SMITESONIAN INSTITUTION LIBRARIES Bequest @KE S. STILLMAN BERRY ÿ d Fu LE LAPS EU MERE Eh Sie HISTOIRE NATURELLE ANIMAUX SANS VERTÈBRES. TOME PREMIER. LIBRAIRIE DE J.B. BAILLIÈREÉ. PHILOSOPHIE ZOOLO GIQUE, ou Exposition des considérations relatives à l’histoire naturelle des animaux, à la diversité de leur organisation et des facultés qu’ils en obtiennent , aûx causes physi- ques qui maintiennent en eux la vie et donne lieu aux mouvements qu’ils exécutent, enfin à celles qui produisent, les unes le sentiment, et les autres l'intelligence de ceux qui en sont doués; par J.-B.-P .-A. Lamarcx, 2° édit. Paris, 1830, 2 vol. in-8. 12 fr. SYSTÈME ANALYTIQUE DES CONNAISSANCES POSITIVES DE L'HOMME , restreintes à celles qui proviennent directement ou indirectement de l'observation; par F.-B.-P.-A. Lamarcx. Paris, 1830, in-8. 6 fr. MÉMOIRE SUR LES FOSSILES DES ENVIRONS DE PARIS, comprenant la détermination des espèces qui appartiennent aux ani- maux marins sans vertèbres, et dont la plupart sont figurés dans la collection du Muséum ; par J.-B.-P.-A. Lamarck. In-4. 10 fr. EXTRAIT DU COURS DE ZOOLOGIE du Muséum d'histoire naturelle, sur les animaux sans vertèbres ; par J.-B, Lamarck. Paris, 1812, in-8. a fr. 5o €, ER po IMPRIMERIE D'HIPPOLYTE TILLIARD ,RUE DE LA HARPE, N, 88. HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX SANS VERTEBRES, PRÉSENTANT LES CARACTÈRES GÉNERAUX ET PARTICULIERS DE CES ANIMAUX , LEUR DISTRIBUTION, LEURS CLASSES, LEURS FAMILLES, LEURS GENRES , ET LA CITATION DES PRINCIPALES ESPÉCES QUI S’Y RAPPORTENT ; PRÉCÉDÉE D'UNE INTRODUCTION Offrant la Détermination des caractères essentiels de l’Animal, sa distinction du végétal et des auires corps natureis ; enfin, l'Exposition des Principes fondament:ux de la Zoologie. PAR J.B. P. A. DE LAMARCR, . \ MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE, PROFESSEUR AU MUSÈUM D'HISTOIRE NATURELLE, Nihil exirà naturam observatione notum. DEUXIÈME ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE DE NOTES PRISENTANT LES FAITS NOUVEAUX DONT LA SCIENCE S'EST ENRICHIE JUSQU’A CE JOUR; Par MM. G. P. DESHAYES ET H, MILNE EDWARDS. TOME PREMIER. ANTRODUCTION — INFUSOIRES. PARIS. J. B. BAILLIÈRE, LIBRAIRE, RUE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE, 13 BIS. A LONDRES, MÊME MAISON, 219, REGENT STREET. 1855, LE FRE N di AE TA) (A7 Î “A9: AVERTISSEMENT SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION. e . La première édition de Histoire des Animaux sans vertèbres de Lamarck étant épuisée , l’éditeur propriétaire actuel de l’ouvrage sentit qu'il était nécessaire d’avoir toujours à la disposition du pu- blic un livre si utile et si indispensable à l’étude de la partie la plus considérable du règne animal ; . Mais il crut devoir ne pas le faire réimprimer sans y introduire , sous forme de notes, les faits princi- paux dont la science a été enrichie par lobserva- tion depuis bientôt vingt ans. VI AVERTISSEMENT: L'ouvrage de Lamarck a puissamment contribué à assurer les progrès de plusieurs branches de Ia zoologie : ilest trop connu ét assez justement ap- précié par tous les savants de l’Europe, pour que nous ayons besoin de faire son éloge. Cependant, publié de 1816 à 1822, dans un temps où les ob- servations se multipliaient de toutes parts, et de- vaient conduire à de nouveaux résultats, plusieurs parties devinrent bientôt insuffisantes pour satis- faire aux besoins de la science. Pour que ce traité consérvât toute son utilité , 1l était donc effective- ment nécessaire que des additions lui fussent faites : c’est la tâche dont nous nous sommes chargés. Nous avons voulu conserver néanmoins à l'ouvrage de Lamarck toute son intégrité, et nos additions, dont nous acceptons touie la responsabilité, sont en- tièrement séparées du texte de ce grand naturaliste. Ces additions sont de deux sortes : les unes, gé- nérales, ont rapport à chacune des grandes classes dés invertébrés et viennent compléter ou mo- difier les idées que Lamarck en avait. Nous continuons ces observations générales sur les divisions moins importantes des ordres , des fa- milles et des genres, indiquant ainsi, à mesure que cela devient nécessaire, les faits nouveaux, les cb- servations récentes qui devront entrer comme élé- ments nécessaires dans une classification nouvelle. AVERTISSEMENT. VII Depuis la publication du travail de Lamarck, la science s’est enrichie d'ouvrages importants dans lesquels sont décrits un grand nombre de genres et d'espèces. Toutes Les fois que nous avons cru que ces genres pouvaient être adoptés, nous les avons mentionnés. Relativement aux espèces nous avons cherché à compléter la synonymie des an- ciennes , et nous ayons ajouté les plus remar- quables deceiles décrites et bien figurées depuis une dixaine d’années. Ces dernières additions , en ap- parence les moins importantes, sont celles qui ont nécessité de notre part plus de travail; ce que savent très bien ceux des zoologistes occupés de . semblables recherches. L’entomologie ne pouvait recevoir des additions semblables à celles que nous nous proposions de faire aux autres classes : cette science traitée par Lamarck en 1816 et 1817, ne s'était pas encore accrue d’un nombre considérable d’espèces , de genres et même de familles connus aujourd’hui : pour mettre cette portion de l'Histoire des Ani- maux sans vertèbres an niveau des connaissances actuelles, il aurait fallu consacrer aux additions plusieurs volumes ; et même après un travail ingrat et opiniâtre 1l aurait été impossible, gènés par le cadre méthodique de Lamarck , de présenter rien de bien satisfaisant et qui pût être utile après les beaux travaux de Latreille, et d’autres sa- VIII AVERTISSEMENT. vants, que tous les entomologistes ont entre leurs mains, et qu'ils ont depuis long - temps préférés à ceux de notre auteur, Nous avons donc résolu de laisser, sans y toucher, toute la classe des insectes, en exceptant toutefois les généralités... dans lesquelles il était possible de faire des addi- tions fort utiles. L'introduction , les radiaires échinodermes et les mollusques , ont été revus par M. Deshayes ; les animaux apathiques , moins ceux déjà men- tionnés, les arachnides, les crustacés et les anné- lides, par M. Milne Edwards. Les additions sont tantôt sous la forme de notes , tantôt intercallées dans le texte, mais toujours reconnaissables en ce qu’elles sont placées entre parenthèses [| ]ou bien précédées da signe +. . AVERTISSEMENT DE LAMARCK. AVANT d'atteindre le terme de mon existence , j’ai pensé que, dans un nouvel ouvrage, susceptible d’être considéré comme une seconde édition de mon Système des animaux sans vertèbres (1), je devais exposer les principaux faits que j'ai recueillis pour mes leçons, soit sur les animaux en général, soit sur ceux qui fu- rent le sujet de mes démonstrations au Muséum d’his- toire naturelle , ainsi que mes observations et mes réflexions sur la source de ces faits. Cet ouvrage, d’ail- leurs, devant offrir les classes, les genres et les princi- pales espèces des animaux sans vertèbres, dans un ordre _ particulier, avec la citation des faits essentiels observés à l'égard de leur organisation et des facultés qu’ils en obtiennent , me paraît présenter, pour ainsi dire, les pièces justificatives de ce que j’ai publié dans ma Ph:- losophie zoologique , et des nouveaux développements , que j'en donne ici dans l’Introduction. l (1) Paris, 1801, » vel. in-8. , Tome 1. I 2 | AVERTISSEMENT. Ceux qui aiment l’étude de la nature, qui s’intéres- sent particulièrement à celle des animaux, et qui ont beaucoup observé ces derniers , pourront rechercher , dans la considération de tous les faits que je cite à leur égard , si ce résultat de mes observations et de mes méditations est aussi fondé, aussi nécessaire qu’il me le paraît; et dans le cas de l’affirmative , ils le feront servir à l’ayancement de la science, après l’avoir amé-- lioré ou rectifié par leurs propres observations. On sait assez combien les animaux sont intéressants à observer et à étudier ; combien , d’ailleurs, ceux qui sont sans vertèbres, sont singuliers par la diversité de leur organisation et par celle des facultés qu'ils en obtiennent. On ne saurait donc se procurer trop de moyens, ni trop rechercher les considérations qui leur sont applicables , si l’on veut parvenir à s’en former une juste idée, en un mot, à les connaître sous tous les rapports. Ainsi, la manière particulière dont j'ai considéré les animaux , les conséquences que j'ai tirées de tout ce que j'ai recueilli à leur égard, enfin, la théorie géné- rale que je présente sur tout ce qui concerne ces êtres intéressants, me paraissent mériter qu’on y donne une grande attention, et que l’on constate, s’ilest possible, jusqu’à quel point je fus fondé dans tout ce que j'ai "exposé à ce sujet. Ici, en effet , l’on trouve sur la source de l'existence, de la manière d’être , des facultés , des variations et des phénomènes d'organisation des différents animaux, \ AVERTISSEMENT. 3 une théorie véritablement générale, partout liée dans ses parties, toujours conséquente dans ses principes ! etapplicable à tous les cas connus. Elle est, à ce qu’il me semble, la première qui ait été présentée , la seule par conséquent qui existe : car je ne connais aucun ouvrage qui en offre une autre avec un pareil ensem- ble de principes et de considérations qui les fondent. . Cette théorie qui reconnaît à la nature le pouvoir de faire quelque chose, celui même de faire tout ce que nous observons , est-elle fondée ? sans doute, elle me paraît telle, puisque je la publie, et que mes observa- tions semblent partout la confirmer. Si l’on en juge autrement , probablement l’on s’efforcera de la rem- placer par une autre qui soit aussi générale, et qui ait pour but de s’accorder davantage encore avec Lous les faits observés ; ce que je ne crois pas possible. On m'objectera peut-être que ce qui me paraît si juste, si fondé, n’est cependant que le produit de mon jugement, d’après la somme des mes connaissances ; on pourra même ajouter que ce qui est le résultat de nos jugements est toujours fort exposé, et qu’il n’y a réellement de certain pour nous que les faits constatés par l’observation. | À cela, je répondrai que ces considérations philoso- phiques, très justes en général, ont néanmoins, comme bien d’autres, leurs limites et même ieurs exceptions. Sans doute , nos jugements sont fort exposés ; car, quoiqu'ils soient toujours en rapport avec les éléments 1* 4 AVERTISSEMENT. que nous y faisons entrer , et que, sous ce point de vue, ils manquent rarement de justesse , nous n'avons presque jamais la certitude d’avoir employé dans cha- cune de ces opérations de notre intelligence, la nature et la totalité des éléments qu’il était nécessaire d’y faire entrer. | LL] Cependant, il est des cas où nos jugements ne sont pas les uniques résultats de notre manière d’envisager les faits observés; car ils peuvent l'être aussi de la force des choses qui nous entraîne malgré nous en: considérant ces faits, sur-tout si nous ayons su les réunir. Or, cette force des choses qui nous maîtrise : lorsque nous parvenons à la sentir , est une puissance à laquelle on ne donne pas assez d’attention et qui fait exception aux considérations trop générales citées ci- dessus. Ainsi, il y a des cas où nos conséquences sont forcées et ne permettent aucun arbitraire. Maintenant , que l’on veuille se représenter , qu'ayant rassemblé sur l’important sujet dont je m'oc- cupe depuis quarante ans, les faits les plus nom- breux et sur-tout les plus essentiels, il est résulté pour moi de leur considération , cette force des choses qui m'a conduit à découvrir et à coordonner peu à peu la théorie que je présente actuellement, théorie que je n’eusse assurément pas imaginée sans les causes qui m'ont amené à la saisir. Or, quoique l’on puisse peut- être me reprocher d’avoir exprimé ma pensée, dans cet ouvrage, d’une manière trop décisive, on sentira que j'ai été entrainé malgré moi à montrer la conviction AVERTISSEMENT. 5 que j'éprouvais, et que je n’ai pu écrire autrement que comme je sentais. Peut-être me fera-t-on un autre reproche; car on pourra trouver étonnant de me voir traiter certains sujets qui, au premier abord, paraissent s'éloigner beaucoup de ceux que je devais avoir uniquement en vue. Cependant, si l’on approfondit ces mêmes sujets, l’on en sentira la liaison intime avec ceux qui appar- tiennent directement à mon travail ; l’on sentira même la nécessité pour moi de faire valoir la lumière qu'ils retirent les uns des autres, et de montrer qu'ils sont tous les éléments essentiels des conséquences que j'ai tirées. Cet ouvrage est sérieux , n’a que l'instruction pour but, et ne peut, par sa nature, avoir certaines des qualités qui obtiennent beaucoup de lecteurs à bien d’autres. 11 lui doit être même d’autant plus difficile d'obtenir toute l’attention dont il a besoin , que les goûts et les circonstances de notre temps la font, en général, porter vers des objets qui lui sont fort étran- gers. Enfin , comme :il semble ne devoir intéresser qu'une seule classe de lecteurs, celle même dont il tend à modifier les opinions, ce qu’il peut offrir qui soit vraiment digne d’être considéré restera peut-être long-temps peu connu. Cependant, je sais que , sous plusieurs rapports, son sujet a une véritable importance, qu’il sera utile de le prendre sérieusement en considération; et ce fut ma conviction à cet égard qui m’a soutenu dans mon tra- 6 AVERTISSEMENT. vail. Or, si l’on trouve qu’il remplit réellement l’objet que j'ai en vue, je serai suffisamment dédommagé de mes eflorts. Mais pour être entendu, j'ai besoin d’une complaisance qu’on n’accorde pas indifféremment à tout auteur , et que je me suis toujours eflorcé de mé- riter. On sait en effet que tout ouvrage, scientifique sur- tout, ne peut être lu ou étudié profitablement, que dans l'esprit qui a guidé son auteur; sauf à juger en- suite s’il s’est plus ou moins approché du but qu’il voulait atteindre; car, en l’examinant avec un esprit contraire ou prévenu, les considérations les mieux établies, les vérités, même les plus claires, ne parais- sent que des erreurs. Ainsi , dans le cas d’une divergence de vues entre celles du lecteur et celles que présente l’ouvrage, il est utile que le lecteur veuille bien suspendre les siennes, ne füt-ce que momentanément , afin de se mettre en harmonie avec l’auteur dans sa manière de considérer les sujets dont il traite. S’il trouve que ce dernier ait rempli son objet, il ne lui restera plus qu’à juger, à l’aide des faits et de la réflexion , laquelle des deux manières d'envisager les choses en question mérite la préférence. J'attends donc de tout lecteur, la complaisance de se mettre dans la situation d'esprit dont je viens de parler , pour saisir complétement mon sentiment par- tout , et ses motifs. Quant au jugement définitif qu'il en portera ensuite , il sera sans doute d'autant meil- AVERTISSEMENT. 7 leur, quel qu'il puisse être , que les faits cités lui se- ront. plus connus; et qu’il aura lui-même plus appro- fondi le sujet, plus observé la nature. Je ne parle pas de la difficulté connue d’apercevoir dans un ouvrage un peu philosophique , tout ce qui y est digne de fixer notre attention. Cette difficulté, qui tient tantôt à la fatigue , tantôt à des préoccupations diverses en lisant, est plus ou moins grande à la vé- tité , selon l’habitude aussi plus ou moins grande du lecteur à la méditation ; mais elle est réelle , et cha- cun sait qu'à la seconde lecture d’un semblable ou- rage, on y voit en général bien des choses qu'on n’a- vait pu remarquer à la première. Relativement au plan de l'ouvrage, à la marche des idées qu’il présente , et aux faits d'observation qui y sont exposés , j'ai cru devoir employer l’ordre suivant. Dans une /ntroduction, nécessairement un peu lon- gue, mais essentielle pour l'intelligence du sujet, j'en- treprends de fixer les bases de la zoologie, les principes les plus généraux qui doivent en constituer le fonde- ment, la source même où les objets qu’elle considère ont puisé leur origine. En effet, d’abord je compare les animaux avec les autres corps de la nature; j'essaie d’assigner les carac- tères positifs et distinctifs des uns et des autres ; je cite les faits zoologiques observés , sur-tout ceux du pre- mer ordre , et je montre les conséquences qu’il me paraît convenable d’en tirer. Ensuite , je recherche 8 \ AVERTISSEMENT. quelle est la source de l’existence des différents ani- maux, quelle est celle de la composition croissante de leur organisation , celle des facultés qu’ils possèdent, celle des anomalies nombreuses qui se trouvent entre la composition progressive des différentes organisations animales , et la marche irrégulière des divers systèmes d'organes particuliers qui entrent dans la composition de la plupart de ces organisations. Plus loin , je fais voir que tout ce que l’on observe dans les animaux, que leurs penchants mêmes sont de veritables produits de leur organisation ; que tous les phénomènes qu’ils nous offrent sont essentiellement organiques. Enfin, après avoir montré quelle est cette puissance singulière que nous désignons par le mot nature , je mets en évidence que c’est à elle que les animaux doivent tout ce qu'ils sont. Je termine l’Zntroduction dont il s’agit en exposant la distribution générale la plus convenable des diffé- rents animaux connus, les principes sur lesquels cette distribution doit être fondée, et la véritable disposi- tion qu’il faut donner à l’ordre entier, pour qu’il soit conforme à celui qu’a suivi la nature. On verra que, pour mettre de l’ordre dans ces diffé- rentes expositions , j'ai divisé l’Introduction en sept parties clairement circonscrites ; lesquelles présentent des développements qui , quoique serrés ou succincts , suppléent à ce qui manque dans ma Philosophie zoolo- gique , et complètent une théorie dont les parties sont partout dépendantes, AVERTISSEMENT 9 Après l’Introduction, je me renferme dans l’exposi= tion des nombreux animaux sans vertèbres qui ont été observés, parce qu’ils font le sujet essentiel de cet ouvrage, et que l’état de leur organisation, les facultés qu'ils en obtiennent, et les caractères qu’ils offrent, établissent les preuves de ce‘que contient cette Intro- duction. Ainsi , je présente successivement leurs différentes classes, leurs familles , les genres qui ont été établis parmi eux, et même plusieurs des espèces Îes plus con- nues qui se rapportent à ces genres. Dans le cours de l’ouvrage, j’ai exposé en tête de chaque classe, de chaque ordre , et même de chaque genre, quelques développements nécessaires pour faire mieux connaître les objets mentionnés sous ces divi- sions. Ces développements sont d’autant plus bornés, que les divisions qu’ils concernent sont moins géné- rales, et par là moins importantes. Quant à la citation que je fais d’un certain nombre d’espèces sous chaque genre , soit d’après des détermi- nations d'auteurs estimés , soit d’après celles qui me sont propres , elle n’a pour objet que de constater la convenance des genres que j'ai admis ou formés moi- même. J’eusse desiré pouvoir donner un species ( ta- bleau des espèces ) aussi complet que l’état des connais- sances actuelles le permet, et dont l’exécution est fort à souhaiter ; mais cela eût exigé un travail long et dif- ficile, que les circonstances qui me concernent ne me permettent pas d'entreprendre, et dont un seul homme 10 AVERTISSEMENT. peut-être ne viendrait pas à bout. Ainsi, j’ai cité d’un premier jet et presque sans recherches, sous chaque genre , tantôt un petit nombre d’espèces , tantôt un nombre beaucoup plus grand, selon que j'ai été plus ou moins à portée de les connaître. \ Tel est le fond de l’ouvrage que j'offre au public, aux amateurs de zoologie, et à ceux qui s’intéressent à l'étude de la nature. Jesouhaite qu’ils y trouvent quel- que chose d’utile, quelque vue qu’ils puissent faire servir à l’ayancement des sciences naturelles. INTRODUCTION. Les animaux sont des êtres si étonnants, si curieux, et ceux sur-tout dont je suis chargé de faire la démons- tration sont si singuliers par la diversité de leur orga- nisation et de leurs facultés, qu'aucun des moyens pro- pres à nous en donner une juste idée et à nous éclairer le plus à leur égard, ne doit être négligé. Cependant, j'ose le dire, la marche que l’on a suivie dans l’étude de ces êtres admirables , est loin encore d’embrasser les considérations capables de nous mon- trer en eux ce qu’il nous importe le plus d’y voir. En effet , s’il n’était question , dans l’étude de la zoologie, que d'observer ies différences de forme qui distinguent les divers animaux entre eux; s’il ne s’agis- sait que de déterminer leurs races nombreuses , de les grouper par petites masses, pour en former des genres, en un mot, de les classer d’une manière quelconque, et d'établir ainsi méthodiquement l’énorme liste de leurs espèces observées, on n’aurait presque rien à ajou- ter à la marche usitée de l’étude:; enfin, il suffirait dé perfectionner ce qui a été fait, et d’achever de recueillir et de déterminer toutcequia, jusqu’à présent, échappé à nos observations. Mais il y a dans les animaux bien d’autres choses à voir que celles que nous y avons cherchées ; et, à leur 12 INTRODUCTION. égard, il y a bien des préventions à détruire , bien des erreurs à corriger. Voilà ce dont, à mon grand étonnement, l’étude m’a fortement convaincu, ce que je puis établir solidement, ce qui est déjà énoncé dans mes écrits, et, néanmoins, ce qui sera peut-être long-temps sans fruit; tant les causes qui entretiennent ces préventions sont puissan- tes, et tant la raison même a peu de forces lorsqu'elle a à combattre des idées habituelles, en un mot, ce qe l'on a toujours pensé. Depuis bien des années, que je suis chargé de faire , au Muséum, un Cours annuel de zoclogie, particuliè- rement sur les animaux sans vertèbres, c'est-à-dire , ceux qui ne font point partie des mammifères, des oiseaux , des reptiles et des poissons; j’ai dù meflorcer de les connaître, non-seulement sous les rapports de leur forme générale, de leurs caractères externes et distinctifs; mais, en outre, sous ceux de leur organi- sation, de leurs facultés, et des habitudes de ces ani- maux; enfin , j’ai dû me mettre en état de donner à ceux qui viennent m’entendre, les idées les plus justes de ces mêmes animaux sous tous ces rapports, au moins relativementaux connaissances que j'avais pu me pro- curer à leur égard. En me livrant à ces devoirs, je trouvai bientôt que ma tâche était extrêmement difhcile à remplir; car j'avais à m’occuper de la portion du règne animal , la plus étendue , la plus nombreuse en races diverses , la plus variée en organisation, la pins diversifiée dans les facultés réelles des races ; et c'était précisément celle qui n'avait inspiré jusqu'alors qu'un faible intérêt, celle, enfin, que l’on avait le plus négligée, et sur la- te les principaux faits recueillis et considérés, n'é- taient guére relatifs qu’aux formes externes des objets qu’elle embrasse, INTRODUCTION: 15 Cependant, le besoin de connaître l’organisation de l’homme , afin de tâcher de remédier aux désordres que les causes des maladies y introduisent, avait depuis long-temps fait étudier son être physique, la plus compliquée de toutes les organisations. On s'était en- suite assuré, par l’observation , que cette organisation compliquée avoisinait considérablement, par ses rap- ports, celle de certains animaux , tels que les memmi- fères. Mais, au lieu de sentir que tout ce que l’on pou- vait raisonnablement conclure des observations dont cette organisation avait été le sujet, ne pouvait guère s appliquer qu’à elle-même, on en déduisit des prin- cipes généraux pour la rer et, en outre, plu- sieurs conséquences relatives à des Boites du premier ordre, que l’on étendit à tous les animaux en général. On négligea de considérer que toute faculté étant es- sentiellement dépendante de l’organisation qui y donne lieu , de grandes différences entre des organisations comparées , devaient non-seulement en produire aussi de grandes dans ies facultés , mais, en outre, qu’elles pouvaient mettre un terme aux facultés qui, pour se produire, exigent un ordre de choses que certaines de ces différences ont pu anéantir. Ainsi, sans égard pour ces vérités positives, les con- séquences dont je parle, et qu’on applique générale- ment à tous les animaux, furent admises à constituer les bases d’une théorie, d’après laquelle les études zoologiques furent dirigées et le sont encore. Tel étäit l’état des choses en zoologie, lorsque mon devoir de professeur m’obligea d'exposer, dans la dé- monstration des animaux sans vertèbres, tout ce qu’il importe de faire connaître à l’égard de ces animaux; d’indi iquer ce que l'observation nous a appris sur la diversité de leurs races, sur celle de leurs formes et de leurs caractères, sur celle encore de leur organisation 14 INTRODUCTION. et de leurs facultés: en un mot , de montrer comment les principes admis peuvent s'appliquer aux faits d’ob- servation que nous ontofferts quantité de ces animaux. À la vérité, dans tout ce qui üent à l’art des distinc- tions, je ne rencontrai d’autres difficultés que celles que l’étude et l’observation des objets PF facile- ment résoudre. Mais, lorsque je voulus appliquer à ces animaux les principes admis en théorie générale, lorsque j’ essayal de reconnaître dans leurs facultés réelles , celles que les principes en question leur attribuaient; enfin, lorsque je cherchai à trouver , dans ces facultés attri- buées , les räpports parfaits qui doivent exister entre les organes et les facultés qu’ils produisent, les difh- cultés pour moi furent partout insurmontables. Plus, en effet , j'étudie les animaux ; plus je consi- dère les faits d'organisation qu'ils nous offrent , les changements que subissent leurs organes et leurs fa- çultés, tant par les suites du cours de la vie, que de la part des mutations qu’ils peuvent éprouver dans leurs habitudes; plus, enfin , j’approfondis tout ce qu’ils doivent aux circonstances dans lesquelles chaque race s’est rencontrée, plus, aussi, je sens l'impossibilité d’ac- corder les faits observés avec la théorie admise ; en un mot, plus les principes que je suis contraint de re- connaître , s’éloignent de ceux que l’on enseigne ail- leurs (1). È Que faire dans cet état de choses ? Pouvais-je me res- treindre , dans l’enseignement dont je suis chargé, à la simple exposition des fermes des objets, à la citation des caractères observés et dont on trouve la plupart (1) Il paraît très probable, en effet, que certains principes généraux qui régissent les animaux vertébrés , par exemple ne trouvent plus d'appli- cation possible dans les invertébrés. INTRODUCTION: 15 dans les livres, à l’énonciation des divisions introduites artificiellement parmi ces objets; enfin , comprimant ma conscience pour favoriser l’opinion et maintenir l’erreur , était-il convenable que je privasse ceux qui viennent m’entenaré de la connaissance de mes obser vations, de celle des faits qui attestent combien l’étude des traits variés d’orgauisation que présentent les anc- maux sans vertèbres, est importante pour l’avance- ment de la physique animale, en un mot, de celle du précepte qui veut que ce ne soit qu’en dbtéidépatit à la fois toutes les organisations existantes, que l’on entre- prenne de fonder les vrais principes de zoologie ? Je n’ai pas suivi et n’ai pes dû suivre une pareille marche, c'est-à-dire, je n’ai pas dû taire ce que mes études m'ont fait apercevoir. Ainsi , je me trouve en- traîné dans une dissidence, que le temps , plus que la raison, peut convenablement terminer ; car je n’ai guère, maintenant, d’autres juges que la partie même dont je combats les préceptes ; partie qui à pour elle l’avantage de l'opinion. Je me bornerais à ne parler que des animaux sans vertèbres, puisqu'ils constituent le sujet de cet ouvrage, si je n'avais à exposer à leur égard quantité de consi- dérations importantes, que les principes admis ne sau- raient reconnaître, et si je ne voulais montrer que les imperfections que j’attribue à ces principes ne sont point illusoires. Je dois donc, &’abord, examiner ce que sont les animaux en général, m’eflorcer de fixer, s’il est possible, les idées que nous devons nous former de ces êtres singuliers, me hâter d’arriver à l’exposition des sujets de dissidence dont j'ai parlé tout-à-l’heure , et essayer de convaincre mes lecteurs, par la citation de quelques-unes des conséquences que l’on à tirées des faits observés, que ces faits sont loin d’en confirmer le fondement. = 16 INTRODUCTION. 11 me semble que la première chose que l’on doive faire dans un ouvrage de zoologie, est de définir l’ani- mal, et de lui assigner un caractère général et exclusif, qui ne souffre d’exceptions nulle part. C'est cependant ce que l’on ne saurait faire à présent, sans revenir sur ce qni a été établi , et sans contester des principes qui sont enseignés partout. Qui est-ce qui pourrait croire que , dans un siècle comme le nôtre où les sciences physiques ont fait tant de progrès, une définition de ce qui constitue l’animal ne soit pas encore solidement fixée ; que l’on ne sache pas assigner positivement la différence d’un animal à ane plante; et que l'on soit dans le doute à l'égard de cette question , savoir : si les animaux sont réellement distingués des végétaux par quelque caractère essentiel et exclusif ? C’est, néanmoins, un fait certain qu’au- cun zoologiste n’en a encore présenté qui soit vérita- blement applicable à tousles animaux connus et quiles distingue nettement des végétaux. De là, les vacillations perpétuelles entre les limites du règne animal et du rè- gne végétal dans l’opinion des naturalistes; de là même, l’idée erronée et presque générale que ces limites n’exis- tent pas, etqu'’il y a desanimaux-plantes ou des plantes- animales. La cause de cet état des choses, à l’égard de nos connaissances z0ologiques, est facile àapercevoir(1). Comme les études sur la nature animale et sur les facultés des animaux ne furent, jusqu’à présent , diri- gées que d’après les organisations les plus compliquées, c’est-à-dire, d’après celles des animaux les plus parfaits, on ne putse procurer aucune idée juste des limites réelles D (1) Nous rappellerous qu'un naturaliste fort distingué a cru trancher la difficulté en établissant un quatrième règne auquel il donne le nom de Psychodiaire. M. Bory de Saint-Vincent a laissé la question indécise comme nous le verrons plus tard, an = en anne mnt 0 ri INTRODUCTION. 17 de la plupart des facultés animales, de celles même des organes qui les donnent; enfin, l’on ne peut parve- nirà connaître ce qui constitue la vie animale la plus réduite , ni quelle est la seule faculté qu’elle puisse donner à l’être qui en jouit. Ainsi, pour montrer combien tout ce que l’on a écrit sur les facultés que possèdent les animaux et sur les caractères qui leur sont communs à tous , est peu pro- pre à nous les faire réellement connaître, ne peut que nous abuser, et entrave les vrais progrès de la zoologie, je ne saurais choisir un texte plus authentique que celui qu'offre le mot animal dans lé Dictionnaire des Sciences naturelles, l’auteur connu de cet articleétant un anatomiste et un zoologiste des plus célèbres de notre temps , et en eflet, des plus distingués. « Rien, dit ce savant, ne semble si aisé à définir que l'animal : tout le monde le conçoit comme un être doué de sentiment et de mouvement volontaire; mais lors- qu'il s’agit de déterminer si un être que l’on observeest ou non un animal, cette définition devient très difñ- cile à appliquer ». ( Dict. des Sciences naturelles. ) (1) Il est clair, d’après cela, que je suis fondé à insister sur l’examen de ce qui constitue la nature animale, puisque le savant que je cite ne désapprouve pas lui- même la définition que tout le monde donne des ani- maux; qu’il la trouve seulement difficile à appliquer ; RER (1) Cet article est de G. Cuvier, et il mérite d’être lu et méditécomme tout ce qu'a produit ce sayant naturaliste. On voit qu’en adoptant la définition vulgaire de l'animal , il sentait la difficulté de l'appliquer à tous les animaux, et cependant il fallait qu’elie le satisfit en grande partie, puisqu'il ne fit aucun effort pour la remplacer par une autre plus rationnelle. Depuis la publication de l’ouvrage de Lamarck , un autre z00logiste des plus distingués a également cherché à définir l’animal. Nous verrons plus tard que M. de Blaïnville a mieux réussi que Cuvier, mais n’a pas atteint à la justesse désirable dans un pareil sujet. TOME 1. 2 19 INTRODUCTION. et qu'elle est encore recue dans tous Îles ouvräges et dans tous les cours de zoologie » les miens seuls ex- ceptés. ts Sans doute, en conservant une pareille définition , st qui fut imaginée dans des temps d’ignorance, et d’après la seule considération des animaux les plus parfaits, il est maintenant très difficile de Ï appliquer à à quantité d’ètres que nous observons se bu: jour ; mais on peut ajouter que cette définition n’est pas même applicable au plus grand nombre des animaux reconnus. La raison de cette difficulté pourra facilement se con- cevoir , si je montre qu'il n’est pas vrai que tous les animaux soient doués de sentiment et de mouvement volontaire. Alors on sentira que cette définition que l’on donne partout des animaux, est une erreur que les lumières actuelles doivent repousser ; et pour s’en convaincre, ii sufhra de rassembler et de considérer les faits connus que je citerai dans le cours de cet ouvrage. Si l’on en excepte les parties de l’art dans les scien- ces naturelles, parties qui consistent dans des distinc- tions que l’on emploie à former des classes, des ordres, des genres et des espèces , je me crois autorisé à dire qu’il n’y aura jamais rien de clair , rien de positif en zoologie , tant que l’on continuera d’admettre, pour circonscrire les animaux, la définition citée ci-dessus; tant que l’on méconnaîtra les rapports constants qui se trouvent entre les systèmes d’organes particuliers et les facultés que donnent ces systèmes; en un mot, tant que l’on ne considérera pas certains principes fonda- mentaux sans lesquels la théorie sera toujours arbi- traire. Aussi, tant que les choses subsisteront détre cet état, on verra PRÉ en zoologie ce qui : a lieu actuelle- à ne PR nous dire positivement ce que d'est INTRODUCTION. 19 qu’un animal. Enfin, on aura un champ. ouvert aux hypothèses les plus singulières, comme celles de dire que certains organes soul confondus dans la substance irritable et sensible des animaux , afin d'expliquer pourquoi ces organes ne se retrouvent plus dans les plus imparfaits, tt on a besoin de supposer qu'ils y existent encore et qu'ils y exécutent leurs fonctions. Ici, je devrais éclaircir toutes ces considérations , montrer l’inconvenance des préceptes admis, et prou- ver qu'à l égard de ceux que nous voulons fé subs- ütuer, il ne s’agit point d’hypothèses nouvelles, mais de vérités GIE ; évidentes, sur lesquelles les obser- vations ne peuvent autoriser le moindre doute , , lors- qu’on voudra les examiner. Cependant, il importe, avant tout, de poser les prin- cipes fondamentaux suivants, afin d'empêcher tout arbitraire dans les conséquences que les faits connus permettent de tirer. Principes fondamentaux. © Principe : Tout fait ou phénomène que l’observa- tion peut faire connaitre, est essentiellement phy- sique, et ne doit son existence Ou sa production qu’à des corps, ou qu’à des relations entre des corps. 2° Principe : Tout mouvement ou changement, toute force agissante , et tout effet quelconque , observés dans un corps. tiennent nécessairement à des cAœ- ses mécaniques, régies par des lois. 3° Principe : Tout fait ou phénomène observé dans un corps vivant, est à la fois un fait ou phénomène physique, et un produit de l’organisation. 4° Principe : Il n’y a dans la nature aucune matière _ quiaiten propre la faculté de vivre. Tout corps 2* 20 INTRODUCTION. a en qui la vie se manifeste, offre dans le produit de l'organisation qu’il ue et dans celui d’une suite de mouvements excités dans ses parties , le phénomène physique et OFSaRIqUE que la wie cons- titue (1), phénomène quis’exécute et se maintient dans ce corps, tant que les conditions essentielles à sa production subsistent. 5° Principe : Il n’y a dans la nature aucune matitre qui ait en propre la faculté d’avoir ou de se former des idées, d'exécuter des opérations entre des idées, en un mot , de penser. Là où de pareils phénomè- nes se montrent ( et l’on en observe de cette sorte dans les animaux les plus parfaits ), l’on trouve toujours un système d’organes particuliers, propre _à les produire ; système dont l'étendue et l’inté- grité sont constamment en rapport avec le degré d’éminence et l’état des phénomènes dont il s’agit. 6° Principe: Enfin, il n’y a dans la nature aucune ma- tière qui ait en propre la faculté de sentir. Aussi, là où cette faculté peut être constatée , là seulement se trouve, dans le corps vivant qui en est doué, un système d'organes particulier, capable de donner lieu au phénomène physique, mécanique et orga- nique qui, seul , constitue la sensation. À ces principes, à l’abri de toute contestation solide, et sans lesquels la zoologie serait sans fondements, j’a- jouterai : 19 Qu'il ya toujours un rapport parfait entre l’état, soit d’intégrité ou d’altération , soit d’étendue ou de perfectionnement d’une faculté org ganique , et celui de l'organe ou du système d’organes qui la produit. 209 Que, plus une faculté organique est éminente, (1) Philosophie zoologique , vol, 3, p. 400, INTRODUCTION. - : 21 plus l'organisation à laquelle appartient le système d'organes qui y donne lieu, est composée. |: 1 #60té étayé suï ces principes que l’observa- tion met partout en évidence, je vais faire voir que ni la faculté de penser , de juger, de vouloir, ni celle d’éprouver des sensations , ne peuvent être le propre de tous les animaux; car elles ne peuvent l'être de ceux qui sont les plus simpies en organisation ; ce que je prouverai. | D'abord, je dois faire remarquer que la faculté qui, dans un degré quelconque, constitue ce qu’on nomme l'intelligence , c’est-à-dire, qui donne à l'individu le pouvoir d'employer des idées , de comparer , de juger, de vouloir ; que cette faculté, dis-je, est très distincte de celle qui constitue le sentiment; qu’elle lui est bien supérieure, et qu’elle en est tout-à -fait indépen- dante. On peut, en effet, penser, juger, vouloir, sans éprou- ver aucune sensation , et l’on sait que si l'organe très composé qui donne lieu aux actes d'intelligence, vient à être lésé, à subir quelque altération, les idées alors ne se présentent plus qu’avec désordre, se dérangent, soit partiellement , soit totalement, selon la partie altérée de l’organe ou l’étendue de l’altération , et même se perdent entièrement si l’altération est considérable ; tandis que la faculté de sentir reste dans son intégrité et n’en éprouve aucun changement. Qui ne sait que la folie, la démence, sont les résul- tats d’une altération invétérée dans l’organe où s’exé- cute le phénomène de la production des idées , et des opérations entre les idées, comme le délire est la suite d’une altération du même organe , mais qui est plus passagère, étant produit par une fièvre ou une affection moins durable. Or, dans tous ces cas, et particulière- ment dans la folie où le fait est plus facile à constater, 22 INTRODUCTION. il est connu que l’organe du sentiment n’est nb | M intéressé, qu'il conserve l'intégrité de ses fonctions, enfin, que les sensations s’exécutent conime dans l'état de santé (1). ( Le système d< organes qui donne lieu aux opérations entre les idées, aux jugements, aux actes de volonté, n’est donc pas le même que celui qui produit les sen- sations ; puisque le premier peut éprouver des lésions qui altèrent ses facultés, sans exercer aucune influencé sur celles du second. La faculté d’ employer des idées étant très distincte, très indépendante même de celle de sentir, et les ani- maux les plus parfaits jouissant évidemment de l’une et de l’autre, nous allons montrer que ni l’une ni l'au- tre de ces facultés ne peuvent être le propre de tous les animaux en général. Relativement au mouvement volontaire attribué à tous les animaux, dans la définition que l'on donne de ces êtres, que l’on prenne en considération les obser- vations qui concernent les actes de volonté; bientôt alors on sera convaincu qu ’1l n’est pas vrai, qu ’il est même impossible que tous les animaux puissent for- mer des actes de cette nature; qu’ils ne sauraient tous avoir l’organisation assez torblguée , «Pl appareil d’organes particulier capables de donner lieu à une faculté aussi éminente: et qu'il n’ya réellement € que les plus parfaits d’entre eux qui puissent posséder une pareille faculté. (r) Ces idées sur laïfolie, que Lamarck nefait qu'indiquer en passant, ont été plus tard développées avec un talent bien remarquable par un homme auquel la science médicale est redevable des progrès les plus importants qu “elle ait fait dans les temps modernes ; et le livre de l’i érri tation et de la folie n’a pas pu contribué à réparndre les plus saines doctrines sur lés fonctions du cerveau. INTRODUCTION, 23 Il est certain et reconnu que la volonté est une dé- termination par la pensée ; Qui ne peut avoir lieu que lorsque l’être qui veut, peut ne pas vouloir; que cette détermination résulte d’actes d'intelligence , c’est-à- dire, d'opérations entre les idées; et qu’en général , elle s’opère à la suite d’une comparaison , d’un choix , d’un jugement , et toujours d’une préméditation. Or, comme toute préméditation est un emploi d’idées, elle suppose, non-seulement la faculté d’en acquérir, mais, en outre, celie de les employer et de former des actes d'intelligence. De pareilles facultés ne sauraient être le propre de tous les animaux; et celle sur-tout de pouvoir exécu- ter des actes d'intelligence étant assurément la plus éminente de celles que la nature ait pu donner à des animaux , on sent qu’elle exige, dans le petit nombre de ceux qui en sont doués , un système d’organes par- ticulier, très composé, que la nature n’a pu faire exis- ter qué dans la plus compliquée des organisations ani- males. On peut dire même qu’elle n’y est parvenue qu'insensiblement et par des degrés en quelque sorte nuancés; qu’en l'instituant d’abord d’une manière très obscure, et terminant ensuite par la rendre très remarquable dans les plus parfaits des animaux. Ainsi, tout acte de volonté étant une détermination par la pensée, à la suite d’un choix, d’un jugement, et tout mouvement volontaire étant la suite d’un acte de volonté , c’est-à-dire, d’une détermination par la pré- méditation, et conséquemment par acte d'intelligence, dire que tous les animaux soient doués de mouvement volontaire, c’est leur attribuer à tous généralement des facultés d’intelligence : ce qui ne saurait être Vrai, ce qui ne peut être le propre de toutes les organisations animales, ce qui contredit l’observation des faits rela- üfs aux plus imparfaits desanimaux, enfin, ce qui cons- 24 INTRODUCTION. titue une erreur manifeste , que les lumières de motre siècle ne permettent plus de conserver (1). cdd Mais quoique ce soient les plus parfaits d’entre les vertébrés qui puissent le plus agir volontairement ; c'est-à-dire , à la suite d’une préméditation , parce qu’en effet, ils possèdent, dans certains degrés, des fa- cultés d'intelligence, l'observation atteste que chez les animaux dont il s’agit, ces facultés sont rarement exer- cées, et que dans la plupart de leurs actions , c’est la puissance de leur sentiment intérieur, ému par des be- soins, qui les entraînent et les fait agir immédiate- ment, sans préméditation, et sans le concours d’aucun acte de volonté de leur part. Je n'ai point de terme pour exprimer cette puissance intérieure dont jouissent non-seulement les animaux intelligents, mais encore ceux qui ne sont douésque de la faculté de sentir ; puissance qui, émue par un besoin ressenti, fait agir immédiatement l'individu , c'est-à-dire, dans l'instant même de l’émotion qu’il éprouve; et si cet individu est de l’ordre de ceux qui sont doués de facultés d’inteiligence , il agit néan- moins , dans cette circonstance, avant qu'aucune pré- méditation , qu'aucune opération entre ses idées, ait provoqué sa volonté. (1) Ce qui précéde répond de la manière la plus claire à ceux des zoologistes qui confondent les actes de l'instinct avec ceux de lintelli- gence. Dire que les abeilles, Les fourmis, etc. pensent, jugent, comparent avec les ganglions abdominaux de leur système nerveux dépourvu du cerveau; c’est faire une proposition sans aucun fondement. Il n’y a d’ac- tion volontaire que lorsqu'il y a choix de faire ou ne pas faire. Les ani- maux sans vertèbres agissent nécessairement : dès qu’un insecte estpar- venu à l’état parfait, ses actes seront, dès cet instant même, ce qu'ils se- ront pendant toute sa vie, ces actes lui sont imposés comme une fatalilé à laquelle il ne peut se soustraire ; l’animal intelligent depuis sa naïis- sance jusqu’à sa mort, expérimente sans cesse les circonstances exté- rieures dans la perfection que lui permet son organisation, les compare -etchoisit, > 4 | INTRODUCTION. 25 C’est un fait positif , et qui n’a besoin que d’être re- marqué pour être connu ; savoir : Que dans les ani- maux dont je viens de parler, et dans l’homme même, par la seule émotion du sentiment intérieur, une action se trouve aussitôt exécutée, sans que-la pensée, le juge- ment, en un mot, la volonté de l'individu y ait eu au- cune part; et l’on sait qu’une impression ou qu’un besoin subitement ressenti, suflit pour produire cette émotion. . Ainsi , nous-mêmes, nous sommes assujettis, dans certaines circonstances , à cette puissance intérieure qui fait agir sans préméditation. Et, en effet, quoique très souvent nous agissions par des actes de volonté positive, très souvent aussi chacun de nous, entraîné par des impressions intérieures et subites, exécute une multitude d'actions, sans l’intervention de la pensée et conséquemment d’aucun acte de volonté. Cette puissance singulière, qui fait agir sans prémé- aitation et à la suite des émotions éprouvées, est celle-là même que l’on nomme instinct dans les animaux. On vient de voir qu’elle ne leur est point particu- lière, puisque nous y sommes aussi assujettis ; à cette considération j'ajouterai qu’elle ne leur est pas même générale; car les animaux que j'ai nommés apathiques, commene jouissant point du sentiment, ne sauraient agir par des émotions intérieures, enfin , ne sauraient avoir d’instinct. Ce n’est point ici que je dois développer le fonde- ment de ces observations; mais ce qui est positif , et ce qu’il est essentiel de dire, c’est que, parmi les causes immédiates , soit de nos actions, soit de celles des ani- maux , il faut nécessairement distinguer celles qui s’exécutent à la suite d’une préméditation qui amène la volonté, de celles qui se produisent immédiatement. à la suite des émotions du sentiment intérieur; et 26 INTRODUCTION. qu’il faut même distinguer celles -là de cellesiquine sont dues qu’à des excitations de l'extérieur; car tou tes ces causes immédiates d'actions sont essentiellement différentes, et tous lesanimaux ne sauraient être assu- jettis à la puissance de chacune d’ellés; l’étendue des différences d’organisation ne le permettant pas. Ainsi, il n’est pas vrai que tous les animaux généra- lément soient doués de mouvement volontaire, c’est-à- dire, de la faculté d’agir par des actes de volonté; ces actes étant essentiellement précédés de préméditation. Voyons maintenant si la faculté de sentir est réelle- ment le propre de tous les animaux, c’est-à-dire, si le sentiment, dont on a fait l’un des caractères distinctifs des animaux dans la définition qu’on en donne, ce qui se trouve copié dans tous les ouvrages et répété par- tout , leur est véritablement général ; ou, si ce n’est pas une faculté particulière à certains d’entre eux, comme l'est celle de mouvoir voluntairement leurs parties. Il n’est aucun physiologiste qui ne sache très bien que, sans l'influence d’un système nerveux, le senti- ment ne saurait être produit. C’est une condition de rigueur; et l’on sait même que ceux’ des nerfs qui fournissent à certaines parties la faculté de sentir, cessent aussitôt, par leur lésion, d’y entretenir cette faculté. C’est donc un fait positif que le sentiment est un phénomène organique; qu'aucune matière quel- conque n’a en elle-même la faculté de sentir(Pbhil, zool., vol. 2, p. 252); et qu’enfin, ce n’est que par le moyen des nerfs que le phénomène du sentiment peut se pro- duire. Il résulte de ces vérités, que personne actuelle- ment ne saurait contester qu’un animal qui n’aurait point de nerfs ne saurait sentir, | à jé ajouterai maintenant, comme seconde pet , que le système nerveux doit être déjà assez avancé dans INTRODUCTION: 27 sa composition pour pouvoir donner lieu au phéno- mène du sentiment; car, je puis prouver que, pour sentir, il ne suffit point à un animal d’avoir des nerfs; mais qu’il faut en outre que son système nerveux soit assez avancé dans sa composition pour que le phéno- mène de la sensation puisse se produire en lui. Ainsi, pour que le sentiment soit une faculté générale aux animaux, il faut nécessairement que le système nerveux, qui seul y peut donner lieu, soit commun à tous sans exception ; qu'il fasse partie de tous les sys- tèmes d'organisation que l’on observe parmi eux; que partout il y puisse exécuter ses fonctions ;et que la plus simple des organisations animales soit een à mu- nie , non-seulement de nerfs, mais en outre de l’appa- reil nerveux propre à produire le sentiment, tel que celui qui se compose, au moins, d’un centre de rapport auquel se rendent les nerfs qui peuvent causer la sen- sation. Or, ce n’est pointlà du tout ce que la nature a exécuté à l’égard de tous les animaux connus; et ce n’est pas la non plus ce que.les faits observés confir- ment. | Dans les plus sipaples et les plus imparfaits des vé- ga, la nature n’a établi que la vie végétale ; elle n'a pu modifier le tissu cellulaire de ces corps, et y tra- cer diflérentes sortes de canaux. De même , dans les animaux les plus imparfaits et les plus simples en organisation , elle n’a établi que la vie animale, c’est-à-dire, que l’ordre des choses essen- tiel pour ja faire exister ; aussi dans les corps gélaui- neux et presque sans consistance qui lui sufhirent pour cet objet, elle n’a pu ajouter aucun organe particulier quelconque. Cela est évident, et l’observation de ces animalcules atteste quelle n’a point fait autrement. Que l’on cherche tant qu’on voudra dans une mo- nade, dans une vwolyoce, ou dans une protée, des nerfs a8 INTRODUCTION. aboutissant à un cerveau ou à une moelle longitüdi- nale, ce qui est nécessaire pour la production du sen- timent, on sentira bientôt l’inutilité, Le ridicule même de cette recherche. Comme la nature a compliqué graduellement l’orga- nisation animale, et a multiplié progressivement les facultés à mesure qu’elles devenaient nécessaires , ce que je prouverai bientôt, on reconnaît en s’élevant dans l’échelle animale, à quel point de cette échelle commence la faculté de sentir; car dès que cette fa- culté existe, l’animal qui en jouit offre constamment un appareil nerveux , très distinct, propre à la pro- duire; et presque toujours alors, un ou plusieurs sens particuliers se montrent à l’extérieur. Enfin , lorsque l’appareil nerveux en question ne se trouve plus, qu’il n’y a pius de centre de rapport pour les nerfs, plus de cerveau, plus de moelle longitu- dinale ; jamais alors l’animal ne présente aucun sens distinct. Or, vouloir, dans ce cas, lui attribuer le sentiment , tandis qu’il n’en a pas l’organe, c’est évi- demment se bercer d’une chimère. On me dira peut-être que c’est un système de ma part, de vouloir assurer que le sentiment wa point lieu dans un animal en qui l’on ne voit point de nerfs, ou même qui en est réellement dépourvu ; puisque l’on sait qu’en bien des cas la nature sait parvenir au même but, par différents moyens. À cela je répondrai que ce serait plutôt un système de la part de ceux qui me feraient cette objection; car ils ne sauraient prouver : 10 Que le sentiment soit nécessaire aux animaux qui n’ont point de nerfs; 2° Que là où les nerfs manquent, la faculté de sentir puisse néanmoins exister. | INTRODUCTION. 29 Ce n’est assurement qne par système qu’on pourrait supposer de pareilles choses. Ox, je puis montrer que si la nature eût donné la faculté de sentir à des animaux aussi imparfaits que les imfusoires , les polypes , eic. , elle eût fait en cela une chose à la fois inutile et dangereuse pour eux. En eflet, ces apimaux n'ayant jamais besoin de choisir les objets dont ils se nourrissent, de les aller chercher , enfin , de se diriger vers eux, mais les trouvant tou- jours à leur portée, parce que Îes eaux qui en sont rem- plies , les tiennent sans cesse à leur disposition, l’in- telligence pour juger et choisir, le sentiment pour’ connaître et distinguer , seraient pour eux des facultés superflues et dont ils ne feraient aucun usage. La der- nière même (Ja faculté de sentir) serait probablement nuisible à des animaux si délicats. Le vrai en cela est que ce fut d’abord d’après les organisations animales les plus perfectionnées que l’on s’est formé une opinion sur la nature des animaux en général ; et maintenant, cette opinion reçue fait que l’on se sent porté à regarder comme système toute considération qui tend à la renverser, quelqu’appuyée qu’elle soit par les faits et par l’observation des lois de la nature. Sans avoir besoin d’entrer ici dans plus de détails, je crois avoir prouvé qu'il n’est pas vrai que tous les animaux soient généralement doués du sentiment; j'ai démontré même que cela est impossible : 1° Parce que tous les animaux ne possèdent point l’appareil nerveux nécessaire à la production du sen- timent; 20 Parce que tous les animaux ne sont pas même munis de nerfs, et qu’il n’y a que des nerfs aboutis- sant à un centre de rapport, qui puissent donner lieu à la faculté de sentir; 30 INTRODUCTION. 30 Parce que la faculté d'épro uver des sensations nest pas nécessaire à tous les animaux , et qu’elle pourrait même être très nuisible aux plus frélén et aux plus im- Lip de ces êtres; ia 4° Parce que le sentiment est un phénomène organi- que, et non la faculté particulière d'aucune matière quelconque ; et que ce phénomène, quelque admirable qu’il soit, ne saurait être produit que par le système d'organes qui en a le pouvoir; | 50 Enfin, parce qu'on observe que le système ner- veux, très compliqué dans les mammifères et sur-tout dans les animaux des premiers genres des quadru- manes, Va en se dégradant et se simplifiant de plus en plus à mesure que l’on descend lécheile animale; qu'il perd progressivement, dans cette marche , plusieurs des facultés dont il faisait jouir les animaux ; et qu’il disparaît entièrement lui-même, long-temps avant d’avoir atteint l’autre extrémité de l’échelle. Si ce sont là des vérités attestées par l’observation; si tous les animaux ne possèdent pas la faculté de sen- tir, et n'ont pas celle d’agir volontairement , combien est fautive la théorie généralement reçue, qui admet pour définition de l'animal, la faculté du sentiment et celle du mouvement volontaire (1). Je ne m'étendrai pas ici davantage sur ce sujet; mais ayant beaucoup de recressements à présenter, relati- vement aux principes qu’il convient d'admettre en zoologie, et devant compléter les considérations essen- tielles qui peuvent, par leur connexion évidente, mon- trer le fondement de ces principes, je vais diviser cette Introduction en sept parties principales. bu ) La réfutation de Lamarck estcomplète : elle est fondée sur ce que le raisonnement a de plus juste ; elle est la conséquence nécessaire de l'appréciation rigoureuse, les faits relatifs à l’organisation des animaux, INTRODUCTION « 34 Dans la première , je traiterai des caractères essen- tiels dés animaux, comparés à ceux des autres corps naturels que nous pouvons connaître , et je donnerai unedéfinition précise de ces êtres singuliers. J'établirai , dans la seconde, l’existence d’une pro- gression de Ja composition de l’organisation des dif- férents animaux, ainsi, que dans le nombre et l’émi- nence des facultés qu'ils en obtiennent. Ce fait établi d’après l’observation , deviendra décisif en fayeur de la théorie proposée. Je traiterai dans la troisième, des moyens employés par la nature mors instituer la vie animale dans un corps où elle n’existait pas, composer ensuite progres- sivement l’organisation des animaux, et établir en eux différents organes particuliers , graduellement plus compliqués, qui leur donnent des facultés en rapport avec ces organes. Dans la quatrième partie, les facultés observées dans les animaux seront toutes en errtr te comme des phé- nomènes uniquement organiques , et jen offrirai la preuve. Dans le cinquième, je considérerai la source des pen- chants et des passions, soit des animaux sensibles, soit de l’homme même, et je montrerai qu’elle est un vé- ritable produit du sentiment intérieur, et par suite, de l’organisation. +304 la sixième , l’enchaînement des causes essen- tielles à considérer m’oblige à traiter de la nature, c’est- à-dire, de la puissance, en quelque sorte mécanique, qui a donné l’existence aux animaux divers, et qui les a fait nécessairement ce qu’ils sont. J’essaierai de fixer les idées que nous devons attacher à ce mot si générale- ment employé , et néanmoins si | vague dans son accep- tion. Enfin, dans la septième et dernière partie, j’expo- 32 INTRODUCTION. serai la distribution générale des animaux, ses divi- sions, et les principes sur lesquels cette distribution doit être fondée. Dès lors, le rang des différents ani- maux sans vertèbres, et les rapports de ces êtres avec les autres corps connus de notre globe, seront claire- ment déterminés. INTRODUCTION. 33 PREMIÈRE PARTIE. DES CARACTÈRES ESSENTIELS DES ANIMAUX, COMPARÉS A 7 CEUX DES AUTRES CORPS DE NOTRE GLOBE. Jusqu'ici, j'ai essayé de faire voir que le plan géné- ral de nos études des animaux était fort imparfait, et n’avait guère de valeur qu’à l’égard des nos classifica- tions , de nos distinctions d'espèces, etc. J'ai montré effectivement, que ce plan n’embrassait nullement les moyens de nous procurer des notions exactes, de ce que sont réellement les animaux , de ce qu’ils tiennent de la nature, de ce qu'ils doivent aux circonstances, enfin , de la source et des limites de leurs facultés ; en sorte qu’il est résulté du plan borné de nos études zoologiques, qu’actuellement même, nous ne sommes pas encore en état d’attacher au mot animal, des idées claires, justes et circons- crites. Pour fixer définitivement nos idées sur ce que sont essentiellement les animaux, ainsi que sur les carac- tères qui leur sont exclusivement propres , et pour établir la véritable définition qu’il faut donner de ces êtres, il m’a paru indispensable de comparer de nou- veau ces mêmes êtres à tous ceux de notre globe, qui ne sont point doués de la vie, et ensuite à ceux des corps vivants qui ne font point partie du règne animal, afin de déterminer les limites positives qui séparent ces différents êtres. TOME 1, 3 34 INTRODUCTION. © Bien des personnes pourront regarder comme super- flues les nouvelles déterminations des coupes primaires, parmi les productions de la nature, dont j'entends faire ici l'exposition ; supposant que celles que l’on a établies sont suffisamment bonnes , assez connues , et qu'aucune rectification ne leur est ERA EE | J'aurai cependant occasion de montrer les incertitudes que les distinctions primaires dont il s’agit n’ont pas dé- truites , en citant les écarts évidents auxquels ellesont : donné lieu, même dans nos temps modernes. | Ainsi, reprenant dans ses fondements mêmes , l’édi- fice entier de nos distinctions des corps naturels, je vais considérer d’abord ce que sont essentiellement les corps incapables de vivre; j’examinerai ensuite ce qui constitue positivement les corps doués de la vie, et quelles sont les conditions que l'existence et la conser- vation de la faculté de vivre exigent en eux. De là, passant à l’examen des végétaux en général, je mon- trerai que ces corps vivants ont un caractère particu- lier qui les distingue tellement des animaux, qu’ils ne sauraient se confondre avec eux par aucun point de leur série. Enfin, ne m’occupant que des considéra- tions essentielles qui peuvent fixer ces distinctions primaires, et n’entrant dans aucun détail afin d’ar- river rapidement à mon but, je terminerai par exposer, pour les animaux, des caractères essentiels et distinc- üfs, qui ne laisseront nulle part, ni incertitude, ni exception quelconque. Alors, ia définition de chacune de ces sortes de corps, se trouvera simple, claire, pré- cise et tranchée. Pour remplir cet objet, je vais diviser cette pre- mière partie en quatre chapitres particuliers, et com- mencér par celui qui a pour but de fixer la détermina- tion des caractères essentiels des corps incapables de vivre, INTRODUCTION. 35 CHAPITRE PREMIER. Des corps inorganiques, soit solides ou concrets, soit fluides, en qui le phénomène de la vie ne saurait se reproduire, et des caractères es- sentiels de ces corps. Avant de rechercher ce que sont positivement, soit les animaux, soit les végétaux, il importe de connai- tre ce que sont, de leur côté, les corps qui ne sau- raient jouir de la vie, et de fixer nos idées sur l’état et la nature de ces corps incapables de vivre. Alors, les comparant avec ceux en qui le phénomène de la vie peut se produire, les caractères qui indiquent la li- mile qui sépare ces deux sortes de corps , pourront être mis en évidence , s’ils existent. _Mon dessein n’est assurément pas de considérer ici aucun des corps inorganiques en particulier, ni d’en- trer dans le moindre détail sur l’étude déjà fort avan- cée de ces corps; mais comme nous devons tâcher de nous former une idée juste et claire de l’animai, ous efforcer de le connaître sous tous ses rapports, et que l'animal est essentiellement un corps vivant, il nous importe, avant tout, de savoir en quoi les corps inea- pables de posséder la vie, différent de ceux qui en jouis- sent ou peuvent en jouir. Rae Ainsi, jetons un coup d’œil rapide sur ces corps in- capables de vivre, et qui cependant fournissent les matérieux de ceux que ia vie anime; et fixons, d'une manière positive, la limite qui la sépare des corps vivants. Quoiqu'admise, cette limite n’est pas tellement déterminée, qu’on ait bien des fois tenté de la fran- 4% 36 INTRODUCTION. chir de notre temps, en attribuant la vie à des objets dans lesquels il est impossible qu'elle puisse exister (1). En examinant atlentivement tout ce que nous pou- vons observer hors de nous, tout ce qui peut affecter nos sens et parvenir à notre connaissance, nous remar- quons que, parmi tant de corps divers qui sont dans ce cas, certains d’entre eux offrent cela de particulier, qu’ils manquent de rapports communs ; relativement à leur origine, que leur durée et leur volume ou leur grandeur n’ont rien qui soit déterminable ; que la con- servation de leur existence n’est assujettie à aucun be- soin de leur part, et serait sans terme, si, par suite du mouvement répandu dans toutes les parties de la nature, et si, agissant plus ou moins les uns sur les autres, selon les circonstances de leur situation, de leur état et des affinités, ils n’étaient plus ou moins exposés à des changements de toutes les sortes; et qu’enfin, quoique beaucoup moins nombreux en es- _pèces que les autres , ces corps constituent, à eux seuls, la masse principale du globe que nous habitons. Or, c’est à ces mêmes corps, soit solides, soit liquides, soit élastiques et gazeux, que nous donnons le nom de corps inorganiques; et nous allons faire voir qu’en aucun d’eux le phénomène de la vie ne saurait se pro- duire. Afin d’écarter le vague et ioute opinon arbitraire à leur égard , déterminons d’abord leurs caractères essentiels. (1) N’a-t-on pas osé dire que le globe terrestre est un corps vivant ; qu'il en est de même des différents corps célestes; et confondant le phénomène organique de la vie, qui donne des facultés toujours les mêmes aux corps en qui on l’observe, avec le mouvement constamment répandu dans toutes les parties de la nature, n’a-t-on pas osé assimiler la nature même aux êtres doués de la vie! ( Vote de Lamarck. ) INTRODUCTION. 37 Caractères généraux des corps inorganiques. Les corps inorganiques , de quelque nature, consis- tance et grandeur qu'ils soient, diffèrent essentielle- ment de ceux qui possèdent la vie; | 10 En ce qu’ils n’ont l'individualité spécifique que dans la molécule intégrante, qui constitue leur espèce particulière, les masses et les volumes que peuvent former, par leur réunion ou par leur aggrégation, ces molécules, n’ayant point de bornes, et n’opérant au- cune modification de l'espèce dans leurs variations; 20 En ce qu'ils n’ont point tous un même genre d’origine; les uns s'étant formés par l’apposition de molécules déposées successivement à l’extérieur, et les autres ayant été produits, soit par des décompositions partielles ou des altérations de certains corps, soit par des combinaisons que des matières diverses et en con- tact ont été exposées à former ; 30 En ce qu'ils n’ont point un tissu cellulaire ser- vant de base à une organisation intérieure ; mais seule- ment une structure, un état quelconque d’aggrégation ou de réunion de leurs molécules ; 4° En ce qu'ils n’ont aucun besoin à satisfaire pour leur conservation ; 42 59 En ce qu’ils n’ont point de facultés, maïs seule- ment des propriétés ; 60 En ce qu'ils n’ont point de terme assigné à la durée d’existence des individus, leur fin, comme leur origine , étant indéterminée et tenant à des circons- tances fortuites ou accidentelles ; 7° En ce qu'ils n’ont aucun développement à opérer en eux, qu'ils ne forment pointeux-mêmes leur propre substance, et que ceux qui éprouvent des mouve- ments dans leurs parties, ne les acquièrent qu’acci- 38 INTRODUCTION. dentellement, et ne Îles reçoivent jamais par excita- tion. 80 Enfin, en ce qu’ils ne sont pointassujettis à des pertes nécessaires ; qu'is ne sauraient réparer eux- mêmes Îles aïtérations que des causes fortuites peuvent leur faire éprouver; qu’ils ne sont point essentiellement forcés à une succession gradueile de changement d'état; qu’ils n’offrent dans leur aspect , ni les traits de la jeu- nesse , ni ceux de la vieillesse ; en un mot, que ne con- naissant point la vie, ils n’ont point de mort à subir{x). Tels sont les caractères essentiels des corps incrgani- ques, de ces corps dont la nature et l’individualité de l'espèce, ne résident absolument que dans la molécule intégrante qui les constitue, et dont aucun individu ne saurait en lui-même posséder la vie, parce qu'il est impossible qu'une molécule intégrante puisse offrir le phénomène de la vie, sans être détruite dans l'instant même; enfin , de ces corps qui, par la réunion de leurs molécules , peuvent former des masses diverses dans lesquelles la vie peut exister, mais seulement dans le cas où elles ont pu être organisées, et recevoir dans leur intérieur l’ordre et l’état des choses qui per- mettent les mouvements vitaux et les changements qu ils exécutent. | » 44 ® En effet, la vie, dans un corps; consistant, comme je le prouverai, en une suile de mouvements qui amè- nent dans ce corps une suite de changements forcés , la nature ne saurait l’instituer dans une molécule in- (1) Cette définition que Lamarck a donnée dans cette forme: pour être facilement comparée à celles du végétal et de l'animal, pourrait être réduite, car la propriété essentiellement distinctive des corps inor- ganiques est de s’accroître de dehors en dedans par additions molécu- laires, tandis que les corps organisés s’accroissent de dedans en dehors par assimilation ou intus susception. INTRODUCTION. 39 tégrante quelconque, . sans détruire aussitôt l’état, la forme et les propriétés de cette molécule. Ne sait-on pas que le propre de toute molécule intégrante est de ne pouvoir conserver sa nature et ses propriélés, qu'au- tant qu’elle conserve sa forme, sa densité et son état ? en sorte que c’est uniquement sur cette constance de forme pour chaque espèce, que sont fondés les prin- cipes de la crystallographie que M. Haüy a si heureu- sement découverts et si habilement développés. Ainsi , la ve ne saurait exister dans une molécule intégrante de quelque nature qu’elle soit; et cepen- dant tout corps inorganique n’a l’individualité de son espèce que dans sa molécule intégrante. Elle ne sau- rait exister non plus dans une masse de molécules in- tégran tes réunies, si celte masse n’a recu l’organisation qui lui donne alors }’ individualité, c Puis si elle n’a recu dans son intérieur l’ordre et l’état de choses qui permettent en elle l’exécution des mouvements vitaux. Voila des vérités de fait qu'il était important d'éta- bhr, et qui montrent l’intervalle considérable qui sé- pare les corps inorganiques de ceux qui sont vivants. Ce n’est, comme nous le verrons, que dans une masse de molécules intégrantes diverses, réunies en un corps particulier , que la nature peut instituer la vie, et jamais dans une molécule intégrante seule; et elle n yparvient que lorsqu'elle a pu établir dans ce corps particulier, l’état et l’ordre de choses nécessaires pour que le phénomène de la vie puisse s’y produire. Or, cet état et cet ordre de choses nécessaires à la produc- üon de la vie, constituent à la fois et l’organisation de ce corps, et son individualité spécifique. Il en résulte qu'à l’instant même où un corps qui jouissait de la vie, a perdu dans ses parties l’état des choses qui permet- taient l'exécution de ce phénomène, et qu'ilest, par cette 40 INTRODUCTION. perte, devenu incapable de l’offrir désormais ; aussitôt alors ce corps perd lindividualité HAL et fait partie des corps INOTSAniqUes ; quoiqu il présente en- core les restes grossiers d’une organisation qu’il a pos- sédée, organisation qui achève graduellement de s’anéantir, ainsi que la propre substance de ce même corps. La vue des restes de lors ta d’un corps qui a vécu , mais en qui le phénomène de la vie ne peut plus s’exécuter, ne saurait donc laisser aucun doute sur le règne auquel ce corps appartient alors. Ainsi, les corps généralement appelés inorganiques, et qui forment un règne si distinct des corps vivants, n’ont pas pour RES unique, de n’offrir: aucune apparence d’organisation ; mais ils ont celui d’avoir leurs parties dans un état qui rend impossible en eux la production du phénomène de la vie. Ces caractères mis en opposition avec ceux des corps vivants , nous font connaître l’existence d’un hiatus, en quelque sorte immense , entre les uns et les autres; hiatus constitué par l’impossibilité des uns de donner lieu au phénomène de la vie, tandis que l’exécution de ce phénomène est possible et presque toujours ef- fectif dans les autres. Aussi ces deux sortes de corps comparés, présentent une si grande diflérence dans tout ce qui les concerne, qu’il n’est pas possible de trouver un seul motif raisonnable pour supposer que Ja nature ait pu les réunir quelque part, c’est-à-dire, passer des uns aux autres par une véritable nuance. Par leur rapprochement et l’amas qu’en a causés Ja gravilation universelle, les corps inorganiques cons- tituent eux seuls la masse principale du globe que nous habitons ; et bien inférieurs aux corps vivants en diversité d’espèces, ce sont eux cependant qui, par les grands voinmes et les grandes masses qu’ils forment, ® INTRODUCTION. 4x occupent presque entièrement la place que tient dans l’espace le globe terrestre. À leur égard , néanmoins, les volumes et les masses de ces corps ne se conservent pas toujours indéfini- ment; car ceux sur-tout qui se trouvent à la surface du globe , éprouvent sans cesse, de la part des agents répulsifs et pénétrants qui y dominent, des effets qui détachent peu à peu les particüles de leur superficie. Alors, les lavages produits par les eaux pluviales, en- traînent, charrient et déposent ailleurs successivement ces particules; et toutes celles qui se trouvent réduites en molécules intégrantes libres, l’aggrégation les réunit et les consolide en nouvelles masses, ou en accroît les masses déjà existantes qui les reçoivent. À l’action des agents répulsifs et pénétrants , qui ne font que séparer les particules des corps que les cir- constances où elles se trouvent rendent séparables, si l’on ajoute celle des agents altérants ou chimiques, qui peut aussi s'exercer sur ces mêmes corps , ainsi que celle des affinités qui dirigent alors chaque action de ces agents, on aura dans ces trois grandes causes, celles qui donnent lieu à toutes les mutations qu’on observe dans la nature, les volumes et les masses des corps inorganiques. Il n'importe nullement à mon objet d'indiquer ici la nature particulière d’aucun des corps inorganiques qui ont été observés ; mais la nécessité où je suis d’at- ürer Fattention sur certains de ces corps, parce qu'ils jouent un grand rôle dans le phénomène de la vie, et parce que ce phénomène ne saurait s’exécuter saus eux; cette nécessité, dis-je, me met dans le cas de m'occuper ici sommairement des corps incapables de vivre, et de les distinguer, dans cette vue, en corps solides ou con- crets, et en corps fluides. Les corps inorganiques solides présentent des ma- 42 INTRODUCTION. ta: tières diverses, le plus souvent composées , Los elet des masses plus ou moins dures, plus ou moins denses, et de différente grandeur. Ges masses résultent d’une aggrégation de molécules intégrantes, soit homogènes, soit hétérogènes, qui ont entre elles une adhérence ou une cohésion plus où moins considérable : or, chacur sait : ë NA Que ces masses le plus souvent pierreuses, nous offrent des terres diverses, qui se rencontrent les unes pures, les autres mélangées; les unes acidifères, les autres sans union avec aucun acide, "R Qu’en outre, parmi ces masses solides de toute grandeur et diversement entassées les unes sur les au- tres, on trouve des acides et des alcalis presque tou- jours combinés avec quelque matière concrète , des métaux différents, soit natifs, soit oxidés ; des matières combustibles dans l’état concret, soit pures, soit mé- langées ou combinées; enfin des aggrégats divers, la plupart sous forme de roche d’ancienne et de nouvelle formation, ainsi que d°: matières pierreuses altérées par le feu des volcans. lle Tous ces objets constituent te matériaux d’ une science particulière que l’on a nommée minéralogie; et ce sont eux principalement que l’on considère commecomposant le règne minéral. Ils n’intéressent celui qui s'occupe du phénomène de la vie, que. comme fournissant une partie des matériaux qui forment les corps vivants. Les cor ps inorganiques {luides sont constitués par ri matières dont les molécules intégrantes, quellesqu’elles soient , n’ont point d’adhérence entre elles, ou.en ont une si faible qu’elle ne saurait les retenir, dans leur situation, lorsque la gravitation sollicite Jeur dépla- cement. Par une cause connue, les molécules de: ces corps sont entretenues dans cet état. INTRODUCTION. 43 Ces corps fluides doivent aussi faire partie du règne que je viens de citer; car on sait que la plupart forme- raïent des corps solides ou concrets, si la cause qui maintient leur fluidité n’agissait plus. | On prendra de ces fluides une idée générale qu'il importe de ne pas perdre de vue, en considérant : 10 Que les uns sont des fluides liquides, peu ou point compressibles, et qui, réunis en masse , se voient toujours aisément. Or, indépendamment de ceux qui font partie de différents corps concrets et que l'on en peut obtenir, l’eau considérée dans”son état ordinaire, et qui est si abondamment répandue dans notre globe, nous offre le principal de ces fluides liquides; 20 Que les autres sont des fluides élastiques, gazeux, et la plupart entièrement invisibles. Or, c’est parmi ceux-ci quil est nécessaire d'établir une distinction; car il y en a de deux sortes particulières, qui sont très importantes à considérer , à cause de leur influence dans un grand nombre de DH ÉnoENE qui seraient imintelligibles sans la considération de cette influence : ainsi il faut les diviser; 19 En fluides élastiques coërcibles , contenables et sensiblement pondérables ; 20 En fluides subtils , incontenables et qui peu sent incoërcibles , étant pénétrants et pour nous im poñdérables. | Lés fluides élastiques , coërcibles , contenables , pondérables , sont ceux dont on peut renfermer et con- server des portions dans des vaisseaux clos; ce qui nous donre des moyens de les examiner et de les bien con- naître , en les soumettant à nos expériences. L'air atmosphérique et les différents gaz dont les chimistes nous ont donné la connaissance , appartien- nent à cette division. Les fluides subtils, incontenables, pénétrants et. + 44 INTRODUCTION. impondérables, sont ceux dont on ne peu saisir et con- server aucune portion dans des vaisseaux clos; que nous ne pouvons soumettre que difficilement et très imparfaitement à nos expériences; que nous ne COn- naissons qu'incompiètement , mais dont cependant l'existence nous est assurée par l’observation. Or, ce sont précisément ces fluides subtils qu'il nous importe le plus ici de considérer; car ce sont ceux qui, dans notre globe, produisent les phénomènes les plus étonnants, les plus curieux, les moins connus; ce sont ceux qui, par leur action sans cesse renou- velée, constituent la cause excitatrice des mouvements vitaux dans tout corps organisé en qui ces mouve - ments sont exécutables; en un mot, ce sont ceux que le biologiste ne saurait se dispenser de prendre en con- sidération, s’il veut entendre quelque chose au phé- nomène de la vie, et saisir la cause des autres phéno- mènes que la vie, dans les animaux, peut amener successivement, en compliquant de plus en plus leur organisation. On sait assez que les fluides singuliers et incontena- bles dont je parle, fluides qui sont si pénétrants et si subtils, sont le calorique, l'électricité , le fluide ma- gnélique , etc. , auxquels peut-être il faut joindre la lumière, à cause de sa grande influence sur l’état et la conservation des corps vivants (1). Ces fluides subtils remplissent partout, quoiqu'iné- galement , la masse entière de notre globe et son at- (1) Outre qu’il peut exister d’autres fluides incontenables et très subtils que nous ne sommes pas encore parvenus à apercevoir ou à dis- tinguer, je n’associe la lumière qu'avec doute , aux autres fluides que je viens de citer; parce que cette matière n’appartient pas exclusive- ment à notre globe, et parce qu’elle paraît à peine un fluide , ses parti- cules ne se mouvant qu’en ligne droite. ( Vote de Lamarck. ) INTRODUCTION: 45 mosphère. La piupart pénètrent, se répandent et se meuvent sans cesse, soit dans les interstices des autres corps, Soit dans leur porosité ; enfin, ils sont si impor- tants à considérer , qu’il est certain que, sans eux, ou au moins sans certains d’entre eux, le phénomène de la vie ne saurait être produit dans aucun corps. | Indépendamment de ses mouvements de déplace- ment, un d'entre eux au moins ( le calorique ), se trouve constamment dans un état répulsif plus ou moins intense , selon le degré de coërcion dans lequel il se rencontre. Il tend donc sans cesse à écarter ou à séparer les particules réunies des corps. L’électricité elle-même est dans un cas semblable, toutes les fois que des masses de cette matière se trou- vent coërcées momentanément par une cause quel- conque. Je viens de dire que les fluides subtils et pénétrants cités ci-dessus , sont sans cesse en mouvement dans les différentes parties de notre globe, dans tous les mi- lieux qui composent sa masse, dans les interstices et même dans la porosité des corps. De cette vérité, qu’at- testent les faits connus qui concernent ces fluides, il résulte que ces mêmes fluides sont partout dans une activité continuelle , et qu’ils exercent une influence réelle sur la plupart des phénomènes que nous obser- vons. Or, pour momirer que les fluides subtils dont il s’agit, sont sans cesse en mouvement dans notre globe, il n’est uullement nécessaire d'attribuer à aucun d’eux le moindre mouvement en propre; il suffit de consi- dérer que, par leur extrême mobilité et leur facile condensation, ils sont, plus même que lesautres corps, assujettis à participer aux mouvements répandus et en- tretenus dans toutes les parties de ia nature. ) Ainsi , sans remonter à Ja cause du mouvement Ld 46 INTRODUCTION. diurne de rotation de ‘notre globe sur son axe, ni à celle de son mouvement annuel autour du soleil, nous ferons remarquer que ces deux mouvements non.in- terrompus de notre globe, entraînent nécessairement ceux des fluides subtils dont il est question; qu'ils les exposent à des déplacements continuels, et les mettent sans cesse, pour ainsi dire, dans un état d’agitation. et de condensation instantanée el diverse. En effet, que l’on considère les alternatives perpé- tuelles de lumière et d’obscurité que le jour et la nuit entretiennent sur diflérents points ‘de notre globe, celles que les saisons, les vents, etc. , produisent pres que continuellement dans son atmosphère, on senlira qu’il doit en résulter des variations locales et toujours renaissantes, dans la température et la densité de l’air atmosphérique, dans la sécheresse ou l’humidité de diverses parties de sa masse , et dans les quantités d’é- lectricité qui pourront se reproduire et s’accumuler localement dans l’atmosphère, ou en être expulsés plus ou moins complètement , selon ces diverses cyrcons- tances. | Il sera toujours vrai de dire que, dans chaque point considéré de notre globe où ils peuvent pénétrer , la lumière, le calorique, l'électricité, etc , ne s'y trouvent pas deux instants de suite en même quantité, en même état, et n’y conservent pas la même intensité d’ac- tion. | L’on sent donc que les fluides subtils, incoërcibles et pénétrants , dont il vient d’ètre question , consti- tuent nécessairement une source féconde en phénomè- nes divers : et qu'eux seuls peuvent offrir cette cause singulière, excitatrice des mouvements vitaux dans les corps où ces mouvements sont possibles. Nous étant formé une idée claire des caractères es- sentiels des corps inorganiques , soit solides, soit flui- INTRODUCTION | 47 des, passons maintenant à l'examen de ceux qui sont le bras des corps vivants (1). | EE"... — ; ez3 — CHAPITRE IE. Des corps vivants, et de leurs caractères essentiels. De l’idée, plus ou moins juste, que nous nous for- merons des corps vivunis en général, dépendront. la solidité plus ou moins grande de nos connaissances sur le phénomène de la vie , et celle aussi , plus ou moins grande , de nos théories physiologiques , soit végétales, soit animales. bis Nous devons donc apporter la plus grande circons- pection dans les conséquences que nous lirerons des faits mêmes pour cet objet ; et nous rappeler que c’est sur-tout ici qu’il faut éviter notre écueil ordinaire, celui de conclure du particulier au général. Sans doute, il est très dangereux de rechercher direc- tement, à l’aide de notre imagination , ce que sont les corps vivants, ce qu'est la vie elle-même qu’ils possè- (1) Les découvertes récentes de la physique et de la chimie font sup- poser avec quelque raison que la chaleur, l'électricité et le magnétisme ne sont que des modifications d’un même agent. Les belles découvertes de M. Duperrey , qui a démontré la coïncidence parfaite des lignes isothermes avec celles d'égale intensité magnétique, tendent à prouver que le magnélisme n’est que la manifestation de la chaleur propre du globe terrestre. ‘ Des physiologistes recommandables pensent que le fluide magnétique modifié d’une manière particulière, est Pégent essentiel de la vie, et que les appareils nerveux ne sont destinés qu’à le contenir, ie renouveler et le transmettre ; mais les êtres vivants qui n’ont point de nerfs, com- ment expliquer la vie chez eux dans cette hypothèse ? à INTRODUCTION. dentet qui les distingue des corps qui ne sauraient en jouir! mais j’ai depuis long -temps remarqué et fait connaître une voie plus assurée pour atteindre le même but sans s’exposer autant à l’erreur ; c’est celle de fixer, d’après l'observation , les conditions essentielles à l’existence des corps vivants, et ensuite à celle de la vie. La détermination de ces conditions n’exige aucun raisonnement de notre part, mais seulement un fon- dement reconnu ou incontestable dans les faits cités. Enfin, ces mêmes conditions , en nous éclairant sur la nature des objets considérés, deviendront les caractères distinctifs de certains de ces objets. Avant d'établir positivement ces caractères, et con- séquemment les conditions essentielles à l’existence des corps vivants, considérons les observations sui- vantes. A mesure que notre attention fut dirigée sur ce qui est hors de nous , sur ce qui nous environne, et particulièrement sur les objets qui se sont trouvés à la portée de nos observations, outre les corps inorgani- ques et sans vie qui constituent presque la masse en- tière de notre globe, nous avons distingué et reconnu l'existence d’une multitude de corps singuliers qui, quelque différents qu’ils soient les uns des autres, ont tous une manière d’être qui leur est commune et à la fois particulière. Ces corps, en effet, ont tous un même genre d’ori- gine, des termes à leur durée , et des besoins à satis- faire pour se conserver, et ne subsistent qu’à l’aide d’un phénomène intérieur qu’on a nommé la wie , et d’une organisation qui permét à ce phénomène de s’exécuter. | Voilà déjà, dans ce peu de faits positifs, des condi- tions essentielles à l’existence de ces corps. Il y en a INTRODUCTION. 49 bien d’autres encore que je citerai bientôt; et l'on sentira que ce ne peut être que de leur ensemble que naîtra la seule idée juste que nous puissions nous for- mer des corps dont il s’agit. Ayant exposé dans ma Philosophie zoologique (vol. 1, p. 400) les conditions essentielles à l’existence de la wie, je ne vais m'occuper ici que des corps en qui ce phénomène s’exécute ou peut se produire. C’est aux corps singuliers et vraiment admirables dont je viens de parler, qu’on a donné le nom de corps vivants; et la vie qu’ils possèdent, ainsi que les facul- tés qu’ils en obtiennent, les distinguent essentielle- ment des autres corps de la nature. Ils offrent en eux et dans les phénomènes divers qu’ils présentent, les matériaux d’une science particulière qui n’est pas en- core fondée, qui n’a pas même de nom, dont j'ai proposé queïques bases dans ma Philosophie zoologique, et à laquelle je donnerai le nom de Biologie. On conçoit que tout ce qui est généralement com- mun aux végélaux et aux animaux, comme toutes les facultés qui sont propres à chacun de ces êtres, sans exception , doit constituer l’unique et vaste objet de la Biologie ; car les deux sortes d’êtres que je viens de citer, sont tous essentiellement des corps vivants, et ce sont les seuls êtres de cette nature qui existent sur notre globe. Les considérations qui appartiennent à la Biologie sont donc tout-à-fait indépendantes des différences que les végétaux et les animaux peuvent offrir dans leur nature, leur état et les facultés qui peuvent être particulières à certains d’entre eux. Si les facultés généralement communes aux êtres vivants, et qui sont exclusives pour tous les autres, nous paraissent admirables, nous semblent même des merveilles, telles que celles : TOME 1. 2 5ô INTRODUCTION. 10 d’ offrir en eux L phénomène de la vie; bo de se nourrir à l’aide de matières étrangères res corporées ; 30 de former eux-mêmes les ae - dont kur corps est composé, ainsi que celles qui s’en séparent Par les sécrétions ; 40 de se développer et de s’accroître jusqu’à un terme particulier à à chacun d'eux ; bo de se régénérer eux-mêmes, c’est-à- dire, de pro- duire d’autres corps qui leur soient en tout sem- blables , etc., C’est parce que nous n’avons pas réellement Shadié les moyens de la naturc et la marche constante qu'elle suit en les employant ; ; c’est parce que nous n’ayons pas examiné l’influence qu'exercent les circonstances et les variations qu’elles exécutent dans les produits de ces moyens. Par ce défaut d'étude et d’examen de ce qui a réelle- ment lieu, les faits observés à l’égard des corps vivants, nous paraissent des merveilles inconcevables; et nous croyons pouvoir suppléer aux observations qui nous manquent sur les moyens et la marche de ia nature, en imaginant des hypothèses qui seraient bientôt re- poussées par les lois qu’elle suit dans ses °RSTAAORS ’ si nous les cunnaissions mieux. Par exemple, ne prétend-on pas que les engrais fournissent aux végétaux des substances particulières, autres que l’humidité, pour les nourrir; tandis que ces matières, plus propres que les autres à conserver l'humidité (l’eau divisée), ne servent qu’ à entretenir autour des racines des plantes celle qui est favorable à leur végétation. Et si certains engrais sont plus jette e que d'autres à certaines races; n'est-ce pas parce qu ils conservent l'humidité dans le degré qui leur convient? Enfin, si les particules de certaines INTRODUCTION. 51 matières entraînées par v eau que pompent les racines, donnent à ces végétaux les qualités particulières, cela empêche-t-il que ces matières ne soient vraiment étrangères et nullement nécessaires à la végélation de ces plantes? Je me borne à la citation d’un seul exemple de nos états dans les conséquences que nous tirons des faits observés à l'égard des corps vivants; d’autres exemples m'entraîneraient trop hors de mon sujet. Je dirai seulement que, ne considérant pas certaines limites que la nature ne saurait franchir, bien des personnes commettent une erreur en croyant qu'il existe une chaîne graduée qui lie entre eux les difié- rents corps qu’elle a produits. Il suivrait de cette opinion que les corps inorganiques se nuanceraient quelque part avec les corps vivants, savoir, avec les. végétaux les plus simples en organisation; et que les végétaux eux-mêmes, tenant le milieu entre les deux autres règnes, se confondraient avec les animaux par quelque point de leur série réciproque. L’imagination seule a pu donner lieu à une pareille idée, qui ést ancienne, et qu’on a renouvelée dans dercnts ouvrages pioness Mais je prouverai qu’il n’y a point de chaîne réelle qui lie généralement entre elles les productions de la nature, et qu’il ne peut s’en trouver que dans certaines branches des séries qu’elles formént ; encore ne s’y montre-t-elle que sous certains rapports généraux (1). (x) 11 n’estidone pas juste de dire, comme l’a fait encore tout fécérñ= ment le savant Geoffroy Saint-Hilaire, dans son mémoire intitulé Pa- læontographie (page 12; note 6), que Lamarck a reproduit et déve- loppé la pensée de Telliämud; il la combat au contraire ici comme dass la philosophie zoologique , ainsi que dans la suite de cette intro- duction, ( deuxième partie etc., de l'existence d’une progression duns les animaux ). 4" 52 INTRODUCTION. Pour éviter les raisonnements, les discussions par- ticulières, et faire connaître les conditions essentielles à l’existence des corps vivants, je vais exposer les vrais caractères de ces corps. Ilsme fourniront une distinction positive et très grande entre les CP inorganiques et ceux qui jouissent de la vie. Ensuite, j'en établirai une de toute évidence entre les plantes et les animaux: en sorte que l’on pourra se convaincre que ces toi branches des produits de la nature sont véritablement isolées, et ne se lient nulle part entre elles par aucune nuance. Déjà nous avons vu les caractères essentiels des corps inorganiques , auxquels il faut joindre ceux qui, pos- sédant les restes d’une organisation qui a existé en eux, sont devenus incapables dé être animés par la vie. Main- tenant, pour effectuer notre comparaison , examinons les principaux traits qui caractérisent les corps vivants, et qui mettent, entre eux et les corps inorganiques, une distance considérable. Caractères généraux des corps vivants. Les corps vivants , par des causes physiques déter- minables, ont tous généralement : 10 L’individualité de l’espèce existante dans la réu- nion , la disposition et l’état des molécules inté- grantes diverses qui composent leurs corps, et jamais däns aucune de ces molécules considérée séparé- ment (1); (1) L’individualité spécifique des corps vivants réside toujours dans une masse résultante de la réunion et de la disposition de molécules intégrantes diverses ; mais elle est tantôt simple et tantôt composée." Elle est simple, lorsqu’elle réside dans le corps entier ; elle est'com- posée, lorsque le corps entier est lui - même composé d'individus réunis. Dans la plupart des végétaux, comme dans un grand nombre de 1 INTRODUCTION, à 53 A corps composé de deux sortes essentielles de so sayoir : de parties concrètes, toutes ou la plu- part contenantes, ei de fluides libres eontenus; les remières élant généralement constituées par un tissu cellulaire De. susceptible d’être modifié diverse- ment par les mouvements des fluides contenus, et de former différents organes particuliers: 30 Des mouvements internes, dits witaux, qui ne sont produits que par des causes excitatrices ou stimu- lantes; mouvements qui peuvent être, soit accélérés, soit ralentis ou même suspendus, mais qui sont né- cessaires aux développements de ces corps: 4° Un ordre ou un état de choses dans les parties qui, tant qu'ils subsistent, rendent possibles les mouvements vitaux dont l’exécution constitue le phé- nomène de la vie {1); mouvements qui amènent dans le corps une suite de changements forcée ; polypes, l’individualité est évidemment composée ; en sorte qu’elle résulte d'individus réunis, mais distincts, qui donnent lieu, en général], a un corps commun non individuel (a). (Vote de Lamarck. ) (1) Dans ma Philosophie zoologique (v. 1, p. 403), j'ai fait voir que la vie , dans tout corps qui en est doué, résulte dans ce corps de l’exis- tence d’un ordre et d’un état de choses dans ses parties, y permettent les mouvements organiques ou vitaux, et que ces mouvements néanmoins ne s’exécutent qu’à la provocation d’une cause excitante. . Ainsi, la vie, dans un corps, consiste en une suite de mouvements excités , qui s’y renouvellent et s’y maintiennent tant que l’ordre et l’état de choses dans ses parties les permettent, et que la cause qui les excite est subsistante. Il faut donc reconuaître dans un corps vivant l'existence simultanée de ces deux conditions essentielles à la produc- tion du phénomène de la vie. ( Vote de Lamarck. ) (a) Dans ces derniers temps un anatomiste fort distingué, M. Dugès, dans un mémoire intitulé Conformités organiques, a proposé de donner le nom de zonite à l’animal simple, dont plusieurs individus réunis con- stitaent un animal plus composé. M. Dugés n'a pas cité cette note de Lamarck, quoiqu'il présentät sous une autre forme et un peu modifiée la même idée : nous reviendrons plus tard sur ce sujet intéressant. 54 ar INTRODUCTION. 5° Des pertes à subir et ob réparations à opérer , entre lesquelles une parfaite égalité ne saurait exister; et d’où résulte dans tout corps animé par la vie, une succession de changements d'état, qui amène pour chaque individu, la différence de la : jeunesse à la vieil- lesse , et ensuite sa destruction au moment où le phé- nomène de la vie cesse de pouvoir se produire ; ; 6o Des besoins à satisfaire pour leur conservation, ce qui les met EAU la nécessité de s'approprier des matières étrangères qui les nourrissent , et qu'ils chan- gent et transforment en leur propre ARTE . 7° Des développements à opérer pendant un temps quelconque dans toutes les parties ; développements qui constituent leur accroissement jusqu’à un terme articulier à chacun d’eux, et qui produisent Ja diffé- rence de taille, de volume et d'état, entre le corps nouvellement FAEICE et le même corps développé complétement ; : 8o Un même genre d’origine (1); car ils provien- nent les uns des autres, non par des développements successifs de germes préexistans ; mais par l'isolement et ensuite la séparation qui s'opère d’une partie de leur corps, ou d’une portion de leur substance, la- quelle, préparée selon le système d'oncatiin sis de l'individu, donne lieu au mode particulier de repro- duction qu’on lui observe; 9° Des facultés qui leur sont généralement com- munes , et qui sont exclusives pour tous les corps vivants, indépendamment de celles qui. sont particu- lières à certains d’entre eux; (1} Il faut en excepter les générations, dites spontanées, c’est-a-dire celles que la nature produit immédiatement , commae à l’origine de chaque règne organique, et probablement encore à celle des premières de teurs branches. ( Note de Lamarck. 7 INTRODUCTION. 55 +: 100 Enfin, des termes assignés à la durée d’ exislence des individus; la vie, par sa propre durée, amenant Het une altération des parties qui, parvenues a un certain point, ne date plus au phénomène qui la constitue de continuer de s’ opérer: en sorte qu ’alors la plus légère cause de désordre arrête ses mouvements, et c'est à l'instant de leur cessation , sans possibilité dé retour , qu’on nomme la mort de V individu. Ce sont-là les dix caractères essentiels des Corps vivants , caractères qui leur sont communs à à tous. Or, on ne trouve rien de semblable à l'égard des corps inorganiques. Leur nature HAT est très différente. Par cette opposition des caractères qui distinguent les corps vivants de ceux qui ne peuvent posséder la vie, on apercevra facilement l’énorme différence qui se trouve entre ces deux sortes de corps; et l’on con- cevra, malgré tout ce que l’on peut dire, qu'il n’y a point d’intermédiaire entre eux, point de nuançe qui les rapproëhe et qui puisse les réunir. Les uns et les autres, néanmoins, sont de véritables productions de la nature : ils résultent tous de ses moyens , des mouvements répandus dans ses parties, des lois qui en régissent tous les genres ; enfin des affinités, grandes ou petites, qui se trouvent entre les différentes ma- tières qu’elle emploie dans ses opérations. Quoique les corps vivants soient ici ceux qui nous intéressent le SEE puisque les objets dont nous avons à nous occuper en font partie , je ne développerai aucun des caractères cités qui leur sont propres. Je rappellerai seulement quelques considérations impor- tantes, qui dérivent de ces caractères , et qu Al est né- tmmur de ne pas perdre de vue; savoir: 1° Que tous exigent, pour pouvoir vivre, c'est-à- dire, pour que leurs mouvements vitaux puissent 3. 56 INTRODUCTION. d'u $ s’exécuter , non-seulement un état et un ordre de choses dans leurs parties, qui permettent les mouve- ments de la vie, mais en outre l’action d’une cause stimulante capable d’exciter ces mouvements; 2" Que leur corps étant essentiellement constitué par un tissu cellulaire, ce tissu est en quelque sorte la gangue dans laquelle des fluides contenus et mis en mouvement, ont formé diflérents organes, selon que les mouvements de ces fluides se sont plus accélérés, plus diversifiés, et se sont exécutés dans des parties plus différentes ; | 30 Que tous, à l’aide des matières étrangères dont ils se saisissent ou qu’ils absorbent, et dont ensuite ils élaborent, assimilent et s’approprient les parties employées, composent eux- -mêmes leur propre sub- sance, en accroissent leurs parties tant que cela est possible, et en réparent plus ou moins complétement les pertes : ce sont-là leurs principaux besoins; 4° Que toutes leurs parties, et sur-tout leurs fluides propres, sont dans un éfat continuel de changement lent ou rapide; que les molécules qui les constituent, se composent pour arriver à l’état qui les rend utiles, s’altérent ensuite, et sont renouvelés de même par des remplacements successifs à l’aide des aliments, des absorptions , de l’influence de l’oxigène et de l’activité de la vie; en sorte que des changements que ces parties subissent dans leurs molécules intégrantes, il résulte dans leurs solides, des renouvellemerts perpétuels quoique insensibles, et dans leur fluide essentiel, l'existence d’éléments propres à la formation dediverses matières particulières, dont les unes utiles, sont sécré- tées et employées, tandis que les autres, inutiles, sont évacuées par les excrétions diverses; 5° Que tous se développant et s’accroissant jusqu’à un terme particulier à chacun d’eux, ne le sont que INTRODUCTION» 57 par intus-Susception , c'est-à-dire par une force inté- rieure ou par des actes d’organisation , qui forment et développent leurs parties par l’intérieur, en identifiant à leur substance et fixant les molécules étrangères in- troduites et assimilées ; 6o Que tous, ayant la faculté de reproduire, quoi- que par des voies variés, des individus semblables à eux , rapportent dans ces nouveaux individus produits, tous les changements qui se sont opérés dans leur système d'organisation pendant le cours de la vie: 7° Que la vie que chacun d’eux possède, n’est point un être, un corps, une matière quelconque, qu’elle n’est point un ensemble de fonctions (1); mais qu’elle est un phénomène physique, résultant d’un ordre de choses et d’un état de parties qui, tant qu’ils se con- servent, permettent dans ces corps les mouvements et les changements qui constituent ce phénomène, et qu’une cause stimulante y excite ; 80 Que dans tous, ce sont les actes mêmes de la vie qui produisent tous les genres de changement qu’on observe dans ces corps, qui leur donnent des facultés communes, et qui amènent progressivement en eux, l’état de choses qui les fait périr; 9° Enfin, que par sa durée dans un corps et dans ceux ensuite qui en proviennent de génération en gé- nération , le vie favorisant de plus en plus le mouve- ment et le déplacement des fluides , acquiert sans cesse les moyens de modifier davantage le tissu cellulaire, (1) On a dit que la vie était un ensemble de fonctions : c’est à tort ; car des fonclions n'étant que des actes de l’organisation et des ses par- ties , ni la vie , l’organisation elle-même , ne sont et ne peuvent être des fonctions : elles sont seulement, l’une, la cause , et l’autre, les moyens qui donnent lieu à ce que des fonctions s’exécutent. 1 ( Vote de Lamarck. ) 58 INTRODUCTION. d'en changer des portions en canaux vasculaires, en membranes , en fibres, en organes divers; de fortifier, durçir ou solidifies certaines de ces parties, par lin- terposition, dans leur tissu , de molécules propres à ces objets, et parvient ainsi à compliquer progressivement l’organisation. Les dix caractères essentiels qui distinguent les corps vivants des autres corps naturels, et les neuf considé- rations capitales que J'y viens d'ajouter, présentent un ensemble d’idées qui appartient exclusivement à ces corps. Resserrons maintenant cet ensemble dans les deux considérations suivantes; elles nous aideront, au be- soin, dans ia détermination des rapports entre les objets. Les fonctions les plus générales que l’organisation ait à remplir dans les corps vivants, sont au nombre de deux; savoir : | 10 Celle de nourrir , de développer et de conserver l'individu ; 2° Celle de le reproduire et de lé multiplier. Ces deux fonctions sont principales et du premier ordre, puisque depuis l’organisation la plus simple jusqu’à celle qui est la plus compliquée dans sa com- position , toutes généralement les remplissent l’une et l’autre, quoique avec une grande diversité de moyens. Dès que la wie existe dans un corps, c est-à-dire, dès que l’état de ses parties et l’ordre des choses qui s’y trouve, permettent à ce phénomène de se produire, l’organisation de ce corps est alors capable de remplir les deux fonctions dont il s’agit. Mais, comme elle le fait évidemment par des moyens variés , selon son état de simplicité ou de composition, il en résulte que, dans le système d’organisation la plus simple, ces deux fonctions s’exécutentsans organes spéciaux quelconques; tandis qu'ils sont absolument nécessaires, et qu’ils se INTRODUCTION. 59 composent de plus en plus, à mesure que l’organisa- tion se compose elle-même davantage. Effectivement, les organisations les plus simples se trouvant formées de substances elles-mêmes très peu composées, les mo- lécules nutritiyes introduites n’ont presque point de changements à subir pour être assimilées, identifiées. Dans ce cas, les mouvements et les forces de la vie suffisent , et il ne faut pas d'organes particuliers pour la nutrition. Le fait observé à l'égard des corps vivants les plus simples, prouve que les choses se passent ainsi. C’est donc à tort que l’on a supposé, dans tous les corps vivants, des organes particuliers pour exécution de chacune de ces deux fonctions ; qu'on a prétendu que ceux nécessaires pour la génération, coexistaient toujours avec ceux de la nutrition; et que l’existence des organes destinés à ces Pacions devait constituer le caractère des corps vivants. Ce que l’on peut dire de plus fondé à cet égard , c’est que la naiure étant parvenue, dans certains corps vivanis, à instituer des organes particuliers, d’abord pour la première et ensuite pour la seconde de ces fonctions, les caractères que fournissent ces organes sont véritabiexent les plus importants à considérer dans la aétermination des rapports; les fonctions qu’ils ont à remplir étant elles-mêmes de première impor- tance. Mais il n’est pas vrai que, dans tout corps vivant quelconque, il y ait des organes particuliers, soit pour l’une, soit pour l’autre des deux fonctions dont il s’agit; car les organisations les plus simples, végétales ou animales, n’en offrent ni pour la reproduction, ni pour la nutrition, à moins qu’on ne prenne les pores absorbants de l’extérieur pour des organes particuliers. Maintenant, si l’on rassemble méthodiquement les dix caractères essentiels des corps vivants, en y ajou- 60 YNTRODÉCTION. | tant les neuf considérations qui viennent ensuile, € et si l’on a égard aux deux fonctions cénérales que l’orga- nisation , "aaanie qu’elle soit, doit remplir, on aura des bases solides et incontestables pour une Philosophie biologique partout d'accord avec les observations con- nues; on reconnaîtra facilement que les différents phénomènes que nous offrent les corps vivants sont tous véritablement physiques ; ; que leurs causes mêmes sont déterminables, quoique difficiles à saisir; en un mot, on sentira que la seule voie à suivre, pou "avan- cer nos connaissances dans cette intéressante partie de la nature, ne peut être autre que celle de donner la plus nbe attention aux caractères cités des corps vivants, et aux considérations que j'y ai ajoutées. Après avoir perdu la vie qu’ils possédaient , les corps dont il s’agit font partie, dès l’instant même, des corps qu'on nomme enorganiques, quoiqu’ils offrent encore les restes d’une organisation qui a exisié complétement en eux; et bientôt ils se trouvent réGuits à l'état des autres Corps inorganiques. Alors, en eflet, leurs parties se décomposent pro- gressivement, se dénaturent, se séparent .@E leurs différents résidus ou produits, de plus en plus changés, ‘perdent peu à peu les traits de leur origine qui devient graduellement méconnaissable. Enfin , ces résidus changés concourent, avec les circonstances, à la for- mation d’autres matières plus ou moins composées , et vont augmenter la masses des diverses sortes de miné- raux et de matières inorganiques , soit solides, soit liquides, soit gazeuses. La différence qui existe entre un corps vivant el un corps inorganique, ne consiste donc réellement qu en ce que, dans le premier, l’état des parties permet en lui la production du phénomène de la VIE , qui n’a besoin que d’une cause excitante pour avoir lieu, tandis & INTRODUCTION : G: que , dans le REC 4 ce phénomène est impossible, même malgré l’action de toute cause excitante. Cette différence se retrouve encore en ce que, dans le corps vivant, l’individualité réside dans un ensemble de molécules intégrantes diverses; tandis que, dans le corps inorganique, cetie individualité réside en en- Lier dans chaque molécule intégrante seule. Cet état des parties, qui rend HAE dans un corps, l’exécution des mouvements vitaux , est si peu déter- minable, que l’homme ne saurait parvenir à l’imiter. Aussi l'analyse et la synthèse détruisent et reprodui- sent à volonté plusieurs corps ou matières inorgani- ques ; mais il est impossible à l’homme de former un corps vivant, ni une seule de ses parties. Ce sont-là des faits positifs, des vérités qui n’ont rien à redouter d’un examen approfondi. Je n’en ex- pose ici qu'une esquisse resserrée , mais elle est suffi- sante pour nous diriger dans nos études. En appendice de ce chapitre, disons un mot des corps vivants composés. Corps vivants composés. C’est, sans doute, un fait bien étonnant et à peine croyable que celui de l’existénce de corps vivants com- posés d'individus réunis, qui adhèrent les uns aux autres, et participent à une vie commune ; et SÉPSRS dant, quelque extraordinaire que ce fait nous paraisse, on ne saurait maintenant le révoquer en doute. | _ On n’eût peut-être jamais remarqué ce fait, s’il eût été borné au règne végétal dans lequel il se trouve presque général , et où il est en quelque sorte masqué par un mode particulier qui le rend moins distinct. Mais, dans les animaux, où ce même fait ne s’offre guère que dans une seule de leurs classes, il s'y mon- Î 62 INTRODUCTION. tre avec tant d’évidence, qu’on a été forcé de 16 recone naître. C’est , effectivement , dans les animaux , | que l'on s’est aperçu, pour la pr emière fois, que la nature avait su former des corps vivants composés, c’est-à-dire, résultant d’une réunion de plusieurs individus dis- tincts, adhérant les uns aux autres, se nourrissant et vivant en commun. Ainsi, ce fait singulier est main- ténant constaté dans le règne animal ; et dans cerègne, c’est presque uniquement parmi les polypes qu’on en trouve des exemples. Ën examinant attentivement le fait dont :l s’agit, ôn reconnaît bientôt qu ’ilest loin d’être uniquement le propre de cèrtains animaux; car la nature l’a rendu bien plus général parmi les végétaux. Or, de part et d’autre , une distinction importante dans son mode d’exécution mérite d’être faite. Par exemplé, parmi les polypes, dont un si grand nombfe présente des animaux véritablement composés, il faut distinguer ceux qui, quoique composés d’indi- vidus qui tiennent les uns aux autres, ne paraissent point donner lieu à la formation d’un corps commun, doué d’une vie indépendante de celle des individus, de ceux, pareillement composés , dont les individus concourent chacun à la formation et à l’aggrandisse- ment d'un corps commun et particulier, qui survit aux individus qu'il produit successivement. Cette dis- tinction n’est pas toujours sans difficulté ; ; et néan- moins, sans elle, la source d’une multitude de faits observés, sur-tout parmi les végétaux, ne saurait être 1econnue. | Les polypes composés , de la première sorte, c’est-à dire , ceux qui ne forment point de corps commun particulier et bien distinct, nous paraissent trouver des exémples dans {es vorbicèlles rameuses, dans Jes INTRODUCTION. 63 hydres, dans les polypes des polypiers vaginiformes , des polypiers à à réseau, etc. Ces polypes, à corps grêle et plus ou moins alongé, adhèrent les uns aux autres sans agglomération et sans offrir l’apparence d’un corps cemmun survivant aux individus. Ceux , au contraire, qui ont un corps commun sur- vivant à tous les individus qui se développent, se régénèrent et périssent successivement sur ce Corps; ceux-là , dis-je, continuent la deuxième sorte de po- TOR et paraissent trouver des exemples dans les polypes agglomérés, tels que ceux des astrées, des méandrines , des alcyons, des éponges, etc. C’est sur- tout dans jee pob (ai flottants que ce COTpS commun jouissant d’une vie indépendante, ne laisse plus de doute sur son existence, Or, nous verrons qu’un pa- reil corps est éminemment reconnaissable dans un grand nombre de végétaux composés. Il est certain que ; si l’on considère les Delphes ag- glomérés cités ci-dessus , et si l’on examine ce qui se passe à leur égard , on se convaincra qu'ils constituent dans l’eau, une masse commune vivante produisant sans cesse à sa Surface des milliers d'individus distincts qui y adhèrent, se développent rapidement , se régé- nèrent et périssent bientôt après , se trouvant alors remplacés Lee dé nouveaux individus qui parcourent aussi lés mêmes térmes; tandis que la masse commune résultante de toutes re additions que ces individus passagers y ont formées , continue de vivre presqu'in- définiment , si l’eau qui l’environne ne lui mañque point. Gette masse commune vivante meurt néanmoins partiellement et progressivement dans sa partie infé- rieure la plus ancienne, tandis qu’elle continue de vi- vre dans ses parties latérales et supérieures. Je n’ai concu réellement l’existence de ce singulier corps commun à l'égard de certains polypes composés, 64 INTRODUCTION. qu'après avoir pris en considération ce qui se trouve d’analogue dans les végétaux vivaces, et sur-tout dans ceux qui sont ligneux. Certes, aux eus du naturaliste, ces objets sont d’un trop grand intérêt pour que je ne m’empresse pas d’en dire ici un mot; et l’on me pardonnera sans doute une digression relative aux végétaux composés , parce qu'elle concerne un fait important qui a été négligé, et qui mérite l'attention de ceux qui étudient la na- ture (1). (1) Le savant professeur dont nous avons mentionne l’ouyrage dans une note précédente , M. Dugès, a considéré l'animal composé d’une manière plus étendue : il a pris la question de plus haut et dans son universalité. Un animal simple peut vivre à telle condition, a-t-il dit, et toutefois que dans l’ensemble d’un même animal , il trouve une série symétrique de ces conditions organiques ; il dit qu’il est formé d’un certain nombre de zonites, que c’est par conséquent un animal composé. Un exemple rendra ceci facile à comprendre : un ténia est composé d’un très grand nombre de segments dans chacun desquels on trouve, dans unétat parfaitement semblable, un système nerveux, un système de vaisseaux nutritifs, etc.; de telle sorte que l’on peut concevoir facilement que chaque segment peut jouir de la vie, indé»endamment de ceux qui précèdent et qui suivent. Ces segments sont pour M. Dugès autant de zonites;elles sont ici, comme dans les annélides, disposées sur une seule ligne longitudinale; dans d’autres animauxil les voit alterner, se réunir en cercle, se joindre deux à deux, et remontant dans les animaux verté- brés , il les trouve composés de deux parties similaires ou de deux z0o- nites principales; il est cependant arrêté ici par le développement de la vertèbre, dont le corps est toujours d’une seule pièce à tous les äges, comme le prouve l’embriogénie. Au reste, cette considération n’est peut-être pas la seule qui doive arrêter aux animaux invertébrés l'appli- cation de cette théorie; car déjà les mollusques ne peuvent.être soumis à celte application : elle est donc bornée à des animaux plus simples sur l —— desquels elle peut jeter une vive lumière. INTRODUCTION. 65 Comparaison des animaux composés avec des végélaux pareillement composés. * Rien, sans doute, n’est plus remarquable que l’ana- Jlogie qui se trouve entre certains végélaux et certains animaux, sous plusieurs conditions. Elle montre que, quoique ces deux sortes d'êtres soient entre elles es- sentiellement différentes, puisqu’elles appartiennent à des règnes très distincts, la nature, en Îles formant, a néanmoins suivi la même marche , et exécuté un plan uniforme. Laissant à l’écart les autres considérations sous les- quelles une analogie évidente s’observe dans les faits que présentent certains Végétaux et certains animaux, nous ne nous arrêterons ici qu'à celle qui concerne, dans ces deux sortes de corps vivants, des êtres vérita- blement composés d’une réunion d’individusdistinets. Une petite digression sur ce sujet sera instructive et très utile à la connaissance des objets que nous avons en vue. ; En eflet, qu’on ne s’y trompe pas; de même qu’il- y a des animaux simples, constituant des individus isolés, et des animaux composés, c’est-à-dire, consti- tués par des individus réunis, qui adhèrent les ans aux autres , communiquent ensemble par leur inté- rieur , et participent à une vie commune, ce dont la plupart des polypes offrent des exemples ; de même aussi il y a des végétaux simples qui vivent individuel- lement , et il ÿ a, en outre, des végétaux composés, c’est-à-dire, constitués par asieuts individus qui vivent ensemble, se trouvant comme entés les uns sur les autres ou sur un corps commun, et qui participent à une vie commune. Je vais essayer de montrer que ce fait, à leur égard, TOME 1. e 66 INTRODUCTION. est tout aussi positif qu’il l’est relativement aux ani- maux cités. 6149 4 0 Le propre d’une plante. est de vivre jusqu à ce qu’elle ait donné ses fleurs et ses fruits ou ses corpus- cules reproductifs. La durée de sa vie s ’étend rare- ment au-delà d’une année ; eLsi, pour se régénérer 5 elle développe des organes bte » Ces organes n’exé- cutent qu'une seule fécondation; en sorte qu ayant opéré des gages de reproduction ils périssent ensuite et se détruisent complétement, ainsi que. l'individu qui les a produits. Ge sont-là des vérités que l’on ne peut raisonnablement refuser de reconnaître. Cependant, si beaucoup de plantes, dans leur durée annuelle, offrent des exemples de ce que je viens de ci- ter , beaucoup d’autres paraissent continuer de vivre après avoir fructifié, et donnent effectivement des fleurs et des fruits plusieurs années de suite avant de périr ; ;il y a donc, à l’ ré de ces dernières, un ordre de choses particulier qui les distingue , et qu il im porte de reconnaître. On va voir que la différence singulière entre + vie très bornée de certains végétaux qui périssent après avoir fructifié , et celle de beaucoup d’autres qui vivent et fructifient eat années de suite, tient essen- tiellement à ce que les uns sont des individus isolés, soit simples, soit prolifères, qui n’ont pu se 1 fées de corps commun, capable de vivre particulièrement; tandis que. les autres sont des végétaux véritablement composés d'individus réunis sur un corps commun, qui jouit d’une vie particulière, indépendante de celle des individus. Effectivement , toute plante annuelle est un végétal individuel, qui n’a point de corps particulier doué d’une vie indépendante de celles des autres parties, et plus durable qu’elles, INTRODUCTION. 67 Or, ce végétal est, tantôt tout-à-fait simple, comme lorsqu? il ne produit qu une fleur ou qu’un bouquet de fleur, et qu’il périt après ayoir, donné ses graines ; et tantôt il est prolifère, comme lorsqu’ il pousse une tige : rameuse ou plusieurs tiges distinctes qui périssent après avoir fructifié, ainsi que les racines. Mais le pro- duit de sa végétation étant totalement employé au développement des parties qui doivent amener sa fruc- tification , n’a pu concourir à la formation d’un corps commun subsistant, Ce végétal, soit simple, soit pro- lifère , est donc réellement un individu isolé. Ce qui prouve que le végétai annuel dont je viens de parler est réellement simple, c'est qu'il n ‘offre point de prit véritable; c’est qu’il re peut reproduire qu’un végétal ou que des végétaux séparés de lui. Ce n’est pas là, à beaucoup près, le cas de tous les végétaux : la Fa sont véritablement des êtres com- posés, et nous offrent, comme les polypes, des réunions d'individus qui vivent ensemble sur un corps commun persistant qui en développe successivement d’autres ; mais chacun de ces individus conserve rarement son existence au-delà d’une année. Ils laissent tous, avant de périr, des produits subsistants de leur végétation qui ajoutent au volume du corpscommun, et, en outre, _ ils fournissent les gages d’une reproduction prochaine d'individus nouveaux, soit dans les semences, soit dans les corpuscules reproductifs , soit dans les bour- ‘geons qu'ils produisent. Quant au corps commun qui survit aux individus annuels, il est évidemment le résultat de toutes es vé- - gétations qui l’ont d’abord formé, et qui ensuite y ont successivementajouté leur produit particulier, Ge corps commun, jouissant d’une vie indépendante de celle des individus, continue de s’accroître, de sen côté, par les additions qu’il en recoit; et, sans le concours d’au- h* 63 INTRODUCTION, cun organe sexuel, il produit lui-même uné gemmation périodique qui ae Eue successivement Îes nouveaux individus adhérents qu’il doit nourrir. Ainsi, les graines et les corpuscules reproductifs (lesgemmules séparables, les cayeux, etc.) servent à multiplier les végétaux sé- parés d’une même espèce, et les bourgeons produits par le corps commun, sont employés à renouveler sur ce corps les individus qui y ont vécu et ont péri, Ce n’est pas tout : non seulement le corps commun dont il s’agit, jouit, dans sa masse entière, d’une vie indépendante de celles des individus qu’il nourrit, mais chaque por ion particulière de sa masse jouit elle-même d’une vie TNT de celle des autres portions » Ce qui est cause qu’une de ces portions sépa- rée peut continuer de vivre de son côté : de là les boutures. Si dans les végétaux ligneux, les tte de végé- tation de chaque individu sont persistants, tandis qu'ils ne le sont pas dans les végétaux annuels, c’est que, fortifiés en se formant par le concours de toutes les autres végétations individuelles, et participant à la vie du corps commun, ces produits acquièrent ra- pidement assez de ea ice pour résister aux causes qui peuveni les faire périr; c’est, en outre, que les matériaux de leur nutrition, élaborés dans le corps rommun; y apportent les principes qui les sol: difient. Ainsi, lorsque je vois un arbre ou un arbrisseau, ce n’est réellement pas une plante simple que j'ai sous les yeux, mais c’est une multitude de végétaux de la même espèce, vivant ensemble sur un corps commun solidifié, persistant, doué lui-même d’une vie parti- culière et indépendante , à laquelle participent tous les individus qui vivent sur Ce Corps. Cela esi si vrai que si je grefle sur une branche de prunier un bourgeon de cerisier, et sur une autre INTRODUCTION. 69 branche du même arbre un bourgeon d’abricotier, ces trois espèces vivront ensemble sur le corps commun qui les supporte, et participeront à une vie commune, sans cesser d’être distinctes. * On fait vivre de même sur une tige de rosier, dif- _ férentes espèces qui y conservent leurs caractères, et ainsi dans les autres familles, pourvu qu'on n’entre- prenne point d'associer des e HR qui soient de fa- milles étrangères. | Les racines, le tronc et les branches, ne sont, \à l’é- gard de ce végétal composé , que des parties du corps commun dont j'ai parlé, que des produits persistants de la végétation de tous les individus qui ont existé sur ce même végétal ; comme la masse générale vivante d’une astrée, d’une méandrine, d’un pure ou d’une pennatule , est le produit en animalisation des polypes nombreux qui ont vécu ensemble et en commun et se sont succédé les uns aux autres. De partet d’autre, la vie continue d’exister dans le corps commun, FUEL dans l'arbre et dans l’in- térieur de la masse charnue qu’enveloppe le polypier; tandis que chaque plante particulière de. arbre et chaque polype de la masse charnue citée, ne conservent leur existence que pendant une courte durée, mais laissent , l’un , de nouveaux bourgeons, et l’autre, de nouveaux germes qui les reproduisent. Ainsi, chaque bourgeon du végétal est une plante particulière qui doit se Des comme celle qui l’a produite, participer à la vie commune comme toutes les autres, produire ses fleurs annuelles, développer ensuite ses fruits, et qui peut aussi donner naissance à un nouveau rameau contenant déjà d’autres bourgeons. À Îa vérité, la masse entière du corps commun qui subsiste et survit aux individus, semble autoriser l’i- dée d’attacher l’individualité à cette masse végétale ; rad INTRODUCTION. mais, c'est à tort; car cette même masse n ’a point Vi in- dividualité en RU puisque des Po qu’on en détache peuvent continuer de vivre. D ailleurs, elle n’est évidemment elle-même q qu’ une masse végétale ou une plante composée qui fait vivre quantité d’indi- vidus particuliers, qui parcourent sur le corps commun qui les a produits la durée de ieur propre existence, sont ensuite remplacés par d’autres qui y subissent la même destinée, etoffrent ainsi une suite de générations qui se Age ns 2 tant que le corps commun continue de vivre. Le corps commun dont je parle, est si distinct des individus particuliers qu’il fait vivre, que l’art en réu- nit à volonté autant qu'il plaît à l’homme pour en former un tout réellement commun. En eflet, les greffes en approche, que la nature fait US. quelquefois, et que l’art imite et exécute si bien, font communiqueret parliciperà une viecommune différen: ts arbres ou arbrisseaux de la même espèce. On nourrit même et on fait vivre un tronc que l’on sépare totale- ment de sa base et de ses racines, après lui avoir substitué par cette greffe, des troncs voisins et étran- gers qui le soutiennent. On pourrait, avec une espèce, former une grand forêt dont les troncs multipliés, communiquant et vivant ensemble, pourraient à aussi juste titre être considérés comme un seul être, que l’est le corps commun d’un arbre y compris ses racines et ses branches. | Dans l’intérieur des VÉREUNE il paraît, comme je J'ai dit, qu'il n'y a qu’une organisation propre à y faire exister la vie, organisation qui y est modifiée selon le genre ou Ja famille du végétal, mais qui n’admet aucun organe spécial quelconque pour des facultés étrangères à celles qui sont le propre de la vie même. De ic en séparant des parties d’un végétal composé, INTRODUCTION. SL parties qui contiennent un ou plusieurs bourgeons, ou quien renferment les éléments non développés ; on peut en former à volonté autant de nouveaux végétaux semblables à celui dont ils proviennent, sans employer le secours des fruits de ces plantes. C'est effectivement ce que les cultivateurs exécutent en faisant des bou- tures , des marcottes, etc. à J’ai déjà cité dans ma Philosophie zoologique (vol 1, p. 397), différents faits qui prouvent qu’un grand nombre de végétaux nous offrent des corps singuliers sur lesquels vivent, se développent et périssent une multitude d'individus particuliers qui se succèdent par générations nombreuses , tant que le corps com- mun qui les nourrit continue de vivre. Ici, j'en vais seulement ajouter un seul qui me cr ble tout-à-fait décisif à cet égard. HEURE Parmi les différentes considérations qui attestent qu’un arbre n’est point un végétal simple, mais que c’est un corps qui produit, nourrit et développe uné multitude de plantes de la même espèce, vivant en- semble sur le corps commun que des végétations de planies semblables ont successivement produit, voici ce que l’on peut citer de plus frappant. Le propre de tout individu vivant et isolé, est “de changer graduellement d'état pendant la déxés de son existence, de manière qu’à mesure qu’il approche du terme de sa vie, toutes ses parties, sans exception, por tent de plus en plus le cachet de sa vieillesse, et à la fin, celui de sa décrépitude. Je n'ai besoin d’entrer dons aucun détail, pour prouver ce fait suffisamment connu. ‘1; Cependant, Gus que vieux que soit un sine, tous ceux de ses bourgeons qui se déveleppentau printemps, présentent des individus qui portent constamment, d’abord l'empreinte de la plus tendre jeunesse, qué 72 INTRODUCTION. six semaines après, prennent les traits plus vigoureux d’un développement complet, ei qui, après un état stationnaire de peu de durée, offrent progressivement les caractères d’une vieillesse qui les conduit à la mort, avant que l’année de leur naïssance soit écoulée. Qui n'a pas été frappé du charme que nous offre au printemps le feuillage naissant des arbres , quel que soit leur âge , du vert tendre et délicat de ce feuillage, exprimant alors la jeunesse réelle des individus! Y a-t-1l le moindre trait, dans ces parties nouvelles, qui annonce. qu'elles appartiennent à un être très vieux et sur le point de cesser de vivre ? Non; tous les bour- geons qui s’y développent encore sous des individus particuliers, qui ne participent nullement à la décré- pitude du vieil arbre en question. Tant qu’il en pourra faire vivre, chacun de ces individus aura sa jeunesse, parviendra à sa maturité, et arrivera ensuite à sa vieillesse particulière, qui se terminera par {sa des- truction. L’arbre qui les soutient cest donc un végétal composé, sur lequel vivent , se développent et se re- nouvellent une multitude d’individus de la même espèce, qui participent à une vie commune, et se suc- cèdent les uns aux autres annuellement, tant que le corps commun , produit de toutes les végétations parti- culières, conservera l’état propre à les faire vivre. Or, de même que la nature a fait des végétaux com- posés , elle a fait aussi des animaux composés, et pour cela elle n’a pas changé, de part et d’autre, soit la nature végétale, soit la nature animale, En voyant des animaux composés , il serait tout aussi absurde de dire que ce sont des animaux-plantes, qu’il le serait, en voyant des plantes composées, de dire que çe sont des plantes-animales. Qu'on ait donné, il y a ur siècle, le nom de z00- phytes aux animaux{composés de la classe des polypes, INTRODUCTION. ù 73 ce tort était excusable : l’état peu avancé äes connais- sances qu’on avait alors sur la nature animale, rendait cette expression moins mauvaise. À présent, ce n’est plus la même chose; et il ne saurait être indifférent d’assigner à une classe d'animaux, un nom qui exprime une fausse idée des objets qu’elle embrasse (1). Maintenant, comme il existe deux sortes très dis- tinctes de corps vivants, savoir : des végétaux et des animaux , examinons les caractères essentiels de ces premiers, et montrant la ligne de séparation qu’a établie la nature entre ces deux sortes d’êtres, prou- vons que les végétaux ne sauraient s'unir aux animaux par aucun point de leur série, pour former une véri- table chaîne. | CHAPITRE III. Des caractères essentiels des végétaux. Afin de connaître les animaux sous tous les rapports, nous ayons entrepris de les comparer avec tous les autres corps de notre globe; et pour cela, considérant les animaux comme corps vivants, nous avons Vu que les corps doués de la vie étaient , par leurs caractères (x) Lamarck bläme avec raison cette dénomination, qui dans son acception rigoureuse, n’a point d'application possible; aussi elle est pres- que abandonnée : nous ne la voyons en usage que chez les zoologistes qui ont le tort de n’attacher aucune’ importance aux mots scientifiques, ou par ceux qui ont adopté la nomenclature de Cuvier sans examiner et sans rejeler ce qu’elle a de mauvais, 74 | INTRODUCTION. généraux et leurs faculiés propres, séparés pu su inorganiques par un intervalle considérablé. Ainsi, nous savons actuellement que, comme corps vivants, les animaux, même les plus imparfaits, ne bd être confondus avéc les corps inorganiques ; et qu'aucun animal, quelque imparfait qu’il soit, quelque simple que soit son organisation , ne fait nuance avec aucun des corps en qui le phénomène de la vie ne peut se produire. | Mais les’ animaux ne sont pas les seuls corps vivants qui existent, et l’on peut s’en convaincre qu’il s’en trouve de deux sortes extrêmement distinctes; éar les corps de chacune de ces sortes offrent entre eux une si grande différence dans l’état et les phénomènes de leur organisation , qu'il est facile de faire voir que la nature a établi, entre les uns et les autres, une ligne de dé- marcation frappante. Ce n’est, néanmoins, qu’une ligne de démarcation tranchée, et non un intervalle considérable , comme celui qui sépare les corps inorga- niques des corps vivants. On a senti qu’il existait une différence réelle entre les deux sortes de corps vivants dont je viens de par- ler; et quoiqu’on n’ait point su assigner positivement en quoi consiste cette diflérence, on a de tout temps partagé les corps vivants en deux coupes primaires dont on a fait deux règnes particuliers, savoir : Île règne végétal et le règne animal. SEL | Or, il s’agit de savoir maintenant, si les végétaux se lient et se nuancent , par quelque point de leur série , avec les animaux , ou s'ils en sont généralement dtstiiguss par quelque caractère constant et réconnais- sable. D'abord, je remarquerai que, dans ses opérations, dans l’existence qu’elle a donnée à ses productions, la nature n’a procédé et n’a pu procéder qué progreësive- INTRODUCTION. 75 ment, que du plus simple au plus composé : c'est une vérité que l’observation atteste. S'il en est ainsi, la nature a dû commencer par pro- duire les végétaux , et pour cela elle a dû débuter par la production des végétaux les plus imparfaits , de ceux qui ont le tissu cellulaire le moins modifié , ayant de faireexister ceux qui ont, à l’intérieur, des alto) - tipliés et divers, des fibres particulières, une moëlle et des productions médullaires, en un mot, un tissu cellulaire tellement modifié que leur organisation inté- rieure parait en quelque sorte composée. Dès lors, il devient évident que si les VESELATE formaient avec les animaux une chaîne nuancée , résultant d’une produc- tion graduelle, ce seraient les végétaux à tissu cellu- laire le plus modifié qui AVES Tnt À se lier et, pour ainsi dire, se confondre avec les premiers animaux, avec les animaux les plus imparfaits. C’est cependant ce qui n’est pas ; et, en effet, j je vais montrer que la nature a commencé à la fois la production des uns et des autres; en sorte qu’à cet égard , commençant ses opérations sur des corps essen- tiellement différents par leurséléments chimiques, tout ce qu'elle a pu faire exister dans les uns, s’est trouvé constamment différent de ce qu’elle a pu produire dans les autres, quoiqu’elle ait, de part et d'autre, travaillé sur un plan très analogue. Il est certain que si les végétaux pouvaient se lier et se nuancer avec les animaux, par quelque point de leur série, ce serait uniquement par ceux qui sont les plus og ee et les plus simples en organisation que Îla nature aurait formé cette nuance, en établissant -un passage insensible des plantes les plus imparfaites aux animaux qui sont dans le même cas. Tous les natura- listes l’ont senti, et c'est effectivement, en ce point, c’est-à-dire, dans celui qui offre de part et d'autre la 76 INTRODUCTION. plus grande simplicité de l’organisation, que les végé- taux paraissent le plus se rapprocher des animaux. S'il ÿ à nuance en ce point, on ne pourra s'empêcher de convenir qu’ au lieu de former une chaîne, les végétaux et les animaux présentent deux branches distinctes, et réunies par leur base, comme les deux branches de la let- tre V. Mais, je vais rt voir qu’il n’y a point de nuance dans le point cité; que chacune des branches dont je viens de parler, se trouve réellement séparée de l’autre à sa base, et qu’un caractère positif, qui tient à la nature chimique des corps sur lesquels la nature a opéré, fournit une distinction éminente entre les êtres qu’embrasse l’une de ces branches, et ceux qui appar- tiennent à l’autre. Je vais, en effet, montrer que les végétaux n’ont point dans leurs pus js de parties véritablement à irri- tables, susceptibles de se contracter subitement dans tous Le temps et pendant la durée entière de leur vie, et qu ’ils ne sauraient conséquemment exécuter des mouvements subits, répétés de suite, autant de fois qu'une cause excitante les pourrait provoquer. Je prouverai ensuite que tous les animaux générale- ment, ont, dans leurs solides, des parties constamment ch ce subitement contractiles, et qu'ils sont sus- ceptibles d exécuter des mouvements instantanés ou subits, qu’ils peuvent répéter de suite, dans tous les temps, autant de fois que la cause excitatrice de ces mouvements agira sur eux. Voyons donc d’abord ce que sont les végétaux, et quels sont leurs caractères essentiels. Après l’exposi- tion de ces caractères, nous présenterons les faits et les preuves qui en établissent le fondement. INTRODUCTION. 37 Caractères essentiels des végétaux. Les végétaux sont des corps vivants non irritables, dont les caractères essentiels sont : 1° D’être incapables de contracter subitement et ité- rativement, dans tous les temps, aucune de leurs par- ties solides , ni d’exécuter par ces parties des mouve- ments subits ou instantanés, répétés de suite autant de fois qu’une cause stimulante les provoquerail NUE _20 Dene pouvoir agir, ni se déplacer eux-mêmes, c'est-à-dire, quitter le lieu dans lequel chacun d’eux est fixé ou situé ; 30 D’avoir seulement leurs fluides susceptibles d'exécuter les mouvements vitaux ; leurs solides, par défaut d’irritabilité , ne peuvent, par des réactions réelles, concourir à l’exécution de ces mouvements que des causes excitatrices du dehors ont le pouvoir d'opérer ; 4° De n’avoir point d'organes spéciaux intérieurs : mais d'obtenir, des mouvements de leurs fluides, une multitude de canaux vasculiformes , la TaPare per- forés latéralement, et, en général, parallèles entre eux (2) ; ce qui est cause que, dans tous, l’organisation (1) Ceux en qui l’on observe des mouvements , ne les exécutent que par des causes mécaniques, pyrométriques , ou hydrométriques. Dans les uns, ces moavements sont d’une lenteur qui les rend insensibles, et ne se jugent que par leurs produits ; et dans ceux où ils sont appa- rents et subits, ils sont dus à des détentes ou à des affaissements de par- ties , et ne peuvent de suite se répéter , ni se manifester dans tous les temps. ( Note de Lamarck, ) (2) Les mouvements des fluides dans les végétaux s’exécutant prin- cipalement en deux sens opposés, il en est résulté que les canaux vas- culiformes de ces corps sont, en général, paralièles entre eux, ainsi qu’à l'axe longitudina!, soit de la tige, soit des branches, des rameaux, des 78 INTRODUCTION. n’est que plus ou moins modifiée sans composition réelle , et que les parties de ces corps se transforment aisément les unes dans les autres; ù 5° De n’exéculer aucune digestion, mais seulement une élaboration des sucs qui les nourrissent et da donnent lieu à leurs produits, en sorte qu ils n’ont qu'une surface absorbante ( l’extérieure } , et qu ’ils n’absorbent pour aliments que des matières fluides ou dont les particules sont désunies ; 60 De n’avoir point de circulation réelle dans leurs fluides, mais d'offrir dans leurs sucs séveux, dés mou- vements de déplacement dont les principaux parais- sent alternativement ascendants et descendants; ce qui a fait supposer l’existence de deux sortes de sève: l’une provenant de l'absorption par les racines, et l'autre résultant de celle par les feuilles ; 7° D’opérer en eux deux sortes de végétations; l’une ascendante, et l’autre descendante, à partir d’un point intermédiaire ou nœud wital situé dans la base du collet de la racine, et qui est, en général, plus vivace que les autres ; 80 D’avoir une tendance à diriger leur ÉCRRE supérieure, perpendiculairement au plan de l’horizon, et non à celui du sol qui les soutient (1); 9° De former la plupart des êtres composés d’indivi- pétioles et des RéAonçese En eflet, ils ne perdent leur parallélisme que dans les parties qui s ÉpaRDOseRt en feuilles , fleurs et fruits. ( IVote de Lamarck. ) ) (1) Les végétaux paraissent devoir cette tendance au calorique et à l'électricité des milieux environnants; ces fluides subtils, trouyant- plus de difficulté à traverser l’air que des corps humides plus conducteurs ) s’élancent à travers les tiges végétales dans une direction qui tend à s'approcher le plus Bass re de ‘u verticale, et communiquent, sur-tout pendant le jour, cette direction au mouvement de la sève pompée par les racines, ( Vore de Lamarck. INTRODUCTION. “ 79 dus réunis sur un corpscommun vivant, qui développe annuellement les générations successives de ces indi- vidus. | À ce tableau resserré des faits positifs qui caractéri- sent les végétaux, si, comme je vais le faire, on oppose celui des caractères essentiels des animaux, on recon- naîtra que la nature a établi entre ces deux sortes de corps vivants, une ligne de démarcation tranchée qui ne leur permet pas des’unir par aucun point des séries qu’elles forment. Or , ce n’est point là ce qu’on nous dit à l’égard de ces deux sortes d'êtres : tant il est vrai que preque tout est encore à faire pour donner des uns et des autres l’idée juste que nous devons én avoir ! Le point le plus essentiel à éclaircir, afin de détruire l'erreur qui a fait prendre une fausse marche à la science, consiste donc à prouver que Îles végétaux sont généralement dépourvus d’irritabilité ces Eur par- ties. Dès que j'aurai établi les preuves de ce fait, il sera facile de sentir quelle infériorité, dans les phénomènes d'organisation, le défaut d’irritabilité des parties doit donner aux végétaux sur Jes animaux; et l’on conce- vra pourquoi ils sont tous réduits à n’obtenir leurs mouvements vitaux, c’est-à-dire , les mouvements de leurs fluides, que par des impressions qui leur vien- nent du dehors. Une discussion concise et claire doit me suflire pour établir les prényes que j'annonce; et d’abord je vais faire voir que j'étais fondé, lorsque jai dit dans ma PF lilosophie zoologique ( vol. 1, pag. 93) qu’il n’y a dans les faits connus à l’égard des plantes, dites sen- sitives ; rien qui appartienne au caractère de l’irrita- bilité des parties animales ; qu'aucune partie des plan- tes n'est instantanément nine lil sur elle-même ; qu'aucune , enfin, ne possède cette facalié qui carac- 8o INTRODUCTION. . térise exclusivement la nature animale. Aussi, » par cette cause essentielle, par cette privation d'à rritabi- lité et de contractilité de leurs parties , les végétaux sont généralement bornés à une faible et obscure dis- parité dans les traits de leur organisation intérieure , et à une grande infériorité dans les phénomènes de cette organisation, comparés à ceux que la nature a pu exécuter dans les animaux. Discussion pour établir les preuves du défaut d’irrita- bilité dans les parties des végétaux. Le point essentiel que je dois traiter d’abord, est celui de prouver que le sentiment et l’irritabilité sont des phénomènes très différents, et qu’ils sent dus à des causes qui n’ont aucun rapport entre elles. On sait que Haller avait déjà distingué ces deux sortes de phé- nomènes; mais, comme la plupart des zoologistes de notre temps les confondent encore, il est utile que je m’efforce de rétablir cette distinction dont le fonde- ment est de toute évidence. | Je montrerai ensuite qu’indépendamment de l’er- reur qui fait confondre le sentiment avec l’irritabilité, on a pris, dans les végétaux, certains mouvements ob- servés dans des circonstances particulières, pour des produits de l’irritabilité ; tandis que ces mouvements, comme je vais le prouver, n’ont pas le moindre rapport avec ceux qui dépendent du phénomène organique dont il est question. Pour s'assurer. que le sentiment est un phénomène très différent de celui que lirritabilité constitue, il suffit de considérer les trois caractères suivants dans lesquels les conditions des deux phénomènes sont Imi- ses en opposition. INTRODUCTION. k &t Premier caractère : Tout animal doué du sentiment | possède constamment dans son organisation un sys- tème d’organes particulier, propre à la production de ce phénomène. Or, ce système d'organes qui se com- pose toujours de nerfs et d’un ou de plusieurs centres de rapports , se distingue aisément des autres parties de l’organisation. Il en résulte qu’en altérant ce sys- tème dans certaines de ses parties , l’on détruit à vo- Jonté la faculté de sentir dans les parties de l’animal que l’organe altéré faisait jouir du sentiment, et l’on rend ces parties insensibles , sans détruire leur vitalité. - Au contraire , pour la production du phénomène de l’érritatilité, il n’y a dans les parties irritables des animaux , aucun organe particulier quelconque , au- cun organe distinct qui ait seul en propre le pouvoir de donner lieu au phénomène en question ; mais la composition chimique de ces parties est telle, qu’elle les met continuellement dans le cas, tant qu’elles sont vivantes, de se contracter sur elles-mêmes à la provo- cation de toute cause irritante. Or, l’on ne saurait al- térer la faculté irritable de ces parties, qu’en y anéan- tissant la vie, puisqu’elles ne tiennent d’aucun organe particulier l’irritabilité qu’elles possèdent. Deuxième caractère : Les organes bien connus par la voie desquels le phénomène du sentiment s'exécute, ne sont point distinctement ou essentiellement con- tractiles; aussi , aucune observaiion constatée ne nous apprend que, pour opérer la sensation, les nerfs soient obligés de se contracter sur eux-mêmes. | Au contraire, les parties irritables de tout corps animal ne sauraient exécuter aucun mouvement dé- pendant de l’irritabilité , qu’elles ne subissent alors une véritable contraction sur elles-mêmes, Ces par- ties ne sont donc irritables, que parce qu’elles sont Tome 1. | 1 18 6 82 INTRODUCTION. sentiellstieut contractiles ; ce que ne sont point les organes du sentiment. Troisième caractère : Lorsqu? un animal, FH de la faculté de sentir, vient à périr, le sentiment s éteint | en lui avant l’anéantissement complét des ses mouve- ments vitaux, Au contraire, lorsqu’un animal queloonaé meurt, l'irritabilité dont toutes ses parties ou certaines d’entre elles ; jouissaient, est, de toutes ses facultés, celle qui s’anéantit éonstamment Ja dernière. Le phénomène du sentiment et celui de 4 ira bill sont donc esséntiellement différents l’un de l’autre, puisque les causes et les conditions nécessaires à leur production se sont poiñt les mêmes, et qu’on a tou- jours des moyens décisifs pour les distinguer. Maintenant, pour montrer combien les principes dé la théôrie admise en zoologie sont encore impar- faits, je vais faire remarquer que les plus savants zoologistes de notre témps confondent encore le senti- ment avec lirritabilité, ei que, par la citation de quelques faits mal jugés , ils croient pouvoir étendre aux végétaux l’une et l’autre de ces facultés. « Plusieurs plantes, dit-on dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, à l’article Animal, se meuvent d’une manière extériéurement toute pareille à celle des animaux : les feuilles de la sensitive se contractent lorsqu’on les touche, aussi vite que les tentacules du polype : comment prouver qu’il y a du sentiment dans un cas et non dans l’autre? » (1) . (1) I nous paraît évident que G. Cuviér, én établissant cette compa- raisonavyait oublié ces beaux principes d’armonie dans les organisations, d’après lesquels lesactes, si simples qu'ils soient, sont toujours le produit d'organes; on doit être surpris de voir ce grañd naturaliste; dont lès travaux ont fortement contribué à mettre ces principes horél lle toute INTRODUCTION. 83 Je puis assurer , d'après mes propres observations, qu’il n’y a dans tout ceci rien d’exact, rien qui soit conforme au fait observé à l’égard de la sensitive ou des autres plantes qui offrent des mouvements ana- logués; qu'en un mot, il n’y a aucun rapport entre les monvements de ces plantes, et ceux qui proviennent dé l’excitation de l’irritabilité dans les animaux, ét qu'il y en a bien moins encore avec le phépomens du sentiment. D'abord, dans la contraction citée que. subissent les tentacules du polype, lorsqu'on les touche, il n’y a point de preuve que le sentiment en soit la cause, c’est-à-dire, qu'il y ait eu une sensation prod! uite; car l’irritabilité seule a pu opérer cette contraction. On est, au contraire, fondé à dire qu'aucune Sensalion n’a pu avoir lieu par l’attouchement cité, puisque le système d'organes essentiel à la production de ce phé- nomène n'existe point dans ce polype, et que le propre dé la sensation n’est pas de produire du mouvement: Ainsi, la question de savoir pourquoi il y a du senti- ment dans le polype, tandis qu’il n’y en aurait pas dans la sensitive, ne devait pas se faire; s’il n’est pas vrai que le polype lui-inême puisse éprouver des sén- sations. Or, je vais maintenant prouver ques dans jes faits cités du polype ét de la sensitive; il n’y a nulle parité de phénomène: car les tentacules du polypé ne se sont mus;, lorsqu'on les à touchés, qu’en subissant une véritable contraction, tandis que l’attouchement n’en a pu Gpérer aucune sur les parties de la sensitive, HÉSE A larg Mr PETITE PES 3 : IRÉTERE TEST ÉTTEN SONT HÉPSE- ser pa Be orité, ét il ést le séol jte en dit dof unë 8 UE satis- faisante. 6* 84 INTRODUËTION. Le polype se sera donc mu, dans le fait en question, par la voie de l’irritabilité de ses parties, et la sensitive par une voie très différente. di 2 En effet, il n’est pas vrai qu'aucune partie de la sensitive se contracte lorsqu'on la touche; car, ni les folioles, ni les pétioles, soit communs, soit particuliers, ni les petits rameaux de cette plante, ne subissent alors aucune contraction sur eux-mêmes; mais ces parties se reploient dans leurs articulations sans qu'au- cune de leurs dimensions soit altérée ; et par cette plication, qui s s'exécute comme une dite te, la plupart de ces parties sont subitement et simplement abaissées, en sorte qu'aucune d'elles n’a subi la moindre con- traction, le plus léger changement dans ses dimensions propres. Ce n’est assurément point là le caractère de l’irritabilité, et ce n’est, effectivement, que dans les animaux, que des parties peuvent se contracter subite= went sur elles-mêmes, changer alors leurs dimensions, et conserver pendant la vie de l’animal ou pendant la durée de leur intégrité, la faculté de se contracter de nouveau à chaque provocation d’une cause excitante ; jamais d’ailleurs personne n’a puobserver de semblables contractions dans quelque corps que ce soit. Dès qu’on a opéré cette plication articulaire des parties d’une sensitive, par un attouchement ou par une secousse suffisante, la répétition de l’attouchement ou de la secousse n’y saurait plus alors produire aucun mouvement. Pour renouveler le même phénomène, il faut attendre pendant un temps assez long, qui est toujours de plusieurs heures, qu’une nouvelle tension dans les articulations des parties les ait relevées ou étendues: ce qui ne s’exécute que très lentes lors- que la température est basse. | OT _Je le répète : ce n’est point là du tout le propre de l’irritabilité animale : cette faculté reste la même dans INTRODUCTION: 85 les parties qui en sont douées tant que l’animal est vivant, et leur contraction peut se répéter de suite, autant de fois que la cause excitante viendra la provo- quer. D ailleurs, la contraction d’une partie animale n'offre point simplement des mouvements articulaires, comme dans la sensitive, mais un resserrement subit, un raccourcissement réel des parties, en un mot, “un changement dans leurs dimensions; or, rien de sem- blable ne se manifeste dans les plentes.! | Ainsi, dès qu’il n’est pas vrai que les mouvements subits qu’on observe dans certaines parties des plan- tes, dites sersitives, lorqu” on les touche, soient de dhobles contractions ou des changements réels dans les dimensions de ces parties, il est dès lors évident que ces mouvements n ’appartiennent point à l’irrita- bilité : aussi ne sauraient-ils se répéter de suite, dans tous les temps sans exception, comme ceux que Vins tabilité produit à la provocation de toute cause exci- tante. Nous savons donc maintenant que l’érritabilité n’est point la cause des mouvements cités des plantes , dites sensitives, et qu’il y a une disparité manifeste entre ces mouvements et les phénomènes de l’irritabilité animale. Mais quelle est la cause des mouvements sin- guliers des plantes, dont il est question ? . À cela je répondrai : que nous parvenions à à connaî- tre positivement celle cause, ou que nous ne puissions que l’entrevoir à l’aide de quelque hypothèse plau- sible et appuyée sur des faits, il n’en sera pas moins toujours très vrai que cette même cause est étrangère à l’srritabilité animale. Or, j'ai cru apercevoir cette cause, pour les plantes dites sensitives, dans une neo da qui concerne les émanations des fluides élastiques et invisibles que ces plantes produisent dans ie cours de leur vie , comme 86 INTRODUCTION. Ne les autres corps vivants, et cela d'autant plus abon- damment que la température est plus élevée. D'abord, je dois faire remarquer que les mouve- ments observés dans les végétaux ne se bornent pas à ceux des plantes dites sensitives : car on en connaît de diverses sortes , et l’on peut S Te par un examen attentif de ces mouvements, qu ‘aucun d’eux n 'appar- tient à l’irritabilité. Ensuite , je ferai voir que ces mouvements prennen* leur source dans différentes causes , la plupart facile- ment déterminables. ‘Les uns, en effet, sont des mouvements subits très visibles , comme ceux de détente, d’affaissement de parties, etc. Les autres , au contraire, sont des mouvements Jents et Een Abe comme ceux qui sont dus à des causes hygrométriques pyrométriqués , etc. S Tous ne s’exécutent et ne s'obervent .que dans cer- tainés circonstances. Quelques- uns ne se renouvellent plus après leur exécution , comme ceux de détente de certains fruits dont les graines sont lancées au loin par Ja détente de leur péricarpe. Il y en a quinese montrent que dans certaines parties, comme certaines fleurs, soit à l’époque de leur épanouissement, soit dans ce temps d’effervescence particulière où les organes sexuels sont sur le point d’exécuter leurs fonctions. Toi, je puis montrer que les mouvements articulaires de la sensitive sont de la première sorte, et que ce ne sont que des affaissements de parties s qui S "opèrent par des détentes d’ articulations. Je ferai même voir que les mouvements de l’ hedysarum gyrans sont aussijde même sorte, ee Me ‘ils soient moins subits, et que ces mouvements s’exécutent de la même manière ; c'est-à- dire, par la même sorte de cause. | En effet , dans l’hedysarum gyrans , les mouvements INTRODUCTION. 87 observés sont encore articulaires , et aucune des partiés de cette plante ne subit la moindre contraction. Ce sont les inêmes mouvements singuliers de cet hedysa- rum , qui m'ont fait entrevoir le mystère des faits rela- tifs aux plantes dites sensitives. Dans l’hedysarum en question, les mouvements des - folioles étant toujours lents et graduels, et ne se rendant bien sensibles que dans les temps chauds, temps où les émanations des plantes sont les plus considérables, j'ai senti que des vésicules ou des cavités situées dans les articulations de ces folioles, pouvaient se remplir graduellement de quelque émanation gazeuse et élas- tique du végétal, et que ces cavités potvsent par là se distendre proportionnellement jusqu’à un certain terme de plénitude; qu’alors elles pouvaient se vider ét s’affaisser aussi graduellement. Or, il devait résulter de cét état de choses, des alternatives lentes d’éléva- tion et d’abaissement de ces mêmes folioles ; a dé: érivent une ligne demi-circulaire, sans qu'aucune secousse ou cause Ctrangère ait provoqué ces mouve- ments. Gette cause simple et uniquement mécanique, s’ac- corde avec les émanations connues des plantes, et l’on sait que ces émanations de matières gazeuses et élasti- qués sont considérables dans les temps chauds, qu’ elles Varient selon les plantes qui les plodiisét , qu’elles sont odorantes dans beaucoup de végétaux, et que, dans la fraxinelle (dictamus albus) , elles sont suscep- tiblés dé s’enflammer. Ainsi, cette cause mé paräit satisfaire pleinement à à l'explication du Éu dont il s’agit. À Elle nous montre que dans Îles plantes sensitives ; il faut un attouchement, une sécousse, ete., pour pro- voquer l’évacuation subite des vésicules articulairés ; tandis que dans l’hedysarum gyrans, une simple plé- 88 INTRODUCTION. nitude de ces vésicules suffit pour les mettre dans le cas de commencer l’évacuation lente et graduelle du gaz qu'elles contiennent. | Lorsqu'on voudra réellement savoir la vérité à l’é- gard des objets dont il vient d’être question , il sera difficile de ne pas reconnaître le fondement des causes que je viens d'indiquer. Ce qu'il y a de très posilif, c’est que, dans les phé- nomènes connus, soit de la sensitive, soit de l’hedysa- rum gyrans , soit de la plication subite des feuilles de la dionée, soit des détentes des étamines du berberis, soit du redressement des fruits qui succèdent à des fleurs pendantes, soit enfin de divers mouvements observés dans les parties de certaines fleurs, il n’y a véritablement rien qui soit comparable au phénomène de l’irritabilité animale, et bien moins encore à celui du sentiment. L’irritabilité, dit-on, n’est qu’une modification de la sensibilité : elle n’est pas une faculté spécialement attribuée à l’animal; elle est commune à tous les êtres vivants. Il n’y a pas de doute que ioutes les parties bien vivantes des animaux n’en soient douées; mais les vé- gétaux nous donnent aussi des preuves qu'ils la possè- dent. L’action de la lumière, de l'électricité, de la chaleur, du froid, de la sécheresse , des acides , des alcalis, du mouvement communiqué, etc. , etc., voila autant de causes de l’irritabilité des végétaux ; c’est à leurs effets qu’on doit rapporter l’épanouissement de certaines fleurs à des heures marquées dans le jour, le sommeil des plantes, la direction de leurs tiges, la dissémination de leurs graines, les eschares plus ou moins profondes que produisent la grêle , le vent sec, etc.; et cependant aucun de leurs organes ne com- munique le mouvement qu’il éprouve à la totalité de l'être qui y paraît sensible. Telle est la manière dont INTRODUCTION. 89 on croit prouver que l'irritabilité est une faculté com- mune aux plantes , comme aux animaux ! On dit ailleurs : « Si les animaux montrent des dé- sirs dans la recherche de leur nourriture, et du discer- nement dans le choix qu’ils en fopt, on voit les raci- nes des plantes se diriger du côté où la terre est plus abondante en sucs, chercher dans Îles rochers les moindres fentes où il peut y avoir un peu de nourri- ture; leurs feuilles et leurs branches se dirigent soi- gneusement du côté où elles trouvent le plus d’air et de lumière. Si l’on ploie une branche la tête en bas, ses feuilles vont jusqu'à tordre leurs pédicules, pour se retrouver dans la situation la plus favorable à l’exer- cice de leurs fonctions. Est-on sûr que cela ait lieu sans conscience? » (Dictionnaire des Sciences naturelles k au mot déjà cité.) C’est ainsi que, par la citation de faits précipitam- ment et inconvenablement jugés; l’on introduit dans | les sciences, des vues et des principes, dont il est ensuite difficile de revenir, parce qu’ils ont une apparence de fondement lorsqu'on ne les approfoudit pas, et qu'on a l'habitude de les considérer sous ces rapports. Quant à moi, je ne vois dans aucun de ces faits, rien qui indique, dans le végétal qui les offre, une conscience, un discernement, un choix; rien, enfin, qui soil comparable au phénomène de l” irritabilité ani- male , et encore moins à celui du sentiment. Je sais comme tout ie monde , qu’à raison de leurs diverses propriétés, les différents corps de la nature, vivanis ou non, exercent les uns sur les autres des ac- tions Jorsqu'ils sont en contact, et sur-tout lorsqu’au moins l’un d'eux est dans l’état fluide. Ce n’est pas un motif pour supposer que ces corps soient irritables. Le cheveu de mon hygromètre qui s’alonge dans les temps de sécheresse et se raccourcit dans les temps 90 INTRODUCTION. d'humidité, , et la barre de fer qui s'alonge dans l’élévation de sa température, ne me paraissent point pour cela des corps irritables. Lorsque le soleil agit sur le sommet fleuri d’un helianthus, qu'il hâte Pévaporation sur les points de la tige et de pédortcules qu’il frappe par sa lumière, qu'il dessèche plus les fibres de ce côté que celles de l’autre, et que par suite d’un raccourcissement gra: due! He ces fibres, chaque fleur se tourne du côté d’où vient la lumière, je ne vois pas qu’il y ait là aucun phénomène d'érrétabilité ; non plus que dans la bran- ché ployée en bas qui RC TAUEE insensiblement ses feuilles et sa sommité vers la lumière qui les frappe. En un mot, lorsque les racines des plantes s’insi- nuent principalement vers les points du sol qui sont les plus humides, et qui cèdent le plus au nouvel es- pace que l'accroissement de ces racines exige, je ne me crois pas autorisé par ce fait à leur atteibtié dé Pirri- tabilité, des perceptions, du discernement, etc., etc. Partout, assurément , on voit des actions produités et suivies de mouvement, entre des corps en contact qui ne sont ni irritables, ni sensibles, puisqu'on en observe de telles entre des corps qui ne sont point vi- vanis. Or, ces actions suivies de mouvement ont lieu lorsqu'il y a du mouvement communiqué ; lorsqu'il se trouve quelque affinité qui s’exerce, quelque décom- position ou combinaison qui s'opère; lorsqu'un corps recoit quelque influence hygrométrique ou pyrométri- que, où qu’il se trouve dans le cas de subir an affais- sement de parties , un effet de détente, celui d’une explosion, d’une rupture, d’une COMpREnS etc., etc. Dans tous ces cas et leurs analogues, il n’y a certaine- ment aucun rapport entre les mouvements lents où prompts que l’on observe, et ceux qui appartiennent à l’irritabilité animale. Or, ces derniers mouvements, Re mental ; OI 84 qui ne se produisent que par excitation et toujours dans des parties susceptibles de les renouveler ‘cha- que Î fois qu ‘une cause excitante les provoquera , ne se montrent dans aucun autre corps de la nature que dans celui des animaux. C’est donc un fait positif que, hors des animaux, l'on ne trouve pas un seul exemple d’un mouvement produit PRE excitation ; de ce mouvement singulier 4 toujours prêt à se Tige a et dans lequel Fe Ta p- ports entre la cause et l'effet sont insaisissables : de ce mouvement , enfin, qui semble lui-même nee une réaction ma ih des parties contre la cause agissante, et qui ne ressemble nullement à aucun de ceux qui ont été observés dans les plantes. Mais , me dira-t-on, comment concevoir l'existence de la vie dans un végétal, et par suite , la possibilité des mouvements vitaux, sans une cause capable d’opé- rer et d'entretenir ces mouvements, sans des parties réagissantes sur les fluides , en un mot, sans l’irrita- bilité ? À cela , je répondrai que l’existence de la vie, dans le végétal comme dans l’animal, se concevra facilement et clairement, lorsqu'on aura égard aux conditions que j'ai assignées pour que le phénomène de la vie puisse se produire; et ici, sans l’irritabilité, ces condi- tions se trouvent remplies. Un orgasme vital est essentiel à la conservation de iout être vivant ; il fait partie de l’état de choses que j'ai dit devoir exister dans un corps pour qu’il puisse posséder la vie, et pour que ses mouvements vitaux puissent s'exécuter, Or, cet orgasme, quoique commun à tout corps vivant, ne moutre, dans les végétaux , qu'un fait peu remarquable et qui n’a point attiré notre attention; tandis qu’il offre, dans les animaux, 92 INTRODUCTION. un phénomène singulier, et quin’a point jusqu’ à pré- sent été expliqué. En eflet, ce même orgasme , qui a lieu dans tous les points des parties souples de tout végétal vivant, ne produit, dans les points de ces parties souples, qu’une tension particulière, qu’une espèce d’éréthisme ; au lieu que dans les parties souples et non médullaires de tout animal , il y constitue le phénomène de l’irri- tabilité. De part et d'autre, la composition chimique des parties concrètes de ces corps vivants, donne lieu à la différence entre ces deux sortes d’orgasme. R L'espèce de tension ou d’éréthisme de tous les points des parties souples des végétaux vivants, est facile à apercevoir lorsqu'on y donne de l’attention , et sur- tout lorsque l’on compare une plante morte et encore en place avec un autre individu de la même espèce qui jouit de la vie. * Or , cette tension des points des parties souples de la site vivante est probablement le produit de flui- des élastiques qui se dégagent sans cesse du végétal , y subsistent quelque temps avant de s’en exhaler, et mettent ce corps , par leur formation et leur exhala- tion successives , dans le cas de pouvoir absorber les fluides du dehors. L'orgasme dont il s’agit, n’est , dans les végétaux , qu'à son plus grand degré de simplicité. Il y est effec- tivement si faible, qu'un coup de vent d’un air très sec, ou certain brouillard, ou une gelée suffit souvent pour le détruire; ce qui fait périr aussitôt la plante ou celle de ses parties qui s’en trouve affectée. Rien n’est plus commun que de voir un arbrisseau vigou- reux et bien portant dans toutes ses parties, perdre la vie en moins de vingt-quatre heures, soit dans une de ses branches , soit dans tout son être, par une des causes que je viens de citer. Mais, tant que l'orgasme, INTRODUCTION. 03 ou l'espèce de tension particulière des points des par- ties souples du végétal, subsiste, il lui donne le pou- voir d’absorber les fluides de l'extérieur en contact avec ses parties, c’est-à-dire, lesfluides liquides par ses racines, et les fluides élastiques ou gazeux parses feuilles, etc. ; en un mot, il lui donne la faculté de vivre. C’est-là que se bornent les facultés de cet orgasme. Il ne rend point les parties souples de la plante capa- bles, par des réactions subites, de servir, ni même de concourir aux mouvements des fluides intérieurs, en un mot, aux mouvements vitaux. Cela n’est nulle- ment nécessaire; car , dans les végétaux, Îles mouve- ments des fluides intérieurs sont toujours les résultats évidents des excitations, que des fluides subtils, incoër- cibles et pénétrants du dehors ( le calorique et l’élec- tricité ) viennent exercer sur eux. Ce qui prouve que ce que je viens de dire ne s’appuie point sur une supposition gratuite, mais a un fonde- ment réel, c’est que l’observation atteste qu’il y a tou- jours un rapport parfait entre la température des mi- lieux environnants et l’activité de la végétation : en sorte que, selon que la température s’abaisse ou s’é- lève, la végétation et les mouvements des fluides in- térieurs sa ralentissent ou s’accélèrent proportion- nellement. | Dans les grands abaissements de température, comme dans l’hiver de nos climats, ceux des végétaux qui ne sont point accoutumés à supporter un grand froid périssent; mais les autres, quoique conservant encore leur orgasme , ont leurs mouvements vitaux tellement ralentis, que leur végétation est alors pres- que entièrement suspendue. Néanmoins, à un certain degré de froid, leur orgasme serait détruit, et dès lors le phénomène de la vie ne saurait plus se produire en eux. 1 PART : ok | INTRODUCTION. Maintenant, s’il est vrai que l'orgasme fasse partie essentielle de k état de choses nécessaires à la vie dans un corps, et que, dans les végétaux , cet orgasme ne soit propre qu'à leur donner le : pouvoir d’absorber les fluides de l'extérieur; on concevra, d’une part, que lorsque l'absorption végétale a introduit dans le tissu ou dans les canaux de la plante les fluides qui, lui de- viennent propres, dès lors l’ excitalion des fluides sub- tils ou incoërcibles du dehors (du calorique, de l’élec- tricité , etc. ) suffit pour leur donner le mouvement; de l’autre part, on sentira que lorsque, par l'anéantis- sement de l’orgasme, le végétal a perdu sa faculté absorbante, alors ne se pénétrant que d'humidité à la manière des corps poreux non vivants, selon l’état hygrométrique de l’air, ce végétal n’a plus à l’inté- rieur ces masses de finides propres, celles que les flui- des subtils ambiants faisaient mouvoir, et que, dès ce moment, la vie n’existe plus en lui. , Cette différence de l'arbre vivant d’avec l'arbre mort encore sur pied , et que les fluides subtils am- biants ne sauraient plus vivifier , quoiqu'ils existent toujours, s’accorde avec l'observation et avec tous les faits connus. L’orgasme étant détruit, soit dans telle branche de cet arbre, soit dans toutes ses parties; la vie ne saurait plus se manifester dans les parties se l'ont perdue. | L’orgasme que possèdent les végétaux vivants, et qui ne donne à tous leur faculté absorbante, suffit donc pour les faire vivre. Il les met dans le cas de se passer de la faculté d’être irritables ; faculté que la composition chimique de leurs parties ne leur pe point de posséder. Ainsi, les végétaux ne sont point irritables ; ne jouissent point du sentiment, et ne sauraient se. mou- voir. On est même fondé à dire que, quelle que soit la INTRODUCTION. 95 puissance de la nature, et quelque temps qu’elle ac- corde à l’organisation qui tend toujours à se composer, le propre des végétaux est tel, que jamais la nature ne pourra leur donner , m1 la faculté de se mouvoir eux- mêmes, ni celle de sentir, ni, à plus forte raison, celle de se former des idées, de les employer pour comparer les objets, pour juger, pour discerner ce qui leur con- vient , etc. Ils resteront à jamais dans une infériorité de phénomène organique qui les distinguera toujours éminemment des animaux. Examinons actuellement les caractères eësentiels de ces derniers, et nous les opposerons à ceux des végé- taux, afin d’en apercevoir les grandes différences. CHAPITRE IY. Des animaux én général, et de léürs carâctères essenrièls. Nous voici enfin parvenu aux objets qui nous in- téressent directement, et que nous nous proposons de fairé eonnaître scus les véritables rapports qui les concernent. Effectivement , il s’agit ici des animaux, c’est-à-dire , de ces corps vivants singuliers, qui se meuvent instantanément et qui, la plupart, peuvent se déplacer ; de ces corps vivants qui, bien plus diver- sifiés et plus nombreux en races que les végétaux, Lien- nent de si près par l’organisation à celle même de l’homme. Qui ne sait que toutes les parties de la surface du globe et le sein de toutes les eaux liquides » Sont rem- plis de ces êtres vivants infiniment variés dans leui forme, leur organisation et leurs facultés; et qu ils 06 INTRODUCTION. offrent tous cela de particulier, qu’ils peuvent se mou- voir subitement ou mouvoir de même certaines de leurs parties , sans l'impulsion d’aucun mouvement communiqué ! ! | Or, puisque ces mêmes êtres, si dignes de notre admiration et de notre étude par les facultés qui leur sont propres, se rapprochent de nous par l’organisa- tion , et que les animaux sans vertèbres que nous vou- lons connaître , en font généralement partie, essayons de fixer et de circonscrire nettement les caractères essentiels qui les distinguent. Les preuves du fonde- ment de ces caractères seront développées après leur exposition. Caractères essentiels des animaux. Les animaux sont des corps vivants irritables, dont les caractères essentiels sont : 10 D’avoir des parties instantanément contractiles sur elles-mêmes , et d’être susceptibles de les mouvoir subitement et itérativement ; 20 D’être les seuls corps vivants qui aient la faculté d’agir , et la plupart de pouvoir se déplacer ; 30 De n’exécuter aucun des mouvements de leurs parties, tant internes qu’externes, qu’à la suite d’ex- citations qui les provoquent, et de pouvoir répéter de suite ces mouvements autant de fois que la cause exci- tante les provoquera ; 4° De n'offrir aucun rapport saibissable entre les mouvements qu'ils exécutent et la cause qui les produit; 5o D’avoir leurs solides, ainsi que leurs fluides, participant aux mouvements vitaux; 60 De se nourrir de matières étrangères déjà com- posées; et la plupart d’avoir la faculté de digérer ces matières ; INTRODUCTION. 97 7° D'offrir entre eux une immense disparité dans la composition de leur organisation et dans leurs facultés particulières, depuis ceux qui ont l’organisation la plus simple, jusqu’à ceux dont l'organisation est la plus compliquée, et dont les organes spéciaux intérieurs sont les plus nombreux; de manière que leurs parties né sauraient se transformer les unes dans les autres; 80 D’être, les uns simplement irrilables , ce qui fait qu ’ils ne se meuvert que par des excitations qui leur viennent du dehors: les autres irrilables et sensibles, ce qui leur donne-la faculté de se mouvoir par des excitations internes que le sentiment intérieur qu ils possèdent produit en eux; les autres, enfin, trritables, sensibles et intelligents, ce qui les nn, capables de se mouvoir par des actes de volouté, quoique le plus souvent ils agissent sans préméditation ; 9° De n’avoir aucune tendance, dans le développe- ment de leur corps, à s’élancer perpendiculairement au plan de l'horizon, et de n’avoir aucun parallélisme dominant dans les canaux qui contiennent leurs fluides: Tels sont les neuf caractères essentiels qui sont gé- néralement propresaux animaux, et qui les distinguent éminemment de tout végétal quelconque, ces neuf ca- ractèrés étant tous en opposition et contradictoires à ceux qui à és à aux végétaux. Ayant éjà prouvé, d’une part, que V'irritabilité n'existe nullement dans les végétaux , comme elle ne saurait exister dans aucun corps inorganique ; qu'au- cun végétal, en effet, ne possède de parties instanta- nément et itérativement contractiles sur elles- -mêmes; en sorte Le les mouvements observés dans différentes plantes, n’ont rien de comparable au phénomène de l’irritabilité animale; et de l’autre part, les zoolo- gistes sachant très bien qu’il n’est pas un seul animal qui ne soit muni de parties instantanément contrac- TouE 1. 7 98 INTRODUCTION. tiles; c'est donc une vérité incontestable et partout attestée par les faits; savoir, que les animaux sont les seuls corps de la nature {au moins dans notre globe) qui soient doués de parties irritables et de parties contractiles, susceptibles de se mouvoir subitement et itérativement à chaque provocation d’une cause excitante. Ils sont donc les seuls corps de la nature qui soient capables de se mouvoir par excitation. Si l’on recherche, en effet, quelle est la source des mouvements des animaux, on reconnaîtra qu’elle ré- side uniquement dans cette faculté singulière de leurs parties souples, qui leur donne le pouvoir de se con- tracter subitement à chaque excitation , et de réagir aussilôt sur le point affecté. Dès lors, la comparaison de ces singuliers mouvements avec tous ceux que l’on peut observer ailleurs «montrera, comme je viens de le dire, que les animaux sont réellement les seuls corps connus qui soient dans ce cas. Ceux des animaux dont le corps est entièrement gé- latineux , comme les irfusoires, les vrais polypes, les radiaires mollasses , ceux-là, dis-je, ont toutes leurs parlies concrètes éminemment irrilables, et la simpli- cité de leur organisation fait propager l'effet de toute excitation, soit sur une grande portion de leur corps, soit sur leur corps entier, Or, comme ces animaux trouvent autour d’eux ce qui peut les nourrir, car ils s'emparent de tout ce qu’ils peuvent saisir, et rejettent ce qu’ils ne peuvent digérer, ils n’ont point de mou- vements particuliers à exécuter pour un choix d’ali- ments, n’ont besoin d’aucuns muscles pour se mouvoir eux-mêmes, et, en effet, on ne leur en connaît pas positivement. Mais ceux qui sont plus avancés dans ja composition de leur organisation , ainsi que ceux qui ont des parties dures, comme des téguments coriaces, cornés ou crus- INTRODUCTION. 09 tacés: ceux-là, dis-je, ont l’érritabilité plus bornée dans ses eflets, et possèdent tous intérieurement des muscles , c'est-à-dire, des parties charnues, irritables, ésitéactiles sur elles-mêmes, et qui rev mou- voir par des exvitations internes. Ainsi, il n’est aucun animal, depuis la monade jusqu’à l'ourang-outang , qui n’ait de ces parties contractiles. Voilà des faits que l'observation constate à l'égard de tous les animaux, qui ne souffrent aucune excep- tion nulle part, et qui ne se retrouvent, ri dans les végétaux, ni dans les autres corps de la nature : ils doivent donc servir à caractériser généralement les animaux. Effectivement, ces caractères positifs nous seront utiles pour prononcer définitivement sur la nature de certains corps organisés, que les uns rapportent aux végétaux, tandis que les autres Îles regardent comme appartenant au règne animal (1). On sent bien que je n’entends pas m'occuper ici des causes prochaines et mécaniques des divers mouvements des animaux; mouvements qu’ils exécutent principa- lement dans leur locomotion ,; comme lorsqu'ils marchent, courent, sautent, rampent, volent ou nagent; objet qui fut traité par Aristote, Borelli, Barthez, Daudin, etc.; mais qu’il s’agit de la source même où les animaux puisent la faculié de se mouvoir. Or, j'ai déjà dit que si l’on demande quelles sont les (5) Les plantes de la famille des tremelles , et particulièrement les oscillatoires de Vaucaer, sont dans le cas que je viens de citer, et néanmoins ce sont évidemment des végétaux. Ces corps vivants ne sont pointirritables ; leurs mouvements oscillatoires sont toujours très lents et jamais subits; ils sont plus ou moins apparents en raison de la iem- pérature, et aucune excitation particulière ne les fait point varier. Voyez Vaucer, Hist, des Conferves, p. 163 et suiv. ’ ( Vote de Lamarck, F= / 100 INTRODUCTION, eauses physiques, on quelle est la source des mouve- ments subits que les animaux peuvent exécuter et répéter , la solution de cette question se trouvera dans la considération du fait que j'ai cité, savoir : que les animaux he se meuvent que par excitation ; et qu'eux seuls, dans la nature, sont généralement dans ce eas. On peut, effectivement, se cenvaincre par l’obser- vation que les mouvements des animaux ne sont point communiqués; qu’ils ne sont point le produit d’une impulsion, d’une pression, d’une attraction ou d’une détente; en un mot, qu'ils ne résultent point d’un effet, soit hygrométrique, soit pyrométiique; mais que ce sont des mouvements excités, dont la cause excitante agissant sur des parties subitement contrac- tiles, n’est point proportionnelle aux effets produits. Dans les corps inorganiques , et même dans les végé- taux, les mouvements des parties concrètes, quels qu’ils soient , ne sont que communiqués, ou que dé- terminés par quelque affinité ou quelque élasticité qui exerce son action; mais ils ne sont jamais excites ; aussi sont-ils toujours proportionnels aux causes qui les pro- duisent. De là vient que les lois de ces mouvements se sont trouvées déterminables , et qu’elles ont donné lieu à unescience particulière qu’on nomme mécanique; à laquelle les mathématiques sont applicables, (1) (1) On m'objectera peut-être, comme exception au principe que je viens de poser, que les matières qui entrent en fermentation ont alors des mouvetments excités, Mais of se tromperait à cet égard ; car, outre que les corps qui fermentent se détruisent , ce qui n’a point lieu dans les animaux qui se meuvent, je ne vois pas que les mouvements des corps qui fermentent soient en rien comparables aux mouvements éxci- és des animaux, aucune des parties de ces corps n’étant contractile. (Note de Lamarck.) * Les personnes qui voudraient soutenir cette fausse comparaison de- vront d’abord consulter les traités élémentaires de chimie pour sefaireune INTRODUCTION, 10H : Dans les animaux, au contraire, les mouvements subits qu'on leur observe ne s’opérant que par des exei: tations sur des parties concrètes, mais molles et con- tractiles, on ne trouve plus de rapports déterminables entre la eause excitante , sa force ét les mouvements produits; la nature même des mouvements d’une par- tie qui se contracte, semble opposée à ceux qu'ailleurs les causes physiques exécutent. D'après ce que je viens d'exposer, an voit que Îles animaux diffèrent énormément, par leur nature, des autre corps vivants dépourvus de parties érritables tels que les végéiaux. Aussi , possèdent-ils, dans l’érri- tabilité qui leur est exclusivement propre, une cause de supériorité de moyens qui a permis à la nature d'établir progressivement en eux les différentes facul- tés qu’on leur connaît. Cependant , un caractère aussi frappant, aussi tran- ché que celui que je viens de citer, ne fut réellement point saisi jusqu’à présent, puisque de notre temps on. a cherché à l’étendre jusques aux végétaux, cest-à- dire, à des êtres qui ne le possèdent point. De même, n’a-t-on point attribué généralement à tous les animaux la faculté de se mouvoir volontaire- ment, et celle de sentir, sans examiner auparavant ce que peuvent être le sentiment et la volonté ! Et , dans l'ouvrage que j'ai déjà cité (1), ne prétend- on pas que les organes essentiels à l’animalité sont ceux des sensations et du mouvement. Or, comme ces organes sont des nerfs et des muscles, il s'ensuit que juste idée de la fermentation et de la cause du mouvement qu’elle produit dans les corps soumis à son action : c’est une décomposition avec dé- gagement de gaz qui ne peut avoir rien de commun avec les mouyc- ments des animaux. (1) Voyez le Dict, des Sciences naturelles, aa mot Akai, pag. 167. 102 INTRODUCTION. tout animal doit en être pourvu ! Néanmoins, étant forcé de convenir qu’on ne les retrouve plus dans quantité d'animaux imparfaits , on suppose que ces organes y existent loujours, et qu'ils sont mêlés et con- fondus dans la substance irritable et sensible de ces animaux. On nous dit ensuite, dans le même ouvrage, que c’est la manière dont s’exerce la nutrition qui fournit le meilleur caractère distinctif entre les animaux et les végétaux; et pour le prouver, on assure que tous les animaux connus possèdent une cavité intestinale qui a nécessairement pour entrée une ou plusieurs bou- ches. , Ces assertions , qu'on ne s’est pas mis en peine de prouver, parce que la considération de quantité d’ani- maux en eût rendu les preuves trop difficiles à établir, montrent une prévention très forte en faveur des an- ciennes opinions que l’on s’était formées des animaux, quoique nos connaissances actuelies ne les permettent plus. Elles ne sont propres qu’à retarder les progrès de la zoologie, et l’on peut dire maintenant qu’aucune d'elles n’offre le vrai caractère qui distingue les ani- maux des végétaux. En niant formellement ces assér tions, parce qu'elles sont évidemment contraires à la marche que suit la nature dans ses productions ; qu’elles le sont à l’ordre progressif de la formation des organes spéciaux qui seuls donnent lieu à des facultés particulières ; et sur- tout qu’elles le sont à la nécessité des appareils d’or- ganes compliqués qui sont indispensables pour des facultés très éminentes; voici celles que je leur substi= tue, et que j’appuierai de preuves telles, qu’il faudra bien un jour les admettre. Sans doute, quelques animaux des plus parfaits sont doués de facultés d'intelligence, et peuvent agir par des INTRODUCTION. 103 actes de volonté, c'est-à-dire , à la suite d’une prémé- ditation; mais il n’est pas vrai que tous les animaux aient la faculté de se mouvoir ainsi par les suites d’une volonté ; Sans doute, beaucoup d'animaux peuvent éprouver des sensations ; mais il n’est pas vrai que les animaux jouissent tous de la faculté de sentir ; | Sans doute , il n’y a que des nerfs qui soient les or- ganes des sensations; mais il n’est pas vrai que tous les nerfs soient propres à la production de sentiment ; Sans doute, beaucoup d'animaux sont pourvus de nerfs; mais il n’est pas vrai que tous les animaux en soient munis d’une manière quelconque ; Sans doute, quantité d'animaux se meuvent par un système musculaire ; mais il n’est pas vrai que tous les animaux aient des muscles et puissent en avoir; Sans doute , enfin, un très grand nombre d’ani- maux possèdent une cavité intestinale, vrgance spécral pour la digestion; mais il n’est pas vrai que tous les animaux soient munis d'une pareille cavité, qu'ils aient tcus une ou plusieurs bouches, et que tous di- gèrent. Certes , si ces assertions sont fondées, î doit en ré- sulter que tout ce qui a été dit de l'animal est fort inconvenable, ne saurait fonder solidement la philoso- phie des sciences zoologiques, et probablement ne pro- vient que de ce qu'on a généralisé inconsidérément ce qui a été chservé dans les animaux les plus parfaits, J'ai déja donné les motifs sur lesquels se fondent quelques-unes de ces assertions; je donnerai bientôt ceux qui concernent les autres; mais auparavant je dois poser les axiomes ou principes suivants, qui sont les conséquences des six principes fondamentaux pré- sentés dans mon premier discours (pag g- 11), et qui s'accordent avec tous les faits observés. 104 INTRODUCTION. Principes ou Axiomes zoologiques. 19 Nulle sorte ou nulle particule de AS ne sau- rait avoir en elle-même la propriété de se mouvoir, ni celle de vivre , ni celle de sentir, ni celle de penser ou d’avoir des idées; et si, hors de f homme, l’on ob- serve des corps doués , soit de toutes ces facultés, soit de quelqu'’une d’entre elles, on doit considérer 1. ces facullés comme des phénomènes physiques que la nature a su produire, non par l’emploi de telle ma- tière qui possède elle-même telle ou telle de ces fa- cultés, mais par l’ordre et l’état de choses qu elle a institués dans chaque organisation et dans chaque Sys- tème d'organes particulier ; 20 Tou'e faculté animale, quelle qu’elle soit, est un phénomène organique; et cette faculté résulte d’un système ou appareil d'organes qui y donne lieu, en sorte qu’elle en est nécessairement dépendante ; 30 Plus une faculté est éminente, plus le système d'organes qui la produit est composé et appartient a une organisation compliquée; plus aussi son méca- nisme est difficile à saisir. Mais cette faculté n’en est pas moins un phénomènes d’organisation , et est en cela purement physique; 4° Tout système d’organes qui n’est pas commun à tous les animaux, donne lieu à une faculté qui est particulière à ceux qui le possèdent ; et lorsque ce sys- tème spécial n’existe plus, la faculté au’il produisait ne saurait plus exister (1); (1) Ce principe est d’une vérité incontestable, et il est l’expression d’un fait important dans les animaux. Ce fait peut être encore exposé de cette manière-ci : point d’acte sans l’instrument de cet acte; point de fonction sans l’organe de cette fonction. INTRODUCTION. 105 5o Comme l’organisation elle-même, tout système d'organes particulier est assujetti à des conditions né- cessaires pour qu’il puisse exécuter ses fonctions ; et armi ces conditions , celle de faire partie d’une orga- nisation dans le degré de composition où on l’observe, est au nombre des essentielles (2) ; | 6° L’irritabilité des parties souples, queique dans différents degrés, selon leur nature, étant une faculté commune à tous les animaux, n’est point le produit d’aucun système d'organes On A dans ces parties; mais elle est celui de l’état chimique, des substances de ces êtres, joint à l’ordre de choses qui existe dans le corps - 80 pour qu’il puisse vivre; 7° La nature, dans toutes ses opérations, ne pou- vant procéder que graduellement, n’a pu produire tous Îles animaux à la fois : elle n’a d’abord formé que les plus simples, et passant de ceux-ci jusques aux plus composés , elle a établi successivement en eux différents systèmes d'organes particuliers, les a muluipliés, en a augmenté de plus en plus l’énergie, et, les cumulant dans les plus parfaits, elle a fait exister tous les ani- maux connus, avec l’organisalion et les facultés que nous leur observons. Or, elle n’a rien fait absolument, ou elle à fait ainsi. re | Sachant parfaitement, par mes études des animaux, combien ces principes sont fondés, ces mêmes prin- cipes me dirigeront désormais dans l’exposition que je / ii r (1) Supposer dans une monade , dans une hydre , etc. , l’éminente faculté de sentir, quoïqu’il soit impossible d’y trouver le système d’or- ganes compliqué qui, seul, peut donner lieu à cette faculté , c'est une pensée contraire aux lois de l’organisation, et à la marche que la nature est obligée de suivre dans tout ce qu’elle produit, ( Note de Lamarck). 106 | INTRODUCTION. ferai des facultés que possèdent les animaux que nous considérerons. Mais auparavant, il convient de fixer la définition précise qui caractérise les coupes principales, parmi Îles corps naturels; coupes dont j'ai fait l’exposition des caractères avec détail. Or, ces coupes principales sont les corps inorganiques et les corps vivants, et parmi ceux-ci les végétaux et les animaux. Définition de chacune des deux coupes primaires qui partagent les productions de la nature. — Les corps inorganiques sont ceux en qui Pétat des parties ne permet pes au phénomène de la vie de s’exécuter en eux, quelque relation qu’ils aient avec les causes excitatrices de l’extérieur. it — Les corps vivants sont ceux en qui un ordre de choses et un état des parties, permettent à des causes excitatrices d’y produire le phénomène de la vie, qui en amène plusieurs autres. Définition de chacune des deux coupes principales qui divisent les corps vivants. — Les végétaux sont des corps vivants non irrita- bles, incapables de contracter instantanément et 1té- rativement aucune de leurs parties sur elles-mêmes, et dépourvus de la faculté d'agir, ainsi que de celle de se déplacer. — Les animaux sont des corps vivants de ués de parties irritables, contractiles instantanément ei itéra- tivement sur cs -mêmes; ce qui leur donne à tous la faculté d’agir, et à la re celle de se déplacer. Ces Gui tions sont claires, positives, à l’abri de INTRODUCTION. 107 touie objection, et ne rencontrent aucune exception nulle part. Que lon oppose maintenant ces caractères des ani- maux à ceux exposés ci-dessus qui appartiennent aux végétaux , Von sera convaincu de la réalité de cette ligne de démarcation tranchée que la nature a éta- blie entre les uns et les autres de ces corps vivants. Conséquemment , les auteurs qui indiquent un passage insensible des animaux aux végétaux par les polypes et les infusoires qu’ils nomment zoophites où animaux-plantes, montrent qu'ils n’ont aucune idée juste de la nature animale, ni de la nature végétale, et abusés eux-mêmes, ils pie à l'erreur tous ceux qui n'ont de ces objets que des connaissances Mn à cielles, Les polypes et les PTE ont même si peu de rapports avec aucun végétal quelconque, que ce sont, de tous les animaux, ceux en qui l’irritabilité ou la contractilité subite des parties a le plus d’éminence. J’ai déjà dit que, si, sous une seule considération, l’on peut rapprocher les animaux très imparfaits que constituent les infusoires , les polypes , etc. , des algues, des champignons, des lichens, et autres végétaux aussi très imparfaits, ce ne peut être que sous le rapport d’une grande DR api d'organisation de part et d'autre, + Or, la nature suivant pariout une même marche , et étant partout encore assujettie aux mêmes lois, il est évident que, si, pour former les végétaux et les ani- maux, elle a travaillé, d’un côté sur des matériaux d’une nature particulière , et de l’autre sur des maté- riaux dont fa composition chimique était différente, ses produits sur les premiers n’ont pu être les mêmes que ceux qu’elle a pu faire exister dans les seconds. C'est ce qui est effectivement arrivé; car, très bornée ï 08 INTRODUCTION. dans ses moyens, relativement aux végétaux, la nature n’a pu établir en eux l’érritabilité, et, par cette pri- vation, ces corps vivants sont restés dans une grande infériorité de phénomènes, comparativement aux ani- maux. Enfin, comme la nature a commencé en même temps les uns et les autres, ils ne forment point une chaîne unique, mais deux branches séparées à leur origine, où elles n’ont de rapports que par la sim- pheité d'organisation des uus et des autres. Voilà ce qu ’attesteront toujours l’observation de ces deux ve tes de corps vivants, et l’étude de la nature. | Maintenant que nous connaissons l'animal, que nous pouvons même distinguer le plus imparfait des animaux, du végétal le plus simple en organisation, nous avons, à l’égard des premiers , quantité d’objets twès importants à considérer ;: à si nous voulons réelle- ment les connaître. D'abord, quoiqu'il soit prouvé qu'il n’y ait pari de chaîne réelle entre toutes les productions de la na- ture, qu'il n’y en ait même point entre tous les corps vivants, puisque Îles végétaux ne sauraient se lier aux animaux par une véritable nuance , pour montrer unité du plan qu’a suivi la nature, dans la formation des animaux, je vais constater dans ja seconde partie, l'existence d’une progression dans la composition de l’organisation des animaux, ainsi que dans le nombre et l’éminence des facultés qu'ils en obtiennent. lé, INTRODUCTION. 10 DEUXIÈME PARTIE. » DE L‘'EXISTENCE D'UNE PROGRESSION DANS LA COMPOSI- TION DE L'ORGANISATION DES ANIMAUX, AINS1 QUE DANS LE{NOMBRE ET L’ÉMINENCE DES FACULTÉS QU'ILS EN OBTIENNENT. si El s’agit maintenant de constater l’existence d’un fait qui mérite toute l’attention de ceux qui étudient la nature dans les animaux ; d’un fait entrevu depuis bien des sièeles, jamais parfaitement saisi, toujours exagéré et dénaturé dans son expesition ; d’un fait, en un mot, dont on s’est servi pousétayer des suppositions entièrement imaginaires. Gé fait, le plus important de tous ceux qu'on ait re- marqués dans l'observation des corps vivants, consisté dans l’existence d’une composition progressive de V’or- gaisation des animaux , ainsi que d’un accroissement préportionné du nombre et de l’éminence des facultés de ces êtres. Effectivement , si l’on parcourt , d’une extrémité à l’autre , la série des animaux connus, distribués d'après leurs rapports naturels, ét en commençant par les plus imparfaits; et si lon s'élève ainsi, de elasse en classe , depuis les infusoires qui commencent cette $sé= rie, jusqu'aux mammifères qui la terminent, on trou- vera, er considérant l’état de l’organisation des diffé- rents animaux, des preuves incontestables d’une com- position progressive de leurs organisations diverses, et 110 INTRODUCTION. d’un accroissement proportionné dans le nombre et l’éminence des facultés qu’ils en obtiennent ; enfin, l’on sera convaincu que la réalité de la progression dont il s’agit, est maintenant un fait observé et non un acte de raisonnement. | Depuis que j'ai mis ce fait en évidence , on a a supposé que j’entendais parler de l’existence d’une chaîne non interrompue que formeraient, du plus simple au plus composé, tous les êtres vivants, en tenant les uns aux autres par des caractères qui les lieraient et se nuance- raient progressivement ; tandis que j’ai établi une dis- tinction positive entre les végétaux et les animaux, et que j'ai montré que, quand même les végétaux semble- raient se lier aux animaux par quelque point de leur : série, au lieu de former ensemble une chaîne ou une échelle graduée, ils présenteraient toujours deux branches séparées, très distinctes, et seulement rap- prochées à leur base, sous le rapport de la simplicité d'organisation des êtres qui s’y trouvent. On a même supposé que je voulais parler d’une chaîne existante entre tous les corps de la nature, et l’on a dit que cette chaîne graduée n’était qu’une idée reproduite, émise par Bonnet, et depuis par beaucoup d’autres. On au- rail pu ajouter que cette idée est des plus anciennes, puisqu'on la retrouve dans les écrits des philosophes grecs. Mais cette même idée, qui prit probablement sa source dans le sentiment obscur de ce qui a lieu réel- lement à l'égard des animaux, et qui n’a rien de com- mun avec le fait que je vais établir, est formellement démentie par l'observation à l’égard de plusieurs sortes de corps maintenant bien connus (1 (x) C’est donc à tort que M. Geoffroy Saint- Hilaire, dans son opus- cule intitulé palæontographie dans la note de la page 12; a attribué à Lamarck une opinion qu’il repousse ici avec juste raison. Cette opinion INTRODUCTION. III Assurément , je n’ai parlé nulle part d’une pareille chaîne : je reconnais partout, au contraire, qu'il ya une distance immense entre les corps inorganiques et les corps vivants, et que les végétaux ne se nuancent avec les animaux par aucun point de leur série. Je dis plus; les animaux mêmes qui sont le sujet du fait que je vais exposer , ne se lient point les uns aux autres de manière à former une série simple et régulièrement graduée dans son étendue. Aussi, dans ce que j’ai à établir , il n’est point du tout question d’une pareille chaîne, car elle n’existe pas. Mais le sujet que je me propose ici de traiter, con- cerne une progression dans la composition de l’organi- sation des animaux, re recherchant cette progression que dans les masses principales ou classiques, et ne considérant partout la composition de chaque organi- sation que dans son ensemble, c’est-à-dire dans sa gé- néralité. Or, il s’agit de savoir si cette progression existe réellement ; si le nombre et le perfectionnement des facultés animales, se trouvent partout en rapport avec elles, et si l’on peut actueliement regarder cette même progression comme un fait ét ou si ce n’est qu’ un système. Qu'il y ait des lacunes connues en diverses pots de l'échelle que forme cette progression , et des ano- malies à l’égard des systèmes d’organes particuliers qui se trouvent dans différentes organisations animales, lacunes et anomalies dort j’ai indiqué les causes dans ma Philosophie zoologique, cela importe très peu pour l’objet considéré, si l’existence de la progression dont il s’agit est un fait général et démontré, et si ce fait n’est pas non plus dans l’hydrogéologie de Lamarck , comme le dit M. Geoffroy dans la pote citée. 2 i12 INTRODUCTION. résulté d’une cause pareillement générale, qui ÿ me à donné lieu. n À la vérité, on a reconnu qu’il était possible d’éta- blir, dans la: distébürièn des animaux , une espèce de suite qui paraîtrait s'éloigner par degrés d’un type pri: mitif ; et que l’on pouvait, paï cé moyen, former une échelle graduée, disposée, soit du plus composé vers le plus simple, soit du plus simple vers le plus composé. Mäis on a objecté que, pour pouvoir ainsi établir une série unique, 1l fallait considérer chacune des organi- sations animales dans l’ensemble de sés parties; car, si l’on prend en considération chaque organe particulier, on aura autant de séries différentes à former, qué l’on aura pris d'organes régulateurs, les organes ne suivant pas tous le même ordre de dégradation. Gela montre, a-t-on dit, que, pour faire une échelle générale de perfection, il faudrait calculer l’effet résultant de chaque combinaison; ce qui n’est presque pas possible. (Cuvier, Anat. comp., vol, 1, p. 59.) La première partie de ce raisonnement est sans doute très fondée ; mais la suite et sur-tout la conclusion, selon moi, ne sauraient l’être; car on y supposé la nécessité d'une opération que je trouve au contraire fort inutile, et dont les éléments seraient très arbi- traires. Cependant, cette conclusion peut en imposer à ceux qui n'ont point suffisamment examiné ce sujet, et qui ne donnent que peu d’attention à l'étude des opérations de la nature. sé Voilà l'inconvénient de raisonner, à l’égard- des choses observées, d’après la supposition d’une seule cause agissantie pour la PREMIER dont il s’agit, avant d’avoir recherché s’il ne s’en trouve pas une autre qui ait le pouvoir de modifier çà et là les résultats de la première. En effet , on n’a vu, dans toutes ces choses, que les produits d’une cause unique, que ceux com-. . INTRODUCTION, :113 “pris dans l’idée qu'on se fait des opérations de la na- ture: et cependant il est facile de s’apercevoir que ces mêmes choses proviennent de l’action de deux causes fort diflérenties, dont l’une, quoique incapable d’a- néantir la prédominance de l’autre, fait néanmoins très souvent varier ces résultats. Le plan des opérations de la nature à l’égard de la production des animaux, est clairement indiqué par cette cause première et prédominante qui donne à la vie animale le pouvoir de composer progressivement l’organisation , et de compliquer et perfectionner gra- duellement, non-seulement l’organisation dans son ensemble, mais encore chaque système d’organes par- ticulier, à mesure qu’elle est parvenue à les établir. Or, ce plan, c’est-à-dire, cette composition progres- sive de l’organisation, a été réellement exécuté par cette cause première, dans les différents animaux qui existent. Mais une cause étrangère à celle-ci, cause accidentelle et par conséquent variable, a traversé çà et là l’exécu- tion de ce plan, sans néanmoins le détruire, comme je vais le prouver. Geite cause, effectivement, a donné heu, soit aux lacunes réelles de la série, soit aux ra- meaux finis qui en proviennent dans divers points et en altèrent la simplicité, soit, enfin , aux anomalies qu’on observe parmi les systèmes d'organes particuliers des différentes organisations. Voilà pourquoi, dans les détails, l’on trouve sou- vent, parmi les animaux d’une classe, parmi ceux mêmes qui appartiennent à une famille très naturelle, que les organes de l’extérieur, et même que les systèmes d’organes particuliers intérieurs, ne suivent pas tou- jours une marche analogue à celle de la composition croissante de l’organisalion. Cesanomalies n'empêchent pas, néanmoins, que la progression dont il s’agit, ne TOME 1. 10 D 114 INTRODUCTION. soit partout éminemment reconnaissable dans la série des masses, classiques. qui distinguent les animauxsla cause accidentelle citée n’ayant pu altérer la: progres- sion en question, que. dans des particularités de détail, et jamais dans la généralité des organisations. J'ai montré dans ma Philosophie zoologique (vol. x, p. 220), que celte, seconde cause résidait dans les cir- constances. très différentes où se sonttrouvés les divers animaux, en se répandant sur les différents points du globe et dans le sein de ses eaux liquides ; circonstances qui des ont forcés à diversifier leurs actions et Jeur manière de vivre, à changer leurs habitudes, et qui ont influé à faire varier fort irrégulièrement ; non- seulement leurs parties externes, mais même, tantôt telle partie et tantôt telle autre de leur organisation intérieure. (1). | C’est en confondant déux sbieus aussi élites 5. Sa- voir : d’une part, le propre du pouvoir de la vie Fu les animaux, pouvoir qui tend sans cesse à compliquer l’organisation , à former et multiplier les organes par- ticuliers, enfin, à accroître le nombre et le perfec- tionnement des facultés; et de l’autre, la cause accidentelle et modifiante, dont les produits sont.des anomalies diverses dans 4 résultats du pouvoir de la vie; c’est, dis-je, en confondant ces deux objets, qu’on a trouvé des motifs pour ne donner aucune attention au plan de la nature, à la progression que nous allons prouver, et lui refuser l’ im porLape que sa considéra- tion doit avoir dans nos études des animaux. (x) H y a done, d’aprèsLamarck, deux causes toujours agissantes sur animaux, l’une qui tend à les perfectionner d'une manière uniforme dans leur organisation , l’autre modifiant irrégulièrement., ces perfec- tionneménts, parce qu’elle agit selon les circonstances local es, fortuites, de température, de milieu, de nourriture, etc., dans lesquels les ani- maux vivent nécessairement, s INTRODUCTION. 11) Pour se convaincre de la réalité du plan dont je parle , et mettre dans tout son jour ce même plan que la nature suit sans cesse, et qu ‘elle maintient dans tous les rangs, malgré les causes étrangères quien di- versifient cà et là les effets; si, conformément à l’usage, l’on. ‘parcourt la série des animaux, depuis les plus parfaits d’entre eux jusques aux plus imparfaits, on re- connaîtra qu'il existe dans les premiers, un grand nombre d'organes spéciaux très différents les uns des autres ; tandis que, dans les derniers, on ne retrouve plus un seul de ces organes; ce qui est positif. On verra, néanmoins, que, partout, les individus de chaque espèce sont pourvus de tout ce qui leur est né- cessaire pour vivre ei se reproduire dans l’ordre de facultés qui leur est assigné; l’on verra aussi que, par- tout où une faculté n’est point essentielle, les organes qui peuvent la donner nese trouvent et n'existent réellement pas. Ainsi, en suivant attentivement l'organisation des animaux connus, en se dirigeant du plus composé vers le plus simple, on voit chacun des organes spéciaux , qui sont si nombreux dans les animaux les plus par- faits, se dégrader, s’atténuer constamment, quoi- que irréguliérement entre eux, et disparaître entière- ment l’un après l’autre dans le cours de la sirie, Les organes de la digestion, comme les plus g généra- lement utiles dans les animaux, sont les derniers à disparaître; mais, enfin, ils sont anéantis à leur tour, ayant d’ avoir atteint ik extrémité de la série: parce que ce sont des organes spéciaux, qu ils ne sont pas essentiels à l’existence de la vie, et qu’ils ne le sont que dans les organisations qui les possèdent. Maintenant, voyons les faitsconnus, d’après lesquels on peutétablir et constater la progression dont il s’agit. %. » 8* 116 INTRODUCTION. Faits sur lesquels s'appuient les preuves de l'existence d’une progression dans la composition de l’organi- sation des animaux. Premier fait : Tous les animaux ne se ressemblent point par l’organisation, soit extérieure, soit intérieure, de leur corps; on trouve parmi eux des différences nombreuses, constantes et très considérables; en sorte qu’ils offrent , sous ce rapport, une immense disnarité. Deuxième fait : Il est certain et reconnu que, sous le rapport de l’organisation, l’homme tient aux ani- maux, et sur-tout à certains d’entre eux. Troisième fait : On peut présenter comme un fait positif, comme une vérité susceptible de démonstration, que, de toutes les organisations, c’est celle de l’homme qui est la plus composée et la plus perfectionnée dans son ensemble, comme dans celui des facultés qu’elle lui procure. (1) Quatrième fait : L'organisation de l’homme étant la plus composée et la plus perfectionnée de toutes les organisations; l’homme ensuite tenant aux animaux par l’organisation; enfin, par cette dernière encore, les animaux différant plus ou moins considérablement entreeux; c’est un fait certain qu’il existe des animaux qui se rapprochent beaucoup de l’homme, sous le rapport de l’organisation; qu’il s'en trouve d’autres qui, sous le même rapport, s’en éloignent davantage que ceux-ci; et que, sous la même considération, d’autres encore en sont considérablement écartés. (1} Plusieurs animaux offrent, dans ‘certains de leurs organes, un perfectionnement et une étendue de facultés dont.les mêmes organes , dans J’homme, ne jouissent pas. Néanmoins , son organisation l’em- porte en ottection nn dans son ensemble, sur celle de tout animal quelconque ; ce qui ne peut être contesté. (Vote de Lamarck.) INTRODUCTION, 117 De ces quatre faits, trop reconnus et trop positifs pour qu'il soit possible d’eu contester raisonnablement aucun , la conséquence suivante résulte nécessairement, L'organisation de l’homme étant la plus composée et la plus perfectionnée de toutes celles que la nature a pu produire, on peut assurer que, plus une organi- sation animale approche de la sienne, plus elle est composée et avancée vers son perfectionnement; et de même , que plus elle s’en éloigne, plus alors elle est simple et imparfaite. (1) Maintenant, en nous réglant sur cette conséquence déjà tirée ; savoir : que, plus une organisation animale approche de celle de l’homme, plus elle est composée et rapprochée de la perfection; tandis que, plus elle s’en éloigne, plus alors elle est simple, et imparfaite; il s’agit de montrer que les diverses organisations ani- males, d’après les faits relatifs à l’ensemble de leur rs ere (1) On «est si éloigné de saisir les véritables idées que l’on doit se former sur la nature et l’état des animaux, que plusieurs zoologistes prétendant que tous ces corps vivants sont également parfaits chacun dans leur espèce, les mots animaux parfaits où animaux imparfaüs leur paraissent ridicules. ! comme si, par ces mots, l’on n’entendait pas exprimer ceux des animaux qui, par Le nombre, la puissance et l’émi- nence de leurs facultés , se rapprochent en quelque sorte de l’homme , ou désigner ceux qui, par ïes bornes extrèmes du peu de facultés qu’ils possèdent, s’éloignent infiniment du terme de perfection organique dont l’homme offre l’exemple ! Qui ne sait que, dans l’état d’organisation où il se trouve, tout corps vivaut, quel qu’il soit, est un être réellement parfait, c'est-à-dire, un être à qui il ne manque rien de ce qui lui est nécessaire! maïs , la na- ture ayant composé de plus en plus l’organisation animale ; et par là, étant parvenue à douer ceux des animaux qui possèdent l’organisation la plus compliquée, de facultés plus nombreuses et plus éminentes, on peut voir dans ce terme de ses efforts , unc perfection dont s’éloignent graduellement les animaux qui ne l’ont pas obtenue. ( Vote de Lamarck, ) ï18 INTRODUCTION. composition , forment réellement un ordre lrès recon- naissable, et dans lequei l’arbitraire n’entre pour rien, Pour nous accommoder à l’usage, procédons du plus com posé vers le plus simple, et recherchons dans les faits oi ervés, si l'ordre dont nous venons de parler existe l ositivement. Faits qui concernent les animaux vertébrés et qui prouvent l'existence d'une progression dans la com- position et le perfectionnement de leur organisation. Si l’ or dre de progression que nous recherchons existe, nous «evons trouver une dégradation progressive de classe :n classe dans }” M de des animaux ; puis- que nous allons procéder dans leur série, du plus composé vers le plus simple, commencer notre examen par les animaux qui ont l’organisation la plus compo- sée, et le terminer par ceux qui sont les plus simples à cet égard, c’est-à-dire, par les plus imparfaits. © Dans cette marche, nous deyons nous occuper d’a- bord des animaux vertébrés ; car, ce sont ceux qui ont l’organisation la plus composée, la plus féconde-en facultés, ia plus rapprochée de celle de l’homme, et à leur égard, nous remarquerons que le plan de leur organisation, plus ou moins développé dans chacune de leurs races, et aussi plus ou moins modifié par les circonstances dans lesquelles chacune d'elles se trouve, embrasse pareïllement l’organisation de l’homme qui offre le complément parfait de ce plan particulier. En conséquence , sans entrer dans tous les détails que l’anatomie comparée à fait connaitre , et qui mul- tiplient les preuves que nous pourrions citer; nous dirons que, si l’on examine attentivement les animaux vertébrés , on est bientôt convaincu : INTRODUCTION. J 19 10 Que, de tous les vertébrés connus, ce sont les mammifères qui tiennent. de (sk près à à l’homnie par l'organisation; qu ils sont même les seuls qui aient de commun avec lui la génération sexuelle vraiment vivipare; qu'ils sont plus avancés que tous les autres dans le développement de leur plan d'organisation , et conséquemmenL que c'est parmi eux sn se trouvent les plus parfaits des animaux; 20 Que, parmi les mammifères , ceux de l’ordre des onguiculés (Phétos. zool., vol. 1, p. 345), sont de tous les animaux à mamelles, ceux dont l’organisation ap- proche le plus de celle de l’homme, et leur donne plus de facultés qu'aux autres; que même parmi eux l’on trouve des familles particulières qui lemportent sur les autres familles du même ordre, par un plus grand rapprochement à cei égard ; qu’en eflet , dans les qua- drumanes, le cerveau présente, avec tous ses accessoires, le plus grand volume, proportionnellement à étui de leur corps, après le cerveau de l’homme, et consé- quemment l’organe de l’intelligence le plus développé après le sien ; qu’en outre, ces derniérs’ ont les extré- mités de leurs membres mieux disposées pour saisir les objets, pour les sentir, juger de leur forme ou de leurs autres qualités, en un mot, pour s’en servir, que les autres onguiculés : en sorte que l’organisation de ces animaux est effectivement la plus perfectionnée des organisations animales, et ne présente ensuite, dans les autres familles du même ordre, que des dégradations croissantes , qui entraînent des appauvrissements dans les Écut er E ‘TRS 3° Qu’outre la dégradation qui s’observe déjà parmi les différentes races des mammifères onguiculés ; celle qui a lieu dans les nammifères ongulés , se manifeste plus fortement encore; car ces animaux ont le corps plus gros, plus lourd ; les doigts moins séparés, moins 120 INTRODUCTION. libres, moins sensibles, puisqu’ils sont enveloppés de corne; ils sont moins adroits, re peuvent guère se servir de leurs pieds que pour se soutenir, ou pour leurs mouvements de translation, ne sauraient même s'as- seoir, se reposer sur le derrière; enfin , ils ont déjà. perdu de grandes facultés dont jouissent les premiers; parmi eux on observe encore une dégradation sensible, car les pachidermes ont les pieds moins altérés que les bisulces et les solipèdes ; 4° Qu’en quittant les mammifères et arrivant aux oiseaux, Von reconnaît que des changements plus gravesse sont opérés daus l’organisation de ces derniers, et les éloignent davantage de celle de l’homme; qu’en effet, la génération des vrais wivipares, qui est la sienne, est anéantie et ne se retrouvera plus désormais; car, il n’est pas vrai que, hors des mammifères, l’on connaisse aucun animal réellement vivipare , soit dans les reptiles, soit dans les poissons, etc., quoiquesouvent les œufs éclosent dans le ventre même de la mère, ce que l’on a nommé génération ovo-wivipare; en un mot, en arrivant aux oiseaux, on voit que la poitrine cesse d’être constan.ment séparée de l'abdomen par une cloison complète (un diaphragme), cloison qui reparaît dans quelques reptiles et disparaît ensuite partout; qu’il n’y a plus de vulve extérieure , séparée de l'anus, plus de saillie au dehors pour les parties sexuelles mâles, plus de saillie de même pour le cornet de l'oreille ex- térieure, et que les animaux n’ont et n’auront plus désormais la faculté de se coucher et de se reposer sur le côté ; 5° Qu'en laissant les oiseaux , pour considérer les reptiles, des changements et des diminutions plus graves encore dans le perfectionnement de l’organisa- tion se font remarquer, et les éloignent plus encore de celle de l’homme; que le cœur n’a plus partout deux INTRODUCTION. 121 ventricules sans communication, que la chaleur du sang n’excède presque plus celle des milieux environ- nants, qu’il n’y a plus dans tous qu’une partie du sang qui recoive dans chaque tour, l'influence de la respi- ration pulmonaire, que le poumon lui-même n'est plus constamment double (comme dans les ophidiens), et qu'à mesure qu’il approche de l'origine de sa forma- tion, ses cellules sont plus grandes ou moins nom- breuses , que le cerveau ne remplit qu’incomplétement la cavité du crâne, que le squelette offre çà et là de grandes altérations dans l’état et le complément de ses parties (point de clavicules dans les crocodiles, point de sternum ni de bassin dans les ophidiens), qu’une diminution d'activité dans les mouvements vitaux et dans les changements qu’ils produisent, permet à beau- coup d’animaux de cette classe de pouvoir vivre long- temps de suite sans prendre de nourriture (les tortues, les serpents); qu’enfin, si dans les premiers ordres des reptiles , le cœur a encore deux oreillettes, il n’en présente plus qu’une seule dans le dernier; 60 Qu'en arrivant aux poissons , l’on remarque que l’organisation animale s'éloigne de celle de l’homme bien plus encore que celle des animaux déjà cités, et qu'elle est conséquemment plus dégradée, plus impar- faite que la leur, indépendamment des influences du milieu dense qu’habitent les animaux dont il s’agit; qu'effectivement l’on ne retrouve plus dans les pois- sons l’organe respiratoire des animaux les plus parfaits, que le véritable poumon, que nous ne rencontrerons plus nulle part, y est remplacé par des branchies, or- gane bien plus faible en influence respiratoire, puisque pour parer aux inconvénients de cegrand changement, la nature fait passer tout le sang par cet organe avant de l’envoyer aux parues, ce qu’elle n’a point fait dans les reptiles ; que l: poitrine, ou ce qu’elle doit conte- 122 INTRODUCTION. nir, a passé ici sous la gorge, dans la base même de la tête ; qu'il n’y a plus et qu'il n’y aura plus désormais de trachée artère , ni de larynx, ui de voix véritable: que les paupière s, qui ont déjà manqué sur les yeux des re ne se retrouvent plus ici, et ne reparai- tront pius à l'avenir; que l'oreille est tout-à-fait in- térieure, sans conduit externe; qu ’enfin le squelette très incomplet, singulièrement modifié, partout sans bassin et sur le point de s’anéantir, n’est plus qu'é- bauché dans les dérniers animaux dé cette lasse (es lumproies), et finit avec eux. | Ces preuves que fournissent les animaux vertébrés d’une dégradation progressive de l'organisation, dé- puis le us perfectionné des guadrurantes, jusqu” au plus imparfait des poissons , et conséquemment d’une diminution croissante dans la composition et le per- fectionnement de l’organisation (à mesure que l’on parcourt leurs classes en sé dirigeant vers ceùx dont l'organisation s'éloigne plus de celle de l'honime )» deviennent de Pr eu plus frappantes et décisives , Si l’on étend la : même recherche aux animaux sans ver- tèbres. Faits qui concernent les animaux sans vertèbres , et qui prouvent aussi l'existence d'une progression dans la composition et le perfectionnement de l’or- ganisalion de ces animaux. ; ._ En continuant notre examen, et recueillant les faits observés que nous offrent les animaux sans vertèbres, on reconnaît : 1° Qu’avec les poissons se termine cé pal le pit particulier de l’organisation des animaux verté- brés , et par conséquent léxistence du squelette qui. INTRODUCTION. 1923 fait une partie essentielle de ce plan: qu effectivement, après les poissons, Ja moelle épinière, ainsi que la co- lonne vertébrale, cette base de tout véritable sque- lette , ont cessé d'exister; que par conséquent , le squelette Jui-même , cette charpente osseuse et arti- culée, qui fait une partie importante de l’organisation de l’homme et des animaux Îles plus parfaits, char- pente qui fournit aux mussles tant de points d’ attache pour la diversité et la solidité des mouvements, et qui donne une si grande force aux animaux sans nuire à leur souplesse, que cette partie, dis-je, est tout-à-fait anéantie, et ne reparaîlra désormais dans aucun des animaux des classes qui vont suivre; car, il n’est pas vrai qu'après les poissons, la peau crustacée ou plus ou moins solide de certains animaux, et les colonnes d’os- selets peur qui soutiennent fi rayons des astéries, de même que celles qui forment j’axe dans les encri- nes , soient des parties en rien analogues au squelette des animaux vertébrés ; qu'enfin, après les poissons, les animaux observés often des plans d'organisation très différents de celui auquel appartient l’organisa- tion même de l’homme, de celui qui admet des orga- nes particuliers pour l intellésence, de celui qui He lieu à un organe spécial pour la voix, à un véritable poumon pour respirer, à un système lymphatique, à des organes sécréteurs de r urine, etc., elc. ; 2° Que les mollusques , qui ne se lient par aucune nuance avec les poissons connus , à moins que de nou- veaux hétéropodes n’en LIRE un jour les moyens, doivent néanmoins venir les premiers dans notre mar- che, étant, de tous les animaux sans vertèbres , ceux en qui la composition de l’organisation paraît k plus avancée , quoiqu’elle soit appropriée, par son état de faiblesse, au changement que la nature devait exécuter pour amener celle des vertébrés ; que cependant ils 124 INTRODUCTION. sont encore plus imparfaits, plus éloignés de l’organi- sation de l’homme que les poissons, puisqu’ils man- quent de colonne vertébrale, et qu'ils n’appartiennent plus au plan d'organisation qui l’admet; que, n’ayant pas encore de moelle épinière, ils n’ont pas non plus de moelle longitudinale noueuse , mais seulement un cerveau, quelques ganglions et des nerfs, ce qui affai- blit leur sensibilité qui est répandue sur toute leur surface externe; qu’enfin, si ces animaux mollasses et inarticulés n’exécutent que des mouvements sans viva- cité et sans énergie, c’est que la nature se préparant à former le squelette , a abandonné en eux l’usage des téguments cornés et des articuiations qu'elle employait depuis les insectes , en sorte que leurs muscles n’ont sous la peau que des points d’appui très faibles ; 30 Que les cirrhipedes, les annelides et les crustacés, sous le rapport d’une diminution dans la composition et le perfectionnement de lorganisation, n’offrent aucune particularité bien éminente, si ce n’est qu'ils sont inférieurs aux mollusques, et par cela même plus. éloignés encore de l’organisation de l’homme; puis- que, par leur moelle longitudinale noueuse, ils parti- cipent au système nerveux des insectes , et qu’ils sont cependant moins imparfaits que ces derniers sous Île rapport de la circulation de leurs fluides et sous celui de leur respiration ; qu'enfin, les crustacés sont les. derniers animaux en qui des vestiges de l’ouïe aient élé observés, et en qui le foie se retrouve encore ; 4° Que, parvenu aux arachnides, qui tiennent de si près aux insectes, mais qui en sont très distinctes, on voit que l’organisation animale s’éloigue encore plus de celle de l'homme que celle des animaux pré- cédents; car le système d’organes, propre à la ctrcu- lation des fluides , n’est plus que simplement ébauché dans certains animaux de cette classe, et se trouve dé- INTRODUCTION. 195 finitivement anéanti dans les autres : en sorte qu’on ne le retrouvera plus dorénavant, quoique le mouve- ment ou le transport des fluides ou de certains fluides sécrétés , soit encore dans le cas de s’exécuter à l’aide de véritables vaisseaux , dans les animaux de plusieurs des classes qui suivent ; qu'ici, le mode de respiration par branchies se termine pareillement, n’y offre plus que quelques ébauches, et y est remplacé par celui des trachées aérifères, les unes ramifées, selon les observa- tiors de M. Latreille , ei les autres en doubles cordons ganglionés, comme dans les insectes ; qu’enfin, toute glande conglomérée paraissant ne plus exister, et ne devant plus se retrouver désormais, ces animaux sont encore plus éloignés de l’homme par Porganisation, que les crustacés mêmes en qui le foie se montre en- core ; 5° Qu’en parvenant aux énsectes , cette classe d’ani- maux si nombreux, si singuliers, si élégants même,on reconnaît que l’organisation s'éloigne encore plus de celle de l’homme que celle des arachnides et que celle des animaux qui, dans cette marche, les précèdent; puisque le système si important de la circulation des fluides, par des artères et des veines, n’y montrent plus aucun vestige; que Îe système respiratoire, par des trachées aérifères , non dendroïdes , mais en dou- bles cordons ganglionés , n’a plus même de concentra- tion locale ; que les organes biliaires ne sont plus que des vaisseaux désunis; que la sensibilité chez eux est devenue fort obscure, étant les derniers en qui ce phé- nomène organique puisse encore s’exécuter ; que léur cerveau est réduit à sa plus faible ébauche ; que leurs organes sexuels n’exécutent plus leurs fonctions qu’une seule fois dans ie cours de leur vie; qu’enfin, le sang, graduellement appauvri dans sa nature, depuis les animaux les plus parfaits, n’est plus, dans les insectes 126 INTRODUCTION. où il a cessé de circuler, qu’une sanie presque sans couleur, à laquelle il ne convient plus de donner le nom de pe br ous Go Que. les vers, qui, e en : descendant, toujours, vien- nent après les insectes, mais à la suite d’un hiatus, que les épizoaires rempliront peut-être un jour, pré- sentent, dans la composition de l’organisation une diminution bien plus grande encore que celle observée dans les insectes et dans les animaux déjà cités; en sorte que l’organisation des vers est beaucoup plus éloignée encore de celle à laquelle on la compare, ainsi que toutes les autres, que celle des insectes; qu'ici » en effet, n1 le cerveau, ce point de réunion pour la (1) Il] me pere que , faute d’ avoir étudié et suivi les moyens de la di , on s’est gravement trompé , relativement aux insectes, sur la cause, soit de la singularité des habitudes, soit de la vivacité Er mou- vements de certains de ces animaux. Au lieu d’attribuer ces faits à une organisation plus perfectionnée des insectes, ct à la nature de leur res- piration , ce qui devrait s'étendre à tous les animaux de cette classe , nous ferons remarquer que de simples particularités, que nous indique- rons, sont très suffisantes pour donner lieu à ces faits ; nous montrerons que, sans avoir des facultés d’intelligence, mais ayant des idées de per- céption, de la mémoire, un sentiment intérieur, et l’organisation mo- difiée par les habitudes, ces causes suffisent pour leur faire produire les actions que nous observons chezeux; que ces particularités, très diver- sifiées selon les races, ne sont point communes à tous ces animaux ; qu’en effet, s'il Le des insectes qui ont des mouvements très vifs , il y en a aussi qui n’en ont que de fort lents ; ; que même dans les infusoires, on trouve des animaux qui ont les mouvements lesplas vifs, tandis que , dans les mammifères, l'on voit des races qui n’en exécutent quede très lents ; qu’enfin, à l'égard des manœuvres singulières de certaines races, manœuvres que l’on a considérées comme des actes d'industrie, il ny a réellement que des produits d’habitudes que les circonstances ont progressivement amenées et fait contracter ; habitudes qui ont modifié l’organisation dans ces races, de manière que les nouveaux individus de chaque génération ne peuvent que répéter les mêmes manœuvres. | ( Vote de Lamarck. Voir la note de la page 17. ) INTRODUCTION. 1 29 production du phénomène du sentiment, ni la moelle longitudinale noueuse qui; depuis les insectes jus- qu'aux mollusques ; était si utile au mouvement des parties, n'existent plus; qu il n y à plus de tête , Plus d'yeux, plus de sens. particuliers, plus. de ref aérifères pour la respiration, plus de forme générale constituée par des parties paires , en un mot, plus de véritables mâchoires ; que la génération sexuelle, même, paraît : s’anéantir dans le cours de cette classe, le sexes ne se montrant plus qu’ ’obscurément dans cer- tains vers , et disparaissant entièrement dans les au- tres; qu’enfin , formant une branche particulière et hors de rang dans la série, ces animaux offrent entre eux-une grande disparité d organisation , de laquelle résulte que les plus imparfaits sont très simples, et ne paraissent dus qu’à des générations spontanées ; 7° Qu’étant arrivé aux radiaires, on reconnaît que } imperfection de l’ organisalion sara À où nous some mes pRyEnus , non- "a mess se soutient en elles, mais, même qu'elle continue de s’ s’accroître : qu’ il \ # effectivement manifeste, que, dans toutes, la généra- tion sexuelle ne présente plus Ja moindre existence r en sorLe que ces animaux sont réduits à n offrir que des amas de corpuscules reproductifs qui n'exigent aucune fécondation ; que, quoiqu 1] y ait encore, dans les radiaires échinodermes, des vaisseaux pour le trans- port | et l'élaboration des ere , Sans véritable circu- lation, cest dans les radiaires mollasses que paraît commencer le mode simple de É imbibition des parties par. le fluide nourricier, les vaissea ux qu’on y aperçoit encore, paraiant n appartenir qu’à leur organe res- piratoire; qu’ainsi que dans les vers, ni le cerveau, ni la moelle longitudinale, ni la tête, ni sens quelcon- que n'existent plus dans ces animaux; ; que © esL parmi eux qu’on yoit l'organe digestif montrer une véritable 198 INTRODUCTION. imperfection, puisque dans beaucoup de radiaires'le canal alimentaire, soit simple, soit augmenté latérale- ment, n’a plus qu’une seule issue, en sorte que la bou- che sert aussi d’anus ; qu’enfin , les mouvements iso- chrones de ceux de ces animaux qui sont tout-à-fait mollasses, ne sont plus que les suites des excitations de l’extérieur , comme je le prouverai. Ges mêmes ani- maux sont donc plus éloignés encore, par leur orga- nisation, de celle à laquelle nous les comparons, que les vers mêmes, puisque , dans plusieurs de ces der- niers, les sexes s’aperçoivent encore ; 8° Que les polypes qui, dans notre marche, viennent après les radiaires, ne sont pas néanmoins le dernier chaînon de la chaîne animale, et cependant sont beau- coup plus imparfaits, plus simpies en organisation, enfin, plus éloignés encore de notre point de compa- raison que les radiaires; qu’en effet, ils ne présentent plus à l’intérieur qu’un seul organe particulier, celui de la digestion dans lequel se développent quelquefois des gemmes internes; qu’en vain chercherait-on dans les vrais polypes aucun autre organe intérieur qu’un canal alimentaire, varié dans sa forme, selon les fa- milles, qui devient de plus simple en plus simple, se change peu à peu en sac, comme dans les hydres, etc., et n’a alors qu’une seule issue ; que l’imagination seule y pourrait supposer arbitrairement tout ce qu'elle voudrait y voir; qu’en un mot, ici, l'on est assuré que le fluide essentiel à la vie et à-la-fois nourricier , n’a d’autre mode d'être que celui d’imbiber les parties, de se mouvoir avec lenteur et sans vaisseaux dans la substance du corps du polype, dans ie tissu cellulaire qui occupe l'intervalle entre la peau extérieure de ce corps et son tube ou son canal alimentaire; 9° Qu’enfin, les infusoires, dernier anneau de la chaîne que nous venons de parcourir, et sur-tout Îles INTRODUCTION. 129 infusoires nus, nous offrent les animaux les plus im- parfaits que l’on ait pu cunnaître, ceux qui sont les- plus simples en organisation, ceux, enfin, qui sont, de tous, les plus éloignés du point de comparaison choisi; qu’effectivement, ces animaux n’ont pas un seul organe spécial, intérieur, constant et détermi- _nable, pas même pour la digestion : en sorte qu’outre qu'ils manquent, comme les polypes, de tous les autres organes spéciaux connus, ils n’ont pas même, comme eux, un canal ou un sac alimentaire, et par consé- quent une bouche; que l’organisation, réduite à les faire jouir seulement de la vie animale, ne leur donne aucune autre faculté que celles qui sont généralement communes à tous les corps vivants, plus celle d’avoir leurs parties irritables; qu’enfin , ces animaux ne sont plus que des corps infiniment petits, gélatineux, presque sans consistance, qui se nourrissent par des absorptions de leurs pores externes, qui se meuvent et se contractent par des excitations du dehors, en un mot, que des points animés et vivants. Dans cette révision rapide de la série des animaux, prise dans un ordre inverse à celui de la nature, j'ai fait voir que, depuis l’homme , considéré seulement sous le rapport de l’organisation , jusqu’aux infusoires et particulièrement jusqu’à la monade, il se trouve, dans l’organisation des différents animaux et dans les facultés qu’elle leur donne, une immense disparité; ; et que cette disparité, qui est à son maximum aux deux extrémités de la série, résulte de ce que les animaux qui composent cette série, s’éloignent progressivement de l’homme, les uns plus que les autres, par l’état de lacomposition de leurorganisation comparée à la sienne. Ce sont-là des faits que maintenant on ne saurait contester, parce qu’ils sont évidents, qu’ils appar- tiennent à la nature, et qu’on les retrouvera toujours TOME 1. 9 130 INTRODUCTION, les mêmes lorsqu'on prendra la peine de les examiner. La réunion de ces faits, prise en considération, for- cera sûrement un jour les zoologistes à reconnaître le vrai plan des opérations de la nature, relativement à l'existence des animaux; car, ce n’est point par hasard qu'il se trouve une progression manifeste dans la sim- plification de l’organisation des différents animaux, lorsqu'on parcourt leur série dans le sens que nous venons de suivre. | Qui ne sent que si l’on prend une marche contraire, la mème progression nous offrira une composition croissante de l’organisation des animaux, depuis la monade jusqu'à l'orang-outang , et même une perfec- tion graduelie de chaine organe particulier, malgré les causes étrangères qui en ont fait varier cà et là les résultats! Qui ne sent encore que si l'on prend cette nouvelle marche, le plan d'opérations qu’a suivi la nature, en donnant successivement l'existence aux animaux divers, se montrera si clairement, qu’il sera difhicile alors de le méconnaître! La considération suivante répand une grande Îu- mière sur les principaux faits d'organisation observés dans les animaux, et fait sentir encore combien est fondée la progression dans la composition de l’organi- sation des différents animaux, dont je viens d'établir les preuves. Dans chaque point du corps des animaux Îles plus imparfaits, tels que les infusoires et Îles polypes, la vie, par la grande simplicité de l'organisation, y est indépendante de celie desantres points du même corps. De là vient que, quelque portion que l’on sépare de Vun de ces corps vivants si simples, le corps peut con- tinuer de vivre, et répare bientôt alors ce qu’il a perdu. De là vient encore que la portion séparée de ce corps peut elle-même, de son côté, continuer de vivre ; en INTRODUCTION. 131 sorte qu’elle reproduit bientôt un corps entier, sem- blable à celui dont elle provient. Mais, à mesure que l’organisation se complique, que les organes spéciaux deviennent plus nombreux, et que les animaux sont moins imparfaits , la vie, dans chaque point de leur corps, devient dépendante de celle dés autres points. Et, quoique à la mort de l’indi- vidu , chaque système d'organes particulier meurt, l’un après l’autre, ceux qui survivent à d’autres ne con- servent la vie que peu d'heures de plus, et périssent immanquablement à leur tour, lenr dépendance des autres les y contraignant toujours. Il est même remar- quable que, dans les mammifères et dans l’homme, une portion de muscle enlevée par une blessure, ne saurait repousser; la plaie se cicatrise en guérissant ; mais la portion charnue du muscle enlevée ou dé- truite, ne se rétablit plus. Certes , cet ordre de choses n'aurait point lieu si la progression en question était sans réalité! La progression dont il s’agit, soit prise du plus composé vers le plus simple, soit considérée en se di- rigeant dans le sens contraire, est tellement sentie des zoologistes, quoique leur pensée ne s’y arrête jamais, qu’elleles entraîne, en quelque sorte, dans le placement des classes : l’on peut dire même qu’à cet égard, elle ne Îeur permet point cet arbitraire que nous employons ordinairement avec tant d’empressement partout où Ja nature ne nous contraint point d’une manière trop décisive. | Il est, en effet, assez curieux de remarquer à ce sujet, combien , malgré la diversité des lumières et des in- teliigences, et malgré la confiance que l’on à dans son opinion particulière, préférablement à celle des autres, Punanimité, néanmoins, est presque constante, parmi * x 132 INTRODUCTION. les zoologistes, dans le placement des classes qu’ils ont le mieux établies entre les animaux. R Par exemple, on ne voit point de zoologistes inter- caler, parmi les animaux à vertèbres , une classe quel- conque des invertébrés; et, à l'égard des premiers, s'ils placent les mammifères en tête de leur distribution, on les voit toujours mettre les oiseaux au second rang, et terminer toute la série des vertébrés par les poissons. S'il leur arrivait de partager les mammifères en deux classes, comme, par exemple, pour distinguer classi- quement les cétacés , ils placeraient de force les oiseaux au troisième rang, car aucun, sans doute, ne range- rait jamais les cétacés près des poissons. Enfin, dans cette marche, dirigée du plus comjosé vers le plus simple, les zoologistes terminent toujours la série gé- nérale par les infusoires, quoiqu'ils ne les distingwent point des polypes. En un mot, quoique confondant les radiaires, les polypes et les infusoires, sous la dé- nomination très-impropre de zoophytes, on les voit toujours, néanmoins, placer les radiaires avant les polypes, et ceux-ci avant les infusoires. Il y a donc une cause qui les entraîne, une cause qui force leur détermination, et qui les empêche de se livrer à l’arbitraire dans la distribution générale dés animaux. Or, cette cause, dont ils ont le sentiment intime, parce qu’elle est dans la nature, et dont ils ne s'occupent point, parce qu’elle amènerait des con- séquences qui traverseraient la marche qu’ils ont fait prendre à l'étude; cette cause, dis-je, réside unique- ment dans la progression dont je viens de démontrer l’existence ; en un mot, elle consiste en ce que la na- ture, en formant les différents animaux, a exécuté une composition toujours croissante dans les diverses orga- nisations qu’elle leur a données. On peu donc dire maintenant que, parmi les faits INTRODUCTION. 133 que l'observation nous a fait connaître, celui de la progression dont il s’agit, est un de ceux qui ont la plus grande évidence. Mais de ce qu’il x a réellement une progression dans Ja composition de l’organisation des animaux , depuis les plus imparfaits jusques aux plus parfaits de ces êtres, il ne s'ensuit pas que For puisse former avec les espè- ces et les genres une série unique, très simple, non interrompue, partout liée dans ses parties, et offrant régulièrement Îa progression dont il s’agit. Loin d’avoir eu cette idée, j’ai toujours été convaincu. du contraire, je l’ai étabh clairement; enfin j’enai reconnu et montré la cause. On s’est apparemment persuadé qu’une pareille échelle régulière , formée avec les espèces et les genres, devait être la preuve de la progression dont il est question, et comme [l'observation atteste qu’il n’est pas possible d’en former une semblable, parce que l’échelle qu'on exécuterait avec les espèces et les genres, rangés d’après leurs rapports, ne présenterait qu’une série irrégulière, interrompue, et offrant des anomalies nombreuses et diverses, on n’a donné aucune atten- tion à la progression dont il s’agit, et l’on s’est cru autorisé à méconnaître, dans celte progression, la marche des opérations de la nature. Cette considération étant devenue dominante parmi les zoologistes , la science s’est trouvé privée du seul guide qui pouvait assurer ses vrais progrès; des prin- cipes arbitraires ont été mis à la place de ceux qui doivent diriger la marche de l’étude; et si le senti- ment de la progression, dont j'ai prouvé l’existence, ne relenait la plupart des zoologistes, relativement au rang des masses principales, on verrait dans la disiri- Es des animaux , des renversements systématiques extraordinaires. 134 INTRODUCTION. Tout ici porte donc sur deux bases essentielles , ré- gulatrices des faits observés et des vrais principes zoologiques , savoir : 1 / 1° Sur le pouvoir de la vie, dont les résultats sont la composition croissante de l’organisation, et par suite, la progression citée ; 2° Sur la cause modifiante, dont les produits sont des interruptions, des déviations diverses et irré- gulières dans les résultats du pouvoir de la vie. I] suit de ces deux bases essentielles , dont les faits connus attestent le fondement : D'abord , qu’il existe une progression réelle dans la composition de l’organisation des animaux, que la cause modifiante n’a pu empêcher. Fan Ensuite, qu’il n’y a point de progression soutenue et régulière dans la distribution des races d'animaux, rangées d’après leurs rapports, ni même dans celle des genres et des familles; parce que la cause modifiante a fait varier, presque partout , celle que la nature eût régulièrement formé, si cette cause modifiante n’eût pas agi (1). | Cette même cause modifiante n’a pas seulement agi sur les parties extérieures des animaux, quoique ce soient celles-ci qui cèdent le plus facilement et les premières à son action; mais elle a aussi opéré des mo- difications diverses sur leurs parties internes, et a fait varier très irrégulièrement les unes et les autres. (1) Ceci est l’explication la plus simple et la plus rationnelle qui ait été donnée jusqu’à présent de certaines anomalies dans l’organisation des animaux; on conçoit dès lors, comment il se fait que des animaux d’une classe ‘inférieure aïent quelquefois certains organes plus déve- loppés que ceux dont l’organisation par son ensemble est beaucoup plus parfaits. INTRODUCTION. | 135 Il en résulte, selon mes observations, qu’il n’est pas vrai que les véritables rapports entre les races, et même entre les genres et les familles, puissent se dé- cider uniquement , soit par la considération d’aucun système d’organes intérieur, pris isolément, soit par l’état des parties externes; mais qu’il l’est, au contraire, que ces rapports doivent se déterminer d’après la con- sidération de l’ensemble des caractères intérieurs et extérieurs, en donnant aux premiers une valeur préé- minente, et parmi ceux-ci, une. plus grande encore aux plus essentiels, sans employer néanmoins la con- sidération isolée d’aucun organe particulier arc que (1)- Que les circonstances dans lesquelles se sont trou- vées les différentes races d'animaux, à mesure qu’elles se sont répandues de proche en proche, sur différents points du globe et dans ses eaux, aient donné à cha- cune d'elles des habitudes particulières, et que ces habitudes , qu’elles ont été obligées de contracter selon les milieux qu’elles habitèrent et leur manière de vivre, aient pu, pour chacune de ces races, mo- difier l’organisation des individus , la forme et l’état de leurs parties , et mettre ces objets en SENRIOS avec les actions habituelles de ces individus, il n’est plus possible maintenant d’en douter. En effet, l’on doit concevoir qu’à raison des milieux habités, des climats, des situations particulières, des diflérentes manières de vivre, et de quantité d’autres circonstances relatives à la condition de chaque race, tel organe ou même tel système d’organes particulier, a dû prendre, dans certaines d’entre elles, de grands développements ; tandis que dans d’autres races, quoi- (1) Les principes que doit fournir cette considération , seront déve- loppés dans la 6e partie de cette Introduction. 136 INTRODUCTION. que avoisinantes par leurs rapports généraux, mais très différemment situées, ce même système d'organes par- ticulier, très développé dans les premières, aura pu, dans celles-ci, se trouver très affaibli, très réduit, peut-être anéanti , où au moins modifié d’une manière singulière. ù | Ce que je dis de tel système d’organes qui fait par- ie de l’organisation des individus d’une race quel- conque, s'étend à toutes les autres parties de ces indi- vidus, et même à leur forme générale : tout en eux est assujetti aux influences des circonstances dans les- quelles ils se trouvent forcés de vivre. A l’égard des animaux, il y a nombre de faits connus qui attestent l'existence de cet ordre de choses, et l’on pourrait ajouter que, quelque petites que soient les modifications qui se sont opérées sous nos yeux et dort nous nous sommes convaincus par l’observation, dans ceux des animaux, dont nous avons changé for- cément les habitudes, ces mêmes modifications sont suffisantes pour nous montrer l'étendue de celles, qu'avec ie temps les animaux ont pu éprouver dans leur forme, leurs parties, leur organisation même, de la part des circonstances dans lesquelles ils ont vécu, et qui ont diversifié toutes leurs races presqu’à l’infini (à). D'après les considérations que je viens d'exposer, qui ne reconnaît la cause qui fait que, dans une même classe d'animaux, chaque système d’organes particu- lier ne suit pas, dans toutes les races, le même ordre, soit de perfectionnement , soit de dégradation? Enfin, qui ne voit que, malgré les anomalies di- verses proyvenues de la cause citée, la progression dans (1) Philosophie zoologique, vol, 1, p. 218. ns INTRODUCTION. 137% la composition de l’organisation animale , ne s’en est pas moins exécutée d’une manière très remarquable, et qu'elle indique clairement la marche des opérations de la nature à l’égard des animaux ? Puisque ces animaux, chacun de leur espèce, doivent à Ja nature et aux circonstances leur existence et tout ce qu'ils sont, essayons maintenant de montrer quels sont les moyens qu’elle a employés, d’abord pour instituer la vie dans les corps qui en jouissent, eusuite pour former en ceux qui en offraient la possibilité, des organes particuliers, les développer progressi- vement , les varier, les multiplier, et finir par les cumuler dans les plus perfectionnées des organisations animales. | 138 INFRODUGTION. TROISIÈME PARTIE. DES MOYENS EMPLOYÉS PAR LA NATURE POUR INSTITUER LA VIE ANIMALE DANS UN CORPS, COMPOSER ENSUITE PROGRESSIVEMENT L"ORGANISATION DANS DIFFÉRENTS ANIMAUX, ET ÉTABLIR EN EUX DIVERS ORGANES PAR= TICULIERS » QUI LEUR DONNENT DES 'FACULTÉS EN RAP PORT AVEC CES ORGANES. : Un des penchants naturels de homme étant de porter, en général, Îles individus de son espèce à bor- ner l'intelligence humaine d’après la limite de la leur , ceux qui ne font aucune étude de la nature, qui ne l’observent point , se persuadent aisément que c’est une folie de chercher à connaître la source des faits qu’elle présente de toutes parts à nos observations. Quant à moi, convaincu que les seules connais- sances positives que nous puissions avoir , ne sont au- tres que celles que l’on peut acquérir par l'observation; sachant d’ailleurs que, hors de la nature, hors des objets qui sont de son domaine, et des phénomènes que nous offrent ces objets, nous ne pouvons rien ob- server, je me suis imposé pour règle, à l’égard de l'étude de la nature , de ne m’arrêter dans mes recher- ches, que lorsque les moyens me manqueraient entiè- rement. Ainsi, quelque difhcile que paraisse le sujet qui m'occupe dans cette troisième partie, reconnaissant INTRODUCTION. 139 un fondement incontestable dans la proposition d’où je vais partir , ce fondement m'’autorise à étendre mes recherches jusques dans les détails des procédés qu'a employés la nature pour faire exister les animaux, et amener leurs différentes races à l’état où nous les voyons. ; Sans doute la proposition générale qui consiste. à aîtribuer à la nature la puissance et les moyens d’ins- tituer la vie animale dans un corps, avec toutes les facultés que la vie comporte, et ensuite de composer progressivement l’organisation dans différents ani- maux; cette proposition dis-je, est très fondée et à l'abri de toute contestation. Pour la combattre, il fau- drait nier le pouvoir, les lois, les moyens, et l’exis- tence même de la nature; ce que probablement per- sonne ne voudrait entreprendre. Ainsi , les animaux, comme tous les autres corps naturels, doivent à la nature tout ce qu’ils sont, toutes les facultés qu’ils possèdent. C’est de Jà que je partirai pour étendre mes recherches sur les moyens qu’elle a pu employer pour exécuter , à l’égard de ces êtres, ce que l’observation nous montre en eux. Mais nos déterminations des moyens mêmes qu’emploie la nature, ne sont pas toujours aussi positives que la proposition qui lui attribue le pouvoir d’exécuter tant de choses diverses. Ea effet, nous manquons nous-mêmes de moyens pour nous assurer du fondement de nos déterminations à cet égard, et cependant, comme notre principe ou notre point de départ est assuré, et qu’il nous prescrit de borner nos idées au seul champ dont il nous trace les limites , il ne s’agit plus que de montrer que les choses peuvent être comme je vais les présenter , et que s’il en était autrement, elles auraient nécessairement lieu par des voies analogues. 140 INTRODUCTION. D'après cela , le seul point d’où nous puissions par- tir pour arriver aux déterminations qui sont ici notre but, c’est, ayant tout, de reconnaître que les animaux; ainsi que les végétaux , les minéraux, et tous les corps quelconques , sont des productions de la nature. J’en établirai les preuves dans la 6° partie de cette Intro- duction, et dès à présent, je remarquerai que les na- turalistes en sont intimement persuadés, ainsi que l’atteste l'expression même qu'ils emploient kel ils en parlent. Puisque les animaux sont des productions de la na- ture , c’est d’elle conséquemment qu’ils tiennent leur existence et les facultés qu'ils possèdent ; elle a formé les plus parfaits comme les plus im parfaits; elle a pro- duit les différentes organisations qu’on remarque parmi eux; enfin , à l’aide de chaque organisation et de chaque système d’organes particuliers, elle a doué les animaux des facultés diverses qu’on leur connaît : elle possède donc les moyens de produire toutes ces choses. On est même fondé à penser qu’elle les produirait encore de la même manière et par les mêmes voies , si elles n’existaient point. Maintenant, je crois pouvoir assurer que si c’est elle qui a réellement fait exister ces mêmes choses, elle les a sans doute opérées physiquement; car ses moyens étant purement physiques, on ne peut lui en attribuer d’autres. Cette considération doit être. ju Eee importance pour mon sujet. Les moyens, et à la fois les causes de tout. ce que la nature a exécuté, et de tout ce qu’elle continue d’o- pérer tous les jours, sont nécessairement de différents ordres. En effet; on peut dire que la nature a des moyens généraux, et qu’elle en possède d’autres qui sont graduellement plus particuliers. Tous forment ensemble une hiérarchie de puissances dans laquelle INTRODUCTION: 141 tout est lié, tout est dépendant, tout est en harmonie, tout est nécessaire : ces vérités ont été senties, et sont en effet reconnues. Ainsi, pour établir quelque ordre dans nos idées sur ce sujet intéressant , et parvenir à montrer comment il paraît que la nature a opéré la production des ani- maux, je vais présenter mon sentiment sur ces moyens généraux les plus probables, et j’en indiquerai la liai- son avec les moyens particuliers et moins douteux, dont elle a nécessairement fait usage. Au moins dans notre globe, la nature a deux moyens puissants et généraux, qu’elle emploie continuellement à la production des phénomènes que nous y observons; ces moyens sont : 10 l'attraction universelle, qui tend sans cesse à . opérer le rapprochement des particules de la ma- tière, à former des corps, et à empêcher la dis- persion de leurs molécules; 20 L'action répulsive des fluides subtils, mis en ex- pansion ; action qui, sans être jamais nulle, varie sans cesse dans chaque lieu , dans chaque temps, et qui modifie diversement l’état de rapproche- ment des molécules des corps. De l’équilibre éntre ces deux forces opposées, des différentes quantités de puissance dont l’une l’em- porte sur l’autre dans chaque circonstance, des affinités diverses entre les objets assujettis à l’action de ces forces, enfin , des circonstances infiniment variées dans les- quelles ces forces agissent, naissent sans doute les causes de tous les faits que nous observons, et particu- lièrement de ceux qui concernent l'existence des corps vivants. Les deux forces contraires que je viens , citer sont reconnues; on en apperçoit, effectivement, l’action 149 | ANTRODUCTION. | dans presque tous les faits qui s'observent dans notre globe. Elles sont cependant plus générales encore; car, si l’on a des preuves que l'attraction ne se borne point à ce même globe, on ne saurait méconnaître, hors de lui, l’action d’une force répulsive sans létpuëlle la lu- mière, qui traverse sans césse l’espace dans toute direction , ne serait point mise en mouvement. La réalité des deux causes en question ne peut donc raisonnablement être mise en doute. Or, au lieu d’em- ployer cette connaissance à former des hypothèses sur l'univers , je vais me restreindre à considérer les faits qui en résultent dans Îe globe que nous habitons, et particulièrement ceux qui concernent jes corps vivants, sur-tout les animaux. On ne connaît point la cause de l’attraction univer- selle ; on sait seulernent que cette attraction est un fait positif que l’observation a constaté. Malgré cela, le mouvement ne pouvant être le propre d'aucune ma- tière, on doit penser que toute force attractive, ainsi que toute force répulsive, sont chacune le produit de causes physiques, étrangères aux propriétés essentielles des matières qui l’offrent. La cause qui met sans cesse, dans notre globe, plu- sieurs fluides invisibles, tels que le calorique , l’électri- cité, et peut être quelques autres, dans un état d’ex- pansion qui les rend répulsifs, me paraît plus détermi- nable que celle qui produit la gravitation universelle. Je la trouve, en effet, dans la lumière, perpétuellement en émission, des corps lumineux, et sur-tout dans celle du soleil qui vient sans interruption frapper notre globe, mais avec des variations continuelles sur chaque point de sa surface. Ce serait une grande erreur de croire que le calo- rique soit, par sa nature, toujours en mouvement , toujours expansif, toujours répulsif des molécules des INTRODUCTION. 143 corps dans lesquels il pénètre. J'ai publié (1) ce qu’il y a de plus probable sur la théorie de ce singulier fluide; et l’on y aura égard lorsque les étranges hypo- thèses actuellement en crédit, cesseront d'occuper la pensée des physiciens. Il me suffit de faireremarquer ici qu’un d'aide subtil, répandu dans notre globe et son atmosphère, fluide ‘qui, dans son état naturel, nous est nécessairement inconnu , parce qu’il ne saurait affecter nos sens, se trouvant sans cesse coërcé par la lumière du soleil, dans une moitié du globe, devient aussitôt un calorique expansif. En effet, comme une moitié entière de notre globe est, en tout temps, frappée par la lumière du soleil, il se reproduit donc toujours une immense (1) Comme assurément on ne saurait attribuer à une matière quel- conque d’avoir en propre aucune force productive de mouvement , et d’être par elle-mème, soit attirante, soit repoussante ; comme, ensuite, il n’est pas possible de douter que a propriété que lon observe dans certaines matières d'être répulsives des autres corps ou de tendre à écarter leurs molécules réunies en pénétrant dans leurs interstices , ne soit le produit d’un changement de lieu on d'état de ces matières ; j'ai senti qu’à l'égard du calorique, les propriétés qu’on lui connaît ne pou- yaient lui être essentielles, et lui étaient même nécessairement passa- gères : en sorte que ce fluide n’est calorique qu'accidentellement. En examinant alors les faits connus qui le concernent et leurs con- dilions , j’apercus les causes qui peuvent coërcer le fluide particulier propre à devenir calorique ; je reconnus bientôt ce qu’il pouvait opérer dans cet état passager , selon le degré d’expansion où il se rencontrait, et j y appliquai sans difficulté tout ce que l'observation nous a montré à son égard, Mes premières pensées sur ce sujet sont inscrées dans mes Recher- ches sur les causes des principaux faits physiques , no 332 à 338. Dès développement plus réguliers sur ma nouvelle théorie du feu se trou- vant consignés dans mes Mémoires de physique et d'histoire naturelle, pass: 185 à 200, On y reviendra probablement un jour, sur-tout lors- qu’on examinera les bases sur les quelles se fondent les hypothèses qui dominent maintenant , et qui arrêtent les vrais progrès de la physique, { Note de Lamarck }, 144 INTRODUCTION. quantité de calorique à la fois; ce que j'ai prouvé, sans avoir besoin de l'illusion des rayons calorifiques. Ainsi, ce calorique produit par la lumière, parfai- tement le même que celui qui se dégage dans les com- bustions, dans les eflervescences , ou qui se forme dans les frottements entre des corps solides, ce calorique, dis-je, étant toujours renouvelé et entretenu dans notre globe par le soleil, toujours changeant dans sa quantité et dans son intensité d’expansion, fait varier perpétuellement la densité des couches de l'air et l'humidité des parties basses de l’atmosphère, ainsi que celle de la plupart des corps de la surface du globe. Or, ces variations de calorique, de densité des couches de l’air, et d'humidité dans l'atmosphère et dans les corps, donnent continuellement lieu au déplacement - de l’électricité, aux variations de ses quantités dans différentes parties du globe, et à des cumulations di- verses de ses masses, qui les rendent elles-mêmes expansives et répulsives. Certes, il n’y a dans tout ceci rien qui ne soit conforme aux faits physiques observés. Ainsi, dans notre globe, deux causes opposées, qui agissentsans cesse et se modifient mutuellement; savoir: l’une, toujours régulière dans son action, tendant continuellement à rapprocher et à réunir les parties des corps et les corps eux-mêmes; tandis que l’autre, très irrégulière, fait des efforts variés pour tout écar- ter, tout séparer; deux causes, disons-nous, sont, dans les mains de la nature, des moyens qui lui donnent le pouvoir d’opérer une multitude de phéno- mènes, parmi lesquels celui qu’on nomme la ie est un des plus admirables, et en amène d’autres qui le sont davantage encore. La plus grande difficulté pour nous, en apparence, est de concevoir comment la nature a pu instituer la INTRODUCTION. “145 vie dans un corps qui ne la possédait pas, qui n’y était pas même préparé; et comment elle a pu com- mencer l’organisation la plus simple, soit végétale, soit animale, lorsqu'elle a formé des générations spon- tanées ou directes. Quoique nous ne puissions savoir avec certitude ce qui a lieu à cet égard, c’est-à-dire, ce qui se passe positivement; comme c’est un fait certain que la na- ture parvient, presque chaque jour, à douer de la vie de très petits corps en qui elle n'existait pas, et qui n’y étaient même pas préparés; voici ce que l’obser- valion et ce qu’une réunion d’inductions nous auto- risent à penser à ce sujel. C’est toujours par l’étude des conditions essentielles à l’existence de chaque fait, que nous pouvons réussir à nous éclairer sur leur cause. | Or, nous savons, par l’observation , que les organi- sations les plus simples, soit végétales, soit animales, ne se rencontrent jamais ailleurs que dans de petits corps gélatineux, très souples, très délicats, en un mot, que dans des corps frêles, presque sans consis- tance, et la plupart transparents. Nous savons aussi que, parmi ses moyens d’action, la nature emploie l’atitraction universelle qui tend à réunir , à former des corps particuliers; et qu’en outre, dans notre globe , elle emploie en même temps l’action des fluides subtils, pénétrants etexpansifs, tels que le calorique , l'électricité, etc. , fluides qui sont répulsifs et qui tendent à désunir les parties des corps qu’ils pénètrent, en un mot, à écarter leurs molécules agrégées ou agglutinées. Les choses étant ainsi, l’on conçoit facilement : ro que lorsque les petits corps gélatineux, que la puis- sance réunissante forme aisément dans les eaux et dans les lieux humides, recevront dans leur intérieur les TonE 1. 10 146 | INTRODUCTION. fluides expansifs et répulsifs que je viens de citer, et dont les milieux environnants sont sans cesse remplis; alors, les interstices de leurs molécules agglu tinées s’aggrandiront, et formeront des cavités utriculaires; 20 que les parties les plus visqueuses de ces cor ps géla- tineux, constiluant, dans cette circonstance, les parois des cavités utriculairés dont ; je viens de parler, pour- ront elles-mêmes recevoir, de la part des fluides subtils et expansifs en question, cette tension singulière dans tous leurs points, en un mot, cette espèce d’éréthisme que j’ai nommé orgasme, et qui fait partie de l’état de choses que j'ai dit être essentiel à l’existence de la vie dans un corps; 30 que l’orgasme une fois établi dans les parties concrètes du corps gélalineux en ques- tion , ce corps en reçoil aussitôt une faculté absorbante, qui le met dans le cas de se pourvoir de fluides liquides qu’il s’approprie du dehors, et dont les masses rem- plissent ses utricules. Dans cet état de choses, l’on sent que bientôt la continuité d'action des fluides subtils et expansifs en- vironnants, forcera le liquide des utricules à se dépla- cer, à s'ouvrir des psrages à travers les faibles parois de ces utricules, enfin, à subir des mouvements con- tinuels, suscepubles de varier en vitesse et en direction, selon les circonstances. Ainsi donc, voilà le petit corps gélatineux que nous considérons, véritablement organisé; le voilà composé de parties . concrètes contenantes, formant un tissu cellulaire très délicat, et de fluide propre contenu, que des excitations du dehors, toujours renouyelées , mettent sans cesse en mouvement; en un mot, le voilà doué de mouvements vitaux. C’est ainsi, probablement, que l'organisation fut commencée dans les généralions dites spontanées que Ja nature sait produire, Elle ne put l'être qu’à la faveur INTRODUCTION. 147 des petits corps gélatineux dont je viens de parler; et en effet, c’est uniquement dans de semblables corps da ‘on observe les organisations les plus simples, Ces mêmes petits corps pen donc transformés en corps vivants, dès que les interstices de leurs molécules purent être agrandis , et que leurs molécules les plus agglutinées purent constituer des parties concrètes cellulaires, capables de contenir des fluides susceptibles d’être mis en mouvement dans leurs petites cavités. Dès lors, ces petits ‘corps transpirèrent el firent des pertes ; mais dès lors aussi ils devinrent absorbants, et se nourrirent et se développèrent par des additions internes de particules qui purent s’y fixer. Les mouvements excités dans le fluide propre des petits corps gélatineux dont je viens de parler, cons- tituent dès lors en eux ce qu’on nomme /a vie; car ils les animent, les metient dans le cas de transpirer, d’absorber par leurs pores ce qui peut réparer leurs pertes, de s’étendre, c’est-à-dire de s’accroître jus- qu’à un certain point, enfin de se multiplier ou se re- produire ; ; ce qui s’exécule par des scissions ou des di- visions de ces corps. Toutes ces opérations n’exigent ni travail, ni dhats gements notables dans les matériaux employés. Les moyens les plus simples, les seuls que la nature ait alors à sa disposition, lui suffisent. L’assimilation se borne à employer celles des parti- cules absorbées, dont la composition chimique est analogue à celle de la substance très peu composée de ees frêles corps. L'extension ou l’accroissement de ces petits corps s'exécute par les suites mêmes des forces de la vie, forces qui résultent des mouvements excités. Cette extension est : bornée par la nécessité de ne Le de] 10* 148 INTRODUCTION. franchir sans rupture les limites de Ja ténacité très faible de ces corps. Enfin, la multiplication ou la reproduction de ces mêmes corps, est le produit d’un excès d’accroissement qui l'emporte : sur le terme de la ténacité, et qui en opère la scission. Mais à mesure que cette ténacité s'accroît un peu plus, les scissions deviennent alors moins grandes ,se particularisent ou se bornent à cer- tains points du corps, et en amènent la gemmation. Les petits corps dont il s’agit, possédent done , dès l’instant même que fa vie les anime, les facultés qui sont communes à tous les corps vivants, et ils en sont doués par les voics les plus simples. Or, comme aucun d’eux n'a d’organes particuliers, aucun de même ne jouit des facultés particulières. Qu'on ne dise pas que l’idée des générations spon- tanées n’est qu’une opinion arbitraire , sans fonde= ment, imaginée par les anciens, et depuis formelle- ment contredite par des observations décisives. Les anciens, sans doute , donnèrent une extension trop grande aux générations spontanées, dont iis n’eurent que le soupçon; ils en firent de fausses applications, et il fut facile d’en montrer l’erreur. Mais, on n’a nullement PEONNE qu’il ne s’en opérait aucune , et que la nature n’en proper point à l'égard des organi- sations les plus simples (1). (1) Sur cette question très importante des générations spontanées , les naturalistes de nos jours sont encore divisés ; cependant là, ce nous semble, la difficulté est plus apparente que réelle , et le dilemme posé ici par Lamarck , met les naturalistes dans la nécessité d'adopter l’une de ces propositions : la nature a eu la puissance de créer les animaux, ou elle a manqué de cette puissance créatrice. Les animaux existent, donc la nature a eu la puissance de les créer ; ils n’existeraient pas sans cela. Maintenant il faut se demander comment la nature a-t-elle agi dans cette création ? De deux choses l’une ; ou elle a par sa toute-puis. INTRODUCTION: 149 J'ajouterai que, s’il était vrai que la nature n’eût pas. les moyens de produire cile-même directement les corps vivanis les plus imparfaits, soit du règne vé- gétal, soit du règne animal, il le serait aussi, que ni EEE sance créé tous les êtres dès l’origine , ce qu’ils sont et dans toute la perfection de leur organisation, dans ce cas la pature n’aurait ex qu’une seule fois le pouvoir de créer chaque espèce : l’homme lui-même au- rait été fait d’un seul jet , aussi bien que tous les autres animaux; dans cette supposition il faudrait toujours admettre que chaque espèce, à son apparilion,aeu une naissance spontanée, pdisque les individus de cette même espèce n'ont pu être engendrés par des parents qui n’existaient pas encore; ou bien la nature a créé spontanément quelques êtres sim- ples en Les soumettant à cette loi de perfectibilité progressive que nous leur connaissons en général. Or concevrait , en effet, plus facilement, qu’il a fallu un moindre effort pour ajouter une très pelite modi- fication à un être simple déjà existant, que pour former en une seule fois un être aussi compliqué dans son organisation que homme , par exemple ; car en admettant la possibilité de cette première modifica- tion et sa conservation par les générations, on se trouve nécessairement entrainé à admettre toutes celles qui sont nécessaires, pour expliquer cette progression dans l’organisation des animaux et l’enchaînement des divers groupes par des rapports incontestables , enchaînemeñt que l’on reconnaît d’autant mieux qu’on a étudié davantage les espèces d’animaux.-Un autre ordre de faits que nous fournit l'étude des corps fossiles en rapport avec les couches de la terre, pourraît fortifier l’opinion de Lamarck sur les générations spontanées. Si, comme les physiciens et les géologues le croient aujourd’hui , la terrre a été incandescente, elle n’a pu être habitée par les premiers animaux qu'après un certain degré de refroidissement; et comme ces animaux n’exislaient nulle part à la surface terrestre , il a bien fallu que la nature les créàt spontané- ment. Les animaux les plus simples étant gélatineux , nous ne pouvons nous faire la moindre idée de ceux de ces corps qui vécurent les pre- miers. L'étude des fossiles nous apprend seulement que les couches de sédiment qui ont été déposées les premières ne recèlent que des débris solides d'animaux simples (crustacés, mollusques, quelques poissons ); que dans les couches suivantes, on voit successivement apparaître des animaux de plus en plus compliqués; et les mammifères ne se montrent que dans les couches les plus nouvelles. Les quadrumanes et l’homme paraissent être des créations plus nouvelles encore, puisque nulle part on ne t:ouve de leurs ossement à l’étai fossile. IL faut donc conclure de 150 INTRODUCTION. { les végétaux, ni les animaux, ne seraient ses produc- tions ; il le serait encore que les minéraux et les autres corps inorganiques ne lui devraient rien ; enfin, il le serait que son pouvoir et ses lois seraient nuls , et qu’elle-même n’aurait aucune existence; ce que l’ob- servation dément généralement. Maintenant qu'il n’est plus possible de douter, qu'au moins à l’extrémité antérieure du règne végé- tal et du règne armimal , la nature ne produise des gé- nérations spontanées, en établissant la vie dans les corps organisés les plus frêles et les plus simples de chacun de ces règnes; si l’on suppose que, dans cer- tains de ces petits corps vivants, d’après la composition chimique de leur substance , la nature n’a pu établir l’irritabilité des parties, c'est-à-dire , rendre ces par- _ties subitement contractiles sur elles-mêmes à chaque provocation des causes stimulantes, on aura, dans ces corps, les types d’où sont proyenus les différents vé- gélaux ; tandis que ceux de ces corpuscules vivants en qui, à raison de la composition chimique de leur substance, la nature a pu instituer l’irritabilité, de- vront être considérés comme les types qui ont donné lieu aux différents animaux existants (1). ces faits, que tous les animaux n'ont pas été créés en même temps, et que les plus simples ont existé les premiers. Ces observations peuvent appuyer l'opinion de Lamarck ; elle nous paraît préférable dans cette question difficile de la création des corps vivants. (1) L'irritabulité étant une faculté générale pour tous les animaux, n'exige en eux aucun organe particulier our y donner lieu La nature ou la comy:osition chimique de leur substance , me parait seule pouvoir produire le phénomène dont il s’agit. Lor-que je considère les faits galvaniques, et que je vois deux pièces de métal différents, mises en contact avec ma langue, me faire éprou- ver une sensation particulière, à l’instant où elles se touchent l’une et l’autre, effet qui se répète autant de fois de suite que je réitère le con- tact , je crois apercevoir que les substances animales et vivantes sont INTRODUCTION. 151 Sans doute, je ne puis montrer, dans tous leurs détails, comment ces choses se passent , ni développer positivement le mécanisme de lirritabilité ; mais je sens la possibilité que ces mêmes choses soient comme je viens de ledire, et toutes lesinductions m’apprennent qu’elles ne peuvent être autrement. Après l’applanissement de cette première difficulté que nous offrent les générations spontanées au com- mencement de chaque règne organique, ainsi qu'à celui de certaines branches de ces règnes, toutes les autres relatives à la composition de l’organisation dans les animaux et à la formation des différents organes spéciaux qu’on observe parmi eux, me paraissent s’é- vanouir facilement. Eu effet, on verra ces difficultés disparaître si, aux moyens généraux de la nature, l’on ajoute les quatre: lois suivanies qui concernent l’organisation et qui régissent tous les actes qui s’opèrent en elle par les forces de la vie. ne 5h loi : La vie, par ses propres forées “tend continuellement à accroître le volume de tout corps qui la possède, et à étendre les dimen- sions de ses parties, jusqu’à un térme qu elle amène elle-même. susceptibles d’éprouver dans tons les instants , non précisément un effet galvanique, mais an effet probablement analngue. Il est possible effectivement que, par lenr cemposition chimique, ces suhstances se trouvent rénétrées eten quelque sorte distendues par quelque fluide subtil qyi s’en échapperaît à chaque contact d’un corps étranger, et les mettrait alors dans le cas de se contracter subitement. Or, la dissipation da fluide subtil en question , pourrait dans l'instant même se trouver ré- parée. Le phénomène d’iritabilité animale n’exige donc point d’or- gane particulier pour pouvoir se produire. ( Vote de Lamarck. ) 152 INTRODUCTION. Deuxième loi: La production d’un nouvel organe dans un corps animal, résulte d’un nouveau besoin survenu qui continue de se faire sentir, et d’un nouveau mouvement que ce besoin fait naître et entretient. Troisième loi : Le développement es organes et leur force d'action sont constamment en raison de l’emploi de ces organes. Quatrième loi : Tout ce qui a été acquis, tracé ou changé, dans l’organisation des individus, pen- dant le cours de leur vie , est conservé par la génération et transmis aux nouveaux individus qui proviennent de ceux qui ont éprouvé ces changements. Il est impossible de rien entendre aux faits d’orga- nisation et sur-tout aux opérations de la nature à l'égard des animaux, sans la connaissance de ces lois, en un mot, sans les prendre réellement. en considéra- tion. En conséquence, je vais les présenter chacune successivement, avec les seuls développements. néces- saires pour en faire apercevoir la réalité et la puis- sance. | Première loi : La wie, par ses propres forces, tend continuellement à accroitre le volume de tout corps qui la possède, et à étendre les dimensions de ses parties, jusqu'à un terme qu’elle amène elle-mème. On sait que tout corps vivant ne cesse de s’accroître, depuis l'instant où la vie l’anime, jusqu’à un terme particulier de sa durée, qui est relatif à celle de cha- que race. Ce corps s’accroîtrait pendant le cours entier de sa vie, si une cause assez connue ne mettait un terme à son accroissement, après le pros quart, ou environ, de sa durée. D AE PERS + Mi INTRODUCTION, 153 La vie active étant coustituée par les mouvements vitaux, on doit sentir que c'est principalement dans les monvements des fluides propres du corps vivant, que réside le pouvoir que possède la vie, d’étendre le volume ct les parties de ce corps; car la nutrition seule ne suffit point; elle n’est point une force, et il en faut une pour agrandir, du dedans en dehors, L Yo- Jume et les parties du corps dont il s’agit. Mais si dans chaque individu, le AU de la vie tend sans cesse à augmenter les dimensions du corps et de ses parties, ce pouvoir n'empêche pas que la durée de la vie n'’amène graduellement et constam- ment , dans l’état des parties, des altérations (une in- durescence et une rigidité progressives qui mettent un terme à l’accroissement de l'individu, et ensuite un autre à la vie même qu'il possède). Ainsi, ce sont ces altérations croissantes et connues qui constituent la cause qui, malgré la tendance de la vie, borne la croissance de l'individu, et même qui amène nécessai- rement sa mort après un temps en rapport avec la du- rée de cette croissance. En eflet, les forces de la vie tendant à accroître les dimensions de tout corps qui la possède , et les altéra- tions que sa durée amène dans les parties de ce corps bornant le produit de ces forces, il en résulte qu’il y a des rapports consiants entre la croissance des indi- vidus et la durée de leur vie. Aussi a-t-on remarqué que là où la croissance a le plus de durée, la vie a plus d’étendue, et vice versd. Min tent si l’on considère que ds les premiers corps vivants ie directement par la nature, les forces de la vie sont dans leur faible intensité, parce que les mouvements des fluides propres de ces corps sont très lents et sans énergie, on sentira que l’orga- Bisation de ces pelits corps gélatineux peut être ré- 154 INTRODUCTION. duite à un simple tissu cellulaire très frêle et à peine modifié. Cependant, à mesure que les fluides de ces petits corps recevront de l’accélération dans leurs mouvements, les forces de la vie s’accroîtront propor- tionnellement ; son pouvoir augmentera de même: le mouvement FA fluides, devenu plus rapide, TR, des canaux dans le tissu délicat qui les contient; bien- tôt une diversité dans la direction de ces fluides en mouvement s’élablira; des organes particuliers com- menceront à se former; les fluides eux-mêmes, plus élaborés, se composeront davantage, et donneront lieu à plus de diversité dans les matières des sécrétions et dans les substances qui constituent les organes; enfin, selon la branche de corps vivants que l’on considérera, l’on verra dans sa composilion et son perfectionne- ment, tous les progrès dont elle est susceptible. Qui est-ce qui coutestera la vérité de ce tableau, qui présente la marche que suit l’organisation depuis les animaux les plus imparfaits } jusqu’ aux plus par- faits ? Qui est-ce qui ne verra pas que c'est-là l’histoire des faits d'organisation qui s’observent à l’égard des animaux considérés, dans cette progression de leur série, du plus simple au plus composé ! ? Je n’eusse assurément pas imaginé un pareil ordre de choses, si l’observation des objets et l’attention donnée aux:moyens qu’emploie la nature ne me l’ eus- sent indiqué. À cette première loi de la nature, qui donne à la vie le pouvoir” d’a :gmenter les dimensions d’un corps et d’étendre ses P: res, et en oulre, qui met ce pou-, voir dans le cas d’accroître grac luellement ses forces dans la composition de l’organisation arimale, si nous ajoutons successivement les trois autres lois remar- quables que j'ai déjà citées, et qui dirigent les opéra- tions de la vie à cet égard, on aura alors , à très peu INTRODUCTION. à 155 de chose près , le complément des lois qui donnent l'explication des faits d'organisation que les corps vi- vants, et sur-toul les animaux, nous présen tent. Deuxième loi : La production d’un nouvel organe dans un corps animal, résulte d’un nouveau besoin sur- venu qui continue de se faire sentir, et d’un nouveau mouvement que ce besoin fait naïtre et entretient. Le fondement de cette loi tire sa preuve de la troi- sième sur laquelle les faits connus ne permettent au- cun doute ; car, si les forces d’action d’un organe, par leur accroissement, développent davantage cet organe, c'est-à-dire, augmentent ses dimensions et sa puis- sance , ce qui est constamment prouvé par le fait, on peut être assuré que les forces dont il s’agit, venant à naître par un nouveau besoin ressenti , donneront né- cessairement naissance à l’organe propre à satisfaire à ce nouveau besoin, si cet organe n’existe pas encore. À la vérité, dans les animaux assez imparfaits pour ne pouvoir posséder la faculté de sentir, ce ne peut être à un besoin ressenti qu’on doit attribuer la formation d’un nouvel organe, cette formation étant alors le pro- duit d’une cause mécanique , comme celle d’un nou- veau mouvement produit dans une partie des fluides de l’animal. | Il n’en est pas de même des animaux à organisation plus compliquée, et qui jouissent du sentiment. Ils ressentent des besoins, et chaque besoin ressenti, émou- vant leur sentiment intérieur, fait aussitôt diriger les fluides et les forces vers le point du corps où unc ac- tion peut satisfaire au besoin éprouvé. Or, s’il existe en ce point un organe propre à à ceile action , il est bientôt excité à agir ; et si l'organe n’existe pas, et que le besoin ressenti soit pressant el soutenu; peu a peu l'organe se produit et se développe à raison de Ja con- tinuité et de l’énergie de son emploi. | 156 INTRODUCTION, Si je n’eusse pasété convaincu: 1° que la seule pensée. 1 s o Jo > MALE "el d’une action qui l’intéresse fortement, suffit pour émouvoir le sentiment intérieur d’un individu (1); 20 qu’un besoin ressenti peut lui-même émouvoir le sentiment en question; 3° que toute émotion du sentiment intérieur , à la suite d’un besoin qu'on éprouve , dirige dans l’instant même une masse de fluides nerveux sur les points qui doivent agir; qu’elle y fait aussi affluer des liquides du corps et sur- tout ceux qui sont nourriciers; qu’enfin , elle y met en ac- tion les organes déjà existants, ou y fait des efforts pour la formation de ceux qui n’y existeraient pes et qu’un besoin soutenu rendrait alors nécessaires, j'eusse conçu des doutes sur la réalité de la loi que je viens d'indiquer. Mais, quoiqu'il soit très difficile de constater celte - (1) J'ai déjà dit que la pensée était une phénomène tout-à-fait phy- sique, résultant de la fonction d’un organe qui a la faculté d’y donner lieu. Rien, effectivement, n’est plus fréquemment remarquable, sur-tout dans l'homme, que les effets de la pensée , soit sur le sentiment inté- rieur, soit sur différents des organes internes , selon la nature particu- lière de la pensée produite. Enfin, comme l'imagination se compose de pensées, on ne saurait croire jusqu’à quel point elle agit sur nos organes intérieurs , et combien peuvent être grandes les impressions qu’elle y occasione. Quel est l’homme qui ignore les effets que peut produire sur son in- dividu, la vue d’une femme jeune et belle, ainsi que la pensée qui la reproduit à son imagination lorsqu'elle n’est plus présente? Qui ne connaît les suites fâcheuses d’une grande frayeur, d’une nouvelle affli- geante, et quelquefois même d’une joie considérable subitement éprou- vée? Qui se sent encore que c’est ce fonds de vérités positives, les- quelles ont pourtant leurs limites, qui a donné lieu à ce qu’on nomme le magnétisme animal, où ce qu’il y a de réel n’est guère que le produit des effets de l'imagination sur nos organes intérieurs , mais auquel l'ignorance ct peut-être le charlatanisme, ont attribué un pouvoir ab- surde, éxtravagant ct à Ja fois ridicule ? ( Vote de Lamarck. ) Le INTRODUCTION. 157 loi par l'observation je ne conserve aucun doute sur le fondement que je lui attribue , la nécessité de son existence étant entrainée par celle de la troisième loi qui est maintenant très Legs Je conçois, par exemple , qu’un mollusque gastéro- pode qui, en se traînant , éprouve le besoin de palper les corps qui sont Mas lui, fait des efforts pour tou- cher ces corps avec quelquessuns des points antérieurs de sa tête, et y envoie à tout moment des masses de fluides nerveux, ainsi que d’autres liquides ; je con- cois, dis-je, qu 11 doit résulter de ces affluences réité- rées vers les points en question, qu elles étendront peu à peu les nerfs qui aboutissent à ces points. Or, comme dans les mêmes circonstances, d’autres fluides de l’animal affluent aussi, dans les mêmes lieux et sur- tout parmi eux, des fluides nourriciers, il doit s’en- suivre que deux ou quatre tentacules naîtront et se formeront insensiblement, dans ces circonstances , sur des points dont il s’agit. C’est sans doute ce qui est ar- rivé à toutes les races de gastéropodes , à qui des be- soins ont fait prendre l'habitude de palper les corps avec des parties de leur tête Mais, s’il se trouve, parmi les gastéropodes, des ra- ces qui, par les circonstances qui concernent leur ma- nière d’être et de vivre, n’éprouvent point de sembla- bles besoins; alors leur tête reste privée de tentacules; elle a mème peu de saillie, pea d'apparence; et c’est effectivement ce qui a lieu à l’égard des AaleeS , des bules, des oscabrions, etc. Sans m’arrêter à des applications particulières, pour faire apercevoir le fondement de cette deuxième loi, application que je pourrais multiplier considérable- ment, je me bornerai à la soumettre à la méditation de ceux qui suivent attentivement les procédés de la nature à l'égard des phénomèmes de l’organisation animale, | 158 INTRODUCTION. Indiquons maintenant la troisième des lois. qu'e em- ploie la nature pour composer el varier |” organisation ; la voici : Troisième loi : Ze développement des organes et leur force d'action sont constamment en ruison de l’em- ploi de ces organes. Il ne s’agit point ici d’une supposition, d’une pré- somption quelconque; la loi que je viens de citer est positive, constatée par l'observation, et s'appuie sur quantité de faits connus, qui peuvent servir à en dé- montrer le fondement. Au lieu de la réduire à sa plus simple expression, comme ici, je l’ai présentée, dans ma Pilosorhie zcolo- gique ( vol. 1, chap. 7 }, avec une sorte de dévelop- pement alors nécessaire , et je l’ai exprimée de la ma- nière suivante : « Dans tout animal qui n’a point dépassé le terme de ses développements, l’ emploi plus fréquent et sou- tenu d’un organe quelconque, fortifie peu à peu cet organe, le développe, l’agrandit, et lui donne une puissance proportionnée à la durée de cet emploi; tandis que le défaut constant d’usage de tel organe , l’affaiblit insensiblement , le détériore, diminue pro- gressivement ses facultés, et finit par le faire dispa- raître ». Phil. zool. , p. 235. Je ne me propose nullement d’étendre cet article, et de faire ici le moindre effort pour prouver le fon- dement de la loi qui s’y rapporte. Je sais qu'on ne saurait en contester la solidité, que les praticiens dans l’art de guérir en observent tous les jours les effets, et que moi-mème j'en ai reconnu un grand nombre. Comme cetie loi est importante à considérer dans l’étude de la nature, je renvoie mes lecteurs à ce que j'en ai dit dans ma Philosophie zoologique, où, la divi- INTRODUCTION. 159 Sant en deux parties , J'en exprime les titres de cette manière : 10 « Le défaut d'emploi d’un organe, devenu cons- tant par les habitudes qu’on a prises, appauvril gra- duellement cet organe, et finit par le faire disparaître, et même par l’anéantir; » -20 « L'emploi fréquent d’un organe, devenu cons- tant par les habitudes, augmente les facultés de cet organe, le développe lui-même, et lui fait acquérir des dimensions et une force d'action qu’il n'a point dans les animaux qui l’exercent moins. » En considérant D de cette loi et les lu- mières qu'elle répand sur les causes qui ont amené l'étonnante diversité des animaux, je tiens plus à à la- voir reconnue et déterminée le premier, qu’à la satis- faction d’avoir formé des classes, des ordres, beaucoup de genres, et quantité d'espèces , en m'occupant de l’art des distinctions ; art qui fait presque l’unique objet des études des autres zoologistes. Je regarde cette même loi comme un des plus puis- sants moyens employés par la nature pour diversifier les races ; et en y réfléchissant, je sens qu’elle entraîne la nécessité de celle qui précède, c’est-à-dire, de la se- conde , et qu’elle lui sert de preuve. Effectivement , la cause qui fait développer un or- gane fréquemment et constamment employé, qui ac- croît alors ses dimensions et sa force d'action, en un mot, qui y fait itérativement affluer les forces de la vie et les fluides du corps, a nécessairement'aussi le pouvoir de faire naître, peu à peu et par les mêmes voies, un organe qui n'existait pas et qui est devenu nécessaire. Mais la seconde et la troisième des lois dont il s’agit, eussent été sans effet, et conséquemment inutiles, si les animaux se fussent loujours trouvés dans les mêmes circonstances , s’ils eussent généralement et toujours 160 INTRODUCTION. conservé les mêmes habitudes, et s'ils n’en eussent jamais changé ni formé de nouvelles ; ce que l’on a ) en effet, pensé, et ce qui n’a aucun fondement. L'erreur où nous sommes tombés à cet égard, prend sa source dans la difficulté que nous éprouvons à em- brasser dans nos observations un temps considérable. 11 en résulte pour nous l'apparence d’une stabilité dans les choses que nous observons et qui pourtant n existe nulle part. De là, l’idée que toutes les races des corps vivants sont aussi anciennes que la nature, qu’elles ont tou- jours été ce qu’elles sont actuellement, et que les ma- tières composées qui appartiennent au règne minéral sont dans le même cas; de là, résulterait nécessaire- ment que la nature n’a aucun pouvoir, qu’elle ne fait rien, qu’elle nechange rien, etque, n’opérant rien, des loislui sont inutiles; de là, enfin, ils’ensuivrait que, ni les végétaux, ni les animaux ne sont ses productions. Pour concevoir une pareille opinion et entretenir une erreur de cette sorte, il faut bien se garder de ras- sembler et de considérer les faits qui nous sont pré- sentés de toutes parts , et il faut repousser toutes les observations qui les constatent ; car les choses sont assurément bien différentes. 3 Laissant à l'écart les faits connus et les observations qui prouvent que l’ordre de choses existant est fort différent de celui qu’on a voulu et qu'on veut encore y substituer, je dirai : Que, si les animaux sont des productions de la na- ture, il est évident qu’elle n’a pu les produire et les faire exister tous à la fois, en couvrir dans le même temps presque tous les points de la surface du globe, et en remplir ses eaux liquides pareillement à la fois; car, elle n’opère rién que graduellement, que peu à peu; et même, presque toutes'ses opérations s’exécutent, rela- INTRODUCTION. 161 tivement à notre durée individuelle, avec une lenteur qui nous les rend insensibles. Or, si la nature n’a produit, soit les végétaux, soit les animaux, que successivement, et en commencant par faire exister, de part et d'autre, les plus imparfaits, il n’est personne qui ne sente qu'elle a dû répandre, de proche en proche et peu à peu, dans toutes les eaux et sur les différents points de la surface du globe, tous ceux de ces corps vivants qui sont successivement pro- venus des premiers qu’elle a formés. Que l’on juge maintenant quelle énorme diversité de circonstances d’habitation, d’exposition, de climat, de matières nutritives à leur disposition, de milieux environnants, elc., les végétaux et les animaux ont eu à supporter, à mesure que les races existantes se sont trouvées dans Île cas de changer de lieu ! Et quoique ces changements se soient opérés avec une lenteur extrême et par conséquent à la suite d’un temps con- sidérable, leur réalité, nécessitée par différentes causes, n’en a pas moins mis Îles races qui s’y sont trouvées exposées, dans le cas de changer peu à peu leur ma- nière de vivre et leurs actions habituelles, Par les effets de la 2° et de la 3° des lois citées ci- dessus, ces changements d’action forcés ont donc dû faire naître de nouveaux organes, et ont pu ensuite les développer, si leur emploi est devenu plus fréquent; ils ont pu de même détériorer , et à la fin anéantir ceux des organes existants qui se sont alors trouvés inuliles. Une autre cause de changement d’action qui a con- tribué à diversifier les parties des animaux et à mul- tiplier les races. est la suivante: À mesure que les animaux, par des émigrations partielles, changèrent de lieu d’habitatiôn et se ré- pandirent sur différents points de la surface du globe; Tome 1. 11 162 YNTRODUCTION. parvenus dans de nouvelles situations, ea furent exposés à de nouveaux dangers qui exigèrent de nou- velles actions pour y Fe car la plupart se dé- vorent les uns les autres pour conserver leur existence, Je n’ai pas besoin d’entrer dans aucun détail pour montrer l'influence de cette cause qu’ il faut ajouter à celle qui embrasse les diverses circonstances des nou- veaux lieux habités, des nouveaux climats , et des nouvelles manières de vivre à la suite de chaque émi- gration. Mais, dira-t-on, depuis que les animaux se sont, de proche en proche, répandus par tout où ils peuvent vivre, que toutes Îles eaux sont peuplées de races qu’elles peuvent nourrir, que les UT sèches du globe servent d'habitation aux espèces qu’on y observe, les choses sont stables à leur égard; les circonstances capables de les forcer à des changements d’action n’ont plus lieu; et toutes les races, au moins désormais, se conserveront perpétuellement les mêmes. À cela je répondrai qe cette opinion me parait en- core une erreur; et que jen suis même trés persuadé. C’en est une bien grande, en effet, que de supposer qu'il y ait une stabilité absolue dans l’état, que nous connaissons, de la surface de notre globe; dans la 51- tuation de ses eaux liquides, soit douces, soit marines; dans la profondeur des vallées, l’élévation des mon- tagnes , la disposition et la composition des lieux par- ticuliers; dans les différents climats qui correspondent maintenant aux diverses parties de (A terre qui ÿ sont assujetties, etc., Ctc. Tous ces objets doivent nous paraître se conserver à peu près dans l’état où nous les observons, parce que nous ne pouvons être témoins nous-mêmes de leur changement , et que notre histoire et nos observations écrites ne remontent qu’à des dates trop peu reculées INTRODUCTION. 163 pour nous convaincre de notre erreur. Cependant nous ne manquons pas de faits positifs qui l indiquent ; et comme ce n’est pas ici le lieu de les rappeler, je me bornerai à l’exposition de mon sentiment; savoir : Que tout change sans cesse à la surface de notre globe, quoiqu’avec une ienteur extrême par rapport à nous ; et que les changements qui s’y exécutent, ex- posent nécessairement les races des végétaux et des arimaux à en éprouver elles-mêmes qui contribuent à les diversifier sans discontinuité réelle. Que l’on veuille examiner le chapitre VII de la 1° partie de ma Philosophie zoologique (vol. 1, p. 218.) où je considère l'influence des circonstances sur les actions et les habitudes des animaux, et ensuite celle des actions et des habitudes de ces corps vivants, comme causes qui modifient leur organisation et leurs parties; on sentira probablement que j'ai été très autorisé, non- seulement à reconnaître les causes influentes que j'y indique , mais en outre à assurer : Que , si les formes des parties des animaux, compa-: rées aux usages de ces parties , sont toujours parfaite. ment en rapport, ce qui est certain, il n’est pas vrai que ce soient les formes des parties qui en ont amené ‘emploi, comme Île disent les zoologistes, mais qu’il l’est, au contraire, que ce sont les besoins d’action qui ont fait naître les parties qui y sont propres, et que ce sont les usages de ces parties qui les ont développées et qui les ont mises en rapport avec leurs fonctions. Pour que ce soient les formes des parties qui en aient amené l'emploi, il eût fallu que la nature fût sans pouvoir, qu’elle fût incapable de produire aucun acte, aucun changement dans les Corps, et que les parties des différents animaux, toutes créées primitivement , ainsi qu'eux-mêmes, offrissent dès lors autant de formes que la diversité des circonstances, dans lesquelles les Ni 164 INTRODUCTION. animaux ont à vivre, l’eût exigé; il eût fallu sur-tout que ces circonstances ne variassent jamais, et qué les parties de chaque animal fussent toutes dans le même cas, (1) Rien de tout cela n’est fondé; rien n’y est conforme à l'observation des faits, aux moyens qu’a employés la nature pour faire exister ses nombreuses productions. Aussi, je suis très convaincu que les races auxquelles on a donné le nom d’espèces, n’ont, dans leurs carac- tères, qu'une constance bornée ou temporaire, et qu'il n’y a aucune espèce qui soit d’une constance absolue, Sans doute , elles subsisteront les mêmes dans les lieux qu’elles habitent, tant que les circonstances qui les (1) Tout ce qui précède est d’une très grande importance et mérité de fixer l’attention des naturalistes philosophes. C’est une matière qui demande de longues méditations. Lamarck avec sa justesse d’esprit habituelle rejette le système des causes finales: dans ce système il faut supposer non-seulement que les animaux ont été créés en même temps, mais encore que les circonstances d'habitation n’ont éprouvé aucun changement. L'étude des phénomènes zoologiques prouvent de la ma- nière la plus incontestable que ces circonstances ont continuellement varié : la température de Ja terre a successivement diminué , les conti- nents ont changé de forme, des chaînes demontagnes se sont élevées du sein des mers, et se sont couvertes à leur sommet de glaces perpé- tuelles, des régions d’abord très chaudes, comme l’attestent les débris fossiles d'animaux et de plantes, sont devenues froides ou tempérées. Des animaux habitant les régions soumises à de tels changements , les uns ont pu les supporter et ont continué à vivre en éprouvant des mo- difications plus ou moins profondes; les autres ayant leur existence plus profondément lice aux circonstances environnantes, ont péri lorsque ces circonstances n’ont plus été en rapport avec leur organisation : aussi l’on remarque, en remontant des couches inférieures aux supérieures ; les espèces se succéder et s’éteindre graduellement, de telle sorie qu'il n’y en a plus actuellement une seule qui ait vécu dans le temps que les terrains secondaires se déposaient, et qui vive encore aujourd’hui. Les faits qui ont rapport aux corps organisés fossiles doivent être pris très sérieusement en considération, toutes les fois qu’il s’agira de discu- ter avec tous ses éléments la question qui estici agitée par Lamarck, INTRODUCTION. 10 concernent ne changeront pas, et ne les forceront pas à changer leurs habitudes. Si les espèces avaient une constance réellement abso- lue, il n’y aurait point de variétés; cela est certain et suscepiible de démonstration. Or, les naturalistes n’ont pu s’empècher d’en reconnaître. Que l'on parcoure lentement la surface du globe, sur-tout dans une direction sud et nord, en faisant, de distance en distance, des stations pour avoir le temps d’ebserver les objets; on verra constamment les espèces varier peu à peu et de plus en plus à mesure qu’on s’éloignera du point de départ, et suivre en quelque sorte les variations des lieux eux-mêmes, de l’exposi- tion des sites , etv., etc; quelquefois même on verra des variétés produites, non par des habitudes exigées par les circonstances, mais par celles qui ont pu être contractées. soit accidentellement, soit autrement. Ainsi, l’homme, étant assujetti aux lois de la nature par son organisalion ; offre lui-même des variétés re- marquables dans son espèce, et parmi elles il s’en trouve qui paraissent dues aux dernières causes citées. Voyez ma Philosophie zoologique, vol. 1, chap, 3, p- 53. (1) (1) Aucune question n’est plus difficile et plus importante que celle de l'espèce : quoiqu’elie touche à tout ce que la zoologie a de plus élevé et de pius phitosophique, elle est loin cependant d’être résolue. La dé- finition de l’espèse n’a pas encore été faite d’une manière satisfaisante. Ceux des naturalistes qui ont tenté quelques effurts à cet épard étaient préoccupés par des idées systématiques avec lesquelles la définition de- vait s’accorder. Lamarck iui-même, tout en l'envisageant plus large- ment, est allé trop loin, ce nous semble : l'espèce est variable, personne ne le conteste ; mais elle n’est pas variable indéfiniment. On observe en effect, en suivant une espèce daus toutes les circonstances moditiantes qu’elle peut subir, des aïtérations profondes; mais malgré cela elle con- serve des caractères propres qui ne permettent pas de la confondre. La mauière arbitraire avec laquelle les espèces sont établies dans les 106 INTRODUCTION. Enfin, la quatrième des lois qu’emploie ia mature pour composer et compliquer de plus en plus l’orga- nisation , est la suivante : / 4° loi : Tout ce qui a été acquis , tracé ou changé dans l’organisation des individus pendant le cours de leur wie, est conservé par la génération , et transmis aux nouveaux individus qui proviennent de ceux qui ont éprouvé ces changements. Cette loi, sans laquelle la nature n’eût jamäis pu diversifier les animaux, comme elle l’a fait, et établir parmi eux une progression dans la composition de leur ouvrages d'histoire naturelle , arbitraire qui a permis de donner aux caractères une valeur très variable selon le caprice des auteurs, est une des causes qui s'oppose le plus à une bonne définition de l’espèce. Ha- bitués à cette routine, tous les auteurs v restent, et ne font point les ob- servations capables de jeter quelque jour sur la question. IL est très souvent arrivé que sur des observations insuffisantes, des variétés ont été décrites comme espèces distinctes ; et lorsque l'erreur a été démontrée, au lieu de changer la manière de procéder dans la distinction des es- pèces, au lieu d’attendre des observations suffisantes, on a prétendu que l'espèce n’avait rien de constant, qu’elle ne pouvait être rigoureuse- ment définie, puisque l’on voyait s'établir des passages d’une espèce à l'autre: il aurait mieux valu accuser la précipitation que l’on met or- dinairement à établir des espèces dans les collections, l’imperfection de nos moyens d'observation et le peu d’unité et de philosophie qui ont jusqu'a présent dirigé les naturalistes dans ces sortes de recherches. IL faudrait, pour parvenir à la définition désirée, observer les espèces dans ious les lieux où elles habitent, du nord au midi; rassembler toutes les variétés d’âge, de forme, de couleur, de taille, faire de toutes ces modi- fications un tableau présentant une espèce bien connue, et établir autant de ces tableaux qu’il y a de véritables espèces d’êtres organisés. A l’aîde de ce moyen on parvicndrait à réduire beaucoup le nombre des espèces inscrites dans les catalogues de botanique et de zoologie, et l’on arri- verait très probablement, par la suite, à une loi Anna lt les limites de l'espèce dans ses modifications, et par un enchaïînement nécessaire, S€T- sant de base à une définition juste et rigoureuse. INTRODUCTION. 167 organisation et.dans leurs facultés, est exprimée ainsi dans ma Philosophie zoologique (vol. I, p. 235). « Tout ce que la nature a fait acquérir ou perdre aux individus par linfluence des circonstances dans lesquelles leur race se trouve depuis long-temps ex. posée , et, par conséquent, par l'influence de l'emploi prédominant de tel organe, ou par celle d’un défaut constant d'usage de telle partie, elle le conserve, par la génération, aux nouveaux individus qui en pro- viennent, pourvu que les changements acquis soient communs aux deux sexes, ou à ceux qui ont produit ces nouveaux individus », Cette expression de la même loi offre quelques détails qu'il vaut mieux réserver pour ses développements et son application, quoiqu’ils soient à peine nécessaires, En eflet, cette loi de la nature qui fait transmettre aux nouveaux individus, tout ce qui a été acquis dans l’organisation, pendant la vie de ceux qui les ont produits, est si vraie, si frappanie, tellement attestée par les faits, qu’il n’est aucun observateur qui n’ait pu se convaincre de sa réalité. Ainsi, par eile, tout ce qui a été tracé, acquis ou changé dans l’organisation, par des habitudes nouvelles et conseryées; certains penchants irrésistibles qui ré- sultent de ces habitudes; des vices de conformation, et même des dispositions à certaines maladies; tout cela se trouve transmis, par la génération ou la repro- duction , aux nouveaux individus qui proviennent de ceux qui ont éprouvé ces changements , et se propage de générations en générations dans tous ceux qui se succèdent, et qui sont soumis aux mêmes circonstances, sans qu'ils aient été obligés de l’acquérir par la voie qui i’a créé. À la vérité, dans les fécondations sexuelles, des mélanges entre des individus qui n’ont pas également 168 INTRODUCTION. subi les mêmes modifications dans leur organisation, semblent offrir quelque exception aux produits'de cette loi; puisque ceux de ces individus qui ont éprouvé des changements quelconques, ne les transmettent pas toujours, ou ne les communiquent que partiellement à ceux qu'ils produisent. Mais il est facile de sentir qu’il n’y a là aucune Sa réelle; la loi elle-même ne pouvant avoir qu’une application partielle ou im- parfaite dans ces circonstances. Par les quatre lois que je viens d'indiquer, tous les faits d'organisation me paraissent s'expliquer facile- ment ; la progression dans la composition de /’ organi- sation des animaux et daris leurs gi me semble facile à concevoir; enfin , les moyens qu’a employés la nature pour diversifier les animaux, et les amener tous à l’état où nous les voyons, devrions aisément déterminables. Je puis rendre, en quelque sorte, ces moyens plus sensibles , en en citant au moins un exemple parmi ceux qu’a employés la nature pour exécuter, dans les animaux , une composition croissante de leur organi- sation , et un accroissement progressif dans le nombre et le perfectionnement de leurs facultés. Mais avant cette citation, je dirai qu'en comparant partout les faits généraux , l’on reconnaîtra que, dans l’un et l’autre règne des corps vivants (les végétaux et les animaux), la nature partant de l’organisation la plus simple, de celle qui est seulement nécessaire à l’existence de la vie la plus réduite, a ensuite exécuté différents changements progressifs dans l’organisation, à raison des moyens que l’état des êtres sur lesquels elle opérait, lui permettait d'employer. Ainsi, l’on verra que, dans les végétaux, réduite à très peu de moyens, par le défaut d’irritabilité des parties, la nature n’a pu que modifier de plus en plus DS te INTRODUCTION. 169 le tissu cellulaire de ces corps vivants, et le varier de toutes manières à l’intérieur , mais sans jamais parve- nir à en transformer aucune portion en organe inté- rieur particulier, capable de donner au végétal une seule faculté étrangère à celles qui sont communes à tous les corps vivants, et sans même pouvoir établir, dans les différents végétaux, une accélération grad lle du mouvement de leurs fluides, en un mot, un accrois- sement notable d'énergie vitale. Dans les animaux, au contraire, l’on remarquera que la nature, trouvant dans la contractilité des par- ties souples de ces êtres, de nombreux moyens, a non- seulement modifié progressivement le tissu cellulaire, en accélérant de plus en plus le mouvement des fluides, mais qu'elle a aussi composé progressivement l’orga- nisation, en créant, l’un après l’autre, différents or- ganes intérieurs ETS EE les modifiant selon le besoin de tous les cas, les cumulant de plus en plus dans chaque organisation plus avancée, et amenant ainsi, dans différents animaux, diverses facultés par- ticulières, graduellement plus nombreuses et plus émi- nentes, Pour donner un exemple qui puisse montrer qu 71l ne s’agit point à cet égard, d’une simple opinion, mais de l'existence d’une ordre de choses que l’obser- Vation aîleste, je me bornerai à la citation suivante. Exemple : Accélération progressive du mouvement des fluides dans les animaux, depuis les plus impar- faits, jusques aux plus parfaits. On ne saurait douter que, dans les animaux les plus imparfaits, tels que les infusoires et les polypes, la vie ne soit dans sa plus faible énergie, à l’égard des mouvements intérieurs qui la constituent, et que les fluides propres qui sont mis en mouvement dans le frêle tissu cellulaire de ces animaux, ne s’y déplacent 170 INTRODUCTION. qu'avec une lenteur extrême, qui les rend incapables de s’y frayer des canaux. Aussi, leur tissu cellulaire n’en offre-t-il aucun. Dans ces animaux, de faibles mouÿements vitaux suflisent seulement à leur trans- piration, aux absorptions des matières dont ils se nourrissent , et à l’imbibition lente de ces matières fluides. Dans les radiaires mollasses qui viennent ensuite, la nature ajoute un nouveau moyen pour accélérer un peu plus le mouvement des fluides propres de ces corps. Elle accroît l'étendue des organes de la diges- tion, en ramifiant singulièrement le canal alimentaire; elle perfectionne un peu plus le fluide nourricier par l'influence d’un système respiratoire nouvellement établi , et à l’aide d’un mouvement constant et réglé, que les excitations du dehors produisent dans tout le corps de l’animal, elle hâte davantage le déplacement des fluides intérieurs. Parvenue à former les radiaires échinodermes , où les mouvements isochrones du ‘corps de l’animal ne peuvent plus s’exécuter, la nature s’est trouvée en état de faire usage d’un autre moyen plus puissant et plus indépendant, et c’est là en effet qu’elle a commencé lemploi du mouvement musculaire qui remplit à la. fois deux objets : celui de mouvoir des parties dont l’a- nimal a besoin de se servir, et celui de contribuer à l’activité des mouvements vitaux. L'emploi du mouvement musculaire, pour activer les mouvements de la vie animale, commencé dans les radiaires échinodermes, s’est accru dans les insectes, en qui d’ailleurs, l’énergie vitale fut augmentée par là respiration de l'air. Ainsi, l’emploi de ce mouve- ment et l’auxiliaire de la respiration de l'air purent suffire aux insectes et à la plupart des arachnides. Mais Îes crustacés ne respirant en général que l'eau , INTRODUCTION. 171 eurent besoin d’un nouveau moyen plus puissant pour l’accélération de leurs fluides. Pour cela la nature joignit à l’action musculaire , l’établissement d’un système spécial pour la circulation , système commencé dans les dernières arachnides, et qui a éminemment accéléré le mouvement des fluides. Cette accélération du mouvement des fluides, à l’aide d’un système spécial pour la circulation, s’ac- crut même encore par la suite, à mesure que le cœur parvint à acquérir des augmentations; que l’organe respiratoire , resserré dans un lieu particulier, fut transformé en poumon qui ne saurait respirer que l’air; enfin, elle s’accrut à mesure que l'influence nerveuse recut elle-même de l’accroissement , et put donner aux organes plus de force d’action. C’est ainsi que la nature, en commencant la pro- duction des animaux par les plus imparfaits , a su ac- célérer progressivement le mouvement des fluides et accroître l'énergie vitale, en employant différents moyens appropriés aux Cas particuliers. Je pourrais multiplier des exemples qui prouvent que chaque système d’organes particulier fut, dans son origine, fort imparfait, peu énergique, et qu’il recut ensuite des développements et des perfectionne- ments graduels, à mesure que l’organisation plus com- posée les rendait nécessaires. En eflet, si je considérais les moyens variés et pro- gressivement plus perfectionnés qu’emploie la nature pour la reproduction ei la multiplication des individus, afin d’assurer la conservation des espèces ou des races obtenus, je montrerais : que ces moyens, réduits dans les animaux les plus imparfaits, à une simple scission du corps, amènent en resserrant cette scission dans des points particuliers, la gemmation des individus; que cette gemmation 172 INTRODUCTION. d’abord externe, devient ensuite interne, et prépare la formation des ovaires; qu'alors des organes fécon- dateurs et des ovules contenant un embryon suscép- tibie d’être fécondé , ont pu être établis, que Île sys- tème spécial pour la reproduction étant formé, ila donné jieu d’abord à la génération des ovipares et des OVo-vivipares , et que ce système ensuite, est parvenu a amener la plus perfectionnée des générations, celle des vrais vivipares, qui donne la vie active à l’em- bryon dans l'instant même qu’il est fécondé. Si je considérais après cela , le système spécial de la respiration, système important et devenu nécessaire lorsque l’organisation animale perdit sa première sim- plicité, je montrerais : Que ce système n’a commencé que par des trachées aquifères qui fournissent la plus faible des influences respiratoires; qu'ensuite, 1l fut changé en trachées aérifères , un peu plus puissantes en influence que les premières, l’oxigène qui fournit cette influence en dé- gageant plus aisément de l’air que de l’eau; que, néan- moins, dans les uns et les autres des animaux qui respirent par des trachées, le fluide respiré allant lui- même par-tout au-devant du fluide nourricier, ne peut, par la lenteur de son introduction et de son mouvement, fournir encore qu’une influence bien faible; qu’ensuite, dès que la circulation fut établie, les trachées respiratoires furent changées en branchies locales, qui ne sont plus puissantes en influence res- piratoire, que parce que le sang alors circulant, vient lui-même rapidement chercher les réparations dont il a besoin; qu’enfin, peu après l'établissement du squelette, les branchies elles-mêmes furent définitive- ment changées en poumon , organe respiratoire le plus puissant de tous, puisque le sang qui vient rapide- ment v recevoir ses réparations, es obtient de Fair INTRODUCTION. 193 qui les fournit plus aisément. Il y a donc encore ici un accroissement notable de puissance dans les modes variés du système respiratoire. Enfin , si je considérais ceux des systèmes d'organes spéciaux qui donnent les facultés les plus admirables, telles que celle de sentir, et ensuite celle de se former des idées conservables , et même à l’aide de ces idées , de s’en former d’autres qui caractérisent l'intelligence dans un degré quelconque, je montrerais encore, . les animaux, une progression partout en harmonie avec les autres progressions déjà citées. Je montrerais, eflectivement, que les animaux Îes plus simples en organisation, et par conséquent les plus imparfaits, sont réduits à ne posséder que l’érri- tabilité, qui néanmoins suffit à leurs besoins; qu’en- suite, lorsque l’organisation fut assez avancée dans sa composition pour en fournir les moyens, la nature, trouvant le système nerveux ébauché pour le mouve- ment musculaire, le composa davantage, et le divisa en deux systèmes particuliers, l’un pour effectuer les mouvements des muscles, et l’autre pour exécuter les sensations ; qu’alors, des sens furent établis, la fa- culté de sentir eut lieu , et les individus furent doués d’un sentiment intérieur qui provoqua leurs actions dans leurs différents besoins; que l'organisation en- suite, plus avancée encore en complication, mit Îa nature à portée de partager le système nerveux en trois systèmes particuliers; l’un pour le mouvement musculaire, qui fut lui-même sous-divisé en deux, celui à la disposition de l'individu et celui qui ne l'est point), l’autre pour le sentiment, et le troisième pour activer les fonciions des autres organes ; qu’enfin, l’organisation étant parvenue à une haute compiica- tion d'organes divers, la nature fut en état de diviser le système nerveux en quatre principaux systèmes 174 . INTRODUCTION. particuliers, savoir : le premier, le système de ner employé à à l'excitation musculaire; le deuxième, celui qui sert à produire les sensations; le troisième , celui destiné à donner des forces d’action aux divers organes intérieurs pour exécuter leurs fonctions; le quatrième: enfin , celui par lequel l’attention se produit et trans- forme alors les sensations en idees conservables ; celui même par lequel des idées acquises et comparées ser- vent à en former d’autres que les sensations ne peu- vent faire naître directement. À raison de son exercice et des besoins, ce qua- trième système de nerfs, se complique et se sous-divise encore dans l’homme , en divers systèmes particuliers qui effectuent diflérentes sortes d'opérations intellec- tuelles. Qu’ importe que les dits systèmes de nerfs par- ticuliers que je viens de citer, ne soient pas suscepti- bles d'être distingués les uns des autres anatomique- ment, si les résultats de leurs fonctions les distinguent constamment , et constatent leur indépendance. Quoiqu’indépendants, en effet, à l’égard de leurs fonctions propres , les systèmes de nerfs dont il s’agit ont ensemble une si grande connexion, que lorsqu'une forte émotion du sentiment intérieur survient, elle trouble et suspend même leurs fonctions, comme cela arrive dans l’évanouissement, la syncope, etc. Nous pouvons donc regarder comme un fait certain que le système nerveux, pris dans sa généralité, a été, comme tous les autres systèmes d’organes spéciaux , d'abord très simple et réduit à peu de fonctions ; qu’en- suite, il été composé, sur-composé même après ; enfin, qu'il a été progressivement propre à diverses fonc- tons, de plus en plus éminentes, et pour nous admi- rables. J'ai supprimé les détails qui concernent les appli- Re - INTRODUCTION: 279 cations, parce qu’on y suppléera facilement par les observations connues à cet égard , et qu'il serait su- perflu de donner une trop grande extension à cette partie. Ainsi, l’on a vu par ce qui précède : 19 Que la nature a augmenté progressivement Île mouvement des fluides dans le corps animal, à mesure que l’organisation de ce corps se composait davantage; et; qu'après avoir employé les moyens les plus simples pour les premières accélérations de ce mouvement; elle a créé exprès un système d'organes particulier pour accroître encore pius cette accélération, lorsau’elle fut devenue nécessaire ; | | 2° Qu'elle a suivi une marche semblable à l’égard de la reproduction des individus , afin de conserver les espèces obtenues ; puisqu'après s'être servie des moyens les plus simples, tels que la reproduction par des ài- visions de parties, elle créa ensuite des organes spé- ciaux fécondateurs, qui donnèrent lieu à la génération des cvipares, enfin, celle des vrais vivipares; 30 Qu'il en à été de même à l'égard de la faculté de sentir; faculté que la nature ne peut donner aux ani- maux les plus imparfaits, parce que le phénomène du sentiment exige, pour se produire, un système d’or- ganes déjà suffisamment composé ; systèmeque ces ani maux ne pouvaient avoir, mais aussi qui ne leur était pas nécessaire , leurs besoins , très bornés, étant tou- jours faciles à satisfaire; tandis que, dans des animaux à organisation plus composée, et qui, dès lors, eurent plus de besoins, elle peut créer et perfectionner gra: duellement le seul système d'organes qui pouvait pro- duire le phénomène admirable dont il s’agit. 4° Enfin, que des actes d'intelligence étant les seuls qui permissent de varier les actions, et ne pouvant devenir nécessaires qu'aux animaux les plus parfaits, 176 INTRODUCTION. | FT, la nature a su leur en donner la faculté dans un degré quelconque, en instituant en eux un organe spécial pour cette faculté, c’est-à-dire, en ajoutant à leur cer- veau deux hémisphères qui furent successivement plus développés et plus volumineux dans ceux de ces ani- maux qui furent les plus perfectionnés. Que d’applications je pourrais faire pour montrer le fondement de tout ce que je viens d’exposer ! que de faits bien connus je pourrais rassembler pour ac- croître les preuves de ce fondement ! Mais, renvoyant mes lecteurs à ma Philosophie zoologique où j'en ai présenté un grand nombre qui m'ont paru décisifs, je me hâte de conclure de ce qui précède : Que la nature possède dans ses propres moyens, tout ce qui lui est nécessaire, non-seulement pour former des corps vivants, tels que les végétaux et les ani- maux ; mais, en outre, pour produire , dans ces der- niers, des organes spéciaux, les développer, les varier, les multiplier progressivement, et à la fin, les cumuler en quelque sorte dans les organisation animales les plus perfectionnées; ce qui Lui a permis de douer les différents animaux de facultés graduellement plus nombreuses ct plus émiunentes. Me bornant à l’exposition de ce taie frappant de ressemblance avec tout ce que l’on observe, je vais passer à un autre sujet qu'il s’agit d’éclaireir et qui n’a pas moins d'importance. Je vais, effectivement, essayer de prouver que les facultés des animaux sont des phé- nomènes uniquement organiques, et purement physi- ques ; que ces phénomènes prennent leur source dans les fonctions des organes ou des systèmes d’organes qui y donnent lieu: enfin , je montrerai que les facultés qui consliluent ces phénomènes, sont dans un rapport constant avec l’étai des organes qui les procurent. - INTRODUCTIONse 177 QUATRIÈME PARTIE. DES FACULTÉS OBSERVÈES DANS LES ANIMAUX, ET TOUTES CONSIDÉRÉES COMME DES PHÉNOMÈNES UNIQUEMENT ORGANIQUES. Moins nous connaissons la nature , plus les phéno- mènes qu’elle produit nous paraissent des merveilles, des faits incompréhensibles : mais quelque admirable qu’elle soit réellement dans sa puissance et dans ses moyens , on doit s'attendre que le merveilleux s'éva- nouira successivement à nos yeux , à mesure que, par l'étude de ses lois et de la marche constante qu’elle suit dans ses opérations , nous parviendrons à décou- vrir les moyens dont elle fait usage. Sans doute, lorsque l’on considère attentivement les diflérents animaux , depuis les plus imparfaits jus- ‘qu'aux plus parfaits, l’on ne saurait voir sans admira- tion, non-seulement la grande diversité qui se trouve parmi eux, ainsi que la disparité qu'ils offrent dans les systèmes d'organisation qui les distinguent; mais, en outre , on ne peut qu'être frappé d’élonnement en considérant la nature de chacune de leurs facultés, sur-tout de certaines d’entre elles, et les différences en nombre, ainsi qu’en degrés d’éminence, de celles qu’on observe dans leurs diverses races. Aussi , quoique ces facultés soient parfaitement en rapport avec le mode et l'état de l’organisation qui ÿ donne lieu, elles nous ToME 1. 12 198 INTRODUCTION. | sb semblent malgré cela des prodiges. Alors, nous soula- geons nçlire pensée à leur égard > en un moi, nolre vanité lésée par l'ignorance où nous sommes de ce qui les produit réellement, en imaginant, à leur sujet, des causes métaphysiques, des attributs hors de la nature, enfin, des êtres de raison qui satisfont à tout. On a dit, avec raison , au moins à l'égard dés scien- ces, que l’admiration était fille de l’ignorance : or, c’est bien ici le cas d’appliquer cette vérité sentie; car, si quelque chose était en soi réellement admirable, ce serait assurément la nature; ce serait tout ce qu’elle est; ce serait Lout ce qu’elle peut faire. Lorsqu'on re- connaît qu’elle-même n’est qu’un ordre de choses, qui n’a pu se donner l’exisience, en un mot, qu'un yéri- table instrument; touie notre admiration et toute notre vénération doivent se reporter sur son SUBLIME AU- TEUR. Il s’agit donc de savoir quelle est la source des di- verses faculiés observées dans différents animaux, si ce sont des organes particuliers qui donnent ces facul- tés, enfin , si un même organe peut donner lieu à des facultés différentes; ou s’il n’y a pas plutôt autant d'organes particuliers qu’on observe de facultés dis- tinctes. On se persuadera probablement que pour trailer de ‘pareilles questions , il faut avoir recours à des idées métapbysiques, à des considérations vagues, imaginai- ‘es , et sur lesquelles on ne saurait apporter aucune preuve solide. Je crois cependant pouvoir montrer que, pour arriver à la solution de ces questions, 4] n°y ‘a que des faits physiques à considérer; et qu'il s'en trouve à la portée de nos observations, qui sontwrès *sufhisanis pour {ournir les Pre dont on peut avoir rs Examinons d’abord ce principe sénat savoir ; ; que INTRODUCTION. 179 toute faculté animale, quelle qu’elle soit, est un phé- nomène purement organique ; et que cette faculté résulte des fonctions d’un organe ou d’un système d’organes qui y donne lieu; en sorte qu'’elie en est nécessairement dépendante. Peut-on croire que l’animai puisse posséder une seule faculté qui ne soit pas un phénomène organique, c’est-à-dire , le produit des actes d’un organe ou d’un système d’organes capable d'exécuter ce phénomène? S'il n’est pas possible raisonnablement de le supposer, si toute faculté est un phénomène organique, et en cela purement physique, cette considération doit fixer le point de départ de nos raisonnements sur les ani- maux , et fonder la base des conséquences que nous pourrons tirer des faits observés à leur égard. Certes, ainsi que je l'ai dit, ia puissance qui a fait les animaux, les a fait elle-même tout ce qu'ils sont, et les a doués chacun des facultés qu’on leur observe, en leur donnant une organisation propre à les pro- duire. Or, l’observation nous autorise à reconnaître que cette puissance est la nature; et qu’elle-même est le produit de la volonté de l'Étre supréme, qui l’a faite ce qu’elle est. Il n’y a point de milieu, point de terme moyen en- tre les deux considérations que je vais citer ; savoir: Que la nature n’est pour rien dans l'existence des animaux, qu’elle n’a rien fait pour les diversifier, pour les amener tous à l’état où nous les voyons ; Ou que c’est elle, au contraire > qui les a tous produits, quoi- que successivement; qui les a variés, à l’aide des cir= constances et de la composition graduelle qu elle a donnée à l’organisation animale ; en un mot, qui les a faits tels qu'ils sont, et les a doués des facultés qu’on observe en eux. Je montrerai, dans la partie suivante , qu’à l'égard 12* 180 NTM U Er ION. des deux considérations que je viens d'indiquer, l’affr- mative apparlient évidemment à a seconde, On l'a senti; et c'est avec raison qu’on a rangé les animaux parmi les productions de la nature , et qu’on a re- connu , au MOINS par une expression habituelle, que les corps vivants étaient ses productions. Or, j'oserai ajouter que tous les corps que nous pouvons observer, vivants ou non, sont aussi dans le même cas. Ainsi, une force inaperçue {celle des choses) nous entraîne sars cesse vers le sentiment de la vérilé; mais sans cesse aussi des préventions et des intérêts divers contraïrient eu nous cet entraînement. Que l’on juge donc de ce que conflit doit produire, et combien l’as- cendant de la seconde cause doit l’emporter sur la pre- mière ! Admetions d'avance ce que j’essaierai de prouver plus loin , savoir : que Îes animaux sont véritablement et uniquement des productions de la nature, que tout ce qu'ils sont, que tout ce quils po.sèdent, ils le tiennent d’elle ; ainsi qu'elle-même tient son existence du puissant auteur de toutes choses. S'il en est ainsi, toutes Îles facultés animales, soit celle qui, comme l’irritabilité, est commune à tous les animaux et leur permet de se mouvoir par excitation ; soit celle qui, comme Île sentiment , fait apercevoir à certains d’entre eux, ce qui les affecte; soit enfin, celle qui, comme l'intelligence dans certains degrés, donne \à plusicurs Île pouvoir d’exécuter différentes actions par la pensée et par la volonté; toutes ces facultés, dis-je, sont, sans exception, des produits de la nature, des phénomènes qu’elle sait opérer à l'aide d'organes appropriés à leur production, en un mot, des résultats du pouvoir dont elle est douée elle-même. Dans ce cas, que peuvent être ces diflérentes fa- cultés , sinon des faits naturels, des phénomènes uni- INTRODUCTION. 181 8 quement organiques et purement physiques; phé- nomènes dont les causes, quoique Île plus souvent difficiles à saisir, ne sont réellement pas hors de la portée de nos observations et de no: “tudes ? Que l’on parvienne ou non à connaître le méca- nisme, par lequel un organe ou un système d’organes produit Ja facalté qui en dépend ; qu'importe à la question, si l’on peut se convaincre, par l’observa- tion, are cel organe ou ce système d'organes soit le seul qui ait le pouvoir de donner cette faculté ? Si l’on ne connaît pas positivement le mécanisme orga- de la formation des idées et des opérations qui s’exécutent entre elles, ni même celui du sentiment, connaît-on mieux le mécanisme du mouvement mus- culaire , celui des sécrétions, celui de la digestion, etc.? S'ensuit-il que ces différeuts phénomènes observés parmi les animaux, ne soient point dus chacun à au- tant d'organes où de systèmes d’organes particuliers, dont le mécanisme propre soit capable de les produire? Y a-t-il dans la nature des phénomènes observés ou observables, qui ne soient point dus à des corps ou à des relations entre des corps ? À Si l’homme pouvait cesser d’être influencé par les produits de son intérêt personnel, par son penchant à la domination en tout genre, par sa vanité, par son goût pour les idées qui le flattent et qui lui donnent toujours de la répugnance à en examiner le fondement, son jugement en toutes choses gagnerait infiniment en reclitude, et alors la nature lui serait mieux con- nue! Mais ses penchants naturels ne le jui permettent pas; il trouve plus satisfaisant de se faire une part à son gré , sans considérer ce qui peut eu résulter pour . Jui. Ainsi, conservant son ignorance et ne sauraient avoir ou faire naître en eux la cause excitatrice de leurs mou- vements. Elle leur vient donc évidemment du dehors, et dès lors elle n’est assurément pas à leur disposition; aussi aucun de leurs besoins n’exige qu’elle le soit: ce que j ai déjà fait voir. Tout ce qu Al leur faut se trouve à leur portée: ce ne sont des animaux que parce qu'ils sont irritables. Je terminerai cette parlie par une remarque 1mpor- tante et relative aux besoins des différents animaux; besoins qui ne sont nulle part, ni au-dessus, ni au- dessous des facultés qui peuvent y salisfaire. Qn observe que, depuis les animaux les plus impar- faits, tels que les premiers des infusoires, jusqu'aux mammifères les plus perfectionnés, les besoins, pour chacun d’eux, s’accroissent avec la composition pro- gressive de leur organisation; et que les facultés né- cessaires pour satisfaire par-tout à ces besoins, s’ac= croissent aussi par-tout dans la même proportion. Ii en résulte que, dans les plus simples et Îes plus im- parfaits des animaux, la réduction des besoins et des facultés se trouve réellement à son minimum, tandis que, dans les plus perfectionnés des mammifères , les besoins et les facultés sont à leur maximum de com- plication et d’éminence; et comme chaque faculié distincte est le produit d’un système d’organes parti- eulier qui y donne lieu, c’est donc une vérité incon- testable qu’il y a toujours par-iout un rapport parfait entre les besoins, les facultés d’y satisfaire, et les organes qui FREE ces facultés. 208 ‘ANTRODUCTION. Ainsi, les facultés qu’on observe dans différents animaux, Sont uniquement organiques ; elles ont des limites comme les organes qui les produisent; sont toujours dans un rapport parfait avec l’état des organes qui les font exister; et leur nombre, ainsi que leur éminence, sont aussi parfaitement en rapport avec ceux des besoins. Il est si vrai que, dans l'étendue de l’échelle animale, les facultés croissent en nombre et en éminence comme les organes qui les donnent, que si, à l’une des extré- mités de l’échelle, l’on voit des animaux dépourvus de toute faculté particulière, l’autre extrémité, au contraire, offre, dans les animaux qui s’y trouvent, une réunion au maximum des facultés dont la nature ait pu douer ces êtres. Plus, en effet, l’on examine ceux des animaux qui possèdent des facultés d’intelligence, plus on les ad- mire, plus même on se sent porté à les aimer. Qui ne connaît l'intelligence du chien, son attachement pour son maître, sa fidélité, sa reconnaissance pour les bons traitements, sa jalousie dans certaines circonstances , son extrême perspicacité à juger, dans vos yeux, si vous êtes content ou fàché, de bonne ou de mauvaise humeur; son inquiétude et sa sensibilité lorsqu'il vous voit souffrir, elc.! Les chiens, néanmoins, ne sont pas les plus intelli- gents des animaux; d’autres, et sur-tout les singes, le sont encore davantage , les surpassent en vivacité de jugement, en finesse, en ruses, en adresse, etc. ; aussi, sont-ils, en général, plus méchants, plus difficiles à soumettre et à asservir. Il y a donc des degrés dans l’intelligence, dans Île sentiment, elc., parce qu’il s’en trouve nécessairement dans tout ce qu'a fait la nature. Si, dans la série des animaux, les limites précises INTRODUCTION, 209 à facultés particulières que l’on observe dans diffé- “2nts êtres de cette série, ne sont pas encore définiti- be déterminées, on n’en est pas moins fondé à reconnaître que ces limites existent, car tous les ani- maux ne possèdent point les mêmes facultés; ainsi, il y a un point dans l’échelle animale où chacune d'elles commence. | | Il en est de même des systèmes d'organes particu- liers qui donnent lieu à ces facultés ; si l’on ne connaît pas encore partout le point précis de l'échelle animale où chacun d’eux commence, on doit, néanmoins, être assuré que chaque système d'organes particulier a réel- lement dans l’échelle un point d’origine , c’est à-dire, de première ébauche; il y a même quelques-uns de ces systèmes dont le commencement paraît assez ne déterminé. Ainsi, le système d’organes particulier qui effectue la digestion, paraît ne commencer qu’avec les polypes: celui qui sert à la respiration, ne commence à exister que dans les radiaires ; celui qui donne lieu au mou- vement musculaire, n offre son origine avec quelques vestiges de nerfs, que dans les radiaires échinodermes ; celui de la fécondation sexuelle, paraît offrir sa pre- mière ébauche vers la fin des wers, et se montre en- suite parfaitement distinct dans les insectes et les ani- maux des classes suivantes; celui qui est assez compli- qué pour produire le phénomène du sentiment, :ne commence à se manifester clairement que dans les in- sectes ; celui qui effectue une véritable circulation, pa- raît ne commencer réellement que dans les arachnides; enfin , celui qui donne lieu à la formation des idées, et aux opérations qui s’exécutent entre ces idées > pa- raissant n’appartenir qu’au plan des animaux ver- tébrés, ne commence très probablement qu'avec les poissons. S1È & o Jintoaete ie PALATES Tome r. 14 210 INTRODUCTION. Qu? il Y ait quelques rectifications à fais dans ces déterminations , il n’en est pas moins vrai que es mêmes rectifications ne peuvent altérer nulle part le principe des points particuliers de l’échelle animale où commence chaque système d’organes , ainsi que les faculiés ou les avantages qu’il donne aux animaux qui le possèdent. Partout même où une jimite PR ne peut être positivement fixée , l’arbitraire de Popinion fait bientôt varier le sentiment à son égard. Par exemple, M. Ze Gallois, d’après différentes ex- périences qu'il a faites sur des mammifères mutilés pendant leur vie, prétend que le principe du senti- ment existe seulement dans la moelle épinière, et non dans la base du cerveau; il prétend même qu'il y a autant de centres de sensation bien distincts, qu’on a fait de segments à cette moelle, ou qu’il y a de por- tions de celte moelle qui envoient des nerfs au trone, Aïnsi, au lieu d'une unité de foyer pour le sentiment, il y en aurait un grand nombre, selon eet auteur. Mais doit-on toujours regarder comme positives les conséquences qu’un observateur a Lirées des faits qu’il -& découverts; et ne convient-il pas d'examiner aupa+ ravant, soit sa manière de raisonner, soit les is mêmes sur lesquelles il se fonde ? D'une part, je vois que M. Le Gallois juge presque toujours de la sensibilité par dés iouvements excités qu’il aperçoit ; en sorte qu'il prend des effets de lirré- tabilité pour des témoiguages de sensatious éprouvées ; et de l'autre part, je remarque qu'il ñe distingue point, parmi les puissanees nerveuses, celle qui vivifie les organes , et qui léur fournit des forces d'actions de celle, très différente, qui sert uniquement à au phéno- mène des sensations; comme ik auraït dû: distinguer aussi, sil s’en était occupé, celle encore es différente INTRODUCTION . \ pit desautres, qui donne lieu à la formation des idées, et aux opéralions qu ‘elles exécutent. Il est possible qu'il y ait réellement, comme le dit M. Ze Gallois, plusieurs centres particuliers de sensa- tious dans les animaux qui jouissent de la faculté de sentir ; mais alors, au lieu d’un seul appareil d'organes pour la production de ce phénomène physique, il'y en aurait plusieurs; enfin , la nature aurait employé sans nécessité une complication de moyens; car on peut prouver qu’un seul foyer pour la sensation peut satis- faire à tous les faits connus relatifs à la sensibilité. Cependant, jusqu’à ce que des expériences, plus dé- cisives à cet égard que celles qu'a publiées cet au- teur, nous autorisent à prononcer définitivement sur ce sujet, je crois devoir conserver l'opinion plus vrai- semblable de l'existence d’un seul foyer pour la pro- ductior du sentiment. Cela ne m’empêche pas de recounaître que les nerfs qui partent de la moelle épinière ne soient particuliè- rement ceux qui fournissént au cœur, indépendam- ment de son irritabilité , le principe de ses forces, et qui en fournissent aussi à d'autres parties Ju tronc; enfin , de croire , d’après ce savant, que les nerfs du même ordre qui viennent animer les organes de la res- piralion, naissent de la moelle alongée. Lorsque les observateurs de la nature se multiplie ront davantage; que. les zoologistes ne se borneront plus à l’art des distinctions, à l’étude des particularités. de forme, à la composition arbitraire de genres tLou- jours variables, à extension d’une nomenclature ja: mais fixée; et qu’au contraire, ils s’occuperont d’étu- dier la nature , ses lois, ses moyens, et les rapports: qu’elle a établis entre les systèmes d'organes: particu- liers et les facultés qu’ils donnent aux animaux qui les possèdent; alors , les doutes, les incertitudes que 14* 212 ‘INTRODUCTION. nous ayons encore sur les points de l'échelle animale où commence chacune des facultés dont il s’agit “et sur l’unité de foyer et de siége de chaque système d’or- ganes, se dissiperont successivement; alors, enfin, les points essentiels de la Philosophie zoologique s’éclair- ciront de plus en plus, et la science obtiendra l’im- portance qu’elle peut avoir. En attendant, je crois avoir montré que les facultés animales, de quelque éminence qu’elles soient, sont toutes des phénomènes purement physiques ; que ces phénomènes sont les résultats des fonctions qu’exécu- tent les organes ou les appareils d’organes qui peuvent les produire ; qu’il n’y a rien de métaphysique , rien qui soit étranger à la matière, dans chacun d'eux ; et qu’il ne s’agit, à leur égard, que de relations entre dif- férentes parties du corps animal et entre différentes substances qui se meuvent , agissent, réagissent et ac- quièrent alors le pouvoir de produire le phénomène observé. ft S'il en était autrement, jamais nous n’eussions eu connaissance de ces phénomènes; car chacun d’eux est un fait que nous avons observé, et nous savons positivement que la nature seule nous présente des faits , et que ce n’est qu’à l’aide de nos sens que nous ayons pu connaître un petit nombre de ceux qu’elle nous offre. | ul Je crois avoir ensuite prouvé, qu’outre les facultés qui sont communes à tous les corps vivants, les ani- maux offrent, parmi eux, différentes sortes de facultés qui sont particulières à certains d’entre eux : elles ont donc des limites, ainsi que les organes qui les don- nent. . | 0180 | - Maintenant, ilest indispensable de montrer que les penchants des animaux sensibles, que ceux même de l’homme, ainsi que ses passions , sont encore des phé- À INTRODUCTION. 213 nomènes de l’organisation, des produits naturels et nécessaires du sentiment intérieur de ces êtres. Pour cela, je vais essayer de remouter à la source de ces pen- chants, et je tàcherai d'analyser les priucipaux pro- duits de cetie source. 214 INTRODUCTION: CINQUIÈME PARTIE. DES PENCHANTS, SOIT DES ANIMAUX SENSIBLES, SOIT DE L'HOMME MÈME, CONSIDÉRÉS DANS LEUR SOURCE, ET COMME PHÉNOMÈNES DE L'ORGANISATION. . Dans ce qui appartient à la nature, tout est lié, tout est dépendant, tout est le résultat d’un plan commun, constamment suivi, mais infiniment varié dans ses parties et dans ses détails. L’homme lui-même tient, au moins par un côté de son être, à ce plan gé- néral , toujours en exécution. Il est donc nécessaire, pour ne rien ometitre de ce qui est le produit de l’or- ganisalion animée par la vie, de considérer ici séparé- ment, quelle est la source des penchants et même des passions dans les êtres sensibles en qui nous observons ces phénomènes naturels. Ainsi, comme on pourrait d’abord le penser , le su- jet de cette cinquième partie n’est nullement étranger au but que je me suis proposé dans cette Introduction; savoir : celui d’indiquer les faits et les phénomènes qui sont le produit de l’organisation et de la vie. Et dans cette partie, je dois considérer particulièrement les penchants des êtres sensibles, parce que ce sont des phénomènes d’organisauon , des produits du senti- ment intérieur de ces êtres. Ayant été autorisé à dire que nous n’obtenons au- cune connaissance positive que dans la nature, parce que nous n’en pouvons acquérir de telles que par INTRODUCTION. 315. l'observation, et que, hors de la nature, nous ne pou- vous rien observer, rien étudier, rien connaître de cer tain, il s'ensuit que toul ce que nous connaissons positivement lui appartient et en fait essentiellement partie. Non Cela posé , je dirai, sans craindre de me tromper, que la nature ne nous offre d’observables que des corps; que du mouvement entre des corps ou leuts parties; que des changements dans les corps ou parmi eux ; que les propriétés des corps ; que des phénomètes opérés par les corps et sur-tout par certains d’entré eux; enfin, que des lois immuables qui régissént par tout les mouvements, les changements, et les phéno- mènes qué nous présentent les corps. Voilà, selon moi, le seul champ qui soit ouvert à nos observauions, à nos recherches, à nos études; voilà, par suile, la seule source où nous puissions puiser des connaissances réelles, des vérités utiles, S'il en est ainsi, les phénomènes que nous obser- vons, de quelque genre qu’ils soient, sont produits par ja nature, ont leur cause en elle seule ; et sont tous , sans exceplion, assujettis à ses lois. Or, nôus efforcer de remonter, par l’observation et l’étude, jus- qu’à la connaissance des causes et des lois qui produi- sent les phénomènes que nous observons, en nous attachant particulièrement à ceux de ces phénomènes qui peuyent nous intéresser directement ; est donc ve qu'ily a de plus important pour nous. Parmi les phénomènes noibreux et divers que nous pouvons observer, il en est qui doivent nous intés resser parliculièrement, parce qu’ils tiennent de plus prés à notre maniére d’être , à notre constitution orgas . nique, et parce qu’en éflet, ils ressemblent beaucoup à ceux de même sorte qui se produisent én hous et que xous tenons aussi de la nature par la même voie, Les 216 YNTRODUCTION. phénomènes dont il s’agit, sont les penclants des'ani- maux sensibles, les passions mêmes qu’on observe parmi ceux qui sont inteliigents dans certains degrés: Puisque ces DAFAPRIENES sont des faits observés, ils : 2 à la nature, et îls sont effectivement les produits de ses lois, en un mot, du pouvoir qu elle tient de son supréme auteur. AGE , nous pouvons fa- cilement remonter jusqu’à la véritable source où ces phénomènes puisent leur origine et leur exaltativn. Déjà, je puis dire avec assurance que les penchants des animaux sensibles, et que ceux plus remarquables encore des animaux intelligents, sont des produits immédiats du sentiment intérieur de ces êtres. Or, le sentiment intérieur dont il s’agit, étant évidemment une dépendance essentielle du système organique des sensations, les penchants observés dans les êtres doués de ce sentiment intérieur, sont donc de véritables pro- duits de l’organisation de ces êtres. - Ainsi, l’ignorance de ces vérités positives pourrait seule faire regarder comme étrangers à mon sujet, les objets dont je vais m'occuper. Laissant à l'écart ce que l’homme peut tenir d’une source supéricure , et ne voulant considérer er lui que ce qu’il doit à la nature, il me paraît que ses penchants généraux, qui influent si puissamment sur ses actions diverses, sont aussi de véritables produits de son or- ganisation , c'est-à-dire du sentiment intérieur dont il est doué; sentiment qui l’entraîne à son insu, dans un grand nombre de ses actions. Il me semble, en outre, que ces passions, qui ne sont que des exal- tations de ceux de ses penchants naturels auxquels il s’est imprudemment abandonné, tiennent d’une part à la nature, et de l’autre à Ja faible culture de sa raison, qui soil lui fait méconnaître ses véritables intérêts. y INTRODUCTION. 217 Si je suis fondé dans cette opinion, il sera possible de remonter à la source des penchants et des passions de l’homme, et de prévoir dans chaque cas considéré, le fond principal des actions qu’il doit exécuter : il sufhra pour cet objet de faire une analyse exacte de ses penchants divers. ve! Lits Mais, pour parvenir à montrer l’existence d'un ordre de choses, qui ne paraît pas avoir encore attiré notre altention, je ne dois pas anticiper les considé- rations propres à le faire connaître. Ainsi, remarquant que la source des penchants de l’homme est tout-à-fait la même que celle des penchants des animaux sensi- bles , je vais d’abord déterminer cette source , ainsi que ses produits, dans les animaux en question; je montre- rai ensuite qu’elle se retrouve dans l’homme , et qu’ en lui ses résultats sont plus éminemment ie ie et infiniment plus sous-divisés. | | $ I, SOURCE DES FENCHANTS ET DES ACTIONS DES ANIMAUX SENSIBLES. Par une loi de la nature, tous les êtres sensibles et qui, conséquemment , jouissent de ee sentiment inté- rieur et obscur qu’on a nommé sentiment d'existence, tendent sans cesse à se conserver, et par là sont irré- sistiblement assujettis à un penchant éminent qui est Ja source première de toutes leurs actions; je Île nomme : Penchant à la conservation. Ici, je me propose de montrer que c’est uniquement à ce penchant général, qu’il faut rapporter la source de toute action quelconque de ceux des animaux qui jouissent de la faculté de sentir. a18 INTRODUCTION. Pour atteindre mon but, je dois rappeler la kiérar- chie des facultés des animaux sensibles, afin dé ré- trouver dans chaque cas considéré , ce ce le penchant cité peut produire. Les observations déjà exposées nous obligent à re- connaître que, parmi les animaux dont ; je parle: 10 Les uns sont hornés au sentiment, et ne possè- dent l'intelligence dans aucun degré quelconque; 2° Les autres, plus perfectionnés , jouissent à la fois de la faculté de sentir, et de celle d’exécuter des actes d'intelligence dans différents degrés. Les uns et les autres, jouissant du sentiment , peu- vent donc éprouver la douleur; or, il est facile de faire voir que, dans ses différents degrés, la douleur est pour eux uu mal-être qu’ils doivent fuir, et que la nécessité de fuir ce mal-être, est la cause réelle qui donne naissance au penchant en gestion. En eflet, pour tout individu qui-jouit de la faculté de sentir la souffrance, dans sa faible iniensité, soit vague, soit particulière , produit ce qu'on nomme le mal-étre , et ce n’est que lorsque l'affection éprouvée est vive ou jusqu’à un certain point exaltée, qu’elle reçoit le nom de douleur. Ainsi, puisque depuis le plus faible degré de la douleur, jusqu’à celui où elle est la plus vive, le mal- étre lèse ou compromet en quelque chose l’intégrité de sa conservation , tandis que le bien-être seul la favo- rise, l'individu sensible doit donc tendre sans cesse à se soustraire au mal-être ,etase procurer le bien-être; enfin, le penchant à la conservation, qui est naturel dans tout individu doué du sentiment de son exis- tence, recoit donc nécessairement de cette tendance toute l'énergie qu’on lui observe : cela me parait ini contestable. INTRODUCTION. 219 J'avais d’abord pensé que le penchant à la propaga=- tion auquel tous les êtres sensibles paraissent assujettis, était aussi un penchant isolé, comme celui à la con- servation, et qu’il constituait la source d’un autre ordre de penchants particuliers. Mais depuis, ayant remarqué que ce penchant est temporaire dans les in- dividus, et qu'il est lui-même ua produit de celui à la conservation, j'ai cessé de le considérer séparément, et je ne le mentionnerai que dans l’analyse des détails. En effet, à un certain terme du développement d’un individu, l’organisation , graduellement préparée pour cet objet , amène en lui par des excitalions intérieurés, provoquées en général par d’autres externes, le besoin d'exécuter les actes qui peuvent pourvoir à sa repro- duction et par suite à la propagation de sou espèce. Ce besoin produit dans cet individu un mal-étre obscur, mais réel, qui l’agite ; enfin, en y satisfaisant, il éprouve un bien-être éminent qui }’y entraîne. Le pen- chant dont il s’agit est donc un véritable produit de celui à la conservation. | Maintenant, pour éclaircir le sujet intéressant que je traite, je rappellerai ce que j'ai déjà établi ; savoir: qu'il y a différents degrés dans la composition de l’or- ganisation des animaux, ainsi que dans le nombre et l’éminence de leurs facultés, et qu’il existe à l’égard de ces facultés, une véritable hiérarchie. Cela étant, je dis qu’il est facile de concevoir : 1° Que les animaux assez imparfaits pour ne pas posséder la faculté de sentir, n’ont aucun penchant en eux-mêmes, soil à la conservation, soit à la propa- galion , et que la nature les conserve, les multiplié et les fait agir par des causes qui ne sont point en eux ; 2 Que les animaux qui sont bornés à ne posséder que le sentiment, sans avoir aucune faculté d'intelli- gence, sont réduits à fuir la douleur sans la craindre, ®20 INTRODUCTION. etn ‘agissent alors que pour se soustraire au malêtre “lorsqu'ils l'éprouvent ; | "4 3° Que les animaux qui jouissent à la fois de la fa- culté de sentir, et de celle de former des actes d’intel- lisence , non-senulement fuient la douleur et le mal- être , mais en outre, qu'ils les craignent; 40 Que l’homme, considéré seulement dans les phénomènes que l’organisation produit en lui, non- seulement fuit et craint la douleur, ainsi que le mal- étre, mais en outre, quil redoute la mort: parce qu'il est très probable qu’il est le seul être intelligent qui l’ait remarquée, et qui conséquemment la connaisse. Les choses me paraissant être ainsi, voici les dis- tinctions que je crois pouvoir établir à l’égard de la source des actions des différents animaux, et de celle des penchants observés dans un grand nombre de ces êtres. | | Animaux apathiques. Dans les arimaux apathiques , c’est-à-dire , dans les animaux qui ne jouissent point du sentiment, il n’y a aucun penchant réel, pas même celui à la conserva- tion. Tout penchant est nécessairement Île produit d'un sentiment intérieur. Or , ne jouissant point de ce sen- timent, aucun penchant ne saurait se manifester en eux. ; Ces animaux possèdent seulement la vie animale, ainsique des habitudes de mouvements et d’actions qw’ils tiennent d’excitations extérieures. Enfin, les habi udes, les mouvements et les actions ne sont va- riés. dans ces différents animaux, que parce que les tluides étrangers qui excitent en eux la vieet Jes mou- vements, se sont frayés des routes diverses dans leur INTRODUCTION: 221 intérieur, conformément à l’état de leur organisation et à celui de la conformation particulière de leurs CO p£e A l’aide de ces causes et des facultés qui sont géné- ralement le propre de la vie, la conservation des indi- vidus pendant une durée relative à leur espèce , et leur reproduction, sont assurées. Animaux sensibles. Dans les animaux sensibles, et que je nomme ainsi, parce qu’ils sont bornés à ne posséder que le sentiment, sans aucune faculté d’ intelligence » il existe un pen- chant à la conservation de leur être, parce qu'ils pos= sèdent un sentiment intérieur qui le produit et qui les fait agir lorsque des besoins le sollicitent. Or, comme tout besoin est un mal-être jusqu’à ce qu'il soit satisfait, le penchant à la conservation , dans ces animaux, ne se fait ressentir que temporairement, c’est-à-dire, qu'aux époques où des besoins se manifes- tent et provoquent des actions directes Ainsi, dans jes animaux sensibles, le penchant à la conservation ne produit en eux qu’un penchant secon- daire, celui qui les porte à fuir le mal-être, lorsqu'ils l'éprouvent. Ce peuchant à fuir le mal-être les porte, par le sen- timent intérieur: 19 À fuir la douleur, lorsqu'ils la ressentent; 29 À chercher et saisir leur nourriture, lorsqu'ils en éprouvent ie besoin ; 30 A exécuter des actes de fécondation, Dh leur organisation les y sollicite ; 4° À rechercher des situations douces, des abris, etc.; et s’ils se préparent des moyens favorables à leur conservation, ce n’est uniquement que par 223 : INTRODUCTION. des habitudes d’actions que le besoin d'éviter le mal-être leur a fait prendre, selon les races. Dans les animaux sensibles, le penchant à fuir le iMal-être paraît être le seul produit du penchant à la conservation; néanmoins , l’amour de soi-méme existe déjà; mais il se confond encore avec le premier, et ce n’est que dans les animaux suivants qu’il devient dis- tüunct. Animaux intelligents. Je nomme animaux intelligents, eeux qui, plus perfectionnés que les animaux sensibles, jouissent. à la fois de la faculté de sentir et de celle d’exécuter des actes d'intelligence dans certains degrés. Dans ces animaux, le penchant à la conservation ne se borne pas seulement à produire un seul penchant secondaire distinct, celui de fuir le mal-être et la douleur; l'intelligence qu'ils possèdent, quoique plus ou moins limitée, selon les races et leurs classes , leur donne une idée de la douleur et du mal-être, les porte à les craindre, à en prévoir la possibilité, et leur fournit en même temps des moyens variés pour les évi- ter et pour s’y soustraire. IL en résulte que ces mêmes animaux peuvent varier leurs actions, et qu’en eflet, différents individus de la même espèce parviennent souvent à satisfaire leurs besoins par des actions qui ne sont pas constamment les mêmes, ainsi qu'on le re- marque dans les animaux sensibles, Malgre cela, j'ai observé que les animaux mêmes dont l’organisation approche le plus de celledel” homme, et qui, par là, peuvent atteindre à un plus haut degré d’ intelligencé que les autres, n’acquièrent, en général, a ’un petit nombre d’ This et ne tendent PNR t | à en augmenter le cercle. Ce n’est que par les difficultés INTRODUCTION. 3933 qu’ils rencontrent dans l'exécution de leurs actions directes, que se trouvant alors forcés d'en produire de nouvelles et d’indirectes pour parvenir à leurs fins, ces animaux portent leur attention sur de nouveaux objets, augmentent le nombre de leurs idées, et varient d’au- tant plu# leurs actions, que les difficultés qui les y contraignent sont plus grandes et plus nombreuses. Par cet état de choses à leur égard , les penchants secondaires de ces animaux sont au nombre de trois, et se montrent très distincts; en voici l’indication : Le penchant à la conservation, source de tous les autres, produit dans les animaux intelligents : 19 Une tendance vers le bien-être ; 20 Un amour de soi-même ; 3° Un penchant à dominer. | Pour anaïyser succinctement et successivement cha- cun de ces penchants secondaires et montrer leurs sous-divisions , voici ce que J'aperçois. Tendance vers te bien-être. La tendance vers le bien-être est d’un degré plus élevé que celle qui ne porte à fuir le mal-être que dans le. cas. seulement çù on l'éprouve ; cette dernière n’en supposant joint l’idée ou.la connaissance, Ainsi, par leur sentiment intérieur, les animaux intelligents sont constamment. entrainés vers la re- cherche du bien-étre, c’est-à-dire, à fuir ou éviter le mal-être, et àse procurer les jouissances qu’ilséprouvent en satisfaisant à leurs besoins. Ils n’ont point d’atta- chement à la vie, parce qu'ils ne la connaissent point ; ils ne craignent point ia mort, parce qu'ils ne l’ont pas remarquée, et qu à la vue d’un cadavre, ils n’ont pas remonté, par la pensée, jusqu'aux causes qui j’ont 224 INTRODUCTION. privé de vie et de mouvement; mais ils ont tous une tendance vers le bien-être, parce qu ils pnt joui, et prévoient le danger d’être exposés au mal-être , parce qu'ils ont supporté des privations ou des souffrances dans quelques degrés. On sait assez que le lièvre qui aperçoit un chasseur, que l'oiseau qui s’envêle à lap- proche d’un homme portant une arme à feu, fuient alors le danger d’ éprouver le mal-être ou la daube , avant de le ressentir. | La tendance vers le bien-être porte donc les animaux intelligents : ? Par le sentiment intérieur seul : 10 À se soustraire à la douleur et à tout ce qui les gène ou les incommode ; »0 À rechercher les situations douces, avantageuses, les abris et le soleil dans les temps froids, l’ombre et le frais dans les temps chauds, etc., etc.; 30 A satisfaire le besoin de se nourrir, quelquefois même avec voracité, soit par l'attrait qu'ils y trouvent, soit par l’inquiétude de manquer en- suite d’aliments ; o À se livrer aux actes de la fécondation, ou à en rechercher avec ardeur les occasions, lorsque leurs besoins provoqués les y sollicitent ; | «50 À prendre du repos et sommeiller, lorsque leurs autres besoins sont satisfaits. ** Par l'intelligence, stimulée par leur sentiment intérieur : 19 À chasser la proie, la guetter avec Pate , lui tendre des piéges ; vi 2 A employer des moyens nouveaux et variés , selon INTRODUCTION. R 225 les ciéééiétaticés , pour satisfaire chacun de leurs besoins; 30 À la poltronnerie ou à la lâcheté, lorsqu'ils sont faibles, par suite d’une crainte excessive de la douleur; # Lo À se préserver des dangers au moyen de difié- rentes ruses. Amour de soi-même. L’amour de soi-même se manifeste, dans les animaux intelligents, par un égoïsme individuel qui se fait souvent remarquer en eux; il les porte : * Par le sentiment intérieur seul : 10 À ne donner leur attention qu'aux objets relatifs à leurs besoins; ce qui borne, en général , leurs idées à un irès petit nombre ; 20 À s'emparer de la proie des autres, s’ils sont les plus forts; 3° A chasser ou combattre les autres animaux qui approchent de leur femelle ou de celle qu ’ils con- voilent ; 4° A se préférer à à tout autre, lorsqu'il s’agit de se procurer la ; jouissance d’un avantage quelconque. %* Par l'intelligence , et à la fois par le sentiment intérieur : 19 À l'attiohestns pour leur bienfaiteur, par un sentiment d'intérêt individuel; attachement qu’ils lui témoignent par Îeur confiance, leur douceur, leurs caresses, leur fidélité, et en conservant le souvenir de ses bienfaits; Tome 1. 15 226 INTRODUCTION. 20 À la jalousie envers les autres animaux et sur- tout envers ceux qui approchent leur bienfaiteur ou leur maître , lorsqu'ils en sont bien traités'et qu'ils sont heureux; considérant en quelque sorte ce maître comme une propriété qu’ils possèdent ; 30 À la haine envers ceux qui leur ont nui ou les ont maltraités; haine qu’ils témoignent quelque- fois par des vengeances retardées. Penchant à dominer. Enfin, le penchant à dominer , troisième et dernier de leurs penchants secondaires, se montre clairement dans les animaux dont il s’agit, et les porte : * Par le sentiment intérieur seul : 1° À quereller, chasser ou combattre les autres, lorsqu'ils sont les plus forts ou qu'ils se croient soutenus ; 20 À poursuivre et attaquer ceux qui fuient; à battre et même tuer ceux qu’une grande faiblesse, un accident ou une blessure, ont mis hors d'état de se défendre; et le tout, sans autre besoin à sa- tisfaire que le penchant en question. ** Par le sentiment intérieur et l'intelligence : 1° À la fierté, et même à une espèce de vanité qu'ils témoignent par leur port et leur regard, lorsqu'ils se trouvent bien traités, bien nourris, et dans un état de bien-être habituel ; 2° À une espèce de mépris et de haïne pour: les autres individus malheureux, pour ceux qui ont un aspect misérable, pour ceux qui sont sans puissance, sans autorité, etc., etc. INTRODUCTION. 227 S'il n’était entré dans mon plan de resserrer le plus possible l'étendue de cette cinquième partie, j'aurais ajouté à ces expositions les faits connus et celles de mes observations qui établissent le fondement des penchants que j'attribue à beaucoup d’animaux; mais il me suffit de montrer que ces penchants sont évidents et peuvent être facilement constatés. Ainsi, lorsque l’on voudra s’occuper de ces objets, il sera difficile de ne pas re- connaître : 1° Que les animaux apathiques n’ont et ne sauraient avoir aucune sorte de penchant par eux-mêmes, parce qu'ils ne possèdent aucun sentiment intérieur ; 2° Que les animaux sensibles n’ont qu’un ou deux penchants secondaires; parce que ces animaux, dé- pourvus de facultés d’intelligence, ne sauraient varier leurs actions, et qu’ils n’ont que des habitudes qui sont constamment les mêmes dans tous les individus des mêmes espèces ; 30 Que les animaux intelligents ont trois penchants secondaires assez distincts, qui se sous-divisent en plusieurs autres: parce qu'ayant des facultés d’intelli- gence , ils peuvent varier leurs actions, lorsque des difficultés, pour satisfaire à leurs besoins, les y con- traignent. Néanmoins , l'analyse des penchants, soit des ani- maux sensibles, soit des animaux intelligents, est nécessairement très bornée; car les besoins essentiels des uns et des autres ne sont pas nombreux ; et comme les plus perfectionnés de ces animaux ne donnent leur attention qu'aux objets relatifs à leurs besoins essen- tiels, ils n’acquièrent, en général, qu’un petit nombre d’idées, et ne sauraient cffrir beaucoup de diversité dans leurs penchants. Il n’en est pas de même de l’homme, vivant en 15* 296 _ INTRODUCTION. société : tendant toujours à à étendre ses jouissances et ses désirs, il s’est créé peu à peu une multitude de besoins divers , étrangers à ceux qui lui étaient essen- tiels. Enfin , observant tout ce qui peut lui être utile, tout ce qui tn relatif à ses nombreux intérêts, à ses jouissances variées et croissantes, il a multiplié, par là , ses idées presqu’à l'infini. Il en est résulté que ses penchants, Îles mêmes dans leur source que ceux des animaux sensibles et des animaux intelligents, offrent, non dans tous les individus, mais en raison des cir- constances où chacun d’eux se rencontre, une diversité et des sous-divisions presque sans terme. Essayons, cependant, d’exposer les principaux des penchants de l’homme, de montrer leur véritable source , et d'établir les bases de leur hiérarchie, c’est- à-dire, les premières divisions sur lesquelles cette dernière repose. $ IT. SOURCE DES PENCHANTS, DES PASSIONS ET DE LA PLUPART DES ACTIONS DE L'HOMME. L’homme ne doit pas se borner à observer tout ce qui est hors de lui, tout ce qu’il peut apercevoir dans la nature; il doit aussi porter son attention sur lui- même , sur son organisation, sur ses facultés, ses pen- chants, ses rapports avec tout ce qui l’environne. Au moins, par une partie de son tre, il tient tout- à- fait à la nature, et se trouve, par là, entièrement assujetti à ses lois. Elle lui donne, par celles qui ré- gissent son sentiment intérieur, des penchants généraux et d’autres plus particuliers. Il ne saurait entièrement surmonter les premiers ; ; mais, à l’aide, de sa raison et de son intérêt bien saisi, il peut, soit modifier, soit diriger convenablement les autres, Enfin, ceux de ses penchants auxquels il se laisse aller entièrement, se INTRODUCTION. 23 changent alors en passions qui le subjuguent, et qui dirigent malgré lui toutes ses actions. À mesure que l’homme s'est. répandu dans les dite rentes contrées du globe, qu’il s’y est multiplié, qu’il s’est établi en société avec ses semblables, enfin, qu’il fit des progrès en civilisation, ses jouissances, ses désirs et, par suite, ses besoins, s'accrurentetsemultiplièrent singulièrement; ses rapports avec les autres individus et avec la société dont il faisait partie, varièrent , en outre, et compliquèrent considérablement ses intérêts MERECERM Alors, les penchanis qu’il tient de la na- ture, se sous-divisant de plus en plus conime ses nou- veaux besoins, parvinrent à former en ui et à son insu, une masse énorme de liens qui le maîtrisent presque parlout, sans qu’il s’en aperçoive. IE est facile de concevoir que ces penchants particu- liers et ces intérêts individuels si variés, se trouvant presque toujours en opposition avec ceux des autres individus, et que les intérêts des individus devant toujours céder à ceux de la société, il en résulte néces- sairement un conflit de puissances contraires, auquel les lois, les devoirs de tout genre, les convenances établies par l’opinion régnante, et la morale même, opposent une digue trop souvent insuffisanlLe. Sans doute, l’omme naît sans idées, sans lumières, ne possédant alors qu'un sentiment intérieur et des penchants généraux qui tendent machinalement à s'exercer. Ce n’est qu'avec le temps et par l'éducation, l’expérience , et les circonstances dans lesquelles il se rencontre, qu'il acquiert des idées et des connais- sances. | Or, par leur situation etla condition où ils se trouvent dans la société, les hommes n’acquérant des idées et des lumières que très inégalement, l’on sent que celui d’entre eux qui parvient à en avoir davantage, en 230 INTRODUCTION 4 obtient des moyens pour dominer les autres; et l'on sait qu'il ne manque jamais de Île faire, ) Mais, parmi les hommes qui ont acquis beaucoup d'idées et qui ont beaucoup fréquenté la société de leurs semblables, le conflit d'intérêt, dont j'ai parlé tout-à-l’heure, a fait faire à un grand nombre d’entre eux des efforts habituels pour contraindre leur senti- ment intérieur, pour en cacher les impressions, et a fini par leur donner le pouvoir et l’habitude de le maîtriser. L’on concoit , dès lors, combien ces indiwi- dus l’emportent en moyens de domination et de succès, dans leurs entreprises à cet égard, sur ceux qui ont conservé plus de candeur. Aussi, pour ceux qui savent étudier l’homme, il est curieux d’observer la diversité des masques sous lesquels se déguise l’intérêt personnel des individus, selon leur état, leur rang, leur pou- voir, etc. Tel est le sommaire resserré des causes générales qui ont amené l’homme civilisé à l’état où nous le voyons maintenant en Europe; élat où, malgré les lumières acquises, et même par elles, le plus faible en moyens sé trouve toujours victime ou dupe de celui qui en possède davantage; état, enfin, qui asservit toujours l'immense multitude à la it il d’une minorité puissante, Dans cet état de choses, une seule voie peut nous aider à tirer de notre situation particulière le parti le plus avantageux pour nous; c’est, selon moi, la suivante. Nous étant fait, d’après la raison , la justice et la morale, un certain nombre de principes dont nous ne devons jamais dévier, nous devons ensuite nous efforcer de reconnaître les penchants que l’homme a reçus de la nature, et étudier leurs différents pro- duits, dans les individus de son espèce, selon les cir- constances où chacun d’eux se trouve. Cette connais- INTRODUCTION « 235 sance nous sera d’une grande utilité dans nos relations avec eux. Ainsi; pour diriger notre conduite avec le moins de désavantage à l’égard des hommes avec qui nous sommes forcés de vivre ou d’avoir des rapports, nous nous trouverons obligés de les étudier, de remonter, autant qu'il est D, à la source de leurs actions, et de tâcher de reconnaître la nature de celles qu'ils obeunt exécuter selon les différentes circonstances de leur sexe, de leur âge; de leur situation, de leur état, de leur fortune ou de leur pouvoir; nous devrons même consi- dérer, qu’à mesure qu’ils changent d'âge, de situation, d'état, de fortune ou de pouvoir, ils changent aussi constamment dans leur manière de sentir, d'envisager les objets, de juger les choses,et qu’il en résulte toujours pour eux des influences proportionnelles qui régissent leurs actions: Mais, dans cette étude si difficile, comment parvenir à notre but, si nous ne connaissons point la part con- sidérablé qu’ont , sur toutes les actions de l’homme, les penchants que la nature lui a donnés! C'est parce que cette connaissance essentielle m’à paru beaucoup trop négligée, que je vais essayer d’en esquisser les bases d’une manière extrêmement suc- cincte. D’ailleurs, les objets que je vais considérer ayant été envisagés jusqu’à présent comme formant l’unique domaine du moraliste , la part évidente qui, à l'égard de ces objets, appartient au naturaliste, ne fut point suffisamment reconnue. Or, c’est cette part seule que je revendique , et qui m'autorise à à présenter les bases suivantes de l’analyse à faire des penchants de l’homme dans l’état de civilisation. 232 INTRODUCTION. kon 1 l ! l LE 4 PRINCIPAUX PENCHANTS DE L'HOMME, RAPPORTÉS A. LEUR SOURCE, DONNANT NAISSANCE À SES PASSIONS. LORSQU'IL S’Y ABANDONNE, ET DEVANT SERVIR DE: BASE A L’ANALYSE À FAIRE DE TOUS CEUX QU’ON OBSERVE EN LUI. L'homme, comme tous les autres êtres sensibles, jouis- sant d’un sentiment intérieur qui, par les émotions qu’il peut éprouver, le fait agir immédiatement et machinalement, c’est-à-dire, sans la participation de sa pensée, a aussi recu de la nature, par cette voie, un penchant impérieux qui est la source de tous ceux auxquels on le voit, en général, assujetti. Ce sentiment interne qui l’entraîne sans qu’il s’en apercoive, est : Le penchant à la conservation. Le penchant à la conservation de son être est, pour tout individu doué du sentiment de son existence, le plus puissant, le plus général et le moins susceptible de s’altérer, Or, ce penchant en produit quatre autres qui sont pareillement communs à tous les individus de l’espèce humaine, qui agissent comme lui sans dis- continuilé, et qui subissent le moins de changements dans le cours de la vie. Mais, ceux-ci donnent lieu à une énorme diversité de penchants particuliers, subor- donnés les uns aux autres, et dont l’enchaînement hiérarchique, dans l’homme , est si difficile à saisir. Le. penchant à la conservation dont il s’agit, ne saurait nous nuire en rien par lui-même: il ne peut, au con- traire, que nous être utile. Ce r’est qu’à l’égard de ceux qu'il fait naître en nous, selon les circonstances, que nous devons nous efforcer de reconnaître, parmi ces derniers, ceux qui peuvent nous entraîner à des x à INTRODUCTION. 253 écarts nuisibles à nos vrais intérêts, et tâcher de les maîtriser, et de les diriger vers ce qui peut nous être avantageux. 11 n’est pas d’un intérêt médiocre pour nous, de considérer que le penchant à la conservation , auquel tout homme est assujetti, produit immédiatement et entretient en lui, en tout temps, quatre sentiments in- ternes, très puissants, c’est-à-dire, quatre penchants secondaires qui le dominent sans qu’il s’en aperçoive, et l’entraînent, à son insu, dans presque toutes ses ac- tions, selon que les circonstances y sont favorables. L’homme n’a sur eux, par sa raison, que le pouvoir d’en modérer les effets ou de les diriger vers ses vérita- bles intérêts, lorsqu'il parvient à les bien connaître. Ces quatre sentiments internes ou penchants secon- daires , qui sont généraux pour tous les individus de l’espèce humaine, sont : 10 Une tendance vers le bien-être ; 209 L’amour de soi-même ; 3° Un penchant à dominer; 4° Une répugnance pour sa destruction. … Je suis persuadé que c’est à ces quatre penchants ire qu’il faut rapporter l’énorme diversité de penchants ou de sentiments particuliers , dont l’homme , vivant en société, offre des exemples dans ses actions, et qui prennent leur source, tantôt d’un seul des quatre cités, tantôt de plusieurs à la fois. Es- sayons de reconnaître les premiers produits des quatre penchanis dont il s’agit, et nous nous y bornerons. Tendance vers le bien-être. La tendance vers le bien-être existe chez nous géné- ralement, et concourt à notre conservation ou la favo- 234 INTRODUCTION. | rise. En effet, non-seulement elle entrainé la nécessité pour nous de fuir je mal-être , c’est-à-dire, d'éviter la souffrance, de quelque nature et dans quelque degré qu'elle soit ; mais, en outre, elle nous porte sans cesse à nous procurer l’état opposé, c’est-à-dire, le bien-être. Or, le bien-être n’est pas encore l’état où l’on serait bôrné à n’éprouver aucune sorte de mal-être; cet état même ne saurait exister pour l’homme, parce que ce dernier a toujours quelque désir et par conséquent quelque besoin non satisfait. Mais le bien-être se fait conslamment ressentir en lui chaque fois qu’ii obtient une jouissance quelconque ; et certes, toute jouissance n’a lieu que lorsqu'on satisfait un besoin de quelque nature qu’il soit, On sait assez que, selon le degré d’exaltation du sentiment qu’on éprouve alors, on obtient ce qu’on nomme, soit de la satisfaction , soit du plaisir. va 11 résulte de ces considérations que, sur-tout pour l’homme, le bien-être ne saurait être un état cons- tant ; qu’il est essentiellement passager ; que l’homme l'obtient, en un degré quelconque, dans chaque jouis- sance, et qu’à cet égard il le perd nécessairement däns chaque besoin entièrement satisfait ; qu’il en est.de même du mal-être , quel que soit son degré; que ce mai-être ne saurait avoir une durée absolue et uni- forme dans un individu, parce qu’il est toujours in- terrompu ou en quelque sorte suspendu par quelque genre de jouissance; qu’enfin , c’est de ces alternatives irrégulières de bien-étre et de mal-être que se compose la destinée de l’homme , selon les circonstances de sa situation dans la société, de ses rapports avec ses sem- blables, ou de son état physique et moral. Ainsi, notre tendance vers le bien-être, c’est-à-dire, vers les jouissances que nous éprouvons en satisfaisant à quelque besoin, non-seulement nous fait rechercher avrropuürion. 335 les sensations et les situations qui nous plaisent et qui sont l’objet de nos désirs, mais elle nous porte aussi à nous soustraire aux peines de l'esprit , à tout ce qui nous inquiète ou afflige notre pensée, en un mot, à tout ce qui pourrait compromettre notre salisfaction ou notre tranquillité intérieure, et par conséquent à nous procurer l’état moral opposé; il faut donc la di- viser : 10 En tendance vers le bien-être physique ; 20 En tendance vers le bien-être moral. Tous les penchans particuliers qui sont les résultats de chacune de ces deux tendances, sont très faciles à déterminer, sur-tout si l’on distingue, de part et d’au- tre, ceux qui naissent des besoins, soit donnés par la nature, soit que nous nous sommes formés, de ceux qui prôviennent de l’attrait que nous avons pour dif- férentes choses , autre sorte de besoins à satisfaire. Ainsi , il est facile de reconnaître que: D’une part , notre tendance vers le bien-être physi- que fait naître en nous , selon les circonstances : 19 Le besoin de satisfaire la faim, la soif, lors- qu'elles se font ressentir; de fuir la douleur, les sen- sations nuisibles ou désagréables, et tout ce qui in- commode ; de nous soustraire aux souffrances , aux maladies, à tout mal-être physique ; d’exécuter, à la suite d’excitations intérieures provoquées, les actes qui peuvent pourvoir à la propagation des indivi- dus, etc.;. 29 L’attrait pour les sensations agréables, les plaisirs des sens, la volupté ; d’où résultent les Is de la table, le goût pour la mollesse, les situations douces et riantes, etc. ; enfin, l’amour sensuel, etc., etc. D'une autre part, notre tendance vers le bien-être moral fait naître en nous : 230 INTRODUCTION. 10 Le, besoin de satisfaire tous les genres de désir qui sont à notre portée; d'éviter les idées désagréables ou affligeantes, de nous y soustraire ; d'acquérir des connaissances usuelles; de maîtriser nos émotions in- térieures, nos penchants nuisibles; de jouir d’une satisfaction intérieure; ù 20 L’attrait pour la liberté , indépendance ; pour les idées agréables, la variété, les merveilles; pour les jouissances de l'esprit, de la pensée; pour des objets d’agrément de divers genres, etc., etc. Amour de soi-méme. L'amour de soi-même, ou l’intérêt personnel , est le second produit du penchant à la conservation. C’est uu sentiment généralement inhérent en nous, quicon- court à notre conservation en nous la faisant aimer, et qui ne saurait nous nuire par lui-même , mais seu- lement par ceux de ses produits que la raison n’a pas su modérer. Pour commencer son analyse, il faut considérer ses résultats généraux : 10 Par le sentiment intérieur seul ; 20 Par le sentiment intérieur et la pensée libre; 30 Par le sentiment intérieur et la pensée réglée par la raison. Par le sentiment intérieur seul, Famour. de .soi- même, selon les circonstances, donne lieu: 10 À des mouvements involontaires qui s’exécutent sans préméditation ; tels que ces tressaillements à un grand bruit inattendu ; ces mouvements qui font fuir ur danger subit et imminent; ceux qui nous font dé- tourner nombre de fois dans une rue ou une prome- nade remplie de monde, sans y donner attention; 20 À des faiblesses ; telles que de la frayeur à l’ap- \ INTRODUCTION. 237 proche ou à l’arrivée d'un danger; de la làcheté dans les entreprises périlleuses ; ; de la timidité devant tout ce qui en impose ; des manies de divers genres qu’une habitude irréfléchie fait contracter; 30 À des aversions ou à des affections ; savoir : à l’aversion pour tout ce qui nous nuit ou nous est con- traire ; source de la haine : à l’affection, au contraire, pour tout ce qui nous sert, nous ressemble morale- ment, el partage nos goûts; source de l'amitié. Par le sentiment intérieur et la pensée libre, c'est-à- dire, la pensée que la raison ne contraint à aucune mesure , l'amour de soi-même, selon les circonstances, donne lieu , soit à deux sentiments désordonnés, soit à une force ft action sans limites. Ainsi, par les voies que je viens de citer, l’amour de soi-même fait naître en nous, selon les circonstances, les deux sentiments désordonnés suivants; savoir : ° L’amour-propre qui nous porte à être satisfait de nos qualités personnelles, et à nous persuader que nous inspiTous aux autres une Opinion aVantageuse de nous. On sait assez que, parmi les produits de ce sentiment, il faut compter celui qui nous porte à n’être jamais mécontent de notre esprit, de notre jugement, de notre intelligence ; celui qui fait que nous prétendons poser la limite des connaissances où les autres peuvent par. venir , d’après celle que notre degré d’intelligence et nos connaissances propres tracent pour nous: celui enfin, qui fait que nous ne cherchons dans les ou- vrages des autres, que_n05 opinions, ou ce qui nous flaite. Parmi ces produits excessifs, on sait encore qu’il faut compter la vanité, l’ostentation, la suffisance, lor- gueil, en un mot, l'envie envers ceux qu’ un vrai mé- rite distingue : 238 INTRODUCTION « 7 “ »° L'égoïsme qui se distingtie de l’amour-prop ce que l'individu égoïste n’a aucun égard à l’ opinion qu’on a de lui, et ne voit en tout que lui-même, et que son intérêt, presque toujours mal jugé. On sait que ce sentiment désordonné donne lieu à Pavarice, à la cupidité, à la passion du; jeu, etc.; nous entraîne à ne connaître d'autre justice que notre inté- rêt personnel ; à faire au besoin, un accommodement avec les principes; et nous porte en outre , à la con- servation des préventions qui sont.dans role intérêt, à l’imdifférence envers tout ce qui nous est étranger, à la dureté, l’insensibilité à l’égard dés peines, des souffrances et des malheurs des autres, étc., etc. Par les mêmes voies citées, l’amour de soi-même donne lieu quelquefois , à une force d’action qui sem- ble sans mesure; telle que l'audace, la témérité mème de celui qui , animé par un grand intérêt, sans examen des périls, s’y précipite aveuglément, et souvent sans nécessité. | Par le sentiment intérieur et la pensée dirigée par la raison , l’amour de soi-même, alors parfaitement réglé, donne lieu à ses plus importants produits; savoir: 0 À la fcrce qui constitue l’homme laborieux, que la longueur et les difficultés d’un travail utile ne re- butent point, 20 Âu courage de celui qui , ayant la connaissance du danger, s s’y expose néanmoins lorsqu’il sent que cela. est nécessaire ; 30 A l’amour de la sagesse. Or, ce dernier, qui seul constitue la vraie philoso- phie, distingue éminemment l’homme qui, dirigé par ce que l'observation , l'expérience, et une inédisdtiét habituelle lui ont fait connaître, n’emploie dans ses TNERODUCTION. 289 actions, que ce que la justice et la raison lui conseillent. Ce qui le porte: 10 À l’amour de ia vérité en toute chose, et à l’ac- quisition de nouvelles connaissances positiveset de tout genre, afin de rectifier de plus en plus ses jugéments ; >° À fuir partout eten tout les extrêmes; 30 À la modération dans ses désirs, et à une sage retenue dans ses besoins non essentiels ; Lo À la mesure dans toutes ses actions, et à l’éloi- gnement pour toute affectation quelconque; 5o À la conservation des convenances partout; 60 À l’indulgence, la tolérance, lhumanité, et la bonté envers les autres: 70 À l’amour du bien public et de tout ce qui est utüle à ses semblables; 80 Au mépris de la mollesse, et à une espèce de dureté envers lui-même , qui le soustrait à cette mul- titude de besoins factices qui asservissent ceux qui s’y livrent ; | 90 À la résignation, et s’il est possible à l’impassi- bilité morale dans les souffrances, les revers, les in- justices , les oppressions, les pertes, etc.; 10° Au respect pour l’ordre, les institutions pu- bliques, les autorités, les lois, la morale, en un mot, la religion. Pr La pratique de ces dix maximes caractérise la vraie plulosophie, soustrait l’homme aux produits désor- donnés de ses penchants, aux passions qui peuvent l’agiter , et lui donne la dignité à laquelle il est le seul, parmi les êtres intelligents, qui puisse atteindre. Penchant à dominer. Le penchant à dominer est le troisième de ceux qui résultent de notre penchant à la conservation. Il est 240 AÆNTRODUCTION. constant en général dans tous les hommes, se manifeste même dès leur enfance, et agit sans cesse à leur insu. Ce penchant provient de ce qu’ils sentent intérieure- ment que, plus ils l emportent sur les autres en quel- que chose, plus aussi ils en obtiennent de moyens pour PS Gciser leur bien-être, et pourvoir à leur con- servation. Le penchant dont il s’agit est le plus énergique de ceux que nous tenons de la nature, et développe plus ou moins ses produits selon que la “des ES de l’indi- vidu et les diverses circonstances de la situation où il se trouve dans la société, y sont plus ou moins favo- rables. En effet, l’infortune, l’oppression et la servi- tude bite, L Pépin) en grande partie dans le commun des halo tandis que le bonheur et les succès constants accroissent alors considérablement son énergie. De là vient que son activité est extrême dans l’omme à qui tout prospère, et qu’au contraire, la bonté , l'humanité, la modération, la sagesse même, ne se rencontrent guère que dans celui qui a beaucoup souffert de l’injustice des autres. | C’est ce penchant à dominer, en un mot, à l’em- porter en quelque chose sur les autres, qui produit dans l’homme cette agitation sourde et générale, qui ne lui permet point d’être entièrement satisfait de son sort ; agitation qui devient d'autant plus active qu’il a plus d'idées, et que son intelligence a recu plus de développement, parce qu ’1l s’irrite alors continnellée ment des obstacles que son penchant rencontre de toutes pps On sait assez que nul n’est content de sa fortune, quelle qu’elle soit; que nul ne l’est pareillement de son pouvoir, et même que l’homme qui déchoit dans ces objets , est toujours plus malheureux que celui qui n'avance point. Enfin, l’on sait que toute uniformité INTRODUCTION. 244 de situation physique et morale qu'un travail sou- lenu ne détruit point, bornant nécessairement notre tendance intérieure; celle uniformité , dis-je, amène en nous ce vide, ce mal-être obscur de moral qu’on nomme ennui, et nous fait du changenient un besoin insatiable, source de notre attrait pour la diversité. - Ce même penchant nous porte donc continuelle- ment à augmenter nos moyens de domination, et nous pe manquons jamais de l’exercer, soit par Îe pouvoir, soit par la richesse, soit par la considération, soit enfin, par des distinetions d’un genre ou d’un ordre quelconque, toutes les fois que nous en trouvons l’oc- casion. Dans les actions de l’homme, le penchant à à dominer se déguise sous une multitude infinie de formes, selon les circonstances qui concernent lindividu: mais il est toujours assez facile de reconnaître son influence. C’est ce penchant qui donne lieu à l’obstination dans les disputes, à l'intolérance dans quelque genre que ce soil , à la tyrannie envers ceux qui sont assu- jettis à notre pouvoir, quel que soit son degré, enfin, à la méchanceté et même à la cruauté, lorsque notre intérêt de domination nous paraît l’exiger. Lorsque nous ne dominons nullement, soit par le pouvoir, soit par la richesse, le penchant dont il s’agit nous perte alors à l’emporter sur les autres, au moins en quelque chose, et dans ce cas, c’est lui qui nous fait faire quelquefois des efforts extraordinaires pour nous distinguer dans telle ou telle partie des sciences, des lettres ou des beauxarts. De là vient que la plupart de ceux qui dominent éminemment par la puissance ou la richesse, mettent si peu d'intérêt à étendre leurs connaissances, et font de la science et des talents un cas si médiocre : ils ont, pour maîtriser les autres, une voie plus assurée. Tome 1, 16 a42 INTRODUCTION. L’un des produits les plus remarquables dé notre penchant à dominer est l'ambition ; sentiment dont lé germe est dans tous les hommes, se développe avec l’âge et par l’espérance, maïs n acquiert de véhémence que lorsque les circonstances y sont favorables. Or, l'ambition développée et transformée en passion par des circonstances qui la favorisent, tourmente sans cesse celui qui l'éprouve, accroît son énergie avec le succès, et a pour caractère singulier, celui de n’être jamais satisfaite. Ge sentiment véhément donne à ceux qui s’y abandonnent, un désir ardent de parvenir, par tout moyen, à la fortune , aux places ou aux di- gnités , au crédit ou à la réputation, enfin à la puis- sance. Sans doute, ces quatre tendances que donne l'ambition, ont rarement lieu toutes à la fois, mais seulement une seule ou quelques-unes d’entre CS selon les circonstances. | Je n’entreprendrai point d’analyser ici les divers genres d'efforts, les voies et les moyens que le penchant à dominer, et que l'ambition qui en est le résultat, font employer aux différents individus, dans cette multitude de situations où leur position particulière dans la société les a placés : ils sont assez connus. Répugrance pour sa destruction. Le quatrième et dernier produit du penchant à la conservalion, est ce sentiment intérieur et naturel qui donne à l’homme une répugnance ou une aversion constante pour la destruction de son être. Ce senti- ment, que l’aomme seul possède, et qui fui est géné- ral , parce que, très probablement, il est le seul être intelligent qui connaisse la mort, me paraît la source de l’espoir qu’il a concu d’une autre existence sans terme, qui doit succéder pour lui à la première: et INTRODUCTION. 243 peut-être une suggestion intime l’avertit-elle que cet espoir est fondé. Or, l’homme ayant su s’élever jus- qu’à l’ÊTRE SUPRÈME, par sa pensée, à l’aide de l’ob- servation de la nature, ou par d’autres voies, cette grande pensée a étayé son espérance, et lui a inspiré des sentiments religieux, ainsi que les devoirs qu'ils lui imposent. Je ne montrerai point comment ces sentiments re- ligieux peuvent être modifiés par certains de ces pen- chants naturels qui, trop souvent, maîtrisent l’homme dans ses actions; ni comment le fanatisme et l’intolé- rance religieuse, qui diffèrent si considérablement de la vraie piété, peuvent résulter de son penchant à la domination. Ce qui précède doit suffire pour l’éclair- cissement de ces objets. Ayant indiqué le produit de la répugnance de l’homme pour sa destruction, là, doit se borner tout ce qui est du ressort du naturaliste , ainsi que tout ce qu’il peut rapporter à la nature; mais, comme je l’ai dit, cette source de l'espoir de l’homme n’exclut point d’autres voies qui ont pu l’éclairer sur un sujet si im- portant pour lui. | Ici, se termine l’exposé succinct que j’ai entrepris de faire des penchants de l’homme rapportés à leur source, et qu'il tientévidemment de son organisation. Ce rest, sans doute, qu’une esquisse très imparfaite du sujet que je me suis proposé de traiter; mais elle suffit à l’objet que j'avais en vue, et se trouve fondée sur des principes incontestables. | Comme naturaliste, je crois avoir rempli ma tâche; et je le devais , parce qu’elle complète les considéra- ions qui font connaître les produits de l’organisation. Mais, celle de l’homme, profond observateur de ses semblables, de leurs penchants, variés selon les cir- constances où ils se trouvent, enfin, des passions qui 16* 244 INTRODUCTION. trop souvent Îes maîtrisent, lorsqu'ils ne se sont point exercés à Jes dominer, celle-là, dis-je, reste encore. tout entière à As dieu | En effet, il s’agit, en cela, de pénétrer dans les dé- tails des der hibtee divisions ; d’assigner les complica- tions de causes qui déterminent lant d'actions que l’on observe; en un mot, de saisir et faire connaître cette multitude de nuances délicates, dans les causes agissantes, qui font varie: de tant de manières les ac- tions observées. | La diversité des gouts, des penchants, des Fos et même des passions, dont les individus de l’espèce hu- maine offrent des exemples, est si grande, que ceux qui ont voulu étudier le cœur de l’homme , en sonder la profondeur, pénétrer dans tous ses replis, l'ont re- gardé comme un dédale immense dans lequel il était bien difficile de ne point s’égarer. Je ne prétends pas avoir dénoué complétement ce nœud gordien; mais j'ai tenté d'introduire quelque ordre dans l’étude de ce grand sujet, et je crois avoir montré les principales causes de nos penchants, et mème de nos passions; enfin , selon mes aperçus, j'ai essayé d'établir les bases d’après lesquelles le défriche- ment de ce vaste champ d’étude deit être opéré. Ainsi, lorsque je considère l’homme, seulement sous le rapport de son organisation et des lois de la nature, je vois qu’il est, comme les animaux sensibles, assu- jétti, dans ses actions, aux influences puissantes d’une cause première, d'où dérivent ses penchants divers, ainsi que ses passious; et, en effet, en remontant. à ceîte source, je reconnais qu'il n’est presque, aucune des actions de l’homme qui ne puisse y être rapportée. Je vois ensuite que, si, connaissant la cause pre- mière de ses penchants, et la hiérarchie de celles qui y ont subordonnées, l’on prend la peine de considérer, INTRODUCTION. 245 dans un individu quelconque, son sexe, son âge, sa constitution physique, son état, sa fortune , les chan- gements. importants que celte dernière a pu tout-à- coup subir, en un mot, les circonstances particulières dans lesquelles cet individu se rencontre, il sera pos- sible de prévoir, en général, la nature des actions qu’il ere dans les cas qui peuvent nous intéresser. - Ce qui mérite sur-tout d’être remarqué , C’est que l’homme est, de tous les êtres intelligeuts, celui sur lequel l'influence des circonstances paraît exercer le plus de pouvoir; ce qui est cause qu’il offre, dans ses qualités ou sa manière d’être, les différences les pius considérables relativement aux individus de son es- pèce. On ne saurait croire jusqu'à quel point cette in- fluence le modifie dans son intelligence, sa manière de voir, de sentir, de juger, et même dans ses penchants. En effet , la situation des individus dans la société, queile qu’elle soit , et par conséquent les benne qui concernent dés habitudes , leurs travaux , leur état, leur fortune, leur naissance, leurs dignités, leur pouvoir, eic., offrant une diversité presque infinie ; il y en a aussi une si grande dans leurs qualités particu- lières , qu’en considérant les extrêmes, on trouve une différence immense entre un homme et uu autre. C’est à celte cause , amenée par la civilisation, qu'est dû ce défaut PRE qu’on observe à l’égard des individus de l'espèce humaine, quoique, dune tous, le type gé- néral de l’organisation soit le même. Ainsi, l’on peut dire que, de tous les êtres intelli- gents, Fhblise est celui qui présente, parmi les indi- vidus de son espèce : Tantôt, sous le rapport de l'intelligence , soit l’être de plus ignorant, le plus pauvre en idées, le plus stu- pide, le plus grossier, le plus vil, et quelquefois, même , se trouvant presque au-dessous de l’animal à 246 INTRODUCTION. cet égard; soit l'être le plus spirituel, le plus solide eñ jugement , le plus riche en idées et en PUS enfin, celui dont le génie vaste atteint jusqu’à la su hliédt ét j | Et tantôt , sous le rapport du va soit l’être le plus humain, le plus aimant, le plus bienfaisant, le plus sensible, le plus juste; soit le plus dur, le plus injuste , ie plus méchant, le plus cruel, surpassant même en méchanceté les animaux les plus féroces. Le propre des circonstances dans lesquelles se trou- vent les individus, dans une société quelconque , est donc de donner lieu à une diversité d’autant plus grande dans leurs pensées, leurs sentiments, leurs moyens et leurs actions , que l'intelligence de ces in- dividus a été plus ou moins exercée, et par suite, plus ou moins développée. Le développement de son intelligence , est, sans doute, pour l’homme, d’un très grand avantage ; mais l'extrême inégalité que la civilisation produit néces- sairement dans celui des différents individus, ne sau- rait être favorable au bonheur général. On en trouve la cause dans le fait suivant bien observé. Plus l’in- teiligence est développée dans un individu, plus ilen obtient de moyens, et plus, en général , il en profite pour se livrer avee succès à ses penchants. Or, les plus énergiques de ces penchants, tels que l’amour de soi- méme et sur-tout celui de Ja domination ; se trouvant favorisés par un plus grand développement d’intelli- gence, l’on peut juger de l’étendue de leurs produits, d’après le degré de puissance que cet individu pose dans la société. Cependant; que l’on ne s’y trompe pas, ainsi qu’un célèbre auteur; si, sous certains rapports, l'intelligence très développée fournit à ceux qui la possèdent, de srands moyens pout abuser, dominer, maîtriser; et INTRODUCTION. 247 trop souvent pour opprimer les autres; ce qui sem- blerait rendre cette faculté plus nuisible qu’utile au bonheur général de toute société, puisque la civilisation entraîne une immense inégalité de lumières entre les individus; sous d’autres rapports, cette même intelli- gence, dans un haut degré, favorise et fortifie la raison, fait mettre à profit l’expérience, en un mot, conduit à la vraie philosophie, et, sous ce point de vue, dé- dommage amplement ceux qui en jouissent. Ainsi, l'on peut div qu elle est toujours très avantageuse aux in- dividus qui en sont doués. Mais la multitude qui ne saurait en pséder une semblable, en souffre néces- sairement. Ce n’est donc que l’inégalité des lumières entre les hommes qui leur est nuisible, et non les lumières elles-mêmes. Au moral, comme au physique, le plus fort abuse presque toujours de ses moyens au détriment du plus faible : tel est le produit des penchants naturels qu’une forte raison ne modère pas. D’après ce qui vient d’être exposé, je crois qu’il sera facile de reconnaître pourquoi, parmi les différents modes de gouvernement, ceux qui sont les plus favo- rables au bonheur des nations sont si difficiles à établir; pourquoi l’on voit presque toujours une lutte plus ou moins grande entre les gouvernants qui la plupart tendent au pouvoir arbitraire, et les gouvernés qui s'efforcent de se soustraire à ce pouvoir; enfin, pour- quoi cette portion de la liberté individuelle, qui est compatible avec l'institution et l’exécution des bonnes lois, éprouve tant d’obstacles pour ê être obtenue, et ne peut long-temps se conserver là où l’on a pu l'obtenir. Deux hommes célèbres, mais sous des rapports bien différents, ont adressé des maximes aux souverains : l’un, pour la félicité des peuples; l’autre, au profit du pouvoir arbitraire. Que l’on compare le nombre des 246 INTRODUCTION. prosélites qu'a faits le premier, avec celui du second, et l’on jugera de l’influence des causes que j'ai indiqué es! Ainsi, cet ordre de choses, que l’on voit partout, tient à la nature de l’homme , et, quoi que l’on fasse, sera toujours ce qu'il est. Le naturel de l’homme ne s’efface jamais entièrement, quoiqu’à à l’aide de la rai- son 1} puisse être jusqu” à un cerlain point modifie. Quel que soit le système de société dans lequel il vit, l’homme étant, de tous les êtres intelligents, celui qui a le plus de penchants naturels et le plus de moyens pour varier ses actions, on peut assurer qu’il sera tou- jours agité, regretlant Île passé, jamais satisfait du présent, fondant continuellement son bonheur sur l’avenir , et difficilement ou incomplétement heureux, sur-tout si une forteraison, c’est-à-dire, la philosophie, ne vient à son secours. Je m’arrête là : le développement des objets qui viennent d’être cités , m'éloignerait du but que je me propose d'atteindre. Passons maintenant à un sujet plus élevé et plus grave encore que ceux dont nous nous sommes occupé jusqu'ici, et qui est indispensable pour compléter la liaison de tout ce que nous avons exposé, même à l'égard des animaux, passons à l’objet qui devrait le plus inté- resser le naturaliste, au plus important de ceux qu’il était nécessaire de traiter dans cette Introduction ; en- fin, à l’essai d’une détérmination de ce qu'est réelle- ment la nature, et des idées que nous devons nous former de cette puissance à laquelle nous sommes forcés d’attribuer tant de choses, en un mot, à laquelle les animaux doivent tout ce qu'ils sont, et tout ce qu'ils possèdent. (1) DANONE ON ARE AMTERR AU, FOR DIROADN NANNISSSS (1) C’est dans cette partie principalement que se développe la pro- fondeur d'esprit de notre grand naturaliste : une logique puissante , un INTRODUCTION ; 249 admirable enchaïnement d'idées, cette manière si nouvelle d’envisager les actes des animaux et de l’homme en particulier, de faire voic dans des êtrés si divers ces actes soumis aux mêmes lois, et l'intelligence hu- maine elle-même s’y soumettre et en faire reconnaître l’universalité de ces lois, nous porterait à manifester notre admiration au bas de chacune des pages qui précèdent. Dans un sujet comme celui-là ettraité d’une ma- nière si supérieure , nous avons pensé que nous devions nous abstenir de toute observation ; mais nous ne pouvons nous empêcher de recom- mander la lecture et la méditation de cette cinquième partie, aussi bien aux naturalistes qu’à toute personne qui s'intéresse aux progrès de la physiologie de l'intelligence humaine. 230 YNTRODUCTION. SIXIÈME PARTIE. DE LA NATURE, OU DE LA PUISSANCE, EN QUELQUE SORTE MÉCANIQUE, QUI A DONNÉ L'EXISTENCE AUX ANIMAUX, ET QUI LES A FAITS NÉCESSAIREMENT CE QU'ILS SONT. IL importe maintenant de montrer qu'il existe des puissances particulières qui ne sont point des intelli- gences , qui ne sont pas même des êtres individuels, qui n’agissent que par nécessité, et qui ne peuvent faire autre chose que ce qu’elles font. Or, si, selon l'expression des naturalistes, les animaux font partie des productions de la nature, voyons d’abord si ce qu'on nomme la nature ne serait pas une de ces puis- sances particulières dont je viens de parler. Nous exa- minerons ensuile ce que peut être cette puissance sin- gulière , capable de donner l'existence à des êtres aussi admirables que ceux dont il s’agit! Cependant, la première pensée qui se présente lors- que nous examinons cette queslion : quelle est l’origine immédiate de l'existence des animaux ? est d’attribuer cette existence à une puissance inteiligente et sans bornes, qui les a faits, tous à la fois, ce qu'ils sont chacun dans leur espèce. Cette pensée, très juste au fond, prononce néan- moins sur la question du mode d’exécution de la vo- lonté supérieure , avant de savoir ce que l’observation peut nous apprendre à cet égard. Comme Îles faits observés et constatés sont des objets plus positifs que INTRODUCTION. 251 nos raisonnements, ces faits nous forcent maintenant de nous décider’entre les deux questions suivantes : La puissance intelligente et sans bornes qui a fait exister tous les êtres physiques que nous observons, les a-t-elle créés immédiatement et simultanément, ou n’a-t-elle pas établi un ordre de choses, constituant une puissance particulière et dépendante, maïs capable de donner successivement l'existence à iant d'êtres divers (1)? À l’égard de ces deux modes d’exécution de la wo- lonté suprême , ne supposant pas même la possibilité du second, notre pensée, avant la connaissance des faits, se décida en faveur au premier, et l’on va voir que les apparences semblaient en étayer le fondement. En effet, tous les corps que nous observons, nous . offrent généralement, chacun dans leur espèce, une exis- tence, à la vérité, plus ou moins passagère , et même pendant la durée de cette existence, nous voÿons en eux Ja possibilité ou la nécessité de subir divers change- ments. Mais aussi, tous ces corps se montrent ou se retrouvent constamment Îles mêmes à nos yeux, ou à peu près tels, dans tous les temps, et on ïies voit tou- jours , chacun avec les mêmes qualités ou facaltés , et avec la mème possibilité ou la même nécessité d’éprou- ver des changements, D'après cela, dira-t-on , comment vouloir leur sup- poser une formation, pour ainsi dire, extrà-simultanée, une formation successive et dépendante, en un mot, uue origine particulière à chacun d'eux ,. et dont le principe puisse être déterminable! pourquoi ne les (1) L'étude des corps organisés des premiers âges de la terre, dont o2 retrouve les débris à l’état fossile dans les couches solides des con- tinents, a répondu en grande partie à ces questions, et justement, comme nous l'avons vu, en rendant plus certaines les prévisions de Lamarck. 253 INTRODUCTION, regarderait-on pas plutôt comme aussi anciens que la nature, comme ayant la même origine qu’elle-même et que tout ce qui a eu un commencement! ? C'est en effet ce que l’on a pensé, et ce que pensent encore beaucoup de personnes même très instruiles; elles ne voient dans toutes les espèces, de quelque sorte qu’elles soient, inorganiques ou vivantes; elles ne voient, dis-je, que des corps dont l’existence leur . paraît à peu près aussi ancienne que celle de la nature, que des corps qui, malgré les changements et l’exis- tence passagère des indiy ide se retrouvent les mêmes dans tous les renouvellements. Or, l’existence de ces espèces, que nous revoyons toujours à très peu près semblables, quoique les corps qui en constituent les individus, changent, passent et reparaissent plus ou moins p'omptement, est donc, disent ces mêmes personnes, le résultai d'un grand pouvoir qui y a donné lieu, d’un pouvoir, en un na au-dessus de toutes nos conceptions! Il doit être effectivement bien grand le pouvoir qui a su donner l'existence à tous les corps, et les faire généralement ce qu'ils sont! car, si l’on observe un animal, même le plus imparfait, tel qu’un infu- soire où un polype, on est frappé d’étonnement à la vue de ce singulier corps, de son état, de la vie qu'il possède , et des facultés qu’il en obtient; on l’est sur- tout, en considérant que le corps si simple et si frêle que je viens de citer, est non-seulement susceptible de s’accroître et de se reproduire lui-même , mais qu il a, en outre, la faculté de se mouvoir; on l’est bien davantage ensuite, à mesure que l’on observe les ani- maux des ordres plus relevés , et principalement lors- qu’on vient à considérer ceux qui sont les plus parfaits; car, parmi les facultés nombreuses qui possèdent ces derniers, il s’en trouve de la plus grande éminence, INTRODUCTION: 353 puisque la faculté de sentir, qui est déjà si admirable en elle même, est encore inférieure à celle de se for- mer des idées conservables, de les employer à en former d’autres, en un mot, de comparer Îes objets, de juger, de penser. Cette dernière faculté sur-tout, est pour nous une merveilie si grande, qu’il nous semble impossible que la nature soit capable d’en ame- ner la produetio n. Si les animaux en qui nous obseryons de pareilles facultés sont des machines, assurément, ces machines sont bien dignes de notre admiration! elles doivent singulièrement nous étonner, puisque nous avons tant de peine à les concevoir, et qu'il nous est absolument impossible de faire quelque chose qui en approche. Toutes ces considérations parurent et paraissent donc encore aux personnes dont j'ai parlé, des motifs suffisants pour penser que la nature n’est point la cause productrice des différents corps que nous connaissons, et que ces corps se remontrant les mêmes (en appa- rence }, dans tous les lems, et avec les mûmes qualités ou faculiés, doivent être aussi anciens que la nature, et avoir pris eur existence dans la même cause qui lui a donné la sienne. ; S'il en est ainsi, ces corps ne doivent rien à la nature, ils ne sont point ses productions, elle ne peut rien sur eux, elle n'opère rien à leur égard , et dans ce cas, eile n’est point une puiseness +, re Jui sont inutiles; enfin, le nom qu’on lui donne est un mot vide de sens, s’il n’exprime que l'existence des corps, el non un pouvoir particulier qui opère et agit immé- diatement sur eux. Mais si nous examinens tout ce qui se passe journel- lement autour de nous, si nous recueilions et suivons attentivement les faits que nous pouvons observer, les idées si spécieuses que je viens de citer, perdront 254 INTRODUCTION. alors de plus en plus le fondement qu elles semblaient avoir. es: En effet , nous observons des changements, lents ou prompts, mais réels dans tous les corps, selon les cir- constances de leur nature et celles de leur situation: en sorte que les uns se détériorent de plus en plus, sans jamais réparer leurs pertes et sont à la fin détruits; tandis que les autres qui subissent sans cesse des altéra- tions et les réparent eux-mêmes pendant une durée limitée, finissent aussi, néanmoins, par une destruc- tion entière. Cependant, malgré ce dernier résultat de tout corps quelconque, nous en retrouvons cons- tamment les mêmes sortes, les mêmes espèces, et nous les rencontrons dans tous les états, dans tous les degrés de changement. Pouvons - nous donc méconnaître l’existence d’un pouvoir général, toujours agissant, toujours opérant des produits manifestes en changement, en formation et en destruction des corps ! selon des circonstances fa- vorables observées, ne voyons-nous pas nous-mêmes plusieurs de ces corps se former presque sous nos veux, tels que le soufre en certains lieux, l’aiun dans d’autres, le salpétre dans d’autres encore, etc. , etc. Nos chservations ne se bornent point seulement à nous convaincre de l'existence d’un grand pouvoir toujours agissant, qui change, forme, détruit et renouvelle sans cesse les différents corps; elles nous, montrent, en outre, que ce pouvoir est limité, tout- à-fait dépendant , et qu'il ne saurait faire autre chose que ce qu’il fait: ear il est partout assujetti à des lois de différents ordres qui règlent toutes ses opérations; lois qu'il ne peut ni changer, ni transgresser, et qui ne lui permettent jamais de varier ses moyens gi la même circonstance. Non-seulement ce grand pouvoir existe; maïs il a INTRODUCTION. 255 lui-même celui d’en instituer d’autres, pareillement dépendants, moins généraux, et parmi lesquels on en connaît un qui est encore admirable dans ses produits, En effet, dans l’organisation, animée par la vie, Hous remarquons ne véritable puissance qui change, de répare, qui détruit, et qui produit des objets qui n’eussent jamais existé sans elle. Cette puissance particulière, qu’on nomme la wie, et: dont tous les corps vivants sont l’unique domaine, agit toujours nécessairement, selon des lois régulatrices de tous ses actes. Nous l'avons effectivement déjà suivie dans un grand nombre des actes qu’elle opère, nous avons même saisi plusieurs de ses lois, et nous nous sommes assuré qu’elle agit toujours de la même ma- nière , dans les mêmes circonstances. Mais la puissance dont il est question, n'exerce son pouvoir que sur une seule sorte de corps, et comme elle est le produit de la puissance générale qui l’a établie, elle se détruit elle-même dans chaque corps de son domaine; tandis que l’autre subsiste toujours la même, parce qu’elle tient son existence d’une source bien différente et in- finiment supérieure ! Ainsi, le pouvoir général qui embrasse dans son domaine tous les objets que nous pouvons apercevoir , de même que ceux qui sont hors de la portée de nos observations, et qui a donné immédiatement l’exis- tence aux vévétaux , aux animaux, ainsi qu'aux autres corps, est véritablement un pouvoir limité et en quel- que sorte aveugle, un pouvoir qui n’a ni intention, ni but, ni volonté; uu pouvoir qui, quelque grand qu'il soit, ne saurait faire autre chose que ce qu’il fait; en un mot, un pouvoir qui n'existe lui-même que par la volonté d’une puissance supérieure ‘et sans bornes, qui l'ayant institué, est réellement l’auteur de tout ce qui en provient, énfté de tout ce qui existe, 256 LNTRODUCTION « Le pouvoir aveugle et limité dont il s’agit, et que nous avons tant de peine à reconnaître, quoiqu'il se manifeste partout, n’est point un être de raison : il exisie certainement, et nous n’en saurions douter, puisque nous observons ses actes, que nous le suivons dans ses opérations , que nous voyons qu'il ne fait rien que graduellement, que nous remarquons qu'il est partout soumis à des lois, et que déjà nous sommes par- venus à connaître plusieurs de celles qui le régissent. Or, ce pouvoir circanscrit, que nous avons si peu considéré , si mal étudié; ce pouvoir auquel nous at- tribuons presque toujours une intention et un but dans ses actes; ce pouvoir enfin, qui fait toujours né- cessairement les mêmes choses dans les mêmes circons- tances, et qui néanmoins, en fait tant et de si admi- rables , est ce que nous nommons la nature. Qu'est-ce donc que la ralure? Qu’est- elle cette puissance singulière qui fait tant de choses, et qui ce- pendant est constamment bornée à ne faire que celies- là? Qu’est-elle, encore, cette puissance qui ne varie ses actes qu'autant que les circonstances , dans les- quelles elle agit, ne sont point les mêmes? Enfin, à quoi s'applique ce mot la nature, cette dénomination si souvent employée, que toutes les bouches prononcent si fréquemment , et que l'on rencontre presqu’à chaque ligne dans les ouvrages des naturalistes , des physi- ciens et de tant d'autres ? Il importe assurément de fixer à la fin nos idées, s’ilest possible, sur une expression dont la plupart des hommes se servent communément, les uns par habi- tude et sans y attacher aucune idée déterminée, les autres en y appliquant des idées réellement fausses. , À l’idée que l’on s’est formée d’une puissance, l’on a presque toujours associé celle d’une intelligence qui dirige ses actes, et par suite, l’on a attribué à cette INTRODUCTION » 257 puissance une intention , un but, une volonté. Sans doute , on ne peut nier qu il n’en soit ainsi à l'égard du pouvoir suprême; mais il y a aussi des puissances assujetLies et bornées, qui n’agissent que nécessaire- ment, qui ne peuvent faire autre chose que ce qu "elles font, et qui ne sont point des intelligences : : ce sont seulement des causes agissantes; et même toute cause capable de produire un effet, est déjà une puissance réelle; à plus forte raison celle qui en produit de nom- breux et de très remarquables. Par exemple, tout ordre de choses, animé par un mouvement, soit épuisable, soit inépuisable, est une véritable puissance dont les actes amènent des faits ou des phénomènes quelconques. La wie, dans un corps, en qui l’ordre et l’état de choses qui s’y trouvent, lui permettent de se mani- fester , est assurément, comme je l’ai dit, une véritable puissance qui donne lieu à des phénomènes nombreux; cette puissance, cependant, n’a ni but, ni intention, ne peut faire autre chose que ce qu’elle fait, et n’est elle-même qu'une cause agissante, et non un être particulier. Or, il s’agit de montrer que la nature est tout-à-fait dans le même cas; avec cette différence que sa source est inépuisable, tandis que celle de la wie se tarit né- cessairement. Sans doute , sur ce qui concerne la nature, je n’ai à dire que très peu de choses relativement à ce qui n’est pas encore bien connu; mais ce peu de choses est positif, puisqu'il est fondé sur les faits. Or, la con- naissance de ce que je puis montrer à ce sujet doit être importante; car elle seuie peut nous aider à découvrir la source de tout ce que nous observons à l’égard des animaux et des autres corps que nous pouvons aper- cevoir. Il est donc nécessaire de l'esp et de fixer TomE 1. 7 17147 258 INTRODUCTION. nos idées sur des objets que l'observation nous a. à connaîlre: Parmi les différentes confusions d’idées ns le sujet que j'ai ici en vue a donné lieu, j’en citerai déux comme principales; savoir : celle qui consisteen ce que bien des personnes regardent comme synonymes, Jes mots nature et univers ; et celle qui fait penser à la plupart des hommes, que la nature et son suPRÈME AUTEUR sont pareillement synonymes. Je vais essayer de montrer que ces deux considé- rations sont l’une et l’autre sans fondement, et com- mencér par refuter la première. Ces deux mots, la nature et l’univers, si souvent employés et confondus, auxquels on n’attache, en gé: néral, que des idées vagues, et sur lesquels la seb mination précise de l’idée que l’on doit se former dé chacun d’eux, paraît une folle entreprise à certaines personnes, me semblent devoir être distingués dans leur signification ; car ils concernent des ste essen: tiellement différents. Or, cette distinction est mb à importante que, sans clle, nous nous égarerons toù jours dans nos raisonnements sur tout cé, qué vor observons. Pour moi, la définition de l'univers 1 ne e peut être autre que la suivante : L'univers est l’ensemble inactif ,et sans puissance | qui lui soit propre; de tous les êtres physiques et passifs, c’est-à-dire , de toutes les matières et de tous les corps qui existent, C’est donc du monde ou de l’univers physique dont il s’agit uniquement dans cette définition. Ne pouvant parer que de ce qui est à la portée de nos observations, c'est seulement de celles des parties de l’univers que nous apercevons, qu’il nous est possible de nous pro- D INTRODUCTION. 299 curer quelques connaissances , tant sur ce que sont ces parties ‘elles-mêmes, que sur ce qui les concerne. Là, se bornent tout ce que nous pouvons raison- nablement dire de l’univers. Chercher à expliquer sa formation, à déterminer tous les objets qui entrent dans sa compositicn , serait assurément une folie. Nous n’en avons pas les moÿens; “nous n’en connaissons que trés peu de choses; nous savons seulement que : son existence est une réalité. Cependant, la matière faisant la base de toutes ses parties, je puis montrer qu’il est en lui-même inactif et sans puissance propre, el que ce que nous devons entendre par le mot la nature lui est tout-à-faitétranger. En effet, en approfondissant ce grand sujet, d’après tout ce que j'apercois , je crois, d’abord, pouvoir assurer, à l’égard de l’ensemble des matières et des corps qui forment l'univers physique, que cet ensemble est lui-même immutable ou irdestructif, et qu'il sub- sistera tel qu’il est, tant que la volonté de son SUBLIME AUTEUR le permettra; ensuite, j’oserai dire que ce même ensemble n’est point et ne peut être une puis- sance; qu’il ne peut avoir d’activité propre; et que, conséquemment, il n’en saurait avoir sur ses parties, la source de toute activité lui étant étrangères enfin, j2 crois être fondé à dire encore que toutes les parties de lunivers physique n’ont pas plus d’activité que l’ensemble qu’elles composent, que toutes sont réelle- ment passives, et que ce sont elles qui constiluent l'unique et vaste domaine de la nature. Or, la nature ne se trouve nullement dans cette catégorie; ce n’est, en effet, ni un corps, ni un être quelconque, ni un ensemble d’êtres, ni un composé d’objets passifs; c’est, au contraire, comme nous l’al- lons voir, un ordre de choses particulier, constituant 19* 260 INTRODUCTION. une véritable puissance, laquelle est, néanmoins, assujettie dans tous ses actes. Effectivement, c’est la nature qui fait exister, non la matière, mais tous les corps dont la matière est essentiellement la base; et comme elle n’a de pouvoir que sur cette dernière, et que son pouvoir à cet égard ne s'étend qu’à la modifier diversement, qu’à changer et varier sans cesse ses masses particulières , ses associa- tions, ses aggrégats, ses combinaisons différentes, on peut être assuré que, relativement aux corps, c’est elle seule qui les fait ce qu’ils sont, et que c’est elle encore qui donne, aux uns, les propriétés, et aux autres, les facultés que nous leur observons. Qu'est-ce donc, encore une fois, que la nature? serait-ce une intelligence ? Non, assurément , la nature n’est point une intelli- gence : je vais essayer de le prouver. Mais, auparavant, voici la définition que j'en donnerai : La nature est un ordre de choses, étranger à la ma- tière, déterminable par l’observation des corps, et dont l’ensemble constitue une ‘puissance inaltérable dans son essence, assujettie dans tous ses actes, et cons- tamment agissante sur toutes les parties de l’univers. Si l’on oppose cette définition à celle de l’univers qui n’est que l’ensemble des êtres physiques et passifs, c’est-è-dire, que l’ensemble de tous les corps et de toutes les matières qui existent, on reconnaîtra que ces deux ordres de choses sont extrêmement différents, tout-à-fait séparés, et ne doivent pas être confondus. En ayant eu, presque de tout temps, le sentiment intime, quoique nous ne nous en soyons jamais rendu compte, nous ne les avons pas effectivement confondus; car, pressentant cet ordre inaltérable de causes sans cesse actives , et le distinguant des êtres passifs qui y sont assujettis, nous l'es personnifié, à l’aide de INTRODUCTION. 261 notre imagination , sous la dénomination de la nature; et depuis, nous nous servons ñabituellement de cette expression , Sans fixer les idées précises que nous devons y attacher. | Nous verrons dans l'instant que les objets, non physiques, dont l’ensemble constitue la nature, ne sont point des êtres, et conséquemment, ne sont ni des corps, ni des matières; que cependant nous pou- vons les connaître; que ce sont même les seuls objets, étrangers aux corps et aux maliéres, dont nous puissions nous procurer une reconnaissance posilive. En effet, cette connaissance nous étant parvenue par l’observation des corps, comme on le verra tout- à-l’heure, s'est trouvée à notre portée, et en notre pouvoir. Ainsi, hors de ja nature, hors des corps et des matières qui peuvent se rendre sensibles à nos sens, nous ne pouvons rien observer, rien connaître d’une manière positive. | Reprenons notre examen de ce qu’est réellement la nature, ei sa comparaison avec les chjets qui forment son immense domaine. Si la définition que j’ai donnée de la nature est fon- dée, il en résulte que cette dernière n’est qu’un ensemble d’objets non physiques, c’est-à-dire, étran- gers aux parties de l’univers et que nous n’avons connus qu’en observant les corps ; et que cet ensemble forme un ordre de causes toujours actives, et de moyens qui régulariseni et permettent les actions de ces causes; ainsi la nature se compose : 19 Du mouvement, que nous ne connaissons que comme la modification d'un corps qui change de lieu, qui n’est essentiel à aucune matière, à aucun corps, et qui est cependant inépuisable dans sa source, et se trouve répandu dans toutes Îles parties des corps; 20 De lois de tous les ordres qui, constantes et 262 INTRODUCTION. immutables, régissent tous les mouvements, tous les changements que subissent les corps; et qui mettent dans l’univers, toujours changeant dans ses parties et. cependant toujours le même dans son ensemble, un ordre et une harmonié inaltérables. La puissance assujettie qui résulte de l’ordre de causes actives que je viens d'indiquer, a sans cesse à sa disposition : 10 L’espace , dont nous ne nous sommes formé idée qu’en considérant le lieu des corps, soit réel, soit possible ; que nous savons être immobile, par-tout pé- nétrable et indéfini; qui n’a de parties finies que celles _des hieux que remplissent les corps, enfin, que celles qui résultent de nos mesures d'après les corps et d’après les lieux que ces corps peuvént successivement occu- per en se déplaçant; 20 Le temps ou la durée, qui n’est qu’une conti- nuité; avec ou sans terme, soit du mouvement, soit de lPexistence des choses; et que nous ne sommes parvenus à mesurer, d’une part, qu’en considérant la succes- sion des déplacements d’un corps, lorsqu'étant animé d’une force uniforme, nous avons divisé en parties, la ligne qu’il a parcourue, ce qui nous a donné lidée des durées finies et relatives; et, de l’autre part, lorsque nous avons comparé les différentes durées d'existence de divers corps, en les rapportant à des durées finies et déjà connues. Ainsi, l’on peut maintenant se convaincre que l’ordre de causes toujours actives qui constitue là na- ture ; et que les moyens que celle dernière a sans cesse à sa dis position, sont des objets essentiellement distincts de l’ensemble des êtres physiques et passifs dont se compose l’univers; car, à l’égard de la nature, ni le mouvement, ni les lois de tous les genres qui régissent ses actes, ni le temps et l’espace dont elle bee sans imOBUENEN. 38 limites, ne sont le propre de la matière; et l’on sait que la matière est la base de tous les êtres physiques dont l’ensemble constitue l’univers. La définition de l’univers physique, réduite à la simplicité qui peut la rendre convenable, en donne donc une idée exacte en montrant que la matière et que les corps dont la matière est la base, le constituent exclusivement ; que, conséquemment ni cet univers, ni ses parties, quelles qu ’elles soient, ne sauraient avoir en propre aucune activité, aucune sorte de puis- sance. Or, ces considérations ne sont nullement appli- cables à la nature; cat celles qu elle nous présente sont tout-à fait opposées. sde Ii a fallu avoir observé au moins un grand nombre des changements qui s’exécutent continuellement ét artout dans les parties de l’ univers, pour apercevoir, enfin, l'existence de cette puissance étendue, mais as- sujeltie < dans ses actes, qui constitue la nature; de cette puissance essentiellement étrangère à la matière et aux corps qui en sont formés , et qui produit tous les changements que nous observons dans les différentes parties de l'univers, ainsi que ceux que nous ne PO vons observer. L'on a vu que la aie que nous remarquons dans certains Corps, ressemblait en quelque sorte à la n&- lure , en ce de elle n est point un être, mais un ordre de pm animé de mouvements, , Qui à aussi sa puis- sance , ses facultés, et qui les exerce nécessairement, tant qu’il existe; la wie, cependant, présente cette différence considérable qui ne permet plus de la met- tre en comparaison avec la nature; C est que, ne tenant ses moyens et son existence que de cette dernière même , elle amène sa propre destruction ; ; tandis que la nature, comme tout ce qui a été créé diréctement, est immutable, inaltérable , et ne saurait avoir de 264 INTRODUCTION. terme que par la volonté suprême qui seul Ja fait exister (1). Passons à la seconde erreur que nous avons déjà ci- tée en parlant des confusions d’idées auxquelles la considération de la nature a donné lieu, et tâchons de la détruire. On à pensé que la nature était DIEU même : c’est, en effet, l’opinion du plus grand nombre ; et ce n’est que sous cette considération , que l’on veut bien ad- mettre que les animaux, les végétaux, etc., sont ses productions. Chose étrange! l’on a confondu la montre avec l’horloger , l’ouvrage avec son auteur. Assurément, cette idée est inconséquente, et ne fut jamais appro- fondie. La puissance qui a créé la nature, n’a, sans doute, point de bornes, ne saurait être restreinte ou assujettie dans sa volonté, et est indépendante de toute loi. Elle seule peut changer la nature et ses lois; elle seule peut même les anéantir ; et quoique nous n’ayons pas une connaissance positive de ce grand ob- jet, l’idée que nous nous sommes formé de cette puis- sance sans bornes , est au moins la plus convenable de Ç (x) IL arrive à la plupart des hommes de confondre dans leur esprit, l'être matériel, et les propriétés ou les facultés dont il jouit : il est en- suite très difficile de séparer ces deux choses très distinctes. La nature est un ordre de phénomènes appliqué à’tout ce qui constitue l'univers; la vie est un ordre de phénomènes propres aux corps vivants ; mais la nature et la vie ne sont pointexistants par eux-mêmes, et nous devons admirer Lamarck , qui a développé ces vérités avec tant de logique et de raison. Cette habitude de matérialiser les choses les plus immaté- riclles se montre dans presque toutes les sciences. L’art médical sur- tout a été retardé dans sa marche rationnelle, parce que chaque ma- ladie était une entité qu’il fallait combattre et détruire , tandis que la maladie n’est aussi qu’un ordre-de choses résultant d’une altération dans Les parties d’un être vivant. j Nous pourrions facilement multiplier les exemples. INTRODUCTION. 265 celles que l’homme ait dù se faire de la Divinité, lors- qu'il a su s'élever par la pensée jusqu’à elle. Si la nature était une intelligence , elle pourrait vouloir , elle pourrait changer ses lois, ou plutôt elle n’aurait point de lois. Enfin, si la nature était Dreu même , sa volonté serait indépendante, ses actes ne se- raient point forcés. Mais il n’en est pas ainsi; elle est partout , au contraire , assujettie à des lois constantes sur lesquelles elle n’a aucun pouvoir ; en sorte que, quoique ses moyens soient infiniment diversifiés et inépuisables , elle agit toujours de même dans chaque circonstance semblable , et ne saurait agir autre- ment (1). Sans doute, toutes les lois auxquelles la nature est assujettie , dans ses actes, ne sont que l’expression de la volonté suprême qui les a établies; mais la nature n’en est pas moins un ordre de choses particulier , qui ne saurait vouloir, qui n’agit que par nécessité, et qui ne peut exécuter que ce qu'il exécute. | Beaucoup de personnes supposent une ame univer- selle qui dirige, vers un but qui doit être atteint, tous les mouvements et tous les changements qui s’exécu- tent dans les parties de l’univers. Cette idée, renouvelée des anciens qui ne s’y bor- (1) Cette nécessité dans les actes de la nature est importante à consi- dérer, et elle est tout-à-fait incontestable : la physique, la chimie sont fondées sur ce principe. Un acide et une base produisent toujours un sel, et nécessairement le même sel sera formé toutes fois que la hase et l’a- cide seront dans les mêmes circonstances favorables à leur combinai- son, etc., etc. Cette nécessité des actes de la nature ne peut être con- testée, pour cequi a rapport aux corps inorganiques; on ne la reconnaît pas dans les lois qui réisseni les corps vivants, quoiqu’elle y existe aussi , car ils ne sont pas, et ils ne peuvent être le résultat du hasard ou de combinaisons fortuites; ils sort soumis à des lois : donc ces lois sont nécessaires ; car la nature ne fait rien de superflu. 266 | INTRODUCTION. ; . e 9° 1 dar 4,1 SHARE naient pas, puisqu'ils attribuaient en même temps une ame particulière à chaque sorte de corps , n’est- elle pas au fond semblable à celle qui fait dire à pré- sent, que la nature n’est autre que Dieu même ? Or, je viens de montrer qu'il y a ici confusion d’idées in- compatibles, et que la nature n’étant point un être, une intelligence, mais un ordre de choses partout assujetti, on ne saurait absolument la comparer en rien à l’étre supréme dont le pouvoir ne saurait être limité par aucune loi. du A C’est donc une véritable erreur que d'atiribuer à la nature un but, une intention quelconque dans ses opérations; el cette erreur est des plus communes si les résultats de ses actes paraissent présenter des fins prévues , c’est parce que, dirigée partout par des Jois constantes, primilivement combinées pour le but que s’est proposé son Supréme Auteur, la diversité des circonstances que les choses existantes lui offrent sous tous les rapports, amène des produits toujoursen harmonie avec les lois qui régissent tous les genres de changement qu’elle opère; c’est aussi, parce que ses lois des derniers ordres sont dépendantes, et régies elles-mêmes par celles des premiers ou Ges supérieurs. C’est sur-tout dans les corps vivants, et principale- ment dans les animaux, qu’on a cru apercevoir un but aux opérations de la nature. Ce but cependant n’y est là, comme ailleurs, qu'une simple apparence et non une réalité. En effet, dans chaque organisation particulière de ces corps, un ordre de choses, préparé par les causes qui l'ont graduellement établi, n’a fait qu'amener par des développements progressifs de par- lies, régis par les circonstances, ce qui nous paraît étre un but, et ce qui n’est réellement qu’une nécessité. Les climats, Jes situations, les milieux habités , les \ INTRODUCTION. 207 moyens de vivre et de pourvoir à sa conservation , en un mot, les circonstances particulières dans lesquelles chaque race s'est rencontrée, ont amené les habitudes de cette race; celles-ci y ont plié et approprié les or- ganes des ae he ne et il en est résulté que lharmo- nie que nous remarquons partout entre l’organisation et les habitudes des animaux, nous paraît une fin pré- vue, tandis qu’elle n’est qu’une fin nécessairement amenée (1). La naiure n'étant point une DAFT > D ’étant pas même un être, mais un ordre de choses constituant une puissance partout assujettie à des lois, la nature, dis-je, n’est donc pas Dieu même. Elle est le produit sublime de sa volonté toute puissante ; et pour nous, elle est celui des objets créés le plus grand et le plus admirable. Ainsi , la volouté de Dre est partout exprimée par l’exécution des lois de la nature, puisque ces lois vien- nent de lui. Cette volonté néanmoins ne saurait y être bornée , la puissance dont elle émane n’ayant point de limites. Cependant , il n’en est pas moins très vrai que, parmi les faits physiques et moraux, jamais nous n'avons occasion d’en observer un seul qui ne soit vé- ritablement le résultat des lois dont il s’agit. Pour l’homme qui observe et réfléchit, le spectacle de l’univers animé par la nature, est sans doute très imposant, propre à émouvoir, à frapper l’imagination, et à élever lesprit à de grandes pensées, Tout ce qu'il (1) Qu'est-ce donc que ce nisus formateur dont on s’est servi pour expliquer, à l’égard des corps vivants, soit les faits généraux de déve- loppement et de variation de ces corps, soit les faits particuliers que présente l’histoire physique de l’Aomme dans les variétés r r connues de son espèce; qu'esi-ce 7 dis-je, que le nisus formateur dont il s ’agit; si ce n’est cette puissance mème de la nature que je viens de signaler. ( Note de Lamarck. ) 268 | INTRODUCTION. aperçoit lui paraît pénétré de mouvement, soit effec- tif, soit contenu par des forces en équilibre. De tous côtés, il remarque , entre les corps, des actions réci- proques et diverses, des réactions, des déplacements, des agitations, des mutations de toutes les sortes , des altérations, des destructions, des formations 45 dotés d’objets qui subissent à leur tour le sort d’autres sem- blables qui ont cessé d'exister, enfin, des reproductions constantes, mais assujetties aux influences des circons- tances qui en font varier les résultats; en un mot ,il voit les générations passer rapidement , se succéder sans cesse, et en quelque sorte, comme on l’a dit: « se « précipiter dans Pabime des temps. » L’observateur dont je parle , bientôt ne doute plus que le domaine de la nature ne s’étende généralement à tous Îes corps. Il conçoit que ce domaine ne doit pas se borner aux objets qui composent le sIobe que nous habitons, c’est-à-dire, que la nature n’est point restreinte à former, varier , multiplier, détruire et renouveler sans cesse les animaux , les végétaux et les corps inorganiques de notre planète. Ce serait , sans doute, une erreur de le croire , en s’en rapportant à cet égard à l’apparence; car le mouvement répandu partout, et ses forces agissantes, ne sont probablement nulle part dans un équilibre parfait et constant. Le domaine dont il s’agit, embrasse donc toutes les par- ties de l’univers, cheliss qu’elles soient; et consé- quemment , les corps célestes, connus ou inconnus, subissent nécessairement les effets de la puissance de la nature. Aussi, l’on cest autorisé à penser que , quel- que considérable que soit la lenteur des changements qu’elle exécute dans les grands corps de l’univers, tous néanmoins 3 sont assujettis; en sorte qu'aucun corps physique n’a nulle part une stabilité absolue. Ainsi , la nature, toujours agissante, toujours 1m INTRODUCTION : 269 passible , renouvelant et variant toute espèce de corps, n’en préservant aucun de la destruction , nous offre une scène imposante et sans terme, e£ nous montre en elle une puissance particulière, qui n ’agit un. par nécessité. Tei est l’ensemble de choses qui congtitile la nature, et dont nous sommes assurés de l'existence par ob servation; ensemble qui n’a pu se faire exister lui- même, et qui ne peut rien sur aucune de ses parties ; ensemble qui se compose de causes ou de forces tou- jours actives, toujours régularisées par des lois, et de moyens essentiels à la possibilité de leurs actions; ensemble, enfin, qui donne lieu à une puissance assu- jettie dans tous ses actes, et néanmoins admirable dans tous ses produits. La nature reconnue atteste ellemëme son auteur, et présente une garantie de la plus grande des pensées de l’homme, de celle qui le distingue si éminemment de ceux des autres êtres qui ne jouissent de l’intelli- gence que dans des degrés inférieurs , et qui ne sau- raient jamais s'élever à une pensée aussi grande. Si l’on ajoute à cette vérité la het savoir : que le terme de nos connaissances positives n’emporte pas nécessairement celui de ce qui peut exister, on aura en elles les moyens de renverser les faux raisonnements dont l'immoralité s’autorise. Reprenons la suite des développements qui caraclé- risent la nature, et qui montrent le vrai point de vue sous lequel on doit la considérer. Puisque la nature est une puissance qui produit, renouvelle, change, déplace, enfin, compose et décom- pose les différents corps qui font partie de l'univers ; on conçoit qu'aucun (asser, qu'aucune forma- tion, qu aucun déplacement ne s'opère que conformé- ment à ses lois. Êt, quoique les circonstances fassent 290 INTRODUCTION. quelquefois varierses pro et celles des lois qui doi- vent être employées, c’est encore, néanmoins; par des lois de la nature que ces variations sont dirigées. Ainsi, certaines irrégularités dans ses actes, certaines mons- truosités qui semblent contrarier sa marche ordinaire, les bouleversements dans l’ordre des objets physiques, en un mot, les suites trop souvent affligeantes des pas- sions de l’homme, sont cependant le produit de ses propres lois et des circonstances qui y ont donné lieu. Ne sait-on pas, d’ailleurs, que le mot de hasard n’ex- prime que notre ingnorance des causes. À tout cela, j'ajouterai que des désordres (1) sont sans réalité dans la nature, et que ce ne sont, au con traire , que des faits dans l’ordre général, les uns peu connus de nous, et les autres relatifs aux objets parti- culiers, dont l’intérêt de conservation se trouve néces- sairement compromis par cet ordre général. (Philos. zool., vol, 2, p. 465.) Qui ne sent, en eflet, que si le propre de la nature est de Éhahger. th détruire , renouveler et va- rier sans cesse les différents corps, ceux de ces corps qui possèdent la faculté de sentir, de juger et de rai- sonner, et qui, par les lois mêmes de la nature, s’inté- ressent essentiellement à leur conservation , et à leur bien-être; ceux-là, dis-je, considéreront comme dé- () Le désordre est un ordre de choses différent de ce que nous nom- môns arbitrairement l’ordre. L'ordre est pour nous un arrangement facile à discerner entre un certain nombre d’objets ; le désordre est un arrangément confus et difficile à discerner entre les mêmes objéts. L'ordre et le désordre sont donc des idées relatives à nous : il n’ya point de désordre absolu ; c’est un ordre différent. Il n'y a pas non plus dé bièn et de mal Sbsblus , ce sont encore des idées relatives à nous : que l’on y pense bien et l'on reconnaitra que c’est là une faute et solide vérité. INTRODUCTION: 271 sordre tout ce qui compromét cette conservation et ce bien-être qui les intéressent si fortement (1). Le bien où le mal dans l'univers n’est donc que relatif à l’intérèt particulier de chaque partie : :iln'a rien dé réel, soit à l’égard de Pensemble qui constitue l'univers physitrab , soit relativement à l’ordre de choses auquel ses parties sont assujetties ; car ces deux objets sont inaltérablement ce que la puissance qui les a fait exister a voulu qu’ils fussent. Si la nature ne peut autre chose : sur la matière, que la modifier, qu’en déplacer, réunir, désunir et com- biner des portions; sur le mouvement , que le diversi- fier d’une infinité de manières différentes ou l’opposer à lui-même; sur ces propres lois , qu’employer néces- sairement celle qui, dans chaque circonstance, doit régler son opération; sur l’espace, qu’en remplir et désemplir localement et temporairement des parties; en un mot, sur le tems, qu’en employer des portions diverses dans ses opérations; elle peut tout, néanmoins, à l’aide de ces moyens, et c'est elle effectivement qui fait tout, relativement aux différents corps et aux faits physiques que nous observons. On peut donc pe maintenant comme une con- (1) On sent de là combien J’oltaire , dans ses questions sur l’Ency- clopédie, et les philosophes qui eurent la même opinion, se sont abu- sés, en supposant à Dieu, soit impuissance, soit méchanceté, à l'égard pe maux ou des désordres en question; ces phi! osophes considérant comme maux et comme désordres, ce ani tient essentiellement à la nà- ture des choses » C’est-a-dire , ce qui n’est que le résultat dun ordre général et constant de changements , d’altérations , de destructions et de reivuvellements à l’égard des corps de tout genre. J.-J: Rousseau véfuta V’oltaire par sentiment ; mais il l’eût fait + à victorieusement encore, s’il eût reconnu cet Dre général institué däns les diverses parties de l’univers par le puissant AUTEUR de tout ée qui existe. ( Vote de s'Hi 272 INTRODUCTION. naissance positive que , sauf les objets de création pri- mitive, c’est-à-dire, l’existence de la matière en elle- même , celle du mouvement considéré dans son essence, celle des lois qui régissent tous les ordres de mouve- ment, cellé enfin de l’espace et celle du tems qui ne peuvent être postérieures et appartenir à une autre source; tous les corpr sans excephons doivent à cet ensemble d'objets primitivement créés, à la nature, en un mot, leur existence , leur état, leurs proprié- tés, leurs facultés, et tous les changements qu’ils su- bissent, et que tous enfin , sont véritablement ses pro- ductions. La nature, cependant, n’est que l'instrument, que la voie particulière qu’il a plu à la puissance suprême d'employer pour faire exister les différents corps, les diversifier, leur donner, soit des propriétés, soit même des facultés, en un mot, pour mettre toutes les parties passives de l’univers dans l’état mutable où elles sont constamment. Elle n’est, en quelque sorte, qu’un intermédiaire entre DIEU et les parties de l’uni- vers physique, pour l’exécution de la volonté divine. C’est donc dans ce sens que nous pouvons dire que les animaux , ainsi que les facultés qu’ils possèdent, sont des produits de la nature, que les végétaux Île sont pareillement, enfin que les corps non vivants, quels qu’ils soient, sont dans le même cas, quoique tout ce qui existe ne soit dù qu’à la volonté suprême qui y a donné lieu. Relativement à la nature, considérée comme la puissance qui a opéré et qui opère encore tant de choses , tant de merveilles mêmes, rien n’est présumé de notre part, rien à cet égard n’est le produit de notre imagination ; car, chaque jour nous sommes témoins de sesopérations , nous en pouvons suivre un grand nombre, en observer les progrès , et remarquer INTRODUCTION. 273 les lois qu’elle suit nécessairement dans chacune d'elles. Déjà nous connaissons plusieurs des lois saerué les elle est assujettie dans ses actes ; nous distinguons sa marche, selon le genre d’actes qu’elle opère, et selon les circonstances qui viennent en modifier les résultats; enfin, nous savons qu’elle n’agit que graduellement dans la production de ceux des corps en qui ellea pu établir la vie, et dans la composition de l’organisation de ces différents corps. Aussi, voyons-nous que dans les animaux , qu'elle a doués généralement de l’irrita- bilité, elle a amené progressivement , depuis ies plus Me jusqu’ aux plus parfaits, une complication d'organes spéciaux de plus en plus grande, qui lui a donné les moyens de produire dans ces êtres, diffé rents phénomènes organiques de plus en plus admi- rables, et de douer les plus parfaits de ces animaux, de facultés qui surpassent tout ce que notre imagina- tion peut concevoir : facultés, cependant , qui cesse- raient de nous paraître des merveilles, si nous en con- naissions le mécanisme. Ce sont-là des vérités que l'observation a fait connaître, et que maintenant on ne saurait raisonna- blement contester. Ainsi, pour nous, qui sommes absolument bornés à ne connaître positivement que des corps; que les propriétés, les facultés et les phénomènes que nous présentent ces corps; que la nature qui les change, les diversifie , les détruit, et les renouvelle perpétuel- lement; voici ce que nous pouvons regarder comme des vérités auxquelles nous avons su nous élever per l'observation. L'univers est l’ensemble immutable , inactif et sans puissance propre, de toutes les matières et de tous les corps qui existent. Cet ensemble manquant d’activité Tome :. 18 274 INTRODUCTION. propre, et ne pouvant rien opérer par lui-même , , est l'unique domaine de la nature, et Jui doit l’état de toutes ses parties. La nature , au contraire, est une véritable puissante assujettie da ses actes , inaltérable dans son essence, constamment agissante sur toutes les parties de l’uni- vers, et qui se compose d’une source inépuisable de mouvements, de lois qui les régissent, de moyens es- sentiels à la possibilité de leurs actions, en un mot, d'objets étrangers aux propriétés de la matière; objets, néanmoins, que nous pouvons déterminer par l’obser- vation. Elle constitue un ordre de choses particulier et constant, qui met toutes les parties de l’univers dans l’état où elles sont à chaque instant, qui donne lieu à tous les faits que nous observons, et à bien d’autres que nous ne somimes point à Lg de con- naître. Voilà donc deux objets très dre ti qu'il est né- cessaire de ne point confondre. Leur existence est un fait certain pour nous, puisque nos observations lat- testent constamment. Digression utile et relativé au sujet. A l'égard des grands objets dont nous venons de nous occuper, et sur lesquels il importe de fixer celles de nos idées qui sont susceptibles de l’être, on sent combien il est nécessaire de distinguer ce qui est le ré- sultat positif de 1 observation , d’avec ce qui n’est que le produit de l'imagination, d’où naissent toutes les suppositions arbitraires, les BLIENS et les illusions de tout genre. En effet, deux champs d’une étendue immense et très dissote entre eux, sont sans cesse ouverts à la INTRODUCTION. 275 pensée de l’homme : ces deux champs sont celui des réalités et celui de l'imagination. L'homme, par son aitention et sa pensée, fait, tantôt dans l’un et tantôt dans l’autre, des incursions diverses, seion l’intérêt ou l’agrément qu’il y trouve. Ces incursions deviennent successivement d’autant plus grandes qu’il s'y exerce davantage, et sa pensée s’en aggrandit proportionnellement. Champ des réalités : ee champ est celui que nous offrent les matières et les corps que nous pouvons aper- cevoir, ainsi que la nature dans ses actes, dans sa marche, et dans les phénomènes qu’elle nous pré- sente. Nous pouvons le définir le champ des faits obser- vés ou observables , et comme il n’embrasse que des objets réels, et que nous n’y pouvons moissonner que par lobservation , ce champ est donc le seul qui puisse nous POP des connaissances positives. Les matières et les corps que nous pouvons aperce- voir, les mouvements, les déplacements, les change- ments, les propriétés et les phénomènes divers que ces corps et ces matières peuvent nous offrir, et que nos sens peuvent nous faire connaître , enfin les lois et l’ordre, selon lesquels ces mouvements, ces change- ments et ces phénomènes s’exécutent , étant les seuls objets que nous puissions observer, étudier et connaître sous leurs différents rapports, toute connaissance qui ne résulte pas directement de l’observation, ou de conséquences tirées de faits observés et constatés, manque nécessairement de base , et par conséquent de solidité. Tel est le fond des objets positifs qu’embrasse le champ des réaliiés, et c’est dans ce champ seul que, nous pouvons recueillir des vérités utiles et exemptes d'illusions. 18° 276 INTRODUCTION. Champ de l'imagination : ce champ, bien différent du premier et au moins aussi vaste, est celui des fic- tions, des suppositions arbitraires, et des illusions de tout genre. | La pensée de l’homme se plaît à s’enfoncer dans celui-ci, quoique rien n’y soit observable, et qu’elle ne puisse y rien constater; mais elle y crée ment tout ce qui peut l’intéresser, la charmer ou la flatter. Elle y parvient en dr p les idées que les objets réels da premier champ lui ont fait acquérir. C'est un fait singulier et auquel il me paraît que personne n’a encore pensé; savoir : que l'imagination de l’homme ne saurait créer une seule idée qui ne prenne sa source dans celles qu’il s’est procurées par ses sens. | Avec des idées simples que les sensations lui ont fait acquérir , l’homme, en les comparant et les jugeant, en obtient des idées complexes du premier ordre; en comparant et jugeant deux ou davantage des idées de cet ordre, il en obtient d’autres d’un ordre plus re- levé; enfin, avec celles-ci, ou avec d’autres qu’il y joint, de quelque ordre qu’elles soient, il s’en procure d’autres encore, et ainsi de suite presque indéfiniment. Partout ses conséquences, et par suite toutes les idées qu'il se forme, prennent donc leur source dans les idées simples et premières que son système organique des sensations lui a fait acquérir. Que l’on joigne à cette voie de multiplier ses idées, celle de s’en former d’autres encore, en modifiant ar- bitrairement les idées de tous les ordres qui tirent leur origine de ses sensations et de ses observations, on aura le complément de tout ce que peut produire l'imagination humaine. En effet, tantôt par des contrastes ou des oppositions, elle change l’idée qu’elle s’est formée du fini, en celle INTRODUCTION, 277 de l'infini ; et de même, elle change l’idée qu’elle s’est procurée d’une matière ou d’un corps, en celle d’un être immatériel. Or, jamais la pensée ne füt arrivée à ces transformations , en un mot, à ces idées changées, sans les modèles posilifs dont elle s’est servie. Tantôt, encore, variant à son gré des formes connues d’après les corps, des propriétés observées en eux, et les plus éminents phénomènes qu’ils produisent , la pensée de l’homme donne à des êtres fantastiques, des formes, des qualités et un pouvoir qui répondent à tous les prodiges qu’elle se plaît à inventer sous diflérents in- térêts. Par-tout, néanmoins, elle est assujettie à n’o- pérer ces transformations, ces actes d’invention, que : sur des modèles que le champ des réalités lui fournit ; modèles qu’elle modifie de toute manière et sans les- quels elle ne saurait créer une seule idée quelconque. Phil. zool. vol. 2. p. 412. Ainsi, souveraine absolue dans ce champ de l’ima- gination , la pensée de l’homme y trouve des charmes qui l’y entraînent sans cesse; s’y forme des illusions qui lui plaisent, la flattent, quelquefois même la dé- dommagent de tout ce qui l’affecte péniblement ; et par elle, ce champ est aussi cultivé qu’il puisse l'être. Une seule production de ce champ est utile à l’homme : c’est l'espérance ; et il l’y cultive assez géné- ralement. Ce serait être son ennemi que de lui ravir ce bien réel, trop souvent presque le seul dont il jouisse jusqu’à ses derniers moments d'existence. Quelque vaste et intéressant que soit le champ des réalités, la pensée de l’homme s’y complaît difficilement. Là, sujette et nécessairement soumise ; là, bornée à l’observation et à l’étude des objets; là, encore, ne pouvant rien créer, rien changer , mais seulement re- connaître; elle n’y pénètre que parce que ce champ peut seul fournir ce qui est utile à la conservation, à 278 INTRODUCTION. la commodité ou aux agréments de l’homme, en un mot, à tous ses besoins physiques. Il en résulte que ce même champ est, en général, bien moins cultivé que celui de nue to et qu'il ne l’est que par un petit nombre d'hommes qui, la plupart » ÿ laissent même en friche les plus belles parties. En comparant l’un à l’autre les deux champs dont je viens de parler, en peut aisément se figurer quel énorme ascendant doit avoir le champ de l'imagination, qui fournit des pensées, des cpinions et des illusions si agréables, sur la raison, toujours sévère et inflexible, en un mot, sur ce champ des réalités qui trace par- tout des limites à la pensée, et qui n’admet d’autre instrument de culture que l'observation, et d’autre guide, dans le travail, que la raison même, qui n’est autre que le fruit de l'expérience. Pour le naturaliste qui s’interdit lui-même l’entrée dans le champ de l’imagination , parce qu’il ne se confie qu'aux faits qu'il peut observer, non-seulement il examine tout ce qui l’environne, distingue, caracté- rise et classe tous les objets qu’il aperçoit, et signale tout ce qui lui paraît pouvoir être utile à ses semblables; mais, en outre, il considère la nature elle-même , épie sa sy ei étudie ses lois, ses actes, ses moyens, et s'efforce de la connaître. Enfin, contemplant la très pelite portion de l’univers qu'il aperçoit, il se fait une simple idée de son existence, sans entreprendre de sa- voir ou de déterminer ce qui compose son ensemble ; et comparant ensuite cet univers physique à la nature, à cette puissance toujours active qui produit tant de choses, tant de phénomènes admirables, 1l remarque que l’un et l’autre jouissent seuls d’une stabilité qui paraît être absolue , et conçoit qu’elle doit l'être. Ayant déterminé ce que peut être la nature, ainsi que le seul point de vue sous lequel nous puissions la INTRODUCTION. 279 considérer, et ayant montré, dans une digression utile à notre objet, la seule voie qui puisse nous faire ac- quérir des connaissances positives, je terminerai ici cette partie. 1 J'ai dû entrer dans ces détails et donner ces éclair- _cissementis, parce qu’il me paraît, qu'ailleurs les idées, à cet égard, sont vagues, arbitraires et sans solidité; et parce que, sans ces déterminations, tout ce que j'expose sur l’origine des animaux, sur la formation des diverses organisations de ceux qui sont sans ver- tèbres, sur la source de chaque faculté animale et des penchants des êtres qui sont sensibles et inteili- genis, en un mot, sur la marche de la nature et sa manière de procéder dans ses actes, pourrait paraître par-tout le produit de mon imagination , quand même mes exposés seraient accompagnés de l’évidence. Avec celte sixième partie, se termine le sujet entier de cette Introduction , c’est-à-dire, les considérations relatives à l’existence des animaux, à la source de cette existence, et à ce qu’ils sont eux-mêmes chacun dans leur espèce. Or, je crois que, sauf peut-être quelques détails à rectifier, cette même Introduction renferme, dans le cours des six parties qui la composent, une foule de vérités évidentes, toutes bien liées entre elles, fort utiles à connaître, et qu’il serait difficile de con- tester avec quelque apparence de raison. Ce serait donc ici que je devrais terminer l'Intro- duction essentielle à mon ouvrage, sur-tout l'intérêt croissant me paraissant à son plus haut terme dans cetie sixième partie. Cependant le besoin des sciences zoologiques , l’arbitraire qui règne dans les parties de l’art qui y sont nécessaires, et les vacillations perpé- tuelles qu’entraîne cet arbitraire dans la distribution des objets, et, plus encore, dans les diverses sortes de coupes à établir parmi les animaux observés, me forcent 280 INTRODUCTION. d'y ajouler, au moins comme appendice , une septième partie, qui est la suivante. Ainsi, je vais m'occuper, dans cette septième el dernière partie, de la distribution générale des ani- maux, de ses divisions diverses, et spécialement des principes sur lesquels ces objets doivent être fondés , en proposant à leur égard, ceux qui me paraissent mériter l’assentiment des zoologistes. INTRODUCTION. 301 - SEPTIÈME PARTIE. SSSR DE LA DISTRIBUTION GÉNÉRALE DES ANIMAUX, DE SES DIVISIONS, ET DES PRINCIPES SUR LESQUELS CES OB- JETS DOIVENT ÊTRE FONDÉS. Après les grands sujets qui viennent d’être succes- sivement traités, 1l semble que l’intérèt soit extrême- ment affaibli dans la considération des objets qui vont nous occuper dans certe dernière partie, ou plutôt dans cet appendice de l’Introduction. Cet intérêt ce- pendant n’y est point dépourvu d’importance; car il porte sur des considérations essentielles au perfec- tionnement de la zoologie, et qui sont nécessaires au but de cet ouvrage, pour le compléter. Jusqu'ici, en effet, j'ai exposé ce que sont les ani. maux en général, ce qui les caractérise, ce qu’ils doivent à la nature, en un mot, ce qu'il m’a paru essentiel de faire remarquer à leur égard. Ces objets, à ce qu'il me semble, n’ont besoin que d’être examinés pour être reconnus , et pour cela , il ne s’agit que de rassembler et considérer les faits nombreux qui en établissent le fondement. Ici, je n'ai en vue que ce qui concerne l’art en z00- logie; et à ce sujet, j'ai plusieurs considérations im- portanies à présenter pour perfectionner cet art, pour le fixer, s’il est possible, et sur-tout pour le dépouiller de cet arbitraire qui rend ses produits toujours va- cillants. 282 YNTRODUCTION. Tout art doit avoir ses principes ou ses règles qui dirigent et limitent ses opérations : et l’on sent, en effet, que celui qui en manque est encore peu avancé, et qu’il atteint difficiiement son but. | Or, l’objet de celui dont il est ici question , concer- nant la distribution générale des animaux, le rang de chaque race, celui de chaque genre et de chaque fa- mille, enfin, celui de chaque classe dans cette distri- bution , concernant même la disposition de l’ordre entier ; il est indispensable de montrer les opérations à faire pour le perfectionnement de cette même dis- tribution , et de proposer les principes qui devraient régler ces opérations. En conséquence, pour l’exécution d’une bonne dis- tribution générale des animaux, pour celle d’une suite de divisions à établir dans l’ordre entier, enfin, pour la meilleure disposition à donner à cet ordre , onne peut se dispenser, à ce que je crois , de fixer la solu- tion des trois questions suivantes : 1°" question : Quelles sont les opérations à faire pour l’exécution d’une bonne distribution des ani- maux, et pour celle d’une suite de divisions nécessai- res à établir dans cette distribution ? 2° question : Quels sont les principes qui doivent nous guider dans ces opérations , afin d’exclure tout arbitraire à leur égard ? 3° question : Quelle disposition faut-il donner à la distribution générale des animaux, pour qu’elle soit conforme à l’ordre de la nature, dans la production des ces êtres ? Assurément, tant que nous laiseragé ces trois ques- tions sans examen et sans réponse , el que, ne recon- naissant aucun principe pour régler nos opérations , nous procéderons Php dans la détermina- tion des objets ; il existera dans les travaux des zoolo- : p YNTRODUCTION. 283 gistes sur les diverses parties de la distribution des animaux, des inversions diverses , proposées par cha- que auteur, sur les différentes portions de la série, des assôciations singulières et toujours changeantes entre les objets à placer, en un mot, un défaut constant d'accord dans les opérations. Ge désordre, ainsi sub- sistant, entrayerait et même arrêtcrait les progrès de la science , l’empêcherait de se fixer, et nous priverait des moyens d'étudier la nature dans tout ce qu’elle a fait et qu’elle fait encore à l’égard des animaux. Examinons d’abord la première question et tàchons de la résoudre; nous essayerons ensuite de fixer les principes qu’il faut suivre pour atteindre les différents buts dont elle indique les objets. Première question : Quelles sont les opérations à faire pour l'exécution d’une bonne distribution des animaux, et pour celle d’une suite de divisions néces- saires à établir dans cette distribution ? La réponse à cetle question , est que les opérations essentielles à faire remplir convenablement les deux objets qu’elle propose, sont Îes suivantes : 1° Rapprocher les animaux les uns des autres, d’a- près un principe non arbitraire, de manière à en for- mer une série générale, soit simple, soit rameuse ; 29 Partager cette série générale en diverses sortes de coupes, dont les unes seraient subordonnées aux au- tres ; et, pour cet objet, s’assujettir à des principes de convenance que l’on déterminerait ; | 5° Fixer le rang de chaque sorte de coupe, d’après un principe général, préalablement établi, savoir : Le rang de chaque coupe primaire dans la série totale ; Celui des coupes classiques dans chaque coupe primaire ; | 284. INTRODUCTION. Celui des ordres ou des familles dans leur'classe; Celui des genres dans leur famille ; Celui des espèces dans leur genre. { L'exécution de ces trois sortes d’opérations est sans contredit indispensable. C’est une chose qui a été bien sentie; et chaque auteur s’en est plus ou moins oc- cupé, mais toujours arbitrairement , c’est-à-dire, sans l'établissement préalable des principes dignes de l’as- sentiment générai , en un mot, des principes propres à exclure l'arbitraire, et à fixer réellement la science. La première de ces opérations , celle qui a pour ob- jet de rapprocher les animaux les uns des autres, de manière à en former une série générale, est une prépa- ration essentielle qui doit précéder les autres opéra- tions, et sans laquelle on ne saurait les exécuter. Elle tend d’ailleurs à nous faire découvrir l’ordre même de la nature ; ordre qu’il nous importe si fort de recon- naître. Quoique la nature ait suivi nécessairement un or- dre dans la production des corps vivants, et sur-tout dans celle des animaux , comme elle a dispersé ces animaux et mélangé leurs races diverses à [a surface du globe et dans ses eaux liquides , son ordre de for- mation à leur égard est en quelque sorte défiguré, et n’est point apparent. Nous sommes donc obligé, pour parvenir à le découvrir, de chercher quelque moyen qui puisse nous conduire à cette découverte, et de trouver quelques principes solides qui nous mettent dans le cas de reconnaître , sans erreur cet ordre que nous cherchons. À cet égard, le pas le plus important a déjà été fait, lorsqu'on a reconnu l'intérêt qu’inspirent les rap- ports , et la nécessité de parvenir à les connaître ; afin d’y assujetiir toutes les parties de nos distributions. INTRODUCTION. | 285 Ainsi, nousayons senti que, pour réussir à établir une bonne distribution des animaux , sans que l’arbi- traire de l'opinion en affaiblisse nulle part la solidité, il était nécessaire, avant tout, de rapprocher les ani- maux les uns des autres, d’après leurs rapports Îes mieux déterminés; et qu’ensuite, l’on pourrait, sans inconvénient, tracer les lignes de séparation qui déta- chent les masses diese , ainsi que les coupes subor- données, utiles à établir, pourvu que les rapports ne fussent nulle part compromis par la composition et l’ordre de nos diverses coupes (rt). Tel est l’état des lumières acquises relativement à l'établissement de nos distributions ; mais il reste beau- coup à faire pour perfectionner nos travaux à cet égard, et pour détruire l'arbitraire qui s’est introduit dans les déterminations même de bien des rapports. Il yen a, en effet, de différentes sortes; et comme leur valeur particulière est loin d’être égale partout , on ne saurait l’assigner avec justesse , si l’on n’admet préalablement quelques règles pour arrêter l’arbitraire dans ces déterminations. (1) Ces préceptes sont certainement d’une justesse inconstestable, et il serait utile, pour Les progrès futurs de la science, que tous les zoolo- gistes les adoptassent ; mais on est bien loin encore d’avoir atteint à cette unité dans la mise en œuvre des observations. Il est certain que les classifications étant abandonnées à l’arbitraire, chaque auteur prend son point de départ comme il le veut, et arrive aux conséquences né- cessaires de ses prémisses. Celui qui rejette l’enchaînement des rapports suit une méthode où les groupes placés à la suite les uns des autres, seront cependant isolés et sans lien avec ceux qui précèdent ou qui suivent ; celui qui adoptera la méthode de synthèse, n’envisagera pas l’ensemble des animaux de la même manière que celui qui procède par l’analyse, etc., etc. Il ne faut donc point s’étonner de la divergence des opinions à l'égard des méthodes, de la diversité de leur résultat final, puisque ces résultats sont nécessairement produits par le point de dc- par:; et nous ayons yu que rien n'était plus arbitraire que ce point de départ. 280 INTRODUCTION. Afin de remédier au mauvais ordre de choëéé qui s’est introduit dans les parties de l’art, ordre de choses qui annule nos efforts en faisant sans cesse varier nos déterminations des rapports et l'emploi que nous en faisons ; il faut d’abord examiner ce que sont réelle- ment les rapports , quelles sont leurs différentes sor- tes, et quel usage il convient de faire de chacune de Giles que nous aurons reconnues. Nous pourrons en- suite déterminer plus aisément les principes qu al con- vient d'établir. On a nommé rapports les traits de ressemblance ou d’analogie que la nature a donnés , soit à différentes de ses productions comparées entre elles, soit à diver- ses parties comparées de ces mêmes produetions ; et c’est à l’aide de l’observation que ces traits se déter- minenl. Ces mêmes traits sont si nécessaires à connaître, qu'aucune de nos distributions ne saurait avoir la moindre solidité, si les .objets qu’elle embrasse n’y sont rangés suivant la loi qu'ils prescrivent. Mais les rapports sont de différents ordres : il ÿ en a qui sont généraux, d’autres qui le sont moins, et d’autres encore qui sont tout-à-fait particuliers. On les distingue aussi en ceux qui appartiennent à différents êtres comparés, et en ceux qui ne se rappor- tent qu’à des parties comparées entre des êtres diffé- rents : distinction trop négligée, mais qui est bien importante à à faire. Ce n’est pas tout : quoiqu’en général , les rapports appartiennent à la nature, tous ne sont pas le résultats de ses opérations directes à l’égard de ses productions; car, parmi les rapports entre des parties comparées de différents être , il s’en trouve très souvent qui ne sont que les produits d’une cause qui a modifié ses opéra- tions directes. Ainsi, les rapports de forme extérieure INTRODUCTION. 207 qui s’observent entre les cétacés et les poissons, ne peuvent être attribués qu’au milieu dense qu’habitent ces deux sortes d'animaux, et non au plan direct des opérations de la nature à leur égard. Il faut donc distinguer soigneusement les rapports reconnus qui appartiennent aux opérations directes de la nature, dans la composition progressive de l’or- ganisation animale, de ceux pareillement reconnus, qui sont le résultat de l'influence des circonstances d'habitation , ainsi que de celles des habitudes que ies différentes races ont été forcées de contracter. . Mais ces derniers rapports, qui sont sans doute d’une valeur fort inférieure à celle des premiers, ne sont pas bornés à ne se montrer que dans des parties extérieures; car, on peut prouver que la cause éiran- gère qui a le pouvoir de modifier les opérations directes de la nature, a souvent exercé son influence, tantôt. sur tel organe intérieur , et tanlôt sur tel autre pareil- lement interne. Il faudra donc établir quelques règles, non arbitraires, pour la juste appréciation de ces rapports. En zoologie, on a établi en principe, que c’est de l’organisation intérieure que l’on doit emprunter les rapports les plus essentiels à considérer. Ce principe est parfaitement fondé, s’il exprime la prééminence qu’il faut accorder aux considérations gé- nérales de l’organisation intérieure, sur celles des parties externes. Mais si, au {ieu de le prendre dans ce sens, on j’applique à des cas particuliers de son choix, et sans règle préalable, on pourra en abuser, comme on a déjà fait; et l’on donnera arbitrairement aux rapports qu'offrira tel organe ou tel système d’organes intérieur, une préférence sur ceux de telle autre organe intérieur, quoique les rapports de ce dernier puissent être réél- tement plus importants. Par cette voie, commode à 288 INTRODUCTION. l'arbitraire de l’opinion de chaque auteur, l’on admettra cà et là dans la distribution , des inversions véritable- ment contraires à l’ordre naturel. C’est un fait que l’observation prouve de toutes parts et que j'ai déjà cîté; savoir : que la cause qui modifie la composition croissante de l’organisation, n’a pas seulement agi sur les parties extérieures des animaux, mais qu’elle a aussi opéré des modifications diverses sur leurs parties internes; en sorle que cette cause a fait varier très irrégulièrement les unes et les autres de ces parties. 11 Suit de là, qu’il n’est pas vrai que les rapports entre les races, et sur-tout entre les genres, les familles, les ordres, quelquefois même les classes, puissent tou- jours se décider convenablement d’après la considération isolée de telle partie intérieure, choisie arbitrairement. Je suis, au contraire, très persuadé que les rapports dont il s’agit, ne peuvent être convenablement déter- minés que d’après la considération de l’ensemble de l’organisation intérieure, et, auxiliairement, par celle de certains organes intérieurs particuliers , que des principes non arbitraires auront montrés comme plus importants et comme méritant une préférence sur les autres, dans les rapports qu’ils pourront offrir. I] faut donc nous efforcer de déterminer les prin- cipes dont il s’agit, et ensuite nous y assujettir, si nous voulons anéantir cet arbitraire dans la détermination des rapports, qui nuit tant à la fixité de la science. Deuxième question : Quels sont les principes qui doivent nous guider dans ces opérations , afin d’exclure tout arbitraire à leur égard ? Certes, ce serait rendre un grand service à la zoologie, que de donner une solution convenable de cétte ques- tion, c'est-à-dire, de déterminer de bons principes INTRODUCTION, 289 pour régler les différentes opérations citées ci-dessus , et en exclure tout arbitraire. Il ne me convient pas de prononcer moi même sur la valeur de mes eflorts à cet égard; mais j'en vais proposer les résultats avec la confiance qu'ils m’ins- pirent. Je pense que ce ne peut être que dans la distinction précise de chaque sorte de rapports, et qu’à l’aide d’une détermination motivée et solide de la préférence qu’il faut accorder à telle sorte de rapports sur telle autre, que l’on trouvera les principes propres à régler toutes les parties de notre distribution générale des animaux. | 11 s’agit donc de déterminer les principales sortes de rapports que l’on doit employer pour atteindre le but, et ensuite de fixer la supériorité de valeur que telle sorte doit avoir sur telle autre. Cela posé, je trouve, qu'entre diflérents animaux comparés, les principales sortes de rapports que l’on peut rencontrer et qu’il importe de distinguer , sont les suivantes. - Rapports entre des organisations comparées , prises dans l’ensemble de leurs parties. Ces rapports, quoique généraux, se montrent dans différents degrés, selon qu’on les recherche entre des races comparées entre elles, ou entre des masses d’ani- maux de difiérentes races, comparées les unes aux autres. Il faut donc en distinguer plusieurs sortes. Première sorte de rapports généraux : Cette sorte est celle qui sert à rapprocher immédiatement entre elles les races ou les espèces. Elle est nécessairement la pre- mière: car c’est elle qui fournit le plus grand des rap- ports entre des animaux mais dat qui ne sont pre Jes Tome 1. 19 290 INTRODUCTION. au: mêmes. Or, le zoologiste qui la détermine, considérant toutes les parties de l'organisation, tant intérieures qu extérieures , n’admet cette sorte de rapports, que lorsqu'elle présente la différence la moins grande, la moins importante. On sait que des animaux qui se ressemblent parfai- tement par l’organisation intérieure et par leurs parties externes, ne peuvent être que des individus d’ane même espèce. Or, ici, l’on ne considere point le rap- port, ces animaux n offrant aucune distinction. Mais les animaux qui présentent entre eux une différence saisissable, constante, et à Ja fois la plus petite possible, sont rapprochés par le plus grand de tous les rapports, s'ils offrent d’ailleurs une grande ressemblance dans toutes les parties de leur organisa - tion intérieure, ainsi que dans la HR des parties externes. Cette sorte de rapports ne nécessite point la consi- dération du degré de composition de l’organisation des animaux; elle se détermine dans tous les rangs. Elle est si facile à saisir, que chacun la reconnaît au premier abord ; et c’est en l’employant que les natura- listes ont Hétié ces petites portions de la série générale des animaux que présentent nos genres, malgré l’arbi- traire de leurs limites. | Ainsi, dans cette première sorte de rapports, qu’on peut appeler rapports d'espèces , la différence entre les objets comparés, est la plus petite possible, et ne se recherche que dans des particularités de la forme ou des parties externes des individus. (1) (1) Il n’est pas douteux, en effet , que les rapports entre les espèces ne soient les premiers et les plus essentiels, mais ne conviendrait-il pas, avant d'établir ces rapports, de savoir ce que c’est qu’un espèce, et d’en donner une rigoureuse définition ? Nous ayons vu dans une note INTRODUCTION. 291 Deuxième sorte de rapports généraux : C’est celle qui embrasse les dia: isa entre d. masses d’ animaux différents, comparées entre elles. On peut la nommer rapport de masses. 68 juger cette sorte de rapports, on ne s'occupe plus essentiellement des particularités de la forme générale , ni de celles des parties externes, mais, seu- lement ou presque uniquement, de l'organisation intérieure , considérée dans toutes ses parties. C’est elle principalement qui doit fournir les différences qui peuvent distinguer les masses. Cette deuxième sorte de rapports est inférieure d’un ou plusieurs degrés à la première, dans la quantité de ressemblance entre les objets comparés. C’est elle qui sert à former des familles en rapprochant des genres les uns des autres ; à instituer des ordres ou des sections d'ordre en réunissant plusieurs familles; enfin, à dé- terminer les coupes mes qui doivent partager la série générale. Les rapports dont il est éeetion ne peuvent être employés à la détermination du rang des masses dans la série; mais seulement à former des rapprochements divers pour établir et distinguer ces masses. De la considération de ces rapports, on doit déduire les deux principes suivants : Premier principe : Les rapports généraux de la deuxième sorte n’exigent point une ressemblance par- faite dans l’organisation intérieure des animaux com- parés ; ils exigent seulement que les masses rapprochées,- se ressemblent plus entre elles , sous ce point de vue, qu’elles ne le pourraient avec aucune autre. [4 RG précédente que cette définition était encore à faire, et que ses éléments étaient enveloppés de tant de difficultés que l’on ne pouvait espérer de lope-temps parvenir à la solution de cette question importante. 19* 292 INTRODUCTION. Deuxième principe : Plus les masses comparées sont grandes ou générales, plus l’organisation intérieure des animaux, dans ces masses, peut offrir de différence. Ainsi, les familles présentent moins de différence dans l’organisation intérieure des animaux qui les constituent, que n’en offrent les ordres et sur-tout les classes. Troisième sorte de rapports généraux : On peut appeler rapport de rang, parce qu’elle sert à la dé- termination des rangs dans la série, et qu’en partant d’un point fixe de comparaison, elle montre, effecti- vement , entre les objets comparés, un rapport, grand ou petit, dans la composition et le perfectionnement de l’organisation. En effet, on l’obtient en comparant une organisation quelconque, prise dans l’ensemble de ses parties, à une autre organisation donnée, qui est présentée comme point de départ ou point de comparaison. L’on déter- mine alors, par la ressemblance plus ou moins grande qui se trouve entre les deux organisations comparées, combien celle que l’on compare, s’éloigne ou se rap- proche de celle qui est donnée comme point de com- paraison. du. Nous allons voir que cette sorte de rapports est vé- ritablement la seule qui doive servir à régler les rangs de toutes les coupes qui divisent l’échelle animale. S'il s’agit ici de choisir une organisation pour en former un point de comparaison , afin d’en rapprocher oud'enéloigner successivement les autres organisations, selon qu’elles ressembleront plus ou moins à celle à laquelle on les rapporte, l’on sent que le choix à faire ne peut tomber que sur l’une ou l’autre extrémité de la série des animaux. Dans ce cas, il n’y a pas à ba- lancer; l’extrémité la plus connue de cette série doit avoir la préférence. Ainsi, en partant de l’organisation INTRODUCTION. 203 la plus compliquée et la plus parfaite, on se dirigera du plus composé vers le plus simple, dans la détermi- nation de tous les rangs, et l’on terminera la série par la plus simple et la plus imparfaite de toutes Îes orga- nisations animales. | : | Fr J'ai déjà fait remarquer que, de toutes les organi- sations, celle de l’homme était véritablement la plus composée, et à la fois la plus perfectionnée dans son ensemble. De là, j'ai été autorisé à conclure que, plus une organisation animale approche de la sienne, plus elle est composée et avancée vers son perfectionnement. Cela étant ainsi, l’organisation de l’homme sera notre point de comparaison et de départ pour juger le rapport prochain ou éloigné de chaque sorte d’organi- sation animale, avec elle, et pour déterminer, sans arbitraire, le rang que doit occuper, dans la série gé- nérale, chacune des coupes qui la divisent. L'organisation citée nous fournira, dans la consi- dération de l’ensemble de ses parties, les moyens de juger du degré de composition et de perfectionnement de chaque organisation animale, prise aussi dans l’en- semble de ses parties. Mais, dans les cas douteux, on fera facilement disparaître l'incertitude et l'embarras, en ayant recours à la quatrième sorte de rapports; aux principes qui concernent la comparaison de divers organes, considérés séparément; en un mot, à ceux qui établissent une valeur prédominante à certains de ces organes , sur celle des autres. Ainsi, notre point de comparaison et de départ étant trouvé, les rangs de toutes les coupes pourront être facilement assignés, à l’aide des principes que nous établissons ci-après. Premier principe : Pour la détermination du rang de chaque masse dans la série, la plus compliquée et la plus perfectionnée des organisations animales étant 204 INTRODUCTION. prise pour point fixe de comparaison, plus une Orga= nisation animale, considérée dans l’ensemble de $ S parties, ressemblera à celle du point de comparaison, plus aussi elle en sera rapprochée par ses rapports, et : réciproquement pour les cas contraires. Second principe : Parmi les organisations dont les plans sont différents de celui qui comprend Porgani- sation choisie comme point de comparaison , celles qui offriront un ou plusieurs systèmes d'organes semblables ou analogues à ceux qui font partie de l'organisation à laquelle on les compare, auront un rang supérieur à celles qui auraient moins de ces organes, ou qui en manqueraient. mr * À l’aide des trois sortes de rapports ci-dessus indi- qués, et des principes qui s’en déduisent, on détermi- nera facilement les distinctions des espèces et celles des masses diverses qu’elles doivent former; et ensuite l’on décidera , sans arbitraire, le rang de chacune de ces masses dans la série. Dès lors, la science cessera d’être vacillante dans sa marche. Mais nos efforts seraient incomplets et laïsseraient encore une grande prise à cet arbitraire, si nous n’en- treprenions de fixer la valeur des rapports particuliers, c’est-à-dire, de ceux que l’on obtient par la compa- raison d’organes intérieurs particuliers, considérés isolément dans différents animaux. { :** Rapports entre des parties semblables ou ana- logues, prises isolément dans l’organisation de différents animaux , et comparées entre elles. La quatrième sorte de rapports n’embrasse que les rapports particuliers entre des parties non modifiées. Ainsi, c’est celle qui se tire de la comparaison de par- INTRODUCTION. 299 ties considérées séparément, et qui, dans le système d’organisation auquel elles appartiennent, n'offrent aucune anomalie réelle. La considération de cette sorte de rapports peut être d’un grand secours pour décider tous les cas dou- teux, lorsqu” il s’agit de déterminer , entre certaines coupes comparées , quelle est celle qui doit avoir une supériorité de rang. Or, ces cas douteux sont ceux où l’ensemble des parties de l'organisation intérieure ne présente, dans les deux organisations comparées , au- cun moyen de décider, sans arbitraire, à laquelle de ces deux organisations appartient la supériorité dont il s’agit. C’est particulièrement pour la formation et le pla- cement des ordres, des sections, des familles, et même des genres, dans chaque classe, et par conséquent pour assigner les rangs de toutes ces coupes inférieures, que l’emploi de cette quatrième sorte de rapports sera utile; car, à l’égard de ces coupes, les principes de la troisième sorte 7 rapports sont souvent difficiles à appliquer. Or, c’est ici que l’arbitraire s ’introduit fa- cilement , et qu’il anéantit la science, en exposant les travaux des naturalistes à une variation continuelle dans la détermination des rapports qui doivent fixer la composition des coupes, et dans celles des rangs à donner à ces mêmes coupes. En effet, comme beaucoup d'animaux, justement rapprochés par des rapports généraux et par les carac- tères de leur classe, peuvent offrir entre eux des dif- férences remarquables dans certains de leurs organes intérieurs, et néanmoins des ressemblances pareille- ment remarquables dans leurs autres organes inté- rieurs , on sent que, pour apprécier le degré d’impor- tance que peuvent avoir les rapports qui existent en- tre des organes particuliers, il faut avoir recours à 296 | INTRODUCTION. _ quelques principes régulateurs de ces déterminations, afin de ne rien laisser à l'arbitraire. Voici deux principes qui peuvent faire apprécier les rapports qu’on observera entre des organes inté- rieurs particuliers, dans différents animaux comparés. Premier principe : : Entre deux organes ou systèmes d’ organes intérieurs, considérés séparément et com- parés, celui dont la nature aura fait un emploi plus général , devra avoir sur l’autre une prééminence de valeur dans les rapports qu’il offrira. | D'après ce principe, voici l’ordre d'importance qu’il faut attribuer aux organes particuliers que la nature a employés dans l’organisation intérieure des ani- maux. Les organes de la digestion ; Ceux de la respiration ; Ceux du mouvement ; Ceux de ia génération; Ceux du sentiment ; Ceux de la circulation. Ainsi, sous la considération de la plus grande géné- ralité d'emploi des organes particuliers dont la na- ture a fait usage dans l’organisation intérieure des animaux, on voit que les organes de la digestion sont au premier rang, et que ceux de la circulation occu- pent le dernier. Voilà donc un ordre de valeur, à l’é- gard des organes importants que je cite, qui pourra régler, dans les cas douteux , la Em que méri- tera un rapport sur un autre Second principe : Entre deux modes différents d’un même organe ou système d'organes, celui des deux qui sera plus analogue au mode employé dans une organi- sation supérieure en composilion et en perfectionne- ment, méritera la préférence sur l’ autre, pour les rap- ports qu'il offrira. INTRODUCTION, 297 Si, par exemple, je veux employer un rapport que m'offrent les organes de la respiration, pour juger de la préférence que peut mériter ce rapport sur celui ue m'offriraient d’autres organes , je suis obligé, d’après le principe ci-dessus , d’avoir égard à la consi- dération suivante. Quoique le système d’organes particulier pour la respiration ait une grande généralité d’emploi dans l’organisation animale, puisque, sauf les infusoires etles polypes, tous les autres animaux possèdent un système respiratoire particulier ; cependant, le mode de ce sys- tème n'étant pas le même dans les animaux qui en sont pourvus, je sens que le vrai poumon l’emporte en va- leur sur les branchies , que celles-ci ont une valeur plus grande que les trachées aérifères , et que ces der- nières sont supérieures, sous le même point de vue, aux trachées aquifères qu’il ne faut pas confondre avec les branchies. Alors , je peux juger si le mode des or- ganes respiratoires, dont je veux employer le rapport, est assez élevé en valeur pour me permettre de lui don- ner la préférence sur un rapport tiré de quelque autre sorte d’organes. | La cinquième sorte de rapports embrasse les rapports particuliers entre des parties modifiées. Elle exige donc, dans les parties comparées, la distinction de ce qui est dü au plan réel de la nature, d’avec ce qui appartient aux modifications que ce plan a été forcé d’éprouver par des causes accidentelles. Ainsi, cette sorte de rapports se tire des parties qui, considérées séparément dans différents animaux, ne sont point dans l’état où elles devraient être suivant le plan d'organisation auquel elles appartiennent. En effet, pour juger le degré d’importance qu’il faut accorder à un rapport, et la préférence qu’il doit avoir sur un autre, il n’est point du tout indifférent de dis- [3 208 INTRODUCTION. tinguer si la forme, l’aggrandissement, l'appauvrisse- ment ou même la disparition totale des organes consi- dérés, appartiennent au plan d’ organisation des ani- maux qui en sont le sujet ; ou si l’état de ces organes n’est pas le produit d’une cause modifiante et déter- minable, qui a changé, altéré ou anéanti ce que la nature eût exécuté sans l'influence de cette cause. Par exemple ; il eût été impossible à la nature de donner une tête aux infusoires , aux polypes, aux ra- diaires, etc. ; car l’état de ces corps, le degré de leur organisation, nelelui permirent pas; et ce ne fut, effec- tivement , que dans les insectes qu’elle est parvenue à donner au corps animal une véritable téte. Or, comme la nature ne rétrograde point elle-même dans ses opérations , on doit sentir qu’étant arrivée à la formation des insectes, et par conséquent à celle d’une tête, réceptacle des sens particuliers , toutes les organisations animales , supérieures en composition : à celle des insectes, devront offrir aussi une véritable tête. Cela n’est den pas toujours vrai. Bien des annelides, les cérrhipèdes et beaucoup de mollusques n’ont point de tête distincte. Une cause étrangère à la nature , en un mot, une cause modifiante et determi- nable , s’est donc opposée à ce que les animaux cités soient pourvus d’une véritable téte. Tantôt, en effet , cette cause a empêché plus ou moins le développement de cette partie du corps, et tantôt même elle en a opéré l’avortement complet. Nous trouvons la même chose à l’égard des Jeux qui appartiennent à des plans d’ organisation qui doivent en offrir ; la même chose aussi à l’égard des dents ; en- fin, la même encore qui a lieu relativement à diffé- rentes parties de i DTA isa He , lant intérieures qu € ex- térieures, parce qu’une cause modifiante , que j'ai sigmalée , a eu le pouvoir de changer , d’aggrandir , INTRODUCTION. 299 d'appauvrir, et même de faire disparaître les pe que je viens de citer. On sent donc que les rapports que l’on obtiendrait de la considération de ces parties changées ou altérées, seraient d’une valeur fort inférieure à ceux que four- niraient les mêmes parties, se trouvant ce qu'elles doivent être dans le plan d'organisation où la nature est parvenue. De cette considération résulte le principe suivant. Li > Principe : Tout ce qw a fait directement la nature, devant avoir une prééminence de valeur sur ce qui n’est que le produit d’une cause fortuite qui a modifié son ouvrage, on donnera dans Île choix d’un rapport à employer, la préférence à tout organe ou système d'or- ganes qui se trouvera ce qu'il doit être dans le plan d'organisation dont il fait partie, sur l’organe ou le système d'organes dont l’état ou l'existence résulterait d’une cause modifiante, étrangère à la nature. Dans le cas où les deux organes différents entre les- quels un choix est à faire, se trouveraient J’un et l’ au- tre changés ou altérés par une cause modifiante , on donnera la préférence à celui des deux dont les chan- gements ou les altérations l’éloigneront moins de l’état où il devait être dans le plan d’organisation auquel il appartient. Teiles sont les cinq sortes de rapports qu’il importe de distinguer, si l’on veut obtenir des principes qui in- terdisent l’arbitraire dans la détermination des vrais rapports et de leur valeur. Voici le tableau résumé de ces principes. 306 INTRODUCTION. TABLEAU DES PRINCIPES POUR LA DÉTERMINATION DES RAPPORTS , SELON LEURS DIFFÉRENTES SORTES. (Première sorte : rapports d’espèces.) Premier principe : Dans quelque rang que ce soit de l'échelle animale, le plus grand des rapports entre des animaux différents , est celui qui sert à rapprocher im- médiatement les races entre elles. Ce rapport exige, dans les animaux rapprochés, une grande ressemblance dans leur organisation intérieure ; les différences prin- cipales qui distinguent ces animaux devant se trouver dans des particularités de leur forme, de leur taille ou de leurs parties externes {1}. | (Deuxième sorte : rapports de masses.) Second principe : Les rapports qui servent à former des masses et à les distinguer , ne doivent se tirer que de l’ensemble des parties qui composent. l’organisation intérieure. Ils n’exigent jamais une ressemblance par- faite dans l’organisation intérieure des animaux de ces masses; mais seulement que les masses rapprochées se ressemblent plus entre elles qu’à aucune autre par l’organisation intérieure des animaux qu'elles embras- sent. | Troisième principe : Plus les masses comparées sont grandes ou générales, plus l’organisation intérieure des animaux de ces masses doit offrir de différence. (1) Il aurait peut-être fallu ajouter que dans chaque espèce les orga- nes de la génération, chez ceux des animaux qui les possèdent, présen- tent toujours des différences notables, et assez faciles à apprécier, INTRODUCTION. 301 ( Troisième sorte : rapports de rangs.) Quatrième principe : La plus compliquée et la plus perfectionnée des organisalions animales étant prise pour point fixe de comparaison, plus une organisation animale, considérée dans l’ensemble de ses parties, ressemblera à celle du point de comparaison, plus elle en sera rapprochée par ses rapports, et vice versd. Cinquième principe : Parmi les organisations dont les plans sont différents de celui de l’organisation choi- sie pour point fixe de comparaison , celles qui offriront un ou plusieurs systèmes d’organes semblables ou ana- logues à ceux qui se trouvent dans l'organisation à laquelle on les compare, auront un rang supérieur à celles qui auraient moins de ces organes, ou qui en manqueraient. (Quatrième sorte : rapports entre des parties considé- rées séparément, et qu'aucune cause particulière n’a modifiées.) Sixième principe : Entre deux organes ou systèmes d’organes intérieurs, considérés séparément et compa- rés, celui dont la nature aura fait un emploi plus général, devra avoir sur l’autre une prééminence de Tite dans les rapports qu’il offrira. Sous ce point de vue, l’ordre d'importance qu’il faut attribuer aux or- ganes intérieurs est le suivant : Les organes de la digestion; Ceux de la respiration; Ceux du mouvement; Ceux de la génération; Ceux du sentiment ; Ceux de Ja circulation. 302 * “INTRODUCTION. Septième principe : Entre deux modes différents d’un même système d’organes, celui des deux qui sera plus analogue au mode déjà employé dans une organisation supérieure en composition et en perfectionnement , méritera la préférence sur l’autre; pour les rapports qu'il offrira. (Cinquième sorte : rapports entre des parties considé- rées séparément , et qu’une cause particulière a mo- difiées.) Huitième principe : Tout ce qu'a fait directement la nature, devant avoir une prééminencé de valeur sur ce qui n’est que le produit d’une cause fortuite qui a modifié son ouvrage, on donnera, dans le choix d’un rapport à employer, la préférence à tout organe ou sys- tème d’ organes, qui se trouvera ce qu’il doit être sui- vant le plan” d'organisation dont il fait partie, sur l’or- gane ou le système d'organes dont l’état ou l’existence résulterait d’une cause modifiante étrangère à la na- ture. Dans lé cas où les deux organes différents, entre lesquels un choix est à faire, se trouveraient l’un et l’autre changés où altérés par une cause modifiante, on donnera la préférence à celui des deux dont les changements ou les altérations l’éloigneront moins de l’état où il devait être dans le plan d'organisation au- quel il appartient. Les huit principes régulateurs que je viens de pro- poser, me paraissent à l’abri de toute objection raison- nable , et les seuls propres à remplir l’objet pour lequel je les destine. Ils fourniront les moyens d’établir sans arbitraire, un ordre de valeur parmi les rapports qui doivent servir à former la distribution , fixer les rangs des objets, et faciliter les lignes de séparation à établir INTRODUCTION. 303 jour l'institution la plus convenable des genres, dés familles, dés ordres, des classes, et des Mot primaires parmi les animaux. En détruisant l'arbitraire qui anéantit les progrès dés sciences naturelles, puisque cet arbitraire fait va- rier sans cesse les résultats des efforts que l’on fait pour les perfectionner, ces principes donneront, si on les admet, une uniformité de plan très nécessaire aux travaux dise lesquels on s’occupera de ces ebjets; et alors, notre distribution des animaux se perfectionnera de plus en plus; nos connaissances dans l’étade des lois et de la marche de la nature, à l'égard de ses pro- ductions, y gagneront infiniment; et les sciences z00- logiques, parti culièrement, en obtiendront une solidité qu'elles n’ont pas encore. Il restera un peu d’ arbitraire dans la détermination du rang respectif des espèces dans leurs genres, et quelquefois même de celui des genres dans leurs fa- milles; parce que les principes Lane proposés ne sont févilement applicables qu’à l'égard des différences remarquables dans les traits de l’organisationintérieure. Mais l’expérience dans l'étude de la nature et un sentiment de convenance que je ne saurais définir, achèveront de détruire, dans le zoologiste, cette der- nière retraite de l’arbitraire. Troisième question : Quelie disposition faut-il donner à la distribution générale des animaux, pour qu’elle soit conforme à l’ordre de la nature de Ja production de ces êtres ? Pour résoudre cette question, il s’agit encore ici de trouver quelque principe pris dans la nature même 1 afin de pouvoir s’y conformer; car, si l’on a déterminé ‘Ja distribution générale des animaux d’après la pro- gression qui existe dans la composition de l’organisation animale, il semble que l’on puisse, dans cette pro- 304 INTRODUCTION, gression , procéder avec autant de raison du plus com- posé vers le plus simple, que du plus simple vers plus composé. Cela n’est cependant pas fondé; et la nature, consultée dans l’ordre de ses opérations à l’é- gard des animaux, nous indique le principe suivant, qui ne nous permet à ce sujet aucun arbitraire. (1) La nature n’opérant rien que graduellement , et par cela même, n'ayant pu produire les animaux que successivement , a évidemment procédé, dans cette production , du plus simple vers le plus composé. Si, comme j’en suis convaincu, l’on doit reconnaître que, dans tout ce qu'elle fait, la nature n’opère que graduellement, et que, si c’est elle qui a produit les animaux, elle n’a pu donner l'existence à leurs races diverses que successivement, il est évident que, dans cette production, elle a passé progressivement du plus (x) Nous devons faire observer que ce qui précède se rattache à deux sortes de choses, qu’il faut bien distinguer : à l’anatomie comparée, et à l’art de la méthode. L’anatomie comparée , comme l’indique son nom, est une science toute de comparaison ; on prend le type le plus parfait de l’organisation, et l’on vient comparer les autres organisations pour sa- voir ce qui leur manque. Si l'anatomie comparée doit donner aussi des moyens de classification pour les animaux, il faut, pour être conséquent à ses principes, que l’arrangement proposé procède du composé vers le simple, c’est-à-dire, par synthèse; mais si la méthode est un art indé- pendant de l’anatomie comparée, puisant dans celte science comme dans toutes les antres, ses éléments et ses principes , s’il se réduit ra- tionnellement à un moyen artificiel de mettre de l’ordre dans les faits soumis à l'observation, dès lors il deviendra rationnel de faire des efforts pour que l’ordre méthodique se rapproche le plus possible de l’ordre naturel et représente la marche de la nature dans la création suc- cessive des êtres : la méthode d’analyse devra donc être préférée comme Ta plus propre à faire comprendre comment les animaux semblent dé- river les uns des autres, et comment les rapports naturels les enchai- nent, INTRODUCTION. 305 simple au plus composé. On doit donc disposer la dis- tribution générale des animaux d’après cette considé- ration , afin d’imiter l’ordre que la nature a suivi. J'ai, en effet, montré, dans ma Philosophie zoolo- gique (vol. 1, p.269), que, pour rendre la distribution générale des animaux conforme à l’ordre qu'a suivi la nature en produisant toutes les races qui existent, il fallait procéder du plus simple vers le plus composé, c’est-à-dire, qu’il était nécessaire de commencer cette distribution par les plus imparfaits des animaux, et les plus simples en organisation, afin de la terminer par les plus parfaits, par ceux qui ont l’organisation la plus composée. Cet ordre est le seul qui soit naturel, instructif pour nous, favorable à nos études de la nature, et qui puisse, en outre, nous faire connaître la NS de cette dernière, ses moyens ét les lois qui régissent ses opérations à leur égard. Par cette disposition, et ayant préalablement assu- jetti par-tout la distribution des objets à l’ordre des rapports, et formé les coupes classiques , nous rendons la connaissance des progrès dans la composition de l’organisation plus facile à saisir, et nous nous mettons dans le cas d’apercevoir plus facilement , soit les causes de ces progrès, soit celles qui les modifient ou les in- terrompent cà et là. (Phil. zool., vol. 1, p. 132 à 135.) On trouvera probablement moins agréable et moins conforme à nos goûts, de présenter en tête du règne animal, des animaux très imparfaits, à peine percep- tibles , presque sans consistance dans leurs parties, et dont Le facultés sont extrêmement bornées; an lieu d'y voir les animaux les plus avancés dans la compo- sition et le perfectionnement de l’organisation, ceux qui ont le plus de facultés, le plus de moyens pour varier leurs actions, en un mot, le plus d'intelligence; Tome 1. 20 306 INTRODUCTION. et comme ces derniers sont ceux qu’on a le plis 6b- servés et Ie mieux étudiés, on pourri même resärder comme plus raisonnable de procéder, à l'égard des animaux, du plus connu vers ce qui l’est le moins, que de suivre une route opposée. 2: Cependant > comme dans toute chose il faut consi- dérer la fin qu'on se propose, et les moyénsqui peuvent conduire au but, je crois qu’il est facile de démontrer que l’ordre généralement établi par l’usagé dans la distribution des animaux, est précisément celui qui nous éloigne le plus du but qu'il nous importe d’at- teindre; que c’est celui qui est le moins favorable potre instruction ; eu un mot, celui qui oppose le plus obstacles à ce que nous saisissions le plan, l’ordre et les moyens qu ‘emploie la nature dans ses opérations à l'égard des animaux. | Dans l’examen et l’étude même que l’on fait de ces corps vivants, s’il n’était question que de les distinguer les uns des autres par les caractères de leur forme ex- térieure, et si l’on ne devait considérer leurs diverses facultés que comme de simples objets d’amusement , c’est-à-dire, des objets propres à piquer notre curiosité dans nos loisirs, mais qui ne sauraient exciter en nous le désir d’en RP et d'en approfondir les causes, je conviens que l’ordre de distribution dont je viens de parler serait celui qui devrait le moins nous plaire; quoiqu'il soit le plus naturel. Dans ce cas, il serait aussi fort inutile de s’occuper de rechercher lesrapports parmi les animaux, et d'étudier leur organisation à in- + # térieure. Or, tous les naturalistes cônviénnént maintenant de l'importance des rapports, et de la nécessité d'y avoir égard dans nos associations et dans nos distri- butions des productions de la nature. D’où vient donc cetle importance des rapports, et pourquoi reconnais / INTRODUCTION. 307 sons-nous la nécessité d’y avoir égard dans nos distri- butions, si ce n’est parce qu’ils nous conduisent réelle- ment à la connaissance de ce qu’a fait la nature; parce que, n'étant pas notre ouvrage, nous ne pouvons les changer à notre gré; parce que ce sont eux qui nous fÜtcent de rapprocher les uns des autres certains des objets qu ils concernent et d’en écarter d’autres plus ou moins; enfin, parce qu’ils nous font sentir indi- reetement que, dans ses productions, la nature a un ordre particulier et déterminable qu’il nous importe de reconnaître et de suivre dans nos études. Lorsque des rapports reconnus, parmi les animaux, ont fixé le rang de ces êtres, quel est le zoologiste qui voudrait arbitrairement les placer ailleurs! Quel est celui qui voudrait ranger les chauve-souris dans la classe des oiseaux, parce qu’elles planent dans les airs; les phoques ou Fi baleines parmi les poissons, parce que le milieu dense qu’habitent ces animaux leur donne quelque analogie de forme entre eux; enïn , les sèches avec les polypes, parce qu’elles ont aussi 4 espèces de bras autour de leur bouche! P'urstque les rapports reconnus nous entraînent, et donnent à celles de nos distributions qui s’y NT ment, une solidité à l’abri des variations de nos opi- nions, nous sentons donc qu'il y a pour nous un véritable intérêt à établir nos distributions le plus conformément qu’il nous est possible à l’ordre même de la nature, afin qu’elles le représentent et le fassent mieux connaître. Maintenant, si nous trouvons qu'il soit de quelque utilité pour nous d'étudier la nature, de connaître son ordre particulier, de le représenter des nos distribu- tions, ne devons-nous pas commencer comme elle en procédant du plus simple vers le plus composé ; car, Ou assurément elle n’a rien opéré, ou, si les animaux font 20* 308 INTRODUCTION. partie de ses productions; elle n’a point commencé par les plus composés et les plus parfaits. à Ainsi , l’ordre de distribution que j’ai proposé à l’é- gard des animaux, que je viens de motiver, dont je fais usage depuis plusieurs années dans mes lecons au Muséum, et dont on trouve l'exposition dans ma Phi- losopliie zoologique (vol. 1, p. 269), devient indispen- sable, et ne peut être suppléé par aucun autre. Il établit d’ailieurs cette conformité entre la zoologie et la botanique, que, de part et d’autre, la méthode employée comme naturelle, présentera une distribution dans laquelle on doit procéder du plus simple vers le plus com posé. Distribution générale des animaux, partagée en coupes primaires et en coupes classiques. La disposition à donner à l’ordre des animaux étant arrêtée, si nous parcourons et si nous examinons Ja distribution entière de tous ces corps vivants, rangés conformément à leurs rapports et aux principes cités ci-dessus, nous remarquons la possibilité, l'utilité même de diviser leur série générale, en deux coupes principales, qui comprennent chacune un certain nombre de classes. En effet , ces deux coupes sont singulièrement distin- guées l’une de l’autre, en ce que la première, qui est la plus nombreuse et qui comprend les animaux les plus imparfaits, embrasse une série d'animaux qui tous sont dépourvus de colonne vertébrale, et qui présentent par masses des plans d'organisation si différents les uns des autres, qu’on peut dire qu’ils n’ont de commun entre eux que la possession de la vie animale. Tandis que ceux de Ja seconde coupe, parmi lesquels se trouvent les animaux les plus parfaits, possèdent toute une INTRODUCTION, 309 colonne vertébrale, base d’un véritable squelette, et sont formés à peu près sur un même plan d’erganisation; mais qui est, néanmoins, plus ou moins avancé, per- fectionné et modifié, selon le rang des classes comprises dans cette coupe. ii Dans mon premier cours de zoologie au Muséum d'histoire naturelle, je donnai aux animaux de la pre- mière coupe le nom d'animaux sans vertèbres ; ei, par opposition, je nommai animaux vertébrés ceux de la seconde. Je n’ai pas besoin de dire que c’est parmi ces derniers (les animaux vertébrés), que Crustacés. ne Cirrhipèdes # Pères. 7 = Reptiles. 2 Oiseaux. à Mammifères. De De quelque manière que l’on s'y prenne, je Suis . persuadé que jamais on ne parviendra, dans la série } INTRODUCTION. 391 simple qui doit constituer notre distribution générale des animaux , à offrir partout, entre Îles masses distin- guées, des transitions vraiment naturelles, et par suite, à conserver, dans tous les rangs, les rapports. qui ré- sultént de l’ordre de la production de ces êtres. Ainsi, notre série simple n’offrira toujours que des portions interrompues et inégales de cet ordre, entre lesquelles nous intercalerons d’autres portions hors de rang, en choisissant celles que le degré de composition de l’or- ganisation des animaux qu’elles embrassent rendra moins disparates. Il est évident que ces portions in- tercalées ne peuvent être que hors de rang, et doivent former des anomalies dans la série simple, si elles appartiennent , soit à un rameau latéral, soit à une série particulière. | Il serait effectivement difficile de lier is crustacés aux annelides par une transition vraiment nuancée ; et cependant ies annelides ont dû être placées après les crustacés dans la série simple de notre distribution générale. On sent donc que, dans la série en question, les annelides, quoique bien placées, sont hors de rang, et l’on peut présumer qu'elles ae pl originaire- ment des vers. | Après les épizoaires , les insectes, qui semblent « en provenir, ne se lient point par une transition sans lacune, soit aux arachnides, même par celles qui sont antennifères et hexapodes, soit aux crustacés. On voit là deux branches dont la source se perd dans une espèce d’hiatus. ji D'une part, les podures, les Ernie À et ensuite les myriapodes paraissent conduire aux cloportides, caprellines, etc., et offrir l’origine des crustacés, dans la série desquels les ertomostracés forment un cs rameau latéral. De l’autre part, les parasites hexapodes tels que L- TOME 1. 21 322 INTRODUETION., poux et les ricins, semblent mener aux picnogonides et aux acaridies, ensuite aux phalangides, aux scor- pionides, enfin aux arachnides fileuses. Cette série alors n’a plus de suite, et nous paraît constituer un rameau latéral, dont la source avoisine celle des cras- tacés; sans offrir avec ceux-ci un point de réunion connu, ni même avec les insectes. Enfin , les crustacés conduisent aux si hs par d’assez are rapports, mais sans transition véritable. C’est là que se termine la série des animaux articulés, et qui ne commencent à l’être constamment que lors- que le système nerveux est assez avancé pour offrir un cordon médullaire ganglionné dans sa longueur, Relativement à l’autre série, elle paraît très naturelle, moins rameuse et n'embrasse aucun animal muni de parties articulées. Je crois qu'elle doit être divisée en un plus grand nombre de coupes classiques; car non- seulement il en faut une pour les ascidiens, et une autre pour les acéphales ; maïs je pense même qu'il convient de séparer des mollusques les céphalopodes, à cause des traits particuliers de leur forme et de leur organisation. Les céphalopodes termineraient donc la série des animaux inarticulés, laissant à l'écart les hétéropodes qui sont encore trop peu connus. Voïlà tout ce que j'aperçois à l’égard de l’ordre de production des animaux sans vertèbres. Maïntenant, comment lier ces animaux aux verté- brés par une véritable transition ? Ceries cette transi- tion n’est pas encore connue. J'ai soupçonné que les ‘hétéropodes pourraient un jour l’offrir, si nous païve- -nions à en connaître d’autres que je suppose exister! Ces problèmes sans doute resteront encore long-temps sans solution; mais déjà nous pouvons penser que, dans sa production des différents animaux, la nature n’a pas exécuté une série unique et simple: INTRODUCTION. 3923 Quelque grandes que soient ces difficultés tenant à quantité d ‘observations qui nous manquent encore, et quelles que soient les irrégularités inévitables de notre série eo les considérations qui peuvent naître de ces objets n’intéressent nullement le principe de la production successive des différents animaux. | En effet, ce principe consiste en ce qu’ après les gé- nérations spontanées qui ont commencé chaque série particulière, les animaux sont ensuite tous proyenus les uns des autres. Or, quoique les lois qui ont dirigé cette production soient partout et inVariablement les mêmes, les circonstances diverses dans lesquelles la na- ture a opéré pendant le cours de son travail, ont nécessairement amené des anomalies dans la simplicité de l’échelle résultante de toutes ses opérations. Nous devons donc travailler à la composition et au perfectionnement de deux tableaux différents; savoir : L’un offrant la série simple dont nous devons faire, usage dans nos ouvrages et dans nos cours, pour carac- tériser, distinguer et faire connaître les animaux ob- servés ; série que nous fonderons en général sur la pro- gression qui a lieu dans la composition des différentes organisations animales, les considérant chacune dans l’ensemble de leurs tie ; et nous aidant des La cèptes que j'ai proposés. L’autre présentant les séries ie avec leurs rameaux simples, que la nature paraît avoir formées en produisant les différents animaux qui existent actuellement, Ce second tableau, dépouillé des erreurs qui peuvent s'être glissées dans celui que je viens d'offrir, sera sans doute utile pour notre instruction, éclaircira quantité d’objets que nous ne pouvons saisir que par son moyen, et, dans le règne animal, ayancera probablement nos connaissances de la nature. 21* 324 INTRODUCTION. Si l’étude de cette dernière peut obtenir quelque. intérêt de notre part, j'ai lieu ‘de penser que ce qui vient d’ê etre exposé ne séra pas sans importance. Nota. La nécessité d'opérer carrément par lim. pression , ne permettant nullement l’obliquité qu'il eût fallu donner aux lignes indicatrices des branches latérales des séries, afin de montrer leur point de dé- part, l’idée que jai voulu rendre par le Tableau, se trouve un peu défigurée : mais le discours me paraît suppléer à ce défaut, et la rétablir. (1) (r) De toutes les classifications générales qui furent proposées jus- qu’en 1815, époque de la publication du premier volume des animaux sans rer bee celle de Lamarck est certainement la plus rationnelle et la plus haine. Quoique quelques esprits très élevés aient voulu jeter quelque défaveur sur les travaux de Lamarck, en présen- tant comme une simple spéculation de l’imagination , toute cette belle introduction qui sert de corollaire et de base solide au système de classification , bien des zoolopistes commencent à comprendre toute la valeur de ces considérations générales, et apercevant, comme La- marck , l'ordre suivi par la nature dans la création des animaux, re- + viennent de plus en plus à ses idées et cherchent : a en améliorer les applications. Lamarck avait bien senti que l’arrangement linéaire des animaux ne pouvait être suivi dans une méthode naturelle, et ne devait être em- ployé que dans la distribution matérielle d'un livre dans lequel il est impossible d'exposer plusieurs choses à la fois ; mais que pour bien re- présenter les rapports il failait admettre des embranchements , soit depuis le point de départ, soit sur une tige commune: il a rejeté l’idée d’une tige commune ; mais il a adœis eclle de deux embranche- ments principaux pour les animaux invertébrés. Ces deux embranche- ments sont susceptibles d’être sous-divisés latéralement; et maintenant ce que l’observalion servira à décider , c’est le point de départ de ces sous-divisions et leurs rapports avec l’embranchement principal. Quelques zoolosisies ont pensé, et M. Dugès est du nombre ; qu’il était plus convenable de former pour les deux grandes parties des ani- maux, deux cercles fermés et contigus dans un point déterminé; nous! ne pensons pas que cette manière d'envisager les rapports soit - préfé- rable à ceïle de Lamarck ; car, pour tourner dans un cercle en prenant INTRODUCTION. 325 un point de départ rationnel, tels que Îes animaux Îes plus simples si on procède par analyse, ou les plus composés si l’on préfére la syn- thèse, il faut supposer dans le premier cas un accroissement progressif jusqu'a un maximum, et un décroissement également progressif depuis ce maximum jusqu'au point de départ. Malgré tout ce qu’a d’ingénieux cette nouvelle manitre d'envisager les rapports des amimaux, nous lui trouvons le grave défaut de ne pas satisfaire, comme les embranche- ments de divres degrés, aux exigeances de la classification rationnelle, Au reste, ce que Lamarck a dit à l'appui de sa méthode dans les pages qui précèdent, suffit peur convaincre de sa justesse et de sa supériorité sur toutes les autres, sans que nous ayons besoin de corrcborer son opi- pion par la nôtre. Nous croyons néanmoins que plusieurs perfectionne- ments peuvent être apportés dans les sous-divisions , et déjà dans une note nous avons fai pressentir sur quelles beses ils pouvaient s’apa puyer. FIN DE L’'INTRODUCTION. * « d Ë “ ’ " P° At #1 " - a 4 sors à RE diatte F : sd Et 3 le x OPEN ag: ag 0 gi FPMO : n é 1 11 vil + ÿ LAN ES te LE 464) IEA 17 à Noé à AU TRAIT F4? * : 28 Le 5 s x À bee wi id h Æ 01 D Ai é 14 - i + - ï 58 à : j L7 M # ; \ ” k L “ à 2 s# L w “ . à 3 . ï \ ’ + î 1 j J Î . | ‘ 1 à \ A 1 > " " : * 1 Lh FRE rer HuLMRE » to # FA US | ARRET TU WI ' ' 4 HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX SANS VERTEBRES. POINT DE COLONNE VERTÉBRALE; POINT DE VÉRITABLE SQUELETTE. Les animaux sans vertèbres sont ceux qui sont dé- pourvus de colonne vertébrale (1), c’est-à-dire, qui n’ont pas intérieurement cette colonne dorsale, pres- que toujours osseuse, composée d’une suite de pièces (1) Plusieurs zoologistes ont cru pouvoir retrouver l’a- nalogue d’une colonne vertébrale dans la portion centrale du squelette tégumentaire des crustacés, etc.; mais pour adopter cette manière de voir, il faudrait modifier la défi- nition que l’on donne ordinairement de la vertèbre, et cette innovation ne serait peut-être pas sans inconvénient pour la zoologie aussi bien que pour lanatomie. On lira réanmoins avec intérêt ce qui a été écrit à ce sujet par M. Geoffrov-Saint-Hilaire (rois mémoires sur l’organi- sation des insectes , insérés dans le journal complémentaire du Dictionnaire des Sciences médicales, 1820 ), par M. Ampère ( considérations philosophiques sur la déter- mination du système solide et du système nerveux des animaux arliculés. Annales des sciences naturelles, tome 2}, etc. | | E, eo 328 ANIMAUX SANS VERTÉBRES. ; articulées; colonne qui se termine à son extrémité antérieure par la tête de l’animal , à l’autre extrémité par sa queue, et qui fait la base de tout véritable squelette. Par cette définition, les animaux sans vertèbres sont nettement distingués des animaux vertébrés ; mais, quoiqu'ils paraissent former une coupe particu- lière sous ce point de vue, leur ensemble néanmoins présente un assemblage d’objets dont les masses sont très disparates entre elles. (1) Eneffet, quart à la forme et et à l’organisation in- térieure, qu'y a-t-il de commun entre un énfusoire et un insecte, entre un ver et un crustacé? en un mot, quelle étrange dissemblance ne trouve-t-on pas entre un polype et une arachnide, entre celle-ci et un mollusque ? Si l’ensemble des animaux sans vertèbres pré- sente, dans ses masses déplacées et mises arbitrai- rement en comparaison, des assemblages disparates, l’on sera forcé de convenir qu’en rapprochant les objets d’après leurs véritables rapports, et qu’en dis- tribuant les masses classiques dans l’ordre progressif de la composition de l’organisation de ces animaux, alors ont trouvera moins d’irrégularité dans leur série, quoique de distance en distance, les systèmes d’or- ganisation soient singulièrement changés, et puissent rarement se lier chacun les uns aux autres pi, de véritables nuances. Telle est, je crois, l’idée la plus juste que l’on (x) Les animaux sans vertèbres, en effet, ne forment pas un groupe naturel , mais constituent plusieurs séries bien distinctes qui diffèrent entre eux autant qu’eux-mêmes différent des animaux vertébrés. E. ANIMAUX SANS, VERTÈBRES, 329 doive se former des animaux sans vertèbres. Ils composent une immense série d'animaux divers (1), au moins neuf fois plus nombreuse que celle de tous les vertébrés réunis, et dont probablement nous ne con- naïssons pas même la moitié des êtres qui la forment. Ces animaux, originaires des eaux, vivent encore la plupart dans son sein : aussi c’est parmi eux que se trouvent les plus petits, les plus frêles, les nlus imparfaits et les plus simples en organisation , comme c’est parmi les vertébrés qu’on observe les plus par- faits des animaux. Sans doute, le volume ou la taille n’a point de rapport essentiel avec la nature de l’organisation des différents êtres vivants. Cependant, il n’en est pas moins très vrai que les plus imparfaits des animaux connus en sont aussi les plus petits : ce qui est éga- lement vrai à l'égard des végétaux. Des trois coupes primaires qui partagent l’échelle animale entière (2), les animaux sans vertèbres em- brassent les deux premières ; Savoir : Les animaux apathiques; Les animaux sensibles. C’est donc à la troisième coupe, à celle des verté- brés dont le plan unique d’organisation est plus ou (1) Il nous paraît impossible de ranger les animaux sans vertèbres en une seule série naturelle ; ils en forment au moins deux qui sont à peu près parallèles , l’une compo- sée des irfusoires rotateurs, des helminthes; des anne- lides, des cirrhipèdes, des crustacés, des myriapodes, des insectes et des arachnides; l’autre de la plupart des infusoires polygastriques, des polypes , des acalèphes, des tuuiciers et des mollusques. E. (2) Voyez-en le tableau à la fin de la 7° partie de l’Intro- duction, page 313. (Note de Lamarck.) 330 ANIMAUX SANS VERTÉBRES. moins avancé en perfectionnement selon les clas qu’appartiennent les animaux intelligents. En consé= quence, je vais partager mon exposition des animäux sans vertèbres en deux parties : l’une relative aux animaux apathiques, et l’autre aux animaux sen- sibles. Ainsi, d’après l’ordre que nons devons suivre, exposons d’abord les animaux apathiques , leurs classes, leurs familles, leurs genres, comme objets de la première partie; nous terminerons par l'expo- sition des animaux sensibles, &ont nous présenterons pareïllement les classes , les familles et les genres, ce qui complétera la deuxième partie ; et nous indi- querons de part et d’autre les espèces les mieux déter- minées à notre connaissance. [ Les divisions dont il est ici question ne nous paraissent pas naturelles, et nous semblent reposer même sur des idées fausses. Ainsi qu’on a pu le voir dans l’Introduction, Lamarck pose en principe, que toute faculté dépend de l’existence d’un instru- ment ou organe dont elle est l'appanage ; cela est incontestable; mais, sans l’énoncer aussi formelle- ment, notre auteur va plus loin : il admet que la même fonction ne peut être exercée que par le même organe, et que l'absence d’un de ces instruments entraîne nécessairement la cessation des actes exé- cutés par lui, ni 14 il existe. C’est ainsi que voyant le cerveau être le siége des fonctions intellectuelles, il conclut de son absence chez les animaux inférieurs, la non existence de toute espèce de travail intellectuel, et que voyant les nerfs être des GrERA ÈS indispen- sables à la perception des sensations chez un bien plus grand nombre d’animaux encore ; il arguë de l'absence de ces cordons médullaires, pour prou- ver que la sensibilité n’existe pas chez les êtres dé- ANIMAUX SANS VE RTÈBRES. 331 pourvus d’un système nerveux. Or, ce raisonnement me paraît être un cercle vicieux, et les résultats auxquels ils mènent me semblent être en contra- diction directe avec les données fournies par l’ob- servation directe aussi bien que par l’analogie. Que dirait-on, si un physiologiste, ayant appris que chez l'homme et tous les autres mammifères, chez les oiseaux et les reptiles, la respiration ne peut s’ef- fectuer que dans l’intérieur des poumons, concluait que les poissons, les crustacés, les insectes, etc., ne respirent point parce qu'ils sont dépourvus de ces organes ; ou même s’il prétendait que cette fonction ne peut s’exercer que là où il existe soit des poumons, soit des trachées ou des branchies, et que la surface générale du corps ne pouvant jamais suppléer à ces organes, les animaux dépourvus d’organes spéciaux de respiration, sont sansaclion sur l’air atmosphérique? Les défauts d’un raisonnement pareil deviennent éga- lement palpables lorsqu'on l’applique aux phénomènes de la locomotion, de la génération, etc. , etc. , et tout daus la nature semble prouver que des parties diverses peuvent jusqu’à un certain point, en se modifiant, se suppléer les unes les autres et servir aux mêmes usages. En serait-il autrement pour les facuités in- tellectuelles et pour la sensibilité ? rien n’autorise à le croire , et l’analogie, doit , au contraire nous faire penser que la sensibilité, par exemple, existe déjà chez des êtres qui n’ont pas encore d'instruments spéciaux pour sentir; de même que la reproducion a lieu chez des animaux qui n’ont pas encore des organes Spé- ciaux de £ génération. C’est en assignant à chaque grande fonction un instrument particulier, que la nature commence à perfectionner les êires, de même que c’est én localisant de plus en plus les divers actes dont chaque fonction se compose ou en d’autres mots 332 ANIMAUX SANS VERTEBRES. par une division de travail toujours croissant, que les diverses facultés se perfectionnent à leur \OUP (Voyez l’article Organisation, Nerfs, etc. du Dictio naire classique d’histoire naturelle, et mes Éléments de Zoologie). E, PREMIÈRE PARTIE. ANIMAUX APATHIQUES (1). Point de forme symétrique par des parties paires . bisériales, ou seulement sur deux côtés opposés ; aucun sens paräüculier pour la sensation; ni moelle longitudinale, ni cerveau; point de véri- table squelette. (2) Le caractère le plus apparent des animaux apa- thiques, est de ne point offrir encore cette forme symétrique de parties paires dont les animaux des autres coupes présentent presque tous des exemples ; parties paires si prononcées dans l’organisation de l’homme, quoique toutes les intérieures ne soient pas (1) Cette division correspond à peu près à l’embranche- ment des zoophytes ou animaux rayonnés, de la méthode de M. Cuvier (Voy. le Règne animal distribué d'après son organisation.) Dans la classification de M. de Blainville, les animaux apathiques de Lamarck, forment deux sous- règnes, savoir :les actinozoaires ou À. rayonnés, et les amor- phozoaires ou À. amorphes. (Voyez de l’organisation des animaux , ou Principes d'anatomie comparée ,t.1.) E. (2) Ainsi que nous le verrons par la suite, cette défini- tion n’est pas rigoureusement applicable à tous les ani- maux dont ce groupe se compose. | E. 334 ANIMAUX APATHIQUES. dans ce cas, parties paires, enfin, qui sont toujours bisériales lorsqu'elles se répètent, ou seulement sur . deux côtés se Ici, il n’y a jamais de parties paires dans cet ordres car lorsqu'on rencontre dés partiés semblables , elles sont rayonnantes ou disposées en rond, et non sur deux côtés opposés. La nature tendant à la production des animaux les plus parfaits, en qui cette forme symétrique de parties paires ou bisériales est extrêmement remar- quable, l’a empioyée dans le plus grand nombre des animaux, parce qu’elle est la plus favorable au mous vement de progression en avant. Mais elle n’a pu l’établir dans les animaux apathiques; d’abord , parce que la trop faible consistance de leurs parties ne le lui permit pas et laissait aux fluides expansifs de l'extérieur trop d'influence sur la forme générale de ces animaux; ensuite, parce que le mouvement pro- gressif en ayant ne leur est point nécessaire. Les animaux apathiques furent très-impropre- ment appelés zoophytes : ils ne tiennent rien de la nature végétale, et Lous généralement sont complé- tement des animaux; ce que je crois avoir prouvé (a) La dénomination d'animaux rayonnés ne leur convient pas plus que la précédente ; car elle ne peut s'appliquer qu'à une partie d’entre eux, et il s'en trouve beaucoup parmi eux qui n’ont. absolument rien de la forme rayonnante. Tous les apathiques manquent de 44 sont dé LS SE D (1) En conservant à ces animaux le nom de zoophytes, M. Cuvyier n’a en aucune facon entendu qu’ils participent de la nature des végétaux, mais seulement, que souvent ils en rappellent les formes. , ANIMAUX APATHIQUES. 335 pourvus de sens extérieurs; et parmi ceux ; en petit nombre ; en qui l'on a observé quelques nerfs, on ne trouve jamais cet appareil nerveux qui est essentiel à la production du sentiment. Ge sont donc des ani- maux véritablement privés de la faculté de sentir () Ts Etant dépourvus du sentiment, n'ayant pas même celui de leur existence, c’est-à- “Er ce sentiment intérieur que des besoins sentis peuvent émouvoir , ces animaux ne se meuvent que par leur irritabilité extitée , que par des causes excitantes qui leur vien- nent du dehors. Aussi ai-je montré que leurs besoin très bornés, n’exigent point qu’ils aient d’autres fa- cultés, qu'ils dirigent eux-mêmes aucun de leurs mouvements; ce qui leur est nécessaire se trouvant toujours à leur portée. Les animaux apathiques embrassent les quatre premières classes du règne animal (2), savoir : 1° Les infusoires ; 2° Les polypss; 3° Les radiaires ; 4° Les vers. (Les épizoaires. ) Exposons successivement les caractères de chacune de ces classes, ainsi que ceux des animaux qui s’y rapportent, [ * Presque tous les naturalistes s'accordent à rassembler dans une grande division du règne animal, les animaux en (1) Voyez la note de la page 330. E. (2) C’est probablement par une erreur d'impression que le nombre de ces classes n’est porté qu’à quatre; en effet, l’auteur divise les animaux apathiques en cinq classes, sa- voir : 1° les infusoires ; 2° les polypes ; LL jes radiaires ; 4° les tuniciers , et 5° les vers. v 336 __ ANIMAUX APATHIQUES. les plus simples et dont la forme est ordfairettén PES moins rayonnée; mais ils sont loin d’être d’accord'sur les limites qu’il convient d’assigner à ce groupe, et cette de vergence d'opinion ne doit pas nous étonner quand nous réfléchissons aux principes divers qui peuvent également servir de guide dans la distribution méthodique des êtres. En effet, on peut suivre dans cette classification, deux marches très différentes qui chacune ont eurs avan- tages et leurs inconvénients : on peut, en prenant pour règle le principe de la subordination des caractères , si bien développé par un de nos plus grands naturalistes, éta- blir les divisions successives de la hiérarchie méthodolo- gique, d’abord sur les modifications que présentent les grands appareils de l’économie, puis sur les différences qui se montrent entre des parties dont le rôle est ordinai- rement d’une importance plus minime; ou bien on peut chercher à ranger ces êtres en autant de groupes princi- paux qu’il y a de séries bien reconnaissables formées par la dégradation ou la simplification de plus en plus grande de chaque type d’organisation. Or, les limites à assigner au groupe des animaux apathiques ou rayonnés ou zoophytes, (peu importe le nom qu’on leur donne), varient suivant que l’on adopte l’une ou l’autre de ces méthodes. En suivant la première que l’on pourrait appeler une méthode naturelle physiologique , il faudra réunir dans la même grande divi- sion , tous les animaux qui se ressemblent par un certain degré de simplicité d’organisation, tandis qu’en suivant la seconde méthode qui nous parait être éminemment z00- logique, on ne s'arrêtera pas à ces similitudes dans le de- gré de la division du travail physiologique, et on ratta- chera aux séries plus élevées dans l’échelle des êtres, les différents animaux inférieurs qui semblent être les pre- mières ébauches, ou si l’on aime mieux, les dégradations de chacun de ces types d'organisation, et qui rappellent par leur conformation, les états transitoires par lesquels les premiers passent HU que d’arriver à l’état adulte. Dans le premier cas, on laissera dans ce sous-règne, Jes vers intestinaux et les planaires qui se lient d’une ma- nière si intime aux annelides, ‘les lernées, qu'aucune li- INFUSOIRES, 337 mite bien tranchée ne sépare des crustacés et certains po- lypes qui ont les His TE les plus intimes avec les ascidies, ; Any lesquels, par l’ensembie de leur organisation, se rappro- chent des mollusques; daris le second cas au contraire, on réduira ce groupe aux animaux très simples, et en général rayonnés, qui semblent conduire vers les acalèphes et les échynodermes. | = ? 127 Quoi qu’on fasse, on ne peut, dans l’état actuel de la science, adopter sans modifications les divisions établies ici parmi les animaux apathiques de Lamarck. La classe des polvpes renferme, comme nous le verrons bientôt, des La Ld à » Fr [1 « éléments très hétérogènes, et il en est de même de celles des radiaires et des vers. | E. CLASSE PREMIÈRE. LES INFUSOIRES. (Infasoria.) (1) Animaux microscopiques, gélatinenx, transpa- rents, polymorphes, contractiles. Point de bouche distincte; aucun organe inté- (1) La division des infusoires, telle que Muller l'avait établie, était évidemment composée d'éléments trop hété- rogènes pour pouvoir prendre place dans une classification naturelle; aussi, est-ce avec raison que Lamarck en proposa Ja réforme, etque cezoologistedistribua dans des classes dif- férentes, lesanimalcules dont l’organisation lui paraissait la plus simple, et ceux dont la structure est la plus compli- quée; mais l’état peu avancé de cette partie de la science ne Jui permit pas d'établir sa méthode sur des bases solides, et presque tous les caractères qu’il assigna à ses infusoires ne TOME 1. | 22 338. ANIMAUX APATHIQUES. rieur constant, déterminable; génération fissipare, subgemmipare. Animalcula microscopica, gelatinosa, hialina, po- lymorpha, contractilia. Os distinctum nullum. Organa Specialia interna determinabiliaque nulla. Generatio fissipara, sub- gemmipara. Osservarions.Jenerapporte à cette classe d’animauxque leur sont plus applicables. En effet, les observations ré- centes de M. Ehrenberg , nous ont appris que ces animal- cules ne sont pas dépourvus d’organes intérieurs constants et déterminables, et qu’ils ont une ouverture distincte qui, d’après ses fonctions, doit être considérée comme une bouche ; il est aussi à nôtér, que la plüpañt de ces êtres sont loin d’être polymorphes , et leur petitesse, comme Lamarck le dit lui-même, n’est pas un caractère qui puisse les faire distinguer. En se fondant sur une connaissance plus exacte des choses, M. Ehrenberg divise les infusoires de Muller, en fn classes, savoir : ° Les polygastriques. Animalcules pourvus d’un certain nombre de vé- ‘sicüles cœcales tériant lieu d’estomacs, isôlés ou réunis par un tube intestinal : fissipares. 2e Les rotateurs. Animalcules pourvus d’un intestin simplé ét ana- logue à celui des animaux articulés , ne se re- produisant point par scission , mais par des œufs, et portant des organes for teutr $. La classe des polygastriques correspond à peu-près à celle des infusoires de Lamarck , et se distingue parfaitement de celle de rotateurs ; mais elle nous paraît moins nettement séparée d’un grand nombre de polypes qui établissent le passage des vorticelles jusqu’au flustres. | INFUSOIRES. 339 ceux des infusoires de Huler qui n’ont point de bouche, et qui conséquemment sont dépourvus de sac alimentaire , c’est-à-dire , de cet organe digestif qui s’ouvre nécessaire- ment au dehors par une bouche au moins. Ainsi, c’est avec cette coupe circonscrite par le défaut de bouche dans les animaux qui en sont le sujet, que je forme la première classe du règne animal. Eile comprend les ani- maux les plus petits, les plus imparfaits, les plus simples en organisation , en un mot, ceux qui possèdent le moins de facultés. | Ces animaux n’ayant point de bouche, point de sac ali- mentaire, n’ont point de digestion à exécuter, et ne se nourrissent que par les absorptions de leurs pores exté- tieurs ; et par imbibition interne (1). Ainsi, leur organi- } (1) Jusqu’ en ces derniers temps, tous les naturalistes s’accordaient à regarder les animalcules dont il est ici .ques- tion, comme étant formés d’une espèce de gelée vivante et dépourvue de tout organe intérieur; mais ainsi que nous l’avons déjà dit, les beaux travaux de M. Ehrenberg ont entièrement ÉTTR les idées à cet égard. En mettant en suspension dans l’eau où vivaient des infusoires , de l’in- digo parfaitement pur , du carmin et autres substances co- lorantes insolubles, cet habile observateur a vu ces petits êtres se colorer de la même manière, mais non pas unifor- mément, ainsi que cela ce serait fait par une imbibition gé; nérale dont toutes les parties de leur corps auraient été le siége ; la matière colorante était toujours circonscrite dans dés points déterminés du corps, et renfermée dans de pe. tites cavités, qui d’après leurs fonctions doivent nécessai- rement être regardées comme des estomacs: Par ce procédé si simple ; il a pu constater aussi l’existence d’une bouche ordinairement garnie de cils, et dans bien des cas, d’un anus distinct. Éa disposition de cet appareil digestif varie chez les dif- férentsinfusoires : tantôt iln’existepoint d’intestin: toutes les vesicules stomacales naissent isolément d’une bouche commune, et il n’y a point d'anus ; tantôt les vésicules 22* 340 ANIMAUX APATHIQUES, sation , qui est la plus simple de toutes celles qu'offre le règne animal, présente par son caractère un degré particu- CS stomacales sont groupées autour d’un intestin distinct > qui lui-même est circulaire, de façon à naître et à se terminer au même point par une ouverture extérieure, qui est en même temps la bouche et l’anus; d’autres fois l'intestin avec lequel communiquent: toutes les vésicules stoma- cales, parcourt en ligne droite toute la longueur du corps de l’animal, et se termine par une bouche et un anus dis- tincts situés aux deux extrémités du corps; enfin , d’autres fois l'intestin, au lieu d’occuper ainsi l’axe du corps, se porte en serpentant de l’extrémité antérieure à l’extrémité postérieure du corps, et présente, du reste, la même dispo- sition que dans le type précédent. M. Ehrenberg, désigne ces modifications par les noms suivants : dont l’étymologie indique assez la signification. 1° Anentera. Cyclocæla. 2° Enterodela Ortocæla. Campylocæla. Le nombre des vésicules stomacales logées dans l’inté- rieur du corps de ces petits êtres est souvent immense; dans quelques espèces, M. Ehrenberg en a compté deux ‘ cents : lorsqu’elles sont vides elles sont imperceptibles à cause de leur transparence , et lorsqu'elles sont remplies d’eau on peut facilement les prendre pour des œufs, erreur qui paraît avoir été commise par quelques zoolopgistes; enfin lorsqu'elles sorit remplies d'aliments solides, elles affectent une forme sphérique et paraissent toujours isolées, car l'intestin qui les réunit se rétrécit et devient transparent aussitôt qu’il cesse de contenir des matières opaques. Ces petites cavités sont très extensibles, et lorsque l’animalcule est vorace, elles se remplisent souvent d’autres infusoires assez gros à proportion; quand l’une d’elles se remplit beaucoup , elle se distend tellement qu’elle empêche les aliments de pénétrer dans les autres; aussi , le nombre de INFUSOIRES, 341 lier qui les distingue éminemment de tous les autres ani- maux. Je me suis assuré qu’il en existe de semblables, car j’en AS ces estomacs semble-t-il augmenter à mesure qu’ils se remplissent plus également et qu’ils paraissent plus petits : Ja position de l’anus se décèle par les déjections. Il paraît que les taches qu’on a souvent observées chez di- vers infusoires, et qu’on a considérées comme caractéris- tiques d’espèces distinctes, ne sont souvent que des diffé- rences dépeudantes de l’état de réplétion de ces vésicules et de la nature des aliments contenus dans leur intérieur. Outre l’appareil nutritif, il existe dans l’intéricur du corps chez quelques infusoires polygastriques', une masse cellulaire que l’animalcule rejette par l'anus, et que M. Ehrenberg considère comme un ovaire. Sous le rapport de leur organisation extérieure , les infu- soires polygastriques présentent de grandes État les uns sont nus, les autres sont pourvus d’une enveloppe protectrice que l’on a appelée cuirasse (lorica), et qui af- fecte la forme d’un écusson (enveloppe ronde ou ovale, lisse sur ses bords et ne recouvrant que le dos de lanimal comme le ferait un bouclier), d’une coque (enveloppe membraneuse ou gélatineuse en forme de cloche ou de cylindre, quelquefois conique, fermée à son extrémité in- férieure ou postérieure, ouverte du côté opposé, et dans l’intérieur de laquelle l’animal peut se retirer compléte- ment); d’un manteau, (tunique gélatineuse qui paraît être la couche externe de la masse du corps, laquelle, à un cer- tain âge, se transforme en quelque sorte en jeunes, qui res- tent d’abord renfermés dans cette enveloppe, mais à la fin s’en échappent par suite de sa rupture); ou d’une cui- rasse bivalve qui devient distincte lorsqu’on divise trans- versalement l’animalcule. Ces petits êtres présentent rarement une tête distincte, et la portion céphalique de leur corps ne se détermine ordi- nairement que par la position d’autres organes; quelque- fois il existe une espèce de queue formée par un simple 342 ANIMAUX APATHIQUES. ai observé moi-même plusieurs ; et quand même il n’en existerait qu’un petit nombre, j'en eusse fait une classe à part, d’après la considération du caractère éminent qui les be Cette classe néanmoins embrasse évidem- ment Ja plus grande partie des infusoires de Muller; elle doit être nécessairement la première, puisqu'elle nous présente l’organisation animale dans son premier degré. L'organisation des infusoires, et tout ce qui concerne leur manière d’être , de vivre, de se mouvoir, de se régé- nérer , etc., sont des objets plus importants à considérer que les distinctions qu’on a pu établir parmi eux. En effet, sans cette curiosité philosophique, sans le prolongement du ventre. La bouche est souvent bilobée, et il existe chez ces animalcules des appendices extérieurs tres variés. M. Ehrenberg les distingue par les noms de prolongements variables, de soies, de cils, de crochets, de styles, etc. Les prolongements variables (processus variabiles) sont des espèces de sacs herniaires formés par le relâchement d’une partie de l’enveloppe tégumentaire, tandis que le reste se contracte avec force ; leur apparition détermireces changements de formes si variées qui ont fait comparer quelques infusoires à des êtres protéens. Les soies (setæ) sont des appendices droits et raides qui n’exécutent aucun mouvement bien apparent. Les cils (cilia) sont de pe- tits appendices filiformes qui décrivent des mouvements rotatoires et qui sont quelquefois placés autour de la bou- che seulement, d’autres fois distribués par séries sur toute la surface du corps. Les crochets (uncini) sont des appendices courts, tantôt raides, tantôt flexibles, qui ressemblent à des soies de cochon, qui ne servent pas à produire des mouvements de rotation, mais à la préhension et à l’ac- tion de grimper ; quelquefois, on en voit à la lèvre änfé- rieure ; d’autres fois à la face ventrale du corps où ilstien- nent lieu de pieds; enfin les styles ( sy 4) sont des espèces de soies épaisses , droites et très mobiles, mais incapables d'exécuter des mouvements de rotation. E. INFUSOIRES. 343 besoin même que nous avons de connaître la nature dans tout ce qu’elle produit, dans tout ce qu’elle exécute, en uu mot, sans l’importance pour nous de savoir jusqu’à quel point la vie animale peut être réduite et exister en- core, sans doute l’étude des infusoires nous présenterait bien peu d'intérêt, et ce serait fort mal débuter dans l’ex- position du règne animal , que de pires de pareils objets en tête de ce regne. | Mais plusieurs considérations importantes se réunissent pour que nous donnions la plus grande attention au fait de l’existence de ces étonnants animaux, ainsi qu’a celui de l’état singulier de leur organisation et de leur manière d'exister. Ces êtres, dont l’animalité paraît à peine croyable, et que l’on peut en quelque sorte regarder comme des ébau- ches de la nature animale, sont d’une petitesse extraordi- naire. Leur corps n’a presque point de consistance, et paraît pour ainsi dire sans parties. Ce sont cependant des animaux nombreux en individus et en races diverses, qui peuplent toutes les eaux, et qui se retrouvent les mêmes dans tous les pays du monde, mais seulement dans les circonstances qui leur permettent d'exister; ce sont des animaux qui la plupart disparaissent dans les abaissements de température, qui reparaissent et se multiplient rapi- dement dans ses élévations; enfin, ce sont des animaux dont l'existence et l’état renversent toutes les idées que nous nous étions formées de la nature animale. Parmi les merveilles sans nombre que la nature offre de toutes parts à nos observations, celle peut-être qui est la plus étonnante, c’est de voir la vie animale pouvoir exis- ter dans des corps aussi frêles et aussi simples que ceux qui constituent les animaux de cette classe, et sur-tout de son premier ordre. En effet , les infusoires , considérés dans ceux dont j’as- sigre le caractère classique, nous présentent l’organisation animale dépourvue de tout organe particulier intérieur, constant et déterminable, réduite à n’offrir qu’une masse de tissu cellulaire variée , extrêmement petite, frêle, pres- 344 ANIMAUX APATHIQUES. que sans consistance, et cependant vivante et très irri- ‘table. Ainsi, non-seulemeut ces singuliers animaux n’ont point de tête, point d’yeux (1), point de muscles, point de vaisseaux, point de nerfs; mais il n’out même aucun ‘organe particulier déterminable, soit pour la respiration, soit pour la génération, soit, enfin, pour la digestion. Aussi, ce ne sont que des corpuscules extraordinairement petits, nus, gélatineux ; ce ne sont que des pointsvivants. Cependant, retrouver la vie animale dans des corps aussi frêles’et aussi simples que ceux dont il est question, est une considération tellement étonnante, que d’après les idées que l’on s’était formées de la vie, considérée dans les animaux les plus parfaits, plusieurs personnes n’ont pas osé croire à la réalité de ce fait, et qu’il y en a même qui l’ont inconsidérément nié. On a effectivement beaucoup écrit pour contester l’ani- malité de ces corpuscules mouvants; mais on est mainte- nant forcé de céder à la raison qui s’appuie sur des faits décisifs. Or, ces faits attestent non-seulement que les cor- puscules dont il s’agit sont des corps vivants, puisqu'ils en ont les qualités essentielles, et qu’en effet ils se régé. nérent et se multiplient eux-mêmes ; mais en outre que ce sont de véritables animaux, puisqu'ils sont irritables, qu’ils se meuvent, et qu’ils exécutent des mouvements subits qu’ils peuvent répéter de suite plusieurs fois. D'ailleurs, comment reconnaître, comme on le fait, l’animalité des polypes, sans admettre celle des vorticelles ? (4) M. Ehrenberg, considère comme étant des yeux, les points colorés que l’on remarque chez plusieurs infu- soires, notamment dans le genre microglena (Ehr.) de la famille des monadines, dans le genre lagenula (Ehr.) de la famille des cryptomonadines, dans les genres euglena (Ehr.) a«mblyophis (Ehr.) et distigma (Ehr.), de la famille des astasiens, dans le genre eudorina (Ehr.), de la famille des péridiniens, et le genre ophryoglena (Ehr.), dela famille des kolpodiées. dE, INFUSOIRES. 345 comment conveuir de la nature animale des vorticelles , et refuser la même nature aux wrcéolaires ? et si l’on recon- ‘ naît les urcéolaires pour des animaux, comment contester la nature animale des trichocerques, des cercaires, des trichodes et ensuite de tous les autres infusoires? Les rapports les plus grands lient évidemment tous ces ani- maup les uns aux autres par une gradation nuancée depuis les plus simples et les plus imparfaits d’entre eux, tels que les monades, jusqu’aux polypes les mieux connus. Ne pouvant plus nier la nature animale des znfusoires, on a essayé de contester la simplicité de leur organisation ; tant on tient à conserver les idées qu’on s’est inconsidéré- -ment formées de la vie, en supposant qu’elle ne peut exister dans un corps qu’avec la complication de cette multitude d’organes particuliers dont celle des animaux les plus parfaits nous offre des exemples. Mais, au lieu de supposer, contre l’évidence, que tous les organes que l’on trouve dans les animaux les plus par- faits, et dont on n’aperçoit plus le moindre vestige dans les plus imparfaits, existent néanmoins dans tous, c’est- a-dire , dans les uns et les autres ; .il est bien plus simple et plus conforme à la raison de reconnaître que non-seule- ment la nature n’a pu établir ces organes spéciaux dans des corps gélatineux aussi frêles que les infusoires, mais même qu’elle n’a pas eu besoin de le faire. Effectivement , la moindre réflexion suffit pour nous faire sentir que dans des animaux aussi imparfaits, la nature n’a pu avoir en vue que d’y instituer seulement la vie, et que toute autre faculté que celles qui en résul- tent généralement, leur serait fort inutile. Il serait en effet trés-inutile à une monade, à une volvoce, à un protce, eic., d’avoir des organes qui lui servissent à changer de lieu, et d’autres qui soient propres à lui faire discerner les objets; n’ayant d’autre action à exé- cuter pour conserver sa vie, que seb d’absorber par ses pores les matières que l’eau qui l’eñvironne lui présente sans cesse partout, et que celle de faire des mouvements qui facilitent cette absorption. Aussi peut-on assurer que partout où une fonction organique n’est pas nécessaire, 346 ANIMAUX APATHIQUES. l'organe particulier qui peut l’exécuter n'existe point. (Philos. zool., vol. 1, p. 203 et suiv. ) Si les infusoires sont de tous les animaux ceux qui ont le moins de facultés, ce sont aussi ceux qui ontle moins de besoins. Ils n’ont pas une seule faculté particulière ; ils n’ont pas non plus un seul besoin particulier. Vivre pendant un temps limité, et reproduire d’autres individus semblables à eux ; là se borne tout ce qui leur est propre, les mouvements de on leur voit exécuter étant le produit de causes hors d’eux. Ces animaux n’ont donc aucun be- soin des organes particuliers que l’on observe dans Îles autres. Il est évident que si l’on veut savoir en quoi consiste la vie animale la plus réduite, c’est uniquement en considé- rant les infusoires, et sur-tout ceux du premier ordre, qu’on y pourra parvenir; c’est en étudiant sans préven- tion tout ce qui concerne des animaux aussi imparfaits et aussi simples en organisation que ceux dont il sapit, qu’on pourra se former une idée juste de ce qu’exige la vie animale dans ces petits corps, et des facultés qu’elle peut leur donner. , On verra que les facultés des infusoires les plus simples se réduisent à celles qui sont communes à tous les corps vivants, et en outre à celle qui résulte de leur nature ani- male, à l’irritabilité; mais on verra en même temps que, comme aucune de ces facultés n’exige d’organe particulier pour sa production, il n’y en a effectivement aucun. À la vérité, dans un assez grand nombre d’infusoires, sur-tout dans ceux du deuxième ordre, on aperçoit des parties intérieures locales qui paraissent dissemblables, quelquefois même mouvantes, Mais ces parties, dont on peut dire tout ce qu’on veut, ne peuvent être que des modifications plus ou moins grandes du tissu intérieur de ces corps, que des voies qui préparent la multiplication des individus, que,des gemmes reproducteurs dans diffé- rents états de développement. Ces animaux ne possédant pas encore le premier organe particulier que la nature ait créé dans l’organisation ani- male, celui de la digestion, ne sauraient avoir sans doute INFUSOIRES. 347 aucun de ceux qu’elle a établis postérieurement à celui-ci. Ces frêles êtres étant les seuls qui n’aient point de di- gestion à exécuter pour se nourrir, ressemblent en cela aux végétaux qui ne vivent que par des absorptions ,; et dont les mouvements vitaux ne s’opérent aussi que par des excitations de l’extérieur. Mais les infusoires sont irrita- bles et contractiles ; or ces caractères indiquent leur na- ture animale, et les distinguent essentiellement des vé- gétaux. Quelque simple que soit l’organisation des éinfusoires , on distingue déjà parmi eux quelques degrés de moins grande simplicité , selon les ordres et les genres. En effet, le propre de la durée de la vie dans un corps animal état de le fortifier graduellement, d'augmenter peu à peu la consistance de ses parties, et de tendre à en composer l’organisation; bientôt ce corps se fortifiera et s’animalisera davantage; son organisation deviendra moins simple; et, après s'être multiplié et reproduit bien des fois, il offrira dans sa consistance, sa taille, sa forme particulière et ses parties, des différences de plus en pius grandes et assujetties aux circonstances variées qui auront agi sur lui. Tel est éffectirement ce qu’'attestent, de la manière la plus évidente, l’observation des infu- soires et leur connexion nuancée avec les polypes. Ces petits corps gélatineux, qui nagent ou se meuvent dans les eaux qui les contiennent , et où ils ne paraissent que des points mouvants , ne possèdent assurément point en eux-mêmes la puissance qui les anime et les fait mou- voir. Cette puissance, qui provient des milieux environ- nants, leur est étrangère; mais ils offrent en eux l’ordre de choses qui permet à cette même puissance d’exciter dans ces animalcules les diverses sortes de mouvements qu’on leur observe (1). Si cette source où les mouvements vitaux puisent la force qui les fait s’exécuter , est incontestable à l’égard des (1) Introduction , p. 43. (Fluides subtils.) (Note de Lamarck.) 348 ANIMAUX APATHIQUES. végétaux, elle l’est assurément aussi relativement aux animaux imparfaits qui composent les premières classes du règne animal; et, pour un grand nombre de ces animaux, elle l’est en outre des mouvements particuliers de leur corps. Voilà ce dont maintenant il n’est plus rai- sonnablement possible de douter, et ce qui, comme vérité, est à l’abri de tout ce que le temps pourra produire. Outre leur extrême contractilité qui les fait changer de forme d’un instant à l’autre, certains infusoires exécutent dans l’eau des mouvements assez lents, tandis que d’autres en offrent de très vifs. Ces mouvements, qui en général sont variés à raison de la forme de ces corps, sont tantôt de rotation sur eux-mêmes, comme lorsque ces petits corps sont sphériques, tantôt ondulatoires ou oscillatoires, comme lorsque ces corps suntalongés, et tantôt décrivent des lignes concentriques ou spirales, comme lorsque ces ces mêmes corps sont aplatis. | Je le répète : la vivacité de ces mouvements ne saurait provenir d’une force organique capable d’en produire de semblables : on sent assez que dans d’aussi frêles corps uue pareille force ne saurait exister. Cette vivacité des mouvements résulte donc nécessairement de l’extrême petitesse des corps dont il s’agit, ces petits corps cédant aux conflits d’agitation que les fluides subtils environnants leur font éprouver en s’y précipitant et s’en exhalant sans cesse. Or, d’une part , la forme générale de chacun de ces corpuscules animés, contribue à l’espèce de mouvement que les fluides subtils ambiants leur font subir, et de l’autre part, les routes particulières que se sont frayés ces fluides subtils en traversant l’intérieur de ces petits corps, y concourent aussi de leur côté (1). à D (1) Dans l’état actuel de la science, il nous semble im- possible d’admettre que les monuments des infusoires ne sont produits que par des agents extérieurs, et ne sont pas déterminés, comme ceux de tous les autres animaux, par une cause ou force intérieure ; sous ce rapport ils ne diffèrent en rien des polypes, de certains acalèphes, etc., INFUSOIRES, 349 En observant les mouvements qu’exécutent les infu- soires dans les eaux, ces mouvements ont paru s’accélérer ou se ralentir et quelquefoissmême s’interrompre au gré de l'animal: chaque espèce a semblé jouir d’une sorte d’instinct; enfin, l’on s’est imaginé qu’ils évitaient les obstacles et fuyaient ce qui peut leur nuire. Ce sont-là réellement des erreurs de jugement et les suites des préventions auxquelles nous nous sommes li- yrés. Qui ne sait que l’on croit facilement ce que l’on s’est pérsuadé devoir être ! Ces animaux sont le jouet de toutes les impressions qu’ils éprouvent et qui les agitent. Les causes qui les meuvent sont elles-mêmes susceptibles de variations dans leurs influences. Dailleurs, si dans un mouvement de tour- noiement ou d’osciilation , un infusoire semble éviter un corps du voisinage, les émanations continuelles de ce corps (1) suffisent pour repousser l’animalcule dans son mouvement, et pour opérer mécaniquement l’effet ob- servé, sans qu'aucune prévoyance ou qu'aucune détermina- tion de l’animal y ait la moindre part. D’après ce qui vient d’être exposé, on voit que les zn- fusoires sont, parmi les animaux, ce que sont les algues parmi les végétaux; que, de part et d'autre, ce sont les corps vivants les plus imparfaits, ceux qui ont l’organisa- tion la plus simple, et que c’est parmi eux sur-tout que la dans la structure desquels on ne découvre pas de fibres musculaires, mais dont les mouvements sont tout aussi spontanés que ceux d’une huiître, etc. Quant à la théorie physico-physiologique sur laquelle reposent les vues hy- pothétiques de notre auteur, il nous paraît inutile de nous y arrêter. E. (1) Relativement aux fluides subtils qui se meuvent presque sans cesse dans les milieux environnants, la di- versité des corps qui en reçoivent et en transmettent les effleuves, apporte nécessairement des différences dans ces effleuves, dans leur direction, leur abondance, leur in- terruption , etc. (Note de Lamarck.) 350 ANIMAUX APATHIQUES: nature opère, encore de part et d'autre, des Pr directes. On trouve les infusoires dans les eaux douces et sur-tout dans celles qui sont croupissantes ; c’est plus particulière- ment dans:ies infusions des substances végétales ou ani- males qu’on les rencontre ; enfin, on en trouÿe aussi dans les eaux marines. Ces animalcules sembleat n’avoir point de patrie particulière, puisqu'on les retrouve les mêmes dans toutes les parties du monde (1), mais seulement dans les circonstances où ils peuvent se former. Trop près encore de leur origine, ils n’ont pas eu le temps de recevoir @e la différerice des climats, des situa- tions et des habitudes, les modifications qui assujettissent les autres animaux à vivre dans des régions et des localités particulières. y Les infusoires n’ont pas, comme les autres animaux, une forme générale qui soit particulière à ceux de leur classe, et qui puisse servir à les caractériser; ils ne sau- raient l’avoir , parce que la trop faible consistance de leur corps ne le permet pas, et qu'ils sont plus où moins com: plétement assujettis à l’influence des gs environ- nantes. | Aussi, quoique les-différents infusoires nous préséntent toutes sortes de formes, qué souvent même les individus d’une même espèce changent de forme sous nos yeux d’un instant à l’autre, les plus imparfaits de ces animaux étant plus frêles et Se fortement assujetis que les autres aux influences de l’eau qui presse également sur tous les points de leur corps, sont nécessairement SAN LR où d’une forme qui em approche. 159 | Ceux qui en proviennent ensuite; et qui acquièrent Ÿ (284) LEA ETEREL (1} Les recherches récentes de M: Ehrenberg ; sut la dis- t'ibution géographique des infusoires, montrent-qu'iben est autrement. Ainsi, les deux tiers du nombre total des animalcules observés par ce voyageur; en Arabie et en Afrique, ne 5e retrouvent pas en Europe.:( Voyez les Mémoires de l Académie de Berlin pour 1880). E: INFUSOIRES. 351 progressivement plus de consistance dans leurs parties, sont moins soumis aux pressions du milieu dans lequel ils vivent, s’éloignent graduellement de cette forme simple et première à laquelle les plus imparfaits ne peuvent se soustraire, et en obtiennent de particulières qui sont re- latives à l’état où leur organisation est parvenue. Ce n’est réellement que dans les polypes que la nature a réussi à donner aux animaux une forme générale , rela- tive à leur organisation, sur laquelle les pressions envi- ronnantes n’6nt plus ou presque plus d'influence, et qui peut servir à les caractériser. Partout ensuite, la diversité des formes tient à l’état de l’organisation et ad produit des habitudes des animaux en qui on la considère. Une considération qu’il importe de ne pas perdre de vue, c’est que le caractère essentiel des énfusoires ne ré- side nullement dans l’extrême petitesse de ces animaux, mais däns la simplicité de leur organisation. Ce n’est pas dans cette classe seule que l’on observe des animaux extrêmement petits; dans lès quatre classes qui suivent, et principalement dans les crustacés, l’on con naît des animaux d’une petitesse si considérable qu’ils échappent à la vue simple. Or, comme ces animaux sont aquatiques , maoroscspiqhes et la plupart transparents, il.est probable qu’on en rapporte plusieurs à la classe des infusoires , quoiqu’ils appartiennent réellement à d’autres classes, En observant quelques-uns des traits de léur or- gamisation ; on s’en autoriserait alors pour déclarer celle des infusoires plus composée qu’elle ne l’est véritable ment ;. ce qui a déjà été fait, Il suffira de replacer dans leur classe convenable, les animaux que leur extrême petitesse aurait, par erreur; fait ranger parmi les infu- soires. Rien v’est plus digne de notre admiration et n’est plus propre à nous éclairer sur la marche de la nature dans sa production des animaux , que la manière dont les infu- soires se multiplient, c’est-à-dire, que le mode qu’emploie Ja nature pour réproduire des animaux en qui aucun SYS- tème d'organes particulier pour la génération ne peut en- core éxister. 352 ANIMAUX APATHIQUES. Elle atteint son but en employant des divisions grandes ou petites de leur corps, selon que sa forme les exige. Pour ceux dont le corps est sphérique, elle ne peut guère se servir que de petites portions de ce corps qui naissent de l’intérieur, et se font jour par des déchirures ; et pour ceux dont le corps est aplati ou déprimé, elle em- ploie communément des scissions de leur corps, scissions qui s’opèrent sur sa longueur ou sur sa largeur selon les espèces. On voit d’abord paraître sur le corps de l’animalcule, une ligne longitudinale ou transversale ; et quelque temps après, il se forme une échancrure à l’une des extrémités de cette ligne, quelquefois aux deux bouts. L’échancrure s'agrandit insensiblement, et à la fin les deux moitiés se séparent et prennent bientôt la forme même de l’indi- vidu entier. Ces nouveaux individus vivent quelque temps sous leur forme naturelle, et à leur tour se multiplient de même par une scission de leur corps (1). | A cet égard, j'ai fait remarquer, dans ma Philosophie zoologique (vol. 2, p. 120 et 150.), que la multiplication des individus par scissions et celle par gemmules externes ou internes, n’étaient réellement que des modifications d’un même mode; qu’au fond, ce n’est qu’une suite d'extensions et de séparations de parties, lorsque l’ac- croissement a atteint son terme; et qu’enfin, ce mode n’exigeant point d’embryon préalablement formé, et con- séquemment aucun acte de fécondation, n’a besoin pour s’exécuter d’aucun organe spécial. “ C’est ce même mode de multiplication par extension et séparation de parties, qui prouve que, dans son principe, la faculté de reproduction prend réellement sa source dans un excédent de la nutrition qui, au terme du dévelope- ment de l'individu, n’a pu être employé à l'accroissement général; excédent qui sisole alors en un ou plnsieurs (1) Ce mode de reproduction est l’un des caractères les plus importants du groupe naturel formés par les infu- soires inférieurs ou animalcules polygastriques. E. Où C9 INFUSOIRES. ki © corps particuliers, et finit par se sépar crdelindividu (1). On sent que, selon l’organisation très-simple ou compliquée en qui on le considère, cet excédent peut se passer, ou a besoin de certaine préparation pour pouvoir être repro- ductif. La fécondation opère cette préparation dans ceux en qui elle est nécessaire. | Cette considération , et bien d’autres que j'ai indiquées, montrent de quelle importanceil est pour le physiologiste, de ne point se borner, dans ses études, à l'examen de l’organisation de l’homme et des animaux les plus par- faits; et d'observer, en outre, l’organisation des diffé- rents animaux sans vertèbres, et particulièrement celle des plus imparfait de ces animaux. Les érfusoires, quoique la plupart renouvelés sans cesse dans les temps et les lieux favorabies à leur production, sont néanmoins les plus anciens des animaux. Cependant la connaissance de ces animaux est le résultat d’une décou- verte assez moderne, puisqu'elle est du siècle dernier ; et comme l’a dit Bruguière , ce n’est assurément pas la moins piquante. Ces petits animaux exigent des observations microscopi- ques très-délicates, une patience presque sans bornes pour reconnaître les faits qu’ils nous présentent, enfin , un es- prit libre ou dépagé de prévention, afin de ne voir en eux que ce qui y est véritablement. Lorsqu’on manque de loisirs ou de moyens pour les ob- server soi-même, il faut, pour s’en procurer la notion, consulter les ouvrages de Leuwenoheck, qui en fit la dé- (1) Des expériences curieuses de M. Ehrenberg s’accor- dent jusqu’à un certain point avec les opinions de La- marck ; elles montrent combien Ja privation ou l’abon- dance des aliments exerce d’influence sur la reproduction des infusoires. ( Voyez son second mémoire dans les Me- moires de l’Académie de Berlin, pour 1831, et imprimé à part, format in-folio, Berliv, 1833; il.en a été donné une traduction daus les Annales des Sciences naturelles , 2° sé- tie. Zoologie , tome.) : 7 104 DT: Tome 1, 23 354 ANIMAUX APATHIQUES. couverte; d’Othon-Frédérie Muller, qui en observa un très grand nombre, et en décrivit beaucoup de genres et d’espèces; en un mot , ceux de Ledermuller, de Backer, de Roësel, de Schranck, de Spallanzani , etc. , qui en ob- servèrent séparément différentes espèces, Mais O.-F, Mul- ler est celui qui les a le plus étudiées, les a décrits et figurés avec exactitude, et à qui l’on est véritablement redevable de ceite partie de la zoologie tout-à-fait in- connue des anciens. | L'existence des infusoires et l’état réel de leur orga- nisation et de leurs facultés, sont les seuls objets qui puis- sent nous intéresser à leux égard. Aussi ce n’est que phi- losophiquement et que eomme des objets de première importance à considérer dans l’étude de la nature, que nous devons nous en occuper. Il importe donc très neu qu’aux connaissances actuelles sur les animaux de cette classe, l’on ajoute celle de 100 ou de 1000 infusoires uouvellement observés; que l’on augmente, soit la liste des genres, soit celle des espèces. C’est d’après cette considération que je me suis un peu étendu sur ce qui les concerne en général , et sur ce qu’il nous importe de remarquer à leur égard, Mais dans l’ex- position qui va suivre, je ne m’ecuperai que des coupes principales à établir parmi eux, et je me bornerai à la i- tation de quelques espèces pour exemple, d’après Muller. DIVISION DES INFUSOIRES. Les observations failes sur ces animalcules, nous apprennent que les uns sont nus ou à très peu près, c’est-à-dire dépourvus d’organes ou d’appendices exté- rieurs, tandis que les autres offrent des parties sail- lantes au dehors, comme des poils bien apparents, des espèces de cornes, ou de queue. En conséquence, imitant à peu près la distribution of INFUSOIRES. 355 de Bruguière, je partage les infusoires en deux ordres, savoir : 10 En infusoires nus; 20 En infusoires appendiculés. Gette distribution, qui n’est pas toujours exempte d’équivoque ou d’embarras, m'a paru néanmoins d'autant plus utile, qu'il est évident que Îes infusoires nus sont plus imparfaits que les autres ; que c’est sur- tout parmi eux que se trouvent les plus petits, les plus frêles, les plus simples de tous les animaux connus. | | TABLEAU DES INFUSOIRES. ORDRE [I°. INFUSOIRES NUS. Ils sont dépourvus d’appendices extérieurs. T° SECTION. — CORPS ÉPAIS. Monade. Volvoce. Protée. Enchélide. Vibrion. Il" SECTION. — Corps MEMBRANEUX, aplati ou Cconcave. Gone. Gyclide. Paramèce. Kolpode. Burxsaire, 23" C2 Cr CA ANIMAUX APATHIQUES. ORDRE II. INFUSOIRES APPENDICULÉS. Îls ont, à l’extérieur, des parties toujours saillantes, comme des poils, des espèces de cornes, ou une queue. Tricode. s Kéronc. l Point de queue. Gercaire, | Furcocerque. { Unes [ Depuis la publication de l'Histoire des animaux sans vertèbres, MM. Bory-Saint-Vincent et Ehrenberg se sont successivement, occupés de la classification des infusoires , et y ont apporté de grands changements. La méthode du premier de ces naturalistes se trouve exposée dans des ouvrages qui se trouvent entre les mains de la plupart de nos lecteurs (le Dictionnaire classique d'histoire naturelle et l'Encyclopédie métho- dique): nous pouvons, par conséquent, nous dispen- ser d’en parler; mais celle de M. Ehrenberg n'étant encore que très peu connue, et étant aussi ce qu'on a fait de plus récent à ce sujet, nous paraît mériter d’être exposée ici avec quelques détails. Cet habile zoologiste, fondant sa méthode, non sur la forme extérieure de ces êtres, mais sur leur mode d'organisation, établit parmi les animaux inférieurs une classe qui correspond à peu près à celle des infu- soires de Lamarck, et qui porte le nom de PHYTOZOAIRES POLYGASTRIQUES. Les caractères de cette classe sont les suivants : ani- maux sans vertébres, apedes, ayant quelquefois une INFUSOIRES, 397 queue, nageurs, ayant très souvent des ciis vibratiles ou rotateurs épars; point de cœur, des vaisseaux extré- mement ténus, réticulés, hyalins et dépourvus d’un mouvement propre; ayant souvent des yeux rudimen- taires formés par du pigment rouge, et indiquant un système nerveux non apparent; ayant une bouche nue eu couronnée de cils vibratiles,et communiquant avec plusieurs ventricules non réunis par un intestin (chez les anentherés), ou bien se continuant avec un tube alimeniaire polygastrique (chez les entérodélés) ; le pharyux apparent et en général sans armature; point de branchies; les organes de la génération filiformes, réticulés et granuleux; point d’organe mâle distinct; enfin , se reproduisant par des divisions spontanées. Les polygastriques se subdivisent en deux légions, savoir : | I. Les ANENTHÉRES (Anenthera) ayant la bouche en communication ayec plusieurs ventricules, et n'ayant ni anus ni tube intestinal. IT. Les ENTÉRODÉLES (Entherodela) ayant un tube intestinal distinct, pol ygastrique, et terminé par une, bouche et par ur anus. Chacun de ces groupes £e divise en deux séries pa- rallèles formées, l’une par les polygastriques dont le corps n'est point cuirassé, l’autre par ceux dont le corps est cuirassé. Ire LÉGION. — ANENTHÉRÉS (Anenthera). Les ANENTHÉRÉS nus et cuirassés se subdivisent en trois sections, saVoir : 1. Les GYMNIQUES ( Gymnica) ayant le corps 356 ANIMAUX APATHIQUES. dépourvu de cils, la bouche tantôt ciliée, tantôt. nue et point de prolongements pseudo-pédi- formes. 2. Les ÉPITRIQUES ( Epitrica ), ayant le corps cilié ou garni de soies, la bouche tantôt ciliée, tantôt nue, et point de prolongements pseudo- pédiformes. 3. Les PSEUDOPODIENS Pdinaie ), ayant le corps pourvu de PrOÉOneEtA pédiformes variables. La distribution de ces animalcules en familles et en genres , repose sur les caractères suivants : ORDRE DES GYMNIQUES (Gymnica). 1. GYMNIQUES NUS (Gymnica nuda). Fe FAMILLE. Monapines (Monadina). G. Monomorphes (dont le corps a une forme stable el n’est pas protéen) et dont la reproduction a lieu spontanément par une division transversale simple. À. Point de queue. a. Point d’yeux. : a* Bouche tronquée terminale et FRA en avant lors des mouvements natatoires. a* + individus solitaires, jamais réunis en groupes. G. Monas. a* + + Individus solitaires dans le jeune âge, puis amoncelés en tas désagréa- bles, enfin redevenant libres. G. Uvella INFUSOIRES. 359 a*+++Individus solitaires dans le jeune âge, se divisant crucialement et se résolvant en une espèce d’amas d’in- dividus. _ G. Polytoma. a** Bouche droite , tronquée et dirigée en. divers sens lors des mouvements de nata- tion et de tournoiement de l’animal. G. Doxococcus. æ*** Bouche oblique, sans bords et bi- lobée. G: Chilomonas. _ aa. Un œil unique rouge. G. Microglenu. B. Une queue. Bb. Corps cylindrique. G. Bodo. bb. Corps anguléux. ; G. Urocentrum. 2° FAMILLE. ViBRIONIENS (Ÿ/tbrionta). G. Aïongés, monomorphes (ne se gonflant pas, mais se fléchissant seulement par la contraction ), se divi- sant transversalement et spontanément en beaucoup de parties; bouche terminale? À. Corps filiforme , cylindrique, se coutbant par ondes. G. Vibrio. B. Corps filiforme, rigide et en spirale; se roulant en se mouvyant. b. La spirale roulée en cercle. G. Spirodiscus. bb. La spire en hélice. G, Spirillum. 94 500 . ANIMAUX APATHIQUES. GC Coups oblong, fusiforme ou filiforme , n’étant ni édciemert ondulé, ni roulé en cercle, ni en spirale. | G. PBacterium. 3° FAMILLE. ASASADE (FERR G. ‘Alongés, fan phymorphes par la contrac- tion , souvent HE iques ou fusiformes , se divisant spontanément dans le sens longitudinal , ou oblique- ment. À A. Point de vestiges d’yeux. G. ÆAstasia. B. Des yeux rudimentaires bien distincts. b. Un seul œil. b* Corps pourvu d’une queue. G. Euglena. b** Corps dépourvu de queue. G. Amblyophis. bb. Deux yeux. G. Distigma. 2. GYMNIQUES CUIRASSÉS (Gymnica loricata). rE FAMILLE. CRYPTOMONADINES (Cryrtomonadina). Enveloppe membraneuse, subglobuleuse et ovale. À. Simples. a. Point d'yeux. a* Bouche ciliée. G. Cryptomonas. a** Bouche nue. G. Gyges. aa. Ayant un œil rouge. G. Lagenula. INFUSOIRES. 361 B. Composés ou se reproduisant par des divisions inlernes. G. Pandorina. 2° FAMILLE. CLOSTERINES (Closterina). Enveloppe alongée et arrondie lorsqu'elle est à l’état rigide, se séparant spontanément en deux ou quatre parties par des divisions transversales et ouverte aux deux bouts. G. Closterium. S II. ORDRE DES ÉPITRIQUES (Epitricha). ÉPITRIQUES NUS (Epitricha nuda). FAMILLE rt Cyezinines (Cyclidina). A. oups garni de cils vibratiles. a. Les cils distribués par rangées simples, lon- gitudinales et circulaires. " G. Cyclidium. aa. Cils épars partout. G. Pantotrichum. B. Corps dépourvu de cils, mais garnis de soies non vibratiles (les cils de la bouche non cor- pris. ) G. Chœtomonas. ÉPITRIQUES CUIRASSÉS (Epitricha loricata.) FAMILLE UNIQUE. PEÉRIDINIENS (Peridinæa). À. Simples. G. Peridinium. B. Composés, se reproduisant par des divisions extérieures et la rupture de l'enveloppe 362 ANIMAUX APATHIQUES. b. Point d’yeux. b* ou nr comprimée (quadranigulaire). G. Gonium. b** Enveloppe globuleuse. D'* + Ciliés. ls G. Volvox. D** ++ Tentaculés. 4 à G. Sphærosira. bb. Oculés. G. Eudorina. $ IT. ORDRE DES PSEUDOPODIENS (Pseudopodia). PSEUDOPODIENS NUS (Pseudopodia nuda). FAMILLE UNIQUE. AMOEPIENS (/mœbæa). G, Amæba. PSEUDOPODIENS CUIRASSÉS (Pseudopodia loricata). 17° FAMILLE. BACILLARIENS ( Bacillaria). Enveloppe se divisant spontanément avec l’animal (bivalve, bi-ailée ou quadrangulaire). A. Libres, jamais fixés. a. Solitaires ou bien agglomérés. a* Enveloppe plus longue que large. G. Navicula. a* Enveloppe plus large que longue. G. Enastrum. aa. Réunis en formes de rubans polymorphes; les individus conservant quelques mouve- ments libres, sans se détacher; cuirasse éga- lement épaisse ge tout et prismatique. G, Bacillarta. INFUSOIRES,. 363 aaa, Réunis en faisceaux et non polymorphes, ensuite désunis. G. F'ragilaria. aaaa. Réunis en éventail, sans pieds; cuirasse plus épaisse en avant qu'en arrière. G. Exilaria. B. Fixes dans le jeune âge, ensuite libres. b. Sessiles. G. Synedra. bb. Pédiculés, souvent dichotomes , par ramifi- cation; corps rétréci inférieurement, cunéi- forme. | G. Gomphonema. bbb. Pédiculés, souvent dichotomes, corps ré- tréci à ses deux extrémités, subfusiforme. G. Cocconema. bbbb. Pédiculés , réunis en éventail , et souvent dich otomes. G.. Echinella. 2° FAMILLE. ARCELLINIENS (Arcillina). Enveloppe non divisée. _ À. Enveloppe urcéolie. G. Difjlugia. B. Enveloppe scutelliforme. | G. Arcella. Ile LEGION. — ENTERODÉLÉS (Enierodela). Ce groupe, composé, comme nous l'avons déjà dit, des polygastriques, ayant un intestin commun, et une bouche distincte de l’anus, se divise, de même que le précédent, en deux ordres, les nus et les cuirassés , 364 ANIMAUX APATHIQUES. qui, à leur tour, se subdivisent en quatre sections, savolr : g 10 Les ANOPISTHES ( Anopisihia), qui ont la bouche et l’anus contigus ; 20 Les ENANTIOTRÈTES ( Enantiotreta), qui ont la bouche et l’anus terminaux et opposés, et se divisent transversalement. 30 Les ALLOTRÈTES(Allotreta), qui ont également “la bouche ou l'anus terminaux, mais se re- produisent par des divisions spontanées lon- gitudinales et transverses. 4° Les KATOTRÈTES (Katôtreta), qui n'ont ni la bouche ni l’anus terminaux, et se divisent comme dans le groupe précédent. Voici le tableau de leur distribution en fanulles et en genres. ORDRE DES ANOPISTHES NUS (Anopistha nuda). FAMILLE UNIQUE. VoRTICELLINES (V’orticellina). A. Corps pédicellé, fixé, ensuite détaché, deve- nant souvent dichotome. a. Pédicule se contractant en spirale, simple ou rameux. | a* Pédicule solide, le muscle intérieur peu distinct. G. Vorticella. a'* Tubulaire, le muscle intérieur souvent distinct, devenant arborescent par les di- visions spontanées de l’animal. a** Animalcules d’un même groupe si- milaires. G. Carchesium. INFUSOIRES. 365 a*** Les animalcules dissemblables sur le même arbuscule. G, Zoocladium. aa. Pédicule ne se contractant pas en spirale, rigide, sans iuyau intérieur, simple ou ra- meux. G. Epistylis. B. Corps non pédiculé et libre, : b. Cils ae en une couronne simple. G. Trichodina. bb. Cils disposés en une couronne spirale con- duisant à la bouche. G. Stentor. ORDRE DES ANOPISTHES CUIRASSÉS (Anopisthia loricata),. FAMILLE UNIQUE. OPHRYDINES (Ophrydina). A. Corps entouré de gélatine et point pédicellé. G. Ophrydium. B. Corps renfermé dans une gaîne membraneuse. b. Pédicellés, D* Gaine sessile ; corps pédicellé, G. Tintinnus. _b** Gaîne pédicellée. G. Cothurnia. bb. Non pédicellée, | G. Vaginicola. 366 ANIMAUX APATHIQUES. ORDRE DES ENANTIOTRÈTES NUS GAS nuda). FAMILLE UNIQUE. ÉNCRELINES (Enchelina). À. Bouche terminale droite, obtuse, généralement garnie de cils; divisions spontanées transver- sales. a. Corps ni cilié ni garni de soies.. a* Simples. G. Enchelys. a** Doubles. G. Disoma. aa. Corps pourvu de cils vibratiles. G. Holophrya. aaa. Corps garni de soies non vibratiles. aaa* Subglobuleux. G. Actinophrys. aaa** Disciforme. G. Trichodiscus. B. Bouche terminale , mais oblique , souvent ciliée. | R b. Corps non cilié. b* Point de prolongement en forme de tête et de cou (l'extrémité antérieure peu ou point atténuée ). G. Trichoda. b** Un prolongement en forme de tête et de cou. | G. Lacrymaria. bb. Corps cilié. G. Leucophrys. INFUSOIRES. 307 ORDRE DES ENANTIOTRÈTES CUIRASSÉS (Ænan- triotreta loricata). FAMILLE UNIQUE. COLÉPIENS (Colepina). ” Enveloppe ovalaire ou cylindrique. G. Coleps. ORDRE DES ALLOTRÈTES NUS (4/lotreta nuda). 1 FAMILLE. ÎRACHELINES (Zrachelina). Bouche inférieure ; anus terminal. A. Bouche non armée. a. Point de cercle de cils distinct sur le front. a* Lèvre supérieure ou frontalongé, cylindri- que ou déprimé, et se prolongeant en forme de trompe étroite. G. Trachelius. a** Lièvre supérieure courte , déprimée et di- latée obliquement. G. Loxodes. a*** Lèvre supérieure comprimée, subea- rénée ou renflée , point rétrécie. È - G. Bursaria. aa. Front garni d’un anneau de cils. G, Phialina. B. Bouche garnie de crochets. G. Glaucoma. 2° FAMILLE. OPHRYOCERCINES (Ophryocercina). Anus inférieur, bouche terminale. G, Ophryocercus. 368 ANIMAUX APATHIQUES. ORDRE DES ALLOTRÈTES CUIRASSÉS (Allotreta loricata). FAMILLE UNIQUE. ASpiDISCINES (Aspidiscina). Ê r e. Boucke inférieure, anus terminal. G. Aspidisca. ORDRE DES KATOTRÈTES NUS (Katotreta nuda). 1" FAMILLE. Kozpopiens (Ko/podea). Corps glabre ou bien cilié, inerme. À. Sans yeux. a. Une trompe courte et rétractile. a* Corps cilié en partie seulement. G. Kolpoda. a&** Corps cilié obliquement partout. G. Paramicium. aa. Point de trompe. aa* Front et queue rétrécis. | G. Amphileptus. aa** Front oblong, queue rétrécie. G. Uroleptus. B. Pourvus d’yeux. G. Ophryoglena. 2° FAMILLE. OxYTRICHINES (Oxytrichina). Corps cilié et soyeux, ou armé de styles ou de cro- chets. A. Corps garni de soies; point de siyles on de crochets. G. Oxytricha. B, Des crochets, point de styles, G. Kerona. INFUSOIRES NUS. 369 G. Des styles, point de crochets, G. Urostyla. D. Des styles et des crochets. G. ty lonichia. ORDRE DES KATOTRÈTES CUIRASSÉS (Katotreta loricata). FAMILLE Euprsoriens ( Euplota). Corps armé de crochets, dos écussonné. A. Tête point distincte. Euplotes. B. Tête séparée du corps par un rétrécissement. G. Discocephalus.] __ canne tes ORDRE PREMIER. INFUSOIRES NUS. Corps très simple, microscopique , dépourvu d’orga- nes ou d’appendices extérieurs , et paraissant homogène. Les infusoires nus sont des animalcules très simples, infiniment petits, la plupart transparents , dépourvus, au moinsen apparence, d’appendices extérieurs, comme de poils, de cils, d’espèces de cornes ou d’une queue, et qui ne paraissent, sous l’œil armé, que des points animés ou mouvants (1). Ces animalcules, et sur-tout (1) Un grand nombre des animalcules rangés par La- marck dans cette division sont loin d’avoir les caractères qu’il y assigne. Des cils à l’entour de la bouche sont très communs; d’autres fois il existe une espèce de trompe, etc. À Tone 1. | 2/4 330 ANIMAUX APATHIQUES. parmi eux ceux qui ont le corps globuleux ou sphéri- que , offrent ce qu’il y a de plus simple dans le règne | animal, c’est-à-dire, les plus faibles ébauches de l’or- ganisation. Si on laisse quelque temps de l’eau exposée à la cha- Jeur de l’air ou du soleil , et sur-tout de l’eau dans la- quelle des matières animales ou végétales ont été infu- sées , on y voit bientôt paraître de ces infusoires; mais on ne peut en général les apercevoir qu'avec le secours du microscope. w Malgré leurs mouvements singuliers, on pourrait douter que ces petits corps, sur-lout ceux qui sont sphériques et punctiformes, fussent réellement des animaux; si, de proche en proche, ces animalcules de plus en plus développés ou animalisés, ne conduisaient, presque sans lacune, aux infusoires appendiculés, ceux-ci aux polypes ciliés, enfin, ces derniers aux po- lypes à rayons. Ainsi, ce fait bien reconnu ne peut laisser aucun doute raisonnable sur la nature animale de ces singuliers corps. Comme cesanimaux n’intéressent que sous des points de vue philosophiques, je me suis permis de réduire un peu le nombre des genres établis parmi eux par Muller, dans l’intention d'en rendre l'étude plus facile. Ç Je partage les infusoires nus en deux sections, de la manière suivante : I SECTION. — Corps épais. TI° SECTION. — Corps membraneux, INFUSOIRES, — MONADES,. PREMIÈRE SECTION. CORPS ÉPAIS. 1l a une épaisseur perceptible , qui l’éloigne de l’état membraneux, MONADE. ( Monas. ) L Corps extrêmement petit, très simple , transparent en forme de point. nur, simplicissimum , RUE punc- tiforme. Osservarions. Les monades sont les plus petits, les plus imparfaits et les plus simples de tous les animaux connus; elies sont plus petites encore que les volvoces , et on n’a supposé leur animalité que parce que ce sont due corpus- cules mouvants, et que leur analogie avec les volvoces est évidente. Assurément les monades n’ont ni bouche, ni sac alimen- taire , ni organe spécial quelconque ; aussi est-il probable qu’elles ne vivent que par absorption et par une imbibition continuelle. Ce ne sont que des points vivants, n’ayant au- cure forme propre, car leur forme globuleuse résulte de la pression du liquide dans lequelelles vivent. Ces animalcules , véritables ébauches de l’animalité, se forment et se trouvent , lorsqu'il fait un peu chaud, dans les eaux tranquilles ou croupissantes, soit douces, soit ma- rines , dans les infusions végétales et animales, plus rare- ment dans l’eau pure. 2/* + 372 ANIMAUX APATHIQUES. U \ » | 4 La première espèce est réellement le terme où l’obser- vation microscopique ait pu atteindre. [ Les observations de M. Ehrenberg montrent que chez ces animalcules il existe de quatre à six cavités intérieures qui recoivent les matières alimentaires dont ces êtres se nourrissent. Leur bouche paraît être entourée d’une cou- ronne formée par une vingtaine de cils. Ce naturaliste définit ce genre de la manière suivante: A. Polygastriques, anenthérés, gymniques, nus, mono- morphes, se reproduisant par scission transversale, dépour- vus de queue et d’yveux, ayant la bouche tronquée, termi- nale et occupant la partie du corps qui est dirigée en avant pendant la natation, enfin étant toujours solitaires. ] ESPÈCES. 1. Monade terme. Monas termo. M. gelatinosa; corpore minimo subinconspicuo. Mall. Iof. t. f. r. Encycl. pl. 1.f. 1. La fig. citée représente une goutte d’eau considérablement grossie et remplie de M. termes en nombre incalculable, [ Ehrenberg. Acad. de Berlin. 1830. pl. 1. fig. 1. Bory. Encycl. Zooph. p. 548. ] H. dans les infusions animales et végétales. 2. Monade atome. Monas atomus. M. albida , puncto variabili instructa. Mull. Inf. t. 1. f. 2, 3. Encycl, pl. 1. f. 2. a, D. H. dans l’eau de mer gardée. [ Suivant M. Ehrenberg , cette espèce serait la même que Îe M. lens, mais observé au moment où les poches gas- triques sont remplies de matières alimentaires, Er. 1°" Mém. Op. cit. pl. 1. fig. 2. 5, Monade point. Monas punctum. AI. nigra, subcylindrica. Muil. Fnf. t. 1. f, 4. Encycl, pla. INFUSOIRES, — MONADES. 375 { Bory. Op. cit. p.550.] H. dans Jes infusions de la pulpe de poire. 4. Monade œil. Monas ocellus (1). M. hyalina, puncto centrali notata. Mall. Inf. t. 1. f. 7, 8. Encycl. pl. 1. f. 4. a, b. H. dans l’eau des fossés où croissent les conferves. PES 5. Monade lente. Monas lens. M. ovoidea , hyalina. Muil. Inf. t. 1.f. gù 11. Encycl. pl. 1. f. 5, a, b, c. [ Bory. Op. cit. p. 550. Ehrenberg et Hemprich. $ymbolæ physicæ. Phytozoa. pl. 1. fig. 1. ] | H. dans toute sorte d’eau, Ces monades paraissent se multi- plier par scission, 6. Monade luisante. Monas mica. M. circulo notata. Mall. Inf. t, 1.f, 14, 15. Encycl. pl. 1. 6. a, b. [Ehrenb. 2e Mém. p. 53.] | H. dans les eaux les plus pures. Ces corpuscules varient sous l'œil, de la forme sphérique à l’ovale; tantôt ils oscillent , et tantôt ils tournent sur eux-mêmes. 7. Monade tranquille. Honas tranquilla. M. ovaia, hyalina, margine rigra. Mall, Tof. t, 1. f. 18. Encycl, pl. 1, f. 7. H. dans l'urine gardée. (1) M. Bory-Saint-Vincent a établi, sous le nom d’Orx- THALMOP LANIDE, Ophihalmoplanis (Encycl.méth.Zoophytes, p- 583), un genre nouveau composé des mouades, dans l’intérieur desquelles on distingue un point comme chezle DT. ocellus ; mais il résulte des observations de M. Ebren- berg, que la présence ou l’absence de cette espèce de tache, dépend de l’état de plénitude ou de vacuité des cavités gastriques , de façon que le même animal peut présenter tour à tour les caractères d’une raonade proprement dite ou d’un ophthalmoplanide. E, 374 ANIMAUX APATHIQUES. 8. Monade poussière. Monas pulvisculus. M. hyalina, margine virente. Mull. Inf. t. 1. 55, 0 Eneÿe DECO AE [ Ænchelys monadina. Bory. Op. cit. p. 318. et Monas pul- viusculus. Bory. Op. cit. p. 549 (double emploi). Monas pulviusculus. Ehrenb. 2° Mém. p, di ] H. dans l’eau des marais. VOLVOCE. { Volyox.) Corps très petit, très simple, transparent, sphéri- que ou ovoïde, tournant sur lui-même comme sur un axe (1) (1) MM. Bory-Saint-Vincent et Ehrenberg ont successi- vement restreint les limites du genre Vozvox; ce dernier naturaliste y range les polygastriques de la légion des anenthérés , de l’ordre des cuirassés et de la section des épitriques, qui se reproduisent par des divisions inté- rieures et la rupture de l’enveloppe du corps de la mère dans laquelle les petits sont d’abord renfermés comme dans une coque, dont l’enveloppe est globuleuse et dont le corps est garni de cils. Il y rapporte le 7. globator de Muller et deux espèces nouvelles. Le genre SpnorrosirA, du même auteur, se distingue du précédent par la disposition des cils qui sont plus longs et tentaculiformes. Une espèce Sphærosira voivox. Ehr. . (22 Mém., p. 78.) Le genre Euporina (Ehrenb.) se compose des Anenthérés épitriques cuirassés ayant un mode de reproduction ana- logue aux précédents, mais pourvus d’un point oculi- forme. Le corps de ces infusoires consiste en une sphère transparente, gélatineuse, et garnie de cils, dans l’intérieur de laquelle sont renfermés un certain nombre de petits de même forme, colorés en vert et présentaut un point oculi- INFUSOIRES, == VOLVOCES. 373 Corpus minimum, simplicissimum , pellucidum , sphœricum , circà axim rotatorium. Osservarions. La plupart des volvoces sont trop petites pour qu’on puisse les apercevoir à la vue simple, et une seule espèce connue fait exception à cet égard. Leur corps très simple et peu changeant de figure , nous paraît les rapprocher davantape des monades que les protées , car il ne s'offre à nous que sous l’aspect d’une très petite masse gélatineuse, transparente, sphérique, et qui, dans ses mou- vements, prend souvent une forme ovoïde. Ces petits corps tournent sur eux-mêmes comme sur un axe; les uns avec lenteur, les autres avec une vitesse qu’ils semblent varier à leur gré ; maïs ce n’est qu’une illusion ; et il est probable que les variations dans la vitesse de leur rotation ne dépendent pas d’eux. Dans plusieurs, le corps paraît composé de globules nombreux, quelquefcis mouvants et réunis dans une masse commune. Or, il y a lieu de croire que ces globules sont des gemmules qui régénèrent ou multiplient l’individu, en sortant par une déchirure de son corps : la volvoce globu- leuse est de ce nombre. Muller a pensé qu’il y avait ici lieu de former deux genres; savoir : les volvoces à parties intérieures uniformes, et celles dont l’intérieur offre un amas de globules parti- culiers. forme rond et d’un beau rouge. M. Ehrenbers n’en décrit qu’une espèce, qu’il nomme Æudorina elegans (2° Mém., p. 78, pl. 2, fig. 10). Cet animalcule paraît avoir été sou- vent confondu avec le Y’olvox morum , Muller, et le Y'ol- vox globator, du même auteur. Eufin , M. Ehrenberg donne le nom de Periprum aux Aventhérés épitriques cuirassés qui ne se reproduisent pascomme lesprécédents ét comme les gones, maissont tou- jours simples. Il place dans ce genre trois espèces nouvelles et le Trichoda cincta, Müller. (Ehr., 2° Mém., p. 74.) L 376 ANIMAUX APATHIQUES. On trouve les volvoces dans les eaux douces, soit des marais, soit des fontaines ; dans des infusions végétales; dans l’eau de mer. ESPÈCES. * Intérieur du corps paraissant simple et homo- gène. 1. Volvoce point. Volvox punctum. V. sphæricus, nigricans ; centro puncto lucido. Mull. Inf. t. 3.f. 1, 2. Encycl. pl. 1. fr. a, b. [ Monas punctum. Bory. Op. cit. p. 55o. | H. dans l’eau de mer fétide. Volvoce grain. V’olvox granulum. TV. sphœricus, viridis: periphærit hyaliné. Muil. Inf. t. 3. f. 3. Encycl. plsf. 2. [ Gyges viridis. Bory-Saïnt - Vincent. Encycl. Zooph. p.449 (1), ] H. dans l’eau des marais. ()M. Bory-Saint-Vincent, à qui l’on doit de nombreuses recherches sur les infusoires , a établi, sous le nom de Gy- GÈs, une division générique destinée à recevoir les ani- malcules sans poils ni cirrhes, dont le corps ovoïde est en- touré d’un anneau transparent et ressemble assez à celui d’une volvoce qui serait contenu dans une vésicule trans- parente, dont il n’atteindrait pas les bords. Ce groupe cor- respond à peu près à la famille des Criptomonadiens de M. Ehrenberg , laquelle comprend les A. polygastriques , anenthérés, Cuirassés et gymniques, dont le corps est renfermé dans une enveloppe membraneuse subglobuleuse etcvale. Ce groupe se subdivise, comme nous l'axesh déjà dit, en quatre genres, savoir : 1° Le G. CryPTomonas, comprenant les cr vptoménidiens simples et dépourvus d’yeux, dont la bouche est INFUSOIRES. = VOLVOCES. 977 3. Volvoce globule, Volvox globulus. V. globosus , postice subobscurus. Mall. Inf. t. 3. f. 4. Encydl. pl. 1. f. 3. a, b. [ Doxococcus globulus. Ehrenb. 2° Mém. p. 63 (2). | ciliée (toutes les espèces connues sont colorées ordi- nairement en vert ou en brun ); 2° Le G. GycEs, comprenant les cryptomonadiens sim- ples et dépourvus d’yeux, dont la bouche est nue; 3° Le G. Lacenuza, comprenant les cryptomonadiens simples et ocellés (ayant un œil unique rouge) Exemple : Lagenula enchlora, Ehrenberg, 2° Mém., p- 63, pl. 2, fig. 8. 4° Le G. Panporina, comprenant les cryptomonadiens composés, ou se reproduisant ( comme les volvoces, les eudorines, etc.) par des divisions intérieures. Ce genre , dont l’établissement est dû à M. Bory, est très remarquable, en ce que les espèces de bourgeons reproducteurs se développent dans l’in- térieur de l’animal et > qu'à une certaine époque, le corps de celui-ci ils: à une simple poche HéREiS d’animalcules vivants. Exemple : 7’ovox morum , Muller , Inf., tab. 3, fig. 14—16, et Encycl. pl. 1, fig. 10; Pandorina mora, Bory, Op. cit., p.600, et Ehrenb., 2° Mém., p. 63. E. (2) M. Ehrenberg range cette espèce dans son genre Doxococcus , qui se compose des À. polygastriques, anen- thérés, nus, monomorphes, dont la reproduction s’effec- tue par simple division transversale (ou monadines), qui n’ont ni queue, ni yeux; enfin dont la bouche est tantôt antérieure, tantôt postérieure ou latérale pendant la nata- tion , car ils se roulent alors en tous sens. Ils sont ronds et généralement opaques. E. 376 ANIMAUX APATHIQUES. *_ Intérieur du corps offrant des corpuscules par- ticuliers. 4 Volvoce pilule. Volvox pilula. V. sphœæricus; interaneis immobilibus virescentibus. Mull. Inf. t. 3. f. 5. Encycl. pl. 1. f. 4. [ Bory. Op. cit. p. 818.] | H. dans les eaux les plus pures, où croît le Lemna minor. 5. Volvoce grésil. Volvox grandinella. V. sphæœricus, Opacus : interaneis immobilibus. Mull. Inf: t 3. f. 6, 7. Encycl. pl. 1. f. 7. H. dans les eaux douces. 6. Volvoce sociale. Folvox socialis. Y. sphœæricus ; moleculis crystallinis, œqualibus, distäntibus. Mull. Inf. t. 3. f. 8, 9. Encycl. pl. 1. f. 8. a, b. [ Uvella rosacea. Bory. Op. cit. p. 767 (1).] H. dans l’eau des rivières. (1) Le genre Uvezza a été créé par M. Bory-Saint-Vincent pour recevoir les animalcules microscopiques qui ont le corps simple et sphérique comme les monades, mais qui se réunissent en groupes ayant la forme de petites masses slobuleuses , sans que les divers individus aiusi agrégés, soient réunis par une membrane commune. M. Ehrenberg adopte cette division en la définissant de la manière sui- vante : À. polygastriques, anenthérés, nus, gymniques, de la fa- mille des monadines, qui n’ont ni queue, ni veux, dont la bouche est tronquée et terminale, et dont les individus, solitaires dans le jeune âge, se réunissent ensuite en grou- pes désagréables, et plus tard redeviennent libres. Cet auteur y rapporte le volvox uva, Muller, Op. ait., tab. 3, fig. 17—01 (Encycl., pl. 2, fig. 11—13 ), ou uvella virescens de M. Borv, Op. cit., p. 767; l’uvella chamcæ- INFUSOIRES, —— VOLVOCES. 379 7. Volvoce sphérule. Volvox sphærula. V. sphæricus ; moleculis similaribus rotundis. Mull: Inf. t. 3. f. 10. Encycl. pl. 1. f. 6. H. dans l’eau des étangs, en automne. ms morus , Bory , Op. cif., p. 566 et quelques espèces nou- velles. Le genre Poryromus de MM. Quoy et Gaimard , paraît avoir de l’analogie avec le genre uvelle. Ces naturalistes ont donné ce nom à de petits animaux hyalins et gélati- neux de forme rhomboïdale, qu'ils ont souvent trouvés solitaires, mais qui se rencontrent aussi même en masse ovalaire , de la grosseur d’un petit œuf. Ils n’en ont fait connaître qu’une seule espèce, le Polytomus lamanon. Quoy et Gaim. Annales des sciences naturelles, t. 6, p. 87, pl. 2, fig. 12 et 13. Dans son tableau des infusoires , M. Ehrenberg donne aussi le nom de Pozvyromus, E. à tue division de la famille des monadines ; mais il ne dit pas si c’est du genre établi par MM. Quoy et Gaimard qu’il entend parler. Îl y place les monadines qui, solitaires dans le jeune âge, se chan- gent par des divisions cruciales spontanées en une sorte de baie formée d’un amas d'individus. Il ne rapporte à ce genre qu’une espèce, le Polytomus uvella, E. (2° Mém., p. 63). Le genreCaiLomowas, du même auteur, se compose aussi de monadines auoures dépourvues d’yeux; mais, chez ces animalcules, la bouche au lieu d’être terminale, est oblique, sans bords et bilabiée; leur corps est un peu alongé(2° Mém., p. 64). Enfin, le genre MicroczenA(Ehrenberg, 2° Mém., p.64) se compose des moradines qui, de même que les précé- dents, n’offrent point de prolongement caudal , mais qui se dit par l’existence d’un point HOUR de couleur rouge; leur corps est tantôt arrondi, tantôt ova- laire. On en connaît deux espèces : le Microglena mona- dina ( Ehrenberg , 2° Mém., p. 64, pl. 1. fig. 1), et le M1- croglena voivocina (Ehrenb., loc. cit., pl. 1, fig. 2). E. 380 ANIMAUX APATHIQUES. 8. Volvoce globuleuse. Folvox globator. V: sphæricus , membranaceus ; globulis sparsis. [ Pandorina Eeuwenhoeckü. Bory. Op. cit. p. 600. Volvox globator. Ehrenb. 2e Mém. p. 77. Hemp. et Ehrenb. Symbolæ physicæ. Phytozoa. tab. v. fig. 46.] Mull. Inf. t: 3.f. 12, 13. Encycl. pl. 1. f, 0. a, b. H. dans les eaux stagnantes. On l’aperçoit à la vue simple: Etc. PROTÉE. ( Proteus.) Corps très petit, très simple, transparent, de forme changeante, diversement lubé instantanément. Corpus minimum, simplicissimum , pellucidum, mu- labile, instantaneo motu variè lobatum. [ Le nom de Proreus étant déja employé en zoologie, pour désigner d’autres animaux, M. Bory-Saint-Vincent a donné aux infusoires , dont il est question , celui d’ami8E qui, avec un léger ee Er a étéadopté par M. Ehren- berg. Ce dernier naturaliste a constaté l’existence de cavités stomacales isolées et éparses dans l’intérieur du corps de ces animalcules. Les poches cœcales sont susceptibles d’unedis- tension extrême ; M. Ehrenberg a figuré des amæbes dif- fluents , qui s'étaient nourris de navicules, et dans l’inté- rieur du corps desquels on aperçoit de ces infusoires dont la longueur est très considérable. Ce genre est le seul dont se compose, dans l’état actuei de la science, sa famille des anenthérés pseudopodes nus, comprenant les polygasuri- ques anenthérés, dont le corps est nu et pourvu de prolon- gemients pédiformes variables. On trouve, dans les Mémoires de l’Académie de Turin, un travail descriptif très considé- rable sur ces animaux par M. Losana; mais il ne nous paraît pas avoir été fait avec assez de critique pour être réellement utile à la science. ] INFUSOIRES == PRÔTÉES. 381 Osservarions. Les protées sont plus fortement contrac- tiles que les monades et les volvoces; conséquemment, ils sont déjà plus animalisés. Leur corps très petit, gélatineux, et ovale ou oblong, passe d’un instant à l’autre, d’une forme simple et unie, à une forme sinuée, lobée , presque rameuse ; et jamais il ne se présente une minute de suite sous la même forme. La première espèce de ce genre, que Roësel a le premier fait connaître , est si singulière, relativement à ses chan- gements de forme , qu’on l’a comparée à une goutte d’eau jetée sur de l’huile. [ M. Ehrenberg a observé la manière dont ce phéno- mène s'opère; une partie des téguments du corps se relä- che pendant que le reste se contracte avec force, et les vis- cères ainsi poussés contre la partie aon contractée, la distendent et la transforment en un sac ou appendice creux de forme variable, dont ils occupent eux-mêmes la cavité. Souvent toute la substance granulaire , renfermée dans le corps ainsi que Îles estomacs et les matières alimentaires y contenues, sont de la sorte poussés dans un prolongement qui, par son mode de formation, peut être comparé à une hernie. Chez les protées (ou amibes) ces prolongements peuvent se former dans toutes les parties de Ja surface du corps. ; Dans les protées, ainsi que dans les monades et les vé- ritables volvoces , aucune trace d’organe particulier quel- conque n’est perceptible, et sans doute il n’en existe réel- lement aucun. Les protées vivent dans l’eau douce et dans l’eau de mer; on n’en connaît encore que deux espèces. ESPÈCES. 1, Protce rameux. Proteus diffluens. P. in ramulos diffluens. Roës. Ins.3.t. 101. fig. A. T. Mall, t. 2. f, 1 à 12. Encycl.pl.:, fs a,b,e, d'est cb Ed 382 ANIMAUX APATHIQUES. [ Æmiba divergens. Bory. Dict. classique. t. 1: p. 261. Amæba. diffluens. Ehrenberg, Acad. de Berlin, 1830, pl. 1. fig. b.] Se trouve dans l’eau des marais. Protée tenace. Proteus tenax (1). P. in spiculum diffluens: Mull. t. 2. £. 13 à 18. Encycl. pl. 1. f. 2, (a, b, c, d, e,f.) Se trouve dans l’eau de rivière et dans l’eau de mer, ENCHÉLIDE. (Enchelis. ) Corps très petit, très simple, oblong , cylindracé, de forme un peu changeante. Corpus minimum , simplicissimum, oblongum vel cylindraceum, subvariabile. Osservarions. Il n’y a point de limites positives et tran- chées entre les enchélides et les vibrions ; et j'aurais pu, sans inconvénient bien important, continuer de réunir ces animalcules en un seul genre. Cependant les enchélides sont en quelque sorte grosses et courtes, comparativement aux vibrions, qui ont le corps grêle et alongé. Les enché- lides d’ailleurs varient souvent un peu de forme dans leurs mouvements, et semblent plus voisines des protées, sous cette considération, que les infusoires auxquels le nom de vibrion peut convenir. Enfin, l’on a lieu de penser (1) M. Ehrenberg pense que cette espèce pourrait bien appartenir à son genre Drsriama , qui se compose des po- lygastriques anenthérés, nus, gymuiques, qui ont le corps alongé , deviennent polymorphes par la contraction , se divisent spontanément dans le sens longitudinal ou obli- que, n’ont pas de queue et sont pourvus de deux yeux. (2° Mém., p. 73.) E. (4 INFUSOIRES, — ENCHÉLIDES. 383 que, quoique On ait pu commettre quelque erreur à leur égard , la plupart des animalcules qu’on a rangés parmi les enchélides, sout de véritables infusoires ; tandis qu'il est probable qu’il n'en est pas ainsi des vibrions. [ Les observations récentes de M. Ehrenberg montrent qu’il existe de grandes différences entre les enchélides et les vibrions , les cyclides , etc.; car les premiers sont pour- vus d’un canal intestinal qui s'étend en ligne droite d’une extrémité du corps à l’autre , et autour duquel sont grou- pées les appendices stomacales qui, chez les derniers, pa- raissent être isolées et communiquent directement au de- hors par une ouverture commune. Chez les enchélides il existe par conséquent une bouche et un anus distincts; la première de ces ouvertures, placée à l'extrémité tronquée du corps, esi entourée d’un cercle de petits cils; la seconde, située à l’extrémité opposée, devieut distincte lors de la sortie des matières fécales. { Voyez Mém. de lPAcad. de Berlin , 1830, pl. 2, fig. 1 ; et Annales des sciences natu- reiles , 2° série, Zool., t. 1, pl. 5, fig. 10—12.) Dans la méthode de M. Ehrenberg ces animaux prennent place dans la légion des polygastriques entérodélés, divi- sion des énantiotrètes nus (caractérisée par la position de la bouche et de l’anus, et la reproduction au moyen de divi- sions transversales ), laquelle ne se compose que d’une seule famille, celle des EncHÉLINES. Les caractères assignés par ce naturaliste au genre en- chélide, sont les suivants : Bouche terminale droite; corps ni cilié, ni garni de soies et simple. | i ESPÈCES. 1, Enchélide poupée, Enchelis pupa. . E, lageniformis seu ovata , anticè attenuata , posticé crassior quadruplo ferè longior quam laia, Mull. Inf, tab. 25. fig. 25, 26. Encycl. pl, 2. fig. 31. Bory. Op. cit, p, 320.° 384 ANIMAUX APATHIQUES. Ebrenb. Mém. de Berlin, 1830. pl. 2. fig. 1. et Ann. des Sc. nat. 2° série. Zool. t. 1. pl. 5. fig. Quelquefois cet enchélide ovale a des infusoires d'une di- mension si considérable, que lui-même devient presque globuleux. M. Ehrenberg pense qu’il ne diffère pas de l'Enchelys farcimen, Muller. Inf. tab. 5. fig. 7 et 8. Encycl. pl. 2. fig. 29, que M. Bory-Saint-Vincent range dans son genre pupelle. | >. Enchélide verte. Enchelis viridis. E. subcylindrica, anticé obliqué truncata. Mall. Inf. t. 4. f. 1. Encycl. pl. 2. f. 1. H. dans l’eau gerdée plusieurs semaines. 3. Enchélide ponctuée. Enchelis punctifera. E. subcylindrica, viridis, anticè obtusa, posticè acuminata. Mall. Inf. t. 4. f. 2, 3. Encycl. pl. 2. £. 2. [ Bory-Saint-Vincent. Op. cit. p. 319. | H. dans l’eau des marais. [ M. Ehrenberg pense que celle espèce pourrait bien appar- tenir à son genre Distigma (2° mém. p. 19).] 4. Enchélide ovule. Enchelis ovutum. E. cylindrico-ovata, hyalina, longitudinaliter subplicata. Mall. Inf. t. 4. f. g—11. Encycl. pl. 2. f. 3.a, b, c. [ Bory-Saint-Vincent. Op. cit. p. 32r. ] H. dans l’eau gardée quelques jours. 5. Enchélide paresseuse. Enchelis deses. E. viridis, cylindrica, subacuminata, gelatinosa. Mull. Inf. t. 4. f. 4, 5. Encycl. pl. 2. f. 4. a, b. H. dans l’infusion de la lenticule. [ M. Ehrenberg range cette espèce dans le genre monas. 2e Mém. p. 59.| 6. Enchélide anneeu. Enchelis similis. E. obovata, opaca, margine pellucida ; interaneis mollibus. Mall. Inf. t. 4. f. 6. Encycl. pl. 2: f. 5. | Gyges encheloïdes. Bory-Saint-Vincent. Encycl. p. 449. | FH. dans l’ean conservée plusieurs mois. INFUSOIRES,— ENCHÉLIDFS. 36 7: Enchélide tardive. Enchelis serotina. E, ovato-cylindracea ; interaneis immobilibus. Mull. Inf. t. 4. f. 7. Encycl, pl. 2. f. 6. [ Bory. Op. cit. p. 318. ] H. dans l’eau des marais gardée. 8. Enchélide nébuleuse. Enchelis nebulosa. E. ovato-cylindracea ; interaneis manifestis mobilibus. Mall. Inf. t. 4. f, 8. Encycl. pl. 2. f. 7. [ Bory. Op. cit. p. 318. Ehrenb, 2e Mém. p. 101.| H. dans l’eau gardée. | 9. Enchélide semence. Enchelis seminulum. E. cylindracea, æqualis. Mall. Inf. t. 4. f. 13, 14. Encycl. pl. 2. £. 8. a, b. [ Bory. Op. cit. p. 320. | ] H. dans l’eau conservée plusieurs jours. 10, Enchélide poire. Enchelis pirum. E. inversé conica , posticé hyalina. Mall. fnf. t. 4. f. 12. Encycl. pl. 2. f. 11. [ Enchelis lagenula. Bory. Op. cit. p. 320. | H. dans l’eau long-temps gardée. Etc. Observ. L’Enchelis fritillus de Muller (t. 4. f..22, 23. ) semble apparLenir au genre bursaire. [ M. Ehreuberg place à côté des enchélides, dans la fa- mille dont ces derniers animalcules constituent le type, un infusoire très singulier qu’il a découvert dans la mer Rouge, et dont le corps glabre et terminé antérieurement par une bouche droite, est profondément bifurqué à sa partie postérieure. Cet animalcule ne peut être une para- mécie , une loxode ou une trachélie, dont le corps se se- rait divisé spontanément, car sa bouche est terminale, et chez jes infusoires qui se reproduisent par des divisions longitudinales, cette ouverture est latérale ou inférieure, Tome 1. 29 386 : ANIMAUX APATHIQUES. tandis que chez ceux oùelle est terminale, ces divisions se font transversalement. Ce genre, qui porte le nom de Disoma, Hemp. et Ehrenti, est caractérisé de la manière suivante : A. polygastrique , entérodèlé, énantiotrète nu, dont Ja bouche est terminale droite, et ont le a est double et ne porte ni cils, ni soies. Esp. Disoma vacillans, H. et Ehr, > Symb. phys. phytoz., tab. 3, fig. 3. Son corps est hyalin , étroit, à lobes filiformes, réunis seulement à la tête.] VIBRION. (Vibrio.) Corps très petit très simple, cylindrique, . pro- longé. « Corpus minimum, simplicissimum, cylindricum, elongatum. Orservartions. Les vibrions sont des animalcules micros- copiques, à corps cylindrique, grêle, prolongé, ne variant presque point dans sa forme. Ceux de ces animalcules qui ont le corps très simple, sans bouche, sans tube alimentaire, en un mot, sans aucun organe particulier, sont de véritables infusoires et appar- tiennent réeliement à ce genre: j’en ai vu moi-même dans ce cas. | Mais il est probable que, parmi les espèces nombreuses que l’on a comprises dans ce même genre, plusieurs ont une organisation moins simple que les infusoires, ne,sont point réellement des vibrions, et qu’on ne s’est uniquement fondé que sur la petitesse de ces animaicules pour les classer et les rapporter au genre dont il s’agit. Le vibrion-anguille, par exemple, que Bruguière ne ré- garde que comme une variété du V’ibrio aceti , offne:, ànce qu’on prétend , une bouche munie de deux lèvres, et un INFUSOIRES. — VIBRIONS. 387 tube alimentaire distinet. S'il en est ainsi, cet animalcule doit être rapporté à la classe des vers, quelque petit qu’il soit, et non à celle des infusoires. On a lieu de présumer que d’autres prétendus vibrions sont dans le même cas. Quoi qu’il en soit, j’en ai vu qui assurément n’avaient point de bouche, et parmi eux j'en ai distingué qui offraient l'apparence d’une cavité intérieure, tantôt simple et oblon- gue, tantôt divisée en deux ; mais cette cavité ne s’ouvrait point au-dehors. [ Nous verrons par la suite qu’effectivement plusieurs des animaux désignés d’après la forme générale de leur corps, sous le nom de vibrion , appartiennent à d’autres groupes. M. Ehrenberg réserve le nom de vrsrto aux À. polygas- triques anenthérés, nus!, gymniques, alongés, monomor- phes , dont le corps est filiforme , cylindrique et ne décri- vant que des ondes, lors de sa contraction. À Les vibrioniens dont le corps également filiforme est rigide et se contourne en spirale, forment, dans la méthode de ce naturaliste, les genres Srrropiscus et SPIRILLUM. Le genre Srrroniscus (Ehrenb., 2° Mém., p. 68) est ca- ractérisé par la manière dont le corps s’enroule en cercle, tandis que chez les SprrizLum il s’enroule en hélice. Le genre Bacrerium ( Ehrenb., 2° Mém., p. 69) se com- pose des vibrioniens dont le corps est oblong, fusiforme ou filiforme , mais jamais distinctement ondulé, ni enroulé. Le genre CLosrérium de Nitzsch ( Ehrenb., 2° Mém., p.66), a beaucoup d’analogie avec les vibrioniens, mais se compose des À. polygastriques anenthérés, gymniques, cui- rassés, dont l’enveloppe est alongée, cylindrique , ouverte aux deux bouts et se divisespontanément en deux ou quatre parties par des sections transversales. M. Ehrenberg y range plusieurs espèces nouvelles, ainsi que le Fibrio lu- nula de Muller, que M. Bory- Nec avait placé dans son genre Lunuzine (Œncycl.p. 500).] On voit souvent à l’œil nu le vibrion-anguille, et même le vibrion du vinaigre, qui porte aussi le nom d’anguille 29” 385 ANIMAUX APATHIQUES. du vinaigre : leurs mouvements sont vermiculaires. La gelée, dit-on , ne les fait point périr; mais ils ne résistent point à l’évaporation, à moins que quelques poussières ne les mettent à l’abri du contact de l’air. On trouve les vibrions dans plusieurs infusions végéta- les et animales, dans les eaux douces, et quelquefois dans l’eau de mer conservée. ESPÈCES. Vibrion linéole, Z’ibrio lineola. V. linearis, minutissimus. Mull. Inf. t. 6. f. 1. Encycl. pl. 5. f, 2. [ Ehrenberg, 2° Mém., p. 67. ] H. dans les infusions végétales. C’est un des infusoires les plus petits. 2. Vibrion ridé. Vüibrio rugula. V. linearis , flexuosus. Mull. Inf. t. 6. f. 2. Encycl. pl. 3.f.3.a, b. [ Ebrenb. 2° Mém. p. 67. H.f dans l’infusion des mouches. 3. Vibrion baguette. Vibrio baccillus. V'. linearis, œqualis, utrinque truncatus. [ Bory. Op. cit. p. 775. Ehrenb. ne Mém, p. 67.| Mull. Inf, t. 6. f. 3. Encycl. pl. 3.f. 4,a, b. H. dans l’eau gardée, 4. Vibrion ondoyant. Wibrio undula. . filiformis, flexuosus. Mull. Inf. t. 6, f. 4, 5,6. Encycl. pl. 5. f, 5. [ Spirillum undula. Ehrenb. 2° Mém. p. 68] (1) (1) Le genre SmirizLum renferme les vibrioniens dont le corps est rigide et roulé’ en hélice. E. © INFUSOIRES. —— VIBRIONS. à 389 H. dans l’infusion gardée de la lenticule. Tantôt ils nagent, et tanLôt ils se réunissent en pelotons sur un rameau de conferve. 9. Vibrion spiral. Vibrio spirillum. V’. filiformis; ambagibus in angulum acutum tornatiis. Mall. Inf. t. 6, f. 9. Encycl. pl. 3. f. 8. [ Spirillum volutans. Ebhrenh. 2e Mém. p. 68.] H. dans l’infusion du laitron des champs. 6. Vibrion vermet. Vibrio vermiculus. B. cylindraceus, gelaunus, lortuosus. Mull. Inf. t. 6. f, 10, 11. Encycl. pl. 3. f. r, [ Pupella annulans. Bory. Op. cit. p. 664.] H, dans l’eau des marais. 7. Nibrion intestin. V’ibrio intestinum. V. gelatinosus, teres, anticé angustatus. Mull. Inf. t. 6. f. 12—15. Encycl. pl. 3.f. 10—13. [ Pupella clavata. Bory. Op. cit. p. 664. ] FH. dans l’eau des marais, 8. Vibrion biponctué. Vibrio bipunctatus. V. linearis , œqualis ; uträque extremitate truncatd'; globulis i binis mediis | [ PBacillaria bipuncta. Bory. Op. cit. p. 136 (1). Mall. Inf. t. 7. f. 1. Encycl. pl. 3. £. 14. H. dans l’eau de mer gardée. (x) Les bacillaires sont des êtres très singuliers, qui pa- raissent tenir autant du végétal que de l’animal ; ce sont de petites lames linéaires et rigides, des espèces de ba- guettes animées qui ne peuvent fléchir leur corps et qui ne se meuvent que par balancement et par glissement. Ils ont Ja plus grande ressemblance avec certains produits du règne végétal que l’on range parmi les algues et ont, de- puis quelques années , beaucoup occupé les naturalistes. Du reste, il règne; à leur égard, les opinions les plus diver- gentes : suivant les uns, ce seraient des êtres qui, animaux CL 390 ANIMAUX APATHIQUES. s ge Vibrion triponctué. Fibrio tripunctatus. V. linearis , utrinque attenuatus ; globulis tribus; extremis minoribus. | d’abord , deviendraient ensuite des plantes; suivant d’au- tres, leur réunion, ainsi que l’agrégation de divers autres infusoires, donnerait naissance à des productions phytoï- des , telles que le conferva camoïdes, etc. Il est aussi des auteurs qui regardent les bacillaires comme appartenant entièrement au règne végétal; enfin, suivant l’observateur le plus récent qui se soit occupé dé ce sujet, M. Ehren-. berg , les bacillaires doués de vie, seraient bien des ani- maux, et tous ceux qui sont réellement immobiles ne se- raïent que des individus morts. L’espace nous manquerait pour exposer en détail et discuter toutes ces opinions , ou même pour énumérer les faits curieux dont la connais- sance est due aux auteurs de ces hypothèses; et nous nceus bornerons à indiquer les principaux écrits consacrés à ce sujet, savoir : la description des cercaires et des bacillaires par Nitzsch, publiée en 1817; divers articles de l’Encyclo- pédie méthodique et du Dictionnaire classique d’histoire naturelle, par M. Bory-Saint-Vincent ; un Mémoire sur les némazoones, par M. Gaillon, dans les Mém. de la Société d’émulation de Rouen; l’Article némazoones du Diction. des sciences naturelles, par M. DeBlainville, et les Obser- vations de M. Ehrenberg dans les Mém. de l’Académie de Berlin et dans les Annales des sciences naturelles, 1834. Ces animaux forment un groupe assez nombreux. Dans la classification de M. Bory-Saint-Vincent ils sont réunis dans la famille des bacillariées , qui se subdivise en cinq genres, savoir : les bacillaires, les échinelles , les navicules, les lunulines et les styllairies. M. Ehrenberg adopte cette famille , mais en y assignant de nouvelles limites. Dans sa méthode , elle se compose des polygastriques anenthérés, pseudopodes , cuirassés , dont l’enveloppe se divise spon- tanément avec l’animal. | Le genre BacrrzaniA, établi d’abord par Muller, puis INFUSOIRES. — VIBRIONS. 391 Mall. Inf. à. 7. f. 2. Encycl. pl. 3. f. 15. [ Wavicula tripunctata. Bory. Op. cit. p. 563.] H. en automne, dans les fossés inondés. réuni par ce naturaliste au genre vibrio, dont il fdiffère considérablement , se compose d'êtres très singuliers , qui sont quelquefois solitaires, mais dont le corps linéaire et cylindrique ou lésèrement comprimé, se colle pour ainsi dire côte à côte à quelque autre individu de même espèce, ou s’y joint par ses extrémités, de façon à former des sé- ries ou des filaments diversement brisés, ou bien des aglo- mérations rayonnantes.Lorsqu’on les observe ainsi réunis, on iles voit exécuter des mouvements anguleux et rapides par lesquels ils s’éloignent les uns des autres ou se juxt’ap- posent, mais dont on ne comprend pas le mécanisme et, à ce phénomène, succède tout-à-coup l’inertie la plus complète. M. Ehrenberg définit ce genre de la manière suivante : G. BacrzrartA, Bacillariens libres, qui ne se fixent pas et qui sont réunis entre eux de façon à former des rubans polymorphes et à conserver quelque mobilité sans se détacher; enfin dont l’enveloppe est quadrangulaire, bivaive longitudinalement, et persistant après la mort. Espèces. B. Cleopatræ, Hemprich et Ehrenb , Sym- bolæ physicæ phytozoæ, pl. 3, fig. 2. B. Ptolemeæi, Hemp. et Ehrenb. Loc. cit., pl. 3: fig. 1. B, flasculosa , Ehrenb., 2° Mém., p. 84, Diatoma vulgaris , Agarth, etc. Le genre NavicuzA a été établi par M. Bory pour rece- voir les bacillariées qui ont la forme d’une navette et qui, pendant une partie de leur existence, sont privés de mou- vement et vivent fixés par un prolongement filiforme et extrêmement ténu qui naît d’une de leurs extrémités, M. Ehrenberg y range les bacillariens libres, jamais fixés, qui sont solitaires ou bien agglomérés et qui ont une enveloppe plus longue que large. | 302 . | ANIMAUX APATHIQUES. 10, Vibrion porte-pieu. /’1brio paxillifer. V. lincaris, flavescens : paleis gregariis mulifarim ordi- nalis. Mall. Inf. t. 79. f. 3—7%. Encycl. pl. 3. f. 16—20. Espèces. N. sigmoidea , Hem. et Ehr. Symb. phys. phyt., pl. 2, fig. 8. N. interrupta, Hem. et Ehr., Loc. cils pl. 2, on, etc., etc, Le genre Eucasrrum de M. Ehrenberg se distingue du précédent par l’enveloppe , qui est plus large que longue. Espèce. Æ!. rata, Ehrenb. (2° Mém., p. 82), etc. Le genre FracizzariA de Lyngbye, rangé par M. Bory parmi ses arthrodiées , doit prendre place, suivant M.Eh- renberg , dans la famille des bacillariées, à côté des bacil- laires, et se composer des animalcules de cette famille qui , de même que les précédents , ne sont: jamais fixés, mais qui se réunissent en faisceaux et non en Sd dr j0 lymorphes, et se désunissent ensuite. Espèces. F. bipunctata, Hem. et Ehr., Symb. phys. phyt., pl. 2. fig. 1r. F. diaphthalma, M. et Ehrem. , Op. cit., pl. 3, fig. 4. F. multipunctata, Hem. et Ehr., Op. cit., pl. a fig. 12. Le genre Exivaria ( Lyngbye) se compose, dans Ia méthode de M. Ehrenberg, des baciliaires qui différent des précédents en ce qu’ils sont réunis en : étoiles : ils sont fla - belliformeset apodes. Le genre Syneora , de M. Ehrenberg, CODEN les ba- cillaires qui sont Moses et qui, dans le j jeune âge, sont fixés. S. ulna, Ehrenb., 2° Mém.; p. 87. — Bacillaria ulna, Nitzsch.- etc. Le genre Gompxonema, Agarth, doit aussi, suivant * > … INFUSOIRES. — VIBRIONS. 393 [ Bacillaria Mulleri. Bory. Op. cit. p. 137. B. paradoxa. Muller. Ehrenb. 2e Mém. p. 83. | H. dans l’ulve dilatée. Etc. M. Ehrenberg , prendre place dans la famille des bacilla- riées , et avoir pour caractère distinctif d’être fixé dans le jeune âge, pédiculé, et d’avoir le corps rétréci none ment et cunéiforme. Le genre CocconemA, de M. Ehrenberg, diffère du pré- cédent, en ce que le corps est rétréci à ses deux extrémités et subréniforme. Enfin, le genre EcunezcA, Lyngbvye, appartient aussi à cette famille d’infusoires polygastriques et diffère des pré- cédents en ce qu’il est pédiculé , flabelliforme et réuni en rayons. Espèce. E. splendida, Hemp. et Ehrenb., Symb. phys., pl. 3. fig. 5. Il est à noter que la structure de tous ces êtres n’est encore que très imparfaitement connue. M. Ehrenberg n’a donné encore aucune observation précise relativement même à l’existence d’une cavité digestive dans l’intérieur de leur corps; et dans l’état actuel de la science il serait difficile de se prononcer sur leur nature. : E. 394 ANIMAUX APATHIQUES. TT MMM" —_—— DEUXIÈME SECTION. CORPS MEMBRANEUX. IL est presque sans épaisseur , soit cplaben à soit con - cave, Les animalcules compris danscette section paraissent être réellement des infusoires. Leur corps est très sim- ple, membraneux, ie plus souvent aplati, concave, dans un petit nombre; il n'offre aucun organe parti- culier perceptible, etilest probable qu’il n . en existe réellement point. Posséder une forme constante, différente de celle qui est sphérique, ovoïde ou oblongue, c’est , dans les infusoires qui la présentent, la preuve d’un progrès acquis dans Îa consistance des parties de ces corpus- cules. Effectivement, sans un affermissement obtenu dans ces parties, la pression du liquide environnant se - füt opposée à l’acquisition et à la conservation de cette forme qui, elle-même , a pris sa source dans la nature des mouvements que les animalcules qui l’offrent exé- cutent dans l’eau. L’organisation de ces infusoires n’en est pas moins encore très simple, quoique ces petits corps soient un peu moins frèles que ceux de la pre- mière section. Voici les genres qui se rapportent à à cette seconde section du premier ordre. INFUSOIRES. == GONES. | 395 GONE. (Gonium. ) Corps très petit, très simple, aplati, court, angu- leux. Corpus minimum, simplicissimum, complanatum, breve, angulatum. | Onrservarions. Les gones et les cyclides sont les plus simples des infusoires aplatis. Leur corps est court , plat, membraneux et en quelque sorte sans épaisseur. Il est an- guleux dans son pourtour dans les gones ; tandis qu’il est orbiculaire ou ovale, dans les cyclides. Quelques espèces de gones paraissent composées de plu- sieurs corps joints ensemble par une membrane commune qui les réunit ou les enveloppe. Ce n’est probablement tantôt que l’apparence des mailles aperçues de leur tissu cellulaire, comme dans la gone pectorale, et tantôt que celle des lignes préparées pour les scissions qui doivent les multiplier, comme dans {a 2one coussinet. | Leur mouvement est oscillatoire. [ M. Ehrenberg assigne à ce genre les caractères sui- vants: À. polygastriques, anenthérés, cuirassés, épitriques, composés, se reproduisant par des divisions intérieures et la rupture de l'enveloppe , dépourvus d’yeux et renfermés dans une enveloppe comprimée, quadrangulaire. Il la range à côté des volvoces, 2° Mém., p. 75. ] ; ESPÈCES 1, Gone pectorale. Gonium pectorale. G. quadrangulare, pellucidum; globulis sedecim. Mull. Inf, &, 16. f, 9o—11. Encycl. pl. 7.f. 123. [ Pectoralina hchraica. Bory. Op. cit. p. 605. 396 ANIMAUX APATHIQUES. Gonium pectorale. Ehrenb. 2e mém. p. 75. ] H. dans Les eaux pures. 2. Gone coussinet. Gonium pulvinatum. G, quadrangulare, opacum, torosum, Mail. Inf. t, 16. f. 12—15. Encycl. pl. 7. . 4—. H. dans l’eau des fumiers. 3. Gone ridée. Gonium corrugatum. G. subquadrangulare, albidum , ruga longitudinali notatum. Mall. Inf. t. 16. f. 16. Encycl. pl. 7. f. 8. [ Paramoæcium oriziformis. Bory. Op. cit. p. 6o1.] H. dans diverses infusions, particulièrement dans celle de la poire. 4. Gone rectangle. Gonium rectangulum. G. rectangulare ; dorso arcuato. Mull. Inf, t. 16. f. 15, Encycl. pl. 9. f. 9. H. fréquemment dans les eaux pures. [ M. Bory-Saint-Vincent considère cette espèce comme ne devant pas être distinguée de la suivante, et comme de- “vant se rapporter au genre kolpode. Op. cit. p. 476.] 5. Gone obtusangle. Gonium obtusangulum. G. obtusangulare ; dorso arcuato. Mull. Inf. t. 16. f. 18. Encycl. pl. 7. f. 10. H. avec le précédent, mais rarement. CYCLIDE. ( Cyclidium, ) Corps très petit, très simple, transparent , aplati, orbiculaire ou ovale. Corpus minimum, simplicissimum, pellucidum, . complanatum, orbiculare vel ovatum. Onservarions. Les cyclides sont rapprochés des gônes par leur corps court et aplati; mais ils tiennent davantage La] INFUSOIRES. — CYCLIDES. 297 aux paramèces, semblent même n’être que des paramèces raccourcies , et n’en diffèrent point par leur organisation. En effet , les cyclides ont le corps court, orbiculaire ou ovale, tandis que le corps des paramèces est alongé, plu- sieurs fois plus long que large; mais, dans les uns comme dans les autres, le corps est très simple, dun: y MeM- braneux. Le mouvement des eyclides est oscillatoire, circulaire ou demi- circulaire, plus ou moins interrompu, lent ou vif selon les espèces. [ Dans la méthode de M. Héréabetle genre CYCLIDIUM se compose des À. polygastriques , anenthérés , nus, épi- gastriques, dont le corps est garni de soies letlittiles, dis- tribuées par rangées simples, longitudinales ou circu- laires. | Le genre Panrorricaum, du même auteur, diffère du précédent en ce que les cils dont la surface du corps est garni, sont épars partout; il se compose de plusieurs espèces nouvelles décrites par M. Ehrenberg. (2° Mém., p. 75.) Enfin le genre Caozromonas se compose des cyclidiens, dont la surface du corps n’est pas garnie de cils, mais dont | (] ? tout le dos est pourvu de soies, c’est-à-dire d’appendices droites et raides, qui n’exécutent aucuns mouvements » 4 | analogues à ceux qui caractérisent les cils. M: Ehrenberg Ld ie % e Lé en décrit deux espèces. (2° Mém., p. 77.)] ESPÈCES. 1. Cyclide bulle. Cyclidium bulla. C. orbiculare, hyalinum. Muil. Inf. t. 11.f, 1. Encycl. pl. 5.f. r. [ Monas bulla. Bory. Op. cit. p. 550. | H. dans l’infusion du foin. 2. Cyclide millet. Cyclidium milium. C. ellipticum, crystallinum. Mall. Inf. t. 11. f. 2,3. Encycl. pl. 5. f. 2, 3. H. dans l’infusion de diverses plantes, 398 ANIMAUX APATHIQUES. 3. Cyclide flottante. Cyclidium fluitans. C. ovale, crystallinum. Mall. Inf. t. 11. f, 4, 5. Encycl. pl. 5. £ 4. 5. [ Gyges translucida. Bory. Op. cit, p. 449.1 H, dans l’eau de mer corrompue. 4 Cyclide glaucome. Cyclidium glaucoma. C. ovatum ; interraneis œgré conspicuis. Mall. Inf, t. 11. f. 6—8. pl. 5. f. 6—8. [ Erhen. 1er Mém. (Acad. de Berlin, 1830.) pl. 1. fig. 4. — - 2e Mém, p. 74. ] H. dans l’eau gardée pendant l’hiver. 5. Cyclide noirâtre. Cyclidium nigricans. C. oblongiusculum ; margine nigricante. Mull. Inf. t. 11. f. 0, 10. Encycl. pl. 5. f, 9—10. [ Bory. Op. cit, p. 234. ] H. dans l’infusion de la lenticule. 6. Cyclide rostré. Cyclidium rostratum. C. ovale, pellucidum, posticé subacutum. Mull. Inf, t. 11.f. 11, 12. Encycl. pl. 5. f. 11, 12, [ Bursuria rostrata. Bory. Op. cit. p. 161. ] | H. dans une infusion végétale. 7. Cyclide pépin. Cyclidium nucleus. C. ovale, posticè acuminatum. Mull. Inf.t. 11. f. 13. Encycl. pl. 5. f. 13. [ Bory. Op. cit. p. 234. |]. H. rarement dans les infusions végétales. 8. Cyclide diaphane. Cyclidium hyalinum. C. ovatum, posticé aculum. Mull. Inf. t. 11, f. 14, Encycl, pl, 5.f. sé [ Bory. Op. cit. p. 234. ] H. daps | infusion de la clayaire coralloïde. Etc. INFUSOIRES. — PARAMÉCES. _399 PARAMÈCE. ( Paramecium.) Corps très petit, simple, transparent , membraneux, ablong. Corpus minimum, simplex, pellucidum , membra- naceum, oblongum. Ossenvarions. Les paramèces ne sont, en quelq ve sorte, que des cyclides alongés , plus développés > Un peu plus animalisés. Le corps de ces animalcules est membraneux, aplati, quelquefois cylindracé, alongé, obtus à ses extré- mités, en général très peu sinueux et sans angles. Il paraît varier de forme d’un instant à l’autre , selon les positions qu’il prend par rapport à l’œil de l’observateur. C’est en observant ces infusoires qu’on a reconnu, d’une manière positive, leur multiplication par scission , c’est-à. dire , par division de leur corps, soit longitudinale, soit transverse ; et l’on sait maintenant que ce fait remarquable ne leur est point du tout particulier. Îl est même probable que ce mode singulier de multiplication est celui de la plu- part des infusoires, quoique plusieurs paraissent se repro- duire par des corpaisaelas (des gemmules) internes, qui se font jour au dehors par des déchirures. Les paramèces ne nous offrent que de très petites lames alongées, vivantes, animalisées. Elles sont à peine distinctes des kolpodes; néanmoins elles sont moins simueuses, moins anguleuses, moins irrégulières. Leurs mouvements sont en général lents, vagues , ou oscillatoires. [ M. Ehrenberg a constaté que, chez les paramèces, il existe un tube alimentaire conduisant à de nombreuses cavités stomacales et s’ouvrant au dehors par une bouche et un anus qui ne sont situés ni l’un ni l’autre aux extré- mités du corps; sous ce rapport , ils se xapprochent des 400 ANIMAUX APATHIQUES. kolpodes ; ils sont également pourvus d’une petite trompe rétractile et inerme; mais ici les deux ouvertures sont plus éloignées l’une de l’aütre, et la surface du corps est couverte de cils disposés obliquement par rangées, ] ESPÈCES. "1. Paramèce aurélie. Paramecium aurelia. P, compressum, a medio ad apicem uniplicatum | posticé aculum. Mall. Inf. t. 12. f. 1—14. Encycl. pl. 5. f. 1—12. [ Lory. Op. cit. p. 60or. Ebhrenb. 2. Mém. p. 114. | IT. dans l’eau des fossés où croît la lenticule. >. Paramèce chrysalide. Paramecium chrysalis. P. cylindraceum, versus antica plicatum, posticè obtusum. Mull. Inf. t. 12. f. 15—20. Encycl. pl. 6. f, 1 —5. H. en automne, dans l’eau de mer. [ Ehrenb. 17 mém. Acad. de Berlin, 1830, pl. 4. fig. 2. — 2. Mém. p.114. ] [ Paramèce arabe. Paramæecium siniaticum. P. valdè complanatum, utringue rotundatum, carina antica longitudinali obliqua. Hemp. et Éhrenb. Symb, phys. phyt. tab, 2. à Égh5 3, Paramèce rusée. Paramecium versutum. P. cylindraceum, posticè incrassatum , utrdque extremitate obtusum. Mull. Inf. t. 12. f. 21—24. Encycl, pl. 6. f. 6—9. H. dans les fossés marécageux. 4. Paramèce œuvée. Paramecium oviferum. P, depressum ; intüs bullis ovalibus. Mull, Inf. t. 12. f, 25—27. Encycl. pl. 6. f. 10—12. { Æolpode ovifera. Bory. Op. cit. p. 477.] H. dans les marais. Wie 725 INFUSOIRES. — KOLPODES. 4ox 5. Paramèce bordée. Paramecium marginatum. P. depressum , ellipticum, griseum ; margine hyalino. Mall. Inf, t. 12. f. 28—29. Encycl. pl. 6. f, 13—14. [ Gyrges lithunatus. Bory. Op. cit. p. 449. | H. dans l’eau des marais, KOLPODE. ( Kolpoda. ) Corps très petit, trèssimple, aplati, oblong, sinueux, irrégulier, transparent. Corpus minimum, simplicissimum, pellucidum , oblongum , complanatum, sinuosum, irregulare. OsservATIONS. De même que les paramèces ne sont guères que des cyclides alongés , de même aussi les Ao/podes ne sont en quelque sorte que des paramèces sinueuses, irré- gulières, plus variées dans leur forme. Ainsi les kolpodes , quoique étant encore des infusoires très simples, sont un peu plus avancés en animalisation que les. paramèces, puisqu'ils sont plus sinueux, plus irréguliers, plus variés, et que leur forme est moins assu- jettieaux influences de la pression du milieu dans lequelils habitent. Les espèces observées sont nombreuses : quelques-unes des moins irrégulières , qui vont être citées les premières, seraient aussi bien nommées paramnèces que kolpodes. Les mouvements de ces infusoires sont en général lents, vagues, ou oscillatoires. | [ M. Ehrenberg réserve le nom de kolpodes aux A. poly- gastriques , entérodélés nus, qui n’ont ni la bouche, ni anus terminaux, qui ont la face ventrale du corps ci- liée, et sont pourvus d’une trompe courte et rétractile. Il en sépare plusieurs des espèces indiquées ci-dessous pour les ranger dans les genres trachélius et loxodes , qui Tome 1. 26 402 ANIMAUX APATHIQUES. s ‘éloignent des Kkolpodes par un caractère très important , savoir , la position de leur anus, qui est terminal. Pas de nouvelles observations de ce naturaliste (1834), il parai- trait que la bouche des kolpodes est en outre armée de dents. | M. Losana a inséré dans les mémoires de Pie de Turin un travail descriptif três étendu sur ces animalcules; mais les raisons que nous avons déjà indiquées en parlant de ses observations sur les protées nous empêchent d’en parler ici. ] E. ESPÈCES. 1. Kolpode lame. Kolpoda lamella. X. elongata, membranacea, anticè curvata. Mull. Inf, &. 15. f. 1 —5. Encycl. pl. 6. f. 1—35. [ Trachelius lamella. Ehrenb. 2e mém. p. 107.] (1) H. dans l’eau, mais rarement. (1) Le genre TracueLrus, établi par Schrank, comprend, dans la méthode de M. Ehrenberg , les A. polygastriques entérodélés de la section des allotrètes, qui ont l’anus ter- minal, la bouche inférieure et inerme , et le front alongé, cylindrique ou déprimé, et se prolongeant en forme de trompe étroite. Le corps de ces animalcules est souvent cilié, et sa forme varie. M. Ehrenberg y range l’espèce mentionnée ci-dessus, ainsi que Le Trachelius anas, Ehrenb., 1° Mém., Acad. de Ber- lin, 1830, pl. 4, fig. 5. Trichoda anas, Muller, pl. 27, fig. 14, 15.—Encycl., pl. 14, fig. 11 et 12. —Bory, Op. cit., p. 749. Le Traehelius fallax, Schr. Ehrenb., 2° Mém., p. 107. V'ibrio fallax, Muller, Inf.—Enc. pl. 5, fig. 16—18. Dans la méthode de M. Ehrenberg ce genre donne son . nom à une famille qui contient aussi les genres loxodes, les bursaires , les phialines et les glaucomes. De genre Graucoma , Ehrenb., se distingue de tous les INFUSOIRES. — KOLPODES. 403 2. Kolpode poulette. Kolpoda gallinula. Æ. oblonga; dorso antico membranaceo hyalino. Mall. Inf. t. 13. f. 6. Encycl. pl. 6. f. 4. [ Enchelis gallinula. Bory. Op. cit. p. 321.] H. dans l’eau de mer corrompue. 5. Kolpode bec. Ko/poda rostrum. K. oblonga; anticé uncinata. Mall. Inf. t. 13. £. 9.8. Encycl. pl. 6. £. 5, 6. [ Loxodes rostrum. Ehrenb. 2° Mém. p. 108.](1) H. dans les eaux où croît la lenticule. autres trachéliens , par l’existence de crochets qui garnis- sent l’ouverture buccale et paraissent représenter une lèvre inférieure. La forme générale de leur corps les rap- proche un peu des kolpodes , mais ils n’ont de cils qu’à l’extrémité antérieure du corps. M. Ehrenberg n’en décrit qu’une seule espèce. Le Glaucoma scintillans, Ehxenb., 1° Mém., Acad. de Berlin, 1930. pl. 4, fig. 1.—2° Mém., p. 112. Le genre Orxrvocerca, de M. Ehrenberg, se rapproche des trachéliens par la disposition du canal alimentaire qui, par un des bouts, s’ouvre à la face ventrale, et par l’autre, à l’extrémité du corps ; mais ici, c’est la bouche et non lanus, qui est terminale, et l’ouverture efférente est infé- rieure. Esp. Ophyocerca ovum, Ehrenb., 2° Mém., p.112. E. (1) Le genre Loxopes, de M. Ehrenberg , appartient à la même famille que le genre trachélius, dont il se distingue par la forme de la lèvre supérieure , qui est courte, dépri- mée et remarquablement large et ciliée. De même que les précédents , les loxodes n’ont pas la bouche armée de cro- chets et ne.portent pas sur le front un cercle de cils. Parmi les espèces que ce naturaliste y rapporte nous citerons : Le Loxodes cucullulus, Ehrenb., 1° Mém., Acad, de 20* 404 ANIMAUX APATHIQUES. 4. Kolpode botte. Xolpoda ocrea. Æ, elongata, membranacea, apice atlenuata, basi in angulum rectum producta. Mall. Tuf, t. 13. f, 9. 10. Encycl. pl. 6. Lo 5. [ miba ochrea. Bory. Op. cit. p. 46. ] H. dans les eaux stagnantes. 5. Kolpode mucronée, Kolpoda mucronata. À. dilata, membranacea, anticè angustata, altero margine in- cisa. Mall. Iuf. t. 13. f. 11. 12. Encycl. pl. 6.f. 9. to. [ Bory. Op. cit. p. 476. ] H. dans l’infusion de l’ulye linze. 6. Ko]pode triquètre. Kolpoda triquetra. Æ. obovata, depressa; aliero margine retuso. Mull, Inf. t. 15. f. 13-15. Encycl. pl. 6. f. r1—13. H. dans l’eau de mer. 7. Kolpode striée. Kolpoda striata. X. oblonga, subarcuata, depressa, candida, anticé acuminata, posticè rotundata. Mull. Inf. t. 13. f. 16, 19. Encycl. pl. 6. f. 14. 15. H. en abondance, dans l’eau de mer, CO . Koïpode noyau. Kolpoda nucleus. X. ovata , vertice acuto , dorso convexo. Mall. Inf. t. 13. f. 18. Encycl. pl. 6.f. 16. [ Enchelis cycloïdes, Bory. Op. cit. p. 321. | H, dans l’infusion des semences du chanvre. Berlin, 1830, pl. 4, fig. 3; et 2° Mém., p. 109. — Kolpoda cucullulus, Muller, Encvycl. pl. 7. fig. 8- LE A Le Z. cucullio, Ehrenb., 2° re p. 109.— Kolpoda cucullio, Muller,inf., pl. 15, fig. 17-19.—Encycl., pl. 7, fig. 19-19. — Bursaria cucullo, Bory , Op. cit. p. 160. Ge INFUSOIRES, — KOLPODES. 405 9. Koljode pintade. Kolpoda meleagris. X. plicatilis depressa ; apice uncinata, margine antico crenu- lata, posticè obtusa. Mall. Inf. t. 14. f. 1—6. et t. 15. f. 1—5. Encycl. pl. 6. f. 179— 27. [ Amyphileptus meleagris. Ehrenb. 2e mém. p. 115.] (1) H. dans l’eau où croît la lenticule. Animalcules alongés, tres irréguliers et très variables. 10. Kolpode coucou. Kolpoda cucullus. K. ovata, ventricosa, infra apicem incisa. Mull, Enf, t. 14. f 9—14. Encycl. pl. 7. f. 1—1. H, dans les infusions végétales, et dans celle du foin fétide. 11. Kolpode crénelée. Kolpoda assimilis. X. depressa, non plicatilis, apice uncinato, margine antico ad medium usque crenulato, posticé dilatato acutiusculo. Mall. Inf. t. 15. f. 6. Encycl. pL. 6.ï. 28. [ Æolpode crenulata. Bory. Op. cit. p.475. ] H. dans l’eau de mer. Etc. BURSAIRE. (Bursaria. ) Corps très simple, membraneux, concave. Corpus simplicissimum , membranaceum, concavum. Osservarions, Les bursaires sont des infusoires à corps mince , comme membraneux , ainsi que ceux des quatre (1) Le genre Ampuireprus de M. Ehrenberg, se compose des infusoires qui, avec le même mode d’organisation que les kolpodes, s’en distinguent par l’absence d’une trompe, et ont le front et la queue rétrécis. Ce naturaliste y range le Fibrio anser de Muller, le Paramæcium fasciola, Mul- ler , etc. E. : 406 ANIMAUX APATHIQUES. genres précédents , et qui se font remarquer par leur forme concave d’un côté, imitant soit une bourse, soit un ha- teau, etc. ; elles ont peu de vivacité dans leurs mou- rl et on prétend que ces mouvements sont irrégu- liers , sé manière que lorsqu'elles parcourent une ligne spitilé de droite à gauche, et qu’elles s’élèvent dans l’eau, elles se meuvent avec assez de vitesse ; mais quand elles reviennent ou redescendent, elles ne vont qu'avec lenteur; ce que l’on attribue à l'influence de leur forme. 3 On trouve des bursaires dans les eaux douces et stagnan- tes , et dans l’eau de mer; on n’en connaît encore que peu a espèces, parmi lesquelles la première est visible à l’œil nu. [Il paraît, d’après les observations récentes de M. Ehren- berg, que les bursaires ont , de même que les loxodes, les trachélies , etc., un tube intestinal garni d’appendices cœcales, qui s'ouvre antérieurement à la face inférieure du corps, et postérieurement à son extrémité ; la bou- che elle-même, dépourvue de cils ou de chi et point de cercle de cils sur le front ; du reste, ils se distin- guent de ces deux genres par la disposition de la lèvre supérieure qui est comprimée , subcarénée ou renflée et point rétrécie; le corps de ces infusoires est en grande partie poilu. ] ESPÉCES. 1. Bursaire troncatelle. Pursaria truncatella. B. follicularis, apice truncato. Ehrenb. 2° Mém. p. 110. Mull. Inf. 1. 17. f. 1—4. Encycl. pl. 8. f. pur [ Bory. Op. cit. p. 160.] H. dans l’eau des fossés. >. Bursaire bullée. PBursaria bullina. B. cymbæ formis, anticè labiata. Mull, If, t 19. f 5—8. Encycl. pl. 8. f. 5—8. INFUSOIRES. — BURSAIRES. 407 [ Bory: Op. cit. p. 160. ] H. dans l’eau de mer. 3. Bursäire repliée. Bursaria duplella. B. elliptica, marginibus inflexis. Mull. Inf. t. 13. f, 13. 14. Encycl. pl. 8.f. 12. 13. [ Bory. Op. cit. p. 160. | FH. dans les eaux où croît la Leds 4. Bursaire globuleuse. Bursaria globina. B. sphærica , utrinque obscurata; medio pellucentissimo. Mall. Inf. t. 17.f. 15—19. Encycl. pl. 8. £. 14—16. H. dans l’eau de mer gardée. [ M. Bory pense que cette espèce devra se rapporter au genre Vozvoce. Op. cit. p. 219. | 5. Bursaire hirondeau. Pursaria hirundinella. B. uirinque laciniata; extremitatibus productis. Mull. Inf. t. 19. f. 9—12. Encycl. pl. 8. £ 9—11. [ Hirundinella quadricuspis. Boryÿ. Op. cit. p. 456. | H, dans l’eau des marais. ORDRE DEUXIÈME. INFUSOIRES APPENDICULÉS. Ils ont à l'extérieur, des parties toujours saillantes, comme des poils ; des espèces de cornes, ou une queue. Ces infusoires sont encore très petits, gélatineux, transparents, diversiformes : ils sont, malgré cela, moins imparfaits et moins simplesque ceux du premier ordre, puisqu'ils ont constamment des partiés saillantes 408 ANIMAUX APATHIQUES. à l'extérieur, comme des poils très apparents, des es- pèces de cornes, ou une queue. Au lieu d’être les produits de générations spontanées comme les premiers des infusoires nus, on ne saurait douter qu'ils ne proviennent des infusoires du premier ordre , et que leur état et leur forme ne soient le ré- sultat de quelques progrès obtenus dans la tendance à composer l’organisation que la vie possède et exécute, à mesure qu’elle se transmet dans les individus qui se succèdent. Déjà , en eux, lila ten est un peu plus avan- cée, plus caractérisée; le corps moins simple dans ses parties, moins changeant sous les yeux de l'observateur; les fluides essentiels contenus, et Îe tissu vivant qui les contient sont probablement un peu plus composés que dans. les infusoires nus; et, quoiqu'ils ne possèdent encore intérieurement aucun organe spécial pour des fonctions particulières, ils sont tout-à-fait sur le point d’en obtenir, et même à cet égard, on a pu déjà se tromper sur plusieurs. Les infusoires appendiculés , de même que ceux du premier ordre, n’ont aucun organe particulier pour se régénérer : la plupart se multiplient par une scission naturelle de leur corps, et plusieurs néanmoins se reproduisent par des gemmes intérieurs, c’est-à-dire par des corpuscules oviformes qui probablement se font jour au dehors par des déchirures. Il paraît , par les nombreuses espèces déjà connues et publiées, que les infusoires de cet ordre sont bien plus nombreux dans la nature que les infusoires nus. Cela doit être ainsi, d’après les principes que je me suis cru fondé à établir. En effet, dans les infusoires nus, l’origine encore trop récente des races qui proviennent de celles, en petit nombre, qui furent générées spontanément , n’a INFUSOIRES APPENDICULÉS,. _40g permis à la durée de la vic et aux circonstances qui ont influé sur ces races , qu’une diversité peu considé:- rable. Mais, à mesure que la durée de la vie, que sa transmission dans les individus qui se sont succédé en se multipliant, et que les circonstances ont eu plus de temps pour exercer leurs influences, les races se sont diversifiées de plus en plus et sont devenues plus nombreuses. | Cet ordre de choses, qu’il est facile de reconnaître pour celui même de la nature, nous fait sentir pour- quoi les infusoires sont bien moins diversifiés et moins nombreux que les polypes. Effectivement, quoique nous ne connaissions pas probablement tous les infu- soires, et que nous connaissions bien moins encore tous les polypes, ce qui est déjà connu de part et d’autre indique que la diversité des polypes est consi- dérablement plus grande que celle des infusoires. Aussi les polypes sont plus éloignés de leur origine que les infusoires. Malgré cela, les infusoires appendiculés sont déjà irés variés entre eux; néanmoins ils présentent dans leurs caractères des moyens si peu favorables pour les diviser nettement en différentes coupes, que les gen- res qu’on a établis parmi eux, sont, quoiqu’en petit nombre , très imparfaitement limités. Dans le genre tricode (trichoda) de Muller, il ya déjà quelques animaux qui commencent à offrir l’é- bauche d’une bouche, et par conséquent d’un organe digestif commencé. Or, d’après notre caractère classique, ces animaux doivent être rapportés à la classe sui- vante. 410 ANIMAUX APATHIQUES. TRICODE. (Trichoda. ) Corps très petit, transparent, diversiforme , sans : queue particulière, garni de poils mous, soit partout, soit sur quelque partie de sa surface, Corpus minimum , pellucidum , diversiforme , ecau- datum ; undiquè vel in superficiei parte pitis mollibus ciliatum. Osservarions. J’appelle éricode , les infusoires qui man- quent de queue, c’est-à-dire, qui n’ont point postérieure- ment ce prolongement particulier qui mérite le nom de queue, et qui sont munis, soit partout, soit sur quelque partie de leur surface, de poils mous, qui les font paraître velus ou ciliés. À Ces infusoires se composent de tous les leucophres de Muller et de la plus grande partie de ses trichoda. Je les distingue de ceux que je nomme #érones , parce qu’ils n’ont pas, comme ces derniers, des poils longs et cirrheux, ou des poils raides, rares et corniformes. Les tricodes et les kérones ainsi déterminées , sont sans contredit moins avancées en animalisation que les infu- soires qui sont terminés postérieurement par une queue particulière ; elles doivent donc se trouver avant eux dans l’échelle animale. [ Le genre TriconE établi par Muller et adopté par M. Bory, qui en distingue les leucophres , se compose, dans la méthode de M. Ehrenberg, des enchélidiens (ou les polygastriques entérodélés, énantiotrètes nus), dont la bouche est terminale et oblique; le corps gläbre;'peu ou point attenué en avant, ne présentant pas de prolon- sement en forme de tête et de cou, et se reproduisant par une division spontanée transversale. Le genre Lacrimatoria de M. Bory-Saint-Vincent , se place dans la méthode de M. Ehrenberg , à côté des tri- INFUSOIRES. — TRICODES. Ait codes dont il se distingue par l’existence d’un prolonge- ment en forme de tête et de cou , que le tube intestinal traverse sans donner naissance à des appendices cœcales. Enfin, le genre Leucorunis , de Muller , termine la série des enchélidéens, et diffère de. tous les autres ayant aussi la bouche oblique, par les cils qui sont répandus sur toute la surface du corps. C’est dans ce dernier genre que M. Ehrenberg a pu obser. ver de la manière la plus distincte, la modification par- ticulière du canal intestinal, qu’il désigne sous le nom de campylocæla. Ce tube autour duquel naissent tous les cœcums stomacaux, se prolonge d’une extrémité du corps à l’autre , mais au lieu d’être en ligne droite comme chez les enchélides , il est disposé en spirale. ( Foyez le premier mémoire de M. Ehrenberg, Acad. de Berlin 1830, pl. 2. fig. 2 et Ann, des Sc. Nat. 2° sér. t. 2. Zool. pl. 5. fig. 14) | E.] ESPÈCES. (A.) Corps garni de cils sur toute sa surface. (Leucophres de Muil.) 1. Tricode conspirateur. Trichoda con fiictor. T°. sphœrica, subopaca; interaneis mobilibus. Mull. Inf. t. 21. £. 1, 2. Encycl. pl. 10. f. 1, 2. [ Zeucophra conflictor. Bory. Op. cit. p. 486. ] H, dans l’eau des fumiers. 2. Tricode mamelle. Trichoda mamilla. T. sphœrica, opaca; papilld exsertili. Mall, Inf, t. 21. f. 3—$5, Encyel. pl. 10. f. 3—5, [ Leucophra mamilla. Bory. Op. cit. p. 486.] H. dans l’eau des marais. 3. Tricode verdaätre. 7richoda viridescens. T°, cylindracea, opaca, posticé crassior. Mull. Inf. 1. 21. f. 6—8. Encycl. pl. 10. f. 68, 412 ANIMAUX APATHIQUES. [ Leucophra viridescens. Bory. Op. cit. p. 487.] . H. dans l’eau de mer. | 4. Tricode verte. 7richoda viridis. T, ovalis, opaca. Mull. Tof. t. 21. f. g—11, Encyel. pl. 10. f. g—11. [ Leucophra viridis. Bory. Op. cit. p. 487. ] H. dans l’eau des rivages. 5. Tricode posthume. Trichoda postuma. T’. globularis , opaca , nigricans ; reticulo pellucenti. Mull. Inf, t. 21. f. 13. Encycl. pl. 10. f. 13. [ Leucophra posthuma. Bory. Op. cit, p. 486. | FH. dans l’eau de mer corrompue, 6. Tricode dorée. 7richoda aurea. T. ovalis, fulva, uträque extremitate œquali obtusa. Mull, Inf. t. 21.f. 14. Encycl, pl. 10. f. 14. [ Leucophra aurea. Bory. Op. cit. p. 486. | H. dans l’eau de mer: 7. Tricode percée. Trichoda pertusa. T. ovalis, gelatinosa, apice truncato obtusa , aliero latere suffossa. Mull. Inf. t. 21. f. 15, 16. Encycl. pl. 10. f. 16. 16. [ Leucophra fossulata. Bory. Op. cit. p. 487. ie H. dans l’eau de mer. 8, Tricode disloquée. Trichoda fracta. T. elongata, sinuato-angulata, subdepressa. Mall. Inf. t. 21. f, 17, 18. Encycl. pl. 10. f. 17, 18. [ Leucophra fracta. Bory. Op. cit. p. 488. ] H. dans les fossés inondés. 9. Tricode dilatée. Trichoda dilatata. T, complanata , mutabilis ; marginibus sinuatis. Mull. Inf. t. 21. f. 19—21. Encycl. pl. 10, f. 19—21r. [ Leucophra dilaiata. Bory. Op. cit. p. 488. ] H. dans l’eau de mer, Cet animalcule serait un kolpode s’il n’était cilié. INFUSOIRES , == TRICODES. 415 10. Tricode étincelante. Trichoda scintillans, T.. ovalis, teres, opaca, viridis. Mull. Inf, t. 22. f, 1. Encycl. pl. 10. f. 52. H. dans les eaux stagnantes. On doute si ce n’esi pas une volvoce. 11. Tricode vésiculifère. Trichoda vesiculifera. T, ovata; interaneis vesicularibus pellucentibus. Mull. Inf. t. 22. f. 2, 3. Encycl. pl. 10.f, 23, 24. H. dans les infusions végétales. 12. Tricode globifère. Trichoda globifera. T.. ovato-oblonga, crystallina; globulis tribus serialibus. Mull. Inf. t. 22. f, 4. Encycl. pl. 10. f, 25. [ Zeucophra globifera. Bory. Op. cit. p. 486. | H. dans Les fossés inondés. 13. Tricode pustuleuse. Trichoda pustulata. © T, ovato-oblonga, posticè obliqué truncata, Mall. Inf. t. 22. f. 5—17. Encycl. pl. 10. f, 26—28. [ Leucophra pustulata. Bory. Op. cit. p. 486. H. dans les marais. 14. Tricode turbinée. Trichoda turbinata. T°. inversé conica, subopaca. Mull. Inf. t. 22. f. 8, 9. Encycl. pl. 1. f, 1, 2. [ Leucophra turbinata. Bory. Op. cit. p. 485. ] . H. dans l’eau de mer corrompue. 15, Tricode aiguë, Trichoda acuta. T. ovata, teres, apice acuto, mutabilis, flavicans. Mull. Inf. t, 22. f. 10—12. Encycl. pl. 11. f. 3—5, [ Leucophra acuta. Bory. Op. cit. p. 485. ] H. dans l’eau de mer, parmi les ulves. 16. Tricode marquée. Trichoda notata. T', ovata, teres, anticé puncio atro notata. Mull. Inf, t, 22. f. 13—16. Encycl. pl. 11, f, 6—0. [ Leucophra notata. Bory. Op. cit, p. 487. ] H. dans l’eau de mer. 434 ANIMAUX APATHIQUES. 17. Tricode blanche. Trichoda candida. T°. oblonga, hyalina, alieré extremitate attenuala, curpata, Mull. Inf, t. 22. f. 19. Encycl. pl. 11. f, 10. [ Peritricha candida. Boryÿ. Op. cit. p. 615. | H. dans les infusions marines. 18. Tricode signalée. Trichoda signata. T. oblonga, subdepressa ; margine nigricante. Mall. nf, &. 22. f. 18, 19. Encycl. pl. 11. f, 11, 12, [ Peritricha signata. Bory. Op. cit. p. 615.] H. dans l’eau de mer, et n’est point rare. 19. Tricode trisone. Trichoda trigona. T. crassa, obtusa, angulaia, flava. Mall. Inf. t. 22. f, 20, 21. Encycl. pl. 1r. f. 22, 23. [ Leucophra trigona. Bory. Op. cit. p. 487. ] H. dans l’eau des marais. 20. Tricode fluide. Trichoda fluida. T. subreniformis, ventricosa, variabülis, Muil. Zool. dan. 2. t. 73. f. 1—6. Encycl. pl. 11. f. 24—29. [ Leucop hra fluida. Bory. Op. cit. p. 488. Leucophris fluida ? Ehrenb. 2e Mém. p. 106. | H. dans l’eau de la moule commune. 21. Tricode versante. Trichoda fluxa. T. reniformis, sinuosa, flavicans. Mall. Zool. dan. 2.t.73. f.7.—10. Encycl. pl. 11. f. 30—33. [ Leucophra fluxa, Bory. Op. cit. p. 487.] H. avec le précédent. 22. Tricode cornue. Zrichoda cornuta. T°. inversé conica, viridis, opaca. \ Mull. Inf. t. 22. f. 22—926. Encycl. pl. 11: f. 36—30. [ Dicerratellu triangularis. Bory. Op. cit. p. 250. Monosty la cornuta. Ehrenb. 2e Mém. p. APAAE jé ] H. dans l’eau des maraïs. + (1) L'organisation des infusoires dont M, Ehrenberg a INFUSOIRES. — TRICODES. 415 (B.) Corps velu sur quelque partie de sa surface. (La plupart des trichodes de Muller.) [ 23. Tricode éthiopienne. Trichoda ethiopica. T!. ovata, oblonga, dorso convexa;"ventre complanata, posucè acuia, hyalina. Hemprick et Ehrenberg. Symb. Phys. phyt. pl. 1. fig. 10. H. parmi les conferves à Dongala. ] formé le genre Monosryra, s'éloigne beaucoup de celle des leucophres et des tricodes : ces animalcules ne sont pas polygastriques 2 mais sont pourvus d’un canal digestif simple , ouvert à ses deux extrémités et renflé à sa partie antérieure en une grande cavité pharyngienne globu- laire. Leur bouche est armée de deux mandibules termi- nées chacune par une seule dent aiguë; leur corps est renfermé dans une enveloppe déprimée et oviforme, et se termine par une queue non divisée, pourvue à son ex- trémité d’une fossette qui semble remplir la fonction d’une ventouse; enfin, ils portent antérieurement un point oculaire et un appareil rotateur composé de plu- sieurs cercles de cils. Dans la méthode de M. Ehrenberg, le genre monostyla prend place dans la classe des rota- teurs, division des Polyirocha loricata (voyez le volume shtant Le Cercaria hirta( Muller , Inf. pl. 19. fig. 17, 18. — Encyc. pi. 0. fig. 17, 18 ), que M. Bory Saint-Vincent a rangé avec le Trichoda cornuta dans son genre Dicerra- tella diffère beaucoupde ce dernier. Suivant M. Ehrenberg, c’est un animalcule polygastrique, enthérodélé, cuirassé, Dans sa méthode de classification, le genre Cozer»s de Nitzsch renferme tous les infusoires connus qui présentent ces trois caractères. L’enveloppe des coleps est une espèce de coque formée par des pièces rangées par files , et dans les . intervalles desquelles on voit des rangées de cils E, 416 ANIMAUX APATHIQUES. [24. Tricode lybienne. Tricoda nasamonum. T. cylindrica, utrinque rotundata ; hyalina , oris rüna elongaia. | Hemp. et Ehrenb. Symb. Phys. phyt. pl. 2. fig. 10. Etc. | 25, Tricode grésil. Trichoda grandinella. T°. sphœrica , pellucida, supernè crinita. Mall. Inf, 1, 23.f. 1—3. Encycl. pl.-12. f. 1—3. [ Trichodina grandinella. Ehremb. 2e Mém. p. 97.] (1) H. dans l’eau pure et dans les infusions végétales. 26, Tricode comète. Zrichoda cometa. T. sphærica, anticè comata; globulo posticè appendente. Mull. Inf. t. 25. £. 4, 5. Encycl. pl. 12. f. 4, 5. [ Bory. Op. cit. p. 747.] H. dans l’eau très pure, 27, Tricode grenade. Trichoda granata. T. sphærica, centro opaco, périphæria crinita. Mall. Inf. t. 23. f, 6, 9. Encycl. pl. 12. f. 6, 7. [ Peritricha granata. Bory. Op. cit. p. 614. | H. dans les eaux recouvertes par la lenticule. 28. Tricode toupie. Trichoda trochus. T'. subpiriformis, pellucida, utrinque crinita. Mull. Inf. t. 23. f. 8, 9. Encycl. pl. 12. f. 8, 0. [ Ophrydia trochus. Bory. Op. cit. p. 583. | H. dans les marais , avec la lenticule. 29. Tricode tétard. Trichoda gyrinus. T. ovalis, teres, crystallina , anticé crinita, Mull. Inf. t. 23. f. 10—12. Encycl. pl. 12. f, 10—12. [ Ophrydia gyrinus. Bory. Op. cit. p. 583. ] H. dans l’eau de mer. (1) Le genre Tricaoniwa de M. Ehrenberg est une divi- sion de la famille des vorticelliens comprenant les espèces dont le corps n’est point pédicellé et qui sont libres. E. INFUSOIRES. =— TRICODES, 417 30. Tricode solaire. Zrichoda solaris. T. sphæroidea , periphæria crinita. Mull. Inf, t. 23. f. 16. Encycl. pl. 12. f. 16. [ Peritricha medusa. Bory. Op. cit. p. 613. | H. dans les infusions marines. 31. Tricode bombe. Trichoda bomba. T'. ventrosu, mutabilis ; anticè pilis sparsis. Mail. Inf. t. 23. f. ee. Eucycl. pl. 12. f. 17—20. [ Bory. Op. ci. p. 747.] H. dans les eaux des maruis. 32. Tricode palette. Trichoda orbis. T°. suborbicularis, anticè emarginata, crinita. Mull. Inf. t. 23. f. 21. Encycl. pl. 12. f. or. [ Bory. Op. cit. p. 749.] H, dans les eaux douces. 33. Tricode urne. Trichoda urnula. T'. urceolaris, anticé crinita. Mall. Inf. t. 24. f. 1, 2. Encycl. pl. 12. f. 22, 23, [ Bory. Op. cit. p. 749. ] H. dans l’eau où croît la lenticule, 34. Tricode amphore. Trichoda diota. T°. urceolaris, anticè angustata, ora apicis utrinque crinita. Mull. Inf. 1. 24.f, 3, 4. Encycl. pl. 12. f. 24, a5. [ Ophry dia lagenulata. Bory. Op. cit. p. 582.] * H. dans l’eau des fossés où croît la lenticule, 35. Tricode hérissée. Trichoda horrida. T. subconica, anticè latiuscula, truncata, posticè obtusa. setis deflexis. Mull. Inf. t. 24. f. 5. Encycl. pl. 12. f. 26. H. dans l’eau de la moule. 36. Tricode urinale. Trichoda urinariun:. T. ovato-oblonga, rostro brevissimo crinito. Mull. Inf. t. 24. f. 6. Encycl. pl. 12. f, 27. [ Bory. Op. cit. p. 749. ] H. dans l’infusion du foin. Tome 1. 27 418 ANIMAUX APATHIQUES. 37. Tricode croissante. Trichoda semiluna. _ T. semi-orbicularis, anticè subius crinita. Mall. Inf. t. 24. f. 7, 8. Encycl. pl. 12. f. 28. 29, [ Bory. Gp. cit. p. 749.1] H. dans l’infusion de la lenticule. 38, Tricode teigne. Trichoda tinea. T°. clavata, anticè crinita y POsticé incrassata. : “Malk Inf. C'afL'rT, 12. Encyel. PL 12. .. 32, 33. [ Bory. Op. cit. p. 748.1] H. dans l’infusion du foin. 39. Tricode noire. Trichoda nigra, T. ovulis, compressa, anticè latior crinita. Mull. Inf. t. 24. f. 13—:5. Encycl, pl. 12. f. 34—36. . [ Bory. Op. cit. p. 740. ] H. dans l’eau de mer. 4o. Tricode pubère. Trichoda pubes. T. ovato-oblonga, gibba, anticè depressa. Mull. Inf. t. 24. f, 16—16. Encycl. pl. 12. f. 35. 30. [ Bory. Op. cit. p. 749. ] H. dans l’eau des marais. 41. Tricode floecon. Trichoda, floccus. T. membranacea, anticè subconica , posticé papillis tribus crinitis. Mall. Inf. t. 24. f. 19—21. Encycl. pl. 12. f. 40—/2. [ Trinellu pacha. Bory. Op. cit. p. 753.] H. dans l’eau des fossés. 4 | À ? | : 42. Tricode échancrée. Trichoda sinuata. T. oblonga, depressa, aliero margine sinuato crinita, posticé obtusa. Mall. Inf. t. 24. f. 22. Encycl. pl. 12. f. 43. 43. Tricode hâtive. Trichoda prœceps. T. membranacea, sublunata 9 bird protuberante , margine inferiore crinita. INFUSOIRES. — TRICODES. 419 Mull. Inf, t. 24. f. 23—25. Encycl. pl. 12. f. 4h—16. [ Oxütricha variabilis. Bory. Op. cit. p. 597. | H. dans l’eau des marais. 2. Tricode protée. Trichoda proteus. T. ovalis, posticé oblusa ; collo elongato rétractili ; ; apice crinilo. Mall. Inf.t. 25. f. sors Encycl. pl. 13. f. 1—5. [ Phialina proteus. ouy- Op. cit. p. 619. (1}] H. dans l’eau des rivières. 45. Tricode versatile. Trichoda versatilis. T.. oblonga, posticé acuminata ; collo retractili, infr& apicem crinito. Mull. Inf. t, 25. f. 6— 10. Encycl. pl, 13. f. 6—10. [ Phialina versatilis. Bory. Op. cit. p. 617. | H. dans l’eau de mer. 46. Tricode bossue. Trichoda gibba. T. oblonga, dorso-gibbera , ventre excavata, anticé ciliata ; extremitalibus obiusis. Mull. Inf. t. 25. f. 16—0. Encycl. pl, 15. f, 11—15. [ Oxitricha gibbosa. Bory. Op. cit. p. 596. ] H, dans l’eau des rivages. (1) Le genre Parazina a été établi par M. Bory-Saint-Vin- cent, pour recevoir les trichodes de Muller et quelques PURE animalcules, qui se reconnaissent facilement par leur corps glabre et par l’existence d’un faisceau de cils isolés, et disposé sur un bouton céphalique, qu’un rétrécissement en forme de cou, rend très sensible. Cette division a été adoptée par M. Ehrenberg, qui la place à côté des bursaires dans la famille des trachélines de la sec- tion des allotrètes nus, ordre des entérodélés. N y Tap- porte les deux espèces AA antes : 1° Le Phialina vermicularis. Ehr. 2° Mém., p. LE QUES Ph. hirudinoïdes. Bory. Op: cit. p. 617 — Trichoda vermicularis. Muller, Inf. pl 298. fig. 1—{—Encycl. pi. 14. fig. 27 — 30. 2 * Phialira viridis. Ehr, 9° M: ém. pl, 618. | E. Mort 27 420 | ANIMAUX APATHIQUES. 47. Tricode enceinte. Trichoda fœla. T°. oblonga, dorso protuberante, anticè ciliata; extremitatibus obtusis. Mull. Inf. s. 25. f. 11—15. Encycl. pl. 13. f, 16—20. [ Bory. Op. cit. p. 748.1 H. dans l’eau de mer. 48. Tricode bäillante. Trichoda patens. T. teres, elongata, anticè foveata; fove“ marginibus cri- nilis. Mail. Inf. t. 26. f. 1, 2. Encycl. pl. 13. f, 21, 22. [ Æondy liostoma limacinia. Bory. Op. cit. p. 498. ] H. dans l’eau de mer. Sa fossette antérieure serait - elle une bouche commencée ? 49. Tricode fendue. Trichoda paiula. T. subovata, ventricosa, anticé canaliculata; apice et cana= liculo crinito. Mull. Inf. t. 26. f. 3—5. Encycl. pl. 13. f. 23—25. [Leucophrys patula.Ehrenub.1°r Mém. (Acad. de Berlin, 1820) pl. 2. fig. 2.—2e Mém. p. 105.] H, dans les infusions marines et dans l’eau de rivière gardée. Etc. [ C’est aux dépens des tricodes de Muller, que M. Ehrenberg a établi plusieurs genres dout les noms ont déjà été mentionnés dans le tabieau que nous avons donné de sa méthode. Le genre Aspipisca de cet auteur comprend les A. poly- gastriques entérodéiés de la section des allotrètes ( ayant la bouche et l’anus terminaux comme chez les enchéli- diens, mais se reproduisant par des divisions spontanées, longitudinales et transversales), qui sont cuirassés. Il y rapporte le Trichoda lynceus, Muller. Le genre OxiTriQuE établi par M. Bory-Saint-Vincent, secompose aussi, en majeure partie, de trichodes de Muller, et se fait distinguer par la forme arrondie du corps, et l’existence de cils disposés en deux faisceaux distincts ou sur deux séries. M. Ehrenberg a adopté ce genre et l’a choisi comme type de la seconde famille de ses katotrètes INFUSOIRES, — TRICODES. 421 nues ( n'ayant ni la bouche, ni l’anus terminsux ) caracté- risée par un corps cilié et soyeux ou armé de styles ou de crochets. Les oxitriques diffèrent des autres genres com- posant ce groupe par l’absence de sivles et de crochets ; leur corps est simplement cilié et soyeux. 1. Oxitrique pellionelle. Oxitricha pellionella. O- oblongata, angusia, compressa, obtusa, anticé ciliuta, pos= licé selosa. Bory. Op. cit. p. 595. Ebrenb. 2° Mém. p. 118. Trichoda pelionella. Muller. Inf. pl. 31. fig. 21, Encycl. pl. 16. fig. 3r. 2. Oxitrique lièvre. Oxitricha lepus. O. ovata, compressiuscula, anticé ciliuta, posticé setosa, pel- lucida. Bory. Op. cit. p. 594. Ebrenberg. 2° Mém: p. 118. Kerona lepus. Muller. Inf, pl. 34. fig. 5—8: Encycl. pl. 18. fig. 17—20. | Etc. Le genre Acrinopurys de M. Ehrenberg renferme cer- taines Tricodes de Muller, dont le corps est garni d’appen- dices droites , raides et très longues, qui , n’exécutant pas de mouvements vibratiles , sont désignées par cet auteur sous le nom de soies. Ce petit groupe se place dans la famille des enchélidiens et a pour caractère : bouche terminale droite, corps subglobuleux et garni de soies. Esp. 1° Actinophrys sol. Ehrenb."2° Mém. p. 102 et 1°" Mém., Acad. de Berlin 1830. pl. 2. fig. 4. Tri- choda sol, Muller, Inf. pl. 23. fig. 13—15.—Encycl. pl. 12, fig. 13—15. Peritricha sol, Bory Op. cit. p. 614. * 2° Actinophrys difformis. Ehr. 2° Mém. p. 102. Le genre Tricaoniscus du même auteur diffère du pré- 429 ANIMAUX APÂTHIQUES. cédent par la forme du corps qui ressemble à un disque ; : mais, qui, ie resté est également pourvu de soies. Esp. T'richoliteus sol, Ehr. 2° Mém. p. 103. Le genre Horopsrya de M. Ehrenberg renferme aussi des leucophres de Muller , et se compose des enchélidéens dont la bouche est terminale et droite comme dans le genre enchélide, etc., et dont le corps est garni de cils vi- bratiles. Esp. Æolophrya ovum. Ehr. 2° Mém. p. 102. Holophrya coleps. Ehr. loc .cit. Holophrya ambigua. Ehr. loc. cit. Trichoda ambi- gua. Muller, pl. 27. fig. 11— 16. Encycl. pl. 15. fig. 1—5. Oxitricha ambigua. Bory, Op. cit. p. 596. M. Ehrenberg range aussi quelques espèces de trichodes de Muller dans son genre Urozerrus , division de l’ordre des katotrètes nus , famille des kolpodées, dans laquelle il n’existe pas de trompe comme chez les kolpodes ; le front est obtus et le corps se termine par une queue rétrécie. Ce naturaliste y place, 1° Le Trichoda musculus, Muller.— Encycl. pl. 15. fig. 28-30. 2° Le Trichoda piscis, Muller, pi. 3r. fig. 1-4. — Encycl. pl. 16. f. 2-5.—Bory. Op. cit. p. 748, etc. . Enfin , les OparyoGze na, que M. Ehrenberg range à côté du genre uroleptus, dans la famillie des kolpodées, ressemblent un peu aux leucophres par la forme généralé et par les cils dont toute la surface du corps est recouverte; mais la bouche, au lieu d’être terminale, est 2 comme l’anus. Le caractère le plus ral par lequel ces infusoires se distinguent des autres kolpodéeë, est l’exis- ience d’un point oculiforme vers la partie antérieure de leur corps. Esp. Ophryoglina flavicans. Ehr. 2° Mém,, Pe 117. pl. 2. fig. 9. INFUSOIRES. — KÉRONES, 423 KÉRONE. | Kerona. ) Corps très petit, diversiforme, sans queue particu- lière, garni de cirrhes rares, où de poils raides et corni- formes sur quelque partie de sa surface. Corpus minimum , diversiforme, ecaudatum, quädam süperficiet parte cirrhatum äut âculeis corniformibus muniLum. OsservATIONS. Les kérones dont il s’agit ici se compo- sent des kérones de Muller , et de ses himantopes : les uns et les autres de ces ne ont entre eux les plus grands rapports, et ne différent que parce que dans les kérones de Muller, le corps est muni de pôils raides, qui semblent des espècés de piquañts cofniformes; tandis que dans ses himantopes , les cirrhes sont des poils longs, rares et flexi- bles. Ces infusoires pourraient , sans inconvénient, être réunis aux tricodes, d'autant plus que parmi les tricodes mêmes de Muller, plusieurs espèces ont des poils, soit cor- niformes, soit cirrheux. à Cependant, comme les tricodes réduites au caractère plus précis que nous leur assignôns, sont encore malgré cela très nombreuses, 6n peut en distinguer sous la déno- mination de kérones, toutes les espèces qui offrent des poils en piquants corniformes ; ou des filets écartés, longs, flexibles et cirrheux. [ D’après les observations de M. Ehrenberp, il paraï- trait que chez les kérones les cœcums stomacaux sont groupés autour d’un intéstin, ayant deux ouvertures distirctes, mais situées, n1 l’une, ni l’autre à l’extrémité du corps. Leur reproduction s’effectue à l’aide de divi- sions spontanées , longitudinales et transversales. Enfin , leur corps cilié et garni de soies présente encore à sa face 424 ANIMAUX APATHIQUES. ventrale des crochets, qui semblent tenir lieu de pieds. L'existence de ces appendices et l’absence de styles distin- gue le genre kérone, tel que M. Ehrenberg le circonscrit, des autres infusoires de la famille des oxytrichéens , dans laquelle il prend place. lu El ESPÈCES. 1, Kérone râteau. Xerona rastellum. Æ, orbicularis , mémbranacea ; hinc angulata , aliera pagina serte triplici corniculata. Mull. Inf. t. 33.f. 1, 2. Encycl. pl. 19. f. 1, 2. [ Tribulina rastellum. Bory. Op. cit. p. 527.] H. dans l’eau de rivière et dans celle de mer. 2. Kérone carrée. Kerona lyncaster. Æ. subquadrata, rostro obtuso, disco corniculis micantibus. Mull. Zool. dan. 2. t. 9. f. 3. Encycl. pl. 17. f. 3 à 6. [ Bory. Op. cit. p. 470.] Se trouve daus l’eau de mer long-temps gardée. 3. Kérone masquée. Xerona histrio. K. ovaio-oblonga , anticé corniculis nigris punctiformibus , posticé pinnulis longitudinalibus instructa. Mull. Inf. t. 33. £. 3, 4. Encycl. pl. 17. f. 7, 8. [ Stylonichia histrio. Ehrenb. 2e Mém. p. 120.(1)] Se trouve dans les rivières parmi les conferves. (1) Le genre Sryzonycui4 de M. Ehrenb. diffère du genre kérone et des autres oxytrichéens par l’existence simul- tauéc de crochets et de styles ; ces derniers appendices sont placés à la partie postérieure du corps et forment des cônes larges à leur base, déliés à leur sommet et incapables, d'exécuter des mouvements de rotation, mais cependant, bien mobiles ; on voit souvent l’animal s'appuyer sur ses styles, et il semble s’en servir comme d’une orgaue de tact. INFUSOIRES. —— KÉRONES. 425 4. Kérone cypris. Xerona Cypris. K. obversè ovata, anticè crinita, corniculis mucronuta, posticé crinita, altero margine sinuata. Mull. Inf, t. 33.f. 5, 6. Encycl. pl. 17. f. 7, 8. [ Bory. Op. cit. p. 471.] H, dans les eaux douces, parmi la fab. 5. Kéronesébile. Kerona haustrum. X. orbicularis , medio corniculata , anticé membranacea cri- nüa, posticè selosa, Mall. Inf. t. 33. f. 7—11. Encycl. pl. 19.f. PRE [ Bory. Op. cit. p. 472. | H. dans l’eau de mer. + 6. Kérone soucoupe. Xerona haustellum. Æ. orbicularis, medio corniculata, anticèmembranacea, ciliata, postuicé mulica, Mull. Inf. 1. 33. f. 12, 13. Encycl. pl. 17. f. 16, 17. [ Bory. Op. cit. p. 472. | H. dans les eaux douces, parmi la lenticule. 7. Kérone patelle. Kerona patella. K. univalvis, suborbiculata, anticé emarginata corniculata , posticé setis flexilibus pendulis. Mali. Inf.t. 33. f. 14—18. Encycl. pl. 18. f. 1 —6. [ Euplotes paiella. Ehrenb. 2e Mém. p. 118 (1).] H. dans l’eau des marais. M. Hacrbgis rapporte à ce genre l'espèce citée ci-dessus et le kerona mylitus, Muller. Le genre UrosryzA du même auteur se fait aussi remar- quer par l’existence de styles à la partie postérieure du corps ; il prend place à côté du précédent dans la famille des oxytrichéens , inais ne présente point de crochets. M. Ehrenberg n’en décrit qu’une seule espèce qu’ilnomme .U. grandis. (Ehrenb. 2° Mém., p. 119.) (1) Le genre EupPcores de M. Ehrenberg comprend les infusoires , qui avec l’organisation générale des kérones 426 ANIMAUX APATHIQUES. 8. Kérone crible. Xerona vannus. K. ovalis, subdepressa; margine altero flexo, opposito ciliato; corniculis anticis setisque poslicis. Mull. Inf. t. 33. f. 19, 20. Encycl. pl. 18. f 6, 7. H. dans l’eau de mer. Etc. CERCAIRE. ( Cércaria. ) Corps très petit, transparent, diversiforme, muni d’une queue particulière très simple. Corpus minimum, pellucidum, diversiforme ; cauda., speciali simplicissimd. ont le dos écussoné, mais n’ont pas de tête distincte ; on leur voit des cils, des soies, des styles et des crochets. M. Ehrenberg rapporte aussi à ce genre le Trichoda Cha- ron de Muller, Inf. pl. 32. fig. 19—920. Encycl. pl. 17: fig. 6 — 14, que M. Bory-Saint-Vincent range dans son genre Plæsconia. ( Encycl. p. 620. ) | Le genre Discocernazus (Ehrenberg) $e distigue du pré- cédent en ce que la tête est separée du dos par un rétrécis- sement. M. Ehrenberg ne mentionne qu’une seule espèce qu’il a observée dans la Mer Rouge et qu’il nomme Dis- cocephalus rotatorius ({ Himp. et Ehrenb., Symb. phys. phytoz., pl. 3. fig. 8.) C’est un petit animal hyalin, oblong et un peu comprimé, dont la tête est plus étroite: que le corps, et dont la face ventrale est garnie de quatre paires de cils. Par la forme générale de son corps, on pourrait le prendre pour quelque jeune animal de la fa- mille des caliges. Et pour lui assigner une place définitive dans la série zoologique, peut-être faudra-t-il Pétudier d’une manière plus aprofondie que les sivants voyageurs à qui on en doit la découverte ne paraissent l’avoir fait. E. INFUSOIRES, — CERCAIRES. 427 Osservarions. Quoique les cercaires soient en général dépourvues de poils ou de cils, et qu’elles semblent venir naturellement après les donne. elles sont plus avancées en animalisation que les tricodes, et leur queue particu- lière les rapproche évidemment fu furcocerques , des, tricocerques, des ratules et des vaginicoles. Mais les vraies, cercaires n’ont point de bouche , non plus que les furco- cerques : ce sont donc les Le genres des infusoires. Les cercaires sont des infusoires très petits, microsco- piques, gélatineux, transparents, qui vivent la plupart dans les eaux des marais et dans les eaux courantes. Quel- ques espèces néanmoins se trouvent dans les infusions animales et végétales , et d’autres dans l’eau de mer. La plupart ont un mouvement circulaire très rapide. Ici comme dans le genre suivant, l’on est exposé, d’a! près la petitesse extrême des dr AUS à rapporter à la classe des infusoires, des animaux qui, par leur organisa- tion, appartiennent à d’autres points de l’échelle animale. Orie bouche, quoique d’abord inaperçue et conséquem- ment l’ébauche d’un sac alimentaire, peut exister dans certains de ces animaux, et dès lors ils appartiennent au premier ordre des polypes ; mais des yeux, comme on en a supposé dans certaines cercairés, cela est impossible. Avant de dire que le fait lui-même vaut mieux que le raisonnement, il faut : 1° constater que les points que l’on a pris pour des yeux, en sont réellement, et qu’ils ont chacun un nerf optique qui $e rénd à une masse médul- laire , centre de rapport pour des sensations; 2° il faut ensuite établir positivement que des animalcules réelle- ment pourvus d’yeux; sont tiéänmoins, par leur organisa- tion, de la même classe que les autres infusoires. [ Les recherches de MM. Nitzsch, Bäer et Ehrenberp, montrent que les animalcules réunis par Muller sous le nom de cercaires, présentent entre eux les différences les plus grandes: les uns sont des polygastriques; d’autres des rotateurs, d’autres encore des planaires , et plusieurs ont, avec les ARE ou ditomes, |’ analogie la plus erande. On voit chez ceux-ci à la face ventrale , deux ventouses dont 428 ANIMAUX APATHIQUES. une antérieure et l’autre placée vers le milieu du corps, un canal qui, d’abord unique, se divise bientôt en deux branches, comme le canal intestinal des ditomes, des or- ganes qui paraissent être des ovaires et même des vais- seaux. En traitant des vers nous aurons l’occasion de re- venir sur ces singuliers animaux qui, dans une classification naturelle, ne penvent certainement rester à la place que Lamarck et la plupart des zoologistes de son époque leur assignait. [| nous paraît probable qu’on a aussi confondu sous cette dénomination les jeunes ascidies composées, lorsqu'elles sont sous leur première forme. ] ESPÈCES. 1. Cercaire têtard. Cercaria gyrinus. É. rotundata; caudé acuminatw. Mull. Inf. t. 18. f. 1. Encycl. pl. 8, £ 1, [ Bory. Op. cit. p. 190. | H. dans les infusions animales. 2. Cercaire bossue Cercaria gibba. C. subovata, convexa, anticè subacuta ; caudé terett, Mall, Fnf, t. 18, f. 2. Encycl. pl. 8. f. 2. [ Bory. Op. cit. p. 190. | H. dans l’infusion des jungermanes. 3. Cercaire agitée. Cercaria inquieta. C. mutabilis , convexa ; caudé lœvi. Mall. Tnf. t. 18. £. 3—%. Encycl. pl. 8. f. 3—". [ Histrionella inquieta, Bory. Op. cit. p. 457 (1) ]. H. dans l’eau de mer. Quoique sans organes intérieurs, elle a, dit-on, des yeux et une bouche. Si cela est, ce n’est point un infusoirc. RE bei letras dl tr) PMR (1) Le genre HisrrioNELLE établi par M. Bory-Saint-Vin- cent comprend dans la méthode de ce savant, les cercariées dont le corps est ovale, oblong, contractile , polymorphe, aminci antérieurement , avec des rudiments d’yeux ou / INF USOIRES. — CERCAIRES. ‘439 4. Cercaire lenticule. Cercaria lemna. C. mutabilis, subdepressu; caudd annulati. Mull. Inf.t. 18. f. 8.—12. Encycl. pl. 8. f. 8—12. [ Histrionella annulicauda. Bory. Op. cit. p. 457.] AE H. dans les marais. On lui croit aussi une bouche et des yeux. 5. Cercaire toupie. Cercaria turbo. C. globulosa, medio coarclata; caudi unisetd, Muil. Inf. t. 18. f. 13—16. Encycl. pl. 8. f. 13—16. * [ Turbinella. Bory. Op. cit. p. 360. [ Urocentrum turbo. Ehrenb. 2° Mém. p. 66 (1).] H. dans les ruisseaux. On lui soupçonne encore des yeux: 6. Cercaire pleuronecte. Cercuria pleuronectes. €. orbicularis , membranacea; caudé uniseté. Mull. Inf. t. 19. f. 19—21. Encycl. pl. 10. f. 1—3. [ Firgulina pleuronectes. Bory. Op. cit. p. 781. (2) d’organe buccal, et la queue implantée à la partie la plus obtuse du corps. La plupart de ces animalcules, si non tous, paraissent avoir trois yeux, deux ventouses ventrales, un tube digestif bifurqué; en un mot tous les caractères organiques les plus importants des ditomes. (7’oyez Hem- prich et Ehrenb., Symb. physicæ, phytozoea. ) (1) Le genre Urocentrum établi par Nitzch, renferme, dans la méthode de M. Ehrenberg, les monadines munies d’une queue et ayant le corps anguleux. Le genre Bono de ce dernier naturaliste ( Ehrenb., 9 Mém., p. 65) est très voisin du précédent, dont il ne diffère que par la forme du corps, qui est arrondi ou alongé. (2) M. Bory-Saint-Vincent a établi le genre VirGuzinA pour recevoir les cercaires de Muller, dont le corps est obrond, membraneux, aminci par sa partie postérieure en une très petite queue fléchie en virgule sur l’un des côtés de l’animal, qui lui-même est très comprimé. 480: 7 ANIMAUX APATHIQUES. | [{ Euglena pleuronectes. Ehrenb. 1er Mém. Acad. de Berlin ; 1630. pl. 6. fig. 5 (1). | H. dans l’eau long-temps gardée. (1) Le genre Euczena de M. Ehrenberg se compose des A. polygastriques, qui se rapprochent dés monadines par l'absence d’un tube intestinal, d’une enveloppe de cils ré- pandus sur la surface duc COrps, et de prolongements pseu- dopédiformes variables, qui ont le corps alongé comme les vibrioniens ; mais qui deviennent polymorphes par la contraction de certaines parties, et se reproduisent par des divisions longitudinales ou obliques ; enfin, qui se distin- guent des autres infusoires que présentent cette série de caractères, et qui constituent la famille des astasiens par l'existence d’un seul œil et d’un prolongement caudal. M. Ehrenberg y range l'espèce indiquée ci- dessus , plus : Le Circaria viridis, Muller, Furcocerca viridis, Lamk. L’'Enchelys sanguinea. Nées et Goldfuss. Le Vibrio acus, Muller. t. 6. fig. 9, 10. Encycl. loc. cit. pl. 4. fig. 8. Lacrimatoria acus. Bory. Encycl. p.479. Euglena acus. Ehrenb. M.Mémn. pl. 1 fig.3 L’Euglena sanguinea, Ehreub. Loc. cit. pl. x. fig. 4. L’'Æuglena pyreim, Ehrenb. Loc. cit. pl. x. fig. 5. L’Euglena longicauda. Ehrenb. Loc. cit. pl. 1. fig. 6. Le genre AmerYorxis du même auteur ne diffère du pré- cédent que par l’absence d’un prolongement caudal ; le corps des amblyophis est aplati, arrondi postérieurement; leur bouche est terminale et ciliée, et leur œil “mue rouge et très gros. M. Ehrenberg n’y Men ne qu’une seule espèce. L'Amblyophis viridis. Ehrenb. 2° Mém. p. 72. pl. 2. fig. Q. Le genre Disriema, Ehrenberg, dont il a déjà été ques- tion se distingue de, deux précédents par l'existence de deux points oculiformes. Enfin , le genre ASTASIA de INFUSOIRES. — CERCAIRES. 431 7. Gercaire trépied. Cercaria tripos. C. subtriangularis, ‘brachiis deflexis, caudé reel. Mall. Inf, t. 19. f. 22: Encycl. pl. 10. f. 4. [ Tripos Mulleri. Bory. Cp. cit. p. 753.] H. dans l’eau de mer. 8. Cercaire tenace. Cercaria tenax. C. membranacea , anticè crassiuscula truncata ; caudé triplo breviore. Mall. Inf. t. 20. q 1. Encycl. pl. 10. f. 5. [ J’irgulina pirenula. Bory. Op. cit. p. 781. |] Se trouve dans l’infusion du tartre des dents. 9. Cercaire cyclide. Cercaria cyclidium. C. opalis, posticè subemarginata ; caudé exserlil. Mull. Inf. t. 20. f, 2. Encycl. pl. 10. f. 6. [ J'irgulina brevicauda. Bory. Op. cit. p. Te ] H. dans les eaux les plus pures. 10. Cercaire disque. Cercaria discus. C. crbicularis ; caud& curvatt. Mull. Inf. t. 20. f. 3. Encycl. pl. 10. f. 7. [ J’irgulina discus. Bory. Op. cit. p. 78r.] H. dans les eaux des marais. 11. Cercaire lunaire. Cercaria lunaris. C. arcuata, teres, apice crinila; caudé cirraté inflexd. Trichoda. Mall. Inf. t. 29. f, 1—3. Encycl. pl. 15. f, 11—13. [ Rastulus lunaris. Bory. Op. cit. p. 667. Ehrenb. se Mém. p. 139 (1). | H. dans les eaux où croît la lenticule. M. Ehrenberg comprend les astasiens qui ne présentent pas de vestiges d’yeux. Ce naturaliste décrit plusieurs es- pèces nouvelles d’astasies, et pense qu’il faudra peut-être rapporter à cette divison le Paramæcium oceanicum de Chamisso et Eysenhardt. (1) Le genre Rasruzus, établi par Lamarck et adopté par MM. Bory et Ehrenberg, appartient à la classe des rôta- LE 432 ANIMAUX APATHIQUES: [ C’est à côté des cercaires, que la plupart. des z0olo- gistes rangent des êtres extrêmement singuliers qui pa- raissent jouer, dans la fécondation, le rôle principal , et qui sont désignés sous les noms d’animalcules spermati- ques ou de Zoospermes. Les mouvements vifs et variés que ces êtres exécutent ne peuvent guère laisser de doute sur leur nature animale, et les expériences de Spallanzani, mais sur-tout ceux de MM. Prevost et Dumas tendent à prouver que c’est à leur présence dans la liqueur sperma- tique que cette humeur doit ses propriétés fécondantes. Ces animalcules manquent dans les humeurs qui se trou- vent dans les testicules des très jeunes animaux et de ceux qui sont devenus impotents par l’âge ; mais on a constaté leur existence chez les mäles adultes d’un nombre extrè- mement considérable d’animaux, non-seulement parmi les vertébrés, mais aussi parmi les mollusques et les insectes. Leurs dimensions varient beaucoup suivant les espèces; on leur distingue toujours une extrémité antérieure renflée (tantôt circulaire, tantôt ovalaire), et une espèce de queue plus ou moins filiforme et souvent extrêmement longue; mais on nesait rien surleur organisation intérieure.—Voyez Nouvelle Théorie de la Génération par MM. Prevost et Dumas ; Annales des Sciences Naturelles, 1. 1; l’article Z'oosperme de l'Encyclopédie méthodique, Hist. nat. des Zoophytes et du Dictionnarre classique d'Hist. nat. par M. Bory-Saint-Vincent, étc. E.] FURCOCERQUE. ( lurcocerca. ) Corps très petit, transparent , rarement cilié, muni d’une queue diphylle ou bicuspidée. teurs, qui correspond à peu près à l’ordre des polypes ciliés de Lamarck. ( 7’oyez le volume suivant.) INFUSOIRES. — FURCOCERQUES. 433 Corpus minimum , peliucidum , rarû ciliatum ; caudé& diphy llà vel furcatd. OsservarTions. On est ici sur la limite de la classe des infusoires , et conséquemment plus exposé à se tromper sur la non existence de la bouche, que dans les genres précédents. Cependant il ne me paraît pas douteux qu'il y ait des infusoires à queue diphylle ou fourchue, qui n’aient point encore de véritable bouche, et que le genre Jurcocerque ne doive être établi pour eux. Des observa- tions ultérieures décideront à l’égard des espèces qui sont dans ce cas, et feront reporter les autres parmi les trico- cerques. Ainsi les furcocerques, qui ne sont qu’un démembre- ment du genre cercaria de Muller, me paraissent devoir en être distinguées sous plusieurs considérations, et ter- miner la classe des infusoires ou astomes. Les espèces que. j'y rapporte provisoirement sont Îes suivantes. [ La plupart des animalcules rangés par Lamarck dans son genre furcocerque , ont une organisation très différente de celle de la plupart des infusoires dont il vient d’être question ; au lieu d’avoir une multitude de petites poches gastriques , ïis ont un estomac simple, et un canal intestinal analogue à celui des animaux articulés. Aussi, M. Ehrenberg les place-t-il dans la classe des rota- teurs dont nous aurons l’occasion d’exposer les caractères et la classification dans le volume suivant. ] ESPÈCES, 1. Furcocerque podure. Furcocerca podura. F. cylindracea ; postice acuminata , caud& subfissd. Mull. Enf. t. 19. f. 1 —5. Encycl. pl. 9. f. 1. 5. [ Bory. Op. cit. p. 424. ] k [ Zchthy dium podura. Ehrenb. 2° Mém. p. 122 (1). ] (1) Le genre Icaraynium de M. Ehrenberg appartient à Tome 1. 28 434 ANIMAUX APATHIQUES. H. dans les marais où croit la lenticule. Probablement Îa queue ne paraît simple que lorsque ses branches sont réu- nies. 24 F urcocerque verte. Furcocerca viridis. F. cylindracea, mutabilis, posticè acuminata > Jissa. Mull. Inf. t. 19. f. 6—13. Encycl. pl. 0. f. 6—13. [ Raphanella urbica. Bory. Op. cit. p. 665. ] [ Euglena viridis. Ehrenb. re" Mém. (Acad. de Berlin, 1830. pl. 6. fig. 3.)] H. dans les eaux stagnantes des RE 3. Farcocerque bourse. Furcocerca crumen«. F. cylindraceo-ventricosé, anticè obliqué truncala ; caudä lineari-bicuspidatd. Mull. Inf. t. 20. f. 4—6. Encyel. pl. 9. f. 19—21. [ Leiodina crumena. Bory. Op. cit. p. 484.— Morren. An- nales des sciences naturelles. t, 21. p.121. pl. 3.fig. 1 (1).] H. dans infusion de l’ulve linze. 4. Furcocerque catelle. Furcocerca catellus. F. tripartita ; caudé bisetd. Mull, Inf. t. 20. f, 10, 11. Encycl. pl. 9.f. 22, 23. [ Cephalodella catellus. Bory. Op. cit. p. 527. L H. dans l’eau des marais. b. Furcocerque catelline. or catellina. F, tripartita ; caudé& bicuspidatd. 2 Mall. Inf, t. t. 20. f. 12, 13. Encycl. pl. o. £ 24, 25. la classe des rotateurs. Ces animalcules ont un canal di- gestif droit et simple; leur pharynx est très alongé; ils sont dépourvus de mandibules ; léur corps est oblong, uni et glabre ; ils ont une queue bifurquée très courte ; enfin, ils ont autour de la QUE un cercle complet et unique de cils. | (1) Cet animalcule ds probablement à la classe des rotateurs. ( ’oyez le volume suivant, notes du genre tricocerque. }) INFUSOIRES. — FURCOCERQUES. 135 [ Cephalodella catellina. Bory. Op. cit. p. 527.] [ Diglena catellina. Ehrenb. 2° Mém. p. 137. ()] H. dans l’eau des fossés où croit la lenticule. 6. Furcocerque loup. Furcocerca lupus. F. cylindrica , elongata, torosa ; cauda spinis duabus. Mall. Inf. t. 20. €. 14—17. Encycl. pl. 9. f. 26— 29. [ Cephalodella lupus. Bory. Op. cit. p. 527. | [ Cyrcloglena lupus. Ehrenb. 2° Mém. p. 141 (2).| H. dans les eaux stagnantes. 7. Furcocerque orbiculaire. Furcocerca orbis. F. orbicularis; setä caudali, duplici, longissima. Mull. Inf, t. 20. f. 7. Encycl. pl. 10. f. 8. [ Trichocerca orbis. Bory. Op. cit .p. 946. | H. dans les eaux stagnantes, (1) Le genre Diezena de M. Ehrenberg appartient à la classe des rotateurs. Le pharynx de ces infusoires est vo- lumineux et armé antérieurement de deux mandibules simples à une seule dent ; à cette cavité succède un canal étroit qui bientôt se dilate et paraît avoir dans son inté- rieur unestructure glandulaire; six prolongements cœcales naissent de cette portion élargie de l’intestin , mais ne reçoivent pas directement les aliments dans leur intérieur, comme chez les infusoires polygastriques , et sout pro- bablement des organes secréteurs ; enfin , la portion pos- térieure du canal digestif se rétrécit de nouveau. ( Voyez Ehrenb., 2° Mém. pl. 3. fig. 10, et Annales des Sciences Naturelles, 2° série Zool. t. 1, pl. 12, fig. 6.) Le corps est nu, terminé postérieurement par une quéue bifurquée et pourvue antérieurement de plusieurs petits organes rota- teurs disposés en cercle ; enfin ces animalcules présentent sur le front deux points RTE (2) Le genre Cycroczena de M. Ehrenberg appartient à la même famille que le genre Diglina, mais présente plu- sieurs yeux disposés en un cercle sur le cou ; la queue est bifurquée. É. 436 ANIMAUX APATHIQUES. 4 8. Furcocerque lune. Furcocerca luna. F. orbicularis ; caudé spinis binis, linaribus, brevibus. Mull. Inf. t. 20. f. 8, 9. Encycl. pl. 10. f. 9, 10. [Trichocerca luna. Bory. Op. cit. p. 746.] [ Euchlanis luna. Ehrenb. 2° Mém. p. 131 (1). ] -_ IH. dans les eaux stagnantes. Voilà, quant a présent, où se réduisent nos princi- pales connaissances sur les snfusoires , lesquelles se bor- nent au caractère classique que je leur assigne, ce que l’on a pu savoir de plus essentiel à leur égard, et les genres les plus convenables qu’il a été possible d’éia- blir parmi eux. Muller, qui a tant contr'bue à faire connaître ces singuliers animaux, n’a considéré en général que leur ._extrème petilesse pour circonscrire la coupe particu- lière qu’ils paraissent former dans l’échelle animale: il y réunissait en conséquence ceux qui ont antérieure- ment un ou deux organes rotatoires, tels que les ur- céolaires et les vorticelles. Je pense, au contraire, que partout, dans le règne animal , les rapports et les coupes classiques ne doivent être déterminés que d’après l’état de l’organisation , et non d’après la taille desindividus; et si, par le place- ment de ma ligne de séparation classique , je sépare les (1) Le genre EvcnLanis , Ehrenberg , appartient égale- ment à la classe des rotateurs ; la disposition des organes rotateurs rapproche ces animalcules des Ratules , des Diglènes, etc.; mais 11s ont le corps cuirassé ; leur queue est bifurquée et très longue, leur cuirasse deprimée et unt- forme ; enfiu ils ont un seul point oculiforme. E, ds. fun Sons INFUSOIRES. 437 rotifères des infusoires, je m'y crois autorisé en ce que les rotifères ne sont pas essentiellement des infusoires, qu'aucune ne résulte de génération spontanée, que dans toutes, la bouche et le tube alimentaire sont clairement reconuus, etqu’enfin la bouche desrotifères, comme ceile des polypes , est constamment munie d’or- ganes extérieurs propres à amener dans cette bouche les corpuscules qui peuvent servir à la nutrition de ces animaux; ce qui n’en est pas ainsi danslesinfusoires (1). Si j'ai pu trouver des motifs raisonnables pour rap- procher les rotifères des polypes, tandis que Muller en a cru trouver pour les comprendre parmi lesinfusoires, il résulte de cette différence de classification , où néan- moins les rangs reconnus ne sont nullement changés, que les rotifères font évidemment le passage des infu- soires aux polypes, et que les derniers infusoires tien- nent de très près aux rotifères, comme les derniers rotifères tiennent de très près aux autres polypes. Les infusoires, même les plus imparfaits, sont donc tous véritablement des animaux , puisque de proche en proche ils sont liés les uns aux autres par des rapports évidents , et qu'ils conduisent , sans lacune, aux polypes qui sont bien reconnus pourappartenirau règneanimal. (1) Les observations récentes de M. Ehrenberg confirment pleinement l’opinion de Lamarck, relativement à la néces- sité de ne pius confondre dans une même classe tous les infusoires de Muller (7/07. p. 337). E. FIN DU TOME PREMIER, 438 TABLE TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. mener — / { 4 AVERTISSEMENT sur cette nouvelle édition. : u , AveRTISSEMENT de Lamarck. 1 INTRODUCTION. ; | UN À PREMIÈRE PARTIE. Des caractères essentiels des animaux , com- parés à ceux des autres corps de notre globe. 33 Chap. Y. Des corps inorganiques, soit solides ou concrets, soit fluides, en qui le phénomène de la vie ne saurait se re- produire , et des caractères essentiels de ces corps. did Cæar. Il. Des corps vivants et de leurs caractères essentiels. 47 Cuar. III. Des caractères essentiels des végétaux. Æ 56 Cuar. IV. Des animaux en général, et de leurs caractères es- sentiels. 95 Deuxième PARTIE. De l'existence d’une progression dans la composition de l’organisation des animaux, ainsi que dans le nombre et l’éminence des facultés qu’ils en obtiennent. 109 Troisième partie. Des moyens employés par la nature pour instituer la vie animale dans un corps; composer ensuite pro- gressivement l’organisation dans différents animaux et éta- DES MATIÈRES, blir en eux divers organes particuliers qui léur donnent des facultés en rapport ayec ces organes. Quatrième PARTIE. Des facultés observées dans les animaux, et toutes considérées commé des phénomènes uniquement organiques. Cinquième PARTIE. Des penchants, soit des animaux sensibles, soit de l’homme même, considérés dans leur source, et comme phénomène de l’organisation. SIiÈME PARTIE, De la nature, ou de la puissance en quélque sorte mécanique, qui a donné l’existence aux animaux et qui les à fait nécessairement ce qu’ils sont. SEPTIÈME PARTIE. De la distribution générale des animaux, de ses divisions et des principes sur lesquels ces objets doi- vent être fondés. SurPLÉMENT à la distribution générale des animaux, concernant l’ordre réel de formation relatif à ces êtres. HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX SANS VERTEBRES. PREMIÈRE PARTIE. ANIMAUX APATHIQUES. CLasse PREMIÈRE, Infusoires. Ordre premier. nfusoires nus. Première section. - G. Monade. G. Volvoce, G. Protee. G. Enchélide, G. Vibrion. Seconde section. G. Gone. G. Cyclide. 439 138 177 214 281 314 327 333 335 369 374 380 382 386 394 395 396 2 « L ‘ . 4 ; à ne" oh ÿ + KIN DEF LA TABLE. Q ANRT! Le de ad 4) Yc! Pt # à M v ÿ