& !■■■ If** V ' mmtmamm 1 ! HISTOIRE GENERALE, DES ISLES DE S CHRISTOPHE. DE L A G V A D E L O V P E , DE LA M A R T I N I Q V E, ET ÂVTRES DANS L'AMER I QJ E. Ou Ton verra reftabliflèmcnt des Colonies Fran- çoifes j dans ces lues j leurs guerres Ciuiles & Eftrangeres , & tout ce qui fe pafle dans les voyages & retours des Indes. Comme aufli plufieurs belles parti cukritez des Antilles de l'Amérique; Vne defeription générale de l'Ifle de la Guadeloupe : de tous fes Minéraux, de fes Pierreries, de fesRiuîercs, Fontaines & Eftangs : & de toutes fes Plan tes. De plus» la defeription de tous les Animaux de la Mer^ de lrAir^ & delà Terre: & vrt Traité fort ample des Mœurs des Saunages dit pays , dei'Eftat de la Colonie Françoife, & des Efclaues, tant Mores, que Sauuages. Par leR.P.Iean Baptifte dv T îhtr £,Rcligieux de l'Ordre desFF.Pref- cheurs,du Nouitiatdu Faux-bourg Sainâ Germain de Paris, Millionaire Apoftolique dans l'Amérique. A P A RIS, Chez I AcQjtes Lange ois , Imprimeur Ordinaire du Roy, Au Mont de fainte Geneuiefve, vis à ris la Fontaine. Et Ejamanvee Lance ois, dans la grand* S aile du Palais, à la Reync de Paix. ÏÂ. D C. L I V. rMce Vrmilegt du Roy>& Approbation des S»perttHr£ A ME S S IRE V^ ACHILLES * DE H A R L AY, CHEVALIER, SEIGNEVR , ETCOMTI dc Beaumont, &c. Confeiller du Royenfes Con- feils d'Eftat & Priuc, & Maiftre des Requeues or- dinaires dcfonHofteL H, OMSIEVm Si k penis la hardiejfe de mettre voftre nom il- lufire au commencement de ce Liure h cefi four luy feruir de Pro teéieur: car il ajujet de craindre > tout François quil eft> defiretraitté comme Eftranger y farce quil tient Jîpeu de la Politejfe & du langage de te temp, que [ans doute onauroit feinta le fiuffrir, â ij EPI S TRE fans l'éclat & la recommandation que le fameux nom de Harlay luy doit indubitablement donner. Qui fera reflexion , Mon/leur , fur le choix que tayfaiten 'vous dédiant mon ouurage, qui nefifiu* uienne aufisi-tofi de la gloire de vojire Maifin, & ne vous regarde comme le digne fuccejfeur de ce grand homme qui fut le veritable Achille del'Eftat, l'or- nement de fin fe de , l'Ame & la (olomne de l'oAu- gufie Parlement de Paris > çf le plus ferme appuy à la Couronne de nos Roys Henry 1/1, & Henry U Grand d'immortelle mémoire ? cefi pour cefuiet, Monfieur, & pour m acquitter en partie des obli- gations que ie vousay, que ie vous pre fente ce Liure, puifque tout ce qui peut partir de mon peu d'esprit ne vous doit pas efire moins acquis que moy-mefme. D'ailleurs fi les furieux reçoiuent quelque fatisfa* Bion de mon trauail ( cefi a vous , Âionfieur , qu'ils feront particulièrement obligez,): carie ne l'eus pas plutoft apporté en France , que vous luy fermées d'Agile $J de Père , puifque le defir queïauoude vous fatis faire , m obligea démettre en ordre les mé- moires & différentes remarques que ïauois fait dans mes voyages: & pendant ma demeure dam les iflesde l' ^Amérique, ï en fis vn "Recueil que ie vous prefentay ily a quelques années *. Il receutde vous vm accueil tout afaitfauorable\ & luy ayant ouuert Imrée de vofire "Bibliothèque, vous luy donna/les I EPISTRE rang parmy ces dottes manufcrits qui la compo- fent. le me ferois fans doute contenté de levoirdans & du faindt Efprit. pyré,honoréfoittonnom ,1 eau- fe de nous. Ton ciel nous aduienne T ObeyfTance foit rendue à ta ainâ Donne-nous auiour43huy no- tre pain ordinaire. * Pardonnez-nous les mefehan- cetezquc nous auons faites. Ainfi que nous pardonnons celles que nos femblables nous font. Que nous nefoyons furniontcz par tentauem. y\ Irheû chibacaiketa- baoua tioùiné toulibani: Mais fais-nous efthaper du mal* ■Ainfî'foic-il. an-anKatou* Za Sdutmiion •sifigtliqu.e. Maboiïic Maria oiiéé chioûà- tnain bômptou Iibônâ Ichcf- Salut , ô Marie , m plais à Dïei% n3liKiabimalcéEn,aouércgoù- ilcftauectoy,tués;plusheureufc^ tibou rrhioliiné âmon oiïlié, 9* les aCltres femmes , Ôc plus efê likiaKia aiïéregoycn âtagna* heureux ton Filstfans ma- tiere, netoupaoKa. Incglé li^aml^mointerèé ^tpuis à fbnHls vniquelefus- JcUis-Ghnit ouayoaboutou- Chriftnoftrc Capitaine/ licou. Gonceu homme par le fainéfc Efprit , né de Marie eftant Vier- ge. Ebechouoûti oiîekéli-méem îbr'ômam fain£t Acambocé, îi'heiimainti tao Maria Vier- ge oka. Apagoûti îiouboutotimali âboucheem Ponce Pilate. Attaroiiti toûâgon tabii- iragonéiaocétîa achonanioin- ïououti kia, Nântiti touralliô^ni , Iclo- Uatï ouago hùyeou nouba- caiti niouinc nheketalium. Aoualiroûti oubicou-agoni; aniouroiitj liaon-agoucheem defon Père qui peut tout, lioumaaa machâuyanragon^ Affligé fous legouuernementdè ponce Pila te. Attaché fur la Croix , mort te enfcuely, Defcendu aux Enfers le troiiïeC me wur^reflufeité des morts. Monté au Ciel, aflisàla droite memen; Nyaincheëm nëmbotiibaîî (naonicoua)toubara lihuebc- xnali nhiéumali,nhirôpomali- boiiic Kiaya ouekliem. Moingattctêna libonam fain&Acârhboéé. TonnhatancnaboBIi èmè« rigoûtou moingattetium : nhiropôni alloucôuragon jaâunicoua callinémcthium, Nhenocatini cullcûli. Nhâcobou-koo oiibâcali. De là iîviendr afîe le crois) pônc fe vanger for la malice & bonté des hommes. le crois & me confie au fain& Efprit. A l'aflêmblée vniuerfelle des croyans, à la mutuelle commuai™ cation du bien des bons. A laremifôon des péchez. A la refurre&ion des propres corps:& à la vie qui ne finit point. Ainfîfoit-iL Que la droite de lefus-Chrift bcnijle donc nous & noftre man- gerten la Vernulu nom du Père ÔC du Fils & du bon Efprit , afin «ju'ik nousprofire. Manchonchonti-kia youani An-ankafcOU. La btnediBion mant le repas. Bcni homan. Refp. Icheiri. Benifîèz. Jkejp. Dieu. Béni thoâttica-oiia-lé huiuc- cllcbanabouli kia liaonlefu- ChrifH Léti inicoûlâmaliro- cou yoiirnaan ak'iropomrneti Acamboéé, huelcénguapatà- nibara ouaonê. ABion de graces après te repas. Yao oûâignem bibônam Nous vous rendons graces Roy Eréi oûboutouffoutiouéê îout-puiflant, pour tous vos dons nhabara bitéucnné-bonâlè q»e vous nous auezdépartis. ©iiaoné. Les Commandement de Die». Tibouinali aonaeani kaboii- Des préceptes dsàmour efcritsr letakati itara ticm loromam Dieu en a fait dix, Icheiri ehon oûacabo. 1. Ayouboutoulicou timani âojBichciricou KiaJcheipa- batibou iotiïné. %. MinalérenniKoakabâuba t£o icti akanum huelcéngay lia man- me cm. I Aban lâoyagon cmàcaboâ- le fuis ton Roy 5c ton Dieu^Tut n5en auras d'autres que moy> Tu ri affermeras rien pour tous auec mon nom , lors qu'il fera inutil. Six ioursppur tontraua|i?tu tr ^^^^■^M pôiircôïii hueyoiibao tôuba- rabiou atakimali , emeruaba- bibou taochéé timameli bao. 4.Chamaingnay baubanâo- ^ê bitignonum hale tanibara bakeboiili. 5. Eoiiepabatiboa. Mehiicrebatiboii. 7. MonémépabatiboiL S.Oiïchounnepabatibou aka» bo ariangua Kia n'hinri bibc. 5. MaignoumourâKoatibâ- tfboiï tiboiiic Hani ayoumoii- licoii. 10. EKénnépabatiboii tibo- uic lihucnappoiié-bonalé lil- liguini Kia. v&i«imaKciioU iiiamboiile- tontouAchouboutouirouott- toii AchouboutoUirououcoii- Ik toromaKoiia. i.Pâniroûba méem nhibô. nam biKibé toKa cachi Kani- raxoa Klce toiibali bibonam . >. ManiKoatibatibou-méé n'hibouam. cachi maniKoua- Jcouiéc^n'hàbali bibonam. repoferasle iour d'apr^ Tu feras grand eftime de tes pro- geniteurs , -afin que m.ayc yne longue vieillerie. Tu ne tueras ppinr. Tu ne feras point luxurieux:.' Tu ne defroberas pas. Tu ne mentiras pointprincipa- lemcnt quand tu acculeras ton prochain. Tune conuoiterasla femme de ton prochain. Tu n'enuiras fes biens ny fes animaux. Il y en a encore deux non efcfit> mais connus de foy-mefme. i.Tu feras à atsî ruy^cecy ainfî qu* tu veux t'eflre fait. 2. Tu ne leur feras cernai, ain/i que tu ne yeux pas qu'on te U i ^ TABLE DES TRAITEZ DES CHAPITRES ET PARAGRAPHES contenus en ce Liurc. PREMIERE PARTIE. CHAPITRE I. E la naiflance de la Co- lonie Françoife dans Me de fainft Qiriffo- phe, i CHAPITRE IL De l'eftabliiTernent de la Colo- nie Françoife dans Tide de la Guadeloupe. 27 CHAP. III. De reftabliilèment de la Colo- nie Françoife dans Fifle de la Martinique, & autres. 68 CHAP. IV. De tout ce qui fepaiTede plus considerable dans les voyages de France en T Amérique, ' 7j §. 1. De mes voyages en? Améri- que y & de ce qui s y remarque de fins curieux, - 76 §. 2. De mes retours de l't/imerique en France -, 87 il partieT /• TRAITE', CHAP. I. De la temperature de l'air. ?? CHAP. IL De la diuerlîté des faifons 1 104. CHAP. III. Des différentes agitations de Pair, 107 §.r. Des Ouragans, 108 $. 2.DuTuchot. 110 §. 3. Des%afalles, ut CHAP. I Y. Du flux 8c du reflux de la mer, 112 II. TRAITE*. CHAP. I. Defcription générale de Pule de la Guadeloupe, 114 §. i. Defcriptîon de la terre toute n'ùe, iK §. 2, Des1 deux culs defacs, 119 §.3. Des EfceuilsAes Bancs9des Ra- des & des Mouillages, ISA CHAP. IL Des Minéraux, 125 §.uDela Mine d'or9 ibid. §.i.Dela Mine d argent, 116 §> 3- Vcs Mines defer, 117 §> 4« Des mines defontybrt & devi- trial, ibid' 5 De la Minede fanon CHAP. III. A.BL E ui qu'on appelle Kareibes, ïs? §. n. Dwpetun, *f* S.u.DeCherbeviue&fenfible^t i. Des vmlïlks oU pierres dux ê.iS-Ve I' Aloes & autres femper- uiues, 1&1 §.14. Des Confins, *6$ § . 1 j, D** Ricinrn eu figuier d'enfer, S, 16. De deux fortes de Lys qui croiffent dans f Amérique, ibid» y2ux, ibid- §, 2. Des pierres vertes, *3° §.$.Ducriftat, W §. 4. Dit. fil, **2 $.5. Des Matériaux, comme pier- res de taille , des Briques , des thuilles , du piastre, des pierres a faire la chaux, &des pierres de ponces, CHAP. IV. Des riuieres, des torrens, des fontaines 3 & des eftangs, ^ 135 £.i. Des riuieres, *bid. é , 2, D#; fontaines bouillantes,! 38 §. 3. D« eftangs, l4l in. PARTIE. " /.TRAITE'. Des Plantes. GHAP. I. Des plantes qui ne portent point de frui&s, *45 §. 1. Des plantes communes, &fans graines , I4^ $.x.Des capillaire s j> H9 $^.Delafcolopandre? 150 §. 4. D'vne plante dont les femmes §.^o.Duluca, ^ 187 Saimagesfifimentpoureftre fr §. p. De la plante appellee fargafe, condes, ibid. 189 $. S. D'v ni one odoriférant qui fa- §. $1. Du gingembre, 190 ciluet enfantement, Ui CHAP. II. §.6. De f herbe aux flèches \, ibid. Des plantes cjui portent des §. 7. De deux fortes d'herbes qui , frui&s, 191 giieriffentlt mal de dents, 152 §.1. De V Ananas, ibid. $.%,Du piment , 1S3 § . 2. Des Karatas , ïçs f. f>. De la Chine, *$4, §• 3- Dtt chardon, |. zo. De deux fortes de choux^^.^Du(froffiilUrdeïAmriquet §.i7.De l'herbe au Mufc,ou mauue mttfquée, i*5 §.18. D'yneefpecedeviolier, 166 §.19, D'vnpetitPauot blanc,ibid. §. 2.0. De ï herbe fafcheufe, poil de chat, ou mal nommée , 167 §. 11. Du V at agon, ibid. §.iz. De t herbe laitleufe, 168 §. 23. Des Cannes de fucre,& de la manière quon le fait, 169 §. 24. Des autres Cannes qui croif- fent dans le pay s, 174 S.éf.DeslSalijicrs, 17 y §. z6. Du folaman,oit herbe aux he- bechets, 1 I76" §,ij.Delindigo, 177 § , 28. Du M any oc, 198 De la façon de faire le pain & la boifTon ordinaire auec le ma- 182 185 nyoc, §.19. Des Patates, DES CHAPITRES. §. 5. De l a fleur de lapafsion-, & de fin fmiEl , ibid. §. 6. Du fruift d'vne plante ram- pante que quelquvns appellent pomme de liane ,& d'autres cha- ftaignt, 199 §,7. De la Vigne, 200 §. %.De toutes fortes de citrouilles, €allebetjJ'es>melons & concobres,2€i §.ç. Des bannanes & figues de l'A- mérique, 202 II. TRAITE'. Des Arbres fauuages 8c fans fruiâs, & des Arbres frui&iers. CHAP. I. Des Arbres fauuages & fans fruiâs* 2.06 De quelques arbriflèaux médi- cinaux. § . 1. ticou, ^15 §.8.rDucoto^n, 216 $. 9. De l'arbre à enyurer les f tif- fins, ^id' §.io.Dumahet, 2.17 $.11. Des crocs de chien » M& §.. 12. De l'arbre l'atâeus> 1*9 §. 13. Du Iajmin, ' ibid, Desboisàbaftir. §. 14. De quatre fartes de bois épi- neux, 220 §. 15. Du bois d'Inde, ou faurîcr aromatique, 22% §'. 16. De trois fortes d'acomas, 22 s §.ij.1)e deux fortes dAcojouqui ne portent point de fruiâs 3 224 §. 18. De deux fortes de Gommiers, 226 3. 19. Du bois de Rofe cuCyprey 227 §. 20. Du bois vert , 11$ §.21. Des bois rouges, qui font bons a baftir, ibid. §. i.i. Du bou defer, 225^ §. 23. Des bou a petites feuilles 3 230. §.24. D'vne forte de bois nowquon appelle courroujfa, ibid. §. 25. De l'arbre qui porte les fa- uonnettes , 2JI §, 16. De toutes les fortes de pal- miftes quei'ayveu dans la Gua- deloupe, 232 § . 27. "Du Latanier , 237 CHAP. I I. De tous les arbres qui portent des frui&s , tant de ceux qu'on mange , que de ceux qui font vn peu confidefables -, 2.38 §. 1. De tout ce quil y a ds arbres fruiSiiers dans ces IJles que nom voyons en France , ibid. §. 2. De deux fortes de caffiers ou eanificiers, 2,40 $,3. Du Coroffol & des Mtminsy 241 §. 4. De. deux fortes de Cachimas, >43 S. 5 . Des prunes de Momins , 244 §. G. T)eracajou3 ibid. $. 7. D es Gouyâues, z AS c ij iiitfl §. 8. D'vn arbriffeau qui forte de petites cerifes, 246 o.T>u Coudrier, .247 §. 10. DuRaifmrr, 24% S. 11. De deux fortes de Papayers, 249 § . 12. Des CallebafâerSy 2p § 13 . Du Courbaril, .251 §, 14.. Du Genipa, 2^2 §. 75. T>es Pommes de, Marice- nille, 2^4. l IV. PARTIE. /. TRAITÉ1. Des Poifïbns. CHAP. I. Des poûTons de la mer, a$9 §. 1. Des Baleines» 261 Ç%2. Des Soufieurs, 263 5. 3. *Du Lamantin, ou Manaty, 164 %. 4. Du Requiem, 16S S.j.De la Becune & autres poijfon s dangereux, 271 ê.6. Du poijjon armé, 273 S » 7. Des poiffons volants : & de la Dorade, 27* S. 8. De la Remore. 27% 5. if. Du petit poif on appelle Pilote, 280 %, 10. De la Galère, 28/ f . 11. "Des trois efpeces de tortues , a fçauoirla tortue franche , le Caret &laKaoùane, 283 5 . \2. De la Kaoùane^ a 8 4 S. 13. T>a Caret, 2% S. 14. De pfofiem poiffons a co- ■1*Mt*j .2QQ L E CHAP. tL Despoiflbns de riuiere. § . 1. *Dm petit Titiry, 1 q 1 §. 2. De quelques poiffons qui ont du rapport auee ceux de la Fran- ce, 291 II. TRAITE?. Des animaux de l'air. CHAP. I. Desoyfeaux, %*i.Del'tArras, §.Z. Des Perroquets, §. i.DesTerriques. §. 4. Du Flamand, §. j. Du Colibris, §.6. De la Fregatte, §.7. Du gr and -Go fier j, §.$.Du€rœbier, §. p. Des Mauues^des Foux^ des feflu-en-cuU 311 § . 10 . De torn les oy féaux de riuiere &demarejls, 31^ §.. n. De l'oyfeau appelle diable j 313 §. 12. De trois forte s d^oy féaux de proye ifçamir du Manfcfcnil, du Pefch-eur y& des Smerilhns, ibid. § . 13 . Des Perdrix, 2T j §. i' 3-6 **> i DES CH $. 5. DesMaringoins &des Mou- fiiques, 328 §.<». De quelques autres efpecesde mouches qui ne fh voyent point d$ins l'Europe : & des mouches commîmes, 330 /. TRAITE9. Des animaux de la terre. Chap. i. Des animaux à. quatre pieds. S.i. Des befles de labour, 332 5.1, Des Porcs quife rencontrent dans toutes ces ifles; &vne agréa- ble defeription de la chajfe, 33 5 §.Î.DeîAcoutyy 240 §. ^.Deshapfinsy 341 S. J. Des Piloris ou Ratsmufque^ 34* S . 6. D« TV*/* communs^ 343 S. 7. Des Souris. 34 j S. 8.D«*foi^- #,-^. 5. p. Des chiens, 346 Chap, il De toutes les reptileSjamphybiés ôc vermines,. 347 «S.i. Des lézards,. ibid. De cinq autres efpecesde petits lézards, ^yi §.i.DesAnoliss 352 § 3. Des Gobe-mouches,, ibid. §.$.DesRocquets, 353 §: 5. D^yî^^r^ 3/4 §.6.D« Couleuvres & des Serpens quife rencontrent dans les deux- terres de la Guadeloupe, 3/5 S .7. Des Couleuvres de la ^Marti- nique é* de fainte Aloufie, 3/7 5. 8. Des franges grenouilles de la Martinique, ' tfç 5. 9- De toutes fortes de Crables on j Cancres, qui fe trouuent dans ïifle de la Guadeloupe^ atix em^ APITRES. rons, 3^8 §. io. Des Soldats eu Canceller 378 §. 11. Des forcions de l'ip de la Guadeloupe, ^2ï §. u.D^ araignées,^ principale- ment dvnemonïtmeufe efpece que l'onvoitalaMartinique^ 382. %. 13. Des Fourmis, ^4 §. 2 4.D« Poux de bois, 386 § , 1 /. Des Chenilles, ,$g : § . 1 6 . D« Rauets, , g § . 17. D« vermmes,eommepoux & puces, 390 §.i8.D«C%«ws #^# y. PARTIE. CHAP. I. Des habitan s naturels des Antik les del'Amerique, appeliez Ka- raïbes ouSauuages, 3*2 §r î. Dej Sauuagts en general S. 2. De leur origine, 405 S. 3- DelaKeligion des S amazes, 403 §.4. X> e la naiffance, education,^ mariage de leurs en fans, 412 & J. D* l'exercice, négoce,^ trafic des Saunages, 421 §. 6. peleursrefiouyffances, tant ? "rtwttlieres que générales. 426 §,7. De leur nourriture ordinaire^ du bon, traitement qu'ils font a eeux quilesvem vifiter, .. 420 § . 8, De leurs ornemens, 43 z parag. ç.De leurs carbets 3 cafes,, lifts, pir§gues,& canots, 473. par. 10. D yitife rencontre a la connerjîon des Sasltiages, 4 60 Second obstacle, 461 CHAP. II. Des François de noftre colonie» CHAP. Ill, Des efckues , tant Mores que fauuages, - 47* * LICENTIA REVERENDISSIMI PATRIS Thoma? Turci, totius Ordinis FF, Predicate- rum Magiftri Generalis. Nos Frater Thomas Turcus facr* TheologieeVrofefftr, totiufque Or- dinis FF. Prœdtcat. Matter Generalis & hnmilisferms. H Am ferie noftrique authoritate ofEcij tibi R,P.F.Ioanai Baptifla: du TemeJ.icentiam facimus imprcffioni man- dandihbrum ate cdkum de Infula Guadalupa , in America, modo prius à R.Admod.P. Priorc & LedoribusTheologicis Nouitiatus noftri Gener. Parifienfis approbetur,Ccruatis om- nibus iuxtà décréta Sumorum Pontificum/acriConcilij Trid. noftrarum facrarum Conftitutionum , Capitulorum Genera- lium,&fpecialker Capituhvltimi Valentin i, aliifqi fciuacidis. In quorum fidem his officij noftri %ilio munitis propria ma- nu mbfcripfimus/DatumRoma: in Conuentu noftro Sand* Maria: fuper Mincruam, die 8 . Nouemb.An. Dom.1e48.Fra- ter T H o m a s T v R c v s. qui fupra. Rcgiftrata. folio 25$. F, Iacobvs Barel ier Socius. Locus ffigilli. •Approbation des teneurs en Théologie. j~* NOus fous-lîgnez Profeffeurs en Théologie t du Con\j/àc l'Annonciadc de l'Ordre des FF .Prefcheurs de la Congregation de S.LouiSjCertifions auoir veulc Liure intitulé; Hiftoire G 'ertei aie des 1 fies de S. Chriftepke ,de la Guadeloupe, delà Martinique , & autres âansVAme^ue^om^oik. parle R.P.leanBaptifte du Tertre ,MiflIo- naire Apoftolique dans TAmerique , dans lequel nous n'auons rien trouué contraire àlaFoy, ny aux bonnes mœurs. Fait à Paris ce. 8. Aurih654, F. Phi i-ir pi BooereatV F. A*D*E VVIDEHÏN. Extrait de Trmilege du, Roy, LOVIS Par la Grace de Dieu, Roy de France & de Nauarre; A nosAmezSé Féaux Con féillers,les gens tenansnos Cours de ParIement,Baiiiifs,Senefchaux Preuofts ôc leurs Lieutenans , ôc tous autres nos Iufticiers.qu'il appartiendra. Saluts- Noftre cher & bien ayraé le Père lean Baptifte du Tertre, Preftrc , Religieux de l'Or- dre des Frères PrefcheurS/Profésvdu Nouitiat General des Iacobins Reformez du Faux-bourg S. Germain à Paris, nous a fait remonftrer qu'il a compofé vn Liure in- titulé ; L'Hiftoire ventrale des ÏJles de S. Cbriftophe, Guadeloupe , Martinique & autres de V ' Amérique^ c.enrichy deplufieurs Cartes, Figures <èl Images : Lequel Liure il defîreroit mettre en lumière, ôc iceluy faire imprimer pour le bien ôc vtilité du public, s'il nous plaifoit luy accorder nos Lettres fur ce neceflaires : A ces cavsesj Nous luy aùons permis & octroyé, &par ces prefentes permettons ôc octroyons audit Père lean Baptifte du Tertre,de faire imprimer, vendre & débiter JeditLiure auec lefdites CarteSjFigures & Images necefiaïres en taille douce,ou autrement,comme il auifera bon eftre en tous les lieux de noftre obey ffance , par tel Imprimeur , Graueur & Li- braire qu'il voudra crtoifîr,en vn ou plufîeurs volumes,en telles grandeurs,marges ou caractères, & autant de fois quebon luy femblera durant neuf ans entiers ôc accom- plis, à compter du iour que ledit Liure fera acheué d'imprimer pour la premiere fois; cVfaifons tres-expreffes deffenfes à toutes perfqnnes de quelque qualité ou condition qu'elles foiët,d'imprimer ou faire imprimer,réndreny diftribuer ledit Liure durât le» dit téps en aucun lieu de noftre obeyflance,ious prétexte d'augmentation, correction, ehâgement de titte,faufies marques ouautrement,en quelque forte & manière que ce puifle eftre fais* le mnfentement de i'Expofant,ou dccciix qui auront fon droit,a pei- ne de quinze cens limes d'amende , payable par chacun des contreuenans,appliqua-« ble vn tiers à Nous,vn tiers à l'Hoftei-Dicu de noftre bonne Ville de Paris , & l'autre tiers au Libraire que l'Ixpofant aura choifî,de confifeation des exemplaires contre- faits^ de tousdefpens, dommage* & interefts, à la ckarge qu'il fera mis trois exem- plaires dudit Liure, deux en noftre Bibliothèque publique , &vnen cellede noftre très-cher & féal le Sieur Mole , Cheualicr , Garde des Sceaux de France, auant que de î'expofer en vente, & de faire enregistrer ces prefentes es Regiftres de la Communau- té. des Libraires Imprimeurs de nôtre Ville de Paris , à peine d'eftre defeheus de la grace du Priuilegc ; Si vous mandons & à chacun de vous enioignons , que de nôtre prefent Priuilege & permiflion,& du contenu cy-deflus vous faflïez & foufTriez ioiiir plainement & paifîblemcnt ledit Expofant, & ceux qui auront droit de luy fans qu'il leur foit donné aucun cmpefchemeîit. Voulons auffi qu'en mettant au commence- ment ou à la findudit Liure , vn Extraie! des prefèntes,clles foient tenues pour deiïc- ^«rniEées , &|foy y foit adiouftée ôc aux coppies collationnées par vn de nos AnA TNaux Confeillers Secretaires comme à l'Original: Commandons au pre- miel^fcreHuiftîer ou Sergent fur ce requis, faire pour l'exécution des prefentes tous exploits neceiTaires fans demander autre permiiîlon :Car tel eft noftre plaifîrj nonobltant Clameur de Haro,Chartre Normandie>prife à partie,& Lettres à ce coa- traiies.. Donné à Paris le ttf.deMarSji'an i6^,&c de noftre Règne le onziefme. Par le Roy en fon Confeil, VABOIS. Ledit R. P. lean Baptifte du Tertre a cédé & tranjporté le Priuilege cy- dt >jfi>u -a \IacquesL anglais , Imprimeur erdin aire du Roy, poureniouyr aux termes & conditions d,keluyi ainjt qu'ils ont conuen»let$. d'Auril 1654. HISTOIRE » k HISTOIRE DE L'ESTABLISSEMENT DES COLONIES FRANCOISES, Dans les Mes de faincT: Chriftophe, Guadeloupe ^Martinique , & autres; &: de ce quife paiTe dans les voyages de l'Amérique. PREMIERE PARTIE. Delà naiffance delà Colonie dans ïlfle defitâ Chriflofhe premiere des ifles habitée far Us François. CHAPITRE PREMIER Ay fouuent admire dans l'Antiquité pro- phane Tauanture de deux petits jumeaux m nouuellement nez , qui après auoir efté jet- iez dans leTybrc , recueillis par vné louve, qui leur fit office de mere, & éleuez dans vne cabane de Ber: A * ESTABLI SSEMINT, ger ; ont efté comme la femence féconde qui a pro dint ce grand arbre de l'Empire Romai„ , Jont les branches le font étendues Se multipliées parl'Vni- uers. le n'ay pas rrouué moins étrange ce que les tertres fain&es nous apprennent de la merueilleu- ie forrunedu petitlolçph, rire de fa cifterne, & def- charge defes chaifnçs , pour eftre fait Viceroy de toute 1 Egypte L'élcuation de Moyfe eft encoi4 V11 grand miracle de la Prouidence, qui faune cér enfant expofe dVn naufrage inéuitable , pour en faire le Dieu de Pharaon , & le Libérateur de fon peuple- Mais icpuis dire fans tien donner à la flatterie, Le Lf it rmenuf n°ftae CoIonic FranÇ°lfc <2n« les Mes Cannibales n eft pas moins émerueillable ny moins étonnant. Car Yî nous confinerons auec attention fon commwccmçnt & fon pr * k verrons naiftrecomme vne pente fource , S dégorgeant infenfiblement par des voyes connues feulement de Dieu, malgré lcsobftaclesdes monr tagnes,&lcs contradiclions des nommera innon- d«r les plus belles terres de l'Amérique. Elle vou* Jmblera d'abord ruinée tout àfaitdal fa nuance & vous remarquerez en mefmc temps,que recued- ïanrles pieces de fondébris , elle fereftabli Ses propres ruynes contre toute forte dcfperànce 2 auec tant d auantage Se tant de fuccez , que t0\* abandonnée & toute perfecutée , mefmTquïl e S f CT3Ul htUOiem mainten-, ellfrem! Jj» èftà habirans François plufieurs belles S capables de compofer autant de Pro uinces DANS L'ISLE DE S. CHRISTOPHE. 5 LcjfrichefTesprodigieufes que les Efpagnols ti- roienc de cenouueau monde , firent naiftre le defir d'en auoir leur parc , à toutes les Nations de l'Euro- pe. A cet effeâ: force auânturiers équipèrent des Nauires pour aller trafiquer auec les Sauuagesrmais l'Efpagnol, qui croit eftre fcul & legitime poffefleur de ce grand pays,fc preualant de la donation qu'Ale- xandre Vl.enauoit fait aux Roys Catholiques Fer- dinand & Ifabelle , l'an 14^3. pour y eftablir leChri- ftianifme, s y oppofa fortement, & traida dePirates &deCorfaires, tous ceux qu'il trouna entre les deux Tropiques.Voilale fujet delaguerte dans les Indes Occidentales. Or foit que les autres Nations efti- maiTent cette donation friûole , ou que ce fut par forme de reprcfaille,elles fe roidirent contre les ef- forts desEfpagnols ,ôc y firent fouuent de tres-riches prifesrelles ont continué cettepetitcguerre,iufqua ce que Dieu leur eut infpiré le deflein d'habiter vne fi riche partie du monde, de laquelle il femble qu'il en veuille priuer cette nation ambitieufe,qui s en eft rendue indigne par les horribles cruautez qu'elle a exercée fur les Indiens : cruautez fi eftrangcs & fi m- ouyes, que le Reucrendiflime Père Barthélémy de Las Cafas, Euéque de Chiapa , Religieux del'Orde des FF. Prêcheurs, alTeure comme témoin oculaire, que les Efpagnols en quarante ans.ont maflacré cin- quante millions d'hommes dans les Mes d'Hifpa* niola, de Cuba & de S. lean de Portric. le fçay bien qu'on pourroit rn alléguer quei'ay très mauuaife grace d'écrireque Dieu veut priuer lesEi- A ï) 4 ES TAB .L I S SE MEN T, ' pagnols des terres derAmerique,afind'eftgfatifïer les François , qui pour auoir moins fait mourir de Sauuages, n'ont pas efté moins barbares queux; eu égard qu'ils les ont chaflez de Me de fain & amoncelées les vues fur les 4. pâme autres aufli haut que les maifons , en mangèrent 5,w.e*'plus de trente* Nos deux Capitaines raffemblc- rent DANS L'ISLE DE S. CHRISTOPHE. 9 rent les plusfains, fc'lca ayant diuifé pat la moitié, Monficur Defnambuc fut prendre fon quartier à la Capfterrc , &Monfieur de Roffey à la Baffe-terre, biffant toutlereftc à la mifericorde de Dieu, l'on- bliois de dire qu'on auoit mené vn bon Preftredans le premier embarquement , lequel voyant tant de miferes , & craignant d'en éptouucr encore de plus fafcheufcs, s'en retourna aufli -toft en Franca Le Capitaine V vaërnard ayant trouué plus de dif- pofition en Angleterre au fuccez de fon dcffcin,quc Monficur Dcfnambuc n'en auoit rencontré en Fran- ce , eut bien-toft formé vne Compagnie, de laquel- le le Milord Karlay eftoit chef : de forte qu'il eftoit défia arriuc à faincl: Chriftophe , & auoit pris fon pofte à la grande Rade , aucc quatre cens hommes, fains , gaillards & bien munis de toute forte de pro- uifionsi il reeèucfartciuiicmenr nos deux Capitai- nes y puis d>n commun accord partagèrent la terre de llfle faind Chriftophe, le trdziéme de May Tan i6i7.pour,& aux noms des Roys de France ôc d'An- gleterre , felon les Commiffions qu'ils en auoient apporté, ainfiquïlcft fort ponctuellement remar- qué fur la carte : néant moins lachafle ,lapefchc,les falines , les riuieres , la mer , les Rades, les miries, les bois de teintures & de prix demeurèrent communs à tputes les 4eux N at ion s . Que fi nos deux Colonies font fi diffemblablcs dans lcureftabliflèment, elles ne le font pas moins dans leurs progrez. Il eft vray que toutes deux ttouuerent ÏIfle également dépourueitë & arriua à fain<5t Chriftophe au mois d?Aouft fumant. * Auflî toft que laflotte fut arriuée, Moniteur de Cahufac fit fommer le Capitaine Vvaërnard , pour ratifier les contrats de la partition des terre* , & pour laiflèr aux François la paifible poffeflion des quartiers qui leurs eftoient écheus en partage. L'An* glois demanda trois iours pour en délibérer. Mon, fieur de Cahufac répond j qu'il n'a pas vn moment de temps à donner , & que fi cela ne fe fait toute à l'heure, il valiurerle combat à dix nauires Anglois, qui eftoient lelongdela cofte , & qui seftimoient beaucop plus forts que les nofttes. Les Anglois dif- ferans vn peu trop , il feue l'ancre pour aller atta- quer les nauires-.ee quay ans reconnues fe difpofe- rent au combat, & f attendirent auechonne refo- lution. La bataille fut grande , & ils fureat long- temps aux prifes^ fans lçauoir qui auroit le deflus; mais trois de leurs nauires eftans demeurez à Mpn- fieur de Cahufac, quelques-vnsjettezàiacoftc , & le refte ayant efté contrains de fuir tout en defor- dre,noftre Amiral demeura viâorieux, ayant perdu fort peu de monde, entre lefquels fut regretté vn de fes Capitaines, nommé Bompierre , Gentilhomme for^confideré. Les Anglois voyans lé defauamage qu aupienç eu leurs nauires , creuient qu 'il y auoit plus dehuiât cens hommes dans les noitees , ôc apprehenderen* DANS L'ISLE S. CHRISTOPHE. ** tcUcment que nos foldatsnc poufaflent leur poin- te , qu'ils çnuoyerent promptement le fils 4e leur Capitaine Vvaernard , qui eftoit vn jeune homm^ xres-bicnnéyk extrêmement chery dcsFrançois,auçc promeffè de m ks iajnais inquiéter pour ja pofTef- fioa de ce qui leur sftpit éeheu en partage Ign 1617. Maftfîeur de Cahufôe ayant heureij/imenjr remis les François dajis h iquyfTançe de leurs biens , & débarqué \ç$ txois cens hommes fô- uez parles Seigneurs de la Compagnie , permit à fes Capitaines à aller courir le bon bord le long des ifles habitées par U% Espagnols. Le Capitaine Gi- ron, quiatoufioiirsfuiuyiancapricg , q4i£a laflotr te contre les ordres de fou Amiral , lequel ayant é&C- feindbabiter à fes frais l'lfle de fain £t Euftache ( qui cft yne petite Ifle ï deux lieues de fainéfc Çkfiftsphe, la plus farte d'a/fiette quei'aye veudaris, tçmm les Ifles de l'Amérique ) y fit trauailler ejj fa prçfengç pour y baftir vn fort , Se y çommancer vne hafejrar- tion» Nos François iouy flans dVne profonde $raix auec les Anglois , croyoient n aupir plus d ennemis a combatre ,pour cefujec ils né fongçrent plus qu'à planter du pe£un>& des viures fur leurs, habitations* lors que vers la fin d'Oâobre de lamefine années Voicy arriuer Dom Federic de TpledejG^neral - dV«- ne armée, compoféede trente-cinq grosGallions3 auec ordre expreffe du Roy d'Efpagnc iïmjmiftre, de ehaflçr les Francois & les Anglais de l'ifïe d© B iij i4 EST AB L I S S EM EN T, fairiel: Chriftophe. Arriuc aux Niéu es , il enleuc d'a- bord trois ou quatre natures Anglois, ôc deftachc vn Gallion , de la flotté pour enpourfùiure "va autre qui vint échouer fous la forterefle desFrançoisà la Bafle-terre. Eftant toutprochede terre, ilfaliïa la forterefle de trois coups de canon fans balles : Mon- sieur de Rofley qui y commandoit, luy répond de trois autres coups chargez de balles au trauers de fon nauire : le Capitaine du Gallion diflîmule, & fc contente d'enleucr faprife. Le foir venu toute la flotte mouille l'ancre à deux portées de canon de la forterefle. Monfieur de Rofley demande du fe- cours aux Anglois ôc à Monfieur Defnambuc qui commandoit! la Capfterre : ceux là enuoyerent huift cens hommes, & eeluy-Cy deux cens : life re- tranche toute la nuict. le long de la cofte. A hui£l heures du matin , trois grandes chaloupes chargées de foldats, partent de l'Amiral pour mettre pied à terre, fous la conduite dVn Capitaine Italien fort cftimé, ôc tenu pour le plus expérimenté à fa're des décentes, qui fut dans toute l'armée Efpagnole. Il décendaueefes foldars,àdeux portées dsmoufquet du retranchement des habitans , où il fe retranche; puis fait auancer du monde pour vn fécond retran- chement , ôc gaigner ainfi pied à pied iufqu'au re- tranchement des noftres. L'Amiral fit aufli-toft partir de tous lesnauires , des chaloupes chargées de foldats, pour décendre à la faueur de cette ter- rafle. Alors vn ieune Gentil- homme nommé du Parquet ^nepueu de Monfieur Defnambuc, voyant - DANS L'ISLE DES. CHRISTOPHE, ij le procède des Efpagnols, & que Monfieur de Rof- iey les laifloitdeicendie fans s'y oppofer j luydit; Quoy Monfieur , endurerons-nous que ces enne- mis tnomphenr de nous fans les combatte ? SoufFri- rons-nous qu'ils nous égorgent , fans montrer de k refiftance ; Sera-il dit que les Efpagnols attaquent les François, fans éprouuer leur valeur? la gloire de noftrenadonnous doit eftte plus confidembîe. Al- lons M< , il faut mourir auec honneur, ouempef- cher leurdefeente. Monfieur de Rofley le voyant 1| relolu , luy donna ordre de s'oppofer à leurs ef- forts, luy promettant delefeconder : line luy de- termine perfonnepour vnefiperf lente entteprife; neantmoins dix ou douze volontaires, rauis dVne li extraordinaire, generofité, l'accompagnèrent. II partau/fi-toft duretranchement, met lepiedfur la tranchée des ennemis , Ces deux piftolets luy ayant manqué , il les jette à la telle de ceux qui fe présen- tent a luy. Son moufqucton luy en fait autant , il met! elpee a la main , & prend refolution demou- rirplulroftenhommedecœur, quedereceler Les volontaires qm i'auoient fumy , lefouftenoient vi- goureuicment,faifans desmerueillesde leurs per- fonnes. Le Capitaine Italien , qui condurfoit les Jllpagnols, vint aux mains auec luy, &apres quel- que refiftance depart ôi d'autre , noftre-ieune Hé- ros luy palfe fon efpée autrauers du corps & le tue En fin,aprcs auoirfait ce que le plus généreux hom- me auroit pu faire en vne pareille rencontre , il tomba bleilé d'onze coups , & fut tit é dans la tran- " & EST ABU S S E M E N T, chée ennemie par des Sergens , auec les crochets 4c leurs halebardes,puis porte danslcnauiredeDom Federicde Tolède, qui fit tout ce qu'il put pout luy fàuucr la vie > mais il mourut dix iours après, laiflant è la poûcûfcc vn monument d'vne gloire irnmor- telle, Se va fenfible regret àfes ennemis, qui auoient eoneeu vue "haute eftirne de fa valeur. Monfieur deRoffey voyant M onfieur du Parquet tombé comme mort, que les volontaires lafehotenc le pied , 6c que i'Efpagnoi pourfuiuoit viueraenc {â pointe* prend le premier 1 cpouuamte , eftonne fes foUais de fafeuk contenance, dit rout haut qutrl le fautfauuer , U prendla xourfe vers la Capileyrè, oùteut le monde s'efforce de le foiure à perted'ha- leine. Ils crient à leur arràuée ,*qu© com eft perdu, que TEfpagnol les pourfuit, qu'il fs rauternbarquer dans les deux ©autres qui eftoient lia rade , &: aban - donner lifte. Monfieur Dcfnambuc tafchc de les r*afleurer , leur remontrant rauaiitage de fon pofte, que les ennemis nentreprendroient iatmis de faire hui<5fc lieues de chemin au trauers des bois , où on leur pourroit drefler des embufeades dangereuses, &que pour conclufîon qu'il leureftoit plus auatita- geux&pius glorieux, d'expofer genereufement leur vie pour le feraice du Roy , que de faire vne fî honteufe retraite. Monfieur de RjorTey demande qu'on tienne confeil pour en délibérer, oufa brigue citant la plus forte , il fut conclu qu'on abandonne- foit nflede fain&Chriftophe, qu'on iroit habituer celle de la Barbàds > & qu'on poignardeioit Mon- sieur _ DANSriSLEDE S. CHRISTOPHE. i7 fleur Defnambuc, au cas qu'il n y voulut confentir: fi bien qu'cftant contraint de céder à la violence, ils s'embarquèrent enuiron quatre cens hommes dans les nauires du Capitaine des Roches, & du Ca- pitaine Liot , qui eftoient pour lors à la rade delà Capfterrc. Les Anglois voyans que les Efpagnols s eftoient fàifisdc laforterefle des François , saccommode- rent auec eux, à condition de quiter Vide dans fa premiere commodité. DomFedcric de Tolède eh fitauffi-toft embarquer leplus qu'il puit, dans les quatre nauires qu'il leurauoit pris enarriuattt , & les fît partir en fa prefence pour FAngleterre , le refte promettant d'en faire autant au premier ioujr: En fuite , les Efpagnols ayans vifité tous les quar- tiers de Tiflc , & reconnu que les François s'en eftoient fuis , ils prirent les fix pieces de canon qui leurappartenoient,& continuèrent leur route, me- naçant les Angfois de ne leur point donner de quar- tier, s'ils les retrouuoient iamais dans l'ifle. Retournons à noftre pauure Colonie 3 qui flotte fur les eaiiës de la mer , comme les deux petitsîu- meauxfur IcTybrc , comme vn Fofeph dans fa ci- fterne , êc comme Moyfe dans fon berceau fur le Nil ; elle eft conduite par la txmte-pmfTante main de la Prauidenee draine , qui la tirera fans doute de tous- ces mal 4icurs,& par des cuenemerrs inefperez, la feraforgrri bon port. Comme cet embarquement auoitefte impreucu & précipité , - de quatre cens hommes dans deux na* Jf'r! 18 EST ABL I S SE ME NT; uires , qui n auoient des viurcs que pour leurs équi- pages , ils furent enpeu de temps réduits à l'extré- mité, de n'auoir plus qu vn ver d'eau, & du bifeuit la pefanteur d'vne balle de mpufquet par chaque îour. Cependant ils font batus de vents contraires, & vo- guent plus de trois femaines dans ce miferable eftat, lans pouuoir atteindre Me des Barbades y qu ils auoient projette daller habituer : mais au contraire, Dieu, en ayant autrement difpofé,lors qu'ils pen> foient auoir fait plus de centlieuës,ils fe trouuerent proche de rifle de S. Martin, diflante de celle de S. Chriftophc de fept lieues. Ils n eurent pas pluftoft reconnu cette ifle,eftans preflez de la necefïïté , qu'ils mirent tout le monde à terre , pour aller chercher à boire & à manger; mais dans l'endroit le plus fee & lç plus fterile de toute lïflej ils ny trouuerenti nyriuieres, ny fontai- nes, ny mares d'eau douce pour fe rafraifehir .> de forte qu'ils furent contrains de faire des puits dans le fable , d au ils tirèrent de l'eau à demy falée -rtellc qu'elle eftoit vn chacun en but , ôc fept ou huift qui en prirent vn peu dauantage que les autres , erçue- rent & moururent fur les puits. Nos deux Capkaineseftoient demeurez dans le nauiredu Capitaine des Roches, affligez extraordi- nairement de voir eftoufer dans fan berceau la Colonie quileurauoiteoufté tantdetrauail & tant de fatigues. Monfîeur de RofTez n'y voyant aucun remède, fe refolut de tout abandonner : à cet effect, ildefbaucha quelques, officiers , & contre le gré de - DANS L'ISLE DE S. CHRISTOPHE, ip Monfieur Dcfnambuc fit partir le Capitaine des Roches pour s'en reuenir en France ", ou auflî-toft qu'il fut arriué, Monfieur le Cardinal de Richelieu le fit mettre dans laBaftillc , ou il a demeuré fort long-temps. Nos François voyans le Capitaine des Roches party, creurent qu'ils eftoient tout à fait abandon- nez de leurs Chefs , qui eftoient tous deux dans ce nauirc : Ils ont recours aux larmes ôc aux regrets, & pafîent toute la nui6t dans vnctrifteffcquin'cftpas imaginable : le iour venu ils vont furie bord de la mer continuer leurs plaintes , oii ils découurent la barque du Capitaine Liot , qui eftoitallé chercher des viures ; le Pilote de cette barque les confole , les affeurant que Monfieur de RoiTey eftoit party feul, &c que Monfieur Defhambuc eftoit refolu de viure 6c de mourir aucc eux : la ioye qu'ils eurent de cet- te nouuelle fut fi grande , qu'ils fe mirent tous à ti- rer leurs piftolets & fufils en l'air ^pour témoigner leur fatisra&ion \ car ils aymoient tendrement ce Gentil-homme, qui mit auiïï-toft pied à terre , ôc après auoir par fa prefence cVpar fes paroles releué le courage abatu de ces pauures dcfcfpercx , il af- fcmbla fon confeii , où il fut encore vnc fois refolu d'aller à l'ifle des Barbades. Il s embarque aueeen- uiron cent cinquante hommes dans le nauire du Capitaine Liot , lailTant lé reftedans faincl: Martin, aueepromeffe de les enuoyer quérir fi toft qu'il au-, roitpris terre. Apres trois ou quatre iours de naui-, gationaflez fafchcufe, ils abordent heureufement C ij i.Q • ESTABLI SSEMENT, à l'ifle d'Antigoa , oil ils rencontrent lenauire d\$ Capitaine Giron, qui yprenoit des caue : ils vifite- rent cette ifle de tous coftez , & l'ayans trouuée mal faine s marefeageufe , & difficile à habiter > ils priè- rent inftament ce Capitaine de les conduite à Tifle de Montfarrat , habitée des Saunages qui ^uoiênt quantité de vitfrcs 5 ce qu'il fit trcs-volontiers , bien aife de trouuer l'occafion de rendre quelque ferui* et fignalé aux François^ui peut effacer la faute qu il auoit commis > abandonnant fon Amiral contre les ordres du Roy. Le Capitaine Giron ayant défia rendu ce bon cStcc aux François de la Colonie * creut qu'il n'en falloir pas demeurer là , mais qu'il deuoit acheuer la chôfe , d'âuffi bonne grace comme il l'atroit commancée : Il part auffi-toft pour aller rec^néoiftre Tille de faindChriftophe, &trouuei foil arriuée que les Anglois y refolus de (è tnocquer de la promeflê qu'ils âuoient fait à l'Efpagnol 5 en cftoient feuls demeurez les maiftres. Aumoment qu'ils l'eurent reconnu, ils luy cnuoyerent vn Capi- taine dans vne chaloupe , pour luy defFendre l'a- bord de !â terre : Giron repond, quô puisqu'ils le trai&ôient d'ennemy , qu il leur alloitfaire reffen- tir ce qu'il pouuoit fur la mer 5 & au mefme temps attaquedeu* nature* Anglois , qui ■■cftoient à la ra- de , fans leur donner le loifit de fc reconnoiftre* 6c après les auoir fort mal traicT:é à coups de canon > il s'en empare ; puis vient mouiller l'ancre proche di'vn mm&Btd , plus grand que les deux autre* > 2.1 DANS riSLE DE S. CHRISTOPHE. iunntôc protcftant , que s*iltirok vnfeulcoup de canon > il le couleroit à fond. Cela fait> il enuoyc promptement vnedefes deux prifesà Mpntfarrat, ôc l'autre à faincVMartin , pour ramener tous les François dans rifle de fam&Chfiftophe: cette nou- uelle furprit extrêmement nos habitans , quin'ef- peroient rien moins qu'vn fi heureux fuccez , d'vne affaire en vn fi mauuaiseftat ; ils en pleurent de ioyc, & après mille bsnediâions & a&ions de grad- ées à Dieu , ils partent de Montfarrat& de fainâ; Martin, pour retourner à fainifc Chriftophe* auffi contens que les IfraHlites fortirent de l'Egypte pour entrer dans la terre dePromiflîon. Giron voyant fes deux nauires arriuez > dans lefc quels il y auoit bien encor trois cens cinquante hommes tous bons foldats ôc bien armez , parfo plus haut qu'àuparauant, ôc menace IcsAnglois de leur païfer fur le vétre5s'ils fomla moijidtcrciîlfcan- ee.Mais quoy que les ÀngloisfuiTent en beaucoup plus grand nombre que les nofttes > neftans pas agueris, ôc la plus grande partie lins arm es> acquief» cerent amiablement à tout ce que les François vou* lurent y fi bien qucMonfieur Defnambuefe faille de fo anciens polies , 6c tousles particuliers de leurs habitations; celaarriua enuitont trois mois après la dcfîaite. Nos-François ,*qui à leur fortie de fainâ: Chrifto* phe auoient laiffé leurs habitations en très -bon or- dre, bien plantées > munies de bônnesoafcs > Ôc de toute Ibjcte doutils pour cuUimx: h z&r* p&wmc* G iij V;:> EST ABL IS SEMEN T> rent que l'Efpagnol auoit tout renuerfc , arraché les viures , & enleué iufqu'au moindre ferrement : cela fut caufe«quils commencèrent à fouffrir tout de nouueau , & la famine les p relia fi fort , qu'ils fuflent tous péris de faim j fi deux mois après leur arriuce, ils n'euflent efté fe courus par le Capitaine deZelan- de , qui auoit traité auec Monficur Defnambuc auantfon départ. Ce Capitaine fut fi fenfiblement touché de leurs miferes , qu'il leur vendit, pain, vin, viandc,& tout ce qui leur eftoitneceflaire,à fix mois de payement. Nos liabitans à la faueur decefecours, plantent des viures , font tant de petun, que ce charitable Ze- kndois , qui les auoit aflïfté fi à propos, receut à fon retour le payement comptant de toutes fes mar- chandifes , fans que nos habitans fe mettent en pei- ne de rien enuoycr aux Seigneurs de la Compa- gnie, pour les droits qui leur eftoient deus par leurs trai&ez .' ils continuent de trafiquer auec les Holan- dois, qui ne les laiflcnt manquer dequoy que ce fbit, horfmis des hommes, qu'ils ne pouuoient tirer que de la France. Cependant , la Compagnie fe plaint qu'ayant auancé plus de cinquante mille efeus, pour l'efta- bliffement de cette Colonie, il n eft pas raifonnable que les Eftrangers en ayent le fruiéfc. Nos habicans répondent qu'il y adeiïniuitice dans le traidé qu'ils ont fait auec ces Seigneurs 5 & que s'illevouloient garder, il ne leur refteroit pas dequoy auoir vne chemife , après les auoir payé. La Compagnie DAMSriSLEDES. CHRISTOPHE, ft croyant qu'ils ne fe pourroient paffer d'e]le3fc pro- met de les contraindre, en leur déniant tout le fe-^ cours qu elle leur pouuoit donner : elle les laifle deux ans entiers fans les vouloir afnfterd'vn Pré^ tre, qui leur adminiftra les Sacremens : on faifit leurs marchandifesdans tous les Havres de France*, on emprifonne leur perfonnes* Se on va fi auant,que de deffendre aux Capitaines des nauires dans leur congé, depaiTerà rifledefaindlChriftophe.. Mais nos habitans le voyans fecourus des Holla n dois, femocquent des efforts de la Compagnie, &fere- foluënt de ne iamais enuoyer vnc livre de petun en France , fi on ne modifioit le premier traiclé : fi bien que les Seigneurs de la Compagnie iugeans allez que toutes ces violences ne fe pourroient ter^- miner qua la ruyne delà Colonie y& à lapertc de tout ce qu'ils auoient auancé ; ils choifirentvn ex- pedient plus doux; à fçauoir, de leur enuoyer fur la findclannée 1631. vne barque, appellee laCardi- nale, qui leur portoit pour fecours, vnPreftrc, deux Capitaines, deux Lieutenans, deux Enfeignes,deux Sergens , deux Corporaux, deux Anfpfades, deux; femmes , deuxenfans, & deux Commis pour con- noiftre de ce different , & modifier les droûfh , fe- lon qu'ils le iugeoient à propos. Apres que ces- Commis curent entendu les railons des hab j cans , il fut arrefté d'vn confentement commun-, que les- droits de la Compagnie feroient de cent livres de petun par telle pour chacun an. Ce qui a toufiours cfté gardé depuis,iufqu'àce que les Seigneurs de la %i ES TAB LISSE MENT, Compagnie fefoient deffaitde ces ifles en les ven- dant à des particuliers. Nos François voyans que la Colonie Angloife s augmentoit à proportion que la noftre diminuoit, & qu'il y auoit défia cinq ou fix mille Anglois , au lieu que les noftresn'eftoient plus qu'enuiron deux cens; ils fe maintiennent engens defefperezen at- tendant du fecours , ne fortent iamais de leurs ha- bitations, qu'ils n'ayent cinq ou fix piftolets pendus ï vne ceinture de cuir, & vn fufil fur l'efpaule ; fi bien qu'ils imprimèrent vne fi grande terreur de leurs perfonnes dans l'efprit des Anglois , que les plus hardis d'entr'eux cftoient forcez d'auoùer in- genuëmcnt quils aymoient mieux auoir affaire à deux Diables, qua vn François, Durant tout ce grand abandonneront , nos François viuentfous la fage conduite deMonfieur Defnambuc, auec tant d'vnion, que tout eftoit com- my paimy cuxj& quoy qu'il n y eut ny Notaire, ny Procureur , ny Sergent, il y auoit plusde foy & de Ceurèré dans lafeule parole d'vn homme , que dans toutes les écritures des Tabellions : s'il arriuoit quelque different , Monfieur Defnambuc en eftok feul le luge, ârfes terminait auec tan t d'adrefle,qu'c taus vn^nimen^ent fefoûméttwênt à fes ordon- nances auec k>ye. Sa prudence parut dans vne oc- casion fort épkeufc , en ce qu'il appaifa opacifia vmc (jucreHe, qui eut jette nos habi tans dansîeurs Eemieres mi Ceres, & eut encierem cm r uyné la Co- aie, Ea wiey le fojefc Enuiioti la fin» de f année DANS I/ISLE S. CHRISTOPHE. 1$ 1*33. ilfe leuavn murmure des feruiceurs François contre leurs maiftrcs. Tousles feruiceurs deman- dèrent leur liberté à Monfieur Defnambuc, luyre- montrans qu'ils auoient parleur trauail rembourfé au double leurs maiftrcs , des frais qu'ils auoient fak pour eux , foit dans la trauerfée , foit dans l'iflc: D'autre- part lesmaiftres fepreualans delà couftu- mc des Anglois, qui engageoient leurs hommes à fept ans de feruitude, prétendent n auoir pas moins defpenfé que les Anglois , pour le paffage de leurs feruitcurs , &parconfequent qu'ils en deuoidnt ti- rer le mefmc feruice. Ce Père commun trouua d a- bord de l'aigreur & de l'opiniaftreté dans Tefprit des vns & des autres* neantmoins fe feruant de cet- te affabilité qui luy gaignoit les cœurs dvn chacun, il les contenta tous , faifant vn règlement, autant iudicieux qu vtile &neceffaire à la Colonie , qui portoit que les feruitcurs paffez dans Tifle auxdef- pens de leurs maiftres , les feruiroient trois ans en- tiers, a gages proportionnez à leurs forces, après lequel temps ^ ils auroient pleine liberté de retour- ner en France , où de s'habiter dans Me. L'autho- rité de ce Gentil- homme a eu tant de poids , que cette loy a efté & eft encor inuiolablement gar- dée dans toutes les ifles que les François habi- Ce different appaifé, il ne manquoit plus rien a ce petit fiecle d'or que des hommes 5 lefquels les Seigneurs delà Compagnie ne vouloient plus rif- quer , dans Tapprchenfion de tout perdre auccks LT ■ z6 ESTABLISSEMENT, deniers Qu'ils auoient auancé dans les premiers embarquemens. Ce que les habirans ayant con- nu, ilcommaneerent à venir eux-mefmcs en Fran- ce en l'an 1^3. & 163 4, & lcuer des hommes à leurs frais, pour peupler 1'ifle: d'où vient que depuis ce temps, onn'a iamais payé les droits de la Compa- gnie qu'à regret. Noftre Colonies'eftant vn peu raffermie par les efforts denoshabitans, commença bien-toit às'é- pandre dans les plus belles ifîcs voifines, ain/î que nous dirons dans la fuite de l'hi/toire : II faut pour- tant auoiier que n'effant pas feeouruë de la Com- pagnie , elle n'a fait que languir dans faine* Chrifto- phe,mfqu'à l'arriuéede Monileur de Poincy, Lieu- tenant General pour leRoy : ce brauc Cheualier voulant s acquirer de cérilluftre employ dans l'A- mérique, auec autant de gloire qu'il en auoit em- porte en Europe , dans les plus importantes char- gesde 1 armée nauale, où il auoit commandé plu- sieurs fois en qualité de Vice Admirai de France; employa fes foins 3de reuenu de fesCommanderks a peupler, policer, & orner cette ifle : il y a fait bâ- tir des Eghfes, vn fuperbe chafteau, oii ilW ; vne citadelle a la pointe de fable , vne bourgade à la Baffe-terre , Si plufîcurs autres beaux edifices : il a tait agrandir les chemins, qu'il a ornez en plufieurs endroits , d orangers & de ciftroniers.Son bon Sou- uernement a attiré les François de toutesparts,pour y habiter , & les marchands , pour y vendre des elclaues, qm font comme les deux bafes d'vneCo- DANS L'ISLE DE S. CHRISTOPHE. 17 lonie. En fin,il en a fait non feulement la Capitale, mais la plus floriflante de toutes les ifles. Il s eft ren- du redoutable aux Anglois, ay niable aux François, & o-ouuerne encor aujourd'huy cette ifle auec la charge de Lieutenant General du Roy fur toutes les autres. le ne veux pas m'eftendreicy à décrire les éloges de cétilluftre Gouuerneur, cette matière exige vne plume mieux taillée que la mienne , & la quantité de Ces beaux faits eft fî prodigieufe, qu elle empliroit plufieurs volumes. De hftablijfement de la Colonie Françoife, dans ïlflc de h Guadeloupe. CHAPITRE SfCOND. IL y auoit dansl'Ifle de fain&Chriftophe vn Capi- taine, nommé de Loliue, des plus riches, des plus anciens , ôc des plus courageux habitans de cette Colonie Françoife. Ce Gentil-homme auoit vne parfaire connoiflance de la qualité de toutes les Ifles voifines , pour les auoir fort fréquenté : Eftant venu en France Tan 1634. auec quantité de mar- chandife , il rencontra dans k ville de Dieppe peu de iours après fon arriuée , vn Gentil-homme ap- pelle Dupleffis, lequel auoit défia efté à fainâ Chri- ftophe auecMonfieur deCahufac , & eftoit fur le point d y retourner : Ces deux Gentils-hommes s'entretenans tous les iours de la fertilité , &de la beauté de toutes ces ifles, mais particulièrement de éélle de la Guadeloupe { qui a des auantages tres- D ii is ESTABLISSE M E NT, confiderables for toutes les autres ) conceurent vn généreux deflein dy letter vne nouuelle Colo- nic Ils viennent à Paris, communiquent leur rcfolu- tion aux Seigneurs de la Compagnie, leur font vne déclaration fort fincerc delà grandeur, beauté , ôc fertilité de cette ifle , les affeurent de leur fidélité ôc engagement à leurs interefts, pourueu qu'ils veuil- lent interinér leur requefte. Les Seigneurs de la Compagnie en parlent à Monfeigneur le Cardinal de Richelieuiil les écouta volontiersjes receut auec joye, approuua, ôc loua leurentreprife,& ordonna que leurs commiffions fufTent expédiées. le he fçay ce que conceut ce grand Génie de cette propofition , luy qui ne projettoit rien de pe- tit dans Tes dcfTeins : mais il éft certain qu'il tint va difeours au Reuerend Père Carré, Supérieur du No- uitiat des FF. Prefcheurs à Paris, qui faifoit allez connoiftre qu'il cfperoit vn tres-fîgnalé progrez de reftabliiTement de la Colonie dans cette ifle; car il luy dit qu'il vouloit eftablir vn Séminaire dans la Guadeloupe, qu'il rempliroitde Religieux de nô- tre Ordre, pour s'en feruirnon feulement dans les îfles, mais dans les terres fermes,ouil vouloit jetter des Colonies Françoifcs. Il le pria de luy deftiner prompternent quelques Religieux pour fecourir fpirituellement, & les François de cette future co- lonie, ôc les Saunages naturels du pays. Le Reuerend Père Carré inclinant volontiers à de fi fiùnfts defîrs, & voulant féconder vnc fi Chré< DANS L'ISLE^ELA GVÀDELOVPE. *| tienne cntreprifc , luy nomma quatre de fes Reli- gieux , véritablement dignes de cet employ : à fça- uoir, le Reuerend Père Pelican, Docteur de la Fa- culté de Paris, le Reuerend Père Griffon, leReue- rend Père Nicolas de faind Dominique , & le Reue- rend Père Raymond Breton , Dieu voulant par vn effetde fon adorable Prouidence, que la conduite fpirituelle de cette ifle fut donnée aux Religieux de faind Dominique , comme ayant efté teinte du fang des généreux enfans de cet ordre Apostoli- que. Nos Hifioriens font mention de douze Reli- gieux , qui ont arroufé la terre de la Guadeloupe du fang qu'ils y ont répandu , en publiant l'Euangi- le aux Barbares qui Thabitoient. Le Reuerend Père Malpeus dans fon Hure intitulé , palmafidei FF. Prœ- dicarorum, en parle en ces termes. Anno Domini M, DC. llh menfèDecembri, in Injula Guadalupe ZSI.no- flris ad Philippinasprofiafcentes ypro Cbriflifide martyrium conftanterfubiere. Inter quos à P. Petro Caluo lib. t. de la- crymis Reltgionum recenJenturyV. Ioànnes de Mo- R AT ALLA, ConuentusValentini , vti & cœtmfubfc- quentes , alumnus. F. Vincent iv s Pàlav,F. ÏOANNEs MARTINEZ, natus in villa Alcam^enf9 Regni AragonU. F. H Y A c I N T h v s Cisternes, horum agones defcripft Admod. R. T. F. loannes 'Noya, nattone Aragonenfis ex opido deAlque%ar> tefiis oculatusy ex m foaetate Martyrum duabus faghtis vulneratus . Ex- tateius defcriptio in Archiuo Conuentus S. Petri mar ty ris CMatayuhenftsXc ReuerendP. Alphonfe Fernandes Diij I — jo ESTABLtSSfMENT, dans fis Concertations y appuyé fur l'au thorite du Cha- pitre General de tout l'Ordre des Frères Prefcheurs, tenu à Paris Tan i6u. qui en parle dans Ces A&cs, nous produit encore fix autres martyrs, que les Sau- nages de la Guadeloupe tuèrent à coups de flef- ches Tannée fuiuantemil fix cens quatre , voicy ce qu'il en a écrit. F. Petrvs Morenvs ,natione Hifowus, exopido Villalua del Rcy ,Conuentus Segobienfis Alumnus, ad viueam Domini laponenfem & Chinenfemcx- colendam namgans , in itinere ad infulam Guadalupenfem link cum quinque fodalibus Qrdinis , "Barbarommfao-ittis anno Domini M. DC. IV. occubuit. Chriftianis vero cor- pora eorum colligentibus,c^terifqueyqm in ea clajfe vchebàn- tury illuflriajtgna apparuerunt ,quœ martymmfinlhtdtem cenfpicue demonjlrarent. Monfeigneur le Cardinal extrêmement fatisfait de l'offre du Reuercnd Père Carré, en fit écrire auf- fi-toft à Rome , pour obtenir vne Mifiïon du Pape Vrbain VIII. où il eut tant de credit , que fa Sainte- té accorda fa demande , fit expédier vn Bref, dans lequeI,outre les priuileges,& lesfaueurs dont il gra- tifia lesnouueaux Millionnaires, il fcrnble déroger affez ouucrtetnent à la donation d'Alexandre VI. en permettant à des Religieux François d'aller à ces ifles de l'Amérique , defquelles perfonne ne pouuoit approcher fous peine d'excommunica- tion, portée dans la Bulle adreffée aux Roys de Ca- ftille , qui deffend ; Quîbu/cuwque perfinis , cuiufcumquè dignitatis, etiamImperialis$J{egalisflatHs5gradusy ordi- nis, vel conditions, jïtb excommunicathnis Ltxfenmti* DANSL'ISIEDELAGVADELOVPE 3:| fœna-y quameo îpfo> ft contra fecerint,incurrant, dtftnêiius mhibemus.nt ad Jnfulas,® terras firmas inuentasy& inue- ntendas, deteélas, & detegendas>verfus Occidentem & Me- ridiem >f abri cando 0* conHruendo lineam k Polo Ar£licos ad Tolum Jntartticum , flue terra firm* j & injula inuen- ta & inuenienda fint verjus Indiam , aut verfùs aliarn cpuamcumque partem , quaiineadiflet àqualibet infularum, qua vulgaritcrnuncupantur , de los Azores 3j Capo Uerdy centum leucis ver fus Occidentem & Meridiem^tprafertur^ pro mercibus habendis, velquauis alia de canfa accederepra- fumant, abfqueveftrayacHaredum & Succefforum veftro- rumpradiclorum licentiafpeciali, &c. Datum Rom* apud S. Tetrum anno Incarnationis Dominica A4. CCCC. XClll.quarto "Nonas M aij^Pontificatusnofiri anno primo. Qui voudra v en Fan 14573, d bu fay tiré ceey. Mais le Bref d Vf bain 'VIII. leueces cenfures & ces obfhcles,en ce qu'il inftituë nos Religieux,Mit fionnaires dans ces Indes , fous la protection du Tres-Chreftien Roy de France : Voila comme en parle le titre de nos privileges y Facultates conceffa à SancliJJîmo DD. N. Vrbano , diuiria prouidentia Pap% VIÎL Fratri Tetro Pellicano & tribus alijseiusfocijs ordi- nis Pradkatorumjeflinatis Mi/lionari/sadJndoSyproteefis Chriftianifftmo Rege Çallia. Et afin d'ofter toute équi- uoque qu on pouuoit faire fur ce mot d'indos. Le mefme fain&Pere s'explique allez dans vn autre Bref enuoy é au Reuer end Père Armand de la Paix., 1 §ê ESTÀBL I S SEMENT, fpecifîant l'iflc de la Guadeloupe, il eft datte du dix- feptiéme Mars 1^44. F. Armando à Pace ex ^ouitiatti Generali Parifienfis ordinis S. Dominici, eiujdem ordinis, Prœfeéto Mijjionis ad injulam Guadalupam. La facréc Congregation , de propaganda fide, en afait vn décret tres-auantageux , confirmant la Miffion aux FF, Pfefcheurs,& ordonnant qu'on leur fero.it tenir les grands Privileges dont le Pape lesauoit fauorifez. En voicy les propres termes : Decretum facr*. Congre- gations de propaganda fide habita' die V.Decemb.iGtf. Ré- férante Eminentijfimo D . Card. Albornotio fiatum infuU de Çuadalupe, ex relatione à^Nuntio Galltarum,tr*nfmijfa; facra Congregatio Mijfionem Dominkànorum ad infuUm prafatkm conÇrmauit3 tpfacuhates ante a expedite pro Pâ- tre Armando à Pace Parifienjt diéla Mffîionis Superior?, quem illiusPra-feâum declaramt}adeum Nuntium mini tuf- pity vtillas adprœfatum Patrem deferri cunt. Signé Card. Capponï, auec vn paraphe & vn fceau de cire rouge, Se contre-figné de fon Secretaire. lay fait cette difgreffion , pendant que nos deux Capitaines de l'Oliuc &c Dupleffis , follicitoient pûiflamment à Paris , ou après auoir fejourne quel- que temps , on leur expédia deux Commiflïons égales,pour commander chacun dans fon quartier, i la moitié du peuple qu'on leur cnuoyroit. Les Seigneurs de la Compagnie leur auanecrent trois mille liures, pour :ftre employées dans l'achaptde quatre pieces de canon de Breteuil > de cent mouf- quets,decent picques,&de cent corps de cuirafle; ce qu'ils deuoient également partager à leur arri- uée DANS I/ISLE DE LA GVADELOVFE. 33 nee dans l'ifle. Mais comme lentreprife eftoit gran- de, ôc exigcoit vne dépenfe , à laquelle nos deux Capitaines n'auroienc fans douce pu furuenir j ils traitèrent auec quatre ou cinq Marchands de Dieppe , & s'obligèrent réciproquement par con- trad : fçauoir, les Marchands d'vne part, à faire paf- fer à leurs frais 1500. hommes dans la Guadeloupe, ■& à les affilier de viures , iufqu à ce qu'il y en eut fuffifamment dans Tifle pour leur nourriture : &c nos Capitaines d'autre- part s'engagèrent à leur fai- re payer vingt liures de petun par telle des habitans paffez à leurs frais , ( fans prejudicier aux droits de la Compagnie ) & de plus ,que pendant dix années, pérfonne ne pourroit trafiquer dans cette ifle , fi- non les Capitaines des nauircs enuoyez par les Marchands. Cela fait,nos Capitaines amaflerenten diligence cinq cens hommes, qui prefquetous furent obli- gez à feruir trois ans pour leurs paifages ; les vns à nos Capitaines ; les autres aux Marchands, ôc à quel- ques particuliers , aux frais defquels ils auoient pafTc. Monlieur de l'Oliue & Monfieur Duplelïïs, s'embarquèrent auec quatre cens hommes dans le nauire du Capitaine Fel,& enuiron cent dans la bar- que de Dauid Michel,fous la conduite dVn nomme la Ramée. Ils partirent de la rade de Dieppe le vingtiefme May Tan 163 j. Nos deux chefs , dont lesCommif- fionseftoient égales, auoient défia eu quelque dif- ferent touchant la primauté j ce qui fut laracine, & ' t , 34 ESTABLIS SEMENT, le commanccment funcfte de tous les de (ordres? car fi deux Monarques font incompatibles dans vrt Royaume, deux Gouuerneurs ne le font pas moins dans vne ifle ; principalement lors qu'ils font d'vnc humeur différente , comme eftoient ces deux Met fieurs, dont le premier eftoit vn foldat très- cou- rageux, doué de quelque bonté naturelle ; mais fî facile à perfuader , que fans beaucoup de Rhétori- que, onlefaifoitcondefcendreà tout ce qu'on fou- haitoit. Le fécond eftoit dvn efpritplus doux,tres- capable, &d'vnbon iugementjilauroit fans dou- te gardé vne parfaite intelligence auec Monfîcur de l'Oliue , fi celuy-cy n'auoit efté perpétuelle* ment comme obfedé par vne troupe deplufieurs gens perdus ôc fans ame, qui luyferuans de? confeil peruertiffoienttout ce qu'on luyfaifoit conceuoir de bon. La trauerfée de toute cette Colonie fut tres-fa- uorable : Ils arriuerent le vingt-cinquième iour de Iuin à Me de la Martinique, qui n'eftoit alors ha- bitée que des Sauuages. Le mefme iour nos Kclu gieux y plantèrent la Croix , au pie d de laquelle nos Capitaines appliquèrent les fleurs de lys. Les Sauua- ges y eftoient prefens , & comme des finges firent toutes les ceremonies qu'ils virent pratiquer dans cette adion, s'agenouillans &baifans la terre com- me nos Franc ors. Le vingt-huitième de Iuin 1635. veille defaindt Pierre& fainâPaul, cette nouuelle peuplade ani- ua ala Guadeloupe : le lendemain nos Peres dreflV DANSL'ÎSLEDE LA GVADELOVPE. 3; rent vn Autel,erigerent la croix, battirent vne Cha- pelle dans laquelle ils célébrèrent le faint Sacrifi- ée delà Mcffe, & le mois de Septembre fuiuant, ayant receu le Bref de leur Miflïon,en dattedu dou- zième Iuillet 163^ ils en firent la lecture publique- ment auec vne fatisfaction incroyable de tous les habitans,lefquels depuis ce temps là,Icur ont rendu tous les deuoirs d'ouailles , comme à leurs feuls& legitimes Pafteurs. Nos deuxChefs n'eurent pas pluftoft mis pied à terre , qu'ils chercherëc vn lieu commode pour ha- biter : à cet effet, ils parcoururent toute la cofte, & après s'eftre beaucoup trauaillez , ils choifirent par mal-heur l'endroit le plus ingrat de toute l'ifle , tant à caufe que la terre y eftoic rouge ( & par con- fequent plus propre à faire de la brique > qua rece- uoir du plan ) qu a caufe des montagnes. En ce mauuais lieu , ils déchargèrent tout ce qui eftoit dans les deux nauires , ôc partagèrent tant les hom- mcs,que les viures ôc munitions de guerre,nonfans beaucoup de bruit & querelle entre ces deux Capi- taines. Monfieur de POliue fe plaça, à la 'droite , ôc fît baftir vn petit fort qu'il nomma, le Fort fainâ Pier- re, parce qu'en ce iour confacré à la mémoire de ce Prince des Apoftres , ils auoient pris poffe ffion de l'ifle ôc arboré les armes de France. Monfieur. Dupleflis tint la gauche, ôc s'habitua enuirondeux portées demoufquet de fon compagnon, leurs ha- bitatios demeurans feparées par vne petite ri uierc Eij ; 36 ESTÀBLI SSEMENT, Cependant nos Capitaines firent vne faute , qui. a fait perdre la vie a plus de la moitié de leurs hom- mes 3 laquelle fut de ne pas aborder Fille de la Bar- boude, habitée par les Angîois.come on leur auoit confcillé, dans laquelle a peu de frais , ils euflênt pâ auoir tout ce qui leux eftoit necenaire;fî bien qu'ils fe trouucrent à la Guadeloupe dans les bois , fans auoir nymanyocr, ny patates, ny pois , ny febues, pourfemer; d'ailleurs, nayans apporté dans leurs nauiresdes viurss que pour deux mois ,. ils fe virent obligez de retrancher de la liure de pafie , qu'ils donnoient tous les iours à chacun de leurs hom- mes , & d'aller àfaiii&Chriftophe le quinzième de luillet ,pour enrapporter du bois de manyoc & do patate pour planter ; èc des viures pour foulager leurs gens, eivattendant le fecours qu onauoit pro- mis de leur enuoyer de France. "J ■Un eft paspoffiblede décrire tout ce quendtira ce pauure peuple , que ces Meffieurs auoient laiflez entre les mains de certains Commandeurs, qui les traitoient plus mal que des efclaues : on ne les poufîoitautrauail , quoyquaffoiblispar lamifere & par la faim , qu a coups de bafton ôc d'hallebar- de y ûbteu que quelques -vns d'en tr'eux , qui d uoientefte captifsen Barbarie , maudifïbiend'hei* re qu'ils en eftoientfortis; ils fedonnoient auDia* ble,pourueuqu'ilvoulutlesrcpaflercnFrance>Plu- iicurs moururent auec cet horrible blafphéme dans la bouche* d'autres s enfuyrent dans vn Canot,mais Us furent repris à fain&Chriftophe, & euflent efté DANS L'ISLE DE LA GVADELOVTE. 17 pendus , fi la mauuaife intelligence de nos Capitai- nes ne leur eut fauué la vie. le ne fçay de quel aucuglement eftoient frappez nos deux Chefs y car quoy qu'ils euiTentpris le pré- texte daller à faincTiChriftophe , pour y chercher du plan &des viures, ils retournèrent à la Guade- loupe le quatorzième d'Aouft , auflî peu chargez del'vn& de l'autre , comme ils en eftoient partis^ fi bien qu'il fallut bien-toft réduire laliure de pafte ( qu'on leur donnoit par chaque iour ) à cinq on-» ces; &mefme on ne leur en faifoit la diftribution, qu'après auoir trauaillé iufqu'à midy. Tout ce peu- ple en cftoit réduit audefefpoir , & la plus grande occupation de nos Religieux n'eftoit pas feulement de confoler ceux qui en eftoient capables *, mais d'empefeher les vns de feprecipiter dans la mer, & d'arracher les cordes des mains des autres ,.auec les- quelles ils fe vouloient pendre : Ceux qui furent aflez hardis pour defrober quelque morceau de pain,eftoient chaftiez comme criminels, quelques» vns furent attachez au Carcan, d'autres furent fouet- tez, &d'autres furent marquez fur refpaule de la fleur de lys. Nos François dans l'extrémité de leurs maux,au- roient fans doute receu beaucoup de foulagcment des Saunages de l'ifle , fi leur humeur impatiente ne les eut rebuté ; car ces barbares ne fe doutant point du deflein qu'on auoit de leur faire la guerre, ve- noient fouuent les vifiter , ôc iamais les mains vui- des; ayammefme remarqué que iios gensauoieat E iij; 5S ESTABLISHMENT, Zftfe ocelli té de viures,Ieurs Pirogues eftoicnt toufiours Ltt remPlies de Tortues, de Lézards, décochons, de Tot ar Polffotls> de caffanc> de patates, ôc de toute forte de ZTJZ&uiâs du pays. Mais nos gens ennemis de leur teProPrebon-heur i fc plaignent de leur trop fré- quentes vifites , dffans qu'ils ne venoient à autre defTein que pour reconnoiûre leur foible, Ôc en ti- rer auantage. Dans cette penfée on en mal-traifta quel- ques-vns , ôc mefme on fut fur le point d'en dé- faire deux ou trois Pirogues quifeprefentoient.Les Sauuages , à qui peu de chofe donne l'épouuante, s'enfuyrent ôc ne retournèrent plus : on commen- ça bien-toft à reffentir leur abfence par la priua- tion des commoditez qu'ils auoient couftume dap. porter aux habitans. Pour lors on les combloic d'iniurcs ôc de maledi&ions ; on crioit qu'ils vou- loient faire périr Je faim vne partie des François, pour auoir meilleur marché durefte : Envn mot* on concluoit qu'il falloit aller tuer tous les Sauua- ges, prendre leurs femmes ôc leurs enfans,c\:fe fai- fîr de leurs biens. Le Reuerend Père Raymond fit tous fes efforts pour deftourner cet orage de def- fus la teftede ces innocens mal-heureux. A fes re- monftrances Monfieur de l'O liue quitta ce detefta- ble deffein , & luy promit folemnellement quil ne feroit* aucun tort aux Sauuages , fi auparauant il n'en eftoit attaqué : mais en perdant de veuë ce bon Religieux , la premiere conference quil auok âuec certains boutefeux, qui lujr feruoient de con- DANS LISLE DE LA GVADELOVPE. ^ feil , luy faifoic oublier fès promeffes & changer de refolution. Le feiziéme Septembre, lorsque tous nos habi- tans eftoient réduits à la dernière extrémité , on ap- perceut le nauire du Capitaine l'Abbé, fretté par les marchands de Dieppe : àfonarriuéetous ces triftes affamez creurent qu'il eftoit chargé de viures pour lesfecourir; dans cette croyance ils firent quelque demonftration d'allegreflc : mais elle fut bien cour- te, car ce muire ayant amené prés de centhommes, il n'auoit apporté de quoy les nourrir que pour trois mois h fi bien que ce fecours fi ardamment attendu3 ne leruit qu'à les rendre plus miferables. Tout ce peuple affligé eftoit dans vne confterna^ tion fi eftrange , qu'il ne fçauoit à quoy fe refoudre. Monfieur de 1'Oliuc commença tout de bonà trai- ter auecfon confeil , de faire la guerre auxSauua- ges; mais trouuant Monfieur Duplcffis fort peu fle- xible à fes volontez , il s'embarqua dans le nauire du Capitaine l'Abbé pour aller à fainét Chriftophe y fonder Monfieur Defnambuc , qui en eftoit Gou* uerneur, & tafeher de luy faire agréer qu'on décla- rai!: la guerre aux Sauuages. Cebraue Gentil-hom- me n'y voulut jamais confentir ; au contraire, il taf- cha de le deftourner de cette mal-heureufe entre- prife, & luy fit promettre de s'en defifter. Durant Ion ab fence , Monfieur DupleiBs voyant la mifere de fon peuple , & les affaires dans vn train detres-malreiifïir, en conceut vnteJ regret , qu'il en mourut le quatrième de Decçmbre 1635. Les 40 ES TABUS S E M EN T, Sauuages qui eftoient à l'ifle de la Dominique , fir rentauertis defontirépas le mefmeiour, & àlamef* me heure par vn Boyé : Ils le pleurèrent & en firent autant de dciïil,que s'il eut elle vn des plus confide- rables dentr'eux. Monlîeur de l'Oliue auerty de la mort de fon compagnon , retourna promptement à la Guade- loupe,sempara de tout le peuple, & creut,fc voyant feul maiftreabfolu, que tout le monde feroit joug àfes volontez. En effet,il fit conclure la«guerre aux Sauuagcs le vingtième Ianuier mil fix cens trente- fix. Pour preuue de cela,ayant apperceu le mefmc iour à vne lieue du fort, vn Canot de Saùuage , il commanda des hommes pour les aller maiTacrer; mais à leur arriuée ils trouvèrent qu'ils s eftoient re- tirez. Pendant cette conjoncture de temps, arriua que quelques Sauuages prirent vn li£t de coton dans le cul-defacà desVareurs , au lieu duquel ils mirent vn porc& desfruicTrs j c eftoit plus que le liane valloit ; & mefme ceux qui y eftoient intereflez m'ont a(Teuré,qu on le leur Faifoit à croire. Orquand cela auroitefté, ceftoit vnefimplicitéde Saùua- ge qu'il falloit diffimuler ; neantmoins on prit pré- texte là-deflus pour conclure la guerre. Vn iour que noftre Reuerend Pcre Raymond eftoit occupé auprès des malades , qui eftoient en grand nombre ; Monfieur de l'Oliue s'embarqua auec tous les Autheurs de cette confpiration , ils y lahTercnt neant- moins les plus induftricux d'entr eux, pour épier les déportemens des François , ôc reconnoiftre leur foiblc. Ils firent plusieurs mcurfîons fur eux , dans Ief quelles ils tuèrent foixante ou 80. hommes à diuer- fes fois, & prirent quelques prifonniers : ils fça- uoient fi bien fe feruir deloccafibn , qu'ils les atta- quoient fouuentau dépourueu& à leurauantage. Ilsymanquerentvnefoisbienlourdcment; car vn mois après la guerre déclarée, ayansdécouucrtquc Monfieur de l'Oliue faifoit trauailler quelques hommes dansvn defert affez éloigné de fon Fort; ils armèrent promptement cent cinquante ou deux cens hommes au plus , les embarquèrent dans trois Pirogues, & vinrent aucedeffein de les furprendre: Nos François les ayans apperceus de loin , eurent le temps defedifpofer aies reccuoir, & à leurdref- fer desçmbufchcs : Monfieur de l'Oliue leur fiat au deuant', accompagné feulement de dix ou douze de Ces meilleurs hommes , mais bien armez. Les F ni 1 :'fti:: J 4* EST A BL IS SEMEN T, Sauuages mirent pied à terre, & ne fedéfians nulle- ment de l'embufcade , ils curent auffi- toil: les Fran- çois à leur f cncontre,fur lefquels ils firent pleuuoir vne grefle de flefehes l'efpace d'vn demy quart- d'iieurc , fans en blcfTer vn fcul : mais après auoir efté contrains de lafchcr pied , ils coururent vers leurs Pirogues pour fe rembarquer ; ôc quoy qu'ils fuflènt fort preflez, ils fe feparerent en deux ban- des > dont 1'vnc ramafïbit les morts &les bleflez, pendant que l'autre fouftenoit le choc , & fe bat- toit auec beaucoup de gerxerofité : la violence des noftres ne lespufl: empefeher , qu'ils ne remportât fent tous leurs morts , Ôc ne reconduififfent leurs bleîTez J excepte vnquilslaifferent fans amc fur la place du combat. On tient qu'ils y perdirent vingt- quatre ou z$< liommcsjoutre vn grand nombre de bleflez. Ils y laiflerent auffi deux de leurs Pirogues pleines de leurs liéts,&autre petit butin de fauuage. Sur la fin d'Oétobre de Tannée fuiuante mil fix cens trente-iîx , les Sauuages ayans remarqué que vingt-cinq ou trente François faifoient vne habita- tion à la Capfterre , firensvn gros de fept cens ou huicT: cens hommes, tirez de toutes les ifles qu'ils habitoieritj ôc vinrent à la Guadeloupe , efperans de les iurp rendre au trauail ôc fans deffenfe : mais il fe rencontra heureufement quec'eftoit vn iour de F-efte, qui neftoit pas •■.marque dans le Kalendrier des Sauuages : Nos François eftoient difperez ça & là ; les vus à la promenade, les autres i lapefche;: fi bien qu'ils apperceureat de loin les fauuages; DANS ï/ IS LE DE LA GVADELOVP E. 47 alors vn chacun fe prit à courir vers vn petit Fort de palliiTades qu'ils auoient fait : mais les Karaïbes courans plus vifte qu'eux, en blefferent fix ou-fept à coups de fl-fches , & en tuèrent quatre ; tout le refte fe deffendït fort cour ageufe ment, mirent à. mort plufieurs fauuages , : entre lefquels il y en eut vn , que Ton a creu eftre vn François renégat : Ce mal -heureux après auoir pillé les ornemens de nô- tre Eglife , foulé aux pieds vn Reliquaire, & mis en pieces vn Crucifix ; prit vn tifon pour brufler la Chapelle; mais laluftice de Dieu le talonnant de près g il fut tue le tifon à la main : Les fauuages voyans lagenereufe refolution des noftrcs yfe reti- rèrent auec perte de quinze ou vingt hommes , ôc grand nombre de bleflez. Cette guerre par la permifïïon de Dieu, auoit jet- te dans le coeur de nos habitans vne telle terreur pa- nyque , que toute chofe leurfaifoit peur, comme autrefois à l'infortuné Cam. Les feiiilles rouges du bois, leur fembloient eftre des fauuages, &c leur fai- foient donner faUarmc à toute l'ifle ; vn arbre flottant fur la mer , eftoit pris par eux pour vnePiro- gue chargée de leurs ennemis ; de forte qu'ils n a- uoient aucun repos, & ne fçauotent en quel lieu ils cftoient en affeurance. La famine y eftoit fi gran- de, qu'on en a veu quelques-vns manger les exere- mens de leurs camarades ,• les autres broutoient l'herbe comme les be (tes : Ils s ecartoient quelque- fois dans les bois pourtrouucr à manger, ou bien fouucnt ils rendoien t l'amc , faute de nourriture : on 7 48 EST A B LISSE MENT, en a trouué plusieurs mangez des chiens , qui eftoient autant ou plus affamez que leurs maiftres: les maladies en faifoient mourir beaucoup faute de fecours & deviates : Nos Peres en enter roient aflez fouucnt trpis ou quatre dans vnemeGnefoiTe, Il eft aife à iugei que Dieu tenoît manifefte- mcntla main à cette horrible punition, veu l'abon - dance dans laquelle eftoit Me pour lors , comme nous verrons dans la troifiéme & quatrième partie de cette hiftoire. Ce qui me confirme dans ce fenti- ment , eft Terreur que firent lesPilotes qui conduis foient le nauire du Capitaine Barbeau, charge de viures&deprouifionspour la Guadeloupe;lefquels eftans arriuez à la hauteur de quinze degrez , & n'ayâs plus qu afuiure la route de l'Eft à FOuëftjC eft à dire, de l'Orient à l'Occident, ils fcfouruoyerent en fortç qu'ils allèrent aborder la terre delà Flori- de , diftante pour le moins de cinq cens lieues de la Guadeloupe, Erreur tel que depuis qu'on nauige furmer,on en a fort peu veudefemblables.Peude temps après le Gouuerneurfut trauaillédefi eftran- ges conuulfions, qu'à tous momens, on le tenoit pour mort ; Enfin , il perd laveuë & vnpeuapres le gouuernemcnt de Tifle de la Guadeloupe, de la- quelle il fut contraint de fé retirer : Mais cette bonté de Dieu, qui méfie toufiours fa mi fe rie or de auec fa Iuftice , luy fermant les yeux du corps , luy ficouurir ceuxdd'ame ; enforte qucreconnoilïànt fes fautes , il en fit penitence , vefeu depuis fort Cfireftiennement , & fit vue fin affez heureufè. Quant DANS L'ISLE DELA GVADELOVPE. 49 Quant aux autres , fi ie ne craignois de me rendre importun , ie ferois voir par leur fin defaftreufe, quilnefaitpas bonfc jouer a Dieu, puis qu il n en a paslaiflcvnfeulimpuny , & quuiaiticruydvn épouuantablc exemple àlapoftente. Tant de maux eftoient plus que fuftitans , pour faire releuerlcs cœurs & les yeux de nos François versceluy , quinechaftie que pour faire implorer fa clémence. En effet , le peude gensde bien qui reftoient dans la Guadeloupe vnis au Reuerend Père Raymond , auquel les miferes de ce peuple eftoient auffi fenfiblcs queles fiennes propres-, rai- foicntd'inftantes prières àDieu,pourcftrefçcourus dans cette neceffité extrême , & a ce quil pluft a cette ineffable bonté de retirer tant fou peu fa main vangereffe de deffus eux , & leur faire refoircr- vnfiecle plus doux. Leurs prières furent exaucées dans vn temps ou felonies apparences humaines , ils ne pouuoicnt cftrefecoums -, car Vide de la Guadeloupe eftoïc tellement décriée enEurope , que pas vn nauire ny y ouloit aller, ny mefme mouiller l'ancreeftant aux ifies; les Marchands de Dieppe, qui s eftoient ruy- nez à faire des embarquemens pour la peupler, voyans que leur bien profitoit fi mal, perdirent courage, l'abandonnèrent tout à fait , & quelqucs- vns en furent fi fafchcz , qu'ils en moururent de de- plaifir : D'ailleurs, les Seigneurs de la Compagnie foulaeeoientii peu les habitans, qu'ils furent con- ttains,aprcs auoirtenu confeilenl'abfence doMon- / %o ESTABLl S SEMENT, fleur del'Oliue, d'implorer le fecours de Monfîeur le General de Poincy. Ce généreux Lieutenant du Roy affligé de leur cùfgrace, leur enuoya deux cens cinquante hom- mes, fous la conduite deMonfieurde la Vcrnade, & deMonfieurdeSaboinlIy , Gentil-homme fort conuderc, pour auoir rendu de très-grands ferm- ées au Roy, dans fes armées en France & en Allema- gne- Le fecours fpirituel arriua le Iendemain,compo- fe de fix Re lgie à {çiuok> du Reucrcnd £g N1Colas de la Marc , tres-fameux Do&eut de Sor~ bonne, perfonnage autant recommandablc pour la tarntete de fa vie , que pour fa grande dodrine- Anoftrearriuéenous trouuafmes, queleRcue- £S^P« dcpls tri a" Ë£? ï " f?ulaScme™ %i"tuel de nos ro SSS "m fe tr01f °U *** »«■ S roient trouue affez d'employ pour s'occuper II h>granckmifere, qu'il n'éftoit plus couuert aue dvnméchanthabitde toile.- outre fes trauauxfïul 5SBB25B î? ceux ** en 338E ipe^ateurs ) J eftoit dans vne neceffité fi grande- detouteschofe, i*fijj««* spemesfi affligeai t« , ^emefursmilJefoiseftonné, de KS komirxemortclaittantendurefansmounrLC DANS L'ISLEDELAGVADELOVPE. 51 teceut comme des Anges décendus du Ciel -, Et après nousauoir mené dans la Chapelle de noftre- Dame du faint Rofaire , & là chanté le Te Deum5 en action de grace , il enuoy a chercher du pain pour nous donner à manger , ny en ayant pas vn féul morceau dans fa cafe : nousfufmes tous plus confo- lez de cette grandejpauurcté , que fi nous euffions rencontre toutes les mines d'or des Indes , chacun de nous reputant à vn bon-heur extrême deftre fait digne de patir pour la gloire de Iefus-Chrift. i-e ReucrendPere de la Mare , après s'eftre deuë- mentinforme deladifpofîtiondeshabitans, nous cHftribiia à chacun vn quartier de cette vigne de noftre Seigneur pour y trauaillcr, ôcj faire tout ce que nous croirions neccfFarre,à ce qu elle porta des fruits dignes de la vie éternelle. Nous mifmes tous la main; à fœuure , auec vne grande ferueur^ commençafmes chacun dans fon caru:om àprefchc^ catechifer, adminiftrer les Sacre- mcirs, & à follkitet les malades qui eftoient en très- grand nombre par toute Tifle. Plus des trois quarts de ce fecours nouvellement arriuc, moururent; quelqires-vns en attribuent la caufe aux Chefs, qui les retenoient par force pour trauailler dans leurs habitations, quoy qu'ils n'y fui- fent nullement obligez : les autres au mauuais air de Tifle , qui pour lors neftoitpas encore décou- uertc desbois: enfin , les autres à -la-difette des vi- uf es. Pourmoy ie crois qui! y auoit vn peu de lvit & de l'autre i fur tout , que la trifteffe qu'ils auoient G ij ; 5t ES T ABLI S SE MENT, defe voir détenus , & empefchez de faire leur pro- fit , comme ils cfpcroient , en a plus fait mourir que lerefte. Cependant, c'eftoit la chofe la plus pitoya- ble du monde à voir. Il y auoit prefque deux cens hommes malades au logis deMonfïeurdela Ver- nade, tous couchez fur la terre, ou au plus y fur des rofeaux , dont la plufpart cftoient réduits aux abois, veautrez dans leurs ordures , & fans aucun fecours de perfonne : le nauoispas pluftoft fait à l'vn ; qu il talloit courir à l'autre ; quelquefois pendant que 1 encnfeueliffois vn dans des feuilles ( il ne falloir pas parler de toile en ce temps là ) ic n'entendois que des voix mourantes , quidifoient j. Mon père, attendez vn moment, il ne vous couftera pas plus de peine pour deux oupour trois,que pour vnfeulj &le pluslouuent il arriuoir ainfi , cari'en enterrois allez communément deuxou trois dans vne'raef- me fofle ; de forte, que nonobftant la diligence & les loins de nos Chefs , nos François cftoient fans doute a la veille de retomber dans le precipice de leur premiere inforrunc : car quoy que Monfieur de SaboùiHyne fedonnaft aucun repos,& qu'il fut perpétuellement en courfe à faire le tour de l'iflc dansvne chaloupé dans laquelle il auoit toufiours dix ou douze hommes armez auecfoymcantmoins les Sauuages enflez & encouragez , tanr par les auantages iournaUers qu'ils auoient fur nous, que par les vidoires remportées depuis peu fur lesAn- glois,raifoicnr piuS opiniaftrement la guerre qu'au- parauant.. a . DANS L'ISLE DE LA GVÀDELOVPE. 53 Monfieur de Saboiiilly les eut deux ou trois fois en fa rencontre. A la premiere , après auok long- temps fouftenulechoc defcptàhui&cens Sauna- ges , il fut contraint de fc batre en retraite , & d'a- bandonner fon canot , que ces Barbares mirent auffi-toft en pieces. A la féconde rencontre, il fut plus mal traité qu'à la précédente \ à cette fois Mon- ueurde Saboiiilly auoit donné le mot à Monfieur de la Vernadcjà ce qu'il le vint trouuer auec toutes les forces; celuy-cy fe mit en chemin auec plus de qua- rante hommes armez : mais les pluyes furent fi abondantes , qu'il fut contraint de relafcher. Il y auoit défia quelque refroidiflement entre ces deux Meilleurs , ce qui donna o ccafion à quelques-vns decroire, que ceftoit vne piece faite àla main , ôc que Monfieur de la Vcrnadc ne prie l'occafion de cette pluye pour fe retirer , que pour laifTer fon compagnon dans le peril de la mort y qu'vn autre moins généreux , & moins adroit que luy n'eut ja- mais euité y car après s'eftre long-temps batu en pleine mer , auoir tué quinze ou feize Sauuages 3 où blefle plufieursdes autres-, ces Barbares afFoiblispar la mort de leurs compagnons, ne fe rebutèrent nul- lement j au contraire leferrerent de fi prés, que luy ayant blefTé cinq hommes , defqucls trois mouru- rent vn peu après, ils donnèrent vn coup de flécher dans le bras droit de fon pilote; ce qui le contrai- gnit de quiter lamer y ôc de fe retirer dans vn petit iflet, où ils le tinrent afîiegéiefpace de trente -fir heures ., & luy décochèrent vne fi grande quantité G iij 54 ESTABLISS£MENT> de flèches, qu'il en auoit de quoy charger fa chalou- taupe , s'il les eut voulu ramafler. Enfin, voyans qu'il eftoit refolu de leur vendre fa vie bien chere, ils perdirent cceur,& leuerent lcfîcge,luy difans vnc infinité d'iniures. D'ailleurs , toute l'ifle eftoit dans vn murmure general , &c à la veille défaire vne ligue , ou pluftoft vne guerre ciuilc , plus dangereufe que celle des Sauuages > & ce à caufe que les Chefs opprimoient les anciens habitans, iufqu a prendre à viue force leurs viures , fans mefcie épargner lcsEcclcfîafti- ques. Alors, les anciens habitans commencèrent à maudire le fècours; chacun retiroit fon épingle da jeu, di£ànt qu'il n 'auoit nullement apprauué lecan- feil de demander du fecours , quoy qu'en vérité ils l'enflent tous trcs-ardammentjdefiré. En ce temps , Monfieur Aubert Capitaine de Flue de faincT: Chriftophe, eftant à Paris pour quel- ques affaires de Moniîcur le General de Poiney ,fut pourueu du gouuernement de la Guadeloupe , par les Seigneurs de laCompagnie: Ce Capitaineà fon arriuée rendit defignalez ferukesàcesSeigncurs &aux habitons de la Guadeloupe,defqueîs ila efté autant mal reeompenfé^quil en deuoiteftre regar- dé de bon œilrear paflant par Me de la Dominique, il fe comporta auec tant de prudence & d'adrdfc, qu'il fit venir les Sauuages à fon bord , aufquels ayant fait entendre qu'il venoit pour gouuerner la Guadeloupe, qu'il vouloir eftre leur Compere, & leur bon amy K mefmc qu'il vouloir les deffen- ■B DANS I/ISLE DE LA GVADELOVPE. 5; dre contre ceux qui leurs faifoient la guerre; à for- ce de cartfles ôc de prefens , il leur fit promettre de retourner à la Guadeloupe , ôc fit vnc forme de oaix telle quelle , & autant folidequelle fepouuoit fai- re auec les Sauuages. Afonaniuée, qui fut à la fin de Septembre mil fix cens quarante, il publia cette paix, laquelle nous receufmes auec làplufpart deshabitans , comme la plus agréable nouuelle qu on nous pouuoit an- noncer : mais ceux quiauoiént efté du confeil de la guerre, ôc plufîeurs autres de cette mefme farine, ne lapeufent aucunement goufier , difans qu'il eftoit impoffible de faire vne bonne reconcilia- tion auec les Saunages, & que pour leur regardais ne les admettroient iamais dedans lïfle qua coups dé moufquets r mais helas , qu'eft-ce de douter ôc fe méfier de la bonté ôc mifericorde de Dieu I car il leur arriua , au moins àplufieurs , tout de mefme qua ce mal-heureux Prince 3 qui doutant du renui- taillcmcnt delà ville de Samarie, fut écrafé fous les chariots qui portoient le mefme fecours ; carMon- fieur Aubert ayant fait monter vne barque qu'il auoit apportée de France , s'eftant mis dedans luy vingtième pour aller à faincT: Chriûôphe , & s'eftant arrefté quelques iours à pefcher des tortues , ôedes lamentins pour y porter; la barque fut furprife d'viî puiffant coup de vent,fon brat fous fés voiles le troi* fiéfrie Février mil fix cens quarante & vn,&entraif- na toute cette deteftable cabale au fond de lamer,, &peut^eftre aufond des enfers. Monfîeur Aubert 1 H 7 I 11 f I fC ESTABLISSEMENT, fe fauiia auçc dix des plus gens de bien , fur des planches & des auirons; Et ce que ie trouue d efton- nant&dignederemarqueencecy , c'eft que ceux qui furent guarantis de ce naufrage ne fçauoient aucunement nager , & prefque tous ceux qui fc noyèrent, nageoient comme des poifîbns. Cependant, .Monfieur Aubert fit grande diligen- ce , pour empefeher qu'en quelque lieu que les Sau- uages abordaffentdans Me, on ne parut point fur le riuage auec désarmes , & qu encor bien qu on fè tint toufiours fur fes gardes , on ne leur donnaft au- cune matière de foupçon. Ils ne manquèrent pas à la promeffe qu'ils auoient faite , s'en vindrent aborder à la grande Ance, & s'enquirent du logis de Monfieur Aubert, ou ils furent auffi-toft con- duits. <£uand ils furent deuant la maifon ; on ne vit Jamais des gens plus circonfpedts , & plus défiants; en effet, c eftoit vn peu trop hazarder le pacquet: car fi Monfieur Aubert eut efté tel que fon prede- cefleur,fans doute qu on leur auroit fait vn fort mau- uais party. Apres auoir fort long-temps contemple toutes les auenuës , épie tous les geftes & mouuemens de nos François , & s'eftre enquis plufieursfois fi on n eftoit plus fafché contr'eux j ils députèrent deux des leurs les plus difpos , auec de très-beaux Ana- nas dans leurs mainsvCependant laPiroguc demeu- roit toufiours à flot , & eneftat de fe fauuer , en cas qu'on fit du tort aux députez. Monfieur Aubert de fon cofté donna ordre de faire — DANS L'ISLE DE LA GVADELOVPE. n faire promptement cacher toutes les armes ; luy- mefme leur fut au deuant fans fori épée , les carefTa, & les conduifit dans fa cafe , ou ils furent dans de perpétuelles inquietudes , iufqu'à ce qu'ils eufTent beu vn coup ou deux d'eau de vie : ce qui les ayant vn peu remis de leurs apprehenfions, ils furent auffi- toft inuiter leurs compagnons à décendre , pour participer au bon traitement quon leur faifoit : ils le firent, en forts neantmoins qu'il en demeuroit toWïours plus de la moitié dans la Pirogue,, en eftat de pùuuoir faire retraite , en cas de defordre. En fin , après beaucoup d'entretien tel qu'on le peut auoir àuec des gens qui parlent plus par iîgnes que par paroles , &c qui n'ont pas beaucoup plus de rai- fon que des brutes ; promeffes furent réciproque- ment faites de part Ôc d'autre , de ne fe faire iamais aucun 'tort , ôc de fe traiter dorefnauant comme amis japres quoy ils s'en retournement les mains plei- nes de prefens,lc ventre remply d'eau de vie, &l'e£- prit tres-fatisfait. Ce bon acucil fait aux premiers, fut plus que fuf- fifant pour attirer les autres ; ( les Sauuages ayans cela qu'ils ferot cent licuës,& s'expoferont à tous les hazards , pour fe trouuer à la defbauche de quelque bouteille de vin ) outre que les neceffitez qu'ils auoient des denrées des Europeans , comme ha- ches , coufteaux , ferpes, & autres chofes fembla: blés, les preffoient de fort prés. Ils recommancerent donc leurs anciennes vifites, non fans grand profit des habirans l cm outre qu ils H ; 5B EST A B LI S SE MENT, nourriffoient prcfquc toute Meek tortues, déco- chons,de lezardsjdc poiflbnsboucânez,^: des fruits du pays ; ils apportoient quantité de beaux carets, des lifts de coton, ôc tout plain de petit butin qu'ils auoient rapporté de la deffaite des Anglois,lcfqucl~ les chofes ils donnoient pour des bagatelles. le me rencontray à la defeente de la féconde Pi- rogue , qui vint dans Fille pour affermir la paix. Le premier des Sauuages qui mit pied à terre , vint droit à moy , comme s'il m'eut connu de longue, main , ôc me prenant par le poing,il fit vn figne de Croix fur ma manche , ôdabaifa plufîeurs fois : il me demanda en langue Efpagnole vn Chapelet, ôc layant interrogé de ce qu'il en vouloir faire , il fit réponfe que c eftoit pour prier Dieu 5 quoy qu'en effet , il n'eut autre defleinquede le pendre àfon col, comme les autres, & en faire parade; car iay feeu depuis que ce mal-heureux auoit efté dix ans cfclaue en Efpagnc, qu'il auoit efté inftruit ôc bapti- fé , & qu'ayant trouué moyen de fe fauuer, en les quitant il auoit renoncé au Chriftianifme. Il ne faut efperer autres chofes des Sauuages , qui font tant fait peu fur l'âge , ôc qui fe font défia froté aupillier delafeneantife, &trop grande liberté, si Le bruit de, cette paix s'eftendit par toutes les ifles circonuoifines, voirmefme iufqu'en France; il fit donc deffein d'y aller luy^ mefme , en communiqua auec Moniicur le Gouuerneur,lequel pour luy complaire témoigna de lapprouuer , auec H iij h\t: 6i .ESTABLISSEMENT, promefTcdc lefauoriferdansfonentreprife, quoy qui! n cut rien moins dans l'efprit; carle Rencrend Pcrc de la Mare , après au oir fait promettre au Ca- pitaine d'vne Pirogue de Sauuages , de le porter a la Dominique ; il méprit vnenui&pour (on compa- gnon , auec vn de nos Frères Conuers , & nous ayant fait embarquer dans vn petit Canot, il le fie conduire chezMonfieur le Gouuerneur pour le fe- mondre defapromefTe. Son arriuée éclata , eftant vne chofe extrêmement rare de le voir en campa- gne , & mefme le Gouuerneur prit de 11 occafion pour s'exeufer, difam; que s'il s'eftoit embarqué en cachette, il auront fécondé fon deflein detoutfon poùuoir ; mais que le peuple eftant témoin comme il approuuoit fa fortie , s'il arriuoitque les Sauua- ges luy fiflent du tort , on ne chercheroit point d'autre garand que fatefte : Ceftpourquoy , il le fupplia de Tcxcufer , fi pour cette fois il ne luy pouuoit accorder fa demande , laffeurant neant- moins qu'il luy permettroit de fortir quand il luy plairoitjpourueu qu'il s'y comportât fi dextrement, que le peuple ne s'apperecut point qu il luy eut per- mis : toutes ces belles affeurances n'eftoient que des échapatoires ; car tout auffi-toft il en donna aduis à Monfieur le General dePoincy, ôc luy faifant en- tendre qu'il enpoxirroit arriuer quelque accident, qui pourroient renouueler la guerre; &qu'ainfi il enuoya au pluftoft vn ordre auPercpourdefîfter de fpn entreprife. Cet ordre arriua vn peu trop tard; car leReuerendPere de la Marc fe voyant ainfirc* "1*5 DANSL'ISLEDELAGVÀDELOVPE. c3 mis de jour à autre, feferuit deToccafionclVne au- tre Pirogue , & fit partir fecretement le Reucrend Pcre Raymond, auecle Frère Charles , deux Reli- gieux véritablement dignes de cette commiffion ril leur donna ordre dcreconnoiftre ôc de rechercher curieufement ce qu'il y auroit à faire parmy les Sau- uages, de quelle façon il fcfaudroit comporter en leur endroit, ôc qu'ils luy en vinflent rendre com- pte dans trois femaines 9 ou dans vn mois pour le plus tard. A la venue de ces deux Religieux dans lïfîe de la Dominique, le Diable fembla joiier defonrefte, pour, les faire maflacrer, ou au moins les en chaffer: Il parla auxSauuages par la bouehe de leurs Rioches ( qui font certains marmoufets de coton ) leur don- nant fauflement à entendre, que les François nW uoient autre de/Iein que de leur faire lemefme trai- tement, qu'on leur auoit fait dans le relie des ifles, dans lefquelles ces nations eftrangeres s'eftoient toufiours infînuées par de petits eommencemens, par après s'étans acruës petit à petit,elles les auoient dépouillées de leurs biens, chafleesde l'héritage de leurs anceftres , priuées de leurs terres , ôc cruelle- ment maflacrez, Le Capitaine Baron(c eft le nom du Saunage qui auoit emmené nos Religieux) enten- dant les murmures de fes compatriotes , en donna aduis auReuerend Père Raymond, l'afleu rant qu'il le protegeroi t autant qu'il luy feroit poffible , quojr qu'il fembla quafî conuaincu par les apparantesrai* fons des autres Sauuages. Mais le Reuercnd Père m w^ nil 6+: ■ ÎSTABLISSEM EN T, Raymond l'ayant defabufé ; ilconuoqua tous les autres Sauuages à vn vin general ( qui eft vue def* bauche de laquelle nous parlerons en fon lieu. ) La plufparteftant aflfemblez, il prit la parole en faucur de fes hoftes , defquels il droit defia plufieurs pe- tits prefens 5 ôc afin d'haranguer auec plus d'authori- té , ôc fe rendre le peuple plus attentif, il prit vne cotte ou juppe d'vne Dame Angloife qu'il auoit bu- tinéàlaguerre, &s'envcftit; en forte que, ce qui deuoit eftre attaché fur les reins, eftoit lié autour de fon col. En cette pofture il monta fur vne petite eminence de terre,commençaà crier à plaine tefte, ôc à haranguer auec tant de prolixité, que plus de la moitié de fon auditoire sen alla tout murmurant: mais les plus amateurs de la paix, goufterent fes rai- fons & témoignèrent à nos Religieux , qu'ils fc ref- jouyflbient extrement de leur venue. Le Diable ayant manqué fon coup en cette occa- fîon , fe feruit d'vne autre inuention d'autant plus dangereufe , qu'elle eftoit dans vne mauuaife tefte, c eft à dire, dans la tefte d'vne femme. C eftoit vne des femmes du Capitaine le Baron , ou pour mieux dire, vnévicilleMegere, à laquelle le Demon per- fuada de tuer nos Religieux ; elle leur dit fon def- fein,& fe mit en deuoir de l'exécuter : mais vn de fes propres cnfans.qui auoit conceu quelque bonne vo- lonté pour le Reuerend Père Raymond, voyant fa mere pouffée d'vn it mauuais génie , prit vne felle à trois pieds , & luy en frota fi bien la tefte & le corps, qu'il Ta guarit d'vne fi mauuaife maladie. Pendant r^i*a DANS I/ISLE DELA GVADELOVP E. 6$ Pendant trois mois que le ReuerendPere Ray- mond demeura dans la Dominique , iltafchadefc f>crfeâ:ionner dans la langue des Sauuages : il en af- bmbloit tous les iourslc plus grand nombre qu'il pouuoit , leur apprenoit l'oraifon Dominicale , le Symbole des Apoftres , ôc leur prefehoit qu'il y auoitvnDieu , Créateur de tout ce grand Vniucrs, & qu après cette vie, il enfalloit attendre vne au- tre , dans laquelle ce mefme Dieu puniroit les mef- chans par les flammes & par les tourmens éternels; ôc recompenferoit les bons par des biens infini- ment plus grands , que tous ceux que nous pou- uons conceuoir. Tous entendoient fes Catechif- mes auec beaucoup d'attention. La plufpart de ces pauures gens oyant ces chofes,. entroient dansde profonds cftonnemens 9 ôc s'enqueroient fouuent deluy, s'il ne mentoit point, ôc fi ce qu'il leur en- feignoit , eftoit veritable : mefme quelques -vns d'entr'eux fremiflbicnt à ce feul mot ôc récit des tourmens &: des peines de l'Enfer. Voyant que lé Père leur difoit plufieurs chofes qui pafToient la portée de leurs elprits , ils s enqueftoient de quan- tité de chofes curieufes , &c nommément de la rou- te du Soleil : car ils auoient toufiours crû que ce bel Aftre en fon couchant ne fit que fe lauer dans la mer , comme ils font à la fin de tous leurs voyages, &quc la nuict, les ténèbres le cachant à nos yeux, il s'en retourne au matin au lieu d'où il eftoit party, pour puis après recommancer fa route ordinaire. Le Père les voyant attirez par ces chofes curieufes, i U ESTABLIS SEMENT, les eh cntretcaoit fort fouuere,y faifant fort adroi- tement glifler toutes les ckofes neceflaires an fa- lut. En fin, foit que iapoire ne fut pas encore meu- re , on que le Diable preueut les biens qui pou- uoient arriuer de fa refidence dans cetee iile , fit fes derniers efforts pour l'enfaire foftir. Quoy qu'il en foie, il efteertain qu'on minutoit de le chaffer àviue force au cas qu'il fit quelque refiftance , & mefmer o**ddnna ordre à vn Capitaine de nauire de la Reli- gion prétendue Reformée-, de l'attirer dans fort vaûfeau, de ienleuer, & le ramener à la Guade- loupe^ Pendant que 1 on tramcm ces beaux defleins , le RéuerendPeredelaMârenoftfé Supérieur, tom- ba dans fa maladie mortelle , ou pour mieux dire>: fa maladie contra& autres. CHAPITRE TROISIESME. IL y a bien de la difference entre les Colonies qu'on enuoye de l'Europe , pour remplir les Mes de TArnerique , ôc celles qu on tire des îiles défia peuplées pour les tranfporter dans vne autre pro- chaine. L'hiftoiredcreftdblinementdans l'ifle de faind Chriftophe , ôc de la Guadeloupe , fait aflez connoiftre combien il y a de peines &de difficul- tez à efluyer, quand ilfautleuer des cinq ôc fix cens hommes à grand frais, ( dont la plufpart vous écha- pent ôc :.fc dérobent auant d'eftre embarquez ) leur Faire paffer vn trajet de dix-huit cens lieues, pour leur donner à deffricher ôc cultiuer vne terre toute couuerte de bois , & tres-mal faine , ou il n'y a ny J>ain, ny pafte , ny hofteUeric , ny maifon, ôc ouil fe ait vne fi cftrange reuolution d'humeurs par ce grand changement de climat , que tout le monde p^1*3 DANS L'ISLE DE LÀ MÀRTINIQV E. ^ tombe malade des la defeente , &plufieursy meu- rent faute defecours, foitpar labfence des Méde- cins , foie pour le peu d'expérience des Chirur- giens. Il eft d ailleurs aiTezaifé à conceuoir combien il faut fouffrir, lors qu'on eft reduic à attendre d'eftre fecourus par des perfonnesfi éloignées, lefquelies ayans auancécinq fols, enefpercnt vingt de profit à la fin de l'année , & qui fe rebutent ôc abandon- nent tout , lors que les affaires. n'ont pas vn fi prompt ôc fi heureux fuccez, comme ceux qui les ont portez à ces entreprifes, leur ont fait efperer: De là vient qu'il ne fe faut pas cmerueiller, fil'efta- bliffement de la Colonie Françoife dans Me de la Martinique ( fituée au quatorzième degré trente minutes de latitude Septentrionale ) a fi heureufe- mentreiifll, qu'elle puiffe maintenant enfanter de nouuelles peuplades quelle a défia déchargée dans les îfles de la Grenade , & de fainte Aloufie > puifquç l'Autheur de cette entreprife a efté Monfieur Def- nambuc, Gouuerncur de Tille de fainâ: Chriftophe, homme puiffant , riche, aymé de tout le peuple, fort experimen|4a£prn*er ies Colonies, & qui s'eft comporté auefefant de prudence dans cet eftabliffe- ment, qu'il a logement cuite les écueils contre lef* quels plufieurs autres auroient fait naufrage. Ce braue Gouuerneur auoit depuis long- temps fait deffein d'habituer hile de la Guade- loupe, comme plus prochaine de celle ou il com- mandoit , &. plus à fa bien-feance , de laquelle il I iij in 70 ESTABLISSEMENT, côtttioiflbit très-bien les auantages qu'elle auoit par derïiis les autres : mais £è voyant fupplantépar Monfieur de l'Oliue , auqiielil auok communiqué fondeffein, & appréhendant que quelqu autre ne luy en fit autant de Merle laMartinique,ilfè refo- lut denepiusdifierer. * Pour venir about dVae entrepriie fi hardie & fi difficile dans fon execution, il prend enukon cent des yieux habkans de fifle de fainét Chrèftophe, tous gens d'élite , accouftuniez à 1 ak,au trauail , êc à la fatiguedu pays , & qui en vn mot n'ignoroient rien de tout ce qu il faut £ake,pour deffricher la ter- rera bien cuîtiuec,y planter des viures êc y entrete- Bardes feabkations. Chacun de ces habkans fie prouifîon de bonnes armes, de poudre, de balles, de toute forte d ou- tils, comme Cerp es, hooaes, haches, & autres vften- fiUes. Ils fe muniront du p hua de many oc &: de pa- tates pour y planter , de pois Se de rebues pour y femer : toutes lefquelles chofes manquent pour l'ordinaire à ceux qui partent de 4pc,pj9ur éta- blir des Coloriies dans les I#d^ Monfieur Defnarnbuc part dg^fe de faintChri- ftophe , au commencement de Iu^let 1 an mil fix cens trente -cinq , ôc arriue à la Martinique cinq ou fixioursaFre^ : ^T^ P^inptemefitbaftir ynfo-tt furie bord de lamer, qu'il munit de canons^ de tout ce qui eftoit necefiaire pour le bien dtffen- dre, il fut nommélefort de faincl: Pierre, peut-efire àcaufe qu'il arriua dans^oette ifle le iour de l'Otfta- DANS L'ISLE DE LA MARTINIQVE. 71 ne desfain&s Apoftrcs faind Pierre & fainâ Paul? auffi bien que Monficur de FOliuc ettoit defceadu àla Guadeloupe le iour de leur Fefte : Apres auoir veu commencer vne habitation, il s'en retourna à fain&Chriftophe, laiffant Monficur du Pont pour commander en qualité cte fon Lieutenant, aucc or- dre exprez de conferuerlapaix auec les Saunages, suçant qu'il luy feroit poffible. Cependant , les Sauuages quinefbuffrentiamais levoilmage desEuropcans que contre leurvolon- cé, commencèrent bien-toft à murmurer ,& mef* mes quelques- vns d'encreur ; ( car ils n'eftoienfc pas tous d'vn mefme fentiment ) eurent different auec les François , ou il y en eut de tuez de part &c d'autre. Cecy fut caufe que nos nouueaux habitans de- meurèrent plus ferrez proche du Fort qu'aupara- uant, & fouffrirent beaucoup,n ofans aller feuls àla chaffe, de peur d eftre rencontrés & mal- traitez par ces Barbares. Ces Sauuages qui auoient àflez mal à propos commencé laguerre contre les François, creurent qu'il les falloit entièrement deftruire, auant qu'ils priffent le temps de s acroiftre ôc de fe multiplier: Pour cet effet, ils appcllerent à leurs fecours tous lès Sauuages des mefmes ifles voifines. Lciourafïîgné tntreux, ils fe prefentent fous le fort faifantmftie d'y vouloir defeendie : mais Monfieur du &ohtr #f ant efté auerty de cet te èntrepri fe par Vu Sauuags mefme ,. auoit défia fait retirer tous fes foldats m If j I IV i ' fi ES T ABLI S S E MENT, Fort , ôc charger fon Canon de mitraille iufquà rembb.ucheure,-illes laiffa approcher contre later-* re, & les y voyant prefque les vns fur les autres, il fît mettre le feu à fon Canon, qui fit vn fi efl range car- nage de ces Sauuages, que ces pauures gens croyans que tous les Maboyas de la France eft oient fortis de la gueulledc ce Canon pour les deftruirc, s enfuy- r en t fans ofer depuis ce temps rien entreprendre contre les François. Monfieur Defnambuc ayant eu aduis de la guer- re contre les Sauuages , fit auiïï-toftleuer quarante ou cinquante" hommes , qu'il enuoya à la Martini- que , fous la conduite de Monfieur de la Vallée, pour fouftenir cette naiïTante Colonie : A l'arnuée de ce nouueau renfort, les Sauuages commencè- rent à lafeher le pied, ôc à quiter leurs habitations les plus voifines des François, mettant le feu à tou- tes les cafes, & arrachant tous les viures qui cftoient deflus \ mais nos habitans bien aifes de trouuer de la terre découuerte, s'en faillirent aufïi-toft,&: ain- fi peuà peu gagnèrent plufieurs belles habitations, qui auroient coufté bien de lafuëur, ôc peut-eftre la vie de quantité de perfonnes , s'il les eut fallu met- tre en l'état qu'ils les trouuerent. Quelques mois s'écoulent,pendant lefquels nos habitans s'affermiflent de plus en plus : les Capitai- ne* des nauires y conduifent leurs vaifleaux pour y trafiquer , ôc les habitans de faindChtiftophe les iecourent fi à propos y que ces Barbares perdans Jsfperance de pouuoir ©mpécher leurs conqueftes, parlèrent m DANS L'ISLE DE LA MART INI QVE. 73 parlèrent d'accommodement. Monfieur du Pont les reçoit auec toute la douceur & affabilité ima- ginable , leur faifant entendre , que s'il leur auoit Fait experimenter la rigueur des armes Françoifes, ce n auoit efté qu'à regret, & pour les porter à vne bonne paix , qu'il fouhaittoit auec autant de paf- fion comme eux , que dorefnauant il viuroit auec eux comme leur frère, &porteroit en tout ôc par tout leurs interefts : lesSauuages enfant au tant de leur cofté -> &c ainfî la paix fut conclue fur la fin ,de l'année , auec vne ioye réciproque des deux na- tions. Monfieur du Pont extrement fatisfait de cet ac- cord , part auffi-toft de la Martinique pour en por- ter luy-mefme les heureufes nouuelles à Monfieur Defnambuc , & le faire participant de fa ioye : mais helas,quc les Iugemcns deDieu font inconec- uables l ce généreux Capitaine ne fe défiant nulle- ment de la Fortune qui luy auoit communiqué tant de faneurs, s'expofe fur le plus infidèle de tous les élemens , ou cette volage luy fit cruellement reflentir les effets ordinaires de fon in confiance; car le nauire qui le porte n'eft pas pîuftoft appa- reillé , qu'il eft furpris d'vne fi violante tempefte, qu'il eft emporté parla fureur des vents à la cofte del'ifle d'Hifpaniola , &auffi-toft pris parles Ef- pagnols, couuert dechaifnes , &: ietté dans Tob- feurité d'vne prifon > où il demeura trois ans entiers , fans qu'on en puft feauoir aucune nou- uelle. K '■■»■ 74 EST A B LI S SEMENT, Tous les liabicans fouffrirent beaucoup pendant fon abfence , car il leur auoit fait efperer qu'il leur apporteroit des viures , ceux cjails auoient plantez n ayans pas encor atteint leur entière maturité. Va an fc pafle fans qu on en apprenne aucune nou- velle, ce qui fit croire à vn chacun que la mer la- uoit englouty dansfes flots : fi bien que Monfîcur Defnambuc fefentant caffé de maladie & proche de fa fin, refolut d y enuoyer Monfiçur du Parquet fon neveu , frère de ce ieune Gentil-homme , qui fut tué fi glorieufementdans Tifle de S.Chriftophc^ lors quelesEfpagnols y defcendirent. Ce braue Gentil-homme héritier du courage, de b valeur, & delagenerofité de fon frère; auffi bien .que de fon nom , a pourfoiuy cet eftabliffe- jnent commencé auec tant de dextérité ôc de pru- dence , que no nobftant le décry de cette ifte, à cau- fe des ferpens quelle nourrirfoit en très -grand nombre, auparauant quelle fut découuertc , il la rendu fi célèbre quelle eft à prefent la plus peu- plée &la plus renommée des ifles -, faifant aflez eonnoiftrepar fa fage conduite , que le bon gou- ueinement eft capable de rendre heureux le plus infortuné pays du monde; & au contraire, quVr* mauuais Gouuerneur dans vne bonne terre , eft pi- re que fiellceftcMt couuerte de monftrcs ôc de fer- pens. Comme ieti^ytnaintenant autre défie in,quede donner gap parfaite connoifiance de ce qui fe paf- fede plus remarquable dans les nouuelles peupla- DANSriSLEDELAMARTïNIQVE. 7S des cnuoyécs de l'Europe dans le nouueau mon- de ;i'ay creuauoir entièrement fatisfait à la curiofî- tc du Leâeur, en luy propofant ces trois cftablif- femens de noftre Colonie Françoife, dans lesifles de fainft Chriftophc , de la Guadeloupe &de la Martinique , dans lefquels il pourra facilement voir tout le bien & le mal qui s'y rencontre; les fau- tes des yns , & la dextérité des autres 5 en vn mot, tout ce que ie pourrois dire J(ï ie traitois en particu- lier de toutes les autres ifles habitées depuis celles- là par les François. le me contentera^ de vous di- re, qu'ils ont jette depuis quelquetemps des Colo- nies dans lesifles de la Tortue , de fainâ Martin, de fainte Croix, de la Grenade, de fainte Aloufîe, & de Marigalante : n'en ayant pas pour le prefent des mémoires biens certains , ieme referue à vne fé- conde Edition de ce liure , où ie feray peut-eftre Thiftoire entière & générale de toutes les ifles. Détour ccquifepajjè de plus con/tder able dans les voyages de France en Amérique. CHAPITRE QVATRIESME. 1. T)Lufieurs Autheurs qui ont cfté en l'Amen- JL que , ont fait des defer iptions aflez amples & allez prolixes de leurs voyages ï mais parce qu'ils fe fontpluftoft arreftez à décrire beaucoup de pe- tites auantures particulières tout à fait inutiles,fans K ij : Il 7$ VOYAGE ET RETOVR rechercher ny approfondir les chofes les plus eu- rieufes; fay iugé qu'il eftoit apropos d'inférer dans cette premiere partie de monHiftoke vn Chapi- tre diuifé en deux paragraphes , dans lefquels ie traiteray le plus fuccindement qu'il me fera poflr- ble, des chofes affez curieufes > dont le Lecteur ne doit pas eftre rebuté. Demwvoyages enï Amérique, (0 ie ce qui s y remarque de ^lus curieux.. i I. NOus filmes voiles le dix-feptiémelanuiermil fix cens quarante,dans yn vaifleau de cent ou fix vingt tonneaux , fi remply de marchandife , au - parauant que fortir du Havre de Dieppe, qu'à pei- ne pouuoit-on trouuer place pour ih coucher de fon long. Nous eftions deux cens perfonnes & plus, tant hommes que femmes , de tous aages, de diuerfes nations, & de Religion différente. Le Ca- pitaine eftoit hérétique des plus obftinez , ôc qui nous fit beaucoup fouifrir pendant le voyage , à foccafion de quelaues Huguenots , aufquels nous filmes abjurer leur herefie. le ne m arrefte pas icy à vous décrire les Vomif- femens & autres maux de lamer y l'iafe&ion infup- portable des nauires remplis de malades couchez les vas fur les autres , parmy lafange ôc l'ordure; iur toutle fafcheux embarras des femmesdes mau- vais repas qu'il faut faire; la corruption des eaux, a ■^*i DE L'AMERIQVE. 77 defquelles affez fouuent, quoy qu infe&es & puan- tes, on n'a pas fuffifamment pour étancher l'impor- tune ardeur d'vnefoif infupportable : l'incommo- dité de la vermine, dont il y a vne fi grande quan- tité que quelque diligence qu'on y apporte, on ne s'en içauroit guarantir , quand mefme on couchc- roit dans la Hune y car on les voit monter aux cor- dages comme des matelots : le ne dis rien des ap- préhendons des Pirates , 3c accidens quipcuuent arriuer, fi on ne s'en donne foigneufement de gar- de : comme par exemple celuy qui arriua à trois ou quatre jeunes hommes , lefquels s'eftans mouillez les pieds en s'embarquant , n'eurent pas le foin de fedefehaufter > auant que de dormir i ilstrouuerenc à^leur réueil qu'ils auoient les pieds tous engour- dis, & fans fentimentj fi bien que quelque remède qu'on y peut apporter , les doigts des pieds leurs tombèrent par pieces. le tais plufieurs autres pau- uretez, qu'on fepeut aflezimaginer , &me con- tenteray feulement de décrire trois chofes qui fe rencontrent dans les trauerfesjcfquelles re fupplie le Ledeur curieux de bien remarquer; La premiere eft, qu'arriuant vers le Tropique du cancer, &c quelquefois mefme désles Canaries, vous faites rencontre des vents que les Mariniers appellent, Alife Ces vents ( entre les deux Tropi- ques ) fument perpétuellement le cours du pre- mier mobile ( qui eft de l'Orient à l'Occident) foufflant toufiours en poupe > & cela auec tant de douceur, & vu fi grand temperament de la mer & K iij ,i ;';i l'i 7t VOYAGE ET RETOVR de lair , que c eft vn continuel & agréable paflc- temps , que de voguer fur cette mer, qu'on pour- roit à bon droit appeller pacifique. Quant àmoy ie me perfuade que fi tout l'Océan luy refïémbloit, les plus délicates Dames de Paris deuiendroient marinières, & aymeroient beaucoup mieux aller au Cour par mer dans vn vaifleau , que parterre dans leurs caroffes : D'où vient qu'allant aux In- des , on ne cueille que des rofes , dont les épines Ce font cruellement fentir au retour. le me fuis donné beaucoup de peine à chercher dans les Autheurs , la raifon pourquoy ces vents Alifez foufflenttoufiours del'EftàrOiieft , fans y auoir rien trouué qui m'ait peûfatisfaire- le fçay bien que les Aftrologucs difent, pour raifon de ces* te memeille, qu'il y a quatre vents capitaux; à fça- uoir ,kNort,lcSud, l'Eft & l'Oiïeft, dominez par quatre différentes Planètes. Le vent du Nort eftant extrêmement froid &: fee , eft dominé par Iupitcr; Celuy du Sud qui eft chaude humide, par Mars; cçluy d'Oiieft qui eft froid & humide par la Lune; & celuy d'Eft qui eft modérément chaud & (ce, par le Soleil, & eft appellee pour cette raifon, Sub- Jolanus vtntus *, d o u vient que toutes ces regions fî- tuées fous la Zone Torride , eftans gouuernées par ce bel œil du monde, nerefpirent ordinairement que lèvent quifymbolife aucc elles par fes quali- tez de chaud & fee. S'il m'eft permis detlire mon fentiment fur vnc matière fi difficile ; ic crois que toutainfi que le DE L'AMER I Q.V E & premier mobile attirant tous les autres Cieux après foy , leur fait tenir vne route femblable à la fienne j de mefinc les vents tiendroient partout vn mefme chemin s'ils ri en eftoient empefehez parles fréquentes & trop groflïcres vapeurs , qui s'éleuent dans les extrêmes parties du monde » ce qui nefe trouuant pas fous la Zone Torride , au contrairefairy eftantplus pur, plus -fubtil,& moins rcmply de vapeurs j cette agitation de Fair ne trou- uant point ces obftacles, fuie fans difficulté le cours & le branfle du premier Moteur de toutes cho- fes- La féconde chofe remarquable eft, qu'au deçà des Gauaries iufqu aux Indes , on voit des troupes de petits poiffons voler aux enuirons des nauires, en bande comme des alouettes. le vous renuoye au traiclé des poiffons pour en voir la defeription, v& « & lachafle que leur donnent les Dorades ôc les oy- tyU féaux. • La troificme chofe, eft vne autant ancienne que ridicule & plaifante çouftume , pratiquée à len^ droit de ceux qui font de longs voyages fur mer, C eft qu arriuant fous la ligne du Tropique du cancer ( ou deux fois Tannée on a le Soleil vertica- lement oppofé, fans quàmidy il puiffe faire om- bre à vne chofe droite.) On fait de grands prépa- ratifs, comme pour célébrer quelque fefte, ou plu- toft quelque Bachadale. Tous les officiers du mt uire s'habilleat le plus grotefquement & boufp^ nementquiispeuus&t» La plufpajt fom$xm£% cha- cun fè doutant bien que ce puchot portoit en crou- pe vne tempefte , de laquelle nous aurions de la peine de nous retirer* En effet , après quelques coups de tonnerre , le vent fe prità fouffler auec tant d'impetuofîté , que l'on fut contraint de mettre à la cappe, ou nous ne fufmes pas plus de deux heures, que toutes les voi- les furent mifes en pieces , & nous fufmes con- trains de pouger à maft & à cordes le refté de la nuit , nous deifendant toufiours au mieux qu'il eftoi$ poflibLcdes coups de mer. Auant qu'il fat iour , le ventdcuint fi violent , la mer fi horrible» ment émeuë, & l'air fi obfçur & vilain, qu'on ne voyoit pas vn homme en plain ioùfc d vn bout du nauire à l'autre i Tout le monde perdoit Courage & le foin de fe fouiagcr,pour fe difpofer à là mort, ex- cepeeg trois Portugais habiles hommes en fait de marine, & fans lefquelsnous faffiofts mille fois pa- ris. Le matin venu,on déchargea le nauire de tout ce queloupeût^ iufqul ietterdeu% pieces de ca- non , & la chaloupe dam la met I mais la tempefte augmemoit de moment en moment , êc crût iuf- qu à tel point $ que ie ne crois pas que depuis dix M 1 i*;' >o REMARQUES DES RETOVRS ans , il s'en foit veu vnc fi horrible. Vn de ces Por- tugais fe tint dix-Tiuit heures d'arrachepied- au gouuernail, après lefquellcs tout abatu detrauail, il fuccomba,& en donnala charge a vn autre;& au mefmeinftantvnfortunal, ou coup demer ^don- nant contre larricre du nauire, enfondïe la Cham- bre, romp le gouuernail en deux pieces , & paflant par deflus le nauire , l'emplit & le combla tout d'eau ; de forte que lapefanteur des eaux l'arrefta tout court entre deux ondes de mer , hautes com- me des montagnes,, dont ceHe qui la fuiuoit en queue le deuoit infailliblement engloutir, le nemeflate point y ie fçay vn peu ce que c'eft que delà mer : mais il eft confiant qu'humaine* ment parlant , nous ne deuions pas demeurer vn moment fur 1 eau : lay imputé noftre falut aux vœux que nous auions tous vnanimementfait à la fainte Vierge le mefme iour aumatin. Cependant, les matelots quieftoient àdemy morts (car cétoit le troifieme iour que nous paffions fans bpirc,fans manger ■& fans dormir) voyans qu'il falloir perir,fe prirent tous à faire leurs derniers efforts , comme des perfonnes qui agonifent contre la mort. la- mais iene vis déplus prompts &£crucnts ouuriers: en vn moment , tous les hauts-bans & cordages du grand maft, furent mis en pieces , & Yn Charpen- tier adroit & vaillant garçon , en trois ou quatre coups de haches j^tta le grand maft dans la mer, Ifequcl en tombant rompit Remporta aucefoy, 1e maft d'artimon. Le nauire eftant déchargé dVn fi m DE L'AMERIQUE EN FRANCE, m ^rand fardeau, commença à fe reffoudre, à voguer, %c a eftrc le joiiet des flots, comme ilauoit eftéau- parauant, en forte que nous eufmcs le temps de ictter toute l'eau auec des féaux ; de bonne fortu- ne pour nous ,1c tillaceftoit eftanché , ôc il entra fort peu d'eau dans le fond décale. On racommo- da en fuite , quoy qu'auec beaucoup de peine, le crouuernail le mieux qu'il fut pofTible. Cclafait cha- , cun prit courage , & ferefolut de reculer iufqu'à la muraille,& fe r oidir contre la mort les perils & les defaftres, lenamte fepricitaa* guerfi rudement à k rencontre des ondes , qu'à to>us momens nous eftions dans l'apprchenfîon qi* il fefeparaft en deux pieces , & que nous trau- uaffions dans le beau-temps le naufrage, que nous anions- heureufement échapé au plus fort de la tem- pefte. Cela dura enuiron fix heures,apres kfquelles torn s'appaifa Qr comme ie ne dfeayrien.de monfecondre- toux em France, iifau t que re couchcdcy deux cho- fes très-remarquables quinous arriuerenc au rnek mie endroit , oïl nous auionseftefi mal menez de la tempefte. Lapr^inie'rCjCeftquvniour que la cha- leur aiaoinextraordiaaker^^ excedé^nous vifmes fur les trois heures après midy , comme aux qua- tre coings de F horizon,, quatre grofles nuê\efpoif fes & fort obfcures, lefq uelles jettoient feu & flant- m es de tous coftez , '& dans chacune d'icelles gron* doit vn tonnerre different. Toutes quatre mon- toient vers le Zenit, comme poufTéespar quatre VQîits. contraires , 8c en montant entreprenaient toute la hauteur de l'horizon. Dieu feait de quelle apprehenfioni eftois alors faifi ■ j quay que ie n en fiffe aucun fembJant, ie mattendois dt nenauok pas meilleur marché que la premiere fois \ nous n eufmes pourtant que la peur. La nuit venue le» quatre nues & les quatre tonnerres sen treioigni- rent j ôc des quatre n'en firent quVn > qui faifoit aucant de bruit tout feul, que tous les quatre en- semble, Sur les dix- heures , le tonnerre fe prit à ef- DE L'AMERIQVE EN FRANCE. 53 dater effroyablement dix ou douze coups de fui- te y à la fin defqucls il tomba dans noftre nauire, coupa la grande voile en deux pieces par le tra- ilers, brifa quelques cordages- , & paffa fans faire tort à perfonne > biffant pourtant après foy vne odeur defouffre fi infe£b , quelle faiidit bondir le cœur. Cela patfénous continuâmes noftrë route auec qaelqu autrestempeftes , defquelles ie ne di- ray rien , puifoueceft vneehofe ordinaire dans le retour des Indes. La féconde, eeft quau mefmc endroit» après cette rude tempefte , la mer eftant deuemïë calme» elle nous parut plus terrible que durant Forage; car nous la vrfmes couuerte d'herbe comme vn pre à demy noyé : de forte , que le nauire auoit de la peine à auancer, à caufe de la grande quantité de eesJxetbes qui samaflbienc audeuant du Beau - pué. Cela nous dura plus de cinquante licues.Ie nô dirayriendauantage de cette herb^ ierenuoye le; Lccleur en ma 3 . P ar tie, chapitre 1. k 31. au quel lieu> i'en trait erayaffez amplement. le ne veux pas auffi obmettre vne remarque, qui me femble affez curieufe , qui eft que durant toute cette grande trauerfée de dix-huit cens lieues , il ne le paffa pas vn feul iourque ien'aye veu des oyfeaux rear depuis les ifles Canibales,iuf- ques au trente-fix ou trente- feptiéme degré, Ton voit toufiours certains oyfeaux appeliez Fregam, & Fom}ôc vneefpece de Mauue, que Ion nomme Fejtu-en-cul 1 ôc depuis là , iufques à cent lieues M iij ' M REMARQUES DES RETOVRS des terres de rEurope,il y a des Arondclles marines qui fe voyent tous lcsiours , & qui fontvnprefage de teKipefte,lors quelles paroiflent en grand nom- bre : fî-toft que Ion approche des terres de l'Euro- pe,l'on commence à voir des oy féaux de proïe,des Âloû^ttes,dcs Chardonnerets fcautrcsfemblables, qui eftans emportez parles vents perdent la veuë de la terre, & font contrains defc venir percher fur les mafts ôc fur les cordages d es nauires. Retournons chercher noftrc pauure Frégate, qui n'a encore fait que einqcens lieues, & eft à treize cens lieues du port où elle doit arriuer. Cependant defmaftée de deux mafts , toute brifée de coups de mer , vn gouuernail rompu, qui ne tient qu a deux méchantes planches cheuillées : Nous voila tous dans vue grande perplexité ; de relâcher auxlfles,il y a cinq cens lieues , ôc le vent eft contraire; d'aller à Madere,on fe détourne de deux cens lieuës.Neant- moins tous les paflagers , qui après vne fi rude fe- coufTe de mer, ne demandoient que laterre,crioiét tous d'vne voix qu'il falloit aller à Madère, parce quïl y auoit trop peu de viures dans le nauire,pour aller [iufqu en France atiec vn maft. Mais le Capitai- ne qui craignoit que rout fon monde ne le quitaft, fe refolut de pluftoft périr en mer, que de prendre terre en aucun lieu. Nous auions fauué denoftre débris, la grande vergue du grand maft,de laquelle on fit vnmaft , fur lequel on ajufta au mieux que l'on puft vne grande voile , quiTans doute nous au- roit beaucoup icruy, n'eut efté qui trois jours de DE L'AMERIQyE EN FRANCE 5,5 là, vu tourbillon de vent prit le maft,la voile & les cordages,& les emporta dans lamer. Ce tourbillon fut fuiuy dvne autre tempefle non fi violante que la premiere,ny de fi longue durée $mais qui ne laifla pas de nous donner bien de Ta peine. En fin : , pour couper court, not^s acheuafmes no- ire voyage, qui dura en tout quarante deux iours^ pendant lefquels nous experimentafmcs tant de mauxy & fîfines des ieûnes fî rigides, qu'à noftre arriuéeles habitans delà Rochelle virent dans nos perfonnes devines images de leur ancienne mife- re^car nous n auions que la peau fur les os,& le plLls fort d'entre nous auoit delapeine à fefouftenir. Fin de la premiere Partie, W ' ^;|v:;d:S - mm life" : IJl'iUi! ■ « SECONDE PARTIE DIVISEE ENDEVX TRAITEZ. I. TRAIT E'. EfclaircifTeraent de quelques particularitez des Antifles de TAmerique. De la Temperature de loir. Delà diuerfité des faifons. Des différentes agitations de lair. Du flux & du reflux de la mer. II. TRAITE'. T>efcription Çenerale de la Guadeloupe \ Des Minéraux : Des Pierreries et des MaUriauxi DesRiuieres, desTorrtns , des Fontaines, & des E$angs. ' SECONDE PARTI E. Diuifce en deux Traitez. I. traite: Efclairciffemcnt de quelques particularité* dç* Àntifles de l'Amérique. De la Temperature de ïair. Delà diuerfité des faifons. Des différentes agitations de ïair. Du flux & du reflux de la mer. II. TRA I TE\ Defection générale de la Guadeloupe : Des Minéraux: Des Tierreries & des Matériaux : Des riuieres, des torrensy des fontaines & des efiangs. De la Temperature de Uir. CHAPITRE PREMIER. E neft pas fans raifon , que les anciens Geo- graphes faifans cette belle diuiiïon du Ciel & -de laTeri e en cinq Zones par les cinq cercles , defquels ilscompofent laSphere, onteru N ij ^■■HHHH^^HHH :m f,u i ioo PARTICVLARÎTEZ DES non feulement que les regions fituées fous les Zotr nés extrêmes , c'eft à dire, fousles poles Ar&ique & Antartiqac eftoient tout à fait inhabitables; mais encore toutes celles qui font fous la Zone moyenne , communément appelle Torride, qui eft depuis le Tropique du Cancer, iufqu'auTropi- que du Capricorne. Les premieres , àraifon des grandes* & continuelles froidures, caufees parle perpétuel efloignement du Soleil:Les fecondes,au contraire , par la prefence continuelle de ce bel Aftre,qui par les deuorantes ardeurs de fes rayons, bruile ôc deffeiche , à ce qu'ils difent, tellement la terre , qu'elle eft non feulement incapa- ble d'y entretenir des habitans, non plus que des animaux : mais mefme ne peut porter ny arbre ny plante. Les raifons qu'ils ont eu de Faire ce jugement font fi apparantes , qu'il n y a point de bonefprit qui nes'enlaiflïperfuader , puifque 1 expérience, nous apprend, que d'autant plus que le Soleil s e- loigne de nous , d'autant plus fommes-nous tour- mentez du froid, &que lors qu'il eft au Tropique du Capricorne , les neiges , les glaces , &les fri- pais nous déuorent : au lieu qu'au contraire, plusjil s'approche de nous , plus nous refTentons de fa cha- leur ; ôc lorsmefmes qu'il arriue au Tropique du Cancer ( duquel nous fommes diftans de plus de huit cens lieues ) nous pafmons & eftoufons de chaleur , & quelquefois ces chaleurs arrivent à tel point , qu'on n'en fçauroit fouffrir d'auantage Cms IOI ANTISLES DE L'AMERIQVE. mourir. Quelle conjeâure donc peut-on faire des lieux fur lefquels il paffe deux fois l'année , & dar- de fes rayons à ligne perpendiculaire , puifqti en France en eftant efloigne de huit cens lieues , il caufe de fi eftranges effets. Cette opinion a eu vne infinité de Partifans tres-fameux , entr autres, Ariftote du fécond Liuredes Météores y Ciceron , Phi- lonluif, Pline, le Venerable Bede,^ l'Ange de l'E- cole noftre S.Thomas,dans la i.Partie de la Somme» queft.ioi.art. 2. Neantmoins ils'eft trouué des efprits très -géné- reux > qui malgré l'authorité de ces grands Génies, & le fentiment commun de tous lesDo&eurs n'ont pu trahir la vérité qu'ils ont connu par la lumière de la raifon ; ils fe font déclarez pour elle , ont em- braffé fes interefts contre le torrent, publians que la Zone Torride eftoit habitable , que la chaleur y eftoit agréablement tempérée, & qu'on y refpiroit vn air fain & délicieux. Entre ceux qui ont foufte- nu cette opinion, Polibe, Ptolomée,'Auicenrjie, Auerroës, & Albert le Grand, font les plus confi- derables. La fuite des temps a fait connoiftre la vérité de leurdodtrine , & a obligé leurs plus grands enne- mis à fe declarer les Sénateurs d'vne opinion , qu'ils auoient combatuë auec de fi apparantes rai- fons : car lexperience^ui eft la maiftreffe des Arts, a fait voir par les effets ce qu'on croyoit impofli- ble , puifque dam la découucrte de ce nouueau monde,on a reconnu que toutes les regions fituées N îij ; . ÏÔÏr PARTI CVLARITEZ DES fous la Zone Tor ride, tant au deçà qu'au de II de la ligne Equino<5Ualey font les plus bénignes , les plus faines > êc les plus tempérées de toutes les re- gions du monde : d'où vient que plufieurs Théolo- giens ont tenu que la terre d'Edem, ou le Paradis terretëre, étoieituc fous l'Equinoxe, comme au lieu le plus agréable de toute la terre. le trouue trois bonnes raifons de cecy. Là pre- miere fè peut tirer àmon iugement, delà route or- dinaire du Soleil y qui fous rËquinoxenc paroift ia- mais plus de douze heures? de forte qu'égalant les ioursauecles mritsyle peude temps quilaeupout échauffer l'air par fa prefence pendant le iour , eft fuffifamment tempéré durant autant de temps de fon abfence,par les fraifeheurs de la nuit. l'ayauffi obferuéquele Soleil ne fe leuantquen- uironfur les fix heures , il eft pour l'ordinaire plus de dix heures auant qu'on reffente l'importunité de un chaleur : depuis dix iufqu a trois la chaleur eft grande, auquel temps elle decline peu a peu. Les Portugais Se les Efpagnols eii ces regions ne for- cent iamais pendant cette chaleur ; ils difhent de bonne heure , puis fe mettent au lia-, iufqu a ce quelle foit vrï peupàflee. Mais quelque chaleur qu'il faffepour toVs : ,- elle n'eft iamais fi excefliue que celle qu'osm expérimente en France au fort de FEfté. La ;. féconde raifca fe peut prendre , de ce que toutes ces region's/ont enukonnées, & s'il faut ain- fi dire , lauées & raffraifehies des eaux de l'Océan? ■;&>. ANTISIES DE r.AMERt.Q£'E, 105 Or eftant veritable , que les eaux de la mer rafïraif- chiflfent les regions qu'elles enuironnent , comme il appert dans l'Europe, oii les coftes de la mer font toufiours plus froides que les terres qui en font éloignées -, il en faut tirer cette confequence, que les fraifeheurs de la mer contribuent beaucoup à cette temperature, fay pris garde particulière- ment dans la Guadeloupe , qu'il fe lèue durant la nui&non feulement de la mer , mais en cor des ri- uieres ( defquelles elle eft auantageufement four- nie ) certains froids picquants | -capables de tempérer I ardeur du iour , & qui-mefme bien fouucnt contraignent ceux qui font proches des riuieres,de s'approcher dufeu,comme s'ils écoient en France. La troifiéme raifon fe prend des threforsde la diuineProuidcnce , qui outre les vents Alifez, (Jef- quels i'ay cy-deuant parlé , ne manquent iamais de faire leuer vn petit vent le plus agréable du-oi on- de , qui troisfoisle iour, aumatin, amidy & fur le foir , fe glnTarit & comme folaftrant le long & à fleur déterre, raffraifehic toutes ces cpntrées. Les habitans du pays appellent ccveptr,laBrife, &eft attendu deux tous les iours , comme vne benedi- ction toute particulière de Dieu , qui cft non feule- ment vtile aux hommes Se aux animaux ; mais en- core qui rendfertile la terre , & luy fert beaucoup à la production de fes biens. viïiï De la diucrfiti des faifons, CHAPITRE SECOND. ENcor que les glaces nendurcifTent iamais les eaux , quejes neiges ne blanchiffent iamais les montagnes , ■& quelagreflc ne tombe iamais dans nosifles , neantmoins leSoleil venant as ab- fenter tirant vers le tropiquedu Capricorne,on re- marque tant en Ton ab fence , qu en fon retour quelque diuerfité de faifons : mais quelque dili- gence qqayent pu faire les habitans du pays , ils nelcsont pûdiuiferqu'endeuxvfçauoir^nEfté & en Hyuer, fans pouuoir trouuer vn temps en toute Tannée \ pour donner vn lieu arrefté au Printemps ny à l'Automne , puifque ce qui fe fait pendant ces deux faifons dans l'Europe , fe fait dans ces lieux prefqu en toutes les parties de l'année. ... ^ Il faut remarquer que l'Hyuer & l'Efté de ce pays là, font très- différends de ceux de l'Europe, Toit dans leurs caufes \ foit dans leurs effets j car l'Efté qui eft icy caufé par la prefence du Soleil , eft la caufé par fonèloignement ; &au contraire, la pre- fence du Soleil fait l'Hyuer en ces pays là. De for- te que cet œil du monde venant à s'éloigner de la ligne , & tirer vers le tropique du Capricorne, iuf- qu'à fon retour au deçà de la ligne ( ce qui dure pour 1 ordinaire depuis le moisdeNouembre, iuf- qu au mois d'Auril ) pendant ce temps il ne paroift quafi quafi ANTISLES DE UAMERIQVE. 105 point de nuages dans lair , & feleuent fort peu de vapeurs ôc d'exhalaifons. L air demeure pur, fee, & ferain , & il ne pleut prefque point dans toutes les baffe -terres desifles. Ce beautemps fait qu'on nomme cette faifon Efté, quoy qu'il caufe beaucoup d'effets quafi femblables à ceux , que caufe l'Hyuer dans l'Europe ; car cette grande fei- cherefle fait quelaplufpartdes arbres qui ont les feuilles tant (oit peu tendres , fe dépouillent de leur verdure : toutes les herbes feichent, & font comme grillées fur la terre , les fleurs baiffent la tefte & feflétriffent : En vn mot , fi la plufpart des arbres nauoient les feuilles d'vnc nature forte, comme le laurier, l'oranger, le buys, ou le hou,& qui par confequent demeurent toufiours ver- doyantes malgré les iniures des Hyuers,fans doute lepaysdeuiendroit auffi trifte que la France dans le cceurdeTHyuen Dauantage les animaux,particu!ierement les in- fe&es & amphibies, comme les lézards , crables, foldats, qui font les viurcs les plus communs du pays , abhorrent ôc fuyent cette aridité , gaignent le haut des montagnes , fe cachent dans le creux des arbres, fous des rochers Se dans les precipices, reconnoiflans ces lieux plus humides & plus cou» formes à la conferuation de leur vie, D où vient que les habitansappellent ce temps , l'arriére fai- fon , dautant que s'ils ne font fecourus des raffraif- thifleme ns qu'on Iqur apporté de l'Europe , ils ont bie ndc la peine à chercher leur vie , & mangent _____ :4m i îotf PARTICVLARITEZ DES bien fouuent leur pain fee La Brize , dont i'ay par- lé cy-deuant , eft plus réglée & fe fait plus agréa- blement reflentir dans cette faifon que dans rhyuer , d'où vient quelle eft beaucoup plus laine. Mais quand le Soleil arepafle la ligne , &-quil. commence à s'approcher du Tropique du Cancer, i dardant fes rayons plus aplomb -, il fait le uer vne grande quantité de vapeurs , tant de la mer que des lieux marefeageux r dans ces vapeurs il fe forme de grands & horribles éclats de tonnerre ,, qui font, pourtant plus de bruit & de peur que de mal ; car en fept années que fay demeuré dansla Guadelou- pe, ienayiamaisouy dire qu'il aitfait aucundom- mage, ny aux hommes* ny aux animaux. Le ton- nerre venant à eeifer , le temps fe met tout à fait à, la pluye,laqueHe dure quelquefois,iiuicl, dix,dou« ze , quinze iours fans aucune interruption. Ces, pluyes refroidirTent tout le pays, &c'eft ce qui fait appeller cette faifonVhyuetj car pendant 7. mois3, à peine fe pafle-il vne femaine fans auoir de h pluye. Ce pluureux hyuer excite dans fon commence^ ment grandnombre de maladies , principalement- dès fièvres, des catares, des douleurs de dents, des apoftumes, des vlcëres, & autres femblables in- commoditez : C eft dans ce temps la que nous auons plus de peine auprès des malades , d'autant qu'ils, font en grand nombre par tous les endroits defâfle; ANTISLES DE I/AMERIQVE. 107 Les effets de cet hyuer font bien différents de ceux que caufe l'hyuer dans l'Europe > car dés les premieres pluyes,qui font tant foit peuabodantes, tous les arbres fe reueftent de leur premiere ver- dure & beauté , & pouffent toutes leurs fleurs de- hors : toutes les forefts font remplies d'odeurs fi fuaues èVfirauiffantes, quelles pourr oient égaler les meilleurs parfums de l'Europe : Les prez reuer- diffent, les fleurs embelliffent la terre 5 enfin, cet Hyuer aie mefmc effet que le Printemps dans la France. Tous les animaux defcendent de la mon- tagne y les Homars , les Efcreuiffes , les Crables $c d'autres efpeces de Cancres changent de coquille. Les Lézards , les Serpens , les Couleuvres & les au- tres reptiles quitent la vieille peau, pour fe reuétir d'vncnouuelle. Les poiflbns, qui pendant la ici- cherefTe gaignent le plain de la mer , fe raprochent des coftes Centrent dedans les riuieres ; de forte qu'il n'y a que les parefleux & les mal-adroits à la pefche quienpeuuentauoirdifette. La tortue, le caret, & la caouanne, terriffent en fi grande abon- dance qu'après en auoir fait bonne chère pendant FHyuer , on en peut faire bonne prouifion pour l'arriére faifon. a Des différentes agitations de l'air. CHAPITRE TROISIESME. Voy que i'aye allez amplement difcouru de la temperature de l'air au chapitre premier de O ij soS PARTICVLARITEZ DES eecce féconde Partie j i ay crû qu'il eftoit neceffaire pour ne rien obmettre , &pour l'entière fatisfa^ £tion du Le&eur curieux , de traiter icy de quel- ques agitations de lair affez eftranges ,. dont les premieres font les Ouragans ,j les fécondes ,lesPu- chots 5 ôc les troifiémes % lés Rafalles , qui font allez communes en-France. Des Otirdgms* i I. CEs Ouragans font de très-horribles Ôc très violentes tempeftes, qu'on pourroit nommer de vrayes images de l'incendie finale ,& deftru&ion générale du monde. Ils arriuent pour l'ordinaire de cinq ans en cinq ans,ou de fept ans en fept ans,& prefque toufiours fur la fin de l'Hyuer ; c'eft à dire, depuis le commencement d'Aonft iufqua lamy- Septembre, ôc fe forment de cette forte. On voit pour lordinaire la mer deuenir tout a coup calme, ôc vnio comme vne glace,fans faire pa- roiftre le moindre petit fouflement de fes Ondes fiirfafurface : puis tout incontinent l'air s'obfcur- cit, fe remplit de nuages épais, & s entreprend de toutes parts; après quoy il s enflamme ôc s'entr ou ■- ure de tous coftez par d effroyables efclairs,qui du- rent aflez long- temps; il fe faiten fuite de fi eftran- ges coups de tonnerre , qu'il fcmble que le Ciel tombe par pieces, & que le monde veuille prendre fin, La terre tremble en plaïïeurs endroits, ôc le ANTISLES DE L'AMERIQUE, roy vent fouffie auec tant d'impetuofité > qu il déracine les plus beaux & les plus grands arbres des forefts, abat prcfquc toutes les maifons , arrache tous les viurcs, ruine tout ce qui paroift fur la terre,& con» traint bien fouuent les nommes de fe tenir , pen- dant cette épouuentabletempefte /àdes fouches d'arbres , afin de fe guarantir d eftre emportez pâl- ies vents : Mais ce qu'il y a de plus dangereux , &l qui caufe déplus grand dommage,eftqu en vingt- quatre heures ^quelquefois en moins de temps, j] fait tout le tour du Compas, nelaiflantRade ,ny aucun Havre à labry de fes outrageufes impetuo- fitez ; de forte que tousles nauires qui font pour lors à la cofte, periflent mal-heureufement , fans qu'aucun de ceux qui font dedans puifle fe fau- uer. Cette bourafquepaffee, on peut contempler le plus trifle fpe&aéle qu'on fe puifle imaginer. On voit les pans & les pieces des montagnes croiillées & fondues par les trcmblemens de terre,les forefts- renuerfées , ôc les maifons abatuës par la violence des vents > quantité de panures familles ruynées par la perte des biens de la terre , cVdes marchandifes qu its auoient dans leurs cafes,defquelles ils fauuent très peu de chofe. On voit grand nombre de beaux vaifleaux brifez & fracaflèz contre les ef- eueils, tous les pauurcs matelots noyez, les vns rou- lans dans les ondes, les autres à moitié enfouis dans le fable delà riue; en vn mot ,■ c c-ft vnc chofe tel- lement trifte & tellement déplorable , que fî le de- O iij I • ÏiS PARTTCVL ÂRITEZ DES fordre^arriuoit fouucnt , ie ne fçay qui auroit le cœur & le courage d aller aux Indes. Quelques habitans du pays croyent que les Sauuages s'en apperçoiuent long-temps au- parauant, ôc qu'ils en font aduertis par leur Rio- ches ouMaboyas; dautant que depuis queles iiles font habitées , il n'eft point arriué de Ouragan, que lés Sauuages n'ayent prédit. Pour moy , ie crois que ce font pures fables , car les Sauuages ne man- quent iamais de nous les prédire tous les ans , quoy que pourtant leur Almanach fe trouuc faux; mais il eft impoffible que les predifant toutes les années, ils ne difent quelquefois la vérité quand ils arri- vent. La pluye d'eau faléeen eftvn infallible pro- noftique.. Du Tâchât. §. H. E Puchot eft vri certain tourbillon de vent ] (qui fe forme dans vne nue opaque troparda- ment-échauffée parles rayons du Soleil. On voit fortir de cette nue comme vne corne d'abondan- ce, compofée de la matière de la mefme nue , dans laquelle ce tourbillon eft enfermé. Or cette corne -defeend en tournoyant,fans toutefois quiter la nue, iufqu a tremper fon extrémité dans la mer ; & elle afpire £t enleue , ie ne fçay par quelle vertu , plus gros qu'vnemaifon d'eau , &la porte fi haut dans l'air , que fi à farecheute elle rencontroir vn nauiœ ANTIS1ES DE rAMERIQVE. m fous elle, quelque puifTant qu'il puft eftre,il feroit en danger de périr. Ce tourbillon eft tellement appréhendé des Nauigateurs,quefi-toft qu'ils l'oat découuert, s'il prend fa route vers eux j ils broiïiL lent toutes les voiles, s'arreftent tout court, ôc at- tendent qu'il foit pafle : il eft pour l'ordinaire ynfi- gne de grande pluye. Des RafallèSi §. 1 1 r. R Malle eft vne certaine bouffée de vent , qui s'engendre dans les lieux les plusmarefeageux, ôc comme ie crois , desfroides vapeurs qui s'éleuent du creux des valécsjefquelles eftant repouflees par la chaleur de l'air, fe roulent deçà ôc delà, auecau- tant d'impetuofité quedïnconftancei& en fin 3 fe précipitent du haut des montagnes dans lamer , ôc appuyent fi rudement fur les voiles des vaiflèaux, que fi on n'eft bien diligent àbaifler les huniers &; larguer les écoutes , on eftiaw. rifque de perdre des mails, oudè fombrer fous les voiles. CesRafalles font fort fréquentes aux auenuës des terres, qui font montagneufeslelongde lamer. Les Nauiga- teurs experts les fçauent bien reconnoiftre, ^s'en donnent degarde fortdiligçmmerat. D h flux & du reflux de h mer. CHAPITRE QVATRIESME, QVi voudrait entreprendre de rechercher la caufeduflux & 'du reflux de la mer., &lesdif- ferentes courfes des marées le long des terres , il faudroit faire des Ephemeridcs toutes entières: éplucher auee beaucoup de foin & de trauail les di- uerfes mutations de la Lune, êc de toutes les autres Pianettes. Il faudroit de plus remarquer fort dili- gem ment les fituations des terres , toutes le s pain- ces qui auancent en mer, rouslcs culs-defacs , & toutes les finnofitésde laterre,lefqueliescaufent autant de discrètes routes de marées§quellesfont differementeftablies,& mefrneauboutdclà, ily auroit encorpiufte fiiict de craindre a iene dis pas de fe précipiter dans la mer pour eftre compris par elle, ne pouuant comprendre fou flux & fon re- flux, commoon dit qu'il arriua à Ariflotej mais au moins de nepouuolr plainementfatisfaire les ef- prits eutieux fur et fuiet : outre que ce neftpas rr>on deflein de Waiter toutes ces matières à fond; mais feulement découcher icy ce que iay recon- nu de plus remarquable, i'ay donc obferué que depuis le Tropique du Cancer, leflux ordinaire de la marée tire droit de l'Orient a l'Occident , auffi bien que les vents defquels nous auons parlé, ^ce- la auee daurant'plus de rapidité, que lamer s'appro- che ANTISLES DE L'AMERIQVE. n5 chedauantage des terres •, ce qui eft fortaifément remarqué des bons Pilotes , par le calcul exacte qu'ils font de leur route , dans lequel ils peuuent reconnoiftre que voguant dVn vent égal ,- ils font plus de chemin en s'approchant des terres , qu'ils nefaifoient en plaine mer. On reconnoift encore cela fore particulièrement au bras de mer qui font lafeparation des ifles,& fur tout entre lesXaincStes, & la Guadeloupe , où il y a vn fi grand flux & rapi- dité de marée vers i*Oueft,que fi en arriuant on ne ferre le vent de bien prés, dans ce petit trajet, qui neft que de trois lieues au plus , la marée vous em- porte & vous fait dériuer quatre ou cinq lieues auaut le ventjde forte qu'vn nauirc eft contraint de louueier quelquefois cinq ou fix iours de temps pour aborder la terre,Iaquelle on eut ayfément at- teint en deux ou trois heures au plus , fi on s'eftoi t donné de garde de cette marée. i s Les flux & le reflux font auffi bien réglez tout le long de ces coftes, comme dans l'Europe : mais ce- la paroift fort peu àraifon que les mers font creu- fes & profondes ; mais dans les lieux où les terres font plates, & où il y ades hauts fods, on voit la mer fe retirer deuxfois leiour , auiïîbicn que dans la France. Ma penfée eft qu'il en eft de mefme de la mer Méditerranée, dans laquelle pour eftre extrê- mement profonde, on ne remarque prefque point de flux ôc de reflux y&c que c eft vne pure réuerie de croire& de vouloir perfuader aux autres qu'il y ait des mers, quionttantfoit peu de communication P i4 P ART I C. DES ANT ISLES DE L'AMER, auec l'Océan, danslefquels le flux & le reflux ne fc* rencontre point. Il faut audi remarquer que tant dans la rapidités la vifteflè des marées, que dans l'augmentation ou la diminution des flots , il fc trouue du plus , ou du moins, felon l'accroiflemcnt ou la défaillance delaLunc , tout de mefmeque dans nos coftes. il traite: DESCRIPTION GENERALE DE Tille de la Guadeloupe : Des. Minéraux : Des Pierreries & des Matériaux: Des Riuieres : Des Torrens, des Fontaines ôc des Eftangs. Defection generate de ïîfle de la Guadeloupe* CHAPITRE PREMIER, Dejcription de ta terre toute nue. 4] i. 'Ifle,'queles Saiiuages appelloient^r/*- kcra> orque les Europeans nommentG/**- deloupe, à caufe de la beauté -, & de la bon- té defes eauxjprend-fon etymologic d'vrt commun Prouërbe des Espagnols, qui pour expri- mer vne ehofe excellente , lùy donnent le nom DESCRIPTION DEL'ISLEDE LA GVAD. us d'vn ancien & fameux Aucheur^appelléXo^i de forte que Lagua àcLopc^ vaut autant à dire,que les meilleurs eaux qui fe puiflenttrouuer : & en effet, toutes les flotes dEfpagne en allant aux Indes , cftoient obligées par Atreft du Parlement de Ma- dnd5de prédre des eaux dans cette ifle,cV l'ont tou- jours fait iufqua ce quelle aitefté habitée par les François. Quelques Autheurs Jifent, &peut-eftre plus véritablement, que lesEfpagnols l'oncainii nommé à railon de fa resemblance , auec les mon- tagnez deNoftre Dame dela-Guadeloupe enEf- pagne. Gét iiieeft fituée à feize degrés de la ligne Equinoxiale5tirantverslcNoit. Depuis la pointe du fort Royal qui regarde le Sud, iufqu'à la pointe du petit fort qui regarde le Nord, elle peut auoir vingt ou vingt deux lieues au plus. Et depuis cette pointe iufqu'au fort de fainde Mane,qui regarde rOrient,quinzeou feizeîîèuës: Et dix ou douze du fort de faincle Marie , iufqu au fort Royal, lefquelîes toutes fontenuiron quaran- te&: efearpée de tou- tes parts. Depuis cette riuiere falée , iufqu a la ri - uiere des Gallions , il y a mille ou douze cens pas habké,au deflus defqucls eft la montagne de Tour- fous y ou Ton peut prendre trois ou quatre eftages dansvn paysfortvny. Depuis là iufqu à la féconde riuiere des Peres, ceft vn très -beau pays/non tout à fait vny ; mais entremeflé de quelques petites coulines qui le rendët plus agréable. Au deûus des premiers & féconds eftages font les montagnes de belle veuë, & de beau Soleil, où il y a deux ou trois eftages de belles habitations. De là iufqu a la ri- uiere du Pleffis,ilnyaquvn feuleftage d'habita- tions à prendre , -dont quelques-vnes font fur la pente de quelques montagnes extrêmement roi- des. Depuis la pointe Dupleffe, iufqu à celle des vieux habitans, toutes les habitations des premiers eftages font incommodes & coupées de diuerfes montagnes. Mais au deflus de ces premiers efta- ges,il y a vne lieue de très beau & de tres-bon pays. Tout le fond des vieux habitans, eft vnpays plat, fort agréable, & oui! y aendiuers endroits, deux ou trois eftages d'habitations a prendre. Depuis l'Ance à la barque,iufques vers les fontaines bouil- lantes, ce ncfont que montagnes, rochers, &pre- cipices affez dangereux : il y a pourtant quelques P iij m Mr, 118 DESCRIPTION D£ L'ISLE habitations enuiron la moitié du chemin, lefquel- les fontaflez incommodes. Depuis les fontaines bouillantes iufquau petite iflet aux Gouyauei , tout cela eft habité -y mais c'eft le: pays le plus fafcheux de toute- l'ifle : car toutes bs habitations, defquelles il n'yaqu vnfeuleftage, font prifes fur le. penchant djps montagnes, & en iortant de la pluf- part des cafes, on voit dsuant foy de quoyfe rom- pre le cou. Voila coût cequi eft habite dans la Guadeloupe; ie ne puis rien icy écrire du refte , principalement depuis Fillet aux Gouyaues,finon par des conie&u • res , & ce que l'en ay pu connoiftre voguant le long delacofte. I! mefcmblequece ne fout que mon- tagnes à perte.de veuë , ôc quoy quilypuuleauoiT quelques habitations à prendre , comme. dans la plaine des Rofeaux, cen'eft pas, chofe dont on doi- ue faire grand cas ; mais entirant vers le vieux fort, & mefme iufqu a la grande riuiere aux (jouyaues, cela fait montre de huit ou dix lieues de très- beau pays, qui mefme, au récit des Chaffeurs, eft vnedes bellbs parties de Tiflermais tout le fond des deux culs-defac, prefque vue lieue dans lesterres, auQchSauane (qui eft cequi borne iagrmderiuie- refalés, &eft euuironnée depetkes montagnes) eft vn pays perdupar les eaux,&touE àfaicinhabi- tablc. Tout» le. cœur de Tifle^queie n'ay pas; décrit, ne ft compoféque de. très-hautes &fourciîieufesmon- tagaes^de rochers affr.eux>& de tre^épo a uen tabler ■i DE LA GVAD1LOVPE. Ir0 precipices. le n'ay vetl que resnioitidr'es entre lcf- quels,ien ay remarqué vn particulieremen'c,ou vn homme criant à plaine tefte du fond du precipice, ne pouuoiteftre entendu de ceuxquiJeftoienten haut. Au milieu de Me tirant vn peu vdxs le midy, eft la célèbre montagne de lafoulphrfëtfe, dont le pied foule le faix & le fornnretdes autres , ô^s'éie- ue à perte de veiie dans la moyenne region de l'air; de forte que fi on eftok fur le haut de cette monta - gne, onauroit leplaifirde voir fornxer les nues, & douyr grondôt les tonnerres fousfes pieds. Cette montagne eft prefque fonde ; au deifus de la plate - forme s cletïent deux petites eminences , comme deux petites pointes dé roches, diftantesde vingt ou trente pas : Vne ducofté du Sud , & l'autre du cofté du Nord; celle-cy femble eftre vnegueulle d'Enfer ou vne cheminée du Montgibel, fumante comme vnefoumaife enflammée, & dans les nuicts les plus feraines , on voit cette fumée entremeflée depetites flammes defeu. Des deux culs de Jàcs* §. IL IL faut icy dire quelque çhofe des deux culs-de fac de rifle de la Guadeloupe, que vous voyez marquez dans la Carte ; qui font comme les deux mammelles de noftre ifle, defquelles tous les habi- tans tirent lelai6t de leur nourriture; ou pluftoft comme deux rttagafins,ou tout ce qu'il y a de beaa, uo DESCRIPTION DE LTSLÏ de bon & de riche dans la Guadeloupe , eft en- fermé. Le plus grand fe prend depuis la pointe du fort faiinft Pierre, iufqu' à la pointe d'Jntigoa; de façon qu'il y peut auoir huit ou dix lieues de large , & cinq ou fix de long. Le petit n'en a que quatre de lar- geur , & autant de longueur. L'vn & l'autre font tres-richement ornez d'vn grand npmbre de petits iflets de grandeur & forme différente, dift ans les yns des autres de cent,dc deux cens, de cinqcés,ou de 600. pas,plus ou moins:ils font toutes couuertes, iufques dans la mer,de très-beaux arbresverdoyans à feuilles de laurier ; en forte qu'il femble que ce foierit autant de cantons de foreftsflotants fur la mer. Ce qu'il y a de plus remarquable dans ces iflets, & que fay tres-curieufement obferué , eft qu'il n'y en a pas vri feul qui n'ait quelque chofe de particu- lier , qui n eft pas commun aux autres. L'iflet aux Frégates ferc de repaire aux Frégates 1 Vn autre aux grands gofîers } vn autre aux Mauùes ; dans vn autre le trouue des lézards , dans vn autre des anolis , dans vn autre des feldats , vn autre portera des crablésbhn- chcs,vn autre des crables violetesjcVainfi des autres. Mais ce qui eft plus à remarquer eft vniflet,que fay nommé Canule ( i'e ne fçay fi le nomluy aura demeuré ) à raifon de ce qu'il eft tout enuironné d'arbres chargez iufqu a rompre , de très-bonnes huiftres. le ne veux pas faire croire que les arbres lesproduifent, quoy qu'elles croifIeoc& fe nour- riflent Hill I DE LA GVADELOVPE. m riffcnt fur eux : maisic crois que cela vient de ce que les ondes de la mer venant à frapper les bran- ches de ces arbres , la femence des huiltres s'y atta- che & s'y forme en huiftres , lefquelles venant à fe groiiïr,font baifler les brandies iufqucs dâs la mer; de forte que deux fois le iour , elles font rafriaif- chies parfon flux Se par fon reflux. Icn.e feray pas vne plus longue defeription du relie des iflets. Ceux qui font furies lieux &qui feront aflez cu- rieux , y pourront trouuer dequoy fe fatisfairc agréablement. Comme la mer eft extrêmement paifible dans ces deux culs de fac , & que les mers n'y font pas profondes ; on ne fçauroit croire com* bien les Lamentms,\cs Tortues,& tous les autres poit fons feplaifent autour de ces iflets ; il femble que la grande mer s'en épuife pour les en remplir : car ie fuis très- certain que depuis dix ans , on a tiré cha- que année plus de trois mille bu quatre mille 7V- tuts, & vn très-grand nombre de Lamentins,ôc on en tire encore tous les iours quantité , & on en tirera iufqualafin du monde,fans les épuifer. CeftaufE aux enuironsde cesculs-de fac quefe retirent les porcs fauuages , àcaufe du pays marefeageux qui les enuironne. Enfin, qui veut trouuer quelque chofe de beau, comme de belles porcelaines , de beaux eocquillagcs , & de beaux rochers, il les doit chercher dans fes culs de fac. Voila la plus cxa&c & la plus briéue defeription que ie puiffe faire de k terre nue delà Guadeloupe, parlons maintenant de (es bancs, de fes rades, & de fes mouillages. t«, up DESCRIPTION DE L'lSLE 4Dtf Efcueils, des Bancs y d$ Rades & des MoiiilUgL §. III. Bien que toute la cafte de cette ifle foit fi fame 6c fi (cure pout la nauigation,qu'il ny ait à lea- tour d'elle aucun banc,efcueil, ny rochsrs, contre lefquels vu nauire tant foie peu bien conduit puifle faire naufrage : fi ett-ce qu'il y a quantité de lieux autour d'elle , où les barques , les chaloup :s,& les canots peuuent eftrebnlcz contre les Kayes Ôc ro- chers, & emplis d'eau par des moutons \ comme au fli despaifages très difficiles, où ils font bien fouuenc contrains d'eftre long temps arrettez, de reiafeher, ou de s'y perdre.C'ett pourquoy, i ay îugé à, propos d'en faire vue cxaéfcs recrie-: che < tournoyant tout autour de Me ôc en paiïant, afin de ne point perdre de temps, ie remarqueray les rades & les mouilla- ges. Q2?ndic parle icy de mouton , il faut entendre que c'eftvn certain contre-temps de deux lames, vagues % ou ondes de mer, dont lapremiere ayant heurté la nue, ou contre vn banc de roc, ou de fa- ble, retourne à la rencontre de la feconde,qui trou-, uant delà refinance, feleue quelquefois dans l'air delà hauteur dVnepicque ; & cela peut renuerfer leschaloupes,les barques,&les canots,ouau moins les remplir d'eau y Ôc les mettre au danger de fe per- dre.",' A commencer donc par le fort Royal* depuis /es DE LA GVADELOVFE, n3 montagnes du Fort, iufqu a la féconde riuiere mar- quée dans la Carte , il y a la Rade la plus belle , la plus feure , &4aplus fréquentée de lacoftedela Baffe -terre : & depuis cette Rade iufqu'à lance a la barque,on trouue vn beau fond de fable, ou l'on mouille par tout tres-afleurément, quoy qu'on n'y (bit pas tant à labry que dans la grande rade. En tout ce canton de pays , qui tient enuiron trois bonnes lieues & demie , il n'y a aucune chofe à craindre , mefmepour les barques & pour les ca- nots , fi ce n'eft en paffant par la pointe des vieux habitans,oulon rencontre vn banc de fable , fur lequel feleuc quelquefois vn mouton afTez dange- reux, lorsque le vent eft à l'Oueft. Ce fut fur ce funefte banc que fe perdit le nauire du Capitaine le Sage, Tan mil fix cens quarante -fix, pour auoir vn peu trop rangé lacofte. L'Ancc i la barque eft vn afTez beau cul-de fac,ou pluftoft vn havre natu- rel où les nauires fe peuuent crener, & radouber en toute afTeurance , pourueu qu'il nefaffe point de vent d'Otieft^caril n eft nullement à couucrtde ce cofte li. Depuis TAnee à la barque iufqu a my~ chemin des fontaines bouillantes , il fait afTez feur quoy quetoutelacoftenefoitquederoc. Au mi- lieu de ce chemin Ton voitvne pointe, ou pluftoft vne barrière déroches quiauancent plus de deux portées demoufquetdans lamer, & laifïéntdix à douze pieds de diftance entre deux pointes. Les deux ou trois plus proches delà terre paroiflènt i éécouucrt y & les deux autres ne paroiflènt que Q ij : x-4 DESCRIPTION DE I/ISLE quand les ondes viennent à briferdeflTusi toutes les autres ne fedécouurent point du tout. Lescanots peuucntpafler entre deux pointes4; mais il n y fait pas bon pour les barques & pour les chaloupes. La Baye des fontaines bouillantes feroit vne des bonnes rades de Me , fans vne roche qui cft dans le milieu, au fond de lamer, laquelle coupe les cables des nauires. Depuis les fontaines bouil- lantes iufquau petit cul-de fac, il ny arien àcrain- dre,fi ce n'eft en partant le gros morne x où il y a vn certain contre-téps de marée , & vne certaine ren- contre de deux vents différents, qui excitent vn clabottement d'eau, difficile , incommode & dan- gereux pourjes canots,& qui donne bien de la pei- ne à ceuxqui rament : Cell: ce qui a fait nommer ce partage , le Cap enragé. Quand il fait quelque peu de vent , on eft contraint d'attendre le calme pour palier outre. Tousles endroits ou vous voyez des ancres mar- quées fur la Carte , ce font de très-bonnes rades; mais tres-peu fréquentées, parce que le pays n'eft pas habité. Entre Met à la Rofc , & Met à la Fortune, il y a vn mouton aflez périlleux, comme aullî au deflfus de Met aux Frégates :mais fur tout le paflage de Fhommeeftleplus difficile & le plus hazar deuxvcar le vent qui fouffle toufiours du cafte de l'Eft ou Eftnordeft,s'engoufrant dans ce décroit, poulie les ondes deuant foy > iefquelles eftant re- ferrées & comme contraintes entre ces deux.ban.es de roche, que Ton voit marquez fur h Çaxte, fc le- HI .. DE LA GVADELOVPE. r nj ucnt effroyablement dans l'air , & fc brifent auec tant d'impetuofitc, qu'il faut eftre fort adroit pour sen deffendre: de forte que pour pafler ce trajet, il eftneceflaire en quitant la pointe des rochers , de prefenter le bout du canot au vent , iufques dans le milieu , & de là arriuer tout à coup tournant adroi- rement entre deux lames,fe donnanr bien de garde qu vne de ces vagues ne prenne le canot par Te cô- té> car ileourreroit hazard d'eftre comblé d'eau & de fe perdre. Il y a en ce lieu vn tres-beau Havre, dvne Belle & facile entréc,mais d'vne très-difficile fbrtie. Au refte depuis le fort de fainde Marie, iuiqualaBafleterrejiln'y a aucun danger, fi ceneft vn mouton à la pointe du petit Carbet , 3c vne ro- che proche du premier morne delà grande Ance, qui ne fe découure point. DES MINERA.V X. CHAPITRE SECOND. De U mine d'or. §. I. IE ne doute nullement quaà n y ait des Mines d'or & d'argent dans la ISuadeloupe *, & te crois qu'il rvy aura perfbnne qui ae foie de mon fentimene, quand ri verra les conie£tures & les apparances que i'en ay découuert. Car iay trouuc dans la grande rîuieredesPeres de kCapâerre,p roche de laquei- 1 m DESCRIPTION DE L'ISLE le a efté autrefois noftre Conucnt de fain£fc Hya- cinthe, qui depuis a efté transféré ailleurs : l'y trou- uay,dis-ie,des petits baffins d'eau do rmante proue- nante de la grande riuiere , dont la fuperficie eftoit toute dorée : Ierecueillis auec vn coufteau le plus qu'il me fut poflible de cette fuperficiejmais au re- muement de l'eau , la plufpart coûtaient à fond, comme de petits filets d'or prcfque impercepti- bles , ôc fe perdoient entièrement dans le fable fans qu'on lerpuft reçonnoiftre. Ce quei'enauois ra- ma(Té,gros comme le bout du doigt, fe ternit & de- uintfemblableàdelalitarged'or ; & comme cela cftoitfort pefant, iecrûs qu'en effet cen'eftoitau- tre chofe, &la iugeant telle, iela negligay.l'y re- tournay neantmoins à quelques iours de là , ôc trouuay la mefmc chofe Je pofay des morceaux de papier fur l'eau, lcfquelsdeuindrenc dorés comme il on y eut appliqué vne feuille dor. le laifle à de- uiner ce que celapourroiteftrc. De U mine £ argent. §. IL C'Eft vne chofe toute commune parrriy les habi- tans de cette ifle,quil y a deuxmines d'argent. On m'apporta vn iour vn morceau de celle qui eft lamoins eftimée, auflî gros comme le poing; ce- toit vne terre grafle, pefante, & de couleur de gris cendré, ainfi que delà tutie : mais toute mefléede petites pailles luifantes comme de large nt,ou plu- DE LA GVADELOVPE. U7 to& comme de leftainde glace. le la mis au feu, ôc tout cela fereduifit en chaux , ce qui m'a fait croire que ce n eftoit que du ta le. Mais celle qui fe trouue à deux lieues de la mer, fuiuant làriuiere de la plaine des Rofeaux , quoy qu elle fait prefque femblable à la premiere,les fi- lets ôc les pailles qui fe trouuent dedans , endurent le feu fans changer aucunement * ce qui me fait croire que fi on y vouloir faire deladépenfe, on y pourroit trouuer du profit. I'ay apris depuis mon départ , qucMonfieur leGouucrneury ayant fait trauaillcr, en a tiréplufieurs lingots de tres-bon argent. Mines defer. §. III. IL y a en plufieurs endroits de cette ifle, & princi- palement dans le petit cul-de fac /plufieurs An- ces dyn fable de couleur d'ardoife, tres-fin,luifant, &pefant comme du plomb,duquel on a fait épreu- ue, ôc tiré de très-beau & bon fer. Sans doute que fi on y vouloir trauailler, on en retireroit beaucoup de profit, eu égard à la commodité des forefts. Des Mines de Soulphre & de Vitriol. I S, IV. L eft certain que cette grande montagne qui jette la fumée & lefeu, neft remplie que de .»:•* * if / EuH ii8 DESCRIPTION DE VISLE foulphre , &mefme on y voit quelquefois la trace comme dvne petite riuiere de loulphre , qui s'eft écoulée le long de la montagne. De plus , les eaux fulphurées & vitriolées , deîquelles ie parleray au chapitre quatrième , pangrap. i. nousdécouurent qu'il y a plufieurs mines de loulphre & de vitriol dans l'ifle. Pour moy , i'ay trouué à deux cens pas des fontaines bouillantes , vn roch qui me fem- bloit eftredu vitriol blanc, quivaiuïques dans la mer. Pour ce qui regarde Us mines de foulphre,ce n'e ft pas grande chofe , on en peut tirer de Tifledc la Dominique à meilleur compte. Mines de Sauoh. S. V, EN trois ou quatre endroits de noftre iflede la Guadeloupe \ fçauoir,dans le grand cul -de fac, vis à vis de l'iflctte à la biche , & au premier morne à" main droite, en fortant delà grande riuiere faléc, pour entrer dans le petit cul de lac, & aufli proche des fontaines bouillantes :fay rrouué vne terre jaf- pée de bleu, de blanc , & de rouge , comme du fit- uondalicant , grade & adhérante aux doigts ainlî que du fuif. Cette terre fait broiïer l'eau, degraiflè? le linge , & vaut mieux que plufieurs m échans fa- uons defquels on fe fert en France ; & mefme quand elle eft coupée en brique , il n y a perfonne qui ncla prenne pour de vray fauonde Marfeille. Plufieurs habitanss'eaa feruent , & ce leur cft vnc grand DE LA GVADELOVPE. u, grande commodité.ray aufli rencontre en creufant dans la terre des fontaines bouillantes , des veines de terre figelée, ôc quantité de bol aflez fin. DES PIERRERIES* CHAPITRE TROISIESME. Des Vmhilies ou f terres aux yeux. S. I IL ne faut pas aller dans toutes ces iflespour fc faire riche en pierreries : le n'en ay pu remarquer que deux ou trois qui méritent d'eftre eftimées, ôc encore neft-ce pas grandcchofe.il y en a deux qui font aflez rares* fçauoir , les pierres vertes, Ôc celles dont nous parlons à prefent , tout te refte cft aflez commun, mefme dans l'Europe. Ces pierres aux yeux, font ce que quelques Authcurs ont appelle umbilicus Marinus , elles ont toute la forme ôc la grandeur dVn petit grain de lentille : mais celles qui fe trouucnt dans la Guadeloupe fur les Ances du fortfainâ Pierre feulement ( carie n'en ay ia- mais pûtrouuer ailleurs ) font bien différentes de celles que i ay veu en France , lefquellcs auoient efté apportées du Leuant ; car elles eftoient roufles, au lieu que les noftres tiennent de la perle , ôc font d'vne couleur argentée viue ôc éclatante , qui expo- fées à diuers iours , changent de couleur comme l'opale. On s'enferc pour tirer les bubes qui en- R 'M- m DESCRIPTION DE L'ISLE tremdam les yeux , pofaat la pierre dans le coing de Foci», dans lequel elle faidnfenfiblement tant de ,tours,qu'en fin elle attrape i ordurc,-& fort inconti- nent auec elle. On tient pour affeuré que les he- rondelles s'en feruent auilï bien que de la cheli- doine, pour redonner la veuë :à leurs petits. Il sen trouue de larges comme le petit doigt & plus grof- fieres , defquelles on fe fert pour les cheuaux & les mulets. Des pierres vertesl §. IL POur ce qui regarde les pierres vertes,quoy que nous en ayons beaucoup danscette ifle;ceiVcft pas pourtant où elles fè trouucnt ; Ce font les Sau- uages qui nous les apportent delà terre ferme , & quelques perfonnês tres-curieufes m ont afleuré, que ces pierres ne font autre ehofe qu vn jeertain lymon, que les Sauuages vont pefcher en fe plon- geant au fond d vne riuiere de la terre ferme y que ie crois eftre entre le cap de Nord, & la riuiere des Amazones. Ils forment de ce lymon telle figure que bon leur femble , Ôc lexpofentà lair oiî ildeuienc fi dur y quvne des bonnes prcuues de cette pierre eft, qu'il faut qu elle endure les coupsde marteaux fur vneenclume fans fe rompre. Ce qui me fait ad- joufter foy aces perfonnês, eft que fay veu vne de ces pierres qui auoit la forme dvne grenouille :Or il eft très certain que les Sauuages nom ny l'indu- flrie, ny les owiiispourtaillçr vne telle figure dans DE LA GVÀDEiOVPE. i3f vue pierre fî dure. Ces pierres portées pendues au col empêchent de tomber du haut mal, f en ay fait l'expérience fur plufïeurs perfonnes tourmentez de ce mal,auec vn aflez heureux fuccez. Les Efpa- gnols & les Portugais ont fî bien appris à les con- trefaire aucc du verre, quec efl: vnc chofe allez ra- re d'en trouuer de bonnes : Et quoy que ie me fois fort curieufement eftudié à reconnoiftre cequi di« ftingue les véritables d'auec lesfkuûes &les contre- faites, ie ne fçaurois bien exprimer en quoy confl- ue cette difference , qu'en diGmt qu'eues font va peu plus polies que le verre , & qu elles ne s'écail- lent point comme le verre , lors que Ton les frap- pe deffus auec le dos d'vn coufteau : elles ont auffî vnfon plus fort, qui approche de celuy du bronze: elles ont encore vne autre propriété remarquable, deferuir au foûlagement des femmes qui font en trauail d'enfanr. Du Crifial. $. III. Ntrouue en pluficurs endroits delaCapftcr- - re, & principalement au territoire de la gran- de Ance, des habitations dont la terre eft toute mê- lée de petites pierres de cry ftal , groffes comme des teftcsdcfpingles, quelquefois plus, quelquefois moins 5 de forte qu après les grands rauagesdeau, le Soleil dardant fes rayons fur la terre, elle brille & Éclate de toutes parts, c©nuncfi ellcelioit femec o; M Il ,31 DESCRIPTION DE L'IStE de diamans. Etquoyquc cette petite pierre coupe le verre ainfi que le diamant , il faut pourtant que nos habitans fe détrompent, qui croyent que sen fo it de véritables : car en ayant trouué vn iourvne piece grofle comme vn poix dans vne fontaine, qui brilloit & éclatoitauec tant de viuacité quelle ineblouifToit la veuc , r'en fis prefentà vn Gentil- homme de mes amis , qui lenuoya aufS-tolï ea France à vn lapidaire de Paris , pourfçauoir ce que c eftoit : Son rapport fut que ce n eftoit que du cri- ftal de roche & de peu de valeur, free n eftoit qu on en puft trouucr de plus grandes pieces^ La plus prochaine riuierc de la grande riuiere falée dans le petit cul- de-fa c , jette fur la riue vne quantité de gros : fable blanc, clair, lucide , & dia- phane,^ qui fe fond en vnfeu lent comme du mé- tail , mais fe brufle & calcine à vn feu violent. Ce n'eftautrechofequeducryftal, duquel fans doute on pourroit faire de très-beaux ouurages, Dh SeL §. I V. IL y a dans la grande terre de la Guadeloupe de très-belles falines , oiîfe forme le felfans aucun arrifice : mais comme elles font negligees, fi il s y forme du fel vne année , il fe paflera quelquefois; trois bu quatre ans fans qu'il s y en forme vn graitu Gela vient de cequïl y a quantité de rauines d' des hriques , des tuilU 's tdupLflre >des pierres a faire la chaux, & des f terres de ponce, i. V, ENcor que la plufpart des baftimens de ces ifles nefoient conftruitsquedebois &derofeaux, & couuerts de feuilles & deflentes , c'eft plu- toft faute de bons ouuriers que de matériaux > car par toutes les parties de Tille il y a quantité déro- ches & de rochers dvne certaine pierre bife , qui fe taille aifément. Les maflbris & tailleurs de pierres l'eftiment beaucoup. On en trôuue en pluiîcurs en- droitsde l'iflc , comme au fort Royal, & vers l'iflet aux CjouyaueSyC^dï fe leuent par tables efpoiffes dVa pied , toutes taillées des deux coftez : ce qui auance beaucoup les ouuriers. Il y a au ffi prelque dans tous les quartiers de rifle* de la terre non feulement propre à faire des bri> R iij I I w^&i *& DESCRIPTION DE VlSLE ques 8c des millesimals encore de la poterie; de for* te que fi les pauures habitans mangent dans des çalebafles, & dans des couysricû que faute de po- tters de teric* On apporta, à k Guadeloupe Fan mil fix cens qmarantre-fix,. de tres-bonplaftre quonauoit pris aux Xaintes ; ie l^vis mettre en œuure, & il ne dif- feroicenrrtcndeceluy duquel on fefert en France. Àfondeffautohfaitdelachaux d'vne pierre mari- ne blanche, & naturellement toute grauée de quel- que petites ruftiques aflèz agréables. Cette chaux ne cede en rien à celle de, l'Europe. On voit audi quantité de pierres de ponce enplufieurs endroit» de cette ifle -> mais principalement dans la grande iiuiere aux Çouyaues , on la voit flotter fur lcau comme du bois;mais il n'y en a pas la centième par- tie de ce qui s'en rencontre dans la Martinique ,' laquelle nbxomm, &écument de tou- tes parts;elles entraifnent les plus gros arbres des fo- refts , & roulent vne fi grande quantité de roches, qu elles enfoat de petites montagnes , qui paroiC- fentdans la mer à lcur repofer à la fraifeheur fous les arbres le long de ces belles riuieres : car comme elles laiffent après ces débordemens , des millions de roches en confu- fion> vous entendez outre le murmure agréable du grand canal, mille petits gazouillerncns differens, qui en vérité charment plus agréablement louye que les pîus excellentes mufiques. Il n eft rien aufli qui contente plus la veuë , comme de confiderer ces petits ruifîeaux d'vne eau plus claire que le cry- ftal, s'éntrelafler autrauers de toutes ces roches. Déplus , on ne fçauroit faire cent pas dans vne de ces riuieres , fans trouucr quantité de beaux bafïïns au naturel , o d Ton fe peut baigner à l'ombre dans de DE LA GVÀDELOVPE. ^ dctres-bellcscaux.Pource qui regarde leurgoufly il fuffiroit de dire que ce font des eaux déroches; mais j'adiouftc encheriflant là deflus , que i'ay pris garde , qu'on en peut boire tant qu'on voudra fans iamais s'en trouuer mal, ny enreflentir aucune in- commodité. Envnrnot,cesriuieresfonrautant de petits Paradis , ou tous les fens gouttent innocem- ment les plus délicieux plaiiirs , dont ils font capa- bles dans leur pureté. le crois aflèurément que la riuiere de Dupleflïs pafle au trauers d'vne mine de vitriole ou de fer. Son gouft eft fort aftringent , & toutes les roches qui s y rencontrent font comme roiiillées& teintes enfer : elle eft fort aperitiue , & quand on en auroit heu vn feau , en vne lieuë de chemin tout (e vuide parles vrincs. Il y a vne petite riuiere dans vn plat (>ays, prefque visa vis du petit ifletaux Gouyaues, aqucllede temps en temps deuient blanche com- me dulaiâ. le crois, fans neantmoins le vouloir af- feurer 3 qu'elle pafle au trauers d Vne mine d'ar- gent, ou tout au moins 4e talc. Quant à ce qui regarde la grande riuiere falée, qui feparc les deux terres , ce neft autre chofe qu'vn bras de mer , ou vne communication de la merdeTEft, aucc celle de l'Oucft. lia quinze ou feize pas de large , &deux bonnes lieues delon- gueur.Son flux & fon reflux eft réglé comme celuy des mers de nos coftes. Il ne peut porter que des barques de vingt à vingt-cinq tonneaux au plus; ôc mcfme fes entrées &fes forties font tres-diificilcs. S " i|8 DESCRIPTION D£ LTSLE Au milieu de cette riuièrt à main gauche,en àlktâ du petit cul-de fac au grand , il y a vne fontaine ëufr fe Fait affez clairement entendre parlé bruit -dt fil cliente , elle eft dVnie èâttdâifejfràiféhe-, &c*te£- knte. G'eft vne très -grande commodité pôttt les habitans,qui aucunefôis pâtiflent beaucoup et la foif en ces endroit^âuffi l'ont ils nommée la BeSè boftejp. Il fautqueiedife icy vnmôten pafTaht , à'fût riuiere de la Martinique , qui eft là première qui fc trouue après la rauinefekhe en tirant versIePref- cheur. Cette riuiere eft perpétuellement trouble, fifalle, &fi limoneufeyque de fi feule veuë *ehV raflafie les plus altérez. La neceflîté m'a contraint d'en boire plufieursfois|&i'ay remarqué que fofi gouft cft fade, & qu Vn feùl Verre de cette «au ht ehe le ventre , & puifge auffi bien le carps -quvtiei bonne médecine, &c cela fans aucunes tranchées* Des fontaines bouillantes. §. || SI ces fontaines d'eau bouillante, eftôietlt plus proches de kfôulphriere qu'elles ne le fôfit,ie croirois que ta feu qui cfteftclosdafîs eettemmt- tagtie , feroit la caufe de cette chaleur. Mais en étans élo ignées de fixa fept lieufe pour le moirts , il faut tenir pour afleuré qu'il y a des mines de fod- phre enflammées dans les creux des montagnes qui les àuôifinetit,au trauers defqueiles fes eaux ve DELA GVADELOVPE. n% ntntâ pafler, s'é chauffent iufqu a boiiillir çxtraor^ ^inajïemem ; car difent tout; ce que voudront les Philofophes , ie m me puis peifuader que le feu! mouuement des eaux qui pafTent au trauérs des. mints, qui ne font pas enflammées, lespuiflenjc; échauffer iufqu à communiquer leur chaleur aux termes voifines, &les fairemefme bouillir malgré les ondes de la mer qui les'couurent : car la plus grande de toutes ces fontaines * quand la mer eft dans fon plain , eft couuerte de plus de deux pieds d'eaudemer, &nonobftant lafraifeheurde cette eau % on voit monter les gros bouillons iufqu à la fuperficie de ï®m : quand lamer eft retirée, elle fu- me fi fort , qu'on en voit la fumée d'vne bonne lieiaë , & fait vn certain murmure confus que Ton entend de plus de trente pas , faifant rcjallir k$ bouillons de plus de deux pieds de hauteur. A cent pas ou enuiron de cette grande fontaine, tirant vers la riuiere,à trois ou quatre pas de lamer, eft vne certaine mare Urge de 7. à 8. pieds , & lon- gue de 35. ou 40. Ce neftqu'vn receptacle d' va grand nombre de petites fontaines bouillantes qui font autour d elle. Trois ou quatre pas àl'entour de cette mare, la terre y eft chaude comme du feu,& ne faut que donner vn coup ou deux de befchc pour voir fumer,cntendre brouïr,& faillir vne fon- taine d'eau toute bouillante. Cette mare eft extrêmement commode , cV on peut en fe baignant prendre l'eau en tel degré de chaleur quonlcfouhaite, felouque l'on s éloigne sy >Û'W:K uo) DESCRIPTION DE L'ISLE ou que Ton s'approche dauantage des fources. Et quoy que cette eau foitvn peu vilaine, puante, & boiieufè, elle ne laifle pas d eftre tres-falutaire. Ten ay fait les cpreuues, lors queMonfieur de Bonne- fo-y Gentil- homme de -Monfieur de Poincy , s'y fit porter pour trouuer de l'allégement à vn mal de ratte,duquel enfin il eft mort. le l'y accompagnay, êc incontinent quantité de malades febricitans, hydropiques , &c perclus de leurs membres, vin^ rent à moy de tous les quartiers de l'iilè ; lefquels au trois ou quatrième bain , y receurent de grands foulagemens. Mais comme ie n'auois ny linge, ny cafe,ny lids pour les fa ire fuër, ie m'ad uriay de faire vn grand trou , comme vne barique, fur vne petite plate -forme , vis a vis de la grande fontaine bouil- lante. Nous n'eufmes pas creufé trois pieds, que la terre fumoit fk étoit chaude comme du feu. Nous fifmesvn petit djoupa,cn forme de cloche par deflus ce trou, dans lequel on faifoit fuër les malades tous les iours au matin, autant qu'ils le pouuoient endu- rer, & le foi r on les faifoit baigner dans la mare. La plufpart s'en retournèrent au bout de huit iours, chez eux fa ins ôc gaillards, Se tous les autres extrê- mement foulagez. Plulîeurs perfonnes trauaillées de diuerfes maladies,y ont efté guaries. l'ay vniour pris plaifirà faire éuaporer de cette eau dans vn plat detain , auec vnfeu lent, laquelle étant toute exhalée, il me demeura au fond du plat, l'efpoif- ieur d'vne feuille depapier,defoulphre vif, auquel ayant mis le feu; il bruila tout auili-toft. DE LA GVADELO'VPR i4i Des Sftangs. §. II I. EN plufieurs endroits de la Guadeloupe , plu- fleurs beaux eftangs fe rencontrent , entre les- quels ccluy de la pointe des vieux habitans me fem~ blecxcellcr jil aenuiron3o.ou4o. pas de large , & plus de 500. de long, fort creux & bien peuplé de poiffons , aufquels il ne faut point faire de faulTe auant que de les tenïrjcar il eft très -difficile à pren- dre. Les deuxriues de cet étang font bordées de certains grands arbres verdoyans , qui y font vne perfpeôiue obfcure > laquelle eft vne chofe tres- plaifante & tres-agreable , & qui fait aiîez paroiftre les auantages que la nature a par defîus l'art, quand elle fe veut jouer dans fes ouurages. On voit vn autre étang , non- moins admirable, au rapport de quelques Nègres , qui ont grimpe fur vn certain rocher tout rond, d' vne hauteur pro- digieufe,& eicarpé de toutes parts. C'eft le tout s'il a 80. ou ïoo. pas de circonferance dans Ton aiïiette: mais il n'en a pas cinquante par haut. Cesmefmes Nègres ont rapporté qu'il y a vn très-beau baffin fur ce rocher,; qui femble auorrefté taillé à plaiflr dans le roch,& que dans ce baffin fe trouuent quan> tité de poiiTons. Pour mïfy , ie le crois , parce que iel'ay veu plufieurs fois dégorger de toutes parts, quand il pleuuoit excefliuement. le ne fçay ce que feront ceux qui ne le voudront pas croire; car ils S ii| 1.4* DESCRIPTION SE LA GVAD. auront bien de la peine à y grimper pour Taller voir. Ce Rocher efifîtué encre les montagnes du fort Royal,& la maifar* de Monfïeur Auberr. Voila tout ce que iepuis dire des eaux douces, qui fç rencontrent damh tejrrc habitée. Quant aux autres qui fe pourraient trouuer en celle qui n'eii pas habitée, excepté les trois riuieres qui font fur la Carte; ce ne fout que des eftangs ou des;marefts d'eaux ci^pies^de/quelles ie n'ay ianaats beu qui contre-çœur. Et ma perxfée eft, bien que ie n'en aye îamais veu de mauuais effets , quelles font très- dangereufes, d autant qu'il y a vn fi grand nombre* deMauce^ille autour de ces çftangs >queles.eaux font toutes couuertes de ces mauuaifes pommes qui tombent des arbres. Fin de h féconde Partie. TROISIESME PARTIE DIVISEE EN DEVX TRAITEZ. I. TRAIT EV DES PLANTES. Des plantes qui ne portent point âefruifts. 1>es plantes qui portent desfruicis. IL T R A I T E'. DES ARBRES. Des arbres fauuages & fans fruiéfs. Des arbres fruiftiers. . :■■• '1A t i k : J TROIS1ESME PARTIE. Diuifée en deux Traitez. I. TRAIT E; DES PLANTES. Des fiantes qui ne portent point de fruits. CHAPITRE PREMIER. I i eftois mieux verfc dans la connoifianee desfimples queie ne fuis , vous auriez fia- jet defperer vne entière fatisfa&ion de cette partie; car il y a des threfors de merueilles ca- chées dans les plantes de ces ifles , qu'vn homme confommé dans cette feience pourroit découurir au grand profita fatisfadrion dvn chacun. Mais il fe faut contenter de ce peu de remarques que ic veux donner, qui font les petits ftui&s de mes tra- vaux & de mes foins, l'auertis au refte le Lecleur, que ie profefle auilî bien en cette matière qu eik toutes celles dont ie traite , non de faire tout ce qu'on pourroit defirer de moy \ mais feulement T • Ht DESCRIPTION DES PLANTES ce que ie fçay & que i'ay remarque en chaque chc* fe que ie décris. Des fiantes communes à graine & fans graines. §. I. IE ne dois rien dire, de toutes les plantes qu croifTent dans l'Europe, finon ce que i'ay remar- qué de particulier, &que plufieurs ignorent , fins quelque defeription*, dautant que rout le mond^ lesconnoift allez, veu que quantité oTÀutheurs les ont fi amplement décrites, que ce feroit perdre le temps que de s'y arrefter. Il faut donc direpoui commancer par les plus communcs,quc toutes les herbes potagères viennent par toutes les îfles aaec allez de facilité : mais bien dVns autre façon que dans i'Euf ope , car quelques- vnes ponent des grai- nes qui profitent dans le pays , d'autres en pon enc qui ne profitent point du tout , & les autres n'en portent aucune. Entre celles qui portent de bonnes graines , lesquelles étant femées produifent leur iemblables, font le pourpier, quig,aine&fc refe- me de foy-mefme dans les habitations : mais en fi grande ahondâce,qu'i! paflepour l'herbe la phg&Ê cheufe & la plus importune de tout le pais : Toute forte de chicorée & de iat&uës , te crefso aleniis,la .co aie de cercles épmar is,carotes5panets beteraues, iaifirîes, cheruis, afpergesjamcru tarde en grande abondance | cV fur w yt lœpo&& les febuesycroif- fent en abondance, de forte qu étant vne fois garny AFRVICTS ETSANSFRVICTS. 147 de toutes ces graines, Ton n'a plus de recours à la France. Ten ay veu d'autres qui portent des graines, mais elles ne viennent iamais à perfe£Hon-, entre celles- là font les raues; carquoyqueles raues qui ontetté produites par des femences apportées de l'Europe, viennent parfaitement belles , & portent de tres- belles femences,neantmoins fi on feme cette grai- ne , elle ne produira que des filets. Les oignons viennent auec peine, flcuriffent&grainent \ mais tout ce qu'on peut auoir de lagraine 3 c eft au plus, de méchantes petites ciboules. On s'eft aduifé d V- nc inuention quifupplée àcedeffaut , qui cft de plier la tige , & de couurir de terre cette touffe de graine qui croît au bout de la tige , & cela produit plufieurs oignons , qui pourtant ne viennnet ia- mais bien gros. Il y en peut auoir dautres,mais ces deux exemples fuffifent. Entre celles qui ne grainent point du tout, font toutes fortes de chou* Au deffaut de la graine, on fc fert des rejetions ou des cimettes de choux , lef- quelles on plante dans la terre par vn temps de pluye , & cela produit vn chou de la mefme efpecc, « que celuy dont il a efté tiré , fi d'vn chou cabus , vn chou cabus, fi d Vn chouileur, vn chou fleur. C eft bienla meilleure inuention du monde5il n'en man- que pas vn , & viennent plus beaux & en moins de temps que s'ils étoient produits de graines. Iufqua prefent nous nauons pas veu grainer fozeille,mais on marcote la racine,ou pluftoft on la " i4S DESCRIPTION DE L/ISLE multiplie en la diuifant j de forte qu il n'en faut qu vne plante pour en peupler vn jardin. Si on me demande pour quoy quelques-vnes de ces plantes grainent , & que la graine n'en vaut rien > & au contraire , pourquoy les autres ne grai- nent aucunement : ie diray icy Amplement ma penfée,queic ne veux pas pourtant faire paflerpar authpnté ; mais ie crois que cela vient de ce que la terre eft trop chaude > & qu ainfi elle hafte la racine auant qu'elle foit affermie, Se qu'elle ait pris pied dans la terre>ii bien qu elle sepuife entièrement de fa feue, de fa force, & de fa vigueur quelle enuoye aux feuilles , qui par après luy manque , lors qu elle en a befoin pour produire tan fruit , ou pour le conduire à maturité. L'on ne s eft pas encore mis en peine defemer du bled d^ns cesulçs ; dautant que le n^anyoc dont on fait Je pain , vient aueo beaucoup de facilité, & eft vne affez bonne nour- riture comme ie diray cy- après : Mais toute forte de milet y croift comme dans fon lieu naturel, & durant toutes les faifons de Tannée: comme auiïî le risque Ion commenccàcultiuer depuis peu de temps, ceux qui en voudront fçauoir dauarttage.de ces plantes^ ont qu'à tire Difcoride,d'Alechamps, ôc les autres qui en ont dit tout ce qu'on en peut fouhaiter. Lereftedes plantes naturelles de FEurope que i y ay veuës , ne portant point de frui&s , font la mente, lafaulge, rhyfope,Jafariette,le tin,lama- joieine y le cocq,la tanefîe>l avrongne^f abfynthe^fc DE LA GVADELOV.PE. ï49 icnidc,la prunelle, la primeucre à fleur rouge, la betoinc aquatique , l'hépatique , le plantin, l'ortie; quoy quelle ne me femble pas commune &qu elle ait la cofte des feuilles & la tige rouge comme du fàng. L'Eliotrope, ou fleur du Soleif, ramaranthe tricolor, & fur tout les Capillaires, defquels il faut dire vn mot de ce que i en ay remarqué. Des CUpUairts. §. IL IL faut auoiier ingenuëment qu'il n'y a point de terré au monde , comme Fifle de la Guadeloupe, qui abolie en Capillaires de toutes fortes , def- quels les Autheurs ont écrit, voire mcfme de plu- fieurs defquels ils n ont fait aucune mention. En- tre plufieurs i'ay fait rencontre dvnPolytric , ôc d'vne Seolopandre qui me femblent bien extraor- dinaires. Les plantes du Poly tri e q ue fay trouué le long d vne riuierepoufFoient hrors de terre , dix ou douze petit es verges noires, polies x pas plus gref- fes que des éguilles , & hautes d'vne palme fans au- cunes feuilles : niais à la pointe de chacune de ces verges , il y auoit feptbeïles branches de Poly» tric,qui s'écartant en rond, feifoient cQmme vnc&- çon d'étoile. T iif ISO DESCRIPTION DES PLANTES De la Scolopendre. i. III. POur ce qui regarde la Scolopandre dont il eft queftion,fans Faire mention de plufîeurs autres qui ne font pas communes ; elle croift dans les ma- refts fur le bord des eftangs,& mefmc iufques dans l'eau. On voit leuer de chaque groupe touffe,quin« ze ou vingt tiges , hautes d'vne demy picque Se plus ; & aux deux coftez de chaque tige trente ou quarante belles feuilles de Scolopandre. D une fiante dont les femmes Sauuazes fe fanent p&Ur e fire fécondes. S. I V. NO us auons appris que les femmes Sauuages fe trouuantfteriles , & à cetteoccafion très- mal traitées de leurs maris , fe feruent dVne plante pour fe rendre fécondes. Çcft proprement vn pe- tit ehampigno renuer féVqui eft fait commevne pe~ tite couppe, capable de contenir feulement vn pe- tit grain de lentille. Au milieu de cette coupe, il y a trois petits grains femblables à ceux qui croif- fent dans le fond de la rofe , mais extrêmement durs. Toute la plante eft grize cendrée, & croift fur des battons de bois pourry , dans les bois & dans les lieux humides. Les femmes mettent fei- cher cette plante,puis elles la reduifent en poudre, A FRVICT S ET SAN S FRVICTS. i5i &cn prennent à chaque fois vne petite pincée, qui peut faire enuiron le poids d'vn cfcù»& elles af feurcrit quecela reuffit infalliblement. D'vn ionc odoriférant qui facilite t 'enfantement* LEs Sauuages nous ont apporté fjneefpece de jonc, femblablc à ceux de nos riuieres,&aflez rare dans la Guadeloupe. Sa racine eft compofée de certaines bulbes en forme déboutons , groffes comme le bout des doigts , kfquelles eftant def- feichées 8c mifès en poudre , exhalent vne odeur fort aromatique , &: qui témoigne allez les excel- lentes vertus de cette plante. Ceft vn threfor in- cftimablepour les femmes mariées; car comme il n'yapçim de Sage-femme dans cesiiles, quelque rud trauailqu'elles puiflent auoir, le poids d Vn ef- cu , ou quelque peu dauant.ige.de cette racine pul- uerifée ^prifejans du vin blanc , les fait déliuier fur le champ auecl^aucoup de facilité. ; De 1', herbe f aux flefehes* m VI. A V commencement delà paix , que Moniïeur X~l Aubcrtfir^ue cks Sauuages , ils luy apportè- rent vne -p'aïi i te -qu'ils' appelloient en leur langue, l'herbe aux flèches (ie tfay pu retenir le mot Sauua- ; î|t DESCRIPTION DE L'ISLE gc ) lesfeiïilles de cette plante font longues dVne palme,large de trois poul ces, d'vn vert gay, licccs, polies , & douce s comme dufatin:elle porte de pe- tites fleurs longuettes , comme celles du lizct^ mais à feiiillesfeparées relies font violettes par de- hors & blanches par dedans, fermées deiour, & ouuertes de nuiék. Les Sauuagcs font grande efti- me de cette plante,& non fans beaucoup de raifon; car nous décoaurons tous les iours par experience les rares & admirables qualitez dont elle eft douée: Sa racine pilée& appliquée fur les playes des flèches empoifonnées de Manccnille,amortit entièrement le venin, &mefme arreftelagangreine commen- cée, ofte toute forte d'inflammation, comme auffi les enfleures que caufe l'aiguillon des Guclpes de la Guadeloupe, lequel eft afiez dangereux, De deux fortes à % herbes qui guerijfent le rnd de dentsl î. VI I. QVeJaneçeflité eft vne bonne maiftrefTe l les jnfuppQrtables tourmens,quc les dents m*ont fait endurer pendant quelques années , dans Fille de la Guadeloupe,m ont donné occafion Rappren- dre, tant des Sauuages que des Ncgres, quantité de très-bons remèdes pour ce mal importun, &pour lequel on a fi peu de companion. VniourvnSau- uage me voyant trauaillé:, iufqu'à l'extrémité cte c$iDt£ douleur enragée , m'apporta deux plantes tQutes entières^ c'eft à dire, la racine ôc les feuilles: La A FRVICTSETSANSFRVICTS. i53 La premiere eftoit vne efpece dz Solanum fort pe- tit, ayant les feuilles aiTez femblables à la Morel- le,mais plus petites & velues : Auhautdelâtigeil yauoit de petites fleurs blanches , & quelques pe- tits grains rouges aflèz femblables à des Gardes. L'autre eftoit vne plante plus forte l,& dont le tige eftoit ligneufe : Ses feuilles eftoient femblables à la Mercuriale, mais plus fortes , auec vne queue au deflus delà tige comme l'agrcmoine > maisenui- ronnée de petites fleurs blanches. Il m'ordonna de prendre de Tvne ou de l'autre racine , delà prefler, & de la tenir long-temps fur la dent quimefaifoit fi mal y i'experimentay que toutes deux auoient le mefme effet ; car à l'inftant cela me fît perdre ma douleur : mais aufli il engourdie non feulement la genfiuc, maisencorla moitié de la tefte, du cofté où il eftoit appliqué, le crois quec'eft vn poifon qui pourroit caufer quelque paralyfie , ou quel- qu'autre accident à ceuxquienviferoient fouuent. Du Tintent. î. vin. TOutes ces ifles sot le pays naturel de toute for- te de pimentée poïure d'inde^ou de poïure de brefil, que les Arboriftes appellent, Capficum,& du- quel ils ont fi amplement écrit ,que ie n'en fçaurois rien dire dauantage, finon qu'il eft fouueraîn pour les fluxions qui tombent du cerueau , en vfanten machicatoire, mais tous ne le fçauroient endurer. V % {[%:■■ q ou fix feiiil- Ics , auffi grandes Se de mefme fv>rme que celles de la Chine, comme panachées de blanc & de verd,3£ quelquefois la moitié d'vne fetijlle eft blanche y cette herbe eft excellente dans le potage, elle eft tendre &fe fond au premier bouillon, comme de lozeille. On y met auffi la racme,qui fe cuit ainfi que des panets , Se rend le potage pâteux Se épois, comme fi on y auoit mis vne poignée de farine le nay pas remarqué qu'on s'en férue en Médecine. Il s'en trouuevnè autre efpece*, que les habitans appellent, chou poyuré, qui neft différente de cel- le là qu'au gouft Se en la couleur de fes feuilles, qui font d'vn vert plus brun, Se rarement panachées de blanc comme les autres. Neantmoins il eft tres- diificiie de les difeerner , Se les plus experts tnbi- ,tans y font trompez tous les io ïs , Se les mettent bien fouuent dans le potage au lieu des autres, d'où ilatriue,quoy qu'ils^ies en aduifent pas enlcs man* geans, qu'ils bruffent la bouche Se legofier,comme fi Ton auoit mangé des feuilles de 1' Aureole ; S meîme fi on en mange beaucoup , ils donnent 1 flux de bouche- y w ' i$% DESCRIPTION DES PLANTES Du Petun. S. X I. IE ne décris pas icy toutes les belles qualités de cette plante ; Le Ledteur curieux peut les voir chez les Authcurs , pour les lire auffi bien que pour y remarquer tous fesauantages. Il fuffitdedireicy, que les habitans cultiuent communément quatre forte de petun; à fçauoir, le grand petun vcrt,le pe - tun à langue , le petun d'Amazone , 5c le petun de verine ou petun mufqaé. LesSauuages appellent toutes ces efpeces de petuns , fans faire aucune di- ftin&ion , Yoly. Le petun vert eft le plus beau ,& de plus belle apparance. Ses feuilles ont vn bon pied de large, 5c deux de long-, mais pour l'ordinal' re ildécheoit beaucoup à la pente;, cVneft iamais degrand rapport; Le petun à la langue, ( appelle ainfi,à caufe que fa feuille eft longue de deux pieds, ôc large d'vne paulme , ôc femble auoir la forme d'vne langue) eft de très-grand rapport , & ne dé- cheoit nullement à la pente. Ces deux premiers font ceux defquels on fait le plus commun debit. Le petun de verine eft plus petit que les deux pre- « cedés:Sa feuille eft vn peu plus rude &p lus ridée que celle des autres, ôc eft plus pointue par le bout, il rapporte le moins de tous , &décheoitle plus à la pente ; mais il eft le plus eftimé 5c le plus cher , dautaht que non feulement fa feuille fent lemuf- que* mais mefme la fumée, quandonlcbrufteerv AFRVICTSET SÀNSFRVICTS* i59 eft très agréable ', là ou celle de tous les autres eft du tout infupportable à'beaucoup de perfonnes. On a remarqué de plus quvne feule plante de ce petun communique fa qualité à quatre autres , 5c les fait pafler pour petuns de verine , ce qui fc prati- que dans les iûcs, autrement on n'y trouueroit pas fon compte. Pour le petun des amazones,il eft plus large que tous les autres, fafeuïllc eft arondiepar le bout , Ôc non en pointe comme les autres , ôc les petites coftesou nerueures qui font des deux co- tez de lafeuïUe,nebiaifentpasvers la pointe j mais elles la trauerfent de droit fil. Ce petun eft de grand rapport , mais eftant nouueau fait, il eft mal- faifant, fadeaugouft, & fait vomir fur le champ ceux qui en prennent; maisimefure qui! vieillit, celafe corrigeait deuient très-excellent au bout de deux ans. Or quoy que la manière de cultiuer &de faire le petun, foit commune aux habitans des ifles,ellc nefeftpasàplufieurs perfonnes curieufes de 1 Eu- rope \ pour la fatisfaâion defquelles ie la décri- ray icy le plus fuccin&ement qu il me fera poiïi^ ble. On feme premièrement la graine,que Ton mê- le, auec cinq ou fix fois autant de cendre que de graine , afin de la femer plus claire. Si-toft quelle commence àleuer , on la couurc tousles matins de branchages , pour la guarantir des ardeurs du Soleil qui la brufleroit entièrement. Pendant fix femaines ou deux mois , quelle eft a atteindre^ ' ifo. DESCRIPTION DES PLANTES perfeâion conuenàble pour la replanter,on prepa- re le jardin ou on doit faire fa leuée , ceft à dire, fa récolte, en deffrichant , coupant, êc bruflant les bois qui font fur la terre , ce qui n'eft pas vn petit trauail ; ou bien s'il on veut faire fa leuée dans vne terre defîadécouuerte,on la purge & on la nettoyé entièrement de toutes fortes d'herbes. Le jardin eftant bien préparé , on leue la plante en vn temps depluye , afin qu'elle reprenne auec plus de facili- té, puis on les plante toutes àla ligne) l'ordre que Ton tient en les plantant,eft tel qu'il faut qu'il y ait trois pieds dediftance entre deux plantes , & au- tant entre deux rangs; de forte quvn jardin de cent pas en quarré, 'doit tenir îoooo. plantes de petun. Chaque perfonne doit tout au irçoins entretenir ôc cultiuer trois mille plantes depètun, Se auec cela cultiuer fes viures , ce qui luy peut apporter en- uiron mille ou quinze cent liures de petun.1 Eftant planté il faut auoir foin dypafTer de temps en temps , Se d empêcher qu'il n'y croifle de mau- uaifjes herbes. Lors que la plante eftprefte à fleu- rir, on larrefte tout court, la coupant àla hauteur du genoîiil, puis en ofte les feuilles d'en-bas qui traifnent à terre , & on ne laifTe que dix ou douze feuilles de petun fur la tige, laquelle on efmonde fbigneufement tous les huit iours , de tous les rejet- tons quelle pouffe autour des feuilles; de forte que- ces dix ou douze feuilles fe nourriflent merueil- leufement & viennent efpoiffes comme vncuyr. Pour voir s'il eft meur , on plie lafeuille , laquelle, fî clic A FRVICTS ET SANS FRVICTS. m elle fecafle en la pliant, il eft temps de la couper: eftant coupée on la laifle fanner fur la terre, puis on les attache auec certaines liafles dcmahot, qu on enfille dans des petites verges ; de forte que les plantes ne fe touchent point,& on les laifle feicher à l'air quinze iours ou trois femaines. Cela fait on arrache toutes les feuilles de la tige, puis on tire la cofte qui eft dans le milieu de la feuille , & l'ayant vn peu arroufée d'eau de mer, on la tord en corde, &puisonlameten rouleaux. De l'herbe vine & fenftble. • i XII. SI cette plante eft celle que tous les Autheurs ont décrite; le fuis bien afleuré qu'elle n'eft pas dans la Guadeloupe, ny mefme, comme ie crois, en pas vne de ces ides , au moins ie ne lay iamais veuë, quoy queie 1 ayeeurieufement cherché.Etn eftoit les quatre petites fleurs que les Autheurs luy don- nent , ie dirois qu'ils ne l'ont veuë que dans fa naif- fance ; car celle qui croift dans les fauanes ou prai- ries de ces ifles , èft toute femblable, quand elle eft petite, exceptez ces quatre petites fleurs qu'ils y ont adioufté ; mais en peu de temps elle croift en arbrifleau, qui fediuife en plufîeurs branches tou- tes chargées dcfcuïHes femblables à celles qu'ils ont dépeintes. La cime des branches eft toute en- uironnée de petites fleurs jaunes femblables à cel- les de geneft; mais vn peu plus petites , à la cheutc * X. ; ' têt DESCRIPTION DES PLANTES dcfquclles fuccedent de petites gouflès larges l comme vn fer d'éguillette toutes plates , dans Icf- quelles eft enfermée la graine.Elle n'efl nullement en vfage parmy les Sauuagcs , & mefnie ils ne h montent pas. le 1 ay monftré a plufieursquirad- con miroient auec grand eftonnement. le tais toutes les remeries qu'en ont rapporté les Autfaeurs,com- me de dire quelle redonne la virginité aux fi les jqui I'ontdciia perdue ; Quelle eft bonne pour fc (faire ay mery & autre chofeè fembkbles. Celt afTe* ide dire que cette plante a vne telle aueriion de quelque attouchement que ce (bit y quaufli-toft quelle eft touchée , elle referre toutes fes petites feiiilles le long de fes branches r & demeure toute flétrie comme vne plante qui fe meurt. A vn mo- ment de la , elle s'épanouît > ôc renient aufli belle quauparauant. Dg i jdlaes ç£* autres Semferuiues. §. XIII. IE n ay iarnais veu vne feule plante d'aloës dans h Guadeloupe^ ie crois fermement qui! n y en a point du tout. Et bien que dans les iîles voifines ie l'aye curieufement cherché, ray neancmoins efté fept ans fans en pouuoir rencontrer v^>e feule plan- te. Laprémiere que i ay veu, ça efté dans la Marti- nique au bord de la mer, entre le fort S. Pierre & le logis de Mr leGouuerneur.Elle eftouvenuëàgrai- «,&latigc quifortoit du milieu delaplante^toic A FRVICTS ET SANS FRVICTS. i6S plus greffe que le mollet de la jambe, & haute dV ne picque &demyiegouftay dufucde fes feuilles, lequel ne me fembla pas tout à fait amer , mais fa- de, le me trouuay Tan mil fix cens quarante-fept, dans vne petite ifle , appellee faind: Euftache, pro- che de faineT: Chriftophe : cette ifle en eftoit toute remplie. Qui en voudra fçauoir dauantage , tant de cette plante que du Meloatrduus , du ckrgt efpineux , des Raquettes , du petit figuier imde, pour- ra voir les Autheurs qui ont fait la defeription de toutes ces plantes. Etne vous eftonnez pas fîie vous y renuoye fifouuent , car fi ie voulois écrire tout ce qu'ils ont dit de ces plantes , que ie ne fais que nommer, i'aurois affez de matière pour corn- pofer plufieurs Volumes. Des Confins. S. XIV. NOus auons vne plante qui eft icy fort commu- ne dans toutes les habitations de ces ifles , qu'on appelle Coufins,àraifond^ fa graine,qui eft heriffée &qui s attache importunement aux habits & aux cheueux des paffans : elle n'eft guère plus grofle que la teftedvnegroffe épingle: toutes fe* fciiilles font faites comme dé petits ccuflbns : On fe fert de cette plante auec.de tres-heureux fuccez contre toute forte de diffentetie. Pour cet effet,on lapulucrife &on en prend le poids dVn efeu dans la, X ij i*4 DESCRIPTION DES PLANTES boiflon ordinaire : fi elle ne reiïffit à la premiere fois, on redouble la dofe. Du Rjcinus, ou Figuier d'enfer* §. X f. PLufîeurs Autheurs onedit mcrucille , du Rici- nus Ameriquain,ou Figuier d enfer, & entr'au- tres, Monard, le m en fuis feruyplufîeurs fois fe- lon ce qu'il en a écrie, contre les fluxions froides, &C pour purger les riydropiques ; mais ienen ay la- mais veude bonsfuccez: cela me donne fuiec de douter de toutes les belles qualitez qu'on luy attri- bue > il croit en grande quantité dans tousles en- droits de cesiiles. Perfonnen'en vfe,finon les Nè- gres qui en font de l'huile , de laquelle ils fegraif' fent la teftepourfeguarantir de la vermine. Il eft tout femblable au Palma Chrifii, mais il croift qua- tre ou cinq fois aufïi grand. De deux fortes de lys qui croifîent dans l'Amérique. §. XV L IL croiften plufieurs endroits de cette ifledeux: fortes de lys , vn blanc, ôc vn orangé. Pour ce qui regarde le lys blanc , quoy qu'il ait l'oignon & la feuille, femblable aux lys de France jil n'a iamais pafle dans mon efprit que pour vn Narcifle „ iuf- qua ce que i'aye veu la description que Pline Se TJiqpphrafte ont fait, du Molj y difans qu'il a plu- A FRVICTSETSANS FRVICTs: i*j fleurs feuilles femblables aux Squilles , aucc la tigc dvnc coudée de haut , groffe comme le doigt, creu- fc & ronde , fans aucune feuille , chargée de beau- coup de rieurs blanches à la cime, faites en façon d'eftoiles , attachées à de longues queues -, car s'ils auoient adjouftéque ces fleurs ont les feuilles lon- gues comme le doigt, Se fort eftroites , & que du milieude ces fleurs fortent trois ou quatre petits fi- lets blancs & longs comme le doigt, au bois des- quels il y a de petites languettes iaunes ; & qu'en fin cette fleur exhale vne odeur plus douce , plus fuaue , & plus agréable que celle de nos lys,ie croi- rois que le Moly qu'ils ont décrit^eft le lys blanc de l'Amérique. Pour ce qui regarde le lys rouge.il dif- fère fi peu de ceux de l'Europe, quil ne vaut pas.; la peine d'en faire vne defeription particulière. De ther^e'aumufcyoumauuemufquée. $. XVII. ON rencontre par toutes ces ifles, vne plante quia les feuilles affez fcmbiables à laMauue, mais vnpeu plus rudes : elle porte vne tige haute de deux coudées à la pointe de laquelle, &mefme fur plufieurs branches qui fortent delamefme ti- ge, il y a plufieurs fleurs iaunes quireflemblent af- fez aux fleurs des mauues , mais quatre fois plus: grandes , àlacheute defquelles croift vn bouton gros comme vn œuf de pigeon,long comme le pe- tkdoigt en triangle , & qui fe termine- en pointe- X iij %*€ DESCRIPTION DES PLANTES par le haut. Auant qu'il foit mcur^l eft vert & rem- ply de petites graines blanches , qui ne Tentent en- core que le vert \ mais enfin ilfe meurit,fedeflei- che,deuient gris,& la graine noire. Et pour Ion, fi on la frotte dans les mains , elle exhale vne odeur aufïïfuauequelemufc. fay veu cette plante leuée dans Paris , mais on m a afleurc quelle ncfleurit point. D'vnc effect de TJiolier. §. XVIIL m ■ I'Ay trouué dans les montagnes de la Guadelou- pe vne forte de Violier , tout femblable aux nô- tres quant à la feuille : mais cette plante porte vne petite tige , grofTe & longue comme vn fer d'éguil- lette, au fommetde laquelle croifTent trois belles petites fleurs blanches comme neige, qui ont cha- cune cinq feuilles en forme d'étoile. A la cheutc de ces fleurs fuccedent trois petits fruits ronds , & gros comme des grains d afperges, & rouges com- me du Corail > il y a dans ces fruiâs trois petites graines noires. Il eft allez commun dans les monta- gnes & dans les U'cux humides. D'vn petit Pauot blanc, S. X I X. I'Ay trôuucdansvn feul endroit de la Guadelou- pe , vne forte de pauox qui n eft pas commun A FRVIGTS ET SANS FRVÏCTS. i$ «fans l'Europe. Il eft le feul que i aye veu dans l'A- mérique v la plante eft fortpetite , elle a les feuilles femblables au TauotRkeas , mais la fleur eft toute pareille à ces pentes Anemones blanches , que Ton trouue dans nos forefts. De î herbe fafcheufe, poil de chat ou mal nommée. §. XX. IL croift dans toutes les habitations deux fortes d'herbes fafcheufes & importunes, qui donnent beaucoup de peine aux habitans , & defquelles ils ne fe defferont iamais. La premiere eft vne petite plante femblablc à la pariétaire , vnpeu plus frifée & plus rude : elle fleurit & graine en fortant de ter- re, &fe charge tellement de graines, quelle fem- slen'eftre compofée d'autres chofes : elle fe feme fe foy-mefme , & perd entièrement les jardins , fî Dnn'eftbienfoigneuxdela farder Elle a commu- nément vn vilain nom , mais les plus diferets rap- pellent poi! de chat , & les Dames, la mal nommée. Au refte fo a fuc , & me fine le marc, appliqué fur la morlui edes ferpens, eft vnibuuerain remède. Du Paragon, §. XXI. LEPatagon eft vne autre plante, quafîauflïfaf- cheufe que la précédente , pour la grande quantité de graine quelle porte : elle rampe par *k DESCRIPTION DES PLANTES terre , Se a les feuilles rondes & larges comme des piaftres : C'eft ce qui l'a fait nommer Para- gon : les tiges font fort minces : elle fleurit de cou- leur de pourpre , Se porte vne infinité de petites graines qui s'attachent aux habits des paflàns. Ses racines font mourir les porcs qui en mangent. De l'herbe hitteufe. §. XXII. EN piufieurs endroits delà Guadeloupe, princi- palement dans les lieux fees , ôc parmyles ro- ches , i'ay veu cette mefme plante que Rauuolf dé- crit ; mais comme il ne l'aveuê que dépouillée de fes feuilles & de fesfleurs,ce qui luyarriue tous les ans vers le mois de Nouembre, il faut que ie dife ce que i'en ay reconnu dauantage que luy,Ses feuilles fontfemblables à la Peruenche , vnpeu plus gran- des , & époifes comme vnquart-d'eicu : elles font fort claires , & à peine en trouue-on douze fur vne planteul croît à la pointe de chacun de fes rameaux trois ou quatre fleurs rouges, femblables à celle de l'fÂperge , mais vn peu plus grandes. Cette plante eft fi plaine de laid: , que de la rupture dvnde fes Amples rameaux , il en fort quatre ou cinq cueille- rée de laict,qui eft extrêmement cauftic,& comme ie crois, dangereux, l'en ay goufté, mais il fait plus de peine que la Laurcole. Des AFRVICTSETSANSFRVICTS it» Des Cannes de Sucre : & de L manière quon le fait. S. XX III. LEs Cannes de Sucre qui croiflent tant dans le BrcGl, qu'en toutes cesifles, defquellesonfait le lucre en abondance, font toutes fembiables aux grands ro féaux d'Efpagne> horfmis quelles ont les nœuds pluscourts.les feuilles plus druës,& qu elles font plus baffes de moitié , elles portent vn pana- che comme les autres ro féaux , dans lequel eft en- clofe la graine : Il y a encore cette difference que la Canne n'eft pas creufe comme le rofeau \ mais el- le eft remplie d'vne certaine moële fpongieufe, toute imbibée dyne eau blanche,qui eft Ja liqueur dont on fait Le fucre. Ces Cannes croiflent dans toute l'Amérique ? aufli grofles que les plus gros rofeaux , ôc mefme il s'en trouue de plus grofles que le bras. Il eft toute- fois vray , que la plus groffe de toutes celles que fay veu dans l'ifle de Madère , n'eft pas plus grofle deux fois que le poulce. le ne fçay , fi c eft a caufe du terroir ou du deffaut des pluyes , quoy qu'il en foit ,1e fucre ne laifle pas d'en eftre beaucoup plus fort. On plante les Cannes , tant dans l'Amérique que dans les Canaries , non des yeux , ou des rejeta tons, comme dit d'Alechamps;mais bien des tron- çons de la Canne, fichez dans la terre bien labou- rée. Il y en a qui font des rigoles d'vn demy-pied de profondeur, dans lefquelles ils mettent vneCanne Y i7o DESCRIPTION DES PLANTES de trois pieds ou enuiron , & la font cheuaucher dVn pied par chaque bout par deux autres Cannes, ôc continuent ainfi tout le long du champ. Elles font pour l'ordinaire fix ou feptmoxsà at- teindre leur parfaite maturité* ceft à dire , auant qu'elles fleuriffent , ou qu elles pouffent la verge qui porte le panache , ou la graine ôc la fleur font enfermées. En ce temps là , elles font iaunes com- me de Tor, alors on coupe les Cannes , ôc après les auoirémondées de leurs feuilles , on les applique au moulin, lequel eft compofé,en forte que L'arbre ôugros rouleau du milieu , eftenuironné dedeux autres qui s'emboîtent dans des hoches ou troux faits àcefujet, dans les deux autres rouleaux, ôc les faifant tourner ils ferrent, écrafent ôc fontpaffer la Canne de l'autre cofté , laquelle demeure toute fei- che &c épuiféc de fon fucre,qui. tombe dans vn ton- neau qui eft deffous le moulin. Ce fuceftant tiré, on le tranfpofte dans la premiere chaudière, ou on le fait bouillira feu lent}yjçttanttoufiours quelque cueillerécdcleffiue quilefaitéciimer , ôc pouffer en haut tout fon ordure. On fait cette leffiue auec les meilleures ôc les plus fortes cendres , Ôc il faut qu'elle foit fi forte, qu'elle cuife fceauteiife la langue. Ceft cette leffi- ue qui purifie & qui clarifie le fucre , ôc uns elle on ne viendroît iamais à bout den faire de bon & d'excellent,lors qu'il n'efcumeplus dans cette pre- miere çhaudiere,on le tranfpor te dans la féconde, oii il reçoit lefeu plus ; violent, & bouille àplusgros &fe 171 A FRVICTSET SANSFRVICTS. bouillons.Cependant,ontjcctctoufiours;de temps en temps dcscueillerées de leffiuc„, quiluy doit faire jetter tout le refte de fon efcume. Quoy fait, on tient de l'huile d'oliue toute prefte dans yn plat , ôc lors que le bouillon vient à furmonter la chaudière , on le réprime & arrefte tout court en jettant & afperfant vn peu de cette huile par deflus. Quelques- vns y iettent de petites boullettcs de beurre frais.Lors qu'il n'y a que deux grandes chau- dières on le tient plus long-temps dans cette fé- conde, iufqu a ce qu^ilfoit entièrement purifié, & qu'il ait atteint la confïftance de firop. Dans les bonnes fucreriesonlefait pafferpar trois chaudiè- res de cuivre battu, auant que de le mettre dans les chaudières de bronze. Car il faut fçauoir gue ces trois grandes chaudières font femblables à celles des Braffeurs , ôc qu'elles tiennent deux , trois, ou quatre muids > plus ou moins felon que les fu- creries font abondantes. Les trois petites font de bronze iettée enfonte, & n'ont qu vn pied & de- my de profondeur, & enuiron trois de diamettrç, ôç font époifTes dva bon doigt. En fin /après auoir bien diligemment écume le lucre , ôc après qu'il a atteint la bonne confiftance defirop , on le met dans les trois petiteschaudieres de bronze , en for» te pourtant qu'il palîe par toutes les trois , ôc dans la troifiéxne il y demeure iufqu a fa parfaite co- &ion, la^llionconnoift,iors quer* iettantvn peu dans l'air, ilfe glace ou fe fige \ 6c. jxffî onh vuide dans les formes tout bouillant. Y i) ; -''Il vr% DESCRIPTION DES PLANTES Ces formes font faites de terre, & percées* par le boutd'en-bas : elles font ajuftées fur vne grande table dans d es trous ronds , où elles entrent à moi- tié. Si-toft que le fucre eft dans fes formes , on le remue fort foigneufement, auecTefpatuleouepee' de bois , itifqu'a ce que le grain du fucre >paroifle, qui eft comme du fable blanc j & alors on le laifle prendre & figer dans fes formes. Si-toft qu'il cft prison détrempe de la terre graffe auee de l'eau, & onenmet Tefpoifeur d'vn poulcefur !e fucre, tout de la largeur de la forme : & en mefme tépson def- bouchéles petits trous des formes,lefquels iufqu'a- lors ont efté bouchée, & tout ce qu'il y a de groflïer & deterreftre dans le fucre , coule par ces petits trous en -forme de fîrop noir&efpois , & c eft ce quenous appelions en France conpofte. Cepen- dant , le fucre eft trois femaines ou vn mois à cou- ler, &tous lesiours deux ou trois fois, on fourre vne petite verge defer dans fes petits trous , aulït auant quelle y peut entrer , iufqu a ce que le fucre foit entièrement purgé,& qu'il ne iette plus aucune goufte de fîrop. Voila tout ce qu'il y a à faire du fucre. Il eft pourtant vray qu'il y a vn certain fècres pour lefaire beau,tres-fm(&ne le manquer iamaisj nous neFauonspas encore peu apprendre dans la Guadeloupe. Monfîeur de Poincy la eu par ha- zard i catvn fucrier Portugais homme fort expert quilefëraoit , àyinc commis quelque crime pour lequel il deuoit cftre peadu *, Monfieur de Poincy AFRVICTS ETSANSFRVICTS. t7y luy donna fa grace , à condition qu'il en feigneroit fon fecret à vn de fes domeftiques ; ce qu'il fit , & depuis on fait quantité de très beau &tres-finfu~ cre a faindt Chriftophe. Afaute de ce fecret, Mon- fieur Houël a efté contraint de quiter lafucreric au grand dommage des Seigneurs des ifles. On tire encore vne autre très-grande vtilitédu fucre de ces Cannes; car on en fait des eaux de vie très-excellentes , lefquelles fe vendent fon> cher dans le pays. Auantque démettre ce fucre dans l'alambic, on le laifle bouillir dans des tonneaux. Quand ie dis qu'on le laifle bouillir , ie n'entend pas qu'on le fafle bouillir fur le feu \ mais c'eitque defoy-rncfmeil s'échauffe , deuient tiède &fe re- mue comme s'ilboiïilloit. Dans ce niouuementil fe purifie & s'affine fi bien qu'il deuient vne boif- fon meilleure, que le plus excellent cydre deNor- mandie. On appelle cette boiflbn, vin de Cannes il enyure comme le vin d'Efpagne , êô eft fort pecto- ral quand on envfe auec moderation. Au refte-, ceftla meilleure commodité du mon- de, que ces Cannes de fucre pour lespaflans s car on en prend toufiours deux ou trois , qui vous feruent de bâton parle chemin , ôc lors que vous^ eftes fatigue du voyage , ôc altéré par les chaleurs* en vous repofant vous mangez vne partie de vôtre baton , qui vous rafiaifchit d'vne eau de fucre fort agréable. Certaine chofe iettée 4ans les chaudières , peufi faire perdre vneco&ion yQc mefmeilyavnedro* Y ii| Ill I i '. tj 174 DESCRIPTION DES PLANTES gue, de laquelle ayant frotté les chaudières, onny fera iamais de fucre , fi on ne les pafle par le feu. le fçay l'vn & l'autre , que ie ne veux pas écrire , on feait aflez de mal,fans que ien apprenne encore. Des autres Cannes qui croijfentdanslepajs. h xxiv. LEs grands rofeaux que l'on appelle commu- nément en France , Rofeaux d'Efpagne , croif- foit dans toutes ces illeseirtresgrande quantité , le long de la mer , dans les lieux humides & marefea- geux. On ne fçauroit exprimer Fvtilité que les ha- bitans tirent de ces rofeaux; car non feulement ifs feruent de lattes cV de couuerture , mais auffi de matériaux nour faire les murailles des maifons ; pour cér effet, on lie les rofeaux de demy pied en demy-pied fur les chevrons, auec des éguillettes de maho y &onlescouure des feuilles des mcfmes ro- feaux, comme Ton couure de chaume les pauures maifons des champs dans l'Europe. Pour ce qui regarde les murailles des Cafes , on ne fait que fi- cher des rofeaux en terre fi prés à prés qu'ils s'entre- touchent, ôc les lier par letrauersauec des autres rofeaux fendus, deforce que ces murailles ne font autre chofe que des clay es de rofeaux, d'oiî vient que rarement on fait des feneftres aux Cafes , par- ce que le iour pénètre ayfément àtrauersdes mu- railles. Les Sauuagesfe feruent de la cendre de ccsro- A FRVICTS ET SANS FRV-ÏCTS. i75 féaux, quand ils veulent guérir vn malade de la ve~ rolle ou de t9 eft tan > ils luy en frottent tout le corps. le n'aypû apprendre d'eux ce que cela operoit fur le malade , & crois que cela ne fait pas grand .chofe; car ils ne gueriflent iamais parfaitement. Des Balifiers; §. XXV. NOus auons dans la Guadeloupe cinq fortes de Balifiers. le ne diray rien des deuxpetits,puif= que les Autheursen ont fuffifamment écrit , fous le nom de Canne d'inde, ôc de floscancri. Ils portent tous deux des fleurs iaunes Se rouget affez iolies. On fait de petits chapelets de leur graine, qui font fort beaux. Vous pouuez voir là deffus dAle- champs, & les autres Autheurs. Outre ces deux petits Balifiers > il y en a deux grands qui ne different de ces deux-cy qu'en gran- deur j & en la façonne leurs fleurs. Cette plante iette vne tige grofle comme le bras3& quelquefois plus. Elle croift haute comme vne demy-picquej&: porte plufieurs feuilles larges de deux pieds , & longues de fept à huit, polies, mais toutes marquées de rayes.trauerfantesncomme fi on les auoit plicées par plaifir. Du milieu de !a tige fort vne fleur lon- guecomme lebras , ôc doubJe rang de petits bat fins,qui s emboittent Ivn dans lautre3iufqu'à la fin. Cette fleur eft quelquefois large comme les deux ftiains, Il y en a vne efpece de ronge , ôc vne efpece v& DESCRIPTION DES PLANTES deiaune Or IcsfeuillcSjtantdelVncquc de l'autre efpece,feruent aux Sauuages non feulement à em* paquecer leur farine , leur pain, ôctout le icfte je leurs vi&u-dlles , & mefme tout leur petit bagage, quand ils vont aux champs j mais encore icouurir leur Jioupas , ou petits Auuents, oiî ils fe mettent à couuert, quand ils font arriuez quelque part, ou il n'y a point de logemçnp. P u SoUrnan y ou herbe aux Hehechets » $. XXVI. LE Solamaneft la plante la plus vtile quayent les Sauuages dans toutes ces ifles , pour ce qui eft du ménage : elle pouffe plusieurs tiges, rondes, groffes comme le poulcejiaute de dix ou de douze pieds, droites comme des ilsches : feicorce ou fu~ perficie de ces tiges eft verte , polie , ôc extrême- ment dure. Au haut de chacune de (es tiges, il vient cinq ou fix feuilles toutes femblables à celles du TJalifier, mais plus courtes de moitié. Les Sauuages leuent cette efeorce par petites cfquillettes fort étroites , minces comme du papier, fk toutclela longueur de la tige ; cela leur fert comme d ozier pour faire leurs petits paniers , A4 a toutou 7 Catoly, jHehechet s ylcuxs Çouleuum^m eft vne faço de chauf- fe treffée, dans laquelle ils preflent le many oc , ôc beaucoup d'autres petits ouurages. Cette plante croift dans les marefts, Se n eft pas commune par tout. I'ayefte fix ans dansk Guadeloupe > fans en auoij: AFRVICTSETSANS FRVICTS; 17? auoir pu rencontrer vne plante ; & en fin i' en trou- uay beaucoup dans des marcs deb Baflfcterre, De l'Indigo. §. XXVIL L'Indigo eft la plus precieufe marchandife qui fefaffedanslc pays :&quoy qu'il ne sea {bit pas encore fait dans la Guadeloupe , la plante auec laquelle on le fait, y croift en abondance, de- puis qu'elle y a efté vne fois femec. Cette plante eft à moniugement, vne efpece de faint foin, ou de luferne , qui croift haut de trois pieds & fleurie rouge, r a Pour faire rindigo,on la coupe , quand fa fleur commence à paroiftre : l'ayant coupée onl'ajufte par petits faifeaux dans de grandes cuues, remplies d'eau claire , comme qui voudroit mettre roiiir du lin. Ces cuues font quelquefois de pierre, quel- quefois de bois -, elles ont huit, dix,ou douze pieds en quarré,plus ou moins. Quand il eft dans la cuue, on y vçrfeenuiron vn pot d'huile de rabette , la* quelle s'épend fur Teau,en forte quelle entreprend toute la largeur de la cuue. En deux ou trois iours tout cela s'échauffe , ôc vient à bouillir comme le raifin dans la cuue. Les feuilles fecuifent, ou plu- toft fepourriflent ! » fe diflbluent entièrement s fi bien qu'il ne demeure plus que lés verges ou tiges delà plante, lcfquclles on tire de l'eau, qu'onepui- fe toute auec des robinets qui fo»t aubas delà eu- 17» DESCRIPTION DES PLANTES «e, au fond de laquelle il demeure ,vne façon de lie de couleur de pourpre, que l'on fait foigneufe- ment feicher dans des eftuues, ouauSoleil,prenant bien garde qu'il ne tombe de l'eau detfus, & c'eft celaquonappelle/ZW/^i qui fert aux Teinturiers à teindre en couleu r de pourpre. Cette marchan- dift a valu autrefois quarante ou cinquante francs la liure. Mais elle n'a pas pluftoft efté entre les mains des François, qu'elle a efté de vil prix, ôc fe donne communément à huit ou dix francs lali- tire : nous enfaifons de mefmede toutes chofes. Auant que nous nous meflaflïons de faire le petun, îlvaloit quinze ou feize francs, & quelquefois deux piftoiles ; ôc à prefent le meilleur ne vaut pas vingt lois , ôc fi les troubles des ifles sappaifent bien- toft, k tire vne confequence auantagcufe pour les friands ; car il en fera tout de mefme du fucre. Au refte , le bon Indigo doit flotter far l'eau comme du bois : celuy qui nage entre deux eaux n cft pasfi bon, il nelaifle pasneantmoins d'eftre aufli bien vendu comme le meilleur ; mais celuy qui va au fond ne vaut rien, ou bienily adela ter- re méfiée dedans. Du Aianyoc* §. XXVIII. TTOut le monde s'étonne dans la France, de ce X que dans toutes ces iûcs , il ne croift point de oied , & admirent enmefme temps comme les A FRVICTS ET SANS FRV.ÏCTS- i7f hommes peuuent viurc dvn pain de racine , donc le fuc eft vn poifon qui tue vn homme dViie feu- le cueillerée. Et lesSauuagcs eftiment les Franc ois mal-heureux, par ce qu en leur pays il n'y a point de manyoc : Et cependant,eux & nous nous trompons lourdement , puifque la mefme Prouidence qui a -donné pour nourriture aux habitans de l'Europe le froment, le rempliflant des qualités neceffaires à cet effetya donné aux habitas de ces ides la Caffaue faite de manyoc , qu elle n a pas priué de ces met mes qualitez. Pour moy, ie ne fus iamais de ces dé- licats quiaugmentent leur foiblefle par laforce de leur imagination. le me fuis fîbienaceouftumé à la Caffaue , que îe lay toufiours préférée au pain qu'on nousapporte de l'Europe. Et plufieurs font de mon fentiment en ce point. La plante de laquelle on fait le pain,que les ha- bitans appellent Cajfaue , & la boiflbn ordinaire, qu'ils nomment Ouycou , eft vn arbrifleau fort tor- tu , tout remply de nœuds ou petites excroiflànces, grottes comme des febues de brefil : ce font les lieux où ont elle attachées lesfciïilles qui font tom- bées i car il fe dépouille de fes feuilles, non toutes à la fois cftant perpétuellement vert , mais à mefure qu'il croift, & que les feuilles d'en-bas vieillifTenn elles combent,&en mefmc temps il en croift d'au- tres en haut.Iliette plufieurs branches éparpillées, qui sot toutes chargées de feuillcs,non femblables à celles qui font defignées dans d' Aie chant,&d ans les autres Autheurs, mais à celles àtl'Jgnus Cajtus. ■:■;■; $qt DESCRIPTION DES PLANTES H croift communément de trois ou quatre coudées de haut,plus ou moins, felon la diuerfité du terroir, ou des fàifons,& du temps auquel on le plante. Le bois de cet arbriffeau eft fort tendre , & dVn feul coup de bafton on brife & on cafle toutes fes bran- ches. / I] y en a de fix ou fept fortes , que les habitans di- ftinguent par la couleur des queues & des coftes des. feuilles-, ou de l'efcorce de la racine. Lema- nyoc violet a.vne efeorce fur fa racine , efpoife comme vn quart-defcu,d'vn violet fort brummais le dedans eft blanc commeneige. Ccluy-cyfait le pain de meilleur gouft, & dure dauantage en terre cjue les autres. Le many oc gris à l'efcorce du bois ôc de la racine grife, & eft fort inégal} car quelque- fois il rapporte beaucoup, quelquefois peu y le pain n'en eft pas mauuais. Le maliyoc vert,appel- léainfià caufe de la verdure de fesfcuilles,qui font plus drues Se plus vertes que les autres , rapporte beaucoup,il n'eft iamais dix mois à cftre bon,&fait d'excellent pain -, mais il ne fe conierue pas long- temps en terre. Le many oe blanc à rcicorce du bois blanchaftre , celle de fa racine auec le dedans eft iaunc. Il vient en fix ou fept mois , il rapporte beaucoup enracines, mais elles ferefoluent toutes eneau y de forte qu'encore que le pain en foit iaune comme de l'or, & de tres-bongouft, on n'y trouuc pasfon compte, ôc peu de personnes en font, finoii celles qui font preffées,& qui n'ont point dema- nyoc planté relies plantent de celuycy pour en ëfe. A FRVICTS ET SANS FRVICTs, m auoir bien-toft. Il y avne autre forte de many oc afTez rare,que Ton appelle Kamanioc'û eft fi fembla- ble au manyoc blanc , qu'on ne les fçauroit diftin- guerquauec peine. On le fait cuyre tout entier comme des patates, & on le mange fans exprimer fonfuc, & lans qu'il faffe aucun mal, comme fc- roient indubitablement tous les autres manyocs, qui donneroient la mort à I'inftantmefmc quoii emauroit mangé. Pour planter le manyoe,on obferue forf exacte- ment de le planter au decours de la Lune : leshabi- tans tiennent qu eftant planté en ce temps , il pouf- fe dauantage en racines. On remue premièrement la terre auec des houes , & on en compofe des mot- tes larges de deux pieds & demy , ou trois pieds , ôc longues enuiron de cinq. Les habitans appellent cela, des foffes de manyoc, dautant quelles reflem- blent aux foffes dans lefquelles on enterre les morts. On fait vne raye tout du long de cette fofTe par le milieu, &on fiche dans cette raye à droit & à gauche, trois ou quatre tronçons du bois de manyoc, longs dvn pied au plus : &ainfi on rem- plit les Campagnesde ces foffes , fur lefquelles on plante du manyoc qui croift en arbriffeau , & pouf- fe merueilleufement en racines, defquelles la pluf- part,quand il eft beau, font greffes comme lacuif- iejde forte qu vn feul arpent de terre planté de ma- nyoc , nourrit plus de monde que fix arpens des meilleures terres de France femées de bled. Z iij m DESCRIPTION DES PLANTES La façon de faire le fain & la boijfon ordinaires , auec le Many oc. POur faire la CafTaue , qui èft le pain ordinaire du pays,apres auoir arraché le manyoc, on gra- te fes racines , comme on flic lesnaueaux , lors qu'on les veut mettre au pot, puis on efgruge tou- tesfès racines fur des rapes de duivre percé, com- me les rapes fur lefquclles on efgruge le fucre. Ces rapes ont vn pied ôc demy de haut , & huit ou dix poulces de large,& font attachées fur des planches. Quand tout eft elgrugé , on le met à laprefle dans desfacs de toile ,& on en exprime tout le fuc, en forte qu'il ne demeure que la farine toute fei- ehe. Le fue qui en fort eft eftimé poifon de tous les habitans , & mefme 4e tous les Autheurs qui en ont écrit; dautant que le quart dvn verre fait mou- rir vn homme en moins "d Vue heure , fi on n'y ap - porte vn prompt remède. Pourmoy,i'ay vne opi- nion toute particulière, que ie ne met pas icy pour la faire paifercome infaillible &tres-aflèurée, mais afin que l'on en iuge. Carie cioisque tout ce qu'il y a de malin dans ce fuc, & mefme dans cette raci- ne, n eft quVne trop grande abondance de nourri- ture, de laquelle Teftomach humain n'eftpascapa- ble* car quoy que fon effet foit à la vérité mortel, il opère neantmoins tout dVne autre façon que tous les autres poifons, qui caufent des ardeur eftran- tilfe A FRVICTS ET SANS FRVICTS. $ p , s'ilsfont chauds; ou des aflbuphîements, s'ils lont froids : cequ'on ne remarque point du tout en celuy qui a pris de ce fuc.ou mangé de cette racine? mais feulement vne repletion deftomach qui le iuftoque,& qui le fait mourir. De p]Us,on nelrou- ue aucun dommage dans pas vne des parties no- bles des animaux qui en font morts , ils n'ont rien que 1 eftomach enflé. On peut adioufter que les Sauuages ne font prefque rien cuire,où ils ne met- tent de l'eau de manyoc en abondance , fans qu'il leurfafle aucun mal , lors qu'elle eft cuitte. Eniu^e qui voudra autrement: quant àmoyienefçaurois ofter cette penfée de mon efprit. Pour reuenir à la manière de faire la Caflaue. Cette farine eftant bien feiche, on la pafle à trauers l'vn Hebecbet, qui eft vnefaçon de crible à petits tous quarrez& fort drus , que les Sauuages font tuec 1 efeorce du Solaman , ou de queues de Lau- riers. Apres ccla,onfaitdufeu fous Vne platine de crfondu, ronde, &efpoife d'vndemy doigt. Les :auuages fe feruent de platines de terre cuitte: ^uand la platine eft bien chaude, on eftendl'ef- 'oiffeur d'vn doigt de farine, tout de la largeur de i platine : Cette farine venant à s'efehauffer, fc lie rfe cuit comme vn de fes crepaux , qu'on fait dans ipoëlle auMardy gras. Lors qu'elle eft cuitte d'vn ofté,on la retourne de l'autre, & eftant tout àfait iitte,onlafaitfcicherauSolcilj ôdorsqu'onla re- re de deffus la platine, elledonne de l'appétit aux lusdefgouftez. xl4 DESCRIPTION DES PLANTES LesEfpagnols & les Portugais fontfcicher cet- te farine dans le four, & la gardent deux ou trois ans:ils en font des prouifions dans leurs forterefl.es, & en aui&uaillent leurs nauires. Voila de quoy manger , il faut maintenant donner de quoy boire. La boiflbn ordinaire que Ion appelle Ouycou, fe fait dans de grand vaifleaux de terre , faits en fa- çon de cloches , qui tiennent cnuiron vn denry poinçon. Les Sauuages les font eux-mefmes , & ta appellent à l'imitation des Efpagnols, Canndry. A près auoir remply ces vaifleaux d'eau, onmetdV dans dix ou douze bonnes Caffaues toutes chaudes & on gruge cinq ou fix patattes, que Ton mette de dans l'eau, puis on les couurebien eftanches, & er vnc nui&ccla seichauffe , & bout comme le vil dans la cuue : & pour marque qu'il a boiiilly,tout h marc de la CalTaue monte au deflus, & il s'y fait vn< croufte efppifede quatre doigts. Alorsonlecoul( à trauersd'vn Hefochet , & on le metrafleoir &el clairçir dans vn baril Cette boiflbn eftant bid faite, eft preferable à la meilleure bierre de Flan dre : il y en a qui font pourrir la Caflaue pour fair» le Otiycou plus fort , les Sauuages le pratiquent rnais ie crois que cela n'eft pas fain. Di A FRYICTS ET SANS FRVICTS. 18; Des Patates. §. XXIX. SI dans l'Europe le bled vient à manquer , on eft affeurédeicufner : mais quand il n y auroic pas vne racine demanyoc dans toute rAmerique ', les Patates peuuent feruir de pain ôc de nourriture aux hommes , ôc à tous les animaux , fans en exce- pter aucun; & mefme dés à prefent iofe bien afleu- rerqu'ily a la moitié des habitans desifles, princi- paiement parmy les Anglois,qui ne viucnt d'autres chofes. le crois fincerement qu il n y a perfonne qui ait cfté dans rAmerique, quin'aduouë que la Patate eft la meilleure nourriture du pays. Pour marque de cela, on a toulîours remarqué que ceux qui envfent ordinairement , font gras , en bon- point,& fc portent merueilleufement bien. Pour cultiuer cette racine,onfait des trous dans la terre de demy-pied de profondeur, le plus dru, & prés à prés qu'il eft poftîble. Puis on ;net dans chaque trou deux ou trois brins de ces tiges ram- pantes, que les habitans appellent, hois de Patates-, puis on couure cela de terie.Ces tiges reprennent, pouffent des racines, & rampent fur la terre,laquel- le ils couurent entièrement. Dans chaque trou, il y vient cinq ou fixracines de toute forme, rondes, longues,enpoyre,& autres Façons,& de toute grof- feur : Il y en a quelquefois de groffes commeia Aa \tc DESCRIPTION DES PLANTES telle. Toutes ces racines en trois ou quatre mois,' atteignent leur perfection. Il y en a de huit ou dix fortes différentes , en gouft,en couleur,&en feuilles, Pour ce qui regar- de les femlles, la difference en eft petite. Ceferoit vne chofe ennuyeufe de les diftinguer toutes 5 il fuffit d'en nommer les plus communes, qui font les Tatates vertes, les Patates à, l'oignon, les Patates rriar- brées, les Patates blanches, \zs Patates rouges, les Patates orangées y les Patkesàfmf,lcsPatates/oufrées,ôclQsm' très qui ne me reuiennent pas à la memoice. Tous les matins , ceft vn ordinaire general par toutes] es ifles, de faire cuyre plein vne chaudière de Patates à des-jeuner. On l'emplit tout à com- ble, ôc on ne met de Teau dedans, que pour empef- cher que les marmites ne bruflent ; car fi on les pouuoit faire cuyre fans cette eau, elles en feroient beaucoup meilleures. De plus,on bouche la chau- dière auec quelques linges, ouaueedes feuilles de Bananiers, Quand elles fonteuittes , elles deuien- nent molles comme dej chaftaignes bouluës , ôc ont prefque le mefine gouft ; mais elles font beau- coup meilleures > & ne chargent nullement l'efto* mach. Au refte , deux chaudières de Patates toutes chaudes, détrempées dans vn baril d'eau, font vne boiflbn excellente, que nous auonsfait boire aux plus déniaifez pour du vin de Ré : On l'a peut auffi faire paffer pour du vin clairet, car deux ou trois Pa- tate* rouges luy donnent vne couleur de ruby, auffi AFRVICTSETSANSFRVICTS. is7 belle que le plus beau vin de France : on appelle cette boiflbfl, du Maby. Du Iuca. §. XXX. I 'Ay trouué à mon arriuée en France vne plante appelle lucœ, qui nous eft fort commune dans les Indes , fous le nom de Pite Sauuage, dautant que l'on tire de chacune de fes feuilles vn beau efche- neaudefildeflié comme de la foye. Cette planter approche delà forme de l'Ananas; mais ces feuilles lie font pas dentelées,ny le quart fi grandes, & elles font plus pointues. Pen ay tire du fil depuis que i'ay efté à Parisien prefence de plufieursperfonnes fort curieufes. l Nous auons dans ces ifles outre le îuca b quatre fortes de Pites : deux domeftiques qui croiffent dans les jar dins; &desSauuages qui croiflent dans les bois.La premiere (qui eft la plus pctite)eft celle qui croift fur les branches des arbres,^ s y attache comme la Chine par de petits filaments, defquels elle entortille les branches^ &s'y attache eftroite- ment. le ne fçay de quoy elle fe noûrrit>car elle n'a ■aucune fubftance que celle qu'elle peut tirer de la fuperficie de l'efcorce de l'arbre ou elle eft atta- chée. Elle a les feuilles toutes rondes , grôfles au plus comme le petit doigtjongues d Vn pied &: de- my au plus , & toutes canelées : elle porte vne tige fort menue & haute de deux pieds, laquelle fefepa- Aaij -iti DESCRIPTION DES PLANTES reenrameaux,quiportentdes petites fleurs iaunes toutespicottées de noir. Ces fleurs ont quafi la for- me d'vn cafque timbré , Ton tire de cette plante la pite ou le fil qui n eft pas dans le milieu de la feuil- le, .comme dans les autres , mais dans fa fuperfidej de forte , qu'on a qu'à rompre le petit bout d'en- haut,&Ie tirer en bas pour leuer le fil,qui eft beau- coup plus deflié que celuy des autres Pites. La féconde efpccc à la feuille large de quatre doigts , longues de deux pieds , & vne tige haute d'vn pied & demy , enuironnée de petites fleurs blanches comme vn Satyrion : le fil de ces deux Pi- tes n'efl: pasen vfage, par ce qu'il eft court, & n'efl pas fî fort que ks autres Pites domeftiques. Ces deux dernières cfpeccsde Pites font fm< â:ueufes, defquelles i'aurois parlé au chapitre fui- uant , rreftoit qu'il faut mettre lesefpeees fous]* Catégorie du genre auquel elles fe rapportent Elles font toutes deux fcmblables à tJnanas , exce- pté qu'elles ont les feuilles plus eftroites , plus lon- gues deux fois, & que leur frui6b n'efl: pas plus gro: que le poing. Il y a vne de ces deux fortes qui n; point de petits picquants aux feuilles comme ÏA uanas, Ce font ces deux efpeces de Pites qui fournit fcnt de chanure & de lin ( s'il faut ainfidire ) tout( FAmerique-.car on cueille premièrement les feûil ks, ôc après les auoir vn peu laiffé fanner, on fait vr las coulant d'vne petite corde, qu'on attache a 1; branche d'vn arbre,& après auoir bien ferre lafeiiil AFRVICTSETSANSFRVICTs, 189 le par le milieu dans le las coulant > tout d'vn coup on tire auoe force 3 & la feuille fe dépouille de tou- te fa verdeur j puis on en fait autant de l'autre cofte, §t il vous demeure à la main vn efcheueau de fil Mancjfin & fort comme de la foye, de la longueur de la-feuille. Les Sauuagesen font les cordes de leurs arcs y les rubans de leurs lias, & leurs lignes à pefcher .fay vçu vn nauire tout équipe de cordages dePites. Les Espagnols en font des bas , & autres très beaux ouura^es \ mais cette marchandifceftde contrebande en France , d'autant qu'on la mefle parmy la foye. C'eftvne des plus grandes commo- ditezdesfruids. De la fiante appellee Sargaço. §. XXXI. I'Ay parlé au chapitre quatrième §.1. de ma pre- miere Partie , dvne petite herbe dont la mer eft toute couuerte , aux enuiron du trente-quatre ou trente-cinquième degré de la ligne tirant vers le Nord. Cette plante croift fans doute fur des ro- chers qui font au fond de la mer , d'où eftant defta- chée par le mouuement des flocs Se des marées, elle monte en haut par tas & par gros plotons , cou- urant toute lafuperficie delamër, ôc larempliflant tellement que les nauires en font retardez. Acoflra l'a parfaitement bien décri.te,fous le nom de Sarga- p,. ; i9i DESCRIPTION DES PLANTES eft toute femblableaux pommes de pin) fort vue petite fleur purpurine,qui tombe &fefanneàme- fure que le fruiâ groflit. Nos Iiabitans eh distinguent de trois fortes, aufquelles fe peuuent rapporter toutes les autres : à fçauoir le gros Ananas blanc , le pain de fucre , & la pomme de rainette. Le premier a quelquefois huit ou dix poulces de diamettre, & quinze ou feizepoukes de haut. Sa chair'eft blanche & fibreufe \ mais fon efcorce deuient iaune comme de Tor, quand il eft mcur. Il exhale vne odeur rauiffante , qui tire fort à celle de nos coings, mais beaucoup plus fuaue s Qupy qu'il foi.t plus gros ôc plus beau que les autres, fongouft n'eftpas fi excellent, aufîi n'eft-il pas tant eftimé j'til agace pluftoft les dents, &" fait -pluftoft faignerlés genciues que les autres. Le fécond porte le nom de fa forme , parce qu'il eft tout femblable à vn pain de fucre : il a les feuil- les vn peu plus longues ôc plus eftroites que le pre- mier , & ne iauirit pas tant. Son gouft eft meilleur, mais il fait faigner les gcnçiues de ceux qui en man- gent beaucoup.l ay t rouué dans celuy -cy de la grai- ne femblable à la graine AuGrejfon Aimais-, Qupy que pourtant ce foie vne opinion générale, que l'A- nanas ne graine iamais, Letroifiéme eft le plus petit , maisc'eft le plus excellent,^ eft appelle pomme de rainette , à cau- fe que fon gouft a cela de particulier , qu'il tire à l'odeur & au gouft de ce fruicl : Il a agace pr efquc point ii il A FRVICTS ET SANS FRVTCTs; in les dents, & ne fait point faigner la bouche, fi ce n'eft quand on en mange exceffiuement. Voila ce qu'ils ont de particulier , mais tous conuiennent en ce qu'ils croifTent d'vne mefme façon, portent tous le bouquet de fleurs ou la cou* ronne fur la tefte , & ont l'efcorce en forme de pommes de pin , laquelle fe leue pourtant , & fe coupe comme celle d'vn melon , & bien que la chair, tant desvns que des autres foitfibreufè, elle fefond toute en eau danslabouchc,& eft fi fauou- reufe que iene le fçaurois mieux exprimer , finon endifant qu'elle aie gouft delà Pëfche,de la Pom- me, du Coing & du Mufcadct tout cnfemble. Onfaitvn vin de fon fuc,qui vaut delà Maluoi- [ic,& qui eny ure auffi bien que le plus fort vin que lous ayons en France. Si onconferuece vin plus ic trois femaines, il fe tourne, &fembleeftrc en- tièrement gafte ; mais fi on fe donne patience au* :ant de temps , il reuient dans fon entier, & mefme îft plus fort & plus fumeux quauparauant. Des Karatas. §. II. [L fetrouuc vne plante dans tous les bois de ces ifles,que les habitans auffi bien que les fauuages ippellent Karatas. Elle a fes feuilles affez fembla- :>les a celles de l'Ananas ; mais trois ou quatre fois plus longues, plus minces, plus feiches, & armées àesdeux coftez,de petits crocs efpineux. Son fruit Bb m %H DESCRIPTION DES PLANTES eft gros & long comme le doigt , fait en pyramide à triangle , en formedVn gros cloud ; îefeorce efl planche & velue , mais veneneufe; car elle brufle & fait éleuerla bouche. La chair du frui&eft blan- che comme celle dvne pomme , maisvn peu plu: tendre. Il y a dans le milieu du fruid cinq ou fia petites graines , comme de petites lentilles, blan- ches dans leur commencement -, mais rouges quand elles font meures, ou pluftoft quand le fruit eft meur. Son gouft eft femblable à ecluy dvne pomme de rainette , releué pourtant par vne peti- te aigreur,qui le rend fort agréable. Il en croit qiftlquesfois trois ou quatre cens dans le cœur dVne feule plante , tout contre-terre, ferrez & prefifez Fvn contre Tautrc^a pointe en bas. Ils fleuriflent violet : On en fait des confitures ex- cellentes, après toutefois l'auoir dépouille de font efeorce : il des-altcre & raffraifehit beaucoup. Du Chardon. §. IIL IL y a dans l'ifle de la Guadeloupe vn certain chardon rampant, qui pend des arbres, fur lef- quels il croift quafi comme la Chine,& rampe bien loingfur les rochers ôc fur les arbrifleaux. Il tfaau« cunes feuilles que fes tiges ou branches , qui naif- lentrvne de l'autre çonfufément. Elles font à trois quarres,& chaque quarre eft large d Vn poulce. De fubftaace dJmcarde}Qui^Sm^rmue9Ôctoutcs pàrt À FRVICTSETSANS FRVICTS. i*5 fcmées de petites eftoiles picquantes, comme le figuier d'inde. De l'extrémité de fes branches , ôc quelquefois du milieu , naift vnc fleur blanche plusgroflè que celle du Winphea, ou Menufar , qui croift dans les eaux.Par deflus cette fleur il y a quan- tité d'autres petites feuilles blanches & vertes , fort cftroites, longues deux fois comme la fleur, qui lenuironnent entièrement. A la cheute de cette fleur croift vnfruict , qui par fucceffion de temps vient gros comme vn œuf cToye.Son efeorce eft de couleur de pourpre, efpoifè ôc forte quafi comme vn cuyr,fur laquelle paroiflent de petites excreflan- ces vertes , en façon de feuilles. Il eft tout remply d'vne chair blanche comme neige, cVr toute méfiée de petites graines noires comme celles du pour- pier. C'eft vn des plus excellens fruicls du pays; il raffraiichit extrêmement ; il fleurit enuiron le mois d'Aurïl , ôc neft qu'vn mois pour atteindre fa perfection. • Entre vne infinité de plantes rampantes qui le trouucnt fur les arbres, & pendent de leur fommet comme des cordes de toute forte de grofleur , ôc qui efTe&iuementfcruenr de cordes aux liabitans, & lefquelles toutes portent de très-belles fleurs dans les temps , ie m'arrefte particulièrement à trois qui portent de très-bons & beaux fruiclrs; car qui entreprendroit de les décrire toutes ,il trouue- roit de quoy faire vn volume plus gros que ce lkire. Bb ij ■ ■ \& DESCRIPTION DES PLANTES Du groffeilUr de ï Amérique* §. IV. CEtte plante a fes tiges iaunes,rondes,deux fois grofles comme le poulce,& herifleesde peti- tes eftoiles picquantes, comme le chardon queie iviens de décrire ; mais fi prés à prés , qui] eft quafî Empoflîblede les prendre fans s offenfcrles mains, tte a en quelques endroits des feuilles afiez peti- tes, & larges comme celles du Filireas, mais vn peu plus longues, & deux fois plus efpoifles. Au haut de ces tiges croiflent des bouquets de fleurs blan- ches comme neige , toutes fcmblablesauxrofesdc Guèldre , à leur cheute fuccedent des fruifts gros commedes œufs de pigeons, de couleur de grofles grofeilles, quand elles font bien meures. Il fort de l'efcorcedu frui&cinq ou fîx petites feuilles poin- tues & fort eftroites. Le dedansdu fruid eft com- me les grofeilles bien meures -, & legouftne s'en éloigne pas beaucoup. Plusieurs en mangent , ie ne lay iamais trouué bon , auflï n'en fait-on pas grand cas. De la fleur de la Pafîon & iefonfruifc î. V. CEtte plante eft la mefmç qui porte le fruicT:, queTEfclufe appelle ÇranadilLy mais comme ilenaditpeude choies , &que fans doute ilacfté A F RV I CT S E T S AN S FRV I CT S- i9l mal informe de ceux qui luy en ont fait le rapport, & na veu que le fruicl: fee qui luy a efté apporté de l'Amérique ; & que de pins les deux efpeces de fleurs de laPaflïon que fay veu en France ne font pas celles qui portent le fruicl:, fen ferày icy la def- cription la plus exacte que ie pourray. L'Efclule dit bien que cette plante rampe com- me le Lierre5mais il ne parle point delà feuille, qui eft femblableàcelle de la follevtgne , à cinq feuil- les , & non à trois comme celle que fay veu dans Paris. Sa fleur eft compofée d vne petite coupe, comme celle d'vn calice , contenant enuiron vn demy verre. Du haut de cette coupe,enuiron a Tef- poiffeur d vn quart-d'efeu de la, bordure , fortent cinq ou fix petites feuilles blanches , larges d\ih poulce , lefquellesfe terminent en pointe, & im- médiatement au defîus de fes feuilles, toutautour de la coupe, il y a vne couronne de petites pointes delà melme iubftancc de la fîeur,longués comme des fers d'éguillettes , blanches toutes rayées , & commefoitées de couleur de pourpre. Au milieu de la fleur feleuevne petite colomne, aufîlbien faite, voïrmie^x, que lî elle auoit efté tournée au- tour : Sur cette colomne il y a vne petite mafliië qu'on appelle le marteau de la fleur : fur le haut de ce marteau , il y a trois clouds parfaitement bien- faits. Du fond de cette coupe autour de la petite co- lomne, feleuentcinq pointes blanches, qui por- tent cinq petites languettes dorées , femblables à celles qui naiflent au milieu de nos lys , c'eft ce Bb.iij Ï?S DESCRIPTION DBS PLANTES qu on compare aux cinq playesi facrécs de noftre Sauueur. Cette fleur exhale vne odeur fi rauiffante par tout où elle croift , quelle embaume tout l'air voi- fin ; de forte qu'on la fent de plus de trente pas. Celle qu'on m'a fait voir au jardin du Roy à Paris, n auoit aucune odeur. La fleur venant à fe flétrir, il fe forme vn frui&du marteau , ou de lapetite mafliië , qui en deux mois atteint fa perfection , ôc deuient gros comme vngros œuf , ôc de laforme dVnepoyre>mais fi bien fait ôc fipoly^qu'ilfemble que Fonl'ait trauailléautour.Son çfcorce eft efpoi- fe comme vne piaftre,& fi dure, qu'à peine la peut- onrompre auecles^mains. Au milieu du fruicï, il y a enuiron vne centaine de petites graines qui ap- prochent fort de la forme du cœur humain , les- quelles font grofTes comme les pépins dvae pom- me. Elles font fi dures , qu'à peine les peut-on caf- fer fous la dent. Chacune de ces graines eftenclo- fe dans vne petite bourfe faite dvne peau fort.de * i licatej&cçs bourfes ( qui font affez grandes pour contenir quatre ou cinq decesgraines ) font rem- plies d'vne liqueur fort aigre auant que le fruict ioit meur, mais fort agréable quand il left. l'ay o'bferué que ceux qui mangent la premiere fois dece fruict, en font rebutez ôc dégquftez, à caufe de fon aigreur : Se que ceux qui ne s'en rebu- tent point, ôc continuent à enmanger,nonobftant cette repugnance , en deuiennent fi friands qu'ils nes'enpçuufintquafipafier; Celam'eft arriuéauf- A FRVICTS ET SANS FRVICT.S. &m fibien qu'à plufieurs perfonnes de ma connoif. fance. Voila la defcription la plus fincere que i'ay pu faire, Moralife qui voudra là deffus, ce fuiet eft af- fez ample. Dufruifld'vne plante rampante 9 que quelques-vns Appel- lent pomme de Liane) & d'autres Cbaftaigne. §. VI. NOus auons trouué il y a fort long-temps dans la grande riuiere des Peres de la Cabfterre, vn certain fruiâ: gros deux fois, comme vne chaftai- gne, ôc qui luy eft aflêz femblable , excepté que Tefcorce en eft noire, ôc a beaucoup de rapport à celle qui couure le Pignon dinde. Tout le dedans de ce fruiâ: eft blanc ôc folide comme les Aueli^ nes,& eft de mefme gouft,& meilleur encore. fay cherché fort long-temps l'arbre qui portoit ce fruit fans le pouuoîr trouuer : mais en fin , ie fis rencon- tre d vne certaine plante ligneufe,& rampante par defliis les autres arbres :, qui auoit quelques feuilles vertes ôc polies comme celles du laurier, mais deux fois auffilongues i démette plante pendoient des pommes kunes , groffes comme des pômmesde ràmbour, dans le milieu de chacune defqtielles,il y auoit quatre de ces fruiefc en clos, chacun dans vnei chambre particuliere,faite de la fubftance de cette pomme, qui aeft autre iquvne chair fpon gieiifc ôc iftfîpidc. mo DESCRIPTION DES PLANTE? Si m i ' > i De U XJkne. %. VII. S 11 ri y a point de vin dans les Indes , ce deffaut ne vient point de la vigne ; car c'êft vnechofe prodigieufe de voir comme elle eft Féconde ôc abondante enfruid dans toutes ces ides ; & qui fe voudroit rendre foigneux à la cultiuer , pourroit voir tout au long de 1 année, des feuilles, des fleurs, & des fruifts furvn mefmefcp; car ayez cikilly au- iourd'hny vne grappe meure , ôc coupé à mefmc temps le ferment, en huit iours de temps , s'il fait tant foit peu d'humidité , vous voyez pouffer le bourgeon & la fleur, & en moins de deux mois , le raifindeuient parfaitement meur. Il faut remarquer que la grappe ne meurit pas également , pour l'ordinaire , ôc qu'il y a toufiours vné partie des grains qui ne font que du verjus, quand la plus grande partie eft meure. Cç n'eft pas laie plus grand mal,car s'il y auoit dans fesifles des vignerons qui fçcuflent gouuerner la vigne , on rc- medieroit facilement àcétinconuenient -.mais les Griues ôc les petits Oyfeaux pendant leiour , ôc les Rats pendant lanuiâ: , font vne telle guerre au raifïn ., que quiconque voudroit faire du vin en quantité, il faudroitauoir autant de Meflîers que deceps,&celade iour ôc de nuid. Ceftlc mal que les hâbitans regrettent le plus dans tout ce pays;car quoy quilny ait point de lieu au monde, oiî il y ait A FRVICTS ET SANS FRVICTS. 101 ait fi peu de vin que dans les Indes : le fuis bien af- feuré qu'il n'y a point de Region où il (bit plus ay- mé,& où on enfafle plus de dégaft,quand il y en ar- due. Il faut auffi remarquer que quoyque la vigne vienne fi bien aux Indes , cela fe fait fans aucune culture. De toutes Jôrtes de Citrouilles , CallebaJJèi^ Melons, & Comconhres. §. VIII. TOutcs fortes de Citrouilles , Potyrons , Com- conbres, & Callebafles d'herbes, croiffent dans toutes ces ifles beaucoup mieux que dans l'Europe, & ont de plus cet auantage quelles ne meurent pas après auoir porte leur fruicî , mais elles fe proui- gnent d'elles-mefmcs' ; de forte qu'après en auoir vnc fois femé dans vn jardin,on nes'en fçauroit dé- fairc.Elles fleuriflent & portent dû fruid dans tous les mois de l'année, fi ce n'eft que la feicherefle les en empêche. Ceft vne chofè merueilleufe de voir,auec com- bien de facilité les Melons de France , d'Italie , Su- crains , & autres , croiffent dans ces Indes Occiden- tales y câfrîonne fçait ce que ceft que de couche ou de fumier. On ne fait que fetter de la graine dans vn trou, &lacpuurirdetcrreauec le pied, & fans autre façon en fix femaincs ou deux mois,vous auczdes melons en quantité,qui excédent incom- parablement en grandeur & en bonté , ceux que Ce 2.04 DESCRIPTION DES PLANTES nous auons dans l'Europe. En vn mot , c eft le vray pays des Melons. Surtout celuy qui eft le naturel Melon du pays, &: que les habitans appellent le Me- lon d'eau, l'emporte par deflus tous les autres; c'eft véritablement le foulas des voyageurs , l'ambrofié des altérez , & l'vnique refuge & coafolation des febricitans. Il y en a de deux fortes > de ronds ôc de longs, & tant des vns que des autres, il y en a qui ont le de- dans dufruiâ: blanc , Se les autres de couleur de chair. Les ronds viennent prefquc deux fois aufli gros que la tefte : & les longs,commcnos moyen- nes citrouilles. L'efcorcc des vns Se des autres efl; verte & fi dure , que l'ongle ny fçauroit entrer quand il eft meur. Ils font pleins comme vn œuf, ôc non creux comme les autres Melons , ou il n'y a prefque qu'vn poulcede chair à manger. Toute la chair de ce fruicl: femble n'eftre qu'vne eau geflée, qui fe fond & fe liquéfie entièrement dans la bou- che, devons donneplus à boire qu a manger d'vne eaufucrée, aufli douce & aufli agréable, que le fuc des Grenades. Au refte,c'eft le fruid le plus raffrai- chiffant , le plus fain & le moins mal-faifant du pays,quand mefme on en mangeroitpar excez. Des Bannams & figues de CAmetiquc. §. IX E m'eftonne de ce que tous les Autheurs qui ont ^traité de cène plante , & melme Acofta qui en i A FRVICTSETSANSFRVICTS; iOJ a mieux écrie que tous les autres , layent rangé fous le nombre des arbres : car ie ne vis iamais d'ar- bre qui n'eut du bois & des branches, ce qui ne fe rencontre nullement dans cette plante , com- me vous verrez dans la defeription que i'en vay faire. La racine de cette plante eft vne grofle bulbe rondc,ma(fiue,& blanche , tirant vn peu à la cou- leur de chair. De cette plante fort vn tronc vert, poly , & licé , haut de feize à dix-huit palmes, droit comme vne flèche, gros comme la cuifle , & fans aucune feiïille,iufqu a fa racine. Ce tronc eft com- pofé,non de plufîeurs efcorces{comme dit Acofta} couchées les vnes fur les autres-,mais dVne feule cf- corce poreufe , fibreufe, & quafi de la fubftance de loignon,roulée iufquafa parfaite groffeur : ce qui fe voit clairement à la figure duLimaçon, quipa- roift à la coupure de ce tronc. A la cime de ce met me tronc viennent quinze ou vingt feuilles , de feptà huit pied de long, & dvn pied &demy de large , & il y a vne groffe cofte ou nerueure tout au milieu delà feuille, qui va depuis vn bout iufqu'à Tautreices feiiillcs font rayées par le trauers, corne celles des Balifîers, mais fi tendres & fi frefles,que le vent les découpe toutes de trauers par éguillette, iufquà la cofte du milieu. Fay plufieurs fois enfe- uely des morts aueedeux de fes feuilles : elles fer* uent aufli de napes à la plufpart des habitant , faute de linge. De la cime de ce tronc , au milieu de toutes fes Ce ij zo4 DESCRIPTION DES PLANTES feuilles, croiftvne faconde tige,plus dure &plus forte que tout le refte de la plante , groffe comme le bras, & longue de cinq ou fix pieds, toute com- parée par diuers endroits. Or fur les huit ou dix des plus gros &c plus prochains nœuds de la plante , il y a dix, quinze, feize figues (plus ou moins ) ■& quel- quefois iufqu'aunombrededeux cens fur cet te ti- ge , iufqu a la fin , où il y a vue graffe malle de peti- tes fleurs blanches , arangéesfort prés à prés , ôc* double rang ; & chaque rangée de fleurs , eftcou- uertedVne grande feuille violete,faite commevne coquille vn peu pointu!:. Ces fleurs ne viennent iamais en fruicT: , & ne feruent à rren,finon à confi- re en vinaigre, comme des Cap pes. Les habitans appellent cette tige chargée de fonfruicl , vu /fog/- me de figues. Ces figues font grofles comme vn œuf , à fir quarres , & longues de quatre ou cinq poulces au plus. Elles font vertes auant que d'eftre meures, & iaunes comme de 1 or , quand elles ont atteint leur parfaite maturité. La chair de ce frai û eft ;forr de- licate , ôc plus molle que celle des Abricots bien; meurs. Son gouft eft excellent \ mais le fruid eft vn peu venteux. Quand on le coupe , onvoit vne belle Croix imprimée fur chaque tronçon : c'eft ce qui a fait croire àplufieurs,que cefrui&eft lemef- me qu'Adam mangea dans le Paradis terreftre , ôc qu au mefme inftant il vit dans la caufe de fon mal- heur ôc du noftrc , le figric de noftre redem- ption. AFRVICTSET SAMS FRVICTS. fi|j Cette mefme defeription peut feruire pour les Bananes , auec cette difference que celles cy font plus longues, &pour l'ordinaire plusgroffcs. Il y en a de greffes comme le bras , & longues d'vn grand pied , vn peu courbées comme les cornes de vaches, La chair en eft plus ferme , de meilleur gouft, & eftiméc plus faine de quantité de perfon- nes. Les Bananes rofties ont le mefme gouft que lapoyre de bon Chreftien cuitte fous la braize On en fait des confitures fans fucre,les fendant en qua- tre , & les faifant feicher au four, oufur vne cîaye au Soleil i celaportefonfucre, &ne cede en rien aux Abricots confits. Le tronc ne porte qu vn re~ rime de Figues ou de Bananes , &feiche fur le pied juand lefruicl: eft ciieilly :• mais pour vn que Ton :oupe,Ia racine en pouffe jfjrx autres; de forte qu'on în peut auoir pendant toute l'année en grande ibondance. Le fuede cette plante fait vne vilaine :ache furie linge, laquelle on ne peut iamais oftet ur quelque forteieffiue ou vous le mettiez. Ce iiy *<* DESCRIPTION DES ARBRES IL TR AI TE*. DES ARBRES SAWAGES ET SANS:, Fruits, des Arbres Frui&iers. Des Arbres Saunages &fânsFrméis. CHAPITRE PREMIER. Vand ic parle icy des arbres infructueux, il faut entendre que ie ne les appelle ainfî, qua Texclufion de ceux qui portent des frui&s que Ton mange communément dans les ifles , ou qui font vn peu confiderables pour leur groiTeur ;car autrement il faudïoit mettre fous cet- te cathegorictous céuxi^urportent des Bayes, des Glands, &c d'autres femblables grainesjee qui feroit vneconfufïon notable j car à peine fetrouue-il vn arbre qui ne porte quelque forte de fruids. DE QVELQVES ARBRISSEAVX Médicinaux. Du Pignon d*lndc* §. L IL croift dans toutes ces iÛcs deux tir brhTeaux, qui portent de petites noix ou pignons purga- tifs, qui font tres-vtils auxkàbitans;qui enfçauent bien vfer , êc qui caufent quelquefois de très- A FRVICTS ET SAN S FRVÎCTS. *or grands accidens à ceux qui s'en feruent fans difere- non. Le premier &le plus commun, eft celuydont on fait la plufpart des hayes le long des chemins. Leshabitans lappellent , arbre aux noix de Méde- cine. Si on le laiffe croiftre fans le couper,& ployer pour faire des hayes , comme Ton fait ordinaire- mental vient gros commela cuifle,& haut comme aos moyens abricotiers, il eft fort branchu& fait jrand ombre à caufe de fes feuilles , qu'il a fort drues & toutes femblables auxgrandes feuilles de Vlauues j mais plus graffes , licées , ôc de couleur de pert naifTant. Ce tronc & les branches de l'arbre ont tendres comme vn tronc de chou , ôc reuc- uës dvne efeorce verte , efpoifle, ôc remplie d Vn uc vifqucux , & qui tache le linge comme celuy les Bananiers ôc Figuiers, il porte de petits bouquets le fleurs iaunes , à lacheute defquelles fuccedent [es petites pommes de la mefme couleur , grofTes omme des œufs de pigeon, dans chacune defquel- zs il y a quatre pignons ou petites noix , grofles omme le petit boat du doigt 3 &: longues comme tospignons communstlefcorce en eft noire, min- c, feiche, &quifecafle aifément. Le dedans eft flanc comme neige , &■ dVii gouft fembîable à ce- lydes noifettes. Il purge violamment par haut & •arbas, il fait vomir quantité de bille, & vuider les aux aux hydropiques. La doze ordinaire dans le »ays eft de trois iufquafix , felon la force de ceux [uien vfent. Il faut foigneufementfe donner de *o$ DESCRIPTION DES ARBRES garde de manger vne petite feuille blanche,qui fc pare le pignon par la moitié , ôc en eft comme le germcicar autrement il efcamueroitdetres-grandi accidents. Depuis quelque temps, on nous en a apporté de la terre ferme vne autre forte , qui porte des pi- gnons douez des mefmes qualitez , &aflezfenv blables en leur forme, en leur couleur, &en leai gouft ; mais l'arbrifleaueit tout à fair different , cai il a les feuilles fort Semblables au Riànus , ou Palmé Chrifîr.mzis dvne couleur plus brune , plus efpoi fcs,plusdécQuppécs,& plus polies: Ses fleurs fem blent eftre vn bouquet de plufîeurs branches de corail, dontlesextremkezsépanoûûTenten peti tes fleurs , auflîxougesque les branches , ôc pou l'ordinaire iln'y aqu'vne ou deux de ces fleurs qu reuiTiiTent,& portent vne petite pomme aulfi groi fe que les precedentes-,maisàtriangle,danslaquel le il n'y a que trois pignons,quoneitime beaucouj plus que les autres , d'autant qu'ils purgent auc( plus de douceur. On fe fçrt aufli âz Tes fleurs fei •chées, mifes en poudre, Ôc prifes dans vn boiïilloi au poid de demy efeu , cela purge ôc fait eua cuer les eaux aux hydropiques. Quelques habitan appellent cet arbriflcauCoraline , à caufc deTei fleurs. D'w À FRVICTS ET S ANS FRVICTS. i5* D'vn arbrifleau que quelques' habi tans appellent arhre de Bàulme ,&*dela Sauge arborefcente. \ ill. AVant que de faire la defcription de cet arbrif- feau , iauertis par precaution qu'en plusieurs endroits de cette ifle , il croift des arbrifleaux de fauge, qui font quelquefois aiifïi gros que le bras, & hauts de fept ànuit pieds,defquels les fleurs font comme de petites rofes , ou Ombeles , compofées de pluficurs petites fleurs violettes de tres-bonne odeur. L'arbriffeau de Baulme a les feuilles fort fèm- blablcs à celles de la fauge, ôc ne different qu'en ce qu'elles font vn peu plus iaunes,plus efpoiflès,plus farineufes,& qu elles n'ontpoint d'odeur. Il porte vne petite queue recourbée, fur laquelle il y a dix, ou douze petites graines rudes,& de la couleur des feuilles. A chaque feuille qu'on arrache de l'arbre, il fort de l'arbre & de la queue de la feuille , vne goûte d' vne liqueur vifqueufe , toutefois tranfpa- rente , iaune comme de l'ambre , ôc fans aucune odeur,vn peu amere,& abftringcnte au gouft.Cet- te liqueur en vingt-quatre heures , ôc quelquefois enmoins detemps, guérit toutes playes récentes, fans qu'elles viennent à fupuratioa > de plus elle nettoyé ôc guérit en peu de temps les vieilles vlce- œs. Voila ce que i'en ay remarqué, ôc ie crois que Dd MP DESCRIPTION DES ARBRES' cet arbriiTeau eft doué de quantité d'autres belles qualitez qu'on pourra eonnoiftreauecie temps. t IIL Du Poyure long. ON neglige vne infinité de chofes tres-vtifès^ ôc de grand prix, faute de les connoiftre. Il y a vne fi grande quantité de poyure long , dans tou^ tes ces ides , que quiconque voudroit prendre la peine dele cueillit , en chargerait vn nauire tous les ans. Cependant^ perfonne ne s'en eft iamais àduifé j Ceftvn arbrifleau qui croift haut defept à huit pieds au plus , fes feuilles font larges comme les grandes feuilles du Plantin, en forme de cœur: elles font minces ,feiches, &d'vne odeur forte & aromatique. Ses branches font menues Se nouées» dedemy pied en demypied , ou quelque peuda- uantage. Le bois en eft fort tendre & moelleux d'où vient que lés habitams l'appellent fureau^ Quand on le coupe de trauers, il marque de petites rofettes ou rayons comme leguyde chefne. C'eft ce bois qui fupplée au deffaut des caillour ôc pierres à feu ; ear les Saunages en font de très- bons fufiis^auec lefquels ils allument du feu quand bon leur femble , en cette façon. Ils prennent va morceau de ce bois bien fee , long d'vn pied ou en- uiron,& font vn petit trou au trauers3comme pour fourrer vn petit poix , vn peu plus eftroit en bas queahauç j puis ils fontvne petite verge groffe A FRVICTS ET SANS FRVICTS. ih 'comme lc petit doigt, vn peu pointue par le bas; en forte quelle sajufteà la forme du trou, &nepaffe de guère par deffous. Il n'importe de quel bois loit cette verge , pourueu qu'il foit bien dur. Cela fait, ils vous ferrent ce tronçon de bois par les deux bouts entre les deux genoux, puis en frottant auee lés deux mains la petite verge , la font tourner fi vifte,que la violence de la friâion., fait tomber au deflbus de ce trou , de petites bluettes de feu , qui e fiant receuës dans le coton, l'allument à l'inftant : , De la Candie qui Je trouue dans. la grande terre de la (juadelmp* «j I V- EN Tannée mil fix cens quarante-cinq, ie fis vn voyage dans la grande^ terre de la Guadelou- pe pour affilier, &adminiflrer lesSacremensàvn grand nombre de François , qui depuis peu s'y efloient retirez. Mais comme la refidence que ie fis dans cette terre,fut plus longue que ie ne l'efpe- rois ( car i'y paflay prefque le Carême entier) i em- ploy ay le temps que i'eus de refte à rechercher tort curieufement tout ce que i y pourrois rencon- trer déplus remarquable. Entre plufieurs chofes,ic trouuay au quartier des grandes falines ( qui eft vn lieu fee, pierreux , Se où il pleut rarement ) vn très- grand nombre de beaux arbres de Candie, Se en fi grande quantité, que dans vne feule habitation on eaauoit coupé & mis au feu plus de cent. Dd i] m DESCRIPTION DES ARBRES Céc arbre croit quelquefois gros comme la cuif- fe, dVne moyenne hauteur, comme nos poyriers ou pruniers de France» Il a les branches menues,, hautes, droites ,& fort garnies de feuilles fembla- bles à celle de Laureola ; mais plus délicates , plus, fouples , de couleur de vert de mer, & d'vne très- bonne odeur. Son ëfcorceefl deux fois plus efpoif- fes que toutes les Canelles qu'on apporte en Fran- ce ; la fuperficie en eft rude èc de couleur de gris cendré , Ôc mefhie toute la fubftance de Tefcorce eft grize & méfiée comme la Rubarbe qui fe ter* nit/Mais ce qui l'a fait méprifer de tous les habitans ( quoy quelle ait vue odeur fort aromatique ) eft qu elle a pluftoft le gouft de Gingembre que de Ca- nelle, & quelle eft vn peu amere. Pourmoy , ie crois fermement que ccft le veritable Cinnam- mome:dautant que tout ce que les Autheurs ont dit duCinnamome,luy conuient entièrement. le n'ay point veu lefrui&decétarbrc, il neftoitpasmef- meenfleur,lors queiefus dans cette terre: mais les habitans m'ont afleuré qu'il cftoit rouge * ôc gros comme le bout du doigt. Du hot s de Sandale & de Gay ad % V. i L croift tout le long de la Bafleterrc de cette iffé," L dans les lieux les plus arides , vne grande quanti - é de bois de fandal , que ie crois eftre le fandal ci- trin j car confrontant Tvn auec l'autre, ie n'y fçau- AFRVICTSET SANSFRVICTS< ziT rois reconnoiftre au cane difference. Cet arbre croift gros ôc haut, comme celuy de la Canelle que ie viens de décrire : le parle des plus grands , car pour l'ordinaire il n eft pas plus gros que la jambe,, & haut comme vn petit abricotienrelcorcc de Mar- bré eft rude, grize,& comme tachée de blanc en plufieurs endroits : il a quantité de branches me- nuës,efparfes en rond, ôc toutes chargées de petites feuilles, deux fois larges comme l'ongle , licées ôc d'vn vert gay fort agréable : elles font trois à trois fur chaque petite queue. Il porte de petites fleurs blanches, & par après de petites graines noires, ôc groffes comme des grains depoyure. Il y a appa- rence que cet arbre ne dure pas long temps y car par tout où il croift , on ne voit autre chofe que de ees arbres fees , renuerfez ôc couchez par terre. Eftant tombé tout laubclfe pourrit, en forte qu'il ne demeure plus que le cœur de l'arbre ; qui eft blanc ôc tire vn peu fur le iaune , quafi comme le buys, & pour lors l'odeur en eft beaucoup meilleu- re que quand il eft vert. Il brufle comme des allu- mettes , ôc en bruflant il exhale vne très -bonne odeur. Les habit ans s'en feruent pour faire cuyre leur Caffaue,parce qu'il bruflefort clair, On en fait auffi des flambeaux pour fe conduire la nuiéh Il y a plufieurs ifles toutes pleines de bois de Gayacrmais dans la terre habitée de la Guadeloupe* il ne s'en trouue point du tout , mais bien dans la grande terre vers la pointe d'Antigoa. Bd iif «4 DESCRIPTION DES ARBRES Du bih de Chandelle^ S. VI IL fctroùucdans cette iflcvn arbriffeau ( que ic nay veu qu'à laCabfterre, & dans quelques pe- tits iflets du petit cul'de-facjll croift gros & haut comme vn coignafïier :fon efeorce eft noire & m- de,& fes branches tortuës.noueufes &fort mal dif- pofées : Cqs feuilles font deux fois aufli larges que- celles du laurier , plus efpoiffes, plus graffes ôc aron- diesparlehaut. lifleurit, & graine tout de mefmê que le bois demandai. lia toulîours quelques-vnes de Ces branches, ôc quelquefois la moitié de l'arbre toutpourry , le refte demeurant verdoyant , &le cœur incorruptible^ de tres-bonne odeur. Tout cet arbriiTeau eft remply d' vne gomme graife, qui ie fait brufler comme vne chandelle , d'où vient qu'il en a prisle nom, &cftant allumé ; la gomme brufle comme de l'huile , 6c exhale vne odeur fort fuaue : Plus le bois eft vieil, ôc plusilfent bon-, Tau- bel n'eftiamais de fibone odeur quele cœur. Qupy que la liurc rmi iprefentdansl'MedeûinâGhriftophe, vne Hure de petun. Des Crocs de chien. .*■ XI. • t - . NOus auons encore vn autre ierreux, vn arbre fi tendre qu'en le braquant , on fait caffeç fes branches,^ d Vncoupdebafton onles fektou- tes fauter en pieces : il croift haut de deux picques, gros comme la jambe, & égal; c eft à dire,auffi gros en haut quenbas : il a l'extrémité de fes branches plus groffes que le milieu, il porte au bout de cha- que branche vne vingtaine de fleurs blanches, qui reflemblent a celles du jafmin;mais elles font beau- coup plus grandes; mon. fentiment eft qu'il ne por- te ny fruid ny graine. A lacheute de (çs fleurs , 8ç aumefme endroit croiftent quinze ou vingt fefel* les longues , & larges comme des lames *fop ofe o-nards. Quivoudroit incifer cet arbre en pluficurs cBdroits , il rendroit plus de lai& quvne bonne vachsrmaisieiCiaDisquilejftcauftic & dangereux,' Du lafmn*. §. XIII. T E longes riukres & ds*n* Ici lieux humides, ■JLiii ctàfaymttM&i* jalteinqui ne s 'acfcôfcfe Ee ir t%o DESCRIPTION DES ARRRES auecceluy que nous auons en France , qu en fort odeur ôc en la façon de fes fleurs ; car pour ce qui regarde l'arbrifleau , il eft plus gros quedebras, & haut dvnepicque , & alesfeiiilles fernblables à l'Oranger, aux extremirèz de fes branches, il y a de petits cyons long* comme le bras, à guf fe de petits ioncs recourbez. Il y a encore vn autre arbrifleau,qui porte de pe- tites fleurs eftoillécs blanches , ôc qui Tentent par- faitement bon , d'où vient que" les Iiabitans I ap- pellent jafmia commun \ mais il n'y a guère de rapport. °E ROIS A BAS TIR/ ■j fi- : . Pe qMtreJorre de bois efpinevx- ? §. XIV. IL'ya dans ces ifles communément de quatre fortes de bois épineux, deux blancs fcdeuxiau- nés. Il y en peut auoîr encore quelques au tres,rmis ils ne me tombent pas à , prefentdaris la mémoire, on appelle ces bois épineux , à raifon que leurs ef- corces font toutes armées Ôc environnées de cer- taines excroiflanecs Jarges d'vn poulec, plus ou moins , ôc hautes d'enuiron autant , ôc fe termi- nent en de petites pointes aiguës , comme des ef- guilles. Le premier & le- plus girand de tous eft appelle ^mxam fromage de tiollmde, l caufe que foq A FRVICTSETSANSFRVICTS. m bois eft le plus tendre de tous les bois qui foient dans les ifles. le crois qu'il n'y a point d'arbre au monde qui croifle &groflïffe fi promptement , ny qui vienne auec plus de facilité ; car que l'on fiche auiourdliuy vn bafton gros comme le bras dans vne bonne terre , dans trois ou quatre ans il de- uiendra plus haut, que le plus haut chefnequi foit en France, & fi gros que deux hommes ne le Tçau- roient embraffer ; fon efeorec eft verte ôc efpoife^ & a les épines plus drues que tous les autres : il eft fort brancha & fait grand ombre , à raifonde la quantité de fes feiiilles,lefquelles font fort fembla- blés à celles du many oc : il fe dépouille tous les ans de fes feuilles, & auant qu'il en ait pouffé aucune, il porte fonfrui<5fc,qui eft vne petite forte de petite caleba(Te;groffecomme vnœufJ& longue comme k doigt, qui eft toute remplie de coton,gris brun^ & doux comme delà foye. Quoy qu'on le neglige, ie crois qu'on s'en pourrait feruir, au moins à faire desmatelats. Le fécond croiftfort haut, droit , Se ne deuient iamais plus gros que le corps dvn homme : il a les feuilles comme le pefcher ,.vn peu plus larges &c plus courtesâln eft pas fi épineux que le precedent: ton efeorce eft grife , feiche, & mince, ôc le bois en eft blanc comme celuy du pinron en fait des rames pour les chaloupes & pour les canots. Quelques- vnss'en feruent auffi àbaftir , mais il ne dure pas long-temps fans eftre tout remply de vers. r Des deux fortes de bois épineux iaunes^ ily en ieiij 1 I s m. DESCRIPTION DES ARBRES -ami cp-ii croift gros Se haut comme vn chefiic : il a ks feuilles tomme le fécond queie viens de décri- re 3 ause cmt(MMtGtt€& qu'il y a fous la feMle deux cm tmit* petit esipifïes , qui entrent dans les pieds nuds des paffans ; il a refèorcefortbize&af* fox ékàWj & moins épineufe que tes autres. : le bois eft iaufid ôô prêfque aûfli dur que le buys. C'eft vn des> beaux ôc bôfls arbres à baftit qu'il y ayt dans le pays , il s m trouue pourtant peu qui ayenc le Itëeurfain* Le fécond bois épineux iaufte, eft le pLus petit de tous , il île croift guère plus haut & plus gros quVn prunier, il eft plus épineux que tous les au* €tes,mais fes épines font plus petites de plus aiguës: Pefeorce eft rioirafte au dehors: ^niais iaune au de- dans comme de ror,& teint en iaune comme du fa- phran , ou de la rubarbe j elle eft amere comme fieL Les Saunages s'en feruent pour guérir les vieilles vkeres de h veroile > & e eft vn fouuerain remède; car il les foulage beaucoup. . Dit bois ilndt ou Imritf aromatique* i xv. %Etàtbte eft vne efpece de laurier , qui croift y$êMîmt bxctfîmtmvnt gros, quand ileft eit bëfttte texte & des lieux humides : il à4'efeoreé &u* na-ft£& & fî polie , qu'il femble que ce foie lé bùiè dépomMfeîeiib&^ gtace augouft^&iché : Ses feuilles font préiqtt© A FRVICTSETSANS FRVICTS. f(3 Bmblables à celles du laurier, mais vnpeu plus Roupies & plus rondes, ellesfentent le cloud de gi- ■ophle , ôc ont vn gouft de canelle piquant , aftriri- *ent Se qui laifle dans la bouche vne petite amcrtu- îiç.quineftpas defagreable. Leshabitans,&mef~ ne les fauuages en vfent dans toutes leurs faulces. 2c bois eft le plus dur, le plus plain , leplusmaflif k le plus pefant de tous les bois du pays; d'où vient juil coule à fond comme du plomb. L'aubel eft de :ouleur de chair, &: le. cœur de l'arbre eft tout vio- et , & ft polit comme du marbre en le trau aillant; il le le pourrit iamaïs.La decoâion de, fes feuilles eft mt nerualle , foulage. beaucoup les paralytiques jui font dans le pays 3 ôc fait defenfler les hydropi- jues. De trois fortes d\Acomaftimeas: ftsfe&lles font longues& iarges.com- ne celles du bois épineux; mais, licées & feparée^s >ar le milieu d'vne petite cofte blanche. Il porte m. fruiâ femblable à vncoliue^iiiaisviâuiie comme le l'or jdans lequel il y a vn noyau plus gros que ce- uy des oliuesjres Ramiers en font fort friands,quoy |ue pourtantil foie amer &defagreable : lefcorce i&eét àtbTer$ftgrifez& tachée de blanc en plufîeurs bndroks,& cfpoife comme £«ïcorce du chefne. Va f 1 , iz4 DESCRIPTION DES PLANTES Nco-re libre me guérit vn iour-'d vn grand mal de deiîts ', me Frottant les tempes &* le derrière des oreilles , auec du lai&quil fiuoit tire de lmcifion de lefcorcede cet arbre. Ce !ai£k s epoiffit& dé- nient comme de la gomme adragant. Le bois de cet arbre eft beau & iaune, comme le buys nouuel- lemcat trauaillé. Mais il fe ternit & deuient blan- chaftre auec le temps : il eft plain , dur , pefant j & coule à fond. On remarque que fort long- temps après eftre coupé, le cœur en eft auffi fain, humide, & plein de feue, que fi on le venoit de mettre bas. Fay veu des pouties d'Acomas de dix-huit poulces en quarrc,&dc foixante pieds de longueur.Celu/. line croift guère qu'à la Bafleterre de la Guade- loupe. , Il en croift vnc autre forte à la Cabfterrc, qu on appelle , J comas hafiard. il ne vient iamais fi beau ny fi haut que le precedent , & n eft pas fi bon a baftxr. Le troifiéme qui croift aux cnuironsde la gran- de Ance , outre ce qu'il conuient en tout auec le premier, il a cela de particulier, que le cœur en cft rouge comme du bois de brefil. De iiuxfines.t-Acdi^^^^'t^^fokiidifmlls^ S. XVIL LE premier cM Matou rouge , que les Hollan- dois &r les Anglois appellent très mal à pro- pos Cèdre ;ilarefcorce comme celle du chefiie, & les AFRVICTSETSANS FRVICTS. ziS les feuilles quafi toutes fcmblables à celles dufref- deJiporte de grands bouquets de fleurs ligncufes, au milieu defquclles il y a vn bouton gris , ouplu- toftvne façon de gland canclé dontlerPerroquets fe naurriflent , & quand ils mangent de cette grai- ne, leur chair a le gouft He Fail : fon bois eft rouge, fans aubcl,plus tendre que dufapin; mais il n'eft pas moins vtile&de moins longue durée : Lever ny donne iamais , il refîfte mefme long-temps dans l'eau fans fe pourrir; d'où vient qu'on en fait de l'eflentc pour couurir les maifons à guife de thuilleril a vne odeur approchante de celle àcSaxa- fras. Il eft léger & ne coule pas au fond de l'eau, comme la plufpart des bois de l'Amérique * Au refte , il croift fi prodigieufement grand, que Ton tire communément de fon tronc des canots ou pe- tites barques toutes d'vnc piece , qui ont fix à. fept pieds de larges, & quarante pieds ôc plus de lon- gueur, ïugez quelle arbre ce doit eftre pour'tircr vne telle piçce de fon coeur. Quand onincife fon cfcorcc en temps fee , il ictte de la gomme toute fcmblable àla gomme Arabique,mais en fi grande quantité, que i en ay tiré dvn arbre gros comme la cuifle , plus de fix liures pour vne année. Il y a vne grande quantité de ces arbres par toutes ces ifles. Le fécond eft celuy qu'on appelle Du hots de Rofe ou Çyprt. «. XIX. CE que nous appelions bois de rofe dans a Guadeloupe.eft proprement ceque leshabkans de la Martinique appellee bois de Çypre. Il eft très- certain qu'il y a de deux fortes de bois de rofe , que nous confondons fous ce nom , fans nous feruir de celuy de Cyprc , dautant que les deux arbres fe ref- femblcnt fi fort , en leur hauteur , en leur grofleur, enleurefcorce, en leurs feuilles, en leurs fleurs, & en leur odeur,quc la plufpart des habitans n'y met- tent aucune diftindion. I'ay pourtant veu dans la Guadeloupe quelques curieux , quiappelloicnt ce bois que les habitans de la; Martinique appellent bois de rofe.Êow marbré; à caufe que le cœur de 1 ar- bre eft comme jafpé de blanc, de noir, & de îaune. Et c'eft la feule diftindion que i'y ay pu remarquer. Cet atbre croiftforthaut & droit : les plus gros ne fçauroient guère donner plus d'vn pied en quar- ré.ii a fes feuilles longues comme celles du chaftai- gner,maisplusfouples, veluës/&blanchaftres s il porte de gros bouquets de petites fleurs blanches, & par après de petites graines noires & hcees L ct- corceduboiseftblanchaftre.&prefquefemblablc à celle des ieunes chefnes:Le bois atantde rapport au noyer , quand il eft mis en œuure , qu'on auroit de la peine à le diftinguer. En le trauaillantil exha- le vne odeur fîfuaue , que celle des rofesnett rien Ff U r *ig DESCRIPTION DES PLANTÉS] à legal y il eft vray quelle fedi%eauec le temps, mais elle fe renouuelle quand on coupe où que Ton frotte bien fort le bois. Il eft très -bon pour baftir. " r Du hoh Z/ert. §. X X. LE bois verteroiffi pour 1 ordinaire en hutâom comme les groffes épines blanches » il eft fort chargé de petites feuilles vertes &lkécs,aflezfem- blables à celles du buis , mais vn peu plus grandes: ion efeoree cft grofïc & polie. On n en voit guère déplus grosquelacuifle : il atoufioursvn poulcc ou d eux daubel blanc , & tout le cœur du bois eft verr/ort brun* &mefme plus noir que vert : il y a quelques veines iaunes méfiées parmy. Iîfe pollit comme de 1 ebeine,& noircit iî bien auec le temps, que lesEbeniftes le fontfouuent palier pour de la vraye ébeine. Les Teinturiers s'en feruent pour teindreen vertnaiffant:c'eft vue affcz bonne mar- chandife, que les Hollandois recherchent. Il y en a* ?ne grande quantité dans la Guadeloupe^ cepen- dant on n en fait aucune cftime. Dès lus Rouges qui font Uns à Bafiin §. XXL IE nauroisiamaisfeït, fiie voulois décrire toutes les fortes de bois rouges qui fe rencontrent dans A FRVICTS ET SANS FRVICTS. *é "cette ifife. IlfufEt pour mon deffein , de dire que chaque quartier, c eft à dirc5de deux lieues endeux lieues , produit ces arbres de bois rouge différents, defqucls la plufpart ne cedent point l ecluy du brefïl en beauté. Tous ces bois rouges font pleins, , maffifs , pefants & coulent à fond, Se defquels on pourroit faire de trcs-belles menuy fériés j car plu- sieurs font incorruptibles. DU Bois de fer. > XXI L IE ncfçay fî l'arbre que ie veux décrire , 8c que nos habitans appellent , bois de fer, à caufe de fa grande dureté , n eft point celuy que Scaliger dit croiftre en la grande Lt#d, & que Ton afïeure auoir la moelle de fer : mais ie crois qucsilcnauoit vn peu plus amplement difeouru , nous troutierions quec'eftlamefmecîiofe j Cet arbre croift iufqua vne picque & demy de hauteur , & gros comme le corps d'vn homme : Soncfcorceeftprefquefem- blable à celle de F Ebahie -, mais plus dure & vn peu plus grize. Il eft fort chargé de quantité de petites fciiilles, & porte vngran^ nombre de beaux bou- quets de fleurs femblables à celles du Lilas, &mef- mc plus belles , & en fi grande abondance , qu'il femble qu il n'y ay t que des fleurs fur l'arbre. Tour Faubel en eftiaune & fort dur , iufques vers le cœur qu'il a fort petit,& de couleur de fer rouillé,maisfî dur,que les haches de la meilleure trempe rebrouf- Ff iif - ijô DESCRIPTION DES ARBRES fent defTus quand on le frappe. Cet arbre tout dur qu il eft ne vaut rien à baftir. Comme nous baftif- fions nous mefmes nos petites cafes,ie coupay auec beaucoup de trauail vne douzaine des plus beaux de ces arbres que iepeus rencontrer ; Et comme nous fufmes diuertis du deffein de baftir par de plus ferieufes occupations 9 au bout de deux mois ; ie fus vifitermes arbres , lefquelsietrouuay mangez deversiufques dans le cœur. Des bois à petites feuilles. §. XXI IL IL fe trouue vers Met aux Gouyaues , autour de la grande Ance , & en quelques autres endroits de l'ifte certains arbres de toute grofleur, qu'on ap- pelle Bois à petites feuilles, à caufe qufils font charges de petites feuilles afTez femblables à celles du buis, & attachées à de petites queues fi déliées , qu au moindre vent toutes ces feuilles tremblent:refcor- ce de ces arbres eft jafpée , comme celle du bois dmde:, maisdetemps en temps la petite efcorcefc Içue &fe roule comme de laCanelle '• il neluy en manque que le gouft & l'odeur. Le bois de tous ces arbres eft très -bon à baftir, il eft pefant & coule à fond; D vne forte de lois noir? qu'on appellent Courrouça, §. XXIV. . L Eshabitans delà Guadeloupe difent , que ce fut vnGafcon qui donna le nom de courrouça à A FRVICTS ET SANS FRVICTS. 131 cétarbre-,car l'ayant trouué /î dur qu il fut contraint de rebouquer, il ietta fa hache au pied de l'arbre, & dit qu'il eftoit courrouça , ce nom luy en eft de- meuré depuis. Quoy qu'il en foit, ceftvnpuiffant arbre, gros, droit,& fort haut ifon efeorce eft noi- re, l'aubel eft rouge , ôc le cœur de l'arbre eft d Vn violet fi brun,qu'iïfemble quafinoir comme de l'é- beine. Il me femblequ'd a les feuilles comme cel- les du bois iaune épineux, mais ie ne m'en fbuuiens pas affeurément ; ie n'ay pu voir fa fleur, parce qu'il' croift fort haut, & fe mefle parmy les autres arbres. [1 y a au bout de fes branches , commue des grappes composées de certaines goufles rondes, danscha- cunes defquelles eft emboité vn frui£t prefque. rond , gros comme vne balle de moufquet , moitié rouge ôc moitié noir. Les Aras ôc les Perroquets fontfort friands de cefruiâ: quand il eft vert y car quand il eft fee il dénient vn peu trop dur. Le bois de cet arbre eft excellent à baftir, ôc on en peut fai~ \z de belle menuyferie. De l'arhe qui portent les fauonettes* §. XX W L'Arbre qui porte les (auonetes croift dans tou- tesces ifles en abondance, le long de lamer, dans les lieux les plus fees ôc les plus arides, Il pouf- fe vn gros tronc,qui pour lorcjinairca deux ou trois pieds. Dés fa racine il fe fourche,il fe fepare^u fe di- fc en plufieurs branches greffes comme la cuifle,, ï$% DESCRIPTION DES ARBRES chacune defqu elles fait vn aflez bel arbre haut dV« nepicque,ou picque&demy au plus. Sonefcorce eft grize & rude : le bois en eft blanc & dur comme du fer. Pour ce qui regarde fes feuilles , ie m'é- tonne comme Monard , l'Efclufe & les autres qui en ont écrit , n'ont point trouué de comparaifon plus propre que les feuilles de laFeugere \ car elles font toutes lemblablcs à celles du pefcher. Ilporte des grapes de plufieurs frui&s iaurhes,gros & ronds comme des Cerifes. La fubftanee de ce fruiâ eft claire & gluante comme de la gomme Arabique, & font autant de pointes-ou derayons^qu'il y a de plis dans la feuille ; de force que la feiïiiie a, la figure d'vn Soleil rayonnant. Oh couuçe les Ca- fes de ces feuilles; Les femmes fauuageffes en font $0 DESCRIPTION DES ARBRES des parapluyes & parafols , &c nos Dames Françoi- [es s'en feruent auffi bien quelles a faute d'autres. LesSauuagesleuent lapeauourefçorce des queues des feuilles deLatanièr,pour en faire des Hckiéetii des petits paniers , des Matoutousy & autres fembla- bles petits ouurages. Au refte, le bois de cet arbre eft le plus commode & le meilleur boisde toutes les ifles pour baftir des Cafes : On sen fert auffi ( après les auoir vuidez ) à faire des canaux pour conduire les eaux des fontaines. DE TOVS LES ARBRES QVI PORTENT des fruicT:s,tant de ceux.qu on mange, que de £eux qui font ^n peu qonfîdexables, CHAPITRE SECOND. De tout ce fuily a £ Arbres fruicliers clans ces ifles que nous voyons dans (Europe. î. h CEs ifles font le veritable pays des Grenadiers^ des Citroniers, des Limoniers , ôc des Oran- gers. Les Grenadiers ne sy dépouillent iamais de leurs feuïllesjcomme ils font dans l'Europejils por- tent en abondance , quand toutefois on a foin dç les émonder \ car autrement ils pouffent tant en bois & en vert, qu'ils s epuifent de leur feue, & ne" portent guçre de fruid. Il n'y a que dix ou douze ans que nous en auons dans la Guadeloupe. A FRVICTS ET SANS FRVTCTS. m Les Citronicrs portent au bout de dix-huit mois quils (ont plantez, & font en toute l'année chargez defruidb.de feuilles,& de fleurs. Toutes les fortes de Citroniers&Limoniers , qui fe trouuentdans i fcurope y croiflent en fî grande quantïté.qu'oii en fait auflï peu deftime , que des moindres pom- mes iauuages. . IlyaaufllvncfortedepetitsCitroniers, que ie a ay point veu dans l'Europe, qui portent de petits citrons guère plus gros que des ceufi de pigeons, qui ont 1 efeorce fort mince. & font rres-abondans m lue : ils font fort feuillus & épineux. LafciiiHe en eftpetite comme celle du filireas.On en fait des »ayes& des berceaux , que l'on tondde troismois in trois mois.&celaeft très- agr eable. Toute forte d'Orangers y font en auflï grande ibondance que les Citroniers : ils y croiflent gros Se hauts comme des Abricotiers,& portent en tout emps. On remarque que les graines d'Orangers ont autantdans la terre auparauant que de paroî- re, que les pouflïns font fous la poule auant que cfclbre } de forte que mettant auiourd'huy vne ouïe fur Ces œufs, 6c femanr delà graine d'Oran- ersdans la terre ,s le vingt-troifïémc iour en fui - àttttes pouflïns fortent de là cocque, & les Oran- ers delà terre. Ceux qui font friands d'oranges douces/eront aertis que c?eft vne choie dangereufe d'en faire or- maire, dautant que cela fait des vlceres dans le mdement , ou par après les vers s'engendrent, & â4o DESCRIPTION DES ARBRES quand ils y font vne fois,ilfaut mourir fi on ne fçait le fecrecque fay appris d'vn Brefîlien , qui eft de donner de petits lauemens au malade aue£ de l'eau de mcr,& du iuc de petun vert. Les figuiers de la France y viennent auflibien que dans laProuence , & portent tout au long de l'année. I'yay veu quelques Datiers, mais qui na- uoient pas encore porté de frui£t. De deux fortes de Cafiiers ou CaniÇciers. II. ANoftre arriuée dans la Guadeloupe , nous auons trouué vn grand nombre de Canin- ciers,ou Cafïïers, qui fans doute eftoient naturels au pays. Ce font de beaux & puiffans arbres qui ont les feuilles toutes femblables à celles defeat- fia, que nous auons en France; mais deux fois pluî grandes, Quand il eft dépouillé de fes feuilles (c< qui luy arriue tous les ans vne fois ) il fe couure en tierement de grands bouquets de fleurs,longs d Vr bon pied, à guife de panache , de couleur de fleur dépêcher, fur chaque bouquet il croift vnbaftor de caffe , ou deux tout au plus. Ces battons ont I; forme de ceux duLeuant , mais ils font longs di deux grands pieds A gros comme le bras: l'efcor ce eft bazanée , rude, & fort difficile à rompre. Le petites feparations qui font dedans , font aufsi ex tremément dures ; de forte qu'il y a bien de lapei n A FRVICTSETSANSFRVICTS. *4i àeà la monder & à en tirer la palpe. Aurcfte, va de ces baftons rend plus de pulpe que quatre de ceux du Leuant: quand elle eft récente elle a lemef- inc gouft & le mefme eiFet que lautrevmais fi-toft qu elle cft quelque temps à terre, elle fe pourrit Se fegafte. On nen tient pourtant aucun conte dans le pays. Ten ay veu couper fur noftre place de la Bafleterre, plus de deux cens pieds en vne année. Le bois fert à baltir , mais il aeft pas de longue durée. Depuis quelques années les habitans fe font mis à planter des graines de cafle du Leuant , qui font parfaitement bien venues , & apportent vn grand profit à leur maiftre ; car fe font des rentes qui viennent tous les ans fans aucun trauaiL Ces arbres ne croiflent pas iî hauts que les autres , ils ont les feuilles plus longues ôc plus polies : ils s'en dépouillent ^fleuriflent comme les autres i mais cette fleur eft iaune. Au refte , la caffe en eft auflï bcllcy^uffi bonne, &auffi pleine que celle du Le- vant. DuCorcfoly & des Aiaminu 1 III. rj CE frui&n a point cf autre nom parmy.nous,que celuy de Tifle de laquelle il nous a eftédepuis p$u de temps apporté , qui eft vne ifle habitée par les Efpagnols. Larbrifleau qui le porte eft tout fcmblable en grandeur, & en les feuilles au laurier, Hh *4t DESCRIPTION DES ARBRES cerife-, qui eft fort commun à Paris. Le fruiâ: eft ros comme vn melon , & vn peu pointu parle outd'enbas: ilarefcarceverte,licée, & del'ef- poiffeur d'vn tefton : il femble qu'on ait pris plaifir a figurer & à tracer auec vne plume &de 1 ancre, des petites efcailles deflus. Au milieu de ehacune d'i- celle , il y a vne petite pointe de mefme matière que lcfcorce. Toute la chair de ce fruiâ: cft blan- che comme neigejquoy qu elle foitvn peu filafleu- fe : tout fe fond dans la bouche, & fe refoud en eau tres-fuaue,quîalcgouftdcpefche, relcuépar vne petite aigreur fort agréable, & qui raffraifchït extrê- mement. Il y a plufieurs graines grofles comme des febues de brcfîl , longuettes, noires , licées , & marquées de petites veines d'or. Ce frui&eft vn des excellents que nous ayons dans ces ifles. Il fetrouue encore deux autres fortes de fruits, que les habitans appellent Momim \ ils font fans doute ctvn mefme genre que le Coro/ol-, car l'arbre cft entièrement femblablc,& mefme le fruiôc l'autre comme vngros œufd'oye. 1k croiflent en abondance dans les lieux humides parmy les rofeaux» A FRVICTS ET SANS FRVICTS. MJ De deux fines de Cacbims. $. IV. LECachimenrier franc eft vn arbre , qui en fa fa- çon de croiftre a aflez de rapport aucc lc pcf- cher : mais il croift deux fois plus grand , & a fes feiiilles femblables à celles du chaftaignier , fon fruiéfc deuientgros comme vnc grofle pomme de rambour $ il eft rond & a 1 cfcorce cfpoiflb d'vn tef- ton , elle eft grize dans fon commencement , mais quand il eft meur , elle deuicnt rouge par les en- droits ou le Soleil a donne. Il a plufieurs graines comme le Corofol'ymzis quand il eft bien meur, tout lc dedans du fruiik cft blan c comme neige, &liqui~ de comme de la crcfmc , & a le gouft de la çrefmc niellée auec du fucre ; de forte que quand on a ofté l'cfcorce & la graine , & qa on la nyife dans vn plat, il n y a perfonrie qui n en mange pour de la verita- ble crefme. Le fécond cft le Cachtmas ej]>incùx,e[ui ne diffère du premier qu en la façon de fonfrui& : car il ne croift guère plus gros que lc poing.L'efcorce en eft toufiours verte , & fa peau eft toute rcleuée en plu* (leurs endroits de petites bofles , comme taillées en f>ointe de diamant. Tout le dedans du fruid eft çmblable au prccedent,mais il n cft pas fi bon. 1 Hhi; DESGRIFTIOKDES ARBRES î>çs prunes :dç Momim* L'Arbre qui porte les prunes de Momim y croiïfc auffi gros & auffi haut , qu vrï des plus puiflàns chiffres de l'Europe. L'efcorce de l'arbre eft extrê- mement raboteufe,grizep ar dehors5rouge par de- dans, go mm eufe &de bonne odeur. Lebois de l'arbre eft blanc, fort tendre, & fort fuiet à pourri- ture. Les feuilles ont beaucoup dé ppport à celles du frefhé. Ces prunes viennent en grappe comme lc&Corm($K font groffes corrime des œufsde pigeons^ I & iaunes comme de 1 or. Il y a dedans vn noyait ilafleux^ tout percé à iour,qu on eftime cftre poi- foni Sa cendre eft fort cauftique , ôc on s'en fert- pour faire manger la chair morte.Cè fruicTrcft d )$& lez bonne odeiir^rrïaisilieîitrort le (auuageon^dou vient que peu de perfonnes en mangent. Du F Acajou* vi: L'Acajou eft vn petit arbre,qui ne croift iamais plus gros ny plus haut qtfvn abricotier. Il a fës- feiiilles lemblables' à celles d'vn Noyer, 6c porte des bouquets de petites fleurs .parpurines, I defqu elles trois ou quatre reuflïflent, & portent vn frui&le plus fantafque qucie vis iamafs.: Il rient gros cqmùrevnœuf , à guifedVne petite poyre. A FRVICTS ET SANS FRVICTS. *4f Son efcorceeftfort delicate > ta.une& rouge com- me vne cerife>par les endives ou le Soleil a donné. Tout le dedans du froid: n'eft quVixe jfikiîe fpom* gieufe > toute remplie dm Cm fi acte & fkftrin» gent (quand il eft vert ) qui! prend à la gorge; mais il eft trcs-agreable &trei«dclîdêu^> quand il eft meur. Ce fruid n a aucune graine dedans 'misai au bout du fruiâ: il y a vnc noix de lafigure & grof- fcur dVnroignondelievrejde couleur de gris cen- dré, ôc couverte dvn© double efcorceylentre^deu£ de laquelle eft vne matière poreufe, pleine d*vne iuille cauftique^de laquelle on fe fért pour guérir ics Dartres s 3c pour faire tomber les corps des pieds. Il y a dans cette noix va noyau gros comme me amende,^ mefme meilleur que lamende,qui :ortifie beaucoup i9eftôMacif , quand: on le mange t jeun. Ceux qui ont abondance de ceftuiâ:, en cm du? vin qui efttres-delicieux , & bon pour le mal deratte» Des Gouyams. , .h ' §. VI ï. L'Arbre qui porte les Couyauês 5 femble n'auoir point d'efeorce. , Si on n a le foind emonder Se :ouper lescyons ^ rentrons qui! poufft dé fon ied , il croift plus en buiffon qu'en arbre. Il a les ►ranches fort efparfes :, fait grand ombre ôc occupe •eaucoup de place. S^sfeiiille^ approchent de cel*; & dulâurier,mais ellesne font ny fi v£rtes,ny fifei^ m iij *4etitsfrui<âs blancs &rougcs>gros comme des gar- les/ort délicats^ qui melmc en ontlegouft Ses feuilles ont vne admirable vertu pour la gue- ifon des vieilles vlceres, & ce qui cil remarquable ft que le deffus de la feuille mange les chairs ba- teufes , nettoyé les vkercs , les rend vermeilles , & r »* DESCRIPTION DES ARBRES J les iïfpofe à la guerifon ï Quand elles .font en ck eftatyil faut fe feruir du deffous de la fcSillc,qw te scheue de guérir ;^n peu de temps. D« Raifîmero |; X. PRefaue toutes les riues des Cabfterres de *« ifles, font bordées de certains arbres croche noueux, confus,& mefle? cnfemble. Le bois de cei arbres eft couuert d' vne efeorce grize , tirant fur h iaune, feiche & d'vngouft falé. Le bois eft rouge plein, & maffif. Lés feuilles font entièrement ron des j larges comme vne affiette , efpoifes & forte comme de la Carte ; licées ôc vertes dans le cœu de l'Eft-é, mais rouges dans le déclin. Qupy qu el les foient à demy piedlVne de l'autre , elles ne la.il fent pourtant pas défaire grand ombre. De deiTov la plufpart-des feuilles, il fort de petites queuësje: quelles dans les premiers pluyes fe garniffent < s enuirohnélit de bout en bout j de petites fteui comme celles de la vigne ,6c en fuite de raifins gre comme dès âeifettes,& de couleur de rofe, Ity fort peu à manger dans chaque raifîn, àraifon d noyau qui eft gros comme vne balle de piftoler.I fruiâ avngouft de prune, mais il eft vnpeu fal L'arbre ne porte guère deux années de fuite. D'i lechampt dit Quelque chofe de cet arbre fous 1 noms de Copey,dc(jMaûaran)& dcftïtplieràïJmet A FRV1CTS ET SÀNSFRVICTS." 149 que. Il donne la figure delà branche ôc des feuilles quimefemblent bien deflinées* De deux fortes de Papdyers; §. XL LA plufparc des habitations nouuellement dé - frichées, produifent fans aucune culture, des arbres tres-particuliers en leur forme : car ils font gros comme la jambe, hauts d' vne picque ouenui- ron,droits comme des flé.ches,&fans aucunes bran- ches 5 ils font tous creux ,&jionr qu'vn poulce.ou enuiron, dvn bois fi cendre, que Ton coupe aifé- ment tout l'arbre d'vncoup deferpe. Toutes fes feuilles ( qui font femblablesà,celles du figuier de JFrance, mais deux fois plus gr^ndes)font attachées depuis le haut de l'arbre, iufqu à vn pied au deflbus;, par des queues longues comme le bras ^ groffes comme le poulce,& creufes comme des flutes. Au .deflbus.de toutes ces feuilles , il y a enuiron vne trentaine de frui&s attachez immédiatement à l'ar- bre ,tout autour d'iceluy. Ces frui&s font ronds, gros comme lepoing , & de couleur d'orange.' Il a enuiron yn bon doigt d'efpois 5 d' vne chair fem- blablci. celle du melon, mais d'vn gouft doucereux ,&fele. Quoy que plufieurs en mangent, ie ne l'ay jamais trouué bon. Tout le dedans du fruiâ; eft creux & remply d'vne graine femblable au poyurej 6c qui en a le mefmegouft. Ily a le mafle & la femelle de cçs arbres. Le maf» Ji " Mo DESCRIPTION DES ARBRES le ne porte point defruicti mais parmy ces feuilles il pouffe de petites branches menues , longues comme le bras , qui fe diuifent en rameaux tous chargez de fleurs iaunes a, guifedeprimeuers y Se qui exhalent vne odeur fi fuaue, qu'elle fefait fen- tir de plus de cinquante pas. Les François qui furent chaffez parles Anglois de Me de laincTre Croix^l'an mil fix cens quarante- cinq, nous ont apporté dans la Guadeloupe de la graine d Vne forte de Papayer , q îi porte vn frui£t gros comme le plus gros melon que nous ayons cm France jil eft beaucoup meilleur que lés autres. Des Gallehajïiers. §..' XI L LAProuidence de Dieu qui ne manque iamais de pouruoir abondamment des chofes ne- ceffaires , a eu foin de donner aces pauures Sauua- ges (qui n'ont ny orfe vre,ny eftaingmier,ny l'indu- ftrie, ny le métail pour faire delà vaiffelle ) vn ar- bre qui les fournit tous les ans de fceauxjde bouteil- les, de cueilleras, detaffes,&en vn befoin de mar- mites , Se de quantité d'autres petites vftencilles; Ceft le Callebajïier qui eft vn arbre , qui croift gros commevn pommier; mais plus trape, plus bran- chu, &plus abondant en feuilles, lefquellesontla forme delangue de chien , & fortent immédiate- ment des branches fans aucune queue, & font ex- trêmement drues,. Les fleurs font d'vn gris verdaf- A FRVICTSET SANS FRVICTS. i5i ires & picotées de noir. Outre que toutes ces fleurs viennent fur toutes les branches , il en çroift aufli autour du tronc de l'arbre. A ces fleurs fuccedent des fruicts defquels on ne fçauroit déterminer la forme ny la grandeur : C'eft aflez de dire qu'ils vont depuis lagrofTeur d'vne poyre , iufqua celle d Vne groffe citrouille. Il y en a de rondes , de lon- gues, de quarrées, enpoyres,&en oualle j en vu mot, de toutes les façons. Ccfruiâ:eftvert& poly quand il eft fur l'arbre, &gris quandil eft fee; fonefcorce eft de l'efpoifleur 4Vn quart-d'efeu, mais d'vnbois fort & difficile i rompre.Tout le dedans eft vne pulpe blanche,qui eft vn tres-bon remède pour la bruflure.Ily a dans cette pulpe de petites graines plattes, en forme de cœur, qui produifent le mefme arbre. On vuide ai- fément cette pulpe enfaifant vn petit trou par le haut , grand comme pour fourrer le doigt , .& re- muant dedans auec vnbafton. Si on en veut faire delavaiflelle,onlefend& on le coupe en telle for- me èVgrandeur qu'on le defire,<3de mot general de cette vaiflelle eft,Co^y. Les Sauuages les pindent de rouge & de noir , comme on peint la vaiflelle ^ebois en Flandre. L Du Courharik §. XIII. ECvurbdrilèû vn des plus gros, des plus -hauts,' & des plusbeaux arbres dupays. Sonefçorce il !#! ■ m DESCRIPTION DÏSAKBXËS'' eftgrize, fon bois maflif& rouge. Ses feuilles foni moyennes, fort drues , &deux far chaque petite queue \ de forte quelles font comme vn pied de chèvre diuifé. Il porte vn grand nombre de frui&s larges de quatre doigts, longs comme la main , ôc efcoisdVn poulce. Ces frui&s font eouuerts dvne efeorce tannée , rude, efpoife d'vn tefton, & dures comme du bois. Tout le dedans du fruiâ>eft.rem* ply d'vne certaine farine fibreufe , de couleuf de pain defpice , & de rnefmegouft, Il y a auflî dans cette farine deux ou trois noyaux,prelquauffi gros que des amendes , qui font extrêmement durs& de couleur de pourpre. Dans la famine delà Gua- deloupe , on faifoit du pain de cette farine , &cela fauua la vie abeaucoup de perfonnes, I'ay trouuay à quelques quand il vient à fefei- cher,toutèIa peauoiiil a efté appliqué dénient noi* re comme de l'ancre ; & pour quelque- diligence qu'on y puiffe faire , il eftimpofïible de l'efFacen Getrenoirceur dure neuf iours,au bout defquels ce- la s'efface entièrement, l'aurais affez de charité pour en fouhaiter à toutes les Dames , qui ne font que trop foigneufes de fe farder , n eftoit l'incon- uenient d'vn tas de voleurs , qui fe méfient de fai- re dé faux contracts 6c milles autres fauffetez: par écrit , lefquelles fans doute trouueroient icy li iij ■i-< *54 DESCRIPTION DES ARBRES leur compte; car après auoir fait des obUgations5au bout de neuf iours leurs dcbt.es feraient payées, fans débourfer vn denier. Des pommes de Mancenilk* f. X V. ÏL fetrouue dans toutes ces ifles vne feule forte de pomme , qui a du rapport auec celles de l'Eu- ïope. Ces pommes font toutes femblables aux pe- tites pommes deParadis^quoy qu'en effet ce foient de vrayes pommes d enfer &c de mort, autant dan- gereufes au corps de ceux qui en mangent , que la pomme d'Adam lefat à foname. Son odeur eft allez femblable à celle des pommes de rainette , & fi fuaue , quelle inuite les paffans à la cueillir 3 &à en manger: mais fonfeul attouchement fait éleuer les puftules Se les cloches aux mains;& en manger^ceft infailliblement aualer la mort. L'arbre qui porte ce funefte frui£fc,eft tout à fait femblable à vn poyrier , horfmis que l'efcorce en eft plus efpoifls êc fi laideufe , qu à la moindre inci- iîon , il en fort vne grande quantité de laicl: , lequel eft vn venin fubtil , cauftic, ôc fi dangereux, que touchant fur la chair nue , il la brufle & y fait éleuer des cloches , qui font incontinent fuiuies dVne in- flammation tres-dangereufe. S'il arriue qu'il en tombe la moindre goûte dans vne playe, & qu'on ny remédie promptement , elle y met infaillible- ment lagangreine. A FRVICT5 ET SANS FRVICTS. *5S Non feulement ce frui6t eft vénéneux, & le lai€t quifortde fonefcorce; mais mcfme les gouttes de pluyes qui en tombant touchent les feuilles de l'ar* me , contractent les mcfnies qualités veneneufes: de façon qu'il fait trcs-mauuais pafferfous cet arV bre quand il pleut > principalement quand la pluye commence à tomber r car quand il a beaucoup pieu, & que les feuilles font bien lauées, ilny fait pas fi dangereux. La viande cuitte au feu du bois de cet arbre , contracte ie ne fçay quoy de malin, qui brufle la bouche & le gofier. Tous les animaux qui mangent de ce fruicl: , excepté l'Arma deuien- nent malades ôc leur chair noire, & comme brûlée,. & ie crois qu'en fin ils en meurent :il fait auffi tres- maùuais de manger de ces animaux , fen ay fait l'expérience âmes dépens , comme ie diray ail-- leurs. Les pommes de Mancenille à la cheute de deltas l'aibre, nepôurrifFent point comme les pommes ie l'Europe, quand meime elles tomberoient dans leauimais elles deuiennentligneufes,dures,& flot- rentdeiïusl'eau. Tty donné quelques remèdes au mal extérieur^ que caufe le laid de la Mancenille, ou fay parlé de l'herbe aux flèches; &en donneray lors que ie trai- ceray des Soldats ouCancelles.Vout le remède du mal intérieur de ceux qui en mangent, ilny a qu'àaua- 1er promptementvn verre d'huilled'oliue , aueede [eau tiède pour faire taut vomir, & encore il faut |ue cela ce faiTe pramptement ,ear vne heure après 40 DESCRIPTION DES ARBRES en auoir mangé, il n'y a plus de remèdes & mefme quelque prompt remède qu'on y pc: îfle apporter, teux qui en gueriffent nefontplus que languir,& traifner vne vie malheureufe ôcfort courte. Et par- tant , que les friands prennent gardent à eux en métrant pied à terre : car pour l'ordinaire ces arbres croiffent le long de la mer. On atrouné demon temps dans l'eftomachde quelques perfonnes qui en eftoient mortes, vne place ronde, large comme la main,noirc,& brûlée.Les Sauuages font desinci- fions àl'efeorce de cétarbre,& recueillent foigneu- fement le laid* qui en découle , pourempoifonner leursfléches,lefquellesils oignent d' vne certaine gomme vifqueufe , comme de la terebentine, puis les trempent dans ce laia,&les font feicher au So- kil, pour s'en feruir lors quUvont à la guerre. Fin de U troi/îefme Partie. QVA- QJATRIESME PARTIE DIVISEE EN TROIS TRAITEZ. I, TR A I TE' DES POISSON S. Despoiffbns de la zJïfCer. Des potjjons des Rimeres* IL TR.AI TE* T>es animaux de tain Des Oyfemx, Pes&tâouckes, ill TlAïTEl Des Animaux a quatre piedsl De toutes les Reptiles , Amphjbks & Ver- mines, 10 QJÀTR IE S ME PARTIE. Diuifée en trois Traitez. x traite; DES POISSONS. Des PoiJJons de la Mer. CHAPITRE PREMIER. Vs qv e s icy,ie me fuis efforcé de fuiure, autant qu'il mflfté poffiblc. Tordre <|ue ce grand Législateur Moyfe,nousa(Teure que Dieu a tenu enlaCreationdu mon- de;car toute ma premiere Partic,qui cft vnchiftoi- rcdescftâbliflemens d'vne Colonie dans vne terre, qui neft pas connue, nelaiffe dans lefprit du Le- cteur , que desdefîrs de vàir <:ette terre à décou- uert , lefquels font comme des ténèbres qui la couurent; ie les ay fuffifamment débrouillé dans ma féconde Partie > traitant de la Temperature de *to DES CRI FT ION l'air , . i'y ay diuifé les eaux-d'aueç les eaux , & ay fait paroiftre tant la fuperfid.e delà terre , que tout ce qu elle enfermedans fes entrailles. Vousauez veu dans ma troifiéme Partie , cette mefme terre pro- duire des plan tes 8c des arbres , portant des graines ôc des ftuids félon leur genre:ll refte maintenant, pour fuiure les mefmesveftiges,de traiter dans cet- te quatrième Partie,des PoifTons de laMer,desOy- feaux de l'air, ôc des Animaux de la terre. Quoy que la cofte de Barbarie pafTe pour la plus ponTonneufe de toutes les coftes de l'Vniuers ; fi; eft-ce que les caftes decesifles ne luy cedent en quantité ,._& bonté de toute forte de poifTons. le me promets que les deferiptions que i'en feray dans ce petit traité , vous en feront dautantplus agréables qu'elles font remplies de plufieurs bel- les remarques ôc particulantez, queiay auec beau- coup de foin,&fort curieufement recherché. le ne fçay de qui le Reuerend Père Bouton (qui a écrit vne petite rdatiori de la Martinique) a apris que non feu!sm#t tous les poifTons de cette cofte font différents deceux de France , mais mefme, qU excepté trois j içauoir le Lamantin, le Marçoin, &r la Dorade ,1e refte na point de nom: car outre que ien pourrois bien nommer -plus de trois cens, il eft certain que tdus les poifTons delà France' fe rencontrent auffi fréquemment dans toute j! Amérique-, que ceux du pays mefhie. Ten luis témom,oçuIàire,c5me aïantveu m grandnom- ^re ae Balainesyde S0ufleurs>.Marcoins.de Rayes*. re s vois sous: 1€t d'Anges, 4q Mulets , deMacreaux, d'Harans , dô Viues -, de Turbots > de Congres , de Murennes, de Rougets , de Saulmons, & vne infinité d'autres, defquels le dénombrement feroit importun & enr nuyeux auLe&eur; ce qui me fait croire que fi la pefche eftoit auflî bien pratiquée^ long de ces cô- tes, comme elle left dans celles derEurope,tout le sefte des autres poiflbns s'y pourroitxencon trer. Des Baleines,,* §. I PLufiéurs bons Autheprs ont fait de iï amples defections des Baleines , Soufleurs, &■ Mar- foins, &d autrespQiflbns.dchoscoftes, -que ce fe- roit abufèr-du- temps d'en écrire autres chofes £>fiâ non ce qui eft preciférnent coriuenable i mon Guet,. Les Baleines donc paroiiîentle longdetesiiflcs 3ius fréquemment 5 dëpuisfcmois deMârsiuiqu'à afin de May, qu'en tout le reft e de l'année. En; ce :emps elles font en chaleur & sacouplenr : pour ors on les voit rouler, principalement au matin, :out le long de laxofte, deux, trois, quatre, plus ou noins , tous d Vne bande foiiflant, Se cônlm e ferln- £ant par les nafeaux deux petits fleuues d'eau r ju elles pouflent dans 1 air haut der deux picques, k dans cet effort elles>fonc vn certain magister- ial fe fait entendre d Vn bon quart de lieue. Quand leux mafles fe rencontrent auprès d Vne femelle, Kk iij is* DE S CU I PT ION ^ls fe ioignent & fe liurent vn dangereux combat,' frappant fi rudement des aiilcs & de la queue con- tre la mer , qu'il femble que ce foient deux na- uires qui font aux prifes 1 grands coups de Ca: Onicrit des chofes de cet animal /principale- ment touchant fa grandeur , que ic nay iàmais pu remarquer : René François dans Tes effais,écrit qu'il y a telle baleine qui couure quatre arpens de terre Ide fo|i corps,ie veux croire quec eft à la petite me- ttre : car en plus de dope milles lieues de mer que a ay fait jie nay iamaisveu de baleine, qui en appa- rence portail plusde cinquante ou Soixante pieds de longueur. LHftoire qua écrit Gar cic, touchant la pefdie & capture Acs baleines par les Sauuages de l'Ame- lÈque^mefemble encore fort fufpe&e. il dit que l'Américain, qui nage comme vnpoiflon, voyant venir ce coloffe animé vers la cofte , prepare deux tampons de bois , fefburnit d'vne maûuë -, & luy va courageufemênt au deuantj & s'eftant dextrement jetcéfur fou coJAluiaïât laiffé, pouffer fon premier jet d'eau,il preuient le fecond,luy fourant vn de ces t^mponsdans yndefesnaféaux à grands coupsde mafluë -, & que cet animal featant qu'on luy çhâ* touille fi rudement les narines, fe plonge au plus profond de la mer , entraifnantauecfoy l'Améri- cain quila tient embraffée. Alors,la baleine eftant contrainte & prefTée de refpirer, remonte fur l'eau, &ai»fi donne du temps à Y Américain , de luy cn^ DES POISSON S. 1*3 foncer fon fécond tampon dans l'autre nafeau , ce qui l'oblige pour vnc féconde fois à s'enfoncer, ou pluftoft à fe perdre au fond de l'Ocean,ou ne ' pou- uant plusrefpirer ny faire éuacuation de Ces eaux, elle s'eftouffe & fe noyé tqutenfembtaVoilyi peu prés le fens de fon hiftoire ; mais ie vous affeure queie ne l'ay iamais veu faire à aucun Sauuagede l'Amérique, ny oiiy dire qu'ils rayent iamais pra- tique, le men rapporte à ce qui en eft. On voir plus grand nombre de bâlcirrcs aur en* uironsdela Martinique, qua la Guadeloupe, dau* tant que lamer y cft plus creufe & plus profonde, d'où vient qu'elles peuuent frequenter ces coftes aucemoins de danger, que celles de la Guadelou- pe , lesquelles font moins profondes, & où il y a plus de Kaycs& hauts fonds ocelles fe pourroient plus aifément échouer & fe perdre. Des S&uflmrs. LE Soufleur efl: vn grand poiflon , qu on pour-* roit aucc beaucoup de raifon faire pafler pou£ vne efpece de baleine , fuppofé qu'on peut mettre du genre dans le mot de bJfege : car il a tant de reflemblance aueccéc aniiro^qu'ilne diffère d'à- uecluy qu'en grandeur ; il foufle & feringe l'eau dans l'air par lesnafeaux, comme la baleine, quoy qu'en plus petite quantité ; De forte que plufieurs les prennent pour de petits baleineaux, quoy que ' £|j ; © E >S C R IP T IDS ce fbir^fte tQiitÇtdiifeomemfpés^Jeppiiîcm. Ils vont-;ont:bandk'->conimçlcjs;MarçQins > & 0e faut qibffiflsrrpourl^sîfeire acrefterxout court , ôc les fake^f^^chftri dcs:aauires , mats il ne fe faut pas fi ejxtraafj&maire, qu vnCapitàine de hanire m'a af- fetnré qnîen ayant lait Yniiourbarponner yn , iî fit vnsfi&çij^ tenoit le hai> pon 3 qu'il fitieckteria gcande vergue de fon maft, ou reueftue de la mefme seau de fort corps , & toute compofée de graiflè & ie nerfs. Ce poiffonn'eft nullement efcaillé corn- sie les autres poiflbns,mais il eft reueftu dVn cuyr ?Ius efpois que celuy d'vn bœuf. Sa peau eft de :ouleur d'ardoife, fort brune &parfemée fort elai- ement d'vn poil , femblable à celuy du loup ma- in. Sa chair a le gouft dé celle de veau , mais elle îft beaucoup plus ferme , & couuerte en plufïeurs mdroits de trois ou quatre doigts d'efpaisde lard, luquel on fefert à larder, à barder, & à faire tout :e qu'on fait du lard de porc. Plufieurs le fondent k en tirent la graiffe3 laquelle ils mangent fur le >ain enguifedebeure , & elle eft excellente. La riande de cet animal eftant faléc perd beaucoup de on gouft, ôc dénient feiche comme du bois. le :rois que cela fe doitattribuer aufeldu pays , qui :ft extrêmement corrofîf. On trouue dans la tefte de cet animal quatre terres; deux groflfes & deux petites , aufqu elles m attribue laforce de faire difToudre lapierre dans a vefie , & de faire jetter le grauier des reins i mais enenfçaurois approuuerl'vfage, dautantquece >emede eft fort vomitif , 6c fait de grandes extor- ions à leftomach. La nourriture de ce poiflbneft vne petite herbe jai croift dans lamer3 laquelle ilpaift tout de mefe Ll %66 DES C RI p'ti a n me que le bœuf fait celle des prés. Et après s'efke faoulé de cette pafture,il cherche lesriuieres d'eaux douce , où il boit &s'abreuue deux fois le iour. Apres auoir bien beu & bienmange^ ils endortle mufle àdemy hors de l'eau,ce qui le fait connoiffire de bien loin par les pefcheurs , qui ne manquent point de courir fus &c l'attraper en cette façon. Ils fe mettent deux , trois, au plus,dans vn petit; Canot ( qui eft vne petite naflelle toute dVne pie - ce y faite d'vn arbre creufé en forme de chaloupe ) le Gabareur eft fur l'arriére du Canot , qui remue & droit Se à gauche la pelle de fon auiron dedans» l'eau; de forte que non feulement il gouuerne le canot , mais encor le fait auanccr auffi vifte que s'il eftoit poufledVn petit vent & à demy voiles. Le Varcur ( ceft celuy qui darde la befte)eft tout droit fur vne petite planche au deuant du canot ,. tenant- la varre en main ( qui eft vne faconde picque, le bout de laquelle eft enboité dans vn harpon ou jm nelot de fer» .) Le troifieme efï dans le milieudu ca-^ not, qui difpofe la ligne,qui eftattachée au harpon pour la filer, lors quelabefte fera frappée. Tous gardent vn profond filence; car cétanirnal a l'oiiye fï fubtiîe , qu'vne feule parole ouïe moindre cW bottement d'eau contre le canot,, eft capable de luyfaire prendre la fuite, &fruftrer les pefcheurs de leur efperance. Il y a du plaiiîr à, les voir, carie Varreur palpite de peur que labefte ne luyécha* pe , ôc s'imagine toufiours que fon Cabareur n'em- ployé que la moitié de fes forces , quoy qu'il faffe DES POISSONS. 2.^ «out ce qu'il peut de fes bras , & ne deftourne ia- mais fes yeux de detfus la Varre, du bout de laquel- le le Varreur luy monftre la pifte qu'il doit tenir pourarriuerà labefte, qui les attend toute endor- mie. Lors que le canot en eft proche de trois ou quatre pas , le Varreur darde foncoup déroute fa. force , & luy enfonce le harpon pour le moins de- my pied dans la chair .La Varre tombe dans l'eau,& le harpon demeure attaché à la befte , laquelle eft à demy prife. Alors cet animal fe fentant fi rude- ment outragé , ramafle toutes fes forces ôc les em- ploye àfefauuer : il bondit comme vn cheual ef- chappé, fend les ondes comme l'Aigle fend l'air, ôc fait écumer & blanchir la mer par tous les lieux oà il paffe. Il -croi-ft s'éloigner de Ion ennemy , mais il le porte par tout après foyjde forte qu'on prendroit le Varreur pour vnNeptune conduit en triomphe par ce monftre marin. En fin , après auoir bien ■ traifnéfon malheur en queue > & perdu vne bonne partie de fonfangjes forces luy manquentj'halei- ne luy deffaut, ôc .comme réduit auxaboys ^ il eft contraint de s'arrefter tout court pour prendre vn peu de repos : maisiln'eft paspluftoft arrefté que le Varreur, tirant fa ligne fe rapproche de luy, Se luy darde vn fécond coup de harpon mieux affene & plus violent que le premier. A ce fécond coup, la beftefait encore quelques foibles efforts;mais en peu de temps elle eft réduite à l'extrémité , & les pefcheurs l'entraifnent aifément à la riue du pre- ;mier iilec , ou l'embarquent dans leurcanot, s'il eft ' Ll ij $0 DESCRIPTION. affez grand pouf le contenir. La femelle fait deux petits qui la fuiuent partout : elle a fous le ventre deux retins , defquels elle les allaide dans lamer, comme vne vache allaidtefoa veau fur la terre. Si on prend la mere 5 on eft afleuré dauoir les petits; car ils fentent leur mere, &nefont quetournoyer autour du Canot, iufquà cequonlesait fait com- pagnons de fon malheur. La chair de cet animal fait vne bonne partie de la nourriture des habitans de ce pays. On en appor- te tous les ans de la terre ferme,&: des iiles circon- lioifinesplufieursnauires chargez; &tanr à la Gua- deloupe , à faind Chriftophe , à la Martinique, qu'aux autres ifles prochaines , la liure y eft ven- due vneliure ou liure &demy de petun. Du Requiem; CE Foiflbneft appelle par IesEfpagnoIs Thibu* ron, parlesHollandois Haje, .& par les Fran* çois, Requiem t^rcc quil déuore les hommes, ôc fait chanter Requiem pour eux. Ileften tout &-.par tout femblable au chien de mer , que Ton pefche le long de nos coftes : mais il eft dVne fî prodi- gieufe grandeur, qu'il s en -trouuc communément de dix-huit à vingt pieds de longueur ,. & gros à proportion. C eft vnechofe épouuentableque de voir la gueullede cet animal j car il a lafeule mat choire d'en bas , trois , quatre ,.& iufqu a cinq rangs DES POISSONS: :#| de dents , felon ce qu'il cftpuiflant & aagé. Ces dents ne font pas femblables ny égales en tous; i en ay- veu qui eftoient hautes de deux poulces , & lar- ges d'vr^toutesfaucillées, tranchantes comme des rafoirs, & dures comme du fer. Ceft bien le plus glouton animal du monde j toutes chofes luy font bonnes , nefufTent que des morceaux de bois, pourueu qu'ils foient vn peu graillez dliuille. It malle tout fans mâcher .-il eft furieux, hardy, & fe ette quelquefois fur la riuc , iufqua demeurer à ec,pbur engloutir les pafTans* Y enay veu quelque- kis-mordre les rames à belles dents ■, de rage& de ïépit de nepouuoir auoir les hommes 5tqui font lans les Canots. S'il peut ioindre vn homme qui fe saigne dans lamer , il luy fera bonne compagnie, e gardera de prés, & ne luy fera aucun tort, tandis Ju'il fera dans TadHon : mais fi-toft qu'il fera ar- efté , ou qu'il penfera fortir de l'eau, il luy coupera me cuifle , vn bras, ou la partie qu'il pourra attra- per de Ion corps \ s'il eft bien grand , il l'emportera? out entier. Mais laProuidence de Dieu a donné n bâillon, ou pluftoft vn frein à la gourmande im- fetuofitéde cet animal, quiluy empefche défaire beaucoup dé defordre : car il lay a mis lagueulle lire&ement fous le mufle , de forte qu'il ne peut aordre aucune chofe , qu'il ne foit tourné &ren-* Lerfé fur le dos >ôt de là vient qu'il y a des habitans fiez hardis pour feietter à la nage après lui Je com- jattre à coups de coufteaux , Ôc le contraindre de byr, Plufîeurs tiennent que Ion eftomach ira-- L 1 iij ■^S DESCRIPTION point dorifice inférieur > & qu'après auoirtiréla fobftance de ce qu'il mange , il eft contraint, ( per- niettez-moy d'appeller leschofes parleurs noms) de faire de fa gueulle vn fondement , retournant fon eftomach , comme qui retournerok vn fac, pourietterfes excremens dehors, lenefçay fi ce- la eft veritable j maisi'ay veufaire le tour .à vnqui fut pris dans vn nauire ou i'eftois ; car comme oa luy eut donné vn coup de hache fur la tefte 9 il re- tourna fon eftomach , comme qui retourneroifc vne poche , en forte qu'il parut iufques hors de fa gueulle, §c vuidaplusd'vn boiffeau de villenie qu'il auoit mangé. On trouue dans fa tefte deux ou trois eiieillerées de ceruelle blanche comme neige , la- quelle eftant deffeichéé , mife en poudre, &prife dans du win blanc , eft vn excellent remède pour la grauelle.Onfakde l'huille àbrufler de fon foye : Il enfut pris vn, peu de temps auant que ie m'en re- tournaffe en France , dont lefeulfoye donna qua- rante pots d'kuille. Sa chair n eft quafi que de la filafle, & fent fort le boùquain , de forte que peu de perfonnesen yeu- lent manger : on tient auffi pour certain qu'elle donne le flux de fang. La ncccflîtc m'a contrainj d'en manger plufîeurs fois fur mer, fans autre faul ce que Fapetit,fans neantmoins que i'en aye reffen ty aucun mal. le crois qu il ne fait tort, & Be caufi ce flux de fang , qu à ceux qui en mangent par ex- £> E S POISSONS. i7X De h Becune & autres poiffons dangereux. 1 V. LA Becune à proprement parler , n eft autre chofe que le vray brochet de la mer ; car il eft entièrement femblable à ceux de nos riuieres de l'Europe, excepté qu'il eft beaucoup plus grandïcar il fe rencontre des becunes qui ont plus de huit pieds de longueur. Ce poiflbn eft gourmand, car- jaafïïer, ôc hardy , ôc autant, ou plus dangereux que le Requiem yq\icic viens de décrire : car outre qu'il mord plus facilement que luy , il ne s eftonne nul- lement du bruit, non plus que des mouuemens qu'on peut faire dans l'eau^voire mefme, c'eft pour lors qu'ilfe lance fur les perfonnes pour les deuo- rcr, • Sa chair a le mefme gouft que celle du brochet; mais on nela mange pas bien aiTeurément^dautant que fi on n'y prend garde de bien prés , elle eft capable d'empoifonner tous ceux qui en auroient mangé. Ceft pourquoy, celuy qui en voudra man- ger en tout^ afleurance , doit luy regarder aux dents3& goufterde fonfoye : S'il a les dents bien blanches^&le foye doux,il en peut manger en tou- te feureté : mais s'il les a tant foit peu noircie\&: le foye amer ou acre i on n'en doit non plus goufter que fi ceftoit de l'arfenic : en effet , c'eft vn poifon qui n'eft pas moins dangereux. Onditdanslesifles que cela vient de ce que ce poiifon mange de la. DE SCR I P T I 0 N Mancenille,qui tombe des arbres dans la mer,& iê' le crois ainfi j car m©y-mefme en ay penfé mourir, pour auoirmangé quzlqacsSoldats qui s en eftoient repeus. Il fetrouue encore deux autres fortes de poif- fbns dans Is Amérique, qui ne font pas moins dony mageables que celuy-cy : dontfvn cftant mangé, eny ure comme fi on auoic beu du vin par excez ., & caufe tousles mefmes effets que leyinfait dans va yurogne. Si on en mange beaucoup, il fait dormir le long femme, c eft à dire, mourir. Mais fi on ea mange peu , après auoir dormy cinq ou fix heures, on eft tout à fait guaranty. Le- fécond caufe d'eftranges eholiques Se def* gorgemens de bile dans les inteftins ; fi on ref- chappe après j en auoir mangé , il fait peler la plan- te des pieds, Bc lapaulnie des mains. lay veu vn ieuneGentiî-homme, qui après en auoir mangé, & penfé mourir , me monftra les paulmes de les mains qui eftoient toutes pelées & contrefaites, le ne puis faire aucune defeription , ny de Ivn, ny de l'autre , dautantqueie ne les ay, point veu, nypeu apprendre de ceu^c qui m en ont parlé, de quelle forme ils cftoiçnr, :On fe peut feruir de h mefme précaution que i ay rapporte dç là $ccuoc, contre le venin de ceux -cy. Du DES POISSONS. i7j Du Poijfon armé* §. VI. IL fe rencontre le long de toutes les colles ctes Indes Occidentales , vne forte depoiffonarmé, duquel la deferiprion fera fans doute pluscurieû- fe & plus agréable , qu'il n eft vtile dans le pays. Il *eft gros comme vn balon, prefque tout rond, & n'a qu vn petit moignon de queue quilefaffe différer * dvne boulle. Et c'eft pour cette raifon que tous les Autheurs 1 appellent Or&is. Il n'a point de tefte, mais il a les yeux & la queue attachée au ventre- La nature qui la priue de dents, luy a donné en leur place deux petites pierres blanches , fort dures Se larges dVnpoulce , qui font comme deux petites meules de moulin > defquelles il moud,cafle, brize, & eferafe les Cancres de mer , & les petits cocquil- lages,defquelsilfaitfà nourriture. Il eft tout armé de petites pointes grofies& longues comme-des fersdefguillettcs,pointuës comme des aiguilles. Il les dreffe , befTe,biaife,& trauerfe comme bon luy femble,& felon ce qu'il en a befoin. Lapefchede cepoiffoneft vntres-agreablepaf- fetemps. Onluy jette la ligne, au bout de laquel- le eft attaché vn petit ameçon d'acier, couuert d'vn morceau de cancre de mer, duquel il s'approche tout incontinent : mais voyant la ligne qui tient lameçon , il entre en deffiance,& fait milles petites caracollcs autour de luy : il le goufte quelquefois Mm 1 \W i74 DESCRIPTION fans le ferrer , pais le lafche tout à coup : il fe frotte à l'encontre & le frappe de fa" queue , comme s'il n'en auoit aucune enuie : Et s'il voit que pendant cette cérémonie , ou pluftoft pendant cette fînge- rfe,la ligne ne branfle pointai fe je ttebrufquement deffus, aualte l'ameçon & l'appas, & fe met en eftat de fuyr. Mais fe fentant arrefté par le pefcheur qui tire la ligne à foy,rl entre en vne telle rage & furie, qu'il drêffe & heriffe toutes fes armes , s enfle de # vent comme vn balon, & bouffe comme vn pou- let d'inde qui fait la roué : il fe darde enauant , à droit , & à gauche, pour offenfer fes ennemis de fes pointes, mais en vain ; car pendant , s'il faut ainfî di- re -, s'ilénragedeboncœur, &çreuê de dépit, les fpeclateurs s'éuentrentde rire. Enfin, voyant que toutes fes violences rre luy feruent de rien, il em- ploye les rufes , il beife tout à fait fes pointes , foufle tout fon vent dehors , ôedeuient flafque comme vn gand mouillé : en forte qu'il femble qu'au lieu du poiflbn armé quimenaçoit tout le monde de Ces pointes , on ayt pris vn méchant chiffon mouillé. Cependant, on le tire à terre, &: alors connoiffant que toute fon artifice ne luy a de rienferuy, que tout de bon,on a enuie dauoir fapeau , & que défia il touche le roch oulegrauierde iariue, il entre en de nouuelles boutades,fait le petit enragé, ôc fe dé- mené eftrangement. Se voyant à terre, ilhenflc tellement (es pointes , qu'il eft importable de le prendre par aucune partie de fon corps,fi bien qu'on eft contraint dele porter auec le bouc delà ligne DES POISSONS, 275 yn peu loinduriuage,où il expire vn peu de temps après. Dans tout le corps de cet animal, qui eft quel- quefois aufïi gros qu'vn boifTeau , il ny a pas plus à manger qu'à vn petit Macreau.On luy trquue dans le ventre vne certaine bourfe remplie de vent , de laquelle on fait vnecolle la plus tenace & la plus forte quife puiiTe faire. Besfoijfons voLnts, & de L Dorade. §. VIL/ i I'Ay ci-deuantparlé des petits poilîons volans,qui fe rencontrent vers les Canaries ,& par toutes les Indes , il en faut icy faire la defeription. Ten ay remarqué principalement de deux fortes, qui tou- tes deux ont laforme des Goujons de France, mais différentes en grandeur, en la forme de leurs ailles, ôc en leur vol. Les plus grands n'excèdent de gue • re la grandeur d'vn haran 5 leurs ailles .( qui ne font à proprement parler que leurs nageoiresjrleur pren- nent depuis le deffaut de leur tefte,iufqu au bout de la queue; de forte qu elles ontbien vne paulme de long,& deux ou trois poulces,au plus,de large3leur > vol eft auffi plus fort, plus elleué&plusroide. Les :plus petits ne font pas plus gros que des petits gou- joris , & ont les ailles plus courtes , & beaucoup plus larges iproportion que les autres , elles font arrondies par le bout , & , fi ie ne me trompe, ils en ont deux doehaque cofté , ie ne l'alfeure pas; car ie Mm i) *7 licatefle de leur chair, & la bonté de leur gouft qui les fait rechercher par la fenfualité^des hommes* dès oy (eaux, & dès poifsons. De U Kemare. ê. VIII. SVr ce Requiem fi prodigieux , duquel fay parlé au commencement de ce Liure , il y auoit qua- tre ou cinq Remores iiopiniaftremenf attachées, qu elles nelafcherent iamais prife,qu'apresla mort, ^encor eufrnes-nousbien de la peine aies en retirer. Elles auoient cnuiron vn pied de long, de la forme & de la grôfsèiïr ( quand au corps) d Vnepetiterou- fette, &la'peaua(rezfemblable,mais vnpeu plus -brune par defiîis le dos î, qui va toufîours en blan- chiflant iufques fous le ventre. Elles ontvne cm- pennurc fur le dos, qui va iufques vers la queue, & ^vne autre depuis le nombril , mais plus courte que -cellede deiîus ,• laqueuë eft compofée des mefmes empennures : elles ont aufïi deuxaiflerons ou na- geoires allez proches de la tefte: elles portent moi- tié fur la tefte , moitié furie dos vne forme de fe- melle platte comme la femelle d'vn foulier; mais toute découpée d'vn double rang de ridesqui tra- uerfent la largeur. Ces deux rangs de rides font fe- paréesoudiuiféesparvneraye", qui tire depuis vn bout iufqu a l'autre de cette ferneilepar le «ùHeu> DES PO IS SON S. 2y9. reft par là, quelles s'attachent aux Rochers , aux Nauires & aux Pesons. Pourmoy, ic^^fçauroisfoûmettremoniuge» ment à ce que quelques Autheurs afferment de la Repiorc, difant quelle arrefte tout court vn naui- re qui cingle à toutes voiles en plaine mer : car il y a vne fi grande quantité de Remores dans toutes les Indes Occidentales , qu à peine fe trouue-il vn nauire qui n'en ait plufieurs attachées fous foy : & cependant depuis tant déficelés que ces iiles font Fréquentes, il ne fe remarque point qu'il y ait eu vn feul nauire arrefte. Cela méfait croire que ces deux ou trois nauiresque Ion dit auoir efté arref- :ées par les Remores, ont efté detenus par miracles du par charme, & que dans ce temps -là on trouua quelques Remores attachées à leur ordinaire,à ces îauires , aufquelles on attribua fauflement la caufe le cette detention» Il sen trouue de beaucoup plus grandes, que cel- és que i'ay décrites ; car Ten ay veu plufieurs qfii noient plus d'vnpied &démy de longueur. El- îs fontfort amies des nauïres, 6c les quittent rare- aent quand elles les ont vne fois rencontré. Elles mt gourmandes , engloutiflent Tameçon fi toft [u il eft dans l'eau , & ne fe rebuttent point pour uoir efté manquez trois ou quatre fois. C'cft vn oiflfon vn peumollafTe,mais d'affezbongouftaen y mangé plufieurs fois. : I kiftoft prifé,qu.e. tous fes fibres m'engluèrent toute la main, & à peine eus- je fenrylafraifeheur, (caril eftfroidautoucher ) qu'il me femb lay auoir plongémon bras iufqu àl'efpauie, dans vne chau- dière d'huille bouillante , & celaauec defieftran- ges douleurs, que quelque violence queicmepû fairepourmexontenir, de peur qu'on ne fe moc- qua demoy, ie ne me pu empefeher de crier par plufieurs fois à pleine tefte , mifericorde mon Dieu , ie bruûe , ie brufk : De bonne fortune pou* moy, celamamuaà deuxheures après midy : cat " DES VOÏ5S ON S." iS* i*il arriuc qu'on tombe dans cet accident au matin* la douleur croifl toufiours iufqu'àmidy , & dimi- nue a mefure que le Soleil décline ; & le Soleil fé perdant dans l'horizon, on cil tout à fait guaranty. Il n'y a point d'autre remède à cette douleur que la patience. Der trois efpeces de tortues , fçauoir la tortue franche, le Caret & la Kaoùanne. §. X I. LA forme de la Tortue eftant fi commune jjj quelle ne peu tquafi eftre ignorée deperfon- ne; le me contenteray de décrire feulement ce que celles decesifles ont de particulier, & qui les fait diftinguer de celles de l'Europe. Ces Tortues donc font des animaux ftupides,lourds & fans cer- uelle ( car dans toute la telle qu elles ont grofle comme celle d'vn veau ,' il ne s'en trouuepas plus gros qu vne petite febue. ) Elles ont la veue excel- lente , leur grandeur elïliprodigicufe,'que la feule eicaille dedeflus^portc quelquefois cinq pieds de Iongueur/&quatrc de large,leur chair eft fi fembla- blc à celle du bœuf, qu vne piece de Tortue mife auprès vne de bœuf , ne pourroit eftre diftinguée quauec beaucoup de peine. Il y a des Tortues fran- ches, qui donnent plus d'vn demy baril de viande toute des*ofTée , fansy comprendre la telle, le col, lespattes, laqueuë,lestrippes&lcs œufs,defquets ^ingthomiucs feioicnt vn bon repas & outre cela Nu ï) ' *$4 DESCRIPTION cm tire quelquefois tant de pagine , tpie de la grai£ fefuperfluë, on en fait quinze ou vingt pots d'huile taune comme de ror,exceltence poiurlesifiitures fk pour toutes fortes de (aulces* lay creu fort long-temps que les Tortues de ces quartiers auoient trois cœurs : car au deflus du cœur ( quelles ont gros comme celuy d'vn hom- me ) fortvngros tronc d'artères, aux deux coftez duquel font attachez deux autres façons de cœur gros comme des œufs de poulie , &delamefme forme & fubftajice que le premier. mais i'ay depuis changé d'opinion , & crois fermement que ce ne font qlle les oreilles du cœur. Quoy qu'il en foi t, il efteertain que cela bien ajuftétfur vne tab!e,con> pofewie fleur de Lys , doùonpeut tirer vne con- ie<3:ure.anez auanrageufe du progrez de nos Colo- nies P^an^oifcs dans l'Amérique, puifquelaProui^- dence deDie^qui nefaic rien en vain, a plante la fleur de Lys au cœur Je l'animal, qui eftle Hiero- griphedupays. z ; i Dt la K*ou4nv& > •fi XI L LA Kaouanne diffère de la tortue franche , <çbt? cequeilealaréfteheaucoup plus groi& à 1 e - quipoknirdu corps, que Je refte des autres tor ttœs. Elle eu plus méchante, &fe defend de laguculk ôc des pattes ^ lors q*i'on fe met en deuoir de i» prendre &de la tourner % Et quoyiqu'sllefoicla " DES POISSONS. iSj plus grande de trois efpeces, elles eft neantm oins fort peu eftimée , comme ayant la chair noire, fentant la marine , & d'vn aflez mauuais gouft L'huille qu'on en tire eft acre , ôc galle hs faulces dans lesquelles elle eft mixtionnée; on n'en mange qu'àfaute dautres. Du Caret. h XIII: E Qtrst eff la plus petite de toutes les trois ef- JL-rfpeces, la-chair n'en a pas fi bonne que celle de la tortue franche; maiselle eft beaucoup meilleure que celle de la Kaoiianne. L'huille qu'on en tire eft excellente pour les débilitez de nerfs, gouttes fyatiques , & pour toutes le$ fluxions froides. le connois des perfonnes qui s'en font féruies fort vtilement , pour des maux de reins caufezpar des efforts. Mais fur tout,cequi!e fait eftimer, eft ré- caille qui! porte fur le dos,qui vaut iufqu a fix francs kliure. Toute ladépoiiilledvn Caretconfifte à quinze feuilles , dixpiattes , & cinq en dos d'afne: Des dix plattes,ily en a quatre grandes qui doiuent porter iufqu a vn pied de haut, cYfept poulcesde large. Le beau Caret doit eftre efpais , clair, tranf- parent, de couleur d'antimoine , & jafpéde noir & de Wane. Il y a des Carets qui portent fix liures de ftuilles fur le dos.On s'en fert à faire des peignes ôc daurrespetits ouurages,qui sot dVne exquile beau- té & de prix. Voicy la façon de ieuer ces feûillesde Nn iij :xU DES CRIPT rON defTus la grande efcaille^qui eft proprement la mai- fon du Caret rapres en auoir tiré toute la chair, on fait dufeu deflbus , 8c ces*feuilles venant à fentir Je chaud , fe leuent aifément auec la pointe d'vn çoufteau. La pefche des tortues fe fait en trois façons , fça- uoir au Cheualagc , à la Varre-, & quand elles terrif- fent. La tortue Cheualle, c'eftà dire , qu elle fe cou- ple , depuis le commencement de Mars iufqu à l'a- jmy«May« Ielaiffc toutes les çirconftances de cct- te a&ion, c eftaflez de dire que cela fe fait fur feaù, en forte quelles peuuent eftre facilement décou- vertes : alors deux ou trois perfonnes fe jettent promptement dans vn Canot, courtent fus , ôclcs abordentfacilenient# ils leurs pafle vn lac coulant da-ns le col , ou dans vne patte , ou bien n'ayant point de-corde , il les faut prendre aucc la main par defluslecolau derfautderefcaille. Onles prend quelquefois toutes deux , mais pour l'ordinaire la femelle échappe. Pour lors les malles font fort maigres & durs , & les femelles en très -bon- point. La Varre deiaTortuë fe faitprcfquede'lamefme façon que celle du;Lamantin,excepté qu'au lieu de harpon au bout de la Varre, on y enclaue vn cloud carréjlongde la moitié du doigt & fort pointu, au- quel eft attaché la ligne.LaVarre eftant jettéefur le dos de la tortue, le cloud s'enfonce iufqu a la moi- tié dans l'écaillé , qui eft coûte çornpofée dos , & y " H DE S P O I S SO N-5. i$7 tient comme fi elle eftoit fichée dans du çhefne, La tortue fe fentant frappée,fait les mefmes efforts que le Lamantin ,.& les Varreurs les mefmes dili- gences. Le Tetriflage des tortues fe fait depuis la Lune d'Auril, iufquà la Luned'Aouftj alors latortixefe fentanrincommodée par l'accroiffement^a pefan- teur,ôffl[e grand nombre de fes œufs, qui font quel- quefois iufqu au nombre de plus de deux milliers, contrainte quelle eft par vne necefïité naturelle, qui ne fe peut différer j de nui& elle quitte la mer, & vient recoiinoiftre le long de la due vn lieu pro- pre pour fe defeharger de fon fardeau^ou au moins dvne partie. En ayant reconnu vn propre pour cet effet > qui doit eftre vne Anfe de fable ( ceft la bordure du riuage ) elle ne pond pas cette nuict , mais fe retire tout doucement dans !a mer remettant la partie à la nuicl: fuiuante^ ou à vne au- tre bien prochaine. Tout le long du jour elle fe promené paifant l'herbe fur des rochers dans la mer , fans toutefois sefloigner du lieu ou elle dqit pondre. Le Soleil venant fur fon déclin , on la* voit paroî* tre tout proche deJa laine, regardant deçà & de làjcommeii elle (èdeffioit des embufehes. Si elle, vmt quelqu'vn fur le bord du riuage, elle va cher- cher ailleurs vn lieu plus afleurés que fi elle -n apper - çoit perfonne, elle vient à terre à la faueur de la- Kuii£t, & après auoir bien regardé de tous coftez,. elle femet à crauailler,& à creufer dans le fable auec » iSS DE SCR I FTION les pactes de deuant, fait vn trou tout rand, large dvn pied & profond de deux ; ce qui eftant £ait,r elle s'ajufte le deffus , & fe met à vous conter.du; derrière deux ou trois cens œufs , gros Se ronds: comme des balles de jeu de paulme. L'elcaille de ces œufs eft fouple comme du parcheminmoiiiliéj, leur blanc ne cuit iamais , quoy que leiaune dur- ciflèfacilement.La tortue demeure plus d'vne hoir- ne heure occupée à pondre , cependant ectemps^ vn chariot luy paflferoit fur le corps , fans qu'elle. fe bougea ft de la place. Ayant acheué de pondre fans qu'on l'ait interrompuë,eIle bouche fi proprement lètrou, Se remue tant de fable tout autour, qu'on a toutesles peines du monde aies trouuer. Cela fait, elle les abandonne Se s'en retourne à lamer. Les œufs fecouuent deux mefme dans le fable, ou ils fbt quarante iours,au boutdsfquels les petites for- tes grofles comme de petites cailles , & fuyent droit alarmes, fans qu'on leurenayt monftré le che- min. Eftant prifes auantque d'y eftrearriuées, on les fricaffé toutes entières , &ceâ vn meft déli- cieux. Quantité de Requiems , Se autres grands poiflons leur font vne cruelle guerre , Se en auallent quafi autant qu'il en défeend en lamer : & c'eftvndirc -commun des habitans ,quefi de chaque ponaifon il en rechapent deux,toute la cofte en feroit couuer- te.Cellesqui échapentfe retirent dans des mareffa ou eftangs de au f aiée , fous des roches , &-dans des racines dVbres i3 ui font dans la mer -, ou ils viuent i uiqu a " DES POISSONS, 189 iufqu a ce qu'ils foient en eftat de fuyr ou de fe def- fendre. Elles ne terrifient iamais que de nuiâ: , Se mefme elles attendent que la Lune foit couchée. Quand il pleut, qu'il efclaire , & qu'il tonne à tout rompre , c'eft alors quelle territ en plus grande abondance. Si-toft que la Tortue commence à terrir , nos François fe mettent en campagne fix ou fept en- femble , & équippent vn Canot qui porte dix, dou- ze , ou quinze barils , ou quelquefois trois ou qua- tre tonneaux. Chacun contribue également en vi- cTruaille Se en fel pour faler la viande, & vont cher- cher au loia les Anfes les p lus fréquentées desTor- tiïes,& là,diuifant la nuiét en quatre>chacungard.e, Se fait fentinelle le quart de lanuicl:, & fait des re- ueiïes de temps en temps tout le long de l'Anfe. Ayant rencontré quelque tortue, ils la tournent fur le dos,& la laifTent là iufqu au lendemain,fans crain- dre qu elle fe puiffe retourner. S'il arriue quelle foit û grande , qu vn homme n'en puiffe venir a- bout,il la met aifément à la raifbn,luy cinglant qua- tre ou cinq coups demafluë fur le bec. Ceux qui fe veulent donner duplaifir fe mettent fur fon dos, luy bouchent les yeux de leurs doigts , &la pon- duifefit ou bon leur femble *, mais fut-elle à dix lieues dans la terre , fi on la laiffe en liberté , elle prend fa route droit à la mer, quand mefme on luy auroit fait faire cent tours. Le Caret vient reconnoiftre la terre dix-fept iours auparauant , que de pondre fes ceufs ; de forte O© I « iéo DESCRIPTION. que rencontrant vn train de Caret , fi on nc trouue point fes œufs , il y faut venir le dix-feptiéme iour enfuiuant,& indubitablement on l'attrapera. De plujieurs Poijjons à Coquilles, §. XIV. IL fe trouuc encore tout le long de cette coffe grand nombre deHomars , qui eft vne facon- de fer euiffe de mer 5 & ie crois que c'eft ce que lesr Pefcheurs de nos coftes appellent, Paon de mer. t'en ay veu vn que trois hommes n'auroient pu' manger : la chair en eftfort indigefte, comme au/ïr celle des Cancres de mer qui s y trouuentengrand nombre^ de toutes les façons. Il y a vne grande quantité de Burgaux > defquels on tire laBurgadine, plus eftiméedes ouuriers en nacre que le nacre de perle.On y trouue au ffigrand nombre de pourcelaines de couleur d'agathe, ôc vne infinité d'autres petits coquillages allez beaux." Des Moules enprufieurs endroits : &des huiftres pas plus grofîes que les petites d'Angleterre. Il y en a vne forte qui acvn barbillon dans lemilieu, Se le crois qu'elle eft dangereufe , car elle a vn gouft acre qui ne témoigne rien de bon. L DES POISSONS. i?l DES POISSONS D E R I V I E R E. CHAPITRE SECOND. Du petit Titiry. I. I. IL fe trouuc dans la pluipart des riuieras de tou- tes ces ifles , de petits poiflbns que les Sauuages appellent Titiry. Ils ne font pas plus gros que de petits fers d'éguilîettes : leur corps eft tout mar^ quêté de npir & de gris, &ont vne petite empennu- re fur le dos, ôc vne fous le ventrerdeux petites na- geoires proche de la tcftej ôc vne queue de la mef me eftoffermais tout cela eft meilé de trois ou qua- tre couleurs, de rouge, de vert, ôc de bleu. Ces couleurs fontfi viues , qu'il femble que ce foitde l'émail appliqué fur luy. Cela ne paroift pourtant guère , fi ce n eft dans 1 eau , lorsqu'ils fe io tient ôc font de petites caracoles les vns après les autres, le crois que ce font les mafles qui ont ces au anta^ ges de couleur; car la pluipart n en ont point. Plufieurs fois pendant Tannée , on les voit re- monter de la mer vers la montagne en fi grande quantité, que les riuiercs en font toutes noires. Or comme nos riuieres font torrens,qui fe précipitent suce impetuoficé à trauers des rochers , ces petits Ooij fi! Z92. DESCRIPTION poiflbns gagnent tant qu'ils peuuent lé long des nues ou les eaux font moins rapides \ ôc quand ils rencontrent vn fault -dcau>dont la rapidité les em- porte j ils fe jettent Hors de l'cau^k s attachent con- tre k roche , ôc fegliffent à force de remuer % iuf- qu au deflus du courant de l'eau. Vous en voyez plus de deux pieds de large , ôc plus dç quatre doigts d'efpois^ attachez fur vne roche , qui tous les vnsfurles autres s efforcent à qui aura pluftoft gagné le de/Tus, ce-ftlà ou on les prends car il ne faut que mettre vn vaiffeau deifous , ôc les pouffer de- daas âuec la main. Vn chacun en fait de bons re- pas Iprs qu'ils remontent , fans qu'on s'apperçoi- ue aucunement qu ils diminuent. I'ay creu fort long -temps qu'ils defeendoient à la mer pour y jetter leurroegue , &q-u eftant formez ils remon- toie&t à la montagne : mais i'ay changé d'opinion depuis que i'ay remarqué , que cela n'arriue que deux ou trois iours après de grandes aualaffes d'eau quilesentraifnentàlamer, Ôc quemefmelapluf- part font tous pleins deroegue en remontant. De quelques potffons qui ont du rapport auec ceux de la France. S. IL "*\E tous les poifïbns qui fe trouuent dans la A-/ Guadeloupe y il ne sen rencontre point de femblables à ceux de la France, fi ce n'eft quelques anguilles , de petites loches , des teftars auffigros DES POISSONS. ta* que la jambe , ôc des Mulets en grande quantité. Tout le rcfte font des poiflbns plats aufli grands que des carpes,mais tout différents : ces poiflbns eftant prisauec la ligne , & éleuez hors de leau* grondent comme des petits cochons,leur gouft eft excellent. lay vne fois pris vn poiflon dans vne riuiere delà grande terre , qui auoit plus de deux pieds entre queiie& tefte,il eftoit femblable à vne carpe,& en auoit mefmç le gouft ; mais toutes fes écailles eftoient rouges comme du fàng. faurois encore en ce traité à faire la description de plufieurs autres poiflbns,comme de la Bon/te,dcs Carangues,des Capitaines, des Sardes,des Grandes efcailles,desLunes,des Bourfes,des Grondeurs,des Laquais,des Perroquets marins, & de tous les poif- fonsde roche , qui font entres-grand nombre, & dvne infinité d'autres,defquels ne fçachantrien de bien particulier, & qui foit digne d'eftre remarqué^ le me contenteray de dire qu^lsfont très excel- lents , & en fi grande quantité tout le long de cette cofte , que d'vn feul coup de filet , on en charge quelquefois vne chaloupe, » M i O o ill T94 DESCRIPTION II. TRAITE' DES ANIMAVX DE L'AIR. DES O YSEAVX. CHAPITRE PREMIER. Our le regard des oyfeaux , TAmeriquc fans contredit l'emporte par deffus tou- t tes les parties du monde : car s'il eft que- ftion de la beauté , il y a-il rien de plus beau que les Caniuets,\çs Jras, Si les Perroquets.defquels toutes ces terres font remplies, & qui font autant diffem- plablesen bcautéde plumage , qu'ils habitent des rerres,d'i.fles & décolles différentes ? il eft indubita- ble que laplufparr d'iceux iroientde pair aucc le Pbenjx { s'il cft vray toutefois que le Phénix aytvn autre eftre que celuy qu'il s'eft acquis dans l'opi- nion des trop crédules. ) Ceux qui ont veule Fla- mand en vie ; alloueront ingenuement qu'il doit te- nir rang entre les plus beaux oyfeaux du monde le ne dis rien des Tocans, des Occoh,&c d'autres qu'on nous apporte de la terre ferme , qui nous rauiffcnt dela.Deau.te.ac leurs plumages. I'ay veu quelques veftemens quieftoient faits des dépouilles de ces oyfeaux par quelques femmes fauuageffes, qui au- raient fait honte aux tabits &aux draps d'or de l'Eu- " DES O Y S E A V X. ^ 5 rope. Mais combien Dieu a-il renferme desgen- tilleflès dans le petit Colibris , quifembleeft vnra- courcy de tout ce qu'il y a de plus beau dans le plu- mage de tous les autres oy féaux , & nauoir efté fait que pour contenter la velie des hommes ? Ceux qui fréquentent les coftes des ifles Occiden- talles , font témoins de cette vérité : mais comme dans cet œuure tout mon but n eft autre que la fa- tisfa&ion des curieux , fay crû à propos de le faire» voir dans le deftail De ï^rras. §. r. NOus auons dans la Guadeloupe trois fortes de Perroquets , à fçauoir TAras, le Perroquet, 6c laPerrique, tous differensde ceux qui fe rencon- trent dans les ifles circonuoifines ; car chacune d'i- celles a fes Perroquets tous diiTemblables en gran- deur de corps , en tonde voix yôc endiuerfitéde plumage. I/Aras eft vne forte de Perroquet plus grand que tous les autres ; car quoy que les Perroquets de la Guadeloupefoient plus grands que tous les autres Perroquets^tant des ifles que de la terre ferme ; ce- luy-cy les furpaffe dvn tiers en grandeur. Il a la? tefte5le coî,le ventre, & le deflus du dos,de couleur de feu : Ses aiflesTont méfiées de plumes iaunes > de couleur d'azur , & de rouge cramoify : Sa queue eft. toute rouge,& longue d'vn pied& demyjles Sauua- I z96 DESCRIPTION gesfepanadent des plumes defaqueiie, &cnfont grande eftimerils s'en fichent dans les cheueux,s'eri paffent dans le gras des oreilles , & dans fentre- deux des narines pour leur feruir comme de rnou- ftaches,& ils s'imaginent tout de bout qu'ils en font beaucoup plus gentils ôc dignes d'eftré admirez des Europeans. Géc oyfeauvit de graines & de quelques frui&s qui croiffent fur les arbres : mais principalement des pommes de Mmcenille > qui efl vn tres-fubtil & cauftic poifon aux autres animaux. Ceft la cho- fe la plus belk du monde , que de voir dix ou douze Aras fur vn arbre bien vert, iamais oane vitvn plus bel émail. Il a le ton de la voix fort & perçant , il criaille toufîoursen volant ; ceux qui les fçauent contrefairejesfontarrefter tout court. Il aie port graue & aftéuré,& tant son faut qu il seftonne pour plufieurs coups de fufils tirez fur l'arbre où il efl: brarichç s qu'au contraire il regarde & conduit de l'œil fo compagnons , qui tombent morts à terre, fans s'en efbranler aucunement^ bien qu'on en ti- re quelquefois cinq ou fix fur vn mefme arbre , fans qu'ils faffent mine de s'enuoler. LesSauuages feferuentd'vn plaifànt ftrataget me pour les prendre vifsdls efpient l'occafion de les trouuer à terre, mangeans des fruiéts qu'ils ont fait tomber des arbres > ils s'en approchent doucement a la faueur des arbres , puis tout à coup ils fe pren- nent a courir , frappant des mains &remplifTanc J'airde eris &de hurlemens , capables aon fculc- meat DES O YSIAVX 497 ment d'eipouuenter des oyfeaux , mais de jeteer de la terreur dans les cœurs les phis hardis. Alors ces pauures oyfeaux furpris.& éperdus , comme s'ils auoient efté inopinément frappez d Vn coup de foudre , perdent le fouuenir de leurs aifles , qui fans doute les pourroient guarantir , ôc faifans de neceflitéycrtu,ilsfecoucIientfurledos,fe mettent fur ladeffeniîue , *& fefont tous blancs des armes que la nature leur adonné, ccft à dire , du bec & des ongles , defquels ils fe deffendsnt fi vaillam- ment, que pas vndesSauuages noferoit mettre la main deiTus : fi bien quilsfont contraints de fe te- nir tout autour d'iceux , criant &heurlant comme des enragez,iufqu a ce qu'vn d eux apporte vn gros bafton, Lequelil applique fur le ventre de loyfcau, -qui ne manque pasauflî-toft de le faifirdubec ôc des griffesrmais pendant qu'il s amufe à mordre, les Sauuages le lient ôc le garottent û eftroitement fur 4e ballon , quils enfontpar après tout ce qu'il leur plaift,& bien fouuent les rendent priuez,& leur ap- prennent à parler ;rmis ils ne parlent jamais mieux Xjue les Corbeaux de l'Europe. La chair de cet oyfeau eft fort dure,&eftiméede plufieurs , mal faine^ ôc mefme veneneufe , ie n'en ay pourtant iamais veu dcmauuais erFets,quoy que «nos habitans en mangent fort fouuent. ■ Vf %$% DE SCRIPT I O N i ~t i Des Terroqum. §. It LE Perroquet de la Guadeloupe eft quafî gros comme vne poulie ,ilalebec &les yeux bor- dez d'incarnat : Toutes les plumes de la telle, du col, &du ventre font de couleur violette, vn peu méfiée de vert & de noir>& changeantes comme la gorge dvn pigeon ; Tout le deffus dudoseftd'vn vert fort brun j trois ou quatre des m aiftrefïes plu- mes de fes ailles font noires; toutes les autres font iaunes, vertes Scrouges. Il a fur lesdeux gros des ailles , deux belles rofes compofees des mefmes couleurs. Quand il herifle les plumes de fon col, il s'en fait comme vne fraife autour de la tefte, bel- le à merueille , dans laquelle il fe mire , comme le Paon fait dans fa queuë.Il a la voix force, parle très - diftinûement , & apprend promptement, pour- ueu qu'on le prenneieune. Il vit defrui&sfauua- gss qui croifTent dans les forefts , exceptez qu'ils ne mange point de Mancenille. La graine de Coton renyure,.& opère en lay toutcequel'excéz devin fait en l'homme a & pour lors on les prend aucc beaucoup de facilité, Legouft de fa chair eft excellent , mais chan- geant,fe!onla qualité de la nourriture qu'il prend; car s'ilmauge de la graine d'Jcaiou , fa chair a vn gouft d'ail afTez agréable jfi de la graine de bois d'in- dc, elle fent le cloud de girofle & de canelle^fi des DES OYSEAVX. **, graines ameres,ildeuient amercbmmeficl:Quand il mange de Ja pomme de Ientppa, fa chair deuient toute noire , mais elle ne laiflepas d'eftredetres- bongouft. Quand il fe nourrie de prunes de Mo- mins , de Cacbimasy &c de Gouyaues , il eft dans fon embonpoint , ôc alors nos François en foat vue eftrange defgall. Des PcrrîqH#s. §. III. j^l-E que nous* appelions Perriquefs -, {bnfcdc j*e~ V^tirs Perroquets tout verts , gros comme des Pies ,& qui! vray dire , ne font que de petitscajo- leurs' y qui ne peuuent non plus garder le filencê que le cliquet d' vn moulin. Ils volent en bande* & fe branchent toufîours fut les arbres les plus fueil- lus & les plus verts ; de forte qu'on ne les peut que bien difficilement apperceuoir:Et là vous les enten- dez cajolera dégoifèrpefle-mefle vn certain pe- tit jargon fi éclatant & fi importun, qu'ils eftour- diffent les ®reilles des paflans : Et s'ils entendent qu'on parle bien haut , ils haufient te ton de la voix, &veulenttoufioursauoirle deffus. Us fe nourrii- (ôtttcomine les autres Perroquets, mais la chair en cftbeaucoup plus delicate. Ilk apprennent fort fa- cilement àî chanter,à parlera fifier,^ à contrefaire toutes fortes d^animaux. Us font plj|s gaillards * & donnent plus* de diuer tifTement que to us les autres Perroquets. ?p n « 30o; DE S CRIP T I ON Toutes ces trois efpc ces de Perroquets nichenr dans les creux des arbres : leurs nids font faits de branches, de moufle, de coton, & de plumes. Les œufs ont la cocque de couleur de vert de mer. Eftant éclos ils ne font que piailler ÔC cancahner ,iu£ qualage defîxoufeptmois. ïen ay veu parler di- ftin&ement auanf que dauoir quitté le Gancandge. Du Flamande î: iv. LE Flamand eft vn oyfeaurgros comme vnc oye fauuage*, il a les plumes de couleur de Nacara, ôc eft le plus haut monté de tous les oyfeaux que î aye iamais veu en ma viercar la jambe, qu'il n a pas plus grofle qu'vn doigt depuis le pied iulquà la iointure, a vn grand pied ôc dêmy de roy:& autant depuis cette iointure iufqu a fon corps. Il a la jam- be toute rouge^ le piedà demy marin : il aie col Tougc, fort menu pourla'grandeur de Toyfeau^ ôc long dVne demy thoifè. Il a là tefte ronde & peti- te, a laquelle eft attaché vn gros bec, long de qua- tre poulces,moitié rouge, ôc moitié noir,& recoure béenforme de cuèiHiere,auec lequel il va chercher au fond de 1 eau (à nourriture. Il faut remarquer que les ieunes font beaucoup plus blancs que les vieux, ôc qu'ils rougiflent àmefure qu'ils auancent cnâge. Ten ipveuaufir quelques -vns quiauoient les ailles meilees.de plumes rouges, noires & blaa- dies5 & ie crois que ce font les maflev DE S OTSEAVXi 301 Gcs oyfeaux ont le ton de la voix fi fort , qu'il n y aperfonne, en lesentendant,quinecreuftquecc font des trompettes qui fonnent. Us font rares , & ne fe voyent iamais , finon dans les falines les plus eflôignées du peuple.Ils font toufiours en bande,& pendant qu'ils ontlatcfte cachée barbottant dans l'eau , comme les Cygnes, pour trouuer leur man- geaille : il y en a toufiours vn en fentinelle , tout de bout, le col eftendu, l'œil circonfpeâ:>& la telle in- quiète : Si- toft qu'il apperçoit quelqu'vn, il fonne la trompette , donne l'alarme au quartier , prend le vol tout le premier,& tous les autresi lefuiuerit. Ils volent en ordre comme les Grues ; que fi on les peut furprendre , ils font fi faciles à tuer, que les moindres bleflures les font demeurer fur la pla- ce. La chair en eft excellente , quoy quelle fente vn peu la marine. Mais fur tout la langue paf- fe pour le plus friand morceau qui puiflfe eftre mangé, - On les efeorche , &de leur peau oïi en fait des fourrures , que l'on dit eftre tres-vtiles à ceux qui fonttrauaillez des froidures & débilité d eftomaçhr Dti Çolihris* §. V. LEÔolibris eft le plus petit , & le plus gentil de tous les oyfeaux du monde. Dans toutes les Indes Occidentales , il s'en trouue communément de deux fort<*s,qui toutes deux difput ent de la beau* Pp iij m DESCRIPTION té auèc desauantages fi égaux , que ic tic fçay de quel cofté pencher pour donner mon fuffrage : Tayme mieux ladfleteela indécis, & mécontenter feule menttf en faire icy la defaiption,afin qu auec eonnoiffance de caufcjVous puifliez comme vn au- tre Paris , donnetta pomme d'or à qui elle appar- tient. Le pluspetkifc dk pas pi us gros que le petit bout du doigt : il a^tautes les: grandes plumes des aifles ôc celles de laqueiie, noires : Toutlereftedu corps ôc leéeffiisdes aifles eft dVavert brun, rekauflcdVn .certain vermeil , on htfire, qui ferait hontel eelu-y du velaurs& dufatinul parte vne petite huppe fur lia tefte , desert i^tifTant, enrichy è* vnfurdetëé* qui ibrille & éclate comme s'itauaitvrae petite eftoille f au milieu du front : il a le bec tournoie,, droitjfort jnenu,& de lalongueurdSoie petite épingle. Le plus gros eft enuiron la moitié gros comme ilepetitRoyteletde la France jil aies aifles &la.queuc demefme quele premier k Toutes les plumes de deflusle dos font de couleur d'azur , il ne parte Îroint de huppe fur la refte ; maken recompenfeelr e eft couuerte , & toute la gorge iufqua la moitié du ventre, d'vn certain velouté cramoify chan- geant, &qui expofé à diuersiours, faic comme 11- ris^parade de mille belles couleurs,fans en determi- ner aucune. Ceux-cy ont le becfbrtlong, Siaicea îbecdeÇorbin. Lés femelles des premiers nont point la petite Jiyppe fur la tefte ,cxîii plus que celleides féconds^' " DES OYSEAVX. 30$ 1 ornement de la tefte & du ventre. Le Soleil ri eft pas pluftoftleué, que vous les voyez voltiger au- tour des fleurs , comme de petites fleurs ecleftes qui viennent courtifer celles de la terre, & fànsia- mais pofer les pieds , vous leurs voyez donnermil- le baifers,fourrant leur petite langue (qui eft com- f>ofée de deux petits filets, & toute femblablc àcel- e d vne vipère. ) Iufqu'au centre de lafleur,d ou ils tirent en mefme temps leplaifîr & lVtilitéYle miel & leur nourriture. le nay iamais rien veu en ma vie de plus gentil, ny de plus artiftement trauaillé , que le nid de ces petits oyfëauxtils le font ordinairement furies pe- tites branches d'vn Otanger ou d vn Gitronier , ou furies foibles cyons des Grenadiers , & bienfou- uent dans les Cafes fur le moindre feftu replié , qui pend de la couuertureXafemelle baftit le nid pen- dant que le malle va chercher les matériaux , qui font du coton, qui n'a iamaisefté mis cnœuure, ôc qu'il cueille luy-mefnie fur les arbres; de la plus fine moufTe des forcfts,&de petites efeorces de gom- miers. Il y a véritablement du plàifir à voir cette petite mefnagere en befogne:elle reueft premierer ment la branche , où Jefeftu fur lequel elle doit iairefbnnid^e coton ,àla largeur dvn poulec , & û ferrement que tout le petit édificenepeut éftre jdbranlé : puis elle éleue là defius vn petit rond de coton, delà hauteur d'vn doigt , qui eft comme le fondement. Cela fait elle carde , s'il faut ainfî dire, tout le coton que luy apporte le malle , & le remue 3*4 DE S C RI P T I O N qualï poil à poiUitec fon hccôc fes petits pieds*. puis elle eri forme fon nid , qui n eft pas plus grand4 ■que la moitié delacocque dvn œuf de pigeon: i mefurdquelle éleue le petit édifice , elle fait mille petits/tours ,polluTant âuec fa gorge la bordure du -nid, & le dedans auec & queue : puis elle reueft -tout le dehors de ce petit édifice , de moufle ,& de ces petites efeorces de gommiers qu'elle colle tout àTentour dunid , pour le guarantir des iniures du temps. Tout cela acheué elle pond dedans deu-x œufs, guère plus gros que de petits poix , blancs comme de la neige. Le mails & U femelle les eouuent air ternatiuement l'efpace de dix ou douze iours , au bout defquels les deux petits paroiflent pas plus gros que des moucherons.Ie nayiamais pu remar- quer en quoy confifte la bêchée que la mere leur apporte , finon qu'elle leur donne fa langue à fuc- cer,que ie crois eftre toute emmiellée du lue qu'el- le tire des fleurs. Quelques-vns de nos François les tirent à coups de fufîls, chargez dVne petite^pincée de fable au lieu de plomb : mais cela les dépouille de leur plu- mage, & fair beaucoup perdre deleurluftre:mais nousauons appris des Saunages vnc méthode pour les prendre vifs, faifant vne petite verge derofeau fortdefliéc de la longueur de deux pieds, laquelle onattache à vne baguette de dix ou douzepieds, Payant incité vn arbre que les François appellent hè deJoyeyQtixeçok le laid qui en fort, lequel à for- ce D ES OYSE A V X. 305 ce de le remuer fur la main, l'efpoifit ôc dement en gluë,plus fubtile ôc plus tenace que celle de la Fran- ce. Cela fait on englué la petite verge , ôc s'eftant caché fous vn arbre qui foit fleury ; ces petits oy - féaux viennent à voltiger autour des fl«urs,& pen- dant qu'ils s'occupent a les fuccer, on les touche fa- cilement auec le bout delaverge,à laquelle ils de- meurent attaches. Les ayant pris , on les fait fei- eherà la cheminée dans de petits cornets de pa- pier,depeur que la fumée ne les gafte. De la Fregw. §. V I. L'Oyfeau que les habitans des Indes appellent Frégate ( ie crois à caufe de la vifteffede fon, vol ) n'a pas le corps plus gros quvne poulie : il a l'eftomach extrêmement charnu. Toutes fes plu- mes font noires comme celles du Corbeau : il a le col moyennement long, la telle petite, deux gros yeux noirs , &laveue autant ou plus perçante que celle del'Aigleril alebecaflezgros,toutnoir, long de fixàfeptpoulces , tout droit \ mais le deiïuseft recourbé par lextremité,en forme de crochet: il a les pattes fort courtes, deux griffes comme celles d'vn vautour, mais toutes noires-.il a les ailles fî pro- digieufement grandes, que de l'extrémité defvne à l'autre , il y a quelquefois fept à huit pieds : ôc non fans beaucoup de fujet , car ces ailles luy font bien neceiTaires pour faire ce qu il fait , s écartant *o6 DE S CRIPT ï:Q M quelquefois des ferres déplus de trois cens lieues; I| a beaucoup de peine à. fe leuer de deflus les bran- ches j mais quandil a vne fois pris fon vol, vous luy voyez fendre 1 air d'vn vol paifible , tenant les ailles- eftenduës fans prefque les remuer , ny fe fatiguer aucunement. Si quelquefois la pefanteut de la f)luye,ou rimpetuoiîté,des vents l'import une^pouF ors ilbraue les mies , fe guindé dans la moyenne region de l'air , &• fe dérobe delà vetiedes hom- mes. Mais quelque haut qu'il puiiTe eftrc , il ne laiffepas dereconnoiftre fort clairement les lieux où les Dorades donnent la chaffe aux poiflbns vo* lans; & alors ilfe précipite du haut de l'air comme vn foudre, non toutefois iufqu'au razde l'eau \ car ilferoit bien en peine pour s'en j:eleuer,mais quand il eft à dix ou douze thoifes de -1 eau,il fait vn grand caracolle, & fe baiflecomme infertfîblement, iuf- qu a venir rafer la mer , au lieu où la chafle fe doa-i ne , & en parlant il prend le petit poiflon au vol de^ dans l'eau , du bec Se des griffes yôc fouuent de tous les deux enfemble.. Le malle porte vne^grande crefte rouge comme celle du coq , non fur ia tefte y mais fous la gorge. Cette creftçneparoiftpourtarit qu'à ceux qui font bien vieils. Or tout ainfi que dans l'Europe, les Herons ont des heronieres , qui font certains petits cantons de hois qui leur fert comme de lieu de refuge où ils s'affemblent, ferepofent,feconfcruent , cVmuld- gliejat leur efpece a demefme ces oyfeaux ont en -.- " D ES O Y S J£ A VX. 307 Fort long temps vne petite ifle dans le petit cul-de- fac de la Guadeloupe, qui leur feruoit comme de domicile , ou pluttoft d Vne fregatiere , ou toutes les frégates des enuirons venoient fe repofer la nui&, & y faire leur nid dans la faifon. Cette peti^ te ifle a efté nommée ïiflene aux Frégates ,& en porte encore le nom,quoy qu elles ayent changé de lieu; car aux années mil fix cens quarante- trois ôc mil fix cens quarante* quatre , plufieursperfonnes leur firent vne fi rude châffe,qu elles furent contraintes d'abandonner cetteifle • cYmoy-méfme pouffé par les auantageux récits qu'on me faifoit de 1 huille qu on tire de ces oy feaux,ie leur fus donner la der- nière chafle , & en pris moy trois ou quatrième, plus decent en moins de deux heures. Nous fur- prcnions -Ics-grandcs fur les branches g ou fur leur nid , & comme ils ont beaucoup de peine à pren- dre leur vol, nous auions le temps de leurfangler des coups de bafbns, (que nous auions longs com- me des picques)au trauers des aiflcs,&ellcs demeu- roient tout-court à demy eftourdies. Un y en -eut pas vne de toutes celles qui prirent le vol,qui n eut mal au cœur en partant , & qui ne nous vomit deux ou trois poifibns grands comme des harans à demy cuits, leerois que ceftoit pour fe defcharger, afin de voler auec plus de facilité. L'huilleoulagraifTe de ces animaux eft vn fou- ticrain remède pour la goutte fcyatique , &pour toutes autres prouenantes de caufe froide, On cri fait cas dans toutes les Indes comme vn trefor. <3&* 3o8 DE SCRIPTIO N Du grand Cfojier. fe VII. IVfquicy vous n'auez ricn veu que de beau , de gentil, ôc de gaillard-, mais vous allez voir la des- cription dvn oyfeau le plus laid ôc le plus trifte de Amérique. Ce grand Gofîer ( que quelques-vns appellentPelican d'eau ) eftvnoyfeau, qui quant aux pattes , au corps 3 à la queue , ôc aux ailles , eft tout femblableà vnoye ; la couleur de Tes plumes eft dvn gris cendré : il a la tefte deux fois groffe comme celle d'vne oye , mais voûtée ôc couucrte dvn plumage blanc &raz , qui lefaitparoiftre de loin comme pelé &ehauue. Haies deux coftez de; la tefte plate,dans lefquels font enfoncez deux pe- tits yeux , qui au lieudeluy feruir d'ornement , le font paroiftre plus laid. Sonbeceftlong dvnbon pied de Roy , ôc plus ; large de deux poul ces , tout gris , ôc rayé depuis vn bout iufqu a l'autre. Le def- lous du bec eft compofé de deux petits offelets, ployables , lefquels eftant bien ioints parie bout, font pourtant feparez. iufqu â la tefte, aux deux co- tez de laquelle ils s emboittent comme lesmanti- bules. La peau du deflbus de fon col ( qui eit fort efpoiiTe, fans plume, toute grize, fouple ôc plusex- tenfible que du chamois , ôc douce comme du fa- tin-) fe vient ioindre à ces deux petits offelets , en forte queledeffbus decebec fert comme de .cer- cle pourouurir ôc fermer lagueulledefonfac, de " DES OYSEAVX. 3o* fi gipcîere , oudfi fon grand gofier. Çhjon le nomme comme on voudra , ie puis ^. fleurer fans hyperbole, qu'il tiendra plus de poiffons, que fîx hommes bien affamez nea fçautoient manger en vn bon repas. Apeineleiour leur a-il fait ouurir les yeux,qu'ils fe mettent en campagne,voîantsàraz de l'eau tout le long delà cofte } iufqu'à ce qu'ils ayent trouué vn lieu où il y ayt quantité de poiffons, L'ayant rencontré, ils fe leuent vne picque ou deux dedans l'air , ôc chacun d'eux choififlatit fa proye^ tout à coup ils ferrent les ailles, roidiffent le col, dreffent le bec, &fclaiflint tomber la teftedeuant,cditinle s'ils eftoient morts, & celaiï à propos,que rarement ils manquent leur proye , laquelle ils engluutiffent toute viue dans ce gouffre de Gofier. Cela fait, ils fereleiient , quoy qu'auec beaucoup de peine i ôc tout incontinent fe laiffent retomber pouren faire de mefme, continuant ce petkjeu, iufqu'à ce qu'ils; ayent gagné de quoy emplir leur fac , tam£t|uïheri regorge. Quand ils font bien ik> irisas fe retirent. ad'icart* & fe vont poftr farcpi^lque pointe 4e rock^rj^ui paroift au deiïus de Team , & m tiennent là iufques au foir , commue t"ô«*triftes , lès yeux fichez dans k mer, fans branler , nokpks que s'ièâ Soient de marbre. Le foir venu , ils retournent à la Chaffe comme le matin , & ayant bien fouppé, ils fe reti- rent dans certains petits iflets qui leur feruent de retraite , comme nous auons dit cy-deuant des fre- » JK3 D E SCRIP T I ON gattes : Quoiqu'ils ayent les pieds plats & marins comme les oyes>ils ne laiifentpas de fe brancher &£ nicher fur les arbres. La chair de cet oyfeaueftba- ueufe* & fentfî fort le marefiage, qiril fe faut foire violence pour en manger. le crois que leur graille eft auffi banne que celle des Fregates,fi on en vou- loir vfer. On fe fert de leur peau pour faire des four- rurev commode celle dullamand. iDu ÇrMer. i. VI H. QVtre les Herons communs que nous auons en France ^ & qui fe voyent aflbz communé- ment aux Indes., il y en a vne féconde efpeec que lès, habitans appellent Crabkrs , parce qu'ikne vi- uentqùe deCrables. Cétoyfeau eftde lagrofleur d'vnchappon,& ne luy cede nullement .en bonté; ila les pieds iaunes ,1e col vn peu plus çourtquece- luy du Heron commun , la tefle timbrée d'vn beau panache d egrette très-fine &de couleur dardoi- fe. Il en a auffi quelques-vnes fut le dos:Cét oy feau .a quatre taches iaunes , larges d'vn poulce, & lon- gues de deux, fous le ventre, & deux aux deux cuif- iesi qu tl fauteouper foigneufernent, dautant qu'el- les font ameres comme fiel. i i : p Ç) ■■-.-■ " I DES OYSEAVXl m Des M mues , des Feux , & des Feftu-m-cuL §. I Xi Lneftpas necefTaire de faire icy vne longue des- cription des Mauues5.dautant qu'elles fontfuffi* famment connues tout le long des coftes de Fran^ ce. le me contenteray feulement de dire, qu'il y a quantité de petits iflets qui en font fi remplie quô tous les Sauuages en paflànt en chargent leurs Pi- rogues , qui tiennent bien fouuent autant quVne bonne chaloupe. Mais ceft vnë chofe plaifante de les voir accommoder par ces Sauuages ; car ils les jettent tout entiers dans le feu fans les vuiderny plumer ; & la plume venant à fe bruflër, il fe fait vne croutte toutautour de l'oyfeau,. dans laquelle il fe cuit. Quand ils le veulent manger ,ils leuent cette croutte fous laquelle l'oyfeau eft blanc , comme neige,puis louurant par la moitié, ils en tirent tou- te la farce , ceftl dire, tripes & boudins, & tout ce qu'il y a dedans.Cependantjl'oyfeau n'en a pas plus mauuais goufb ,. L'oyfeau que les habitans appellent Fou , eft auffi vne efpece de Mauue , il eft gros comme vn Cor- beau : il a le deflfus du dos tout noir , cV le ventre blanc, il eft appelle fou,parce qu eftantvn peu trop efearté des terres, s'il voit vn nauireyil ne manquera pas defe venir percher fur les mafts, & bien fou- uent fi on alonge le bras hors du vaifieau>il fe Niant repoferdefTus&felaiffe prendre. i m DESCRIPTION Le feBu-en-mLe&LÏÏûe autre efpece de Mauue, & gros comme vn pigeon ; Cet oyfeau eft tout blanc comme la neige , il a le bec rouge , 8c deux plumes blanches longues de deux pieds , 8c eftroites , qui luy feruçnt de queiie , 8c ccft ce qui luy a fait don- ner ce vilain nom. Il s'écarte extrêmement des terres, i'en ay veu moy-rnefme éloignez de plus de trois cens lieues de terre , de quelque cofté que ce fut. LesSauuages fe feruent des plumes de fa queiie pourfe parer3 8c les eftiment beaucoup. D e tous les qy féaux de riuiere & de mare fis, :§. X. ÏL fê trouue dans toutes les riuieres des deux cuîs- de-itac de la Guadeloupe, dans les eftangs 8c pays xnarefcageux,grand nombre deCanarts, Serceilles ôc Z/ige@ns{Oj\xi eft vne autre forte de Canard,qu'on ne voit pas en France,lefquels de wm& quittent les riuieres te eftangs, 8c vienent fouir les patates dans les jardins, d'où eft venule mot de Vigeoner,tant vfité dans leslndes, pour diredefraciner les pata-> tesaueclesdoigts. Les poulies d'eau y font auili fort communes, commt aufïi les aigrettes 8c pies de mer j mais fur tout les becaffines, pluuiers,cheualiers,alouettes de mer,&aû€r$s petits oyfeaux de marine, fetrouuent en teM^^antkécknsîoa^es les faunes , que c'eft vnechofeprodigieufe. De "■ Dm S O YSEAVX ¥y De ïoyfeau appelle Diable. §. XL • LE Diable eft vn oyfeau no&urne,ainfî nomme parles habitans des Indes , à caufe de fa lai- deur. Il cft iî rare, que ie n'en ay iamais pu voir va feul,finon de nui cl:, &en volant. Tout ce quei'en ay pu apprendre des ChaiTcurs,eft que fa forme ap- prochent de celle duÇanart , qu'il a la veuc af- ireufe, le plumage mefle de blanc & de noir; quil repère dans les plus hautes montagnes, qu'il fe ter- rit comme le lapin dans des trous quil fait dans la terre,où il pond fesiceufs, les»y couue & y efleue fes petits, ienay pu apprendre de quelle viande il les appatellc. Quand il paroift deiour,iIfortfî bruf- quement qu'il çpouuenteceux qui le regardent. Il ne décend iamais de la montagne que de nuict & envolant;, il fait vn certain cry fort lugubre & ef- froyable. Sa chair eft fi delicatç, qu'il ne retourne point de Chafleurs de la montagnc,qui ne fouhaitc de bon cœur auoir me douzaine de xes Diables pendus à fonçoL De trois fir tes d'oy féaux de proye : fçâuoir, du Manfe fertile du Pécheur, &des Efoerillons. $. XII. EManfefenil eft vn puhTant oyfeau de;proyev qui en fa forme & en fon plumage a tant de L kÀ m DESCRIPTION r ©Semblance auec l'Aigle , que fa feule petiteffe Ten peut diftingucr , car il aeft guère plus gros qu'vn faulcon : mais il a les griffes deux fois plus grandes & plus fortes. Qupy qu'il foit fi fort & fi bien armé , il ne s'attaque iamais qu'aux oy féaux qui n'ont prefque point dedeffenfe , comme aux Griues, Alouettes de mer, & femblables petits oy- fiUons,& tout au plus aux Ramiers & Tourterelles. Il vit auffi de Serpens & de petits Lézards ; Il fe fp* fè ôtdimkement fur des arbres fees , les plus hauts & qui font eileuez au milieu des habitatioris,& c'eft Izé'ùà les habitans les tirent à coups defufils , fes plumes font fi fortes & û ferrées , que fi on ne le prend! rebrouffe plumes , leplomb n'apointde prife fur luy. La chaif en eft vn peunoire, mais elle ne laiffe pas d'en eftre excellente. Lé Pécheur lell ftouc fembiable au Manfefènil,-* horfmis qu'il a les plumes du ventre blanches , ôc celles de delftis la telle -, noires : Ses Griffes font vn peu plus petites; Ce Pefcheur eft vnvray voleur de &m 3 qui n'en veut nonplus auxanimaux delà ter- re , qu'aux oy féaux de l'air* mais feulement aux poiffonslefquels il efpie de deffiis vné branche , ou de deifus la pointe d vn roc. Et le voyant à fleur d eau3il fond prbrnptement defîus, l'enleue aùec fe i griffes,& le va manger fur vn rocher. L'Efmerillon ou G^'gnj^ eft vn autre petit oyfeaii de proye qui n'eft guère plus gros qu'vne Griue : il a tqutes les £luïïie£déde^ fbs, tâM&ûëtàk-ôtl&dïfom du ventre , felaftc, ' DE S OY SEA VX. *rf moucheté d'hermine. fleftUECmeiit:Ilsfont toufiours à la fraifeheur le long des riuieres ôc des fontaines, fous des arbres -, ôc là ils font mille & mille tours pour attraper vn moucheron ou vn maringoin?def- quels ils fe nourrirent. L'oyfeau que les habitans appellent Roffignol, èft fort rare dans la Guadeloupe. Il eft allez fem~ blable auRoytel^f de l'Europe ; mais il eft vnpeti plus gros. Ceftlefeuldetous les oyfeaux que i'aye veudaris les Indes, qui ait vn beau ramage. Il fe nourrit de mouches^ de petites araignees.il eft au- tant commun dans la Martinique , qu'il eft rare dans la Guadeloupe, il niche mefme fort priué- aient dans les Cafes. Chez vn Lieutenant de mes amis, ien ay veu vn qui fàifoit foh nid dans vne callebafle pendue au deflus de fa table. Il y auoit défia trois ou quatre ans que ce petit oyfeau iouyf- fbitde cette faneur, & pay oit fort fidellemènt ks entrées ôc forties par de petites chanfons fort agréables. Des zAronàtlUu §. XVI. Es Arondelles font autant rares dans toutes eestjfles , -qu'elles font commune* dans EEuro* L "" 3W tf'ES OYSEAV X. pe *, car pendant fept oa huid ans que i'y ay re- fidéyie n'en ay iamaisveu plus d'vne douzaine: El- les n y paroiflent que pendant les cinq ou fix mois qu'on les voit en France , & fe retirent & Te ca- chent ic ne fçay où , pendant le refte de Tannée , ce qui me confirme dans vne opinion particulière, & contraire àla commune, qui alfeure que toutes les arondelles changent de climat, & vont pafler les fix mois de froidures dans des regions plus chaudes, ee qui eft vne pure refuerie rear il eft très-certain que dans les regions les plus chaudes , elles font la mefme retraite. le né veux pourtant pas nier , que celles qui font voifînes des pays chauds ne s'y retirent , lors que le froid les prefle : mais il ne faut pas croire la incline choie de celles qui en font éloignées, comme cel: les de la France, & de tout le refte des pays Septen- trionaux. Ariftote au liure huitième des Animaux* chapitre feiziéme, eft de cefentiment; Voicyles propres paroles de ce Philo fophenaturalifte : 4~ uium complures condunturynon , njt aliqui putanr9p-auc#i nec omnes ad loca tepidtora aheunt^fed qtubus loca emfmodï funt mcmafoliufedi^s eofecedere !ibet,vî MiluosJ-liwndi- maçrereMimaduerfumeft. Quaautempmcttl lotis em/mo- dt toorantw , non mutant fe de m fed fè ibidem condunt : iam cmmvifaftmt muhœ hirundanes manguflyVconmllmmnU' dœatquevmnmodefLmes. Aldrouandus dansfon Ornitologie, Tq me kj cond,. liure dix-feptiéme,chapitre fixiéme, allure, que plufîeurs arondelles fe cachent mefme iufques ftô DE SCR I PT ION dans la glace,&s.y- confcrusnt iùfqu'au Printemps; auquel temps elles reprennent for ce, vigueur, & volent comme auparauant. Conformément à cela vn homme- digne de foy, ma afTeuré qu'en vn cer- tain village de Mofcouie , il luy fut apporté dans vn poëlle vne grande piece de glace, dans laquel- le il y auokplufieurs arondelles gellées, &C mortes, au fentiment de tout le monde; & que la glace ve-_ nantàfe fondre, les arondelles fentant le chaud fe f animèrent, ôc prirent le vol comme fi elles n'eut fent efté qu'endormies. Olatis Euéque de Ypfal en Allemagne , Albert le Grand,& plufieurs autres font de cette opinion: Et fi nous adiouftons à cela que les regions chaudes ont beaucoup moins d'a- rondelles que les froides,il ne fe faut pas eftonner, fiie fouftiens cette^propofition , & fi i'afTeure que les arondelles ne changent point rde pays , ainfi que le vulgaire croit ; mais quelles fe retirent dans des creux d'arbres, comme ditle^PocteClau- dian. Velqualis gelidis^lumaiàbentefruïmu Axions immoritur trunco bmmalis hirundo. Oudans de vieilles mafures,, où dans desrôfèaûxî & que la vicêc la chaleur naturelle eft conferuée au cœur , -fans que les autres parties s'en reflen- tent. Pour fçauoir maintenant comme cela fe fait ; ç'eft vne chofe qui futpafle la portée de nos «fpritsu Des " DES OTSEAV X. :$,.t Des oy féaux domeftques -, comme poulies d'inde & poulies communes. §. XVIL . . ' d kzd L Es Poulies d'inde font dans toutes ces «™^, comme dans leurs lieux naturels:elles*couiieHt trois ou quatre fois l'année i ôc multiplient à mer- ucillc, pourueu qu'on en ait vfrpeu de foin. Ceik qui ont des femmes vn peu mefnagercs ( quieft vn oy feau affez rare dans les lndcs)y font de grands profitsJc fçay dos meilleures familles deS.Cfarift<*- phe.qui fe font enrichies à cepetit m efrtaige.il faut dire la mefme ehofe des poulies communes. " _;■ ! .- -: •- P p ÎO : . , . • • ... « ■ ; - DES MOVCHES. CHAPITRE SECOND. I • *\ Près auoir fuffifammeat traite des oyleaux# Li'ay creûeftre à propos de traiter icy des mou- ches , comme en fon propre lieu ? & quoy que i aye peu de chofes à dire de ces yolatilles , ie fe~ fois fcfupule de fruftrer l'attente du Le&eur ai- rieux en le taifant p dautant que ce que fen dir^y ■n" eft pas commun. ' j gin Sf $z% DE SCR: I PTLO^N :....i?« Abeilles* S II L Es Abeilles doiuent tenir le premier rang en* tr^i les autres mouches , comme les trouppes royales $c celles qui font les plus vtiles aux hom- mes* Mais comme feTeroit fans doute m efloigner tiej&on dciïein , lîie déeriuois des Abeilles des In- des g tout ce que les Autheurs ont laifle par écrit de celles de rEuropejXe me eon tenteray de dire precis fément os en quoy elles forit4iiTernblables.~ 3 , fiii^premierlieu, il n'y en apoint du tout de pri- uées -.elles font toutes ;fauuages 9 jk ie ne crois pas qu'on les puifTeiamais appriuoifèr. l'y ay fait tout ce que i ay pu | ayant feie le troncd Vn arbre , dans lequel il yauoit vneruche,ie lapofayfurvne fou- che,laquelle i eauironnay.de cendres pour la gua- rantor des fourmis, Se y apportay tous les artifices qu^içcreus m ceflaires ppurfa conferuation, mais en yarn: car quoy que les Abeilles y demeurèrent fortloiig-tempsjce ne fut q^e pour butiner Se cn- leuer tout ce qu'il yauoit dedans :ôe en effet,quand elles l'eurent yu^^ ment. Ces Abeilles font la moitié plus petites que cel- les de France > &eri ont point du tout d'aiguillon, Elles font leur périt mefnage dans de s at bres creux, Se leurmiel eil: dans de petites bouteilles de cite, qui foMgrolfes comme des œufs de pigeon, dont ' DE S O Y S E A V X. 31$ chacune tient vue bonne demy-onec de miel fort clair, bien efpuré, de couleur d ambre, dWgouft fort aromatique , & meilleur que ecluy de France. Dans les ruches les plus abondantes , il n y a pas plus decinq ou fix hures de miel , & deux ou trois liures de cire noire, laquelle ne peut eftre blanchie f>our quelque diligence qu'on y puiffe apporter. Elle eft beaucoup plus molle que celle de l'Europemous nous en feruons neantmoins pour faire desxierges, .mais e'eft i fauted autre. Des Mouches luifimtes. §. Il/ IEnây rien veu dans toute l'Amérique digne à moniugenient d'eftre admiré comme les mou- ches luifaates. Ce font comme de petits Aftres ani- mez , qui dans les nui&s les plus obfcur es remplit- fent l'air d'vne infinité de belles lumières , qui cl- clairent& brillent auec plus d efclat,que les Aftrc# qui Tont attachez au Firmament. De iour elles rendent homagé à ce bel Aftre, duquel toutes cha- fes lumineufes empruntent tout ce qu elles ontdc fplendeur & d'éclat ; car elles fçauent fi bien cacher leur lumière, que' ceux qui ne les connoiflent pas les prendroient pour de vils efeargots : ellesfe reti- rent dans les bois pourris , iufqu'à ce que le Soleil foit couché: & alors elles prennent le volqui deçà qui delà, & iifemble que ce foient autant dechan- delles allumées , portées par des mains inuîfibles Sfy i 3p DESCRIPTION le long des forefts & des habitations. le ne fçay fi g eft l-amout ou Tenuie qui les fait courir auec tant d'ardeur, après les chofes qui brillent ou efckttenc cant Toit peu : mais il ne faut que pofer vne chan- delle, vn tifort de feu>ou vne mèche allumée, pour les fakeapprocher fefeire tant de tours aux enui^ rons de ces lumieres€ftrangeres,quebienfouuent elles y cfteignentla leur, ensy bruflant comme les- papillons à la chandelles Ces petites chandelles viuantes fuppléent lou- uent à la pauureté de nos Peres , aufqucls la chan- delle ôc l'huille manquent la plufpart de Tannée: quand ils font dans cette necefïïté , chacun fe fai- fît d' vne de ces mouches , Mm laifle pas de dire Matines auffi facilement que s?ils auoient de la chandelle. Si ces mouches eftoient incorruptibles comme lés pierreries , ôc que leur lumière les furuéquit > II eft certain que les diamans & fes-efearboucles per- droientleur prix : mais cette lumière eftcellcment attachée àla diCpoiîtion de l'anima^que lors qu el- les font enpleine fanté , elles font feu de toutes paris ^ & quand elles font malades , cette lumière 3^ifoiblit,& fe perd entièrement, lors qu'elles m^u* rent; Cela fe remarque aifément par ceux qui en veulent conferuer envie ; car elles ne viuent que quinze ioursoufixfémamcs au plus , eftantainfi prifes, l'en ikp veu vnc autre efpece toute différente dans la Martinique > lefquelles ne font pas plus " DES OYSEAVX. 5i3 fofTcs que les mouches communes. Celles-cy nt briller en vn moment dans l'air dix ou douze petits efclairs dVn feu doré-, le plus agréable du monde , puis elles s'arreftent & cachent leur feu rout à coup,&àvn nioment de là elles recommen- cent, & vont ainfi voltigeant toute lanuict,faifant paroiftre à chaque démarche vn petit échantillon- de leur gloire. Cette- clarté"" eft attachée à vnc cer- taine matière blanche, de laquelle elles font tou- tes remplies , & elles la font paroiftre parrincifîon deleurpeau quand il leur plaift. Des Mouches cornues. i §, II 1^ LA mouche cornue eft vne effrange efpecè de mouché , laquelle quant à la forme du corps, eft toute femblable au cerf-volant , ou à ces gros hanetons gris qu'on trouue fur la fin dèTEfté dans les cheminées :ellesont la tefte noire,fort petite, Se couuerte dVn poil orangé , doux comme de la fôye : Dans cette tefte font enchaffez deux yeux ronds , gros comme des petits pois tannez, cl airs,& diaphanes comme du verre. Il font arreftéz dans leurs petits chatons par deux petites pointes qui les couurentàdemy. Ces yeux font dvKe matière fi dure .-, que i'ayfâit plufîeurs fois mon poflible pourles creuer, fans en pouuoir venir à bout , a. moins que démettre la tefte par morceaux. Cet- te petite tefte fe termine en forme de Corne re- Sfii) ï frï '! fié DE SCRIPT I On trouflee & armée de quatre dents , comme la pince d'vne efereuifle. Cette Corne esft noire , dure ôc |>olie comme du gay etV& longue denukondeux poulcesi Mais ce que ie trouuede plus remarquable , & qui ne fe rencontre dans pas vn de tous les animaux du mondcjeft qu elle a vne ioin&ure &vn mouuc- ment au deffus des yeux : carpette petitetefte eft couuerte d'vn certain cafque depuis les aifles iuf- ques fur les yeux,où il fe termine en vne autne cor* -ne longue de trois ou quatre poulces ., $c qui fe .courbant en bas,att.cint la iointure de l'autre, & fait comme la pincé d vn efereuiffe. Cette corne eft .demcfme eftofTe que la premiere , exceptéque le deflbus eft bordé d vn poil raz & doux comme du velours : elleshauffent & baiffentee cafque quand bonleurfemble ,iln y a que les mafles qui portent ces cornes, les femelles n'en ont au^wne. ;Dcs Çuefytt. , f, I V. LHs Guefpcs font vne bonne partie d es plus nu des incommoditez de la Guadeloupe : elles font groflès comme des mouches à miel,mars deux fois plus longues: elles font grizes , rayées deiau- ne, & armées d'vn tres-dangereux aiguillon, Elles compofent vne petite gaufre grande comme la main , à guife d'vn rayon de miel , où il n'y a pour- tàntquç les petites Guefpesjlefquelles feforment dies o y sea v x. n? chacune dans leur petite cafes , & toutes les gran- des font par deflus y defquelles vne partie cou- se & fomente , s'il faut ainfi dire , leurs petits, pendant que les autres trauaillenr à agrandir la ruche. Ces ruches font attachées par de petits filets, ,compofezde lamefme matière que la ruche, a dés branches d'arbres 8c courtines des çouuertures des maifons , lcfquellesfont fort baffes dans toutes ces ifles:& cela en fi grande quantité, qu à peine peut- on voir deux pieds de courtines , où il- ne pende vndeces dangereux bouquets ; en plufieurs en- droits deiïfle , &nommément£le long des riuieres, tout en e&firemply qu'il faudroit auoir, autant d'yeux quvn Argus pour les éuiter toutes. Ces petites furies ( s'il faut que ie les appelle ainfi ) femblent neftre conipofées que de feu, de Jfiereté, ckrdé colère, elles font toufiours preftes à mal faire 3 il ne faut que paffer vn peu trop prés xi'ejlês pour les y pir toutes fondre fur vous , conir me de petites enragées,, chacune vous enfonçant dans la chair fon aiguillon, iufqu'au gros bout :à to- ilers de cet aiguillon il fe gliflevn certain venin, qui caufe vne fi excefliue douleur , queiaymerois mieux eftrepicquéïd'vn feorpion du pays> que d'v- ne de £es Guefpcs. Ces pkqueuresfônt en mefme çempsfuiuies de l'enflure, quidure trois ou quatre iours , 8c il n'en faut qa Vne feule pour rendre lé vi-? fage dvn homme tout contrefait. Le remède le plus prompt & le plus à main, eft d'appliquer l'allu^ ■ ■■ 1 . .- .# 3*S Ï>ËSCRI1>TI ©N melledvncouftcau toute froidetfur la piequeure; Mais Fherbe aux flèches èft le plus^excelient remè- de de tous ; car fa racine pilée & appliquée fur le mal, attire levenin, fait cefler la douleur, &ofte l'enflure en mefme temps. Pendant les grandes ,yluyes;la plupart le retirent danslaterre , & dans des creux d arbres , ou elles demeurent cachées demmx trois mois >auifi bien que les Arondelles idurâïitlft^uérdans l'Europe. Des Maringoins & des Moufliques. : §• -.%: : S3 nous joignons aux incommodités que-cau- fent les Guefpes dans l'ifle de la Guadeloupe, celles que caufent les Maringoins & les Moufti- ques, (fans dire rien des chiques , qui font les plus petits animaux,& ceux qui affligent dauantage les hommes) nous auons iuftefujet de croire que Dieu fe ferc des chôfes les plus petites & les plus infirmes du monde, pourfaire admirer fa puiffancé>&: con- fondre la fiiperbe des hommes. Les Maringoins, que quelques -vns appellent en f rançe, Confins, font a proprement parler de petits yurogttes de fang humain , & de petits larrons de la patience des hommes ; lefquels s'engendrent dans des eaux croupies. Au commencement, ce n eft quvn petit verraifTeau, guère plus grosquVn cheueUjlong Domme vn grain de bled : ies aille* leurs viennent ie ne foay comment, puis ils s^uo- lcttt DE S O Y S E A V X. 3*| lent en fi grande quantité, qu'en plufîcurs endroits l'air cnelttoutobfcur , ôc cela principalement au matin d-eux heures auant le iour , & au tant après le Soleil couché. Si-toft qu'onefl: arrefté, ces petits tyrans vien- nent bourdonner autour des oreilles auec tant d'importunité, qu il n'y «a point de patience qui n'é- chappe : ôc fîtoft qu'on penfe fommeiller, ils fe riient fur toutes les parties du corps qui font dé- couuertes, ôc chacun d eux ajuftefon petit bec(qui ne pouuant eftro veudes-plus clairs-voyants ,fe nric neantmoins cruellement fentir) dans vn des porcs de la peau , Sçfi-toik qu'ils ont rencontré la veine, vous les voyez ferrer les aifles y roidir lesjarets , & fiiccer le fang le plus pur, comme vn enfant qui tire k^laicT: du feinte fa nburrifle ; quel! oniesJaifTe faire^ils en tirent tant,qu*àpeine peuuent-ils voler. Les endroits de Me où il y a moins de Crables,font ceux où il y a moins de Maringoins . Il y a encore vne autre cfpece âc mouche, que les habitans appellent Moufliques, le fqiicllcs ne font pas plus groffes que de petites pointes d'eïpingles, &qui picqucntplus viuement que les Maringoins, &laiflent vne marque furla peau , comme vne ta- che de pourpre. Celles-cy ne fe rencontrent que le long des riues de lamer , qui font à l'abry des venrsi, .oui il rteftpas poffible de ie tenir arrefté aE matin ôc aufoir , fans en eftrc extrêmement tour- mente. DESCRIPTION Dequelqudtam effects de Mouches qmncfevoyentftint dansî Europe i& des Mouchef communes. *•■■ VI. IL y a encore dans ces iflcs deux autres fortes de mauches,qui ne fe rencontrent pas dans l'Eu - rope,dont les premieres font larges d'vn bonpoul - ce,& longues d'vn poulce & demy : elles font plat- cçs & aflcz Semblables aux efcarbos : cclles-cy ont les dents fi dures, qu'elles rongent &c percent iuf- qu'au coeur les bois les plus durs, pour y faire leur nid. Les autres font certains moucherons , qui ne font que bourdonner le long delà tenejors qu'im- médiatement après lapluïe,le Soleil viét à réchauf- fer vn peu ardamment. Ce qu'il y a de plus re- marquable en cclles-cy, eft la façon de faire leur nid : Pour cet effet , elles vont couper de petites- feuilles d'arbres qu'elles arondiflent auec leurs déts, de deux feuilles elles en forment vn petit pannier dans lequel elles en ajuftent vn-autre d'vne égale grandeur,en forte toutefois qu'il ne va pas iufqu au fond: Se dans -ce qu'il y demeure defpacc, ic ne fçay fi elles y pondent vn œuf ; mais il s'y engendre vne m©uche, 3c ainfîfucceffiucment iufqu'a dix ou douze. '•■-_-■ Il y en a encore vne autre forte , longue comme la moitié dàdoigt,qui en fait tout autant, le fçay par ' DES O Y S E AV X. 3ji experienceccrtaine^uc lvne & l'autre ont va très- dangereux aiguillon. Pour ce IEDS. CHAPITRE PREMIER. Des bejles dc LnBoura Ovt ce que nous auons de moutons 3 de chèvres, de cheuauxvdébœufs,&dafnes, tant dans la Guadeloupe; que dans toutes les autres ides habitées parles François , ont efte aportéespar ceux qui y demeurent,dcpuis quelles ont efté habitées. Les Efpagnols n y en mirent au- cuns , comme ils ont fait dans les autres idesy dau- tant que celles-cyeftant toutes couuertcs de bois, le beftail n'y auroit pu fubfîfter fans herbage. Mon- sieur Aubert fécond Gouuerneur, a commencé le premier pré dans la Guadeloupe, &ya fait appor- ter les premiers cheuaux , &MonfîeurHoiiel de- puis quelques années,y fait rouler les chariots, & la- bourer la terre auec les bœufs. Qoelquesgras, beaux , ôc potelcz que puiflent DES ANIMAVXDE LA TERRE. iH e/ke les; cheuaux,rre viuant que de verdure, de ra- cines de many oc -, &r de patates , ils font flafques , & n'ont iamais tant de vigueur que les cheuaux de l'Europe qui viuent de bonne auoyne. Ils font fort fujets a ]apouffe,& aux autres maladies des chc^ uaux de France. Des Porcs quife rencontrent dans toutes ces ijlcs9 (p me "agréable dejcriptiondelachajjc. s. n: NOus deuons aux foins des Efpagnols tout© iVtilité que nous retirons auiourd'huy ., non feulement des beftesdè labeur -, mais encore des porcs defquels ils ont^rem ply toutes les Indes, le ne meftonne nullement,*! cette nation a-aufE Iieu- reufemen t reiiflî dans reftabliffement de ies Co- lonies dans l'Amerique^ue dans le gouuernement dc-fcs peuples barbares , defquels vn feul Efpa- gnol regit vn pays affez grand 6e affez peuplé , pour Faire vne Prouince;car ilfaut auoiier ingenuëmen^ qu'ils font autant recommandables*, dans la pre- nçiyance & le (bin qu'ils ont eu de remplir chacu- ne de ces ifles , felon la capacité des animaux- qu el- les pouuoient nourrir, que, nous fommes blafma- blés dans le dégaft que nous en faifons tous jm iours,qui eft tel que depuis quinze ou feize années, me petite poignée de François que nous fommes; dans. la Guadeloupe , nous auons deftruit ce qui a feruy aux Efpagnols , prefque îefpace de deux fis* ' F—, . . . Ttnj i ,m $ 7 m E S C |C I P T Ï ON i qu'à noàire aFïiâée. ......... !0ÎgtT?erd es Mulatto M, trf^dfefté en vne matinée des trente &; quarante porcs parterre /font main- tenant.contraints de faire des dix , douze, quinze îîeue¥ par mer, portant leurs chiens, leuics armes, & tout leur équipage dans des Canots ^amants com- me des forçats de galeie , mangeant du pain du païs , beuuant de fea%& couchant fous des arbreç, «p©fe à toutes les iniures du temps , Se qui pis ef$,à ki^ercydesMaringoias & des Mouftiqués, qui leur dirent le meilleur fang du corps y & ne leur donnent vn feul moment de repos ; de forte qu'ils fmu contrainsnie pâflerkpfe grande partie delà fiui-éS % à fentour d-vn grand fe« , affis fur leurs ê&Z rieresco^mme desfingesje bout de petunèlabou- àiCy fumant comme des dragons3iufqu à ce que la fatigue les accable , que le fommeîl les charme & rende leurs corps iftfenfibles aux picqueures de ces Maringoins& des îvîouftiqucs. Ç^iandils font arriuez au rendez- vous; ils corn- pofent promptement vn petit jéiottpa de feuilles deLatanicraudeBalifier , qui leur fèrt feulement poureffuyer les plus fortes ondées de pluyes , & pour mettre a couuertleur victuailles, & leurs lids. Gela fait , dés lapointe du iour , ils donnent la huée àcinq oufîx gros dogues ou maftins qu'ils ont auec eux , & fe mettent en campagne, lcpksfbuucnt £ ~ DES ANIMAVX DE LA TERRE, 33f jeun , & veftus feulement d'vn petit «caHeçon de toille , qui leur ferre les feffes , & ne les empcfche nullement de courir. Vn d'eux tiendra vn grand coiafteaa dans fa main,vn autre vn coutelas, vn au- tre yne lance qui eft' comme vue demy-picque , mais qui a le fer large comme la main : Vn autre aura vu moufqueton ouvn piftolet. En cet équi- page, ilsfuiuent les chiens qui Vont qucftant&eC* u-entant lavenaifon , brorTànc à trauersdes hallrersv grimpant des montagnes 5c des rochers , qui font peur à les voir , franchiffant rnille precipices , où il y a au moindre de quoy fê rompre le col : Pour 1 ordinaire r ils font contraints de cheminer par des pays perdus , où ils enfoncent dans la boue & dans la fange -,, bien foauent iufqu a la cein- ture. Apres toutes ces peines, s'ils rencontrent vne bande de porcs , il ne faut pas dire que ce foi t vne chaffs , mais bien vne guerre confufe d'hommes, de chiens, & de pôrcstlés hommes crient5Us chiens aboyent, les porcs grongnent, comme iî toutes les furies d'enfer les tenaient aux feffes:Leschiés mor- dent comme loups enragez ', les porcs m deffen- dent, &r quelquefois d'vn coup de hiïre, font bon- dir les^cliiens de lahauteurd'vn homme , & leur mettent les trippes au Soleil; Les Chafle&rs focou* rent leurs -chfens , & c eft à qui lancera plus hardi- ment entrefer &tc-fpakte, celuy qui fait plus de lefifterice. L^s autres égorgenteeux que leàchiens ont defîa tetraflfez : mz\s pendant cette confafion, $$§ DESCRIPTION garde là dent -s car ces animaux ont de fi furieufes defîenfes, que quelquefois d'vn coup de dent , ils vous déeôufent plus dé peau, que le meilleur Chi- rurgien du pays n'en fç auroit guérir en - trois mois, fjpj .■.>•;; ! . p k . En fifï , ; ce mafTacre acheué fans que nos Chat feurs¥t pardonné aux truyes pleines, nonplus qu'aux marcafïins ( & c'eft ce qui fait le dégaft & deftriik entièrement la cliafle ) ils font prompte - ment le deuoir aux chiens fleurs donnant toutes les freffuresr, lefquelles au commencement .on laif- foitperdre , aunibien que la tefte& les pieds., ôc ondonnoit delà msiileure viande aux chiens , $c mefmei'en ay veuqui faifoient fcrupulede leur en donner de crue. Mais ce temps la eft bien paiTé; ie fçay certainement queceux qui en ont fait plus de dégaft], font à prefent contraints daller chercher pour, eux auec beaucoup de trauail, &e dont autre- fois ils nont pas: voulu repaiftre leurs chiens. -La Ckaffe acheuée chacun fe charge de fa befte; que ^î le nombre des porcs t liez excède celuy des Jhommes ,ils en efcorehentdeux ou trois , & font des facs de leurs peaux \ puis feparant la chair d a- uec les os , ;compofent autant de fardeaux qu'ils {ont déperfonnes, ^&ainfî chargez comme des af- nesijuivantau moulin , ils prennent le chemin du rénovez-vous, duquel a/Fez fouuentils font éloignez .dç.deux, trois 8c quatre grandes lieues. De vous dire icy la peiné qu'ils endur&nt en ce ret0ur,ceft ^hpfo quife peut mieux conçeuoir que décrire- " DES ANIMAVX DE LÀ TERRE. 537 .'le les ay veu quelquefois detefterlcur vie, maudi- re la chafIe,&protefter auec des iurements exécra- bles , qu'ils n'y retourneront iamais. Si-toft qu'ils font arriviez, ils jettent la chargepar dépit contre terre, &la couvrent deplusdemalediâtions,qu'il n'y adepoilfurlapcauquirenuironne : ce ne font que plaintes.,que murmures &que riottes,aufquel- les à moins que de vouloir eftre gourmé, il nèfevB; point de réplique. Cependant ceux qui ont gar- dé le boucan, quifçauent auiïibien la maladie dç leurs compagnons.., que le remède qu'il y faut ap- porter y £àns dire v« feul mot, augmentent pro-m- ptement le feu, mettent la m armitte haut, &,fila chaiTe, eft bonne, ils vous jettent ynporc en deux pieces fur le boucamqui eft compofé de quatre pe* cites fourches de la hauteur de deux pieds, plantées aux quatre coin gsdu feu jfurlefquçllesilsajuftent des baftons en forme de griL . Apeinc la viande a elle fènty Iefeu , que tous mes,çompagnons(aufquelsle Prouerbe, affamez comme des ChafTeurs , conuient mieux qua qui que ce foie ) tirent des éguillettes chacun dcfqa cofté,& remuent les mafchoircsdefî bonne gracp, qu'il ny apomtdedefgouftéquinépritderappe- tit a les voir faire. Le caquet leur reuiçnt auec le gouft de Ja viande, &: à proportion que le ventre «'emplit | :1c fouuenir de leurs maux s cuapore &fe perd. Ils difent mcrueille de lagenerofité de leurs chiens ; chacun eftalle fes proiieifcs , taconte fes a»wur$s,& Yaase XÀàxdkJmàxj& à e%#uf K9S9 Vu ' I 338- DESCRIPTION: coup it dent, balancer le cochon; Enfin,ils s'é^ chauffent fi bien par ces diCcours , que comme fi leurs maux pafleznauoientefté que des fonges& de pures* imaginations * à les entendre, il femble qu'il n'y ait point de mal-heureux que c^uxqui font priuez de leur mal -heureux bon4ieur : ils font de nouueaux projets d*y retourner dés le lende* main, mefme dans des lieux plus éloignez & plus difficiles : ils n y manquent nullement, & conti- nuent ce pénible exercice , pluftoft qu vne chafle agréable & diuertiflante , iufqu ace qu'ils ayent la charge de leurs Canots , ce qui leur peut valoir» quand la chafle eft bonne , à chacun vn baril de yiande,ou deux pour le plu s.. Ayantleur charge complette , ils sen reuiennenc Vent derrière, chantant , & auflî ioyeux que s'ils a- uoient fait vne heureufe fortune : mais comme fouuent le naufrage fe rencontre dans le port, il ne faut-qu'vnélame à 1 embouchure d'vne riuiere, lef- quelles toutes font de très -difficile & dangereufe entrée ; ou vn mouton en paflant/vne pointe , pour renuerfer toute la boutique ,...& ainfi conuertir la ioy e dé nos pauures Chafleurs en deûil,&4es priucr d'vn bïenaequîs a-uec dé fi pénibles tr au aux. Iereuiens àmonfuiet , duquel ie me fuis vn peu trop écarté en iuiuanL nos Chafleurs. le dis donc due- les Efpagnois ayansreconnû.quela Guadelou- pe leùrcftoit la plus commode de toutes les ifles Cânib aies, pour le rafraiichiflemcnt de leur armée^ €ant à iraifon des belles eaux,4icstorrens^ $rdesr> DES AN1MAVX.DE LA TERRE, w uicrcs , defquelles elle eft auantageufeffient pour- ueuë, qu à caufe de la grande abondance de fruicTrs qui fe trouuent plus àfoifon, que dans toutes les autres ifles s ils y ietterent enpaffant grand nom- bre de porcs,, afin que par fucceffion de temps ils fe mukipliaffent , cnlorte que pendant tr/@kp^ quatre iours que les femmes eftoient occupées à blanchir le linge de l'armée , les foldats puflene chaffer pour raffraifehir toute laflotte fatiguée par vnfilong trajet de mer. le ne fçay ou ils ont pris les porcs , qu'ils ont mis dans toutes ces ifles,; car ils font tout différents de .ceux que nous auons en France. Ils font plus cour» d vn bon tiers,ont la hure plus groffe,^ font armez de deux horribles dents, bouclées comme des cor- nes de belliers. Ils font noirs comme lesfangliers, & omlapeau., principalement les vieux malles, ef- poiffe dVnbonpoulce. La chair a meilleur gouft que celledes porcs de noftre France* On nous en apporte quelquefois de Tille de Ta* bac,'& des autres ifles voifines , vtie autre forte qui avnechofe bien remarquable , ccft vnefuent, ou vn certain trou qu'ils ont fur les-reins , dans lequel ©n pourroit aifément fourrer lepetit doigt, U qdi pénètre iufqu'au creux : Ils refpirent par cet en- droit, d ou vient qu ils ont l'haleine plus-forte, êc - durent dauantagça lacqurfç,<& font plus de peine aux Chaffeurs. Vu ij ' m DISC RI ET I ON De I A corny.. S. Ill L'Àcouty , que quelques-vns ont voulu affez iïial à propos faite paffer pour le Lappin des Indcss, eft vît petit animal , grand comme vn co- chon de laid d vn mois oufîxiemaines:il a la tefte fïfemblable àcelk d'vn rat, qu'elle n'en peut eftre diftinguée , finon par fa grandeur. Il a le corps & tes pattes d'vn cochon , & la peau toute couuerce tfvn poil noiraftre femblable à celuy d'vn Blereau: il a ia-queuë fort courte & toute pelée. Ce petit animal repère dans des arbres creux, ScCc nourrit de racines d'arbres , d'où vient que rarement il s'en rencontre de fort gras , nommément entre ceux quife prennent loin des habitations : car ceux qui en font plus proches fe nourriflènt de fruids", de manyoc & déparâtes, ôc en font plus gras ôc de meilleur gouft : mais les y ns & les autres fentent fi fe 1 1 lâf v^naifon^&ônt lâchait fid ure,que plufieur s les Eîéprifenr; * La femelle porte deux ou trois fois 1 année r <^amLêMe c& prefte-de mettre bas fes petits, i ay> réinapqiïé qtfelie fait va petit ltéfc d'herbe , ou 4t. mouife fous vn buiflbn,& y fait fes petite qui n'ex- oedeâtiamaislemombre dedeux; JLl,-clie les allai* âe deux ou trois iours,puis elle ks tranfporte,com» nie les chates font leurs petits, dans certains creux d arbres ou elle ks nourrit , iufqu ace qu'ils foient - k ^BHHH DES ANlMAVX DELA TERRE. 34* Hi eftat de fc pourvoir d'eux -méfincs. Plufieurs de nos habitans ne viuent quafi d'autre chofe *, ils ont prcfque tous de petits chiens dreiTez à cette châflc, qui les cuentent, & les pourfuiuentiufques dans leurs arbres creux , où les chafTeurs les enfu- ment comme des renards dans leurs terriers. La plu/paît ides chiens qui lenient à cette ebafle ^per- dent la véue en peu de temps,i_e crois que cela vient desLianes brnflantes 3 ôc des petites branches qui^ leur cinglent les yeux en courant. Les Sauuages fe feruent des dents de cet animal •dans leurs ceremonies , pour segratigfter ê&fahç fâigner par toutes les parties de leurs ço^ps; Com- me iediray dans ma cinquième Paicie. Des Lapins* ft IV. PLuCeurs habitans nourriffent dans toutes 1er ifles où iay efté , auffi bien que dans la Guade- loupe^ grand nombre de Lappins,lefqtiels ont efté apportez de l'Europe. Ils font de petites garannes; aaec des pieux qu'ils enfoncent dans la terre deux au trois pieds , où ils rencontrent infailliblement fetufyquieft prefque auiïî dur que du roc,fur lequel les patesdcsLapins n'ont point de prife.Us peuplent aufiï abondamtkierïtqu en France ; mais les rats fe méfient parmy eux, & mangent les petits , & bien fouuentcftranglent les grands 5 d'où vient que fi Vu iij 1 f:.- ■54* BE SCR ITT ION onna vngrandfoki ^toutes ces garaaaes dépérit fent petit à-petit. Des Tiloris ou Rats- mufque^ K \7 ILfe trouue dans quelques -vnes de ces ifles grand nombre de P//ora ou Rats mufquez , de mefrne forme que les rats de l'Europe* mais dVne fi prodi- ^gieufe grandeur, que quatre de nos rats nepefent pas vnPiloris. Ils ont le poil du ventre blanc , & le dos noir, &fententfifort lemuic -, qu'ils embaû- *ïient toutiairvoiiîn des lieux où ils repère tic. Ils nichent mefmeiufques dans les cafesjmais ne peu- plent pas tant que les autres racs communs. Les ha- dbitans de la Martinique les mangent ,, mais ils font .contraints après les auoir écorchés , de les laifTer On acreufort longtemps que les Çoulevres Se les Serpens la guaramiiîoient des ratsj mais depuis fix ou fept ans les coulevres n'ont pas beaucoup diminue , & les rats y font en auffi grand nombre que dans toutes lesautres iûes, DES ANIMA'VXD-E LATE;RRE. $& Des Rdts communs. k %¥. IE puis auec beaucoup de raifonappeller les Rats communs que nous auons dans nos ifles -, Taffli- étion commune de tous les habkansdupays : Car cette vermine peuple au de là de ce qu oa fc peut imaginer, êc a tellement preualu depuis deux cens ans , qu'il n'y a a prefent dans toute l'Amérique va petit coingde terre, voir mefme vn petit iftct dans la mer, ou vn petit rocher fteile, danslequelil s'en rencontre vn grand nombre. Ils terriiTent partout comme des lapins, & principalement dans les ha- bitationsylefquellesdenuid femblent effae des ga-* rannes^où les rats fourmillent auli eu de lapins. Le tort qu'ils font dans le pays cftgeneral -, cariln'y a rien que l'on puiffe guarantir de la dent de ce mal- heureux beftail» puifquemefmsicles ayyeu fou-» ttentronger le cuivre & le fer, pour entrer dans les, coffres où on auoit enfermé du pain : il femblc qu'ils fe plaifent plus au dégafl: & à mal faire, qu'à fc r^paiftre* Ils entament lés Ananàsjes Melôns,1es Figues; lès Bananes & les autres fruids de la terre , auanc qu'ils foient~meursv S'ils attaquent vnc piece de gros Mil , du foir au lendemain il n'y aura pas vil cpy qui n'en foit endommagé, lay veu de grandes pieces de ris tellement bouleuerféesparlesratsen vas feule nui& > qu'on eut dit quvn Regiment de i I M4 ©£5 CRIP T 1 ON gens de pied cut pafle par deflus. Ils entament les Cannes de fucre lesvnes après les autres > fi bien qu'vne demy douzaine de rats en gaftent plus qu'il n'en faudroit , pour-repaiftre tous les rats dvne vil- le. Ils en foritdemefme despois^desfebue^duma- nyû.c > des patate^ & de tous les autres biens de la terre. Il n'en faut quvn feul, qui en s'aiguifant les dents ronge la fauche d'vne plante de petun., iuf- qu'à goufter de la maëlle 5 pour y faire venir tous les autres , &ruyner entrais ou quatre nuiëb, tou- tes les ^belles efperances^ le trauail de cinq ou fix mois d'vn pauure miferable, Tay veu des habita- tions entières plantées idupetun^ toutes ruynées & arreftées fi bas pas les rats , qu'il n'y auoit que deux ou trois fueilles à chaque, plante. lU font fi infolens qu ils viennent ronger lecalde la plante des pieds. à ceux qui dorment trop fort. lenayeltépluficurs fois mordu au bout des doigts en dormant^ Et bien dauantage ^iay affilié vn pauure garçon à la mort dans la Guadeloupe, auquel ils aupient mangé les pieds plus de deux heures auantfon trépas. Le plus grand mal qu'ily a en cela, eft que de vingt chaus,il ne s'en rencontre pas vn qui leur fade la guerre. Ils font fi accouftumez de les voir , quils fe ioiient quelquefois aueceujc , èc permettent que les rats leur paflent fous le ventre ^ fans faire min«cde les vouloir prendre. Si bien qu'on eft contraint de leur faire la guerre auec de petits chiens quoa d^refle a cet exercice. Tay apris de nos Religieux :quiibnt,rcuenus depuis peuenFrance, que les ha- bitans i ^Êt DES ANIMAVXDE LA TERRE. 54r titans ont maintenant des chats , qui font vneaf- fez bonne guerre aux rats , & en diminuent fort le nombre. Des S ouris. i. VIL I'Ày paflecinq ou fix ans dans cette nie , fans que i'aye veu , ny ouydire qu'il y eut paru aucune foury. Maisdepuis ce temps , ils en y voit vnafleW grand nombre par toutes les Cafês,ie crois qu elles ont efté apportées de l'Europe, auffi bien que les rats. Elles font beaucoup plus petites que celles de France) mais elles ne font pas moins de defordre. Des Chats. 3. -VIII. IL y a grand nombre de eha ts par toutes ces ifles, qui fans doute y ont efté apportez par les Efp^- gnols. La plufpart font marquetez de roux, de blanc, &denoir; ils ontle poil raz & fortluifant. Plufieurs de nos François après en auoir mange l'a chair, en portent les peaux en France pour les ven- dre. Ces chats font tellement accouftumezàfe re- paiftre de Perdrix, de Tourterelles , de Griues, & dVutres petits oy féaux , que comme i'ay dit, ils ne daignent pas regarderies rats. lay veu vne chatte dans vne de nos maifbns , qui tons les iours appor- tent à fes petits plufieurs bonnes pieces de gibier^ Xx ï#:ï MM: !»' I 34.£ m% SCKIPT/rOK qui nous Ççmok beaucoup à nourrir les malades que bous auions pour lors au Conuent. Des Chiens. §. IX, LEs Chiens nefont pas naturels dans ces lieux, ï fi ce ne font certains petits chiens quei'ay veu a quelques Sauuagesjils auoient la tefte ôc les oreil- les fort longues, &c approchoient de la forme des renards. Ils aboy eut beaucoup plus claie que les autres chiens. Tout autant qu'il y en a d'autres, ils yôntefté apportez par les Chaffeurs. Il s'en eftef- carte plufîeurs dans les bois , qui par fuccefîion de temps ont fi bien multiplié, qu'on en rencontre quelquefois des bandes de dix ou douze enfemble, Se qui font beaucoup de dégaft pourlachaffe ; on les appelle chiens marons'i Vnechofe bien remarquable, eft vne maladie à laquelle tous les chiens qui font dans les Indes font iuiets*, excepté ceux qui font ergotez des quatre pieds. Cette maladie leur vient d'vn certain ver au'ils ont fous la langue ; Quand elle commence, s quittent le boire ôc le manger , fbnttriftes,, &, comme affbupis l'efpace de quatre iours ; puis, tout à coup ils commencent àlieurlei & à ffc plain- dre fi pitoyaDlement,quils font companion à ceux quiles entendent, j Quand le mal lesprefle, ils fè léuent Brufquement , .& fe mettent à courir fans prendre garde ou ils vont, donnant de la telle con- _. DES ANIMAVX DE LA TERRE. 347 tre les arbres êc contre les rochers, heurlant 8c ccu- mant par la gueulle, comme s'ils eftoient enragez, iufqua ce que perdant haleine , ils roidifTent les jàmbes,roiiillerit les yeux dans latefte,& tombent comme morts fur la place , oii ils demeurent quel- quefois plus dVne heure fans fe releuer ; ce qui leur arrme cinq ou fix fois le iour. Cela continue quelquefois hui&iouf s , quinze iburs, trois ferriai- nés > plus ou moins 5 iufqu ace qu'en fin ils saillent précipiter dans quelque trou,oû s'enfoncer flauant dans les bois, qu'ils n'en reuiennent iamâiif — DE TOVTES LES REPTILES, Amphybks & Vêïmiftes. - ■ ! ' ■ ' tp< " i -' CHAPITRE SECOND. Des Luiras,, '.§. I. j'V'oy que le récit que ié fais de la nourriture Lqué nous prenons des Lézards , dans toutes' les ifles Cannibales, choque les efprits les plus dé- licats ; i'ofe rîéantmoins bien afleurer qu'il n'y a point dèjiieft^ lus délicieux que celuy-lldans tou- te l'Anlériqûe-^^ Làleu- le im agination fait rc buter" beaucoup de ehofes, que l'expérience met au rang des plus exquifes, 'mm ltf!moéteàiRWrë l^le^CrisaaBs^I'Eutope, Xx ij I 34^ . P ESC 8. OPTION ^00$$$ mangé dans Paris <1$ la chair de vipère* qui m'a femblé auffi. bonne que celle de poullet. Quant à moy , ie crois que lafbiblelTe de ces déli- cats > qui felaiiTent mourir de faim par pure phan- taifie , auprès d' vn bon morceau , parce qu'il eft by * deux, ou àraifon de Ton nom,aeft pas moins blaf- mable que rextrauagance des femmes grofies , qui défirent defordonnément les choies qui leur font quelquefois les plus miifibles. Ces lézards doiicqui font vne bonne partie dé la nouriimredi^pa^s^ qui remplirent les plats des Gouuerneurs &r des plus riches habitans de leurs hydeufes teftes, de leurs griffes épouuentables > & de leurs vilaines queues : en vn mot , de toutes- les parties du plus horrible ferpeht qu'on fe puiffe ima- giner, font pour Fordinaire longs 4e quatre à cinq pieds , eny comprenant la queue. Cette queue auflî bienqueles pattes, font fort charnues , &tout le refte du corps eftaflïimargrér Ils ont vne grande capacité de ventre , ou ie trouue vn feul boyau, qui s'eflargit, &s'efpoiiïît par le milieu pour luy feruir d^ftctmach: ^n^çeutfortpetit^ vri grand foye, 011 eft attaché viigrps fiel vert , extrêmement amer;& .vne ratte fort longue.Bepuis ks coftes ils ont tout le d edans du veritra reueftu de deux pannes de graifle, iautie^ comme de l'or, quifor* au débilitez denerfs ;on s'en fertauffi comme de, vernir fut les armps,, pour empefcher la rouille , qui eft prsfque inéuitable dans ces lieux. $&SÈÉ$$êm fe$l M tiw : plusgçands &pJiusf^rts ■ DES ÂNÏMAVX DE LA TERRE. 349 que les femelles :ils ont vnepofture hardie, vn re- gard affreux S£epouuentable. La couleur de leur peau eft grize,tirant fur le noir, & la tefte eft mar- quetée comme la gorge d'vn poulet dinde. Les femelles font toutes vertes , d'vn regard plus doux & craintifs. Ils fe couplent au mois de Mars, &en ce temps là il ne fait pas bon s'approcher d'vne fe- melle , lors qu elle a vu mafle proche de foy y car le malle pourdeffeadre fafemelle, faute hardiment fur celuy qui l'attaque ; ôcqaoj que fa morfure ne foit pas dangereufe, il ne démord iamais/ilna le coufteaudans la gorge , ou que l'on ne luy frappe bien rudement fur le nez; Ceft en cette faifon qu on leur donne la chaffe le long des riuicrcs : car après quils fe font repeus^ (vn peu auant le iour),de feuilles de Mapou > ôcdë fleurs de M ahot , qui croiffent le long des riuieres, ils fe vont repofer fur des branches d'arbres , qui auancentvn peu fur l'eau , pour goufter en mefme temps l'agréable chaleur du Soleil du matin, & la fraifeheur dès eaux. Il faut que i'aduoiie icy ingé- nu e ment , que cet animal paflè dans mon efprit pur kplusftupide de tous les animaux du mon- de; car il voit approcher le Canot , entend le bruits le laiiTe mefme mettre la verge fur le dos , ■■& le las collant fur la tefte, fans s'efbranler aucunement : U bien davantage , s'il a la tefte trop, ferrée contre la branche, il ne faut que luy frapper trois ou quatre petits coups fur la teile, illeue incontinent le ncz5 & sajufteluy-mefme le ks.datf$ le col. Mais lors Xx iij MIS ! '■M -'»:■■ I 55o D E S C R I P T I O N qu'il fent que tout de bon on le tire à bas , ôc que la corde luy ierre vn peu trop le gofîer , il embrafle promptement la branche , ôc la ferre fi bien de fes griffes , .qUil f a rifque de perdre la pnfe : mais à ccl&> bon remède ; ear il ne faut que leiàifir par le & les mangent. Des (jobes-mouches] $. III. LEs Gobes-mouches font petits lézards, guère plus gros que le doigt,&tât foit peu plus longs. Les maflesfont verts,&les femelles toutes grifes,& va DES ANIMAVXDELÀ TERRE. 355 tiers plus petites que les mafles. Us ne viuent que de mouches & de rauets , qu'ils pourfuiuent auec tant d'auidité , qu'ils fe précipitent du haut des ar- bres pour les attraper. C'eft l'animal le plus pa- tient que ie vis iamais 5 car il fe tiendra vne derny iournée entière en embufcade,fans fe remiier,pour découurirvne mouche, laquelle il n'a pas pluftoft «pperceu, qu'il faute brufquement deflus& l'en- gloutit toute viue. Toutes les forefts font tellement remplies de ces petits lézards , qu a peine trouue-on vn arbre ou il n'y en ait plufieurs:mefme toutes les. maifons en font fi pleines , qu'on ne fçauroit ietter la veut en quelque lieu que ce foit , qu'on n'en defcouure quélques-vns. Gela nous eft non feulement impor- tun,mais perilleuxvcar ie les ay veu fauter plufîeurs fois fur lecorporalier, pendant que ie difois tafainte Meffe, pour y prendre des mouches. DesRocquets. Lfe trouuevne autre efpecc de petits lezahk dans quelques petites ifles , qui font dans les culs-de-faes de ta Guadeloupe. Les habkans les appellent Rocquets. Ils ont vn pied de long tout au, plus : ils font tout gris , ont tefchine Fort aiguë , fc portent la queue ret rouffée fur le dos, comme des: chiens. Ceux-cy font agiles , gaillards, drfont mil* les petits earacolles autour de vouSjiufqu'Lvcfliï Y y 1 ."iM,B:'y 4 554 DES CRI PTI ON mangEdrrles. miettes ^iii vous tombent des mains; Ils fe fourrent auffi dans, la terre , non pour y pon- dre leurs œufs ,,., comme les autres lézards , mais pour manger les œufs des autres lezards.&des tor.- tues. Des Maboiiyas, : fc 16 I'Ay veu dans toutes les ifles deux autres fortes delezards,que les Sauuages appellent Maboiiyfas,, qukeft vn nom qu'ils donnent communément &• tout ce qui fait horreur. le ne puis dire autre cliofe du premier,fïnon qu'il efttoutàfait femblable aux Squinx mariny qu'il vit comme les autres lézards de> mouches & de rauets,& qu'il paroift plus rarement/ que les autres. Les féconds n'arriuent iamais à la longueur d'vn> pied i ils font gris, vilains, bouffis, ôc hideux à voir. Il femble , quand on leur acoupé la quciie , que ce foient de véritables crapaux. ils fe retirent pour l'ordinaire fur des branches d arbres , furie faille &: furies chevronnés cafes , & defeendent fort rare- ment en bas. Jk font redoutez des Sauiiages& des François ^ ie ne fçavtrois dire pourquoy , fi ce n^eft> àraifbnde leur laideur : Carencore bien que lors- qu on les agafTe,ife!fejè;tter*t hardiment fur vpus,&: s'y attachent fi opiiiiaftremetit,qu'onadela/peine aies en retirer , ie n ay iamais oiiy dire- qu'ils ayent mordà ou fait mourir quelquvn. Pendant h ? Y I DES ANIMAVX DE LA TERRE. m nuicl: ils jettent de temps entenipsvnerisafrez ef- froyable,qui eft vn pronoftique infaillible du chaa« gement de temps: Tous les autres petits lézards fiflent à qui mieux: mieux tout le long de la nui& ; principalement quand il pleut, vous entendez des millions de fîfle- mens confus, qui né font pas moins importuns que lecoaxement des grenouilles de l'Europe. . . •Des Couleuvres & autres Serpents y qui fe rencontrent dans les Jeux terres de la Guadeloupe. §. V I LA diuerfîté des Serpents eft fi grande dans toutes les Indes , qu'il n'y a pas vne feule ifle qui n'ayt fes Serpents diffemblables en forme , en. couleur, Se en venin. Mais Dieu a regardé la Gua- deloupe d'vnœil de bien -vëillance très- particuliè- re, en ce que de trois fortes de ferpents qui s'y ren- contrent^ qui s'y voyeht affez rarement , il n'y en à pas vnfeul qui foit vénéneux , & qui aytiamais fait mal à perfonne par fes morfures. Les premiers & les plus communs font de peti- tes couleuvres grizes , qui ne portent iamais plus de deux pieds,ou deux pieds & demy dé longueur: elles ne font guère plus grofles que le poulce , Se fe trouuent par tous les endroits de Tifle , mais affez rarement. Elles fuyent toufiours deuantle monde, Scies habitans du pays marchent fouuent fur elles nuds pieds \ fans quelles faflent aucun tort. On les Yy ij wm\ m 11; 0 DESCRIPTION prend mefme à la main fans aucun danger. Les ha- feitans les font bouillir pour tirer les vertèbres , ôc sen font de très-beaux cordons. Les féconds font certaines couleuvres , dont la peau dedeiTus ledoseft-toutemârquctée de noir ôc [de iaune, ôc le ventre eftgriiâftre meflé de iau- ne: celles -cy font plus grandes que les premieres, & ont quelquefois cinqou fix pieds de longueur; & quoy que 1 agréable variété de leur peau recrée la veuë j elles ont, vn regard affreux , qui fait quel- quefois rebroufler chemin auxplus hardis. Elles repalrent pour l'ordinaire es lieux montagneux, fees , pierreux \, ôc arides * d ou vient qu'il y en a beaucoup moins à la Cabfterre 4e llfle , qui eft la plusplate.moinspierreufe &pltis fujeteàlapluye, qu a la Baûe-terre. Q n fe fçrt de leur peau pour faire des baudriers , ;lefquels font parfai&ement beaux*» Les troiiîefmes font toutes noires , beaucoup plus grofles ôc plus longues que les deux précé- dentes, lenay veu de plus de fept piedsrellesfont hardies , & tant s en faut, quelles fuyent comme les autres ; au contraire, elles pourfuiuentopinia- ftrement ceux quilear font tord , ôc fans doute leurs feroientdumal, s'iknefe defféndoient, lay ■efté deux ou trois fois dans cette peine, non fans de grandes apprehenfions. Toutes ces trois e/peces de couleuvres fe trou- lient auffi bietvdans la grande terre de la Guade- loupe, que, dans la terre habitée 5 mais elles y font DES ANIMAVX DE LA TERRE. 35y beaucoup plus grandes. Tant les vnes que les au- tres viuenc de petits lézards ôc de petits oy féaux, derauets &de terre. Des Couleuvres de la Martinique & defainfie Aloujte. % VII. BEaucoup de perfonnes s'eftonnent, & non fans fuiet, de ce que l'iflc delaMartinique^quin'eft dillante de la Guadeloupe que de trente lieuê's, produift des ferpens dàngereux,defquelsles vene- neufes morfuresont défia fait perdre la vie à plu- fîeurs François. Quelques-vns croyent que cela procède de l'intempérie du climat : mais auec peu de fondement > carilfe trouuedes terres voifînes, & prefquefousvn mefme degré ¶le lie , où neantmoins on ne voit point de femblables fer- pents. D autres croyent , auec plus de probabilité que cela vient du terroir qui efl extrêmement pier- reux , &toutfembIaHe àceluy dans lequel les vi- pères de l'Europe fe plaifent dauantage, Il n'eft pas hors de propos de rapporter içy lo~ pinion desSauuages fur cette matière. Quelques- msd'entr'eux nous ont afTeuré, qu'ils tenoient par tradition très -certaines de leurs Peres, que cela ve- uoit des Arroiiagues _> nation de la terre ferme > au f- :juels les Kareibes de nos ifles font vnetres-eruelle guerre. Ceux-là fe voyans tourmentez & vexez par les continuelles incurfîons desuoftres,s auife- Yy iij I ■5j« DE SCRIPT! ON rent d'vne rufe de guerre non commune; mais ex- trêmement dommageable^ perilleufe àleurs en- nemis j cell qu'ils amafferent grand nombre de ces .Terpens , lefquels ils enfermèrent dans des panniers & xallebaffes , les apportèrent dans lïfle de la Martinique, & là leur donnèrent liber- ate, afin que fans fortir de leur terre , ils puflent par le moyen de ces funeftes animaux , leur faire vne gûerre:immortëllec Il fe rencontre ordinairement dans cette ifle » trois fortes deferpens fort dangereux :les vftsfont -gris veioutez & tafebetez de hoir énplufieurs en- droits. 'Les autres iaunes comme de l'or, ôc I^s troi- sièmes roux : le crois fermement que les gris veiou- tez font de véritables vipères , principalement les courtes , qui ne portent guère plus -de deux pieds de longueur, & font quelquefois plusgrofTesque le bras , êc cette groffeur eft égale iufqu à deux oui trois poulces proches de la queue , ^laquelle depuis cet endroit fe termine tout à coup en pointe : elles ont la tefte très- plate êc large quafi comme la main, armée de quatre ôc fouuent de huiâ: dents' lon- gues dVn pouîce pout l'ordinaire. l'en ay veu 5c ap- porté en France de longues comme la moitié du doigt , dies font pointues comme des efguilles, ôc courbées en forme de croc : elles ont vn petit pertuy qui pénètre depuis la racine des dents \ iàft quesversla pointe d'icelles ; & ceft parla quelles font glifler le venin danslaplaye,ouladent fe ren- contrer -::■..'' DES ANrMAVX DE LA TERRE. 3T9 Tous les autres Terpens tant iaunes\ que roux,' ontlatefteentref, &c'eftpar cette marque qu on diftingue les Terpens dangereux dauec ceux qui ne le font pas y ils font armez de dents comme celles- que i'ay décrites :ils ont le coirps femblable aux au- tres Terpens , mais dvnefiprodigieufegrandeurj' qu'il s'en rencontre fouuent d'aufli gros que la|am- bcyôc longs de fept à huit pieds. Tant les vns que les autres naiflent fouuent dV- ne meTme mercjce qui me fait croire que les malles s'accouplent indifféremment auec les femelles de iVne &c l'autre efpeee : car il fut trouué de mon temps vne de ces vipères, groffe commeja jambey- fi foible qua peine Te pouuok-elle remiier , au mi- lieu de plus de foixante petits de toutes fortes ip qu'elle venoit de mettre bas ,, & qui tous eftoient- louuez , & prefts à Te jette r , , & à mordre ceux qui> les approchoient. l'en ay ouuert quelques-vnes,, dans lefquelies i'ay trouué plus de quarante œufs^ presque gros comme le poulce, ôc plus de cent pe~: tits œufs gros comme des lentilles , tous remplis- d'vn iaune aflez blafîart* Tous ces œufs eftoient? reueftus d'vne. membrane faite comme v.ri boyau. Mais: il faut remarquer que ces ceufs ne fbrtent ja- mais du ventre de la mere , de que les petits s'y fb ta mène , mangent la cocque & mefme la membrane qui les enuironne, laquelle venant quelquefois à fortir du vent jrç de la mere , ils vont ronger iufques proche du nombril : ce qui n arriue pas à toutes, car il eft certain quelles viuent après auoir fait leurs- I *:'« 1 3£o DESCRIPT I O N petits, & que mefme elles en font plufieurs Fois ea vne année. lay remarqué dans ces vipères trois fortes de venin différents en couleur & en qualicé. Ce venin eft enclos dans de petites veffies grofles comme des poix, lefquelles enuironnent les dents. Les iaunes ont le venin- vn peu iaunaftre& plus efpois que les autres, ôc celuy -là eft le moins dangereux:les grifes l'ont comme de l'eau vn peu trouble ; & les roux, clair comme de l'eau de roche, &iecroy que c eft le plus fubtii & le plus dangereux. Tant les vnes que les autres fè reneontrent,quoy quaflfez rarement par toutes les parties de lïfle , ôc cela en toute faifon, n'y ayant point de froid qui les .oblige à fe retirer dans la terre j il eft vray qu'aux mois de May ôc d'Auril , elles paroiffent plus fré- quemment, ôc les habitans croyent que ce font les Tourlourous ( qui font certains petits cancres ) lef- quels defeendant de la montagne, fe fourrent dans les creux des arbres^ ôc les en font fortir. Les rats ôc les poulies les attirent autour des cafes , & vous voyez peu de perfonnes entrer dans vn poullalier, iàns auoir foigneufement regardé de touscoftez. Nielles rencontrent vne poulie quicouue, ellesfè mettent fur les oeufs , fe font couuer par la poulie, iufquàçe que les petits foient efclos, lefquels elles aualent tous entiers , ôc mordent incontinent la poulie, & la font mourir. Elles ont l'induftrie de cloufler ôc contrefaire les poulies qui conduifent leurs petits ? après quelles ont tué la mere. le Tay veu DES ANIMAVX DELA TERRE. 5C1 faire à vne , qui en ma pre fence , après auoir tué la poulle,auallaneuf poulets qui auoient plus de trois femaines. C'eft vnfîgne infaillible quelles fontdans vne maifon , lorsqu'on entend piper les rats : elles les fçauent auflî fort bien contrefaire pour les attraper: elles les auallent tous entiers aufïï bien que les Pi- loris , qui font quatre fois auili gros que les rats de l'Europe. C'eft encore vne marque affeurée , quil y a vne mauuaife couleuvre en quelque lieu, lors qu'on y voit les petits oyfeaux attroupez, criants comme ils font en France,apres les oyfeaux de proye. Il y a auffi quelques habitans , principalement les Nègres , qui les connoifîent au flairer , ôc les ef- uentent comme les chiens font la venaifbn : car el- les exhalent dans l'air vne haleine quifent la marée, ôc comme le poiffon à moitié gafté. Les habitans pour fe guarantir de ces couleuvres, font du feu la nuid au milieu de la cafe ; ils difent pour raifon qu elles appréhendent le feu. Mais cela fertdc peu, car elles fe fourrent fous les coffres dans les recoins de la Cafe , dans des panniers, dans des barils, & dans autres chofesfemblables, dans lacouuerture , ôc mefmeiufques dedans les lids. Vn Gentil homme digne de toy maafTeuré , que difnant auec vn Preftrede Tille , il en tomba vne du haut de la cafe, au milieu du plat qui eftoirfur la tablerais tout cela arriue très-rarement. Ceux qui vont à la chafle prennent de grandes Zz 0 DESCRIPTION boctcs,ce qui fert de peu;car elles ne guarantifTent que les jambes , ôc ne deffendent que de celles qui font à terre , ôc non de celles qui font louuceslur les branches des arbres , ou fur 1 eminence de quel- que rocher ; lefquelles fe dardent indifféremment fur toutes les parties du corps» Les deux derniers qui furent mordus pendant monfejour dans Pille, le furent à l'efpaule ôc au bras. Ileftvrayquefï on ne les touche point, quelles noffenfentiamais perfonne , ôc mefme elles pafle- ront fur vous en dormir, fans vous faire aucun tort; mais s'il arriue qu'en paffant, ou en vous remuant vousles touchier , ou que quelquepetite branche les heurte , elles fe icttent incontinent fur vous ôc vous mordent infailliblement. Lors qu elles font faoules,elles dorment d'vn Ci pro- fond fommeil , qu'on les peut prendre , minier, pouffer, ôc traiter affez rudement, fans qu'elles s'é- ueillent,& cela dure quelquefois 3. iours &3,nuks. S'il arriue quvn homme en ttàx mordu fort loin dans les bois, eftantfeul,ileften danger de la vie*, car quelque ligature qu'il puiffe faire m deffus de la {)Iaye, dans vne heure ou deux de temps, le venin uy gajgne le cceur, les Syncopes le prennent, ôc il tombe pour ne fe iamais releuer,/il n'eflr prompte- ment fecouru, La premiere chofe qu'on fait pour penfer les petfonnes atteintes-de ces veneneuies morfures, eft de faire promptement vne ligature au deffus de la playe , prenant toutefois garde de ne pas trop ferrer, dautant cjue cela peut nuire au bief- DES ANIMAVX DE LA Tf RRE. 3^ £L Puis on applique vnc ventoule furUpIaye , 6c l'ayant cfté on faic trois ou quatre f carificatioAs ?fur la playe , après cpioy on applique derechef la yea- toufe^ufqua trois ou quatre fois ; 3c cela attire tout le venin. Cela fait on met vn emplaftre de tib.eria- quefur la playe. Cependant , il faut auoir foin de faire prendre du theriaque , ou quelqu autre po- tion cordiale au malade,& de le tenir chaudement; car tousles efprits fe retirent au cœur , ôc laiCent •toutes les parties du malade fort froides & difpo- fées à la corruption. _ Voila les remèdes ordinaires,mais la charité m'o- blige pour la conlblation des habitans de cette ifle, ôc pour m acquiter en partie des obligations extrê- mes que ie leur ay, d'en coucher icy quelqu'autres par écrit plus faciles,&:defquels vn chacun fe pour- ra feruir fans auoir recours au Chirurgien. Le premier eft découper la tefte de la couleu- vre, la broyer & l'appliquer furla playe, fur laqucl- le il faut faire quelques légères incifions. Ccluy-cy eft pour ceux qui font mordus dans les bois , éc eft fi atîéuré que Mathiole le tient pour le plus certain. Vn autre tres-affeuré eft de plumer le derrière d Vn gros poulet , ( & après auoir fait l'incifion fi on veut ) Tappliquer immédiatement fur la playe , il attirera tellement le venin par le fondement , qu'il mourra entre les mains de celuy qui rapplique. Geluy-là mort , il faut en remettre vn fécond , & »nfi confeçutiuement iufqu a ce que le poulet ne Z z ij mt\ i< B 3*4 DESCRIPTION meure plus. La chaux viue méfiée auec de îliuille ôc du miel ,& appliquée en forme d'ernplaftrefur la playe, eft encore vn très-excellent remède : il ne faut pasneantmoins obmett recant en fe feruant de ce remède que des precedents , de donner du the- riaque ou autre potion confortatiue au malade , de peur que le venin ne gaigne le cceur auparauant que le remède opère. Outre ces remèdes , l'en aytrouuéplufieurs au- tres; que la commodité rendra plus confîderables, car ils font toufiours prefents dans toutes les In- des , comme les feuilles de petun vert pillées & ap- pliquées fur la playe : deux ou trois goufles d'ail pour manger, ôc quelqu autres broyées ôc mifes en forme demplaftre far la morfure. La cendre de farmetit de vigne difloute auec de l'huile rofat&ap- pliquée fur le mahle poids dvn efeu de fue de mou- ron pris dans du vin blâc, ou dans de l'eau.fi le mala- de a la fièvre ^empefche que ce venin ne gaigne le cœur : lefucdela Betoineprisen mefme quantité ôc en la mefme façon, a le mefme effet : le bouillon de toute forte dePolliot ou de tin , eft encore vn allez bon remède ries feuilles de moutarde.broyées &rapliquée far la bleffure y feruent aufïi beaucoup. D'Alechamps donne encore plus de cent forte de remède. Mais le principal & le plus excellent de tous , eft vue plante queiay oublié de décrire dans rrçatroi- firme partie;elle eft fort commune dans toutes nos ifles , ôc fon fowl nom témoigne affez les proprietez DES ANIMAVXDELA TERRE. 3ts admirables defquclles Dieu l'a douée. On l'appel- le lois de Couleuvres, dautant que fes branches cou- pées par morceaux ont la forme de ferpent : elle rampe fur les arbres , quelle enuironne comme faicle lierre : Sa feuille eft toute découpée &pour ce faire y elles jettent pre- mièrement large comme la main d efeume blan- che comme la neige, ôc deftîis ce premier libelles pondentfîx , huit, dix ôc douzeeeufs, tantoft plusy tantoft moins,lefquels font gros comme des grains it Coriandre , ôc de couleur dorattge : elles font linfî pluiîeurs lidis -, iufqu a ce que cela foit gros ;ômmelatefte,&les couuentdetempsen temps, ufqu'à ce qu'ils foient efclos. Quelques- vns les ont voulu faire paffer pour les crapaux,mais fans fondement,car elles ont tou- te la forme desgrenouilies,& fautent quelquefois le la hauteur d Vn homme ,- tous les habitans en nangcnt,&ielesay trouué très-excellentes. Ces grenouilles ne fe rencontrent pas dans la 3uadeloupe,mais feulement de petites qui ne font >as plus groffes que le poulce ny plus larges; ôeen* :ore fi rarement que ie n'y en ay veu que cinq oui ix,peridantk temps que i'y ay demeuré. Imâ 368 DESCRIPTION I De toute s fort es de Crables oh Cancres, qui fi trouvent dans Tijle de la Çuadeloupe, & aux enuïrons. ïi X. LA mefme Prouidençe qui repeut lefpace de quarante ans , le peuple d'Ifraëlde la Manne du Ciel , dans cette vaftè folitude des deferts en :FArabie,tire auec la mefme bonté des entrailles de la terre de la Guadeloupe , Se de plufieurs autres iflesvne Manne viuante& perpétuelle , fans lefe- cours de laquelle plufieurs habitans de cette ifle fôuffriroient beaucoup : car pour ne point déguifer la vérité , tout ce que fay dit cy-deuant du gibier, de la chaffe, des animaux, & de la pefchc despoiflbns , ne fe rencontre que chez les plus ai* fez > &fi encore la plufpart du temps ils font con- traints de deux chofes l'vne , ou de manger leur pain fec,ou dauoir recours aux Crables, aufli bien que les plus indigents. Tous les Indiens ^ tant de cette ifle que des autres,neviuentprefquequedc cela. En vn mot, quand toutes chofes manquent,cc qui arriue aflez fouuent , les Crables ne manquent iamais à ceux qui v eulent prendre la peine de cher» cher leur vie. G'efl: vne chofe tout à fait digne d'admiration, de les voir defeendre de la montagne , enuironle mois d'Auril ou de May , lors que les premieres pluyescommencent à tomber ; car alors elles for - tent toutes des creux des arbres , des Touches pour- ries, DES ANIMAVX DELA TERRE *» ries, de deffoas>des rochers , <&dviie infinité de troias qu'elles font cUes-mefmes datas la terre. On em voit la terre couuerte , en forte qu'il fe faut faire place , & les chaffer deuant foy pour pouuoir mettre :1e pied i lierre , fans en cfccafeir quel- quVne. Il fenable qu'elles ayent de lapreuoy mee à fe déifier du peu de durée dclapluye.; cacla pldTpatt fe range le long desriuieres , ôc dss rauineslesplus liunaides, pour, au .cas que la pluye leur manque, fe pouuok retirer. dans les lieux plus frais, Se eftre à lai>ry des chaleurs qui leur font tout à fait con- traires. Toute cette defeente fe fait auectant d ordre, quencor bienque lefeul inftin6t naturel y agiffe, il ifcmblc toutefois que la conduite dvn expéri- menté Marefchal de Camp y ibit employ éc. Elles fediuiient pour l'ordinaire en trois bandes; dont la premiere neft compofée que de mafles,qm font plus gros, plusforts, & plus robuites que les fe- melles, ôc confequemment obligez* sexpoièr non feulement aux iniures du temps, & àfrayerje che- min ; mais encore à efluyer coûtes les difficultés & les effranges maflacres , que leshabitans en font dans ce premier rencontre. Ceux-cy qui font comme l'auantgarde de l'armée ,fontfouucnt ar- reftez par ledeffaut de la pluye , êc contraints de faire halte & autant de ftations& denouueauxlo- gemens,qu'ily adenouueaux changerions dedans Tair. AAa p.-i ki ■*& H : $7o DE SCR I PT ION Cependant , tout le gros de l'armée , qui neft prefque compoféquede femelles , fe tient clos ôc eouuert dans les monugnes,iufqu'àce que le temps foit entièrement difpofc à la pluye : Alors elles fe mettent en campagne , ôc font comme des batail- lons , longs d'vne lîeuë ou lieue ôc demie , & larges de quarante ou cinquante pas, fi ferrez qu'à peine peut-on découurir la terre. Trois ou quatre iours après fuit Tarder e-garde, qui eft compofé de malles &de femelles, en mef- me ordre & en aulli grand nombre que les autres. Or comme dans les armées tout le mondene mar- che pas en ordre, & ne tient pas vnemefme route: de mefrne > outre le grand nombre de ces batail- lons qui fuiuent le cours des riuicres ôc des rauines, tous les bois en font remplis , mais vn p-eu plus clai- rement , que dans les lieux où paffent les trouppes. Elles marchent fort lentement toute lanmèl:'; & le iour quand il pleut j&s'expofent fort rarement au Soleil. Que s'il arriue qu elles faflent rencontre de quelque pays découuert & fans abry , ôc qui! faiTe tant foit peu de Soleil ; elles s'arreftent toutes à la li- zieredubois , & attendent que la riuid foit venue })our le paiTer. Si quelqu vn s'approche du gros ôc eur donne repouuentc^elles fontvne retraite con- £iife& enreculon , prefentant toufiours les armes en auant,qui font deux certaines tenailles, ou mox- dans dâgereux, qui ferrent iufqu a emporter la pie- ce>&faire jeter les hauts cris à ceux qui en font atra- pez ; elles frappent de temps en temps ces mordans DES ANIMAVX DELA TERRE. 5?î IVn contre loutre , comme pour menacer , & font tant de bruic \ ôc vn fi efl range trie -trac en s entrer heurtant de leurs efcailles,qu'on croyroit entendre le cliquetis des corfelets& des taffettesdvn Regi- ment de Suifies qui marchent. S'il arriue pendant cette defeente que lapluye ceflfe, ôc que le temps fe mette tout à fait au beau, ( ce qui eft ailez ordinaire ) elles font vne halte gé- nérale , ôc chacun prend logis où il peut, qui fous des racines,qui fous des arbres creux : celles qui ne trouuent point de logis tout fait,prennent la peine d'en faire eJles-mefmes , & remuent tellement la tcrre,que par tout où le gros fe rcncontre,on y en- fonce iufqu a my-jambe. Cependant, leshabitans qui ne fouhaitent autre chofe que de les voir ar- rêtiez en chemin,leurs font bien cherementpayer les logisjcar tout le monde fait bonne chère à leurs dépens, & à peine fe trouue-il vne cafe, où on n en fafle mourir plus de cent par iour ; car pour lors on jette tous les corps , & on fe contente d- vn amas de petits œufs quafi imperceptibles , defquels elles ont gros comme le poulce à chaque cofté de l'eftomach , qui font fort nourrhTants ôc de très- bon gouft. Il fe rencontre quelques années dans lefquelles par l'interruption despluyes , elles font deux ou trois mois à faire le voyage : mais il ne faut que huit ou dix4ours de temps pluuieux, pour leur faire vuider leurs œufs, fe baigner danslamer, & remonter promptement à la montagne. Tout le corps de cet animal ferubleneflre com- AAaij . 37* D E S C R I P T I O N pofe que de deux mains troncquécs par le milieu, &C rejointes cnfemble ; cardes deux coftezvous y voyez les quatre doigts , ôc les deux mordants qui feruent comme de poulce. Tout le rcftedu corps eft couuert d Vne efcaille large comme la main , re- leuée en bofTe,fur la déuanture de laquelle font en- chaiïcz deux petits yeux, longs, & gros comme des grains dorge,tranfparants comme du criftal, & fo- lides comme delà corne. Vnpeu au deflbus eft la gueulle, couuerte de quelques barbillons,fouslef- quels font deux dents larges comme la moitié de l'ongle , tranchantes & blanches comme de la nei- ge : elles ne font pas fituées comme les mâchoires des autres animaux, en haut ôc enibas;mais aux deux coftez & s entreioignent €o«nae des fers de ci- féaux, & auec ces dents quelles coupent ôc fifcllem* les feuilles , les fruids , & les bois pourris , qui font leur nourriture ordinaire» Touês cette efcaille eft remplie dVne certaine liqueur efpoifle ,g-afle , & fibreufe , de laquelle les habitans font daflez bons fenpiquets. Au milieu, de cexte liqueur , quc les habitans appellent Tau- maly , eft ce qu ils nomment ( à naifon de fon amer- tume ) le &d deFamim! , qui n'eft pourtant autre chofe que foneftomach, dans lequel tout ce qu'el- les mangent, fe digère : Il éft compofé d'vne peau oumembraneaflezdefliée , & eâenduë par deux petits oflelets ou cartilages , & eft gros deux fois comm® kpojjkç ,, <% à toute la forme de Icf- cailîev DESANIMAVXDELA TERRE, m Les mafles a les femelles , ont au deflbus du corps vn certain plaftron compofede diuerfes pie- ces , ajuftées comme les taffettes d Vn corcelet , fous lequel il y a cin q ou fix barbillons de chaque cofte. Il y a vn petit pertuis large comme le tuyau dvne plume, qui fort immédiatement de Tcftomach,& paflant parlé milieu de ce plaftron, fe vient termi- ner à la fin : Ceft par cet endroit quelles vuident leurs excrements. Cet animal n'a poiat de fang; mais au lieu de fang , il fort de leurs blefTures vifc eau claire, qui s efpoiffit comme; de la gelée, &fe: caille. Celles dontie parle àprefent, font pourPordï- mite toutes violette^ maisil seBtirouue quantité qu^fonc agréablement dàierfifiées ^panachées de bku), de blanc, & de violet. Voila ta plus exa&e ckfcriptisam queiea puifFefairc. Retournons à ce qwiÊ&pafl^lors qu'elles font dépendues de la mon- tagne. On pourroir iiey affcu defquels pour lors lamerefl: toute noire le long de la riue. le ne fçay ce que la mer opère fur ces animaux,* mais la plufpart fortent de ce fécond bain fi foi- bles & fi atténuées , qu a peine peuucnt-elles mar- cher : elles deuiennent maigres, & leur chair mef- me change de couleur , d'où vient qu vne grande DES ANIMAVX DE LA TERRE. 375 partie ne remontent pas fi-toft aux montagnes , mais elles fe rengraiffent dans le plat- pays. Elles fe couplent toutes au fortit de la mer,& après s'eftre remifes dans leur enbompoint , elles font des trous dans la terrc,qu elles bouchent fi bien de la mefme terre &defeiïilles, qu'il n y peut entrer aucun air. Là, elles fe dépouillent de leurs anciennes efcailles, & enfemblede lacarcafiedeieursos,qui font tou- tefois infeparables des e (cailles , /ans en faire aucu- ne rupture. Cependant , elles la laiflent fi entière, qua peine peut-on connoiftre le lieu par oii elles font forties. Or cela ell: moins conceuable à\ ceux qui fçauent de. combien de iointures , de coings, de recoings , & d'os entremêliez les vns dans les autres , eft compofé le corps d'vne Crable, que de conceuoir la carcaffe ou fquelette dvn homme dé- pouillé de fa chair,fans aucune lefion, ny rupture de iàpeau. La Crable: demeure donc prés de fon efcaille fans aucun mouuemenr, & quoyque iene difepas fans aucun fentiment; l'ofe bien afleure'r quelle eft plus de fix iours fans le faire connoiftre. Pendant qu'elles font en cet eftat, elles n'ont point d'amer- tume dans Feftomach,le Taumalyencû: iaune com- me de l'or. Elles fontgrafTes?plemes & en très bon point , &c eft bien le plus excellent & leplus dé- licieux manger qu vne Crable kouYcierey ( c'eftainfî qu'on Ses appelle, lors qu'elles font en cet eftat) qu'on fe puifFeimaginer. Elles ne font pour lors re- ueftuës qued'vne peau extrêmement delicate, la- \ 37^ DESCRIPTION quelle par fucceflïon de temps s'endurcit & fe fot- me en efcaille. Elles ont ence temps là quatre pier- res grofTes comme desfebucs de brefilV blanches comme neige , attachées au deflbus de l'eftomach, lefquelles fc fondent ôc fe diffipent , à mefure que rcfcaille s'endurcit , & fe perdent entièrement , quand elle a atteint fa perfection. Onafleurc que ces pierres fontietter le grauier des reins: mais elles font fortdefagreables i prendre, & excitent à vo- mir. Ten ay veu faire l'expérience à plufleurs aucc plus de peine que de profit. Voila à peu prés tout ce qui fc peut dire de cette forte deCrable. Il y en aencoredeux autres for- cesi fçauoir, les Crables blanches &c les Tourlourous, aufquels tout ce que nous auons dit cy-deflus con- fient , excepté que les Crables blanches excédent tellement les autres en grandeur, quvne feule ea vaut trois des précédentes. Elles ont vn gros mor- gan large corn me la main , où il y a plus à manger qu à la plus puiflante Crable violettcEllesne repai- *ent pointaux montagnes , nèfe plaifcnt que dans la fange & dans la bouë,le long des riuieres, des ef- tangs, &dans les lieux marefeageux, defquels elles retiennent toufiours quelque gouft. LesTourlourous font les plus petits &les moins cftimez:ilsfontde couleur de feu, & ont vne tache noire fur le dos , qui releue beaucoup l'éclat de cette couleur. Leshabitans de la Guadeloupe n en veulent point manger, & croyent qu'ils donnent îe flux de fang j mais va chacun en mange dans la Marti- i 'Ill DES ÀNÏMÀVX DE LA TERRE. i7f Martinique au deffaut des autres qui -s'y rencon- trent très-rarement. Les vnes ôc les autres font fuje^ttes i quelques maladies, dont il fe faut très- foigneufenunt don- ner de garde , parce qu'il en peut artiuerde tres- frands accidents , comme il eft arriué à plufieufs abitans, qui ont prefque perdu la vie pour auoir mangé des CraMesmmilotées9{ ceftainfi qu'on les nomme quand elles font entachées |dec€s mala- dies. )Pour connoiftre cela,il faut regarder au Tau- maly; s'il eft lai&eux, s'il fe fond,sil fe réduit en eau blanche; en fin,fi la Cteble eft legere,pour lors il la faut ietter comme vn dangereux venin. Elles peuuent encore caufer les mefmes acci- dents,quand elles mangent de la Mancenillcjc'eft pourquoy , il faut prendre garde aux dents Se au Tmnudyfit mefnre au dedans du corps, qui deuient brufle & noir comme du charbon. Et quoy que cette noirceur leur arritte quand elles fe nourriffent de p(>mmts de Genipâ , cela neantmoins fepeut aifément connoiftre \ carccllcs-cy ont IcTawnaly ferme, font graffes,pleines,& entres-bon point-, & celles -là ont tout le contraire. Ces animaux ont vnc faculté qui ne doit effire cnuiée que des coupeurs debourfe, ou de ceux que le Preuoft tient défia au collet : C eft «fatf fi vous les prenez par vn mordan ou par vne patte, elîes^eii deffont comme bon leur femble,les déta- chent de Iaiointure , auflî proprement queïi onlcs àtioit cotrpêzr auec vtmfoir, vous ks hiSM dans la BBb II %7% DESCRIPTIO N main & fe fauuent, & s'il en eft befoin, elles les qar- tenc toutes les vnes après les autres. Iugez fi fembla- bles gens ne doiuent pas fouhaiter vne chofe qui leur ieroit fi neceffaire. Si elles fontbleffées à vu mordànou à vne patte , elles extirpent prompte- ment le membre ôdemaltout enfemble,fans auoir befoinde lafliftance de quelquexpert Chirurgien. Tous ces membres coup ez leur reuiennent au bout de l'an,ou au moins d'autres en leur place. Des Soldats ouCancelîes. CESoldat eftvneefpece de petit cancre , long de trois ou quatre poulces au plus ; il a la moi- tié du corps femblable à vne fauterelle marine , mais rcueftu d'vne efcaille vn peu plus dure : qua- tre pieds allez fcmblables à ceux d'vne Crable:deux mordans, dont l'vn neft pas plus gros qu vn de fes pieds, &J autre eftplus large quelepoulcc,rond, & qui ferre eftrangement. Toutlerefte du corps neft quVn certain boudin, d'vne peau afle^rude Se clpoiffe, gros comme le doigt, & long de lamoitié, ou vn peu plus. Au bout il y a vne petite queue, compofee de trois petits ongles , ou trois petites efcailles, comme la queue d'vne faulterelle de mer. Toute cettemoitié du corps eft remplie d'vnTW- maly ,- femblable àceluy quifetrouue dans la co- quille d' vne Crable ; mais rouge ,,& qui eftant ex- po fé au feu ouau Soleil fcfond , & ferefoud en DES ANIMAVX DE LA TERRE. 37* huille,,qui eft vn veritable baume pour les playes récentes. l'en ay fait moy-mefme l'expérience fur plufîeurs perfonnes ., aueede tres-heureuxfuceez. Tous les habitans en font grand cas , &s'entrouue peu qui n'en faffentprouifion. Ils defeendent tous les ans vne fois au bord de la mer , nonpour s y baigner & y faire leurs petits, comme les Grables , car ie crois qu'ils naifïent à terre j mais pour y changer de coquille,car la natu- re qui les fait naiftre le derrière tout nud , leur a donné finftinâ: d'y pouruoiren naiflant , car à pei- ne font -ils au monde quvn chacun d'eux cherche vne petite coquille , proportionnée à fa grandeur, fourre fon derrière dedans, l'ajuûeiiiriby, Se ainfî reueftudes dépouilles dautruy, ôc armez comme des foldats de ces coquilles eftrangeres^ils gagnent lamontagne,repairent dans les rochers &dans des arbres creux comme font les Crabres , & viuent comme elles de feuilles de bois pourris ôc defruits-, mais fur tout de pommes de Mancenille. D'où vient (encore que nos habitans en mangent, &les cftiment fort ) qu'ils font tres-dangereux. l'ay vne fois penfé rendre lame, pour en auoir mangé deux dans la grande terre fous des Mancenilles. Cependant, nos foldats eroifTent dans la monta- gne , ôc la coquille, qui n'a.pas efté expreflement faite pour eux,commenceà les preffer & A leur fer- reriî eftroitement le derriere,qu ils font contraints de defcendre au bord de la mer , pour changer de maifoa. Les curieux qui ont pris garde, à ce qui fe BBb y I *8o DESCRIPTION pafle dans ec changement , auoiieront ingenuH* ment aues moy qu'il y a vn plajfir extreme a let voir faire. Ils sarreftent à routes les coquilles qu'ils rencontrent , les eonfiderent attentiuement, ôc en ayant rencontré quelqu'vnc qu'ils croyent leur eftre proprets quittent incontinentia vieil le, & fourrent fi promptement le derrière dedans l'au* tre , qu'il femble que l'air leur fafle mal r ou qu'ils ayent honte de le montrer à nud. Si deux.fe rencontrent en mefme temps dépoiiiU lez^pour entrer en vue mefme coquille, ils s'entre* mordent & fe Battent, iufqu'â ce qu'en fin le plus foible cede,,& quittéla coquille au plus fort, qui en eftant re^eftu fait trois ou quatre caracoles furie ri* uage; que s'il trouueque ce ne foit pas fon fait, il la quitte & recourt promptement à fon ancienne, & en va chercher vne autre ailleurs. Us changent fouuent iufqu a cinq ou fie fois , auant que d'en trouuer vne propre. Ils portent dans leurs coquilles enuiron vne de- my cueillerée d'eau claire,làquelle eft vnfouuerain remède contre lespuftules & vefies, que le laid ou l-eau qui tombe de deffusies branches de Mance« nillesjfait efleucrfurlapeau. Quand ilavne fois mordu de fon grosmordan, onle tuëroit pluftoft que deluy faire lafcherprife. Vnde ces foldats m^yantvne fois pris parle bout dudoigt,me fitparrefpacede deux heures fouffrir d'eftranges doukurs,fansqueiy puflfe apporter au- cun remède. I ay depuis appris qu'il ne faiit que lay DES ANIMA VX DE LA TERRE, sf t chauiïcr la coquille : car alors non faulçraont il dé-' m&rd , mais mcfmc abandonne fa maifon & fc fàuue. Dçs Scorpions de life dt U ^midoupe, $. XI. IL y a dans la Guadeloupe* va grand nombre de Scorpions gris , &tousfemblables à ceux qu'on trouue en France \ mais, graces à Dieu, les picqueu- res n'en font pas mortelles. Ten ay efté picqué plu- fleurs fois ; entr autres , ien fus picqué vniour en dormant,vis à vis du cœur, ou ayant fentyladou- leur , i'y portay incontinent la main,i'en fus picqué pourvnefeconde fois au bout du doigt s mais cette picqueurc me fit beaucoup plus de mal, que celle que ie receu fur le cœur \ laquelle ne me caufà quv- ne petite enfteure large comme vn quart-d'efeu: mais de l'autre , non feulement h doigr, méi w$t h bf as rip enfla iufqucs d&fibus ïé&ikfym làquel - le il £e fie vas glande greffe comme vn cmf de pit geon , & le bras ne demeura toui trambla&f l'efpa* esd£ vingt^quatreheurqs, après lefi|u$llsi Mm fe diflîpa , fans que i'y appliqiiarffç aiiÈuft ternede* Ils font ordinairement dans du,boJ5poarfyvdan$ les ftures , & bien fouusniedansips coffees où il y a 4a lay remarqué que les femelles pour faire hum petits, tiffent vnq>petite toile large comme l'ongle, d'un fil qjiciie^ tk&œ de leurs corps txmmk \$% N BBb iij &l DESCRIPT I ON arraignécs,&y pondent onze-œufs guère plus gros que des pointes d'épingles : elles portent cela par tout auee foy , iufqu'a ce que les petits foient e£ clos,& auffi-toft qu'ils font au monde, iî onles effa- rouche , ils gaignent le dos dé la mere, laquelle re- courbant faqueuë par defTuseux , les deffendde fon aiguillon. le ne fçay s'ils changent de peau comme les Cri- bles de coquilles , mais ontrouue dans des liures quantité âc peaux de Scorpions ^ vuides & toutes entières. Des Araignées & principalement d'vne horrible & mon- ftreuft ejpece , quetay veu dans ïijle delà Martinique. $. XII. IL fe trouue vn grand nombre d araignez de tou- tes fortes dans la Guadeloupe,auffi bien que dans laFrance. Elles ont prefque toutes de petites bour- fes d'vnc eftofFe qui femble eftre d'vn cuyr bien délicat. Làdedans elles pondentleurs oeufs, & fe tiennent deflus pour les couuer : Quoy qu'il s'ciî trouue qui les portent toujours auec foy , iufqu a ce qu ils foient éclos,comme les Scorpions. Ten ay trouue plufîeurs dans les bois qui ne font pas com- munes : elles^font toutes plates,& pas plus efpoiifcs quVn tefton , larges d Vn poulce , & longues dvn pouke & demy, JBilcs font toutes erizes, &ont le* DES ANIMAVX DE LA TERRE. & jambes fort courtes, dures, & heriffées comme les grifFes d vn ccrfvolant. Mais fur tout celles que i'ay veu dans Frfle de la Martinique , doiuent eftre épluchées de plus prés. Car ienecrois pas qu'au reftedu monde, il s'en trouuedcplus prodigieufes. Le corps de cet- te araignée eft compofé de deux parties , dont la partie pofterieure , qui fcmble eftre le ventre , eft prcfque de la groffeur d'vn œuf de poulle,toute ve • lue dvn poil noire,& heriffé &affcz long.La partie de deuant eft vn peu plus courtc.mais auili groffe ôc toute couuerte du mefme poil. Au milieu du dos il y a vne petite ouuerture ronde, comme pour fou- rer vnpois,toute enuironnée d'vn poil vn peu plus long que celuy du corps. De chaque cofté de cette partie fortent cinq pieds plus longs que les doigts, velus, ôc a quatre iointures , fans celles qui les joi- gnent au corps , &à chacun d'iceux vne petite pin- cé ou mordan de corne rouffe ôc fort dure , ôc deux ients dans la gueulle de la mefme ,eftofFe , longues :omme la moitié dvne épingle,courbécs,& affilées :ornme des éguilles. Ten ay trouuc encore quelques- vnes dans des Ananas, toutes fcmblables -, mais vn peu plus peti- ts , ôc quiauoient vne partie dupoil dcdciTus le :orps tout vert. Quelques habitans appréhendent :ét animal, &aiTeurent qu'il eft autant ou plus dan- gereux que les vipères de la mefme ifle. On en re- :herchefort.curieufementlesdents, ôc on dit que ie fe les froter fouuent aucc elles,guarantir du mal ie dents. I m ÔËfCRïfTlON Des FourmU, S. XI II. Iikf remarqué quatre ou cinq force* defoutmii dans la GuaJeléupe , extrêmement importuns ëft§ habita-n** cat quoy qu'il n'y ay t point d'Hyuet qui les dWigt à fe pouruoir pendant te temps de la tccûkt pou* cette faifof* , o4 il femble que noîi ièîïteWteMll0Utês chofes leur doiuët manquenmais quïls foient c&ntraints fur peiisede la vit de gar- der prifondans les entrailles de k terre -, ùu ils fe« mitm bien milles fieclesauant qu'on lesfecourut d'vn feulgtâéft de bled ; fi eft-ce néant moins que les fourmis de ces ifles, trauaillcnt auec autant de loin & de preuoyanee tout le long de tannée, à &iv&&tms&C prouifion de toutes les graines qu'on ''lente , que s'ils eftoient fujets aux melmes rigueurs qus c^ûxderjEurope.Et quoy que cette incommo* ditén^lbitpàskplusfenfîblede celles qu'ils cau- fent,c eft pourtant la plus dommageable aufchabi* tans ; car qu ils fement auiourd'hiay vn beau quar- reaude plante de petun^fi lesfourmis y donnent,cn ^nenui^ tout eft enleus, fans qu'il y vienne vnô feule plante à bien. lay veu de pauures babitans quafi réduits au delefpoir à cette oecafion ; & cela n'ar;iu^|à-s feulement aupetun, mais à toute autre? foice dfe graine. Ceéc ébÉtii parle font petits fourmis noirs >af- teg femblables à ceux q*i$ Vm voit Joplus com- mune* DES ANIMAVXDELATERRE. 3S; muncment dans l'Europe : mais ils font en fi gran- de'quantité que cela eft quafi inconçcuable s de forte que los habitans appellent Poux de boisy à raifôn de ce qu'el- les rongent \ minent, cauentr , êc £om pourrir lc- bois ou elles s'attachent. Ces poux approche ntaf- fez de la forme dufourmy : ih fonrblancs , fi ten- dres & fi délicats , qu ils fonerecherchez aùec gran- de auidité des petits oyfeaux,des poulets, Se de tous les petits lezards,con*me tes pfcfriands morceaux qu'ils puiffent rencontrer, auffiiîc' vont-ils iamais qu a couuert. lis baftifîent auec de la terre certaines petites galleriesjehemin^ou co-nduteVrî pou plos anioles que le tuyau d vne plume , aufq&ek ils forfrfafré taût de milliers do tours & ds déftours confus y- DES ANIMAVX PELA TERRE. 587 <|pjc# fin ils en compofentvne motte pktf groflTs qu'vn demy baril , & ie crois que s'il y auoit va homme allez expert pour deuider toute cette be* fogne , quîl s'y trouueroit quelquefois plus d'vne ljcuë de chemin. Au telle , ils font là dedans comme dans vnc pe- tite .République où ils fe multiplient , & comme dsRsvnepetkç fqrterefTe , oii ils font à couuert des embufehes de leurs ennemis. Si on fait brefej^e i leurs murailles, ilsVintereffent tous pour le bien public,&trauaillcnt aueçtantde diligence à la re- paration de cette brelche , qu'en vérité il y a de la iatisfa&ion &du plaifîr à les contempler dans cet ouurage. Onvoitauancer leur trauail àveuë d'œil, (ans iamais pouuoit comprendre ny apprendre le meûier de ces ouuriers. S'eftantvn peu trop mut tipliez, ils font vne petite galerie ou ligne de com- munication > tout lç long de la Sole iufqu au pre- mie^ imni qu'ils rencontrent y &y baftilTcnt tout de nouueau , ôc allant ainfi de coing en coing , de ioint en ioint, pourrifTanttous les lieux ou ils s'ar- reftent , ils font çn ;peu de temps tomber vnbafti • r^çnccnruyne. • Ceft vn bon remède pour leurs couper le che- min que dengraiflèr d'huillc de vache de mer les lieux par où ils pafTent, & meÇned enyerier fat la, motte; car ils la quitent incontinent. En fin,ces petits animaux vicilliflent,& les aifles leurs viennent comme aux fourmis,pour leurruy- nc j car ils abandonnent leur demeure terreftre CCc i) T. $8* D E S C R I P T I O N pour £c mettre dans Fair,au rang dès oiféaux,bu ils ne viuent qu vn iour ou deux pour le plus. Ltur de- meure eftant abandonnée > noircit, defïèiche, ôe brufle comme des allumettes. Les habitans^appel- lent cette motte tefte de 'Nègre , à caufe qu'elle eft noirc,rondc , &friféc comme la tefte d Vn Nègre. fay veu quelques Chirurgien? qui faifoient iucr des hydropiques à la fomee de cette motte ou tefte de Nègre, aucc d'aflezbons fuccez. - Des Chenilles, i ■ i i' ' ; "'• 1 r. xv. Es Chenilles font icy des rafîfcs générales deux !ou troisfois l'année , & coupent les feuilles de manyoç, de patates, de petun,& d'autres herbages, auflînctquc file feuyauoit paffé. Quelqueshabi- tans voyant dépouiller les jardins de leurs voifins, fc guarantiflent du mcfme dommage ifaifant des lïfîeres de bois tout le long de leurs habitations, aufquelles ils mettent le feu ,deibf te qull demeure rne feparation de cendre large de trois ou quatre pieds: & cela arrefte les Chenille s ; tout court, car elles felaifleront pluftoftmourir de faim , que de paffer par deffiis la cen Are, --. • DES ANIMA VX DE LATER RE. m Des Raaets. §. XVI. c - r Es Raucts font, certains petits animaux fem- blablcs à des hannetons dépouillez de leurs plus dures ailles j mais vn peu plus plats & plus ten- dres. Il y en a vne fi grande quantité dans la Gua- deloupc,que ie ne crois pas qu'il y ayt vne ifle dans toute l'Amérique , ou il s^cn trouue vn fi grand nombrejau moins dans celles où i'ay efté, ic n en ay ïamais tant veu. Ces petits animaux font beaucoup de tort aux habitans , ils font amilliaffe-dans les coffres, fi on ne les vifièe quafitous les iburs. Ils mangent la caffaue, la viande cuitte, crue, ôc mc£ mefalée : mais fur tout ils nous font beaucoup de toit dans nos Bibliothèques, ouils font perpétuel- lement à ronger les liures, qu'ils gaftent entière- ment. Toutes les poulies du pays font extrêmement friandes de cesrauets , & ne virent prefquc d'autre chofc,auffi ce leur eft vne très-bonne nourriture, 6c qui les engraifle mieux due tout ce quelles pour- roient manger. i I .1 [obb fvd€cCïjii^ii£Xîib • i Des Vermines : comme Poux &Tucesl LEs Poux Scies Puces font auffi rares dans tou- tes ces iiles, comme ils font communs dans les Hofpitaux > Sf dans les Corps de gardes de l'Eu* rope y car pqi^eu qu'on fe puifle tenir nette-* ment, onnea voit jamais fur foy , fi ce n'eft quel- ques-vns à 1* telle i mais cela eft extrêmement rare. r i r ' ' I y Si &M#W SSffiâgSfi &te Njegrçs fe fejrueat dvne huille qu'ils tirent 4p Ricinus , ou Figuier, d enfer,ppur fe^uarantir des poux. Des Chiques. §. XVIII. ■ • ■ • : » / £. ne içay ce que la terre cfc toutes ces nies a de malin ; mais il s'y engendre &fe leue de la pouf- fîere la plus volage & laplus échauffée du Soleil, certains (s il faut ainfi dirç ) petits atomes animez, Yr,^< ^*\ Si on n'eft fort diligent à les tirer , elles le reni- plhTent de lentes, defqucllesil feforme autant de chiques, qui toutes prennent place auprès du lieu oïl ellesjont pris naiflance ,il s'y en amaflénx à cen- taines , ôc endomagent fi bien les pieds qu'ils ar- reftent vn homme tout court , luy font tenir le licl:, & aller au bsfton. I'ay veu mille fois rilàudire le pays àlaplufpàrt ..des habitansi à caufè dés chiques, ■&mcfin-e faire deflein ^abandonner. Moy-mef- me, quoy que i'aye toufiour^ejEté tres-foigneux de m'en guarantir, comme ayant trop befoin de mes pieds pour le fer ukëdu p&iitire peuple, ie con - feffe franchement qûec'eft ce qui m'a le plusdef- pieu , ôc le plus incommodé dans le pays. Sur tout c eft le fléau des parefTeux ; car fî-toft qu vn homme fe neglige , elles luy gaignent les genoux, les feues,, les couldes , les mains , ôc s'y entafTent tellement les v^Jur les autres , qu'après s'y eftre pourries , il s'y f6frrîê de vilains vlceres, qui font quelquefois fui- uis de l'efpianjqui eft la verolle du pays. ïn DESCRIPTION DES ANIMA V» Les remèdes généraux font, aller bien chaufle, ft lauerfouucnt,tenir la cafe nette & bien arrouféé, Se s'il fc.peut faire, d'eau de mer : ne point frequenter le foyer où il y a des cendres. Les particuliers font,(efrotter les pieds aucc des feuilles de petun broyées, & df autres herbes âme- res : mais fur tout le roucou , eft la pefte aux chi- ques. Fin de U quatriefme Partie. Lzsiui r CINQV IES ME PARTIE DIVISE'E EN TROIS C H A i I T R. E S. CHAPITRE I. Des habitant naturels. Des Antisles de t Amérique , appeliez, Karai- les y ou Saunages. C H A PITRE IL Des François de la Colonie. CHAPITRE III. Des Efclauts>tant&lCores que Saunages. I y i ' I ... :j ; i a jl t - V ■ ■ . ■ ' in. c i N q_y i E S M E P A R T IE Diuifee en trois Chapitres. CHAPITRE PREMIER. rf? Des hainans naturels des Antijles de l 'Amérique 3 ap- felle^ Karaites, ou Saunages, L me refte maintenant , pour ne me point départir de l'ordre que i'ay tenu iufqucs _ içy, det-rakerduplus noble des Animaux! qui eft Thomme^ &dautant que la condition ou cftat des habitàasdc toutes ces iflesjeft fortdiflcm- blable : lay ( pour ne rien confondre ) diuifé cet- te troifîefme Partie en trois Chapitres. Au pre- mier , ic traite des Sauuages naturck du pays : Au' %ond,des Efclauesj Et au troifiefmc,des François dclaColonie, DDd i| S9* DES MOEVR J Des Saunages en general* §. I COmmc dans les fîecles parlez pluiïeurs ont creu , que lair de la Zone torride n eftoit , s'il faut ainii dire, compofé que de feu, de flammes , & d'ardeurs; que la terre qui cft deffous n'eftoit qu vn dcfertafïreuxjfifterile^iî bruiié,quilnc feruoit qu à enfeuelir ceux qui le vouloient habiter , que toutes les eaux y eftoient chaudes, croupies &en- uenimées : en vn mat, que c'eftoit pluftoftvn fe- jour dTiorreur & de fupplices , qu vne demeure agréable & charmante. Demefme, àcefeulmot de Sauuage la plulpart du monde fe figure dans leurs efprits vne forte d'hommes Barbares , cruels, inhumains , fans raifon, contrefaits, grands comme des géants, velus comme des ours : En fin,pluftoft desmonftres que des hommes raisonnables ; quoy qu en vérité nos Sauuages ne foient Sauuages que de nom , ainfique ksplantcs &Ies fruits que la nature produidans aucune culture dânslesforeits &dansles deferts, leiquellcs quoy que nous appel- lions Sauuages , pofledem pourrantles vrays vertus ôc les propriétés dans leur force & dans leur entière vigueur,îefquelles bien fouuént nous corrompons par nos artifices , exalterons beaucoup , lors que nous les plantons dans nos jardins. Or comme iay fait voir que 1 air de la Zone torride eftlcplus pur , le plus lain & le plus tempe- DES SA WAG E S. fr? ré de tous les airs p & que la terre y eft vu petit Pa- radis toufiours verdoyant , & arroufé des plus abêt- ies eaux du monde : ileft à, propos de faire voir dans cette cinquième Partie, que les Sauuages de ces ifles font les plus concerns , les plus heureux , les moins vkieux , les plus fociables, les moi as- contre- faits, odes moins tourmentes de maladies, de tou- tes les nations du monde. Car ils font teis que la nature les a produit, c'eft à dire , dans vn^ grande fimplicité & naïfue té naturelle : iris font tous égaux, fans aucune forte de fuperio-rite ny de feruitude, & à peine peut-on reconnoiftre aucune forte de refpe£tmefme entre les parens, comme du fils au père. Nul n eft plus riche , ny plus pauure que ion compagnon > &tous vnanimement bornent leurs defirs à ce qui leur eft viile, & preeifémen t ncceiTai- re,& mépnfent tout ce qu'ils ont de fuperflu,cdm- mechofe indigne d eftre poiTedée. Ils n'ont aucun autre veftement que celuy du- quel la nature les a couuert. On ne remarque au- cune police parmy eux : Us viuenttous à-leur liber- té , boiuent & mangent quand ils ont fètf ou&im> travaillent & fe repofent quand ils leur plaift : Us itfônî âaacun foucy , ie ne dis gûê du kn<^nMn^ mais dttdes-jeufner aitdiftier , rie peféhant ou ne chaffant que ce qui leur eft preeiiém^nt hecefta#e pour le pepas prefènt , &nsfe mettre ew peine à& celu^quifùic ;4fmm M® ux fe pafler-de-pèii^ %ie dSrtéeeeer'y^ialfô^vntf Iboiae-e1ïè¥é âuee btià&ï coup de muâîL DDdiiy M D ETS M OE V R S -ê Au rcftc, ils ncfant ny vclas ny contrefaits j'ai* contraire^ ils ïom d'vne belle taille, dvncorfage bien proportion^gras, puiflans,forts & robuftes, fîdifpos, & fi fains,quW voit communément par- my eux des vieillards de cent ou fix vingts ans , qui ncfçaueutceiquçceft de fe rendre ny decourber les efpàules fous le faix des vieilles années , & qui à peine ont le poil de latefte méfié, & le front mar- qué d'vne feule ride. ; Quefiplufîeursoiatle&ontplat&rlenex camus,' çclaneprouient pas dVn deffaut dénature , mais de l'artifice de leurs mères, qui mettent leurs mains fur lç front de leurs enfans , pour Tapplattir ôc l'é- largir tout enfemble, croyant que par cette impo- {Itionde mains, ces pauures petits reçoiuent toute la beauté de leurs yifagçs ; ôc parce que cette pre- miere figure imprimée dés lanaiflance de l'enfant changeroit aucclagct Voila pourquoy les mercs ti£jnq£nt fort fouueiit leurs mains appliquées def- fiis le front de leurs petits. Les Chaffieux , les Chauucs , les Boiteux, & les Bon%s,y font très-rares. Il s y rencontre peu defri- fez, mais pas vn feu] qui ayt les éheueux blonds ou ^oux: ils haïflent extrêmement ces deux fortes de poiL Lafçule couleur du cuyr les diûkîguc d'auee nousjcar ils ont la peau bazanée comme la couleur 4*Qliue,& mefme le blanc clcs yeux en tient vu peu. Pleurs ont afliuré que cette couleur ne leur cftbic pas naturelle, Ôç quQmiŒmibknçs zèni* tneles Europeans, ils ne deuiennenc ainfi bazan«* (ri i)GQ DES S A WAGES. m «e* qu'à force de fe peindre &fc frotter de rou- «ou. Mais vnepreuuc manifefle de la faufleté de cet* propofinon , cft mp nousauons quantité ÏS* nsSTa?CS Parmy no«>f«lefquelonna «maisapphqué aucanc de ces couleurs , neant^ ESt" CPM d'cftrcba2a™« comme &bSre1!?nif0nnCmCnt b0" ' & *^ ~ tabtil que le peuuent auoir des perfonnes qui n'ont ES 7 P " Par ies fcicn«s humaines , qui remn^UCnienTUS fubti'i"« I'efprit , nou/le auTSlTc mahCr : EVcP^^auecvCrité, au" tï CaUTP Tins vicie^> voire mefine qu lsncfçauent de malice queeequenos François *eur en apprennent. iSlKSïfâ^*' & P^tentfur leursv* fcges vne phyfionomie trifte& mclancholique; Is^ffentdesdemv fournées entières amV fur Ja pointe d vn roch,.ou fur la riue , les yeux fi- chez enterrc ouaans ,amer f fans.fonnc/Vflf6ul rienr i nf ÇaUant?C qUC C'eftdc fe N*i & nent a plaine tefte,lors qu'ils nous-voyent aller car plufieursfojsd'v,lieu iWfaas Lancer cK- £rif«n9r * in?Cnt P0Ur VflC deS P1US hâU<« lotfesquilsayentpû remarquer cnnotfs. S?5 ' &dcpu,s<ïuiIsGn»Cmarque\uenouS auonsdesperfonnes parmynous, aulquelles noUj I 4p° DES M OÇ V R S portons l^^o&pie j#%e& ♦ & déferons en tout? -lk font bieiî aife d'en auok de femblables pour Cpmperes^ceftà dke,pour âtnis, defquels ils pren- nent ea rneûne itemps le 0om;poar fe rendre plu* mcomramdMêh & leur fem porterie leur, ik taf- chent auffi pour cette mcfme fin de les imiter en quelque chofe. . . ^ Vn iour vn des plus anciens de la Dominique, nommé Amiflon , ayant veu Monfieur le Gouucr- heur de la Martinique, *uec vn grand mouchoir à la matelote autour de fon col , il creut auoir chez foy de quoy fefaire çonfiderer, en imitant fon compe- re, ceftoit làlezedVne vieille toille d'vne voillc de chaloupe , de laquelle il fc fit deux 0U3. tours au col, laiflantpendrele refte deuantfoy. Il vint à la Guadeloupe en cet équipage, où il apprefta à rire à tous ceux qui le virent en cette pofture. le m'en- jqtiisbienferieufement de luy, pourquoy il s'eftoit ainfiajufté , il me répondit dvn ton fort grauc& feaeux, que ceftoit comme ConCompcre du Par- cjuet.En vérité, quelques grands defirs qu'ils ayent tfeftre honorez , il n ont pas de point d'honneur qne iïntereft d'vn petit coufteau , d Vn grain de criftal, dvn verre de vin, ou du brufle ventre ( c eft ainfi qu'ils appellent Veau de vie) ne leur fafle foulex aux pieds. Ils font dVn naturel bénin, doux,affable,& com* patiffent bien fouuent , mcfme iufqu aux larmes, aux maux de nos François; n'eftanc cruels qu alcurs DES SAW AGE S. 401 De leur Origine. 4. I I. N Os Sauuages font remplis de tant de refueries touchant leur origine ^ que ce n'eft pas vne petite difficultéde tirer mefme vne vray -femblan- cedeladiuerfité de leurs rapports. Toutefois, par- my tant de différentes opinions, ils ont tous cette croyance qu'ils font defeendus des Kaîibis , peu- ples qui demeurent à la terre ferme , & qui fout leurs plus proches voiiïns : mais ils ne peuuent dire ny le temps , ny le fujet qui les a porté à quiter leurterre natale , pour seipandre dans des ifles af- fez reculées ; ils affeurent feulement que leur pre- mier père nommé Kalinaga , ennuyé de viurepar- my fa nation , êc defireux de conquefter de nouuel- les terres, fit embarquer toute fa famille, & après auoir vogué aiTez long-temps , qu'il s'eftablit à la Dominique ( qui eft vne ifle où les Sauuages font en affez grand nombre ) mais que les enfans per- *Iant le refpecT: qu'ils deuoiençàleurpere,luy don» nerent du poifon à boire , dont il mourut; detelie forte qu'il changea feulement de figure , & deuint vn poiflbn épouuentable , qu'ils appellent Atrdo- man> ôc qui vit encore auiourd'huy dans la rîuiere. Cette metamorphofe n'eft approuuée que des plus fimplesjles autres l'eftiment vne pure refuerie. S'ileftpermîsde tirer quelque vérité d' vne fable, on peut colliger de celle-cy , cjuc nos Barbares font EEc [ 43s DES M OE V R S defcendus desKalibis , parce qu'outre qu'ils ont vne conformité de langage, leur religion & leurs mœurs ne font pas différentes : outre que la plus corrimunç opinion des meilleurs efprits eft , que ces Sauuagès ne font que des parcelles dès defbris, ou bien les rechapez des horribles miflacres que les Efpagnols ontfaic dans lesifles de Cuba de l'Efpa- gniola, de S. lean de Port-ric,& des autres dans lef- quelle les Efpagnols ont fait mourir des nombres inconceuâbles de Saunages , pour s emparer de leurs terres auec plus de feure'té. Au commencement , que lifle de la Guadelou- pe fut habitée , ceftoit vu commun bruit parmy W vieux habitans qu'ily auoitdans lès montagnes, outre les Sauuagès naturels, vne nation cftrangerè appeliez Tg*eris> qui leur faifoit beaucoup de tort, niais- nos y&fTeurs qui dit trauerfé l'iflc de tou- fc -pâft , n'en ont iamais eu aucune connoàf- fàncê. Déplus , dans le premier voyage que le Reufc- rcrtd Perc Raymond fit aux Sauuagès , il y auoit fort peu de temps qu'ils auofent furpris vne petite Negrefle efclaite , de la peau de laquelle ils auoient reueitu vn arbre : Cette inhumaine cruauté mit les Kali bis dans la fureur, ^jui safTemblantenmef- me temps , ôc grimpant par desrochers inacceffî- blés, arrkrcrentàvne cafe qu'ils inueftircntaufïr- tdïfc Les aflîegez qui eftoient vn homme , vnfe femme, & vn petit enfant, après quelques foibles tefiftaflees furenrpris > le mâfy fut rofty & mangé, DES S A V V A G E S. 403 et la femme faite efclaue auecfon enfant. Apres cinq ans que ce mefmePerey retourni > il y eut vne defeente de ces montagnards , qui mirent le feu dans quelque cafe de leurs ennemis , .& après s'eftre chargez de butin, ils firent leur retraite dans leurs habitations. Cette nouuelle équipée fut cau- fe quenoftre Peres enquit de nos Sauuages , s'ils croyoient, quand leur père auoit occupé ces terres, qu'il y eut des habitans naturels : Ilsrefpondirent que non,& que ceux qui viuoient dans leurs mon- tagnes eftoient des efclaues fugitifs , appeliez Al- loiiagucsjqu ils auoient pris dans la guerrc,Iefquels redoutant vne feruitudehonteufe , & faifîsd'ap- prehenfion de feruir departure à* ces Anthropopha- ges , auoient gagné les bois & les montagnes, où ils ont multiplié, parce qu'ils auoient leurs femmes. De U Religion des Smudges* %. ML C 'Eft vne chofe véritablement digne de com- paffion , de voir naiftre ces bonnes gens dans l'aueuglcment de l'infidélité , viure dans la bruta- lité , & dans les ombres de la mort, & en fin mourir fans aucune efperancc de falur,en vn mot, comme dit faindPaul aux Ephcfîens : Ftlij ira fine Deo in hoc mundo , enfans d'ire fans aucune connoiflance de Dieu en ce monde. Car nous aurons pluftoft fait de couper court „ & dire en vn mot , qu'ils n'ont point du tout de religion, que de faire pafier leurs EEc ij 404 DES M OE V R S badineries enfantines pour vn culte de quelque diuinité. Il eft toutefois veritable que par vtfe crainte feruile,& non par amour, ils rendent quel- ques deuoirs au Diable , car ik luy offrent toutes les prémices ,. tant des fruits qu'ils cueillent de la terre^que de leurs plus notables avions. S'ils font vnfeftin, IcMatoutou eft incontinent preft (ceft vne petite table faite de joncs ou de latanier, large dvn pied, ou pied &demyenquarré, & haute de huifl: a dix poulces ) fur lequel comme fur vn Au- tel, ils offrent iMaboya, c eft à dire,au Diable,deux ou trois des plus belles caffaues qu'ils ayent, &du meilleur Ouycou dans des CallebafTes toutes neuf- ■ucs :Ce beau fac ri fi cep a fie toute la nuiû au milieu de la Cafe;& quo y que le lendemain ils le trouuent en efTcnce ôc au mefinc lieu , ils fe perfuadent que Maboyas'cn cft repeu ,. & que s'en font d'autres qu'il a apporté- à la place, & tiennenteela pour vn iîgnalé benefice. Tous mangent decescaflaues,& boiuent de ce Oiiycou auec reuerence , & auant que de prendre aucun aliment. Nonobftant tous cesfacrifices , ceMaboyà ne îaiffe de les inquieter,de les battre, & de les traiter: auec vne feueritéépouuentable , afin de les conte- nir dans la crainte , ôc que l'apprehenfion de fes ri- gueurs les retienne dans le refpe<£& dans îafouf- m prouenantes des coups que ceMaboyà leur auoit donné. ^ I'll' DES SAVVAGES. 405 Nos Sauuages croyentquc leurs Dieux ontefté des hommes, & les Diables abufant de leur créduli- té leur afleurent que cela eft veritable. Ils forgent vnc nouuelle fable, quand ils adorent vnnoiiueau Dieu. La pkis grande auflï bien que la plus mef- chantede leurs diuinitez eft ÏTrisi Vn de nos pères qui auoit fait connoiflanceaueclcBo/Wk^de cette Yris , luy demanda vn iour d'où prouenoit qu'il aiioit vn tel Dieu ; il répondit que fon père en auoit deux, qu'il luy en auoit laifTé vn comme par herita- ge, & qu'il auoit donné vne DéefTe à (à femmejque Con Dieu eftoit vn iour entré dans le corps d'vne femme , qu'il auoit parlé par fa bouche , & qu'il l'a- uoit porté plufieurs fois pardeffus le Soleil , fans eftre efbloiïye des efclatants rayons de fes lu- mières ,.. qu'il auoit veu de belles terres inhabitées, 'découpées par rochers , qui feruoient defourcesà des claires fontaines; d'où on peut colligcr que les Dieux des Sauuages font des Diables,puis qu'ils en- trent dans les corps des femmcs,& qu'ils parlentpar leurs bouches. Ils reconnoiffent tous vn autre Dieu , qu'ils ap~ pellent Chemin , qu'ils croyent reiîder au Ciel : mais ils n'en tiennent aucun conte, &difent qu'il le faut laifler là , parce qu'il eft bon & qu'il ne leur fait au- cun tort. Mais qu'il faut appaifer le Maboya par des. fàcrificesjde peur qu'ils ne les tuê,& ne leur enuoye des Ouragans. Us croyent déplus , que ces Mab oy as font en grand nombre, &qu entr'eux il y a diuerfité defexe, EEe iij : S? I il r i 40é DES MOEVUS & qu'ils multiplient comme les hommes. Us ont parmy eux certains charlatans , ou pluftoft for- rien & forcieres , parle moyen defquelsils con- fuirent ces demons fur les éuenemens de leur guerre,de leurs combats, ôc des fuccez de leurs ma- ladies , êc reçoiuent de la bouche de ces miniftres de Satan les reiponfes , comme des oracles di* uins. CcsBoye^ ouBo/Wko, ( ceft ainfi qu'ils appel- lent ces foreiers ) font dédiez & comme confacrez ace deteftablc miniftere des leur tendre ieuneflè, par des ieufncs & des effuiîonsde fang de toutes les parties deleurscorps,en s'efgratignantlapcau auec des dents d'Acouty. Quand ils veulent fçauoirl euenementde quel- que maladie, ils appellent vn Boy c , après auoir au préalable bien purifié & nettoyé la cafe , & prepa- re au milieu dlcellc vn Matoutou , auec des caflaucs, ôc du oiiycou, comme nous auons dit cy-deflus. Le Boyé vient la mxït\ , & comme il eft enfant de ténèbres , il a toutes lumières en horreur , et teint foigneufemen t le feu dans la Cafe, & ne per- met aucunement qu'il y en ayt aux enuirons d'i- celle. A cepropos , ie ne puis parler icy fous fîlencé, ce qui arriua à noftrc Reuerend Père Raymond. Vn iour il fut auerty qu'on dcuoit faire venir le Diable dans vne cafe, qui eftoit voifine à la fienne* il prit refolutiond'y aller pour contraindre le Dia- ble de s'enfuyr, &pour defabuferce pauure peu- DES SAVVAGES. 407 pic. Comme il mar choit vn tifon dans la main, Faute de flambeau ou de lampe , dont ils nWt pas lvfage -, Voicy les femmes qui forteritrtoutes efper- dues , & viennent au deuant de luy, entrecoupant leurs paroles de colère , difant qu'il les voulait perdre, que leur Dieu entroit défia dans la fureur, qu'il ne fe plaifoit que dans les ténèbres, &auoit en horreur la clarté. Ce bon père refpond courageu- sement qu'il ne redoutoit aucunement fi colère, & que la puiiTance dVn Dieu qu'il falloir adorer en pure vérité, eftoit plus fort que tous les artifices d'vn Diable qui les trompoit. Les femmes reparti- rent que s'il auançoit dauantage)iiferoit caufe que leurs maris & elles feroient maltraitez. Noftre Peres en retourna, parce qu'il ne fçauoit pas enco- re bien la langue pour les détromper d'vne fi étran- ge fuperftition. Pour retourner à mon diicours, duquel ie me fuis vnpeuefloigné ; Apres donc que leBoyé efl: entré de nuict dans la Cafe, il prend fèanceau mi- lieu de ceux qui l'onrappellé , & prenant trois ou quatre feuilles de petun feiches , il les broyé dans fes mains, &lcsefleuant vers le Ciel, ilifouffie fon petun dedans l'air, & auffi-toft le Diable ouleMa- boya arriue, & on dirpit qu'il tombe du haut de la Cafe dans le milieu d'i celle , faifint cliqueter leurs doigts comme les Barbiers qui feco lient l'eau de ïeurs mains , après auoir laué vne barbe. Là eftant interrogé , il refpond d vne voix claire & diftindle à tout ce qu'on luy demande. Si le malade doit t 408 DES MOEVRS mourir, il dit qu'il mourrêra, &ne luy fait aucune chofe , alors vn chacun l'abandonne comme vn homme mort. Si au contraire il doit guérir , le maiftre & le valet, c'eft à dire le Boyc ôc le Ma- boya^sapprochent du malade, taftent, preffent, ôc manient plufieursfois la partie affligée , fouflant toufiours deflusj '& en tirent quelquefois, ou font femblant de tirer des efpines de palmifte longue» comme les doigts,dc petits os,des dents de ferpent ôc des efclats de bois, perfuadant au malade que que c'eft ce qui luy caufoit la douleur. Souuent ils iiiccent lapartie malade, ôc fortent incontinent de la Cafe pour varnir , à ce qu'ils difent.ie venin ; ainfï le pauure malade demeure guery plus par imagi- natioa qu'en effet , & plus enchanté que defabufé. Toute cette cérémonie achcuée, le Diable de Me- decinremuë tout ce qu'on luy a apprefté,& femble qu'il fafTe bonne chere , quoy que tout .demeure, comme nous auons dit. Celarait,il donne du pied contre la terre affez rudement ys'en va en fecouant les mains, & faifant clique ter les doigts. S'il arriue qu'vne perfbane inuite pluficurs Boyczyôc qu'ils faflent venir chacun leur Dieu, ceft pire que la diablerie de Ghaumont; car ces diables s'entredifputent, ôc fe difentmillesiniures, &mef- rne,audire des Sauuagesjs'entr&batent û rudement, qu'ils efpouuentent fi bien ces. panures Barbares, qu'ils font contraints de fe fauuer , de peur deftre delapartie, & d'y demeurer les plus forts en por- tant lesxoups. Quand DES SÀVVÀGES. 405 Quand le malade eft gucry , il fail vn feftin ou Maboya , & le Boyé ne manquent pas de fe trou- ucr. A la fin du feftin tous deux noirciflent le mala- de auec des pommes de Gcnipa,& le font aufli beau que le Médecin. Vn ieune garçon François,qui a efté trois ou qua- tre ans efclaue parmy ewx, demanda vn iourà vn Boyé comme eitoit fait fon Dieu j& il luv refpondit qu'il eftoit fi vieil qu'il eftok tout courbé , &c que fon bafton eftoit deuenu tout luyfant à force de le porter. Les diables fe nichent encore dans les os dvn mort , qu'on tire de fon fepulchre, & qu on cnuelo- pc dans du coton^il rend des oracles de ces osquand on l'interroge , & die que c eft lame du more qui parle. Ils feferuent de ces osparlans pour enforeeler tous ceux contre lefquels ils ont conceu quelque rancune : cela ce fait en cette forte. Ils prennent ce quirefte du boire ou du manger de leurs enne- mis,ou quclquautrc meuble qui luy appartient: Et quand ils l'ont enueloppé auec ces os , on voit auf- fi-toft qu'il perd fa vigueur ordinaire , vne fièvre lente le mine, l'éthique le faifit, & meurt en lan- gueur fans qu'on puiffe apporter quelque remè- de pour le recouurementde fafanté, NoftrcPere Raymond en aveu vn, lequel fe voulant vanger du meurtrier de fon frère , fe mefprit , & tiia vn inno- cent pour vn coupable: Les parens de celuy qui auoit efté fîmal-heureufement aflafiné, fans confia FFf rf 4î<* DES' MOEVRS dcrcr qu'il y auoit eu dans cette mort plus demal- heur que de malice, fe refoluerent à la vengeance; ils rougiffentdu coton du fang du meurt ry , & le mirent auec ces os de mort , ôc on vit au ffi -toft ce- luy qui auoit tué defcheoir peu à peu de fon em- bonpoint ;de forte qu'après auoir traifné vne vie langoureufe l'eipace de deux ans, il mourut dans le deffein qu'il auoit de venir receuoir le baptefmc a la Guadeloupe , où le Père Raymond eftoit pour lors. Ils ontauflî de certains marmoufets de coton, qu'ils appellent Riovhes, par la bouche desquels à ce qu'ils difent, le diable leur parle. Ils les jettent dans la merjors qu'ils veulent faire voyagejs'ils cou • lent à fond, c eft ligne de -latempefte, Ôc de rifque; s'ils flotent fur l'eau, c eft vn pronoftique aCeuré de beau temps. Quand il fe fait vne Eclyplè de Lune , ils s'ima- ginent que Maboya la mangejce qui fait qu'ils dan- fent toute la nuid: tant les ieunes que les plus âgez, les femmes que les hommes , fauteiant tes deux pieds joints.,, vne main fur la telle , & l'autre far la fefle,fans chanter ; mais jettant de temps en temps dedans l'air certains cris lugubres & efpouuenta- bles. Ceux qui ont vne fois commencé , il faut qu'ils continuent iuîqu'au point du iour , fansofer quiter pour quelque neceffitéquecefoit. Cepen- dant , vne fille tient en fa main vne callebafre,dans laquelle il y a quelques petits cailloux enfermez, & eh la remuant elle tafche d'accorder fi voix 0ES $ A WAGES. 411 groffiere auec ce tintamarre importun. Cette dan- fe eft différente de celles qu'ils font quand ils s'en- yurent, parce quel' vne procède de fuperftition,& l'autre de gaillardife. Il faut aufïi rapporter à vue forte de fupcrftition les ieufnes qu'ils obferuent pour diuers fujets : Quand vne fille a atteint lage de puberté , quand vn garçon entre dans l'adokfcence ; quand les en- fans ont perdu leur père, ouleur mere ; quand vn mary a perdu fa femme, ou bien la femme fon ma- ry ; quand ils ont tiié quelques- vns de leurs enne- mis dans la guerre 5 quand ceux qui font nouuelle- ment maries ont vn garçon pour leur premier en- fant , c eft icy le plus folennel de leurs ieufnes , ils paffent quelquefois cinq ou fix iours fans manger, ny boire : d'autres plus robuftesfe contentent pen- dant neuf ou dix aioursd'vn peu d'eau; s'ils nefai- foient ces rigoureufes abffinences , ils feroient te- nus pour des lafehes. Ienefçay fi c'eft par religion qu'ils sabftiennentdemanger quelques animaux, comme poulies, œufs, porcs, & les plus délicieux poiflons. — Ilscroyent l'immortalité de lame, mais ils tien- nent que chaque perfonne en a trois : vne au cœur, vne à la teftc,& l'autre au bras. Celle du cœur, qui fe raanifefte parle battement d'iceluy : Va, ce di- fent-ils , droit au Ciel après la mort pour y eftre bien-heureufe : celles du bras & de la telle qui fe manifeftent parle battement des poulces, & par lç mouuemcnt des altères , deuknnent Maboyas, FFf ij 4**> D E S MOEV R S ceft à dire, efprits malins y aufquels ils imputent rout cequileurarriue definiftre&defuneftc. De la ndrffknee , education & mariage de leurs > ':■■ enfafiSr §. I V. COmme depuis la nature corrompue par le pè- che de nos premiers pères , les loir ont efte abfolumcnt neceflaires pour efclairer la raifon , ôc la faire marcher fans erreur dans les droits fenders de la vérité j ilnefefautpaseftonnerfilanaiffancc, îa vie ôc les mœurs de nos Sauuages , qui font pri- ucz de ces belles lumières , ne font remplies que de fupèrftkion,d erreurs & de fottifes, qui en don- nant matière de riféc, tirent en mefme temps les larmes des yeux de ceux qui one de véritables fen- timens Chreftiens. Vne de leur fottife qui me choque dauantage, eft cette fupcrftition que les hommes pratiquent à la naifTance des enfans. Les femmes enfantent auec peu de douleur , ôc fi les trauaux font rudes en quelques -vnes ,- elles les fçauent foulager par la ra- cine dvn fimple , quia vue admirable vertupour cet effet. l'en ay traité dans la troifîefme Partie, chapitre premier, paragraphe quatriefrac. Et tant i'enfaut, qu'elles faffent les fymagrées des femmes del'Europe , l'enfant n?eftpas pluftoft au monde, qu'après î'auoir laué & mis dans fon petit lift de cocon, elles trauaillent dans la Cafe, comme fi rien DES SAVVAGES. 4n ne s eftoic pafTé en leur endroit, ôc comme fi le mal de la femme auoit paffé iufquau mary, il commen- ce à fe plaindre ôc àjetter les hauts cris, dcmefme que fi on luy auoit arraché l'enfant du ventre par pieces ôc par morceaux. Cependant, onfè met en peine de le folliciter: on luy pend promptement vn lia: au haut de la Ca- fe , ôc là on le vifite comme malade -, mais on luy fait faire vnc dictte qui gueriroit des gouttes ôc de la groffe veroile, les plus replets hommes de Fran- ce. Pour moy , ie m eftonne comme Ms peuuènt tant jeufner fans mourir ; carilspaffent quelque- fois les cinq premiers iours , fans boire ny manger aucune chofe , ôc iufquau dixième ils ne font que boire du oiïycou, qui peut autant nourrir que de la bierre. Ces dix iours pafiez,ils commencent à man- ger de la caflfaue feulement, ôc boiucntduouycou, ôc s'abftiennent de toute autre chofe par Tefpace dvn mois entienpcndant ce temps ils ne mangent que le dedans de la cafïàueyen forte ce qui demeu- re eft comme le bord d'vn chapeau, duquel on au- roit ofté la forme: ils gardent tous ces bords de caf- fâue pour le iour du feftin , qu'ils font au bout de quarante iours, les pendant auec vne corde dans!* Cafc. Les quarante iours expirez3 ils inuitent leufs pa- rens & meilleurs amis, lefquels eftant arriuez aupa- rauanj que de fe mettre x manger , vous décou- pent la peau de ce pauurc miferable auec des dent* d'Acouty , & tirent du fang de toutes les par ties de FFfiij ■ i r r « i i I n* - 414 DES MOEVRS ion corps, en forte que d'vn malade par pure ima,- gination , ils en font bien fouuenc vn malade reel: cela neft encore que le poiffon , il luy faut faire la faulce,& voicy comme on la luy prepare. Ils pren- nent foixaiite ou So. gros grains de piment,ou poy- ure dmde le plus fort qu'ils peuuent trouuer , après lauoirbien broyé dans Teau , ils lauent auec cette eau pimentée, lès play es & les cicatrices de ce pan* ure mal heureux y ie crois fincerement qu'il n'en- dure guère moins que fi on le brufloittout yif '.ce- pendant, ilnefaucpasqu'ildife vn fcul mot, s'il ne veut paflerpourvn lafehe &pour vn infâme. Cet te cérémonie acheuée, on le ramené à fonliifc ou il demeure encore quelques ioûrs^ les autres vont faire bo#ne chere,& fe refiouy i dans le carbet à ks defpens. Ce n'efl: pas encore aclieué. car par l'efpacede fix mois entiers, il ne mange ny oyleauxny poiflbns, royant fermement que cela feroit ma] au ventre de l'enfant ,& qu'il paniciperoit aux deffauts natu- rels des animaux , defquels le père fe feroit repeu; parexemple, fi iepere mangeoit de la tortue, que l'enfant ferait fburd , & n auroit point de ceruelle comme cet animal i fi du Lamantin, qu'il auroit lesr yeux petits & roads comme le Lamantin, &ainfî désastres. Au refte, pendant tout ce temps ils gardent vne fi eftroite continence enuers leurs fenvmes , que la brutalité, molîefle, &concupifcence effrénée de laplufparcdenos Chrefticns,eft fuffifam ment cou- DES S AW AGE'S! f$ fondue par ces barbares , qui n'ont ny foy n'y reli- gion. Ils le fèparent aufli de leurs femmes , fi-toft quelles ont conceu. Les femmes ieufnent aufïï pendant ce temps, non toutefois fi rigoureufement que leur mary : el- les s'eftudient pour lors , & prennent grand foin d'applattir le front de leurs enfans , pendant qu'ils font encore tendrelets , & de leur poulcoyer le nez , afin de les rendre camus. Il nelaiile pour- tant pas d'y en auoir quantité , qui ont le nez a- quilin , ôc auffi bien fait que celuy de nos Fran- çois. Six femaines oudeuxmoiss'eftantpaflez, le pè- re inuite vn defesplus intimes amis , pourcftre le parain de l'enfant, ou vne maraine fi c'eil vne fille, lefquels après auoir vn peu banquetez à leur mo- de , coupent vnpeu de cheueux au deuant de la tefte de l'enfant , luy percent le gras des oreilles, fentrcdeuxdes narines, & la lèvre de de flous. S'ils croyent que l'enfant foit trop foible pour fuppor- ter cette douleur,ils different iufqu'au bout de l'a a, fe contentant de luy couper les cheueux. Cela fait, îls*luy donnent le nom qu'il doit porter toute fa vie, & enreconnoiflance le père & la mere de 1 en- fant oignent le col & la tefte du parain ou de la mo- raine, auecderhuillede palmifte. Ceft vne chofe eftrange de voir fi peu de Sau- nages contrefaits, veu que les mères ne les emmaiL lottent iamais : & les femmes Saunages fe fçâuem fort bien mocquer de nos Françoifcs , quidorlot» [ rf 41* DES MOEVRJ tçnt tant leurs enfans. Quand les enfans font va peu robuftes parle lai & qu'ils ont fuece des mate- rnelles , on leur donne pour nourriture quelques patates ou bananes que les mères mafehent pre- mièrement que de les mettre dans la bouche de leurs petits , lefquels à peine ont-ils atteint l'âge de 3. ou quatre mois, qu'ils marchent à quatre pat- tes dans toute la Cafe , comme de petits chiens , ôc qu'ils feveautrentdans lapouflïere, fe roulant i»- ceflamment fur la terre. Quand la force leur per- met, ils fe leuent tout de bout -, mais ils font pou* lors autant de cheutes que de démarches ; & ce qui eft admirable , eft qu'ils tombent toufiours deflus les mains ou fur leur derrière. Ils mangent tous de la terre , non feulement les cnfans , mais encore les mères: la caufed'Vn fi grand dérèglement d ap- pétit ne peut procédera monaduis , que dvnex* ecz demelancholie, qui eft l'humeur prédominan- te dans tous les Sauuages -ils fèmble qu'ils trouuent autant de délices & de fatisfa&ion a manger de la •craye que du fucre 5 ce n'eft pas que les mères ne foienttoufiours enallarme , pour tout ce qui peu* arriuer de funefte à leurs enfans , ôc que leur amour ne deftourne tousles accidens qui les menacent; ceft pour cela qu'elles s'en éloignent fort peu , ôc que dans tous les voyages qu'elles font, foie fur mer, foit fur terre, elles les portent auec elles fous leurs bras, aucevn petit lia de coton, qu'elles-ont en et rharpe lié par deflus l'efpaule,afin d'auoir toufîours deuant les yeux l'objet de leurs foucis. Quand DES SA V VA G E S. 417 Quand ils font deuenus plus âgcz , s'ils font des garçons, ilsfuiaentle père & mangent auecluy, fi des filles, auec la mere. Tant les vns que les autres font éleuez des pères & des mercs , pluftoft en beftes brutes qu'en hommes raifonnables ;"car ils ne leur apprennent ny ciuilité,ny honneur , non pasmefme à dire bon iour, bon foir, ny remercier ceux qui leur font plaifir ,d ou vient qu'ils n hono- rent leurs parens ny de paroles ny de reucrence, ôc s'ils obey lient quelquefois à leurs commande- mensjcela vient pluftoft de leur caprice qui le leur perfuade,que du refpeâ: qu'ils leurs portent. Le li- bertinage s entretient d'autant plus facilement par- mylesenfans, qu'ils font moins corrigez , quand mefmc ils mal-traitcnt leur père ou leur mere , puis qu'on ne les reprend pas dVne fi execrable action. ;; Ils nont aucune vergogne de-leur nudité,ils rot- tent,pcttent, & font toutes les autres neceflitez na- turelles fans aucune circonfpe&ion.Les pères & les mères ne leur apprennent chofes aucunes finon à pefcher,à tirer de lare, ànager, à faire des petits panniers,&desli£ts de coton. Quand les garçons & les filles ont atteint l'âge de puberté , on les fait ieufncr trois femaines,ôu va mois,& on leur découpe la peau auec des dents d'à- coutys,comme nous auons défia dit cy-deflus. Lors qu'ils veulent faire vn de leurs garçons Ca- pitaine, ou le mettre au rang de ceux qui pcuuent aller à la guerre. Le garçon fe munit quelque temp GGg ! I I f 4*8 DES M QE V R S auparauant ,. à! vn certain oyfeau de proye appelle Mancefenil , lequel il nourrit iufqu'au iour defti- néà cette cérémonie, lequel eftant venu, le père inuite les plus fignalez ôc les plus anciens de &s amis ,. lefquels eftant affemblez , le père faitfeoir fon fils fur vne felette , ôc après Tauoir encouragé à eftre généreux dans les combats, ôc àfe vanger de fes ennemis , il prend Toy feau par les pieds, luy bri- fe &:efcrafe la tefte fur celle de fon fils ; ôc quoy qxul f eftourdifle prefque des coups qu'il luy done,, ilncfaucpas qu'il fronce feulement le fourcil , s'il veut pafler pour généreux foldat. Cela fait le père broyé, &froûfe toutle corps de 1 oyfeau , le met tremper dans de l'eau auec quantité de piment ; ôc après auoir découpé la peau de fon fils par toutes les parties de fon corps , & lauoir laué auec cette eau pimentée, il luy donne le cœur de ce Mancefe- nil à manger à fin, à ce qu'il difent, qu'il aye plus de courage. Cela fait , on luy pend vn lift de coton au haut de la Cafe , dans lequel on le couche tout de fon long , ôc faut qu'il demeure là iufqu'à ce qu'il n'en peuuent quafi plus, fans boire ny manger, ny re- muer aucunement ; car ils croyent fermement que fi dans ce teps il fc courboit>qu 'il demeureroit dans cette pofture le refte de. fes iours. Quand le fils a paifé par cette eftamine , qui eft fi rude que quel- ques^ vns en meurent , ils pafTent pour valeu- reux foldats , quoy que bien fouuent ce ne foie, qu'vnlafche.. DES S À WAGES. 415 Quand à ce qui regarde leurs mariages/il faut re- marquer que les ieunes gens ne fçauent ce que oeft que faire l'amour auant que de fe marier. Quand ils veulent efpotifer vne fille qui ne leur eft pas acquife de droit, comme font les coufines ger- maines qui defcendentde ligne féminines , ils la demandent au père , & fe marient rarement con- tre le gré de leurs parens* Ils n'ont aucun degré de eonfanguinité prohibé parmy eux : il s'eft trouué des pères qui ont cfpoufé leurs propres filles, def- quelles ils ont eu des enfans , &r des mères qui fc font mariez auec leurs fils : Quoy qu« cela foit vnc chofe très -rare,c eft vne chofe aflTez commune que de voir à vn mefme homme les deux fceurs,& quel- quefois la mere & la fille. Les femmes ne quittent iamais la maifon des leur père après leur mariage , & en cela ils ont vu auantage par dcfTus leurs maris , qui eft quelles pcuuent parlera toutes fortes deperfonnes,mais le mary n'ofe s'entretenir auec les parens de (a fem- me, s'il n'en eft difpenfé ou parleur bas âge^u par leur yurogneries. Ils éuitentleur rencontre par de grands circuits qu'ils font, s'ils font furpris dans vit lieu dans lequel ils ne s en peuuent dédire, cèluy auquel on parle tourne fon vifage d'vn autre cofté, pour n'èftre pas obligé de le voir , s'il eft obligé de l'entendre. La Polygamie eft commune parmy eux , d'où vient qu'ils ont prefque tous plufieurs femmes , & quelquefois iufqu'à fixoufept ,& mefme en plu- GGg'ij !' 1 4*o DES M OE V R S fieursiflcsoù ils ont couftume de frequenter ; fur tousles Capitaines font gloire d'auoir vne famille nombreufe, pourauoir plus de credit parmy ceux de leur nation , & fc rendre plus redoutables à leurs ennemis. VnSauuagequia plufîeurs femmes leur baftità chacune viie petite Cafe , dans laquelle le mary les vifite dételle forte que durant vn mois ( qu'ils concent par Lunes ) il demeure auec vne: femme, &vn autre mois auecvn autre : Enquoyii faut ^remarquer qu'il n'y a aucune forte deialoufic cntr'elles. Que les femmes de l'Europe crient mi- racle tant qu'il leur plaira, La femme qui] entretient pendant ce mois , eft obligée de luy apprefter toutes fesneceflîtez i elle by fait du pain, elle le fert commefon maiftre, elle lerougit & le peigne tous lesiours , & s'il faut qu'il aille en traite , elkJaccompagncinfeparablcment dans fon voyage. Comme l'amour de leurs femmes neft pas et ÊaUeurs vifîtes ne font pas réglées; ils biffent écou- :r des années entières fans en connoiftre quelques- vnes. Que /Telles font trompées ôc abufées par les artifices ôc proméfles d vn amam,& que leur péché qui a efté fait en cachette vienne à la connoiflan- çe du mary,il pardonne rarement à la femme, bra- mais à celuy qui Ta fait tomber en faute , fans que cette cruauté luy tourne à blafme. Ils veulent eftre auffi libres dans l'abandonne, mentde leurs femmes,que de leur choice eft pour- quoy ils les quittent quand bon leur femble , quoy ■ ÎSHHH DES SAVVAGES. 41T que Ids femmes ne puiflent faire lemcfmë fans le confentement de leurs maris. Si vnhomme époufe vncefclauc qu'il ayt pris en guerre,quoy qu elle foit au nombre de fes fern- mes,elle eft toufiours tondue comme vn garçon, 6c fouuént quand ils en ont pris leurs plaifirs , ils leurs donnent d'vn coupdeBoutou ( quieftvne efpece de maffuc , ôc leur arme ordinaire ) par la teftç, & les enuoyent ainfi en l'autre monde pour toute recompenlè. De t exercice , négoce , & tuÇc des Sàuuageh i. V. TOut ce que font les hommes Sauuages , font pluftoftdes diuertiflemens ne ceflàires,fans les- quels la vie mefmela plus douce feroit insuppor- table ^ que de pénibles trauaux ; car ils paffent tou- te leur vie dans vne fi grande oyfiueté, que quand on les voit mettre la main à Tceuure , il faut croire que ceftpluftoft la tiédeur & l'ennuy qu'ils trou- uent dans cette fcneantife,qui les fait opérer qu vn mouuementraifonnable. Si-toft qu'ils fontleuez, ils courent à la riuiere pourfelauer tout le corps, ils allument après vn grand feu dans leur car- bet , autour duquel ils s'afleoient tous en rond , pour fe chauffer. Là , chacun dit ce qu'il fçaitj les vns s'entretiennent auec leurs amis , les au- tres iouent de la flufte, de forte qu'ils remuent GGg iij [ n* I 4*1 DES MOEVRS tous ou la langue ouïes doigts > cependant le dcs- ieufner s'apprefte. Apres ce repas , IVn va à lapefche fur la mer, l'autre à {on habitation dans les bois pour y tra- uailler^ ceux- cy s'occupent à faire des panniers, ceux là des Hibichets (qui eft vneefpecede cri- ble pour pafler leur farine. ) On en voit qui font des lignes pour pefcher en haute mer , quelques autres des ceintures du coton , ceux qui font les plus faincans coupent leur barbeauec vn coufteau, oubienlarachent poil à poil : les autres font des Boutousy des Arcs, des Flèches , dosCatolis (qui eft vne efpecede hotte, dont fe feruent les femmes Sauuages. ) Les plus diligens s'occupent à faire des canots & des pirogues : Mais en tous ces ouurages, ils n y employent qu vne heure le iour, & encore fi lafehement qu'ils femble qu'ils fe mocquent de la befogne. Tout le refte du temps , ils le confom- ment à fe faire peigner & peindre par leurs fem- ?&&$,& ioiier de la flufte & à refuer. Qupy qu'on dife que les Indes font le Paradis desfemmes;>jçcla n'a lieu que pour nos Françoifes, & fi ce n'eft pas fans exception , comme nous di- rons dans fonlieu * mais pour.ee qui regarde les femmes des Sauuages, ellesfontpluftoftles efcla- ues de leurs maris que leurs compagnes: car elles ne font iamaisoyfiues. Dés quelles font leuées el- ks fe vont baigner , puis fe mettent à peigner &à ajufter les cheueux de leurs maris , ôc à les peindre de roucou. Cela acheué, elles mettent la main à la DES SAVVAGES. 4t3 pafte,&trauaillentàfaire du pain pour le des jeuf- ner ( car elles n'en font qu'au iour leiour)puis el- les fonc cuyre ce que leurs maris ou leurs enfans leur ont apporté delà chaflfe où. de la pefche , Ôc le leur apporte quand il eft cuy t , auec de la Caf- faue. Apres cela , elles s en vont cul.tiuer leurs jardins & labourera terre auec vn gros bafton pointu,quî cft comme vnépieu (elles ne le feruent point du tout de nos houës. ) Elles ont auffi le foin de plan- tcrleurs viures, les cultîuer, d'arracher le many oc, le gratter, prefler, paner, & le faire cuyre en Cafla- ue, & de faire le oiïycou dans leur grande affem- blée. Adiouftez à cela le foin & la nourriture de leurs enfans : Celles qui demeurent à la Cafe s'oc- cupent a faire des lias de coton , d'exprimer des huilies de Couaheu & de Palmifte pour greffer la tefte,& les cheueux de leurs maris. Remarquez que ce tèroit vne infamie à vn homme d'auoir touché letrauail d'vne femme. Elles ont encore le foin de traiter les malades , & de penfer les biefTez. Elles ont pour ce fujet vne connoiflànce mcrueilleufe des fîmples , auec les- quels elles guariflent vne infinité de maux. Ils n ont entr'eux aucune forte de commerce , ne | vendent ny n'achètent rien , s'entredonnant fort libéralement toutes les chofes defquelles ils peu- uent (fans fe beaucoup incommoder ) foulager leurs compatriotes : mais n'y ayantiamaiseude na- tion qui ayt eftéplus necefliteufe dans toutes les • û 4*4 D E S MOEVR S chofes que l'art a rendu communes à toutes les na- tions de l'Europe : Us onttoufîours cftéfortdefî- reux du commerce des François, des Eftrangers , ôc des autres Nations de l'Europe : car auant leur com- munication,s 'il leur fall oit abatre du bois pour faire vnehabitation,ils n'auoient que des haches de pier* r es,s'ils vouloient aller à la pefche,ils n'auoient que des ameçons de Caret, s'ils auoient deflèin défaire vne pirogue pour aller à la guerre contre leurs en- nemis , ils fouffroient toutes les peines imagina- bles pour couper vn arbre, pour le tailler, pour le eteufer ôc luy donner la forme dVne pirogue : neantmoins ils ne trafiquent pas en affeurance aucc lesvaifleaux , à caufe que quelquesvnsdés leurs onteftéenlcuez, à qui on a rauy la liberté & quel- quefois la vie. Ceux qui leur font plus de mal,font les Anglois contre lefquels ils ont la guerre , à cau- fe qu'ils ont occupé vnedeleurifle appellee And- goa, dans laquelle ils veulent r'entrer. Us leurs ont liurez plufieurs combats , dans lefquels les Anglois onttoufîours eu du defauantage : ceuxeyenvan- geance de ces mauuais traitemens,quandils pafTcnt deuant la Dominique , ils changent de pauillon pour fe rendre mefconnoiflables , & pour attra- per ces pauures miferables par ce ftratagefme dans leurs nauires , ôc les vendre comme la plus chère de leur traite, c eft à dire, marchandife. Ces barbares voudroient bien faire aucc nos François, comme auec leurs compatriotes , ccft à dire, donner quelques chofes pour rien; mais com- me DES SAW AGES. 4M me nos gens ont beaucoup de marchandifes , Ôc font plus attachez à leurs interefts , ils ne peuuent goufter cette façon de faire ; &ie crains qu'auec le temps nos François ne leur faflenc quitter cette louable couftume pour embraffer le trafic. Ils ont défia aflez bien commencé parmy nous ; car nous n'auons plus rien d'eux,fi ce neft en donnant dvne main, & en prenant de l'autre. Quand ils nous viennent vifiter , ceft qu'ils ont affaire de nos denrées , comme des haches , ferpes, coufteaux,aiguilles, épingles,ameçons, toille pour faire des voiles à leurs pirogues , du cnftal , des pe - tits miroirs, delà raffaue,& autres petites bagatel- les qui font de peu de prix. Ils nous apportent en efchange, des lids de cot- ton , des tortues , des porcs, des lézards, du poiffon, des poulies , des perroquets , des frui&s du pays, des arcs , des flèches , des petits panniers, & du ca- ret , qui eft la meilleure marchandifes & de plus grand prix. Ils nous apportent auffi tout ce qu'ils peuuent butiner fur leurs ennemis , qui neft pas à leur vfage,& quelques pierres vertes. On a lei*r traite à bon compte , & quelques-vns de nos Fran- çois y ont beaucoup gaigné. Vne tortue pour puif- fante quelle puiffeeftre , ne vaut qu'vneferpe ou vne hache, vn beau & gros porc ne vaut pas dauan- tage:mais où il y a plus à profiter, eft fur les li£b de coton & fur le caret. Comme nos François font plus fins & plus a- droits qu'eux, ils les duppentLaffcz facilement : ils * HHh 4** D ES MOEVR S ne marchandent iamais vn liétaufoir ; car comme ces bonnes gens voyent la neceflîté qu'ils en ont toute prefente , ils ne donneraient pas leurs lifts pourquoy que ce fut ; mais le matin ils le donnent a bon compte fans penfer que le foir venu , ils en auront autant affaire que le foir precedent; auiïïils ne manquent point fur Je déclin du iour de retour- ner &de rapporter ce qu'on leur a donne en ef- cfaange , difant tout Amplement qu'ils ne peuuent coucher a terre ; quand ils voyent qu'on ne leur veut pas rendre ilspleurentprefque de dépit. Us font fort fu,ets a fe dédire dans tous les autres mar- chez quils faut : c'eftpourquoy il faut cacher & eloigner tout ce qu'on a acheté d'eux. Envnmot, tout leur;commerce& trafic n'eftqu'vnieu de pe- tits enfans;& bien fouuent quand ils viennent par- my nous, ils confient plus à les nourrir que le gain oucl on a auxdenrées qu'on acheté d'eux, ne vaut. Uslontfort importuns à demander ce qui leur agree: mais le ne fçay fi cela procède oudWueil oudehonte de nepriet iamais d'vne chofejuon leuravnefoistefuféc. * De lem refiouyJfmces , tant particulières que genemles. i. V I. ails lVTOs Saunages font certaines aile mblées, q„ 4- X appellent Quycm , .& depuis Jafrequentation des François, Vm: ce fontdes refiouyflanccs com- DES 5 A WAGE S. 4if muncs, dans lefquelles hommes, femmes, & en- fans s'y enyurent comme des porcs , auec du Ouy - cou qu'ils boiuent par exc£z fans rien manger. C'eftdans ces defbauches qu'ils fefouuiennentdcs iniures paflecs , qu'ils entrent en cholere , que leur cholere paiîe en fureur , & que leur fureur éclatte par des vangeances horriblement funeftes. Toutes ces aflemblées ontplulîeurs motifs differens * car ils les font quand ils ont defiein défaire laguerre, lors que les hommes font déchiquetez auec des dents d'Aeouty,apres raccouchementde leurs fem- mes: Quand on coupe la premiere fois les cheueuac auxenfans : Quand les pères font leurs fils foldats, ou qu'ils les mettent au nombre de ceux qui font capables d'aller à la guerrc.Ils font encore des vins, lors qu'ils veulent mettre vn canot à la mer , lequel a efté fait de nouueau dans les montagnes -y pour lors ils appellent tous leurs voifîns , lefquels après auoirtrauaillé pendant quelques heures, boiuent tout le refte du iour. En fin,lors qu'ils veulent abat- tre vn jardin nouueau , oufairevnenomielle habi- tation. Toutes ces afTemblées font accompagnées de gaillardifes. Les vns ioiient de la flufte , les au- tres chantent , ils forment vneefpece demuïïque qui a bien de la douceur à leur gouft ; les vieilles tiennent la bafle auec vne voix enrouée, &les ieu- nés gçnsledeflus, auecvn ton éclatant. Pendant que ces violons animez fredonnent,trois ou qua- tre des plus adroits des conuiez , fc font frotter par tout le corps d vne eau gommée 3c collante , pour HHh ij 4*? DES MOEVRS faire tenir des plumes fur eux, &paroiftrc comme des mafearades dans toute l'afferablcc. Ils font milles pofturcs, danfentdvne façon barbare, qui lafle pluftoft quelle ne recrée * après auoir bien fait rire toute laflemblée par ce boufon fpedacle , on leur fait apporter par des femmes à chacun vne callebaflTe de ouycou,qui tient enuiron deux quar- tes de Paris , & faut, quelques faouls qu'ils puiflent eftre,quïlsla vuident ou qu ils creuent : Quand ils n'en peuuent plus, vn des plus forts de la compa- gnie les embrafle par derrière, leur ferrant fi fore le ventre , orter plus d'honneur , &plus grande reuerence i eur fouuerainetc. S'il eft vray ic men rapporte > fl Ili ij I 4** DES MOEVRS peut-eftre pourtant que le diable peut bien abufer les foibles efprits de ces ignorans par cet artifice. Qupy qu'il en fait \ ces Caracelis font très-rares parmy eux,& les apportent de la terre ferm e. Il y en a de diuerfes grandeurs, les plus grands le font deuxfois comme vne piaftre. Ils ont la forme decroiflant, & les portent pendus à leur col, en- chafTez dans du bois. Ils portent des bracelets de rafTaue blanche , large comme la main , non au poignet , mais au gros du bras proche l'efpaule : ils en ont autant auxiambes au lieu de iarretiéres.. ta coiffure des femmes eft fembrable à celle des hommes , horfmis qu'elles ne fichent point de plu- mes, & ne portent iamaisde couronnes. Elles fe péindent de roucou comme les hommes, portent suffi des braflelets comme eux , non au gros du bras, mais au poignet. Elles portent des col i ers de diuerfes pierreries, comme de pierres vertes, d ambre, de criftal,& de raffaue. l'en ay veu qui ea auoient plus de fix liures pendus au col. Elles ont dans leurs grandes affemblées des cein- tures treflees de fil de coton , & de chaifnes de raf- faue blanche. Elles pendent en diuers endroits de cette ceinture de petites trouffes de fix ou fept chaifnons de raflaue , longs comme le doigt , & grand nombre de petites fonnettes , afin de faire plus de bruit en danfànt. Toutes les filles & lesfemmes, excepté les efcla- ocs, portent dés leur tendre ieunefle vne certaine DES S A WAGE'S. 437 dcmy-chaufle , qui prend depuis la cheuille des piedsiufquau gras de la ïambe; & vne autre large de quatre doigts , entre le gras de la ïambe & le ge - noiïil: Au haut de la chauflure d'en bas eft attaché vne efpece de rotonde, plus large qu'vne affiette, cifluëde jonc & de coton-, & vn peu plus petite au bas de celle d'en-haut. De forte, que ces deux ro- tondes, ferrent & font fi bienrebondir le molet de la jambe , qu'il femble que ce foit vn fromage de Hollande preffé entre- deuxafliettes. De leurs Ctriets , Cafes , Lias , Pirogues & Canots. §. ix. QVant à ce qui regarde les demeures, les cafes ou les habitations denosSauuages :il faut di- re que chaque famille compofe fon hameau : car le Pcre de famille a fa cafe , ou il refîderaucc Ces en- fans qui ne font pas mariez, & auec fes fcmmes;tous les autres enfans qui font mariez, ont chacun leur ménage ôc leur cafe àpart, autour de celle du Père de famille. Au milieu de toutes ces cafes, ils en font vne gran- de commune qu'ils appellent Carbet, lequel a tout ioursfoixante ou quatre vingt pieds de longueur, & cft compofé de grandes fourches hautes de dix- huit ou vingt pieds, plantées en terre de douze en douzs pieds. Ils pofent fur ces fourches vn Lata- nicr , ou vn autre arbre fort droit qui fert de faift, lli iij FI 4iS DES M OE V R S fur lequel ils ajuftcnt des chevrons qui vieftftCM; toucher ta terre , & les couurent de ro féaux ou de feuilles de Latanier -y de forte qu'il fait fort obfcur ^dans ces carbets, car il n'y entre aucune clarté que par la porte, qui eftfî baflc,qu on n'y fç auroit entrée fans fe courber, hzs garçons ont le foin de le net- toyer &baillayer, & mefme tout autour d'iceluy* Les filles & les femmes les perites cafes : Aucoftc deceCarbet , il y avne petiteporte particulière, par laquelle le Diable entre quand leur Boyé Ta appelle. Il n'y a que luy feul qui pafle par cette porte, Nos Sauuagcs n one aucun vfàge de couches l mais ils ont des lias de coton qu'ils portent par tout auec eux. Leurs femmes employent quelque- fois vn an entier à faire vn de ces licîs. Lors qu elles ont filé fept i hui£t liures du fil de coton vn peu gros -, niais très vny & bien tords , elles ourdiflent cela fur vn mefticr , comme pour faire de la toilJe^ ôc puis elles tifTent cela comme les Tifferans : mais enfaçondecrefeau. Elles laiflent à chaque bout de la piece vn bon pied de filets fans les tiiTer. Le tout porte enuiron dix à douze pieds de large, & fix ou fept de longueur. Pour fe feruir de ces lias , ils prennentdix ou douze braffes de corde de pires va peu plus grofles que dufoit , & ayant liénuidou dix deccsfilcts, ils font vn ply de cette corde long de deuxpieds,puis repafîènt cette corde dans huià ou dix autres filets ;& refont encore vn ply, &ainfi conïècutiuement iufqu'à la fin* Cela fak,ils pren- DES S A V V A G E S. 4i9- nént vnc autre corde de pite y grofle comme le doigt , auec laquelle ils lient les plis de cette pre- miere corde enfemble , & en font autant a l'autre bout. Quand ils s'en vont coucher , ils pendent ces li<5fcs par ces deux groflès cordes à des asbres , ou a deux fourches de la cafe „ fans toutefois le bander bcaucoup>mais le laiflim vwpeu courbé. Ces iiéfcs font aflêz commodes & fort fains, on y efttoufîours à-l'air. lly a .duplaifir à fe repofer pen- dant la chaleur du iour dans ces lias, à la fraifdbeur fous des arbres. Prefque tous nos François s'en fer- uentyprincipalement ceux qui ne font pas mariez: carpour dormir à fon aife dans vn lia: de coton y il. ne faut ny compagnon ny compagne. Cesli&s font blancs comme de la neige, q&ané ils font neufs : mais les Sauuages les peindent de rufliques& demorafques à leur mode , auec vne Êeinture noire qui ne defeintiamais, &enfin, ik îsgraiflentd'huille&lespeindeâtdiroucou.pour tes guarantir de la pluye. Les Sauuages font touiîours du feu fous leurs ïi&s>car ils font fort frilleux Cekles guarantit aufïî des Maringoins:mais fur tout, à ce qu ikdifent,des Maboyas ôc des malins efprits. Nos barbares font deux fortes de baftimens & kur mode pour nauiger fur la mer , qui font bien différents de nos baftsaux & chaloupes. Les plus grands font ceux que nous appellonsPirogues > &r en Sauuage Cmom ; & les plus petits nous les ap- pelions Canots> & eux Coulida. Or tant les v m que fi 11 44o ÔES-MOEVRS les autres font des arbres creufezauec des haches &C du feu. Les Pirogues femblent n eftre autre chofe que deux grandes planches iointes enfemble par le bas, &ouuertes de fixa fept pieds de large par le haut, & bouchées parles deux extremitez,auecdcs mor- ceaux de planches. Or comme pour l'ordinaire elles ne font pas affez hautes de cette premiere ftru- &ure : ils lcsrehuuent &rchauffenttout de bouc en bout, auec des planches dequinzeàfèize poul- ces de large : comme ils ne fe feruent point de clouds, ils coufent & ajuftent ces planches fur la Pirogue, auec des éguillettes de mahot ; Et après auoir bien calfadé les iointures auec des cftoupes faites d ecorce de mahot battuë,ils coufentpar def- fus cette eftoupe des gaulet tes , auec des éguillet- tes de mahot. Cela à la vérité eft affez eftanche* mais il ne dure guère , Se s'il y a toufiours à refaire. Us coufent aux deux coftez d'icelle à demy pied du bord, des perches, fur lefquelles ils attachent de deux pieds en deux pieds,desbaftonsen trauers de laPirogue,en dedans, lefquelsleur feruent de to- te ou de fiege pour s'affeoir en ramant. Ces Pirogues font pour l'ordinaire de trente- cinq à quarante-cinq pieds de longues plus grades de cinquante à foixante piedstElles portent quel- quefois cinquante perfonnes& tout leur bagage. Elles vota la voille & à la rame,mais ils rament tout dvne autre façon que nous.* car ils ont le nez tour- né vers le deuan t de la Pirogue , & en pouflantleau en DESTSAVVÀG ES. 44i en arriere,ils pouffent la Pirogue en auanf . Les Cou- ltdUs,qu.c nous appelions Canots,n excédent iamais vingt pieds de long, & trois ou quatre de large : ils font pointues par Tes deux bouts, de forte qu'on a peine à difeerner la poupe ou la proue. Ils les re- huuent rarement ; ils rament dedans comme dans leurs Pirogues, Il y en a de toutes façons & de fi petits qu'ils ne peuuent porter qu'vn homme: ceux là ne feruent qu'à la pefche* Ils n'ont ny Bouffolle, ny Aymant, ny Cadrant: c'eftpourquoy ils ne s'efloignent pas beaucoup de terre. Quand ils la perdent de veuë , ils fe gouuer- nent fur les Eftoiles de nuid,& de iour fui la route du Soleil. Celuy qui entreprend de faire quelque voya- ge porte le nom de Capitaine,gouuerne laPirogue, &c donne ordre à tout ce qu'il faut pour l'embar- quement, fans pourtant qu'il enfoit plusconfideré des autres. Quand ils prennent terre ailleurs que chez eux, ils font de petits toi&s ou auuents qiûls appellent, Aioufd , les couurent de feuilles de Latanier , ou de Balisiers , & pendent leurs li&s deflbus à eouuert. De tout ce qùtfe fàjje dans leurs guerres : & des armes dont ils fe feruent. i. X. Es Sauuages ont trois fortes de Capitaines qui leur commandent. Les premiers font etit doigt , long de quatre à cinq pieds, poly& ans aucun nœud , iaune comme de l'or ,.. ôc léger comme vne plume. Dans le gros bout de ce tuyau, ils y ajuftent au lieu defer , vne verge de bois vert, où de quclqu'autre bois fort & pefant , & y font auec des coufteaux quantité de petits dardillons ou harpons , afin qu on ne puifle les retirer fans agran- dir laplaye:i!s empoifonnent le bout de ces flèches auec du laid: de ManccniHc ; de forte que toutes les blefliires>ne fuflent-elles qu'au bout du doigt, en font mortelles. Ils mettent aufli à quelques- vnesde Teurs flèches certaines areftes longues com- me la main , lefquelles on trouue au deflus de la KKk iij 44* DES M CE V R S queue dVneforte de raye affez commune dans ; too- tes les Indes:cette arrefte porte (on venin auec (byà &cftaufïïdangereufe fans artifice , que les autres auec le poifon. Quelques-vns de leurs flèches font enpennées au bout comme les noftres , auec des plumes de Perroquet. Leurs arcs font tous fembla- blés aux noftres, ils les font de breiil,depalmifteou deboisdel'eftrè. Ils portent audi quelquefois desSagayes de bois debrefiloudel'eftre, qui font comme des demy^ picquesjauecvndardau bout du mefme bois : il les dardent fort adroitement. Lors que tout eft préparé , le conducteur de l'ar- mée fait encore vn vin , ou vnc affemblée , dans la* Suelle il determine derechef le lieu oiiils doiucnt 1er, & l'ordre qu'on doit tenir dans le combat. Ils confultét dans cette mefme affemblée le diable par le moyen d'vn Boy é, touchant le fuccez de lagucr- rc, & après auoir receu les oracles qu'il a à leur di- re, qui au fentiment mefme de nos barbares , font le phis fouuent des menfonges,ils achcuentdc boi- re leur ouycou,& partent tous yures, a'èmniseiaant auec eux defemmes , que ce qui leur en faut pour les feruir & faire leur cuifine. Eftant arriuez aux enuirons des terres enne* mies, ils ne vont pas les attaquer de prime -face, êc al'eftourdy ; mais ils fe vont cacher dans quelque riuiere ou dans quelque ifle deferte , dans laquelle les autres Sauuages leurs ennemis ne s'aduifent pas d 'aller; cnuoy an t cependant leurs efpions dans les DES SÀVVAGES. 447 terres de leurs ennemis , quiobferuent foigneu- fement leurs déportemens , & le temps auquel il cft plus facile de les furprendre s car iamais ils n at - taquent leurs ennemis qu'au dépourueu. Si pen- dant qu'ils font dans leurs pokrones embufeades, ils font découuerts de leurs ennemis , ôc qu'ils re- connoiffent qu'ils fe préparent à la defenfe , dés là lagaerre fe termine, & fans autre forme de procez, ils plient bagage &s'en retournent chez eux. Ils font tousfiiafches, que s'ils fçauoientafleurément «jnVn d'eux deûtperir dans le combattis n'iroient iamais à la guerre. Si par mal heur quelques mifcrables Saunages ennemis:,, defeenttent en mer pour pefcher dans vn Canot > ils les hiffcm pafler; & lors qu'ils ne s'en pfiiiii*cja| plus dcdirc,ils fondent tous fur eux, criant ôc meuglant comme des taureaux enragez i ils les prennent, les lient, cV garottent fi bien qu'ils n'ont garde de leur échapper. Auec cette infâme con- quefte,ils s'en retourner^ plus enflez d'orgueil,quc s'ils auoient rendu de grands combats, ôc remporté les plus glorieufes victoires du monde.. Si cette auanturenefe rencontre pas,ils appren- nent de leurs efpions ou font lesCarbets les plus eiloignez, les plus aifez à furprendre, ôc les plus foi- bles : & c'eft ceux là qu'ils vont attaquer. Ayant donc fait deflfein d'attaquer vn Carbet, ils attendent ordinairement (ie ne fçaypourquoy) que la Lune foit à pic, c'eft à dire, dansfonplain. A lapetite pointe du iour ils enuironnent ce Carbet, ! - \ !; 448 DES M OE V R S où il y aura peut eftre cinquante ou foixanre hom- mes de deffenfe , quelquefois plus, quelquefois moins -y pour eux ils ne font pas moins de mille ou quinze cens hommes : ils font tout ce qu'ils peu- uent pour les furprendre dans leurs lias & fans coup frapper, ce qui arriue aflez fouuent ; que s'ils font découucrts , Se que les autres fe deffendent auec ardeur ; ils aflïegent leCarbet , & tirent tant de coups perdus, que les jardins font tous remplis Se lardez de flèches. Si les ennemis font trop de refîftance , ils tafehent de les brufler dans leurs 'ndes autres femmes Sauuages fe feruent ; de plus, ils leurs font porter les cheueux courts en fîgne de leurs feruitu- des. Mais vne cruauté eftrange>& quifait bien voir la haine implacable ôc immortelle qu'ils portent I leurs ennemis , c'eft qu'ils ment ôc mangent les en* LL1 45*> ;" D;ES MOEVRS fans malles qu'ils ont de ces femmes , $c mefme ils mangent iufqu aux enfans mafles ^quinaiffent des. filles de ces femmes efclaues. S'il y a de leurs ennemis morts &r la place, ils les, mangent fur les lieux après les auoir bienboucan- néàleurmode,ceftàdire,roftis bien fee. Mais ceux qui font viuants, ils les emmeinent en triom- phe en leur pays ; ôc après les auoir bien fait ieuf- ncr , ils font vne affemblée générale,, dans laquelle ils les font comparoiftre tous liez , ou après leur audir ditmilles iniures, & fait milles brauad es^fai* fànt à tout moment femblant de leur defeharger le bouton fur la tefte. Ge que ces pauures mal- heureux & vidïimcs infortunez , endurent pour l'ordinaire d'vn vifage ferain & confiant, fans s'é- tonner en façon quelconque; mefme les deffient& fe vantent hautement d'auoir mangé de la chairde leur père , leur difent qu'ils ne mangeront que ce qu'ils ont mangé , & qu'ils ont des parens & amis qui fçauront bien vanger leur mort. En fînjeplus ancien leur donne vn coup deboutou par la tefte, &les autres les acheuent. Us s'abftiennent mainte- nant de mille cruautez , qu'ils auoient accouftume de leurfaireauantquede les tuer, nonduconfen- tement de leurs femmes , kfquelles leur feraient- endurertous les tourmens dcl'Enfer, s'ils eftoient •dtileur puiflànce. Apres les auoit tuez, ils les démembrent, cou- pant la chair auec des coufteaux , & les os auec v#eferpe , puis jettent tous ces membres coupez ©ES 'SA WAG ES. 4p fur vn grand boucan , fous lequel il y a vn grand brazier, qu ils ont fait voir au patient pour le faire mourir par ce ipe&acle effroyable , auant que de iaffommer. Apres que ecttebonne viande eft cuitte, les plus valeureux font griller le cœur& le mangent : le# femmes ont pour partage les jambes & les cuifles, tous les autres mangent dctoutesles parties indif- féremment. Ils mangent cette viande par rage (k non par appétit , pour fe vanger & non pour le rc- paiftre ,, ny pour le plaifîr qu ils trouuent en fou gouftjcar laplufpart deuiennent malades après cet execrable repas. Sur tout c'eft vnc chofe proefigieufc & cfton- aante> de voir la manie, ou pluftoft la rage des fem- mcsjpn mangeant la chair de leurs ennemisjelles la mafehent, remafchent,laferrententreleurs dents, & ont fi peur d'en perdre quelque chofè, qu'ils let chérit les baftons ÎW lefquels il a tombé quelques goûtes de graifle. Apres qu ils ont mange de cette chair dans Pa£ femblée, chacun en remporte chez foy& la garde pour en manger de fois à autres. Du temps que féftois dans la Martinique , vn Sauuage apporta dans vne Cafe vne iambe roftie,auflî fciche 3c aufii dure que du bois , de laquelle il mangea, & inuita vn chacun à faire le niefme, difant que s'ils auoient1 mangé de lAlouague ( c'eft ainfi qu'ils appellent cette viande cuite ) ils feroient très -courageux. Ceux qui en mangent leplus^'entr eux , font le* LLl ij i ; 4> DES M OE V R S pluseftimez. Ils ont fans dcwte goufté de toul tes les nations qui les fréquentent. le leurayouy dire pluiîeurs fois que de tous les Chreftkns , les François eftoient les meilleurs & les plus délicats à manger , que 1ers Efpagnols eftoient fi durs qu'ils auoientdelapeineàenmanger. Quelque temps auparauant que les François habitaffent l'ifle de iaind Chriftophe , ils firent vue defeente dans iamtl lean de Port-rk,o ù ils firent vn grand defor- dre , entr autres chofes , ils tuèrent & boucanèrent vnde nos Religieux , duquel après auoir mangé, piufîeursd'enrr'eux moururent, & furent en fuite affligez de très grandes maladies. Plufieurs Sauua- ges qui viuént encore,difent qu'ils h" en mangèrent point du rout , mais qu'ils le laifferent tout fur le- rofty boucan fans ypouuoir toucher ; ie crois qu'ils ne difent cela queparvain refpej>ourquoy il ne vifitoit pas fonperc aJligé & malade a mourir. Cepauure ieu- Ae b^tnr@e fe mit a foufpirçr & à verfçr vn roifero, de larmçs:, ^ffeuçamg qu'il auoit lç cœur fî touché de companion il' endroit de fon perc , qu'il by eftoit du tout impoffible d'y penfer fans s'affliger: dç pitié : mais que pour le voir en ce pitoyable eftat , il ne le pouuoit., fans mourir au/Ekoft. En *p9y nous pouuons remarquer qu'ils ne fo&t pas dVn^açurelfiJbarbare qu'on s'imagine. ©ans leurs maladies yiis confultenx Ijediablc par le mayen d'vn Boye, qui les guérit ou leur profljoa- ce vaArrcft de mort , comme iel'ay décrit au $; jcioifiémue. S'ils ibntpeu tourmentes de maladies , ils ont en efchange& comme héréditaire cette deceitable &infamc maladie, qu'ils appellent Epy'an , qui eft en bmiftançois , bûgrfe verolle, & dansieplw iiaut degré de fa malignité : Ils nelagaignelntpafc par U luxure fculemem:, mais elle leur \icht ^a i 4*0 DES M OE V R S que de diuers éuenements , .defqucls Pliiflroire fuc- ceinte que i ay cy deuant écrite, donne ravneaflez ample connoifTance^iLeftplus grand que nous ne Tauions efpcréjcar après que tu auras bien -confide* ré les obftacles , qui fe font rencontrez de la part del Chefs , il faut que tu fçache qu'il y en a deux principaux de la part des Sauuages, fans autres mil- les petites pailles de difficultés -, que le feu de la charité confomme. le laifleauffi à part ceux que tu peux bien tïmaginer , que Satan nous fufeite tous les iours. i Premier ohftaàe , qui fe rencontre à U comer f oh des Saunages. Le premier eft , qae nos Saunages qui ne font, comme nous auons dit, que le refte des innombra- bles barbares , que les Chreftiens Efpagnols ont exterminé, & dont vne partie des plus vieux d'en- tr'eux ont efté témoins oculaires des extrêmes cruautez , que les Chreftiens ont exercé fur eux & furleursperes,delàeft venu qu'ils ont conçeu vne horreur fi grande du nom de Chreftien , que l'iniu- reja phis atroce qu'ils puiffent faire à vn homme, eft de 1 appeller de ce nom venerable : de forte que quelque bon mine qu'ils fanent, quand on leur de- mande s ils veulent eftre Chreftiens , s'ils refpon- dent qu'oiiv, ce n'eft que par complaifance, & pour tirer de nous ce dont ils ont befoin ; mais en leur particulier cefeulnom de Chreftien leur fait bon- * DES SAVVAGES; %èi dir le coeur & grincer les dents. De là il faut infé- rer qu'encore bien que plus des deur tiers des Sau- uages de la Dominique y foient jtfflcmits iufqu a répondre qu'il ny a qu'vn feulDieucntroisPèr* fônnes , qu'il a fait le Ciel & la Terre , qn'il £unip dvne éternité de fupplices les médians dans les Enfers , & qu'il reeompenfe les bons dans le Para- dis , qu'ils fçachent les prières les plus communes, comme le Symbole des Apoftres,i'Oraifon Domi- nicale , la Salutation Angélique , & que mefme ils fe feruent du ligne adorable de la Croix : neant- moins , iufqu a ce qu'ils foient plus plainement in- formez du Myftere de noftreRedemption,& qu'ils ayent ofté de leur cœur la haine qu'ils portent au faint Nom de Chreftien,ce fercit trop rifquer que de leurdonner le Baptême, #eft pourquoy nous nous donnons bien dé garde de ncfo précipiter dans vne affaire de fi grande importance, outre que nous fçauons très bien qu'il n'y a point de Saunage, qui nercçoiue le Baptême pour vn petit coufteau, ou pour quelquautre bagatelle , 6ê qui ne fe moc- quepar après de ce Sacrement adorable,à la moin- dre chofe qu'on luy refufe. Second objldck» Le fécond eft la langue des Saunages , & c eft le plus grand que i y reconnoiiTe ; car comme nous auons touiîours efté dans vne grande difette de Re- ligieux , n'en ayant precifément que ce qui nou M Mm m t 4 mais les fables qu'ils niellent auec la vérité en ofte toute la certitude. Il faut remarquer que le langage duquel les hommes fe feruent quand ils haranguent en pu- blican eft pas entendu des femmes ny des petits en- fans. Ils ont compofé eux-niefmes vne forte de lan- gue,dans laquelle il s y rencontre de l'Eipagnol, du François & du Flamand , depuis que ces nations ont eu commerce auec eux-, mais ils ne s'en feruent que lors qu'ils negotient. Noftre Reuerend Père Raymond a compofé âuec des peines & des foins qui fe peuuent mieu^ s S dà penfer qu'exprimer , vn très -ample Di&ionnaire de tous leurs mots, ôc vne Grammaire pour décli- ner & coq jug uer, & vn Catechifrne de leur langue; ce qui feruira beaucoup àlaconuerfîondecespau- ures barbares v puifque fans s'expofer à tous les trar uauxaufquelsce bon Père s'eftfoûmis , on pourra fans beaucoup de difficulté apprendre leur langa- ge s &c leur enfeigner les my Itères adorables de noftrcF©y. Maintenant les Saunages l'entendent parler dé la Creation du monde , de k Mort d'vn Pieu, delà fainteté de nos Sacremens , delà fublimitédenos Myfteres, Se de noftre Religion, auec beaucoup de fatisfaâ:ion:les peresfouffrent qu'on infti uife leurs enfans, & parce qu'ils s'apperçoment que quelques infolens de leur nation méprifent les ceremonies qu'ils voyent faire dans nos Eglifes lors qu'ils vien- nent en traite à la Guadeloupe, ils ont honte d'ajp- prendre , de peur d'eftre mocquez de leurs amis* Ce n'eft pas que noftre Père Raymond n'enaytb^- ptifé vne grande quantité , puifque pendant foh fejour parmy les Sauuages, plufîeurs enfans ont re- ceu le Baptême , &c quelques vieillards ont auffi eftébapnfezauant leur mort. Sans doute, mon cher Leâ:cur,ces obftacles que je viens de te mettre eteuant les yeux , font grands s'ils font mefurex à 1 aulne de nos foibleifes , & de lapuifTance humaine i mais c'eft tres-peudechofe à l'égard de la bonté deceluyqui dansfon.temps difpofera toutes ^chofes pour fa plus grande gloir &pou; i ur DES SAVVÀGES: 4 ce qui arriue prefque tous les iours,& les pre- fens qu'ils leur donnent,ioint à l'empreflement & l'ardeur incroyable qu'ils leur témoignent pour leur conuerfion , pourront auec le temps adoucir leur humeur barbare ., & leur faire cannoiitre leurs erreurs. Pour le fécond obftacle, le Rcuerend Père Ray- mond parfes foins infatigables, la rendu très faci- le àfurxnonter •; car outre qu'il pourra maintenant faire leçon de cette langue Sauuageffe aux nou- veaux Millionnaires-, ils y pourront d'eux-mefmes s'y rendre parfaits par le moyen de fonDiftionaire, £c de fa Grammaire qu'il a compofée. Dauantagc nos Saunages, au moins vne bonne partie commen- cent défiai baragoinerPrançois -, ilya apparence que tant plus ils fréquenteront parmy nous , tant plus nous nous rendrons intelligibles à eux , & ca- pables de les indruiredâs les myfteres de nôtre foy. Refte maintenant , mon cher Le&eur , que tu ioigne tes prières aux noftres , Se que tous enfem- hle nous fupplions infiniment lafouueraine Ma- NNn [ 4« DES FRANCOIS jefté de noftre Dieu , qu'il jette fes regards fauora- blés fur ce pauure peuple , qu'il leur éclaire l'en- tendement, & le rende capable des myfteres ado- rables de noftrefainte Religion. Des François de noflre Colonie. CHAPITRE SECOND. QVoy que i'aye bien de la peine a me refoudre a tracer vne matière Û. épineufe , &çmi fans doute fera épluchée de bien prés , & plus exacte- ment fyndiquée que toutes celles que i'ay cy-de- uant déduites , & dans laquelle ie dois auoir autant départies aduerfes.qu'il y a d'habitans dans les i/les, qui tous infailliblement prendront intereft dans cette affaire : il fautneantmoins pour ne rien ob- mettre de ce qui peut contribuera vne autanc par- faite connoiffance du pays qu'elle fe peut 'donner, faire voir qu els fonc les habitans de la Colonie ians toutefois interefler aucun particulier Il eftyray que nos Colonies Françoifes -, ont efté compolees comme toutes les autres Colonies, c'eft a dire , de toute forte de gens ramaflez : De toutes les nations de la terre , de tous eftats , de tous âges, &toutdiflemblables en leurs religions & en leur, mœurs : Iaduoue encore qu'il Sy eft rencontré, quelques lmpic quelques athées, &plufieurs li- bertins, iefquels après auoir fait quelques petites DE LA C OLONIE. 4*7. fortunes qui les pouuoient mettre à leurs* aifes pour le refte de leurs iours , font venus manger dans les ports , ôc dans les avres de France tout leur petit fait, auec des defbauches & des fcandales qui ont fait décrier ôc les ifles ôc leurs habitans. Mais il faut donner ce témoignage à la vérité , que i'y ay toufiours remarqué plufieurs bonnes familles , ôc des gens d'honneur qui viuoient dans la crainte de Dieu, ôc dans la pratique dvnc tres-folide vertu. Prefque tout le commun peuple y vit auec beau- coup de franchife , la vertu y eft eftimée , ôc les vi- ces, ôc les vicieux y font haïs ôc blafoïés de tous. On y fréquente les Eglifes auec beaucoup de deuo- tion , ôc la pratique des Sacremens y eft ordinaire; en vn mot, le Chriftianifme y eft autant ôc auffi fo - lidement eftably comme dans la France. Ceft vne chofe très -difficile de bien décrire Feftat dans lequel a efté cette Coîonie,iufques dans les années cinquante ôc cinquante-vn ;;car elle a efté affligée de tant de mal-heurs , de famines , de guerres Ciuiles ôc Eftrangeres , d'oppreffions ôc de delaiffcmcns , que Feftat floriflant auquel ie la vois maintenant , paflee dans mon efprit pour vn grand miracle, De tout le grand nombre d'hommes qui al- loient dans ces ifles pour les peupler , à peine en trouuoit on vn feul qui prétendit de s'y eftablir pour le refte de fes iours, auffi toft qu'ils auoient ga- gné quelque peu de chofes, ils feretiroient dans leurs pays natal, ôc en leur place il y en reuenoit des NNn i 1 4^8 DES FRANCOIS autres qui enfaifoient autant, fi bien qu'ils ont toufiours tiré du pays tout ce qu'ils ont pu , fans fe mettre en peine dele cultiuer, ny dei'embellir.La plufpart n'ont iamais bafty que pour le temps: quils ont eudeffein d'y demeurer, &mefme ils de- daignoient de planter vn arbre duquel ils n'efpe- roient pas de manger du fruicT: : Mais les chofes< ont tellement changé de face, que ceux qui con* noiffent maintenant i eftat de la France , s'eftiment: trop heureux defe pouuoir eftablir dans cesiflesj- car elles font pour le moins autant polies & peu- plées que les plus belles Prouinces de l'Europe. Le Roy a eftably en l'année mil fix cens quaran- te-cinq, vne Iuftice fouueraine dansjes Mes de. fain&Chriftophe, delà Guadeloupe, & delà Mar- tinique, de laquelle les Arrefts , ( tant pour le Ciuil que pour le crime) font fans appeL Le Gouuerneur de chaque ifle prefide dans cette Iuftice , &luy- mefme crée les Confeillers , & les peut changer fe- lon quille trouue apropos , fi bien qu'il eft non feulement fur cette iuftice , mais encore fur tout le ; peuple de fonille^ce que le premier mobile eft àV regard des autres Cieux; de forte que le plus grand bon-heur qui puiffe arriuer dans toutes ces ifles, eft d'auoir vn homme de bien pour Gouuerneur. Car comme fon exemple peut caufer beaucoup de bien quand il eft vertueux 5 il eft auffi capable de caufer vne infinité de maux, lorsqu'il a quitté la crainte de Dieu. Regis ad exemplHmMiiscompnitHrorbis. ■H DE LA COLONIE. 4^ Ees Seigneurs de la Compagnie des ifles de l'Ame- rique,ont depuis trois ou quatre ans vendu les pria* cipales ifles aux Gouuerneurs qui y font mainte- nant , & ie crois que c eft vn grand bien pour les habitans qui n'auront plus à faire! tant de maiftres^ defquels ils receuoient très peu de foûlagement, quoy qu'il leur falloir payer fort exa&ement les droits de cent liures de petun & plus par chacun an. Us ont maintenant leur Seigneur prefent, qui ayant le foin de conferuer la terre comme fon pro- pre , & les habitans comme fes bons & véritables fujets , fera fans doute plus cordialement aymé , .& plus refpedtueufement honoré d'eux. Il n'y a point de garnifon entretenue' dans tour- tes ces iflés , mais les habitans font diuifés par com- pagnie -, & chacun d eux fait la garde de temps en temps au logis du Gouuerneur dans les forterefr fes, ou aux lieux deftinés àcefujet par le. Gouuer- neur. Les Capitaines Se Officiers de ces Compagnies iouyflènt de plufieurs priuileges , comme d'exem- ption de droitjtant pour leurs perfonnes que pour leurs feruiteùrs & efclaues.: Ils ont aulïi la preferen- ce quand il arriue des Nègres. Tous les habitans les honorent , & leurs obeyffent comme s'ils eftoiene leurs foldats. le ne puis afiez exalter vne louable couftume qu'ont les habitans de toutes ces ifles ; car comme ils n'ont aucun vfage d'argent , auffiny a-il aucun cabaret nyhoftdlerieparmy euxjflbien que quand NNh ..iij-, ! ''I 47& DES FRANCOIS ils veulent faire voyage, chacun prend fon lia de coton fur fon efpaule,& fe mettent en chemin plus qu'en demy Apoftre. Car fi ce ncii, fine virga-y c'eft toufiours [me fera y & bien fouuent fine calceàmemis. En quelque lieu que midy les prenne, ils entrent dans la premiere cafe , dans laquelle on leur donne fort libéralement dequoy fefubftenter , ôc après qu'ils ont bien beu ôc bien mangé, ils payent leurs hoftes par vn grand mercy. Une faut pourtant pas inférer de ce que i'ay dit, qu'il n'y a nytaueineny cabaret, que les habitans en foient plus fobres Ôc moins fujets à Tyurogne- rie ; car ladefbauchedcs Allemansn eft que l'om- bre des excez îde vin ôc d'eau de vie , que font les ha- bitans decesifles : Ileftvray que ce n'eft pas fou- uent, mais feulement quand les nauires arriuent chargés de boiflbns. L'on ne fe fert point du tout d'argent monnoyé, mais tout le négoce du commerce de nos habitans fe fait par troc.Le luge met la taxe à toutes les den- rées, lefquels on acheté donnant en échange du pecun, du fucre, du gingembre,du coton,de l'indi- go^ autres marchandifes du pays,felon que la taxe le porte. Les Seigneurs de la compagnie fe fontaduifés,' pour arrefter les François dans ces ifles, & y affer- mir l'eftat de leur Colonie, d'y faire paffer des filles pour les marier aux habitans, &celaamerueilleu- fement reiifTi , Ôc y a arrefté plufieurs François, qui ont peuplé le pays , en forte que Ton y voit mainte- DE LA COLONIE. 47I fiant très- grand nombre de ieunes garçoijs , 3c de ieunes filles de douze, de quinze & de dix-huit ans, qui n ontiamais veu la France. Lors qu'il arriue des filles dans le pays , on a vn grand foin de les loger chez quelque perfonne vcrtucufc , en forte qu'il ne s'y pafTe aucun dcfor- dre,& auflî-toft plufieurs habitans qui ne refpirent que des femmes courent à l'amour 3c au marché tout enfemble. Chacun confîdcrc celle qui luy agrée le plus, ôc après en auoir fait vn choix arrefté, iiconuient du prix de cette fille auec celle qui en a la conduite.Puis on pafTe le contracT: fur le champ,, 6c dans peu deiours on les marie. Mais comme le mot de vendre & d'acheter cho- que l'efprit d'vne nation libre y comme font les François; ilfautfçauoir que ce commerce prend fa fource d'vne ancienne couftumc, qui tient lieu de loy dans toutes les ifles. ,& qui obligent toutes per- sonnes, qui apaffé aux frais d autruy dans les Indes3i à feruir celuy qui a payé fon paflàge,par l'efpace de trois ans entiers comme vn efcJauc : fi bien que toutes ces filles n ayant pas eu de quoy fubuenir aux frais de leurs paflages , elles demeurent obli- gées enuers ceux qui les ont fait pafler de trois^ ans de feruitude, & il faut que ceux qui les veulent époufer achètent non les filles , mais leur liberté, d'où vient que c'eft vn grand bon-heur pour vne fille , lors qu'elle peut trouucr de quoy payer fon pafTage , qui neft que cinquante liures , ou tout au plus vingt efeus , elles en font beaucoup mieux: I 471, DES FRANCO IS pourucuës , & elles rencontrent des partis affez auantageux. Toutes ces femmes y font autant fécondes, com- me dans l'Europe -, & efleuent leurs enfans auec beaucoup de facilité , iufquà l'âge de fept à huicT: ans, auquel âge la plufpart femblent eftre arreftés tout court , le tin leur pâlit, ils deuiennent languif- fàns,& plufieurs meurent en cet âge. Pourmèy,ie crois que cela vient des viures du pays ^principa- lement des figues, Bananes, & patates qui engen- drent beaucoup de vers : car i'enay fait ouurir piu- fîeurs dans TejOtomach , defquels i'ay trouué grand nombre de vers enlaflex enfemble, aufquelsiim- pute auec beaucoup de probabilité la caufedece knguiflement , ôc mefme de leur mort. Quand ils vontiuiqu a l'âge de douze ou treize ans , ils fe dé- lient tout à coup ôc croifTent à merucille. Il y a beaucoup de chofeque le Leéteur curieux pourroit fouhaiter dans ce Chapitre , touchant les habitans François : mais comme ie les ay écrits en diuers endroits de ce liure , ce feroit yne chofe fu- p^rfluë deles repeter icy. Ito 475 Des Efclaues, tant Mores que Saunages. Chapitre troisiesme, PLatonabeau dire , parlant des ferfs & efclaues^ que ceftvne chofe très -difficile que lapoilef- fîondvnhomme ; & que mefme le Chriftianifme fe preuale tant qu'il voudra de la douce liberté des enfans de Dieu , qui rejette & abhorre tout efcla- uage ; onperfuadcrapluftoft aux riches du monde de renoncer à leurs moyens , qu'aux habitans des Indes de ne point tenir d'efclaues , & d'abolir le honteux commerce^ vendition & achaptde leurs femblables, ie dis mefme des Chreftiens, & régé- nérez des eauxfalutaires du Sacrement de Baptef- mc comme eux ; car ceften cela que confîftent toutes les richeflès du pays,& vn homme neftpuifr fant , riche & honoré dans ces lieux , qu à propor- tion du nombre defes efclaues ôc feruitcurs. Les efclaues defquclsfc feruent ordinairement nosrhabitansjfont de deux fortcs,fçauoir les Nègres, que nous appelions en France , Mores ou Ethio- piens^ les Sauuages de la terre ferme, & non ceux des ifles camercanes : car à moins que de leur cre- uer cruellement les jeux , comme a fait de mon temps vn Gouuerneùr de Montfarat à quelques Sauuages de iaDominique , ileitimpoflible de Us retenir* OOo m» 474 ï>E$ ESCLAVES Pour ce qui regarde les Nègres , ils font amenés dans toutes les Indes des coftes d'Angolc, de Guy- ou du Cap vert , par dès marchands qjuiles née vont traiter le long de la cofte, pour du fer* de l'eau de vie,dés thoiles* & femblable* denrées qu'on leur porte de l'Europe, & bien fouuentpour rien; car s'ils les peuuent attirer dans leurs nauiresàforce de earefles, de bbiflbn - myheure après leucf afl&ge : % Negrc^ du Co- vert ne fewest pas U moitiéfî fm* ik^pl fe P*a& plus noire, les membtes du corps miens prppo*:* xionnezA its traits du vifage pk$â§\km, & il m* îem We qu'ils font d'vm naturel ptee *f PI & ftes fociabte. .. Nos hsbkmstmt^m cc$fMmm mnmm$ s, tiy plus ay moins que aiws traitât les f he*j*M e& 1 rance ; ils f n tirant dntrwnl*m mi igne* i'affieâiori qu'ils leufs por- tent.de nek*p®intfcapf^àtQrt,monpl^q^^ ~ rr OOo i; ««a HlffiÏMII .-'47* DES E SC L A VES, ne leur pardonner iamais aucune faute \ d'où vieisr qu a la moindre qu'ils commettent , ils les battent fur la chair nue auec des liannes y qui font plus de mal que les nerfs de boeufs 5 ne plus ne moins que les Turcs donnent des baftonnades à leurs efcla- ues. Phi&urs les battent tous pour les fautes d'vn particulier. Apres qu'ils ont tout le corps meurtry ëc defehire , ils les lâuent auec de l'eau, du fel, & du piment, ce qui leur caufe autant de douleur que les coups qu ils ont receu. G eft véritablement en ces mal-heureux que fe vérifie le dire d'vn Poërê chez Platon : Dimtdmm mentis Inciter illis aufirt ( lit. 6. leg. cap. 6. ) comme ie lay remarqué en mille rencontres , fçauoirque Dieu oftelamoitiédu iugement auxefclaues , de peur que reconnoifTans le miferable eftat de leur condition , ils ne fe jettent Sâm le defefpoir : ca* encore bien qu'ils foient grands railleurs, vains, & adroits en tout ce qu'ils font ; ils font pourtant iî ftupides , qu'ils trompas plus dp refTentiment de leur efelauage, que s'ils n'auoient ramais eu aucune eonnoiflance du bon- heur de la liberté. Ils font de toute terre leur patrie , pourueu qu'ils y trouuent à boire &imanger ; & bien éloignerqu'ils font de* fentimens des filles de Sion* qui difoient fe voyant dans vne terre eftrangere; Qmmoiocantabimuscanti* cum Domini in terra aliéna ? Quand il arriuc vne Fcfte eu vn Dimanche , ils s'oignent tout le corps d'vn e huille qui les fait paroiftre plus noirs & plus beaux; itafe rafent la tefte y laiiTant des couronnes de leurs MORES ET S A WAGES. ^77 cheueux , à lafaçon que nous autres Religieux la portons, ou deschaperons,ou des eftoilcsrles fem- mes fe treffent les cheueux , quoy que tres-coutts êc crépus comme laine : ils font des affemblées où ils danfen t à leur mode au fon du tambourin, ou de la callebafle , auec autant cTallegreflTe que s'ils eftoient les plus heureufes gens du monde. Ce tam- bourin n eft autre chofe quvn tronc d'arbre creu- fé, fur lequel eft eftendu & lie auec vne corde,vne peau de loup marin. L'vn d'eux le tient entre fes jambes, &ioiie auec fes doigts comme fur vn tam- bourin de bafqae 5 quand'ii a ioîié vn verfet , l'af- femblée en chante vn autre ., &c ainfi ils continuent altcrnatmement. Mais fi leboireoirle manger leur manquent,ilà font bien-toft réduits au defefpoir, n'y ayant point d'extrémité qu'ils nef clioififfent pour sen déliurcr, mefme iufqu'âs'ofter la vie de leurs propres mains, comme il arriuaà cinqpauures Negres,Tan mil fix cens quarante fept , dans l'ifle de firinélEuftachc; Ces pauures mal-heureux fe voy aîit dans vne terre la plus ingratte & moins féconde de toutes les ifles de l'Amérique , dan^ laquelle ils ne pouuoient trouuer vn verre d'eau pour fe raffraifehir , fe refo- lurent de s'en retourner dans leur pays par la porte de lamort, (car la plufpart d entr'eux croyent qu en mourant ils s'en retournent dans leur terre natale) ils fe firent tous les vns après lès autres la charité de fe pendre à des arbres,auec des cordes de mahoti ils^ommencerent par les plus ieunes,& la dernière O O o ii j 47g DES ES C LAVES, fut vue vieille fo^me igeede plus de o&anie te»; laquelle après auoir rendu ce bon feruice aux au- tres, prit la peine defe le£aircà.ellc-fneftnc. Puifque iseiBal^ieui: leurarriua dans vnerfle fî ncçeffiteufe; iloeferapa^ defagreable auLe&eur, que fendifedeux mots. Cette ifle donc , appellee £un&£uftaebc ,n cfl: Ipropteme&t parler quVnc montagne déroches, faWeufe , & couue#ç d'autant déterre qu'il em faut pour nourrir les ^rbress qui çroiflent deffus, ^comeru&t eaui'ro» içais ©u quatre lieues de cir- cuit : clleeftfituée^fei^e &demy,oudix-feptde- Îtïcz 4e U ligne , &4épenddesEftatsdeHolande^ efquels y auoient défia fait ériger y$i f@rt &c plu* (ïeurs baûimçfl$4e brique 9 qui valent mieux que soute I'ifle ; ejlecftoitbabitéf ^y|d ijpBky & y fis ^yne tefidenee de fix fsiBaines en habit feculier & inconnu, 4e towte foj&e de nations i mais fur tout 4Vn gra&d Borabrç de § emgaxs & 4>poïhts ic de foy & de r elMon, de quantité de criminels, de plu- fieur? fugitifs d# I'ifle de fainâChriôopbe , & au- tres circonuoifî&es,& de beaucoup de J&anquerou- tiers d'Holan4e : ie ne m'en eftojaae nullement, cette cerrça'cftant propre «ju à reùrgjr Semblables ^çan^ittesjO» des gens qui ïont las de leur yie^jucon- tr^incs d^n mener vneplusrnîicrable que celle des forets & des Galériens j car danstouse sette ifle il n'y a pas vm feule fontaine , riuiere , ny puits, d oâ 9n pyifis tirer vite feule go^te d'eau douce. De farce que la condition des habitans de cette ifle MORES ET SAVVAGES: 0 «ftôit pour lors plus mal-heureufe que celle de ce» illuftres Confefleurs reléguez dans les folitudes de Cherfone, qui cftoient contraints d'acheter par vn trauail de douze lieues , dequoy fe mouiller la langue.Enl'an 1648. que l'y paffay, les plus ai fez de cette ifle commençoient à y faire baftir des cider- nes,ie crois que cela les aura feûlagez; au refte pen- dant le tëps que l'y demeuray, i y cnâuroit efte enuoyé par le feu Roy noftre très- honoré Seigneur &Pere , fonGouuerneur & Lieutenant general es Mes de S. Chriftophe, & autres Ifles de l'Amérique peu connues pour lorsjefquelies depuis fous fa con- duite font habitées de grand nombre de François, en quoy ledit fieur Bailly de Poincy nauroit rien cfpargné pour y maintenir noftre authorité, l'éclat & la dignité du nom François ; Mefmes auroit fart baftir plufieurs forts àfes defpcns, &fc ferait auffi formé vn reuenu confiderable par acquittions qu il afaites dans iefdites lues, ayant employé pou* cet effet le reuenu de plufieurs annéesde deux des plus belles Commanderies dudit Ordre,defquelles il iouyflbit en France , lefquels Domaines par droit de pecul appartiennent à fon Ordre,auquel d abon- dant ledit fieur Bailly dePoincy comme bon Reli- gieux en a donné toutes les feuretez neceflairesiEn forte que noftredit Coufin le Grand Maiftre & le- *■ PPpij dit Ordre s'en peut dire dés a prefent levray pro- priétaire , fans attendre qu'ils luy' reuiennent après le deceds par droifik de defpoiiille, à quoy noftredit Coufin le Grand Maiftre a defiré joindre la pro- priété entier^ defdites Ifles dé S. Chriftophe ..;, par Tacqtîifîtion d'icéiles, pour laquelle noftredit Cou - iî A" a enuoyé fes ordres. &pouuoir audit fieur de Souvré, afin de traiter auec ceux delà Compagnie defdites Mes fous noftre bon plaifîr , &fous Fefpe- rance queiïous aurions le traité agréable ., , & que nous y Joindrions en outre ce qui nous appartient efdites Ifles,afin de pouuoir par noftredit Coufin èc fon Ordre y former vn cftabliiFement pour le ferui- ce & la deffenfe delaChreftienté, &pourlacon~ uerfion des Sauuages à la Religion Catholique, A CES C AV SES, ôc après auoir fait voir en noftre- dit Confeil les Lettres d^e concefïîon par nous cy- deuant faites à ladite Compagnie des Mes del'A- merique du mois de Mars 1^42. L'a&e de delibera- tion de l'affemblée de ladite Compagnie de l'Anie- rique,pour la ceflion vente & alienation de tout ce , qu'ils pourroient prétendre eniçelles fous noftre bon plaifir,aux charges ôc conditions portéesparle refultat du deux May 1^51. Le traité fait par ledit fieur de'Souvré auec ceux de ladite Compagnie ,1e Z4.defdits mois &an,attachez fous le contre-felde noftre Chaneellerie.De l'aduis de noftredit Confeil ou eftoient la R eyne noftre tres-honorée Dame ôc Mere, noftre très -cher frère IcDuc d'Anjou, plu- fleurs Princes U Ducs , Pairs & Officiers de noftre Couronne, & autres grands & notables perfonna- ges de noftrc Royaume 5 Nous defîrans fauorable- ment traiter noftreditCoufin le Grand Maiftre ôc fon Ordre ', ôc tefmoigner à toute la Chreftienté Teftime que nous enfaifons , ôc que comme fils aif- né de l'Eglife nous ne laiflbns efchapper aucune oecafîon pour le bien & l'augmentation de la Reli- gionChreftienne 5 ôc par ce moyen inuiter les au- tres Princes Chreftiens dcfairelefcmblable, & de contribuer de leur part ainfi que nous faifons à la manutention ôc propagation delaFoy , de noftre grace fpeciale, certaine J"éience,plaine puiflance ôc authorïté RoyalcjAuons louc,agrcé,ratifié,louon^ agréons , ratifions & confirmons par ces prefentes fignées de noftre main la concelïîon cy-deuant fai- te à ladite Compagnie des lues de l'Amérique du mais de Mars 1^41. Enfemble ledit contracT: du. 2,4. May 1651. Portant l'aliénation vente ..& cefïiondes droits de ladite Compagnie dans les Ides de l'Amer rique, à eux concédées au profit de noftreditCour lîn le Grand Maiftre &dudit Ordre de S. lean de Hierufalem : Et adiouftant aux conceïfions faites par cy-deuant , auon^de nouueau donné & odtroy é à noftredit Coufin ôc à fon Ordre , donnons ôc o&royons par cefdites prefentes ladite Ifle de S. -Chriftophe, ôc autres en general en dépendantes conformément audit contract duj.4. May, auec toutes leurs confîftances3à lareferue dcslflcsçqû*- tenues ôc fpecifiées aux contrats de ventedés 4. Sept. 1645. &*7« Septembre 165.0. Pousùfelfle PlP-p iij mm I dé S. Chriftophe & autres Ifles de PÀmërique en general à la referuecydeffas, eftre tenues par no - tredk Couiîn le grand Maiftre & fonOrdre en plain Domaine, Seigneurie dire&e & vtile propriété i&- commutabIe:EnfembIe les Places & Forts eftans en iceIle$,droit de Patron age Laïque de tous Benefices & DignitezEeclefîaftiques, qui font ou pourront eftee cy-apres fondez , & qui nous peut de prefenc &pourroitappartenir#auec tous droits Royaux, & pouuoirde remettre & commuer les peines, créer, înftituer &c deftituer Officiers & Miniftres delufti- •ce,.&Iurxfdidfcion tant volontaires que contentieu- fes pour paffer tous Adbes , iùger toutes matières tant ciuiles que criminelles en premiere inftance* & par apel en dernier reflbrr, & en tous cas le tout i perpetuitéen plainfief , & amorty,^ fous tel til- tre , & y faire tels eftabliflemens que bon luy fem-j blera,a la feule referue de la fouuerainetc qui con- iifte en l'hommage dVne Couronne d or de rede- uance à chaque mutation de Roy de la valeur do mil efcus,quifera prefentée par TAmbanadeur du- dit Ordre vers cette Couronne , ou par autre Offi- cier diccluy en fon abfence, à la charge que noftrc- ditCouïin le Grand Maiftre , êc l'Ordre ne pour- ront mettre lefdttcs Mes hors de leur main , ny y donner commandement à autres qu'aux Cheua- Jiers des Langues Françoifes nos Sujets,fans nous le faire fçauoir &pris fur cenoftrc confentement. Sx , donnons en mandement à nos amez & féaux Con- feilUtt les gens tenans noftre Cour de Parlemenc Je Paris , Chambre de nos Comptes & autres nos Officiers qu'il appartiendra, que ces prefentesils faflentregiftrer, &du contenu en icelles faire iotiir noftrcdit Coufîn le Grand Maiftre & ledit Ordre plainemcnt,paifîblement&perpctuellement,fan$ ïbuffrir qu'il luy foit fait , mis ny donne aucun trou- ble ny empefehement au contrairerEtdautant que des prefentes Ton peut auoir befoin en mefme temps en plufîeurs lieux, Nous voulons qu'aux co- pies deuëment collationnées , foy foit adiouftée comme à l'Original des prefcntes.Car tel eft noftre plaifîr :Et afin que ce foit chofe confiante pour toû* jours , Nous auonsfait mettre noftre fèel à ces pre- fentes, fauf en autres chofes noftre droit &1 autruy en toutes. Donné àParis aumois labour 91 . 5" ' eftanche 339 . 3 s'y S.eu >nde Partie. ce : 340 343 8 nouriiïanç 109 30 ne iz* titre vmbilics 348 17 vernis Troifiéme farûe* 370 z6 reculan ïf3 • 6 la ■37Z 16 cet ■if* 6 qui 373 I & 16% 4 jufques 1 4°J î^ que! iS\ 5> bout ^ ï'cfperge 408 I moura 16S 19 ,41$ .4 que 170 M "fui .•414 19 croyant ; 185 n lies 443 %l plaind 19$ s impofrlWe 44* 4 vnes 19e 6 elle 4ïi if tout rofty t-t-A 18 bajbard 4^7 7 jetcant X%9 IS CU-âDIC 4*9 i? & 2-34 *i Rayé 4.^1. 3 havres «9 10 débrouillez 457 3 * paffe z£o 18 recherckées 469 7 fahit 2-74 H qu'ai 474 14 Ils rencontrent 479 17 vendue' Lifez dans la traduction du Sauuage de nous au lieu d'acaufs de nous , &. du fahit Efpritaulicudc.parle, & le rcuancher delà honte &jnalice des hommes. Le Perc Raymond a efté contraint de fe feruir de ces termes pour exprimer nos myft ères dautanc qu'il n'en a peu trouuer de plus propre dans leur langue. "