metz, d'une force de résis-
(1) Ouvrage du grand état-major, II, I, pago 275.
76 HISTOIRE ET ORGANISATION
tance où l'art était secondé par la nature, c'est-à-dire avant de pouvoir disposer librement de la ligne de Sarrbruck jusqu'à la Moselle et, plus tard, jusqu'à Paris. Aussi, dès le début de la guerre, avait-il conçu le projet de contourner Metz au moyen d'une voie de raccordement.
Ce plan était déjà arrêté dans ses grandes lignes à l'instant même où l'ennemi essuyait ses premières dé- fait^^s à Spickeren, Wissembourg et Wœrtli, alors que les avant-gardes des I" et 11^ armées couronnaient à peine les bauteurs de Saint-Avold.
La voie ferrée en question francbissait la Seille et la Moselle, ainsi que les deux lignes de partage entre jSTied et Seille et entre Seille et Moselle. Dans leurs plus gran- des dépressions, ces lignes de partage possèdent encore un commandement de près de 200 pieds au-dessus du lit des deux rivières et présentent, la plupart du temps, une configuration mouvementée et difficile. Jusqu'à Remilly, d'une part, et jusqu'à Pont-à-Mousson, de l'au- tre, les matériaux employés à la superstructure étaient amenés en cbemin de fer; en ces points commençaient les transports sur roues à destination des points inter- médiaires du tracé. En raison de la rapidité avec la- quelle le travail devait être mené, il ne fallait pas, en effet, se contenter de l'entreprendre par les deux extré- mités seulement. Le procédé américain consistant à aller toujours droit devant soi, qui avait si bien réussi lors de la construction du cbemin de fer du Pacifique, dut être rejeté, et l'on installa, entre les deux points ter- minus, un certain nombre de cbantiers qui fonctionnè- rent simultanément. Quatre grands ponts ou viaducs furent restaurés et l'on exécuta plusieurs remblais et trancbées d'un profil considérable.
Au point de vue tactique, cette ligne offrit une pré-
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cieuse ressource pour l'investissement de Metz, qui com- mença après la bataille de Noisseville.
Lorsque, à l'aide de nouvelles stations, on eut com- plété le réseau télégrapliique et établi, de Maizières, une communication avec le corps d'observation de Thionville ; lorsqu'enfin on eut augmenté le nombre des ponts sur la Seille et la Moselle, rien ne s'opposa plus désormais à l'achèvement du blocus, et l'armée assié- geante put reprendre le contact avec la mère patrie.
Dans la même campagne, un deuxième chemin de fer de contournement, mais plus considérable que Te précédent et dont la construction présenta de grandes difficultés (il comportait des remblais de 7 à 8 mètres et des tranchées de G mètres), fut achevé par l'armée alle- mande en vingt-trois jours. Nous voulons parler de celui qui contournait le tunnel de Nanteuil.
Toutefois, la destination de cette ligne n'avait nul- lement un caractère tactique, puisqu'elle servit exclu- sivement au rétablissement des communications avec l'arrière.
Si, maintenant, nous résumons, en quelques mots, les enseignements tirés de l'histoire militaire, nous arri- vons à cette conclusion que les chemins de fer de forte- resses sont surtout destinés à servir en vue du combat, que leur utilisation convient parfaitement à la défense et permet à l'assiégé de s'assurer la supériorité numé- rique sur les points où il le juge nécessaire. Par contre, ceux qui contournent les places fortes ne possèdent naturellement pas une valeur tactique absolue, puisque en principe, c'est l'armée d'invasion qui les emploie.
Néanmoins, même dans le cas d'une rencontre en rase campagne, on peut concevoir la possibilité de les utiliser tactiquement, quand l'un des partis engage l'action en s'appuyant sur une ville fortifiée qui lui garantit la sécurité de son réseau ferré en arrière de
78 HISTOIRE ET ORGANISATION
sa ligne de bataille, et lui permet de faire venir sans danger ses troupes et ses munitions (1).
Si, en vue de protéger l'ensemble du réseau ferré, on a déploj^é partout la même activité pour parachever le système défensif du territoire national, assiégés et assié- geants seront conduits respectivement à mettre à profit, dans une même mesure, les chemins de fer des places fortes et ceux destinés à les contourner. La loi du 28 juillet 1892 sur les lignes à voie étroite aura peut-être pour conséquence d'amener les constructeurs à faire, dans leurs plans, une part égale aux intérêts militaires et aux intérêts économiques.
Au point de vue militaire, il est vrai, ces sortes de lignes ferrées ne possèdent une valeur réelle qu'au delà des frontières où les bonnes communications routières font défaut et où cependant elle doivent être aménagées au plus tôt. Il ne faudra donc pas les oonsidérer comme inutiles, au point de vue militaire, dans le voisinage des forteresses, pourvu que l'écartement des rails, les machines et les voitures permettent de les employer au service de l'armée (2). Comme le prouve l'exemple du
(1) L'auteur anonyme d'un très remarquable travail, De l'Uti- lisation des Chemins de fer dans les opérations militaires et du conihat dans le roisinagr des voies ferrées (Leipzig, Brockhans, 1882) va jusqu'à prétendre que, si la ligne Metz - Verdun avait été livrée à l'exploitation en 1870, elle eût pu, dans cet ordre d'idées, jouer un rôle décisif dans les journées des 16 et 18 août. Il est admissible, eu efifet, qu'après s'être rendu un compte exact de la situation à la date du 16, l'état-major français n'eût pas hésité à profiter de l'occasion qui lui était offerte et se fût con- vaincu que l'unique chance de succès pour lui résidait dans l'en- veloppement de l'aile gauche de l'année allemande.
(2) On sait qu'en France l'écartement de la voie est fixé à 0 m. 60, pour les chemins de fer militaires et qu'on devra adopter cette dimension pour tous les chemins de fer d'intérêt privé qui seront créés à l'avenir. Cet écartement se rencontre déjà dans la plupart des lignes d'intérêt local, forestières, industrielles, qui existent en Allemagne. De même ledit écartement — autant du moins que la chose a pu transpirer de part et d'autre dans le public — a été reconnu par les états-majors russe et allemand
DES CHEMINS DE FER 79
chemin de fer de Bosnie construit sur une longueur de 78 kilom., avec un écartement de 0",76, il faut met- tre de côté le préjugé en vertu duquel les chemins de fer à voie normale auraient seuls une valeur militaire. Primitivement, c'est-à-dire lors de l'entrée des Autri- chiens en Bosnie, cette ligne était destinée au service exclusif du corps expéditionnaire; plus tard, lorsque son installation et son organisation furent entièrement terminées, elle servit d'une manière très satisfaisante au trafic ordinaire, sous le contrôle de l'autorité mili- taire. Construite, au début, avec des procédés sommaires, elle subit petit à petit une transformation complète, grâce à l'activité d'une administration aussi intelligente que dévouée ; aussi, à l'heure actuelle, suffit-elle à iin trafic qui, d'ordinaire, ne se réalise que sur les grandes lignes. Le choix de la largeur de la voie a été déterminé par cette circonstance que les locomotives et les wagons destinés au chemin de fer de la Bosnie avaient pu être transportés directement des chantiers de construction de la ligne Temesvar - Orsova, oii ils avaient été em- ployés aux travaux de terrassements. Pendant une exploitation de dix années, le rendement des voitures à marchandises s'est élevé de 2 à 10 tonnes, en sorte que les wagons à trois essieux de la voie en question donnaient un rendement égal à celui des wagons à deux
comme répondant parfaitement aux besoins militaires. Parmi les avantages essentiels de cet écartement, nous citerons la faculté d'utiliser les chemins de peu de largeur sans nuire à la circula- tion ordinaire, la souplesse plus grande du tracé, la possibilité d'employer des courbes de rayon plus faible, la facilité d'adapta- tion aux régions montagneuses et à leur réseau routier, l'écono- mie réalisée dans l'installation et l'exlpoitation des raccorde- ments avec les établissements industriels et agricoles. (Résultats obtenus à la suite des recherches et des manœuvres exécutées par la Brigade prussienne des chemins de fer, en vue de la construc- tion et de l'exploitation des voies de 0 m. 60; publiés dans le Journal de VA'isociation des Employés de chemins de fer alle- mands, n° 78, année 1893.)
80 HISTOIRE ET ORGANISATION
essieux habituellement utilisés sur les chemins de fer à voie normale.
La conclusion à tirer de ces faits, c'est que l'autorité militaire ne devra pas traiter en quantité négligeable les lignes à voie étroite dans les guerres de forteresses de l'avenir. Comme l'article 4 de la Constitution de l'Empire ne place les chemins de fer sous l'autorité du pouvoir législatif et sous le contrôle de l'Etat, qu'en vue des intérêts de la défense du pays et du trafic géné- ral, les lignes à voie étroite n'ont pas encore été consi- dérées comme des chemins de fer au point de vue légal et n'ont pas été traitées comme tels.
Cependant, la prise en considération des besoins de la défense du pays — pour laquelle la loi prussienne sur les chemins de fer du 3 novembre 1838, ainsi que les autres lois basées sur cette première, mettent à contri- bution, dans une large mesure, les chemins de fer propre- ment dits — à l'heure actuelle, s'impose aussi, bien que dans une proportion restreinte, aux lignes à A'oie étroite. Dans la réglementation des transports, cette loi a défini les conditions auxquelles devaient satisfaire ces dernières, en vue des intérêts de la défense nationale. Toici ces conditions :
Le 19 novembre, comme annexe à l'ordonnance du 22 août 1892, les ministres des Travaux publics et de l'Intérieur ont édicté les mesures suivantes, en exécution des §§ 8 (l" alinéa) et 9 de la loi sur les chemins de fer à voie étroite et sur leurs raccordements avec des établissements particuliers. Ces me- sures définissent les obligations imposées aux entrepreneurs, en vue de sauvegarder les intérêts de la défense nationale.
§ 8, l" alinéa.
Quand les chemins de fer à yoie étroite (à traction mécani- que ovx animale) traversent des places fortes ou s'appro- chent, en totalité ou en partie, des ouvrages extérieurs, à moins de 15 kilomètres, les pièces à l'appui de la demande d'autorisation, en ce qui concerne la partie technique (or- donnance du 22 août précitée, § 5), doivent, au préalable,
DES CHEMINS DE FER 81
être soumises à l'examen du gouverneur de la forteresse. L'autorisation de construire ne peut être accordée que cur l'avis favorable de ce dernier.
§ 9.
Dans les lignes aménagées pour la traction mécanique, on devra, en vue des intérêts de la défense du territoire, se con- former aux prescriptions ci-après, si l'on ne veut pas s'expo- ser à un i*efus.
I. Voie. — a) En dehors de l'écartement normal, les écar- tements de 0™,60, 0™,75 et 1 mètre sont seuls admis.
h) Après la pose des traverses, le poids minimum des rails est fixé à 9 kil. 5 par mètre courant;
c) Dans les lignes de 0™,60,le rayon des courbes ne doit pas être inférieur à 30 mètres;
d) La largeur nette de la rainure à boudin dans les aiguilles, les croisements de voie, les passages à niveau, etc., ne descen- dra pas au-dessous de (y^,02>b.
Les alinéas c et d ne concernent pas les tramways.
II. Matériel roulant. — a) Dans les voies de 0'^,60, les locomotives et les voitures seront construites de façon à pou- voir franchir sans difficulté les courbes de 30 mètres de rayon.
h) Les roues avec un boudin unic[ue sont seules admises.
c) Avec l'écartement de 0™,60, les véhicules seront tous pour- vus d'un tampon central placé à une hauteur de 30 à 40 centi- mètres au-dessus de l'arête supérieure des rails. Le poids de chargement des wagons, exprimé en kilogrammes, doit être divisible par 500.
III. Installation des gares. — Quand un chemin de fer à voie étroite doit se raccorder à un autre et qu'il ne \\v est pas possible de le franchir, il faut prendre des dispositions pour un transbordement. S'il s'agit exclusivement d'agrandir une entreprise déjà existante, on pourra conserver l'écartement et le poids primitifs des rails dans le tronçon nouvellement construit, même dans le eas où ces deux éléments ne seraient pas conformes aux dispositions I, a et h. Lorsque, exception- nellement et pour des raisons particulières, on jugera néces- saire de s'écarter des prescriptions ci-dessus, il faudra, pour la décision à intervenir, en référer au ministre des Travaux publics qui s'entendra à ce sujet avec le ministre de la Guerre. En ce qui concerne les chemins de fer à voie étroite à con- struire, en totalité ou en partie, sur des territoires qui avoi- sinent un Etat ne faisant pas partie de TEupire ou dans une contrée qui, en raison de son importance militaire spéciale,
Orgaa. chem. de fer. 6
82 HISTOIRE ET ORGANISATION
est assimilable à la zone frontière, on devra, avant de deman- der l'autorisation, en référer au ministre de la Guerre par l'intermédiaire du général commandant le corps d'armée.
A cette demande, on joindra le plan de la voie pour les chemins de fer à traction mécanique et, pour les autres, un plan de site accompagné de renseignements exacts renfermant les données les plus importantes sur le but de l'entreprise.
Dans le cas exceptionnel où l'autorité qui a qualité pour accorder l'autorisation do construire hésiterait à mettre d'ac- cord les mesures édictées en vue de sauvegarder les intérêts de la défense nationale avec la solution à donner à la demande qui lui est soumise, elle devrait faire part de ses hésitations au ministre des Travaux publics. Cette mesure est applica- ble également lorsqu'il s'agit d'apporter à une entreprise, à un établissement ou à une exploitation de chemins de fer à voie étroite, des agrandissements ou des modifications de quelque importance.
Lors de la déclaration de guerre, les transports de troupes par voies ferrées pourront se heurter aux plus sérieux obstacles. IS^aturellement, les lignes qui. relient les armées avec l'intérieur du pays seront largement mises à contribution et le personnel lui-même sera très affaibli. Si les renforts, les munitions et les subsistances parviennent sans trop de peine, par contre, les mouve- ments des troupes en arrière et sur le front des armées rencontreront des difficultés incomparablement plus grandes. Grâce à la rapidité avec laquelle les chemins de fer permettent aujourd'hui de parcourir, dans un temps relativement court, des distances considérables, les détours n'offrent plus les mêmes inconvénients que jadis, et l'on pourra désormais, à l'aide de lignes ferrées débarrassées de tout obstacle et bien outillées, étendre de plus en plus le champ d,es opérations dans le do- maine de la tactique. Tel sera précisément le cas lors- qu'il s'agira de défendre son propre territoire.
Mais, en ce qui concerne l'offensive en pays ennemi, l'expérience a prouvé qu'il ne fallait pas compter sur des transports de troupes d'une grande envergure.
DES CHEMINS DE FER 83
Les principes de la stratégie moderne auront beau exiger le dénouement le plus prompt possible, les luttes futures pourront présenter l'image de la plus imposante émigration de peuples, il n'en est pas moins probable, qu'eu égard aux espaces disponibles les belligérants ne pourront opérer que de faibles déplacements et que, désormais, les opérations ne seront plus conduites avec la même rapidité que pendant nos dernières campa- gnes (1).
Libre à cet écrivain de croire que le commandement suprême n'ait plus dorénavant qu'un faible pouvoir pour amener la lutte décisive et que ce fait crée une pliase des plus critiques dans la conduite des armées dn temps présent; mais, selon toute vraisemblance, il a du moins raison au point de vue de l'emploi tactique des chemins de fer dans la guerre future.
(1) La Nation armée, par von der Goltz, Berlin 1890, page 145.
DEUXIÈME PARTIE
ORGANISATION MILITAIRE DES CHEMINS DE FER CHEZ LES PRINCIPALES PUISSANCES
Allemagne,
L'aclièvement de notre ré&eau, tel qu'il existe actuel- lement, s'est effectué, tant au point de vue politique que militaire, dans des conditions incomparablement plus difficiles que cliez les puissances voisines. Fort heureu- sement, la conduite tenue par les Etats secondaires de l'Allemagne, loin de nuire au développement de la puis- sance militaire des chemins de fer de l'Empire, a per- mis, au contraire, de donner à ceux-ci, en ce qui con- cerne la construction et l'exploitation, une uniformité aussi grande que dans les réseaux où l'administration était plus centralisée.
L'incorporation des chemins de fer au réseau de l'Etat, déjà réalisée en grande partie par la Prusse, a beaucoup contribué à ce résultat, en plaçant aux mains du gouvernement des lignes qui avaient un rôle politique et militaire prépondérant. Dans ces conditions, l'Etat était maître de fixer lui-même les constructions à entre- prendre, l'aménagement à donner aux voies et aux
86 HISTOIRE ET ORGANISATION
moyens de transport, l'agencement des gares, tout en s'inspirant des exigences de l'économie politique et sans négliger les intérêts primordiaux du commerce et des transactions.
Ti' Association des chemins de fer allemands a con- tribué, pour une large part, à l'accroissement de la puissance militaire des voies ferrées. L'amélioration des plans de transport, l'identité des règles suivies pour l'aménagement des lignes et du matériel roulant, ainsi que pour l'outillage des stations, l'adoption de l'écarte- ment normal de l'°,435, etc., etc., enfin la publication faite, à l'instigation de V Association, par le Conseil fé- déral, des Règles 'pour la construction et V équipement des chcTnins de fer de V Empire allemand, constituent des progrès considérables en vue de leur préparation à la guerre. Dans cet ordre d'idées, la direction unique imprimée à notre plus puissant instrument de transports en temps de guerre a produit déjà des résultats féconds et très appréciables.
Le célèbre économiste Georges de Lavelaye écrivait dernièrement dans le Moniteur des intérêts matériels :
« Un courant irrésistible pousse cbaque gouvernement à devenir l'unique propriétaire de son réseau ferré. Il y a là une nécessité qui s'impose à notre société moderne. »
L'illustre maréclial Moltke avait, sous ce rapport, par- faitement raison lorsqu'il disait en 1880 :
« Il est bors de doute que l'incorporation à l'Etat des grands réseaux est un fait désirable en ce qui concerne les intérêts de l'armée. A l'heure actuelle, les chemins de fer sont devenus un des outils de guerre les plus redou- tables; le transport de grandes masses armées, sur des points désignés à l'avance, est un travail compliqué et prodigieux qui doit être tenu sans cesse à jour. L'ou- verture d'une nouvelle ligne suffit pour le modifier. Même si nous n'utilisons pas toutes les voies, il nous
DES CHEMINS DE FER 87
faudra requérir la totalité de notre matériel roulant ; or, il saiite aux yeux que ce sera pour nous une réelle sim- plification d'avoir affaire, à l'avenir, à une seule et non plus à quarante administrations distinctes. »
La tournure militaire que la main-mise sur eux par l'Etat devait imprimer au régime des cliemins de fer allemands constitue peut-être le trait le plus caractéris- tique qui les distingue extérieurement. L'attitude cor- recte et affable, la modestie, la fidélité et le dévouement des employés — d'après les personnes dignes de foi qui connaissent les cliemins de fer de tous les pays — sont les qualités les plus appréciées et celles qu'on doit re- chercher, de préférence, dans les relations du service des chemins de fer avec le public (1).
En résumé, l'Etat se trouve dans la situation la plus favorable pour porter à son maximum le rendement des voies ferrées en temps de guerre et pour exercer une influence décisive sur l'organisation des lignes et des stations, sur la préparation des moyens de transport: enfin, sur l'instruction et la discipline du personnel.
Aussi, l'application du principe consistant à placer, entre les mains du gouvernement, le plus puissant de tous les moyens de transport a-t-elle été couronnée d'un plein succès.
Par bonheur, nous sommes habitués à envisager le ser- vice des chemins de fer en nous plaçant au point de vue d'une campagne victorieuse.
On peut, à ce propos, penser ce que l'on voudra, mais — tout observateur impartial en conviendra avec nous — l'Etat prussien (2), en donnant à son réseau une aussi
(1) Vom rollcnden Fliigelracïc, par le major Max Jàhns (Ber- lin 1888, page 169).
(2) Avec un personnel de 300.000 employés, l'administration des chemins de fer prussiens exploite un rés?au d'environ 36.000 kilomètres, desservant 5.000 stations ou haltes et sur lequel cir-
88 HISTOIRE ET ORGANISATION
grande extension, a compris qu'il n"y avait pas d'autre solution pour assurer la sécurité extérieure du pays. Il s'est pénétré de cette pensée que le meilleur lien sus- ceptible de resserrer l'action commune des chemins de fer et de l'armée en temps de guerre ne devait pas être préparé au dernier moment.
Jusqu'au 1" avril 1899 l'organisation du service mi- litaire des chemins de fer était définie par le Règlement du 2G janvier 188T (1), publié en exécution de la loi du 13 juin 1873 sur les réquisitions, et en conformité du décret du 1" avril 18TG.
Ce règlement comprend deux parties distinctes ; Transports militaires en temps de paix (Militair - Transport - Ordniing) et Transports militaires en temps de guerre {Kriegs - Transjjorf - Ordnung). Son but essentiel est l'utilisation des chemins de fer en vue des transports militaires en temps de guerre. Il comporte les divisions suivantes :
1° Règles générales;
2° Attributions et relations des autorités; 3** Préparation des transports ;
4° Mouvements par voies ferrées de personnel et de troupes accompagnés de chevaux et d'équipages ; 5° Transport du matériel militaire ; 6° Décompte et paiement des dépenses.
Les dispositions relatives aux lignes desservies par des locomotives sur tout le territoire national sont éga-
culent journellement 12.000 trains de voyageurs et 14,0C0 de marchandises, soit un total de 26.000 trains. Elle dispose à cet effet de 11.000 locomotives, 25.000 voitures à voyageurs ou four- gons à bagages et 238.000 wagons à marchandises, qui transpor- tent annuellement un demi-milliard de voyageurs et 180 millions de tonnes de marchandises, soit une moyenne journalière de 1 million 1/4 de personnes et 1/2 million de tonnes.
(1) Abrogé par le règlement du 18 janvier 1899, mis en vi- gueur le l'^'' avril de la même année, {yotc du Traducteur.)
DES CHEMIIS^S DE FER 89
lement applicables, sur la réquisition de l'autorité mili- taire, aux transpoi-ts des troupes, etc., des puissances alliées à l'Allemagne.
1. L'ensemble de notre réseau est divisé en un certain nombre d'éléments appelés lignes, qui ont pour organes directeurs 20 commissions de lignes (1), désignées cha- cune par une lettre spéciale et dont les sièges sont :
A. Hanovre. — B. Munster. — C. Erancfort-sur-^e- Main. — D. Erfurt. — E. Dresde. — F. Karlsrube. — G. Posen. — H. Cologne. — J. Altona. — Ki. Munich. — Kg. "VViirtzbourg. — L. Breslau. — M. Berlin. — N. Kœnigsberg. — P. Ludwigshafen. — S. Sarrebriick. — T. Magdebourg. — ■ Y. Danzig. — W. Stuttgard. — Z. Strasbourg.
Chaque commission comprend : un officier apparte- nant à l'infanterie, autant que possible, membre mili- taire ; un employé supérieur des chemins de fer, mem- bre technique ; le personnel subalterne nécessaire.
Leur mission consiste à servir d'intermédiaires entre la section des chemins de fer de l'état-major et les dif- férentes administrations de chemins de fer, à traiter les questions se rattachant à leur réseau et à surveiller les transports militaires exécutés à l'occasion des manœu- vres ou de tous autres rassemblements de troupes.
En cas de transports militaires, l'exploitation dQ cha- que ligne est réglée d'après son rendement particulier et en tenant compte des prescriptions générales concer- nant les mesures de sécurité. Mais, lors de la mobilisa- tion, la capacité de transport de certaines lignes pourra être augmentée au moyen de dispositions transitoires ou permanentes, établies au compte de l'Empire.
Dès que les transports ne peuvent plus être effectués
(1) Armée Verordnungs Blatt, numéro du 14 mars 1899. En 1904, le nombre des commissions de ligne a été porté à 21.
90 HISTOIRE ET ORGANISATION
à l'aide des trains du service ordinaire ou des trains militaires spéciaux et facultatifs, on applique le livret militaire tel qu'il a été établi par l'autorité militaire en collaboration avec les directions de chemins de fer inté- ressées.
2. Le ministère de la Gucne prussien est le représen- tant des intérêts de l'armée dans les questions qui se rapportent à l'utilisation militaire des cliemins de fer; il s'entend, au besoin, avec le chef de l'Amirauté impé- riale et les ministres de la Guerre de la Bavière, de la Saxe et du Wurtemberg.
Le chef prussien de Vétat-major de Vannée donne des directives d'après lesquelles sera réglé l'emploi des che- mins de fer pendant la guerre et prescrit, dès le temps de paix, toutes les mesures de préparation nécessaires. En outre, quand la mobilisation est décrétée, il exerce, en ce qui concerne les voies ferrées, les attributions dévolues à l'inspecteur général des chemina de fer et des étapes, jusqu'à ce que ce dernier ait pris possession de son poste ; il lui adresse ensuite ses instructions sui- vant les circonstances.
'L'inspecteur général des chemins de fer et des étapes fait diriger, pour ce qui a trait aux opérations mili- taires, le service des chemins de fer par le chef du ser- vice des chemins de fer de campagne. Il prescrit, entre autres choses, la mise en vigueur ou l'abandon du livret militaire, et en fait donner avis à l'Office impérial des chemins de fer.
Le chef du service des chemins de fer de campagne, par l'intermédiaire des autorités militaires de chemins de fer qui lui sont subordonnées, savoir :
Le chef de la section des chemins de fer du grand état-major prussien; le chef de la section des chemins de fer et de la délégation de Vétat-major prussien de V armée;
DES CHEMINS DE FER 91
Les commandements de lignes et les commandunts de gares;
Fait notifier aux administrations intéressées les réquisitions nécessitées par les besoins de la défense du territoire, dans les conditions prévues par la loi sur les réquisitions. Il détermine les sections qui conserveront l'exploitation du temps de paix et établit, par la dési- gnation des stotio7u<; de transition, la démarcation entre ces lignes et celles qui sont soumises à l'exploitation de guerre, après s'être concerté avec l'Office impérial des chemins de fer, pour toutes les mesures qui ne sont pas exclusivement militaires." En cas d'urgence, cette en- tente préalable n'est pas nécessaire.
Le chef de la section des chemins de fer du grand état-major prussien se tient, dès le temps de paix, en communication avec l'Office impérial des chemins de fer et les administrations de chemins de fer pour la prépa- ration des mesures relatives à l'utilisation militaire des voies fen'ées en temps de guerre.
Le chef de la section des chemins de fer de la déléga- tion de Vétat-major prussien est le suppléant du chef du service des chemins de fer de campagne. Si celui-ci quitte le siège de la section, il dirige, conformément à ses instructions, le service des chemins de fer dans la zone située en deçà des stations de transition.
Les commandements de lignes, déjà représentés en temps de paix par les Commissions de lignes, forment l'échelon intermédiaire entre les autorités militaires dont elles dépendent et les administrations de chemins de fer chargées de l'exploitation des lignes de leur ressort. De concert avec ces administrations, ils fixent le service qu'elles doivent fournir et en surveillent l'exécution.
Les commandants de gares, institués pour sauvegar- der, le cas échéant, les intérêts de l'armée, dépendent
92 HISTOIRE ET ORGANISATION
des commandements de lignes; ils prennent toutes les dispositions militaires et les mesures de police nécessai- res, non seulement dans leur gare, mais aussi sur les sections de lignes placées sous leur autorité, et servent d'intermédiaires entre les chefs de transport et les repré- sentants des administrations de chemin de fer. Ils ont aussi pour devoir d'empêclier toute immixtion des pre- miers dans les attributions des seconds. Toute interven- tion dans le sei-yice teclinique de la gare est interdite au commandant de gare, à moins que le chef de station, en qualité d'officier, ne soit en même temps comman- dant militaire de la gare.
Les autorités civiles chargées de coopérer à l'appli- cation du règlement sur les transports militaires sont :
1° Le Chancelier de VErnpirc, VOMce imyéiial des chemins de fer, V Admiîiistrat ion impériale des postes et télégraphes;
2° Les administrations de chemins de fer.
UOiRce iinpérial des chemins de fer centralise toutes les questions concernant les administrations de chemins de fer. Aussitôt après la réception de l'ordre de mobili- sation, les gouvernements intéressés envoient des com- missaires compétents au siège de l'Office, qu'ils l'ensei- gnent sur les -questions de leur ressort. Chaque adminis- tration possède en tout temps un fondé de pouvoir en relations régulières avec les autorités militaires de che- mins de fer. Ces fonctionnaires sont tenus au secret professionnel pour toutes les affaires qui ressortissent à leur service spécial ; il leur est interdit de communiquer les documents, plans, etc., qui leur sont confiés à l'occa- sion de ce service.
Les renseignements statistiques nécessaires pour l'éta- blissement du livret militaire sont fournis annuellement par l'Office impérial des chemins de fer; toutefois, les autorités militaires peuvent ordonner des reconnaissan-
DES CHEMIXS DE FER 93
ces, soit pour compléter ces renseignements, soit sur d'autres points offrant un intérêt spécial.
3. Pour le choix des trains, on doit, entre autres rè- gles, observer les suivantes :
a) Dans les trains de voyageurs et ks trains mixtes du trafic habituel on admet, en principe, comme effectif maximum, 300 hommes ou GO chevaux, exceptionnelle- ment le matériel expédié en grande vitesse et, dans cer- tains cas seulement, les explosifs de la classe dite dan- gereuse,
6) Dans les trains de marchandises, de bestiaux et mixtes du service ordinaire, oii peut transporter 15 wagons chargés soit de bétail, soit de marchandises eu ballots ou en vrac, y compris les munitions qui n'ap- partiennent pas à la classe dangereuse, ou 4 wagons contenant des matières explosives, classées comme dan- gereuses • — ce dernier chargement n'est toléré dans les trains mixtes que sur les lignes oii il n'existe pas de trains de marchandises proprement dits — ou encore 15 wagons renfermant des chevaux.
Dans les rapides et les express, .on n'accepte qu'en cas d'urgence, et à titre exceptionnel, des officiers, des médecins, des employés et des hommes de troupe isolés ou en très petit nombre.
Tout transport militaire est notifié à l'administration des chemins de fer; cette notification est toujours faite par une autorité militaire.
Conformément au Règlement sur les chemins de fer, l'autorité qui est avisée d'un transport doit prendre toutes les dispositions voulues pour en assurer l'exécu- tion. Tout transport militaire doit être accompagné, pour le trajet, d'une pièce justificative.
Pour ce qui a trait aux autres particularités de la pré- paration des transports concernant le service détaillé du personnel, des machines, du matériel roulant en général ,
94 HISTOIRE ET ORGANISATION
les voitures à destination spéciale pour officiers, liommes de troupes, malades, cLevaux, viande sur pied, pièces d'artillerie, équipages, ■etc., etc. ; les quais et le matériel d'embarquement, l'alimentation dans les stations hal- tes-repas, etc., nous renvoyons le lecteur au lîèglement précité.
Afijti de simplifier le transit entre l'armée et le terri- toire national, le Eèglement prescrit que les mouvements sur les grandes lignes doivent s'effectuer, autant que possible, par trains complets.
Ce piincipe est appliqué :
a) A l'intérieur, pour tous les transports en partance ou à destination des gares jjoints de départ d'étapes;
b) A proximité du théâtre de la guerre, pour les trains de ravitaillement, expédiés aux armées par les gares de rassemblement;
c) Dans la zone des opérations, pour les envois à des- tination ou en provenance des têtes d'étapes de guerre et des centres de rémiion des malades ressortissant à celles- ci.
Les gares point de dépari d'étapes et les gares de ras- semblement, en deçà des stations de transition, sont dé- signées après entente avec l'Office impérial des chemins de fer. A cet- effet, on choisit de préférence des nœuds ferrés et surtout les stations qui, par leur installation et leurs communications avec les voies terrestres ou flu- viales, ainsi que par leurs abords, facili+yeront le trafic ultérieur, la prise de l'ordre de bataille et, autant qu'il en est besoin, le logement des troupes ; enfin, le lotisse- ment du matériel et des denrées.
Les organes et établissements d'une tête d'étapes de guerre peuvent être répariis sur plusieurs stations (1).
(1) Le Règlement fixe, en principe : à quinze minutes le temjis nécessaire pour faire descendre les hommes des wagons et les re-
DES CPIEMIXS DE FER 9o
4. Le chapitre IV du Eèglement sur les transporls concerne les mouvements de personnel et de troupes accompagnées de chevaux, de voitures, etc., et, en par- ticulier, les préparatifs d'embarqtiement, la délivrance aux chefs de transport du matériel nécessaire à l'aména- gement des voitures, l'embarquement, le départ, la con- duite à tenir pendant la route et les haltes, le débar- quement (1), l'évacuation des gares, les retards et acci- dents des trains, la désinfection, le retour et le rechar- gement des voitures vides. Dans ce chapitre, il est, en outre, prescrit à l'administration des chemins de fer de veiller à ce que, avec les appareils d'embarquement dis- ponibles, on puisse charger et tenir prêt à partir un train complet :
D'infanterie, en une heure ;
De cavalerie ou d'artillerie, en deux heures;
De colonnes de munitions, de convois ou d'artillerie lourde, en trois heures.
En principe, les wagons vides reviennent, avec tous leurs aménagements, sur le réseau de l'administration des chemins de fer expéditrice ou propriétaire, en sui- vant le même itinéraire qu'à l'aller.
Le trajet de retour est déterminé par les autorités militaires de chemins de fer qui, dans certaines circons- tances, peuvent faire revenir les trains vides par une ligne qu'ils n'auraient pas suivie à l'aller.
5. Le transport du matériel militaire — et, par là, il
former ; à vingt minutes la durée du débarquement des chevaux lorsqu'il peut s'exécuter simultanément dans chaque groupe; à trente minutes la durée du déchargement des voitures dans les mêmes conditions. En outre, pour la cavalerie, l'artillerie, les co- lonnes de munitions, etc., il prévoit un délai supplémentaire de vingt minutes environ, afin de reconstituer la troupe et d'atteler les voitures. (Mil. Tiansp. Ordnuncj, du 18 janvier 1899 (§ 47). (Note du Traducteur.)
(1) Voir le renvoi 1 de la page précédente.
06 HISTOIRE ET ORGANISATION
faut entendre tout ce qui est délivré au service des che- mins de fer par l'autorité militaire ou à ses représentants pour la satisfaction des besoins de l'armée — est traité dans le chapitre Y.
Le VI® et dernier chapitre contient les règles à suivre pour le décompte, les délais et lé mode de paiement des dépenses, leur liquidation, ainsi que la constatation des dégâts.
Le 18 janvier 1899, sur l'avis conforme du Conseil fédéral, l'Empereur a donné sa haute approbation à un nouveau règlement sur les transports militaires par voie ferrée {Militair - Transport - Ordnung), qui modifie quelques-unes des dispositions en vigueur concernant la préparation et l'exécution des transports militaires, en temps de paix et en temps de guerre. Avec la division précédemment adoptée il n'était pas facile de s'orienter au milieu des prescriptions compliquées qui régissaient la matière et dont les unes étaient applicables à tous les cas, les autres au temps de paix seulement ou au temps de guerre. Les expériences faites en 1887-88, après la publication de l'ancienne ordonnance, avaient déjà dé- montré la nécessité d'y apporter des simplifications. En outre, après une pratique de douze années, elle avait subi un certain nombre de modifications; en particulier lorsque, le 1" janvier 1893, de nouvelles règles pour l'exploitation des lignes principales et secondaires, le service commercial et l'organisation du système des si- gnaux furent substitués aux anciennes dispositions si- milaires. Pour ces motifs, on se décida à refondre le Rè- glement sur les chemins de fer militaires. Depuis le 1®"" avril 1899, il ne comprend plus que deux parties :
V^ partie. — - A) Transports militaires ; B) Tarifs mi- litaires applicables en temps de paix et en temps de guerre ;
DES CHEMINS DE FER 97
2® partie. — - Annexes C, D, E, non modifiées de la 2® partie de l'ancien règlement (1).
En fondant en un seul document les parties du llcgle- ment du 20 janvier 188T, relatives au temps de paix et au temps de guerre, on devait obtenir une réduction et une simplification du texte. Le nouveau est certaine- ment plus court, mais l'usage seul permettra de juger s'il est pratiquement plus simple. Il était fort difficile, en effet, de le rédiger avec clarté et d'éviter les compli- cations, en exposant des prescriptions applicables en tout temps, ou seulement, suivant les cas, pendant la paix ou pendant la guerre. On y est arrivé, cependant, par l'emploi de caractères a'ilemands et romains ainsi que d'une pagination spéciale (2). Par ce moyen, on a pu établir nettement les différences qui existent dans les attributions de l'autorité militaire et des administrations de chemins de fer, selon qu'il s'agit de tel ou tel cas. Dans ces conditions, tous ceux qui auront à coopérer à la préparation ou à l'exécution des transports militaires auront couramment l'occasion, en maniant le règlement dès le temps de paix, de se familiariser avec les règles applicables en temps de guerre. Il y a là un progrès considérable sur les errements antérieurs; les prescrip- tions autrefois en vigueur qui s'appliquaient au temps de guerre étaient insuffisamment connues des agents de chemins de fer aussi bien que des militaires, parce qu'un
(1) Ces annexes contiennent des prescriptions de détail pour l'exécution de certains services spéciaux (service de sauté par exemple), des tableaux, modèles, etc.
(2) Les dispositions communes aux transijorts du temps de paix et du temps de guerre sont indiquées dans le texte en carac- tères allemands.
Les dispositions particulières aux transports du temps de guerre sont indiquées dans le texte en caractères romains.
Les dispositions particulières aux transports du temps de paix sont encadrées dans un rectangle et imprimées en caractères alle- mands.
Organ. cheiii. de fer. . 7
98 HISTOIRE ET ORGAXISATION
trop petit nombre d'entre eux seulement avaient roeca- sion de les approfondir dès le temps de paix.
En vue de la guerre, les chemins de fer doivent être utilisés comme une « arme stratégique » ; ils permettent, dans le plus court délai possible, de procéder à la mobi- lisation de la totalité des forces militaires d'un pays et de les concentrer sur les frontières menacées, de pourvoir à la subsistance des énormes masses armées du temps présent et de satisfaire, sans interruption, à tous leurs besoins en campagne ; enfin, d'évacuer vers l'anièi-e les blessés, les malades, les prisonniers et tous les impedi- menta dont le commandement juge utile de débari-asser le théâtre des opérations. De plus, ils donnent le moyen de multiplier les forces disponibles en transportant des troupes avec rapidité sur les points exposés à une atta- que. En un mot, ils constituent un instrument de guerre d'une extrême puissance, lorsqu'on sait en faire un em- ploi judicieux (1). Or, d'après les renseignements fournis par les guerres de la deuxième moitié du xix* siècle et, en particulier, par la campagne de 1870-71, cette utili- sation ne sera possible qu'à la condition d'appliquer le principe suivant dans toute sa rigueur: dès la réception de l'ordre de mobilisation, les nécessités de la défense nationale doivent primer toutes les autres et l'emploi des voies ferrées' est soumis à l'action immédiate de l'auto- rité militaire supérieure, dont le représentant est le chef du service des cheinms de fer de camjjagne.
(1) Idée déjà dérdoppée par le major Steinàcker dans une conférence faite en 1896 à l'Association militaire de Berlin, où l'auteur conclut en montrant que les chemins de fer ont, pour une armée, la même importance que les artères et les veines pour le corps humain. (( Ils lui permettent d'exister dans toutes les circonstances et, finalement, de remporter la victoire, puisque, suivant Frédéric, l'ait de vaincre est l'art d'exister. » (Militair Wochcnhlatt, fascicule 2, 1897). (N. du T.)
DES CHEMINS DE FER 99
De par la Constitution de l'Empire et la loi sur les réquisitions, l'administration des chemins de fer est donc tenue, en temps de guerre, de prêter son concours le plus absolu à la défense de la patrie allemande ; c'est pourquoi le Règlement sur les chemins de fer militaires prévoit, pour les lignes ferrées, une organisation suscep- tible de les rendre utilisables pour les armées mobilisées. Par contre, en temps de paix, il n'y a pas de motif pour que les transports du département de la Guerre prennent le pas sur ceux du trafic ordinaire. Aussi, les relations de service entre les autorités militaires et les adminis- trations des chemins de fer doivent-elles présenter, dans les deux cas, des différences marquées. Toutefois, en ce qui concerne les frais de transport, ces difi'érences dis- paraissent, attendu qu'en paix comme en guerre on ap- plique les mêmes tarifs réduits.
Même en temps de paix, la préparation et l'exécution des transpoi'ts militaires exigent l'observation d'une foule de prescriptions de détail. Cela résulte de la na- ture même de ces mouvements qui, lorsqu'il s'agit de corps de troupe, comprennent dans un même train des hommes, des chevaux, des voitures et des approvision- nements et, quand ils concernent des recrues, des réser- vistes ou des hommes de complément, représentent des transports considérables pour lesquels, en général, les trains du trafic habituel ne sont nullement appropriés. Aussi est-il nécessaire de recourir, au préalable, à des dispositions spéciales qui ne peuvent être prises que sur la notification régulière des autorités militaires compé- tentes. C'est dans ce but que le nouveau Règlement ren- ferme des instructions minutieuses concernant les rap- ports de service entre le commandement et les fonction- naires des chemins de fer, la notification des mouve- ments à exécuter par voie de fer, leur préparation, l'embarquement, la conduite des unités embarquées et
100 HISTOIRE ET ORGANISATION
leur débarquement, enfin le décompte et la liquidation des dépenses. La plupart de ces prescriptions étaient déjà contenues dans les anciens règlements sur les trans- ports en temps de paix et en temps de guerre ; elles ont été condensées et abrégées dans le nouveau; à signaler également que ce dernier présente un progrès réel sur ses prédécesseurs, au point de vue de la germanisation des termes et de la rédaction.
Dans ce qui suit, nous allons faire ressortir certaines dispositions d'un intérêt général. La réglementation pré- cédente s'appliquait exclusivement aux lignes sur les- ciuelles il était fait usage de locomotives, la nouvelle s'adresse aussi à celles qui sont desservies par d'autres moteurs mécaniques. On peut en déduire que, désormais, il y aura lieu de tenir compte des voies ferrées où la traction est faite au moyen de l'électricité. Cependant, comme, au point de vue militaire, les tramways et les chemins de fer d'intérêt local n'ont pas la même impor- tance que les lignes principales et secondaires ; comme, d'autre part, un certain nombre des prescriptions régle- mentaires ne sont pas applicables aux tramways et aux cbemins de fer à voie étroite, en raison de la légèreté des matériaux employés à la construction de la voie et du matériel roulant, un alinéa de la nouvelle ordon- nance contient ce qui suit :
« Eu égard aux conditions particulières de certaines lignes ferrées, on pourra, sur la proposition des inspec- teurs compétents de l'Office impérial des cliemins de fer et après entente avec l'autorité militaire, apporter à la présente réglementation certaines atténuations desti- nées à en faciliter l'application, voire même accorder une dispense complète de l'obligation de s'y conformer. »
Ces nouvelles dispositions seront accueillies avec fa- veur par beaucoup de petites entreprises de chemins de fer que le décret du 13 août 1898, rendu en exécution
DES CHEMINS DE FER 101
de la loi prussienne sur les lignes à voie étroite, semble déjà avoir affranelii de quelques-unes des obligations imposées aux autres réseaux par le Règlement sur les transports militaires. C'est pourquoi, en temps de paix, sauf certaines restrictions apportées à leur tracé dans le voisinage des places fortes, les chemins de fer à voie étroite ne seront pas soumis audit Hèglement. Quant à l'application à cette catégorie de chemins de fer du tarif militaire, elle résrdte de la Charte constitution- nelle de l'Empire.
Comme suite aux mesures qui prévoient le cas où l'on pourra s'écarter du Règlement, nous trouvons une men- tion spéciale pour la Bavière, dont les chemins de fer ne sont pas soumis, en temps de paix, au contrôle de l'administration impériale. Sur ces lignes, les dispenses susvisées sont accordées, en temps normal, par le ministre d'Etat de la maison royale de Bavière et de l'Extérieur, après entente avec le ministre de la Guerre bavarois et, lorsque les intérêts de la défense nationale sont en jeu, après accord préalable avec l'Office impérial des che- mins de fer. Toutefois cette exception, faite pour la Bavière, ne concerne que le temps de paix, car l'article 47 de la Constitution de l'Empire, relatif à l'emploi des lignes ferrées en vue de la défense du territoire, reste de plein eft'et pour ce royaume oii, en temps de guerre, le service militaire des chemins de fer est étroi- tement subordonné à l'action du chef prussien de l'état- major général de l'armée. Du reste, bien avant la pro- mulgation de la Charte impériale, la Bavière avait déjà admis et appliqué spontanément ce principe de l'unité de direction ; dès le début de la guerre franco-allemande, elle n'avait pas hésité, en effet, à mettre son réseau ferré à la disposition de l'état-major prussien, à accepter ses ordres sans arrière-pensée et à en poursuivre l'exécution avec énergie.
102 HISTOIRE ET ORGAXISATIOX
Le paragraphe 2 du nouveau Règlement établit un parallèle clair et précis entie l'organisation du service militaire des chemins de fer en temps de paix et celle du temps de guerre; les paragraphes suivants définissent avec netteté la sphère d'action des différentes autorités. En outre, on a tout récemment prévu la présence d'un représentant du service des postes auprès de chaque ad- ministration de chemins de fer. Cette innovation est parfaitement justifiée, car l'exploitation des voies fer- rées en temps de guerre est bien souvent soumise à des à-coups imprévus auxquels le service postal ne peut re- médier, en ce qui le concerne, que s'il se tient d'une façon permanente en contact avec celui des chemins de fer. Enfin, la rapidité et la sécurité des correspondances postales sont de la plus haute importance pendant les opérations. Un fait qui n'est pas nouveau, mais qu'il im- porte néanmoins de signaler, parce qu'il rompt avec les eiTements suivis autrefois, c'est la création d'un fondé de pouvoir, chargé des affaires militaires, entre les mains duquel sont centralisées toutes les questions ayant trait aux relations des administrations civiles avec les auto- rités militaires des chemins de fer. Cette institution, qui a l'avantage de faciliter la tâche des unes et des autres et d'accélérer la solution des affaires — point capital en temps de guerre — est postérieure à la campagne de 1870-71 et doit être conservée précieusement.
Le principe sur lequel repose l'emploi des voies ferrées en campagne est le fractionnement du réseau allemand en un certain nombre de secteurs d'exploitation, appelés lignes, dont la délimitation a été publiée en 1899 par V Armée Verordnungs Blatt. De cette publication, il res- sort que la répartition des lignes se relie étroitement avec celles exploitées par les différentes directions de chemins de fer; on a obtenu de la sorte, entre ces der- nières et les autorités militaires du service des chemins
DES CIIEMIXS DE FER 103
de fer, im contact intime qui doit assurer une sécurité absolue aux transports des troupes en cas de guerre.
L'exposé des Règles (T exploitation fait surtout res- sortir les différences qui existent entre le temps de paix et le temps de guerre. Tandis que, dans le premier cas, les prescriptions concernant le service normal conservent leur plein efPet, dans le second elles peuvent, à de rares exceptions près qui résultent du caractère propre des transports de troupes, être complètement mises de côté lorsque les circonstances l'exigent. Cette nécessité s'im- pose d'autant plus qu'on se rapproche davantage du théâtre des opérations. Aussi, dans la zone située en arrière des armées, le nouveau Règlement fait-il une distinction entre le fonctionnement du service des che- mins de fer aux armées, tel qu'il est pratiqué jusqu'aux stations de transition, et le régime du temps de paix qui prolonge le fjrécédent jusque dans l'intérieur du terri- toire national (1). Sur les lignes soumises au premier système, c'est-à-dire celles qui sont situées sur le théâtre de la guerre ou dans son voisinage et auxquelles l'Em- pereur a appliqué la loi sur les réquisitions (§§ 15 à 31 de l'Instruction portant application de ladite loi), des dispositions particulières permettent aux personnels ci- vil et militaire de l'exploitation d'agir suivant les cir-
(1) En arrière des années, l'exploitation des chemins de fer peut s'exécuter suivant deux modes différents appelés : exploi- tation de guerre et exploitation de paix.
Le premier s'applique aux lignes ferrées situées sur le théâtre de la eiicrre ou dans son A^oisinage. Il cesse, en principe, aux sta- tions de transition destinées à limiter et à réduire autant que possible les irrégularités qui se produiraient dans les transports opérés sur ces lignes.
Le second commence et fonctionne en deçà des stations de transition; il se prolonge vers l'intérieur du pays.
Enfin, quand, sur une ligne soumise à l'exploitation de guerre, les autorités militaires des chemins de fer prennent elles-mêmes la direction du service, la ligne passe à un troisième mode appelé exploitation militaire. (Note du traducteur.)
104 HISTOIRE ET ORGANISATION
constauces pour remploi militaire des cliemins de fer. Ces dispositions sont la conséquence des nombreux eu- seignements que nous a fournis, en 1870-71, l'exploita- tion des lignes françaises et du réseau de la rive gaucho du liliin.
Une autre innovation consiste dans la réglementation du repos dominical, rendu obligatoire pour le transport des marchandises. Ce repos est, bien entendu, supprimé on temps de guerre et peut même, dans certains cas (manœuvres, etc.), être restreint en temps de paix.
La vitesse maxima des trains facultatifs (1) militaires, qui, arrêts compris, était fixée à 22 kilom. 1/2 à l'heure, est portée à 40 kilom. sur les lignes principales et à 30 sur les lignes secondaires; c'est le résultat de l'aug- mentation de puissance de nos locomotives et des amé- liorations réalisées dans le matériel roulant.
(1) Les transports militaires s'exécutent au moyen des :
a) Trains du service ordinaire, quand la composition et le genre des trains ainsi que la nature et l'importance du transport le permettent;
b) Trains militaires, dans le cas contraire ;
c) Trains du livret militaire, «mis en temps de guerre seule- ment, quand le transport ne peut être exécuté par les trains ci- dessus. A leur tour, les trains militaires (b) sont ou facultatifs ou spéciaux.
Les trains facultatifs sont des trains réservés, en tout temps, sur les livrets du service ordinaire, pour les transports militai- res. On ne les utilise qu'en cas de besoin et après entente entre les autorités militaires de chemins de fer et les administrations intéressées. Leur marche est tracée de façon à obtenir la corres- pondance sur les différents réseaux. Il semble que ce soient les seuls trains pour lesquels les vitesses de 40 ou de 30 kilomètres à l'heure soient prévues.
Les trains spéciaux sont employés en cas d'insuffisance des trains facultatifs : les administrations des chemins de fer et les autorités militaires se concertent pour leur mise en marche.
Enfin, d'après le Militair Transport Orclnung, (( on met en vi- gueur (mais en temps de guerre seulement) le livret militaire, lorsque les transports militaires ne peuvent plus être effectués, soit à l'aide des trains ordinaires, soit à l'aide des trains mili- taires facultatifs ou spéciaux, et qu'il est impossible de donner satisfaction aux besoins de l'armée, en simplifiant ou en suspen- dant le service ordinaire » (§ 24, 1). (Note du traducteur.)
DES CHEMINS DE FEE 105
Les prescriptions relatives à l'établissement d'un plan (le transports stratégiques, c'est-à-dire dans lequel les considérations militaires entrent seules eu ligne de compte, n'ont pas subi de modifications. Par contre, celles qui ont trait à la télégraphie et à la téléphonie ont été profondément remaniées; suivant leur impor- tance, les télégrammes militaires sont classés en : ordi- naires (S S), urgents (S S d) et très urgents (Kr) {Kriegstelegramvi); leur expédition a lieu dans l'ordre d'urgence. Ceux des catégories S S d et K r ne peuvent être employés que par un petit nomb?;e de hauts person- nages strictement limité.
Les chapitres III à V du Règlement sont consacrés à la préparation et à l'exécution des transports; ils ren- ferment une foule de mesures spéciales au service mi- litaire des chemins de fer. On peut en conclure que l'utilisation des voies ferrées en campagne a été étudiée et prévue jusque dans ses moindres détails.
L'état-major a le droit et le devoir de se tenir sans cesse au courant de la puissance de rendement de notre réseau ferré. A cet effet, il reçoit, tous les ans, de l'Office impérial des chemins de fer, des renseignements statis- tiques qu'il fait compléter, quand il le juge nécessaire, par des reconnaissances d'officiers. Entre autres dispo- sitions, viennent ensuite celles qui concernent le service du personnel, des locomotives et des voitures en temps de guerre; comme par le passé, ce service est dirigé et exécuté par les employés de chemins de fer. L'autorité militaire n'intervient que quand il s'agit de procéder à un nivellement de personnel et de matériel, car elle seule est à même de se rendre compte de l'accroissement éventuel des besoins sur certaines lignes — accrois- sement presque toujours inopiné — et d'y remédier à l'aide de renforts en hommes et en moyens de transport. Nous nous dispenserons d'entrer ici dans de plus amples
106 HISTOIRE ET OEGANISATIOX
détails pour montrer jusqu'à quel point tout a été prévu : dépôts de charbon, réservoirs pour les machines, amé- nagement des quais d'embarquement, matériel à em- porter par les troupes transportées pour débarquer en pleine voie, stations-haltes-repas, cantines, eau potable, etc.; on a poussé les précautions jusqu'à embarquer des pigeons voyageurs dans les trains militaires.
Un sixième chapitre donne les tarifs applicables aux transports militaires et traite de l'évaluation et du paie- ment des dépenses occasionnées par ceux-ci. La partie la plus intéressante pour nous se rapporte à rabaisse- ment de certains taux kilométriques et, en particulier, de ceux qui concernent les voyageurs. Pour tout mili- taire ayant rang d'officier, qui se déplace pour raison de service, le prix du transport par kilomètre et par personne a été abaissé de 5 à 3 pfennigs; pour les hommes de troupe du grade de feldwebel et au-dessous (3* classe), ce prix a été ramené de 1 pf. 5 à 1 pf. Grâce à cette diminution, les troupes pourront employer plus fréquemment les voies ferrées pour se rendre sur les terrains de manœuvres éloignés, la difficulté de les exer- cer dans le voisinage des garnisons s'étant accrue en raison du développement continuel des cultures. De plus, en évitant dans la mesure du possible les marches par étapes, avec logement chez l'habitant, on soulagera les communes situées sur les routes qui aboutissent aux camps d'instruction. Les chemins de fer y trouveront d'ailleurs leur compte, car, dans les convois militaires, l'utilisation plus complète de l'espace disponible donne, pour les places, essieux, trains et machines un rende- ment kilométrique supérieur à celui du trafic commer- cial. C'est ainsi que, pendant l'exercice 1895-1896, par exemple, le rendement kilométrique d'une place de voya- geur civil s'est élevé seulement à 0 pf. 722 pour la 1" classe, 0,944 pour la 2\ 0,G49 pour la 3« et 0,696 pour
DES CHEMINS DE FER 107
la 4®. Par contre, dans les mouvements de troupes, et pour la raison exposée plus haut, le tarif militaire a donné un rendement de 3 pf. pour les l''" et 2® classes et de 1 pf. pour les 3^ et 4" ou pour les wagons à mar- chandises aménagés.
Il y a lieu, il est vrai, de faire remarquer que, dans les transports militaires, les frais d'aller et retour du matériel roulant ne sont pas toujours remboursés et qu'à ces frais viennent s'ajouter les dépenses occasion- nées par les préparatifs, tels que le déplacement et la mise en œuvre du personnel et du matériel d'exploita- tion. Quoi qu'il en soit, malgré la réduction de leurs tarifs, les convois militaires n'en constituent pas moins, pour les chemins de fer, un bénéfice réel et bien accueilli de l'administration. Nous avons eu l'occasion de le cons- tater en 1870. Pendant la campagne, les lignes ferrées firent des affaires d'autant plus brillantes qu'elles se trouvaient plus rapprochées du théâtre des opérations, et avaient, par conséquent, un plus grand nombre de transports à effectuer. De précaire qu'elle était avant la guerre, la situation financière de la ligne Rhin - Nahe devint prospère; en 1870, ses recettes nett«s su- birent une plus-value de 138,17 pour 100 par rapport à celles de l'année précédente. Il est vrai qu'en temps de paix les transports militaires ne contribuent que pour une faible part aux revenus des chemins de fer alle- mands; dans l'exercice 1895-1896, ils n'ont donné que 12.274.833 M. soit 3,02 p. 100 des recettes totales prove- nant du trafic des voyageurs.
L'abaissement des tarifs militaires n'aura donc pas une influence appréciable sur l'ensemble du rendement des voies ferrées; peut-être même n'amènera-t-il aucune diminution dans les recettes, parce que, désormais, on emploiera plus souvent les transports militaires par voie ferrée, autant dans l'intérêt de l'instruction des troupes.
108 HISTOIRE ET ORGANISATION
auxquelles on évitera des marches inutiles, que dans celui des populations, qu'on allégera de la charge du logement, en réduisant le plus possible les mouvements par voie de terre.
Quant aux permissionnaires, en faveur desquels il n'y a pas lieu de faire valoir les raisons exposées ci- dessus, le taux kilométrique du tarif militaire, en ce qui les concerne, reste fixé, comme par le passé, à 1 pf. 5. II est à désirer de le voir appliquer, à l'avenir, aux volontaires d'un an qui voyagent en 3^ classe. Cette me- sure serait bien accueillie de certains pères de famille, heureux de voir leur fils venir en permission pendant leur volontariat d'un an.
Quelques taxes concernant le transport du matériel ont été légèrement abaissées, comme conséquence des nombreuses réductions apportées au tarif général des marchandises depuis une douzaine d'années.
La guerre de 1870-1871 a démontré la nécessité d'avoir, dès le temps de paix, des troupes de chemins de fer. L'accroissement des masses armées, le dévelop- pement du réseau ferré et l'obligation (pour l'Allema- gne) d'agir éventuellement sur deux théâtres d'opéra- tions distincts ont conduit à donner à ces troupes tech- niques un effectif de plus en plus élevé. C'est ainsi que, de nos jours, elles forment une brigade de trois régi- ments (1). Au régiment n° 2 sont rattachées deux com- pagnies, l'une saxonne, l'autre wurtembergeoise, dont les officiers et les hommes de troupes sont recrutés en
(1) Par la loi du 25 mars 1899, la Prusse a introduit dans les éléments constitutifs de son armée une arme spéciale qui, sous le nom de << troupes de communication », comprend toutes les uni- tés de chemins de fer, de télégraphie et d'aérostation. Si cette innovation enlève au corps des pionniers une partie de ses attri- butions, par contre elle tient compte des nécessités imposées par la réduction du service militaire, en spécialisant les hommes de troupe soit comme pionniers, soit comme soldats de chemins de
DES CHEMINS DE FER 109
Saxe et dans le Wurtemberg. C'est la seule arme où le lien régimentaire ait rapproelié d'une façon aussi intime
fer, soit, enfin, comme télégraphistes ou aérostiers. Les troupes de communication coiiTpienuent les élé)nents ci-après :
I. Troupes de chemins de fer (A).
O) 1» Une brigade de :i r6g\-j ^
niciUs a 2bnnillons i^"^";^*^
de 4 compagnies . . . )^-'-^*' • • •.
2° Un bataillon Havi('»re
h) Le service du cl) min de fer milllaireJu lerboir- lier, in (70 kilomètres) com| ose de :
r La direction du chemin de fer militaire (1 liciitenantco oml, dirLCleur, 1 lieulenant adjoint). T La section d'exploitation] „
de la bri^iade de clieniin de'c
fer(B) )^-^^
6) 3 bétail
Ions.
11. Troupes de télégraphie (G).
o) Linspecl on des Ironies de t^lograi hie, 2 oiliciers.
f Prusse
(V Berlin <Saxe
\ 'Wurtemberg . . . l'I- '2' Francfort-su'-^ p '• } Oder ^i-russc
'^-co-^i-- \^;îc:::-.:\::
C) Ecole de tél(>graphie de cavalerie rattachée au l" bataillon.
IIL Troupes d'aérostation (D),
d] Uneseclioa Prusse.
Un détachement liavicrc.
IV. Inspection d' s troupes de communi- cation.
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ENSEMBLE
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G. Marques distinctives : foudres en drap jaune sur les pattes d'épaule.
D. Lettre L.
Au point de vue technique, les troupes de communication bavaroises ne dé- pendent pas de l'inspecteur des troupes de communication prussiennes. Elles continuent à relever dé l'inspecteur du corps des pionniers de la Bavière.
Le Wurtemberg n'a i.lus de troupes de chemins de fer.
L'importance prise par les troupes de communication a néces- sité la création d'un inspecteur particulier qui a rang de général
110 HISTOIRE ET OEGANISATIOX
des chefs et des soldats provenant des différents contin- gents de l'Empire. A cette brigade se trouvent égale- ment rattachées la Direction du chemin de fer militaire et la Section d'exploitation de la brigade de chemins de fer, enfin la Section d'aérostiers.
L'institution d'une brigade de chemins de fer montre <iuelle importance on attache, en Allemagne, à ces trou- pes spéciales, qui représentent le dernier rouage ajouté à notre organisation militaire. Un grand avenir leur est réservé; c'est avec autant d'ardeur que d'intelligence qu'elles travaillent à se perfectionner en vue de l'accom- plissement de leur tâche. Et pourtant, le succès éclatant du champ de bataille n'est pas leur lot, car, le plus souvent, elles ne trouveront la récompense de leurs efforts que dans la satisfaction du devoir accompli.
La comparaison entre la carte actuelle du réseau alle- mand et celle d'il y a vingt ans montre que, dans l'Est, on a construit un nombre respectable de lignes coupant transversalement celles qui convergent vers la frontière orientale.
do division et se trouve placé sous les ordres immédiats de l'Em- pereur.
Depuis 1904, les troupes de communication allemandes ont dans leurs attributions le service de la télégraphie sans fil; des détachements spéciaux, créés à cet effet, sont poui-vus d'un ma- tériel léger, transportable, d'un maniement facile, qui a été expérimenté aux uiauœuvres et en campagne, notamment pen- dant l'expédition de Chine et lors de la répression de la révolte des Herreros dans l'Afrique sud-occidentale. Ce matériel com- prend des stations 'fixes et des stations roulantes. Une station roulante se compose de 3 charrettes à 1 cheval, du poids de 600 kilog. portant : 1° la source d'électricité; 2° les appareils d'émis- sion et de réception; 3° les ballons, cerfs-volants, etc.
Grâce aux perfectionnements apportés à ce matériel, on peut communiquer, avec l'appareil enregistreur jusqu'à 200 kilomè- tres, et avec l'appareil auditif jusqu'à 300 kilomètres.
lia France aurait intérêt à suivre cet exemple, car, dès mainte- nant, la télégraphie sans fil constitue le meilleur agent de liai- son entre la cavalerie d'exploration, le commandant en chef et les commandants d'armée. {Xotc du traducteur.)
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DES CHEMINS DE FEE, IH
Quand bien même on éprouverait plus tard le besoin d'établir sur certains points de nouvelles lignes straté- giques, il n'en est pas moins acquis que l'achèvement de notre réseau, dans la partie ouest de l'Empire, per- mettrait, d'une façon générale, de satisfaire dès main- tenant aux exigences d'une concentration de toutes nos forces et au fonctionnement régulier des services de l'arrière. Tel est, eu particulier, le cas pour l'Allemagne du Sud, où nous disposons aujourd'hui de sept ligues à /
double voie pour les transports de l'est à l'ouest savoir :
1° Mayence - Francfort - Hof ;
2° Mayence - Wurtzbovirg - Eger ;
3° Mannheim - Crailskeim - Eger;
4° Germersheim - Bietigheim - E.atisboune ;
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6" Strasbourg - Villingen - Ulm - Munich;
7° Mulhouse - Léopoldshœhe - Aulendorf - Munich, avec les embranchements : Weizen - Immendingen et Tuttlingen - Beuren - Sigmaringen (vallée du Danube).
En mai 1890, on a ouvert, le long de la frontière suisse, une ligne passant par Immendingen, AVeizen, Sœckin- gen, Schœpfheim, Lœrrach et Léopoldshœhe; on l'a appelée voie d'évitement de la Suisse, parce qu'aux en- virons de Bâle et de Schaffouse elle contourne le terri- toire helvétique que traverse le chemin de fer Cons- tance - Bâle. L'ouverture de cette ligne marque l'achè- vement complet du réseau stratégique sud-allemand, tel qu'il avait été arrêté par la loi du 1" juin 1877. Elle réalise un progrès considérable, aussi bien dans l'organisation défensive de cette région que dans la pré- paration à la guerre de l'Empire.
Sur toutes les lignes ouvertes en exécution de la loi précitée, la deuxième voie est posée et livrée à l'exploi- tation.
A l'heure actuelle, l'Allemagne du Sud dispose, non;
11- HISTOIRE ET ORGANISATION
plus seulement de trois, mais de sept lignes de transport, dirigées vers l'Ouest, d'un rendement parfait et complè- tement indépendantes les unes des autres ; sauf acci- dent imprévu, elle peut jeter, en temps opportun, la totalité de ses forces sur le Rhin, qui, dans la partie correspondante de son cours, est franchissable sur neuf ponts fixes et deux bacs à vapeur. Par le pont de Rop- penlieim, le réseau badois possède une dizième commu- nication avec la rive gauche. Pour le moment, les points de passage sur le Rhin sont : Mannheim, Ludvigshafen,
Accroissement du réseau de l'État prussien de 1870 à 1902.
EXERCICES
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114 HISTOIRE ET OEGAXISATION
Scllwetzingcn - Spire, Pliilippsbourg - Germersheim, Maxaii, Kehl, Brisach, Miillieini, Huningue et Bâle (1).
En tout, SU" notre frontière occidentale, nous possé- dons 19 points de passage sur le lihin pour nos che- mins de fer (1), et IG lignes à double voie pour le trans- port des troupes de l'est à l'ouest, tandis qu'en 1870 neuf seulement pouvaient servir à la concentration. D'autre part, l'Allemagne possède onze lignes ferrées stratégiques aboutissant à la frontière orientale.
Des considérations qui précèdent, il résulte que, de la part du commandement comme de la part des admi- nistrations de chemins de fer, tout a été préparé en
(1) Depuis 19C0, il existe à Woniis iin pont fixe, avec piles en maçonnerie et tablier métallique, qui remplace l'ancien pont de bateaux et le bac à vapeur destiné autrefois à transporter les trains de chemins de fer. ]1 a une longueur de 294 mètres (trois travées : une centrale de 106 mètres et deux extrêmes de 94 mè- tres chacune) et donne passage aux lignes ferrées qui, de Mann- heim et de Francfort, convergent vers Worms. L'année précé- dente, on avait déjà inauguré deux autres ponts permanents sur le Rhin, à Dusseldorf et à Bonn.
Le premier, qui a coûté 4.690.000 francs, a une longueur de 636 mètres et une largeur de 14 m. 50. Il comprend deux travées centrales de 180 mètres de portée, prolongées vers la rive droite par une arche de 60 mètres et vers la rive gauche par trois arches ayant respectivement 62, 51 et 50 mètres d'ouverture. Il donne passage aux tramways électriques Creveld - Dusseldorf (22 kilo- mètres) qui est à double voie et à écartement normal.
Le deuxième a coûté 5 millions et a une longueur de 432 mè- tres. Il se compose d'une travée métallique centrale de 188 mè- tres ayant, à chacune de ses extrémités, une autre travée de 94 mètres ; un arc de 33 mètres le relie à la rive gauche. C'est sur ce pont que le tramAvay électrique Bonn (gare) - Benel - Ober- cassel franchit le Rhin. On ignore si ces deux derniers ouvrages sont en état de porter des trains militaires de chemins de fer, et si les tramways auxquels ils donnent passage sont susceptibles, le cas échéant, d'être raccordés rapidement avec les lignes stra- tégiques voisines, de façon à pouvoir être utilisés dans les trans- ports d-^ concentration. (Note du traducteur.)
(1) Le 1" mai 1904, on a inauguré, à Mayence, un troisième pont de chemin de fer sur le Rhin. Cet ouvrage d'art, qui a coûté 6.500.000 francs, donne passage à une ligne de contourne- ment d'une grande importance au point de vue de la défense nationale, attendu que la destruction du tunnel situé sur la
DES CHEMINS DE FER 115
vue de donner à l'exécution de la concentration de nos armées les plus grandes garanties de sécurité (1).
Si Ton compare les travaux accomplis par les diffé- rents Etats européens pour compléter leur réseau ferré, on constate que l'Allemagne occupe, sous ce rapport, un rang très honorable.
En eiïet, de la fin de 1884 à la fin de 1888, la France et l'Allemagne, en tête des autres puissances, ont aug- menté leurs voies ferrées de longueurs sensiblement équivalentes, soit : 4.048 kilom. pour la première et 4.047 pour la seconde. Viennent ensuite l'Autriche (Bos- nie et Herzégovine comprises), avec une augmentation de 3.658 kilom., puis la Russie (y compris la Finlande), avec 3.G43 kilom., et eiifin l'Italie, dont le réseau s'est accru de 2.286 kilom.
Au début de la guerre de 1870-1871, la longueur totale du réseau prussien atteignait 3.215 kilom. Les
voie ferrée Mayence-Fiancfoit (à l'est de la gare de Mayence), en supprimant la seule communication avec la rive droite du Rhin, aurait suffi pour compromettre gravement le mouvement général de la concentration des armées.
Les travaux de chemins de fer exécutés, à cette occasion, au- tour de Castel, ont entraîné, en outre, la construction d'un autre grand pont sur le Main, entre Bischofsheim, rive gauche, et Hocheim, rive droite; ce dernier ouvrage (longueur, 575 mè- tres ; coût, 1.400.000 francs), comble la solution de continuité ayant existé jusqu'ici dans le chemin de fer qui, de la Suisse aux Pays-Bas, longe la rive droite du Rhin.
Quant au précédent, il donne passage à une ligue ferrée dont le prolongement, jusqu'à Munster am Stein, puis, à travers le Palatinat bavarois, établit une nouvelle communication entre la vallée du Main et celle de la Sarre, c'est-à-dire, avec la Lor- raine.
(1) Dans la séance du Reichstag du 4 décembre 1886, de Moltke s'exprimait ainsi :
(( On peut regretter l'obligation qui nous est faite de consacrer une grande partie des recettes de l'Empire à sa défense exté- rieure, au lieu de les employer aux améliorations intérieures; mais cet état de choses est rendu nécessaire par la situation gé- nérale qu'il n'est pas en notre pouvoir de modifier. L'Europe entière est figée dans l'attitude du soldat sous les armes ; de quel- que côté que nous portions nos regards, nous n'apercevons que
116 HISTOIEE ET ORGANISATIOX
indications contenues dans les tablelaux. ci-dessus font ressortir l'accroissement obtenu depuis cette époque jus- qu'à nos jours (1).
des voisins armés jusqu'aux dents, c'est-à-dire dans un état de préparation à la guerre tellement coûteux que les nations les plus riches finiront, à la longue, par ne plus pouvoir le soutenir. 11 faut s'attendre avant peu à un dénouement devenu inévita- ble. »
(l) D'après une communication publiée dans les Archives des Chemins de fer, l'ensemble des lignes ferrées du globe s'élevait, en 1899, à 687. ÛOO kilomètres. Sur ce chiffre, l'Amérique en compte 364.975, dont 288.460 pour les Etats-Unis; l'Europe, 245.300; l'Asie, 41.970; l'Australie, 22.202, et l'Afrique, 13.103.
En général, à partir de 1890, on remarque un ralentissement continu dans le développement des réseaux ferrés. La cause en est due surtout à la diminution considérable des constructions nouvelles aux Etats-Unis. En outre, d'après l'organe spécial cité plus haut, les difficultés financières avec lesquelles, depuis plu- sieurs années, les républiques sud-américaines sont aux prises, ont nui à l'extension de leurs chemins de fer. A signaler cepen- dant, en Asie, la construction du Transsibérien et l'achèvement du réseau à voie étroite de la Russie d'Asie. Quant aux puis- sances européennes, elles progressent lentement, mais d'une fa- çon non interrompue. L'Allemagne se place en première ligne avec 45.462 kilomètres ; viennent ensuite : la France, qui possède 39.979 kilomètres: la Russie, 35.560; l'Angleterre, 33.641; l'Au- triche, 30.038; l'Italie, 14.626; l'Espagne, 12.147. La longueur du réseau des autres Etats européens n'atteint pas 10.000 kilo- mètres.
En ce moment, on constate qu'en Australie les constructions de chemins de fer subissent un certain ralentissement par rap- port aux années précédentes. L'Afrique en est toujours, sur ce point, à ses premiers débuts. Seules, l'Egypte, les colonies fran- çaises, la Tunisie et la colonie du Cap possèdent un réseau ferré organisé.
Note sur les disponibilités du réseau ferré allemand et ses possibilités stratégiques.
Lorsque toutes les constructions, actuellement en cours ou en projet, seront terminées, l'Allemagne disposera, sur sa frontière occidentale, de 18 lignes de transport qui, par leur combinai- son, peuvent donner 3 lignes à voie simple et 14 à double voie ou en représentant l'équivalent. Dans cet ensemble, sont com- prises les A'oies a, b, c (voir le croquis pages 120 et 121), les- quelles, dans la partie sud-ouest de leur tracé, empruntent, sur une étroite bande, le territoire de la Belgique et traversent en-
DES CHEMINS DE FER 117
suite le Luxembourg dans toute son étendue. Depuis les révéla- tions du comte Vasili (Nouvelle Bévue du 1'^'' juillet 1888, Un secret d'Etat), on sait, d'une façon à peu près certaine, qu'en 1887 l'empereur Guillaume P'' et le roi Léopold ont conclu, è l'insu de leurs gouvernements respectifs, une convention secrète qui, entre autres clauses, met une partie des chemins de fer belges à la disposition de l'état-major de Berlin, dans le cas d'une guerre entre la France et rAUemagne. Quant aux lignes luxem- bourgeoises, celles dont il est ici question appartiennent à une société dont le siège est à Strasbourg, et leur exploitation est confiée, de longue date, à des fonctionnaires de l'Empire, déten- teurs, dès le temps de paix, de plis de mobilisation émanant de l'autorité militaire allemande.
Comme preuves de l'intention, bien arrêtée chez nos voisins, d'utiliser éventuellement la partie considérée des chemins de fer belges et luxembourgeois, on peut encore citer :
1" Le quadruplement de la S3ction Thionville - Metz et son quintuplement entre ïhionville et tJckange, qui permettrait ainsi d'en faire le collecteur des lignes a, b, c, en même temps que de l'artère VII ;
2° Le doublement de la section Thionville - Fontoy et la cons- truction de la double voie Fontoy-Esch, dont les recettes sont loin, paraît-il, de couvrir les dépenses d'exploitation.
Sur les 19 corps d'armée qui constituent le bilan des forces de premier choc auxquelles nous nous heurterions en Lorraine, il n'y a à pré\oir de transports par voie ferrée que pour 16 corps d'armée environ, les XIV^ XV® et XVI®, ainsi qu'une division de chacun dos VIIT® e: II® Bavarois (à 3 divisions), devant faire mouvement par étapes, en raison de leur proximité du théâtre des opérations.
Les 31 lignes élémentaires (14x2+3=31) qui constituent l'en- semble du réseau allemand peuvent être assimilées théorique- ment à 16 lignes, dont 15 à double voie et 1 à voie unique; or, comme il sera dit plus loin, le réseau français comprend préci- sément 16 lignes. D'autre part, le nombre des commissions de ligne instituées, dès le temps de paix, sur toute la superficie de l'Empire, s'élève à 21, dont 5 pour la frontière russo-allemande et 16 pour le réseau occidental, aboutissant au cône réceptif d' Alsace-Lorraine. Cef^e quadruple coïncidence de chiffres, qui n'est sans doute pas l'effetdu hasard, méritait d'être signalée.
Malgré l'appoint des lignes a, h, c prolongées en dehors du ter- ritoire national, appoint qui le rend numériquement l'équiva- lent du nôtre, le réseau ferré allemand, en raison de son manque d'homogénéité, serait, selon toute vraisemblance, inférieur au premier, au point de vue de la capacité de transport. Nos diffé- rentes ar'ères stratégiques présentent, en effet, sous le rapport du rendement, un certain degré d'uniformité qu'on ne retrouve ras dans leurs similaires du camp opposé où, sans parler des lignes à voie unique, on rencontre des lignes à double voie dont le débit quotidien varie, de l'une à l'autre, dans la proportion de un à trois. Dans ces conditions, si l'on admet pour la durée :
1 18 HISTOIRE ET ORGAXISATIOX
De la mobilisation alU-mando 3 jours;
Du trajet entre la base de débarquement et la gare de rassemblement du corps d'ar- mée le plus éloigné, considérée comme point initial. 2 jours 8 heures;
De rembarquement (durée, moyenne pour chaque corps d'armée) 2 jours 8 heures;
Total 7 jours 16 heures.,
on en conclut que, le S*" jour de la mobilisation, à 4 heures soir, la concentration des armées impériales pourra être terminée. Or, ainsi qu'on le verra par la suite, les corps français auront achevé la leur le 8" jour à 4 heures matin; par conséquent, avec une avance d'une 1/2 journée sur les premiers. Cette assertion, basée sur des calculs qu'il serait trop long de reproduire ici, a, en outre, pour elle, la haute autorité du général de Bernhardi qui, dans une conférence restée fameuse, faite en 1898 à la So- ciété militaire de Berlin, déclarait qu'rji théorie les Français avaient l'avantage au point de vue de la rapidité de la concen- tration; mais il laissait entendre que, dans la inatiquc, il n'en serait pas de même. En effet, profitant, pour compenser ce re- tard, de la supériorité qui leur est acquise par le fait même de leurs institutions politiques, les Allemands se prétendent en me- sure de lancer leur ordre de mobilisation trente-six heures avant nous et de prendre l'offensive, avec toutes leurs forces de pre- mière ligne, avant que les nôtres aient pu terminer leur rassem- blement. Pour obtenir cet effet de surprise, ils seront donc obli- gés, jusqu'à nouvel ordre, de recourir simultancmrvt à ces deux procédés accessoires : emprunt partiel des chemins de fer belges et luxembourgeois ; envoi anticipé de l'ordre de mobilisation, sous peine de voir l'initiative des opérations passer aux mains du généralissime français.
En assignant trois jours à la durée de la mobilisation, nous ne voulons pas dire par là que tous les corps et services indistincte- n'.ent, seront, après ce délai, en état d'être dirigés vers la fron- tière. Ce laps de temps représente un minimum au bout duquel les éléments les plus mobiles pourront commencer leur embarque- ment en chemin de fer, les éléments les plus lourds disposant en- core, après le départ des premiers, de deux jours un tiers pour achever leurs préparatifs. Si l'on tient compte de ce fait, qu'il s'écoulera de six à trente heures, soit dix-huit heures en moyenne, entre la réception de l'ordre et l'ouverture effective et officielle des opérations relatives à la mobilisation, on voit, qu'en réalité, les premiers auront eu, pour se mobiliser, prts de quatre jours et les derniers environ six jours, ce qui, à l'heure actuelle, paraît largement suffisant. Il n'est donc pas exagéré de fixer au qua- trième jour, à minuit 1', la date du commencement des transports stratégiques.
Pas plus que nous ne le ferons pour la France, nous n'avons fait état, dans les calculs relatifs à la concentration allemande, du transport des corps ou divisions de cavalerie qui, de l'autre
DES CHEMINS DE FER 119
côté du Rhin, il est vrai, n'existent que sur le papier, en temps de paix, mais dont l'organisation est, bien entendu, prévue jus- que dans les moindres détails. Chez nos voisins de l'Est, comme du reste chez toutes les grandes puissances, les unités de cava- lerie ont, en permanence, leurs effectifs au complet de guerre en hommes et en chevaux et peuvent, par suite, être embarquées en chemin de fer vingt-quatre heures au maximum après la ré- ception de l'ordre de mobilisation.
Quant aux organes d'armée, leur enlèvement peut être, sans inconvénient, rejeté à la fiii des transports de troupes auxquelles, sauf les quartiers généraux, ils ne sont nullement indispensables pour les premières marches, pas plus que pour le début des hosti- lités. L'essentiel est que les voies soient débarrassées, en temps utile, pour permettre d'entreprendre sans retard les embarque- ments en chemin de fer des divisions ou corps d'armée de réserve dont la mobilisation est, aujourd'hui, assez rapide pour qu'il soit possible de les acheminer vers le théâtre de la guerre, à la suite des unités de l'armée active, sans qu'il en résulte ni interruption ni ralentissement d'aucune sorte, dans cette colossale poussée des niasses armées vers la frontière menacée.
La comijosition des armées impériales, telle qu'elle est donnée dans le schéma ci-joint, ne représente, cela va sans dire, qu'une des multiples combinaisons que l'état-major allemand n'a sans doute pas manqué de faire entrer dans ses prévisions. D'autre part, elle ne signifie pas que les forces de première ligne mobili- sées par nos adversaires éventuels ne comprendront que les 19 corps d'armée actifs qui y sont énumérés. Il est, au contraire, bien évident que, dès le début des hostilités, ils seront renforcés, dans une proportion impossible à prévoir, mais qui certainement sera considérable, par des divisions de réserve et de landwehr, destinées soit à leur être adjointes, soit à constituer, de toutes pièces, de nouveaux corps d'armée, distincts des précédents.
Dans le dénombrement de ces forces, nous n'avons pas fait en- trer en ligne de compte les corps d'armée s'^ationnés sur la fron- tière orientale de l'empire (I", Y^, VI^ et XVIP) que nous sup- posons appelés à opérer contre nos alliés, avec leur formation de réserve et de concert avec l'armée austro-hongroise. Enfin, pour être complet, nous aurions dû mentionner les troupes italiennes qui, en vertu d'une convention aujourd'hui connue de tous, doi- vent être transportés dans la Haute-Alsace, en empruntant les voies ferrées du Tyrol autrichien et de l'Allemagne du Sud ; si nous ne l'avons pas fait, c'est que leur Intervention, forcément tardive, ne se produira, selon toute vraisemblance, qu'après les premières grandes batailles décisives dont la Lorraine aura été le théâtre. (Note du traductrur.)
Légende.
Schéma des dj
Composition des armées
Armnc de la Mosell
VII. VUI. IN. X. XVIIi. C. III. XI.
B. iim. XIII. XV m. XII. XIX
Groupe d'armées de Lorraine
|ll. IV. XVI. (lli
I
CiJêthourd Srftm
Armoc d'.VI-aco.
Les noms des localités, sièges desCom- mi^sions de ligne, sont aocomi agn^is de la lettre indic itrice des dites Commis- sions. Pour des raison? de clarlt^, le cro- quis nindique pas les voies au.viliaires destinées à doubler les sections à une voie de cer- taines grandes artères qui sont com|;tnes comme lignes à double voie sur tout leur larcours. Plusieurs sec- lions >o:it à qua- drupie voii : ceinture et mé- tropolitain de y" Berlin, Iron- ;' .-• cous 'Jhion- ) '" ville - .Metz, Strasbourg - Vendealieim Cologne Kal- sclieu re n, etc., etc.
s^.,r.
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ai du réseau allemand.
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rclielle : 1/4.000.CCO.
Il
France.
En 1870, lors de la déclaration de guerre, la France possédait un réseau ferré très étendu; en donnant à son tracé la contexture d'une toile d'araignée, on avait à peu près complètement mis de côté son utilisation éven- tuelle en temps de guerre.
L'existence économique, militaire et politique de cette nation est tout entière centralisée dans sa capitale. Le système de ses voies feiTées se divise en six branches distinctes qui, à l'exception d'une seule, rayonnent au- tour de Paris dans les directions suivantes : Belgique, Manche, Océan, Méditerranée, Allemagne, Suisse et Ita- lie; la sixième est comprise entre la Méditerranée et l'Atlantique.-.
Dans ce tracé, on retrouve, au premier coup d'oeil, une adaptation aussi parfaite que possible aux besoins économiques, politiques et militaires de la nation. Et si la carte d'un pays doit être considérée, en quelque sorte, comme une image reproduisant les traits princi- paux de son organisation militaire, que le peuple et le gouvernement y ont fidèlement gravés, on peut dire que c'est le cas pour la carte de France.
Voici la peinture très exacte que le D"" von der Leyen, conseiller supérieur de régence, donne de la situation des chemins de fer français, dans son étude sur la
HISTOIRK ET ORGANISATION DES CHEMINS DE FER 423
Législation française des Chemins de fer d'intéiêt local et à l'oic étroite (1) :
« L'organisation des chemins de fer de la République offre lin caractère particulier qu'on ne retrouve dans aucun autre pays. Les grandes lignes sont la propriété de six compagnies montées par actions, qui exploitent, chacune pour leur compte et à leur guise, un réseau bien déterminé. L'Etat est propriétaire et administra- teur d'un septième réseau. Bien que soumise au contrôle du gouvernem.ent par toute une série de Jois et de règle- ments, l'exploitation des . voies ferrées par l'industrie privée n'eu conserve pas moins une grande indépen- dance.
» L'Etat n'intervient que pour endosser la responsa- bilité de la gestion financière des compagnies; il ga- rantit, en effet, l'intérêt des obligations par le paiement d'un dividende minimum pour les recettes des lignes nouvellement construites (2).
(1) Vie Gcsetzgchung uher Nehenbahncn und Klcinhahncn in Franhreich, Zcitschrift fur Klcinhahnen {Bévue des Chemins de fer à vnie étroite), numéro de novembre 1894, page 545.
(3) Le colonel Budde, autrefois chef de la section des chemins de fer du grand état-major allemand, maintenant ministre des Travaux publics et des Cheminsi de fer de Prusse, n'est pas de l'avis du D"" von der Leyen et trouve que la situation des che- mins de fer français est loin d'être pour eux une causs d'infério- rité vis-à-vis de ceux des autres puissances, en général, et de l'Empire allemand, en particulier. Dans son ouvrage : Die fran- zosischen Eisenhahnen im Kriege 1870-71 und ihre seitherige Entwickdimg in militàrische Hinsicht (Les Chemins de fer fran- çais pendant la guerre de 1S70-71 et leur développement ultérieur au point de vue stratégique) (Berlin 1877, Schneider et Cie), cet officier supérieur, après avoir analysé tous nos règlements, formule les conclusions ci-après :
(( Pour terminer, nous voudrions faire ressortir encore une fois combien l'organisation militaire des chemins de fer et la formation de troupes de chemins de fer étaient incomparable- ment plus faciles en France qu'en Allemagne.
» En notre pays, il faut compter avec une organisation admi- nistrative et gouvernementale fort compliquées, avec des diver- gences d'intérêts et d'opinions multiples; en France, au con-
^-'^ HISTOIRE ET ORGANISATION
La conséquence naturelle de cette situation, c'est que les Compagnies, certaines de n'être jamais dépossédées,
traire, la conunission supérieure n'a affaire qu'aux six grandes compagnies de chemins de fer, où fonctionnent déjà, eu temps ordinaire, les commissions de chemins de fer, sous le nom de commissions d'études.
» Dès le temps de paix, les principales lignes: de France s© trouvent, sous le rapport militaire et technique, dans les mains qui sont appelées à les exploiter en cas de mohilisation.
» Les autorités dirigeantes, grâce à l'existence des grands ré- seaux, sont habituées à faire grand et à disposer d'immenses ressoutces sur un domaine d'une vaste étendue. Les compa- gnies françaises ont, en sus de cela, une organisation tellement bien agencée et tellement solide, que la commission militaire supérieure y trouve une réserve, à peu près inépuisable, d'agents de chemins de fer parfaitement disciplinés, formés d'après des règles identiques et qui, réunis, en cas de guerre, en une troupe de chemins de fer, peuvent rendre d'excellents services à l'ar- inèe.
» Ce sont là des avantages incontestables qui, envisagés au point de vue militaire, sont de nature à justifier le vœu que nous exprimions précédemment.
» Qu'on se hâte de réunir les chemins de fer allemands en grands réssaux ayant leur administration propre, mais placés sous le contrôle sévère d'une puissante autorité de surveillance. »
A l'époque déjà lointaine (1877) oii les lignes ci-dessus étaient écrites et oii les chemins de fer allemands se trouvaient encore morcelés entre une infinité d'administrations privées ou de l'Etat (celui-ci ne possédait alors que 60 p. 100 environ du réseau), leur auteur, auquel on ne peut refuser, en cette matière, une compé- tence indiscutable, semblait donc donner con\nie modèle, à ceux de l'Allemagne, l'organisation des chemins de fer français. Nous verrons plus tard dans quelles conditions ses desiderata ont été depuis réalisés.
Pour le moment, nous nous bornerons à relever une erreur assez répandue, qui consiste à croire que le paiement de la ga^ rantie d'intérêt aux grandes compagnies françaises est onéreux pour le Trésor public et sans compensation d'aucune sorte.
On sait qu'en vertu des conventions de 1883 l'Etat français a garanti aux compagnies, en échange des sacrifices considérables qu'il leur imposait, pour la construction des lignes peu produc- tives, dites du troisième réseau — composé pour une bonne part de voies stratégiques — un minimum de recettes nettes leur permettant de faire face à l'intérêt et à ramortiss?ment de leurs obligations et de distribuer à leurs actionnaires un dividende dé- terminé, savoir : Nord, 54 francs ; Est, 35 fr. 50; Ouest, 38 fr. 50; Orléans, 56 francs ; Paris-Lyon-Méditerranée, 55 francs ; Midi, 50 francs (par action).
A la fin de chaque exercice, quand leurs recettes ne permettent
DES CHEMINS DE FER 125
ont, de tout temps, montré peu d'empressement pour étendre leur léseau. Et pourtant, l'opinion publique ne
pas d'atteindre ces résultats, les compagnies font appel à la ga- rantie, c est-a-dire réclament le montant des insuffisances au Iresor, qui leur en fait l'avance, à raison de 40 p. 100 d'intérêt simple.
Ces insuffisances vont en diminuant d'année en année- aprîs avoir atteint 77 millions et demi en 1894, elles sont descendues successivement à 33 millions en 1896, puis à 22 en 1897 • mais comme le montre le tableau ci-dessous, établi d'après les docu- ments officiels du Ministère des Travaux publics, elles se trou- vent compensées et au delà par les revenus et les bénéfices que l'Etat retire de l'exploitation des chemins de fer.
Etat comparatif des sommes demandées par les Compagnies pour 1896 et 1897 à titre de garantie d'intérêt et des profits retirés par l'E at de 1 exploiiation des chemins de fer en 1896.
RliSEAUX.
Nord (1)
Kst
Ouest
Orloaiis ...'....
P. L.-M. (2)
Midi
Elat
Totaux..
SOMMES DEMANDEES
par les comiagnies jour
1897.
Francs.
»
5.6U>.8f4
13.t<3l L72
47.814
»
2.733.720
»
189G. 3
Francs.
»
7.298.4C7
lG.0o9.638
676.823
»
8.963.^76
»
EN MOI^S
tour 1897. 4
!• runes.
» 1.085.323 2.228.066 629.011
» 6.229.736
22.227.990 33.0(0.346 10.772.336 Reiort du total de la colonne 2
Bcncfice net [our le Trosor.
IMPOTS
et 1 rofils far
ticuliers
du 'Iresor
en
1896 (3).
francs.
26.944.738 29.761.64.3 33.567. C07 37.661.829 67.120.528 19.323.561 7.868.913
222.448.221 22.227.990
2C0.2i0.231
(1) Le Nord n'a pas eu recours à la garantie.
(2) Le P.-L.-M. a remboursé intégrulement les sommes qu'il avait reçues de l'Etal, à titre de garantie dintérèt, soit : i;0.8o7.478 francs.
(3) Ces revenus ont trois sources principales :
a) Impôt du 12/112 ?ur lesvoyageurs et les transports en grande vitesse, crée en 1833 et augmenté de Timi ôt de guerre, dans la i éricde de 1^7l à 1892;
b) Droit de timbre des récépissés, aLonnement au timbre des actions et obligation», droit do tranï mission des titres, impôt sur les valeurs mobi- lières, latentes, etc;
c) Economies résultant pour le Trcsor des transports gratuits ou à prix réduits, i our les dejartements de la Guerre, de la Marine, des Postes, etc.
La recette nette totale des chemins de fer, pour les sept grands réseaux français, s'étant élevée, en 1897, à 633.258.101 francs, les bénéfices bruts de l'Etat représentent 35 p. 100 de cette somme, et les bénéfices nets, 31 p. 100. Les uns et les autres sont de
126 HISTOIRE ET OKGANISATIOX
cessait de réclamer cette extension de leur part. Maî- tresses des lignes les plus prospères, elles défiaient toute
beaucoup supérieurs — et ceci étonnera peut-être bien des per- sonnes — aux dividendes distribués par les conseils d'administra- tion des compagnies à leurs actionnaires, dividendes qui, pour l'exercice 1897, atteignent 157.482.000 francs, soit sjulement 22 p. 100 des recettes.
Mais c'est surtout avec les subventions fournies par l'Etat aux compagnies que la comparaison du montant des impôts et profits particuliers est intéressante.
D'après les documents statistiques du ministère des Travaux publics, ces subventions, au 31 décembre 1895, se chiffraient, pour les sept grands réseaux, à la somme totale de 4.180.698.G95 francs.
Or, depuis leur création jusqu'à la date ci-dessiis, les impôts de la catégorie a ont donné un revenu de 2.301.571.141 fr.
Ceux de la catégorie h 2.300.704.000
Dans le même laps de temps, les économies de la catégorie c ont donné un revenu de 1.753.753.000
Ainsi, le Trésor public a retiré de l'exploita- tion des chemins de fer, de 1855 à 1896, la som- me totale de 6.356.088.141
Ses avances, s'étant élevées dans la même période à 4.180.698.695
lui ont donc été intégralement remboursées et
il a touché, en sxis, la somme de 2.175.389.446 fr.
qui augmente, annuellement, d'environ deux cents raillions de francs.
En résumé, on peut conclure de ce qui précède que l'organisa- tion technique et administrative de notre réseau se prête aussi bien à une utilisation rationnelle et intensive de ses voies ferrées, en temps de guerre, qu'à une gestion financière susceptible, en temps de paix, de satisfaire à la fois les intérêts du Trésor public et ceux des actionnaires; sous le double rapport militaire et financier, les critiques qu'on a coutume de lui adresser, à l'étran- ger et surtout en France, ne sont donc nullement justifiées. L'opinion du distingué écrivain militaire allemand que nous avons rapportée confirme pleinement notre appréciation sur le premier point. Collaborateurs, en temps de paix comme en temps de guerre, de la commission militaire supérieure des che- mins de fer, les directeurs des grandes compagnies françaises peuvent mettre à la disposition du ministre de la Guerre un per- sonnel nombreux et parfaitement discipliné. Sur le second point, nous avons prouvé que nos chemins de fer, bien loin d'obérer notre budget, constituent, au contraire, pour celui-ci, une source de recettes très appréciables et dont le montant va sans cesse en croissant. Enfin, nous chercherons, plus loin, à montrer que, sur le terrain économique, les compagnies de chemins da fer sont
DES CHEMINS DE FEE 127
concurrence; les nouveaux concessionnaires n'obtenaient jamais que des tronçons de peu d'étendue; ils devaient se contenter de la mise en valeur de régions dépourvues de ressources au point de vue commercial, on présen- tant une configuration accidentée; il leur fallait, par conséquent, se résigner à un rendement d'autant plus faible que la construction et l'installation de leurs li- gnes avaient été plus coûteuses. A cet inconvénient, si vivement ressenti et si souvent signalé par les popula- tions, l'Etat a cherché à porter remède en venant au secours des entreprises des chemins de fer d'intérêt local.
En 1870, la France n'avait à sa disposition que trois lignes, en partie à voie unique, se dirigeant vers l'Est; par contre, dès 1891, elle en possédait déjà dix, dont huit à double voie.
Les chemins de fer Paris - Strasbourg, Paris - Mul- house, Paris - Soissons - Charleville - Thionville, cons- tituaient, en 1870, les principales lignes stratégiques de nos adversaires et, au début de la campagne, trans- portèrent jusqu'à 70 trains par jour vers la base de concentration. Mais, par la suite, ils devinrent impuis- sants à satisfaire aux exigences croissantes du moment, parce que rien n'avait été prévu, avant la déclaration de guerre, pour l'organisation des transports stratégi- ques, parce que la mobilisation elle-même s'exécutait sans méthode et que chacun, en vue de son intérêt per- sonnel, mais au détriment de l'intérêt général, jugeait
arrivées à des résultats non moins avantageux que les précédents et, dans tous les cas, bien supérieurs à ceux du même ordre, obtenus sur les grands réseaux exploités par l'Etat chez certaines puissances et, en particulier, dans l'Empire allemand.
Tous les renseignements numériques contenus dans cette note sont extraits du Manuel de statistique des Chemins de fer fran- çais, par Delebecque (Exercice 1897, pages 47 à 51). Paris 1898, Imprimerie Chaix. {Note du traducteur.)
128 HISTOIRE ET ORGANISATION
à propos de transgresser les ordres des autorités de chemins de fer. Aussi, après la campagne, la littérature spéciale se livra-t-elle franchement et sans parti pris à l'étude de ces événements néfastes, et," en présence de la réalité des faits, proclama-t-elle bien haut la néces- sité d'une organisation calquée sur la nôtre.
Toutefois, l'observateur impartial ne devra pas per- dre de vue que, vis-à-vis des chemins de fer, le vain- queur a le droit d'élever d'autres prétentions que le vaincu, car un réseau, quelque bien compris que soit son tracé, peut devenir impraticable lorsque l'ennemi s'est rendu maître d'une partie de ses ligues. C'est ainsi que les chemins de fer français tombèrent subitement dans la confusion et le désordre, quand certaines des lignes, les mieux outillées au point de vue militaire, pas- sèrent entre nos mains et qu'il fallut demander à des voies latérales, jusqu'alors négligées, des services qu'elles étaient incapables de rendre.
Sans le manque de préparation des transports stra- tégiques et l'absence d'organisation des lignes secon- daires, le réseau français, déjà entièrement achevé, eût largement suffi aux besoins d'une concentration régu- lière ou d'une guerre victorieuse. Aussi, les hostilités terminées, la Erance a-t-elle mis à profit les leçons de la guerre, en appliquant à ses chemins de fer l'organi- sation militaire prussienne et en consacrant à leur per- fectionnement et à leur achèvement des sommes colos- sales. Elle s'est rendu compte que, dans une prochaine campagne, la rapidité des opérations serait intimement liée à la possession de bonnes voies de communication sur les derrières des armées et que leur protection serait une des premières obligations de la défense nationale.
On saisit, du premier coup, l'importance qui s'atta- che en Erance à la capitale, quand on songe aux forti- fications dont on l'a entourée, pour la mettre à l'abri
DES CHEMINS DE FER 129
d'un siège et, si c'était possible, d'un investissement. Dès les mois de mars et de juillet 1874, des lois étaient promulguées pour la construction de nouveaux ouvrages de défense, autour de Paris et à la frontière de l'Est. Cette même année, on commença les travaux.
La ligne de défense de la capitale fut reportée très loin en avant, et, en 1883, une ceinture fortifiée com- prenant 56 forts ou batteries s'élevait, de toutes pièces, à une distance de l'enceinte variant de 10 à 18 kilo- mètres; aujourd'hui, son développement atteint 130 kilo- mètres.
A la frontière de l'Est, on restaura tout d'abord les anciennes places de Yerdun, Toul et Belfort, puis on fortifia la plupart des hauteurs que les batteries de sièges allemandes avaient occupées pendant la dernière guerre. Enfin, Epinal fut transformée en camp retran- ché, par la création d'un système de forts détachés (1).
Tels sont les moyens employés par les Français pour
(1) L'idée dominante, dans l'établissement des fortifications de notre frontière de l'Est, c'était de couvrir Paris. Le plan du général Rivière, basé tout entier sur l'obstruction des lignes d'invasion, ne peut laisser aucun doute à cet égard.
On a constitué ainsi une série de régions fortifiées, douées de profondeur et prétendues imprenables. Cette transformation de la France en un vaste corps de place défendu par les armées nationales y montant la garde a pu convenir à l'insuffisance d'organisation de nos forces vives et à l'abattement de nos cou- rages, au lendemain de la défaite.
La lutte ouverte entre la cuirasse et le canon a vite montré ce qu'il fallait attendre de ces sortes de places, mères gigognes cachant des armées sous leurs jupes de terre.
Depuis, une violente réaction s'est produite et on paraît être tombé dans un excès contraire. En 1900, sans l'ombre même d'une discussion ou même d'une observation, la Chambre des députés a voté une proposition de loi tendant à déclasser près de la moitié de nos forteresses. Cette loi, dite « de classement », mais qu'on pourrait appeler, plus justement, loi de destruction du système de défenses permanentes que nous avons si chèrement et si labo- rieusement édifié après la guerre, comprend, en substance, les dispositions suivantes :
Elle démantèle à peu près complètement notre frontière du Nord. Dans la région Est, elle supprime un certain nombre de Orgau. chem. de fer. .9
loO HISTOIRE ET OilGAXISATIOX
protéger leurs principales voies ferrées. En outre ils s'efforcent, sans relâche et par tous les moyens, de per-
placGS ; elle eu réduit d'autres à l'état d'ouvrages qui, en prin- cipe, ne doivent être ni armés, ni approvisionnés, ce qui équivaut à leur abandon. Elle supprime ainsi, de fait, ce que l'on a appelé les régions fortifiées. La région du Sud-Est, seule, est moins cruel- lement frappée.
Sur la proposition d'un de ses membres, M. le vicomte de Montfort, le Sénat avait ajourné la discussion de ce projet de loi, en attendant que le Conseil supérieur de la guerre, consulte à nouveau, ait fait connaître son avis définitif sur cette grave question. Or, le Conseil supérieur de la guerre s'est prononcé pour le maintien, intégral des dispositions du projet, et c'est dans ces conditions que le Sénat en reprit l'examen.
Pour obtenir ou motiver le vote de cette loi, on a allégué diffé- rentes raisons.
En premier lieu, on a dit que, pour conserver à nos fortifica- tions de l'Est une valeur dcfonsive, en rapport avec les progrès de l'artillerie et leur permettre de résister aux nouveaux explo- sifs, il faudrait consacrer à leur amélioration et à leur entretien des sommes dont le montant serait hors de proportion avec Tin.- portance des services hypothétiques qu'elles seraient appelées à rendre, en temps de guerre. S'appuyant, en cela, sur l'opinion du général Pierron, les adversaires de notre système défensif pré- tendent, en outre, que (( la meilleure garantie de l'indépendance d'un pays repose désormais sur le chiffre, non de ses places fortes, mais de ses combattants dressés en vue de la guerre; que leur occupation, en exigeant un nombre considérable de défenseurs, affaiblirait d'autant nos armées de campagne »; d'oii la conclu- sion que, l'ennemi pouvant nous opposer des effectifs' très supé- rieurs en nombre, il fallait distraire le moins de forces possibles de nos unités actives, pour occuper et défendre nos forts d'arrêt et nos camps retranchés.
La première objection est du domaine budgétaire; elle ne nous est pas spéciale et peut s'adresser aussi à l'organisation défen- sive des autres Etats; à l'étranger, on a passé outre à cette considération, en consacrant au perfectionnement et au dévelop- pement du réseau fortifié les crédits reconnus suffisants, mais dont le montant ne paraît pas devoir être inférieur à celui dont nous aurions besoin pour arriver au résultat poursuivi. Au mo- ment où nous nous proposons de réduire le nombre et la valeur de nos forteresses, les Allemands, en particulier, améliorent fié- vreusement les leurs et construisent de nouveaux ouvrages à Metz, à Thionville, à Strasbourg et à Neufbrisach. Il faut croire qu'ils ont trouvé le moyen de se garer de ces fameux explosifs, d'invention récente, dent il a été parlé dans l'exposé des motifs du projet de la loi de classement et qui ont été présentés comn.e devant entraîner l'abandon de toute espèce de fortifications per- manentes. Sans se laisser berner par les récits plus ou moins terrifiants des expériences faites dans les polygones, nos voisins
DES CHEMINS DE FER 131
fectionner l'organisation défensive de leurs camps le- tranehés en les dotant de chemins de fer militaires. Un
se sont donc mis à l'œuvre, sachant bien qu'il n'y a pas de fortifi- cations incassables, et que leur valeur dépend surtout de celle des hommes qui ont la charge de les défendre. A moins d'abdi- quer, nousi devons donc imiter nos adversaires éventuels et nous résigner aux mêmes sacrifices pécuniaires. « Pourquoi, a dit M. de Montfort, commettrions-nous l'imprudence d'ouvrir nos frontières à l'envahisseur, alors qu'il ne s'agit pas ^ qu'on le remarque bien — d'édifier à coups de millions cette ceinture do pierre qui, depuis trente ans, nous a protégés, mais qu'il est question seulement de l'entretenir, ce qui, dans notre énorme budget de trois milliards, n'est, en somme, qu'une dépense insi- gnifiante? Pourquoi cette rage de détruire ce qui, dans, tous les cas, est im élément de plus de force et de résistance actuellement à notre disposition? »
Quant à la seconde objection — affaiblissement de nos troupes de campagne, résultant de l'occupation de forteresses trop nom- breuses — elle peut se réfuter aussi simplement que la précé- dente. Il suffira en effet, comme cela a déjà eu lieu la plupart du temps, de constituer les garnisons de ces places, à l'aide d'unités de l'armée territoriale complétées au besoin, suivant leur proxi- mité de la frontière et l'importance des ouvrages, par le nombre de bataillons de réserve strictement indispensable. Les forte- resses seront ensuite abandonnées à leurs propres ressources; mais les troupes actives pourront, dans les limites déterminées, en retirer les approvisionnements en vivres, en munitions et en ma- tériel qui y auront été accumulées à l'avance et soigneusement tenus à l'abri des projectiles de l'artillerie ennemie.
Enfin, il existe, contre les fortifications de notre frontière de l'Est, une troisième objection beaucoup plus grave que lès pré- cédentes, parce qu'elle flatte notre amour-propre en faisant appel à des sentiments guerriers que nous nous sommes glorifiés — sou- vent non sans raison — de posséder et de cultiver comme une pieuse tradition. Nous voulons parler de l'esprit d'offensive qui est — on le croit du moins — en opposition absolue avec l'em- ploi des forteresses. C'est pourquoi, en dehors de la question budgétaire, qui, dans l'état actuel de nos finances, peut, à la rigueur, donner à réfléchir, en dehors aussi de la question de notre infériorité numérique qui, vu la marche régressive de notre population, mérite d'être envisagée avec beaucoup d'at- tention, « une nouvelle école scientifique est apparue dans le monde militaire qui, avec l'engouement d'une méthode que ses adeptes déclarent infaillible, fait table rase des leçons du passé et ne veut — de bonne foi, c'est certain — entendre parler que de l'offensive à outrance, toujours et quand même. Comme si per- sonne, en vérité, pouvait dire avec certitude qu'il existe en pa- reille matière un système absolu !
<( Oui, sans doute, l'offensive est bien souvent un gage de suc-
132 HISTOIRE Eï ORGAXISATIOIS*
système très complet de lignes ii voie étroite, en assu- rant, dans cliaque forteresse, la communication des ouvrages isolés entre eux, rend plus facile et plus ra-
ces; nous devons chercher à la prendre énergique et rapide; mais sommes-nous certains, malgré la vaillance et l'héroïsme de nos troupes, qu'elle nous procurera le succès? » (Vicomte de Mont- fort, Echo de Paris, l" janvier 1901.)
Prendre l'offensive au début de la guerre, c'^est parfait ; mais, pour cela, il faut .être prêt le premier. Or, personne ne peut nous donner cette assurance, pas plus qu'on ne peut affirmer que nos succès seront continus. Sur le premier point, en particu- lier, des motifs d'ordre politique et diplomatique qu'il est à peine besoin de mentionner nous placent, vis-à-vis de nos adver- saires éventuels, dans un état d'infériorité qui n'est malheureu- sement que trop manifeste. Personne n'ignore, en effet, que la mobilisation et la concentration de nos alliés seront bien moins rapides que les nôtres. Cette situation, connue de la Triple Al- liance, à laquelle l'Angleterre prêtera peut-être son concours, engagera, selon toute vraisemblance, l'Allemagne à attaquer la France la première, avec ses plus puissants moyens d'action. (( La prochaine guerre débutera donc par des coups d'une vio- lence inouïe, portés là oîi il le voudra par un adversaire qui, lui, n'a pas besoin d'attendre un vote du Parlement, non pas pour déclarer la guerre — car elle ne le sera sans doute jamais — mais pour mobiliser ses troupes de première ligne et les lancer sur notre territoire. Possédant, par là même, l'initiative straté- gique, il pourra prendre à son gré une offensive d'autant plus foudroyante que les obstacles accumulés sur sa route seront en nombre plus restreint. Cette constatation ne signifie en aucune façon que nous devrons accepter la lutte sans espoir de vaincre, surtout SI nous savons faire un emploi judicieux de nos fortifica- tions permanentes et des ouvrages du moment.
Quel sera, dans ces conditions, le résultat d'une brusque irrup- tion des armées allemandes dans nos départements frontières?
La meilleure réponse à cette question nous est donnée par la lettre que l'empereur Guillaume I''"' adressait, en 1879, à son grand chancelier, lettre dont nous extrayons les passages sui- vants :
« Si nous avions une guerre avec la France, je ne partage pas l'opinion du feld-maréchal de Moltke, qui croit nos forces suffi- santes pour nous permettre de poursuivre une telle guerre sans alliés.
» Nous nous trouvons maintenant en présence d'une armée complètement différente de celle de 1870, car on ne peut nier les progrès que la France a accomplis depuis cette époque.
» Puis, il y a une autre considération : c'est que la frontière française est presque hermétiquement fermée, depuis la Suisse jusqu'à la Belgique. Cette ligne continue de forteresses et de
DES CHEMINS DE FEE, 133
pide la mise eu place de rarmement. Sur toute la zone frontière de l'Est, s'étendent des réseaux aérien et souterrain de télégraphie optique et électrique qui re- lient les forts d'arrêt avec les places fortes et servent à la transmission des renseignements.
forts, même si l'on parvenait à la franchir, rendrait impossible l'envoi de tout renfort, et entraverait énormément l'emploi stra- tégique de nos forces.
» D'après le feld-maréchal de Moltke, c'est sur un champ res- treint que noua devons livrer bataille. Mais, si nous sommes victorieux, nous ne pourrons pas poursuivre nos succès comme en 1870, car il nous faudrait immédiatement assiéger cette cein- ture de camps retranchés, avant de nous engager dans une pour- suite.
» Des mois, peut-être, s'écouleraient avant que nous parvins- sions à prendre quelques forts, et cela donnerait le temps à l'ar- mée défaite de se refaire derrière cette ligne et de se préparer à une nouvelle rencontre.
» Si, par malheur, les Allemands étaient battus lors du pre- mier choc, la rive gauche du Rhin serait perdue et nous devrions nous retirer de l'autre côté du fleuve. »
Cette lettre, écrite par un adversaire, renferme le plus écla- tant en même temps que le plus précieux hommage qu'il soit pos- sible de rendre à la valeur militaire de notre armée, ainsi qu'à la solidité de nos défenses. Eîle prouve d'iuie façon péremptoii'e que c'est grâce à ces dernières que la guerre, conseillée par de Moltke en 1875 et en 1879, a pu être évitée.
En résumé, si le projet de loi dont il est question était accepté ; si, par le fait, nos fortifications du Nord et toute notre deuxième ligne de défense se trouvaient annihilées, nous n'aurions plus à opposer à l'envahisseur que les défenses de l'Est, en admettant qu'il voulût bien venir s'y heurter.
Or, déjà en 1895, la supériorité évidente de ces défenses, sur celles des autres parties de notre territoire, faisait dire au géné- ral Brialmont, eu plein Parlement belge, que l'Allemagne serait amenée à porter ses principales forces vers le Nord, c'est-à-dire à violer la neutralité de la Belgique. Eh bien! si cette violation était logique il y a cinq ans, l'adoption du projet de loi relatif au nouveau classement de nos ouvrages fortifiés aura pour pre- mier effet de la rendre fatale.
En stratégie comme partout ailleurs, les théories extrêmes sont dangereuses. Entre l'abus de la fortification et la défensive à outrance d'une part, l'offensive aveugle et irraisonnée de l'au- tre, il y a un juste milieu. Sans vouloir en rien diminuer la part prépondérante qui revient au nombre et au courage des combat- tants dans les opérations décisives, il n'est pas prudent de décla- rer d'une façon absolue que la poitrine des soldats constitue le
134
HISTOIRE ET ORGANISATION
Vingt ans après la dernière guerre, le réseau français avait un développement total de 36.891 kilomètres, dont 3.150 pour les chemins de fer d'intérêt local (1).
meilleur rempart contre l'invasion, car un des principes fonda- mentaux de l'art de la guerre nous commande — et cela fort sa- gement — de prévoir les revers et de prévenir les désastres, en assurant la retraite.
En d'autres termes, on doit se garder de considérer notre ceinture de forteresses comme une barrière infranchissable pour l'envahisseur ou comme un refuge inviolable, derrière lequel nos troupes de campagne viendraient se terrer, au risque de se faire investir, après une lutte dont l'issue leur aurait été défavorable. Le véritable rôle des fortifications est de fournir tout d'abord des appuis économiques aux troupes de couverture et d'offrir ensuite aux armées, en cas d'échec, une série de réduits éven- tuels destinés à leur permettre de se réorganiser, soit en vue de reprendre l'offensive, soit pour continuer, en toute sécurité, leur mouvement rétrograde.
(1) A l'heure actuelle, la longueur des chemins de fer de la métropole atteint près de 42.000 kilomètres.
Les principales données, concernant le personnel, le matériel et le trafic des réseaux français et allemands, sont résumés dans les tableaux comparatifs ci-dessous :
a) Statistique des réseaux français et allemand.
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4.3G0
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PERSON- NEL.
LOCOMO- TIVES.
416.000
460. ÛOO
10,44 111,(6 10.94
8 8'»
10.366 16.3S0
.37. 097k 3'<.086
0,26 0,36 0,27 0,31 S32 C-') 3.539
VOITURES
26.484 32.391
» »
0,66 0,70 0.69 0,62
,762 (2)
,688
WAGONS.
273.503 348.462
»
6.8 7,6 7,1 6,7
25.742(2)
32.430
TOTAUX
des véhi- cules.
299.987 3e0.853
14.388k 15.830k
7,5 8,3 7,9 7,3 30.483 101.178
OBSERvATroNs. — Les renseignements contenus dans les tableaux a et 6 sont empruntés aux ouvrages suivants :
Manuel de statistique des chemins de fer français pour l'exercice 1897, par Delebecque (Paris. 1898, Imprimerie Chaix, 20. rue Bergère) ;
Le matériel roulant des chemins de fer français, par Gomel, pa<?es 9, 15: 16, 17, 18 (Paris, 1899, Cliaix) ; / / . .
Les chemins de fer et la mobilisation, par Lanoir (Paris, Gharles-Lavauzelle).
Les lettres A et F désignent respectivement l'Allemagne et la France.
(.1) Longueur par kilomètre carré de la superficie de chaque Etat.
(2) L'augmentation a été, en 1900, de 508 locomotives, 3.168 voitures, 10.040 >va;;ons.
DES CHEMINS DE FEE
135
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136 HISTOIRE ET ORGANISATION
Parmi les lignes construites et livrées à l'exploita- tion en 1891, les suivantes méritent, au point de vue militaire, une attention spéciale :
Les chiffres qui précèdent appellent un certain nombre de ré- flexions.
1° Matériel de traction. — L'écart qui existe entre le chifFre des locomotives en service dans les deux pays est, en nombre rond, de 6.000 unités; mais il ne suffit pas de comparer des nom- bres entre eux : il faudrait, en effet, savoir s'ils s'appliquent à des objets identiques. Autrement dit, les machines en usage en deçà et au delà des Vosges sont-elles semblables comme puissance de traction 1 C'est ce qu'il nous a été impossible de savoir. Tout oe qu on peut dire, c'est que, par suite des perfectionnements apportés dans la construction de ces engins, on constate des différences considérables entre les types anciens et les types plus récents.
C'est ainsi que notre Compagnie de l'Est, bien qu'ayant vu diminuer son effectif de machines, de 1888 à 1897, a néanmoins augmenté sa puissance de traction ; l'ensemble de ses locomotives actuelles peut remorquer 21.500 tonnes de plus qu'en 1888, ce qui équivaut à une augmentation de 45 unités. Un phénomène analogue — • abstraction faite de la diminution d'effectif — s'est produit sur tous les autres réseaux. Les compagnies se sont débar- rassées des machines qui, à raison de leur âge et de leur modèle, ne répondaient plus aux données de la science et aux nécessités de la pra,tique. Elles leur en ont substitué d'autres dont le tra- vail utile est bien plus considérable pour une consommation moindre de combustible.
Les machines du dernier type peuvent remorquer un poids de 75 p. 100 plus élevé que les anciennes, soit 875 tonnes au lieu de 500. L'augmentation d'effectif total, pour l'ensemble du réseau national, qui a été de 532 locomotives dans la période décennale de 1888 à 1897, équivaudrait, dans ces conditions, à un accroisse- ment de 931 unités. Le progrès réalisé dans le sens que nous ve- nons d'indiquer a eu pour conséquence de rendre moins fréquente la double traction qui consiste, comme on sait, à atteler deux loco- motives au même train et, par suite, d'éviter de grandes com- plications dans le service de la traction. En résumé, l'améliora- tion des machines prouve, non moins que l'accroissement de leur nombre, combien leur effectif actuel est plus puissant que celui d'il y a dix ans.
Tel qu'il existe, il est largement suffisant pour la circulation normale, et aucune pénurie de machines ne se fait sentir, même aux époques oii les transports sont particulièrement actifs. Ja- mais il n'arrive que toutes les locomotives soient occupées, et chaque réseau en possède une réserve. Ces réser\'es, grossies des nombreuses machines que rendrait libres, en temps de giierre, le ralentissement du service commercial, serviraient, si des hosti- lités éclataient, à la concentration des troupes, du matériel et
DES CHEMINS DE FER 137
1° La section Saint-Florentin - Troyes de la grande artère stratégique qui, par Auxerre et Troyes, met
des approvisionnements en vivres et en munitions. Cest ?© qui a permis au Ministre des Travaux publics de déclarer, dans le discours qu'il a prononcé à la séance du 7 février 1899, que « nous avons dès maintenant tout ce qui serait nécessaire à une mobilisation ».
2° Matériel de transport. — L'effectif des voitures à voyageurs a subi une augmentation en rapport avec l'extension du mouve- ment des voyageurs (375 millions en 1897, au lieu de 225 en 1888). Mais, en ce qui les concerne, il convient de faire une observa- tion analogue à celle que nous avons notée pour les locomotives. En effet, non seulement des milliers de vieilles voitures des trois classes ont été réformées et r-emplacées par d'autres plus spa- cieuses et de plus grande capacité, mais encore celles qui ont été construites en augmentation d'effectif sont conformes aux nou- veaux modèles. Il en résulte que les voitures dont les compagnies disposent aujourd'hui peuvent contenir un bien plus grand nom- bre de voyageurs, soit environ 30 p. 100 de plus qu'il y a dix ans.
Le même fait s'est produit pour les wagons. Les nouveaux véhi- cules construits, soit en remplacement de ceux mis hors de ser- vice, soit en augmentation des existants, sont capables de porter jusqu'à 15 et 20 tonnes, tandis que les anciens avaient un ton- nage variant entre 5 et 8 tonnes. Le Nord, l'Est et le P.-L.-M. possèdent même un certain nombre de wagons de 50 tonnes, montés sur boggys, dont la longueur atteint 15 mètres.
Ce simple coup d'œil sur la situation du matériel roulant des chemins de fer français montre qu'il est à la hauteur du trafic auquel il doit faire face. Sans doute nous sommes, sous ce rap- port, dans un état d'infériorité manifeste vis-à-vis de l'Allema- gne, comme cela résulte de l'examen du tableau a; mais, dans une comparaison de ce genre, il importe de tenir compte d'au- tres considérations que celles qui résultent d'un simple rappro- chement de chiffres. La France et l'Allemagne n'ont, en effet, ni la même superficie, ni la même population, ni la même acti- vité économique. Si l'Empire allemand s'étend sur un territoire qui compte seulement 12.000 kilomètres carrés de plus que le nô- tre, il possède 18 millions d'habitants de plus que nous. D'un au- tre côté, l'industrie et le commerce ont pris chez nos voisins, depuis 1871 et surtout dans ces dernières années, un essor qui, hélas ! laisse le nôtre bien en arrière ; nous n'en fournirons qu'une preuve. D'après les statistiques officielles, si on compare, en 1887 et 1896, le total des importations et des exportations ; autre- ment dit, le commerce général, on constate \\n gain de près de 2 milliards pour l'Allemagne et un gain de 340 millions seulement pour la France. De plus, en dix ans notre réseau s'est allongé de 4.360 kilomètres et celui de nos voisins de près du double, exac- tement de 7.370 kilomètres. Dans ces conditions, n'est-il pas na-
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Bourges en communication avec la frontière de l'Est;
turel qu'au delà des Vosges ou ait senti le besoin de construire plus de kilomètres de voie, de locomotives et de véhicules que cela ne nous était nécessaire ?
Les chemins de fer allemands ont à desservir une circulation beaucoup plus intense que les chemins de fer français. Le mou- vement des personnes et des marchandises n'est pas seulement plus actif, il a aussi beaucoup plus progressé chez nos voisins que chez nous. Il s'ensuit que ce serait folie de vouloir que notre ma- tériel roulant fût sur un pied d'égalité avec celui de l'Empire d'Allemagne. N'oublions pas, en effet, que, dans ce pays, le nom- bre des voyageurs dépasse de près de moitié celui de nos propres voyageurs et que le tonnage transporté par les voies ferrées y excède le nôtre de plus du double (voir tableau h). La seule chose raisonnable que l'on puisse soutenir, c'est qu'il importe que nos voies ferrées, nos locomotives et nos wagons soient, propor- tionnellement à l'importance du trafic, en nombre égal à ce qui existe de l'autre côté des Vosges. Or, à ce point de vue, nous avons même une supériorité sur nos voisins, en admettant que ce soit une supériorité de pouvoir niettre, en regard d'une quantité déterminée de trafic, un plus gros contingent de machiuosi et de véhicules.
Pour évaluer le rendement d'une ligne ferrée, on a coutume de prendre comme base le nombre de locomotives et de véhicules pour 100 millions d'unités kilométriques : plus ce coefficient est faible, plus le rendement du matériel est élevé ; on se sert éga- lement du parcours moyen de l'unité kilométrique obtenu en di- visant le nombre d'unités kilométriques par celui des unités transportées (voyageurs ou tonnes).
Or, le tableau h montre que la proportion de chacun des élé- ments du matériel roulant, eu égard aux unités de trafic trans- portées, est plus forte sur l'ensemble de nos chemins de fer que sur le réseau germanique ; il en est de même du parcours moyen de l'unité kilométrique. C'est pourquoi nos machines et nos wa- gons font annuellement (voir tableau a) un parcours moyen moindre qu'en Allemagne, soit respectivement 37.097 kilomètres et 14.388 kilomètres, pour les premiers, au lieu de 38.086 et 15.830, pour les seconds. Et, cependant, les chargements sont transportés sur notre réseau à une distance moyenne qui est de 28 kilomètres plus longue que sur les voies ferrées allemandes. Il en résulte que, sur ces dernières, le matériel roulant est mieux utilisé que sur les nôtres.
3" Longueur des réseaux. — Dans la comparaison des réseaux français et allemands, il est nécessaire de faire les mêmes res- trictions que pour le matériel roulant (superficie du territoire, population, activité commerciale, etc.).
Sous le rapport de la superficie, par exemple, nous possédons moins de voies ferrées que nos voisins, puisque ceux-ci ont 0 kil. 086 de chemin de fer par kilomètre carré de superficie,
UES CHEMINS DE FEE, 139
2° La section Lons-le-Saunier - Champagnole, tracée dans le Toisinage de la frontière suisse;
taudis que cette proportion n'est, en France, que de 0 kil. 078 ; notre territoire est donc moins bien desservi que celui de l'Em- pire germanique.
Par contre, au point de vue du chiffre des habitants, nos lignes offrent un développement plus grand que celles de l'Allemagne, où le coefficient kilométrique pour 1.000 habitants n'est que de 0 kil. 865, alors qu'il atteint 1 kil. 052 en France.
Ce fait n'a rien de surprenant si l'on songe que les rapports entre la superficie, la longueur du réseau et la population des deux pays sont respectivement représentés par les nombres sui- vants :
Guperficic. Ri^seau. Population.
Allemagne 100 100 lÔO
France 97 88 70
Remarquons en outre que, pour 1.000 habitants, les chemins de fer transportent, de l'autre côté des Vosges, 2.000 voyageurs et 2.500 tonnes de plus qu'en France. Ce résultat est encore una conséquence de la plus grande activité commerciale de nos voi- sins, que nous avons déjà eu l'occasion de faire ressortir précé- demment et qui est établie d'une façon rigoureuse par le rap- prochement des coefficients de rendement du matériel roulant des deux nations. Dans le transport des voyageurs, des marchan- dises et pour l'ensemble des unités de trafic, le coefficient fran- çais ne représente respectivement que 76, 18 et 57 p. 100 du coef- ficient allemand.
C'est l'explication de la supériorité de l'effectif des locomotives du réseau de nos voisins, qui, pour obtenir un trafic presque double du nôtre, avec \n\ matériel de transport sensiblement équivalent, ont obéi à une nécessité impérieuse, en construisant plus de machines que nous.
En résumé, grâce au développement qu'a pris la circuration, depuis quelques années, dans notre pays, le nombre de nos ma- chines, de nos voitures et de nos wagons tend — comme on peut le voir à l'inspection des tableaux ci-dessus — à devenir de moins en moins disproportionné avec le mouvement du trafic des voya- geurs et des marciiandises. Mais il est incontestable que nos véhi- cules pourraient — l'exemple des chemins de fer allemands le démontre — accomplir annuellement un plus long parcours* moyen. Ce serait donc se lancer dans des dépenses sans aucun profit pour le commerce et onéreuses pour le Trésor, que d'obli- ger nos compagnies à accroître, d'une manière inconsidérée, l'ef- fectif de leur matériel roulant. En quelques années, les sommes que les grandes compagnies réclamaient à l'Etat, à titre de ga- rantie, se sont abaissées de 98 millions à une quinzaine. Cette économie a servi à équilibrer le budget. Ce dernier n'est certes pas tellement au large que l'on doive s'exposer à voir grossir la garantie, pour le vain plaisir de posséder des locomotives et des
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3° La section Digue - Mézel, de la ligne Digne - Nice, qui reliera cette dernière ville avec Grenoble et Lyon (1).
wagons qui resteraient au garage, faute d'emploi. Si encore l'in- térêt de la défense nationale l'exigeait! Mais il ne le commande pas, puisque nos différents ministres de la guerre, toujours par- faitement renseignés sur ce point par le nombreux personnel dont ils disposent à cet effet, n'ont jamais conclu à la nécessité des dépenses auxquelles nous faisons allusion.
Telle est la réalité des faits, et il semble que la situation soit satisfaisante pour un esprit non prévenu. Elle est bien diffé- rente de celle qui a été dépeinte à la Chambre en 1899. En somme, notre matériel roulant s'est beaucoup perfectionné et accru au cours des douze dernières années. Sa capacité et sa puissance sont largement en rapport avec les services qu'il est appelé à rendre, en temps de paix comme en temps de guerre, et, s'il est vrai qu'il est numériquement inférieur à celui des chemins de fer allemands, il présente, relativement à ce dernier, plus d'importance, pourvu que l'on tienne compte de la longueur de notre réseau, de l'activité de son trafic, du chiffre de notre population et du montant de notre commerce. (Xotc du traduc- teur.)
(l) La section Saint-André - Puget-Théniers n'est pas encore livrée à l'exploitation (1905).
Jusqu'ici, le camp retranclié de Nice n'était mis en communi- cation avec le Sud de la France que par la grande ligne à dou- ble voie Arles - Marseille - Toulon - Cannes. Or, cette ligne, dans les sections La Ciotat - Toulon et Saint-Raphaël - Nice, longe, comme on le sait, le littoral et est exposée, dès les premières heures de la mobilisation, à voir une partie de ses ouvrages d'art détruits par la flotte italienne, sans que notre escadre de la Méditerranée puisse, en raison de son infériorité numérique, s'opposer à cette destruction éventuelle. Dans ces conditions, la concentration d,e l'armée française, appelée à opérer dans les Alpes maritimes, deviendrait impossible et le sort de Nice, sé- parée du reste de la France, se trouverait gravement compromis dès le début des hostilités.
Si le premier tronçon, La Ciotat - Toulon, peut, à la rigueur, être doublé par la ligne à une voie Marseille - Gardanne - Car- noules, à écartement normal, qui pénètre dans l'intérieur des ter- 'res, il n'en est pas de même du second, Saint-Raphaël -Nice, dont l'emploi demeurait, jiisqu'ici, imposé aux transports à destination ou en provenance de notre grand camp retranché du Sud-Est.
Depuis longtemps, il est vrai, il existe une voie d'évitement qui, par Draguignan, Grasse et Colomars, permettrait d'attein- dre Nice, à l'abri des surprises et d'une agression par mer. Malheureusement, les conditions dans lesquelles son tracé avait été profilé et sa superstructure établie, avaient empêché, jus- qu'à ces derniers temps, de l'admettre comme utilisable straté- giquement. La section dont il s'agit appartient, en effet, au
DES CHEMINS DE FER 141
On a commeucé, en 1891, la construction d'une ligne
raihvay Meyrargues - Nice, lequel est à voie étroite et, par suite,, impraticable au matériel du P.-L.-M. D'autre part, sa construc- tion, sur un terrain extrêmement accidenté et présentant des différences de niveau considérables, a nécessité une multiplicité de travaux d'art, de rampes et de courbes, très pittoresques sans doute, mais peu compatibles avec les vitesses et charges que réclament les trains militaires. Transformer cette ligne en voie stratégique paraissait donc, au premier abord, une tâche impos- sible. Cependant, en prévision des conséquences incalculable» que cette transformation pouvait offrir, au point de vue de la défense nationale, l'état-major de l'armée n'a pas reculé de- vant les difficultés d'une tentative qui — ■ la suite l'a démon- tré — devait être couronnée d'une complète réussite. A ce titre, l'essai en question, le premier -peut-être de ce genre, mérite une mention spéciale, car, en créant un précédent, il prouve que les; chemins de fer d'intérêt local ne doivent plus désormais être con- sidérés comme une quantité négligeable en temps de guerre.
Avant toute chose, il fallait rendre la voie étroite accessible au matériel à gabarit normal ; ce premier résultat a été obtenu par la pose d'un troisième rail tout le long de la ligne Nice - Dragui- guan. Restait à déterminer si son écartement était partout ré- gulier, sa sécurité absolue ; si les trains d'un certain tonnage, remorqués à la vitesse des trains militaires, pourraient, sans, danger, parcourir les courbes et les rampes ; à rechercher com- ment se comporterait la voie et ses ouvrages d'art, quelle serait la flexion des viaducs, etc., etc.; il fallait s'assurer aussi que manœuvres, garages, alimentation des machines, etc., étaient prévus et en état de fonctionner régulièrement dans les gares de raccord et autres.
Ces expériences, qui ont duré trois jours (du 5 au 7 juillet 1900), ont donné, paraît-il, les résultats les plus satisfaisants : ie 5, de Nice à Grasse, et le 6 de Grasse à Draguignan, épreuves; de marche et de poids, ainsi que de résistance des ouvrages, avec une machine et 6 wagons du P.-L.-M., sous la direction des ingénieurs du contrôle; le 7, épreuves générales et définitives, de Draguignan à Nice, en présence du lieutenant^colonel Belz, chef du 4^ bureau à l'état-major de l'armée.
Les unes et les autres ont démontré que la ligne à voie étroite du Sud peut désormais être pratiquée, en toute sécurité, par le matériel à gabarit normal et qu'elle remplit les conditions indispensables à son utilisation stratégique. Elle est donc, à ce titré, reçue et classée par le 4*^ bureau, auquel elle rendra d'ap- préciables services. La frontière du Sud-Est se trouvera ainsi dotée d'un nouvel et précieux élément de défensive et d'offensive, surtout lorsque le réseau des chemins de fer du Sud, ayant été complété par la section Saint-André - Puget-Tliéniers - Nice, se- trouvera mis en communication directe avec Dijon, Grenoble et le grand commandement de Lyon, âme et direction suprême de la défense du Sud-Est, comme elle l'est déjà, par Grasse, Drajgui-
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stratégique de la plus haute importance, qui réunit di-
gnan et le réseau P.-L.-M., avec Marseille (15^ corps), Mont- pellier (16^), Toulouse (17^), et Bordeaux (18*).
L'utilisation, en cas de guerre, de la ligne Nice-Grenoble-Lyon demeure toutefois subordonnée à la transformation préalable do la section Colomars - Digne, qui, après l'aclièvement du tronçon Saint-André - Puget-Thén'ers, sera à voie étroite sur tout son parcours. Mais cette transformation, dont le principe paraît admis, n'est plus aujourd'hui qu'une question de temps. En effet, à la suite du fléchissement du viaduc d'Agay, situé à égale distance entre Saint-Raphaël et Cannes, le conseil général des Alpes-Maritimes a appelé l'attention du Gouvernement sur l'uti- lité, au point de vue stratégique et commercial, de donner à la ligne Nice -Digne l'écartement normal.
Le conseil municipal de Nice a demandé que l'avenir fût ré- servé, c'est-à-dire qu'un troisième rail pût être posé jusqu'à Digne et que le gabarit du tunnel de la Colle-Saint-Michel (*) fût tel que les trains du P.-L.-M. pussent le franchir sans dan- ger d'asphyxie pour le personnel et les voyageurs. En réponse à ces desiderata, le Ministre des Travaux publics a adressé à M. Raiberti, député des Alpes-Maritimes, une lettre dont nous extrayons le passage suivant :
« C'est au prix de sacrifices considérables et en perdant une partie de ceux qui ont déjà été faits pour construire les lignes, qu'il serait donné satisfaction aux vœux formulés. Il est évident que l'Etat ne pourrait faire face à de pareilles dépenses, sans ajourner, pour de longues années, les travaux projetés dans la région et sans ralentir ceux de la section Saint-André - Puget - Théniers.
» D'ailleurs, sur les parties comprises entre Draguignan et Nice, d'une part, Nice et Puget-Théniers, de l'autre, les travaux ont été menés de manière à permettre la pose d'un troisième rail, et éventuellement, le passage de véhicules à voie large. Les piojets dresses pour l'établissement de la section Puget-Thé- niers - Saint-André, notamment celui du tunnel de la Colle - Saint-Michel, réservent aussi la possibilité d'établir un troisième rail. Le gabarit du tunnel en question a été établi dans cette hypothèse.
» Sur la section Digne - Saint-André, la pose du tro'sième rail ne présentera pas de difficulté sérieuse. »
Ajoutons, pour terminer, que la construction du chemin de fer projeté Bargemon - Castellane - Saint-André, eu complétant le réseau ferré qui entoure le triangle compris entre le Verdon et la Durance et dont Meyrargues forme le sommet cccidental, viendra renforcer cet immense camp retranché naturel dont Cé- Bar avait tant apprécié la situation et les avantages exception- nels, et en fera une base d'opérations formidable, une impre- nable citadelle, un gage de puissance militaire infrangible de ce
(*) Ce tunnel, qui se trouve entre Saint-André et Pugct-Tliénicis. est en •constriiolion depuis i hisieurs années.
DES CHEMINS DE FER 143
rectement Paris à lleims. (Cette ligne est en service depirs 1895.) (\ote du Traducteur )
côté de If frontière, et de victoire au jour du danger etde l'action.
Outre les trois lignes de transport dont nous venons de parler, on peut en tracer cinq autres qui aboutissent dans la région limi- tée, à l'ouest, par les points de Bellegarde, Aix-les-Bains et Mon- mélian et, à l'est, par la frontière franco-italienne. Ces voies fer- rées, qui traversent la France du nord-ouest au sud-est et sont indépendantes l'une de l'autre dans toute leur étendue (*), per- mettraient, dans le cas d'une guerre localisée entre la France et l'Italie, de débarquer, sur un front de 70 à 80 kilomètres, dans un délai relativement court, savoir : entre Bellegarde et Genève, les 2« et 3« corps; entre Annemasse et la Roche-sur-Foron, les 4» et 5°; entre Annecy et Albertville, les 8« et 9^; aux environs de Saint-Pierre, les 10« et 11«; enfin, près de Montmélian, les 12« et 13^. On peut admettre, sans être taxé d'exagération, que, le 8" jour à partir du commencement des transports, ces troupes seront doublées par un nombre égal de corps d'armée de réserve, ce qui donnerait, à ce moment, un rassemblement de vingt corps. Dans le même temps, on aurait réuni aux environs de Nice huit corps d'armée.
Quant au 14« corps, renforcé de sa réserve et d'une partie des troupes alpines, il serait groupé dans l'intervalle compris entre les zones de concentration des deux masses principales aux- quelles il servirait de trait d'union.
Le réseau stratégique dont il vient d'être parlé se prête aux combinaisons les plus vai'iées, grâce aux transversales dont il dispose; telles sont les lignes : Dijon - Màcon - Lyon, rive droite du Rhône ; Mouchard - Bourg - Lyon, rive gauche du Rhône ; Bellegarde - Culoz - Chambéry - Montmélian - Grenoble - Pertuis- Marseille. Enfin, il est complété par une 9« ligne de transport, qui, partant de Renues, passe par Nantes, Poitiers, Limoges, Brive, Aurillac, le Puy et se termine à Briançon. Ces quatre ar- tères permettraient, soit avant, soit immédiatement après l'ou- verture des hostilités, de reporter dans la région Niée -Embrun le centre de gravité du rassemblement des forces françaises et d'y concentrer, eu plus des troupes énumérées précédemment (lo®, 15« his, 16«, 16^ his, 17«, 17« Ils, 18« et 18<= hls corps), douze autres corps venus de l'Ouest et du Centre de la France, c'est-à-dire, les 10-% 11% 12®, 13«, 8® et 9®, accompagne.s de leiuR formations de réserve, ce qui donnerait un ens?mblc de vingt corps d'armée, pour le groupe d'armées de l'extrême frontière sud-est. Cette concentration se ferait avec autant d'aisance et de facilité que la première, si l'on construisait un railway de Voix à Castaniers par Castellane eb surtout si la ligne à voie étroite Voulte-sur- Loire - Yssingeaux - Voulte-sur-Rhône était aménagée en vue des transports stratégiques, comme vient de l'être la voie Meyrar- gues - Nice sur la section Draguignan - Nice. (Xote du tradur- tcur.)
(*) Voir le crcquis de la pace 1^4.
144 HISTOIRE ET ORGAXISATIOX
En 1883, a été mise en service toute une série de voies ferrées dont l'établissement était, avant tout, motivé par des raisons d'ordre stratégique.
Lignes de transport vers la frontière du Sud-Est.
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Nord. — Par suite de l'aclièvement de la section Laon - Liart, le 2® corps d'armée (quartier général Amiens) possède une communication indépendante avec la transversale Hirson - Amagne - Saint-Dizier; le
IJES CHEMINS DE FEE l45
prolongement, à l'étude, Liait - Tournes, près de Mé- zières, mettra ce corps en relation directe avec la fron- tière de la Meuse.
Sur le même réseau, le tronçon Séclin - Templeuve est appelé à jouer un rôle important dans la défense du camp retranché de Lille.
Ouest. — La ligne Carantan - La Haye-du-Puits, pro- longement de celle de La Haye-du-Puits - Carteret, ser- vira à la défense de Cherbourg et de la presqu'île du Cotentin.
P.-L.-M. — La compagnie du P.-L.-M. a mis en ser- vice :
La section Albertville - Moutiers, qui doit concourir puissamment à la défense des Alpes;
La section Clamecy - Cosne prolongée par la compa- gnie d'Orléans jusqu'à Bourges. Grâce à cette dernière, les grands ports de guerre de l'océan Atlantique sont, par Auxerre et ïroyes, reliés, en ligne droite, avec Toul et Yerdun, au moyen d'une ligne à double voie.
En outre, dans le but de rendre cette grande artère complètement indépendante, on a substitué au tracé brisé Auxerre - La Roche - Saint-Floreiitin le trajet rectiligne Auxerre - Saint-Florentin. L'ouverture dea tronçons Saint-Florent - Issoudun et Limoges - Uzer- che - Brive prolonge, vers l'intérieur, la grande ligne Bourges - Toul - Yerdun, jusqu'à Montauban. Le 17^ corps dispose ainsi d'une ligne à double voie jusqu'à la Meuse. Enfin, la construction de la portion Mauriac - Tendes donne à ce corps d'armée une deuxième ligne de transport — à une seule voie, il est vrai — par Cap- denac, Eygurande et Montluçon ; la mobilisation du 13* corps se trouve donc allégée d'autant.
On peut également considérer comme une importante contribution aux intérêts stratégiques de la Corse la
Organ cliem. de fer. tO
146 HISTOIRE ET ORGANISATION
soudure, entre Corte et Vizzavona, des deux tronçons à voie étroite de cette île et la mise en communication de Bastia avec Ajaccio.
Désormais, le 18® corps dispose, pour lui tout seul, du cliemin de fer Bordeaux - Orléans, attendu que le rac- cordement construit entre Montoire et Châteaurenard, pour souder la section à double voie Sarge - Tours du réseau de l'Etat, relie maintenant le 9^ corps (Tours) avec la grande , Ceinture par une ligne indépendante qui passe par Courtalain et Chartres.
Au dire du journal le Temps, grâce à ces dernières créations, on a réalisé le projet qui consistait à doter chaque corps d'armée d'une ligne de transport à double voie.
Quant aux autres sections récemment ouvertes : Yer- neuil - Maries (Est), Fougères - Vire, Avranches - Domfront, Guingamp - Carhaix et Auneau - Etampes (Ouest); enfin, Casteljaloux - Roquefort et Condom - Riscle (Midi), elles n'ont pas d'autre but que de per- mettre aux réservistes et aux territoriaux de rejoindre plus rapidement.
Presque vers la même époque, c'est-à-dire en 1893, la Chambre des députés approuvait un projet de chemin de fer qui, malgré son peu de longueur, devait exercer une influence considérable sur les transports en temps de guerre. L'état-major français insista vivement pour que les travaux de cette ligne de 8 kilomètres, située dans les environs de Troyes, fussent poussés avec la plus grande activité. Elle a pour but de rendre indé- pendantes les unes des autres les différentes voies qui se croisent en ce point, afin que les trains militaires puis- sent le franchir avec aisance et sans manœuvres de gare. De tout le réseau ferré qui s'étend à l'est de Paris, la gare de Troyes est la plus importante au point de
DES CHEMINS DE FER 147
vue des transports de troupes. Là, en eiïet, se réunissent quatre grandes artères :
1° Paris - Belfort;
2° Orléans - Montargis - Sens - Cliâlons;
3° Bourges - Sancerre - Auxerre - Sorcy - Toul;
4° Cliâtillon-sur-Seine - Gray.
Dans ces conditions, il s'agissait d'adopter une com- binaison, permettant de passer directement d'une ligne à l'autre, sans troubler la circulation sur aucune d'entre elles. C'est pour obtenir cette communication immédiate entre deux lignes quelconques, prises deux à deux, qu'on a dû quadrupler les "voies sur le parcours Troyes - Saint-Julien.
Telles seraient, en réalité, les lignes stratégiques les plus importantes dont l'acbèvement a marqué les der- niers perfectionnements apportés au réseau français déjà si développé par lui-même (1).
(1) Depuis l'époque où ces lignes out été écrites, le réseau français a encore reçu de nombreuses améliorations dont les principales sont :
1° Le quadruplement de la grand© ligne Vitry - Lérouville, dont les travaux ont été achevés en 1905; pourvue, comme l'an- cienne, de nombreux quais de débarquement, la double voie ré- cemment posée constitue une nouvelle ligne stratégique, indé- pendante de la première, à laquelle elle ne le cède en rien, comme valeur et capacité de rendement ;
2° Le raccord Corbeil - Montereau, qui permet de faire pas- ser les trains partant de la gare d'Orléans sur les réseaux du P.-L.-M. et de l'Est, sans emprunter la Grande Ceinture;
3° La ligne Toul - Pont-Saint-Vincent, à double voie, qui com- plète la ceinture ferrée entourant de toutes parts le plateau de Haye ;
4° Le doublement de la ligne Longuyon - Pagny-sur-Moselle, nouvelle transversale mise à la disposition des armées françaises en cas d'offensive conti-e l'Allemagne ;
5° La section Bruyères - Gerbéviller, par Rambervillers ; A signaler également les constructions projetées ci-après :
1° La ligne Gray-Jussey, destinée à établir une communica- tion directe entre Clialon-sur-Saône et Epinal ;
2° Le prolongement de la section Montbozon - Lure jusqu'à Rupt-sur-Moselle, qui permettra de pousser par voie de fer jus-
148 HISTOIRE ET ORGANISATION
Il convient d'ajouter que la France jouit de cette situation éminemment avantageuse de n'avoir à se préoccuper sérieusement que d'un seul front straté- gique, celui de sa frontière de l'Est. Grâce à cette parti- cularité, il lui est loisible de répartir ses unités du pied
que sur la haute Moselle, les têtes de colonnes des corps d'armée du Sud;
3° La section Pont-Saint-Vinceut - Charmes (station entre Epi- nal et Bayon). En utilisant ce raccord, on pourra reporter, sur la rive gaufhe de la Moselle, les points de débarquement de la ligne 13 (voir le croquis, pages 172 et 173), qui, actuellement, doivent s'eflFectuer sur la rive droite de cette rivière, entre Bayon et Jarville, c'est-à-dire dans une région exposée aux incursions de la cavalerie allemande.
4° Le chemin de fer Dijon - Genève par Saint-Jean-de-Lcsne, Chaussin, Lons-le-Saunier, Saiut-Claude, la Faucille et Gex.
Conçu tout d'abord pour répondre aux nouvelles nécessités commerciales que doit créer le percement du Simplon, ce projet aura en même temps des conséquences stratégiques sur l'impor- tance desquelles il est à peiuc besoin d'insister. Toutefois, comme ou a contesté la valeur des résultats économiques que l'ouverture de cette grande voie internationale du Simplon devait procurer à la France, il nous a paru utile et même intéressant de citer, à ce propos, i'opinioti émise par M. Gaston Rouvier, parce qu'elle constitue un argument des plus sérieux en faveur de la construc- tion de la ligne Dijon - Genève, sur l'opportunité de laquelle la plus grande indécision semble avoir régné jusqu'à ce jour.
« Ici, dit le célèbre économiste, des avis foncièrement contra- dictoires ont été avancés et défendus. Des économistes et des statisticiens, les uns ont affirmé que cette voie serait fructueuse par elle-même et favorable aux intérêts français ; les autres, avec une ardeur incomparable, ont prétendu qu'elle ne saurait se créer qu'un domaine restreint, aux dépens du Saint-Gothard et surtout du Mont-Cenis. Et les uns et les autres étaient armés de formidables statistiques. Adopterons-nous une opinion moyenne ? Voici ce qu'écrivait M. Simonin, un ennemi, cependant, du Sim- plon :
« La France ne profiterait de ce chemin que pour son transit » du Nord et du Nord-Est, sur une bande de pays enserrée entre » Dunkerque et Le Havre et convergeant vers le Jura et Ge- » nève. Les voyageurs et les marchandises suivraient cette voie ». pour aller en Italie et, outre les deux ports déjà cités. Calais, » Boulogne, Dieppe, Rouen profiteront de la nouvelle voie. »
» Mais de tels avantages ne nous paraissent point si méprisa- bles ! S'ils ne suffisent peut-être point pour que la France cons- truisit elle-même le tunnel, du moins peuvent-ils nous faire voir, avec plaisir, des voisins le construisant à leurs frais, à une
UES CHEMINS DE FER 149
de paix de façon à rappioclier le centre de gravité de ses forces le plus près possible de la frontière menacée. Si, au moyen d'une ligne droite, tracée du Havre à Nî- mes, on partage la France en deux parties sensible- ment équivalentes, on constate qu'aucun des corps sta- tionnés dans la moitié orientale ne se trouve à plus de
condition, toutefois, c'est que les communications entre Paris et le Léman soient améliorées et rendues plus directes, plus ra- pides. Diverses solutions ont été proposées :
» Percement, par un tunnel, du col de la Faucille, dans le Jura, par ovi passait l'ancienne route de Paris à Genève;
» Construction d'une nouvelle ligne, au sud du lac Léman, en territoire français, etc.
» Toutes ces solutions sont bonnes. Il importe seulement qu'on en choisisse une. Que les intérêts locaux s'accordent comme ils le pourront! Mais l'intérêt français exige que, le jour de l'inau- guration du tunnel du Simplon, la vallée de la Saône et la vallée du Rhône valaisan soient liées par un rail le plus court pos- sible. »
Du reste, nous ne serons pas les seuls à retirer des avantages de la création de cette nouvelle voie internationale. Les Ita- liens, eux aussi, paraissent en avoir compris toute la portée, au point de vue de la facilité des transactions et de la rapidité des relations internationales. Au mois d'octobre 1901, il s'est formé, à Milan et à Brindisi, un comité pour étudier le tracé d'une ligne qui franchirait le Jura sous la Faucille, et diminuerait de 137 kilomètres la longueur actuelle du trajet de Londres à Brin- disi, en passant par Paris et Dijon.
En résumé, le chemin de fer qui doit relier, par une ligne droite, Dijon avec Genève offrira l'avantage de détourner, à notre profit et au détriment du Saint-Gothard, une partie du trafic européen que la percée du Simplon ne peut manquer d'at- tirer sur ce point et qui s'établira tout naturellement entre la Hollande, l'Allemagne occidentale et la Haute-Italie. En cas de guerre, elle constituera, en outre, une artère stratégique à grand rendement, dans la partie de son trajet située sur notre territoire. Or, les travaux du tunnel du Simplon devant, selon les prévisions établies, être achevési en 1905, il importe au plus haut point que la ligne en question soit construite avant cette date. On peut donc d'ores et déjà, sinon considérer comme ac- quis, du moins envisager avec certitude les avantages militaires que cette nouvelle voie est susceptible de procurer éventuelle- ment à la défense nationale en établissant une communication directe et indépendante entre nos grands camps retranchés de l'Est et du Sud-Est. (Note du traducteur.)
150 HISTOIRE ET ORGANISATION
vingt heures de chemin de fer, de son point de débarque- ment.
Les lignes ferrées sont, pour la plupart, à double voie et les quais de débarquement ne sont pas éloignés de plus de 80 kilom. de la frontière.
Les efforts accomplis par nos voisins de l'Ouest pour tirer parti des enseignements de la dernière guerre res- sortent du décret signé le 5 février 1889 (1) par le Pré- sident de la République. Ce décret, portant application de la loi du 28 décembre 1888 sur le service des chemins de fer en temps de guerre, contient les dispositions rela- tives :
A la composition et aux attributions de la comviis- sion Tnilitaire stqoérieure des chemins de fer;
A l'organisation du service Tnilitaire des chemins de fer;
A la création des sections de chemins de fer de cam- pagne (anciennement sections techniques d'ouvriers de chemins de fer).
Aux termes du décret précité, le service des chemins de fer est dirigé par l'état-major de l'armée, sous la surveillance du ministre de la Guerre.
La commission militaire supérieure des chemins de fer délibère et donne son avis sur toutes les questions qui lui sont soumises par le ministre de la Guerre et notamment sur celles qui concernent la préparation des transports stratégiques, la superstructure des voies, le matériel roulant, l'examen des projets de lignes nou- velles, l'instruction et le mode d'emploi des troupes de chemins de fer, les relations avec les compagnies, etc.
Un bureau (le 4^) de l'état-major de l'armée est chargé de diriger le service dont l'exécution, pour chacun des
(1) Modifié par le décret du 18 novembre 1898. (N. du T.)
DES CHEMINS DE FER 151
sept grands réseaux, y compris celui de l'Etat, est con- fiée à une coimnissio7i de réseau composée de deux mem- bres : le représentant de l'administration du chemin de fer (commissaire technique), un officier supérieur (com- missaire militaire). En temps de paix, la commission de réseau a dans ses attributions la reconnaissance des lignes, au point de vue du personnel et du matériel, la préparation des transports et l'établissement des docu- ments y relatifs, la vérification de l'état des lignes, du matériel roulant, des voies d'évitement, des appareils d'embarquement, de structure de la voie.
En temps de guerre, la commission militaire supé- rieure prend en mains le service complet de tous les réseaux placés sous l'autorité du ministre. L'exécutioa des transports et des ravitaillements est assurée :
1° Par les comnnissions de réseau, sur les lignes ex- ploitées par les compagnies nationales;
2° Par des commissions de chemins de fer de cam- pagne, qui ont sous leurs ordres des sections de chemins de fer de campagne, recrutées dans le personnel des compagnies, et par des troupes de sapeurs de chemins de fer.
Il existe, dans les sections de chemins de fer, un per- sonnel technique d'exploitation et, dans les troupes de sapeurs de chemins de fer, un personnel technique de construction.
L'article 1" du décret du 5 février 1889 s'exprime ainsi :
0 Les sections de chemins de fer de campagne sont des corps militaires organisés en tout temps et chargés, en temps de guerre, concurremment avec les troupes de sapeurs de chemins de fer, de la construction, de la répa- ration et de l'exploitation des voies ferrées dont le ser- vice n'est pas assuré par les compagnies nationales. »
1^2 HISTOIRE ET ORGANISATION
On peut conclure de là, sans crainte de se tromper, que les sections de chemins de fer de campagne ne sont appelées à fonctionner que sur les lignes situées dans la zone des armées. Leur personnel est recruté parmi les fonctionnaires et agents des six grandes compagnies et du réseau de l'Etat. Il se répartit en neuf sections qui sont formées de la façon suivante :
1" et 2* sections... Compagnie P.-L.-M.
3'' section — Paris-Orléans.
4' — — de l'Ouest.
5' — — du Nord.
«•^ — — de l'Est.
7- — — du Midi.
^^ — — de l'Est, de l'Ouest et
du Nord,
y' — Chemins de fer de l'Etat.
Chaque section comprend un chef de section, com- mandant, et 1.272 employés et ouvriers. L'efïectif total des neuf sections est de 9 chefs de section et 11.448 hommes. Le chef de section exerce, à l'égard du per- sonnel, les fonctions de chef de corps; il en a toutes les attributions. Les sections sont soumises, en temps de paix, à des inspections, appels, revues, périodes d'exer- cices, ordonnés par le ministre de la Guerre ; au cours de ces convocations, elles doivent se familiariser avec les règlements et instructions qui ont trait à la mobilisa- tion.
Un décret présidentiel du 10 octobre 1889 (1) ren- ferme des prescriptions détaillées sur la réorganisation des services de l'arrière, qui se divisent en deux bran- ches distinctes : le service des chemins de fer et le ser-
(1) Abrogé et remplacé par le décret du 11 février 1900. {Note du traducteur.)
DES CHEMINS DE FER 153
vice des étaj)es. Chacun d'eux a à sa tête un directeur placé sous l'autorité commune du commandant en chef.
En outre, le décret du 18 novembre de la même an- née (1), relatif aux transports stratégiques, et le règle- ment ministériel sur le service des étapes du 20 novem- bre suivant (2) ont fait subir au service des chemins de fer en temps de guerre une réorganisation radicale qui mérite d'être signalée.
Enfin, cette même année, a été créé (3) le régiment des chonins de fer (5® régiment du génie). Il comprend 3 bataillons à 4 compagnies et son effectif de paix est de 63 officiers, 2.035 hommes et 95 chevaux (4).
(1) Abrogé et remplacé par le décret du 21 février 1900. (Note du traducteur.)
(2) Remplacé par l'instruction du 25 avril 1900. (N. du T.)
(3) Loi du 11 juillet 1889 (B. 0., p. r., 2« sem., n° 59.)
(4) En conformité d'un arrangement conclu sur les bases de la convention du 18 novembre, entre les compagnies de chemin de fer et l'Administration des chemins de fer de l'Etat, le règle- ment du 28 novembre (B. 0., p. r., n° 53), relatif au recrutement, à l'instruction technique et à la constitution du régiment de sa- peurs de chemins de fer, a arrêté les dispositions ci-après :
Chaque année, le ministre de la Guerre affecte audit régiment un certain nombre de jeunes gens qui, avant leur incorporation, ont été employés par les compagnies de chemins de fer. Cette désignation est faite en vue du dressage au service des chemins de fer des autres soldats du contingent. Le nombre des affecta- tions est de 192, dont 2/3 pour la construction et l'entretien de la voie et 1/6 pour la traction et l'exploitation.
Le 5® régiment du génie dessert la ligne Chartres - Orléans pour le compte de l'Administration du réseau de l'Etat. Des compagnies de ce régiment peuvent être mises à la disposition des compagnies de chemins de fer pour l'exécution de certains tra- vaux de réparation et de construction.
Le régiment dispose, pour son recrutement, de trois sources différentes :
Une partie des hommes provient des jeunes soldats appelés, qui, avant leur incorporation, étaient employés des chemins de fer; une deuxième partie comprend des hommes envoyés au ré- giment par chacune des six grandes compagnies et prélevés sur le personnel de l'exploitation; enfin, le reste se compose de sol- dats des régiments d'infanterie qui, après une année de pré- sence au corps, sont envoyés au 5^ régiment du génie pour y être dressés en vue du service militaire des chemins de fer. Il va sans
154 HISTOIRE ET ORGANISATION
En ce qui concerne les transports militaires, le règle- ment français distingue les transports ordinaires et les transports stratégiques; ceux-ci se subdivisent, à leur tour, en transports exécutés dans la zone de Vintérieur et en transports exécutés dans la zone des armées; les uns s'effectuent sur les lignes demeurées à la disposition du ministre, les autres sur les lignes attribuées au com- mandant en chef du groupe d'armées (1).
dire que ces derniers sont choisis de préférence parmi les hommes exerçant des professions utilisables dans ce service, tels que : ouvriers en fer, chauffeurs de bateaux à vapeur, etc.
Recrutés parmi les fonctionnaires des grandes compagnies, les officiers de réserve sont astreints à une période d'exercices tous les deux ans, jusqu'à l'expiration légale de leurs obligations mili- taires.
Les expériences auxquelles ont été soumises les troupes de chemin de fer, au cours des grandes manœuvres, prouvent qu'el- les sont aptes, le cas échéant, à rendre avec promptitude d'ex- cellents services.
(1) Outre le régiment de chemins de fer, les unités françaises correspondant aux troupes de communication allemandes com- prennent :
a) Un bataillon de télégraphistes à 6 compagnies portant le n" 24, créé par la loi du 24 juillet 1900 et rattaché au 5» régiment du génie.
Ce bataillon, qui constitue en temps de paix l'école perma- nente de télégraphie militaire, est chargé, en temps de guerre, d'assurer le service télégraphique de première ligne et celui des places fortes, forts détachés et établissements militaires.
Les conducteurs et attelages nécessaires lui sont fournis par la compagnie de sapeurs-conducteurs du 5^ régiment ; l'effectif a été augmenté de 30 hommes et 40 chevaux de trait.
Le service de deuxième ligne est assuré par des sections techni- ques de télégraphie, composées exclusivement de fonctionnaires et agents de l'Administration des Postes et Télégraphes, volon- taires ou assujettis, de par leur âge, aux obligations du service militaire. Leur organisation a été réglée par décret, après en- tente entre le ministre de la Guerre et le ministre du Commerco, de l'Industrie, des Postes et Télégraphes.
Enfin, la loi du 24 juillet 1900 met à la disposition du comman- dant en chef des armées, ou du commandant d'une armée opé- rant isolément, le personnel civil de l'Administration des Postes et Télégraphes, en résidence dans la zone des opérations.
Par arrêté ministériel du 31 août 1900, rendu en exécution de la loi précitée, le bataillon de télégraphistes a été formé provi- soirement à 3 compagnies, à dater du l*""" novembre de la mémo
DES CHEMINS DE FER 155
En France, un intervalle d'au moins dix minutes est prescrit entre deux trains consécutifs; par suite, l'in- tervalle entre deux trains est évalué, non pas par une distance métrique, mais par une durée niinima de dix minutes. La vitesse moyenne est fixée à 25 ou 30 kilo- mètres à l'heure et le nombre des voitures d'un train militaire à 50. Au dire des spécialistes français, le ren- dement journalier d'une ligne à double voie est estimé à 40 et même 50 trains, et celui d'une ligne à voie uni- que à 18 ou 20.
année. Pour une première organisation, on a incorporé dans ces unités :
1° Le personnel en hommes de troupe devenu disponible par suite do la suppression de l'Ecole de télégraphie militaire du Mont-Valérien ;
2° Un certain nombre de gradés provenant des groupes de té- légraphistes de forteresse de France, d'Algérie et de Tunisie;
3° Des gradés et sapeurs, prélevés sur les régiments du génie.
Comme recrutement normal, le bataillon reçoit, annuellement, un contingent de jeunes soldats composé, en partie d'employés de l'administration des télégraphes, en partie d'hommes désignés par les commandants de bureaux de recrutement.
Les élèves télégraphistes destinés au service des places fortes de France sont, au moment de l'appel des classes, affectés au ba- taillon de télégraphistes, en sus de son effectif normal. Leur instruction terminée, ils sont répartis entre les groupes de télé- graphistes de forteresse et versés dans les compagnies du génie détachées dans la région du corps d'armée de leur résidence.
Quant au personnel de complément (officiers et hommes de la réserve de l'armée active), il sera prélevé sur les réservistes provenant du bataillon ou d'autres armes; en cas d'insuffisance de ces ressources, il sera fourni par le personnel de l'adminis- tration des Postes et Télégraphes, dans les limites et conditions arrêtées entre les ministres de la Guerre et du Commerce.
h) TJn bataillon d'aérostiers à 4 compagnies (n° 25), créé par la loi du 9 décembre 1900 et rattaché au 1'"' régiment du génie.
Pour une première formation, ce bataillon a été constitué à l'aide des compagnies de sapeurs-mineurs, précédemment affec- tées au service de l' aérostation, lesquelles ont été remplacées dans leurs anciens corps par un nombre équivalent d'unités de création nouvelle.
Le tableau suivant, qui résume la composition sur le pied de paix des troupes de communication en France, permet, par un simple rapprochement avec celui du chapitre précédent, de saisir
158 HISTOIRE ET ORGANISATION
Les points les plus importants des lignes stratégiques «ont :
1" Les grands magasins (grossen Dépôts) pour la réu- nion du personnel, du matériel de guerre et du matériel roulant;
2° Les gares de rassevihlement (V ersavnnJungsbah n- Tiôfe), autrefois appelées gares point de départ d'éta- pes, qui sont utilisées aussi comme points de répartition des malades, lors, des transports d'évacuation;
les différences qui existent, sur ce point, entre notre organisation et celle de l'armée allemande.
TROUPES
De chemins de fer ,
De télégraphie
D'aérostation ,
Totaux
( France
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Ditlérences en faveur de l'Alle- magne
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Observations. — a) Eu cas de mobilisalion, ce cliillre pourra être jiorlé à 6.000 hommes environ, alors que j'elleelif total des troupes similaires alle- mandes atteindra 12.000 hommes.
h) Dont 8 de chemins de fer, 3 de télf-graphistes, l d'aérosliers.
Pour compenser l'infériorité manifeste où nous nous trouvons vis-à-vis de l'Allemagne, il y aurait lieu, au fur et à mesure que les ressources du recrutement le permettront, de créer, au mo- ment de la mobilisation, à côté de chacune de nos unités du pied ■de paix, une unité de réserve similaire, formée avec les réservis- tes en excédent, comme cela se pratique, du reste, dans les régi- ments d'infanterie et d'artillerie. Par ce moyen, lorsque les dis- positions législatiA^es que nous venons de résumer auront produit leur plein effet, nous obtiendrons, en temps de guerre, Tin total de 11 bataillons, correspondant, à peu de chose près, à l'effectif des troupes de communication allemandes. {Noir du traducteur.)
DES CHEMINS DE FER 157
3° Les stations de transition (Uhergangstationen);
4° Les stations-magasins (Gûtersdepots);
5° Les statioîis têtes d'étapes de guerre ( Etaippenhaup- torte) situées dans le voisinage des armées, au point ter- minus de chaque ligne;
6° Les stations halte-repas (V erpûegxingsstatio- nen) (1).
Non contents de faciliter les opérations de la concen-
(1) En 1900, la législation concernant l'organisation et le fonc- tionnement du service militaire des chemins de fer eu temps de guerre a subi une refonte presque complète. Elle a pour baso aujourd'hui les décrets des 11 et 21 février 1900, qui ont abrogé respectivement ceux des 10 octobre et 19 novembre 1889.
Dans le premier de ces documents, portant organisation géné- rale des services de l'arrière, on s'est proposé de définir plus net- tement l'action du Directeur général des chemins de fer et des étapes et des Directeurs des étapes, en ce qui concerne le com- mandement territorial; en second lieu, de préciser, en les sim- plifiant, les règles admises jusqu'ici pour assurer les relations entre le service des chemins de fer et le service des étapes, et, par suite, de rendre plus facile l'exécution des ravitaillements et des évacuations, tout en maintenant, cependant, la centralisa- tion du service des chemins de fer sous une seule autorité, sur un même théâtre d'opérations.
Il fallait, à cet effet, prévoir, aussi longtemps que possible, l'utilisation des voies ferrées, afin d'établir le contact direct avec les corps d'armée et donner, en conséquence, au service des chemins de fer l'initiative et la souplesse voulues pour satisfaire, dans des conditions chaque jour variables, les demandes de transports adressées par le service des étapes.
Cest pour atteindre ce but que le décret du 11 février pres- crit la constitution d'un nouvel organe du service des chemins de fer, appelé Commission régulatrice, sur chaque ligne de commu- nication de la zone rapprochée des armées, où l'exploitation normale des voies ferrées ne pourra plus être appliquée et devra faire place à une exploitation pour ainsi dire de fortune.
Cette commission dont le siège, dénommé Gare régulatrice, sera déplacé de temps à autre, en fonction de la marche des ar- mées, a pour mission d'assurer toutes les relations avec la ou les armées desservies par la ligne de communication correspondante. Assimilée, comme composition et attributions, à une sous-com- viission de réseau, elle aura toute initiative et l'autorité néces- saire pour préparer, ordonner et assurer, dans une zone déter- minée et jusqu'à concurrence des moyens mis à sa disposition par le Directeur des chemins de fer, la mise en marche des trains
158 HISTOIRE ET ORGANISATION
tration à l'aide de nombreuses voies stratégiques, nos voisins ont voulu leur procurer une sécurité absolue par
créés, eu quelque sorte, au jour le jour, en vue de donner satis- faction aux besoins des armées.
Désormais, entre la station-magasin et la gare régulatrice, ou inversement, les expéditions se feront :
1° Par des trains réguliers;
2° Par des trains facultatifs mis à la disposition exclusive de la commission régulatrice;
3° S'il est nécessaire, par des trains com.plémentairea : facul- tatifs ou spéciaux.
Le mouvement des uns et des autres est préparé par les com- missions de réseau ou de chemins de fer de campagne et approuvé par le Directeur des chemins de fer ou le Ministre, quand la station-magasin est située sur le réseau de l'intérieur.
Aucun train facultatif ou spécial n'est envoyé de la station- magasin sur la gare régulatrice, s'il n'a été demandé ou préala- blement accepté par la commission régulatrice.
Entre la gare régulatrice et les gares têtes d'étapes de guerre (points de contact entre le service des chemins de fer, d'une part, et les équipages de l'armée ou le service desi étapes, d'autre part), l'exploitation est assurée par des trains mis en marche, suivant les besoins du service, par la commission régulatrice.
Quand les chemins de fer desservent directement les équipa- ges des troupes, les trains sont dirigés sur les têtes d'étapes de guerre désignées, chaque jour, pour le ravitaillement, par le gé- néral commandant l'armée qui a, au préalable, fait connaître à la commission régulatrice et au directeur des étapes les têtes d'étapes de guerre, dates et heures de ravitaillement notifiées aux troupes.
Quand des routes d'étapes ont été organisées, les trains sont dirigés sur les têtes d'étapes de guerre dont l'emplacement est fixé, dans ce cas, par le directeur des étapes, d'accord avec la commission régulatrice.
Dans ces conditions, il sera possible d'appliquer le nouveau principe posé par le décret, en vertu duquel le ravitaillement en vivres s'exécutera sans demande préalable des corps d'armée et par la poiissée presque automatique, dans les cantonnements ou à leur hauteur, du jour de vivres que chaque directeur des éta- pes devra avoir à sa disposition dans la zone d'action de la com- mission régulatrice.
Enfin, le décret du 11 février prévoit l'utilisation des voies navigables toutes les fois qu'elles peuvent contribuer à l'exécu- tion des transports.
Quant au décret du 21 février, portant règlement sur les trans- ports stratégiques par chemin de fer, il contient le développe- ment des principes admis par le précédent, en ce qui concerne le service des chemins de fer. En outre, il y a été apporté les sim- plifications et modifications dont l'expérience avait démontré la
DES CHEMINS DE FEE, 139
la création de points d'appui fortifiés. Dans ce but, ils ont construit une vaste ceinture de camps retranchés et de forts d'arrêt, qui s'étend de Longwy, près de la fron- tière luxembourgeoise, jusqu'au groupe fortifié du Lo- mont, situé à environ 20 kilomètres au sud de Belfort.
Ceci démontre l'importance des mesures prises par la France pour assurer le service de ses chemins de fer en temps de guerre ; on peut toutefois se demander si cette organisation n'existe pas seulement sur le papier, et si, par-dessus tout, elle est susceptible d'entrer en action et de fonctionner avec toute la sûreté désirable (1).
nécessité. C'est ainsi que toutes les dispositions relatives aux taxes des transports ont été supprimées. Il était logique, en effet, de ne pas faire entrer, dans le cadre d'un règlement d'exé- cution militaire et technique, le détail des règles d'administra- tion et de comptabilité qui font l'objet de dispositions législa- tives ou de conventions spéciales.
La publication des deux documents fondamentaux que nous venons de résumer succinctement a entraîné un remaniement plus ou moins complet de quelques-unes des instructions qui donnaient les détails d'application du service militaire des che- mins de fer en temps de guerre. Telles sont, en particulier :
L'instruction sur les commissions de gares, du 30 juin 1900, qui a abrogé l'Appendice VII du Règlement sur les transports militaires par chemins de fer, concernant les commissions et commandements de gares du 25 avril 1900;
L'instruction du 12 novembre 1900, relative au fonctionne- ment des gares de rassemblement et des stations de transition, abrogeant celle du 18 mai 1893, qui réglait le fonctionnement du service de transit dans les gares de rassemblement de la zone de l'intérieur. (Noie du traducteur.)
(1) Il est certain que les rouages multiples de l'organisation militaire de nos voies ferrées sont encore inexpérimentés et que nul ne peut donner l'assurance qu'ils répondraient, en tous points, aux nécessités d'une mobilisation inopinée, puisqu'ils étaient inexistants en 1870 et qu'ils n'ont pas encore eu, depuis cette époque, l'occasion de faire leurs preuves dans une grande guerre continentale.
Cependant, des essais de mobilisation partielle, dont le but était de se rendre compte du sens pratique des dispositions adop- tées en vue de l'utilisation des chemins de fer en temps de guerre, ont été exécutés à différentes reprises.
Le premier essai sérieux a eu lieu, en septembre 1887, sur les réseaux combinés de l'Orléans et du Midi, en vertu du décret du 19 août 1887 j il s'agissait de mettre en pratique l'organisation
160 HISTOIRE ET ORGANISATION
Au reste, en présence de l'activité imprimée à l'acliè- vement des chemins de fer français, de l'impulsion éner-
militaire des chemins de fer, telle qu'elle résultait des décrets de 1884. Suivis avec une attention soutenue par le haut person- nel des compagnies et de l'état-major de l'armée, cet essai, ainsi que ceux qui lui ont succédé peu après, en faisant ressortir les imperfections de notre système, ont permis d'apporter à sa régle- mentation les modifications reconnues nécessaires. De là, la nou- velle loi du 28 décembre 1888 et les décrets du 5 février 1889.
Plus tard, de même que, dans les expériences de 1887, on avait pu mesurer la valeur exacte de notre première organisation, les essais de 1892 eurent pour effet de mettre à l'épreuve les dispo- sitions de la loi du 28 décembre 1888.
Voici comment le résultat de ces essais a été apprécié par le lieutenant Becker, de l'armée allemande, dans une brochure intitulée : Dcr ruichste Kricg xmd die dcutschen Bahnverwaltun- gen (Hanovre 1893) :
« Vers le milieu de septembre 1892, dans une gare militaire improvisée à Poitiers, on expédia en moins de huit heures 42 trains emportant un corps d'armée complet, à l'effectif de 25.000 hommes; lors de leur fameux essai de mobilisation (en 1887), les Français firent passer par la gare de Toulouse 150 trains mili- taires, sans que le trafic normal fût interrompvi et sans qu'il ea résultât d'accident d'aucune sorte. De tels chiffres parlent ua langage significatif; ils laissent entrevoir quelles énormes masses de troupes les chemins de fer peuvent transporter en quelques heures sur un point désigné. Actuellement (1893), la France pos- sède six grands réseaux et chacun d'eux est à même d'accomplir, avec ses propres ressources, toutes les tâches qui lui incombe- raient éventuellement ; aussi les chemins de fer français sont-ils de beaucoup supérieurs à ceux de l'Allemagne, sinon comme déve- loppement kilométrique, du moins comme puissance de rende- ment.
» Si j'ai cité les résultats obtenus par nos voisins sur leurs réseaux ferrés, ce n'est pas que j'éprouve la moindre crainte sur l'issue finale d'une guerre; bien au contraire, mais cela ne m'em- pêche pas de demander pourquoi l'armée allemande ne peut pas fonder sur ses voies ferrées les mêmes espérances que les na- tions voisines. »
Depuis ces époques déjà lointaines, les essais se sont fréquem- ment renouvelés et, chaque fois que l'Etat français a exprimé aux compagnies le désir d'expérimenter, sur un point quelcon- que du réseau national, le côté pratique de l'organisation mili- taire de nos chemins de fer, celles-ci se sont empressées de tout mettre en œuvre pour lui donner entière satisfaction. Pour ne pas multiplier outre mesure les exemples, nous nous bornerons à analyser, pour en tirer des conclusions, les événements les plus considérables qui ont donné lieu à des transports de troupes en grandes masses dans ces dernières années; nous voulons parler de la revue passée au camp de Châlons le 9 octobre 1896 et des
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gique donnée aux constructions navales, des sommes colossales dépensées ou votées pour fortifier les ports de
manœuvres cVarmée exécutées dans l'Est et dans l'Ouest en 1901.
a) licvuc du camp de Châlons (9 octobre 1896). — Le récit au- thentique de l'effort réalisé par la Compagnie de l'Est, à l'occa- sion du premier voyage en France de Leurs Majestés l'Empereur et l'Lupératrice de Russie, est exposé, avec autant d'éloquence que de simplicité, dans une circulaire adressée à son personnel par l'éminent directeur de la Compagnie, M. Barabant, circu- laire dont nous reproduisons ci-dessous les principaux passa- ges :
« Paris, le 19 octobre 1896.
» Pendant les fêtes franco-russes et à l'occasion de la revue de Cliâlons, la Compagnie de l'Est a reçu à ses gares de Paris 365.000 voyageurs. En même temps, elle a transporté et débarqué au camp de Chàlons 60.000 hommes et environ 2.000 chevaux, qu'elle a embarqués et transportés à nouveau après la revue, soit, en tout, 120.000 hommes et près de 4.000 chevaux.
» En dehors des trains du service ordinaire, elle a fait, dans cette période, 660 trains spéeiaux, dont 207 dans la journée du 9 octobre, pendant laquelle les stations voisines du camp ont eu à recevoir ou à expédier 120.000 voyageurs.
)i La Compagnie a puissamment secondé le 5« régiment du génie et fourni tout le matériel nécessaire pour l'exécution, en quatre jours, d'un chemin de fer de 6 kilomètres entre Mourme- lon et l'emplacement de la revue. Elle a transporté les trains impériaux et présidentiels, les trains réquisitionnes par le Gou- vernement pour les membres du Parlement et du Conseil muni- cipal de Paris, pour le ministre de la Guerre, pour la Presse, pour 1© Corps diplomatique, etc.. Les marches réservées pour ces trains spéciaux et les précautions exceptionnelles exigées par la présence du train impérial sur la ligne principale n'ont pas permis de donner satisfaction à toutes les demandes du pu- blie. Mais le service que la Compagnie a eu à faire, dans cette circonstance, n'a pas d'analogie avec celui de la mobilisation, auquel certains journaux ont fait allusion à tort ; il présentait même, par certains côtés, des difficultés plus grandes »
A la lecture du document ci-dessus, on pouvait croire que la Compagnie de l'Est avait établi, au point de vue du rendement de ses lignes, un record qu'on parviendrait difficilement à battre. Cependant, les résultats obtenus, en 1901, d'une part, par les compagnies du Nord et de l'Est, à l'occasion de la revue navale de Dunkerque et de celle de Bétheny, d'autre part, par la Com- pagnie de l'Ouest, pendant les manœuvres exécutées par les 11° et 18^ corps, ont dépassé, comme ampleur et comme signifi- cation, ceux réalisés en 1896.
b) Deuxième voyage du Tsar en Fraiiee (septembre 1901). — • La Compagnie du Nord avait prévu sur Dunkerque une affluence
Organ. chem. de fer. Il
162 HISTOIRE ET ORGANISATION
guerre, enfin, de raiigmeutation de la flotte, nous ferons bien, nous autres Allemands, d'accorder à ces faits et
considérable de voyageurs. Bien que le mauvais temps eût con- trarié ces prévisions, il n'en reste pas moins que, du 17 au 18 septembre, la ligne du Nord eut à transporter 35.800 voya- geurs, sont 2.5.000 le 18, tous rapatriés ce jour-là de o heures du soir à minuit, au moyen de 43 trains de plaisir.
En même temps que ces convois, la Compagnie mettait en cir- culation, dans la journée du 17, pour Compiègne, Laon et Reims, 51 trains militaires, dont 11 pour Compiègne, transportant les troupes chargées de garder le parcours ou d'assurer le service d'honneur.
Le retard du train officiel a rendu très difficile l'acheminement de ces trains; mais, disons-le, à l'honneur de la Compagnie, tout s'est effectué sans le moindre accident à déplorer.
En dehors des trains de plaisir et militaires, on avait formé six trains parlementaires, soit un total de 103.
Au retour, un de ces trains a effectué un parcours de 105 kilo- mètres en une heure.
Il faut compter aussi que le trafic quotidien de la ligne s'est effectué comme à l'ordinaire, et l'on pourra juger du tour de force en songeant que le réseau du Nord, avec ses embranche- ments, ne comporte i ai moins de dix-neuf cents trains mis en mar- che en vingt-c^uatre heures, sans compter les convois de marchan- dises.
Ce service formidable, les trains de plaisir, les trains militai- res, c'est-à-dire 160 trains par jour, plus les 1.800 trains quoti- diens, ce service a pu être assuré tout simplement par le per- sonnel ordinaire de la Compagnie.
L'effort prodigieux accompli par celle-ci est bien fait pour sur- prendre; néanmoins, il faut reconnaître que, grâce à son organi- sation, admirable à tous les points de vue, confortable, exacti- tude et vitesse, elle était parfaitement en mesure d'assurer un service aussi compliqué. Elle possède, en effet, des horaires facul- tatifs qu'elle peut appliquer dans le plus bref délai, sans que l'horaire habituel en souffre le moins du monde.
Le mérite de la Compagnie du Nord n'amoindrit pas, loin de là, celui de la Compagnie de l'Est, qui, on le sait, a assumé main- tes fois la lourde responsabilité du transport des troupes ayant pris part aux grandes manœuvres de l'Est.
Au mois de septembre 1901, cette Compagnie a dû faire un effort considérable, à raison de la coïncidence des transports à assurer pour les grandes manœuvres, pour la revvie de Bétheny, pour la dislocation des deux armées A et B et pour le renvoi de la classe.
Si le nombre des trains de concentration (50) a été peu impor- tant, s'il en a été de même pour les trains de ravitaillement au cours des manœuvres (50), par contre, la dislocation a exigé un surcroît de travail sérieux.
Elle comportait, en nombre rond, l'évacuaticn de 90.000 offi-
DES CHEMINS DE FER 163
à ces progrès toute la portée qu'il couvieut de leur attri- buer.
Daus l'exposé des motifs d'un projet de loi, présenté
ciers, hommes et chevaux, sans compter les voitures. La Ccmpa- gnie a mis en marche 97 trains spéciaux, non compris &3 trains de matériel vide, soit en tout 150 trains qui ont quitté Reims ou ses environs immédiats, dès le lendemain da la grande revue du 21 septembre. Tous ces trains ont été expédiés dans la jour- née du 22 septembre, entre 6 heures du matin et 9 heures du soir, au moment où l'affluence des voyageurs attirés à Keims de- mandait simultanément un grand nombre de convois pour le pu- blic. La mise en marche de 150 trains, en quinze heures, repré-' sente, pour vingt-quatre heures, un rendement de 240 trains, soit, au minimum, le transport de trois corps d'armée, avec leurs premiers échelons.
Enfin, le renvoi de la classe, commencé dès le 22 septembre, a exigé, à son tour, 30 trains spéciaux qui, tous, ont été expédiés dans la journée du 23.
Les embarquements militaires ont exigé 3.700 véhicules, dont 700 empruntés au Chemin de fer du Nord.
Dans la nuit du 20 au 21, cet extraordinaire mouvement, sur la demande du Gouvernement, s'est compliqué de 15 trains offi- ciels qui pénétraient jusqu'aux abords des tribunes de la revue, grâce à des voies de raccord établies spécialement à cet effet; tous sont partis et arrivés aux heures prévues, ce qui n'est pas un mince mérite.
Le chiffre des trains mis en marche pendant les journées des. 19, 20, 21, 22 et 23 septembre vaut la peine d'être connu.
Durant ces cinq jours, la gare de Paris a reçu et expédié 1.423 trains, y compris ceux du service normal ; de son côté, la gare de Reims a reçu et expédié 1.420 trains dans le même laps de temps. Il serait curieux de connaître le chiffre des voyageurs enlevés par ces trains; malheureusement, nous manquons, sur ce point, de renseignements précis ; toutefois, on peut se faire une idée approximative de ce mouvement en se basant sur les données suivantes :
Au cours des transports effectués par le Nord, les 17 et 18 sep- tembre, chaque train de plaisir contenait une moyenne de 1.400 personnes; si, pour rester au-dessous de la vérité, on abaisse cette moyenne au chiffre de 1.000 seulement, on en conclut que, du 19 au 23 inclus, la gare de Reims, par exemple, a reçu ou ex- pédié un million et demi de voyageurs, soit environ 300.000 par jour.
Pour répondre aux besoins d'un trafic aussi intensif, cette der- nière gare avait subi de nombreuses transformations, telles que : création de quais d'embarquement spéciaux pour certaines di- rections; installations pour la distribution des billets, l'éclairage; augmentation du personnel télégraphique, etc., etc. Rien que
164 HISTOIRE ET ORGANISATION
au Eeichstag eu 1890, concernant l'effectif budgétaire de l'armée allemande, on lit, entre autres choses, la déclaration ci-oprès qui ne manque pas de logique :
dans la journée du 21, la gare de Reims a expédié plus de 15.000 dépêches.
Les machines de l'Est ont suffi à faire la traction de tous les trains pour les manœuvres, la revue, le ravitaillement, la dislo- cation et le renvoi de la classe. Cependant, il est bon de faire remarquer que la Compagnie du Nord est venue en aide à sa voisine, en remorquant les trains de dislocation partant de Muizon et de Guigaicourt et entrant dans le réseau du Nord, après un court trajet sur celui de l'Est.
Il est intéressant de signaler en passant que, dans l'après- midi du 19, le train impérial et présidentiel ayant été retardé d'une heure par la prolongation de la visite des souverains rus- ses à Reims, le trajet de Reims à Laon a été fait à la vitesse ■iiioyixnr de 'J4 ki.loiiiHrcs, et de 1U2 kilomètres sur une partie du parcours. Cette remarque a son importance si l'on considère que le train impérial ne doit jamais aller qu'à une vitesse moyenne de 40 kilomètres à l'heure.
Voici maintenant un extrait de la circulaire que le Directeur de la Compagnie des chemins de fer de l'Est à adressée à son personnel :
(( A l'occasion du récent voyage de LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice de Russie et de la grande revue de Reims, la Com- pagnie a eu à faire un effort très considérable qui a été couronné de succès. L'importance et la difficulté de sa tâche étaient carac- térisées par la coïncidence des grandes manœuvres (auxquelles prenaient part quatre corps d'armée), des deux voyages des sou- verains russes à Reims, de la grande revue finale de Bétheny, du départ des souverains pour la frontière, de la dislocation de l'armée et, enfin, du renvoi de la classe.
» La Compagnie a eu à établir, en quelques jours, au Fresnois,^ avec le concours d'un détachement du o« régiment du génie, une halte importante avec un garage de 800 mètres et un grand ra- villon de réception, pour le débarquement et l'embarquement des trains présidentiel et impérial.
» Elle a contribué, au moyen de son personnel et de son maté- riel, venant en aide aux sapeurs du génie, à la construction d'un embranchement, comportant 5 kilomètres de voies, y compris les garages, et aboutissant à une véritable gare (dite des Tri- bunes) destinée à recevoir et à réexpédier les 15 trains spéciaux, mis en marche dans la matinée du 21 septembre et réservés aux membres du Parlement, aux invités officiels...
>) Du 6 au 23 septembre, au cours des manœuvres, la Compa- gnie a dû mettre en marche 92G trains supplémentaires (dont 306 dans la journée du 21), lesquels ont fait un parcours de 80.200 kilomètres, en dehors de ceux des horaires réguliers (par-
DES CHEMINS DE FER 165
0 Quand, eu regard des efforts accomplis par la Trance, ou cousidère ayec quelle méthode la Hussie a
cours moyen, 262 kilomètres). Sans porter atteinte au service public, on a dû déplacer ou mobiliser 700 mécaniciens et chauf- feurs, 500 visiteurs, ajusteurs et manoeuvres des dépôts, 260 agents de gare et 1.600 poseurs de la voie.
» Le lendemain même de la revue, les transports de disloca- tion de l'armée ont été exécutés en une seule journée; et, dès le 22 septembre au soir, les 2.400 officiers, les 84.000 hommes et les 2.700 chevaux à évacuer avaient quitté la région des manœuvres. Puis, le surlendemain, il y a eu encore 30 trains spéciaux à faire pour le renvoi de la classe. Tout s'est passé avec ordre, régula- rité et sans aucun accident ni incident.
» Le Directeur porte à Ig, connaissance du personnel les té- moignages de satisfaction que la Compagnie a reçus : de M. le ministre de la Guerre; de M. le ministre des fravaux publics; de M. le Général commandant en chef.
» Les importants et heureux résultats constatés par ces témoi- gnages officiels ne démontrent pas seulement la puissance et la souplesse de l'organisation des compagnies de chemins de fer, mais font iiocneur à la capacité, au zèle, au dévouement de tous les services...
» En rappelant au personnel le souvenir de la revue historique, passée le 9 octobre 1896 au camp de Châlons, à l'occasion de la- quelle la Compagnie avait déjà reçu des témoignages très flat- teurs, le Directeur est heureux d'avoir à adresser à tout le per- sonnel ses félicitations et ses remerciements pour la parfaite exécution du service dans les jovirnées du 19 au 21 septembre et dans celles qui ont précédé et suivi ces deux dates également historiques.
» Xc Directeur de la Compagnie, » Barabant. »
En résumé, la Compagnie de l'Est a fait, dans ces mémorables journées, un effort très considérable, car elle a eu à faire face simultanément aux transports afférents aux grandes manœuvres, à la revue, à la dislocation, au renvoi de la classe. Cet effort est analogue à celui qu'exigerait une mobilisation et même plus grand, au point de vue des obligations qui incomberaient à la gare de Reims en particulier. Par l'aperçu sommaire que nous en avons donné, on peut se faire une idée de l'immense travail qu'ont exécuté, sans encombre, les deux Compagnies chargées d'assurer une aussi lourde tâche dont elles se sont tirées à leur honneur. Les éloges prodigués par les chefs militaires et le Gou- vernement aux Administrations du Nord et de l'Est sont donc en tous points mérités.
c) Manœuvres de V Ouest en 1901. — Les transports effectués par ces deux compagnies, dans les circonstances que nous venons de rapporter, avaient été annoncés plusieurs semaines à l'avance;
KÎG HISTOIRE ET ORGANISATION
pu (le son côté, grâce ù dos ressources financières iné- puisables, étendre et développer sa puissance militaire, avec quelle persévérance elle a su multiplier et perfec-
on avait en tout le temps nécessaire pour les préparer, éta- blir les horaires, réunir le personnel et. le matériel, créer des ins- tallations provisoires, etc., etc. On peut donc, jusqu'à un cer-. tain point, les assimiler aux transports de mobilisation et de concentration, qui, eux, sont prévus et arrêtés de longue date, dans tous leurs détails. Nous disons, (( jusqu'à un certain point », car les difficultés résultant d'un mouvement à la fois commer- cial et militaire, comme celui auquel ont donné lieu les deux re- vues do Duukerque et de lîeims, ne sont pas comparables avec celles qui résulteraient d'une mobilisation générale. Dans ce cas, le trafic des compagnies serait suspendu, l'autorité administra- tive ferait place à l'autorité militaire; sur les voies libres et dé- gagées de tous convois commerciaux ou industriels, circuleraient, seuls, les trains de troupes, de matériel d'approvisionnements de guerre, roulant au quart d'heure, d'après un horaire unique pour l'ensemble du réseau national, élaboré minutieusement, dès le temps de paix, et mis, au moment voulu, entre les mains de tous les agents de chemins de fer intéressés. Mais si la tâche im- posée aux réseaux du Nord et de l'Est en ISOl ne présentait pas un caractère absolu d'imprévu, il ne s'ensuit pas que la façon dont elle a été accomplie ne justifie pas les éloges adressés aux différents personnels qui l'avaient assumée ; aussi, sans vouloir rien enlever de leur mérite aux compagnies du Nord et de l'Est, il faut bien reconnaître que l'effort réalisé, dans cette même an- née, par la Direction des chemins de fer de l'Etat offrait, par certains côtés, des difficultés incomparablement plus grandes. Ici, en effet, comme on va le voir plus loin, les transports ren- traient entièrement dans la catégorie de ceux que le Règlement du 21 février 1900 appelle : transports de troupes nécessités par les opérations (art. 1", § 6), c'est-à-dire de ceux qui, dans le cours d'une campagne, peuvent être ordonnés à l'improviste et pour l'exécution desquels rien, par conséquent, n'a été préparé à l'avance; de ceux, en un mot, qu'on pourrait qualifier de trans- 2Jorts par alerte.
Expérimenter ce nouveau mode d'emploi des chemins de fer, telle semble du reste avoir été l'idée qui a présidé à l'organisa- tion des grandes manœuvres de l'Ouest en 1901. Dans les débuts, l'attention s'est quelque peu immobilisée sur l'embarquement et le débarquement des 5.000 hommes du 11" corps, chargés unique- ment, dans la pensée du généralissime, de prouver que, si une invasion de la France par les côtes de l'Atlantique était chose relativement difficile, on ne .s'en trouvait pas moins, pour cela, tenu d'en prévoir l'éventualité et même la possibilité; aussi, la partie principale de l'expérience a-t-elle passé, pour ainsi dire, inaperçue aux yeux du public. C'est fâcheux, car elle a pleine- ment réussi, faisant en cela le plus grand honneur à l'organisa-
DES CHEMINS DE FER 167
tionuer ses voies de communication, on ne peut s'em- pêclier de reconnaître que, depuis 1887, nous nous trou-
tion du service, en cas de mobilisation inopinée, des chemins de fer de l'Etat.
L'idée du général Brugère était la suiA'ante :
1° Opposer une première résistance à un ennemi débarqué par surprise, et cela, au moyen de troupes locales, de troupes pou- vant, sur l'heure, accourir, par voie de terre, au lieu de débar- quement ;
2° Etudier le transport, par voies ferrées, des réserves, appelées à l'improviste à renforcer les corps de première ligne s'op posant à la progression en avant des troupes débarquées.
Voilà pourquoi, à côté des opérations sur le terrain de la lutte, opérations qui puisaient une importance toute particulière dans l'expérimentation du projet de nouveau règlement de manœu- vres pour l'infanterie, a été tentée l'intéressante expérience rela- tive à l'utilisation des voies ferrées, dans le but de pouvoir, con- tinuellement et en tout temps, assurer la résistance aux invasions arrivant par mer. Il nous semble qu'elle mérite une mention toute spéciale, étant données les conditions, identiques à celles du temps de guerre, dans lesquelles on a eu soin de l'exécuter.
Les mots transports par alerte, dont nous novis sommes servi tout à l'heure, nous semblent donc qualifier fort justement l'effort demandé par le généralissime à la Direction des chemins de fer de l'Ecat.
Celle-ci avait été tout simplement prévenue qu'elle aurait, sur dépêche expédiée au dernier moment, à transporter des trou- pes dont elle ignorait la composition, l'effectif, les lieux de ras- semblement et de destination. Il lui était, par suite, impossible de réunir, à l'avance, le matériel nécessaire et de tracer la marche des trains militaires; en un mot, de prendre les mesures de sécurité propres à assurer le correct accomplissement de ce qu'on allait lui demander. C'était l'inconnu dans ce qu'il avait de plus aléatoire, et, de fait, le problème n'en était que plus inté- ressant à résoudre.
Le 29 août, à 3 heures de l'après-midi, le chef de la gare de l'Etat à Bordeaxix recevait de la direction des grandes manœu- vres de l'Ouest un ordre télégraphique lui prescrivant de trans- porter dans le plus bref délai, et — détail à noter — sur des points qui lui seraient indiqués ultérieurement : 1° le quartier général de la 3o« division d'infanterie; 2° l'état-major de la 70« brigade; 3° 5 bataillons d'infanterie et 1 escadron de hussards.
A la même heure, un ordre semblable était télégraphié au chef de gare de Libourne, pour un bataillon d'infanterie et une bat- terie d'artillerie montée.
Immédiatement, avec le matériel dont elles pouvaient dispo- ser, la gare de Bordeaux formait cinq trains et la gare de Li- bournei, deux. L'embarquement commençait aussitôt dans les
108 HISTOIRE ET ORGANISATION
vons en présence d'une situation qui s'est profondément modifiée au point de vue militaire. »
deux stations et, à G h. 30 du soir, celle de Bordeaux n.ettait en route le premier train, que suivaient à courte distance les quatre autres. Le dernier était exiitdié à 9 lï. 45 du soir.
Les deux trains formés à Libourne partaient à 7 h. 23 et à 11 h. 15 du soir, sans qu'à aucun moment le service régulier d3 l'exploitation eût été interrompu.
Et maintenant, qu'on veuille bien considérer que c'est, tout au plus, quelques in&tant^s avant le départ de ces trains que des or- dres successivement télégraphiés sont venus indiquer la destina- tion de chacun d'eux. Quatre devaient être dirigés sur Saint- Savinien-sur-Charente, deux sur Bordes et un sur Tonnay-Cha- rente. Remarquons, en outre, que ces sept trains se trouvaient munis, par avance, de ponts volants, de rampes mobiles, etc., etc. Cétait d'ailleurs nécessaire, puisqu'il fallait pouvoir assurer le débarquement des troupes en pleine voie ou dans de petites gares ne possédant ni le matériel, ni les aménagements, indispensables pour un débarquement à quai.
Malgré un léger retard, occasionné en cours de route par une avarie survenue à un train de marchandises, lequel, restant en détresse, obstruait la voie, les trains militaires sont arrivés à destination, à l'heure fixée par le généralissime, c'est-à-dire en- tre 2 h. 30 et 5 heures du matin. Le débarquement, en pleine nuit et sur des voies de circulation suivies par le service régulier de l'exploitation, lequel n'avait pas été interrompu, s'est effectué sans aucun accident.
Dans ces sept trains on a transporté 155 officiers, 3.905 hom- mes, 252 chevaux et 16 voitures ; leur formation a nécessité 183 wagons.
La réussite de semblable expérience, laquelle, entre parenthèse, prouve péremptoirement combien nos administrations de che- mins de fer sont à hauteur du rôle qu'elles auraient à jouer en cas de n.obilisation, ne peut assurément que nous donner confiance. Nous croyons devoir donner ci-dessous le texte de la lettre que l'Administration des chemins de fer de l'Etat a reçu du minis- tre de la Guerre, à la suite des expériences que nous venons de rapporter :
« Paris, !e 16 septembre 1901.
)) Le Ministre de la guerre à M. le Directeur des chemins
de fer de VEtat.
» Monsieur le Directeur,
)) Les renseignements qui me sont parvenus, sur les mouve- ments effectués par chemins de fer, à l'occasion des grandes ma- nœuvres d'armées de la région de l'Ouest, ont mis en relief, une fois de plus, le zèle et le dévouement que les fonctionnaires et agents de l'administration des chemins de fer déploient, à tous les
DES CHEMIiVS DE FER 169-
Les dernières dispositions législatives et administra- tives que nous avons reproduites précédemment mon- trent qu'en sus du développement incessant de son réseau stratégique-, le gouvernement français s'eiïorce, sans relâclie, <le préparer, par tous les moyens possibles, l'uti- lisation de ses cliemins de fer en temps de guerre et d'en obtenir le rendement maximum.
Dès 1877, le ministre prussien H. Budde, autrefois colonel du grand état-major allemand, formulait la con- clusion suivante dans son ouvrage sur Les Chemins de fer français j^endant la eamjmgne de 1S70-1871 (1) :
degrés de la hiérarchie, dans toutes les circonstances où ils sont appelés à participer à la préparation et à l'exécution des trans- ports militaires.
» Je suis heureux de vous témoigner toute ma satisfaction à ce sujet, et j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien en trans- mettre l'expression à tous vos collaborateurs.
» Recevez, Monsieur le Directeur, les assurances de ma consi- dération très distinguée,
» Général André. » (N . du T.)
(1) Berlin, 1877, F. Schneider et Cie, nouvelle édition, 1903.
Note sur les disponibilités du réseau français et ses possibilités stratégiques (*).
Après l'achèvement de toutes les constructions actuellement en projet ou en cours d'exécution, la France disposera de seize lignes de transport indépendanfes — dont iquinze à double voie — ■ aboutissant dans le cône réceptif de sa frontière du nord- est.
Quel sera, dans le cas d'une guerre avec la Triplice, le nombre des corps d" armée que nous aurons à diriger sur ce front par voie ferrée? Avant de répondre à cette question il in\porte, tout d'a- bord, de faire remarquer que notre concentration devra s'effec- tur sur deux théâtres d'opérations distincts, celui du sud-est et celui du nord-est.
Sur le premier, on estime généralement que les 14^ et 15'' corps, renforcés des troupes alpines et doublés de leurs formations de réserve (soit un effectif équivalant à o corps d'armée environ) seront suffisants pour arrêter une invasion italienne, attendu que, do ce côté, la situation nous commande de prendre, au dé- but tout au moins, une attitude défensive. Sur le deuxième, nous rassemblerons la totalité de nos forces restant disponibles après (*) Voir le croquis pages 172-173.
Organ. cliem. de fer. 12
170 HISTOIRE ET OKGANISATION
« Dans la piocliaiue guerre, il faut nous attendre à voir nos voisins retirer de leurs voies ferrées des services
ce prélèvement, c'est-à-dire dix-neuf corps d'armée, y compris le
19« et le 21^
Mais l'intervention, dès le début des hostilités, des troupes d'Algérie est des plus aléatoires; elle est, en effet, subordonnée à la date de leur débarquement à Marseille, lequel no sera réa- lisable qu'autant que notre flotte de la Méditerranée aura, au préalable, conquis la maîtrise de la mer sur les escadres ita- liennes. Or, c'est là un résultat sur lequel nous ne pouvons pas tabler d'avance, avec une certitude absolue. Aussi, à détaut du 19« corps proprement dit, devons-nous chercher à utiliser sou unité de dédoublement (19" bis), qu'il serait possible d'organiser, dans des centres de mobilisation prévus à cet effet, à l'aide des innombrables réservistes domiciliés en France qui ont servi en Afrique. La dotation en artillerie de ce corps d'armée serait as- surée par la brigade d'artillerie de Vincennes, dont les batteriea de dédoublement seraient affectées ultérieurement au 19® ciorps actif, dans le cas oii ce dernier parviendrait à effectuer son débar- quement en France. Quant au 21'' corps, il serait, comme on sait, formé avec les troupes coloniales disponibles de la métropole, complétées par leurs réservistes venus de toUs les points du ter- ritoire.
Etant donné l'éparpillcment des centres de mobilisation des deux corps d'armée précédents (19^ his et 21^), il n'est pas possible d'assigner à cliacun d'eux, en particulier, une ligne de transport distincte, comme cela a lieu pour les troupes métropolitaines ; d'autre part, la dissémination de. leurs réser\ùstes et la longueur des trajets à parcourir par la plupart d'entre eux, pour rejoindre leurs unités d'affectation, ne permettront pas à ces corps de pas- ser du pied de paix au pied de guerre, avec la même rapidité que les autres. Pour ces deux raisons, il semble tout indiqué d'embarquer chacune de leurs fractions soit sur les lignes, iiumé- diatement disponibles, partant ou passant à proximité de leurs garnisons respectives, soit sur les voies attribuées aux éléments déjà mobilisés de l'intérieur, au milieu desquels on les intercale- rait ou dont elles prendraient la suite, au fur et à mesure de l'achèvement de leur mobilisation. C'est ainsi que :
1° Les garnisong de Toulon (21"^ corps) et de Lyon (19» his), ayant à leur entière disposition les artères 19 et 7 — cette der- nière ne devant être occupée que pendant un temps très court par les rares éléments du 7*^ corps n'employant pas les routes ordinaires — ;
2° Les garnisons de Rochefort, Brest, Cherbourg (21^) et Paris (19'^ his et 21^), utilisant seulement le 1/5 ou le 1/4, au plus, des marches réservées sur les lignes 3, i, 5, 9, 10, 11, 17 et 18,
Seraient acheminées vers le théâtre de guerre lorrain, sans qu'il en résulte un allongement quelconque dans la durée du mou- T'ement général de la concentration. Celle-ci achevée, l'artère
DES CHEMINS DE FER 171
infiniment supérieurs à ceux qu'ils en ont obtenus pen- dant la campagne de 1870-1871. »
19 sera utilisable pour les troupes d'Algérie, dès qu'elles auront pu débarquer dans les ports de notre littoral raêditerrane'en.
Les 6« et 20'' corps, ainsi que la majeure partie du 7% feront mouvement par voie de terre; si, par suite de leur trop grand éloignement de la frontière, certaines fractions des deux premiers ont à faire usage des voies ferrées, leur enlèvement aura lieu avant le commencement d?s transports stratégiques, attendu qu'elles se mobilisent dans des conditions exceptionnelles de rapi- dité. Il ne reste donc plus qu'à pourvoir à l'embarquement des 14 corps d'armée de l'intérieur, qui seront dirigés sur le théâtre des opérations, au moyen d'un nombre égal de lignes à double voie et à très grand rendement, c'est-à-dire, susceptibles, cha- cune, de débiter, en deux jours au plus, le nombre de trains né- cessaires au transport d'un corps d'armée sur le pied de guerre.
Si on évalue à trois jours la duréa de la mobilisation, en faisant, à ce sujet, les mêmes restrictions que pour l'armée allemande; deux jours 1/6, la durée de trajet entre la base de débarquement et la gare de rassemblement du corps d'armée le plus éloigné ; deux jours, la durée de l'embarquement des troupes ou de leur écoulement sur chaque ligne de transport, on voit que, le hui- t'ème jour, à 4 heures du matin, les corps d'armée français, au complet, auront terminé leur ccncentration, soit avec une avance, sur ceux de nos adversaires, d'une demi-journée, laquelle équi- vaut, en fait, à une journée de marche, pour les derniers éléments arrivés à destination. Comme les troupes combattantes et services de première ligne auront déjà pu effectuer, la veille, leur pre- n\ière étape, il s'ensuit que, de notre côté, les opérations actives pourront commencer le neuvième jour au matin, date à laquelle les Allemands auront à peine achevé leurs débarquements. Dans le cas où ceux-ci gagneraient vingt-quatre heures sur nous, en lançant leur ordre de mobilisation trente-six heures avant le nôtre, nous aurons encore, grâce à la profondeur sur laquelle nos quais de débarquement ont été échelonnés dans la région de l'Est, la possibilité de regagner le temps perdu, en reportant à une et, au besoin, à deux journées de n arche en arrière, la ligne avancée de nos points d'atterrisîements.
Nota.- — Nous avons fait figurer, dans la composition des ar- mées française et allemande de première ligne, toutes les troupes actives disponibles de part et d'autre, sans nous préoccuper de la constitution des armées de réserve, que nous supposons devoir être formées d'unités créées au moment de la mobilisation. En admettant, malgré son peu de vraisemblance, cette hypothèse qui est, sans doute, loin de cadrer avec les prévisions des états- majors des deux partis, nous n'avions d'autre but que de mettre davantage en relief la puissance logistique des réseaux stratégi- ques de la France et de l'Alleinagne. (Note du traducteur.)
Schéma des disponibilit
Formation des armées :
Armée des Ardeimes.. 1. 2. 3. 4.
Groupe d'arruées de Meuse et Moselle .
6. 10. 11. 18 5. 9. 12. 17. 20. 8. 13. 21
Armée des Vosges 7. 16. 19.
C/ermo
Bordeaux
la
Echel
li. réseau ferré français.
Dàl>
III
Russie.
Les résultats prodigieux obtenus dans l'emploi des chemins de fer pendant la guerre franco-allemande lais- sent bien loin derrière eux ceux de la guerre turco- russe de 1877-1878 (1).
(1) Be Vemploi des Chemins de fer dans la campagne de 1S77-7S, par le major C. Ilarjeu (Bukarest, 1891). Ouvrage traduit du roumain en allemand par Eerghaus, major à la disposition, et publié dans le fascicule u^ 1 (livraison d'avril) de la collection des Jarbûchrr fur die dcutsche Ain, ce und Marine, année 1902. Le major Harjeu commence par dépeindre l'état des chemins de fer roumains, russes et turcs au commencement de la guerre et la situation déplorable oii ils se trouvaient par suite de leur dis- persion entre les mains de nombreuses compagnies particulières. Il examine ensuite les dispositions prises par le gouvernement roumain poiir assurer la bonne exécution des transports. La Rou- manie possédait bien un règlement pour les mouvements de troupes par voie ferrée en temps de paix, mais rien n'avait ézé prépare sur ce point en vue de la guerre. On dut, à cet effet, promulguer, à la date du 22 avril 1877, une (( loi sur les réquisi- tions militaires » qui fut suivie, le 26 du même mois, d'un règle- ment pour l'application de ladite loi.
^ L'ouvrage cité passe alors aux mesures de sûreté adoptées par l'autoritc russe pour les transports exécutés sur les territoires russe et roumain. Depuis 1874, il est vrai, il existait en Russie un règlement sur les transports militaires en chemins de fer, mais ce règlement n'avait pas encore été appliqué; en outre, un© instruction générale sur la mobilisation indiouait la façon dont les voies ferrées devaient être utilisées en cas de mobilisa- tion. Malheureusement, quelques-unes des dispositions contenues dans ces deux documents ne purent recevoir d'application parce qu'on avait négligé d'augmenter le personnel d'exploitation au moment de la mise sur le pied de guerre des six premiers corps d'armée. En vue du passage de ces troupes à travers la Rouma- nie et de l'utilisation des lignes ferrées de cette principauté, la Russie conclut avec le gouvernement roumain une convention qui, entre autres clauses intéressantes, stipulait que le réseau était placé en entier dans les mains du Directeur des communi- cations militaires de l'armée russe.
Dans la S"" partie de son travail, le major Harjeu, après avoir exposé le fonctionnement du service sur les chemins de fer russes
HISTOIRE ET OEGAXISATIOX DES CHEMINS DE FER 17o
Celle-ci a eu pour unique résultat de faire constater aux belligérants, ainsi qu'aux autres nations, jusqu'à
pendant la mobilisation et la concentration sur le Pruth, et fait de fréquents rapprochements entre la lenteur des opérations de l'armée impériale et la rapidité de celles des Allemands eu 1870, signale, comme cause de ces lenteurs, les défectuosités des che- mins de fer moscovites.
L'auteur étudie ensuite l'emploi qui a été fait, pendant la guerre, des voies ferrées russes et roumaines pour les repliements et les évacuations. De cette étude il ressort que les Russes ont mis à profit les leçons qu'ils avaient retirées do leur première mobilisation et que les transports, à destination du théâtre de la guerre, des troupes ultérieurement mobilisées s'accomplirent avec beaucoup plus de promptitude et de méthode. Et cepen- dant, la Roumanie fut mal récompensée du zèle déployé par elle dans cette circonstance, car, dans ses rapports, le grand-duc Ni- colas, pour dégager sa responsabilité, s'est plaint sans cesse des chemins de fer roumains.
Du 16 juin au 31 décembre 1877, on a évacué vers la Roumanie et la Russie 7.194 blessés et malades; mais il ne faut pas deman- der dans quelles conditions. Voici, à ce propos, ce que raconte- un témoin oculaire :
« Le 10/22 août, ou vit passer à Kursk un train d'évacuation l'Omprenant 24 wagons à marchandises, qui ne renfermait pas moins de 400 blessés dont la moitié, très grièvement. Quelque temps auparavant, ces voitures avaient transporté du bétail et n'avaient été ni nettoyées ni désinfectées. Or, elles étaient dé- pourvues de fenêtres et leurs portes durent être maintenues fer- mées pendant tout le trajet parce que les malheureux blessés, grelottant de fièvre, ne possédaient ni lits, ni matelas, ni cous- sins. Il n'y avait dans le convoi qu'un seul médecin auquel la dis- position et le genre des véhicules ne permettaient de changer de voiture que pendant les haltes. Le train ne contenait pas le moindre récipient dans lequel les soldats, dévorés par la soif, pussent se désaltérer; enfin, depuis deux jours, ils n'avaient reçu aucun aliment chaud.
Le major Harjeu attribue l'insuccès des Russes à leur mauvais emploi des chemins de fer, au manque de matériel roulant, à l'in- suffisance et à l'impéritie du personnel, à l'état défectueux des lignes qui étaient toutes à une voie et ne possédaient que des voies de garage trop restreintes comme nombre et dimensions. La composition des trains ne devait pas dépasser 30 voitures et on no pouvait en mettre en circulation plus de 12 par vingt-quatre heures.
Fait digue de remarque cependant : au cours même des opé- rations, les Russes construisirent, avec une rapidité surpre- nante, la ligne Bender - Reni - Galatz, d'une longueur totale de 304 kilomètres. Dès le 3 novembre, cotte ligne était livrée à l'ex- ploitation. Malgré l'obligation oii l'on s'était trouvé d'avoir re-
176 HISTOIRE ET ORGAXISATION
quel point s'étaient accrues la puissance et la force du grand Empire russe, grâce au développement qu'il a su donner, depuis cette époque, à son réseau ferré qui, en 1873 par exemple, n'avait pas plus de 13.533 verstes en exploitation.
Ce réseau a cependant subi dans son extension une progression lente et irrégulière. Le premier chemin de fer russe fut construit entre Saint-Pétersbourg et Tzar- koé-Selo et inaiiguré en 1838. En 1843, on entreprit les travaux de la ligne Saint-Pétersbourg - Moscou (che- min de fer Nicolaï), dont l'achèvment n'eut lieu qu'en 1851. Après l'ouverture de cette voie, qui exerça une influence énorme sur le développement économique de l'Empire, la construction de nouvelles lignes ne pro- gressa plus qu'avec une certaine lenteur. En 1860, la Eussie possédait en tout 1.250 verstes (1.334 kilom.) de voies ferrées; cinq ans plus tard, elle disposait de 3.360 verstes (3.585 kilom.). Les gains élevés réalisés par cxuelques entrepreneurs de travaux de chemins de fer provoquèrent alors une poussée rapide dans les cons-
cours non seulement aux établissements russes, mais encore à ceux des autres puissances, pour la confection et la fourniture du matériel de la voie, il n'en est pas moins vrai que la construc- tion de ce chemin de fer s'effectua avec une célérité et une régu- larité bien supérieures à celles obtenues dans tous les travaux similaires que certaines armées eurent à exécuter pendant les dernières campagnes.
Le mérite d'un pareil résultat, qui prouve d'une façon irréfu- table la possibilité d'établir des lignes ferrées au cours même des opérations, est dû, en grande partie, à l'excellente direction qu'a su imprimer à ce travail le service des chemins de fer de cam- pagne russes.
Pendant cette même campagne, les Russes construisirent une deuxième ligne, celle de Fratesci à Simnitza (90 kilomètres), qui servit à relier les chemins de fer roumains avec le pont jeté sur le Danube par l'armée moscovite entre Simnitza et Sistowa. La ligne en question avait pour but d'éviter aux troupes et au maté- riel, à destination de l'armée, le parcours par voie de terre, entre Giur2;iu et Sistowa, parcours rendu très pénible par le mau- vais état d'entretien des routes.
DES CHEMINS DE FER 177
tructions. Ces dernières furent, pour la plupart, entre- prises par des sociétés particulières auxquelles l'Etat avait accordé une concession en même temps que sa garantie. De 18G5 à 1875, on livrait au trafic 13.652 verstes (14.524 kilom.), ce qu' portait à 17.012 verstes (18.152 kilom.) la longueur du réseau. A dater de ce moment, le développement des chemins de fer s'effectue, suivant les besoins économiques, avec des alternatives d'accélération ou de ralentissement, mais, presque tou- jours, d'une façon ininterrompue. En même temps se perfectionnait, tant au point de vue teclinique que finan- cier, le système des ''voies et moyens employé pour la construction des lignes. Le ctiffre le plus bas des entre- prises nouvelles correspond à la période de 1875 à 1885, pendant laquelle on n'ouvrit au trafic que 6.010 verstes (6.413 kilom.). Par contre, dans les deux années qui suivirent, on constate une certaine recrudescence. Enfin, le l®"" janvier 1892, il y avait 31.554 kilom. en exploi- tation; en 1901, la longueur des lignes en service attei- gnait 52.064 verstes (1).
Bien qu'avec le temps le réseau russe ait pris une extension considérable, sa liaison avec le réseau alle- mand n'est encore assurée que par les cinq stations de Eydtkuhnen, Prostken, Mlawka, Alexandrovo et Sosno- vice.
La majeure partie des cbemins de fer russes, soit plus des 5/6, se trouve dans la Russie d'Europe, et leur déve- loppement est encore loin d'être en rapport avec la superficie du territoire et le cbifïre de la population. En effet, si de la superficie totale de la Russie d'Europe (5.390.000 kilomètres carrés) on retrancbe celle des ré- gions inhabitées (1,000.000 kilomètres carrés), on ne trouve que 1,3 kilom. de voie ferrée par 100 kilomètres
(1) Rapport du ministre des Finances sur les recettes et les dépenses en 1900.
Organ. chem. de fer. 13
178 HISTOIEE ET ORGANISATION
carrés, alors que ce pour cent atteint 7,7 en Allemagne et 3,9 en Autriche.
Les Archives des Chemins de fer, éditées par le minis- tère des Travaux publics de Prusse, ont publié, au mois de décembre 1892, une carte des cfiemins de fer russes, d'après laquelle les lignes ou sections de lignes sui- vantes possèdent seules une double voie :
1° Saint-Pétersbourg - Moscou - Rostov, sur la section Saint-Pétersbourg - Moscou - Xoslov;
2° Moscou - Orel - Kursk - Charkov - Taganrog, sur les sections Moscou - Skouratovo et Charkov - Kramators- kaïa ;
3° Saint-Pétersbourg - Varsovie - Dombrova, sur les parcours : Saint-Pétersbourg - Gatchina, Dunabourg - Vilna, et Varsovie - Dombrova, avec embranchement, à deux voies également, sur Eydtkuhnen, station frontière de la Prusse;
4° Nischni - Novogorod - Moscou - Varsovie, sur les tronçons : Kovrov - Moscou - Kubinka et Smolensk - Varsovie ;
5° Charkov-Balta, sur le trajet Kriuka - Snamenka ;
6° Odessa - Smerinka, avec la bifurcation Rasdelnaïa - Bender.
A la fin de l'année 1894, on avait posé une deuxième voie sur les sections :
1° K-ubinka - Smolensk, de la ligne n° 4 ci-dessus;
2° Gatchina - Dunabourg et Vilna - Lapy, avec em- branchement à double voie de Biélostock à Brest-Li- towsk. Il en résulte que toute la ligne Saint-Péters- bourg - Varsovie - Dombrova est maintenant à double voie, sauf sur le faible parcours Lapy - Varsovie. Or, à cet endroit, le chemin de fer se trouvant très rappro- ché de la frontière n'a plus qu'une importance secon- daire comme ligne stratégique. D'autre part, il possède, comme dégagements, le chemin de fer de la Narev,
DES CHEMINS DE FER 179
Lapy - Ostrolenka - Malkin et celui de Biélostok - Brest- Litowsk - Varsovie ;
3" Kiev - Xasatin - Rovno - Koscliisclitsclie de la ligne Voronesch. - Kursk - Kiev - Kasatin - Biest-Litowsk, avec ramification de Smerinka à Proscurov.
Il existe, en outre, un très grand nombre de doubles voies sur les sections :
1" Kursk - Kiev;
2° Roscbischtsche - Brest - Litowsk;
3° Snamenka - Rostov ;
4° Yilna- Baranovitschi - Rovno.
D'autres sont actuellement en construction (1).
(1) Aux améliorations signalées ci-dessus, il convient d'ajouter les nouvelles constructions suivantes, déjà exécutées en partie lou en voie d'exécution, en avril 1905.
lo Magistrale Bologoe (sur la ligne Saint-Pétersbourg - Mos- cou - Siedletz (sur la ligne Varsovie - Brest). Actuellement cons- truite à double voie sur la plus grande partie de son parcours, elle est jalonnée par les stations de Ostaschkov, Veliki-Luki, Po- lotzk, Molodetno, Volkovisk, etc.
2° Magistrale Losovaïa-Pultava-Kiev-Sarny-Kovel, etc., livrée à l'exploitation en 1902 ; elle est à une voie, mais l'infrastructure est préparée pour en recevoir une deuxième, lorsque son trafic aura atteint un développement convenable.
Ces deux grandes artères ont une importance stratégique de premier ordre, car elles permettent de réduire de cinq à six jours la durée de la concentration russe. On considère la première comme un résultat du voyage du général Pendezec à Saint-Pé- tersbourg, pendant l'hiver 1901 ; notre chef d'état-major général parvint à convaincre nos alliés que les moyens employés jus- qu'alors par eux pour ne pas être à la merci d'une offensive alle- mande immédiate n'étaient que des expédients peu susceptibles de donner satisfaction à la France, exposée aux premiers cou^js de l'adversaire commun. Quant à la deuxième, le cri d'alarme poussé par la presse militaire autrichienne, lors de son achèvement, suffit à démontrer sa valeur, au point de vue offensif, dans le cas d'une guerre où la Russie aurait à lutter contre ses deux voisines de rOuest.
3° Ligne Alexandropol-Kars-Batoum-Poti-Soukoum-Kalé-Novo- Tossiisk (Constantinovsk)-Anapa^Taman-Iénikalé-Kert:sch-Djan- koi-Perécop-Cherson-Nicolaïev-Odessa, construite entre lénikalé et Odessa. La section lénikalé-Novorossiisk doit traverser le dé- troit entre la mer Noire et la mer d'Azov, sur un pont de 2.669 mètres de longueur, dont la construction ne présentera, paraît- il, aucune difficulté. Au point de vue économique, cette voie est
180 HISTOIRE ET ORGANISATION
Si ron ajoute qu'eu 188'1 la situation du matériel roulant était de 5.9GG locomotives, 7.050 voitures à voya- geurs, 118.127 vagons à marchandises et qu'en. 1891 ces chiffres ont été portés respectivement à 7.333, 8.118 et 159.587, il faut reconnaître aussi qu'un remarquable esprit de suite a présidé aux progrès accomplis dans l'organisation du service des chemins de fer de la Rus- sie.
Sur ce vaste Empire, on compte environ 5 kilom. de lignes ferrées pour 10.000 habitants, tandis que cette
destinée à joiiei- un rôle capital : elle mettra en communication les provinces du sud de l'empire avec le Caucase d'une part; la Perse d'autre part, par Erivain, Djulfa et Tauris, l'Asie centrale ; enfin, par Bakou, la mer Caspienne et le Transcaucasien. La Rus- sie pourra ainsi s'ouvrir de plus larges débouchés en Perse et sur- tout y combattre plus efficacement l'influence anglaise, tout en rencontrant de nouvelles facilités pour l'exploitation des conces- sions industrielles et minières qu'elle a obtenues dans ce royaume. Au point de vue militaire, son importance ne sera pas moindre ; en effet, les chefs-lieux -des deux corps d'armée du Caucase, Alexandropol (l*""") et Tiflis (2^), vont se trouver tous deux reliés au réseau de l'empire par des voies ferrées indépendantes qui anièneront ces corps à la frontière autrichienne, avec leurs divi- sions de cavalerie, dans un temps relativement court, savoir : Le l^"", par la ligne projetée dont il vient d'être question ; Le 2^ — • en attendant l'ouverture de la section Tiflis-Vladi- caucase, qui nécessite le percement du Caucase par un tunnel devant l'exécution duquel on a reculé jusqu'ici — par la ligne Bakou-Petrovsk-Beslan-Rostov, etc., déjà construite sur tout son parcours. Le renfort apporté aux armées du tsar concentrées en Podolie, par l'armée du Caucase, assurera à la Russie, en troupes actives, la supériorité numérique sur les rassemblements autri- chiens, résiultat qu'elle n'aurait jamais pu atteindre sans cette puissante intervention. En ce qui concerne la défense du Cau- case, elle sera amplement assurée par les divisions de réserve du 1" et du 2^ tour, dont l'effectif, en cas de mobilisation, représen- terait, avec les formations de la milice, l'équivalent de 5 ou 6 corps d'armée.
4° Ligne Debaltzevo (station située entre Kramatorskaïa et Svierevo)-Birsula, passant par les points de llovaïeskaïe, léle- novka, Bolnovatcha, Alexandrovsk, Nicolo-Kozeliski, pour abou- tir sans doute à Olviopol, par Novo-Bug-Maximov.
5° Transversale, à double voie, Saint-Pétersbourg-Dno-Valsk- Kiev; déjà achevée jusqu'à Jlobin, elle est destinée à relier eu ligne droite la capitale de l'empire avec le grand port d'Odessa. (Note du traducteur.)
DES CHEMINS DE FER 181
proportion est de 8,6 en Allemagne et de G,3 en Autri- che (1).
Les chefs-lieux des provinces de Posen et de Silésie ne sont pas encore reliés par un chemin de fer avec Varsovie, capitale de la Pologne, les efforts tentés pour obtenir cette communication aj'ant échoué jusqu'ici devant le refus opposé par le gouvernement de Saint-
(1) Une des grandes causes de faiblesse pour l'Enipire des ïsars, tant au point de vue économique qu'au point de vue mili- taire, a résidé de tout temps dans la (( plaie des distances », c'est-à-dire dans l'étendue des dimensions et dans l'insuffisance des voies de communication." Or, comme l'a dit Napoléon I®"", « il ne faut jamais regretter une dépense qui aura pour cause piincipale l'insuffisance des moyens de transports. Plus l'Empire est vaste, plus on doit donner d'attention aux grands moyens de communication ». C'est en s'inspirant de cette pensée du grand Empereur en même temps que des nécessités politiques, militai- res et économiques de l'époque, que le gouvernement russe a cher- ché à porter remède, petit à petit, à cette situation d'infériorité vis-à-vis des autres grandes puissances de l'Europe.
La presque totalité de son réseau appartenait à des compa- gnies privées, concessionnaires ; il en a racheté la majeure par- tie; c'est au point qu'en 189G il s'était déjà rendu acquéreur de 63 p. 100 des lignes en service.
Il a amélioré et agrandi son réseau, soit en doublant les voies, soit en construisant de nouvelles lignes ; des sommes énormes, pré- levées sur les emprunts contractés par la Russie sur les granda marchés financiers de l'Europe occidentale, ont été consacrées à ce double but ; rien que pour l'exercice 1894, les crédits inscrits au budget pour le rachat et les constructions de chemins de fer se sont élevés à près de 800 millions de fraxics.
Jusqu'en 1882, le personnel des chemins de fer russes compre- nait 50 p. 100 de machinistes allemands, anglais et suédois; 20 p. 100 des surveillants de la voie étaient allemands. Pour des raisons faciles à comprendre, l'autorité russe résolut de nationa- liser ce personnel. Mais la rapidité avec laquelle les voies fer- rées se développèrent rendit impossible l'augmentation du nom- bre des employés de chemins de fer avec les seuls éléments na- tionaux. C'est pour répondre à ce besoin qu'en 1886 on créa 26 écoles techniques destinées à initier les sujets russes aux di- verses spécialités du service des voies ferrées (machinistes, chefs de trains, etc.).
Mais, par suite de la faiblesse générale de leur instruction, les jeunes gens formés dans ces écoles demeurent de longues années avant d'être en état de rendre des services satisfaisants. Dus, pour la plupart, à l'initiative privée de quelques compagnies de chemins de fer, ces établissements furent impuissants à assurer
182 HISTOIEE ET OEGAXISATIOX
Pétersbourg. La ligne projetée qui, par Wresclien et Stralkovo, ira de Posen à Kiitno, où elle rejoindra la voie ferrée Varsovie - Tkorn, est exploitée, en territoire allemand, jusqu'à la frontière, mais ne se prolonge pas sur le territoire russe. Il en est de même de la ligne Breslau - Oels - Kempen - Yilhelmsbrùek - Sieraz - Lodz - Varsovie, qui, bien que construite depuis 1870 jusqu'à Vilhelmsbrûck, est encore à l'état de projet en- tre la frontière russe et Lodz (1).
De Pétersbourg et de Moscou partent trois grandes artères qui ne sont pas encore, il est vrai, à double voie sur toute leur étendue, mais dont l'infrastructure a été préparée pour recevoir une deuxième voie.
Il existait seulement, en 1895, 522 kilom. à l'écarte- ment de voie européen, contre 35.038 à l'écartement russe. L'adoption d'un écartement différent de celui en usage sur presque tout le reste du continent (l'°,435) n'a pas été inspirée, à l'origine, par des considérations d'ordre politique et militaire. En elïet, le plus ancien des cliemins de fer russes, celui de Saint-Pétersl^ourg à Tsarkoé - Selo, dont la construction est due à l'ingénieur autrichien Fr. A. von Gerstner et qui fut inauguré en 1838, avait été établi avec une largeur de l'",82, dans
le recrutement intégral des agents de chenains de fer, comme avait permis de l'obtenir l'utilisation en grand des étrangers et surtout des Allemands dont les sentiments germanophobes du gouvernement russe avaient provoqué l'expulsion en masse.
Enfin, à l'exemple de l'Allemagne, la Russie s'est efiForcée d'ac- croître le rendement de ses chemins de fer en temps de guerre par d'autres moyens encore, tels que : la confection de tableaux pour la marche des trains, la création de commissions de lignes et de commandements de gares; la réunion, sur des points dési- gnés à l'avance, du matériel nécessaire à l'aménagement des wa- gons à marchandises destinés aux transports des troupes. (Note du trcuhu:tcui .)
(1) Sous peu, une ligne, en construction depuis 1902, reliera directement Varsovie à Skalmierzyce en passant pas Lavicz-Lodz er Kalisch. (Xotc du traducAcur.)
DES CHEMINS DE FEE, 183
le but d'augmenter la force de traction et la stabilité des locomotives, en prévision des parcours à grande vi- tesse, ainsi que d'accroître le rapport entre le charge- ment des voitures et leur poids mort. On adopta ensuite la même dimension sur la deuxième ligne, celle de Saint-Pétersbourg à Moscou. Plus tard, à la demande de l'ingénieur américain Wliistler, clioisi comme ingé- nieur conseiller par le gouvernement impérial, la lar- geur de la voie fvit fixée à 5 pieds anglais, soit 1"',524. C'est avec cet écartement qu'a été construite la majeure partie des cbemins de fer moscovites (1).
Même si l'on admet que la Russie ait cliercbé par ce moyen à s'interdire toute communication avec l'Ouest, il y a lieu de remarquer qu'en raison des progrès de l'art du constructeur les difficultés de l'opération con- sistant à déplacer les rails pour les ramener à l'écarte- ment normal sont plus apparentes que réelles.
C'est pendant la campagne de 1877-1878 qu'on eut, pour la première fois, l'occasion de rendre accessible au matériel roulant russe une ligne à voie normale, à savoir la section L'ngheni - Jassy des chemins de fer roumains. Cette expérience a appris aux Eusses eux-mêmes que ladite opération peut s'exécuter sans trop de perte de temps, pourvu qu'on ait la faculté de se procurer les matériaux nécessaires à cette réfection.
L'adoption, par le gouvernement du Tsar, d'un écar- tement de voie supérieur à celui des autres puissances- avait-elle pour but,, en cas d'invasion ennemie, d'empê- cher l'adversaire de se servir des chemins de fer natio- naux pour continuer son offensive et assurer ses ravi- taillements ? Mais, aujovird'hui, les wagons allemands en service sur nos lignes de l'Est sont pourvus d'essieux à coulisses sur lesquels, à l'aide de presses hydrauliques,
(1) Il existe aussi des voies de 1™,066, 0^,896 et l'",828.
184 HISTOIRE ET ORGANISATION
il est facile de donner aux roues un écartement plus grand; toutefois, on n'a pas encore trouvé le moyen de faire subir la même transformation aux locomotives. On peut arriver plus vite au résultat cherché en rapprochan t les rails. Il faut songer que le défenseur (russe), battant en retraite sur son propre territoire, ne manquerait pas de détruire les chemins de fer derrière lui ; dans ces conditions, l'envahisseur, avant de pouvoir les utiliser pour son propre compte, devrait tout d'abord en faire une reconnaissance minutieuse et les rétablir ensuite. En conséquence, la perte de temps occasionnée par le rap- prochement des rails serait de peu d'importance, puis- que ce travail se ferait au fur et à mesure du rétablisse- ment des lignes.
Les troupes techniques peuvent, en vingt-quatre heu- res, remettre en service une longueur de voie égale à 20 kilomètres, c'est-à-dire égale à l'étape moyenne d'une armée. L'inconvénient résultant, pour l'agresseur, de l'é- cartement anormal des chemins de fer russes devient donc négligeable. Par contre, si la Russie prenait l'offen- sive, elle se heurterait sur ce point aux plus grands obstacles, attendu que les traverses qui correspondent à la largeur habituelle des voies de l'Europe centrale sont trop courtes pour se prêter à un éloignement des rails (1), sans compter que l'insuffisance du gabarit des ponts, tunnels et passages rendrait cet élargissement illusoire.
(1) Dans son ouvrage, Das russischc Eiscnhahnnetz zur deutsch- œstcrreichischcn Grcvze (Le lléscau ferré russe sur la frontière austro-allemande), le lieutenant-colonel Nienstaedt émet la même opinion : « Il est à remarquer que l'opération consistant à mettre les voies russes à l'écartement normal par le rapprochement d'une file de rails est beaucoup plus facile à exécuter que l'opération inverse, attendu aue les traverses des lignes européennes sont trop courtes pour permettre un espacement plus grand des rails. » Dans son Cours de Géographie de l'Ecole supérieure de guerre (France), le commandant Leblond est d'un avis opposé et déclare que les traverses allemandes, en particulier, sont assez longues
DES CHEMINS DE FER 185
Quant à l'organisation militaire des cliemins de fer russes, elle a été calquée presque en entier sur la nôtre ; la similitude est complète en ce qui concerne les règles fondamentales; seules, leur application ainsi que les dé- nominations employées présentent de légères différences. A nos commissions de lignes correspondent, en Eussie, les Directions des transports de trouyes, qui, au nombre de quatorze, sont établies, savoir : deux à Saint-Péters- bourg, deux à Moscou et les dix autres à Helsingfors, Vilna, Varsovie, Gomel, Kiev, Charkov, Xovotcberkask, Odessa, Kazan et Tiflis.
En temps de guerre, dans cbaque état-major d'armée, fonctionne une Direction de campagne des communica- tions militaires qui se subdivise en cinq sections dites : des étapes, des voies de communications, des postes, des télégraphes et des transports de l'armée. Au-dessous d'elles se trouvent les employés de chemins de fer du réseau de l'Etat et des Compagnies privées, les comman- dements de lignes et les commandements d'étapes, enfin les troupes de chemins de fer. Les directions de campa- gne sont sous les ordres du chef de l'état-major général de l'armée. En territoire national, la composition des autorités militaires de chemins de fer est la même qu'en temps de paix. En pays ennemi, des commandements de lignes et des commandements d'étapes sont installés, suivant les besoins, sur les voies de communications du théâtre de la guerre dont l'armée a pris possession.
Les troupes de chemins de fer comprennent six batail- lons qui sont, en permanence, à cinq compagnies. Sur le pied de paix, le bataillon compte 28 officiers, 625 hom-
pour se prêter à cette transformation, qui ne nécessiterait qu'un élargissement de 9 centimètres environ (1.524 — ■ 1.435). On voit donc que la question est controversée et, comme nousi ne possé- dons sur ce sujet aucune donnée certaine, il est impossible de sa- voir qui a tort ou raison. (Note du traducteur.)
186 HISTOIRE ET ORGANISATION
mes, et, sur le pied de guerre, 30 officiers, 1.112 hommes, 85 chevaux, 42 voitures et 66 soldats du train.
On est obligé de rendre justice à l'esprit de suite et au savoir-faire avec lesquels la Hussie a su combattre la faiblesse manifeste de son réseau et donner à celui-ci un développement tout à fait suggestif. Cependant, la ca- pacité de rendement de ses chemins de fer, en temps de guerre, n'est pas à comparer, même de loin, à celle des chemins de fer des autres grandes puissances. Le 17 octobre 1888 (ancien style), peu de temps après la ca- tastrophe de Borki, la direction du ministère du Com- merce échut à l'ancien secrétaire d'Etat, von Hubbenet, qui avait déjà donné de nombreuses preuves de sa com- pétence en fait d'organisation de chemins de fer. Il fit paraître toute une série d'instructions fondamentales qui ont dû ( ?) contribuer puissamment à remédier aux dé- fauts et aux imperfections dont se trouvait entachée l'exploitation des voies ferrées. On est seulement en droit de se demander si ces instructions ont réussi à être appli- quées dans toutes leurs parties et par tous les organes des chemins de fer (1).
Dans le tracé et l'établissement du réseau ferré russe, les considérations d'ordre militaire ont certainement tenu la première place; les grandes villes et les garni- sons importantes ont été reliées par le chemin le plus direct avec la frontière occidentale ; enfin, on a fait aboutir les voies ferrées dans les régions où s'effectuera la concentration présumée des armées. Chez les autres nations, au contraire, on a presque toujours tenu compte simultanément des besoins économiques et militaires ; tel a été le cas, même dans les constructions gigantesques exécutées en France depuis 1871.
(l) Règles techniques d'exploitation du 7 novembre 1889 (an- cien style).
DES CHEMINS DE FEE, 187
Il est admis que, lors d'une déclaration de guerre, les chemins de fer de chaque puissance doivent être utilisés en vue de deux objectifs primordiaux : réunion dans les centres de mobilisation des hommes et des chevaux de complément, transport à la frontière menacée des unités mobilisées. Or, il est facile de comprendre que cette dou- ble mission des chemins de fer a une importance encore plus grande en Eussie que partout ailleurs. Des condi- tions politiques pai"ticulières, l'antagonisme entre Eusses- et Polonais, n'ont pas permis d'adopter les règles habi- tuellement suivies pour la répartition des ressources du recrutement, c'est-à-dire d'alimenter les corps de troupe en hommes avec les ressources de la région dans laquelle ils sont stationnés. Les recrues et les rései^istes polonais sont affectés indistinctement à tous les régiments de l'Empire, tandis que les corps qui tiennent garnison dans- l'Ouest reçoivent leurs contingents des circonscriptions de l'intérieur (1).
(1) II y a presque unanimité chez les écrivains militaires alle- mands qui se sont occupés de la question pour dépeindre, sous les couleurs les plus sombres, les conditions dans lesquelles s'effec- tueront la mobilisation et la concentration des armées russes. Voici ce qu'en dit Sarmaticus (pseudonyme sous lequel se cache le nom d'un général allemand bien connu par ses écrits), dans son étude fameuse intitulée : Von der Weichsel zum Dnieper (De la Vistule au Dnieper) :
(( L'infanterie russe reçoit, en nombre rond, 500 hommes de complément par bataillon, soit 8.000 hommes pour une division à 16 bataillons. Elle les prend dans les districts de recrutemeiit qui sont pour la plupart fort éloignés des lieux de garnison. Ce complément va absorber toute l'activité des chemins de fer pen- dant les premières semaines de la mobilisation. Les voitures sont mises en réquisition pour accélérer l'arrivée des réservistes à la station d'embarquement...
» La durée de la mobilisation ne peut être estimée que d'une façon approximative. Elle dépend, pour l'infanterie, des distan- ces qui séparent les garnisons des circonscriptions de recrute- ment et varie, en conséquence, avec les corps de troupe. Ceux qui sont stationnés en Pologne et dans l'Ouest tirent presque tous leurs éléments de l'intérieur. Il s'écoulera des semaines avant que les réservistes aient pu rejoindre leurs corps respectifs. On
188 HISTOIRE ET ORGANISATION
Dans un ouvrage paru il y a quelques années,
peut admettre, comme chiffre moyen, quinze jours pour la mobi- lisation de l'infanterie et de l'artillerie...
» Il faut remarquer que le travail de la mobilisation (réparti- tion des ressources en hommes et en chevaux, tableaux de mar- che des trains, organisation des transports) est beaucoup plus centralisé que dans les autres armées. C'est l'état-major général, à Saint-Pétersbourg, qui a pris la direction de ces travaux et il n'a laissé que fort peu d'initiative aux commandants de corps d'armée. Cette manière de faire, surtout avec les énormes distan- ces de l'Empire, amènera bien des frottements.
» Enfin, il ne faut pas oublier que la Russie n'a fait que des mobilisations partielles et n'a pas encore eu de mobilisation gé- nérale. Dans toutes ses campagnes antérieures, elle s'est présen- tée sur le théâtre de la lutte dans un état de préparation insuffi- sant au début. Ce n'est que peu à peu qu'elle a pu rassembler ses forces pour porter de grands coups. Ce phénomène a été très vi- sible dans la campagne de 1877-78.
» Les enseignements qu'elle en a retirés ont pu être mis à pro- fit, le travail de préparation a pu être complété et perfectionné. Il y a longtemps que la loi sur le service obligatoire fonctionne, et le ministre de la Guerre dispose aujourd'hui de 4 millions d'hom- mes exercés. Après l'armée française, c'est l'armée russe qui est la plus largement dotée en cadres du temps de paix; outre les troupes de campagne, elle possède en permanence des cadres de réserve et de dépôt.
» Mais cet énorme développement de forces et l'étendue colos- sale de l'Empire font augurer précisément qu'une mobilisation générale se heurterait à de grandes difficultés. Elles auront pour cause l'excessive centralisation, les différences entre les situa- tions locales des provinces, l'inhabileté du personnel, et enfin les grandes distances à parcourir. L'Europe centrale peut envisager sans effroi le moment où le colosse russe sera entièrement sous les armes. Tant qu'il n'aura pas été démontré par l'expérience que cette énorme machine peut fonctionner sans à-coups, il n'y a que des déficits à prévoir dans le bilan total des moyens politiques de la Russie. »
Sarmaticus passe ensuite à l'étude du projet d'orérations des armées austro-allemandes, dans l'hypothèse d'un conflit avec l'Em- pire moscovite, et aboutit à cette première conclusion que les len- teurs de la mobilisation et de la concentration de l'armée russe, comparées à la rapidité avec laquelle seront conduites ces opéra- tions par l'adversaire, la condamnent à la défensive et finalement, à la défaite du gros de ses forces dans les plaines de la Pologne. Ce résultat obtenu, l'auteur n'hésite pas à conseiller la marche sur Moscou et continue ainsi l'exposé de son plan offensif :
(( La conduite de la guerre a été modifiée d'une façon essentielle par l'emploi des voies ferrées. La marche sur Moscou, témérité du temps de Napoléon, peut être considérée aujourd'hui comme
DES CHEMINS DE FER 189
Français et Russes vIs-à-vis de la TiipJe alliance, l'aii-
une opération normale, comni© une entreprise possible dont on peut prévoir la direction et l'exécution.
» Beaucoup d'esprits se cabrent devant ces immenses distances et devant les difficultés de ce projet qu'ils considèrent comme inexécutable parce qu'ils n'en voient pas la fin. La catastrophe de la grande armée, en 1812, pèse encore sur les imaginations, comme un cauchemar, d'une façon décourageante. Plusieurs prétendent, par analogie avec ce qui s'est passé à cette époque,, qu'on no trouverait pas la paix, même à Moscou; qu'il y a encore au delà, dans la direction de Saint-Pétersbourg et du Volga, d'im- menses espaces où les Russes peuvent se retirer et entraîner ainsi l'adversaire, pour avoir raison de ses efforts par la durée et par l'étendue. Cependant, la comparaison de 1812 ne se trouve plus juste aujourd'hui. L'obstacle principal, celui des lignes d'opéra- tions et de leur sécurité, est bien diminué par l'existence des voies ferrées; l'organisation des armées modernes est beaucoup plus parfaite que celle des armées de 1812... Par contre, les Rus- ses pourraient, beaucoup plus difficilement qu'à cette époque,, abandonner et détruire leurs foyers, parce que ce procédé tour- nerait contre eux, sans grand dommage pour une armée d'inva- sion bien pourvue et bien approvisionnée (grâce aux chemins de fer).
» En résumé, les conditions géographiques et l'immense étendue de l'Empire des Tsars ne constituent plus pour lui, actuellement, une situation exceptionnelle en Europe. Si le conflit entre Teu- tons et Slaves doit être dénoué militairement par notre généra- tion, il sera tranché victorieusement par les armées allemandes. Il nous suffira d'appliquer judicieusement, en Pologne et en Li- thuanie, les enseignements de la guerre moderne et de faire com- prendre à nos soldats qu'ils ont à défendre, dans les contrées boi- sées et marécageuses de l'Est, nos foyers, notre civilisation alle- mande et notre existence, contre les entreprises et les convoitises du panslavisme ! »
Outre certaines inexactitudes relatives au mode de répartition des contingents polonais dans les corps de troupe, on ne peut s'empêcher de relever une contradiction frappante dans les juge- ments portés par l'auteur de Von cler Wcischscl zum Dnieper sur les chemins de fer russes. Comment expliquer, en effet, que ces chemins qui, au dire de Samiaticus, se seront montrés impuis- sants à remplir leur rôle pendant la période qui précède les hosti- lités, alors que dès le temps de paix l'emploi en avait été prévu dans les plus grands détails, une fois passés aux mains des Alle- mands, deviendront tout à coup de merveileux instruments de précision comme lignes d'étape, de transports et de ravitaille- ment ? Et cependant, à ce moment, l'envahisseur aura non seule- ment à les rétablir, il en sera encore réduit à tout improviser en vue de leur utilisation méthodique.
Cette contradiction ne peut s'interpréter que par un parti pris de l'écrivain, involontaire à coup sûr, mais néanmoins visible,.
190 HISTOIRE ET ORGANISATION
teiir (1) insiste également sur ce fait que la situation géographique et topograpliique de la Pologne est on ne peut plus nuisible à l'organisation militaire de la Hussie.
Malgré les efforts faits par cette puissance pour don- ner une extension de plus en plus grande à son réseau ferré, elle est restée, sous ce rapport, bien en arrière de l'Allemagne et de l'Autriche qui, en trois jours, obtien- -dront de leurs chemins de fer stratégiques le même ren- dement que la Russie en une semaine. Dans tous les cas, la mobilisation de l'armée russe sera plus lente que celle des armées franco-allemandes ; cette infériorité aura pour cause : l'insuffisance du réseau, l'impossibilité •d'incorporer les réservistes polonais dans les régiments de l'Ouest, enfin l'obligation de faire venir des provinces russes les réserves destinées à ces régiments.
ainsi que cela ressort de la conclusion finale que nous avons tenu à citer en entier, afin de renseigner le lecteur avec exactitude sur l'état d'âme particulier de Sarmaticus. Il y a donc, dans ses asser- tions impossibles à concilier, une exagération évidente dans un :sens ou dans l'autre, peut-être même dans tous les deux et c'est, à notre avis, cette dernière hypothèse qui paraît la plus vraisem- blable.
Quant à la situation vraie du recrutement des troupes russes •qui tiennent garnison en Pologne, la voici, d'après le lieutenant- -colonel Nienstaedt :
(( Par suite de leur rapprochement en masse vers l'Ouest, la plus grande partie des corps de troupe de l'armée active se trou- vent stationnés en dehors de leur circonscription de recrutement ; même la garde, à Saint-Pétersbourg, et le corps des grenadiers de Moscou, se recrutent sur tout le territoire de l'Empire. En principe, les recrues polonaises sont réparties dans les régiments de l'intérieur, à raison de 2-5 p. 100, au maximum, de leur effectif "total. »
Il est vrai que, dans le but d'accélérer la mobilisation, on s'est décidé â n'affecter, comme hommes de complément, aux corps de troupe du gouvernement de A'arsovie, que des réservistes prove- nant de cette région. Toutefois comme, dès le temps de paix, ces corps ont déjà des effectifs très voisins de ceux du pied de guerre, le danger qu'il pouvait y avoir à dépasser la proportion ci-dessus, en hommes de nationalité polonaise, se trouve, de ce fait, atténué d'une façon très appréciable. (Xotc du traducteur.)
(1) Paul MoRi.N, caiîitaine d'artillerie (Parie 1889).
DES CHEMINS DE FER 191
Si l'on envisage la question des effectifs, on constate que, par suite de la rapidité plus grande avec laquelle se mobiliseront ses adversaires, la Russie se trouvera dans un état d'infériorité manifeste. Du reste, laissons la parole au capitaine Morin :
« En quoi consistent, dit cet écrivain, les forces russes en Pologne ?
» Il y a les 40.000 sabres et les 190.000 fusils du temps de paix. Admettons que la mobilisation ait plus que doublé le nombre des fusils et que l'on en ait 400.000 ! C'est tout ce que l'on peut admettre de plus favorable. Admettons encore que les routes ordinaires et même les voies ferrées aient permis d'amener en Pologne 100.000 hommes de plus, aux dépens de la mobilisation interrom- pue. Cela fait 500.000 soldats. Que deviendront-ils entre les deux armées marchant vers Kobrin? Ces 500.000 hommes peuvent tenir en échec l'armée autrichienne ; cela est certain. Mais l'armée prussienne, comment l'ar- rêter? L'une des deux armées prussienne ou autri- chienne, la première probablement, atteindra Kobrin. Ce jour-là, que restera-t-il à faire aux 500.000 Russes de Pologne, sinon à capituler?
» L'offensive prussienne commencera deux jours avant l'offensive autrichienne. Ce qu'elle sera, rien ne peut en donner une idée, ni l'offensive de 1866, ni celle de 1870. L'offensive prussienne se précipitera sur son adversaire à demi-désarmé par l'absence de voies ferrées, par la pri- vation d'une mobilisation régionale. L'offensive prus- sienne ne connaîtra ni délais ni appréhensions. Ce sera l'écoulement méthodique d'un million de fusils qui ren- versera tous les obstacles accumulés sur sa route. »
Quoi qu'il en soit, les défectuosités qui viennent d'être signalées occasionneront, durant la mobilisation russe, une circulation intensive, peut-être même des chasses- croisés, sur les voies ferrées, toutes choses qui rendront
192 HISTOIRE ET ORGANISATION
les opérations de cette période beaucoup plus compli- quées que dans les autres armées européennes. Ajoutons « cela les difficultés résultant des distances énormes qui séparent les unes des autres les stations et les grandes villes ; la perte de temps due, par exemple, au transport éventuel des divisions du Caucase, de Moscou, de Kasan et du Don, n'est-elle pas de toute évidence ?
Enfin, à de rares exceptions près, les chemins de fer russes sont à voie unique et leur administration morcelée entre une infinité de sociétés particulières manque sans doute de l'impulsion énergique que lui assurerait une di- rection plus centralisée. En 1896, les deux tiers seulement des lignes ferrées appartenaient à TEtat. Les loco- motives et les wagons, dont le nombre est déjà à peine suffisant (1), ou bien sont disséminés sur toute la super- ficie de l'immense Empire, ou bien encore, lors des grands travaux de la moisson, se trouvent concentrés, peut-être à l'excès, sur les points les plus divers (2). Pour le personnel d'exploitation, ce sera donc une tâclie ardue que de réunir aux endroits convenables le maté- riel roulant nécessaire au moment de la mobilisation.
Comme causes de retards dans l'exécution des trans- ports, il faut encore signaler :
1° Les distances considérables qui séparent les sta- tions ; aucun train ne peut partir de l'une d'entre elles avant que le train précédent ait quitté la station sui- vante ;
2° Le nombre insuffisant des voies de garage ; sur cer- taines lignes, il a fallu les installer, en dernier lieu, dans des sections situées en rase campagne ;
(1) Voir le tableau de la page suivante.
(2) La famine de l'hiver 1891-1892 eut pour cause principale l'insuffisance des moyens de transport ; les céréales en excédent au Caucase, ne purent être transportées en temps utile dans les
DES CHEMINS DE FER 193
3° La diversité du combustible pour lequel les ma- chines sont aménagées, diversité due notamment à ce que, vu la rareté du charbon, on emploie généralement le bois, la tourbe et même les résidus provenant de la distillation du pétrole. Enfin, dernier inconvénient et non le moindre :
4° La variété des écartements de voie dont on distin- gue, en Russie, quatre types principaux :
a) L'écartement maximum (1™,8288), adopté sur la ligne Saint-Pétersbourg - Tsarkoé - Selo ;
régions éprouvées par la disette (Commandant Leblond, Cours de Géographie). (Note du traducteur.)
Situation comparative du réseau et du matériel roulant des principaux États européens.
ÉTATS. |
.VNiNÉES |
LON- GUEURS exploitôis kilom. |
LOCOMO- TIVES. |
VlillIGl voya- geurs. |
ÎLES A bagages ou marchan- dises. |
|
Allemagne |
1893 96 1891 1891 |
45.ÎG1 27.481 13.453 |
16.107 5.553 2.459 |
31.4?3 11.278 7.120 |
322.219 127.348 45.363 |
|
Autriche |
||||||
Italie |
||||||
Totaux |
||||||
1894 1894 |
86.195 39.938 33.310 73.248 12.947 |
24.119 10.3C6 7.333 |
49.821 26.484 8.118 |
494.930 273.503 159.587 |
||
France |
||||||
Russie, ycom la Finlande Totaux . . |
pris |
|||||
17.699 6.420 |
34.602 15.219 |
433.090 61.840 |
||||
Différence en fa- veurde la Triple Alliance |
||||||
Le matériel russe en service comprenait : .
Fourgons à liagages ou Locomotives. Voitures à voyageurs, wagons à marcbaiidises.
113.172
122.762 141.898 145.611
En 1881. |
5.808 |
7.066 |
En 1885. |
6.317 |
7.264 |
Ea 1889. |
6.804 |
7.678 |
En 1890. |
6.933 |
7.759 |
Organ. chem. de 1er.
14
194f HISTOIEE ET ORGANISATION
h) L'écartement normal russe (l'",52i), qui est celui de tous les chemins de fer de la rive droite de la Yistule, y compris le tronçon Ivangorod - Dombrova ; c'est aussj le plus répandu dans l'intérieur de l'Empire ;
c) L'écartement ■européen (1"',435), en usage sur la rive gauche de la Yistule, excepté sur la section Ivan- gorod - Dombrova ;
d) L'écartement réduit, utilisé pour les chemins de fer de ravitaillement.
La faiblesse de rendement des lignes ferrées du Sud et de l'Ouest a été la raison dominante qui a décidé le gou- vernement de Saint-PétersbouTg à ordonner, dès le 1" novembre 1877, la mobilisation et la concentration de six coii)s d'armée, alors que ks opérations actives ne de- vaient commencer que le 1" avril 1878 au plus tôt. {Von LœhdVs Jahresberichte, Leipzig 1886, pages 380 et sui- vantes.)
Pour apprécier la valeur d'une ligne ferrée on peut, en principe, se baser sur la partie la moins avantageuse de cette ligne. Dans ces conditions, la limite maxima du rendement des voies ferrées de la Eussie est représentée par le rendement quotidien d'une ligne allemande à voie unique. Mais il reste encore d'importants travaux à exé- cuter pour que le réseau russe soit mis sur un pied voisin de celui des chemins de fer français et allemands.
Dans son ouvrage Russlands Dichten und Trachten (Rêves et asinrations nisses) (Leipzig 1890, Wigand), Hannibal von Losen, qui a étudié à fond la Eussie, abou- tit à la conclusion suivante :
« En dehors des abus connus de tous, qui se produisent fatalement dans chaque pays, il règne, dans l'adminis- tration des chemins de fer moscovites, une maladresse et une inintelligence surprenantes qu'on rechercherait vai- nement chez une nation à hauteur des exigences de notre époque fin de siècle. »
DES CHEMINS DE FEE 195
Lorsque toutes les constructions en cours seront ter- minées, l'état-major russe disposera en cas de guerre <ie :
a) Onze lignes de concentration, dont cinq à double voie, aboutissant à la frontière occidentale^, savoir :
1° Helsingfors - Saint-Pétersbourg - Taps - Riga - Mosclieiki - Radziviliscliki - Ivocliedary (près de Kovno), une voie;
2° Saint-Pétersbourg - Dvinsk - Vilna - Varsovie, deux voies;
3° laroslavl - Bologoe ~ Yeliki-Luki - îs"ev€l - P.o-
lotzk - Vileika - Lida - Volkovisk - Siedletz, deux voies;
„. , . f Moscou - Smolensk -
4° Jvasan fi,!^*^ ^^^°I^°^° Minsk - Brest - Ivan-
I Kiazan - JioJûmna f , ,
^ \ gorod, deux voies;
c„ ., „, , / Kaluga - Briansk - Gomel -
b Samara - iula _ . ,. , • ^^ ,
-, < Luninez - iiobriu - Cnolm,
Moscou /
V une voie;
Moscou ^ Tula - Orel - Kursk - Kiev -
Orenbourg - Samara] Sarny - iî-oviio, deux voies;
7° Saratov - Balaschev - Liski - Charkov - Pultava - Kiev - Kasatin - Berditscbev - Sdolbunovo, une voie;
8° Tzaritzin - Svierevo - Debaltzevo - Kramatorskaïa - Losovaïa - Pultava - Krementseliug - Snamenka - Zviet- kovo - Fastov, une voie;
9° Tiflis - Bakou - Petrovsk - Yladicaucase - Rostov - Sinelnikovo - lekaterinoslav - Snamenka - Zvietkovo - Cristinovka - Kasatin (la section à double voie Snamen- ka - Zvietkovo est commune aux artères 8 et 9), une voie;
10° Alexandropol - Kars - Batoum - Novorossiisk - lénikalé - Djankoi - Alexandrovsk - Nicolo-Kozeliski - Olviopol - Kalinovka; la section Olviopol - Kalinovka est à l'écarteinent européen; mais elle peut, sans inconvé-
196 HISTOIRE ET ORGANISATION
nient, être utilisée comme prolongement de l'artère 10, attendu que les chemins de fer du sud de la Russie possèdent plusieurs milliers de wagons dont les roues peuvent recevoir des écartemeuts différents. Ce dispo- sitif a été adopté pour permettre aux wagons russes,, chargés de marchandises à destination de l'Autriche, de transiter, sans transbordement, sur le réseau hongrois;. 11° Sébastopol - Djankoi - Perecop - Nicolaïev - Odes- sa - Birsula - Smerinka - Proscurov, deux voies.
h) Huit lignes transversales, dont quatre orientées sensiblement de l'est à l'oiiest, et les quatre autres du nord au sud, savoir :
1" Bologoe - Dno - Pskov - Yalk - Pernau ; 2° Moscou - Hzev - Riatchitza - Kreutzbourg - Riga - \ mdau;
3° Griasi - Orel - Briansk - Smolensk - Vitebsk - Po- lotzk - Dvinsk - Schavli;
4° Krementschug - Bachmatch - Gomel - Bobruisk - Minsk - Yileïka - Kovno;
5° Moscou - Riasan - Koslov - Liski - Millerovo - Rostov;
6° Saint-Pétersbourg - Kiev - Odessa, deux voies; 7" Tilna - Lida - Baranovitschi - Sarny - Rovno, qui ferait communiquer les armées de Lithuanie et de Po- dolie, séparées par les marais du Pripet, deux voies; 8** Bielostock - Brest - .Kovel, deux voies. La transmission télégraphique de l'ordre de mobilisa- tion à tous les commandants de circonscriptions militai- res est assurée dans tout l'Empire, ce qui n'était pas le cas autrefois. Les réservistes sont amenés en voitures sur les points de rassemblement, d'où ils sont transpor- tés, par les mêmes moyens, aux gares de chemins de fer. L'éloignement des stations a considérablement diminué, par suite de la densité plus grande du réseau dont la ca-
DES CHEMINS DE FER 197
pacité de rendement s'est elle-même accrue dans une large mesure. Cet accroissement profite non seulement aux transports de mobilisation ; mais encore, cela va de soi, à ceux de la concentration. Tandis qu'en 1871, par exemple, il n'y avait que quatre lignes à voie unique xiboutissant à la frontière occidentale, savoir : Péters- bourg - Varsovie, Moscou - Varsovie, Kursk - Kiev - Brest - Litowsk, Odessa - Volotscliisk, la Russie dispose, à l'heure actuelle, de cinq lignes à double voie et de six à une voie, soit un nombre quadruple du précédent. Il y a lieu d'ajouter que, dans tous les projets de tracé et d'aménagement de ces voies, on a tenu compte, avant toutes cboses, des intérêts militaires.
En outre, lors d'une mobilisation, on utilisera une ligne étendue d'ouvrages de foi-tification permanente ou passagère qui, tous, ont été construits dans ces dix der- nières années. Jusque-là, il n'y avait, dans la zone fron- tière, que les forteresses démodées de Xovogeorgievsk, Varsovie, Ivangorod, Brest-Litowsk ; sur ces points, aux- quels il convient d'ajouter Eovno, s'élèvent aujourd'hui •de vastes camps retranchés construits à la moderne et ■entre lesquels les lignes fluviales sont barrées, à leur tour, par d'autres ouvrages tels que ceux d'Olita, de ■Groduo, d'Ossovetz, de Lomza, d'Ostrolenka, de Roschau, de Pultusk et de Zegrze.
Depuis des siècles, personne ne l'ignore, les visées su- prêmes de la politique russe se portent de plus en plus sur la péninsule des Balkans, où elles se trouvent en ■opposition avec les intérêts de l'Autriche. Ce sont ces raisons qui poussent l'Empire des Tsars à reporter, à l'aile gauche de son front stratégique du sud-ouest, le centre de gravité de sa puissance militaire (1). Cette
(1) C'est, en effet, une opinion communément admise que, ■dans l'hypothèse d'un conflit armé entre la Triple alliance et
198 HISTOIRE ET ORGANISATION
assertion se trouve confirmée par l'aelièvement tout ré- cent du réseau ferré russe, qui se prête, bien mieux que
ralliance franco-russe, les armées moscovites prononceraient leur offensive contre la fi-ontière autrichienne. A ce propos, et comme complément de l'exposé que nous avons présenté dans une note précédente du projet d'opérations allemand, il ne sera pas sans intérêt de donner un aperçu des considérations qui ont guidé l'état-major de Saint-Pétersbourg dans le choix du point d'atta- que. Ces ccnsidérations, le capitaine W. Stavenhagen les a résu- inées, avec autant de clarté que de concision, dans une étude inti- tulée : Militàr-gcographische Skizzen von dcn KricgsschaupUit- zcn. {Xotr ihi tiaJuctcur.)
(( La principale résultante des efforts de la Russie, dit cet écri- vain, doit être dirigée contre l'alliance austro-allemande. L'im- mensité des distances de ce colossal empire, l'insuffisance de ses voies de communication lui interdisent d'une façon absolue d'en- treprendre, même avec le concours de la France, une oiTensive stratégique à la fois contre l'Allemagne et contre l'Autriche. Même en augmentant ses rassemblements de troupes et en les rapprochant davantage de la région frontière, même en pous- sant encore plus loin le perfectionnement méthodique de ses che- mins de fer. il lui est impossible de gagner de vitesse, dans la concentration de leurs armées, ces deux adversaires si bien outil- lés et de leur opposer des forces supérieures en nombre, au début des hostilités.
» La ligne de conduite à suivre s'impose donc d'elle-même : se tenir d'abord sur la défensive stratégique contre l'un de ses deux ennemis éventuels et employer le gros de ses forces à une offensive énergique contre l'autre. Quant à la question de savoir si c'était l'Allemagne ou l'Autriche qui devait être choisie comme objectif de cette attaque, il fallait considérer la première comme l'adver- saire le plus fort et le plus dangereux, car c'est celui qui, dispo- sant de l'armée la plus nombreuse, sera aussi le premier prêt à entrer en campagne et le mieux protégé contre une invasion par la puissante barrière de ses places avancées et les obstacles natu- rels de ses confins de l'Est. Peut-être aussi y avait-il lieu d'exa- miner si l'Empire allemand, allié à l'Autriche et obligé d'engager la lutte sur deux fronts à la fois, n'avait pas la possibilité de porter son premier effort contre la Russie. Tel qu'il est aujour- d'hui, le système défensif de la France — à moins que les armées françaises ne commettent de trop lourdes fautes — • ne permettrait pas à l'Allemagne d'obtenir, de ce côté, dès le début, des résultats décisifs. Par contre, une attaque brusquée de cette puissance contre la Russie, même avec des effectifs inférieurs, offre les plus grandes chances de succès et présente l'avantage de ne pas livrer sans coup férir à l'envahisseur les provinces orientales de la Prusse. Si ce dernier vient à être repoussé en arrière du Bug et du Niémen, l'Allemagne, avec l'appui de l'Autriche, peut se te- nir sur la défensive à l'est, tandis que, avec ses forces réunies et
DES CHEMINS DE FER 199
sur la droite, à une concentration en masse vers la gau- che de la ligne de défense, c'est-à-dire sur la base Cliolni - Rovno - Snierinka - Birsula; elle est surtout justifiée par la facilité avec laquelle les mouvements de troupes peu- vent s'effectuer du nord au sud du théâtre de la guerre, sous la protection des obstacles naturels du sol et des gigantesques travaux de fortification • — y compris le réduit central de la Yislule — qu'on rencontre sur le front septentrional.
Telle est la signification qu'il faut attribuer au rachat par l'Etat de tous les chemins de fer sud-occidentaux
exaltées par la victoire, elle terrasserait les armées françaises, délivrant ainsi une fois de plus son territoire de l'invasion.
)) Dans le cas oii la Russie choisirait la voie plus courte pour Ijrononcer son offensive contre Berlin, situé à 300 kilomètres seu- lement de la frontière, c'est-à-dire dans la direction Varsovie - Posen, elle s'exposerait à voir ses communications menacées par des contre-attaques venues de la Prusse orientale et de la Si- lésie.
» D'autre part, une attaque dirigée de Varsovie sur la Silésie, en s'éloignant outre mesure des régions de l'Allemagne où doi- vent se jouer les parties décisives, se rapprocherait beaucoup trop de l'Autriche et courrait le risque d'être prise à revers par les provinces nord-est de la Prusse.
)) Contre la Prusse orientale et occidentale, cette attaque se- rait très avantageuse, bien que, cependant, le dénouement ne doive pas être recherché de ce côté et que les obstacles naturels et artificiels accumulés sur la frontière allemande ne permettent pas de porter des coups avec la rapidité nécessaire pour obtenir un succès définitif contre l'Allemagne. Elle aurait son flanc me- nacé par la Silésie.
» En revanche, une offensive russe contre l'Autriche offre de plus grandes chances de réussite. Le sol des provinces limitrophes de Galicie et de Bukovine qui constituent les glacis nord des Kar- pathes, vient en effet se fondre graduellement dans la plaine russe sans présenter d'obstacles naturels; couverte sur ses flancs par les marais de Pinks et un grand fleuve, l'invasion des territoires compris entre le Bug et la Vistule présente de grands avantages. Elle échappe à l'action directe des forces allemandes, évite Cra- covie et, avec Budapesth comme objectif, se rapproche de la Ser- bie et de la Bulgarie, sur l'intervention desquleles elle pourrait compter, tout au moins pour faire échec à la Roumanie, dans le cours des opérations ultérieures contre Presbourg et Vienne. » (Note du traductctvr.)
200 HISTOIRE ET ORGA>^ISATION
aboutissant ù la frontière antricliienne, rachat qui est sur le point d'être achevé.
C'est dans la même intention qu'on utilisera les trans- versales G", 7°, 8°, mentionnées plus haut.
Malgré ses grands rassemblements de troupes dans les gouvernements de Varsovie, Tilna et Kiev, la Russie se verra, sur ce point, réduite à la défensive en présence de l'armée allemande, à moins que des circonstances tout à fait exceptionnelles ne nous obligent à porter le gros de nos forces dans une autre direction. 11 est vrai qu'en raison des conditions géographiques spéciales de la Po- logne russe, cette défensive tirera de grands avantages, tant de la constitution particulière du sol que des points d'appui artificiels qui y ont été créés, A la marche en avant d'un adversaire venant de l'Ouest, le cours moyen de la Yistule opposera un puissant obstacle naturel dont la force se trouvera encore accrue, dans une proportion formidable, par la présence des forteresses de Varsovie, Ivangorod, Brest-Litowsk, Novogeorgievsk et Biélostock. Ces places, qui, pour la plupart, constituent des camps retranchés de premier ordre, sont toutes reliées entre elles par des voies ferrées ; dans la région traversée par la Yistule moyenne, leur ensemble forme un pentagone fortifié supérieur, sous tous les rapports, au célèbre qua- drilatère de la plaine lombarde. Une attaque prononcée contre cette position, en vue de forcer le passage de la Vistule, serait sans doute dirigée dans l'intervalle d'en- viron 90 kilomètres, compris entre Varsovie et Ivango- rod, bien que cet intervalle doive être défendu par une série d'ouvrages en projet et dont une partie est déjà même construite. Ce renforcement est justifié par l'hy- pothèse que, dans des conditions normales, la Eussie de- vant renoncer à prendre l'offensive contre l'armée alle- mande, il y avait lieu d'attacher une importance d'autant plus grande à la fortification de la ligne de
DES CHEMINS DE FER 201
défense formée par la Yistulo. 8i les Russes parviennent à se maintenir sur cette position pendant plusieurs se- maines, les chemins de fer leur amèneront sans cesse de nouveaux renforts, en sorte que le défenseur verra sa force de résistance s'accroître de jour en jour.
Les clieniins de fer russes et les fortifications destinées ù les protéger sur la frontière occidentale (1) de l'Em- pire se sont, comme on le voit, développés parallèlement au réseau stratégique de la France et au rideau défensif formé par les forts d'arrêt et les grands camps retranchés de sa frontière du IS^ord-Est.
.Ces travaux forment la contre-partie de la puissance formidable de notre immense réseau, ainsi que de la rapidité éprouvée de notre mobilisation.
D'ans le but de couvrir la nouvelle ligne stratégique Biélostock - Lomza - Ostrolenka - Zegrze ou Mlavka, dont on a projeté la construction en arrière de la coupure Bug - Xavev, la Russie se propose d'élever une ligne de forts d'arrêt sur les points de Lomza, Ostrolenka, Pul- tusk et Zegrze ; à Test, ce front défensif englobera les forts d'arrêt d'Ossovetz, sur la Bobr, et de Grodno, sur le Niémen.
L'exposé des motifs du projet de loi militaire allemand du 6 décembre 1898, contient ce qui suit :
« La loi du 3 mars 1893 a porté à 479.229 hommes l'effectif de l'armée allemande à entretenir, en temps de
(1) Lors de la disciission de la loi militaire par le Reichstag •(28 novembre 1892), le Chancelier de Caprivi s'exprimait ainsi :
« Conscient du Lut à atteindre, l'état-major russe poursuit ses •efforts avec une lenteur calculée et, guidé en cela par un senti- ment bien naturel, cherche sans cesse à remédier aux défectuo- sités que présente, au point de vue stratégique, le réseau ferré de la Russie, de façon à rattacher peu à peu chaque corps de troupe à l'une des mailles de ce réseau.
» C'est pour nous une nécessité de prévoir, non pas à titre d'ex- ception, mais comme un fait vraisemblable, le cas où nous de- vrons, un jour ou l'autre, engager la lutte sur deux frontières à la fois. »
202 HISTOIRE ET ORGANISATION
paix, jusqu'au 31 mars 1899; elle doit donc, légalement, être renouvelée le l*"" avril 1899. C'est avec une vive satisfaction que la nation allemande peut porter ses re- gards vers les dernières années écoulées ; un gouverne- ment sage, appuyé sur une puissante aimée, a su lui ga- rantir la paix au milieu de toutes les vicissitudes politi- ques. Les circonstances qui, il y a cinq ans, ont nécessité le renforcement de notre armée n'ont pas changé ; dans cet intervalle, les armements poursuivis avec méthode par nos voisins se sont traduits par des dépenses colossales. Les propositions pacifiques du ïsar de Russie donnent à penser, il est vrai, ciue pour le moment une agression de sa part n'est pas à redouter; mais elles n'aboutiront pas à un désarmement que la situation présente permet difficilement d'envisager. Les événements de la guerre hispano-américaine ont démontré, avec une effrayante précision, combien lourdement &e paye l'absence de toute préparation minutieuse et rationnelle en vue de la guerre (1) ; aucun peuple ne peut s'en dispenser s'il veut consers'er son rang et sa puissance. Désor- mais, il faudra donc toujours admettre comme un prin- cipe inviolable ce fait, qu'une armée solide et bien orga- nisée est le plus ferme soutien d'un Etat et le gage le plus assuré de la paix. Nos voisins — la France et la Russie d'Europe — travaillent sans relâche à perfec- tionner leur organisation militaire. Quoique possédant un effectif de paix déjà de beaucoup supérieur au nôtre, ils ont encore porté leur contingent annuel à 250.000 et 300.000 hommes, alors qu'en Allemagne le chiffre légal des recrues est d'environ 227.000 seulement. Dernière- ment leur organisation du pied de guerre a reçu des
(1) Tout récemment encore, la guerre russo-japonaise a été, une fois de plus, la confirmation éclatante de co principe éternel- lement vrai que les Romains, il y a deux mille ans, formulaient déjà, eu ces termes, devenus classiques : Si vis paccm para hél- ium.
DES CHEMINS DE FER 203
développements considérables; la création, en 1897, des 4*' bataillons dans nos régiments d'infanterie (1) est le senl progrès que nons ayons accompli dans cette voie. Cependant, l'expérience enseigne qu'avec le temps il se manifeste, dans toutes les armées, des défauts et des la- cunes auxquels il importe de remédier, si l'on ne veut pas voir leur rendement et leur pouvoir offensif s'affai- blir de plus en plus. Se renouveler et s'accroître sans cesse, telle est la loi du progrès pour un organisme mili- taire sain et vigoureux; tout arrêt dans ce développe- ment est un aclieminement vers la mort, et conduit, dans les circonstances critiques, aux pires catastrophes. Si, pour conserver à notre armée son aptitude à la guerre, nous reconnaissons la nécessité de modifier notre organisation militaire, il faut constater que la situation politique et militaire actuelle nous donne la possibilité de renoncer au sj^stème des unités de seconde ligne créées au moment du besoin, et d'apporter à leur for- mation un calme et une régularité absolus. Il y a là un progrès considérable, réalisé sur le passé, aussi bien dans le domaine économique, que dans les choses mili- taires.
Dans son ouvrage Zu7' Kriegsfrage, publié en 1891 dans la Deutsche Revue, le général von Leczinski, an- cien commandant du 9® corps d'armée, a exprimé la
(1) A l'aide de ces 4*^^ bataillons groupés en régiment le l" avril 1897, la loi militaire allemande du 25 mars 1899 a créé 3 nouveaux corps d'armée (3'^ bavarois, 18*^ et 19*), ce qui porte à 23 le nom- bre des corps d'armée allemands ; en réalité, l'armée allemande compte dès maintenant 624 bataillons, dont 19 de chasseurs, Cl 624
Pour compléter à 3 bataillons les 48 régiments qui sont encore à 2 bataillons, il reste à créer 40 bataillons 40
Total 664
correspondant à l'effectif en infanterie de 27 corps d'armée et demi à 2 divisions. (Note du traducteur.)
204 HISTOIRE ET OKGAMSATION DES CHEMINS DE FER
conyiction que l'heure présente n'est pas favorable à la Eussie pour entreprendre une campagne et que, pour l'instant, aucune guerre n'est à redouter. Néanmoins, «omme il ne faut pas oublier la France, nous avous pour devoir strict de nous tenir sur nos gardes. Du reste, la supériorité des chemins de fer allemands nous permet tl'envisager sans crainte les rassemblements de troupes russes à proximité de notre frontière (1).
Quand, par-ci par-là, on signale de grands mouve- ments de troupes russes A^ers les frontières allemande et autrichienne, il ne faut pas en conclure que des divisions ou des corps d'armée entiers se sont subitement mis en marche. De ce côté, le but de la Russie est bien plutôt de mettre à exécution, petit à petit, et en toute sécurité, un plan combiné de longue date et de prendre position de façon à faciliter, le cas échéant, la réussite du projet d'opérations aiTÔté par son état-major. C'est le devoir de chaque puissance d'en faire autant; c'est aussi son af- faire de décider par quels moyens cette tâche doit être accomplie. Si bien des nouvelles concernant les rassem- blements de troupes sur les frontières peuvent être con- sidérées comme exagérées; s'il en est de même de oer- iains bruits signalant, sur un point quelconque, des pré- paratifs militaires menés avec une activité fiévreuse, il n'en est pas moins certain que partout on met la paix à profit pour procéder, en silence et avec acharnement, à la préparation de la guerre.
(1) Die russische Kricgshcreitschoft, publié par Hans Delbrûck -dans les rrcussischc lohrhucher, année 1902, n" 1.
IV
Autriche-Hongrie.
Profitant des enseignements recueillis dans les cam- pagnes de 1859 et 1866, l'Antriche, dans la mesure de ses moyens, s'est efforcée d'accroître le rendement de ses cliemins de fer en temps de guerre. Elle y est par- venue par la création d'un réseau plus complet et la constitution d'un matériel roulant susceptible de faire face à toutes les éventualités. Les progrès réalisés dans l'organisation de ses cliemins de fer sont dus notam- ment au rachat d'un certain nombre de lignes particu- lières; à l'amélioration et à l'extension des grandes artères de transport ; enfin à la construction de nou- velles voies ferrées ayant un but exclusivement stra- tégique. La mise en service de la section Munkacs - Stryi, en 1890, a mis en communication directe les che- mins de fer autrichiens avec ceux de la Hongrie. A l'heure actuelle, il existe neuf lignes en état de trans- porter les armées austro-hongroises dans la zone fron- tière située au nord des Carpathes.
La longueur totale du réseau atteignait : en 1889,, 25.731 kilomètres; en 1891, 27.616 kilomètres; en 1893,. 29.160 kilomètres; en 1895, 30.038 kilomètres.
Pour ce qui a trait aux chemins de fer, la défense des intérêts militaires est confiée au ministre de la Guerre de l'Empire et, concurremment, au chef de l'état- major général. En temps de guerre, l'organisation autri- chienne offre la plus grande ressemblance avec celle de l'Allemagne.
206 HISTOIRE ET ORGANISATION
Le diiccicur des chemins de fer de camj)agne a sous ses ordres :
Les directions de transports sur les chemins de fer de campagne;
Les commissions de lignes et les commissions d'é- tapes;
Les directions militaires de chemins de fer, assistées des i7ispections militaires d'exploitation et des sections d'exploitation chargées d'assurer le service sur les lignes dont l'armée a pris possession; les compagnies de che- ,mins de fer et les sections d'ouvriers de chemins de fer auxquelles incombent la réparation et l'agrandissement des voies, la construction des chemins de fer de campa- gne et la destruction des lignes en territoire ennemi.
Sur les portions du réseau situées en dehors du théâ- tre de la guerre, fonctionne la direction centrale des transports en chemins de fer, secondée par des com- viissions de lignes et des commissions d'étaj>es, sur les lignes qui n'appartiennent pas à la zone des opérations actives.
Les devoirs et les attributions du directeur des che- mins de fer de compagne sont les mêmes qu'en France.
Les directions militaires des chemins de fer ont pour mission d'organiser et de diriger l'exploitation sur les lignes occupées (environ 450 kilomètres par direction) ; elles sont subordonnées aux directions des transports sur les chemins de fer de campagne, en ce qui concerne les transports, et au directeur des chemins de fer de camjjagne, pour les affaires ressortissant au service tech- nique de l'exploitation.
Le 1" août 1883, l'Autriche a créé un régiment des chemins de fer et des télégraphes comprenant : 3 batail- lons à 4 compagnies et un cadre des chemins de fer et des télégraphes. Son effectif est de 80 officiers et 1.447 hommes sur le pied de paix; sur le pied de guerre, il
DES CHEMINS DE FER 207
compte, ccmiae troupes de chemin de fer, 12 compagnies <le campagne à 5 officiers, 224 hommes, 29 chevaux et 6 voitures, plus un bataillon de réserve à 3 compagnies. A la mobilisation, le commandant du régiment et deux chefs de bataillon, avec leurs officiers adjoints, sont dé'.achés auprès du directeur des chemins de fer de cam- 2)agne.
Pour le service de l'exploitation, il est créé des grou- pes, au nombre de huit, appelés sections d'exploitation. Les 208 hommes de chaque section sont recrutés dans le personnel des administrations civiles de chemins de fer, astreint au service militaire; ils portent l'uniforme des chemins de fer avec des insignes particuliers.
L'enlèvement de l'outillage de guerre d'une compa- gnie de chemins de fer, qui doit être chargé, parb'e soir des voitures ordinaires, partie sur des wagons, a lieu an moyen d'un train organisé spécialement dans ce but et qui sert à la fois de dépôt et d'atelier ambulant.
La composition de ce train est la suivante :
1 locomotive, 1 voiture à bagages, 9 voitures à voya- geurs, 5 wagons-écuries, 6 wagons couverts à marchan- dises, 3 lowry, 6 lowry pour voitures, ensemble : 30 wagons ou 60 essieux.
Tandis qu'en France, en Allemagne et en Italie, les bases de l'organisation militaire des chemins de fer ont été créées par voie législative, en Autriche elles repo- sent, pour la plupart, sur une entente à l'amiable entre le ministère de la .Guerre de l'Empire, les ministères intéressés et les administrations de chemins de fer. ^
Une innovation à signaler dans cette organisation, c'est l'institution de chemins de fer transportables et de ponts de chemins de fer démontables.
Elle prouve d'une façon évidente le souci constant avec lequel les puissances cherchent à améliorer leurs mcj-ens de défense, à pousser les préparatifs de leur
208 HISTOIRE ET ORGANISATION DES CHEMINS DE FER
zoue de conceutration et à assurer le ravitaillement de leurs armées en temps de guerre. En effet, d'après les déclarations faites au Eeiclistag autrichien par le feld- zeugmeister baron Bauer, ministre de la Guerre de l'Empire, cette création constitue « une aide indispen- sable pour le bon fonctionnement du service des ravi- taillements dans la guerre moderne ».
Les doubles voitures de ces cliemins de fer transpor- tables sont traînées soit par des locomotives à voie étroite, soit par des chevaux; dans ce dernier cas, elles peuvent, en trois relais, parcouri'r GO kilom. par jour; chacune d'elles contient 15.000 rations de pain ou 5 bœufs.
Quant à l'utilité des ponts démontables, elle saute aux yeux, rien qu'à l'idée des destructions de ponts et d'ouvrages d'art qui seront accomplies par l'ennemi.
Les expériences faites à Argenteuil avec des ponts démontables ont été absolument concluantes; on a cons- truit des ponts comprenant trois portées de 20, 27 et 29 mètres, dont le tablier avait une longueur totale de 70 mètres, y compris la partie qui reposait sur les rives.
Pour rétablir la circulation sur un pont présentant une interruption de 70 mètres de longueur, on ne compte pas plus de soixante heures de travail.
Italie.
La forme de l'Italie, la configuration de son sol, l'im- portance prépondérante de la culture de la terre et des arbres fruitiers, la stagnation de l'activité industrielle, la rareté du fer, du chaibon et du bois, la pauvreté de ses habitants sont autant de circonstances qui privent ce royaume du trafic prodigieux de marchandises et de voyageurs que Von constate chez les autres nations civilisées de l'Europe.
Déjà très onéreux dans les régions montagneuses de la péninsule, les frais de construction des chemins de fer, augmentés encore par la cherté des capitaux, attei- gnent des sommes considérables; en raison de la fai- blesse du trafic, sur les lignes peu favorisées, les dé- penses d'exploitation sont très grandes et les recettes brutes relativement modiques. Les lignes les plus an- ciennes datant de 1839 et doivent leur origine bien plus au caprice des princes qu'aux nécessités commerciales.
En lin mot, la nation italienne n'a aucune aptitude pour la construction des chemins de fer. Sans les se- cours qui leur ont été distribués avec prodigalité par les pouvoirs publics, les chemins de fer actuels ne parvien- draient pas à vivre.
Une loi promulguée le 27 avril 1885 a réparti les che- mins de fer continentaux en deux groupes — le réseau de l'Adriatique et celui de la Méditerranée — ayant à peu près la même étendue, afin d'assurer aux deux compagnies d'exploitation de ces réseaux des avantages
Organ. chem. de 1er. 15
210 HISTOIRE ET ORGANISATION
équivalents sous le rapport du trafic intérieur et exté- rieur. Cette loi forme aujourd'liui la base même de l'organisation des chemins de fer de l'Italie.
En 1892, le réseau de la Méditerranée avait 4.870 kilomètres de longueur, le réseau de l'Adriatique, 5.233 kilomètres et celui de la Sicile, 7G8 kilomètres (1).
L'Etat possède la plus grande partie des lignes fer- rées; sur quelques-unes, il est copropriétaire; le reste appartient à des sociétés particulières, parmi lesquelles la compagnie des chemins de fer du Midi, qui exploite 1.800 kilomètres.
Les traités de concession pour "l'exploitation des lignes de l'Etat par des compagnies privées sont valables pour une période de soixante années, mais avec faculté de ré- siliation au bout de vingt ans.
Le gouvernement exige que les compagnies consa- crent annuellement 102 millions de lire à de nouvelles constructions; il a la haute surveillance de l'exploita- tion qu'il prend personnellement en main à la mobili- sation.
Dans ces derniers temps, l'Italie s'est efforcée, avec beaucoup de persévérance et d'esprit de suite, d'aug- menter la capacité de rendement de ses chemins de fer en temps de guerre.
Alors qu'au l*''" janvier 1893 le développement de son réseau n'était que de 14.184 kilomètres, il atteindra prochainement 17.000 kilomètres lorsque les compagnies aiiront achevé les lignes qu'elles doivent construire avec le concours de l'Etat.
La loi du 30 décembre 1888 a mis à la disposition du
(1) Au 1" janvier 1900, les voies ferrées italiennes avaient un développement de 15.883 kilomètres, se répartissant ainsi : ré- seau de la Méditerranée, 5.825 kilomètres ; réseau de l'Adriati- que, 5.868 kilomètres; réseau de Sicile, 1.099; réseaux divers à voie normale, 1.870; réseaux divers à voie étroite, 1.210; chemin de fer à traction électrique, 11. (Note du traducteur.)
DES CHEMINS DE FER 211
gouvernement un crédit de 80 millions de lire pour l'amélioration du réseau ferré (1).
Toutes les lignes qui, partant des principales villes, se dirigent vers la vallée du Pô ou qui longent ce cours •d'eau seront pourvues d'une double voie.
Toutefois, après comme avant, le point faible des chemins de fer italiens réside dans l'installation défec- tueuse des gares, tant de fois signalée. De toutes parts, la dii'ection centrale de Rome reçoit à ce sujet des plaintes continuelles et parfaitement justifiées, aux- quelles, vu l'état lamentable de la situation financière, il lui a été jusqu'ici impossible de donner satisfaction d.'une façon complète. Au dire des spécialistes, il fau- drait consacrer annuellement 3 millions 1/2 de lire pour obtenir progressivement une amélioration radicale de la superstructure sur toutes les lignes d'une impor- tance majeure et, en particulier, pour remplacer les rails actuels en fer par des rails en acier.
Dans l'extension donnée au réseau italien, on s'est proposé un double objectif :
En premier lieu, accélérer la concentration straté- gique de l'armée sur les frontières française du nord- ouest et autrichienne du nord.
(1) Malgré les sacrifices consentis par l'Italie, il s'en faut encore de beaucoup que son matériel de chemins de fer soit à hauteur des exigences économiques et militaires du royaume. En 1899, l'in^ suffisance de ce matériel n'a pas permis aux compagnies de trans- porter à la fois, sans léser gravement les intérêts du commerce, les troupes revenant des manœuvres et les corps devant changer de garnison. Le gouv^ernement italien s'est ému de cet état de choses, qui pouvait être cause de difficultés considérables au mo- ment de la mobilisation. C'est pourquoi, sur la proposition du mi- nistre des Travaux publics, il a décidé la construction immédiate de 111 locomotives, 4 automobiles, 458 voitures, 56 fourgons et 3.000 wagons devenus nécessaires par suite de l'augmentation du
trafic des compagnies de l'Adriatique et de la Méditerranée. Le matériel, qui a exigé une dépense de 43 millions, a été livré
en 1900, à cause de l'Exposition de Paris et de l'année jubilaire
à Rome.
212 HISTOIRE ET ORGANISATION
En second lieu, augmenter, par la création de lignes secondaires, la capacité de rendement des deux lignes uniques de pénétration, celles des côtes de l'Adriatique et de la Ligurie, qui relient le sud et le centre du royaume, c'est-à-dire la presqu'île proprement dite, avec le théâtre de guerre éventuel de la basse plaine lom- barde.
Enfin, dans le développement du réseau italien, on constate une tendance marquée à couvrir les nœuds et les points terminus des voies ferrées par des forts et des forteresses d'arrêt établis à la frontière des Alpes.
Quant à l'importance, au point de vue de la Triplice, des lignes italiennes, il faut, à ce propos, faire, tout d'abord, entrer en ligne de compte ce fait, que le réseau de l'Italie est séparé du reste de l'Europe par les Alpes.
Pour la concentration de son armée sur les frontières nord-ouest, nord et nord-est, le royaume ne possède que trois lignes traversant son territoire du sud ou nord dans toute sa longueur; il disposera d'une quatrième voie plus courte que les autres après l'aclièvement des sections Vérone - Bologne et Avezzano - Eaenza.
A ces grandes artères il convient d'ajouter une quan- tité respectable de voies secondaires qui sillonnent la Lombardie.
■Quand bien même, avec le temps, on aura terminé la construction d'un grand nombre de transversales re- liant les deux littoraux, il restera néanmoins beaucoup à faire de ce côté pour rendre possible une concentra- tion rapide des forces de l'Italie sur un point quel- conque de son immense étendue de côtes.
Comme ckez les autres puissances, au moment de la déclaration de guerre, la direction générale des trans- ports en cliemins de fer passe entre les mains de l'auto- rité militaire. Le soin d'organiser ce service sur toutes les lignes incombe, sous la direction du clief de l'état-
DES CHEMINS DE FER 213
major, à la deuxième section de l'état-major dont dé- pend une subdivision appelée direction des transports militaires.
En outre, de même qu'en France, une commission mixte, composée de membres militaires et tecliniques, a été instituée, sous le nom de commission centrale des transports militaires en cheviins de fer, pour étudier toutes les mesures à prendre en vue d'assurer l'exécu- tion des grands transports de troupes en temps de
guerre.
Cette commission comprend :
1° Le chef d'état-major;
2° Un officier général désigné;
3"* Le chef de la direction des transports militaires de l'état-major, les commissaires militaires des chemins de fer, l'inspecteur général des chemins de fer, repré- sentant du ministre des Travaux publics, les directeurs de l'exploitation des grandes compagnies, assistés cha- cun d'un haut fonctionnaire pris dans les différentes spécialités;
4° Un officier d'état-major, secrétaire.
Pour la préparation des transports militaires de tout genre, il existe, dès le temps de paix,'à E-ome, Florence, Bologne, Gênes, Pise, Naples, Alexandrie, Vérone, An- cône, Plaisance et Turin, des commissions permanentes de gares, composées de : un capitaine, un officier subal- terne, un sous-officier, avec le nombre de soldats néces- saire.
Ces commissions sont sous les ordres du commande- ment militaire de la station de leurs garnisons respec- tives. De concert avec l'administration des chemins de fer, elles ont à pourvoir au logement des troupes de passage, à la formation des trains supplémentaires, etc.
A signaler le soin particulier avec lequel, en Italie, on dresse les officiers au service des chemins de fer;
214 HISTOIRE ET OllGAXISATIOX
tous les ans ont lieu, pendant quatre mois, des cour» spéciaux auxquels assistent des officiers de toutes armes, sauf la cavalerie (1).
En 1890, à l'exemple des autres grandes puissances, l'Italie a doté son armée d'une troupe tecknique com- posée d'hommes connaissant le service des chemins de fer et dont la mission principale consiste, en temps de guerre, à détruire les voies ferrées, à rétablir celles qui ont été détruites et à en construire de nouvelles, desti- nées à être utilisées exclusivement pour les besoins de l'armée.
Cette troupe spéciale, qui est chargée de l'instruction du personnel appelé à encadrer les compagnies d'exploi- tation (Comjmgnie d'exercizio) recrutées parmi les em- ployés de chemins de fer astreints au service militaire, porte le nom de brigade des chemins de fer (Brigata ferrovieri). Afin de pousser à fond son instriiction tech- nique, on lui a confié le service ordinaire de l'exploita- tion sur la ligne Turin - Torre - Pellice et sur l'embran- chement Bricherario - Barge; mais elle n'a pas à s'occu- per de la partie financière ni de l'entretien de la voie. Le traité conclu, dans ce but, avec l'administration civile est valable pour cinq années.
En temps de paix, la brigade des chemins de fer com- prend : 20 officiers et 800 hommes. L'effectif de chaque
(1) En 1899, 85 officiers subaiternes d'infanterie et de cavalerie (41 en activité, 44 en service auxiliaire ou de complément) ont suivi les cours d'exploitation militaire des stations de chemins de fer, sous la direction du conimandenient du corps d'état-major. Le cours, dont la durée totale a été de deux mois, s'est divisé en deux périodes, savoir :
Deux semaines d'instruction théorique reçue au siège de cha- que groupe (Turin, Bologne, Rome) ;
Six semaines d'instruction pratique donnée dans les stations de chemins de fer auxquelles avaient été affectés les officiers,
(Circulaire du ministre de la Guerre italien, en date du 21 jan- vier 1899. Information donné par la Hcvuc militaire fiançaisc^ n» 855, page 162.)
DES CHEMINS DE FER 215
compagnie sur le pied de guerre est de 5 officiers, 240 hommes, 26 chevaux et 5 voitures. En outre, à la mobi- lisation, il est créé 8 compagnies de chemins de fer à 800 hommes, avec le personnel, encore soumis à la loi militaire, des réseaux de la Méditerranée et de l'Adria- tique.
VI Conclusion.
Vav les considérations qui précèdent, je crois avoir réussi à montrer au lecteur comment s'est modifiée la situation respective des moyens de transport en général et des besoins nouveaux créés par les méthodes de la guerre moderne et la puissance du nouvel armement. La guerre de l'avenir deviendra de plus en plus une lutte dans le domaine technique, et la victoire définitive appartiendra à celui qui pourra disposer de l'organisa- tion la plus perfectionnée.
Quoi qu'il en soit, cette constatation enlève beaucQup de son côté idéal à la guerre qui, selon l'expression de Moltke, est une institution d'ordre divin, destinée à développer les plus nobles vertus de l'humanité.
Grâce aux voies ferrées, les armées du temps présent ne sont plus, comme autrefois, liées d'une façon invaria- ble à une ligne de communication unique, et leurs succès ou leurs revers ne dépendent plus de la posses- sion ou de la perte d'un seul des éléments de leur force. Elles ne font plus qu'un avec la région sillonnée, en arrière d'elles, par les chemins de fer et se trouvent ainsi en contact intime avec la totalité du sol de la mère patrie.
La guerre de l'avenir se manifestera avec une puis- sance de destruction inconnue jusqu'à ce jour; im- menses comme les armées seront les catastrophes qu'elle entraînera à sa suite.
C'est pour nous une grande consolation de constater
HISTOIRE ET OKGAXISATION DES CHEMINS DE EER 217
que si, dans les campa gués futures, les chemins de fer sont appelés forcément à remplir, dans les directions les plus opposées et sur les points décisifs, une mission plus importante que par le passé et dont ils sont les seuls à assumer la ckarge, leur emploi aura, comme conséquence primordiale, de hâter le dénouement, d'en accentuer la violence et d'abréger ainsi les souffrances, les sacrifices et les ravages causés par la guerre.
Selon toute probabilité, la bataille de l'avenir résul- tera d'une concentration des armées encore plus rapide et plus foudroyante que toutes celles enregistrées jus- qu'ici dans l'histoire des chemins de fer; les luttes de- vant nécessairement être d'autant plus courtes que l'armement est devenu plus perfectionné, les obliga- tions imposées aux voies ferrées s'accroîtront désormais dans une proportion gigantesque (1).
(1) Bien que le projet du canal de l'Elbe au Rhin ne soit pas dû à l'initiative propre de l'autorité militaire, ce serait une er- reur de croire que celle-ci se désintéresse totalement de la cons- truction de cette nouvelle ligne de communication, car elle attache le plus grand prix à l'utilisation, en temps de guerre, des voies de communication par eau. Cela ressort clairement des déclarations concordantes faites, en 1899, à la commission du canal, par le général von Gossler, ministre de la Guerre, et par le colonel Budde, chef de la section des chemins de fer du grand état-major. Il résulte de ces déclarations que, depuis la guerre de 1870-71, on a fait d'immenses préparatifs pour organiser mi- litairement la navigation intérieure et pour en tirer parti dans la conduite des opérations. On a adopté, à cet effet, des disposi- tions analogues à celles prévues pour l'emploi des chemins de fer, en temps de guerre.
Ce sont précisément les leçons recueillies, de part et d'autre, pendant la campagne de 1870-71, qui ont donné l'idée de faire des préparatifs de ce genre. Si, à cette époque, le service de la navigation intérieure avait été doté d'une organisation militaire et si nous avions prévu les difficultés que devait rencontrer l'exploitation des voies ferrées, nous eussions pu utiliser sur une vaste échelle le Rhin, la Moselle, ainsi que le canal de la Marne au Rhin et les autres lignes d'eau françaises. Ce fait eût été de la plus haute importance pour le siège de Paris en particu- lier. Les services que les chemins de fer peuvent rendre sont su- bordonnés à une exploitation méthodique, au soin avec lequel Orgaa. cliem. île fer. l'j.
218 HISTOIRE ET ORGANISATIOX
En présence du développement des masses armées mobilisées et de l'augmentation de la puissance de l'ar-
ou a su préparer la mise en mouvement de tous les rouages de cet organisme délicat. 11 est possible de satisfaire à ces conditions jusqu'à l'achèvement de la concentration, parce que, jusque-là, toutes les mesures ont été prises, à l'avance, pour un emploi ra- tionnel des voies ferrées. Mais, au cours des opérations, la guerre subit des fluctuations continuelles; de nouveaux besoins à satis- faire, surgissant presqtie toujours à l'improviste, occasionnent dans le fonctionnement du service des troubles qui ont un reten- tissement sur la capacité de rendement des lignes jusque dans l'intérieur du pays. C'est ce que le colonel Budde a démontré, d'une façon saisissante, par de nombreux exemples tirés de l'his- toire des chemins de fer français et allemands, pendant la der- nière guerre. On peut être certain que l'état-major général, de concert avec les administrations de chemins de fer, a tout prévu pour éviter, autant que possible, le retour des encombrements qui se sont produits, à cette époque, après l'achèvement des transports stratégiques ; toutefois, il n'est au pouvoir de per- sonne de modifier, en quoi que ce soit, les exigences de la guerre, qui ont pour caractère propre d'être essentiellement variables, ou les nécessités de l'exploitation des voies ferrées, dont la con- dition primordiale est la régularité.
En conséquence, la direction suprême des armées doit chercher à utiliser simultanément tous les moyens de communication : voies de terre et d'eau, voies ferrées ordinaires et chemins de fer de campagne. Chacun d'eux a ses points forts et ses points fai- bles, avec lesquels il faut compter. Par suite de désordres, d'acci- dents, d'encombrements, de défaut de charbon, de manque de personnel ou de matériel, les chemins de fer viennent-ils à refuser éventuellen\ent le service, le commandement peut alors recourir aux voies de terre et d'eau, qui, du reste, doivent, d'une façon constante, soulager et compléter les chemins de fer, autant que la chose est en leur pouvoir? Depuis 1871, notre réseau a pris une grande extension et réalisé des progrès réels au point de vue de l'exploitation ; mais, en revanche, les besoins auxquels il devra satisfaire, dans une prochaine guerre, se sont accrus dans des proportions colossales. Il faudra du temps pour rassembler et expédier tout ce qui leur est nécessaire aux millions de com- battants que les luttes futures mettront en présence. Telle est cependant la tâche qui incombera au généralissime; la puissance en faveur de laquelle ce redoutable problème aura reçu la meil- leure solution ne deA'ra jamais désespérer de triompher, à la lon- gue, de so?\ adversaire. Il est donc indispensable d'utiliser tous les moyens de transport, sans exception, pour relier les immenses armées modernes avec la mère patrie. Un simple coup d'œil sur la carte montre que les grands cours d'eau allemands, tels que le Rhin, à l'ouest, la Vistule et le Frisch-hafF, la Varthe et la Netze, enfin l'Oder à l'est, représentent des bases d'opérations
DES CHEMINS DE FER 219
mement, le nombre et la qualité des moyens de trans- port occuperont une place de plus en plus grande, parce que, dans la prochaine guerre, il faudra renchérir
naturelles, capables d'assurer le ravitaillement des niasses alle- mandes mobilisées.
Que l'emploi des lignes fluviales ait été prévu dans tous ses détails, c'est un fait connu de tout le inonde ; mais que nous manquions encore d'une communication par eau entre les deux bases d'opérations de l'Est et de l'Ouest, cela ressort de l'examen de la carte. Suppose-t-on cette communication établie, dès lors nous disposons d'un puissant moyen de transport pour constituer, à proximité de chaque frontière, tous les approvisionnements indispensables aux armées pendant tout lo temps où, sur les chemins de fer, absorbés par la mobilisation et la concentration, les mouvements de matériel auront dû être suspendus d'une façon absolue. Durant cette période, les vivres, les munitions, le matériel de l'artillerie et du génie, ainsi que les approvision- nements du service de santé seront amenés sur la base d'opé- rations, en suivant les voies navigables, moins rapides, il est vrai, que les chemins de fer. Là, après avoir été triés et mis en ordre, ils seront déposés dans de vastes magasins de con- centration, de façon que leur lotissement corresponde aux besoins journaliers de l'armée. Par ce moyen, on évitera le surmenage que nous avons imposé à nos chemins de fer en 1870. La ligue d'eau, avec ses installations et ses bassins, peut servir de n\aga- sin; par contre, la ligne ferrée exige un retour rapide des wa- gons, retour sur lequel on peut rarement compter, en temps de guerre^ quand il s'agit de transporter d'énormes quantités de ma- tériel. C'est pourquoi le canal du Ehiu à l'Elbe sera un auxiliaire précieux pour approvisionner la base de concentration aussi bien à l'est qu'à l'ouest. Il servira, en outre, à débarrasser l'ar- mée de tous ses impedimenta ; malades, blessés, prisonniers, pri- ses, etc., seront avantageusement transportés par eau. Ainsi soulagées, les voies ferrées pourront rester ouvertes dans une plus large mesure au trafic privé, lequel, en temps de guerre, par suite du bouleversement de toutes les conditions économiques, subit, comme le prouve l'expérience, une rapide extension et des frottements nombreux. De plus, grâce à ce canal, les travaux de l'industrie et de l'agriculture se trouveront préservés^ de la sta- gnation pendant que les chemins de fer seront accaparés, en tota- lité ou en partie, par les services de l'armée. Même pendant la guerre, ledit canal aura donc une grande valeur au point de vue économique. Les Français attachent aux communications par eau une telle importance qu'après 1870, sur la proposition de deux anciens ministres de la Guerre, MM. Krantz et de Freyci- net, ce dernier bien connu pour l'énergie qu'il a déployée comme membre de la Défense nationale, ils ont donné à leurs voies navi- gables un développement gigantesque en s'inspirant uniquement de considérations stratégiques; c'est ce dont la commission du
220 HISTOIRE ET ORGANISATION
eiiculo sur les services rendus par les voies ferrées en 1870.
Par conlre, robligation, pour les grands Etats euro- péens, d'appeler sous les armes tonte leur population valide, en utilisant dans ce but l'organisation savante de leur réseau stratégique, constitue une garantie de plus pour le maintien de la paix. Cette garantie s'ac- corde, du reste, également bien avec les intérêts des nations dont la neutralité est placée sous la sauvegarde des principales puissances de l'Europe. Quiconque a ré- flécbi sur la situation respective de ces dernières sera persuadé qu'une lutte engagée entre deux quelconques d'entre elles ne restera pas circonscrite entre les pre- miers belligérants et deviendra, au contraire, le signal d'une conflagration générale.
Il n'y aura plus, dès lors, un seul peuple en mesure de jeter le poids de ses armes dans la balance, pour la faire peucber en faveur du maintien de la neutralité
canal a pu se rendre compte par l'examen des cartes qui lui ont été mises sous les yeux.
Invité, en 1883, à donner son avis à propos des canaux de Dortn)und à l'Ems et du Rhin à l'Elbe, le maréchal de Moltke, alors chef du grand état-major prussien, s'est exprimé comme il suit :
« Dans l'intérêt de la défense nationale, il importe au plus haut point c_[ue ces deux projets soient mis à exécution. »
Il déclarait, en outre, que le canal du Rhin à l'Elbe, aujourd'hui à l'étude, serait beaucoup plus utile que celui actuellement creusé entre Dortmund et l'Ems.
En résumé, le canal du Rhin à l'Elbe, projeté pour répondre à des intérêts économiques, est considéré par l'administration de la- Guerre non pas seulement comme une nouvelle et puissante ligne de communication, indépendante des voies ferrées et des- tinée à relier les bases d'opérations des deux théâtres de la guerre situés à l'est et à l'ouest de l'Empire, mais aussi comme une base d'opérations autonome pouvant être utilisée en prévision d'une attaque éventuelle dirigée contre nos frontières maritimes.
Il est donc permis d'attribuer à ce canal un rôle capital dans la défense de la patrie allemande.
« Die Zul<unft Drutschlands hàngt von dcm Aushau sciner Wassrrstrasscn ah. » (Guillaume II.)
DES CHEMINS DE FEE 221
des Etats auxquels elle a été garantie. Les gouverne- ments de ces Etats, tels que la Belgique (1) et la Suisse
(1) TJn coup d'œil sur la carte montre l'importance, pour l'Al- lemagne et la France, de la position de la Belgique enclavée dans l'angle aigu formé par les limites des deux pays; un coup d'œil sur l'histoire militaire prouve combien ont été fréquentes, sur ces points, les luttes décisives entre l'Est et l'Ouest.
Par le traité de 1839, la neutralité de la Belgique a été placée sous la garanti© des cinq grandes puissances -. Angleterre, France, Prusse, Russie et Autriche; en 1870, à la suite d'une double con- vention avec la France et la Prusse, l'Angleterre s'engagea à protéger cette neutralité. Quel compte sera-t-il tenu des enga- gements pris, dans la prochaine guerre? C'est ce que l'avenir nous dira.
Quoi qu'il en soit, depuis les modifications apportées au tracé des frontières en 1871, l'importance de la Belgique s'est considérable- ment accrue; l'attention s'est surtout portée de son côté en 1889, lorsque la guerre fut sur le point d'éclater. A ce moment, elle a reconnu d'elle-même l'obligation de se préparer sérieusement à l'éventualité d'une lutte, comme le dénotent l'impulsion énergique imprimée à la mise en état de défense de son territoire et, en particulier, la construction des fortifications de la Meuse, qui forment, au Sud, la ligne avancée de son grand réduit fortifié d'Anvers.
Déjà, en 1870, de Moltke avait envisagé, mais à titre acces- soire seulement, l'invasion de la Belgique par l'armée française. A cette époque, l'offensive française ne pouvait avoir lieu qu'en partant de la base Strasbourg - Metz, car, de ce côté, la fron- tière allemande n'était défendue que par un petit nombre de forteresses incomplètement armées. D'autre part, l'attentioni des Français était partagée entre l'Allemagne du Nord et l'Alle- magne du Sud ; par une pointe audacieuse et soudaine, ils pou- vaient, en effet, séparer la Confédération du Sud et celle du Nord et contraindre la première soit à rester neutre, soit à s'unir à eux. Aujourd'hui, la base Metz - Strasbourg appartient à l'Al- lemagne et s'appuie à deux places fortes de premier ordre ; par contre, placée vis-à-vis de l'Allemagne, solidement unifiée, la France serait obligée de porter son offensive au cœur de sa rivale, c'est-à-dire sur Berlin.
Une ligne droite tirée entre Paris et Berlin coupe la Belgique, suivant une direction marquée par le cours de la Sambre et celui de la Meuse, entre Namur et Liège. C'est donc la ligne d'invasion la plus courte et, partant, la plus rationnelle pour les Français, qui, par surcroit, trouveraient une puissante base d'opérations dans leur rideau de places frontières qui s'étend de la mer du Nord à Verdun et forme, avec la ligne d'invasion ci-dessus, un angle d'environ 90*'. Ces forteresses qui, comme nous le savons, se présentent, à l'heure actuelle, sous la forme de solides camps retranchés, sont reliées entre elles par des forts d'arrêt et consti-
222 HISTOIRE ET ORGANISATION
par exemple, qui paraissent le plus menacées, ont par- faitement compris que, pour assurer l'inviolabilité de
tuent une cliaine ininterrompue tout le long des frontières de la Belgique et de l'Allemagne. Elles sont renforcées en arrière par une seconde et même uue troisième ligne de grandes places fortes dont Paris marque, en dernier lieu, le réduit central. Dans la première ligne, on a, à dessein, ménagé deux trouées dont l'une • — située entre Epinal et Toul — fait face à l'Allemagne, et l'autre à la Belgique. Cette deuxième, désignée sous le nom de trouée de VOise, est comprise entre lîocroy et Maubeuge, c'est-à- dire précisément entre Sambre et Meuse ; elle a une étendue de 54 kilomètres avec, au centre, un seul fort d'arrêt, celui d'Hir- son.
Ce vaste rideau défensif présente une barrière absolue, der- rière laquelle la concentration et le déploiement des forces fran- çaises s'effectueront en toute sécurité. Les trouées qu'on y a mé- nagées peuvent être considérées, en quelque sorte, comme des portes de sortie destinées à permettre aux armées rassemblées de prendre l'offensive et, au besoin, de refluer en arrière, le cas échéant, sans se cramponner à une place forte, comme le fait s'est produit sous Metz, en 1870.
La formation de deux armées sur les frontières belge et alle- mande, avec une armée de réserve à Châlons susceptible de ren- forcer, avec une égale rapidité, l'une ou l'autre des précédentes, est une éventualité à laquelle il est logique de songer. Tout d'abord, une offensive française prononcée contre le Rhin moyen par les deux premières armées constituant la masse principale se heurterait, comme dans la dernière guerre, aux plus grandes difficultés.
Autrement, il y aurait lieu de prendre l'offensive par la Belgi- que, en concentrant de ce côté le gros des forces, tandis qu'une armée plus faible, appuyée sur les camps retranchés et les forts d'arrêt de l'Est, ferait uue démonstration contre la frontière allemande.
Les fortifications élevées récemment par la Belgique sur la ligne de la Meuse font face au sud-est et semblent, par conséquent, dirigées bien plus contre l'Allemagne, sa voisine à l'est, que con- tre la France, à laquelle elle confine à l'ouest. Contre une inva- sion venant de cette direction, aucun ouvrage ne couvre la région occidentale belge oii se trouvent Bruxelles, la capitale, et les grandes villes de Bruges, Gand, Malines, Courtrai, etc.
Or, une attaque des Français qui voudraient pénétrer de ce côté en Belgique (c'est-à-dire au nord de la ligne Namur - Liège) aurait précisément les plus grandes chances de réussite, puis- qu'elle prendrait, comme base d'opérations, les fortifications de la frontière du nord-est dont les camps retranchés de Lille et de Maubeuge constituent les deux principaux points d'appui.
Cette pénétration pourrait avoir lieu sans qu'il soit besoin d'utiliser l'antique voie d'invasion qui longe le cours moyen de
DES CHEMINS DE FEE. 223
leur territoire, ils devaient se préparer à opposer une résistance désespérée à celui des deux belligérants qui serait tenté d'y porter atteinte.
la Meuse, car elle aurait à sa disposition les nombreuses voies de communication qui conduisent du nord-est de la France en Belgique ou qui suivent la vallée de la Sambre. En fait, les forti- fications de la Meuse n'ont d'autre résultat que de barrer aux forces françaises la route do la Meuse.
En outre, si les Français (passant au sud de la ligne Namur - Liège) prennent pour objectif le bassin inférieur du Rhin, ils peuvent également se passer de la route de la Meuse, car, de iios jours, les Ardennes et l'Eiffel offrent, au point de vue des communications, assez de ressources pour qu'on ne les considère plus comme des obstacles infranchissables aux armées. Enfin, la France ne regarderait sans doute pas à violer la neutralité du Luxembourg, si le succès de ses opérations devait dépendre de cette violation.
La ligne des fortifications de la Meuse ne se compose pas d'une série ininterrompue d'ouvrages, mais bieli de deux groupes prin- cipaux dont les forts peuvent croiser leurs feux. Tels sont les deux vastes camps retranchés de Liège et de Namur, établis aux deux points de passage les plus importants de" la Meuse et de la Sambre.
Par ses ouvrages avancés de l'Est, Liège tient sous son canon une partie du territoire hollandais de Maëstriclit ; par suite — et c'est là un fait capital au point de vue politique — Liège ne peut être investi à l'Est sans que le corps d'investissement viole la neutralité de la Hollande. La distance comprise entre les forts extrêmes de Liège et Namur n'est que de 38 kilomètres, dont la majeure partie est battue par le canon des deux places. Une ar- mée qui tenterait de passer dans cet intervalle s'exposerait donc, ' à coup sûr, à une attaque de flanc prononcée par les garnisons de chacun des camps retranchés. Des ouvrages avancés de Namur à la frontière française, on compte 51 kilomètres et 56 jusqu'à la place de Maubeuge. Par suite, comme la remarque en a été faite, il est facile à des forces françaises partant de Maubeuge de tourner le flanc ouest de la ligne fortifiée de la Meuse. Dans l'hypothèse, oii, d'après les prévisions de l'état-major belge, la supériorité numérique des Français obligerait l'armée belge à chercher un refuge dans le réduit central d'Anvers et dans les camps retranchés de Namur et de Liège, l'envahisseur se résou- drait très probablement à laisser derrière lui un corps d'observa- tion d'un effectif égal à celui de l'armée belge. Mais, pour que la France se prive ainsi d'une fraction notable de ses troupes de campagne, il est nécessaire que les fortifications du réduit cen- tral et celles de la Meuse soient organisées en prévision d'une offensive de ce genre. Dans ces conditions, elles ôteront à cette puissance toute velléité de traverser la Belgique et assureront à cette dernière la meilleure chance qui lui reste de ne pas être
224 HISTOIRE ET ORGANISATION DES CHEMINS DE FER
En 1870, la neutralité belge a été respectée parce que les deux adversaires y ont trouvé chacun leur compte. En sera-t-il de même dans la prochaine guerre ? C'est ce que l'avenir nous dira.
englobée dans une grande guerre continentale, car sa situation serait identique si l'agression venait de l'Allemagne.
De ces considérations, auxquelles il convient d'ajouter celles relatives à la défense de la vallée de la Meuse et de ses points de passage, il résulte que les fortifications de Liège et de Namur, de concert avec le camp retranché d'Anvers, sont appelées à jouer un rôle capital dans les destinées de la Belgique.
Et, pour finir, nous citerons l'opinion émise, après la campagne de 1870-71, par M. Thiers, à savoir que, dans la prochaine guerre, c'est par la Belgique que la France devra attaquer l'Allemagne.
PIN.
TABLE DES MATIERES
Pages .
Avant-propos 7
PREMIERE PARTIE.
EMPLOI DES CBDEMINS DE FER EN TEMPS DE aUERRE.
I. Introduction. . . . 9
II. Application des chemins de fer à la stratégie. Concen- tration des armées par voies ferrées 13
III. Conditions à remplir par les lignes et le matériel rou- lant d'un réseau ferré répondant aux nécessités de la guerre moderne. 20
IV. Du rendement des voies ferrées 25
V. Emploi des chemins de fer dans les guerres contempo- raines 28
VI. Application des chemins de fer à la tactique pure. ... 56
VII. Emploi tactique des chemins de fer de forteresses. ... 69
DEUXIEME PARTIE.
ORGANISATION MILITAIRE DES CHEMINS DE FER CHEZ LES PRINCIPALES PUISSANCES.
I. Allemagne 85
II. France. . . 122
III. Russie 174
IV. Autriche-Hongrie 205
V. Italie 209
Conclusion. . . . . 216
226 TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES CROQUIS.
Xignes de conceutiation allomandes en 1870 41
Schéma des disponibilités du réseau ferré allemand l'H)
Lignes de concentration françaises vers la frontière du Sud- Est : 144
Schéma des disponibilités du réseau ferré français 172
Paris et Limoges. — Imp. milit. Henri Charles-Lavatjzelle.
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