\ \1 \ ~^ 1jénes, c'est-à-dire croissant en dedans; ou bien les végétaux vasculaires présentent des liges coniques, très-souvent ramifiées, formées de fibres ligneuses disposées autour d un canal mé- dullaire central, en couches concentriques superposées, dont les plus dures et les plus âgées sont au centre, et les plus jeunes à la circon- férence. Ces végétaux sont nommés exogènes, c'est-à-dire croissant en dehors. Ainsi que nous avons eu occasion de le dire (page 8), cette divi- sion des végétaux en endogènes et exogènes répond exactement à celle des végétaux monocotylédonés et dicotylédones. Les végétaux endogènes ou monocotylédonés se divisent en deux classes, fondées sur ce que les uns ont des tleurs et des sexes distincts, iandis que les autres en sont pri\és. Ces derniers, trcs-rapprochés des végétaux cellulaires foliacés, se nommeai Munocotylédones cryptoga-nes ; ils faisaient partie de la cryptogamie de Linné et des acotylédones de de Jussieu. Les autres forment la classe des monocotylédonés phanéro- games, parmi lesquels nous trouvons les Graminées, les Palmiers, les Iridées, les Orchidées, etc. Les végétaux exogènes ou dicotylédones ont toujours des fleurs dis- tinctes ; mais tantôt ces fleurs n'ont qu'une seule enveloppe, tantôt elles en ont deux. Lorsqu'elles n'en ont qu'une, on considère généralement CLASSIFICATIONS MOTAMQL'ES. 19 celle-ci comme un calice et non comme une corolle ; ce sont les dico- tylédones à pétales de de Jussieu. De Candolle, se bornant à constater l'existence d'une seule enveloppe florale, nomme ces végétaux Mono- chlamydcs, c'est-à-dire n'ayant qu'un man(eau. Dans sa méthode ils ne forment qu'une classe, dans laquelle on trouve les Conifères, li grande famille des Amcntacées, les Euphorbiacées. Les dicotylédones à périgone double, ou à calice et corolle distincts, forment trois classes qui se distinguent par le nombre des divisions de la corolle et par son insertion. Lorsque la corolle est d'une seule pièce et qu'elle est hypogyne, c'est-à-dire insérée sous l'ovaire ou sur le ré- ceptacle, elle constitue la classe des Co?oZ/î//ores *(Labiées, Solanacées, Borraginées, Apocynées, etc.). Quand la corolle est formée de plusieurs pétales libres ou quelque- fois soudés, mais toujours périgynes, c'est-à-dire insérés autour de l'o- vaire ou sur le calice, elle forme la classe des Calici/îores où se trouve la grande famille des plantes à fleurs composées ou Synanthérées, les Rubiacées, les Ombelliféres, etc. Enfin quand la corolle est polypétale, ou formée de plusieurs pétales distincts et que ces pétales sont insérés sur le réceptacle avec les étami- nes, on entre dans la classe des Tha'amifïores qui comprend les Rutacées, les Malvacées, les Crucifères, etc. Privés d'expansions fo- Cellulaires aphyl- liacées les 1 Pourvus d'expansions Cellulaires folia- foliacécs ces •> Cellulaires ou acotvlédoiié:*. . •a :^ Sans sexes distincts Monocotylédones Endogènes ou nionocoty- \ "^"""^ "^"'^' "*''""^"' " j cryptogames... a lédonés \ Ayant des fleurs et des Monocotylédones ( sexes distincts phanérogames . 4 Périgone simple ^corolle nulle ou soudée )»,*,, avec le calice}. j -^lonochlamyd es. 5 "^^ I Exogènes ou dicoty- ^ \ lédonés. Périgone dou- ble ou calice et corolle dis- tincts Corolliflores Caliciflores Pétales soudés en une corolle hypogyne c'est -i\- dire insérée sur le réceptacle et portant lesétamines. l'étalés libres ou plus j ou moins soudés, mais ' toujours périgynes ou ( insérérés sur le calice. Plusieurs pétales dis- ] , tincts, insérés sur le I r^i ^ -n \ réceptacle, avec igs j Tlialamiflores.. . S ^ étamines et le calice. ) Telle est la méthode de de Candolle ; seulement nous l'avons prise à rebours, parce que ce grand botaniste commençait sa classification par les végétaux les plus complets, composés du plus grand nombre de parties ou d'organes distincts, tandis qu'à l'exemple de de Jussieu, d'Endlicher et du plus grand nombre des botanistes modernes, il nous paraît plus naturel de commencer par les végétaux les plus simples, 20 CLASSIFICATIONS BOTANIQUES. ou qui n'ont ni feuilles ni organes distincts; puis par ceux qui nous offrent des feuilles, sans fleurs ni fruits, etc. Ensuite nous faisons subir dès le commencement à la méthode de de CandoUe une modificalion qui, sans changer la série des végétaux, fait mieux cadrer sa méthode avec celle de de Jussieu et d'autres plus modernes. Cette modification consiste à retirer des monocolylédones les cryptogames de l'ordre le plus élevé, que de CandoUe y avait comprises, à cause de leur tissu en partie vasculaire et, sans doute aussi, parce que quelques observateurs ont annoncé avoir observé la présence ou la formation d'un cotylédon pendant la germination de leurs corpuscules reproducteurs. Mais comme, en réalité, c^s corpuscules n'offrent aucun des caract<>res des véritables semences, et qu'ils sont en eux-mêmes dépourvus de tout organe cotylédonaire, il paraît plus régulier de réunir tous les végé- taux qui les présentent dans une seule division, sous la dénomination à'acotijlédoités. Enfin nous joignons encore aux acotylédonés un petit nombre de plantes d'une organisation plus élevée, puisqu'elles sont pourvues de fleurs et d'organes sexuels bien déterminés, et qu'elles font partie des phanérogames dans la plupart des méthodes : mais ces plantes ne contenant dans leur graine, au lieu d'endosperme et d'em- bryon cotylédoné, qu'un amas de granules reproducteurs analogues aux spores des acotylédonés, doivent encore faire partie de ceux-ci. Voici, en définitive. Tordre que nous suivrons dans la classification des familles. VÉGÉTAUX. 1 apliylles, s'acciois. par toute leur périphérie. Amphigènes. Acotylédonés.. J foHacés,s'accroissant par l'extrémité des axes. Achogènes. ( anthosés, ou Rhizanïhés. Monocotylédonés MocoTYLÉl)O^És. Î apétales, ou à périanthe simple Monochlamydés. gamopétales, étamines portées sur la corolle. Corolliflores. / étamines attachées au calice.. Caliciflores. dialypétalés | étamines portées sur le récep- \ ' tacle Thalamiflobfs. Ces classes contiennent un certain nombre de groupes, auxquels on a donné le nom de familles naturelles, et dont un grand nombre sont parfaitement délimitées. Telles sont celles des Graminées, des Labiées, des Crucifères, des Ombellifères, etc., etc. La division des végétaux par familles naturelles offre des avantages incontestables sous le rapport des applications, et véritablement ce qu'il faut s'efforcer de voir dans les sciences et d'en tirer, ce sont des appli- cations utiles au bien-être de l'homme. Or, on a remarqué depuis long- temps, et Aug. Pyr. de CandoUe a mis cette vérité dans tout son jour, qu'une grande ressemblance de forme générale réunie à la ressemblance des caractères tirés des organes sexuels et du fruit, en un mot, que la réunion des végétaux dans une même famille indiquait presque tou- jours une grande conformité dans leurs qualités médicales, alimen- taires ou vénéneuses. L'observation de ce fait a souvent permis à des navigateurs pris au dépourvu de nourriture dans des pays non encore explorés, de reconnaître dans des végétaux qu'ils voyaient pour la pre- CLASSIFICATIONS BOTANIQUES. 21 mière fois ceux qui pouvaient leur être utiles comme aliments ou comme médicaments, et ceux qu'il fallait fuir comme dangereux. C'est ainsi que la famille des Graminées, si bien caractérisée par son fruit monosperme et indéhiscent, portant un embryon monocotylédone à la base de son. côté convexe ; par ses tiges fisîuleuses, entrecoupées de nœuds pleins et proéminents ; par ses feuilles longues, pointues et rubanées ; par ses fleurs disposées en épis ou en panicules, etc., nous présente des tiges sucrées, des feuilles non amôres et des fruits amyla- cés, qui servent à la nourriture de l'homme et des animaux dans toutes les contrées de la terre. La famille des Amomacées, très-bien caractérisée aussi par l'organisa- tion de ses racines, de ses feuilles, de ses fleurs et de ses fruits, nous fournit un grand nombre de rhizomes et de fruits aromatiques, et pas une plante vénéneuse. Les Labiées sont généralement aromatiques, stimulantes, et fournis- sent de l'huile volatile à la distillation. Les Apocynées, les Renoncalacéés, les Euphorbiacées, sont acres. et sou- vent très-vénéneuses. Les Crucifères doivent leur âcreté et leur qualité stimulante à un principe volatil sulfuré. Les Malvacées sont émollientes, les Myrlacées aromatiques. Les Térébinthacées et les Conifères sont riches en principes résineux. Enfin il est vrai de dire que, très-souvent, les groupes qui ont reçu le nom Ae familles ?2atureUc!i y oiïveni des xégéiaux de propriétés analogues. Il ne faut pas cenendant exagérer la portée de ce principe et s'ima- giner qu'il ne souffre pas d'exception. Loin de là, il en offre d'assez nombreuses, non- seulement entre les genres d'une même famille, mais encore entre les espèces d'un môme genre, et quelquefois entre les variétés d'une même espèce. Nous citerons en exemple le genre StrychnoSj dont plusieurs espèces offrent des semences très-amères et riches en alcaloïdes vénéueux, telles que la noix vomique et la fève de Saint-Ignace; tandis que d'autres espèces sont dépourvues d'amertume et servent à différents usages économiques. Nous citerons encore le genre Convolvulus qui produit plusieurs ra- cines fortement purgatives, telles que celles des C, officiniUs, S'wn- monia, Turpethum; une racine purement alimentaire comme celle du C. Batatas et une autre pourvue d'une huile volatile analogue à celle de la rose {€. scoparius). Entin, nous nommerons l'amandier à fruit doux et l'amandier à fruit amer, qui diffèrent à peine par la longueur respec- tive du style et des élamines, et dont les semences offrent une très- grande différence par certains produits que l'analyse chimique peut en retirer et par la qualité très-délétère de l'essence chargée d'acide cyanhydrique, obtenue par la distillation de la seconde variété. Nous terminerons par l'indication des principaux groupes (1) (1) Depuis plusieurs années, les botanistes ont senti rutilité d'introduire en- tre la division par classes et celle par familles, une division intermédiaire qui indiquât entre certaines familles une affinité plus grande que celle qu'elles 22 CLASSIFICATIO.NS BOTANIQUES. OU des principales familles naturelles comprises dans les classes ci-dessus. l'"^ CI.ASSE. — Acotyîédones aphyllcs ou Amphùjènes : Algues, Li- chens, Champignons. 2^ CLASSE. — Acotyîédones foliacés ou Acrogènes : Hépatiques, Mousses, Fougères, Marsiléacées, Lycopodiacées, Équisétacées, Cliaracées. 3® CLASSE. — Acotyîédones anthosés ou Rhizanthés : Balanophorées, Cytinées, Baflésiacées. 4^ CLASSE. — Monocotylédones : Aroïdées, Cypéraeées, Graminées, Palmier?, Mélanthacées, Liliacées, Asparaginées, Iridées, Amomées, Or- chidées. 0^ CLASSE. — Dicotylédones monochlamydées : Cycadées, Conifères, Amentacées, Urticées, Euphorbiacées, Protéacées, Sanlalacées, EUea- gnées, Daphnacées, Laurinées, Polygonées, Chénopodées, Amaranta- cées, Nyctaginées, Phytolaccacées. 6*^ CLASSE. — Dicotylédones corolliflores: Plantaginées, Plumbagi- nées, Globulariées, Myoporacées, Labiées, Verbénacées, Acanlhacées, Scrophulariacées, Solanacées, Borraginées, Convolvulacées, Sésamées, Bignoniacées, Gentianées, Loganiacées, Asclépiadées, Apocynées, Oléa- cées, Ébénacées, Sapotacées. 7^ CLASSE. — Dicotylédones fa?/ci/?o/'es;Éricacées,-Vacciniées,Campa- nulacées, Lobéliacées, Synanthérées, Dipsacées,Valérianées,Rubiacées, Caprifoliacées, Araliacées, Ombellifères, Grossulariées, Cactées,Cucurbi- tacées, Myrtacées, Rosacées, Légumineuses, Térébinthacées,Rhamnécs. 8^ CLASSE. — Dicotylédones thalami flores : Ochnacées, Simaroubées, Rutacées, Zygophyllées, Oxalidées, Géraniacées, Ampélidées, Mélia- cées, Sapindacées, Acérinées, Gutlifères, Hypéricinées, Aurantiacées, Tiliacées, Byttnériacées, Bombucées, Malvacées, Caryophyllées, Poly- galées, Vioîariées, Cislinées, Capparidée?, Crucifères, Fumariacées, Papavéracées, Ménispermées, Anonacées, Magnoliacées, Renonculucées. montrent poiu" les autres. Cette alliance particulière devient surtout évidente pour plusieurs des grandes familles de de Jussieu, dans lesquelles on a établi des divisions ultérieures qui les ont converties en groupes de familles ; tels sont les Algves, les Lidiens, les Champignon.t, les Coni/ères, les Amentacées, \Q^ Térébin- thacées, les Légumineuses, les Malvacées, etc. Endliclier a étendu cette disposi- tion à tout le règne végétal, et dans son Gênera plantarum, publié de 1830 à 1840, 277 familles, comprenant 6,838 genres, sont réparties en 62 groupes aux- quels l'auteur donne le nom de Classes. Mais alors il donne aux divisions qui répondent aux classes de de Jussieu, de De Candolle et de Richard, le nom de Cohortes, et aux divisions supérieures les noms de sections, de régions ou ù' embranchements. Je pense qu'en conservant le nom de classes aux divisions moyennes des diverses méthodes (22 dans Tournefort, 24 dans Linné, 15 dans de Jussieu, 8 dans de Candolle, 10 dans Endlicher, 20 chez Riclffiird), on pourrait appliquer aux groupes immédiatement inférieurs le nom d'ordres ; alors la clas- sification végétale comprendrait les subdivisions suivantes : embranchements, classes, oidres, familles, tribus, genres, sous-genres, espèces, variétés, dont les principales et les plus essentielles à bien définir seraient toujours les familles, les GENRES et les espèces. (Voy. G. Planclion, Les Principes de la méthode na- ture/le appliqués comparativement à la classification des cmimaux et des végé- taux. Montpellier, 1860.) PREMIÈRE CLASSE VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS APHYLLES OU AMPlllGÈNES. ORDRE DES ALGUES. Végétaux très-simples, vivant dans l'eau douce ou salée, et quelque- fois dans l'air très-humide ; quelques-uns (genre Protococcus) se compo- sent de vésicules isolées qui, chacune, forment un individu. D'autres fois, les ulricules sont réunis en chapelets et engagés dans une mem- brane gélatiniforme (nostoch). Plus souvent ce sont des filaments sim- ples ou rameux, continus ou articulés, des lanières ou des expansions, de forme et de consistance variées. Les uns flottent dans l'eau sans tenir au sol; mais les autres se tixent aux rochers au moyen d'un empâtement ou d'une griffe qui ressemble à une racine, mais qui est Fig. 267. — Fucus vcsiculosus (*). Fig. 268. — Fécondation chez le fucus vesiculosus (**). dépourvue de tout pouvoir d'absorption. [Les organes de reproduction sont variés : tantôt ils sont formés par la matière verte de la plante, qui se condense en zoospores ou spores munies de cils vibratiles, au moyen desquels elles se meuvent pendant un certain temps, pour se fixer ensuite et se développer en un nouveau végétal {fjg, 268 et 27!) ; tantôt ils consistent en anthéridies [fig. 267), poches celluleuses conte- nant dans leur intérieur des organes susceptibles de se mouvoir et remplissant le rôle des organes mâles, et en sporanges, renfermant des spores immobiles, solitaires ou quaternées. Les deux sexes peuvent se * A, sorte de poil rameux p, qui porte plusieurs anthéridies encore fermées, a, et d'autres déjà vidées a' (loO/l); B, une anthéiidie, a", représentée au moment où elle s'est ouverte pour laisser sortir les anthérozoïdes, az (300/1). — Duchartre, d'après M. Thuret, ** A, une spore dont les anthérozoïdes s'approchent. — B, une autre spore contre laquelle beaucoup d'anthérozoïdes se sont appliqués pour lui imprimer une rotation sur elle-même (lbO/1). — Duchartre, d'après M. Thuret. 24 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS. trouver sur des individus différents, ou- sur le même individu, et par- fois dans les mêmes conceptacles. On peut diviser les Algues en trois sous-ordres :. i° Les Zoosporées ou algues à spores motiles : Familles : Cotifervées, ^dogomées., Vauchériées, Laminariées, Ulva- céeSf Caulerpées^ etc. 2» Les Aplosporées : Spores vertes ou brunes développées isolément dans des utricules, dépourvues de mouvements spontanés, et généra- lement accompagnées de filaments à la base desquels elles s'insèrent. Familles : Fucacées, etc. 3<> Les Choristosporécs (c'est-à-dire spores se formant ensemble) : Spores rouges privées de mouvements spontanés, développées 4 par 4 dans des cellules spéciales faisant partie du tissu général de la plante ; souvent aussi renfermées dans des (îonceptacles. Familles : Céramices, Rytiphlées, CorallinéeSj Chondriées, Sphœrococ- coidées, Gastérocarpées.] Les Algues sont généralement composées d'une matière gélati- neuse qui les rend propres à la nourriture de l'homme, toutes les fois qu'elle n'est pas accompagnée d'une huile odorante qui en rend l'usage désagréable. Presque toutes celles qui vivent dans la mer renferment un certain nombre de sels qui en ont été souti- rés et qu'elles se sont appropriés. Un assez g rand nombre contien- nent de l'iode, qui s'y trouve, soit à l'état d'io dure alcalin, soit en combinaison directe avec leur propre substance. Nous nemention- neronsque les algues qui sont utilisées, comme médicament, com- me aliment, ou pour TextracLion de l'iode. Varec Tesiculeux. Fucus vesiculosus, L. Sous-ordre des Aplosporées, famille des Fucacées. Cette plante abonde sur les côtes de France, dans l'O- céan et dans la Méditerranée. Elle adhère aux rochers par un court pédicule qui s'élargit en une fronde membraneuse, étroite et rubanée, plusieurs fois ramifiée, entière sur les bords, pourvue d'une nervure médiane proéminente et de vésicules aériennes,^ sphériques ou ovales, formées çà et là par le dédoublement de la lame du fucus. La fructification est renfermée dans des renlle- ments tuberculeux portés à l'extrémité des divisions de la fronde {fîg. 269) ; chaque point tuberculeux étant percé d'une ouverture qui répond à une cavité intérieure ou conceptacle {fîg. 270), ces con- ceptacles sont remplis les uns de sporanges ou périspores, entre- mêlées de filaments stériles, les autres d'anthéridies, d'oti s'échap- pent des anthérozoïJes munis de deux cils vibratiles (fig. 267). Le varec vésiculeux est long de 0™, 30 à 0^,50 ; il est d'un vert brunâtre foncé et exhale une odeur forte et désagréable. En le ALGUES. — VAREC VESICULEUX. 25 distillant avec de l'eau et en traitant le produit distillé par l'éther, on en extrait une huile blanche, demi-solide, qui en est le prin- cipe odorant. Le fucus bouilli avec de l'eau donne une liqueur tout à fait neutre, qui contient du chlorure de sodium, du sulfate de soude, du sulfate de chaux et une substance mucilagineuse Fig. 269. — Fucus vcsiculosus. 270. — Coupe verticale d'un conceplacle femelle de Fucus vesiculosus, L. *. qui jouit de toutes les propriétés de la grossuline ou pectine. Cette liqueur n'offre que des indices d'iode, par l'amidon et le chlore ; mais l'essai est trompeur: pour y trouver l'iode, il faut précipiter la pectine et une partie des sulfates par l'alcool, évaporer l'alcool^ y ajouter de la potasse et calciner. Le résidu exhale une forte odeur d'acide sulfhydrique ; on dégage cet acide par l'acide chlo- rhydrique, on chauffe, on filtre et on y ajoute de l'amidon et du chlore : alors on obtient une coloration bleue assez foncée, preuve de la présence de l'iode. Le varec vésiculeux, réduit en charbon dans un creuset fermé, forme ce qu'on nomme YÉthiops végétal. Ce charbon exhale une forte odeur hépatique, et ne doit pas Ctre sans action dans les maladies du système lymphatique contre lesquelles il a été con- seillé ; mais il agit d'une manière différente du charbon d'épongé, qui doit sa propriété à l'iodure de calcium qu'il contient. On trouve sur les côtes de France un grand nombre d'espèces de varecs qui jouissent des mêmes propriétés que le précédent et Montrant son ostiole o, de nombreux sporanges, les poils pluricellulés qui tapissent les parois de cette cavité et le tissu de la fronde qui entoure le conceptaclc (50/t). — Duchartre, d'après M. Thurct. 26* VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS. qui servent concurremment aux mêmes usages ; tels sont entre au- tres le Fucus serratus {fig. 271) et le Fucus siliquosus{fîg. 272). Fig. 271. — Fucus serratus. Fig. 272. — Fucus siliquosus. Ijamiiiaire saccharine (fig. 273). Laminaria sacckarina Lamx. Sous-ordre des Zoosporées, famille des Laminariées. Cette plante adhère fortement aux rochers par une griffe rameuse qui donne naissance à un ou plusieurs stipes arrondis, longs de O'^/IS à 0°^,2o, terminés chacun par une fronde plane, entière, longue et étroite, qui peut acquérir 2 ou 3 mètres de longueur sur 0°',20 à 0"^, 30 de largeur. Cette fronde est mince, jaunâtfe, transparente et ondulée sur les bords, tandis que la par- lie moyenne est sensiblement plus épaisse, plus consistante, pres- que opaque et d'une teinte verdâtre foncée. Cette différence tient à ce que la fructification se trouve étendue par plaques sur toute la surface mitoyenne de la fronde. La laminaire, préalablement lavée pour enlever l'eau salée qui la mouille, et séchée, présente une couleur rousse ou verdâtre, une ALGUES. — FOLYSIPHONTE BRUN-NOIRÂTRE, 27 odeur peu marquée et une saveur douceâtre et nauséabonde. Elle se recouvre, quelque temps après sa dessiccation, d'une efflorescence blanche qui offre un goût sucré. [Cette substance, qu'on a prise pour du su- cre cristallisable (1), puis pour de la man- nite (Phipson),est probablement de la /;%- cite, matière sucrée du groupe des manniles, et qui se distingue par l'odeur particulière qu'elle dégage lorsqu'on la chauffe à IGO'^.] Ce caractère n'est pas particulier à la lami- naire saccharine, et beaucoup d'autres varecs le présentent également; tels sont entre autres les Laminaria digitata et bulbosa, les Fucus siliquosus, vesiculosus, etc. Le Laminaria Houstoni Edmonston, Lami- naria digitata L. qui, lorsqu'on la trempe dans l'eau, après qu'elle a été desséchée, sextuple de volume, a été préconisée dans ces dernières années comme agent dilatateur. C'est une desalgues qui contientle plusd'iode. Polysiphonie briiii-noirâtre. Polysiphonia atro-rubescens Greville; Ilut- chinsia atro-ruhescem, Agardh ; sous-ordre des Ghoristosporées, famille des Rytiphlées. Cette petite algue desséchée parait formée de filaments noirs, assez fins et un peu feutrés, d'une structure articulée ou cloi- sonnée. Elle a une très-forte odeur de varec, une couleur brune presque noire et une saveur salée. Traitée par Talcool, elle lui cède une matière grasse, verte et odorante, une substance rouge soluble dans l'eau, et des sels dans lesquels l'amidon et le chlore n'indiquent pas la présence de l'iode. Le fucus traité ensuite par l'eau lui cède encore de la matière colorante rouge, de la gomme, un sel calcaire très-abondant et quelques autres sels qui prennent une teinte à peine violacée par l'amidon et le chlore. Il semblerait d'après cela que l'hutchinsie noirâtre ne devrait pas contenir d'iode ; mais si on la prend après l'avoir épuisée par l'eau et l'alcool, si on l'humecte de potasse et si on la chauffe au rouge, alors on obtient une masse charbonneuse qui devient pyrophorique et ammoniacale par son exposition a l'air humide, et qui cependant ne contient pas de cyanure de potassium (lapro- (1) Léman, Dict. des Sienc. nat. 273. — Laminaire saccharine. 28 VÉGÉTAUX ACÔTYLÉDONÉS. duction de l'ammoniaque est due à la décomposition simultanée de l'air et de l'eau par le charbon) (1); mais cette masse charbon- neuse ayant été traitée par l'eau, la liqueur filtrée a pris une cou- leur bleue très-intense et a produit un abondant précipité bleu avec l'amidon et le chlore. Ces essais m'ont prouvé que l'hutchinsie noirâtre contient, comme l'éponge, une assez forte proportion d'iode combiné à sa propre substance, et non à l'état d'iodiire alcalin; mais elle dif- fère de l'éponge, en ce qu'elle ne contient pas d'azole au nombre de ses éléments. Cette substance si riche en iode fait partie de la Poudre de Sency contre le goitre; et il est remarquable que les au- teurs de cette poudre aient su la choisir au milieu des autres fucus préconisés contre celte maladie. L'iode a été découvert en 1812, dans les eaux mères des soudes de varecs, par Courtois, salpètrier à Paris. 11 a été étudié d'abord par MM. Clément, Gay-Lussac et Davy, mais c'est à Gay-Lussac surtout qu'on doit la connaissance de ses propriétés (2). Il résulte des expériences de ce chimiste célèbre, que l'iode est un corps simple, analogue au chlore et au soufre, et qui, dans l'ordre naturel, doit se trouver placé entre eux, mais beaucoup plus près du premier que du second. Aussi fait-il partie du genre des bromoîdes, avec le brome, le chlore^ et le phthore ou fluoré. Extraction. On obtient en Normandie, par la combustion et l'inciné- ration des varecs, une sorte de soude de fort mauvaise qualité, et qui, avant la découverte de Courtois,, n'était guère employée que pour la fabrication du verre. Aujourd'hui on lessive cette soude, on épuise la liqueur, par des cristallisations successives, de tout le carbonate alca- lin et de la plupart des autres sels qu'elle contient. L'eau mère relient l'iodure de sodium mêlé à du sulfure, du bromure et du chlorure; on y ajoute du bioxyde de manganèse en poudre fine et on évapore à sic- cité. Le sulfure ayant été décomposé par ce moyen, on introduit le mélange dans les cornues à col très-court; on y ajoute une quantité déterminée d'acide sulfurique concentré dont l'action se porte sur lio- dure de sodium, de préférence au bromure et au chlorure, et l'on chauffe dans des fourneaux à réverbère. L'iode mis à nu et volatilisé vient se condenser dans le récipient. On peut également retirer l'iode des eaux mères de soude de varec, en les traitant d'abord par l'oxyde de manganèse, pour se débarrasser des sulfures; faisant dissoudre le résidu, assez fortement chauffé, au moyen de l'eau, et faisant passer dans la liqueur filtrée un courant de chlore jusqu'à ce que tout l'iode ait été précipité. On le sépare de la liqueur surnageante, et on le distille pour l'obtenir plus pur. (1) Ce fait, anciennement observé par moi, a été publié en 1836 dans la troisième édition de VHldoire naturelle des ck^ogues simples. (2; Gay-Lussac, Ann. de chimie, t. XCL ALGUES. — CORALLIiNE BLANCHE OU OFFICINALE. 29 Coralline blanche ou officinale. 6Vfl/2'/zao/)?(?ma//5,L., production marine très-communesur ton- tes les côtes d'Europe, sur la nature de laquelle les naturalistes ont été en' grand désaccord: les uns, tels que Ellis, Linné, Lamark, Lamouroux l'ayant regardée Qomme un polypier, tandis que Pallas et Spallanzani Tontconsidérée comme une plante. Aujourd'hui cette dernière opinion est admise par tous les naturalisles, et dans la classification de M. Decaisne, les corallinées forment une fa- mille^dans le sous-ordre des Algues Choristosporées. La coralline officinale se présente sous la forme de petites touf- fes d'un blanc verdâtre, composées d*un très-grand nombre de Fig. 27t. — Coralliiio officinalo. Fig. 27'j. — Périspoics de la coralline. tiges fines, articulées et ramifiées {(ig. 2T4). Conservée sèche, dans un lieu exposé à la lumière, elle devient tout à fait blanche; elle est de plus complètement opaque et très-cassante, propriétés qu'elle doit à la grande quantité de carbonate de chaux qu'elle contient. On ne peut cependant la comparer au corail qui est un axe calcaire continu, entouré d'une écorce charnue, dans laquelle sont logés des animaux à huit tentacules rayonnes : d'abord parce qu'on n'a jamais pu découvrir d'animaux dans la coralline, en- suite parce que la matière calcaire est uniformément répandue dans toute sa masse et entre les mailles d'un réseau cartilagineux, qu'il est facile de mettre en évidence en dissolvant le carbonate de chaux par un acide faible. Enfin la coralline blanche est pour- vue d'organes de fructification tout à fait comparables à ceux des 30 VÉGÉTAUX ACOTVLÉDONÉS. algues chorislosporées. Ce sont des conceplacles pédicellés, ovoï- des, ouverts fi l'exlrémité, qui naissent à l'aiëselle des articles de la tige ou des ramifications, et qui contiennent un cerlain nom- bre de sacs nommés /^^'m/^oré-s oxxsporidies, dont chacun contient 4 spores superposées (fig. 275). l/analyse de la coralline faite anciennement par Bouvier a donné : Carbonate- de chaux G 1,6 — de magnésie 7 . t Sulfate de cliaux r .'» Clïlorure de sodium .... 1 .0 Silice 0.7 Phosphate de chaux l .:J Oxyde de fer ... 0,2 Gélatine (i.'î Albumine 0,4 Eau 1 i , 1 100,0 Cette analyse a été regardée comme une preuve de la nature ani- male de la coralline ; mais, dansl'analyse de Bouvier, rien ne prouve que les deux corps nommés par lui gélatine et a'bumine, soient réellement de la gélatine et de l'albumine animales (I). On attribue à la coralline blanche des propriétés anthelmintliiques. Mousse de Corse. Nommée aussi coralline de Corse ou hebninthocorton. La mousse de Corse est un mélange de plusieurs petites algues qui croissent sur les rivages de l'île de Corse, qu'on ramasse sur les rochers et qu'on nous envoie telles qu'on les ramasse, c'est-à dire mélangées en outre d'impuretés et de beaucoup de gravier. Les botanistes ont compté dans la mousse de Corse jusqu'à vingt- deux espèces d'algues, qui n'ont pu être comprises dans les seuls genres de Linné, ce qui a forcé à en faire de nouveaux. Les prin- cipales sont : tout d'abord VAlsidium helminthocorton L^mx.^ qui a reçu son nom de la mousse de Corse, et [qui fait la partie essen- tielle et principale de la mousse de Corse recueillie à Ajaccio; mais il peut ne se trouver qu'en très-petites quantités et même pas du tout dans les mousses de Corse du commerce, qui viennent prin- cipalement des côtes de Provence par la voie de Marseille ^2) ; puis les Gratelovpia filicina Ag. ; Gelidium corneum Lamx.; Acrocarpus crinalis\\vïU. ; Jania rubens Lamx. ; Corallina officinalh , etc.] Sans (1) Voir Annales ili chimie, t. VIII, p. 308. (2) Voir O. Debeaux, Algues marines des environs de Bastia {Recueil des mé- moires de médecine, cliirurgie et pharmacie milHaires^ n°* de septembre et octobre 1873 . ALGIES. — MOUSSE DE CORSE. 31 entrer dans le détail des caractères de ces différentes substances, voici ceux qui appartiennent à VAlsidium helminthocorton . Cette plante appartient au sous-ordre des Ghorisiosporées, et à la famille des Sphserococcoïdées. Elle es\ composée d'un nom- bre infini de petites fibres réunies par leur base à des parcelles du gravier sur lequel elles végétaient (/?^. 276). Chaque fibre doit être considérée comme une petite tige qui se bifurque en deux rameaux bifurques deux fois eux-mêmes, c'est-à-dire, qu'elle est dichotome. Ces fibres sont d'un gris rougeâtre sale h. l'extérieur, ce qui forme également la couleur de la masse; mais elles sont rig. 276. — Mousse do Corse. blanches en dedans. Elles sont sèches et assez dures à casser lorsqu'on conserve la mousse de Corse dans un lieu sec ; elles de- viennent souples et humides lorsqu'on la garde dans un lieu hu- mide ; enfin la mousse de Corse a une odeur marine forte et dé- sagréable et une saveur fortement salée. ^On doit la choisir légère et contenant le moins de gravier possible. Elle est estimée comme vermifuge. On l'emploie en poudre, en infusion, en gelée ou en sirop. On trouve une analyse de la mousse de Corse faite par Bou- vier (I), et dont voici les résultats : 100 parties de cette substance ont fourni : Gélatine végétale 00,5 SqucJette végétal 1 1 .0 Sulfate de chaux i 1 .'^ Sel marin \).'l Carbonate de chaux 7,;» Fer, magnésie, silice, phosphate de chaux. . . . 1,7 Total 100,8 D'après cette analyse, la mousse de Corse contiendrait plus de (l) Bouvier, Annales de chimie^ tome IX. 32 VÉGÉTAUX AGOTYLEDONES. la moitié de son poids d'une matière propre à former gelée avec l'eau; et cependant cette substance, prise dans le commerce, ne produit pas de gelée. [Mais d'après M. Debeaux(i)rHelminlhocor- ton ne contient pas du tout de gélatine, et ce principe est dû très- probablement à la présence accidentelle de certains Fucus géla- tineux dans la substance analysée par Bouvier.] La mousse de Corse ne contient qu'une très-petite quantité d'iode. Carrag^een OU Ifousse perlée. Nommée aussi mousse d'h^lande^ Fucus crispus de Linné, sous- ordre des Ghorislosporées, famille des Sphaerococcoïdées {Çhon- drus crispus Lyngbye, Ch. pohjmorphus Lmx.). Cette substance sert de nourriture au peuple dans les pays pauvres qui avoisinent les mers du Nord, et même en Irlande, où elle est commune. Il y a quelques années, elle a été proposée en Angleterre comme un aliment médicamenteux analogue au salep ou à l'arrow-root; et en effet aucun autre fucus ne peut lui être comparé pour cet usage, à cause de sa blancheur parfaite, et de l'absence complète de l'iode et de l'huile fétide qui rendent si désagréables les autres espèces. Le carrageen est formé d'un pédicule aplati qui se développe en une fronde plane, dichotome, à segments linéaires-cunéi- formes, sur lesquels on observe quelquefois des capsules hémi- sphériques sessiles et concaves en dessous. Il est long de 2 à 3 pouces, et varie beaucoup dans sa forme, qui est plane ou toute crispée, élargie ou filiforme, obtuse ou pointue. Tel que le commerce nous l'offre, il est sec, crispé, d'un blanc jaunâtre, d'une couleur faible et d'une saveur mucilagineuse non désa- gréable. Lorsqu'on le plonge dans l'eau, il s'y gonfle presque aussitôt considérablement, devient blanc, gélatineux et paraît même se dissou'^re en partie. A la chaleur de l'ébullition, il se dissout presque complètement et forme 5 ou 6 fois son poids d'une gelée Irès-consistante et insipide (2). [Le coi'ps qui donne cette gelée est, d'après MM. Fliickigeret Obermaier (3), un com- posé azoté, sans soufre, qu'on a nommé Caragine. L'algue contient environ 1 p. 100 d'azote et 15 à 16 p. 100 de matières nànérales.] Autres alg^ues alimentaires. Dans nos pays civilisés, oii la culture est ordinairement abon- (1) Debeaux, Algues marines, etc. (2) Jouvn. de Chim. méd., t. VIII, p. 66?. (3) Fluckiger et Obermaier, Schweiz. Wochenschrift , fur Pharmacie, 1868, p. 85. ALGUES. — ALGUES ALIMENTAIRES. 33 dante et variée, les algues ne formeront jamais un aliment im- portant et seront restreintes à l'usage de la médecine ; mais dans beaucoup de contrées du globe, où l'agriculture est peu avancée et oh les animaux manquent ou sont proscrits pour la nourriture par dos motifs religieux, les algues forment une partie impor- tante de la nourriture du peuple, comme à Ceylan, aux îles de la Sonde et aux îles Moluques. Au nombre de ces algues, qui nous parviennent quelquefois par la voie du commerce, nous citerons la mousse de Jafna ou mousse de Ceylan (1). Cette substance est le Plocaria liclienoides de Greville, appar- tenant à la famille des Chondriées de M. Decaisne et au sous-or- dre des Ghorislosporées. Elle est en filaments presque blancs, rami- fiés, longs de 8 à 11 centimètres lorsque la plante est entière, et de l'épaisseur d'un gros fil à coudre. Elle parait cylindrique à la vue simple, mais à la loupe elle offre une surface inégale et comme nerveuse ou réticulée. La disposition des rameaux est quelque- fois dicbotome, quelquefois pédalée, le plus souvent simplement alterne. La terminaison des rameaux est semblable à leur sub- division ; c'est-à-dire que l'extrémité en est rarement bifurquéc ou formée de deux parties également écartées de Taxe commun. Le plus souvent les rameaux se terminent par un prolongement unique et effilé, beaucoup plus fort et plus développé que leur dernière ramification. La mousse de Ceylan présente une saveur légèrement salée avec un goût peu prononcé d'algue marine. Elle croque sous la dent. Elle se gonfle fort peu dans l'eau froide, et n'y devient ni gluante ni transparente, comme le fait le Cnrrageeii, qui s'y dissout d'ailleurs en partie. Elle reste parfaitement sèche et cassante à Tair, ce qui montre qu'elle a été privée par des lavages à l'eau douce des sels hygroscopiques de l'eau marine. L'iode la colore en bleu noirâtre, mêlé d'une teinte rouge. Elle contient à l'inté- rieur une sorte de squelette calcaire qui produit une grande quantité de bulles d'acide carbonique, lorsqu'on la plonge dans de l'eau aiguisée d'acide chlorhydrique. 30 grammes de mousse de Ceylan ont été bouillis avec lOûO gram. d'eau, jusqu'à réduction d'un quart. Il en est résulté 750 gram. d'un mélange qui ressemble à un épais potage au ver- micelle. La décoction ayant été continuée encore quelque temps et le liquide exprimé, j'en ai obtenu une liqueur épaisse, opaque et blanchâtre (jui, additionnée de 30 gram. de sucre et d'une pe- tite quantité d'hydrolat de cannelle, a formé IcO gram. d'une gelée très-consistante, demi-opaque et comme cassante, qualités (1) Guibourt, Journal de chimie médicale. I8i2, %*" volume. GuiBOuuT, Drogues, 7* édil. ï. H. •— 3 34 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS APIIYLLES. qu'elle doit sans doute au sel calcaire qui s'y trouve interposé. Cette gelée est d'un goût fort agréable, en raison de l'aromate que j'y ai joint, et je pense qu'elle doit former un aliment médi- camenteux fort nourrissant; mais le marc de la décoction pour- rait lui-même être utilisé comme aliment. En effet, ce résidu, quoique fortement exprimé, est sous forme de filaments demi- transparents, qui occupent assez de volume pour remplir deux assiettes ordinaires, et susceptible d'être accommodé comme des choux ou des graines légumineuses : tel est, en effet, l'usage prin- cipal de cette algue dans les contrées oh elle croît. [Payen (1) a déterminé la nature de ce principe gélatineux, qu'il a nommé Gélose. Après l'avoir étudié tout d'abord dans le Gelidium corneum, Lamx, il l'a trouvé en très-fortes proportions dans le Plocaria lichenoides^ Grev., et voici les caractères qu'il lui assigne : substance composée de carbone (42,77), d'hydrogène (5,775), et d'oxygène (51,445), se dissolvant dans l'eau bouillante, donnant par le refroidissement une gelée incolore et diaphane, insoluble dans les solutions alcalines de soude, de potasse et d'am- moniaque, dans l'eau, l'alcool, Téther et les acides étendus. Un des caractères dislinctifs de ce corps est de se dissoudre lente- ment dans une très-petite quantité d'acide sulfurique et d'acide chlorhydrique concentrés, de se colorer en brun, et de former avec l'un et l'autre un composé brun, qui se prend en masse et résiste aux lavages dans Teau froide ou chaude et même dans les solutions alcalines caustiques. — La Gélose forme à poids égal 10 fois plus de gelée que la meilleure gélatine animale et a de plus l'avantage de n'être point sujette à l'odeur que contracte souvent cette gélatine]. 100 parties de mousse de Ceylan produisent par la calcination li parties d'un résidu grisâtre qui conserve la forme du végétal, comme le phosphate de chaux garde celle des os de mammifères. Ce résidu, traité par l'eau, se dissout en partie. La liqueur est complètement neutre, ce qui exclut la présence dans le végétal d'un sel à acide organique. Cette liqueur se trouble à peine par le nitrate d'argent,- mais précipite tiès-fortement par le nitrate de baryte et l'oxalate d'ammoniaque. Le Carrageen se conduit de même, et il est remarquable de voir deux plantes, qui vivent au sein de l'eau salée, ne pas contenir sensiblement de chlorure de sodium, mais se charger en abondance des sulfates qui l'ac- compagnent. Pour le Carrageen, ces sulfates sont principale- ment ceux de soude ou de chaux, et pour la mousse de Ceylan les sulfates de chaux et de magnésie, que l'on sépare en traitant (1) Payen, Compte rendu de l'Acad. des sciences, t. XLIX, p. 521. ALGUES. — ALGUES ALIMENTAIRES. 35 le produit de Tévaporaiion des deux sels par de Teau alcoolisée, qui dissout seulement le sulfate de magnésie. On le reconnaît alors facilement à son amertume propre, et à la propriété de for- mer du phosphate ammoniaco-magnésien par l'addition du phos- phate d'ammoniaque. La portion de cendre que l'eau ne dissout pas est formée de carbonate de chaux, que l'on peut décomposer et dissoudre par un acide, et d'un résidu insoluble (jui offre un mélange de pelils grains de quartz roulé et d'une sorte d'argile rougeâlre. En opérant de cette manière, les onze parlies de cendre pro- duites par cent parties de mousse de Ceyian, ont été trouvées composées de : Sulfate de magnésie 1 ,3 — de cliaux 2,6 Carbonate de chaux 4,6 Quartz et argile 2,5 11,0 Enfin, nous nous sommes assuré que la mousse de Geylan ne contient pas d'iode, en l'humectant de potasse et la calcinant. Le produit de la calcination, traité par l'eau, fournit une liqueur al- caline qui, neutralisée d'abord par un acide, n'éprouve pas en- suite la moindre coloration bleue par une addition d'amidon et d'acide sulfurique. A l'occasion de la mousse de Jafna, que plusieurs auteurs ont regar- dée comme la matière première des célèbres nids d'hirondelles salan- ganes, nous dirons quelques mots du ces nids eux-mêmes. Beaucoup d'opinions ont été émises sur la substance qui les compose. Suivant l'une, la salangue tire de son jabot ou de son estomac, par des efforts analogues k ceux du vomissement, les matériaux dont elle compose son nid ; et Everard Home a cru reconnaître dans le jabot de cette hi- rondelle l'organe sécréteur de cette sorte de mucus. [Cette opinion est aujourd'hui la plus généralement adoptée. La composition de la substance gélatineuse, qui forme le fond des nids, substance azotée admettant le soufre dans sa composition intime, rappelle de tous points celle du mucus des animaux : on sait d'ailleurs que les salanganes ont à l'époque de la nidification une sécrétion abondante, analogue à celle dont tes hirondelles d'Europe se servent pour lier les diverses parties terreuses de leur maçonnerie, et c'est avec cette sécrétion qu'elles forment soit la masse entière de leur nid, soit le ciment qui en agglutine les diverses parlies. On a pensé longtemps que cette matière gélatineuse était fournie par le frai de certains poissons ou le mélange de parties molles de mollusques et de zooph^^tes, auquel les salanganes feraient subir un commencement de déglutition. On l'a aussi attribuée aux facAis aban- donnés sur la plage par la marée descendante et au nombre desquels 36 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS APIIYLLES. on a compté le Sjwiigodium Bursa^ Lmx, le Gdidium corncvm, Lmx, le Plocaria lichenoid» s, Grev, etc. Mais la comparaison de la gélose^ qui se trouve dans ces algues, et de la Cubilose, qui forme le ciment orga- nique des nids, est tout à fait contraire à une pareille supposition. Il existe diverses espc^'ccs de salanganes, qui peuvent avoir des mœurs différentes. Peut-être est-ce à cette circonstance qu'il faut at- tribuer les différences que l'on observe dans les nids de ces oiseaux.] On en trouve, qui sont presque uniquement formés d'une matiùre gélatineuse demi-transparente, dure, compacte et continue, comme une membrane desséchée; ce sont les plus eslimés. D'autres offrent une sorte de réseau formé de cetfe même matière gélatineuse, d'al- gues marines et même^ de lichens terrestres, auxquels la première substance sert de ciment; d'autres enfin paraissent prives de ma- tière gélatineuse et sont complètement rejetés comme aliment. M. De- lessert possédait un nid de la première espèce, et l'Kcole de pharma- cie possède un de la seconde, qui lui a été donné par 0. Henry. Ce dernier nid, en forme de coquille ou de bénitier, se compose de qua- tre couches assez distinctes : la plus inférieure ou la première, qui a été appliquée sur le plan incliné en avant qui supportait le nid, est brune, lerue, dure, rugueuse, non compacte ni continue, mais formée plutôt de filaments gélatineux agglutinés. Au-dessus de cette matière brune, et en suivant la direction inclinée du support, se présente peu à peu une couche dune substance plus pure, blanche, transparente, d'apparence gommeuse ou gélatineuse, en partie compacte et membra- neuse comme celle qui forme le nid de la collection de M. Delessert, mais en partie aussi sous forme d un réseau incolore et transparent, qui ressemble à une matière muqueuse élaborée et non organisée. Au- dessus de celte couche gélatineuse on trouve, surtout du côté externe du nid, une couche assez épaisse d'un fucus rouge rosé, à rameaux di- chotomes, nerveux, comprimés, représentant assez bien le Gracilaria compiessadc Greville, figuré parlui(l) sous le nom de SpJiœrococcus liche' noides. Enfin la partie supérieure et interne du nid est formée par un lichen terrestre, blanc, cylindrique, très-fin, qui est, d'après la déter- mination de Cam. Montagne, VAlectoria crinalis d'Acharius. Le tout est entremêlé çà et là d'une bave muqueuse, qui en maintient les différen- tes parties. [Les différences que nous venons de signaler tiennent aussi au mo- ment où les nids ont été recueillis. On fait, paraît-il, en elTet trois ré- coltes par an : les nids de la première sont les plus purs, ceux de la dertiière mêlés de plumes et de débris végétaux. On évalue, d'après M. Payen, à 24200 livres, poids anglais, la quan- tité de nids exportés annuellement de l'archipel Indien. Le poids d'un nid est d'environ 7 à 9 grammes.] ORDUE DES CHAMPIGNONS. Les champignons sont des végétaux terrestres nés dans des lieux hu- (1) Greville, ScoUisJi cri/ptogcmiic Flora, L'dinburgli, vol. M, tab. o41. CHAMPIGNONS. 37 midcs et ombragés, sur des corps organisés languissants ou morts, et en état de décomposition. Ils se composent en général de deux parties distinctes, l'une végétative, l'autre de reproduction. La première, nommée mycclium, qui paraît être l'état primitif de tout champignon, est formée de filaments grêles, simples ou ramifiés, nus ou engagés dans la substance môme du corps sur lequel le champignon vit en parasite. Parfois aussi les cellules du mycélium forment des membranes de con- sistance diverse, ou des corps mous et pulpeux ou encore des tubercules fermes et résistan Is. [La seconde partie qui naît de la première comprend des organes de reproduction Ircs-variés.Nous mentionnerons seulement 1° des spores, presque toujours immobiles, tantôt portés au nombre de quatre à l'extrémité d'une cellule spéciale appelée baside {(ig. 277), tan- tôt renfermés dans des thêques on sporanges {fîg. 279), d'autres fois por- Fig. 277. — Sccotium erythrocophalum, Tul., sa fructification *. Fig. 278. — Tublidium qucr- cinium, Pers **. tés à l'extrémité de filaments, ou même complètement libres; 2° des spermaties, cellules simples, três-exiguës, en forme de bâtonnets droits ou arqués {/:g. 278), et produits à l'extrémité de filaments cellulai- res. Ces corps, qui n'ont pas la propriété de germer, sont destinés, d'après un grand nom- bre de botanistes, à la fécondation.] Les spores sont très-souvent renfermés dans un réceptacle de forme et de grandeur très- variées, qui porte le nom de péridium dans les champignons de forme arrondie, et qui est communément regardé comme le cham- pignon proprement dit. On divise les champignons en quatre sous- ordres, qui sont : \° Les hypIiomycètcSj champignons composés d'un mycélium fila- * A, coupe transversale d'u i fragment de l'hymcnium a\ec le tissu qui le supporte; c, fila- ments constitutifs qui montrent leurs renflements terminaux à basides ù, b, ces dernières 6, sont restées stériles. — B, une baside b, isolée et surmontée de quatre spicules b" dont chacune a donné une spore (490/1). Duchartre, d'après M. Tulasne. ** Portion de la coupe transversale d'une spermogonie ; c, substance des parois de la sper- niogonie; a, o, spermaties venant de se détacher des filaments sur lesquels elles se sont produites (très-fortement grossi). Duchartre, d'après M. Tulasne. *** Groupe de trois thèques t, à différents états de développement et de deux paraphyses. s, spores contenus dans deux de ces thèques. La thèque du milieu est plus avancée (for- tement grossi). Duchartre, d'après M. Thuret. Fis. 279. - Cenaugium Fran- gulae ***. 38 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS APHYLLES. raenteux, produisant des filaments fertiles portant des spores et des sporanges. Telles sont les mucédinées^ les hyssées, les mucorées et les urédinées, 2" Les gastéromycètes, champignons consistant en un péridium charnu, membraneux ou floconneux, d'abord clos, puis se déchirant irrégulièrement, dont la substance intérieure se convertit en spo- ridies répandues sur des fibres ou contenues dans des réceptacles (spo- ranges ou thèqucs). On en forme trois familles, les tvbéracéeSj les lycoperdacées et les cla- thracées. Dans la première se trouvent les truffes, champignons souter- rains, très-recherchés pour la table, à cause de leur parfum et de leurs propriétés excitantes. Ces champignons sont formés de tubérosités arrondies ou l becs, lisses ou hérissées de rugosités. Leur substance Fijï. 280. — Trulfe. — Grandeur naturelle. Fig. 281. — TrutTc. — Vue au microscope. intérieure est charnue, entièrement formée dutricules pressées, ron- des, oblongues ou allongées, dont un certain nombre se développent et donnent naissance intérieurement à des spores qui se dispersent dans la terre après la destruction de la truffe mère (voir les figures 280 et 281), qui représentent la truffe noire comestible (r« 6e)' nbarium) de grandeur naturelle et fortement grossie. Dans la seconde famille se trouvent les Lycoperdon ou vesses-de-loup [fig. 282), champignons formés d'un mycélium radiciforme, duquel s'élève un ou plusieurs péridiums arrondis et souvent très-volumineux, dont la chair, ferme et blanchâtre dans la jeunesse, se convertit en une poussière (spori- dies) de couleur fauve ou verdatre, portée sur des filaments d'une ap- parence feutrée. Arrivé à maturité, le péridium s'ouvre irréguliè- rement au sommet pour laisser échapper la poussière reproduc- trice. Cette poussière peut être employée comme dessiccative, à l'instar de celle de lycopode, et comme hémostatique, propriété qu'elle pos- sède à un haut degré. Les clathracées sont des champignons produits par un mycélium radiciforme duquel s'élève un corps sphérique ou ovoïde dont l'enveloppe se déchire pour laisser passer un péridium treillage et percé à jour, remarquable par la beauté et la régularité de ses dessins, et contenant un réceptacle muqueux rempli de sporidies, qui s'écoulent avec la matière diffluente du réceptacle. Tels sont entre autres les phallus, les clathres et les lanternes. CHAMPIGNONS. 39 3° Les scléromycètes ou pyrénomycètes : mycélium produisant des ex- croissances fongueuses, la plupart noirâtres, endurcies, d'une texture obscurément celluleuse, solitaires, agrégées ou soudées, d'abord fer- mées, puis s'ouvrant par le sommet; à noyau distinct, mou, sous-déli- quescent. Sporidies entourées par la mucosité ou renfermées dans des tlièques. Exemples, les sphœria et les hypoœyJons. 4° Les hyménomycétes, mycélium produisant des excroissances fon- gueuses, dont une partie de la sur- face [hymenium) est formée par les utricules productrices des spores. On peut y former quatre familles, qui sont les trémellinées, les clava- riéeSy les helvellacées et les piléatées. Ce sont ces familles qui four- F'g- 28-2. - Lycupeidon. nissenl le plus grand nombre des champignons tant comestibles que vénéneux. Parmi les premiers, je citerai : Tremella mesenteriformis . Clavaria coralloides. Morchella esculenta . presque toutes comestibles. Merulius cantharellus . Bolet us edulis {fig. 291). Agaricus campesiris {fig. 28G). AgarîcusauraniiacuSjBuW.ifig.Wl). Ce dernier est le seul usité à Paris. Cultivé sur des couches, il est formé d'un stipe court, épais, cylindrique, formant une sorte de collet à la partie supérieure, et d'un chapeau arrondi, presque hémisphérique, blanc en dessus, à lames rougeâtres en dessous, d'une consistance ferme, d'un goût et d'une odeur agréables. Parmi les champignons vénéneux, nous citerons, comme ceux qui le sont le plus, La trémelle mésentère, La clavaire corail, La morille comestible, Les hydnes, Le mérule chanterelle. Le bolet comestible, L'agaric comestible. L'oronge vraie Les agarics meurtriers,. — à verrues, — fausse oronge, — bulbeux, — caustique. Agaricus necatoi^ [flg.2S3). — verrucosus. — muscarius. — bulbosus(fig. 2M). — pyrogalus {fig, 285) 40 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS APHYLLES. Les meilleurs remèdes à employer dans les cas d'empoisonne- ment par les champignons sont Téther et l'émétique : l'éther pour calmer les accidents déjà déclarés; l'émétique pour évacuer ce qui reste de poison dans le canal alimentaire. Fig. 283. — Agaiic meurtrier. Pig. 28 t. — Amanite bulbeuse. Il n'y a pas de végétaux qui se jouent, plus que les champi- gnons, ou que les agarics de Linné, de la loi que l'on a voulu trop g(^néraliser, que des organes semblables dans les végétaux répondent à une composition chimique et à des propriétés médi- mur. Fig. 285. — Agaric caustique. Fi g. 286. — Agaric comestible. cinales analogues. La composition chimique est cependant assez régulière dans ces végétaux, et se fait remarquer dans tous par une grande prédominance de principes azotés, qui les met pres- que sur le même rang que les substances animales, et qui est CHAMPIGNONS. 41 cause que, parmi les animaux, ce sont principalement les carni- vores qui les mangent; mais à côté de ces principes nourrissants, il s*en trouve d'autres qui sont éminemment vénéneux dans quel- ques espèces, et qui manquent dans les espèces les plus voisines, de sorte que la plus grande habitude ne met pas toujours à l'abri des accidents les plus funestes. Un des exemples les plus frappants de cette discordance de la forme avec les propriétés médicinales ou alimentaires est fourni par les deux champignons qui portent les noms d'o?'onge vraie et de fausse oronge. Tous deux appartiennent aux amanites ou aux agarics à volva, c'est-à-dire qu'ils sont enfermés, pendant leur jeune âge, dans une poche que le champignon perce en grandis- sant. Leur principale différence consiste en ce que, dans l'oronge vraie {Agaricus aurantiacus^ Bull., fig. 287), aucune partie du volva n'est retenue par le chapeau qui s'élève, tandis que dans la Fig. 287 — Oronge vraie. Fig. 288. — Fausse oronge. fausse oronge {Agaricus muscarius, L., pg. 288), le volva laisse sur le chapeau des débris sous forme de tubercules anguleux, dont la couleur blanche tranche avec la belle teinte orangée du cha- peau. Or, cette différence assez légère en dénote une bien grande dans la qualité; car l'oronge vraie est un des champignons les plus recherchés comme aliment, et l'agaric moucheté est un des plus vénéneux. On demandera sans doute pourquoi, quand il est si difficile de distinguer les bons champignons des mauvais, on ne se met pas pour toujours à l'abri de leurs effets nuisibles en les bannissant tous du nombre de nos aliments. Cette question est aisée à faire dans les villes ou dans les pays abondants en blé et en pâturages, où les champignons sont une nourriture de luxe; mais il y a 42 VÉGÉTAUX AGOTYLÉGONÉS APHYLLES. beaucoup de contrées moins favorisées où le peuple trouve dans les champignons des bois un supplément d'autant plus utile à sa nourriture, que leur nature animalisée les rend très-nutritifs sous un petit volume. [Dans un moment de disette, les pauvres pourraient du reste utiliser tous les champignons, en les soumettant au traitement indiqué par Gérard en 1851 (mémoire adressé au conseil d'hy- giène et de salubrité). Il suflit, après avoir coupé en morceaux les champignons, de les laisser macérer dans de l'eau additionnée de deux à trois cuillerées de vinaigre ou de deux cuillerées de sel gris par litre d'eau et par livre de champignons, pour leur enle- ver toute propriété malfaisante. Ce procédé n'a que l'inconvénient de faire disparaître beaucoup de l'arôme particulier à chaque es- pèce, et une grande partie des principes nutritifs. Yauquelin et Braconnot (1) ont les premiers donné une idée satisfaisante de la composition des champignons. Nous donnerons ici deux analyses plus récentes de M. Emile Boudier (2), se rapportant la première à une espèce comestible, la seconde à un champignon vénéneux. L'Agaric comestible contient : 1° de l'eau de végétation; 2° de la cellulose (3) ; 3® de l'albumine ; A^ de la viscosine, ou mucilage de champignon; 5° de la mycéàde, substance rappelant la gélatine, et qui à l'état sec se présente sous forme de plaques brillantes, noires, entièrement solubles dans l'eau; 6° du glucose; 7° de la mannite; 8*^ du tannin; 9° de l'acide citrique; 10° de l'acide ma- lique; 11*' une matière colorante; 12'' une substance azotée; 13** une substance indéterminée; 14** de Vagaricine, en masses cristallines jaunâtres ou blanchâtres, peu dure, à réaction acide, sans odeur et sans saveur, rappelant à la fois les corps gras et les résines; 15° une matière grasse mi-solide, jaune; 16° une huile iixe de même couleur; 17° une huile essentielle; 18° des phos- phates; 19° des malates; 20° des citrates; 21° du chlorure de po- tassium; 22° des sels de potasse, de soude, d'alumine et de fer. L'Amanite bulbeuse [Amanita bulbosa) a donné à M. Boudier à peu près les mêmes éléments, plus une substance particulière que cet auteur nomme buibosine, auquel il attribue les propriétés d'un alcaloïde et qu'il regarde comme le principe toxique du champignon. Celte substance est amère, solubledans l'eau ell'al- (1) Braconnot, Ami. chim., 181 1, t. LXXIX, p. 265 etLXXXVII, p. 237. —Vau- quelin, ibid. 1813, p. 80. (2) Boudier, Des ckami>ignom aux points de vue de leurs caractères usuels, cliiniiques et loxicoloyiqnes. Paris, 18G6. (3) On désignait autrefois ce corps sous le nom de fungine^ mais on s'est assuré actuellement que ce n'est qu'une variété de la cellulose. CHAMPIGNONS. 43 cool absolu, insoluble dans l'éther, toujours incrislallisable. — Elle difTère du principe encore mal étudié que l'on a désigné sous le nom d'amanùine et qui se trouve dans la fausse oronge.] Linné a défini les Agarics des champignons à chapeau hori- zontal lamelleux en dessous, et les Bolets des champignons hori- zontaux, poreux en dessous. Suivant celle division, le champi- gnon comestible s'est trouvé compris dans les agarics, et d'autres champignons, qui avaient porlé de tout temps le nom d'Aga)ncs, ont été rangés dans les Bolets. Aujourd'hui ce dernier genre est partagé en trois. 1° Bolelus, champignons à stipe central, à chapeau hémisphé- rique et charnu, dont la partie inférieure est formée de tubes tapissés intérieurement par la membrane fructifère (hymenîum). Ces tubes sont indépendants les uns des autres ou séparables, et non continus avec la substance du chapeau. Exemples : le Bolet du bouleau, Boletus betalinus, {fig. 289). — comestible, — edulis, (fig, 290). — indigotier, — cya^iesccns. . Fier. 289. — Bolet du bouleau. Fis. 290. — Bolet comestible. 2° Polyporus, champignons à chapeau charnu ou subéreux, dont les tubes sont séparés par une cloison simple, et font corps avec la substance môme du chapeau. Exemples : le Polypore du mélèze, Polyporus offirAnalis, — amadouvier, — igniarius. •— ongulé, ■ — fomentarius. ^'^ Dœdalea, champignons à chapeau sessile présentant inlerieu- 14 VEGETAUX ACOTYLÉDONÉS APHYLLES. rement des lames anastomosées qui forment des cellules irrégu- lières d'une substance homogène à celle du chapeau. Exemple : l'Agaric labyrinlhiforme, Dœdalea betulina. Ce dernier genre nous intéresse peu ; mais le Polypore du mé- lèze et les Polypores ongulé et amadouvier doivent être examinés spécialement. Polypore du mélèze. Le Polypore du mélèze ou Agaric blanc croît sur le tronc des vieux mélèzes, dans la Circas- sie en Asie, dans la Carinlhie en Europe, et sur les Alpes du Trentin et du Dauphiné. 11 se présente sous la forme d'un cône arrondi, recouvert d'une écorce rude, dure, ligneuse, et marquée en dessus de sil- lons circulaires qui indiquent son âge (^^. 291): sa substance intérieure est blanche, légère, spongieuse. 11 varie en bonté, suivant le pays d'où il vient : celui d'Asie et de la Carinthie est le plus estimé ; celui du Dauphiné, qui est petit, pesant et jaunâtre, est le moins bon. L'Agaric blanc se trouve dans le commerce privé de son écorce et mondé au vif. On doit le choisir bien blanc, léger, sec, non ligneux, spongieux et pulvérulent; il est pourvu d'une saveur douceâtre, devenant bientôt, et tout à la fois, amère, sucrée, et d'une âcreté considérable; il irrite fortement la gorge lorsqu'on le pulvérise ; il est inodore. L'Agaric blanc est un purgatif drastique et hydragogue. Bra- connol en a fait l'analyse, et en a retiré, sur 100 parties : 72 d'une matière résineuse particulière, 2 d'un extrait amer, et 2G de ma- tière Tongueuse insoluble. La matière résineuse jouit de proprié- tés bien singulières : elle est blanche, opaque, granuleuse dans sa cassure et peu sapide; elle se fond et brûle comme les résines. Elle est plus soluble à chaud qu'à froid dans l'alcool, et s'en pré- cipite en tubercules allongés par le refroidissement; elle est in- soluble dans l'eau froide, qui cependant la divise avec beaucoup Fig. 291. ~ Polypore du Mélèze. CHAMPIGNONS. — AGARIC DU CHENE. 45 de facilité; une petite quantité d'eau bouillante la dissout et en forme un liquide épais, visqueux, filant comme du blanc d'œuf, moussant très-fortement par l'ébullition, coagulable par Teau froide. L'éther, les huiles fixes et volatiles, les alcalis, la dissol- vent; elle rougit la teinture de tournesol; l'acide nitrique paraît avoir peu d'action sur elle (1). itg'aric de cliéne. DeuxPolypores servent à préparer la substance connue sous le nom d'agaric de chêne : l'un est le Polypore or^GULÉ, Poly/jorus fo- mentarius, Fries et Pers. {Boletus fomeniainus, L. -, Boletus ungula- tus, Bull.); l'autre est le Polyi'Oul: amadouvieu [Polyporus ignia- rius^ Fries et Pers. ; Boletus ignarius, L., Bull.). Le Polypore ongulé {fig. 292) est un champignon sans tige, fixé par le côté et par la partie su- périeure au tronc des vieux arbres, et surtout des chênes, des hêtres et des tilleuls. Il pré- sente à peu près la forme d'un sabot de cheval et peut acquérir jusqu'à 2 pieds de diamètre, 11 est formé d'une écorce brune, très-dure, marquée d'impres- sions circulaires qui indiquent son âge; l'intérieur est plus ou moins rouge, fibreux et un peu ligneux. Pour le préparer, on le prive de son écorce, on le fait tremper dans l'eau et on le bat avec des maillets, afin de rompre les fibres ligneuses. On le fait sécher et on le bat de nouveau jusqu'à ce qu'il soit devenu peu épais, très-souple et moelleux au toucher. On doit choisir celui qui réunit ces qualités au plus haut degré. Il est employé principalement pour arrêter le sang des sangsues ou des vaisseaux rompus. Le Bolet amadouvier est moins ligneux que le précédent, pres- que mou et élastique dans sa jeunesse, ce qui est cause qu'il se gerce en vieillissant. On le prépare comme le précédent, et il sert aux mêmes usages : mais c'est lui qui sert surtout à faire V amadou. A cet effet, on l'étend, en le battant toujours, en lames très-minces dont on augmente encore souvent la combustibilité en les trem- pant dans une solution de nitrate de potasse ou de poudre à canon. (i) Braconnot, Bull, de pharm., 1812, p. 305. Polypore ongulé. 46 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS APIIYLLES. Erg^ot de seigfle ou ^eig^le ergoté. Dans les années pluvieuses, plusieurs grnines de céréales, mais principalement le seigle, présentent une altération singulière : on trouve à la place d'un certain nombre de grains, dans les épis, un corps solide, brunâtre, allongé, recourbé, ayant quelque ressem- blance de forme avec l'ergot d'un coq, d'oti lui est venu le nom de seigle ergoté ou (\' ergot {fig. 293). L'Ergot est un corps brun-violet, souvent recouvert d'une efflorescence grisâtre, long de 1 à 3 centimètres, mais pouvant en acquérir le double en conservant une épaisseur de 2 à 3 milli- mètres, rarement 4 {fig, 21)4). 11 est d'une forme irrégulièrement carrée ou triangulaire, aminci aux extrémités, souvent marqué d'une ou de plusieurs crevasses longitudinales, et quelquefois aussi de crevasses transversales. On observe à l'extrémité supé- rieure un petit paquet blanchâtre d'une matière molle et cérébri- forme, dont la substance coule en partie le long de l'ergot (voy. (ig. 295, qui représente deux ergots fortement grossis; le premier très-jeune et à l'état récent; le second plus âgé et des- séché). Cette substance diminue beaucoup de volume parla des- siccation et manque presque toujours dans l'ergot du commerce, en ayant été détachée par le choc ou par le frottement. L'ergot médicinal se compose donc presque exclusivement du corps allongé brun-violet décrit d'abord. L'ergot est ferme, solide et casse net lorsqu'on veut le ployer. La cassure en est compacte, homogène, blanche au centre, se colorant d'une teinte vineuse près de la surface; d'une saveur peu marquée d'abord, suivie d'une astriction persistante vers l'arrière-bouche. L'odeur de l'ergot récent rappelle celle des champignons; desséché et respiré en masse, il présente une odeur plus forte et désagréable; conservé dans un air humide, il éprouve une altéra- tion putride, dégage une odeur de poisson pourri et devient la proie d'un sarcopte semblable à celui du fromage. Il est donc important pour les pharmaciens d'avoir l'ergot récemment séché et de le conserver dans un lieu bien sec. L'analyse de l'ergot a été faite par plusieurs chimistes. Vauque- lin en a retiré : 1^ une matière colorante jaune fauve, soluble dans l'alcool, d'une saveur d'huile de poisson; 2*' une huile grasse, abondante, d'une saveur douce ; 3° une matière colorante vio- lette, soluble dans l'eau et dans l'alcool, applicable sur la laine et la soie alunées, ayant beaucoup d'analogie avec celle de i'or- seille; 4" un acide libre (phosphorique?); 5*^ une matière azotée abondante, très-putrescible, fournissant une huile épaisse et de CHAMPIGNONS. — ERGOT DE SEIGLE. 17 l'ammoniaque à la distillation ; 6° de l'ammoniaque libre ou du moins qu'on peut obtenir à la température de l'eau boiiiilnnle. Il n'y a trouvé ni amidon ni gluten. Fig'. 293. — Épi de seigle ergoté. Fig. 294. — Ergot de seigle. Fig. 295. — Ergot de seigle et sa sphacélie. Tels sont les résultats obtenus par Yauquelin. Ce grand chi- miste, ayant examiné comparativement un Sclerotium^ y trouva des différences notables, et crut pouvoir regarder comme proba- ble que l'ergot n'était pas un Sclerotium^ ainsi que l'admettait De CandoUe (I). Mais si l'on fait attention, au contraire, que cette analyse offre une grande analogie avec celle des champignons co- (1) Vauquelin, Ann. de chim. et de phys.^ t. III, p. 202 et 337. 48 VÉGÉTAUX AGOTYLÉDONÉS APHYLLES. mestibles, il paraîtra bien plus probable que l'ergot est en effet un champignon. Nous reviendrons plus loin sur celte opinion. On doit à Wiggers une analyse plus récente et plus complète de l'ergot (1). Ce chimiste, ayanl trailé d'abord iOO parlies d'er- got pulvérisé parl'élher, en a retiré 36 parties d'une huile brune verdâlre, d'où l'alcool a extrait une petite quantité d'une huile grasse, rouge-brun, d'une odeur fort désagréable, et un peu de cérine crislallisable ; le reste se composait d'une huile douce, blanche, Irès-soluble dans léther (35 pour 100). Le seigle ergoté, traité ensuite par l'alcool, lui cède 10,56 d'un extrait rouge, d'une odeur de viande rôtie, grenu, déliquescent, que l'eau sépare en deux parties : l'une est insoluble, pulvéru- lente, d'un rouge-brun, d'une saveur amère un peu acre, ni acide ni alcaline, insoluble dans l'eau et dans l'élher, soluble dans l'al- cool. Wiggers lui donne le nom (VErgotine. L'autre substance est soluble dans l'eau, et contient un extrait azoté semblable à l'osmazome du sucre crislallisable, el des sels inorganiques. Le seigle ergoté épuisé par l'alcool, ayant été traité par l'eau, lui a cédé un extrait contenant du phosphate acide de potasse, de la gomme et un principe azoté d'une couleur rouge de sang. Le résidu était composé de fongine, d'albumine, de silice et de phosphate de chaux. Voici les résultats de cette analyse. Huile grasse non saponifiable 35, no Matière grasse cristallisable. i,05 Cérine 0,76 Ergotine 1,25 Osmazome 7,76 Sucre cristallisable .... 1 ,55 Gomme et principe colorant rouge 2,33 Albumine végétale 1,46 Fongine 40,19 Pliospbate acide de potasse 4 , i 2 Phosphate de chaux 0,29 Silice 0, 1 4 102,20 L'Ergotine de M. Wiggers est probablement une matière colo- rante résinoïde. Elle est différente de la préparation qui porte aujourd'hui le nom à' Ergotine, et bien à tort, parce qu'il ne fau- drait p-is donner un nom qui doit être réservé pour un principe sui generis, à un produit aussi complexe que l'est la préparation inventée par M. Bonjean. Pour préparer son ^r^o^ine, M. Bonjean épuise de la poudre de seigle ergoté par de l'eau. 11 évapore les liqueurs jusqu'en consis- (1) Wiggers, Joiun. phan?î., t. XVIII, p. 525. CHAMPIGNONS. — ERGOT DU SEIGLE. 49 lance de sirop et y ajoute un grand excès d'alcool qui en précipite toutes les parties gonameuses et les sels insolubles dans l'alcool. Mais ce liquide retient évidemment en dissolution les sels dé- liquescents, l'ergotine de M. Wiggers, Tosmazome, le sucre et d'autres substances encore. C'est ce mélange^ obtenu par l'éva- poration de l'alcool et nommé Ergotine par M. Bonjean, que ce pharmacien propose comme un spécifique contre les hémorrha- gies de toutes natures, et auquel il attribue aussi la propriété obstétricale, bien qu'il ne l'applique pas à cet usage. [Depuis lors, M. W'enzell a obtenu deux alcaloïdes particuliers, qu'il a nommés Ecboline et Et-gotine. Ils sont solubles dans l'eau, ont l'apparence d'un vernis brunâtre et forment des sels amor- phes et déliquescents. Le premier paraît posséder à un haut de- gré les propriétés actives de l'ergot. M. Wenzell pense qu'ils sont combinés avec un acide particulier fluide, qu'il nomme acide er go tique. Quant au principe sucré de l'ergot, déjà observé par Wiggers, il est voisin du sucre de canne, cristallise en octaèdres rhombi- ques, et ne réduit l'oxyde de cuivre qu'après une ébuUition long- temps prolongée. On lui a donné le nom de Mycose. Maintenant que nous connaissons l'ergot par ses caractères physiques et par sa composition chimique, examinons les opinions qui ont été émises sur sa nature. Pendant longtemps, l'ergot a été regardé comme un grain altéré et développé d'une manière anormale; mais, en 1802, De Candolle le considéi'a comme un champignon du genre Sclerotium, lequel, en s'implantant sur l'ovaire, le faisait périr et se développait à sa place; il lui donna le nom de Sclerotium clavits. Les caractères physiques des Sclerotium s'accordaient en efTet avec ceux de l'ergot; cependant ces champignons n'étaient pas très-bien définis, et récemment M. le doc- teur Léveillé, s'appuyant sur ce que la plupart des botanistes n'ont pu observer dans ces végétaux ni hyménium ni spores, a regardé les Scle- rotium comme des champignons arrêtés dans leur développement, ou comme un mycélium condensé qui, placé dans des circonstances favo- rables, se transforme en agarics, en clavaires ou en divers autres cham- pignons (i). En 1823, M. Fries composa de l'ergot du seigle et d'une autre espèce observée sur un Paspalurrif un genre particulier de champignons au- quel il donna le nom de Spermœdia, mais en mettant lui-même en question si ce n'était pas une maladie du grain. Cette dernière opi- nion, qui est aussi la plus ancienne, est aujourd'hui la plus généra- lement adoptée; je ne crois cependant pas qu'elle soit conforme à la vérité. (i) Léveillé, Annales des sciences naturelles. 1843, Botanique, t. XXIX. GuiDOURT, Drogues, "e (idit. T. II. — 4 oO VEGETAUX ACOTYLÉDONÉS APHYLLES. Tous les observateurs ont constaté que l'apparition de l'ergot est précédée dans la fleur de celle d'une substance mielleuse qui colle ensenible les étamines et le style et s'oppose à la fécondation, et la plupart ont admis que l'ovaire non fécondé se développe alors d'une manière anormale, en formant une sorte de môle souvent recouverte par les débris de la substance mielleuse desséchée. D'après Léveillé, ce suc mielleux qui p récède l'ergot constitue un nou- veau champignon do l'ordre des Gymnomycètcs, auquel il a donné le nom de Sphacelia segetum. 11 prend naissance au sommet de l'ovaire, dont il détache l'épiderme garni de poils, et il forme un corps mou, visqueux, difforme, d'un blanc jaunâtre, au-dessous duquel apparaît un point noir qui est l'ovaire non fécondé et altéré. Celui-ci croit bientôt d'une manière anormale et sort de l'épi en poussant devant lui la spha- célie. Léveillé pense que cette sphacélie constitue la partie active de l'ergot et que celui-ci est inerte lorsqu'il en est privé (1). II ne faut pas confondre la sphacélie de Léveillé avec le Spermœdia de M. Fries. I>a sphacélie est la partie blanchâtre qui surmonte l'ergot et qui manque presque complètement dans celui des pharmacies, ce qui n'est pas favorable à l'opinion de Léveillé sur l'innocuité de celui- ci. Le Spermœdia de M. Fries est l'ergot lui-même. Plusieurs autres observateurs, tels que Phillipar, Phœbus et Queketf, dont je n'ai pu consulter les mémoires en original, paraissent avoir adopté l'opinion que l'ergot est une maladie du seigle causée par la présence d'un champignon de la nature de celui décrit par Léveillé ; seulement Quekett lui a donné le nom d' Ergotœtia abortifacienSj et en a présenté une figure qui ne me paraît pas exacte, ou qui se rapporte à quelque autre coniomycèle étranger à la production de l'ergot. Fée est le dernier botaniste qui se soit occupé de l'ergot (2). On peut lui reprocher d'avoir admis plusieurs opinions inconciliables sur la nature de ce singulier corps 3 mais la description exacte qu'il a don- née des différentes parties de l'ergot me permettra, je crois, de formu- ler une opinion plus précise que celles qui ont précédé, sur la nature de l'ergot. D'après Fée, la sphacélie se développe dans la fleur des Graminées entre l'oAule, fécondé ou non, et la feuille carpellaire qui doit former le péricarpe; il détache complètement celle-ci et la soulève sous la forme d'une coiffe à laquelle Fauteur donne le nom de saccuîus. L'ovule mis à nu, recevant toujours les sucs nourriciers de la plante, se déve- loppe d'une manière anormale, s'hypertrophie et forme l'ergot, auquel Fée donne le nom de nosocanja (grain malade). Ainsi l'auteur, après avoir commencé par dire qu'il regardait, avec De Candolle, l'ergot comme un champignon, finit par conclure que c'est une production pathologique ou une hypertrophie du périsperme. Il faut cependant opter entre ces deux opinions qui ne peuvent pas être vraies toutes les deux ; pour moi, je préfère la première, et, pour l'établir d'une (1) Léveillé, Mémoires de la Société linnéenne de Paris^ t. V, p. 5G5. (2)_Fée, Mémoire sur l'ergot du seigle, etc. Strasbourg, 1843. CHAMPIGNONS. — ERGOT DU SEIGLE. 51 manière plus nette, je sépare d'abord la sphacélie de l'ergot et je dis que la sphacélie est un champignon gymnomycète, que j'ai trouvé uniquement formé de deux espèces de parties (1) : 1° d'une masse de sporidies ovoïdes-allongées, appliquées les unes contre les autres, très- faciles à séparer par l'eau, et dont quelques-unes offrent des spores très-petites dans leur intérieur; 2° de kystes sphériques ou peut-être seulement d'amas circulaires composés d'une quantité considérable de spores très-petits. Nous empruntons à M. Fée les deux figures qui les représentent {fig. 296, 297). J'ai pris ensuite l'ergot lui-même ou le nosocarya de Fée ; je l'ai o^^^oooO 0 Fig. 296. — Ergot. Fi g. 297. — Ergot. coupé en tranches minces et l'ai traité plusieurs fois par l'éther et par l'alcool pour le priver de Fhuile qu'il contient ; mais il est d'une sub- stance tellement compacte que ces menstrues y pénètrent à peine, et que la plus grande partie du corps gras y reste enfermée. J'ai traité ensuite cet ergot par l'eau et je l'ai écrasé par petites parties sous le microscope; je n'y ai trouvé que deux sortes de substances : 1° Des gouttelettes d'huile (^g.298) reconnaissables à leur forme exac- tement sphérique, à leur transparence et à leur pesanteur spécifique inférieure à celle de l'eau. 2° Des cellules polymorphes isolées, soit telles que Fée les a repré- Fig. 298. — Huile. Fig. 299. — Cellules polymorphes. Fig. 300.— Cellules polymorphes. sentées {ficj. 299), soit telles que jC^J^C^Jf ^iT^Z^yl'i:' Fier. 304. — Lichen d'Islande. 56 VÉGÉTAUX ACOTYLEDONES APHYLLES. nature amylacée, toujours plus ou moins colorée, et qui laisse voir la partie interne, formée principalement de sels calcaires et d'un blanc de craie. La fructification consiste dans des conceptacles orbiculaires et plans fixés obliquement à la marge du thallus, mais elle manque souvent. Le lichen d'Islande sec est coriace, sans odeur mar- quée, d'une saveur amère désagréable ; mis h tremper dans l'eau froide, il se gonfle, devient membraneux, et cède au liquide une partie de son principe amer et un peu de mucilage. Si l'on y ajoute une dissolution d'iode, toute la membrane externe du thallus se colorera en bleu noirâtre, et la partie centrale calcaire paraîtra alors, dans les parties interrompues, avec toute sa cou- leur blanche. Le lichen, soumis à l'ébuUition dans Teau, se dis- sout en grande partie, et le liquide se prend en gelée par le re- froidissement. Berzelius a retiré de 100 parties de lichen d'Islande : Sucre incristallisable 3,6 Principe amer 3,0 Cire et chlorophylle 1,G Gomme 3.7 Matière extractive colorée (apothème) 7,0 Fécule 44,G Squelette féculacé 36,6 Surtartrate de potasse ) , ,, I Tartrate et phosphate de chaux ~102,0 Le principal but de Berzelius, en s'occupant de cette ana- lyse, était de trouver un moyen de priver le lichen d'Islande de son amertume, qui, seule, empêche que le peuple n'en fasse sa nourriture habituelle dans les pays pauvres en substances ali- mentaires ; car on ne parvient que très-imparfaitement à lui ôler cette amertume par la décoction dans l'eau, et d'ailleurs la dé; coclion dissout également la partie nutritive du lichen. Le pro- cédé qui a le mieux réussi à Berzelius consiste à faire macérer le lichen, une ou deux fois, dans une faible dissolution alcaline ; à l'exprimer, à le laver exactement et à le faire sécher, si l'on n'aime mieux l'employer humide, pour en préparer toutes sortes de mets (1). On a proposé d'appliquer le même procédé aux préparations pharmaceutiques du lichen ; mais, indépendamment de ce que la présence d'une petite quantité de principe amer peut être utile à Taction médicatrice du lichen, il serait à craindre que le lavage n*enlevât pas tout le sel alcalin. Nous pensons qu'il vaut mieux, (1) Berzelius, Annales de chimie^ t. XC, p. 277. LICHENS. — LICHEN D'ISLANDE. 57 dans les pharmacies, faire chauffer le lichen une ou deux fois avec de Teau, presque jusqu'au point d'ébullilion (à 80 degrés en- viron). Ce procédé suffit pour priver le lichen de la plus grande partie de son amertume ; ce qui en reste alors n'est nullement désagréable. Pour retirer le principe amer du lichen, auquel on a donné le nom de célrarin^ le docteur Herberger a indiqué le procédé sui- vant : on traite le lichen pulvérisé par de l'alcool à 0,883 de pe- santeur spécifique ; on fait bouillir, on filtre et on ajoute à la liqueur 12 grammes d'acide chlorhydrique liquide par 500 gram- mes de lichen employé. On additionne le mélange de quatre fois et demie autant d'eau en volume, et on abandonne le tout pen- dant vingt-quatre heures. 11 se forme un précipité que l'on sépare au moyen d'un filtre et qu'on exprime. On traite ce précipité h froid par de l'alcool ou de l'éther pour le priver des matières grasses qu'il contient. On le traite enfin par deux cents fois son poids d'alcool bouillant, on filtre et on laisse refroidir. Le cé- trarin se précipite. On distille l'alcool pour avoir le reste. Le cétrarin se présente sous la forme d'une poudre très-blan- che, légère, inodore, inaltérable à l'air, décomposable au feu. Il a une saveur très-amère, surtout lorsqu'il est dissous dans l'al- cool. iOO parties d'alcool absolu n'en dissolvent cependant que 0,28 à froid et 1,70 lorsqu'il est bouillant. Il est moins soluble dans l'eau. Il est tout à fait neutre par rapport aux couleurs végé- tales ; les alcalis le dissolvent facilement et le laissent précipiter par les acides. L'acide sulfurique concentré le dissout et le co- lore en brun ; l'acide nitrique le transforme en acide oxalique et en corps résinoïde ; Tacide chlorhydrique concentré le colore en bleu foncé et le dissout en partie, etc. [La matière amylacée du lichen d'Islande porte le nom de Li- chénine. Elle est blanche, cassante, soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool et dans l'éther et a la même composition que la fé- cule. Sous l'influence de l'ébuUition prolongée dans l'eau, elle se transforme en dexlrine. Les acides étendus la font passer à l'état de glucose ; l'acide nitrique la convertit en acide oxalique. Quant à la matière amère, son étflde a été reprise, depuis les travaux du docteur Herberger, par MM. Knop etSchnedermann, qui lui ont attribué des propriétés acides et l'ont appelée acide cétrarigue. Elle est en aiguilles blanches, ténues, à saveur fran- chement amère^ presque insoluble dans l'eau, très-soluble dans l'alcool bouillant et forme avec les bases des sels jaunes, solubles, très-amers. En outre, ces auteurs ont indiqué l'existence dans le lichen d'Islande d'un acide gras, inodore, d'une saveur acre, inso- luble dans Teau, soluble dans l'alcool ; fondant à 120° en donnant 58 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS APHYLLES. une huile limpide, qui se concrète par le refroidissement en cris- taux tabulaires rhombiques. Ils l'ont appelé acide lichens téanque.] liichen pulmonaire. Pulmonaire de chêne, Lichen pulmonarius, L. ; Lobaria pulmo- naria, DC. ; Sticta pulmonaria, Ach. Ce lichen {fig. 305) croît au V, •P/U'cOf^^-^ jr:^^j^jC^yf^6H^220i^ Tous trois paraissent dérivés de la rocceîline de Kane (D^H'^O") qui, en perdant H-0-, se convertit en érythroléine, laquelle ensuite forme les deux autres en se combinant avec l'oxygène. Vazolitmine est d'un rouge-brun foncé et insoluble dans l'eau. Dis- soute dans la potasse ou l'ammoniaque, c'est elle surtout qui forme le bleu particulier du tournesol. Elle ne diffère des deux orcéines de l'orseille que par une oxygénation plus avancée, ainsi qu'on le voit dans le tableau suivant ; Alpha-orcéine C^^H'^AzO^ Bèta-orcéinc Om^^'ÂzO^ Azolitmine C'»H"'AzOi» DEUXIÈME CLASSE VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS FOLLACÉS OU ACROGÈNES. F.AMU.LE DES FOUGERES, Plantes herbacées et vivaces, pouvant devenir ligneuses et arbores- centes sous les tropiques; elles présentent alors le port d'un palmier. De leurs tiges ou de leurs rhizomes se détaclient des appendices foliacés qu'on appelle frondes ; elles sont quelquefois entières ; le plus souvent, elles sont profondément découpées, pinnatifides ou décomposées; tou- jours elles sont roulées en crosse ou en volute au moment où elles naissent de la tige. Les organes delà fructification sont généralement situés à la face inférieure des frondes, le long des nervures ou à l'ex- trémité du limbe ; dans un certain nombre, la fructification est disposée en épis ou en grappes isolées des feuilles. Dans le premier cas, c'est-à- dire lorsque la fructification est dispersée sur les frondes, généralement elle est groupée en petits amas de formes variées, nommés sores, tantôt nus, tantôt recouverts d'une membrane ou indusiurrij dont l'origine et le mode de déhiscence varient beaucoup également, et servent à ca- ractériser les nombreux genres de cette famille. Ces amas sont formés FAMILLE DES FOUGÈRES. 67 par des capsules celluleuses, souvent pédicellées, nommées thèques ou sporanges, et qui paraissent entièrement composées de spores libres, retenues par un anneau circulaire qui se rompt avec élasticité pour leur permettre de se disperser {fig. 309). Lorsque la fructification est Fis. 307 — Anthéridie Fig. 308. — Aichégoaes isolée des feuilles, elle se présente sous la forme de capsules bien diffé- rentes de celles ci-dessus décrites, et qui paraissent provenir du limbe des folioles supérieures qui aurait avorté, et qui se serait replié de ma- nière à former chacun une coque à parois épaisses, pleine de spores libres. Par exemple, Vosmonde commune. [Lorsqu'on place les spores dans des conditions favorables à leur ger- mination, on les voit se développer en une expansion cellulaire (pro- Ihalium) à la face inférieure de laquelle naissent les véritables orga- nes de la reproduction sexuelle, savoir : !« de petits corps arrondis eu ovoïdes {fig. 307), renfermant dans de petites ce\\u\es\esanthéi'ozoides en forme de rubans étroits munis à leur partie antérieure de cils vibra- liles et doués de mouvements ; 2° les archégonés {fig. 308), sacs celluleux, ouverts à leur extrémité, et où arrivent les anthérozoïdes.] Les fougères fournissent à la pharmacie leurs stipes souterrains ou rampants, qui portent improprement le nom de moines, et leurs frondes. Ces deux parties sont douées de propriétés géné- ralement assez différentes, les frondes étant souvent pourvues d'un arôme agréable qui permet de les employer en infusion bé- chique et adoucissante, tandis que la souche contient ordinaire- ment un principe amer ou astringent, et un autre de nature hui- leuse et d'une odeur forte et désagréable, qui jouit d'une pro- priété vermifuge très-marquée. Cette souche contient aussi de l'amidon; mais il n'y a que les peuples les plus malheureux de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande qui aient pu en faire leur (*) Pteris serruluta A, une anlhéridie coupée transversalement : a sa paroi d'une seule couche de cellules; a', masses de cellules mères d'anthérozoïdes 200/1) ; B, un anthérozoïde libre a z, isolé (800/1). (Duchartre, d'après W. Hofmeister.) (**) Pteris serrulata. Portion de la coupe transversale menée à travers la portion antérieure et médiane d'un prothalle passant par deux archégonés, ar, ar', ce dernier déjà ouvert au sommet; a, cellule basilaire qui va être fécondée; a', cellule qui sera bientôt résorbée (ÎOO/I). (Duchartre, d'après VV. Hofmeister.) 68 VEGETAUX ACOTYLEDONES FOUACES. nourriture habituelle. En Europe, ce n'est que dans les temps de grande disette que les habitants des campagnes y ont eu recours. Foug'ère mâle. Polystichum Filix mas, Roth .; Nephrodium Filix mas, Rich.; Po- ly podium Filix mas, L., Car. gén. : sporanges ou thèques pédicellées, à anneau verti- cal, fixées sur une veine gonflée au milieu du ré- ceptacle ; sores arrondis, disposés par séries sur la face inférieure des frondes. Indusium réniforme fixé à la feuille à fendroit du si- nus. Car. spéc. .'frondes bi- pinnées ; pinnules oblon- gues, obtuses, dentées; so- res rapprochées de la côte du milieu; slipe garni de paillettes {/ig. 309). La partie de la plante qui est employée en méde- cine porte communément le nom de racine; mais c'est une tige souterraine , une souche, enfin ce que Linné nommait stipes. Celte sou- che est composée d'un grand nombre de tubercu- les oblongs, rangés tout au- Fig. S09 — Fougère mâle. lour et le loug d'un axc commun; recouverts d'une enveloppe brune, coriace et foliacée, et séparés les uns des autres par des écailles très-fines, soyeuses et d'une couleur dorée. La vraie racine de la plante consiste dans les petites fibres dures et ligneuses qui sortent d'entre les tubercules que je viens de dé- crire. L'intérieur de la souche est d'une consistance soUde ; d'une couleur verdâtre à l'état récent et jaunâtre à l'état sec ; d'une saveur astringente un peu amère et désagréable; d'une odeur nauséeuse. La souche de fougère mâle a été analysée par M. Morin, de Rouen, qui en a retiré, par le moyen de l'élher, une substance FOUGÈRES. — POLYPODE COMMUN. C9 grasse d'un jaune brunâtre, d'une odeur nauséabonde et d'une saveur très-désagréable. Cette substance, indépendamment de sa matière colorante [chlorophylle altérée?), était formée d'huile volatile odorante, d'élaïne et de stéarine. L'alcool, appliqué au résidu épuisé par l'éther, en a extrait de Vacide gallique^ du tan- nin et du sucre incristallisable; l'eau a dissous ensuite de la gomme et de Yamidon\ le résidu était formé de ligneux. Les cendres ob- tenues de la souche non traitée parles menstrues étaient formées de carbonate et sulfate de potasse, chlorure de potassium, car- bonate et phosphate de chaux, alumine, silice et oxyde de fer(l). L'huile de fougère mâle paraît jouir d'une propriété anthel- mintique et tsenifuge très-marquée; aussi a-t-on proposé plu- sieurs procédés pour l'obtenir; le plus simple consiste dans l'em- ploi de l'éther appliqué à la racine pulvérisée, par la méthode de déplacement (2). [Depuis 1851, on reçoit de Port-Natal et du cap de Bonne- Espérance (3) un rhizome, qui ressemble à celui de la fougère mâle, mais a des dimensions plus considérables. On le connaît sous les noms vulgaires de racine Unicômocomo et de racine Panna ; il est fourni par VAspidium athamanticum, Kunze.] On employait autrefois, concurremment avec la racine de fou- gère mâle, celle de deux autres plantes de la même famille, qui portaient l'une et l'autre le nom de Fougère femelle ; l'une est la petite fougère femelle {Polypodium Filix fœmina, L.; Athyrium Filix fœmina, R.) ; l'autre est la grande fougère femelle (Pteris aquilina, L.). Ces espèces ne sont plus usitées. Polypcde commun, vulgairement Polypode «le chêne. Polypodium vulgare, L. Car. gén. : fructification réunie en grou- pes peu distincts, épars sur le dos des frondes, non couverts d'un tégument. — Car. spéc. : frondes pinnatifides ; ailes oblongues, sous-dentées, obtuses; racine squammeuse {fîg. 310). Ce que nous désignons sous le nom de racine de Polypode n'est, de même que dansla fougère mâle, qu'une tige radiciforme, ou une souche. Cette souche récente est couverte d'écaillés jaunâ- tres, dont quelques-unes subsistent après la dessiccation; séchée, (1) Morin, de Rouen, Journal de pharmacie, t. X, p. 223. (2) Cette huile varie en couleur et en consistance suivant la partie de la "sou- che d'où elle provient. La partie inférieure de la souche, celle qui est la plus ancienne et la plus éloignée de la pousse de l'année, fournit une huile brune, très-épaisse et d'une odeur fort désagréable. La partie supérieure de la souche donne une huile liquide, d'une belle couleur verte et d'une odeur bien moins désagréable. C'est la plus estimée et celle qu'on regarde comme la plus active. (3) Voir Martius, Pharmaceutical Journal^ XVI, 447. 70 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS FOLIACÉS. elle est grosse comme un tuyau de plume, cassante, aplatie, offrant deux surfaces bien distinctes : l'une tubercu- leuse, qui donnaitnaissance aux frondes; l'autre, unie, est garnie de quelques épi- nes provenant des radicu- les; du reste elle est brune ou jaunâtre à l'extérieur, verle à l'intérieur, d'une saveur douceâtre et sucrée, mêlée d'âcreté, et d'un goût nauséeux ; son odeur est désagréable et analogue h celle de la fougère. La sou- che de Polypode passe pour être laxative et apéritive. Elle contient, d'après l'ana- lyse faite par M. Desfosses, de Besançon, de la glu ou plutôt un corps complexe moitié résineux et moitié huileux, du sucre fermen- leseible, un corps analogue à la sarcocolle, une matière astrin- gente, de la gomme, de l'amidon, de l'albumine, des sels cal- caires et magnésiens, etc. Fig. 310. — Polypode de Chêne. SloucMe de Calasuala. D'après Ruiz, l'un des auteurs du Flora peruviana, le véritable Ca- laguala est le stipe d'une foug»!!re du Pérou, qu'il a décrite sous le nom de Polypodium Calagiiala ; mais, même dans celte contrée, on lui substitue la souche de deux autres fougères, qui sont le Pofypodium crassifolium, L., eiVAcrosticum hiiacsaro, Huiz. Suivant Ruiz, également, le vrai Calaguala, dans son état naturel, est une souche cylindrique un peu comprimée, mince, horizontale, rampante et flexueuse, cou- verte sur sa surface inférieure par de longues fibres branchues, d'un gris foncé, et portant sur la face supérieure des feuilles disposées par rangs alternatifs. Elle est d'une couleur cendrée à l'extérieur, et cou- verte sur toute sa longueur par de larges écailles; à l'intérieur elle est d'un vert clair, et remplie de beaucoup de petites fibres. Après sa des- siccation, et lorsque les écailles ont été enlevées, elle est, à l'extérieur, d'un gris foncé ; tandis que l'intérieur est jaunâtre, compacte et oft're une certaine ressemblance avec la canne à sucre. Le goût, qui est d'abord doux, est suivi d'une amertume forte et désngréable, jointe à FOUGÈRES. — SOUCHE DE CALAGUALA. 71 une légère YÎscosilé. Enfin, la racine, entièrement mâchée, offre une sorte d'odeur d'huile rance. D'après cette description de Ruiz, nous pouvons dire que nous n'a- vons Jamais vu le véritable Calaguala, et nous supposons que cette substance a dû être apportée bien rarement en France. D'ailleurs, on s'accorde généralement à penser que le Calaguala venu en Europe est produit T^arVAspidium corriaceum deSwartz, avec lequel on confond le Polypodium adiantiforme de Forster, et que l'on suppose, d'après cela, venir également dans les Antilles, à l'île Bourbon, à la Nouvelle-Hol- lande et à la Nouvelle-Zélande. Quoi qu'il en soit de cette opinion, voici la description des racines de Calaguala que nous avons en notre possession, et auxquelles nous nous abstiendrons d'assigner aucune origine. Première espèce {fig. 311). Souche brune rougeâlre à l'extérieur, et d'une grosseur variable, depuis celle d'une petite plume jusqu'à celle du^doigt : elle est flexueuse, ou contournée par la dessiccation; aplatie et marquée de rides profondes, longitudinales ; la surface en est unie et luisante sur toutes les parties proéminentes exposées au frottement, tandis que les sillons sont remplis par des écailles fines et rougeâtres. La face inférieure se reconnaît à des pointes piquantes peu apparentes, qui proviennent des radicules, et la face supérieure à des chicots assez forts, durs et ligneux, qui sont formés par la partie inférieure du pé- tiole des feuilles. Ces chicots ne partent pas du milieu de la face supé- rieure, mais sont disposés alternativement d'un côté et de l'autre, sans suivre cependant une régularité constante. I/intérieur de la souche est d'un rouge pâle et rosé comme la racine de bistorte. Sa saveur est douce, sans aucune astringence ni amertume; sa consistance est assez molle, et elle s'écrase facilement sous la dent. Les insectes la piquent l'"ig. 311. — Souche de Calaguala. assez promptement, et l'iode y démontre la présence de l'amidon. Au total, celte espèce de Calaguala a la forme d'une grosse racine de Polypode commun. Deuxième espèce [fig, 312). Souche brune à l'extérieur, grosse comme une forte plume, longue, droite ou un peu arquée, cylindrique et of- frant sur un côté une nervure longitudinale qui donne naissance à de nombreuses radicules, dont il ne reste que des pointes ligneuses et piquantes. Tout le reste de la surface est couvert de longues fibres li- gneuses, cylindriques, roides, dures et piquantes, couchées ou dressées 72 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS FOLIACÉS. le long de la souche commune : ces fibres sont évidemment la partie inférieure du pétiole des feuilles. L'intérieur delà souche estrougeâtre, très-dur et très-difficile à broyer sous la dent; la coupe en est com- Fi}?. 312. — Souche de Cala<;uala. pacte, luisante et comme gorgée d'un suc desséché. La saveur est as- tringente, sans aucune amertume. Je regarde comme appartenant à la môme espèce une souche {fig, 3 13) qui offre la même forme cyhndrique, la môme nervure saillante infé- Fig. 313. — Souche de Calaguala. rieure chargée de radicules, et la môme disposition des pétioles sur tout le reste de la surface du rhizome. Cependant cette sorte est encore plus dure et plus compacte, et les pétioles sont réduits à l'état de tubercules allongés non isolés du rhizome; môme saveur astringente, dépourvue d'amertume. Troisième espèce f/i^. 314). Souche petite; de la grosseur d'une plume, Fig. 314. — Souche de Calaguala. d'un gris rougeâlre à l'extérieur, offrant une surface inférieure plane, inégale ou creusée en gouttière, et couverte de pointes radiculaires. La surface supérieure est bombée, demi-cylindrique, toute hérissée de tu- bercules courts, recourbés, couchés contre le rhizome, ou formant le plus souvent avec lui un angle très-marqué; l'intérieur est compacte, brunâtre, dur sous la dent, et d'une saveur très-astringente. L'amer- tume manque dans toutes ces racines. FOUGÈRES. — BAROMEZ. 73 Vauquelin a soumis à l'analyse chimique la souche de Calaguala (probablement la premièie espèce), et en a retiré les principes sui- vants, que j'énonce d'aprùs l'ordre de leur plus grande quantité : ma- tière ligneuse, matière gommeuse, résine rouge, acre et amère; matière sucrée, matière amylacée, matière colorante particulière, acide malique, chlorure de potassium, chaux et si- lice (1). Faux Calaguala, Champignon de Malte, Cynomorium coccineum. J'ai trouvé une fois dans du Calaguala venu de Marseille une substance fort différente et qui était formée par une plante très-singulière nommée champignon de M«/^e, laquelle croît en plusieurs lieux du littoral de la Méditerranée. Celte plante naît sur les racines de plusieurs arbres ou arbrisseaux, à la manière des hypocistes et des orobranches. Elle est formée d'une simple tige char- nue, couverte d'écaillés, et terminée supérieurement par un chaton en massue, de couleur écarlale, tout cou- vert de fleurs mâles à une étamine, entremêlées de fleurs femelles composées d'un ovaire uniloculaire, d'un style et d'un stigmate. Fe fruit est formé d'un péricarpe sec, uniloculaire, renfermant un noyau sans embryon et dont l'amande est remplacée par une agglomération de spores. Cette plante appar- tient donc à la division des acotylédones phanérogames ou anthosées^ qui portent aussi le nom de Rhizauthées. Le champignon de Malte, desséché et privé de ses écailles, est formé par un stipe souvent con- tourné, ridé, d'une couleur brune, terminé par son chaton non dé- veloppé i/?g. 315). Il possède une saveur astringente et légèrement acide. Il se ramollit dans l'air humide, s'altère et devient la proie des insectes. Linné le regardait comme utile contre les hémorrhagies, le flux de sang, la dyssenlerie, etc. On le prenait en poudre dans du vin ou du bouillon. Fig. 315. — Faux Calaguala. Baromez ou Ag^neau de Scythie. [Beaucoup de fougères des régions tropicales ont leur rhizome et la base de leurs tiges et de leurs feuilles couvertes de poils nombreux de couleur brune ou jaune. Ces poils forment une substance hémostatique qu'on a préconisée dans ces derniers temps et qui, dans certains pays, étaient du reste employés depuis longues années. Au moyen âge on connaissait déjà dans le commerce les rhizomes 1) Vauquelin, Annales de chimie^ t. LV, p. 22. 74 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS FOLIACES. couverts de poils du Polypodiwn Baromez de Linné; c'était le Frutex tarlareus ou VAgnus scythicus de celte époque. Ce dernier nom tenait à certains échanlillons munis de trois à cinq appendices ligneux (bases des frondes de la fougère) qui, pour l'imagination populaire, repré- sentait les jambes et la queue d'un animal. Les fables les plus étran- ges étaient racontées à propos de cet agneau de Scy/hie, qui participait à la fois de la nature animale et végélale; attaché à la terre par une tige ligneuse, mais broutant l'herbe comme un animal et vivant comme lui jusqu'à ce qu'il eût dévoré tout ce qui se trouvait à la portée de ses dents (1). On n'a jamais cessé d'employer dans les Indes les poils du Baromez, que l'on rapporte actuellement au genre Cibotium, et à quelques espè- ces ou variétés groupées autour du Cibotium Baromezs Kunze. Cette subs- tance est apportée sur les marchés de Java, et y est connue sous le nom malais de Penyawar-Djambi. Les plantes qui la donnent croissent en Cochinchine, en Chine, à Bornéo, à Sumatra, aux Philippines, ainsi que dans l'intérieur de la haute Asie. Elles ne se trouvent pas à Java. Leurs tiges basses, longues d'un pied tout au plus, sont couvertes de poils mo- niliformes, jaunes d'or, de deux à trois centimètres de longueur. On connaît en outre à Java, sous le nom de Paku-Kidang, la partie in- térieure des tiges d'une fougère de cette contrée, le Balantium chryso- trichum, Hassk. Les Hollandais ont, depuis 1837 environ, substitué cette substance au Pengawar-Djambi et c'est elle qu'ils ont principalement ré- pandue en Europe pour l'usage chirurgical. Ce Paku-Kidaiiu consiste en poils isolés ou unis entre eux en petites bandelettes; ces poils ont cinq centimètres de long, sont moniliformes, présentent de distance en distance des espèces de nœuds, marqués d'une gaine un peu dentelée, et auxquels correspondent à l'intérieur de minces cloisons transver- sales. Ils se terminent par une assez longue pointe obtuse, foncée, le plus souvent rompue. Leur couleur varie du jaune clair au brun foncé. Enfin, sous le nom de Pulu (2), on a décrit des poils plus fins et plus mous que les précédents et qui viennent en quantité des îles Sandwich vers la Californie et l'Australie. C'est aux Cibotium glaucum, Hook. et Arnott, C. Chamisoi, Kaulf., C. Menziezii, Hook., qu'on rapporte la pro- duction de cette substance.] Capillaire du Canada. On a donné le nom de Capillaires à des plantes appartenant primitivement aux genres Adiantum et Asplemum^ tels sont le Ca- pillaire du Canada, le Capillaire de Montpellier, le Capillaire com- mun, le Polytric, la Sauve-vie, le Cétérach et la Scolopendre. Le Capillaire du Canada est V Adiantum pedatum, L. Car, gén.: (1) Voir Colin, Histoire des Drogues, espiceries, etc. Lyon, 1G19, p. 248. — Hanbury, Pharmaceutical Journal, XVI, 248. (2) Voir Cooke, 0?i Pulu and some analogous producls of fern {Pharmaceu- tical Journal, 2^ série, 1, 501). FOUGERES. — CAPILLAIRE DU CANADA. 75 sporanges disposées en sores marginaux, oblongs ou arrondis, pourvus d*un indusium continu avec le bord de la fronde et libre du côté intérieur. — Car. spéc. : fronde pédalée; rameaux à fo- lioles pinnées, oblongues, incisées seulement sur la marge in- terne et représentant comme une moitié de feuille. Pélioles très- glabres {fig. 3 '6]. •§ê^ Fig. 316. — Capillaire du Canada. Ce capillaire nous vient du Canada. Ses pélioles sont fort longs, rouges ou bruns et très-lisses. Ils se divisent à la partie su- périeure en deux brancbes égales qui portent des ramifications du côté interne seulement; c'est ce qui constitue le feuillage pé- dalé. Les folioles sont touffues, douces au toucber, d'un beau 76 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONES FOLIACÉS. vert, d*une odeur agréable, d'une saveur douce un peu styptique : on en fait par infusion un sirop très-agréable et très-usité. Il entre également dans la composition de l'élixir de Garus. Capillaire du Mexique. Il y a quelques années, et pendant un temps assez long, le ca- pillaire du Canada avait complètement disparu du commerce. Alors on a tenté de lui substituer une autre espèce apportée du Mexique, VAdiantum tenerum, L. Ce capillaire est pourvu de pé- tioles ligneux, longs de 60 à iOO centimètres, branchus, très-ra- Fig. 317. — Capillaire de Montpellier. mifiés, lisses et d'une couleur noire ; les folioles sont alternes, rhomboïdales ou trapéziformes, incisées et pourvues de sores sur les deux côtés opposés au pétiole; elles sont d'un vert foncé et comme noirâtre, d'une consistance ferme et très-faciles à se dé- tacher de la tige, ce qui présente un grand inconvénient pour le commerce. Mais à l'usage, ce capillaire m'a paru être aussi aro- matique et fournir des médicaments aussi agréables que celui du Canada. FOUGÈRES. — CETERAGH OU DAURADILLE. 77 Capillaire de lloutpellier. Adiantum Capillus Veneris, L. Car. spéc. : feuillage décomposé; folioles alternes, cunéiformes, pédicellées. Ce capillaire diffère des précédents par ses pétioles grêles, longs au plus de 20 à 30 centimètres, portant de petits rameaux alternes, écartés, subdi- visés eux-mêmes et munis de folioles cunéiformes, à deux ou trois lobes terminaux ou opposés au pétiole {fig. 317). Il croît sur- tout dans le Midi, dans les lieux humides et pierreux. Il a une odeur peu marquée et moins agréable que celle des deux précé- dents, et peut difficilement leur être substitué. Capillaire commun ou Capillaire noir. Asplenium Adiantum nigrum^ L. Car. gén : sporanges fixées sur des veines transversales et rassemblées en sores linéaires. Inclu- sium membraneux né latéralement d'une veine et libre du côté de la côte médiane. — Car. spec. : fronde sous-tripinnée, folioles alternes; foliolules lancéolées, incisées, dentées. Ce capillaire croît sur les murailles, et dans les lieux humides, au pied des arbres; il pousse des pétioles longs de 10 à 20 centi- mètres, garnis à leur partie supérieure de folioles profondément incisées, diminuant graduellement de grandeur jusqu'au sommet, et d'un vert très-foncé. Il est peu usité. Polytrie des officines. Asplenium irichomanes, L. Car. spéc: feuillage pinné ; folioles obovées crénelées, les inférieures plus petites. Ce capillaire se distingue des autres par la petitesse de ses fo- lioles, qui, sans être opposées, sont rangées comme par paire le long du pétiole, et qui sont presque rondes, légèrement créne- lées, et très-chargées sur l'une de leurs faces d'écaillés fauves qui couvrent la fructification. Il est peu employé dans la ville; mais les hôpitaux en consomment une assez grande quantité, comme succédané des espèces précédentes. Il a peu d'odeur. l§»auTe-fie, ou Rue des murailles. Asplenium Ruta-muraria, L. Car. spéc. : feuillage alternative- ment décomposé ; folioles cunéiformes crénelées. Cétérach, Daurade ou Dauradille. Ceterach officinarum, DG. ; Asplenium Ceterach, L. Car. gén. : sporanges rassemblées en sores linéaires ou oblongs, dépourvus 78 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS FOLIACÉS. de véritable tégument, mais recouverts d'écaillés qui en tiennent jieu. — Car. spéc. : feuillage pinnatifide : lobes alternes, con- fluents, obtus. Cette plante pousse des pétioles courts, qui portent à leur partie supérieure, comme une seule fronde découpée alternative- ment d'un côté et de l'autre, jusqu'à la côte du milieu (fig. 318) ; Fig. 318. — Cétérach. cette fronde est chargée sur le dos d'un nombre infini d'écaillés qui en couvrent entièrement la fructification, et qui, lorsque la plante est sur la terre et que le soleil frappe dessus, la font paraî- tre dorée, d'où lui sont venus ses deux derniers noms. Séchée, elle a une odeur agréable et une saveur astringente semblable à celle de la racine de fougère, par conséquent, assez désagréable. Le Cétérach est fort vanté contre les maladies du poumon et les affections calculeuses de la vessie. Scolopendre . Scolopendrium officinale, Smilh; Asplenium Scolopendtnum, L. — Cai\ gén. : sporanges réunies en sores géminés, placés sur deux veines contiguës, et couverts de deux indusiums connivents, s'ou- vrant enfin par une ligne longitudinale. — Cai\ spéc. : fronde simple, cordée, ligulée, très-entière; stipe velu {fig. 319). Cette plante pousse, de sa souche, des feuilles pétiolées, très- entières, longues, vertes, luisantes. Ces feuilles présentent sur LYCOPODIACÉES. 79 le dos deux rangs de lignes parallèles, formées par la fruclifica- lion. Elles ont une saveur douce et une odeur de capillaire assez agréable. La Scolopendrese nomme aussi Zari<7W(? de cerf, à cause de la forme de ses feuil- les, qui a été comparée à celle de la lan- gue d'un cerf. On l'emploie en infusion ; elle entre dans la composition du sirop de rhubarbe composé, et des électuaires lénitif et catholicum composés. Fig. 319. — Scolopendre. FAMILLE DES LTCOPODTACEES. Les Lycopodiacécs sont des plantes trùs- rameuscs, souvent étalées ou rampantes, toutes couvertes de petites feuilles verti- eillées ou disposées en spirales, et portant en outre deux sortes d'organes, dont la na- ture et les fonctions sont encore incertaines. Tantôt ce sont des capsules globuleuses ou réniformes, uniloculaires, s'ouvrant par une fente traY^sversale, et renfermant un grand nombre de granules très«petits {micro spores) , d'abord réunis quatre par quatre, puis devenus libres par la destruction des cellules qui les avaient engendrés. Tantôt ce sont des capsules plus grosses, à 3 ou 4 valves, à 3 ou 4 loges, contenant seulement 3 ou 4 spores volu- mineuses {macrospores). Ces deux espèces de capsules sont quelquefois réunies sur le même individu, et semblent jouer dans ces plantes le même rôle que les fleurs mâles et femelles, dans les végétaux monoï- ques et dioïques, et beaucoup de botanistes pensent que les petites capsules remplies d'une poussière jaune très-fine, sont des anthères avec leur pollen, et les autres des fleurs femelles. [Cette opinion très-probable est corroborée par l'observation de W. Ilofmeister qui rapporte avoir vu quelques anthérozoïdes dans ces microspores.] Les Lycopodiacécs paraissent douées de propriétés très-actives; l'herbe même de Lycopodium clavatum, L. est vomitive, et l'on rapporte que des paysans du Tyrol ayant mangé des légumes cuits dans l'eau oii avait macéré du Lycopodium Selago, éprouvèrent des S3mptômes d'ivresse et des vomissements. LeLycoi^odeo^Cic\n'd\^Lycopodiumclavatum,L.{/îg.'320)cvo][s\iV' tout en Allemagne et en Suisse. Il se plaît dans les bois et à l'om- bre; il pousse des tiges très-longues, rampantes, qui se ramifient prodigieusement en s'étendant toujours davantage sur la terre. 11 80 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONES FOLIACES. s'élève d'entre ces ramifications des pédoncules longs comme la main, ronds et déliés, portant à leur extrémité deux petits épis cylindriques géminés, qui sont composés de capsules réniformes, sessiles, à deux valves. C'est dans ces capsules que se trouve con- tenue la poussière que nous nommons Lycopodc. Fig. 320. — Lycopode officinal. Le Lycopode est une poussière d'un jaune tendre, très-fine, très -légère, sans odeur ni saveur, et prenant feu avec la rapidité de la poudre, lorsqu'on la jette à travers la flamme d'une bougie; de là lui est aussi venu le nom de soufre végétal^ et l'usage qu'on en fait sur les théâtres pour produire des feux effrayants, mais peu dangereux. Le Lycopode est employé en pharmacie pour rouler les pilules, et, par suite, empêcher qu'elles n'adhèrent entre elles; on l'em- ploie aussi avec succès pour dessécher les écorchures qui survien- nent entre les cuisses des enfants. Le Lycopode, jeté sur l'eau, reste à sa surface; par l'agitation, une partie tombe au fond ; par l'action du calorique, tout se pré- cipite, et l'eau acquiert une saveur cireuse, et contient une assez grande quantité de mucilage susceptible de se prendre en gelée par la concentration, comme celui du lichen. L'alcool pénètre sur-le-champ le Lycopode, et la poudre tombe au fond. A l'aide de la chaleur, on obtient une teinture légère que l'eau blanchit. La teinture alcoolique, rapprochée et précipitée LYCOPODIÂCEES. 81 par l'eau, donne ensuite un extrait dans lequel la saveur et la fer- mentation, à l'aide de la levure, indiquent la présence du sucre. L'éther, versé sur du Lycopode, se colore en jaune verdâtre ; cette teinture, mêlée d'alcool et d'eau, laisse précipiter de la cire. Enfin la partie du Lycopode insoluble dans ces diff'érents menstrues, etqui équivaut aux 0,89 de la poudre primitive, est jaune, pulvérulente, combustible, presque semblable au Lycopode lui-même. Ce résidu constitue un principe organique azoté nommé pollénine, dégageant de l'ammoniaque par la potasse caustique, susceptible de se putré- fier lorsqu'il est humide, et de se convertir en une sorte de fromage. Le Lycopode est souvent falsifié, dans le commerce, par du talc (craie de Briançon) ou par de l'amidon. Pour reconnaître le pre- mier, on peut battre dans une fiole, avec de l'eau, la substance falsifiée ; par le repos, le Lycopode vient surnager en très-grande partie, tandis que le talc se précipite. L'amidon se reconnaît soit en traitant directement le mélange par de l'eau iodée, soit en fai- sant bouillir le Lycopode falsifié avec de l'eau, et versant dans la liqueur filtrée une soluté d'iode, qui la colore en bleu foncé dans le cas de la présence de l'amidon. Le Lycopode paraît aussi avoir été falsifié avec le pollen de plu- sieurs végétaux; et notamment avec celui des pins et des sapins, du cèdre ou des Typha. Je ne pense pas que cette falsification, qui serait au reste peu importante, soit aussi commune qu'on l'a supposé. Quant à moi, je ne l'ai jamais rencontrée. Dans tous les cas, il est facile de la reconnaître à l'aide du microscope, de même que les deux falsifications précédentes, à cause des caractè- res physiques très-tranchés et très-uniformes du Lycopode. Le Lycopode mouillé avec de l'alcool, et vu au microscope, est essentiellement formé de granules isolées qui sont à peu près des sections de sphères formées par trois plans dirigés vers le cen- tre ifig, 321). 11 est très-rare qu'on trouve ces grains réunis, mais ils afi'ectent différentes formes, suivant la manière dont ils se pré- sentent. Tous ces grains sont très -imparfaitement transparents, formés d'un tissu cellulaire dense, granuleux à leur surface, et de plus munis dans l'intervalle des cellules de très-petits poils ou appendices terminés en massue. Le pollen des Conifères est plus jaune que le Lycopode et en particules moins fines. Celui du Pin, vu au microscope, affecte un grand nombre de formes bizarres {fiy. 322), qui me paraissent résulter de la soudure de trois granules, dont un mitoyen, géné- ralement plus volumineux, et deux autres plus petits, placés comme en aile aux extrémités du premier; de plus, le grain du milieu offre presque toujours une tache opaque, à bords irrégu- liers, que je considère comme le vestige d'un quatrième granule GuiBouRT) Drogues, 7® édit. I. If. — 6 82 VEGETAUX ACOTYLEDOiNÉS FOLIACES. avorlé. Tous ces granules sont formés de tissus cellulaires, et sont dépourvus d'appendices superficiels. Le pollen de cèdre m'a paru être formé quelquefois de trois Fig. 321. — Lycopode. granules distincts accolés (fig. 323); mais le plus souvent les gra- nules sont tellement soudés ou continus, que les grains paraissent Fig. 322. — Pollen du pin. formés d'une seule masse de tissu cellulaire, de forme elliptique, et renflée aux deux extrémités. Le pollen de Typha {fig. 324) est d*un jaune foncé, en pondre Fiiî. 323. — Pollen du cèdre. assez grossière, non mobile, comme celle du Lycopode, et à peine inflammable. Il paraît toujours formé, au microscope, de quatre Fig. 324. — Pollen du typha. granules soudés, tantôt nus, tantôt recouverts d'une enveloppe membraneuse, transparente. ÉQUISETÂCEES. 83 FAMILLE DES ÉQUISÉTACÉES (1). Les seules plantes qui nous restent à mentionner, parmi les cryplo- games foliacées (acolylédones acrogùnes), et qui, à mesure que nous approchons davantage des phanérogames, montrent des organes de fructification plus distincts, sont les Prêles, végétaux d'un port tout par- ticulier, que Linné avait compris dans la famille des Fou- gères; mais qui forment aujourd'hui un groupe séparé, et dont le nom latin equisetiim (crin de cheval) leur a été donné à cause d'une certaine ressemblance de forme avec la queue d'un cheval. Ce sont des plantes d'une organisation semblable (les calamités) qui ont paru des premières à la surface du globe, lorsque le refroidissement et la solidification des couches superficielles permirent aux êtres organisés de s'y développer. Ce sont elles qui, par leur profusion et leur taille gigantesque, ont formé, après leur enfouisse- ment, ces amas considérables que la chaleur centrale, jointe à une forte pression, a dans la suite convertis en houille. Les prêles d'aujourd'hui, faibles restes de celte Fig. 325. — Épi Fig. 326. — Écussoa des prêles. pelté des prêles. Fig. 327. — Corpuscules des prêles. végétation primitive, n'offrent guère plus de 2™, ri à 3™, 5 de hauteur sous la zone torride, et de 0°^,r)G à 1 mètre ou l°i,20 dans nos climats. Llles se plaisent dans les marécages, sur le bord des rivières et dans les prairies humides, où elles nuisent aux bestiaux par leur qualité fortement diurétique. Les prêles sont des plantes herbacée?, vivaces, à tiges simples ou ra- meuses, creuses, striées longitudinalement, très-rudes au toucher. Elles sont entrecoupées de nœuds^ dont chacun est entouré par une gaine fendue en un grand nombre de lanières, et donne souvent naissance à des rameaux verticillés, filiformes et articulés comme la tige princi- pale. La fructification est portée sur des rameaux particuliers et con- stitue un épi ou un chaton cylindrique terminal (/?(/. 32.)), tout couvert de réceptacles particuliers, verticillés, stipités, terminés par un écus- son pelté. Celui-ci (/i{7. 326) porte inférieurement de six à huit capsules (l)On consultera avec intérêt Duval Jouve, Histoire naturelle des É'/w's'Hacce.'i ./'/ France. Paris, 18U4. 84 VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS ANTIIOSÉS OU RIIIZANTÉS. uniloculairesj déhiscentes du côté interne par une fente longitudinale et pleine de petits corpuscules verts et sphériques {fuj, 326), autour desquels sont enroulés quatre filaments partant de leur base, et termi- nés par un renflement en forme de massue. Ces spores en germant pro- duisent une expansion cellulaire analogue au lyrothallium des fougères et sur laquelle on trouve également des anthcridics et des archcgones. r,a principale espèce de prèle d'Europe est la prèle d'iûvcr {Equise- tiim hiemalej L.), qui s'élève à la hauteur de 1 mètre à l'",n0.et qui a la tige dure et les articulations très-écartées, ce qui permet que l'on s'en serve pour polir les ouvrages d'ébénisterie et même les métaux. Cette dureté de la prèle est due cà ce que son épiderme est incrusté de silice. Davy, en poussant au chalumeau un fragment de prèle d'hiver, en a obtenu un globule de verre transparent. Plus récemment, Bra- connot a extrait de la prèle fluviatile un acide particulier, auquel il a donné le nom d'acide équisétique. Mais, d'après M. Victor Regnault, cet acide est identique avec l'acide pyromalique de Braconnot (acide maléique de Pelouzc), obtenu en distillant de l'acide malique pur à une température de 180 à 200 degrés (I). [.a prèle a été conseillée comme diurétique et emménagogue ; elle doit être employée avec une certaine réserve. TROISIÈME CLASSE VÉGÉTAUX ACOTYLÉDONÉS ANTHOSÉS OU RHIZANTHÉS. Ce groupe ne renferme que des plantes très-extraordinaires, vivant sur la souche d'autres végétaux, composées de tissu cellulaire, avec quelques vaisseaux en spirale imparfaite. Elles sont généralement pour- vues de feuilles squammiformes, imbriquées, privées de vaisseaux et de stomates; les tleurs sont hermaphrodites ou unisexuelles; le fruit est à une ou plusieurs luges, et renferme un grand nombre de se- mences dépourvues d'embryon et uniquement formées d'un tissu cel- lulaire rempli de spores. Ce groupe comprend trois familles, dont la première, celle des Bulanophorées, a été précédemment citée à l'occa- sion d'une de ses espèces, le Cynomorium coccincunij qui est quelque- fois substitué par fraude au Calaguala. La seconde famille, celle des Rafflésiacées, renferme des plantes qui sont presque uniquement formées d'une fleur colossale, entourée de larges écailles. La troisième, celle des Cytinées, contient l'hypociste [Cijtinusij Hpocistis), petite plante parasite, épaisse et charnue, qui croît dans le miJi de la France, en Espagne, en Italie, en Turquie et dans (I) Voir Regnault, Ann. de chim- et p/iys., V série, t. LXII, p. 208. FAMILLE DES AROIDEES. 85 l'Asie Mineure, sur la racine des cistes, ainsi que l'indique son nona. On . en obtient un extrait asiringent, dit sac d'hypociste, qui n'est plus guère employé que pour la tliériaque. Suc d'hypociste. — Pour obtenir ce suc, selon les uns, on pile les baies de la plante, selon d'autres, la plante entière, et on en exprime le suc, que l'on fait épaissir au soleil jusqu'à ce qu'il soit tout à ftiit solide. Suivant d'autres encore, on préparerait cet extrait par macération et décoction dans l'eau, et par évaporation de la liqueur au moyen du feu. Le vrai suc d'hypociste a une forme toute particulière ; il est en masses de 2 à 3 kilogrammes, formées par la réunion de petits pains orbiculaires du poids de 30 grammes environ, qui sont deve- nus diversement anguleux en se soudant les uns avec les autres, et qui se distinguent encore dans la masse par leur surface propre, qui est grisâtre; du reste, cet extrait a une cassure noire et lui- sante, et une saveur aigrelette et astringente. Il est souvent altéré dans le commerce avec du sucre de réglisse, qui lui communique sa saveur douceâtre particulière. QUATRIÈME CLASSE VÉGÉTAUX MOxNOCOTYLÉDONÉS. FAMILLE DES AROÏOEES. Plantes vivaces, herbacées, dont les fleurs, le plus souvent uni- sexuées, sont réunies sur un spadice unique et ordinairement enve- loppées par une spathe. On les divise en deux tribus principales (I) : 1° Les Aracées ou Colocasiées, dont les fleurs sont dépourvues d'écaillés et séparées sur le spadice, de manière que les fleurs femelles ou les pis- tils en occupent la partie inférieure, les fleurs mâles ou les étamines la partie moyenne, la partie supérieure restant nue. Genres Arisarum, Biarum, Arum, Bracunculus, Culocasia, Caladium, etc. 2° Les Callacées ou Orontiacées, dont les étamines sont disposées autour des pistils, de manière à former des fleurs hermaphrodites qui peuvent être nues, comme dans le genre Ccdla, ou munies d'un périgone régu- ,lier, comme dans les genres Pothos, Dracontium, Orontium, Acurus. (1) Les Pistiacés, que beaucoup de botanistes réunissent aux Aroïdées, doi- vent plutôt en être séparées, pour former une famille distincte plus rapprochée des Lemnacées ; nous ne parlerons d'ailleurs ni des unes ni des autres. 86 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. Racine d'Arum, Gouet ou Pied-de-^eau. Arum vulgm^e^ Lamarck. ; A. maculatum, L. (fig. 328). Cette planle qu'on nomme aussi Gouel ou pied-de-veaii, croît en France dans les lieux ombragés; la racine est formée d'un tubercule ovoïde de la grosseur d'un marron, garnie de radicules à la nais- Fiar. 3-28. — Arum. sance des tiges, qui partent de différents points de la surface, et qui produisent d'autres tubercules succédant au premier, l'année d'après. Ces tubercules sont jaunâtres au dehors, d'un blanc d'a- midon en dedans, d'une saveur acre et caustique; les feuilles sont toutes radicales, longuement pétiolées, hastées. entières, offrant, contrairement à celles des autres monocotylédones, des nervures latérales diversement anastomosées. Ces feuilles sont tantôt entièrement vertes, tantôt veinées de blanc ou de violet foncé, ou tachetées de noir. La fleur est composée d'une spathe en forme d'oreille d'âne, verJâtre en dehors, blanche en dedans, du centre de laquelle s'élève un support ou spadïce, pourpre, nu et renflé en forme de massue dans sa partie supérieure, couvert d'é- AROIDÉES. — ARUM-SERPENTAIRE. 87 tamines au milieu, et pislilifère inférieurement. On remarque, comme un phénomène intéressant de physiologie végétale, que ce spadice s'échauffe d'une manière très-sensible au moment de la fécondation. (Le même phénomène s'observe sur VArum itali- curriy qui est plus grand dans toutes ses parties que l'Arum vul- gaire, et dont le spadice est jaunâtre.) Les fruits sont des baies globuleuses, rapprochées en une grappe serrée, uniioculaires et polyspermes. La racine d'Arum, telle que le commerce la fournit, est assez généralement ovoïde comme dans l'état récent, ayant depuis la grosseur d'une aveline jusqu'à celle d'une petite noix. Elle est mondée de son épiderme, blanche à Finlérieur, jaunâtre par places au dehors, d'une odeur presque nulle. Cette racine, lorsqu'elle n'est pas trop ancienne, jouit encore d'une âcreté brûlante, et cependant le principe caustique de la racine d'Arum, de même que ceux du Manihot et d'autres végé- taux à la fois amylacés et vénéneux, peut se détruire par la torré- faction et la fermentation : il ne faut donc pas s'étonner si Lemery annonce qu'on a essayé d'en faire du pain dans les temps de disette. D'après Murray, la racine d'Arum contient deux sucs différents : un laiteux, et l'autre aqueux beaucoup plus acre que le premier. Murray ajoute également, d'après Gessner, que le suc exprimé de la racine récente verdit le sirop de violettes et est coagulé par les acides. Dulong, pharmacien à Astafort, ayant voulu vérifier ces faits, n'a obtenu de la racine d'Arum pilée dans un mortier, qu'un suc blanchâtre très-épais, tenant beaucoup d'amidon en suspension, presque entièrement dépourvu d'âcreté. Ce suc filtré n'était pas coagul'é par les acides et ne verdissait pas le sirop de violettes; il rougissait, au contraire, le papier de tournesol. Racine d'il rum. Serpentaire ou de liierpentaire commune. Arum Dracunculus^h. Dracunculus vulgaris^ Schott. Cette plante croît surtout dans le midi de la France; elle est plus grande dans toutes ses parties que la précédente et s'en dislingue par ses feuilles pédalées et à folioles lancéolées, par sa hampe tachetée de noir comme la peau d'un serpent. La spathe est fort grande, blanchâtre au dehors, d'un rouge foncé en dedans, et le spadice est brun. La racine est sous la forme d'un pain orbiculaire, de 3 à 8 centimètres de diamètre, portant à la surface supérieure un collet écailleux et des radicules. On nous envoie cette racine sè- che du Midi, et c'est presque la seule que l'on débite aujour- d'hui comme racine d'Arum. Elle en difïere, cependant, en ce qu'elle est moins acre et moins active; que son volume est beau- 88 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. coup plus considérable; qu'elle a la forme de rondelles plate^, ou de pains orbiculaires, sur la face supérieure desquels on observe encore des vestiges concentriques d'écaillés foliacées ; l'intérieur est d'un blanc d'amidon. Arum triphijllum^ ou Arum à trois feuilles [Arisœma triphyllum^ Scholt). Cette espèce croît dans la Virginie et au Brésil. L'École de pharmacie en possède la racine envoyée par M. E. Durand, de Philadelphie. Elle a la forme de rondelles droites ou obliques, larges de 25 à 40 millimètres, épaisses de 15 à 20; elle possède du reste tous les caractères de la racine d'Arum vulgaire. Plusieurs autres Aroïdées sont à citer pour leurs propriétés nu- tritives ou vénéneuses. Parmi les premières, il faut compter la Fig. 329. — Draconte polyphylle. Colocase et Egypte {Arum Colocasia, L. ; Colocasia antiquorum, Scholt), et le Chou earaïbe {Arum eseulentum, L.; Caladium escu- lentum, Yent.), le Colocasia himalaiensis ^ et VAriscema utile ^ dont les feuilles et les racines sont également employées comme ali- ment. Parmi les secondes, je nommerai VArum seguinum des An- tilles {Dieffenbachia seguina^^ohoii), qui a l'aspect d'un bananier, mais dont l'odeur est repoussante, et dont le suc brûle et corrode AROIDÉES. — ACORE VRAI. 89 la peau, et le Draconte polyphylle {Dracontium polyphyllum) {fig. 329). La fleur de VArum musivorum, L., répand également une odeur cadavéreuse qui attire les mouches; mais elle est gra- nie à l'intérieur de longs poils plongeant vers le fond du cornet, qui retiennent l'insecte imprudent qui s'y est précipité. Dans le nord de l'Europe, on mange les feuilles du Callapalnstris ; le Dra- contium pertusum [Monstera pertusa^ Schott), au contraire, est em- ployé comme vésicatoire par les Indiens de Démérari. Racine d'Acorc irrai. Acorns Calamus,h. L'Acore (fig. 330) est une plante vivace, originaire de l'Asie et des côtes de la mer Noire, qui s'est na- turalisée en Europe ; on la cul- tive aussi dans les jardins. Ses feuilles ressemblent à celle de l'iris, mais sont plus étroites, plus droites et à deux tran- chants; elles sortent immédia- tement de la partie supérieure du rhizome, et parmi elles s'é- lève une hampe, de laquelle sort un long épi serré de fleurs hermaphrodites, au delà du- quel s'élève la feuille étroite de la hampe prolongée. Chaque petite fleur est munie d'un péri- gone unique composé de six écailles, de six étamines atta- chées au périgone , et d'un ovaire surmonté d'un stigmate sessile. Le fruit devient une capsule en pyramide trigone renversée. La racine d'Acore est grosse comme le doigt, articulée et couchée obliquement à la su- perficie de la terre. Telle que le commerce nous la donne, elle est spongieuse, et d'une séche- resse variable, suivant l'état hy- grométrique de l'air; elle est d> „ p 1 • 1 i> I r^ • Fitr. 330. — Acore vrai. un fauve clair à lextérieur, ^ d'un blanc rosé à l'intérieur, d'une odeur très-suave. Elle offre 90 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. deux surfaces bien distinctes : l'une, inférieure, garnie de points noirs d'oii parlaient les radicules ; l'autre, marquée de vestiges transversaux, d'où s'élevaient les feuilles. Il faut la choisir nou- velle et non piquée des vers. Trommsdorff a soumis cette racine fraîche à Tanalyse et en a retiré, sur 64 onces : 15 grains d'une huile volatile plus légère que Teau, 1 once d'inuline, 9 gros de matière extractive, 3 onces 1/2 de gomme, 1 once I /2 de résine visqueuse, 13 onces 6 gros de matière ligneuse, 42 onces d'eau (1). [L'iiuile essentielle se trouve particulièrement dans l'écorce : il y a par suite avantage, pour avoir un produit plus actif, à ne pas monder le rhizome ] Il est douteux que la racine d'Acore contienne de Vinuline^ principe qui paraît n'appartenir jusqu'ici qu'aux plantes Synan- théiées. D'ailleurs la racine d'Acore noircit par le contact d'une dissolution d'iode, et ce fait seul prouve qu'elle contient de l'amidon. La racine d'Acore vrai est ordinairement demandée et livrée dans les officines sous le nom de Calamus aromaticus ; mais elle est bien différente du Calamus aromaticus des anciens; celui-ci était la tige odorante et amère d'une plante des Indes, de la fa- mille des Gentianées. Enfin il convient de toujours désigner la racine qui fait le sujet de cet article sous le nom (VAcore vraiy pour la distinguer de la racine d'une espèce d'Iris, que la ressem- blance de ses feuilles avec l'Acore a fait nommer Iris pseudo-aco- rus, c'est-à-dire Iris faux-acore, FAMILLE DES CYPÉRACÉES. Végétaux herbacés croissant, en général, dans les lieux humides et sur le bord des rivières. F.eur tige est souvent Iriangulaire, munie de feuilles engainantes, longues, rubanées, et dont la gaîne est entière et non fen- due, caractère qui les distingue des Graminées. Les fleurs sont herma- phrodites ou unisexuées, disposées en épis courts, composées chacune d'une écaille à l'aisselle de laquelle on trouve généralement trois éta- mines et un pistil composé d'an ovaire uniloculaire et d'un style à trois stigmates filiformes et velus. On trouve souvent autour de l'ovaire des soies hypogynes qui tiennent lieu d'un périanthe, ou une glumelle en forme d'urcéole et pcrsistaiite. Le fruit est supère, monosperme, indé- hiscent, pourvu d'un péricarpe distinct du tégument propre de la graine. Il est nu ou entouré par l'urcéole. L'endosperme est farineux. Les Cypéracées forment une famille très-naturelle et très-voisine des Graminées; elle ne comprend aucune plante dangereuse. Ses fruits fa- (1) Trommsdorff, Annales de chimie, t. LXXX, p. 332. CYPÉRACÉES. — SOUCHET COMESTIBLE. 91 riiieux pourraient servir à la nourriture de l'homme s'ils étaient plus abondants. L'herbe verte contient peu de matière nutritive et les ani- maux en font peu de cas. Plusieurs espèces ont été employées comme diurétiques et diaphorétiques. Trois espèces^ surtout, out été considé- rées comme médicinales, et une comme alimentaire. Racine de Jonchet long^. Cyperus longus^L. Car.gén.: épillets multiflores, à ghimes dis- tiques imbriquées, les inférieures vides et quelquefois plus petites. Périgone nul, 3 élamines, ovaire surmonté d'un style à 3 stigma- tes. — Ca7\ spéc: chaume feuillu ; ombelle feuillue, surdécom- posée; épillets fascicules, alternes, linéaires. Le Souchet long croît en France et en Italie, dans les lieux ma- récageux. Sa racine est composée de jets traçants, de la grosseur d*une plume de cygne, marqués d'anneaux circulaires et pourvus, de distance en distance, de ren{lem3nts oblongs qui donnent naissance aux tiges. L'épiderme est d'un brun noirâtre; l'inté- rieur est rougeâtre, d'apparence ligneuse; la saveur est amère, astringente et aromatique. La racine respirée en masse présente une faible odeur de violette. On en préparait autrefois une eau distillée aromatique ; elle n'est plus usitée. Racine de Souchet rond. Cyperus rotundus, L. Cette plante vient dans le midi de la France et en Orient. Elle se distingue de la précédente, surtout par sa racine, qui est formée de tubercules ovoïdes gros comme de petites noix, quelquefois très-rapprochés, mais le plus souvent séparés par une radicule longue, ligneuse, traçante et déliée. Les tubercules, qui donnent naissance aux tiges, sont marqués d'an- neaux circulaires et parallèles, et sont pourvus d'une écorce pres- que noire, fibreuse et foliacée; l'intérieur est blanchâtre, spon- gieux, aussi désagréable à mâcher que du liège ; la saveur est lé- gèrement aromatique ; l'odeur assez douce, mais faible. Souchet comestible. Cyperus esculent us, L. Cette espèce est originaire d'Afrique; on la cultive dans le midi de l'Europe. Sa racine se compose de ra- dicules déliées qui portent à l'extrémité un tubercule ovoïde, de la grosseur d'une olive. Ce tubercule est marqué d'anneaux cir- culaires et présente à la partie inférieure un petit plateau couvert de fibriles. Il est jaune en dehors, blanc en dedans, d'un goût doux, sucré et huileux, comme celui de la noisette. Il contient de l'huile et forme une émulsion lorsqu'on le pile avec de l'eau. C'est une véritable amande souterraine, ainsi que l'exprime son 92 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. nom allemand {Erdmandel). Le Souchet comestible est nourris- sant, restaurant et propre, dit-on, à exciter l'appétit vénérien. Lemery l'a décrit sous le nom de /ras? ou souchet sultan. Lobel Ta figuré (1). Il porte dans le nord de l'Afrique le nom de habel-assis. Busseuil a rapporté, en 1822, du fort de la Mine, sur la côte de Guinée, une variété de souchet comestible qui est en tubercules plus gros que le précédent, arrondis, à épiderme noirâtre, d'un goût assez doux, mais un peu spongieux sous la dent. M. Lésant, pharmacien à Nantes, qui en a fait l'analyse, en a retiré un sixième d'huile fixe, de la fécule, du sucre, de la gomme, de l'al- bumine, etc. (2). C'est aux souchets qu'appartiennent la plante nommée Papyrus {Cyperus Paryrus^ L.), avec laquelle les anciens peuples d'Egypte et de Syrie, et par suite les Grecs et les Romains, fabriquaient leur papier. Cette plante est remarquable par sa lige, qui est au moins de la grosseur du bras, triangulaire au sommet, et haute de S'^jSO à 3 mètres. On divisait cette tige en feuillets très-minces que l'on appliquait à angle droit, les uns sur les autres, comme on le pratique encore en Chine. Aujourd'hui même en Europe, c'est principalement avec la tige des Cypéracées que l'on prépare, mais par un procédé différent, le papier dit de Chine, qui sert à l'impression des gravures en taille douce et des lithographies. Racine de Carex des fi»ables. Carex arenaria, L. Car gén. : épis diclines, androgynes ou dioï- ques; épillets uniflores. FI. mâles : 1 glume, 2 ou 3 étamines. FI. femelles : 2 glumes dont l'extérieure est semblable à celle de la fleur mâle; l'intérieure forme une urcéole qui enveloppe l'o- vaire. Le fruit est un achaine trigone renfermé dans l'urcéole. — Car. spéc. : épis androgynes composés; épillets alternes, en- tassés; les supérieurs mâles, les intérieurs femelles : 2 stigmates; capsules ovales, marginées, bifides, dentées, ciliées; chaume courbé en arc. Le Carex arenoria ou Laiche des sables [ftg. 331) croît principale- ment dans les sables, sur le bord de la mer, en France, en Hol- lande et en Allemagne, et aussi en Angleterre, en Finlande et jusqu'en Islande. Il pousse des rhizomes traçants et fort longs qui sont utiles, surtout en Hollande, pour donner de la solidité aux dunes. Ces rhizomes ayant été usités en Allemagne, comme succédanés de la salsepareille, ont reçu le nom de Salsepareille (1) Lobel, Observations^ P- 'il? fig- 2. (2) Lésant, Jouni. de pharmacie, t. VIII, p. 497. GRAMINÉES. m d'Allemagne, Ils sont de la grosseur du gros chiendent, articulés mais à nœuds non proéminents et couverts de fibres déliées qui sont un débris des écailles foliacées qui entourent chaque nœud. Ils sont rougeâtres au dehors, blanchâtres et fibreux en dedans, Fiff. 331. — Carex des sables. d'une saveur douceâtre, un peu désagréable et analogue à celle de la fougère. On leur substitue souvent les rhizomes d'autres Carex, et spécialement celui du C. hirta^ L. FAMILLE DES GRAMINEES. Plantes herbacées, plus rarement ligneuses, dont la tige, nommée chaume, est fistuleuse à l'intérieur, entrecoupée de nœuds pleins et proéminents, d'où naissent des feuilles alternes et distiques à pétioles engainants. La gaîne, qui se prolonge d'un nœud à l'autre, est fendue dans toute sa longueur; le limbe est étroit, rubané, à fibres longitu- nales et parallèles; à la réunion de la gaîne et du limbe se trouve un bord saillant sous la forme d'une lame membraneuse ou d'une rangée de poils, auquel on donne le nom de ligule. Les fleurs sont disposées en épis et en panicules plus ou moins ra- meuses, lilles sont solitaires ou réunies plusieurs ensemble en petits 94 • VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. groupes qui portent le nom à'épillets. A la base des épillels ou des fleurs solilaires, on trouve deux bractées écailleuses {squammœ) presque de niveau, l'une externe, l'autre interne, formant ensemble ce qu'on appelle la glume. La bractée interne manque quelquefois, comme dans l'ivraie. Chaque fleur est pourvue, en outre, d'une enveloppe parlicu- liôre nommée hâk ou ghimelle., formée de deux {paleœ) paillettes dont une inférieure et externe, plus grande, carénée, est souvent munie d'une arête dorsale et terminale, et dont l'autre, interne, porte deux nervures dorsales et représente deux sépales soudés par leurs bords contigus ; car ces deux paillettes, dont une double^, formant ensemble la ghunelle, répondent au périanthe externe de la fleur des autres monocotylédones. Plus à l'intérieur encore, et tout auprès des organes sexuels, se trouve une dernière enveloppe ou périanthe interne, nommé glumelhde, formée par un verticille de trois écailles courtes, nommées jia/éo/'es, mais dont rinteruc manque le plus ordinairement. Les étamines sont hypogynes, le plus souvent au nombre de trois, rare- ment de deux (flouve), quelquefois de si\ (riz), très-rarement plus. Les anthères sont linéaires, a deux loges séparées par les extrémités. L'ovaire est uniloculaire, uniovulé, marqué sur le côté interne d'un sillon longitudinal et surmonté par deux styles disîincts ou plus ou moins soudés, terminés chacun par un stigmate plumeux. Le fruit est un caryopse nu ou enveloppé par la glumelle. L'embryon est placé à la face inférieure et externe d'un gros endosperme amylacé. La famille des Graminées compose un des groupes les plus na- turels, les plus nombreux et les plus répandus du règne végétal. Elle ne renferme qu'un petit nombre de plantes dangereuses ou douées de propriétés actives, telles que l'Ivraie {Lolium temulen- tum)y dont les fruits mêlés aux céréales causent des vomisse- ments, l'ivresse et des vertiges. [D'après les recherches de MM. Filhol et Baillet (1), cette plante doit son action toxique à un prin- cipe solide, mou, jaune-orange, insoluble dans l'eau, très-solu- ble dans l'alcool et l'éther, et ses propriétés narcotiques à une substance extractive particulière.] La Mélique bleue {Molinia cœ- rulea, Mœnch.), qui croît aussi en Europe, dans les prés humides et dans les forêts, devient dangereuse pour les bestiaux vers l'é- poque de sa floraison. Le Festuca quadridentata^ Kunth, fréquent à Quito, est très-vénéneux. Le rhizome du Bromus purgans, L., qui croît dans l'Amérique septentrionale, et celui du Bromus ca- tharticus très-connu au G^iili sous le nom de guïlno, sont forte- ment purgatifs. Plusieurs espèces &' Andropogon sont très-aroma- tiques et riches en buile volatile. Mais le nombre de ces plantes est très-borné, et presque toutes les graminées sont éminemment nutritives et salubres. Ces propriétés sont surtout remarquables (1) y o'w Journal de pharmacie, 18G3, t. XLIV, p. 27. GRAMINÉES. — RACINE DE CHIENDENT. 9o dans les fruits, qui sont principalement formés d'amidon, d'albu- mine, de glutine, de sucre, etc., et qui servent à la nourriture de l'homme et des animaux dans toute l'étendue du monde. Si des fruits nous descendons aux tiges, nous y trouverons une semblable uniformité de principes, et principalement du sucre, qui abonde non-seulement dans la canne à sucre, mais encore dans les tiges du bambou, du sorgho, du maïs, dans les rhizomes du chiendent et dans la plupart des autres. Racine de chiendent. On emploie sous ce nom les rhizomes traçants de deux plantes différentes : l'une est le Chiendent pied-de-poule {Cynodon Dactylon, Rich. ; Paspalum Dactylon^ DC; Panicum Dactylon, L.); l'autre est \q chiendent commun ou petit chiendent {Triticum repens^ L. ; Agropyrum, Beauv.). Car. gén. du Cynodon Bactylon. : Épillet contenant une fleur inférieure hermaphrodite sessile, et une fleur supérieure réduite à rélat d'un pédoncule tubulé qui manque même quelquefois. Glume à deux écailles carénées, dépourvues d'arête, la supérieure embrassant l'inférieure. Glumelle formée de 2 écailles, l'inférieure carénée, pointue, dépourvue d'arête ou mucronée; la supérieure à 2 nervures dorsales. Glumellule à 2 paléoles cliarnues, souvent soudées; 3 élamines; ovaire sessiie; 2 styles terminaux; stigmates plumeux ; cariopse libre. — Car. spéc. : Épis digités ouverts, garnis de poils à la balle intérieure; jets traçants. Cette plante croît à la hauteur de 30 à 40 centimètres; ses jets traçants sont très-longs, delà grosseur d'une plume de corbeau, cylindriques et entrecoupés d'un grand nombre de nœuds. De chacun de ces nœuds naissent ordinairement 3 écailles embras- santes qui recouvrent l'intervalle de 2 nœuds. Sous ces écailles se trouve un épiderme dur, jaune, vernissé, et à l'intérieur une substance blanche, farineuse et sucrée. Car. gén. de V Agropyrum repens, Beauvais. Épillets comprimés, sessiles, à 4- ou 5 fleurs, h 2 écailles, égales, convexes; glumelle à 2 paillettes, dont l'inférieure linéaire, lancéolée, convexe. Ca- riopse libre ou soudé aux pailleltes de la glumelle. — Car. spéc. Glumes quadriflores,subulées, arméesd'une arête; feuilles planes. Ce chiendent s'élève à la hauteur de 60 à 100 centimètres; ses jets traçants sont très-longs, moins gros que ceux du précédent, plus droits, moins noueux et plus rarement entourés d'écaillés foliacées. Par la dessiccation, ils deviennent anguleux et presque carrés. Ils sont moins farineux à l'intérieur et ont une saveur su- crée un peu plus prononcée. 96 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. Les rhizomes de chiendent sont adoucissants et apéritifs étant employés en tisane ou en extrait. La tisane se prépare par décoc- tion avec le rhizome mondé de ses radicules et de ses écailles et contusé ; l'extrait est obtenu par infusion. Racine de Canne de ProTence ou de gprand roseau. Arundo Bonax, L. Épillets contenant de 2 à o fleurs distiques hermaphrodites, celle du sommet languissante. Glume à 2 écail- les carénées, aiguës; glumelle à 2 paillettes, l'inférieure bifide au sommet, pourvue d'une arête courte, soyeuse à la base; la supé- rieure plus courte, bicarénée. Glumellule formée de 2 paléoles charnues; 3 étamines ; ovaire sessile, glabre; 2 styles terminaux allongés ; stigmates plumeux. Gariopse libre. Ge roseau s'élève à la hauteur de 2°',5 à 3°^,^. Ses tiges, noueu- ses et creuses, servent à faire des instruments à vent; ses feuilles sont larges de 5 centimètres, longues de 60 centimètres, lisses, un peu rudes sur les bords; ses fleurs forment une belle panicule, purpurine et un peu dense; sa racine est longue, forte, charnue, d'une saveur légèrement sucrée. On nous l'apporte sèche du midi de la France et surtout de la Provence; ce qui est cause qu'on la prescrit ordinairement sous le nom de racine de Canne de Provence. Elle est coupée par tranches ou en tronçons de diver- ses grosseurs; inodore, d'un blanc jaunâtre à l'intérieur, spon- gieuse et cependant assez dure. Elle est recouverte d'un épidémie jaune, luisant, coriace, ridé longitudinalement, et marqué trans- versalement d'un grand nombre d'anneaux. Elle n'a presque pas de saveur. M. Alph. Ghcvallier, ayant analysé la racine de canne, en a re- tiré, entre autres produits, une matière résineuse qui a une sa- veur aromatique analogue à celle de la vanille, et avec laquelle il a aromatisé des pastilles qui se sont trouvées très-agréables au goût(i). Le même chimiste a analysé les cendres de la racine de canne et en a retiré de la silice, mais sans aucune mention particulière. Avant lui, le célèbre Davy avait remarqué qu'un grand nombre de végétaux de la famille des joncs et des graminées contenaient de la silice, et que celte terre existait surtout dans l'épiderme, lisse et si dur, qui recouvre ces plantes. Elle y est jointe, dans les cendres à une certaine quantité de potasse, de sorte que ces cendres, poussées à la fusion sans aucune autre addition, don- nent un verre transparent (2). On sait, d'un autre côté, que les (I) Chevallier, yoi<;\ de pharm., t. III, p. 244. t2) Davy, Aniiaies de chimie, t. XXXII, p. 169. GRAMINÉES. — SCHŒNÂNTHE OFFICINAL. 97 liges du Bambou, graminée gigantesque de l'Inde [Bambusa arun- dinacea, Retz), offrent assez fréquemment, dans l'intérieur de leurs articulations, des concrétions blanches nommées tabasheer ou tabaxù\ composées, d'après Yauquelin, de silice 70, potasse et chaux 30 (1). La racine de Canne est employée comme antilaiteuse. Les médecins ont quelquefois prescrit, comme dépurative et anlisyphililique, la tige du roseau commun ou roseau à balai (Arundo Phragmites, L.), plante plus petite que la précédente, à panicule plus lâche et tournée d'un seul côté. Les épiilets por- tent de 3 fi 6 fleurs, dont l'inférieure est mâle et les autres her- maphrodites. Ce roseau croit en France et dans presque toute l'Europe, dans les étangs, les ruisseaux et les rivières. Sa tige est herbacée, creuse, entrecoupée de nœuds pleins; sa racine est longue et rampante, les panicules, coupées avant la floraison, servent à faire des balais d'appartement. Avec les tiges, coupées et aplaties, on fabrique des nattes et des tapis à mettre sous les pieds. La partie inférieure de la tige est séchée pour l'usage de l'herboristerie. Elle a la forme de tronçons creux, flexibles, cel- luleux, formés souvent par une cloison transversale répondant à un nœud, et ce nœud présente à l'extérieur des restes d'écaillés et des radicules. Cette tige est inodore et presque insipide. ^chœnauthe officinal. Le Schœnanthe est \QJonc aromatique ou le a/oTvo; apo^ij^atixoç de Dioscoride, qu'il dit croître en Afrique, en Arabie, et surtout au pays de Nabathée (Arabie déserte). Suivant Lemery, le Schœ- nanthe est tellement abondant dans cette dernière contrée et au pied du mont Liban, qu'on le fait servir de fourrage et de litière aux chameaux, ce qui est confirmé par les noms de Fœnum ou de Stramen camelorum, qu'il porte également. A première vue, il est formé d'une touffe de feuilles paléacées, longues de 14 à 16 centimètres, terminée en pointe par le bas, qui offre un petit nombre de radicules blanches, renflée au milieu, et se terminant à la partie supérieure par des débris de tiges graminées. Exa- minée plus en détail, cette substance offre à la partie inférieure un rhizome unique, oblique, très-court, ligneux, cylindrique, marqué de nœuds circulaires très-rapprochés, et de la grosseur d'un brin de chiendent. Chaque nœud donne naissance à une ra- mification qui se ramifie souvent de la même manière, et le tout (1) Yauquelin, Atinales du Muséum d'histoire naturelle de Paris, t. IV, p. 478. Voir également Ann. de ckirn., t. XI, p. 6i, et Journal de pharmacie, t. XXVII, p. 81. GuiBOuRT, Drogues, 7c édit. T. II. — 7 08 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. se termine par un assez grand nombre de chaumes très-déliés, entourés chacun à la base de feuilles serrées, assez larges et en- gainantes, et pourvus chacun d'une radicule blanche, longue de 5 à 8 centimètres. Les chaumes, dont il ne reste que les débris à la partie supérieure, sont un peu plus gros qu'un fil, hauts de 30 à 45 centimètres, et terminés par une panicule munie d'invo- lucres rougcâtres, d'où sort un amas de fleurs très-petites, lon- guement pédicellées, et dont le calice propre est entièrement couvert par de longs poils soyeux qui partent de la base. L'an- cienneté des échantillons ne permet guère de s'assurer de la nature des organes sexuels ; mais il n'est pas douteux que les fleurs ne soient en partie mâles et en partie hermaphrodites, comme dans les Andropogon, dont cette plante est une espèce. Les feuilles de Schœnanthe sont pourvues d'une odeur persis- tante, analogue à celle du bois de Rhodes ; cette odeur devient plus forte, mais moins agréable, lorsqu'on les froisse entre les doigts; leur saveur est acre, aromatique, résineuse, très-amère et très-désagréable. La racine offre les mêmes propriétés, mais dans un degré inférieur; enfm les fleurs, qui sont la partie de la plante que l'on devrait faire entrer dans la thériaque, doivent avoir, au dire de Lemery, une odeur et une saveur encore plus prononcées que les feuilles ; mais celles que j'ai, ont peu d'o- deur, et n'ont qu'une saveur faible, peut-être en raison de leur vétusté; aussi leur subslitue-t-on la touife radicale des feuilles, qui, comme je viens de le dire, jouit encore de propriétés assez énergiques. Schœnanthe des Indes et de Bourbon. — On apporte de l'île Bour- bon et de Madagascar, dit Lemery (1), un gramen qui a l'odeur et le goût du Schœnanthe, mais qui est plus vert et à panicules plus petites et moins chargées de fleurs. J'ai reçu anciennement cette plante de l'île de la Réunion où elle est connue sous le nom d'es- qtiè'ne. Un botaniste anglais, Royie, m'a dit qu'elle ressemblait beaucoup à une plante commune dans l'intérieur de l'Inde, re- gardée par les médecins comme le cotvo; de Dioscoride, et ser- vant à l'extraction d'une huile volatile nommée g rass oil of Na- mur. Elle diffère du Schœnanthe offlcinal en ce que, au lieu d'oflrir une touffe de feuilles radicales courte et épaisse, partant d'un rhyzome unique, elle est formée d'un petit nombre de bourgeons ou de tubercules se développant les uns à côté des autres, pourvus d'assez fortes radicules, et portant chacun une tige haute de 60 à 100 centimètres, grosse comme une plume et mu- nie de nœuds Irès-espacés qui donnent naissance à des feuilles (1) A. Lemery, Diclionn'ure, 3*^ édition. GRAMINÉES. — ANDROPOGON DE LA MARTINIQUE. 99 très-longues et très- étroites. Cette tige est terminée par une pa- nicule dont les involucres, au lieu de renfermer un amas de fleu- rons pédicellés et soyeux, donnent naissance à des épillets ver- dâlres qui portent des fleurons sessiles et presque dépourvus de poils. Enfin, toute la plante est moins aromatique que le Schœ- nanthe officinal. Origine du Schœnanlhe. — La description des deux plantes pré- cédentes élait indispensable pour établir nettement quelle espèc botanique peut produire le Schœnanthe officinal. Linné l'a attri bué à un andropogon de l'Inde et de Ceylan qu'il a nommé, à cause de cela, Andropogon Scliœnanthus, spicis conjugatis ovato- oblongis rachi^ pubescente, flosculis sessilibus, arista tortuosa; et il a été suivi par tous les botanistes sans exception; mais cette plante, qui est bien aussi V Andropogon Schœnantlius de Roxburg et de Wallich, ne produit que le Schœnanthe de l'Inde, qui est bien inférieur à celui d'Arabie. Tous les échantillons à'Andropo- gon Schœnanthus qui se trouvent dans l'herbier de M. Delessertse rapportent à la plante de l'Inde et sont identiques avec VEsquine de Bourbon. Un seul échantillon, trouvé par iM. Bové dans les dé- serts qui avoisinent le Caire, en Egypte, se rapporte au Schœnan- the d'Arabie, ce qui s'accorde avec les lieux d'origine indiqués par Dioscoride. M. Decaisne y a reconnu V Andropogon lanigerum de Desfontaines (1), qui est également V Andropogon eriophorus de Willdenow. C'est donc bien cette espèce seule qui produit le Schœnanthe officinal. Aiiclropo«^on à odeur de citron de la Martinique. D'après le docteur Fleming-, cité par Wallich (2), le Schœnan- the de rinde y porte le nom de lemon-grass, ou de chiendent- citron. Petroz, ancien pharmacien en chef de la Charité, a reçu de la Martinique, sous le nom de citronnelle^ un Andropogon que les médecins du pays confondent aussi avec le Schœnanthe et qui y passe pour vénéneux, ou au moins comme propre à faire avorter les femmes et les bestiaux; cette plante se rapproche beaucoup, en effet, du Schœnanthe, mais elle est bien plus grande dans toutes ses parties. Elle commence, à la partie inférieure, par un rhizome unique, court, ligneux et cylindrique, semblable à du gros chiendent. Ce rhizome s'est accru successivement cha- que année, par la partie supérieure, de manière à former une souche grosse comme le doigt, courbée, ramifiée, longue de 13 à 16 centimètres, garnie dans toute sa longueur de radicules blan- (1) Desfontaines, Flora atlantica, t. II, p. 379. (2) Wallich, Plantœ asiaticœ rariores, vol. III, p. 48. 100 VEGETAUX MONOCOTYLEDONES. cbes sernblables à celles duSchœnanthe; àrextrémilé supérieure se trouvent 5 à 6 bourgeons foliacés, formés par les pétioles embrassants et comme imbriqués des feuilles ; ces pétioles sont longs de 13 à 16 centimètres, et offrent une articulation avec le limbe de la feuille, qui est étroit et long de 65 à 80 centimètres. Il n'y a pas d'apparence de tige. La plante entière a une odeur de rose fort agréable, quoiqu'elle ait beaucoup souffert de l'humi- dité et qu'elle ait perdu presque toute saveur. Racine de Vétiver. Depuis une cinquantaine d'années déjà, on trouve dans le com- merce, sous le nom devétiver^ ou mieux de vittie-vayr^ une racine qui sert dans l'Inde à parfumer les appartements, étant bumectée d'eau, ou à préserver les bardes, et les tissus de l'attaque des insectes. Cette racine ressemble à celle du chiendent à balai [Andropogon ischxmum, L.); aussi la nomme-t-on vulgairement Chiendent des Indes; elle est chevelue, d'un blanc jaunâtre, tor- tueuse, longue tantôt de quelques pouces, tanlôt de près de 30 cen- timètres; douée d'une odeur forte et tenace analogue à celle de la myrrhe, et offrant une saveur amère et aromatique. Cette racine, ou plutôt ces radicules (fig. 332) sortent en grand nombre d'une Fig. 332. — Racine de Véther. souche qu'on y trouve quelquefois réunie, et qui est tanlôt obli- que et traçante, munie de bourgeons foli;\cés à la partie supé- rieure, tantôt formée de tubercules qui naissent les uns à côté des autres ; la tige, lorsqu'elle existe, est moins grosse que le petit doigt, aplatie, presque à deux tranchants, couverte de pétioles embrassants, lisse et d'une couleur jaune ; les autres parties man- quent complètement. Le Vétiver est produit par une plante très-commune dans l'Inde, qui est V Andropogon muricatus de Retz. Ses tiges sont nombreuses, unies, très-droites, hautes de 1°',3 à 2 mètres; ses feuilles sont étroites, longues de 0"',6 à i mètre, inodores; les fleurs sont nombreuses, petites, épineuses sur une des deux feuilles de laglume, ciliées sur l'autre. Suivant quelques botanistes, qui font de celte plante un genre particulier sous le nom de Vetiveria, GRAMINÉES. — CANNE A SUCRE. 101 elle serait dioïque; mais cette observation est loin d'être prouvée. La racine de Vétiver a été analysée par Vauquelin, qui en a re- tiré : 1° iine matière résineuse d'un rougc-brun foncé, ayant une saveur acre et une odeur semblable à celle de la myrrhe; 2^^ une matière colorante soluble dans l'eau; 3° un acide libre; 4° un sel calcaire; 5° de Toxyde de fer en assez grande quantité; 6° une grande quantité de matière ligneuse (1). On emploie dans Tlnde, aux mômes usages que le Schœnanthe et le Vétiver, les racines ou les feuilles de plusieurs autres A^idro- pogon peu connus, et qui se confondent peut-être en partie les uns avec les autres : tels sont les A. Nardus, L.{gingcr-grass, Engl.) ;, — Iwarancusa, Roxb.; — Parancura, Blanc; — Citratus, DC. C'est à Tune de ces espèces, probablement ci l'Iwarancusa, qu'il faut attribuer une racine d'origine indienne que Ton substitue souvent dans le commerce au véritable vétiver, et qui s'en distingue par des radicules longues de 25 à 30 centimètres, blanchâtres, peu tortueuses, faciles à réunir en faisceaux réguliers, d'une odeur assez faible et fugace; tandis que le Vétiver est formé de radicu- les jaunes, courtes, fortement tortueuses, formant des amas très- emmêlés et pourvus d'une odeur plus forte et bien plus tenace. Canne à §ucre. Saccliarum officiyiarumylj. (fig. 333). Épillets biflores, poilus à la base, à fleur inférieure neutre, à une seule paillette ; la supérieure hermaphrodite; 3 étamines ; ovaire sessile glabre ; 2 styles ter- minaux, allongés ; stigmates plumeux. Très-belle plante graminée qui, jusque dansées derniers temps, a fourni la presque totalité du sucre consommé dans le monde entier; et, bien qu'aujourd'hui elle partage cette production avec la betterave, la grande importance qu'elle conserve encore pour les pays qui la cultivent, m'engage à en parler avec quelque détail. Le sucre paraît avoir été connu, à une époque très-reculée, des habitants de l'Inde et de la Chine; mais il ue l'a été en Europe que par les conquêtes d'Alexandre. Le mot Saccharon se trouve dans Dioscorides et dans Pline; cependant d'après leurs descrip- tions, on peut croire que le produit qu'ils nommaient ainsi dif- férait un peu du nôtre. Pendant plusieurs siècles, son usage dans l'Occident a été res- treint à la médecine; mais la consommation s'en augmentait peu à peu ; et, après le temps des Croisades, les Vénitiens, qui Tap- ri)'Vauquelin, Annales de chimie, t. LXXII, p. 30'2. 02 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. poiièrent de l'Orient et le distribuèrent aux parties septentrio- nales de l'Europe, en firent un commerce très-lucratif. Pendant ce temps également, la culture de la Canne. à sucre, originaire de l'Inde, se rapprochait de l'Europe, comme en Ara- bie, en Syrie et en Egypte; enfin, on la planta en Sicile, en Italie, et même dans la Provence ; mais la rigueur de certains hivers, dans cette dernière contrée, força d'en aban- donner la culture. En 1420, Henri, régent de Portugal, fit planter la Canne à sucre dans l'ile de Madère, qui venait d'être découverte ; elle y réussit parfaitement, et passa de là aux Canaries et à l'île Saint-Thomas. Enfin , Christophe Co- lomb ayant découvert le Nouveau Monde, en io06, ^ un nommé Pierre d'Ar- rança porta la Canne à His- paniola, aujourd'hui Saint- Uomingue, et elle s'y mul- tiplia avec une si prodi- gieuse vitesse, qu'en 1518 il y avait déjà dans cette ile vingt-huit sucreries , et qu'on a dit que les magni- fiques palais de Madiid et de Tolède, bâlis par Char- les-Quinl, avaient été payés avec le seul produit des droits imposés sur les su- cres de l'ile espagnole. La Canne est donc otrangère non-seulement à l'Amérique, mais encore à l'Europe, à l'Afrique et à toute la partie de l'Asie située en deçà du Gange. Quelques historiens ont prétendu qu'elle était naturelle à l'Amérique ; mais, outre qu'on ne l'y trouve pas à l'é- tat sauvage, elle y est stérile la plupart du temps, et ne s'y repro- duit que par bouture. La culture de la Canne à sucre varie suivant les climats et les contrées. Dans l'Indostan on la plante par boutures vers la fin de mai, lorsque le terrain est réduit à l'élat de limon très-doux par Fig. 333. — Canne à sucre. GRAMINEES. — CANNE A SUCRE. 103 les pluies ou par des arrosements artificiels ; on la coupe en jan- vier ou février, c'est-à-dire neuf mois après la plantation, et avant sa floraison qui diminuerait beaucoup sa richesse en sucre. En Amérique, oij le terrain lui est moins convenable, la Canne ne mûrit que douze à vingt mois après sa plantation. On recon- naît qu'elle est bonne à récoltera la couleur jaune qu'elle prend; alors on la coupe, et on laisse pousser les rejetons, qui sont bons à couper au bout d'un an environ. Lorsque le même plant a poussé ainsi quatre ou cinq fois, on le détruit pour le replanter tout c\ fait. La tige de la Canne est un chaume comme celle des autres Gra- minées, et elle présente dans sa hauteur, qui est de 3 à 4 mètres ou davantage, quarante, soixante ou môme quatre-vingts nœuds. Cette tige n'est pas également sucrée dans toute sa longueur; le sommet l'est bien moins que le reste, et c'est pour cette raison qu'on le retranche avant la récolte pour servir de bouture. Cette première opération faite, on coupe le reste des cannes très- près de la terre, et on en forme des bottes que l'on porte au moului. Ce moulin est composé de trois gros cylindres de fer, élevés vertica- lement sur un plan horizontal, lequel est entouré d'une rainure des- tinée à l'écoulement du suc. Ces cylindres sont traversés par un axe de bois terminé en pivot aux deux extrémités : celui du milieu est mû par une force quelconque, et, au moyen d'engrenage?, communique son mouvement en sens contraire aux deux autres. Ou présente un paquet de cannes entre deux de ces cylindres dont le mouvement tend à les y faire entrer; elles y passent, s'écrasent, et le suc en découle. Pour mieux les épuiser, une autre personne, placée derrière le mou- lin, les reçoit, et les présente de l'autre côté du cylindre du milieu : elles y entrent de nouveau, sont encore écrasées, et repassent du pre- mier côté. [.a canne ainsi exprimée se nomme bagasse : on la fait sécher, et on l'emploie comme combustible. Le suc exprimé se nomme vesou : on le fait couler, au moyen d'une rigole, jusque dans deux grands réservoirs placés proche du four- neau : il s'y dépure un peu ; mais on ne l'y laisse que le temps stric- tement nécessaire pour cela, car il fermente de suite, et le sucre se défruit. Le fourneau sur lequel s'opèrent la clarification et l'évaporation du vesbu, a la forme allongée d'une galère, et porte quatre ou cinq chau- dières, dont la plus grande est placée à côté des réservoirs, et la plus petite à l'extrémité où est le foyer. Par cette disposition, c'est cette dernière chaudière qui cliauffe le plus, et la première le moins. Toutes ces chaudières sont d'abord remplies d'eau que l'on vide à mesure que le sirop y arrive ; leur capacité est calculée de manière que la dernière peut recevoir le produit concentré des deux réservoirs rem- plis chacun deux fois. i04 VÉGÉTAUX MONOGOTYLÉDONÉS. On remplit la première chaudière de vesou, et on l'y môle avec une petite quantité de lait de chaux, qui donne de la consistance à l'écume qui se forme, et en facilite la séparation ; dans cette chaudière le liquide ne s'élève pas à plus de GO degrés et ne bout pas par consé- quent. Lorsque l'écume est bien rassemblée à la surface, on l'enlève avec une large écumoire, et on fait passer la liqueur dans la seconde chaudière. Le liquide commence à bouillir dans cette chaudière et se clarifie mieux. A un point déterminé de cuisson et de clarification, on le fait passer dans la troisième : dans toutes les deux, on ajoute une nouvelle quantité d'eau de chaux, si cela paraît nécessaire pour hâter la clarification. Lorsque le sirop est parfaitement transparent et cuit comme un sirop ordinaire, on le fait passer dans la dernière chaudière, où l'cbul- lilion et l'évaporation sont extrêmement rapides, et dans laquelle on le rapproche jusqu'à ce qu'il puisse cristalliser par le refroidissement. Les opérations que je viens d'indiquer sont assez généralement sui- vies dans toute l'Amérique ; il n'en est pas de môme de celles qui suivent. Dans les possessions anglaises, par exemple, on se contente de faire couler le sirop cuit dans une grande chaudière isolée du fourneau, et nommée rafraîchissoir ; il s'y refroidit et cristallise en partie; on l'agite pour rendre le grain plus fin et plus uniforme, et on le distribue dans des tonneaux percés au fond de quelques trous que l'on tient bou- chés avec la queue d'une feuille de palmier. Lorsque la cristallisation est achevée dans ces tonneaux, on débou- che en partie les trous, afin de faire écouler la portion restée liquide, que l'on nomme mélasse ; on laisse égoutter entièrement le sucre solide, et on l'envoie en Europe sous le nom de sucre brut, cassonade^ ou moscouade. Dans les possessions françaises, on fait de môme en partie refroidir et cristalliser le sirop dans un rafraîchissoir; mais ensuite on le dis- tribue dans des formes coniques en terre cuite, renversées sur des pots de môme matière. Ces formes sont percées au sommet d'un trou que l'on tient bouché jusqu'à ce que la cristallisation soit achevée; alors on les débouche pour laisser écouler le sirop, et on laisse égoutter les pains pendant un mois : après ce temps on procède au ierrage. Cette opération consiste à recouvrir uniformément la surface des pains de sucre avec une couche d'argile détrempée; celte argile cède peu à peu son eau, qui traverse également toute la masse du sucre et en dissout le sirop. On rafraîchit cette terre trois fois en quatre jours; le cinquième on la remplace tout à fait par de nouvelle, et on conli- nue ainsi jusqu'à ce qu'on ait fait trois terrages ou neuf rafraîchis : alors, le sucre étant autant que possible privé de sirop, on le relire des formes, on le renverse sur sa base pour y répandre uniformément l'humidité accumulée au sommet, et on le laisse sécher à Tair pendant six semaines; en dernier lieu, on le met en poudre grossière, et on l'envoie en Europe sous le nom de sucre terré ou de cassonade. Pendant longtemps la cassonade, arrivée en France, a été en partie GRAMIiNÉES. — CANNE A SUCRE. 105 employée à l'état brut par les confiseurs et les pharmaciens, et n'était guère raffinée que pour l'usage de lu table ou pour les sucreries déli- cates; mais aujourd'hui elle est presque entièrement amenée à l'état de sucre en pains. Dans les raffineries on se sert d'une grande chaudière placée isolé- ment sur son fourneau en maçonnerie, et de deux autres chaudières plus petites, placées sur un même fourneau, et dont une seule, de même que dans les sucreries, se trouve immédiatement au-dessus du feu. On met dans la grande chaudière des quantités déterminées de sucre et d'eau de chaux claire, et on chauffe le tout lentement. Lors- que l'écume est formée, on l'enlève très-exactement, et on ajoute à la liqueur du sang de bœuf délayé dans de l'eau ; alors on la chauffe jus- qu'à la faire bouillir, on l'écume et on continue d'y ajouter du sang de bœuf et d'écumer jusqu'à ce que la clarification soit parfaite. On fait passer le sirop clarifié dans la première bassine du second four- neau; on l'écume et on le cuit encore ; enfin on le passe dans la chau- dière où l'on doit en achever la cuile. On agit pour la crislallisation et pour le terrage de la même manière que dans les sucreries. Lorsqu'on veut avoir du sucre encore plus beau, on lui fait subir de nouveau les mêmes opérations, et alors on l'obtient en pains sonores, très-durs, translucides et d'un blanc parfait. Depuis plusieurs années, les procédés qui viennent d'êlre exposés ont reçu de grandes améliorations, mais en attendent encore de plus considérables. Avequin, qui a dirigé l'exploitation de grandes sucre- ries en Amérique, a d'abord montré que les anciens moulins ne reli- rent guère que 50 pour 100 de suc de la canne, tandis que celle-ci en renferme en réalité 90 centièmes. Jusqu'à présent, les perfectionne- ments apportés aux appareils de pressage n'ont pu en faire obtenir que de 60 à 68. Le vesou contient de 15 à 20 centièmes de sucre, et, par l'ancien procédé d'extraction, on n'en oblient que 7 à 9 tout au plus. Le sur- plus se trouve détruit par la fermentation, ou par la conversion du sucre cristallisable en sucre incristallisable pendant l'action continuée du calorique, ou enfin reste dans la mélasse mélangé à des sels qui s'opposent à sa cristallisation. Pour parer à ces divers inconvénients, on procède le plus tôt possi- ble à la défécation du vesou par le moyen de la chaux, et on le porte immédiatement à l'ébuUition, au lieu de le chauffer lentement dans une chaudière très-éloignée du feu, comme on le faisait auparavant. On filtre deux fois le sirop au noir animal en grains : une première fois, lorsqu'il vient d'être déféqué; une seconde, lorsqu'il est concentré à Vô degrés du pèse-sirop. On évapore le sirop clarifié, par très-petites parties, dans des chau- dières en cuivre placées sur un feu vif, de manière à ce que chaque portion de liquide ne supporte la température de l'ébuUition que pen- dant quelques minutes; ou bien on le concentre dans le vide, et, par conséquent, à une température bien inférieure à 100 degrés. 106 VÉGÉTAUX MONOGOTYLÉDONÉS. Divers végétaux qui contiennent du sucre, — La Canne n'est pas le seul végétal qui contienne du sucre cristallisable, quoique aucun autre ne puisse soutenir la concurrence avec elle pour la quantité. Indé- pendamment des tiges des autres graminées précédemment citées, le tronc de plusieurs érables en contient, et surtout celui de VAcer sac- charvmmj arbre indigène aux forets de l'Amérique septentrionale. La racine de betterave en renferme également et en fournil une certaine quantité au commerce. On pourrait également en extraire des navet?, des carottes, des bâtâtes douces {Batatas edidis), des fruits sucrés non acides, tels que les melons, les châtaignes, les baies de genièvre. Quant aux fruits acides, ils ne peuvent contenir que du glucose, en raison de la transformation que les acides font éprouver au sucre cristallisa- ble. Tels sont les raisins, les groseilles et autres fruits rouges de no? climats, les oranges, etc. Propriétés. — Le sucre est soluble dans la moitié de son poids d'eau froide, et dans toute proportion d'eau bouillante. Il cristal- lise facilement, surtout par évaporation lente dans une étuve. On le nomme alors sucre candi. Il est insoluble à froid dans l'alcool pur ; mais il s'y dissout à chaud, et cristallise par le refroidissement. Il se dissout facile- ment à froid dans l'eau-de-vie, ce qui offre un moyen de recon- naître lorsqu'il est mêlé de sucre de lait, lequel y est insoluble ; mais cette fraude serait sans objet, au prix où est le sucre aujour- d'hui. Une autre falsification qu'on lui fait subir, consiste à le mélanger de glucose, ou sucre d'amidon. On reconnaît cette fal- sification par le moyen de la potasse qui se combine avec le sucre de canne sans le colorer sensiblement, tandis qu'elle décompose le glucose en lui communiquant une couleur brune foncée. Pour faire cet essai, on introduit dans un petit matras de verre 10 gram- mes de sucre, 30 grammes d'eau, 5 décigrammes de potasse pure, et on fait bouillir pendant quelques minutes. La coloration brune indique le mélange de glucose. Le sucre, exposé au feu, se fond, se boursoufle, brunit et exhale une odeur particulière assez agréable. A cet état, il porte le nom de cai^amel ; exposé à une plus forte chaleur, il brtile avec une belle flamme blanche, et laisse un charbon volumineux. Celui-ci, incinéré, laisse un peu de cendre blanche, principalement com- posée de carbonate et de phosphate de chaux. L'acide nitrique dissout le sucre et le transforme, à l'aide du calorique, en une série d'acides dont les termes principaux sont l'acide saccharique (0121110016)^ l'acide oxalique (C^HOi) et l'acide carbonique (G^O*). Le sucre pur, cristallisé, a pour formale Gi^HiiO^i. On suppose qu'il contient 2 molécules d'eau, et que sa composition à l'état anhydre = D^H^O^. Ce qu'il y a de certain, c'est que le sucre GRAMINEES. — CANNE A SUCRE. 107 cristallisé, en se combinant avec les bases, perd I ou 2 molécules d*eau, qui se trouvent remplacées par 1 ou 2 molécules de base. Le saccharate de chaux a pour formule G^'^FPO^ -f- CaO,HO ; le saccharate de plomb = Ci^H^O^ + 2PbO. "" ~ Cire de la canne à sucre, ou Cérosie. — Un grand nombre de végé- taux laissent exsuder sur leurs tiges, leurs feuilles ou leurs fruits, une substance qui a été désignée généralement sous le nom de cire végétale^ mais qui est loin d'être la même pour tous. La Canne à sucre, particulièrement, présente sur toute sa tige et à la base amplexicaule des feuilles, une poussière blanchâire qu'on peut en séparer en la grattant avec un couteau, et qui abonde sur la Canne violette plus que sur les autres variétés. 153 cannes grat- tées ont fourni 170 grammes de cire ; la Canne à rubans en fournit un peu moins ; la Canne (ÏOtaJdti^w contient à peine le tiers de la canne à rubans; la Canne créole, originaire de l'Inde, n'en donne presque pas. On pourrait obtenir la cérosie par le grattage des tiges; on la traiterait ensuite par l'alcool froid pour la priver de chlorophylle; on la dissoudrait dans l'alcool bouillant, et on l'obtiendrait par la distillation de l'alcool. Mais, comme cette substance est entraî- née, en grande partie, par le suc qui sort des cannes pendant leur expression, et qu'elle y reste suspendue ou vient nager à sa surface, il est préférable de porter le vesou à l'ébullition sans addition de chaux^ afin d'obtenir la cérosie mélangée h l'albu- mine et à la chlorophylle sous forme d'écume. On lave cette écume à l'eau d'abord, puis à l'alcool froid, et on la traite enfin par l'alcool bouillant. Bien que, par ces procédés, on perde une grande partie de la cérosie qui existe sur les cannes, cependant Avequin a calculé qu'un arpent de cannes, qui produit environ 18,000 cannes, fournirait 36 kilogrammes de cérosie, et qu'une habitation cultivant par an 300 arpents de cannes en produirait 10,000 kilogrammes. Ce produit pourrait donc devenir très-im- portant pour le commerce. La cérosie est insoluble dans l'eau et à froid dans l'alcool rectifié. Elle se dissout dans l'alcool bouillant et le fait prendre en masse par le refroidissement. Elle est peu soluble dans féther; elle est très-dure et peut se pulvériser dans un mortier ; elle fond entre 80 et 82 degrés, brûle avec une belle flamme blanche et serait d'un emploi très-avantageux dans la fabrication des bougies. Elle est très-difficilement saponifiable. M. Dumas l'a trouvée for- mée de C^W^O^, composition très-remarquable qui fait entrer la cérosie dans la série des alcools, ainsi que le montre le tableau suivant: 108 VÉGÉTAUX MONOGOTYLÉDONES. Esprit des bois = G* H^ \^ Alcool de vin = C* ji* 1 Glycérine = G' II^ ( — N — J- H'* O Essence de pommes de terre = G'^Hi'' i ~^ _ ^" Etlial = C='^H-«^ \ Gérosic --- G^8U*8 j ^org^lio. [Parmi les Graminées saocharifôres, il faiilmenlionneiie Sorgho sucré {Sorg/nuii saccharatwn) sur lequel rallention s'est portée dans ces derniers temps. C'est une plante haute de r",50 h 3 mètres, portant au sommet de la ti^^e une grosse inflorescence rameuse, garnie à maturité d'un nombre considérable de ca- riopses ovoïdes presque sphériques, luisants, de couleur varia- ble. On la cultive dans le midi de la France, et on a surtout essayé de l'exploiter aux environs de Marseille. 11 résulte du tra- vail de M. Joulie (1), que le Sorgho contient : 1° du sucre cristiil- lisable, ayant un pouvoir rotatoire de -f- 7.'i°,8 ; 2° du glucose dexlrogyre à pouvoir rotatoire de -)- o6^ ; 3° du glucose lévogyre ou lévulose i\ pouvoir rotatoire de — 106^ Le sucre va augmen- tant dans la plante depuis le moment de l'apparition des épis, jus- qu'à la maturité de la graine; et cette augmentation porte prin- cipalement sur le sucre de canne. Mais ce sucre est d'une extrac- lion très-difficile et on ne peut très-souvent utiliser le Sorgho que pour la fabrication de l'alcool.] Fruits alimentaires de Graminées. Tous les fruits des plantes graminées peuvent être considérés comme alimentaires, à l'exception de celui de Tlvraie, qui pos- sède une qualité malfaisante ; mais on ne cultive que ceux qui produisent le plus eu que leur volume rend plus faciles i\ récolter; tels sont, dans^resquc toutes les contrées du monde, le blé ou froment, l'épeautre, le seigle, l'orge, le riz, le maïs, l'avoine ; et dans certains pays, les millets, les sorghos, les éleusines, les poas, etc. Froment. l'riticuni sativiun, Lamk., comprenant comme sous-espèces les Triticum œstivum^ /u/hcrnuui el turgidum, de Linné. Tiges hautrs [^\) Voir pour plus de détails : Joulie, Études et expériences sur le Sorgho à s'ucrc. Thèse de TÉcole de pharmurie de I^aris, 18Gi ; — et Adr. Sicard, Mono- ;/raphie de la cnune ù swwe de la Chine, dite Sorgho à sucre^ 2« édition. Paris, 1S.')S, î vol. in-8. GRAMINÉES. — FROMENT. 109 de 100 à 130 cenlimètres, garnies de 4 ou 5 feuilles, et terminées par un épi long de 8 à 12 cenlimètres; ceux-ci sont composés de 13 à 24 épillets sessiles, ventrus, imbriqués, glabres ou velus selon les variétés; mutiques ou garnis de barbe. Chaque glume renferme ordinairement 4 fleurs fertiles et une cinquième impar- faite. Le fruit est un cariopse ovale, mousse par les deux bouts, convexe d'un côté, creusé d'un sillon longitudinal de l'autre ; le battage le privant de sa glume, il ne conserve que son tégument propre, mince, dur, transparent, qui, séparé de la farine par le blutoir, constitue le son. Les proportions de son et de farine peu- vent varier beaucoup suivant les blés et selon les procédés de mouture ; on obtient en moyenne : 74 de farine et 23 de son. D'après M. Boussingault, le froment contient en moyenne sur 100 parties : AlbumincV.Ï. .V.V. .'.'..'.'.'. ^M 1 ^^^bstances azotées. U,0 Amidon 59,7 Dextrine 7,2 Cellulose 1,7 Sels minéraux 1 ,G Eau 14,0 . 100,0 100 parties de froment ne fournissent que 1,65 de cendre com- posée principalement de phosphates et silicates de soude, de chaux et de magnésie. Cette cendre ne renferme pas de sulfate ou n'en présente que des traces, ce qui permet de reconnaître la farine pure de celle qui a été lalsifiée avec du sulfate de chaux. Quanta la farine de froment, voici sa composition moyenne, d'après Payen : Substances azotées 14,15 Amidon et dextrine 68,43 Matières grasses 1,".'5 Cellulose 0,05 Matières minérales 1,90 Eau 14,22 100,00 Pour faire l'analyse de la farine de froment, on la met en pâle avec deTeau, on la renferme dans un nouet de linge et on la ma- laxe sous un filet d'eau. L'eau dissout la gomme et le sucre et entraîne l'amidon qui se dépose au fond. La liqueur filtrée et con- centrée fournit une petite quantité d'albumine coagulée que l'on sépare par le filtre. On évapore à siccité et on traite par de l'al- cool bouillant qui dissout le sucre ; la gomme reste. 110 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. — ORGE. La partie de la farine qui reste dans le linge est sous forme d'une masse molle, très-collante et élastique qui porte le nom de gluten; mais comme elle retient toujours une grande quantité d*amidon, il faut la retirer du linge et la malaxer à nu sous un filet d'eau et au-dessus d'un tamis de soie, jusqu'à ce que Teau cesse d'être laiteuse. La masse qui reste alors, et qui constitue le Gluten de Beccaria, pèse sèche de 0,10 à 0,14 du poids de la fa- rine. Cette substance a d'abord été considérée comme un prin- cipe immédiat particulier; mais Einhoff a montré qu'elle était formée au moins de deux principes azotés, dont l'un est de Val- bumine végétale naturellement soluble^ mais qui reste unie au second principe par une adhérence moléculaire. Ce second prin- cipe, nommé glutine, est insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool bouillant et peut être obtenu par ce moyen. C'est à la présence de ces deux principes réunis que la farine de froment doit de for- mer un pain très-nourrissant et de facile digestion : nourrissant en raison de l'azote qu'ils contiennent ; facile à digérer parce que le gluten communique à la pâte une ténacité qui retient l'a- cide carbonique produit pendant la fermentation et la rend po- reuse et légère. La farine de blé est donc d'autant plus estimée qu'elle fournit plus de gluten par le procédé qui vient d'être indiqué. Seîg^le. Secale céréale^ L. Le Seigle s'élève à la hauteur de 130 à 160 cen- timètres. Les fleurs sont disposées, au haut de la tige, en un épi simple, comprimé, long de 11 à 15 centimètres; les épillets sont composés de 2 tleurs hermaphrodites, avec un rudiment linéaire d'une troisième fleur terminale. Le fruit est un cariopse long de 5 millimètres, poilu au sommet, d'une forme un peu conique, convexe d'un côté, creusé de l'autre d'un sillon longitudinal, d'un jaune grisâtre, à surface légèrement plissée lorsqu'il est sec. Le seigle vient facilement dans des terrains où le blé ne pour- rait croître avec avantage, et il résiste mieux à la gelée, ce qui permet de le cultiver dans les pays du Nord ; il mûrit aussi plus tôt. Il fournit une farine un peu bise, pourvue d'une odeur et d'une saveur qui lui sont propres. Il forme un pain lourd, mais nutritif, d'une saveur douceâtre particulière, et qui se conserve frais pendant longtemps. On l'emploie ordinairement mêlé au froment, sous le nom de méteil. Le seigle donne en moyenne 76 pour 100 de farine et 24 de son. D'après Einhofl", la farine de seigle contient : GRAMINÉES. Hi Amidon Cl,t Glutine 9,5 Albumine 3,3 Suci-e 3,3 Gomme 11,1 Fibre végétale.. G, 4 Perte ou eau 5,3 1U0,0 La farine de seigle ne peut être analysée comme celle de fro- ment; car si on venl la malaxer sous l'ean, dans un noiiet de linge serré, rien n'en est séparé, et si l'on veut s^aftVanchir du linge, toute la farine se délaie dans Teau et passe même, sauf quelques impuretés, à travers un tamis de soie. Par le repos l'a- midon se précipite, mais coloré et mélangé de glutine. La liqueur décantée et filtrée contient le restant de la glutine unie à la gomme, au sucre et à l'albumine. On la soumet à l'ébuUition pour faire coaguler l'albumine ; on la fait évaporer en consis- tance de sirop et on l'étend d'alcool qui dissout le sucre et la glu- tine. On ajoute de l'eau et on distille pour retirer l'alcool : le su- cre reste dissous et la gli;tine se sépare. Orge. Hordeum vulgare, L. Tige droite, haute de 50 à 70 centimètres; fleurs en épi ; épillets biflores, mais dont la fleur supérieure est réduite à l'état d'un rudiment subulé. Fleurs toutes hermaphro- dites, imbriquées sur six rangs, dont deux plus proéminents. Glume à 3 écailles linéaires-lancéolées ; glumelle à paillettes persistantes, embrassant le fruit et dont l'extérieure est terminée par une arête très-longue ; dans une variété, nommée oj^ge céleste^ les paillettes s'écartent du grain qui s'en sépare avec facilité. Autres espèces : orge à six rangs (//. hexasticlion) dont l'épi est court, renflé, à 6 rangs de fleurs égaux ; orge distique {H. disti- chon], à l'épi comprimé, formé seulement de 2 rangs de fleurs hermaphrodites pourvues d'arêtes. L'orge, à cause de la nature particulière de son amidon, ne produit qu'un pain dur et indigeste : aussi est-il principalement réservé pour la nourriture des animaux herbivores et pour la fa- brication de VOrge inondé et perlé qui sont d'un usage assez fré- quent en médecine. Ces deux préparations de l'orge s'obtiennent de la même ma- nière, en faisant passer le grain entre deux meules placées hori- zontalement à distance. Pour l'orge mondé, la distance est telle {[ue le grain roulé entre les meules perd seulement sa glume et sa glumelle et conserve son tégument propre. Pour l'orge perlé. 112 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. un travail plus long et une distance diminuée graduellement font que l'orge se trouve réduit à sa partie blanche et farineuse. L'orge donne environ 70 de farine pour 19 de son, avec 11 pour iOO d'eau. La farine d'orge se conduit avec l'eau comme celle de seigle, c'est-à-dire que si on la malaxe à l'état de pâte, dans un linge serré, rien ne passe au travers du linge, à cause de Tadhérence du gluten à l'amidon, et que si le linge est d'un tissu clair, pres- que tout passe au travers. Cependant, en opérant dans un linge médiocrement serré, Einhoff a pu conserver dans le linge un ré- sidu composé de fibre végétale, de glutine et d'amidon, 7,3 pour 100, et la liqueur trouble a déposé 67 parties d'amidon recouvert de glutine. L'eau qui surnage retient en dissolution de l'albu- mine, du sucre, de la gomme, encore une certaine quantité de glutine. On les sépare ainsi qu'il a été dit pour le seigle. Celte analyse a fourni : Amidon et glutine . . 67,18 Fibre végétale, glutine et amidon 7,29 Albumine 1,15 Glutine 3,52 Sucre 5,21 Gomme •. ^ . . .. 4,62 Phosphate de chaux 0,24 Eau 9,37 Perte 1,42 100,00 AToine. Avena saliva, L. Cette plante pousse plusieurs tiges hautes de 6 à 10 centimètres, munies de 4 à 3 nœuds d'oti sortent des feuilles assez larges et aiguës. Les fleurs sont disposées en panicules lâ- ches et réunies dans des épillets pédicellés et pendants. Chaque épillet contient 3 fleurs pédonculées, dont la première est seule fertile; la deuxième, mal conformée, est stérile; la troisième est rudimentaire. Les écailles de la glume sont courtes, mutiques, carénées ; la paillette extérieure de la glumelle est pourvue d'une arête tordue. Le cariopse est presque cylindrique, aminci en pointe aux deux bouts, adhérent à la paillette supérieure de la glumelle, et enveloppé dans la glume, dont on le sépare par le battage. L'avoine, ainsi obtenue, sert à la nourriture des chevaux et des animaux de basse-cour ; on l'emploie aussi pour la nourri- ture de l'homme et pour en faire des tisanes adoucissantes et nourrissantes, mais après l'avoir préparée sous des meules, à la manière de l'orge perlé. Sous cet état, on lui donne le nom de GRAMINEES. 113 gruau; mais ce n'est pas elle qui sert à la fabrication du pain de luxe auquel on donne le nom de pain de gruau. Celui-ci se pré- pare avec la plus belle et la plus fine farine de froment. L'avoine donne 62 pour 100 de farine, 17 de son et 21 d'eau. La farine d'avoine dépouillée de ses enveloppes, ou la farine de gruau, présente quelques particularités dans sa composition. Elle contient 2 centièmes d'une huile grasse, jaune verdâtre et odo- rante à laquelle le gruau doit sa saveur particulière et sa demi- transparence. On y trouve ensuite 8,25 d'un extrait amer, sucré et déliquescent qui est cause que l'avoine renferme de 20 à 24 pour 100 d'eau, tandis que les autres céréales n'en contiennent guère que la moitié. Elle contient enfin 2,5 de gomme, 4,3 d'albumine et 59 d'amidon. Riz. Oriza sativa, L. Le Riz est originaire de l'Inde et de la Chine, oii il occupe de vastes terrains inondés, et où il sert, de toute anti- quité, à la nourriture des habitants. Il était peu connu en Europe du temps de Dioscoride et de Pline. Ce n'est que plus tard que la culture s'en est répandue en Egypte, en Italie, en Espagne et en Amérique. On a voulu à plusieurs reprises en introduire la culture dans le midi de la France ; mais comme on ne peut le placer que dans des terrains marécageux qui exercent une influence très-dé- létère sur la santé des habitants, il a fallu y renoncer. Le riz pousse plusieurs tiges hautes de 100 à 130 centimètres, munies de feuilles larges, fermes, très-longues, semblables à celles de nos roseaux. Les fleurs forment une longue et belle panicule ter- minale, composée d'épillets courtement pédicellés et uniflores. Les fleurs sont hermaphrodites, à 6 étamines, et appartiennent à l'hexandrie de Linné. Le fruit est un cariopse comprimé, étroite- ment serré dans les pailles de la glumelle. On le trouve dans le commerce privé de toutes ses enveloppes et même de son tégument propre. Celui que l'on consomme en France vient principalement de la Caroline et du Piémont. Le premier est le plus estimé; il est tout à fait blanc, transparent, anguleux, allongé, sans odeur, et a une saveur farineuse franche. Le second est jaunâtre, moins allongé, arrondi, opaque, a une légère odeur qui lui est propre, et une saveur un peu acre. Tous deux sont forts nourrissants, et donnent du ton aux intestins. On doit à Braconnot (1) une excellente analyse du riz, dont voici les résultats : (1) Braconnot, Ann. de chimie et de physique^ t. IV, p. 370. GuiBOURT, Drogues, 7« édit. T- II ■ "^ 8 il4 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. Riz de Caroline. Riz de Piémont. Eau .. 5,00 7,00 Amidon 85,07 83/0 Parenchyme.... 4,80 4,80 Matière azotée 3/;0 3,00 Sucre incristallisabfe 0,29 0,05 Matière gommeuse 1,71 0,10 Huile., r 0,13 0,25 Phosphate de chaux 0,40 0,40 Chlorure de pot-ssium 0,00v /0,no Phosphate de potasse 0,00 j ■ (o,00 Acide acétique 0,00 f . ,. , lo.OO Sel végétal calcaire 0,00 [ ^"^^^^^- j o,00 — à base de potasse 0,00] [0,00 Soufre 0,00^ ^0,00 Haïs. Zea Maïs, L. ; monœcie triandrie. Celte belle graminée paraît originaire de l'Amérique ; mais elle s'est bien acclimatée dans les contrées chaudes et tempérées de l'ancien continent. On en cul- tive beaucoup en France, où elle porte vulgairement le nom de Blé de Turquie. Elle s'élève à la hauteur de 2 mètres et plus. Sa tige est roide, noueuse, remplie d'une moelle sucrée; ses feuilles sont très-longues, larges, semblables à celles du roseau. Les fleurs mâles sont disposées en une panicule terminale composée d'é- pillets biflores, à fleurs sessiles, triandres. Les fleurs femelles naissent au-dessous et sont enveloppées de plusieurs feuilles rou- lées, d'où pendent les styles sous forme d'un faisceau de soie verte ; l'épi, qui succède à ces fleurs, croît par degrés jusqu'à une grosseur considérable; les grains sessiles dont il est entièrement recouvert, sont gros comme des pois, lisses, arrondis à l'extérieur, terminés en pointe à la partie qui tient à l'axe. Us sont le plus souvent jaunes, mais quelquefois rouges, violets ou blancs, sui- vant les variétés. Le maïs est après le froment et le riz la plus utile des grami- nées ; aussi est-elle une des plus généralement cultivées. Une partie des peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique en font leur nourriture. Son usage est également très-répandu en Italie, en Espagne et dans le midi de la France, non-seulement pour l'homme, mais aussi et surtout pour les bestiaux et volatiles de toutes sortes qu'il engraisse promptement. Il est composé de : Gorbam. Bizio. Amidon 77 80,92 Zéine 'gluten de maïs; 3 3,25 Albumine 2,50 2,50 Sucre 1,45 0,90 A reijO-(er. 8J,95 87,57 GRAMINÉES. 115 Gorham. Brzio. Report. 83,95 87,57 Extractif 0,80 0,90 Gomme 1,75 2,28 Phosphate I de chaux 1,50 Sulfate ( Fibre végétale 3 8,71 Eau 9 Sels, etc. 0,35 100,00 100,00 Le gluten de maïs paraît différer de celui des autres graminées par une moindre proportion d'azote ; sa faible quantité empêche d'ailleurs que la farine de maïs ne soit propre à la fabrication du pain, à moins qu'on n'y ajoute un tiers au moins de farine de fro- ment. Mais on en fait des bouillies et des espèces de gâteaux qu'on prépare de bien des manières différentes, suivant les pays, et qui forment un aliment sain et nourrissant. AMIDON (i). Pendant longtemps l'amidon a été considéré comme un pro- duit inorganisé, ou comme un principe immédiat analogue au sucre ou à la gomme, mais complètement insoluble dans l'eau froide, et soluble, au contraire, dans l'eau bouillante, avec la- quelle il était susceptible de former, par le refroidissement, une masse gélatineuse. Cependant, dès l'année 1716, Leeuwenhoeck avait déterminé, à l'aide du microscope, que l'amidon était un corps organisé, de forme globuleuse, et formé d'une enveloppe extérieure, résistant à l'eau et quelquefois aux forces digestives des animaux, et d'une matière intérieure facilement soluble dans l'eau et très-facile k digérer; mais ces observations étaient com- plètement oubliées lorsque, en 1825, M. Raspail (2) annonça de nouveau que chaque granule d'amidon est un corps organisé for nié d'une enveloppe outégument inattaquable par l'eau froide, suscep- tible d'une coloration durable par l'iode, et d'une matière inté- rieure soluble dans l'eau froide, pouvant également se colorer en bleu par l'iode, mais perdant facilementcette propriété par l'action de la chaleur ou de l'air; d'où M. Raspail concluait que la pro- (1) Dans le langage chimique, les mots Amidon, Fécule^ Fécule amylacée, peuvent être considérés comme synonymes ; dans les usages économiques, on donne plus spécialement le nom d'Amidoyi h la fécule des graines céréales, et celui de Fécule à celle retirée d'autres parties des plantes, et principalement des racines. Il m'arrivera souvent de me servir indifféremment de ces deux expressions. (2) Raspail, Nouveau Système de chimie organique, 2^ édition^Parh, 18''8. t. I, p. 429. U6 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. priété possédée par la fécule de se colorer en bleu par l'iode, était due à une substance volatile. Unmémoire deM.J.-B.Caventon,oiicechimiste semontraitpeu disposé à admettre les résultats obtenus par M. Raspail, m'ayant engagé à m'occuper de ce sujet, je fis un certain nombre d'expé- riences qui, tout en confirmant l'organisation des grains de fé- cule, démentait presque toutes les autres assertions de M. Ras- pail. Ainsi, tandis que la fécule de pomme de terre entière, examinée sous l'eau, au microscope, se présente sous forme de grains transparents, tous finis et d'une épaisseur évidente, la fé- cule broyée, mise dans l'eau, y forme des courants d'une vitesse extrême, dus à l'émission et à la dissolution de la matière soluble intérieure des grains déchirés. Une partie de cette matière dispa- raît entièrement; une autre reste attachée aux grains sous forme de gelée, et disparaît aussi par l'application d'une légère chaleur. Alors on aperçoit facilement les téguments déchirés qui servaient d'enveloppe aux grains de fécule. Mais, excepté cotte expérience qui confirmait l'état organisé des grains de fécule, toutes les autres tendaient à prouver que les trois parties observées, à savoir, le tégument^ la matière gélatini- forme et la matière soluble^ ne sont qu'une seule et même sub- stance qui se comporte de même avec l'iode, les acides, les alcalis, la noix de galle, les dissolutions mélalliques, et que ces trois parties ne diffèrent que par la forme que l'organisation leur a donnée. Telle est la conclusion positive de mon mémoire, à la- quelle je suis arrivé par plusieurs ordres de considérations qui ont été confirmées depuis (l). M. Guérin-Yarry, cependant, après avoir distingué comme moi trois parties dans l'amidon, a regardé ces trois parties comme trois matières distinctes et de composition élémentaire différente ; mais ces résultats ont été contredits par MM. Payen et Persoz, qui, après avoir distingué trois principes différents dans la seule matière soluble, ont ensuite admis que, à part un tégument exces- sivement mince, non colorable par l'iode, tout le reste était formé d'un seul et même principe, auquel ils ont donné le nom d'amidone. Enfin, M. Payen (2) a réuni et résumé tous les travaux entrepris sur l'amidon, et dont une grande partie lui appartient; il a définitivement fixé l'opinion des chimistes sur la constitution de l'amidon, en le regardant comme une substance organisée, mais d'une seule nature et d'une composition constante, qui peut être représentée par C^Wooio. composition proportionnelle- (1) Voir Guibourt, Journal de chimie médicale, de 18.29, t. V, p. 97 et 158. (2) Payeiij Annales des sciences naturelles^ Botanique, t. X, p. 5, Go et 161. GRAMINEES. H 7 ment seaiblable à celle de la cellulose, de la gomme arabique et du sucre anhydre. Cette conclusion, moins la composition élé- mentaire dont je ne m'étais pas occupé, est bien celle que j'avais émise en 1829; mais il existe cependant une différence essentielle entre nos résultats. J'avais admis que la fécule de pomme de terre était formée d'une substance tégumentaire insoluble et d'une matière intérieure soluble, toutes deux colorables par l'iode: M. Payen pense aujourd'hui que cette fécule est organisée et solide jusqu'au centre, et ne contient aucune partie soluble à froid. Je me fondais, pour établir mon opinion, sur ce que la fé- cule broyée, non pas seulement à sec, mais sous Teau, afin d'évi- ter réchauffement causé par le frottement, se dissolvait en partie dans l'eau, et ce résultat ne peut être révoqué en doute ; mais M. Payen, pensant toujours que la fécule peut éprouver quelque modification moléculaire par le frottement, s'est borné à Técraser en la pressant entre deux lames de verre, et c'est alors qu'il a vu, ainsi que je viens de le dire, que la fécule était solide et organisée jusqu'au centre, et qu'elle ne cédait à l'eau froide aucune partie soluble qui fût colorable par l'iode. J'ai vérifié l'exactitude de ce fait d'où il paraît résulter que, dans mon ancienne expérience, le broiement sous l'eau avait suffi pour altérer la constitution moléculaire de la fécule, au point d'en rendre une partie soluble. Je pense également, avec Payen, que la fécule est organisée jusqu'au centre, mais je dis toujours, en tant qu'il s'agit de la fé- cule de pommes de terre, qu'il existe une grande différence entre l'organisation forte et compacte de la partie extérieure, que j'ai vue se présenter souvent sous la forme d'une outre en partie la- cérée et vide à l'intérieur, et l'organisation de la partie centrale, qui se sépare de la première et se divise dans l'eau, sous la forme de flocons colorables par l'iode. [Une nouvelle opinion, exposée d'abord par M. Nsegeli, en 1847, abandonnée, en 1858, par ce bo- taniste lui-même, a été adoptée et développée par M. Trécul dans un mémoire très-remarquable (1). D'après le savant observateur le grain d'amidon doit être assimilé à une cellule renfermant un plasma amylacé, qui se dépose en couches nombreuses et su- perposées, de manière à remplir complètement la cellule ou à ne laisser au centre qu'une petite cavité. Nous ne poursuivrons pas plus loin l'exposé de ces discussions sur la constitution ou le mode de formation du grain de fé- cule (2). Nous rappellerons seulement l'idée qu'on doit se faire de cette substance. (I) Trécul, Mémoire sur les formations iatra:eUnlaires des végétaux {Annal» des sciences natur., 1858, t. X, p. 205-351). (5) On peut consulter sur ce sujet : Trécul, Mémoire cité; — Naegeli, Die H8 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. La fécule est un corps neutre, incrislallisable, insoluble dans Teau, formant dans l'eau chaude une masse gluante qu'on nomme empois, se colorant en bleu-violet par le contact de l'iode, et pouvant se changer sous certaines influences (chaleur, action des acides, ou des ferments, etc., etc.) en dextrine, puis en glucose. La fécule est quelquefois amorphe, mais le plus souvent elle se trouve à l'état de grains organisés. Les couches concentriques rangées autour d'une cavité ou d'un noyau intérieur (hile) sont quelquefois très-apparentes, comme dans la fécule de pommes de terre, par exemple (fig. 340), d'autres fois elles sont à peine marquées ou même complètement absentes. La dimension et la forme du grain peuvent aussi beaucoup varier selon la plante qui a fourni la fécule; aussi l'examen microscopique qui permet de constater ces caractères divers est-il le meilleur moyen de re- connaître l'espèce d'amidon auquel on a affaire, et les falsifica- tions auxquelles sont exposées certaines farines. On doit égale- ment tenir compte dans la détermination des fécules du mode de groupement des grains, qui tantôt restent isolés ou simples, tantôt sont réunis entre eux de manière à former des grains composés. Nous aurons occasion à mesure que nous traiterons des diverses plantes amylacées, de décrire les fécules qu'elles donnent; indi- quons pour le moment les caractères de celles des Graminées.] itmidon de blé. Globules circulaires et d'un volume très-variable : les plus pe- tits, vus sous l'eau, au microscope, paraissent comme des points transparents, et on peut en suivre l'accroissement jusqu'aux plus gros; cependant les globules intermédiaires sont peu nombreux et on observe une discontinuité bien marquée entre les petits grains qui sont presque innombrables, et les plus gros qui arri- vent sensiblement au même volume, estimé à 30 millièmes de millimètre. A voir ces granules en repos et presque tous bien circulaires, on les dirait sphériques; mais en faisant glisser le verre supérieur du porte-objet sur l'inférieur, on fait rouler les granules au milieu de l'eau, et on s'aperçoit alors qu'ils sont aplatis et lenticulaires (fig. 334). L'amidon de blé, vu en masse, est d'un blanc mat et parfait. Il communique à l'eau, à l'aide de la chaleur, une consistance d'au- StàrkeliÔiner. Zurich, Ï858; — A. Gris, Annal, des sciences naturelles. 18G0, t. XIII; — Ducliai'tre, Éléments de botanique. 18G7, p.G2 et suivantes. GRAMINÉES. 11) Fi g. 334. — Amidon de blé. tant plus forte que ses granules ont un plus petit volume et con- tiennent plus de matière tégumentaire et moins de matière véri- tablement soluble, parce que la consistance de Vempois est (lue surtout à l'adhérence réciproque des téguments gonflés et hydratés. L'amidon de blé, soumis à Tébullition dans une grande quantité d'eau, ne formé plus d'empois, parce que le tégument finit par se dissoudre presque entièrement et constitue alors de la fécule soluble. Cependant, si longtemps qu'on continue l'ébullition, il reste toujours un résidu insolu- ble, sous forme de flocons légers et ÙTéguliers, qui se colorent en violet par l'iode. Pour l'usage des arts, on ex- trait en grand Tamidon des recou- pettes et gruaux de blé, des blés avariés, et quelquefois de l'orge. A'oici à peu près le procédé que l'on suit : on moud le blé gros- sièrement, on le metdans un tonneau avec de l'eau, et on entretient l'air environnant à une température de io à 18 degrés, afin de dé- terminer la fermentation du mélange. Au bout de quinze ou vingt jours, on jette le tout sur un tamis de fer; l'eau passe avec l'amidon et une certaine quantité de son et de gluten altéré ; on la laisse reposer : l'amidon, qui est le plus dense, se précipite le premier; le son et le gluten forment au-dessus une bouillie qu'on enlève avec une pelle, après avoir décanté Teau qui la surnage. Cette eau, qui porte le nom d'eaic sure, est employée en place d'eau pure dans les opérations subséquentes, et alors la fermen- tation s'y développe beaucoup plus promptement. On délaye l'a- midon dans de l'eau pure, et on le fait passer à travers un tamis de soie très-fin; on le laisse précipiter de nouveau, on décante l'eau, et on le fait sécher le plus promptement possible. On remarque que la pâte d'amidon se divise toujours, en sé- chant, en espèces de prismes quadrangulaires, irréguliers, mais semblables entre eux, et qui ont fait donner à 1 amidon entier le nom d'amidon en aiguilles. Le but de la fermentation que l'on fait subir au blé est d'en dé- sorganiser le gluten, qui perd alors sa ténacité, et ne s'oppose plus à la précipitation isolée de l'amidon. L'amidon sert en phar- macie pour rouler quelques pilules, et pour saupoudrer la table sur laquelle on coule la pâle de guimauve. 120 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. On l'emploie aussi en lavement, fréquemment et avec succès, contre la diarrhée et la dyssenterie. Amidon de seig^le. Granules circulaires et lenticulaires offrant les mêmes varia- tions de volume que ceux du blé. Cependant les plus gros grains paraissent avoir un volume un peu plus considérable que ceux qui leur correspondent dans le blé, et de plus ils sont très-sou- vent marqués au centre d'une étoile noire à3 ou 4 rayons (fig. 335). Cet amidon, bouilli plusieurs fois dans l'eau distillée, laisse un O <5 oo lé' Fig. 335. — Amidon de seigle. 0^ aQ Fig. 336. — Amidon d'orge résidu bien plus considérable quecelui de blé, plus dense, colorable en bleu par l'iode, offrant assez souvent la forme d'un fer à cheval, mais plus souvent encore celui de granules disposés assez régu- lièrement autour d'un centre commun, de sorte qu'on peut sup- poser que l'amidon de seigle lui-même est formé de granules semblables réunis et soudés par une matière plus attaquable par l'eau et qui disparaît en partie par l'ébuUition. Amidon d'orgue. De môme que les deux précédents, cet amidon (fig. 336) se com- pose d'un nombre très-considérable de petits granules transpa- rents, de granules intermédiaires et d'un grand nombre de granu- les circulaires qui atteignent sensiblement le même volume. Voici maintenant les différences : le diamètre des plus gros granules est manifestement plus grand que dans l'amidon de blé ; l'épais- seur en est plus considérable et inégale; la coupe des granules pas- sant par leurs plus grands diamètres ne formerait pas une sur- face plane, mais ondulée; en un mot, ces granules, au lieu d'avoir la forme régulière d'une lentille, ont la forme bosselée et ondulée d'une semence de nandirobe. Il résulte de cette forme irrégulière jointe à une plus grande épaisseur, que l'amidon d'orge roule plus facilement dans l'eau que ceux du blé et du seigle; qu'il peut se reposer plus souvent sur la tranche et qu'il offre assez souvent GRAMINÉES. 121 la forme irrégulière et comme triangulaire de la fécule de pom- mes de terre; mais son volume est, bien moindre. L'amidon d'orge diffère encore de celui de blé en ce qu'il résiste bien plus à Taction de l'eau bouillante ; tandis que l'amidon de blé, après une ébullition prolongée, ne laisse pour résidu qu'un léger flocon colorable en violet par l'iode; dans les mêmes circonstances, l'a- midon d'orge laisse un résidu dense et pesant, nettement dessiné en demi-lune^ en rein ou en cercle coupé jusqu'au centre et entr'ou- vert. Ce résidu se colore en bleu foncé par l'iode. En renouvelant rébullition,une parliedes téguments sedéforment et se déchirent ; mais si longtemps qu'on la continue, le plus grand nombre con- servent la forme d'un cercle ouvert ou d'un rein. Cette grande ré- sistance des granules del'amidonde l'orge à l'action de l'eau bouil- lante explique la difficulté qu'ont les estomacs faibles à le digérer. Proust attribuait cette qualité indigeste de l'orge à un principe analogue au ligneux, qu'il nommait hordéine^ et dont il supposait que l'orge contenait 0,o5 de son poids; mais j'ai montré que cette hordéine était principalement composée des téguments in- solubles de l'amidon de l'orge (1). Amidon de riz. Cet amidon {fig. 337) est remarquable par sa petitesse, par l'éga- lité de son volume et par sa forme polyédrique très-marquée. Sou- mis à une longue ébullition dans l'eau, il laisse pour résidu de lé- gers flocons formés de granules très-minimes colorés en bleu par .i ù Z ^o O' oj ^ o ^ 0 o9 o 0 ^^ 0 p ®cj 0^ ^ ^ o '^ ^léiauge de fariuc de bié et de faiiue de Luiicut i^oitessier). sont accompagnés de fragments de tissu cellulaire, qu'il est facile de distinguer au microscope des téguments internes du blé par ^*) A. et B. grain d'amidon du blé rond de Hongrie, en A, \u par dessus, en B, vu de profil ; G et D, deux grains d'amidon du haricot panaché, vus par dessus et ditlérents l'un derautre parce que leur noyau allongé est visiblement étoile sur ses bords dans le graiu G et a ses bords presque entiers dans le grain D. (Duchartre). 126 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDOiNÉS. la ténuité des parois cellulaires et par l'absence d'une ma- tière granuleuse opaque, qui remplit normalement les cavités de l'enveloppe interne du froment. Dans la lumière polarisée le réseau des légumineuses disparaît complètement quand le fond est obscur, tandis que celui des graminées devient très-lumi- neux {fig. 345)]. Enfin M. Donny a découvert dans les farines de V\^. 344. — L, tissus réticulés des légumiuousesj B, quati-ièiue eiivclopjje liu blé (.Moitessici*;. vesce et de fé vérole un caractère qui les fait reconnaître facile- ment, et qui consiste dans une belle coloration rouge que prend la farine de ces deux légumineuses lorsqu'on l'expose à la vapeur de l'ammoniaque, après l'avoir tenu suffisamment exposée à celle de l'acide nitrique (I). Falsification au moyen duplâtre, de la craie ou de l'argile. — Cette falsification peut être reconnue en traitant la farine par une solu- tion dépotasse au dixième qui la dissout presque complètement en laissant la substance minérale dont il est facile ensuite de dé- terminer la nature. On peut également brûler et incinérer la farine qui, dans son état normal, fournit à peine un centième de cendre. La quantité de matière fixe et sa nature constatent la falsification. FAMILLE DES PALMIERS. Les palmiers sont, en général, des arbres à tige élancée, simple et cylindrique, couronnée au sommet par une loutfe de feuilles dont les plus inférieures se détruisent chaque année en laissant sur le tronc les (1) Voir Bussy, liappoit {Bulletins de la Société d'encouragemmtt 1847). PALMIERS. 127 vestiges de leur pétiole embrassant, et sont remplacées par celles qui sortent du bourgeon terminal. Les fleurs sortent de l'aisselle des feuil- les, enveloppées d'une spatlie ligneuse et portées sur un spadice rami- fié. Elles peuvent être hermaphrodites, polygames, monoïques ou dioi- ques. Leur périanthe se compose de 2 verticilles de folioles coriaces dont les 3 intérieures n'ont pas toujours la même forme que les 3 exté- rieures et se soudent quelquefois entre elles. Les étamines sont au nombre de 6, rarement réduites à 3, et plus rarement encore plus nombreuses que 6. Le pistil est formé de 3 ovaires distincts ou soudés, renfermant chacun 1 ovule dressé. Le fruit se compose de 3 baies ou de 3 drupes séparés pouvant se réduire à 2 ou à 1 par avortement, ou bien d'une seule baie ou d'un seul drupe à 3 loges, pouvant également se réduire à 2 ou à une seule loge par l'avorlement des autres. La graine est pourvue d'un périsperme épais, souvent trés-dur, creusé sur un point de sa surface d'une cavité qui renferme l'embryon. Al'exceptiondu Cha?nœ)'opshumilis, qui esinsLiuraWsédânsle midi de l'Europe, mais où ses fruits mûrissent à peine, tous les autres palmiers croissent entre les tropiques. Us remplacent, pour les peuples de ces contrées brûlées par le soleil, le blé, la vigne et l'olivier des zones tempérées. En effet, dans la plupart des es- pèces (sagouiers, dattiers), la tige renferme une fécule abondante propre à îiùre du pain ; d' autres {Arenga saccharifera, Corypha um- braculifcra^ Borassus flabelliformis, Sagus Rumphii, Mauritia vini- fera^ etc., etc.) fournissent un liquide sucré que l'on convertit en vin par la fermentation. Les cocos eux-mêmes, avant leur ma- turité, sont remplis d'un suc laiteux et rafraîchissant, et lorsqu'ils sont mûrs, ils servent, ainsi, que les dattes, à la plupart des peu. pies des pays chauds. [Un grand nombre d'autres palmiers ont aussi des fruits comestibles : tels sont VEuterpe edulïSy VAttalea compta^ le Coccos gummosa^ VAcrocomia sclerocarpa, V Astrocaryum Tucwnan, etc., etc. ; d'autres donnent sous le nom de chou pal- miste leur bourgeon central ; on peut citer dans le nombre : VEu- terpe oleracea, les Areca et les Attalea^ le Maximiliana regia^ etc. Le péricarpe de VAvoira de Guinée, comme pour le disputer en tout à l'olivier, fournit aux usages domestiques et aux arts une huile très-abondante. • • Enfin beaucoup d'arbres de cette famille donnent ou des bois de construction ou des fibres textiles estimées, retirées de leurs feuille sou de leurs pétioles. Citons parmi ceux du Brésil : VAstro- caryum vulgare^ V Astrocaryum Tucuman, les Mauritia flexuosa et vinifera, VAttalea funifera qui fournit les fibres grises des Piaçaba^ dont on fait les balais qui servent dans les rues de Paris ou de Lon- dres; les Attalea humilis et compta, le Leopoldina piaçaba dont les fibres dures et noires sont utilisées en Europe pour les brosses à chevaux ; enfin le Bactris setosa, qui donne la matière textile nom- 128 VEGETAUX MONOCOTYLÉDONÉS. mée Tecun plus fine et plus tenace que le chanvre, mais dont on ne peut faire des vêtements à cause d'une espèce de mordant, qui lui fait excorier la peau ou user rapidement les tissus.] Nous examinerons successivement la plupart de ces produits. Dattier et dattes. Pkœnix dactylifera L. {fig. 345). — On trouve cet arbre dans l'Inde, dans la Perse et surtout en Afrique, dans le Bledeldjérid {Belàd elDJeryd ou pays des dattes), vaste contrée au sud de TAtlas Fis:. 345. - Dattier. et de l'Algérie, qui s'étend du royaume de Maroc à la régence de Tunis. Il s'élève à la hauteur de 16 à 20 mètres. Sa tige Qsf nue, cylindrique et formée d'un bois assez dur à l'extérieur, à fibres rougeâtres et longitudinales, qui est employé comme bois de construction. Elle est marquée à l'extérieur d'anneaux très-rappro- PALMIERS. 129 chés et d'écaillés provenant des feuilles tombées. Celles-ci sont très- grandes, composées de leur péliode garni sur toute sa longueur de folioles aiguës, disposées sur deux rangs, comme les barbes d'une plume. De l'aisselle des feuilles sortent des spathes fort longues, d'une seule pièce, un peu comprimées, s'ouvrant sur leur lon- gueur pour donner passage à une ample paniculeou régime, com- posée de rameaux très-nombreux, fléchis en zigzag, pourvus de fleurs mâles ou femelles, selon les individus; car l'arbre est dioï- que. Les fleurs mâles ont un périanthe à 6 divisions dont 3 exter- nes et 3 internes, et 6 étamines. Les fleurs femelles contiennent trois stigmates distincts et donnent naissance à trois fruits (fig. 346), Fig. 346. — Fleurs du Dattier. mais dont 1 ou 2 avortent le plus souvent. Chacun de ces fruits est une ôûîesupère, de forme elliptique, longue et grosse comme le pouce environ; leur épiderme est mince, rouge jaunâtre et re- couvre une chair solide, d'un goût vineux, sucré et un peu vis- queux. Celte chair renferme une semence composée d'un épis- perme membraneux, lâche, blanc et soyeux, et d'un périsperme très-dur, osseux, oblong, profondément sillonné d'un côté et portant sur le milieu du côté convexe une petite cavité qui ren- ferme l'embryon. C'est de l'Afrique et par la voie de Tunis que nous viennent les meilleures dattes. Il faut les choisir récentes, fermes, demi-trans- parentes et exemptes de mites. On les conserve bien dans un endroit sec et dans un bocal de verre fermé par un simple papier. On apporte aussi de Salé, port du royaume de Fez, des dattes qui sont blanchâtres, petites, sèches, peu sucrées et peu esti- mées. Il en vient en Provence qui sont fort belles, mais qui ne se conservent pas. [M. Morin (i), pharmacien militaire, adonné l'analyse suivante de la datte : (1) Morin, Recueil de Mémoires de médecine et de phar m. milit., juillet 186T. GuiBOURT, Drogues. 7« édit. T. H. — 9 130 VÉGÉTAUX MONOCOTYLEDONES. Eau 43,6 Matières albuminoïdes et pectiques. . . 2,9 Acide gallique et glucose 47,9 Iiiuline ■> traces. Matière grasse 0,4 Cellulose 1,9 Matières minérales 3,3 100,0 On relire encore du dattier du vin en enlevant le bourgeon central, recueillant la sève qui s'écoule par la blessure et la faisant fermenter.] {Semence OU IVoix d'Arec. Cette semence {fig. 347) estproduite par VAreca Catechu^ L. , grand palmier de l'Inde, de Geylan et des îles Moluques. Le tronc de cet Fig. 347. — Seraeuce ou Noix d'Arec. arbre est parfaitement droit, haut de 13 à 14 mètres et couronné par 10 ou 12 feuilles longues de 5 mètres, composées chacune d'un gros pétiole engainant à la base, el de deux rangs de larges folioles plissées en éventail. Les régimes ou les panicules sont au- dessous des feuilles, et ordinairement au nombre de trois ; l'un, supérieur, est composé de fleurs mâles et femelles entourées d'une double spathe; le second porte des fruits verts, et le der- nier des fruits mûrs. Ces fruits sont d'un jaune doré, gros comme un œuf de poule, et renferment sous un brou fibreux une amande arrondie, ovoïde ou conique, suivant les variétés, marbrée à l'intérieur de blanc et de brun, à peu près comme la noix muscade, mais très-dure, cornée el inodore. Cette amande, coupée par tranches, saupou- drée de chaux et enfermée dans une feuille de poivre bétel, forme un masticatoire dont l'usage est répandu chez tous les peuples de rinde, des îles de ia Sonde et des îles Moluques. PALMIERS. i31 M. Morin (de Rouen) a fait l'analyse de l'amande de VArec et en a retiré du tannin, principalement de l'acide gallique, de la gluline, une matière rouge insoluble, de l'huile grasse, de la gomme, de l'oxalate de chaux, du ligneux, etc. (1). La noix d'Arec sert à préparer, dans les provinces méridionales de l'Inde et à Geylan, un cachou très-estimé, qui porte le nom de Coury^ et un autre d'une qualité inférieure, nommé Cassu; je me réserve de les décrire en traitant du caohou produit par V Acacia Catechu, famille des Légumineuses. Cocotier et Huile de coco. Coccos nucifera, L. — Ce palmier habile le voisinage des mers sous les tropiques et à peu près par toute la terre. Sans lui, les îles du Grand Océan Pacifique seraient inhabitables, et les peuples ré- pandus sur l'immensité des plages équaloriales périraient de faim et de soif, et manqueraient de cabanes et de vêtements ; car cet arbre leur fournit du vin, du vinaigre, de l'huile, du sucre, du lait, de la crème, des cordages, de la toile, des vases, du bois de construction, des couvertures de cabanes, etc. C'est donc à bon droit qu'on l'a nommé le Roi des végétaux. Les racines du cocotier sont peu profondes et touffues; la tige, qui n'a pas plus de 4 à 5 décimètres de diamètre, s'élève comme une colonne jusqu'à une hauteur de 20 à 30 mètres, et se termine par une touffe de 12 à 15 feuilles ailées, longues de o à 6 mètres. Les spathes, qui sortent de l'aisselle des feuilles inférieures, donnent naissance à des spadices rameux couverts de fleurs mâles et fe- melles : les premières à six étamines avec un rudiment d'ovaire; les secondes, pourvues d'un ovaire à trois loges dont deux rudi- mentaires et une seule fertile. Le fruit est un drupe ovale ou elliptique et trigone, pouvant avoir le volume de la tête, formé d'un mésocarpe fibreux, recouvrant un endocarpe osseux, percé de trois trous à la base, et renfermant une amande vide à l'inté- rieur, creusée vers la base d'une cavité qui renferme l'embryon. Lorsque ce fruit a atteint sa grosseur, mais avant que l'amande ne soit formée, on le trouve rempli d'un liquide blanc, doux, su- cré, un peu aigrelet et très-rafraîchissant. L'amande, une fois mûre, se mange ; c'est là nourriture la plus ordinaire aux natu- rels de la Polynésie. On en retire par expression près de la moitié de son poids d'une huile incolore, presque aussi fluide et aussi limpide que de l'eau, à la température habituelle des tropiques; mais se solidifiant entre 18 et 16 degrés centigrades, ce qui est (i) Morin (de Rouen) Journal de ■pharmacie, t. VIII, p. Wd. 132 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. cause que nous la voyons souvent blanche, opaque et solide. Cette huile récente sert à la préparation des aliments; mais elle rancit très-facilement et n'est plus alors appliquée qu'à ^éclairage. Elle forme, avec la soude, un savon sec, cassant, moussant extraordi- nairement avec l'eau, et ne pouvant guère être employé que mé- langé avec d'autres savons plus mous et plus onctueux. Le savon de coco, décomposé par un acide, fournit 6 acides gras, savoir : les acides caproïque, caprylique, caprique, laurostéarique, my- ristique et palmitique. Palmier aToira et Huile de palme. Elœis guineensis, — Grand palmier, cullivé également dans la Guinée, en Afrique, et dans la Guyane, en Amérique, où il porte le nom ^'Aouara ou Avoii^a. Les feuilles sont pinnées, à pétioles épineux qui persistent sur la tige. Les tleurs mâles et femelles sont séparée sur des régimes différents, munis d'une double spathe : le calice et la corolle sont à 3 divisions; les étamines sont au nombre de 6, et l'ovaire est à 3 stigmates et à 3 loges dont deux sont oblitérées. Le fruit est un drupe de la grosseur d'une noix et d'un jaune doré, formé d'un sarcocarpe fibreux et huileux, et d'un noyau très-dur qui renferme une amande grasse et solide. Ce fruit contient donc deux huiles différentes et qui sont extraites séparément. L'huile du sarcocarpe est jaune, odorante, toujours liquide en Afrique ou à la Guyane, ce qui fait qu'on lui donne le nom à' huile de palme, et qu'on l'emploie àtousles usages de l'huile; tandis que celle qu'on tire de l'amande est blanche, solide et sert aux mêmes usages que le beurre. Cette dernière, beaucoup moins abondante que l'autre, ne vient pas en Europe ; mais la première est aujourd'hui importée en quantité très-considérable en Angleterre et en France, où elle sert surtout à la fabrication des savons. L'huile de palme, telle que le commerce nous la fournit, est solide, de la consistance du beurre et d'un jaune orangé. Elle présente une saveur douce et parfumée, et une odeur d'iris; elle fond à 29 degrés et est alors très-fluide et d'une couleur orangée foncée ; elle ne cède rien à l'eau froide ou bouillante ; elle se dis- sout à froid dans l'alcool à 40 degrés; elle s'y dissout beaucoup plus à chaud et se précipite en partie par le refroidissement ; elle se dissout en toutes proportions dans l'éther ; elle se saponifie très- facilement par les alcalis, et forme un savon jaune et non rouge, comme cela pouvait avoir lieu lorsque, l'huile de palme étant rare et d'un prix élevé, on en fabriquait d'artificielle avec de Taxonge aromatisée à l'iris et colorée avec du curcuma. Aujourd'hui cette PALMIERS. 133 falsification serait d'autant plus mal inspirée qu'on décolore la plus grande partie de l'huile de palme avant de la saponifier. D'après Pelouze et M. Félix Boudet, l'huile de palme serait formée d'oléine et de margarine, ou, si on l'aime mieux, d'oléate et de margarate de glycérine: mais, d'après MM. Frémy etSten- house, l'huile de palme contient, au lieu de margarine, un autre corps gras qui a reçu le nom de palmitine, fusible, à la vé- rité, à 48 degrés comme la margarine, et fournissant, comme elle, par la saponification, un acide fusible à 60 degrés; mais cet acide palmitique est composé de C32H3:0'» = C32H310'^ + HO, tandis que l'acide margarique = C34H340'* = C8iH3303 -f HO. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'acide palmitique est identique avec l'acide célique ou éthalique du blanc de baleine, et que la palmitine et la cétine diffèrent seulement par la nature de leur base, la première étant un palmitate de glycérine, et la seconde un palmitate d'élhal. Enfin, Pelouze et M. Boudet ont fait l'observation que l'huile de palme pouvait se convertir en acide gras, spontanément et sans le secours d'un alcali. L'huile, en rancissant prend un point de fusion plus élevé, en même temps que la quantité des acides gras augmente. Une huile fusible à 31 degrés a fourni moilié de son poids d'acides gras; une autre, plus ancienne, en contenait les 4/3. Je puis ajouter à cette observation que l'acidification spon- tmée de l'huile de palme est le résultat d'une sorte de fermen- tation qui a besoin, pour se produire, d'un commencement d'al- tération due au contact de l'air. En effet, l'huile de palme récente, fondue et introduite dans des vases pleins et hermétiquement fermés, se conserve indéfiniment avec sa belle couleur orangée, son odeur et ses autres propriétés; mais pour peu que l'air ait d'accès et commence l'altération de l'huile, on voit la décolora- tion et la rancidité s'étendre peu à peu de la surface au restant de la masse et ne s'arrêter que lorsque la transformation est complète. Cette transformation donne lieu à la production d'une certaine quantité de glycérine soluble dans l'eau ; mais, d'après l'observation de Pelouze et de M. Boudet, cette quantité diminue au lieu d'augmenter avec la rancidité de • h-iile, parce que la gly- cérine elle-même se décompose et se change en acide sébacique. i34 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. Ceroxyloii andicola. Indépendamment des matières grasses analogues à l'huile ou à la graisse^ la famille des Palmiers en produit d'autres que l'on peut comparer à la cire ; telles sont la cire du Ceroxylon andicola^ H. B., et celle du Corypha cerifera de Marlius, connu au Brésil sous le nom de Carnauba, Le Ceroxylon andicola est un palmier magnifique, croissant sur les plateaux les plus élevés des Andes du Pérou, et s'élevant lui- même à la hauteur de 60 mètres environ. La substance qu'il pro- duit et qui porte au Pérou le nom de Cera de palma, exsude des feuilles et surtout du tronc de l'arbre, ^à l'endroit des anneaux. Les Indiens l'enlèvent en grattant le tronc avec un couteau et la purifient par la fusion. Cette substance est d'un blanc sale et jau- nâtre, assez dure, poreuse et friable, sans saveur ni odeur. Sui- vant Vauquelin, elle serait formée de 2/3 de résine et de 1/3 seulement de cire; mais, d'après M. Boussingault, elle est com- posée d'une résine soluble dans l'alcool froid, jaunâtre, un peu amère, et d'une autre résine soluble seulement dans l'alcool bouillant et facilement cristallisable, à laquelle il a donné le nom de céroxyline. Caruauba. Copernicea cerifera^ Mart. ; Corypha cerifera, — C'est un des pal- miers les plus utiles du Brésil. Ses racines sont réputées diuréti- ques, ses tiges d'une hauteur moyenne de 16 mètres, sont très- employées comme bois de construction, le fruit et la graine sont comestibles; quant aux feuilles, elles servent à fabriquer des ba- lais, des paniers, des nattes, des chapeaux, et fournissent en outre la cire de Carnauba, dont l'importance industrielle est déjà con- sidérable. On peut estimer la valeur de la cire de chaque récolte annuelle dans la province du Ceara, à 2,500,000 francs : chaque arbre peut donner annuellement 96 feuilles en moyenne, ou 2 kilogrammes de cire. Pour obtenir cette cire, on recueille les feuilles, qui la sécrè- tent sur leur surface ; on les secoue et on obtient ainsi une ma- tière pulvérulente, qu'on fond à une assez forte chaleur. Par le refroidissement on obtient des morceaux de cire jaunâtre, dure^ sèche, cassante, à cassure lisse, luisante et non grenue. D'après les expériences de Brandes, et celles plus récentes de M. Paul Bérard, la cire de carnauba est une des cires végétales qui se rapproche le plus par sa conslilulion chimique de celle que donnent les abeilles. PALMIERS. 135 ^ang^-Drag^on. Résine rouge, insoluble dans l'eau, soluble dans Talcool, dont on connaît plusieurs espèces produites par des arbres fort diffé- rents. Cependant le Sang-dragon le plus usité provient d'un pal- mier du genre des rotangs, nommé par Willdenow Calamus Draco, L. Ces arbres ont un port tout particulier qui leur a fait donner par Rumphius le nom de palmiers- jonc s, et qui consiste en ce que leur tige, grosse comme le pouce ou moins, s'allonge presque sans fm dans quelques espèces, en s'élevant au sommet des plus grands arbres et en passant de l'un à l'autre, de manière à acquérir une longueur de plus de 160 mètres. Les jets flexibles qui les composent, surtout ceux du Calamus viminalis^ W., cou- pés sur une longueur de 12 à 15 pieds, et mis par faisceaux de 50 environ, sont envoyés en Europe, où ils servent à dégorger les conduits d'eau, à faire des badines et à fabriquer différents ouvrages et meubles en /onc, qui unissent la légèreté à la solidité. Les tiges d'une autre espèce, le Calamus scipionum, Lour., for- ment ces belles cannes nommées joncs, d'un seul jet, luisantes, roussâtres, pourvues d'un angle peu marqué. Le Calamus draco, L. en fournit d'autres d'un jaune pâle, de la grosseur du doigt, longues de 3 pieds environ, ce qui est la distance de deux articu- lations. Celles qui proviennent du Calamus verus sont lourdes, jaunâtres, parfaitement rondes, munies de plusieurs nœuds espa- cés d'un pied. Tous les fruits des rotangs sont recouverts d'un péricarpe écail- leux, comme celui des sagouiers, et ressemblent un peu en petit à un cône de pin ; mais celui du Calamus draco, L, est le seul qui soit imprégné, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, d'une résine rouge qui est notre Sang-dragon. Suivant Rumphius, on obtient cette substance en secouant pendant longtemps les fruits dans un sac de toile rude; la résine pulvérisée passe à travers le sac. On la fond à une douce chaleui et on lui donne, â l'aide des mains, la forme de globules que l'on enveloppe dans des feuilles sèches de Licaala spinosa, L., autre espèce de palmier, voisine des Corypha. C'est là la première sorte de Sang-dragon. Ensuite, on concasse les fruits et on les fait bouillir avec de Teau, jusqu'à ce qu'il surnage une matière résineuse que Ton forme en tablettes larges de trois ou quatre doigts; enfin, le marc lui-même, formé des débris de fruils contenant encore une grande quantité de résine, est mis en masses rondes ou aplaties, de 25 à 35 centimètres de diamètre, et constitue le Sang-dragon commun. 136 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. Telle est, suivant Iluraphius, la manière dont on prépare le sang-dragon à Jamby et à Palinbang sur la côte orientale de Su- matra; mais il en vient aussi beaucoup de Banger-Massing, ville située sur la plage méridionale de Bornéo. Cela explique pourquoi, au lieu de trois sortes décrites par Rumphius, on en trouve quatre dans le commerce, en tête desquelles il faut mêaie placer celle dont cet auteur ne parle pas. Sang-dragon en baguettes. — Bâtons longs de 30 à 50 centim. , épais comme le doigt, entourés de feuilles de Licuala, et fixés tout autour au moyen d'une lanière très-mince de tige de rotang. Ce sang-dragon est d'un rouge-brun foncé, opaque, friable, fra- gile, insipide et inodore; sa poudre est d'un rouge-vermillon. J'ai vu autrefois un sang-dragon en masses cylindriques, un peu aplaties, longues de 20 à 30 centim., larges comme deux doigts, qui étaient d'une qualité supérieure encore au précédent. Depuis longtemps, je n'ai pu en retrouver de semblable. D'après Rumphius, le sang-dragon chauffé exhale une odeur analogue à celle du styrax. 11 est possible qu'il jouisse de cette propriété lorsqu'il est récent; mais je n'en ai jamais trouvé qui la possédât; seulement la fumée qu'il dégage irrite fortement la gorge. Plusieurs auteurs, tels que Lewis et Thompson, ont attri- bué cet effet à la présence de l'acide benzoïque. J'avais toujours douté de ce fait, qui paraît cependant confirmé par l'analyse de M. Herberger (1). Sang-dragon en olives ou en globules, de 18 à 20 millim. d'épais- seur, enveloppé d'une feuille de palmier, comme le premier, et disposé en chapelet; toujours inodore, d'un rouge-brun foncé, prenant une belle couleur vermillon par le frottement ou la pul- vérisation. Ce sang-dragon, de même que les précédents, répond à la première sorte de Rumphius. Sang-dragon en masse. — Cette sorte est en pains d'un poids assez considérable, d'un rouge vif, contenant une grande quantité de débris des fruits de Calamus broyés. 11 répond à la dernière sorte de Rumphius. Il est employé avec beaucoup d'avantage comme matière colorante ; mais il doit être rejeté des compositions pharmaceutiques. Sang-dragon en galettes^ ou en pains orbiculaires et plats, de 8 à 11 centimètres de diamètre; d'un rouge assez pâle, avec un ommencement de demi-transparence. Ce sang-dragon est évi- demment celui qui vient nager à la surface de l'eau, lorsqu'on soumet à l'ébullition les fruits de Calamus broyés. 11 doit sa demi-transparence à la matière grasse des amandes qui s'y (I) Herberger, Journal de pharmacie, t. XVII, p. 255. PALMIERS. 137 trouve contenue ; il est très-inférieur au précédent pour la qualité, malgré sa pureté apparente et Tabsence des débris de fruits. Sang-dragon faux. — Mélange frauduleux et ignoble de résine commune, colorée avec de la brique pilée, de l'ocre rouge, ou un peu de sang-dragon. On le laisse en masse, ou on le divise en gros globules que Ton enveloppe d'une feuille de roseau, et que Ton fixe avec une ficelle de chanvre. Ce prétendu sang-dragon, écrasé, prend une couleur faiblement rouge et blanchâtre, et dé- veloppe une odeur de poix-résine, caractère certain de sa falsifi- cation. Sang-dragon du Dracœna draco. — On lit dans tous les auteurs qu'une partie du sang-dragon du commerce est fournie par le Dracœna DracOj L., arbre de la famille des Asparaginées, qui croît aux îles Canaries, où il peut vivre pendant des siècles, en acqué- rant des dimensions gigantesques. Une description de cet arbre (1) fait, en effet, mention d'un suc rouge, obtenu par incision, de la nature du sang-dragon, et qui paraît avoir été exploité par les Espagnols, dans les premiers temps de leur domination; mais depuis très-longtemps on a cessé de le récolter, et même aux îles Canaries il est impossible aujourd'hui de s'en procurer la moindre quantité. Le Dracama Draco ne contribue donc en rien à la production du sang-dragon du commerce. Sang-dragon du Pterocarpus Draco, L. — Je dois à l'obligeance de M. Fougeron , ancien pharmacien à Orléans, une espèce de sang-dragon en larmes^ qui venait en ligne directe des Antilles, où je suppose qu'il a été produit par le Pterocarpus Di^aco^ L. (2). Ce sang-dragon dont l'Écluse a déjà fait mention, comme venant de Carthagène, en Amérique, est en petites masses irrégulières, comme formées par une matière demi-liquide qui serait tombée sur un corps froid ; il est couvert d'une poussière rouge, offre une cassure brune vitreuse, et est opaque dans ses fragments les plus minces. De môme que le sang-dragon des Moluques, il est insi- pide, inodore, insoluble dans l'eau et soluble dans l'alcool. Il s'en dislingue seulement parce que sa teinture alcoolique n'est pas précipitée par l'ammoniaque, de même que la teinture de santal rouge; tandis que le soluté alcoolique du sang-dragon des Molu- ques est précipité par ce réactif. On lit dans les anciens auteurs que le nom de sang-dimgon a été donné à cette résine, à cause de sa couleur, et parce que le fruit de l'arbre offre dans son intérieur la figure d'un dragon. Ce sont (1) Ann. des sciences naturelles^ t. XIV, p. 137. (2) Journal de chim.7/iédic.,i. VI, p. 7i4. 138 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. les Pterocarpiis seuls, cl en particulier le Pterocarpus indiens (1), qui présentent quelque chose de cette image dans leurs fruits cir- culaires et membraneux. Le Sagou est une fécule qui est sous la forme de petits grains arrondis, blanchâtres, grisâtres, ou rougeâtres, très-durs, élasti- ques, demi-transparents, difficiles à broyer et à p.ulvériser, sans odeur et d'une saveur fade et douceâtre. Il est apporté principa- lement des îles Moluques, des îles Philippines, de la Nouvelle- Guinée, et quelquefois aussi de l'Inde et des îles Maldives, et Ton cite comme pouvant le produire les Cycas circinalis et remluta, et plusieurs palmiers, tels que VAreca olemcea, le Phœnix farinifera, VArenga saccharifera et surtout les Sagiis genuina et farinifera^ qui sont des palmiers pourvus de fruits recouverls d'un péricarpe à écailles soudées, comme ceux des Calamus. A une aussi grande distance des lieux, il est difficile de décider, entre ces arbres, quels sont ceux qui produisent véritablement les sagous du com- merce ; car il y en a plusieurs espèces. Planche, dans un mémoire inséré parmi ceux de l'Académie de médecine, en a décrit six variétés qu'il a désignées surtout par leur lieu d'origine. Préférant les classer d'après leur nature, j'en distingue seulement trois es- pèces. Première espèce. Sagou ancien ou sagou premier. — Je ne puis désigner autrement cette espèce qui provient de bien des lieux différents et affecte des couleurs très-variées; ce sagou comprend : 1° Le sagou des Maldives de Planche, en globules sphériques, de 2 à 3 millimètres de diamètre, translucides, d'un blanc rosé iné- gal, très-durs et insipides. 2° Le sagou de la Nouvelle-Guinée du même, en globules un peu plus petits, d'un rouge vif d'un côté et blanc de l'autre. Tous les sagous colorés présentent, comme on le sait, cette disposition. 3*^ Le sagou gris des Moluques ou Brown sago des Anglais ; en glo- bules variables, de I à 3 millimètres de diamètre, opaques, d'une couleur grisâtre, terne d'un côté, blanchâtre de l'autre. Je pense que cette couleur grisâtre n'est pas naturelle, et qu'elle provient de l'altération de la couleur rose primitive; altération causée par le temps et l'humidité. 4° Le gros sagou gris des Moluques. — Entièrement semblable au précédent, si ce n'est qu'il est en globules de 4 à 8 millimètres de diamètre. 5° Le vrai sagou blanc des Moluques. — Tout à fait semblable au (1) Rumphius, Herbarium Amhoinense. Amstelodami, 1750, t. II, tabl. 70. PALMIERS. 139 n° 3, si ce n'est qu'il est d'une blancheur parfaite due au lavage complet de la fécule qui a servi à le fabriquer (I ). Quels que soient le lieu d'origine et la couleur de ces sagous, voici quels sont leurs caractères : Globules arrondis, généralement sphériques, tous isolés, très- durs, élastiques, difficiles à broyer et à pulvériser. Les globules mis à tremper dans l'eau doublent généralement de volume, mais ne contractent aucune adhérence entre eux. Les granules qui les composent, isolés les uns des autres par l'agitation du liquide, et colorés par l'iode, se présentent au mi- croscope sous une forme ovoïde, ou elliptique, ou elliptique al- longée {ftg. 348). Les grains elliptiques sont souvent 11 ^ kj €^ rétrécis en forme de col à /J^ une extrémité, et ce col ^ ^ est quelquefois incliné sur ^ | l'axe. Les granules parais- ^ sent souvent coupés par un plan perpendiculaire à ^ U \3 ^ l'axe ou par deux ou trois Plg. 348. — Granules de Sagou. plans inclinés entre eux. Cette disposition est semblable à celle de la fécule du Tacca pinnatifida ; mais celle-ci est généralement sphérique, tandis que la fécule du sagou est presque toujours allongée. Le bile est dilaté. L'eau dans laquelle on a fait macérer le vrai sagou, étant fil- trée, ne se colore pas par l'iode. Après une ébuUition de plus d'une heure dans une grande quantité d'eau, la fécule du sagou laisse un résidu considérable, dense et facile à séparer du liquide ; ce résidu, coloré par l'iode et vu au microscope, paraît formé de té- guments très-denses, presque entiers ou lacérés, colorés en blanc ou en violet, et de débris parencbymateux, très-denses égale- ment, colorés en violet. Ce s^agou me paraît être celui qui est préparé aux îles Moluques avec la moelle du Sagus farinaria de Rumphius {fîg. 349), qui est différent du Sagus farinaria de Gœrlner, et que Willdenow a nommé Sagus Rumphii^ et Labillardière, Sagus genuina. Cet arbre s'élève à la hauteur de 30 pieds et acquiert un tronc assez gros pour qu'un homme ne puisse pas l'embrasser, il est bon à abattre lorsque ses feuilles se recouvrent d'une farine blanchâtre, ou (1) Il ne faut pas confondre ce sagou blanc qui vient quelquefois de l'Inde ou des Moluques, non plus que le sagou ronge de la Nouvelle-Guinée et le sagou gris des Moluques, avec les faux sagous de fécule de pommes de terre, que l'on fait à volonté blancs, rouges ou gris, et qui imitent parfaitement les vrais sagous. Le sagou de fécule de pommes de terre se reconnaît toujours facilement à sou goût (le fécule. 140 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. lorsqu'en retirant un peu de moelle avec une tarière, cette moelle laisse précipiter de l'amidon par sa division dans Teau. L'arbre élan! abattu, on en coune la tige par tronçons ; on fend ces tron- ^^ Fis:. 349. — Sagou. çons par quartiers, et on en arrache la moelle, qui est ensuite écrasée et délayée dans l'eau. Après avoir passé Teau trouble à travers un tamis clair, on la laisse reposer ; on la décante lors- qu'elle est éclaircie, et Ton fait sécher la fécule à l'ombre: alors elle est très-blanche et très-fine. Les Moluquois emploient cette fécule à faire du pain et quelques mets agréables et nourrissants. Ce n'est guère que pour l'envoyer à l'extérieur qu'ils lui donnent la forme que nous lui connaissons, et même ils paraissent s'être avisés assez tard de lui faire subir celte préparation; car Rum- phius, quoiqu'on ait souvent imprimé le contraire, n'en fait pas mention, et le sagou n'a été connu en Angleterre qu'en 1729; en France, en 1740; en Allemagne, en 1744 : Lemery n'en parle pas. Pour donner au sagou la forme qu'on voit, les Moluquois font sans doute passera travers une platine perforée la pâte féculente, en partie desséchée, dont j'ai parlé tou-t à l'heure ; parce moyen ils la réduisent en petits grains, dont ils obtiennent la dessicca- PALMIERS. 14i tion en les agitant sur des bassines plates, légèrement chauffées. Suivant d'autres personnes, ce serait la moelle même de l'arbre qui, en se desséchant à l'air, se diviserait en petits grains arron- dis ; mais cette opinion est contredite par l'examen microscopi- que qui montre le sagou entièrement composé de granules d'ami- don tous entiers et seulement soudés ensemble et diversement comprimés. Pareillement, beaucoup de personnes admettent encore que le sagou doit sa couleur rousse inégale à un commencement de tor- réfaction ; mais l'intégrité des granules montre que la chaleur a été très-modérée, et j'attribue plutôt cette coloration à un prin- cipe étranger à la fécule et qui n'a pas été complètement enlevé par le lavage. J'ai d'ailleurs indiqué plus haut que la couleur na- turelle du sagou coloré est rouge ou rose et non rousse, et que la couleur grise des vieux sagous du commerce provient d'une al- tération de la couleur rouge primitive. Deuxième espèce. Sagou deuxième. — Cette espèce correspond au Sagou rosé des Moluques de Planche ; il est en globules très- petits, moins réguliers que ceux du premiei:* sagou, et quelquefois soudés ensemble au nombre de 2 ou 3 ; trempé dans l'eau, il aug- mente de plus du double de son volume et l'eau paraît un peu mucilagineuse ; cependant elle ne se colore pas sensiblement par l'iode. Les grains de fécule isolés ont exactement la même forme que ceux du sagou n° 1, mais ils résistent moins à la coction dans l'eau. Après une heure d'ébullition, le liquide offre en suspen- sion des parties de parenchyme amylacé, qui se colorent en violet rougeâtre par l'iode et qui offrent souvent un point opa- que et plus fortement coloré au centre. Par le repos, il se forme au fond du liquide un dépôt plus dense, qui offre en outre des fragments de téguments membraneux, plissés, denses et colorés en violet, et d'autres téguments moins altérés, qui se présentent sous forme d'outrés creuses, déchirées sur plusieurs points de leur surface et d'un bleu-violet. Troisième espèce. Sagou-tapioka, — Je donne ce nom à cette espèce de sagou, aujourd'hui très-répandue dans le commerce, parce qu'elle est exactement, à la fécule primitive du sagou et même aux sagous précédents, ce que le tapioka est à la mous- sache, qui est la fécule du manioc. C'est-à-dire que tandis que les deux sagous précédents, quoi qu'on en ait dit, n'ont été ni tor- réfiés, ni cuits, ce qui est prouvé par l'intégrité de la presque tota- lité des grains de fécule ; le sagou-tapioka a subi l'action du feu, à l'état de pâte humide; de là l'explication facile de toutes ses propriétés. Ce sagou n'est pas en globules sphériques comme les deux Ii2 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. précédents, ou du moins les globules spliériques y sont très-peu nombreux : il est plutôt sous forme de très-petites masses tubercu- leuses irrégulières, formées par la soudure d'un nombre variable des premiers globules. Mis à tremper dans l'eau, il s'y gonfle beaucoup, et se prend en une masse pâteuse, blancbe et opaque ; en ajoutant une plus grande quantité d'eau, il se divise davantage et se dissout en partie. La liqueur filtrée bleuit fortement par l'iode. La li- ""^^ ^^'^^"^^^i/^ queur non filtrée, examinée au mi- Fig. 350. — sagou-tapioka. croscopc, offrc dcs graius entiers de fécule, semblables à ceux du vrai sagou, plus un grand nombre de téguments rompus et déchirés {fig. 350}. Un peu de cette fécule soumise à une coction d'une heure, dans une grande quantité d'eau, se conduit comme celle du sagou n° 2. La facilité avec laquelle le sagou-tapioka se gonfle et se divise par l'eau, le fait aujourd'hui préférer, comme aliment, à l'ancien sagou. Il a été décrit par Planche (I) sous le nom de Sagou blanc des Moluques, et par Pereirasous celui de Sagou perlé (pearl sago). M. Joubert, négociant français établi à Sydney, m'en a remis un échantillon en me disant qu'il était originaire de Taïti. De là j'ai cru pendant quelque temps que ce sagou était le tapioka de la fé- cule du Tacca pinnatifida ; mais il est certain qu'il n'en est pas ainsi, et que la fécule du troisième sagou, bien différente de celle du Tacca pinnatifida, se rapproche beaucoup plus de celle des deux premières espèces de sagou. i\oix de palmier. Tagua ou caheza de negro (tête de nègre) ; morphil ou ivoire vé- gétal. — On donne ces différents noms à des semences grosses comme de petites pommes, arrondies d'un côté, anguleuses et un peu allongées en pointe de l'autre, composées d'un épisperme assez épais, dur et cassant, et d'un endosperme blanc opaque, très-dur, susceptible d'être tourné, taillé et poli comme l'ivoire. Aussi les emploie-t-on pour en faire des pommes de cannes et toutes sortes de petits objets de tabletterie. Ces semences vien- nent du Pérou, où elles sont produites par un arbrisseau élégant [Phytelephas macrocarpa R. P., Elephantusia macrocarpa, W.) (l) VXd^nchQ, Recherches pour servira l'histoire du sagou {Mémoire de V Aca- démie de médecine. Paris, 1837, t. VI, p. G05). COLCHICACÉES. — - COLCHIQUE D'AUTOMNE. 143 qui a le port d'un petit palmier, mais qui a plus de rapports avec la famille des Pandanées. Le fruit entier est très-gros, hé- rissé, en forme de tête, composé de drupes agrégés, à quatre loges monospermes. Avant leur maturité, les loges sont rem- plies d'une liqueur d'abord transparente, ensuite laiteuse et d'une saveur agréable , qui est d'un grand secours pour les voyageurs. Peu à peu cette liqueur se condense et s'organise en un péri- sperme fort dur, ainsi qu'il a été dit. FAMILLE DES COLCHICACÉES. Mélanthacées de R. Brown. Plantes à souche bulbeuse, tubéreuse ou quelquefois formée en rhizome horizontal. Tige simple ou scapiforme; feuilles tantôt toutes radicales et ramassées, tantôt caulinaires et alter- nes, tantôt graminées ou sétacées, d'autres fois élargies, nerveuses^, très-entières; fleurs complètes ou incomplètes, régulières, à périgone corolliforme, à six divisions distinctes ou soudées en tubes ; six étamines opposées aux divisions du périgone, à filets libres, à anthères bilocu- laires exlrorses ; ovaire libre, formé de trois carpelles plus ou moins soudés et surmontés chacun d'un style terminé par un stigmate glan- duleux. Le fruit est une capsule à trois loges folliculeuscs, plus ou moins distinctes et s'ouvrant par une suture ventrale. Les semences sont nombreuses, couvertes d'un épisperme membraneux, surmonté quel- quefois vers le hile d'un tubercule plus ou moins volumineux. L'endosperme est charnu ou cartilagineux, contenant un embryon cylindrique, placé vers le point opposé au hile. Les Cokhicacées sont divisées en deux tribus : 1° Les Véralrées : tiges scapiformes, souvent pourvues de feuilles; fleurs en grappes ou en épis; styles courts; stigmates peu distincts: divisions du périgone libres, sessiles ou courtement onguiculées, ou bien soudées par le bas en un tube très-court. Genres HeloniaS) Schœ- nocauloUj Veratrum, Melanthium, etc. 2° Le?> Colchicées : acaules, fleurs nées d'un collet souterrain; styles grêles, libres ou plus ou moins soudés; folioles du périgone longue- ment onguiculées, onglets le plus souvent soudés en un tube. Genres Biilbocodiumj Cokhicum, etc. Les plantes de la famille des Golchicacées sont généralement très-âcres, purgatives, vomitives, et doivent être employées avec une grantle prudence. Les plus usitées sont le Colchique d'au- tomne, VHermodacte, V Ellébore blanc et la Céoadille. Colcbique d^àutomne. Colchicum autumnale. — Cette plante est composée d'abord d'un tubercule charnu et amylacé (faux bulbe), enveloppé dans un petit nombre de tuniques brunes, foliacées ; ce tubercule est assez i44 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. profondément enfoncé dans la terre. A la partie inférieure on observe, comme dans les vrais bulbes, un collet et des radicules. En enlevant les tuniques brunes, on trouve comme trois liges courtes, dont deux à fleurs et une à feuilles. Les tiges à fleurs sont enveloppées chacune d'une spalhe et sont enfermées. Fi g. 3bl. — Colchique d'automne. presque jusqu'au limbe de la fleur et jusqu'à la surface du sol, dans le prolongement supérieur de la tunique brune. L'une des spathes, c'est la plus développée, part immédiatement du collet inférieur, et monte extérieurement le long du corps amylacé qui est creusé pour la recevoir. L'autre spathe, plus petite, est due à un petit bulbe qui se forme au milieu du côté opposé ; quant à la tige à feuilles, elle part directement du sommet du corps charnu et se confond d'un côté avec la tunique extérieure. Le Colchique est commun dans les prés et les pâturages d'une grande partie de l'Europe. Ses fleurs paraissent à l'automne. Elles partent, comme on l'a vu, du collet de la plante, et sont formées d'un périgone {ficj. 332) à tube très-allongé terminé par un limbe à six divisions qui viennent s'é- panouir à la surface du sol. Les étamines sont insérées au haut du tube du périgone. Les 3 ovaires soudés sont situés, au contraire, au fond du tube et sont surmontés de 3 styles très- longs, terminés chacun par 1 stigmate en massue. Ce n'est qu'au Fig. 352. Diagramme du Colchique. COLCllICACEES. — COLCHIQUE D'AUTOMNE. 143 printemps suivant que les feuilles se développent et que les fruits paraissent au milieu d'elles. Ceux-ci sont formés d'une capsule à 3 loges, s'ouvrant par le côté interne et contenant un grand nombre de semences globuleuses, d'un brun noirâtre, rugueuses à la surface, plus grosses que celles du colza, et d'une saveur amère suivie d'une âcreté très-marquée. L'endosperme est corné, élastique et très-difficile à pulvériser. Le tubercule de colchique, tel que le commerce le présente, est un corps ovoïde {fig, 352), de la grosseur d'un marron, con- vexe d'un côté et présen- tant une cicatrice due à la petite tige; creusé longitudinalement de l'au- tre ; d'un gris jaunâtre à l'extérieur et marqué de sillons uniformes cau- sés par la dessiccation ; blanc et farineux à l'inté- Fig. .io3. — Tubercule de colchique. rieur ; d'une odeur nulle, d'une saveur acre et mordicante. Cette saveur indique que Le tu- bercule sec est loin d'être dépourvu de propriétés médicales; ce- pendant Storck et les autres médecins qui, d'après lui, ont con- seillé l'usage du colchique, recommandent de l'employer récent. C'est également sous cet état que, d'après M. Want, chirurgien anglais, on doit s'en servir pour préparer la teinture anti-arthriti- que dite eau médicinale (ïHusson (1). Pelletier et M. J.-B. Gaventou ont retiré du tubercule de col- chique: 1° une matière grasse composée d'élaïne, de stéarine et d'un acide volatil particulier; 2° un alcali végétal qu'ils ont cru être semblable à celui trouvé dans la racine d'ellébore blanc {Veratrum album) et dans la cévadille, et auquel en conséquence ils ont donné le nom de Vératrine; 3° une matière colorante jaune ; 4" de la gomme; 5° de l'amidon; 6" de l'inuline en abondance; 7° du ligneux (2). Postérieurement MM. Hesse et Geiger ont annoncé que l'alca- loïde du tubarcule et des semences du colchique différait de la vératrine et lui ont donné le nom de Colchicine. [Depuis lors, MM. Oberlin, Ludwig, Hubler (1864), ont repris l'étude de ce corps et ont donné un moyen de l'obtenir à un plus grand état de pureté. La. colchicine préparée par le procédé de Hubler est sous forme d'un vernis sec, à odeur de foin, à saveur très amère, donnant dans l'eau et dans l'alcool [une dissolution jaune. Sa (1) Want, Ann. de chimie^ t. XCIV, p. 334. (2) Pelletier et Caventou, A7in. cftim. etphys., t. XIV, p. 82. GoiBOURT, Drogues, 7e édit. T. II. — 10 146 VÉGÉTAUX MONOCOTYLEDONES. formule est C^*H*^AzO^*^, ne différant de celle de l'atropine que par 0^ en plus, et H^ en moins. Oberlin refusait ralcalinilé à cette substance: mais de nouvelles recherches (1) rectifient cette opi- nion et attribuent à ce corps une faible basicité. Sous l'influence des acides, la colchicine se transforme en colchicéine, qui est un acide faible, isomère de la colchicine, un peu moins amer qu'elle, et prenant bientôt à l'air une coloration brune. La colchicine se trouve dans les graines de colchique, même en quantité plus considérable que dans les tubercules: on en a retiré de 0,2 ou 0,3 pour 100, tandis que les tubercules secs, récoltés en automne au moment de leur plus grande activité, n'en ont donné que 0,05. Les fleurs sèches sont aussi vénéneuses, elles contiennent 0,25 de principe actif.] Tubercule d'Hermodactc. Ce tubercule {/îg. 353), inconnu aux anciens Grecs, paraît avoir été mis en usage par les Arabes. C'est évidemment une espèce de colchique qui nous vient d'Egypte, de Syrie et de l'Anatolie ; mais sa patrie paraît être surtout la Syrie. Il est formé d'un corps lubéreux, amylacé, ayant la forme d'un cœur, marqué à la partie inférieure du côté convexe, des vestiges d'un plateau de bulbe ordinaire ; il est creusé profondément et dans toute sa longueur de l'autre côté, et présente au bas du sillon une cicatrice qui in- dique le point d'insertion de la tige principale. Sur la par- tie convexe se trouve une se- conde cicatrice causée par l'in- sertion du jeune bulbe ; enfin le sommet du tubercule offre une dernière cicatrice d'oii devaient s'élever les feuilles: comme on le voit, cette orga- nisation est exactement celle du colchique. Cependant le tu- bercule d'hermodacte est facile à distinguer de celui du colchi- que. Il est beaucoup plus blanc, non ridé à l'extérieur, d'une saveur douceâtre, un peu mucilagineuse et un peu acre. Il est légèrement purgatif et entre dans la composition des électuaires diaphœnix, caryocostin, et des tablettes diacarthami. On a pré- tendu que les Égyptiennes en mangeaient pour acquérir de l'em- bonpoint. [C'est probablement au Colchicum bulbocoides que doit se rapporter cette assertion.] Les auteurs qui ont écrit le plus récemment sur la matière (J) Voir American journal of pharmacy, 1867. Fig. 354. — Tubercule d'hermodacte. COLCIIICACÉES. — TUBERCULE D'IlERiMODACTE. 147 médicale, sont tombés dans une grande confusion au sujet de la plante qui produit l'hermodacte : l'un d'eux blâme avec raison Linné d'avoir attribué ce tubercule à Ylristuberosa^ L. ; il pense qu'il est fourni par le Colchicum vaiiegatum, L.,et il donne à l'appui de cette opinion la description et la figure d'une plante que Mat- thiole avait reçue de Constantinople sous le nom d'Hei^modacte. Or la plante nommée par Matthiole Hermodactylus verus, loin d'être le Colchicum variegatum^ n'est autre que V Iris tuberosa, L. Un au- tre, qui veut absolument que le tubercule amylacé du colchique soit un oignon, trouve que l'hermodacte est une racine ligneuse semblable à celle des iris, et il appuie en conséquence l'opinion de Linné et de Tournefort, que cette substance est due à Y Iris tube- rasa, L. contre celle de Matthiole que c'est un colchique. Il y a là beaucoup d'erreurs en peu de mots. Matthiole est le premierauteur de cette confusion : voulant tou- jours prouver que nous n'avons pas les véritables drogues des anciens, pour lui noire hermodacte est un faux hermodacte qui ne diffère pas du colchique vulgaire, et il accuse vertement d'â- nerie ceux qui se permettent de l'employer, bien qu'il reconnaisse qu'il n'est pas aussi actif que le colchique. Ayant ensuite reçu deux plantes de Constantinople, il décrit l'une sous le nom de Colchique oriental, ei l'autre sous celui â'Hermodacte vrai, -pour deux raisons, dit-il : la première est que cette plante est ainsi nom- mée à Constantinople, et la seconde est que sa racine est formée de plusieurs tubercules digités qui paraissent avoir donné lieu au nom &' Hermodacte (doigt d'Hermès). Si l'on réfléchit cependant que Sérapion a traité de l'Hermodacte dans le même chapitre que du colchique; que Lobel a reçu d'Alep de Syrie la plante à l'her- modacte, et qu'il l'a décrite et figurée comme étant le Colchicum illyricum d'Anguillara (I) ; que Tournefort a trouvé l'hermodacte en Asie avec les feuilles et les fruits d'un colchique (2) ; que Gro- nowius l'a insérée, dans sa flore d'Orient, sous le nom déjà donné Aq Colchicum illyricum; enfin que l'hermodacte des officines n'a jamais été autre chose qu'une espèce de colchique, il deviendra probable que Matthiole a appliqué par erreur à VIris tuberosa, L. le nom qui devait être donné à son Colchicum orientale. Au ioidi\,VBermodact y lus verus de Matthiole (Iris tuberosa, L.) ne produit pas notre hermodacte officinal. Celui-ci provient, d'a- près Lobel et Gronowius, et d'après Miller et Forskal, cités par Linné, du Colchicum illyricum d'Anguillara; tandis que, suivant Murray (3), Miller l'aurait attribué au Colchicum variegatuyn. (1) Lobel, Plantar. Bht. Antverpiaî, 1650, p. 71. (2) Geoffroy, Traité de la Mat. méd. Paris, 1743-6'?. (3) Murray, Apparut., y. 215. 148 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. [M. J.-E. Planchon a montré que la première espèce {C, il- hjrlcum^ Lob.) est une plante tout imaginaire, formée d'éléments hétérogènes et qui est due à une méprise de Lobel. Il conclut de ses recherches que c'est au Colchicum variegatum, L., qu*il faut, selon toutes les probabilités, rapporter V Hermodacte officinal {{).] Racine d'Ellébore blanc. Veratrum album L. — Car, gén.: fleurs hermaphrodites et fleurs mâles avec un rudiment de pistil; périgone à 6 divisions très- Fig. o55. — Ellébore blanc. profondes, persistantes. 6 étamines à filaments appliqués par leur base contre les ovaires ; anthères biloculaires ; 3 ovaires supè- res, soudés entre eux du côté interne, ovales-oblongs, amincis par le haut et terminés par 3 styles divergents et en forme de (1) J. E. Planchon, Des Hermodacle'', aupoiiit de vue botaràque et pharmaceu- tique. Thèses de l'École de pharmacie de Paris, 185G, COLGHICàCÉES. — RACINE D ELLÉBORE BLANC. 149 cornes. 3 capsules soudées par le bas, se séparant par le haut et s'ouvrant du côté interne ; semences nombreuses, comprimées. dont le testa (1) est prolongé en aile au-dessus du raphé qui joint l'ombilic basilaireà la chalaze apiculaire. Car. spéc. : grappe droite, rameuse et paniculée ; bractées des rameaux de la longueur des pédoncules; pétales redressés, exca- vés à la base, élargis par le haut et dentés en scie. Cette plante, d'un port élégant, est pourvue d'un rhizome vertical qui se prolonge en une tige haute de 6 à 10 décimètres, enveloppée à sa partie inférieure par un grand nombre de feuilles grandes, larges, molles, plissées dans leur longueur, un peu ve- lues. Elle porte en outre d'autres feuilles caulinaires plus espacées et plus petites, et au haut de la lige une longue grappe rameuse de fleurs d'un blanc verdâtre. Sa souche est composée d'un corps principal assez volumineux, garni de beaucoup de radicules blanches. Cette souche, telle qu'on nous l'apporte sèche de la Suisse, est sous la forme d'un cône tronqué de 27 millimètres environ de diamètre moyen, et de 5 à 8 centimètres de long. Elle est blanche à l'intérieur, noire et ridée au dehors; elle est privée ou garnie de ses radicules, qui sont très-nombreuses, longues de 8 à 10 centimètres, grosses comme une plume de corbeau, blanches à l'intérieur, jaunâtres à l'extérieur. Toute la racine est douée d'une saveur d'abord douceâtre et mêlée d'amertume, qui devient bientôt acre et corrosive. Elle a dans son ensemble quelque res- semblance avec la racine d'asperge, mais les radicules de celle-ci sont plus longues, à moins qu'elles n'aient été coupées, plus flasques, rarement sèches, d'une saveur qui n'est qu'un peu sucrée et amère ; de plus, sa souche n'est ni conique ni compacte comme celle de l'ellébore blanc. La racine d'ellébore blanc est un vomitif et un purgatif drasti- que des plus violents. Elle n'est plus guère usitée qu'à l'extérieur, dans les maladies pédiculaires et cutanées. Sa pulvérisation est dangereuse. On emploie concurremment avec elle, à ce qu'il paraît, la racine du Veratrum lobelianum^h., plante qui n'est qu'une variété de la précédente et qui jouit des mêmes propriétés. Pelletier et M. J.-B. Gaventou ont retiré de la racine d'Ellébore blanc : une matière grasse composée d'élaïne, de stéarine et d'un acide volatil; du gallate acide de vératrine, une matière colorante jaune, de l'amidon, du ligneux, de la gomme (2). [La Vératrine se trouve surtout dans les radicules latérales et dans les couches extérieures du rhizome. (1) Tunique externo de l'épisperme ou enveloppe de la graine. (2) Pelletier et Gaventou, Ann. de phys. et de chimie., t. XIV, p. 81. 150 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. On y rencontre aussi un autre alcaloïde nommé Jervine, dé- couvert par Simon; c'est une substance cristalline, incolore^ à peu près insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, formant avec les acides chlorhydrique, azotique et sulfurique des sels so- lubles dans l'eau. On emploie en Amérique le rhizome du Veratrum viride^ espèce très-rapprochée de notre Veratrum album et qui a les mêmes pro- priétés.] Racine de Vî-ratre noir. Veratrum nigrum L. Cette espèce diffère de la précédente par ses fleurs dont les sépales sont d'un pourpre noirâtre, Irès-ou- verts, à peine dentelés, et par ses bractées plus longues que les pédoncules. Sa racine, telle qu'elle a été récoltée dans le jardin de l'École, n'offre, au-dessous du bulbe foliacé qui termine la tige par le bas, qu'un trongon très-court, garni d'un grand nombre de radicules imprégnées d'un principe colorant jaune beaucoup plus abondant que dans le Veratrum album. Il est probable que ce sont les propriétés énergiques et délé- tères du Veratrum mgrmn(\m ont faitattribuer à la racine d'Ellé- bore noir des officines [Helleborus niger^ Renonculacées) une acti- vité qu'elle est bien loin de présenter. CéTadille. Cette plante croît au Mexique : son nom, qui signifie petit orge (de cebada^ orge), lui a été donné à cause de ses feuilles sembla- bles à celles d'une graminée, et de ses fruits qui sont presque disposés en épi le long d'un pédoncule commun, ce cjui lui donne, au total, une certaine ressemblance avec l'orge. Ce sont les fruits seuls qui parviennent en Europe. La plante du Mexique, décrite d'abord par Schlechtcndahl sous le nom de Veratrum officinale, a été nommée par M. Don Helonias officinalis^ par M. Lindley Asagrœa officinalis, enfin par M. Gray Schœnocaulon officinale. Elle est bulbeuse par le bas, pourvue d'une tige haute de 18 décimètres et de feuilles li- néaires, longues de 12 décimètres. Les fleurs forment une grappe simple, dense, spiciforme, longue de 45 centimètres. Elles sont hermaphrodites (Gray) ou polygames (Lindley), très-courtement pédonculées, dressées contre l'axe et accompagnées chacune d'une bractée. Le périgone est herbacé, à six divisions linéaires obtuses, excavées à la base, presque distinctes, dressées, persis- tantes. Les étamines sont alternativement plus courtes, à an- thères reniformes, sous-uniloculaires, peltées après la féconda- tion. Les ovaires sont au nombre de trois, atténués en un style COLCriICAGEES. — CÉVADILLE. loi très-court et terminés par un stigmate peu apparent. 3 capsules acuminées, papyriformes ; semences en forme de cimeterre, ri- dées, ailées supérieurement. Au total, il est visible que cette plante diffère plus des Verati^um par son port que par ses carac- tères de fructification, et que le nom de Veratrum officinale pour- rait bien lui suffire. [D'après M. Schaft'ner, pharmacien à Mexico, la Cévadille pour- rait aussi être fournie par quelques autres espèces : et particuliè- rement le Veratrum Sabadilla de Retz, plante qui croît aux An- tilles et dans les terres chaudes du Mexique. Le fruit de ce Ve- ratrum se distingue de la vraie cévadille par sa forme plus ar- rondie, sa couleur plus foncée, et ses divisions ovales non ai- guës. On ne le rencontre que rarement dans la cévadille offi- cinale, et c'est à tort qu'on a rapporté longtemps à ce Vera- trum Sabadilla la cévadille des pharmacies (1),] Le fruit de la cévadille, tel que le commerce le fournit, est formé d'une capsule à trois loges ouvertes par le haut; mince, lé- gère, d'un gris rougeâtre, cha- que loge renfermant un petit nombre de semences noirâtres, allongées, pointues et recour- bées en sabre par le haut. Ces semences sont très- acres, amères, fortement sternutatoires, exci- tent la salivation et sont très-purgatives et très-irritantes à l'in- térieur; aussi la cévadille n'est-elle plus guère usitée qu'à l'exté- rieur pour détruire la vermine, et dans les laboratoires de chimie pour l'extraction de la vératrine. Pour obtenir la vétratrine, Pelletier et Caventou ont ajouté de l*acétate de plomb à un décodé aqueux de cévadille, afin d'en séparer l'acide gallique et la matière colorante. Ils ont fait passer dans la liqueur filtrée du gaz sulfhydrique pour précipiter l'excès de plomb ajouté, et ont traité la liqueur filtrée par un excès de Fig. 356. — Cévadrtle. (1) Voir Guiboui't, Observations sur les productions du Mexique {Journal de pharmacie ci de chimie, août 1866, -i" série, t. IV, p. 101). 152 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. magnésie calcinée qui en a précipité la véralrine. Le précipité a été traité par l'alcool bouillant, et la vératrine a été obtenue par révaporalion partielle du véhicule. La vératrine ainsi obtenue est blanche, pulvérulente, inodore, d'une âcrelé considérable (quelques chimistes l'ont obtenue cris- tallisée). Elle fond à 50 degrés, est soluble dans l'alcool et l'éther, insoluble dans l'eau, susceptible de former avec les acides des sels neutres incristallisables. L'acide nitrique concentré la dis- sout en prenant une couleur écarlate, puis jaune; l'acide sulfu- rique concentré se colore en jaune d'abord, puis en rouge de sang, enfin en violet. [Couerbe (1) considérait la vératrine de Pelletier et Caventou comme une substance complexe et en avait séparé une véra- trine plus pure, mais qui n'était pas encore débarrassée de toute substance étrangère. C'est M. Merck, qui, en 1855, a le premier obtenu ce principe sous une forme parfaitement déterminée. Pour arrivera ce résultat, on prépare une dissolution de vératrine amorphe dans de l'alcool fortement étendu, on fait évaporer au bain-marie : il se dépose deux substances, l'une en poudre cristalline, l'autre d'apparence résineuse, qu'on enlève par des lavages à l'eau froide. Le résidu de vératrine, repris par l'alcool absolu, se dépose dans la dissolution abandonnée à elle-même en prismes droits rhomboïdaux, parfaitement incolores et limpides, s'effleurissant à l'air et devenant friables. L'eau bouillante les rend opaques. L'acide sulfurique les colore d'abord en jaune, puis en beau carmin. Cette substance a une saveur acre et brûlante. La plus petite trace provoque l'éternument. La vératrine de MM. Pelletier et Caventou contenait un autre alcaloïde séparé par Couerbe. C'est une substance cristallisable, très-acre, ne provoquant pas l'éternument, fusible à 200°, so- luble dans l'eau bouillante, insoluble dans l'éther et très-soluble dans l'alcool. Couerbe lui a donné le nom de Sabadilline.] FAMILLE DES LILIACÉES. Belle famille de plantes, caractérisée par un périanthe pélaloïde, à 6 divisions régulières ou presque régulières, et disposées sur deu\ rangs. Les étamines sont au nombre de six, insérées sur le réceptacle ou à la base des divisions du périanllie. L'ovaire est Hbre, à trois loges polyspermes ; le style est simple, terminé par un stigmate trilobé. Le fruit est une capsule triloculaire, Irivalve, à valves septifùres. Les (I) Couerbe, Recherches chimiques sur quelques substances quaternaires d'ori- gine organique {Joiirnal de pharmacie et des sciences accessoires, xix, p. 627 et suiv. Paris, 1833). LILIACÉES. lo3 graines sont recouvertes d'un tégument tantôt noir et cruslacé, tantôt membraneux. L'endosperme charnu contient un embryon cylindrique, axile, dont la radicule est tournée vers le hile. On peut diviser la famille des Liliacées en quatre tribus. i" TuLiPACÉEs : racine bulbifère; périgone campaniforme, à sépales distincts ou à peine soudés par la base ; épisperme membraneux et pâle. Genres Erythronium^ Tulipa, Fritillaria, Lilium, Methofiica, etc. 2® Agapanthées : racine tubéreuse ou fibreuse ; périgone tubuleux ; épisperme membraneux et pâle. Genres Phormium, AgapanthuSj Po- lyantheSi 3° AspHODÉLÉES : périgone tubuleux ou à six sépales distincts ; épi- sperme crustacé, noir, fragile. Genres à racine bulbeuse ou hyacin- THÉEs : HyacinthuSj Scilla^ Ornithogalum, Albucea, Allium. Genres à racine fibreuse ou tubéreuse, ou anthéricées Asphodelus, Hemerocallisy Antkericum. 4° Aloïnées : plantes charnues, quelquefois frutescentes, à racine fibreuse fasciculée; périgone tubuleux, à six dents, quelquefois bila- bié ; semences comprimées, anguleuses ou ailées, à épisperme mem- braneux pâle ou noirâtre : Genre Aloe. Les Yuccay qui se rapprochent beaucoup des Aloïnées par la nature et la disposition de leurs feuilles, s'en éloignent par leur périgone campaniforme et à sépales distincts, semblable à celui des Tulipacées. Un grand nombre de Liliacées sont remarquables par la beauté de leurs fleurs, et sont cultivées comme plantes d'ornement. Qui n'a entendu parler de la passion des Hollandais et des Flamands pour la tulipe des jardins [Tulipa gesneriana), dont ils ont quelque- fois payé les belles variétés jusqu'à 4 et 5,000 florins (de 8,600 à 10,750 francs environ) ? Si celles qui suivent n'ont pas été l'objet d'un culte aussi coûteux, elles ont cependant, pour la plupart, été très-recherchées des amateurs ; telles sont : La fritillaire impériale, Fritillaria imperialis. Le lis blanc, Lilium candidum. — du Japon, — japonicum. — martagon, — martagon, — superbe, — superbwn, — tigré, — tigrinum. La superbe du Malabar, Methonica super ba. L'agapanthe bleue, Agapanthus umbellatus. La tubéreuse de l'Inde {fig. 356) Polyanthes tuberosa. La jacinthe orientale, Hyacinthus orientalis, L'ornithogale ombelle, Ornithogalum umbellatum. — pyramidal, — pyramidale. etc. etc. 154 VÉGÉTAUX MONOGOTYLÉDONÉS. Plusieurs de ces fleurs, et notamment la tubéreuse, la jacinthe et le lis, sont pourvues d'une odeur très-suave, très-expansive, mais qu'il est dangereux de respirer lorsqu'elle est concentrée dans un lieu fermé. Le principe de cette odeur est tellement vo- latil ou altérable qu'on ne peut l'extraire par la distillation, à la manière des autres huiles essentielles. On l'obtient en mettant, dans un vase fermé, des couches al- ternatives de sépales et de coton im- bibé d'huile de ben. Après quelques jours de macération, pendant lesquels l'essence éthérée de la plante s'est combinée à l'huile de ben, on renou- velle les fleurs. On met ensuite le co- ton à la presse, pour en retirer Thuile odorante, et on traite cette huile par de l'alcool rectifié, qui s'empare du principe aromatique. Un grand nombre de Liliacées con- tiennent un principe très-âcre, mais qui se détruit par la coction, de sorte qu'elles deviennent alors propres à l'alimentation. Chez d'autres, cette âcreté est accompagnée de principes moins altérables, amers, purgatifs ou émétiques, qui les rendent des mé- dicaments très-actifs. Les aloès pro- duisent un suc très-amer et purgatif, qui porte leur nom, et dont l'usage médical est universellement répandu. Le Phormium tenax de la Nouvelle-Zélande est muni à sa base de feuilles nombreuses, distiques et engainantes, dont les fibres, très-longues et pourvues d'une très-grande ténacité, peuvent devenir d'une grande utilité pour la fabrication de cordages et de tissus très-résistants. 11 est aujourd'hui acclimaté en France. Bulbe de lis. Lilium candidum^lj, — Car.gén, : périgone coroUoïde, campani- forme, formé de 6 sépales un peu soudés à la base, portant une ligne nectarifère à l'intérieur; 6 étamines; 1 style terminé par 1 stigmate épais, à 3 lobes ; capsule allongée, trigone, à 3 valves loculicides. Semences nombreuses, bisériées, horizontales, apla- ties, à épisperme jaunâtre et un peu spongieux ; embryon droit ou sigmoïde, dans l'axe d'un endosperme charnu; extrémité radicale rapprochée de l'ombilic. Fig. 3b7. — Tubércubo. LILIACÉES. — BULBE D'AIL. lo5 Car. spéc. /feuilles éparses, atténuées à la base; périgone cam- paniforme, glabre à Tinténeur. Cette plante fait Tornement des jardins par la beauté de ses fleurs, qui sont d'une blancheur éblouissante et disposées en grand nombre le long du somn:iet de la tige. On en préparait au- trefois une eau distillée et une huile par infusion (éléolé). Les bulbes de lis sont très-gros et composés de squammes courtes, épaisses et peu serrées. On les emploie en cataplasme, comme émollients, étant cuits sous la cendre. Bulbe d'ail. Allium sativum. — Car. gén. : fleurs en ombelle, enveloppées d'une spathe. Périgone corolloïde, à six divisions profondes, ou- vertes ou campanulées, conniventes, 6 étamines à filets filiformes ou élargis à la base; dont trois alternes sont quelquefois aplaties et terminées par trois pointes, celle du milieu portant l'an- thère; ovaire triloculaire ou uniloculaire par l'oblitération des cloisons ; ovules peu nombreux ; style filiforme ; stigmate simple ; capsule membraneuse; trigone, quelquefois déprimée au som- met, triloculaire ou uniloculaire, surmontée par le style persis- tant. Semences réduites à 2 ou 1 dans chaque loge, à ombilic ventral, à épisperme noirâtre et rugueux. Embryon dans l'axe de l'endosperme, homotrope, sous-falciforme, à extrémité radicu- laire rapprochée de l'ombilic. Car. spéc. : tige garnie de feuilles planes et linéaires; étamines alternativement à trois pointes; capsules remplacées par des bul- billcs; bulbe radical composé de plusieurs petits bulbes {caïeux), réunis sous une enveloppe commune, et munis chacun de ses enveloppes propres. Celte plante est pénétrée d'un suc acre, qui réside surtout dans son bulbe. Celui-ci est pourvu d'une saveur acre et caustique et d'une odeur forte et très-irritante. Il est usité comme assaison- nement. Il est aussi anthelminlhique et prophylactique, et entre dans la composition du vinaigre des quatre-voleurs (oxéolé d'ab- sinthe alliacé). Il contient beaucoup de mucilage et une huile vo- latile sulfurée, acre et caustique, que l'on peut obtenir en distil- lant les bulbes piles avec de l'eau. Cette huile, qui est d'un jaune brun, épaisse, plus pesante que l'eau, est d'une composition très- complexe. Rectifiée à la chaleur d'un bain bouillant d'eau saturée de sel marin, elle devient beaucoup plus fluide, jaunâtre, plus légère que l'eau qui la dissout beaucoup moins qu'auparavant, toujours très-soluble dans l'alcool et Téther. D'après les recher- ches très- intéressantes de M. Wertheim, cette essence rectifiée 156 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. est elle-même un mélange variable de plusieurs combinaisons de soufre et d'une combinaison d'oxygène avec un seul et même ra- dical, représenté par C^H^, auquel il a donné le nom d'allyle. L'oxyde d'allyle, qui existe dans l'essence rectifiée, = C^H'^O Le monosulfure = C^H^S Les sulfures supérieurs n'ont pas été déterminés. Le monosulfure d'allyle est la partie essentielle et principale de l'essence d'ail rectifiée; il en constitue environ les deux tiers, de même que l'essence rectifiée constituait elle-même les deux tiers de l'huile brute distillée. Il possède toujours l'odeur propre de l'ail; il est liquide, incolore, plus léger que l'eau, réfractant fortement la lumière, susceptible de former avec les sels de pla- tine, de palladium, d'argent, de mercure, des combinaisons plus ou moins compliquées, mais bien définies, qui ont été étudiées par M. Werlheim (1). Il y a encore d'autres espèces du genre Allium usitées dans l'art culinaire. Rocamboiie. — Allium scorodoprasum, L. : à tige haute d'un mètre, contournée en spirale avant la floraison; feuilles planes crénelées; fleurs bulbifères. Poireau. — Allium porrum, L., et Allium ampeloprasitm, L. : bulbe radical très-allongé et presque cylindrique, tige haute de l'^jSO, droite, ferme, garnie de feuilles planes; étamines alterna- tivement à 3 pointes; ovaires capsulifères. Échalote. — Allium ascalonicum, L. : tige, nue, haute de 14 à 19 centimètres; feuilles toutes radicales, subulées, disposées en touffe; fleurs purpurines, en ombelle serrée, globuleuse; 3 éta- mines à 3 pointes, originaire de la Palestine. Bulbe radical composé. CiTctie. — Allium schœnoprasum, L. : tiges droites, grêles, nombreuses, enveloppées chacune à leur base par une feuille engainante formant gazon; fleurs purpurines. Oig^non. — Allium Cepùy L. : bulbe radical volumineux, ar- rondi, déprimé, formé de tuniques complètes et concentriques; il en existe un grand nombre de variétés à tuniques rougeâlres ou blanches; les feuilles sont radicales, cylindriques, creuses, poin- tues; la tige est nue, cylindrique, renflée au milieu, creuse, haute de 1 mètre à 1°^,30 et plus; les fleurs sont rougeâtres, en ombelle sphérique ; les étamines sont alternativement à trois pointes. Victorialc. — AlHum Victorialis, L. : le bulbe allongé et (I) Wertheim, Journal de pharmacie et de c/timie, t. VII, p. 174. LILIACÉES. — BULBE DE SCILLE. 137 entouré de fibres très-fmes, provenant de la destruction des feuilles radicales, a élé quelquefois substitué au spicanard indien. Bulbe de Vieille. Scilla maritima, L. [pg. 357). — Car. gén. : périgone coloré à six divisions, campanule, rotacé-ou- vert; 6 étamines insérées à la base des divisions; lilets égaux subulés ; ovaire triloculaire ;. style filiforme droit; stigmate obtus. Capsule obscurément trigone, à 3 valves loculicides. Semences peu nombreuses, horizontales, sous-globuleuses, à testa crustacé, épaissi vers le raphé, noirâtre, ou d'un brun pâle. Embryon axile, de la longueur de la moitié de l'endosperme, à extrémité radi- cale parallèlement contiguë à l'ombilic. Car, spéc. : hampe nue, très- longue, garnie dans les deux tiers supérieurs de fleurs blanches for- mant une belle grappe, un peu resserrée en épi. Chaque fleur est accompagnée d'une bractée ré- fléchie en arrière, et comme gé- niculée au milieu de sa longueur. Les feuilles, qui paraissent après les fleurs, sont toutes radicales, ovales-lancéolées , très-grandes , charnues, glabres et d'un vert foncé. Cette plante croît sur les côtes sablonneuses de la Méditerranée et de rOcéan. Son bulbe est très-volumineux, composé de tuni- ques très-nombreuses et serrées; il est rouge ou blanc, suivant la variété de la plante. La variété rouge est la seule usitée en France parce qu'on la croit plus active; tandis que la variété blanche se rencontre seule dans les pharmacies de l'Angleterre. Le bulbe de scille rouge nous est apporté récent d'Espagne et des îles de la Médiierranée. Les premières tuniques sont rouges, sèches, minces, transparentes, presque dépourvues du principe acre et amer de la scille; on les rejette. Les tuniques du centre sont blanches, très-mucilagineuses et encore peu estimées. Il n'y Fi_'. 3oS. — Scille. 158 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONES. a donc que les tuniques intermédiaires que l'on doive employer. Elles sont très-amples, épaisses et recouvertes d'un épiderme blanc rosé; elles sont remplies d'un suc visqueux, inodore, mais très-amer, Irès-âcre et même corrosif. [On voit à la surface de ses squammes de très-gros cristaux, qui ne sont autre chose que des r.iphides ou réunion de 18 à 20 petits cristaux acérés d'oxalate de chaux, retenus ensemble par une substance organique azotée. C'est à l'action mécanique de ces espèces d'aiguilles qu'il faut attribuer les propriétés piquantes de la scille. Lorsqu'on frotte la peau avec une de ces écailles fraîches, les pointes fines des cristaux font de petites blessures, par lesquelles pénètre sous l'épiderme le suc acre et corrosif du bulbe : et c'est ainsi que se produit l'effet rubéfiant, qu'on a longtemps attribué à un principe volatil. Si l'ébuUition enlève aux écailles cette propriété, c'est parce que l'eau chaude gonfle l'enveloppe des raphides, dissocie leurs éléments, et que les cristaux livrés à eux-mêmes sont telle- ment grêles qu'ils se brisent au moindre contact sans pouvoir piquer. Les propriétés rubéfiantes des squammes se perdent en grande partie par la dessiccation, parce que le suc corrosif fait alors dé- faut et que toute l'action se borne à de petites piqûres analogues à celles que produit la poussière pruriente de certains quin- quinas (1).] Pour faire sécher ces tuniques de scille, on les coupe en la- nières, on les enfile en forme de chapelets, et on les suspend dans une ctuve; il faut les y laisser longtemps pour êtie certain de leur entière dessiccation ; il est nécessaire de les conserver dans un endroit sec, parce qu'elles attirent l'humidité. La scille est employée en poudre, en extrait, en teinture, en melliteeten oxymellite. C'est une substance vénéneuse, dont on doit user avec prudence. * [M. Marais lui a attribué la composition suivante : Mucilage végétal 30 Sucre 15 Tannin 8 Matière colorante rouge acide 10 — jaune acide et odorante 2 Matière grasse 1 Scillitine 1 Iode traces. Sels 5 Parenchyme 2 S 100 (1) Voir Marais, Recherches sur la Scille, thèse de rÉcole de pharmacie de Paris. Paris, 185G. LILIACEES. — ALOES. 159 Le principe aclif ou scillitine, tel que l'a obtenu M. Marais, est une substance incristallisable, hygrométrique, mais non déliques- cente, insoluble dans l'eau, très-soluble dans l'alcool et i'éther à froid, demi-transparente,jaune pâle, quand elle est desséchée. Si on la dissout dans l'alcool et qu'on ajoute un peu d'eau, elle se pré- cipite très-blanche, mais reprend sa couleur et sa demi-transpa- rence, quand on la sèche de nouveau. Sa saveur est très-amère ; et cett^e amertume s'augmente par la présence de l'eau. Sa réac- tion est alcaline, elle contient de l'azote et peut se combiner avec l'acide acétique. C'est un poison violent narcotico-âcre. D'après M. Schroif, la scillitine devrait rentrer dans le groupe des glucosides. ] Suc d'aloès ou Aloès. Les Aloès sont de très-belles plantes des pays chauds, qui appar- tiennent à rhexandrie monogynie et à la famille des Liliacées. Elles sont remarquables par leurs feuilles épaisses, charnues, fermes, cassantes, à bords dentés et piquants; leurs fleurs sont tubulées, souvent bilabiées, disposées en épi sur un long pédon- cule qui sort du centre des feuilles. On en connaît un grand nom- bre d'espèces dont les feuilles sont toutes formées à l'intérieur d'une pulpe mucilagineuse inerte, et vers l'extérieur de vaisseaux [)ropres, remplis d'un suc amer qui constitue l'aloès officinal. A la rigueur, toutes les espèces pourraient donc fournir ce produit à la pharmacie ; mais on l'extrait surtout de VAloe soccotrina (pg. 358), qui croît en Arabie, dans l'île Socotora et dans toute la partie de l'Afrique qui est en regard. On l'extrait aussi, au cap de Bonne-Es- pérance, i\es,Aloespicata, Thunberg ; A. mîtrœformiSj Lam. ; A.per- foliata, Thunberg; A. africana, Haw ; A. ferox, Miller ; A. lingua, Miller, etc., etc., à la Barbade et à la Jamaïque des Aloe vulgaris etA.se/îwa^a.Les auteurs s'accordent peu sur le procédé au moyen duquel on en extrait le suc, d'où l'on peut conclure qu'il varie suivant les pays. D'après les uns, les feuilles, coupées par la base, sont placées debout dans des tonneaux au fond desquels se ras- semble le suc; ce procédé, sans doute peu productif, doit donner l'aloès le plus pur. Suivant d'autres, on hache les feuilles, on les exprime, et le suc, dépuré par le repos, est évaporé au soleil dans des vases plats. A la Jamaïque, on renferme les feuilles coupées par morceaux dans des paniers, et on les plonge pendant dix mi- nutes dans l'eau bouillante. Après ce temps, on les retire et on les remplace par d'autres. On agit ainsi jusqu'à ce que la liqueur pa- raisse assez chargée : alors on la laisse refroidir et reposer, on la décante et on la fait évaporer ; lorsqu'elle l'est suffisamment, 160 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDOiNÉS. on la coule dans des calebasses, où elle achève de se dessécher et de se solidifier. Dans d'autres pays on soumet directement les feuilles hachées 5 la décoction dans l'eau. On conçoit combien les pro- duits de ces différentes opérations doivent varier en qualité. Voici d'ail- leurs les caractères de ceux que l'on trouve dans le commercé : Aloès succotîin, ou mieux socotr in. Cet aloès a pris le nom de l'île So- cotora d'où il est principalement tiré ; mais il en vient également d'Arabie et des côtes d'Adel, d'A- jan et de Zanguebar. Il est très- anciennement connu, car il n'est pas douteux que ce ne soit la plus belle sorte d'aloès de Dioscoride, qu'il dit être très-amère, de bonne odeur, pure, nette, fragile, facile à fondre, comparable au foie des animaux pour la couleur et l'opa- cité. Il venait anciennement par la voie de Smyrne ; mais aujourd'hui il arrive par celle de Bombay en Angleterre, où il est très-estimé et d'un prix élevé. Il est très-rare en France où l'on ne veutgénéralement que des drogues à bon marché. 11 arrive contenu dans des poches faites avec des peaux de gazelle (Péreira), renfermées elles- mêmes dans des tonneaux ou caisses d'un poids considérable. La consistance en est très-variable ; la portion superficielle de cha- que poche est ordinairement sèche, solide et fragile, tandis que la partie interne est souvent molle ou même demi-liquide. La couleur varie du rouge-hyacinthe au rouge-grenat; la cassure est unie, glacée, conchoïdale ; la poudre est d'un jaune doré. L'o- deur est assez vive dans les échantillons récents, analogue à celle de la myrrhe, et toujours agréable. Sous le rapport de la transparence, l'aloès succotrin peut être translucide ou opaque, sans que cette circonstance influe sensi- blement sur sa qualité. Ces deux variétés arrivent quelquefois séparées, et alors on donne plus spécialement à l'aloès translucide le nom d' Aloès socotrin, tandis qu'on nomme celui qui est opaque Aloès hépatique. Mais, le plus souvent, l'aloès translucide forme Fig. 359. — Aloès LILIACÉES. — ALOÉS. ICi seulement des veines dans la masse de l'aloès opaque ou hépa- tique, qui est l'élat le plus habituel de l'aloès socolrin. J'ai reçu une fois de M. Péreira, sous le nom d'Aloès hépatique vraiy un suc qui se distingue des deux précédents parce qu'il est très-dur, très-tenace et difficile à rompre. Malgré cela, il coule à la longue en s'arrondissant conimKde la poix; il est opaque, de la €ouleur du foie, d'une odeur douce et agréable; il est renfermé dans une poche de peau. Il est certain, malgré son caractère de dureté et de ténacité, que cet aloès est une simple variété des deux précédents, et qu'il est retiré de la même planle, qui paraît être, ainsi que je l'ai dit, YAloe socotrina L. L'aloès socotrin pulvérisé, trituré avec de l'eau, s'y divise faci- lement et finit par s'y dissoudre complètement en formant un liquide sirupeux, d'un jaune très-foncé. En ajoutant une plus grande quantité d'eau à ce liquide, on le décompose, et l'aloès s*en précipite en parlie sous forme d'une poudre jaune, qui se réunit au fond du vase en une masse plus ou moins molle ou cohérente. Aloès noirâtre et fétide. On trouve cet aloès dans le commerce français depuis quelques années. Il ressemble à Taloès socotrin par le volume et la nature des poches qui le contiennent ; mais il •est d'un brun noirâtre, d'une odeur animalisée et comme un peu putride. Lorsqu'il est desséché, il est fragile, tantôt présentant une cassure luisante et de couleur un peu hépatique ; tantôt sa cas- sure est terne, granuleuse et se rapproche de celle de l'aloès bar- bade. Il paraît aussi contenir, dans certaines parties, des pierres, 4u sable ou d'autres impuretés. La forme des poches indique que cet aloès provient des mêmes localités que l'aloès socotrin, tandis que sa couleur et son odeur difTérenles pourraient faire admettre qu'il n'est pas tiré de la même plante. Je présume que cet aloès est celui de M. Péreira décrit sous le nova à' Aloès moka. Aloès de l'Inde ou Mosambrun. On trouve dans les bazars de l'Inde plusieurs variétés d'aloès qui paraissent êlre noirâtres, d'une cassure terne et d'une qualité inférieure. M. Péreira en distingue sommairement quatre sortes sous les noms &' Aloès de l'Inde septentrionale de Guzerate^ de Salem et de Trichinapoli. Elles peuvent avoir été préparées dans l'Inde ou y avoir été apportées d'Arabie. Aloès du cap Bonne-Espérance . Cet aloès paraît être tiré à peu près indifféremment des différentes espèces à'Aloe qui croissent dans les environs du Gap, et êlre obtenu par évaporation sur le feu du suc écoulé, sans expression, des feuilles coupées. D'après M. G. Dunsterville, cité par M. Péreira, le suc concentré serait en- suite versé dans des caisses en bois d'environ un mètre de côié sur 33 centimètres de hauteur, ou dans des peaux de bouc ou de mou- GuiBOURT, Drogues, 7e édit. T. II. — 11 162 VEGETAUX MONOCOTYLÉDONES. Ion ; mais nous ne l'avons jamais vu, dans le commerce français, que renfermé dans des caisses de bois dans lesquelles il forme une seule masse d'un poids considérable, d'une couleur brune noirâtre avec un reflet verdâtre à la surface. Il paraît opaque, vu en masse, à cause de sa couleur foncée; mais il est très-générale- ment transparent dans ses lames minces et d'un rouge foncé. Sa poudre est jaune verdâtre; sa saveur est très-amère; son odeur aromatique, forte, tout à fait particulière et peu agréable, telle qu'on est habitué en France à la regarder comme le type de l'o- deur de l'aloès. Trituré avec de l'eau dans un mortier, celte odeur devient encore plus forte et l'aloès se réduit en une masse molle sur laquelle l'eau froide a peu d'action. Le soluté est, d'après cela^ d'un jaune peu foncé. Cet aloès, malgré sa bonne préparation et sa pureté habituelles, est très-peu prisé en Angleterre, oii il passe pour être beaucoup moins purgatif que les autres sortes. En 1831, il y valait seulement 72 centimes les 500 grammes, tandis que l'aloès succotrin translu- cide coûtait 9 fr. 50 c, l'aloès hépatique 6 fr. 10, et l'aloès des Barbades 4 fr. 10 c. En France, on le vend encore généralement comme Aloès socotrin. Pour faire cesser cette confusion, nous mettons ici en regard leurs principales différences. . ALOÈS SOCOTRIN. ALOÈS DU CAP. TRANSLDCIDB. BÉPATIQVB. Couleur de la masse. Roujje-hyacintbe. Couleur de foie, pour- prée, rougeâtre ou jaunâtre. Le brun noirâtre avec reflet verdâtre. Transparence Imparfaite, mais sen- sible dans des frag- ments assez épais. Nulle ou presque nulle. Nulle en masse, mais parfaite dans les la- mes minces. Couleur des lames minces Rouge-hyaciuthe. Comme la masse. Rouge foncé. Cassure t Lustrée. Lustrée, mate ou ci- reuse. Brillante et vitreuse. Couleur de la poudre. Jaune doré. Jaune doré. Jaune verdâtre. Odeur Douce et agréable. Douce et agréable. Forte, tenace, peu agréable. LILIÂCÉES. — ALOÉS. 163 Aloès du Capi opaque. L'aloès du Cap n'est pas toujours trans- parent, comme celui que nous venons de décrire. Quelquefois il est brun, entièrement opaque, et alors on le vend comme aloès hépatique; mais il possède tous les autres caractères de l'aloès du Gap, dont il paraît être une qualité impure, provenant de Té- vaporation d'une liqueur trouble, la liqueur supérieure et trans- parente ayant fourni la première qualité. Cet aloès opaque est sec, fragile, non coulant et donne une poudre verdâtre; il n'a au- cune des qualités du véritable aloès hépatique et ne doit pas lui être substitué. Aloès Barbade. Cet aloès est envoyé de la Jamaïque et de la Barbade renfermé dans de grandes calebasses. Il doit être extrait ÙQS Aloe vulgarisai sinuata. Il est d'une couleur rougeâtre, terne, analogue à celle du foie, devenant à la longue presque noire à sa surface. 11 a une cassure terne, souvent inégale ou comme un peu grenue; il est presque opaque et moins fragile que l'aloès du Gap. Il a une odeur analogue à celle de la myrrhe, assez forte et qui offre quelque chose de l'odeur de l'iode. Il donne une poudre d'un jaune rougeâtre, sale, qui devient d'un rouge brun à la lu- mière. Trituré avec de l'eau, il s'y divise plus complètement que l'aloès du Cap, et donne un soluté plus coloré. Son odeur ne s'ac- croit pas par ce moyen, et elle se trouve alors plus faible que celle du premier. [Une variété de cet aloès s'en distingue par sa couleur d'un noir brillant, sa cassure nette et luisante et une certaine transparence de ses lames minces. Mais si on l'examine de près, on voit qu'il présente avec les autres variétés de l'aloès des Barbades des traits communs, qui suffisent à caractériser cette espèce : 1» L'odeur est la même chez tous ces aloès lorsqu'on les a amenés au même degré de dessiccation. â'^ Triturés avec l'eau froide, ils se désagrègent complètement en formant une belle émulsion ; 3° Ils présentent enfin, lorsqu'on les traite par le chlorure d'or ou la teinture d'iode, une belle coloration rose violet. Depuis 1837, les Hollandais exploitent à Curaçao VAloe vulgaris. Le suc qu'ils en retirent rappelle par son aspect la variété noire de l'aloès des Barbades, et présente du reste les mêmes carac- tères : on peut donc le considérer comme une simple variété de cette espèce commerciale.] Aloès caballin, On nomme ainsi tout aloès très-impur destiné à l'usage des chevaux, parce qu'il est reçu, en France surtout, que ces précieux animaux doivent prendre tout ce qu'il y a de plus mauvais et de plus détérioré en fait de médicaments. L'aloès ca- ballin se prépare donc, soit dans les divers pays qui nous fournis- iU VEGETAUX MONOCOTYLÉDONÉS. sent cette substance, avec le dépôt des liqueurs, soit en Espagne ou au Sénégal avec les aloès qui s'y trouvent et en les traitant par décoction. J'en ai deux sortes bien distinctes : l'une est évidem- ment formée du pied de l'aloès du Gap, que l'on observe assez pur à la partie supérieure de la masse; l'autre est en masses tout à fait noires, opaques, à cassure uniforme, non fragiles, difficiles à pulvériser par trituration. Il paraît gommeux sous le pilon, et donne une poudre verdâtre qui se délaye facilement dans l'eau, en formant un soluté brun. L'aloès est un purgatif très-écbauffant qui ne convient pasà tous les tempéraments. II entre dans la composition de beaucoup de masses pilulaires et dans celle des élixirs de Garus, de longue vie et de propriété de Paracelse. On en prépare aussi une tein- ture alcoolique simple et un extrait aqueux. [Le principe actif de l'aloès a été isolé pour la première fois en 1850 par MM. T. et H. Smith (I), d'Edimbourg, qui l'ont trouvé en préparant l'extrait aqueux d'aloès. En agissant par Teau froide sur la substance, filtrant et évaporant dans le vide la solution aloétique, ils ont vu la dissolution sirupeuse abandonnée à elle- même se charger d'une matière cristalline granuleuse; ils ont, par expression, chassé le liquide qui enveloppait ces cristaux, les ont lavés à l'eau froide ou chaude et ont ainsi obtenu Yaloïne. Depuis, M. Stenhouse (2) a débarrassé la substance, par des la- vages et des cristallisations successives, d'une matière brune, qui la souillait encore et a pu indiquer les caractères et la composi- tion de Yaloïne pure. Elle cristallise en petites aiguilles prismatiques, groupées d'or- dinaire en étoiles. La couleur est d'un jaune de soufre et ne doit pas se foncer à l'air. L'aloïne est complètement neutre aux pa- piers réactifs. Sa saveur est d'abord douceâtre, puis très-amère. Peu soluble dans l'eau et l'alcool froids, elle le devient davantage si on élève la température : mais si on arrive à la température de 100'', ello attire rapidement l'oxygène de l'air et se décompose. Elle se dissout parfaitement dans les alcalis fixes, caustiques ou carbonates. Mise à digérer quelque temps avec l'acide nitrique chaud et concentré, elle se transforme en acide chrysammique, avec dégagement de vapeurs rouges abondantes. Sa formule a été déterminée par M. Stenhouse C^^ H iH)i*+ HO. D'après M. Roch- leder, l'acide sulfurique étendu la dédouble en glucose et rottlé- rine. L*aloïne a été trouvée dans l'aloès des Barbades : c'est là et dans les aloès opaques en général qu'il est surtout facile de constater (!) T. et H. Smith, PharmaceuticalJournal^ t. XI, p. 23. (2) Stenhouse, Pharmaceutical Journal, t. XI, p. 458. RÉSINES DE XANTHORRH^A. 165 sa présence, au moins à l'état cristallin. Une observation de Pe- reira (1) en donne la raison. Ayant eu l'occasion d'étudier un suc d'aloès liquide, provenant de VAloe soccotrinay il remarqua qu'en laissant reposer le suc, il se formait deux couches d'apparence différente: l'inférieure, pâle, opaque, finement granuleuse ; une supérieure plus foncée, liquide et transparente. La partie grenue examinée au microscope montrait une muililude de cristaux, que M. Stenhouse rapporta à Valoïne, Soumise à une température de 35° centigrades, cette portion devint transparente, d'un rouge foncé, et garda, même après le refroidissement, les caractères d*un aloès succotrin translucide. L'aloïne y existait encore, mais à l'état amorphe. Il semble résulter de ces faits que la différence entre les Alocs opaques^ auxquels on donne souvent le nom général d'A/oès hépa* tiques et les Aloès translucides^ tient principalement à l'état sous lequel se trouve l'aloïne qu'ils contiennent : cristallisée, dans les premiers; amorphe, dans les autres. Quant aux conditions qui interviennent pour modifier l'état du principe actif, elles sont probablement complexes, mais une des principales est certaine- ment l'emploi d'une chaleur artificielle plus ou moins forte pour la concentration du suc. L'examen microscopique des diverses espèces d'aloès confirme les vues de Pereira, en montrant qu'en général les aloès opaques contiennent de petits cristaux et ont les propriétés optiques des substances cristallines, tandis que rien de semblable ne s'observe dans les aloès translucides.] Résines de Xanthorrhsea. Les Xanthorrœa ^oni des végétaux de la Nouvelle-Hollande, ap- partenant à la tribu des Asphodélées. Leur tige est ligneuse, très- courte ou arborescente, simple ou divisée, garnie de feuilles touffues, très-longues et très-étroites; elle produit une fièche terminale, longue de plusieurs mètres, terminée elle-même par un épi écailleux de fleurs très-serrées. Le fruit est une c.jpsule trigone et triloculaire, à semences noires et crustacées. Ces ar- bres laissent exsuder de leur tronc une résine odorante et balsa- mique, dont la couleur varie suivant les espèces, et dont la con- cordance spécifique n'est pas parfaitement connue. Résine jaune de Xanthorrhœa. Cette résine est attribuée au Xan- thorrhœa hastilis ainsi nommé de l'usage que les naturels de la Nouvelle-Hollande font de sa hampe, longue de 3 à 5 mètres et (1) Pereira, Pharmaceutical Journal, i. XI, p. 'i39. 166 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. grosse environ comme le pouce, pour en faire des sagaies. Elle est en lames arrondies, d'un volume variable, dont un grand nombre sont remarquables par leur forme parfaitement sphérique. Elle est d'un jaune terne et brunâtre à Textérieur, opaque et d'un jaune pur à l'intérieur, assez semblable à de la gomme gutle, mais d'une couleur beaucoup plus pâle, et ne pouvant pas s'émulsion- ner par l'eau. Elle possède, lorsqu'elle est récente, une odeur balsamique analogue à celle des bourgeons de peuplier, mais beaucoup plus agréable. Getle odeur s'affaiblit et disparaît pres- que, avec le temps, dans les lames entières; mais elle se mani- feste toujours parla pulvérisation ou la fusion à l'aide de la cha- leur. La résine se dissout dans l'alcool à 40 degrés, en laissant environ 0,07 d'une gomme insoluble dans l'eau, analogue à la bassorine. Elle dégage, par l'action de la chaleur, une vapeur blanche pouvant se condenser en petites lames brillantes, que Laugier a prises pour de l'acide benzoïque (1), mais qui, d'après M. Stenhouse, sont en grande partie formées d'acide cinnami- que (2). Cette résine jouit donc de la composition et des proprié- tés générales des baumes, et serait employée avec grand avan- tage dans les parfums. Résine brune de Xanihorrhœa. Cette résine possède une odeur en- core plus développée et plus balsamique que la précédente; ses lames sont arrondies, d'un brun rouge foncé à l'extérieur, et ont presque l'apparence du sang-dragon ; mais elles ont une cas- sure brillante et vitreuse, une transparence parfaite en lames minces, et une couleur rouge-hyacinthe. Cette résine diffère de la précédente, surtout par l'absence de la gomme, car elle se dissout complètement dans l'alcool. Elle contient aussi plus d'huile volatile qui la rend visqueuse et collante dans quelques- unes de ses parties. Résine rouge de Xanthorrhœa . Cette résine, telle que je la pos- sède, au lieu d'être en lames isolées, présente la forme de croû- tes épaisses, entremêlées d'écaillés ou d'appendices foliacés, et paraissant avoir été détachées de la surface du tronc de l'arbre, que l'on suppose être \q Xanthorrœa arborea. Cette résine est d'un rouge brun foncé; terne et quelquefois couverte d'une poussière d'un rouge vif, qui la fait tout à fait ressembler à du sang-dragon; mais elle a une cassure vitreuse, et se montre transparente et d'un rouge de rubis dans ses lames minces, ce qui n'a pas lieu pour le sang- dragon. Elle est complètement dépourvue d'odeur à froid, ou en conserve une balsamique plus ou moins marquée; mais elle est (1) Laugier, Ann. chim., t. XXL VI, p. 273. (2) Stenliouse, Pharmaceutical Journal, t. VI, p, 88. ÂSPARÂGINEES. 167 toujours odorante à chaud ; elle est complètement soluble dans l'alcool, à l'exception des parties ligneuses interposées. FAMILLE DES ASPABAGINÉES. Végétaux dont les fleurs sont tellement semblables à celles des Li- liacées que plusieurs botanistes en font une simple tribu de cette fa- mille, fondée principalement sur la nature de leur fruit, qui est une baie au lieu d'être une capsule à trois loges. Tous les autres caractères sont variables et n'offrent pas la constance que l'on observe dans les vraies Liliacées. Ainsi nous trouvons dans les Asparaginées d'humbles plantes herbacées qu'une saison voit naître et flétrir (le muguet), et des arbres d'une étendue colossale et d'une durée qui semble défier la destruction (le dragonnier des Canaries). Des feuilles peuvent être al- ternes, opposées ou verticillées, quelquefois très-petites et sous forme d'écaillés. Les fleurs sont hermaphrodites ou unisexuées; le périanthe est à 6 ou 8 divisions profondes, disposées sur 2 rangs. Les étamines sont en nombre égal aux divisions du périanthe et attachées à leur base. Les filets sont libres ou quelquefois soudés ensemble. L'ovaire est libre, à 3 loges, rarement plus ou moins; le style est tantôt simple^ surmonté d'un stigmate trilobé, tantôt tripartite et pourvu de trois stigmates simples, distincts. Le fruit est une baie globuleuse ordinaire- ment à trois loges, quelquefois uniloculaire et monosperme par avor- tement. Les graines sont pourvues d'un endosperme charnu ou corné contenant, dans une cavité assez grande, un embryon cylindrique quelquefois très-petit. Les Asparaginées forment 2 tribus : l® les Paridée'i dont les stigmates sont séparés; genres Paris, Tridium, Medeola; 2° les Aspara^ées dont le stigmate est simple et seulement trilobé ; genres Dracœnaj Aspara- gus, Poli/gonatum, Convaîlaria, Smilax, Ruscus, etc. Fleur de mug^uet. Convaîlaria maialis L. Cette plante, dont la racine est vivace, fibreuse et traçante, produit des hampes droites, très-fines, ron- des, glabres, hautes de 135 à 165 millimètres, garnies à leur base de 2 feuilles ovales-lancéolées, enveloppées ainsi que les 2 feuilles par plusieurs gaines membraneuses, et terminées supérieurement par 6 à 10 fleurs petites, en forme de grelot, pendantes d'un même côté, blanches et d'un parfum très-agréable. Elle fleurit en mai et en juin, dans les bois de la France et du nord de l'Eu- rope. Les fleurs, séchées et pulvérisées, sont usitées comme ster- nutatoires. Racine de sceau- de -l^alomon. Polygonatum vulgare Desf. ; Convaîlaria Polygonatum h . Cette plante ressemble beaucoup au muguet, mais elle est plus élevée. I6S VEGETAUX MONOCOTYLEDONÉS. Elle donne naissance à une ou plusieurs tiges simples, hautes de 30 centimètres ou plus, anguleuses, un peu courbées en arc, gar- nies dans toute leur partie supérieure de feuilles ovales, glabres, amplexicaules et tournées d'un seul côté. Les fleurs sont pen- dantes, d'un blanc un peu verdâlre, solitaires ou portées 2 en- semble sur des pédoncules axillaires. Le périanthe est d'une seule pièce, cylindrique, un peu élargi en entonnoir, terminé par 6 dents aiguës. La racine est vivace, horizontale, longue, articu- lée, grosse comme le doigt, blanche, charnue, garnie inférieure- ment de beaucoup de radicules. Elle possède une saveur douceâ- tre; elle est astringente et employée comme cosmétique. Racine de frag^on épineux ou de petit-houx. Ruscus aculeatus {fig, 360). Cai\ gén. : fleurs ordinairement dioï- ques; périanthe coloré, à 6 divisions ouvertes, persistantes, dont les trois intérieures un peu plus petites. 3 ou 6 étami- nes soudées en un cylindre renflé ; anthères attachées au sommet du cylindre, ré- niformes, à loges écartées, nulles dans les fleurs fe- melles. Ovaire triloculaire, avorté dans les fleurs mâles ; 2 ovules collatéraux dans chaque loge ; style très- court; stigmate globuleux; baie globuleuse, unilocu- laire et souvent nionosper- me par avortement. —'Ccn\ spéc. : rameaux en forme de feuilles mucronées pi- quantes portant une fleur nue sur la face supérieure. Le Fragon épineux ou Petit houx est un petit ar- brisseau toujours vert à ti ges vertes , glabres , cy- lindriques et cannelées , ramiûées, garnies de rameaux élargis en forme de feuilles très -entières, fermes, consistantes, ovées- aiguës, terminées par une pointe piquante. Ces organes sont accompagnés, en dessous, d'une petite feuille caduque. Les fleurs sont dioïques; Fig. 360. — Fragon épineux. ASPARAGINÉES. — ASPERGE. 169 elles sont portées sur un pédoncule axillaire soudé avec le rameau jusqu'au tiers de sa longueur environ, et elles sont accompaj^nées d'une petite bractée caduque. Aux fleurs femelles succède une baie rouge sphérique qui, jointe au feuillage vert et piquant de la plante, l'a fait comparer au houx commun [llex aquifolium) et lui' a valu son nom vulgaire. Les tiges du petit-houx durent deux ans, et sont remplacées par moitié, chaque année, par de nouvelles pousses qui, lorsqu'elles commencent à se montrer, peuvent se manger comme celles de l'asperge. La racine est blanchâtre, grosse comme le petit doigt, longue, noueuse, articulée, mar- quée d'anneaux Irès-rapprochés. Elle est garnie, du côté inférieur surtout, d'un grand nombre de radicules blanches, pleines et ligneuses. La racine sèche présente en masse une légère odeur lérébinthacée; la saveur en est à la fois sucrée et amère. C'est une des cinq racines apéritives. On peut employer, concurremment avec la racine de petit- houx, celle de deux espèces voisines : l'une est VHypoglosse ou Bislingna {Ruscus Hijpoglossum L.), dont les rameaux sont beau- coup plus grands, allongés, plissés, accompagnés de feuilles per- sistantes, et dont les fleurs dioïques et les fruits, portés sur la face supérieure des feuilles, sont également munis d'une bractée foliacée persistante; l'autre espèce est \q Laurier alexandrin {Rus- cus liypophïjllum L.), dont les rameaux grands, ovales- lancéolai- res, veinés, portent des fleurs à leur face inférieure. Ces fleurs sont dioïques, pédonculées et les fruits sont pendants; les feuilles et les bractées sont caduques. Aspergée et racine d'asperge. Asparagus officinalis L. Car. gén. : fleurs hermaphrodites ou dioïques; périanthe coloré à 6 divisions conniventes et en forme de cloche, 6 étamines fixées à la base des divisions; ovaire trilo- culaire, contenant dans chaque loge 2 ovules surperposés. Style court, à 3 sillons; stigmate trilobé. Baie globuleuse, triloculaire; semences à test noir, coriace; ombilic ventral; embryon excen- trique, courbé, de la moitié de la longueur de l'endosperme. Car. spéc. : tige herbacée, droite, cylindrique ; rameaux sétacés. L'asperge est cultivée dans toute l'Europe, à cause de ses jeu- nes pousses ou bourgeons verts, allongés, cylindriques, qui four- nissent un mets estimé, quoique rendant l'urine fétide. Lorsqu'on laisse croître ces jeunes pousses, elles s'élèvent jusqu'à la hau- teur de 1 mètre, en se partageant en un grand nombre de ra- meaux qui portent des ramuscules sétacés, fascicules, accompa- i70 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. gnés à la base, ainsi que les rameaux, de feuilles persistantes. Les fleurs sont petites, campaniformes, verdâtres, pendantes, solitaires à Textrémité de pédoncules grêles et articulés au mi- lieu, qui parlent ordinairement deux à deux de la base des ra- meaux. Le fruit est une baie sphérique, rougeâtre,de la grosseur d'un pois, renfermant des semences noires, dures et cornées. La racine est composée d'un paquet de radicules de la grosseur d'une plume, fort longues, adhérentes à une souche commune, presque horizontale et toute garnie d'écaillés. Ces radicules sont grises au dehors, blanches en dedans, molles, glutineuses et d'une saveur douce. Elles sèchent difficilement. La racine d'asperge a été analysée par Dulong, pharmacien à Astafort (1), qui n'a pu y constater la présence des principes par- ticuliers extraits par Robiquet des jeunes pousses de la plante. Le suc exprimé de ces pousses contient une matière verte rési- neuse, de la cire, de l'albumine, du phosphate de potasse, du phosphate de chaux tenu en dissolution par de l'acide acétique libre, de l'acétate de potasse; enfin, deux principes cristallisables que Vauquelin a reconnus depuis pour être, l'un de la mannite, l'autre un principe immédiat particulier, qu'il a nommé aspm'agine. L'Asparagine est insoluble dans l'alcool, peu soluble dans l'eau froide, plus soluble dans l'eau bouillante, et cristallisable en pris- mes droits rhomboïdaux. Sa dissolution n'affecte en aucune ma- nière le tournesol, la noix de galle, l'acétate de plomb, l'oxalate d'ammoniaque, le chlorure de baryum et le sulfhydrate de potasse. Elle contient de l'azote au nombre de ses éléments, et sa compo- sition est telle qu'elle peut être représentée par de l'ammoniaque combinée à un acide particuUer qui a reçu le nom d'acide aspar- tique : aussi se décompose-t-elle facilement en ces deux corps, sous l'influence d'un acide minéral ou d'un alcali fixe. Elle se transforme même directement en aspartate d' ammoniaque , lors- qu'on l'abandonne à l'état de dissolution aqueuse. Voici les for- mules de cette réaction : L'asparagine cristallisée = C» H'O Az2 0» = C» H» Az^O^ + \V- O^ L'acide aspartique cristalisé = C» H^ Az 0»= G8~H5 Az 0«+ H^ O^. C8 Hio Az2 08 = G» H7 Âz 0» + H3~aZ "~ La racine d'asperge, de même que celle de petit houx, fait partie de celles qui sont employées collectivement sous le nom des cinq racines apéritives. Les trois autres, les racines d'ache, de persil et de fenouil, appartiennent à la famille de ombellifères. (1) Dulong, Journ. pharm.y t. XII, p. 278. ASPARAGINÉES. — RACINE DE SQUINE. {1\ Racine de squiue. Smilax China L. Les Smilax sont des plantes ligneuses, pour- vues de tiges volubiles et très-souvent épineuses ; les feuilles sont alternes, pétiolées, cordées ou hastées, à nervures réticulées, accompagnées de stipules souvent converties en vrilles. Les fleurs sont disposées en petits corymbesou en ombelles axillaires, quel- quefois en longues grappes; elles sont dioïques et pourvues d'un périantbe à six divisions. Les élamines sont au nombre de six, à filaments filiformes libres, à anthères linéaires dressées; l'ovaire est à 3 loges uni-ovulées; il est surmonté d'un style très-court et de 3 stigmates écartés. Le fruit est une baie à 1 ou 3 loges, contenant un même nombre de semences blanchâtres, à ombilic basilaire, grand, coloré. Il en existe une espèce très-épineuse {Smilax aspera L.), commune dans les contrées méridionales de l'Europe ; mais toutes les autres espèces appartiennent aux contrées chaudes de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique. Lasquine, en particulier {Smilax China L ) croît naturellement dans la Chine et au Japon ; sa racine, que le commerce nous four- nit, est longue de 15 à 20 centimètres; épaisse de 4 à o, un peu aplatie, et offrant beaucoup de nodosités tuberculeuses. Son poids varie de 120 à 280 grammes. Elle est couverte d'un épiJerme rougeâtre assez uni, souvent luisant, dépourvu de. tout vestige dé- cailles ou anneaux. A l'intérieur, elle n'offre pas de fibres ligneuses apparentes, mais sa couleur et sa consistance varient : tantôt elle est spongieuse, légère, d'un blanc rosé, facile à couper et à pulvéri- ser; d'autres fois, elle est très-pesante, très-dure, d'une couleur brunâtre, surtout au centre, et gorgée d'un suc gommeux-extrac- lif desséché. Elle n'a qu'une saveur peu sensible et farineuse; elle contient beaucoup d'amidon, de la gomme et un principe rouge et astringent soluble dans l'eau. La squine a acquis une sorte de célébrité comme anlivéné- rienne et antigoutteuse par fusage qu'en a fait Charles-Quint. Elle est encore employée seule ou associée à d'autres sudori- fiques. Plusieurs autres espèces de Smilax ont été supposées fournir la racine de squine, jusqu'à ce que la véritable plante eût été dé- crite par Burmann. Telles sont la fausse squine d'Amboine, de Rumphius (Smilax zeylanica L.), et les différentes plantes améri- caines qui entêté confondues sous le nom commun de Smilax pseudo-china. — Nous avons quatre racines de ce genre : 1° Squine de Maracaïbo, trouvée mélangée dans la salsepareille de Maracaï'io ; elle est formée d'une souche horizontale peu volu- 172 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. mineuse, ligneuse, rougeâlre, toute couverte de mamelons arron- dis, de chacun desquels sort une racine fort longue, privée de son écorce et réduite à l'état d'un méditullium ligneux, d'un brun rougeâtre, lisse et cylindrique, avec quelques pointes piquantes de radicules. Cette racine présente la même disposition de par- ties que la salsepareille, mais elle s'en distingue par le principe colorant rouge et astringent qui caractérise la squine. 2® Fausse squine de Clusius, Pocayo de Recchus. Cette seconde espèce, d'origine américaine également, constitue une souche cy- lindrique, amincie en pointe à ses extrémités, longue de 25 cen- timètres, ou plus courte et plus épaisse, ovoïde-allongée, de la- quelle naissent des tuhérosités latérales ayant la forme d'une pomme de terre. Ces souches portent çà et là, sur toute leur sur- face, des mamelons terminés chacun par une racine ligneuse ; mais ces racines manquent. De plus, dans l'intervalle des mame- lons, on voit des franges circulaires, semblables à celles des sou- chets et des galangas, et qui sont des vestiges d'insertion d'écaillés foliacées. A l'intérieur, cette souche est dure et compacte; la scie y produit une coupe uniforme, fauve ou d'un jaune rougeâtre, avec un pointillé de vaisseaux fibreux dispersés dans la masse. Cette racine se trouve figurée par Clusius (1) et par Recchus (2). 3° Squine de Teques. Celte racine, que nous devons à l'obli- geance de M. Magonly, me paraît appartenir à la même espèce que la précédente ; elle a été récoltée près de Tèques, dans la Colombie, où elle porte le nom de ratz de china (racine de squine). Elle est longue de 50 centimètres, épaisse de 5 à 7, et pèse 640 grammes ; elle est un peu aplatie ou anguleuse, amin- cie aux extrémités, en partie couverte par des écailles foliacées disposées par bandes circulaires, et pourvue de mamelons épars d'oij partaient les racines. La substance intérieure est semblable à celle ci-dessus. 4° Squine monstrueuse du Mexique. Cette racine arrive quelque- fois placée au milieu des balles de salsepareille de la Vera Cruz. Elle forme des souches monstrueuses, longues de 50 centi- mètres, épaisses de 10, noueuses et articulées, du poids de 2'', 500, plus ou moins. Elleest dépourvue de franges circulaires et d'écail- lés foliacées, et ne présente que des mamelons peu apparents, d'où sortent des racmes dépouillées de leur partie corticale, et réduites à l'état de longues fibres cylindriques, noires et brillan tes à l'exlérieur, rouges et complètement ligneuses à l'intérieur» La souche elle-même est complètement ligneuse, d'un rouge (1) Clusius, Exotica^ pi. 83. (2) Recchus, Plant, nov. Hisp., p. 393. ASPARÂGINEES. — SALSEPAREILLE. 173 foncé ; elle prend sous la scie la couleur et le poli d'un bois d'a- cajou foncé à Tair. Cette racine, autant par ses caractères que par le lieu de son origine, nous paraît être le China michuanensis de Plumier (!). et le China michuanensis ou phaco d'Hernandez (2). Racines de Salsepareille. Les salsepareilles sont des plantes sarmenteuses et volubiles, appartenant au genre Sînilax, qui croissent dans toutes les con- trées chaudes de l'Amérique. Leurs racines se composent d'une souche ligneuse et peu volumineuse, qui se propage par des no- dosités naissant les unes à côté des autres, et pourvues d'un grand nombre de radicules fort longues, grosses comme une plume à écrire et flexibles. Ces radicules sont formées d'une partie corti- cale succulente à l'état récent, et d'un médilullium ligneux à longues fibres parallèles, qui les parcourt d'un bout à l'autre, ce qui les rend difficiles à rompre transversalement, mais très-faciles à fendre dans le sens de leur longueur. Quatre espèces deSmilax sont citées surtout comme étant la source des différentes sor- tes de salsepareille qui nous sont fournies par le commerce. Smilax medica, Schlechtendahl {fig. 36!). Tige anguleuse, ar- méevers les jomts d'épines droites, avec quelques- unes crochues dans les in- tervalles. Feuilles courte- ment acuminées, unies, non épineuses, à 5 ou 7 nervures; les inférieures cordées, auriculées-has- tées ; les supérieures cor- dées-ovales. Cette plante croît sur les pentes orien- tales des Andes du Mexi- que. La racine qui en pro- vient est transportée à la Vera-Cruz, des villages de Papantla, Taspan, Nautla, Misantla, etc. Sm ilax officina lis , K u n th . Tige buissonneuse, volu- bile, épineuse quadrangulaire, unie. Les jeunes jets sont nus et (1) Plumier, Édition de Burmann, pi. 82. (2) Hernandez, Rech., p. 2\'i. Fig, 361. — Salsepareille. 174 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. presque ronds. Feuilles ovales-oblongues aiguës, cordées, réticu- lées, à 5 ou 7 nervures ; elles sont coriaces, lisses, longues de 33 centimètres et larges de 11 à 15 centimètres. Les jeunes feuilles sont étroites, acuminées, à 3 nervures. Cette plante croît sur les bords de la Magdcleine dans la Nouvelle-Grenade ; on en trans- porte une grande quantité à Carthagène et à Montpox. Sniilax syphilitica, Kiinth. Tige ronde, forte, avec 2 à 4 pi- quants droits, seulement vers les nœuds. Feuilles ovales-lancéo- lèes, à 3 nervures, coriaces, lisses et luisantes, longues de 33 cen- timètres. MM. de Humboldtet Bonpland ont observé cette plante dans la Colombie, près de la rivière de Cassiquiare, et M. Martius l'a trouvée au Brésil, à Yupura et à Rio-Negro. On peut compter encore au nombre des Smilax qui concourent à la production des salsepareilles du commerce : Les Smilax laurifolia y Willd. — Antilles et Caroline. — macrophylla, Willd. — Antilles. — obliquata, Poire t. — Pérou. — paryracea, Poiret. — Brésil. — cordato-ovata, Richard. — Brésil. — pseudo'syphilitica, Kunth. — Brésil, etc., etc. [Quant au Smilax Sahaparilla, qu'on a longtemps considéré comme l'origine d'une sorte de salsepareille, c'est une espèce douteuse de Virginie, qui ne donne pas plus de produits com- merciaux que notre Smilax aspera. Structure des salsepareilles. Les salsepareilles ont une structure assez spéciale qui permet de les distinguer facilement de la plupart des racines qu'on a faussement désignées sous ce nom. Sur une coupe transversale elles présentent de la circonférence au centre {fig. 362) : 1° un cercle mince, jaunâtre ou brun rougeâtre (6); 2° une zone plus épaisse, blanche ou rosée, renfermant une proportion plus ou moins considérable ou fécule (c); 3° une zone ligneuse rendue comme poreuse par un nombre considérable de vaisseaux {e) ; 4** une partie centrale, espèce de moelle formée de tissu cellulaire contenant de la fécule {h). Les deux zones extérieures sont sou- vent désignées sous le nom de partie corticale ; les autres forment la partie ligneuse. La largeur relative de ces diverses zones, et particulièrement de la moelle centrale et de la partie ligneuse, tout en restant h. ASPARAGINÉES. — SALSEPAREILLES. 173 peu près constante dans une même salsepareille, varie suivant Fig. 362. — Salsepareille de la Vera-Cruz (*). Fig. 363. — Salsepareille Caraque {*). Fig. 364. — Salsepareille de la Yera Cruz. Fig. 365. — Salsepareille Caraque. Fig. 366. — Salsepareille du Brésil (*). Fig. 368. — Salsepareille du Brésil. Fig. 367. — Salsepareille de Honduras ou du Guatemala (*J. Fig. 369. — Salsepareille de Honduras ou du Guatemala. les espèces. On peut donc trouver dans cette circonstance des (*) 6. Zone corticale extérieure. — c. Zone corticale intérieure. — d. Cellules à noyaux [Kernscheide). — e. Zone ligneuse. — h. Moelle. 176 VÉGÉTAUX MONOCOTYLEDONÉS. caractères qui permettent de distinguer ces espèces les unes des autres. L'inspection à l'œil nu ou simplement à la loupe suffit pour apprécier ces dimensions et déterminer ainsi certaines salsepa- reilles ; mais si l'on veut se servir du microscope, on peut trouver de nouveaux caractères qui, combinés aux précédents, permettront d'arriver à une détermination beaucoup plus rigoureuse. C'esl dans une couche de cellules incrustées, placée entre la seconde et la troisième zone {Kernscheide des Allemands (fig 3G4, d)y qu'il faut chercher ces signes spéciaux. Les cellules, qui la constituent, ont tantôt des parois, également épaisses sur toute leur circonfé- rence (fi'j. 369), tantôt au contraire la paroi,, qui regarde vers la circonférence de la racine restant relativement mince, les parois latérales et surtout intérieures s'épaississent considérablement [fig. 368) : il en résulte dans la forme générale des cellules et sur- tout dans celle de leur cavité intérieure des différences très-mar- quées ; cette cavité sur la coupe transversale étant carrée {fig. 365), ou presque arrondie (fiig, 369) ou manifestement triangulaire (fig. 368). Nous tiendrons compte de tous ces caractères dans la descrip- tion, qui va suivre, des diverses salsepareilles du commerce. Description des salsepareilles du commerce, 1. Salsepareille de la Vera Gruz. — Cette sorte porte com- munément en France le nom assez impropre de salsepareille de Honduras. Il ne faut pas la confondre avec la salsepareille du Guatemala, qui a le môme nom, principalement en Allemagne, mais dont les caractères sont bien différents. La zone ligneuse proprement dite est beaucoup plus dévelop- pée que la moelle centrale, ainsi que le montre la fig. 362. Les cellules de la couche caractéristique ont les parois intérieures très-épaisses, et la forme de la cavité intérieure est celle d'un triangle à sommet tourné vers l'axe de la racine (1).] Elle arrive de la Vera-Gruz et de Tampico en balles de toiles de 60 à 100 kilogrammes, dans lesquelles les racines sont fortement assujetties avec des cordes. Ces racines sont longues de 1 mètre à l'^jôS, presque dépourvues de radicules, et sont garnies de leurs souches et de tronçons de tiges. Les souches sont grises à l'exté- rieur et blanchâtres à l'intérieur; elles retiennent entre leurs nodo- sités une terre noire et dure, qui paraît avoir été détrempée d'eau avant sa dessiccation. Les tiges sont jaunâtres, noueuses, génicu- lées, presque cylindriques ou obscurément tétragones et pour- ASPARAGINÉES. — SALSEPAREILLES. 177 vues çà et là de quelques épines ligneuses. Les racines sont, au dehors, d'une couleur noirâtre, à cause de la terre qui les recou- vre ; elles offrent des cannelures longitudinales, profondes et ir- régulières, dues à la dessiccation de la partie corticale. Celte par- tie corticale est rosée à l'intérieur, et recouvre un cœur ligneux blanc, cylindrique, qui se continue d'un bout à l'autre de la ra- cine. Ce cœur ligneux n'a qu'une saveur fade et amylacée ; mais la partie corticale en possède une mucilagineuse, accompagnée d'amertume et d'une légère âcreté. La racine entière possède une odeur particulière, qui se développe singulièrement par la décoc- tion dans l'eau. [Le Sniilax medica, qui croît dans les Andes du Mexique, a pré- senté à Berg dans la structure anatomique de ses racines les caractères que nous venons d'attribuer à la salsepareille de la Vera-Cruz et toutes les données concordent à confirmer l'opi- nion émise par Guibourt (1), et à indiquer ce Smilax comme l'o- rigine de cette salsepareille.] La salsepareille de la Vera-Cruz est sujette à être altérée par , l'humidité, surtout dans l'intérieur des balles qui paraissent avoir (Hé serrées avant que la racine fût complètement sèche. Mais lors- qu'elle a été préservée de cette altération et qu'on la prive de la terre qui la salit extériçurement, et de ses souches, qui sont moins actives que les racines, c'est une des sortes les plus efficaces. 2. Salsepareille rouge, dite de la Jamaïque. Pope, pharma- cien de Londres, qui, le premier, nous a fait connaître cette racine, est d'avis qu'elle ne vient de la Jamaïque que par voie de transit, et que c'est un produit non cultivé de quelque partie du continent mexicain. Il est probable, en effet, qu'elle vient de la presqu'île de Honduras, et que c'est là la salsepareille supérieure de Hondu- ras dont parle Hernandez. Elle se rapporte également à la salse- pareille de Honduras de Nicolas Monardès, que cet auteur dit être plus pâle et plus grêle que celle du Mexique; celle-ci étant noirâtre et plus grosse (2). Cette racine vient en balles, comme la salsepareille du Mexi- que ; quelquefois isolée, d'autres fois mélangée avec la première, dont elle a la forme générale. Cependant on y observe quelques différences. Les souches sont moins ramassées ou plus disposées en longueur ; les tiges sont garnies d'épines cparses, plus nom- breuses, plus fortes et plus piquantes, et les nœuds en offrent ordinairement une rangée circulaire placée à la base d'une gaîne foliacée ; lorsque ces nœuds se trouvent avoir été recouverts de (1) Guibourt, Histoire des Drogues simp/es, 4^ édition. Paris, 1849. (2) Clusius, Simpl.méd., cap. 22. Guibourt, Drogues, 7«édit. T. II. — 12 M^ VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. terre, ils se développent en un tubercule ligneux, et les épines se changent en racines avortées. Cette sorte présente donc souvent des souches espacées par des portions de tige devenues souterraines, et comme disposées par étages. Les racines sont nombreuses, longues de 2 mètres et plus, ridées et comprimées par la dessiccation, mais elles sont grêles et entièrement propres ou privées de terre. Cette racine se fend avec une grande facilité ei sans avoir besoin d'être ramollie par une exposition plus ou moins prolongée à la cave, ce qui tient à ce qu'elle reste habi- tuellement plus humide et plus souple que celle de la Vera- Cruz (elle contient une proportion plus forte de sel marin). L'épi- derme est généralement d'un rouge orangé, mais souvent aussi il €st d'un gris rougeâtre ou blanchâtre, et ces deux couleurs ne constituent pas deux espèces différentes, car on les trouve sou- vent réunies sur une même souche. L'écorce, qui est moins nourrie que dans la première sorte, est souvent humide, comme il vient d'être dit, et paraît alors remplie d'un suc visqueux. Elle a une saveur mucilagineuse, plus amère et plus aromatique. Il semble que cette salsepareille soit la racine d'une plante sau- vage ou crue dans un terrain sec, et plus grêle, plus colorée, plus sapide, moins amylacée que celle de la plante cultivée. Pope et Robinet pensent que cette salsepareille. est supérieure à toutes les autres en qualité (1). 3. Salsepareille dite des cotes. Cette salsepareille ne me paraît être autre chose qu'une qualité inférieure de la sorte précédente. Elle présente les mêmes caractères généraux, mais elle est plus petite, plus grêle, plus sèche, d'un gris pâle et jaunâtre, peu sa- pide et peu riche en principes actifs. Si la salsepareille rouge justifie par ses propriétés la supériorité qu'on lui accorde sur celle de la Vera-Cruz, la salsepareille des côtes lui est certaine- ment inférieure, et n'arrive qu'au troisième rang. 4. Salsepareille caraque. Cette salsepareille, dont les racines sont fort longues, arrive repliée et mise en botte du poids de 1000 à loCO grammes, longues de 63 centimètres environ, pourvues de leurs souches et d'un chevelu assez considérable, assujetties par plusieurs tours de ses plus longues racines, et renfermées en grand nombre dans un emballage de toile, comme la salsepa- reille du Mexique. Elle est plus propre que celle-ci et non ter- reuse; elle est moins déformée par la dessiccation, étant généra- lement cylindrique et seulement striée longitudinalement. Elle est tantôt presque blanche, d'autres fois rougeâtre à l'extérieur, bien droite, et se fend avec une grande facilité. Elle présente un (I) Pope et Robinet, Journ. général de médecine, juin 1825. ASPARAGIiNÉES. — SALSEPAREILLES. 179 cœur ligneux blanc qui tranche agréablement avec le rouge rosé de récorce, lorsqu'elle a celte couleur. [La moelle centrale est bien plus développée que la partie li- gneuse proprement dite qui, comme le montre la fig. 361, est ainsi comprise enlre deux zones amylacées beaucoup plus épaisses qu'elle. Les cellules de la couche caractéristique ont leurs parois d'épaisseur sensiblement égales et leur forme est polyédrique, rarement allongée dans le sens du rayon.] Celte salsepareille, bien choisie, a une belle apparence, mais elle est presque insipide et tellement amylacée que, lorsqu'on la brise, il s'en échappe une poussière blanche d'amidon. Les lar- ves de vrilettes et de dermestes l'allaquent promptement et la réduisent en poussière. Malgré sa belle apparence, cette racine, étant presque privée du principe actif des salsepareilles, me pa- raît devoir être rejelée de l'usage médical. Beaucoup de personnes attribuent la salsepareille caraque, soit au Smilax syphilitica, soit plutôt encore au Smilax officinalis dont la racine, au dire de Alex, de Humboldt, est transportée en grande quantité en Europe par la voie de Garthagène et de la Jamaïque. J'ai conibattu anciennement cette opinion, parce que ces deux Smilax ont la tige épineuse, et que je n'avais pas jusque-là trouvé de tige épineuse dans la salsepareille caraque; mais ayant observé depuis quelques tiges pourvues d'épines dans cette salsepareille, ce caractère me paraît moins important, et j'admets aujourd'hui que l'un ou l'autre des Smilax décrits par Alex. Humboldt puisse produire la salsepareille caraque. Gela ne change rien au jugement défavorable que je porte de sa qualité. 5. Salsepareille de Maracaibo. J'ai rencontré une seule fois cette racine, mise en petites bottes longues de 50 centimètres, et entassées en travers dans des surrons en cuir qui ne recouvrent pas entièrement la marchandise. Le cuir est retenu avec des la- nières de même nature, disposées en lacet. Les racines sont courtes, flexueuses, difficiles à fendre, et portent beaucoup de chevelu. Du reste, elles sont rouges ou blanches, cylindriques et régulièrement striées, comme la précédente, ce qui semble indi- quer qu'elles appartiennent à la même espèce. Les liges sont quadrangulaires, verdàtres, sans aucune épine et un peu pubes- centes. C'est dans celte sorte que j'ai trouvé l'espèce de squine décrite sous le nom de squine de Maracaïbo. 6. Salsepareille du Brésil, du Para, dite de Portugal ou de Lis- bonne. Cette racine vient des provinces de Para et de Maraham ; elle est privée de ses souches et mise sous la forme de bottes cy- lindriques, fort longues et très-serrées, entourées d'un bout à J80 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. l'autre avec la lige d'une plante monocotylédone nommée tim- botitica. Elle n'est jamais plus grosse qu'un petit tuyau de plume; elle est d'un rouge terne et obscur à l'extérieur, cylindrique et marquée de stries lonojitudinales assez régulières. Elle présente moins de radicules (\\\e la salsepareille caraque; mais beaucoup plus que celle du Mexique. Elle est blanche à l'intérieur et pa- raît très-amylacée. Elle a une saveur un peu amère. [Comme dans la salsepareille de Caracas, la partie ligneuse est comprise entre deux zones amylacées plus épaisses qu'elle : mais la forme des cellules de la couche corticale interne est différente : elles sont la plupart étendues dans le sens du rayon, et leurs parois inté- rieures sont plus épaisses que les extérieures [fig. 364).] On trouve parfois dans Tintérieur des bottes de salsepareille du Brésil des portions de souche et de tige. Celle-ci est radicante par le bas, multangulaire et pourvue, au moins dans la partie qui avoisine la racine, d'un nombre considérable d'aiguillons superficiels, disposés en lignes longitudinales et parallèles. Ces caractères se rencontrent dans le Smilax popyracea de Poiret, que M. Martius donne, en effet, comme la source de la salsepareille du Brésil. [On l'attribue cependant plus communément au Sm. cordato-ovata, auquel se trouveraient mêlées les racines du S m, syphilitica,] Cette salsepareille a été très-estimée anciennement, et elle se vend encore plus cher que les autres, en raison de l'absence de ses souches. Mais elle est évidemment inférieure pour l'usage mé- dicinal à celles de la Vera-Cruz et de Honduras. [7. Salsepareille du Guatemala ou de Honduras. Celte salse- pareille vient en paquets de formes diverses : tantôt les racines tiennent encore à leurs rhizomes ; d'autres fois, elles en sont dé- tachées et forment alors des bottes entourées d'une tige de liane. Cette salsepareille est d'une couleur variable entre le gris jaunâtre et le brun foncé. Elle est complètement dépouillée de terre : sa surface n'est que peu profondément sillonnée. Sur la coupe trans- versale, la zone intérieure de l'écorce est cornée ou amylacée : la partie ligneuse est un peu plus mince {pg. 365) que les deux zones qui la limitent ; les cellules de la couche caractéristique sont lar- gement ouvertes, de forme carrée et leurs parois sont également épaisses surtout leur pourtour {fig. 367). L'origine de cette salsepareille est encore indéterminée. Elle paraît venir de Honduras par Truxilloel des côtes méridionales du Guatemala et du Nicaragua.] 8. Salsepareille du Pérou. Cette sorte est pourvue de ses sou- ches et elle tient le milieu, pour l'aspect général, entre les salse- pareilles de la Vera-Cruz et de la Jamaïque. Elle est propre et ASPARAGINÉES. — SALSEPAREILLES. 181 privée de terre, couverte d'un épiderme gris brunâtre assez uni- forme. Elle est plus grôle que la salsepareille de la Vera-Cruz, plus droite, marquée de sillons moins profonds. Voici maintenant ce qui la distingue, tant de la salsepareille de la Vera-Cruz que de celle de Honduras ou de la Jamaïque. Le méditullium ligneux, qui se trouve assez souvent mis à nu, est parfois coloré d'un rouge assez vif; les tubérosités d'oii sortent les tiges sont imprégnées d'un principe orangé, qui colore fortement, surtout les écailles des bourgeons ; enfin les tiges sont manifestement plus volumi- neuses, mais elles sont spongieuses, et leurs fibres ligneuses se laissent facilement séparer. Cette salsepareille est sans doute pro- duite parle Smilax obliquata du Pérou. 9. Salsepareille NOIRATRE, A grosses tiges aiguillonnées. Nous ignorons d'où vient cette salsepareille, qui offre d'assez grantis rapports avec la salsepareille du Pérou. Elle forme des bottes considérables composées de racines et de soucbes. Les racines sont très-longues, de la grosseur d'une petite plume, médiocrement cannelées, d'une couleur générale brune noirâtre, peu amylacées. Les soucbes sont volumineuses, noires au debors, blancbesen de- dans, avec quelques écailles colorées en jaune, comme dans la salsepareille du Pérou. Les tiges sont très-grosses, mais peu con- sistantes, pourvues d'un grand nombre d'angles marqués par des côtes membraneuses qui se terminent par des aiguillons papyra- cés. Cette salsepareille donne avec l'eau des décodés d'un rouge de sang, el son extrait a une odeur de valériane. 10. Salsepareille ligneuse. Cette sorte est remarquable par le volume, la grandeur et l'aspect ligneux de toutes ses parties ; sa souche est au moins grosse comme le poing, noueuse, irrégu- lière, ligneuse et d'un blanc grisâtre à l'intérieur ; ses racines ont de 7 à 9 millimètres de diamètre, sont fort longues,- couvertes d'un épiderme rouge-brun, et sont formées d'une écorce peu épaisse, desséchée et profondément sillonnée, et d'un mé- ditullium ligneux, large et d'une couleur de bois de chêne. Les tronçons de tige qui accompagnent la souche sont épais de 25 millimètres, el sont tout hérissés de piquants ; ces piquants (aiguillons) sont superficiels et rangés par lignes longitudinales, comme dans les deux salsepareilles n*» 6 et 8. La salsepareille ligneuse a une saveur mucilagineuse, amère et acre ; elle est rare et peu estimée à Paris ; mais on nous a dit qu'elle était recherchée à Bordeaux pour Tusage médical. On nous a dit aussi qu'elle venait de Mexico. Plusieurs chimistes se sont occupés de chercher quel était le principe actif de la salsepareille. M. Palolti, le premier, ayant 182 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. précipité une forte infusion de cette racine par l'eau de chaux, a traité le précipité, délayé dans Teau, par un courant d'acide car- bonique, pour convertir la chaux en carbonate ; il a évaporé la liqueur à siccité, a traité le résidu par de l'alcool à 40 degrés, et a obtenu, par l'évaporation, une matière blanche, astringente et nauséeuse, à laquelle il a donné le nom de parigline. Un autre chimiste italien, le docteur Folchi, ayant décoloré un macéré de salsepareille par le charbon animal, et l'ayant fait évapo - rer,avu se déposer une matière cristalline qu'il a nommée s/?2i7adwe. Enfin Thubœuf, pharmacien à Paris, a obtenu de la salsepa- reille une matière cristallisée, en traitant la racine par de l'alcool faible, faisant concentrer la liqueur, laissant déposer et reprenant le dépôt par l'alcool rectifié bouillant ; il a donné à cette matière le nom de salseparine. Il a également constaté dans la salsepa- reille la présence d'une huile brune et odorante, qui ne doit pas être étrangère à ses propriétés. D'après les expériences de M. Poggiale, et d'après celles mê- mes de Thubœuf, la smilacine, la parigline, la salseparine et même la substance désignée par M. Batka sous le nom à* acide pa^ rillinique sont un seul et même corps, qui paraît insipide au goût lorsqu'il est sec et pulvérulent, à cause de sa complète insolubilité dans l'eau froide et la salive ; mais quand il est dissous dans l'eau bouillante ou l'alcool, il ofTre une saveur amèreetâcre à la gorge. Son dissoluté aqueux, quoiqu'il en contienne fort peu, mousse considérablement par l'agitation. La salseparine est insoluble dans l'éther ; elle n'est ni acide ni alcaline, et est formée seulement de carbone, d'hydrogène et d'oxygène. Fau§ses salsepareilles. Plusieurs racines appartenant à des contrées et à des familles de plantes très-difTérenles ont été proposées comme succédanées de la salsepareiUe, plutôt qu'elles n'ont été vendues par fraude pour elle. Cependant ce dernier cas s'est plus d'une fois pré- senté. Celles de ces racines qui se rapprochent le plus de la salse- pareille par leurs caractères et leurs propriétés, appartiennent, soit au genre Smilax lui-même, soit au genre Herreria, et crois- sent au Brésil, où on leur donne, de même qu'à la salsepareille, le nom général de y«/}/can^a. Cependant ce nom paraît appartenir et plus spécialement à deux espèces qui sont les Smilax japicanga et Sm, syringoïdes de Grisebach. Nous avons deux racines de ce genre qui appartiennent très-probablement à ces deux espèces: l'une est arrivée du Brésil sous le nom même de japicanga et nous a été remise par M. Stanislas Martin, pharmacien à Paris ; nous avons trouvé l'autre chez M. Dubail. ASPARAGINÉES. — SALSEPAREILLES. 183 J. Racine de japicanga de M. Stanislas Martin. Celle racine se compose d'un ou de plusieurs tubercules arrondis, assez volu- mineux, blancs à l'intérieur, avec indice d'un principe colorant rouge dans l'épiderme. Les tronçons de lige sont parfaitement cylindriques, de la grosseur d'une forle plume, unis à leur sur- face, avec quelques rares épines, d'une couleur verte d'abord, puis jaune. Les racines sont loules fendues par la moitié dans le sens de leur longueur, et elles sont formées d'une écorce d'un gris un peu rougeâtre, très-mince et très-ridée et d'un méditul- lium ligneux, volumineux, mais complètement vide à l'intérieur, de sorte que ce médilullium devait former un véritable tube d'un bout à l'autre de la racine. Dans un assez grand nombre de raci- nes, qui probablement ont été mouillées avant leur dessiccation, l'épiderme se dédouble en plusieurs feuillets, qui ont pris à l'air une couleur rouge assez foncée. La racine entière présente une saveur un peu salée et mucilagineuse, finissant par devenir assez fortement amère. Elle est inodore. 2. Racine de japicanga de M. Dubail. Il paraît qu'une forle par- tie de cette substance a été importée en France vers l'année 1820; on la prit alors pour la lige de VAralia nudicaulis ; mais le place- ment n'ayant pu en être effectué, on la réexporta pour l'Allema- gne, sauf une certaine quantité qui resta en la possession de M. Dubail. Elle a été décrite par nous comme étant la tige de VAralia nudicaulis (1) ; ce n 'est qu'après avoir vu la racine pré- cédente que nous avons reconnu la vraie nature de celle-ci. Cette racine est entièrement privée de ses souches, coupée par tronçons de 40 à 50 centimètres, et mise en petites bottes rete- nues par une racine semblable qui lui sert de lien. Elle est pour- vue d'un épiderme d'un gris un peu rougeâtre, profondément sillonnée par la dessiccation, ce qui lui donne une grande res- semblance avec la salsepareille. Au-dessous se trouve une partie corticale grise ou blanchâtre, spongieuse, molle, quelquefois gluante et comme gorgée d'un suc mielleux. A l'intérieur est un corps ligneux blanchâtre, cylindrique, percé au centre d'un large canal, et ce caractère est celui qui distingue le mieux le japi- canga de la salsepareille, dont le cœur est plein et solide. L'o- deur en est fade et peu marquée ; la saveur en est sucrée d'abord, puis assez fortement amère. 3. Racine d'agave de Cuba ou magney du Mexique {Agave eu- bensis de Jacquin, famille des Amaryllidées). Cette plante, qui af- fecte la forme d'un grand aloès, est portée sur une souche pivotante, grosse comme la cuisse, garnie tout autour de longues (Ij Guibourt, Histoire abrégée des drogues simples, 2** édition. 18i- VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. racines du diamètre d'une petite plume et assez semblables à celles de la salsepareille. L'écorce en est papyracée, d'un rouge de garance, facile à séparer d'un cœur ligneux. Celui-ci est blanc à l'intérieur, composé de fibres distinctes qu'il suffit de séparer pour en faire une filasse très-forte, mais grossière, bonne à faire des cordages. L'odeur est nulle; l'écorce seule a une saveur fai- blement astringente. Lorsque, en 1853, M. Pope eut attiré l'at- tention des pharmaciens sur la salsepareille rouge de la Jamaïque ou de Honduras, quelques personnes donnèrent en sa place de la racine d'agave qui n'offre avec la première aucun rapport de pro- priétés. 4. Racine de laiche des sables ou de cabex arenosa. Cette racine a été usitée en Allemagne comme succédanée de la salse- pareille. Elle a été décrite (page 92). 0. Racine INCONNUE donnée anciennement comme salsepareille grise d'Allemagne. Cette racine, appartenant à une plante dico- tylédone, est longue, cylindrique, pourvue d'une écorce grise, très-mince et difficile à isoler du cœur ligneux. Celui-ci est très- volumineux, grisâtre et composé de fibres très-apparentes, excepté dans lesplus petites racines qui l'ont plus blanc et plus amylacé. Cette racine ressemble beaucoup à la salsepareille, mais voici ce qui l'en distingue: elle est très-difficile à fendre droit et, lorsqu'elle est fendue par la moitié, si on essaye de la rompre, en la pliant de manière que la partie corticale soit en dehors, elle casse net, tandis que la salsepareille résiste à la même épreuve. La racine en masse offre une odeur peu marquée de vieux spicanard, et elle a une saveur non mucilagineuse, souvent nulle, mais d'autres fois un peu aromatique et comme camphrée. 6. Salsepareille grise de Virginie [Aralia nudicaulis, famille des Araliacees). Cette substance est une tige rampante et non une racine; elle est ramifiée, couverte d'un épiderme gris blan- cLâtre ou gris rougeâtre et foliacé. L'écorce est jaunâtre, spon- gieuse, sèche ; au centre se trouve un cœur ligneux blanc. Celte tige possède une odeur fade, peu marquée; une saveur légère- ment sucrée et aromatique, comme celle de la racine de persil. 7. Fausse salsepareille de l'Inde vendue sous le nom de Smi- lax aspei^a. Les droguistes anglais tirent cette racine de l'Inde orientale, et lui dounent le nom de nunnari. Or, d'après W. Ains- lie(l), la racine nommée salsepareille de l'Inde^ ou nunnari- vaiji\ provient du Periploca indica^ L. Malgré cette autorité, le docteur Thompson, ne trouvant pas que l'odeur agréable ni les propriétés médicales de cette racine s'accordassent avec celles d'une apocy- (I) Wliitolaw Ainslie^ Mnleria indico. Loudon, 1826, 2 vol. in-8. DIOSGOREES. 183 née, en a conclu qu'elle devait être produite par le Smilax aspera. Tous les médecins pharmaciens anglais ont adopté cette opinion, -et plusieurs médecins et pharmaciens français également; il en résulte que celte racine est quelquefois prescrite sous le nom de Smilax aspera bien qu1l soit facile de démontrer qu'elle n'appar- tient h aucune plante de ce genre. Trois plantes ont porté le nom de Smilax aspera: d'abord la salsepareille d'Amérique, nommée par ^\\w\\\v\^ Smilax aspera pe- ruviana ; secondemenile Smilax aspera, L, plante sarmenleuse, aiguillonnée, de l'Europe méridionale, dont la racine est formée d'une souche blanche, grosse comme le doigt, noueuse et articu- lée comme celle du petit-houx, garnie de radicules longues, blan- ches et menues ; troisièmement le cari-villandi de Rhéede, Smilax zeylanica, L., dont la souche épaisse et tuberculeuse simule la squine officinale. Aucune de ces racines ne peut être celle qui nous occupe. D'ailleurs la fausse salsepareille de l'Inde est souvent accompa- gnée de sa lige, qui offre, comme celle des plantes dycotylédo- nes, une écorce distincte, un corps ligneux et un canal médullaire au centre ; la plante ne peut donc pas être un Smilax. Enfin cette tige est souvent carrée à la partie supérieure, et les feuilles sont opposées. Nous avions conclu de ces deux indices et de quelques autres, que la plante appartenait à la famille des Rubiacées (1); mais il est parfaitement certain aujourd'hui qu'elle n'est autre que le Periplocaindicay L. {fJemidesmus indiens^ famille des Asclé- piadées). La fausse salsepareille de l'Inde, ou lenumiari-vayr, est une ra- cine longue de 33 à 50 centim., de la grosseur d'une plume à celle du pelit doigt : elle est tortueuse, et souvent brusquement fléchie en divers endroits; elle est formée d'une écorce épaisse, souvent marquée de fissures transversales, et se séparant, par pla- ces, du médituWum ligneux. Celui-ci est formé de fibres rayon- nées et contournées; il se rompt lorsqu'on le ploie, et sa cassure offre à la loupe une infinité de tubes poreux. L'épiderme est d'un rouge obscur; l'inlérieur de l'écorce est grisâtre, et le bois est d'un blanc jaunâlre. La saveur proprement dite est à peine sen- sible; mais elle offre un parfum très-agréable de fève lonka, et la racine en masse présente la même odeur. FAMILLE DES DIOSCORÉES. Celte petile famille a été établie par R. Brown pour placer les plan- tes delà famille des Asparaginées de Jussieu dont l'ovaire est infère. (l) Guibourt, Journal, de chim. méd., t. VIII, p. CG5. 186 VÉGÉTAUX MONOCOTYLEDONES. Elle comprend des végé|aux à racine tubéreuse et amylacée, à lige vo- lubile comme celle des Smilax, à feuilles alternes ou quelquefois op- posées, réticulées, entières ou palmatidivisées ; les fleurs sont peu ap- parentes, le plus souvent dioïques, à G étamines libres, ou pourvues de I ovaire soudé avec le tube du périanthe et à 3 loges. Le fruit est une capsule à 3 loges {Dios<^orea\ pouvant se réduire à une par avorlement [Rajania), ou une baie (genre Tamus). fg^namcs. Les ignames {Dioscorea sativa, D. alata, D. Batatas), etc., sont répandues dans toutes les parties chaudes de la terre et principa- lement dans les deux Indes, et dans toutes les îles et contrées qui les séparent de la Chine et du Japon ; à la Guyane, dans les An- tilles, dans la Floride et la Virginie. Leurs tubercules radicaux de formes variées, bizarres, et souvent très-volumineux, concou- rent puissamment à la nourriture de Thomme. • Tamier ou Taminier. Le Tamus communis, L. croît en Europe dans les haies; on lui donne aussi les noms de vigne noire ou de bryone noire^ de sceau de Notre-Dame, racine de vierge, racine de femme battue. C'est une plante sarmenteuse, haute de 2 à 3 mètres, munie de feuilles pé- tiolées, cordil'ormes, pointues et luisantes. Les fruits sont des baies rouges de la grosseur d'un grain de groseille. La racine est tubéreuse, grosse comme le poing, garnie tout autour de radicu- les ligneuses, grise au dehors, blanche en dedans, d'une saveur acre et imprégnée d'un suc gluant. Elle est un peu purgative et hydragogue. Les gens du peuple lui attribuent la propriété de ré- soudre le sang épanché par suite de contusions, étant appliquée dessus, râpée et sous forme de cataplasme. C'est sans doute à cause de l'usage assez fréquent qu'en font les femmes du peuple que la plante a reçu le dernier nom mentionné ci-dessus. C'est à côté des Dioscorées qu'il convient de placer les Tacca^ plantes non volubiles cependant, et dont le port rappelle un peu celui des Aroïdées. Ces plantes sontrépandues dans l'Inde, à Mada- gascar et dans toutes les îles de l'Océanie; elles sortent d'un tu- bercule radical tout couvert de radicules ligneuses, de nature amylacée, naturellement amer et acre, mais s'adoucissant par la culture et pouvant alors servir directement à la nourriture de l'homme. Depuis assez longtemps déjà, les Anglais tirent de Taïti et répandent dans le commerce, sous le nom à'arrow-rooi de Taïti, la fécule du Tacca pinnatifida qui y croît en grande abon- AMARYLLIDÉES. 187 dance. Celte fécule est blanche, pulvérulente, insipide, inodore, et présente les caractères généraux ^ de ce genre de produits. Examinée ^ au microscope, elle.se présente sous O la forme de granules sphériques, ovoïdes ou elliptiques, quelquefois courlemenl rétrécis au col ou cou- pés par un plan perpendiculaire à Taxe. Cette forme est très- analo- gue à celle de la fécule de sagou ; rig- 370. - Arrow-root. mais celle-ci est généralement plus allongée, et celle du Tacca plus courte et plus arrondie; de plus, elle présente presque toujours un hile très-développé et fissuré en forme d'étoile {fig. 370). Elle se conduit avec l'eau bouillante comme la fécule de sagou-tapioka. FAMILLE DES AMAUYLLIDÉES. I.es Amaryllidées sont aux Liliacées ce que les Dioscorées sont aux Asparaginées : elles en différent surtout par leur ovaire infère. Ce sont des plantes à racine bulbifère ou fibreuse, à feuilles radicales embras- santes ; à fleurs souvent très-grandes et remarquables par leur forme et leur vive couleur, enveloppées avant leur épanouissement dans des spathes scarieuses. Le périantlie est tubuleux, à 6 divisions ; les éta- mines sont au nombre de 6; l'ovaire est soudé avec le tube du calice, à 3 loges polyspermes et pourvu d'un style simple et d'un stigmate tri- lobé. Le fruit est une capsule triloculaire et à 3 valves seplifères ; quel- quefois c'est une baie qui ne contient, par avortement, que 1 à 3 grai- nes. Celles-ci, qui offrent assez souvent une caroncule celluleuse, renferment un embryon cylindrique et homotrope dans un endosperme charnu. Les plantes de cette famille qui sont le plus cultivées pour la beauté de leurs fleurs sont : L'amaryllis de saint Jacques, Amaryllis formosissima. Le crinum asiatique, Crinum asiaticum. L'haemanthe sanguin, Hœmanthus coccineus. Le pancrace maritime, Pancratium maritimum. Le perce-neige, Galanthus niualis. Le narcisse des poètes, Narcissus poeticus . La jonquille, Nai^cïssus Jonquilla. Les Amaryllidées sont généralement des plantes dangereuses, et quelques-unes, telles que V Amaryllis Belladona des Antilles et V Hœmanthus toxicaria du Cap de Bonne-Espérance sont de violents 188 VEGETAUX MONOCOTYLÉDONÉS. poisons. Les bulbes de la plupart sont acres et émétiques, et principalement ceux des Narcissus poeticus, IV. odorus, JonquiUa; N. des Crinwn, des Hœmanthus, Leacoïum , etc. Le bulbe du Pancratium niaritimum est volumineux, jouit de propriétés analo- gues à celles de la scille et est quelquefois substitué à la scille blanche. IVarci§se des prés. Narcissus pseudo- narcissus {fig. 371). Les fleurs paraissent être narcotiques h petite dose ; mais elles sont émétiques et vénéneuses aune dose plus élevée. Cette plante est commune en France dans les prés et dans les bois, oh elle fleurit de très-bonne heure; son bulbe luniqué donne naissance à des feuilles presque planes et de la longueur de la tige. La tige, haute de 16 à 20 centimètres, se termine par une spathe mono- phylle. de laquelle sort une fleur unique, penchée, assez grande, peu odorante, formée d'un pé- rianlhe tubuleux, soudé inférieu- rement avec l'ovaire , divisé supérieurement en six parties terminées en pointe; d'un jaune très-pâle ou presque blanches. Ce périanthe est doublé à l'intérieur par une enveloppe corolloïde (nectaire Linné), libre dans sa partie supérieure, qui dépasse la longueur des divisions du périan- the et d'un jaune plus foncé. 371. — Narcisse des prés. Agave et Furcroya. C'est h la famille des Amaryllidées qu'il faut rapporter les Agave et les Furcroya, plantes tellement semblables aux aloès par leurs feuilles ramassées, épaisses, charnues, dentelées et piquan- tes sur leurs bords, qu'elles sont généralement cultivées dans les jardins sous le nom d' Aloès ; mais leur ovaire infère et leur fruit loculicide les distingue de ceux-ci. Les Agaves sont d'ailleurs de di- mensions beaucoup plus grandes et quelquefois gigantesques; ils jouissent d'une longévité extraordinaire, pendant laquelle ils paraissent ne fleurir qu'une fois, et alors la hampe s'élève si ra- BROMÉLIACÉES. ANANAS. 189 pidement qu'on la voit croître à la vue, ce qui a donné lieu à la fable populaire que ces plantes ne fleurissent que tous les cent ans, avec une explosion semblable à celle d'un coup de canon. Les fibres ligneuses contenues dans les feuilles d'agave peuvent fournir une filasse comparable au chanvre, et beaucoup plus fine que celle fournie par les racines dont nous avons parlé (p. 186.) On la connaît dans le commerce sous le nom de soie végétale. Un des agaves du Mexique, qui, d'après M. Bazire (I), difiere du maguey [Agave cubensis de Jacquin), fournit, lorsqu'on arrache les feuilles ^^ est grisâtre a l'intérieur, et pourvu d'une faible odeur de violette. On l'emploiedansles buanderies pour communiquer "cette odeur aux lessives. Racine d iris de Florence. Iris florentina. C«itte espèce res- semble beaucoup à la précédente ; mais elle est plus petite dans toutes ses parties ; ses feuilles sont courtes, ensiformes, d'un vert glauque ; la hampe porte 2 ou 3 fleurs blanches, dont le tube est plus long que l'ovaire, et dont les divisions extérieures pré- sentent uneligne médiane barbue. La souche est oblique, grosse comme le pouce et plus, articu- lée, et d'une saveur acre. On nous l'apporte sèche et toute mondée de la Toscane et d'autres endroits de l'Italie. De- puis iSiO environ, on la récolte aussi dans quelques régions de la France (département de l'Ain et du Var), où on cultive la plante. Elle est d'une belle couleur blan- che, d'une saveur acre et amère, et d'une odeur de violette très- prononcée. Elle entre dans un certain nom- bre de compositions pharmaceu- tiques, et les parfumeurs en em- ploient une très-grande quantité. On en fabrique ausâ de petites boules de la grosseur d'un pois, nommées pois d'iris, très- usitées pour entretenir la suppuration des cautères. Yogel a retiré de la racine d'iris sèche une huile Fig. 374. — Iris commun. 192 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. volaille solide et crislallisable, une huile fixe, un extrait brun, de la gomme, de la fécule, du ligneux (1). [L'L'îs pallida donne une partie des rhizomes du commerce : d'après 0. Berg (2), il fournirait même h lui seul la sorte connue sous le nom d'iris de Lioourne, plus grosse et d'odeur plus fine que Tautre sorte appelée iris de Vérone.] Racine d'iris fétide. Vugairement glayeul puant ou spatule fétide; Iris fœtidissima, L» Celte plante croît en France dans les lieux humides et ombragés. Sa souche est oblique, longue el grosse comme le doigt, marquée d'anneaux h sa surface, garnie à la partie inférieure de beau- coup de fortes radicules. Elle donne naissance à des feuilles en- siformes, droites, étroites et fort longues, d'un vert foncé et rendant une odeur désagréable lorsqu'on les écrase. La tige est imparfaitement cylindrique, haute de 50 à 63 centimètres, gar- nie de feuilles, dont les dernières, en forme de spathes et de bractées, accompagnent 3 ou 4 fleurs. Les divisions extérieures du périanlhe sont allongées, rabattues, veinées, d'un violet pâle, dépourvues de raie barbue. Le fruit est une capsule à 3 loges, s*ouvrant par la partie supérieure et laissant voir des semences nombreuses, assez volumineuses, arrondies, couvertes d'une en- veloppe succulente et d'un rouge vif. La souche d'iris fétide possède une très-grande âcreté. Elle a été spécialement recommandée contre l'hydropisie. M. Lecanu en a retiré une huile volatile excessivement acre, de la cire, une matière résineuse, une matière colorante orangée, du sucre, de la gomme, un acide libre, etc. (3). Racine d^ris faux-acore A^ulgairemrnt iris des marais^ iris jaune, glayeul des marais [Iris pseudo-acojms, L.). Celte plante croît dans les ruisseaux assez pro- fonds et dans les endroits marécageux. Sa souche est horizon- tale, très-forte, annelée, articulée, chevelue, pourvue de feuilles radicales embrassantes, ensiformes, très-longues et très-étroites. La tige est élevée de 60 à 100 centimètres, garnie de feuilles, et produit 3 ou 4 fleurs entièrement jaunes, dont les trois divisions extérieures sont rabattues, grandes, ovoïdes, très-entières, dé- pourvues de raie barbue; les trois divisions internes sont dres- sées, très-étroites, plus courtes que le stigmate. (t) Vogel, Journal, de pliarmacie, 1815, p. 481. (2) O. Bei'g, Darstellimg und Bischreibung offizinellen Gewdchse. Leipzig. (3) Lecanu, Journal, de pharmacie, t. XX^ p. 320. IRIDÉES. — SAFRAN. 193 La souche de l'iris des marais n'a pas d'odeur. Elle est très- âcre et purgative lorsqu'elle est récente; desséchée, elle ac- quiert une couleur rougeâlre à l'intérieur. Ellea été usitée comme sterniitaloire. La graine torréfiée a été proposée comme succé- dané du café. !§»afran. Crocus sativus. Celte petite plante a le port général d'une lilia- cée, mais elle produit un bulbe tubéreux et non écailleux ou tu- nique; de ce bulbe s'élève une longue spathe d'oîi sortent un certain nombre de feuilles linéaires et un petit nombre de fleurs munies d'un périanthe violet-pâle, longuement tubulé, à 6 divi- sions dressées et presque égales, renfermant seulement 3 élami- nes et un pistil terminé par 3 stigmates creusés en cor- net; le fruit est une capsule à 3 loges. Le safran, tel qu'il vient d'être décrit, ou le Crocus sativus, L., comprend deux variétés, ou plutôt deux es- pèces, dont une seule fournit ces longs stigmates colorés qui composent le safran offi- cinal. L'espèce non officinale, ou le Crocus vernuSy fleurit au printemps, et produit h la fois des feuilles et sa fleur, dont les trois stigmates sont redressés, non dentés, beau- coup plus courts que les di- visions du périanthe; aussi ne paraissent-ils pas au de- hors. Le safran officinal, auquel on a conservé le nom de Crocus sativus, fleurit en septembre ou octobre, un peu avant l'apparition des feuilles; il se distingue du précédent par ses longs stigmates rouges, inclinés et pendants hors du tube de la fleur, et dentés à l'extrémité (fig. 375). Le safran paraît être originaire d'Asie ; mais depuis très-long- temps on le cultive en Espagne et en France : c'est même le sa- fran du Câlinais et de l'Orléanais, en France, qui comprennent partie des déparlements de Seine-et-Marne, d'Eure-et-Loir et tout le département du Loiret; c'est ce safran, dis-je, qui est le GuiBOuRT, DrogueS; 7» édit. T. 11. 1 3 Fig. 37b. — Safran officinal. 194 VEGETAUX MONOCOTYLEDONES. plus estimé ; après vient celui d'Espagne, et enfin celui d'Angou- lême, qui est le moins bon. Celui-ci, en effet, au lieu d'être colore dans toutes ses parlies, est privé de matière colorante dans son style et même dans la partie intérieure des stigmates, de sorte qu'il présente à la vue un mélange de filets blancs et rouges. Les terres dans lesquelles le safran réussit le mieux sont celles qui sont légères, un peu sablonneuses et noirâtres. On les amende par des fumiers bien consommés, et on les dispose par trois la- bours faits depuis l'hiver jusqu'au moment où l'on met les bulbes en terre, ce qui a lieu depuis la fin de mai jusqu'en juillet, en- suite on bine la terre de six semaines en six semaines jusqu'à la floraison, qui a lieu en septembre ou octobre. La fleur ne dure qu'un ou deux jours après son épanouissement. C'est dans cet intervalle que les femmes s'occupent sans relâ- che à cueillir le safran et à l'éplucher, c'est-à-dire à enlever seu- lement les stigmates, que l'on se hâte de faire sécher sur des tamis de crin chauffés par de la braise. Ils perdent par cette opé- ration les quatre cinquièmes de leur poids. Pereira a calculé que 1 grain pesant (55 milligrammes) de safran du commerce contenait les styles et les stigmates de 9 fleurs. A ce compte, il faut 4,320 fleurs pour faire 1 once ou 31 grammes de safran, et 69,120 fleurs pour 1 livre ou 500 grammes. On conçoit, d'après cela, pourquoi le safran est toujours d'un prix très-élevé. On doit choisir le safran en filaments longs, souples, élasti- ques, d'une couleur rouge orangée foncée : sans mélange des sty- les blanchâtres qui caractérisent le safran d'Angoulême, et privé d'étamines, qui sont faciles à reconnaître à leurs anthères et à leur couleur jaune. Il doit fortement colorer la salive en jaune doré, avoir une odeur forte, vive, pénétrante, agréable et qui ne sente pas le fermenté. On recommande de le conserver dans un lieu hu- mide, ce qui peut être utile pour en augmenter le poids; mais, 3omme toutes les substances organiques, le safran se conserve beaucoup mieux parfaitement desséché et renfermé dans des vases hermétiquement fermés que de toute autre manière. Le safran donne à l'eau et à l'alcool les trois quarts de son poids d'un extrait qui contient une matière colorante orangée rouge, non encore obtenue à l'état de pureté, et qui paraît cependant se déposer en partie, à Taide du temps, de sa dissolution alcooli- que. Cet extrait contient en outre une huile volatile odorante; et, celui par l'alcool, une huile fixe concrète, ou cire végétale. Bouillon-Lagrange et Yogel y admettent en outre de la gomme, de l'albumine et une petite quantité de sels à base de potasse, de chaux et de magnésie (1). (t) Vogel, Annales de chimie, t. LXXX, p. 188. IRIDÉE3. — SAFRAN. 195 [La matière colorante a été désignée successivement sous le nom de polychroïte, de safranine (Henry) (1), et enfin par Rochleder sous celui de crocine. Cette substance rouge devient bleue, puis violette sous l'action de l'acide sulfurique concentré, verte sous l'influence de l'acide nitrique. Elle est soluble dans l'alcool, l'eau et les alcalis ; très-peu dans l'élher. Les acides étendus la dédou- blent en glucose et en crocétine,] Le safran est usité comme assaisonnement dans plusieurs pays, et notamment en Pologne, en Italie, en U]spagne et dans le midi de la France. 11 est également d'un grand usage pour la teinture, dans l'art du confiseur et en pharmacie. Il entre dans la Ihéria- que, la confection de safran composé, le laudanum liquide, l'élixir de Garus, etc. Falsifications. Le safran est très-souvent falsifié dans le com- merce avec de l'eau, de l'huile, du sable ou des grains de plomb. Presque de tout temps aussi on l'a sophistiqué avec des fleurons de carthame {Carthamus tinctorius)^ qui en a même pris le nom de safranum ou de safran bâtard. Cette falsification est assez facile à reconnaître à la forme du carthame, qui est composé d'un tube rouge, divisé supérieurement en 5 dents, et renfermant à l'inté- rieur 5 étamines soudées en voûte par leurs anthères et traver- sées par un long style. De plus, le carthame est sec et cassant, pourvu d'une odeur faible, et colore à peine la salive en jaune; mais comme ces caractères se perdent par le mélange avec le vé- ritable safran, c'est à la forme surtout qu'il faut s'attacher. Enfin depuis quelques années le safran est falsifié, tant en France qu'en Allemagne, avec les pétales de différentes fleurs, coupés en languettes, colorés en rouge artificiellement, impré- gnés d'huile pour leur donner de la souplesse, et tellement bien préparés qu'à la première vue, et même non mélangés au safran, on les prendrait pour celui-ci. Les pétales qui ont servi jusqu'ici à cette préparation sont ceux de souci, d'arnica et de saponaire. Pour reconnaître toutes ces difterentes falsifications, il faut prendre une poignée de safran au milieu de la masse et la se- couer d'abord légèrement sur une grande feuille de papier, ce qwi en fait tomber le sable et les grains de plomb; ensuite on place une petite quantité de la matière entre deux feuillets de papier non collé, et on la soumet à la pression : l'opération faite, le papier ne doit être ni mouillé ni huilé. Enfin on étale complète- ment une certaine quantité de safran sur la feuille de papier et on l'examine avec soin à la vue ou à l'aide d'une large loupe. Tous les brins, à l'exception de quelques étamines isolées de (1) Uemy, Journal de pharmacie, VII, 397. 196. VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. Crocus qui peuvent s'}' trouver, doivent être composés d'un style filiforme partagé à son extrémité en trois stigmates aplatis^ creux^ vides à l'intérieur j s' élargissant peu à peu en forme de cornet jusqu'à l'extrémité qui est comme bilabiée et frangée. Les fleurons de car- thame se reconnaissent aux caractères qui ont été donnés plus haut. Quant aux pétales de souci ou autres, mis sous forme de languettes, et ensuite diversement tordus on contournés, on les reconnaît à cette forme même de languettes, de largeur à peu près égale dans toute leur longueur ; et lorsque ces languettes ont été divisées en trois à une extrémité, afin de leur donner encore une plus grande ressemblance avec le safran, on observe alors que la languette entière est plus large que ses divisions, tandis que, dans le safran, chaque stigmate isolé est plus large que le style. Faux safran du Brésil. On a tenté plusieurs fois d'importer en France du Brésil, et sous le nom de açafrao (safran), une subs- tance qui offre quelque rapport de couleur et d'odeur avec le safran, mais dont la forme est tout à fait différente. C'est une très-petite corolle membraneuse, monopétale, longue de 6 à 8 millimètres, tubiileuse, un peu courbe et un peu renflée près du limbe, qui paraît irrégulier, et a deux lèvres peu marquées ; elle appartient probablement à la famille des Labiées. Elle possède une odeur assez marquée, agréable, et qui otfre de l'analogie avec celle du safran ; elle colore assez fortement la salive en jaune orangé, et présente une saveur un peu amère. 11 est probable qu'on pourrait l'utiliser pour la teinture. Ferraria purg^ans. Le rhizome de cette plante est usité au Brésil comme purgatif, à la dose de 12 à 15 grammes. Tel qu'on le trouve dans les phar- macies de ce pays, où on lui donne les noms de i^uibardo do campo et ôepiretro, il se compose de deux parties : d'abord d'un tubercule ovoïde, amylacé, assez semblable, pour la forme, à celui de Tarum vulgaire, mais recouvert d'un épiderme brun et muni, sur toute sa surface, de radicules ligneuses qui descendent perpendiculairement le long du tubercule ; secondement d'une sorte de bulbe ou de bourgeon foliacé placé à la partie supé- rieure du tubercule précédent, atténué en pointe à la partie su- périeure et formé de tuniques concentriques presque complètes à la partie inférieure, mais diminuant rapidement de largeur par le haut. Ce bulbe, de même que le tubercule amylacé, possède une saveur peu sensible d'abord qui finit par donner une cer- taine âcreté sur toute la cavité buccale. Il est probable, en raison MUSACÉES. 197 du nom {piretro) donné à la plante ou au rhizome, que cette âcreté était beaucoup plus forte à l'état récent. FAMILLE DES MUSACEES. Plantes herbacées ou ligneuses, pourvues de feuilles longuement pé- tiolécs, embrassantes à la base, très-entiùres, à nervures transversales parallèles et très-serrées. Les fleurs sont réunies en grand nombre dans des spathes ; elles sont composées d'un périanthe épigyne à six divisions bisériées irréguliùres, de 6 élamines dont une est presque toujours transformée en un sépale interne, très-pelit; les o autres sont en général surmontées d'un appendice membraneux, coloré, qui est la continuation du filet. L'ovaire est infère et à 3 loges multi-ovulées (excepté dans le genre Belkonia, où les loges ne contiennent qu'un ovule). Le style est terminal, simple, filiforme, terminé par 3 stigma- tes linéaires. Le fruit est une capsule à 3 loges et à 3 valves septifères, ou une baie indéhiscente à 3 loges. Celle famille se compose des seuls genres Heliconia^ Strelitzia, Musa, Ravenala. Elle diffère des Amaryllidées par son périanthe toujours irrégulier, et des Amomées, qui vont suivre, par ses six élamines. Le Strelitzia regina est une plante d'une grande beauté, originaire de l'Afrique méridionale. Les bananiers {Musa) sont des herbes gigantesques, originaires des contrées chaudes et hu- mides de l'Asie et de l'Afrique, et cultivées maintenant dans toutes les parties du monde. Ils sont formés d'un bulbe allongé en forme de tige, qui résulte de la base embrassante et tunicée du pétiole des feuilles. Cette tige, haute de 5 à6 mètres, est cou- ronnée par un bouquet d'une douzaine de feuilles longues de 2 à 3 mètres sur 50 à 65 centimètres de large. Du milieu de ces feuil- les sort un pédoncule long de 1 mètre à 1™,30 garni de fleurs sessiles, rassemblées par paquets sous des écailles spathacées caduques. Toutes ces fleurs sont hermaphrodites, mais de deux sortes, cependant; celles rapprochées de la base du régime étant seules fertiles, et celles de l'extrémité étant stériles. Les fruits sont des baies d'un jaune pâle, longues de 14 à 25 centimètres (dans le Musa pai^adisiaca), épaisses de 3 à 4, obtuséraent trian- gulaires, à loges souvent oblitérées, et dont les semences dis- paraissent par la culture. Dans le Musa sapientium, les fruits sont plus courts, plus droits, moins pâteux et d'un gotit beaucoup plus agréable. Mais les uns et les autres sont une preuve frap- pante de la transformation de l'amidon en sucre, qui s'opère, dans l'acte de la végétation même, sous l'influence des acides. Ces fruits, non mûrs, sont tout à fait blancs et amylacés dans 198 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. leur intérieur, et, desséchés et coupés par tranches, ressemblent à de la racine d'arum sèche. Tout à fait mûrs, ils sont d'un goût sucré, visqueux, aigrelet, et prennent par la dessiccation l'aspect d'une conllture sèche. Ils sont d'un puissant secours pour Tali- mentation des habitants des pays intertropicaux, qui trouvent en outre dans leurs feuilles entières une couverture pour leurs habi- tations, et dans les fibres de la lige une filasse propre à faire des cordages, des toiles et môme des étoffes légères. FAMILLE DES AMQMACÉES. Plantes vivaces dont la racine est ordinairement tubéreuse et char- nue; les feuilles sont engainantes à la base, à nervures latérales et parallèles; les fleurs sont disposées en épis imbriqués, en grappes ou en panicules. Le périanihe est double : l'extérieur forme un calice à 3 sépales réguliers, courts et colorés; l'intérieur est tubulé et ter- miné par 3 divisions colorées, plus grandes et presque régulières éga- lement; mais en dedans de ce calice intérieur se trouvent d'autres ap- pendices pétaloïdes, grands, inégaux, au nombre de 3 ou 4, dont un quelquefois très-développé et en forme de labelle. Ces appendices pa- raissent être des étamines transformées. Les étamines fertiles sont au nombre de une ou de deux, à une seule anthère uniloculaire, et quel- quefois soudées et formant une seule étamine à anthère biloculaire. Ovaire à 3 loges pluriovulées, supportant souvent un petit disque uni- latéral, qui doit être considéré encore comme une étamine avortée. Le style est grêle, terminé par un stigmate en forme de coupe. Le fruit est une capsule Iriloculaire, trivalve, loculicide et polysperme; les graines contiennent un embryon cylindracé/ placé dans un endosperme simple ou double. Les plantes contenues dans cette famille peuvent se diviser en deux tribus que plusieurs botanistes considèrent comme deux familles distinctes : i° Les Cannacées ou Marantacées : rhizome rampant, ou racine fibreuse; étamine fertile simple, uniloculaire, appartenant h. la rangée extérieure des étamines (i) et placée en face d'une des divisions latérales du périanihe interne ; embryon contenu dans un endosperme simple. Génies : Thalia, Maranta, Myrosmay Canna, etc. 2** Les Zingibéracées : rhizome rampant, tubéreux ou articulé ; une étamine double, fertile, appartenant à la rangée interne et opposée au labelle. Embryon placé dans un double endos- (I) On admet que le nombre originel des étamines est do six et qu'elles sont disposées sur deux séries, de môme que dans les Liliacées (^t dans la plupart des familles de monocotylédones \\ fleurs régulières. AMOMACÉES. — RACINES DE GALANGA. 199 perme. Genres Globha^ Zingiber^ Curcumn, Kœmpferia^ Amomum^ Elettaria^ Hedychîum^ Alpinia, Hellenia, Costus, etc. La diversité des principes constituants et des propriétés médi- cales concourt, avec la différence des caractères botaniques, pour séparer plus complètement les Cannacées des Zingibéra- cées : les premières sont dépourvues de principes aromatiques, et sont remarquables seulement par la grande quantité d'amidon contenue dans leur rhizome ; les secondes, indépendamment de l'amidon renfermé dans leurs tubercules, sont riches en huiles volatiles répandues dans toutes leurs parties, et en principes acres et pipéracés qui les rendent éminemment excitantes et les font employer comme assaisonnement dans tous les pays. Parmi ces dernières, nous décrirons principalement les galangas, les gin- gembres, les curcumas, les zédoaires, les cardamomes et les ma- niguetles. Hacines de Galang'a . Les Galangas sont des racines rougeâtres, d'une texture fi- breuse et demi-ligneuse, articulées, marquées de franges circu- laires comme les souchets, aromatiques et d'une saveur acre ; produites par plusieurs plantes qui appartiennent à la monandrie monogynie de Linné, aux monocotylcdoncs épigynes de Jussieu Fig. 376. — Racine de Galauga de la Chine, petite yariété. Fig. 377. — Racine de Galanga, grande variété. et à la famille des Amomées. On en dislingue deux espèces prin- cipales, connues sous les noms de petit et de grand galanga, qui diffèrent par leur lieu d'origine et par la plante qui les fournit. Sous le titre de galanga léget\ j'en décrirai une troisième que j'ai quelquefois trouvée dans le commerce, mêlée à la première. 200 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDOiNÉS. Première espèce : petit galanga^ galanga delà Chine^ vrai galanga officinal. Celte racine est le Galanga minor, figuré dans Tédition de Matthiole de G. Baubin (1). Le commerce en offre deux varié- tés qui ne diffèrent peut-être que par l'âge de la plante. La plus petite {fg. 376) est épaisse seulement de 5 à 10 millimètres, et la plus grosse {fig. 377) est épaisse de 14 à 25 millim. ; toutes deux sont cylindriques, ramifiées, rougeâlres ou d'un brun noirâtre terne à la surface, et sont marquées de nombreuses franges cir- culaires. A l'intérieur, elles sont d'une texture fibreuse, com- pacte et uniforme, et d'un fauve rougeâLre ; elles ont une odeur forte, aromatique, agréable, très-analogue à celle des cardamo- mes ; leur saveur est piquante, très-âcre, brûlante et aromatique. Leur poudre est rougeâtre et donne, par l'eau et l'alcool, des teintures de môme couleur qui précipitent en noir par le sulfate de fer. Cette racine ne laisse pas précipiter l'amidon lorsque, étant concassée, on l'agite avec de l'eau. Sur l'autorité de Linné, la plupart des auteurs ont attribua le galanga officinal à son Maranta Galanga, qui est devenu VAlpinia Galanga de Willdenow. Cette plante, cependant, n'est autre chose que le grand galanga de Rumphius, que cet auteur dit positive- ment ne pas produire le galanga de la Chine ou le galanga des phar- macies de l'Europe. Il faut donc lui trouver une autre origine. Or, je pense ne pas me tromper en disant que notre galanga of- ficinal est produit par le Languas c/iinensis de Retz (2) ou Hellenia chinensisy W. Cette plante, en effet, est nommée par les Malais Sina Languas ou galanga de la Chine, et voici les caractères donnés à sa racine : « Racine répandue horizontalement sous terre, cy- lindrique, rameuse, entourée d'anneaux circulaires, à sommets obtus et arrondis, de la grosseur du doigt majeur, blanche, aro- matique, d'une saveur brûlante. Elle est cultivée dans les jardins de la Chine pour l'usage médical (3). » [Depuis lors, M. Hanbury a fait connaître, d'après M. Hance, la véritable origine du petit galanga. C'est un Alpinia, inconnu jusqu'à ces derniers temps, qui donne cette substance. M. Hance, qui l'a découvert, dans l'île d'Bœnan, en Chine, l'a décrit sous le (1) Matthiole, édition de Bauhin, page 23. (2) Retz, OLs. asc, III, p. G5. (3) Les fascicules de Retz donnent la description d'un autre galanga qu'il nomme Languas vulgare usitatissimum, Maleys. Galanga alba. Rndices hori- zontales, ieretiuscu/œ, cicatricibus annularihus obliquis, remotiUàCuHs cinctœ; ramosœ, albœ, pollice crassiores, fibras filiformes rectè descendentes, subtia ernitientes. Colitur in hortis. Cette plante est Y Hellenia alba de Willdenow : je ne pense pas que sa racine vienne en Europe ; mais si c'est la même que VAmo- mum médium de Loureiro, on en trouvera le fruit décrit parmi les carda- momes. AMOMÂCÉES. — RACINES DE GALANGA. 201 nom d*Alpinia officinarum» Il pense qu'il doit se trouver aussi dans les forêts des provinces méridionales de l'empire chinois (1).] Deuxième espèce. Galanga léger. Cette racine tient le milieu pour la grosseur entre les plus petits et les plus gros morceaux du vrai galanga; elle varie de 7 à 16 millimètres de diauiètre. Elle est de même entourée de franges blanches, mais son épi- derme est /isse, luisant et d'un rouge clair et jaunâtre; elle est d'un rouge très-prononcé à l'intérieur, avec des fibres blanches entremêlées. Son odeur, sa saveur, son action sur le sulfate de fer sont semblables à celles du vrai galanga, mais bien plus fai- bles. Son caractère le plus tranché consiste dans sa grande lé- gèreté; car en pesant des morceaux sensiblement égaux en vo- lume à d'autres de vrai galanga, leur poids ne se trouve être que le tiers ou la moitié de ceux-ci. Une autre différence se tire de la forme générale de la racine : le galanga officinal est en tronçons sensiblement cylindriques, ramifiés et coupés par les deux ex- trémités ; de sorte qu'il est difficile d*en établir la longueur réelle, tandis que le galanga léger présente des renflements tubéreux aux articulations, et offre des articles ovoïdes fins, longs de 27 millimètres environ. Nous supposons que la plante qui produit ce galanga est très-voisine de la précédente : à coup sûr, ce n'est pas le Kœmpferia Galanga^h., ni aucun autre Kœmpferia. Troisième espèce. Grand galanga ou galanga de l'Inde ou de Java. Ce galanga se trouve très-bien représenté par G. Bauhin (2). En le rapprochant des descriptions de llumphius et d'Ainslie, il est difficile de ne pas croire qu'il soit produit par le Galanga major^ R. {Maranta Galanga, L.; Alpinia Galanga^ W.). Pendant longtemps, j'ai été réduit à n'avoir que quelques morceaux très- anciens de cette racine, qui m'avaient peu permis de la bien dé- crire; mais un droguiste de Paris en ayant reçu une partie con- sidérable venant de l'Inde, je me suis trouvé à même de la faire mieux connaître. Cette racine {fig. 378) est quelquefois cylindrique et ramifiée comme le petit galanga ; mais, le plus souvent, elle est plutôt tubéreuse et articulée comme le galanga léger. Elle est beaucoup plus grosse que l'un ou l'autre, car son diamètre varie de 11 à 23 millimètres dans les parties cylindriques, et s'étend jusqu'à M millimètres pour les tubérosités. Sa surface extérieure est d'un rouge orangé, et marquée de nombreuses franges circulai- res blanches. L'-inlérieur est d'un blanc grisâtre, plus foncé au (1) Voir pour plus de détails: Hanbury, Pharmaceutical Journal, V sévie, II, p. 24e. (2) Matthiole, édition G. Bauhin. 202 VEGETAUX MONOGOTYLÉDONÉS. centre qu'à la circonférence; elle est plus tendre, plus facile à couper et à pulvériser que le petit galanga, et sa poudre est presque blanche. Elle a une odeur différente de celle du petit galanga, moins aromatique, moins agréable et plus acre. Cette odeur provoque l'éternument, et cependant la racine est bien Fig. 378. — Racine de Galaiiga de l'Inde. loin d'offrir la saveur brûlante du galanga officinal. Le grand galanga concassé, agité dans l'eau, laisse déposer une poudre blanche qui est de l'amidon; il colore très-faiblement l'eau et l'alcool, et les teintures ne noircissent pas par l'addition du sul- fate de fer. Je ne pense pas que l'on doive substituer ce galanga au premier, qui seul est prescrit dans les alcoolats thériacal, de Fioravanti, et dans beaucoup d'autres compositions. analogues» Giug^embrcs. Les gingembres sont originaires des Indes orientales et des îles Moluques : ce sont des plantes à rhizome tubéreux, articulé, rampant et \ivace, produisant des tiges annuelles renfermées dans les gaines distiques des feuilles ; les fleurs sont disposées en épis strobiliformes {fig. 379), portés sur des hampes radicales courtes et composés d'écaillés imbriquées, uniflores. L'espèce olficinale {Zingiber officinale, Roscoe) a été transportée, il y a longtemps, au Mexique, d'où elle s'est répandue dans les Antilles et à Cayenne. Maintenant, ces derniers pays, et surtout la Jamaï- AMOMACÉES. — GINGEMBRES. 203 que, en produisent une grande quantité. On trouve dans le com- merce deux sortes de gingembre, le giis et le blanc; ce dernier vient particulièrement de la Jamaïque, et n*est connu en France que depuis 1815, les Anglais, qui alors affluèrent chez nous, n'en usant pas d'autre. On pourrait croire que ce gingembre blanc est une variété produite par la transplantation de la plante ou la culture, ou bien, comme l'a pensé Duncan, que la diffé- rence des deux gingembres provient de ce que le gris (qu'il appelle noir) a été plongé dans l'eau bouillante avant sa dessiccation, tandis que le blanc a été pelé à l'état récent , et séché par insolation (1). Il est connu même qu'on prépare un faux gingembre blanc, en mon- Fig. 37!>. — Gingembre. Fig. 380. — Giiiyonibie giis. dant le gingembre gris de son écorce et le blanchissant avec de l'acide sulfureux, du chlorure de chaux, ou même seulement extérieurement avec de la chaux; mais cela n'empêche pas qu'il existe en réalité deux espèces de gingembre qui ont été distin- guées par Rumphius, dans leur pays natal, par les caractères que nous leur connaissons {Zingiber album ^ rubj^um) (2). Le gingembre gris (fig. 380), tel que le commerce nous le pré- sente, est une racine grosse comme le doigt, formée de tuber- cules articulés, ovoïdes et comprimés ; il offre rarement plus de deux ou trois tubercules réunis, et beaucoup sont entièrement séparés par la rupture des articulations ; il est couvert d'un épi- derme gris jaunâtre, ridé, marqué d'anneaux peu apparents. Sous cet épiderme jaune se trouve une couche rouge ou brune (1) Duncan, Edinburgh new dispens., p. 271, (2) Rumphius, Herb. amboin., V, p. 150. 20 i VEGETAUX MONOCOTYLEDONES. qui forme le caraclère distinclif du gingembre rouge de Rum- phius. Presque toujours Tépiderme a été enlevé sur la partie proéminente des tubercules, probablement pour en faciliter la dessiccation, et à ces endroits dénudés la racine est noirâtre et comme cornée : mais l'intérieur est en général blanchâtre ou jaunâtre, entremêlé de quelques fibres longitudinales. Ce gin- gembre possède une saveur très-âcre et une odeur forte et aro- matique qui lui est propre; il excite fortement Téternument; il donne une poudre jaunâtre. 11 le faut choisir dur, pesant, com- pacte et non piqué des insectes, ce à quoi il est fort sujet. Nous ne croyons pas qu'il ait été trempé dans l'eau bouillante avant sa dessiccation, comme on le dit ordinairement, parce qu'aucun des innombrables granules d'amidon qu'il contient n'a été brisé par la chaleur (ils se présentent sous une forme globu- leuse cuboïde) ; je croirais plutôt que ce gingembre a été simple- ment trempé dans une lessive alcaline ou mélangée de cendre sèche, comme l'indique Rumphius ; ce que semblent indiquer les particules siliceuses qui se trouvent souvent fixées à sa surface. Gingembre blanc (fig. 381). Ce gingembre est plus allongé, plus grêle, plus plat et plus ramifié que le gingembre gris. Il est natu- Fig. 381. — Gingembre blanc. Tellement recouvert d'une écorce fibreuse, jaunâtre, striée longi- ludinalement, sans aucun indice d'anneaux transversaux; mais le plus ordinairement cette écorce a été enlevée avec soin, et la racine est presque blanche à l'extérieur, blanche à l'intérieur, et donne une poudre très-blanche. Ce gingembre est plus léger, plus tendre et plus friable sous le pilon que le gingembre gris; il est aussi bien plus fibreux à l'intérieur; il a une odeur forte, moins aromatique ou moins huileuse^ si on peut ainsi dire, et une saveur incomparablement plus forte et plus brûlante. Certaine- ment ces deux racines diffèrent par autre chose que par leur mode de dessiccation. AMOMAGÉES. — RACINES DE CURCUMA. 205 Il paraît que deux autres racines appartenant au môme genre que le gingembre ont quelquefois été apportées par le commerce : Tune est le gingembre sauvage, qui se présente sous la forme d'une souche assez semblable à celle du gingembre, mais plus volumi- neuse, fortement aromatique, d'une saveur amère etzingibéracée, mais sans une grande âcreté. Celte racine est produite par le Lampyjum majus de Rumphius (1), katou-inschi-kua de Rheede; Zingiber zerumbeth de Roxburgh et Roscoe, qui a été confondu à tort, par la plupart des auteurs, avec le Zingiber latifolium sylves- tre d'Hermann (2), lequel est plutôt une espèce de zédoaire. L'au- tre racine appartient au Zingiber cassumuniar de Roxburgh et de Roscoe. Elle est; formée de tubercules volumineux, articulés, mar- qués de franges circulaires, blanchâtres au dehors, d'une couleur orangée à l'intérieur, et très-aromatique. Racines de Curcuma. Le curcuma, nommé aussi terra-merita^ et par les Anglais tur- meric, est une racine grise ou jaunâtre à l'extérieur, d'un jaune orangé foncé ou rouge à l'intérieur, d'une odeur forte et d'une saveur chaude et aromatique ; il est remarquable par l'abon- dance de son principe colorant jaune, qui est très-usité dans la teinture. On distingue généralement deux sortes de curcuma : le long et le rond, et beaucoup d'auteurs, moi-même dans les premières édi- tions de cet ouvrage, nous avons supposé que ces racines étaient produites par deux plantes différentes. Il y a bien, à la vérité, plu- sieurs plantes à curcuma, mais chacune d'elles peut produire du curcuma long et rond, et leurs racines diffèrent moins par leur forme que par leur volume, leur couleur plus ou moins foncée et d'autres caractères aussi secondaires. Rumphius est sans contredit l'auteur qui a le mieux décrit les curcumas, et nous ne pouvons mieux faire que de le suivre pour trouver d'une manière certaine l'origine de ceux du commerce. D'après Rumphius (3), les curcumas et les tommon (les zédoaires) forment un genre de plantes dont les espèces sont fort rapprochées et très-souvent confondues. Quant aux curcumas, il en distingue deux espèces : une cultivée et une sauvage. D'après la description qu'il en donne, celle-ci ^st tout à fait étrangère aux curcumas du commerce, et peut être mise de côté ; la première fournit un grand nombre de variétés, qui peuvent se résumer en deux sous-espèces : une majeure et une mineure. (1) Rumphius, Herb. amb., t. V, p. 148', pi. l\iv, fig. 1. (2) Hermann, Hoi^t. lug., p. 636. (3) Rumphius, Herbar. amhoin., t. V, p. 16?. 266 VEGETAUX MONOCOTYLEDONES. Le curcuma majeur {Ciircuma domestica major^ Rumph.) pro- duit de sa racine 4 ou 5 feuilles pétiolées qui semblent former par le bas une sorte de stipe, et qui ont environ 50 centimètres de longueur, non compris le pétiole, et 16 centimètres de lar- geur; elles sont terminées en pointe de deux côtés, marquées de sillons obliques en dessous, glabres, odorantes quand on les froisse. Les fleurs sont disposées, non en cône fermé, naissant sur une hampe nue, comme dans les gingembres; mais elles forment un épi central lâche, composé de bractées ouvertes, imbriquées, demi-concaves, verdâtres et blanchissantes sur les bords. Ces brac- tées deviennent plus tard d'un brun pâle, surtout lorsque la plante croît dans les forêts. La racine est composée de trois sortes de parties : d'abord d'un tubercule central {matrix radicis, Rumph.), duquel sortent 3 ou 4 tubercules latéraux qui ont la forme et la grosseur du doigt, et qui imitent, dans leur ensemble, les doigts de la main demi-fer- mée : ces tubérosités allongées forment la seconde partie de la racine. Quant à la troisième, elle se compose de radicules sortant pour la plupart du tubercule central, longs de 135 à 160 millimè- tres, et dont quelques-uns portent à la partie inférieure un tuber- cule blanc, de la forme d'une olive, purement amylacé et insipide. Il est évident que ces derniers tubercules ne font pas partie du curcuma du commerce; mais Rumphius nous apprend que le tubercule central est desséché pour celte fin, et il est certain que les articles digités s'y trouvent également. Les uns et les autres, lorsqu'ils sont privés d'une pellicule externe blanchâtre, facile à détacher, sont d'une couleur de jaune d'œuf ou de gomme-gutte; ils sont pourvus d'une odeur et d'une saveur onguentacées, avec une acrimonie mêlée d'amertume. Le curcuma mineur {Curcuma domestica minoi\ Rumph.) est plus petit dans toutes les parties que le précédent ; les feuilles n'ont que 38 centimètres de long, y compris le pétiole, et sont for- tement aromatiques; la racine est un assemblage élégant de 1 ou 2 tubercules centraux entourés d'un très-grand nombre d'articles digités et recourbés, qui se divisent eux-mêmes en d'autres, et forment un amas tuberculeux bien plus étendu que dans l'autre espèce. Les articles digités du curcuma mineur sont plus minces que dans le C. majeur, plus longs, glabres et offrant une surface unie; ils sont, à l'intérieur, d'une couleur très-foncée; ils ont une saveur douce, mais persistante, sans aucune amertume ; leur odeur est aromatique et très-développée. Nous sommes entrés dans ces détails afin de montrer exacte- AMOMAGÉES. — RACINES DE CURGUMÂ. 207 ment l'origine du curcuma du commerce. Cette racine se com- pose cfe quatre sortes de tubercules : l** Le curcuma rond {fig. 383) est en tubercules ronds, ovales ou turbines, de la grosseur d'un œuf de pigeon et plus, d'un jaune Fi"'. 38:2. — Ciirciinia oltlonir. Fis. 383. — (iui'cuma rond sale à Texlérieur et à l'intérieur ayant presque l'aspect de la gomme-gulte. 11 n'est pas douteux que ces tubercules ne soient les matrices radicis du Curcuma domestica major (1). 2° Le curcuma oblong {fig. 382). Nous nommons ainsi un curcuma en tubercules allongés, qui par leur teinte extérieure jaune, leur couleur intérieure, leur saveur et leur odeur, appartiennent évidem- ment à la même espèce que le précédent, dont ils ne sont que les articles latéraux. Ces articles ont un caractère de forme qui les dis- tingue des suivants ; ils sont ren- flés au milieu et amincis aux ex- trémités. 3° Curcuma long {fig. 384). Ce curcuma est en tubercules cylin- driques, c'est-à-dire qu'il conserve sensiblement le même diamètre dans toute sa longueur, malgré sesdifrerentessinuosites.il est plus long que le précédent, mais (1) Indépendamment de ce curcuma rond, qui est mondé et toujours très- propre à l'extérieur, on trouve aujourd'hui dans le commerce des curcumas ronds de Java et de Sumatra, non mondés, grisâtres à l'extérieur, et pourvus d'un grand nombre de tronçons de radicules. FitJ. 384. — Cur- Fig. 38o. — Tubercule cuma long. du Curcuma minor. 208 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. beaucoup plus mince, n'étant jamais gros comme le petit doigt; sa surface est grise, souvent un peu verdâtre, rarement jaune, chagrinée ou plus souvent nette et unie. Il est à l'intérieur d'une couleur si foncée qu'il en paraît rouge-brun, ou môme noir. Il a une odeur aromatique très-développée, analogue à celle du gin- gembre; sa saveur est également très-aromatique et cependant assez douce et nullement amère. Il est impossible de méconnaître dans cette racine les articles digités du Curcuma domestica rninor. 4° Enfin, on trouve dans le curcuma du commerce, mais en petite quantité, des tubercules ronds de la grosseur d'une ave- line, souvent didymes, ou offrant les restes de deux stipes folia- cés (fig. 385). Ces tubercules offrent d'ailleurs tous les caractères des précédents, et sont les matrices radias du Curcuma domestica minor. Quant au nom spécifique de ces deux variétés de plantes, j'ai pensé qu'il était nécessaire de leur en donner un nouveau. Car le nom de Curcuma domestica n'est pas assez expressif et pourrait tout aussi bien s'appliquer à une zédoaire. Celui de Curcuma longa ou rotunda convient encore moins, soit parce que la plante produit également l'une et l'autre racine, soit à cause de l'incer- titude répandue sur ces deux dénominations de la nomenclature linnéenne (1). A la vérité, Jacquin et Murray, après avoir retrouvé la plante de Rumphius et l'avoir parfaitement distinguée de toutes celles qu'on avait confondues avec elle, l'ont décrite sous le nom d'A- niomum Cu7^cuma ; mais la plante est certainement un Curcuma et non un Amomum. Considérant alors que cette espèce est distin- guée entre toutes les autres par l'abondance de son principe co- lorant, j'ai proposé de lui donner le nom de Curcuma tinctoria ; en voici les seuls synonymes ; Amomum Cuixuma, Jacquin (2). Curcuma radice longa {/ig. 384), Zanoni (3). Curcuma domestica major et minor {fig. 385) (4). Vogel et Pelletier ont analysé le curcuma long, et l'ont trouvé formé de matière ligneuse, de fécule amylacée, d'une ma- tière colorante brune, d'une petite quantité de gomme, d'une huile volatile acre et odoi ante, d'une petite quantité de chlorure (1) Dans les premières éditions du Sfecies de Linné, on trouve comme syno- nyme du C. roturala le Curcuma domestica major de Rumphius. Presque par- tout ailleurs, le C. rotunda n'est plus regardé que comme synonyme du manja- kua de Rlieede [Kœmpferia pnnduratn^ Rose.) : alors la plante de Rumphius est donnée comme synonyme du C. longa. {■:) Jacquin, f/or^. vind.,yo\. III, tab. 4; Murray, Syst. végét.^ éd. 15. (3) Zanoni, Hist., t. LIX. (4) Rumph., Hcrb. Amb., t. V, p. IG'?. AMOMACÉES. — RACINES DE ZÉDOAIRES. 209 de calcium. Le plus important de ces principes est la matière co- lorante jaune qui s'y trouve en grande quantité, et que son éclat rend utile dans la teinture, quoiqu'elle soit peu solide. Celte matière colorante est résineuse, plus lourde que Teau, presque insoluble dans ce liquide, très-soluble dans l'alcool, dans l'étlier et dans les huiles fixes et volatiles ; on la nomme curcumine. Elle est très-sensible à l'action des alcalis qui la chan- gent en rouge de sang. Aussi la teinture et le papier teint de cur- cuma sont-ils au nombre des réactifs que le chimiste emploie le plus souvent. Le curcuma est employé dans l'Inde comme assaisonnement. Il est tonique, diurétique, stimulant et antiscorhulique. Il sert en outre en pharmacie pour colorer quelques onguents. Racines de Zédoaires. On distingue deux sortes principales de zédoaire, la longue et la ronde, et une troisième, \à jaune, qui est plus rare et moins em- ployée. Les zédoaires ont été inconnues aux anciens, ou étaient usitées sous d'autres noms. Par exemple, on a pensé que la zédoaire longue ou ronde était le Cosius syriaque de Dioscorides. La seule chose certaine que Ton puisse dire sur ce sujet, c'est que notre zédoaire ronde a été succinctement décrite par Sérapion, sous le nom de zerumbet . La zédoaire longue, qui est peut-être 2in^s\\Qgediuar d'Avicenne, a été pendant très-longlemps la plus répandue dans le commerce et la seule sorte ofûcinale. La ronde était devenue tellement rare que Clusius, en ayant trouvé chez quelques marchands d'Anvers, a cru devoir en conserver la figure. Aujourd'hui la zédoaire ronde est presque la seule que l'on trouve à Paris. Nous pensons que cela tient à ce que la longue est regardée en Angleterre comme la vraie sorte officinale et y reste. Au moins est-il vrai qu'elle est seule mentionnée par Duncan (l). Beaucoup d'auteurs ont considéré les deux zédoaires comme des parties de la môme racine ; entre autres Pomet, Dale et Ber- gius. Après avoir examiné les nombreux curcumas figurés par Hoscoe, nous avons compris que la môme plante pouvait produire les deux zédoaires, dont la ronde serait formée des gros tubercu- les nommés par Rumphius matrix radicis, et la longue des articles digités qui entourent les premiers. Il paraît cependant que parmi les nombreuses plantes du genre Curcuma, qui produisent des và- (\) Dnncsin, Dispensanj of Edinburgh, GuiBouRT, Drogues, 7« édit. T. II. — 14 210 VEGETAUX MONOCOTYLÉDONÉS. cines semblables, il y en a qui donnent plutôt des tubercules ronds, et d'autres des articles digités; de sorte qu'en réalité les deux zédoaires, longue et ronde, proviennent de plantes différentes. Zédoaire longue (fîg. 386). Racine un peu moins longue et moins grosse que le petit doigt, terminée en pointe mousse aux deux extrémités,' recouverte d'une écorce ridée, d'un gris blanchâtre ; grise et souvent cornée à l'intérieur, d'une saveur amère fortement camphrée. Lorsqu'elle est entière;, son odeur est semblable à celle du gingembre, mais plus faible ; pulvérisée, elle en prend une plus forte, analogue à celle du cardamome. La zédoaire longae a une certaine ressemblance, ou, si l'on peut s'exprimer ainsi, un air de famille avec le gingembre. On Fig. 386. — Zédoaire longue. Fi g. 387. — Zédoaire ronde. les distingue cependant facilement : le gingembre est palmé ou articulé et très-aplati ; la zédoaire est formée d'un morceau uni- que, non divisé, peu aplati, rugueux et comprimé en différents sens; d'ailleurs l'odeur et la saveur sont différentes, et beaucoup plus marquées dans le gingembre. La zédoaire longue est produite par le kua de Rheede (1). Amo- mum Zedoaria^ W. Mais celte plante n'est pas un Amomum ; c'est un Curcuma que Roxburgh a nommé Curcuma Zerumbet. Ce nom est encore fautif, parce que le zerumbet est la zédoaire ronde et non la longue. Le nom donné parRoscoe, Curcuma Z edûaria, doit être définitivement adopté. Zédoaire ronde {fig. 387). Cette racine est le zerumbet de Séra- pion de Pomet et de Lemery. Elle est ordinairement coupée en deux ou en quatre parties, représentant des moitiés ou des quar- tiers de petits œufs de poule : la partie convexe est souvent an- (1) Rheede, Hortus malabaricus, vol. XI, tab. 7. AMOMACÉES. — RACINES DE ZEDOAIRES. 211 guleuse et toujours garnie de pointes épineuses, qui sont des restes de radicules. L*épiderme, dans les morceaux qui n'en sont pas privés, est comme foliacé, et marqué d'anneaux circulaires, semblables à ceux du souchet et du curcuma rond, mais moins nombreux et moins marqués. Enfin, cette même partie offre sou- vent une cicatrice ronde de 9 à H millimètres de diamètre, prove- nant de la section d'un prolongement cylindrique qui unissait deux tubercules entre eux. D*après cette description, il est facile de se faire une idée de la zédoaire ronde dans son état naturel ; ce doit être une racine tuberculeuse, grosse comme un œuf de poule, marquée d'anneaux circulaires comme le souchet ou le curcuma, garnie tout autour d'un grand nombre de radicules ligneuses; toutes dirigées en bas, et unie, tubercule à tubercule, par des prolongements cylindriques de 9 à H millimètres de diamètre, et de 27 millimètres de longueur présumée. Cette dis- position est entièrement semblable à celle du curcuma rond. La zédoaire ronde est d'un blanc grisâtre au dehors, pesante, compacte, grise et souvent cornée à l'intérieur, d'une saveur amère et fortement camphrée comme la zédoaire longue. L'o- deur est également semblable, c'est-à-dire analogue à celle du gingembre, mais plus faible lorsque la racine est entière, plus aromatique, et semblable à celle du cardamome, lorsqu'on la pulvérise. D'après ce que nous avons dit précédemment, on conçoit qu'à la rigueur la zédoaire ronde puisse être produite par la même plante que la longue ; cependant les auteurs anglais s'accordent poiir l'attribuer à une autre espèce de curcuma, qui est le Curcuma Zedoaria de Roxburgh, que Roscoe a nommé Curcuma aromatica^ d'après son opinion que la plante qui produit la zédoaire lon- gue doit seule porter le nom de Curcuma Zedoaria. Zédoaire jaune. Cette racine est peu connue ; on la trouve mê- lée en petite quantité à la zédoaire ronde, à laquelle elle ressemble entièrement par sa forme, ses radicules et la disposition de ses prolongements cylindriques. Elle en diffère par sa couleur, qui est semblable à celle du curcuma ; par sa saveur et son odeur, qui, tenant le milieu entre celles de la zédoaire et du curcuma, sont cependant plus désagréables que dans Tun et l'autre : elle se distingue, d'un autre côté, du curcuma rond, par son volume plus considérable, sa surface convexe souvent anguleuse, sa cou- leur extérieure plus blanche et semblable à celle de la zédoaire, sa couleur intérieure plus pâle; au total, elle se rapproche plus de la zédoaire que du curcuma, et doit être fournie par une plante analogue à la première. La plante qui produit cette racine a été parfaitement décrite et 212 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. figurée par Rumphius. C'est son Tommon bezaar ou Tommon pri- murriy que la plupart des auteurs font à tort synonyme du Curcuma Zedoaria de Roscoe, qui produit la zédoaire longue. Elle en dif- fère à la première vue par son épi floral qui surgit du milieu des feuilles, de même que cela a lieu pour le vrai curcuma, tandis qu'il est porté sur une hampe nue, isolée du stipe foliacé, dans le C. Zedoaria. 11 conviendra de donner un nom spécifique à ce Tommon^ qui ressemble beaucoup, il est vrai, au Curcuma thicto- ria, mais qui en diffère par l'énorme grandeur de ses feuilles, et surtout par la nature particulière de sa racine, laquelle joint à la couleur affaiblie du curcuma la saveur et Todeur de la zé- doaire. Fruits produits par les Amomacées, Ces fruits, d'après les caractères mêmes que nous avons indi- qués pour la famille des Amomacées, ont une grande analogie les uns avec les autres; car ils sont généralement formés d'une capsule mince, assez sèche, trigone, à 3 loges, et contenant un grand nom- bre de semences aromatiqiies. On en rencontre cinq espèces dans le com- merce, oii elles sont connues sous les noms 6.*amome^ de cardamome et de maniguelte ; mais on en trouve dans les droguiers un bien plus grand nombre, que je vais décrire succinc- tement. 1. Amome EN GRAPPE, Amoi7ium ra- ccmosum [fig. 388). Ce fruit, dans son état naturel, est disposé en un épi serré le long d'un pédoncule com- mun, et il est quelquefois arrivé sous celte forme, ce qui lui a valu son nom pharmacentique; mais ce n'est pas une grappe, c'est un épi, qui se trouve d'ailleurs parfaitement représenté par Clusius (1), et Blackwell (2). Dans le commerce, on le trouve toujours en coques isolées, qui sont de la grosseur d'un grain de raisin, presque rondes et comme formées de trois coques soudées. Cette coque est légèrement plissée longitudinalement, mince, ferme, d'une couleur blanche; mais elle prend une teinte (1) Clusius, Exoticœ, p. 377, (2) Blackwell, HerLarium. tab, 371. Fig. 388. — Amome eu grappe. AMOMACÉES. — CARDAMOMES. 213 rougeâtrc on brune par ie côlé qui est exposé à la lumière. Les semences sont brunes, cunéiformes, toutes attachées vers le cen- tre de l'axe du fruit, ce qui en détermine la forme globuleuse; elles ont une saveur acre et piquante, et une odeur pénétrante qui tient de celle de la térébenthine. L'amome en grappe vient des îles Moluques, des îles de la Sonde et surtout de Java.îl est'produit par VAmomuin Cardamomum de Roxburgb, de Wildenow et de Linné (moins les synonymes ti- rés de Rheede et de Blackwell), dont le caractère spécifique est d'avoir l'épi radical, sessile, obové, W., ou la hampe très-simple, très-courte, à bractées alternes lâches, L. On pense généralement que cette espèce {Amomum Cardamomum) produit le petit carda- mome; mais c'est une erreur causée originairement par Rum- phius, qui a décrit cette plante sous le nom de Cardamomum minus. Elle produit uniquementle hminov[\m(t Amomum racemosum.QtQ\.{Q espèce de cardamome abonde sur les marchés asiatiques, mais n'existe plus guère en Europe que dans les cabinets de matière médicale. 2. Petit cardamome du Malabar (fîg. 389) ; Amomum repens de Sonnerat, y4//)m?'a Cardamomum de Roxburgb, ^/e^/or^a Cardamo- mum de Maton. Coque triangulaire, encore un peu arrondie, lon- gue de 9 à 12 millimètres et large de 7 à 8. Elle est d'un blanc jaunâtre uniforme, marquée de stries longitudinales régulières, un peu bosselée par l'impression des semences, d'une consistance ferme. Les semences sont brunâtres, irrégulières, bosselées à leur surface et ressemblant assez à des cochenilles, d'une odeur et d'une saveur très-fortes et térébinthacées. Ce fruit est le vrai cardamome officinal, figuré et décrit par Rheede sous le nom d'eietiain (1). 3. Long CARDAMOME DE Malabar (7?^. 390 et 391), moyencarda- mome i\Q Y Histoire abrégée des drogues simples. Ce fruit est une simple variété du précédent ; mais une variété constante recon- naissable à sa cipsule plus allongée, toujours blanche et comme cendrée, et à ses semences rougeâtres. Longueur de la capsule, de 16 à 20 millimètres ; largeur, de 5 à 11 millimètres. Les se- mences ont une saveur aromatique très-forte. 4. Cardamome de Ceylan {fig. 392) ; Cardamome ensal de Gsert- ner (2) ; grand cardamome de Clusius, de Blackwell, de Murray, de l'Histoire des drogues simples ; moyen ls, dans la Cambadia et le pays des Laos.] 8. Cardamome rond dp: la Chine; cao-keu ou mieux tsao-keii. Ce car- damome présenle lui-même deux variétés, ou peut-être encore deux espèces distinctes. La plupart des capsules, formant la première va- riélé (fie/. 397 et 398), sont pédicellées, presque sphériques, de 12 à 14 millimètres de diamètre, légèrement striées dans le sens de l'axe et de plus ridées en tous sens par la dessiccation; cependant le fruit lécent devait être lisse. La coque est mince, légère, facile à déchirer, jaunfllre au dehors, blanche en dedans. Les semences [fig. 399) for- ment un amas globuleux, cohérent. Elle sont assez grosses et peu nom- breuses, à peu près cunéiformes, d'un gris cendré, un peu chagrinées à leur surface, et présentent, sur la face extérieure, un sillon bifurqué Fi;,'. 400. — Cardamome rond do la Cliiiie. Fii,'. 401. — Cardamome rond de la Chine dépouillé du péricarpe. qui figure un y; elles possèdent une odeur et une saveur fortement aromatiques. Ce fruit présente tellement tous les caractères de celui de VAmomum giohosum de Loureiro, nommé également par lui isao-keu, qu'il ne peut rester de doute sur leur identité. 9. Autre cardamome rond de la Chine. Les secondes capsules, qui sont moins nombreuses, sont plus volumineuses et ovoïdes [fig. 400), ayant environ 20 millimètres de longueur sur 14 d'épaisseur. Lllcs sont pé- dicellées, d'un gris plus prononcé à l'extérieur, marquées de stries Fig. 402. — Gros Cardamome rond de La Cliine. longitudinales plus apparentes, d'une consistance plus ferme. Les se- mences sont plus petites que dans l'espèce précédente, chagrinées, d'un gris brunâtre, blanches en dedans et d'un goût aromatique cam- phré. 218 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. [M. Hanbury (1) assimile ce cardamome à son gros cardamome rond de la Chine (fig. 401 et 402), dont les capsules, assez variables de longueur (15 à 30 millimètres), sont ovales ou globuleuses, triangulaires à la base. Les semences, réunies en une masse trilobée, sont.d'un gris clair avec un sillon profond d'un côté; elles ont une odeur légèrement aromati- que et un goût qui rappelle un peu celui de thym.] 10. Cardamome ovoïde de la Chine; Amomum médium de Loureiro (2) {fig. 403). Celte plante est une espèce de galanga que j'ai déjà eu occa- Fipr. 403. — Cardamome ovoïde de la Chine. Fig. 40 i. — Cardamome ailé de la Chine. sion de citer (p. 202). Le fruil se trouve au Muséum d'histoire naturelle sous le nom de tsao-quo, que lui donne également Loureiro. Il est ovoïde, ou ovoïde-allongé, long de 20 à 32 millimètres, épais de 14 à 18, formé d'une capsule ferme, d'un rouge brunâtre, marquée de fortes stries longitudinales. Les semences sont très-grosses, pyramidales, à amande blanche, d'odeur et de goût tôrébintliacés. 11. Un autre fruit analogue se trouvait au Muséum, étiqueté quà-leu, \ t -12. Cardamone ailé de java {fig. 40i) ; cardamome fausse moni- guette de ma précédente édition ; Amomum maximum de Box- burgh. Capsule d'un gris rougeâtre foncé, offrant à sa surface (1) Voir Hanbury, op. cit. (2) La synonymie de V Amomum médium avec VAlpinia olba, dit Roscoe, quoi- que généralement admise, n'est rien moins que prouvée. Quant à l'assimilation de ce Cardamome avec le Longua< vu/gare de Kœnig {Helle/da alba, Wild.), on la reconnaîtra impossible si on compare les grosses semences dures et angu- leuses du premier avec celle du second, qui sont très-semblables à celles du petit cardamome. AMOMACÉES. — CARDAMOMES. 219 comme les restes d'un brou fibreux desséché. Pereira, en faisant l'observation que ce cardamome, mis à tremper dans l'eau, de- vient presque gobuleux et présente de 9 à 13 ailes membraneuses déchirées qui occupent la moitié ou les trois quarts supérieurs de la capsule, a fait tomber plusieurs opinions erronées qui avaient été émises sur l'origine de ce fruit, et a établi son iden- lié avec celui de VAmomiim maximum^ R. La capsule sèche est longue de 23 à 34 millimètres, épaisse de 1 1 à 16, ayant tantôt la forme d'un coco ordinaire enveloppé de son brou, tantôt celle d'une gousse d'ail. Les semences ressemblent à celles de la ma- niguette, par leur volume et leur forme arrondie; mais leur sur- face est terne et grisâtre, et leur odeur de cardamome, jointe à une saveur térébinthacée qui n'est ni acre ni brûlante, les range parmi les cardamomes et les sépare delà maniguette. Indépendamment du fruit précédent, que j'ai pris anciennement pour celui de la maniguette, on en connaît aujourd'hui un certain nombre d'autres, et notamment le grand cardamome de Madagascar de Sonnerat, et le Zingiher Meleyiietta de Gierlner, qui ont été confondus par la plupart des auteurs avec la maniguette, malgré les anciens aver- tissements de Valerius Cordus, qui avait bien donné les caractères dis- linctifs des cardamomes et des manigueltes. Parmi les savants de notre époque qui ont le plus contribué à faire cesser la confusion de ces diffé- rents fruits, nous citerons le docteur Jonalhan Pereira, et M. le docteur l)aniell,qui a rassemblé et décrit de nombreux échantillons sur la côte occidentale d'Afrique. Avant de parler des véritables maniguettes (car il y en a plusieurs également), nous traiterons des fruits qui tiennent aux cardamomes déjà décrits, parleur qualité fortement aromatique, dépourvue de l'âcrelé brûlante qui forme le caractère propre des ma- niguettes. 13. Grand CARDAMOME de Madagascar. Pereira (1j comprend sous cette, dénomination le grand cardamome de Matthiole, de Geoffroy, de Smith et de Geiger; le grand cardamome de M'idagascar ou Amomum angusti- folium de Sonnerat (2), V Amomum madagascariense de Lamarck (3). Nous renvoyons à ces deux derniers ouvrages pour la description de la plante et la figure du fruit. Nous dirons seulement que les fleurs naissent au nombre de 3 ou 4 sur une hampe radicale peu élevée, couverte d'é- cailles qui s'agrandissent au sommet et se changent en grandes spa- llies uniflores en forme d'oreille d'âne. Il n'y a guère qu'un ou deux: fruits qui viennent à maturité sur chaque hampe. Le fruit est une cap- sule charnue, rougeâlre, ovale-oblongue, amincie en pointe à la partie supérieure, longue de 6S millimètres et divisée intérieurement en 3 loges. Elle est remplie de petites semences ovoïdes, luisantes, rou- (1) Pereira, Maleria meclica. London, 2e édit., p. 102G, fig. 105. (2) Sonnerat, Voyage aux Inde^, t. II, p. 242, pi. CXXXVII. (3) Lamark, Encyclopédie méthodique. Botanique, t. I, p. 133; ///., tab. I. 220 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. gecltres ou noirâtres, et enveloppées d'une pulpe blanche, d'un goût aigrelet et agréable. Ces semences ont un goût vif et aromatique et une odeur agréable. Voici maintenant la description du fruit du grand car- damome figuré par Pereira (1). Capsule ovale, pointue, aplatie sur un côté, striée, offrant à la base une cicatrice large et circulaire, entourée d'une marge élevée, entail- lée et froncée (2), Semences plus grosses que la graine de paradis, ar- rondies ou un peu anguleuses, creusées d'une grande cavité à la base, d'un brun olivâtre, pourvues d'une odeur aromatique analogue à celle du cardamome et totalement privées du goût acre et brûlant delà ma- niguette. J'ajoute, en précisant davantage, que les semences ont la cou- leur de la faîne (fruit du Fagus sylvatica) et que leur surface, quoi- que luisante, n'est ni lis^e ni polie comme on l'observe dans les semences des cardamomes de Clusius, dont il sera question ci-après; ni aussi rugueuse que dans la maniguette : elle paraît à la loupe être for- mée d'un tissu finement fibreux. 14. Cardamome d'Abyssinie. Il est très-probable, en raison de sa plus grande proximité des voies du commerce du Levant, que c'est ce car- damome, plu lot que celui de Madagascar, qui a été anciennement connu sous le nom de grand cardamome. Cela paraît être vrai, surtout pour le grand cardamome de Valerius Cordus (3). D'après des échantil- lons et des renseignemenis assez récents fournis à Pereira par M. Royle et par M. Ch. Johnston (4), ce cardamome viendrait principalement de Guraque et d'autres contrées situées au sud et à l'ouest de l'Abyssinie. 11 y porterait le nom de korarima; mais les Arabes le nommaient khi/, ou keil. Ce fruit (flg. 405} a la forme habituelle de tous les grands carda- momes, ovoïde-triangulaire et terminée en pointe par le haut. Il est traversé de part en part par un trou dans lequel passait une ficelle qui a dû servir à le suspendre pendant sa dessiccation. Il est long de 40 mil- limètres environ, épais de 15 à 17 dans sa plus grande largeur, formé d'une capsule consistante et solide, striée longitudinalemenl, mais pré- sentant en outre deux sillons plus marqués qui doivent résulter de l'impression de la côte médiane de 2 spathes. L'intérieur est divisé en 3 loges par des cloisons très-consistantes également, et chaque loge est remplie par une pulpe rougeâtre desséchée, et réduite à l'état de mem- branes qui enveloppent les semences. Celles-ci sont semblables à celles du grand cardamome de Madagascar, si ce n'est qu'elles sont d'une couleur plus pâle et qu'elles sont profondément sillonnées par la des- siccation, surtout du côté opposé au hile. Pereira pense que ce carda- mome est produit, comme le précédent, par l' Amomum anguslifolium de Sonnerai. Nous sommes portés à partager cet avis, parce que les ca- ractères particuliers remarqués dans le cardamome d'Abyssinie me paraissent provenir de ce qu'il a été récolté avant sa complète matu- rité. (1) Pereira, Maf, méd. (2) La figure 40-', quoique appartenant à un fruit différent, représente assez bien celui dont il est (juestion ici. (3) Valerius Cordus, Historia plimtar., lib. VI, cap. xxyiii. (4) Johnston,- Voyage en Abyssinie. AMOMACÉES. — CARDAMOMES. m 15. Grand cardamome de G^ertner; Zingiher Meleguetta, Gœrln. (1). Fruit unique, ovale-oblong, entouré d'une douzaine de spathes qui de- vaient contenir autant de fleurs avortées ; il est long de 5 centimètres, épais de 2, terminé supérieurement par les débris lacérés des enve- loppes florales; il est d'un gris rougeâtre, strié, triloculaire, à cloisons membraneuses. Les loges sont remplies par une substance spongieuse dans laquelle sont mêlées les semences. Celles-ci sont nombreuses, ovoïdes-globuleuses, diversement anguleuses, à surface inégale raé- Fig. 405. — Cardamome d'Abyssiiùe. Fig. 406. — Cardamome de Banda, diocrement luisante, et d'une couleur plombée ; elles sont creusées à la base d'un ombilic profond, entouré d'une marge blanchûtre un peu renflée. L'odeur en est aromatique et camphrée; la saveur semblable, presque privée d'âcreté. Le grand cardamome de Gœrtner se rapproche assez de la mani- guette, pour que ce célèbre botaniste et, après lui, la plupart des au- teurs, les aient confondus. Il se rapproche encore plus du grand car- damome de Madagascar et d'Abyssinie; mais il s'en distingue par la couleur grise plombée, très-caractéristique, de ses semences. Gœrtner n'a pas indiqué le lieu d'origine de ce fruit. [Pereira (2) et Guibourt (3) le rapprochent de VAmomum macrospermum de Smith, qui est l'A. lati- folium d'Afzelius, mais le docteur Daniell (4) établit qu'il faut le rap- porter à une espèce différente, soit à l'A. Danielli, soit à VA. Clusii. On ne saurait davantage déterminer comme A. macrospermum les échan- tillons envoyés par Th. Martius à la Société médico-botanique de Lon- dres, sous le nom de cardamome de Banda : ils en diffèrent autant par la forme de la capsule que par la forme et l'odeur des graines. La (1) Gsertner, De fructibus et seminibus plantarum^ vol. J, p. 84 ; tab. 12, fig. 1. (2) Pereira, Maleria medica, ¥ édit., p. 252. (3) Guibourt, Histoire naturelle des Drogues simples, 4* édition, t. II, p. 219. (4) Daniell, Pharmac. Journal, XVI, 472. 222 VEGETAUX MONOCOTYLÉDONÉS. figure 406 représente un de ces éclianlillons, donné par Pereira à Gui- bourt (1).] 16. Cardamome a semences polies, de ClusIus. Avant d'arriver aux vé- ritables manigueltes, nous devons encore décrire quelques fruits qui se distinguent de tous les autres par leurs semences ovoïdes-allongées, polies, miroitantes et d'une couleur brunâtre très-foncée. Ces fruits se ressemblent par leurs semences, mais difl'èrent tellement par la forme de leur capsule, qu'ils forment probablement plusieurs espèces dis- tinctes. La première espèce est celle qui a été décrite et figurée par Clu- sius (2); c'est VAmomum Clusii de Smith. La figure 404 représente qua- tre fruits réunis au sommet d'une hampe et entourés de spathes beaucoup plus courtes que les frui(s. Les capsules sont longues de o4 mil- limètres, d'une forme ovoïde-triangulaire très-allongée^ d'un brun rou- geâtre, cartilagineuses, triloculaires, pleines de semences noirâtres^ brillantee, plus grosses que du millet, rassemblées en une seule masse et enveloppées d'une membrane mince. Ces semences sont blanches en dedans et douées d'une certaine âcreté. Clusius ajoute que, dans l'année 1601, des voyageurs lui remirent des fruits semblables aux précédents, qui avaient été recueillis à Ma- dagascar, et qu'ils prétendaient être de la maniguette ou du grand cardamome. Mais ils étaient reconnaissables à leur forme plus grêle et plus oblongue, à leur capsule plus dure et assez fragile, à leurs semen- ces moins nombreuses, plus grosses, d'un bru?i obscur et brillantes, en- veloppées chacune dans une membrane blanche. Nous donnons ici les figures de deux cardamomes de ce genre que nous devons à l'obligeance de M. Pereira. Le premier {/îg. 407) se rapproche beaucoup de celui décrit, en se- cond lieu, par Clusius, comme venant de Madagascar. Seulement la capsule estp/ws grosse et moins allongée. Mais elle est d'une couleur roM- geàtre (rês-prononcée, ferme, dure et cependant cassante; elle est forte- ment plissée dans sa longueur, un peu aplatie du côté qui regardait l'axe du végétal, fortement bombée de l'autre. Les semences sont en- veloppées dans une membrane blanche très-fine; elles sont plus petites que la maniguette, d'M?i brun un peu verdâtre, très-brillantes, ovoïdes, un peu aplaties; avec une cicatrice terminale, mais un peu déviée de l'axe; de sorte que ces semences ressemblent beaucoup, très en petit, à celles du Slaphylea pinnata. Nous les trouvons fort peu aromatiques et peu sapides. Pereira rapporte cette espèce à VAmonmm Clu.mS>vci\{\\. 17. Le second fruit (Jig, 408) est Irès-gréle, et terminé par le limbe du calice. Les semences sont couleur marron, un peu grisâtres, brillantes, semblables pour la forme aux précédentes, plus régulièrement ovoïdes ; à col toujours un peu oblique : l'arille part de la base du col et em- brasse complètement le col et la semence sous forme d'une membrane (1) C'est par erreur que la fig. 406 est indiquée dans la 4* édition de Guibourt comme représentant un fruit d'^. macros permum de la collection de Sloane au Musée britanique. (Voir Pereira, 4* édition, I, 263 } (2) Clusius, Exoticœ, lib. II, cap. xv, n° 14. AMOMACEES. — CARDAMOMES. 223 très-mince, blanche et demi-opaque. Il ne paraît pas y avoir de pulpe entre les semences de sorte qu'elles s'isolent les unes des autres quand on ouvre le fruit. Le hile est prolongé en une sorte de collet fibreux, de couleur jaune. Le fruit entier paraît assez aromatique; les semences Fig. 407. — Cardamome de Clusiiis, Fi g. 408. — Cardamome de Daniell. ont une saveur térébintliacée sans âcreté, beaucoup plus faible que celle des cardamomes officinaux. [C'est l'amomum décrit par Hooker fils sous le nom de A. Danieîli (I), le Bastard meliguetta de Pereira (2). D'après les observations de M. Han- burg, cet Amomum Danieîli serait identique à VAmomum angustifolium, Sonnerat, que nous avons vu (page 220) produire le grand cardamome de Madagascar (3). A côté de VAmomum Danieîli et parmi les maniguettes désignées par le docteur Daniell, sous le nom de Mallaguetta duhia^ nous pouvons citer Y Amomum exscapum de Sims, qui a été confondu par plusieurs au- teurs avec VAmomum Granum paradisi (4) d'Afzelius et auquel on a par suite longtemps attribué la production de la vraie maniguetle ; les Amomum longiscapum Hooker fils, Amomum latifolium Afzelius, Amomum (1) Hooker, yoMrno/ of Botany^ IV, p. 129, et Pharmac. journal^ XVI, p. 511. (2) Pereira, Materia medica. 4eédit.,II, 252. (3) Voir Hanbury, The Madagascar Cardamon ou Longouze. {Pharmaceutical journal. Février, 1872.) (4) C'est VAmomum Granum paradisi de Hooker, Y A. Afzelii de Smith et peut-être de Roscoe. 224 VÉGÉTAUX MONOCOTYLEDONÉS. palustre^ Afz., Am. pereirianum, Daniell, qui tous peuvent donner des graines remplaçant également la maniguetle (1). 18. Manigueïte ou graine du paradis. Amomum Granum para- sidi, kh., Amomum Meleguetta, Roscoe. La plante qui donne la vraie maniguetle a été mal connue jusqu'au moment où le doc- teur Daniell a débrouillé ce sujet difficile. Il a montré qu'une seule espèce, susceptible de grandes variations, donnait les graines de paradis. Cette plante avait été déjà décrite par Afzelius sous le nom d'A. Granum parasidi (2). Roscoe, la rencontrant dans d'au- tres conditions de développement, Tavait regardée comme spécifique- ment différente de celle d'Afzelius et l'avait nommée Amomum Male- guetta. Pereira avait reconnu l'iden- tité spécifique de ces deux variétés, mais, trompé sans doute par une similitude de nom, il l'avait con- fondue avec VAmomum Granum parodisi de Smith ou A. excapum de Sims, dont nous avons déjà parlé. VAmomum Granum paradisi d'Afzelius (fig. 409) (3) diffère des plantes précédemment indiquées par ses fleurs et ses fruits solitaires, et par l'aspect finement verruqueux du testa de ses graines. Ces semen- ces viennent dans le commerce toujours mondées de la pulpe qui les enveloppe et de la capsule : aussi le fruit entier est-il très-rare et peu connu. Pereira en a donné deux figures, d'après des échantillons tirés des collections de Londres (4), et nous en donnons une ici d'après le docteur Da- niell. Les graines de paradis sont rondes ou ovales, anguleuses, quel- quefois cunéiformes : leur couleur est d'un rouge brun ; le testa" (1) Voir pour les caractères de ces espèces : Daniell, Pharmaceuticul journal, XVI, p. 4G5 et 611. (2) Afzelius, Remédia Guineensia. (3) On peut en voir une bonne figure dans les kones plantarum medici- aalium de Nées von Esenbeck. (4) Pereira, Materia medica, 11« édition, 1855, t. II, part. I, 247, fig. 101 et 102 Fig. 409. — Amomum ou graiae de pa- radis, Afz. Fruit et giaiiics d'après M. F. Daniell. AMOMACEES. — MANIGUETTE. 22o est finement verruqueux; l'amande est blanche, el douée d'une saveur acre et brûlante. L'odeur est faiblement aromatique. La maniguette du commerce vient des côtes de la Guinée et particulièrement de cette partie qui porte les noms de malaguette ou de côte des graines. On en distingue deux variétés principales: a. La maniguette la plus commune ou graine du cap des Pal- mes et de Sierra Leone. Les graines sont plus petites que dans la seconde variété, et le testa est moins verruqueux, Elle est fournie par la forme de VAmomum Granum paradisi^ décrite par Afzelius. b. La maniguette d'Acra. Les graines sont plus fortes, plus ver- ruqueuses ; elles présentent à l'ombilic une sorte de touffe courte, conique, formée de fibres jaunes pâles. Leur goût est plus agréa- ble et elles sont beaucoup plus estimées. Elles répondent à la forme décrite sous le nom de Amomum Meleguetta, Roscoe. C'est à cette même plante, transportée et cultivée dans la Guyane, qu'il faut rapporter la grande maniguette de Démérari.] Grande maniguette de Démérari, Amomum Meleguetta de Ros- coe. (1) En 1828, Roscoe fit paraître le dessin et la description d'une belle plante scitaminée, cultivée dans le jardin de botanique de Liverpool et provenant de semences envoyées de Démérari. Cette plajite, haute de 2 mètres, munie de feuilles étroites et lancéolées, et de grandes fleurs monandres d'un jaune pâle mêlé de cramoisi, était encore plus remarquable par la dimension de son fruit qui n'avait pas moins de 14 centimètres de long sur 3 centimètres d'é- paisseur. Ce fruit était en forme de fuseau, uni, charnu, d'un jaune doré, porté seul à l'extrémité d'une hampe et entouré par le bas de quelques spathes brunes. D'autres; fruits, reçus di- rectement de Démérari (2), diffèrent du précédent par leur forme plus ovoïde et par leurs dimensions qui sont de 9 centimè- tres de long sur 5 d'épaisseur: miis les autres caractères sont semblables. D'après Roscoe et Pereira, qui a examiné ces nou- veaux fruits, tous contiennent des semences semblables à la ma- niguette ; m;iis, d'après les renseignements parvenus à celui-ci, la plante, quoique cultivée en assez grande abondance par les nègres du Démérari, suffit à peine aux besoins du pays et ne fournit rien au commerce. On emploie la maniguette pour donner de la force au vinaigre et pour falsifier le poivre. Les vrais cardamomes, et surtout l'a- mome et le petit cardamome, entrent dans un certain nombre de composilions pharmaceutiques; les parfumeurs et les distillateurs en font également usage. (1) Roscoe, Monand. plant, scitam. (2) Pharm. Journal^ yo\. Vi, GuJBouRT, Drogues, 7« édit. T. II. — 15 226 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. 19. Petite maniguette du Muséum. Il existe dans les collections du Mu- séum, indépendamment de la vraie maniguette, un fruit plus petit, avec une étiquette arabe ou indienne, et celle traduction: felfel fon- dante, Une elphic. Les semences sont entièrement semblables à celles de la maniguette; la pulpe est détruite. 20. Amomum sylvestre ou Zingiber sylvestre de Gartner. Capsule dure, de consistance ligneuse, en forme de coin triangulaire; les se- mences sont d'un brun noirâtre et arrondies ; l'amande est blanche, inodore, d'une saveur presque nulle. Ce fruit ne peut être considéré ni comme un cardamome ni comme une maniguette. J'en possède un échantillon dont j'ignore l'origine. [21. Cardamome galanga (fig. 410). Sous ce nom M. Hanbury dé- crit un petit fruit médicinal qu'il a reçu de M. Lockart, sous les noms chinois Kaou-leang-keau-tsze et Hung-tour-kow. Les capsules sont longues de 6 lignes environ et épaisses de 3 : elles sont oblongues, un peu rétrécies au milieu ou py- riformes, par exception. Le fruit est couronné par les débris du calice et souvent porté par un pédicelle grêle. Ces capsules sont souvent ri- dées, quelquefois pleines et à surface @ © ^^ unie. La couleur est brune rougeâ- Fig 410. — Cardamome galanga. trC pâlC OU foncéC.La CapSulC CSt glabre, mince, fragile. Les semen- ces forment une masse trilobée entourée d'une pellicule blanchâtre; chaque lobe de la masse contient deux semences aplaties et trian- gulaires. Elles présentent des stries fines dirigées vers un hile très-marqué, tenant au placenta axile par un large et long funi- cule. Chaque semence est enveloppée d'un arille coriace. Une es- pèce de cicatrice se trouve à l'opposé du hile. Les semences ont un goût acre, brûlant, et un arôme semblable à celui de la racine de galanga. Le péricarpe est aussi aromatique et piquant. M. Hanbury est porté à attribuer ces fruits à V Alpinia Galanga la môme espèce qui donne le grand galanga du commerce.] Fécules produites par les Amomacées. 1. Arrow-root des Antilles. D'après de Tussac, cette fécule serait produite par deux plantes du genre Maranta, qui ont la réputation d'être un remède contre les blessures faites par les flè- ches empoisonnées, ce qui leur a fait donner le nom anglais à^ai^row-rooty c'esi-k-d'ire flèche-racine. De ces deux plantes. Tune AMOMACÉES. — ARROW-ROOT. 227 serait le Maranta arundinacea de Plumier et de Linné, plante in- digène à l'Amérique et cultivée à la Guadeloupe et dans les autres Antilles, otisa fécule est nommée Dictame ou Moussache desBar- bades; l'autre serait le Maranta indica (fig. 411), plante transpor- Fiff. 411 tée de l'Inde en Amérique, où sa fécule est nommée indian arrow- root. Mais d'après M. Ricord xMadianna, médecin résidant à la Guadeloupe, il n'existe qu'une seule piaule de ce genre nommée Arrow-root\ c'est le Maimnta arundinacea L., et l'autre espèce, nommée Maranta indica, aurait été établie par confusion avec le Canna indica. Je suis d'autant plus porté à me ranger à l'avis de M. Ricord, que, d'après Ainslie, la fécule qui porte dans l'Inde le nom à'arrow root, est extraite, à Travancore, de la racine du Curcuma angustifolia Roxb. Je puis ajouter aujourd'hui, sur des renseignements certains, que le Maranta arundinacea L. ou m- fi^zca Tussac, n'existait pas dans l'Inde, il y a encore peu d'années; mais que les Anglais l'y ont transportée de la Jamaïque, et qu'on l'y cultive maintenant de manière à livrer sa fécule au commerce. Cette fécule alors mérite mieux le nom d' indian an^ow-root que lui donnaient les Anglais, tout en la tirant de la Jamaïque; mais sa production est toute moderne, et les preuves de l'origine amé- ricaine de la plante sont certaines. {*) Ij branche florifère et fructifèie. — 2, racine à écailles triangulaires. (Descourlilz.) 228 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. La fécule du Maranta arundinacea L., qu'elle vienne de la Ja- maïque, de la Guadeloupe ou de l'Inde, n'offre pas de différence appréciable. Elle paraît moins blanche que Tamidon de blé, ce qui tient à sa moins grande ténuité et à sa transparence plus parfaite. Examinés à la loupe, ses granules sont transparents, nacrés et beaucoup plus éclatants que ceux de l'amidon. Vue au micros- cope, elle manque totalement des très-petits grains qui forment, une grande partie de Tamidon de blé. Elle est généralement égale aux gros grains d'amidon, ou même plus grosse; mais elle n'est jamais parfaitement circulaire comme eux ; elle est toujours un peu irrégulière, soit elliptique, soit quelquefois obscurément triangulaire, comme la fécule de pomme de terre ; mais elle est toujours d'un volume beaucoup moindre {fig. 412). La fécule d'arrow-root donne à l'eau à peu près autant de con- sistance que la fécule de pomme de terre, et beaucoup moins par conséquent que l'amidon de blé ; elle est tantôt complètement inodore, tantôt avec un léger goût de galanga. Elle offre des par- ties assez dures produites par l'agglomération des grains de fé- cule; il faut donc la triturer dans un mortier et la tamiser pour l'avoir en poudre fine. Fig. 412. — Anow-ioot des Antilles. Fif. il3. — Arrovv-root de Tiavancore. 2. Arrow-boot de Tua vancore. Ainsi que je viens de le dire, cette fécule est extraite, dans l'Inde, de la racine de Curcuma angusti- folia Roxb. Vue au microscope {fig. 413), elle se présente en granules assez volumineux, dont quelques-uns sont triangulaires, arrondis, elliptiques ou ovoïdes ; mais presque tous sont rétré- cis en pointe d'un côté. Tous ces grains ont peu d'épaisseur, comme on peut s'en convaincre en les faisant rouler sous l'eau ; la figure 413 en présente un certain nombre, naturellement ser- rés les uns contre les autres et qui se présentent de champ, ce qui permet d'en voir l'épaisseur. FÉCULE DE TOLOMANE OU DE TOUS LES MOIS {fig. 414). Cette fécule est extraite de la racine du Canna coccinea. Elle vient des Antilles AMOMACÉES. — ARROW-ROOT. 229 et est difficile à distinguer de la raoussaclie et de Tarrow-root à la simple vue; mais on la reconnaît facilement au microscope, au volume extraordinaire de ses granules et à leur forme généra- Fig. 414. — Fécule de Tolomane. lement elliptique. De même que la précédente, elle est d'une minceur remarquable. Elle est très-soluble dans l'eau bouillante et est très-facile à digérer. [D'autres Canna donnent des produits analogues : le Canna discolor entre autres est cultivé dans diver- ses régions et particulièrement à Montpellier par M. Paulin Des- hours-Farel, qui en retire une très-belle fécule, qu'il désigne sous le nom de Canna-root.] FAMILLE DES ORCHIDÉES. Plantes vivaces, terrestres, à racines fibreuses souvent accompagnées de deux tubercules amylacés; ou épiphytes, et dans ce cas ou sarmen- teuses et pourvues de racines adventives, ou munies à la base de la tige d'un renflement charnu, nommé pseudo-bulbe. Les feuilles sont simples, alternes, en général engainantes. Les fleurs sont pourvues d'un périanthe supère, à 6 divisions profondes, dont 3 extérieures et 3 intérieures. Les 3 extérieures sont assez semblables entre elles, éta- lées ou rapprochées les unes des autres à la partie supérieure de la fleur, où elles forment une sorte de casque. Des 3 divisions intérieures, 2 sont latérales et assez semblables entre elles; la dernière, devenue inférieure par la torsion du pédicelle, est souvent très-développée, d'une forme bizarre et porte le nom de /a6e//e; elle est, en outre, sou- vent prolongée en éperon, à sa base. Du centre de la fleur s'élùve, sur le sommet de l'ovaire, une colonne formée par la soudure du style et des filets des étamines, et nommée columelle ou gynoslême. Cette colu- melle porte à sa partie supérieure et antérieure une fossette glandu- leuse qui est le stigmate, et à son sommet une anthère à 2 loges con- tenant du pollen aggloméré en une ou plusieurs masses, qui conservent 230 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. la forme de la cavité qui les renferme. Au sommet de la columelle, et sur les côtés de l'anthôre, se trouvent 2 petits tubercules qui sont les anthères avortées de 2 é lamines. (Dans le genre Cypripedium ces 2 éta- mines latérales sont développées et l'élamine du milieu, celle diamé- tralement opposée au labelle, avorte.) Le fruit est une capsule à vme seule loge et à 3 valves qui s'ouvrent comme des panneaux, en laissant les 3 trophospermes unis et rapprochés au sommet et à la base et for- mant une sorte de châssis; les graines sont nombreuses, composées d'un embryon ovoïde très-renflé, pourvu, dans une petite fossette, d'une gemmule presque nue. Un assez grand nombre d'Orchidées ont été autrefois usitées en médecine et plusieurs le sont encore dans les diverses contrées qui les produisent. Elles se recommandent h nous par trois pro- duits, dont les deux premiers sont l'objet d'un commerce assez important : ce sont le Salep^ la Vanille et le Faham, Salep. Le salep nous est apporté de la Turquie, de la Natolie et de la Perse; il a la forme de petits bulbes ovoïdes, ordinairement en- filés sous forme de chapelets, d'un gris jaunâtre, demi-transpa- rents et d'une cassure cornée. Il a une odeur faible approchant de celle du mélilot, et une saveur mucilagineuse un peu salée. Ces caractères physiques, qui lui donnent l'apparence d'une gomme, sont cause qu'on n'a pas soupçonné pendant longtemps que le salep fût un tubercule. Enfin Geoffroy (1), ayant pris les tubercules de différents Orcliis indigènes, les ayant mondés de leur épiderme, lavés, plongés dans l'eau bouillante et séchés, ob- tint du salep en tout semblable à celui des Orientaux. Il prouva par là deux choses : d'abord que le salep est un tubercule d'or- chis; ensuite que les tubercules d'orchis indigènes, préparés de la manière qu'il venait d'indiquer, pouvaient remplacer le salep d'Orient. Depuis Geoffroy, et à plusieurs reprises, des pharmaciens et des agronomes sont revenus sur la possibilité d'obtenir du salep avec nos orchis, et j'en possède, ayant cette origine, qui rivalise avec le plus beau salep d'Orient; mais il faut que le prix de la main- d'œuvre ou la rareté des espèces s'opposent à cette fabrication en France, car elle a toujours été très-restreinte. Les espèces qui peuvent servir à cet usage sont cependant assez nombreuses ; ce sont principalement les (1) Et. Fr. Geoffroy, Traité de la matière médicale. Paris, 1742-1747. ORCHIDÉES. — SALEP. 231 Orchis pyramidalis^ — hircinay — masculatttj Ophris antropopliora^ — apifera^ — arachnites. Orchis Morio L., — mascula L. {ftg. 415), — militaris L., — fusca L., — bifolia L., — IcdifoliàL.^ Un chimiste a cru pouvoir conclure de ces expériences sur le salep que celte substance était principalement formée de Basso- rine, d'un peu de gomme soluble et de très-peu d'amidon. Mais, pour se faire une juste idée du salep, il faut l'examiner d'abord ù. l'état de tubercule récent; alors on le trouve composé, comme pres- que toutes les racines féculentes, d'une grande quantité d'amidon qui, examiné au microscope et co- loré par l'iode, est en granules h peu près égaux, d'un bleu de ciel, sphériques ou elliptiques , à peu près de la grosseur des gros grains d'amidon de blé. Cet amidon, au- tant que j'en ai pu juger par un essai, n'est pas organisé comme celui de la pomme de terre, comme l'arrow-root et même comme l'a- midon de blé, qui, sous une enve- loppe plus ou moins dense et résis- tante, renferment une matière in- térieure facile à dissoudre dans l'eau bouillante. L'amidon du salep, de même que celui du sagou, m'a paru formé d'une masse pulpeuse, fort peu soluble dans l'eau bouillante, mais susceptible de s'y gontler con- sidérablement, ce qui explique l'a- bondance et la grande consistance de la gelée de salep. Le reste des tubercules récents se compose de membranes épaisses, colorées en jaune par l'iode, de globules très-minimes, transparents, comme gélatineux, non colorés; enfin souvent on y aperçoit des aiguilles acérées, qui disparaissent par la moindre addition d'acide nitri- que, et qui sont du phosphate de chaux d'après les expériences rapportées par Raspail (1) (I) Raspail, Nouveau Traité de système organique, S** édition. Paris, 1838. Fi-ï. 41b. Orchis niascula. 232 VÉGÉTAUX MONOCOTYLÉDONÉS. Si on examine à son lour, au microscope, le salep du com- merce, délayé dans de l'eau convenablement iodée, on y observe encore quelques grains de fécules non altérés ; mais la plus grande partie se compose de téguments gonflés, déchirés, gélatineux, d'un bleu magnifique, et qui indiquent que le salep n*a pas subi une simple immersion dans l'eau bouillante, et qu'il y a séjourné pendant un certain temps. Le salep ne jouit probablement pas de la propriété aphrodisia- que qu'on lui a supposée pendant longtemps ; mais il est au moins très-nourrissant. On l'emploie en gelée, sucré et aromatisé, ou incorporé dans du chocolat, qui prend alors le nom de chocolat analeptique au salep ^ etc. [Il est arrivé quelquefois dans le commerce une substance, con- nue dans les Indes sous le nom de Salep royal^ qui a été décrite par M. Hanbury (1) : Cette substance doit sans doute son nom à ce qu'elle a été re- gardée comme un salep de grosseur extraordinaire : mais au lieu d'être un tubercule amylacé, comme le salep, c'est un vrai bulbe dont les dimensions, à l'état de siccité, varient de 3 à 4 centimè- tres et le poids de 15 à 47 grammes. La forme en est plus ou moins arrondie, devenue ridée par la dessiccation, toujours ter- minée en pointe à l'extrémité supérieure, et présentant souvent à la base une cicatrice circulaire. La surface présente en outre des stries fines longitudinales, assez régulières. Le bulbe est tantôt blanchâtre et opaque, tantôt translucide et d'une couleur de miel brunâtre. Il est dur, pesant, d'une apparence cornée et cependant encore assez mou à l'intérieur pour être facilement coupé au couteau. Mis à macérer dans l'eau, il se gonfle beaucoup, s'ar- rondit et paraît reprendre son volume primitif. Coupé longitudi- nalement ou transversalement, il paraît composé d'une seule enveloppe ou tunique charnue d'une grande épaisseur, renfer- mant un bourgeon central, foliacé, flétri et qui n'en remplit pas toute la cavité. M. Lindley suppose que cette seule tunique devait être couverte d'une enveloppe extérieure, qui en a été séparée avant la dessiccation (i2). Ce bulbe est mucilagineux et faiblement sucré; mais il se dis- tingue du salep par une amertume très-sensible jointe à une cer- taine âcreté et par l'absence d'amidon. On est encore incertain sur l'origine de ce salep : M. Lindley pense que ce peut être le bulbe d'une espèce de tulipe croissant dans l'Afghanistan.] (1) Hanbury, Vharmaceulical journal^ t. XVII, p. 419. (2) Hanbury, traduit par Guibourt [Journal dt Pharmacie, t. XXXIII, p. 61, 1858). ORCHIDÉES. VANILLE, 233 Vanille. Vamlla plamYoh'a^ Andve'ws (I). Plante sarmenleuse et grim- pante qui croît dans les contrées maritimes du Mexique, de la Colombie et de la Guyane, sur les rives des criques abritées par les mangliers et sujettes à être submergées dans les hautes marées. Ses tiges sont vertes, cylin- driques, noueuses, de la grosseur du doigt. Elles sont pourvues de racines adventi- ves, qui s'implantent dans récorce des arbres voisins et servent à la soutenir. Ses leuilles sontsessiles, alternes, oblongues, lancéolées, obs- curément striées, un peu épaisses. Les fleurs sont dis- posées, vers le sommet des tiges, en grappes axillaires pédonculées {fig. 416). Le périgone est articulé avec l'ovaire, d'un vert jaunâtre, formé de 6 sépales, dont 3 extérieurs égaux et réguliers, oblongs et obtusiuscules, et 3 intérieurs dont 2 planes, ondulés sur leurs bords, et le troi- sième roulé en cornet et soudé avec la columelle. La columelle 410. - Vanille, Fig. 417. — Paquet de vanille tel qu'où l'importe. est dressée et privée d'appendices latéraux ; l'anthère est termi- nale, operculée, à 2 loges, dont chacune contient une masse de pollen agglutiné. Le fruit est une capsule charnue, longue et siliquiforme, déhiscente, uniloculaire, mais à 2 valves. Les se- mences très-nombreuses, noires, globuleuses, entourées d'un suc brun, épais et balsamique. On cueille ce fruit avant sa parfaite (I) Voir sur l'origine des vanilles : Morren, Mémorandum sur la rmiillc, son histoire et sa culture [Bulletins de l'Académie royale de Belgique, XVII, n» 2, et Lobelia, Bruxelles, 1851, p. 2!)). 23i VEGETAUX MONOCOTYLEDONÉS. maturité, pour éviter qu'il ne s'ouvre et ne laisse écouler le suc qu'il contient. On le suspend à l'ombre pour le faire sécher; on l'enduit ensuite légèrement d'une couche d'huile dans la vue de lui conserver de la souplesse et d*en éloigner les insectes: enfin on en forme des bottes de 60 ou de 100 {fig. 417), qu'on nous en- voie dans des boîtes de fer-blanc. On trouve dans le commerce trois sortes de vanille, dont deux peuvent appartenir à deux variétés de la même plante; mais la troisième appartient à une espèce différente. La première sorte, qui est la plus estimée, se rapporte à la plante que les Espagnols nomment vanille lec ou légitime : Vanilia sativa de Schiede. Elle est longue de 16 à 20 centimètres, épaisse de 7 à 9 millimètres, ridée et sillonnée dans le sens de sa lon- gueur, rétrécie aux deux extrémités et recourbée à la base. Elle est un peu molle et visqueuse, d'un brun rougeâtre foncé, et douée d'une odeur forte, analogue à celle du baume du Pérou, mais beaucoup plus suave. Conservée dans un lieu sec et dans un vase qui ne soit pas her- métiquement fermé, cette vanille ne tarde pas à se recouvrir de cristaux aiguillés et brillants qu'on avait pris pour de l'acide benzoïque ou cinnamique, mais qui sont en réalité une substance particulière, nommée Vanilline^ par M. Gobley. On la nomme alors Vanille givrée. Cette vanille est toujours d'un prix très-élevé. La seconde sorte est nommée Vanille simarona on bâtarde {Va- nilia sylvestris de Schiede). Elle présente tous les caractères de la précédente, dont elle ne paraît être qu'une variété ; mais die est plus courte, plus grêle, plus sèche, d'une couleur moins foncée. Elle est moins aromatique et ne se givre pas. La dernière sorte, nommée chez nous Vanillon, et par les Espa- gnols Vanille pompona ou boca {Vanilia pompona de Schiede), est en gousses longues de 14 à 19 centimètres, larges de 14 à 21 milli- mètres; elle est très-brune, même presque noire, molle, vis- queuse, presque toujours ouverte, et paraît avoir dépassé son point de maturité. Elle possède une odeur forte, beaucoup moins fine et moins agréable que celle des deux premières sortes, et moins balsamique ; souvent aussi elle offre un goût de fermenté. Enfin elle est à vil prix, comparée aux deux premières. La vanille est usitée surtout pour aromatiser le chocolat, les crèmes, les li- queurs et d'autres compositions analogues. M. Gobley (1) a recherché quel était le principe odorant de la vanille, et il a été amené à conclure que c'est une substance spé (I) Gobley, Recherches sur le principe odorant de la vanille [Junrnaî de Pharmacie, 1858, t. XXXIV, p. 4')1). ORCHIDEES. FEUILLES DE FAHAM. 235 ciale, incolore, cristallisant en longues aiguilles (prismes à 4 pans terminés par des biseaux), très-aromatique, à odeur de va- nille, à saveur chaude et piquante, n'ayant pas d'action bien sensible sur le tournesol. La vanilline, soumise à l'action de la chaleur, entre en fusion à Tô'^, se volatilise à 450° : elle esta peine soluble dans l'eau froide, davantage dans l'eau bouillante, très- soluble dans l'alcool, l'éther et les huiles fixes ou volatiles. Sa composition est représentée par G'^^H^O*. Elle se rapproche delà coumarine, mais s'en distingue par son pointde fusion, son odeur el sa composition. C'est la vanilline qui produit le givre des vanilles de bonne qua- lité : et l'expérience a prouvé qu'elle existe, en effet, en quantité considérable dans ces sortes de vanille, tandis que le vanillon n'en fournit que très-peu. On cultive depuis plusieurs années, dans les serres de Liège et du Jardin des Plante.^, à Paris (/?//. VIS), le Vanilla planifoUa An- 'il — i' Fi"-. 418. — Vaiiillo. (Irews, qui a produit, depuis que Morren a montré la manici de les féconder arlificiellement, un nombre considérable de fruits qui mettent une année à mûrir. Ces fruits ne diderent en rien de la plus belle vanille du commerce ; ils sont aussi aromatiques et d'une odeur aussi fine et aussi suave. Ils pourraient être l'objet d'une exploitation lucrative. Feuilles de Faliani. Fahon ou Faham ; Angrœcum fragans, Dupetit-Thouars. Plante très-rapprochée des vanilles, parasite comme beaucoup d'orchi- dées exotiques, croissant aux îles Maurice, où elle est usitée comme digeslive et contre la phthisie pulmonaire. Les feuilles seules nous parviennent par la voie du commerce. Elles sont longues de 8 à 16 centimètres, larges de 7 à 14 millimètres, en- 236 DICOTYLÉDONES MONOGHLAMYDÉES. lières, coriaces, marquées de nervures longitudinales rapprochées, douées d'une odeur Irès-agréable, semblable à un mélange de fève tonka et de vanille, et d'une saveur très-parfumée. On les em- ploie en infusion Ihéiforme et on en fait un sirop très-agréable au goût. Le principe odorant des feuilles de Faham a été trouvé par M. Gobley semblable à la coumarme{^)de la fève de tonka, du mélilot et de l'aspérule odorante. Ce même principe a été trouvé également dans quelques autres feuilles d'orchidées : dans VOrchis fusca^ par M. Bley, et dans YOphris antropophora, que M. Lallemant, pharmacien à Alger, a exposé, en 1867, comme un succédané de 1*^4 ngrœcum. Les feuilles de cette espèce, séchées avec certaines précautions, ont en effet une odeur agréable, et peuvent être employées en infusions en guise de Faham. CINQUIÈME CLASSE DICOTYLÉDONES MONOGHLAMYDÉES. FAMILLE DES CONIFERES. Cette famille se compose d'arbres et d'arbrisseaux dont on peut se faire une idée générale en se rappelant les pins et les sapins. Leurs feuilles sont coriaces, roides, presque toujours persistantes, ce qui fait souvent désigner ces végétaux par le nom à! arbres verts. Ces feuilles sont presque toujours linéaires et subulées; c'est une excep- tion rare lorsqu'elles présentent un pétiole et un limbe distinct, comme la plupart des autres dicotylédones. Les fleurs sont unisexuées, disposées en cône ou en chaton, c'est-à-dire sessiles et disposées régu- lièrement sur un axe commun. Les fleurs mâles consistent essentielle- ment dans une étamine nue ou composée d'une écaille portant une ou plusieurs anthères. Les fleurs femelles sont diversement disposées et servent à diviser les conifères en trois tribus que plusieurs bota- nistes élèvent au rang de familles distinctes. \^^ tribu, TAXiNÉES : ovules isolés, attachés à une écaille ou contenus dans une cupule pouvant devenir charnue; frujt simple. Genres Taxus^ PodocarpuSy Dacrydium, Phyllocladus, etc. 2® tribUj cupREssiNÉEs : ovules dressés, réunis plusieurs ensemble à (1) Voir pour plus de détails : Gobley, Recherches sur le principe odorant des feuilles de Faham {Journal de Pharmacie, XVII, 350, 1850). CONIFÈRES. — IF. 237 l'aisselle d'écaillés peu nombreuses formant un galbule ou un malac- cône. Genres Jimiperiis, Thuya, Cupressus, Taxodmniy etc. 3^ tribu, ABiÉTiNÉEs : ovules renversés et attachés à la base d'écaillés nombreuses qui se transforment en un fruit agrégé nommé cd//e ou strobile. Genres Pimis, Abies, Larix, Araucaria, Dammara, etc. Les Conifères, réunies aux Cycadées et aux Gnétacées, forment un groupe de végétaux assez distinct des autres Dicotylédones, et qui se lie par plusieurs caractères aux palmiers et aux acotylédones foliacées. Leur bois, bien que formé de couches concentriques annuelles, tra- versées par des rayons médullaires, est presque entièrement privé de vaisseaux spiraux ou de trachées, et est formé de clostres à parois épaisses qui offrent, dans le sens de leur longueur, une ou deux ran- gées de points transparents entourés d'un bourrelet. Leurs fleurs mâles, composées d'anthères fixées à la face inférieure d'écaillés, rap- pellent celles des prèles et des lycopodes ; enfin leurs fleurs femelles, présentent sur des écailles étalées ou sur un disque cupuliforme des ovules que l'on regarde comme 7ius, ainsi que les graines qui en pro- viennent. Aussi les botanistes qui admettent cette manière de voir, distinguent-ils le groupe formé des Cycadées, des Conifères et des Gné- tacées, parle nom particulier de Gtjmno-spermes. Ces graines contien- nent, sous un tégument propre, un endosperme charnu et un embryon cylindrique dont la radicule est soudée avec l'endosperme et dont l'ex- trémité cofylédonaire se divise en 2, 3, 4,10 cotylédons verticillés. Presque tous les végétaux conifères contiennent, dans leur bois ou dans leur écorce, un suc résineux dont nous traiterons d'une manière spéciale après avoir décrit les principaux d'entre eux et leurs propres parties, qui sont assez souvent usitées dans l'art de guérir. if. laxus baccata. Arbre d'Europe dont la tige s'élève à 12 ou 14 mètres, en se partageant latéralement en branches nombreuses, presque verticillées ; les feuilles sont linéaires, persistantes, d'un vert foncé, très-rapprochées les unes des autres et disposées sur deux rangs opposés (pg. 419). Elles ont une odeur forte, et l'on assure que cette odeur, augmentée par l'épaisseur du feuil- lage, est très-nuisible aux personnes qui y dorment à l'ombre. Les fleurs sont axillaires, monoïques ou dioïques. Les fleurs mâles forment vers l'extrémité des rameaux, de petits chatons sphériques entourés par le bas d'un certain nombre d'écaillés im- briquées ; ces fleurs sont portées sur une colonne centrale divisée supérieurement en filets rayonnants dont chacun s'élargit en un écusson à plusieurs loges recouvrant autant de loges pollinifères. Les fleurs femelles sont solitaires, entourées par le bas d'écaillés imbriquées, et montrent dans une cupule ouverte par le haut, un ovule à micropyle supérieur. Cette cupule grossit, devient 238 DICOTYLÉDONES MONOGHLAMYDÉES. succulente, d'un beau rouge, et laisse voir, par une large ou- verture, la graine noire qu'elle contient. Cette fausse baie {sphalérocarpe^ Mirb.) pa- raît exempte des qualités malfaisantes que l'on recon- naît généralement aux feuil- les, à récorce et à la racine d'if. Le bois d'if est d'un fauve rougeâtre, veiné, ronceux lorsqu'il provient de la souche, d'un grain fin et susceptiljle de recevoir un beau poli. Il est très- recherché par les ébénistes, les luthiers et les tourneurs . 11 est d'une très-longue du- rée. Cyprès . Cupressus sempervirens L. Arbre très-élevé [qui se re- connaît à sa forme pyrami- dale, à ses rameaux dres- sés contre la tige , à ses feuilles d'un vert sombre, très-petites , squammifor- mes, imbriquées sur quatre rangs et persistantes. Les fleurs sont monoïques terminales, placées sur des ra- meaux différents. Les fleurs mâles forment des chatons ovoïdes assez semblables à ceux de l'if et entourés d'écaillés par le bas. Les chatons femelles sont globuleux, formés de 8 à 10 écailles en forme de bouclier, portant à leur partie inférieure un grand nombre de fleurs femelles dressées, semblables aux fleurs so- litaires de l'if, c'est-à-dire formées comme elles d'une urcéole presque fermée contenant un ovule dressé. Les fruits forment un cône presque globuleux dont les écailles sont charnues et soudées avant leur maturité; mais elles se dessèchent et se sé- parent à maturité complète, et paraissent alors sous la forme de clous à grosse tête, implantés sur un axe central, très-court. Les graines sont petites, anguleuses, munies latéralement de deux ailes membraneuses. On doit cueillir les cônes du cyprès, nommés vulgairement H 9. - If. CONIFÈRES. — GENÉVRIERS. 239 Noix de cyprès, lorsqu'ils sont encore verts et charnus; ils sont alors très-astringenls et sont usités comme tels. Plus lard ils de- viennent ligneux et perdent une partie de leur propriété. Le bois de cyprès est assez dur, compacte, rougeâlre, pourvu d'une forte odeur aromatique; il est presque incorruptible. Les anciens en faisaient des cercueils et des coffres pour renfermer leurs objets les plus précieux. De tous lemps aussi cet arbre a été consacré aux morts et a été l'accompagnement obligé des tombeaux. Son feuil- lage d'un vert foncé, et si épais que le soleil ne peut le traverser, l'a sans doute fait destiner à cet usage. €!enéTriers. Les Genévriers sont des arbres ou des arbrisseaux à rameaux alternes, à feuilles simples, petites, persistantes, rapprochées, op- posées, verticillées ou im- briquées, et dont les fleurs sont ordinairement dioï- ques et disposées en petits chatons axillaires, entourés par le bas de bractées im- briquées. Les fleurs mâles forment des chatons ovoïdes ou cylindriques, composés d'écaillés stipitées qui por- tent à leur pnrtie inférieure et interne de 3 à 6 anthères uniloculaires. Les fleurs fe- melles sont portées sur un pédoncule écailleux dont les écailles supérieures, rap- prochées et en partie sou- dées, forment un involucre urcéolé qui contient autant de cupules ouvertes par le haut (fig. 420) qu'il y a d'é- cailles soudées à l'involucre (de 3 à 6). Chacune de ces cupules, tout à fait sembla- ble à la cupule solitaire de l'if ou aux cupules nombreuses du cyprès, contient un ovule dressé. Chaque petite graine contient un embryon dicotylédoné à radicule cylindrique, supère. Toutes les graines réunies, recouvertes de leurs cupules et renfermées dans les écailles soudées, accrues et devenues succulentes, forn^ent Fig. 4-20. — Genévrier. 240 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. un corps qui porte vulgairement le nom de baie. L'espèce de genévrier la plus usitée et la plus commune en Europe est : Le GENÉviER COMMUN, Jumperus communis L. {fig 410). Elle forme dans le midi de l'Europe et dans nos jardins un arbre de 6 à 7 mètres de haut, dont le tronc peut acquérir de 20 à 30 cen- timètres de diamètre; mais dans les pays du Nord, où ce végétal croît en abondance, il ne forme guère qu'un arbrisseau à rameaux diffus, haut de 2 à 3 mètres; sur le sommet inculte des monta- gnes, où on le rencontre également presque partout, il est pres- que réduit à l'état d'un buisson épineux. Partout on le reconnaît à ses feuilles opposées trois à trois, sessiles, linéaires, très-aiguës et piquantes. Les chatons femelles sont très-petits, verdâlres, formés au sommet de 3 écailles soudées, et contiennent 3 cupu- les dressées et 3 ovules qui se convertissent en 3 petites graines osseuses entourées des écailles accrues et devenues charnues. Le tout réuni forme un fruit globuleux, presque sessile, de la gros- seur d'un pois, et d'un violet noirâtre à sa maturité, qui n'arrive qu'au bout de deux ans. On lui donne communément le nom de Baie de genièvre. Il contient une pulpe succulente, aromatique, d'une saveur résineuse, amère et un peu sucrée. Dans le nord de la France, en Belgique, en Hollande et en Allemagne, on en prépare une eau-de-vie par fermentation et distillation, une es- sence ou huile volatile, et un extrait tout à la fois sucré et gommo-résineux. Ces trois produits se trouvent dans le com- merce; mais l'extrait étant souvent très-mal fait avec le résidu de la distillation de l'essence, les pharmaciens doivent préparer eux-mêmes leur extrait de genièvre, avec les baies récentes con- cassées et par infusion. 11 est alors lisse, sucré, aromatique, fort agréable à prendre et offre un bon stomachique. Il se grumèle à la longue, comme celui du commerce ; mais cet effet est dû au sucre qui cristallise, et non à de la résine. J'ai déjà fait la remar- que (page 108) que la baie de genièvre, comme tous les fruits sucrés non acides, contient du sucre cristallisable, tandis que les fruits acides ne contiennent que du glucose. Le bois des gros genévriers est presque semblable à celui du cyprès et peut être employé aux mêmes usages. Genéyrieu oxicèdre ou CADE, Juïiiperus Oxicedrus L. Cette es- pèce a les plus grands rapports avec la précédente ; mais ses fruits sont deux ou trois fois plus gros, d'une couleur rouge, et con- tiennent des osselets renflés à la base, comprimés à la partie su- périeure, tronqués au sommet, avec une petite pointe au milieu. Elle croît naturellement dans les lieux secs et arides du midi de la France, en Espagne et dans le Levant. Le bois de l'oxicèdre brûlé dans un fourneau sans courant d'air. CONIFÈRES. — ■ GENEVRIERS. 241 comme on le pratique pour la fabrication du goudron, laisse dé- couler un liquide brunâtre, huileux, inflammable, d'une odeur résineuse et empyreumatique très-forte, connu sous le nom à! Huile de cade. Ce liquide, pourvu d'une saveur acre presque caustique, est employé pour la guérison des ulcères des chevaux et de la gale des moutons. On lui substitue souvent l'huile de gou- dron de pin, qui lui est inférieure en propriétés, et très-souvent, à présent, l'huile des goudrons de houille, qui présente une com- position chimique et des propriétés très-différentes. Sabine, Juniperus Sabina^ L. {fig 421). Arbrisseau dioïque à pe- FiJ,^ 421. — Sabine. lites feuilles ovales, convexes sur le dos, pointues, appliquées sur les rameaux, imbriquées sur quatre rangs, les plus jeunes oppo- sées. Les fruits sont arrondis, de la grosseur d'une groseille, d'un bleu noirâtre. Ils ne contiennent ordinairement qu'un seul osselet, par suite de l'avortement des deux autres. La Sabine croît dans les montagnes du Dauphiné et de la Provence, en Es- pagne et en Italie. On la cultive dans les jardins. On en connaît deux formes; la première, haute de 3 à 4 mètres, dite Sabine mâle ou à feuilles de cyprès; la seconde, beaucoup plus petite, dite Sabine femelle ou à feuille de tamarisc. Toutes deux sont tou- jours vertes, résineuses, d'une odeur très-forte et désagréable. Elles sont emménagogues, anthelminthiques, très-âcres, dépila- GuiBOURT, Drogues, 7* édit. T, II. — 1 6 242 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. loires et même un peu corrosives. Elles sont vénéneuses, prises à trop forte dose à l'intérieur. Genévrieh des Bermudes et Genévrier de Virginie, Juniperus Bermudiana, L. et Juniperus Virginiana^ L. Ces deux arbres, dont les noms spécifiques indiquent le pays originaire, ont beaucoup de rapport avec la sabine, mais sont élevés de 14 à 16 mètres. Le dernier porte aussi le nom de Cèdre rouge ou de Cèdre de Virginie. Leur tronc est formé d'un aubier blanc et d'un cœur rougeâtre, un peu violacé, très-odorant, léger, d'un grain très-fin et facile à travailler. C'est avec ce bois, qui porte dans le commerce le nom de bois de cèdre^ que l'on fabrique les petits cylindres dans les- quels on renferme les crayons fins de graphite ; mais on l'em- ploie aussi à beaucoup d'autres usages. Le genévrier des Ber- mudes paraît avoir été le premier exploité ; mais il est devenu rare, et le bois de cèdre actuel du commerce paraît être princi- palement fourni par le genévrier de Virginie. En examinant anciennement l'intérieur d'un stétoscope fait en bois de cèdre de Virginie, je l'ai trouvé tapissé de cristaux aci- culaires, blancs et éclatants, d'une substance odorante et volatile, et j'ai depuis bien des fois observé les mêmes cristaux sous la face inférieure d'échantillons du même bois, conservés dans les collections. Ce sont ces cristaux qui, ainsi que l'essence du bois distillé, 'ont été étudiés depuis par les chimistes sous les noms de stéaroptène et à'essence de cèdre. Cette essence et le bois lui-même ont été souvent attribués par erreur, et par suite de similitude de nom, d.\x*Cèdre du Liban^ dont il sera question ci-après. Pins. Car, gén. : fleurs monoïques ; fleurs mâles en chatons ramas- sés en grappes. Étamines nombreuses, biloculaires, insérées sur l'axe, surmontées d'un connectif squammiforme. Fleurs femelles en chatons solitaires ou rassemblés; écailles imbriquées, por- tant à leur base et du côté interne 2 ovules renversés, dont le sommet est tourné en bas. Cône formé par les écailles accrues, devenues ligneuses, étroitement appliquées les unes sur les au- tres, à sommet épaissi et ombiliqué, à base interne creusée de deux fossettes contenant chacune une graine entourée d'une aile membraneuse. Cette graine est composée d'une cupule ligneuse perforée à son sommet renversé, et d'une semence à épisperme membraneux, contenant, dans l'axe d'un endosperme huileux, un embryon à 3 — 42 cotylédons verticillés. Les pins sont des arbres résineux, à rameaux verticillés, dont les feuilles subulées et persistantes sont réunies par le bas, au COiNIFÈRES. — PINS. 243 nombre de 2, de 3 ou de 5, dans une gaîne membraneuse. Les espèces principales sont les suivantes : Pins à deux feuilles dans la même gaîne. 1. Pi-N SAUVAGE, dit aussi Pin de Genève et Pin de Russie, Pinus sylvestris, L. Arbre de forme et de grandeur très-variables, sui- vant les localités et le sol où il croît, mais pouvant s'élever à la hauteur de 25 mètres et davantage. Ses feuilles sont linéaires, demi-cylindriques, glabres, enveloppées deux à deux à leur base par une gaîne courte. Les cônes sont deux ans à mûrir. Ils ont alors de 4 à 7 centimètres de longueur, sont arrondis par la base et parfaitement coniques à l'extrémité, d'un vert foncé. Ce pin croît spontanément sur une grande partie des montagnes de l'Eu- rope, et principalement dans les contrées du Nord, oii son bois est employé pour les constructions civiles et navales, et où il sert à l'extraction de la térébenthine. Bien qu'il soit aussi commun en France, dans les Vosges, les Alpes et les Pyrénées, il est peu exploité , la culture du pin maritime ayant pris une grande extension dans les Landes, et suflisant aux besoins du com- merce. 2. Pin laricio ou Pin de Corse, Pinus Laricio, Poiret. Cet arbre, le plus beau de nos pins indigènes, s'élève à la hauteur de 35 à 50 mètres. Ses feuilles sont géminées, longues de 14 à 19 centi- mètres, très-menues; les cônes, ordinairement disposés deux à deux, sont d'une forme pyramidale, un peu recourbés à l'extré- mité vers la terre, longs de 5 à 8 centimètres. Ce pin croît prin- cipalement en Corse et en Hongrie. D'après M. Loiseleur-Deslong- champs, il croît également dans le nord de l'Amérique, où Mi- chaux l'a décrit sous le nom de pin rouge. Son bois est inférieur pour la force et la durée à celui du pin sauvage. 3. Pin maritime, Pinus Pinaster. Solander {maritimei, Lam). Cet arbre forme une belle pyramide dont les rameaux sont disposés par verlicilles réguliers. Ses feuilles sont géminées, roides, très- étroites, longues de 22 à 27 centimètres; les chatons mâles sont groupés à la base des bourgeons qui doivent former la pousse de l'année. Les cônes sont roussâlres, luisants, d'une forme conique, longs de 13 à 16 centimètres, épais de 65 millimètres à la base. Ce pin Cl oît naturellement dans le midi de la France et de l'Eu- rope, dans les contrées voisines de la mer. On le cultive surtout dans les landes qui s'étendent de Bordeaux à Bayonne, et c'est lui qui fournit la plus grande partie de la térébenthine et des résines communes employées en France pour le besoin des arts. 4. Pin piniek ou Pin a pignons, Pinus Pinea. L. {fig. 422). Cet •244 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDÉES. arbre se reconnaît à l'étendue de sa tête, dont les branches sont étalées horizontalement et un peu relevées à l'extrémité, sur une tige de 16 à 20 mètres de hauteur. Ses feuilles sont d'un vert foncé, longues de 16 à 19 centimètres, entourées deux ensemble Fig. Aii. — Pin pinier ou pin à pignons. par une petite gaine. Les chatons mâles sont réunis en grappes, au nombre de 15 à 20, sur des rameaux grêles : chaque chaton n*a que 14 millimètres de longueur, et les anthères sont surmon- tées d'une crête arrondie et denticulée. Les cônes sont trois ans à mûrir; ils sont ovoïdes-arrondis, longs de 10 à 11 centimètres, formés d'écaillés serrées, dont la partie saillante a la forme d'une pyramide surbaissée et arrondie, à sommet ombiliqué. Les graines sont beaucoup plus grosses que dans les autres espèces de pins, et sont pourvues d'une aile comparativement plus courte et très- facile à séparer. On donne toujours à ces graines le nom de Pifjnons doux, pour les distinguer des graines acres et purgatives du Curcas CONIFERES. — SAPINS ET MÉLÈZES. '245 purgans (Euphorbiacées), qui sont appelées pignons d'Inde, Elles sont oblongues, un peu anguleuses, formées d'une enveloppe os- seuse presque fermée et d'une amande blanche, huileuse, d*ane saveur douce et agréable. Ces amandes sont recherchées sur la table en Italie et en Provence, et on en fait aussi d'excellentes dragées. On les a quelquefois prescrites en éinulsion. Le pin à pi- gnons est originaire de l'Orient et de l'Afrique septentrionale; il est répandu en Italie, en Espagne et dans le midi de la France. Son bois sert pour les constructions navales. Vins à cinq feuilles dans la même gaine. Pin hérissé, Pinus rigida : — Amérique septentrionale. Pin téda, Pinus Tœda: — Caroline et Virginie. Pin austral ou Pin des marais, Pinus australis, Michx; Pinus palustris, Mill. : — Virginie, Caroline, Géorgie, Floride. Vins à trois feuilles dans la même gaine. Pin cembro, Pïnus Cembra: — Alpes, Sibérie. Pin de Weimolth, Pinus Su obus: — Nord de l'Amérique, Ca- nada. §»apins et iiiélèze§. Les sapins et les mélèzes, dont Tournefort avait fait deux genres séparés des pins, y ont été réunis par Linné, et après lui par Lambert et Endlicher. Ils diffèrent cependant assez des pins par leur port et par des caractères tirés de leurs feuilles et de leurs cônes, pour qu'on puisse en faire des genres distincts. Les sapins (genre Abies) ont les feuilles courtes, roides^ solitaires, et les cônes formés d'écaillés amincies et à bord arrondi au som- met. Les mélèzes (genre Larix) ont les cônes formés d'écaillés amincies au sommet, comme les sapins ; mais leurs feuilles sor- tent fasciculées de bourgeons sous-globuleux, et deviennent en- suite éparses et solitaires lorsque le bourgeon s'allonge pour for- mer les jeunes rameaux. Sapin argenté, vrai sapin ou avet (1), Abies pectinata, DC, Abies taxifoU'a. Derf., Pinus picea, L. Cet arbre s'élève en pyramide à la hauteur de 30 à 40 mètres; ses branches sont disposées par verlicilles assez réguliers et sont dirigées horizontalement ; ses feuilles sont éparses sur les jeunes rameaux, mais sont comme comprimées et dirigées sur deux rangs opposés, ce qui leur donne (1) Aiet est dérivé de ritalien abeto, qui vient lui-même de abies. 246 DICOTYLÉDONES MONOCHLÂMYDÉES. l'aspect du feuillage de l'if ou des dents d'un peigne (de là le nom d'Abies taxifoh'a ow pedinata). Ces feuilles sont linéaires, planes, coriaces, obtuses ou échancrées au sommet. Elles sont luisantes et d'un vert foncé en dessus, blanchâtres en dessous (sauf la ligne médiane verte), ce qui a valu à Tarbre, vu d'en bas, le nom de sa- pin argenté. Les fleurs mâles forment des chatons isolés dans l'aisselle des feuilles; mais très-rapprochés et nombreux vers l'extrémité des rameaux supérieurs. Les fleurs femelles forment des chatons presque cylindriques, rougeâtres, disposés au nombre de 2 ou 3, non à l'extrémité des rameaux latéraux, mais sur la dernière ou l'avant-dernière ramification. Ces chatons sont diri- gés vers le ciel et conservent cette position en devenant des cô- nes ovoïdes allongés, formés d'écaillés planes, arrondies, non ex- cavées à la base, serrées et imbriquées. Chaque écaille est accom- pagnée sur le dos d'une bractée persistante, terminée par une pointe aiguë, qui paraît au dehors du cône. Les graines sont assez volumineuses, au nombre de 2 à la base de chaque écaille, entou- rées d'une aile membraneuse persistante. Le sapin croît sur toutes les hautes montagnes de l'Europe, et principalement sur les Alpes du Tyrol, du Valais, du Dauphiné ; dans les Cévennes, les Vosges, le Jura, la Forêt noire; en Suède et en Russie. Indépendamment de sa térébenthine, dont nous parlerons plus loin, il fournit un bois, qui est un des plus usités dans toutes les constructions civiles, navales, et même pour l'in- térieur de nos habitations et pour nos meubles. On lui a long- temps attribué les bourgeons de sapins^ qui sont composés de 5 ou 6 bourgeons coniques arrondis, verticillés autour d'un bourgeon terminal, plus gros et long de 14 à 27 millimètres. Ces bourgeons sont revêtus d'écaillés rougeâtres, agglutinées, et sont tout gorgés de résine, dont une partie exsude sous forme de larmes à leur surface. Leur odeur et leur saveur sont résineu- ses, légèrement aromatiques. On les emploie dans les afl'ections scorbutiques, goutteuses, rhumatismales et contre les maladies du poumon. [Ces bourgeons nous arrivent actuellement de la Bourgogne et de la Champagne; mais ils proviennent en réalité du Pimis sylvestris.] Baumier du Canada, Abies balsamea, Mill. ; Pi'nus balsamea, L. Ce sapin a les plus grands rapports avec notre sapin commun, car il a le même port; ses feuilles sont planes, distiques, blanches en dessous; ses cônes sont dirigés vers le ciel, ovoïdes, à écailles minces, arrondies, accompagnées de bracti'es; mais il forme un arbre beaucoup moins élevé ; ses étamines sont chargées d'une petite crête qui n'a le plus souvent qu'une dent, et ses bractées sont ovales au lieu d'être allongées. Cet arbre croît naturellement CONIFÈRES. — SAPINS ET MÉLÈZES. 247 dans les régions froides de l'Amérique septentrionale; on le trouve également en Sibérie, d'après M. Ferry. Il fournit, au Canada, une térébenthine d'une odeur très-suave, qui présente également les plus grands rapports avec celle du sapin. Sapin du Canada, Abies canadensis^ Michx. ; Pinus canadensis^ L. ; Hemlok spruce ou Perusse. Arbre de 20 à 27 mètres de hauteur, à feuilles linéaires, planes, obtuses, longues de 11 à 14 millimè- tres, vertes et luisantes en dessus, d'un vert plus pâle et un peu blanchâtre en dessous, éparses, mais disposées de manière à pa- raître placées sur deux rangs opposés. Les fleurs mâles sont réu- nies en chatons axillaires très-courts et arrondis; les fleurs femelles sont situées à l'extrémité des rameaux, et il leur succède de petits cônes ovales, pendants. Ce sapin croît au Canada et dans les parties septentrionales des États-Unis. Son bois est d'une mauvaise qualité, mais son écorce est utile pour le tannage des cuirs. Je ne connais pas son produit résineux. Sapin élevé, faux sapin, pesse ou épicéa, Abies exceha,Vù\ï:. ; Pinus Abies ^ L. Cet arbre habite les montagnes de l'Europe, et principalement, en France, les Alpes, les Vosges et les Pyrénées. Il s'élève à 40 mètres et plus de hauteur; ses rameaux sont verti- cillés, ouverts à angles droits, et forment une pyramide régu- lière. Ses feuilles sont linéaires, quadr angulaires, pointues, d'un vert sombre, insérées tout autour des rameaux, et articulées sur un petit renflement de l'écorce. Les fleurs mâles forment des chatons épars çà et là le long des rameaux ; les chatons femelles sont solitaires à l'extrémité des jeunes rameaux, et produisent des cônes pendants, longs de 11 à 16 centimètres, cylindriques^ quelquefois d'un rouge vif dans leur jeunesse, roussâtres à leur maturité. 'Leurs écailles sont planes et échancrées au sommet. Cet arbre produit une térébenthine épaisse et presque solide, nom mée communément Poix de Bourgogne . Sapin blanc, sapinetïe blancue ou épinette blanche, Abies alba, Michx. Arbre assez semblable au précédent, originaire du nord de l'Amérique, très-commun en France dans les grands jardins et les parcs d'agrément. Il n'excède pas 16 mètres dans son pays natal, a les feuilles très-courtes, d'un vert pâle et comme bleuâtre; les chatons mâles ressemblent à ceux de V Epicéa; mais les cônes n'ont que 45 à 68 millimètres de longueur et sont épars en grand nombre le long des rameaux, ou sont solitaires, opposés ou verticillés à l'extrémité. Les écailles sont parfaitement arron- dies et sans échancrure au sommet. Sapin noib, épinette noire, Abies nigra. Originaire du nord de l'Amérique, et moins répandu dans les jardins que le précédent, cet arbre serait cependant plus utile par son bois, qui réunit la •248 DICOTYLÉDONES MONOCQLAMYDÉES. force à la légèreté ; il peut s'élever jusqu'à 24 ou 25 mètres; ses feuilles sont semblables à celles du sapin blanc, mais d'un vert plus foncé, et ses fruits sont encore moitié plus petits. En Amé- rique, on prépare avec une décoction de ses jeunes rameaux, additionnée de mélasse ou de sucre, une sorte de bière, dite Bière despruce. L'arbre est peu résineux. Mélèze d'Europe, Zarà europœa, DC. Le mé'èze peut croître jusqu'à 30 ou 35 mètres de hauteur. Son tronc, parfaitement droit, produit des branches nombreuses, horizontales, disposées par étages irréguliers, et dont l'ensemble forme une vaste pyra- mide. Ses feuilles sont étroites, linéaires, aiguës, éparses sur les jeunes rameaux, mais fasciculées sur les autres et caduques l'hi- ver, ce qui distingue le mélèze de tous les autres arbres conifères d'Europe. Les chatons mâles et femelles sont très-petits, épars sur les rameaux, et les derniers deviennent des cônes redressés, ovoïdes, longs de 3 centimètres environ, formés d'écaillés assez lâches, minces, arrondies, avec une petite pointe à l'extrémité. Le mélèze croît sur les Alpes et sur l'Apennin, en Italie, en Alle- magne, en Russie et en Sibérie. Il n'existe naturellement, dit-on, ni en Angleterre ni dans les Pyrénées. Son bois, qui est rougeâlre, plus serré et plus fort que celui du sapin, résiste pendant des siè- cles aux actions destructives de l'eau, de l'air et du soleil. Les chalets suisses sont souvent entièrement construits en bois de mélèze, qui leur donne une durée presque indéfinie. C'est sur le tronc des vieux mélèzes que croît l'agaric blanc [Pohjporus officinalîs), dont nous avons parlé précédemment (page 64). C'est également le mélèze qui fournit la manne de B rianço7î, subsiàuce blanche, sucrée et laxative, comme la manne des frênes, qui exsude sous la forme de petits grains blancs, des feuilles des jeunes individus, le matin avant le lever du soleil, dans les mois de juin et de juillet. [Cette substance contient un sucre particulier, découvert par M. Berthelot (I) et nommé par lui mélézitose ; il est analogue au sucre de canne, a la même for- mule C^^H^^O*^, mais un pouvoir rotatoire supérieur, un goût moins sucré, une fermentation beaucoup plus difflcile.]La manne du Briançon est rare et inusitée, et le principal produit du mélèze est sa térébenthine, dont il sera traité plus loin. CÈDRE DU Liban, Larix Cedrus. Cet arbre est un des plus beaux et des plus grands que nous connaissions. Il s'élève quelquefois à 33 mètres de hauteur avec un tronc de 8 à 10 mètres de circon- férence. Il se distingue surtout par des ramifications puissantes qui s'étendent horizontalement à une grande distance, ressem- (I) Berthelot, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1858,XLVII, p. 225. CONIFÈRES. — CÈDRE DU LIBAN. 249 blant plutôt elles-mêmes à des arbres qu'à des branches. Ses feuilles sont étroites, triangulaires, glabres, persistantes, éparses sur les plus jeunes rameaux qui poussent en longueur, disposées par paquets ou fasciculées sur les rameaux à fleurs qui sont âgés de quelques années. Les cônes sont elliptiques, longs de 8 à 9 cen- timètres, épais de 5 à 6, formés d'écaillés très-serrées, planes et très-larges, portant à la base deux graines surmontées d'une aile membraneuse et à amande huileuse. Le cèdre est originaire du mont Liban ; il en découle, pendant Tété, une résine liquide et odoriférante, nommée anciennement cedria. Il a été transporté pour la première fois en Angleterre en 1683, et de là, en France, en 1734. Le premier pied planté au Jardin des Planles de Paris, par Bernard de Jussieu, s'y voit en- core à l'entrée du Labyrinthe. A l'âge de cent quatorze ans, il n'a- vait pas plus de S'^jSS de circonférence ; on peut juger d'après cela que les cèdres cités par plusieurs voyageurs pour avoir 12 mètres de tour devaient être âgés de neuf à dix siècles (l). Les écrivains hébreux ont souvent parlé du cèdre et ont fait l'emblème de la grandeur et de la puissance; ils regardaient son bois comme incorruptible, et ont assuré que le temple de Jérusa- lem, bâti par Salomon, avait été construit avec des cèdres cou- pés sur le mont Liban. Mais le bois de cet arbre est loin de mériter sa réputation ; il est léger, d'un blanc roussâtre, peu aromatique, sujet à se fendre par la dessiccation. Il est possible qu'on ait pris pour du bois de cèdre des bois de mélèze, de cyprès ou de gené- vriers, qui sont, en effet, plus beaux, plus aromatiques et beau- coup plus durables. (1) Le grand cèdre du Jardin des Plantes, mesuré le 20 juillet 1848, à 1™,5 de terre, m'a présenté S"", 28 de circonférence. Si l'on pouvait supposer que son accroissement en grosseur eût été égal pendant les cent quatorze années de son existence, il en résulterait un accroissement annuel en circonférence de 0", 02447 ; d'où l'on conclurait ensuite qu'un cèdre de 12 mètres de circon- férence serait âgé seulement de quatre cent quatre-vingt-dix ans; mais cette évaluation serait bien au-dessous de la vérité. En effet, le 20 janvier 1817, le même cèdre, mesuré par M. Loiseleur-Deslongchamps, à li",5 de terre, avait 8 pieds 10 pouces de circonférence, soit 2"^, 87. En comparant cette mesure à celle donnée ci-dessus, nous trouvons : Augmentation en circonférence, en 31an',5 0,41 — — année moyenne 0,01301G — en diamètre, année moyenne 0,004 Iô9 — sur le rayon, ou épaisseur d'une couche annuelle 0,002079 Si l'on calcule l'âge d'un cèdre du Liban de 12 mètres de circonférence, à raison d'une augmentation annuelle de 0'",013, on trouve neuf cent vingt-deux ans. Mais il est certain qu'un pareil cèdre serait encore beaucoup plus âgé, la lenteur progressive de la croissance, après le premier siècle, dépassant de beaucoup l'excédant décroissance pendant les premières années. 250 DICOTYLÉDONES MONOGIILAMYDÉES. Je parlerai des Dammara et des Araucaria^ conifères gigantes- ques deTAustralie et de l'Amérique méridionale, en traitant de leurs produits résineux. Produits résineux des arbres conifères. Résine sandaraque. Suivantune opinion anciennement et généralement suivie, cette résine découlerait, en Afrique, d'une grande variété du genévrier commun {Juniperus communis)^ ou de l'oxicèdre {Juniperus Ooxice- drus). Plusieurs auteurs ont môme décrit la résine de l'oxicèdre et lui ont donné des caractères qui se rapportent h ceux de la sandaraque. Mais, d'après Schousboe, voyageur danois, le gené- vrier commun ne croît pas en Afrique; et, d'après Broussonnet, cité par Desfontaines (1), le Thuya articulata {CallitrisquadrivalviSj Ventenat) produit la résine sandaraque, dans le royaume de Ma- roc. Il est possible, après tout, que ceux qui ont répandu la pre- mière opinion aient pris le thuya articulé pour un genévrier. La sandaraque est en larmes d'un jaune très-pâle, allongées, recouvertes d'une poussière très-fine, à cassure vitreuse et trans- parente à l'intérieur; elle a une odeur très-faible, une saveur nulle ; elle se réduit en poudre sous la dent, au lieu de s'y ramollir comme le fait le mastic; elle est insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, peu soluble dans l'éther, insoluble dans l'essence de térébenthine; elle forme avec l'alcool un très-beau vernis, d'oii même lui est venu le nom de vernix que lui donnent plu- sieurs auteurs ; elle est très-peu employée en médecine, et sert surtout à la préparation des vernis; on l'emploie aussi réduite en poudre, sur le papier déchiré par le grattoir, afin d'empêcher l'encre de s'y répandre et de brouiller l'écriture. Térébenthine et autres produits des sapins et des pius. Chez les anciens, le mot térébenthine n'était d'abord qu'un nom adjectif, qui, joint au nom générique res^'/îe, s'appliquait exclusi- vement au produit résineux du Pistacia Terebinthus. Résina tere- benthina voulait dire résine de térébinthe, comme Résina lentiscina signifiait résine de lentisque; Résina abietina, résine de sapin; et ainsi des autres. Mais la prééminence qui fut pendant longtemps accordée à la résine térébenthine, jointe h la suppression du mot résine, a fini par convertir l'adjectif en un nom substantif et spécifique, et (1) Desfontaines, Flora Allant., p. 353. CONIFÈRES. — TÉRÉBENTHINES. 251 ce nom est devenu générique à son tour, lorsqu'on l'eut appliqué à d'autres résines liquides, que l'on s'est cru autorisé à substituer à la pren'iière. Enfin^ de nos jours, le nom térébenthine a reçu en- core une plus large application, qui consiste à le donner à tout produit végétal, coulant ou liquide, essentiellement composé d'es- sence et de résine, sans acide benzoïque ou cinnamique, telles que les résines liquides des CopahiferafBalsamodendron.Hedivigia, Calophyllurn, eic. Il ne sera question pour le moment que des té- rébenthines produites par les conifères, les autres devant être décrites suivant l'ordre des familles des arbres qui les fournissent; Térébenthine du llélèze. Celte résine était connue des anciens qui la tiraient des mêmes contrées que nous; car Dioscoride nous dit : « On apporte de la Gaule subalpine (la Savoie) une résine que les habitants nomment laricOy c'est-à-dire tirée du lar-ix ; n mais il ne nous en apprend pas davantage. Pline la définit assez bien en disant: « La résine du la7nx est abondante; elle a la couleur du miel, est plus tenace et ne se durcit jamais; » mais il connaissait bien peu l'arbre, puisqu'il le suppose toujours vert, comme les pins et les sapins. Galien loue beaucoup la résine du mélèze et l'assimile pres- que à la térébenthine. « Parmi les résines, nous dit-il, il y en a deux très-douces ; la première est nommée térébenthine, la se- conde larice,v Et ailleurs : a Quant à nous qui savons que la meilleure de toutes les résines est la térébenthine, nous l'employons pour la confection des médicaments; et cependant, si nous n'avons que de la larice, qui empêchera que nous ne nous en servions, puis- qu'elle est presque semblable à l'autre, etc. ? » On peut dire que c'est Galien qui a fait la réputation de la résine du mélèze, et qui a été cause aussi de la confusion qui a si long- temps existé entre les différents produits qui portent aujourd'hui le nom de térébenthine ; d'abord, par la disparition presque com- plète de celle du térébinthe que l'on jugeait à peu près inutile de se procurer; ensuite par l'idée qui s'est généralement répandue que la térébenthine du mélèze devait être la plus belle de celles de l'Europe occidentale, ce qui n'est vrai que pour la térében- thine du sapin ; de telle sorte que presque toujours les commer- çants ont pris pour térébenthine du mélèze celle du sapin, et ré- ciproquement. Dans un mémoire (1), j'ai dit comment j'avais dû un pre- mier échantillon authentique de térébenthine du mélèze à (1) Guibourt, Journal de pharmacie, T. XXV. 252 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. M. Bonjean père, pharmacien à Chambéry. Celte térébenthine, récollée exprès dans les bois de l'évoque de Maurienne, était épaisse, Irès-consistante, uniformément nébuleuse, d'une odeur toute particulière, tenace, un peu fatigante, plus faible cependant que celle de la térébenthine citronnée du sapin, mais bien moins agréable; plus faible aussi que celle de la térébenthine de Bor- deaux et toute différente. Elle offre une saveur très-amère, per- sistante, jointe à une grande âcreté à la gorge. La térébenthine du mélèze conserve très-longtemps sa même consistance, sans former à l'air, et encore moins dans un vase fermé, une pellicule sèche et cassante à sa surface. Lorsqu'on l'expose à l'air, étendue en couche mince sur une feuille de pa- pier, quinze jours après le doigt qu'on y pose y adhère aussitôt et fortement. Sa propriété siccative est donc à peu près nulle, ainsi que l'ont dit Pline et Jean Bauhin. Elle ne se solidifie pas non plus sensiblement par l'addition d'un seizième de magnésie. Enfin elle se dissout complètement dans cinq parties d'alcool à 35 degrés. La térébenthine du mélèze n'est pas rare dans le commerce de Paris, où l'on trouve trois espèces de ce genre bien distinctes : 1° La térébenthine commune^ ou térébenthine de Bordeaux y épaisse, grenue, opaque, d'odeur forte, très-usitée chez les marchands de couleurs, mais rejetée de l'officine des pharmaciens; 2° La térébenthine au citron^ la plus belle de toutes, liquide, d'une odeur très-suave, d'un prix élevé, rarement employée ; 2° La téi^ébenthine fine ordinaire, la plus usitée dans les pharma- cies, où on la nomme souvent térébenthine de Strasbourg , mais ve- nant en réalité de Suisse. C'est celle-ci qui est produite par lie mé- lèze. La seule différence qu'elle présente avec l'échantillon de Maurienne, c'est que, étant récoltée en grand, et filtrée ou repo- sée en grandes masses, elle est plus coulante et transparente, mais jamais liquide et jamais aussi transparente que la belle té- rébenthine du sapin. Les autres caractères sont tels que ci-dessus. Le mélèze fournit très-peu de térébenthine par les fissures na- turelles de l'écorce, ou même en y faisant des entailles avec la hache. Pour l'obtenir, on fait avec une tarière des trous au tronc de l'arbre, en commençant à 1 mètre de terre, et en continuant jusqu'à la hauteur de 3 à4 mètres. On adapte à chaque trou un canal en bois qui conduit la résine dans une auge, d'où elle est retirée pour être passée au tamis. Lorsqu'un trou ne laisse plus couler de résine, on la bouche avec une cheville, et on le rouvre quinze jours après; il en donne alors une nouvelle quantité et plus que la première fois. La récolte dure du mois de mai jus- qu'au milieu ou à la fin de septembre; un mélèze vigoureux fournit ainsi 3 ou 4 kilogrammes de térébenthine par année, et il CONIFÈRES. — TÉRÉBENTHINE DU SAPIN. 253 peut en produire pendant quarante ou cinquante ans; mais le bois qui en provient n'est plus aussi bon pour les constructions. La térébenthine du mélèze, distillée avec de l'eau, fournit 15,24 pour 100 d'une essence incolore, très-fluide, d'une odeur assez douce, non désagréable, mais qui est rejetée par les peintres, qui s'imaginent que la qualité de l'essence est en raison de la force etde l'âcrelé de son odeur. Je parlerai plus loin de ses pro- priétés optiques. Térébentbine du sapin. Térébenthine au citron^ térébenthine d'Alsace, de Strasbourg^ de Venise {i)^ Bigeon. Cette térébenthine est produite par le vrai sa- pin, reconnaissable à ses feuilles planes, solitaires, disposées sur deux rangs, blanches en dessous, et à ses cônes ovoïdes, dressés vers le ciel, à écailles minces et arrondies, accompagnées de bractées persistantes et piquantes . Le suc résineux suinte à travers l'écorce et vient former, à sa surface, des utricules qui paraissent deux fois Tan, au printemps et à l'automne. Les habitants des Vosges et des Alpes qui vont la récolter (ce sont ordinairement des gardeurs de troupeaux), crè- vent ces utricules en raclant l'écorce avec un cornet de fer-blanc qui reçoit en même temps le suc résineux. Ils vident ce cornet dans une bouteille suspendue à leur côté, et filtrent ensuite la ré- sine dans des entonnoirs faits d'écorce. Cette térébenthine est rare et toujours d'un prix assez élevé; d'abord parce que les utri- cules de l'arbre en contiennent si peu que chaque collecteur n'en peut guère ramasser plus de 125 grammes par jour (2); ensuite parce que les sapins ne commencent à en fournir que lorsqu'ils ont 25 à 27 centimètres de circonférence, et qu'ils cessent d'en donner quand ils ont acquis un mètre de tour. Alors, en effet, l'écorce est trop dure et trop épaisse pour que les utric ules puis- sent se former à sa surface, et on n'en rencontre plus qu'au som- met de l'arbre, où il est dangereux de l'aller chercher. La térébenthine de sapin est peu colorée, très-fluide, quelque- fois presque aussi liquide que de l'huile, ce qui justifie le nom à^olio daveto (huile de sapin) que le peuple lui donne en Italie. C'est elle aussi qui a presque toujours été vendue sous le nom de (1) [Le nom de térébenthine de Venise est donné assez communément à la té- rébenthine du mélèze, soit par les pharmacopées étrangères, soit dans les Codex français antérieurs à la dernière édition : c'est aussi au produit du mélèze que Guibourt donnait encore ce nom dans sa troisième édition de VHis- toire naturelle des drogues simples.] (2) Belon, Sur les conifères, 1553. 254 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. térébenthine de Venise (Belon). Elle est trouble et blanchâtre lors- qu'elle vient d'être récoltée, quoique le suc résineux soit parfai- tement transparent dans les utricules de l'arbre ; mais il. est facile de concevoir que l'humidité des parties déchirées se môle à la résine et lui donne de l'opacité. Par la filtralion au soleil, ou par»un long repos, l'humidité se sépare ou disparait, et la résine forme alors un liquide transparent et à peine coloré. Son odeur est des plus suaves, analogue à celle du cilron; la saveur en est médiocrement acre et médiocrement amère. Elle est assez promp- tement siccative à l'air pour qu'une couche mince, étendue sur un papier, soit complètement sèche et non collante après qua- rante-huit heures. Elle forme une pellicule dure et cassante à sa surface, pour peu que les vases qui la contiennent ne soient pas hermétiquement fermés; elle acquiert en môme temps une colo- ration en jaune qui augmente avec le temps; elle se solidifie avec un seizème de magnésie calcinée. Enfin, elle est imparfaile- ment soluble dans l'alcool, (^e caractère peut servir à distinguer la térébenthine du sapin de celle du mélèze : ainsi prenez de la térérenthine du mélèze, même très-nébuleuse, elle formera un soluté transparent avec l'alcool rectifié ; prenez, au con- traire, de la térébenthin.e de sapin, bien transparente, son soluté alcolique sera trouble et laiteux, et déposera une résine grenue insoluble. Cette dernière térébenthine a été le sujet d'un beau travail chi- mique par M. Amédée Caillot. Ce médecin, ayant distillé de la térébenthine de Strasbourg avec de l'eau, en a d'abord retiré l'huile volatile dans la proportion de 0,335. La résine cuite est restée dans la cucurbite avec l'excédant de l'eau qui avait acquis de l'amertume et la propriété de rougir le tournesol. Cet acide, saturé par les bases alcalines et autres, a offert tous les carac- tères de l'acide succinique. Déjà M. Sangiorgio, Lecanu et Serbat avaient démontré la présence de l'acide succinique dans le produit de la distillation à feu nu de la térébenthine; mais on pouvait le supposer produit par l'action du feu, tandis que l'expérience de M. Caillot montre qu'il y existe tout formé. La résine restant dans l'alambic, qui n*était autre que la téré- benthine cuite des pharmacies, a été traitée par l'alcool froid qui a laissé une résine insoluble, et a dissous deux autres substances qui ont été séparées par la potasse. On évapore, en effet, le soluté alcoolique à siccité; on traite deux fois le résidu par un soluté de carbonate de potasse ; on dé- cante l'excès de dissolution saline, et on délaye le savon résineux dans une grande quantité d'eau. Le savon se dissout, tandis qu'il reste une résine insoluble, non saponifiable, non acide ni alcaline, CONIFÈRES. — TÉRÉBENTHINE DE L'ABIES BÂLSAMEA. 255 Irès-fusible, très-solubledans l'alcool et facilement cristallisablc. L'auteur a nommé cette substance abiétine. Quant à celle que le carbonate alcalin avait convertie en savon, on la précipite de sa dissolution par un acide, et on obtient une résine très-électro-négative, nommée acide ahiétique^ qui rougit le tournesol, est soluble en toutes proportions dans l'alcool, l'éther et le naphte, et qui peut neutraliser les alcalis. Yoici les résultats de celte analyse : Huile volatile 33,50 Résine insoluble (sous-résine) G,'^0 Abiétine 10,85 Acide abiétique 46,39 Extrait aqueux contenant l'acide succinique 0,85 Perte 2,21 100,00 L'essence de térébenthine du sapin pèse 0,863. Elle est très- lluide, incolore, d'une odeur très-agréable et assez analogue à celle du citron pour qu'elle puisse quelquefois la remplacer (par exemple, pour détacher les étoffes). La résine qui reste dans l'a- lambic est jaune, transparente et conserve une odeur très-suave, semblable à celle du baume du Canada. Ces deux produits, s'ils n'étaient pas d'un prix assez élevé, seraient bien préférables à l'essence et à la colophane du pin de Bordeaux. Térébenthine de l^Abies balsamea. Cette térébenthine, plus connue sous le nom de baume de Ca- nada, est produite, au Canada, par VAbies balsamea, arbre qui a les plus grands rapports avec notre sapin argenté (page 246). La ré- sine se produit et se récolte dans la même manière : ainsi, dans le temps de la sève, on voit paraître sous l'épiderme de l'écorce des utricules pleines d'un suc résineux que l'on extrait en crevant les utricules avec un cornet, qui sert en même temps de récipient pour le liquide. On purifie ce produit en le filtrant à travers un tissu. Le baume du Canada est liquide, presque incolore et nébuleux lorsqu'il est récent; mais il s'éclaircit par le repos et devient alors complètement transparent; il possède une odeur très-suave qui lui est propre, et une saveur acre et un peu amère. Exposé en couches minces à l'air, il s'y sèche en quarante-huit heures; il se dessèche de même dans des bouteilles fermées, mais en vidange, et en prenant une couleur d'un jaune doré de plus en plus foncée. La térébenthine du sapin présente le même caractère de 256 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. coloration, mais d'une manière beaucoup moins marquée. Il se solidifie par un seizième de magnésie calcinée, et il est très-im- parfaitemement soluble dans l'alcool. On voit que tous ses ca- ractères sont semblables à ceux de la térébenthine de sapin ; aussi est-ce celle-ci qu'il faudrait employer pour le premier, s'il venait à nous manquer; de même que la térébenthine de Ghio n'est bien remplacée que par le mastic. Quant à la térébenthine du mélèze, qui ne ressemble à aucune autre, elle ne peut ni les remplacer ni être remplacée par elles. Le baume du Canada a été vendu anciennement en Angle- terre comme baume de Giléad, et en a conservé le nom dans le commerce. Le vrai baume de Giléad, dit aussi baume de Judée et baume de la Mecque, est une térébenthine liquide et d'une odeur toute différente, quoique très-agréable également, produite par le Balsamodendron Opobalsamum, de la famille desBuséracées. JSaunie de ^aint-ThomA. Je mentionne ici le baume de Saint-Thomé, à cause de son analogie avec les térébenthines des Conifères ; mais j'en ignore l'origine. J'en ai deux échantillons : l'un m'a été donné par M. Duprey, du Havre, et l'autre par M. Lésant, de Nantes. Tous deux sont renfermés dans des coques de cocos; celui de Duprey est beaucoup plus pur que l'autre. 11 a la forme d'une térélien- thine solidifiée, transparente, d'un rouge orangé en masse, d'un jaune doré en lame mince. Il a une odeur forte, aromatique, peu agréable, et une amertume considérable. Il est entièrement so- luble dans l'alcool. Il existe, près de Madras, une ville appelée Meliapour, nommée par les Portugais Saint-Thomé ; on trouve une autre ville de Saint- Thomé, sur la rive droite de l'Orénoque, en Amérique, sans comp- ter la grande île de Saint-Thomas, dans le golfe de Guinée ; l'île Saint-Thomas des Antilles ; une ville du bas Canada, etc. On peut faire bien des conjectures sur l'origine du baume de Saint- Thomé. Poix des Vosg'es. Poix de Bowgogne, poix jaune, poix Hanche. Cette substance est une térébenthine demi-solide, obtenue par des incisions faites au tronc de la pesse ou faux sapin, ou epicea, Abies excelsa de La- marck, Pinus Abies de Linné (I). Cet arbre diffère autant du sapin (I) Linné s'est quelquefois trompé dans l'emploi qu'il a fait des noms anciens ou vulgaires des végétaux. Dans le cas présent, il a certainement eu tort de donner au vrai sapin, Abies des Latins, le nom de Pinus Picea, et à la pesse ou epicettj le nom de Pinus ALies. . CONIFÈRES. — ENCENS DE SUEDE. 257 par le siège et la nature de son suc résineux que par ses caractè- res botaniques indiqués p. 248. Il ne présente pas d'utricules ré- sineuses sur l'écorce, et tandis que le sapin, d'après Duhamel, ne produit que très-peu de résine par des incisions faites à l'é- corce, la résine de l'épicéa ne peut être obtenue autrement. Cette résine est incolore d'abord, demi-fluide, trouble, et son odeur offre beaucoup d'analogie avec celle de la térébenthine du sapin ; elle coule le long du tronc, se dessèche à Tair et prend, par parties, une couleur fleur de pêcher ou lie de vin, et acquiert une odeur plus forte qui, sans être désagréable, présente quelque analogie avec celle du castoréum. Le tout, détaché avec une ra- cloire, et fondu avec de l'eau dans une chaudière, donne une poix opaque et d'une couleur fauve assez foncée. Cette poix est solide et cassante à froid ; mais elle coule toujours avec le temps, se réunit en une seule masse, et prend la forme des vases qui la contien- nent. Elle est très-tenace et adhère fortement à la peau ; elle pos- sède une odeur toute particulière, assez îorief presque balsamique, et une saveur douce,, parfumée^ non amère. Elle est imparfaitement soluble dans l'alcool, fournit un soluté alcoolique rougeâtre et amer, et laisse un résidu insoluble, analogue à celui de la téré- benthine du sapin. A Bordeaux, à Rouen et dans d'autres villes manufacturières, on fabrique une poix blanche factice qui est substituée, la plu- part du temps, à la poix naturelle. Cette substitution peut paraî- tre peu importante, et cependant si la saveur, l'odeur et la nature propre des médicaments ne sont pas sans influence sur leurs pro- priétés médicales, la confusion qui s'est établie entre ces deux substances résineuses est loin d'être indifférente. La poix blanche factice est fabriquée avec du galipot du pin maritime, ou de la résine jaune, et de la térébenthine de Bor- deaux ou de l'essence de térébenthine ; le tout fondu et brassé avec de l'eau. Cette poix est presque blanche, ou l'est d'autant plus qu'elle contient plus d'eau interposée. Elle est coulante; mais elle devient facilement sèche et cassante à sa surface. Elle a une saveur amère très-marquée, même non dissoute dans l'al- cool, elle possède l'odeur forte de la térébenthine de Bordeaux ou de son essence ; quelquefois même elle présente une odeur de poix noire ; enfin elle est entièrement soluble dans l'alcool. Encens de ^uède ou de Russie. Il y a bien des années déjà que M. Béral m'a remis l'échantil- lon d'une résine de pin, usitée en Russie pour faire des fumiga- tions aromatiques dans les appartements. Cette résine était en Gdibourt, Drogues, 7e édit. T. II. — 1 7 258 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. larmes irrégulières, fragiles, rougeâtres à la surface, mais opa- ques et blanchâtres à l'intérieur; d'une odeur forte et balsami- que, tenant quelque chose du castoréum ; d'une saveur très- amère ; elle était contenue dans un cornet fait d'écorce d'épicéa. Une princesse russe, résidant à Paris, voulut en vain se procurer chez nous cette résine à l'usage de laquelle elle était habituée; ne pouvant y parvenir, elle fut contrainte de la faire venir de Russie. Cette substance, cependant, était déjà parvenue plusieurs fois en France; une première fois, elle m'avait été donnée comme résine tacamaque^ et je la décrivis sous ce nom (1). Plus tard, je la retrouvai dans le droguier de l'École de pharmacie, contenue dans la même écorce d'arbre; enfin, M. Ramon de le Sagra ap- porta de Cuba la même résine odorante, produite par un pin de Cuba, dont il n'avait pu déterminer l'espèce. Cette résine était en larmes sphériques assez volumineuses, d'un aspect terne et rougeâtre à l'extérieur, mais blanchâtres, opaques et d'une cassure nette à l'intérieur. Cette cassure rougit à l'air, et alors la résine prend une singulière ressemblance avec certains casto- réums à cassure rouge et résineuse. Sa poudre a la couleur de la brique pilée. Sa solution ^dans l'alcool paraît complète, sauf pour les impuretés qu'elle peut contenir. Je parle de cette substance à la suite de la poix de VAbies ex- celsa, parce que, suivant Haller, cité par Murray, la résine qui se fait jour spontanément à travers Técorce de cet arbre se concrète sous la forme de larmes qui répandent une odeur agréable lors- qu'on les brûle, ce qui lui a fait donner le nom d'encens (en sué- dois yran kada) ; parce que cette résine, en se desséchant sur l'arbre, prend en partie, ainsi que nous l'avons vu, la couleur îodge et l'odeur particulière de l'encens de Russie; enfin parce que celui-ci se trouve contenu dans une écorce rouge et com- pacte qui me paraît bien être de l'écorce d'épicéa, ce qui établit autant de présomptions qu'il est produit lui-même par l'épicéa. Cependant Murray ajoute que, suivant d'autres personnes, cet encens est produit par le pin sauvage, et nous venons de dire qu'en Russie, comme à Cuba, on l'attribue à un pin; il y avait donc une sorte d'égalité, pour la valeur, entre ces deux opinions. Je cherchais à m'éclairer sur ce sujet lorsque visitant, au Jar- din des plantes de Paris, des troncs d'arbres abattus, j'en trou- vai un couvert d'excroissances d'une résine tout à fait sembla- ble à celle qui fait le sujet de cet article. Ce tronc appartenait à un pin laricio, et j'en trouvai un autre, encore sur pied et mala- dif, qui m'offrit une exsudation résineuse toute semblable. Je (l)Guibourt, Histoire abrégée des drogues simples^ 2* édition. CONIFÈRES. — TÉRÉBENTHINE DE BORDEAUX. 2o9 crois donc pouvoir dire que la résine balsamique, nommée encens de Russie, peut être fournie par plusieurs arbres conifères, et qu'elle l'est certainement par l'épicéa et le pin laricio. Térélientliine de Bordeaux. Celte térébenthine découle du Pinus maiHtima, qui croît abon- damment dans les environs de Bordeaux, et entre cette ville et Bayonne. On commence à exploiter l'arbre à l'âge de trente ou de quarante ans, et on le travaille chaque année depuis le mois de février jusqu*au mois d'octobre, plus ou moins, selon que l'année a été plus ou moins belle. Pour cela on fait une entaille au pied de l'arbre avec une hache dont les angles sont relevés en dehors, afin qu'elle n'entre pas trop avant, et on continue tous les huit jours de faire une nouvelle plaie au-dessus- de la pre- mière, jusqu'au milieu de l'automne. Chaque entaille a 8 centimè- tres de largeur et environ 2'^'^^\ 5 de hauteur, de sorte que, lors- qu'on a continué d'en faire du même côté pendant quatre ans, on se trouve arrivé à la hauteur de 2'",6 à 2°^,9. Alors on entame le tronc par le côté opposé, et on continue ainsi tant qu'il reste de l'écorce saine sur l'arbre; mais comme pendant ce temps les an- ciennes plaies se sont cicatrisées, lorsqu'on a fait le tour de l'ar- bre on recommence sur le bord de ses plaies. De cette manière, quand l'arbre est vigoureux et que l'exploitation est bien con- duite, elle peut durer pendant cent ans. La résine qui découle de ces incisions est reçue dans un creux fait au pied de l'arbre. On vide ce creux tous les mois, et on transporte la résine dans des sceaux de liège jusqu'aux réservoirs qui l'attendent. On la nomme alors térébenthine brute, et, dans le pa^'s, gomme molle. On purifie la thérébenthine, avant de la livrer au commerce, au moyen de deux procédés. Le premier consiste à la faire fondre dans mie grande chaudière et à la passer à travers un filtre de paille ; le second, qui ne peut avoir lieu que pendant l'été, s'exécute en exposant au soleil la térébenthine contenue dans une grande caisse de bois carrée, dont le fond est percé de petits trous. La térébenthine, Uquéfiée par la chaleur, coule dans un récipient placé au-dessous, tandis que les impuretés restent dans le vase supérieur. La térébenthine ainsi purifiée, nommée térébenthine au soleil, est plus estimée que l'autre, parce qu'elle a moins perdu de son huile essentielle et qu'elle a l'odeur de la térébenthine vierge. Elle est néanmoins inférieure à celle de Strasbourg ; elle est en général colorée, trouble et consistante, d'une odeur désa- gréable, d'une saveur acre, amère et nauséeuse. 260 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. La térébenthine de Bordeaux présente d'ailleurs un ensemble de caractères qui la distingue également des deux tQrébenthines du mélèze et du sapin. 1° Elle a une consistance grenue, et, lorsqu'on la conserve dans un vase fermé, elle forme un dépôt résineux, comme cristallin, au-dessus duquel surnage un liquide consistant, transparent, quelquefois peu coloré, d'autres fois d'un jaune foncé. 2° Elle est entièrement soluble dans l'alcool rectifié. S** Exposée en couches minces à l'air, elle y devient complète- ment sèche en vingt-quatre heures. 4° Mêlée avec un trente-deuxième de magnésie calcinée, elle forme en peu de jours une masse pilulaire et même cassante, de sorte qu'en ajoutant à du copahu, non solidifiable par la magné- sie, un sixième de térébenthine de Bordeaux, on lui donne cette propriété. La térébenthine suisse ou du mélèze jouit d'une propriété toute contraire : non-seulement elle ne se solidifie pas par la magnésie, mais, ajoutée à du copahu qui jouit de cette propriété, elle la lui retire. La térébenthine de Bordeaux contient environ le quart de son poids d'une huile volatile qui est très-usitée en France, dans les arts, sous le nom dJessence de térébentinne, ou plus simplement (ïessence. On obtient ce produit en distillant sans eau la térében- thine dans de grands alambics de cuivre munis d'un serpentin. L'essence distilleaccompagnée d'un peu de phlegme acidulé par les acides acétique et succinique, et la résine reste dans la cucurbite. Cette essence est incolore, très -fluide, d'une odeur forte et d'une saveur chaude, non acre ni amère. Elle pèse spécifiquement 0,874 à 0.880. Elle se dissout en toutes proportions dans l'alcool anhydre, mais sa solubilité diminue si rapidement avec la force de l'alcool, qu'il faut iO à 12 parties d'alcool à 85 centièmes pour en dissoudre une d'essence. Cette essence paraît un mélange de plusieurs corps isomériques, tous composés de G'^^H^^ con- densés en 4 volumes (1). Elle absorbe une grande quantité de gaz chlorhydrique et se convertit en deux composés, dont l'un solide, blanc et cristallisé, a reçu le nom de camphre artificiel (C^^H^^ -f- Cl H). ~ (!) Cette composition ne diffère de celle de l'essence de citrons que par une condensation double, car l'essence de citron égale G^'^H^ condensés en quatre volumes. On pourrait se demander, d'après cela, si l'essence de sapin, qui offre une si grande analogie d'odeur avec celle de citron, n'en contiendrait pas de toute formée. CONIFÈRES. — TÉRÉBENTHINE DE BOSTON. 261 Térébenthine de Boston. Celle térébenthine vient en Europe par la voie de Boston, donc elle porte le nom ; mais elle est tirée principalement de la Vir- ginie et de la Caroline, où elle est produite par le Pinus palustris. et sans doute aussi en partie par le Pinus Tœda, Elle est unifor- mément opaque et blanchâtre, coulante, sans ténacité, d'une odeur forte, analogue à celle de la térébenthine de Bordeaux, et d'une saveur amère. Elle ressemble à un miel coulant, et elle ne se sépare pas, comme la térébenthine de Bordeaux, en deux par- ties, dont une transparente. Elle fournit par la distillation avec l'eau une essence qui se dislingue de toutes les autres par la dé- viation qu'elle fait éprouver à la lumière polarisée. Biot avait observé anciennement que l'essence de térébenthine du commerce français imprimait aux rayons de lumière pola- risée une déviation de 34 degrés vers la gauche, et, ayant ensuite examiné diverses térébenthines, il avait trouvé que toutes égale- ment déviaient la lumière polarisée vers la gauche, excepté le baume du Canada, qui lui faisait éprouver une déviation à droite. Or, Soubeiran ayant extrait l'essence du baume du Canada avec de l'eau et sans eau, cette essence, dans le premier cas, déviait la lumière de — 7°, et dans le second de — dQ'^. Biot en avait con- clu que dans tous les cas l'essence de térébenthine déviait la lu- mière polarisée vers la gauche. Or, la seule essence que l'on trouve en Angleterre étant celle retirée de la térébenthine de la Caroline, J. Pereira trouva qu'elle déviait assez fortement la lumière polarisée vers la droite; de là quelques expériences que nous avons faites, M. Bouchardat et moi, dans la vue d'étudier ce même caractère sur plusieurs térébenthines et essences de térébenthine que j'avais à ma dispo- sition. Ces expériences laissent beaucoup à désirer sans doute, par rapport aux térébenthines dont la teinte plus ou moins colorée nuit à l'exactitude du résultat. ' Baume de Canada : déviation à droite -f- 12° M. Biot a trouvé pour L'essence distillée sans eau — 19"* Et pour l'essence distillée avec de l'eau — 1" Térébenthine du sapin : déviation à gauche — 5° Id. id. Essence distillée avec de Teau (densité, 0,803) — 13% 2 Térébenthine du mélèze : la déviation n"a pu être observée. Essence distillée avec de l'eau (densité, 0,867) — 5%8 Térébenthine de Bordeaux transparenle — 6° 262 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDEES. Essence du commerce non rectifié (densité, 0,880). — 33°, 1 — rectifiée sans eau (densité, 0,871) — 37°, 7 — rectifiée avec de Teau (densité, 0,872) — 36° — rectifiée avec de l'eau, dernier produit (den- sité, 0,889) — 26° Térébenthine de la Caroline, filtrée — 9° Essence distillée avec de l'eau, du commerce anglais (densité, 0,863) + 22°,5 Cette dernière essence est donc la seule qui dévie vers la droite les rayons de lumière polarisée. Elle est aussi limpide que de l'eau; elle offre, dans son odeur affaiblie, un cachet indéfinissa- ble, que l'on retrouve dans les vernis anglais, et qui peut servir à les distinguer des vernis français préparés avec l'essence de Bor- deaux. Après les térébenthines viennent d'autres produits résineux ti- rés des pins ou de la térébenthine elle-même, tels sont le barras ou galipotjl'à colophane^idi résine jaune, la poix noire et le goudron. Barras ou galipot (anciennement garipoi). Cette résine est le produit des pins, et surtout, en France, du pin de Bordeaux. On conçoit, en effet, que, lorsqu'on cesse chaque année la récolte de la térébenthine, les dernières plaies coulent encore ; mais comme la température n'est plus assez élevée pour faire écouler promp- tement la résine jusqu'au pied de l'arbre, ou peut-être l'huile vo- latile qui lui donne la fluidité ne s'y trouvant plus en aussi grande quantité, elle se dessèche à l'air sur le tronc, et se salit depuis la plaie jusqu'à terre. On récolte cette résine l'hiver et on la met à part; c'est le galipot. Il est sous la forme de croûtes à demi opa- ques, solides, sèches, d'un blanc jaunâtre, d'une odeur de téré- benthine de pin et d'une saveur amère. Il est entièrement soluble dans l'alcool. Brai sec, arcanson ou colophane. On nomme ainsi la résine de la térébenthine de Bordeaux privée d'essence; on en trouve deux sortes dans le commerce : 1° la colophane de galipot^ obtenue en faisant cuire sur le feu et dans une chaudière découverte le gali- pot, préalablement fondu et purifié par la filtration (1). Elle est transparente, d'un jaune doré, fragile, mais encore un peu molle et coulante avec le temps. Elle n'est pas complètement privée d'essence, et paraît très-odorante lorsqu'on la pulvérise. 2° La (1) Lorsque le galipot, au lieu d'être sec, est encore mou et abondant en huile volatile, on ne le dessèche pas à l'air libre : on le fait cuire dans un alambic avec de l'eau ; l'huile qu'on en retire se nomme huile de rase. Elle a une odeur plus parfumée et moins forte que l'essence de térébenthine; elle est moins es- timée des peintres, sans plus de motif sans doute que l'essence de mélèze. CONIFÈRES. — COLOPHANE. 263 colophane de térébenthine, qui reste dans la cucurbite de l'alambic, après la distillation à feu nu de la térébenthine. On la soutire par un conduit adapté à la partie inférieure de la cucurbite, et on la fait couler dans une rainure creusée dans le sable. Elle est solide, d'une couleur brune plus ou moins foncée, en raison de la forte chaleur qu'elle a éprouvée ; mais elle est toujours vitreuse et trans- parente en lame mince. Elle est inodore, très-sèche, cassante et friable. Elle est très-soluble dans l'alcool, l'éther, les huiles gras- ses et volatiles. Le pélrole rectifié la sépare en deux parties, dont l'une se dissout et l'autre pas. Pareillement, en traitant la colophane à froid par de l'alcool à 72 centièmes, on la sépare en deux parties : l'une insoluble, mais que l'on dissout dans le même alcool bouillant, et qui cristallise par le refroidissement; on lui donne le nom d'acide sylvique. La portion dissoute par l'alcool froid est précipité par un sel de cuivre ; on décompose le sel cuivreux par un acide et on en retire une seconde- résine acide, non cristallisable, nommée acide pinique. Du reste, ces deux acides sont isomédques avec la colo- phane, et paraissent composés, comme elle, de G^OH^^O^. C'est- à-dire qu'on peut les considérer comme étant le résultat de l'oxy- génation directe de l'essence de térébenthine. [D'après les récentes recherches de Maly (1) la colophane n'est pas autre chose que de l'acide abiétique anhydre. L'acide sylvi- que et l'acide pinique ne sont que cet acide abiétique à des états plus ou moins impurs. L'auteur assigne à cet acide^ qu'il considère comme bibasique, la formule G^^O^^O^^, et le donne comme fu- sible à lôS"", soluble dans l'éther, la benzine, le chloroforme, l'es- prit de bois et le sulfure de carbone. Ce corps se trouve dans le suc sécrété par les pins, sapins et mélèzes. Lorsque le suc est ré- cent, il est transparent et contient de l'acide anhydre : mais par l'action de l'air humide il devient opaque, c'est qu'alors l'acide abiétique s'hydrate, et, d'amorphe qu'il était, devient cristallin. Les mêmes phénomènes peuvent s'observer chez la colophane, qui, sous l'action de l'humidité, perd peu à peu sa transparence et se trouve formée d'un très-grand nombre de cristaux d'acide abiétique.] Résine jaune ou poix-résine. Si, au lieu de soutirer simplement le résidu de la distillation de la térébenthine, on le brasse forte- ment avec de l'eau, on lui fait perdre sa transparence, et on lui communique une couleur jaune sale. Ainsi préparée, cette résine porte les deux noms ci-dessus. Elle est en masse jaune, opaque et fragile, encore un peu odorante et à cassure vitreuse. (I) Maly, Annalen der Chemk uncl Pharmacie, t. CXXIX, p. 94 et suiv. 264 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. Colophane d* Amérique, Cette résine tient le milieu, pour la cou- leur, entre les deux sortes de colophanes qui proviennent du pin de Bordeaux. Elle est d'un jaune verdâtre et noirâtre vue par ré- flexion ; mais, mise entre Tœil et la lumière, elle paraît vitreuse, transparente et d'un jaune fauve un peu verdâtre. Elle s'arrondit et prend la forme des vases qui la contiennent. Elle se pulvérise entre les doigts en dégageant une odeur aromatique assez agréa- ble. Il est probable qu'elle a été apportée des États-Unis d'Amé- rique. Poix noire. La poix noire se prépare sur les lieux mêmes où croissent les pins et sapins, en brûlant les filtres de paille qui ont servi à la purification de la térébenthine et du galipot, ainsi que les éclats du tronc qui proviennent des entailles faites aux arbres. Cette combustion s'opère dans un fourneau sans courant d'air, de 2 mètres à S'", 30 de circonférence et de ^"^,60 à 3°^,30 de hauteur. Ce fourneau étant entièrement rempli des matières ci-dessus indiquées, on y met le feu par le haut : de cette ma- nière, la chaleur fait fondre et couler la résine vers le bas du fourneau, avant que le feu ait pu la décomposer entièrement. Cette résine est conduite par un tuyau dans une cuve à demi pleine d'eau; là elle se sépare en deux parties : l'une liquide, qu'on nomme huile de poix {pisselœon) ; l'autre plus solide, mais qui ne l'est pas assez cependant, et que l'on met bouillir dans une chaudière de fonte jusqu'à ce qu'elle devienne cassante par un refroidissement brusque. On la coule alors dans des moules de terre et elle constitue la poix noire. Elle doit être d'un beau noir, lisse, cassante h froid, mais se ramollissant très-facilement par la chaleur des mains, et y adhérant très-fortement. Goudron. Le goudron est un produit du pin, analogue à la poix noire, mais beaucoup plus impur. On le prépare seulement avec le tronc des arbres épuisés. Pour cela, on divise ces troncs en éclats, qu'on laisse sécher pendant un an. On remplit un four conique creusé en terre, et on les élève au-dessus du sol de ma- nière à en former un cône semblable au premier, et disposé en sens contraire. On recouvre le cône supérieur de gazon, et on y met le feu. La combustion du bois se trouvant ralentie par cette disposition, la résine a le temps de couler, très-chargée d'huile et de fumée, vers le bas du fourneau, où elle est reçue dans un canal qui la conduit dans un réservoir extérieur (fig. 423). C'est là le goudron. Il laisse surnager, de même que la poix, une huile noire que l'on donne en place de Vhuile de cade. Celle-ci doit être rétirée, par la distilation à feu nu, du bois d'une sorte de genévrier nommé Poix oxicèdre {J uniperus oxicedrus^ L.). Quant au goudron, il est d'une couleur brune, granuleux, demi-liquide, CONIFERES. — GOUDRON DE HOUILLE. 265 doué d'une odeur forte et pyrogénée. Son principal usage est pour la marine. On l'emploie en pharmacie pour faire Teau de goudron. Poix et goudron de houille. Depuis plusieurs années, on substi- tue très-souvent dans le commerce la poix et le goudron qui provien- nent des produits distillés de la houille à la véritable poix noire et au goudron des arbres coni- fères. En supposant que cette substi- tution n'ait pas d'inconvénient pour les arts industriels, il n'en est pas de même pour la composition des médicaments, en raison de la nature toute différente des princi- pes qui constituent ces deux ordres de produits. Il n'y a aucune parilé à établir, par exemple, pour l'odeur et la couleur, entre Tonguent basi- licum préparé avec la vraie poix noire, et celui pour lequel on a employé de la poix de houille. Il n'y a de même aucun rapport de composition ni de propriétés médicales entre la véritable eau de goudron, chargée d'acide acé- tique, d'esprit de bois, de créosote, de picamare, d'eupione, et d'autres produits particuliers provenant de la décomposition des principes résineux des arbres conifères, et l'eau neutre et fétide préparée avec le goudron de houille. A^oici donc les moyens de reconnaître la substitution de ces derniers produits aux premiers. La poix noire et le goudron véritables sont d'un brun rouge en lame mince, et possèdent une odeur qui, bien que fortement empyreumatique, n'est pas dépouillée d'une odeur aromatique végétale. De plus, l'odeur du goudron est manifestement acide; enfin l'un ou l'autre, bouilli pendant quelques instants dans l'eau, lui communique une acidité très-manifeste au papier de tourne- sol. La poix et le goudron de houille ont une couleur noire ver- dâtre, vus en lame mince ; ils présentent une odeur tout à fait dé- sagréable; bouillis avec de l'eau, ils ne lui communiquent qu'une acidité nulle ou à peine sensible à la teinture de tournesol. Noir de fumée. Le noir de fumée se prépare en brûlant la téré- Fig. 423. — Four à préparer le goudron (*), (*) A, maçonnerie en briques. — B, ca\ité elliptique où s'opère la distillation. — C, grille eu fer. — D, ou\reaux ou évents pour donner de l'air. — E, conduit par lequel s'écoulent les pro- duits.— F, maçonnerie qui supporte un couvercle destiné à fermer le four. — G, récipient. 266 DICOTYLÉDONES MONOCIILAMYDÉES. benthine, le galipot, et les autres produits résineux du pin, qui sont de rebut, dans un fourneau dont la cheminée aboutit à une chambre, qui n'a qu'une seule ouverture fermée par un cône de toile. La fumée de ces matières résineuses, qui est très-chargée de charbon et d'huile, les abandonne en totalité dans la chambre, où on les ramasse ensuite sous la forme d'une poudre noire très- subtile. Le plus beau noir de fumée se prépare à Paris. Il entre dans la composition de l'encre d'imprimerie et sert dans la pein- ture. On peut le débarrasser de son huile par l'alcool, et mieux en- core par la calcination dans un vase fermé ; alors il offre le char- bon le plus pur que l'on puisse obtenir. Résines de tlamniara. Ainsi que nous l'apprend Rumphius (I), dammar est un nom malais qui dénote toute résine coulant d'un arbre et s'enflam- mantaufeu; de même que gutta on gitta s'applique aux sucs aqueux et laiteux, produisant des gommes qui se dissolvent dans l'eau et s'enflamment difficilement. Il ne faut donc pas croire, ainsi que plusieurs personnes l'ont fait, que toutes les résines qui peuvent arriver de la Malaisie, sous le nom de dammar, soient de même nature, ou qu'elles doivent être produites par un arbre conifère du genre Dammara; loin de là, je pense avoir démon- tré ('2) que la plus abondante de ces résines, celle qui est plus spécialement connue sous le nom de dammar, est produite par un arbre que l'on a cru appartenir à la famille desAnonacées(l'6^/îo/îa selanica, D. C), mais qui appartient plutôt à celle des Juglandées. Plusieurs autres résines, cependant, non moins importantes, sont véritablement extraites des dammara; telles sont les suivantes : Dammah puti, ou Dammar batu. Celte résine est produite par le (Dammara orientalis, Lamb., Z^ammara a/ôa Rumph.) arbre très- vaste et très-élevé qui croit sur les montagnes d'Amboine et des îles environnantes, et qui se distingue des Conifères dont nous avons traité jusqu'ici, par un certain nombre de caractères. D'a- bord il est dioïque, et les individus mâles, porteurs de petits cô- nes cylindriques et stériles, paraissent beaucoup moins nombreux que les individus femelles dont les cônes, formés d'écaillés planes et arrondies à l'extrémité, comme ceux du Cèdre, ont la forme et la grosseur d'un limon. Les ovules sont solitaires et renversés ti la base de chaque écaille, qui finit par se séparer de l'axe; les (1) Rumphius, Uerb. amb., t. II, p. 170. (2j Guibourt, Mémoires sur les résines connues sous les noms de dammar, de copnl et d'animé {Revue scderdifiqucyt. XVI, p. 177.) CONIFÈRES. ■— RÉSINES DE DAMMARA. 267 graines sont couvertes d'un test coriace prolongé en deux ailes membraneuses inégales. Les feuilles sont persistantes, éparses, coriaces, planes, très-entières, sans nervures apparentes, longues de 80 à 95 millimètres, larges de 20 millimètres environ, amincies en pointe aux deux extrémités, presque sessiles. Les deux arbres, mâle et femelle, surtout le dernier, produisent une grande quantité d'une résine transparente, d'abord molle et visqueuse, mais qui acquiert bientôt la dureté de la pierre. De là son nom dammar batu, qui veut dire résine-pierre. Quant au nom dammar puii, qui signifie résine blanche, il est dû à ce que cette substance est d'abord incolore comme du cristal, surtout lors- qu'elle pend des arbres comme des cônes de glace ; mais elle con- tracte à la longue une couleur jaune dorée, en même temps qu'elle perd son odeur. Elle devient alors presque semblable au succin ou à la résine animé dure (copal dur). Tel était le dammar puti rapporté en 1829 par M. Lesson. Mais, depuis, cette résine a subi une nouvelle altération : il s'y est formé des fissures qui rendent les morceaux faciles à briser aux endroits où elles se montrent. La résine elle-même est devenue nébuleuse et a pris une appa- rence cornée; elle exhale à chaud une odeur de résine animé; approchée de la flamme d'une bougie, elle s'enflamme en se bour- souflant, sans couler par gouttes, et en répandant une fumée irri- tante et acide (Rumphius); humectée d'alcool rectifié, sa surface reste sèche comme celle du succin et ne devient pas collante comme celle de l'animé ; traitée en poudre par l'alcool rectifié, elle y laisse un résidu considérable, pulvérulent. Elle est plus so- luble dans l'éther, mais elle y laisse toujours cependant un résidu insoluble, mou et sans ténacité. Elle est très-peu soluble dans l'essence de térébenthine. Au total, cette résine présente de grands rapports avec le succin. Dammar austral. Je nomme ainsi la résine du Daimimra aus- tralis, arbre des plus élevés parmi ceux de la Nouvelle-Zélande, où il porte le nom de kauriow koiiri. Il laisse découler de son tronc une résine nommée vare par les indigènes, et cowdce gum, ou kouri resin par les Anglais. On en trouve facilement des masses de 7 à 8 kilogrammes, tantôt' presque blanches et incolores, d'autres fois d'un jaune foncé ou d'une couleur mordorée. Cette résine est plus ou moins couverte d'une croûte opaque et d'appa- rence terreuse. Immédiatement au-dessous, se trouve une couche transparente, d'autant plus épaisse que la masse a été plus long- temps exposée à l'air. L'intérieur est opaque, et quelquefois d'un blanc de lait. Cette résine est fort difficile à briser, en raison d'un reste de mollesse qu'elle conserve encore. Elle a une cassure écla- tante et glacée, et la pointe du couteau y glisse facilement, sans 268 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. l'entamer. Elle se ramollit un peu sous la dent, et offre un goût de térébenthine très-marqué ; elle est inodore à l'air libre; mais, pour peu qu'on la frotte ou qu'on la pulvérise, elle offre une odeur forte de térébenthine de Bordeaux, mêlée d'odeur de carvi. Le damaiar austral, traité par l'alcool à 92 centièmes, se gonfle considérablement et forme une masse assez consistante et élas- tique, qui, épuisée par l'alcool, laisse environ 43 pour 100 de ré- sine insoluble ; elle est un peu plus soluble dans l'éther, et à peine soluble dans l'essence de térébenthine. Elle se conduit en cela exactement comme la résine de Courbaril, à laquelle, quelque- fois, elle ressemble aussi tellement par son aspect, qu'on a peine à les distinguer. Dammar aromatique. Je donne également à cette résine le nom de dammm' célèbes, parce que je ne doute pas que ce ne soit celle que Rumphius a décrite sous le même nom (1). Elle arrive main- tenant en grande quantité dans le commerce. J'en possède deux niasses dont l'une a la forme d'un gâteau aplati du poids de 6700 grammes, et l'autre celle d'une stalactite qui pèse 3200 gram- mes. La surface d'une de ces masses est seulement ternie à Tair ; l'autre est recouverte d'une croûte mince, opaque et d'apparence terreuse; au-dessous se trouve une couche peu épaisse, transpa- rente,, et d'une couleur de miel ; le reste de la masse est d'une teinte uniformément nébuleuse ou laiteuse. Cette résine offre en masse une odeur aromatique agréable, que je compare à celle de l'essence d'orange vieillie et en partie résinifiée. Cette odeur de- vient très-forte par une fracture récente, par le frottement ou la pulvérisation. Le dammar aromatique a une cassure vitreuse, conchoïde et à arêtes tranchantes, comme l'animé dure ; il est presque aussi dif- ficile à entamer avec le couteau; il n'est ni acre ni amer, et parfume seulement la bouche du goût aromatique qui lui est propre. Pulvérisé et traité par l'alcool à 92°, il paraît d'abord se diviser en deux parties, dont une, insoluble, se dépose au fond, ayant l'aspect d'un mucijage; mais presque tout Unit par se dis- soudre. Il contient en réalité, cependant, une résine insoluble qu'on peut précipiter en étendant la dissolution concentrée avec une plus grande quantité d'alcool; alors, cette résine pré- sente l'apparence glutineuse des résines insolubles de l'animé tendre et du dammar austral; mais elle en diffère, parce qu'elle se dissout complètement dans l'alcool bouillant; elle se précipite de nouveau par le refroidissement. La solubilité presque com- (1) Voir Rumphius, Herbarium amboinense, t. Il, p. 179, et Guibourt, Mé- mQire sur les rési?ies dammar, p. 191 et 198. CONIFÈRES. — RESINE LACTEE. 269 plète du danimar aromatique dans l'alcool, jointe à une dureté et une ténacité presque égales à celles du copal ou animé dur, doivent lui assurer une des premières places parmi les substances qui servent h la fabrication des vernis. Il est complètement solu- ble dans l'élher, et presque insoluble dans l'essence de téré- benthine. Résine lactée. J'ai décrit anciennement sous ce nom une résine inconnue qui m'avait été remise par Pelletier, et dont voici les singulières propriétés. Elle est en un morceau d'un volume assez considérable, dont la surface seule a pris une couleur jaune-paille par l'elfet de la vétusté; car l'intérieur est d'un blanc de lait parfait, avec quel- ques veines translucides. Elle a une cassure conchoïde à arêtes tranchantes, un éclat assez vif et cependant un peu gras, une du- reté aussi grande que celle du copal, et une ténacité supérieure ; car elle est fort difficile à rompre. Elle résiste à la dent et y semble un peu élastique; elle a une saveur d'abord acide, puis analogue à celle du riz. Elle ne se fond pas sur un fer chaud, et s'y divise en une poudre grumeleuse qui exhale une odeur analogue à celle de la résine animé, mais pi- quante et excitant la toux. Elle se fond à la flamme d'une bougie, brûle avec une flamme blanche, et dégage une odeur aromatique très-irritante. Elle est très-difflcile à pulvériser, et exhale alors une odeur qu'on peut comparer à celle du fruit de cassis ; mouil- lée par Talcool, sa surface reste sèche comme celles du succin et du dammar puti. Cette résine, traitée plusieurs fois par l'éther, a laissé 0,G4 de parties insolubles qui n'ont plus rien cédé ni à l'alcool ni à l'eau bouillante. Seulement, celle-ci filtrée se troublait un peu par l'oxalate d'ammoniaque. Ce résidu insoluble est analogue à la résine insoluble du copal. Lorsqu'on la chauffe dans un creuset, il exhale une fumée d'abord aromatique, non désagréable, approchant de celle du bois d'a- loès; puis la résine se colore sans se fondre; l'odeur devient forte, fatigante et désagréable, sans avoir le piquant et l'arôme particulier des produits pyrogénés du succin. La matière se char- bonne, et laisse en dernier résultat un résidu très-peu considé- rable, formé de quelques grains sablonneux et de calcaires. La matière que l'éther avait dissoute pesait 0,39; étant dessé- chée, elle paraissait inodore; mais, en la traitant par l'alcool, on développait en elle une forte odeur de cassis. L'alcool ne lais- 270 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDEES. sait qu'un résidu de 0,044, semblable à la résine insoluble dans l'éther; par l'évaporation, une nouvelle portion de cette matière se précipitait au fond de la capsule, et, après la dessiccation totale, le résidu offrait trois zones assez distinctes : la partie du fond était blanche et opaque, celle du milieu translucide et cris- talline, la partie supérieure était transparente et comme fondue. Il est évident que ces trois zones sont dues à l'isolement impar- fait de deux principes : Tun insoluble dans l'alcool par lui-même (c'est la résine dont j'ai parlé d'abord), mais soluble à l'aide du second principe, qui est de nature huileuse et très-soluble dans l'alcool. Celui-ci est le plus abondant au bord supérieur de la capsule, et le premier est presque pur au fond. Quand, à l'aide d'une térébenthine, d'une huile volatile ou du camphre, on dis- sout la résine insoluble dans l'alcool, on ne fait qu'y ajouter le principe qui lui manque pour devenir soluble, et cela nous rap- proche de l'opinion émise par Pelletier, au sujet des sous-résines de M. Bonastre; c'est que la plupart des résines que nous con- naissons ne doivent peut-être leur solubilité dans l'alcool qu'à une semblable combinaison. Outre les deux principes dont je viens de parler, le produit alcoolique contenait l'acide libre de la résine, que l'éther en avait totalement séparé ;'car le résidu insoluble dans l'éther n'en contenait plus du tout. Pour obtenir cet acide, j'ai fait bouillir le produit alcoolique avec de l'eau, qui a ainsi acquis la propriété de rougir fortement lelournesol. Le liquide sursaturé d'ammonia- que, et évaporé lentement, a formé un produit blanc affectant une forme aiguillée. Ce produit, traité par l'eau, ne s'y est pas entièrement dissous; la liqueur formait quelques llocons blancs par l'acide chlorhydrique, et un précipité fauve avec le sulfate de fer. Tous ces caractères appartiennent à l'acide benzoïque; mais voici ce qui peut faire douter que c'en soit réellement : 1° La résine a une saveur acide non équivoque qui n'est pas celle de l'acide benzoïque; 2° le résidu blanc que le sel ammo- niacal laisse en se dissolvant dans l'eau peut être, non de l'acide benzoïque, mais un peu de résine que l'eau aurait dissoute d'a- bord ; 3° le précipité formé par l'acide chlorhydrique dans le sel ammoniacal est loin de répondre à celui formé en pareil cas par le benzoate cl'ammoniaque. Il serait alors possible que l'acide contenu dans cette singulière résine fût l'acide succinique. La petite quantité de matière sur laquelle j'ai opéré ne m'a pas permis de décider la question. Il est fait mention (i) de la résine de Y Araucaria imbricata^ {{) Journ.de pharm.,X, VIII, p. 3'iO. PIPÉRITÉES. — POIVRE NOIR. 271 arbre conifèredu Chili, qui est d'un blanc de lait, et qui ne peut se fondre au feu sans se décomposer. Ces caractères conviennent bien à la résine lactée, qui présente également une grande ana- logie avec les résines des dammara. Toutes ensemble paraissent confirmer l'hypothèse que j'ai émise, tome 1", p. HO, que le suc- cin doit son origine à des arbres conifères des pays chauds, qui ont vécu autrefois dans les climats que nous habitons aujourd'hui. FAMILLE DES TIPERITEES. Petit groupe de plantes que les botanistes ont placé d'abord parmi les monocotylédones et auprès des Aroidées, en raison d'une certaine analogie dans la disposition des fleurs; mais la structure de la tige et la présence de deux cotylédons dans l'embryon, doit les faire admettre dans les dicotylédones, où leur place est naturellement fixée auprès des végétaux à fleurs en chatons, dits végétax ameniacés. Les Pipéritées présentent des tiges grêles et sarmenteuses, noueuses et articulées, pourvues de feuilles opposées ou verticillées, quelquefois alternes par avortement, simples, entières, à nervures réticulées. Les fleurs forment des chatons grêles, cylindriques, ordinairement opposés aux feuilles. Ces chatons se composent de fleurs mâles et femelles mé- langées et souvent entremêlées d'écailles. Chaque étamine constitue une fleur mâle et chaque pistil une fleur femelle; cependant, assez souvent, les étamines, au nombre de 2, 3 ou davantage, se groupent autour des pistils d'une manière régulière, et semblent alors former autant de fleurs hermaphrodites. L'ovaire est libre, à une seule loge, contenant un ovule dressé, et porte à son sommet tantôt un stigmate simple, tantôt trois petits stigmates sous forme de mamelons rappro- chés. Le fruit est une baie peu succulente et monosperme. La graine contient un endosperme assez dur, creusé à son sommet d'une petite cavité dans laquelle on trouve, renfermé dans un sac amniotique, un très-petit embryon dicotylédoné. Le principal genre de cette famille est le genre Piper, qui nous fournit les poivres noù\ blanc^ long, à queue^ etc. Poîi?re noir. Le poivre {fig. 424), croît spontanément dans les Indes orien- tales; mais c'est surtout au Malabar, à Java et à Sumatra qu'il est cultivé avec le plus de succès. Lorsque les habitants de cette der- nière île veulent former une plantation de poivre, ils choisissent , dit-on, l'emplacement d'une vieille forêt, oti le détritus des végé- taux a rendu la terre très-propre à la culture. Ils détruisent, par le feu, toutes les plantes qui peuvent encore y exister; ensuite ils disposent le terrain, et le divisent par des lignes parallèles qui 272 DICOTYLÉDONES MONOCIILAMYDÉES. laissent entre elles un espace de 13 à 16 décimètres; ils plantent sur ces lignes, et de distance en distance, des branches d'un ar- bre susceptible de prendre ra- cine par ce moyen, et de don- ner un feuillage destiné à ser- vir d'abri k la jeune planta- tion. Cela fait, ils plantent deux pieds de poivre auprès de chaque arbrisseau, et les laissent pousser pendant trois ans; alors ils coupent les tiges à un mètre du sol, et les re- courbent horizontalement, afin de concentrer la sève. C'est ordinairement à dater de cette époque que le poi- vrier donne du fruit, et il en donne tous les ans pendant un certain nombre d'années. La récolte dure longtemps, car, le fruit mettant quatre ou cinq mois à mûrir, et n'arri- vant que successivement à maturité, on le cueille au fur et à mesure qu'il y arrive, et même un peu auparavant, afin de ne pas le laisser tomber spontanément. On le fait sécher étendu sur des toiles, ou sur un sol bien sec; on le monde des impuretés qu'il contient, et on nous l'envoie. Le poivre noir, tel que nous l'avons, est sphérique et de la grosseur de la vesce; il est recouvert d'une écorce brune, très- ridée, due à la partie succulente de la baie desséchée. On peut fa- cilement retirer cette écorce en la faisant ramoUir dans l'eau, et alors on trouve dessous un grain blanchâtre, assez dur, sphérique et uni, recouvert encore d'une pellicule mince qui y adhère for- tement, et formé d'une matière qui est comme cornée à la cir- conférence, farineuse et amylacée au centre. La saveur de ce grain, ainsi que celle de son écorce, est acre, brûlante et aroma- tique. Le poivre fournit, à la distillation, une essence fluide, presque incolore, plus légère que l'eau, et d'une odeur analogue à la sienne propre. Cette essence est composée de G*^H^, pour 4 vo- lumes, comme l'essence de citrons. " Fig. 424. — Poivre noir. PIPÉRITÉES. — POIVRE BLANC. 273 Le poivre noir a été analysé par Pelletier, qui en a retiré, entre autres principes : une matière cristallisable nommée pipérine, azotée, non alcaline, insipide, inodore, insoluble dans l'eau, so- lubledans l'alcool (formule G^^H^^AzO^); une huile concrète très- âcre; une huile volatile mentionnée ci-dessus; une matière gommeuse; un principe extractif ; de l'amidon, etc. (1), Le poivre noir est généralement usité comme épice dans les cuisines et sur les tables, quoiqu'on préfère le poivre blanc pour ce dernier usage. Mais le poivre noir doit l'emporter pour l'usage médical, comme étant le plus actif. PoÎTre blanc. Le poivre blanc vient des mêmes lieux et est produit par la même plante que le poivre noir. Pour l'obtenir, on laisse davan- tage mûrir le fruit, et on le soumet à une assez longue macéra- tion dans l'eau avant de le faire sécher; grâce à cela, la partie charnue de la baie, qui eût formé la première enveloppe du poivre, s'en détache par la dessiccation et par le frottement entre les mains (2).] Le poivre blanc est sphérique, blanchâtre et uni ; d'un côté il est marqué d'une petite pointe, et de l'autre d'une cicatrice ronde qui, détruisant souvent la continuité de l'enveloppe, laisse voir à nu la substance cornée de la semence; cette substance, de même que le poivre noir, est cornée à l'extérieur, farineuse, et sou- vent creuse au centre. (1) Ann. de chimie et de phys., t. XVI, p. 337; Guibourt, Pharmacopée rai- sonnée^ 3^ édition. Paris, 1847, p. 704. (2) Telle est l'opinion généralement admise sur l'origine du poivre blanc; cependant il semblerait résulter d'un passage de Garcias ab Horto, appuyé des figures données par Clusius {Exot., p. 182), que la plante au poivre blanc n'est pas identique avec le poivre noir. Voici ce que dit Garcias : « Il y a une si petite différence entre la plante qui « produit le poivre noir et celle qui donne le poivre blanc, qu'elles sont distin- « guées par les seuls indigènes. Quant à nous, nous ne les reconnaissons que (( quand elles portent des fruits, et encore lorsque ceux-ci sont mûrs. u La plante qui donne le poivre blanc est plus rare et ne croît guère que « dans certains lieux du Malabar et de Malacca. » Clusius donne à l'appui de ce texte une figure comparée des deux poivres, noir et blanc, parvenus à leur maturité ; de laquelle il résulte que le chaton du poivre blanc est beaucoup plus allongé que celui du noir; que les grains sont plus gros, beaucoup plus espacés et rangés comme un h un le long du pédon- cule commun; tandis que, dans le poivre noir, l'épi est totalement couvert de grains très-serrés . Ces deux sortes de fruits existent dans la collection de l'École de pharmacie. Je conclus de ceci que, si le poivre blanc provient aujourd'hui, en très-grande partie, du poivre noir écorcé, cependant il existe une plante qui en a plus spé- cialement porté le nom et qui le produisait autrefois. GoiBOURT, Drogues, 7e édi t. T. II» — 18 274 DICOTYLÉDONES MONOCIILAMYDÉES. Poivre à queue ou cubèlie. C'est le fruit desséché du Cubeba officinalis^ Mig. {fig. 425); ana- logue à celui du Piper nigruruy mais offrant dans sa structure des différences marquées. D'abord le poivre à queue est plus gros, et il est muni d'un rig. 4-2i). — Poivre a queue ou cubébc. prolongement, semblable à un pédicelle, qui l'attache à la tige. La partie corticale ridée, qui était la partie charnue du fruit, paraît avoir été moins épaisse et moins succulente que dans le poivre noir. On trouve, immédiatement dessous, une coque ligneuse, dure etsphérique, renfermant une semence isolée de cubôbe; la cavité qui la contient est encore recouverte d'un épisperme brun. L'intérieur de la semence est plein, blanchâtre et huileux. La sa- veur de cette amande est forte, pipéracée, amère et aromatique. La coque a peu de propriétés. Cette espèce croit naturellement à Java et dans les villes envi- ronnantes et elle y est aussi cultivée. C'est elle qui produit le vrai cubèbe; mais, d'après M. Blume, le fruit d'une espèce voisine, nommée Cubeba canina, Miq., fait aussi partie du cubèbe du com- merce. Le premier est plus globuleux, à peine acuminé; quand il est desséché, il est rugueux, d'un brun noirâtre, et d'un goût très-âcre, aromatique et un peu amer. La queue, qui n*est qu'un PIPÉRITÉES. — POIVRE A QUEUE OU CUBÈBE. 275 faux pcdicelle formé par le rétrécissement de la partie inférieure du fruit, est plus longue que la partie globuleuse. Le fruit du Cubeba canina est ovale; quand il est desséché, il est noir, plus petit, à peine rugueux, terminé par un rostre re- marquable; il a un goût plus faible et comme un peu anisé. La queue est de la même longueur que la baie (1). Le poivre cubèbe fournit, par la distillation avec de l'eau, une assez grande quantité d'une huile volatile verdâtre, un peu épaisse, pesant 0,930, et qui présente la même composition relative que les essences de poivre, de citrons, de térébenthine, etc. (G^Ii'^); mais la condensation des éléments paraît être différente, et son équivalent égale G^^H^^^ Cette essence laisse cristalliser, dans quelques circonstances, un stéaroptène qui paraît inodore quand il est privé d'huile volatile. [Le cubèbe contient en outre une ré- sine «creque l'on peut obtenir par le moyen de Talcool, mélangée d'essence et d'une matière cristallisable, qui a été examinée par MM. Capitaine et Soubeiran (2) et a reçu d'eux le nom de cubébin. Kl le est blanche, insipide, inodore, non volatile, à peine soluble dans l'eau, très-peu soluble à froid dans l'alcool, beaucoup plus soluble à chaud et se prenant en masse par le refroidissement ; soluble dans l'éther, les huiles fixes et les huiles volatiles. Le cu- bébin ne contient pas d'azote et ne dérive pas de l'essence de cu- bèbes. Sa composition est représentée par C^^H^'^0^^.] On emploie le cubèbe en poudre contre les mêmes affections que le baume de copahu. On fait également un assez grand usage de son extrait alcoolique et de l'huile volatile, que quelques per- sonnes, très-peu scrupuleuses, préparent avec les cubèbes entiers, afin de se réserver la possibilité de les reverser dans le commerce, épuisés de leurs principes actifs. Les cubèbes, ainsi traités, se reconnaissent à leur couleur noire et à leur défaut d'odeur et de saveur. [On connaît une espèce de poivre à queue provenant de l'Afri- que occidentale, produit par le Cubeba Clusiï, Miq. {Piper Afzelii, Lindley). Les fruits de cette espèce, voisine du Cubeba officinalis, se distinguent des vrais cubèbes par leur couleur, qui ressemble à celle des girofles. Leur saveur est modérément acre, poivrée et camphrée, un peu amère : l'odeur rappelle celle du poivre, beau- coup plus que celle du cubèbe; aussi leur a-t-on appliqué le nom de poivre noir de Guinée de préférence à celui de cubèbe (3). (1) Pcreira, Eléments of moteria meclica, London, 1850, vol. II. (2) Capitaine et Soubeiran, Journal de pharmacie, t. XXV, p. 355. (3) Voir pour les détails Daniell, On the Cubeba Clusii {Pharmac. Joiam., XIV, 276 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. Ce rapprochement est du reste justifié par l'analyse chimique. M. Stenhouse a trouvé dans ces fruits de la pipérine et pas de cu- bébine (1).] PoÎTre long'. Le poivre long est le fruit non parfaitement mûr et desséché du Chavica oflidnarum^ Miq., L. Ce fruit, bien différent des autres poivres, est analogue à celui du mûrier; c'est-à-dire qu'il est composé d'un grand nombre d'ovaires qui ont appartenu à des fleurs distinctes, mais très-serrées, rangées le long d'un axe com- mun, ovaires qui, en se développant, se sont soudés de manière à ne figurer qu'un seul fruit. Tel que nous l'avons, il a la grosseur d'un chaton de bouleau; il est sec, dur, pesant, tuberculeux et d'une couleur gris obscur. Chaque tubercule renferme dans une petite loge une semence rouge ou noirâtre, blanche à l'intérieur, d'une saveur encore plus acre et plus brûlante que celle du poivre ordinaire. Le fruit entier parait être moins aromatique. On cultive dans l'Inde une autre espèce de poivre long qui est le Chavica Roxburghii^ Miq., dont les racines forment un important article de commerce, sous le nom de Pippula moola. Ses fruits sont aussi récoltés pour être employés comme épice, non-seulement dans l'Inde, mais encore en Arabie et sur la côte orientale d'A- frique, d'où ils ont été rapportés en France par M. Loarer, capi- taine de marine marchande. Ce poivre est d'une qualité très-inférieure. Il est beaucoup plus petit que le poivre long des officines; souvent presque filiforme, mou, d'une odeur assez aromatique, mais d'un âcreté peu mar- quée. Il devient en très-peu de temps la proie des insectes. Le poivre long entre dans la composition de la thériaque et du diascordium. Il est formé des mêmes principes que le poivre noir, d'après l'analyse qu'en a faite M. Dulong d'Astafort (2). Awa ou ka^a. [Pipe)' methysticum de Forsler. L'action sudorifique et l'in- fluence heureuse que peut exercer cette plante sur les affections catharrales et la blennorrhagie ne sont pas à dédaigner pour la thérapeutique. Les racines de cette espèce sont volumineuses, de couleur grise à l'extérieur, blanchâtres à l'intérieur, spongieu- ses, marquées de fibres rayonnant du centre à la circonférence. Leur odeur est^ légèrement aromatique, elles sont, lorsqu'on les mâche, acres, astringentes et sialagogues. Elles contiennent un (1) Stenhouse, Pharm. journ., XIV, 363. (2) Dulong, Journ. de pharm., t. XI, p. LS. PIPERITEES. — MATICO. 277 principe cristallin, isolé par Morson (1) en 1844, mieux étudié en 1859 par M. Gobley sous le nom de méthysticine, et par M. Ga- zent, sous celui de kavaïne. Ce principe se présente en aiguilles soyeuses, incolores, inodores, insipides, non salifiables : il est fusible à 130° et se décompose au-dessus de cette température : il est insoluble dans l'eau, h peine soluble dans l'alcool et l'éther : l'acide chlorhydrique le dissout en le colorant en jaune ; l'acide nitrique le colore en jaune-orange, et Tacide sulfurique pur en violet. A côlé de ce principe M. Gobley (2) indique de la cellu- lose et de l'amidon, une résine acre jaune verdâtre, une matière gommeuse et différents sels (3).] Indépendamment des espèces de poivre qui viennent d'être dé- crites, beaucoup d'autres sont usitées dans les pays qui les pro- duisent. Je citerai seulement : Le poivre bétel, Piper Betel^ L., dont les feuilles sont employées, dans toute l'Asie orientale, pour envelopper le mélange de noix d'arec et de chaux, qui sert de masticatoire aux habitants de ces contrées : Le pariparobo, Piper umbellatum, L., dont la racine, très-usitée au Brésil, a été examinée chimiquement par Henry père (4). Un assez grand nombre de fruits étrangers à la famille des Pi- péritées, mais doués d'une qualité acre et aromatique, et employés comme condiments, ont reçu le nom de poivre; tels sont, entre autres : Le poivre d'Inde^ ou poivre de Guinée^ baie rouge du Capsicwn annuum (Solanées) ; Le poivre de Cayenne ou piment enragé^ Capsicum frutescens ; Le poivre de la Jamaïque^ ou piment de la Jamaïque, Eugenia Pimenta (Myrtacées) ; Le poivre de Thevet^ ou piment couronné, Eugenia pimentoïdes ; Le poivre du Brésil, ou pimenta de Sertaô, de Mato, etc., fruits des Xylopia frutescens, grandiflora, etc. (Anonacées); Le poivre d'Ethiopie, Anona œthiopica (Anonacées) ; Le poivre du Japjon, Zanthoxylon piperitum (Zanthoxylées). Ces fruits seront décrits à propos de leurs familles respectives. llatico. [Artanthe elongata, Miq., plante du Pérou depuis longtemps employée par les habitants contre les maladies vénériennes ; et (11 Morson, Pharmaceutical Journal, III, 473 et 525. (2) Gobley, Recherches chimiques sur la racine de kawa {Journ, de pharm.^ XXXVII, 19, 1860). (3) Voir aussi Journal de pharmacie, XXWIl, p. 58, 1860. (4) Henry père, Journal de pharmacie, t. X, p. 165. 278 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. qu'on a préconisée comme un hémostatique précieux. Introduite en 1839 en Angleterre, très-ré- pandue aux États-Unis, elle est entrée en France vers 1851 et tend à y prendre de l'importance. VArtanthe elongata est un ar- brisseau, à branches marquées de gros nœuds : les feuilles {fg, 426) sont alternes, oblongues-lancéo- lées, acurainées, inégales à la base : les fleurs sont disposées en épis solitaires, opposés aux feuil- les, denses et légèrement recour- bés; les bractées sont pédicu- lées, peltées,semi-orbiculaires ou obscurément triangulaires. Les fleurs sont hermaphrodites, à 3-4 étamines : les fruits sont des baies obovées, tétragones. Ce sont les feuilles, mêlées de quelques épis et de débris de liges, qui arrivent dans le commerce. Elles sont fortement comprimées dans des surons et plus ou moins brisées; mais elles sont toujours reconnaissablesà leurs deux sur- faces, dont la supérieure paraît toute marquetée ou composée de petites pièces proéminentes sé- parées par des sillons creux; tan- dis que l'inférieure est formée de petits sillons creux séparés par des nervures proéminenles et ve- lues. La face supérieure est d'un vert foncé, tandis que la face in- férieure est d'un vert blanchâtre. Ces feuilles sont très-aromati- ques; leur odeur, qui rappelle à la fois celle du cubèbe, de la men- the et du camphre, devient, par la trituration de la feuille, sem- blable à celle du cardamome. M. Marcotte a signalé dans le matico la présence d'un acide par- ticulier, qu'il a nommé acide artanthique ; ce corps est solide, inco- Fig. 426. — Artautc elongata. AMENTACÉES. 279 lore, cristallisable, soluble dans Teau, l'alcool et l'élher, à saveur franchement acide, comme les acides citrique et tartrique. On trouve aussi dans les feuilles une résine, et une huile essentielle verdâtre, quand elle est récente, devenant jaune quand elle a été soumise quelque temps à l'influence delà lumière. Cette essence cristallise en vieillissant, ce" qui tient à la présence d'un stéaro- plène, existant dès l'origine ou^se formant peu à peu dans cette huile. Le matico ne contient pas d'amidon; il ne renferme non plus ni pipérine, ni cubébine, ni aucune substance analogue. M. Marcotte y indique la présence du tannin et du nitrate de potasse. La consommation considérable du matico, pendant la guerre des Étals-Unis, ayant rendu très- rares les feuilles de YArtantlie elon- gata, il est arrivé dans le commerce des matico provenant d'autres espèces. M. Bentley (1) a signalé en particulier YArtanthe adunca, Miq., plante de l'Amérique centrale, qui croit depuis la Jamaï- que jusqu'à Bahia, dans le Brésil, et dont les feuilles arrivent en paquets analogues à ceux du vrai matico ; mais elles sont moins comprimées , plus fibreuses et plus difficiles à réduire en poudre ; leur face supérieure est moins rugueuse et leur face inférieure à peine pubescente. Il faut encore signaler comme pouvant entrer dans la consom- mation, et remplacer le vrai matico, quelques ArtantJte de la xNouvelle-Grenade, et en ^^?iV\^c\x\\^YVArtanthelancifoUa {Piper limceœfolium, H. et Bd.). Une espèce nouvelle {A7'tanthe sp.) pos- sède même un arôme plus délicat que le matico du Pérou (1).] GROUPE DES AMENTACÉES. Ainsi que je l'ai dit précédemment, A.-L. de Jussieu avait formé dans sa méthode, dite naturelle, une dernière classe, la diclinie, qui renfer- mait la plupart des végétaux à fleui's unisexuelles. Cette classe compre- nait cinq grandes familles : les Euphorbiacées, les Cucurbitacées, les JJrtieéeSy les Amentacées et les Conifères. Le groupe des Amentacées, qui doit nous occuper maintenant, tire son nom de la disposition de ses fleurs, en épis cylindriques et serrés nommés chatons (en latin, amentum, ou julus). Elle contient en général des végétaux ligneux, à feuilles simples, alternes et stipulées. Les fleurs mâles, disposées en longs chatons, sont formées d'étamines en nombre fixe ou indéterminé, portées tantôt sur un calice d'une seule pièce diversement découpé, tantôt sur une simple écaille. Les fleurs femelles, disposées de même, ou rassemblées par petits paquets sur les ra meaux, (1) Bentley, On a iie^jo king of matico {Pharmac. journal, 2^ série, déc. 1863_, p. 290). (2) Voir Marcotte, Du Matico. Thèse de l'École de pharmacie. Paris, 18G4. 280 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. OU solitaires, sont pourvues d'un calice semblable ou d'une écaille en- tourant un ovaire simple, surmonté d'un ou de deux styles terminés par plusieurs stigmates. Le fruit est une capsule coriace ou osseuse, tantôt libre, tantôt soudée avec le calice, et contenant une seule semence, quelquefois deux ou trois, dont l'embryon est dénué de pé- risperme. Aujourd'hui, le groupe des Amentacées est divisé on un cer- tain nombre de familles, au milieu desquelles Endlicher intercale môme celles qui forment les anciennes Urticées de Jussieu, que la dis- position de leurs fleurs rapproche en effet beaucoup des premières. Tout en convenant de l'opportunité de celte réunion, je pense qu'on peut suivre pour ces familles, auxquelles je joins les Juglandées et les Monimiacées, un ordre qui permette de ne pas confondre les deux anciens groupes de Jussieu. Voici ces familles, dont je n'examinerai que colles qui fournissent quelque chose à la matière médicale : Casuarinécs. Balsamifluées. Morées. Myricées. Salicinées. Artocarpées. Bétulacées. Lacistemées. Urticacées. Cupulifères. Monimiacées(l). Cannabinées. Juglandées. Llmacées. Antidesmées. Platanées. Celtidées. FAMILLE DES MYRICÉES. Les Myricées, presque réduites au seul genre Myrica, comprennent des arbrisssauxà rameaux épars, à feuilles alternes, dentées et incisées, parsemées de glandes résineuses, ainsi que les autres parties. Les fleurs sont très-petites, dioïques ou monoïques, disposées en épis allon- gés, tantôt seulement staminifères ou pistillifères, tantôt pislillifères par le bas et staminifères par le haut. Les fleurs mâles se composent d'un nombre variable d'étamines portées sur un pédicule ramifié, inséré à la base d'une bractée, et muni de deux bractéoles. Les fleurs femelles sont également accompagnées d'une bractée, et formées d'un ovaire sessile soudé à la base avec 2-6 écailles hypogynes, et terminé par deux stigmates écartés. Le fruit estun drupe sec, très-petit, à noyau osseux, contenant une graine dressée et un embryon renversé privé d'albumen, à cotylédons charnus et à radicule supère. Le genre Myrïca se compose d'une quinzaine d'arbrisseaux aro- matiques, dont un, le Myrica Gale, L., croît naturellement dans les lieux marécageux en France, en Hollande et dans diverses contrées du nord de l'Europe et de l'Amérique. Oniui donne vul- gairement les noms de piment royal et de myrte bâtard. Ses feuil- les odorantes ont été usitées en infusion théiforme, et ont même, ' (1) Cette famille est maintenant éloignée du groupe des Urticées et rappro- chée par certains auteurs des Laurinées, par d'autres des Rosacées, par d'au- tres encore des Myristicées et des Maguolincées. MYRIGEES. 281 pendant quelqne temps, été considérées comme étant le véritable thé chinois; elles ne sont plus usitées. Les fruits sont recouverts d'une exsudation cireuse peu abondante et inusitée ; mais on trouve en Amérique deux espèces de Myrica ( M. cerifera ; M. pen- sylvanka)^ dont la première, surtout, donne une cire abondante qui nous est fournie par le commerce. Les fruits de cet arbuste sont disposés sur les rameaux en paquets très-serrés. Ils sont sphériques, moins gros que le poivre noir, et formés d'une coque monosperme ligneuse, très-épaisse, enveloppée d'un brou dessé- ché très-mince et jaunâtre. La surface de ce brou est elle-même entièrement recouverte de petits corps noirâtres, arrondis, tout couverts de poils extérieurement, très-faciles à détacher du pé- ricarpe, sur lequel restent des points d'insertion visibles. Ces corps noirâtres ont une odeur et un goût de poivre très-marqués. Ce sont eux qui produisent la cire qui en exsude de toutes parts et les recouvre d'une couche uniforme, d'un blanc de neige et très-brillante, de sorte qu'en définitive les fruits du cirier d'A- mérique se présentent sous la forme de petits grains sphériques, à surface toute blanche et tuberculeuse. En 1840, il est arrivé par la voie du commerce une forte quan- tité de cire des États-Unis, et je pense qu'elle n'a pas cessé de venir depuis. Cette cire est de deux sortes, jaunâtre ou verte^ et la première est beaucoup plus aromatique que la seconde. Sui- vant Duhamel, on obtient la cire jaunâtre en versant de l'eau bouillante sur les baies et la faisant écouler dans des baquets, après quelques minutes de contact. On conçoit, en effet, qu'on n'obtienne ainsi que la cire extérieure presque pure; mais comm.e il en reste après les fruits, on fait bouillir le marc dans l'eau, et c'est alors qu'on obtient la cire verte et peu aromatique. La cire de Myrica sert aujourd'hui à falsifier la cire d'abeilles, ce qui n'est pas sans inconvénient pour les usages auxquels celle- ci est destinée; ainsi elle fond à 43 degrés centigrades au lieu de 65, et elle ne prend pas le môme lustre parle frottement. Ces deux défauts disparaissent en partie, lorsqu'on la soumet à une longue C'buUilion dans l'eau, ou qu'on l'expose à l'air en couches minces pour la blanchir; mais elle est toujours fusible à 49 de- grés. Elle est composée, d'après M. Moore (1), de 1 cinquième de palmitine, 4 cinquièmes d'acide palmitique libre et une petite quantité d'acide laurique. On peut reconnaître le mélange de cire de Myrica à la cire d'abeilles, à l'odeur, et à ce que, la pre- mière étant plus fusible, le mélange se ramollit davantage dans les doigts et s'y attache, tandis que la bonne cire d'abeilles se laisse pétrir dans les doigts sans s'y attacher. (1) Voir Journ. de pharmacie et de chimie, XLI, p. 45G. 282 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. FAMILLE DES CUPULIFERES. Arbres ou arbrisseaux, très-rameux, à feuilles alternes, simples, den- tées ou lobées ; stipules caduques : fleurs monoïques oudioïques. Fleurs mâles en chatons cylindriques, nues ou munies d'une bractée squammi- forme; périgone tantôt squammiforme, indivis ou bifide, tantôt calici- forme à 4 ou 6 divisions ; étamines uniloculaires, plurisériées sur le périgone monophylle (charme, noisetier) ou biloculaires et unisériéesà l'intérieur du périanthe caliciforme et en nombre égal, double ou triple de ses divisions (chône,hètre, châtaignier). Fleurs femelles fasciculées, disposées en épis ou sessileset en petit nombre, au fond d'uninvolucre. Involucre foliacé oucyathiforme,souventsquammeuxà l'extérieur, per- sistant; tantôt s'accroissant et enveloppant le fruit ; d'autres fois l'en- tourant d'une cupule à sa base. Périanthe soudé avec l'ovaire, à limbe supùre, court, denticulé, disparaissant ordinairement à maturité. Ovaire infère à plusieurs loges, contenant 2 ovules pendants à l'angle interne de chaque loge, surmonté par autant de stigmates qu'il y a de loges. Fruit (balane) protégé par l'involucre, persistant et souvent accru, de- venu uniloculaire par la destruction des cloisons, et ordinairement mo- nosperme par avorlement. Graine pendante, souvent accompagnée des ovules avortés; périsperme nul : embryon homotrope, dicotylédoné, à radicule supère. Les Cupulifcres appartiennent principalement aux parlies tempérées de l'Europe et de l'Amérique septentrionale, et fournissent à nos forêts cinq genres d'arbres, à savoir : le charme, le noisetier, le hêtre, le châ- taignier et différents chênes ; lesquels, réunis à l'aune {Alnus ghitinosa] et au bouleau {Betula alba) de la petite famille des Bétulacées, compo- sent presque entièrement nos forêts. Charme. Carpinus Betulus, L. Arbre haut de 13 à 16 mètres, dont le tronc acquiert rarement plus de 30 centimètres de diamètre. Les branches forment une tête touffue et irrégulière; les feuilles sont pétiolées, ovales-pointues, dentées sur tout leur contour, gla- bres, munies de fortes nervures. Les fruits sont des balanes de la grosseur d'un pois, formés d'une coque ligneuse à côtes longitu- dinales et d'une semence à testa membraneux ; ces balanes sont portés chacun à la base d'une grande bractée foliacée, à 3 lobes ; les bractées forment par leur réunion des épis foliacés et pendants. Le bois de charme est blanc, très-fin, très-serré, et acquiert une grande dureté par la dessiccation. On l'emploie pour les ou- vrages de charronnage et pour des roues de poulies, des dents de roues de moulin, des vis de pressoir, des manches d'outil, etc. C'est également un de nos meilleurs bois de chauffage. CUPULIFÈRES. — IIÉTHE, FAYARD OU FAU. 283 rVoisetier ou coudrier. Conjlus Avellana, L. Arbrisseau de 5 à 7 mèlres de hauteur, dont les fleurs paraissent pendant Thiver et bien avant les feuilles; les mâles se font remarquer par leurs longs chatons jaunâtres; les fleurs femelles, réunies en petit nombre, forment, à d'autres en- droits des rameaux, de petits chatons ovoïdes, inférieurement couverts d'écaillés imbriquées, et chacune d'elles estparticulière- ment entourée d'un involucre à 2 ou 3 folioles très-petites, lacé- rées, persistantes, prenant un grand accroissement pendant la maturation du fruit et l'entourant. Le fruit (balane), réduit ordi- nairement à une seule semence, est renfermé dans le calice accru et devenu ligneux. La semence est d'un goût fort agréable, et fournit, par l'expression, 60 pour 100 d'une huile grasse (huile de noisettes) très-agréable à manger, non siccative, d'une pesanteur spécifique de 0,9242. Hêtre, fayard ou fau. Fagus sylvatica, L. Cet arbre est un des plus beaux de nos fo- rôls. Il peut s'élever à 20 ou 27 mètres sur un tronc de 2°',60 k 3°',25 de circonférence. Son écorce est toujours très-unie et blanchâtre; ses feuilles sont ovales, luisantes, d'un vert clair, à peine dentées sur le bord. Les fleurs mâles forment des chatons arrondis, longuement pédoncules et pendants; les fleurs femelles sont réunies deux ensemble dans un involucre à 4 lobes et hé- rissé; chacune d'elles se compose d'un ovaire infère couronné par les dents du calice et terminé par 3 stigmates. Les fruits sont des balanes cartilagineux, triangulaires, monospermes, renfer- més au nombre de deux, comme les fleurs dont ils proviennent, dans l'involucre accru, hérissé de pointes, s'ouvrant supérieure- ment en 4 lobes. Le fruit du hêtre porte le nom de faîne. On le recueille dans les forêts pour en retirer l'huile par expression. Cette huile est d'un jaune clair, inodore, fade, très-consistante, d'une pesanteur spéciflquede 0,9225. Elle est très-usitée dans l'est de la France comme aliment et pour l'éclairage. Le bois de hêtre est blanc, lenace, flexible, et très-usité pour faire des meubles, des bois de lit, des brancards, des instruments de labourage, des rames, des pelles, des baquets, des sabots, etc. Employé comme bois de chauffage, il brûle plus vite que le chêne, mais il produit une chaleur plus vive; ses copeaux servent à clarifier les vins ; on les emploie en Allemagne pour favoriser l'acétification de l'alcool. 284 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDÉES. Cliâtaig^nier. Grand arbre de nos forêts qui acquiert quelquefois une gros- seur prodigieuse et dont on ne peut fixer la durée. On en connaît un en France, près de Sancerre (Cher), qui a plus de 10 mètres de circonférence, à hauteur d'homme, et auquel on suppose 1000 ans d'âge. L'Etna en nourrit un grand nombre dont quel- ques-uns ont de 12 à 13 mètres de circonférence; un autre en a 25 mètres; mais le plusexlraordinaire/que j'ai déjà cité (I) comme exemple de la grande longévité des végétaux, est celui décrit par Jean Houel, en 1776 : il avait alors 175 pieds de circonfé- rence (56°'57o), et on ne peut pas lui attribuer moins de 4000 ans d'existence. Le châtaignier porte des feuilles alternes, oblongues-lancéo- lées, pétiolées, longues de 13 à 19 centimètres, fermes, luisantes, bordées de grandes dents aiguës. Les fleurs mâles sont disposées en chatons filiformes interrompus, et sont composées d'un pé- rianthe à 5 ou 6 divisions portant de 8 à 15 étamines; les fleurs femelles naissent à l'aisselle des feuilles ou à la base des chatons mâles. Elles sont renfermées, au nombre de 1 à 3, dans un invo- lucre quadrilobé soudé extérieurement avec de nombreuses brac- tées linéaires. Elles sont formées d'un périanthe soudé avec l'o" vaire, rétréci supérieurement et s'évasant en un limbe à 5-8 divisions portant des étamines avortées, mais quelquefois fertiles; alors les fleurs sont hermaphrodites. L'ovaire est terminé par 3 à 8 stigmates fihformes, et présente à l'intérieur autant de loges dans chacune desquelles on trouve 1 ou 2 ovules suspendus â l'angle supérieur. Aux fleurs femelles succède un balanide formé de l'involucre accru, quadrivalve, tout hérissé extérieurement d'épines piquantes, fasciculées et divergentes. A l'intérieur se trouvent t, 2 ou 3 balanes nommés châtaignes ou marrons^ suivant la variété, composés d'un épicarpe cartilagineux encore surmonté du limbe du calice et des styles, et contenant à l'intérieur une seule semence au sommet de laquelle se trouve un petit paquet formé des ovules avortés. La semence est entièrement formée de l'embryon dont les deux cotylédons sonttrès-développés, charnus^ amylacés et sucrés. La culture les améliore beaucoup. On con- serve le nom de châtaignes aux fruits qui, ayant été réunis dans le même involucre, sont aplatis d'un côté et convexes de l'autre. On les mange ordinairement cuits dans l'eau, ou on les fait sécher pour les faire servir, pendant toute Tannée, à la nourriture des (l) Guibourt, Hisf. nat. des drogues simples, h^ édition. Paris, 18G9, tome 1", p. 5. CUPULIFÈRES. — CHENES BLANC ET VERT. 285 habitants ; [c'est ce qui a lieu principalement dans les Gcvennes en France î dans les Asturies en Espagne; dans les Apennins, en Italie; en Sicile et en Corse. Il y a une variété de châtaignier cultivé dans les fruits sont ordi- nairement isolés dans i'involucre et qui sont alors plus gros et arrondis. On les nomme marrons et on les mange surtout rôtis ou confits au sucre. Les plus estimés viennent du département de l'Isère et des environs de Luc (Gard). Chênes blanc et Tert. Arbres ou arbrisseaux à feuilles alternes, simples, entières ou le plus souvent incisées ou lobées. Les fleurs mâles sont pour- vues d'un périantheà 6-8 divisions et portent de 6 à 10 étamines; elles forment des chatons filiformes, grêles et interrompus, pen- dants, qui sortent de l'aisselle des feuilles inférieures. Les fleurs femelles, solitaires ou portées en petit nombre sur un pédoncule commun , sont placées dans les aisselles des feuilles supérieures. Chacune d'elles {fig. 427) est entourée d'un involucre hémisphérique , soudé extérieurement avec des bractées écail- ieuses, très-petites et imbriquées ; le périanthe est soudé avec l'ovaire et terminé par 5 petites dents supères ; l'ovaire est à 3 loges contenant ^*^- ^-"- — ^"^''* . cuSt Fleur fcnielle 2 ovules suspendus à l'angle interne et supé- coupée transver- rieur; il est terminé par 1 style très-court, di- sakmcut. visé en 3 stigmates étalés. Le fruit, nommé gland ou balane^ est entouré par le bas de I'involucre persistant et accru, et se compose d'un péricarpe coriace terminé par les petites dents du calice, et contenant une seule graine privée de périsperme, à coty- lédones charnus. Les chênes appartiennent exclusivement aux zones tempérées ; on en connaît environ quatre-vingts espèces, dont une moitié appartient à l'ancien continent et l'autre au nouveau. Deux de ces espèces forment la base de nos forêts. Linné les avait réunies en une seule, sous le nom de Quercus Robur ; mais on les a séparées de nouveau. A la première appartient le véritable chêne-rouvre, Quercus Robur y W. {Quercus sessiliflora^ Lamk.), qui s'élève à 20 mètres et au delà, sur un tronc de 2 à 4 mètres de circonfé- rence. Ses feuilles sont caduques, pétiolées, ovales-oblongues, sinuées ou bordées de lobes arrondis ; les fleurs femelles et les fruits sont sessiles. Son bois est l'un des plus solides et des plus durables parmi ceux de l'Europe; c'est également un des meilleurs pour le chauffage. 286 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. La seconde espèce estle chêne blanc o\xgravelin,Quercus pedunculaia W. (Q. racemosa^ Lamk.), dont le tronc est plus droit, plus élevé, et le bois moins noueux et plus facile à travailler; ses feuilles sont presques sessiles, luisantes en dessus, un peu glauques en dessous; ses fleurs femelles sont sessiles, au nombre de 4 à 10, le long d'un pédoncule commun. L'écorce de chêne varie selon l'âge de l'arbre : lorsqu'il est vieux, elle est épaisse, raboteuse, noire et crevassée au dehors, rougeâtre en dedans ; lorsqu'il est jeune, elle est moins rude ou presque lisse, couverte d'un épidémie gris bleuâtre diversement dessiné; d'un rouge pâle, ou presque blanche à l'intérieur. Alors aussi elle est bien plus riche en principe astringent, et jouit d'une odear particulière, qui est celle que l'on sent dans les tanneries. Cette écorce, séchée et réduite en pondre, prend le nom de tan, et sert à tanner les peaux. On l'emploie aussi en médecine comme un puissant astringent. Les glands renferment une grande proportion de fécule, et sont recherchés comme nourriture par plusieurs animaux, et surtout par les cochons. Leur âpreté les rend impropres à la nourriture de l'homme. Ce n'est pas qu'au moyen de quelques traitements chimiques on ne puisse leur enlever leur principe astringent, et en obtenir une fécule aussi douce que beaucoup d'autres; mais le prix alors en devient trop élevé, et jamais ces tentatives n'ont eu de résultat satisfaisant. Quanta l'opinion si généralement répandue que les glands ont servi de nourriture aux hommes dans les temps qui ont précédé leur civilisation, il faut remarquer d'abord que les anciens don- naient le nom de balanos ou de glands à la plupart des fruits des arbres des forêts, comme le hêtre et le noyer; ensuite que plu- sieurs chênes des pays méridionaux ont des glands doux et su- crés qui servent encore aujourd'hui à la nourriture des habitants : tels sont le chêne-liége [Quercus Suber), le chêne-yeuse [Quercus Ilex), et surtout le chêne-ballote {Quercus ballota). Les glands ordinaires sont quelquefois prescrits, torréfiés, pour remplacer le café, aux personnes forcées de suspendre l'usage qu'elles en font habituellement. C'esl, sans contredit, une des substances qui simule le mieux le café, et il est étonnant que l'emploi n'en soit pas plus répandu. Chêne Vélanî. Queixus JEgilops, L. Cet arbre a le port et la hauteur du chêne- rouvre. Ses feuilles sont longues de 80 millimètres, larges de 55, pé- tiolées, bordées de grosses dents, dont chacune se termine par une CUPULIFÈRES. — CHENE-LIÉGE. 287 pointe aiguë. Ces mêmes feuilles sont vertes en dessus, blanchâ- tres et cotonneuses en dessous. Les fruits sont très-gros, courts, déprimés au sommet, profondément enfoncés dans une énorme cupule dont les écailles sont libres à leur partie supérieure, et Fi". 428. — Chêne vélaui. étalées ou hérissées {pg. 428)'. Ce chêne croît en Sicile, dans les îles grecques et dans l'Anatolie. On fait pour la teinture en noir et le tannage des peaux, un commerce assez considérable de ses fruits, ou plutôt de ses cupules qui en forment la partie princi- pale. On leur donne le nom de vélanèdey ou à'avélanède, et sou- vent aussi celui de gallon du Levant, gallon de Turquie. Cliêne-liége. Qu.ercus Suber, L. Les feuilles de cet arbre] sont ovales-oblon- gues, indivises, dentées en scie, cotonneuses en dessous et per- sistantes. Il croît en Espagne, en Italie et dans nos départements méridionaux. Il se distingue des autres espèces par le développe- ment extraordinaire qui s'opère dans les couches sous épidermoï- dales de son écorce, qui devient très-épaisse et fongueuse, et constitue le liège. Il commence à en fournir à l'âge de quinze ou seize ans, et il peut en donner de nouvelle tous les six à huit ans, jusqu'à cent cinquante ans, sans périr. Lorsque, par des incisions transversales et longitudinales, on a obtenu le liège en grandes plaques cintrées, on le chauffe et on le charge de poids pour le redresser; alors on le fait sécher très-lentement, afin de lui con- server sa flexibilité. On doit choisir le liége épais, flexible, élas- tique, d'une porosité fine, d'une couleur rougeâtre, non ligneux dans son intérieur. 288 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. En Espagne, on brûle les rognures de liège dans des vases clos, et on en retire un charbon très-noir et très-léger qui est usité en peinture. Le liège a été regardé, pendant quelques années, comme un principe immédiat auquel on donnait le nom de suber ; mais il est évident qu'une partie d'écorce n'est pas un principe immédiat. Tout ce qu'on peut dire, c'est que la majeure partie du liège est un corps particulier, analogue au ligneux, mais en différant en ce que, traité par l'acide nitrique, il donne naissance à un acide particulier qui a été nommé acide subérique. On doit à M. Ghevreul une analyse du liège. Cette substance a d'abord perdu 0,04 d'eau par la dessiccation. Traitée ensuite par l'eau dans le digesteur distillatoire, elle a fourni à la distillation une petite quantité d'huib volatile et de Vacide acétique, La liqueur restant dans le digesteur a donné un -principe colorant jaunCy un principe astringent, une matière ammalisée^ de Vacide gallique, un aut7'e acide, du gallatede fer, de la chaux, en tout.0,142o; la partie ' insoluble dans l'eau, traitée par l'alcool, lui a cédé les mêmes principes que ci-dessus, plus une matière analogue à la cire, mais cristallisable, qui a été nommée cérine; une résine molles que M. Ghevreul croit être une combinaison de cérine avec une autre substance qui l'empêche de cristalliser; deux autres matières pa- raissant encore contenir de la cérine unie à des principes non déterminés : en tout 0,1575. Le liège, épuisé par l'eau et l'alcool, différait peu du liège naturel : il pesait 0,70 (1). C'est à cette par- tie, supposée entièrement privée de ses principes solubles, que l'on peut'appliquer le nom de subérine. Chêne jaune ou Quercitron. Quercus tinctoria, L. , grande espèce de chêne qui croît dans les forêts de la Pensylvanie. On se sert de son écorce pour tanner les peaux ; mais on en exporte aussi une grande quantité en Europe, à cause de sa richesse en un principe colorant jaune que l'on peut substituer à celui de la gaude. On en a retiré le quercitrin, substance cristallisable, jaune, amère, très-soluble dans l'alcool, très-soluble dans l'eau, se dédoublant sous l'action des acides affaiblis en glucose et en une substance jaune, la quercitrine. Cet arbre paraît se naturaliser au bois de Boulogne, près de Paris, où, en 1818, on en a fait un semis considérable. Ses feuilles sont ovales-oblongues, s innées, pubescentes en dessous, partagées en lobes anguleux et mucronés. (1) Ghevreul, Ann. de chioi., t. XCVI, p. 115. CUPULIFERES. jchene a la galle. 289 Chêne au kermès. Quercus coccifera L.; arbrisseau à feuilles ovales, coriaces, per- sistantes, glabres des deux côtés, bordées de petites dents épi- neuses. Les chatons mâles sont réunis plusieurs ensemble en petites panicules ; les fleurs femellessont sessileseten petit nombre le long d'un pédoncule commun. Les glands qui ne mûrissent que la seconde année, sont à moitié enfoncés dans une cupule hérissée d'écaillés cuspidées, étalées et un peu recourbées. Cet arbrisseau croît dans les lieux arides et pierreux du Midi de la France, en Espagne, en Italie et dans le Nord de l'Afrique. C'est sur lui que vit le kermès, petit insecte hémiptère du genre des cochenilles, et nommé coccus ilicis, l'arbre ayant été regardé anciennement comme une espèce d'yeuse et ayant porté le nom d'Ilexcoccigem. Chêne à la g^alle ou chêne des teinturiers. Quercus in fectoria^ Olivier (/?^. 429). C'est à Olivier que nous devons la connaissance de cette espèce qui est répandue dans Fig. 429. — Quercus infectoria avec ses galles. toute l'Asie Mineure, jusqu'aux frontières de la Perse, et qui nous fournit l'excroissance nommée noix de galle^ ou galle 'du Levant. C'est un arbrisseau tortueux, haut de 1°^,30 à '1°^,60, à feuilles oblongues, mucronées-dentées, luisantes en dessus, pubescentes en dessous, portées sur des pétioles longs de 13 à 18 millimètres. Les glands sont allongés et sessiles. GuiBOURT, Drogues., 7e édit. T. II. —— 19 290 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. Cet arbre sert d'habitation à un insecte hyménoptère et pupivore nommé Cynips Gallœ tinctoriœ, dont la femelle perce les bourgeons à peine formés des jeunes rameaux, à l'aide d'une tarière dont son abdomen est pourvu. Elle dépose un œuf dans la blessure, et bientôt le bourgeon, dénaturé par la présence de cet œuf, se développe d'une manière particulière, et forme un corps à peu près sphérique qui ne. retient plus de sa forme primi- tive que des aspérités dues aux extrémités des écailles soudées. L'œuf, ainsi renfermé, éclot, et l'insecte passe par les états de larve, de nymphe et d'insecte parfait; alors il perce sa prison et s'envole. \. La noix de galle nous est apportée surtout de la Syrie et de i'Asie-Mineure. La meilleure porte dans le commerce le nom de galle noire, ou de galle verte d'Alep, à cause de sa couleur et parce qa'elle vient des environs d'Alep en Syrie. Elle est grosse comme une noisette ou une aveline, d'une couleur verte noirâtre ou verte jaunâtre, glauque; elle est compacte, très-pesante et très-astrin- gente ; elle doit en partie ces propriétés au soin qu'on a eu de la récolter avant la sortie de l'insecte ; car les galles que l'on oublie sur l'arbre, et qu'on ne cueille qu'après, sont blanchâtres, légères, peu astringentes, et se reconnaissent d'ailleurs au trou rond dont elles ont été percées par l'insecte. Elles forment, sous le nom de galle blanche, une sorte du commerce bien moins estimée que la première. La galle de Smy7me, ou de l'Asie Mineure, diffère peu de celle d'Alep; cependant elle est généralement un peu plus grosse, moins foncée en couleur, moins pesante et plus mélangée de galles blanches. Elle est moins estimée pour ceux qui la connais- sent ; mais, la plupart du temps, elle est vendue comme galle d'Alep aux débitants et au public. On sait qu'on donne, en général, le nom de galles à des excrois- sances ou tumeurs qui se développent sur toutes les parties des végétaux, par suite de la piqûre d'insectes de dilférentes familles, mais qui sont principalement des Cynips de la famille des Hymé- noptères, et des pucerons {Aphis) de celle des Hémiptères. Il y a peu de végétaux qui ne présentent de ces dégénérescences de tissu, dont les plus communes ont été observées sur l'orme, les peupliers, le bouleau, les pins et les sapins, l'églantier, le char- don hémorrhoïdal, la sauge, le chamœdris, le lierre terrestre, etc. Ce qu'il y a de bien particulier, c'est que, suivant la remarque de Réaumur (1), l'espèce de l'insecte influe beaucoup sur la forme et la consistance de la galle, quoiqu'on ne voie pas de quelle ma- (1) Réaumur, Douzième mémoire, t. III, p. 419. CUPULIFÉRES. — CHÊNE A LA GALLE. 291 nière cela puisse avoir lieu. Ainsi, de plusieurs galles formées sur une mênrie feuille par différents insectes, les unes seront con- stamment ligneuses, les autres spongieuses, et toutes auront des formes différentes et spéciales. J'ai fait à cet égard une observa- tion encore plus singulière : ayant analysé la galle d'Alep, et y ayant trouvé de l'amidon, dont la présence avait échappé jusque- là aux chimistes, j'ai désiré a connaître le siège de ce prin- cipe dans la noix de galle. On ^ sait que cette production pré- sente au centre une petite ca- vité où a été déposé l'œuf du cynips {fig. 430, o). L'enve- . ^^ , . i ^• L ^ ±1 rip» *30. — Galle d'Alep avec le cynips. loppe immédiate de cette ca- ^ j f vite constitue une petite masse sphérique, un peu spongieuse, d'une couleur fauve ou brunâtre dans sa masse, mais blanche à sa surface; et tout autour de cette petite sphère on trouve une substance plus étendue compacte, à structure radiée, laquelle paraît formée, à la loupe, de particules brillantes et transparen- tes. Enfin, tout à fait à l'extérieur, se trouve une enveloppe verte contenant de la chlorophylle et de l'huile volatile. J'ai fait tremper plusieurs fois de la noix de galle, cassée par morceaux, dans l'eau, pour la priver de ses principes solubles, et je l'ai recouverte d'un soluté d'iode : la seule partie qui ait paru se colorer en bleu foncé est la petite sphère intérieure spon- gieuse; le tissu rayonné n'a éprouvé aucune coloration. Ayant donc mis à part la petite sphère spongieuse, je l'ai écrasée dans un verre avec un peu d'eau, et, ayant examiné la liqueur trouble au microscope, après y avoir ajouté de l'eau saturée d'iode, j'y ai observé une très-grande quantité de granules d'amidon, sphéri- ques, ovales ou triangulaires, d'un bleu très-foncé. Les granules l'emportaient de beaucoup en quantité sur les débris du tissu qui les contenait, de sorte qu'on peut dire que la petite sphère qui entoure immédiatement la larve de l'insecte est principalement composée d'amidon. Ayant, au contraire, écrasé dans l'eau la matière rayonnée qui entoure la première, je n'ai pu y observer que des flocons infor- mes de tissu déchiré et des particules isolées, très-petites, mais solides, épaisses, anguleuses, transparentes et incolores, malgré l'addition de l'iode; d'où il suit que la seule partie de la noix de galle qui contienne de l'amidon est la petite sphère centrale où se trouve nichée la larve du cynips. Cette disposition vraiment remarquable semble indiquer un rap- port encore inconnu et peu compréhensible entre l'action vitale 292 DICOTYLÉDONES MONOCIILAMYDÉES. du chêne à la galle et celle de l'œuf animal qui s'y trouve déposé. On conçoit, en effet, jusqu'à un certain point, que l'instinct de l'abeille la détermine à remplir ses rayons du miel qui doit nour- rir la génération destinée à perpétuer son espèce, et que les fe- melles des autres insectes déposent généralement leurs œufs h portée des matières qui doivent servir à la nourriture des larves qui en sortiront; mais en vertu de quelle loi l'amidon, qui n'exis- tait pas en quantité appréciable dans le bourgeon du chêne, s'y forme-t-il après l'introduction de Tœuf, et vient-il s'amasser uni- quement autour de la larve du cynips, comme dans le double but de la protéger contre l'action du tannin et de lui servir de nourriture? Il y a là une cause occulte qui vaudrait la peine d'être recherchée. J'ai fait une autre observation du môme genre que la précé- dente. Beaucoup de galles, même parmi celles qui croissent sur le chêne, sont d'une texture lâche et poreuse, ou présentent des conduits qui permettent à l'air de pénétrer jusqu'à l'insecte; mais la galle d'Alep est tellement dure, compacte et privée de toute ouverture extérieure avant la sortie de l'insecte, que je me suis longtemps étonné qu'un être put y respirer. Or, j'ai décou- vert, dans un grand nombre de galles d'Alep, et principalement autour de la petite masse sphérique amylacée, des cellules {fig. 430, b) qui paraissent formées par l'écartement ou le dédou- blement d'écaillés conchoïdes charnues, et qui doivent servir à la respiration de l'insecte. Le bourgeon de chêne, après avoir reçu l'œuf, paraît donc s'organiser de manière à fournir à l'insecte la nourriture et l'air qui lui sont indispensables. Oalleg diverses. Les chênes produisent un grand nombre d'espèces de galles dont plusieurs se trouvent dans le commerce. Fig. 431. — Galle couroûuée d'A.lcp. Fig. 432. — Gallon de Hongrie, 2. Petite galle couronnée d'Alep {fig. 4.3 i). Cette espèce se trouve mêlée à la galle d'Alep et doit provenir de la piqûre des bour- CUPULIFÉRES. — GALLES DIVERSES. 293 geons terminaux à peine développés, par un cynips. Elle est grosse comme un pois, courtement pédiculée par le bas, cou- ronnée supérieurement par un cercle de pointes disposées comme la couronne d'un fruit de myrte ou d'Fugenia. L'intérieur est formé de quatre couches concentriques rayonnées, dont la plus intérieure seule est amylacée. Au centre se trouve une cavité unique. Cette galle ne peut pas être prise pour une jeune galle commune d'Alep, parce qu'elle est souvent percée d'un trou très-large qui indique qu'elle est parvenue à toute sa gros- seur. 3. Galle jnarmorine. Cette galle vient du Levant; elle est d'un gris peu foncé, jaunâtre ou rougâtre, ayant de 10 à 15 millimè« très de diamètre. Elle est presque sphérique, seulement un peu allongée en pointe du côté qui forme le pédicule, à peine mar- quée d'aspérités, et cependant à surface rugueuse. Elle a une cas- sure uniformément rayonnée et d'un jaune prononcé. La couche amylacée est très-mince, rayonnée et peu distincte de celle qui l'entoure; la cavité centrale est spacieuse et régulière. 4. Galle d'Istrie, Petite galle globuleuse de 9 à 12 millimètres de diamètre, allongée en pointe du côté du pédicule, générale- ment d'une couleur rougeâtre, privée d'aspérités pointues, mais profondément ridée par la dessiccation. Elle est très-souven/. percée et vide d'insecte. La cassure en est rougeâtre, rayonnée, assez compacte ; la couche amylacée peu distincte, la cavité cen- trale vaste et régulière. Cette galle est peu estimée. 5. Galle de Hongrie ou du Piémont {fig. 432). C'est une excrois- sance très-irrégulière qui provient de la piqûre faite par un cyn/ps à la cupule du gland de chêne ordinaire, Quercus rohm\ L., après que l'ovaire a été fécondé. Cette excroissance, qui part le plus souvent du centre même de la cupule, s'élève d'abord sur un pédicule qui n'empêche pas toujours le gland de se développer à côté; mais souvent aussi l'excroissance remplit toute la cupule, déborde par-dessus de tous les côtés et la recouvre à l'ext^ rieur. Cette galle présente, au centre d'une enveloppe ligneuse, une cavité unique prenant de l'air pi : le sommet, contenant une coque blanche qui a dû servir aux métamorphgses de l'in- secte, et renfermant quelquefois le cynips lui-même, pourvu de ses ailes. Il ne faut pas confondre cette excroissance avec la suivante, qui s'y trouve mélangée, mais dont la nature est bien différente. 6. Galle corniculée [fig. 433, 434et43o). Cette galle est générale- ment comme assise par le milieu sur une très-jeune branche, et comme formée d'un grand nombre de cornes un peu recourbées à l'extrémité. Elle est jaunâtre, ligneuse, légère, creusée à l'intérieur 294 DICOTYLÉDOiNES MONOCHLAMYDÉES. d'un grand nombre de cellules enlourées chacune d'une couche Fij,^ 433, 434 et 43o. — Galle coniiculée. de substance rayonnée, s'ouvrant toutes à l'extérieur par un trou particulier et chacune ayant servi de demeure à un insecte. 7. Galle en artichaut [fig. 436; Iléaumur, pi. 43, fy. 5). Cette Fig. 436. — Galle en artichaut. galle assez commune sur le chêne-rouvre de nos contrées, res- semble à des cônes de houblon. Elle provient du développement anormal de l'involucre de la fleur femelle avant la fécondation .Telle que j'ai pu l'observer, après l'avoir ouverte longitudinalement en CUPULIFERES. GALLES DIVERSES. 295 deux parties^ elle est formée inférieurement d'une sorte de récep- tacle ou de tliorus ligneux qui provient du développement con- tre nature de la base même de l'involucre. Réaumur a comparé Fil.'. 437. — Secliou de la galle eu artichaut. Fig. 438. — Galle ronde de l'yeuse. avec raison cette partie au cul de l'artichaut ifig, 437). Ce thorus se relève un peu en forme de coupe sur le bord et présente deux sortes d'appendices. Ceux qui garnissent l'extérieur ne sont autre chose que les écailles de l'involucre, développées et restées libres, un peu épaissies et velues sur le milieu, amincies et trans- parentes sur le bord, lequel présente quelquefois la dentelure lobée de la feuille de chêne. Ce développement anormal montre bien que les écailles de l'involucre du chêne ne sont que des brac- tées ou des feuilles avortées. Quant aux appendices qui se sont développés sur la surface supérieure du thorus, et qui ressemblent à de longues paillettes soyeuses de Synanthérées, le germe en existait sans doute à la surface interne de la cupule qui em- brassait l'ovaire. L'ovaire manque quelquefois; mais le plus souvent je l'ai trouvé resté slalionnaire sur le milieu du tho- rus et parfaitement intact. Il est indubitable que le développe- ment de cette galle a dû être précédé de la piqûre d'un cynips, et Réaumur dit avoir observé dans le thorus diverses cavités dont chacune servait de logement à une larve, et dans le pistil égale- ment une ou plusieurs cavités dont chacune est occupée par un insecte. Je n'ai vu ni les unes ni les autres. Je rappelle d'ailleurs que l'insecte décrit par Réaumur comme produisant cette galle pourrait bien appartenir à la précédente. 8. Galle ronde de V yeuse, galle de France {fig. 438). Cette galle se trouve dans le commerce. Elle estparfaitement sphérique avec un diamètre de 19 à 22 millimètres. Elle est tantôt entièrement unie à sa surface et d'autres fois légèrement inégale et ridée comme une orangette. Elle est très-légère, d'un gris verdâtre ou un peu rougeâlre. Il est difficile d'en trouver qui ne soit pas percée. Elle offre une cassure rayonnée, uniforme, spongieuse, d'une couleur brunâtre toujours assez foncée, excepté la couche 296 DICOTYLEDONES MONOCHLÂMYDÉES. la plus intérieure qui est plus dense et blanchâtre, sans cepen- dant être amylacée. L'insecte lui-même, que j'ai rencontré une fois, est d'un rouge brun. Cette galle vient sur le Quercus llex L., dans le Midi de la France et en Piémont. On la trouve aussi, en certaine quantité, dans la galle de Smyrne ; mais je ne puis dire si elle est originaire d'Asie, ou si elle y a été mélangée en France. Cette galle a beaucoup de rapport avec la suivante ; je présume que sa seule différence tient à l'espèce de chêne qui Ta portée. 9. Galle ronde du chêne-rouvre (fig, 439) ; galle du pétiole de chêne ^ Fig. 439. — Galle du chènc-rouvre. Réaumur (pi. 41, fig. 7). Cette galle croît sur les jeunes rameaux du chêne-rouvre, aux environs de Paris, et sur le chêne tauzin {Queixus pyrenaïca) auprès de Bordeaux. Elle est souvent rappro- chée, au nombre de 4 ou 5, à l'extrémité des rameaux. Elle est parfaitement sphérique, de 15 à 20 millimètres de diamètre, très- unie, d'une couleur rougeâtre, légère et spongieuse. La cavité centrale est tantôt unique et ne loge qu'un insecte, tantôt divisée en 3 ou 4 loges dont chacune contenait un cynips. i(). Galle ronde des feuilles de chêne. On trouve sur les feuilles de nos chênes un grand nombre de galles de diverses natures, dont deux, entre autres, qui ont été décrites par Réaumur sous CUPULIFÉRES. — GALLES DIVERSES. 297 le nom de galle en cerise et galle en grain de groseille {fig. 440 et Fig. 440. — Galle ronde des feuilles de chêne en cerise. Fig. 441. — Galle ronde des feuilles du chêne en grain de groseille. 441). Ces deux galles sont de même nature, mais de grosseur Fig. 442. — Pomme de chêne de Bordeaux. bien diiïérente. Elles sont sphériques, lisses, d*un beau rouge et 2^8 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. succulentes à Tétat récent, et se rident considérablement par la dessiccation. Desséchées, elles sont spongieuses et très-légères ; elles ne présentent qu'une cavité centrale. Elles sont complète- ment délaissées, ainsi qu'une galle des chatons mâles, éparse sur le rachis, que je passe sous silence. 11. Pomme de chêne. Réaumur a décrit sous ce nom une galle terminale, comme didyme et à plusieurs loges, que je n'ai pas été à même d'observer, et qui n'est pas la galle à laquelle on donne généralement le nom de pomme de chêne. Celle-ci, la plus volu- mineuse des galles de chêne, est commune dans les environs de Bordeaux, dans les Landes et dans les Pyrénées, sur le chêne lauzin, Quercus pyrenaïca. Sous le nom de oak apple, elle est également bien connue en Angleterre, où elle croît sur le Quercus pedunculata. Enfin la figure donnée par Olivier (1) du Queixus infectoria, porte h la fois de la noix de galle ordinaire et une pomme de chêne. Cependant ces galles ne sont pas parfaitement semblables. La pomme de chêne figurée par Olivier est complè- tement sphérique et porte une couronne de pointes vers le mi- lieu de sa hauteur {pg. 442). Les pommes de chêne de Bordeaux Fij:. 443. — Pomme de chêne de Bordeaux. sont ou sphériques ou ovoïdes et portent leur couronne vers l'extrémité supérieure {fig . 443). En voici d'ailleurs la description plus détaillée. Cette galle est sphérique ou ovoïde, de la grosseur d'une petite pomme ou d'un petit œuf de poule (33 à 40 milli- (l) Olivier, Voyage, pi. 15, CUPULIFERES. — GALLES DIVERSES. 299 mètres de largeur sur 35 à 50 millimètres de hauteur). Sa surface est parfaitement unie, sauf, vers la partie supérieure, une cou- ronne de 5 à 6 pointes dont quelques-unes sont doublées, et une petite éminence centrale creuse et à bords repliés en dedans. On peut remarquer, à la base, que le pédoncule est aussi rentré en dedans et est en partie recouvert par la turgescence de l'enve- loppe. La disposition et le nombre des pointes supérieures paraît d'ailleurs indiquer que cette galle provient du développement monstrueux de la fleur femelle piquée avant la fécondation ; à l'intérieur, cette galie est d'une texture spongieuse uniforme, et elledevient très-légère par la dessiccation. Tout à fait au centre se trouve une coque unique, blanche, ovale, dont j'ai retiré quel- quefois l'insecte vivant, peu de temps après avoir reçu cette galle de Bordeaux, d'où elle m'avait été envoyée par M. Magonty. C'est une chose surprenante d'abord de voir sortir du centre d'une masse solide et parfaitement close, de 18 à 20 millimètres de rayon, un insecte qui, après un moment d'exposition à l'air, commence à remuer les pattes, nettoie ses ailes et tente de s'en- voler ; mais j'ai reconnu ensuite qu'il existait à partir du pédon- cule jusqu'à la coque un étroit conduit aérifère. J'ai dit plus haut qu'ayant longtemps cherché à comprendre comment l'insecte de la galle du Levant, renfermé au centre d'une masse dure et compacte, pouvait y respirer, j'avais enQn observé dans l'intérieur des cellules pleines d'air qui pouvaient servir à cet usage. Une autre observation, qui est commune aux autres galles, c'est que, tant que l'insecte y est enfermé, la galle du chêne tauzin ofl're une couleur rongeâtre et verdâtre, et une surface luisante qui indiquent qu'elle participe à la vie de l'ani- mal ; tandis qu'après sa sortie, elle prend une couleur terne et grisâtre et semble mourir. Nature chimique de la noix de galle. On savait depuis longtemps que la noix de galle contenait en abondance un principe astringent qui a reçu le nom de tannin ou dJacide tannique, et que Berzélius paraît avoir obtenu le premier à l'état de pureté. On savait également qu'on retirait de la noix de galle, par divers procédés, un autre acide nommé acide galli- que ; mais c'est à Pelouze que l'on doit d'avoir fait connaître un procédé (le traitement par déplacement, au moyen de l'éther), qui permet de retirer immédiatement 35 à40pour 100 de tannin de la noix de galle. Cependant je puis dire que la composition de cette singulière production naturelle était encore loin d'être connue, non-seulement parce qu'elle contient beaucoup plus de tannin qu'on ne l'annonçait, mais encore pa^^ce qu'elle renferme 360 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. beaucoup d'autres principes dont l'existence y était ou contestée ou méconnue ; tels sont de l'acide ellagique, un nouvel acide auquel j'ai donné le nom de lutéo-gallique, de la chlorophylle, une huile volatile semblable à celle des Myrnca, de l'amidon, du sucre et divers autres dont je me borne à donner le tableau, ren- voyant pour le reste au Mémoire que j'ai publié (1). Acide tanniqiie 65 — gallique 2 — ellagique. 1 — lutéo-gallique 1 Chlorophylle et huile volatile 0,7 Matière extractive brune 2,5 Gomme 2 5 Amidon 2 Ligneux 10,5 Sucre liquide Albumine \ Sulfate de potasse i Chlorure de potassium Gallate de potasse / ' ''* — de chaux . . l Oxalate de chaux i Phosphate de chaux ' Eau 11,5 100,0 FAMILLE DES JUGLANDÉES. Arbres à fleurs monoïques ; fleurs mâles en longs chatons axillaires, accompagnées d'une bractée écailleuse et composées d'un périanthe dé- coupé en 5 ou 6 lobes inégaux et concaves^ et d'étamines nombreuses, insérées sur la nervure médiane du périanthe. 'Fleurs femelles tantôt rassemblées en petit nombre à l'extrémité des rameaux, tantôt dispo- sées en épis lâches : composées d'un involucre et d'un périanthe soudés ensemble et avec l'ovaire, mais chacun à limbe supère et quadripar- tite. Ovaire infère contenant un seul ovule dressé sur un placentaire central, d'où émanent 4 lames formant des cloisons incomplètes qui rendent l'ovaire quadriloculaire à la base ; fruit charnu infère, indéhis- cent, à noyau osseux (caryone), contenant une graine sans périsperme, à embryon renversé, pourvu de 2 colylédones épais, charnus, de forme irrégulière. Les Juglandées se distinguent de toutes les autres familles amenta- cées par leurs feuilles pinnées, qui sembleraient devoir les faire placer beaucoup plus dans la série des Dicotylédonécs. Aussi Jussieu les avait-il annexées aux Térébinthacées^ place qui leur a été conservée par Endlicher. Cependant la disposition de leurs fleurs mâles, qui est exactement celle des Cupulifères, et la constitution des fleurs femelles et du fruit qui offre encore de très-grands rapports avec les fleurs (f) Guibourt, iî'.-ywe scientifique, t. XIII, p. 32. JUGLANDÉES. — NOYER COMMUN. 301 lemelles et les fruits des Myrica et des Casuarina, ontdéterminé d'autres botanistes à ne pas séparer les Juglandées des Amenlacées. Cette famille se compose des quatre genres Carya, Juglcuis, Pterocaryaj Engelhard- tia, dont le premier appartient exclusivement à l'Amérique septen- trionale, et fournit des semences huileuses et comestibles que le com- merce nous offre quelquefois sous le nom de noix pacanes. Le genre Jaglans appartient aussi principalement à l'Amérique septentrionale ; mais il se recommande surtout par notre noyer commun, que la na- ture a séparé de ses congénères par un long espace de mers et de terres, en le faisant naître en Perse. Les Eiiyelhardtia sont propres aux contrées méridionales de l'Inde et aux îles de la Malaisie. Une de leurs espèces fournit au commerce une résine, le dammar selan, dont les fa- bricants de vernis consomment aujourd'hui une énorme quantité. rVoyer commun. Juglans regia, L. Grand et bel arbre originaire de Perse, mais cullivé depuis si longtemps en Europe, qu'on ne peut fixer l'é- poque de son introduction. Le tronc est lisse et d'une couleur cendrée, dans les jeunes arbres ; il se gerce avec l'âge et peut acquérir de 3 à 4 mètres de circonférence. Les feuilles {fig. 444) sont amples, ailées avec impaire, d'une odeur forte et agréable ; les fleurs mâles sont portées sur de longs chatons simples ; les fleurs femelles sont solitaires ou réunies en petit nombre à l'ex- trémité des rameaux. Le fruit, nommé noix, est un caryone glo- buleux, formé d'un sarcocarpe vert et succulent {brou) qui répond à l'involucre de la fleur ; d'un endocarpe ligneux, sillonné et à 2 valves, qui répond au calice, et d'une semence dont l'amande huileuse est formée de 2 cotylédons très-développés, divisés en 4 lobes par le bas, et à surface très-inégale figurant les circon- volutions du cerveau. La noix se sert sur les tables, ou non parfaitement miire et por- tant le nom de cerneau, ou mûre et récente, ou sèche. On en re- tire par expression à froid une huile douce, très-agréable et utilisée comme aliment. Cette huile étant siccative est aussi très- usitée dans les arts ; mais alors on l'exprime à chaud. On connaissait anciennement en pharmacie une eau distillée aromatique nommée eau des trois noix, qui était faite en trois fois et à trois époques différentes, avec les chatons en fleurs, avec les roix nouvellement nouées et avec les noix presque mûres. On emploie encore aujourd'hui les feuilles de noyer et le brou de noix, en décoction ou en extrait, contre l'iclère, la syphilis, les affections scrofuleuses. Ces deux parties végétales paraissent pos- séder les mêmes propriétés et les mêmes principes, parmi les- quels il faut compter de l'huile volatile, du tannin précipitant en vert les sels de fer (probablement de l'acide cachutique), et un 302 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. autre principe acre et amer, très-avide d'oxj^gène, qui lui com- munique une couleur noire et une complète insolubilité dans l'eau. C'est à celte matière que le brou de noix doit la propriété de teindre d'une manière presque indélébile les doigts et les tissus. L'écorce interne du noyer commun passe pour être purgative, Fig. 444. — Noyer commun^ rameau, chaton mâle, chaton femelle; section de l'ovaire et du fruif. acre et même vésicante; mais ces propriétés sont beaucoup plus marquées dans l'écorce du Juglans cinerea de l'Amérique sep- tentrionale. Par un contraste assez marqué, ces deux arbres sont remplis d'une sève abondante et sucrée qu'on peut en extraire en perçant le tronc avec une tarière, jusqu'au centre, ainsi qu'on le JLKÎLANDÉES. — DAMMAR SÉLAN. 303 pratique pour l'érable à sucre : le liquide évaporé fournit du su- cre cristallisable; mais cette opération nuisant à la récolte des fruits, il ne paraît pas qu'il y ait de l'avantage à la pratiquer. En- fin, tout le monde connaît l'usage qu'on fait du bois de noyer pour meubles, à cause de son grain fin, de son beau poli et de sa couleur inégalement bistrée. Dammar sélan ou dammar friable. Vers l'année 183o, je vis pour la première fois, chez plusieurs commerçants, à Paris, une résine venue de Marseille sous le nom de copal tendre de Nubie. Elle était en grosses larmes arrondies ou allongées, vitreuses, et transparente à l'intérieur, terne et blan- châtre à sa surface, et ressemblant assez à de très-grosse résine sandaraque; mais elle se distinguait de la sandaraque par sa fa- cile et entière solubilité dans l'éther et dans l'essence. La grande facilité avec laquelle on put faire avec cette résine des vernis incolores, quoique peu solides, la fit rechercher, et bientôt il en vint des quantités considérables, non plus par la voie de Marseille et d'Egypte, mais par les entrepôts de Hambourg, d'Amsterdam et de Londres, qui la tirent des îles Moluques. En même temps elle prit un nom plus approprié à son origine, car on l'appela dammar ou résine dammar; mais on se trompa en la supposant tirée du Dammara alba de Rumphius, arbre de la fa- mille des Conifères qui produit une résine très-dure que j'ai dé- crite (l). Je prouvai (2) par l'examen attentif de ses propriétés que celte nouvelle résine n'était autre que le dammar selan de Rumphius, résine produite en très-grande abondance par un arbre gigantesque (50 à 70 mètres de hauteur), qu'il a nommé Dammara selanica : seulement dans la description incomplète qu'il a faite de cet arbre, Rumphius l'ayant plusieurs fois comparé aux canangas {Anona)^ De Gandolle le comprit dans la famille des Anonacées et dans le genre Unona, sous le nom d' Cnona selanica; mais M. Blume lui a assigné sa véritable place, en le reconnaissant pour une espèce d'Engelhardtia, genre appartenant à la famille des Juglan- dées. M. Blume pense même que le Dammara selanica fœmina de Rumphius, qui produit principalement la résine dammar, ne diffère pas de VEngelhardtia spicata (3). Cependant il ajoute que, quant à lui, il ne lui a pas vu produire de résine, ce qui tient sans doute, ainsi que le dit Rumphius, à ce que cet arbre n'en fournit que dans un âge très-avancé. (1) Guibourt, Drogues, 5* édition, tome II, page 258. (2) Guibourt, Mémoires sur les résines dammar {Revue scientifique, t. XVI^ p. 177). (3) Blume, FI. Javan., t. II, p. 5. 304 DICOTYLÉDOiNES MONOGHLAMYDÉES. Le dammar sélan se présente quelquefois sous la forme de lar- mes arrondies ou allongées, de 1 à 2 centiniètres d'épaisseur sur 2 à 4 centimètres de longueur (c'est sous cette forme qu'il a paru d'abord, comme étant apporté de Nubie) ; on le trouve plus souvent aujourd'hui en larmes plus volumineuses, mamelonnées à leur surface, toujours vitreuses et incolores à l'intérieur, ou en masses irrégulières, anguleuses, d'un aspect gris ou noirâtre, et mélangées d'impuretés qui leur ôtent leur transparence. Cette résine est inodore à froid, mais elle exhale, par la cha- leur, une odeur aromatique très-douce et très-agréable. Lors- qu'on la renferme dans la main, elle fait entendre des craque- ments successifs, causés par la rupture des larmes en morceaux. Elle se brise avec la plus grande facilité, et se pulvérise rien qu'en faisant mouvoir deux doigts l'un sur l'autre. Touchée et pressée un peu avec les mains, elle devient poisseuse à sa surface, et les mains conservent pendant longtemps une odeur analogue à celle de l'oliban. Elle se fond dans l'eau bouillante; exposée à la flamme d'une bougie, elle pétille, éclate et lance des particules qui s'enflamment et font l'effet de l'essence exprimée du zeste d'une orange. Ensuite la résine se fond et coule par gouttes li- quides. Le dammar sélan pulvérisé forme, avec l'alcool à 92 centièmes, un liquide blanc comme du lait et qui tarde beaucoup à s'éclair- cir. Elle paraît composée de trois résines inégalement solubles dans ce menstrue, à savoir : Résine soluble dans Talcool froid, environ 75 — soluble dans Talcool bouillant 5 — insoluble dans l'alcool bouillant 2l 101 L'augmentation porte sur la résine soluble qui retient opiniâ- trement une petite quantité d'alcool. La môme résine se dissout promptement et presque complète- ment dans l'éther sulfurique. Elle se dissout facilement et com- plètement à froid dans l'essence de térébenthine. Nul doute que cette facile solubiUté, jointe à la blancheur du produit, ne soit la cause de la grande faveur dont jouit cette résine auprès des fa- bricants de vernis. FAMILLE DES PLATANÉES ET DES BALSAMIFLUÉES. Ces deux familles, très-voisines l'une de l'autre, ont été formées pour les seuls genres Platanuset Liquidambar. Les platanes sont remar- quables par leur tronc élevé et d'un diamètre quelquefois prodigieux. PLATANÉES ET BALSAMIFLUÉES. — LIQUIDAMBAR. 305 recouverl d'une écorce unie, d'un vert grisâtre, qui se détache annuel- lement par grandes plaques minces. Leurs feuilles sont alternes, pétio- lées, à lobes palmés; les fleurs sont monoïques et disposées à la surface de réceptacles globuleux, portés de 3 à6 ensemble sur des pédoncules pendants ; les fruits sont des achaiiles coriaces, implantés à la surface du réceptacle accru, et entourés à la base de poils fragiles. Ces arbres servent encore aujourd'hui à l'ornement des parcs d'agrément : leur bois est susceptible de recevoir un beau poli. Les liqnidambars présentent par leurs feuilles et la disposition de leurs fruits la plus grande ressemblance avec les platanes; mais ils en diffèrent beaucoup par leur suc résineux et balsami- que. On en connaît trois espèces, dont Tune, le IJquidambar styra- ciflua^ L., produit en Amérique le baume liquidambar; une se- conde, nommée Liquidambar orientale^ fournit le styrax liquide : la troisième espèce, nommée Liquidambar A llingiana, Blume, forme, aux îles de la Sonde, un arbre gigantesque, dont le suc balsami- que, semblable aux précédents, ne paraît pas venir jusqu'à nous. Uaume liquidambar. Liquidambar styraciflua (fig. 445). Cet arbre croît dans la Loui- siane, dans la Floride et au Mexique, où il porte le nom de co- Liquidambar styraciflua. palme. Il produit deux baumes assez différents par leurs caractères physiques: l'un est liquide et transparent comme une huile; l'autre est mou, blanc et opaque, comme la poix de Bourgogne. GuiBOURT, Drogues, 7«édit. T. II. — 20 306 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. Liquidamhar liquide^ dit huile de liqmdambar. Ce baume est ob- tenu par des incisions faites à l'arbre, reçu immédiatement dans des vases, qui le soustraient à l'action de l'air, et décanté pour le séparer d'une partie de baume opaque qui se dépose au fond. Il a la consistance d'une huile épaisse; il est transparent, d'un jaune ambré, d'une odeur forte, qui est celle du styrax liquide, mais plus agréable; d'une saveur très-aromatique et acre à la gorge. 11 contient une assez grande quantité d'acide benzoïque ou cin- namique; car il suffit d'en mettre une goutte sur du papier de tournesol pour le rougir fortement; et son décoctum, saturé par la potasse et concentré, laisse précipiter de cet acide par l'acide chlorhydrique. Il laisse, lorsqu'on le traite par Tacool bouillant, un résidu blanc, peu considérable, et l'alcool filtré se trouble en refroidissant. Liquidamhar mou ou blanc» Ce baume provient, soit du dépôt opaque formé par le précédent, soit des parties de baume qui ont coulé sur l'arbre et se sont épaissies à Tair. Je suppose que ces deux portions fondues ensemble et passées produiraient exacte- ment le liquidambar mou, tel que nous le voyons. Il ressemble à une térébenthine très-épaisse ou à de la poix molle ; il est opaque, blanchâtre, d'une odeur moins forte que le précédent, d'une sa- veur parfumée, douce, mais laissant de l'âcreté dans la gorge. Il contient de l'acide benzoïque qui vient souvent s'effleurir à sa surface; il se solidifie par une longue exposition à l'air, devient presque transparent, mais conserve très-peu d'odeur. Il ressem- ble alors un peu au baume de Tolu, et plusieurs personnes s'en servent pour falsifier ce dernier. Il s'en distingue toujours par son goût de styrax et par une amertume assez marquée qui s'y est dé- veloppée par l'action de l'air. {Styrax liquide Suivant Geoffroy, les anciens Grecs ne connaissaient pas ce baume, qui a d'abord été distingué du storax calamité par les Arabes (1). Il a régné longtemps une assez grande incertitude sur son origine : beaucoup de personnes ont pensé que ce n'était que du storax calamité altéré avec du vin, de Thuile, de la téré- benthine et des matières terreuses ; d'autres ont écrit qu'il ne dif- férait du storax que parce qu'il a été obtenu par décoction de l'é- corce et des jeunes rameaux de Tarbre; enfin d'autres estiment qu'il est produit par un arbre différent. Pendant quelque temps la première opinion ne m'a pas paru (t) Il est probable, cependant, que le styrax liquide est la substance que les Grecs nommaient Stactè (Diosc, lib. I, cap. lxii). PLÂTANÉES ET BALSAMIFLUÉES. — STYRAX LIQUIDE. 307 fondée, parce que je n'avais pas pu réussir, en mélangeant diver- ses proportions de styrax et de térébenthine, ou d'autres corps résineux, à obtenir un mélange qui eût l'odeur du styrax liquide ; mais depuis que j'ai vu le marc encore humide de baume de Tolu, traité par la chaux, prendre, étant abandonné à lui-même, l'o- deur forte et tenace du styrax liquide ; depuis également que j'ai observé, nombre de fois, la même odeur se manifester dans un sirop très-fermenlescible contenant du baume de Tolu, j'ai com- pris, à plus forte raison, qu'un mélange humide de storax et d'au- tres matières pourrait acquérir l'odeur forte du styrax liquide. Cependant je ne crois pas qu'en réalité ce dernier soit du storax altéré, parce qu'il n'y aurait aucun avantage, pour les falsidca- teurs, à dénaturer une substance aussi chère que le storax pour la vendre un prix très-inférieur, sous le nom de styrax liquide ; dès lors, on peut être certain qu'ils ne le font pas. La seconde origine n'est pas mieux assurée, parce que l'odeur du styrax liquide est plus forte que celle du storax et sa consis- tance plus liquide, et que l'effet constant de l'ébullition de l'eau sur un corps composé de résine et d'huile volatile est, au con- traire, d'augmenter la consistance et de diminuer l'odeur du composé. Il faut donc admettre que le styrax liquide est produit par un autre arbre que le storax calamité. Suivant toutes les probabilités, le styrax liquide est tiré du Li- quidambar orientale des botanistes (fig. 446) ; cet arbre diftere peu du Liquidambar styraciflua^ qui donne en Amérique le baume li- ([uidambar. Pour obtenir le styrax liquide, toujours d'après Peti- ver, on fait bouillir l'écorce de l'arbre, préalablement pilée, dans de l'eau de mer, et on recueille le baume qui vient nager à hi surface. Comme il contient encore beaucoup d'écorce divisée, on le fond de nouveau dans de l'eau de mer et on le passe. On ren- ferme séparément dans des barils le styrax purifié et le résidu de la purification : tous deux sont versés dans le commerce; mais ils sont très-souvent altérés par toutes sortes de mélanges, et il est presque impossible d'y trouver le styrax purifié dont parle Petiver. [Les données récentes de MM. Maltass, Campbell et de Mac Craith (1) ont confirmé l'opinion de Guibourt sur l'origine du styrax liquide. C'est bien du Liquidambar orientale, qu'on retire le suc, dans la partie sud-ouest de l'Asie Mineure, et sur les côles de la mer vis-à-vis l'île de Rhodes. Voici d'après ces observateurs la manière dont on l'obtient. (I) Voir D' Hanbury, on Storax {Pharmaceutical Journal, XVI, 417 et 461, t. IV, page 436). 308 DICOTYLÉDONES MONOCHUMYDÉES. -1 Fig. 446. — Liquidambar orientale. PLATANÉES ET BALSAMIFLUÉES. — STYRAX LIQUIDE. 309 Suivant le lieutenant Campbell, on enlève l'écorce extérieure de l'arbre, et on la garde en paquets pour faire des fumigations. L'écorce intérieure est raclée avec un couteau semi-circulaire et ramassée en quantité suffisante dans des trous : on la fait alors bouillir dans l'eau, la partie résineuse monte à la surface et on l'enlève avec une écumoire. L'écorce bouillie est mise dans des sacs de crins, on la presse fortement et on en extrait ce qu'on ap- pelle l'huile. Le docteur Mac Craith indique un procédé analo- gue : quant à M. Maltass, il rapporte qu'on met directement les écorces dans des sacs de crin, qu'on soumet à la presse : en- suite on jette de l'eau bouillante sur les sacs, on les presse de nouveau et on obtient ainsi la plus grande partie de la résine. L'écorce est retirée des sacs, séchée au soleil et forme ce qu'on a appelé le storax rouge du commerce ou égorge de storax. Elle est sous forme de lanières étroites, minces, rougeâtres, pressées les unes contre les autres, sèches, mais conservant encore une forte odeur balsamique : à la longue il s'y forme par places une efflorescence d'acide. Il paraît, d'après Matthiole, que cette subs- tance portait autrefois dans les officines le nom de Tigname, qu'il pense être venu du grec 6uiji(a[j!.a, parfum ; c'est le Cortex Thymia- matis d'Europe. Est-ce aussi de cette écorce que Dioscoride a parlé sous le nom de Narcaphtum ou Nascaphtum ? c'est peu probable : car il donne ce nom à une substance qu'il dit venir de l'Inde. Quant au suc qu'on obtient, il forme le styrax liquide, soit pur, soit du commerce. Storax liquide pur. Guibourt décrit un échantillon de cette sub- stance qu'il a reçue de Péreira, comme différente du styrax liquide du commerce, et provenant du Styrax officinale (1). Il appuie son opinion sur les informations fournies par Landerer, l'un des éditeurs de la Pharmacopée grecque, d'après lequel le storax liquide (nommé buclmri-jay ou huile de storax) est obtenu à Cos et à Kho&Q^&w Styrax officinale {nommé, pou/^oïïpt). Mais ces données de Landerer ont été reconnues fausses, et c'est bien au Liqui- dambar orientale qu'il faut rapporter cette huile de buchuri. Elle a l'aspect d'une térébenthine, d'un jaune-brunâtre et nébuleux. Elle forme un sublimé blanc et acide contre la paroi supérieure du vase qui la contient. Elle ressemble beaucoup au liquidambar mou d'Amérique, mais s'en distingue par son odeur, qui offre le parfum de la vanille. Quant au styrax liquide du commerce, il est de la consistance du miel, d'un gris brunâtre, opaque, d'une odeur forte et fati- gante, d'une saveur aromatique non acre ni désagréable. Conservé • (1) Guibourt, Drogues simples, 4* édit. , II, p. 553. 310 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. longtemps dans un pot, je lui ai vu former, à sa surface, une efflo- rescence d'acide cinnamique. 11 se dissout très-imparfaitement dans l'alcool froid; l'alcool bouillant le dissout complètement, sauf les impuretés; la liqueur filtrée se trouble et précipite en se refroidissant (styracine?) : par son évaporation spontanée, elle laisse précipiter une résine molle, et forme enfin une cristallisa- tion d'acide cinnamique. Le résidu, qui pèse les 0,16 du tout, est composé de terre et de fragments d'écorce. Mais on conçoit que la proportion de ce résidu doive varier dans le styrax du commerce; il faut choisir celui qui en laisse le moins, qui contient le moins d'eau, qui a l'odeur balsamique la plus forte, et sans mélange d'aucune autre. M. Edouard Simon a examiné avec soin la composition du sty- rax liquide. 20 livres de ce baume, distillées avec 14 livres de carbonate de soude cristallisé et de l'eau, ont fourni 5 onces d'essence nom- mée styrole. Cette essence neutre, limpide, incolore, solublexlans l'alcool et dans l'éther, est composée de : Carbone 92,46 Hydrogène 7,54 Exposée à l'air, elle absorbe l'oxygène et se convertit en un corps gélatineux, transparent et visqueux, insoluble dans l'eau, l'alcool et l'éther, nommé oxyde styrolique. La même essence, traitée par l'acide azotique, se convertit en oxyde styrolique, des acides nitro-benzoïque, cyanhydrique, et en un corps solide, cristal lisable, azoté, d'une forte odeur de cannelle, aussi acre et aussi rubéfiant que l'essence de moutarde. On donne à ce corps le nom de nitro-styrole. Je reviens au résidu de la distillation du styrax liquide avec le carbonate de soude. La liqueur contient du cinnamate de soude, dont on peut précipiter l'acide par le moyen de l'acide chlorhydri- que. La résine est prise à part, lavée, séchée et traitée par l'al- cool bouillant, qui la dissout, sauf les impuretés. On relire les deux tiers de l'alcool par la distillation, et on expose le reste dans un lieu frais : la styracine se dépose sous forme de grains cristallins, tandis que \2i résine proprement dite reste en dissolu- tion. On lave le dépôt avec de l'alcool froid, et on le redissoul dans l'alcool bouillant pour le faire cri.>5lalliser. La styracine est sous forme d'écaillés fines et légères ; elle fond à 50 degrés, est presque insoluble dans l'eau, soluble dans 3 par- ties d'alcool bouillant, 22 parties d'alcool froid, 3 parties d'éther. Elle a pour formule G^^H^^O^ et peut se dédoubler en acide cinna- tnique et en un corps volatil nommé st y racone. SALICINÉES. 3H Le styrax liquide entre dans la composition de l'onguent et de l'emplâtre de styrax, et dans l'emplâtre mercuriel de "Vigo. [On a quelquefois attribué le styrax liquide au Liquidambar Altingia, Blume, de l'archipel Indien, qui donne en effet une ré- sine semi-fluide et odorante; mais ce produit est peu abondant et ne vient pas dans le commerce. Il est curieux que cette substance porte le nom de Rosamâla, qui rappelle celui de Rosa mallas^ donné par Petiver au styrax liquide. Le styrax liquide sert très-probablement de base à diverses espèces de styrax, qui ont été rapprochées pendant longtemps du styrax calamité. C'est ainsi qu'il faut considérer comme un mélange du suc du Liquidambar orientale et d'autres matières ré- sineuses ou simplement de l'écorce de l'arbre les produits décrits par Guibourt dans la précédente édition des Drogues simple sous les noms de storax noir et de storax en pain, ou en sarilles et dont voici les caractères : ] Storax noir. Ce storax forme une masse solide, d'un brun noir, coulant un peu à la longue, à la manière de la poix, dans le vase qui le renferme ; sa surface offre un éclat un peu gras, et se re- couvre à la longue de petits cristaux très-brillants; il possède une odeur fort agréable, analogue à celle du vanillon; il contient une assez grande quantité de sciure de bois . C'est avec cette sorte que Ton prépare à Marseille le faux storax calamité, en y incorporant des larmes de gomme ammoniaque ou de résine tacamaque, de l'acide benzoïque, du sable, etc. Storax en pain ou en sarilles, sciure de storax. Cette sorte arrive en masses de 25 à 30 kilogrammes, recouvertes d'une toile; il est d'un brun rougeâtre, facile à diviser en une poudre grasse et grossière qui se remet en masse parla pression. 11 a une odeur analogue à celle du précédent, mais moins agréable. Peut-être 3st-il formé seulement de l'écorce de l'arbre broyée au mou- lin et pourvue de la quantité de baume qu'elle contient natu- rellement. FAMILLE DES SALICINÉES. Arbres élevésou arbrisseaux à feuilles- alternes, entières ou dentées, accompagnées de stipules écailleuses et caduques, ou foliacées et per- sistanles ; fleurs dioïqucs, toutes disposées en chatons, munies chacune d'une bractée squammifornie, persistante ; périanthe nul ou remplacé par un torus glanduleux, annulaire ou obliquement urcéolé ; fleurs mâles à deux étamines ou davantage, dont les filets sont distincts ou monadelphes, avec un rudiment d'ovaire au centre ; fleurs femelles composées d'un ovaire sessile ou pédicellé, diphylle, uniloculaire, accom- pagné cà la base d'étamines rudimentaires ; ovules nombreux, ascen- 312 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. dants ; 2 styles (rès-courts plus ou moins soudés, lerminés chacun par un sUgmate bi ou trilobé ; fruit capsulaire, uniloculaire, à 2 valves sé- minifères qui se séparent par le sommet et s'enroulent en dehors ; graines dressées, nombreuses, très-petites, pourvues d'un funicule très- court et épais, s'épanouissant en une touffe laineuse, ascendante, qui enveloppe toute la graine. Embryon dépourvu de périsperme, droit, à radicule infère. Les Salicinées se composent de deux genres d'arbres, les saules et les peupliers^ dont le premier, surtout, très-nombreux, très- variable de forme et de grandeur, à espèces changeantes et d'une élude très-difficile, se trouve répandu dans les lieux humides et marécageux, tempérés ou froids, de l'hémisphère nord des deux continents. Ces arbres poussent avec une grande rapidité, ont un bois blanc, léger, flexible, et une écorce amère quia été employée pendant longtemps comme un fébrifuge incertain, avant que M. Leroux, pharmacienà Yitry-le-François, en eût retiré le prin- cipe actif qui est la salicine. [Celte substance est cristalHsable en aiguilles blanches, d'une saveur amère, soluble en toutes propor- tions dans l'eau et l'alcool bouillant; moins soluble dans l'eau froide, insoluble dans l'éther. Elle est colorée en rouge de sang par l'acide sulfurique concentré. Sous l'influence des acides éten- dus et de la synaptase, elle se dédouble en glucose et en saligé- nine. Elle appartient donc au groupe des glucosides.]Les princi- pales espèces dont on a retiré ce principe sont : i. Le Slaule blanc, Salix alba, L.; arbre de 10 à 13 mètres, à rameaux rougeâlres ou brunâtres, garnis de feuilles lancéo- lées, courtement péliolées, soyeuses et blanchâtres des deux côtés; 2. L'Osier jaune, Salix vitellina, L., dont les rameaux sont d'un jaune plus ou moins foncé, et les feuilles étroites-lancéolées et glabres; 3. Le Slaule à feuille «l'amandier, ou Osier rouge, Salyx amyg- dalina; 8 à 10 mètres de hauteur; rameaux rougeâtres ou jaunâ- tres; feuilles oblongues- lancéolées, glabres et d'un beau vert en dessus, glauques en dessous, bordées de dents très-aiguës. Cette espèce et la précédente sont les plus estimées pour tous les usages auxquels on destine l'osier ;* 4. Le ^auie précoce, Salix prœcox, Wild.; 10 à 13 mètres de hauteur : rameaux d'un rouge foncé souvent recouverts d'une poussière glauque; feuilles ovales-lancéolées, dentées, à nervure médiane très-,)rononcée; 5. L'Osier blanc, Salix viminalis, L.; arbre de 5 à 7 mètres, à rameaux très-droits, très-effilés, revêtus d'un duvet soyeux dans leur jeunesse ; feuilles linéaires-lancéolées, acuminées, Irès-entiè- SALICINÉES. 313 res, légèrement ondulées, vertes en dessus, soyeuses et blanches en dessous, avec une nervure très-saillante ; 6. Le liaule hélice, Salix Helix^ L.; 3 à 4 mètres d'élévation ; rameaux très-effilés, glabres, luisants, cendrés ou rougeâtres; feuilles souvent opposées, linéaires-lancéolées, acuminées, gla- bres, un peu glauques en dessous; 7. L'Osier pourpre, S alix pur pur ea, L.; feuilles opposées ou alternes; ovales-lancéolées ou lancéolées-linéaires, entières parla partie inférieure, légèrement dentées par le haut, un peu glau- ques en dessous. Autres espèces dont on n'a pas retiré de salicine : 8. iiaule fra^iie^ Salix fragiUs^ L.; lOà 13 mètres de hauteur; rameaux brunâtres, cassant avec une grande facilité près de leur insertion sur les branches; feuilles lancéolées, dentées, glabr-es, pétiolées; 9. Siaule pleureur, Salyx babyloïiica, L. La tige de cet arbre, haute de 6 à 8 mètres, se partage en branches étalées, presque horizontales, divisées en longs rameaux grêles et pendants, garnis de feuilles glabres, étroites et lancéolées. Il est originaire d'Asie, d'où il a été apporté assez tard en Europe, La disposition de ses rameaux qui s'inclinent vers la terre comme la chevelure dénouée d'une femme, lui donne un aspect triste et gracieux qui l'a rendu l'emblème de la douleur et du deuil. 10. Saule llarceau, OU ilarsault, Salix caprœdylj.) arbuste de 6 à 8 mètres de hauteur, dont les jeunes rameaux sont brunâtres, pubescents, garni de feuilles assez grandes, ovales-arrondies, gla- bres en dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous, dentées sur le bord, pointues au sommet, souvent accompagnées de sti- pules arrondies. Cette espèce de saule, si différente des autres par son feuillage, croit facilement dans toutes sortes de terrains; on en fait des échalas, des cercles de tonneaux, des fagots pour cuire la chaux, le plâtre, la tuile, etc. Les bestiaux, et surtout les chè- vres, recherchent ses feuilles avec avidité, ce qui lui a valu son nom linnéen. Les peupliers sont beaucoup moins nombreux que les saules, puisqu'on n'en compte guère qu'une trentaine d'espèces. Ils sont en général bien plus élevés, et portent des bourgeons entourés d'écuilles enduites d'un suc résineux et balsamique ; les feuilles sont alternes, souvent arrondies ou triangulaires, dentées, portées sur de longs pétioles comprimés latéralement au sommet, ce qui lionne à la feuille une extrême mobilité et la rend impressionna- ble au moindre vent. Cet effet est particulièrement sensible dans le tremble [Populus tremula), qui en a pris le nom qu'il porte. Les peupliers se distinguent en outre des saules par leurs bractées 314 DICOTYLÉDONES MONOGHLAMYDÉES. découpées, leur torus en godet, prolongé obliquement en dehors; par leurs étamines plus nombreuses, de 8 à 22 ; leur ovaire est entouré à la base par le torus; les stigmates sont plus allongés, à 2 ou 3 divisions. Les espèces principales sont le peuplier noir {Populus nigra), qui fournit surtout les bourgeons résineux et bal- samiques qui font la base du liparolé de peuplier (onguent popu- leum); le peuplier blanc {Populus albà); le tremble [Populus Tre- mula), et le peuplier d'Italie {Populus fastigiata), qui paraît être originaire de l'Orient. M. Braconnot a constaté la présence de la salicine dans l'écorce de plusieurs espèces de peupliers, et notamment dans celle du tremble; mais elle y est accompagnée d'une aiitre substance ana- logue nommée joo/>w/me, cristallisant en aiguilles brillantes, d'une saveur sucrée, peu soluble dans l'eau froide, plus soluble dans l'eau chaude, l'alcool bouillant et les acides concentrés ; se trans- formant sous l'action des acides étendus en acide benzoïque, glu- cose et salicétine. FAMILLE DES ULMACÉES. Grands arbres ou arbnstes à feuilles alternes, simples, pétiolées, pen- ninervées, dentées, rudes au toucher, accompagnées de deux stipules caduques; fleurs fasciculées, hermaphrodites ou quelquefois uni- sexuées par avortement; périanthe campanule, à 4,5 ou 8 divisions; élamines insérées à la base du périanlhe, en nombre égal el opposées à ses divisions ; ovaire libre formé de 2 fouilles carpellaires à bords rentrés en dedans, et atteignant l'axe, ce qui rend l'ovaire biloculaire (Ulmus), ou à bords raccourcis (ovaire uniloculaire. Planera) ; ovule solitaire dans chaque loge, suspendu à la cloison près du sommet, ou au sommet de la loge unique ; 2 styles continus avec les 2 feuilles car- pellaires, écartés, stigmatifères sur leur face interne. Le fruit est une samare uniloculaire, ou un achaine accompagné à sa base par le pé- rianlhe persistant, mais non accru ; graine pendante, à test membra- neux, à raphé saillant; pas de périsperme, embryon homotrope, radi- cule supère. Écorce d orme champêtre. Ulmus campestris^ L. Cet arbre croît dans les forêts de l'Europe, oii il peut s'élever à 25 ou 27 mètres de hauteur et acquérir, avec le temps, un tronc de \ à 5 mètres de circonférence. On le cul- tive aussi pour border les routes et former des allées dans les pro- menades publiques. Ses fleurs, qui sont rougeâtres et disposées en paquets serrés le long des rameaux, paraissent au mois de mars avant les feuilles, et les fruits sont mûrs un mois après. L'écorce intérieure de l'orme, ou le liber, a longtemps été vantée MORÉES. 315 contre l'hydropisie ascite et ensuite contre les maladies de la peau. On la trouve dans le commerce, oh on lui doni\e le nom d'éco?^ce ctot^me pyramidal, divisée en lanières rougeâtres fibreuses, d'un goût pâteux et mucilagineux. La teinture d'iode y indique la pré- sence de l'amidon. Le bois d'orme est assez dur, rougeâtre et usité surtout pour le charronnage. Celui que l'on nomme tortillard^ surtout, est em- ployé pour faire des moyens de roues, des pieds de mortiers, des vis de pressoirs, etc. Ce même arbre est sujet à produire, sur son tronc, des excroissances ligneuses d'un volume considérable, qui, travaillées par les ébénistes, forment des meubles d'une grande beauté, à cause des accidents variés et bizarres que leur coupe a mis au jour. Ecorce d orme fauve d Améritiue. Ulmus fulva, Mx. Le liber de cet arbre est tellement mucilagi- neux qu'on en fait des cataplasmes et des gelées nourrissantes. Les Américains le réduisent en poudre aussi fine que de la farine, et en font sous celte forme un commerce assez considérable. Cette poudre est d'un jaune rosé très-pâle, et forme dans la boucbe un mucilage analogue à celui de la gomme adragante. On l'emploie, sous toutes sortes déformes, dans un grand nombre de maladies inflammatoires. 11 y a un certain nombre d'années, on a annoncé qu'on em- ployait dans les Antilles Vécorce d'orme â la clarification du sucre. Depuis, ce moyen a paru peu avantageux ; dans tous les cas, ce n'est pas Técorce d'un arbre du genre Ulmus qui servait à cet usage, c'était celle du TheobramaGuazuma, L. [Guazuma ulmifolia, DC), lequel appartient à la famille des Byttnériacées, et porte le nom d'orme à la Guadeloupe. F A. MILLE DES MOREES. Cette famille, qui fût partie de l'ancien ordre des Urticées de Jus- sieu, comprend des végétaux de toutes grandeurs, à suc souvent lac- tescent, à Feuilles alternes accompagnées de stipules caduques ou per- sistantes; à fleurs monoïques ou dioïques. Les fleurs mâles sont Irès- souvent disposées en chatons, et sont composées de 3 ou 4 étamines insérées au fond d'un périanthe à 3 ou 4 divisions ; les fleurs femelles sont disposées en chatons, ou rassemblées sur un réceptacle globu- leux, ou bien encore sont placées, mélangées aux fleurs mâles, à la surface d'un réceptacle plane, ou contenues dans un réceptacle pyri- forme percé au sommet d'une petite ouverture. L'ovaire est unilocu- laire, rarement biloculaire, à un seul ovule fertile. Les fruits sont des achaines ordinairement entourés par le périanthe devenu charnU; et 316 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDEES. soudés en sorose, ou portés sur un réceptacle tantôt étalé, tantôt relevé et fermé en forme de figue. Embryon courbé en crochet, dans un en- dosperme plus ou moins développé ; radicule supère. Racine de Contrayerva officinal. Dorstenia brasilîensis, Lam., caa-apia de Marcgraff el Pison. Cette plante {fig. 447) croît au Brésil ; elle pousse de sa racine Fi":. 447. — Dorstenia brasiliensis. Fig. 448. — Dorstenia coutrayerva. 3 ou 4 feuilles longuement pétiolées, cordées-ovales, obtuses, crénelées ; et une ou plusieurs hampes nues, qui supportent chacune un réceptacle orbiculaire garni de fleurs mâles et fe- m elles mêlées {fig. 448) ; les premières ont 2 étamines et les se- condes! ovaire surmonté de 1 style et de 2 stigmates. Il succède à chacun un fruit monosperme logé dans l'épaisseur du récep- tacle qui s'est accru. Celle fructification ne diffère de celle du figuier que parce que, dans celui-ci, le réceptacle commun est globuleux et entièrement fermé, si ce n'est au sommet, tandis que le réceptacle des Dorstenia est plane et élargi. La racine du Dorstenia brasiliensis possède une odeur aromati- que faible et agréable. Elle est d'une couleur fauve rougeâtre à Textérieur, blanche à l'intérieur, d'une saveur peu marquée d'a- bord, mais qui acquiert de l'âcreté par une mastication un peu prolongée. Elle est composée d'un corps ovoïde terminé infé- MORÉES. — FIGUIER ET FIGUE. 317 rieurement par une queue recourbée qui lui donne à peu près la figure d'un scorpion; elle est garnie en outre de quelques ra- dicules. Sur Taulorité de Linné, un grand nombre d'auteurs ont attri- bué la racine de contrayerva au Dorstenia contrayerva^ L. ; à la vérité, la racine de cette espèce, de même que celle de plusieurs autres Dorstenia^ porte aussi le nom de contrayerva {\) ; mais la racine officinale vient du Brésil, où elle est-produite par le Dors- tenia brasiliemis^ qui a seul la racine tubéreuse, allongée et ter- minée par une forlCj radicule recourbée, comme on le voit dans noire contrayerva. Le Dorstenia Cont7myerva{fîg. 448)croît au Mexique; il se dis- tingue du précédent par ses feuilles pianatifides, assez sembla- bles à celles delà berce, et par son réceptacle à fleurs qui est lui-même comme incisé ou lobé, et à peu près carré. C'est à celte espèce probablement, ou à une autre voisine (le D. Houstoni ou le D, drakena) qu'il faut attribuer la racine de Drake^ qui a d'abord été rapportée du Pérou par Drake, et ensuite décrite et figurée par Clusius [Exot., lib.IV, cap. x). En 1834, cette même racine a été apportée de Guatemala, par M. Bazire, sous le nom de contrayerva. Elle est noirâtre au dehors, blanche en dedans, et porte çà et là des fibres menues, dont les plus grosses, dures et ligneuses, donnent naissance à d'autres nodosités semblables aux premières. Elle est inodore et douée d'une saveur un peu astringente d'abord, qui laisse dans la bouche une acrimonie lé- gère et suave. Cette racine diffère du contrayerva officinal par sa forme noueuse et tout à fait irrégulière, par sa couleur noi- l'âtre au delrors et par son manque d'odeur. Figuier et figue. Ficus Carica^ L. Cet arbre [fig. 449) paraît indigène au midi de l'Europe, ou bien, s'il y a été transporté du Levant, il y a si longtemps, que l'époque en est inconnue. Dans toutes ces con- trées, il peut s'élever à la hauteur de 8 à 10 mètres, sur un tronc de l'^jS à 2 mètres de tour : mais sous le climat de Paris, il ne forme guère qu'un arbrisseau de 3 à 5 mètres, dont les tiges nom- breuses s'élèvent d'une souche commune. Les feuilles sont alternes, pétiolées, plus grandes que lamain, échancrées à la base, découpées sur leurs bords en 3 ou 5 lobes, d'un vert foncé en dessus, couvertes de poils nombreux en dessous, rudes au toucher. Les réceptacles (a) qui portent les fleurs naissent dans l'aisselle des feuilles : ils sont arrondis ou pyriformes, avec une petite ouverture au som- (1) Ce nom, qui est espagnol, veut dire contre-venin. 318 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. met, et portent des fleurs mâles à leur partie supérieure et des fleurs femelles, plus nombreuses, sur tout le reste de leur face interne. Les fleurs mâles {b) ont un périanthe à 3 divisions et 3 élamines ; les fleurs femelles {c) sont à 5 divisions et portent i-'ig. 449. — Figuier, Rameaux. — b. c. Fleurs mâle et femelle. — a. d. Sectiou de la figue. — e. f. Fruit et graine. • 1 ovaire supère surmonté de 1 slyle à 2 stigmates. Chaque ovaire devient, après la fécondation, un petit fruit mou {e) dont la semence contient, au centre d'un endosperme charnu, un embryon un peu courbé en crochet (/). La réunion de tous les petits fruits mûris dans le réceptacle constitue la fîgiœ {d), que le vulgaire considère comme un fruit, mais qui forme l'espèce particulière de fruit agrégé ù. laquelle on a donné le nom de sijcone. Les figues du nord de la France et des environs de Paris (1) sont peu sucrées et ne peuvent pas se conserver. Celles du com- merce viennent du midi de la France et de l'Europe ; on en dis- tingue un grand nombre de variétés dont les plus communes (1) On cultive le iîguier principalement à Argenteuil (Seine-et-Oise) ; on y trouve surtout la grosse figue blanche et la figue violette ou figue mouissonne. MORÉES. — FIGUIER SYCOMORE. 319 sont les petites figues blanches, les f.gues violettes et les figues grasses. Les premières, qui proviennent de la petite figue de Marseille desséchée, sont petites, blanches, parfumées et très-sucrées ; elles sont réservées pour la table. Les secondes, beaucoup plus grosses, d'une couleur bleuâtre ou violette, proviennent de la figue mouis- sonne àe. Provence; il faut les choisir sèches et nouvelles; ce sont celles qui se conservent le mieux en bon état et que, pour cette raison, je préfère pour l'usage de la pharmacie. Les figues grasses proviennent de la grosse figue blanche ou de la grosse figue jaune de Provence. Elles sont très-grosses, visqueuses, très-facilement attaquées par les mites. Dans quelques contrées du Levant, pour augmenter le nombre des figues qui mûrissent et leur volume, on pratique une opéra- tion qui porte le nom de capt^/i cation, laquelle consiste à prendre les jeunes figues du figuier sauvage nommé capri ficus, et à les fixer sur les rameaux du figuier cultivé. Linné a pensé que l'uti- lité de cette opération consistait à rapprocher des fleurs femelles du figuier cultivé, chez lequel les fieurs mâles sont peu nom- breuses ou altérées, les réceptacles du figuier sauvage, qui sont mieux pourvus sous ce rapport; mais on croit que le but de cette opération est de propager sur le figuier un insecte du genre cynips, qui vit habituellement sur l'arbre sauvage. Cet insecte s'attache particulièrement aux figues ; il s'y introduit, s'y loge et y cause une affluence de sucs qui tourne à l'avantage du fruit. Cette pratique est peu suivie aujourd'hui. Fig^uier sycomore. Ficus Sycomorus, L. Arbre d'Egypte très-élevé et d'une vaste étendue, dont les fruits sont l'objet d'une grande consommation de la part des Arabes. Son bois, qui est très-léger, passe pour incorruptible et servait à faire les caisses destinées aux corps embaumés. J'ai vu en effet des caisses de momies antiques, .en figuier sycomore, dont le bois était parfaitement conservé. L'ccorce du figuier commun, lorsqu'on y fait des incisions, laisse découler un suc laiteux, acre et caustique, qui contient une quantité notable de caoutchouc. Les figuiers des climats chauds, et principalement le figuier élastique {Ficus elastica), le figuier des pagodes {Ficus religiosa), le figuier du Bengale [Ficus bengalensis) et le figuier des Indes {Ficus indica), pourraient pro- bablement en fournir au commerce. Le port de cette dernière espèce et la manière singulière dont elle se propage, ont toujours été un sujet d'admiration pour les voyageurs. Elle forme un grand 320 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. arbre toujours vert dont les branches produisent de longs jets qui descendent vers la terre pour y prendre racine. Bientôt après ces jets forment des troncs semblables au premier, qui produisent à leur tour de nouveaux jets propres à s'enraciner ; de sorte qu'un arbre, en se propageant ainsi de tous côtés sans interruption, pourrait former à lui seul une forêt. Indépendamment des arbres qui appartiennent au genre figuier^ plusieurs autres végétaux dont les fruits ont paru avoir quelque rapport avec la figue, en ont porté le nom. Ainsi le bananier {Musa paradisiaca) a reçu le nom de figuier des Jndes, figuier d'Adam ou de Pharaon. Le figuier d'Inde est un cactus ; le figuier des Hottentots, un Mesemhryanthemum ; le figuier de Surinam est le Cecropia peltata ; le figuier maudit est le Clusia rosea, etc. Rrsine laque. La laque est une matière résineuse produite parla femelle d'un insecte hémiptère nommée Coccus lacca, laquelle vit dans l'Inde sur plusieurs arbre^s, qui sont entre autres le Ficus religiosa, L. Fig. 4oO. — Ficus rcligiosa. — Rameaux couverts de laque. — Section du fruit. {fig. 450), les Ficus indica, L. ; Bhamnus jujuba, L. ; Bulea froa- dosa, Roxb., etc.(l). Ces femelles, de même que celles du kermès (1) Le Croton laccifcrum de Ceylan laisse exsuder naturellement^ dans l'ais- selle des rameaux, ou par des incisions faites à son écorce,une résine qui paraît MORÉES. — RÉSINE LAQUE. 321 et de la cochenille, se fixent seules sur les arbres cités, se ras- semblent en grand nombre sur leurs jeunes branches, et s'y ser- rent tellement qu'elles ne laissent aucun vide entre elles. Là, elles se soudent au moyen de la matière résineuse qui exsude de leur corps, et bientôt après elles ne forment plus chacune qu'une cellule remplie d'un liquide rouge, au milieu duquel se trouve une vingtaine d'oeufs ou plus. Ces œufs éclosent, les larves se nourrissent du liquide qui les environne, et sortent ensuite à l'état d'insectes parfaits, laissant leur dépouille dans la cellule qui les contenait. Il paraît qu'il est préférable de récolter la laque plutôt avant qu'après la sortie de l'insecte. On connaît dans le commerce trois sortes de laque : celle en bâtonSy celle en grains, et la laque plate ou en écailles. La laque en bâtons est celle qui se trouve encore attachée à l'extrémité des branches de l'arbre. Elle y forme une couche plus ou moins épaisse, d'un rouge plus ou moins foncé. Elle est transparente sur les bords, brillante dans sa cassure, et offre, à l'intérieur, un très-grand nombre de cellules disposées circulai- rement tout autour du bois, et dont plusieurs contiennent encore l'insecte entier. Cette laque colore la salive lorsqu'on la mâche pendant quelque temps; elle répand une odeur forte et agréable quand on la chauffe ou qu'on la brûle. La loque en grains est celle qui s'est brisée et détachée des branches. Pour la pharmacie on doit choisir la plus foncée en couleur, car on la décolore souvent dans l'Inde, oti son principe colorant est très-usité dans la teinture des étoffes. La même chose a lieu pour la laque en écailles, qui se prépare en faisant fondre les deux autres sortes, après les avoir fait bouil- lir dans l'eau pure ou alcalinisée, les passant à travers une toile et les coulant sur une pierre plate. Cette laque ressemble pour la forme au verre d'antimoine; mais elle varie beaucoup en cou- leur, suivant qu'elle a été plus ou moins privée de son principe colorant : de là la distinction que l'on fait encore de la laque en écailles blonde, rouge ou b?'une. Pour les arts, qui en emploient une assez grande quantité, c'est la moins colorée qui est la plus estimée : pour la pharmacie, on doit préférer celle qui est rouge et transparente, comme étant plus rapprochée de son état na- turel. La laque n'est pas une résine pure; elle est composée, cepen- dant, d'une résine qui en fait la plus grande partie, d'une matière colorante rouge soluble dans l'eau et les acides, de cire et de avoir les propriétés de la laque ; cependant Valmont de Bomare avertit de ne pas confondre cette résine avec celle que le coccus lacca produit sur d'autres arbres. C'est celle-ci seule qui parait former la laque du commerce. GciBocRT, Drogues. "« édit. T. II. — 21 322 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. gluten. Voici, au reste, l'analyse comparée des trois sortes de laque, par Hatchett : Laque en bâtons Résine 68 Matière colorante . 10 Cire 0 Gluten 5,5 Corps étrangers 6,5 Perte 4,0 Laque Laque en g^rains. plate. 88,5 90,9 2,5 0,5 4,5 4,0 2,0 2,8 0,0 0,0 2,5 1,8 100,0 100,0 100,0 Les propriétés médicales de la laque sont d'être toniques et astringentes ; elle est employée comme dentifrice ; mais son plus grand usage est pour la fabrication de la cire à cacheter, pour la chapellerie et la teinture. On emploie aussi dans la teinture deux préparations indiennes de la laque ; l'une est le lac-laque^ qui est un précipité formé par l'alun dans une dissolution alcaline de résine laque (1); l'autre est le lac-dye, composition analogue, mais dont la préparation n'est pas bien connue. Peut-être est-ce celle qui se trouve indi- quée dans ]q Journal de Pharmacie (2). Laque de Guatemala. Cette résine est sous la forme de globules sphériques, de la grosseur d'un petit pois, offrant d'un côté l'em- preinle de la branche d'oii on les a détachés, quelquefois soudés plusieurs ensemble, mais le plus souvent isolés. Chaque globule est creux à l'intérieur, et les plus petits renfer- ment les débris d'un insecte et un nombre considérable de petites larves desséchées ; ntiais le plus grand nombre sont percés d'un trou et vides. Ces circonstances, presque semblables à celles qui signalent l'existence du Coccus lacca de l'Inde, nous indiquent que nous avons affaire à une production de même nature ; seulement l'espèce doit être différente. Cette laque, apportée de Guatemala par M. Bazire, se trouvait dans le droguier de l'École de pharmacie, partie dans son état naturel, partie fondue et sous la forme de bâtons longs et étroits, réunis en bottes à l'aide d'une écorce fibreuse. Celle laque est moins rouge que celle de Tlnde, et, lorsqu'elle a été fondue, elle a une teinte noirâtre peu agréable. Elle exhale, étant chaude, une odeur analogue à celle de la laque de l'Inde, et brûle de même avec une belle tlamme blanche. La chaleur lui communique, en outre, une élasticité qui la rapproche du caoutchouc; enfin elle oflre dans sa «aveur un goût marqué d'acide succinique. (1) Annales de chimie et dephys.^ t. III, p. 225. (2) Journal de pharn^acie, tome MU, p. 624. MORÉES. — MURIER NOIR. Mûrier noir. 323 Morus nigra, L. Arbre de 7 à 13 mètres de hauteur (^^. 451), formant une tête plus ou moins arrondie. Les feuilles sont pétio- lées, cordiformes, aiguës à l'extrémité, dentées, glabres et rudes au toucher en dessus, pubescentes en dessous, très -souvent en- Fig. 451. — Mûrier noir. tières, quelquefois partagées en plusieurs lobes. Les fleurs mâles et les femelles sont disposées en chatons séparés, tantôt portés sur le même individu, d'autres fois dioïques. Les fleurs mâles forment des épis allongés, et sont pourvues d'un périanthe à 4 divisions ovales, et de 4 étamines à filets droits plus longs que le périanthe. Les fleurs femelles forment des chatons ovoïdes et denses, courtement pédoncules. Chaque fleur porte un périan- the à 4 divisions opposées, dont 2 extérieures plus grandes. L'ovaire est supère, sessile, pourvu de deux styles divergents, et divisé intérieurement en deux loges dont chacune contient un ovule ; mais un de ces ovules et sa loge avortent constamment, et le fruit est un achaine qui reste entouré par les folioles du pé- rianthe accrues et devenues succulentes et bacciformes. Tous ces fruits, très-rapprochés, forment un fruit agrégé ovoïde et succulent qui a reçu le nom particulier de sorose; le vulgaire considère cette 324 DICOTYLÉDONES MOiNOCHLAMYDÉES. sorose comme un fruit et lui donne le nom de mûre. Il mûrit depuis la fin de juillet jusqu'au mois de septembre : il est vert d'abord, puis rouge, enfin presque noir. 11 est alors rempli d'un suc rouge très-foncé, très-visqueux, sucré, acide et d'un goût assez agréable. On en prépare un sirop rafraîchissant et légère- ment astringent. Le mûrier noir, de même que la plupart de nos arbres fruitiers, paraît originaire du Levant, mais il a été intro- duit, il y a si longtemps, dans la Grèce et dans l'Italie, qu'on l'y regarde comme indigène. Ce sont les Romains qui l'ont apporté dans la Gaule, où il se rend utile, non-seulement par ses fruits, mais encore par ses feuilles qui peuvent servir de nourriture pour le ver à soie. Mais il le cède beaucoup, sous ce dernier rap- port, au mûrier blanc {Morus alba, L.), qui est originaire de la Chine, comme la culture du ver à soie, et qui a suivi cette culture de la Chine dans l'Inde et dans la Perse; de la Perse à Gonstan- tinople, sous le règne de Justinien ; plus tard en Sicile et dans la Calabre, du temps de Roger; enfin en France, après la conquête de Naples par Charles VIII. On voyait encore, en 1802, à Allan, près de Montélimart (Drôme), le premier mûrier blanc qui y fut planté par Guy-Pape, vers l'époque dont nous parlons. L'écorce de mûrier noir, et principalement celle de la racine, est acre, amère, purgative et vermifuge. Dioscoride la cite comme propre à détruire le ténia. Le bois de mûrier, à part l'aubier qui est blanc, est d'un jaune foncé, très-solide, susceptible de poli, inattaquable par les insectes, et peut servir à faire des meubles ou des ustensiles. Il présente, sur sa coupe perpendiculaire à l'axe et polie, des cercles blanchâtres, régulièrement espacés sur un fond jaune, avec des lignes radiaires très-serrées et un pointillé blanchâtre dû aux fibres ligneuses. Il a l'inconvénient de prendre à l'air une couleur brune peu agréable. Le bois du mûrier rouge d' Amérique (Morus rubra) est entière- ment semblable. Celui du mûrier blanc est d'un jaune plus pâle et brunit moins à l'air; de sorte qu'on pourrait en faire de beaux meubles. Je citerai encore, comme produisant des bois utiles ou pouvant être utilisés, les arbres suivants : lie Mûrier à papier. Broussonetia papyrifera de Ventenal. Morus papyrifera, L. Arbre originaire de la Chine, dont on n'a connu en Europe, pendant long- temps, que les individus mâles, jusqu'à ce que Broussonet eût décou- vert en Ecosse le papyrier femelle qui y était cultivé sans y être connu. Cet arbre est très-répandu dans la Chine, au Japon et dans les îles de rOcéanie, où son écorce fibreuse sert à faire du papier et des étoffes. Son bois est d'un jaune très-pâle, poreux, léger el prenant mal le poli. On ne pourrait guère l'uliUser que pour l'intérieur des meubles. MORÉES. — BOIS JAUNE DU BRÉSIL. 325 Bois de llaclara. — Bois «l'arc de la Louisiane. Bow-woodj Engl., Madura aurantiaca, Nutt. Cet arbre porte une so- rose globuleuse de la grosseur et de la couleur d'une orange, pleine d'un suc jaune et fétide dont les Indiens se peignent la face pour se rendre plus effrayants à la guerre. Le bois est tout à fait semblable à celui du mûrier noir ; mais il perd sa couleur jaune à l'air et à la lu- mière, pour en prendre une brune foncée, désagréable. Bois jaune des teinturiers. Morus tinctoria, L., Broussonetia tinctoria, Kunth, Madura tinctoria^ Nuttal. Cet arbre croît aux Antilles et au Mexique, où il acquiert des dimensions considérables, et où ses soroses sapides sont employées par les médecins en place de nos mûres. Son bois vient principalement de Cuba et de Tampico : il est en bûches quelquefois énormes de grosseur et de poids (loO kilogrammes), mondées à la hache, d'un brun jaunâtre à l'extérieur, d'un jaune vif et foncé à l'intérieur, avec des filets d'un rouge orangé. Ce bois est dur, compacte, susceptible d'un beau poli, et pourrait faire de très-beaux meubles, malgré la couleur mordorée qu'il prend à l'air, laquelle, d'ailleurs, est loin d'être désagréable; mais il est exclusivement employé pour la teinture en jaune. Il contient, en effet, un principe colorant jaune (le morin) cristallisable, peu soluble dans l'eau, plus soluble dans l'alcool et dans l'éther, faiblissant par les acides, devenant orangé par les alcalis, et colorant en vert le sulfate de fer. J'ai eu l'occasion d'examiner anciennement une matière résinoïde nommée moelle de Cuba, qui était proposée pour le traitement de la tei- gne. J'ai facilement déterminé l'origine de cette substance, en ayant trouvé plusieurs fois de semblable dans des cavités ou fissures du bois jaune de Cuba. Cette substance, qui me paraît être formée du principe colorant presque à l'état de pureté, a la forme de plaques jaunes, efflorescentes, marbrées de rouge à l'intérieur, et ayant presque l'as- pect de l'orpiment naturel. Elle a une saveur amère et sucrée non dé- sagréable, est très-peu soluble dans l'eau froide, mais facilement et entièrement soluble dans l'alcool. Les Anglais désignent à tort le bois jaune sous le nom de fustic, et les Portugais sous celui de fustete, ce qui tend à le faire confondre avec le vrai fustet {Uhus coiimis). Bois jaune du Brésil. M. Martius mentionne dans son Systema materise med. veget. brasi- liensis (page 123), trois espèces de Broussonetia à bois jaune, qui peuvent répondre indifféremment au tatai-iba de Margratf et Pison, et qu'il nommo. Br.tindoriaj zanthoxylon, brasiliensis. Il n'est donc pas étonnant qu'on trouve dans le commerce deux bois jaunes du Brésil différents de celui de Cuba, produits sans doute par les deux derniers Broussone- tia, sdius qu'on puisse les attribuer plus spécialement à l'un ou à l'autre. Le premier, connu dans le commerce sous le nom de bois jaune du 326 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. Brésil, arrive en billes considérables équarries, d'un jaune pâle à l'in- térieur. Ce bois a une texture très-fine, compacte, prend un poli satiné, et ne change pas à l'air. Il imite assez bien le bois citron de Haïti, ou hispanille; mais il est inodore. II. est quelquefois pourvu de débris d'une écorce épaisse, dont la couche subéreuse est imprégnée d'un suc jaune analogue à la moelle de Cuba. Bois jaune de Para. Ce bois, fort différent du précédent, a les fibres disposées par couches enchevêtrées, comme celles du santal rouge et de quelques autres lé- gumineuses. De quelque côté qu'on le coupe, ces fibres viennent for- mer à la surface de petites lignes creuses, comme des traits de burin, ■qui nuisent à son poli. Ce défaut, joint à son changement de couleur qui, du jaune pâle passe au brun sale, doit nuire à l'emploi de ce bois pour l'ébénisterie. Sa force et sa ténacité peuvent cependant le rendre utile d'une autre manière. Ce même bois est quelquefois vendu sous le nom de noyer de la Gua- deloupe, par confusion, sans doute, avec un bois du même genre prove- nant de cette île. Il est, en effet, arrivé de la Guadeloupe, dans ces der- nières années, sous le nom de bois de Résolu, un bois d'un jaune pâle qui a beaucoup de rapports avec le bois jaune de Para, et qui est pno- bablement celui qui a porté le nom de noyer de la Guadeloupe, Bois baguasse. Bagassa guyanensis d'Aublet. Bois d'un jaune foncé devenant d'un jaune brun foncé à l'air. 11 a une structure semblable à celle du bois jaune de Para, mais bien plus grossière; il n'offre pas sur la coupe les cercles concentriques blanchâtres des bois de mûrier et de maclura. Il ne prend qu'un poli imparfait. FAMILLE DES ARTOCARPÉES. Les végétaux compris dans cette famille ne diffèrent guère des précé- dents que par l'absence complète de l'endosperme dans la graine. Ce sont donc, en général, des arbres à suc laiteux, à feuilles alternes sim- ples ou divisées, accompagnées de stipules caduques. Les fleurs sont monoïques ou dioïques ; les fleurs mâles disposées en chatons denses et allongés, et les fleurs femelles portées en grand nombre sur des ré- ceptacles charnus; les fruits, formés par la soudure des ovaires fécon- dés, constituent des soroses qui peuvent acquérir de grandes dimen- sions,'par exemple dans le jaquier ou arbre à pain {Artocarpris, de âproç, ,pain, jcapiro;, fruit), dont les fruits servent encore aujourd'hui de pain «l'Une partie des peuplés de la Malaisie et del'Océanie. 11 y a deux espèces principales d'A?'tocarpus : Tune, nommée rima (Artocarpus incisa), est un arbre haut de 13 à 14 mètres {fig.. 452), dont les feuilles, très-grandes et incisées, ressemblent ARTOCARPÉES. 327 à celles du figuier; les fruits, ou soroses, sont verdâtres, plus gros que la tête, couverts de tubercules polyédriques, et contiennent, près de la surface, au milieu d'une pulpe farineuse, de 10 à 60 semences grosses comme des châtaignes, et qui se mangent de la même manière. Mais c'est la pulpe farineuse qui forme la partie la plus importante du fruit; car on la mange comme du pain, après l'avoir fait cuire au four. Il y a une variété de rima Fig. 452. — Jaquier découpé (*). à sorose apyrène, plus grosse que la sorose. à graines, et plus utile encore, puisqu'elle est uniquement formée de pulpe propre à faire du pain. Cet arbre, répandu naturellement dans toutes les îles de l'Océahie, est aujourd'hui cultivé dans les Antilles. La deuxième espèce, \e jaca(Ar tocar pus integi^i folio), ix\)])2irl\eni plus spécialement aux îles Malaises et à l'Inde. L'arbre est élevé de 13 à 16 mètres, sur un tronc considérable; les feuilles sont plus petites que dans la première espèce, et entières. Les chatons mâles et femelles, et par suite les soroses, sont portés sur le tronc et les gros rameaux. Ces dernières pèsent de 25 à 30 kilog., et quelquefois 40 kilog. Les graines sont plus petites que dans la première espèce, et également bonnes à manger. La pulpe est (*) i. Feuilles et chaton florifères. — 2. Fruit. 328 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDEES. jaunâtre, mollasse, très-sucrée, mais d'une odeur désagréable. On trouve dans le commerce anglais, sous le nom de jack vood, le bois de l'un ou l'autre des arbres précédents. Il est d'un jaune pâle, perdant sa couleur et brunissant à l'air lorsqu'il n'est pas verni, mais il conserve une belle couleur jaune lorsqu'il est verni. Il est très-léger et un peu satiné. Je dois citer encore comme appartenant aux Artocarpées, deux arbres de propriétés et d'usages bien différents, puisque l'un sert à nourrir les hommes, et l'autre à les détruire. Le premier est V arbre à la vache {Galactodendron utile)^ observé par de Humboldt dans plusieurs parties de la Colombie. Cet arbre fournit, par des incisions faites au tronc, une grande quantité d'un suc blanc et doux comme du lait, que les habitants boivent à l'instar du lait de vache (I); le second est Vantiar des Javanais {Antaris toxtcaria), dont le suc, très-vénéneux, sert aux indigènes pour empoisonner leurs flèches. Enfin, je dois nommer le Piratinera guyanensïs d'Aublet, arbre de 16 à 18 mètres d'élévation, dont le tronc peut avoir 1 mètre de diamètre; le bois en est blanc, dur et compacte, à l'exception du cœur, qui forme au centre un cylindre de 10 à 15 centimètres de diamètre. Ce dernier bois est très-dur, très- compacte, d'un rouge foncé, avec des taches noires qui imitent sur la coupe longitudinale l'écriture chinoise. De là vient qu'on lui donne le nom de bois de lettres de Chine, ou de bois de lettres moucheté ; on le nomme aussi bois d' amourette moucheté. Il vient de Cayenne, ainsi qu'un autre bois plus large, nommé plus spéciale- ment amourette de Cayenne^ qui est très-dense, d'un rouge mar- bré de noir, muni d'un aubier rougeâtre, très-pesant pareillement, bien moins large que le bois. Ce bois contient quelquefois dans ses parties cariées, une résine brune, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et les alcalis. J'ignore quel arbre le pro- duit. FAMILLE DES URTICACÉES. Feuilles opposées ou alternes, pétiolées, entières^ dentées ou quel- quefois palmées ; stipules ordinairementpersistantes; fleurs polygames, très-souvent monoïques ou dioïques par avortement; disposées en épis, entête, ou paniculées; ovaire libre, sessile, uniloculaire, contenant un seul ovule dressé ; fruit nu, ou renfermé dans le périanthe sec ou de- venu bacciform^. Semence dressée, couverte d'un épisperme souvent soudé avec l'endocarpe ; embryon antitrope, dans l'axe d'un endos- perme charnu; cotylédons ovés, plats; radicule courte, cylindrique, supère. (1) Ânn. dechim. etdephys., t. VII, p. 182. URTIGÂCEES. — PARIETAIRE. 329 Orties. Ces plantes sont généralement herbacées, à écorce fibreuse susceptible d'être travaillée comme le chanvre et le lin; à feuilles stipulées, dentées, pourvues de poils canaliculés et glanduleux à la base, par oh s'écoule une liqueur acre et caustique contenant de l'acide formique qui produit une chaleur brûlante et des am- poules sur la peau. Les fleurs sont verdâtres, unisexuelles, ordi- nairement monoïques ; les fleurs mâles sont disposées en grappes et formées d'un périanthe à 4 folioles arrondies et de 4 étamines. Les fleurs femelles ont un périanthe à 4 folioles dressées, dont 2 extérieures plus petites, quelquefois nulles, et 2 intérieures plus grandes; l'ovaire est supère, surmontée d'un stigmate velu; le fruit est entouré par le périanthe persistant, membraneux ou ayant l'apparence d'une baie. Les deux espèces principales de notre pays sont : L'Ortie GRiÈcoE ou Ortie brûlante, Uriicaurens, L. Plante an- nuelle, haute de 33 à 50 centimètres, à feuilles opposées, ovales, portées sur de longs pétioles; les fleurs sont monoïques, réunies en grappes courtes, opposées et axillaires. Toute la plante est couverte de poils très-piquants et brûlants ; on s'en sert pour pra- tiquer Vurtication, qui consiste à battre avec une poignée d'orties fraîches une région du corps sur laquelle on veut appeler l'irrita- tion. La plante sèche perd toute son action irritante. La GRANDE Ortie ou Ortie dioïque, Urtîca dioica, L. Sa tige est tétragone, haute de 65 centimètres à 1 mètre, pubescente, très- fibreuse ; ses feuilles sont opposées, lancéolées-cordiformes, grossièrement dentées, moins piquantes que celles de l'espèce précédente; ses fleurs sont dioïques, herbacées, en grappes pen- dantes ; ses semences sont oléagineuses, diurétiques suivant les uns, purgatives suivant d'autres. La grande ortie sert de nourri- ture aux bestiaux, dont elle augmente le lait. Les anciens l'em- ployaient comme excitante, emménagogue, apéritive et astrin- gente. M. le docteur Friard a publié (1) une observation sur les effets singuliers des tiges de V ortie dioïque, (C'est par erreur que le Mémoire imprimé nomme l'ortie brûlante.) Pariétaire. Parietaria officinalis, L. — Car. gén. : périanthe court, évasé, à 4 folioles; 4 étamines à fllaments subulés, recourbés avant la fé- condation, se redressant alors avec élasticité et devenant plus longs que le périanthe ; ovaire supère, ovoïde; style filiforme; . (1) Journal de pharmacie, t. XXI, p. 290. 330 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDÉES. stigmate en pinceau ; un seul fruit luisant, ovoïde, au fond du périanlhe persistant. La pariétaire présente une racine fibreuse, vivace ; une tige rougeâtre, ramifiée dès sa base, haute de 0°^, 50, pubescente, toute garnie de feuilles : les feuilles sont alternes, /^o/^\ pétiolées, ovales-lancéolées, pointues, un peu V^q'^A luisantes en dessus, velues et nerveuses en des- //^ 'o^) ^ sous, s*altachant facilement aux habits; les ^""^_^^ fleurs sont petites, vertes, ramassées par pelo- ^. „,, D • * • tons ifiq. 453) dans l'aisselle des feuilles, pres- Fig. 453. — Pctrietaria. \i a / j i Giomeruie de fleurs fe- que scssilcs; OU obscrvc daus chaquc groupc meiies et hermaphro- plusieurs flcurs hermaphrodites à ovaire stérile, dites dans uuinvolucre '^ '^ ' commun. et uuc scule fleur femelle. Cette plante est com- mune dans les fentes des vieux murs et le long des haies. Elle paraît contenir une quantité notable de nitre, au- quel elle doit sa propriété diurétique. FAMILLE DES CANNABINÉES. Herbes annuelles, dressées, ou vivaces et volubiles, à suc aqueux; feuilles opposées, à stipules persistantes ou caduques. Fleurs dioïques : fleurs mâles en grappes ou paniculées; périanthe herbacé, penla- phylle: 5 étamines insérées au fond du périanthe et opposées à ses di. visions, fleurs femelles en épis agglomérés, accompagnées chacune d'une bractée, ou en chatons à bractées foliacées, imbriquées, biflores; périanthe monopbylle embrassant 1 ovaire uniloculaire, surmonté de 4 style court ou nul, de 2 stigmates filiformes, pubescents. Le fruit est un cariopse bivalve, indéhiscent, ou un achaine renfermé dans le pé- rianthe accru et persistant. La semence est dressée, privée d'endos- perme ; l'embryon est recourbé en crochet ou en spirale; la radicule est supère. Cette famille se compose des seuls genres Cannabis (chanvre) et Humulus (houblon). ChanTre cultivé {fig. 454). Cannabis sativa. Belle plante, originaire de TAsie, dont la tige est droite, d'une hauteur très-variable, ramifiée, garnie de feuilles profondément incisées, à divisions palmées, dentées, aiguës; feuilles opposées sur le bas de la tige, alternes à la partie supé- rieure. Les fleurs sont dioïques; l'individu mâle est plus petit, plus grêle et se dessèche plus vite que l'individu femelle; cette faiblesse relative est cause que le vulgaire donne au chanvre mâle le nom de chanvre femelle et réciproquement. Les fleurs mâles ont 1 périanthe pentaphylle et 5 étamines ; le périanthe des fleurs femelles est monopbylle, persistant et embrasse le fruit qui est un achaine ovale, lisse, verdâtre, à 2 valves se séparanj; CÂNNABINÉES. — CHANVRE CULTIVÉ. 331 par la pression. La semence est huileuse, émulsive, d'une odeur un peu vireuse. On en relire une huile qui sert pour l'éclairage et pour la fabrication du savon noir. Le chanvre est cultivé dans presque tous les pays à cause de ses fibres corticales, qui, sépa- rées de la partie ligneuse par le rouissage (i), constituent la fi- lasse dont on fabrique ensuite de la toile et des cordages. Le chanvre est pourvu d'une propriété enivrante, exhilarante et narcotique, qui paraît résider dans une matière gl'utino-rési- neuse qui exsude de glandes placées à la surface delà tige et des feuilles. Mais cette propriété est beaucoup plus développée dans le chanvre de l'Inde et de la Perse, dont quelques botanis- tes ont fait une espèce particu- lière, sous le nom de Cannabis indica. Aujourd'hui on ne lui reconnaît aucune différence es- sentielle avec lé chanvre d'Eu- rope, et on attribue la différence Fiiî. 454. — ChaQ\re cultivé. réelle qui existe entre leurs propriétés à l'influence géné- rale de la tempér.ilure sur la production des principes actifs des végétaux. Cette raison est sans doute très-fondée, mais il me semble aussi que les deux plantes ne sont pas complètement identiques. La plante de l'Inde est beaucoup plus grande, puis- que, dans nos jardins mêmes, elle atteint facilement.4- à 5 mètres (1) Le rouissage estime opération qui consiste à faire tremper, pendant un certain nombre de jours, le chanvre dans une eau stagnante, afin de dissoudre ou de détruire, par la putréfaction, les parties mucilagineuses ou autres, qui unissent les fibres corticales entre elles et au bois. Cette opération communique à l'eau des qualités malfaisantes, et les émanations qui s'en exhalent peuvent occasionner des maladies graves dans les lieux où on la pratique. Aussi est-il défendu d'établir des rouioirs dans le voisinage des habitations, et dans les rivières ou dans les eaux qui servent à la boisson des hommes et des animaux. (Voyez Parent-Duchâtelet, Annales d'hygiène publique et de médecine légale^ t. I. p. 3S5 ; t. Vif, p. 237. — Roucher, Du Rouissage considéré au point de vue de l hygiène publique et de son introductioji en Algérie [Ann. d'hyg. publique, 1864, 2^ série, t. XXII. p. 278].) 332 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDÉES. de hauteur; ses feuilles sont plus souvent alternes et ses fruits sont manifestement plus petits. On se procure la résine de cette plante par un procédé singulier qui a de l'analogie avec celui qui est usité dans les îles grecques pour la récolte du laudanum. Des hommes, recouverts d'un habil- lement de cuir, parcourent les champs de chanvre, en se frottant autant que possible contre les plantes. La résine molle qui les recouvre s'attache au cuir; elle en est ensuite séparée et pétrie en petites boules auxquelles on donne le nom de churrus ou de cherris. En Perse, on prépare le churrus en exprimant la plante pilée dans une toile grossière. La résine s'attache au tissu et est séparée par le ratissage. Cette résine possède à un très-haut degré les propriétés enivrantes de la plante. La plante elle-même, séchée avec soin, est vendue sous les noms de ganja ou gunjah et de bang. [Le ganja est sous forme de gâteaux plats, composés de tiges et de sommités fleuries : son odeur est très-aromatique, sa couleur d'un vert brunâtre, son toucher résineux. Cette sorte, très-estimée, vient des montagnes du nord de l'Inde, d'après d'au- tres de la partie moyenne du Bengale. Elle arrive peu en Europe et est surtout destinée aux fumeurs des Indes. Le bang ou guaza, récolté principalement dans les parties basses du pays et aussi autour de Hérat, est sous la forme de feuilles sèches, à peine accompagnées de quelques fragments de t'ges, mais bien d'une quantité considérable de fleurs femelles. L'odeur est bien moins forte que celle du ganja et la matière résineuse manque presque complètement. Cette sorte, qui arrive presque seule en Europe, sert à faire une boisson épaisse qu'on nomme subdschi et à la- quelle on attribue des propriétés salutaires (I).] Enfin, on emploie de temps immémorial, en Arabie et dans tous les pays qui ont été soumis à la domination arabe, une pré- paration grasse de feuilles de chanvre, qui porte le nom de haschish ou hachich. C'est cette même préparation dont les effets enivrants et hilarants ont été étudiés par quelques hommes sé- rieux, mais qui pourra devenir une source de dépravation pour beaucoup d'autres qui, blasés sur les plaisirs permis, en recher- chent d'impossibles dans les divagations d'un entendement perverti. [D'après M. Personne (2), le principe actif du Cannabis indica est une huile essentielle, assez fluide, plus légère que l'eau, d'une couleur ambrée, à odeur de chanvre caractéristique : à un froid (1) Voir Extrait d'une lettre de M. Miiller, sur les Préparations extraites du Cannabis sativa [Journal de pharmacie et de chimie, 3* série, t. XXVII, p. 296). (2) Robiquet, Rapport sur le Concours relatif à V analyse du chanvre [Journal de pharmacie et de chimie, 3* série, t. XXXI, p. 46). CANNABINÉES. — HOUBLON. 333 de 12*» à i^'*, elle se congèle et donne une foule de cristaux. Elle est formée par le mélange de deux carbures d'hydrogène ; un liquide et incolore, C^^H^^ bouillant de 235° à 240°; on le nomme cannabène ; Tautre, C^^H^'*, cristallisant dans Talcool en petites écailles d'un éclat gras, et n'ayant qu'une odeur faible de chan- vre : M. Personne le regarde comme un hydrure de cannabène.] Houblon {fig, 455). Humulus Lupulus, L. Le houblon est pourvu de racines fibreuses, ligneuses et vivaces, qui produisent tous les ans des tiges herba- Fig. 455. — Houblon. cées, sarmenteuses, hautes de 5 à 6 mètres, grimpant et s*entor- tillant autour des arbres ou des supports qui se trouvent à leur portée. Les feuilles sont opposées, péliolées, échancrées en cœur à la base, à 3 ou 5 lobes, et dentées sur le bord. Les fleurs ont une couleur herbacée et sont toutes mâles sur un pied, toutes femelles sur un autre. Les premières sont en petites grappes pani- culées au sommet des rameaux; les fleurs femelles naissent aux aisselles des feuilles supérieures; elles sont disposées en cônes {fig. 456) formés d'écaillés membraneuses, au bas de chacune desquelles se trouve 1 ovaire surmonté de 2 styles subulés, ouverts, à stig- 334 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. mates aigus. Le fruit qui succède à chaque fleur femelle est une petite graine arrondie, roussâtre, enveloppée par l'écaillé calici- nale qui a persisté. Le houblon croit en France dans les haies : il est cultivé avec soin dans plusieurs contrées, notamment en Flandre et en Belgi- que, à cause de ses cônes résineux et odorants, qui entrent dans la fabrication de la bière. Toutes les parties de la plante sont pourvues d'un principe amer qui les fait employer contre les ma- ladies du système lymphatique; mais ce sont surtout les cônes qui, lorsqu'ils sont d'une bonne qualité, sont chargés d'une pous- sière résineuse, jaune, odorante, à laquelle on attribue princi- palement les propriétés médicales du houblon. Cette poussière avait d'abord été considérée comme un principe immédiat et avait reçu le nom de lupuline ; mais l'examen chimique a montré qu'elle était elle-même formée d'un grand nombre de principes immédiats, et surtout de résine^ d'huile volatile et d'une jnatière arrière^ soluble également dans l'eau et dans l'alcool, et commu- niquant à l'eau la propriété de mousser fortement par l'agitation. [M. Personne, dans son beau travail sur le lupulin (1), a étudié ces trois substances et est arrivé aux résultats suivants : la 7'ésine, de consistance variable, a une couleur jaune d'or ou jaune orangé, et devient presque noire au contact de l'air. Les alcalis la dissolvent en partie à froid et en séparent une matière insolu- ble. V huile essentielle est un mélange de deux essences : un car- bure d'hydrogène C^W, isomère de Tessence de térébenthine; et une essence oxygénée C^^B.^^0^, le valérol. La couleur de cette huile varie du vert au jaune-rouge, suivant que le houblon dont on l'extrait est récent ou déjà desséché. Enfin la matière arrière doit se ranger, d'après l'ensemble de ses propriétés, auprès des alcaloïdes. M. Personne n'a pu cependant l'obtenir à l'état de pureté complète. M. Lermer, chimiste alle- mand, parartt avoir été plus heureux et avoir obtenu cette sub- stance à l'état de cristaux (2).] On doit àL. Raspail une observation fort curieuse sur la pous- sière jaune du houblon. C'est que cette matière qui, à la loupe, paraît sous la forme de petites gouttes résineuses, transparentes et homogènes, est véritablement organisée. Mais, à part cela, je n'ai pu vérifier les détails d'organisation observés par M. Raspail, et, par conséquent, je n'admets pas, d'après lui, que cette sub- (1) Histoire chimique du lupulin {Journal de pharmacie et de chimie^ 3* série, t. XXVI, p. 329). —Voir aussi A. Méhu^ Étude du houblon et du lupulin. Thèse de l'École de pharmacie de Montpellier, 1867. (2) Lermer, Recherches sur le principe amer du houblon [Polytechnischen cen~ tralblattj 1863, p. 1225; et Union pharmaceutique, \Q.ï\y\Q\\\^Q'k). EUPHORBIÂCEES. 335 slance soit un pollen solitaire, naissant sur toutes les parties des cônes du houblon femelle et pouvant servira sa fécondation, et encore moins que les glandes vésiculaires des jeunes feuilles de houblon soient également un pollen nécessaire au développement des bourgeons. Tout ce que l'observation microscopique m'a fait voir dans la poussière jaune du houblon, après l'avoir épuisée de ses principes solubles dans l'alcool, consiste à l'avoir trouvée for- mée d'une masse uniforme de tissus cellulaires, amincie en cône et pédiculée du côté qui l'attachait à la plante, évasée et bombée du côté opposé {fig, 457). Je suis porté, en conséquence, à consi- dérer cette matière comme une glande formée par l'exubérance de petites parties du lissu cellulaire, et imprégnée de résine. Fig. 456. — Côuc de houblon. Fig. 4b7. — Cône de houblon (*). [Les observations de M. Personne sur ces grains de lupulin et sur leur mode de développement {fig. 457) confirment pleine- ment cette opinion. Elles montrent que le lupulin commence par la dilatation d'une cellule épidermique, qui se divise en plusieurs autres de manière à former à un moment donné une sorte de disque rayonné attaché par un pédicule. Les bords se re- lèvent et le disque devient cupiliforme : la cuticule qui revôt la cavité de la capsule est alors soulevée par une sécrétion jaunâtre : elle est ainsi refoulée peu à peu vers l'extérieur comme un doigt de gant et forme au-dessus de la capsule un corps conoïde. Le lupulin est alors arrivé à son développement complet.] FAMILLE DES EUPHORBIACEES. Feuilles communément alternes, quelquefois opposées, accompagnées ou privées de stipules; quelquefois nulles elles-mêmes, la plante étant réduite à l'état d'une tige charnue, cactiforme. Les fleurs sont uni- (*) a, lupulin commençant à se former; h, lupulin composé de deux utricules ; c, lupulin pédicule; d, lupulin en forme de coupe striée; e, lupulin devenu glandiforme. 336 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDÉES. sexuées, monoïques ou dioïques, solitaires, fasciculées, ou disposées en grappes ou en épis, quelquefois les fleurs mâles et femelles sont entourées d'un involucre commun, simulant une fleur hermaphrodite. Le périanthe est libre, simple, rarement double, à 3, 4, 5 ou 6 divi- sions munies intérieurement d'appendices écailleux ou glanduleux ; les étamines sont en nombre défini ou indéfini, insérées au centre de la fleur ou sous un rudiment d'ovaire; les filets sont libres ou soudés, les anthères inlrorses ou extrorses, biloculaires, à loges souvent dis- tinctes ; les fleurs femelles ont un ovaire libre, sessile ou très-rare- ment stipité, ordinairement triloculaire, rarement bi-ou pluriloculaire; chaque loge renferme 1 ou 2 ovules collatéraux, suspendus à l'angle central, au-dessous du sommet. Du sommet de l'ovaire naissent autant de stigmates qu'il y a déloges, généralement sessiles, allongés, bifides ou même multifides. Le fruit est sec ou légèrement charnu, composé d'autant de coques soudées qu'il y avait de loges à l'ovaire; chaque coque, ordinairement bivalve et s'ouvrant avec élasticité, contient une ou deux graines suspendues à l'angle interne ; l'épispermeestcrustacé, épais et formé de deux couches très-distinctes ; l'endosperme est charnu, huileux, renfermant un embryon homotrope, à cotylédons fo- liacés, à radicule supère. Les Euphorbiacées composent une famille très-vaste, multiforme et cependant très-naturelle, qui tire son principal caractère de la struc- ture de son fruit polycoque. La plupart sontpourvues d'un suc laiteux, très-âcre et souvent vénéneux; quelques-unes sont aromatiques. Les semences sont huileuses, rarement comestibles, le plus souvent plus ou moins fortement purgatives. Quelques Euphorbiacées sont pourvues de racines féculentes qui sont d'un grand intérêt pour la nourriture des peuples de l'Amérique. M. Millier (d'Argovie) (1) a distribué de la façon suivante les genres d'Euphorbiacées : SECTION ^^ — Sténolobées. Cotylédons semi-cylindriques, ne dépas- sant pas sensiblement la radicule en largeur, et beaucoup plus étroits que l'albumen. Tribu V^. — Calétiées. Loges des ovaires bi-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation valvaire. Calelia, etc. Tribu II. — Ricinocarpées. Loges 1-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation quinconciale. Ricinocarpus^ etc. Tribu 111. — Ampérées. Loges 1-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation valvaire ou subvalvaire. Amperea, etc. SECTION II. — Platolobées. Cotylédons plats, plus larges que la radicule ; presque aussi larges que l'albumen. Tribu IV. — Phyllauthées. Loges 2-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation quinconciale. Phyllanihiis, etc. Tribu V. — Bridéliées. Loges 2-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation valvaire. Bridelia, etc. Tribu VI. — Crotonées. Loges 1-ovulées. Calice des fleurs mâles à (I) Dans sa monographie destinée au Prodromus de De Candolle. EUPHORBIACÉES. — EUPHORBES. 337 estivation quinconcialo. Anthères inQéchies dansle bouton. Croton^Ju- locToton, etc. Tribu VII. — .âcalyphées. Loges 1-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation valvaire. Anthères dressées dans le bouton, fleurs à l'aisselle de bractées, ou involucrées. Involucres uni-sexuels. Aleurites, Mercu- rialiSj Acalypha, Ricinus, Crozophordj etc. Tribu VIII. — Ilippomanées. Loges 1-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation quinconciale. Étamines quelquefois insérées autour d'un disque central. Anthères dressées dans le boulon. Fleurs à l'ais- selle de bractées ou involucres. Involucres unisexuels. Cluytia, Jatro- pha, Manihot, Stiilingiaj Hippomanej Sapium, Hura, etc. Tribu IX. — Dalechampiées. Loges 1-ovulées. Calice des fleurs mâles à estivation valvaire. Anthères dressées dans le bouton. Fleurs involucrées, involucres bi-sexuels. Involucre comprimé diphylle. Fleurs mâles polyandres. Dalechampia. Tribu X. — Eaphorbiées. Loges I-ovulées. Calice des fleurs mâles (rarement développé) à estivation quinconciale. Anthères dressées dans le bouton. Fleurs involucrées, involucres bi-sexuels. Involucre calyci- forme non comprimé. Fleurs mâles monandres. Euphorbia. Euphorbes. Il y a peu de genres dans le règne végétal qui justifient mieux que celui-ci l'idée que les végétaux analogues par leurs caractères de classification, le sont également par leurs principes consti- tuants et par leurs propriétés toxiques ou médicales. Il n'y a, en efl'el, pas une des espèces qui le composent qui ne soit remplie d'un suc laiteux, et douée de propriétés acres et corrosives telle- ment intenses qu'on ne saurait les employer avec trop de pru- dence, et seulement à défaut de médicaments moins actifs, dont il soit plus facile de régler les efl'els. Linné, considérant les euphorbes comme hermaphrodites (1), les avait rangés danssadodécandrie trigynie, et leur donnait pour caractère un calice monophylle à 4 ou 5 divisions; une corolle à 4 ou 5 pétales alternes avec les divisions du calice; 12 à 15 éta- mines fixées au réceptacle et entremêlées de filaments stériles; un ovaire pédicellé au centre de la fleur, surmonté de 3 styles bifides; une capsule saillante hors du calice, formée de 3 coques monospermes. Mais aujourd'hui les botanistes considèrent le ca- lice et la corolle de Linné comme un involucre qui renferme autant de fleurs monandres qu'il y a d'étamines, accompagnées chacune d'un périanthe propre, écailleux, lacinié; au centre do (1) [La même opinion a "été reprise par M. Bâillon, et discutée dans sjn Etude générale du groupe des Euphorbia:ées. Pai'is, 1858.] GoiB^uRT, Drogues, 7« édit. T. II. — 2 2 338 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDEES. toutes ces fleurs mâles se trouve une seule fleur femelle pédicel- lée, accompagnée quelquefois d'une autre avortée {fig.Â^S), Le port des euphorbes est très-variable : quelques-uns ont une lige épaisse, charnue, anguleuse, aphylle, ressemblant beaucoup à celle des Cactus, et armée sur les an- gles d'épines géminées ou solitaires; les autres, qui sont les plus nombreux, ont des liges frutescentes ou herbacées, garnies de feuilles simples, souvent al- ternes, quelquefois opposées ou verli- cillées. Ces liges sont presque toujours ramifiées à leur partie supérieure, et les ramifications, le plus souvent dis- posées en ombelle et ensuite plusieurs fois dichotomes, portent des involu- cres à leurs extrémités; un involucre solitaire, tenant la place d'une troi- sième branche, se trouve en outre dans chacune des bifurcations supérieures. On observe d'ailleurs à la base de Tom- belle et à chaque bifurcation une col- lerette de bractées verticillées ou oppo- sées. Euphorbe des anciens, Euphorbia antiquorum, L. Tige triangulaire ou qua- drangulaire, articulée, ramifiée, munie sur les angles de petits appendices fo- liacés et d'épines géminées, divergen- tes. Les involucres sont portées sur de courts pédoncules simples ou divisés et triflores ; chaque involucre ne contient que 5 à 6 étamines. Celte plante croît en Afrique, en Arabie et dans l'Inde. Euphorbe des Canaries, Euphorbia Canariensis, L. {fig. 458). Tige épaisse, quadrangulaire, haute de l'M3 à 2 mètres, garnie de rameaux ouverts, dont les angles, ainsi que ceux de la tige, sont munis de tubercules rangés longiludinalement, de chacun desquels partent deux aiguillons courts et divergents, dont un est re- courbé en crochet. Ses fleurs sont sessiles, placées au-dessous des aiguillons, accompagnées de bractées ovales; l'involucre est à 10 divisions, dont 5 plus internes, charnues et d'un rouge obs- cur.Le fruit est très-petit, lisse, jaunâtre, formé de Scoques mono, spermes. Cette plante croît naturellement dans les îles Canaries. Fig. 458. — Euphorbe des Canaries. EUPHORBIACEES. — EUPHORBE RESINIFÉRE. 339 Euphorbe officinale, Euphorhia ofpcinarum, L. Tige épaisse, droite, souvent simple comme un cierge, haute de l"", 3à 2 mè- tres, pourvue, sur toute sa longueur, de 12 à 18 côtes saillantes dont la crête anguleuse est garnied'une rangée d'épines géminées. Les fleurs sont presque sessiles et d'un vert jaunâtre. Cette plante croît naturellement dans l'Ethiopie et dans les parties les plus chaudes de l'Afrique. [Euphorbe RÉsiN]FÈRE,£'i//)^or5/ar^sm//'era,Berg.(/^^. 459). Plante à apparence de cactus, comme les précédentes. Tige haate de 5 k 6 pieds, rameuse, à rameaux ascendants tétragones, larges de Fig. 459. — Euphorbe résinifère. \ pouce environ, subconcaves sur leurs faces, obtus sur les bords. Épines stipulaires doubles, longues de 2 à 4 lignes, subulées, con- fluents à leur base sur un coussinet plane ou à peine saillant. Gymes de fleurs assez longuement pédonculées, portant 3, rarement 6-7 involucres campanules cyalhiformes, à glandes très-saillantes, à lobes dépassant peu les glandes, à fleurs mâles peu nombreuses. Capsule petite, à calicule peu développé, à pédicelle défléchi dépassant l'involucre caliciforme, formé de 3 coques à faces laté- rales fortement convexes. Cette espèce habite les montagnes arides de la partie méridio- nale du Maroc, au-dessous d'Aguadir. Elle a été trouvée récem- ment, en 1869, et envoyée à Kew par M. Carteusen, consul d'An- 340 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. £r la dessiccation , Les fruits sont n^^irs à maturité, succulents, de la grosseur d'une cerise. On pense que le santal de la Cochinchine, de Timor et des îles adjacentes, appartient à la même espèce; quoique celui de Timor fournisse un bois plus vo- lumineux et moins aromatique, et que le bois de santal de la Cocbinchine, qui est le plus gros de tous, soit si peu aromatique, au dire de Loureiro, qu'on l'emploie à peine dans les fumigations. 2° Le Santalum myrûfolium^ Roxb., natif des montagnes de Gircasie, sur la côte de Goromandel; Roxburgh Ta définitivement considéré comme une espèce distincte de la précédente, beau- coup moins élevée et fournissant un bois inusité ou de peu de valeur. 3° Les Santalum ovatum^ venosum, oblongatum^ lanceolatum\ et ohtu$ifolium, observés par le célèbre R. Brown, dans la Nouvelle- Hollande. 4° Les Santalum freicynetianum et ellïpticum rapportés par Gaudichaud des îles Sandwich. Le premier est un arbre à feuilles lancéolées-obtuses (j'ajoute un peu spatulées), veineuses; les grappes terminales, simples; les fleurs opposées, roses. Les bois du nom de santal ont été inconnus aux anciens Grecs et aux Romains ; les Arabes en ont parlé les premiers sous le nom Fig. 487. — Santal. (1) Roxburgh, Flora indica, vol. I, 442. 384 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. de sandal, dérivé de l'indou chandana, ou du malais (sfendana. On en a toujours distingué trois sortes, dont une, le santal rouge, est un bois inodore et d'un rouge plus ou moins foncé, produit par un Pteroca7'pus, arbre de la famille des Papillonacées, dont il sera traité plus tard. 11 ne sera donc question en ce moment que des autres bois nommés santal citrin et santal blanc. Au dire de presque tous les auteurs, le santal blanc n'est autre chose que du santal citrin abattu dans sa jeunesse, ou que l'aubier des arbres âgés, dont le cœur seul a acquis l'odeur forte et la couleur fauve qui le caractérisent. Cette opinion peut être vraie ou fausse, suivant la matière qui en fait le sujet; c'est-à-dire qu'on a pu vendre, en effet, quelquefois, comme santal blanc, l'aubier du santal citrin, ou le bois complet de l'arbre au santal citrin, récolté très-jeune ; mais il est certain aussi qu'on a tou- jours vendu, comme santal blanc, un bois bien différent du pre- mier, à odeur de rose, et qui ne peut appartenir au même arbre. Enfin on trouve dans le commerce, depuis quelques années, un troisième bois de santal caractérisé par une odeur de musc; je vais décrire successivement ces différents bois et leurs va- riétés. 1. Santal citrin du Malabar. Ce bois, parfaitement caracté- risé par Loureiro, et produit par le Santalum album de Roxburgh, constitue depuis longtemps la presque totalité de celui du com- merce. Il se présente sous forme de bûches privées d'aubier, ar- rondies à la hache, ayant 1 mètre de longueur et 6 à 8 centimè- tres de diamètre. Il est d'une couleur fauve, médiocrement dur et compacte, plus léger que l'eau. Il exhale une odeur très-forte et aromatique, tout à fait caractéristique, que l'on compare ordi- nairement à un mélange de musc et de rose. Il a une légère sa- veur amère. Il est formé de couches concentriques, irrégulières et ondulées, dont le centre répond très-rarement au centre de la bûche. Lorsqu'il est poli, il paraît satiné. Il fournit à la distilla- tion une huile volatile jaune, oléagineuse, un peu plus légère que l'eau, d'une saveur acre et amère. Je possède un morceau de santal citrin semblable pour la forme au précédent et probablement de môme origine ; mais il est d'un fauve foncé et rougeâtre, plus dense que le premier et cependant encore un peu plus léger que l'eau. Il est comme imprégné d'huile et d'une odeur encore plus forte que le premier. Il est carié à l'intérieur et la cavité formée par la carie présente une exsudation résineuse. De même que pour le bois d'aloès, il est probable que la vieillesse et la maladie ont augmenté la qualité de ce bois. Le Santale de Malabar paraît comprendre au Santal qui arrive SANTALACÉES. — SANTALS. 385 actuellement dans le commerce sous le nom de Santal de Bombay^ et qui est la source principale de l'essence de Santal (1). 2. Santal citriii de Timor î Tronc unique, parfaitement cylin- drique et uni à l'extérieur, ayant encore néanmoins 26 centimùlres de diamètre, et formé de couches concentriques ondulées dont le centre coïncide avec celui de la bCiche. Il est un peu moins dense et un peu moins aromatique que le premier ; mais il offre la môme couleur fauve, le même manque d'aubier et une odeur semblable. J'avais anciennement conclu de cette similitude de caractères que l'arbre qui le produit était de la même espèce que le premier. La preuve ne me parait plus suffisante aujourd'hui, que j'ai vu le santal citrin des îles Sandwich être semblable à celui de la côte du Malabar, quoique appar- tenant à une espèce distincte. 3. Santal citrin pâle. Ce bois se trouvait anciennement assez fré- quemment chez les droguistes ; à une époque plus rapprochée d'au- jourd'hui je désespérais de l'y retrouver, lorsqu'un morceau m'en fut présenté sous le nom de santal blanc. Ce bois peut avoir de 8 à 16 cen- timètres de diamètre ; il est cylindrique et uni à l'extérieur, d'un jaune très-pâle avec un aubier blanchâtre ; il est un peu plus léger que l'eau : il offre une fibre droite et une texture fine et compacte ; il est bien plus dur, plus uni et susceptible de prendre un bien plus beau poli que les deux précédents ; mais il a une odeur bien plus faible. Celui que j'ai retrouvé paraissait môme inodore, et n'a repris son odeur de san- tal citrin qu'après que les surfaces eurent été renouvelées. Ce bois est probablement un de ceux qui, sous le nom de santal blanc, a été considéré comme du santal citrin abattu avant que l'âge lui eût communiqué toute la qualité qu'il peut acquérir. Mais il me semble qu'un bois plus jeune devrait être moins dur et moins compacte que l'autre, et c'est le contraire qui a lieu ; je pense donc plutôt que le bois que je nomme ici santal citrin l'haie est produit par un arbre diffé- rent du premier. 4. J'ai vu anciennement, dans le droguier de la Pharmacie centrale des hôpitaux civils, un morceau de santal qui présentait des caractères tout particuliers ; il provenait d'une racine ou d'un tronc rabougri ; il était tortueux, très-difficile à fendre, d'une couleur très-pâle et presque blanche ; il était léger, sans distinction apparente de bois et d'aubier, et néanmoins toujours un peu plus dense et plus coloré au centre qu'à la circonférence. 11 était tout à fait inodore à froid et ce n'était que par réchauffement causé parla râpe ou la scie que le centre acquérait une faible odeur de santal citrin. Ce bois, que j'ai décrit anciennement comme santal blanc, se rap- proche bien plus par sa texture du véritable santal citrin que celui du numéro précédent. Il peut provenir d'un arbre très-jeune on qui aurait crû dans des circonstances très-défavorables à son développement. 0. Santal citrin de Sandwicli. Je dois à l'obligeance de M. Gau- (1) Voir Georges Durand, JÉ'^uc^e sur les Santalacées. (Thèses de la faculté de médecine de Paris, 1874.) GuiBOURT, Drogues, 7»édit. '!'• H. "^ 25 38G DICOTYLÉDONES MONOCIILÂMYDÉES. dicliaud un échantillon de ce bois, produit à l'île Wuhou par le Scmta- lum freycinetianum [oie-ara des habitants}. Il faisait partie d'une bûche à contour elliptique, de 55 et 70 millimètres de diamètre. Le centre des couches ligneuses est assez près d'une des extrémités de l'ellipse. Du reste, il offre si bien tous les caractères du santal citrindu Malabar, qu'il est fort difficile de l'en distinguer. Le santal citrin des îles Sand- wich a été signalé pour la première fois, en 1792, par Vancouver. Il a été, pendant plusieurs années, l'objet d'une exportation assez considé- rable pour la Chine, mais il paraît presque épuisé aujourd'hui. 6. Il est arrivé l'année dernière, des îles Marquises, un échanlillon de santal en bûche à peu près triangulaire, formé d'un cœur fauve bru- nâtre, tandis que le reste du bois est fauve pâle et blanchâtre. L'odeur n'est pas très-forte et incline vers celle de la rose, plus que le véritabrle santal citrin. 7. Santal blanc à odeur de rose. Ce bois se trouve en bûches ou en tronçons de bûches de 5 à 12 centimètres de diamètre. Souvent il est parfaitement cylindrique et recouvert d'une écorce d'un gris noi- râtre, assez mince, dure et compacte. A l'intérieur il est formé presque entièrement d'un cœur ligneux, généralement plus lourd que l'eau, très-dur et comme huileux; tout autour et immédiatement sous l'écorce se trouve un cercle d'aubier peu épais, presque aussi dense et aussi dur que le bois. Ce bois est à fibres droites et se fend facilement. Il est d'un blanc jaunâtre, très-fin, très-compacte et susceptible d'un beau poli satiné; on en ferait de beaux meubles s'il étaitplus volumineux: malheureuse- ment les plus grosses bûches que j'en ai vues n'avaient pas plus de 12 centimètres de diamètre. Enfin ce bois a une saveur assez fortement amère, et a une odeur de rose presque pure, qui ne permet pas de penser qu'il soit dû au même arbre que le santal citrin. Cette odeur justifie le nom que je lui donne de santal à odeur de rose. Je më suis demandé si ce bois était un véritable santal qui eût tou- jours été connu pour tel, ou si ce n'était pas un bois nouveau substitué au santal blanc des auteurs : mais je pense que c'est un véritable san- tal, parce que tous les auteurs qui parlent de la préparation de l'es- sence de rose en Asie, et surtout en Perse, disent qu'on en augmente la quantité en ajoutant aux roses que l'on distille du bois de santal. Or, comme il serait impossible de falsifier l'essence de rose avec celle de santal citrin, il faut bien que cette assertion se rapporte au santal à odeur de rose, et que ce bois soit reconnu dans l'Orient comme une espèce de santal ; mais je n'ai aucune idée sur le lieu de sa prove- nance. 8. Santal à odeur de musc. Ce bois a paru il y a peu d'années dans le commerce. 11 se rapproche du précédent par son écorce grise foncé, dure et compacte; par sa densité eonsidérable, sa compacité, la grande finesse de son grain et le beau poli qu'il peut recevoir. Voici maintenant les diiïérences; il n'est pas satiné ; il est formé d'un cœur fauve foncé et d un aubier beaucoup plus pâle, assez volumineux, mai DAPHNAGEES. 387 toujours presque aussi dur et aussi compacte que le cœur ; de môme que, dans les bois précédents, la différence de l'aubier au cœur du bois, réside presque uniquement dans la couleur. Récemment coupé, il exhale une odeur de musc très-marquée; mais cette odeur se perd à l'air et le bois ancien paraît inodore ; il faut l'action de la râpe ou delà scie pour lui rendre son odeur. J'ai deux échantillons de ce bois : l'un est un tronçon régulièrement cylindrique, de 8 centimètres de diamè- tre, dont le cœur nettement terminé occupe 4 centimètres; l'autre est un tronc irrégulier, large de 19 centimètres, à cœur ondulé, et comme nuageux sous le poli. J'en ignore le lieu d'origine. 9. Faux bois de santal citrin. J'ai vu, chez un fort marchand de bois des îles, quelques bûches très-considérables d'un bois qu'il ven- dait comme santal citrin, envers et contre tous et malgré tout ce qu'on pouvait lui objecter à cet égard. Je présume que ce bois venait d'Amé- rique. 11 ressemblait tout à fait, par sa couleur fauve foncée et parles nombreuses veines brunes irrégulières, qui le faisaient paraître marbré, à un autre bois d'Amérique que sa ressemblBnce avec le bois d'olivier d'Europe a fait nommer aussi bois d'olivier. Mais ce bois d'olivier d'Amé- rique est inodore, ou plutôt exhale, lorsqu'on le coupe, une odeur sen- sible d'acide acétique ; tandis que le prétendu santal citrin du mar- chand de bois des îles offre, lorsqu'on le râpe, une forte odeur de térébenthine. Du reste, ce bois est compacte, susceptible d'un beau poli et serait avantageusement employé dans l'ébénislerie. FAMILLE DES DAPHNACÉES OU THYMÉLÉ AGEES. Arbrisseaux à feuilles entières, éparses ou opposées, dépourvues de stipules. Fleurs hermaphrodites, quelquefois dioïques par avortement, à périanthe coloré et pétaloïde, offrant 4 ou 5 divisions imbriquées avant la floraison. Étamines généralement sessiles et disposées sur deux rangs, à l'intérieur du périanthe. Style simple, terminé par un stigmate simple; ovaire uniloculaire contenant un seul ovule pendant. Le fruit est une baie monosperme ou un achaine entouré parle tube du périan- the qui a persisté. La semence est pendante et contient, dans un endo- sperme peu développé, un embryon orlhotrope à radicule petite et supère. Le genre le plus important de cette famille est le genre Daphne, dont toutes" les espèces sont pourvues d'un principe acre qui peut les faire employer comme exutoires ; les principales sont : 1° Le GAROu ou SAIN-BOIS, Daphne Gnidtum, L. {fîg. 488). Arbris- seau du midi de la France et de l'Europe, qui s'élève à la hauteur de 6 à 10 décimètres. Ses rameaux supérieurs sont garnis, sur toute leur longueur, de feuilles étroites, aiguës, sessiles, rappro- chées les unes des autres et glabres. Les fleurs sont petites, d'un blanc sale, disposées au sommet des rameaux et dans les aisselles des feuilles supérieures, en petites grappes serrées qui forment 388 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. dans leur ensemble un corymbe terminal. Le périanthe est mo- nophylle, infundibuliforme, à limbe quadrifide ; les élamines sont au nombre de huit, insérées sur deux rangs et incluses sur le tube du périanthe; le style est terminal, très-courl, terminé par un stigmate globuleux; le fruit est une baie du volume d'un gros grain de poivre, formée d'un péricarpe succulent très-peu épais, et d'une semence presque sphérique, mais terminée supé- rieurement par une pointe courte. L'épisperme offre trois couches distinctes : une première membraneuse, très-mince, jau- nâtre, marquée, près du som- met, d'un hile très-apparent et d'un raphé proéminent qui s'é- tend du hile à la chalaze, située à l'extrémité inférieure opposée; la deuxième enveloppe est noire, lisse et luisante, d'une épaisseur sensible, dure et cassante; la troisième est très-mince, jaunâ- tre et membraneuse comme la première; l'amande est blanche et huileuse. Toute cette semence est pourvue d'une âcreté consi- dérable; elle était usitée autre- fois comme purgative, sous le nom de Grana gnidia ou de Cocca gnidia^ d'où les habitants du Midi ont donné au garou le nom de coquenaudier, et aux semences celui de semences de coquenaudier. Elles peuvent causer des su- perpurgations dangereuses ; les feuilles ont aussi été usitées en décoction; ainsi employées, elles sont moins actives et moins- dangereuses que les graines. 2° MÉzÉRÉON ou BOIS GENTIL, Daphue Mezereuîïij L. Tige droite, rameuse, haute de 60 à 420 centimètres; feuilles lancéolées, éparses, sessiles, caduques ; les fleurs paraissent pendant l'hiver avant les feuilles ; elles sont odorantes, purpurines ou blanches,, sessiles et attachées trois à trois le long des rameaux; les fruits sont des baies rouges ou jaunes. Cet arbrisseau est cultivé dans les jardins, pour l'agrément de ses fleurs pendant l'hiver. Son écorce et ses semences sont souvent substituées à celles du garou et peuvent servir aux mêmes usages. 3° La THYMELÉE, Daphïie Thymelea, L. Sous-arbrisseau qui n'a FiL'. 48 S. — Garou. DAPIINÂCÉES. — LA.URÉOLE. 389 souvent que 6 à 12 centimètres de hauteur, et qui dépasse rare- ment 20 ou 30 centimètres. Il porte des tiges nombreuses, sim- ples, garnies de feuilles lancéolées et sessiles ; les fleurs sont jau- nâtres, sessiles, auxiliaires, solitaires ou deux ou trois ensemble. Il croît dans le midi de la France, en Italie et en Espagne, où les paysans se purgent avec ses feuilles pulvérisées. 5** La LAURÉOLE, Daphne Laureola, L. Ce petit arbrisseau, à ti- ges faibles et pliantes, croît dans les bois par toute la France. Ses rameaux sont garnis de feuilles lancéolées, coriaces, luisantes, persistantes, courtement pétiolées ; les fleurs sont verdâtres, réunies au nombre de cinq ou six en petits groupes axillaires. Les feuilles, et surtout l'écorce de lauréole, sont pourvues d'une causticité remarquable, et elles sont souvent employées comme exutoires, à l'état récent, par les gens de la campagne. Mais c'est surtout l'écorce du garou (Daphne Gnidimn) que l'on trouve dans le commerce, à l'état de dessiccation, et qui est desti- née à cet usage. Cette écorce est très-mince et néanmoins difficile à rompre. Elle est couverte d'un épiderme demi-transparent, gris-brun, devenant, par la dessiccation, d'un gris foncé, crispé ou ridé transversalement par le fait de la dessiccation, et assez régu- lièrement marqué de distance en distance de petites taches blan- ches tuberculeuses. Sous cet épiderme se trouvent des fibres lon- gitudinales très-tenaces, que l'on pourrait filer comme le chanvre, si elles n'étaient couvertes, du côté de l'épiderme, d'une soie très-fine, blanche et lustrée, qui, en s'introduisant dans la peau, y cause des démangeaisons insupportables. L'intérieur de l'écorce est d'un jaune verdâlre à l'état récent, devenant par la dessiccation d'un jaune de paille et uni, mais déchiré longitudina- lemcnt. Toute l'écorce a une odeur faible, et cependant nau- séeuse, une saveur acre et corrosive. Elle est épispastique étant appliquée sur la peau en écorce, en poudre ou en pommade. Elle nous arrive en morceaux longs de 32 à 65 centimètres, larges de 27 à 34 millimètres, plies par le milieu et réunis en bottes. On doit la choisir large et bien séchée. On nous envoyait auparavant, au lieu de l'écorce de garou, les rameaux mêmes de l'arbrisseau desséchés, et on était dans l'usage d'en séparer l'écorce à Paris, à mesure du besoin, en la ramollis- sant préalablement dans l'eau, ou, ce qui est encore pis, dans du vinaigre. Il est évident que l'écorce qui a été enlevée de dessus le bois récent, sans macération préliminaire, et qui a été séchée promptement, doit être plus efficace. Il faut donc préférer au bois de garou l'écorce toute préparée que nous offre le com- merce. L'écorce de garou a été analysée par un grand nombre de chi- 390 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. mistes, nolamment par Vauquelin (1), Gmelin, Coldefy-Dorly et Dublanc jeune (2), Zwenger et Rochleder, voici ce qui résulte de leurs différents travaux : Cette écorce, traitée par l'alcool, donne une liqueur brun ver- dâtre qui laisse précipiter de la cire par son refroidissement. Le soluté alcoolique étant décanté et distillé presque entièrement, il s'en sépare une matière vert-brun, épaisse, dont Téther extrait une huile verle très-vésicante : il reste une matière résinoïde brune qui ne jouit d'aucune propriété épispastique. L'huile verte n'est pas acre et vésicante par elle-même, et le principe vésicant peut en être isolé en traitant directement l'extrait alcoolique par de Teau aiguisée d'acide sulfurique. On filtre, on ajoute à la liqueur de la chaux ou de la magnésie et on distille. Yauquelin a obtenu de cette manière une eau distillée très-âcre, et alcaline, d'où on a conclu que le principe acre du garou était alcalin ; mais Vauquelin, ayant constaté ensuite la présence de l'ammoniaque dans la liqueur distillée, a pensé que l'alcalinité du produit était due à cet alcali. Cependant, comme il est certain que l'addition d'un acide facilite la solution du prin- cipe acre, et que celle d'un alcali est nécessaire pour que ce prin- cipe passe à la distillation, il me paraît probable qu'il est alcalin par lui-môme. Lorsque, au lieu de traiter l'extrait alcoolique par de l'eau aci- dulée, on le traite par l'eau seule, et qu'on précipite la liqueur par de l'acétate de plomb, on obtient une laque d'une belle cou- leur jaune. La liqueur, privée de l'excès de plomb par le sulfide hydrique, et évaporée, laisse cristalliser une substance que l'on purifie par de nouvelles solutions et cristallisations. Cette sub- stance est blanche, d'une saveur amère un peu astringente, peu soluble dans l'eau froide, très-soluble dans l'eau bouillante, solu- ble également dans l'alcool et dans l'éther, ni acide ni alcaline. Cette matière a été trouvée d'abord par Vauquelin dans l'écorce du Daphne alpina; MM. Gmelin et Bar l'ont retirée ensuite de l'écorce de garou et lui ont donné le nom dedaphnine. M. Gueilliot la signale aussi dans les écorces des B. Gnidium et Laureola (3). Il ne faut pas la confondre avec le principe acre des Daphne dont j'ai parlé d'abord. [La daphnine, dont les propriétés et la véritable nature sont restées longtemps obscures, a été étudiée en 1860 par M. Swen- (1) Vauquelin, Ann. ddm., t. LXXXIV, p. 173. — Bulletin pliarni., t. IV, p. 52î). — Journal pharm., t. X, p. 419-333. (2) Dublanc, Journal de pharm.^ t. XV, p. 53S-u37. (3) Gueilliot, Étude sur les daphnés employés en pharmacie. Thèse soutenue à l'École de pharmacie de Paris, 1867. MONIMIACÉES. — BOLDO. 391 ger (1), qui a montré qu'elle peut se dédoubler en glucose et en un acide particulier, la daphnétine. L*étude de cette substance a été complétée par Rochleder en d863 (2), qui a reconnu que \\\ daphnine était un isomère de Vesculine qu'il a trouvée dans lu racine du marronnier. FAMILLE DES MONIMIACEES. Les Monimiacées, petite famille dont les affinités sont assez douteuses, ont fourni, dans ces dernières années, une substance, qu'on a préconi- sée, sous le nom de Boldo, contre les maladies du foie. Ce médica- ment n'a donné aucun résultat bien satisfaisant pour ce genre d'affec- tions, mais il a été utilisé, dans d'autres cas, comme un tonique diffusible. Boldo. Le Boldo est produit par le Pneumus Boldus, Molina {Boldoa fragans. Cl. Gay, Ruizia fragrans, R. et Pav.). C'est un petit arbre aromatique du Chili, qui porte des feuilles opposées, dépourvues de stipules, et des fleurs en cymes, formant par leur ensemble des sortes de grappes axillaires ou terminales. Ces fleurs sont uni- sexuées ; les mâles et les femelles sont placées sur des pieds diff'é- rents. — Les fleurs mâles sont composées d'un périanthe, à pièces nombreuses, soudées par le bas en une tube sacciforme, rangées en spirale, et d'autant plus délicates et membraneuses, qu'elles sont plus intérieures. En dedans, sont insérées de nombreuses étamines depuis la gorge du tube du périanthe jusqu'au fond de cet organe. 11 n'y a pas de trace bien évidente de pistil. Dans les fleurs femelles, lesétamines sont devenues stériles; leurs vestiges entourent un petit nombre de carpelles libres, composés chacun d'un ovaire uniloculaire, surmonté d'un style articulé à sa base, portant de nombreuses papilles sligmatiques. Il n'y a dans Tovaire qu'un seul ovule anatrope attaché à l'angle interne de la loge. Le fruit est entouré à sa base par le fond du tube du pé- rianthe, qui a seul persisté après la fécondation. Il est formé de quelques petits drupes, courtement pédicellés, à noyau très-dur, monosperme. Les premiers échantillons de Boldo sont arrivés en France vers 1868 ou 1869. Ils se composent de feuilles ou plutôt de jeunes rameaux feuilles, mêlés de débris de tige et de fruits. Les feuilles sont coriaces, ovales, entières sur les bords, d'un vert grisâtre ou (1) Swenger, Annalen der Chemie und Pharmacie^ t. CXV, p. 1. (2) Rochleder, Jahresbericht ûber die Forschrifle der Chemie, 186-3, p. 59. 392 DICOTYLÉDONES MONOGULAMYDÉES. d'un brun rougeâtre, marquées en dessous d'assez fortes nervures saillantes. Elles montrent de nombreuses élevures blanchâtres et des poils crochus, simples, bifurques ou étoiles, couchés paral- lèlement à la surface de la feuille. Elles contiennent de grosses cellules sphériques remplies d'huile essentielle. Leur odeur est aromatique, leur saveur fraîche. Les éléments intéressants, contenus dans les Boldo, sont : l'es- sence et un alcaloïde, qu'on a appelé la Boldine. L'essence est un liquide incolore ou légèrement verdâtre, d'une odeur et d'une saveur aromatique très- fortes, soluble en petites proportions dans l'eau, très-soluble dans l'alcool à JoO% se colo- rant en rouge-hyacinthe par l'acide sulfurique, en violet par l'a- cide nitrique, en rouge par la potasse. L'alcaloïde est solide, peu soluble dans l'eau, à laquelle il com- munique une réaction alcaline, soluble dans l'alcool, dans le chlo- roforme, les alcalis concentrés. L'acide azotique et l'acide sulfu- rique le colorent en rouge. En outre le Boldo contient du sucre, de la gomme, du tannin, de l'acide citrique et des matières aromatiques (I).] FAMILLE DES LAURACÉES OU LAUttlNÉES. Celte famille, quoique peu nombreuse, est une des plus intéres- santes à étudier à cause du grand nombre de parties ou produits aro- matiques qu'elle fournit à la pharmacie, à l'économie domestique et aux arts. Elle comprend des arbres ou arbrisseaux, à feuilles alter- nes, quelquefois opposées en apparence, ordinairement épaisses, fer- mes, persistantes, aromatiques et ponctuées (2); stipules nulles; fleurs hermaphrodites, monoïques, dioïques, ou polygames ; périanthe cali- cinal monosépale, à quatre ou six divisions imbriquées; disque charnu soudé avec le fond du périanthe, persistant, s'accroissant souvent avec le fruit ; étamines périgynes, insére'es sur plusieurs rangs à la marge du disque, en nombre quadruple, triple, double ou égal aux divisions du périgone; les filets sont libres, les intérieurs pourvus à la base de deux glandes pédicellées qui sont des étamines rudimentaires; les anthères sont adnées, à 2 ou i loges s'ouvrant de bas en haut par des valvules; ovaire libre, formé de 3 folioles soudées, uniloculaire, ue contenant le plus ordinairement qu'un ovule pendant. Le fruit est une baie monosperme accompagnée à la base par la partie entière du pé- rianthe qui a persiste. La graine est inverse, recouverte par un épis- perme cliartacé, à hile transversal, à raphé se dirigeant obliquement vers la chalaze située à l'extrémité opposée. Elle renferme un embryon fl) Voir pour plus de détails : Claude Verne, Etude sur le Boldo {Thèses de l'École supérieure de Pharmacie de Paris, 1874). (2) Les cassyta qui ont été réunies aux lauriers sont, par exception, des plantes parasites, volubiles, privées de feuilles et ayant l'aspect de la cuscute. LAURACÉES. — SASSAFRAS. 393 sans périspermc, orlhotrope ; composé de 2 gros cotylédons charnus et huileux; la radicule est très-courte, rétractée, supère. La famille des Laurinéescomprendaujoul'd'hui plus de quarante genres, dont la plupart ont été primitivement compris dans le genre Laurus /tels sont, par exemple, les genres iSassa/ras, Ocotea^ Neclandra, Persea^ Cinnamomum, Camphora ; le tableau (page 394) indique les caractères qui les distinguent principalement. liaurier Commun OU laurier d'Apollon Laurus nobih's, L. Le laurier est un arbre dioïque de l'Europe méridionale, qui est cultivé dans nos contrées, mais qui s'y élève peu. Sa tige est unie et sans nœuds ; son écorce est peu épaisse et son bois est poreux. Ses feuilles sont longues comme la main, larges de deux ou trois doigts, lisses, pointues, persistantes, d'une texture sèche, d'une odeur agréable et d'une saveur acre et aro- matique. Ses fruits sont gros comme de petites cerises, noirs, odorants, huileux et aromatiques. Les feuilles de laurier sont stimulantes, carminatives et pédi- culaires ; elles servent d'aromate dans les cuisines. Les baies de laurier sont composées d'un péricarpe succulent, mais très-mince, et d'une semence volumineuse, formée d'un épisperme en forme de capsule sèche, mince et cassante, et d'une amande à 2 lobes, fauves, d'une apparence grasse et d'une saveur amère et aromatique. Ce fruit contient deux huiles, l'une grasse, l'autre volatile, qui sont mélangées dans le péricarpe et dans l'amande; mais le péricarpe contient plus de la première, et l'amande plus de la seconde. On peut obtenir ces deux huiles mélangées par une forte expression à chaud, ou par une légère ébullition dans un alambic. Le produit est d'un beau vert, très- aromatique, granuleux, et de la consistance de l'huile d'olives figée. [Il contient une substance grasse, la lawo-stéarine, formant des aiguilles soyeuses, blanches, fusibles vers 44**, peu solubles cl froid dans l'alcool, assez solubles dans l'alcool chaud, très- solubles dans l'éther, et se dédoublant, sous l'influence des alcalis, en glycérine et acide lauro-stéarique.] Il est rare dans le commerce, où il est remplacé par de la graisse chargée par digestion du principe colorant vert et des huiles des fruits et des feuilles de laurier. Les baies de laurier font partie de Talcoolat de Fioravanti. Sassafras . Sassafras officinaruiriy Nées; Laurus SasmfraSy L. Le sassafras ou pavame{fig.A^d) est un assez bel arbre qui croît dans la Virginie, la Caroline et la Floride. On le trouve également au Brésil, à 394 DICOTYLEDONES MONOCULAMYDÉES. .^^ c/: es Oî co c« CO c« cô CO to cô d TV V- Vf >^ Z < -rt -rS '« .33 '« ^ .n .::3 .rj CA Cfl CO +j CO O 3 O) CO — TZt ■•-' 0 • C/> r^ 0 ^ © ■4-> Si . O +^ •F-» CO i^ cr? — 3 _2 jr .;:; -a .^ 3 en > fO &c (O -^ •"3 '3 00 -« CO 3 a > .3 XJ .3 T3 0 CO CO J © t • «^ -t-> q3 S« li- 'ï| il '■? 0 o s- • «~ 1/2 Tin *^ c« r; 2j^ •31 «« c« • a t-, i^ 05 -k-s — CO 5 S .= S eu SI C5 -ai CO .^ a^ Si c; eu, . CO •D Jh s| ■•-> T 3 CO •S ^ ■1^ 3 X CD QJ •- es •© CO "^ © CO 'Z3i «- CO . © 1-, t-l '© 3 t^.2 ce i'^ CO o (D CD 1/5 ~ as .2 CO .—1 ^j cO .^ •r <^ (« C/J CD _© Cl a CO 'il "^ en ^•l CO (O "^ -2 CO •3.3 c« ^a «a> — 3 CO •© 1- CO aj s CO OJ cî 3 c« CO S '^ CO <« ~* CO O) CO en CO a) o o ^ .2^ CO 05 a 5 r- CO .2- CO 3 «il .2- 2- J2 c 1— t > c5 • --1 cr •r" -•-» • ^ rt .« .ij •- 03 cô 3 T3 .-1 c3 "-^ «s ■* o > 3 es ;0 O '73 'S -a S ;d2 0 1 -3 g o2 o2 co2 ■'' Ci CO cfi 0 t/5 cô CO .US 0 CO © C/2 ce ce o .2 P en 03 3 .S' o -S .2 0 p es c« ai •S" 'S '3 II -§..2 S ^ §0 'a p "a, S 11 35 s s 11 cS 0 s Ci. p "a, os S -= 0 . 0 0 0 2 0 (-1 © ° ^ ci ! • • " s J = • ce c/ î es 3 -9 a < 3 < 2 ■«; a >> 0 Oi 0 es u '^ es < Vi < z 0 0 ■< SS 0 O es H 0 s H <• H eu U CO es a. «s ^ u bl 0 K u .< J c« 0 ï?; Q < a O. 1 Li^URAGÉES. — SASSAFRAS. 395 l'île Sainte-Catherine, d'où Gaudichaud en a rapporté un tronc tout à fait semblable, pour la qualité aromatique, à celui de l'Amérique septentrionale. Il peut également venir en France, môme sans culture, comme on en a eu la preuve, il y a un certain nombre d'années, par un très-gros sassafras qui s'est trouvé abattu dans la coupe d'un bois près de Corbeil; mais il était moins aromatique que celui du commerce. Le sassafras a les feuilles alternes, très-variées de forme et de grandeur, glabres et d'un vert foncé en dessus, glauques en dessous ; les fleurs sont petites, disposées en bouquets ou en petites grappes lâches; le fruit est une petite baie ovale, bleuâtre. Fis:. 489. — Sassafras. soutenue à sa base par un calice rougeâtre en forme de cupule. Sa racine, que l'on trouve dans le commerce, est en souches ou en rameaux de la grosseur de la cuisse ou du bras; elle est formée d'un bois jaunâtre ou fauve, poreux, léger, d'une odeur forte qui lui est propre. L'écorce est grise à la surface, d'une couleur de rouille à l'intérieur, encore plus aromatique que le bois. Le bois et l'écorce fournissent à la distillation une huile volatile plus pe- sante que l'eau, incolore lorsqu'elle est récente, mais se colorant en jaune avec le temps. Écorce de eassafras officinal . Cette écorce se trouve également dans le commerce séparée de la racine ou des rameaux de l'arbre . Elle est épaisse de 2 à 5 millimètres, tantôt recouverte de son épiderme gris, tantôt raclée et d'une couleur de rouille. Elle est spongieuse sous la dent, d'une odeur très-forte, d'une saveur pi- 396 DICOTYLÉDONES MONOGHLAMYDÉES. quante et très-aromatique. La surface intérieure qui est unie et d'un rouge plus prononcé que le reste, offre quelquefois de très- petits cristaux blancs, assez semblables à ceux observés sur la fève pichurim. Cette écorce devrait être employée en médecine, comme sudorifique, préférablement au bois. Bois de sassafras inodore. Ce bois existe depuis longtemps dans la collection du Muséum d'histoire naturelle, et j'en ai un échan- tillon provenant du commerce, oii il paraît qu'on le trouve, quel- quefois, mêlé au sassafras officinal. Il lui ressemble tellement en texture, en couleur et en écorce, qu'il est impossible de ne pas le reconnaître pour un sassafras; mais il est complètement inodore. Il provient du tronc et non de la racine. On trouve dans le commerce ou dans les droguiers un assez grand nombre d'autres bois, d'écorces et de fruits qui ont l'odeur du sassafras, et dont l'origine exacte est encore couverte de quel- que obscurité. Tels sont les articles suivants : Bois d'anifl OU Bois de sassafras de l'orénoque. Pomct, Geof- froy et J. Bauhin ont fait mention d'un bois d'anis qui, de leur temps, était quelquefois substitué au sassafras, et que son odeur a fait prendre à tort, par plusieurs auteurs, pour le bois de l'anis étoile de la Chine {Illicium anisatum). Beaucoup de personnes ont pensé ensuite que ce bois ne différait de celui du sassafras officinal que parce que celui-ci est produit par la racine de l'arbre, tandis que le bois d'anis en serait le tronc. Mais cette opinion est réduite à néant par la comparaison du bois d'anis avec les parties de tronc qui accompagnent souvent les ra- cines de sassafras du commerce. Reste alors l'opinion beaucoup plus probable de Lemaire-Lizancourt, qui a présenté le bois d'anis à l'Aca- démie de médecine, sous le nom de sassafras de l'Orénoqne {Ocutca q/m- barum, H. B.); cependant je dois dire que le bois d'anis, quoique plus dur que le sassafras officinal, ne me paraît pas mériter l'épithèle de durissiynum que lui donne Alex, de Humboldt; je suis plutôt porté à le croire produit par V Ocotea pichurim dont je parlerai dans un instant. Le bois d'anis se présente dans le commerce sous forme de bûches cylindriques privées d'écorce et d'aubier, de 8 à il centimètres, ou en troncs de 30 à tiO centimètres de diamètre, également privés d'aubier, ce qui indique un arbre de première grandeur, il est d'un gris ver- dcltre, plus compacte et plus pesant que le sassafras, mais surnageant encore l'eau, et ne prenant qu'un poli imparfait; lorsqu'on le râpe, il développe une odeur mixte de sassafras et d'anis, mais bien moins forte que celle du sassafras et moins persistante. Aussi les pharmaciens doivent-ils rejeter les copeaux de ce bois, que l'on trouve aujourd'hui très-abondamment chez les droguistes, parce que les ébénistes et les tourneurs, préférant pour leur usage le bois d'anis au sassafras, versent une grande quantité de ces copeaux dans le commerce. Il n'y a aucune comparaison à faire entre eux pour l'odeur et les propriétés, et ceux que l'on prépare soi-même avec la racine du vrai sassafras. Enfin, le LAURÂCEES. — SASSAFRAS. 397 bois d'anis graisse la scie, cl sa coupe transversale, étant polie, ofl're un pointillé blanchâtre sur un fond jaunâtre obscur. Autre bois à odeur «le sa§safra8. Il y a très-longtemps que ce bois m'a été remis par M. Boutron-Charlard sous le nom de 6o^'? de Naghas sentant ranis. Virey, qui le tenait de la môme source, a cru pouvoir l'attribuer, en raison de sa grande dureté, au Mesua fenea, L. {Nagassarium, Rumph., Guttifères) qui fournit un bois tellement dur, que les Portugais lui ont donné le nom de bois de fer (1). Mais je doute fort que cette opinion soit vraie, parce que Rumphius et Burmann, qui ont fait mention de l'odeur des fleurs du Nagassarium, n'ont nullement dit que son bois fût aromatique. Je crois plutôt, en raison des rapports évidents de ce bois avec le précédent, qu'il est fourni par un Ocotea, et sa trùs-grande dureté, jointe à sa forte qualité aromatique, me font l'attribuer à VOcotea cymbarum de Humboldt et Bonpland. Je ne l'ai jamais vu dans le commerce ; tel que je l'ai et tel qu'il existe aussi dans le droguier de l'École de pharmacie, ce bois provient d'un tronc d'un diamètre considérable; il pèse spécifiquement 1,094; il est très-dur, brun noirâtre avec un aubier jaune fauve, presque aussi dense que le bois; il est susceptible d'un beau poli, et sa coupe perpendiculaire à l'axe présente, sous un fond brun foncé, un pointillé blanc très-serré. Il jouit d'une odeur et d'une saveur très-fortes de sassafras. Écorce picliurim. Murray (2) fait mention d'une écorce de pichurim produite par l'arbre qui donne la fève pichurim, que je suppose être encore VOcotea cymbarum, H., B.; de sorte que cet arbre donnerait à la fois le bois d'anis très-dur^ la fève pichurim et l'écorce pichurim. J'ai trouvé anciennement dans le commerce, sous le nom d'écorce de sassa- fras, une substance différente de la véritable écorce de sassafras, et qui avait tous les caractères de l'écorce pichurim de Murray. Cette écorce est mince et roulée, couverte d'un épiderme gris blanchâtre, jaunâtre ou brunâtre. Le liber est dune couleur de rouille terne, devenant brunâtre avec le temps; la texture en est assez compacte, fine, fibreuse et feuilletée. Son odeur et sa saveur sont celles du sassafras, mais plus faibles et plus suaves; la surface intérieure, qui est assez unie, offre très-souvent une sorte d'exsudation blanche, opaque, cristalline, qui me paraît analogue à celle de la fève pichurim. Lesson, qui a fait comme pharmacien le voyage autour du monde sur la corvette la Coquille, a rapporté de la Nouvelle-Guinée une écorce de massoy, anciennement décrite par Rumphius (3). Cette écorce ne différait de la précédente que par une odeur de sassafras plus forte, qu'elle devait problablement à ce qu'elle était toute nouvelle lorsque je l'ai examinée. Tous les autres caractères étaient semblables. Il est du reste évident, par la description de Rumphius, que le massoy est congénère des Ocotea d'Amérique. Écorce rte sassafras de Guatemala. Cette écorce, rapportée par M. Bazire, est en tuyaux roulés, minces, et de la grosseur d'une plume .(1) Virey, Journ. pharm., t. IX. 468. l2 j Mnrray, Appa7'atu'm., t. XV, p. 44. (2) Burmann, Flora inrfica, 17138. (3) INees von Esenbeck (Ch. G. et Th. Fr. L.), De cinnamomo disputatio. Bonnae, 1823. (4) Depuis, M. Chr. God. Nées (Stjstema laurinarum, 183G) a modifié en plu- sieurs points le résultat des précédentes recherches faites en commun avec son frère, M. Th.-Fr.-Louis Xees. Je n'ai pas cru devoir adopter ces modifications. LAURACÉES. — CANNELLE DE CEYLAN. 405 frugiferum, Biirm. (1); Malabar or Java cinnamom, Blackw. (2); Laurvs Cinnamomum^ L. (3), Nées (4) et Fr. Nées (5). Le Gannellier de Ceylcan esl exclusivement propre à celte île, qui est la Taprobane des anciens ; mais il a été propagé par le moyen des fruits aux îles Maurice, à Cayenne et aux Antilles, dont plusieurs fournissent au commerce une écorce qui rivalise jusqu'à un certain point avec celle de Geylan. On distingue à Geylan plusieurs variétés ou espèces de cannellier dont les noms expriment les principales différences ; tels sont : 1° Le rasse coronde ou curunde^ c'est-à-dire cannellier piquant et sucré, véritable cannellier officinal ou vrai Cinnamomum zey- lanicum. 2° Le cachatte coronde^ ou cannellier amer et astringent, dont récorce récente a une odeur agréable et une saveur amaricante; mais, desséchée, elle devient brune, presque inodore, à saveur camphrée. Sa racine est très-camphrée. 3*^ Le capperoe coronde^ ou cannellier camphré, dont l'écorce et la racine sont également camphrées; Cinnamomum cappara- coronde f Blume. 4** Le îcelle coronde^ c'est-à-dire cannellier sablonneux, parce que son écorce mâchée croque sous la dent. Racine peu camphrée. 5° Le sewel coronde, ou cannellier mucilagineux, de la saveur de son écorce. 6° Le nieke coronde, c'est-à-dire cannellier à feuilles de nieke- gas ( Vitex Negundo). 7° Le dawel coronde, ou cannellier-tambour ; ce nom lui est donné à cause de l'usage que Ton fait de son bois pour fabriquer les tambours. Get arbre forme un genre particulier, sous le nom de Litsœa zeylanica. 8° Le catte coronde, ou cannellier épineux. 9^* Le inae l {mil) , coronde ou cannellier ^Q\iv\,Cinnamomumperpe' tuoflorens, Burm. {fo)\Laurus Burmanni, Nées (7) ; Laurus muUifloim^ Roxb. ; Cinnamomum zeylanicum, var. cassia, G. G. Nées (8), et Fr. Nées (9) ; Canellajavanejisis, Bauh. (10). Comme on le voit, cette espèce est aujourd'hui considérée par M. G. G. Nées comme une 1) Burmann, Thésaurus Zeyl. Amstelodami, 1737. tab. XXVJL 2) Blackwell, tab. CCCLIY. 3) Linné, S/).;;/., t. II, p. 538- 4) Nées von Esenbeck, De cinnam. dispuf., tab. L 5) Fr. Nées von Esenbeck, Plant, medviin., t. CX.XV11I. 6) Burmann, Thésaurus Zeyl., tab. XX VIII. 7) Nées von Esenbeck, Cinn. dis p., tab. IV. 8) Nées von Esenbeck, Syst. laurin. Berolini, 1830. 9) Nées von Esenbeck, Fiant, officin., suppl., fig. 25. 10) Bauhitius, Pin., p. 409. 406 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. simple variété di; Cinnamomum zeylanicum, duquel elle se rappro- che beaucoup en effet; mais, suivant moi, iM. G. Nées lui donne de nouveau à tort, comme synonymes, le Laurus cassia de la Ma- tière médicale de Linné, le karua de Rheede (1) et le Cassia lignea de Blackwell (2), dont la distinction avait été clairement établie par Nées (3). Le vrai Cannellier {fg. 490), imsse coronde ou Cinnamomum zeyla- nicum^ Breyn., est un arbre de 5 à 7 mètres de haut, porté sur un Ironc de 30 à 45 centimètres de diamè- tre. Les pétioles et les jeu- nes rameaux sont glabres; les feuilles sont presque opposées, ovales-oblon- gues , obtuses , les plus grandes ayant de 11 à 14 centimètres de long sur 5 à 7 centimètres de large ; mais elles sont souvent beaucoup plus petites. Ces feuilles sont fermes et co- riaces ; elles offrent, outre la nervure du milieu , deux autres nervures principa- les, qui partent comme la première du pétiole, s'ar- rondissent en se rappro- chant du bord de la feuille, et se dirigent vert le som- met, sans l'atteindre. In- dépendamment de ces trois nervures, les feuilles les plus larges en offrent deux autres tout près du bord; enfin ces feuilles desséchées prennent une teinte jaunâtre-brunâtre, due à l'oxygénation de l'huile volatile qu'elles renferment. Les fleurs sont petites, jaunâtres, disposées en pani- cule terminale. Le fruit est un drupe ovale, assez semblable à un gland de chêne, d'un brun bleuâtre, entouré à la base par le calice ; il est formé à l'intérieur d'une pulpe verte et onctueuse, et d'une semence à amande huileuse et purpurine. On cultive le cannellier surtout d:ins la partie occidentale de (1) Rheede, f. J, tab. LVII. (2) Blackwell, tab. CGGXCI. (3) Nées, De cinnamomo disputatii, p. G3, tab. 111. Fig. 490. — Vrai cannellier. LAURÂCÉES. — CANNELLE DE L'INDE. 407 l'île de Ceylan, dans les environs de Colombo, et. dans un espace d'environ quatorze lieues de longueur. Lorsqu'il est bien exposé, il peut donner son écorce au bout de cinq ans; mais, dans une position contraire, il n'en donne de bonne qu'au bout de huit à douze ans. On l'exploile jusqu'à trente ans, et on en fait deux récoltes par an, dont la première et la plus forte dure depuis le mois d'avril jusqu'au mois d'août; la seconde commence en no- vembre et finit en janvier. Pour y procéder, on coupe les branches de plus de trois ans qui paraissent avoir les qualités requises ; on détache, avec un couteau, l'épiderme grisâtre qui les recouvre. Ensuite on fend longitudinalement Técorce, et on la sépare du bois. Cette écorce ressemble alors à des tubes fendus dans leur longueur; on insère Jes plus j)etits dans les plus grands et on les fait sécher au soleil. Les menus sont distillés, et fournissent de l'huile volatile qui est versée dans le commerce. La Cannelle de Ceylan est en faisceaux très-longs, composés d'écorces aussi minces que du papier, et renfermées en grand nombre les unes dans les autres. Elle a une couleur citrine blonde, une saveur agréable, aromatique chaude, un peu piquante et un peu sucrée; elle est douée d'une odeur très-suave, et ne donne guère à la distillation que 8 grammes d'huile volatile, par kilo- gramme ; mais cette huile est d'une odeur très-suave, quoique forte. Cannelle mate. — La substance qui porte ce nom est l'écorce qui provient du tronc du cannellier de Ceylan, ou de grosses bran- ches de l'arbre abattu lorsqu'il est devenu trop âgé pour produire de bonne cannelle. Elle est privée de son épiderme, large de 27 milimètres, plus ou moins, épaisse de 5, presque plate ou peu roulée ; son extérieur est légèrement rugueux et d'un jaune foncé ; son intérieur est d'un jaune plus pâle et comme recouvert d'une légère couche vernissée et brillante; sa cassure est fibreuse comme celle du quinquina jaune, et brillante; elle a une odeur et une saveur de cannelle agréables, mais très-faibles. Cette can- nelle doit être rejetée de l'usage pharmaceutique. Cannelle de l'inde OU du llalabar. Il ne faut pas COnfondl'C cette cannelle actuelle du commerce avec l'ancienne cannelle du Malabar produite par le Laurus cassia, L., et qui a été détruite par les Hollandais, ainsi qu'il sera dit plus loin. La cannelle actuelle de l'Inde est produite par le cannellier de Ceylan que les Anglais ont naturellement cherché à propager dans l'Inde. Cette cannelle a presque tous les caractères et la qualité de la vraie cannelle de Ceylan, et, à Paris, elle est vendue comme telle. Je trouve qu'elle s'en distingue cependant par une couleur plus pâle, uniforme. 408 DICOTYLÉDONES MONOGIILAMYDÉES. par une odeur un peu plus faible et qui se conserve moins long- temps. Elle est disposée en faisceaux aussi longs; mais les écorces sont en réalité plus courtes, et la longueur des faisceaux est due à ce que, en renfermant les écorces les unes dans les autres, on les a étagées sur leur longueur à la manière de tuyaux de lunette. Les écorces ne sont pas tout à fait aussi minces que dans la cannelle deCeylan; les tubes sont plus gros et bien cylindri- ques; Cannelle «le Cayenne. Cette cannelle provient du Cinnamomum zeylamcum, Breyn. cultivé à Cayenne. Elle est en écorces aussi minces et presque aussi longues que celle qui vient de Ceylan, dont elle offre aussi l'odeur et le goût. Seulement elle est un peu plus large et plus volumineuse, d'une couleur plus pâle et comme blanchâtre, mais marquée de taches brunâtres. Elle est d'une odeur et d'un goût un peu plus faibles, et qui se conservent moins longtemps. Beaucoup de personnes vendent et achètent aujour- d'hui ceite écorce comme de la cannelle de Ceylan. Le même cannellier est également cultivé au Brésil, dons l'île de la Trinité, dans les Antilles, et fournit au commerce des écor- ces de qualités très-variables, toujours inférieures à l'écorce de Ceylan. Celle du Brésil est la moins bonne de toutes; elle est comme spj)ngieuse et presque inodore. Fleurs de Cannellier, Fio?'es ccissiœ off.y Clavelli cinnamomi. Cette substance paraît venir de la Chine, et est attribuée, parla plu- part des auteurs, au même arbre qui proiluit la cannelle de -Chine ou au Cmnamomnm Loureiri, Nées Esenb. Son odeur fine et Irès- agréable, quoique forte, me ferait penser plutôt qu'elle est pro- duite par le cannellier de Ceylan, ou plutôt par le Cinnamomum perpétua florens de Burmann. Elle se compose de fleurs femelles de l'arbre fécondées, et lorsque l'ovaire a commencé à se développer, de sorte qu'on pourrait tout aussi bien la considérer comme for- mée des fruits très-imparfaits; elle ressemble un peu par la forme au clou de girofle; elle est principalement formée d'un calice plus ou moins ouvert ou globuleux, très-rugueux à l'extérieur, brun, épais, compacte et s'amincissant peu à peu en pointe jus- qu'au pédoncule qui le termine. Au centre du calice se trouve le petit fruit, qui est amer, globuleux, brun et rugueux en dessous, rougeâtre et lisse en dessus, et présentant à son point le plus élevé un vestige de slyle. Le calice a une odeur et une saveur de cannelle très-fortes et agréables ; il est très-riche en huile essentielle, qu'on peut en re- tirer par la distillation. Il jouit des mêmes propriétés médicales que la cannelle. Le fruit mûr ne se trouve pas dans le commerce; son amande LAURACÉES. — CANNELLE DE CHINE 409 donne par expression une huile concrète dont on forme à Ceylan des bougies odorantes. Cannelle de Chine. Cinnamomum aromaticum, G. Nées, SysL laur.; Cinnam. Cassia, Fr. Nées (1); Laurus Cassia, L. (2), Nees(3) ; Fr. Nées (4); Cassia lignea, Blackw. (5), kaima, llheede (6). Ce cannellier {fig. 491) croît au Malabar, à la Cochinchine datis la province de Kwangse en rig. 491 . — Cannelle de Chine. Chine, et dans les îles de la Sonde. Il s'élève a plus de 8 mètres; ses feuilles sont alternes, très-entières, longues, dans leur plus grand développement, de 18 î\ 25 centimètres, larges de 5 à 6, amincies en pointe aux deux extrémités; elles sont triplinerves, c'est-à-dire que les trois nervures principales qui parcourent la feuille, du pétiole jusqu'à l'extémité, se réunissent en une seule sur le limbe de la feuille, à quelque distance du pétiole. Ces trois nervures sont fortes parfaitement régulières, et divisent la feuille en quatre parties égales; l'espace qui les sépare est traversé par une infinité de nervures très-fines et aussi très-régulières ; la surface supé- rieure est lisse ; la face inférieure est grise et pubescente ; le pé- (1) Je pense que le nom de Ci?innmomum Cassia devrait être adopté, comme étant La transformation obligée du véritable Laurus Cassia^ L. ; alors le Cinna- momum perpetuoflorens de Burmann, soit qu'on le considère comme une va- riété du C. zeylanicum, soit qu'on en fasse une espèce distincte, reprendrai son nom, ou prendrait celui de ftoridum ou de multiflcrum que lui a donné Roxburgh. (2) Linné, Mat. med. (3) Nées, De cinn., p. 53, tab. IIL (4) Nées, Plant, medicin., tab. CXXIX. (5) Blackwell, tab. CCCXCL (6) Rheede, Hoiius indiens Malabaricus, t. I, tab. LVIL 410 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. tiole et les jeunes rameaux le sont également. Le pétiole mâché offre le goût particulier de la cannelle de Chine. Le Cinnamomum Cassia était très-abondant autrefois sur la côte de Malabar, qui faisait un commerce considérable de son écorce et de son huile distillée ; mais ce commerce a cessé lorsque les Hol- landais, s'étant rendus maîtres de Geyian, eurent acheté du roi de Gochin le droit de détruire tous les cannelliers, afin de don- ner plus de valeur à ceux de Ceylan. Aujourd'hui cette espèce de cannelle est tirée de la Chine par Canton. Elle est en faisceaux plus courts que celle de Ceylan, et se compose d'écorces plus épaisses et non roulées les unes dans les autres ; elle est d'une couleur fauve plus prononcée, et son odeur a quelque chose de peu agréable ; sa saveur est chaude, piquante et offre un goût de punaise ; enfin elle est moins estimée que la cannelle de Ceylan. Elle fournit plus d'huile volatile à la distillation; mais cette huile partage l'odeur peu agréable de l'écorce. Vauquelin, ayant fait l'examen des cannelles de Ceylan et de Chine, en a retiré également de l'huile volatile, du tannin, du mu- cilage, une matière colorante et un acide (1). La cannelle de Chine doit contenir en outre de l'amidon, car, lorsqu'on la distille avec de l'eau, le décocté prend une consistance tremblante en se re- froidissant. Fssencee de cannelle. On trouve dans le commerce trois sortes d'essences de cannelle : 1° celle de cannelle de Ceylan, qui est d'un jaune doré, d'une odeur des plus suaves, d'une saveur sucrée et brûlante et d'une pesanteur spécifique de 1,05 à un 1,09; elle est toujours d'un prix Irès-élevé ; 2** celle de cannelle de Chine, qui, possède les mêmes propriétés, à cela près de l'odeur et de la sa- veur qui sont beaucoup moins suaves et qui présentent quelque chose du goût de punaise ; le prix en est très-inférieur à la pre- mière; 3*^ celle de fleurs de cannelle qui se rapproche beaucoup de la première, quoique d'une odeur moins fine et moins suave et que l'on vend comme essence de Ceylan de seconde qualité. Toutes ces essences résultent du mélange en quantité variable de deux huiles volatiles, dont la principale, nommée hydrure de cin- namyle, est composée, d'après M. Dumas, de C*^H^O'^. Cette es- sence est essentiellement caractérisée par la propriété de s'unir directement avec l'acide azotique concentré, et de donner nais- sance à un composé éminemment cristallisable ; elle se combine également avec l'ammoniaque et forme un composé cristallisable et permanent; elle absorbe rapidement l'oxygène de l'air et se convertit, partie en corps résineux qui restent dissous dans l'es- (H Vauquelin, Journ. dephartn., t. III, p. 433. LAURACÉES. — MALABATHRUM. 411 sence, partie en acide cinnamique crislallisable, dont la formule égale GiSR^O*— CiW03-[-H0. Ce même acide se forme sou- vent par l'action de l'air sur l'hydrolat de cannelle, et cristallise au fond. Il a été pris longtemps pour de l'acide benzoïque dont il diffère beaucoup par sa composition . Cannelle de Siumatra. J'ai reçu une fois, sous ce nom, une cannelle en partie couverte d'un épiderme gris-blanchâtre, assez épaisse, roulée, d'une cou- leur rouge prononcée, d'une odeur assez forte et agréable, d'une saveur à la fois astringente, sucrée et aromatique ; enfin se ré- duisant en pâte dans la bouche, tant elle est mucilagineuse. Cannelle de JaTa. Cette cannelle (1), qui est assez commune, ne diffère peut-être de la précédente que par son ancienneté dans le commerce; elle est en tubes épais, roulés isolément les uns des autres, bien cylin- driques, d'une couleur rouge assez prononcée, d'une odeur et d'une saveur semblables à celles de la cannelle de Chine, mais plus faibles ; elle a une saveur très-mucilagineuse. En vieillissant, elle devient d'un brun noirâtre et perd presque toute odeur. C'est cette écorce que l'on vend aujourd'hui dans le commerce sous le nom de Cassia lignea. La cannelle de Java paraît due au Cinnamomum perpetuoflorens de Burmann, Laurus multiflora de Roxburgh, Laurus Burmanni des frères Nées d'Esenbeck. Cassia lig^nea et jllalabatliruni. J'ai dit précédemment que le Cassia ou Casia des anciens pa- raissait être notre cannelle actuelle; plus tard il prit le surnom de syringis ou de fistularis ou de fistula, en raison de sa disposi- tion en tubes creux, et enfin, lorsque le nom de Cassia Fistula eut été réservé exclusivement au fruit purgatif qui le porte aujour- d'hui, on désigna, comme moyen de distinction, l'ancienneécorce de cassia par le surnom de lignea. Ainsi je pense que, à une cer- taine époque, l'expression Cassia lignea répondit à notre nom actuel cannelle^ sans distinction d'espèces ou de variétés. Mais, bientôt après, les marchands d'épices et les apothicaires ayant appris à en distinguer plusieurs espèces, les noms de cannelle et de cinnamomum furent réservés aux écorces les plus fines, tant en épaisseur qu'en qualité, et le nom Cassia lignea fut affecté (l) Clusius, Exot., p. 7 T. 412 DICOTYLÉDONES MONOCIILAMYDÉES. aux écorces plus épaisses, d'une apparence plus ligneuse et d'un goût moins parfait. Fanniiares habeo eruditos viros medicos arabes^ turcos et coracones, qui omnes canellam crassiorem cassiani ligneam appellant (1). A partir de ce moment, les meilleurs auteurs, tels que Yalérius Cordus, Pomet, Lemery, Charas, Geoffroy, ont donné la même signification au Cassia lignea, et l'ont appliquée soit à la cannelle de Chine, soit plutôt encore à celle de Java ou de Sumatra. Je dois dire cependant que vers l'année iSOo, époque à laquelle j'ai commencé l'étude de la pharmacie, j'ai vu dans les bonnes officines et chez les principaux droguistes de Paris, sous le nom de Cassia lignea^ une écorce qui différait de toutes les cannelles précédentes par un manque presque complet d'odeur et de saveur, et j'ajoute que, vers l'année 1812 ou 1813, lorsqu'on fît expressé- ment venir de Hollande les substances qui devaient composer le grand droguier de la pharmacie centrale des hôpitaux, afin que leur qualité fût mieux assurée, c'est celle même écorce inodore qui nous fut envoyée comme Cassia lignea : c'est donc à elle seu- lement que j'en conserverai le nom. Je puis dire la même chose pour les feuilles du malabathrum : la plupart des auteurs parlent de leur qualité aromatique et de leur forme plus ou moins arrondie ou allongée; et assez récem- ment, M . G. Nées d'Esenbeck a trouvé des feuilles de malabathrum qui lui ont paru appartenir à diverses espèces de Cinnamomum : tels sont les Cinnamomum Tamala, albiflorum^ eucalyptoides {niiidum^ Hooker et Blume), obtusifoliumjners, etc. M. Blume, de son côlé, pense que ces feuilles sont fournies presque exclusivement par son Cinnamomum nitidum. Or, depuis que je suis dans la pharma- cie, je n'ai jamais vu qu'une seule espèce de feuille de malaba- thrum, et cette feuille, par son manque complet d'odeur et de saveur, me paraît appartenir au même arbre que le Cassia lignea dont je viens de parler. Voici la description de ces deux sub- stances : Cassia lignea. Cette écorce, dont il ne me reste plus qu*un fai- ble échantillon, était en tubes fort longs, comme ceux de la can- nelle de Ceylan, mais non roulés les uns dans les autres, et offrant l'épaisseur de la belle cannelle de Chine (c'est-à-dire qu'elle était plus épaisse que la cannelle de Ceylan, et moins épaisse que la cannelle de Chine commune); elle était d'une couleur fauve-rou- geâtre, et se distinguait de l'une et l'autre cannelle par la parfaite cylindricité de ses tubes (la cannelle est toujours plus ou moins flexueuse); elle était privée d'odeur, et sa saveur était mucilagi- neuse. {{) Gardas ab Horto, Aromatum hist., cap. x. LAURACÉES. — MALABATRIIUM. ii3 Malabalhrum {/ig. 492). Ces feuilles sont oblongues-lancéolées ou linéaires-lancéolées, amincies en pointe aux deux extrémités; elles varient beaucoup de grandeur, car elles ont depuis 8 centi- mètres de long sur 2, 7 centimètres de large, jusqu'à 25 centimètres de long sur 5,8 centimè- tres de large. Comme on le voit, ces feuilles sont beaucoup plus étroites que celles du Cinnamomum Cassia, et, à plus forte raison, que celles du Cin- namomumzeylanicum. Elles sont plus minces que les unes et les autres, et sont simplement tri- nerves, c'est-à-dire que les trois nervures qui vont de la base au sommet se séparent à partir du pétiole; de plus, les deux nervures latérales sont beaucoup plus rapprochées du bord de la feuille que de la nervure du milieu, de sorte que la feuille n'est pas partagée en parties égales comme celle du Cinnamomum Cassia. La feuille de mala- balhrum est lisse et luisante en dessus, glabre en dessous, et les nervures et le pétiole sont lisses et luisants, au lieu d'être pubescents comme dans le Cinnamomum Cassia. Elle est complètement inodore, et le pétiole qui est très-mince, étant mâché, n'offre aucun goût de cannelle. Enfin, cette feuille présente une couleur verte qui résiste à la vétusté, ce qui tient à l'absence complète de l'huile volatile. Maintenant quelle est l'espèce de Cinnamomum qui produit à la fois le Cassia lignea et le Malabathrum ? J'ai toujours pensé que ce devait être le katou karua de Rheede (1), qui est leLaurus Malabathrum deBurmann, le Cinnamomum Malabathrum de Balka, et peut-être aussi le Cinnamomum iners deBlume. Je sais bien que Rheede compare, pour l'odeur et la saveur, le katou kai^ua au ka- rua (cannelle de Chine); mais il est possible que cette odeur, déjà plus faible, se perde à la dessiccation; elle paraît être nulle dans le Cinnamomum iners (2). (1) Rheede, Horl. Mnlab., t. V, tab. LUI. (2) Voici, d'après Blume, les figures qui se rapportent le mieux aux feuilles de malabathrum et qui, suivant moi, appartiennent à une seule et môme espèce. 1» Cinnamomum Malabathrum^ tab. XIII, fig. 3 et 4 {ult. opt.). 2° — ochraceum, tab. X, fig. 2, 3 et 4 {triœ opt,). • 3° — Rauwolfiy tab. IX, fig. 4, 6. Les figures suivantes se rapportent moins biens au Malabathrum. 4° Cinnimomum nitidum, tab. XV. 5° — nilidum, tab. XVI, fig. t. 6' — iners, tab. XVII. 1° — iners, tab. XVIII. Fig. 492. Malabathrum. 414 DICOTYLÉDONES MONOCHLÂMÏDEES. r Ecorce de Culila^van. Cannelle-giroflée de quelques-uns ; Cortex caryophylloides de Rumpbius; Laurus Culilaivan, L. ; Cinnamomum Culilawan de Blume. Cet arbre a. les feuilles presque opposées, Iriplinervées, ovales-acuminées, glabres, coriaces, vertes en dessus, un peu glau- ques en dessous. L'ocorce, telle que le commerce nous l'offre, est en morceaux plus ou moins longs, presque plats ou peu convexes? épais de 2 à 7 millimètres, fibreux, raclés à l'extérieur ou recou- verts d'un épiderme blanchâtre; elle est d'un jaune rougeâtre à l'intérieur, et ressemble assez à de mauvais quinquina jaune. Elle a une odeur de cannelle et de girofle mêlés, qui, lorsqu'on la pul- vérise, acquiert quelque chose de l'essence de térébenthine; elle a une saveur aromatique chaude, un peu piquante et mêlée d'un léger goût astringent et mucilagineux ; elle donne une huile volatile à la distillation ; elle est peu employée Le nom de cette écorce est tiré du malais kulit lawang, qui si- gnilie écorce giroflée. Le groupe des îles Malaises, des îles Philippines et de la terre des Papous, paraît produire un grand nombre d'espèces de Cin- namomum à écorces caryophyllées, qui peuvent être facilement confondues. Rumphius distingue deux espèces ou variétés de culilawan dans la seule île d'Amboine : l'une blanche, c'est le Cinnamomum Culilawan^ Bl.; l'autre rouge, dont M. Blume a fait son Cinnamomum rubrum, et dont l'écorce, suivant l'échantillon qui m'en a été communiqué, est d'un rouge de cannelle foncé, de forme cintrée, mondée et unie à l'intérieur, lustrée et comme satinée à l'intérieur, épaisse de 4 à 5 millimètres, d'une texture fibreuse fine et spongieuse. La saveur en est très-aromatique, très-piquante, et offre un goût mélangé de cannelle fine et de girofle. Rumphius mentionne aussi une écorce de sindoc que le vul- gaire confond avec le culilawan, quoiqu'elle soit différente et provienne d'un arbre différent. Cet arbre est le Cinnamomum Sin- toc de Blume. L'écorce, d'après l'échantillon que j'en ai, et d'a- près les figures qu'en a données M. Blume, ne me paraît pas dif- férer de celle de culilawan ordinaire. Peut-être cependant est-elle un peu plus compacte; elle est fortement aromatique. Vient encore une écorce de culilawan des Papous qui ne pa- raît différer du culilawan commun ou blanchâtre que par la cou- leur bistrée de son liber; enfin une écorce de massoy de la ^'ou- Telle-Ouiuée, différente de celle à odeur de sassafras, qui a été rapportée par M. Lesson, et dont il est possible qu'il y ait plusieurs espèces : telle que je me la suis procurée à une exposition qui a LAURACÉES. — CAMPHRE DU JAPON. 415 eu lieu il y a quelques années à Paris, sous le nom de musée jc~ ponaiSy celte écorce est cintrée, épaisse de 7 à 8 millimètres, couverte d'an épiderme gris-rougeàtre légèrement tuberculeux et formée d'un liber gris rosé, dur et compacte, d'une structure un peu radiée sur sa coupe transversale. Elle possède une odeur très- forte, analogue à celle du cumin, et une saveur très-âcre, avec le même goût de cumin. On connaît dans le commerce, sous le nom de cannelle blanche, une écorce qui n'a d'autre rapport avec la cannelle que sa qualité aromatique ; elle appartient à la famille des guttifères. [Quant à récorce désignée par Guibourt sous le nom de cannelle brû- lante (1), elle est produite par le Drimys granatensis de la famille des Magnoliacées.] Camphre du «lapon. Le campbre est un principe immédiat de la nature des huiles volatiles, qui est solide, incolore, transparent, plus léger que l'eau, d'une odeur très-forte et pénétrante, d'une saveur très-âcre et aromatique, accompagnée cependant d'un sentiment de fraîcheur. Il est assez volatil pour se dissiper entièrement à l'air libre ; il est inflammable et brûle sans résidu, même à la surface de l'eau. Il n'est pas sensiblement soluble dans ce liquide, auquel cepen- dant il communique une odeur et une saveur très-prononcées. Il est Irès-soluble dans l'éther, l'alcool, les huiles fixes et volatiles. Le camphre existe dans beaucoup de végétaux, et Proust en a retiré d'un assez grand nombre d'huiles volatiles de plantes la- biées. La zéodaire, le gingembre, le galanga, le cardamome, le schœnanthe, sont aussi cités pour en contenir; les racines de la plupart des cannelliers en fournissent à la distillation ; mais tout le camphre du commerce paraît être retiré d'un grand laurier du Japon, que Ksempfer a fait connaître le premier (2), que Linné a nommé Laurus camphora^ et qui est aujourd'hui le Camphora officinarum, Nées. Pour oblenir le camphre, on réduit en éclats la racine, le tronc et les branches du laurier- camphrier; on les met avec de l'eau dans de grandes cucurbites de fer, surmontées de chapiteaux en terre, dont on garnit l'intérieur de paille de riz; on chauffe mo- dérément, et le camphe se volatilise et se sublime sur la paille. On le rassemble et on l'envoie en Europe, enfermé dans des ton- neaux. Il est sous la forme de grains grisâtres, agglomérés, hui- leux, humides, plus ou moins impurs. (1) Guibourt, Hist. des drogues simples ^ 4* édit., p. 383. (2) Kaempfer, Amœn.^ p. 770. 416 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. Les Hollandais ont été longtemps seuls en possession de l'art de raffiner le camphre, et de le mettre sous la forme de larges pains à demi fondus et transparents. Ils ont gardé le monopole de cet art longtemps encore après la publication du procédé; car il n'y a guère qu'une cinquantaine d'années qu'on raffine en France, et cependant le procédé s'en trouve décrit avec détail par Geoffroy (1), et par Proust (2) ; il paraît même avoir été connu de Lemery. M. Clémandot l'a encore décrit d'une manière très- exacte (3). Ce procédé consiste à mettre le camphre brut dans des matras à fond plat, placés chacun sur un bain de sablC;, et en- tièrement couverts de sable. On chauffe graduellement jusqu'à fondre le camphre, et le faire entrer en légère ébullition : on l'en- tretient en cet état jusqu'à ce que toute l'eau qu'il contient soit évaporée. Alors on découvre peu à peu le haut du matras en re- tirant le sable, de manière à le refroidir et à permettre au cam- phre de s'y condenser. On continue ainsi jusqu'à ce que le matras soit entièrement découvert, et on attend que l'appareil soit com- plètement refroidi pour en retirer le pain de camphre. J'ai dit plus haut que le camphre du commerce était tiré du laurier-camphrier du Japon. Beaucoup de personnes (A) pensent aujourd'hui que la majeure partie de cette marchandise provient d'un arbre différent, qui croît dans les îles de Bornéo et de Su- matra. En effet Âinslie (5) dit que la plus grande partie du cam- phre et de Vessence de camphre que l'on trouve dans les bazars de l'Inde n'est pas produite par le Laurus camphora du Japon, mais qu'elle est apportée de Sumatra et de Bornéo; que déjà, depuis longtemps, Kœmpfer avait suggéré l'idée que le camphre apporté en Europe de Bornéo et de Sumatra n'était pas produit par le Laurus camphora; mais que, grâce aux recherches éclairées de M. Colebroke, il est maintenant certain qu'il est produit par un arbre d'un genre différent, nommé Dryobalanops Camphora^ lequel croît à une grande hauteur dans les forêts de la côte nord-est de Sumatra (6). Pour se procurer l'essence de camphre, qui est en- core plus estimée que le camphre lui-môme dans ces contrées orientales, il est seulement nécessaire de percer l'arbre, et l'es- (1) Geoffroy, Matière médicale^ t. IV, p. 21. (2) Proust, Ann. de chintie.^ t. IV, p. 21. (li) Clémandot, Joiirn. de p/iarrn., t. III, p. 353. (4) [M. ïh. Martius, qui avait jadis émis cette idée, en est revenu complète- ment et arrive à ces conclusions : que le camphre du Dryohalanops est un pro- duit qui n'existe qu'en très-petite quantité en Angleterre, et qui est à peu près inconnu en Allemagne. [Neues llepertorium fur Pharmacie^ et analysé dans le Journal de pharm. et de chimie, 3* série, t. XXIil, p. 472.] (5) Ainslie, Materia indica, t. I, p. 49. (6j Colebroke, Asiat. Res., vol. XII, p. 369. LAURAGÉES. — CAMPHRE DU JAPON. 417 sence découle par rorifice. Pour obtenir le camphre concret, l'ar- bre doit être abattu, lorsqu'on y découvre comme de petits gla- çons blancs, situés perpendiculairement, et en veines irrégulières, au centre ou près du centre du bois. L'arbre dont il est ici question, sous le nom de Dryobalanops Camphora^ avait été décrit depuis longtemps par Breyn et par Rumphius, qui avaient parfaitement vu qu'il était différent du camphrier du Japon. Gaertner fils, sur l'inspection seule du fruit, l'avait distingué par le nom de Dryobalanops aromatica, et Correa de Serra l'avait nommé Pierygium costatum {i) . Cet arbre, réuni à quelques autres genres analogues, constitue la petite famille des Diplérocarpées, voisine des Tiliacées; mais rien ne prouve que le camphre qui en provient soit apporté en Europe. D'abord Keem- pfer ne dit nullement qu'il y soit apporté, comme on serait tenté de le supposer, d'après Ainslie; Ksempfer dit seulement que dans les îles de Bornéo et de Sumatra, il croît un arbre qui produit un camphre naturel, cristallin, très-précieux et très-rare, mais que cet arbre n'est pas du genre des Lauriers. Secondement, tou- tes les autorités citées par Ainslie prouvent seulement que le camphre de Sumatra est usité dans l'Inde comme il l'est en Chine et au Japon ; mais on ne voit pas qu'aucun dise qu'il soit apporté en Europe. Troisièmement, enfm, ce que rapporte Ainslie de l'ex- traction du camphre du camphrier de Sumatra, paraît extrait de Rumphius, et Rumphius dit positivement que ce camphre ne vient pas en Europe. Voici un extrait de ce qu'en rapporte Rum- phius : « Le camphre de cet arbre, nommé capur baros, du lieu où il croît, se concrète naturellement sous l'écorce et au milieu du bois, sous la forme de larmes plates, qui ont l'apparence de la glace ou du mica de Moscovie ; mais plus souvent il est en frag- ments de la grandeur de l'ongle. Ce camphre, très-eslimé, se nomme cabessa. Vient après celui qui est en grains comme le poivre, ou en petites écailles, que l'on nomme bariga ; celui qui est pulvérulent comme du sable ou de la farine se nomme pee. Ces trois sortes sont mêlées ensemble et renfermées dans des vessies enveloppées d'un sac de jonc; sans ces précautions, le camphre cabessa se volatilise et prive de son odeur le restant de la masse, qui est plus vil et plus léger (2). (( Le camphre du Japon n'est pas aussi volatil, ce qui est cause (1) Correa de Serra, Ann. du Mus., t. VIII, p. 397. ('2) Il résulterait de ce passage, et d'autres de Rumphius et de Breyn, que ie camphre cabessa est plus volatil que celui du Japon ; mais qu'il est souvent mêlé, dans le camphre en sorte, d'une autre substance peu ou pas volatile et non odorante. GuiBOURT, Drogues, 7e édit. T» II, — 27 418 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDEES. que la Compagnie des Indes laisse le camphre de Baros et n'envoie en Hollande rien autre chose que celui du Japon. « Au contraire, les Chinois et autres recherchent le camphre cabessa, et le transportent avec un grand bénéfice au Japon, où la livre vaut de 22 à 60 impériaux, suivant la grandeur des mor- ceaux (1). )) Je dois à M. le professeur Christison un échantillon de camphre de Bornéo; il est en fragments incolores et d'une transparence un peu nébuleuse, ressemblant à de petits morceaux de glace. Ces petites larmes, dont les plus grosses ne pèsent pas plus de 1 décigramme, sont généralement plates d'un côté et différem- ment anguleuses de l'autre. Elles ont une odeur camphrée moins forte que celle du camphre du Japon, et mêlée d'une odeur de patchouly. Elles sont un peu dures sous la dent, et s'y pulvérisent en émettant dans la bouche une très-forte saveur camphrée. Ce camphre a été analysé par Pelouze, qui lui a trouvé une compo- sition un peu différente de celle du camphre du Japon. Le camphre du Japon est composé de C'^^H^^O^ pour 4 volu- mes de vapeur. L'essence liquide qui l'accompagne en petite quantité dans l'arbre = C^^H^^O. Cette essence, traitée avec pré- caution par les agents oxygénants, se convertit en camphre. L'hy- drogène carburé (G-^H^^), qui forme le radical de ces deux corps, est isomère avec l'essence de térébenthine, dont le camphre et son essence représentent les deux premiers degrés d'oxydation. L'acide phosphorique anhydre enlève au camphre 2H0, et le change en camphogène = G^QH^^. Le camphre, traité par 10 parties d'acide sulfurique hydraté additionné d'eau, se sépare, après quelque temps, sous forme d'une huile liquide qui est isomérique avec le camphre. Le camphre, traité à froid par l'acide azotique concentré, s'y dissout en grande proportion; mais aussitôt le mélange se sépare en deux parts, dont la partie surnageante, autrefois nommée huile de camphre, est un liquide jaune et oléiforme, composé de cam- phre et d'acide nitrique anhydre. Il ne faut pas confondre cette huile de camphre artificielle avec les essences naturelles des cam- phriers. Le camphre, traité à chaud par 6 à 10 parties d'acide azotique, se convertit en acide camphorique (G^WO^), c'est-à- dire qu'une molécule de camphre C^OH^SO^ prend 0^ et forme G20H16Q8 -_ c) molécules d'acide camphorique hydraté. (1) Rumphius, Herb. amb., t. VII, p. 68. Deux commerçants m'ont assuré, cependant, que, dans ces dernières années, il était arrivé par la voie de Hollande une certaine quantité de camphre de Bornéo, lequel avait été employé mélangé avec celui du Japon. MYRISTICÉES. — MUSCADIER. 419 Le camphre de Bornéo a pour formule C^OH^SQ-i ^ traité par l'a- cide phosphorique anhydre, il perd 2H0 et forme C^^H_*^, iden- tique avec l'essence naturelle du Dryobalanops Camphora^ et iso- mérique avec l'essence de térébenthine. Traité par l'acide azoti- que avec précaution, et à la température ordinaire, il perd^etse convertit en camphre du Japon. FAMILLE DES MYRISTICÉES. Petite famille d'arbres exotiques et intertropicaux, dont le principal genre {Myrislica) avait été rangé d'abord dans la famille des Laurinées; mais elle s'en distingue par un assez grand nombre de caraclères, tout en conservant cependant avec les Laurinées assez d'analogies pour qu'il soit convenable de ne pas les isoler. Les Myristica ont les feuilles alternes, courlement pétiolées, très- entières, privées de stipules ; les fleurs sont dioïques, très-petites, ra- rement terminales, pourvues d'un périgone simple, coloré, urcéolé ou tubuleux, à 3 divisions valvaires. Les fleurs mules présentent à leur centre une colonne formée par la soudure des étamines, et cette co- lonne porte, à sa partie supérieure, de 5 à 15 anthères linéaires, bilo- culaires, disposées circulairement, et s'ouvrant par deux fentes longi- tudinales. Les fleurs femelles contiennent un ovaire unique, supère, uniloculaire, à un seul ovule dressé, anatrope. Le stigmate est bilobé. Le fruit est une baie sèche, s'ouvrant en 2 valves, et contenant une se- mence à épisperme solide, recouvert par un arillode charnu, plus ou moins lacinié. L'embryon est petit et situé à la base d'un endosperme huileux. La radicule est courte et infère. Le genre Myristica renferme un assez grand nombre d'espèces, dont la plupart appartiennent aux îles de la Malaisie ; les autres se trouvent dans l'Amérique méridionale. lluscadier aromatique, muscade et macis. Myristica moschata^ Thunb.; M. officinaliSj L. f. etGsertn.; M. fragrans, Hoult. ; M. aromatica, Lmk. (fig. 493). Bel arbre des îles Moluques, cultivé surtout aux îles Banda, et introduit, en 1770, dans celles de France et de Bourbon. C'est des îles qu'il est ensuite passé en Amérique. Son fruit est une baie pyriforme marquée d'un sillon longitudinal et de la grosseur d'une petite pêche. L'enveloppe en est charnue, mais peu succulente, et s'ou- vre en deux valves (quelquefois en quatre) à mesure qu'elle mûrit et se dessèche. On voit quelquefois en Europe de ces fruits en- tiers, confits au sucre ou conservés dans de l'alcool ou de la sau- mure. Sous ce brou, qu'on rejette ordinairement-, on aperçoit {fig, 494) 420 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDEES. un faux arille profondément et irrégulièrement lacinié, charnu, d'un beau rouge lorsqu'il est récent, mais devenant jaune par la dessiccation : c'est le macis. On le sépare de la semence qu'il tient comme embrassée, et on le fait sécher après l'avoir trempé dans Fig. 493. — Muscadier. Teau salée, ce qui lui conserve de la souplesse et empêche la dé- perdition du principe aromatique. On doit le choisir d'un jaune orangé, épais, sec, et cependant souple et onctueux, d'une odeur forte, très-agréable, et d'une saveur Irès-âcre et aromatique. Sous le macis se trouve l'enveloppe même de la graine qui a -la forme d'une coque arrondie ou ovoïde, d'une couleur brune, impressionnée à sa surface par Tapplica- tion de l'arille; solide, sèche, cassante, inodore. On la rejette comme inutile. EnGn, l'amande qui se trouve au centre du fruit, et que le commerce nous présente presque toujours dépouillée de ses différen- tes enveloppes, constitue la muscade. Elle est d'une forme arrondie^ou ovoïde, grosse comme une petite noix, ridée et sillonnée en tous sens; sa couleur est d'un gris rougeâtre sur les parties saillantes et d'un blanc grisâtre dans les sillons; à l'intérieur, elle est grise €t veinée de rouge; d'une consistance dure et cependant onc- tueuse et attaquable par le couteau ; d'une odeur forte, aroma- tique et agréable; d'une saveur huileuse, chaude et acre. On doit la choisir grosse, pesante et non piquée, ce à quoi elle est fort Fig. 494. — Graine de mus- cadier avec son ariilode ou macis. MYRISTICÉES. — MUSCADIER. 421 sujette, malgré la précaution que l'on prend en Asie, avant de l'envoyer, de la tremper dans de l'eau de chaux. Les commer- çants sont fort habiles à boucher les trous d'insectes avec une pâte composée de poudre et d'huile de muscade; il faut y regarder de près si l'on ne veut pas y être trompé. Muscade de Cayenne. Le muscadier aromatique transporté h Cayenne y a prospéré; mais les semences, plus petites et moins huileuses que les muscades des Moluques, ne sont guère reçues que dans le commerce français. Elles arrivent toujours renfermées dans leur coque, qui est d'un brun foncé ou même noirâtre, lus- trée et comme vernie; l'intérieur de la coque est gris et dépourvu d'enduit pulvérulent et blanchâtre, de même que la surface de l'amande. Les dimensions de la coque sont de 26 à 27 millimètres sur 19, et celles de l'amande varient de 49 à 23 pour la longueur sur 15 à 18 d'épaisseur. Les muscades des Moluques en coques ont de 27 à 31 millimètres de longueur sur 24 millimètres d'é- paisseur ; l'amande nue a de 23 à 26 millimètres de longueur sur 20 ou 21 millimètres d'épaisseur. Muscade long^ne des Moluques. Nommée aussi muscade sauvage ou muscade mâle, la muscade officinale étant nommée, par opposition, muscade cultivée et mus- cade femelle. L'arbre qui produit la muscade longue {Myristica tomentosa, Thunb. et Wild.; Myristica fatua, Houtt etBlum.; My- ristica dactiloïdes^ Gsertn.), est plus élevé que le premier, et porte des feuilles plus grandes, pubescentes en dessous. Les fruits sont elliptiques, cotonneux à leur surface; la semence est elliptique, terminée en pointe mousse à l'extrémité supérieure, longue de 4 centimètres environ, épaisse de 2 à 2,5 centimètres. La coque (épisperme), dont elle est toujours pourvue, présente l'impression d'un macis partagé en quatre bandes assez régulières, allant de la base au sommet. L'amande est elliptique, unie, d'un gris rou- geâtre uniforme à sa surface, marbrée en dedans, moins huileuse et moins aromatique que la muscade ronde des Moluques, mais à peu près autant que la muscade de Cayenne. De môme que cette dernière, contenant proportionnellement plus d'amidon, elle est très-facilement piquée par les insectes, dont il faut toutes deux les préserver en les laissant renfermées dans leur épisperme li- gneux. Le macis est peu aromatique. Essence et huile de muscade et de macis. — La muscade con- tient une essence ou huile volatile qu'on peut obtenir par la dis- tillation avec de l'eau, et une huilé fixe et solide qu'on retire des semences par l'expression à chaud; mais elle est mêlée avec 422 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. l'essence qui lui communique son odeur et de la couleur. Cette huile mixte, nommée communément beurre de muscade^ se pré- pare sur les lieux mômes où croît la muscade, avec celles des se- mences qui sont brisées ou d'une qualité inférieure. On la trouve dans le commerce sous la forme de pains carrés longs, semblables à des briques de savon, et enveloppés dans des feuilles de pal- mier; elle est solide, onctueuse au toucher, de consistance friable, d'un jaune pâle ou d'un jaune marbré de rouge, d'une odeur forte de muscade; elle est souvent altérée dans le commerce, soit parce qu'on en a retiré une partie de l'huile volatile par la distillation, soit par l'addition de quelque graisse inodore. Les pharmaciens devraient donc la préparer eux-mêmes : on l'obtient alors d'un jaune très-pâle, d'une odeur très-forte et très-suave, et comme cristallisable à la longue. Suivant M. Playfair, lorsqu'on traite le beurre de muscade par de l'alcool rectifié à froid, on en dissout l'essence ainsi qu'une graisse colorée, et il reste environ 0,30 d'une graisse solide, blan- che et inodore, qui s'obtient par des cristallisations réitérées dans l'éther, sous forme de cristaux nacrés. Celte graisse, nommée myristicme, fond à 31°; saponifiée par les alcalis caustiques, elle donne naissance à de Vacide myristicique^ fusible à 50° et cristal- lisable en feuillets larges et brillants. [Quant à l'essence de muscade, c'est, lorsqu'elle est bien rec- tifiée, un liquide incolore, très-Iluide, que ne concrète pas un froid de 18°. Sa densité à l'état liquide est 0,8533, à 15°. Elle bout régulièrement à 165° et distille sans altération. Elle dévie le plan de polarisation vers la gauche. Son odeur est celle de muscade, sa saveur est acre et brûlante ; elle a pour formule ^801^16^ comme l'essence de térébenthine. Elle est peu soluble dans l'eau, complètement soluble dans l'alcool absolu (1).] Le macis contient également deux huiles fixes : une i-ouge^ so- luble dans l'alcool froid, qui dissout en même temps l'huile vola- tile; l'autre jaune j soluble seulement dans l'éther. L'essence de macis, obtenue par distillation, se trouve dans le commerce; elle est incolore, très-fluide, d'une odeur très-suave; elle pèse spécifi- quement 0,928. Un assez grand nombre d'espèces de Myristica fournissent des produits plus ou moins analogues : tels sont le Myinstica spuria des îles Philippines, le Myristica madagascarïensis de Madagascar, le Myristica Bicuiba du Brésil, le Myristica Otoha de la Nouvelle- Grenade, dont les habitants retirent un corps gras nommé otobat (l)Gloez, Examen chimique de l'huile volt dite de muscades {Journal de phar- macie et de chimie, ^^ série, t. XLV, p. 150). POLYGONÉES. — BISTORTE. 423 qu'ils emploient dans le traitement des affections cutanées des chevaux; enfin \e Myristicasebifera{Viro1a sebifera^ Aubl.) dont la semence fournit en abondance un suif jaunâtre, faiblement aro- matique, d'apparence cristalline, propre à faire des bougies. FAMILLE DES POLYGONÉES. Plantes herbacées ou sous-frutescentes dans nos climats, mais comp- tant quelques grands arbres dans les pays chauds; leurs feuilles sont alternes, engainantes à la base ou adhérentes à une gaîne membra- neuse et stipulaire; les fleurs sont hermaphrodites ou unisexuelles, disposées en épis cylindriques ou en grappes terminales; périanthe formé de 4 à 6 sépales, libres ou soudés par leur bas^, quelquefois dis- posés sur deux rangs et imbriqués avant leur évolution; étamines de 4 à 9, libres, disposées sur deux rangs, à anthères s'ouvrant longiludi- nalement; l'ovaire est libre, uniloculaire, contenant un seul ovule dressé: il est terminé par 2 ou 3 styles et autant de stigmates. Le fruit est un achaine ou un caropise souvent triangulaire, très-souvent en- touré par le calice persistant. La graine contient un embryon cylin- drique en partie roulé dans un endosperme farineux; radicule supère. La famille des Polygonées se recommande surtout auprès des pharmaciens par les racines officinales qu'elle leur fournit, telles que celles de historié^ de patience, de rhapontic et de rhubarbe. Toutes ces racines sont pourvues d'un principe colorant et astrin- gent, jaune ou rouge, et d'amidon. Leurs feuilles sont tantôt acides, tantôt astringentes, et souvent l'un et l'autre à la fois. Les fruits de plusieurs espèces de Fagopyrum{F.esculentum^ tartaricum, emarginalum) connus sous le nom de blé noir ou de sarrasin^ sont farineux et nourrissants, mais font un pain lourd et difficile à digérer. Le fruit de la renouée ou centinode {Pobjgonum avicu- lare) passe, au contraire, pour être émétique. Une autre espèce de Polygonum {Poiygonum tinc(orium), originaire de Chine, et cultivée depuis un certain nombre d'années en Europe, contient dans ses feuilles de l'indigo soluble, que l'on transforme en indigo bleu en le soumettant aux mêmes traitements que les Indigofera. Enfin, on trouve dans les Antilles et sur les côtes du continent voisin plusieurs espèces de Cocco/oô^, dont une, nommée Coccolubauvi fera (raisi nier des bords delà mer), est un grand arbre à bois rougeâlre et à fruits rouges bacciformes, disposés en grappes comme le rai- sin, mais qui sont en réalité des cariopses entourés par le calice accru et devenu succulent. On retire du bois, par décoction dans l'eau, un extrait rouge-brun et astringent, qui est une des espèces dekino du commerce. Une autre espèce de Coccoloba des AniiUes, le Coccoloba pubescens, est un arbre de 20 à 27 mètres de hauteur. 424 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. dont le bois très-dur, pesant, d'un rouge foncé, presque incorrup- tible, est un de ceux auxquels on a donné le nom de bois de fer, Bistorte. Poli/gotnon Bîstoria.L. — Car. gén,: fleurs hermaphrodites ou po- lygames paravortement; périanthe coloré, quinquéfide, rarement Iri ou quadrifide, très-souvent accrescent. Étamines 5 ou 8, rare- ment 4 ou 9, à filaments subulés, à anthères didymes, versatiles ; ovaire uniloculaire, comprimé ou triangulaire; ovule unique, basilaire, droit. Style bi ou trifide , quelquefois presque nul; achaine lenticulaire ou triangulaire , renfermé dans le périanthe. — Car. spéc: 9 étamines; tige très-simple, à un seul épi ; feuilles ovées- lancéolées, décurrentes sur le pétiole. La historié (fig. 495) croît en France, dans les lieux hu- mides ; ses feuilles ressem- blent un peu à celles de la pa- tience, mais elles sont d*un vert plus foncé et régulière- ' ment veinées; ses tiges s'élè- vent à la hauteur de 50 centi- mètres, et supportent chacune un seul épi d'une couleur in- carnate ou purpurine; son rhizome est gros comme le pouce, comprimé, deux fois replié sur lui-même, rugueux et brun à la surface, rougeâtre à l'intérieur, presque inodore, d'une sa- veur austère et fortement astringente. On nous l'apporte sec de nos départements méridionaux. La décoction de bistorte est très-rouge et précipite fortement les dissolutions de fer et de gélatine, ce qui indique qu'elle con- tient du tannin. Elle renferme aussi beaucoup d'amidon ; aussi, dans les temps de disette s'en est-on nourri quelquefois, après lui avoir fait subir une première infusion dans l'eau : elle fait partie de l'électuaire diascordium. Patience sauTag^e ou Parelle. Rumex obtusifoliuSj L. — Car. gén. : fleurs hermaphrodites ou Fig. 495. — Bistorte. POLYGONÉES. — PATIENCE SAUVAGE. 425 diciines par avortement ; périanthe à 6 folioles, dont 3 extérieures, herbacées et cohérentes à la base, et 3 intérieures, colorées, plus grandes, persistantes, nues ou accompagnées d'un tubercule à la base, conniventes; 6 étamines opposées deux par deux aux fo- lioles extérieures, filets très-courts, anthères oblongues fixées par la base; ovaire triangulaire surmonté de 3 styles capillaires, ter- minés chacun par un stigmate déchiqueté; cariopse triangulaire, recouvert sans adhérence par les 3 folioles internes du périanthe, qui se sont accrues. Le Rumex obtusifolius croît naturellement dans les lieux hu- mides et a le port d'une grande oseille; sa tige est rougeâtre, haute de 50 à 60 centimètres, ramifiée, garnie de feuilles cordées- oblongues, pointues, plus larges au bas de la tige, plus étroites et plus aiguës à la partie supérieure. Ces feuilles sont planes, fermes et d'un goût âpre. Les fleurs sont petites, disposées en grappes pa- niculées, hermaphrodites; les folioles intérieures du périanthe sont tuberculeuses à la base. La racine, qui est la partie usitée, est l'usiforme, charnue, brune à l'extérieur, jaune à l'intérieur; elle est pourvue d'une odeur qui lui est propre et présente une saveur amère et austère; elle est employée récente ou sèche, comme dépurative et antiscorbutique; elle contient un peu de soufre. Le genre Rumex de Linné comprend des plantes que Tourne- fort avait divisées en deux, d'après la forme et la saveur de leurs feuilles : celles à feuilles munies d'oreillettes et à saveur acide, formaient le genre oseille ou Acetosa; celles à feuilles entières et âpres composaient le genre patience ou Lapathwn. Il est, en effet, remarquable que le genre Rumex puisse être divisé assez nette- ment en deux sections, de propriétés médicales et économiques différentes, et que toutes les espèces soient acides et munies de racines rouges et inodores, comme les oseilles, ou âpres et mu- nies de racines jaunes et odorantes, comme les patiences; de telle sorte que les espèces de chaque section puissent être em- ployées les unes à la place des autres : ainsi, pour les patiences, ce n'est pas seulement la racine du Rumex obtusifolius qui est em- ployée en pharmacie, sous ce nom; ce sont aussi celles des Rumex Patientia, crispus et aquaticus. On pourrait même y joindre le Ru- mex alpinus, que le volume de sa racine a fait nommer rhubarbe des moines, et le Rumex sanguineus auquel la couleur rouge foncée de ses pétioles et des nervures de ses feuilles a fait donner le nom de sangdrag^on . De même on emploie indifféremment, sous le nom d'oseîlky les feuilles des R. Acetosa^ Acetosella et scutatus. Les feuilles de ces trois plantes sont riches en suroxalate de potasse et fournissent en Suisse la plus grande partie du sel d'oseille que l'on verse dans le commerce. 426 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. La racine d'o§cille est rougeâtre, longue, ligneuse, inodore, d'une saveur amère et astringente. Elle est employée comme diurétique. Racine de Rhapontic. Rheum Rhaponticum^ L. — Car. gén,: fleurs hermaphrodites; périanthe herbacé^ à 6 divisions profondes, égales, marcescentes : 9 étamines opposées deux par deux aux divisions extérieures, et séparément aux divisioi>s intérieures du périanthe ; filets su- bulés; anthères ovoïdes, versatiles; ovaire trigone à 3 sligmates sous-sessiles, entiers, étalés. Gariopse triangulaire, ailé sur les angles, entouré par la base du périanthe flétri. Cette plante paraît être le 'Pa ou le 'Pîjov des anciens ; elle a été appelée depuis rhaponticum , c'est-à-dire i^ha des bords du Pont^ Evxin, lorsqu'il fut devenu nécessaire de la distinguer d'une au- tre espèce apportée de Scythie, et qui fut pour cette raison nom- mée rha barbarum^ les Romains enveloppant sous la même dési- gnation de barbares tous les peuples assez forts ou assez éloignés d'eux pour se défendre contre leur esprit de domination univer- selle. Gomme on le voit, cette nouvelle racine, nommée rha bar- barurriy est notre rhubarbe actuelle. Le rhapontic croît naturellement dans Tancienne Thrace, sur les bords du Pont-Euxin; mais on le trouve plus abondamment encore au nord de la mer Caspienne, dans les déserts situés entre le Volga et l'Yaïk (l'Oural), qui paraissent même en être la pre- mière patrie ; car, par un rapprochement assez curieux, rha est aussi l'ancien nom du Volga, soit que le fleuve ait donné son nom à une plante abondante sur ses bords, soit que l'inverse ait eu lieu. Le rhapontic croît également en Sibéiie, sur les montagnes duKrasnojar : il ne s'est répandu en Europe que postérieurement à l'année 1610, époque à laquelle Alpinus en fit venir de Thrace. Le rhapontic, cultivé maintenant dans nos jardins, pousse de sa racine des feuilles très- grandes, cordiformes, échancrées à la base, obtuses à l'extrémité, lisses, d'un vert foncé, portées sur de longs pétioles sillonnés en dessus, arrondis à la marge. La tige, haute de 60 centimètres à 1 mètre, porte des feuilles semblables aux premières, mais plus petites, et est terminée par plusieurs panicules touffues de fleurs blanches. La racine est brune au de- hors, jaune et marbrée en dedans, grosse, charnue, souvent di- visée en plusieurs rameaux; d'une saveur amère, astringente et aromatique. Le commerce nous présente cette racine sèche sous deux for- mes. Suivant l'une, elle est grosse comme le poing au moins. POLYGONÉES. — RHUBARBE. 427 d'une apparence ligneuse et d'un gris rougeâlre à Textérieur ; sa cassure transversale est marbrée de rouge et de blanc, de ma- nière que ces deux couleurs forment des stries très-serrées, rayon- nantes du centre à la circonférence. Elle a une saveur très-astrin- gente et mucilagineuse, teint la salive en jaune rougeâtre et ne croque pas sous la dent. Son odeur est analogue à celle de la rhubarbe, mais plus désagréable, et peut en être facilement dis- tinguée. Sa poudre a une teinte rougeâtre que n*a pas celle de la rhubarbe. Celle racine provient des rhapontics qui sont naturalisés dans les jardins des environs de Paris, où. ils croissent presque sans soin et sans culture. C'est elle qui se trouve décrite et analysée par Henry (1), sous le nom de rhubarbe de France, Je rappellerai plus loin les résultats de celte analyse. L'autre sorte de rhaponlic ressemble tout à fait à celui décrit par Lemery. Elle est longue de 8 à 11 centimètres, grosse de 5 à 8 centimètres, d'une apparence moins ligneuse que la précé- dente, d'un jaune pâle, plus dur ou moins rougeâtre à l'extérieur, ce qui lui donne une plus grande ressemblance avec la rhubarbe, et permet à quelques personnes d'en mêler, par fraude, à la rhubarbe de Cbine ou de Moscovie ; mais sa cassure rayonnante, sa saveur astringente, mucilagineuse, non sablonneuse, et son odeur semblable à celle de la première sorte, l'en font facile- ment distinguer. Celte sorte de rhaponlic provient aujourd'hui surtout de Clamart, village assez élevé, situé au sud de Paris. Lorsque le rhapontic était encore parmi nous une substance exotique, nouvelle et recherchée, on tentait de lui substituer quelques racines indigènes, comme aujourd'hui on substitue le rhapontic à la rhubarbe. L'une de ces racines était une espèce de patience nommée rhubarbe des moines ou rhaponlic de montagne {Rumex a/pinus, L.), assez semblable au vrai rhaponlic; une autre était le rhapontic nostras, produit par la grande centaurée {Cen- taurea Centaurnim,L.), ei quelques autres plantes congénères. Cette dernière se distinguait facilement du rhapontic par son épiderme noir, sa saveur douceâtre et son odeur très-prononcée de bardane. Racine de rhubarbe. Cette racine, connue postérieurement au rhapontic, nous vient des contrées les plus sauvages de l'Asie, ce qui explique pour- quoi on est encore indécis sur la plante qui la fournit ; on l'a successivement attribuée à quatre espèces de Meum, et, en der- (1) Henry, Mémoires sur les Rhubarbes {Bulletin de Pharmacie, t. VI, p. 87). 428 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. nier lieu, on Ta crue produite principalement par le Rheum au- strale. Je vais discuter ces diûérentes origines, en donnant les caractères de chaque plante. Rheum undultuam, L. Après le Rheum rhaponticum qui fait le su- jet de l'article précédent, la première espèce qui ait été connue est un Rheum croissant naturellement en Sibérie, dont la tige s'élève de 1°',3 à 1°',6; dont les pétioles sont planes et lisses en dessus, demi-cylindriques en dessous, à bords aigus, et qui est pourvu de feuilles grandes, cordiformes, échancrées par le bas, fortement ondulées, un peu velues. Aussitôt que cette espèce fut connue, Linné lui attribua la rhubarbe, et la nomma en con- séquence Rheum rJtabarbarum ; mais il changea d'avis après la découverte du Rheum palmatum, et donna à la première plante le nom de Rheum unàulatum. Pendant que l'on regardait cette plante comme la source de la rhubarbe, le gouvernement russe la fit cultiver en grand dans la Sibérie, et, si elle l'eût produite vé- ritablement, il est évident que ce gouvernement, qui fait le com- merce exclusif de la rhubarbe en Sibérie, aurait cessé d'en ache- ter aux Buchares ; mais il n'a jamais pu, avec le Rheum undulatum, faire de la vraie rhubarbe, et il est certain que la rhubarbe, dite de Moscovie, appartient à un autre Rheum^ qui croît dans les pays montagneux et presque inaccessibles qui bordent la Chine au nord-ouest. On la trouve également dans toute la partie méri- dionale de la Tartarie et dans tout le Thibet, depuis la Chine jusqu'aux frontières de la Perse; et, suivant qu'elle provient de ces différentes contrées, suivant la manière dont elle a été pré- parée et séchée, suivant enfin la route qu'elle a prise pour arri- ver jusqu'à nous, cette racine constitue les différentes sortes connues sous les noms de rhubarbe de Moscovie^ de Chine et de Perse. Rheum compactum. J'ignore quand cette espèce a été connue. Elle est munie de feuilles cordiformes très-obtuses, avec une échancrure inférieure presque fermée à l'ouverture. Ces feuilles sont d'un vert foncé, entièrement lisses des deux côtés, un peu lobées sur leur contour, munies de petites dents aiguës et un peu ondulées; les pétioles sont demi-cylindriques et bordés de chaque côté d'une côte élevée, d'une épaisseur égale aux deux extrémités. Les tiges sont hautes de 1™,3 à 2 mètres, médiocre- ment ramifiées par le haut; les fleurs sont d'un blanc jaunâtre, disposées en panicules dont les grappes partielles sont étroites et pendantes (?). Celte plante vient très-bien dans les jardins, de même que les Rh. undulatum et rhaponticum^ et toutes trois don- nent des produits peu différents qui sont confondus dans le com- merce sous le nom de rhubarbe de France. Cette rhubarbe, lors- POLYGONÉES. — RHUBARBE. 429 qu'elle est bien séchée et parée, imite assez bien la rhubarbe de Chine ; mais, après avoir essuyé la poussière jaune dont elle est recouverte, on la reconnaît toujours facilement à sa couleur rougeâtre ou d'un blanc rosé, à son odeur de rhapontic (com- mune aux trois espèces), différente de l'odeur de la vraie rhu- barbe, à sa marbrure rayonnante et serrée, enfin à ce qu'elle co- lore à peine la salive et ne croque pas sous la dent. Rheum tartaricum. Cette plante, originaire de la petite Tartarie, est Irès-rapprochée de la précédente, mais elle est beaucoup plus basse ; ses feuilles sont entières et non sinuées à leurs bords, très-glabres, très-amples; les panicules sont à peine plus longues que les feuilles. Rheum Ribes. Espèce particulièrement remarquable par ses fruits enveloppés d'une pulpe rouge et succulente. Elle produit de fortes tiges striées, peu ramifiées, munies è leur base de feuilles médiocrement pétiolées, étalées sur la terre, ayant sou- vent 65 centimètres de largeur sur 33 centimètres de longueur. Leur surface est très-rude, comme verruqueuse; les bords sont ondulés et frisés; les nervures sont couvertes de poils rudes; les pétioles sont plans en dessus, striés, arrondis à leurs bords. Cette plante croît sur le mont Liban et dans la Perse, où elle est recherchée à raison de la saveur agréablement acide de ses pétioles, de ses feuilles et de ses jeunes tiges, que l'on emploie comme aliment et comme médicament, et dont on fait des con- serves avec du sucre. On la vend sur les marchés de la Perse comme plante potagère, et on en fait une grande consommation. Rheum palmatum {pg, 496). Cette plante se cultive aussi dans les jardins; mais on a plus de peine à la conserver, et ses racines acquièrent rarement un grand volume. Ses feuilles sont cordi- formes, mais divisées jusqu'à la moitié en lobes palmés, pinnati- fides, acuminés; elles sont pubescentes en dessous; la tige est d'une hauteur médiocre, divisée supérieurement en panicules droites, nombreuses, à ramifications presque simples. Cette plante croît surtout dans les provinces de l'empire chinois qui sont traversées par le fleuve Jaune (Hoâng-ho) et par ses affluents; et il est véritablement remarquable qu'à l'instar du rhapontic dont l'ancien nom, rha, était aussi celui du Volga, la rhubarbe (tà-hoâng)ait également emprunté le nom du fleuve Jaune, ou le fleuve Jaune celui de la racine. Voici, d'après Murray, comment la rhubarbe palmée a été dé- couverte : Vers l'année i750, sur le désir de Kaau Boërhaave, premier médecin de l'empereur de Russie, le sénat chargea un marchand tartare de lui procurer des semences de rhubarbe, ce qui fut 430 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDEES. exécuté. Ces graines, semées à Saint-Pétersbourg, produisirent du Rheum undulatum^ qui était déjà connu, et du Rheum palmatum^ encore inconnu. Alors, comme on avait d^jà la preuve que le Fig. 496. — Rheum palmatum. Rheum undulatum ne produisait pas la rhubarbe, et que le Rheum palmatum venait d'une contrée plus méridionale, on pouvait croire, avec quelque raison, qu'il était la vraie rhubarbe. Ce fut le sentiment de David de Gorler, de Monsey, de Hope et de Linné, et cette opinion fut admise sans opposition jusqu'aux nouveaux doutes élevés par Pallas et Géorgi, qui ont étudié l'his- toire naturelle de la Russie sur les lieux mêmes. Des Buchares assurèrent à Pallas ne pas connaître les feuilles du Rheum palma- tum, ajoutant que les feuilles de la vraie rhubarbe étaient inondes et marquées sur les bords d'un grand nombre d'incisions, d'oii Pallas conclut qu'ils voulaient lui décrire le Rheum compactum. Un Co- saque dépeignit à Géorgi le Rheum undulatum pour la véritable espèce. L'un et l'autre pensent que, sur les monts plus méri- dionaux, plus découverts et plus secs, comme le sont ceux du Thibet, le Rheum undulatum peut produire une racine plus belle que sur les montagnes froides et humides de la Sibérie; et ils POLYGONÉES. — RHUBARBE. 431 déterminent les lieux de la Russie les plus propres à la culture de cette espèce. On pouvait conclure de tout ceci, ainsi que l'a fait Murray, que la rhubarbe vendue aux Russes, et tirée de la Tartarie chinoise, provenait égalenient des trois espèces de T^A^wm susmentionnées; mais je pense avoir acquis la preuve que de ces trois espèces, le R. palmatum est le seul qui produise la rhubarbe. J'ai dû à la bienveillance de Jean Thouin, jardinier en chef du Jardin des Plantes, des échantillons de racines des Rheum palma- tum, undulatum, compactum^ rhaponiicum. Ces plantes, cultivées dans un terrain probablement différent de celui de leur mère- patrie, avaient pu éprouver des altérations plus ou moins gran- des; mais ces altérations devaient être du môme genre; et, sup- posé que l'une des racines précitées nous présentât des caractères beaucoup plus rapprochés de la rhubarbe de Tartarie que les autres, nous pouvons en conclure, presque avec certitude, que c'est la véritable espèce. Or, de ces échantillons, deux se ressemblaient parfaitement pour l'odeur, la saveur et la marbrure, c'étaient ceux provenant des Rheum rhaponiicum el undulatum . Celui du Rh. compactum s'é- loignait encore plus de la vraie rhubarbe, mais cela tenait à la grande jeunesse de la plante, comme je l'ai reconnu depuis. Le Rheum palmatum seul jouissait exactement de l'odeur et de la saveur de la rhubarbe de Chine (sauf le craquement sous la dent), et le premier caractère surtout était si marqué, el tranchait tel- lement avec le même caractère dans les autres espèces, qu'il ne m'est plus resté de doute, et que j'ai regardé le Rheum palmatum comme la source de la vraie rhubarbe. Depuis, j'ai observé les mêmes différences d'odeur et de saveur entre le Rheum palmatum cultivé à Rhéumpole et les autres espèces qui y étaient exploi- tées, et j'ai été confirmé dans le même sentiment; j'y persiste en- core aujourd'hui, malgré l'abandon général dont paraît menacé le Rheum palmatum, par suite de la -découverte du Rh, australe, [Cette opinion de Guibourt sur l'origine de la Rhubarbe offici- nale ne peut plus être admise actuellement. La structure anato- mique de la racine officinale est toute différente de celle des ra- cines du Rheum palmatum, L. Elle se rapporte bien au contraire à celle d'une plante, qui est cultivée à Paris depuis quelques années et que M. Bâillon a décrite sous le nom de Rheum officinale. C'est là la source véritable de la rhubarbe d'Asie.] Suivant Murray, le Rheum palmatum croît spontanément sur une longue chaîne de montagnes en partie dépourvue de forêts, qui, bordant à l'occident la Tartarie chinoise, commence au nord non loin de la ville de Selin, et s'étend au midi jusque vers le lac 432 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. Koconor, voisin du Thibet. Le sol en est retourné par les taupes : l'âge propre à la récolte des racines est indiqué par la grosseur des tiges (c'est ordinairement la sixième année). On les arrache dans les mois d'avril et de mai, et quelquefois aussi en automne. On les nettoie, on les coupe en morceaux et, après les avoir per- cées et enfilées, on les suspend soit aux arbres voisins, soit dans les tentes, soit même aux cornes des brebis. Lorsque la récolte est finie, on les porte aux habitations, où, sans doute, on achève de les faire sécher. Selon Dubalne, les Chinois terminent cette dessiccation sur des tables de pierre, chautfées en dessous par le moyen du feu. Rheum australe {fig. 497). Le docteur Wallich, directeur du Fig. 497. — Rheum australe. Jardin botanique de Calcutta, ayant reçu de la graine de rhu- barbe tirée de THimalaya, ou des montagnes du Thibet, les sema et vit germer un nouveau Rheiun, qu'il surnomm.'\ Emoii, mais qui fut décrit plus tard par le docteur Colebroke sous le nom de Rheum australe. Cette plante, que l'on commence à cultiver en Europe, a les feuilles très-grandes, rondes et dentées : caractère POLYGONEES. — RHUBARBE. 435 qui s'accorde avec ce que les Buchares diraient à Pallas des feuilles de la vraie rhubarbe . [Rheuîn officinale, BàiWon. En 1867, M. Dabry, consul de France, adressa à la Société d'acclimatation une caisse pleine de la plante, qui donne en Chine la rhubarbe officinale. Elle prove- nait du Thibet et particulièrement de la partie orientale de ce pays, limitrophe de la Chine. A leur arrivée à Paris, ces échantil- Fig. 498. — Rhewn officinale. Ions étaient dans un' état de putréfaction très-avancée: heureu- sement, on remarqua quelques gros bourgeons rougeâtres, mêlés à cette sorte de magma informe; M. Neumann, chef de culture au Muséum, les recueillit avec soin, les mit en terre et arriva à leur faire développer des racines adventives, et finalement une tige feuillée. C'est ainsi que l'on se procura une plante intéressante, GciBOURT, Drogues, 7« édit. T. II. — 2 8 434 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. qui est la véritable origine de la rhubarbe. Elle fut plantée tout d'abord dans un jardin des environs de Paris, oh elle prospéra et donna des fleurs au bout de quelques années ; puis au jardin de la Faculté de médecine, oii M. Bâillon en suivit le développe- ment, et put en donner la description (1). C'est une plante {fig. 498) rameuse, à feuilles grandes, de 1 mè- tre de long sur tout autant de large. Ces feuilles sont portées sur un pétiole de un demi-mètre de longueur, épais, subcyiindrique, non sillonné sur la surface supérieure : leur limbe, d'un vert clair uniforme, finement villeux, est orbiculaire subréniforme, briève- ment quinquilobé, parcouru de 5 fortes nervures, divergeant à partir du sommet du pétiole; les deux nervures inférieures sont dénudées à leur base sur une longueur de plusieurs centimètres, au-dessus desquels le parenchyme se termine par une sorte d'auri- cule arrondie très-manifeste. De la base de la plante s'élèvent des axes herbacés, couverts de feuilles alternes, hauts de deux mètres et demi environ, qui portent à leur sommet de grandes inflores- cences composées d'un nombre très-considérable de petites fleurs verdâtres. Ces fleurs ont la structure générale de celles des liheum, les 6 pièces du périanthe sont à peu près de même longueur; le tube a la forme d'un cône très-surbaissé : les 9 étamines sont presque complètement hypogynes. Le disque est représenté par 3 glandes plus ou moins distinctes, à bord supérieur mousse, crénelé ou lobé. On n'a pas encore étudié le fruit. La partie la plus intéressante, au point de vue de la matière ra- dicale, est la tige, tant aérienne que souterraine. C'est, en effet, cette partie qui fournit la rhubarbe. Elle est très-développée dans le Rheum officinale, tandis que les racines, qui se détachent de la souche, ont, au contraire, un développement relativement peu considérable. La plus grosse portion de la tige sort de terre, elle forme une sorte de cône, tout à fait comparable à un gros obus. De nombreuses écailles brunes, qui sont les restes des feuilles ou des ochrea, la recouvrent et lui forment une fausse écorce exté- rieure. Des bourgeons rougeâlres, dont les dimensions atteignent celles d'une grosse noisette, se font remarquer à l'aisselle de ses écailles. Si on monde cette tige des écailles qui la recouvrent, on re- trouve un tissu comparable à celui de la rhubarbe, et une struc- ture identique. Les racines, au contraire, répondent tout à fait par leur structure à ce que nous décrirons plus loin sous le nom de (1) Voir Bâillon. Adansoma, X, 247 et Organisation des Rheum. {Comptes rendus de la première session de l'Association française pour l'avancement des sciences. 1872, p. 514.) POLYGONÉES. — RHUBARBE. 435 Rhapontic. Elles ne doivent être que très-accidentellement uti- lisées dans la préparation du médicament, tel qu'il nous arrive de Chine. Caractères des Rhubarbes du commerce. On doit établir dans les rhubarbes du commerce deux catégo- ries distinctes : d'une part, celles qui viennent du plateau central de TAsie et qui sont les racines de l'espèce longtemps inconnue, Rheum officinale^ Baill.; d'autre part, les rhubarbes qui provien- nent des diverses espèces de Rheum introduites et cultivées dans les jardins de l'Europe, Les unes et les autres présentent dans la constitution de leurs racines une masse blanchâtre, formée de cellules et de vaisseaux, parcourue par un nombre considérable de rayons médullaires caractérisés par leur couleur jaune, jaune- orangée ou rougeâtre. Mais l'agencement de ces deux éléments anatomiques présente des différences caractéristiques. Dans les rhubarbes, provenant des espèces seules cultivées dans nos jardins jusqu'à ces dernières années, les rayons médullaires forment du centre à la circonférence des lignes régulières, pres- que droites, qui donnent à la coupe transversale de ces racines Tapparence d'un cercle finement strié du centre à la circonfé- rence {fig. 499). Dans les rhubarbes {fig. 500) officinales, celles qui viennent des provinces du centre et du nord-ouest de la Chine et dans les racines du Rheum officinale^ Bâillon, la disposition des rayons médullaires est beaucoup moins simple. Sur une coupe transversale, on n'aperçoit d'abord qu'une masse confuse, mar- brée de blanc et de jaune, et ce n'est qu'avec beaucoup d'attention qu'on parvient à suivre la marche des rayons médullaires. On les voit former des lignes sinueuses Irès-irrégulières qui ne deviennent sensiblement parallèles que dans la zone exté- rieure. En outre, on distingue un certain nombre, de taches cir- culaires ou d'étoiles d'une structure particulière, qui présentent en petit l'apparence de la racine tout entière {fig . 302). On y re- marque, en effet, sur un fond de couleur blanchâtre, des rayons sinueux de couleur jaune ou rougeâtre, partant du centre pour se perdre dans le tissu blanchâtre ambiant. Un cercle de couleur plus foncée se fait remarquer à une certaine distance du centre. Ces espèces de masses ou d'étoiles se groupent assez régulière- ment, surtout dans la rhubarbe de Moscovie. Elles forment un cercle situé à une petite distance des parois de la racine, et, à l'in- térieur de cette zone bien marquée, un certain nombre d'autres cercles plus irréguliers. Des différences aussi tranchées existent dans l'aspect extérieur 436 DICOTYLEDONES MONOCIILAMYDEES. de la surface latérale entre les racines de Rheum de nos jardins et celles des rhubarbes officinales. Dans ces dernières, la matière Fig. 499. — Coupe transversale d'une rhubarbe indigène. Fig. 500. — Coupe transversale de rhubarbe de Moscovie (*). ^. J-û£/,V Fig. 501. — Coupe transversale de l'extré- mité de deux racines de rhubarbe. /I^ ' Fig. 502. — Étoile de la face plaue de la rhubarbe de Moscovie, Fig. 503. — Face latérale du rhapontic. Fig. 504. — Face latérale de la rhubarbe de Chine. blanche forme une espèce de reseau, très-marqué surtout dans la rhubarbe de Chine. Ce réseau est à mailles losangiques assez ré- (*) A, rhubarbe de Moscovie; B, rhubarbe indigène. POLYGONEES. — RHUBARBE. 437 gulières, allongées de bas en haut, et circonscrivant un espace où les rayons médullaires jaunes forment de petites stries parallèles rapprochées. La figure 504 donne Tidce de cette disposition. Dans les rhubarbes cultivées en Europe, sauf dans le Uheum officinale, Bâillon, l'apparence est tout autre {fig. 503) : les parties blanches forment des stries ou des points disposés plus ou moins réguliè- rement, mais jamais des réseaux à mailles rhomboïdales. Ces différences sont importantes : elles montrent qu'aucune des espèces connues jusqu'à ces dernières années, y compris le Rheum palmatum, n'est l'origine des rhubarbes officinales, et que seul le Rheum officinale^ Bâillon, présente la structure caractéris- tique des rhubarbes vraies : c'est donc cette espèce qu'on doit admettre comme produisant ce médicament.] Rhubarbe de Chine, Cette rhubarbe vient du Thibet et peut-être aussi des parties de la Chine voisines de cette région. Elle tra- verse la Chine méridionale pour arriver à Canton, oii les vais- seaux européens viennent la chercher. Elle est ordinairement en morceaux arrondis, d'un jaune sale à l'extérieur, d'une texture compacte, d'une marbrure serrée, d'une couleur briquetée terne, d'une odeur prononcée qui lui est particulière, d'une saveur amère. Elle colore la salive en jaune orangé et croque très-fort sous la dent. Elle est généralement plus pesante que la suivante, et, pour la couleur, sa poudre tient le milieu entre le fauve et l'orangé. La rhubarbe de Chine est souvent percée d'un petit trou dans lequel on trouve encore la corde qui a servi à la suspendre pen- dant sa dessiccation. Sa couleur, plus terne que celle de la rhu- barbe de Moscovie, peut provenir en partie du long voyage qu'elle a fait sur mer. C'est en partie aussi à la même cause qu'on doit attribuer l'inconvénient qu'elle a de présenter souvent des morceaux gâtés et roussâtres dans leur intérieur; mais, lors- qu'elle est choisie avec soin, bien saine et non piquée des vers (1), elle n'est guère moins estimée que les suivantes. Rhubarbe de Moscovie. Cette sorte est originaire de la Tarlarie chinoise; des marchands buchares la transportent à Kiachta, en Sibérie, et la vendent au gouvernement russe. Il y a dans cette ville de Kiachta des commissaires chargés d'examiner scrupuleu- (1) La rhubarbe est sujette à être piquée ; dai> le commerce on masque ce défaut en bouchant les trous avec une pâte laite de poudre de rhubarbe et d'eau, et ensuite en roulant les morceaux secs dans de la poudre de rhubarbe. Un des premiers soins, lorsqu'on achète de la rhubarbe, doit être d'enlever cette poussière trompeuse qui la recouvre, et de casser les morceaux les plus pesants et les plus légers. Les premiers sont ordinairement humides et noirs à l'intérieur ; les seconds sont pulvérulents à force d'avoir été traversés en tous sens par les insectes. 438 DICOTYLEDONES MONOCHLAMYDEES. sèment la rhubarbe, et de la faire nettoyer et monder morceau par morceau, car le gouvernement n'achète que celle qui est tout à fait belle. Cette rhubarbe est ensuite expédiée pour Pé- tersbourg, où elle est encore visitée avant que d'être livrée au commerce. C'est elle que Murray désigne sous le nom de 7hu- barbede Bucharie. Elle est en morceaux irréguliers, anguleux et percés de grands trous faits en Sibérie, lors de la remise de la rhubarbe aux commissaires russes, dans la vue d'approprier les trous primitifs qui avaient servi à suspendre la racine, et d'enle- ver les parties environnantes, qui sont toujours plus ou moins altérées. Cette rhubarbe est d'un jaune plus pur à l'extérieur, et sa cassure est, en général, moins compacte que celle de la rhu- barbe de Chine. Elle est marbrée de veines rouges et blanches très-apparentes ettrès-irrégulières. Elle a une odeur très-pronon- cée, et une saveur amère astringente. Elle colore fortement la salive en jaune safrané, et croque sous la dent. Sa poudre est d'un jaune plus pur que celle de la rhubarbe de Chine. Cette rhubarbe est Irès-estimée. [Depuis quelques années, le contrôle n'existe plus sur les frontières de la Sibérie, et la véritable rhu- barbe de Moscovie ou de la couronne ne se retrouve plus que dans les collections et n'arrive plus dans le commerce avec les garanties qui en faisaient la valeur (1). ] Rhubarbe de Perse. Cette belle rhubarbe venait autrefois du Thibet par la Perse et la Syrie; de là ses différents noms de rhu- barbe de Perse, de Turquie et d' Alexandrette . Il en est venu égale- ment parla voie de Russie; mais aujourd'hui les Anglais la tirent de Canton, comme la rhubarbe de Chine, et lui donnent le nom de dutch-trimmed rhubarb (ihubarbe hollandaise mondée) ou de batavian rhubarb^ parce que, avant eux, les Hollandais la trans- portaient de Canton à Batavia, et de là en Europe. Quelle que soit la route que cette racine ait prise pour arriver jusqu'à nous, elle n'a jamais varié de caractères, qui sont tels, que j'ai toujours déclaré qu'elle appartenait à la môme espèce que la rhubarbe de Chine. Elle est en effet d'une texture serrée et d'une couleur terne qu'on ne peut attribuer à aucun état de détérioration. Elle est percée de petits trous, comme celle de Chine; mais elle est encore plus dense et plus serrée, entièrement mondée au couteau et af- fectant deux formes régulières; celle qui provient des racines peu volumineuses est à peu près cylindrique ; celle qui a été tirée des grosses racines est coupée longitudinalement par le milieu, et (1) On peut consulter sur l'Histoire de la rhubarbe de Moscovie les données de Schrôder et Gehe résumées par Wiggers [Jahre^boi'sht ûber die Forscluitte der Pluirmucogtiosie, etc. Gôttingen) de 1864, et celles de Fero, dans le même annuaire pour 1866. POLYGONÉES. — RHUBARBE. 439 offre ainsi des morceaux allongés, plais d'un côté et convexes de l'autre; celle-ci est connue parliculièrenient dans le commerce sous le nom de rhubarbe plate. Sa grande compacité la rend moins sujette h se détériorer que les autres ; je la regarde comme la rhu- barbe par excellence, préférable même à celle de Moscovie. Rhubarbes de V Himalaya. Le docteur Royle (1) fait mention de quatre espèces de Rheum propres à ces contrées, les Rh. emodi ou. australe, webbianum, spiciforme, moorcroflianum. La première espèce produit, d'après le docteur Wdllich, une sorte de rhubarbe qui arrive dans l'Inde, à travers les provinces de Kalsee, Almora et Boutan. Pereira en avait reçu anciennement un échantillon du docteur Wallich : mais celte sorte n'a élé con- nue dans le commerce anglais que sur la un de 1840, alors que la rhubarbe de Chine était rare et d'un prix fort élevé. Dix-neuf caisses en furent importées à Londres; mais cette rhubarbe fut trouvée de si mauvaise qualité, que huit caisses seu- lement purent être vendues à raison de 40 centimes le demi- kilogramme, et que le reste fut vendu et embarqué pour New- York, au prix de 10 centimes. Après cet essai malheureux, Pe- reira doute qu'on en fasse revenir en Angleterre. Cette rhubarbe est, en effet, de la plus mauvaise qualité possible. Elle est géné- ralement noirâtre et d'apparence ligneuse, légère et toute piquée de vers. Quelques morceaux, provenant des rameaux de la racine, sont un peu plus sains et d'un jaune terne à l'intérieur. En voyant pour la première fois cette racine, si différente en apparence de la rhubarbe officinale, je me suis demandé comment le docteur Wallich avait pu avancer que le Rheum australe était la source ou une des sources de la rhubarbe. Mais un examen plus attentif m'a fait revenir à un sentiment plus favorable. En brisant les mor- ceaux, on y trouve quelques parties saines qui, par leur belle marbrure rouge et blanche, par leur saveur et par l'abondance des crislaux d'oxalale de chaux sensibles sous la dent, peuvent être comparées à la meilleure rhubarbe officinale; et, chose re- marquable, ces parties saines, par leur vive marbrure et leur lé- gèreté, se rapprochent plus de la rhubarbe de Moscovie que de celle de Chine. Je pense donc que la rhubarbe de l'Himalaya, préparée et séchée avec soin, fournirait une belle sorte commer- ciale. J'en ai d'ailleurs la preuve entre les mains, dans un échan- tillon que je dois à M. Batka de Prague, échantillon qui n'est autre que de la racine de Rheum australe provenant des semences qui lui furent données par le docteur Wallich. Celte racine, ré- coltée et séchée par M. Batka, constitue en effet une fort belle (1) Royle, Illustrations of the botany and other branches of the naiural his- tory of the Himalayaa mountains . London, 1839. 440 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. rhubarbe, très-croquante sous la dent, colorant fortement la salive en jaune, et d'une saveur très-amère et astringente. La racine du Bheum ivebbianum ne paraît pas former une sorte commerciale; M. Royle en a rapporté de l'Himalaya une petite quantité qui est fort différente de la rhubarbe officinale. Elle est •en tronçons cylindriques très-courts et au plus de la grosseur du pouce. Elle est couverte d'un épiderme noirâtre, profondément sillonné par la dessiccation. Chaque morceau est percé vers le ■centre et dans le sens de l'axe d'un trou assez large, qui a dû ser- vir à la suspension de la racine. La structure en est rayonnée, la couleur interne fauve jaunâtre, la saveur mncilagineuse etamère, avec un léger craquement sous la dent. L'odeur est à peu près nulle. Je ne puis dire autre chose des racines des Rheum spiciforme et moorcroftianum, que ce que Pereira nous en apprend lui-même. Ces racines sont d'une couleur plus claire que les précédentes et d'une texture plus compacte (1). Rhubarbes de France. Il n'y a pas de pays en Europe où l'on n'ait cherché à naturaliser la rhubarbe ; malheureusement le Rheum pabnatum, dont la racine se rapproche le plus de la vraie rhubarbe, est de toutes les espèces qui ont été cultivées jusqu'ici, celle qui a le plus perdu par son expatriation. Il en résulte qu'à Rhéumpole (2) même, on en délaissait la culture pour s'attacher plutôt aux espè- ces dont les produits étaient plus abondants et se rapprochaient le plus en apparence de la vraie rhubarbe. Peut-être aussi cette dif- férence, qui est toute au désavantage du Rheum palmatum, tenait- elle à ce que les autres Rheum, cultivés à Rhéumpole, s'y trouvaient dans un terrain propre à leur développement et à leur conserva- tion; tandis que le premier, originaire du plateau central de l'A- sie, aurait besoin d'être cultivé dans un sol dont la nature, l'élé- vation et la sécheresse répondissent aux lieux d'où il est sorti. J'ai sous les yeux un échantillon du Rheum palmatum de Rhéumpole : cette racine, surtout lorsqu'elle est un peu âgée, est pour moi celle qui se rapproche le plus, par son odeur et sa couleur, de la rhubarbe de Chine ; mais elle a la compacité d'une substance qui a été gorgée d'eau avant sa dessiccation : elle a une saveur mucila- gineuse et sucrée, indépendamment de Tamertume qui se déve- loppe ensuite ; elle offre à sa surface une infinité de points blancs (1) On trouvera dans le Journal de Pharmacie et de chimie, t. Xlll, p. 35?, et dans le Jahresbericht de Wiggers pour l'année 186i, la description de quelques autres sortes de rhubarbes d'origine asiatique. (2) On nommait ainsi, il y a un certain nombre d'années, un endroit situé près de Lorient, dans le département du Morbihan, où l'on cultivait en grand les Rheum undulatum, compactum et palmatum. Il paraît que cet établissement n'existe plus. POLYGONEES. — RHUBARBE. 441 et brillants, qui s'y sont formés depuis quelques années que je la conserve (le Rheum palmatum cultivé au Jardin des Plantes de Paris n'offre ni cette saveur sucrée, ni ces points brillants); enfin elle ne contient qu'une très- petite quantité d'oxalate de chaux, et cette différence avec la rhubarbe de Chine paraît constante dans celle qui a été cultivée jusqu'ici en Europe ; car Scheele l'a ob- servée sur la rhubarbe de Suède, et Model sur celle de Saint- Pétersbourg. La rhubarbe de France ne provient donc pas de la culture du Rheum palmatum; elle est produite, ainsi que je l'ai déjà dit, par les Rheum rhaponticum, undulatum, et surtout compactum. Il est inutile de revenir sur ses caractères, qui se trouvent exposés pré- cédemment. [Rhubarbes anglaises. En Angleterre, le Rheum palmatum est cultivé sur une grande échelle dans le comté d'Oxford ; et on en utilise, soit les racines adventives, qui donnent un produit com- parable à notre rhapontic, soit les rhizomes ou souches souter- raines, qui rappellent bien davantage les rhubarbes de Chine. C'est la Rhubarbe anglaise mondée. Elle est en fragments irréguliers, cylindriques, coniques ou planes, convexes, recouverts généralement d'une poussière jaune. La surface latérale ne présente pas le réseau losangique des rhubarbes de Chine, mais bien des lignes parallèles, qui, dans les morceaux un peu réguliers, aboutissent tous à une ligne circu- laire transversale. Les surfaces supérieure et inférieure montrent un tissu d'une teinte rougeâtre ou rosée assez caractéristique. Des stries parallèles partent de la circonférence et s'étendent sur une largeur variable 'de un demi à un centimètre. Au dedans on voit une masse blanchâtre, marquée de nombreuses ponctua- tions rouges ou rosées, et autour de celte espèce de moelle,, un nombre, parfois assez considérable de taches éloilées, analogues à celles de la rhubarbe de Chine. La rhubarbe anglaise a une consistance très-molle, surtout dans sa partie centrale, qui se laisse facilement pénétver par l'ongle. Son odeur est moins prononcée que celle de la rhubarbe de Chine ; sa saveur est astringente^ acide et mucilagineuse, elle ne craque pas sous la dent et se réduit en pâle sous le pilon. Ces caractères, joints à ceux que nous avons indiqués plus haut et surtout à la disposition des lignes de la surface externe, permet- tent de la distinguer facilement de la rhubarbe officinale (1). Analyse chimique des rhubarbes. Étant à la pharmacie centrale, (1) Voir pour les caractères détaillés des Rhubarbes européennes et asiati- ques : Collin, Des Rhubarbes (Thèses de VÉcole supérieure de Pharmacie de Paris, 1871). 442 DICOTYLÉDONES MONOGHLAMYDÉES. vers 1813, sous la direction de Henry père, j'ai fait l'analyse com- parée des rhubarbes de Chine, de Moscovie et de France. J'ai trouvé dans la rhubarbe de Chine un principe particulier auquel elle doit sa couleur, sa saveur et son odeur, et qui a été nommé depuis par d'autres caphopicrite et rhabarbarin. [C'est le même corps qu'on a décrit sous les noms de lapathine, de rumicine, que MM. Rochleder et Heldt ont découvert dans le Parmelia parietina^ et qu'on nomme acide chrysophanique. Cet acide se présente en verrues cristallines d'un éclat métallique et de couleur jaune. Il est insoluble dans l'eau froide, bien que celle- ci se colore promplement au contact de la rhubarbe, ce qui ferait supposer la présence d'une substance tinctoriale. Les alcalis lui communiquent une couleur rouge vif; avec l'acétate d'alumine il donne des laques orange ; avec les sels d'étain, des laques jaune fonTié ; avec les sels de fer, des laques vertes. L*acide azotique donne avec les dissolutions chrysophaniques un précipité rouge, qui devient violet par l'ammoniaque (1).] Le second principe de la rhubarbe est une huile fixe, douce, rancissant par la chaleur, soluble dans l'alcool et dans l'éther. Il n'y existe qu'en très-petite quantité. On y trouve une assez grande quantité de sur-malate de chaux, une petite quantité de gomme, de l'amidon, du ligneux, de l'oxa- late de chaux, qui fait le tiers de son poids, une petite quantité d'un sel à base de potasse, une très-petite quantité de sulfate de chaux et d'oxyde de fer. La rhubarbe de Moscovie, malgré un extérieur assez différent de la rhubarbe de Chine, ne paraît pas s'en éloigner dans sa com- position plus que ne peuvent le faire deux parties pareilles tirées d'individus de la même espèce. On y retrouve les mêmes prin- cipes et presque en mêmes proportions. Il faut faire observer cependant qu'une quantité un peu plus faible d'oxalate de chaux paraît constante dans la rhubarbe de Moscovie, Scheele ayant obtenu un résultat semblable. C'est pourquoi aussi la rhubarbe de MosCovie croque moins sous la dent. La rhubarbe de France, Rheum Bhaponticum (?), contient une bien plus grande quantité de matière colorante, mais ce principe est rougeâtre au lieu d'être jaune. On y trouve aussi beaucoup plus de matière amylacée, ce qui est une suite de ce qu'elle con- tient moins d'oxalate de chaux, car la quantité de celui-ci s'élève au plus au dixième du poids de la racine (2). La rhubarbe est stomachique, légèrement purgative et vermi- (0 Grothe, ChemischesCentrnlblatt,\^i\% p. 107, résumé dans le Journal de pharmacie et de chimie^ 3* série, t. XLII, p. 265. (•2) Henry et Guibourt, Bull, de pharm., 1814, t. VI, p. 87. GHÉNOPODÉES. 443 fuge. On remploie en poudre, en infusion dans Teau, dans l'al- cool, en sirop et en extrait. Elle entre dans un grand nombre de préparations composées. FAMILLE DES CHÉNOPODÉES. Plantes herbacées ou sous-frutescentes, à feuilles alternes ou oppo- sées, quelquefois charnues, privées de stipules. Les fleurs sont très-petites, hermaphrodites, quelquefois diclines par avortement, disposées en grappes rameuses ou groupées à l'aisselle des feuilles ; périanthe calicinal à 3, 4 ou 5 divisions plus ou moins profondes, persistantes et s'accroissant pour envelopper le fruit; les étamines sont opposées et en nombre égal aux divisions du périanlhe, souvent en nombre moindre par avortement, insérées sur le réceptacle ou sur un anneau adhérant au périanthe; alternant quelquefois avec un nombre d'écaillés hypogynes. L'ovaire est libre, uniloculaire, contenant un seul ovule dressé ou porté sur un podosperme ascendant ; le style est simple, terminé par 2-4 stigmates subulés; le fruit est un achaine ren- fermé dans le périanthe accru et quelquefois devenu bacciforme ; la graine contient un embryon cylindrique, homotrope, annulaire et en- tourant l'endosperme {C y do lobé es), ou roulé en spirale et presque privé d'endosperme {Spiro lobées). Les Chénopodées, si l'on considère leur port humble et leurs fleurs qui passent presque inaperçues, paraîtront, tout au plus, bonnes à brûler; mais elles méritent, plus que bien d'autres plantes, de fixer notre attention, si nous les considérons sous le rapport de leurs applications alimentaires, médicales ou indus- trielles. Beaucoup de Chénopodées, en effet, d'un tissu lâche, dé- pourvues de principes acres ou aromatiques, riches au contraire en sels et en mucilage, sont comptées au nombre des aliments modérément nutritifs et de facile digestion; telles sont : Tépinard (Spinacïa oleracea) dont le nom rappelle que c'est par l'Espagne que les Maures l'ont introduit en Europe; l'arroche des jardins {Atriplex hortensis) nommée aussi bonne-dame; le bon Henri {Chenopodium bonus- H enricus , L., Agathophytum bonus-Henricus Moq.); la poirée blanche et la betterave {Beta Cicla eiB. vulgaris, Willd.), etc. D'autres sont aromatiques et pourvues de propriétés digestives, antispasmodiques ou anthelmintiques, tels que la camphrée de Montpellier, le botrys, le thé du Mexique, l'ansérine vermifuge, la vulvaire, etc. D'autres enfin, telles que les Salsola, les Suedtty les Salicornia^ qui croissent en abondance dans les lieux maritimes et qui sont riches en sels à hase de soude, four- nissent par leur incinération la soude naturelle qui a longtemps suffi aux besoins des arts; mais qui se trouve presque annihilée 4i4 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. aujourd'hui par l'extension prodigieuse donnée aux fabriques de soude arlificielle. Nous dirons quelques mots des principales de ces plantes. Bette ou poirée. Beta Cicla. — Car. gén. : fleurs hermaphrodites ; périanthe urcéolé à 5 divisions persistantes ; 5 étamines insérées sur un anneau charnu à la gorge du tube; écailles hypogynes nulles; ovaire déprimé ; 2 stigmates courts, soudés à la base. Achaine globuleux, renfermé dans le tube épaissi du périanthe et couvert par son limbe charnu ; semence horizontale, déprimée. — Car. spéc. : feuilles radicales pétiolées; celles de la tige sessiles ; fleurs ternées sur de longs épis latéraux. On en connaît trois variétés : 1° la poirée blanche, qui a les feuilles d'un vert blanchâtre et les fleurs disposées trois à trois; 2° la poirée blonde ou carde poi- rée, dont les feuilles sont d'un blanc jaunâtre, et dont les côtes longitudinales se mangent à l'instar de celles de l'arlichaut-car- don {Cinara CardunculuSj L.); 3° la poirée rouge, dont les feuilles sont d'un rouge foncé. Les feuilles de poirée sont rafraîchissantes ; elles entrent dans la composition de la boisson laxative dite bouillon aux herbes. BetteraTe. Beta vulgaris, L. Cette espèce diffère de la précédente par ses racines souvent très-volumineuses et charnues, par ses feuilles inférieures ovées et par ses fleurs ramassées. La betterave n'a été considérée , pendant longtemps, que comme plante potagère ou comme propre à être employée avan- tageusement à la nourriture des bestiaux. En effet, sa racine charnue et sucrée était usitée sur les tables, et ses feuilles suc- culentes et d'une végétation vigoureuse offraient aux bestiaux une nourriture abondante, saine et agréable. Mais cette plante, déjà si précieuse à l'agriculture, a acquis une importance encore plus grande, depuis qu'on a reconnu qu'on pouvait en retirer un sucre crislallisable entièrem.ent semblable à celui de la canne. La première annonce de ce fait est due à Margraff ; Achard, de Berlin, est le premier qui ait tenté de l'utiliser, en extrayant le sucre de la betterave pour le commerce ; depuis, les procédés de son extraction ont été perfectionnés en France ; et il a été démon- tré, par Ghaptal, que ce sucre pouvait, même en temps de paix, soutenir la concurrence, pour le prix, avec le sucre des colo- nies (1). Voici l'indication des principales variétés de betteraves, (1) Voyez Chaptal, Annales de chimie, t. XGV, p. 233. CHENOPODEES. — BOTRYS. ' 445 rangées suivant les plus grandes proportions de sucre qu'elles fournissent (1) : 1" La betterave blanche ; sa racine et les côtes des feuilles sont blanches ou verdâtres. 2** La betterave jaune ; sa racine et les côtes des feuilles sont d'un jaune pâle. 3° La betterave romje ; sa racine est d'un rouge de sang, et les feuilles d'un rouge foncé. On la distingue en grande et en petite. 4° La betterave veinée; sa racine a la surface rouge et l'intérieur blanc, avec des veines roses. En Allemagne, on nomme cette variété racine de disette^ et on la cultive en grand pour la nourri- ture des bestiaux. Camphrée de llontpellier. Camphrorosma monspeliaca, L. — Ca7\ gén. : fleurs hermaphro- dites ; périanthe quadrifide dont deux divisions plus grandes, caré- nées; 4 étamines insérées au fond du périanthe et opposées à ses divisions; ovaire comprimé; style bi ou trifide, à divisions séta- cées; achaine membraneux, comprimé, renfermé dans le périan- the non accru. — Car. spéc. : feuilles velues, linéaires. La camphrée de Montpellier est une plante basse, rameuse, touffue, dont les rameaux sont couverts de feuilles linéaires et velues, aux aisselles desquelles naissent les fleurs. Elle croît sur- tout aux environs de Montpellier, d'oti on nous envoie ses sommi- tés sèches sous la forme de très-petits épis d'un vert blanchâtre, d'une odeur forte et aromatique lorsqu'on les froisse entre les mains; d'une saveur acre, légèrement amère. Botrys. Chenopodium Botrys, L. — Car. gén. : fleurs hermaphrodites ; périanthe quinquéflde ; 5 étamines insérées au fond du périanthe et opposées à ses divisions; ovaire déprimé; 2 stigmates filifor- mes très-courts; achaine membraneux, déprimé, renfermé dans le périanthe connivent, devenu pentagone ; semence horizontale, déprimée, lenticulaire; testa crustacée; embryon annulaire, péri- phérique, entourant un endosperme copieux et farineux; radicule centrifuge. — Car. spéc. : feuilles pétiolées, oblongues, profon- dément sinuées ; grappes très-nombreuses, axillaires, courtes, velues, privées de feuilles. Cette plante ne s'élève guère qu'à la hauteur de 30 centimètres ; (l) Payen, Journ. de chim, médic, t. I, p. 389. 446 • DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. elle a le toucher visqueux et une odeur agréable ; on l'emploie en infusion contre la toux. Ambroisie du Mexique ou Thé du Mexique. Chenopodïum ambrosmdes, L. Cette plante est originaire du Mexique et est cultivée dans les jardins ; elle s'élève à la hauteur de 65 centimètres et porte des feuilles sessiles, lancéolées, den- tées; ses grappes sont simples et garnies de petites feuilles. Elle a une odeur très-forte et agréable; une saveur acre et aromatique. Elle est stomachique et tonique, étant prise en infusion théiforme. Les fruits sont anlhelmintiques. Ansérine (1) Termifng^e. Chenopodïum anthelminticum, L. Autre espèce américaine, vi- vace, très-odorante, cultivée dans les jardins, très-usitée aux États- Unis comme vermifuge. Sa tige, haute de 60 centimètres à 1 mè- tre, est rameuse, garnie de feuilles ovales-oblongues, dentées, ayant à leur aisselle, vers les sommités, de petites fleurs vertes disposées en grappes nues. Les fruits de cette plante, auxquels on donne communément le nom de semences, à cause de leur petitesse, ont également une forle odeur aromatique, presque semblable à celle de l'Ambroisie du Mexique, et sont employés comme anlhelmintiques, ainsi que l'essence qu'on en retire par distillation. Quinoa. Chenopodïum Quinoa, W. Plante annuelle du Chili, semblable à notre Chcnnpodhim album, propagée par la culture dans toute la région occidentale de l'Amérique, à cause de ses semences amylacées qui servent à faire des potages très-nourrissants. Vulvaîre. Chenopodïum Vulvaria, L. Plante herbacée, communeen Europe dans les lieux incultes, le long des murs et dans les cimetières. Ses tiges longues de 20 à 25 centimèlres, rameuses et couchées sur la terre, sont garnies de feuilles ovales-rhomboïdales, entiè- res, glauques, et portent à la partie supérieure de petites grappes axillaires de fleurs vertes. Elle exhale une odeur de poisson {\) Ansérine {anser, er/v, oie), nom donné aux plantes de ce genre, pour remplacer leur nom vulgaire joaif/e d'oie, dû à la forme habituelle de leurs feuil- les. Ce dernier nom n'est lui-même que la traduction du mot grec chenopodïum, formé de x^Qv, oie, et de tcoOc, uoôô;, pied. CHÉNOPODÉES. — CHOUAN. 447 pourri; elle a été recommandée comme antihyslérique ; on l'em- ploie en lavements et en fomentations. MM. Chevallier et Lassaigne, ayant analysé la vulvaire, y ont trouvé du sous-carbonate d'ammoniaque tout formé, premier exemple d'un fait des plus intéressants. Cette plante contient de plus de l'albumine, de l'osmazome, une résine aromatique, une grande quantité de nitrate de potasse, etc. (1). On y a signalé, dans ces derniers temps, la présence de la propylamine. Bon-Henry ou Epinard sauTaçe. Chenopodium bonus-Henricus.h., Agathophytum bonus- Henricus, Moq. Celte plante croît dans les campagnes, autour des lieux habités; elle pousse une tige haute de 30 centimètres, portant à son sommet des grappes de petites fleurs, ayant dans leur ensem- ble une forme pyramidale, et garnie à la partie inférieure de feuilles en fer de flèche, farineuses en dessous, ayant à leur bord quelques dents obtuseset écartées; elle se dislingue des Chenopo- dium par sa semence verticale, ses fleurs polygames, et parce que son fruit n'est qu'imparfaitement recouvert parles folioles flétries du périanlhe. On peut manger ses feuilles comme celles de l'é- pinard; elles sont légèrement laxalives. Chouan. On trouvait autrefois dans le commerce une substance nom- mée chouan^ dont l'histoire offrait d'assez grands rapports avec celle du semen-contra pour qu'on pût les confondre l'une avec Tautre. Ces deux substances venaient par le commerce du Le- vant; et toutes deux, regardées comme des semences, n'étaient en effet qu'un mélange de fleurs et de pédoncules brisés ; seule- ment on remarquait que le chouan était plus gros, plus léger et d'un goût tant soit peu salé et aigrelet, il paraissait dépourvu d'odeur ; enfin son seul usage était de servira la préparation du carmin, conjointement avec une écorce inconnue du Levant, nommée autour (:2). Telles étaient les seules données que Ton eût sur le chouan, lorsque Desvaux reconnut qu'il était produit (1) Chevalier et Lassaigne, Journal de pharm.^ t. III, p. 412. (2) Autour, écorce approchant en forme et en couleur de la cannelle, mais plus épaisse, plus pâle et ayant en dedans la couleur d'une muscade cassée, avec beaucoup de points brillants ; elle est presque insipide et inodore (Le- mery). J'ai trouvé au Muséum d'histoire naturelle de Paris l'écorce d'autour éti- quetée lourde- birbouiriy balacor et oulmara. M. Gonfreville l'a rapportée de l'Inde, où elle est employée pour la teinture, sous le nom de lodh putlay Elle existe dans le commerce des couleurs à Paris, mais elle s'y vend fort cher. 448 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. par les sommités de VAnabasis tamariscifolia^ L. {Halogetum tama- riscifolium, Meyer}, plante voisine des soudes et appartenant comme elles à la famille des Chénopodées (1). On m'a présenté une fois, sous le nom de kalt ou de fleur de Turquie , uwe. substance tout à fait analogue au chouan, et ser- vant comme lui, dans l'Orient, à la préparation du carmin. Cette substance était formée de petites fleurs de VAizoon canariensSy de la famille des Ficoïdées. l§»oucle8. Plantes demi-ligneuses, à feuilles alternes ou opposées, ra- rement planes, souvent cylindriques et charnues, quelquefois épineuses, rarement nulles; les fleurs sont hermaphrodites, ac- compagnées de 2 bractées; le périanlhe est à 5 divisions pro- fondes, persistantes; les étamines sont au nombre de 5 ou de 3^ insérées sur un disque hypogyne; l'ovaire est déprimé, surmonté de 2 styles courts, à stigmates recourbés. Le fruit est un achaine déprimé, contenu dans le périanlhe devenu capsulaire. Semence horizontale, formée d'un testa très-mince et d'un embryon roulé en spirale, privé d'endosperme. Les soudes croissent en abondance dans les lieux maritimes des climats tempérés, et principalement, en France et en Espa- gne, sur les côtes de la Méditerranée. Elles y puisent les éléments des sels à base de soude qu'elles contiennent, tels que l'acétate, le citrate ou l'oxalale. Ces sels décomposés par le feu se conver- tissent en carbonate. Dans la vue d'en extraire l'alcali, on soumet à la culture quelques espèces de soude, qui sont principalement la soude commune, la soude cultivée et le kali {Salsola Soda, S. sativa et 6". Kali). Ces plantes, récoltées et séchées, sont biûlées dans de grandes fosses creusées en terre. On en ajoute de nou- velles à mesure que la combustion s'opère, et de manière à l'en- tretenir pendant plusieurs jours; alors la chaleur s'élève au point de fritter la cendre et de la réunir en une seule masse. On laisse refroidir, on casse la masse par morceaux et on la livre an commerce. Elle est en fragments longs de 6 centimètres au plus, d'une forme cintrée, épais de 4 à 6 millimètres ; elle est rougeâtre et fongueuse à l'extérieur, plus pâle, jaunâtre, ou même blanchâtre à l'intérieur, à fibre courte, grossière et comme, grenue. Elle s'écrase et se triture facilement sous la dent ; elle a une saveur âpre et astringente, jointe à une légère âcreté ; elle est inodore. D'a- près M. Royle, l'écorce d'autour, nommée dans l'Inde lodh putluy, est pro- duite par le Sijwplocos racemosa (1). (1) Desvaux, Journ, pharm.j t. II, p. 414. (l) Roxburgh, Flora indica, vol. H, p. 536. CHÉNOPODÉES. — SOUDE ÉPINEUSE. 449 La soude ainsi obtenue est composée, en différentes propor- tions, de carbonate et de sulfate de soude; de sulfure et de chlo- rure de sodium; de carbonate de chaux, d'alumine, de silice, d'oxyde de fer ; enfin de charbon échappé à la combustion, et qui donne à la masse une couleur grise plus ou moins foncée. La meilleure est celle qui nous venait autrefois d'^/zcan^e; on con- naissait aussi le Salicor ou soude de Narbonne et la blanquette on soude d' Aiguës- Mortes ; mais tous ces produits sont presque entiè- rement remplacés aujourd'hui par la soude artificielle^ obtenue en calcinant dans des fours à réverbère un mélange de sulfate de soude, de craie et de charbon. Toutes ces soudes fournissent par lixiviation et cristallisation le carbonate de soude cristallisé ou sel de soude du commerce. Souvent aussi on fait entièrement dessécher le sel de soude, ce qui en diminue le poids de 60 pour 100, le volume à proportion, et par suite allège beaucoup les frais de transport et d'emmaga- sinage. Enfin, on prépare un sel de soude caustique, en privant le sel de soude ordinaire de 1/4 ou deJ/3 de son acide carbo- nique. Il est pulvérulent. Pour déterminer la valeur réelle de ces différents produits, on emploie aujourd'hui le procédé alcalimétrique de Gay-Lussac, qui consiste à déterminer, au moyen de la saturation par l'acide sulfurique, la quantité de soude pure (SdO) contenue dans 100 parties du produit. Ce procédé se trouvant décrit dans tous les ouvrages de chimie, je me dispenserai de le rapporter ici. ^oude épineuse. Salsola Tragus L. ; Tpayoç Diosc, lib. VI, cap. xlvi. Cette plante croît très-abondamment sur les côtes de la Manche; elle s'élève à la hauteur de 30 à 45 centimètres, et se divise en rameaux cylindriques et striés, garnis de feuilles charnues, embrassantes, glabres, triangulaires, terminées par une pointe épineuse. Les fleurs sont axillaires, solitaires, pourvues d'un périanthe mem- braneux. Elle est employée avec succès contre la gravelle, ce qu'il faut sans doute attribuera la grande quantité de sels qu'elle contient; mais ce qu'il y a de singulier, tant à cause du genre de plantes auquel elle appartient qu'aux lieux qui la fournissent, c'est qu'elle ne contient que des sels à base de potasse et de chaux. Suivant l'analyse que j'ai faite de ses cendres (1), je les ai trouvées composées de : ,(1) Guibourt, Journ. de chim. méd.j 1848, p. 128. GuiBouRT, Drogues, 7e édit. T. IL — 2 9 450 DICOTYLÉDONES MONOGHLAMYDÉES. Carbonate de potasse 29,04 Chlorure de potassium 17,89 Sulfate de potasse 4,93 Carbonate de chaux , 40,2(> Phosphate de chaux I , „„ Oxdye de fer ) '■' 100,00 FAMILLE DES AMARANTACÉES, NYCTAGINÉKS, PHYTOLACCACÉES. Ces trois familles de plantes, qui terminent la classe des Dicotylé- dones monoclîlamydées ou à périanthe simple, fournissent peu de chose à la médecine. Les Amarantacées ont les plus grands rapports avec les Chénopo- dées, et un assez grand nombre sont employées comme aliment, à l'instar de l'épinard : tels sont, dans le midi de la France et de l'Italie, l'AmarcmtusBlitum L. ; au Brésil, VAmarantus viridens; à la Jamaïque, VAmarantus spinosus. D'autres ont une vertu laxative marquée; d'autres sont astringentes ; mais aucune, excepté peut-être le Gom- phrena officinalis Mart., et le Gomphrena macrocephala Saint-Hil., dont les racines portent au Brésil le nom de paratudo (propre à.tout), ne pa- rait jouir de propriétés actives. Les Nyctaginées, qui doivent leur nom au genre Nyctago ou Mirabilis (belle-de -nuit), sont généralement douées d'une propriété purgative ou émélique. Plusieurs d'entre elles, telles que le Mirabilis Jalapa, belle plante cultivée dans nos jardins, et le Mirabilis longiflora, ont même été considérées, pendant quelque temps, comme la source du jalap officinal. Le Boerhaavia hirsata (erva toustâo Bras.) est employé contre l'ictère, le Boerhaavia tuberosa contre la syphilis, le Boerhaavia pro- cumbens comme antifébrile et purgatif, etc. Les Phytolaccacées, plantes d'abord réunies aux Chénopodées, s'en distinguent par leurs étamines alternes avec les divisions du périanthe, par la pluralité des ovaires rangés circulairement autour d'un axe, enfin par la présence de principes acres et drastiques. Le Phytolacca decandra^ belle plante de l'Amérique septentrionale, aujourd'hui cul- tivée dans les jardins de l'Europe, purge très-fortement; le suc des fruits, d'un beau rouge carminé, a été employé en Portugal à la colo- ration des vins, non sans inconvénients pour les consommateurs, et l'usage en a été prohibé. La racine du Phytolacca drastica du Chili purge aussi très-violemment; les Petiveria, douées d'une odeur alliacée, sont usitées en Amérique comme antifébriles, diaphorétiques, diuré- tiques et anthelminthiques. De toutes les plantes ou parties de plantes qui viennent d'être citées, je ne parlerai en particulier que de celles qui se sont rencontrées dans le commerce. Racine de Chaya. En 1818, un pharmacien présenta à la Société de pharmacie de Paris une racine nommée Chaya, longue de 13 à 16 centime- PHYTOLACCACÉES. — RACINE DE FAUX-JALAP. 45i très, grosse comme de minces tuyaux de plume, tortueuse, com- posée d'une écorce et d'un meditullium ligneux, blanchâtre, ino- dore et offrant une saveur mucilagineuse et légèrement salée. On la disait envoyée de la Tartarie chinoise, et l'on donnait à la plante une lige lisse, également mucilagineuse, des feuilles obrondes et cotonneuses, des fleurs à périanlhe simple, uni- sexuelles, à 6 étamines; on supposait qu'elle pouvait appartenir à la famille des Asparaginées. Si les caractères sexuels qui n'ont pu être vérifiés étaient exacts, il faudrait renoncer à déterminer la plante qui produit cette racine. D'après Roxburgh (1), et Ainslie (:2), on vend au Bengale, sous le nom de chaya, la racine mucilagineuse de VAchyrantes lanata Roxb., JErva Imata J., Amarantacées. Cette racine, au reste, ne paraît jouir d'aucune propriété essentielle, et je l'aurais passée sous silence s'il n'était pas nécessaire de la distinguer du chaya-vayi\ racine tinctoriale de rinde, et de Vipécacuanha blanc du Brésil, en place duquel elle a été vendue dans le commerce. Racine de Faux-«falap. Mtrabilis longiflora L., et aussi les Mirabilis Jalapa et dicho- toma. — Car. gén. : Involucre caliciforme, campanule, quinqué- fide, uniflore, persistant ; périanlhe corolloïde, infundibuliforme, à tube allongé, ventru à la base, persistant, à limbe plissé et à 5 dents, tombant; 5 étamines insérées sur un godet glanduleux qui entoure l'ovaire; filets libres, adhérents au tube rétréci du calice, prolongés au-dessus et terminés chacun par une anthère biloculaire ; ovaire uniloculaire, style simple, stigmate en tête; achaine libre, renfermé dans la base indurée du périanlhe, et en- touré par l'involucre persistant. Le Mirabilis Jalapa est aujourd'hui cultivé dans tous les jar- dins, où il forme des touffes d'un beau vert, sur lesquelles res- sortent ses fleurs nombreuses, réunies en un corymbe serré et d'un rouge foncé, quelquefois aussi jaunes, blanches ou pana- chées. Ces fleurs ne s'ouvrent qu'à la nuit et se ferment le malin, ce qui a valu à la plante le nom de belle ■ de-nuit . Le Mirabilis dichotoiiiaj très-rapproché du précédent, s'en distingue néanmoins par ses feuilles beaucoup plus petites, par ses fleurs toujours d'un rouge pourpre, bien moins grandes également, presque soli- taires et s'épanouissant avant la nuit, d'oii leur est venu le nom de fleurs de quatre heures. Enfin le Mirabilis longifloim {fig. 505) intéresse par l'odeur douce et musquée qu'il répand pendant la (1) Roxburgh, Flora indka, t. II, p. 603. (2) Ainslie, Maleria indica, t. II, p. 394. 452 DICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES. nuit; ses liges sont longues de 1 mèlre environ, Irès-faibles, divisées en rameaux grêles, pubescents, garnis de feuilles oppo- sées, visqueuses, un peu velues, molles et ciliées ; les supérieures sessiles. Les fleurs naissent à l'extrémilé des rameaux, réunies en une tête épaisse et glutineuse. Le tube du périantlie est fort long, recourbé, velu ; le limbe plissé, d'une couleur blanche. Ces trois plantes, mais surtout la dernière, sont pourvues d'une racine pivotante, un peu na- piforme, grosse et charnue, presque noire au dehors , blanchâtre en dedans. Cette racine desséchée, dont j'ai vu une fois dans le commerce une partie assez considérable, était cl peu près cylindrique, épaisse de 25 à 55 millimè- tres, coupée en tronçons de 55 à 410 millimètres, d'un gris livide, plus foncé à l'ex- térieur et plus pâle intérieu- rement. Les surfaces extrê- mes sont marquées d'un grand nombre de cercles concentri- ques très-serrés, d'une cou- leur plus foncée et un peu proéminents. La coupe opérée à l'aide de la scie est polie et presque noire, et marquée des mêmes cercles. La racine est dure, compacte, très-pesante, d'une odeur faible et nauséeuse, et d'une saveur douceâtre, laissant un peu d'âcreté dans la bouche. On la dit assez fortement purgative. Fig. 503. — Faux-Julap. llacine de Pipi. Petiveria aUiacea et Peliveria tetrandra. La première de ces plantes croît dans les prairies, à la Jamaïque et dans la plupart des autres îles de l'Amérique. La seconde croît au Brésil. Toutes deux sont pourvues d'une forte odeur alliacée et produisent des racines ligneuses, fibreuses, jaunâtres, d'une odeur très-forte et désagréable et d'une saveur acre et alliacée. Ces racines sont très-fortement diurétiques, ainsi que l'indique leur nom, et usi- tées contre l'hydropisie, la paralysie, les rhumatismes articu- laires, etc. PLANTAGINEES. — PLANTAINS. 453 SIXIÈME CLASSE DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. FAMILLE DIS PLANTAGINEES. Petite famille de plantes herbacées, souvent privées de tiges et à feuilles toutes radicales, à fleurs hermaphrodites ou unisexuelles, dis- posées en épis simples et serrés, pourvues d'un calice et d'une corolle à 4 divisions régulières; de 4 étamines et d'un ovaire libre à 1, 2, ou très-rarement 4 loges contenant un pelit nombre d'ovules. Le slyle est capillaire et terminé par un sUgmate simple ou bifide; le fruit est tantôt un achaine, tantôt une pyxide biloculaire, à loges mono — ou dispermes; les semences sont couvertes d'un épisperme membraneux, à hile ventral; l'embryon est droit et cylindrique, dans l'axe d'un en- dosperme charnu. Cette famille nous présente, dans le genre PJantago^ quelques plantes autrefois très-usitées, aujourd'hui presque tombées en désuétude. Ces plantes sont les plantains et les psyllium. Plantaing. Les plantains ont un calice à 4 divisions persistantes; une corolle gamopétale tubuleuse, persistante, à limbe quadripartagé. Les filets des étamines sont plus longs que la corolle, surmontés d'an- thères horizontales. Le style est plus court que les étamines et terminé par un stigmate simple. On emploie indifféremment trois espèces de plantain, à savoir : Le g^rand plantain, Plantago major L., offrant des feuilles ra- dicales grandes, coriaces, presque glabres, ovales, rétrécies en pétioles, marquées de 7 nervures saillantes, souvent sinuées sur les bords. La hampe dépasse la longueur des feuilles; elle est cylindrique, un peu pubescente et porte un épi droit, long, cylin- drique, étroit, composé de fleurs serrées, verdâlres ou rougeâ- tres. La capsule pyxidée est divisée en deux loges par une cloison longitudinale, qui porte plusieurs graines rougeâlres sur chaque face. Le plantain moyen, Plantago média, a le port du précédent, dont il diffère par ses feuilles velues et par sa capsule qui ne con- tient qu'une graine dans chaque loge. Le plantain lancéolé, Plantago lanceolatay a les feuilles étroites lancéolées, amincies aux deux extrémités, ordinairement velues 454 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. et à 5 nervures; les hampes sont anguleuses, pubescenles, ter- minées par un épi brun, ovale et ramassé. Ces trois plantes sont communes dans les jardins, les champs et les prairies. Leurs feuil- les sont inodores^ amères et légèrement styptiques; les fleurs pos- sèdent une odeur douce et agréable. L'eau distillée de la plante entière était anciennement très-usitée dans les collyres. {Semences de Psyllium. Plantago Psyllium L. Cette plante diffère des précédentes par sa tige rameuse, haute de 16 à 29 centimètres, munie de feuilles opposées, linéaires, quelquefois dentées. Les fleurs sont réunies en capitules ovoïdes, munis de bractées très-courtes ; les divi- sions du calice sont lancéolées-aiguës; les fruits sont des pyxides à 2 loges polyspermes ; les semences sont très-menues, oblon- gues, d'un brun noir, lisses et luisantes d'un côté, creusées en nacelle du côté du hile, ayant quelque ressemblance d'aspect avec des puces, ce qui a valu à la plante le nom d'herbe aux puces. Ces semences contiennent dans leur épisperme un principe gom- meux, susceptible de se gonfler considérablement dans l'eau, qui leur donne une propriété très-émoUiente. On en faisait autrefois usage, et on pourrait les employer tout aussi utilement aujour- d'hui dans les ophthalmies inflammatoires, l'irritation des voies intestinales, etc. Plantain des sables. Plantago arenaria Waldst. Cette plante, longtemps confondue avec la précédente, en diffère par sa tige plus rameuse et plus élevée ; par ses capitules plus allongés, munis de bractées deux ou trois fois plus longues que le calice, dont les divisions sont dilatées au sommet, membraneuses et très- obtuses; les graines sont ovoïdes. Il paraît que les négociants de Nîmes et de Montpellier en font un commerce assez étendu pour le gommage des mousselines. FAMILLE DES PLUMBAGINÉES. Famille de plantes herbacées, à feuilles alternes, quelquefois toutes réunies à la base de la tige et engainantes. Les fleurs sont réunies en tête, ou disposées en épis ou en grappes rameuses et terminales. Le ca- lice est tubuleux, persistant, à 5 divisions; la corolle est tantôt gamo- pétale et pourvue de 5 étamines hypogynes, comme dans les vraies plumbaginées; tantOL formée de pétales égaux, légèrement soudés à la base, et portant sur les onglets 5 élamines opposées aux pétales, comme dans les Statice. L'ovaire est libre, à un seul ovule anatrope, pendant au sommet d'un podosperme filiforme, partant de la base de la loge. L'ovaire est terminé par un style divisé en stigmates (Plumbago), ou par PLUMBAGINÉES. — BEIIEN ROUGE. 455 5 styles pourvus chacun d'un stigmate simple, filiforme, glanduleux (Statice). Le fruit est monosperme, enveloppé dans le calice persistant ; tantôt il est indéhiscent (achaine, se séparant du réceptacle par déchi- rement [Statice] ; tantôt il est capsulaire et s'ouvre supérieurement en 5 valves {Plumbago). La semence est inverse, mais simule souvent une semence droite, par la soudure du trophosperme avec le péricarpe. L'embryon est orthotrope, au milieu d'un endosperme farineux; ra- dicule supôre. Cette petite famille, comme on le voit, se divise nettement en deux tribus, qui empruntent leur nom de leur principal genre, Statice el Plumbago, dont les propriétés sont aussi très-distinctes: les Statice sont pourvus d'une astringence très-marquée; les Plumbago sont presque caustiques. Quoique ces plantes soient aujourd'hui presque oubliées, nous en mentionnerons deux : le ôehen rouge et la dentelaire d'Europe. Delien roiig'e. Les Arabes et les Grecs du moyen âge ont employé, sous le nom de behen, deux racines différentes. L'une, appelée behen blanc, pouvait être longue et grosse comme le doigt, d'un gris cendré à l'extérieur, blanchâtre en dedans, d'un goût un peu amer (suivant d'autres, acre et odorante). Cette racine a toujours été attribuée au Centaurea Behen, L., de la grande famille des Synan- thérées et de la tribu des Carduacées ; mais, comme elle est ori- ginaire delà Perse et fort rare, on lui substituait celle du Behen nostras ou Cucubalus Behen, plante de la famille des Caryophyllées, à calice renflé, qui croît dans nos champs. L'autre espèce de be- hen était le behen rouge, que l'on décrivait comme une racine sè- che, compacte, d'un rouge noirâtre, coupée en morceaux comme lejalap, un peu styptique et aromatique. On l'attribuait généra- lement au Statice Limon ium L., plante qui croît dans-les prairies humides, voisines de l'Océan et de la Méditerranée. Cette racine était tout à fait ou])liée du commerce, et je ne pense pas qu'aucun droguiste de notre âge en eût vu, lorsque, il y a quelques années, on importa à Marseille, de Taganrog, ville russe, à l'embouchure du Don, et sous le nom de kermès, 800 kilogrammes d'une racine rouge et ligneuse qui n'est autre chose que le katrnn rouge do Pallas (t. V, p. 170), usité pour le tannage des peaux, et attribue par lui à un Statice voisin du Zîmowzwm; cette plante est le Statice latifolia de Smith. En rapprochant toutes ces circonstan- ces, il me paraît que ce katran rouge de Pallas est le vrai behen rouge des anciens, dont voici alors les caractères plus précis. Racine ligneuse, pivotante, cylindrique, longue de 30 à 40cen- 456 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. timètres, épaisse de 2 à 3, terminée par le haut par plusieurs collets vivaces, qui portent alternativement d'un côté et de l'au- tre la cicatrice des tiges annuelles. L'écorcedela racine est très- compacte, d'un rouge brun foncé, épaisse de 2à 3 millimètres, et a dû être succulente. Le cœur est ligneux et à structure rayon- nante. La surface de la racine est marquée, surtout à la partie supérieure, de stries circulaires qui, à partir du collet, deviennent des sillons circulaires profonds et réguliers. Cette racine possède une saveur très-astringente avec un goût particulier qui se rap- proche de celui du tabac. Elle fournit avec l'eau une liqueur rouge qui précipite fortement le fer et la gélatine. Celle racine serait donc très-propre au tannage et à la teinture en noir. Racine de Dentelairc. Plumbago europœa L. {fîg, 506). Celle plante croit dans le midi de la France; sa tige est ronde, cannelée, glabre, haute de 65 centimètres ; ses feuilles sont oblongues, amplexicaules, chargées de poils glanduleux sur leurs bords; d'une sa- veur brûlante. Les fleurs sont purpurines ou bleues , ra- massés en bouquets au som- met de la tige el des ra- meaux; elles sont pourvues d'un calice persistant à 5 di- visions, hérissé de poils glan- duleux; d'une corolle tubu- lée, à limbe étalé et quin- quéfide; de 5 étamines à filets élargis inférieurement cl insérés sous l'ovaire; d'un style aussi long que le tube de la corolle, et terminé par un stigmate quinquéfkle. Le fruit est un achaine enveloppé par le calice. La racine de dentelaire est longue, pivotante, blanche, d'une saveur caustique. Par la dessiccation, elle conserve en partie sa causticité, prend une teinte rougeâlre, et paraît formée d'une écorce ridée longitudinalemenl, qui s'isole en partie d'un médi- luUium ligneux, très-épais, à fibres rayonnées. Cette racine, con- Fig. 506. — Racine de Dentelaire. PRIMULACÉES. 457 servée dans un bocal fermé, avec une étiquette de papier, offre le singulier phénomène de faire prendre au papier une couleur rougeâtre plombée, qui paraît due à l'action de l'air sur un prin- cipe volatil échappé de la substance. La plante, écrasée entre les doigts, leur communique la même couleur plombée, ce qui lui a valu le nom de piumbago, et celui de molybdène, qui, en grec, signifie la même chose. Le nom de dentelaire lui vient de la pro- priété, qu'elle partage avec d'autres substances très-âcres, de cal- mer souvent la douleur des dents; on rappelle aussi malherbe ou mauvaise herbe, La racine de dentelaire était employée autrefois comme émé- lique, mais son effet était incertain et dangereux. On l'a employée avec plus de succès, à l'extérieur, contre la gale. M. Dulong, pharmacien à Aslafort, est parvenu à isoler le prin- cipe acre de la dentelaire, en épuisant la racine par Téther; ce liquide, évaporé, laisse une matière grasse, de couleur noirâtre, que l'on traite par l'eau bouillante. L'eau prend une couleur jau- ne, et dépose, par le refroidissement, des flocons jaunes, qui, repris par l'alcool, cristallisent avec facilité. Cette matière est sous la forme de petits cristaux aciculaires, d'un jaune orangé, fort peu solublesdans l'eau froide, plus solubles dans l'eau bouil- lante, très-solubles dans l'éther et l'acool, n'offrant aucun carac- tère acide ou alcalin, fusibles à une douce chaleur, et se volatili- sant sans altération à une température un peu plus élevée. Les acides n'en changent pas la couleur et n'en facilitent pas la solu- tion dans l'eau; les alcalis, au contraire, la dissolvent facilement et lui donnent une couleur rouge-cerise (I). FAMILLE DES PRIMULACÉES. Plantes herbacées à feuilles toutes radicales, comme dans les prime* vères, ou bien opposées et même quelquefois verticillées sur la lige (Lysimachia), rarement alternes. Fleurs complètes, régulières ou un peu irrégulières, tantôt solitaires ou ombellées à l'extrémité d'une hampe, tantôt solitaires dans l'aisselle des feuilles, ou en grappes axil- laires ou terminales. Calice gamosépale, ordinairement libre et à 5 di- visions ; corolle hypogyne (périgyne dans le genre Samolas), gamopétale, à 4 lobes alternes avec ceux du calice, à préfloraison imbriquée ou contournée; étamines insérées au haut du tube de la corolle et oppo- sées en nombre égala ses divisions, souvent accompagnées d'un même nombre d'étamines stériles, alternant avec ces mêmes divisions. L'o- vaire est libre (demi-soudé dans le genre Samolus), unicelluliiire, à ovu- les nombreux attachés à un trophosperme central. Le style et le stig- (I) Dulong, Joifim. de pharm-, t., XIV, p. 254. 458 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. mate sont simples. Le fruit est une capsule uniloculaire et polysperme, s'ouvrant en 3 ou 5 valves (primevère et lysimachie), ou une pyxide operculée {Anagallis). Les grains offrent un embryon cylindrique placé transversalement au hile dans un endosperme charnu. Les primiilacéessont inusitées aujourd'hui en médecine, quoi- qu'elles soient généralement douées de propriétés actives. La primevère commune {Primula of/îcinalis), nommée autrefois herbe de la paralysie, présente dans sa racine une forte odeur d'anis, due à une essence qu'on peut en retirer par distillation, et une substance amère analogue à la sénégine. L'oreille-dWrs, origi- naire des Alpes, y est recommandée contre la phthisie, mais est bien plus connue p;ir l'élégance de ses fleurs et par les innombra- bles variétés que les horticulteurs en ont obtenues. Les deux mourons, roug^e et bien {Anagallis phœnicea et An. cœrulea), sont des plantes nauséeuses, amères et douées d'une certaine âcreté, qui ont été usitées autrefois contre l'atonie des viscères, l'hydro- pisie, la manie, l'épilepsie, et que le peuple des campagnes re- garde encore aujourd'hui, sans aucune raison, comme un remède contre la rage. Il ne faut pas confondre ces deux plantes, qui sont un poison pour les oiseaux, avec la mor^eline {Alsine média, Garyophyllées), dont on vend une si grande quantité à Paris, sous le nom de mouron des oiseaux, qu'on estime à 500,000 francs la somme que la classe peu aisée dépense annuellement pour ce seul objet. Racine de Cyclame OU dePain-de-Pourcean. Cyclamen europœum L., Artkanita off. [fig. 507). Cette plante pousse de sa racine de longs pétioles qui portent des feuilles pres- que rondes, marbrées en dessus, rougeâtres en dessous. Il s'é- lève parmi de longs pédoncules qui soutiennent de petites fleurs purpurines, d'une odeur agréable. Ces fleurs sont formées d'un calice persistant, à o divisions; d'une corolle hypogyne, à tube court, épaissi à la gorge, à limbe réfléchi partagé en S divi- sions égales, plus longues que le calice. Les 5 étamines sont con- niventes par leurs anthères; le style est terminé par un stigmate aigu; le fruit est une capsule charnue, polysperme, à 5 valves. La racine de cyclame est vivace; elle a la forme d'un pain orbicu- laire aplati; elle est brune au dehors, blanche en dedans, garnie de radicules noirâtres. Elle a une saveur acre et caustique. Geof- froy (1) annonce qu'elle perd toute son âcreté par la dessiccation ; cela peut arriver quelquefois, mais celle que j'ai jouit encore (i) Geoffroy, Matière médicale. Paris, 1743-1757. GLOBULARIÉES. 459 d'une saveur vraiment insupportable. Elle est érfiétique, purga- tive et hydragogue, même appliquée extérieurement. Malgré des propriétés si énergiques, cette racine est peu employée mainte- nant, peut-être Ji cause du dinger et de l'inconstance de ses effets. [M. de Luca (1) y a signalé la présence d'un principe toxique, auquel il a donné le nom de cyclamine. C'est une substance blan- che, amorphe, inodore, opaque, légère et friable, d'une saveur qui devient acre après quelques instants; elle prend au contact de l'eau froide l'apparence d'une gelée opaline, visqueuse et très- adhésive. Elle présente la propriété très-singulière de se coagu- ler par la chaleur et de se redissoudre, lorsqu'on la laisse se re- Fig. b07. — Cyclame. Gig. b03. — Globulaire turbith. froidir et reposer pendant deux ou trois jours. Elle est peu soluble à froid dans l'alcool, beaucoup à chaud dans la glycérine, l'alcool, les alcalis et l'esprit de bois. Elle est composée de carbone, d'hydrogène et d'oxygène.] C'est le cyclame qui donnait autrefois son nom à Tonguent à'arthanita. Quant au nom à^ pain- de-pourceau il lui est venu de sa forme et de la recherche que les porcs en font pour leur nourriture. FAMILLE DES GLOBULARIÉES. Cette petite famille est formée par le genre Globulai'ia, dont les (l) Luca, Comptes rendus de l'Académie de sscienceSy t. XLIV, p. 723; t. XLV, p. 909. 460 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. espèces peu nombreuses appartiennent à l'Europe méridionale et tem- pérée, ainsi qu'aux îles de l'océan Atlantique. Une des espèces les plus connues est celle qui porte le nom de grlobulaire turbitii , Gtobularia Alypum L. {fig . 508); c'est un arbrisseau de 60 à 100 centimètres de haut, dont les feuilles sont glabres, lancéolées-ovées, aiguës, rétrécies en pétiole h la base, entières ou munies de une ou deux dents au sommet; les fleurs sont bleuâtres, réunies en capitules pourvus d'un involucre poly- phylle, et sont portées sur un réceptacle paléacé ; le calice de chaque petite fleur est à 5 divisions et persistant; la corolle est monopétale et à deux lèvres, dont la supérieure est presque nulle; le fruit est un achaine ovoïde entouré par le calice. La globulaire turbith croît dans le midi de la France; on lui avait attribué des propriétés dangereuses, qui lui avaient fait donner le nom de Frutex terribilis; mais il a été reconnu par Loiseleur-Deslonchamps, et confirmé par nous (1), que ses feuilles formaient un purgatif plus doux que le séné, moins désa- gréable, et qu'elles pouvaient très-bien lui être substituées, à dose double. Elles ont une saveur acre, très-amère, sont privées d'odeur nauséeuse, et forment avec l'eau un infusé transparent, légèrement verdâtre. FAMILLE DES LABIÉES. Les Labiées forment une des familles les plus naturelles du règne vé- gétal; elle comprend des plantes herbacées ou des arbrisseaux à ra- meaux opposés ou verticillés et télragones; les feuilles sont opposées ou verlicillées entières ou divisées, privées de stipules. Les fleurs sont complètes, irrégulières, groupées en cimes aux aisselles des feuilles su- périeures, et forment, par leur rapprochement, des épis ou des grappes rameuses. Leur calice est gamosépale, tubuleux, à 5 dents inégales. La corolle est insérée sur le réceptacle; elle est gamopétale, tubuleuse, irrégulière, ordinairement partagée en 2 lèvres,' l'une supérieure, l'au- tre inférieure. Les étamines sont au nombre de 4 didynames, sauf dans un petit nombre de genres dans lesquels les deux étamines cour- tes avortent ou manquent complètement. L'ovaire, porté sur un disque charnu, est profondément divisé en 4 lobes, très-déprimé au centre, d'où s'élève un style simple surmonté d'un stigmate bifide. L'ovaire, coupé en travers, présente 4 loges contenant chacune un ovule dressé. Le fruit est un télrachaine contenu dans l'intérieur du calice persis- tant; achaines dressés; embryon droit, entouré d'un endosperme très- mince, qui disparaît souvent complètement. (I) G. Planchon, Des Globulaires au point de vue botanique et médical. Mont- pellier, 1859. LABIÉES. — LAVANDES. 461 Les Labiées sont en très-grande partie des plantes très-aroma- tiques et riches en huile volatile ; aucune n'est vénéneuse ; labé- toine seule présente une âcreté assez marquée qui Ta fait em- ployer comme sternutatoire.il en est peu qui, à une époque ou à une autre, n'aient été usitées en médecine. Je me bornerai à dé- crire les principales. Basilics. Genre Ocimum .-calice ovéou campanule à 5 dents, dont la su- périeure plus grande, plafte et orbiculaire : corolle à tube court et à 2 lèvres, dont la supérieure est quadrifide et l'inférieure, à peine plus longue, plane et entière, abaissée; 4 étamines pen- chées, les inférieures plus longues, les supérieures appendiculées à la base d'une dent ou d'un faisceau de poils ; style courtement bifide au sommet; 4 achaines polis. Les basilics sont exotiques, et la plupart viennent de i'Inde. Ce sont des herbes ou de petits arbrisseaux pourvus de feuilles sim- ples et douées d'une odeur pénétrante et souvent très-agréable. Les deux espèces les plus communes sont : Grand basilic, Ocimum BasiUcum L. 11 est très-cultivé dans les jardins, haut de 15 à 20 centimètres, muni de tiges légèrement velues, de feuilles pétiolées, ovales, lancéolées, un peu ciliées et un peu dentelées sur le bord; les fleurs sont blanches, purpurines ou panachées, disposées en verticilles peu garnis, accompagnées de bractées vertes ou pourpres : les calices sont ciliés ou barbus. Petit basilic, Ocimum minimum L. Il est cultivé dans des pots sur les fenêtres et les cheminées; il forme, par ses ramifica- tions, une jolie boule de verdure, chargée de feuilles nombreuses, aiguës ou obtuses^ un peu épaisses, vertes ou rougeâtres; les fleurs sont petites et blanches. lia^aiides. Car. gen. : calice ové-tubuleux, strié, à 5 petites dents presque égales; la dent supérieure tantôt un peu plus large cependant, tantôt augmentée au sommet d'un appendice dilaté ; tube de la corolle plus. long que le calice, dilaté à la gorge; limbe oblique- ment bi-labié, à lèvre supérieure bi-lobée, l'inférieure à 3 lobes, tous les lobes presque égaux et ouverts; 4 étamines recourbées, les inférieures plus longues ; filets glabres, libres, non pourvus de dents; anthères ovées-réniformes, confluentes, uniloculaires; style courtement bifide au sommet, à lobes aplatis. Achaines gla- bres, lisses, attachés aux quatre écailles concaves du disque. Trois espèces de lavande^ sont surtout usitées. 462 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. I^aTande spic OU IjSL^ande miklej Lavandula Spica Chaix [La- vandula latifolia Ehrliart). Cette plante offre une souche ligneuse, divisée en rameaux dressés; les uns courts, stériles, persistants ; les autres longs, fertiles, annuels, hauts de 60 à 100 centimètres. Les feuilles sont linéaires-élargies, longues de 55 à 80 millimètres, larges de 6 à 12, à bords roulés en dessous; elles sont couvertes des deux côtés d'un duvet très-court et blanchâtre ; les tiges flo- rales sont très-peu feuillées, terminées par un épi assez long, souvent recourbé au sommet ; les bractées qui accompagnent les flears sont linéaires, subulées ; les calices forlement striés, à peine cotonneux; les corolles sont bleues, quelquefois blanches par variété. La lavande spic croît en Afrique, en Sicile, en Italie et dans le midi de la France; toutes ses parties exhalent une odeur forte, mais agréable, due à une huile volatile qu'on extrait dans les lieux mêmes oii on la récolte, et qui est connue dans le commerce sous le nom d'huile de spic ou d'aspic. Elle est très-usitée en pein- ture, souvent mélangée d'essence de térébenthine. liairande officinale ou liaYande femelle y Lavandula veî'tt DG. {Lavandula officinalis Chaix, Lavandula auguslifolia Ehrhart). Cette plante ressemble beaucoup à la précédente, et Linné n'en avait formé qu'une seule espèce, sous le nom de Lavandula Spica; elle diffère de la première, cependant, par ses feuilles tout à fait linéaires, plus étroites et moins blanchâtres; par ses épis courts, droits, maigres et à verticilles interrompus, par ses bractées ovées-rhomboïdales, acuminées; par ses calices couverts d'un duvet abondant; enfin par ses corolles deux fois plus grandes que le calice, pubescentes en dehors. Elle craint moins le froid que le spic, et c'est elle que l'on cultive surtout dans les jardins du Nord, où elle sert souvent à former des bordures. Elle a une odeur moins forte et plus agréable que la précédente, et on la préfère pour la préparation de l'alcoolat, de lavande, qui est si généralement employé comme eau de toilette (1). Ija^ande stœchas, Lavandula Stœc/ias L. Sous-arbrisseau Irès- rameux, s'élevant à la hauteur de 60 à 100 centimètres ; feuilles sessiles, oblongues-linéaires, longues de 14 millimètres, coton- neuses, blanchâtres, abords roulés en dessous; fleurs d'un pour- pre foncé, resserrées en épis denses, ovales-oblongs, et accompa- gnées de bractées cordiformes, acuminées, cotonneuses; les bractées supérieures, privées de fleurs avortées, forment un fais- ceau de petites feuilles colorées au-dessus de l'épi. Les fleurs de stœchas, qui sont la seule partie usitée, nous ve- (1) Voy. Sept. Piesse, Des odeurs, des 'parfums et des cosmétiques. Édition française par 0. Réveil. Paris, 1865. LABIÉES. — MENTHES. 463 naient autrefois d'Arabie, d'où elles avaient pris le nom de stœchas arabique^ mais depuis longtemps on les tire de la Provence. Elles sont sous la forme d'épis denses, ovales ou oblongs, comme écailleux, d'un violet pourpre et blanchâtre, d'une odeur forte et térébinlhacée, d'une saveur chaude, acre et amère. Elles four- nissent une assez grande quanlité d'huile volatile à la distillation; elles font la base du sirop de stœchas composé. Patchouly. Yers l'année 1825, on a commencé à importer en France, sous le nom de patchouly (I), une plante de Tlnde desséchée et gros- sièrement hachée, que ses tiges carrées, ses feuilles opposées et fortement odorantes, ont facilement fait reconnaître pour une labiée. On a supposé d'abord qu'elle n'était -àwivQ qu^Xe Plectran- thus aromaticus de Roxburgh {Coleus aroma- ticus Benlh. ; Coleus amboinicus Lour. ; Mar?'ubium album amboinicum Rumph.), plante voisine des basilics et très-aromati- que, usitée comme telle depuis l'Inde jus- qu'aux îles Moluques; mais, en 1844_, le patchouly, ayant fleuri dans les serres de Vi- gnat-ParelIe à Orléans, fut reconnu par Pel- letier pour appartenir au genre Pogostemon, assez voisiri des menthes, et fut décrit par lui sous le nom Pogostemon Patchouly {fig. 509). Celte plante a les tiges ligneuses à la base, les feuilles longuement péliolées. ovales-aiguës, grossièrement dentées; un peu cotonneuses comme les tiges ; les épis, qui manquent toujours dans le patchouly du commerece, sont terminaux ou axillaires, longuement pédon- cules. Le patchouly n'est guère employé que pour préserver les bardes et les fourrures de l'attaque des teignes. Son odeur est tellement forte que beaucoup de personnes ne peuvent la supporter. Aleuthes. Les menthes se distinguent des autres Labiées par la régularité presque complète de leurs fleurs. Le calice est lubuleux ou cam- panule, à 5 dents presque égales; la corolle est très- courte, à limbe campanule presque régulier, à 4 lobes dont le supérieur est un peu plus large et ordinairement échancré; les étamines (1) Nom corrompu depaichey elley ou feuilles de patchey. Fig. 509. — Patchouly. 464 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. sont au nombre de quatre, presque égales, dressées, écartées les unes des autres ; les filets sont glabres et nus ; les anthères sont biloculairesjà loges parallèles; le style est courtement bifide au sommet; les achaines sont secs et polis. Les espèces en sont très- variables et difliciles à déterminer. Voici les plus communes et les plus usitées. llentiie sauTag^e, Mentha sylveslris L. Tige droite, rameuse, haute de 30 à 50 centimètres, cotonneuse ainsi que toute la plante; feuilles sessiles, oblongucs-lancéolées, inégalement den- tées, blanchâtres; verticilles de fleurs rapprochées en épis allon- gés, au sommet de la tige et des rameaux ; fleurs d'un rouge clair, élamines plus longues que la corolle. llentlie à feuilles rondes ou ment hasfrum, Mentha rotundifo- lia L. Tige droite, haute de 30 à 50 centimètres, cotonneuse; feuilles sessiles, ovales-arrondies, ridées en dessus, cotonneuses en dessous, dentées; fleurs blanches ou d'un rouge très-clair, disposées en épis denses, souvent interrompus à la base; les éla- mines sont plus longues que la corolle; les dents du calice sont très-courtes. llentlie -verte, menthe de ]\otre-Dame, menthe romaine, Mentha viridis. L. Tige droite, glabre comme toute la plante, garnie de feuilles lancéolées, sessiles, bordées de dents écartées; fleurs pur- purines, nombreuses à chaque verti- cille, et disposées en épis allongés. Les étamines sont plus longues que la co- rolle ; dents du calice linéaires-subu- lées. llenthe poivrée, MentJia piper ita L. (fig 510). Tige ascendante, rougeâtre, très-glabre ou munie de poils très-ra- res; feuilles d'un vert foncé, très-gla- bres ou ciliées sur les nervures de la face inférieure; elles sont pétiolées, ovales-aiguës ou ovales-lancéolées, den- tées en scie ; les fleurs sont purpurines, nombreuses à chaque verticille, for- mant à l'extrémité des tiges des épis obtus, interrompus à la base ; les cali- ces sont striés, glanduleux : les étamines sont plus courtes que la corolle (!), Menthe anuailiine, Mentha aquatîcaL. Tige hérissée de poils (1) Voy. Roze, La menthe poivrée. Paris, 1868 e,i Journal de pharmacie et de chimie, 3^ série, VIII, 125. Fig. 510. — Menthe poivrée. LABIEES. — MENTHES. 465 réfléchis; feuilles péliolées, ovées, arrondies à la base, pointues à Textrémité, glabres sur les deux faces; verticilles peu nom- breux (2 ou 3) réunis en une tête oblongue, ou le plus inférieur distancé; fleurs d'an pourpre pâle; calices et pédicelles velus. Étamines plus longues que la corolle, avec des anthères d'un pourpre plus foncé. Cette plante croît en Europe sur le bord des ruisseaux. Menthe yelue^ Ment ha hi7'suta, L. Ce n'est qu'une variété de la menthe aquatique à feuilles velues. llenthe des champs, Ment/ta nrvensis, L. Tiges diffuses; feuilles ovées-aiguës, dentées, velues; fleurs en verticilles axillaires et séparés; étamines égalant la longueur du limbe de la corolle. Menthe cultiTée, Mentha satïva, L. Feuilles pétiolées, ovales, pointues, dentées, ou rétrécies aux deux extrémités, rugueuses en dessus; fleurs verticillées, étamines plus longues que la corolle. Menthe baume OU baume des jar«lins, Mentha gentilis, L. Racine traçante et produisant des jets qui s'étendent au loin: tiges hautes de 50 centimètres, rougeâtres, un peu velues, très-rameu- ses; feuilles pétiolées, ovales, pointues, dentées ; fleurs disposées en verticilles dans les aisselles des feuilles supérieures, purpuri- nes, à étamines renfermées dans le tube de la corolle; calice glabre à la base, ainsi que les pédicelles. Cette plante croît sur le bord des fossés, et près des puits dans les jardins. Elle possède une odeur forte et agréable analogue à celles du basilic et de la mélisse mélangées. M. Bentham fait de cette plante et de la précédente de simples variétés du Mentha arvensis; ce rapprochement avait déjà été indiqué par d'autres botanistes. Menthe pouliot OU pouliot vulgaire, Mentha Pulegium, L. Tige presque cylindrique, pubescente, très-rameuse, couchée à sa base, longue de 15 à 35 centimètres, garnie de feuilles ovales^ obtuses, à peine dentées, assez semblables à celles de l'origan. Les fleurs purpurines et disposées par verticilles épais occupent une grande partie de la longueur des tiges. Cette plante croît dans les lieux incultes, sur le bord des marais et des étangs. Elle est pourvue d'une odeur très-pénétrante et d'une saveur très-âcre et très-amère. Son suc rougit fortement le tournesol. [Menthe crépue. Un certain nombre des espèces que nous ve- nons de passer en revue présentent des variations tenant soit à la culture, soit à des causes naturelles, plus difOciles à déterminer. Leurs fleurs peuvent devenir ondulées sur les bords et bordées de grandes dents inégales : elles sont alors ce qu'on appelle crépues, et la variété particulière que caractérise cet état des feuilles se nomme d'ordinaire crispa. C'est ainsi qu'on trouve le GiiiBouuT, Drogues, 7» édit. T. II. — 30 466 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. Mentha sattva S crispa^ Koch, X^Mentha y viridis crispa^ Benlham {M, crispata, Schrader), le Mentha sylvestris y) crispa, Bentham {Mentha undulata, Wildenow), le Mentha aquatica y crispa, Benth. {Mentha crispa de la plupart des auteurs). Toutes ces formes mé- ritent le nom de menthe crépue, et elles ont d'ordinaire une sa- veur et un parfum différents de celui du type de l'espèce. Mais celle qui a le plus particulièrement été désignée sous cette dé- nomination est la Mentha aquatica y crispa de Benlham, que Va- lérius Cordus décrivait déjà dans la première moitié du seizième siècle sous le nom de Mentha crispa.] Presque toutes les espèces de menthe ont été usitées en méde- cine. Aujourd'hui la menthe poivrée est presque la seule em- ployée. Elle possède une odeur très-forte et une saveur aromati- que accompagnée d'une grande fraîcheur dans la bouche. Elle est tellement chargée d'huile volatile qu'elle incommode les yeux à une grande distance ; aussi en prépare-t-on un hydrolat très-odorant et très-actif; les feuilles et les fleurs font partie d'un grand nombre d'autres préparations de pharmacie. L'essence de menthe fait la base des pastilles et des tablettes de menthe; la plus estimée est préparée en Angleterre; les États- Unis d'Amérique en fournissent aussi une très-grande quantité au Commerce, mais qui est moins suave que celle d'Angleterre; celle qui est préparée en France a généralement un goût désagréable, qui tient de la menthe crépue. Cependant il ressort des observations faites par M. Roze qu'on peut, sous le climat de la Bourgogne, obtenir des résultats très-satisfaisants et qui se rapprochent beau- coup de ceux que donnent les cultures de Mitcham, dans le comté de Surrey(l). On attribue la supériorité de l'essence d'Angleterre au soin que l'on prend de détruire toutes les autres espèces de menthe qui croissent dans les contrées où l'on cultive la men- the poivrée, afin d'empêcher l'abâtardissement de l'espèce; ce soin est tout à fait négligé en France. La menthe poivrée passe d'ailleurs pour être originaire d'Angleterre, et il est certain que les anciens botanistes du continent, tels que les frères Bauthin, Geoffroy, etc., n'en font pas mention; mais il serait possible qu'elle y eût été importée d'Asie. Je suis certain au moins que c'est un médicament très-usité en Chine, l'ayant trouvée dans une collection de 84 médicaments les plus usuels de la Chine, où elle est nommée lin tsao. Le pouliot fait partie aussi de la même collection, sous le nom de pou hô ou de po ho. L'essence de menthe poivrée contient au moins trois principes immédiats : un élœoptène ou essence liquide, un stéaroptène ou (<) Voyez Roze, loc. citât. LABIEES. — ORIGANS. 467 essence solide et cristallisable, une huile grasse susceptible de rancir; en la rectifiant avec de l'eau, on en sépare l'huile grasse el une partie du stéaroplène. On en retire alors une essence très-fluide, incolore, légère, du goût le plus pur, d'une pesanteur spécifique de 0,899, bouillant à 190°, composée de G^^^H^^O^. L'essence de menthe d'Amérique se congèle presqu'à zéro ; rectifiée lentement et en fractionnant les produits, le dernier produit est si chargé de stéaroptène qu'il se convertit, à la tem- pérature ordinaire, en magnifiques cristaux prismatiques. Ce stéaroptène fond à 34° et bout à 213; il possède à un haut degré l'odeur et la saveur de la menthe; il est composé de G^^ H^^ 0^ = C-^0Hi8_|_2HO; G20 Ri» représentant le menthène, hydrure de carbone liquide que l'on obtient en traitant le stéaroptène par l'a- cide phosphorique anhydre. Origpans. Car. gén.: fleurs environnées de bractées imbriquées, formant des épis tétragones. Galice ové, campanule, à 5 dénis égales, ou bilabié; corolle tubuleuse à deux lèvres, dont la supérieure est échancrée ou légèrement bifide ; l'inférieure est plus longue, écartée, trifide; les quatre étamines sont ascendantes et écartées; le stigmate est à deux lobes dont le postérieur est souvent plus court. Orig^an Tulg^aire, Origanum vulgare, L. Tiges pubescentes, sou- vent rougeâtres, hautes de 24 à 40 centimètres, rameuses seule- ment dans le haut, garnies de feuilles ovales, pétiolées, un peu velues en dessous. Les fleurs sont purpurines, quelquefois blan- ches, disposées au sommet des tiges en épis courts, rapprochés en corymbe; les bractées sont ovales, d'un rouge violet, plus lon- gues que les calices qui sont un peu hérissés, à 5 dents égales, fermés par des poils après la floraison. Gette plante est commune en France, dans les bois secs et montueux. Elle est très-aroma- tique, tonique et excitante. Marjolaine Tulgaire, Origanum majorana^ L. Plante annuelle, haute de 25 centimètres, à tiges grêles, ligneuses; un peu velues et rougeâtres, ramifiées, garnies de feuilles elliptiques-obtuses, entières, pétiolées, blanchâtres, d'une odeur pénétrante, d'une saveur un peu acre, un peu amère et aromatique. Les liges por- tent à la partie supérieure, dans les aisselles des feuilles, des épis très-courts, arrondis, réunis trois à trois, formés de bractées serrées, blanchâtres, disposées sur quatre rangs. Marjolaine vii^ace, Origanum maJo7'anoides, Willd. Plante vi- 468 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. vace, dont la tige est plus ligneuse que dans la précédente, les feuilles plus petites, plus cotonneuses et encore plus aromatiques. Du reste, ces deux espèces sont fortement excitantes, et leur pou- dre est sternutatoire. Dictame de Crète, Origanum Dictamnus^ L. Tiges diffuses, rou- geâtres, hautes de 25 à 30 centimètres, garnies de feuilles ovales- arrondies, pétiolées, grandes comme l'ongle du pouce, et toutes couvertes d'un duvet cotonneux, épais et blanchâtre. Les feuilles supérieures sont arrondies, sessiles, glabres, souvent rougeâtres, ainsi que les bractées, et chargées les unes et les autres de nom- breux points glanduleux. Les bractées sont longues de 7 à 9 mil- limètres, rougeâtres, disposées en épis lâches et penchés. Cette plante, très-célébrée par les anciens pour la guérison des blessures, croît principalement dans l'île de Crète ou de Candie; elle possède une odeur très-fragrante et très-agréable, et une sa- veur acre et piquante. Elle entre dans l'électuaire diascordium et dans la confection de safran composée. Orig^an de Tournefort, Origanum Tournefortii^ Ait.?. M. Me- nier a bien voulu me faire part d'un échantillon d'une plante sans indication de nom ni d'origine, mais possédant une très-forte odeur de dictame de Crète. Cet échantillon ne comprend guère que les dernières sommités de la plante, incisées. Les épis sont rougeâtres, assez longs, prismatiques, droits ou recourbés, plus denses que ceux du dictame de Crète. Les feuilles sont cordifor- mes, très-petites, sessiles, toutes couvertes de points glanduleux, ainsi que les bractées, et ciliées sur le bord; les tiges sont rou- ges, carrées, un peu ciliées; quelques feuilles inférieures sont plus grandes que les autres, cordiformes, à nervures très-appa- rentes et pétiolées. Ce dernier caractère est le seul qui différencie cette plante de Vorigan à figure de dictame de Crète, trouvé par Tournefort dans l'île d'Amorgos. Elle ne me paraît pas être infé- rieure en propriétés au véritable dictame de Crète. Thyms. Car. gén. : calice strié, fermé par des soies pendant la matu- rité; à 2 lèvres dont la supérieure à 3 dents et l'inférieure bifide. Corolle à 2 lèvres, la supérieure plane et échancrée, l'inférieure à 3 lobes dont celui du milieu plus large. Petites plantes ligneu- ses, très-aromatiques, souvent blanchâtres, à feuilles petites, très- entières, veineuses, à bords souvent roulés. Yerlicilles pauciflo- res, tantôt tous distancés, tantôt rapprochés en petits épis lâches, denses ou imbriqués. Thym Tulg^aire, Thymus vulgarisy L. Tiges droites ou ascen- dantes; feuilles sessiles, très-petites, ovées-lancéolées aiguës ou LABIÉES. — CALAMENT DE MONTAGNE. 469 linéaires, blanchâtres, à bords roulés en dessous, verticilles rap- prochés au sommet des rameaux. Cette plante est commune sur les collines sèches dans le midi de la France, et on la cultive dans les jardins où on en fait des bordures. Elle possède une odeur forte, pénétrante et agréable, qui la fait employer dans les cuisi- nes comme assaisonnement. L'huile volatile qu'on en retire par la distillation est souvent brunâtre, mais devient limpide et inco- lore par la rectification; elle est acre, très-aromatique, d'une pesanteur spécifique de 0,905. lierpolet, Thijnius Serpyllum^ L. Tiges nombreuses étalées sur la terre, divisées en rameaux qui se relèvent à la hauteur de 6 à 10 centimètres ou davantage, suivant les variétés; les feuilles sont plus grandes que celles du thym, ovales, rétrécies en un court pétiole, glabres ou velues, souvent ciliées sur le bord; les fleurs sont purpurines, disposées en épis oblongs, ou rapprochées en tête à l'extrémité des rameaux. Cette plante est commune sur les coteaux exposés au soleil ; elle est moins fortement aromatique que le thym; on l'emploie souvent en infusion théiforme contre la débilité gastrique et intestinale, dans les catarrhes chro- niques, etc. i»arriette des jardins. Satureia hortensù, L. — Car.gén.: calice campanule à 10 nervu- res et à 5 dents presque égales. Corolle à peine bi-labiée, à 5 lo- bes presque égaux ; lobe supérieur dressé, plan, entier ou un peu échancré; 4 étamines écartées les unes des autres. — Car, spéc. : tige droite, rougeâtre, pourvue de poils rudes, haule de 22 à 27 centimètres, divisée en un grand nombre de rameaux étalés, gar- nis de feuilles linéaires-lancéolées, glanduleuses; fleurs purpuri- nes, géminées sur chaque pédoncule, plus courtes que les feuilles florales et approchées en petites grappes terminales; bractées linéaires, courtes ou avortées; gorge du calice entièrement nue. Toute cette plante a un goût piquant, aromatique et une odeur analogue à celle du thym. Elle est stimulante et employée dans les assaisonnements. Calament de moiitag^ne. Calamintha officinalis, Mœnch ; Melissa Calamïntha, L. — Cai\ gén. : calice tubuleux, strié, bi-labié; lèvre supérieure souvent ouverte et à 3 dents; lèvre inférieure bifide. Corolle à tube droit, nu en dehors, souvent exserte ; gorge souvent renflée; limbe bi- labié à lèvre supérieure un peu voûtée, entière ou un peu échan- crée; lèvre inférieure renversée, à lobes plans, celui du milieu souvent plus grand; 4 étamines didynames, ascendantes, conni- 470 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. ventes par paires, au sommet. Le calament croît sur les collines, dans les bois et au bord des champs ; ses tiges sont redressées, hautes de 25 à 50 centimètres, un peu pubescentes, ainsi que toute la planle, garnies de feuilles pétiolées, ovales, un peu en cœur à la base, bordées de dents obtuses; les fleurs sont purpu- rines, assez grandes, portées sur des pédoncules axillaires qui se divisent en deux ou en plusieurs autres ombelles et uniflores; elles sont penchées d'un même côté de la plante. Toute la plante est douée d'une odeur agréable. Elle est quelquefois usitée, encore aujourd'hui, comme sudorifique et stomachique, prise en infu- sion théiforme; mais la plupart du temps, dans le commerce de rherboristerie, à Paris, on lui substitue la menthe sauvage {Men- iha sylvesb'is) dont y ai précédemment donné les caractères. On employait autrefois, concurremment avec la première, deux autres espèces de calament, à savoir : le Calamintha gran- diflora dont les feuilles et les fleurs sont plus grandes, et le Cala- mintha Nepetadoni les feuilles et les fleurs sont beaucoup plus pe- tites et d'une odeur de pouliot. ]IIélis§e offlcinale. Melissa officinalis^ L. — Car. gén. / calice tubuleux campanule, à 2 lèvres, la supérieure tridentée, l'inférieure bifide ; corolle à tube recourbé, ascendant, élargi à la gorge, à limbe bi-labié; lèvre supérieure dressée, bifide; l'inférieure à 3 lobes, dont celui du milieu plus grand, abaissé, souvent échancré ; 4 étamines di- dynames l'approchées en arc sous la lèvre supérieure : verticilles axillaires, lâches, pauciflores. La mélisse croît naturellement dans le midi delà France et est cultivée dans les jardins ; elle s'élève à la hauteur de 65 centimè- tres; les feuilles en sont pétiolées, assez grandes, largement ovées, obtuses, un peu cordiformes par le bas, d'un vert clair, à surface très-rugueuse, crénelées sur le bord, un peu villeuses. Les fleurs sont portées, plusieurs ensemble, sur des pédoncules axillaires courts et cependant rameux ; les corolles sont jaunâ- tres, une fois et demie plus longues que les calices. La mélisse est pourvue d'une odeur douce, analogue à celle du citron, ce qui lui a fait donner le nom de mélisse citronnée ou de citronnelle. On l'emploie en infusion théiforme comme antispas- modique. On en prépare également une eau distillée (hydrolal), un alcoolat simple etcomposé, et on en extrait l'huile volatile par la distillation (1). (1) Voy. Sept. Piesse, Des odeurs, des parfums et des cosmétiques . Édition française par O. Réveil. Paris, 1805. LABIEES. — SAUGES. 471 Hygope. Hyssopus offlcinalis, L. {fig, 511). — Car. gén. et spéc. : calice cy- lindrique, strié, à 5 dents aiguës; corolle tubuleuse ayant son limbe partagé en 2 lèvres, dont la supérieure est droite, courte et échancrée, et Tinférieure partagée en 3 lobes, dont celui du mi- lieu est bilobé ; 4 étamines didynames, droites, écartées, sail- lantes. Tiges droites, ligneuses dans leur partie inférieure, hautes de 30 à 40 centimètres, garnies, sur toute leur longueur, de feuil- les longues et étroites. Les fleurs sont ordinairement bleues (ra- rement rouges ou blanches), presque sessiles, réunies plusieurs ensemble dans l'aisselle des feuilles supérieures, et formant un épi tourné d*un seul côté. Toute la plante possède une odeur Fig. 511. — Hysope. Fig. 512. — Sauge officinale. aromatique, pénétrante, assez agréable, et une saveur un peu acre. Elle fournit un peu d'huile volatile à la distillation. On l'em- ploie en infusion théiforme; on en fait une eau distillée et un sirop. Car, gén. : calice campanule, strié, à 2 lèvres, dont la supérieure est souvent h 3 dents et Tinférieure à 2 ; corolle tubulée à limbe bilabié ; lèvre supérieure dressée ou recourbée en faucille, sou- vent échancrée à l'extrémité ; lèvre inférieure ouverte, à 3 lobes, dont le moyen est plus large et échancré ; étamines supérieures nulles ; étamines inférieures à filets courts, portant un conneclif 472 DICOTYLÉDONES GOROLLIFLORES. transversal, terminé à son extrémité supérieure par une anthère fertile, et inférieurement par une anthère stérile. Le genre des sauges ne comprend pas moins de 400 espèces, dont quelques- unes sont assez usitées. SSaug^e officinale, Salvia officinalis, L. {fig. 512). On en connaît trois variétés: l'une, dite grande sauge^ aies tiges vivaces, ligneu- ses, rameuses, velues, garnies de feuilles pétiolées, oblongiies, obtuses, épaisses, ridées, blanchâtres et cotonneuses, finement crénelées sur le bord. Les fleurs sont bleuâtres., disposées en ver- ticilles peu garnis, qui forment un épi interrompu et terminal. Toute la plante estpeu succulente, d'une odeur forte et agréable, d'un goût aromatique amer et un peu acre. La seconde variété, nomméepetite sauge ou sauge de Provence, a les feuilles plus petites, moins larges, plus blanches, d'une odeur et d'un goût encore plus aromatiques. La troisième variété, dite sauge de Catalogne, a les feuilles encore plus étroites que la précédente, blanches des deux côtés, de propriétés semblables. Les fleurs sont presque toujours blanches. Le nom de salvia, dérivé de salvare, sauver, indique suffisam- ment que les anciens attribuaient à celte plante de grandes pro- priétés médicales. Qui ne connaît ce vers de l'École de Salerne : Cur moriaiur homo, eut salvia crescit in horto (1) ? Homme, pourquoi meurs-tu, lorsqu'en ton jardin pousse La sauge ? > auquel un grand philosophe a répondu : Contra vim mortis non est medicamen in hortis. De toutes les Labiées aromatiques, la sauge est cependant une de celles dont la propriété stimulante est le plus marquée. Prise à l'intérieur, elle agit éminemment comme tonique et stomachi- que. Elle fournit à la distillation une eau distillée très-aroma- tique et beaucoup d'huile volatile. Elle entre dans beaucoup de médicaments composés. ^ang^e des pré», Salvia pratensis, L. Cette plante, très-commune dans les prés secs et sur le bord des champs, produit une tige herbacée, quadrangulaire, haute de 30 à 50 centimètres, hérissée de poils rares, garnie de feuilles pétiolées, oblongues, un peu cordiformes à la base, épaisses, réticulées, d'un vert foncé, cré- nelées sur le bord. Les fleurs sont d'un bleu foncé ou clair, rare- ment blanches ou roses, verticillées au nombre de 5 ou 6 ; la lè- vre supérieure de la corolle est très-grande, courbée en faucille, parsemée de glandes visqueuses. Celte plante peut jusqu'à un (1) VÉcole de Salerne, édition Charles Meaux, Saint-Marc. Paris, 1861, p. 117. LABIEES. — SEMENCE DE GHIA. 473 certain point remplacer la sauge officinale, mais elle est moins aromatique et d'une odeur moins agréable. ^au$E|^e sclarée OU or^ale, toute-bonue, Salvia Sclarea, L. Tige très-velue, liante de 60 centimètres, garnie de feuilles pétiolées, grandes, cordiformes, chagrinées, crénelées. Les fleurs sont d'un bleu très-clair, grandes, verticillées à peu près six ensemble, en- vironnées de bractées concaves, colorées, acuminées, plus gran- des que les calices, qui sont à 4 dents terminées par une pointe sétacée. Cette plante croît en France, en Italie, en Espagne, etc. ; elle a une odeur très-pénétrante. On l'emploie dans quelques cantons, en place de houblon, dans la fabrication de la bière. fi»ein.ei]ce de Chia. Les médecins homœopathes, dans la vue sans doute de se faire une médication particulière, dont les éléments fussent inconnus ou très-peu répandus, ont souvent emprunté à des pays lointains des substances dont les analogues se seraient rencontrées facile- ment sous leurs mains. Telles sont les semences de chia^ appor- tées du Mexique, où elles sont produites par une espèce de sauge [Salvia hispam'ca ?). Ces semences sont plus petites que celles de psyllium, auxquelles elles ressemblent beaucoup ; vues à la loupe, elles ressemblent encore mieux à de très-petits ricins, par leur forme et par leur robe luisante et grise tachée dfe brun. Cette res- semblance forme pour elles un caractère qui les fera facilement reconnaître. Mises à tremper dans l'eau, elles s'entourent promp- tement, de même que les semences de psyllium, d'une enveloppe mucilagineuse de la nature de la gomme adragante, qui se divise ou se dissout dans l'eau à l'aide de la chaleur, en formant une boisson très-adoucissante, sans fadeur et sans goût désagréable, de sorte qu'on peut la faire servir de boisson habituelle aux ma- lades, sans aucune addition. Je pense que les semences de coings et de psyllium pourraient être employées de la même manière. Les semences de chia, semées à l'École de pharmacie, ont pro- duit une plante à tige carrée, haute de 35 centimètres, presque glabre dans toutes ses parties. Les feuilles sont opposées et régu- lièrement espacées à 5 centimètres ; les pétioles sont très-grêles, longs de 4 à 6 centimètres ; les feuilles sont assez minces, ovales- lancéolées, régulièrement dentées ; les plus grandes ont 10 cen- timètres de long sur 6 de large. L'aisselle de chaque feuille a donné naissance à un petit rameau grêle, qui n'a pu se déve- lopper, la plante ayant alors dépéri, bien avant d'être arrivée à l'é- tat de floraison {]). (1) La figure donnée par Gœrtner des petits fruits du Solvia hispanica se rap- 474 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. Romarin . Rosmarinus officinalis, L. {fig. 513). — Cargén. et spéc. : calice lubulé à 2 lèvres, la supérieure entière et l'inférieure bifide ; tube de la corolle plus long que le calice, et limbe partagé en deux lèvres, la supérieure plus courte et bifide, l'inférieure à 3 divisions dont la moyenne est beaucoup plus grande et concave ; 2 étamines à filaments subulés, arqués vers la lèvre supé- rieure qu'ils surpassent, munis d'une dent au- dessous de leur partie moyenne et portant une anthère linéaire, uniloculaire ; style à lobe supé- rieur très-court. Le romarin est un arbrisseau haut de 10 à 13 décimètres, très-rameux et très-pourvu de feuilles opposées, sessiles, étroites, linéaires, persistan- tes, glabres et luisantes en dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous. Les fleurs sont d'un bleu pâle, disposées par petits groupes dans les ais- selles des feuilles supérieures. Il possède une odeur fortement aromatique due à une huile vola- tile camphrée ; il est cultivé dans nos jardins, mais il croît naturellement dans le midi de l'Eu- rope. C'est à la grande quantité de cette plante, répandue dans les environs de Narbonne, que le miel de ce pays doit sa saveur aromatique. Le romarin est stimulant, stomachique etemménagogue ; on en fait un vin aromatique (œnolé de romarin), une eau distillée, un alcoolat, et on en retire l'huile volatile par distillation. Fig. 513. Romarin. Cataire commune ou Herbe aux Cliats. NepetaCataria^lj. — Car,gén. : calicetubuleux à 5 dents; corolle à tube allongé, élargi par le haut, à limbe bilabié, à lèvre supé- rieure échancrée, à lèvre inférieure écartée, trilobée, les deux lobes latéraux petits et renversés, celui du milieu plus grand, concave, crénelé ; 4 étamines didynames, rapprochées par paires, biloculaires. La cataire commune s'élève à la hauteur de 6 à 10 décimètres; la tige est carrée, pubescente, garnie de feuilles péliolées, ovées- porte tout à fait aux semences de chia ; cependant Goertner met le Salvia his- panica au nombre des espèces dont les fruits ne sont pas mucilagineux ; il cite comme ayant les fruits mucilagineux les Salvia verbenaca, disermas, argeniea, ceratophylla, œthiopis, urticifoUa- canariensis, etc. LABIÉES. — MÉLISSE DE MOLDAVIE. 475 pointues, un peu cordiformes à la base, profondément crénelées, rugueuses, vertes en dessus, blanches en dessous, rapprochées ; ses fleurs sont réunies en verticilles serrés, accompagnées de bractées sétacées ; elles sont blanches ou purpurines, rapprochées en épis terminaux. La plante croît le long des haies et sur le bord des chemins, en Europe et en Asie ; elle possède une saveur acre et amère, et une odeur aromatique un peu forte, qui attire les chats; elle est stomachique, carminative et emménagogue. Elle entre dans le sirop d'armoise composé. liierre terrestre. Gleclioma hederacea^ L. ; Nepeta Glechoma {fig. 514), Benth. Cette plante diffère plus de la précédente par son port et ses carac- tères extérieurs, que par ceux tirés de ses organes floraux. Sa racine vivace donne naissance à des tiges couchées, radicantes, à rameaux florifères ascen- dants, pourvus d'un petit bouquet de poils c\ l'endroit de Tinsertion des feuilles. Celles-ci sont très-dislancées, longuement pétiolées, réniformes ou cordiformes arrondies, crénelées sur le bord, vertes des deux côtés, gla- bres ou pourvues de poils rares. Les fleurs sont purpurines ou bleuâtres, disposées au nombre de 2 à 3 dans l'aisselle des feuilles ; le calice est tu- buleux, strié, à 5 dents inégales; le tube de la corolle est dilaté au-dessus du calice ; le limbe est à 2 lèvres dont la supérieure redressée et bifide; l'inférieure est à 3 lobes, dont celui du milieu est plus grand, abaissé et échancré. Les étamines sont didynames, ayant leurs anthères à loges divergentes, rapprochées deux par deux en forme de croix. Cette plante possède une saveur amère et une odeur aroma- tique agréable. Elle est employée comme béchique, Ionique et antiscorbutique. llélisse de Moldavie. Dracocephalam moldavicum, L. Plante cultivée dans les jardins ; haute de 65 centimètres, à tiges glabres, rameuses, quadran- gulaires, munies de feuilles ovales-lancéolées, presque glabres, crénelées sur leur contour; les dentelures des fleurs florales et des Fig. 514. — Lierre terrestre. i76 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. bractées sont terminées par un filet sétacé. Les fleurs sont bleues, purpurines ou blanches, réunies en verticilles, axillaires formant une grappe longue de 15 à 30 centimètres; leur calice est strié, î\ dents mucronées. Le tube de la corolle est très-renflé ou ventru h la partie supérieure, le limbe est à deux lèvres, dont la supé- rieure un peu voûtée et échancrée, l'inférieure ouverte, h 3 lobes, dont celui du milieu très-grand et échancré; 4 étamines didyna- mes, ascendantes. Cette plante possède une odeur pénétrante, assez agréable, qui se rapproche un peu de celle de la mélisse, ce qui lui a valu son nom. Elle passe pour être cordiale, céphalique et vulnéraire. On l'emploie en infusion théiforme. llarrube blanc. Marrubium vulgare, L. — Car. gén, : calice tubuleuxà 5 ou 10 nervures et à 5 ou 10 dents aiguës, sous-épineuses; corolle à tube inclus dans le calice, à limbe bi-labié, à lèvre supérieure presque plane, entière ou bifide, à lèvre inférieure ouverte, trifîde ; lobe mitoyen plus large et souvent échancré; 4 étamines renfermées dans le tube ; style terminé par 2 lobes courts et obtus. Le marrube vulgaire croît dans les lieux incultes et sur le bord des chemins. Il est haut de 30 à 35 centimètres, cotonneux, blan- châtre, aromatique, d'une saveur acre et amère; ses feuilles sont presque rondes, ridées, crénelées et velues; les verticilles sont multiflores, distancés; les calices sont cotonneux, à 10 dents re- courbées; la lèvre supérieure de la corolle est amincie en pointe et bifide. llarrube noir ou Ballote fétide. Ballota nigra^ L. — Car, gén. : calice infundibuliforme, à 10 nervures, à 5 ou 10 dents ; corolle à tube en partie sorti, poilu in- térieurement; limbe bi- labié; lèvre supérieure dressée, oblongue, un peu concave, échancrée au sommet; lèvre inférieure rabattue, à 6 lobes, dont celui du milieu plus grand et échancré; étamines dressées sous la lèvre supérieure. La ballote noire croît partout à la campagne, dans les décom- bres et le long des haies. Elle a la tige carrée, les feuilles pétio- lées, ovales, crénelées, glabres ou velues, d'un vert obscur. Les fleurs sont portées sur des pédoncules courts, en faisceaux tour- nés d'un même côté. La corolle est rougeâtre. Cette plante pré- sente une certaine ressemblance avec le marrube blanc ; elle s'en distingue cependant facilement à la couleur foncée de ses feuilles, à la couleur rosée de ses fleurs et à son odeur désagréable, lors- qu'on la frotte entre les doigts. Elle est inusitée. LABIÉES. — ORTIE BLANCHE. Bétoine. Betonka officinalis, L. {fig. 515). — Car. gén. : calice tiibulé à 5 dents très-aiguës, nu à l'intérieur; corolle tubulée à deux lèvres; le tube cylindrique, courbé, plus long que le calice; la lèvre supérieure plane, arrondie, dressée, entière; l'inférieure à 3 lo- bes, dont celui du milieu plus large et échancré; 4 élamines parallèlement ascendantes sous la lèvre supérieure. La bétoine officinale croît dans les prés et dans les lieux ombragés; elle pousse près de la racine beaucoup de feuilles longuement pétiolées, larges, oblongues, crénelées sur le bord et rudes au toucher. Il s'élève du milieu une tige portantde distance en distance des feuilles opposées, dont les supérieures sont presque ses- siles. La tige est terminée par un épi composé de verticilles serrés, mais interrompu à la base. Le calice est glal)re et lisse au dehors; la corolle est pur- purine ou blanche, deux fois plus longue que le calice. Cette plante, quoique sensiblement inodore, émet cependant une exhalaison pénétrante qui incommode ceux qui la récoltent en grande quantité. Elle est douée d'une certaine âcreté; on la fume et on la prise comme le tabac. Fis. blo. — Bétoine. Ortie blanche. Lamium album, L. — Car. gén. : calice a 5 dents aiguës ; corolle tubuleuse, renflée à l'orifice, à deux lèvres, dont la supérieure est voûtée et l'inférieure a 3 lobes; les 2 lobes latéraux sont très- courts et munis d'une dent aiguë, le lobe inférieur est très-élargi et échancré à l'extrémité; étamines exsertes, anthères rappro- chées par paires ; achaines triangulaires, tronqués au sommet. Les verlicilles sont très-garnis, axillaires, les supérieurs rapprochés. L'ortie blanche a la lige presque glabre, haute de 20 à 30 cen- timètres, garnie de feuilles pétiolées, cordiformes, acuminées, bordées de dents aiguës; ses fleurs sont assez grandes, d'une belle couleur blanche ; les dents du calice sont linéaires et hérissées 478 DICOTYLÉDONES COHOLLIFLORES. les anthères sont velues. Cette plante croît dans les haies et dans tous les lieux incultes et humides, au milieu de l'ortie commune, à laquelle elle ressemble par ses feuilles qui, cependant, ne sont pas piquantes. On l'en distingue aussi par ses tiges carrées et par ses fleurs. Elle est inodore; la fleur desséchée est usitée comme astringente, contre la leucorrhée et les hémorrhagies. Crermandrées. Genre Teucrium [fîg. 516) : calice tubuleux à 5 dents égales ; corolle à tube court et à une seule lèvre, la supérieure étant pro- fondément fendue, et les deux divisions déjetées latéralement ; lèvre inférieure à 3 lobes, dont celui du milieu est très-grand et fortement abaissé ; 4 étamines didynames sor- tant de la corolle par Téchancrure su- périeure ; anthères à loges confluentes ; achaines rugueux ou réticulés. Ce genre comprend aujourd'hui plus de 80 es- pèces, dont quelques-unes sont assez usitées. Crermandrée petit- chêne OU Cha- msedrys, Teucrium chamœdrySj L. {fig, 516) Racine vivace rampante; tige couchée, divisée dès sa base en rameaux pubescents, étalés, puis redressés, hauts de J5 à 30 centimètres ; feuilles courtement pétiolées, petites, ovales- oblongues, crénelées sur le bord, glabres et souvent luisantes en dessus, veineuses et un peu velues en dessous, d'un vert gai. Les fleurs sont purpurines, disposées 2 à3 ensemble dans les aisselle§ des feuilles supérieures qui sont à peine dentées, bractéiformes et colorées d'une teinte rougcâtre. Cette plante est faiblement aroma- tique ; elle a un goût amer et un peu acre; elle est employée comme stomachique. Germandrée femelle ou Botrys, Teucrium Botry 8^ L. Tigesher- bacées, annuelles, rameuses, hautes de 15 à 27 centimètres ; feuil- les pétiolées, velues, divisées en 3 ou 5 découpures; fleurs purpu- rines rassemblées au nombre de 3 à 6 dans l'aisselle des feuilles. Plante peu aromatique, très-peu usitée, à distinguer du Chenopo- dium BotrySy qui l'est beaucoup plus. Germiandrée maritime, marum OU herbe aux chats, Teucrmm MaîunijL, Petite plante très-rameuse, ligneuse et blanchâtre, qui a presque le port du thym vulgaire; les rameaux florifères sont Fig. 516. — Gcrmaudrôe. LABIÉES. — GERMANDRÉES. 479 hauts de 8 à 16 centimètres, blancs; les feuilles sont couriement pétiolées, très-entières, ovales, longues de 5 à 9 millimètres, blanches en dessous; les fleurs sont presque solitaires dans l'ais- selle des feuilles supérieures et sont rapprochées de manière à former une grappe longue de 25 à 50 millimètres, tournée d'un seul côté Les calices sont très-petits, velus et blanchis; la corolle est pourprée, velue en dessus. Toute la plante possède une odeur forte et camphrée et une saveur acre et amère; elle est aphrodi- siaque pour les chats qui se vautrent dessus et la détruisent. I/huile volatile obtenue par distillation contient une assez forte proportion de camphre. ficordium, cliamaras OU g'ermandrée d'eau, Teucrium Scor- diurriy L. Racine rampante, vivace ; tiges velues, rameuses, hau- tes de 16 à 22 centimètres, garnies de feuilles sessiles, ovales- oblongues, dentées sur le bord, vertes sur les deux faces, molles au toucher ; les fleurs sont rougeâtres, portées sur de courts pé- doncules, solitaires ou placées en très-petit nombre dans l'ais- selle des feuilles supérieures. Les calices sont campanules, divi- sés en 5 dents courtes et obtuses. Cette plante croît dans les prés humides et marécageux; elle ressemble assez au chamsedrys à la première vue, mais il se développe une odeur alliacée lorsqu'on la froisse entre les doigts; elle est stomachique et antiseptique et fait partie de Télectuaire diascordium qui lui doit son nom. Le mot même scordium est tiré du grec (yxopSov, qui signifie ail. Crerinandree saunage OU scorodone, l'eucrium Scorodonia^ L. Racine vivace, traçante, produisant des tiges dressées, velues, quadrangulaires, hautes de 30 à 60 centimètres; les feuilles sont pétiolées, cordiformes-allongées, très-rugueuses, finement crénelées sur le bord, ce qui leur donne assez de ressemblance avec celles de la sauge et a valu à la plante, indépendamment des noms ci-dessus, celui de sauge des bois. Les fleurs sont d'un blanc jaunâtre, pourvues d'un calice gibbeux à la base, irrégulier, bi-labié, à 5 dents dont une, formant la lèvre supérieure, est beaucoup plus grande que les 4 autres; ces fleurs sont soli- taires, pédicellées et pendantes dans l'aisselle des feuilles supé- rieures, réduites à l'état de bractées plus petites que les calices; elles forment par leur réunion des épis grêles tournés d'un seul côté. La scorodone possède une odeur alliacée beaucoup plus faible que celle du scordium et ne doit pas lui être substituée, comme on le fait souvent. Elle est, du reste, très-facile à reconnaître aux caractères qui viennent d*être indiqués. Au nombre des espèces de Teucrium que l'on pourrait encore citer, se trouvent plusieurs plantes nommées pouliot de montai 480 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. g^ne, les unes à fleurs jaunes, telles que les Teucrium aureum et flavescens, les autres à fleurs blanches, telles que les Teucrium Po- liura et montanum. Il ne faut pas confondre ces plantes avec le vé- ritable pouliot, qui est une espèce de menthe, le Mentha Pule- giurrij L. B ligules. Ce genre de plantes (Ajugà) a tellement de rapport avec les Teucrium que les botanistes ont souvent fait passer des espèces de l'un à l'autre ; le principal caractère des Ajuga réside dans leur corolle, dont la lèvre supérieure est pour ainsi dire nulle et à dents à peine marquées, de sorte que le limbe ouvert est presque réduit aux trois lobes de la lèvre inférieure, dont celui du milieu est échancré. Bug^le rampante, Ajuga reptans, L. Cette plante croît dans les lieux humides et dans les bois; elle présente au bas de la tige une touffe de feuilles assez larges, oblongues, obovées, légère- ment dentées, et des jets traçants qui produisent, de distance en distance, un pied semblable au premier. La tige florifère est droite, simple, carrée, peu élevée, munie de feuilles sessiles semblables aux premières et portant des verticilles de fleurs bleues, disposés en épi terminal, interrompu par le bas. Cette plante est inodore, un peu amère et astringente. On l'employait autrefois comme cicatrisante ou pour consolider les plaies, d'où lui venait le nom de Consolida média. iTette ou Chamaepitys, Ajuga Chamœpitys^ Schreb. ; Teucrium Chamœpitys, L. Cette plante est partagée, dès sa base, en rameaux étalés, velus, longs de 14 à 24 centimètres, garnis de feuilles ve- lues, longues de 27 à 30 milimèlres, divisées jusqu'à la moitié en 3 lobes linéaires; les fleurs sont jaunes, avec une tache rougeâ- tre, longues de 15 millimètres au plus, sessiles et solitaires dans les aisselles des feuilles supérieures. Toute la plante est pourvue d'une odeur forte et résineuse. Elle a été vantée autrefois contre la goutte. Elle est annuelle. iTctte musquée, yiyw^a Iva, Schreb. Teucrium Iva^ L. Cette plante ressemble beaucoup à la précédente par la disposition de ses rameaux nombreux et étalés, munis de feuilles touffues ; mais elle est vivace, ses tiges sont plus dures, ses feuilles sont entières ou simplement munies d'une ou deux dents vers l'extrémité, ses fleurs sont rougeâtres (rarement d'un jaune clair) et longues de 18 à 24 millimètres. Elle possède une saveur amère et rési- neuse et une odeur forte qui se rapproche du musc. On l'emploie sèche, en infusion théiforme, comme antispasmodique, tonique et apéritive. VERBÉNACÉES. — VERVEINE OFFICINALE. 481 FAMILLE DES VERDENACEES. Les végétaux compris dans cette famille présentent d'assez grands rapports avec les Labiées. Ainsi leurs liges ou leurs rameaux, lorsqu'ils sont herbacés, sont généralement quadrangulaires ; leurs feuilles sont opposées, quelquefois verticillées, rarement alternes, tantôt simples et entières ou incisées, tantôt composées, digitées ou imparipinnées. Leurs fleurs sont complètes, souvent irrégulières; le calice est tubuleux, per- sistant, à divisions égales ou inégales; la corolle est insérée sur le ré- ceptacle, tubuleusc, à limbe quadri ou quinquéfide, très-souvent bila- biée. Les étamines sont insérées sur le tube ou à la gorge do la corolle, Irès-rarement au nombre de cinq, le plus souvent au nombre de quatre didynames, quelquefois réduites à deux par l'avortement des deux su- périeures. Ovaire libre contenant ordinairement 4 ovules, dans un, 2 ou 4 loges au bas desquelles ils sont attachés; style unique, terminé par un stigmate simple ou bifide, oblique ou unilatéral dans les genres à deux loges uni-ovulées. Le fruit est une baie ou un drupe contenant un noyau à 2 ou 4 loges, souvent monospermes. I.a graine se compose, outre son tégument propre, d'un endosperme très-mince qui re- couvre un embryon droit, à radicule infère. Verveine officinale. Verbena officinalisy L. — Cat\ gén. : calice tubuleux h 5 côtes et à 5 dents, dont une est plus courte que les autres; corolle tubu- leuse, courbée, à limbe oblique divisé en 5 lobes irréguliers ; 4 étamines incluses, didynames ; un ovaire supère, à 4 loges uni- ovulées; un style égalant les étamines, bifide ou bilobé au som- met; le fruit qui est renfermé dans le calice accru est une cap- sule divisée, à maturité, en 4 coques striées longiludinalement. La verveine officinale est pourvue d'une racine fibreuse et vi- vace, de laquelle s'élèvent plusieurs tiges effilées, tétragones, rudes sur les angles, hautes de 35 à 60 centimètres, garnies de feuilles ovales-oblongues, rétrécies en pétiole à leur base, les in- férieures dentées, les moyennes et les supérieures profondément incisées ou pinnalifides. Les fleurs sont très-petites, d'un violet pâle, presque sessiles, alternes, disposées à la partie supérieure des tiges et des rameaux en longs épis filiformes. Cette plante a joui autrefois d'une grande célébrité et était employée dans les actes religieux de plusieurs peuples et dans les pratiques supersti- tieuses des magiciens et des sorciers. Aussi lui donnait-on le nom d'herbe sacrée. Elle est faiblement aromatique ef un peu amère, ce qui n'indique pas qu'elle doive jouir de bien grandes propriétés médicales; elle esta peine usitée aujourd'hui. GuiBounr, Drogues, 7« édit. T. II. — 3i 482 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. VerTcine odorante. Verbena triphylla, L'Herit. ; Lippia citriodora^ Kunth. Ce char- mant arbrisseau, originaire de l'Amérique méridionale, est culti- livé dans les jardins, où il suit le régime des orangers. Ses ra- meaux droits et élancés sont munis de feuilles verticillées, ternées, quaternées ou lancéolées, amincies en pointe aux deux extrémités, exhalant une odeur de citron lorsqu'on les froisse. Les fleurs sont disposées en épis axillaires ou en panicule ter- minale nue; les feuilles séchées sont employées en place du thé et pour aromatiser des crèmes. Ag^nus-castus. Vitex Agnus castus, L. VAgnus-castus ou g^attilier est un arbris- seau des pays chauds (Italie, Sicile, Levant), que l'on peut culti- ver dans nos jardins. Il pousse des branches très-droites, longues et flexibles; des feuilles opposées, digitées, dentées ; des fleurs en épis verticillés ; ses fruits sont ronds et gros comme le poivre, d'un brun noirâtre à la partie supérieure, revêtus inférieurement, et environ à moitié, par le calice de la fleur qui a persisté. Ce ca- lice est à 5 dents inégales et d'un gris cendré. Ces petits fruits ont quatre loges dans leur intérieur ; ils ont une odeur assez douce lorsqu'ils sont secs et entiers ; mais, quand on les écrase, ils en dégagent une qui est fort désagréable et ana- logue à celle de la staphysaigre. Ils ont une saveur acre et aroma- tique. Ce fruit était renommé, chez les Grecs, comme utile à ceux qui faisaient vœu de chasteté. Aussi le nommaient-ils àyvoç, c'est-à-dire chaste; on y a joint depuis le mot latin castus, qui signifie la même chose, et on en a formé le nom hétéroclite Agnus-castus, qui paraît d'autant moins lui convenir, qu'une sub- stance aussi aromatique doit être peu propre à refroidir l'appétit vénérien. Bois de tek. Teka grandis^ F.amk. ; Tectona grandis, L, f. Cet arbre, un des plus grands que l'on connaisse, forme de vastes forêts dans les deux près- qu'Ues de l'Inde et dans l'archipel Indien. Son bois jouit depuis long- temps d'une réputation méritée pour la construction des maisons et des vaisseaux, joignant une grande solidité à la légèreté et à une grande durée. Il est d'une couleur fauve brunâtre, et d'une texture fibreuse très-apparente; il prend un poli un peu gras et est onctueux au tou- cher. Sa coupe perpendiculaire à l'axe présente un très-grand nombre de couches concentriques, dont chacune est plus dense et d'une cou- leur plus foncée du côté du centre; le bois de cette coupe, vu à la SCROPHULARIAGÉES. 483 loupe, présente quelque chose de gras et de demi-transparent. Les tubes ligneux sont uniformément répartis dans la masse, mais son plus volumineux du côté interne de chaque couche, où on en voit, à la limite, une série circulaire, qui sont très-grands et très-ouverts. La même coupe présente des lignes radiaires parallèles très-régulières, qui traversent sans interruption toutes les couches ligneuses. Enfin le bois de tek possède une odeur forte, analogue à celle de la tanaisie, qui le met à l'abri de Tattaque des insectes. Dans ma précédente édition, j'ai dit avoir trouvé à l'École de phar- macie un échantillon de bois étiqueté bois de tek qui était d'une cou- leur de rouille fer uniforme, d'une très-grande dureté et un 'peu plus lourd que l'eau^ ce qui, étant un grand inconvénient pour la construc- tion des vaisseaux, me faisait douter que l'échantillon fût vrai. J'ai ac- quis depuis la certitude qu'il était faux; et je pense maintenant que ce bois, qui était caractérisé, en outre, par une odeur et un goût très- prononcés de patience, est très-probablement celui du Coccoloba pu- bescens dont il a été question page 423. Je dois à M. Morson, pharmacien-chimiste à Londres, deux échantil- lons de bois de tek de l'Inde qui ne sont pas entièrement semblables et qui doivent provenir de deux espèces de Tectona; et trois échantillons de bois qui portent dans le commerce anglais le nom de bois de tek d'Afrique; ceux-ci n'ont de commun avec le bois de tek de l'Inde que l'usage semblable qu'on en peut faire pour les constructions. FAMILLE DES SCROPHULARIAGÉES. Herbes ou arbrisseaux ayant encore quelquefois les rameaux tétra- gones et les feuilles opposées ou verlicillées; fleurs complètes, irrégu- lières, à calice libre, persistant, penta- ou tétramère, à folioles libres ou soudées, dont la postérieure est plus grande que les deux antérieu- res, qui surpassent elles-mêmes les deux latérales. Corolle hypogyne, gamopétale, presque toujours irréguliôre, bilabiée ou personnée (1); 4étamines didynames, quelquefois une cinquième étamine fertile, ou d'autres fois deux seules étamines, les trois autres avortant. L'ovaire appliqué sur un disque hypogyne est à deux loges polyspermes; le style est simple, terminé par un stigmate bilobé ; le fruit est une capsule biloculaire dont le mode de déhiscence est très- variable. Les graines contiennent, sous leur tégument propre, une amande composée d'un endosperme charnu qui renferme un embryon droit; la radicule est proche du hile basilaire. La famille des Scrophulariacées fournit à la pharmacie deux médicaments d'une très-grande énergie, la digitale et la gratiol€j et d'autres d'une activité moindre, mais cependant encore usités, tels que Veuphraise, la véronique^ la linaire^ la scrophulaire et le bouillon-blanc, (1) C'est-à-dire en forme de masque (de persona, masque). On a aussi donné à ces plantes le nom de Rhinanthées (de piv-av6o; fleur en nez), et celui de mufliers» 484 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. Eupliraise. Euphrasia officinalh^ L. Petite plante haute de 16 à 22 centi- mètres, dont la tige est un peu ligneuse, très-rameuse, garnie de petites feuilles sessiles, opposées inférieurement, alternes à la parlie supérieure, ovales et dentées. Les fleurs sont petites, blan- ches, mêlées de jaune et de violet clair, axillaires, presque sessiles, rapprochées en épis à la partie supérieure des tiges et des rameaux. Le calice est monophylle, à 4 divisions inégales ; la corolle est tu- bulcuse inférieurement, à limbe bilabié, dont la lèvre supérieure est concave et l'inférieure à 3 lobes ; 4 étamines didynames ayant leurs anthères terminées par une pointe ; ovaire supère surmonté d'un style de la longueur des étamines ; stigmate globuleux; cap- sule ovale-oblongue, à 2 valves et à 2 loges polyspermes. L'euphraise possède une saveur un peu amère et une odeur douce et agréable qui se développe par la friction; l'eau distillée en est laiteuse, aromatique, agréable. Elle est usitée contre les maladies des yeux. Véronique§. Car, gén. : calice persistant, à 4 ou 5 divisions aiguës; corolle à tube souvent très-court, à limbe souvent étalé en roue et partagé en 4 lobes dont l'inférieur plus étroit, le plus souvent d'une cou- leur bleue; 2 étamines fixées au tube de la corolle; un ovaire su- père, surmonté d'un style filiforme à stigmate simple ; capsule ovale ou en forme de cœur renversé, comprimée, à 2 loges, con- tenant plusieurs graines arrondies. Les véroniques sont des plantes herbacées ou sous-frutescentes, dont les feuilles sont ordinairement opposées et les fleurs dispo- sées en grappes ou en épis. Quelquefois les feuilles sont alternes et les fleurs axillaires et solitaires. Ce genre comprend aujour- d'hui environ 150 espèces dont un grand nombre sont très-jolies et peuvent être cultivées comme plantes d'ornement; je n'en ci- terai que deux espèces usitées en pharmacie.. \^éroaique officinale, dite Véronique mâle, Veronica officina- lisj L. Tiges couchées à la base et radicantes, redressées à la par- tie supérieure, longues de 11 à 16 centimètres; feuilles opposées, ovales, dentées, rétréciesen pétiole court à la base, légèrement ve- lues comme toutela plante; fleurs d'un bleu tendre, portées sur de courts pédicelles et disposées en grappes assez longues et serrées. Cette plante e^t très-commune, en France, dans les bois, sur les collines et dans les prés ; elle possède une odeur faible et agréable et une saveur amère, un peu astringente. Bi'ceabunga, Veronica Beccabunga,L. Celle plante croît dans les SCROPIIULARIACÉES. -- GRATIOLE. 485 lieux aquatiques; ses liges sont molles, comme transparentes, rougeâtres^ couchées et radicantes par le bas, puis redressées et hautes de 22 à 40 centimètres ; ses feuilles sont épaisses, glabres, ovales-obtuses, dentées en scie. Ses fleurs, d'un bleu pâle, sont disposées en grappes; la plante a une saveur un peu amère, acre et piquante. On l'emploie à l'état récent, comme diurétique et antiscorbutique. Gratiole. Gratiola offîcinalis, L. {fig. 517). — C«r. gén. : calice à 5 divisions un peu inégales, muni de deux bractées à la base; corolle gamo- pétale, campanulée ou tubuleuse, irrégulière, à 2 lèvres peu dis- tinctes et à 4 lobes, dont le supérieur entier ou légèrement bifide; 2 étamines postérieures ferti- les, renfermées dans le tube ; 2 étami- nes antérieures stériles, réduites à leurs filets ou nulles. Style fléchi au sommet, terminé par un stigmate à 2 lames; capsule biloculaire, ovale- pointue, à deux valves souvent bifides au sommet, se séparant de la cloison qui était engagée dans leur suture. Semences petites et nombreuses, dont la surface est marquée de petits points creux, visibles à la loupe. La gratiole officinale croît dans les prés et atteint environ 33 centimètres de hauteur. Elle est pourvue de feuil- les opposées, sessiles, glabres ainsi que la tige, lancéolées, dentées sur le bord; les fleurs sont solitaires dans l'aisselle des feuilles, pédonculées ; le tube de la corolle est beaucoup plus long que le calice, courbé, le plus souvent jaunâtre, avec un peu de rouge sur le limbe; la plante possède une odeur nauséabonde et une saveur très-amère; elle est émétique et purgative drastique ; on ne doit l'employer qu'avec la plus grande prudence. Son nom d'herbe à pauvre homme lui vient de l'usage qu'en font les pauvres gens, surtout ceux de la campagne, pour se purger, d'où il résulte souvent de fâcheux accidents. La gratiole a été analysée par Yauquelin. Son suc exprimé n'a rien fourni à la distillation ; évaporé en consistance d'extrait et traité par l'alcool, il a laissé, comme partie insoluble, de la — Gratiole. 486 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. gomme et du malale de chaux, tandis que ralcool a dissous une matière résinoïde d'une très-forte amertume ; plus, du chlorure de sodium, un acide végétal et un sel végétal à base de potasse. La matière résinoïde est peu soluble dans Teau, mais s'y dissout facilement à Taide des autres principes. Le marc de la gratiole, exprimé et lavé, contenait du phosphate de chaux, un autre sel calcaire à acide végétal, du fer probablement phosphaté, de la silice et du ligneux. Vauquelin pense, d'après cette analyse, que c'est au principe amer résinoïde que la gratiole doit sa propriété purgative (I). l>ig^itale pourprée . Digitalis purpurea {fig. 518). — Car. gén. : calice persistant à 5 divisions inégales; corolle penchée, à tube ventru, cour- bé, à limbe court, oblique, à 4 divisions obtuses, inégales, dont la supérieure est sou- vent échancrée ; A étamines didynames plus courtes que la corolle; anthères rappro- chées par paires; style cour- tement bilobé au sommet, à lobes glanduleux du côté in- terne. Capsule ovale, bivalve, dont les valves rentrées en dedans se séparent à moitié de la cloison placentifère; se- mences nombreuses, petites, oblongues, sous-anguleuses. La digitale croît dans les bois et sur les collines, sur les terrains siliceux, en France et dans plusieurs autres parties de l'Europe ; on la cultive aussi dans les jardins. Sa tige est simple, anguleuse, velue, souvent rougeâtrc, haute de un mètre environ, garnie de feuilles alternes, oblongues- aiguës, décurrentes le long du pétiole, très-grandes vers la racine, diminuant de grandeur à me- Fiîj. 518. — Digitale pourprée. (1) Vauquelin, Annales de chimie^ t. LXXII, p. 191 SCROPHULARIAGÉES. — DIGITALE POURPRÉE. 487 sure qu'elles approchent des fleurs qui forment une longue grappe simple à l'extrémité de la tige. Ces fleurs sont purpuri- nes, marquées à l'intérieur de taches blanches en forme d'yeux, nombreuses et pendantes d'un même côté ; leur corolle a dans son ensemble la forme d'un doigt de gant, de là le nom de gant de Notre-Dame et celui même de digitale donné à la plante. Toutes les parties de la digitale ont été usitées ; mais ce sont les feuilles surtout dont on se sert aujourd'hui. Elles possèdent une saveur très-amère, jointe à un peu d'âcreté; elles sont émé- tiques, stupéfiantes et fortement toxiques, à une dose un peu élevée ; mais, administrées en très-petite quantité et en commen- çant par quelques centigrammes, elles produisent plusieurs effets dont la médecine fait des applications très-utiles : tels sont l'aug- mentation de la sécrétion urinaire et de la sueur, et le ralentisse- ment de l'action du cœur. On emploie ces feuilles en poudre, en infusion aqueuse, en teinture alcoolique ouéthérée; elles sont très-actives sous ces différentes formes; cependant c'est la tein- ture alcoolique qui paraît jouir de plus de propriétés médicales. Pendant longtemps les chimistes ont inutilement cherché à isoler le principe actif de la digitale : ce n'est qu'en 1840 ou 1841 que MM. Homolle et Quévenne sont parvenus à l'extraire, par un procédé qui a valu à M. Homolle un prix de la Société de phar- macie de Paris. Ces deux savants ne dissimulent pas cependant avoir été guidés en partie par un travail antérieur de A. Henry, pharmacien à l'hôpital militaire de Phalsbourg (1). Leur pro- cédé (2) a été simplifié de la manière suivante par M. Ossian Henry (3). On traite deux ou trois fois un kilogramme de poudre de digi- tale par de l'alcool à 82° centésimaux; on distille les liqueurs et on traite l'extrait obtenu par de l'eau légèrement acidulée avec de l'acide acétique. La liqueur claire et filtrée est étendue d'eau, en partie neutra- lisée parl'ammoniaque et additionnée d'une infusion de noix de galle, qui en précipite \?i digitaline à l'état detannate. On décante, on lave le dépôt poisseux avec de l'eau, on le délaye avec un peu d'alcool et on le triture pendant longtemps avec de la litharge porphyrisée. On traite le mélange par de l'alcool bouillant; on distille une partie du liquide et on évapore le reste sur des as- siettes. Enfin on traite le produit sec par l'éther, pour enlever quelques matières étrangères à la digitaline. La digitaline est une substance blanche, inodore, pulvérulente, (1) A. Henry, Journal de pharmacie et de chimie, t. VII, p. 69. (2) Homolle et Quévenne, Ibid., p. 63. (3) Ossian Henry, Ibid.^ p. 4G0. 488 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. très-amère lorsqu'elle est dissoute, excitant de violents éternu- ments lorsqu'on la pulvérise. Elle se dissout dans 2,000 parties d'eau environ; elle est très-soluble dans l'alcool, presque insolu- ble dans l'éther; elle ne paraît pas contenir d'azote ; elle ne neu- tralise pas les acides; l'acide chlorhydrique, en la dissolvant, prend une belle couleur verte. La digitaline produit des phénomènes d'excitation générale et est très- vénéneuse à la dose d'un à deux centigrammes. Sa dose utile ne dépasse pas un à quatre milligrammes. La difficulté de manier une si petite dose de médicament, jointe à des caractères de pureté peu certains, rendent préférable l'emploi direct de la poudre de digitale. [Le principe actif de la digitale a été étudié depuis par un cer- tain nombre de chimistes, et l'on paraît s'accorder à la regarder comme appartenant au groupe des glucosides. M. Kossmann (1), qui l'a étudiée, il y a quelques années, a obtenu, par l'action de l'acide sulfurique, son dédoublement en digitalirétine et en glucose. Enfin M. Nativelle est parvenu à obtenir la digitaline à l'état de cristallisation très-nette; pour cela il traite la digitale par l'alcool à 50° et distille la teinture, jusqu'à ce que son poids soit égal à celui de la digitale employée. Étendant de son poids d'eau ce liquide concentré, il précipite un dépôt pois- seux, qui contient la digitaline, séparée de principes solubles qui nuisent à la cristallisation. — En reprenant par l'alcool à 60° bouillanl le résidu poisseux bien essoré, il obtient une solution, qui, placée dans un endroit frais, ne tarde pas à se couvrir de cristaux, qui se forment lentement pendant sept à huit jours. Ces cristaux sont de la digitaline, mêlée d'une quantité considé- rable de digitine, qui forme les deux tiers de la masse. On les met dans une allonge à déplacement, on fait écouler l'eau-mère, on les lave par un peu d'alcool à 35°; puis on fait agir sur eux le chloroforme. Par ce véhicule il sépare très-nettement la digitaline de la digitine ; il dissout le premier principe et laisse le second dans le résidu inaclif. — Il évapore la liqueur chloroformique; il traite le résidu par huit fois son poids d'alcool à 90° bouillant, il ajoute du charbon bien lavé; il filtre et abandonne le liquide au refroidissement dans un ballon imparfaitement fermé. Des cristaux de digitaline apparaissent alors dans le liquide : ils sont en aiguilles fines, blanches et brillantes, groupées autour d'un même axe (2). Outre la digitaline, M. Engelhardt a signalé, en 1862, un alca- (1) Kossmann, Jonrn. de pharm, et de chim., 3*^ série, t. XXXVIU, p. 5,1861. (2) Voir Buignet, Rapport sur la Digitaline {Journal de pharmacie et de chimie, y 4'= série, t. XV, p. 192). SCROPHULARIACÉES. — DIGITALE POURPRÉE. 489 loïde volatil, rappelant la nicotine et la conicine, peu soluble dans le chloroforme, soluble dans l'alcool et insoluble dans l'éther ab- solu, et auquel il attribue les propriétés toxiques de la plante.] Comme il est très-important de ne pas confondre les feuilles de digitale avec celles de quelques autres plantes qui peuvent avoir quelque ressemblance de forme avec elles, telles que celles de bourrache, de grande consoude, de molène thapsoïde, et sur- tout de conyze squarreuse, je vais préciser davantage les carac- tères des premières. Les feuilles de digitale {fig. 520) sont ovales- Fig. 519. — Feuilles do conyze squarreuse. Fig. b20. — Feuille de dii^itale. oblongues, tantôt plus larges, tantôt plus étroites, pouvant ac- quérir au maximum i2 centimètres de largeur sur 25 centimètres de longueur, non compris le pétiole qui peut avoir du tiers à la moitié de la longueur du limbe. Le limbe est terminé à l'extrémité en pointe mousse, insensiblement rétréci du côté du pétiole et prolongé en aile droite sur toute la longueur de celui-ci. Le pétiole est coloré en pourpre à la base ; il est creusé sur la face supérieure d'un sillon aigu et forme sur la face opposée un angle saillant qui se prolonge jusqu'à l'extrémité du limbe. Le limbe est régulièrement et grossièrement denté ou crénelé et souvent un peu ondulé sur le bord; les dents sont arrondies. La face supérieure est verte dans les feuilles adultes, blanchâtre et comme argentée dans les plus jeunes ; toujours douce au tou- cher, parsemée de poils très-courts, transparents, brillants et cristallins; elle est bosselée et proéminente entre les nervures, qui sont, au contraire, marquées en creux. La face inférieure est blanchâtre et d'autant plus que les feuilles sont plus jeunes; 490 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. toutes les nervures y sont fortement marquées en relief; les poils y sont beaucoup plus abondants que sur la face supérieure, tou- jours très-courts, transparents et cristallins, ce qui est cause de la couleur argentée de la feuille. De toutes les feuilles que l'on peut confondre avec celles de digitale, celles qui leur ressemblent le plus sont les feuilles de conyze squarreuse {fnula conyza, BC, fig. 519); mais elles sont rudes au toucher, presque entières sur le bord et exhalent une odeur fétide lorsqu'on les froisse. On employait autrefois en médecine, comme astringentes et vulnéraires, un certain nombre d'autres plantes de la famille des Scrophulariacées qui sont aujourd'hui complètement oubliées; telles sont les suivantes : Muflier des Jardins OU mufle de veau, Antirrhinum majuSy L. Racine vivace; tiges cylindriques, élevées de 30 à 60 centimètres et davantage, à feuilles lancéolées, d'un vert foncé, opposées et quelquefois ternées vers le bas des tiges, alternes dans la partie supérieure. Les fleurs sont grandes, disposées en belles grappes terminales; elles sont composées d'un calice persistant à 5 divi- sions, d'une corolle gamopétale, irrégulière, bossue à la base, ventrue, fermée à son orifice par une éminence convexe nommée palais, et ayant son limbe partagé en deux lèvres, dont la supé- rieure bifide et l'inférieure à 3 divisions; 4 étamines didynames renfermées dans le tube; le fruit est une capsule ovale ou arron- die, oblique à sa base, à 2 loges, s'ouvrant au sommet par trois trous irréguliers. Celte plante croît naturellement dans les fentes des vieux murs et dans les lieux pierreux; on la cultive dans les jardins pour la beauté de ses fleurs, dont la couleur varie du blanc au rose et au rouge le plus foncé. liinaire commune, Linaria vulgaris, Mœnch. Plante haute de 30 à 45 centimètres, croissant dans les terrains incultes, munie de feuilles linéaires-lancéolées, nombreuses, sessiles et d'un vert glauque. Les fleurs sont jaunes, rapprochées en un épi terminal; le tube de la corolle est éperonné à la base; la capsule s'ouvre au sommet en 3 à 5 valves irrégulières. Stcrofulaire noueuse OU g^rande scrofulaire, ScJ'ophularia nodosa, L. Racine fibreuse, munie de tubercules irréguliers noi- râtres; lige quadrangulaire, d'un rouge brun, haute de 60 à 120 centimètres, garnie de feuilles opposées, pétiolées, glabres, d'un verl sombre, ovales-lancéolées, créiielées sur le bord. Ses fleurs sont d'un pourpre noirâtre, disposées en une grappe droite, pani- culée, terminale; elles sont formées d'un calice à 5 divisions arrondies; d'une corolle dont le tube est renflé et presque globu- leux, et le limbe à S divisions formant presque 2 lèvres; il y a 4 SCROPHULARIAGÉES. BOUILLON-BLANC. 491 élamines didynames, terminées par des anthères à une seule loge, s'ouvrant par le sommet. La capsule est à 2 valves et à 2 loges dont la cloison est formée par les bords rentrants des valves. Celte plante a une odeur fétide, nauséeuse, et une saveur amère; elle passait autrefois pour résolutive, tonique, sudorifique et vermifuge. Il est probable qu elle jouit de propriétés actives qui demanderaient à être déterminées de nouveau. Bouillon -blanc ou llolène. Verbascum Thapsus, L. {/ïg . 521). — Car. gén. : calice à 5 divi- sions profondes; corolle étalée, presque rotacée, à 5 lobes un peu inégaux ; 5 étamines dont les filaments sont barbus en lout ou en partie, rarement nus. Style dilaté et compri- mé au sommet; capsule ovoïde, déhiscente. — Car. spéc. .-racine pivo- tante, assez grosse, bis- annuelle; tige simple, cylindrique , un peu rameuse supérieure- ment, haute d'un mètre et plus, revêtue, ainsi que les feuilles, d'un duvet très-épais et très- doux, formé de poils rayonnants ; feuilles ra- dicales pétiolées, lan- céolées ; celles de la tige longuement décur- rentes d'une insertion à l'autre ; toutes très- cotonneuses, douces au toucher et blanchâ- tres; fleurs jaunes, fas- ciculées deux ou.trois ensemble, presque sessiles et disposées en un épi qui s'allonge considérablement, à mesure qu'elles se dé- veloppent, de manière à atteindre une hauteur de 2 à 3 mètres. Ces fleurs ont une odeur douce et suave, et sont employées en médecine comme béchiques et calmantes, mais souvent mélan- gées de celles de quelques espèces voisines, qui sont les Verbascum Fig. 521. — Bouillon-blanc. 492 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. montanum, crassifolium, thapsoïdes, thapsiforme^ phlomoides. Elles demandent à être séchées avec soin et conservées dans un lieu très-sec, car elles se ramollissent et noircissent très-prompte- ment à l'air humide. FAMILLE DES SOLANACÉES. u Plantes herbacées annuelles, ou vivaces, ou arbrisseaux à sucs aqueux, à feuilles alternes, souvent rapprochées deux ensemble, à la partie supérieure des tiges. Fleurs {p.g. 522) complètes formées d'un calice libre, gamosépale, à 5 divisions, persistant en tout ou en partie; corolle gamopétale, le plus souvent à 5 lobes plissés, réguliers, quel- quefois un peu irréguliers; 5 étamines libres; ovaire (/?(/. 523) à 2 FJg. 522.— Fleur de solanée. Fig. 523.— Ovaire de solanée. Fig. 524. — Graine de solanée. loges pluri-ovulées, rarement à un plus grand nombre; style simple terminé par un stigmate bilobé. Le fruit est une capsule ou une baie à 2, 3 ou 4 loges polyspermcs; les graines {fig. 524) sont ordinaire- ment réniformes, à surface chagrinée, contenant un embryon plus ou moins recourbé dans un endosperme charnu. La famille des Solanacées offre de grandes anomalies sous le rapport des propriétés toxiques, médicales ou alimentaires. Elle contient des genres complètement dangereux et qui présentent une propriété narcotique très-intense, tels sont les genres Hyosciamus, Nicotiana, Da- H28 Az^. Enfin M. Schlœsing a donné un procédé pour le préparer en grandes quantités et pour le do- ser dans toute espèce de tabac. Pour préparer la nicotine, on hache grossièrement les feuilles de tabac et on les fait bouillir dans l'eau; on filtre la dissolution et on la concentre en consistance sirupeuse; on traite par de l'al- cool h 36° qui dissout les sels de nicotine ; on concenlre la liqueur, on traile par une dissolution dénotasse et on agite avec l'éther. L'éther dissout la nicotine, éliminée par la potasse et d'autres matières jaunâtres. Pour la puriâer, on y ajoute de l'acide oxa- lique en poudre : l'oxalate de potasse ainsi formé et lavé par de l'éther, il est facile d'en obtenir la nicotine en renouvelant le traitement par la potasse et l'éther. La dissolution éthérée de nicotiane est distillée au bain-marie; on la transvase dans une cornue oh passe un courant d'hydrogène sec; on l'expose pen- dant un jour à une température de 140° pour chasser entièrement l'eau, l'éther et l'ammoniaque; on élève la température à 180° et obtient la nicotine pure, qui passe goutte à goutte.] La nicotine est un liquide incolore, devenant peu à peu brun foncé lorsqu'il est exposé à l'air. Son odeur est très-vive et très- âcre; sa vapeur si irritante qu'on peut difficilement respirer dans une chambre où une seule goutte a été vaporisée : sa den- sité est 1,027 à 150. Elle est soluble dans l'eau, encore plus dans l'alcool et l'éther, dans les huiles fixes et volatiles. C'est un poison très-violent; elle rétrécit la pupille au lieu de la di- later; elle est fort alcaline, sature complètement les acides, forme des sels très-solubles et difficilement crislallisables. De même (1) Voyez Melier, De la satité des ouvriers employés dans les manufactures de tabac {Mémoires de l'Académie de médecine, Paris, 184G, t. XII, p. 604, et Annales d'hygièney 1845, t. XXXIV, p. 273). — Jolly, Éludes hygiéniques et mé- dicales sur le tabac [Bull, de l'Acad. de méd.y Paris, 1864-65, t. XXX, p. 423). 496 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES; que la ciculine et quelques autres alcalis obtenus par le moyen de la distillation avec un alcali caustique, elle ne contient pas d'oxygène. J'ai dit précédemment que les feuilles de nicotiane simple- ment séchées n'avaient pas l'odeur acre, forte et particulière du tabac préparé. Pour obtenir celui-ci , on humecte les feuilles sèches avec une solution de sel marin (1), et on en forme un tas considérable qui ne tarde pas à fermenter et à s'échauffer. Au bout de trois ou quatre jours, on défait le tas pour nettoyer, écô- ter les feuilles et en mélanger les différentes qualités ; on mouille de nouveau le tabac, soit avec de l'eau s'il est destiné à être fumé, soit avec de la saumure s'il doit être prisé, et on le soumet à une nouvelle fermentation; on lui donne ensuite, à l'aide de moyens mécaniques, la forme qu'il doit avoir en raison de l'usage auquel il est destiné. Il est facile de comprendre ce qui se passe dans la préparation du tabac : pendant la fermentation qu'il éprouve, fermentation qui se trouve modifiée et fixée à un certain degré par le sel ma- rin, l'albumine ou quelque autre principe azoté se décompose et forme de l'ammoniaque; celle-ci sursature l'acide de la plante et met à nu une certaine quantité de nicotine dont la volatilité, augmentée par celle de l'ammoniaque en excès, communique alors son odeur à la feuille. C'est donc parce que la nicotine est devenue libi*e en partie que le tabac préparé est odorant ; mais cet état n'a pu se produire sans perte d'alcali, de sorte que, mal- gré cette odeur si forte, le tabac préparé contient beaucoup moins d'alcali que les feuilles sèches. Le tableau suivant indique, d'après MM. Boutron et 0. Henry, la quantité de nicotine retirée de 1,000 grammes de feuilles de différentes qualités, comparée à celle du tabac préparc. Nicotine. Feuilles de Cuba 8,Gi gram. du Maryland 5,28 de Virginie 10, d'Ille-et-Vilaine 11,*20 du Lot 6,î8 du _^ord 11,28 du Lot-et-Gai'omic i^,'ÎO Tabac préparé 3,86 iitramoiiiuiii ou Pomme-épineuse Datura Stramoniuiriy L. {fig, 527). — Car. gén, : calice tubu- leux, à 5 dents, en partie caduc ; corolle infundibuliforme, à tube (1) Quelques fabricants ajoutent à l'eau salée du sucre, de la mélasse, une décoction de figues ou du suc de réglisse ; le tabac de la régie française n'est préparé qu'avec de l'eau salée. SOLANACEES. — STRAMONIUM. 497 lics-long, à limbe ample, ouvert, plissé, à 5 ou 10 dents; 5 éta- mines ; ovaire surmonté d'un style simple plus long que les étamines, et d'un stigmate à 2 lamelles ; capsule ovale, souvent hérissée de pointes, à 2 loges incomplètement divisées en deux par un trophosperme très-développé, soudé inférieurementavec le péricarpe, mais libre à la partie supérieure et n'atteignant pas le haut de la cloison. Semences nombreuses, réniformes, réticulées. Le stramonium {fig. 527) pousse d'une racine fibreuse, blan- Fig. 'of. . — Pomme-épineuse. Coupe transversale et longitudiualc du fruit. che, assez grosse, annuelle^ une tige grosse comme le doigt, verte, ronde, creuse, très-branchue, haute d'un mètre à l'^,60, représentant un petit arbrisseau; ses feuilles sont pétiolées, lar- ges, anguleuses, sinuées sur le bord et à dentelures aiguës; elles sont vertes sur les deux faces et répandent une odeur nauséeuse etvireuse; la corolle est blanche, très-longue, infundibuliforme, î\ 5 plis; le calice tombe, à l'exception d'une courte collerette rabattue qui supporte le fruit. Celui-ci a la forme d'une capsule hérissée de piquants, verte, charnue, ovée, à 4 angles arrondis et à 4 valves. Il n'a que 2 loges à l'intérieur, bien qu'il en présente 4 t\ la partie inférieure, à cause du placenta très-développé qui remplit chaque loge et la divise imparfaitement en deux parties. Les placentas sont entièrement recouverts de semences qui sont assez grosses, noires à leur maturité, jaunâtres auparavant. Le stramonium est fortement narcotique et vénéneux. On en forme un extrait avec le suc, un extrait alcoolique, un élaeolé simple, et il entre de plus dans la composition du baume tran- quille. Les semences sont également très-actives. Geiger et Hesse en ont retiré un alcali cristallisable nommé daturine^ très-narco- tique et déterminant la fixité et la dilatation de la pupille. [Ce Guinooar, Drogues, 7e édit. 'i'. II. — 32 498 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. principe est semblable et, d'après quelques auteurs, même iden- tique avec l'atropine. M. Planta l'a trouvé isomère de cet alcaloïde : mais il en diffère en ce qu'il ne précipite pas par le chlorure de platine, et en ce que, par le chlorure d'or, il précipite en blanc, tandis que l'atropine précipite en jaune.] On cultive dans les jardins un certain nombre d'espèces de Datura de propriétés semblables à celles du stramonium, et qui peuvent lui être substituées ; telles sont, entre autres : Le datura tatiila, presque semblable au stramonium, mais deux fois plus élevé; ses tiges sont pourprées, ses feuilles ont les dentelures plus aiguës, ses corolles sont plus grandes; ses fruits et ses semences sont semblables . Le datura féroce, Datura ferox^ L., à feuilles moins profondé • ment sinuées, pubescentes sur les nervures; à corolles plus petites, à capsules armées de pointes plus fortes, dont les quatre supérieures sont plus grosses, plus fortes que les autres et con- vergentes. Le datura fastueux, Datura fastuosa, L., dont les feuilles sont ovales, médiocrement anguleuses; les fleurs plus grandes, blan- ches en dedans, violettes en dehors; les capsules globuleuses, inclinées, tuberculeuses, peu épineuses. Le datura mctei, muni de fcuillcs ovales, entières ou à peine sinuées, portées sur de longs pétioles, pubescentes sur les deux faces; les fleurs sont grandes, blanches, placées dans la bifurca- tion des rameaux; les capsules sont globuleuses, inclinées, héris- sées de pointes très-nombreuses. Le datura à fruits lisses, Datura lœviSy L., diffère du stramo- nium par ses capsules glabres, dépourvues de pointes épineuses et de tubercules. Le datura arborescent, Datura arborca, L., magnifique arbris- seau, haut, dans nos jardins, de 2"',9 à S'", 25; ses feuilles sont souvent géminées, ovales-lancéolées ou oblongues, glabres en dessus, un peu pubescentes en dessous; ses fleurs sont axillaires, pédonculées, pendantes, répandant le soir une odeur très-agréa- ble; les corolles sont blanches, longues de 2i à 27 centimètres sur 14 à 16 de diamètre à l'ouverture. Les Soland?^a, Solanées volu- biles trois-voisines des Datura^ dont elles diffèrent par leur fruit baccifoi-me, ont les fleurs encore plus grandes ; elles sont cultivées dans l'orangerie. if usquiames. Genre Hyoscyamus {fîg. 528) : calice urcéolé à 5 dents ; corolle infundibuliforme, à limbe plissé, à 5 lobes obtus, inégaux, les deux inférieurs écartés; 5 étamines insérées au fond du tube de la co- SOLANACÉES. — JUSQUIAMES. 499 rolle, inclinées; anthères longiludinalenfient déhiscentes; ovaire biloculaire, à placentas attachés à la cloison par une ligne dorsale ; style simple ; stigmate en tête; capsule renfer- mée dans le calice ac- cru, ventrue à la base, rétrécie par le haut^ bi- loculaire, s'ouvrant à la partie supérieure par un opercule en forme de couvercle. Les se- mences sont nombreu- ses, réniformes ; l'em- bryon est arqué et pres- ({ue périphérique dans un endosperme charnu. •lufïquiaine noire OU hiinneh-Ane, H y ose y amus — Tige ronde, dure, li- gneuse, rameuse, haute de 50 à CO centimètres, couveite, ainsi que les feuilles, de poils denses, doux au tou- Fil,'. ^)28. — Jnsquiame noire. Fij;. o"29. — .'u^quiaiii'.' uuiro Fiii". 330. — .!u5i|uiaiii ' l)Iaiiclio. cher. Les feuilles sont ovales-lancéolées, sinuées ou découpées d'un vert pâle; les radicales très-grandes et rétrécies en pétiole 500 DICOTYLÉDONES GOROLLIFLORES. à la base; les supérieures sessiles, amplexicaules, molles, coton- neuses, d'un toucher visqueux, sinuées et profondément décou- pées sur le bord. Les fleurs sont sessiles dans l'aisselle des feuilles supérieures, et disposées, à l'extrémité des tiges et des rameaux, en épis unilatéraux; les corolles sont d'un jaune pâle sur le bord, avec des veines d'un pourpre foncé au milieu, d'un -aspect terne et peu agréable. Le fruit est renfermé dans le calice de la fleur accru, durci et à dents devenues piquantes. Les semences sont très-petiles, réniformes, à surface réticulée, noire à maturité. La racine est annuelle, pivotante, longue, rude et brune au de- hors, blanche en dedans; toute la plante a une odeur forte^ désa- gréable et assoupissanle. Elle contient un suc visqueux, très- narcolique; les feuilles entrent dans la pommade de populéum et le baume tranquille. drusquiamc blanche, Hyoscyamus albuSy L. (fig. 530). — Tige haute de 30 centimètres environ, velue, peu rameuse, garnie sur toute sa longueur de feuilles pétiolées, ovales, velues, les infé- rieures sinuées, à lobes obtus, les supérieures entières. Les fleurs sont blanchâtres, sessiles, solitaires dans l'aisselle des feuilles supérieures, et disposées en un long épi unilatéral; les semences restent blanches à maturité. Cette plante est plus petite dans tou- tes ses parties que la précédente ; elle croît dans les lieux incultes du midi de la France et dans les jardins ; elle a une odeur moins vireuse et paraît être moins active. Les semences de jusquiame du commerce étant toujours blanches, on pourrait penser qu'elles appartiennent à cette espèce ; il paraît cependant qu'elles sont tirées de la jusquiame noire; mais qu'elles sont récoltées avant leur maturité; elles sont huileuses, très-fortement narcotiques, et font partie des pilules de cynoglosse. Jusquiame dorée, Hyosciamus aureus^ L. Cette plante, par sa taille, par ses feuilles pétiolées, arrondies, par ses fleurs jaunes, ressemble beaucoup, à première vue, à la précédente; mais elle est bisannuelle; ses feuilles sont presque glabres sur la face supérieure, à lobes un peu aigus et irrégulièrement dentés; les fleurs sont presque terminales, très-irrégulières, les deux lobes inférieurs étant très-raccourcis et dépassés parles étamines. Différents chimistes se sont occupés de chercher le principe actif de la jusquiame noire et, à plusieurs reprises, ils ont annoncé avoir extrait de cette plante un alcaloïde nommé hyoscyamine; mais il était toujours de propriétés différentes. Enfin MM. Geiger et Hesse sont parvenus à extraire des semences de jusquiame un véritable alcaloïde, assez soluble dans l'eau, très-soluble dans l'al- cool et dans Téther, cristallisable, en partie volatil et en partie dé- composable par la chaleur, décomposable par les alcalis. Il est for. SOLANACÉES. — MANDRAGORE. mî lement narcotique, dilate la pupille, produit des convulsions téta- niques et cause la mort, à très-petite dose. D'après Klelzinski, qui a obtenu l'hyoscyamine cristallisée, elle aurait pour formule C*^ H^^ et devrait ôtre regardée comme le nitrile de racidesantonique(l). Ifandrag^ore. Mandragora ofpcinorum^ L. et Mandragora vernalis, Berlhol., — Car. gén. : calice quinquéfide; corolle campanulée, plissée, à 5 divisions ; 5 étaniines à filets dilatés à la base ; anthères terminales à déhiscence longitudinale; ovaire biloculaire, dont la cloison porte les placentas; style simple; stigmate en tête; baie soutenue par le calice per- sistant , unilocu - laire par l'oblité- ration de la cloi- son ; semences nombreuses, sous- réniformes. La mandragore est une plante vi- vace dont la racine est épaisse, lon- gue, fusi forme, blanchâtre, entiè- re ou bifurquée ; les feuilles sont toutes radicales , pétiolées, étalées en rond sur la terre, très-grandes, pointues, on- dulées sur le bord ; les fleurs sont nombreuses, portées sur des hampes radicales, beaucoup plus courtes que les feuilles. On con- naît d'ailleurs deux espèces sous le nom vulgaire de mandragore : Tune, Mandragora vernalis, nommée mandragore maie {fig. 531), a les feuilles longues de 45 centimètres, larges de 12; les fleurs blanches à divisions obtuses, les baies rondes, jaunes, de la gros- seur d'une petite pomme, entourées à la base par le calice dont les divisions sont larges quoique pointues. La seconde, 31. offîcina- rum, dite mandi^agore femelle, a les feuilles plus petites et plus étroi- tes, les fleurs pourprées, à divisions aiguës, les baies plus petites, ovées, entourées par le calice dont les divisions sont plus aiguës. Toutes les parties de la mandragore sont pourvues d'une odeur désagréable et sont fortement narcotiques et stupéfiantes ; les baies ont été souvent funestes aux enfants qui les prennent pour (1) Kletzinski, Mitih. aus der Gibiete der rtinen und angewandten Chemie Wieii, 18G5, 'l\. l''ig. 531. — Mandragore. o02 DICOTYLÉDONES COROLLIFLOKES. de petites pommes; les feuilles font partie du baume tranquille (élœolé de salariées composé). On a comparé autrefois la racine bi- furquée à la partie inférieure du corps de l'homme et on lui avait donné le nom (ïanthropomorfjhon, en lui attribuant des propriétés merveilleuses et surnaturelles qui s'évanouiront à mesure que les peuples deviendront plus éclairés. Bellailone. Genre Alropa: calice à 5 divisions ; corolle campanulée, plis- sée, à 5 ou 10 divisions ; 5 élamines à filets filiformes et anthères longitudinalement déhiscentes. Ovaire biloculaire dont les pla- centas sont fixés à la cloi- son par une ligne dorsale; style simple, stigmate dé- primé, pelle ; baie portée sur le calice persistant, biloculaire, à semences nombreuses, réniformes. La Itelladonc officina- le, Atropa Belladona, L. (fi.g. 532). Elle pousse des liges hautes d'un mètre à l^jSO, rondes, rameuses, un peu velues, d'une cou- leur rougeâtre ; ses feuil- les sont alternes, les supé- rieures géminées ; elles sont ovales, terminées en pointe aux deux extrémi- tés, très-entières, vertes et molles. Les fleurs sont solitaires dans l'aisselle des feuilles, longuement pédonculées, munies d'une corolle d'un pourpre violacé, en forme de cloche allongée, deux fois plus longue que le calice, à 5 dents courtes et obtuses ; les étamines sont renfermées dans la corolle, à filets torses et inégaux ; les baies, entourées à la base par le calice per- sistant, sont de la grosseur d'un grain de raisin, rondes, un peu aplaties, marquées d'un léger sillon qui marque la place de la cloison intérieure ; elles sont très-succulentes, noires et luisantes à maturité, et contiennent un grand nombre de petites semences réniformes. Elles sont très-vénéneuses et ont été souvent funestes aux enfants, qu'elles trompent par leur forme et par leur saveur douceâtre un peu sucrée. Toute la plante est très-narcotique, et agit spécialement sur la pupille qu'elle dilate et paralyse pen- Fig. !i32. — Belladone. SOLANACÉES — BELLADONE. 503 (lant le temps que dure son action. Les feuilles entrent dans la composition du baume tranquille et de l'onguent populéum. L'extrait des feuilles, les feuilles pulvérisées, la racine réduite en poudre, sont très-souvent prescrites à petites doses contre la co- queluche, la scarlatine et différentes névralgies. La racine de belladone, telle qu'elle vient dans les pharmacies, est en morceaux assez gros, divisés en ramifications latérales, ou plus souvent en branches simples. L'écorce est d'un gris-brun pâle, fortement sillonnée dans le sens longitudinal ; elle a inté- rieurement une couleur blanchâtre, marbrée de brun. Le bois, d'un blanc tirant sur le jaunâtre, casse assez net. La racine bien sèche donne, en se brisant, une poussière blanchâtre due à la présence de fécule et de petits cristaux d'oxalate de chaux. Vauquelin a publié quelques essais analytiques sur la belladone. 11 en résulte qu'elle contient une matière albumineuse; une autre matière animalisée insoluble dans l'alcool, soluble dans l'eau, pré- cipitable par la noix de galle ; une matière soluble dans l'alcool et jouissant à un assez haut degré des propriétés narcotiques de la belladone ; de l'acide acétique libre ; beaucoup de nitrate de po- tasse ; du sulfate, du chlorhydrate et du suroxalate de potasse, de l'oxalate et du phosphate de chaux, du fer et de la silice (1). Depuis la découverte de la morphine, beaucoup de chimistes se sont occupés de rechercher, dans la belladone et dans les autres plantes narcotiques, l'existence d'un alcali végétal auquel on pût attribuer leur propriété. Pour la belladone en particulier, MM. Brandes, Pauquy, Runge, Tilloy, etc., ont successivement annoncé avoir retiré cet alcali de différentes parties de la plante. Enfin, MM. Geiger et Hesse d'une part, et M. Mein de l'autre, ont retiré de la tige, des feuilles et de la racine de belladone, un al- caloïde particulier auquel on avait donné d'avance le nom d'atro- pine (2). L'atropine pure est blanche, cristallisable, soluble dans l'alcool absolu et dans l'éther sulfurique ; soluble également dans 500 parties d'eau froide et dans moins d'eau bouillante ; fusible, un peu volatile; son soluté aqueux précipite en jaune-citron le chlorure d'or, et en couleur isabelle celui de platine. Morelles. Genre Solanum: calice à 5 ou 10 dents ; corolle en roue, plis- sée, à 5 ou 10 divisions (rarement à 4 ou 6) ; 5 élamines (rare- ment 4 ou 6) insérées à la gorge de la corolle, exsertes ; filets très-courts; anthères conniventes, s'ouvrant au sommet par deux (1) Vauquelin, An7i. de chioi.y t. LXXII, p. 53. (2) Geiger et Hesse, Journal de pharmacie, t. XX, p. 88. Fig. 533. — Morelle iioirc. 504 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. pores ; ovaire à 2 loges, rarement à 3 ou 4, à placentas insérés sur les cloisons, multi- ovulés ; style simple, plus long que les étamines ; stigmate obtus; baie à 2 loges, rarement à 3 ou 4 ; semences nombreuses , sous-réniformes. Morelle noire, Solanunt nigrum, L. {fig. o33). — Plante annuelle, très-com- mune en France le long des haies et près des lieux ha- bités; sa racine fibreuse et blanchâtre donne nais- sance à une lige haute de 2 à 3 décimètres, divisée en rameaux étalés ; les feuilles sont pétiolées, sou- vent géminées, ovales-lancéolées, un peu trapézoïdales, molles au toucher et d'un vert foncé. Les fleurs sont disposées, au nombre de 5 ou 6, en petites ombelles pédonculées, dans Tais- selle des feuilles. Il leur succède des baies rondes, vertes d'abord, puis noires, de la grosseur d'une groseille. Cette plante est faiblement narcotique ; quelques personnes même la considèrent comme alimentaire, et assurent qu'on peut la manger cuite, à la manière des épinards. Il est possible que l'exposition et la culture influent sur ses propriétés; mais, dans tous les cas, il est prudent de la bannir du nombre des aliments. Desfosses, pharmacien à Besançon, a retiré des baies de mo- relle un alcali organique auquel il a donné le nom de solanine. Son procédé, qui est très-simple, consiste à précipiter le suc des baies de morelle par l'ammoniaque ; on lave le précipité avec un peu d'eau; on le fait sécher et on le traite par l'alcool bouillant qui, par son évaporalion spontanée, laisse précipiter la solanine sous la forme d'une poudre blanche, nacrée, insoluble dans l'eau froide, un peu soluble dans l'eau bouillante, très-soluble dans l'alcool, un peu soluble dans l'éther. Cet alcaloïde, qui a été trouvé ensuite dans plusieurs autres Solanum^ est narcotique, mais à un bien moindre degré que ceux tirés des autres solanées médicinales, ce qui explique pourquoi les Solarium sont en géné- ral peu vénéneux. Il faut en excepter cependant le Solannm mam- mosum ou morelle mammiforme [fig . 534) des îles de l'Amérique, à tige herbacée, aiguillonnée, à feuilles cordiformes, anguleuses SOLANACEES. — MORELLES. 305 et lobées, dont le fruit jaune, arrondi, mais terminé par un ma- melon allongé qui lui donne la forme d'une petite poire renver- sée, paraît être un poison très-actif. Fiff. 534. — Jlorelle niammiforine. Morelle fanx-piment OU pommier «l'amour, Solaiium pseudo- capsicuniy L. Arbrisseau de l'île de Madère, à feuilles lancéolées, entières ou légèrement sinuées, rétrécies en pétiole à la base ; ses fleurs sont blanches, petites, pédonculées, solitaires, géminées ou disposées plusieurs ensemble le long des jeunes rameaux. Ses fruits sont des baies globuleuses, d'un rouge vif et de la grosseur d'une petite cerise. On le cultive dans l'orangerie, comme arbris- seau d'ornement ; il passe pour être dangereux. Donce-amère, Solanum Dulcamara^ L. {fig. 535). — Plante li- gneuse et grimpante qui croît communément dans les haies et sur le bord des bois ; sa tige est divisée, dès sa base, en rameaux sarmenleux, légèrement pubescents, longs de 1™,6 à 2 mètres ou plus, qui ne se soutiennent qu'en s'appuyant sur les arbustes voi- sins. Les feuilles sont alternes, péliolées, légèrement pubescentes, les unes très-entières et ovales-lancéolées, les autres profondé- ment auriculées à leur base. Les fleurs sont violettes, quelquefois blanches, disposées en cimes opposées aux feuilles; les baies sont ovoïdes, d'un rouge éclatant ; elles ne paraissent pas être vé- néneuses. 506 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. 535. — Douce-anicic. Les tiges récentes ont une odeur fort désagréable ; sèches, elles >ont presque inodores, d'une saveur amère avec un arrière-goût douceâtre. On les emploie comme dépuratives. Morin y a constaté la présence de la solanine. Quina de ^aint-Paul, Solanum Pseudoquina , A. Sainl-Hilaire. Arbuste de la province de Saint-Paul , dont récorce est utilisée au Brésil comme fébrifuge. Elle est ordinairement rou- lée, couverte d'un épider- me mince et fendillé ; elle est jaunâtre ou blanchâtre dans son intérieur , avec une texture granuleuse. Elle ressemble beaucoup à la cannelle blanche; mais elle est inodore et sa sur- face intérieure, au lieu d'être blanche, est d'un gris qui tranche avec la cassure blanche et grenue de l'écorce. La saveur est très-amère et désagréable. Yauquelin en a fait l'analyse (1). ituberg^ine OU melong^cne, Solanum Melongena, L. Plante an- nuelle des pays chauds, à tige herbacée, mais ferme, haute de 30 à 45 centimètres, cotonneuse, un peu rameuse; les feuilles sont ovales, sinuées sur le bord, assez longuement pétioléts, coton- neuses. Les fleurs sont blanches, purpurines ou bleuâtres, gran- des, latérales, souvent solitaires ; le pédoncule et le calice sont garnis de quelques aiguillons courts ; le fruil est une baie pen- dante, très-grosse, ovoïde-allongée, lisse, luisante, ordinairement violette, quelquefois jaune, contenant une chair blanche. On le mange cuit dans un grand nombre de pays, sans aucun inconvé- nient; mais il faut éviter de le confondre avec une espèce voi- sine, le Solanum ovigerum, dont le fruit blanc a tout à fait la forme d'un œuf de poule, et dont les semences sont enveloppées d'une pulpe très-âcre et délétère. llorelle tubéreu§e ou Pomme de terre. Solanum tuberosunij L. Celle plante est pourvue de souches (1) Vauquelin, Journ. p/iarm., t. XI, p. 49. SOLANACEES. — MORELLES. o07 fibreuses dont les ramifications portent des tubercules volumi- neux, oblongs ou arrondis, de différentes couleurs au debors, blancs en dedans et contenant une très-grande quantité d'a- midon. Elle produit des tiges anguleuses, herbacées, un peu velues, hautes de 45 à 65 centimètres ; ses feuilles sont ailées avec im- paire, composées de 5 à 7 folioles lancéolées avec de petites pin- nules intermédiaires ; ses fleurs sont assez grandes, violettes, bleues, rougeâtres ou blanches, disposées en corymbes longuement pédoncules et opposés aux feuilles dans la partie supérieure des tiges. Les baies sont plus grosses que celles de la morelle, d'un rouge brunâtre à maturité. La pomme de terre, originaire de l'Amérique méridionale, est la plus précieuse acquisition que l'Europe ait tirée du nouveau monde. On ignore le moment précis de son introduction en Eu- rope. On sait, à la vérité, qu'elle a été apportée de la Caroline en Angleterre, en 1586, par Waller Raleigh; mais déjà, à cette époque, elle était répandue dans plusieurs lieux de l'Italie, oii elle servait à la nourriture des animaux domestiques. Elle ne s'est répandue que plus lard et bien inégalement dans les autres paj^s. Ainsi, en France, elle a été cultivée dès la fin du seizième siècle dans le Lyonnais, la Bourgogne, la Franche-Comté et In Lorraine; tandis que l'Alsace ne l'a connue qu'au commence- ment du dix-huitième siècle, et les habitants des Cévennes seule- ment à la fin. Le préjugé qu'elle produisait la lèpre nuisait partout à son usage comme aliment, et l'on sait quelles peines s'est données Parmentier pour la faire admettre sur les tables du riche et sur celles du pauvre, dont elle forme aujourd'hui la principale nourriture. On connaît un très-grand nombre de variétés de pommes de terre, dont les principales sont: La pomme de terre naine hâtive, jaune, ronde, mûrissant en juin, La trvffe d'août, rouge, pâle et fort bonne ; La hollandaise jaune, longue, aplatie, très-farineuse, recherchée ; La rouge longue ou vitelotte, de chair ferme, estimée pour la table; La patraque blanche, très-grosse et farineuse ; se réduit en pulpe par la cuisson ; très-productive ; La. pat ï^aque faune, très-amylacée et très-produclive ; est em- ployée pour les fabriques de fécule; La décroizille, rose, allongée, d'excellente qualité, etc., etc. On peut propager les pommes de terre par les semences, mais on préfère le faire au moyen des tubercules. On met ceux-ci en terre au printemps, entiers ou coupés en plusieurs morceaux, et on fait la récolte des nouveaux tubercules dans les mois de septembre et d'octobre. «08 DIGOTYLÉDOiNES COROLLIFLORES. On peut conserver les pommes de terre tout l'hiver dans une cave ; mais, au printemps, elles germent et se gâtent. Pour obvier à cet inconvénient, qui a lieu à l'époque de la plus grande rareté des substances alimentaires, on a conseillé d'en faire sécher une partie en automne, ce qui permet alors de les conserver très- longtemps. Pour cela on les monde de leur épiderme, on les plonge pendant quelques minutes dans l'eau bouillante et on les fait sécher dans une bonne étuve. Elles deviennent alors très- dures, cassantes et cornées, et Pair ne peut plus les attaquer. 11 faut les conserver dans un endroit sec et à l'abri des insectes. Vauquelin, chargé par la Société d'agriculture d'analyser qua- rante-sept variétés de pommes de terre, en a obtenu les résultats suivants : Mille parties de pommes de terre contiennent : Eau de 670 à 780 parties. Amidon.. 2U 244 Parenchyme GO J89 Albumine 7 Asparagine 1 Matière animaliséc particulièi'(î 4 ^ Citrate de cliaux 21 Plusieurs chimistes ont inutilement cherché la solanine dans le tubercule de la pomme de terre ; mais Baup et M. Jul. Otto de Brunswick en ont extrait des germes, et on peut croire que le jeune tubercule peut en contenir lui-même, en raison des légers accidents dont son ingestion est quelquefois suivie. On extrait très en grand la fécule de pomme de terre, en raclant les tubercules au-dessus de vases pleins d'eau. On divise la pulpe dans l'eau, on jette le tout sur des tamis, qui laissent passer l'eau et la fécule ; on laisse reposer, on lave le dépôt plu- sieurs fois et on le fait sécher. La fécule de pomme de terre a la forme d'une poudre blanche et éclatante, beaucoup moins fine que celle de l'amidon de blé; vue au microscope, elle affecte toutes sortes de formes, depuis la sphérique, qui appartient aux plus petits, jusqu'à l'ellipti- que, l'ovoïde ou la triangulaire observée dans les plus gros (^^.536). Les petits granules sont d'ailleurs peu nombreux ; les autres présentent souvent une surface bosselée et des stries irré- gulièrement concentriques autour du bile, qui est situé vers Tune des extrémités du granule. La fécule de pomme de terre est tout à fait insoluble dans l'eau froide et s'y conserve pendant longtemps sans altération ; une forte trituration ou la porphyri- sation, même avec Tintermède de l'eau, suffit pour la rendre en SOLANACÉES. — BAIE D ALKEKENGE. 509 partie soluble. Elle forme avec l'eau bouillanle un empois bien moins consistant que l'amidon de blé, et son tégument peut disparaître entièrement par une ébullition longtemps prolongée dans une suffisante quan- tité d'eau (Voir aussi pages 425 et 126). On emploie beaucoup dans les cuisines, sous le nom de tomate ou pomme «ramour, le fruit du Sola- rium Lycopersicum ^ L., {fig. 537), dont on a fait depuis rip. 536. Fécule de pomme de terre. Fig. 537. — Tomate Solaiium lycopcrsicuni. un genre particulier sous le nom de Lycopersicum esculentum. Cette plante ressemble aux Solarium par sa corolle rotacée et ses anthères conniventes, et se rapproche plus particulièrement de la pomme de terre par ses feuilles supérieures, qui sont pinnées avec impaire et incisées. Ses caractères particuliers consistent dans son calice et sa corolle à 7 divisions (rarement 6 ou 5) ; ses étamines en même nombre et son fruit à 7 lobes arrondis et à 7 loges intérieures, contenant des graines velues. Le fruit est d'ailleurs de la grosseur d'une pomme, d'un rouge vif, lisse et brillant, rempli d'une pulpe orangée, aigrelette, et d'un par- fum doux et agréable. On en fait des sauces très-estimées. La plante, quoique originaire des Antilles, se cultive assez facile- ment dans les jardins. Baie d JLlkékeng^e. Phy salis Alkehengi, L. Celte plante est encore très-voisine des morelles et ressemble assez à la morelle noire, quoique étant plus droite et plus élevée. Sa corolle est rotacée, à 5 divisions; ses 5 étamines sont conniventes par les anthères ; mais le calice prend, après la chute de la corolle, un développement considé- 510 DICOTYLÉDONES COROLLI FLORES. rable, et forme une vessie membraneuse, colorée en rouge, qui renferme la baie également rouge, lisse, succulente et de la grosseur d'une petite cerise. Cette baie est aigrelette et un peu amère ; elle passe pour diurétique et laxative. Elle entre dans la composition du sirop de rhubarbe composé. Piment des jardins. Corail des Jardins, poivre «l'Inde, poivre de Guinée, Capsi- cum annuum, L. — Car. gén. : calice persistant, à 5 divisions ; corolle à tube très-court, à limbe rolacé, à 3 lobes ; 5 étamines exsertes dont les anthères obîongues sont conniventes et s'ou- vrent sur leur longueur; baie sèche, renflée, h 2 logos incom- plètes, par suite de l'oblitération de la cloison et des trophosper- mes; semences nombreuses, réniformes. LeCapsicum annuum, originaire des Indes, est généralement cultivé aujourd'hui en Afrique, en Amérique, en Espagne, dans le midi de la France, et jusque dans nos jardins, à cause de son fruit qui est doué d'une âcreté considérable, ce qui le fait employer comme stimulant et assaisonnement dans l'art culinaire. C'est une plante annuelle, herbacée, haute de 30 à 3o ccntimè- Ires; sa tige est cylindrique, presque simple; ses feuilles sont alternes, quelquefois géminées, longuement pétiolées, ovales- aiguës, très-entières ; les fleurs sont solitaires, latérales ; le calice est très-ouvert et la corolle blanchâtre ; son fruit est de forme et de volume variables ; mais ordinairement gros et long comme le pouce, conique, un peu recourbé à l'extrémité, lisse et luisant, vert avant sa maturité, d'un rouge éclatant lorsqu'il est mûr. Quelle que soit la saveur acre et caustique de ce fruit, elle n'est pas comparable à celle des piments cultivés dans les Indes et en Amérique, soit que le climat cause celte différence, ou que ce soit la diversité d'espèce ; et cependant les Indiens, les Por- tugais, les Espagnols et les autres habitants de ces pays, en font une si grande consommation dans leurs ragoûts, que, au dire de Frezier, une seule contrée du Pérou en exportait, chaque année, pour plus de 80,000 écus. Yoici les caractères de deux de ces piments trouvés dans le commerce, où on les désigne sous le nom de piment enragé. Piment de Cayenne, Capsicum fratescens, L. Rouge ou ver- dâtre, long de 20 à 34 millimètres, large de 7 à 9 à la partie mférieure, rétréci à l'endroit du calice, qui est en forme de godet ; tandis que dans le piment des jardins le calice est évasé en forme de plateau. Odeur très-âcre, comme animalisée ; sa- veur insupportable. BORRAGINÉES. 5H Piment de l'île Ifanirîce. Il est rouge OU vert, long de 1 1 à 18 millimètres, large de 3 à 6, rétréci en godet à l'endroit du ca- lice, muni de pédoncules longs de ^5 millimètres. Il a une odeur de verdure ; il passe pour être le plus acre de tous. Le piment des jardins a été analysé par Braconnot (I). FAMILLE DES BOWRAGINÉES . Plantes herbacées, arbustes ou arbres, à tiges ou rameaux cylindri- ques, à feuilles alternes, privées de stipules, entières ou incisées, plus ou moins couvertes de poils rudes, ce qui les fait nommer par plusieurs botanistes aspéri foliées. Les fleurs {fig. 538) sont tantôt solitaires dans l'aisselle des feuilles, tantôt paniculées ou en corymbe, très-souvent en épis ou en grappes terminales, tournées d'un seul côté et roulées en crosse ou en spirale avant leur développement. Le calice est libre, per- Fig. o38. — Fleur de boi'iaginée. Fi^-. 539. — Ovaire de boiraginée. sistant, gamosépale, à 4 ou 5 divisions; corolle hypogyne, gamopétale, caduque, infundibuli forme, sous-canipaniforme ou rotacée, à limbe quinquéfide, régulier ou quelquefois alterne. Les étamines sont au nombre de 5, alternes avec les divisions de la corolle. L'ovaire, porté sur un disque hypogyne, est le plus souvent profondément quadrilobé {fiy. 539) et formé de 4 carpelles monospermes accolés du côté du centre au style qui les traverse. Quelquefois les 4 carpelles sont soudés dans toute leur longueur, forment un ovaire indivis à 4 loges et por- tant le style à son extrémité supérieure. Les ovules solitaires sont sus- pendus au côté interne ou à l'angle interne de la loge. Le fruit est tantôt un drupe à 4 loges monospermes, tantôt formé de 4 achaines tout à fait distincts, ou rapprochés deux à deux. Les semences sont inverses, à endosperme nul ou très-peu abondant, et sont pourvues d'un embryon homotrope, à radicule supère. La famille des Borraginées peut être divisée d'abord en deux sous- familles, suivant la nature du fruit : 1° Les coRDiAcÉES, dont l'ovaire est indivis, le style terminal et le fruit drupacé; elles comprennent trois tribus : les CordiéeSy les Ehrétiéei^ et les HéUûtropiées. 2° Les BORRAGÉEs, dont l'ovaire est profondément quadrilobé et le (1) Braconnot, Ann. chim. et p/iys., t. VI, p. 12*^. 512 DICOTYLÉDONES GOROLLIFLORES. fruit formé de 4 achaines séparés (1). M. Alph. de Candolle les divise en cinq tribus sous les noms de Cérinthées, Éc/iiées, Anchusées, Lithos- permées et Cijnoglossées. Les Borraginées se rapprochent des Labiées par la disposition de leur fruit, mais n'ont presque aucun rapport avec elles, soit pour leur forme générale, soit pour leurs propriétés. Ce sont en général des plantes inodores, mucilagineuses, quelquefois faible- ment amères ou astringentes, souvent chargées de nitrate de po- tasse, complètement dépourvues de principes acres ou vénéneux; quelques-unes, faisant partie de nos plantes indigènes, sont en- core usitées en médecine. Siebestes . Les sebestes sont les drupes desséchées du Cordia Mixa^ L., ar- bre originaire de l'Inde, qui a été transporté, il y a fort longtemps, en Egypte, d'où les fruits nous venaient autrefois. Ils sont longs de 16 à 20 millimètres et ont l'apparence de petits pruneaux des- séchés. On en trouve deux variétés dans les droguiers ; les uns sont grisâtres, d'une forme ovale, pointus aux deux extrémités et sont formés d'un brou sec et très-mince, appliqué contre le noyau dont il a pris la forme ; les autres sont noirâtres, arrondis et formés d'un brou épais et succulent déformé par la dessicca- tion. On trouve mêlés avec ces fruits les calices persistants, striés et évasés, qui les embrassaient à la partie inférieure. Le noyau est volumineux, de consistance ligneuse, ovoïde, un peu aplati et un peu élargi dans le sens de son plus grand diamètre par un angle proéminent. Il présente une surface très-inégale, comme caverneuse et sillonnée; à l'intérieur, il présente 4 loges, dont une, 2 ou 3 sont toujours très-oblitérées, de sorte que le fruit est réduit à 3, 2 ou une seule loge séminifère. L'intérieur des loges fertiles est tapissé d'une membrane très-blanche. Les semences renferment, sous un épisperme membraneux, un embryon privé d'endosperme, à radicule supère et à cotylédons formant un grand nombre de plis frangés, conformément à la description ({u'en a donnée Gaertner (2). La chair des sebestes est très-mucilagineuse et un peu sucrée. On les employait autrefois comme adoucissant et légèrement iaxalifs, dans les affections bronchiques et pulmonaires; ils sont jiujourd'hui complètement inusités. (1) Excepté dans le genre Cerinthe, dont l'ovaire se sépare en deux carpelles biloculaires. (2) Gaertner, De fruct.^ I, p. ;iG4, tab. lxxvi, fig. 1. BORRAGLNÉES. — VIPERINE COMMUNE. 313 Bourache OU Bourraclie. Borago offlcinalis, L. — Car. gén. : calice à 5 divisions; corolle rotacée, pourvue à la gorge de 5 écailles échancrées ; limbe quin- quéfide, à divisions ovées et acuminées ; 5 étamines insérées à la gorge de la corolle, exsertes ; filaments très-courts, pourvus extérieurement à la partie supérieure d'un appendice cartilagi- neux; anthères lancéolées, acuminées, conniventes en cône; ovaire quadrilobé ; style filiforme, stigmate simple; 4 achaines distincts, excavés à la base, portés chacun sur un disque renflé. La bourrache est annuelle et s'élève à la hauteur de 50 centi- mètres environ; sa tige est ronde, creuse, ramifiée, munie de feuilles alternes, les inférieures pétiolées, les supérieures sessiles et amplexicaules; elles sont ovales, vertes, très-ridées, ondulées, couvertes de poils très-rudes, ainsi que la tige et toutes les par- lies vertes. Les fleurs naissent au sommet de la tige et des bran- ches, portées sur de longs pédoncules penchés d'un même côté, •et formant par leur ensemble une panicule très-lâche. Les fleurs, d'abord purpurines, deviennent d'un très- beau bleu. Les achaines mûrs sont ovoïdes, noirâtres, ridés et scrobiculés. Toutes les parties de la bourrache ont une odeur un peu vireuse et sont remplies d'un suc fade, très-visqueux, abondant en ni- trate de potasse. Elle pousse à la sueur et aux urines, étant admi- nistrée en infusion théiforme, et est employée avec avantage, comme tempérante, dans les fièvres ardentes, bilieuses et érup- tives, dans les engorgements du foie, etc. Vipérine commune . Echium vulgare^ L. — Galice à 5 divisions linéaires-lancéolées, sous-égales. Corolle infundibuliforme, à gorge nue, à limbe obli- que et à 5 lobes inégaux, arrondis ; étamines dont les filets sont soudés inférieurement au tube de la corolle, libres supérieure- ment, inégaux; anthères fixées par le dos; style filiforme, stig- mate bilobé, 4 achaines distincts, à base triangulaire, imperfo- rés, turbines, rugueux, coriaces. La vipérine est une plante bisannuelle, très-commune dans les lieux incultes et sur le bord des chemins ; sa tige est droite, sim- ple inférieurement, chargée supérieurement de rameaux latéraux florifères. Elle est hérissée de poils rudes, insérés sur des points bruns qui lui donnent quelque ressemblance avec la peau d'une vipère, d'où lui est venu son nom. Ses feuilles sont lancéolées- linéaires, hérissées ainsi que les calices de poils semblables à ceux de la tige. Les fleurs sont presque sessiles, disposées en épis latéraux, simples, feuilles, roulés à leur extrémité; elles sont GuiBOURT, Drogues, 7* édit. T. II. ^— 3 3 514 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. pourvues d'une corolle pourprée, devenant bleue, deux fois plus longue que le calice. Ces fleurs conservent leur couleur bleue par la dessiccation bien mieux que celles de bourrache, et cela est cause qu'elles sont très-souvent vendues en place de cette der- nière, dans le commerce de l'herboristerie. Elles sont faciles à distinguer à leur corolle tubuleuse, dépourvue d'appendices à la gorge. Bu gélose. Genre Anchusa : calice à 5 divisions; corolle à tube droit cylin- drique, à limbe oblique à 5 divisions, à gorge fermée par o écailles voûtées, obtuses, opposées aux divisions du limlDe. Anthères incluses ; ovaire quadrilobé ; 4 achaines nés du fond du calice, rugueux, à base concave perforée et pourvue d'une marge renflée et striée. On emploie indifféremment deux espèces de buglose qui se ressemblent par leurs tiges dressées, hispides, hautes de 60 centi- mètres environ, garnies de feuilles lancéolées, plus ou moins étroites, et par leurs fleurs rouges passant au bleu, disposées à la partie supérieure des tiges en épis paniculés. On admet que la première, plus abondante dans le nord de l'Europe, et nommée par Linné Anchusa officinalis, a les divisions du calice moins pro- fondes et moins aiguës, les écailles voûtées de la gorge seulement veloutées et le limbe de la corolle régulier; tandis que la seconde espèce, plus commune dans le Midi, décrite aussi par un grand nombre de botanistes sous le nom {)! Anchusa officinalis, mais nommée aujourd'hui Anchusa ùalicay a les divisions du calice plus profondes et plus aiguës, les appendices de la corolle longuement barbus ou pénicillés, et les divisions du limbe inégales. De plus, les fleurs sont tournées d'un seul côté le long d'épis grêles et géminés . Au reste, ces deux plantes peuvent être employées indif- féremment, et jouissent des mêmes propriétés que la bourrache, à laquelle elles sont souvent substituées. Pulmonaire officinale. Pulmonaria officinaliSy L. — Car. gén. : calice quinquéfîde, pentagone, campanule après la floraison. Corolle infundibuli- forme, à tube étroit, fermé à la gorge par 3 faisceaux de poils alternes avec les étamines; 4 achaines distincts, turbines, lisses, à base tronquée et imperforée. . La pulmonaire officinale pousse de sa racine des feuilles larges, ovées, prolongées en ailes étroites le long du pétiole, et une ou plusieurs tiges portant des feuilles plus petites et sessiles, et ter- BORRAGLNÉES. — GRANDE CONSOUDE. minées chacune par deux ou trois grappes de fleurs purpurines ou bleues. Toute la plante est couverte de poils rudes et les feuilles sont presque toujours marquées de larges taches blanches, dues à un état particulier et glanduleux de l'épiderme. Ce sont ces taches, qui ont été comparées à celles présentées par un poumon coupé, qui ont fait donner à la plante le nom de pulmo- naire; peut-être aussi ce nom lui vient-il de l'usage qu'on en fait dans diverses affections du tissu pulmonaire. La plante ï\omm^e pulmonaire de chêne est une espèce de lichen dont il a été parlé précédemment. Il no 98ur)i!;i:.;If'' Grande conHoutle. Symphytum officinale^ L. — Car. gén. : calice à 5 divisions; co- rolle cylindrique-campanulée, dont la gorge est fermée par cinq appendices subulés, connivents en cône; limbe à o dents ; Fig. 54t. — Cynoglossc. Fig, WO. ^-^ Graude cousoude. 5 êtamines incluses, dont les anthères acuminées alternent avec les appendices; ovaire qiiadrilobé, style simple, stigmate obtus ; 4 achiiines distincts, ovés, rugueux, perforés à la base et ceints d'une marge renflée. 316 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. La grande consoude (fig, 540) croît dans les lieux humides et s'élève à la hauteur de 60 centimètres à 1 mètre. Ses tiges sont quadrangulaires, velues et rudes au toucher, ainsi que les feuilles. Celles-ci, près de la racine, sont très-grandes, ovées-lancéolées et amincies en pétiole ; celles de la tige sont lancéolées, sessiles ou décurrentes, les supérieures souvent opposées. Les fleurs sont disposées en grappes unilatérales souvent géminées; elles sont blanchâtres, jaunâtres ou rosées. La racine de grande consoude est longue de 30 centimètres environ, grosse comme le doigt, succulente, facile à rompre, noirâtre au dehors, blanche, pulpeuse et mucilagineuse en dedans, d'un goût visqueux, d'une odeur peu caractérisée. Elle est adou- cissante et un peu astringente; elle entre, ainsi que les feuilles de la plante, dans la composition du sirop qui porte son nom. On les employait également autrefois dans la préparation de plu- sieurs médicaments externes destinés à cicatriser et à consolider les plaies, et c'est de là que la plante a tiré le nom de consolida ou de consoude. On lui a donné le surnom diO, grande, pour la dis- tinguer d'autres plantes auxquelles les mômes propriétés, vraies ou supposées, avaient fait donner le même nom. Ces dernières plantes étaient : le Consolida média (Ajuga reptans, L.), ou la bu- gle; le Consolida minor {Bellis perennis, L.), ou la pâquerette; le Consolida regalis{Delphinium Consolida^ L.), ou le pied-d'alouette. Racine de cynog^losse. Cynoglossum officinale, L. — Car. gén. : calice à 5 divisions; corolle infundibuliforme dont le tube est à peine plus long que le calice, fermée à la gorge par 5 appendices obtus ; limbe à 5 divi- sions très-obtuses; étamines incluses; 4 achaines imperforés à la base, fixés latéralement à la base du style et hérissés de piquants. La cynoglosse officinale [fig. 541) s'élève à la hauteur de 65 cen- timètres ; sa tige est simple inférieurement, ramifiée dans sa partie supérieure, garnie de feuilles sessiles, ovées-lancéolées, d'un vert blanchâtre et toutes couvertes de poils rudes. Ce sont ces feuilles, comparées à la langue d'un chien, qui ont fait don- ner à la plante le nom de cynoglosse. Les fleurs sont rouges Ou bleues veinées de rouge, disposées en grappes lâches et tournées d'un seul côté. La racine est longue, grosse, charnue, d'un gris foncé au dehors, blanche en dedans, d'une saveur fade et d'une odeur vireuse. C'est sans doute cette odeur qui a fait penser que la racine de cynoglosse était narcotique ou calmante; et, comme elle se manifeste principalement dans Técorce, on rejette le medi- tullium pour ne faire sécher que la partie extérieure. Cette partie BORRAGINEES. — RACINE D'ORCANETTE. 517 corticale, réduite en poudre, fait partie des pilules de cynoglosse. Elle attire fortement l'humidité, et doit être conservée dans un endroit sec. Racine d'orcanette. Alkanna ^mc^orm, Tausch. ; Anchusa tinctoria, L., Lam. et Willd. ; Lithospermum tinctorium, DC, non Willd. — Car, gén. : calice à 5 divisions; corolle régulière à tube souvent poilu intérieurement à la base, dilaté à la gorge, pourvu souvent, au milieu, de rugo- sités calleuses transversales; lobes obtus; étamines incluses; ap- pendices nuls à la gorge; ovaire quadrilobé; achaines souvent ré- duits à 2 ou 1 par avortement; réticulés ou rugueux, fortement courbés, à base plane, stipités, portés sur un torus sub-basilaire. Fig. 542. — Orcauelte. L'orcanette [fig, 544) croît dans les lieux stériles et sablonneux tout autour de la Méditerranée ; elle pousse plusieurs tiges étalées, longues de 22 centimètres, très-velues comme tout le reste de la plante; les feuilles sont sessiles, oblongues; les épis sont feuillus, tournés d'un seul côté; les calices couverts de poils, à divisions linéaires un peu plus courtes que le tube de la corolle; les éta- mines sont alternes avec les gibbosités du tube, 3 insérées entre elles, 2 insérées au-dessous; les anthères sont attachées par le milieu du dos ; les achaines sont tuberculeux. La racine d'orcanette, telle que le commerce nous l'offre, est grosse comme le doigt, formée d'une écorce foliacée, ridée, d'un rouge-violet très-foncé; sous cette écorce se trouve un corps 518 DICOTYLÉDONES GOROLLIFLORES. ligneux composé de fibres cylindriques, ordinairement distinctes les unes des autres et seulement accolées ensemble; elles sont rouges également à l'extérieur, mais blanches intérieurement. La racine entière est inodore et presque insipide. On l'emploie dans la teinture, et en pharmacie pour colorer quelques pom- mades. La matière colorante de l'orcanette a été examinée par Pelle- tier. Elle est insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, l'élher, les huiles et tous les corps gras, auxquels elle communique une belle couleur rouge. Elle forme, avec les alcalis, des combinai- sons d'un bleu superbe, solubles ou insolubles; précipitée de sa dissolution alcoolique par des dissolutions métalliques, on en obtient des laques diversement colorées, que l'on pourrait utiliser (1). Plusieurs autres plantes de la famille des Borraginées sont pourvues de racines rouges qui peuvent être substituées à celle d'orcanette. Telles sont, dans le midi de la France, VOnosma echioides^ et, dans l'Orient, VAinebia tinctoria, Forsk. [Lithosper- mum tinctoriuniy Vahl.) et les Arnebia perennis et t ingens d'Alph. De Candolle . Il ne faut confondre aucune de ces plantes avec celle qui porte dans l'Orient le nom de henné, qui a servi de tous temps, aux peuples de l'Asie, aux Égyptiens et aux Arabes, à se teindre les mains, les cheveux, la barbe, les ongles et différentes parties du corps en rouge jaunâtre. Le henné, qui est le Cyprus des an- ciens Grecs, Valkanna ou le tamarhendi d'Avicennes, est le Law- sonia inermis, de la famille des Lythrariées. C'est un arbrisseau de 2°", 6 de hauteur, dont les feuilles sont opposées, courtement pé- tiolées, elliptiques, pointues aux extrémités et longues de 23 mil- limètres. Les fleurs répandent une odeur hircine; on en prépare une eau distillée dont les peuples de l'Orient se parfument dans les visites et dans les cérémonies religieuses, telles que celles de la circoncision et du mariage. C'est sans doute à cause d'e cette môme odeur que les Hébreux répandaient des fleurs de henné dans les habits des nouveaux mariés et que les Égyptiens en conservent dans leurs appartements. Ce sont les feuilles qui servent à la tein- ture ; on les ramasse avec soin, on les fait sécher et on les réduit en poudre grossière dans des moulins. Il suffit, pour s'en servir, d'en former une pâte avec de l'eau, et d'en recouvrir les parties du corps que l'on veut teindre. Après cinq ou six heures de con- tact, lorsque la pâte est desséchée, les parties couvertes se trou- vent teintes d'une manière durable. jj jiiiii. (1) Pelletier, BuUetia de pharmacie, 1814, p. 445. CONVOLVULACÉES. 519 Grémil ou llerbe-aux-perles. Lithospermum officinale, L. — Car. gén. : calice à o divisions ; corolle infundibuliforme ouverte, à gorge nue ou plus rarement offrant 5 gibbosités alternant avec les étamines; anthères oblon- gues, très-courtement stipitées, incluses; stigmate en tête, sous- bilobé ; achaines tronqués et imperforés à la base. Le grémil vient dans les lieux incultes; sa tige est herbacée, haute de 60 centimètres, garnie de feuilles sessiles, lancéolées, couvertes de poils couchés, très-courts. Les fleurs sont petites, blanchâtres, courtement pédonculées et solitaires dans l'aisselle des feuilles supérieures. Les achaines sont d'un gris de perle, arrondis, durs et lisses, réduits à 2 ou 1 dans chaque calice, par l'avortement des autres. On attribuait autrefois, bien gratuite- ment, à ces grains, la propriété de dissoudre ou de désagréger la pierre dans la vessie. Elles sont aujourd'hui complètement inu- sitées. FAMILLE DES CONVOLVULACÉES. Herbes ou arbrisseaux dont la tige est très-souvent volubile, à feuilles alternes, cordiformes, entières ou palmati-lobées^ privées de stipules; fleurs complètes, régulières, dont les pédicelles portent très-souvent 2 bractéoles quelquefois rapprochées du calice et accrescentes après la fécondation; calice à 5 sépales, sur 1, 2 ou 3 séries, persistants, souvent accrescents également. Corolle insérée sur le réceptacle, gamopétale, campanulée, infundibuliforme ou hypocratéri forme, à limbe presque entier, plane ou à 5 plis; o étamines ù anthères in- trorses, biloculaires ; ovaire quelquefois ceint à la base par un an- neau charnu, le plus souvent indivis (gamocarpe), à 2, 3 ou 4 loges; quelquefois divisé, formé de 2 carpelles uniloculaires, ou de 4 car- pelles réunis par paires; ovules solitaires ou géminées dans chaque loge. Style central et basilaire dans l'ovaire divisé (1), terminal dans Tovaire gamocarpe indivis, bifide ou bipartagé; stigmate simple très- souvent bilobé ; fruit capsulaire, à déhiscence valvaire, ou bacciforme et indéhiscent; de l à 4 loges monospermes ou dispermes; semences arrondies par le dos, glabres ou villeuses, insérées vers la base de l'angle interne des cloisons; testa dur et noirâtre; albumen muci- lagineux ; cotylédons foliacés et plissés dans le plus grand nombre, épais et droits dans les Alaripa, nuls dans les Cuscuta, qui sont de pe- tites plantes parasites et privées de feuilles, comprises dans la famille des Convolvulacées. (I) Ce caractère montre l'analogie des Convolvulacées qui le présentent, avec les Borraginées, et d'une manière plus éloignée avec les Labiées. 320 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. Les Convolvulacées nous présentent un grand nombre de plantes pourvues d'un suc gommo-résineux purgatif, très-abon- dant dans le jalap, la scammonée, le turbith, et que l'on retrouve également dans les liserons de notre pays ; mais toutes ne sont pas pourvues de ce principe purgatif, et deux, entre autres, font une exception bien grande à la loi des analogies : l'une est la patate (Batatas edulïs), dont les racines produisent des tubercules sem- blables à ceux de la pomme de terre, amylacés, sucrés et très- nourrissants; l'autre est le liseron à odeur de rose des Canaries, dont la racine est gorgée d'une huile volatile d'odeur analogue à celle de la rose. La famille des Convolvulacées ne comprenait guère au com- mencement que les genres Convolvulus et Ipomœa, déjà assez peu distincts, et cependant le nombre des espèces s'y est successive- ment multiplié à un tel point que les botanistes ont senti la né- cessité de les diviser en un plus grand nombre de genres dont voici les principaux, avec l'indication des espècçs les plus impor- tantes qui s'y trouvent comprises. Je reviendrai ensuite sur celles qui sont véritablement officinales. Argyreia : corolle campanulée; stigmate entête, bilobé; ovaire biloculaire, tétrasperme; fruit bacciforme souvent entouré par les sépales du calice indurés et rougis. Espèce : Aj^gyreia specîosa^ Sweet {Convolvulus speciosus^ L.). QuAMOCLiT : corolle cylindrique; étamines exsertes; stigmate en tôle, bilobé; ovaire quadriloculaire à loges monospermes; herbes volubiles. Espèce : Quamocht vulgaris^ Chois. {Ipomœa Quamoclit, L.), plante originaire des Indes orientales, remarquable par ses feuilles pinnatitides, à divisions presque filiformes et par ses fleurs d'une belle couleur écarlate. Batatas : corolle campanulée; étamines incluses; stigmate en tête, bilobé; ovaire quadriloculaire ou, par avortament, tri-bilo~ culaire. Espèces : Batatas Jalapa, Chois. [Convolvulus Jalapa^ L.). Plante à laquelle on a faussement attribué pendant longtemps le jalap officinal. Batatas edulis, Chois. {Convolvulus Batatas, L.), patate comes- tible {fig. 543). Plante originaire de l'Inde, à tiges herbacées, rampantes, longues de 2 à 3 mètres, prenant racine de distance en distance; feuilles le plus souvent hastées, ou à 3 lobes ; fleurs dis- posées presque en ombelles sur des pédoncules axillaires plus longs que les feuilles; racines fibreuses produisant des tubercules ovoïdes, blancs ou jaunes, amylacés et sucrés. CONVOLVULACÉES. 521 PnARBiTis : corolle campanulée ; stigmate arrondi, granuleux; ovaire à 3 loges, rarement à 4; loges dispermes. Pharbitis hispida^ Chois. {Convolvulus purpureus, L.). Plante vo- kibile, originaire de l'Amérique méridionale, très-cultivée dans les jardins pour ses grandes fleurs d'un pourpre violet, quelque- fois coupées de bandes blanches. Galonyction : corolle infundibuliforme très-grande, imitant celle des Datura; étamines exsertes ; stigmate arrondi, bilobé ; ovaire biloculaire ou sous-quadriloculaire et à 4 ovules ; pédi- celles charnus. Calonyction speciosum^ Chois, (fpomœa Bona-nox, L.). 543. Patate douce. ExoGONiuM : corolle tubuleuse; étamines exsertes; stigmate ar- rondi, bilobé; ovaire à 2 loges biovulées. Exogonium Purga, Benlh. {Convoloulus officinale ^ Pelletan.). C'est cette plante qui produit lejalap tubéreux ou vrai jalap officinal. Ipom^a : corolle campanulée; étamines incluses; stigmate en tête, souvent bilobé; ovaire biloculaire à loges dispermes; cap- sule biloculaire. Ipomœa Turpetltwn, Br. {Convolvulus Turpethum, L.); racine purgative, turMtli des officines. 522 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. Ipomœa operculata, Mart. Racines purgatives usitées au Brésil. Ipomœa orizabensis, Ledanois ; jalap mâle oujalap fusiforme. CoNvoLVULUS : corolle campanulée; 2 stigmates linéaires-cylin- driques; ovaire biloculaire à loges biovulées; capsule biloculaire. Plantes volubiles et non volubiles. Coiwolvulus scoparius, L. Liseron des îles Canaries produisant le bois de Riiodes des parfumeurs. Convolvulus arvensiSf L., liseron des champs; jolie plante volu- bile, à feuilles sagittées, à pédoncules unis ou biflores, à corolles roses ou blanches, qui croît dans les blés et dans les jardins, oh elle est très-difficile à détruire, à cause de ses racines fort lon- gues, profondes et très-menues. Convolvulus hirsutus, Stev.; tige striée, allongée, toute cou- verte d'un duvet blanc ; feuilles velues, cordées hastées ; pédon- cules très-longs uni-triflores, munis de bractéoles linéaires et velues ; corolle velue au dehors, capsule très-velue. Cette plante croit dans l'Asie Mineure et dans l'île de Samos où, suivant Tour- nefort, elle produit une sorte de scammonée de qualité infé- rieure. Convolvulus Scammom'a, L. ; liseron produisant la §^eammonée d'Alep . Calystegia : 2 bractées opposées entourant la fleur; corolle campanulée; stigmate bilobé, à lobes linéaires ou oblongs; ovaire biloculaire, quadriloculaire au sommet, à cause d'une cloison incomplète. Calystegia sepium^ Brown {Convolvulus sepium, L.), grand lise- ron des haies. Racines vivaces, longues, menues, blanchâtres; tiges grêles, volubiles, hautes de 2 à 3 mètres; feuilles pétiolées, glabres, d'un vert foncé, sagittées, les deux lobes latéraux tron- qués ; fleurs solitaires, longuement pédonculées, munies, à la base du calice, de deux grandes bractées; corolle blanche, en- tière; anthères sagittées; stigmates ovales, greiius. Les chevaux mangent cette plante avec plaisir, mais non les vaches ; la racine est purgative et peut fournir une résine purgative. Calystegia Soldanella, Brown {Convolvulus Soldanella^ L.), sol- danelle(l) OU chou marin, liseron maritime. Racines grêles, blanchâires, vivaces ; tige couchée, ramifiée, garnie de feuilles réniformes, glabres, longuement pétiolées ; les fleurs sont roses, longuement pédonculées, de couleur rose rayée de blanc ; le ca- lice est muni à sa base de deux grandes bractées. Cette plante est (1) Il ne faut pas confondre cette plante avec la sdldanelle des Alpes, Soî- danelta alpina^ L., de la famille des Primulacées ; il existe pareillement une autre plante du nom de chou marin, c'est le Cramhe maritimay de la famille des Crucifères. CONVOLVULACÉES. — JALAP. 523 commune dans les sables, sur les bords de l'Océan et de la Médi- lerranée ; sa racine pulvérisée purge bien à la dose de 3 à 4 gram- mes; l«i résine purge à la dose de 1 gramme à l°%o. f' Racine - C hernie und Pharmacie, t. LXXXIII, p. 122. • (3) Pelletan, Journ. de chim. méd., t. X, p. 10 ; pi. II, fig. 1. 528 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. fusiforme, pouvant avoir jusqu'à 54 centimètres de long, ramifiée dans la partie inférieure. Elle est jaune extérieurement, d'un blanc sale à l'intérieur et lactescente. La plante est légèrement velue de toutes parts. La tige est cy- lindrique, verte, assez ferme, peu volubile, et peut se passer de support; les feuilles sont très-grandes, arrondies, profondément cordiformes, courtement acuminées, velues surtout sur les ner- vures inférieures; les pétioles sont aussi velus, de la même lon- gueur que le limbe. Les pédoncules sont grêles, unis, rarement biflores. La corolle est campaniforme, d'un rouge pourpre, plus forte et plus épaisse que celle du vrai jalap, à limbe peu ouvert. Les étamines et le pistil sont courts et inclus. L-e stigmate est à 2 iobes arrondis et tuberculeux. La capsule est à 2 loges monospermes. Les graines sont presque sphériques, d'un brun noirâtre, et un peu rugueuses. Le jalap fusiforme {fig. 546) se trouve dans le commerce sous Fig. 546. — Jalap fusiforme. forme de rouelles larges de 55 à 80 millim., ou en tronçons d'un moindre diamètre et plus longs ; il est profondément rugueux à l'extérieur, d'un gris plus uniforme dans les tronçons allongés que dans les rouelles, qui offrent souvent une couleur plus noire à la surface et plus blanchâtre à l'intérieur. Les uns et les autres présentent à l'intérieur un grand nombre de fibres ligneuses, dont les extrémités dépassent leurs surfaces transversales, déprimées par la dessiccation. L'odeur et la saveur sont semblables à celles du jalap officinal, mais plus faibles. Ledanois a retiré de 100 par- ties de jalap fusiforme : résine 8; extrait gommeux25,6; amidon 3,2 ; albumine 2,4 ; ligneux 58 ; eau et perte 2,8 (1). M. Andouard (l) Ledanois, Journ. de chim, méd.^ t. V, p. 508. CONVOLVULACEES. — JALAP. 529 en a retiré 18,45 14,50 et jusqu'à 20,10 pour 100 de résine : il le regarde comme aussi actif que le vrai jalap (1). [La résine du jalap tubéreux est de couleur rougeâtre, son odeur rappelle celle des fruits cuits; elle est soluble en toutes pro- portions dans l'éther, l'alcool et le chloroforme. Elle se trans- forme, lorsqu'on la traite par les alcalis, en âcidejalappique et se dédouble sous l'influence des acides en glucose eijalnppinoL C'est donc un glucoside comme la convolvuline. «falap dignité. Sous le nom de jalap digité^ Guibourt (2) a décrit une subs- tance, arrivée, en 1862, au Havre, comme jalap officinal, et com- posée de tubercules rarement isolés et alors arrondis et surmontés d'une tige très-grêle, le plus souvent réunis deux ou trois en- semble, plus ou moins fusiformes, plus ou moins écartés les uns des autres, toujours terminés par une pointe qui tend à se relever vers la surface du sol. Les dimensions extrêmes sont de 2 centim. de diamètre sur 8 centim. de longueur; mais en général beau- coup moindres. La surface de ces tubercules est profondément sillonnée; d'un gris noirâtre, sauf sur les parties proéminentes, devenues blanchâtres par le frottement. La coupe transversale montre une couleur blanche au centre, grise à la circonférence, avec un indice d'un ou deux cercles peu marqués. Ce jalap con- tient beaucoup moins de résine que le jalap tubéreux : de 0,44 à 3,91 pour 100 seulement; tandis que le vrai jalap donne de 15 à 47 pour 100. Une autre forme de jalap digité s'est trouvée à Paris, chez M. Garnier, ressemblant à celle précédemment décrite, mais de dimensions plus considérables et plus riche en résine. Guibourt l'a nommée jalap digité majeia^, donnant à la première la dénomi- nation de jalap digité mineur. U ne doute pas que ces deux racines ne proviennent de la même espèce. Les jalaps digités de Guibourt répondent à la sorte désignée en Angleterre sous le nom de Jalap de Tatnpico, et dont M. Han- bury (3) nous a fait connaître l'origine. Ayant reçu, en 1869, de M. Hugo Funck, vice-consul de Prusse à Cordova, dans le Mexi- que, des échantillons de tubercules encore vivants, il put les faire végéter et obtint ainsi une plante ayant les caractères d'un (1) Andouard, Études su7' les convolvulacées purgatives. Thèses de l'École de pharmacie de Paris, 18Gi. [1) Guibourt, Note sw nne nouvelle espèce de jalap [Journal de pharmacie et de chimie, 3" série, t. XLIV, p. 475, 18G3). (3) Daniel Hanbury, On a sppcjes of Ipomœa affording Tampico Jalap {Linnean Societifs Journal liotang, vol. XI, p. 279). Guibourt, Drogues, 7« édit. !• H. — 3 4 530 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. //îom^a et ressemblant beaucoup à la plante qui donne le jalap officinal {Ipomsea Purga^ Hayne), en différant cependant par sa corolle infundibuliforme et ses fleurs penchées. M. Hanbury a nommé la plante Ipomœa simulanSy et lui attribue les caractères suivants : Racine napiforme ou subglobuleuse, charnue, large de 2 à 3 pouces, fibrilleuse à la base. Tiges herbacées, grêles, volubiles. Feuilles très-glabres, ovales, acuminées, cordées ou sagittées. Pédoncules axillaires, pendants, portant une seule fleur, ou deux boutons dont l'un ne se développe pas. Sépales ovales, obtus. Corolle infundibuliforme, rose, marquée de stries plus pâles. Capsule dépassant le calice, conique, à 2 loges, à 4 valves coria- ces. Semences glabres.] Itacine de faux jalap. L'opinion longtemps accréditée que le Mirabilis Jalapa ou quel- qu'un de ses congénères produisait le jalap officinal a dû faire naître l'idée d'en récolter la racine. J'ai, en effet, vu une fois dans le commerce une partie considérable d'une racine que j'ai soup- çonnée être celle du Mirabilis Jalapa, ei que j'ai trouvé être iden- tique avec la racine de cette plante cultivée à Paris. Cette racine était d'un gris livide, plus foncée à l'extérieur qu'à l'intérieur, et offrait dans sa coupe horizontale un grand nombre de cercles concentriques très-serrés. Elle a été décrite précédemment (page 451). Faux Jalap roug^e [fig, 547). On trouve quelquefois mêlée au 547. — Faux jalup rouge. jalap, dans le commerce, une substance que plusieurs personnes ont présumé être une excroissance venue sur le tronc de certains arbres, mais qui me paraît être la racine tubéreuse d'une convol- vulacée. Cette substance provient évidemment d'un tubercule arrondi, coupé en plusieurs parties; elle doit avoir perdu beau- coup d'eau de végétation, et ses morceaux sont plus ou moins contournés par la dessiccation. La surface extérieure est d'un gris brunâtre ou noirâtre, et profondément rugueuse comme celle du CONVOLVULACÉES. — JALAP. 531 jalap, La surface intérieure présente des stries concentriques et radiaires d'une grande régularité et qui caractérisent tout à fait cette substance. L'intérieur est d'un rouge rosé ou couleur de chair, un peu spongieux sous la dent et insipide. Son décodé aqueux est d'une belle couleur rouge et précipite le fer en vert noirâtre; il ne contient pas d'amidon et ne bleuit pas par l'iode. [M. Jourdanet a reconnu dans ce faux jalap des excroissances qui se développent sur l'écorce du goyavier {Psidium pyriferum) par suite de la piqûre d'un insecte (1).] Faux Jalap à odeur de rose. En 1842, M. Brazil, droguiste à Paris, me remit une racine qu'il avait trouvée mélangée à des balles de jalap venant du Mexique ; elle ressemblait tellement au Fi}(. 548. — Faux jalap à odeur de l'Ose. jalap par son extérieur, qu'il était difficile de l'en distinguer; elle en différait tant, cependant, sous le rapport de la composition et des propriétés médicinales, qu'il était très-essentiel d'apprendre à la connaître et à la séparer, •Le vrai jalap est généralement d'un gris noirâtre extérieure- ment, lourd, compacte, à cassure brunâtre, à odeur forte et nau- séeuse, à saveur acre et strangulante; la surface, à part les inci- sions qu'on y a pratiquées, est souvent assez unie; lorsqu'on le scie transversalement, la coupe, après avoir été polie, est très- compacte, d'une apparence de bois très-foncé, avec quelques cer- cles concentriques plus foncés encore. Tel est le meilleur jalap officinal; mais il arrive assez souvent que cette racine, ayant été primitivement plus aqueuse, plus amylacée et moins résineuse, est légère, blanchâtre et profondément sillonnée par la dessicca- tion; alors le jalap présente la plus grande ressemblance avec la (l) Voir Journal de pharmacie et de chimie. IV* série, XLIV, p. 475. 532 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. nouvelle racine ; mais il s'en distingue toujours par son odeur caractéristique et par sa saveur acre, quoique plus faible. La nouvelle racine signalée par M. Brazil [fig, 548) est généra- lement en tubercules ovoïdes, allongés et amincis en pointe aux deux extrémités ; la surface en est toujours très-profondément sillonnée, noirâtre dans le fond des sillons, mais presque blanche sur les parties proéminentes; l'intérieur est presque blanc; la coupe, faite à la scie, n'est pas polissable; elle est poreuse, blan- châtre surtout au centre, avec des cercles bruns. Enfin cette ra- cine, respirée en masse ou pulvérisée, exhale une odeur de rose assez marquée; la saveur en est douceâtre, un peu sucrée, nulle- ment acre. J'ai fait l'analyse de cette racine qui m'a présenté, entre autres principes, une quantité assez considérable de sucre. C'est alors que, voulant comparer mes résultats à ceux précédemment obte- nus pour le jalap, je trouvai tant de discordance entre ces der- niers, que je crus devoir analyser le jalap lui-môme, et je trouvai, à ma grande surprise, que le jalap officinal contenait encore plus de sucre que celui à odeur de rose. Voici les résultaU comparés des deux analyses (!): Résine Mélasse obtenue par l'alcool . , Extrait sucré, obtenu par l'eau Gomme Amidon Ligneux Perte Jalap Faui jalap officinal. à odeur de rose. 17,65 3,2ô 19 16,47 o,os 5,92 10.12 3,SS Î8,T8 22,69 21,'jO 46 3,80 1,81 100,00 100,00 La résine du faux jalap à odeur de rose est à peine purgative, de sorte que la racine qui la contient ne l'est pas du tout. Je n'ai pas connu, quant à moi, la plante qui produit ce faux jalap. Mais sur la description que j'en ai donnée, M. Grosourdy la reconnut pour être la racine d'une variété de patate jaune cultivée aux Antilles, de sorte que son vrai nom doit être patate à odeur de rose (2). Racine de xnécboacan. D'après Monardès '3}, on apportât, au seizième siècle, du Mexi- que en Europe, où elle était très-usitée comme purgative, une (1) Guibourt. Journal de chimie médicale, I8i?, page 760. (2) Grosourdy, Joarnal de chim. méd., 184 1, p. 175. (3) Mon&rdès, HLst. de las êosa» que se traen de nuestra India. Sevilia, 1574. CONVOLVL'LACÉES. — JALAP. 533 racine dite de méchoacan, du nom de la province du Mexique qui la produisait. D'après l'opinion unanime des auteurs, celte racine était produite par un Convolvulus; mais la plante était du reste si peu connue que quelques auteurs lui donnaient un fruit sem- blable à un pépon, et d'autres des fruits en grappes de la grosseur de grains de coriandre et si, plus lard, quelques botanistes ont admis comme espèce un Convolvulus Mechoacawia, ce n'a été qu'en lui attribuant les caractères d'une plante du Brésil, beaucoup mieux décrite par Pison et MarcgrafT sous le même nom de mé- choacan, et sous ceux de jeticucu et batata de purga (il sera traité de cette plante ci-aprèsj. Quant aux caractères de la racine de mécboacan du Mexique, tout ce qu'on peut conclure des écrits du même temps, c'est que c'était une racine très-volumineuse, qui était apportée coupée en rouelles ou en morceaux de différentes dimensions, blancs, légers, un peu jaunâtres au dehors, peu sa- pides. [D'après les échantillons envoyés par M. Schaffner, pharmacien à Mexico, cette racine ne diffère pas du jalap fusiforme ou jalap mâle de Ledanois (1), qui a été décrit précédemment (p. 527)." La racine que Ton trouve aujourd'hui dans le commerce, sous le nom de méchoacan, et que je n'ai jamais vu varier, est différente quoique s'en rapprochant par ses caractères fig. 549) : elle est Fig. S49. — Racine de méchoacao. coupée en rouelles assez grosses ou en morceaux de toute autre forme ; elle est mondée de son écorce, dont on aperçoit cepen- dant quelques vestiges jaunâtres : elle est tout à fait blanche et farineuse à l'intérieur, inodore, d'une saveur presque nulle d'a- bord, suivie d'une légère àcrelé. Enfin, et j'appuie sur ce carac- tère, on observe sur toutes les parties de la racine qui étaient à l'extérieur, des taches brunes et des pointes ligneuses provenant de radicules ligneuses. Or, ce caractère n'appartenant à aucun (I) Voir Guibourt, Observations sur les productions du Mexique (J umai de pharmacie et de chimiej août 1866). 534 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. Convolvulus tubéreux que je connaisse, il y a longtemps que j'ai pensé que notre racine de méchoacan, au lieu d'être produite par un Convolvulus, pouvait l'être par un Tamus, dont les racines présentent le même caractère de radicules ligneuses dispersées sur toute leur surface. Je m'étais fortifié dans cette idée en trou- vant dans la traduction française de l'ouvrage de Monardès, pu- bliée en 1619, par Colin, apothicaire de Lyon, que l'on vendait de son temps, au lieu de méchoacan, les racines de sceau de Notre-Dame (ra??zM5 communis), deèséchées ei coupées en rouelles. Et je me demandais alors si cette racine du commerce était bien le résultat d'une substitution frauduleuse exéo^tée en Europe, ou si, étant réellement apportée du Mexique, on se serait seulement trompé sur le genre de plante qui la produit. [Les échantillons envoyés à M. Merck par AL Schaffner, sous le nom à'Asclepias Contrayerva, lèvent tous les doutes sur l'origine de ce méchoacan du commerce, auxquels ils se rapportent par- faitement, et nous montrent qu'il n'est autre chose que la racine de cette asclépiadée {]).] La racine de méchoacan du commerce, qu'elle soit vraie ou fausse, est souvent mélangée d'une certaine quantité de racine d'arum serpentaire qui, mondée de sa pellicule et coupée par rouelles, lui ressemble beaucoup. On reconnaît cette dernière racine à ce que ses rouelles sont toujours rondes, d'une saveur acre, et complètement privées des restes de radicules ligneuses qui distinguent le méchoacan. Patate purgative ou Batata île purgea. On emploie sous ce nom, au Brésil, les racines de deux plantes que M. Martius avait confondues d'abord sous le nom d'Ipomœa operculata, mais qu'il a distinguées ensuite sous ceux de Piptoste- gia Pisonis et de Piptostegia Gomesii. La première de ces plantes, anciennement décrite par Pison et Marcgraff sons le nom de jeticucu et de méchoacan ^àtxtnuQ ensuite le Convolvulus mechoacanna de Rœmer et Schultes, est donc nommée aujourd'hui, par M. Martius, Piptostegia Pisonis. Elle pourra prendre le nom d'Ipomœa Pisonis si le genre Piptostegia n'est pas admis par les botanistes. Elle a les tiges volubiles, angu- leuses, très-longues, pourvues de feuilles cordiformes, souvent auriculéespar le bas; les fleurs sont d'un blanc rosé au dehors, pourpres en dedans ; les semences sent noirâtres, triangulaires, à peine de la grosseur d'un pois ; la racine est longue de 15 à 30 (1) Voir Guibourt, Observations sur les productions du Mexiqve [Journal de pharmacie et de chimie, août 186G). CONVOLVULACÉES. — RACINE DE TURBITH. 535 centimètres, presque aussi épaisse et presque toujours double ou bifide. Elle est cendrée ou brunâtre au dehors, blanche en de- dans; on la coupe en rouelles pour la faire sécher, ou bien on l'exprime récente pour en extraire le suc qui laisse déposer une fécule grise, employée également comme purgative. La racine de jeticucu, telle qu'elle a été rapportée de Rio- Janeiro par M. V. Ghatenay, pharmacien, et telle que M. Stanislas Martin l'a reçue de la même ville, est sous la forme de rouelles minces, dont les plus grandes ont seulement 5 centimètres de diamètre. L'épiderme de la tranche est très-rugueux et noirâtre; la surface des rouelles est d'un gris blanchâtre, marquée de 4 à 5 cercles concentriques proéminents et rendus rudes au toucher par l'extrémité des fibres ligneuses qui les forment. La substance même de la racine est dure et comme imprégnée d'un suc gom- . meux desséché. Elle a une saveur gommeuse suivie d'une assez grande âcreté. La fécule purgative de la même racine porte, au Brésil, les noms de tipiokade purga ou de gomma de batata. 1,000 parties contien- nent, d'après Buchner, 947 parties d'amidon, 40 de résine drasti- que et 13 d'extrait soluble dans l'eau. Celte fécule, telle que M. le docteur Ambrosioni a bien voulu me l'envoyer de Fernambouc, est d'un gris cendré mélangé de blanc. Il est évident qu'elle con- siste en un mélange variable d'amidon et de principe résineux; ce doit donc être un médicament incertain auquel il conviendrait de substituer la résine purifiée. La seconde plante, décrite par Gomez sous le nom de Convol- vulus operculatuSj et par Martius, d'abord sous le nom d'Ipomœa operculata^ puis sous celui de Piptostegîa operculata, paraît avoir les feuilles à 5 lobo» palmés, dont celui du milieu séparé des au- tres et comme un(^)eu pétiole. La racine, telle que je l'ai reçue du docteur Ambrosioni, est formée, soit d'un seul tubercule napiforme, d'un décimètre de diamètre, dont je n'ai pas l'extré- mité inférieure ; soit de deux tubercules collatéraux, arrondis, de 5 à 6 centimètres de diamètre et terminés chacun, à la partie inférieure, par deux fortes radicules (celte configuration est la même que celle donnée par Pison au jeticucu). Ces deux racines sont d'un gris noirâtre à l'extérieur, d'un gris blanchâtre à l'inté- rieur ; elles ont souffert pendant la traversée et ont été fortement endommagées par les insectes. Racine de turbitli. Ipomœa Turpethum, Brown ; Convolvulus Twpethum, L. Cette plante vient dans l'Inde, à Ceylan et dans les îles Malaises. On lui 536 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORE: donne ordinairement une tige quadrangulaire el ailée, sur l'auto- rité d'Hermann ; mais les tiges inférieures, jointes aux racines du commerce, sont cylindriques et ligneuses, et la planche 397 de Blackwell les montre cylindriques dans toute leur étendue ; les feuilles sont pétiolées, cordif ormes, crénelées sur le bord, velues sur les deux faces ; les bractées sont caduques ; les sépales du calice fort grands; les extérieurs velus, les intérieurs glabres; la corolle est blanche et semblable à celle du Calystegia sepiwn; les étamines sont exsertes, comme dans les Exogonium. La racine de turbith, telle qu'on la trouve dans le commerce (fig. o50), est rompue en tronçons de \3 à 16 centimètres, Fig. 550. — Racine de turbith. Fig. 551. — Tige de turbith- tantôt pleins à Tintérieur^ tantôt consistant en une écorce épaisse dont on a retiré le cœur ; le diamètre des morceaux varie de 14 à 21 millimètres ; leur extérieur est d'un gris cendré et rougeâtre ; l'intérieur est blanchâtre ; la partie corticale paraît formée de faisceaux de fibres, approchés les uns des autres, et figurant comme des côtes cordées a l'extérieur. Elle est compacte et gor- gée d'une résine qui exsude souvent sous forme de petites larmes jaunâtres, par l'extrémité des morceaux rompus. La partie du centre, lorsqu'elle existe, et quelquefois aussi l'écorce elle-même, sont criblées aux extrémités de pores ronds, très-apparents à la vue simple. Le turbith n'a pas d'odeur ; sa saveur est peu sensi- ble d'abord, 'mais elle laisse une impression nauséeuse assez forte. C'est un fort purgatif. Dans le commerce, la racine de turbith est souveut mélangée CONVOLVULACÉES. — SCAMMONEE. 537 d'une assez grande quantité de tronçons de tige {fîg. ool) qui sont beaucoup moins résineux que la racine et moins actifs; aussi doit- on les rejeter. D'un autre côté, le turbith ressemble assez au Costus arabique pour qu'on puisse les confondre à la première vue. Mais les différences d'odeur, de saveur et de texture, qu'on y remarque bientôt, les font facilement distinguer. Il faut également ne pas le confondre avec le jalap fusiforme, bien que tous deux soient de genre et de propriété semblables. Ce dernier se reconnaît à sa couleur grise noirâtre et à son odeur de jalap. [La résine de turbith contient avec une petite quantité d'une matière résineuse molle, soluble dans l'éther, une substance, in- soluble dans l'éther, la benzine, le sulfure de carbone et les huiles essentielles. C'est la turpéthinej dont la racine contient environ 4 pour 100, et qui a été récemment étudiée par Spirgatis (l). Elle se présente en poudre grise, irritant fortement les muqueu- ses du nez et de la bouche. Elle se conduit d'une manière analo- gue à la jalappine et à la convolvuline : sous l'action des bases alcalines elle se transforme en acide turpélhique et en présence de l'acide chlorhydrique elle se dédouble en glucose et en acide turpétholique.] ficaninionée. La scammonée est une gomme- résine produite par deux Con- volvulus qui croissent en Syrie et dans l'Asie Mineure; depuis longtemps aussi on en distingue deux sortes principales, dites d!Alep et de Smyrne ; mais ces dénominations se rapportent peu à l'origine véritable des produils, par l'habitucie qui a été prise de donner le nom de scammonée tVAlep à la plus belle scammo- née, et celui de scammonée de Smyrne à toute scammonée impure ou de qualité inférieure, quel que soit le Heu d'origine de l'une ou de l'autre. Quant à moi, il me parait plus utile de distinguer deux espèces de scammonées, véritablement différentes par la plante qui les produit et par leurs caractères physiques; chacune d'elles pouvant d'ailleurs se rencontrer pure, mais étant aussi très-souvent falsifiée. C'est ce que je vais essayer d'établir en m'appuyant sur l'autorité des auteurs auxquels on peut accorder le plus de confiance. Dioscoride, que je citerai d'abord, a parfaitement décrit Tune des espèces de scammonée, ainsi que la plante qui la produit. Cette plante pousse plusieurs tiges longues et flexibles, garnies de feuilles velues et triangulaires. La fleur est blanche, creusée en (I ) Sinrgatis, Zdtschrift der Chemie und Pharoiacie, IS6j. o38 DICOTYLEDONES COROLLIFLORES. forme de corbeille ; la racine est fort longue, grosse comme le bras, blanche, d'odeur désagréable, pleine de suc. Pour obtenir la scammonée, on coupe la tête de la racine et on creuse celle-ci en forme de coupe, dans laquelle se rassemble le suc, que l'on puise ensuite avec des coquilles. La meilleure scammonée est lé- gère, brillante, poreuse, ayant la couleur de la colle du taureau^ telle est celle que l'on apporte de Mysie ; elle blanchit quand on la touche avec la langue, et ne doit pas brûler quand on la goûte, ce qui indiquerait qu'elle est falsifiée avec du tilhymale.Zesscam- monées de Syine et de Judée passent pour les plus mauvaises, étant pesantes, massives et sophistiquées de tithymale et de farine d'o- robe. Voilà ce que dit Dioscoride. D'après Tournefort, la scammonée de Samos n'est guère bonne : elle est rousse, dure et très-difficile à pulvériser ; elle purge avec violence. La plante qui la produit est un liseron dont les feuilles ressemblent à celles de notre petit liseron ; mais elles sont plus grandes, velues et découpées moins proprement à la base que celles de la scammonée de Syrie. La scammonée de Samos répond bien à la description qu'en a faite Dioscoride ; elle naît dans les plaines de Mysie ; mais il est surprenant que, du temps de Dios- coride, on préférât le suc de cette espèce à la scammonée de Judée et de Syrie, que l'usage nous a appris à reconnaître pour la meilleure. Celle de Samos et de Scala-Nova se consomme dans l'Analolie; on n'en charge guère pour l'Occident. Geoffroy distingue deux sortes de scammonées, celle d'Alep et celle de Smyrne : la première est légère, friable, à cassure noirâ- tre et brillante, recouverte d'une poudre blanchâtre. Il ajoute, ce qui est inexact, qu'elle a un goût amer, un peu acre, et une odeur puante. La scammonée de Smyrne est noire, plus compacte et plus pe- sante. Elle est apportée à Smyrne de la Galatie, de la Lycaonie et de la Gappadoce, près du mont Taurus, oii on en fait une grande récolte. On préfère la scammonée d'Alep. La plante qui produit la scammonée d'Alep est le Convolvulus syriacus de Morisson {Convolvulus Scammonia^ L.). Haies feuilles triangulaires {flg . 552) hastées par le bas, lisses. Il diffère par con- séquent de la plante de Dioscoride, à feuilles velues, observée par Tournefort à Samos et dans les campagnes de la Natolie. Geoffroy a donc demandé à Shérard, botaniste anglais qui a longtemps vécu à Smyrne, si l'on tirait effectivement de la scam- monée de la plante à feuilles velues. Shérard lui répondit qu'il avait aussi observé ce même liseron auprès de Smyrne, mais qu'on n'en tirait aucun suc. Il a ajouté que le Convolvulus à feuilles glabres y croît en si grande quantité qu'il suffit pour préparer CONVOLVULACEES. — SCAMMONÉE. 539 toute la scammonée dont on se sert. Pour obtenir cette scammo- née, on découvre la racine et on y fait des incisions sous les- quelles on met des coquilles de moules pour recevoir le suc lai- teux qu'on y fait sécher. Celte scammonée en coquilles est réservée Fig, bo2. — Convolviilus Scammonia L.. pour les riches habitants du pays ; celle qu'on exporte de Smyrne vient, comme il a été dit plus haut, de la Lycaonie et de la Gap- padoce. Plus loin, Geoffroy, revenant sur la scammonée en co- quilles de Smyrne, qui est la meilleure, dit qu'elle est transpa- rente, blanchâtre ou jaunâtre, semblable à de la résine ou à de la colle forte. Il me paraît difficile de ne pas conclure de ce qui précède qu'il existe véritablement deux espèces de scammonées : l'une blonde ou jaunâtre et translucide, produite parle liseron à feuilles velues de Dioscoride et de Tournefort (1) ; l'autre noirâtre et opaque, produite par le Convolvulus Scammonia (2). Ces deux espèces pré- sentent ensuite une grande variation dans leur qualité, suivant qu'elles ont été préparées avec le suc laiteux pur, provenant de l'incision des racines, ou avec le suc exprimé des racines, quel- (1) Convolvulus hwsutus, Stev. ; Convovulus sagittifoliits, Sibtli. ; Convolvu- lus Sihthorpii de Rœmer et Schultes. (2j II est vrai que Geoffroy a décrit sous le nom de scammonée en coquille une scammonée jaunâtre qu'on peut supposer être la même que Shérard a vu extraire du C. scammonia ; mais on remarquera qu'il n'y a pas une liaison nécessaire entre les deux faits Enfin, dans ces dernières années, il est arrivé dans le commerce une quantité assez considérable de scammonée blonde dont on ne peut expliquer la différence essentielle observée entre elle et la scammonée d'Alep, autrement que par une différence spécifique dans la plante. oîO DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. quefois avec le suc des feuilles ; suivant enfin qu'elles ont été falsifiées par une addition de sable, de terre, de carbonate ou de sulfate de chaux, d'amidon ; car toutes ces falsifications sont mises en usage, soit en Orient, soit ailleurs. [D'après les données de Maltass, qui a passé plusieurs années dans les environs de Smyrne, toute la scaminonée viendrait du Convolvulus ScammoniaL. j et la difTérence du sol produirait des dif- férences assez marquées dans l'aspect de la scammonée. Les plan- tes des districts montagneux, croissant dans un sol peu fertile, donneraient une scammonée d'une odeur beaucoup plus pronon- cée ; un sol riche et un terrain marécageux produiraient une scammonée plus aqueuse, devenant gris noirâtre et beaucoup plus légère par la dessiccation (I).] Voici maintenant la description des principales scammonées : \ . §»cani]iioiiée blonde «le S^myrne, en coquilles ; scammonée «le iiysie de Dioscoride. J'avais depuis longtemps celte sorte de scammonée, provenant du droguier de Henry père, mais j'étais incertain de son origine, lorsque je l'ai vue chez M. L. Marchand, ancien droguiste, contenue dans des coquilles oîi le suc découlé de la racine s'est évaporé spontanément. Cette scammonée est en petites masses souvent poreuses, d'autres fois unies, d'un gris rougeâtre ou d'un gris blanchâtre à l'extérieur ; elle est très-fra- gile et présente une cassure brillante et vitreuse très-inégale. Elle est jaunâtre et transparente dans les lames minces ; elle forme avec la salive une émulsion blanchâtre qui devient très-poisseuse en se séchant ; elle possède une odeur forte et désagréable dis- tincte de la scammonée d'Alep ; elle fond à la flamme d'une bougie, s'enflamme et continue à brûler seule après l'éloignement de la bougie. . ■ 2. Scammonée blonde de Trébizonde. Cette SCammonée ré- pond, par ses propriétés, à la scammonée de S amos de Tournefort. Elle est en masses considérables, d'un gris rougeâtre terne à l'extérieur, tenaces et difficiles à rompre ; la cassure est inégale, de couleur rougeâtre, d'apparence cireuse ; elle est translucide et même transparente, par places, dans ses lames minces. Elle possède l'odeur de brioche de la scammonée d'Alep ; elle forme avec la salive une émulsion d'un gris sale, poisseuse, plus ou moins marquée ; elle brûle avec flamme et en bouillonnant, lors- qu'on l'approche d'une bougie allumée ; elle continue de brûler avec flamme lorsqu'elle en est éloignée. 3. Scammonée noirâtre d'Alep, supérieure. A. Cette SOrte est (1) Maltass, De la -production de la scammonée aux environs de Smyrne {Pharmaceutical journal 1 1. XIII, p. 2Gi, et Journ. des connais, méd.y 10 mars 1864, p. 230). CONVOLVULACÉES. — SCAMMONÉE. 341 en fragments peu volumineux, très-irréguliers, recouverts d'une poussière blanchâtre ; elle se brise irès-facilement sous l'effort des doigts et offre une cassure noire et brillante, qui, vue à la loupe, présente çà et là de petites cavités, et dont les éclats sont demi- transparents et d'un gris olivâlre. Elle blanchit sur-le-champ par le contact de l'eau ou de la salive ; mise dans la bouche, elle offre un goût très-marqué de beurre cuit ou de brioche, sans aucune amertume, et accompagné seulement d'une âcreté tardive ; elle jouit d'une odeur semblable de brioche ; sa poudre est d'un blanc grisâtre ; approchée d'une bougie allumée, elle brûle avec flamme et en se boursouflant ; mais elle s'éteint aussitôt qu'on l'éloigné de la bougie. B. Il est rare de voir à Paris de la scammonée d'Alep aussi pure que la précédente ; celle qui en approche le plus est en morceaux plus volumineux, très-irréguliers, caverneux, toujours gris à l'extérieur et d'une cassure noire et brillante ; mais elle est moins fragile et blanchit moins lorsqu'on l'humecte ; son odeur est semblable. 4. S^caïunionée iioire et compacte d'Alep. Cette SCammonée a dû être évaporée au feu jusqu'en consistance solide, et formée en pains orbiculaires qui se sont aplatis pendant leur refroidisse- ment. Elle est compacte, pesante, sans aucune cavité dans son intérieur. Elle offre une cassure noire et vitreuse ; elle est transpa- rente dans ses lames minces, à la manière d'une résine ; elle est assez friable ^ous le doigt et d'une odeur semblable à la précé- dente, mais plus faible. Elle fond à la flamme d'une bougie, s'en- flamme et continue de brûler après en avoir été écartée. 5. Scammonée plate dite d'Antiociie. Cette scammouée paraît être le résultat d'une falsiflcalion. Elle est sous forme de gâteaux aplatis, larges de 10 à 11 centimètres, épais de 2 centimètres en- viron, ou en morceaux qui en proviennent ; elle est gris cendré, assez uniforme à l'extérieur, et présente une cassure terne, d'un gris foncé, sur laquelle on remarque un grand nombre de petites cavités, la plupart lenticulaires, et des taches blanchâtres dont la substance fait etfervescence avec l'acide chlorhydrique, ce qui in- dique que ce sont des particules de pierre calcaire. Elle est peu friable^ blanchit peu et devient un peu poisseuse par l'action de l'eau ou de la salive. Son odeur est semblable à celle de la scam- monée d'Alep, mais un peu plus faible et un peu désagréable. Elle ne se fond pas à la flamme d'une bougie ; elle y bouillonne seulement par petites places, y brûle difiicilement avec flamme, et parait s'éteindre aussitôt qu'elle en est éloignée. Cependant elle continue de brûler pendant quelque temps sous la cendre blan- che qui se forme, en répandant une odeur fort désagréable. 542 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. ' 6. {l»cammonées inférieures dites de f§»myrne. J'ai dit en Com- mençant qu'on donnait communément, dans le commerce, le nom de scammonée de Smyrne à celles de qualités inférieures et qui sont évidemment falsifiées. Il est difficile d'en indiquer les caractères, qui peuvent varier suivant l'adultération plus ou moins grande qu'elles ont subie. J'en ai depuis longtemps une sorte qui est d'un brun terne, très-pesante, très-dure, non friable, non caverneuse, à cassure terne et terreuse, d'une odeur faible et cependant désagréable, paraissant avoir été enveloppée d'une peau garnie de son poil. J'en ai vu depuis beaucoup d'autres auxquelles il est inutile de s'arrêter. 7. ^cammonce de Montpellier OU Scammonée en g^alettes. On dit généralement que cette prétendue scammonée est fabri- quée dans le midi de la France, avec le suc exprimé du Cynan- chum monspeliacum (Asclépiadées), auquel on ajoute différentes résines ou autres substances purgatives. [Mais, d'après le travail consciencieux de M. Laval (1) et les informations qu'il a prises à Marseille, oii cette substance ne fait généralement que passer pour être expédiée à Gênes et de là en Amérique, elle viendrait d'Allemagne, surtout de Stultgard. Il n'existe d'ailleurs dans le midi de la France aucune maison qui prépare ce produit. Enfin, l'extrait par expression de Cynanchum qu'a fait M. Laval est dif- férent des scammonées de Montpellier. Cet extrait est très-hygro- scopique : il est d'un rouge brunâtre, d'une odeur un peu nauséeuse, d'une saveur légèrement amère ; il se dissout en partie dans l'eau, à moitié dans l'alcool. L'iode ne colore pas en bleu son décocté. Quant à la scammonée du commerce, c'est un produit artificiel.] Elle peut donc varier beaucoup dans ses carac- tères physiques et sa naiure; celle que j'ai est tout à fait noire, très-dure et très-compacte, formée en galettes aplaties de 10 cen- timètres de diamètre sur 2,5 centimètres d'épaisseur. Elle pré- sente une faible odeur de baume du Pérou et forme avec la salive un liquide d'un gris foncé, gras, onctueux et tenace. Cette pré- tendue scammonée et les sortes précédentes (n°^ 5 et 6), étant des produits falsifiés, doivent être rejetées de l'officine du pharma- cien. La scammonée est un purgatif violent qui doit être employé avec circonspection. Elle entre dans la poudre de tribus, les pilules mercurielles de Belloste et dans un grand nomrbe d'élec- tuaires et d'alcoolés purgatifs. Autrefois, on lui faisait subir différentes préparations dans la vue de l'adoucir; mais ces prépa- rations, qui ne faisaient qu'en rendre les efl'ets plus incertains, (1) Laval, Étude sur la scaynmonée de Montpellier. Thèses de l'École de phar- macie de Montpellier, 1861. CONVOLVULACEES. ■— SCAMMONÉE. 543 ne sont plus usitées. Aujourd'hui on l'emploie simplement pul- vérisée ou réduite à l'état de résine pure par le moyen de l'alcool rectifié. Cette résine jouit de quelques propriétés particulières qui la rendent plus facile à administrer que celle du jalap (1). La scammonée a été analysée anciennement par Bouillon-La- grange et Yogel ; mais ces chimistes ayant opéré sur des sortes très-inférieures, j'avais publié une autre analyse de la scammonée d*Alep, que je ne rappellerai pas ici, préférant donner les résul- tats obtenus par M. Clamor Marquart (2) sur huit scammonées du commerce. Résine Cire Matière extractive. ..... — avec sels Gomme avec sels Amidon Téguments d'amidon , bassorine et gluten.. Albumine et fibrine . . . . Alumine, oxyde de fer, carbonate de chaux et magnésie . . Sulfate de chaux Sable I II III 81,25 78,5 77 0,75 1,5 0,5 4.50 3,5 3 » 2 1 3 •) 1 » h'o » 1,75 1,25 )) 1,50 3,5 3,5 3,75 2,75 12,5 » » » 3,50 3,50 2 IV 50 » 5 3 1 4,5 22 » 4 32,5 » 3 4 1,5 G, 7. M G ?'? 15,5 12,5 G,5 12,5 22,5 2 VII IG 0,5 ,0 5 3 3G 24 12,5 1,5 3 VIII 8,5 » 8 12 1G,5 1 4 I. Scammonée d'Alep supérieure, répondant à mon n° 3, A; pes. spéc. 1, 2. II. Scammonée d'Alep belle, répondant à mon n" 3, B. III. Scammonée d'Alep, noire et compacte, n"* 4 ; pes. spéc. 1,403. Je ne crois pas cependant que la scammonée que j'ai décrite sous ce nom puisse contenir une aussi grande quantité de sel calcaire ; et si elle en contient, la chaux ne doit pas y être à l'état de carbonate, tel qu'on l'obtient par l'incinération ; elle y existe probablement à l'état de malate. IV. Morceau plat et fort, couvert à la face inférieure d'une légère couche farineuse qui manque à la face supérieure. Cassure cireuse ; à l'intérieur mélange de poils menus ; difficile à fondre, d'une pesanteur, spéc. de 1,421. L'extrait contient des chlorures de calcium et de magnésium. Le carbonate de chaux des cendres pèse seul 21 pour 100. Y. Scammonée ^^cniQ par Nées d'Esenbeck et Ebermeyer (1) Voir Henry et Guibourt, Pharmacopée raisonnée, Paris, 1847, p. 370. (2) QA2^mo\'lAd^v({\x2iXX,VhavmaceulischesCentralblatt,1% october 1837. 544 DICOTYLÉDONES COROLUFLGRES. comme scammonée de Smyrne, ce qui ne veut dire autre chose ici que scammonée falsifiée. Celle-ci est remarquable par l'énorme quantité de plâtre qu'elle contient. VI. Scammonée dite d'Antioche ; pes. spéc, 1,174. Les caractères assignés par l'auteur à cette scammonée se rapportent à ceux de mon n° 6, sauf qu'il indique dans la sienne de grandes cavités dues à des passages d'insectes. Quelle que soit l'impureté de cette sorte de scammonée, je n'y ai jamais observé ce dernier caractère. VIT. Scammonée d'Antioche de M. Martius; d'un brun grisâtre, couverte d'une poussièreblanche à l'extérieur, avec beaucoup de passages d'insectes ; poudre d'un gris de cendre ; pes. spé., 1, 12. YIII. Morceaux d'un gris de cendre clair, plats, épais de 1/4 de pouce, farineux des deux côtés; consistance presque cornée; difficile à pulvériser, poudre d'un brun clair. Il est évident que des huit scammonées dont l'analyse précède, les trois premières sont les seules que l'on doive employer; j'ai donné la composition des autres, afin de montrer jusqu'oti peut aller le peu de valeur des sortes du commerce. Je ne pense pas cependant qu'il faille toujours en accuser nos négociants. Il est certain, par exemple, que les racines qui ont été épuisées de suc laiteux par des incisions sont pilées et exprimées, et que le suc évaporé sert à produire une sorte inférieure de scammonée ; or, un pareil suc, naturellement chargé d'une quantité variable de fécule, peut fort bien donner un produit analogue aux deux der- nières sortes du tableau précédent, sans qu'il soit besoin de sup- poser qu'on y a introduit à dessein de l'amidon étranger. [Les falsifications auxquelles la scammonée est exposée ont donné l'idée d'extraire directement la résine de la racine par le procédé de M. Williamson (1). Pour cela, on la dessèche, on enlève par l'eau pure, puis par l'eau acidulée, tout ce qui est soluble : on reprend ensuite par l'alcool, qui s'empare de la résine, et la laisse déposer par la distillation. Le résidu est séché et donne une résine en masses irrégulières, recouvertes d'une poussière blanchâtre. Elle est blonde lorsqu'elle est vue en lames minces. Elle a un goût moins désagréable que celui de la scam- monée. La pharmacopée anglaise de 1864 admet cette résine comme officinale, de même que la racine de scammonée, pour la préparation de la résine dans les pharmacies. D'après M. Spir- gatis (2), la résine de scammonée purifiée a la même composition (1) Williamson, Pharmaceutical journal, t. XVII, p. 37. — Voyez Soubeiran, Nomeau Dictionnaire des fahificattons et des aliéraiions des alimenis^ des mé- dicaments. Paris, 1874, p. 517, (2) Spii'gatis, Pharmaceutical joumai, 2* série, t. III, p. 213. CONVOLVULACÉES. — BOIS DE ROSE. 545 que ]r jalappine. Elle appartient au groupe des glucosides, se dé- double en sucre et en acide scammonolique,] Bois de Rose des Canaries. Vulgairement boîs de Rhodes OU lignum Rhodium. On dit que le nom de bois de Rhodes a été donné à cette substance parce qu'elle venait autrefois de l'île de Rhodes ; mais aucune recherche n'a pu me convaincre que ce que nous appelons bois de Rhodes soit jamais provenu de l'île de ce nom, ou de l'île de Chypre, qu'on a dit également le produire. Au contraire, aucun ancien auteur, Théophraste, Dioscoride ou Pline, ne fait mention du bois de Rhodes, dont on n'a véritablement parlé que depuis la découverte des îles Canaries. C'est alors qu'on a voulu le retrou- ver dans les livres anciens, et qu'on a pensé que c'était Vaspalaih de Dioscoride. Mais il est beaucoup plus probable que des deux espèces d'aspalath dont parle cet auteur, l'une était le bois d'aloès, et l'autre le bois du Cytisus Laburnum (faux ébénier), du Cytisus spinosuSy ou de VEbenus cretica^ lesquels croissent en effet dans les îles du Levant. Le nom de lignum Rhodium^ donné au bois qui nous occupe, ne signifie donc rien autre chose que bois à odeur de rose; mais maintenant il faut dire que, presque de tout temps, on a con- fondu sous ce nom deux bois différents : l'un, venant des Cana- ries, qui est proprement le bois de Rhodes des parfumeurs ; l'autre, apporté en partie d'Amérique, est le bois de rose des ébénistes; il ne sera ici question que du premier. Ce bois est produit par un liseron arborescent et non volubile, qui a longtemps été pris pour un genêt, dont il a le port, à cause de ses rameaux nombreux, droits et munis, sur leur longueur, de feuilles très-espacées, entières et très-étroites, et, à l'extrémité, de fleurs jaunâtres, assez petites, mais convolvulacées. Cette plante est le Convolvulus scopariuSy L. Le bois de commerce se com- pose de racines ou de souches ligneuses, de 8 à 11 centimètres de diamètre, toutes contournées, tantôt couvertes d'une écorce grise, un peu fongueuse et très-crevassée, tantôt dénudées ; quel- quefois le bois est à l'intérieur d'une seule teinte jaune uniforme ; mais le plus ordinairement il est blanchâtre à la circonférence, jaune orangé comme imprégné d'huile au centre. Ce bois doit, en effet, son effet de rose très-prononcé à une huile peu volatile et onctueuse qui est la cause du caractère indiqué. Les tiges, qui accompagnent presque toujours la souche ou la racine, sont cylin- driques, grosses comme le pouce, couvertes d'une écorce grise; elles sont formées d'un bois blanchâtre, lorsqu'elles sont jeunes, devenant peu à peu jaune et huileux au centre à mesure qu'elles GtuBOUKT, DrogueS; "e édit. T. II. 3 5 546 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. deviennent plus âgées; elles sont d'autant plus aromatiques qu'elles sont plus grosses et qu'elles se rapprochent davantage de la souche. L'essence de bois de Rhodes est liquide, onctueuse, jaunâtre, d'une odeur de rose, d'une saveur amère comme le bois, un peu plus légère que l'eau. FAMILLI-: DES BIGNONIACÉES. Cette famille comprend des arbres ou arbrisseaux souvent volubiles, ou des herbes à feuilles opposées ou ternées, rarement alternes, et le plus souvent composées. Les fleurs ont un calice gamosépale, souvent persistant et à o lobes, à préfloraison valvaire ; corolle gamopétale, ir- régulière, à o divisions; le plus souvent 4 étamines accompagnées d'un filet stérile; ovaire porté sur un disque hypogyne, à deux loges pluri- ovulées; style simple terminé par un stigmate bilamellé. Le fruit est une capsule à une ou deux loges, s'ouvrant en deux valves parallèles ou transversales à la cloison; rarement il est charnu, ou dur et indé- hiscent. Les graines, souvent bordées d'une membrane sur tout leur contour, renferment un embryon dressé, sans endosperme (1). Aux Bignoniacées se rattachent les Sésamées, dont nous indi- querons ici une espèce. Siésame de l'Inde, Sesamum indicum, DC, et Sesamum orien- tale, L., qui en est une variété. Cette plante, originaire de l'Inde, s'est répandue dans toute l'Asie, en Egypte, en Italie et dans une partie de l'Amérique. Son fruit est une capsule à 4 loges qui ren- ferment des semences blanches, un peu plus petites que la graine de lin, ovoïdes, pointues par un bout, un peu bombées d'un côté, aplaties de l'autre. On en extrait une huile qui remplace celle d'olives dans la plupart des contrées qui viennent d'être nommées; et, aujourd'hui même, on en consomme une grande quantité à Marseille pour la fabrication du savon. Cette plante et sa semence, portent aussi, suivant les contrées, les noms de jugeoline, gigéri^ gengeli. Celle des Antilles est noirâtre. Les Bignoniacées proprement dites offrent peu d'espèces mé- dicales, mais un certain nombre méritent d'être connues pour leur utilité dans les arts, dans l'économie domestique, ou comme plantes d'ornement dans les jardins. Calebaesier, couis et calebasse. Crescentia Cajcte, L. Arbre de moyenne grandeur, croissant dans les Antilles et sur tout le Httoral de l'Amérique qui les environne ; ses fruits sont Irès-gros, couverts d'une écorce dure, verte, ligneuse, et remplis (1) Voy. Ed. Bureau, Monographie des Bignoniacées , 1" partie, Organogénie, organographie. Paris, 1863. BIGNONIACÉES. — JAGARAiNDA DU BRÉSIL. 547 d'une pulpe blanche, aigrelette, contenant des semences com- primées, un peu cordiformes. La coque de ces fruits est employée en Amérique pour fabriquer des ustensiles déménage, ou former des vases propres à contenir de l'eau, des huiles et des résines. --^. Fig. 533. — Calebassicr vénéneux. La pulpe est regardée comme un remède infaillible contre un grand nombre de maladies, et on en fabrique un sirop, nommé sirop de calebasse, qui a eu môme en Europe, une grande célébrité contre plusieurs affections du poumon. Une autre espèce (/? dont les feuilles sont toujours mêlées à celles du séné de la Palte. Je décrirai les feuilles d'arguel auprès de celles du séné, dont il est important de les distinguer; je parlerai de même de la plupart des racines em- ployées comme vomitives, à la suite de l'ipécacuanha, de sorte qu'il ne me reste à mentionner ici que trois plantes que leurs propriétés spéciales recommandent à l'attention des médecins. C'est dans la même famille, qu'il faut placer une plante, qui a eu un moment de célébrité, le Cundurango , venu de la République de l'Equateur, comme un spé- cifique contre le cancer. M . Triana ( I ) y a reconnu un Gonolohus , qu'il a proposé de nommer G. Cundurango. La plante partage probable- ment les propriétés stimulantes des espèces de ce groupe, mais l'expérience n'a pas confirmé l'action spéciale qu'on lui avait at- tribuée, et elle est déjà tombée dans l'oubli. Racine «l'Asclépiade ou Ilompte-Tenin. Vincetoxicum officinale^ Mœnch. (Asclepias Vincetoxicum, L.). L'asclépiade(/?^. 560) croît abondamment dans les bois, en France, dans d'autres contrées de l'Europe et en Asie. Elle pousse plu- sieurs tiges droites, à la hauteur de 60 centimètres, rondes, pliantes et flexibles, pubescentes sur deux côtés ; les feuilles sont opposées, très-entières, ovales-lancéolées, ciliées à la marge et (1) ïriana. Sur le Gonolubus Cundu rango {Comptes rendus de l'Académie des sciences; 25 février, 1872). Fig. 560. — Asclépiade. 574 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. sur la nervure médiane ; les fleurs sont blanches, disposées en ombelles ou en cimes axillaires ou terminales ; la couronne sta- minifère est en forme de bouclier, charnue, à 5 ou à 10 lobes ovales, surpassant un peu le gynostégium ; les anthères sont ter- minées par une membrane ; les masses de pollen sont ventrues et pendantes ; les follicules sont ovales, amincis en pointe à l'extré- mité et glabres ; les semences sont surmontées d*une aigrette. La racine d'asclépiade est composée d'un grand nombre de fibres longues, blanches et menues, qui sortent tantôt d'un seul corps ligneux irrégulier, tantôt de plusieurs points de la tige devenue souterraine. Elle jouit, lorsqu'elle est récente, d'une odeur forte et d'un goût acre et désagréable; mais, telle que le commerce la fournit, elle n'a plus qu'une odeur faible, toujours désagréable, et une saveur douce, à peine suivie d'un sentiment d'âcreté. Elle a conservé sa blancheur naturelle. On attribuait autrefois à cette racine de grandes propriétés, et entre- autres celle que les anciens prodiguaient tant, de résister au venin. Elle paraît être sudorifique et diurétique : c'est à ce titre qu'elle entre dans le vin diurétique amer de la Charité. On doitk M. Feneulle une analyse de la racine de dompte-venin (1). Racine de Ultidar. Calotropis gigantea, Hamilt. {Asclepias gigantea, L.). La racine de cette plante, telle que je l'ai reçue d'André Duncan, est dure et Hgneuse, épaisse de 27 à 40 millimètres, longue de 22 à 24 cen- timètres, fusiforme, donnant naissance, de distance en distance, à de fortes radicules cylindriques et flexueuses. L'écorce est mince et couverte d'un épiderme ocracé; tout le reste delà ra- cine est d'une couleur blanche ; la saveur en est amère et l'odeur nulle. Les tiges sont ligneuses, blanches et pourvues d'un canal médullaire très-apparent. La racine est usitée dans l'Inde contre l'éléphantiasis et d'autres affections cutanées. Racine de Xannari. Celte racine, employée dans l'Inde comme succédanée de la salsepareille, est produite par V Hemidesmus indicus, R. Br. Elle a été décrite à la suite de la salsepareille, page 188. FAMILLE DES APOCYNACÉES. Végétaux à tige ligneuse, rarement herbacée, très-souvent lactes- cente ; feuilles simples, entières, opposées, très-rarement alternes, pri- (1) Feneulle, Journ, de pharm., t. XI, p. 305. APOCYNACÉES. — TANGUIN DE MADAGASCAR. 575 vées de stipules, mais munies souvent de glandes qui en tiennent lieu ; fleurs en cimes ou en grappes, souvent fort belles ; calice à 5 sépales ordinairement libres, à estivation quinconciale; corolle gamopétale régulière, souvent munie à la gorge d'appendices ou de poils en forme de couronne. Les étamines au nombre de cinq (i;, insérées au tube de la corolle, à filets très-courts ou nuls, libres ou rarement un peu soudés, à anthères dressées, introrses, libres ou adhérentes au milieu du stigmate, sur lequel s'applique immédiatement le pollen qui est granuleux et ellipsoïde. Ovaire supère, double, quelquefois simple à une ou deux loges, porté sur un disque. Styles réunis en un seul ter- miné par un stigmate plus ou moins discoïde; le fruit est composé de deux follicules quelquefois charnus, ou d'un seul follicule bacciforme ou drupacé. Les graines, attachées à un trophosperme suturai, sont nues ou couronnées par une aigrette soyeuse : elles contiennent un embryon droit dans un endosperme charnu ou corné. Beaucoup d'Apocynacées doivent au suc laiteux, souvent acre et amer qu'elles renferment, une propriété émétique ou purga- tive (exemples : le Cerhera lactaria, les Rauwolpa, les Allamanda, etc. Ce suc est plus ou moins abondant en caoutchouc, principa- lement dans V L'rceola elastica, le Callophora utilis, V Hancornia speciosa, le Vahea gummifera et le Vahea madagascariensis ; il est presque privé d'âcreté et même entièrement doux dans un petit nombre d'espèces, et peut alors servir à la nourriture deThomme (ex. : le suc laiteux si abondant du Tabeniœmontana utilis). Plu- sieurs fruits sont également recherchés comme comestibles (par exemple : en Asie, ceux du Carissa carandas, du Carissa edulis, du Melodinus monogynus, du WiUughbeia edulis^ et en Amérique ceux des Ambelama, des Pacouria, des Couma et des Hancornia). D'autres fruits sont, au contraire, éminemment vénéneux : telles sont principalement les semences du Tanghinia et des Thevetia. La racine du Gelsemium sempervirens (1), Aïlon, jasmin jaune ou sauvage &Q l'Amérique du Nord, produit des vertiges et la dilata- lion de la pupille. Elle a été vantée contre la fièvre jaune. Enfin plusieurs autres racines, bois ou écorces amères, astringentes ou aromatiques, sont usitées en médecine ou dans la teinture. Tanguin de lladag^ascar. Tanghinia venenifera. Arbre de 10 mètres de hauteur, à feuilles très-entières, alternes, rapprochées versl'exlrémitédes rameaux; (1) Très-rarement la fleur ne présente que 4 sépales au calice, 4 lobes à la corolle et 4 étamines. (2) Cette plante, classée par les auteurs dans la famille des Loganiacées, en a été séparée par M. Bureau, qui a montré que sa véritable place était dans les Apocynées (Bureau, De la famille des Loganiacées, p. 27). 576 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. les fleurs sont formées d'un calice longuement lubuleux, et d'une corolle tubuleuse également, dont ie limbe est à 5 divisions con- tournées et étalées. Le fruit, quoique succédant à un ovaire à 2 loges, est un drupe uniloculaire et monosperme. Il présente à peu près la grosseur et la forme d'un œuf; il est formé d'un sar- cocarpe charnu-fibreux et d'un endocarpe ligneux, contenant une semence huileuse et très-vénéneuse, qui est employée à Mada- gascar pour constater juridiquement, par l'épreuve du poison, la culpabilité ou l'innocence des accusés dont ie crime ne peut être prouvé autrement. L'analyse chimique des semences de tanguin a été faite par 0. Henry et Ollivier (1). Ahouai des Antilles, Tlievetid neriifolia, J., et l'aliouai du Brésil, ThevelïaAhauai, J. Arbres assez beaux, à feuilles alternes, à suc laiteux fort dangereux ; le fruit est un drupe presque sec, contenant un noyau osseux à 4 loges monospermes, chaque loge primitive de l'ovaire se trouvant divisée en deux par une fausse cloison. L'amande de ces fruits est un poison mortel; les noyaux vides servaient aux naturels de l'Amérique à faire des colliers dont le bruit leur était agréable en marchant et surtout en dan- sant. Ecorce de Pao Pereira. Vallesia inedita. Arbre sylvestre du Brésil à feuilles alternes, pétiolées, lancéolées, atténuées en pointe des deux côtés, lisses et brillantes. Elles sont le plus souvent longues de 6 centimètres et larges de 2, 2; les plus grandes sont longues de 7, 5 centimè- tres et larges de 3, 5. L'écorcede cet arbre est renommée au Bré- sil comme tonique et fébrifuge. Le commerce la présente en mor- ceaux longs de 65 centimètres souvent très-larges et presque plats. La couche subéreuse est marquée de profondes crevasses longitudinales et couverte d'un épiderme gris jaunâtre. La subs- tance en est fauve, spongieuse, presque insipide. Le liber est formé de lames plates, appliquées les unes sur les autres, faciles à séparer, mais difdciles à rompre, d'un jaune foncé et d'une forte amertume. D'après plusieurs chimistes, cette écorce con- tient une matière alcaline éminemment fébrifuge nommée pêrei- rine^ laquelle forme avec les acides des sels neutres solubles dans Teau et dans l'alcoo; elle est accompagnée dans l'écorce d'une matière amère extracto-résineuse dont il est difficile de la sépa- (1) O. Henry et Ollivier, Journal de pharm., t. X, p. 49. Voyez aussi sur le tanguin, Johannes Chatin, Recherches pour servir à r/nstoire botanique^ chimi- que et physiologique du Tanguin de Madagascar (Thèse de l'École supérieure de pharmacie de Paris, 1873). APOCYNACEES. — PARAÏUDO. 577 rer. Celle matière est insoluble dans l'eau et dans l'éther, mais très-soluble dans l'alcool. Casca d'anta. Autre écorce très-amère apportée du Brésil par Guillemin, et attribuée par lui à un Ramvolfia. Elle est formée d'un liber épais, dur, compacte, d'un blanc jaunâtre ouverdâtre, ou d'un vert noirâtre, et comme gorgé d'un suc laiteux desséché. Ce liber est recouvert d'une couche subéreuse plus ou moins épaisse, d'une couleur de rouille de fer et quelquefois orangée ^i l'instar de la fausse angusture. Cette écorce et celle de Vallesia prennent une couleur d'un rouge vif par l'acide nitrique (1). Écorces de Paratudo. Au Brésil, le nom de para-tudo, qui signifie propre à tout, a été donné à plusieurs substances médicamenteuses, comme chez nous les noms de toute-saine et de toute-bonne ont été appliqués à des plantes fort différentes, auxquelles on attribuait autrefois de grandes propriétés médicales. Indépendamment de la racine du Gomphrena officinalis, que j'ai déjà citée pour avoir reçu ce nom de paratudo (2), et d'une écorce aromatique analogue à celle de Winter qui le porte également, deux autres écorces ont été apportées du Brésil sous la môme dénomination. Ces deux écorces, arrivées mélangées et assez semblables entre elles, n'ont pas été séparées dans l'analyse qui en a été faite par Henry père (3), ce qui rend les résultats de cette analyse peu utiles à rappor- ter. 11 en est de môme de l'indication fournie par Auguste Saint-Hilaire, que l'écorce analysée par Henry père appartient à un arbre de la fa- mille des Apocynées, à moins qu'on n'admette que les deux écorces appartiennent également à cette famille. Dans l'incertitude où je reste à cet égard, je me borne à décrire ici ces deux écorces, sous le nom de paratudo amer n° \ et n" 2. L'écorce aromatique, analogue à celle de Winter, sera décrite plus tard sous le nom de paratudo aromatique. Paratudo amer n° 1. Écorce large, peu cintrée, épaisse de 5 mil- limètres, non compris la couche subéreuse, elle est légère, à cassure grenue, jaunâtre et marbrée ; la partie interne est recouverte d'une pellicule mince et blanchâtre. La couche subéreuse est épaisse de 2 à 3 millimètres, profondément crevassée et facile à séparer du liber; elle est grise à l'extérieur, d'un vert jaunâtre à l'intérieur, et paraît formée de couches concentriques nombreuses et très-serrées. L'écorce se broie facilement sous la dent et a une saveur très-amère. J'ai trouvé chez M. Pinart, droguiste, sous le nom d'écorcede coronille, une écorce que je crois semblable à la précédente, malgré son volume beaucoup plus considérable. Elle a fait partie d'un (ronc d'arbre; elle est cintrée, large de 8 à 9 centimètres, épaisse de 11 millimètres, non compris la couche subéreuse qui en a 4 ou 5. Celle-ci est d'un gris (1) Le môm3 nom de casca danta (écorce de tapir)' est donné au Brésil à une écorce bien différente, produite par un dnjmis, (2) Page 450. (3) Henry, Journal de pharm., t. XI, p. 410. GuiBODRT, Drogues, 7e édit. T« H. 3 7 578 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. foncé et marqué de sillons longitudinaux qui la partagent jusqu'au liber. Les autres caractères sont semblables. Écorce de paratudo amer m** 2. Écorce large, plus compacte que la précédente, épaisse de 7 millimètres au plus, à cassure un peu rou- gcâtre, marbrée et grenue, excepté à la partie interne qui est formée de quelques lames minces, très-fibreuses et d'un gris foncé. La couche subéreuse est épaisse de 2 millimètres, adhérente au liber, rugueuse et crevassée, d'une texture semblable à celle du liège, et ayant comme lui les fibres perpendiculaires à celles du liber. Cette écorce, dont la saveur est excessivement amère, diffère certainement de la précédente. Cette conséquence devient encore plus évidente par la manière dont leur macéré aqueux (8 grammes de poudre d'écorce pour 90 grammes d'eau) se comporte avec les réactifs. RÉACTIFS. PARATUDO N<* 1. PARATUDO N° 2. Tournesol Nitrate de baryte — d'argent Sulfate de fer Rien. Précipité. Trouble qui disparaît presque compl. par l'acide nitrique. Précipité blanchâtre. Rien. Précipité. Rien. Trouble. Trouble. Rien. Rien. Précipité de chlorure. Liqueur verte noirâtre, précipité vert. Rien. Précipité. Rien. Rien. Rien. Gélatine Noix de galle Eaii de chaux Acide nitrique — sulfvrique Bois amer de Bourbon, Carissa XyJopicro)ij Pet. Th. Petit arbre de l'île Bourbon dont le bois est très-compacte, d'un jaune plus foncé que celui du buis, qu'il peut remplacer pour les ouvrages au tour. Il a une saveur amère qu il communique à l'eau; il est regardé comme très- stomachique. Bois jaune de l'4le ilanrice, Ochrosia borbonica, Cmel. Le bois de cet arbre est d'un jaune orangé avec un aubier blanc; il est très-dense, d'un grain très-fin et susceptible d'un beau poli. Il est très-amer et jouit des mêmes propriétés que le précédent. Écorce d'alyxle a,romB,tinne, A lyxia S te llata, Rœm. et Sch. ; Alyxia aromatica, Reinw. ; Pulassari, Rumph. Cet arbrisseau croît dans les îles de la Malaisie et de l'Océanie. Son écorce mondée ressemble presque, pour la forme et la couleur, à la cannelle blanche; elle est pourvue d'une odeur de mélilot très-agréable et d'une saveur un peu amère et aromatique. Elle est employée contre les fièvres pernicieuses qui déso- lent les îles de la Sonde et surtout Batavia. Écorce de codag^apala, Wrightia antidysenterica^ Brown; Ne^ rium antidysentericum^ L. Écorce du tronc ou des branches de l'arbre, brisée en fragments, épaisse seulement d'un à 2 millimè- APOCYNACEES. — PERVENCHES. 579 très, assez compacte et cassant net sous les doigts ; la surface interne est unie, douce au toucher, blanchâtre, grise ou jaunâ- tre; la surface extérieure est d'un brun rougeâtre, assez rugueuse et souvent tuberculeuse; la coupe transversale est brunâtre avec des lignes blanches disposées en cercles réguliers et concentri- ques; la saveur est très-amère, l'odeur nulle. [M. Haines, en 1858 (1), en a retiré une substance amère qu'il a nommé néréine, puis conésine. C'est le même principe que M. Stenhouse a isolé en 1864 et qu*il a décrit sous le nom de ivrightine (2).] liaurier-rose. Nerium Oleander, L. — Car. gén, : calice à 5 divisions; corolle infundibuliforme à 5 divisions obliques; tube terminé par une couronne; 5 étamines; anthères hastées, terminées par un fais- ceau de soies; un style portant un stigmate cylindrique, tronqué ; 2 ovaires; 2 follicules droits ; semences plumeuses. — Car. spéc. . feuilles ternées, linéaires-lancéolées; corolles contournées. Le laurier-rose est un très-bel arbrisseau que l'on cultive dans des caisses pour l'ornement des jardins. Ses feuilles sont vertes, longues, épaisses, d'une texture sèche, persistantes; ses fleurs sont odorantes, fort belles, disposées en rose, rouges ou blan- ches; les feuilles passent pour vénéneuses. [M. Lukomski y a signalé la présence de deux principes diffé- rents : Voléandrine, toxique, provoquant Téternument, vomitive et purgative, et \di pseudo-curarine, inoffensive. Ces deux substan- ces se combinent aux acides pour donner des sels incrislallisa- bles(3).] Pervenches. Vinca^ L. Genre de plantes de la famille des Apocynées, qui offre pour caractère, un calice persistant à 5 divisions, une co- rolle hypocratcriforme à 5 lobes obtus et contournés ; 5 étamines, un style, un stigmate aplati ; fruit composé de 2 follicules cylin- driques, polyspermes ; semences nues. On connaît deux espèces de pervenches indigènes, la grande et la ;?e/2Ve. La grande pervenche, Vinca major, L., croît surtout dans le midi de la France ; ses tiges sont couchées, puis dressées, garnies de feuilles larges, un peu cordiformes, vertes, lisses, un peu ciliées sur les bords ; ses fleurs sont grandes, d'un bleu d'azur, portées sur des pédoncules solitaires, plus courts que les feuilles. (1) Haines, l>^otes on conesiney alias Wrightine {Pharmaceulical journal y 2« sé- rie, VI, 432). (2) Stenhouse, On Whrigline {Pharmaceutical Journal^ 2* série, V, 493). (3) Voir Journ. depharm. et dechim., 3« série, XLVI, 397. 580 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. La petite pervenche, Vinca minor, L., croît dans nos bois, aux lieux montagneux; ses liges sont grêles, rampantes, munies de rameaux axillaires redressés ; ses feuilles sont ovales-oblongues, pointues, vertes, lisses, fermes et coriaces; les pédoncules sont solitaires, plus longs que les feuilles; les fleurs sont d'un bleu clair et fort jolies ; les fruits avortent généralement, et la plante se propage surtout par ses tiges rampantes et radicantes. Les feuilles de pervenches ont une saveur amère et astringente et jouissent d'une propriété astringente très-marquée. Les femmes du peuple lui attribuent la propriété de supprimer le lait, et il est rare que celles qui sèvrent leurs enfants n'en prennent pas pen- dant quelque temps en infusion. FAMILLES DES JASMINÉES ET OLÉACÉES. La famille des Jasminées, telle qu'elle a été établie d'abord par A.-L. de Jussieu, comprend des arbres ou arbustes à feuilles ordinairement opposées et à fleurs hermaphrodites, excepté dans le genre Fraxinus, qui les a polygames. Le calice est très-pelit, rarement nul; la corolle est Irùs-pelite, gamopétale ou divisée profondément en 4 ou 5 lobes qui la font paraître polypétale. Les élamines sont au nombre de deux seu- lement ; l'ovaire est à 2 loges contenant chacune 2 ovules ; le style est terminé par un stigmate bilobé. Pendant longtemps beaucoup de botanistes, ainsi que le fait encore aujourd'hui Richard, se sont contentés de diviser celte famille en deux sections, suivant que le péricarpe est sec (Liliacées) ou charnu (Jasminées) ; mais aujourd'hui le plus grand nombre des botanistes la partagent en deux familles distinctes : L Les Jasminées, dont les fleurs sont toujours complètes et régulières, et dont la corolle hypocralériforme est ordinairement à 5 divisions contournées et imbriquées pendant l'estivation. Le fruit est succulent; les semences sont droites, presque privées d'albumen, tandis que les cotylédons deviennent charnus. Cette famille ne comprend que les gen- res Jasminam et Nyctanthes, IL Les Oléacées, dont le calice et la corolle sont divisés par quatre parties, dont les semences sont pendantes et le plus souvent pourvues d'un albumen charnu. On partage cette famille en quatre tribus : 1® Les fraxiiiées, dont le fruit est sec, samaroïde, biloculaire, in- déhiscent, et les semences endospermées ; exemple : le genre Fraxinus ; 2<> Les syriiig^ées, dont le fruit est capsulaire, biloculaire, à déhis- cence loculicide, semences endospermées : les genres Sijringa, Fon- tanesia ; 30 Les oléinées, dont le fruit est charnu, drupacé ou bacciforme,- les semences endospermées ; exemple : les genres Olea, Phillyrea, Ligustrum ; 40 Les cliioiiaiithées; fruit drupacé, charnu; semences privées d'en- dosperme; exemple : le genre Chionanthus , JASMINÉES. 581 Les Ja§mlns sont des arbrisseaux originaires des pays chauds, dont les rameaux nombreux sont disposés en buisson, ou sont grêles, volubiles el grimpants sur les corps qui sont dans leur voisinage ; leurs feuilles, opposées ou alternes, sont pinnées avec impaire, mais souvent réduites à 3 folioles ou à une seule, sur un pétiole articulé. Les fleurs sont jaunes ou blanches, souvent ro- sées extérieurement, ordinairement disposées en panicules peu garnies et d'une odeur très-suave. Les espèces les plus usitées sont : Le jasmin d'jirabie, Jasminum Sambac, Ait. , à feuilles opposées, unifoliolées, à Heurs très-blanches d'une odeur très-suave, sur- tout pendant la nuit. Cet arbrisseau est cultivé partout dans J'Inde et dans l'Arabie, à cause de l'arôme de ses fleurs. Le jasmin jonquille, Jasminum odoratissimum^ L., dont les feuilles sont alternes, à 3 folioles, persistantes. Les fleurs sont jaunes et très-odorantes. On le cullive en Europe depuis près de deux siècles ; on le rentre l'hiver dans l'orangerie. Le jasmin officinal, Jasminum officinale^ L, Arbrisseau origi- naire de l'Asie, haut de 7 mètres et plus, cultivé depuis très- longtemps en Europe oii il supporte bien le froid de nos hivers; ses feuilles sont opposées, composées de 7 folioles dont la der- nière est beaucoup plus grande que les autres ; les fleurs sont blanches et d'un parfum agréable. Le jasmin g^randiflore OU jasmin d'Espao^ne, Jasminum gran- diflorum, L. Cette espèce, originaire de l'Inde, s'élève moins que la précédente, supporte moins le froid et doit être rentrée dans l'orangerie pendant l'hiver. Ses fleurs sont plus grandes, blanches, nuancées de rouge en dehors, à divisions obtuses, d'une odeur très-suave. L'essence des jamins est tellement volatile et difficile à coer- cer qu'on ne peut l'obtenir dissoute dans l'eau ou l'alcool, par la distillation. Pour l'oblenir, il faut imbiber du cuton cardé avec de l'huile de ben qui est inodore et peu susceptible de rancii', et disposer ce coton; couche par couche, entre des fleurs de jas- min, dans des tamis que l'on couvre bien ; vingt-quatre heures après, on sépare le coton qui s'est imprégné de l'odeur du jasmin et on le remet avec de nouvelles fleurs; on répète celte opéra- lion jusqu'à ce que le coton sente le jasmin comme la fleur même; alors on le soumet à la presse pour en retirer l'huile que les parfumeurs conservent dans des flacons pleins et bien bouchés. Les lilas (genre Syringa) sont des arbrisseaux à feuilles oppo- sées, simples et entières, dont les fleurs sont disposées en belles grappes pyramidales, purpurines ou blanches, suivant les espèces 582 DICOTYLÉDOiNES COROLLIFLORES. OU les vaiiélés, d'une odeur très-suave. Le calice est très-petit, à 4 dents peu sensibles, et persistant. La corolle est infundibuli- forme, à tube plus long que le calice, à limbe partagé en 4 lobes arrondis; les étamines, presque sessiles, sont insérées à l'orifice du tube de la corolle et portent des anthères ovales; l'ovaire est surmonté d'un style et d'un stigmate un peu épais et bifide. Le fruit est une capsule pointue, comprimée, à 2 valves opposées à la cloison, et à 2 loges contenant chacune une ou deux graines bordées d'une aile membraneuse. Les lilas fleurissent au mois de mai et font à cette époque l'or- nement des jardins par leur beau feuillage et par le nombre, l'élégance et la suavité de leurs fleurs. Les feuilles sont très- amères et ne sont broutées par un aucun quadrupède ; elles ne sont mangées par les cantharides qu'a défaut des feuilles de frêne. [Elles contiennent un principe acre et amer, nommé syrinpi- crine, tandis que l'écorce contient un glucoside sans saveur, la syringine, qui, en présence de l'acide chlorhydrique étendu, se dédouble en glucose el syringénine hydratée {{).] Le bois de lilas est dur, d'un grain fin, veiné de brun, susceptible de prendre un beau poli et pourrait faire de jolis ouvrages de tour. Les Turcs font des tuyaux de pipe avec les jeunes rameaux vidés de leur moelle; c'est sans doute par allusion à cet usage que Linné a donné à ce genre le nom de Syringa. Les frênes sont des arbres élevés qui habitent les parties tem- pérées de l'Amérique septentrionale et de l'Europe. Les feuilles sont opposées, presque toujours ailées avec impaire ; leurs fleurs sont polygames ou dioïques par avortement, pourvues d'un ca- lice le plus souvent nul ou fort petit et à 4 divisions; la corolle est ordinairement nulle, plus rarement composée de 4 pétales; le fruit est un carcérule à 2 loges, dont une oblitérée et stérile, et l'autre monosperme; ce carcérule est prolongé en une aile mem- braneuse suivant l'axe du fruit. L'espèce de frêne la plus commune en France est le frêne éleTé, Fraxinus excelsior, L., arbre d'une grande hauteur qui croît spontanément dans nos forêts et que l'on plante avec avantage dans les parcs. Son bois est blanc, veiné longitudinalement, assez dur, liant et élastique, ce qui le rend utile pour faire des bran- cards et des timons de voitures, des échelles, des chaises, des manches d'outils, etc. On l'emploie peu pour la charpente, parce qu'il est sujet à la vermoulure après un certain temps. Le frêne peut difficilement être planté dans les jardins d'agré- ment ou près des habitations, par l'inconvénient qu'il a d'attirer (l)Kromayer, Archio. der Pharmacie^ t. GX, p. 18, d'après le Journal de pharm. et de chim., 1" série, t. XLIII, 429. JASMINEES. — MANNE. 583 les cantharides, dont le voisinage peut être dangereux, et qui, se nourrissant de ses feuilles, l'en dépouillent presque tous les ans, vers le milieu de juin. L'écorce de frêne est amère et était em- ployée comme fébrifuge avant la découverte du quinquina, [tille contient un corps cristallisable en aiguilles d'un blanc jaunâtre, à saveur amère, puis astringente, qui appartient au groupe des glucosides : c'est là fraxine qui se dédouble, en effet, sous l'in- fluence de l'acide chlorhydrique, en glucose et fraxéiine .] Manne. La manne est un suc sucré, concret, apporté de la Sicile et de la Galabre, où on la récolte sur deux espèces de frêne nommées Fraxinus rotundifolia et Fraxinus OrnuSy mais presque exclusive- ment sur la première. Plusieurs botanistes font de ces deux ar- bres un genre particulier sous le nom d'Ornus, parce que leurs fleurs sont pourvues de corolle et presque toutes hermaphro- dites, tandis que les fleurs des autres frênes sont privées de co- rolle et polygames ; mais cette séparation n'est pas généralement admise. Le frêne à feuilles rondes, quand il est cultivé, contient une si grande quantité de suc sucré, que celui-ci en exsude souvent spontanément, ou par la piqûre d'une cigale nommée Cycada orni ; mais celle qui est livrée au commerce est le produit d'inci- sions que l'on commence ordinairement au mois de juillet, et que l'on continue jusqu'au mois de septembre ou d'octobre. On ob- tient ainsi plusieurs produits qui varient en pureté, suivant l'é- poque de la récolte et suivant que la saison a été plus ou moins pluvieuse. Ainsi, dans les mois de juillet et d'août, la saison étant en gé- néral chaude et sèche, le sucre se concrète jusqu'à sa sortie des incisions, sur l'écorce même des arbres, ou sur des fétus de paille que Ton a disposés à cet effet, et constitue la manne la plus sèche, la plus blanche et la plus pure, qui est nommée manne en larmes. Pendant le mois de septembre et d'octobre, la saison étant moins chaude et souvent pluvieuse, la manne se dessèche moins vite et moins complètement. Elle coule le long de l'arbre et se salit. Elle contient cependant encore une grande quantité de pe- tites larmes, et, en outre, des parties molles, noirâtres, aggluti- nées, formant ce qu'on nomme des marrons. Ce mélange consti- tue la manne en sorte. La manne en larmes vient presque exclusivement de Sicile, et la manne en sorte se divise en manne de i»icile ou manne ge- racy, et manne de Calabre OU manne capacy. Gelle-ci contient 584 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. de plus belles larmes et en plus grande quantité que la manne geracy, par la raison qu'on ne les en retire pas pour en former une sorte particulière ; aussi paraît-elle plus belle et plus blanche lorsqu'elle est récente; mais, comme elle est toujours très-molle et visqueuse, elle fermente et jaunit avec une grande facilité, et se convertit en manne grasse au bout de l'année. La manne de Si- cile se conserve plus longtemps, mais cependant guère plus de deux ans; alors elle jaunit également, se ramollit et fermente. Il faut donc aussi la choisir nouvelle. La manne a été analysée par Thénard, qui l'a trouvée com- posée de trois principes : de sucre, d'un principe doux et cris- tallisable, et d'une matière nauséeuse incristallisable. On n'en peut isoler le sucre qu'en le détruisant par une fermentation mé- nagée. On obtient le second principe en évaporant le liquide fer- menté à siccilé, et traitant le résidu par l'alcool chaud, qui le dissout complètement, mais qui laisse cristalliser le principe doux par le refroidissement. L'alcool évaporé donne le principe incris- tallisable. Le sucre existe dans la manne pour un dixième de son poids. Le principe doux cristallisable constitue presque entièrement la manne en larmes, et lui donne toutes ses propriétés. Aussi Ta- t-on nommé mannite ; il est composé de G^H^^O. Le principe nauséeux incristallisable abonde dans la manne en sorte, et se trouve encore en plus grande quantité dans la manne grasse. [Il résulte des recherches de M. Buignet, que le sucre qui existe dans la manne est un mélange de sucre de canne et de sucre interverti, unis en proportions telles qu'ils neutralisent, ou à peu près, leur action optique réciproque. Le pouvoir rotatoire très-énergique et dextrogyre de la manne est dû à la matière nauséeuse, qui n'est pas autre chose que de la dextrine. M. Bui- gnet a pu l'extraire de la manne et prouver qu'elle a tous les ca- ractères physiques et chimiques de la dextrine pure. Elle entre pour un cinquième environ dans le poids de la manne en larmes, et pour une plus grande proportion dans les diverses espèces de manne en sorte. La proportion relative du sucre et de la dex- trine est toujours constante : deux équivalents de dextrine pour un de sucre; c'est-à-dire juste les quantités de ces deux principes qui sont produits par la saccharification de Tamidon (1).] On connaissait autrefois, et feulement comme objets de curio- sité, trois autres sortes de manne qui sont tout à fait oubliées. C'est la manne de Briançon^ la manne d'Alhagi ei le téréniabin. (1) Buignet, Recherches sur la constitution chimique de la manne en larmes {Bull, de CAcad. de méd.y Paris, 1868, t. XXX, et Annales de phys. et dechim., 4« série, t. XIV). JASMINÉES. — MANNE. 585 La manne de Briançon exsudait spontanément,, dans les envi- rons de cette ville, des feuilles de mélèze, Larix europœa. Elle était en petits grains arrondis jaunâtres. Elle jouissait d'une fai- ble propriété purgative. [M. Berlhelot y a trouvé un sucre par- ticulier, la mélézitose, qui présente beaucoup d'analogie avec le sucre de canne; il en diffère surtout par un plus grand pouvoir rotaloire et une résistance plus marquée à l'action des ferments et des acides (1). La manne d'itiiiagi était en petits grains comme la précédente, et était fournie par une espèce de sainfoin de la Perse et de l'Asie Mineure, nommé alliagi{Alhagi Maurorum, Tour.). Enfm le tcréniabin OU tringibin OU manne liquide était une matière blanchâtre, gluante et douce, assez semblable à du miel, que l'on récoltait sur les feuilles d'arbres ou arbrisseaux des mê- mes pays. Suivant plusieurs auteurs, cette manne était produite également par l'alhagi. Citons encore parmi les substances analogues à la manne : La manne de ^inaï, qui a dans les collections Taspect d'un miel jaunâtre. Elle découle du Tamarixmannifera, sous l'influence de la piqûre d'un insecte, le Coccus manniparus, Hemp. et Ehrenb. M. Berthelot (2), qui en a fait l'analyse, l'a trouvée composée de: 55 p. 100 de sucre de canne, 25 de sucre interverti et 20 de dex- trine ou produits analogues. La manne des Eucalyptus de l'Australie, principalement Eu- calyptus dumosa, Gunningham; E. mannifera, Mudie ; E. resinifera, Smith. Elle est en petites masses blanches, arrondies, grenues à la surface, moins douce que la manne ordinaire, et contient un principe sucré particulier que M. Berlhelot (3) a décrit sous le nom de mélitose. Manne tombée du ciel. En 1 845, à la suile d'une pluie, on a trouvé sur le sol, en Anatolie, une substance grisâlre que les habitants ont regardée comme une manne tombée du ciel et dont ils se sont servis pour faire du pain. Celte substance présente une très-grande ressemblance avec le Lichen escuUntus de Pallas, dont on a voulu faire depuis un UrceO' laria. Ce sont tantôt de petits corps arrondis ou un peu aplatis, d'un centimètre de diamètre, et d'autres fois des masses plus considérables, mamelonnées, larges de 2cenlim('trcs à 2, 5, mais n'ayant toujours en- viron qu'un centimètre d'épaisseur. Ces petits corps ou ces masses ont d'ailleurs leur surface entièrement couverte par de petits tubercules gris, de formes très- variées, dont les pédicules se réunissent à l'inté- rieur en une petite masse de forme irrégulière, ayant tout à fait la (1) Berthelot, Ann. de phys. et de chimie^S^ série, XLVI, 87. (2) Idem, Sur la manne de Sinaï et de Syrie {Comptes rendue de l'Acad. des sciences, LUI, 586, 1861). (3) Berthelot, Ann, de phys. tt de chimie, 3* série, XLVI, p. 66, 1856. 586 DICOTYLÉDONES GOROLLIFLORES. couleur, la cousistance et l'apparence de l'agaric blanc. Ainsi, en reprenant maintenant la description par le centre, nous voyons Une petite masse irrégulière, blanche et fongueuse, qui se ramifie tout au- tour en un grand nombre de tubercules pédicules de nature semblable, mais cependant terminés par une enveloppe grise, de nature gélati- neuse, analogue à celle des lichens. Ces corps tuberculeux ne pré- sentent aucun prolongement ou aucune griffe qui pût les fixer au sol, dont ils étaient certainement isolés, chacun d'eux pouvant ôtre comparé, dans son entier, à une petite truffe, ils ont une saveur fade et terreuse; ils ne contiennent pas d'amidon, si ce n'est peut-Otre une très-petite quantité, dans la couche gélatineuse externe. Cette substance, dont les séminulesont sans doute été transportées par les vents et développées par la pluie, est curieuse par lanalogie de forme, d'origine et d'appli- cation qu'elle présente avec la manne dont les Hébreux se sont nourris dans le désert. Elle a été examinée par M. Ed. Eveismann, professeur à Casan, par M. Fr. L. Nées d'Esenbeck et par d'autres savants étrangers. M. Evers- mann a décrit trois espèces de Lecanora, dont la dernière, nommée Le- canora esculenta^ est le Lichen esculentus, de Pallas ; la seconde, nommée Lecanora affiniSj est la manne tombée du cielj et l'excellente figure qui accompagne le Mémoire représente très-exactement notre substance. La première espèce, nommée Lecanora fruticulosQj est assez différente des deux autres. Dans une notice de M. Fr. Nées, jointe au Mémoire de M. Eversmann, se trouve la citation suivante (i) : « La substance qui constitue cette pluie est le Parmelia esculenta. Elle m'a été remise par M. Parrot, qui ajouta ce qui suit : cette substance a été recueillie durant un voyage sur l'Ararat. Elle est tombée vers l'an- née 1828, dans quelques districts delà Perse, où elle a recouvert la terre d'une couche de 5 à 6 pouces de hauteur. Les habitants de la contrée l'ont employée comme aliment. Aussi paraît-elle être à M. Parrot d'o- rigine organique. M Les résultats analytiques m'ont donné la certitude que cette sub- stance est un lichen arraché au sol par des vents électriques et trans- porté par eux dans des contrées éloignées; ce qui expliquerait com- ment, d'après M. Parrot, elle a pu tomber sous forme de pluie. Pour la mieuxconnaître, j'aipriéM. le professeur Ledebour d'en faire l'examen botanique. M. Ledebour y a reconnu tous les caractères du Parmelia escukntay et il a ajouté qu'il avait fréquemment rencontré ce lichen dans les steppes des Kirgis, et qu'en général elle se trouve abondam- ment dans l'Asie Mineure, dans les terres argileuses, ainsi que dans les fissures des rochers, où souvent elle apparaît subitement à la suite de fortes pluies, de sorte de M. Ledebour ne croit pas que ce cryptogame soit tombé comme pluie, mais plutôt qu'il s'est développé subitement, pendant la nuit, à la suite d'une forte pluie. « Quelle que soit la manière dont cette plante soit apparue en Perse, 0) Goebel de Dorpat, Recherches chimiques sur une pluie tombée en Perse (Journal de Schweigger, 1830, t. ÏII, n° 4, p. 393). JASMINÉES. -— DULCINE. 587 elle est remarquable par la grande quantité d'oxalatede chaux qu'elle renferme etpar l'absencedesaulressubstancesminérales que l'on trouve ordinairement dans les végétaux. Son abondance dans les contrées nommées plus haut et sa richesse en oxalate de chaux font supposer à M. Ledebour qu'elle pourrait servir avec avantage à la préparation de l'acide oxalique et des oxalates. « 100 parties de Parmelia escuîenta renferment : Chlorophylle contenant une résine molle de saveur acre. . 1,75 Résine molle inodore et insipide, insoluble dans l'alcool. . i,75 Substance amère soluble dans l'eau et l'alcool 1 InuUne 2,50 Gelée (pectine sans doute) ■. 23 Pellicules du lichen 3,25 Oxalate de chaux 65,91 99,16 » La seule observation que je me permettrai de faire sur celte note, c'est que M. Ledebour assimile la plante dont il est ici question au Lichen esculeiituSj et qu'il est certain qu'elle se rapporte exactement au Leccmora affinis de M. Eversmann. [La manne des Hébreux est-elle une espèce de lichen, comme l'admet ici Guibourt, ou bien une substance toute différente, semblable à la manne du frêne, et produite par les arbrisseaux des contrées qu'ont traversées les Juifs dans leur passage de l'Egypte en Palestine? MM. Er- henberg et Hemprich (1) ont affirmé, après Burckardt, que c'est la sub- stance décrite plus haut sous le nom de manne de Sinaij et produite par le Tamarix mannifera. Il semble difficile de ne pas admettre leur opi- nion, si l'on compare à la manne décrite dans V Exode (2), cette sub- stance affectant la forme de grains de coriandre, blancs comme la neige, récoltés par les habitants avant le lever du soleil, se fondant et ne formant plus qu'un enduit mielleux quand les rayons du soleil les ont touchés ; que les Arabes appellent encore manne, et qu'ils mangent en guise de miel. Mais cette substance répond beaucoup moins à la manne décrite dans le livre des Nombres (3), et je serais volontiers de l'avis du docteur O'Rorke (4), que la Bible a décrit, sous le môme nom, la manne de Sinaï d'une part, et de l'autre une substance plus dure, susceptible d'être pilée et broyée, et qui pourrait bien être un des Lecanora dont il est parlé ci-dessus.] Dulcine. On connaît sous le nom de dulcine (5) ou de manne de terre une substance sucrée, souillée de terre, qu'on a apportée de Madagascar (1) Erhenberg et Hemprich, Sym,bolœ phijskœ, etc. Zoologica, U, Insecta X, art. Coccus manniparus. (2) Exod.f chap. xvi. (3) Nombres. (4) Voir Journal de pharm. et de chimie, 3' série, t. XXXVH, p. 4l2. (5) Jacquelain, Comptes rendus de l'Acad. des sciences, XXXI, p. 625. 588 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. en morceaux irréguliers, de couleur grisâtre. Lorsqu'elle est pure, elle forme un sucre isomérique de la manne (1), cristallisant en prismes incolores rhomboïdaux obliques. Sa saveur est légère- ment sucrée ; elle répand, lorsqu'on la jette sur les charbons in- candescents, la même odeur que le sucre. Elle est assez soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool absolu. Sous l'influence de l'acide nitrique, elle donne de l'acide mucique. C'est la même substance que M. Laurent a appelée dulcose (2), et M. Berthelot dulcùe {S). On ignore encore quelle est la plante qui la produit.] Oliviers, olives, huile d'olives. Oleaeuropxa, L. {fig, 561). Arbre originaire d'Asie, d'où il s'est propagé naturellement ou par la migra- tion des anciens peuples, en Grèce, en Afrique, en Italie, en Provence et en Espagne. En Provence, sa tige acquiert par le bas d'un à 2 mètres de circonfé- rence, et se divise, à la hauteur de 3 ou 4 mètres, en branches qui s'élèvent à 7 ou 10 mètres ; mais dans les pays plus chauds il devient beaucoup plus gros et s'élève jusqu'à la hauteur de 16 mètres. II croît très-lentement et peut vivre cinq ou six siècles et plus; son bois est jaunâ- tre, marbré de veines brunes, très-dur, compacte et susceptible d'un beau poli; il est à regretter qu'il ne soit pas plus employé. L'olivier est pourvu de feuilles oppo- sées, persistantes, coriaces, entières, lon- gues et étroites, vertes en dessus, blan- châtres en dessous ; leurs fleurs ont un calice à 4 dents, une corolle infundibuliforme, à 4 divisions pla- nes; 2 étamines insérées à la base de l'ovaire; un ovaire arrondi surmonté d'un style épais et d'un stigmate en tête ou à 2 lobes peu marqués ; l'ovaire est à 2 loges dont chacune contient 2 ovules pendants ; le fruit est un drupe à noyau uniloculaire et mono- sperme, par avortement. Les olives varient de forme, de grosseur et de couleur, suivant les variétés et les contrées où on les cultive. Celles de Provence, (1) Berthelot, Chimie organique, II, 207, 18G0. (2) Laurent, Comptes rendus de l'Acndéme des sciences, XXX, p. 4Ï, 1850. (3) Berthelot, loc. cit. — Voyez aussi Gustave Bouchardat sur la Dulcile. Thèse de l'École de Pharmacie de Paris, J873. Fig. 561. — Olivier. OLÉACEES. — HUILE D'OLIVES. 589 les plus ordinaires, sont ovales-oblongues, à peu près de la gros- seur d'un gland, d'un vert noirâtre, et possèdent une saveur acre, amère et désagréable ; mais on parvient à adoucir cette saveur et même à la rendre agréable, en faisant macérer les fruits dans de la saumure. Ces fruits se distinguent de la plupart des autres drupes parce qu'ils contiennent de l'huile fixe dans leur péricarpe tout aussi bien que dans l'amande. C'est cette huile qui est le produit le plus important de l'olivier; elle tient le premier rang entre toutes les huiles pour l'alimentation et pour la fabrication du savon. On l'extrait des olives mûres à l'aide de différents procédés qui influent beaucoup sur sa qualité et qui lui font don- ner les noms (ïhuile vierge, huile ordinaire^ huile fei^mentée, huile d'enfer, etc. Du côté de Montpellier, on appelle huile vierge celle qui sur- nage la pâte des olives écrasées au moulin, ou qui se rassemble dans des creux qu'on y a pratiqués. Cette huile, peu abondante, ne se trouve pas dans le commerce ; elle est toute consommée dans le pays, soit comme remède adoucissant, soit pour huiler les rouages d'horlogerie. Dans les environs d'Aix, on nomme huile vierge celle que l'on obtient en soumettant à une pre- mière pression modérée les olives écrasées. Cette huile, con- nue dans le commerce sous les noms à* huile d'Aix ou à' huile vierge, est très-douce, un peu verdâlre, d'un goût de fruit, facilement solidifiable par le froid, très-recherchée pour la table. Huile ordinaire. Du côté de Montpellier, cette huile est prépa- rée en soumettant à la pression les olives écrasées et mélangées d'eau bouillante; du côté d'Aix, on l'obtient de la même manière avec les olives qui ont déji\ servi à préparer l'huile vierge. Par cette seconde pression, plus forte que la première, on obtient une huile inférieure à l'huile vierge et un peu inférieure égale- ment à l'huile ordinaire de Montpellier. Cette huile est jaune, peut-être un peu moins solidifiable que la première, toujours douce au goût lorsqu'elle est récente, très-usitée pour la table. Huile fermentée. On obtient cette huile en abandonnant les olives fraîches, en tas considérables, pendant un temps plus ou moins long, avant de les écraser ; on les mélange de même d'eau bouillante et on les exprime. Pendant la fermentation que les olives éprouvent, leur parenchyme se ramollit et se détruit en partie, ce qui permet d'en retirer l'huile plus facilement et en plus grande quantité; mais cette huile est moins agréable que les précédentes, un peu acre et pourvue quelquefois d'un goût de moisi. Aussi le procédé de la fermentation, encore usité en Espagne, est-il presque abandonné en France. Huile tournante, huile d'enfer. En délayant avec de l'eau, dans de 590 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. grandes chaudières, les tourteaux des opérations précédentes, et en les soumettant à une dernière expression, on en extrait encore une certaine quantité d'une huile désagréable qui est employée dans les savonneries et pour l'éclairage. Enfin, l'eau qui a servi à toutes les opérations et dont on a séparé l'huile après quelques heures de repos, est conduite dans de grands réservoirs nommés enfers, où, après plusieurs jours de repos, elle laisse encore sur- nager une certaine quantité d'huile qui sert aux mêmes usages que la précédente. L'huile d'olives est très-souvent falsifiée dans le commerce, et elle l'est d'autant plus, maintenant, que la grande extension don- née à la fabrication des savons de Marseille a appelé, dans le midi de la France, l'importation d'une très-grande variété d'huiles ou de semences huileuses étrangères. Cependant la substance avec laquelle on falsifie toujours, le plus habituellement, l'huile d'o- lives destinée à l'usage de la table et de la pharmacie, est l'huile de semences de pavots, connue dans le commerce sous les noms d'huile blanche, et d'huile d'œilletie. C'est donc principalement à découvrir cette falsification que nous allons nous attacher. L*huile d*olives est toujours liquide dans l'été, mais elle se solidifie en partie dès que la température s'abaisse au-dessous de 11°, et elle se présente alors sous la forme d'une masse grenue d'autant plus ferme qu'il fait plus froid; elle forme avec les alcalis des savons solides et avec l'oxyde de plomb (lilharge) un emplâtre blanc, solide et cassant. Elle n'est pas siccative à l'air et est si peu soluble dans l'alcool, que 1,000 gouttes de celui- ci n'en dissolvent que 3 gouttes (Planche). L'huile de pavots est toujours liquide et ne forme un dépôt de margarine que dans les temps de gelée. Elle est plus fluide que l'huile d'olives liquide, d'une couleur plus pâle, d'une odeur et d'une saveur presque nulles lorsqu'elle est récente ; 100 gouttes d'alcool en dissolvent 8; elle est siccative à l'air, et elle forme avec l'oxyde de plomb un emplâtre mou qui acquiert prompte- ment une odeur rance, et qui jaunit et se dessèche à sa surface. Beaucoup de moyens ont été proposés pour reconnaître le mélange de l'huile de pavots avec l'huile d'olives. Le plus simple, qui est bon pour l'usage ordinaire, consiste à remplir à moitié une fiole à médecine de l'huile suspectée et à l'agiter fortement. Si l'huile d'olives est pure, après quelque temps de repos sa sur- face sera très-unie; si elle est mélangée d'huile de pavots, il res- tera tout autour une file de bulles d'air, ce qu'on exprime en di- sant qu'elle forme le chapelet. Ce procédé peut fait reconnaître 0,1 d'huile de pavot dans l'huile d'olives. (1) Voy. Soubeiran, Nouv. Dict des falsifications, Paris, 1874, p. 269. OLÉACÉES. — HUILE D'OLIVES. 591 Un deuxième moyen consiste à refroidir l'huile dans de la glace pilée : l'huile d'olives s'y fige complètement (d'autant plus qu'elle est plus récente); celle qui est mélangée d'huile de pavois y reste en partie liquide ; un mélange de deux parties d'huiles d'olives sur une d'huile blanche ne s'y fige pas du tout. Troisième moyen, diagomètre de Rousseau. La pièce principale de cet instrument est une pile électrique sèc^e, c'est-à-dire for- mée de disques métalliques très-minces, cuivre et zinc, alternés avec des disques de papier. Ces piles ont une très-faible tension, mais elles la conservent très-longtemps. Dans le diagomètre, cette pile agit sur une aiguille faiblement aimantée, libre sur son pivot, et placée sous une cloche, en regard d'un cercle gradué dont le zéro répond au plan du méridien magnétique. Lorsque l'ai- guille est en repos et à l'abri de toute excitation étrangère, elle marque donc zéro. Maintenant, si l'on soumet cette aiguille à l'influence de la pile sèche, au moyen d'un disque de cuivre qui la touche à zéro, et qui communique avec la pile, on conçoit que l'aiguille et le disque se trouvant chargés de la même électricité, l'aiguille, qui est mobile, s'éloignera du disque d'une quantité proportionnelle à la force qui agit sur elle, et, si on interpose entre le disque et la pile un corps peu conducteur, on obtiendra une dévialion de l'aiguille d'autant moindre que le corps laisse moins facilement passer le fluide électrique. Or, l'auteur de cet instrument a vu que l'huile d'olives conduit l'électricité 675 fois moins que les autres huiles végétales, et qu'il suffit d'ajouter 2 gouttes d'huile de faine ou d'oeillette à 10 grammes d'huile pure pour quadrupler son pouvoir conducteur (1). Ce moyen est donc très-bon pour reconnaître la pureté de l'huile d'olives, bien que la propriété sur laquelle il est fondé ne soit pas exclusive à cette huile. Ainsi l'huile séparée de la graisse des animaux ruminants partage avec l'huile d'olives la faculté non conductrice de l'électricité ; mais elle ne sert presque jamais à la falsifier. Procédé de M. Poutet. Mettez dans une fiole 6 parties de mercure et 7 p. 1/2 d'acide azotique à 38°; lorsque la dissolu- tion est opérée, pesez dans une autre fiole 5 grammes de la liqueur (qui consiste en un mélange de proto-azotate et de deuto- azotate de mercure, d'acide hypo-azotique et d'acide azotique) et 60 grammes d'huile ; agitez fortement le mélange de dix mi- nutes en dix minutes, pendant deux heures, après lesquelles on le laisse en repo^. Le lendemain toute la masse est solidifiée, si l'huile d'olives était pure. Un dixième d'huile blanche lui donne une consistance d'huile d'olives figée. Au delà de cette propor- (1) Voir Journ. depharm., t. IX, p. 587, et t. X, p. 216. o92 DICOTYLÉDONES COROLLIFLORES. tien, une porlion d'huile liquide surnage le mélange, et est d'autant plus abondante que l'huile d'olives contenait plus d'huile étrangère. On peut même juger, par approximation, de la quan- tité de celle-ci par la première, en opérant la solidification de l'huile falsifiée dans un tube cylindrique gradué. Ce moyen de reconnaître la pureté de l'huile d'olives est très- bon lorsque la dissolution mercurielle est récente (1) ; mais il cesse d'être exact lorsqu'elle est ancienne, et cela s'explique par les expériences de M. Félix Boudet, qui a vu que de tous les corps renfermés dans la liqueur mercurielle, ce n'est ni l'acide azoti- que ni les azotates de mercure qui agissent ; mais seulement Ta- cide hypo-azotique. Aussi M. Félix Boudet a-t-il proposé un autre moyen d'essayer la pureté de l'huile. Ce moyen consiste dans l'emploi de l'acide hypo-azotique étendu de 3 parties d'acide azotique; 12 parties de ce mélange solidifient en cinq quarts d'heure 100 parties d'huile d'olives pure. Un centième d'huile de pavots retarde la solidification de 40 minutes ; un vingtième la retarde de 90 minutes ; un dixième la retarde infiniment plus ; enfin l'huile de pavots pure reste toujours liquide (2). Elaïomètvede M. Gobley. L'huile d'olives pèse, d'après Brisson, 0,9153 à la température de 12*^, 5 centigrades, et l'huile de pavots pèse 0,9288. Si donc, on plonge un aréomètre à tige très-déliée, successivement dans ces deux liquides, il en résultera une diffé- rence considérable dans l'enfoncement de la tige, et cette diffé- rence, partagée en centièmes ou en cinquantièmes, indiquera des quantités correspondantes dans le mélange des deux huiles. Soit, par exemple, de l'huile de pavots pesant 0,9284 à la température de 12°, 5 et marquant zéro au bas de l'échelle de l'élaïomètre, et de l'huile d'olives pesant 0,9215 à la même température, et mar- (1) MM. Soubeiran et Blondeau [Notes sur les moyens de reconnaître la pureté de IIiuUh d'olives, Journ. d